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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 16 mars 2004 - Vol. 38 N° 20

Consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Kelley): Alors, à l'ordre, mesdames et messieurs! Je constate le quorum des membres de la Commission de l'éducation. Donc, je déclare la séance de la Commission de l'éducation ouverte.

Je vous rappelle que le mandat de la commission est de tenir une consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Morin (Montmagny-L'Islet) remplace M. Auclair (Vimont) et M. Clermont (Mille-Îles) remplace Mme Delisle (Jean-Talon).

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, et bienvenue aux collègues qui se joignent à nous pour ces discussions très importantes. Je vais lire très rapidement l'ordre du jour pour aujourd'hui. Ce matin, on va... nous entendrons HEC, l'École des hautes études commerciales, suivie par la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec et l'Université du Québec en Outaouais. Cet après-midi, nous poursuivrons avec la Fédération des cégeps, la Corporation des services universitaires du secteur Ouest de la Côte-Nord et, enfin, la Fédération étudiante de l'Université de Sherbrooke.

S'il y a des personnes dans la salle qui ont des téléphones cellulaires, je vous invite de les fermer maintenant, s'il vous plaît.

Auditions (suite)

Et, sur ça, un mot de bienvenue au directeur de l'École des hautes études commerciales de Montréal, M. Jean-Marie Toulouse, et la parole est à vous, M. Toulouse.

École des hautes études commerciales (HEC)

M. Toulouse (Jean-Marie): Merci beaucoup. Alors, M. le Président de la commission parlementaire, M. le ministre de l'Éducation, Mmes, MM. les députés, d'abord, merci de nous accueillir dans le cadre de cette audience, cette commission.

n (9 h 40) n

M'accompagne pour la présentation Moréno Dumont, directeur de la gestion financière, du budget et du développement de l'école, qui sera également disponible pour répondre à vos questions.

À l'instar des recteurs qui m'ont précédé à cette tribune, je veux d'abord souligner combien nous apprécions la tenue de cette commission sur la qualité, l'accessibilité et le financement des universités. Il est vital de débattre aujourd'hui de ces questions et d'identifier les avenues de solution qui s'offrent à nous pour que le Québec de la prochaine décennie poursuive sa progression parmi les nations les plus dynamiques de la planète.

HEC Montréal, comme toutes les institutions universitaires du Québec, estime que la société québécoise doit augmenter les ressources financières qu'elle accepte de consacrer à ce niveau d'éducation. Mais, avant d'aller plus loin, nous croyons qu'il est essentiel de répondre à la question: pourquoi? Pourquoi la société accepterait ça? Pour nous, nous avons répondu. Nous avons répondu pour HEC à cette question-là. Si on examine la société québécoise, on constate assez rapidement que notre niveau de vie, notre bien-être, est intimement lié à notre performance en termes de production de biens et de services. On note aussi rapidement qu'une très forte proportion des biens et des services que nous produisons sont vendus sur les marchés externes et non pas sur le marché interne, en particulier les États-Unis, de façon tout à fait spéciale l'État de New York, et l'Ontario.

Cette réussite à vendre nos biens et nos services aux autres dépend de nos petites entreprises, de nos moyennes entreprises et de nos grandes entreprises. Les entreprises y arrivent parce que les personnes qui les dirigent, c'est-à-dire les gestionnaires et les administrateurs, les personnes qui y travaillent, en particulier les cadres et les professionnels, et les personnes qui les conseillent, c'est-à-dire les spécialistes de la comptabilité, de la finance, de la gestion de la production, de la gestion des ressources humaines et du marketing, ont les compétences nécessaires pour exceller dans un contexte d'économie ouverte, mais dépendante de ses clients externes. Ils ont les compétences pour réduire l'écart de productivité Québec-Ontario, Québec?États-Unis, Québec-État de New York et évidemment bien sûr tous les autres écarts qui existent.

Sur ce point, je me permets de vous rappeler que les études récentes ont montré que le sous-investissement dans les universités ontariennes en particulier a un impact direct sur les écarts de productivité entre les économies. C'est pourquoi évidemment nous croyons que, dans un contexte qui est le nôtre, la société doit accepter d'investir davantage dans ses institutions universitaires, parce qu'elle souhaite que ses entreprises aient la capacité et les compétences pour concurrencer avec succès dans l'économie ouverte comme celle qui est la nôtre.

En conséquence, évidemment, vous ne serez pas surpris de constater que nous partageons le point de vue exprimé par la CREPUQ à cette commission, qui a rappelé dans son mémoire l'urgence de rétablir un financement adéquat pour les universités, soit un ajout annuel minimal de 375 millions de dollars, cette somme ayant fait largement consensus chez tous les intervenants.

Dans le mémoire que nous vous avons déposé, on s'est donc placé, comme vous venez de le constater, dans un contexte de concurrence plus globale, ce qui nous amène à vous présenter les enjeux spécifiques auxquels HEC Montréal fait face. Au moment où des organismes de grande réputation lui consacrent son statut d'établissement de calibre mondial, HEC Montréal voit ce même statut menacé, car il lui est impossible de le conserver dans le futur sans un soutien adéquat. Depuis cinq ans, HEC Montréal s'est vu délivrer l'agrément des trois organismes internationaux les plus réputés au monde dans le secteur de l'enseignement des sciences administratives, soit EFMD, EQUIS, AMBA, en Europe, et AACSB International, aux États-Unis. Ce faisant, HEC est devenue la seule institution nord-américaine à accéder à ce statut que partagent une dizaine d'établissements seulement dans le monde. Il s'agit là d'un exploit dont tout le Québec peut être fier.

Dans le même sens, des publications récentes telles que Wall Street Journal, Forbes et Business Week ont reconnu le calibre de HEC dans le cadre de leurs classements internationaux. Et pourtant ces accomplissements sont mis en péril. Ces organismes nous ont clairement indiqué que nous ne serons plus, dans les années qui viennent, en mesure d'assurer un encadrement de qualité, comparable au reste du monde, dans les conditions qui sont les nôtres actuellement.

Permettez-moi de rappeler, tirées de notre mémoire, quelques mesures de l'écart qui se creuse, pour nous, entre nous et évidemment les institutions avec lesquelles nous nous comparons. On compte, à l'école, 38 étudiants par professeur régulier, l'un des plus hauts ratios observés au Québec qui affiche globalement un ratio de 21 étudiants par professeur. Au Canada, ce ratio est de 18 pour un, hors frontières, de 12 à 15, l'écart le plus bas étant cependant de huit. Seulement 31,9 % des cours sont assumés par des professeurs réguliers, ce qui nous placerait tout au bas de l'échelle présentée par Maclean's dans son dernier classement des universités canadiennes, un triste record dû au sous-financement de notre école. C'est pourquoi nous partageons l'avis du Conseil supérieur de l'éducation lorsque, dans sa première recommandation, il demande au ministre de l'Éducation d'attribuer ? et je cite ? «les ressources financières pour procéder au niveau élevé de recrutement des professeurs prévu dans le domaine de l'administration», et ainsi de suite.

Sur le plan des programmes d'études, on doit maintenir une qualité et une diversité des ressources accessibles aux étudiants, tout comme une réputation internationale pour l'école dans son ensemble, avec des moyens jugés dérisoires par tous les organismes d'agrément que nous fréquentons. Ces moyens ne sont plus à la hauteur des exigences de l'enseignement en gestion. Les entreprises veulent de nos diplômés qu'ils aient les compétences technologiques de pointe, la maîtrise de plusieurs langues, une expérience internationale acquise très tôt dans la vie. Les professeurs que nous voulons embaucher recherchent un environnement de pointe, des laboratoires et des budgets de recherche qui se comparent favorablement à ce qui s'offre ailleurs au Canada, principalement chez nos deux pôles de concurrence qui sont l'Ontario et l'Est américain.

Je n'ai pas besoin de vous rappeler combien il est difficile de recruter des professeurs en administration et en finance, car plusieurs études l'ont déjà démontré et je l'ai déjà mentionné dans cette enceinte un certain nombre de fois.

Le gel des frais de scolarité nous place dans une situation extrêmement difficile. Un exemple: les autres institutions canadiennes peuvent facturer jusqu'à 50 000 $ en droits de scolarité par individu pour un programme de M.B.A. pour lequel nous ne facturons que 4 200 $ au Québec bien que ce diplôme soit reconnu partout dans le monde. L'étude comparative du financement des universités québécoises et canadiennes réalisée conjointement par la CREPUQ et le ministère de l'Éducation fait état du sous-financement de 375 millions pour le réseau. La part de HEC Montréal est donc de 13,1 millions. De plus, les études que nous avons menées ont fait valoir que la répartition du financement au Québec était défavorable au secteur administration, aggravant ainsi le sous-financement de HEC de 4,3 millions additionnels. C'est donc 17,4 millions dont l'école devrait disposer annuellement pour se maintenir à un niveau acceptable. Ce n'est pas une petite différence, car ça correspond exactement à 20 % de notre budget annuel.

Nous avons souligné avec force dans notre mémoire le fait que l'administration est peu rémunérée, entre parenthèses, en regard des autres disciplines universitaires au Québec. Je vous rappelle que le partage s'effectue sur la base des coûts historiques observés, concept qui entraîne automatiquement comme conséquence que la discipline qui va être la moins financée au Québec sera l'administration. En administration, les coûts historiques sont bas, tout simplement ? et c'est très, très facile à démontrer ? parce que le nombre de professeurs de carrière qui enseignent en administration est également très bas. Vous n'avez qu'à refaire les calculs en postulant que le nombre de professeurs de carrière par discipline serait le même dans toutes les disciplines et vous allez voir disparaître automatiquement l'écart qui apparaît. Mais, si on ne fait pas ça, ça nous place dans un cercle vicieux dont il faut absolument se sortir. Là où le bât blesse encore plus, c'est que HEC Montréal, c'est une institution à statut spécialisé. De ce fait, on ne peut pas pratiquer aucune péréquation, comme peuvent le faire certaines facultés multidisciplinaires. La situation n'est que plus compliquée pour nous, et évidemment ça nous place dans une situation d'être perdants sur toute la ligne.

