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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 25 février 2004 - Vol. 38 N° 15

Consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Alors, je constate le quorum des membres de la Commission de l'éducation. Alors, je demande à tout le monde, y compris les ministres, de prendre place et je déclare la séance de la Commission de l'éducation ouverte. Je rappelle que le mandat de la commission est de tenir une consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Aucun, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Et je vais juste ajouter à ça: il y a, si j'ai bien compris, un consentement entre les membres de la commission pour permettre la participation du député de Beauce-Nord. Alors, bienvenue parmi nous, M. le député.

Juste très rapidement, l'ordre du jour, aujourd'hui, est le suivant: cet avant-midi, nous entendons le Conseil national des cycles supérieurs, l'Université du Québec à Montréal et la ville de Montréal; cet après-midi, nous poursuivrons avec l'Université du Québec à Chicoutimi, la Commission des jeunes de l'Action démocratique du Québec, l'Université de Montréal et enfin les Fonds de recherche du Québec.

Auditions (suite)

Alors, sur ça, j'invite les représentants du Conseil national des cycles supérieurs de prendre la parole. Et la parole à vous... Si j'ai bien compris, le président, c'est M. Mamboundou. Bienvenue, monsieur.

Conseil national des cycles supérieurs (CNCS)

M. Mam's Mamboundou (Wenceslas): Merci, M. le Président. C'est M. Mamboundou. Bonjour, Mmes, MM. les membres de la commission. Au nom du Conseil national des cycles supérieurs de la Fédération étudiante universitaire du Québec, il me fait grand plaisir d'être présent aujourd'hui et remercie donc la commission pour son invitation.

Avant de débuter, quelques mots sur le CNCS et les gens qui m'accompagnent. M. le Président, le Conseil national des cycles supérieurs regroupe 14 associations et représentant près de 35 000 étudiants aux cycles supérieurs. Je suis accompagné, ici, de M. Salim Laaroussi, vice-président du CNCS, et de Guillaume Lavoie, attaché politique.

M. le Président, depuis quelques années déjà, le Québec a pris le virage vers une société du savoir. Le gouvernement du Québec a soutenu de façon non négligeable la recherche réalisée sur son territoire et le développement des domaines de pointe tels les télécommunications, le biomédical et la pharmacologie. Les effets positifs de ces investissements sur l'économie du Québec sont indéniables, tout autant que la contribution des universités. Cependant, se démarquer exige un engagement conséquent, et, dans ce contexte, M. le Président, aucun acquis, si grand soit-il, ne saurait être garant de l'avenir. En effet, faute d'investissements soutenus, nous allons vers un effritement inquiétant de notre position de leader comme terre de recherche et d'innovation. Aussi, nous saluons donc la présente initiative afin d'exposer les problématiques qui nous interpellent et attendons de la commission qu'elle se traduise en actions véritables pour la recherche au Québec.

n (9 h 40) n

Pour ce faire, le Conseil national des cycles supérieurs propose deux axes d'intervention: d'une part, il y a le financement de la recherche, dont les fonds subventionnaires sont les acteurs principaux, et, d'autre part, via des mesures spécifiques à la situation d'étudiant-chercheur, soit les problématiques du soutien financier, l'aide financière aux études, de la santé et sécurité et de la conciliation études-famille.

Donc, tout d'abord, le financement de la recherche. Nous ne surprendrons personne en disant que le financement à la recherche est fondamentalement lié au financement des universités. Un réinvestissement substantiel dans le réseau universitaire québécois est doublement prioritaire si l'on désire maintenir un enseignement et des activités de recherche de qualité. D'un côté, il doit subvenir aux besoins de développement de plus en plus urgents des universités afin qu'elles demeurent compétitives face à leurs homologues nord-américaines. De l'autre, il doit soutenir financièrement le renouvellement d'un corps professoral vieillissant et déficient dans plusieurs domaines en raison des restrictions budgétaires de ces dernières années.

Le maintien de la qualité des universités et de leurs programmes ne peut être satisfait sans un réinvestissement public substantiel. Ce réinvestissement doit permettre de combler en totalité l'écart au niveau des ressources de fonctionnement entre les universités québécoises et leurs homologues canadiennes. Dans un rapport conjoint, la CREPUQ et le MEQ estimaient, en 2002-2003, que cet écart s'élevait à 375 millions de dollars. De ce montant, 261 millions de dollars étaient liés au financement gouvernemental, alors que 114 millions de dollars provenaient des fonds de dotation. Au Québec, le coût moyen pondéré pour un étudiant n'a augmenté que de 50 $ en sept ans, passant de 7 755 $ en 1995-1996 à 7 804 $ en 2002-2003, alors qu'au Canada ce même coût était estimé en moyenne à 9 110 $ en 2002-2003.

M. le Président, malgré les engagements déjà annoncés par le ministre, le sous-financement des universités québécoises et la problématique dans le renouvellement du corps professoral nous forcent à constater qu'une augmentation de 275 millions de dollars par année est nécessaire. Deuxièmement, le CNCS propose l'instauration d'un fonds pour la qualité de la formation et la réussite d'environ 114 millions de dollars qui serait financé par une taxe sur les bénéfices des sociétés. Au même titre que le fait de disposer d'une base de travailleurs en santé représente un avantage concurrentiel pour les entreprises, logique qui a motivé la taxe finançant la Régie de l'assurance maladie du Québec, le fait de disposer d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée représente un bénéfice tout aussi stratégique. Dans ce contexte, nous estimons cette mesure comme juste et équitable. En outre, vu le manque actuel de professeurs, et ce, sans compter sur le manque à venir alimenté par les départs à la retraite, le CNCS estime à près de 1 000 professeurs par année entre 2004 et 2012 le niveau d'embauche à atteindre.

Pour les besoins de la recherche universitaire, il faut d'abord rappeler le rôle essentiel de la recherche comme moteur du développement économique. Comme l'a démontré l'étude de l'Association des universités et collèges du Canada, l'impact direct de la recherche universitaire s'estimait, en 1994-1995, à 1 % du PNB, soit 5 milliards de dollars, et se traduisait par environ 0,5 % des emplois canadiens, soit environ 81 000 emplois. De plus, si l'on tient compte de l'impact dynamique de la recherche universitaire qui s'exprime par une croissance à long terme, on chiffre sa contribution à environ 15,5 milliards de dollars et approximativement entre 150 000 à 200 000 emplois au Canada. Il s'agit là d'un bénéfice net important en regard des investissements nécessaires. Ainsi, la recherche représente donc une mesure d'investissement directe qui offre une voie royale à un gouvernement qui vise le développement économique.

Les exemples d'impact de la recherche au Québec sont légion. Depuis 1980, près de 7 500 inventions québécoises issues de tous les milieux de la recherche ont été brevetées aux États-Unis. Selon les statistiques des sociétés de valorisation de la recherche, depuis 2000, plus de 650 dossiers ont été étudiés, donnant lieu à 313 brevets et à la création de plusieurs entreprises au Québec. Univalor, par exemple, a analysé depuis sa création, en 2001, 177 déclarations d'inventions de chercheurs et a contribué à la création de 50 entreprises et de 250 emplois.

Dans le domaine de la biotechnologie, c'est près de la moitié des entreprises québécoises qui ont pris naissance dans un centre de recherche public soutenu par les fonds subventionnaires québécois. Or, M. le Président, les enveloppes mises à la disposition des fonds subventionnaires québécois sont encore insuffisantes pour répondre à la demande. En effet, on constate une augmentation moyenne de demandes admissibles d'environ 20 % chaque année parmi l'ensemble des chercheurs qui concourent pour l'obtention d'une subvention de recherche. Pire, on peut se surprendre sinon s'insurger devant le fait que non seulement ceux-ci sont-ils sous-financés en regard des besoins, mais ces derniers ont subi une coupe de 7 % lors du dernier exercice budgétaire.

À l'examen des budgets actuels des trois fonds subventionnaires du Québec, l'atteinte des objectifs pour les trois fonds, en 2004-2005, nécessite un investissement supplémentaire d'environ 30 millions de dollars afin de répondre à l'ensemble des demandes de financement issues de tous les domaines de recherche. Ces sommes permettraient de mieux appuyer les nouveaux chercheurs, de soutenir davantage de projets novateurs, de financer les infrastructures de centres d'excellence et de supporter les actions des réseaux stratégiques pour l'innovation. Si le gouvernement du Québec ne prend pas en considération les besoins issus de la recherche, les risques de voir nos universités perdre leurs meilleurs chercheurs au profit d'universités mieux financées sont incalculables.

Une autre problématique qu'il faut soulever est celle du financement des frais indirects, M. le Président. Bien que partiellement compensés par des enveloppes spécifiques du ministère de l'Éducation et du gouvernement fédéral, les frais indirects de la recherche ne sont pas financés à leur hauteur réelle, ce qui ajoute et contribue au sous-financement global des universités. En effet, celles-ci sont contraintes de puiser dans leur budget de fonctionnement, déjà très limité, les sommes manquantes pour couvrir ces nouveaux frais.

Davantage, le ministère de l'Éducation vient d'établir de nouvelles règles d'octroi des subventions liées au financement des frais indirects. Cette décision a pour effet d'exclure plusieurs organismes dans le calcul des frais indirects de la recherche. En somme, on tente de masquer un maintien, voire une augmentation du financement sous le couvert d'une réduction du nombre de convives admis à la table.

Le CNCS recommande donc que le gouvernement du Québec assume l'ensemble des coûts indirects de la recherche découlant du financement des frais directs de la recherche par les principaux organismes accrédités à hauteur de 65 % des frais directs, tout en s'assurant que ce programme de financement ne contribue pas à diminuer le financement lié aux infrastructures des universités. De même, il faut augmenter le nombre d'organismes accrédités.

Nous aimerons maintenant passer au deuxième axe, soit la problématique vécue aux cycles supérieurs qui affecte tout particulièrement les étudiants-chercheurs ? je dis bien étudiants-chercheurs. Nous parlerons donc ici de quatre éléments distincts: le financement de l'excellence; l'aide financière aux études, c'est-à-dire le Programme de prêts et bourses; la santé et la sécurité des étudiants-chercheurs; et enfin la conciliation études-famille.

Les contraintes ou les opportunités de la mondialisation et de la société du savoir exigent aujourd'hui du Québec qu'il produise plus de diplômés, toutes disciplines confondues, afin de soutenir son développement économique et stimuler l'innovation, élément essentiel de compétitivité internationale. De plus, les statistiques montrent que le taux de chômage est généralement plus bas pour les personnes qui ont terminé des études postsecondaires, et il est encore plus bas pour les diplômés des cycles supérieurs. Malgré ces constats, la vie aux cycles supérieurs comporte des difficultés énormes qui contraignent à l'abandon le tiers des étudiants à la maîtrise et la moitié de ceux au doctorat. Si nous décidons réellement de jouer dans cette ligue que forment les économies basées sur l'innovation et le savoir, comment pouvons-nous nous permettre une telle perte de potentiel?

Au titre des difficultés principales figure le manque de soutien au projet de recherche et donc de soutien spécifique à ses artisans, les étudiants-chercheurs. Loin de financer tout un chacun, cette difficulté touche les meilleurs, la crème de la crème des futurs chercheurs. En effet, M. le Président, seul un petit nombre d'étudiants-chercheurs bénéficient d'un soutien financier approprié, et ce, en dépit d'un dossier académique d'excellence. Pour preuve, le rapport annuel 2002-2003 du FRSQ montre que 59 % des demandes reçues comportent une cote d'excellence. Toutefois, seules 27 % à 38 % des demandes ont reçu des bourses.

Globalement, avec le support des fonds subventionnaires québécois et en y ajoutant les bourses versées par le gouvernement du Canada, ce sont moins de 12 % des 33 500 étudiants-chercheurs oeuvrant dans les universités québécoises qui reçoivent un soutien financier direct. Or, M. le Président, les étudiants-chercheurs constituent 76 % des effectifs de recherche au Québec. Un soutien conséquent aux étudiants-chercheurs aura donc un impact immédiat sur le développement de la recherche. Lorsque l'on pense que les fonds se sont vu couper près de 7 % de leurs budgets l'année dernière, il faut réaliser que ce sont des efforts de plus du trois quarts de notre capacité humaine de recherche que l'on mine.

L'analyse des budgets des trois fonds subventionnaires démontre que, pour 2004-2005, le FRSQ nécessite un réinvestissement minimum de 10 millions de dollars afin de répondre aux demandes de financement issues de ses domaines de recherche. Quant au FQRNT et au FQRSC, les besoins financiers additionnels s'élèvent à 19 millions de dollars chacun. Sans la considération d'un financement additionnel, les fonds subventionnaires québécois n'auront d'autre choix que de limiter le nombre d'étudiants-chercheurs admissibles. Une pareille régression est inacceptable et fondamentalement inconciliable avec les objectifs de développement économique fondés sur l'innovation. En conséquence, nous recommandons une augmentation du budget des fonds de manière à garantir le financement de 100 % des demandes admissibles.

n (9 h 50) n

Bien sûr, on pourrait naturellement penser que le programme d'aide financière aux études compense et joue le rôle de rempart naturel. Malheureusement, il est structurellement inadapté à la réalité des études supérieures. Le régime des prêts et bourses du ministère de l'Éducation du Québec ne peut accorder à un étudiant à la maîtrise qu'un montant maximal de 11 249 $ et de 11 930 $ au doctorat. Or, ces montants sont inférieurs au seuil de faibles revenus défini par Statistique Canada. Si l'on souhaite que les étudiants des cycles supérieurs se consacrent davantage à leurs études, adapter le régime devient une mesure sine qua non. Le CNCS recommande donc une augmentation des montants des dépenses admises jusqu'à 15 000 $ pour les étudiants à la maîtrise et à 17 000 $ pour les étudiants au doctorat.

Au-delà du sous-financement, la dette d'études accumulée constitue une autre réalité à laquelle ces étudiants sont confrontés. En 2000-2001, le phénomène atteignait des sommets inégalés. L'endettement touchait alors 53,5 % des diplômés de maîtrise et 82,7 % des diplômés de doctorat. De plus, ces estimations ne prennent pas en compte les sources d'endettement extérieures à l'aide financière comme les marges de crédit, qui sont largement répandues comme source de financement. Or, une des mesures qui contribueraient à la réduction de l'endettement est le Programme de remise de dette, auquel plusieurs étudiants de deuxième et troisième cycle n'ont pas accès. Nous proposons donc un programme de remise de dette visant à être un moyen de réduire le fléau de l'endettement autant qu'un incitatif à la réussite via une remise de dette automatique de 25 % à tous les étudiants ayant terminé leurs études aux cycles supérieurs dans les délais prévus.

Troisièmement, la question de la santé et de la sécurité se pose dans les laboratoires universitaires du Québec. Nous oublions souvent qu'il s'y opère de nombreuses activités impliquant l'utilisation courante de produits chimiques, bactériologiques, nucléaires ou encore inflammables et instables. Ajoutons à cela le travail sur des sujets vivants, la recherche en milieu marin ou forestier, les fouilles archéologiques, la recherche sociale en milieu défavorisé ou carcéral. Autant de situations où les étudiants-chercheurs s'exposent à des risques d'accident. Nous recommandons donc que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles soit amendée afin de couvrir les étudiants universitaires durant leurs activités d'apprentissage dans le cadre d'une formation académique.

Quatrièmement, nous ne pouvons passer outre toute la problématique de la conciliation des études et de la famille. En effet, M. le Président, l'étudiant-parent existe. Aux études supérieures, c'est un étudiant sur cinq, dont 40 % de ceux inscrits à temps partiel, qui assument les responsabilités familiales. Cet oubli rend leur accès aux mesures de conciliation de la vie familiale particulièrement difficile à cause des moyens actuels qui répondent mal à leurs besoins spécifiques. Dans le présent contexte démographique, il est logique d'inclure les étudiants-parents aux politiques de conciliation travail-famille à travers des initiatives de conciliation études-famille telles que la création d'un réseau de garderies à horaire non usuel ou encore l'inclusion des étudiants-parents dans la politique familiale québécoise.

Un autre mécanisme pouvant augmenter l'accessibilité des étudiants-parents à l'université est un plus grand accès aux services de garde à contribution réduite. Malheureusement, les quelques places en garderie à horaire non usuel sont encore loin de répondre à l'ensemble de la demande, alors que ce type de flexibilité concorde parfaitement avec les besoins spécifiques des étudiants. Il est donc urgent que le gouvernement rencontre les besoins spécifiques de cette clientèle via un réseau de haltes-garderies, également appelées garderies à horaire non usuel, en milieu universitaire, notamment en offrant des heures d'ouverture flexibles, par exemple le soir et les fins de semaine.

En guise de conclusion, M. le Président, l'ensemble des mesures évoquées dans le cadre de cette consultation constituent un gage de réussite et de prospérité pour le Québec. En effet, ces mesures vont permettre au gouvernement du Québec de se donner les moyens de faire face à la concurrence internationale et de relever les défis de la société du savoir en formant une relève de qualité dans tous les champs disciplinaires et en renforçant les capacités de recherche de nos institutions universitaires. Autrement dit, voici les mesures requises pour donner au Québec les moyens de son excellence. Merci, M. le Président. Mes collègues et moi, nous sommes prêts à répondre aux questions des membres de la commission.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour la présentation. Je suis prêt maintenant à passer la parole au ministre de l'Éducation et député d'Orford.

M. Reid: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants de la délégation des cycles supérieurs. Une petite question peut-être plus technique avant de poser d'autres questions. Il y a quelque chose, il y a des choses très intéressantes... Il y a beaucoup de choses intéressantes dans votre document, mais il y a quelque chose qui frappe et qui me frappe, moi, pour ma part, c'est cette suggestion de services de garde avec des horaires non usuels, là, qui représenterait sûrement une solution à des problèmes de beaucoup de parents qui font de la recherche, étudiants, étudiantes.

Avez-vous des données quantitatives sur ce que ça pourrait être en termes de... Est-ce qu'il y a une université... Ou est-ce qu'il y a des essais qui ont été faits? Est-ce que vous avez des données qui pourraient nous éclairer sur la forme que ça peut prendre au-delà de dire que, bon, les horaires, ça peut être des horaires tardifs, ça peut être des horaires les fins de semaine, mais ce que ça peut représenter en termes de nombre, en termes de types de services? Est-ce que c'est des services qui sont de courte durée, parce qu'on sait que, dans certains cas, il faut aller visiter les installations à tous les jours au moins quelques heures ou quelque chose comme ça, ou est-ce que c'est... Avez-vous un peu de données? Et pouvez-vous élaborer un peu sur ce concept-là qui est enfin très intéressant?

Le Président (M. Kelley): Oui, pardon. M. Laaroussi.

M. Laaroussi (Salim): Oui. Donc, je m'appelle Salim Laaroussi. Je suis le vice-président du Conseil national des cycles supérieurs. Et, pour répondre à la question de manière directe, je dirais qu'il y a des études qui ont été faites. Il y a une étude qui a été menée, je pense, par le ministère de la Famille et de l'Enfance avec... Il y a eu plusieurs projets pilotes qui ont été développés au Québec pour tester ce type de garderie, et là où ça a été testé, c'était plus particulièrement pour les employés et les travailleurs de casinos, par exemple, dont les horaires sont aussi atypiques finalement que les horaires des étudiants, donc qui sont appelés à travailler beaucoup la fin de semaine et les soirs également. Et les conclusions ont été très, très concluantes, et les parents se sont dits très rassurés par le type de services qu'ils obtenaient et ils n'avaient aucun problème à laisser dormir leurs enfants dans ce type de garderie. Donc, il y a déjà quelques études qui ont été menées sur cette question-là. Maintenant, de manière quantitative, je ne pourrais pas vous donner un chiffre exact du nombre de garderies actuel qu'il y a au Québec.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Reid: Ma question n'était pas nécessairement sur ce qui existe, puisque je... Bien, enfin je ne pense pas que ce soit... qu'il y en ait dans le domaine universitaire pour les étudiants et les étudiantes. On peut faire la projection? Il y en a actuellement dans les universités?

Une voix: Oui.

M. Reid: À quel endroit?

Une voix: Mais pas atypique, là.

M. Reid: Non, des garderies, il y en a partout, mais ce que je veux dire, c'est les garderies dont on parle ici, c'est un concept que, moi, je ne connais pas. Alors, en termes d'horaire... Mais ce que je voulais dire, c'est que peut-être, pour nous éclairer... Est-ce que vous avez une idée de ce que ça représente pour des étudiants enfin qui ont quand même des horaires différents d'employés de casinos, qui ont des horaires fixés à l'avance, etc.? Les étudiants qui font de la recherche ont des contraintes, et ce serait peut-être intéressant... À défaut de données quantitatives, il serait peut-être intéressant de nous indiquer quel genre de contraintes nous amène à cette suggestion-là.

M. Mam's Mamboundou (Wenceslas): Je vais vous donner un exemple de l'Université de Montréal. C'est la Fédération des associations étudiantes du campus de l'Université de Montréal qui, il y a deux ans, a mis sur pied une garderie de ce genre-là. Et, à ce niveau-là, ce que nous avons constaté ou ce que l'association nous dit particulièrement, c'est que la demande est très forte, elle répond bien aux besoins de cette clientèle. Parce que ce qu'il est d'abord important de regarder aussi par rapport aux universités, je pense, c'est de pouvoir considérer les universités comme une cité, et, lorsqu'on parle d'une cité, c'est-à-dire un lieu qui offre un ensemble de services aux membres, donc, de sa communauté.

Et les étudiants, quand ils sont en recherche, ils n'ont pas parfois besoin d'avoir leurs enfants toute la journée dans un centre de la petite enfance ou une garderie, ils ont parfois besoin de passer deux à trois heures sur le campus universitaire pour pouvoir rencontrer leur professeur, soit venir le soir pour pouvoir faire de la recherche. Et donc ça répondrait à un moment particulier de leurs besoins, deux ou trois heures, mais ça permettrait aussi à l'ensemble de ces étudiants-là de pouvoir faire en sorte que la garderie permette de combler leurs besoins à ce niveau-là. Donc, c'est vraiment important, il y a beaucoup... et ça vient, la suggestion, des étudiants, parce que ça correspond, comme le disait mon collègue, à des horaires atypiques.

M. Reid: Oui, oui, d'accord. Merci. Là-dessus, est-ce que je... Vous permettez, oui?

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Reid: Vous avez un certain nombre d'éléments qui concernent les régions, et j'aimerais, si possible, de voir si vous pouvez aller un petit peu plus loin sur, par exemple, les suggestions concernant le recrutement et le maintien en région de professeurs qui... Le recrutement souvent va se faire parmi ceux et celles qui sortent effectivement de leurs études supérieures. Et, de la même façon, toujours en région, vous parlez d'augmenter, d'améliorer la perception de la recherche comme un moteur de développement régional en particulier. Est-ce que vous avez des suggestions sur les façons dont on pourrait s'y prendre pour augmenter cette perception-là ou en tout cas l'améliorer?

n (10 heures) n

M. Mam's Mamboundou (Wenceslas): La première chose qu'il faut souligner à notre avis c'est qu'il doit y avoir des actions concertées entre le ministère du Développement économique et régional, qui est donc responsable de la recherche scientifique et des régions, et le ministère de l'Éducation. Ça, c'est la première chose. Et puis il n'est pas besoin de souligner et d'épiloguer assez longtemps, puisque tout le monde ici reconnaît la place importante des universités régionales dans le développement culturel et social, économique donc de leur région.

Nous avons fait deux propositions principales qui concernent donc le développement de la recherche en région, parce que toutes les données à l'étude montrent que les universités en région reçoivent très peu de financement au niveau de la recherche. D'une part, pourquoi? Parce que tout simplement ce sont des universités très jeunes qui n'ont pas donc développé encore tout leur potentiel de recherche. Malgré cela, on constate également que ces universités ont des créneaux d'excellence, si on parle de Chicoutimi avec l'aluminium, si on parle de Rimouski qui vient de mettre le premier centre francophone de recherche en éthologie marine au monde, donc nous pensons que ces universités-là ont, là, un potentiel.

Et les deux propositions que nous avons faites pour faire en sorte que les régions, et les universités particulièrement, jouent ce rôle-là, c'est... La première proposition qu'on fait: qu'il y ait un financement spécifique au niveau des cycles supérieurs donc pour développer les études supérieures en région, parce qu'on va constater aussi qu'il y a très peu d'étudiants qui vont aller faire leurs études en région au niveau des cycles supérieurs.

La deuxième chose, c'est un programme spécifique pour développer la recherche en région. Et, quand on parle d'un programme spécifique, ce n'est pas un programme qui va durer 20 ans, 30 ans, c'est un programme qui va faire en sorte que les régions, par le biais de ce programme-là, aillent chercher des revenus supplémentaires pour développer leur potentiel de recherche. Et, une fois qu'elles seront en phase de croisière, évidemment elles seront aussi compétitives que les autres universités et joueront dans la cour des grands. Ce sont les deux principales propositions que nous faisons pour pouvoir développer la recherche.

Le Président (M. Kelley): Un complément de réponse, M. Salim Laaroussi?

M. Laaroussi (Salim): En complément de réponse... excusez-moi, M. le Président. En complément de réponse... En fait, c'est plus pour répondre à la première partie de votre question qui était par rapport au corps enseignant, qui est effectivement une grosse problématique. Si actuellement les universités en région ne réalisent pas autant de recherche que dans les grands centres, c'est bien parce qu'elles n'ont pas autant de grands professeurs qualifiés que dans les grands centres. Et, pour les inciter, je pense qu'il va falloir développer des mesures soit un peu coercitives, comme pour les médecins, soit de manière plus encourageante avec des primes pour l'éloignement ou... mais trouver des solutions qui permettraient aux universités en région de recruter plus facilement des professeurs, ne serait-ce que pour une courte période.

Le Président (M. Kelley): Peut-être une dernière question dans ce bloc.

M. Reid: Oui. Au niveau de la qualité de la formation universitaire aux cycles supérieurs, plusieurs personnes proposent des mesures d'insertion, que je vais appeler des mesures d'insertion, mais de deux natures, parce qu'il y a insertion en emploi. Parce que les emplois pour une part sont traditionnellement beaucoup des emplois dans les universités, des étudiants, des étudiantes qui obtiennent un diplôme de doctorat, plusieurs d'entre eux deviendront des professeurs d'université, d'autant plus qu'il y a un manque important. Et, dans ce sens-là, pour ces étudiants-là, il y en a qui proposent de faire une formation en pédagogie universitaire comme étant obligatoire à la formation de doctorat, d'une part. Et, d'autre part, si on parle plus spécifiquement d'emplois dans le privé ou d'emplois comme chercheurs sans être pour autant professeurs, on parle aussi d'autres mesures diverses d'insertion en emploi, que ce soient des stages, que ce soient différents échanges avec les milieux d'emploi. J'aimerais savoir votre position là-dessus, jusqu'à quel point ces mesures-là devraient être développées pour assurer la qualité au sens large de la formation de deuxième et troisième cycle.

M. Mam's Mamboundou (Wenceslas): La première chose, M. le ministre, que j'aimerais apporter comme élément d'information: c'est 60 % à 70 % des doctorats qui travaillent hors des budgets universitaires, c'est-à-dire hors des universités. Il nous reste à peine 30 % qui vont agir comme professeurs. C'est dramatique parce que, au Québec, nous diplômons à peu près 1 000 étudiants au doctorat. Donc, lorsqu'on regarde les chiffres qui ont été annoncés par la CREPUQ, ou même par le Conseil supérieur de l'éducation, on sera dans l'incapacité de répondre donc aux besoins des universités. Ça, c'est la première chose.

La deuxième chose, la qualité de la formation, elle est là. Mais la qualité de la formation peut se détourner lorsqu'on a très peu d'enseignants. Parce que, lorsque vous avez des professeurs-chercheurs qui encadrent 19 étudiants parce qu'il y a un manque de professeurs dans un département, ça devient difficile à supporter. Donc, c'est ça qui peut faire en sorte que la qualité de la formation se détériore. Pour pouvoir faire en sorte qu'elle soit maintenue, c'est d'abord un investissement soutenu dans les universités ? j'arrive, M. le ministre ? et par la suite je pense que les universités, jusqu'à preuve du contraire, offrent une formation de qualité aux étudiants, qui leur permet de s'insérer dans n'importe quel milieu professionnel, que ce soit à l'université ou dans l'entreprise. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question ou...

M. Reid: Bien, en fait, si j'ai bien compris votre réponse, c'est que la formation, en soi, disciplinaire suffit, il n'y a pas besoin de formation en pédagogie ou de mesures d'insertion professionnelle pour assurer la qualité au sens large. C'est ce que je comprends de votre réponse.

M. Mam's Mamboundou (Wenceslas): Bien, on n'a pas assez de ressources d'abord, déjà, avec ce qui existe dans les universités, mais je pense que c'est complémentaire. On ne développe pas les talents de communicateur ou d'enseignant rien qu'en faisant de la recherche, et puis malheureusement c'est ça qui existe au niveau des cycles supérieurs, on fait beaucoup plus de recherche.

Je pense qu'il faut revoir aussi toute la conception de la formation aux cycles supérieurs en offrant la possibilité... Et puis ça se fait déjà dans les universités, dans la plupart des universités. Vous pourriez avoir un travail sur le campus, dans vos départements, comme auxiliaire d'enseignement, comme chargé de cours, comme... donc ça contribue à la formation. La pédagogie aussi, c'est l'un des moyens qui peuvent être développés, et je pense que ça peut se faire. Mais c'est un projet sur lequel on ne peut pas répondre de manière assez stricte ici, ça demande à ce qu'on réfléchisse davantage, dans le fonds des universités qu'on se donne comme projet, quel type de professeurs on veut, quel type de professionnels on veut également.

Le Président (M. Kelley): Et je pense qu'il y a un autre complément de réponse de M. Salim Laaroussi.

M. Laaroussi (Salim): Oui. Donc, en complément de réponse, je dirais que bien sûr qu'il y a toujours de la place à de l'amélioration et qu'un programme... enfin des cours de pédagogie au doctorat seraient les bienvenus pour les étudiants mais de manière facultative, non pas obligatoire, pour ceux qui souhaiteraient par la suite faire une carrière de professeur. Comme l'a si bien dit le président du CNCS, 60 % à 70 % des étudiants qui obtiennent un doctorat ne choisissent pas forcément l'enseignement par la suite.

Et, pour le volet qui est l'insertion professionnelle, je dirais que, grâce au Bureau de liaison entreprises-université, grâce aux sociétés de valorisation qui permettent de créer des entreprises dérivées mais qui permettent aussi tout le transfert de la connaissance et du savoir qui est développé dans les universités vers le secteur privé, je pense que, là, il y a matière à améliorer et surtout à réinvestir dans ces bureaux de liaison là afin de faire bénéficier le secteur privé de l'innovation, des progrès faits dans les universités et faire bénéficier les universités de tout le professionnalisme, si on peut dire, du secteur privé. Donc, je pense que, oui, il y a de la place à de l'amélioration, effectivement.

M. Reid: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue au nom de notre formation politique. Je veux d'abord vous féliciter parce que vous avez un mémoire très fouillé et très élaboré et qui couvre un grand nombre de sujets qui intéressent évidemment les membres de la commission. En fait, je prendrais un peu plus de temps avec vous si on était capables d'allonger le temps de la commission.

Je vais aller directement à une première question puis ensuite je reviendrai sur d'autres éléments. Une des recommandations que vous faites, et ça va dans le sens aussi de toute la question de l'enseignement, de l'embauche des professeurs, on dit: «Que les chargés de cours, titulaires d'un doctorat et ayant une bonne expérience en enseignement, bénéficient de procédures accélérées d'embauche comme nouveaux professeurs.» Est-ce que vous avez le sentiment qu'il y a à cet égard, d'une part, un intérêt de la part des universités et, d'autre part, des actions concrètes qui sont posées en ce sens ou que d'autres gestes supplémentaires devraient être posés pour atteindre ce que vous fixez comme objectifs?

Une voix: ...

Le Président (M. Kelley): Oui, M. Salim Laaroussi.

M. Laaroussi (Salim): Par rapport à la problématique des chargés de cours, il faut comprendre que les universités ont eu recours beaucoup, ces derniers temps, à cette ressource ou à cette forme d'enseignement par faute de moyens surtout, parce que engager un chargé de cours, bien entendu, coûte beaucoup moins cher qu'un professeur universitaire. Vis-à-vis de cette pénurie de professeurs à laquelle les universités font face, nous pensons que c'est très important de mettre en place ces procédures-là. Et il y a un débat actuellement qui se fait au sein des conseils académiques et des conseils d'administration des universités pour trouver... pour mettre en place ces méthodes-là. Mais, pour l'instant, on ne pourrait pas vous donner dans le détail quelles sont les procédures qui sont mises en place.

n (10 h 10) n

Ce qu'il faut vraiment bien retenir, c'est que ces candidats potentiels, ces étudiants au doctorat, qui ont fini en fait leur doctorat, qui sont chargés de cours, qui ont une bonne expérience avec l'université, sont les meilleurs candidats pour maintenir la philosophie de l'université. Malheureusement, les universités aussi ont besoin de professeurs renommés, qui sont en fait de très grands chercheurs, et on va surtout s'intéresser à la qualité de leurs articles, à la qualité de leurs recherches, et non pas forcément à leur expérience d'enseignement.

C'est pour cela que, nous... et c'était, je pense, une des questions du document consultatif qui était: De quelle façon on pourrait valoriser l'enseignement par rapport à la recherche? Et engager des chargés de cours, qui sont plus portés sur l'enseignement, comme professeurs serait une bonne façon de valoriser ce volet enseignement des universitaires.

Mme Marois: Et de rétablir un certain équilibre à cet égard-là.

M. Laaroussi (Salim): Et rétablir un certain équilibre, effectivement.

Mme Marois: Bon. Vous, toujours dans la foulée, là, des propositions que vous faites sur la question d'assurer une relève de qualité, bon, vous souhaitez que Québec investisse des sommes additionnelles pour engager de nouveaux professeurs, mais vous ajoutez ceci, à la recommandation 4, «en vue de garantir une formation de qualité et pour répondre aux besoins d'encadrement des étudiants des cycles supérieurs». Et, un peu plus loin, à la recommandation 5, vous dites: «Que le gouvernement [devrait reconnaître] que le recrutement de professeurs [...] dépend du nombre d'étudiants qui terminent leurs études, particulièrement ceux [du] doctorat, ce qui implique une bonification substantielle du soutien financier qui leur est accordé.» Et là vous allez un petit peu plus loin en explicitant et en souhaitant que les universités instaurent, par exemple, le programme de mentorat grâce auquel les nouveaux professeurs seront encadrés et bénéficieraient de nombreuses années d'expérience de leurs prédécesseurs, et vous avez plus loin, là, un certain nombre d'éléments qui concernent cela.

J'aimerais vous entendre sur cet aspect en particulier. Parce qu'on a toujours l'impression évidemment que, lorsqu'on est rendu au doctorat ou à la maîtrise, il y a un nécessaire encadrement bien sûr au plan académique, mais on a toujours l'impression que c'est peut-être moins nécessaire si ce n'est que pour guider l'étudiant dans l'atteinte de ses objectifs en termes de recherche, d'acquisition de connaissances ou autres.

Le Président (M. Kelley): M. Salim Laaroussi.

M. Laaroussi (Salim): Donc, par rapport à la problématique de l'encadrement, c'est... Effectivement, on pourrait... La perception serait que l'encadrement n'est pas si omniprésent dans la vie de l'étudiant au doctorat, qu'il est un peu libre de faire ce que bon lui semble ou en tout cas de diriger sa recherche comme il le souhaiterait. Sauf que c'est très difficile de savoir où est-ce qu'on s'en va quand on n'a jamais fait de recherche auparavant ou qu'on en a fait très peu, si on a fait une maîtrise recherche. Et de là l'importance d'avoir un mentor ou bien un directeur de recherche qui sache nous dire: Il y a des choses qui ont été faites dans ce domaine, ne vous orientez pas de telle manière. Ne serait-ce que l'habitude d'avoir une rencontre régulière au mois pour faire un bilan du travail accompli, ça encourage l'étudiant à travailler. Il se sent suivi, il se sent encadré, finalement.

La problématique de l'encadrement, elle est surtout due au manque de professeurs, de ressources. Donc, comme nous l'avons dit précédemment, on peut se retrouver, dans certains cas, dans certaines universités, avec des professeurs d'université qui ont 10, 15, voire 20 étudiants aux cycles supérieurs à encadrer. Bien sûr, ils ont l'aide de codirecteurs qui vont superviser, etc. Mais c'est trop d'étudiants pour un professeur qui finalement ne rencontre l'étudiant qu'au moment de l'engager, entre guillemets, comme son étudiant et qu'au moment de sa soutenance. Et, entre les deux, entre les trois ans, quatre ans, peut-être qu'il l'aura vu une fois et qu'ils se seront dit: Alors, comment ça va? Ça va bien, merci. Au revoir. Donc, c'est par rapport à ce manque de ressources professorales qu'il y a un problème d'encadrement.

Le deuxième volet de votre question, qui était les programmes de mentorat des jeunes professeurs, c'est pour permettre aux universités de conserver leur culture propre, d'assurer qu'il y a un transfert des connaissances, un transfert des savoirs entre le professeur retraité qui s'en va et le jeune professeur qui débute. Donc, le jeune professeur ne va peut-être pas être très à l'aise avec sa première classe. Alors là, le professeur qui est sur le point de partir en retraite pourra lui donner des conseils très précieux sur la manière de mener ses classes, sur la manière d'encadrer ses propres étudiants, sur les expériences qu'il a déjà vécues. C'est déjà très, très enrichissant pour les jeunes pousses qui vont prendre la relève.

M. Mam's Mamboundou (Wenceslas): Juste un petit complément par rapport à la proposition, celle dont vous parlez, lorsqu'on parlait d'améliorer le soutien financier. Dans mes propos, les remarques préliminaires, j'avais dit qu'il y avait un étudiant sur deux au doctorat qui abandonnait, un étudiant sur trois à la maîtrise qui abandonnait. Donc, je pense que c'est un gâchis financier en termes donc... en tant que société, parce que le ministère finance les universités par leur nombre d'étudiants. Donc, lorsqu'un étudiant abandonne au bout de deux ans, eh bien, il y a une perte, nous avons une perte en tant que société à ce niveau-là. Donc, c'est important, compte tenu des besoins auxquels nous devons faire face, compte tenu des besoins nommément du corps professoral, compte tenu des besoins pour l'ensemble de la société, de pouvoir améliorer le soutien financier des étudiants, compte tenu qu'ils vivent complètement sous le seuil de faibles revenus.

Mme Marois: Oui. Et d'ailleurs, en fait, vous y revenez, là, dans votre mémoire, à différentes reprises, soit par de l'encadrement du mentorat ou autre chose, où les mesures d'aide financière qui, à l'évidence, apparaissent devoir être bonifiées ou adaptées à la réalité de la formation au niveau maîtrise ou doctoral.

Un autre sujet que vous abordez, c'est tout le financement de la recherche universitaire. Je sais qu'il y a de mes collègues qui vont y venir. Des fois, vous savez, hein, quand on lit les mémoires, on aurait le goût de poser des questions au ministre aussi. Enfin, j'imagine qu'il va y répondre à un moment où l'autre. C'est...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: La période de questions s'en vient, alors on pourra voir si ce travail que nous avons fait ensemble l'a amené à réfléchir et à trouver des réponses à quelques questions très préoccupantes à l'heure actuelle.

C'est toute la question du régime fiscal de recherche et développement à favoriser. Alors, vous abordez cela à la troisième partie de votre mémoire, là, à la page 51, 52. Bon. Évidemment, je pense qu'on va se désoler tous ensemble, et vous le mentionnez, du fait qu'on ait réduit les crédits fiscaux à la recherche, parce qu'il y avait un avantage comparatif beaucoup plus important pour le Québec qui a été perdu avec le dernier budget. Et j'espère que ça va être rétabli, parce qu'on a à peine... on est en train, enfin, je dirais, de connaître des avancées significatives en termes d'investissement recherche et développement et on risque de connaître un recul sur ce front, ce qui serait catastrophique à mon point de vue.

Alors, vous suggérez que le gouvernement rétablisse les mesures fiscales, mais vous allez plus loin en disant ceci: «Que le gouvernement mette en place des incitatifs fiscaux pour encourager le financement de la recherche en sciences humaines et sociales par le secteur privé.» Et la recommandation suivante évidemment est en cohérence avec celle-là: «Que soient élargis les programmes de crédits d'impôt pour couvrir également la recherche en sciences humaines et sociales.» Puis, plus loin, vous ajoutez qu'il y a vraiment des inégalités de financement importantes dans ce domaine de recherche, donc on devrait souhaiter que les gouvernements mettent davantage.

Ma question, c'est: Comment pensez-vous qu'il puisse être possible, même en élargissant les critères en matière de fiscalité, là, d'amélioration des outils fiscaux pour soutenir la recherche et le développement, comment imaginer que des entreprises investissent plus dans le secteur des sciences sociales ou humaines, alors qu'on sait souvent que ce sont les grandes institutions qui se préoccupent de cela, que ce soient les universités ou les institutions dans le domaine du service social ou autres? Alors, j'aimerais ça que vous m'en parliez si vous avez en tête quelques exemples concrets.

M. Mam's Mamboundou (Wenceslas): J'aimerais d'abord rappeler que, lorsque les différentes mesures fiscales ont été mises en place, c'était pour favoriser l'implication du secteur privé dans le financement de la recherche.

Mme Marois: Tout à fait.

M. Mam's Mamboundou (Wenceslas): Et il faut souligner que, parmi les pays de l'OCDE, le Québec, je pense, est en tête de peloton à ce niveau-là par rapport au reste du Canada ou par rapport à...

Mme Marois: En termes d'accroissement et en termes de résultats.

M. Mam's Mamboundou (Wenceslas): Exactement, par rapport à ces niveaux-là. Donc, ces mesures-là ont fait en sorte que le privé s'investit davantage dans la recherche et qu'il collabore davantage avec les universités. Si on veut favoriser le partenariat au niveau de la recherche, il faut bien évidemment que le privé assume certains coûts, parce qu'il est bénéficiaire des inventions, des innovations qui sont faites dans les universités. Lorsqu'on a mis les centres de transfert de technologie, c'était pour faire en sorte que le savoir qui est trouvé dans les universités aille vers les entreprises privées pour qu'il soit commercialisable. Ça, c'est une première chose.

Donc, la raison pour laquelle nous disons qu'il est important de rétablir ces mesures-là, c'est parce qu'on a constaté, et il faut le reconnaître, qu'il y a eu un bond énorme depuis que ces mesures ont été mises en place. Il y a peut-être des choses à revoir, etc., mais, avant d'enlever une mesure, je pense qu'il est bon d'abord de voir quels sont les effets qu'il y a eu, est-ce qu'il y a eu des effets positifs ou on n'a pas atteint les objectifs qu'on s'est donnés en termes donc de politique. Ça, c'est la première chose.

La deuxième chose, lorsque nous parlons de la recherche en sciences sociales, c'est qu'une entreprise ne voit pas souvent les effets de la recherche en sciences humaines et sociales pour elle-même. Tout ce qu'elle veut, c'est: Bon, il y a un brevet qui est là, et puis on m'accorde automatiquement une licence. Mais la recherche, c'est d'abord un processus social aussi. Et, si on veut s'approprier l'innovation qui est faite, il faudrait évidemment que la recherche en sciences humaines et sociales s'implique. Et, de plus en plus, il est difficile de faire une coupure ou une différence entre ce qui se fait dans les sciences humaines et sociales et ce qui se fait évidemment également dans les sciences technologiques.

n (10 h 20) n

Donc, nous pensons que c'est, là, également une manière de contribuer pour les entreprises au niveau donc de la recherche, pour faire en sorte que l'entreprise s'intéresse à la philosophie, à la science de la religion, etc. Donc, c'est une contribution, ce n'est pas l'entreprise au niveau de la recherche.

La troisième chose que nous avons derrière...

Mme Marois: Est-ce que je peux me permettre de vous arrêter? Je suis...

Le Président (M. Kelley): ...

Mme Marois: Oui, ah, c'est terminé?

Le Président (M. Kelley): Parce que, là, on est loin du bloc. Je ne veux pas couper la discussion, mais... et vous...

Mme Marois: Ah! O.K. Bien, là, je vous laisse terminer, puis mon collègue reviendra.

Le Président (M. Kelley): ...peut-être terminer ici, parce qu'on est déjà rendus à 13 minutes sur le 20 minutes.

Mme Marois: Bien, je pense qu'on a un travail à faire de sensibilisation auprès des entreprises, qui ne voient pas un intérêt à cela alors qu'il y en a un. Parce que comment va-t-on changer les modèles organisationnels, comment va-t-on transformer la gestion à l'intérieur d'une entreprise, qu'elle soit dans des domaines des hautes technologies ou dans des domaines plus traditionnels, si on ne fait pas de la recherche sur les comportements humains, sur les modes de communication, etc.? Enfin, je ferme ma parenthèse et je suis certaine qu'on a un effort à faire et qui n'est pas... Ce n'est pas évident à l'heure actuelle.

M. Mam's Mamboundou (Wenceslas): La troisième chose que nous avons proposée également, c'est le fonds pour le savoir, qui permette aussi une participation.

Mme Marois: Oui.

M. Mam's Mamboundou (Wenceslas): Mais le problème de la recherche en sciences humaines et sociales ne se pose pas uniquement pour les entreprises, M. le Président, le problème également se pose pour nos administrations. Il y a une très mauvaise connaissance de la recherche en sciences sociales. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons fait une proposition qui fasse en sorte que l'administration publique québécoise fasse d'avantage d'appels à la recherche en sciences sociales et humaines et qu'on fasse un état de lieu de la recherche en sciences sociales et humaines qui se fait actuellement dans les entreprises privées. À ce moment-là, on saura comment est-ce qu'on peut agir à ce niveau-là et faire en sorte qu'il y ait une meilleure contribution de la recherche en sciences humaines dans tous les secteurs de la vie économique.

Mme Marois: Merci.

Le Président (M. Kelley): Juste une remarque sur la gestion du temps. C'est évident, si on prend plus de temps dans le premier bloc, il y aura moins de temps dans le deuxième bloc. Alors, dans cette optique, il reste sept minutes pour le côté ministériel. Le ministre a demandé la parole, il y a également un de ses collègues qui a demandé la parole, alors, si on peut à la fois, dans nos questions et nos réponses, être le plus concis possible, mieux c'est. Pour à ma gauche, il reste cinq minutes. Alors, M. le ministre.

M. Reid: Alors, je vais m'assurer que ma question soit brève, je vais vous demander de répondre rapidement aussi pour permettre à mon collègue... Le privé, on en parle, on vient d'en parler, le privé, ce qui m'intéresserait, c'est de vous entendre sur la protection des droits des étudiants et des étudiantes.

Le privé, on pense que c'est uniquement les universités dans les grands centres. Juste un petit chiffre pour bien nous faire comprendre qu'il y en a partout: les chercheurs et les chercheuses de l'Université du Québec en Abitibi de même que ceux de l'Université du Québec à Chicoutimi ont les mêmes sommes d'argent à leur disposition pour faire de la recherche, par professeur, que ceux et celles des grandes universités dites de recherche au Québec. Et la seule différence, c'est que c'est beaucoup plus par des contrats de recherche donc par le privé qu'ils obtiennent ces fonds de recherche que par d'autres sources. Et donc, même en région, le privé joue un rôle extrêmement important dans le financement de la recherche.

Ça donne toute son importance à la protection des droits. Et il y en a deux qui m'intéressent notamment, c'est celui des droits de propriété intellectuelle, de la participation, par exemple, à la prise de brevets et des choses comme ça, et les droits de publication de thèse, qui peuvent être un problème majeur, parce que, si on ne peut pas publier sa thèse, comment est-ce qu'on peut montrer ce qu'on sait faire, ce qu'on a fait, etc.? Et je voudrais juste si... Parce que vous avez une vision latérale sur l'ensemble du Québec, autrement dit transversale. Où est-ce qu'on en est, au Québec, actuellement? Et est-ce que les associations étudiantes de cycles supérieurs sont satisfaites qu'on est suffisamment avancé dans les protections, dans chaque université, de ces droits-là?

M. Laaroussi (Salim): Pour répondre à votre question, je féliciterais tout d'abord le gouvernement du Québec pour la mise en place de la politique du plan d'action de la gestion de la propriété intellectuelle au Québec, qui est une politique qui permet d'harmoniser toutes les pratiques et de, je vous dirais, encadrer l'implication du privé mais aussi l'implication de l'étudiant, du professeur et de l'université, toutes ces entités, de manière à ce que les droits de chacun soient respectés et que le produit final soit le plus bénéfique pour l'ensemble de la société québécoise. Donc, à ce niveau-là, il y a des progrès qui ont été faits, il reste encore du travail, mais on est partis dans la bonne direction.

Par rapport à l'implication du secteur privé, comme on l'a démontré dans notre mémoire, on est très favorables à ce que le secteur privé s'implique, surtout qu'on pense que c'est un juste retour des choses, vu que le secteur privé est le premier bénéficiaire de la main-d'oeuvre qualifiée formée dans les universités et de la recherche universitaire. Par contre, on a effectivement des inquiétudes, et certains étudiants, qui font par exemple de la recherche en partenariat, rencontrent les problèmes que vous avez évoqués, qui sont le problème de publication et les droits de propriété intellectuelle.

Là-dessus, comme je vous l'ai dit précédemment, le plan d'action fait déjà une bonne partie du travail. À partir de là, peut-être que le gouvernement pourrait jouer un rôle auprès des universités pour les inciter à développer des mesures d'encadrement de l'implication du privé. Mais, nous, encore une fois pour éviter tous les déséquilibres qu'il y a entre le financement accordé aux technologies et aux sciences appliquées, on préfère l'option de la création d'un fonds du savoir qui permettrait de financer tous les secteurs, sans égard à l'intérêt propre du secteur privé.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Charlesbourg, il vous reste trois minutes.

M. Mercier: Alors, merci, M. le Président. Je serai bref. Bonjour, messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je tiens également à saluer le travail et l'effort investis dans votre mémoire, et je pense que la bibliographie en témoigne, en témoigne bien.

Ma question porte principalement sur la page 71 de votre mémoire et la recommandation n° 34, et je me permets de la citer: «Que le ministère de l'Éducation du Québec accorde une remise de dette automatique de 25 % à tous les étudiants qui ont terminé leurs études aux cycles supérieurs dans les délais prévus par les règlements du ministère.» Alors... Et vous avez fait référence tout à l'heure peut-être même à l'abandon, que plusieurs étudiants abandonnaient leurs études.