Vous me demanderez: Est-ce que c'est une coquetterie de vouloir, au Québec, aujourd'hui, offrir une éducation de classe mondiale, avoir des institutions dont les Québécois seront fiers parce qu'elles sont réputées à travers le monde? Nous sommes convaincus que ce n'est pas là le cas. Il ne s'agit pas d'une coquetterie, ce n'est même pas une exigence fondamentale si... je m'excuse, c'est une exigence fondamentale si nous voulons persévérer, au minimum garder les acquis que nous avons gagnés jusqu'à présent.

n (9 h 50) n

Le Québec n'évolue pas en vase clos. Comme les entreprises d'ici qui font des efforts importants pour garder leur marché et en ouvrir de nouveaux, je suis convaincu que certaines de nos universités, et certainement une école comme HEC Montréal, n'ont pas d'autre choix que de se mesurer au reste du monde. Dans une économie mondialisée, nos diplômés doivent faire preuve des mêmes compétences que celles acquises par des gestionnaires formés ailleurs. Ils ont la responsabilité d'aider leurs entreprises à exceller, entreprises dont la production se trouve en grande partie exportée vers l'étranger. C'est aujourd'hui une réalité incontournable, en tout cas dans le domaine qui est le nôtre, les étudiants de talent, les professeurs de calibre international ont aujourd'hui le choix des établissements. Les entreprises qui considèrent s'établir ici cherchent, elles aussi, un milieu où la connaissance et l'innovation sont présentes, un milieu où la relève en gestion est de classe mondiale. Nous ne pouvons plus nous permettre de laisser creuser cet écart. Tout comme pour les produits, le monde de l'enseignement supérieur, à l'échelle planétaire, se dirige vers une normalisation ou un étalonnage ? comme on l'appelle souvent entre nous, un «benchmarking» ? des services.

Déjà, dans le domaine de la comptabilité, par exemple, une des conséquences dont vous n'êtes peut-être pas tout à fait toujours... vous ne suivez pas clairement, mais, en comptabilité, les normes comptables sont en train de s'établir, de s'uniformiser à travers le monde, non pas parce que les comptables veulent augmenter leurs revenus, parce que nous avons eu des événements comme Enron et autres où on se dit: Il faut que la pratique comptable s'adresse aux problèmes qu'il y avait derrière cette question-là. Nous en formons un certain nombre, de comptables. L'étalonnage, à notre avis, doit se faire en référence avec le milieu, le contexte dans lequel évolueront nos diplômés. Nous croyons que la comparaison, l'étalonnage doit se baser sur les normes, les standards proposés par les organismes externes d'agrément et/ou en se basant sur les standards représentés par le sous-groupe des 10, 15, 20 meilleures institutions universitaires dans le domaine de la gestion au monde. Se comparer entre nous au Québec, ce n'est pas un bon choix à cause du degré d'ouverture de notre économie.

Les étudiants, les professeurs, les employeurs et même les donateurs ? c'est déjà commencé ? cherchent de plus en plus ces attestations ou, dans le jargon, ces labels de qualité avant d'investir dans le milieu universitaire. Le recrutement à l'international est extrêmement sensible à toutes ces mesures de «benchmarking». Les classements, les agréments, c'est à ça que ça répond. Je suis convaincu qu'à plus ou moins long terme ne se démarqueront que les institutions ayant réussi à obtenir, si vous me permettez l'expression, ces ISO du secteur de l'éducation. Or, comme on le sait, dans tous les mouvements de normalisation imposés, ce sont toujours les normes les plus sévères qui s'appliquent ou qui finissent par gagner. Nous sommes donc condamnés à viser l'excellence. Sans ça, nous nous exposons à nous marginaliser rapidement des sociétés les mieux développées de notre hémisphère. On ne saurait imaginer une société qui soit prospère qui abrite en même temps des universités jugées marginales par le reste de la planète.

Dans notre mémoire, nous avons évoqué qu'il n'existe que quatre piliers du financement universitaire, soit les subventions gouvernementales, les droits de scolarité, qui sont les deux piliers principaux et incontournables, et également les deux autres piliers étant les fondations, les projets spéciaux et/ou les partenariats d'affaires. Je tiens à rappeler que les deux piliers comptent dans plusieurs pays pour 80 % du financement des institutions universitaires, c'est-à-dire le rôle de l'État comme tel et la contribution qui vient des frais de scolarité. Faire des choix de société dans ces conditions, ce n'est pas facile, nous en convenons facilement.

Beaucoup de solutions pour remédier à cette situation difficile ont été évoquées ici même au cours des dernières semaines. HEC Montréal y est allée, elle aussi, de quelques propositions. Mes collègues et moi, nous soutenons qu'il faut réinvestir immédiatement le 375 millions qui fait consensus, réviser la grille à partir de laquelle on octroie des subventions gouvernementales, laquelle pénalise un établissement comme HEC Montréal, amorcer le rattrapage des droits de scolarité par rapport à la moyenne canadienne.

Notre créativité est grande au Québec; nous trouverons des moyens pour soutenir par des programmes appropriés les étudiants dont le besoin pourrait ne pas leur permettre d'accéder à l'université. Pourquoi ne pas en faire un projet, un engagement collectif? On pourrait aussi instaurer des droits différenciés pour certains programmes, ceux qui mènent notamment à une carrière plus profitable à long terme sur le plan financier, et laisser ces droits aux institutions concernées, mesure qui pourrait aussi s'appliquer au cas des droits majorés provenant des étudiants étrangers et, finalement, trouver des mesures fiscales qui inciteraient nos diplômés à contribuer à leur alma mater, mais aussi les entreprises et les organisations à investir davantage dans les projets de recherche de nos universités.

HEC Montréal aura 100 ans en 2007. Le Québec a toutes les raisons d'être fier de cette école qui a formé près de 40 000 entrepreneurs et gestionnaires depuis sa création. Elle a aujourd'hui besoin d'un financement qui lui permette de poursuivre sa mission et de maintenir sa place parmi les grandes écoles de gestion du monde. Il est de mon devoir de rappeler qu'en 2004 on doit avoir le même courage que nos fondateurs ont démontré en 2007 et il est de notre devoir de mettre en place les conditions qui assurent la compétitivité de HEC, et son développement, et le développement de ses étudiants, de la communauté d'affaires et de la société qu'elle dessert. Pour HEC Montréal comme pour les autres institutions universitaires québécoises, le Québec n'a plus vraiment le luxe de faire autrement; il doit assurer à ses universités un soutien financier adéquat et concurrentiel. Il en va de notre avenir collectif.

Je vous remercie. Et M. Dumont et moi sommes prêts à échanger sur ces propos et les autres qu'il y a dans le rapport que nous avons déposé. Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Toulouse, pour la présentation. Pour un échange, on va faire l'alternance, les blocs de 10 minutes. Et je vais commencer à ma droite avec M. le ministre de l'Éducation et député d'Orford.

M. Reid: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. le directeur et votre délégation. On a l'habitude de déclarer nos contacts ou nos relations avec les... Je sais qu'il y en a, des diplômés ici. Dans mon cas, j'ai été professeur invité à l'école et j'ai été reçu pendant un an pour faire une année sabbatique, et donc j'en ai beaucoup profité.

J'aimerais revenir sur une question qui est centrale dans tout le rapport, je pense, c'est la question des coûts historiques. Et, dans le rapport, on parle d'un certain nombre de facteurs qui expliquent ce qui est qualifié de manque d'équité pour l'allocation envers HEC et donc le secteur administration générale et on explique un peu ça. Et la question que je voudrais vous poser, c'est: dans quelle mesure est-ce que les discussions qui sont en cours entre les universités... entre elles, bien sûr, mais aussi avec le ministère de l'Éducation pour la constitution d'une nouvelle grille de répartition des fonds selon les matières, et tout ça... dans quelle mesure, est-ce que ça répond ou ça ne répond pas à ces exigences ou à ce constat que vous faites d'iniquité?

M. Toulouse (Jean-Marie): Évidemment, vous me posez une question sur une étude qui est en cours, mais je peux vous répondre en fonction de ce que j'ai vu dans les résultats de la première étape. Les résultats de la première étape ne répondent pas à ça du tout parce qu'elles partent du postulat qu'on va travailler avec les coûts historiques observés. Or, évidemment, si, dans mes coûts historiques observés, j'avais un ratio de professeurs de carrière tout petit par rapport à mon ratio de cours qui sont donnés par mes chargés de cours, c'est bien évident que mes coûts sont plus bas. Voyons donc, les coûts... Combien ça coûte à une université, embaucher un chargé de cours par rapport à embaucher un professeur? Ce n'est pas la même chose. Laval, ils sont en grève pour ça, là, ce n'est pas compliqué. Tous les chargés de cours à travers le Québec disent: On voudrait être payé à peu près comme les professeurs. C'est parce qu'ils savent très bien qu'à l'université ça nous coûte moins cher d'embaucher des chargés de cours. Fondamentalement, à ce moment-là, c'est automatique, les coûts historiques observés vont être plus bas.

n (10 heures) n

C'est pour ça que, tout à l'heure, je vous disais: Faisons le même calcul avec la petite simulation suivante. On va dire l'Ontario, par exemple. L'Ontario a demandé à Coopers, il y a quelques années, de leur suggérer une politique en matière de ratio étudiants-professeur au niveau universitaire, et Coopers a dit: Donnez-vous comme objectif 18, 18 étudiants par prof. Moi, je suis prêt à accepter ça, hein? Prenons 18 et disons: En médecine, 18 étudiants par prof; en sciences, 18 étudiants par prof; en administration... Simulation théorique, et, après ça, on regardera qu'est-ce qui va arriver. On va voir automatiquement que les écarts observés, avec les coûts historiques observés, vont complètement... ne seront plus... mais les écarts entre les matières vont être beaucoup plus petits parce que le coût de la masse salariale dans un budget... des professeurs, dans un budget universitaire, c'est un gros coût. Chez nous, c'est un coût majeur. C'est un coût majeur dans toutes les universités, et, dans votre expérience de recteur, vous vous souvenez très bien que le coût de la masse salariale des professeurs, c'est un gros coût, et, d'ajouter... si, par exemple, je diminuais mon... au fond, mon taux de cours donnés par des chargés de cours en faveur de professeurs de carrière, c'est automatique que ma masse salariale des professeurs va monter, c'est automatique.

Maintenant, ça ne veut pas dire qu'on n'est pas intéressés à avoir des chargés de cours. On est intéressés à avoir certaines catégories de chargés de cours et dont on a besoin parce qu'on a une matière professionnelle et scientifique. Alors donc, les praticiens ont quelque chose à dire à des étudiants qui sont en train d'apprendre le métier. Mais, si ce n'est que... Si on n'a pas de professeurs de carrière... C'est par des professeurs de carrière qu'on développe les universités. La recherche, c'est intimement lié à la vie des professeurs de carrière. Vas-y.

M. Dumont (Moréno): Peut-être compléter. Moi, j'ai fait partie...

Le Président (M. Kelley): M. Dumont.

M. Dumont (Moréno): Merci. J'ai fait partie de deux des trois comités de financement, il y a deux ans, et je fais maintenant partie de deux autres comités de financement. Malheureusement, je ne fais pas partie de celui sur les coûts observés, c'est de ce dont on parlait. Mais c'est ce comité-là qui va faire en sorte qu'il va y avoir une nouvelle grille de déterminée.

Moi, j'avais demandé, au nom de HEC, qu'il y ait des facteurs qui viennent jouer sur les coûts observés. Parce que les coûts observés, comme nous disait M. Toulouse, c'est une photo de ce qui se passe depuis un bon nombre d'années, et, dans le cas de HEC, la photo, c'est exactement le financement qu'on recevait; ça ne peut pas faire autrement. Donc, c'est de faire perdurer un financement qui dure depuis 30 ans.