Ma question est en deux temps, c'est-à-dire: Quel serait le temps prévu, pour vous, justement des études au niveau du doctorat? Et deuxième sous-question: Les étudiants évidemment qui travaillent, pour la plupart, des fois pour arriver à combler leurs fins de mois... Et comment est-ce que, vous, vous pensez gérer le tout?

M. Mam's Mamboundou (Wenceslas): La première chose, c'est que nous avons fait une étude, et puis qui s'appelle Ressourcement du financement des étudiants en cycles supérieurs, qui démontre que la durée réelle aux études n'est pas celle qui est contenue dans les règlements du ministère, ça, c'est la première chose. Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'étudiants qui respectent évidemment, qui arrivent à faire leurs études, à la maîtrise ou au doctorat, dans le temps, qui est de six trimestres à la maîtrise et de 15 au doctorat. Il y a des étudiants qui l'ont fait, et c'est la raison pour laquelle nous avons proposé une telle mesure qui ferait en sorte que la diplomation dans le temps soit récompensée par une remise de la dette, parce que c'est quand même... nous avons quand même des...La dette d'études constitue un fardeau pour les étudiants, et ça entraîne l'abandon aux études. Parce que plus les étudiants s'endettent, plus ils ont peur de ne pas pouvoir terminer leurs études parce que le fardeau devient lourd. Donc, c'est la raison pour laquelle nous avons proposé que le ministère évidemment revoie la situation et que ce soit appliqué. La mesure, elle existe, mais elle n'est pas appliquée au niveau des étudiants de deuxième et de troisième cycles.

M. Mercier: Et plus précisément, M. le Président, le délai prévu pour vous serait de combien d'années?

M. Laaroussi (Salim): Actuellement, les données... Enfin, je dirais, les fonds subventionnaires, quand ils accordent des bourses, et un peu partout, on considère que c'est quatre trimestres à la maîtrise et huit trimestres au doctorat, sauf que, dans notre étude qui a été faite sur la durée réelle des études, on se rend compte qu'à la maîtrise on parle à peu près de sept à huit trimestres, donc près du double, et, au doctorat, c'est 15 à 16 trimestres. Donc, c'est effectivement le double, ça prend pratiquement le double de temps. Et souvent l'élément important qu'il faut bien prendre en considération dans l'abandon des études, c'est que cet abandon se fait en fin de parcours. Et non pas au début parce que l'étudiant se dit: Ça ne m'intéresse pas finalement, je vais me réorienter. Non. C'est en fin de parcours, pour surtout des difficultés financières parce qu'il perd sa bourse, parce qu'il n'a plus l'aide financière appropriée, qu'il va abandonner. Donc, il y a lieu, là, soit de revoir les programmes de maîtrise et doctorat sur les projets qu'on accorde aux étudiants, c'est la première option, soit réajuster l'aide financière à la durée réelle des études. C'est indéniable.

Le Président (M. Kelley): Donc, ça met fin au temps accordé au côté ministériel. M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Vous avez parlé tout à l'heure des universités en région. Moi, en région, disons que ça me touche un petit peu personnellement parce qu'on demeure en région. Le service universitaire, nous, dans Chaudière-Appalaches, dispense des cours directement en région, et puis, au cours des dernières années, je pense que ça prenait un nombre d'environ 20 étudiants pour que l'université se déplace: un professeur, on loue un local en région et on dispense le cours. Mais je crois que c'est l'an passé, là, qu'on a commencé à prendre, si vous voulez, le quota, là, puis qui était environ de 20 étudiants puis je pense qu'on l'a monté à 25 ou 26 étudiants. Alors, vous comprendrez que, en région, ça pose un problème parfois de remonter, là, de cinq, six étudiants pour dispenser le cours. Alors, quand on n'a pas le nombre suffisant, bien on dit: Bien, on va reporter le cours dans six mois, ce qui pose comme problème que les étudiants, quand ils sont prêts à prendre le cours, souvent ils sont obligés de se déplacer soit à Québec ou à Montréal pour suivre le cours.

Vous, est-ce que vous avez... Vous devez être au courant de ce programme-là qui existe pour les régions, comment est-ce que vous voyez ça?

n (10 h 30) n

M. Laaroussi (Salim): Donc, par rapport à cette situation, je pense que les nouvelles technologies de l'information et de la communication sont un très, très bon moyen de pouvoir rallier un plus grand nombre d'étudiants via des cours donnés par vidéoconférence qu'on peut suivre par Internet. Tout ce qui a été développé par la TELUQ, qui est un enseignement à distance personnalisé, nous pensons que ça pourrait être des options, des alternatives, mais ça ne remplacera bien évidemment jamais un bon cours donné en classe par un professeur dans une salle de 25 étudiants. Ça, c'est certain.

M. Grondin: Mais, pour le nombre d'étudiants, si vous le donnez par vidéoconférence, est-ce que vous êtes pour demeurer avec 20 étudiants, minimum, ou 25 étudiants, minimum? Vous savez l'impact que ça a pour les régions, de mettre cinq ou six étudiants de plus pour dispenser le cours.

Le Président (M. Kelley): Oui, M. Lavoie.

M. Lavoie (Guillaume): Oui. Rapidement, pour bien comprendre, étant du Conseil national des cycles supérieurs, la logique que l'on constate, ce n'est pas vraiment qu'il n'y a pas assez d'étudiants, c'est plutôt qu'il n'y a pas assez de professeurs. Et, comme il y a un manque de profs, on tend à regrouper les étudiants. Et là, je dirais, depuis l'expérience de l'étude des cycles supérieurs, ce qu'on constate, c'est que d'augmenter le ratio élèves-professeur, d'augmenter le financement puis de s'assurer qu'on forme davantage de professeurs universitaires va à tout le moins être un pas dans la bonne direction pour régler des problématiques comme ça.

Le Président (M. Kelley): Ça va, M. le député?

M. Grondin: Ça va.

Le Président (M. Kelley): Alors, M. le député de Bertrand. Il vous reste trois minutes.

M. Cousineau: Alors, merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Comme ma consoeur, j'ai pu apprécier votre mémoire. C'est un document qui est très, très riche et puis qui contient beaucoup d'informations. Vous nous faites une cinquantaine de recommandations à la fin, là, 53 pour être plus exact, dont beaucoup concernant la recherche et développement. Vous nous avez mentionné, dans votre mémoire, que, bon, vous avez trouvé triste le fait de voir une coupure de 7 % au niveau des trois fonds nationaux de recherche: le fonds de la santé, le fonds de sciences et technologie... ou nature, technologie et puis le fonds qui concerne la société et puis la culture. Puis vous proposez au gouvernement une augmentation de ces fonds-là de 10 millions au niveau de la santé, puis 19 millions et 19 millions, donc pour 38 millions.

Ma première question est très rapide, là: Est-ce que ce 38 millions là, cette augmentation pour les trois fonds, 10, 19, 19, c'est sur le 160 millions qu'on avait en 2002-2003 ou sur le 150 millions de 2003-2004?

Puis ma deuxième question: Est-ce que vous avez pu mesurer l'impact des baisses de crédits d'impôt pour les entreprises qui sont reliées à la recherche et développement? Est-ce que vous avez mesuré cet impact-là durant les derniers mois?

Le Président (M. Kelley): Alors, habilement posées, deux questions, mais il vous reste à peu près deux minutes pour répondre aux deux questions.

M. Mam's Mamboundou (Wenceslas): Je commencerai, M. le Président, par la question des crédits d'impôt, et puis mon collègue terminera par la première question. Nous avons évidemment mesuré qu'est-ce que ça représentait en termes, donc, de valeur financière pour les crédits d'impôt, c'est à peu près 60 millions de dollars qui ont été coupés si on prend l'ensemble des crédits d'impôt qui concernent la recherche universitaire.

Le Président (M. Kelley): M. Lavoie.

M. Lavoie (Guillaume): Et puis je dirais plus large... Et puis, comme on termine, je vais en profiter pour mentionner ça davantage. C'est que les fonds subventionnaires sont, je dirais, la courroie de transmission, la voie royale entre un gouvernement qui décide de se donner une véritable politique de l'innovation et de la recherche qui se fait sur le terrain. Et, lorsqu'on va toucher à ça ? et on l'a mentionné avant ça ? trois quarts de notre «manpower», de notre capacité, trois quarts des gens qui font de la recherche sont des étudiants-chercheurs. Alors, lorsqu'on coupe les fonds subventionnaires, on se trouve à affecter le trois quarts de notre capacité à faire de la recherche. C'est immense. Hier, l'ACFAS était ici pour expliquer qu'il y avait un effet de levier, lorsqu'on investit dans la recherche, de un pour cinq. Donc, si on a coupé de 10 %, c'est donc qu'on a ralenti notre effet de levier de cinq fois le montant des coupures.

Et là, nous, on se présente ici en démontrant qu'il y a véritablement une problématique. Non seulement les fonds sont insuffisants, parce qu'on a démontré, là... La logique n'est pas de financer tous les étudiants, la logique est de financer tous les étudiants qui se méritent une cote d'excellence qui sont déposés aux fonds subventionnaires. C'est assez grave. Les fonds subventionnaires reçoivent des dossiers, considèrent que deux tiers des dossiers qu'ils reçoivent ont une cote d'excellence et sont limités, par manque de fonds, à devoir les financer que de 27 % au pire et 38 % au mieux, ces étudiants-là.

Alors, il y a une problématique, et c'est pour ça qu'on a intitulé le mémoire comme ça, pour se donner les moyens de notre excellence, ou bien sinon on dit à nos étudiants: Désolé, mais vous êtes trop bons pour le Québec. Alors, la question, c'est de dire: Est-ce qu'on va être capable de gérer et est-ce qu'on va être capable d'investir à la hauteur de l'excellence de la science ou de la technologie que nos étudiants sont capables de produire?

Le Président (M. Kelley): Alors, cette question va être en guise de conclusion. Alors, merci beaucoup pour la présentation sur nos étudiants, surtout en deuxième, troisième cycle, et les conditions de vie, si vous voulez, de nos chercheurs-étudiants. Sur ça, je vais demander aux membres d'avoir une politesse rapide, et on va suspendre quelques instants pour saluer nos invités, mais de reprendre place le plus rapidement possible.

(Suspension de la séance à 10 h 36)

 

(Reprise à 10 h 38)

Le Président (M. Kelley): Alors, c'est la première de nos témoins aujourd'hui. C'est une journée avec une saveur montréalaise, alors j'invite M. Roch Denis, le recteur de l'Université de Québec à Montréal. M. Denis, la parole est à vous.

Université du Québec à Montréal (UQAM)

M. Denis (Roch): M. le Président, M. le ministre de l'Éducation, Mme la critique officielle de l'opposition en éducation, Mmes, MM. les membres de la commission, permettez-moi tout d'abord de vous présenter les membres de la délégation de la direction de l'UQAM qui m'accompagnent pour cette présentation: Mme Carole Lamoureux, vice-rectrice aux études; M. Daniel Coderre, vice-recteur à la recherche; M. Mauro Malservisi, vice-recteur à l'administration, aux finances et aux ressources humaines; M. Jacques Desmarais, vice-recteur exécutif; et M. Pierre Parent, secrétaire général.

L'UQAM est heureuse et fière de prendre part aujourd'hui à ce grand chantier de réflexion que représente la commission parlementaire sur la qualité, l'accessibilité et le financement des universités. Je vous remercie, au nom de la collectivité de l'UQAM, de nous avoir invités à vous présenter nos vues sur ces enjeux majeurs. Sans reprendre tous et chacun des points que nous abordons dans notre mémoire ou qui sont soulevés par le document de consultation, je vais profiter de mon allocution pour résumer et mettre en relief certains des traits qui caractérisent la contribution spécifique de l'UQAM au réseau universitaire québécois, les principes et les engagements qui nous animent dans l'accomplissement de nos missions, les conditions et les effets de notre sous-financement et je terminerai par quelques réflexions et observations sur l'enjeu global du financement des universités au Québec.

n (10 h 40) n

L'UQAM, depuis sa fondation, est reconnue pour être, à Montréal et au Québec, une université d'accessibilité et d'innovation, et ses contributions à ces chapitres sont effectivement remarquables. Son arrivée sur la scène universitaire a ouvert les portes du savoir et de la formation à des milliers de jeunes et de moins jeunes. 150 000 diplômés en trois décennies et demie, avec une constante d'étudiants à temps partiel à hauteur d'environ 50 % de nos effectifs. Le résultat est probant, et il résulte de la contribution et de l'engagement de milliers de professeurs et d'enseignants chargés de cours, de milliers de membres du personnel, et de professionnels, et de cadres. Il résulte de la volonté et de l'effort collectif du Québec tout entier déclenché depuis la Révolution tranquille.

Des voix pourraient vouloir suggérer que, 30 ans plus tard, il faille prendre le virage de la qualité en délaissant celui de l'accessibilité, dont les objectifs seraient, pour l'essentiel, atteints. Tel n'est pas le cas. D'ailleurs, les données de la scolarisation universitaire le démontrent, le Québec a encore beaucoup de croûtes à manger à ce chapitre. La direction de l'UQAM ne partage pas cette vision des enjeux qui opposerait accessibilité et qualité et elle a décidé de garder le cap sur l'accessibilité, bien sûr une accessibilité conjuguée à la qualité.

La qualité, dans les conditions où nous oeuvrons, celles d'une université urbaine publique de grande taille, représente un véritable défi, un véritable combat permanent. Pour cela, nous avons décidé de mettre en oeuvre tout un ensemble de nouveaux dispositifs regroupés autour d'un nouveau projet majeur, qui s'appelle le Fonds pour l'accessibilité et la réussite aux études, et dont l'acronyme est le FARE. Le FARE de l'UQAM: centre d'aide à la réussite, mesures d'encadrement renforcées, bourses d'admission, bourses à la réussite, programmes d'initiation à la recherche avec nos équipes dès le premier cycle, apprentissage des langues, internationalisation de nos programmes, bourses de mobilité. L'accessibilité et la qualité, c'est le FARE. C'est aussi pour nous une action systématique organisée par des programmes et des initiatives nouvelles d'ouverture et d'inclusion mises en place pour des nouvelles populations étudiantes de Montréal: allophones, immigrants récents, tranches d'âge actives des 50 ans et plus, avec notamment la contribution de notre école des langues.

C'est aussi une politique de proximité pour les populations desservies par nos campus régionaux en concertation avec les autres établissements ? j'insiste, en concertation et en complémentarité avec les établissements ? comme dans le cas du pôle universitaire de la Montérégie qui se dessine.

C'est aussi un programme de développement significatif aux cycles supérieurs, maîtrise et doctorat. La même accessibilité que nous poursuivons depuis 35 ans pour les étudiants du premier cycle et dès le premier cycle, nous voulons la prolonger pour développer l'accès des étudiants au deuxième et au troisième cycle en relation, en imbrication étroite avec les besoins pressants de la société.

L'UQAM déploie cette conception d'accessibilité-qualité aussi bien en recherche et en création. Notre équipe mise sur les engagements, les acquis de l'UQAM dans les domaines où elle oeuvre pour mettre le cap désormais sur un axe majeur qui traverse tous nos projets, celui de l'innovation sociale, en sciences comme en éducation, en gestion comme en lettres, langues et communication, en sciences humaines et sociales, en arts. Nous le faisons avec nos centres, avec nos chaires, avec nos nouveaux instituts, l'Institut santé et société, l'Institut d'études internationales de Montréal, l'Institut des sciences cognitives, l'Institut du patrimoine et bien sûr aussi l'Institut des sciences de l'environnement. Nous ne faisons pas tout, nous ne sommes pas indéfinis, mais nous choisissons mieux ce qui nous définit le mieux en complémentarité avec les autres établissements.

On plaide beaucoup, par les temps qui courent, pour la valorisation économique, commerciale, technologique de la recherche. Certes, et l'UQAM ? mon collègue Coderre pourra vous en dire un mot ? soutient les chercheurs en matière d'innovation et de valorisation technologique. Mais l'UQAM veut donner un solide coup de barre du côté de la valorisation sociale, ce sera notre contribution.

Accessibilité et qualité, c'est aussi, pour notre équipe, effort sans précédent pour rééquilibrer mieux la combinaison indispensable de l'enseignement et de la recherche. Comme le soulignait l'Université McGill pour elle-même la semaine dernière, tous nos professeurs doivent enseigner, mais il faut aussi que nous trouvions le moyen de mieux valoriser l'enseignement dans l'évaluation de la tâche professorale. À l'université, les chercheurs trouvent une grande fierté et un grand accomplissement au métier d'enseigner, qui est aussi chemin de découverte.

M. le ministre, mon équipe et moi, toute la collectivité de l'UQAM regorge de projets. C'est formidable de voir ce qui s'y passe, et, moi, je les pousse en avant. Mais je dois à la vérité de vous dire que le fait de vouloir faire du développement positif dans nos champs spécifiques a pour effet d'exacerber à la limite du possible les contradictions entre la volonté, les potentiels formidables, d'un côté, et le manque de moyens, le tragique manque de moyens, de l'autre. Il y a une limite à demander aux gens de faire plus sans moyens, et elle est atteinte. J'ai voulu, depuis le début de mon mandat, bannir le mot «non» dans notre établissement. C'est-à-dire, si un projet nous est présenté et qu'il est bon, nous ne commençons pas par lui dire: Non, on ne peut pas le faire, on n'a pas d'argent. On dit: Oui, et on ajoute: On va tout faire pour le financer. Mais je dois vous avouer et je vous avoue que cela me donne et nous donne, à moi et à mes collègues, souvent le vertige, le genre de vertige que donne la quadrature du cercle que vous évoquiez en début de commission.

L'UQAM n'est pas à vendre. Elle ne se vendra pas au plus offrant pour se développer. Elle est un établissement public qui considère que les universités sont un bien collectif, un service public qui oeuvre dans le domaine des droits, c'est-à-dire, ici, en l'occurrence, du droit à l'éducation et du droit d'accès à l'université et au diplôme universitaire.

Mais que disent les données comparatives avec quelques établissements à vocation comparable du Canada anglais, par exemple l'Université York et Simon Fraser? Si on prend, pour chaque année, l'écart de financement moyen par étudiant entre l'UQAM et l'Université York, entre l'UQAM et l'Université Simon Fraser et entre l'UQAM et la moyenne des universités hors Québec de grande taille sans faculté de médecine et en le multipliant par le nombre total d'étudiants équivalents temps complet à l'UQAM chaque année, le sous-financement de l'UQAM se présente comme suit.

En 1995-1996, l'écart de financement dont disposait l'UQAM par rapport à York était de 14 155 000 $; avec Simon Fraser, il était de 114 millions. En 1998-1999, les choses ne se sont pas améliorées, l'écart avec York était de 37 millions; il était de 119 millions avec Simon Fraser. Et les choses, depuis ce temps, ne se sont pas améliorées, malgré l'embellie réelle du réinvestissement de 2000-2003. Et je pourrais donner des repères comparables sur les ratios, les bibliothèques, les services, mais ne prenons que les ratios étudiants-professeur. Le ratio étudiants-professeur de l'UQAM était de 24,5 au premier cycle en 1990, comparativement à 17 à l'Université Simon Fraser et à 18,6 à l'Université York. Entre 1990 et 1999, le ratio de l'UQAM au premier cycle s'est détérioré, passant à 24,9, alors que celui de l'Université Simon Fraser demeurait stable, à 17.

Si l'on pense que ces conditions n'ont que peu à voir avec la qualité de la formation, on se trompe ou alors on se fait une illusion trompeuse. Et pourtant, et pourtant, l'on proclame et l'on sait que l'université n'est pas une dépense, mais un investissement. Pourquoi le gouvernement, sous votre houlette, M. le ministre, n'organise-t-il pas la plus grande mobilisation nationale et sociale jamais vue pour un investissement collectif public massif dans les universités? C'est un choix, le choix est possible. L'Ontario fait les siens. Le Québec peut et doit faire les siens.

J'illustre mon propos par un seul exemple insuffisant, mais non insignifiant. Le Québec consacre, selon les chiffres du ministère de l'Éducation, plus de 300 millions de dollars par année au financement public de ses institutions privées aux autres ordres d'enseignement. L'Ontario ne le fait pas ou le fait en proportion tout à fait minime, à hauteur de 2 millions. Accord ou désaccord avec ce choix, là n'est pas mon propos, et vous allez remarquer que je n'en ai pas fait la recommandation dans la liste de nos six recommandations en fin de mémoire. Je pense que vous avez suffisamment de chats à fouetter, M. le ministre, par rapport à tous ces enjeux. Ces choix s'exercent cependant et ils montrent que, même dans une situation de précarité des finances publiques, les gouvernements ont des choix à faire et ils les font en pratique. Encore faut-il faire les bons. Et, si l'on dit que l'on n'a pas les moyens de vivre comme avant, alors pourquoi ne pas faire comme ce qui est conseillé aux personnes, couper dans le gras et dans le luxe et investir dans l'essentiel?

n (10 h 50) n

Vous dites, M. le ministre ? faisant le choix de l'éducation ? que nos universités sont des universités top niveau. Mais, si ce choix qui urge n'est pas fait, le choix du financement public massif, je soumets respectueusement que vous ne pourrez plus dire, dans trois ans, dans cinq ans, qu'elles sont top niveau. La dégradation est commencée, disaient déjà les recteurs au gouvernement il y a cinq ou six ans: renouvellement du corps professoral; déploiement en recherche et en infrastructures de recherche; amélioration des statuts chez les chargés de cours en particulier pour miser sur les forces productives souvent exceptionnelles de ce bassin de compétence; charge de travail des professeurs et du personnel ? surcharge; amélioration des ratios étudiants-professeur; redressement du budget des bibliothèques; gestion de crise des espaces; diminution de la taille des groupes-cours, nous le voulons pour favoriser l'encadrement. Nous n'avons pas d'argent, et les programmes de plus en plus ciblés de financement, outre qu'ils dictent à beaucoup d'égards le développement universitaire en formation et en recherche, réduisant les marges d'autonomie essentielles aux progrès de la science et de la création, ne procurent rien à l'enveloppe de fonctionnement des universités.

Nous n'avons pas d'argent. Comprenons-nous bien, l'UQAM vit selon ses moyens. Nous n'avons pas de déficit accumulé, nous sommes en équilibre budgétaire partout, mais nous n'avons aucune marge de manoeuvre qui vaille. Et pourtant notre équipe est agitée de projets et de développements. Nous nous sommes dotés d'une politique institutionnelle de la propriété intellectuelle qui à mon avis est exemplaire. Nous allons adopter bientôt une politique linguistique avant-gardiste axée sur la qualité du français et l'ouverture aux langues du monde. Nous révisons de fond en comble nos engagements internationaux et nous allons nous doter d'une nouvelle politique internationale.

M. le ministre, je ne vous dis pas cela par flagornerie, j'ai... Juste un instant, s'il vous plaît, je m'excuse.

J'ai lu et je vous ai entendu, M. le ministre, plaider pour la cause des universités. Et en particulier j'ai beaucoup aimé, dans vos remarques préliminaires, le fait que vous ayez défini le développement régional comme un enjeu national. Je ne vous dis pas cela par flagornerie, je souscris d'emblée à vos propos, à votre vision. Et je ne vous le dis pas pour obtenir de l'argent. D'ailleurs, si je vous dis que je ne dis pas cela pour obtenir de l'argent, vous ne me croirez pas. Si cet enjeu est national, il doit s'agir d'un développement combiné et non pas disjoint, comme s'il fallait choisir entre Montréal et les régions en opposant leurs besoins légitimes et leurs contributions spécifiques. Les universités montréalaises ont absolument besoin d'être soutenues et leur développement considéré comme une rampe de lancement essentielle pour le réseau universitaire dans son ensemble et en région en particulier. En même temps, les universités en région doivent être absolument soutenues, car il en va du développement économique, social, culturel, démocratique du Québec dont bénéficient aussi les universités de Montréal et du Québec. Ni abandon ni saupoudrage, mais politique de soutien stratégique diversifiée et combinée pour un grand réseau universitaire.

L'UQAM à Montréal, comme dans le réseau de l'UQ en particulier, prend et veut prendre pleinement sa part dans cet enjeu national avec les universités en région. Nous le faisons pour nos programmes de manière exemplaire. L'UQAM délivre 106 programmes de maîtrise et de doctorat. Le quart d'entre eux sont partagés avec d'autres universités, 50 % de nos doctorats, et nous offrons ces programmes par extension aux universités en région. Nous voulons le faire plus et mieux encore, et c'est exactement et uniquement dans cet esprit que nous travaillons avec la TELUQ au projet de rattachement de nos établissements pour que la nouvelle plateforme organisationnelle qui naîtra de ce rattachement soit un tremplin de développement exceptionnel pour l'ensemble du réseau et chacun de ses établissements. Regrouper des forces pour mieux réaliser nos missions sur l'ensemble du territoire, telle est notre ligne.

M. le Président, M. le ministre, le réseau universitaire du Québec est un des plus beaux résultats de l'effort collectif des Québécois. Il s'est développé essentiellement depuis 30 ans par l'investissement des fonds publics et l'effort des contribuables. Ce choix s'est accompagné de la sollicitation d'une contribution relativement modeste des étudiants et étudiantes à leur formation universitaire, et même ceux qui revendiquent le maintien de cette contribution à son niveau actuel reconnaissent, faut-il le souligner, le principe d'une contribution.

Ce qui n'est pas le cas de tous, car d'aucuns préconisent la gratuité, et pas seulement des étudiants, mais des personnalités comme le grand intellectuel canadien John Saul, qui estime à bon droit que le premier cycle universitaire... Je me permettrai de reprendre la citation qui figure dans notre mémoire: «Un baccalauréat, aujourd'hui, c'est à peu près, dans notre civilisation, l'équivalent de 12 années d'éducation il y a 100 ans [...] l'éducation universelle et publique est un synonyme pour la démocratie. Ce n'est pas un accident si l'on trouve un lien entre l'arrivée de l'éducation publique et la floraison des services publics inclusifs[...]. Au Canada, il y a eu une progression graduelle vers l'éducation totalement gratuite. Cela a commencé dans certaines provinces avec l'école primaire au milieu du XIXe siècle, puis c'est arrivé jusqu'au secondaire, jusqu'au cégep, et l'éducation supérieure, au moins pour le baccalauréat, attend maintenant son tour[...]. Le moment est venu que l'éducation publique au niveau du baccalauréat soit gratuite partout au Canada.»

Quelle belle interpellation, parce que peut-être, dans le souterrain de nos débats sociaux, indique-t-elle la principale voie d'avenir qui monte. Car, alors que les frais de scolarité partout sont sujets de division et de controverse et qu'ils représentent aussi, comme l'a dit récemment le président de la Conférence des recteurs et des principaux d'universités d'Angleterre, une goutte d'eau dans l'océan du financement universitaire, peut-être faudra-t-il regarder de plus près ce qu'annoncent les prospectives de John Ralston Saul.

Mais, comme tous le reconnaissent aussi, les hausses des contributions des droits de scolarité imposées aux étudiants sont partout le levier d'une réduction de la part relative des fonds publics. Le Québec ne devrait pas faire ce choix. Il importe plus que jamais de ne pas dévier de l'effort collectif et de ne pas desserrer la pression sur la nécessité majeure de l'investissement public. Les hausses de droits, même limitées, sont partout la porte d'entrée d'autres dérégulations et nous font entrevoir le retour à des époques qu'on croyait révolues, à savoir la fréquentation de certains établissements ou de certaines disciplines en fonction de la fortune des individus, même avec des prêts. Le Québec ne devrait pas faire ce mauvais choix, mais plutôt garder le cap sur la responsabilité collective publique, et c'est pourquoi l'UQAM souscrit au maintien du gel.

Je conclurai, mesdames, messieurs, par un commentaire sur un des points soulevés dans le document de consultation, le point 3,6 intitulé Les interventions du gouvernement fédéral. J'ai beaucoup aimé ces deux pages qui disent la vérité d'abord sur le fait que le gouvernement fédéral, qui ne détient aucune prérogative en éducation, restructure à grands coups de millions notre système universitaire d'enseignement et de recherche, alors que le Québec, dont c'est la prérogative, se voit de plus en plus relayé à la portion congrue des choix et des décisions de véritable portée; et sur le fait aussi que toute l'intervention fédérale déterminante, outre l'ingérence unilatérale que note le document, ne procède que par initiatives ciblées, laissant le Québec incapable de pourvoir adéquatement à l'enveloppe de financement globale des universités elles-mêmes. «On ne pourra pas ? je cite le document ? passer sous silence le problème lancinant du déséquilibre fiscal canadien, qu'il faudra bien pouvoir briser le plus tôt possible.» Nous endossons entièrement ce diagnostic qui appelle à l'action.

Alors, M. le ministre, je vous prends au sérieux lorsque le document de consultation plaide, dans la foulée de la commission Séguin, pour un transfert de points d'impôt aux provinces qui devrait être inconditionnel et lorsqu'il est dit qu'il faudra aussi réexaminer la participation du gouvernement fédéral au financement de l'enseignement et de la recherche, et qu'enfin l'ensemble des interventions du gouvernement fédéral dans le domaine de l'éducation devront être revues à la lumière de la proposition de la Commission sur le déséquilibre fiscal. Je vois là, M. le ministre, que vous prenez position. Sans allusion à la signature de l'UQAM, vous prenez position. Mais je veux aussi vous dire une chose: Si vous voulez agir, nous sommes prêts.

Et permettez-moi, en terminant, de vous dire que le mémoire de l'UQAM a reçu l'appui de la grande majorité des associations étudiantes, du Syndicat des employés de soutien et du Syndicat des chargés et chargées de cours de l'UQAM. Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Denis. Maintenant, c'est à vous la parole, M. le ministre.

M. Reid: Merci, M. le recteur. J'espère que nous aurons le temps de parler du rôle de l'UQAM davantage un peu plus au Québec, dans le réseau de l'UQ et pour l'ensemble du système universitaire québécois. J'espère aussi que nous aurons le temps de vous permettre de nous indiquer de quelle façon est-ce que certaines des recommandations que vous faites, qui sont faites aussi par d'autres... mais quelle est la portée particulière pour l'UQAM, et j'y reviendrai.

Mais j'aimerais commencer par une question concernant la recommandation n° 5. Et je la lis rapidement: «Que soit entrepris un réexamen du système québécois de l'enseignement supérieur collège-université dans la perspective d'assurer une cohérence accrue du cheminement des étudiants ? et des étudiantes ? et une meilleure concertation des universités et des collèges en vue de l'atteinte de cet objectif.»

n(11 heures)n

Je voudrais vous poser ma question dans le contexte où, d'une part, l'UQAM a fait beaucoup et, je pense, a des réussites dont elle peut parler avec fierté et, d'autre part, dans le contexte où nous allons bientôt, après cette commission parlementaire, entamer une autre discussion importante sur les cégeps, de quelle façon les cégeps nous ont bien servis et de quelle façon ils peuvent continuer à bien nous servir. Et le cheminement des étudiants, il est évidemment... et la concertation avec les universités était évidemment une partie importante de ça. Est-ce que vous pouvez nous en parler un petit peu plus? Et surtout est-ce que je comprends que l'UQAM a l'intention de participer, peut-être, ou de prendre position dans ce débat?

Le Président (M. Kelley): M. Denis.

M. Denis (Roch): Puis-je demander à ma collègue Carole Lamoureux d'intervenir en particulier sur cette question que vous soulevez?

Mme Lamoureux (Carole): Toute la question de l'arrimage ou des passerelles entre l'enseignement collégial et l'enseignement universitaire a toujours suscité beaucoup de réflexions, de tous ordres, à l'UQAM. Il y a des expériences intéressantes qui ont été faites, très, très ciblées. J'entends... Bon. L'École supérieure de mode est un partenariat avec le collège LaSalle. Notre programme du Bac en gestion hôtelière est un partenariat avec l'ITHQ. Ça a demandé... Et ce sont d'excellents... On obtient d'excellents résultats. On est extrêmement satisfaits. Mais ça a demandé des efforts très importants, deux ans de travail, en ce qui concerne le bac, l'arrimage bac et cégep avec l'Institut de tourisme et d'hôtellerie ? il est question qu'on fasse la même chose avec Montmorency ? deux ans de travail pour faire quelque chose de qualité, c'est-à-dire regarder les compétences, les complémentarités de programmes, faire venir une intégration graduelle de l'étudiant collégien, au cégep, s'assurer que les gens terminent dans les délais prévus, prévoir des passerelles de sortie pour les étudiants qui sont mal pris. Bon. Et c'est deux ans de travail que ça nous a pris. Bon. Peut-être qu'une prochaine fois ça va être un peu moins long. Alors, bien sûr on veut aller dans ce sens-là.

On discute beaucoup sur Laval, on discute beaucoup aussi sur la Rive-Sud, Longueuil particulièrement, pour reproduire ces expériences-là avec le Vieux-Montréal, qui pourrait faire le programme de transition pour étudiants étrangers qui viennent étudier chez nous, il pourrait y avoir une passerelle. Mais tout ça demande beaucoup de temps, beaucoup d'énergie, donne d'excellents résultats, mais on se retrouve que ces projets-là sont toujours évalués en fonction d'autres types de priorités.

Je pense que... en tout cas, l'Université du Québec à Montréal croit que c'est absolument important d'aller dans ce sens-là. L'occasion sera belle bientôt de s'interroger sur comment on le fait, quels moyens nous nous donnons, quelles ressources nous nous donnons, quel temps nous nous donnons. Mais je m'excuse de revenir encore à ça, mais c'est une question encore une fois de priorités. Tu sais, concrètement, là, ne pas avoir les ressources financières, ce que ça veut dire concrètement, c'est que, quand tu appelles les profs qui sont intéressés, ce qu'ils te disent, c'est: Je ne peux pas, je supervise cinq étudiants de doctorat, je dirige déjà tel module, je fais de l'intégration d'étudiants étrangers. Comment voulez-vous, Mme Lamoureux, que je fasse partie d'un groupe de travail sur l'intégration au cégep? Concrètement, là, c'est comme ça qu'on vit ça. Les gens ne nous demandent pas des sous, ils nous demandent du temps.

M. Reid: Bien, on sait que c'est des ressources. Mais souvent il y a une question aussi possiblement... Et c'est peut-être trop tôt pour vous demander de vous prononcer là-dessus, mais je lance néanmoins la question. Souvent, la complexité dont vous parlez, elle dépend aussi de la nature de ce sur quoi on travaille, les structures qui existent, les modes de fonctionnement, etc., et ce n'est pas uniquement une question de ressources. Et trouver des ressources pour travailler deux ans, ce n'est pas pareil que de trouver des ressources pour travailler six mois, par exemple. C'est le sens de mes propos. Et donc est-ce qu'il y a... Et est-ce que l'UQAM est en mesure peut-être de suggérer, peut-être pas maintenant, peut-être dans un forum sur les cégeps, de suggérer peut-être des modifications qui pourraient effectivement diminuer l'effort qu'il y a à faire et donc permettre peut-être que ça se fasse avec des ressources moindres?

Mme Lamoureux (Carole): Bien sûr, l'assouplissement de plusieurs règles faciliterait énormément le passage et les réflexions communes. À l'heure actuelle, très souvent les réflexions liées au niveau collégial et celles liées au niveau universitaire ne se font pas en même temps, ne se font pas de la même façon. Quand on a réformé, dans les cégeps, en fonction des compétences, on n'a pas fait écho aux travaux des universités. Par exemple, nous, on est en train... On faisait la révision de tous nos programmes de premier cycle, tous nos programmes, et jamais on ne nous a dit qu'on était en train de regarder ça ou dans quel sens on regardait ça au niveau des cégeps.

Là, quand on va arriver dans quelques mois, est-ce qu'il va falloir tout reprendre la réflexion pour s'arrimer avec celle que... Tu sais, ne serait-ce que ça. Toutes les passerelles structurelles, et ça, je pense, c'est le rôle du MEQ, entre autres, là, vont devoir être... faire preuve de beaucoup plus de souplesse. Il pourrait y avoir des consortiums, des partenariats privilégiés. En tout cas, nous, on a plein d'idées et on est prêts à partager d'autres idées aussi. Mais je pense qu'on va aller avec joie dans ce sens-là.

M. Reid: Merci. Donc, c'est intéressant, ça annonce bien. Je peux... Oui. Je voudrais peut-être avoir un peu... Il y a trois recommandations que vous faites, là, les recommandations 3, 4 et 5, et j'aimerais voir, parce qu'on entend aussi d'autre part... Mais ce serait intéressant que vous puissiez nous donner, peut-être, des exemples ou des points de vue, ou nous montrer ce que ça signifie exactement pour l'UQAM, dans le contexte de l'UQAM.

Alors, par exemple ? je vous les donne en même temps ? au niveau 3, on parle du gouvernement fédéral, et tout ça. Et est-ce qu'il y a des éléments ? vous en avez parlé tantôt ? plus spécifiques? Également, est-ce que là-dessus l'UQAM a des idées concernant les discussions, qui ne vont pas manquer d'arriver bientôt, sur ce qui est annoncé dans le discours du trône fédéral et un droit de compensation qui a été annoncé? Est-ce que l'UQAM a des idées là-dessus?

Au niveau de la recommandation 4, où on parle des frais indirects et de la recherche, pour les ministères du gouvernement du Québec qui donnent des contrats de recherche, est-ce qu'on pourrait, peut-être donner un peu de... expliciter un petit peu plus ce que ça représente pour l'UQAM? Parce qu'on l'a entendu ailleurs, mais, dans le contexte de l'UQAM, ce sont des choses particulières, ça pourrait éclairer la commission et m'éclairer aussi, moi, hein, sur ce que ça représente comme difficulté et l'ampleur, la nature de cette difficulté, ses conséquences.

Et, à la recommandation 6, où on parle d'indications budgétaires pluriannuelles qui ont aussi été mentionnées par d'autres, qu'est-ce que ça signifie dans le contexte de l'UQAM, disons, parce qu'on peut voir généralement l'avantage que ça représente, mais qu'est-ce que ça représente comme avantage ou inconvénient, de ne pas avoir ces indications budgétaires pluriannuelles?

Le Président (M. Kelley): M. Denis.

M. Denis (Roch): Pour les recommandations 4 et 5, M. le ministre, je vais demander à mon collègue Daniel Coderre d'intervenir. En ce qui concerne la recommandation n° 3, les idées que l'UQAM porte sont, à s'y méprendre, celles que présente le document de consultation que vous avez déposé pour cette commission. Je suis pour ma part assez frappé de l'espèce de scepticisme qui semble régner dans l'environnement de nos débats publics sur la capacité de faire bouger le fédéral en ce qui concerne les fonds et les paiements de transfert dans le domaine de l'éducation. J'ai parfois l'impression que, vu la difficulté de l'entreprise, le Québec serait porté à baisser les bras.

Or, il y a là des fonds publics d'une très grande ampleur, et je ne sache pas que nous soyons responsables publiquement, socialement de ne pas regarder et, plus que regarder, agir dans cette direction pour assurer au Québec, dont c'est la prérogative exclusive, la capacité de financer publiquement, à hauteur nécessaire, ses universités, ses grandes universités. Je suis ? vraiment, je vous le dis ? étonné de voir qu'on cherche ailleurs, comme si, là, il y avait un mur d'impossibilité. Je n'y crois pas.

Cependant, je sais, et je ne suis pas le seul à le savoir, que, pour faire bouger les choses là-dessus ? il s'agit bien de fonds publics, il s'agit de notre part légitime ? pour faire bouger les choses, il faudra telle chose qu'une mobilisation de très grande envergure. J'admire les villes qui, en se mettant ensemble, ont fait bouger. J'ai lu les déclarations d'hier, rapportées ce matin, du premier ministre. Je ne sais pas pourquoi nous ne ferions pas la même chose en ce qui concerne les universités. Voilà nos idées portées par la recommandation n° 3. Le document de consultation m'a agréablement surpris. Il dit, il désigne la position du gouvernement, il parle, et non seulement parle, mais il dit qu'il faudra briser le déséquilibre fiscal canadien. Pourquoi ne nous mettons-nous pas au travail, avec vous, maintenant, pour en faire un résultat positif et non pas seulement un discours, une incantation qui ne rapporte rien?

Le Président (M. Kelley): M. Coderre.

n(11 h 10)n

M. Coderre (Daniel): Oui, merci. En ce qui concerne la recherche et le financement de la recherche, je pense que vous avez eu plusieurs représentations qui ont été faites sur l'importance du maintien des fonds et de l'augmentation des trois fonds québécois. Pour l'UQAM, c'est un enjeu qui est majeur, puisque, vous l'avez vu à la page 8 du mémoire, nous avons une croissance actuelle assez spectaculaire de nos financements externes de recherche. Et de baisser ces fonds de façon significative aura des impacts, pour l'UQAM, dramatiques dans la lancée que nous avons pour contribuer à la société à travers notre recherche. Donc, il y a là, je pense, un cri d'alarme qui est donné, extrêmement fort, pour l'université.

En ce qui concerne les frais indirects de recherche, nous saluons et nous remercions le gouvernement d'avoir mis en place les frais indirects de recherche à hauteur de 55 % pour ce qui concerne les subventions accréditées qui nous sont données. Cependant, nous sommes encore confrontés ? et c'est extrêmement difficile pour nous ? à des négociations sans fin avec les différents organismes publics et ceci retombe également sur nos négociations avec le privé. Lorsque que nous faisons des contrats de recherche, lorsque l'on parle de recherche contractuelle, souvent ce que l'on entend, c'est de nous dire: Nous finançons déjà les universités, nous, le gouvernement, pourquoi devrions-nous payer les frais indirects? Et ça, ça crée une pression extrêmement forte sur l'université, et nous n'avons pas les ressources pour répondre à cette demande de notre croissance, à cette demande de notre succès, parce que nous n'avons pas les frais indirects de recherche.

Alors, ce que nous demandons, c'est que les ministères se mettent au diapason de ce que l'on fait pour les subventions accréditées, en ce qui concerne les subventions non accréditées et les contrats de recherche que nous faisons avec les ministères.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue à mon tour au nom de ma formation politique. Et je vais reprendre là où vous avez terminé, M. Denis, quant à votre dernière intervention, et je vais m'adresser au ministre de l'Éducation d'abord et à son gouvernement. J'ai le loisir de le faire à l'intérieur de cette commission.

Effectivement, dans le document de consultation, il y a quelques affirmations bien senties sur les interventions du gouvernement fédéral qui viennent restructurer littéralement nos institutions, et on n'y va pas dans la nuance, hein, parce que je vous lis une phrase simplement ici: «Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral est intervenu massivement dans le domaine de la recherche universitaire. L'ampleur des subventions fédérales met d'ailleurs en relief des effets structurants que ces octrois entraînent sur l'organisation universitaire et sur la capacité limitée du gouvernement du Québec de financer la contrepartie demandée par certains programmes fédéraux.» Et, pour avoir moi-même été associée à l'occasion à des décisions que j'ai dû prendre pour soutenir des demandes dans le domaine de la recherche en particulier, je peux témoigner de l'impact réel des décisions prises par Ottawa.

Alors, je veux simplement dire au ministre de l'Éducation que non seulement je suis sensible à l'appel que nous lance le recteur de l'Université du Québec à Montréal, mais que nous serions disposés à l'appuyer dans quelque démarche que ce soit qui irait dans le sens d'aller rechercher les sommes qui sont d'ailleurs le résultat de nos impôts, hein, du côté d'Ottawa, qu'on le fasse par des transferts ou par les points d'impôt, et que le Québec n'a jamais été aussi fort dans la capacité qu'il a eue d'aller rechercher ce qui lui appartenait que lorsqu'il a été solidaire. Et on a eu un bel exemple à cet égard-là avec les bourses du millénaire. Je pense que votre sous-ministre pourrait en témoigner, il occupait à ce moment-là une autre fonction. Et le président de la Conférence des recteurs, qui était d'ailleurs le recteur de l'Université McGill, le doyen de l'Université McGill ? pardon, comment on dit ça? ? M. Shapiro... le principal de l'Université McGill, M. Shapiro, a été à la tête de cette coalition.

Alors, je vous réitère le fait que je crois que nous devons à cet égard nous engager dans une démarche systématique de représentation pour nous assurer que les sommes disponibles soient transférées, remises au Québec. Et il en va de notre avenir et des choix que nous pouvons faire, et nous savons que nous avons tous les talents pour les faire. La preuve en est faite depuis déjà des années, mais elle nous est refaite encore avec les témoignages qui nous sont rendus depuis quelques jours, puis on va voir, dans les prochaines semaines, que ça va essentiellement dans le même sens.

Alors, je vous le redis, je ne doute pas que vous ayez imaginé que c'était le cas, mais je crois qu'il faut faire une offensive et il faut qu'elle soit sérieuse à cet égard. Et tous les partenaires, je suis persuadée, seraient d'accord pour être associés à une telle démarche parce qu'ils en subissent, comme nous et comme les différents décideurs dans le monde de l'éducation, les effets déstructurants. Alors, dans ce sens-là, votre plaidoyer est particulièrement intéressant et stimulant sous cet angle.

Je vais maintenant revenir à un élément que vous abordez et qui est la qualité de la formation et de la recherche. Dans le document que vous nous présentez, au-delà des recommandations, vous faites une analyse assez sérieuse et serrée. J'aime bien votre mémoire parce qu'il est très synthétique, mais il va aux choses essentielles.

Vous abordez la question des ratios professeur-étudiants, la question des chargés de cours qui, à votre point de vue, est assez élevée et peut-être un peu trop. J'aimerais vous entendre sur ça, le ratio chargés de cours versus professeurs réguliers. Et vous affirmez, dans l'une des parties du texte, à la page 11, en parlant des conséquences du fait que vous n'ayez pu recruter le nombre de professeurs que vous souhaitiez recruter non seulement pour renouveler, mais en plus pour corriger la situation historique à laquelle vous avez été confrontés, compte tenu de la jeunesse de l'institution, vous dites: «Les conséquences de cette situation sont nombreuses, à commencer par l'augmentation de la charge de travail professorale due à la croissance des effectifs étudiants, des nouvelles exigences de la formation, etc. Et, dans cette situation, on assiste à une désarticulation du lien entre l'enseignement et la recherche, alors que toutes les incitations pour améliorer la réussite au premier cycle et pour stimuler les études de maîtrise et de doctorat plaident dans le sens contraire.» J'aimerais ça que vous élaboriez un peu sur cela.

Le Président (M. Kelley): M. Denis.

M. Denis (Roch): Vous abordez la question des chargés de cours, vous abordez aussi la question du lien enseignement-recherche. Mes collègues peuvent contribuer aux éléments de réponse que nous voulons apporter à votre question.

Sur les chargés de cours, vous dites: Peut-être un peu trop, à votre point de vue. Mon point de vue a évolué au cours des ans sur cet enjeu. L'UQAM, depuis sa création donc relativement récente, n'a pu se développer que parce qu'elle a pu compter sur des milliers de personnes qui, venant de l'extérieur, ont apporté et apportent une contribution essentielle, tellement essentielle que sans elle nous ne serions pas là où nous sommes. Cette contribution constante doit être reconnue pour ce qu'elle est. C'est pourquoi je dis que mon point de vue a évolué au fil des ans. Je dis ceci: Nous allons continuer, même avec des financements publics redressés à la hauteur de ce qu'il faut, de pouvoir et de devoir compter sur l'apport de cette expertise essentielle.

Mais, quand nous n'avons pas et puisque nous n'avons pas d'argent, parce que nous n'avons pas de marge de manoeuvre, il nous est à peu près impossible de travailler efficacement à ce que j'ai appelé, dans mon introduction, l'amélioration des statuts ou du statut de cette catégorie d'emploi de manière à faire en sorte qu'elle soit mieux en phase ou en imbrication avec les missions essentielles de l'université qui sont celles du lien... ou qui se révèlent ou se traduisent dans le lien de l'enseignement et de la recherche. Il n'est pas normal que nous ne puissions, par rapport à nos groupes d'emploi et avec tous nos groupes d'emploi, faire en sorte que nous puissions maximiser au mieux l'apport au développement imbriqué de ces missions d'enseignement et de recherche.

n(11 h 20)n

Mais, pour pouvoir travailler avec les chargés de cours sur l'amélioration de leurs conditions et ? je dis très clairement ? en particulier sur leur apport qu'ils fournissent ou pourraient fournir mieux au développement en recherche, il nous faut des moyens dont nous ne disposons pas, pour l'essentiel. C'est une intention, c'est un projet, c'est une volonté, mais il nous faut de l'argent des fonds publics pour pouvoir réaliser mieux ce que nous faisons avec ce groupe d'emploi.

Sur le lien enseignement-recherche, l'absence de moyens produit d'étonnantes distorsions, d'étonnantes disjonctions. Pourquoi? Parce que, si nous manquons de professeurs, avec le développement, d'un côté, des cycles supérieurs, nous voyons, pour un nombre limité de professeurs, la tâche augmenter. L'encadrement aux cycles supérieurs suppose des exigences très importantes. Nous n'avons pas les ressources suffisantes. Il y a donc augmentation de la tâche.

Si, en plus et en même temps, nous disons à nos collègues professeurs: Développez vos engagements en recherche, participez aux concours, obtenons notre part de chaires, développons nos centres de recherche, nous tirons au maximum la capacité d'engagement, et ensuite les élus, la population, ils nous disent: Mais, coudon, vos professeurs, est-ce qu'ils enseignent au premier cycle? Vos professeurs, est-ce qu'ils sont présents dans les tâches d'enseignement? Je vous ai dit ce que nous pensons de cette question. Mais la distribution des tâches suppose une augmentation du travail professoral... pardon, du nombre de professeurs. Quand nous remplaçons ceux qui partent, nous ne faisons pas de développement. Par contre, nous incitons nos professeurs à faire plus en enseignement, à faire plus en recherche.

Là, on est au rendez-vous d'un enjeu majeur qui est celui du financement public totalement insuffisant dans lequel nous oeuvrons. Le lien enseignement-recherche, il est déterminant, il définit l'université. Pour le faire, il nous faut renouveler et augmenter sensiblement. Il manque, grosso modo, de manière permanente, à l'UQAM, depuis ses débuts, disons depuis le milieu des années soixante-dix, depuis le milieu des années quatre-vingt, il manque 280 professeurs.

Le Président (M. Kelley): Alors, M. le ministre ? je vais revenir ? en signalant qu'il vous reste sept minutes.

M. Reid: Oui. Alors, vous me permettrez, M. le recteur, de prendre 15 secondes pour manifester à ma collègue la grande satisfaction que j'éprouve à voir l'opposition officielle appuyer nos positions gouvernementales, en particulier sur les matières constitutionnelles.

J'en reviens à l'UQAM et je voudrais vous entendre, dans les minutes qui restent, sur le rôle, et dans une perspective de qualité, d'accessibilité, de financement des universités, le rôle que l'UQAM peut, veut, pourrait jouer dans le développement des régions du Québec, dans le développement d'un réseau universitaire également, d'un système universitaire réseauté. Et je vous préviens que nous allons... Nous avons rencontré une constituante. Nous allons rencontrer également plusieurs constituantes et nous allons leur poser la même question.

M. Denis (Roch): M. le ministre, je suis, je l'ai dit, partisan de la conception que vous émettez dans vos remarques préliminaires, à savoir que le développement régional n'est pas un enjeu des régions et pour les régions. Il devrait, il doit être considéré comme un enjeu national.

L'UQAM fait déjà, par l'intermédiaire du réseau de l'Université du Québec, sa part dans ce soutien au développement des régions, notamment par les programmes que nous mettons en oeuvre et par leur extension. Ce n'est pas rien. C'est considérable. On veut faire plus, on veut faire mieux. Mais, quand je plaide pour le développement régional, je vous avoue que j'aimerais mieux ne pas être recteur d'une université montréalaise parce que, pour les gens des régions, mon propos, venant de Montréal, paraît suspect. C'est comme si je disais: Je veux votre bien, et les régions me répondent: Tu ne l'auras pas. J'aimerais mieux être recteur de région puis dire la même chose au complet, c'est-à-dire: Il faut absolument soutenir sans retenu le développement des universités montréalaises. Elles sont une locomotive, une base de lancement, un tremplin essentiel. Vous ne couperez pas là-dedans pour soutenir les régions. Ce n'est pas des vases communicants.

Je voudrais pouvoir le dire et dire en même temps: Le Québec ne peut pas se passer d'un développement universitaire d'enseignement et de recherche de haut niveau sur l'ensemble de son territoire. Vous l'avez dit dans vos remarques préliminaires, j'insiste à nouveau, je partage entièrement cette vision, mais il va falloir que nous nous mettions ensemble pour essayer de rompre, une bonne fois pour toutes, cette espèce de deux solitudes qui marchent en parallèle et ne se rencontrent pas. Peut-être que, dans l'université, nous voyons se refléter notre drame existentiel national. Mais l'université, l'Université du Québec en particulier, qui est un réseau déjà constitué, devrait permettre, avec l'ensemble des établissements universitaires du Québec, de Montréal comme des autres villes, de Québec ou des régions, devrait permettre de revisiter cette question pour faire de notre développement diversifié et combiné, comme je l'ai dit dans mes remarques, un succès. Nous en avons absolument besoin. C'est ça, notre approche, à l'UQAM, sur le développement régional, le soutien à l'activité des régions, et je le dis avec d'autant plus de conviction que nous faisons quelque chose déjà. Je n'en parle pas au futur. Il n'y a personne qui peut dire que l'UQAM n'est pas l'université de grande ville qui ne fait pas son effort pour soutenir le développement universitaire du Québec à l'échelle nationale.

Le Président (M. Kelley): Ça va, il vous reste trois minutes, ou... Un autre intervenant à ma droite.

M. Reid: Bien, s'il me reste du temps... Je pensais que le temps coulait plus vite, là, mais j'étais pris par, je pense, l'éloquence du recteur et la valeur de ses propos.

Il y a un dernier point. J'aimerais entendre l'UQAM sur la question des étudiants étrangers ? vous en parlez un peu ? leur apport bien sûr à l'UQAM, mais aussi des éléments concernant la déréglementation. Certains parlent de droits de scolarité. Quelle est la position là-dessus? Est-ce que c'est différent du reste de la position concernant l'accessibilité? Et aussi cette question qui revient, disons, chaque fois qu'on parle d'ouvrir nos portes à des étudiants et des étudiantes d'origine étrangère, parfois de pays qui ont grandement besoin de diplômés universitaires, et on parle, dans beaucoup de cas, de la possibilité de garder ces étudiants et ces étudiantes ici, au Québec, pour combler nos besoins, alors qu'on en priverait donc leurs pays d'origine. Est-ce que cette dynamique-là, disons, à l'UQAM, est une dynamique qui influence le cours des choses?

M. Denis (Roch): Peut-être que ma collègue voudra préciser un certain nombre de choses sur ce que nous faisons au titre de l'accueil des étudiants étrangers à l'UQAM, mais je voudrais pour ma part vous dire ceci: Il faudrait bien que la main gauche n'ignore pas ce que fait la main droite. Si, d'une part, nous disons: Comme société, nous voulons être extrêmement attractifs, nous voulons pouvoir attirer les étudiants étrangers chez nous, il faut donc que nous soyons en mesure de les accueillir sans dresser devant eux d'insurmontables barrières financières. Il faut être accueillants de la main droite et de la main gauche. Il y a un enjeu, là, lié aux droits de scolarité et il serait pervers, à la limite malsain, que nous essayions d'aller chercher du côté des étudiants étrangers des choses que nous ne sommes pas capables de régler comme société avec notre propre milieu universitaire. Donc, il faut que nous soyons convergents dans les approches que nous développons vis-à-vis des étudiants étrangers.

Ils sont un pôle de développement, une composante de développement tout à fait majeure, et je pense que ce sera le cas de plus en plus. Avec eux, nous avons non seulement des ressources, des compétences, nous avons aussi l'action d'un rayonnement universitaire remarquable. Notre but n'est pas de vider de tous les pays d'où ils viennent les cerveaux pour nous les prendre ici. Ce n'est pas notre optique. À l'UQAM, nous avons une vision très précise là-dessus. Nous ne voulons pas vider les pays avec lesquels nous avons des accords ou les universités avec lesquelles nous avons des accords, notre optique n'est pas de les vider de leurs compétences, au contraire. Cependant, il est un fait incontestable que, lorsque des étudiants étrangers viennent ici, ils peuvent choisir de s'y installer, d'y vivre, ici, et cela est aussi un enrichissement pour notre société, notre collectivité.

Je ne sais pas s'il reste du temps pour donner quelques éléments...

n(11 h 30)n

Le Président (M. Kelley): Ceci met fin à cet échange. Je suis maintenant prêt à passer la parole à... Est-ce que... Le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Moi, je vois, dans vos données, ici, là, que vous avez... ça varie de 48,2 % à 50 % des étudiants qui sont à temps partiel. J'imagine que, quand les étudiants sont à temps partiel, ils n'ont aucune aide financière, de prêts et bourses. Ce doit être impossible, parce que... Moi, j'ai une étudiante chez vous, elle est à temps plein, puis tous les critères qu'ils nous demandent pour qu'elle ait accès aux prêts et bourses... Quelqu'un qui a un travail à temps partiel ne doit avoir aucune manière d'avoir de l'argent dans les prêts et bourses. Est-ce que c'est possible qu'ils aient de l'aide ou si c'est impossible?

Le Président (M. Kelley): Mme Lamoureux.

Mme Lamoureux (Carole): Les étudiants à temps partiel effectivement n'ont pas droit aux prêts et... Bien, il faut qu'ils soient inscrits au moins à quatre cours. Par contre, à l'université, dans nos politiques ? et ça vaut pour la question qui était tantôt des étudiants étrangers ? on ne fait pas de distinction, par exemple, pour avoir des postes d'auxiliaire d'enseignement ou d'assistant de recherche. Ou même, si on est étudiant étranger, on a une seule politique en ce qui a trait à l'embauche de nos propres étudiants, ce qui constitue souvent une aide d'appoint. Alors, les étudiants, même s'ils sont à temps partiel, peuvent se voir offrir des postes d'auxiliaire d'enseignement ou des postes d'auxiliaire de recherche. Mais effectivement le problème est très important pour les étudiants à temps partiel au point de vue de leur disponibilité aux études, et c'est là qu'on a le plus faible taux de persévérance, d'ailleurs.

M. Grondin: Est-ce que, selon vos études ? parce que sûrement que vous devez en avoir fait ? les années qui s'en viennent, le nombre d'étudiants, est-ce que la proportion va diminuer? On voit, dans les écoles, dans les cégeps, les polyvalentes, que ça baisse un peu partout, le nombre d'étudiants. Est-ce que l'université... Pour les 10, 15, 20 prochaines années, est-ce que vous voyez une décroissance de la population universitaire?

Mme Lamoureux (Carole): Non, pas sur Montréal, certainement pas, pour différentes raisons. D'abord, l'exigence du marché du travail va en croissant du point de vue de la diplomation: au moins le bac, mais, dans plusieurs cas, c'est un cycle supérieur, souvent professionnel. Alors, il y a là... Ensuite, il y a les étudiants étrangers qu'on accueille de plus en plus. Et tu as aussi une plus grande persévérance des étudiants du collège vers l'université. Auparavant, les gens qui terminaient un D.E.C. ne s'inscrivaient à l'université que dans une proportion de 30 %, je pense; maintenant, ça va au-delà de 50 %. Alors, ce qui est vécu par les cégeps, en région surtout, est beaucoup moins vécu par les cégeps sur l'île de Montréal et n'est pas vécu dans les universités. D'autre part, la formation continue augmente beaucoup, hein? Les gens ont maintenant des modifications de carrière quatre, cinq fois dans leur vie professionnelle, et à ces occasions-là ça exige souvent une remise à jour des compétences, ce qui est un nouveau besoin auquel doit répondre... pas nouveau, mais un besoin de plus en plus important auquel doivent répondre les universités.

M. Grondin: Merci.

Le Président (M. Kelley): Ça va?

Mme Marois: Oui. En fait, oui, une question brève.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon, mais il y a également un de vos collègues qui veut intervenir.

Mme Marois: Oui. C'est ça, effectivement. Nous nous sommes entendus. Il y a une grande cohérence, dans votre mémoire, sur toute la question de faciliter l'accessibilité, évidemment accompagner la réussite, et, à la fin, quand vous terminez en disant: Nous sommes d'accord avec le gel des frais de scolarité et un financement public des universités, cela témoigne évidemment de cette volonté que vous avez d'assurer une plus grande accessibilité.

Dans votre document, autant à la page 7 qu'à la page 13, vous faites référence aux nombreuses pratiques et mesures que vous avez mises en place pour contribuer au rattrapage scolaire de la population longtemps exclue. J'aimerais ça que vous m'en parliez un peu et quant à ses résultats concrets, un. Et, deux, dans l'appui à la réussite, vous indiquez aussi que, depuis quelques années, vous avez amélioré le taux de persévérance après un an d'étude dans plusieurs baccalauréats et certificats. J'aimerais que vous me parliez des stratégies que vous avez utilisées pour arriver là.

M. Denis (Roch): Puis-je demander à ma collègue Carole Lamoureux?

Mme Lamoureux (Carole): Bien, je pense que sont bien décrites quelques caractéristiques des étudiants et étudiantes de l'UQAM. L'UQAM d'abord est une université féminine, 62 % sont des étudiantes, est une université à 50 % de personnes qui travaillent à temps partiel, est une université où 70 % des gens, c'est une première génération de diplômés universitaires, est une université où il y a 50 % des gens qui travaillent plus de 20 heures par semaine pour gagner leurs études.

Alors donc, tout ça mis ensemble est une jeune université, est une université dont le corps professoral a été pendant longtemps du même âge que ses étudiants ? ça tend à changer malheureusement ? alors plusieurs... ces caractéristiques ont commandé beaucoup de facteurs d'adaptation. D'ailleurs, la revue Maclean's disait, avait considéré en tout cas ? avec ce que ça vaut ? que nous étions l'université avec la valeur ajoutée la plus importante au pays, en ce sens que le nombre de personnes, étant donné les cotes R, le non-contingentement de plusieurs programmes et le taux de diplomation, en conséquence faisait en sorte que, en quelque part, c'est nous qui travaillions le plus fort pour la diplomation de certains étudiants.

Bon. Ceci étant, il y a eu un certain nombre de stratégies qui ont été mises en place à l'UQAM, qui ont favorisé cette ouverture et cette diplomation. Au départ, l'accent a été porté sur la participation des étudiants à leur comité de programme, une université très démocratique, très proche de ses étudiants, qui permettait ceci ainsi que des groupes-cours les plus petits possible. Ça, ce sont des stratégies qui, malheureusement... bien, pas la participation des étudiants au comité de programme, mais ce sont des stratégies... Mais, en tout ce qui a trait aux petits groupes-cours, il y a un encadrement très personnalisé. D'ailleurs, dans les sondages, les étudiants vont nous dire: C'est une université où les professeurs sont proches des étudiants. Bon. Ça, ça commence à être pas mal de moins en moins vrai étant donné que malheureusement la taille de nos groupes-cours ne cesse d'augmenter.

Alors ça, ce seraient les stratégies qui ont été mises en place récemment. C'est la participation plus importante des chargés de cours et des étudiants gradués à l'encadrement des étudiants de premier cycle par des techniques comme le monitorat, ce qui nous permet de rémunérer nos étudiants de cycle supérieur pour agir comme moniteur au premier cycle. Les résultats dont on fait état ici ? alors, cette expérience dure maintenant depuis quatre ans ? démontrent que ce système de monitorat est le plus efficace, il joue le plus significativement et très fortement à augmenter, dans certains cas jusqu'à 20 %, 25 %, la persévérance, surtout dans les programmes où les étudiants sont à temps partiel. L'étudiant à temps partiel a moins d'attachement à l'université, il doit développer des liens significatifs avec quelques personnes de l'université.

Alors ça, c'est un programme, de monitorat, qu'on compte développer de plus en plus, ça ainsi que les programmes de transition, c'est-à-dire que l'UQAM accueille certains étudiants que d'autres universités peut-être n'accueilleraient pas, ce qui fait en sorte... Et nos cours sont aussi exigeants, d'aussi grande qualité. Alors donc, il y a un effort important qui est demandé de la part des étudiants. Alors, on veut miser de plus en plus sur des programmes de transition qui feraient en sorte de mettre à jour les compétences des étudiants.

Alors, ces mesures-là sont déjà en place dans certains programmes, sont à l'étude, sont pilotes ? on parlait du FARE tantôt ? mais demandent beaucoup d'énergie et demandent la participation aussi des chargés de cours, des étudiants de cycle supérieur. Il faut être très créatif pour trouver les... en tout cas pour augmenter le nombre de partenaires qui vont nous aider à atteindre ces objectifs-là.

M. Denis (Roch): J'ajouterais, si vous me permettez, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Un tout petit dernier mot, s'il vous plaît.

M. Denis (Roch): L'investissement et les déploiements en recherche, ça peut paraître paradoxal ou non évident, mais ils sont tout à fait déterminants dans l'offensive que nous menons au plan de l'enseignement pour la qualité et pour la persévérance aux études aussi. Au fil des ans, et sans revendiquer l'appellation contrôlée que revendiquent à bon droit l'Université McGill et l'Université de Montréal d'être, notamment du fait de leur présence dans le secteur biomédical-santé, des facultés à forte intensité de recherche, je peux dire que l'UQAM est devenue, elle aussi, une université à intensité de recherche. Dans les domaines où elle oeuvre, ses déploiements sont devenus extrêmement importants, et cela influe, irrigue constamment, par l'intermédiaire des professeurs bien sûr mais par l'intermédiaire des équipes, sur nos développements en enseignement. C'est un couple qui va ensemble et par rapport auquel nous sommes particulièrement soucieux d'assurer la relation imbriquée.

Le Président (M. Kelley): Alors, merci beaucoup. Sur ce, j'ai juste à vous remercier pour le portrait que vous avez dressé de votre université. Et je vais maintenant demander aux représentants de la ville de Montréal de s'approcher, et on va suspendre quelques instants pour notre politesse rapide.

(Suspension de la séance à 11 h 40)

(Reprise à 11 h 43)

Le Président (M. Kelley): Si les membres veulent prendre place, s'il vous plaît.

Je note que notre prochain invité sollicite l'intérêt de quelques-uns de nos collègues non-membres, alors je dis bienvenue littéralement à un Grand Montréal, à notre collègue de Notre-Dame-de-Grâce, à Mme la députée de Bourget et également à Mme la députée de Pontiac, qui à ma connaissance n'est pas un comté sur l'île de Montréal, mais vous êtes la bienvenue quand même. Et, sur ce, je donne la parole à un ancien membre de l'Assemblée nationale, le maire de Montréal, M. Gérald Tremblay.

Ville de Montréal

M. Tremblay (Gérald): Alors, merci, M. le Président. M. le ministre de l'Éducation, Mme la critique officielle en matière d'éducation, Mmes et MM. les députés, d'entrée de jeu, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: alors, Michael Di Grappa, de l'Université Concordia; Mme Heather Monroe-Blum, de l'Université McGill; Robert Lacroix, de l'Université de Montréal; et Roch Denis, de l'Université du Québec à Montréal.

D'entrée de jeu, je voudrais vous dire ceci: À Montréal, lors d'un incendie, il y a cinq niveaux d'alerte. La cinquième alerte est le symbole du niveau de danger le plus élevé. C'est là qu'on appelle le maire et on mobilise tous les intervenants: plus de 100 pompiers, les policiers ferment les rues, Urgences-santé est sur place, la Société de transport de Montréal a ses autobus, Jeunesse au soleil, la Croix-Rouge, l'Armée du Salut, des bénévoles, un poste de commandement qui intègre le tout.

Je dirai d'abord que le développement de Montréal comme métropole en forte croissance reconnue à l'échelle mondiale repose en bonne partie sur la force, la qualité et les perspectives de développement futur de ses universités. Mais où prendre l'argent pour leur permettre de jouer pleinement leur rôle? Depuis le début de la commission parlementaire, plusieurs intervenants sont venus poser le problème de la qualité, de l'accessibilité et du financement des universités. Qu'est-ce qui en ressort? Les étudiants ne veulent pas payer plus et citent, pour appuyer leur cause, des exemples de villes où les droits de scolarité sont nuls, comme en Suède, en Norvège ou en Finlande. Le gouvernement parle de finances publiques dans une situation d'équilibre précaire et d'une contribution de l'État qui représente déjà 66 % des revenus des universités du Québec, bien plus que dans le reste du Canada. Enfin, les entreprises privées disent donner déjà beaucoup. En attendant, depuis trois ans, on s'acharne à trouver comment, à partir de la même tarte, on peut couper différemment les parts. On aboutit à un dialogue de sourds, le problème étant que nous partageons toujours la même tarte. Globalement, l'argent n'a pas augmenté. Chacun défend alors sa position avec acharnement. Conséquence: on fait du surplace.

Pour ma part, en continuant à se demander comment partager la même tarte pour satisfaire tout le monde, on passe à côté des vraies choses. Il nous faut vite réviser nos positions et élargir notre façon de voir. C'est la première chose sur laquelle nous devons nous entendre. Allons-nous tous ensemble regarder graduellement la société québécoise s'appauvrir davantage, surtout si on se compare aux économies en forte croissance? Voulons-nous être des naufragés de la nouvelle économie mondiale, fondée sur le savoir et l'innovation? Si on ne prend pas tout de suite le parti de renforcer Montréal comme ville de savoir, nous allons collectivement nous déclasser par rapport aux autres centres urbains qui ont déjà, depuis plusieurs années, donné un coup de barre pour faire partie de ces villes de savoir.

Montréal est le moteur économique du Québec. Avec la moitié de la population du Québec, la région métropolitaine représente près de la moitié du PIB et 70 % de ses exportations. Donc, quand Montréal va bien, elle contribue, ne serait-ce que du côté des rentrées fiscales, à l'amélioration de la situation de l'ensemble du Québec. Mais, quand Montréal va mal, l'inverse est aussi vrai.

Comment se fait-il qu'avec tous nos actifs, avec tous nos réseaux, avec tout notre potentiel, avec tous nos talents Montréal se retrouve aujourd'hui dans une telle situation? Où se situe Montréal par rapport au reste du Canada et de l'Amérique du Nord aujourd'hui? Le PIB per capita, c'est-à-dire la mesure de la richesse par habitant, est bien en dessous de celui des autres grandes villes. Le taux de chômage est, de manière chronique, plus élevé que celui de Toronto et du Canada dans son ensemble. La croissance de l'emploi est plus faible à Montréal que presque partout ailleurs dans les grandes villes canadiennes. En ce qui concerne le taux de scolarité universitaire de la population montréalaise, c'est simple, nous occupons la 43e place sur 43 parmi les villes de plus de 1 million d'habitants en Amérique du Nord. Difficile de faire pire ou facile de faire mieux.

Fait encore plus inquiétant, la croissance de l'emploi de haut savoir, c'est-à-dire l'emploi dans les secteurs de haute technologie et dans les autres secteurs où les travailleurs ont des qualifications élevées et où on fait beaucoup de recherche et développement, ce taux d'emploi est plus faible à Montréal que dans presque toutes les grandes villes canadiennes. Prenez une région comme Calgary, eh bien, l'emploi de haut savoir y a crû de 67 % au cours des dernières années. À Ottawa, à Québec, à Toronto, il a crû de plus de 30 %. À Montréal, il a été en deçà de 20 %.

Prenez également le nombre de brevets octroyés. Dans le secteur de la biopharmaceutique, où nous sommes un chef de file, la performance de Montréal en termes de brevets est très moyenne par rapport aux autres grandes métropoles nord-américaines, au prorata de sa population. Prenez enfin la valeur des investissements en capital de risque dans les secteurs de pointe. Le nombre et l'importance des investissements à Montréal dans les secteurs comme les technologies de l'information et la biopharmaceutique restent bien insatisfaisants par rapport à ceux de Toronto ou d'autres grandes villes nord-américaines.

Et ce n'est certainement pas parce que les universités montréalaises n'ont pas fait d'effort au cours des dernières années. Ce n'est pas parce que notre société n'a pas investi dans son système d'enseignement. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de jeunes intéressés à se former. Montréal a tout pour réussir. Mais Montréal a aujourd'hui, juste derrière Boston, la plus forte concentration d'étudiants universitaires des grandes villes nord-américaines. Nous avons la plus forte proportion de recherche universitaire des grandes villes canadiennes. Notre société investit en éducation, et même beaucoup. On est encore capables d'attirer des talents intéressés à venir relever avec nous les défis que pose Montréal, ville de savoir.

n(11 h 50)n

Lorsque je dis que Montréal est une ville de retour, on a un bel exemple avec Mme Heather Monroe-Blum, à ma gauche, qui est revenue de Toronto à Montréal pour nous aider. Puis il suffit également de penser au nouveau directeur du centre d'innovation Génome Québec ou au nouveau président du Centre universitaire de santé McGill.

Alors, comment se fait-il qu'au niveau économique nous n'ayons pas plus de résultats tangibles de toute cette effervescence? Ce qui ressort de tous ces chiffres, c'est que Montréal a fait d'immenses progrès depuis 30 ans pour sortir des secteurs à forte intensité de main-d'oeuvre, embauchant des travailleurs peu qualifiés, et se positionner dans les secteurs du savoir. Mais il faut qu'elle fasse encore plus. Les résultats ne sont tout simplement pas suffisants. Nous manquons de masse critique dans certains secteurs de pointe. Dans les technologies de l'information et de communication, par exemple, Montréal a beau avoir un ratio de travailleurs per capital élevé, elle n'a aucune activité de recherche et développement majeure, à l'exception d'Ericsson. Sa structure est composée d'un grand nombre de petites et de très petites entreprises, ce qui n'est pas compensé par la présence de quelques très grandes entreprises capables de porter les nouvelles idées, et produits, et services vers une production et une consommation de masse, comme on le retrouve notamment à Silicon Valley.

Je vous le dis, ces résultats, en termes de performance économique, sont inquiétants, autant pour Montréal que pour le Québec, surtout quand on constate que le rythme de transformation des économies du savoir s'accroît partout dans le monde. Les pays en voie d'industrialisation rapide, comme la Chine et l'Inde, ne se saisissent pas uniquement des activités industrielles traditionnelles des pays avancés, ils leur font aussi concurrence sur le plan de nouveaux secteurs de croissance, comme les technologies de l'information. On n'a qu'à penser à des compagnies comme CGI, qui s'implante en Inde, et Bombardier, qui a ouvert des bureaux d'ingénierie en Inde et qui sous-traite du travail pour abaisser ses coûts et être plus concurrentielle.

Tous les grands centres urbains nord-américains courent le risque d'être déclassés. Il leur faut investir massivement dans les nouveaux secteurs de croissance, à la frontière du savoir, pour garder une longueur d'avance. Il leur faut une forte proportion de diplômés universitaires qualifiés. Montréal est particulièrement à risque quand on pense que sa structure économique comporte encore beaucoup d'activités industrielles intensives en main-d'oeuvre peu qualifiée et que seulement 20 % des Montréalais de plus de 24 ans détiennent un diplôme universitaire.

On le constate d'ailleurs quand on questionne les travailleurs stratégiques montréalais. Qu'ils vivent ici ou qu'ils travaillent à l'étranger, la majorité nous disent que le bassin d'emplois de haute technologie et de haut savoir est trop limité, à Montréal, pour attirer et retenir à long terme suffisamment d'individus. Ces jeunes talentueux nous disent aussi qu'il n'y a pas assez d'emplois avec des mandats d'envergure internationale dans des secteurs porteurs et que la possibilité de déplacements latéraux d'une entreprise à l'autre est trop limitée. Pour être une ville de savoir, il faut s'adapter aux nouveaux comportements des jeunes travailleurs. Ils ne s'installent plus pour 25 ans dans une entreprise pour y franchir graduellement les échelons hiérarchiques. Ils veulent changer, expérimenter des défis à la hauteur de leur talent, sentir qu'ils sont branchés sur le monde, qu'ils sont au coeur de développements interdisciplinaires stimulants.

Alors, quels moyens avons-nous pour être un chef de file mondial, pour attirer et retenir les meilleures entreprises de savoir et les individus les plus talentueux? Prenons la peine de regarder où se trouve la croissance économique la plus forte aujourd'hui: dans les pays et les métropoles où on investit massivement dans l'éducation, les infrastructures, les arts et la technologie. Il n'y a pas de secret. Il nous faut donc, nous aussi, accélérer notre croissance économique en acceptant d'investir pour rester parmi les chefs de file de l'économie mondiale.

On sait que les universités montréalaises font fructifier par six l'argent de l'État. Le milliard de dollars en subvention investi chaque année dans les universités génère 6 milliards de dollars de croissance économique au Canada, dont 4,2 milliards au Québec. De ce 4,2 milliards de dollars, 1,2 milliard provient de l'augmentation de la productivité des travailleurs formés et 3 milliards de l'augmentation de la productivité de l'économie grâce à une plus grande diffusion des connaissances. Alors, imaginez ce que les universités montréalaises pourraient générer comme valeur économique avec plus d'investissements.

Il faut donc arrêter d'avoir peur d'investir et de repousser dans la cour de l'autre le problème de financement des universités et de la métropole montréalaise. C'est ce qu'ont compris les pays et les villes qui réussissent le mieux aujourd'hui dans l'économie du savoir. Les métropoles qui font concurrence à Montréal pour attirer et retenir les entreprises et les travailleurs qualifiés investissent massivement depuis 20 ans, d'année en année, sans dérougir, dans les infrastructures, l'éducation, les secteurs de pointe et les arts. Un grand sentiment d'urgence les anime. Elles font tout en leur pouvoir pour se positionner dans l'économie du savoir en accélérant l'investissement. Elles n'investissent pas que dans un seul secteur et elles le font dans une vision intégrée du développement. C'est ça, le secret de leur réussite.

Je pense donc qu'il nous faut, nous aussi, aborder les questions autrement. Pour illustrer ce que je vais dire, pensons à des villes comme Dublin, Austin et Singapour. À prime abord, elles n'ont rien en commun, et pourtant chacune d'entre elles a décidé un jour de penser à son développement de façon intégrée pour se positionner à la bonne place dans l'économie du savoir. Pour y parvenir, chacune a fait appel à une combinaison différente d'investissements de trois types: des investissements de pointe en science et en technologie, des investissements classiques dans les infrastructures et des investissements stratégiques dans les arts et la culture. Les résultats sont là.

Prenez Dublin. Au début des années 1980, le PIB per capita de Dublin était de 60 % inférieur à la moyenne de l'Union européenne, et son taux de chômage était de 16 %. Elle avait toutes les caractéristiques des villes industrielles en déclin: activités manufacturières à forte intensité de main-d'oeuvre, faible niveau de scolarisation. Eh bien, elle s'est donnée une vision et des objectifs. Avec l'aide du gouvernement irlandais, elle a investi dans ses universités, investi massivement dans ses infrastructures et attiré des multinationales de haute technologie. Le résultat: elle est aujourd'hui exportatrice de produits à fort contenu technologique. Son PIB est supérieur à la moyenne de l'Union européenne et son taux de chômage de presque 0 %. Le revenu moyen de ses ménages s'est vu multiplié par deux. Aujourd'hui, toute la ville vit au rythme des nouveaux développements économiques autant dans les secteurs technologiques qu'artistiques.

Et que dire d'Austin, avec ses 1,4 million habitants. Cette petite ville, inconnue ? du Texas ? au début des années 1980, est devenue une destination quasi incontournable pour les jeunes travailleurs de savoir dans les technologies de l'information. Elle se targue d'être la capitale mondiale de la musique «live», innovant constamment dans les arts et spectacles grâce au mariage de nouvelles technologies. Elle fait partie des villes les mieux cotées au niveau mondial parmi les villes de savoir grâce à son taux de croissance économique et son degré d'innovation, entre autres. Depuis 1990, elle a eu une meilleure performance économique que l'ensemble de l'État du Texas et des États-Unis, du point de vue de la croissance du revenu des ménages, des salaires et de l'emploi. Encore cette année, elle connaît une croissance de l'emploi en technologie supérieure à celle de Boston ou San José. Le secret de sa réussite: depuis 20 ans, elle a investi massivement dans le développement de son économie et de ses infrastructures. Qu'est-ce qu'elle fait pour préparer l'avenir? Elle renforce sa position dans les nouvelles technologies de pointe, elle dit qu'elle a le talent et le capital de risque nécessaires. En fait, elle prévoit que 70 % de son développement économique futur proviendra de l'entrepreneurship. Elle affirme aussi que la vie culturelle de son centre-ville est parmi ses atouts les plus importants pour attirer et retenir les étudiants et les jeunes travailleurs du savoir et qu'elle va faire tout en son pouvoir pour maintenir ce positionnement.

Enfin, pour ce qui est de Singapour, en moins de 30 ans, elle a relevé le défi d'une des économies les plus avancées du monde. Comment? En investissant dans les infrastructures, en investissant dans l'éducation et en ciblant des secteurs de pointe dans lesquels elle était déterminée à être le leader mondial. Elle a ciblé la biogénomique comme priorité pour la prochaine décennie et investi massivement, tout en poursuivant ses efforts dans les technologies de l'information et les services moteurs. Elle a également développé toute une stratégie culturelle axée sur des événements d'envergure mondiale, réunissant des artistes provenant de partout dans le monde, pour attirer et retenir les étudiants et les travailleurs du savoir. Elle a même mis en place un programme permettant à des universités de grand renom de développer chez elle des programmes gradués, ce qui fait que l'INSEAD, le Massachussets Institute of Technology et d'autres ont maintenant leur campus sur place. Résultat: selon un sondage publié dans The Economist, la qualité de vie globale à Singapour dépasse maintenant celle de Londres ou de New York. Sa croissance économique a atteint 15 % certains trimestres. Et on prévoit qu'elle atteindra 6,5 % en 2004, malgré le dur coup porté par la crise du SRAS.

n(12 heures)n

Pendant ce temps, la croissance économique de Montréal tourne autour de 3 % par année. C'est simple, les villes de savoir qui réussissent le mieux aujourd'hui, comme Dublin, Austin, Singapour, sont celles qui ont investi sans relâche depuis 20 ans tout à la fois dans les infrastructures, les arts et la culture, l'éducation, la science et la technologie, en se positionnant de manière énergique pour l'avenir avec une vision intégrée.

En somme, les villes qui ont du succès dans l'ère du savoir misent sur tous les attraits d'une société postindustrielle, et cinq facteurs caractérisent ces villes: Le sentiment d'urgence, croire en la nécessité d'une transformation majeure; le leadership assumé au niveau local, tant par les acteurs publics que privés; le ciblage des opportunités et la rigueur dans la mise en oeuvre des stratégies; des investissements massifs de l'État et la persévérance dans l'atteinte des résultats; et finalement l'accent sur les prérequis de base nécessaires à la croissance d'une économie de savoir, tout ce qui permet aux travailleurs du savoir de travailler, de vivre et de s'amuser.

Devrions-nous avoir comme ambition de retrouver Montréal au sommet de classements mondiaux de villes de savoir? Comment faire pour passer d'une croissance économique de 2 % à 3 % par année à une croissance de 5 % à 6 % par année? Comment générer plus de brevets, plus d'emplois de haut savoir, plus de masse critique dans les secteurs de pointe? Montréal a des bases extraordinaires pour réussir: quatre universités en plein coeur du centre-ville, quatre grandes écoles à caractère spécifique, trois centres hospitaliers universitaires, un centre mondial de génomique et une vie culturelle que je qualifierais d'exemplaire.

Ce qu'il faut, c'est continuer d'investir massivement, comme le font les autres grandes villes qui réussissent, dans les infrastructures, l'éducation, les arts et dans les secteurs de pointe. Ce qu'il faut, c'est une mobilisation générale de tous les acteurs du développement de Montréal. Lorsque l'on se penche uniquement sur le financement des universités sans égard aux autres éléments, c'est comme si on était dans la forêt et qu'on ne voyait qu'un arbre. Ce qu'il faut, c'est voir l'ensemble. Ce que ça prend pour Montréal et pour l'ensemble du Québec, c'est une nouvelle manière de voir les choses, de penser en termes de capital humain, par exemple, et non plus de ressources humaines. Une ressource, ça se déprécie; un capital, c'est un investissement au retour illimité.

Il faut qu'on reconnaisse collectivement que nous en sommes rendus à la cinquième alerte. Il faut que nous ayons un sentiment d'urgence, une détermination inédite, une ardeur nouvelle et une persévérance inébranlable, comme cela a été le cas pour les villes qui ont réussi leur transformation. Nous devons agir sur tous les fronts à la fois. Nous devons avoir comme objectif commun Montréal, ville de savoir. Nous devons avoir une vision intégrée du développement de notre métropole et de celui du Québec. Nous devons avoir des objectifs ambitieux, nous devons avoir des indicateurs de performance et un suivi de nos actions.

Pour ma part, je m'engage à exercer un leadership au niveau de Montréal et de la région métropolitaine. Ce que je propose au gouvernement du Québec comme solution au problème récurrent de financement, c'est de devenir partenaire avec tous les acteurs du développement dans la création de la richesse nouvelle de la métropole et d'en partager les fruits et les réussites entre les Montréalais et les Québécois. Dans l'ère du savoir et de la mondialisation, les pays misent fortement sur leurs métropoles pour développer, attirer et retenir les entreprises de savoir et les travailleurs qualifiés. Montréal n'est pas en concurrence avec Québec ou une autre région mais avec toutes les métropoles du monde. La prospérité économique du Québec passe inévitablement par une mise en valeur des forces montréalaises.

M. le Président, avec votre permission, il me reste un paragraphe.

Le Président (M. Kelley): ...

M. Tremblay (Gérald): Montréal a de fortes capacités pour se positionner dans les nouveaux domaines de savoir à la frontière des développements économiques des prochaines décennies. Pour ce faire, elle doit compter sur la vitalité de ses institutions de recherche et d'enseignement, et en particulier sur sa force universitaire. Elle doit investir dans ses infrastructures, elle doit pousser l'innovation, elle doit valoriser les arts et la culture, elle doit enfin mettre en valeur tous les actifs et les réseaux d'une qualité extraordinaire qu'elle possède.

En somme, M. le Président, nous avons là tous les éléments d'un vrai projet de société. Choisirons-nous d'y investir dans une vision intégrée du développement de l'ensemble des secteurs ou de continuer de le faire à la pièce, avec les résultats que l'on connaît?

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le maire. Maintenant, la parole est à vous, M. le ministre.

M. Reid: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. le maire, bienvenue aux recteurs et vice-recteur, Mme la principale. M. le maire, à la suite de votre exposé, on voit que vous avez du pain sur la planche puis vous avez aussi beaucoup d'énergie et vous nous conviez à être des partenaires. Je pense que notre gouvernement en est et en sera.

J'aimerais peut-être vous entendre sur des éléments plus particuliers, et, pour commencer peut-être... Quand on parle partenariat, donc ce n'est pas à sens unique et c'est un effort collectif. J'aimerais vous entendre sur les efforts, les stratégies, les actions que vous prévoyez, que le gouvernement municipal, si on veut, prévoit de son côté pour participer à cet effort au niveau de ces leviers. Et je suis très heureux de voir que, dans ces efforts-là, vous voyez les universités comme des leviers importants, majeurs de développement.

Comment est-ce que... Quels sont les actions, les efforts, les stratégies que vous avez pour évidemment favoriser une action maximale de ces leviers de développement que sont les universités, pour susciter également des investissements dans les universités mais d'une façon générale dans les industries du savoir, qui, dans une théorie dont on a déjà entendu parler puis qui a fait boule de neige, je pense qu'on appelait ça les grappes industrielles, je pense, et qui donc... À la base de ça, il y a une relation étroite entre les universités et tous les centres de recherche publics et les entreprises qui oeuvrent dans ces secteurs-là. J'aimerais que vous nous éclairiez un petit peu sur la partie effectivement de Montréal dans ce type de développement. La stratégie d'ensemble, d'une façon, je pense que vous l'exprimez, mais plus spécifiquement comment aider et assurer que ces leviers-là, du côté du partenariat qu'est la ville, vont jouer leur rôle pleinement.

M. Tremblay (Gérald): Très bien.

Le Président (M. Kelley): M. Tremblay.

M. Tremblay (Gérald): Alors, M. le ministre, je vais essayer d'être bref. Alors, je vais me référer à la page 13 du document Investir dans le savoir pour accélérer le développement économique du Montréal métropolitain, que vous avez en votre possession, là. Alors, vous voyez, il y a trois cercles qui sont interdépendants puis qui sont interreliés, et on doit avoir une vision intégrée, ce que je mentionnais tout à l'heure.

Au niveau de l'art et de la culture, on avait... ou les administrations précédentes, à Montréal, avaient gelé les investissements dans le Conseil des arts. Alors, de 8,7 millions, on a pris l'engagement d'aller à 10 millions de dollars. Donc, ça n'avait pas été fait depuis 1987. Même dans une situation financière difficile, à la ville de Montréal, on a décidé d'investir. Alors, cette année, c'est 9,5 millions, et, l'année prochaine, c'est 10 millions, parce qu'on considère que l'art et la culture, c'est fondamental. C'est ce qui nous permet d'attirer et de retenir, à Montréal, des talents.

Au niveau des infrastructures, on a mis les priorités à la bonne place: la sécurité et la santé des personnes. Alors, encore une fois on se targuait, dans le monde municipal, de geler les taxes, d'avoir gelé les taxes pendant 10 ans, avec la conséquence qu'on a retardé des investissements majeurs dans nos infrastructures, que ce soit notre réseau d'aqueduc, que ce soit notre réseau routier ou dans le transport en commun.

Alors, pour nous, on a, avec beaucoup de courage et beaucoup de détermination, décidé de régler le problème, régler le problème au niveau de la gestion de l'eau. On a fait un fonds dédié à l'eau. On a demandé une contribution additionnelle de l'ensemble des contribuables personnels et corporatifs: 0,01 $ pour le personnel, 0,04 $ pour le corporatif, ça nous donne 25 millions par année. 25 millions par année pour les 10 prochaines années, ça nous fait un fonds dédié pour l'eau, et on assume, nous ? nous, la ville de Montréal ? un investissement de 10 milliards de dollars sur une période de 20 ans. Ce qu'on demande par contre, c'est 1 milliard du 10 milliards; on va en assumer 9. Alors, on veut avoir des infrastructures à la fine pointe de la technologie.

Pourquoi c'est important? C'est important parce que, quand on investit 1 $ dans les infrastructures, on génère une économie de productivité de 0,17 $ ? c'est une moyenne pondérée ? pour les entreprises. Si on génère une économie de 0,17 $ pour les entreprises, ça veut dire de façon très claire que les entreprises sont plus productives, sont plus compétitives, peuvent exporter davantage, générer des ressources financières additionnelles pour les deux paliers de gouvernement et des taxes évidemment pour la ville de Montréal.

Dans un autre document que je vous ai fait parvenir, pour être encore plus précis Montréal, ville de savoir, on a fait un partenariat avec Montréal International, la ville de Montréal et le Conseil régional de développement de Montréal. Et, si vous vous référez à la page 42 et à la page 43, on a fait un sondage. On admet que ce n'est pas un sondage scientifique. On a consulté 100 personnes qui sont au Québec ou ont quitté le Québec ? des jeunes dynamiques ? et ces personnes nous disent que, s'ils voulaient revenir à Montréal, ils reviendraient à Montréal et presque à 100 %. On nous dit que la ville choisie dans les 15 villes serait Montréal avant New York, Paris, San Francisco, Londres, Boston, Vancouver, Toronto, Melbourne, Singapour, Barcelone, Amsterdam, Tokyo ou Lausanne, à certaines conditions.

n(12 h 10)n

Quelles sont ces conditions? Première condition, la fiscalité. La fiscalité, c'est une préoccupation, mais la seule façon pour moi de régler la fiscalité, c'est de créer une richesse nouvelle. Je considère que les contribuables canadiens sont assez taxés, et, partant de là, on ne peut pas augmenter le fardeau fiscal global des contribuables. Par contre, on peut mieux établir ses priorités, comme on a décidé de le faire notamment au niveau de nos infrastructures. Pensez-vous que ça me fait plaisir de me promener avec une pelle à Montréal pour boucher les nids-de-poule? Mais la réalité, c'est qu'on va investir 50 millions de dollars. Où on le prend, le 50 millions? Dans notre budget existant, parce qu'on a décidé que c'était une priorité.

Deuxième chose, les infrastructures. Les infrastructures, que ce soit routières, que j'ai mentionnées, ou encore les infrastructures au niveau du Conseil des arts et de la culture, débat politique coûteux. J'ai même mentionné tout à l'heure qu'on était un gouvernement. Je vais vous dire franchement, je ne veux pas être reconnu comme un gouvernement, je veux juste être reconnu comme un partenaire à part entière de mon partenaire privilégié qui est le gouvernement du Québec et également le gouvernement canadien, pour qu'on puisse créer une nouvelle richesse ensemble. Je ne veux pas m'embarquer dans un débat politique coûteux. Je n'ai pas l'intention de signer des ententes avec le gouvernement fédéral, je vais signer des ententes avec mon partenaire privilégié qui est le gouvernement du Québec.

Et par la suite, si on descend, vous allez voir, ça me prend un bassin d'emplois de haut savoir. Évidemment, le climat hivernal est là, mais ça, je ne peux rien faire pour ça. Vous avez une liste, là. Donc, mon plan de match est ici. Nous, là, on ne se pose plus de questions, on ne veut plus faire de débats stériles qui font qu'on fait du surplace. On a décidé d'identifier nos priorités, nos priorités sont clairement identifiées, puis on va de l'avant. On prend dossier par dossier, puis on règle le problème et on avance.

En conclusion, c'est que, partie prenante de cette réussite, ça prend du capital humain de talent, et le lien avec les universités, pour nous, est essentiel.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Reid: Oui. Sur une autre dimension qui n'est pas si différente, mais... J'ai entendu déjà votre prédécesseur parler de l'importance, pour Montréal, d'utiliser d'une façon plus large, à l'échelle mondiale, le réseau universitaire québécois dans son ensemble, et, aujourd'hui... Surtout qu'on a entendu hier l'ACFAS parler de réseautage de la recherche, que de plus en plus la recherche se fait par réseau et que souvent évidemment les pôles sont à Montréal mais ils peuvent être aussi à l'extérieur.

Dans cette optique-là, où la recherche qui se fait dans plusieurs régions du Québec peut, quand on la regarde à une certaine distance, faire partie de cette grappe industrielle, de ces grappes industrielles montréalaises ? qui sont reconnues, disons, mondialement comme des grappes montréalaises ? quelle est votre position là-dessus? Parce qu'on parle, évidemment et à juste titre, de l'importance des quatre universités montréalaises qui sont un moteur présent, et tout ça, mais, dans l'optique où de plus en plus les universités sont réseautées, la recherche universitaire est réseautée, dans quelle mesure est-ce que, de votre part à vous, vous voyez cet apport-là comme étant des leviers supplémentaires, autrement dit, dans le développement de Montréal, qui rayonne et qui rejaillit par ailleurs sur les régions, comme vous avez dit?

Le Président (M. Kelley): M. le maire.

M. Tremblay (Gérald): Lorsque j'étais en réflexion pendant une période de cinq ans, j'ai beaucoup pensé à la question que vous soulevez, et la réponse, ça a été les discussions que j'ai eues avec le gouvernement précédent pour expliquer qu'il fallait valoriser davantage la recherche partout au Québec. Alors, c'était Valorisation-Recherche Québec.

Alors, on a réussi à convaincre le gouvernement du Québec d'investir 100 millions de dollars, à certaines conditions: 50 millions dans la recherche fondamentale, parce que c'est très important d'alimenter le pipeline, mais un autre 50 millions de dollars dans la commercialisation. Ça veut dire que c'est bien beau publier, mais il faut également breveter. Puis, en brevetant, par la suite il faut qu'il y ait des unités de commercialisation qui accompagnent les chercheurs dans la rentabilité de ces investissements collectifs en éducation ou en recherche pour qu'on puisse essaimer le plus de petites et moyennes entreprises possible.

Donc, le gouvernement du Québec a accepté d'investir 100 millions de dollars, et, à certaines conditions, de créer une masse critique. Au lieu de voir, par exemple, nos partenaires à Montréal, que ce soit la communauté anglophone, la communauté francophone, puis de voir de façon isolée avec les centres de recherche, l'Université McGill était... il fallait créer une masse critique. Alors, l'Université McGill s'est regroupée. C'est la même chose avec l'Université de Montréal avec Polytechnique, les HEC et les centres de recherche. Et ça a été la même chose pour Sherbrooke, puis ça a été la même chose pour Québec.

Donc, pour nous, c'est évident que c'est important, les régions. Mais, si on crée plus de richesse, à ce moment-là, ça va générer plus de retombées fiscales pour le gouvernement, et, à ce moment-là, le gouvernement pourra aider les régions.

Le problème, c'est que, si on contribue déjà 50 % du PIB du gouvernement du Québec puis si on pouvait en contribuer plus, 60 %, parce qu'on passe d'un taux de croissance de 3 % à un taux de croissance de 5 % et de 6 %... C'est évident que, quand on va parler, par exemple, à un ministre des Finances, il dit: Oui, mais est-ce que c'est réaliste? Mais ce n'est pas la question à se poser. C'est: Est-ce qu'on a le choix? Parce que, pendant que notre croissance stagne à 3 %, les grandes villes nord-américaines, leur croissance est 4 %, 5 %, 6 %, 7 %, 8 %. Vous avez vu le trimestre de Singapour, 15 %, moyenne de 6,4 %. Alors, on n'a pas le choix, il faut une stratégie offensive. Ce que nous avons présentement, c'est une stratégie défensive, on gère la décroissance puis éventuellement on va gérer la pauvreté. Au niveau des villes, c'est presque une réalité aujourd'hui. Alors, nous, on a dit: On va arrêter de quêter, on va arrêter de demander, on va juste assumer nos responsabilités en partenariat avec mes partenaires qui sont présents ici aujourd'hui et le gouvernement du Québec, qui est notre partenaire privilégié.

Nous allons vous démontrer hors de tout doute, lors du forum national sur la croissance économique, que nous sommes capables d'accélérer le développement des métropoles avec une contribution de plus de 3 %. Ça peut être 5 % ou 6 %. On va vous dire de façon très claire tous les gestes qu'on doit poser. Et, partant de là, la fameuse tarte, là, que je mentionnais tout à l'heure, on n'aura pas une petite tarte où on essaie depuis trois ans d'essayer de voir est-ce qu'on peut prendre à Pierre pour donner à Paul. Ça ne fonctionne pas. Ça fait que personne s'entend et on reporte les échéances. Ce qu'on veut, c'est grossir la tarte et trouver le meilleur partage de cette nouvelle richesse que nous allons créer ensemble, c'est ça, la solution qu'on propose.

Nous avons maintenant fini nos études, fini nos analyses. On veut passer à l'action le plus rapidement possible. Et on espère sincèrement que le gouvernement du Québec, étant bien conscients de la situation financière précaire... On en est conscients, mais il y a des décisions qui doivent être prises, parce que, si nous ne prenons pas ces décisions, on ne fait que retarder des échéances. Et, un jour, on nous reprochera de ne pas avoir pris les décisions courageuses et difficiles, et, j'en conviens, dans un contexte budgétaire difficile.

Le Président (M. Kelley): Avant de passer la parole à Mme la députée de Taillon, je dois demander le consentement pour légèrement dépasser 12 h 30. Il n'y a pas d'objection. Alors, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue à mon tour, au nom de ma formation politique, M. le maire et mesdames et messieurs les représentants des universités, que nous avons déjà rencontrés et avec lesquels nous continuerons de débattre avec un très grand intérêt de notre part.

Bon. J'ai lu attentivement votre mémoire et j'ai écouté votre présentation. Je crois que c'est intéressant parce que vous identifiez des exemples concrets de villes, ou de villes-régions, ou de métropoles où des stratégies clairement adoptées ont eu des effets concrets. Et je vais me permettre, M. le Président, de souhaiter que cela inspire le ministre et son gouvernement, parce qu'il y a dans cela beaucoup d'éléments permettant de réussir, réussir à Montréal, réussir au Québec. Mais je pense ? et là vous allez me permettre de porter mes propres propos et de ne pas vous les attribuer ? que le gouvernement, M. le Président, a une côte à remonter, puis une grosse côte à remonter, à ce moment-ci.

Moi, j'attends de mon gouvernement ? parce que c'est le mien aussi, hein ? qu'il en fasse un, virage majeur, pas seulement à l'égard de Montréal, mais en particulier à l'égard de Montréal, puisque je crois que le plaidoyer est éloquent à cet égard. Mais je voudrais qu'il fasse un virage majeur parce que je crois que, jusqu'à maintenant, ses propos, ses attitudes et ses actions contredisent le fait que l'éducation et que l'économie du savoir, c'est une priorité pour ce gouvernement-là. Puis, là, je vais le prouver concrètement, hein? Quand on avance des propos, on essaie par la suite de les prouver.