Alors donc, j'avais demandé que cette photo-là soit ensuite modifiée pour tenir compte des taux de couverture. Donc, dans notre cas, c'est 38 étudiants par professeur, dans d'autres cas, c'est 12, une moyenne de 21. Alors, essayons de rapetisser ces écarts-là, et ça, ça se fait très facilement.

Deuxième chose: de tenir compte aussi des hausses et des baisses de clientèles. Vous savez, lorsqu'il y a une hausse importante de clientèles, l'année de cette hausse-là, il y a une baisse des coûts observés. Puisqu'on n'a pas le temps d'engager nos professeurs immédiatement, on engage des chargés de cours. Ça prend deux, trois ans pour engager des professeurs, et donc, pendant ce temps-là, le coût moyen observé baisse, et, à l'inverse, une baisse de clientèles fait augmenter les coûts observés, puisque les professeurs sont là, on continue à les payer. Alors donc, moi, je demandais à ce que ce comité tienne compte aussi de ce facteur-là, analyse au moins ce facteur-là pour voir... S'il y a des hausses égales partout, n'en parlons pas, mais, si ce n'est pas le cas, bien, il faudrait en tenir compte.

La troisième chose: la comptabilité ne se fait pas de la même façon dans toutes les universités. Certaines universités comme HEC, à Montréal, les coûts informatiques qui sont très, très, très importants sont centralisés au service informatique; ils n'apparaissent donc pas dans l'enseignement. Dans d'autres universités, certaines facultés ont centralisé les coûts informatiques, et ça apparaît dans le coût de l'enseignement. Alors donc, ça, c'est des coûts très importants, là, je parle d'informatique, mais il y en a d'autres. Et il y a des coûts de registrariat qui sont décentralisés dans des facultés. Pas chez nous; nous, c'est centralisé à l'administration. Alors, il faudrait que le comité tienne compte de ce facteur-là, mais le comité n'a pas retenu ça. Donc, nous aurons le portrait de ce qui se fait depuis 20 ans, et ça va perdurer dans la nouvelle grille.

M. Reid: Étant donné l'importance, M. le Président, j'aimerais poser encore deux petites questions peut-être techniques sur cette question des coûts historiques.

Dans quelle proportion... Vous venez d'aborder un peu la question. Dans quelle proportion est-ce qu'effectivement on retrouve encore dans cette formule, même avec les amendements qu'on y apporte, une espèce d'héritage de l'effort qui a été fait, dans les années soixante-dix, quatre-vingt, considérable pour faire, par exemple, des certificats en administration pour augmenter la connaissance générale des Québécois et des Québécoises en administration, certificats qui, la plupart du temps dans toutes les universités du Québec, étaient faits avec généralement les chargés de cours, donc qui coûtaient relativement moins cher et, si ma mémoire est bonne, qui étaient incorporés dans la moyenne des coûts de l'époque? Donc, ça faisait en quelque sorte des coûts qui étaient relativement bas.

Et, lorsque cet effort-là a été complété, pour ainsi dire, puisque le nombre de... la fréquentation dans les certificats et ces programmes de ce type-là de temps partiel a quand même beaucoup diminué depuis une dizaine d'années, si ma mémoire est bonne... On aurait donc encore une partie de cet héritage de cette période ou si c'est encore très présent? Parce que vous parlez de données, autrement dit, qui sont basées sur les 20 dernières années.

M. Toulouse (Jean-Marie): Deux réponses: je vais en donner une puis Moréno en donnera une deuxième.

La première réponse, c'est que c'est sûr que la présence des certificats influence ce dont on parle, et c'est tout à fait normal. Parce que, vous savez, dans une autre commission parlementaire précédente, on a discuté de la question des certificats, parce que c'est une personne de vos prédécesseurs qui trouvait qu'on devrait définancer les certificats. Moi, je l'avais mis en garde contre ça en lui disant que je pensais que c'était une des cartes majeures que le Québec avait trouvées pour régler la question de l'accessibilité aux études universitaires, et je vais vous dire ce que je lui avais répété.

Deux choses: Où vont les drop-outs de cégep quand ils se disent: Je voudrais recommencer mes études? Ils viennent aux certificats. Je peux vous en présenter à la douzaine, si vous en voulez. Ils arrivent à 26, 27 ans et ils disent: Maintenant, je suis tanné. Au cégep, là, à un moment donné, je me suis dit: Ça fait, ça ne va plus. Bon, c'est correct. Moi, je pense que, si la personne, ça ne va plus, elle est aussi bien de s'en aller. Et, une fois dans sa vie, la personne se dit: Je pense que je serais capable d'aller à l'université et je voudrais prouver que je suis capable. Effectivement, il y en a un bon nombre qui prouvent qu'ils sont capables, et je crois que, de donner une dernière chance à ces gens de notre société qui... Moi, j'appelle ça... Ils ont des moments dans leur vie qui sont bas, pourquoi ne pas leur permettre de dire: Moi, je veux revenir et je veux tenter ma chance?

Cependant, les certificats au Québec, contrairement aux autres provinces canadiennes, mènent à un baccalauréat, et c'est une chose extrêmement importante que je voudrais qu'on garde, parce que ça permet aux gens qui viennent par cette porte-là de passer au deuxième cycle, de passer à la maîtrise.

Je vous donne juste un exemple. L'étudiant qui est au conseil d'administration des HEC, qui a été nommé par les étudiants, c'est un réchappé des certificats qui a fait son baccalauréat par certificat et qui maintenant est à la maîtrise, et c'est tout à fait correct. S'il était capable, il l'a démontré: il poursuit en maîtrise; ses études vont très bien.

Alors, deuxième aspect de ça. Vous savez, parler des certificats, ça me préoccupe toujours un peu parce que c'est souvent présenté comme des étudiants universitaires de deuxième niveau, ça, qui ne sont pas comme les autres; il y a déjà qu'il faut les considérer comme 1/5 d'étudiant quand on discute avec votre ministère. Fondamentalement, ces gens-là, ils font un effort énorme en termes individuels, en termes sociaux, en termes personnels pour venir étudier en même temps qu'ils travaillent le soir ou en partie de jour pour poursuivre, et ils s'attendent de nous ? et ça, je ne peux pas leur répondre autrement que par un oui ? ils s'attendent de nous qu'on leur donne un encadrement, ils s'attendent de nous qu'il y ait une place à la bibliothèque pour eux, ils s'attendent d'avoir accès au système informatique comme les autres. Et, autrefois, quand ils avaient besoin d'un conseil, ils voulaient qu'on réponde à la porte.

Maintenant, chez nous, comme ils ont accès au même système, ils utilisent le courriel comme les étudiants le jour et ils s'attendent, comme les étudiants le jour, à une réponse. Ils ne voudraient surtout pas que je leur réponde: Parce que tu es un étudiant de certificat, tu vas passer après les autres. Et c'est vrai qu'on a ça, mais c'est une particularité québécoise qui, à mon avis, vaut son pesant d'or.

Maintenant, elle est plus pesante, cette particularité québécoise, en administration, en éducation, dans quelques disciplines; c'est inégalement distribué, ça. Et je crois que c'est correct qu'il en soit ainsi, et ça ne me scandalise pas qu'il y ait ça et que ça pèse dans les coûts historiques observés. C'est à nous et à vous, à moi, à tout le monde de trouver comment faire.

Et j'avais ajouté à votre prédécesseur: Si vous êtes prêt à venir annoncer aux étudiants de cégep qui ont droppé, là: «Dorénavant, cette porte-là, elle est fermée», je vais vous réserver le podium, mais, moi, je ne l'annoncerai pas, vous l'annoncerez, vous. Il m'a dit: Je pense que je ne le ferai jamais.

Le Président (M. Kelley): L'autre volet, M. Dumont?

n (10 h 10) n

M. Dumont (Moréno): Oui. Donc, est-ce que les certificats ont une incidence sur les coûts observés? Absolument, une incidence très importante, déjà que les coûts observés étaient très bas à HEC. Moi-même, j'ai terminé en 1970, et il y avait sept classes... En troisième année, dans plusieurs cours de comptabilité en particulier, il y avait sept classes de 70 étudiants chacun, et, pour ces sept classes là, un professeur dans une salle de classe avec une caméra. Et, nous, dans les autres classes, on écoutait ça, et, dans les pauses, on allait lui porter nos questions. Ça n'a pas fait des coûts historiques très, très importants. Et, lorsque, par après, le ministère a pondu sa formule de financement, il a pris ces coûts observés là et les a mis dans la formule. Pire, c'est que, depuis ce temps-là, nous, on a une progression importante de clientèles, et les hausses de clientèles étaient financées à seulement 57 % des coûts observés. Non seulement on avait les coûts observés les plus bas, mais on était sûrs que nos coûts observés diminueraient, puisqu'on était financés dorénavant à 57 % pour les hausses de clientèles, alors ce qui fait qu'aujourd'hui on retrouve encore ça; c'est encore dans la formule. Et c'est pour ça que, comparée à l'Ontario, la position relative de l'administration au Québec est tout à fait... est vraiment la plus basse, alors qu'en Ontario administration, c'est considéré à peu près comme beaucoup d'autres secteurs. Alors, les écarts sont beaucoup moins grands en Ontario qu'au Québec.

M. Reid: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Je vais vous souhaiter la bienvenue à mon tour, au nom de ma formation politique. Et, comme le ministre l'a déclaré, au fur et à mesure que les groupes viennent, nous indiquons quels sont nos intérêts par rapport à l'institution ou au groupe qui vient faire une représentation ici. Alors, je suis diplômée des HEC. J'ai donc une maîtrise en administration des affaires, dont je suis d'ailleurs très fière et qui m'a sûrement permis de me rendre là où je suis aujourd'hui, et j'en rends souvent témoignage d'ailleurs aux HEC.

Alors, cela étant, je voudrais revenir sur la discussion que nous venons d'avoir et que vous venez d'avoir avec le ministre. D'abord, vous dire que je partage essentiellement votre point de vue sur la question des certificats. On a eu ce débat-là pendant un long moment. Il existe encore, je suis certaine, à l'intérieur du ministère, pour avoir débattu avec certains de mes collaborateurs à l'époque. Moi, je crois que ce que ça commande cependant, c'est d'être plus rigoureux, d'être exigeant, parce que cela mène effectivement à un baccalauréat, et il faut qu'il soit de qualité. Mais, dans une perspective de formation continue, je crois que ce serait se priver d'une façon de faire qui est absolument intéressante et qui permet justement d'aller chercher des gens qui autrement n'accéderaient pas à l'université et n'iraient pas au bout de leurs talents et de leurs capacités. Alors... Et là on a un peu de difficultés, parce que comment financer le tout, comment le reconnaître? C'est la question que vous avez posée.