D'abord, il y a le discours: le discours est défaitiste, pessimiste, sombre. On rappelle sans arrêt quelques échecs pour faire oublier les dizaines et les dizaines de réussites en termes d'investissement dans des entreprises de savoir, en termes d'investissement dans les infrastructures. Le maire de Montréal, dans son mémoire, a des exemples éloquents qui sont le fruit de décisions prises par les institutions: c'est l'Université du Québec à Montréal, c'est l'Université McGill, c'est l'Université de Montréal, c'est l'Université Concordia. Dans le mémoire, on fait référence à quelques dizaines d'investissements majeurs dans des infrastructures de haut savoir, qui ont été faits sous notre gouvernement à l'initiative bien sûr de nos partenaires universitaires. Qu'est-ce qu'il en est actuellement de la vision et de la perspective du gouvernement en termes d'investissement si ce n'est qu'on a décidé, en arrivant au gouvernement, qu'on arrêtait tout, hein? On arrêtait à ce point tout qu'on a remis en question des investissements qui étaient déjà attachés avec des partenaires étrangers. Je pense, entre autres, à DSM Biologics alors que tout était terminé mais que, là, on a donné l'impression qu'on tergiversait, que c'était moins important, alors que c'est un investissement majeur dans la chaîne des biotechnologies.

n(12 h 20)n

Alors, vous en voulez d'autres, exemples? On a soustrait les entreprises de leur obligation qu'elles avaient de mettre 1 % de leur masse salariale, si leur masse salariale était entre 250 000 $ et 1 million de dollars, dans un fonds de formation de la main-d'oeuvre. Quel message envoyons-nous aux entreprises pour dire que c'est important, l'économie du savoir, puis c'est important, d'investir dans notre main-d'oeuvre?

On a réduit les crédits fiscaux à la recherche et au développement de la même façon qu'on a réduit les crédits fiscaux aux autres formes d'aide aux entreprises. Il me semble qu'on aurait pu faire une différence et que, si c'était justifié dans d'autres cas, ça ne l'était pas dans ce cas-là. Alors, dites-moi pas que, comme message, la priorité, c'est l'économie du savoir. J'ai des problèmes, hein?

La troisième chose qu'on fait: on réduit les sommes d'argent dévolues aux fonds de recherche du Québec, ces pauvres petits fonds de recherche qui supportent nos enseignants, qui supportent nos chercheurs, dans les universités, au niveau doctoral, au niveau post-doctoral. On a réduit les sommes qu'on avait prévues investir à ce niveau-là.

Alors, il me semble que trois éléments de preuve puis ajoutez, là, tout le reste, les ressources qui sont bloquées un peu partout quant aux investissements dans les infrastructures, ce n'est pas une priorité, l'économie du savoir, puis l'éducation, ce n'en est pas une. Alors, j'aimerais ça cependant que, suite à la commission, ça en devienne une pour le gouvernement puis pour son ministre de l'Éducation, parce qu'on a des problèmes, on a des troubles, puis ils sont sérieux.

Puis le maire de Montréal, avec ses collaborateurs, ce matin, avec ses appuis, ce matin, nous indique qu'il y a urgence d'agir, qu'il faut le prendre, le virage. Et malheureusement il fait la preuve que, oui, il y a des retards sur Montréal, et ça, malgré que le Québec ait connu une croissance économique la plus élevée de tous les pays du G7 en 2002, malgré le fait qu'on ait eu une croissance de l'emploi la plus élevée de toute notre histoire économique connue. Malgré tout cela, on a encore du chemin à faire et du chemin important. Alors, j'invite le ministre à être très sensible à ce que je lui soulève puis aux propos qui sont tenus par le maire de Montréal ce matin. C'étaient mes propos. Je ne vous les attribue pas, je suis capable de les porter moi-même.

Cela étant, j'aimerais savoir cependant du maire de Montréal et de ceux et celles qui l'accompagnent... Il y a eu, à la fin du mandat de notre gouvernement, une entente signée avec la ville de Montréal, avec la métropole, une sorte de contrat de partenariat pour identifier des priorités pour lesquelles nous devions dégager soit des investissements ou des gestes concrets à poser.

Si, demain matin, vous aviez des recommandations concrètes à faire ? vous avez abordé un peu toutes ces question-là, là, mais j'aimerais ça les ramasser un peu ? en termes de fiscalité, en termes d'investissement dans les infrastructures... On parle des infrastructures municipales, mais on pourrait parler des infrastructures de recherche entre autres, on sait qu'il y a encore un peu de rattrapage à faire de ce côté-là. Si on voulait parler de programmes concrets, soit concernant l'aménagement du territoire et le transport en commun, par exemple, ou concernant toute autre forme d'action à mener pour atteindre l'objectif que vous vous fixez, qui est de faire de Montréal une métropole du savoir, quelles seraient selon vous les priorités auxquelles le gouvernement devrait s'attaquer et de façon urgente?

Le Président (M. Kelley): M. le maire.

M. Tremblay (Gérald): J'ai mentionné, tout à l'heure, qu'on entend toujours que les villes sont la création du gouvernement du Québec. Nous sommes des partenaires. Alors, j'aimerais ça être reconnu comme un partenaire. Ce que ça veut dire pour moi? Les partenaires, entre eux, ne se paient pas de taxe de vente sur leurs achats.

Alors, pour moi, c'est clair. Le gouvernement fédéral ne paie pas de taxe de vente sur ses achats et le gouvernement du Québec n'en paie pas. En 1992, on avait un crédit de 43 %, 43,3 % du gouvernement du Québec sur nos achats, comme on en avait un de 57,1 % au niveau du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral, on l'a demandé, nous a donné une indication qu'il était prêt à nous considérer comme un partenaire, et il a donné un crédit total, ce qui représente 35 millions de dollars par année. Lorsqu'on discutait avec le gouvernement du Québec, on n'a pas juste demandé une reconnaissance de partenariat, on a dit: Voilà ce que nous allons faire, comme grande métropole, notamment au niveau des économies qu'on peut générer: 35 millions de dollars par année.

Parce qu'on a un déséquilibre structurel. Nos dépenses augmentent de 3 %, nos revenus de 1 %, ça fait 2 %. 1 %, c'est 35 millions par année. Alors, avec le gouvernement du Québec, on a dit: On va générer des économies de 35 millions par année. C'est ce que nous avons fait au cours des trois dernières années, c'est 105 millions, et on va se rendre à notre 175 millions. On voulait que le gouvernement du Québec nous accompagne. Alors, ce que j'aimerais, étant bien conscient de la difficulté financière du gouvernement du Québec, c'est qu'on pose un pas, un geste, qu'on nous envoie un message très clair de nous traiter comme partenaire et qu'on le fasse sur une période de quatre ans, nous dire: On va vous donner 25 %, 50 % ou 75 %, 100 %. Au bout de quatre ans, on est réellement un partenaire.

Deuxièmement, au niveau des infrastructures, c'est fondamental, pas juste les infrastructures, là, que j'ai mentionnées tout à l'heure, mais également... Et, lorsqu'on voit les investissements majeurs de universités, il faut investir également dans ces infrastructures qui sont essentielles.

Mais, une fois qu'on a fait ça, nous, ce qu'on a convenu ? et c'était ça, le but du contrat de ville ? c'est d'arrêter de travailler en silo. Le problème que nous avions, notamment à la ville de Montréal, c'est qu'on avait des divisions différentes et personne ne travaillait ensemble. Il faudrait travailler ensemble. Le gouvernement du Québec travaille encore en silo. Et, avec l'ancien gouvernement, bien on avait convenu qu'il fallait arrêter de travailler en silo.

Alors, le jour où on nous reconnaît comme un partenaire, on s'entend sur des objectifs communs, quels sont nos objectifs communs, par la suite une obligation de résultat. Mon obligation de résultat face à vous, moi, aujourd'hui, c'est la page 4 du document, vous les avez, parce qu'on va mettre en place des indicateurs de performance et on voudrait être jugé a posteriori. Faites-nous confiance. Faites confiance aux universités. Mais il faut investir, et ça implique essentiellement, pour Montréal, en plus la question des bibliothèques, la question de la culture et évidemment le transport en commun.

Alors, pour moi, je ne m'en viens pas encore une fois demander, je ne veux pas mettre le gouvernement du Québec dans une mauvaise position, étant bien conscient de la difficulté financière présentement. Par contre, quand on va tenir le forum national sur la croissance économique, on va vous dire ce qu'on peut faire, comment on va augmenter la croissance, et par la suite comment on va revenir, avec tous ces indicateurs de performance, vous dire, avec nos partenaires les universités: Voilà, on va avoir un taux de diplomation plus important, on va avoir une croissance plus importante au niveau de l'économie du savoir, on va faire plus de recherche brevetée et commercialisée, on va s'entendre sur un plan de match. Mais évidemment il faut que le gouvernement investisse massivement dans les grands enjeux avec un retour sur cet investissement à brève échéance, et c'est ce que nous allons proposer le 9, 10 et 11 juin, à Montréal.

Et on ne le fera pas juste pour le Québec. Parce qu'on peut... on se regarde, je regarde Montréal, mais, quand je me compare à Toronto, Toronto, ce n'est pas nécessairement meilleur; Vancouver, ce n'est pas nécessairement meilleur. Alors, on va le faire avec les 22 grandes villes canadiennes. Nous avons les mêmes préoccupations, les mêmes objectifs de créer plus de richesse pour le gouvernement canadien, et, dans notre cas, pour Québec, en espérant que le gouvernement va mieux partager cette richesse en fonction des priorités que nous aurons établies pour la métropole du Québec et pour la Communauté métropolitaine de Montréal.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Je vais demander... Avant de retourner la parole au ministre, il y a également une autre demande de votre côté, M. le ministre. Alors, essayons peut-être d'être un petit peu concis, à la fois dans nos questions et nos réponses, pour donner le plus grand temps possible aux parlementaires. M. le ministre.

M. Reid: Oui, merci. Je ne peux pas m'empêcher de dire que la députée de Taillon s'ennuie de la période de questions, je pense que c'est assez visible. La députée tente de faire passer sur les 10 mois...

Une voix: ...

M. Reid: C'est mon tour, madame. La députée tente de faire passer, sur les 10 mois, les 10 derniers mois de gouvernement, les problèmes causés par les neuf ans de son gouvernement. Des problèmes, le maire de Montréal en a parlé abondamment dans sa présentation. Les résultats que nous voyons ne viennent pas d'hier, ils viennent d'un certain nombre d'années. Et c'est le maire que nous souhaitons entendre, parce qu'il nous propose des solutions pour essayer, en partenaires, de travailler sur ces solutions-là.

J'aimerais revenir sur une chose que M. le maire a dite et l'entendre là-dessus s'il a des idées particulières, parce que le maire mentionne qu'il est important qu'il y ait un front commun des universités montréalaises. Et, là-dessus, est-ce que vous souhaitez des modes particuliers de collaboration, que ce soit au niveau de l'enseignement, que ce soit au niveau de l'accueil des étudiants, des étudiantes, que ce soit au niveau de la recherche, que ce soit au niveau de l'innovation, l'essaimage? Est-ce qu'il y a des éléments particuliers ou des stratégies particulières que vous souhaitez, quand on parle de front commun, les universités, pour le développement de Montréal?

n(12 h 30)n

M. Tremblay (Gérald): Oui. Alors, on a réussi à avoir un front commun sur un objectif avec nos partenaires, c'est une cité étudiante internationale. Vous savez, on a 17 000 étudiants étrangers qui viennent à Montréal. On a un problème de logement, et il y a une hausse importante sur les loyers. Alors, au niveau municipal, nous, on dit: On doit corriger cette situation avec le gouvernement du Québec, et le gouvernement du Québec nous aide, comme l'ancien gouvernement nous aidait aussi, pour construire 10 000 unités de logement. Et le gros avantage, c'est que, en libérant des logements qui sont occupés par des étudiants, trois, quatre, en colocs, ça va libérer ces logements pour les familles, donc une cité étudiante internationale. Avec la qualité de nos universités, de nos grandes écoles, de nos centres de recherche, c'est... en fait, c'est essentiel et c'est un investissement de 240 millions de dollars. Alors, on est en train de finaliser les derniers documents, et ce serait une façon éloquente de retenir idéalement le plus de personnes possible, d'attirer de nouveaux professeurs dans un milieu universitaire, parce que ce ne serait pas réservé uniquement aux étudiants. Et en plus les étudiants qui quitteraient le Québec auraient réseauté avec des Québécois, avec des Montréalais, ils deviendraient nos ambassadeurs partout à travers le monde. Alors, on doit... La préoccupation que nous avons, c'est que nous avons tous les actifs, nous avons tous les réseaux, mais on n'ajoute pas assez de valeur à ces actifs et à ces réseaux. Et une des façons, c'est une cité étudiante internationale.

Une autre façon, c'est la collaboration que nous avons eue des universités et que nous allons avoir des universités pour relever le défi de Montréal, ville de savoir avec les indicateurs de performance que vous avez à la page 4. Mais les universités disent: C'est comme la poule et l'oeuf. Si on n'investit pas, on ne l'aura pas. Alors, quand je vous disais: Il faut faire confiance, il faut faire confiance, il faut poser un geste inédit, un geste courageux, comme on l'a fait, nous, à Montréal, dans un contexte difficile où on parle de défusions. Mais on l'a fait, on a assumé nos responsabilités parce qu'on ne veut plus les retarder. Puis on a fait appel aux citoyens, et nous allons vous aider, parce que nous allons mobiliser les forces vives de Montréal. Tous les acteurs du développement de Montréal, nous allons parler aux citoyens et nous allons faire comprendre aux citoyens qu'on est mieux d'investir dans l'éducation, que c'est une priorité. Et la preuve, ce matin, vous avez un sondage, dans un quotidien montréalais, où deux contribuables sont prêts à payer plus de taxes pour l'éducation en autant que ce soit dédié avec les priorités établies par notamment les grandes universités.

Alors, il faut changer nos façons de faire, il faut bâtir sur les réseaux, les actifs que nous avons en fonction d'objectifs précis. Et mes objectifs, si vous voulez, moi, ils sont à la page 4, vous les avez, là, les indicateurs de performance: qualité de processus d'innovation; disponibilité de capital humain; puis la richesse culturelle et sociétale. Pour Montréal, ville de savoir, c'est essentiel.

Le Président (M. Kelley): J'ai deux demandes de questionnement par des personnes qui ne sont pas membres de la commission, à la fois le député de Notre-Dame-de-Grâce et Mme la députée de Bourget. Alors, il y a un consentement pour les deux? On peut régler ça... Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, chers collègues, pour ce généreux consentement. M. le maire, vous avez utilisé l'image d'un incendie, puis nous sommes à la cinquième alerte. Moi, je ne suis pas pompier, là, mais il me semble qu'un incendie ça brûle soit.. à la cinquième alerte soit parce que ça brûle très vite ou parce que ça brûle depuis un certain temps. Puis je pense que l'incendie brûle depuis avant le 14 avril 1994... pardon, 2003. Il ne faut pas prétendre que l'incendie a été mis le 14 avril 2003, comme prétend la députée de Taillon, je pense que l'incendie brûle depuis avant cela. Et on est rendu, semble-t-il, à la cinquième alerte, il faut agir. Bon, parfait.

Vous avez dit également que l'objectif, c'est de grossir la tarte, parce que vous êtes sensible aux pressions des finances publiques. Mais, pour grossir la tarte, il faut investir. Ça, c'est le dilemme pour les législateurs, je pense. Vous dites vous-même: Il faut grossir la tarte parce que la tarte est limitée. Pour le faire, il faut investir. Pour investir, il faut prendre un morceau de la tarte qui est plus grosse. Et on revient à votre propre analogie de toutes les difficultés de diviser la tarte d'autres façons.

Mais je veux revenir à une question que vous avez évoquée, c'est le relativement faible taux de fréquentation universitaire au Québec puis à Montréal comparé à d'autres villes. Je peux peut-être profiter de la présence de vos collègues afin de leur demander: Quels sont les obstacles à ce taux de fréquentation? Et comment est-ce qu'on peut diminuer ces obstacles-là?

Le Président (M. Kelley): Résumez dans une couple de minutes, s'il vous plaît, M. le maire.

M. Tremblay (Gérald): Oui. Puis je vais demander à M. Lacroix, là, de répondre à la dernière question. Mais je veux juste faire un point qui est important, là, je ne suis pas venu ici pour faire un débat politique ou partisan. En septembre 1991 ? donc on retourne loin en arrière pour faire le point du député Copeman ? j'ai dit de façon très claire que notre économie était en état d'urgence, je l'ai dit. En décembre 1991, on a mis de l'avant une stratégie qui ressemble beaucoup à celle dont on parle aujourd'hui, une stratégie intégrée, une vision d'ensemble du développement, donc c'étaient les grappes industrielles. Et on m'a dit que j'avais trop d'ambition pour le Québec, qu'on n'était pas capable, au Québec, de faire plus que l'aérospatiale, les technologies de l'information, le biopharmaceutique puis le secteur pharmaceutique, alors qu'il y avait, dans toutes les régions du Québec, un besoin au niveau du récréotouristique, au niveau des industries culturelles, au niveau habitat, construction, au niveau de beaucoup de secteurs. Il y en avait 15, secteurs, qu'on avait identifiés.

Alors, aujourd'hui, je sais que je reviens encore. C'est une cinquième alerte. C'est une cinquième alerte. Je n'aime pas être 26e sur 26 pour mon PIB per capita, je n'aime pas ça du tout. Je n'aime pas non plus être 43e sur 43 après les investissements considérables que nous avons faits collectivement dans l'éducation. Je viens sonner encore une fois l'alarme. Mais, cette fois-ci, j'ai un petit avantage, un petit avantage, j'ai été élu maire de Montréal par 1,8 million de personnes. Je préside la Communauté métropolitaine de Montréal. C'est 3,4 millions de personnes, c'est la moitié du Québec. Et nous nous sommes entendus à la base sur ce qu'il faut pour enrichir collectivement le Québec, et c'est ce que je vous propose aujourd'hui. C'est une façon inédite de voir les choses, pas d'essayer de partager ce qu'on n'a pas, mais c'est d'avoir le courage d'investir dans notre avenir. Puis je vais juste vous citer une personne qui...

Le Président (M. Kelley): ...s'il vous plaît, parce que le temps est épuisé.

M. Tremblay (Gérald): Oui. Oui, puis M. Robert... Oui, je...

Le Président (M. Kelley): Le temps est épuisé. Alors, 30 secondes, s'il vous plaît.

M. Tremblay (Gérald): Oui, je m'excuse. Avec la permission... Doris Lussier. Doris Lussier, quand on a sorti les grappes industrielles, en 1991, j'étais allé au théâtre Saint-Denis, puis il est venu, il m'a sauté au cou puis il m'a dit: Si on n'a pas le courage de donner suite à la philosophie et à la substance ? que ce soient les grappes industrielles ou ce dont on discute aujourd'hui ? on aura mérité le triste déclin qui nous sera réservé. Robert Lacroix... Fin de la citation.

Le Président (M. Kelley): Malheureusement, le temps est...

M. Tremblay (Gérald): Mais laissez juste...

Le Président (M. Kelley): Bien, peut-être, on va trouver un moment pour M. Lacroix de répondre, mais maintenant la parole est à Mme la députée de Bourget.

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. M. le maire, ça me fait plaisir de vous rencontrer à l'occasion de cette commission. Je salue également Mme Monroe-Blum que je retrouve avec plaisir ? vous savez que j'ai eu l'occasion de la rencontrer alors que ça faisait à peine quelques semaines, si ce n'est pas quelques jours, qu'elle était en fonction à l'Université McGill ? M. Denis, M. Lacroix, M. Di Grappa.

Je crois que, ce matin, il y a quelque chose de particulier que je note. D'abord, je crois que le milieu universitaire est très chanceux que le maire de Montréal porte aussi fortement, de manière aussi convaincue et convaincante l'importance de son réseau d'enseignement et de recherche à Montréal. Et, à l'inverse ? parce que symboliquement c'est assez puissant, l'image que vous dégagez ? que le maire de Montréal soit appuyé de ses recteurs, rectrice, qui ont un rôle à jouer important, comme ville, je pense que c'est une image qui est assez forte et c'est un geste, pour moi, de cohérence qui est assez exemplaire, qui va évidemment dans le sens d'un consensus assez fort qui s'était dégagé à l'occasion du sommet de Montréal. Je crois qu'on en a là un résultat extrêmement concret, hein? Je ne pense pas qu'on aurait pu imaginer le maire de Montréal présenter un mémoire en compagnie des recteurs il y a quelques années, là, il y a quelque chose de très, très puissant. Et, lorsque vous plaidez le partenariat, ce qui est formidable, c'est que vous l'exercez également. Et ça, c'est tout à votre honneur et c'est une image qui devrait inspirer d'autres acteurs de notre société.

n(12 h 40)n

Je voudrais revenir un peu dans le sens de la députée de Taillon, sur les gestes à poser. Vous avez un ton enthousiaste, mais en même temps lucide et alarmiste quant à certains éléments qui font en sorte que Montréal n'est pas positionné comme il pourrait l'être quant à son développement. Vous avez identifié, lorsque la députée de Taillon vous a demandé quels sont les gestes et les priorités à poser... vous avez identifié des éléments qui feraient en sorte que Montréal, ville, Montréal, un territoire, territoire un peu troublé par toutes sortes de questions ces temps-ci, Montréal et son développement... Pour que Montréal puisse accueillir justement ce réseau d'enseignement et de recherche, donc vous avez identifié des gestes à poser pour renforcer Montréal et être ce lieu qui va accueillir ces objectifs extrêmement grandioses.

J'aimerais avoir votre avis. Je sais que les recteurs seront tentés d'y répondre, mais, considérant que vous avez un regard tout de même très près de ces questions-là, quel est le geste à poser au nom et pour le réseau d'enseignement et le réseau de recherche? Parce qu'on voit bien ? et c'est un peu le sens de votre intervention ? le sort de Montréal, de ses questions territoriales, de son développement, de l'état de santé de son réseau d'enseignement, réseau de recherche, tout ça est interrelié. Alors quel est votre regard, vous, comme maire de Montréal? Quels gestes sont à poser pour faire en sorte que le réseau d'enseignement et de recherche joue aussi son rôle dans la poursuite de cet objectif, Montréal, ville de savoir?

Le Président (M. Kelley): M. le maire.

M. Tremblay (Gérald): Alors, vous avez fait référence au sommet de Montréal. Le président du chantier sur l'éducation, la recherche et développement, c'était Robert Lacroix. C'est Robert Lacroix qui a commandé cette étude, et je pense que la meilleure personne pour répondre à cette question, c'est Robert Lacroix, qui a fait un travail exceptionnel de rassembler et d'unir tout le monde et qui va sûrement vous donner la priorité la plus importante.

Le Président (M. Kelley): M. Lacroix.

M. Lacroix (Robert): Écoutez, le maire va être obligé de l'entériner.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lacroix (Robert): Comprenons-nous bien, quand on regarde le milieu universitaire montréalais présentement, à l'évidence il y a eu des investissements majeurs qui ont été faits. Il s'agit de regarder nos campus, ce sont de vastes chantiers de construction qui vont regrouper des milieux de recherche et de formation aux études supérieures remarquables dans les mois qui viennent. Ces investissements-là étant faits, il faut, maintenant qu'on a quelques formules ? un ? en place, il faut les alimenter. Et, là ce qui nous manque, première priorité, un redressement massif de nos budgets de base pour pouvoir entretenir ces développements que l'on a amorcés il y a quelques années. Première priorité.

Deuxième priorité, je crois, qui est très importante pour Montréal, on discute depuis moult années de deux centres hospitaliers universitaires. Il faut que ça aboutisse vite et bien. Il en va évidemment de tout le développement biomédical-santé de Montréal. Et ça, c'est majeur non seulement du point de vue des soins hautement spécialisés, mais du point de vue de la recherche, de la recherche appliquée et du développement de tout le secteur biopharmaceutique à Montréal. C'est un élément absolument crucial pour deux de nos grandes universités montréalaises.

Troisième priorité, le maire l'a déjà souligné, nous attirons énormément d'étudiants étrangers. Nous avons peu de place pour les loger, nous avons peu de place aussi pour développer leur propre sentiment d'appartenance à Montréal et au Québec. Une cité universitaire internationale aiderait énormément en ce sens-là et à peu de frais, puisqu'elle peut être à peu près autosuffisante et autofinancée.

Donc, dans l'ensemble, budget de base, sinon les quatre universités vont être en souffrance complète. Deuxièmement, évidemment nos centres hospitaliers universitaires. Et, troisièmement, cette cité universitaire qui est déjà dans les cartons.

Mme Lemieux: Alors, je comprends que le maire approuve ces priorités... Ha, ha, ha! Non, mais, je pense, c'est une vision assez claire, là, des gestes à poser à court terme. Et vous soulignez, je pense avec raison, le statut des centres universitaires, et il va falloir se brancher parce qu'il y a toute une économie à développer autour de ça. Ce n'est pas bien, bien difficile à comprendre, on n'a pas besoin d'une maîtrise en sciences économiques pour le savoir. Et là je regrette avec vous, je déplore avec vous qu'il y ait un certain flottement sur cet aspect-là.

M. Tremblay (Gérald): Oui, je suis d'accord. Je suis d'accord avec les priorités, d'autant plus que, si on veut augmenter le PIB de 3 % à 5 %, 1 %, c'est 1 milliard, 2 %, c'est 2 milliards. Ça s'adonne à être le même montant des investissements qu'on doit faire dans les hôpitaux. Alors, ce serait déjà le début d'un investissement qui nous permettrait d'augmenter le PIB. Et, lorsque je discute au ministre des Finances puis on lui parle de certaines choses, on est déjà rendu à 4,5 % puis on a même pas parlé des hôpitaux encore. Alors, c'est facile de passer de 3 à 4,5, mais évidemment il faut qu'il y ait une volonté politique de le faire et des décisions très difficiles pour l'avenir du Québec et de sa métropole.

Le Président (M. Kelley): Dernier commentaire, 1 min 30 s.

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Je veux vous remercier pour votre mémoire et ce que vous nous avez apporté comme commentaires et comme propositions. Je vais tout à fait dans le sens de ce que vous souhaitez aussi et je suis persuadée que le ministre est sensible à ce que vous apportez ce matin. De toute façon, la convocation de cette commission vise, entre autres, à trouver des solutions pour améliorer ce que nous faisons en matière d'éducation et d'économie du savoir autant dans nos universités que dans nos grandes villes, que ce soit la métropole, la capitale ou nos régions.

Mais je voudrais insister une autre fois, à la suite des propos de M. Lacroix, sur le fait qu'il y a des investissements qui sont structurants. Et, s'il y en a deux qui sont absolument majeurs, dont je suis convaincue depuis des années pour les avoir initiés... Puis, qu'il y ait eu des réaménagements nécessaires, souhaitables, des réajustements, entre autres dans le cas de nos centres hospitaliers universitaires, j'en suis et je ne suis pas malheureuse avec ça, mais cependant ce dont je suis convaincue pour l'avenir du Québec, l'avenir scientifique du Québec au plan des sciences de la vie, au plan de la médecine, si nous ne procédons pas à ces investissements, je crois que nous allons prendre des retards considérables et que nos chercheurs, nos praticiens, ceux et celles qui font que l'économie du savoir existe risquent de ne pas y trouver ici leur compte et de regarder ailleurs pour continuer leur carrière et continuer à progresser dans leur champ professionnel.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, malheureusement il n'y a pas de temps, alors il me reste juste... Merci beaucoup pour une présentation enthousiaste, énergétique des enjeux pour la ville de Montréal.

Et, sur ça, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 47)

 

(Reprise à 14 h 5)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission est prête à reprendre ses travaux. Je rappelle le mandat de la commission, qui est regarder... Citer ça textuellement: Je rappelle, le mandat de la commission est de tenir une consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec.

On a le plaisir d'avoir un établissement que cette commission, au moins, n'a pas rencontré depuis l'élection d'avril 2003. Alors, c'est un grand plaisir d'accueillir cet après-midi l'Université du Québec à Chicoutimi, et la parole est maintenant à son recteur, M. Michel Belley.

Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)

M. Belley (Michel): Alors, merci, M. le Président, de ces mots de bienvenue. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les parlementaires, permettez-moi d'abord de présenter les gens qui m'accompagnent. J'ai, à ma droite, Mme Suzie Robichaud, qui est doyenne aux études supérieures et à la recherche; à ma gauche, immédiatement à côté de moi, M. André Dorion, qui est vice-recteur administration et finances; et M. Alyre Caron, qui est adjoint au vice-recteur et qui a été responsable de la confection du mémoire, qui nous a aidés beaucoup dans ce dossier-là.

Ça nous fait tous plaisir d'être ici, cet après-midi, un plaisir qui vient de l'importance intrinsèque de la commission. Alors que cette commission-là siège de manière permanente, mais là de manière spécifique sur des thèmes donnés, sur l'enseignement supérieur, l'enseignement universitaire, c'est un forum qu'on n'aurait d'aucune façon voulu manquer pour faire valoir un certain nombre de points de vue.

Ça nous fait d'autant plus plaisir aussi surtout maintenant où notre système universitaire traverse une période cruciale. Une période cruciale parce que c'est un système qui est passé par des périodes extrêmement difficiles. Et là ce n'est pas le recteur qui va parler, mais c'est quelqu'un de plancher, un professeur qui a passé des périodes où les difficultés financières des universités faisaient penser à la fable du paysan qui essayait de montrer à son âne de vivre sans manger et qui, quand il a appris, il l'a perdu, il est mort. Alors, on a frôlé cette situation-là. Heureusement, il y a eu un réinvestissement qui a apporté un peu d'oxygène à l'ensemble du système universitaire, et ça a mis fin à ce que j'appellerai la période anorexique.

C'est important aussi maintenant parce que, d'après ce qu'on a entendu depuis le début de la commission, il semble s'être bâti un consensus fort au niveau du Québec, tant au niveau des universités que du gouvernement, à l'effet qu'il faut aider davantage nos établissements d'enseignement supérieur pour leur permettre de maintenir et de développer leur compétitivité à un niveau national et au niveau international. L'objectif de rattraper au moins la moyenne des universités canadiennes nous apparaît comme un objectif, là, tout à fait réaliste et un objectif auquel il faut collectivement s'attacher de toutes nos forces. Pour nous, si on réalisait ça, ce serait nous donner un espace de développement qui nous permettrait de mieux accomplir nos missions et de répondre adéquatement aux attentes de notre milieu.

Vous avez lu notre mémoire, je ne le reprendrai pas. Je vais développer certains thèmes, les thèmes principaux. Premièrement, en ce qui concerne l'accessibilité, l'accessibilité peut se composer autour de différentes dimensions. La première est la dimension géographique. Historiquement, on va fêter cette année le 35e anniversaire de ce que j'appelle, moi, une décision géniale de l'État québécois de déployer sur le territoire un ensemble d'institutions de haut savoir qui va couvrir presque la totalité du territoire. Je la juge géniale parce que, la première session de cette décision-là, je me présentais à l'Université du Québec à Chicoutimi comme étudiant. Alors, j'ai l'âge... En tout cas, là, j'ai vu le développement de cette institution-là depuis ses débuts.

n(14 h 10)n

L'Université du Québec à Chicoutimi comme toutes les Universités du Québec ont en plus, sur le plan géographique, déployé davantage, puisque, dès le départ, on a implanté des centres hors campus à Alma, par exemple, à Saint-Félicien, dans Charlevoix, dans l'est de la Côte-Nord. On a une collaboration avec l'est de la Côte-Nord qui remonte à une trentaine d'années, une coopération soutenue, sans interruption, où on a un conseil d'orientation qui nous guide sur les décisions à prendre et les services à déployer. On est d'ailleurs supporté pour assumer cette mission-là, et les gens de Sept-Îles viendront vous dire qu'il faudrait nous supporter davantage, là, à la mi-mars prochain, puisqu'ils vont venir présenter un mémoire devant cette commission-là. Et on a eu un support aussi des gens de l'ouest du Lac-Saint-Jean, qui, eux aussi, demandent davantage de ressources pour nous supporter.

Notre université a aussi déployé ses services dans plusieurs communautés autochtones. Depuis la fondation du Centre d'études amérindiennes, on a donné des services à plus de 26 communautés, qu'elles soient cries, innues, attikameks, algonquines ? oui, c'est les principales ? montagnaises aussi. Alors, on donne des services donc dans les réserves, et plusieurs étudiants, environ 200, fréquentent notre établissement pour obtenir des formations de grade, principalement de baccalauréat et quelques maîtrises.

L'accessibilité sur le plan académique. On a ouvert, à la création de l'Université du Québec, un nombre de nouvelles places qui ont permis une plus grande démocratisation de l'enseignement supérieur avec un souci de réussite. C'est-à-dire que la culture des établissements a été de faire en sorte de créer les conditions pour que les gens qui s'y inscrivent, parfois des gens pas nécessairement défavorisés... Chez nous comme dans les autres établissements, une bonne partie de notre clientèle, 70 %, est une clientèle de première génération universitaire, c'est-à-dire que les parents n'ont pas fréquenté l'université. C'est des gens qui n'ont pas nécessairement le meilleur parcours académique, mais avec lesquels on a travaillé avec des méthodes de proximité, avec une pédagogie particulière, dans les bonnes années avec des groupes plus restreints, pour assurer des meilleurs taux de réussite dans les circonstances.

Une accessibilité, je dirais, andragogique maintenant. On oublie que c'est à la création de l'Université du Québec que véritablement on s'est attaqué de plain-pied à la formation des adultes et qu'on a commencé à donner aux adultes qui fréquentent nos établissements des diplômes qui sont équivalents à ceux des étudiants qui fréquentaient les établissements à temps plein. C'est maintenant acquis pour toutes les universités, mais, en 1969, c'était novateur et ça a fixé le patron de développement pour l'ensemble des universités. On en est très fier.

Le deuxième thème que je veux aborder, la qualité. La qualité a toujours été une grande préoccupation pour tous les établissements des Universités du Québec, et on est fier de la qualité de l'ensemble des universités québécoises. Quand on les compare, on se console jusqu'à un certain point ? on reviendra sur d'autres choses maintenant, les menaces, ça viendra dans le dernier thème ? mais il reste qu'en très peu de temps on a réussi à justement déployer un nombre d'établissements sur le territoire en maintenant une qualité qui est abondamment mesurée.

On voit, dans le document de consultation, des inquiétudes sur les façons de mesurer la qualité des universités. Pour notre part, nous pensons que, presque de manière quotidienne, les universités sont mesurées. D'abord, quand on conçoit des programmes, ces programmes-là sont examinés, dans le cadre du réseau de l'Université du Québec, par le réseau lui-même et par la suite par le comité des programmes de la CREPUQ avant d'être octroyés. Il y a une évaluation périodique des programmes. On fait un suivi de nos diplômés pour voir, auprès des employeurs, comment ils sont accueillis et quel est leur jugement. Au niveau de la recherche, vous savez que c'est un système extrêmement compétitif, que toutes les universités doivent faire face aux mêmes concours et se qualifier de même façon. Donc, dans l'ensemble de nos activités, je dirais qu'on est évalué en continu.

On a une certaine crainte par rapport à une normalisation de l'évaluation des universités. Alors, normalisation, ça veut dire que des grands paramètres seraient appliqués à l'ensemble des universités. Or, nos universités, au Québec, ne sont pas un tout homogène, il y a des caractéristiques spéciales. Et, quand on a une caractéristique spéciale qui est celle, par exemple, d'être de plus petite taille, en général les critères qui sont appliqués ne nous favoriseront pas. De manière tout à fait absolue, par exemple, chaque fois qu'il y a des arguments de masse, on est perdant au départ. Alors, on est prêt à compétitionner, on est prêt à se débattre. On peut être petit et se rendre au même endroit que les autres. Il faut faire deux fois plus de pas, mais on est prêt à le faire. Mais, de grâce, ne nous imposez pas de modèles normatifs qui feraient en sorte qu'injustement on puisse mal paraître.

Troisième thème, la pertinence. La pertinence de nos établissements a été reconnue par plusieurs déjà, qui n'étaient pas des universités en région, auprès de la commission. Je rajouterai que, au Québec, les universités sont le principal ? en général ? vecteur d'innovation technologique et sociale de notre société. Et ça, c'est vrai surtout en région. Imaginez, dans une région comme le Saguenay?Lac-Saint-Jean, que l'université disparaisse. Qu'est-ce qui resterait comme activité de recherche et développement? On a la chance d'avoir un centre international de recherche sur l'aluminium, mais à part cela? Alors, toute la recherche et le développement, on a nos collègues aussi de... Je ne veux pas oublier nos collègues de cégep, il y a quelques excellents centres de recherche collégiaux qui sont localisés dans notre région.

Alors, bref, si les établissements d'enseignement supérieur n'étaient pas présents en région et n'étaient pas actifs en région, à quoi seraient condamnées, à quel type d'obscurantisme seraient condamnées les régions? Alors, on a un rôle qui est central à cet égard-là, et c'est un fondement de très grande pertinence de notre existence sur le territoire.

Les attentes sont très élevées à l'égard de l'université. Dès qu'il y a une problématique, on se tourne vers nos établissements pour dire: Bien, que pouvez-vous faire? Comment pouvez-vous collaborer? On traverse actuellement une crise très importante ? plusieurs d'entre vous sont au courant ? alors les bureaux de recteurs et vice-recteurs sont couramment visités pour voir quelle est la bouée que vous pouvez nous tendre. Alors, on répond du mieux qu'on peut dans les circonstances, avec les ressources qu'on a.

Ce qui me permet d'introduire le dernier thème que je vais traiter dans mon introduction, celui de la finance, le financement des universités. Ça me fait craindre quelque chose, le fait qu'on présente ce mémoire-là le mercredi des Cendres, et on se demande si ce n'est pas prémonitoire du carême qu'on aura à traverser. Alors, on espère donc que ce ne sera pas le cas à ce thème-là, au niveau des finances.

Vous savez, toutes les périodes de restrictions budgétaires qu'on a vécues ont transformé nos établissements et ont laissé des marques, des cicatrices auxquelles il ne faut pas s'habituer. Il faut vraiment faire l'investissement pour qu'on corrige, qu'on améliore des situations qui perdurent depuis très longtemps dans l'ensemble des établissements, mais plus particulièrement dans les nôtres, par exemple en ce qui concerne la couverture des activités d'enseignement par les professeurs. Or, la présentation de l'UQAM de ce matin, j'aurais pu faire l'économie, là, d'une présentation, puisqu'on est presque exactement dans la même situation. Et je ferai le même commentaire que mon collègue Roch Denis a fait en ce qui concerne la contribution des chargés de cours, qui, depuis le début de la fondation de l'université, ont assumé une part importante des enseignements et une part congrue et soutenue de ces enseignements-là, et des enseignements de qualité du reste. Mais il n'en demeure pas moins que, pour remplir l'ensemble des commandes qui nous sont données, notamment au niveau de l'accompagnement en recherche et développement de la région, il faut qu'on soit doté davantage en termes de professeurs temps plein pour assumer ces parties de tâche.

Deuxième lieu où on a souffert, le peu de moyens qui a été mis à la disposition pour le recrutement de nouveaux professeurs. Or, c'est un drame pour l'ensemble du système universitaire. On peut discuter sur le nombre, mais on ne discutera pas sur le fait qu'on a un défi à relever en termes de recrutement de professeurs. Je dirai d'ailleurs que ça a toujours été un défi, ça a été un défi de l'histoire des constituantes régionales, qui ont été trop souvent le club ferme des grandes universités et qui ont eu à faire face à ces problèmes-là jusqu'à maintenant. Il y a eu une interruption de paix qui n'était pas drôle non plus, c'était au moment où plus personne n'embauchait. Mais, dès qu'on s'est remis à embaucher dans les universités, on est revenu dans les mêmes circonstances. Alors, il ne faudrait pas qu'on soit laissé à nous-mêmes dans ces circonstances-là, il va falloir faire un investissement particulier pour qu'on puisse attirer les professeurs dans nos constituantes.

La désuétude des équipements scientifiques non pas dans nos secteurs de pointe de recherche, mais pour l'enseignement, entretenir nos laboratoires d'enseignement avec de l'équipement qui nous permet d'avoir un enseignement de pointe auprès de nos étudiants.

Le recul sensible dans les investissements associés aux ressources documentaires. Or, on a très tôt, à Chicoutimi, adopté une stratégie virtuelle de développement de documentation, mais il n'en demeure pas moins que la présence physique de ressources documentaires et les budgets qu'on peut donner même pour supporter la stratégie virtuelle... J'entends, au début des années quatre-vingt, là, on était dans les consultations bibliographiques à distance, on a quand même besoin de ressources pour payer le personnel compétent à cet égard.

n(14 h 20)n

L'atrophie des programmes à vocation scientifique. Étant donné que c'est des programmes qui ne sont pas très, très peuplés, il a fallu composer avec cela et concevoir nos programmes de manière à avoir justement des échanges interdisciplinaires pour faire en sorte qu'on réussisse à pouvoir offrir un programme, je dirais, de qualité, mais où toute spécialité a été coupée, où c'est, à toutes fins pratiques, un tronc commun pour tous les étudiants. C'est quelque chose, là... On voudrait pouvoir offrir davantage de choix à nos étudiants.

Notre mémoire suggère des moyens pour envisager l'avenir de manière à garantir une stabilité pour assurer le développement normal et pour ne pas être toujours dans la situation où on doit sortir la sébile du mendiant. C'est-à-dire qu'on demande au gouvernement qu'il nous fournisse, dans le futur, un corridor de financement ? c'est davantage élaboré dans notre mémoire ? qui nous permettrait justement, là, de planifier sur un moyen terme, des périodes de cinq ans, notre survivance dans certains cas et notre développement dans d'autres, on l'espère.

Des moyens comme la contrepartie des fonds de dotation. Alors, vous savez que de monter des fonds de dotation, pour une université qui n'est pas dans les grands centres, où il n'y a pas, à toutes fins pratiques, de sièges sociaux d'entreprises, c'est énormément d'efforts, énormément de travail. Et on y réussit, et le gouvernement nous consent une contrepartie. Alors, on demanderait que cette contrepartie-là soit augmentée de 25 % à 100 %, c'est-à-dire 1 $ pour 1 $, et qu'elle monte jusqu'à 2 millions de fonds par année.

Un financement sur la base de coûts fixes d'administration et d'enseignement. Alors, étant donné notre taille, on doit assumer les mêmes coûts fixes que tous. Alors, on demande que ce financement-là, qui est actuellement de 2 millions, soit porté à 4 millions et un maintien proportionnel des facteurs région lors d'un éventuel refinancement. Ça veut dire que, lors du refinancement, on est aidé, nous, parce que justement on a des problèmes d'économies d'échelle, parce qu'on est déployé sur un territoire plus large, on a des aides. Alors, lors d'un refinancement, on voudrait que proportionnellement les enveloppes qui nous sont consenties à cet égard-là soient ajustées en conséquence.

Alors, M. le Président, voilà l'introduction que je voulais présenter aux membres de la commission. Je suis tout à fait disposé à répondre aux questions maintenant.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le recteur, pour cette présentation. Je suis prêt maintenant à céder la parole au ministre et député d'Orford.

M. Reid: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. le recteur, Mme, MM. les vice-recteurs et doyen. C'est intéressant d'entendre parler de l'Université du Québec à Chicoutimi où j'ai eu l'honneur de travailler quelques années.

Je voudrais profiter de votre présence pour parler évidemment, dans un premier temps, des conditions de qualité, d'accessibilité et de financement d'universités en région qui... Et l'Université du Québec à Chicoutimi a déjà montré qu'elle est capable d'avoir des créneaux d'excellence qui sont de qualité mondiale et universelle. Et par ailleurs elle a des défis qui sont ceux de la région en particulier et des régions qu'elle dessert et de travailler au développement du Québec dans son ensemble, en plus des régions qu'elle dessert.

Dans un premier temps, peut-être que vous avez répondu à cette question-là, mais, au niveau des domaines de spécialisation qui sont, disons, de pouvoir sortir versus un plus large éventail... est-ce que c'est ce dont vous venez de parler en termes de tronc commun où, par la force des choses, on a l'impression qu'il faut faire des choix de par la taille plutôt que de par l'éloignement, là, des grands centres? Est-ce que c'est un élément, ça, pour lequel il y a un désir ou un besoin d'augmenter cet éventail-là? Est-ce que ça cause des problèmes au niveau du pouvoir d'attraction auprès d'étudiants des régions desservies, mais des régions du Québec aussi? Cette problématique-là, est-ce que c'est lié à ce pouvoir d'attraction?

M. Belley (Michel): Bien, je pense qu'on est... Comme université, on est dans la même situation que toutes les universités dans certaines carrières de sciences pures. Il y a peu... Malheureusement, au Québec ? et il semblerait que ce soit un phénomène mondial dans toutes les sociétés développées ? les carrières scientifiques attirent moins les étudiants. Alors, si c'est vrai pour une université, là, de grande taille, imaginez-vous qu'est-ce que ça veut dire pour une université de petite taille. Et on a réussi ? on a presque réussi ? à maintenir les disciplines de base qui sont la chimie, la biologie. On a cependant suspendu la physique, faute de clientèle suffisante.

Or, ça pose des problèmes assez importants, puisque, comme vous le savez, dans la recherche, on est développé passablement. Et curieusement on s'est développé de haut en bas. On s'est développé, là, au niveau... Et, dans certains secteurs, on a eu des maîtrises avant des baccalauréats et des doctorats par la suite et maintenant on arrive au baccalauréat. Et, pour alimenter ces maîtrises et ces doctorats, pour travailler dans nos projets de recherche, on a besoin d'étudiants de très haut calibre de premier cycle qui peuvent poursuivre à la maîtrise. Malheureusement, il y a trois ans, on a dû fermer une pépinière de ces étudiants-là qui étaient nos étudiants de physique. Or, c'est faute d'un nombre suffisant d'étudiants. Mais, s'il y avait un luxe qu'on pourrait se payer, ce serait ce type de luxe qu'on pourrait se payer. Puis je mets un luxe avec un petit l, là, parce que c'est tout à fait essentiel que collectivement on offre ces formations-là, puisque, si on veut maintenir nos domaines de pointe, on a besoin de ce type de formation.

M. Reid: J'ai quelques questions, toujours sur le fait que vous puissiez nous donner un éclairage particulier de par votre position et la taille. Au niveau de la grille de financement, vous avez parlé tout à l'heure, bon, des sommes dédiées aux régions. Il y en a aussi dédiées au rayonnement. Vous avez parlé des 4 millions qui sont spécifiques aux régions, éloignement, taille. Et, au rayonnement, il y a d'autres sommes. Ça se fait à l'intérieur d'une grille de financement, elle est en discussion actuellement. Est-ce que l'Université du Québec à Chicoutimi... Est-ce qu'on va dire bientôt Saguenay ou ce n'est pas prévu?

M. Belley (Michel): Disons que je ne voudrais pas entrer dans ce débat.

M. Reid: D'accord. Non, moi non plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Reid: Moi non plus, rassurez-vous. Et donc...

M. Belley (Michel): M. le ministre, imaginez l'acronyme, l'UQAS.

M. Reid: Bien oui. Oui, oui, j'ai bien compris. Mais en fait est-ce que l'université participe à ces discussions au niveau de l'ensemble des universités avec le ministère de l'Éducation pour refaire cette grille? Et, si vous en parlez, c'est évidemment parce que vous voulez que ça reste, mais est-ce que vous souhaitez une espèce de statu quo par rapport à ce qui existe actuellement ou s'il y a autre chose?

M. Belley (Michel): Bien, vous savez, on a été indirectement associé aux discussions de la grille de financement, et le travail qui se fait actuellement se fait sur la base des coûts moyens des établissements, là, de grande taille. Alors, ce qu'on imagine, c'est que, comme on va baser la grille sur les coûts moyens des établissements de grande taille, dans un deuxième temps il va falloir examiner la question des étudiants de taille plus modeste. Et à cet égard-là on est très vigilant, et certains des dispositifs qui sont sur la table actuellement, qu'on a inclus dans notre mémoire, visent justement à maintenir une position relative qui nous permettrait de suivre advenant un réinvestissement et qui nous permettrait aussi de vivre avec une nouvelle grille de financement.

Alors, ma préoccupation centrale, c'est que le fait qu'on travaille avec les coûts moyens des grands établissements, normalement ils devraient être plus bas que ceux des établissements de taille plus modeste, ça devrait dégager des marges et que ces marges-là soient réinvesties sur une base qui permet justement une certaine stabilité. Et c'est pour ça qu'on introduit le concept de corridor de financement, parce qu'on a été heureux, au cours des deux dernières années, là, d'assister à une croissance de nos effectifs. Mais, en même temps qu'on était heureux, on n'est pas une tête heureuse, on sait très bien que la perspective démographique va contre nous. Alors, les projections du ministère font en sorte que normalement on devrait faire face à une baisse de population de 20 %. On lutte pour que ça ne se produise pas, mais il y a une vague de fond, là. On peut l'atténuer, mais on ne pourra pas l'empêcher.

Ça veut donc dire qu'il faut préserver les facteurs de financement qu'on a actuellement, qui ne sont pas liés strictement au nombre d'étudiants, qui permettent justement d'assumer ce qu'on appelle, nous, de donner de la valeur au déploiement de l'enseignement universitaire sur le territoire. Et ces moyens-là existent à peu près, avec les modifications qu'on suggère, dans la formule actuelle, et notre perspective, c'est d'entrer dans la nouvelle formule en ajustant les paramètres qu'on a déjà. Et, dans ces circonstances-là, il nous semble qu'on peut assumer plus que notre survie, notre développement.

n(14 h 30)n

M. Reid: Merci. Un autre élément relié toujours aux régions, mais ça va plus avec ce dont vous venez de parler au niveau d'un modèle normatif ou d'un système d'évaluation qui serait normalisé à partir de critères qui ne seraient pas ou qui seraient loin des critères qui devraient s'appliquer à une université comme la vôtre, de plus petite taille, qui n'est pas en région métropolitaine.

Est-ce que vous pourriez nous donner quelques éléments, là, de ce que vous craignez voir apparaître dans un modèle comme celui-là qui pourrait effectivement être... et l'évaluation par qui, est-ce que c'est par le ministère, par... mais qui pourrait effectivement nuire au développement de l'université et à la réalisation de sa mission pour ces régions et pour le Québec?

M. Belley (Michel): Alors, vous me permettrez un commentaire général sur les normes. On vient de passer une mode, là, d'accréditation et de qualité, et tout ça. Alors, il y a des effets très, très positifs à cette normalisation-là. Mais, si on pousse ça à l'extrême, il y a un danger très important qu'on tue la créativité. Parce que, si vous regardez bien qu'est-ce que c'est, obtenir une accréditation, ça veut dire standardiser ses processus et, à la limite, là, tuer l'initiative, puisque tout est dans un manuel et tout doit se faire de la manière prescrite dans le manuel. Alors, on n'imagine pas ça pour nos entreprises; il ne faudrait pas qu'on transpose ce modèle-là dans nos universités.

Il y a un secteur dans lequel je vais donner un exemple précis, c'est celui du modèle de développement de recherche qu'on a mis au point à Chicoutimi depuis, je dirais, presque le début des années quatre-vingt, où on a démarré des secteurs de recherche en consortium avec des secteurs industriels. L'exemple que je prendrai est celui du consortium de recherche sur la forêt boréale, où on a intéressé tous les membres de l'industrie forestière à investir de l'argent ? consortium précompétitif sur la forêt boréale ? pour qu'il se fasse de la recherche à ce niveau-là. Or, ça a très bien démarré, ça nous a permis d'avoir une position, là, de premier plan dans le domaine. On a été les premiers à étudier l'épinette noire. Bon. Bref, on a une feuille impressionnante en termes, je dirais, de production et de transformation des façons d'aménager et de récolter la forêt boréale.

Mais il est clair que le type de travail qui a été fait avec nos chercheurs ne donne pas la même forme de production. Autrement dit, si vous regardez le C.V. du chercheur, il a des colloques internationaux, il a quelques articles, mais il n'a pas, dans son C.V., les heures de transfert de connaissances qu'il a faites pour implanter des nouveaux modes de gestion de forêt, etc. Le transfert technologique s'est fait directement sur le terrain, sans qu'il ne soit normé par une publication dans la revue la plus prestigieuse, la plus éloignée et la moins française possible.

Alors, vous voyez, on n'a pas ce... C'est un modèle aussi... On applique le modèle normal d'évaluation des C.V. des chercheurs: ça ne paraîtrait pas. Et, si on ne connaissait pas les chercheurs et le travail qu'ils font, on pourrait penser qu'ils ne sont pas très performants. Alors, vous voyez, c'est un des secteurs où l'intelligence du décideur doit tenir compte de critères plus riches que des critères quantitatifs.

M. Reid: Juste pour...

Le Président (M. Kelley): Très brièvement.

M. Reid: Oui, c'est très bref. Finalement, est-ce que ça tourne beaucoup autour de cette évaluation de la recherche ou de l'intensité de recherche, cette préoccupation que vous avez là-dessus... surtout là-dessus, en fait?

M. Belley (Michel): Bien, les exemples me viennent plus facilement. Mais, il y a quelques années, j'étais doyen, j'étais sur le siège de Mme Robichaud, et le ministère avait décidé de faire un modèle d'évaluation des maîtrises au Québec. Or, le principal critère, c'était le nombre d'étudiants. En partant, je perdais.

Le Président (M. Kelley): Avant de passer la parole à Mme la députée de Taillon, je veux souligner la présence du député de Chicoutimi. Quelle coïncidence qu'il est parmi nous pour cette présentation!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): Alors, sur ça, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je veux vous souhaiter la bienvenue au nom de ma formation politique. Ça nous fait plaisir de vous recevoir à cette commission. J'ai des collègues qui vont intervenir éventuellement pour soulever quelques questions.

Moi, je voudrais revenir sur la dernière discussion, là, que vous venez d'avoir, et le dernier échange avec le ministre. Dans votre document, vous proposez d'une façon spécifique que soient accordés aux universités des fonds particuliers, des fonds spécifiques pour soutenir le développement de la recherche dans les créneaux reconnus comme stratégiques pour le développement des régions, et vous expliquez le travail qui se fait à l'Université du Québec à Chicoutimi, là, en consortiums et en partenariats, etc. Et vous dites, plus loin: «Ainsi peut-on considérer qu'en sortant des sentiers battus et en innovant sur le plan des méthodes, des partenaires et des pratiques de recherche, l'UQAC s'est souvent disqualifiée auprès des grands organismes subventionnaires. Dans une région comme la nôtre, où la concertation s'avère nécessaire pour assurer le développement des communautés, il faut considérer l'activité de recherche comme adaptable à l'environnement tant scientifique, qu'économique ou social.» Bon.

Alors, ça commanderait quoi concrètement pour être capable de reconnaître ce qui fait votre spécifique, ce qui fait votre différence et ce qui vous a amené des réussites quand même assez remarquables, on va en convenir?

Le Président (M. Kelley): Oui. Avant de commencer, M. Belley, si je peux demander à tout le monde de vérifier que leurs téléphones cellulaires sont bien fermés. On est ici pour discuter un sujet de très haute importance, alors je pense, si on peut avoir le silence des téléphones cellulaires pour quelques heures, ça va être une bonne affaire pour nous autres. M. Belley, la parole est à vous.

M. Belley (Michel): Merci, M. le Président. Très concrètement, que chacun des fonds subventionnaires d'abord ait les moyens ? ça permet de passer le message en passant ? d'ouvrir...

Mme Marois: Je pense qu'il a été passé quelques fois, mais c'est bon de le renouveler. C'est bon.

M. Belley (Michel): Oui, mais il y a une certaine vertu à la répétition en pédagogie, n'est-ce pas? Alors...

Mme Marois: Oui, en pédagogie, c'est même essentiel.

M. Belley (Michel): Alors donc, que les fonds subventionnaires aient les moyens de développer justement des volets de ce type stratégique, partenarial, avec des critères qui soient appropriés. On a été en discussion avec certains fonds à cet égard-là, et on espère bien que ce soit mis en place.

Vous voyez, dans ces secteurs-là, souvent on a été mis en porte-à-faux. Je vous donnerais un exemple. En sciences de la terre justement, les fonds ont mis en place il y a plusieurs années ce qu'on appelait les actions structurantes, hein? Or, nous, on a bénéficié, à Chicoutimi, d'une action structurante en sciences de la terre, ce qui nous a permis de recruter des scientifiques de très, très haut niveau, et on est encore très performants en sciences de la terre.

Le problème, c'est que l'action structurante maintenant a été incorporée à la base de financement et elle est payée à même les moyens de la base de financement. C'est atténué bien sûr par nos facteurs région, mais il n'en demeure pas moins que l'action structurante a fait en sorte qu'on a recruté davantage de professeurs dans ce domaine-là parce qu'en termes de recherche on en avait besoin davantage qu'on avait comme base d'étudiants. Ce qui fait en sorte qu'on est un peu en porte-à-faux. Ces gens-là vivent une situation où, par rapport aux autres départements, ils sont regardés un peu de travers parce qu'ils ont moins d'étudiants, etc.

Alors, d'avoir dans les créneaux stratégiques un support particulier pour ouvrir des postes qui ne seraient pas liés nécessairement au nombre d'étudiants mais dans des secteurs qui seraient jugés stratégiques pour le développement de la région, ce serait une manière concrète de nous aider.

On démarre en septembre prochain ? on veut démarrer en septembre prochain, là ? une option transformation de l'aluminium à notre Baccalauréat en ingénierie. Or, quand on examine nos budgets, on a peu de places pour embaucher de nouveaux professeurs dans le domaine de la métallurgie de l'aluminium. Alors, on compte sur les chercheurs qui sont autour, sur les centres de recherche qui sont autour, mais il n'en demeure pas moins que l'acte d'enseigner, l'encadrement des étudiants, la promotion pédagogique, ça nécessite une certaine masse de professeurs, et, s'il y a un secteur qui serait stratégique pour notre université, ce serait celui-là.

Donc, ce serait un lieu d'investissement qu'on pourrait faire où on ne lierait pas nécessairement le nombre de professeurs au nombre d'étudiants mais à la priorité stratégique qui serait accordée au secteur en question. Et je suis assez fier de voir que notre institution, historiquement, a eu beaucoup de sagesse dans l'ouverture de ces secteurs, par leur pertinence et par un nombre limité. On s'est concentré, on a été performant, et je pense qu'on mérite un soutien particulier.

Mme Marois: Bon. Évidemment, vous n'avez pas à porter de jugement sur ce qui se passe dans les autres constituantes, mais est-ce que c'est un modèle qui ne pourrait pas être développé pour tenir compte des réalités de l'Université du Québec, par exemple, à Rimouski, ou en Abitibi-Témiscamingue, ou ailleurs, même si, chez vous, il y a quand même des particularités qui vous sont propres?

M. Belley (Michel): Bien, je dirais, mes collègues vont comparaître devant vous bientôt et ils auront aussi des exemples de cette nature-là. Je connais très bien ce qui se fait autant à Rimouski qu'en Abitibi-Témiscamingue et je pourrais vous dire ce que mon collègue Jules Arsenault va vous déclarer assez facilement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: On s'attend, oui, un peu à ce qu'il soit assez éloquent, comme on le connaît bien, de toute façon.

Bon. Un autre élément ? ah oui, c'est toujours dans ce domaine-là ? sur lequel je voulais revenir, c'est: vous travaillez beaucoup avec l'entreprise privée évidemment. Vous avez, à plusieurs occasions, établi des ententes, des partenariats, des consortiums. Comment avez-vous balisé le fait que la liberté intellectuelle soit respectée, la propriété intellectuelle, etc.? Parce que ça semble relativement bien se passer, du moins ce qu'on voit de l'extérieur et de l'intérieur quand on vous rencontre et qu'on échange avec vous.

n(14 h 40)n

M. Belley (Michel): Je vous remercie de l'opportunité que vous me donnez d'éclaircir ce point-là, parce que, vous savez, quand on a commencé ce type de partenariats là, j'étais doyen et je recevais des lettres, là, pas très, très gentilles sur le fait qu'on collabore avec le privé, et tout ça. Sur le plan idéologique, c'était assez mal vu. Ce qui est important, c'est de distinguer deux sortes de collaboration. J'ai insisté sur le mot «précompétitif» et «commandites». Alors, on fait les deux types d'activité.

Il y a certaines de nos activités qui sont des activités de nature précompétitive dans lesquelles nos chercheurs ont toute liberté d'élaborer à la fois leurs thèmes, leurs méthodologies de recherche et la publication. Et ça, c'est reconnu par les contributeurs, et ils sont d'ailleurs aidés financièrement par ça. Parce qu'il y a un programme fiscal sur la recherche précompétitive, et ils bénéficient de crédits d'impôt pour leurs contributions à un tel consortium. Donc, on a là un mode d'organisation de recherche qui permet justement de laisser un espace de liberté, l'espace de liberté nécessaire pour la recherche universitaire.

Dès qu'on entre dans ce qui est plus recherche commanditée, à ce moment-là on a des conventions avec ceux qui commanditent la recherche. La question de la propriété intellectuelle est négociée. Parfois, elle est cédée quand c'est une commandite pure. Quand il y a un apport public, généralement elle est partagée entre l'établissement, le chercheur et celui qui commandite. Et, comme tout le monde, on s'occupe des frais indirects de recherche en cette matière-là.

En ce qui concerne la recherche précompétitive, on veut bien sensibiliser le gouvernement à l'effet qu'il ne s'agit pas de recherche commanditée et qu'on ne peut pas imaginer demander des frais indirects de recherche aux gens qui acceptent a priori que les résultats seront partagés par l'ensemble de la communauté québécoise, l'industrie, finalement. Mais il n'y a pas d'avantage particulier à l'une ou l'autre de ces entreprises-là ou de ces groupes-là. Parce qu'on fait des consortiums avec des organismes à but non lucratif aussi, là, mais principalement on est avec des entreprises qui sont dans les secteurs industriels. Alors, il y a toute la question des frais indirects, là, qu'il faut ajuster en conséquence du modèle en question.

Donc, on est très à l'aise, là, d'exposer au vu et au su de tous la nature de la recherche qui est faite dans le cadre des consortiums précompétitifs. Pour ce qui est des commandites, bien là c'est comme dans tous les établissements, il y a de l'information stratégique et elle est protégée à cet égard-là.

Le Président (M. Kelley): Peut-être une dernière courte question ou...

Mme Marois: Oui. Sur la question de l'innovation et du transfert mais du côté social, vous avez une bonne expérimentation, je crois, que vous avez faite: vous avez tenu un colloque dernièrement ou un forum, et vous nous dites que «dans le contexte où les innovations technologiques ont été l'objet d'un subventionnement soutenu [...], il nous paraît essentiel que le concept de l'innovation sociale fasse l'objet d'une prise en charge par les universités, les organismes subventionnaires et les milieux gouvernementaux».

C'est revenu régulièrement dans les mémoires, là, jusqu'à maintenant, parce qu'on sent qu'il y a moins d'intérêt du côté de l'entreprise dite privée ou à but lucratif et donc que le support devrait être plus important venant des institutions publiques. Alors, j'aimerais que vous m'en parliez un petit moment.

M. Belley (Michel): En fait, les entreprises privées sont intéressées par ce type de recherche là quand elles sont en crise. Alors... Et on est souvent contactés, là, pour des questions d'acceptabilité sociale, par exemple, de résistance au changement ou ce genre de choses là, et on ne peut pas soutenir une collaboration justement dans des périodes de crise comme telles, il y a une question de crédibilité qui est importante. Donc, on veut sensibiliser l'ensemble du milieu, mais principalement l'effort subventionnaire et les pouvoirs publics, à la nécessité d'entretenir la recherche sur les innovation sociales, parce que, dans l'entreprise comme dans l'ensemble des communautés, il y a une partie technologique, mais il y a toujours aussi une partie qui va sur les processus, les façons de faire, les cultures d'organisation, qui sont souvent plus importants dans les facteurs de réussite que ne le sont les facteurs technologiques.

Or, l'investissement est disproportionné, est inversé complètement. On travaille beaucoup sur l'innovation technologique sans beaucoup travailler sur l'innovation sociale, sur la création de modèles. Même l'observation de modèles étrangers et le transfert de ces modèles-là dans nos sociétés, je dirais que, dans certains domaines, on est encore aux années soixante dans les pratiques sociales. Alors, les universités auraient un rôle pour apporter de l'innovation dans ce domaine-là, briser des rigueurs, briser des façons de faire, renouveler notre société. Alors, c'est... mais ça, ça prend des moyens, et, si vous regardez les moyens qui sont consacrés au Conseil subventionnaire de sciences sociales par rapport à la technologie, vous voyez la disproportion de l'intérêt, là, qui est donné par l'ensemble des conseils à ces problématiques-là.

Mme Marois: Merci.

Le Président (M. Kelley): O.K. Mme la députée de Jean-Talon, en signalant qu'il vous reste 9 minutes, à ma droite.

Mme Delisle: Alors, je vais tenter d'être brève. Alors, bienvenue madame, messieurs. Merci de nous éclairer par la présentation de votre mémoire. Ce que j'ai beaucoup aimé de votre mémoire, c'est que vous avez su, au travers d'exemples que vous nous avez donnés, nous illustrer plus spécifiquement, entre autres pour l'Université du Québec à Chicoutimi, quel aura été l'impact... ou quel a été, pardon, l'impact du sous-financement puis de quelle manière finalement ça vous a affecté.

Et, moi, si je reprends certains éléments de la page 27, où vous parlez des impacts du sous-financement, vous me permettrez juste de vous citer quelques phrases, là, vous dites: «Tout spécialement, depuis l'année académique 1995-1996, le réseau des universités québécoises a subi les effets dévastateurs d'un sous-financement marqué et reconnu. À l'UQAC, ça s'est traduit par un ensemble d'insuffisances qui ont eu tôt fait de se répercuter en une suite de débalancements académiques.» Vous dites, et je poursuis: «Ce qui a provoqué à l'usage une manière de déséquilibre frisant la déstructuration dans plusieurs des aspects de notre fonctionnement académique.»

Alors, vous faites référence ? je ne les repasse pas tous, là, mais ? à la réduction de la couverture des activités, qui vous a privés finalement d'un grand nombre de professeurs qui n'ont pas pu assumer une grande partie des activités; à la désuétude des équipements scientifiques; à l'atrophie des programmes à vocation scientifique; puis au peu de moyens finalement qui ont été mis à votre disposition pour le recrutement de nouveaux professeurs.

Moi, c'est sur l'aspect des nouveaux professeurs. Il y a plusieurs... La plupart des gens qui sont venus déposer des mémoires en commission parlementaire depuis... en fait, c'est notre troisième journée, nous ont fait part évidemment de cette carence. Les étudiants qu'on a rencontrés, il y a un ou deux groupes qui ont jugé que la CREPUQ et que les universités étaient peut-être un peu trop alarmistes, puis ils ne donnaient pas trop de croyance finalement à cet aspect-là.

Moi, je voudrais, de façon concrète, savoir de votre part, M. Belley, qu'est-ce que ça signifierait en nombre de professeurs pour vous, le réinvestissement ? dans un monde idéal, là ? si, demain matin, vous aviez l'enveloppe dont vous avez besoin? Deuxièmement, par rapport aux chargés de cours. Les chargés de cours, on le sait, ont tenu, je pense bien, à bout de bras un système ces dernières années, mais ce n'est pas tout le monde non plus qui est prêt à convertir un poste de chargé de cours en temps plein. Combien de... Chez vous, concrètement, qu'est-ce que ça signifierait, en pourcentage ou en nombre?

Le Président (M. Kelley): M. Belley.

M. Belley (Michel): Oui. On a, chez nous, là, environ 200 professeurs, plus ou moins 200, ça va à 205. Avec les départs, là, c'est environ 200 professeurs. On pense, là, que, si on opérait avec à peu près 70 professeurs de plus, on irait chercher, là, une combinaison qui nous permettrait de soutenir la proximité au niveau de l'enseignement, tout en se gardant l'opportunité d'avoir recours à nos chargés de cours dans les domaines, là, spécifiques auxquels on a toujours eu recours.

Vous savez, dans les programmes professionnels, le fait d'aller à l'extérieur et d'aller chercher des gens qui ont de l'expérience et qui oeuvrent dans le domaine, c'est considéré comme un plus. Même dans les programmes d'autres natures, il y a des, je dirais, qualifications particulières qui sont désirées par toutes les universités, en appoint plutôt qu'à temps plein. Alors, cette combinaison-là nous amènerait à, je dirais, un taux d'encadrement qui serait satisfaisant.

Mme Delisle: Est-ce que vos chargés de cours seraient intéressés... Quelle serait la proportion des chargés de cours qui seraient intéressés à du temps plein? Écoutez, je ne veux pas vous embêter avec cette question-là, je veux juste essayer de comprendre.

M. Belley (Michel): Non, je souris parce que le président du syndicat des chargés de cours est ici, dans la salle...

Mme Delisle: Ah! Je ne le connais pas.

M. Belley (Michel): ...et j'ai presque le goût de l'inviter.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Non, bien, je ne le connais pas du tout. Alors, qu'il se lève. Excusez-moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Mais c'est quand même intrigant, là, je voulais juste savoir...

M. Belley (Michel): Non, non, non, c'est une très bonne question, c'est très pertinent.

n(14 h 50)n

Vous savez, dans la catégorie des chargés de cours, on pourrait faire une typologie à deux... c'est simplifier beaucoup, là, mais à deux points. Le premier point, des gens qu'on appelle en double emploi, hein, qui sont des gens qui ont un travail et qui donnent des charges de cours parce qu'ils veulent communiquer leur expertise et contribuer à la vie académique de cette façon-là; d'autres dont c'est le gagne-pain principal, qui ne sont pas en double emploi. Alors, j'imagine que, pour une bonne proportion de ceux qui ne sont pas en double emploi, s'il y avait des postes d'ouverts, j'imagine qu'ils seraient intéressés à appliquer sur ces postes-là. Mais je ne peux pas parler pour eux, là, mais ça me semble logique de penser qu'ils soient intéressés.

Mme Delisle: Donc, il manque vraiment de professeurs.

M. Belley (Michel): Il nous manquerait de professeurs pour assumer... Vous savez, à la limite, là, si on va dans certains pays, les grandes écoles françaises par exemple, là, les grandes écoles privées françaises fonctionnent avec un minimum de professeurs. Tout le monde est chargé de cours, mais il n'y a pas de recherche qui se fait là. Il n'y a pas de support, il n'y a pas de services à la collectivité, il y a une vie académique minimale, là, alors que nos établissements doivent répondre à des missions qu'on a exposées, là, justement d'un encadrement de clientèles qui ont besoin davantage d'encadrement, de services à la collectivité régionale mais aussi à la collectivité québécoise, puisque les thèmes pour lesquels on a développé une expertise particulière valent pour le Québec, le Canada, l'ensemble des pays, là, je ne sais pas. Une des meilleurs équipes au monde sur le givre, sur les structures exposées, se trouve chez nous, à Chicoutimi. Alors, ça intéresse tout le monde qui ont du givre et verglas. Alors, c'est très clair.

Le Président (M. Kelley): Une dernière courte question à Mme la députée de Maskinongé. Il vous reste trois minutes.

Mme Gaudet: Bonjour. Merci d'être là. Vous savez, on reconnaît l'importance de la formation professionnelle chez les jeunes, la formation technique et évidemment l'importance pour nos jeunes d'avoir une perspective de formation au niveau universitaire. Alors, j'aimerais, si possible, que vous nous donniez un exemple de formation ou de métier qui suit la filière D.E.P., D.E.C.-bac.

Le Président (M. Kelley): M. Belley.

M. Belley (Michel): Oui. D.E.P., D.E.C.-bac, on travaille là-dessus. On peut dire, par exemple, qu'un des endroits où ça va se développer, c'est dans le domaine de l'aluminium. Alors, déjà là, on a un D.E.P. en transformation de l'aluminium, il y a un D.E.C. en transformation de l'aluminium et on a conçu un Bac en transformation de l'aluminium, tenant compte de la formation qu'il y a eu au D.E.C. et au D.E.P. éventuellement. Et là on est à mettre au point les passerelles, là, pour qu'un étudiant qui a été intéressé d'abord plutôt par les aspects techniques puisse, à un moment donné, se dire: Bien, oui, peut-être que je pourrais aller aux aspects technologiques et là faire mon D.E.C., et se trouve passionné et aille jusqu'à aller chercher un diplôme d'ingénieur. Ça, on a beaucoup de collaboration avec le milieu collégial pour les D.E.C.-bacs, et on a suffisamment d'expérience pour vous dire que ça fonctionne très bien.

C'est-à-dire que les gens qui vont aux techniques, souvent c'est parce qu'ils voient ça trop long d'aller à l'université, puis, une fois la technique faite, ils savent vraiment qu'ils aiment ça, ils veulent se perfectionner, et ces étudiants qui incorporent nos programmes de génie, par exemple, ou nos programmes d'administration, on a fait un suivi et ce sont des étudiants qui réussissent en moyenne mieux que les étudiants qui viennent du général. Alors, on n'a pas un échantillon qui est très gros parce que ça n'a pas des dizaines d'années, cette expérience-là, mais c'est un des secteurs qu'on développe de plus en plus.

Vous savez, dans la région aussi, on se concerte de plus en plus, aux trois ordres. On commence à se réunir régulièrement avec les commission scolaires, les cégeps et l'université pour justement examiner ces questions-là et voir comment on pourrait faire plus et mieux ensemble, justement pour brancher ça.

Et ce n'est pas mineur, ça, comme innovation sociale. On parle des innovations sociales, là, un peu partout, dans tous les domaines, mais c'est une innovation éducative qui est... Si vous voyagez un peu, là, allez en France, par exemple, et faites un diplôme, là, de métier, puis essayez d'aller dans un institut de technologie, voir. Ne pensez pas à ça. Puis, dans un institut de technologie, essayez d'aller dans une école d'ingénieur, là. Ne pensez pas à ça non plus. C'est des filières terminales extrêmement rigides, alors qu'au Québec on donne cette liberté, cette possibilité d'avoir des stratégies d'apprentissage... Un étudiant plus, je dirais, là, abstrait dans sa façon d'apprendre peut aller directement à l'université et par la suite faire sa pratique, alors que quelqu'un de très concret peut faire son apprentissage par l'expérimentation et aller jusqu'au diplôme d'ingénieur par la suite. Alors, moi, je suis très fier de ce qu'on a réussi comme... et collectivement, là, je ne parle pas de l'Université du Québec, comme système, au Québec, d'avoir cette mobilité.

Il y a d'ailleurs... on sent dans... Me donnez-vous une minute, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Oui, oui. Parce qu'on achève pour le temps qui est alloué au côté ministériel.

M. Belley (Michel): Merci. On sent parfois, là, certains préjugés. Notre système universitaire est souple et en réseau. Je ne parle pas juste du réseau de l'Université du Québec à Chicoutimi, là. Les universités collaborent entre elles, autant au niveau des programmes d'enseignement que des programmes de la recherche. Une université comme la nôtre a des ententes de cette nature-là, pas des lettres d'entente, là, des ententes qui fonctionnent de manière concrète avec toutes les universités au Québec, sauf Bishop et Concordia. Avec McGill, avec UdeM, Polytechnique, l'Université Laval, l'Université de Sherbrooke, on a des ententes de cette nature-là. Alors, ce n'est souvent pas connu du public en général, mais on est vraiment déployés en réseau. Il y a une communauté académique qui n'est pas très grande au Québec, mais elle est fonctionnelle. Les gens se connaissent et collaborent ensemble, alors sans qu'ils y soient forcés, c'est une collaboration qui est naturelle.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Je vais passer la parole maintenant à M. le député de Beauce-Nord. Il reste neuf minutes à ma gauche. M. le député.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Moi, là, je lisais... à la page 23, vous parlez de la démographie, là, vous parlez entre 18 % et 20 % de démographie dans les années qui s'en viennent. Ça va mettre les universités en danger énormément, ça. On parle... Est-ce que vous avez pensé à des politiques, à des choses à faire pour essayer de diminuer ce problème-là le plus possible? On voit l'immigration. Cet avant-midi on parlait à Montréal, ils ont fait... même, je pense qu'ils veulent faire des locaux pour attirer les immigrants à demeurer. Et aussi est-ce que ... Pensez-vous, comme politique familiale, parce qu'on sait très bien qu'aujourd'hui les jeunes... On dit les jeunes, mais, quand ils ont fini à l'université, ils sont rendus à 25, 26, 27 ans. Est-ce que, si on avait une politique familiale pour essayer peut-être de garder ces jeunes femmes ou ces jeunes hommes là à l'école, est-ce que ce serait une possibilité? Moi, je regarde les outils qui pourraient nous aider. Parce que vous êtes en région, vous vivez ce problème-là et vous n'êtes pas les seuls qui vivez ce problème-là. Est-ce qu'on pourrait trouver une solution?

Le Président (M. Kelley): M. Belley.

M. Belley (Michel): Je souriais quand vous suggériez une politique familiale parce que je disais justement à mon fils et à ma bru que le meilleur moment pour avoir des enfants, c'est quand on est aux études. Ils ne le savent pas, mais ils ont le temps plus qu'ils pensent. Mais il y a certains inconvénients. Vous voyez, quand ils sont aux études, les dettes s'accumulent, alors il y a beaucoup d'incertitude, ce qui fait en sorte que les gens ne se sentent pas prêts à avoir des enfants.

Mais, vous savez, on disait que l'UQAM était une université féminine. Nos universités sont des universités féminines, et, comme société, c'est assez inquiétant ? c'est le grand-père qui parle, là, celui qui veut être grand-père ? de réaliser que les jeunes femmes n'auront pas d'enfants durant leurs études. Elles n'en n'auront pas non plus lors de leur établissement professionnel, parce que, là, elles vont mettre, là, la pédale au fond dans la vie professionnelle. Mais quand est-ce qu'elles vont en avoir? Elles vont en avoir peut-être, là, le réveil, à 37, 38 ans, dire: Ce serait le fun d'avoir un enfant, si on a encore un conjoint, etc. Alors, bref, il me semble qu'il y a matière à réflexion à cet égard-là.

On va entrer plus dans nos choses universitaires. À Chicoutimi, on a examiné notre potentiel de recrutement et il y a un potentiel de recrutement qu'on est encore capable d'aller chercher, notamment pour la fuite d'étudiants qui sont en région au niveau du collégial mais qui décident, pour le goût, d'aller à Québec, à Montréal, d'aller étudier à l'extérieur. On est sûr qu'on ne sera jamais capable de retenir tous ces gens-là, mais déjà je pense que l'augmentation qu'on a eue dans les deux dernières années, c'est une meilleure performance à cet égard-là. Plus de présence au niveau des cégeps, meilleure connaissance de nos programmes, on attire davantage d'étudiants, on a moins de fuites comme telles.

n(15 heures)n

Au niveau du deuxième et troisième cycle, on travaille beaucoup pour que les étudiants suivent des maîtrises et des doctorats. Donc, on en garde, il y a une rétention plus grande, à cet égard. Au niveau des étudiants étrangers, les universités en région, en général, n'attirent pas proportionnellement autant d'étudiants étrangers qu'elles devraient, et on s'adresse au gouvernement du Québec pour qu'il nous donne un certain avantage pour attirer ces étudiants-là, notamment pour qu'on ait des quotas d'exonération de majoration de frais de scolarité qui nous permettraient de faire notre recrutement étranger nous-mêmes en disant à l'étudiant: Bien, écoutez, si vous venez, vous allez avoir le tarif québécois, vous n'aurez pas le tarif d'un étranger.

Alors, il y a aussi le fait qu'on est très présent dans le domaine de la formation continue auprès des petites et moyennes entreprises, grandes entreprises, auprès de la société en général, alors on développe beaucoup cette activité-là, ce qui ne nous fait pas craindre... L'ensemble de ces choses-là ne nous fait pas craindre le futur.

Mais remarquez que la proposition financière qu'on présente au gouvernement dans notre mémoire, quand on parle d'un corridor de financement, c'est un corridor de financement qui est établi sur cinq ans, donc qui nous permet de voir évoluer la situation et réagir à temps. Mais c'est en plus un corridor de financement qui dit: Si on s'écarte de plus de 5 % ? il me semble, qu'on a donné ? bien là on entre en négociation avec le ministère et on voit comment on règle nos problèmes. Autrement dit, au lieu d'avoir une grande formule générale qui règle les problèmes de tous, on garde un... pas un corridor de financement, mais un corridor de dialogue qui nous permet de voir et de justifier qu'est-ce qu'on doit maintenir, comment on doit changer nos pratiques, etc. Donc, c'est un peu la façon dont on aborde le futur.

En ce qui concerne notre contribution personnelle à la démographie, bien, dans mon cas, il est trop tard.

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine, il vous reste quatre minutes.

M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis très heureux, à mon tour, de saluer M. Belley et les gens de l'Université du Québec à Chicoutimi.

J'avais une question qui portait sur le financement en région et aussi sur... avec vos recommandations 10 et 11, en ce qui concerne le financement sur les assurances en regard du financement justement et des moyens qui seraient consacrés à l'enseignement, mais ça a été abordé par le ministre et aussi par la députée de Jean-Talon.

Mais je retiens quand même, dans votre mémoire, à la page 32, lorsque vous parlez des économies d'échelle et que vous dites finalement ? c'est ça: «Cette situation explique également la raison pour laquelle les coûts moyens d'enseignement des universités de petite taille sont plus élevés», donc qu'on est un peu pénalisés. Je comprends qu'il y a une formule qui vient contrebalancer ou réparer cette situation, et vous dites: «En conséquence, les enveloppes spéciales dévolues aux universités oeuvrant en région devraient bénéficier du même taux de réinvestissement que celui consenti par l'État aux universités.» Alors, je suppose que, dans les négociations, vous allez être capables de tirer votre épingle du jeu.

Mais je vous ramènerais quand même ? parce que c'est un sujet qui pour moi est extrêmement important ? dans les régions, à la page 21 de votre mémoire et à la recommandation 5. Alors, vous dites, dans votre mémoire, que «le rattrapage scolaire ? à moins que je me trompe, là, c'est à la page 21 ? est loin d'être achevé en région» en regard de la fréquentation à l'université. Et, bon, vous dites, par exemple, que, dans votre région, «par rapport à l'ensemble de sa population, la région demeure [...] nettement sous la moyenne québécoise avec un pourcentage de 7,48 %», et vous faites référence à la Côte-Nord et Charlevoix avec des taux encore inférieurs. Qu'est-ce qui explique cela? Est-ce qu'il y a des explications au fait que, dans les régions, la vôtre, la nôtre, la mienne, en fait, sur la Côte-Nord, on n'ait pas atteint ou fait la récupération qui s'est faite ailleurs? Qu'est-ce qui explique ça? Et est-ce qu'il y a des choses qui sont faites et qu'est-ce qui pourrait être fait pour améliorer ça? Il n'y a pas de raison qu'on soit à la remorque.

Le Président (M. Kelley): Dans une couple de minutes si vous voulez nous dire vos commentaires.

M. Belley (Michel): Oui, très rapidement. En ce qui concerne le réinvestissement proportionnel, c'est quelque chose qui nous a été accordé par le gouvernement dans un ajustement, là, qui a été donné au Rendez-vous des régions. On a reconnu que les facteurs région n'avaient pas été ajustés au réinvestissement. Ça a été fait et ça a été incorporé dans la base de financement de nos universités, et ce qu'on souligne ici, c'est la nécessité de poursuivre ça advenant un autre réinvestissement.

Pour ce qui est de la persistance scolaire et des taux de diplomation, dans les régions, qui sont plus faibles, il y a toutes sortes d'explications. Ce que je vais vous dire, c'est qu'on a une expertise particulière dans la région, qui est un groupe qui s'appelle le CREPAS, qui est... pour l'abandon scolaire, là... comité régional contre l'abandon scolaire, qui a justement examiné ça et a pris des mesures directes dans les zones, je dirais, les plus touchées par ce phénomène-là. Et on a obtenu des résultats, là, assez probants, et il y a un leadership qui a été développé, et c'est la raison pour laquelle on amène au gouvernement, à la commission la recommandation n° 6, qui vise à l'implantation d'une structure organisée de recherche-intervention.

Alors là, ce n'est pas précis, là, mais, si vous me donniez 10 minutes, ça deviendrait précis puis on pourrait le quantifier en termes de montants. Et ça veut dire, là, de créer un centre de recherche secondaire, collégial et universitaire qui cristallise l'expertise qui a été développée dans le CREPAS et qui va nous permettre d'aller plus loin et éventuellement de transférer la connaissance du phénomène que vous voulez obtenir et la mise au point de stratégies pour lutter justement contre l'abandon scolaire qui touche, du reste, davantage les jeunes garçons que les jeunes filles.

Le Président (M. Kelley): Malheureusement, sur ça, je dois mettre fin à l'échange, mais merci beaucoup, M. Belley et les représentants. Le président a noté la référence à votre implication dans la formation des autochtones, qui est un sujet qui est très proche de mes intérêts. Alors, ça, c'est bien noté, votre dévouement à cet enjeu dans notre société. Alors, sur ça, je vais suspendre nos travaux quelques instants, et merci encore une fois pour votre présentation.

M. Belley (Michel): Merci, M. le Président.

(Suspension de la séance à 15 h 6)

 

(Reprise à 15 h 9)

Le Président (M. Kelley): Je demande aux représentants de la Commission des jeunes de l'Action démocratique du Québec de prendre place, s'il vous plaît. Bonjour. Je demande aux membres de prendre place. Alors, bienvenue aux représentants de la Commission des jeunes de l'Action démocratique du Québec. Je pense que c'est M. Bérubé qui va lancer la balle.

Commission des jeunes
de l'Action démocratique du Québec

M. Bérubé (Micaël): Non. En fait, ça va être François Martin, qui est à ma gauche.

Le Président (M. Kelley): O.K., M. Martin. Alors la parole est à vous, M. Martin.

n(15 h 10)n

M. Martin (François): Merci beaucoup. Donc, M. le Président, M. le ministre, chers membres de la commission, j'aimerais d'abord vous dire qu'il nous fait extrêmement plaisir d'être ici aujourd'hui avec vous. Il est très important pour nous que les jeunes aient leur mot à dire sur des sujets qui les touchent tels que l'éducation. Et cette commission est un moyen, pour nous, de nous faire entendre auprès du gouvernement.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent ici aujourd'hui: à ma droite, nous avons Caroline Morgan, notre directrice des affaires politiques à la Commission des jeunes et diplômée en études françaises à l'Université de Montréal et étudiante en traduction; et, à sa droite, nous avons mon collègue Micaël Bérubé, qui est présentement étudiant en philosophie à l'Université McGill; et finalement, moi-même, François Martin, conseiller régional de Québec pour la CDJ et étudiant en administration au cégep de Sainte-Foy.

Donc, pour présenter le mémoire, nous allons procéder comme suit: tout d'abord, je vais vous faire un bref résumé de ce qu'est la CDJ et du but de notre mémoire; ensuite, Caroline Morgan vous parlera de la double mission des universités; et Micaël Bérubé conclura en vous parlant de nos propositions en ce qui concerne le financement des universités. Enfin, vous pourrez bien sûr nous poser toutes les questions que vous jugerez pertinentes sur notre mémoire.

Commençons donc avec la Commission des jeunes de l'ADQ. Notre commission regroupe des jeunes âgés de 16 à 25 ans inclusivement, et nous avons une triple mission: premièrement, nous devons promouvoir et stimuler l'intérêt des jeunes au sein du parti; deuxièmement, nous avons comme but de faire connaître le message de l'ADQ à tous les jeunes du Québec; et finalement notre troisième rôle consiste à permettre aux jeunes qui veulent s'impliquer, d'acquérir de l'expérience au niveau de la politique provinciale. Donc, le rôle de la CDJ en fait une des commissions les plus importantes au sein de notre parti.

Comme plusieurs d'entre vous le savent, la CDJ s'intéresse depuis plusieurs années aux universités et aux conditions des étudiants. C'est dans ce contexte que nous avons décidé de produire et de vous présenter aujourd'hui un mémoire sur la position et les solutions envisagées par les jeunes de l'ADQ pour régler les problèmes actuels des universités. C'est donc dans cette optique que nous allons vous présenter ce mémoire aujourd'hui, et je vais passer, sur ce, la parole à Mme Morgan.

Mme Morgan (Caroline): Merci beaucoup, François. Alors, quand on parle de la mission double des universités, d'abord on s'attend des universités à ce qu'elles forment la main-d'oeuvre dont le marché de l'emploi a besoin, et aussi à faire épanouir un savoir scientifique et culturel et à faire développer la pensée critique. Il existe aussi une troisième mission, celle de stimuler la culture et le savoir dans l'environnement autour des universités mêmes, c'est-à-dire leur participation à la société, mais, pour le mémoire, on s'est concentrés sur les deux premières missions.

J'aimerais tout d'abord essayer de casser les préjugés qui existent sur certaines disciplines enseignées dans les universités, des préjugés qu'on entend un peu partout et qui malheureusement grèvent un peu le débat. C'est ceux des disciplines supposément inutiles parce qu'elles ne débouchent pas sur des emplois. Pour prendre un exemple, bon, un diplômé en médecine, lui, pas de problème, il le trouvera, son emploi; c'est moins sûr pour celui en anthropologie. Des enseignants, on en manque. Des diplômés en humanités gréco-latines, ils ont de la misère à se placer. Puis pourtant ce sont des disciplines qui ont déjà été en demande, par exemple, lors de la Révolution tranquille, quand le réseau des universités du Québec a été fondé, les programmes de formation qui ont décuplé, les universités qui recrutaient beaucoup... Alors, à ce moment-là, ces diplômés-là, surtout de lettres et sciences humaines, je parle, ils étaient bien en demande.

Aujourd'hui, c'est très différent si... On a pris nos chiffres de l'enquête de la relance des diplômés, l'enquête du ministère. Et on retient l'exemple, par exemple, en anthropologie, les diplômés de 1999: 18 % de chômage, 7,6 % qui sont inactifs et 26,8 % de ceux qui ont un emploi à temps plein jugent que leur emploi est lié à leur formation. C'est moins pire quand on arrive aux deuxième et troisième cycles: des diplômés sont en chômage dans 16,7 % des cas et 72,7 % de ceux qui ont un emploi à temps plein, c'est lié à la formation.

Mais on ne peut pas vraiment prédire que ça va être toujours comme ça dans l'avenir, parce que qui a vraiment la boule de cristal pour dire que, dans 30 ans, il va y avoir encore une pénurie d'infirmières et que par contre les anthropologues vont être encore au chômage? C'est pour ça que, au lieu, quand on entend parler de disciplines supposément utiles ou inutiles... Moi, je veux plutôt parler de disciplines à forte demande et à faible demande. Ce qui non seulement respecte ces disciplines-là dans leur essence et dans leur valeur, mais en plus ça tient compte des fluctuations du marché de l'emploi dans le temps.

Alors, on s'est posé la question: Comment conjuguer les diplômes et les emplois? Est-ce que cette question-là, que les diplômés qui ont de la misère à se placer, ça suffit pour dire qu'on peut contingenter les admissions de chaque discipline selon les perspectives d'emploi? C'est considéré un petit peu comme une hérésie parce que, les universités, on dit qu'elles n'ont pas à devenir des usines à fabriquer des payeurs de taxes, des serviteurs dociles de l'économie. C'est ce qu'on entend fréquemment. Et, à vrai dire, on est pas mal d'accord avec ça, là. Ce n'est pas... Les universités ne sont pas purement asservies aux besoins du marché de l'emploi.

Par contre, si on veut être réaliste, un étudiant qui fait trois ans d'études et qui sort sur le marché de l'emploi, ne se trouve pas d'emploi et finit dans une job finalement qui n'a pas tellement rapport avec sa formation avec plus de 10 000 $ de dettes, il y a vraiment des questions à se poser là-dessus. Et c'est justement le débat qu'on voulait soulever. C'est un champ de réflexion pour lequel on n'est pas encore... On l'a ouvert tout récemment, et c'est pour ça qu'on ne l'a pas encore approfondi autant qu'on aurait voulu. Mais, bon, comme il n'y a pas des consultations publiques à toutes les lunes, on voulait en profiter pour apporter le débat.

Par contre, pour ce qui est du contingentement comme tel, on ne pourrait jamais être trop prudent par rapport à ça, d'abord parce qu'il y a une bonne partie du financement qui actuellement, dans la formule actuelle, est liée au nombre d'étudiants qui se sont inscrits. Dans la formule actuelle, bon, si on ne tient pas compte... Le portrait grosso modo, c'est qu'environ 70 % des subventions gouvernementales aux universités sont directement liées au nombre... aux équivalents d'étudiants à temps plein. Autrement dit, moins d'étudiants, c'est moins de financement; moins de financement, c'est moins de professeurs et moins de recherche. Parce que, dans les règles de calcul budgétaire, le salaire des professeurs, c'est calculé dans la colonne enseignement.

Mais pourtant ce n'est pas parce que... Même en l'absence d'étudiants, ça ne veut pas dire qu'il y a des départements qui ne peuvent pas continuer leurs activités de recherche. Alors, c'est justement le dilemme qu'on a: comment ajuster le nombre d'admissions d'étudiants beaucoup plus en perspective des emplois, des débouchés, mais sans tuer la recherche? Puis, même si on envisageait un contingentement, il ne faudrait pas qu'il soit trop strict, parce qu'il y a des disciplines qui n'ont pas des débouchés clairs. Comme par exemple, en anthropologie ou en littérature, ils peuvent très bien aboutir comme correcteurs, recherchistes ou dans des agences de publicité.

Alors, avant d'en arriver là, il y a d'autres moyens d'arrimer des diplômes avec les emplois. Par exemple, en concentrant les ressources, il y a des universités qui peuvent offrir conjointement des diplômes. C'est ce que McGill et l'Université de Montréal font déjà pour l'enseignement du français langue seconde. Et ce serait un moyen, par exemple, d'ajuster le nombre de diplômes d'étudiants formés tout en préservant plusieurs lieux de recherche distincts. Il y a aussi encourager, entre autres ? je souligne ? encourager les études hors établissement dans le cadre de l'entente interuniversitaire de la CREPUQ: des étudiants qui peuvent suivre des cours en dehors de leur université d'attache, avec l'entente de la CREPUQ. C'est par contre... Ce serait... vraiment... Il faudrait quand même éviter de fermer carrément des programmes trop, parce que ça peut créer un phénomène de pensée unique, et la vitalité du milieu universitaire repose justement sur la capacité de ses membres à s'évaluer puis à se critiquer entre eux.

Un autre moyen aussi, c'est de revaloriser ces diplômes-là qui actuellement sont boudés par le marché de l'emploi. Et, là-dessus, je vais reprendre les propos d'Alain Gosselin, qui est professeur aux HEC, qui soulignait qu'il avait déjà eu des étudiants... entre autres, un étudiant avec un Bac en philosophie qui est allé chercher un Certificat en gestion et qui est allé se décrocher un emploi en entreprise. Et les entreprises s'intéressent à ces diplômés-là, en lettres, en sciences humaines, qui quand même sont intellectuellement très bien formés et qui peuvent apporter, dans des entreprises, des manières de voir et de fonctionner différentes, donc devenir des gestionnaires très créatifs. Et ce serait justement un des moyens d'encourager ces étudiants-là à aller chercher un diplôme complémentaire, par exemple un titre en gestion, pour mieux s'insérer sur le marché de l'emploi et mieux profiter des compétences acquises.

n(15 h 20)n

Pour terminer, finalement, globalement, c'est que le financement des universités devrait beaucoup moins tenir compte de l'effectif étudiant et beaucoup plus des activités globales, dont la recherche, pour s'assurer que les objectifs de formation de la main-d'oeuvre ne viennent pas entraver ceux de l'épanouissement du savoir, puis que les professeurs ne devraient pas avoir à s'inquiéter du nombre d'étudiants inscrits aux programmes afin de justifier leurs projets de recherche. Puis, là-dessus, pour parler de financement, je cède la parole à mon collègue et président de la Commission des jeunes, Micaël Bérubé.

M. Bérubé (Micaël): Merci, Caroline. Bon. J'ai deux points à aborder. En fait, deux points qui sont dans un même sujet, qui est le réinvestissement, premièrement, du gouvernement à l'intérieur des universités, puis ensuite, de la part de l'étudiant, ce que l'étudiant a à payer pour aider à financer l'université. Je vais commencer avec la part du gouvernement.

Tout d'abord, un principe qui est cher à nous, c'est que, peu importe combien d'argent est-ce que les étudiants réinjecteront par une hausse possible des frais de scolarité dans le système, et bien le gouvernement doit absolument accoter cette hausse. Ce n'est pas seulement l'étudiant qui doit payer le frais comme du financement du système. Avec ce principe-là en tête, on est tout à fait d'accord avec ce que la CREPUQ propose, de réinvestir 375 millions de dollars dans les universités, seulement pour arriver au niveau de ce que les universités dans le reste du Canada reçoivent. Évidemment, c'est extrêmement important, simplement parce que, avec la mobilité des étudiants qui augmente de plus en plus, si la qualité de nos institutions n'est pas à la hauteur de ce qu'on retrouve tout près géographiquement, bien on peut faire face à un déménagement massif des étudiants et des professeurs.

Ceci étant dit, où est-ce qu'on devrait envoyer cet argent-là? Plus précisément, est-ce que c'est plus à la formation ou à la recherche? On croit qu'on a beaucoup d'argent à mettre en recherche particulièrement, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, comme Caroline l'a présenté au début de notre présentation, les universités présentement dépendent beaucoup du nombre d'inscriptions, puis ça, ce n'est pas nécessairement bon. Ça peut pousser les universités à mettre plus d'inscriptions dans les programmes, par exemple de sciences humaines, qui ont un très bas coût puis de contingenter les programmes où est-ce qu'il y a plus de demandes dans le marché du travail. Donc, en mettant plus d'argent dans la recherche, bien ça libère les universités de ce problème-là, de l'effectif étudiant.

Une autre raison, c'est que le privé investit déjà dans l'université, au niveau de la recherche, mais évidemment, eux, ils tendent à investir dans ce qui est appliqué plutôt que la recherche fondamentale. Pourtant, la recherche fondamentale, bon, des retombées, on ne peut pas toujours les prévoir, mais c'est des retombées très importantes. Puis un exemple qui est dans le mémoire, c'est Christophe Colomb qui a traversé l'Atlantique pour découvrir toutes sortes de choses, bien la recherche fondamentale, puis ça a profité à nous tous, ici.

Ça fait que ça, c'est les deux grandes raisons pour lesquelles on voudrait que le financement octroyé par le gouvernement aille plus à la recherche. Donc, ça finit la première partie de ce que j'avais à dire. La seconde partie concerne la loi-cadre, qui est notre grande proposition. Avant, deux principes dont j'aimerais parler.

Premièrement, selon nous les étudiants d'aujourd'hui, quoiqu'ils soient capables de payer un peu plus, on peut augmenter leur facture, ils ne peuvent pas en absorber beaucoup plus, puis, pour preuve, j'ai des statistiques qui proviennent d'une étude du ministère de l'Éducation. Je vais vous lire quelques statistiques. Le revenu moyen brut chez les étudiants universitaires en général était de 11 000 $ par année. Pourtant, parmi tous ces étudiants, en tout cas la majeure partie... la moyenne de ces étudiants travaillaient entre 16 et 17 heures par semaine. Donc, nos étudiants travaillent. Ils ne gagnent pas beaucoup puis en plus ils ont des grandes dépenses: on parle de 400 $, par exemple, pour un loyer à chaque mois; ensuite, 3 000 $, par exemple, pour l'alimentation; 2 000 $ pour les frais de scolarité; 600 $ pour le matériel et les livres scolaires; 600 $ pour les vêtements et les chaussures; 1 000 $ pour le transport; 1 500 $ pour les sports et les loisirs. Bref, toutes des choses qui sont tout à fait essentielles à une vie normale puis que, quand on fait la somme, bien ça dépasse largement les revenus. Tout ça pour dire que les étudiants d'aujourd'hui ne sont pas totalement pauvres, mais ils ne peuvent pas accepter une énorme augmentation des frais.

Autre principe dont je voulais parler, c'est que le gel des frais de scolarité, là, ça n'existe pas. Ça n'existe pas pour la simple raison ? puis je crois que plusieurs fédérations vous ont souligné ce fait ? pour la seule raison qu'il y a une différence entre les droits de scolarité puis les frais de scolarité. Les droits, c'est ce que les étudiants paient pour leurs cours comme tels, mais, au-delà de cet argent-là, il y a toutes sortes de frais afférents qui vont à des services tels que ? je vais vous raconter une liste, vous allez voir, il y en a beaucoup ? frais de gestion, frais d'administration, frais d'encadrement pédagogique, frais de service à la vie étudiante, cotisation à la vie étudiante, frais de diplomation, frais facultaires, frais hors campus, droits d'auteur, frais administratifs, donc j'en passe. Chaque étudiant voit sur sa facture cette liste-là qui revient. C'est une façon pour les universités de contourner un peu ce gel-là puis d'assurer la qualité, en fait, de leur système. Bon. Le problème avec ces frais afférents là, c'est que, bien, ils ne sont pas réglementés, ils peuvent être accrus à n'importe quel degré, puis ça veut dire que le gel de frais de scolarité, il n'existe pas.

Donc, nous, ce qu'on propose, c'est l'abolition pure et simple de ces frais afférents puis leur intégration avec les droits de scolarité, c'est-à-dire les frais qu'on paie pour les cours, à l'intérieur d'un seul frais unifié et que ce frais-là soit réglementé puis que son augmentation soit contrôlée.