Dans toute la discussion que vous venez d'avoir avec le ministre et je me réfère aussi à ce que vous dites dans votre document, vous arrivez à un chiffre précis, hein? Dans votre mémoire, là, vous dites: Nous sommes défavorisés. Cela génère un manque à gagner de 17,4 millions de dollars récurrents par rapport au budget d'opération. Bon.

Pour arriver à ce 17,4 millions de dollars, d'abord, est-ce que ce sont tous les facteurs que vous venez d'énumérer que vous avez pris en compte, soit un redressement historique, là, sur les coûts historiques? Une réduction des ratios, est-ce que c'est intégré dans cela? Et vous faites par ailleurs peu de comparaisons avec les autres universités québécoises et les facultés des sciences de l'administration. Évidemment, le modèle HEC est unique, là, au Québec, comme institution spécialisée. Mais, si vous faisiez quand même les comparaisons, là, malgré les difficultés que vous avez bien exprimées tantôt, là, où certains coûts sont assumés par le niveau central, il reste qu'à un moment donné on est capables de voir un peu comment les uns et les autres fonctionnent. Si vous faisiez des comparaisons, est-ce que c'est la même situation pour les autres facultés des sciences de l'éducation dans les universités, que ce soit à Sherbrooke, à Laval, à McGill ou ailleurs?

M. Toulouse (Jean-Marie): Bon...

Mme Marois: Il y a beaucoup de questions, là, dans ce que je présente, là, mais...

M. Toulouse (Jean-Marie): Non, mais, quand même, on va essayer de répondre à quelques-unes, là. Premièrement, concernant votre commentaire sur les certificats au niveau des exigences, je veux... ça me permet de vous informer d'une décision qu'on a prise à HEC, l'an passé, qui a suscité beaucoup de réactions chez nos étudiants de certificats et certains collègues, d'ailleurs.

On a décidé d'introduire dans les certificats des mesures administratives et pédagogiques qui nous permettraient de certifier que le certificat, quand il est... que le baccalauréat, quand il est obtenu par certificat, est de même qualité que le baccalauréat qui se fait en classe jour pour les étudiants à plein temps. Bon, je passe de côté les mesures, là, et on a pris ces mesures-là, elles sont en application et elles s'appliquent progressivement. Ça a fait sauter certains étudiants, mais, l'argument qu'on a invoqué, c'est exactement celui que vous avez invoqué: Ce n'est pas parce que c'est un programme dont le cheminement est différent... Vous allez aboutir avec un baccalauréat et vous voulez qu'il soit de même calibre, d'autant plus que les employeurs, eux, ils regardent baccalauréat HEC et ils se disent: L'un est égal à l'autre. C'est ça qui a été notre raisonnement.

Ces mesures-là sont en application actuellement et ça va peut-être nous faire perdre un peu de clientèle, quoique, moi, personnellement, je pense que ça va la faire augmenter de 15 %. Et ça, quand je dis ça à mes collègues, ils me disent toujours: Tu rêves. Mais ça s'est toujours... marché... fonctionné comme ça. Il y a une règle que nous vivons... pas une règle maintenant, c'est une expérience vécue: plus nous augmentons nos exigences dans nos programmes, plus la demande augmente. Alors, la cote R, on l'a augmentée, on l'a augmentée, on l'a augmentée: plus de demandes et plus d'admissions. Au MBA, on a augmenté nos exigences par rapport à d'autres époques: plus de demandes. Au certificat, je suis convaincu que ça va donner plus de demandes. Puis pourquoi ce serait différent dans ce programme-là par rapport aux autres? Bon.

Maintenant, comment on est arrivés... on est arrivés, là, aux 17 millions dans ce document-ci? Par répartition des pourcentages de sommes d'université en fonction de notre poids dans le budget total du 375 millions, ça donne... c'est comme ça qu'on est arrivés. Maintenant, on pourrait le reprendre autrement, ça va donner à peu près la même chose parce qu'on l'a déjà fait entre nous.

Si je prends mon 38 étudiants par prof, et, disons, que je me... je vais être gentil, l'Ontario a dit 18, je vais prendre 20, hein? Je vais prendre 20, ça va coûter à peu près ça. Ça va coûter à peu près ça, parce que, faites votre calcul, hein? 38 par rapport à 20, ça double presque, un petit peu plus mes frais du côté de la masse professorale, hein, du corps professoral. Et, quand on a mis autour de 15 dans les universités de la côte Est américaine, le vrai chiffre que les gens utilisent pour calculer ce ratio, c'est 12 ou 13, dépendant de l'université. Bon, les 8 et les 9, ça, on les laisse à quelques universités privées, là, mais, dans le secteur public, c'est 12 ou 13 que les gens utilisent. Moi, je veux bien, mais voyez-vous ça, si j'utilise 12 par rapport à 38, le 17 millions va monter à 25 ou à 30. Bon, c'est normal parce que c'est le coût le plus important en termes de masse salariale dans une institution universitaire.

Dans l'autre partie de votre question, se comparer aux autres universités dans le secteur administration, là, c'est un petit peu plus compliqué. Parce que, nonobstant tous les systèmes qu'il y a avec le ministère de l'Éducation ou la CREPUQ, quand on va pour décomposer un chiffre comme celui que vous avez, là, on a un petit peu de misère, parce que, d'abord, ce chiffre-là n'est pas public pour les autres universités, il est amalgamé dans le budget global, et, pour le retrouver, il faudrait que j'aie accès à la donnée brute, ce que je n'ai pas.

Maintenant, j'ai des collègues, j'ai des amis, hein, et, les amis dans les autres institutions, ils me disent: Ça nous ressemble, hein? Prenez un exemple: l'Université du Québec à Montréal, ils ont des ratios qui ne sont pas très loin des nôtres, là, hein? On le sait bien, on les connaît. Puis il y a d'autres universités à travers le Québec qui ne sont pas si loin que ça. Il y a même des universités qui disent... au fond, on a...

On parlait de péréquation, tout à l'heure. Il y a deux côtés à la péréquation: il y a un côté positif pour celui qui reçoit puis il y a un côté négatif pour celui qui paie. Et, mes collègues et amis, ce qu'ils me disent: C'est toujours nous autres qui payons. Disons qu'ils exagèrent un peu, mais ils pourraient peut-être dire vrai jusqu'à un pourcentage assez grand.

Alors, moi, je pense qu'on n'est pas à des lieues de différence entre ce que nous vivons à HEC et ce que vivent les autres universités dans le domaine de l'administration. Maintenant, je ne suis pas capable de documenter exactement combien est l'écart parce que je n'ai pas les vrais chiffres.

Mme Marois: ...

Le Président (M. Kelley): M. Dumont ou...

M. Toulouse (Jean-Marie): On ne les a pas.

Mme Marois: Ça va. Alors, merci, je pense que ça vient compléter un peu, là, tout le portrait sous cet angle-là, parce que c'est évidemment l'objet essentiel de votre mémoire.

Un peu plus loin ou un peu plus tôt, c'est-à-dire, dans le mémoire, vous plaidez pour un financement additionnel permettant l'émergence de pôles d'excellence. Est-ce que vous avez évalué ce que ça pourrait signifier à cet égard-là, en termes d'investissements nouveaux à faire, en termes de ressources? Est-ce que vous croyez que c'est une enveloppe qui devrait être partagée avec d'autres institutions si jamais on allait vers une telle perspective?

n (10 h 20) n

M. Toulouse (Jean-Marie): Je suis très content que vous posiez cette question-là parce qu'il y n'a pas beaucoup de gens qui ont soulevé ce petit paragraphe de notre rapport, et, nous, on pense qu'il faut qu'il y ait un pôle d'excellence de calibre mondial dans le réseau universitaire québécois, et notre stratégie est orientée sur atteindre ça. Bon. Et on a essayé de vous démontrer pourquoi on pensait que... bon.

Maintenant, il y a deux questions que vous posez: Est-ce que c'est quelque chose qui peut s'atteindre seul ou avec d'autres? Je crois que ça, c'est des choses qui peuvent se discuter. Cependant, nous avons des expériences de collaboration. Le programme de doctorat conjoint est conjoint depuis les années soixante-dix ? comme je l'ai créé, je m'en souviens très bien ? et c'est facile et compliqué de faire des choses. Et la vertu du partenariat n'est pas toujours simple, mais ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas essayer de le pratiquer. Et je crois que, en tout cas pour nous, si on imaginait quelque chose de ce sens-là, la porte au partenariat n'est pas fermée, loin de là.

Maintenant, la projection financière, on ne l'a pas faite, mais je serais prêt à la faire. Moi, j'ai mes chiffres personnels dans la tête, mais je ne peux pas vous les dire parce qu'ils vont me dire: On ne les a pas vérifiés. Mais je crois que c'est un effort financier important, et je pense par ailleurs que ça vaut vraiment la peine de le faire.

La semaine dernière, j'étais en Écosse, faire l'évaluation de l'Université Strathclyde du côté administration, et ils ont effectivement développé une hypothèse comme celle-là, pour une petite société, l'Écosse qui n'est pas si loin de ce que nous sommes, qui nous ressemble sous plusieurs points de vue, et ils ont vraiment fait des choses exceptionnelles, et je pense que... Je ne vois pas pourquoi, nous, on se priverait de ça.

Et je répète, hein: Pourquoi on fait ça? C'est parce que la concurrence, elle est mondiale. En administration, nous, aux HEC, on vit ça à tous les jours. Quand je ne fais pas de l'évaluation de ce temps-ci, ce que je fais, c'est que je réponds à des... au fond, des contre-offres que reçoivent nos professeurs de la part des universités étrangères. Bon. Ça dépend. Ça dépend des semaines: des semaines, il y en a deux; la semaine suivante, il y en a cinq. Vous savez, répondre à ces contre-offres-là, là, quand tu n'as pas d'argent, ce n'est pas du gâteau. Ce n'est vraiment pas du gâteau. Heureusement que, de temps en temps, on a des amis qui nous aident. Mais, ça, ça arrive fréquemment, parce qu'une contre-offre salariale, c'est beau aujourd'hui mais l'année prochaine tu ne peux pas la retirer, la contre-offre salariale, elle dure. Elle dure. Alors, il faut que tu vives avec ça. Et, dans le domaine de l'administration, on ne parle pas de ce dont vous avez entendu parler par certains de mes collègues et amis d'autres universités: les salaires sont fixés par rapport au niveau concurrentiel; ils ne sont pas fixés par rapport à ce que, nous, on rêve au Québec, là. C'est la concurrence qui fixe les salaires.

Vous savez, quand un jeune prof vient me voir ? et j'en ai un, là, il vient me voir puis on va essayer de le voir après-midi ? l'offre qu'il a d'une université francophone d'un autre pays que je ne vous identifierai pas est exactement 60 % de plus que ce que nous payons aux HEC. Qu'est-ce que je peux lui répondre avec l'argent que j'ai? D'autant plus que, nous, aux HEC, contrairement à d'autres universités, on n'a jamais fait de déficits. Et, le conseil, pour lui, c'était comme un credo: on ne fait pas de déficits quand on est une école de gestion.

Mme Marois: Ce n'est pas mal comme principe, quand même, hein? Ce n'est pas mal, ce n'est pas mal.

M. Toulouse (Jean-Marie): Ce n'est pas pire, comme credo.

Le Président (M. Kelley): Il y a une certaine logique là.

M. Toulouse (Jean-Marie): Cependant...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Toulouse (Jean-Marie): Cependant, je ne peux pas dire comme certains: Si tu n'es pas capable de payer, on l'empruntera puis le ministère nous aidera en temps et lieu. Le conseil va dire: Non, non, on ne fait pas ça; trouve une autre solution, ça, ce n'est pas une solution.

Mme Marois: Oui...

M. Toulouse (Jean-Marie): Et, alors, il faut le trouver, ce 60 % là.

Mme Marois: Je reviendrai...

M. Toulouse (Jean-Marie): Allez-y, allez-y, ça me fait plaisir.

Mme Marois: ...mais ça, je pense que c'est un des plus grands défis qu'on a actuellement, là...

M. Toulouse (Jean-Marie): C'est un défi énorme.

Mme Marois: ...c'est la rétention de nos profs, c'est vrai dans les facultés des sciences de l'administration...

M. Toulouse (Jean-Marie): C'est énorme.

Mme Marois: ...les écoles, c'est vrai ailleurs aussi.

M. Toulouse (Jean-Marie): Absolument. Énorme.

Mme Marois: Alors... C'est qu'il y a l'alternance.

Le Président (M. Kelley): Merci, on va revenir. Juste pour indiquer à ma collègue Mme la députée de Maskinongé: il vous reste six minutes, à ma droite. Alors, Mme la députée de Maskinongé.

M. Toulouse (Jean-Marie): ...tout le monde?

Le Président (M. Kelley): Ça, c'est pour le temps à ma droite.

M. Toulouse (Jean-Marie): Ah! O.K.

Le Président (M. Kelley): Alors, pour la formation ministérielle; il reste sept minutes, à ma gauche.

M. Toulouse (Jean-Marie): O.K. Très bien.

Mme Gaudet: Alors, merci pour la présentation de votre mémoire. En page 26, vous nous faites part de certains cas originaux de partenariat avec le privé, notamment en Chine, en Inde et aux États-Unis. Est-ce que vous pourriez expliquer ces divers partenariats? Quelles sont leurs caractéristiques? Mais, peut-être, la Chine m'intéresse particulièrement, là, considérant le régime politique en vigueur, et ça m'apparaît un peu contradictoire qu'ils fassent des partenariats avec le privé. Alors...

M. Toulouse (Jean-Marie): Ce n'est pas du tout contradictoire. Écoutez, je vais vous donner un exemple bien concret. Vous savez que la Chine a développé un barrage qui est très gros, qui est très grand. Bien, nous faisons la formation des gestionnaires de ce barrage depuis cinq ans, en collaboration avec Hydro-Québec, et c'est payé par la société hydroélectrique du barrage des Trois Gorges, dont j'oublie le nom. Et on a également un autre projet en Chine; c'est un partenariat dans le domaine de l'énergie autre que l'énergie hydroélectrique. C'est un diplôme. Nous offrons un de nos diplômes en Chine, et c'est payé par les entreprises qui sont vendeuses d'énergie électrique en Chine.

Vous savez, une chose qu'il faut, étant donné le prélude que vous avez posé, dans les pays même comme la Chine, ce n'est plus des pays à économie simple, hein, c'est beaucoup des pays à économie mixte, hein? Alors, avec une approche très collective et ce qu'on voudra, on permet la création de certaines sociétés ? privées, semi-privées ? et ils sont très audacieux et très originaux, très progressistes de ce côté-là, et, nous, en tout cas, ça nous a donné des bons... Alors, puisque vous m'avez posé des questions sur la Chine, c'est les deux exemples que je pourrais vous donner.

Mais je peux vous donner un autre exemple qu'on a eu, et ça, vraiment, là, ça, c'est... Je n'en suis pas encore revenu. Je reçois un délégué chinois qui vient me voir et qui veut que nous formions des diplômés M.B.A. Alors, il me demande de former 3 000 diplômés M.B.A. par année pour lui, pour sa... tu sais, au fond. Alors, je commence à parler puis je lui dis tranquillement que 3 000, c'est un gros contrat pas mal, puis tout ça. Et là je ne sais pas qu'est-ce que je lui ai dit, mais il m'a répondu: Ce n'est pas assez? C'est 30 000 que tu voudrais?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Toulouse (Jean-Marie): Mais pensez à la dynamique chinoise, tu sais. Pour lui, au fond, il a compris que je ne répondais pas à son offre parce qu'il ne m'en demandait, il ne m'en offrait pas assez. Mais ça, c'étaient des gens qui venaient de sociétés publiques, semi-publiques, privées, semi-privées, tout ce qu'on voudra et qui s'inscrivaient pour faire un M.B.A. Et le projet qu'on a fait avec Liaoning, grâce d'ailleurs à la mission Chine qu'avait présidée M. Bouchard, est un projet... dans ce cas-là, c'était un projet privé, c'est-à-dire, c'est un projet public payé par la province du Liaoning pour qu'ils viennent faire leur M.B.A. chez nous, et c'est un projet qui a très bien fonctionné. C'est un type de partenariat qui est intéressant. Ça, c'est des façons qui... Il y a plusieurs façons d'arriver à des partenariats.

Cependant, il faut comprendre une chose, par exemple. Vous avez remarqué qu'on a mis ça dans le 20 % du financement. Je ne peux pas faire vivre une université avec ça au Canada et au Québec. Les seules... Je connais deux institutions dans le monde, dans le domaine de l'administration, dont le financement est inversé, c'est-à-dire 20 % pour les activités académiques ordinaires et 80 % pour les partenariats et les développements en formation exécutive. Mais ce n'est pas notre stratégie, ce n'est pas ça qu'on veut faire. Ça se fait, mais ce n'est pas ça qu'on veut faire.

Le Président (M. Kelley): Complément de réponse, M. Dumont.

M. Dumont (Moréno): Oui, juste pour ajouter qu'évidemment pour continuer à faire des affaires avec ce pays-là ou ces entreprises-là, une condition essentielle, c'est de conserver nos agréments. Pas d'agréments, pas de contrats; c'est aussi clair que ça.

M. Toulouse (Jean-Marie): Et je vais en profiter pour vous donner un exemple de ça. Cette année, nous avons une augmentation tout à fait particulière du nombre des étudiants de l'Inde, du Pakistan et du Bangladesh qui s'inscrivent dans le programme de M.B.A. Et, quand on leur demande pourquoi, comment ça se fait que vous avez connu HEC Montréal? C'est très simple: Internet et les agréments. Quand on a vu les agréments et Internet, on a tout de suite écrit puis on a demandé d'être admis, et c'est d'excellents étudiants.

Mme Gaudet: En complément, quelles sont les retombées économiques pour l'université de ces partenariats que vous avez établis ou de cette formation que vous donnez à l'étranger?

M. Toulouse (Jean-Marie): En fait, il y a plusieurs retombées, parce que vous avez mis... sur l'économique, mais je vais vous en parler d'autres, également.

Mme Gaudet: O.K.

M. Toulouse (Jean-Marie): Premièrement, je crois que la retombée principale de ce type de partenariat comme la venue chez nous d'étudiants étrangers, on ne fait pas ça pour faire de l'argent. Si je voulais faire de l'argent, ce n'est pas ça que je ferais, parce que, quand on analyse tout, il n'en reste pas tant que ça, d'argent de ça. On le fait pour des raisons pédagogiques, c'est un choix pédagogique de notre part. C'est un choix pédagogique d'avoir dans nos classes de baccalauréat... et j'en veux plus, d'étudiants étrangers. C'est un choix pédagogique d'avoir au M.B.A. plus d'étudiants étrangers.

n (10 h 30) n

Quel est le choix pédagogique? La réalité dans laquelle nos diplômés vont vivre, c'est une réalité mondialisée, et, moi, il est de mon devoir, comme responsable d'une maison d'éducation, d'offrir à nos étudiants, aujourd'hui, en salle de classe, l'expérience d'une réalité mondialisée avec ses beaux côtés, ses moins beaux côtés, ses aspects... Les Québécois n'ont pas de préjugés, paraît-il, aucun problème avec ça. J'aime ça quand il y a quelqu'un d'un pays différent qui est assis à côté d'un Québécois et d'une Québécoise, pour faire un test: jusqu'où on va aller dans la réponse? Et j'aime mieux qu'ils fassent ça dans nos murs, ces tests-là, parce que c'est un moment d'abord où ils sont plus réceptifs et c'est un moment aussi où ça nous permet...

Bon, l'autre aspect pédagogique, c'est que ça nous permet, quand on fait des analyses de situations, des analyses de cas, par exemple, ça nous permet d'avoir la vision d'un Québécois, d'un Pakistanais, d'un Anglais, d'un «British», d'un Américain, de quelqu'un de Vancouver, tout ça dans la même salle de cours. Et c'est très important, cet apprentissage-là, en administration, c'est extrêmement important. Ce n'est pas pour l'argent.

Maintenant, quand on fait un projet de type partenariat dont on a parlé tout à l'heure, ça dépend du contrat. Nous, on ne fait pas de contrats dans lesquels on perd. On fait des contrats dans lesquels il en reste un petit peu. Pourquoi? Parce qu'il faut continuer de développer le prochain contrat.

Troisième aspect de l'international, c'est un aspect d'apprentissage pour notre personnel et nos professeurs. Nos professeurs ont beaucoup évolué, ils ont beaucoup appris à enseigner à des gens venant de plusieurs pays, ils ont beaucoup appris à aller enseigner dans d'autres pays. Vous savez, le fait qu'on doit aller enseigner en Roumanie dans le programme de M.B.A., c'est très éducatif, aller enseigner en Roumanie. Si jamais vous n'êtes jamais allés, ça nous apprend beaucoup de choses sur une société, comment ça peut se détruire et comment c'est profond, la destruction d'une société. Alors, les professeurs apprennent ça.

Et aussi c'est une façon de faire de la recherche, c'est une façon de développer la recherche à l'international parce que, à travers toutes ces expériences-là, on élargit notre réseau. Et évidemment, au bout de la ligne, dernière retombée, qui est la plus grande, c'est l'image de marque, c'est le label auquel je référais tout à l'heure, c'est la reconnaissance internationale, c'est ça. Puis ça, ce n'est pas à moi, c'est à la collectivité québécoise, et, nous autres, on passe, hein?