Une autre affaire qui est très importante quand on considère l'augmentation des frais de scolarité, c'est que ça ne doit pas se faire en un geste brusque, comme ce qui est arrivé entre 1989 puis 1994, alors que les frais de scolarité ont monté de 250 %, dans cette période-là, tandis que l'implication du gouvernement a diminué de 7 %. Ce genre de changement là, ça a deux effets assez néfastes. Premièrement, eh bien, moi, si j'ai un budget puis j'apprends, dans le cours de mes études ? qui peuvent être assez longues, puis c'est de plus en plus long, justement ? que les frais augmentent de 200 % en dedans de cinq ans, ça vient tout mettre à terre, là, mes planifications budgétaires. Puis une deuxième raison, c'est que ça fait qu'il y a des gens qui profitent d'un gel pendant une période, par exemple 10 ans, puis qu'au terme de cette période-là, au moment où est-ce qu'on se rend compte que le gel, c'est irréaliste, le gel, c'est irresponsable, on se rend compte, bien là on augmente les frais, puis là il y a une partie du monde qui paie, tandis que tous ceux qui étaient entre, eux... donc c'est comme injuste.

Donc, pour revenir à notre proposition: une loi-cadre qui unifie toutes ces choses-là ensemble et qui les indexe. On croit qu'une augmentation raisonnable, ce serait une indexation au prix de l'indice des prix à la consommation. Puis, au cas où le taux d'inflation, il varie trop, bien on aimerait ça avoir un plafond, hein ? ça, c'est hypothétique, mais ? d'environ 2 %, pas plus que 2 % d'augmentation. Puis ça va de pair avec une indexation de l'aide financière. Évidemment, si les frais augmentent, eh bien, l'aide financière doit aussi augmenter. On propose tout simplement de l'indexer tout comme on indexerait les frais de scolarité.

Puis j'aimerais en profiter pour noter quelques problèmes avec l'aide financière présentement, une aide financière qui a besoin d'être révisée. Entre autres, bien l'aide financière est déterminée à partir de l'actif net des parents, ce qui est un problème pour, exemple, un étudiant qui aurait des parents qui travailleraient... des agriculteurs. Ils ont un énorme actif net, mais ils n'ont pas nécessairement beaucoup d'argent qui circule. Donc, ça peut être un problème pour ce genre d'étudiant là. Puis d'autres problèmes, c'est: les dépenses admissibles, elles n'ont pas été énormément indexées; puis il y a certains coûts, entre autres pour le transport des jeunes en région, qui sont mal couverts; puis des nouvelles dépenses qui viennent avec le développement des technologies, je pense à l'Internet puis aux ordinateurs; et le matériel de cours spécialisés aussi, il n'y a pas encore de choses qui peuvent couvrir ça, par exemple un étudiant en photographie qui a besoin d'un appareil.

Donc, je vais tout de suite résumer ce qu'on a dit pendant cette présentation. Donc, on a, en gros, trois ensembles de propositions. Le premier, instaurer une loi-cadre fixant les droits de scolarité pour les étudiants ainsi qu'indexer annuellement ces frais, la loi-cadre devra également abolir les frais afférents et inclure l'aide financière réévaluée et changer les critères, comme je viens d'en parler. Ensuite, réinvestir massivement dans les universités pour combler le manque à gagner de 375 millions puis rejoindre la moyenne de financement dans les autres provinces. Et enfin réinjecter ces sommes principalement dans la recherche afin que la santé financière du milieu universitaire dépende moins du nombre d'inscriptions aux programmes d'étude, et enfin contingenter ces programmes en rapport avec les débouchés sur le marché de l'emploi. Vous pouvez donc nous poser vos questions.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Bérubé, et je vais passer la parole maintenant au ministre de l'Éducation et député d'Orford.

M. Reid: Merci, M. le Président. Bienvenue à cette commission parlementaire. Juste avant, là, de poser une question, je voudrais vous rappeler peut-être que la loi n° 19, qui a été adoptée au mois de décembre, a corrigé la situation dont vous parlez. Donc, ce n'est plus un problème au moment où on se parle, c'est-à-dire que la contribution parentale est calculée à partir du revenu imposable et non pas, comme autrefois, des actifs.

n(15 h 30)n

Ma question porte sur cette idée de contingenter les admissions de chaque discipline. Vous savez que c'est une idée qui a été discutée souvent au Québec et qui a toujours été rejetée pour différentes raisons ? peut-être à tort, c'est vous qui allez peut-être nous éclairer là-dessus. Limiter surtout les admissions par rapport à ce qu'on pense être les possibilités d'emploi, ça représente un certain nombre de difficultés qui ont été mentionnées dans ces discussions qui ont été déjà faites. Par exemple, première moitié des années quatre-vingt-dix, tout semblait indiquer qu'étudier en éducation, c'était s'assurer de ne pas avoir d'emploi. Or, on s'est aperçus, et pas longtemps après, qu'on a bien fait de ne pas empêcher ceux qui étaient intéressés d'y aller, parce qu'il y a eu un manque de personnel d'enseignement qui continue, et je pense qu'on a de la misère à faire le rattrapage. Donc, si on avait planifié à ce moment-là de diminuer les admissions parce qu'on voulait protéger les étudiants contre une situation où il n'y aurait pas d'emplois, on se serait probablement tiré une balle dans le pied comme société puis on aurait nui aux étudiants en question. C'est les idées qui ont été avancées.

De la même façon, si on recule un peu plus loin dans l'histoire, il y a eu un engouement extraordinaire pour les sciences sociales au début des années soixante... enfin au milieu des années soixante, et puis après on s'est dit: Bon, bien, ça n'a pas de bon sens, il n'y a pas besoin d'autant de sociologues, autant de diplômés en sciences sociales pour les besoins de l'époque. Mais on s'est aperçu que finalement ces diplômés-là, une fois sur le marché, ont fait une excellente main-d'oeuvre, entre guillemets, pour les médias qui ont explosé à ce moment-là avec l'intérêt des Québécois pour les affaires publiques, etc. Et donc c'est très difficile de prévoir, de planifier en quelque sorte ce que seront les jobs ou les possibilités d'emploi.

Et, au-delà de ça, il y a d'autres raisons qui ont toujours milité en défaveur d'un contingentement de cette nature-là, c'est qu'il y a des jeunes qui disent: Moi, quand même qu'il n'y a pas de job là-dedans, là, peut-être qu'il y a juste une job sur quatre de ceux qui finissent, mais, moi, je vais être parmi ceux des quatre. Et je veux y aller pareil parce que c'est ma chance, c'est ça qui m'intéresse dans la vie. Et, si vous ne m'admettez pas à l'université pour faire ça, je n'irai pas à l'université. Et dans ce sens-là le fait de mettre un contingentement qui serait lié au nombre d'emplois pourrait limiter aussi l'accès.

Et donc je vous donne des éléments qui ont milité contre le contingentement. Il y en a qui militaient pour, vous en avez apporté. Mais la question que je veux vous poser par rapport à ça, c'est: S'il devait y avoir un tel contingentement que vous proposez, qui va déterminer le contingent? Qui va déterminer combien, au Québec, on va donner la permission à des jeunes d'aller en anthropologie, en musique, en éducation, en toutes les disciplines, quoi? Et est-ce que c'est le gouvernement, auquel cas c'est sûr que là on commence à toucher à l'autonomie des universités par rapport au gouvernement? Mais qui aurait ce pouvoir de déterminer, dans votre proposition, le contingentement, la limite, autrement dit, maximum de nombre d'étudiants qu'on admettrait?

Le Président (M. Kelley): M. Bérubé, ou Mme Morgan, ou...

Mme Morgan (Caroline): Je vais y aller avec cette question-là. D'abord, on est très conscient que le contingentement, c'est une question extrêmement délicate et que... Bon. D'abord, ce n'est peut-être pas précisé dans le mémoire, mais je vais le préciser maintenant, ici, extrêmement clairement, là: pour nous, c'est les universités qui devraient faire ça. On voit mal le gouvernement faire la police dans les demandes d'admission des universités.

Maintenant, il faudrait, pour ça, que les universités soient financées correctement pour s'assurer que justement leur financement ne soit pas lié au nombre d'étudiants admis dans telle ou telle discipline. Et, là-dessus, j'ai demandé à M. André Racette, qui est directeur des finances à l'Université de Montréal, étant donné qu'il y a des formations, il y a des étudiants qui coûtent plus cher à former que d'autres et que les subventions par discipline qui sont calculées dans les règles budgétaires ne reflètent pas toujours la réalité, puis que, dans les faits, effectivement il y a toujours certaines facultés qui rapportent plus que d'autres, je lui ai demandé si ça pouvait influencer le nombre d'admissions dans les différentes disciplines. Et il a carrément répondu: Oui, ça se peut. Mais il a été tellement catégorique que je pense qu'il a été à un cheveu de me dire carrément: Oui, ça se fait. Alors, c'est quand même... Pour ça, il faut que les universités soient quand même financées correctement. Puis je ne suis pas ici pour faire le procès des universités, pour les blâmer, là, mais elles manquent d'argent, elles tentent de joindre les deux bouts par tous les moyens possibles, et ça, elles ne devraient pas vivre ce problème-là.

Maintenant, pour ce qui est de refuser des étudiants qui sont intéressés, si cette question-là existe pour l'anthropologie, alors elle existe aussi pour la traduction, qui est actuellement contingentée, elle existe pour la médecine, elle existe pour toutes les disciplines possibles et imaginables. Alors, s'il y a certaines disciplines qui sont contingentées, entre autres pour des raisons de perspectives d'emploi ou de resserrement de critères déterminé par des ordres professionnels, comme je crois que c'est le cas en médecine, à ce moment-là, pourquoi ne pas le faire dans d'autres programmes?

Maintenant ? puis je pense qu'on le spécifie dans le mémoire ? le contingentement, c'est réellement le dernier, dernier, dernier recours, quand il n'y a rien d'autre qui fonctionne. Et il ne faut pas être trop maniaque dessus parce que, effectivement, il y a des disciplines qui n'ont plus un débouché clair et, par exemple, justement, que ce soient les études françaises ou l'anthropologie qui peuvent s'insérer dans les entreprises ou dans les médias. Puis il y a aussi effectivement des gens qui s'instruisent pour se cultiver. On mentionne, entre autres, l'Université du troisième âge à l'Université Laval.

Mais quand même, quand on examine les chiffres de la relance puis que, dans certaines disciplines où l'emploi lié à la formation est minuscule... Entre autres, je me rappelle, le pire cas, je pense, c'est les humanités gréco-latines, où ceux qui ont un emploi à temps plein, là ? on ne parle même pas des autres ? il y en a 8 % qui sont liés à la formation. Il faut bien commencer à se poser des questions.

Alors, pour résumer, justement, oui, le contingentement, c'est le dernier recours quand les autres solutions n'ont pas fonctionné. Il ne faut pas être trop strict dessus. Effectivement, les prévisions d'emploi ne sont pas... C'est comme un peu prédire à la Bourse, c'est approximatif. Mais quand même on croit que le débat... la question doit être reposée et les possibilités réexaminées.

Le Président (M. Kelley): Une autre courte question?

M. Reid: Juste là-dessus, une complémentaire. Vous vous rendez compte qu'un financement gouvernemental qui ne serait pas lié au nombre d'étudiants, quand le nombre d'étudiants baisse, ça n'a pas d'impact de contingent. Mais, quand le nombre d'étudiants monte, bien, évidemment, s'il n'y a pas le financement, les universités ne peuvent pas accepter plus qu'un certain nombre s'il n'est pas lié d'aucune façon au nombre d'étudiants ? on se comprend? ? et donc, de facto, c'est le ministère qui déciderait, par son financement, quel est le maximum d'admissions. Et donc, si ce n'est vraiment pas lié, ça devient, de facto, à donner au gouvernement un pouvoir de contingentement.

Actuellement, je vous ferai remarquer qu'il n'y a pas ce type de... Le fait que le financement soit lié au nombre d'étudiants, ça veut dire que, si l'université augmente le nombre d'étudiants ? mise à part médecine, là ? il n'y a pas de contingentement gouvernemental, et elle reçoit l'argent nécessaire pour donner la formation.

Mme Morgan (Caroline): Actuellement, on parle de 70 % qui est lié au nombre d'étudiants. On ne parle pas de réduire ça à zéro, mais qu'une plus grande part soit rajoutée pour la recherche, justement pour que les activités départementales puis les activités de recherche dépendent moins du nombre d'inscriptions.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue au nom de ma formation politique. Bon. Vous soulevez effectivement quelques problèmes auxquels vous suggérez certaines solutions. Bon. Je pense que, sur la question du contingentement, on a largement, là, abordé cette question-là, je n'y reviendrai pas, mais j'avais un peu les mêmes questions que mon collègue le ministre de l'Éducation.

À la page 6 de votre mémoire, sans formellement suggérer de fermer des programmes, vous allez cependant dans le sens de voir à rationaliser sûrement les programmes. En fait, vous dites: «La nécessaire collaboration interuniversitaire. Ce problème pourrait être résolu en concentrant les ressources de plusieurs manières: fermer des programmes, ce que les universités en région sont déjà obligées de faire, offrir conjointement des diplômes», bon, etc.

Lesquels on choisirait? Parce que ce débat-là, on l'a eu, à une certaine époque, avec la Conférence des recteurs, où on sait qu'il y avait plusieurs programmes semblables dans différentes universités, puis on se disait: Bon, bien, comme il y a peu d'étudiants, peut-être serait-il souhaitable de les revoir. Mais, un peu comme vous le dites par rapport à la littérature, à l'enseignement de la littérature, là, vous illustrez bien que, dans un même département, il y a des profs vraiment qui ont différentes connaissances très, très pointues par rapport à la littérature du XIXe siècle, la littérature au moment du Romantisme, et etc., et donc on est arrivé à la conclusion qu'il était peut-être souhaitable que l'on conserve ces programmes, même s'ils étaient fréquentés par un petit nombre d'étudiants, à cause de la question de l'accessibilité et des richesses propres à chacune des facultés, ou des écoles, ou des départements où ça s'enseignait.

Est-ce que, en ce sens-là, ce n'est pas se priver d'un savoir disponible et de la possibilité, pour des gens, d'aller acquérir ce savoir-là même si ça peut sembler être un peu lourd, comme nombre de programmes?

n(15 h 40)n

Mme Morgan (Caroline): Cette réponse-là, elle vient des universités, dans le fond. En fait, beaucoup du mémoire s'adresse pas uniquement au gouvernement, mais aux universités en général. Fermer des programmes, c'est sûr que ce serait... C'est comme une jambe malade quand on est rendu à l'amputer, là, on fait tout ce qu'on peut avant d'en arriver là. Maintenant, les universités peuvent ? elles le font déjà un peu, mais on les encourage à pousser dans ce sens-là ? s'adapter. Entre autres, un exemple qui est extrêmement intéressant, c'est l'Université de Montréal puis l'Université McGill qui offrent conjointement un diplôme. Pour ceux... Maintenant, ça, ça fonctionne assez bien dans le milieu montréalais, où les universités sont proches, mais il y a la possibilité de formation à distance, la Télé-université. Par exemple, un étudiant d'une université qui veut suivre un cours d'une autre université, mais l'autre université, elle est située très loin, bon, Télé-université, ça peut être une solution. L'ouverture de campus secondaires, ça, il y en a qui le font déjà. L'Université de Sherbrooke et Montréal ont un campus à Longueuil, l'Université de Montréal qui a un campus à Laval. Autrement dit, de pouvoir porter la possibilité d'enseignement plus loin. Alors, justement que les universités poussent encore plus loin le réseautage et la collaboration pour justement éviter à tout prix d'avoir à fermer des programmes puis à se priver de la diversité des milieux universitaires.

Mme Marois: Un peu dans le même ordre d'idées ? et ça, vous introduisez votre mémoire dans cette perspective-là ? en revenant sur la notion des sciences... pas inutiles, là, je pense que vous nous en faites bien la démonstration, mais vous proposez de changer l'appellation pour parler de faible demande par rapport aux lois du marché. Est-ce que ça n'envoie pas un signal, à ce moment-là, que, si c'est faible demande, c'est faible utilité et qu'on ne devrait pas plutôt garder les appellations générales sans les qualifier à cet égard-là, sachant que bien sûr le marché est plus difficile pour quelqu'un qui sort de littérature, si ce n'est l'enseignement et un peu de recherche, et il sera plus difficile pour les gens qui sortent de philosophie, mais il y a des gens qui sortent de philosophie qui sont chefs d'entreprise aujourd'hui et ils ne s'imaginaient jamais qu'ils allaient y arriver?

D'ailleurs, vous faites référence aux études de relance, puis on en fait référence dans d'autres mémoires, on constate que quelqu'un qui est passé par l'université a généralement une possibilité plus grande de se trouver un emploi dans son secteur de formation. Et, même si ce n'est pas dans son secteur de formation, au moins dans son champ de formation, au moins à un niveau qui correspond, si on veut, à une formation universitaire. Alors, moi, je suis un petit peu réticente, là, je vous le dis, quand je vois cette qualification-là, parce que je crois que, au fil du temps, on a constaté qu'une formation, même si c'était dans des champs d'expertise moins en demande sur le marché du travail, amenait les gens souvent à se retrouver dans un lieu de travail qui était pas mal plus stimulant à cause de leur formation de départ.

Mme Morgan (Caroline): O.K. Pour ce qui est de «à faible demande», «à forte demande», des fois on trouve des appellations similaires dans les enquêtes sur les perspectives d'emploi dans chaque domaine. Ils disent: Bon, tel domaine, bonne perspective; d'autres domaines, faible perspective. Maintenant, il y aurait peut-être lieu d'avoir plus d'information justement pour, les étudiants, comment valoriser leur diplôme, parce que, actuellement, par exemple, dans les descriptions de programmes, quand on donne les perspectives d'emploi, c'est... Admettons, histoire de l'art: directeur de galerie, employé de musée puis professeur de l'histoire de l'art à l'université, puis c'est à peu près ça. Il y a effectivement un manque d'information dans ce sens-là, et ce n'est pas évident, par exemple, pour un étudiant en lettres, de savoir qu'il peut se trouver un emploi comme recherchiste ou encore être dans une entreprise.

Maintenant, ce que j'appelais, entre guillemets, les sciences utiles et inutiles versus à forte demande, à faible demande, je ne parle pas, ici, d'appellation officielle, là, sur des documents gouvernementaux. Le but de ce passage-là était plus de casser une mentalité de stratège de salon où justement, quand quelqu'un qui étudie en philosophie dit à son entourage ou à une personne qu'il connaît que c'est là-dedans qu'il étudie puis que la première question qu'il se fait poser, c'est: Qu'est-ce que c'est que tu vas faire avec ça?, c'était plus cette mentalité-là qu'on aimerait casser.

Mme Marois: C'est bien. Alors, je suis d'accord avec vous. Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Chauveau.

Mme Perreault: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à vous trois. Hier, on a entendu la FEUQ, la Fédération étudiante universitaire du Québec, on a entendu également les jeunes du Parti québécois, qui ont tenu un discours qui, à la lecture de votre document, est un peu différent du vôtre, notamment en ce qui a trait au gel de frais de scolarité, où eux, par souci d'assurer l'accessibilité, préconisent un gel des droits de scolarité, ce qui n'est pas votre cas.

J'aimerais vous entendre, je lis, dans votre mémoire... Tout à l'heure vous avez parlé d'indexation des frais de scolarité, mais, moi, je vois, dans votre mémoire, autre chose aussi. Je ne sais pas si je comprends bien ce que vous dites, mais vous dites: «En vérité, les frais de scolarité ? je suis à la page 13 de votre mémoire ? pourraient être recalculés en fonction des besoins des universités [d'une part] et des moyens des étudiants en se servant [...] de la récente étude du ministère», etc. Alors, sur la page 14, vous parlez de l'indexation, vous avez même un exemple de ce que pourrait représenter une indexation au coût de la vie des frais de scolarité.

Alors, moi, j'aimerais que vous m'expliquiez. D'abord, est-ce que vous êtes pour simplement une indexation des frais de scolarité ou est-ce qu'on doit comprendre qu'il y aurait une révision du taux actuel des frais de scolarité, compte tenu de ce que vous dites à la page 13? Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, quelle est votre position exacte.

Mme Morgan (Caroline): O.K. C'est parce que, actuellement, on détient deux chiffres: il y a le 1 526 qui découle directement des droits de scolarité et il y a le 1 862 que Statistique Canada a calculé en fonction et des droits de scolarité et des frais afférents. Alors, ce serait plus probablement... C'est parce qu'on avait une différence entre ces deux chiffres-là, puis, comme les frais afférents sont quand même une source de financement qu'il est difficile de couper brusquement, d'un coup sec, on parlerait plus, à ce moment-là, de partir du chiffre 1 862, de le figer là puis, après ça, de l'indexer à l'IPC. Maintenant, pour ce qui est de la FEUQ et du Parti québécois, c'est un autre chemin différent.

Une voix: ...

Mme Morgan (Caroline): C'est ça, c'est à peu près... Les deux empruntent le même chemin, parce que, de toute façon, à nos yeux, la FEUQ et la Parti québécois, c'est bonnet blanc, blanc bonnet. Mais de toute façon c'est que, eux, ils pensent garder les frais afférents et les réglementer et par contre maintenir le gel. Mais nous, de notre côté, c'est beaucoup plus interdire les frais afférents à peu près strictement, sauf pour les frais d'association, là, sur lesquels ils ont quand même une prise et, à ce moment-là, de les réglementer tout en maintenant le gel.

Sauf que, pour nous autres, une réglementation de gel... une réglementation de frais, je veux dire, ça se contourne. Il y a toujours les petites craques qui peuvent se trouver pour aller chercher d'autres frais, et c'est pour ça... Encore là, on ne peut pas blâmer les universités, elles ont besoin d'argent. Mais c'est pour ça que, pour nous autres, c'est beaucoup plus clair de mettre un montant de droits de scolarité, l'indexer, puis les frais afférents, de toute façon, c'est zéro.

Parce que de toute façon c'est quoi, les frais afférents? Il vous a donné la liste, là, frais de gestion, frais de... Sauf que c'est des services qui devraient être inclus dans les droits de scolarité, qui devraient être payés par les droits de scolarité, parce que, moi, je n'ai jamais vu... Par exemple, il y en a qui veulent la gratuité scolaire, sauf que, moi, je n'ai jamais vu, admettons, une pharmacie où on donne les pilules, mais on fait payer pour le pot puis on fait payer pour passer la porte. Et c'est la même chose, puis les frais de gestion, puis des frais d'administration de dossier, puis les frais de diplomation... C'est quoi, les frais de diplomation? On paie pour le papier cartonné ou quoi? C'est pour ça qu'on emprunte l'avenue d'un frais... c'est-à-dire un droit de scolarité et zéro frais afférents et indexation. C'est beaucoup plus clair et beaucoup plus précis.

Le Président (M. Kelley): Très rapidement, parce qu'il y a une autre demande d'intervention aussi.

Mme Perreault: O.K. Je veux juste revenir pour que ce soit plus clair pour tout le monde parce que je pense que c'est intéressant, ce que vous dites ? je ne pense pas, j'en suis convaincue. Je veux juste revenir. Je comprends l'indexation, mais je veux vraiment revenir sur... Vous parlez des... Je comprends, là, qu'on élimine les frais afférents ou les frais administratifs, on revient avec un frais unique, là, mais on revient sur la base... Est-ce que vous revoyez la base actuelle des frais de scolarité en fonction de ce que vous dites dans votre mémoire, là, en fonction des besoins des universités, des... Comment vous revoyez ça? Parce que, je pense, c'est important que vous nous l'expliquiez comme il faut. Puis, après ça, je comprends qu'on indexe annuellement, là, il pourrait y avoir un plafond de 2 %, etc., c'est assez clair dans votre mémoire. Mais c'est cette partie-là, est-ce qu'on garde la base actuelle ou on revoit cette base-là?

Le Président (M. Kelley): Mme Morgan.

n(15 h 50)n

Mme Morgan (Caroline): Actuellement, on pourrait partir du chiffre 1 862. Maintenant, il y a toute une controverse autour... Est-ce que les étudiants paient leur juste part? C'est une question qui n'est pas évidente à répondre. Bien, on a l'enquête sociologique, là, qui pourrait peut-être servir d'indicateur pour dire à la population, à tous ceux qui écrivent des lettres dans les journaux: Regardez, avec tel et tel chiffre, là, on pourrait en tout cas justifier que le 1 862, il correspond à ce que les étudiants peuvent payer puis qu'à ce moment-là on indexe à partir de là. Mais c'est évident que, idéalement, on partirait du chiffre 1 862. Maintenant, s'il y en a qui ont des questions: Oui, mais est-ce que ça correspond à ce que les étudiants peuvent payer?, on peut aller chercher des données dans l'enquête sociologique puis, à ce moment-là, aller faire correspondre ça avec le droit qu'on veut faire payer.

Mme Perreault: Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Jean-Talon, il vous reste trois minutes.

Mme Delisle: Merci. Je suis quand même restée sur mon appétit par rapport aux frais de scolarité, là. Il y a quand même plusieurs propositions qui... En tout cas, ça ne me semble pas clair. J'aimerais ça... On aura peut-être l'occasion d'en reparler une autre fois.

Je voudrais, avant de vous poser ma question, qui va toucher la recherche, juste apporter quelques correctifs. Dans votre chapitre intitulé Réforme de l'aide financière, à la page 16, le ministre vous a mentionné qu'il y avait des correctifs qui avaient été apportés à votre premier paragraphe. Pour ce qui est du deuxième et du troisième de la page 17, si ma mémoire m'est fidèle, concernant les montants qui étaient versés en trop aux étudiants, il me semble que le gouvernement précédent avait corrigé cette situation-là et avait rayé cette difficulté, là, pour les étudiants, là, qui payaient en trop puis qui étaient obligés de remettre un gros montant tout de suite.

Et, pour ce qui est du deuxième paragraphe, qui touche les versements mensuels, ça fait suite à notre Loi sur l'aide financière, le correctif est là, hein? Il a été prévu que les montants, le premier montant versé comme aide financière et le... le premier montant de septembre et le premier montant de janvier seraient plus substantiels pour justement pallier aux inquiétudes que vous aviez par rapport aux étudiants. Je vous le dis, là, parce que c'est important que vous le sachiez, là, que ça a été fait, ça. Bon.

Maintenant, sur la recherche. Dans votre mémoire, vous touchez évidemment le domaine de la recherche. Est-ce que j'ai bien compris que, pour vous, la mission de recherche qui est dévolue aux universités doit passer avant celle de la formation?

Mme Morgan (Caroline): En fait, c'est deux missions qui sont séparées, qui ont chacune leur importance. On ne met pas l'une en avant de l'autre, sauf qu'actuellement le financement de l'une de ces missions-là dépend trop du montant qui est accordé selon l'autre. Autrement dit, c'est à 70 % des subventions qui sont liées à l'enseignement et l'autre qui, bon... c'est le soutien à la recherche, immeubles et immobilisations, ce qui veut dire qu'il y a beaucoup de la recherche, beaucoup de salaires de professeurs, entre autres dans certains départements, qui dépendent trop du nombre d'étudiants qui sont inscrits à ces programmes, à ces départements-là. Alors, il s'agirait réellement dans le fond que la recherche soit autonome financièrement du nombre d'étudiants qui sont inscrits dans les programmes.

Mme Delisle: Est-ce que vous voyez les professeurs qui enseignent comme étant aussi ceux qui font la recherche, là?

Mme Morgan (Caroline): C'est-à-dire que, actuellement, il y a énormément de chargés de cours, sauf que les chargés de cours, bon, sont souvent très jeunes, pas toujours expérimentés, souvent qui manquent de confiance en eux. Nous, ça ne dérange pas d'être le cobaye d'un chargé de cours qui est en train de bâtir son expérience pour devenir professeur, sauf que, quand c'est rendu que les trois quarts des cours sont donnés par des chargés de cours qui des fois sont à peine plus âgés que nous et qui n'ont pas énormément d'expérience, ça commence à taper sur la formation.

Mme Delisle: Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Je soupçonne que le député de Beauce-Nord veut intervenir. Alors, vous avez une enveloppe de cinq minutes, M. le député.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Félicitations, hein? Je trouve ça très bien. C'est sûr que vous êtes de l'Action démocratique, c'est encore mieux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Grondin: Mais je dois vous dire que vous seriez des jeunes libéraux ou des jeunes du Parti québécois, je trouverais ça quand même très bien, parce que des jeunes qui s'intéressent à la politique, qui s'intéressent à faire avancer la population, je trouve ça formidable puis je vous incite à continuer, peu importent les partis politiques. Ici, je crois qu'on a un objectif tous ensemble, c'est d'essayer de faire avancer les choses, non pas les faire reculer.

Je sais très bien... Vous n'avez pas abordé ça, mais est-ce que... Dans vos études, dans vos recherches, vous n'avez pas parlé du tout de politique familiale pour les jeunes familles, les jeunes étudiants qui, quand ils sortent des études avec une superdette... Parce que j'en sais quelque chose, ma fille, elle fait partie de votre groupe, puis c'est papa qui paie de temps en temps. Quand ils sortent de leurs études, on avait déjà apporté ça: si on intégrait dans une politique familiale qu'un jeune couple qui a un enfant, on baisserait sa dette; s'il en a deux, on la baisse; puis, s'il en a trois, on la paie complètement. Vous n'avez pas abordé ce sujet-là du tout, et je sais très bien que ça faisait partie d'une politique familiale de l'ADQ. Est-ce que ça ne vous est pas revenu, ou c'était trop beau, ou bien ce n'est pas faisable?

Le Président (M. Kelley): Mme Morgan.

Mme Morgan (Caroline): On voulait se concentrer sur quelques points principaux dans notre mémoire. Maintenant, effectivement ça fait partie du programme de l'ADQ, de rembourser une partie de la dette conséquemment à la naissance d'un enfant. Maintenant, pour ce qui est du mémoire, on touche quand même indirectement... Quand on parle de l'endettement, il y a une solution qui circule actuellement, c'est celle de l'Angleterre que... celle que la Grande-Bretagne a adoptée récemment, soit de facturer plein prix puis, après ça, de rembourser proportionnellement au revenu. Bon. Une contribution proportionnelle au revenu, ça existe déjà, ça s'appelle l'impôt.

Ensuite, de reporter tout ça sur la dette, c'est un petit peu pelleter le problème par en avant parce qu'on ne sait pas encore exactement... On a une idée de ce que ça fait, une dette étudiante, sur des diplômés, ça retarde des projets de vie, ça retarde, entre autres, la fondation d'une famille, le démarrage d'une entreprise puis l'achat d'une première maison. Nous, dans nos recherches, on n'a pas trouvé d'enquête exhaustive, là, d'enquête qui questionne les diplômés: Est-ce que votre dette étudiante retarde tous ces projets-là? Mais on sait que les spécialistes en finances personnelles trouvent inquiétante déjà la dette de 11 000 $ accumulée par les finissants au bac ? ça, c'est sans compter que ça s'accumule lorsqu'on arrive à la maîtrise puis à l'université ? puis qu'à ce moment-là augmenter le fardeau de la dette sur le dos des diplômés, c'est une avenue qui nous semble extrêmement hasardeuse. Puis ça touche aussi justement ceux qui veulent fonder une famille.

M. Grondin: J'ai aussi... Tout à l'heure, on posait la question sur le calcul des prêts qui ont été payés en trop. On disait que peut-être qu'il y avait eu une politique, que ça avait été replacé. Si ça a été replacé, je peux vous dire que ça ne fait pas longtemps parce que j'ai eu à payer une facture dernièrement, moi. Ça fait qu'il y a encore peut-être besoin de replaçage.

Moi, ce que j'aimerais savoir, là, quand le financement... Peut-être que ma question va s'adresser plus au ministre de l'Éducation qu'à vous autres, là, le financement des universités, est-ce que c'est relié, mettons, avec... Un nombre d'étudiants qui est en médecine est financé plus haut, un nombre d'étudiants, mettons, dans un autre... en langues, en arts... Est-ce qu'il y a une différence de prix pour ces étudiants-là ou si c'est tout égal... le nombre d'étudiants, c'est égal?

Le Président (M. Kelley): Rapidement, parce qu'il reste très peu de temps.

M. Reid: Oui. C'est une question technique. C'est qu'effectivement il y a une grille qui fait en sorte que, selon les coûts, entre guillemets, de la formation, bien on reçoit tant dans chaque université pour un étudiant de la part du ministère ? pour un étudiant ou un étudiant équivalent ? et ces montants-là sont en discussion actuellement, depuis deux ans, entre les universités et avec le ministère pour savoir exactement comment on change les montants en question et on les adapte aux réalités d'aujourd'hui.

M. Grondin: Merci. C'est beau.

Le Président (M. Kelley): Parfait. Le prochain intervenant, j'ai une demande du député de Berthier qui n'est pas membre. Alors, ça prend un consentement pour permettre au député de Berthier de...

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): Avec longue hésitation, si j'ai bien compris, il y a un consentement. Donc, M. le député, il vous reste six minutes.

M. Bourdeau: Merci, M. le Président. Tout à l'heure, on disait que la FEUQ et le PQ, c'était blanc bonnet, bonnet blanc. C'est peut-être parce que le Parti québécois colle aux réalités de la jeunesse québécoise et qu'il représente surtout très bien les réalités de la jeunesse québécoise.

Des voix: ...

n(16 heures)n

M. Bourdeau: ...ils vont me couper la parole. Il y a deux petites choses que j'ai à dire avant de poser les questions, après ce petit interlude. Vous dites, dans votre mémoire ? puis je me pose des questions pourquoi vous affirmez ça ? que M. et Mme Tout-le-monde sont exaspérés par les revendications étudiantes puis que la pression monte de plus en plus par rapport au dégel. Moi, les chiffres que j'ai en tout cas, à moins que vous ayez d'autre chose, moi, c'est que 57 % des gens sont d'accord avec les revendications étudiantes puis avec le gel, 57 % de la population.

Vous dites aussi que l'étudiant fait, encore aujourd'hui, figure d'enfant gâté, dépensier, fêtard, vivant à même les deniers publics. En tout cas, je peux vous dire que, moi, de mon côté... je peux supposer aussi que, de l'autre côté de la table... Je ne pense pas que c'est dans nos partis qu'on est en tout cas vus de telle façon. En tout cas, j'espère que mes collègues... Je le crois, mes collègues ne nous voient pas comme ça. Je trouve ça bizarre un peu, j'aimerais ça savoir où vous avez pris ces choses-là.

Surtout, vous parlez peu du financement de l'État. Vous avez surtout une vision très mercantile de l'éducation. Vous parlez peu du financement de l'État, surtout par rapport aux coupures que le Québec a connues au niveau du transfert social et aussi par rapport aux baisses d'impôts que le gouvernement présentement propose de faire. Vous dites que le choc démographique... Vous reconnaissez le choc démographique, ce qui est très bien. Vous dites qu'on va avoir des difficultés à financer nos réseaux publics dans 10, 15, 20 ans, comme nous la faisons aussi, cette étude-là... ? voyons, comment dire ça?

Une voix: Affirmation.

M. Bourdeau: Affirmation, merci. Cette affirmation-là. Mais vous ne parlez pas des baisses d'impôts que le gouvernement présente. Est-ce que vous pensez que le gouvernement devrait plutôt oublier ses baisses d'impôts et réinvestir en éducation ou, pour vous, vous pensez que: Non, non, baissons les impôts puis pelletons encore vers les générations futures les problèmes de finances publiques du Québec?

Le Président (M. Kelley): Mme Morgan.

Mme Morgan (Caroline): O.K. Je vais commencer par la dernière question. Mon parti croit, et nous le croyons aussi, que le niveau de baisses d'impôts actuellement préconisé par le Parti libéral est trop fort, irréaliste et que, si on avait à choisir entre baisser, diminuer les baisses d'impôts ou encore priver les universités d'investissement... Pour nous autres, le réinvestissement dans l'université est clairement une priorité, quitte à revoir à diminuer le montant des baisses d'impôts.

Maintenant, pour ce qui est des échos, c'est quelque chose qui est difficile à documenter parce que c'est des conversations de cuisine. Par contre, ça a eu des échos dans les médias. C'est probablement... Les frais de scolarité, ça touche une corde sensible, ça soulève des réactions extrêmement émotionnelles. Vous parlez de 57 %, ça laisse quand même une proportion qui gueule fort. On peut se référer entre autres... s'il y en a qui ont lu la dernière édition de L'actualité, l'article de Michel Vastel intitulé pas très subtilement Les enfants gâtés du Québec; un éditorial, qui me revient en tête, de Jean-Jacques Samson du Soleil, je crois, qui est intitulé Les enfants rois.

Et je vais vous lire... C'est très, très court, je vous le promets, là. C'est d'un livre d'André Pratte sur les oiseaux de malheur, sur les médias. C'est une conversation entre Jean Lapierre puis Jean Cournoyer, à l'époque où les deux étaient animateurs de radio, puis ça portait sur l'embauche, par l'Université du Québec à Montréal, d'un professeur de philosophie d'origine française.

Lapierre: «Les professeurs de philosophie, on en a en masse par ici, on en a trop.»

Cournoyer: «Il y a peut-être trop de professeurs de philosophie qui ne sont pas suffisamment bons pour être professeurs de philosophie à l'université. À l'université, c'est l'excellence que tu dois chercher.»

Lapierre: «On en a des excellents.»

Cournoyer: «Ça ne veut pas dire qu'ils ne sont pas excellents, mais ils n'ont pas été jugés aussi bons que celui-là par le corps professoral.»

Lapierre: «Avec l'argent de nos taxes, on va aller engager un étranger quand les nôtres sont au chômage?»

Cournoyer: «Tu n'engages pas un étranger, tu engages le meilleur philosophe disponible.»

Lapierre: «Bien, ils lui ont fait perdre son temps, à ce gars-là. Il est temps qu'on fasse le ménage dans les universités.»

Autrement dit, ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas au niveau du gouvernement qu'on a peur de préjugés comme ça, c'est beaucoup au niveau des médias et de la population. C'est quand on dit: Philosophie, littérature, histoire de l'art, de ce que c'est que tu vas faire avec ça? Pourquoi est-ce qu'on finance des recherches comme ça? C'est justement ce genre de pression là qu'on craint non seulement sur le... mais surtout sur le financement des recherches dans ces domaines-là qui font quand même leur contribution au savoir dans les collectivités universitaires mais aussi un petit peu sur la recherche fondamentale.

C'est une vision un petit peu... très à court terme, là, de vouloir financer seulement la recherche appliquée parce que, tout de suite, elle a des résultats tangibles et commercialisables. Puis ça, ça vient nous rejoindre en tant qu'adéquistes, parce que, bon, tout ce qui est long terme, on en a fait un petit peu notre drapeau. Et justement que la recherche fondamentale... qu'il y a des retombées pas toujours prévisibles mais extrêmement importantes à long terme, puis qu'il y a des disciplines qui contribuent à l'évolution de la société, que ce soit en sociologie, littérature, etc., mais que ce n'est pas tangible immédiatement, ça se fait seulement voir parfois à long terme. C'est pour ça que, pour nous autres, c'est important de garder ces activités-là, ces départements-là actifs et en bonne santé financièrement justement pour l'avenir à long terme de la connaissance universitaire au Québec.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Je vais mettre l'échange... en rappelant que le président a une formation dans un domaine que souvent on dit être inutile, qui est l'histoire. Mais, dans le travail que je fais aujourd'hui, je le trouve fort utile. Alors, merci beaucoup pour les points que vous avez soulevés. Et, sur ce, je vais suspendre quelques instants, et j'invite les représentants de l'Université de Montréal à prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 6)

 

(Reprise à 16 h 8)

Le Président (M. Kelley): J'invite les députés à prendre place, s'il vous plaît. Alors, encore une fois, bienvenue à notre suspect habituel, je ne sais pas s'il y a un concours entre vous, M. Denis et une couple d'autres qu'on a vus à quelques reprises déjà. Alors, M. Lacroix et les représentants de l'Université de Montréal, la parole est à vous.

Université de Montréal (UdeM)

M. Lacroix (Robert): Merci, M. le Président. M. Reid, Mme Marois, Mmes et MM. les députés, merci de m'accueillir une troisième fois au sein de cette commission parlementaire. Je voudrais d'abord vous présenter les collègues qui m'accompagnent: Maryse Rinfret-Raynor, qui est la vice-rectrice au premier cycle et à la formation continue; Alain Caillé, vice-recteur à la recherche; Pierre Simonet, directeur de la planification; et Alexandre Chabot, qui est responsable des relations gouvernementales.

Vous avez, j'espère, en main le document de l'Université de Montréal, j'y référerai à quelques reprises, donc ce serait bien que vous l'ayez en main. Vous avez un autre document qu'on vous a distribué, dont je parlerai à la fin de ma présentation.

n(16 h 10)n

L'Université de Montréal fête cette année son 125e anniversaire de fondation. Elle a été fondée en 1878 comme une succursale de l'Université Laval à l'époque. C'était, pour les Montréalais francophones de l'époque, un rêve un peu fou: essayer de se donner une université de calibre international qui ressemblerait, pensaient-ils à l'époque, à une autre université qui était sur le flanc sud du Mont-Royal et qui était l'Université McGill. Ce rêve a été passé de génération en génération, a été appuyé par l'ensemble des Québécois et des Québécoises, et, après moult difficultés, nous sommes arrivés effectivement à avoir, au Québec, à Montréal, une très grande université d'enseignement supérieur, de recherche, université de calibre international. Les francophones du Québec se sont donné cette université-là. Ils ont contribué pour la réaliser. L'Université de Montréal est maintenant la plus grande université au Québec. Elle est aussi la deuxième plus grande au Canada, autant par le nombre total de ses étudiants, que par le nombre de ses étudiants au niveau du deuxième et du troisième cycle, que par l'importance de ses activités de recherche et par l'intensité de sa recherche.

Qui aurait pu croire, il y a 125 ans, qu'un petit groupe de francophones initieraient un processus qui arriverait à donner au Québec, en Amérique du Nord, une université de langue française qui soit de calibre international incontestablement de haut niveau? Cette université, elle appartient à l'ensemble des Québécois, elle fait partie du patrimoine du Québec, comme l'Université de Toronto fait partie du patrimoine du Canada et de l'Ontario, comme l'Université UBC fait partie du patrimoine de la Colombie-Britannique. Ces grandes universités ont un rôle tout à fait particulier à jouer non seulement dans leur collectivité propre, mais ce sont des passerelles extraordinaires vers le reste du monde, et, dans toutes les sociétés industrialisées, elles existent et elles jouent un rôle primordial.

Importante pour le Québec, l'Université de Montréal est fragilisée par un sous-financement chronique depuis plus de 10 ans, malgré des efforts qui ont été faits au cours des trois dernières années. Pour l'Université de Montréal, c'est un manque à gagner qui s'élève au minimum à 70 millions de dollars par année, et, si on regarde ça sur une période de 10 ans, c'est près de 700 millions de dollars qui n'ont pas été investis dans l'Université de Montréal pour qu'elle soit au niveau de ses comparables du reste du Canada. Le sous-financement est particulièrement pénible pour une université comme l'Université de Montréal, compte tenu de sa spécificité et compte tenu aussi du fait que la dégradation de sa qualité est extrêmement dommageable pour l'ensemble du Québec.

L'Université de Montréal, c'est une université qui couvre tous les secteurs disciplinaires, et qui couvre tous les cycles d'études, et qui a la gamme complète des programmes, mais c'est aussi une université qui, par rapport à l'ensemble des universités québécoises, a deux grandes caractéristiques qui, elles, lui sont tout à fait propres: d'abord, son intensité de recherche et de formation aux études supérieures; ensuite, l'importance de son secteur biomédical-santé.

Passons à l'intensité de recherche et aux études supérieures. L'Université de Montréal réalise plus de 30 % de toute la recherche universitaire subventionnée au Québec et, si on inclut ses deux écoles affiliées, HEC et Polytechnique, c'est plus de 35 % de toute la recherche subventionnée québécoise qui passe par l'Université de Montréal. Par ailleurs, elle regroupe plus de 12 000 étudiants de maîtrise et de doctorat. L'une caractéristique ne va pas sans l'autre. Nous ne pourrions pas former 12 000 étudiants de maîtrise et de doctorat, nous ne pourrions pas former la relève scientifique et professionnelle du Québec si nous n'étions pas une université de forte intensité recherche. Ce ne serait pas possible. Il n'y a pas une université dans le monde qui pourrait réaliser cette mission sans l'intensité de recherche qu'a l'Université de Montréal.

Par ces caractéristiques, l'Université de Montréal est tout à fait comparable à l'Université de Toronto, à l'Université de Colombie-Britannique, à l'Université d'Alberta. Ce sont de grands complexes universitaires qui ont besoin d'une intensité de recherche remarquable. De ce fait, toutefois, à cause de cette mission historique, et incontournable, et essentielle pour le Québec, cette intensité de recherche hypothèque considérablement les budgets de notre institution, et cela, pour diverses raisons, mais je vais vous en donner deux.

La première, c'est toute la question du financement des coûts indirects de la recherche. Ces financements, le Québec s'en est occupé historiquement à un niveau de 10 % ou de 15 %. Le fédéral ne les finançait pas. Pour l'Université de Montréal, ça a été historiquement un manque à gagner de quelque 20 millions de dollars par année. Ces 20 millions que nous n'avions pas pour soutenir les coûts indirects de la recherche, nous devions les puiser dans nos budgets de fonctionnement courants, d'où effectivement un problème considérable par rapport à nos autres missions.

Deuxième exemple, le financement des espaces de recherche. Quand une université a 380 millions de dollars par année de fonds de recherche, ça prend beaucoup d'espaces de laboratoire. Les investissements que l'on fait pour les espaces de recherche sont financés à 42 % actuellement du cadre normatif, qui lui-même, avouons-le, n'est pas très généreux quant aux espaces de recherche. Donc, tout espace de recherche qui se développe est un fardeau futur pour l'université, qui doit trouver les fonds complémentaires pour les réaliser, soit par endettement soit autrement. Si c'est par endettement, il faut repayer la dette et les intérêts.

L'entretien des bâtiments se fait à 1 % par année. Ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'on présuppose que nos bâtiments de recherche vont durer 100 ans. Donc, 1 % par année, on croit les entretenir avec ça, et, comme on n'a pas les moyens de payer le 1 %, généralement on va donner 70 % du 1 %. Vous savez très bien que, dans la réalité, c'est 2 % ou 3 % qui est la norme; norme acceptée partout, par tous les spécialistes. Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire que nous n'avons pas les moyens d'entretenir ces vastes espaces qui sont consacrés à la recherche.

Le fonctionnement maintenant, bien généralement qui n'est pas très généreux, est toujours financé à 71 % du cadre normatif même du gouvernement. Donc, vous voyez, ça pose un vaste problème. Plus vous avez de recherche, plus vous avez d'espaces de recherche, plus vous avez un fardeau énorme à transporter sur d'autres aspects de votre financement et qui ne sont pas bien financés par les règles de financement présentes.

Donc, être une université intensive en recherche est une nécessité absolue pour le Québec, une nécessité absolue pour former la relève scientifique, mais est extrêmement pénalisant pour une institution, ce que les gens oublient généralement. Quand ils voient 380 millions de fonds de recherche, ils disent: L'Université de Montréal est riche. Au contraire, elle est pauvre.

L'importance de son secteur biomédical-santé. L'Université de Montréal... De tous les médecins pratiquants au Québec, 40 % ont été formés à l'Université de Montréal, 54 % des pharmaciens, 57 % des dentistes, 60 % des infirmières avec diplôme universitaire, 100 % des optométristes, 50 % de tous les diplômés de ce qu'on appelle le secteur paramédical et 100 % des médecins vétérinaires. Donc, ce n'est pas une illusion, quand on dit que l'Université de Montréal a une très forte intensité biomédicale-santé, c'est la plus forte au Canada et une des plus élevées en Amérique du Nord.

n(16 h 20)n

Ce sont des secteurs extrêmement onéreux en termes de coût de formation. Ce sont aussi des secteurs qui sont tous accrédités au niveau national ou nord-américain. D'accord? Alors, si vous allez dans ce document que vous avez et que vous allez à la page 12, vous allez à deux tableaux: le tableau 5 et le tableau 6 de la page 12. Au tableau 5, vous allez avoir effectivement ce que Montréal et Toronto dépensent par étudiant équivalent temps complet pour les étudiants de la Faculté de médecine. Ce ne sont pas pour les médecins, là, pour les étudiants globalement de la Faculté de médecine. La disproportion serait encore plus grande si on regardait les médecins. Nous dépensons 11 900 $ à Montréal, ils en dépensent 17 071 $ à l'Université de Toronto. Regardez les gens de médecine dentaire: 46 000 $, 23 000 $. Pharmacie: 11 000 $, 7 000 $. Le cas de médecine vétérinaire est aussi disproportionné, je n'y reviens pas.

Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire que, depuis un bout de temps, cinq, six ans, sept ans, il y a une disparité énorme qui est en train de s'installer dans le financement de ces secteurs biomédical-santé entre... pas seulement l'Université de Montréal, l'ensemble des universités québécoises qui sont dans ces secteurs-là et le reste du Canada.

Ce qui risque de nous arriver à terme ? et le terme n'est pas très loin ? c'est ce qu'on a vécu, il y a deux ans, dans le secteur de médecine vétérinaire. L'organisme d'accréditation nord-américain vient voir ce qui se passe après sept ans d'accréditation et réalise que ça ne va plus, vous n'avez plus les ressources pour former des vétérinaires à la norme nord-américaine. On vous donne une extension d'accréditation pour deux ans et on risque de vous l'enlever au bout de deux ans si des investissements majeurs ne sont pas faits. C'est très grave, nos jeunes vétérinaires n'auraient même pas pu pratiquer la médecine vétérinaire au Canada par la suite. Des investissements ont été faits par le gouvernement du Québec dans les plans de fonctionnement, le gouvernement fédéral est intervenu aussi dans... Bon. 76 millions sont investis actuellement à Saint-Hyacinthe, on a augmenté le budget courant. Mais, comprenons-nous bien, c'est le symptôme de ce qui se passe ailleurs et c'est ce qui nous guette à terme si on n'a pas un réajustement massif.

Alors, qu'est-ce que l'on fait, nous, évidemment, face à cela, et toutes les universités qui sont prises avec ces secteurs biomédical-santé, qui sont des secteurs absolument cruciaux pour le Québec, qu'est-ce que l'on fait pour remédier à cela? On fait de la péréquation interne, c'est-à-dire qu'on prend de l'argent dans d'autres secteurs puis on soutient un peu plus notre secteur biomédical-santé, de peur qu'il perde trop vite son accréditation.

Et ça, ça donne quoi? Bien, ça vous donne le tableau 2 de la page 8 du même document que vous avez entre les mains. Alors, ce tableau 2 de la page 8 évidemment vous illustre le cas de notre Faculté de droit. Alors, regardez cette Faculté de droit. J'ai mis des lettres au lieu des noms d'universités, là, pour ne pas faire de comparaisons inutiles, là. Mais ce sont toutes les grandes universités de recherche du Canada, et vous voyez l'Université de Montréal, vous voyez sa Faculté de droit et vous voyez que, par rapport à certaines universités qui ont des coûts de formation pour étudiant de l'ordre de 10 000 $, l'Université de Montréal est à 5 000 $. D'accord?

Nous avons pourtant la plus forte intensité de recherche dans cette faculté et nous avons un des pourcentages les plus élevés d'étudiants aux études supérieures. C'est une très grande Faculté de droit au Canada, mais c'est une faculté qui, avec un tel financement, est en sérieux péril, elle aussi, de se voir déclassée. C'est une illustration de ce qui se passe dans les autres secteurs que le secteur biomédical-santé que je voulais faire à cet égard-là.

Vous pouvez donc retenir la chose suivante: ce n'est pas parce que l'université est grande et qu'elle a un gros budget qu'elle est nécessairement bien financée. Bien au contraire, je pense pouvoir affirmer que l'Université de Montréal, compte tenu de sa vocation historique et de ce qu'elle fait actuellement au Québec, est l'université la plus sous-financée au Québec. Quelques exemples de sous-financement, vous en avez plein le document que je vous ai distribué.

Corps professoral: entre 250 et 300 professeurs que nous devrions avoir pour avoir des taux d'encadrement qui soient à la hauteur de nos concurrents. Nos bibliothèques, vous le savez très bien, ne supportent pas la comparaison avec les autres universités de recherche, et les tableaux du document vous le montrent très bien. Nos espaces: bien, les espaces, vous avez un magnifique tableau, dans le document, qui dit qu'à l'Université de Montréal nous avons 20 m² d'espace par étudiant équivalent temps complet. La moyenne du groupe des 10 grandes universités de recherche au Canada, nous incluant, c'est 28 m². Vous savez ce que ça veut dire? Ça veut dire qu'il manque à l'Université de Montréal, malgré les constructions actuelles, plus de 2 millions de pieds carrés d'espaces pour avoir un campus décent pour les étudiants que nous recevons et la recherche que nous y effectuons.

Donc, le sous-financement est à cet égard généralisé, il affecte tout. Mais il affecte aussi l'avenir, parce qu'il affecte les créneaux d'excellence que nous avons consolidés, à l'Université de Montréal, depuis quatre ou cinq ans, créneaux d'excellence qui ont bénéficié du réinvestissement qui a été fait il y a quatre ans, créneaux d'excellence qui ont bénéficié des investissements d'infrastructures considérables qui ont été faits sur le campus de l'Université de Montréal et qui ont amené des concentrations de recherche absolument remarquables qui sont en train de se constituer sur le campus de l'Université de Montréal. Nous avons là des formule 1 sur la piste, elles sont là. Les gens sont embauchés, viennent de partout dans le monde pour y travailler. On va manquer d'essence. Nous n'avons pas les financements de base pour remplir la mission qui est la nôtre. C'est dramatique et c'est grave.

Enfin, une proposition concrète sur la question du financement et du réinvestissement dans les universités. Vous avez entre les mains un petit document qui tente de voir comment on pourrait se sortir de cette situation dans les quatre prochaines années. Première chose, c'est qu'il nous faut d'abord assurer aux universités le financement des clientèles additionnelles et des coûts de système. Au départ, on doit avoir l'assurance que nous avons cela.

En 2004-2005, nous proposons l'indexation des frais de scolarité et nous proposons de les amener, en termes réels, à ce qu'ils étaient en 1994-1995. Cette mesure-là rapporterait 60 millions de dollars aux universités. Nous disons que le gouvernement doit faire exactement la même chose, c'est-à-dire augmenter la subvention de base de 60 millions au-delà des coûts de système et au-delà des clientèles additionnelles, ce qui ferait un réinvestissement de 120 millions dans les universités en 2004-2005.

En 2005-2006, le gouvernement devrait réinvestir un autre 60 millions net et récurrent, et on devrait avoir examiné, durant l'année qui s'est écoulée, toute la question de la modulation des frais de scolarité en fonction des secteurs disciplinaires professionnels, tel que l'a proposé en illustration le mémoire de la CREPUQ.

Troisième année, 2006-2007, nous aurions eu deux ans pour réfléchir à toute cette question du financement et de l'aide aux étudiants de nos universités, nous aurions eu deux ans pour examiner ce système britannique qui est en train d'être mis en place et nous pourrions donc, au bout de ces deux années-là, mettre, au Québec, un système peut-être à la britannique mais tout à fait adapté à notre condition québécoise, et amener, sur une période de deux ans, un financement des universités québécoises à la hauteur de leurs comparables du reste du Québec.

Il me semble que ce serait là tenir compte des grands principes que la CREPUQ a mis de l'avant, de certains des scénarios qu'elle a proposés et d'une nécessité absolue d'un réinvestissement qui ne tarde pas à devoir être fait. M. le Président, merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Lacroix. La parole est à vous, M. le ministre.

M. Reid: Merci, M. le Président. Bienvenue à l'équipe de la direction de l'Université de Montréal, bienvenue au recteur et au vice-recteur à la recherche. Vous avez, dans votre mémoire, parlé, mais vous en avez parlé également à l'instant, de financement des infrastructures. Parce qu'on parle beaucoup évidemment ? et c'est ce qui fait les manchettes ? du financement des coûts de fonctionnement. Et j'aimerais vous entendre un peu plus, parce que vous avez, entre autres, un graphique, un tableau intéressant à la page 18, et vous avez, pour comparer à d'autres universités, notamment... enfin, dans d'autres provinces canadiennes... Et vous avez, un peu plus tôt, à la page 15, quand on parle de programmes mais qui ne sont pas uniquement à la recherche, vous parlez de programmes innovateurs et évidemment de recherche aussi et que ces programmes-là, le développement de ces programmes-là pourrait être handicapé si on n'a pas les moyens d'avoir les infrastructures, les espaces pour pouvoir les donner.

Étant donné qu'on parle beaucoup du financement des coûts de fonctionnement, j'aimerais vous entendre un petit peu sur cette problématique qui est peut-être cruciale à l'Université de Montréal, puisque vous en parlez. Et il n'y en a pas beaucoup qui en parlent de façon aussi directe. J'aimerais vous entendre un peu sur cette question des infrastructures et des espaces. D'autant plus qu'on pourrait croire, à ce qu'on entend... Et on entend aussi que l'Université de Montréal est un chantier de construction, etc., qu'il y a des espaces, donc... Alors, j'aimerais vous entendre pour qu'on comprenne bien cette importance-là et qu'on voie... surtout, comme gouvernement, qu'on comprenne bien, même si l'accent a été mis presque exclusivement sur les coûts de fonctionnement, en termes de financement, qu'il existe, à votre point de vue, des problèmes et quels sont ces problèmes-là.

n(16 h 30)n

M. Lacroix (Robert): Écoutez, la question des espaces est cruciale. Et ce qui arrive, c'est que toute la problématique du développement des espaces universitaires... Ils n'ont jamais tenu compte explicitement et de façon moderne des besoins d'espaces pour la recherche moderne ? d'accord? ? et des besoins d'entretien d'espaces de recherche moderne. Alors là, il y a un vaste chantier à mettre en place. Mais, chaque fois que des espaces sont sous-financés dans leur investissement de base, dans leur entretien et dans leur fonctionnement, bien dites-vous une chose, c'est que ça vient réduire notre budget courant, qui, lui, nous est donné effectivement davantage pour la formation des étudiants. Donc, il y a un lien tout à fait direct entre les deux. Bien financer, je dirais, la partie enseignement et oublier toute la partie infrastructures de recherche, ça ne règle pas le problème. Je veux dire, il faut tenir compte de ce problème d'espace.

Il y a aussi toute la question de l'entretien différé que nous avons eu sur nos campus, entretien différé à cause des méthodes précisément de financement de l'entretien des buildings, qui fait qu'on n'avait pas assez d'argent pour les entretenir, on les a mal entretenus. Et, pour vous donner juste un exemple, l'Université de Montréal, au cours des quatre dernières années, a dû, pour pallier au strict minimum de l'entretien différé ? je dis bien au strict minimum ? a dû emprunter 39 millions de dollars juste pour pallier au strict minimum. Qu'est-ce qu'on fait avec ça? On paie les intérêts maintenant, là. Et on paie les intérêts sur quoi? Sur notre budget de fonctionnement. D'accord? Il y a plus de 200 millions d'entretien différé sur cette université-là qui a un certain âge. McGill est dans la même situation, d'ailleurs. Et les nouveaux bâtiments que l'on met en place, si on n'a pas les moyens de bien les entretenir et de bien les faire fonctionner, nous nous remettons exactement dans la même situation, et à court terme.

Donc, il y a un lien entre le fonctionnement, et l'immobilisation, et l'entretien des immobilisations qui est absolument direct et indéniable. Et il est d'autant plus pénible que vous avez une forte intensité de recherche, parce que vous avez d'énormes espaces de recherche qui viennent drainer les fonds de vos autres missions.

M. Reid: Revenons au financement des opérations, donc du fonctionnement, on parle... Vous employez les termes «risque de déclassement», d'autres parlent de problèmes qui se développent et qui vont devenir de plus en plus importants, et tout ça indique quand même une certaine évolution dans le temps, parce que ce n'est pas demain matin que tous les problèmes arrivent en même temps. Si on dit «risque de déclassement», c'est qu'on pense qu'il faut faire quelque chose maintenant mais que c'est quelque chose qui peut arriver. Il y a d'un autre côté une situation difficile des finances publiques et qui fait que, devant une demande où on parle de réinjection immédiate de la totalité des besoins qui permettrait de résoudre ces problèmes-là qui par ailleurs semblent appartenir à une certaine perspective temporelle... Et je regarde la proposition que vous avez faite tout à l'heure, c'est une proposition qui, elle aussi, finalement amène une certaine progression dans la réinjection, il n'y a pas un investissement immédiat.

Je suis tenté de vous demander... Et par ailleurs cette proposition-là, en passant, évidemment pose des difficultés parce que nous avons un engagement concernant le gel des droits de scolarité, en ce qui nous concerne, qu'il n'est pas question de remettre en question. Mais ça m'indique néanmoins qu'il y a une... Au-delà du discours qui doit tenir dans 15 secondes, là, on voit qu'il y a une certaine perspective temporelle, et je serais tenté de vous demander: Quelle est la marge de manoeuvre que, comme gouvernement, on a non pas de commencer... Parce que je comprends qu'il faut commencer immédiatement, mais, dans une optique où il y a des sommes qui ont été avancées et les problèmes dont on parle ne sont pas nécessairement des problèmes qui nécessitent dans tous les cas quelque chose d'immédiat, est-ce qu'il y a une perspective temporelle? Est-ce que vous êtes à l'aise de nous faire part de vos vues là-dessus?

M. Lacroix (Robert): Écoutez, je vais vous donner ma propre vision sur cela, là. Ce n'est pas la CREPUQ, là, on se comprend bien, là. Donc, je me prononce personnellement sur cet enjeu-là. Le danger qui nous guette, c'est de repousser un petit peu: On a le temps, là, on va regarder ça tranquillement. Ça fait un an qu'on regarde ça, là, et il n'y a pas de réinvestissement cette année, là, hein? Cette année, là, c'est 375 puis 400 millions qu'on n'a pas, là. D'accord? Qu'est-ce qu'on fait quand on fait ça? Bien, on grossit le boulet qu'on traîne derrière, là, hein? Puis le boulet devient tellement gros, si on continue comme ça, qu'on ne sera plus capable d'en mettre assez en avant pour s'en aller vers le devant. C'est ce qui arrive à la Grande-Bretagne actuellement, c'est que le boulet est tellement gros que, quoi que tu fasses, il continue à reculer. Alors, pour nous, le temps est compté, et il ne faut pas retarder de commencer un réinvestissement. Donc, ça doit se faire maintenant. Pas dire: On va regarder ça puis on va y penser. Maintenant.

Ça veut dire que, l'an prochain, moi, je pense que les universités peuvent absorber de façon efficace 120 millions de plus dans leurs budgets. Elles peuvent absorber ça de façon efficace. Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire que, comme la machine est partie du recrutement des profs, comme nos programmes... On était sur une lancée, là, de développement intéressant et de rééquilibrage de nos universités, on est capable d'absorber ça. Si on en mettait 300 millions d'un coup, j'ai comme l'impression qu'il y aurait un peu des problèmes d'engorgement. D'accord? Donc, ce n'est pas qu'on n'en a pas besoin, mais engager un prof, ça prend 18 à 24 mois. Alors là, il faut se mettre ça en tête, là. Donc, on ne peut pas tout changer instantanément. Mais, au rythme de 120 millions par année, on est capable d'absorber ça et on est capable de bien le faire, et ça nous permettrait, au cours de la troisième année, de réévaluer la question de nos comparables et dire: On est rendu où maintenant? Et, la troisième année, sur une période des deux années qui restent, de boucler cela une fois pour toutes et de le boucler, je dirais, dans son ensemble et pas de raboutage.

Donc, je me dis, pour nous... pour moi, l'Université de Montréal, le pire qui nous arrive actuellement, c'est de voir que ce que j'ai envoyé dans les facultés, là... Pour la préparation budgétaire de l'an prochain, je leur dis: Je ne sais pas ce qui nous arrive. Je vous demande la chose suivante, c'est la stricte reconduction, un. Et, deuxièmement, vous me faites un budget réduit de 3 %. Quand vous voyez l'état lamentable de sous-financement dans lequel on est, juste se faire dire la stricte reconduction, c'est catastrophique sur le moral des troupes. Leur dire: Peut-être, ça va être 3 % si on ne veut pas retomber dans un déficit majeur, c'est la déprime. Alors, ça presse, c'est urgent, il ne faut pas remettre, et l'étalement que je propose dans la proposition que je fais me semble raisonnable. Vous me dites, M. le ministre: Nous, on a des engagements. Je vous respecte. Ça va vous coûter 120 millions la première année, trouvez-le.

M. Reid: Est-ce que j'ai encore du temps?

Le Président (M. Kelley): Oui, une minute.

M. Reid: Ma question que je voulais choisir va peut-être prendre plus qu'une minute, mais...

Le Président (M. Kelley): Vous pouvez attendre de revenir.

M. Reid: Oui. Oui, je vais attendre.

Le Président (M. Kelley): O.K. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais vous souhaiter la bienvenue, à mon tour, au nom de ma formation politique. Juste pour quand même se faire un peu plaisir, je me suis dit que ce serait peut-être intéressant de relire les propos de M. Tavenas qui disait ceci: «En matière de qualité des programmes, de qualité d'innovation dans les méthodes pédagogiques, de qualité de l'encadrement des étudiants, de facilité d'accès aux ressources informatiques et de bibliothèque, de productivité en recherche, de dynamisme en matière de transfert de technologie ou encore de rigueur dans la gestion et dans l'assurance qualité, les universités québécoises peuvent sans [...] doute servir de modèle aux universités européennes.» Et il continuait comme ça, vous connaissez bien sûr la teneur de sa lettre.

Donc, je le redis parce que, bon, il est vrai que malheureusement ? et ça a été le cas dans beaucoup d'autres secteurs de notre vie collective ? il y a eu des efforts budgétaires considérables qui ont dû être faits avec les conséquences que cela a. C'est vrai en santé, c'est vrai en culture, c'est vrai en environnement. Je pense qu'il faut en convenir ensemble. Malgré tout, nos institutions ont gardé le cap et ont su conserver une grande qualité, et c'est un peu ce que M. Tavenas nous disait il y a quelques jours à peine, malheureusement juste avant qu'il ne décède. Alors, c'est important de se rappeler ça puis de se le dire parfois, ça fait quand même un peu plaisir. Bon.

Deux ou trois questions. Une première, sur la question des coûts de système, parce que ma prétention, c'est qu'au dernier budget on n'a pas couvert les coûts de système dans les universités. Si, à l'Université de Montréal, on avait à identifier quels sont les coûts de système et s'ils ont effectivement été couverts dans le dernier budget, j'aimerais le savoir, un.

Deux, dans le réinvestissement souhaité et nécessaire, j'aime bien votre attitude, je vous le dis, parce que, de fait, investir 300 millions demain matin, c'est à peu près inimaginable que ça puisse être investi par la suite par les institutions, à cause du rythme où on embauche, de la réorganisation que ça emporte dans les universités. Alors, je pense qu'on en convient. Bon. Donc, l'idée d'un étalement est intéressante. Et, compte tenu, oui, du fait que c'est toujours difficile, les finances publiques du Québec ? on va s'en rendre compte, là ? qu'on prenne le temps pour le faire, je pense que c'est sage et pertinent. Maintenant, il ne faut pas oublier qu'il y a un 53 millions de rattrapage que le ministre n'a pas versé et qui devra être versé aussi sur l'année en cours, là, 2004-2005. On ne peut pas... Il faut qu'il ait un effet de récurrence. Alors, ça nous dit au moins 106 millions, là, au départ, là, dont il faut s'assurer. Ça, c'est le plancher, hein? On convient de ça, là, puis on s'entend bien là-dessus.

n(16 h 40)n

Un troisième élément que je veux aborder, c'est la question des infrastructures. Il y a généralement un plan quinquennal d'investissement qui est fait en collaboration avec les universités, hein, et le ministère et chacune des universités. Le dernier que j'ai vu est celui qui date de 2002-2007, à moins qu'il n'ait été refait dernièrement, et ce qui est fort plausible, et je n'en aurais pas entendu parler. Est-ce que c'est le cas ou pas? Et est-ce qu'à cet égard-là on vous a demandé l'état de vos besoins? Et, sur cinq ans, la correction à vos infrastructures, elle serait de quel ordre, si tant est, là, qu'on devait simplement s'assurer d'un entretien adéquat des bâtisses et d'un investissement pour commencer à répondre mieux aux besoins d'espace à l'Université de Montréal?

M. Lacroix (Robert): Bien, alors je vais prendre ça par morceau, Mme la ministre. D'abord, je suis tout à fait d'accord avec ce que François Tavenas disait: les universités québécoises se comportent très bien par rapport aux universités européennes. Le problème, c'est qu'on vit en Amérique du Nord et on se compare aux universités du reste du Canada et aux universités américaines, et là on se comporte un peu moins bien. Et, comme nos gens devront travailler en Amérique du Nord, mieux vaut les former aux standards nord-américains.

Ceci dit, les coûts de système, l'an passé... Évidemment, l'an passé, vous savez, on a négocié assez longuement pour fermer le budget que nous vivons cette année, et, oui, on a une espèce de compte à recevoir de 53 millions de dollars. Mais, de ce que j'en sais et de ce que j'ai vu avec mes gens à l'Université de Montréal, pour nous, ça a été un budget de reconduction, incluant les coûts de système. D'accord? Donc, sur cela, je suis clair, mais il y a un compte à recevoir qui est gros, là.

La question du réinvestissement souhaité et nécessaire et l'étalement, je suis d'accord avec vous qu'il faut comprendre les finances publiques puis il faut comprendre la capacité d'absorption des universités aussi. Sur toute la question des infrastructures, vous savez comment ça fonctionne. Évidemment, le ministère a ses règles pour déterminer les espaces requis des universités. Évidemment, ces données vont dater de deux ans, là. Alors, nous, on est toujours deux ans en avant en disant: Écoute, là, nous, on voit les choses, puis ça ne marche pas du tout, là, on... Bon. Alors, je pense que, sur la question des infrastructures, je le disais tantôt, il y a deux problèmes: il y a le problème évidemment d'un arrimage des normes du ministère aux réalités du marché actuel, ça coûte quoi puis on le finance comment, d'accord; puis aussi un ajustement peut-être un peu plus rapide aux besoins réels des universités.

L'autre aspect évidemment de ce problème-là par la suite est la réalisation. Vous savez, réaliser des infrastructures, c'est très long, hein? Ça peut prendre quatre ans entre le début de la décision puis là où les étudiants et les chercheurs entrent dans les bâtiments. Pour nous, évidemment ? et je vous le dis très clairement ? quand on se compare aux universités du reste du Canada... Et je n'ai pas mis d'universités québécoises dans cela parce que je ne voulais pas faire de comparaison avec le Québec. Mais, si on en faisait, on serait assez... on serait encore... on pourrait dire que nos besoins sont encore comme je vous l'ai dit. D'accord? C'est au moins 2 millions de pieds carrés dont on a besoin et qu'on devrait avoir sur les cinq prochaines années, et qu'on devrait construire sur les cinq prochaines années pour donner à notre université le même oxygène que les universités comparables ont ailleurs. Vous savez ce que ça coûte, 2 millions de pieds carrés, ça veut dire au moins 250, 275 millions de dollars à construire. Et, après ça, il faudra l'entretenir. Et, après ça, il faudra le faire fonctionner. Alors, voilà quelle est la perspective de l'Université de Montréal pour les cinq prochaines années si on veut vraiment, au niveau des immobilisations, équilibrer son stock immobilier.

Mme Marois: Est-ce que ça comprend, cela, des investissements aussi majeurs que ceux qui ont été faits dans les dernières années? Parce que, bon, il y a eu Poly, là, il y a eu... on connaît...

M. Lacroix (Robert): Vous avez tout à fait raison. Ce qui se construit actuellement sur le campus de l'Université de Montréal, c'est à peu près 1,2 million de pieds carrés, d'accord, au total. Donc, c'est plus que ce qui se construit actuellement, soyons très clairs, là, hein? Et, je veux dire, 20 mètres carrés par étudiant, je vous assure que ce n'est pas beaucoup. Il faut se promener sur le campus pour savoir à quel point tout le monde est serré.

Mme Marois: À ce moment-là, est-ce qu'il y a encore des investissements aussi majeurs que ceux qui ont été faits dans les dernières années, là, où on a vraiment restructuré, réorganisé, construit des centres de recherche, etc.?

M. Lacroix (Robert): À venir?

Mme Marois: Oui, à venir.

M. Lacroix (Robert): Tout à fait.

Mme Marois: D'accord.

M. Lacroix (Robert): Et l'un évidemment de ces investissements majeurs devra se faire alentour du CHUM, où il nous faudra regrouper alentour de ça tout notre secteur biomédical-santé et désengorger le campus principal pour pouvoir donner de l'espace à ceux qui n'en ont pas sur le campus principal. Ça, c'est le projet majeur, je dirais, des cinq à huit prochaines années, au même rythme que le CHUM.

Mme Marois: D'accord. Et effectivement il n'y a pas encore eu d'entente sur le prochain plan quinquennal, là.

M. Lacroix (Robert): Du tout. Du tout.

Mme Marois: Ça veut dire qu'on est en retard, là, au moins de deux ans, en fait. Bon.

Maintenant, je reviens à une autre question un petit peu plus pointue, là, ou précise. À la page 2 de votre mémoire, vous parlez de la recherche qui s'effectue en partenariat avec le secteur privé et qui constitue, dans le cas de l'Université de Montréal, l'un des taux les plus élevés en Amérique du Nord, puisque vous parlez d'un quart des recherches qui sont réalisées en partenariat. Ça a été beaucoup débattu depuis le début de la commission, vous l'avez entendu à différentes reprises, sur la nécessité de respecter la liberté intellectuelle, la propriété intellectuelle, qu'il y ait des guides, des encadrements, des codes qui s'appliquent. En ce sens-là, votre expérience, à ce jour, comment vous la qualifieriez?

M. Lacroix (Robert): Écoutez, l'Université de Montréal a diverses politiques concernant la propriété intellectuelle et essaie de les appliquer le plus intelligemment et le plus fermement possible. L'Université de Montréal, comme on le dit dans ce mémoire, est très impliquée dans des partenariats privés universitaires, plus que la plupart des grandes universités nord-américaines. Donc, quand on pense que nos universités ne font pas assez pour la valorisation, ne font pas assez pour les partenariats, j'ai l'impression qu'on devrait regarder comme il faut. Nous, on croit qu'on est arrivé probablement à la limite de ce que l'on peut faire dans notre institution.

Il faut être d'une extrême prudence à cet égard-là, il faut être d'une extrême prudence. Et la prudence veut dire quoi? Ça veut dire qu'on doit toujours avoir en tête la mission universitaire. On est là pourquoi? On est là pour former la relève scientifique et professionnelle, et c'est en ce sens-là qu'on rend le plus grand service à la société. C'est en ce sens-là, hein? Les chercheurs que l'on forme seront les innovateurs répartis dans tout le Québec, et c'est eux qui feront l'innovation dans l'ensemble des entreprises du Québec. Donc, faisons bien attention pour ne pas trop pousser les universités à faire une mission qui, en apparence, a l'air intéressante mais, dans le fond, la dévie de sa mission fondamentale qui est la plus importante pour notre propre société.

Alors, en ce sens-là, à l'Université de Montréal, nous tentons d'être le plus vigilant possible, d'avoir le plus grand respect pour la propriété intellectuelle, de protéger le mieux possible nos étudiants des deuxième et troisième cycles qui sont dans ces laboratoires-là, de protéger nos propres professeurs et chercheurs aussi qui souvent, évidemment, peuvent, pourraient, sans politique précise, s'engager inconsciemment dans des aventures qui ne seraient pas tout à fait en accord avec notre mission. Donc, je dis: Soyons extrêmement vigilants. Nous tentons de l'être, à l'Université de Montréal, mais on ne le sera jamais assez.

Mme Marois: D'accord, merci.

Le Président (M. Kelley): Alors, je vais passer la parole maintenant au ministre, en indiquant qu'il vous reste 11 minutes.

M. Reid: Oui. M. le recteur, on entend souvent dans votre bouche et on a entendu le maire, ce matin, dire que la concurrence de Montréal, la concurrence de l'Université de Montréal, elle se trouve sur la scène mondiale, elle se trouve à l'extérieur du Québec. Et le gouvernement du Québec est très fier de pouvoir contribuer, et on va faire tout ce qu'on peut pour que cette concurrence soit à l'image de ce qu'on veut que le Québec ait comme image dans le monde.

Maintenant, l'Université de Montréal se trouve aussi dans un système universitaire qui est celui de l'ensemble du Québec. Et, comme je l'ai dit au début, la question des régions du Québec n'est pas une question régionale, mais c'est une question nationale. Et, dans ce sens-là, notre gouvernement veut s'assurer que les universités, et notamment en région, jouent pleinement leur rôle dans le développement du Québec sur le plan économique, sur le plan culturel, sur le plan social, et je l'ai répété à plusieurs reprises.

Ma question, aujourd'hui, c'est: Étant donné le rôle de leadership en fait de l'Université de Montréal, étant donné sa forte intensité en recherche, étant donné le rayonnement qu'elle a, dans quelle mesure est-ce que l'Université de Montréal croit ou veut contribuer, veut aider son gouvernement, le gouvernement du Québec, à aider et à développer cette mission nationale du développement de ses régions et donc aussi du développement de ses universités?

n(16 h 50)n

M. Lacroix (Robert): Écoutez, l'Université de Montréal a toujours été ouverte à tous les partenariats à valeur ajoutée respective avec les institutions québécoises. Comprenons-nous bien, dans tout cela, il ne faut pas se bercer d'illusions non plus, les partenariats, je dirais, les complémentarités qu'on peut établir avec d'autres institutions, qu'elles soient des institutions en région, ou qu'elles soient à Montréal, ou qu'elles soient de par le monde, doivent apporter une valeur ajoutée aux institutions en question. Donc, les partenariats forcés ne valent rien, il faut trouver des partenariats à valeur ajoutée. L'Université de Montréal a toujours été prenante de tous ces partenariats-là.

D'ailleurs, quand vous regardez la concentration qui se fait de plus en plus dans les centres de recherche, dans les grands développements stratégiques qu'on a faits dans nos fonds subventionnaires d'ailleurs, l'Université de Montréal a joué un rôle de leadership majeur. Dans combien de centres, Alain?

M. Caillé (Alain): La moitié des 48, on a pris le leadership, mais un leadership ouvert.

M. Lacroix (Robert): Ouvert complètement aux autres institutions. Donc, je pense qu'on ne peut pas nous reprocher, à cet égard-là, de ne pas être ouverts à l'ensemble des institutions. Et bien remarquer une chose aussi, c'est: dans ces institutions en région, il y a eu un temps de maturation des institutions. Ces institutions se sont trouvé certains créneaux, et, dans ces créneaux-là, elles sont devenues... souvent ce sont devenus pour elles des créneaux d'excellence. Et là les partenariats, autant pour elles que pour nous, deviennent des partenariats à valeur ajoutée, et elles le savent très bien. Ces institutions-là ne nous demandent pas la charité. Elles nous demandent effectivement de pouvoir travailler avec nous parce qu'elles ont quelque chose à nous apporter. Et c'est ce que l'on constate de plus en plus dans les partenariats qui se développent dans l'ensemble des universités québécoises, au même titre que les partenariats internationaux, qui sont absolument cruciaux pour certains secteurs de recherche où ça se fait au niveau international.

M. Reid: Pour le bénéfice des membres de la commission, et dont je fais partie, là, pourriez-vous me donner quelques exemples effectivement de ces partenariats qui sont nombreux mais qui illustrent un peu, là, l'extension de l'action de l'Université de Montréal dans l'ensemble des régions du Québec?

M. Lacroix (Robert): Pourrais-tu...

M. Caillé (Alain): Oui. Alors, quelques exemples, dont certains que vous connaissez bien, M. le ministre. Au Québec, on a le plus grand regroupement du calcul à haute performance, et ce sont deux universités, bon, Montréal et Sherbrooke, qui ont pris le leadership. Et on occupe la place de façon exceptionnelle, et c'est d'égal à égal. Un autre partenariat, vraiment panquébécois cette fois-ci, dans le domaine des matériaux de pointe, qui implique aussi McGill et l'Université de Sherbrooke. Nous sommes au Lac-Saint-Jean, en Sagamie, dans le domaine de la... Nous sommes, c'est-à-dire nous sommes un partenaire avec eux dans le domaine de la génomique communautaire, tout à fait exemplaire, qui ouvre des voies nouvelles d'application du domaine de la génomique. Et je pourrais en nommer... Bon. Nous sommes, avec la région de Québec, dans le domaine de la mondialisation, un réseau qui a été formé. Et encore une fois je veux le répéter, ce sont des partenariats qui sont ouverts, au sens où on n'a rien cherché, on apporte, et c'est les meilleurs partenariats qui fonctionnent. Et je pourrais... Il y en a une foule de cette façon.

Il y en a aussi dans le domaine social, si vous me permettez. Bon. J'ai parlé de mondialisation, mais il y en a aussi dans le domaine social qui sont aussi importants. Et un petit mot pour dire... On a parlé de commercialisation des résultats de la recherche, n'oubliez pas que 70 % de la valorisation que l'on fait ne se fait pas par la commercialisation, elle se fait parce que nous sommes dans un réseau nouveau, un centre de transfert et de liaison qui s'appelle CLIPP, qui va travailler très étroitement avec les gens du domaine du social qui sont dans des communautés. Et là les données, les connaissances passent tout naturellement, et je prétends que ça a autant d'impact... ça a certainement un impact social et culturel aussi élevé et, à bien des égards, un impact économique aussi important que celui qu'on valorise par le biais d'une commercialisation.

M. Reid: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Chauveau.

Mme Perreault: Merci, M. le Président. Bonjour à vous. Je veux juste revenir brièvement sur votre proposition au niveau du financement. On a entendu plusieurs groupes à cet égard, et vous savez que cette proposition-là d'augmenter les frais de scolarité ne fait pas l'unanimité, notamment chez les... l'Université du Québec à... les Universités du Québec. Je pense à la Fédération des étudiants universitaires. Et les réserves qu'ils ont notamment à cet égard, c'est sur l'accessibilité, le frein que ça pourrait entraîner par rapport à l'accessibilité aux universités. J'aimerais vous entendre, entendre votre point de vue à ce niveau. Quelles seraient, selon vous, les répercussions au niveau de l'accessibilité pour les étudiants?

Le Président (M. Kelley): M. Lacroix.

M. Lacroix (Robert): Oui. Écoutez, il est clair ? et c'est bien dit dans cette petite proposition ? que toute modification des frais de scolarité devrait trouver sa contrepartie évidemment en termes d'assistance aux étudiants sous forme de prêts et bourses nécessaires pour un maintien de l'accessibilité aux études. Fondamentalement, il est clair que des augmentations excessives de frais de scolarité sur une période courte peuvent avoir un impact considérable sur l'accessibilité. Si ces augmentations-là ne sont pas excessives, si elles sont bien balisées et que la contrepartie compensatoire est mise en place, je vois difficilement cela comme pouvant avoir quelque effet sur l'accessibilité.

Mme Perreault: Merci.

Le Président (M. Kelley): Ça va? Est-ce qu'il y a d'autres... Il reste du temps, M. le ministre? O.K. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis très heureux de pouvoir interroger les gens de l'Université de Montréal, M. Lacroix. Je vais avoir un petit préambule, si vous me le permettez. D'abord, je vous dirais que je suis député des Îles-de-la-Madeleine, mais j'ai étudié à l'Université de Montréal. Et j'ai été un étudiant... C'était la première génération qui accédait, chez nous, à l'Université de Montréal. Et l'Université de Montréal a encore, comme elle avait à l'époque, chez nous, un pouvoir d'attraction quant à la réputation de cette institution et quand on parle de l'Université de Montréal, des HEC et de Polytechnique. Mais c'était en histoire, M. le Président, et je voudrais rassurer les gens qui ont témoigné précédemment quant à la réputation qu'avaient aussi bien sûr ces matières. Et, quant aux interrogations qu'il y avait quant à ce qu'on pouvait faire avec une formation dans ce domaine, personnellement je suis très heureux dans ce que je fais.

Mais je dirais d'abord que, quand on regarde l'université... Puis vous avez fait référence à l'ancienneté, bon, vous avez remonté à 1878, et je dirais que, quand on regarde l'enseignement universitaire, M. le Président, c'était rattaché aux cités, aux villes et c'étaient des endroits de libres penseurs qui se rencontraient librement, et c'est ça, les premières universités. Évidemment, ça a évolué et maintenant ce sont les États-nations. Et vous avez fait référence, M. le Président, de façon très exacte, à la Déclaration de Glion, peut-être qu'on pourrait y revenir aussi. Maintenant, les États-nations doivent s'assurer que ces institutions de haut savoir, de la découverte, de la connaissance, pour faire avancer la connaissance, existent, et jouent le rôle, et continuent à pouvoir jouer le rôle qu'ils ont tout le temps eu pour l'avancement des humanités et de l'humain sur la planète.

Vous savez, quand on regarde justement cette déclaration, on est... Je lis: «Face au nouveau millénaire dans lequel nous entrons et dont nos enfants seront les héritiers, nous sommes en butte à un mélange déroutant de promesses et de menaces. D'un côté, la promesse se fait jour de progrès révolutionnaires dans les domaines de la biomédecine, des communications, des technologies de l'information, des sources d'énergie de substitution, des nouveaux matériaux, de l'automatisation ou encore de la mondialisation...»

C'est là qu'on est rendu, et c'est ça, les défis du monde. Et on a eu des gens qui sont venus devant cette commission, M. le Président, qui nous ont parlé de ce qui se faisait à Montréal. On a eu, par exemple, ce matin ? et vous étiez avec lui ? le maire de Montréal qui parlait des progrès qu'avait connus sa ville, sa cité, la ville de Montréal, grâce justement aussi à la présence des universités, au développement du savoir, l'économie du savoir, et tout, et je pense que, quand on regarde la situation chez nous, ce n'est pas... Enfin, c'est certain qu'il y a des choses à faire, mais je pense qu'il faut reconnaître le fait que le Québec... Et, quand je suis allé à l'Université de Montréal, c'était avant que l'Université du Québec s'installe et naisse, même. Alors, maintenant il y a eu, je pense, dans la société québécoise, plus grande accessibilité qui est attribuable à toutes sortes de décisions que l'État du Québec a dû prendre.

Quand, par exemple, ma collègue de Taillon a parlé de M. Tavenas et de l'éloge qu'il fait du système universitaire précédemment, vous avez répondu très habilement, M. Lacroix, que c'était vrai pour l'Europe mais que nous sommes en Amérique. C'est habile. Nous avons reçu, devant nous, les gens de l'Université Laval, qui ont plaidé pour un sous-financement de leur université en faisant référence à un réseau pour l'Université du Québec, en parlant de l'Université de Montréal qui était peut-être avantagée grâce à des composantes autonomes, Polytechnique, HEC. Alors, évidemment on se compare toujours aux éléments qui font notre affaire.

n(17 heures)n

Moi, je suis un pragmatique, M. Lacroix, je fais de la politique et j'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de suggestions, dans les trois dernières feuilles que vous nous avez fait passer, en ce qui concerne la proposition de financement. Et vous dites, dans la première phrase: «Cette proposition vise à solutionner de façon réaliste et raisonnable le problème de sous-financement.»

Ma question est simple. Vous avez, devant vous, un ministre qui dit que son parti politique et sa formation et son gouvernement vont respecter un engagement de ne pas augmenter les frais de scolarité. Vous avez, en face de vous, un parti de l'opposition qui est le responsable des gels des frais des scolarité. Et, moi, je vous demande simplement: Si, de façon réaliste, on peut penser que le ministre va tenir sa promesse de ne pas augmenter les frais de scolarité, est-ce que votre demande au gouvernement est à l'effet d'investir 60 millions plus 60 millions, dès 2004-2005, pour faire en sorte que l'Université de Montréal et nos universités aient un financement adéquat?

M. Lacroix (Robert): Oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Arseneau: Alors, M. le ministre, si vous pouvez répondre immédiatement, on n'aura pas à aller plus loin à la commission parlementaire. Moi, je pense que la situation est simple: ou on augmente les frais de scolarité ou on augmente le financement. Alors, au ministre à répondre, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Ça doit être, dans l'histoire, une des réponses les plus brèves devant la Commission de l'éducation. Alors, je vous salue, M. Lacroix.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): Oui, M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Oui, je vais continuer dans la même veine. Dans votre proposition, que vous nous... Bonjour, M. Lacroix, madame, messieurs, bienvenue à cette commission.

Dans la proposition que vous nous avez déposée, évidemment, en 2004-2005, vous proposez une augmentation des frais de scolarité, au niveau des élèves, d'à peu près 16 %, 17 %, là, de 1 668 $ à 2 000 $. Puis vous dites que, bon, ce 60 millions là de trouvé au niveau des frais de scolarité, ça doit être accoté par le gouvernement par un 60 millions, donc un premier 120 millions. Par la suite, vous allez en 2005-2006 et puis vous nous parlez d'une modulation des frais de scolarité pour les élèves du premier cycle, dépendant des secteurs, là, où l'élève, à sa sortie, va faire un petit peu plus d'argent que l'autre. Donc, ça, c'est un système que vous proposez. Et puis, en 2006-2007, vous proposez d'y aller avec le modèle britannique, le modèle britannique, là, qui a fait l'objet de beaucoup de discussions dans les derniers mois et puis qui a été accepté, là, par la peau des fesses, on pourrait dire, sur les derniers milles, suite à la proposition de Tony Blair.

J'aimerais vous entendre là-dessus puis comment vous voyez ça, ce modèle-là, et puis comment ça pourrait s'appliquer au Québec? Est-ce que vous avez déjà une idée?

Le Président (M. Kelley): M. Lacroix.

M. Lacroix (Robert): Écoutez, je dis bien: Un modèle à la britannique qui serait tout à fait adapté à la situation québécoise et qui... On pourrait prendre deux ans pour bien analyser la situation avant de l'implanter, c'est pour ça qu'il y a deux années qui le précèdent.

J'étais ? juste une petite digression ? en Allemagne, en décembre dernier, en mission dans les grandes universités de Berlin et de Munich, et ils subissent actuellement les compressions, dans les universités, qu'on a subies au milieu des années quatre-vingt-dix, aussi radicales et aussi rapides. Et les présidents des universités me disaient: C'est terminé, là, il faut vraiment tout reconsidérer le financement des universités et voir à une contribution plus grande des étudiants. Vous vous promenez un peu partout en Europe, vous voyez... la situation commençait à être discutée à cet égard-là.

Donc, je me dis: On n'a pas le choix, nous, ici, que de regarder cette question-là, et de la regarder intelligemment, et de prendre le temps de le faire. L'Europe est en train de s'aligner sur certains systèmes. Nous devons, nous, si on ne veut pas... si on ne croit pas au système nord-américain, se dire: Quel système voulons-nous? Peut-être qu'au bout de tout cela on arrivera à dire que notre système est le meilleur, mais peut-être que non, aussi. Peut-être que non, aussi. Moi, c'est tout ce que je veux soulever dans cette discussion-là: c'est qu'on n'a pas raison de ne pas discuter de la question des frais de scolarité alors que partout dans le monde on en fait une discussion intéressante, importante, souvent agressive à certains égards. Mais je vous dis: Pourquoi on ne veut pas en discuter? Pourquoi on ne peut pas en discuter? Pourquoi on ne peut pas soulever cette question-là? Moi, je crois qu'on doit la soulever et qu'on doit bien la régler d'ici trois ans.

Le Président (M. Kelley): Une dernière intervention, le ministre, parce que le temps de l'opposition est malheureusement épuisé. Alors, le ministre, il vous reste trois minutes et demie.

M. Reid: Enfin, je suis ici pour poser des questions. Le temps des réponses viendra, et je suis sûr que vous vous en assurerez.

M. le recteur, j'aurais aimé vous entendre, étant donné votre position et l'intensité de la recherche, sur la question n° 19 que nous avions, à savoir la position et le rôle du fédéral et les relations avec le fédéral concernant la recherche. Et je vous rappelle que nous avons pris une position assez claire concernant des transferts qui devraient être inconditionnels ou enfin des mesures qui nous permettent de garder nos positions, et nos priorités, et notre capacité d'établir nos propres priorités là-dessus.

Je vous rappelle aussi le contexte du discours du trône, où il y a quand même des sommes qui ont été annoncées pour un régime qui déjà, ici, est bien meilleur que ce qu'il existera même après que le gouvernement fédéral ait apporté des changements à son régime d'aide aux étudiants. Et, dans ce sens-là donc, la question 19 était: Comment le Québec peut-il s'assurer que le financement fédéral destiné à la recherche et à l'enseignement supérieur respecte ses compétences et ne vienne pas modifier les priorités québécoises en matière de financement universitaire? J'aimerais vous entendre sur cette question.

M. Lacroix (Robert): Un vaste sujet. Commençons d'abord par la question évidemment de l'aide financière aux étudiants. Déjà, je pense, quand je suis passé comme président de la CREPUQ, on a énoncé la position des universités à cet égard-là, M. le ministre, si vous vous rappelez bien: elle est très claire et elle est très précise.

Allons maintenant sur la question des transferts pour l'enseignement supérieur. Toutes les universités québécoises et, je dirais, maintenant toutes les universités canadiennes sont d'accord qu'il faut absolument un déblocage à cet égard-là. D'accord, c'est clair, c'est net et c'est précis, et, je pense, qu'il y ait, je dirais, qu'il y ait une action forte du Québec à cet égard-là va de soi actuellement.

Toute la question du financement de la recherche, il y a toujours eu évidemment, historiquement, une très grande complémentarité entre les deux systèmes. Il faut réaliser que plus de 60 % des activités de recherche fondamentale, dans les universités, sont financées évidemment par des organismes subventionnaires fédéraux. C'est un très gros morceau, et, pour des chercheurs, ça va jusqu'à 80 %, 85 %, et 90 % de leurs subventions de recherche et même plus qui vient de ces organismes subventionnaires. Donc, on ne peut pas, du revers de la main, dire... C'est là, ça existe, ces budgets-là évoluent.

Toute la question qui se pose sur la recherche, je crois, c'est la question pas tellement des grands conseils, mais des programmes qui sont mis en place et qui, eux, peuvent manquer de coordination avec les provinces. Je pense qu'il n'y a pas une entité, au Canada, qui ne s'est pas sentie bousculée ? mais Mme Marois doit le savoir, elle a eu beaucoup de réunions de ministres à cet égard-là ? par des programmes fédéraux, qui étaient très bienvenus dans les universités ? je ne veux pas faire de cachette, là, soyons très clairs, ils étaient très bienvenus dans les universités parce que Dieu sait qu'on en avait grand besoin ? mais qui pouvaient poser des problèmes politiques, par ailleurs.

Alors, nous, évidemment, dans les universités, le problème, c'est qu'on est là pour faire fonctionner nos institutions, et on laisse la politique aux politiciens, et donc, dans ces programmes-là, on constate qu'il y a des problèmes. Mais, quand on met les résultats qu'on a pu obtenir de ces programmes-là dans la plupart des universités québécoises ? je parle pour la mienne, mais je pense bien que beaucoup pourraient s'exprimer de la même façon ? quand on a combiné ces programmes-là, on a pu faire une avance, sur le continent nord-américain, extraordinaire.

Et je le vois actuellement, on recrute massivement pour le renouvellement de notre corps professoral dans des créneaux de pointe, et si vous saviez le nombre de jeunes Québécois qu'on rapatrie ici, le nombre de chercheurs exceptionnels, qu'ils soient européens, américains ou étrangers, qui désirent venir ici parce qu'on est capables de faire des combinaisons de ressources absolument extraordinaires! Et ça, je pense que le Québec a fait une vaste contribution dans cela: une vaste contribution financière et aussi, il ne faut pas l'oublier, a contribué beaucoup à l'orientation des fonds, parce qu'il y avait quand même... Le Québec avait décidé de prendre les choses en main et il l'a bien fait, donc Innovation Québec l'a fait. Mais, je veux dire, les décisions étaient prises ici, les dossiers étaient envoyés là-bas après. D'accord. Alors, comprenons-nous bien, là. Il y a peut-être eu des frictions au départ, normales, mais, au bout du compte, quand je regarde les résultats, les résultats sont loin d'être négatifs pour l'ensemble du système universitaire québécois.

L'autre avantage que nous avons...

Le Président (M. Kelley): En conclusion.

M. Lacroix (Robert): ...c'est, compte tenu de notre concurrentialité en recherche, on a souvent été chercher une bonne part du gâteau au détriment des autres provinces.

Mme Marois: Bravo!

Le Président (M. Kelley): Alors, sur ça, encore une fois, M. Lacroix, vous avez porté plusieurs chapeaux devant la commission, mais merci encore une fois pour la contribution que vous avez faite à notre réflexion.

Et je vais suspendre nos travaux quelques instants, et j'invite les représentants du fonds de recherche du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 10)

 

(Reprise à 17 h 12)

Le Président (M. Kelley): Je demande aux membres de la commission de, s'il vous plaît, prendre place.

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): Je vais demander aux membres de la commission de prendre place, s'il vous plaît, en rappelant au ministre que, pour la durée du mandat, il est membre de la commission.

Alors, bienvenue aux représentants du fonds de recherche du Québec. Je ne sais pas qui, parmi vous quatre, va commencer. Alors, c'est à vous la parole, et si vous pouvez identifier les quatre personnes à la table, s'il vous plaît.

Fonds de recherche du Québec

Mme Dandurand (Louise): Merci, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la Commission parlementaire sur l'éducation. Je suis accompagnée aujourd'hui de Mme Sylvie Dillard, qui est présidente-directrice générale du Fonds de recherche sur la nature et les technologies; de Mme Michèle Jean, qui est vice-présidente du conseil d'administration du Fonds de recherche en santé du Québec; et de M. Alain Beaudet, qui est directeur scientifique et directeur des programmes du Fonds de recherche en santé du Québec également.

Alors, au nom des trois fonds de recherche, je tiens d'abord à vous remercier de l'occasion qui nous est donnée de participer à cet important rendez-vous du milieu de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Je vous dis tout de suite que nous nous sommes réparti le temps que vous nous avez alloué pour cette présentation. J'aborderai d'abord, en premier lieu, la question de la qualité et de l'accessibilité; Mme Dillard traitera ensuite de la question du financement; et Mme Jean viendra ajouter au contenu de notre mémoire en insistant sur les caractéristiques propres à la formation universitaire hors campus, une problématique qui se pose avec une acuité particulière dans les centres hospitaliers universitaires; finalement, à la suite de mes collègues, je viendrai conclure notre présentation.

Le mandat que s'est donné la commission est ambitieux, il soulève des questions importantes et complexes. Vous n'êtes pas sans savoir que plusieurs d'entre elles concernent directement ou indirectement la recherche. Il n'y a là rien de surprenant, puisque la recherche est intimement liée à chacune des composantes de la mission de nos universités. En fait, non seulement la recherche fait-elle partie intégrante de la mission universitaire, mais, comme nous le verrons, elle apporte une contribution essentielle à la réalisation de cette mission.

Pour nous, il s'agit de beaucoup plus qu'un simple constat, c'est une conviction. Nous sommes profondément convaincus qu'une société du savoir ne peut exister sans universités de très grande qualité, concurrentielles et capables d'attirer les meilleurs cerveaux. La recherche de haut niveau constitue une assise incontournable de cette qualité. Notre volonté de nous inscrire parmi les sociétés du savoir se mesure ainsi à l'aune des choix que nous faisons en matière d'enseignement supérieur et de recherche.

Il faut dire tout d'abord que le Québec et le Canada ont fait le choix stratégique de faire de leurs universités les principaux lieux de production des connaissances, les principaux lieux de la recherche publique. La recherche universitaire apporte donc une contribution significative à notre système de R & D et d'innovation. D'autres pays ont fait un choix différent, et nous ne croyons pas que leurs universités offrent un environnement de formation de qualité comparable à celui des universités québécoises. On pourrait encore là faire référence au testament de M. Tavenas.

Au Québec, nous avons de quoi être fiers des réalisations de nos chercheurs et des résultats de nos universités en recherche. À titre d'illustration, mentionnons simplement que, au cours des 30 dernières années, les sommes consacrées à la recherche universitaire, au Québec, sont passées de 46 millions à 1 milliard de dollars. Dans de nombreux secteurs, les chercheurs québécois ont su développer des créneaux d'excellence, et ce, dans tous les domaines du savoir. On n'a qu'à penser à: en santé, la virologie ou l'immunologie, la génétique ou la génomique; en sciences naturelles et en génie, les nouveaux matériaux, la robotique; en sciences sociales et humaines, le développement de l'enfant, la gestion et l'aménagement territorial.

Et il vaut la peine de le souligner, cette excellence en recherche est présente partout sur notre territoire, chacune des universités québécoises y participe, à sa manière, selon ses moyens et en fonction de ses priorités de développement et des besoins de sa région, à faire du Québec une société de haut savoir.