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Malheureusement, je dois tourner à ma gauche. Mais avant de faire ça, juste un autre exemple. J'ai rencontré un entrepreneur de Lanaudière, je pense, qui a le contrat de construire les serres en Chine pour la reforestation après la construction des Trois Gorges, le barrage. Alors, les énormes serres d'un demi-kilomètre de long, alors des centaines de milliers d'arbres qui vont pousser à chaque année pour... C'est quelqu'un de Lanaudière qui, avec les contacts que vous avez évoqués, avait réussi à le gagner, ce grand contrat à l'autre côté du monde.

M. Toulouse (Jean-Marie): ...

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Effectivement, je pense que ça illustre bien ce qu'on tente d'indiquer ici, de démontrer.

Je veux revenir sur la question des professeurs et de leur recrutement. Bon, là, on identifie un besoin sur l'ensemble canadien d'environ 300 à 400 docteurs pour l'enseignement, mais on dit que 70 seulement seront formés. Vous avez un besoin évalué à environ 125 pour les prochaines années, si j'ai bien compris, là, votre présentation. Quelles sont les stratégies auxquelles vous avez pensé? D'une part, bien sûr, vous parliez de la question de la rémunération, là, je pense que c'est un vrai problème dans beaucoup de cas. Est-ce que, à ce moment-là, vous auriez un meilleur pouvoir d'attraction par rapport au privé? Est-ce qu'on peut imaginer augmenter d'une façon significative les inscriptions aux deuxième et troisième cycles? Je regardais, là, la progression. C'est difficile, hein? C'est un peu... surtout le troisième cycle, on s'entend bien. Alors, j'aimerais que vous me parliez un petit peu des stratégies que vous avez l'intention de développer ou auxquelles vous avez déjà pensé.

M. Toulouse (Jean-Marie): Bon. C'est ça. Il y a deux...

Mme Marois: ...possibilité de recruter d'anciens ministres aussi, docteurs, ça, c'est intéressant.

Une voix: ...

Mme Marois: Oui, j'y pensais, j'y pensais.

M. Toulouse (Jean-Marie): Exactement, absolument. On l'a déjà fait d'ailleurs, hein? On a recruté un ancien ministre qui est en train de se recycler dans le métier qu'il a déjà connu, puisqu'il a déjà enseigné chez nous avant de faire de la politique. Et, très bientôt, j'espère qu'il pourra enseigner au deuxième cycle. D'ailleurs, il commence bientôt, là; il va aller au M.B.A. bientôt. Alors, ça va être très drôle, d'ailleurs il va peut-être se retrouver vis-à-vis d'autres personnes qui étaient conseillers dans le gouvernement. Alors, ça, c'est la réalité de la vie.

La première question évidemment, c'est le bassin à partir duquel on peut recruter. Dans le cas de l'administration, nous avons un problème de bassin. Il n'y a pas suffisamment de production de docteurs en administration en Amérique du Nord pour les besoins du marché, ce qui fait évidemment une pression sur les salaires à la hausse. Comment augmenter le bassin? Ça veut dire qu'il faut...

Et je vais juste rajouter une autre information. Comme la formation au doctorat, c'est la chose la plus chère, en termes de programme, c'est le programme qui nous coûte le plus cher par étudiant ? par étudiant, et c'est le cas dans toutes les universités ? ce qu'ont fait un certain nombre d'universités américaines, entre autres, et canadiennes anglaises, c'est de diminuer le nombre d'admis dans les programmes de doctorat pour des raisons financières ? pour des raisons financières. Ce faisant, on s'est tous tiré dans les pieds. On s'est tous tiré dans les pieds parce que le bassin de recrutement est donc plus petit. Alors, nous, on a essayé de naviguer pour maintenir notre production au niveau des doctorats, mais nous n'avons pas réussi parfaitement.

Et, bon, ce qu'on veut faire pour essayer d'améliorer cet aspect-là de la question, c'est de s'attaquer à la durée des études de doctorat et de s'attaquer au support aux étudiants pendant leurs études de doctorat pour augmenter le bassin de professeurs disponibles. Cependant, étant donné l'institution que nous sommes, nous ne pouvons pas recruter nos diplômés uniquement. On en recrute quelques-uns, mais il faut aller en recruter ailleurs. Mais, si on peut aider d'autres en en formant... Et des fois aussi certains de nos diplômés vont commencer leur carrière ailleurs et ils reviennent, c'est parfait.

L'autre aspect de votre question, qui est de les amener chez nous... Quand on regarde à les amener chez nous, c'est assez intéressant, parce qu'on voit le raisonnement que font les jeunes profs avec qui nous discutons de venir chez nous. Et le raisonnement est basé en partie sur l'offre salariale. Mais l'offre salariale, ce n'est pas le brut qui compte, ce n'est pas au fond le chiffre, c'est l'écart, l'écart entre ce que nous offrons et ce que leur offre l'université qui est la plus offrante. Et il existe une chose que je ne savais pas qui existait, mais j'ai découvert ça à force de faire des dossiers comme celui-là, qui est un écart perçu acceptable. C'est-à-dire que des gens vont dire: Ça, cet écart-là, je suis prêt à l'accepter parce que le loyer est un peu moins cher à Montréal, parce que le coût de la vie est un petit peu plus bas. Mais, à un moment donné, on sort de cet écart-là, et, quand on sort de l'écart, on perd la discussion. Donc, il faut amener nos salaires dans cette marge pour que la personne dise: O.K., je suis prête à penser venir à Montréal.

Maintenant, il y a d'autres facteurs qui jouent et qui sont extrêmement importants. Il y a des facteurs qui tiennent au support qu'on accorde à la recherche. Tous les jeunes professeurs maintenant en administration ont des anticipations que nous allons leur donner une infrastructure de recherche comme vous êtes habitués de voir quand vous regardez des dossiers en Faculté de médecine, alors que tout le monde pense qu'en administration on recrute des gens puis on n'a pas à faire des investissements en recherche, c'est faux. Ils demandent...

Je vais vous donner deux exemples. Ils nous demandent l'achat d'une banque de données ? on vient d'en avoir une, là, la semaine dernière ? d'une banque de données qui coûte une fortune, là, parce qu'ils font leurs recherches sur une affaire qui est pointue et, pour faire cette recherche-là, il faut cette banque de données là parce que les informations sont dans ça. Imaginez, par exemple, que vous êtes intéressé à la consommation de céréales chez les enfants de 6 ans à 18 ans. Où est-ce qu'elle est, cette banque de données là? Vous l'avez trouvée, mais elle appartient à votre voisin, puis, lui, il vit de ça, hein? Donc, évidemment, il va la vendre, mais il faut qu'on la paie et, après ça, il faut qu'on paie pour l'entretenir, cette banque de données. Parce qu'il y a deux coûts dans ça, hein, l'achat puis l'entretien. Et c'est la même chose également pour les infrastructures de recherche. Ça, ils sont sensibles à ça.

Ils sont aussi sensibles à des choses qu'on va appeler de la vie ordinaire. Et un petit problème que nous avons, qui m'aiderait beaucoup dans le recrutement: si je pouvais avoir une garderie de plus, que je contrôlerais à 100 %, j'augmenterais mes chances de réussite. Je vais vous expliquer pourquoi. Un jeune professeur arrive, il a deux enfants: il en a un qui a quatre ans puis l'autre qui a un an. À la garderie, les enfants rentrent poupons puis ils sortent quand ils s'en vont à l'école. Donc, il n'y a plus de place dans les un an, il n'y a pas de place dans les quatre ans. Il se met en ligne, puis là on lui dit: Dans les un an, tu es le 67e, puis dans les quatre ans, tu es le 97e. Alors, évidemment, le jeune professeur, il dit: Qu'est-ce que c'est que je fais de mes enfants? Parce qu'il veut bien que... Sa conjointe, elle ne veut pas rester à la maison. Elle veut elle aussi poursuivre sa carrière. Si j'avais une garderie totalement flexible où je pourrais dire: On prend tes enfants dans les deux, ça réglerait l'entente dans un certain nombre de cas de gens à jeune famille. Et c'est une variable très drôle, parce que ça n'existait pas avant, ça. C'est une chose qui est là maintenant.

Mme Marois: C'est très intéressant parce qu'on voit qu'il y a effectivement la rémunération de base, comme vous le mentionnez, mais il y a un certain nombre d'autres facteurs. Je ne l'ai pas abordée, là, mais il y a aussi la question de la qualité des locaux, la disponibilité des locaux, et vous faites une référence... c'est-à-dire vous faites une recommandation à cet égard-là dans votre document.

Mais je vais aborder une autre question, c'est sur les...

Le Président (M. Kelley): Rapidement.

n (10 h 40) n

Mme Marois: ... ? oui, rapidement, le président me presse un peu ? c'est la question des dons. Vous suggérez, entre autres, une exemption totale des gains en capital réalisés lors d'un don de valeurs mobilières inscrites en Bourse. Est-ce que ça pourrait être assez important pour les HEC, ce type de don?

M. Toulouse (Jean-Marie): Ça pourrait être extrêmement important. Cette suggestion, évidemment, je n'en ai pas la paternité, c'est Jacques Ménard qui l'a faite.

Mme Marois: Vous référez d'ailleurs à M. Ménard, oui.

M. Toulouse (Jean-Marie): À Jacques Ménard, oui. Et je crois que non seulement pour HEC, mais pour plusieurs universités québécoises. C'est très simple. Pour essayer d'expliquer ce dont il s'agit, vous avez des actions d'Alcan, par exemple, comme vous en avez 200 000, vous décidez que vous seriez prêt à en faire don de 50 000 aux HEC. Alors, vous me donnez les... Vous êtes prêt à me donner les 50 actions. Cependant, ces actions, c'est de l'argent qui ne sera pas passé au fisc. Donc, votre gain en capital, si vous l'encaissez, il est taxable. Ce qu'on dit, c'est: Si, vous, vous vous engagez à donner le fruit de ces 50 000 actions là aux HEC, on voudrait que le fisc dise: Bénédiction, on n'impose pas, ça s'en va à l'institution universitaire comme un don pour les générations futures. On croit qu'il y a là ? et je suis tout à fait du même avis que Jacques Ménard là-dessus ? il y a un potentiel de revenu important pour les universités au Québec, pour les HEC, mais pas pour nous seulement.

Évidemment, la chose qu'il faut bien réaliser cependant, c'est que ça, c'est de l'entrée de fonds qui est progressive. Ce n'est pas de l'entrée de fonds sur laquelle, moi, je peux embaucher cette année. C'est pour ça qu'on fait une distinction entre les deux, là, 80 %, les deux premiers piliers puis l'autre, parce que, pour embaucher un nouveau prof, il faut que je lui garantisse son salaire. Le conseil, il n'accepte pas que j'envoie ça dans la dette.

Mme Marois: D'accord. Merci.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, merci beaucoup pour ce portrait d'école de gestion sans déficit. Nous avons bien noté ça. Et bonne chance, bon succès à l'aube de votre deuxième millénaire... centenaire.