Les chercheurs québécois sont aujourd'hui reconnus sur la scène internationale et collaborent avec des chercheurs du monde entier. Dans l'ensemble canadien, les chercheurs du Québec sont bien positionnés et obtiennent, aux concours fédéraux de subventions de recherche, des résultats nettement supérieurs à notre poids démographique. Rappelons qu'il s'agit ici d'argent investi dans les secteurs clés dont les retombées potentielles pour l'économie québécoise sont de nature à avoir une grande portée stratégique.

Je vous le disais d'entrée de jeu, la recherche est une partie intégrante de la mission universitaire. À l'université, il n'existe pas de recherche pour la recherche. En réalité, la recherche universitaire est toujours intimement liée à la formation d'étudiants, quelque forme qu'elle prenne.

En premier lieu, la recherche apporte une contribution essentielle à la qualité de la formation. C'est même vrai au premier cycle, où la recherche rayonne sur le contenu de l'enseignement. Mais c'est particulièrement vrai au niveau de la maîtrise et du doctorat, où elle fait partie intégrante de la formation.

À travers l'encadrement reçu de leurs directeurs de recherche et par leur intégration aux activités d'un regroupement, d'une équipe, d'un laboratoire ou d'un centre de recherche, les étudiants acquièrent non seulement des connaissances nouvelles, mais également des compétences et une expérience du travail en équipe. Ils sont exposés à de nouvelles problématiques et à un environnement stimulant sur le plan intellectuel, toutes choses qui leur seront grandement utiles pour le choix et la poursuite de leurs carrières.

D'ailleurs, on constate de plus en plus que la qualité de l'environnement de recherche constitue un facteur important de succès aux études supérieures. C'est pour cette raison que, dès le départ et de façon très claire, les fonds de recherche du Québec se sont donné des leviers de financement conçus de manière à responsabiliser les centres et les équipes de chercheurs vis-à-vis de la formation et de l'encadrement des étudiants aux cycles supérieurs.

En fait, la transformation des pratiques de recherche, au cours des dernières années, avec l'accent mis sur l'interdisciplinarité, la fécondation entre les disciplines, les collaborations et le maintien de masses critiques, a radicalement influencé le contenu et la structure de la programmation universitaire. Celle-ci est maintenant mieux adaptée tant aux exigences scientifiques nouvelles qu'aux attentes sociales. De cette façon également, la recherche a contribué et contribue toujours à la qualité de la formation.

La recherche est ensuite une source importante de transfert de connaissances et de services à la collectivité. Au cours des dernières années, les fonds de recherche du Québec ont d'ailleurs redoublé d'efforts afin de développer la recherche concertée et en partenariat. Ils ont incité des dizaines d'entreprises, d'organismes et de ministères à devenir partenaires de projets de recherche. Notons d'ailleurs que l'implication d'étudiants dans ces activités de recherche ajoute également à la qualité de leur formation.

La recherche est aussi la source de nombreuses innovations technologiques et de plus en plus reconnue comme une source importante d'innovation sociale. Au cours des dernières années, la valorisation de la recherche a fait des progrès sensibles. Elle s'est notamment accélérée avec la mise sur pied des quatre sociétés de valorisation.

n(17 h 20)n

Du côté des innovations sociales, les progrès sont tout aussi encourageants. Le défi qui se pose à nous dorénavant consiste à soutenir davantage la valorisation de ces innovations, comme on l'a fait pour l'innovation technologique.

S'il est vrai qu'une société du savoir ne peut exister et prospérer sans l'apport d'universités de premier plan offrant une formation de qualité, il faut également que cette formation soit rendue accessible par un environnement de soutien à la relève qui aide les étudiants, particulièrement aux cycles supérieurs, à poursuivre et surtout à réussir leur projet d'études. C'est plus vrai encore dans le cas du Québec, puisque celui-ci doit faire face à un double défi: celui de répondre à un besoin grandissant de main-d'oeuvre hautement qualifiée, et cela, dans un contexte où, sous l'effet combiné du développement de la population et du déclin démographique, la pression se fait plus grande.

Face à la réduction ou, au mieux, à la stagnation du bassin potentiel de notre relève scientifique, il faudra trouver des moyens convaincants pour encourager les étudiants de baccalauréat à poursuivre leurs études aux cycles supérieurs et redoubler d'efforts pour s'assurer que le plus grand nombre d'entre eux complètent leurs études avec succès. Cela passe par une accessibilité accrue aux études supérieures. La disponibilité de bourses d'excellence et la possibilité pour les professeurs-chercheurs d'embaucher des étudiants à titre d'assistants de recherche à même leurs subventions sont deux modalités concrètes et essentielles de ce soutien financier.

Chaque année, de nombreux candidats comptent sur l'obtention d'une bourse d'excellence pour poursuivre leurs études aux cycles supérieurs ou entreprendre un stage postdoctoral. Plusieurs autres espèrent décrocher un contrat de recherche avec un professeur-chercheur au sein d'une équipe, d'un centre ou d'un regroupement. C'est bourses et ces assistanats de recherche constituent un facteur important d'attrait, de valorisation, de persévérance et de réussite pour les étudiants des cycles supérieurs. Il s'agit d'un investissement à fortes retombées sociales.

Mais, au-delà de l'aspect financier, les bourses d'excellence et les contrats de recherche représentent des marques tangibles de reconnaissance pour ceux qui en bénéficient. Elles symbolisent l'importance qu'une société attache à ce que les jeunes entreprennent une carrière scientifique.

Pour toutes ces raisons, on comprend facilement pourquoi les fonds de recherche consacrent autant d'efforts à fournir un soutien financier aux étudiants de cycles supérieurs. Au cours de la dernière année, les fonds de recherche ont soutenu plus de 7 000 étudiants de maîtrise, doctorat, stagiaires postdoctoraux dans la poursuite de leurs projets d'études et de recherche.

Maintenant, comme je vous le mentionnais en ouverture, pour parler de la question de financement, je cède la parole à Mme Dillard.

Le Président (M. Kelley): Mme Dillard, bienvenue.

Mme Dillard (Sylvie): M. le Président, merci. Quelques remarques peut-être en valeur ajoutée à ce qui a été dit, je pense, pas mal au cours de cette commission mais qui peut-être amènent un éclairage un petit peu différent.

Je pense qu'il y a un consensus important autour de la question suivante, c'est que le financement public de la recherche ne peut être isolé de la question du financement global des universités. On a vu les... sinon, dans quel dilemme on plaçait les universités: ou bien elle financent correctement leur mission de recherche ou bien alors elles prennent dans leur budget de fonctionnement puis c'est l'enseignement, à ce moment-là, qui écope. Et on pense donc que ça doit être regardé dans son ensemble.

Et je vais réitérer également certaines remarques qu'a faites M. Lacroix et d'autres intervenants au sujet des nouveaux enjeux de la recherche. Quand on a commencé la recherche dans les universités, c'était assez simple, c'était facile de concilier et de faire la même chose, enseignement et recherche. C'était un professeur dans son laboratoire, avec quelques étudiants, et puis il était dans son département. Ce n'était pas très compliqué. Donc, les formules de financement qui ont été faites à ce moment-là permettaient parfaitement de développer correctement la mission recherche puis la mission financement de l'université. Ce n'est plus du tout la même réalité.

D'abord, on l'a dit, les coûts de la recherche ont augmenté de façon considérable, c'est vrai: les grands équipements scientifiques, les installations, on a parlé d'espaces tout à l'heure, les salles blanches pour justement un certain nombre d'équipements scientifiques qui le requièrent absolument. La main-d'oeuvre professionnelle, on n'a pas beaucoup parlé de ça, mais ça prend du monde pour faire fonctionner ces équipements, des techniciens spécialisés, les rendre accessibles aux chercheurs et aux étudiants, sinon ils sont incapables de s'en servir, à d'autres chercheurs éventuellement qui sont ailleurs, qui n'ont pas accès à cet équipement, ça coûte cher. Cette situation est la règle en SNG, en santé... ? pardon, je m'excuse ? en sciences naturelles et génie. En santé, elle le devient de plus en plus également; quasiment en sciences sociales et humaines. C'est vrai partout, dans tous les domaines. Donc, premier constat.

Deuxième constat qui est important, c'est que ça oblige les universités à faire des choix stratégiques. Ça n'a pas été facile. Mais, appuyé en cela par les orientations d'un certain nombre de programmes, on leur a dit: Écoutez, vous ne pouvez pas être excellentes partout. Il va falloir que vous concentriez vos ressources dans des créneaux d'excellence. Ils l'ont fait. C'est vrai dans les centres de recherche en santé, c'est vrai également dans les campus universitaires, c'est vrai dans les universités en région. Et, en même temps, en même temps, toute la configuration de la recherche devient en tout cas plus du tout... en tout cas très différente de l'organisation habituelle et traditionnelle de l'université selon les facultés et les départements. Plusieurs disciplines, plusieurs institutions travaillent dans des groupes de recherche, quelquefois avec des centres de recherche gouvernementaux, avec l'industrie. Donc, la configuration même de l'organisation de la recherche a évolué énormément.

Des nouvelles alliances s'imposent. Et donc, de plus en plus, la recherche, ce n'est plus donc, le professeur, le bras droit dans une université, c'est des équipes, des centres, des réseaux qui disposent de tous les équipements, qui les partagent et qui constituent... qui forment des étudiants et qui constituent, j'allais dire, les noyaux québécois des réseaux scientifiques canadiens internationaux. Et ce dont je vous parle, c'est les nouveaux standards internationaux. Et les universités d'aujourd'hui n'ont pas le choix, que ce soit ici ou ailleurs: dans le domaine scientifique, ou on fait partie des ligues majeures ou on disparaît de la carte internationale. Donc, c'est important, et on voulait réinsister également sur ce constat qui vous a été amené également par plusieurs acteurs.

Et cette métamorphose de la recherche n'a pas été accompagnée par une évolution correspondante des sources et des modes de financement. Bon. C'est vrai qu'il y a eu des investissements importants au fédéral. D'abord, le Québec et la FCI ont investi de façon considérable dans les équipements scientifiques, au Québec, ça représente à peu près 1 milliard, c'est énormément d'argent, dans les installations aussi. Il y a eu les chaires du Canada, M. Lacroix en a parlé qu'il y a eu des investissements. Mais la situation n'a pas reçu complètement la réponse qu'elle est en droit d'espérer. Et il va falloir regarder ça de façon globale, quand on parle du financement des universités.

Dans ce panorama que je viens vous dresser, c'est quoi, le rôle des fonds? Et c'est un peu ça également qu'on est venus vous expliquer aujourd'hui. D'abord, on est un petit peu uniques au Canada, soit de moins en moins, parce qu'on nous envie beaucoup, on envie beaucoup le Québec, et de plus en plus on nous imite. En fait, on est là pour aider l'université à accomplir sa mission, et notamment sa mission de recherche et de formation d'étudiants aux cycles supérieurs, formation de chercheur. Et donc on joue notre rôle principalement de trois ou quatre façons, trois façons, principalement.

D'abord, on joue un rôle très, très important dans le soutien à la formation de chercheurs et à la relève scientifique ? très important. On vous a donné un certain nombre de chiffres. En fait, on a à peu près 30 millions, les trois, dans des bourses d'excellence, maîtrise, doctorat, ça fait 2 000 boursiers qui sont soutenus par nos trois fonds. En plus, on assure le démarrage d'à peu près 150 chercheurs, tous les trois, chaque année. Et en fait ce qui est mal compris, c'est que, quand on donne des subventions de recherche aux chercheurs, ça finance quoi? Ça finance essentiellement des étudiants, des professeurs qui donnent des contrats de recherche aux étudiants, et les professionnels, les jeunes professionnels hautement qualifiés, ou les techniciens qui vont travailler dans des laboratoires, pour ce qui est de la recherche, ou les techniciens qui vont faire fonctionner les équipements. Donc, au fond même les subventions de recherche financent de la formation de main-d'oeuvre hautement qualifiée et de professionnels de recherche et de techniciens.

Deuxièmement, ce qu'on ne sait peut-être pas suffisamment, c'est que les chercheurs québécois, probablement avec l'appui des fonds de recherche, travaillent en équipe depuis 20 ans, ce qui est, au Canada, une aberration, une nouveauté, etc. Eux, ils ont l'habitude, ils travaillent en équipe, ils ont pris le virage de la multidisciplinarité depuis bien longtemps. Et ça leur donne énormément d'avantages: d'abord, aux réponses actuelles aux besoins de la recherche, à la possibilité de faire des alliances ? ils ont l'habitude de le faire depuis longtemps ? et, au niveau de la formation, ça entraîne également la formation d'instituts, à l'intérieur des universités, qui conçoivent une formation qui n'est plus juste départementale, mais qui va chercher, dans les différentes disciplines, une formation propre à une thématique, comme l'environnement par exemple.

Et en plus c'est la mise en place de ces infrastructures, les équipes, les centres, les réseaux, qui permet aux chercheurs québécois d'aller chercher un montant d'argent fédéral bien supérieur au poids démographique du Québec. On a calculé, quand on investit dans nos centres de recherche, nous, les fonds de recherche, en partenaires avec les universités bien sûr, qu'on va chercher à peu près 7 $ en subventions de recherche et contrats ailleurs. Alors, ce n'est pas une dépense, c'est vraiment un investissement qui a des retombées importantes. Donc, on permet aux universités de vraiment très bien se positionner sur l'ensemble canadien.

n(17 h 30)n

Enfin, on a joué un rôle... C'est quand même un système qui est assez... C'était un choix du Québec. Il y a 18 ou 19 institutions universitaires sur tout le territoire, puis, plutôt que d'être en compétition, il faut les mettre en réseau. Et c'est ce à quoi nous avons contribué en se préoccupant de collaborer avec les institutions universitaires pour répondre à leurs orientations stratégiques et aux priorités du Québec. Il y a des exemples qui ont été donnés, je pourrais en donner d'autres: l'aluminium, les réseaux du FRSQ en appui aux grands objectifs des politiques de santé et bien-être ou bien le développement de l'enfant, dont on a déjà parlé.

Enfin, et je terminerais par quelque chose qui est, je pense, sensible dans les enjeux actuels de discussion de cette commission, c'est la recherche en partenariat. La recherche en partenariat, c'est pour nous un moteur très important du développement de notre société. En premier lieu, elle permet de développer des connaissances et des compétences en réponse aux besoins prioritaires des partenaires et des milieux. En second lieu, elle permet de transférer ces connaissances et ces compétences vers les organisations qui sont les plus susceptibles de les utiliser, que ce soient les ministères ? il y en a ? que ce soient des organisations publiques, le réseau de la santé, le réseau de l'éducation, des organismes communautaires, que ce soient des entreprises. La recherche en partenariat inclut l'ensemble de cette réalité. Il s'agit pour nous d'une des formules privilégiées de partage du savoir. On dit toujours... J'ai un membre de mon conseil d'administration qui dit: L'innovation, c'est un sport de contact. Si vous voulez qu'on innove, il faut que vous mettiez les gens ensemble, il faut qu'ils se fréquentent.

En appui à cette contribution très significative de la recherche universitaire, les trois fonds de recherche du Québec ont joué un rôle facilitateur. On s'est dit: Bon, bien, qu'est-ce qu'on peut faire pour faciliter? On a développé des programmes de recherche stratégique en réunissant les partenaires de tout niveau autour de problématiques thématiques prioritaires pour le Québec, et en mettant ensemble du financement, et en favorisant également des partenariats dans la réalisation des équipes de chercheurs venant de plusieurs universités, domaines, en lien avec des commissions scolaires. En fait, vraiment des partenariats terrains extrêmement intéressants dans des domaines aussi variés que: vieillissement de la population, aliments nutraceutiques, politiques publiques favorables à la santé, sciences et technologies de la mer, etc., j'en passe. Vous avez des exemples dans le mémoire.

Il faut noter une chose, c'est qu'une des principales retombées de ces programmes, c'est la formation. Ça, c'est très, très important. Vous formez là des étudiants qui sont à la fine pointe des connaissances, qui sont en lien avec le contexte où se posent les problèmes, et en général ces étudiants sont engagés par les organisations, les entreprises, les organisations publiques, etc., et constituent un moyen de transfert des connaissances phénoménal. Et, en même temps, on les encadre. Et je termine là: éthique, propriété intellectuelle et encadrement des étudiants.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Dillard et Mme Dandurand. Avant de passer à la période d'échange avec les parlementaires...

Mme Dandurand (Louise): Est-ce que Mme Jean pourrait faire l'intervention que je vous avais annoncée en préambule?

Le Président (M. Kelley): Très rapidement parce que le 20 minutes est épuisé. Peut-être, vous pouvez prendre une couple de minutes, avec le consentement, pour terminer. Je ne veux pas négliger un fonds, mais je veux gérer le temps de façon, là... Deux minutes peut-être, Mme Jean, si c'est possible.

Mme Jean (Michèle): Merci beaucoup. Merci beaucoup, ça va être très bref. Je voudrais soulever un aspect moins connu de la mission des universités en recherche en santé. Il s'agit du soutien qui doit être apporté aux 19 centres et instituts de recherche hospitalo-universitaires. Chacun de ces centres a mis de l'avant une stratégie de développement qui mise sur la constitution d'une masse critique de chercheurs dans un certain nombre de domaines jugés prioritaires soit en raison de l'expertise déjà acquise soit à cause d'un avantage concurrentiel dans un domaine en émergence. Ces centres et instituts favorisent l'interdisciplinarité, l'intersectorialité et regroupent ? c'est important ? environ 2 219 chercheurs travaillant en recherche fondamentale clinique, épidémiologique ou évaluative.

On évalue ? et ceci aussi est important ? qu'environ 85 % de la recherche en santé se fait dans ces centres. Comme le disait récemment un de ces chercheurs, ces centres jouent un rôle de ficelle horizontale entre les différentes disciplines offertes dans les facultés universitaires, car ils sont organisés thématiquement, soit, par exemple, enfance, vieillissement, etc., alors que les facultés sont organisées plutôt par disciplines. Ils sont donc un lieu de contacts privilégiés. Les universités se doivent donc ? et doivent avoir les moyens ? de les soutenir et de favoriser leur développement, car, comme le disait le rapport Carignan récemment, ils sont devenus le coeur de la recherche publique en santé, au Québec, et un pôle essentiel de formation des étudiants de cycles supérieurs et de chercheurs en sciences de la santé.

Donc, je ferais donc trois points sur ce développement. Il faudrait que les universités donnent accès aux chercheurs qui oeuvrent dans ces centres et instituts à des postes universitaires qui leur permettent d'avoir un développement harmonieux de leur carrière. Les postes universitaires sont dans les disciplines et non organisés par thèmes, ce qui rend difficile leur octroi à ces centres. Deuxièmement, il faut porter beaucoup d'attention au recrutement des cliniciens-professeurs-chercheurs. Troisièmement, il faut mettre fin au sous-financement catastrophique des établissements de santé pour le travail d'enseignant-formateur. Notons que le ministère de l'Éducation accorde aux universités un per capita pour financer la formation des médecins résidents de spécialité, mais non pour la formation des autres professionnels de la santé. Le rapport Carignan aussi soulignait que le système de rémunération désavantage les médecins qui consacrent plus de temps aux activités académiques, car il est encore basé essentiellement sur les activités cliniques dans ces centres.

Conclusion. Ces centres qui soutiennent la recherche clinique dans tous les secteurs de la santé doivent avoir les moyens d'assumer la qualité de cette recherche et un encadrement adéquat des chercheurs. Enfin, mentionnons que leur insertion et le rôle important qu'ils seront appelés à jouer dans les nouveaux réseaux universitaires intégrés de santé est une raison de plus, pour les universités, de leur accorder le soutien nécessaire à l'accomplissement de leur mission de recherche, tel que recommandé par le rapport Carignan. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Jean, pour être concise. Alors, il y a un léger dépassement, alors premièrement j'ai besoin du consentement pour un léger dépassement à 18 heures. Deuxièmement, je propose quatre blocs de huit minutes, si ça va. Et je vais commencer avec le ministre. Alors, M. le ministre.

M. Reid: Merci, M. le Président. Ma question à la commission est sur la qualité, l'accessibilité et le financement des universités, et vous y apportez beaucoup. Sur la qualité, je suis persuadé, comme beaucoup de monde, que la qualité de la recherche fondamentale fait partie de la qualité de l'université et de la qualité de la formation aux cycles supérieurs mais aussi au premier cycle. Par contre, dans beaucoup de domaines, et c'est même vrai pour les sciences humaines, il y a une certaine difficulté qui touche la recherche fondamentale, étant donné que, dans beaucoup de cas, cette recherche devient très rapidement, aujourd'hui, une recherche appliquée. Alors que parfois, autrefois, dans les domaines, par exemple, de la physique, la recherche fondamentale s'appliquait un siècle ou deux plus tard, maintenant c'est parfois un mois ou deux après, et ça pose un certain nombre de problèmes.

Et, entre autres, les années de grande production de chercheurs en recherche fondamentale sont souvent handicapées par les efforts, par exemple, d'innovation ou de mise en marché qui font en sorte que la recherche fondamentale se sent menacée ou en tout cas plusieurs personnes sentent qu'il y a une menace pour qu'on ne fasse pas autant de recherche fondamentale que prévu, ou que souhaitable, ou que ce qu'il faut pour conserver la qualité de nos études à tous les cycles.

Est-ce que c'est une préoccupation que vous avez? Je n'oserais pas dire que c'est recherche fondamentale versus innovation, parce qu'il faut tout faire, mais est-ce que c'est une préoccupation que vous avez, dans les différents fonds que ça concerne, et est-ce que vous faites quelque chose pour ça?

Le Président (M. Kelley): Mme Dandurand.

Mme Dandurand (Louise): Merci, M. le Président. Je pense, M. le ministre, qu'il y a beaucoup de variations selon les secteurs. Il y a effectivement des secteurs où c'est très, très rapide, le passage de la recherche fondamentale à l'innovation ou aux applications; il y a des secteurs, je ne vous citerai pas la philosophie, mais, mettons, la philosophie, où c'est beaucoup plus... enfin où la partie de la recherche fondamentale est très importante.

Mais je crois que... et mes collègues pourront ajouter à cela, je pense qu'il y a toujours cette interfécondation entre la recherche fondamentale, et ses applications, et l'innovation. La recherche fondamentale demeure la source de ces innovations et elle est la première partie du continuum dans la recherche. Elle est parfois moins intensive, selon les domaines, mais elle est toujours présente, et bien sûr ça varie selon que la recherche est orientée vers des innovations à caractère plus professionnel ou non. Peut-être que mes collègues veulent ajouter quelque chose.

Le Président (M. Kelley): Complément de réponse, Mme Dillard?

Mme Dillard (Sylvie): Oui. Ma réponse a deux volets, M. le ministre. D'abord, il est vrai, et puis peut-être pour toutes les raisons qu'on a dites, que, aujourd'hui, être chercheur dans une université, ce n'est pas facile. C'est un homme orchestre, et surtout celui qui fait beaucoup de recherche: il faut qu'il fasse sa recherche, il faut qu'il fasse son enseignement, il faut qu'il forme des étudiants, il faut qu'il diffuse ses connaissances, il faut qu'il s'intègre dans des réseaux, il faut qu'il négocie, il faut qu'il valorise, il faut qu'il... Et puis c'est effectivement difficile, et à ce moment-là on peut se préoccuper qu'il n'y ait pas une de ces fonctions qui soit pénalisée. Bon.

n(17 h 40)n

La deuxième chose que je vous répondrais, c'est que ce n'est pas nécessairement... C'est peut-être, d'un point de vue organisationnel ou d'un point de vue, comme le disait Mme Dandurand... peut-être un faux problème. On constate à la fois, et c'est ce que nous favorisons... vous avez à la fois... Nous supportons ? et ça existe dans les universités ? des centres de recherche plus fondamentaux, à ce moment-là organisés autour de problèmes fondamentaux comme les matériaux quantiques ou d'autres, et, à ce moment-là, il y a une formation qui est vraiment de base. Ils reçoivent des subventions, pour de la recherche fondamentale, d'organismes fédéraux, provinciaux, etc. Ces mêmes chercheurs, en même temps, participent à des réseaux de quelque nature que ce soit, qui varient évidemment selon le domaine dans lequel ils sont et qui, eux, cherchent à résoudre des problèmes plus appliqués. Ce sont les mêmes. Mais évidemment ils permettent ainsi à la fois d'apporter à ces réseaux orientés vers de la recherche plus appliquée les connaissances fondamentales qui existent et qui pourraient être de quelque utilité, ou quelquefois ils sont également sensibles à des problèmes pour lesquels il n'y a pas de réponse, et ça peut orienter leurs activités de recherche. Et nous pensons en tout cas, et c'est un peu ce que nous favorisons, que de plus en plus c'est comme ça que ça se passe et qu'il n'y a pas opposition, mais qu'il faut trouver les moyens de les faire... de fructification finalement et même d'interinfluence.

M. Reid: Va pour l'interfécondation, je suis tout à fait d'accord, mais j'ai, dans mon esprit, deux exemples. Un exemple de quelqu'un qui a trouvé, après avoir cherché pendant un certain nombre d'années ? un jeune chercheur ? des molécules intéressantes, une catégorie de molécules intéressantes qui ont un potentiel d'innovation et pour lesquelles il y a des entreprises prêtes, et des fonds, et des sociétés de valorisation universitaires prêtes à mettre des fonds, mais pour lesquelles il faut quand même deux ou trois ans de travail pour nous assurer que ces molécules-là ont véritablement un potentiel, et tout ça. Et là, pendant ces deux, trois années-là, le chercheur ne travaille pas beaucoup sur de la recherche d'autres molécules ou d'autres phénomènes.

Un autre exemple, c'est en physique, où un professeur découvre un phénomène... je ne suis pas assez bon en physique pour savoir les détails, mais ça a rapport avec la liaison électron-photon, autrement dit l'électricité et la lumière, et ça intéresse au plus haut point les entreprises qui font des fibres optiques, etc., et donc c'est une autre sorte de valorisation, c'est un brevet, etc. Mais, pour que ça devienne intéressant, l'entreprise a besoin que le chercheur fondamental travaille davantage à la mise au point de sa découverte qu'à essayer de découvrir et d'aller plus loin sur les causes, par exemple, de ce phénomène qu'il a découvert, etc.

Donc, autrement dit, il y a un net déficit, dans des cas comme ceux-là, de recherche fondamentale, pour des jeunes chercheurs qui sont encore en pleine possession de leurs moyens et pour du travail de type mise au point. Et, nous, on a identifié, dans les documents de notre formation politique qui est maintenant le gouvernement, des phénomènes comme ceux-là. Et, moi, je me demandais, et je profite du fait que vous soyez là pour poser la question, si ce phénomène-là est suffisamment important, si le rôle ou enfin si les conseils subventionnaires québécois n'auraient pas comme partie de leur rôle d'avoir un certain biais pour la recherche fondamentale, pour nous assurer effectivement qu'on compense pour cette perte-là.

Mme Dillard (Sylvie): Je vais peut-être répondre rapidement, puis Mme Dandurand pourra répondre aussi, puisqu'on parlait de la physique. Je pense que vous avez raison. Le biais pour la recherche fondamentale, nous l'avons, M. le ministre. Si je regarde un peu les sommes que nous dispensons, que ce soit en termes d'infrastructures, que ce soit en termes d'aide aux nouveaux chercheurs, etc., c'est de la recherche fondamentale que je pourrais qualifier de libre, en fait, parce que, à un moment donné, il y a un continuum effectivement qui est un petit peu difficile. Alors, nous avons ce biais.

Pour l'autre question, je pense que c'est une question réelle, nous travaillons beaucoup en collaboration avec les universités pour définir un petit peu le cadre dans lequel le processus de valorisation doit se faire. On a travaillé à une politique d'ailleurs gouvernementale de propriété intellectuelle et de valorisation de la recherche en milieu universitaire, et il y a comme un équilibre à trouver entre jusqu'où un chercheur fondamental, qui a une innovation, doit aller dans la mise au point de ce produit puis à partir de quel moment bien c'est un autre acteur qui doit venir pour que, lui, puisse à ce moment-là contribuer à l'université selon son avantage comparé, puis je pense qu'effectivement il va falloir accompagner ça de façon tout à fait proche.

Le Président (M. Kelley): En terminant, une réponse complémentaire.

Mme Dandurand (Louise): On a tous les trois des commentaires à faire, mais je vais laisser à mon collègue M. Beaudet le soin de prendre la parole.

Le Président (M. Kelley): O.K. Parfait.

M. Beaudet (Alain): Je pense que, dans le cas de la recherche en santé, comme vous le savez, il y a un rôle très important à jouer pour la recherche appliquée. La recherche appliquée est essentielle pour que les résultats de la recherche fondamentale arrivent aux patients le plus rapidement possible. Elle est extrêmement importante aussi pour la formation des professionnels de la santé. C'est souvent les cliniciens qui, eux-mêmes, font de la recherche clinique, comme vous le savez très bien, et qui sont les meilleurs professeurs de médecine et qui forment les meilleurs praticiens. Alors, d'une part, il est très important que vos molécules, on puisse les utiliser le plus rapidement possible au lit du patient, et ça, c'est un retour qu'attend la société et qui est bien naturel.

La recherche fondamentale est là, on la protège, et je dirais qu'il faut peut-être travailler encore davantage à favoriser la recherche appliquée et les liens entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, la recherche «translationnelle», pour prendre un terrible anglicisme.

Le Président (M. Kelley): Merci, M. Beaudet. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, bonjour et bienvenue au nom de ma formation politique. J'ai lu avec attention votre mémoire et je vous ai écoutés avec attention aussi. Je pense que c'est très stimulant de vous entendre et aussi intéressant de voir que le Québec, malgré parfois des ressources, enfin, limitées, a pris une place assez significative dans le monde de la recherche, et je veux venir sur cela en particulier.

Dans votre mémoire, à la page 5, vous indiquez qu'il faut poursuivre nos efforts pour demeurer dans la partie. «Les prochaines années annoncent une vive concurrence, particulièrement pour l'attraction et la formation d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée. Dans le contexte de la mondialisation, le maintien du Québec dans le concert des pays les plus avancés sera tributaire des choix que nous posons aujourd'hui en matière de recherche et d'innovation.» Et, un petit peu plus loin, vous indiquez que «la qualité de la formation supérieure et notre capacité à attirer les étudiants les plus prometteurs et les meilleurs professeurs-chercheurs sont directement liées à l'excellence de l'environnement de recherche».

Ce que je comprends dans ces propos, c'est qu'il y a une certaine inquiétude, parce qu'on sent que la position, elle est intéressante, on a fait des avancées remarquables, mais qu'en même temps il y a une forme de fragilité si on ne faisait pas les bons choix, et j'aimerais que vous me disiez, à ce moment-ci, ce qui selon vous devrait être particulièrement priorisé pour un gouvernement qui a à soutenir la recherche et ses outils.

Le Président (M. Kelley): Mme Dandurand.

Mme Dandurand (Louise): Oui. Écoutez, comme nous l'avons souligné dans notre mémoire, nous souscrivons à ce qui fait le consensus, je pense, de l'ensemble de la société québécoise, c'est-à-dire que nos universités, d'abord et avant tout, doivent avoir les moyens de maintenir la qualité de l'accomplissement de leurs missions, aussi bien en formation qu'en recherche, et nous l'avons dit dans notre mémoire. Nous pensons que c'est un choix de société, un choix très consensuel, et qu'il est important que le message des universités soit entendu.

Nous sommes des partenaires des universités dans l'accomplissement de leurs missions. Nous sommes des partenaires privilégiés pour l'accomplissement de leur mission en recherche, nous sommes également des partenaires importants, nous le croyons, pour la mission de formation, et c'est dans cette perspective-là que nous croyons qu'il est important, pour une société, de faire des choix qui reconnaissent l'importance des universités et de l'ensemble du système qui les entoure, dont les fonds font partie. Et ce que nous soutenons dans ce mémoire, c'est que le Québec s'est donné des acquis considérables, des acquis importants, des acquis qui sont enviés ailleurs au Canada, et nous espérons que nous pourrons, collectivement, maintenir ces acquis.

Mme Marois: Bon. Alors, en ce sens-là évidemment vous soutenez bien sûr la demande de réinvestissement dans les universités, tel que souhaité par l'ensemble, je crois, de la collectivité universitaire de recherche aussi au Québec.

Et, dans votre mémoire, vous revenez sur deux éléments qui vous concernent peut-être davantage mais qui concernent aussi les universités, entre autres sur la valorisation de la recherche universitaire. On dit: «[Elle] a fait des progrès sensibles au cours des dernières années. Elle s'est accélérée récemment avec la mise en place des sociétés universitaires de valorisation.» Et on sait que le Québec a fait un effort assez considérable, sur les trois ou quatre dernières années, pour supporter la valorisation de la recherche. Cependant, on sait aussi qu'on est à la limite des sommes qui étaient disponibles dans cette... société de valorisation.

n(17 h 50)n

Est-ce que vous croyez qu'on devrait réinvestir à ce niveau-là pour continuer de supporter les réseaux, et les institutions, et les outils qu'on a mis en place à cet égard? L'ACFAS en a parlé, d'autres avant vous en ont parlé aussi, mais j'aimerais entendre votre point de vue, à vous, sous votre angle.

Le Président (M. Kelley): Mme Dandurand.

Mme Dandurand (Louise): Je prendrai brièvement la parole et je laisserai mes collègues compléter. Je pense que la société n'a pas le choix de maintenir ces efforts en valorisation, que ce soit en valorisation technologique, ou en valorisation sociale, ou en valorisation des innovations sociales. Je pense qu'il appartiendra aux différents intervenants de faire les choix les plus appropriés pour voir quelles sont les façons d'intensifier cet appui à la valorisation. Les sociétés de valorisation qui ont été mises sur pied sont déjà à l'oeuvre, elles n'ont pas encore atteint leur pleine vitesse de croisière, donc c'est une expérience qui portera ses fruits à plus long terme.

Dans nos propres interventions, comme fonds, nous avons également privilégié des initiatives qui appuient la valorisation. Je laisserai Mme Dillard parler de la valorisation dans le domaine des sciences naturelles et du génie, en santé, et je pourrai revenir sur les innovations, la valorisation des innovations sociales, si vous le voulez.

Mme Dillard (Sylvie): On peut peut-être le prendre sous un autre angle, puisque vous parlez des investissements de Valorisation-Recherche Québec, parce qu'effectivement ça nous concerne, que ce soit par des sociétés de valorisation, que ce soit ce qu'ils ont mis en place. Ce qui est très important de comprendre, c'est que, peut-être en complémentarité avec toutes les discussions sur la recherche en partenariat, sous l'impulsion de cette corporation et le plus souvent à l'initiative même des chercheurs universitaires, il y a d'autres modèles de recherche en partenariat qui ont vu le jour et qui sont très porteurs du point de vue de l'innovation dans notre société au sens large: social, technologique, en santé, etc.

Par exemple, il y a des réseaux avec des utilisateurs, j'en parlais tout à l'heure, des plateformes d'innovation ? puis on pourra peut-être dire un mot sur une dans le domaine de la santé ? des consortiums de recherche, des instituts virtuels qui sont, qui regroupent l'ensemble des forces vives en recherche pas uniquement universitaire, maintenant il se développe des connaissances aussi ailleurs que dans les universités, dans les centres de recherche gouvernementaux, dans l'industrie, et qui ont un objectif clair d'accélération de la valorisation justement de ces résultats et d'innovations.

Certains de ces consortiums visent à profiter de nouvelles opportunités de marché. Je donnais des exemples comme le consortium de recherche en aérospatiale. C'est la première fois depuis deux ans, dans toute l'histoire du Québec, en dépit de la force de ce secteur pour le Québec, qu'il y a un consortium qui réunit toutes les expertises universitaires, les centres de recherche, au Canada, qui ont été... qui existent à Montréal et l'industrie dans justement la conception de projets de recherche conjoints qui vont permettre, à ce moment-là, d'accélérer le développement de connaissances et de donner un avantage à notre industrie.

On a d'autres exemples, en multimédia, Hexagram dans le domaine du multimédia et des arts. On a également, dans le domaine de la nanotechnologie, des choses qui sont en train de se faire exactement de cette façon, où ces mêmes instituts ont permis de répondre à des problématiques sociales très complexes. On a l'exemple d'Ouranos dans les changements climatiques. Le consortium qui est formé autour de cette question de l'impact des changements climatiques est exceptionnel, il est reconnu mondialement en fait comme force de recherche. On a parlé... M. Lacroix a parlé du CLIPP sur les aspects psychosociaux, d'une plateforme également de GEREQ, une plateforme de recherche clinique qui est absolument phénoménale.

Donc, ce sont des nouveaux outils de valorisation qui s'inscrivent dans une tendance mondiale. Et ceux qui existent ou d'autres modèles qui vont être très, très importants pour le Québec, on ne peut pas, comme société, ne pas vouloir en tout cas les accompagner et s'assurer de leur succès. Ils ont un rôle déterminant pour un bon nombre de... pour un développement social et économique. Et on est partenaires, les trois fonds, dans plusieurs de ces projets.

Mme Marois: Le fait que les fonds soient taris jusqu'à un certain point, parce que, là, Valorisation-Recherche Québec n'aura plus de sommes disponibles, est-ce que ça voudrait dire de réinvestir à ce niveau-là soit par ce véhicule ou par l'intermédiaire des fonds qui ont été... des sociétés de valorisation des universités?

Mme Dandurand (Louise): Écoutez, je pense qu'il y aura différentes façons de concevoir les réinvestissements en matière de valorisation. On voit, par exemple, se diversifier les portefeuilles de financement des centres de liaison et de transfert. On parlait tout à l'heure justement du CLIPP, qui est un centre d'intervention et de prévention dans le domaine psychosocial. Il a été mis sur pied par Valorisation-Recherche Québec et, avec le financement de démarrage qu'il a obtenu, il est à diversifier son portefeuille de financement, à aller chercher des partenaires.

Donc, le réinvestissement peut prendre différentes formes, de différentes sources, qu'elles soient publiques, parapubliques ou privées. Une chose est certaine ? et nous sommes des partenaires dans ces entreprises, les trois fonds de recherche du Québec ? c'est que, quelles que soient les formes que prennent les appuis et les investissements en valorisation, nous serons partenaires de ces entreprises-là et nous sommes tous, tous les trois, très soucieux de faire en sorte que les investissements qui ont été consentis par Valorisation-Recherche Québec trouvent des relais, que ce soit dans nos propres programmations ou d'autres formes de relais avec des partenariats plus diversifiés.

Mme Marois: Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre, il vous reste six minutes.

M. Reid: Alors, juste un petit commentaire. Je suis heureux de voir qu'il y a plusieurs façons et plusieurs sources de faire l'innovation, enfin le transfert d'information. En sciences humaines, il y a beaucoup à faire, mais il y a quand même des choses qui existent et qui sont parfois même intimement liées à la recherche elle-même. La recherche-intervention, c'est une recherche qui se transfère même, pour une bonne part, déjà au départ.

Ma question, c'est plutôt en rapport avec la relève scientifique et donc la difficulté, ou la stagnation, ou la réduction du bassin de cette relève scientifique. Et vous parlez d'intervenir au niveau du baccalauréat. Est-ce que ça suffit? Et je pense, par exemple, à des programmes qui... En France, c'est un programme qui s'appelle, je pense, La main à la pâte, où ce sont les mêmes personnes qui reçoivent les subventions des conseils subventionnaires, celles avec qui vous faites affaire, les chercheurs en particulier, mais même parfois les étudiants, qui vont dans des écoles au niveau primaire et même secondaire, enfin secondaire et même primaire, expliquer, parler, tenter de planter des graines, très tôt dans le temps, là, dans l'esprit de ces jeunes garçons et ces jeunes filles pour peut-être... C'est une entreprise à long terme, et on voit que le problème est un problème qui semble être un problème à long terme. Est-ce que le conseil envisage ce type d'opération, ou est intéressé, ou regarde ce type d'opération?

Mme Dandurand (Louise): Brièvement, et ensuite je passe la parole à Mme Dillard. Nous sommes certainement intéressés à ce genre d'opération là. Et d'ailleurs, dans l'évaluation des demandes qui nous sont faites, nous encourageons de plus en plus différentes formes de transfert de recherche-action et de recherche sur le terrain, et on peut de plus en plus maintenant accueillir... je ne dis pas que c'est généralisé, mais des initiatives qui sont un peu marginales par rapport au cadre de nos activités. Mais je pense que de plus en plus nous allons être interpellés pour être ouverts, en tout cas être partenaires d'initiatives comme celles-là.

Mme Dillard (Sylvie): Oui, c'est intéressant, M. le ministre, que vous fassiez cette question, parce que c'est quelque chose qui nous préoccupe au plus haut point. On a regardé à peu près tout ce qui se faisait, parce que mon organisation s'occupe plus particulièrement de la relève en sciences naturelles et génie. On a des préoccupations parce que les filles sont très fortes en science, mais elles vont vers les sciences de la santé ? tant mieux pour mon collègue ? et moins dans les sciences appliquées. Et les garçons, eux, ils ont des taux de réussite qui ne sont quand même pas des... en tout cas extraordinaires. Or, c'est notre bassin naturel, nous. Alors, si en plus il y a cet effet... Donc, on se préoccupe de savoir comment est-ce qu'on peut faire pour justement favoriser cette relève alors que les besoins s'accroissent, que ce soit au niveau du renouvellement du corps professoral ou des entreprises qui vont avoir de plus en plus besoin de ce personnel.

Puis notre réponse est la suivante ? et puis je suis tout à fait d'accord avec Mme Dandurand: Nous, on ne peut pas se substituer aux organisations dont c'est la mission principale. Par contre, ce qui manque souvent ? et là on peut faire quelque chose et on aimerait faire quelque chose d'ailleurs, quelque chose peut-être en collaboration avec d'autres partenaires, notamment le ministère de l'Éducation ? ce qui manque souvent, c'est l'accès justement de tous ces gens, des jeunes, des professeurs, à l'expertise qui existe dans nos centres de recherche que nous finançons. Et, si on peut faciliter, en étant partenaires, si on peut faciliter, par différentes formules, des stages des étudiants des cégeps, avec des encadrements, et leurs professeurs d'ailleurs, pour qu'ils soient des relais et puis qu'ils établissent également des liens avec l'éducation, avec les partenaires existants, on va le faire, c'est vrai dans tous les domaines, c'est vrai... L'importance de se projeter dans une carrière que nous appelons scientifique, c'est-à-dire de faire des études de maîtrise et de doctorat, ça se planifie tout le long. Et l'accès à nos centres de recherche, pour nous, est quelque chose qui n'est pas suffisamment utilisé.

Le Président (M. Kelley): M. Beaudet.

n(18 heures)n

M. Beaudet (Alain): Je dirais qu'il y a plusieurs centres de recherche aussi en santé qui ont fait des... qui font des journées portes ouvertes justement pour amener les élèves des écoles secondaires à venir, qui connaissent toujours énormément de succès. Par ailleurs, il faut dire qu'il faut aussi inciter les jeunes au premier cycle universitaire à poursuivre et à embrasser la carrière de chercheur, et ça, les fonds ont déjà des programmes pour cela ? encore timides ? mais, par exemple, des programmes qui les incitent à faire de la recherche en laboratoire pendant la période d'été.

Le Président (M. Kelley): Derniers commentaires, M. le ministre, ou...

M. Reid: Est-ce qu'il reste encore un peu de temps?

Le Président (M. Kelley): Une minute.

M. Reid: Bien, je n'aurai pas le temps de vous poser la question que je voulais vous poser sur les orientations, la difficulté... votre analyse de la difficulté des... enfin, pour le Québec, de choisir et d'appliquer ses propres orientations des priorités en recherche face aux interventions, qui se sont multipliées récemment, du gouvernement fédéral, mais on en parlera après si... à moins que ma collègue pose la même question.

Je voudrais juste faire un commentaire cependant, qu'il y a peut-être une fenêtre intéressante qui s'ouvre au niveau de l'enseignement secondaire dans la réforme de l'enseignement, dans laquelle il y a peut-être beaucoup plus de place que dans l'enseignement traditionnel pour ce type d'intervention et pour intéresser nos jeunes aux carrières scientifiques.

Le Président (M. Kelley): Mme Dandurand.

Mme Dandurand (Louise): Juste un commentaire là-dessus. M. le ministre, au Fonds de recherche sur la société et la culture, nous avons avec votre ministère d'ailleurs une action concertée assez importante sur la persévérance et la réussite scolaire, et l'éveil aux carrières scientifiques est un des volets qui, par certains chercheurs, est abordé.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup.

Mme Marois: ...juste...

Le Président (M. Kelley): Mme la députée.

Mme Marois: ...parce que mes collègues vont venir avec des questions...

Le Président (M. Kelley): Il vous reste également six minutes à votre formation politique.

Mme Marois: Parfait. Il y a un avis aussi qui a été demandé au Conseil de la science et de la technologie sur la relève scientifique, et ça, ça va être intéressant pour nous guider éventuellement dans des actions qui pourraient être posées pour intéresser les jeunes aux carrières scientifiques. Alors, je ne sais pas, est-ce que c'est...

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Alors, bonjour à vous tous. C'est une question très pratique parce que le... votre document, le document que vous avez déposé sur les fonds, cible très bien, là, les grands enjeux, et je pense qu'après... toutes les universités ont parlé, là, les universités que nous avons rencontrées ont parlé de l'importance de la recherche. Donc, on en est tous profondément convaincus, et, à l'Université du Québec à Trois-Rivières particulièrement, là, ils défendent la recherche avec ardeur.

Or, je vois trois domaines d'excellence en recherche qui couvrent plusieurs... si je peux parler de dossiers. Êtes-vous en vase communicant? Le 160 millions, est-ce qu'il est transférable ou s'il est ciblé dans chacun des domaines de recherche? Est-ce que vous êtes trois entités complètement séparées? Alors, c'est une question technique mais qui va m'informer, là, pour l'avenir.

Mme Dandurand (Louise): Alors, oui, ce sont trois entités séparées qui ont leurs personnalités propres, qui servent des communautés différentes, qui ont leurs propres pratiques de recherche et des programmations de recherche qui sont adaptées à nos communautés. Donc, nous avons chacun nos enveloppes budgétaires séparées. Cependant, nous avons donc le comité permanent des présidents-directeurs généraux des fonds de recherche du Québec, où nous visons à harmoniser nos interventions de façon à ce qu'il n'y ait pas, d'une part, double emploi, mais, également, qu'il y ait des interventions concertées.

Mme Dillard parlait tout à l'heure de la recherche en partenariat. Nous pouvons, par exemple, lancer des initiatives, que nous appelons des actions concertées, qui intéressent les trois grands champs disciplinaires. Je pense, par exemple, à une action concertée récente sur l'environnement rural, où il y avait des problématiques de santé, des problématiques économiques et sociales et des problématiques environnementales plus liées aux sciences naturelles et au génie.

Donc, nous avons trois enveloppes séparées. Nous sommes trois entités séparées, mais nous collaborons soit au niveau de l'harmonisation de nos programmes... Par exemple, nos programmes de bourses sont administrés centralement, mais nous avons également des programmations conjointes sur certains objets de recherche précis. Par ailleurs, nos structures de programmation sont, elles, adaptées aux pratiques de recherche de chacune de nos grandes familles disciplinaires qui, elles, sont différentes.

Mme Champagne: Bien, merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Bertrand, il vous reste trois minutes.

M. Cousineau: Merci, M. le Président. Mme Dillard, Mme Dandurand, Mme Jean puis M. Boyle, bienvenue à cette commission parlementaire. J'ai pris connaissance avec attention, là, du mémoire que vous nous avez présenté, et puis effectivement, depuis plusieurs années, le Québec fait figure de proue en ce qui a trait au financement de la recherche et puis au soutien donné à la recherche universitaire, tout ça, en grande partie à cause des trois fonds de recherche qui sont en place et puis de la symbiose qui s'est créée au niveau des différents partenaires, qu'on parle des universités, qu'on parle d'entreprises privées, les représentants des trois fonds et puis, bon, et puis voire même l'argent aussi qui vient du fédéral. Donc, il y a eu une belle symbiose de créée, ce qui a fait qu'on fait l'envie du reste du Canada depuis quelques années puis de certains États nord-américains de l'est des États-Unis.

Mais il faut quand même parler de financement, parce que vous l'avez mentionné en quelque part dans votre rapport, qu'on ne peut pas parler de financement des universités sans parler du financement de la recherche. Ma consoeur la députée de Taillon en a parlé au départ, d'entrée de jeu.

Ce matin, nous avons rencontré les représentants du Conseil national des cycles supérieurs, qui nous ont avancé des chiffres. Parce que, vous savez, bon, en 2003-2004, il y a eu une coupure de 7 % au niveau du budget global; de 160 millions, on est passés à 150 millions. Maintenant, les gens qu'on a rencontrés ce matin nous ont dit, bien, que ça prend de l'argent neuf au niveau des fonds de recherche: 10 millions au niveau du fonds de recherche concernant la santé; 19 millions au niveau du fonds de recherche concernant, bon, la culture et puis la société; puis un 19 millions concernant la nature et les technologies. Donc, 19, 19 plus huit... plus 10, ça fait 48.

Est-ce que vous validez ces chiffres-là, comme première question, qui ont été avancés ce matin? Et puis, si le réinvestissement n'est pas à cette hauteur, quels seraient les dangers les plus imminents, là, auxquels on aurait à faire face, là? Parce que la concurrence, elle est très forte. Les jeunes chercheurs bien sont sollicités de partout et puis... Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, si vous permettez.

Le Président (M. Kelley): Et si on peut avoir une réponse assez rapide, parce qu'il reste très peu de temps. Mme Dandurand.

Mme Dandurand (Louise): Oui, d'accord. Je ne me prononcerai pas sur les chiffres du Conseil national des cycles supérieurs. Faire des projections en matière de besoins de recherche, à la limite, on peut les faire à l'infini. On dit que, bon, on a un bassin d'étudiants qui augmente, il est sûr qu'il est souhaitable d'en financer le maximum. Donc, ce n'est pas une question... Nous n'avons jamais mis de chiffres sur la table, nous n'en mettrons pas. Ce que nous croyons et ce que nous avons dit, c'est qu'il est important que, dans son ensemble, le système soit bien soutenu, et voilà.

Le Président (M. Kelley): Sur ce, merci beaucoup. J'ai beaucoup apprécié la mention du projet Ouranos, qui font des études fort intéressantes. Je suis quelqu'un qui a visité le Grand Nord québécois à quelques reprises. Je dois avouer que, la dernière fois, j'y suis allé avec le ministre et le député de Maskinongé au mois de janvier, le réchauffement de la planète n'était pas un enjeu.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): Mais, sur ça, je vais ajourner nos travaux, et je veux dire merci encore une fois pour la présentation que vous avez faite au nom des fonds de recherche du Québec. Merci beaucoup. Et j'ajourne nos travaux à demain matin, 9 h 30, dans cette même salle.

(Fin de la séance à 18 h 8)


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