Alors, sur ça, je vais suspendre quelques instants et j'invite la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 42)

 

(Reprise à 10 h 44)

Le Président (M. Kelley): Alors, merci beaucoup. Je demande à tous les membres de prendre place et j'invite maintenant la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec de prendre la parole. J'imagine, la parole est à vous, M. Cyr, c'est bien ça?

Fédération nationale des enseignantes
et des enseignants du Québec (FNEEQ)

M. Cyr (François): ...M. le Président. Alors, il me fait plaisir de vous présenter mes collègues. À ma droite, Laval Rioux, qui est chargé de cours émérite. Le titre n'existe pas, mais on aime bien le lui décerner parce que c'est un fondateur du syndicat des chargés de cours à l'UQAM et à l'Université de Montréal, et il a une connaissance, je dirais, encyclopédique de la vie universitaire, mais du point de vue des chargés de cours. Ma consoeur, Marie Blais, à ma gauche, qui anime le regroupement des chargés de cours à notre fédération. Mme Blais est chargée de cours à l'Université du Québec à Montréal. Et s'est jointe à nous Mme Marie-Josée Bourget, qui est présidente du Syndicat des chargés de cours de l'Outaouais, aujourd'hui en grève. Et d'ailleurs j'en profite pour saluer mes collègues de l'Outaouais ainsi que ceux et celles de l'Université Laval qui ont terminé une grève récemment. Alors, Mme Bourget enseigne sur le campus de l'Outaouais mais également au campus de Mont-Laurier. Elle enseigne également à l'Université Laval et enseigne également à l'Université d'Ottawa, et c'est le cas de plusieurs de nos membres qui doivent diversifier les liens d'emploi pour pouvoir réussir à assumer un revenu décent.

Alors, M. le Président, vous connaissez notre fédération. C'est l'organisation syndicale la plus représentative de l'enseignement supérieur. Elle regroupe la majorité des enseignants et enseignantes de cégep: alors, 12 000 membres au niveau du collégial et 8 000 chargés de cours. Alors, comme enseignants, on présume que les membres de la commission ont fait leurs devoirs et ont lu les mémoires. C'est pour ça qu'on va se contenter, je dirais, d'un exposé très bref pour permettre le maximum d'échanges avec les membres de la commission. Et je vous demanderais de donner la parole à mon confrère, Laval Rioux, qui va commencer notre présentation.

Le Président (M. Kelley): M. Rioux. Bienvenue.

M. Rioux (Laval): MM., Mmes les parlementaires, je vous salue. L'université est l'institution qui, depuis 30 ans, est devenue un pôle central du développement de la collectivité québécoise. Nous la voyons, avec les cégeps, comme le principal acteur de la démocratisation du savoir, contribuant à l'émancipation personnelle et collective des citoyennes et des citoyens du Québec. Le rôle de l'État en enseignement supérieur a été primordial et il doit continuer de l'être. Il s'agit d'orienter et de planifier de véritables réseaux publics, de les renforcer et de mieux en financer le développement. L'État doit demeurer le soutien de ces réseaux en les finançant à même les fonds publics et en assurant une juste et adéquate répartition des ressources nécessaires à chaque établissement ou réseau.

Aussi, nous sommes contre les propositions d'abolition des cégeps et de l'éclatement des grands réseaux que nous avons mis sur pied, mais nous sommes pour un meilleur arrimage de ces réseaux. Nous sommes aussi pour la plus grande transparence de l'administration des établissements et pour une reddition de comptes régulière. Nous préconisons une meilleure collaboration entre les établissements au lieu d'une concurrence effrénée qui gaspille les ressources. De même, nous demandons à l'actuel gouvernement de réaffirmer la politique à l'égard des universités adoptée en l'an 2000 et qui fut l'objet d'un large consensus.

Nous avons entendu les groupes qui nous ont précédés devant cette commission et nous y reconnaissons la problématique que nous signalons à la page 4 de notre mémoire. Je vais vous en faire la lecture et le commentaire ? le tout dernier paragraphe: «Dans sa mission, l'université doit allier la poursuite de deux objectifs qui ne sont pas contradictoires: former une jeune relève de chercheurs productrice de connaissances nouvelles et, en même temps, développer une formation de premier cycle plus diversifiée s'adressant à divers segments de toute la collectivité. Il est faux de croire que la poursuite de l'un de ces deux objectifs se fait au détriment de l'autre. C'est un enjeu de relance de la démocratisation qui est ici en cause.»

Les mémoires déposés inclinent en faveur de l'un ou l'autre objectif selon les intérêts en cause. Certains laissent entendre que le grand rattrapage aurait été accompli, que la démocratisation vaudrait toujours, mais qu'elle ne doit plus être l'orientation à choisir pour l'avenir et qu'il faudrait alors mettre les ressources sur la recherche et la formation de l'élite du savoir. D'autres ? et nous en sommes ? pensent que la démocratisation n'est pas terminée et que l'accessibilité doit rester l'objectif majeur pour la collectivité et qu'un virage doit être pris en faveur de la formation au premier cycle. Nous sommes persuadés qu'il n'y a pas de contradiction dans la poursuite de ces deux objectifs, mais nous savons que les ressources sont limitées et donc qu'il y aurait un certain danger à trop mettre l'accent sur la formation de l'élite de la recherche. Nous croyons que la formation doit demeurer la mission principale de l'université, ceci en continuité avec la formation déjà donnée dans les cégeps.

Au chapitre de l'accessibilité, nous sommes en faveur de la plus grande accessibilité aux études universitaires en vertu du droit à l'éducation pour tous, tout au long de la vie, tel que la Commission des droits de la personne et de la jeunesse le recommande dans son récent bilan. C'est là l'orientation de l'UNESCO et de l'Internationale de l'éducation, à laquelle nous appartenons. C'est pourquoi il faut poursuivre la démocratisation de l'enseignement supérieur pour notre société.

n(10 h 50)n

Il faut absolument inverser la tendance qui prévaut au désengagement de l'État dans le financement de l'éducation à tous les ordres d'enseignement. Nous sommes partisans d'une large coalition québécoise pour aller chercher les sommes d'argent retenues par le gouvernement canadien à titre des transferts fédéraux en éducation postsecondaire. Je m'adresse à Mme la députée de Taillon qui a souvent posé cette question: Comptez sur nous. Cette accessibilité doit être économique et géographique, comme le préconisait le rapport Parent.

L'endettement personnel constitue un obstacle financier à l'accessibilité. Il n'est pas équitable que les jeunes étudiants en subissent les contraintes et les désavantages. C'est pourquoi nous préconisons un cheminement progressif ? je dirais plutôt régressif ? vers la gratuité des études et le maintien du gel des frais de scolarité en attendant une planification gouvernementale de la fiscalité générale des entreprises pour recouvrer les ressources nécessaires à cet objectif de moyen terme. Plusieurs propositions ont été faites en ce sens devant cette commission, nous sommes disposés à un large débat public pour en définir la réalisation. La question de l'accessibilité est un choix de société que le présent gouvernement doit réaffirmer.

Le Président (M. Kelley): Mme Blais.

Mme Blais (Marie): Alors, maintenant, on va parler plutôt de formation. La mission fondamentale de l'université est la formation des citoyennes et des citoyens, comme le répète souvent le Conseil supérieur de l'éducation. Les étudiantes et les étudiants doivent redevenir la préoccupation centrale de notre système universitaire, ceux-ci sont de plus en plus nombreux à s'inscrire dans des programmes d'études universitaires, près de 260 000 à l'automne 2003.

Les études de premier cycle comportent 80 % des inscriptions étudiantes. Il ne faudrait pas négliger leur formation en donnant trop d'importance aux études supérieures: maîtrise et doctorat. Et un juste équilibre doit être rétabli en ce sens. N'oublions pas qu'il faut d'abord réussir avec grand succès les études de premier cycle pour entrer aux études supérieures.

Les chargés de cours, que nous représentons, enseignent massivement au premier cycle, donnant entre 40 % et 60 % des cours selon les établissements. Ils constatent avec désolation le manque de préoccupation des administrations pour l'enseignement et l'encadrement des étudiants de premier cycle. Nous réclamons un meilleur partage du travail entre les chargés de cours et le corps professoral, une plus étroite coopération dans la complémentarité. Nous ne sommes pas capables à nous seuls de défendre l'enseignement à l'université et de procéder à une urgente revalorisation de cette fonction dans la tâche des professeurs.

Certains prétendent que le recours massif aux chargés de cours constitue un mal nécessaire et même un danger, qu'il faudrait nous repousser de l'enseignement en réduisant notre contribution. La tendance générale dans l'OCDE indique, au contraire, que notre place à l'université ira grandissante et que cette tendance est irréversible. Nous l'avons constaté dans une organisation, dans toute l'Amérique du Nord. Nous sommes en collaboration avec la Coalition of Contingent Academic Labor, et c'est lors de ces colloques que nous tenons régulièrement que nous constatons ce fait.

Nous ne tenons nullement à être pris comme boucs émissaires d'une dégradation de la formation universitaire comme certains discours malhonnêtes l'insinuent parfois. C'est pourquoi nous exigeons une réelle intégration à la vie universitaire: d'abord au plan académique, dans les programmes et leur mise en oeuvre, ensuite dans les structures de décision de la communauté universitaire, entre autres à l'Assemblée des gouverneurs. Il y a des gens de l'UQ ici.

Nous rappellerons aux membres de cette commission que nous détenons les diplômes et les qualifications exigées pour faire un bon enseignement universitaire, que nous sommes choisis et évalués en fonction de critères sévères et très professionnels. Dans notre jargon, c'est les EQE. De plus, nous disposons d'une large expérience dans l'enseignement à l'université, environ 10 ans en moyenne, et surtout d'une expertise professionnelle nécessaire à la formation pratique des étudiants. Plusieurs chargés de cours sont engagés dans la recherche et participent activement aux colloques et autres groupes d'experts, bien que la recherche subventionnée leur soit interdite.

Nous craignons d'être évincés dans la grande opération de renouvellement du corps professoral en cours. Ce serait dommage, compte tenu de nos services rendus depuis 30 ans à l'université et de notre expérience de connaissances acquises du milieu universitaire. On pourrait trouver le moyen de nous faire une place bien méritée dans une carrière universitaire reconnue.

Nous signalons ici à la commission qu'une enquête sur la place des chargés de cours à l'université a jadis montré l'importance de notre contribution ? c'était le Conseil des universités, à l'automne 1989 ? mais que les choses n'ont guère évolué depuis. Il importerait de refaire une semblable enquête après 15 ans afin de connaître l'évolution et le portrait actuel des chargés de cours universitaires.

La réussite des étudiants est notre préoccupation majeure. Nous avons développé, au cours des ans, beaucoup d'expertise et de connaissances en ce qui regarde la communauté étudiante. Nous avons innové dans l'encadrement et le soutien aux étudiants. Nous avons pratiqué de nouveaux modèles de concertation dans l'enseignement. Des projets ont favorisé la persévérance aux études et l'adaptation de l'enseignement aux nouvelles conditions d'apprentissage, d'éthique. Nous demandons au ministre de nous octroyer des ressources particulières pour poursuivre notre travail en ce sens: enveloppe dédiée à l'encadrement fait par les chargés de cours. Nous pensons que l'université québécoise doit continuer à compter sur notre apport pour se développer et mieux remplir sa mission de formation.

En terminant, nous aimerions rectifier certains faits entendus, présentés devant cette commission. Il est faux de dire que la période de sous-financement récente a provoqué un recours plus grand aux chargés de cours dans les universités. Il est vrai qu'il y a eu peu ou pas d'embauche, mais, nous aussi, on a été affectés par les compressions budgétaires: l'offre de cours a diminué, la taille des groupes-cours a augmenté, et nos salaires ont stagné sinon diminué. Durant cette période notre masse salariale a décru. Nous avons traversé cette période en doublant nos efforts pour maintenir la qualité de la formation. Une bonne analyse des bilans financiers des universités ? j'en ai un ici ? et des statistiques tenues par les administrations démontrerait facilement la fausseté de ces impressions.

Dernier aspect: nous trouvons tout à fait aberrant que, pour la sélection des candidats à des postes de professeur, on ne tient à peu près pas compte de l'expérience acquise dans l'enseignement à l'université, que seul le dossier de recherche est considéré. Nous sommes victimes d'une certaine déconsidération à cet égard, et ceci reflète bien le peu d'importance qu'on accorde présentement à l'enseignement au sein des départements et des facultés universitaires.

Par ailleurs, nous subissons mal les préjugés et les remarques dévalorisantes que certains portent sur la qualité de notre contribution à l'enseignement et sur l'importance de notre groupe. Le silence qui entoure l'existence de notre groupe durant les auditions de la présente commission est aussi révélateur d'un réel malaise vis-à-vis de la réalité universitaire. C'est pourquoi nous sommes venus témoigner, et merci de nous avoir entendus.

M. Cyr (François): M. le Président, je suis à la disposition des membres de la commission.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Cyr, merci beaucoup pour ce témoignage très éloquent. Quant au volet enseignement, la recherche et les enseignements, on a souvent dit devant la commission que ce sont les deux éléments clés, et je pense qu'on a eu une plaidoirie fort passionnante, si je peux dire, sur le rôle des chargés de cours dans le volet enseignement. Alors, merci beaucoup pour cet... Et j'ouvre maintenant l'échange, et la parole est à vous, M. le ministre.

M. Reid: Merci, M. le Président. Bienvenue à la délégation de la FNEEQ. J'aimerais revenir sur une partie de ce que Mme Blais nous a dit, et je vais commencer par la toute fin. Je m'inscris en faux, moi aussi, face à toute personne qui fait des remarques dévalorisantes sur le rôle des chargés de cours et leur contribution dans l'enseignement universitaire. Les personnes qui font ça, c'est des personnes qui n'ont pas été voir. Et je pense que tous, ici, toute la commission, je pense, tous les membres de la commission sont d'accord avec vous.

Un élément extrêmement intéressant que vous avez dit et auquel je veux accorder une attention toute spéciale, c'est votre suggestion de refaire une enquête pour comprendre vraiment le statut et où est-ce qu'on en est aujourd'hui au niveau des chargés de cours. Mais je ne vais pas attendre ça pour vous poser une question sur la recherche, parce que vous avez abordé la question, et je trouve ça très intéressant et j'aimerais que vous nous éclairiez un petit peu plus.

n(11 heures)n

Évidemment, il y a une question qui est en toile de fond, c'est les chargés de cours, on sait qu'il y en a qui, bon, ont un travail à plein temps, vont donner un cours, etc., et il y en a d'autres pour qui le souhait que vous avez énoncé d'avoir accès à une carrière universitaire est quelque chose qui fait partie de leurs choix et de leur chemin souhaité de carrière. Je ne sais pas, ce serait peut-être intéressant que vous nous donniez peut-être une idée, là, de la proportion de ce que ça représente, ces personnels-là.

Mais surtout ma question, c'est au niveau de la recherche. On a entendu, dans cette commission, plusieurs fois: la recherche est indissociable de la qualité ? parce que c'est une commission sur la qualité, l'accessibilité et aussi la qualité ? donc, est indissociable de la qualité de la formation à tous les cycles. Et, dans ce sens-là, c'est très intéressant de vous entendre rappeler qu'il y a des chargés de cours qui sont impliqués dans des activités de recherche qui n'ont peut-être pas accès à des subventions parce qu'ils n'ont pas de statut de type professoral. Et j'aimerais ça vous entendre sur les possibilités, d'abord, de stabiliser une situation, parce que vous craignez que ça disparaisse, et quels sont les moyens de le faire.

Dans une vie antérieure, j'avais entendu un certain nombre de possibilités, dont une était un statut spécial de professeur pour lequel il n'y avait pas nécessairement d'ouverture ? à cette époque-là, du moins ? du côté des syndicats de professeurs. Je ne sais pas si ça, ça a évolué, ou est-ce que c'est un chemin privilégié que vous voyez, ou un autre chemin. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, à partir du moment où on dit que la qualité de la formation, à tous les cycles, y compris au premier cycle où oeuvrent les chargés de cours, est indissociable de la recherche, alors comment est-ce qu'on entrevoit et comment est-ce qu'on peut entrevoir cette composante recherche dans le travail des chargés de cours directement ou indirectement?

Le Président (M. Kelley): Mme Blais.

Mme Blais (Marie): Dans un premier temps, bien je vous remercie pour le témoignage que vous avez fait à propos de la contribution des chargés de cours et j'en suis fort contente. Moi, mon expérience provient de l'UQAM. Et j'ai été six ans au conseil d'administration de l'UQAM. Et j'ai défendu des dossiers de chargés de cours qui voulaient accéder à la carrière professorale. Et, dans cette expérience, j'ai vu des chargés de cours qui faisaient de la recherche, qui faisaient de la création, et ce n'était pas reconnu. Et, non seulement ça, ils n'étaient pas... ils ne pouvaient pas être candidats.

Dans un premier temps, je voudrais dire qu'il y a beaucoup... Beaucoup de chargés de cours font de la recherche. D'ailleurs, ça a été identifié par le Conseil supérieur de l'éducation. C'est-à-dire que, dans le bassin pour le recrutement des... pour le renouvellement du corps professoral, on a identifié les chargés de cours, et, en effet, ce sont ces chargés de cours qui ont les diplômes, qui font de la recherche. Et, en effet, on aimerait beaucoup qu'ils soient considérés comme des candidats potentiels dans ce processus-là. Maintenant, malheureusement, ce n'est pas le cas. Souvent, ces candidats-là sont rejetés malgré la performance de leur dossier. Pourquoi? J'avoue qu'on a beaucoup de difficultés, on a beaucoup de difficultés à saisir pourquoi. Est-ce que c'est leur âge? Est-ce que c'est leur statut? Alors, ça m'amène... on a peu de réponses.

Ceci dit, vous posez une très bonne question, c'est-à-dire sur la question du statut, la question de stabiliser les chargés de cours. C'est une grande préoccupation dans nos syndicats, et en effet cette stabilisation-là pourrait prendre plusieurs formes et pourrait en effet être une attribution annuelle ? ce que les collègues de Sherbrooke viennent de gagner cette année, cette session... lors de la dernière convention ? mais ça pourrait être d'autres statuts comme des chargés d'enseignement. Et là je voudrais référer que les chargés de cours de l'Université Laval ont fait des gains majeurs sur cette question lors du dernier règlement. Et cette question-là peut prendre différentes formes selon les besoins des universités. Ce que je peux vous dire, c'est que, nous, on est très ouverts à ça. Et, quand le recteur, M. Roch Denis, a mentionné comment lui était intéressé et a fait une excellente plaidoirie sur cette question, on est tout à fait ouverts à ce type de question. Ceci dit, c'est vrai qu'il y a quelques blocages, mais il y a quand même plus d'ouverture qu'il y a quelques années.

M. Cyr (François): Complément de réponse...

Le Président (M. Kelley): M. Cyr.

M. Cyr (François): ...M. le ministre. D'abord, je vous remercie également de votre contribution à la lutte contre les préjugés à l'endroit des chargés de cours. C'est fort apprécié, et je ne peux pas m'empêcher d'y voir une réponse à une déclaration récente du président de la CREPUQ qui disait, par exemple, que même les chargés de cours détenteurs d'un doctorat, ils auraient des problèmes pour leur accès à la profession, là, d'enseignant, c'est-à-dire au statut de professeur, et on n'a jamais su pourquoi. Il y a plusieurs de mes collègues qui ont l'impression que le fait d'être chargé de cours ou d'avoir été chargé de cours dans une institution fait en sorte qu'on porterait, quelque part dans le front, une espèce de stigmate secret qui fait de nous ou qui ferait de nous des enseignants de seconde zone. Alors, je pense que c'est fort apprécié de dire qu'effectivement, comme vous l'avez dit d'ailleurs, les diplômes... vous êtes fiers de la qualité des diplômes produits par nos universités. Bien, je vous rappelle que, au premier cycle, il y a beaucoup de nous autres là-dedans, hein, dans ces diplômes de premier cycle, et toute contribution à ce contre-discours par rapport au statut et à la qualité de la formation et de l'enseignement dispensé par les chargés de cours est la bienvenue.

Il y a... Dans notre jargon, on distingue deux types de chargés de cours, vous y avez fait allusion, M. le ministre: ce qu'on appelle, nous, les chargés de cours structurels, comme ma collègue ici, qui enseignent à plusieurs endroits, souvent disposent de plusieurs diplômes, ont plusieurs liens d'emploi, plusieurs champs de compétence professionnelle pour réaliser leur profession et, au bout de l'année, essayer de gagner convenablement leur vie... Leur nombre varie selon les institutions. C'est très élevé, par exemple, à Rimouski, le nombre de chargés de cours structurels ou professionnels, très élevé à l'Université du Québec à Montréal, moins élevé à l'Université du Québec en Outaouais. Et il y a l'autre catégorie, les chargés de cours qu'on appelle, nous, en double emploi. Ce sont des professionnels très actifs dans le monde du travail et qui viennent régulièrement apporter ce savoir-faire très, très, très pointu, adoré par les étudiants. Il n'y a rien qu'un étudiant aime plus qu'entendre, je ne sais pas, moi, un avocat qui a plaidé une cause dans la journée dire: Ah, justement, ce matin, on parlait de ça, etc. C'est comme, je dirais, une fenêtre ouverte dans le fonctionnement de l'université.

Moi, je pense que tous les chargés de cours, quel que soit leur statut ou leur fonction, font en permanence de la recherche. C'est impossible de faire en sorte de donner un cours de qualité, avec des matériaux tout à fait actualisés, sans procéder de façon régulière à la recherche. Là où on a un problème, où l'accès est complètement bloqué, ma consoeur l'a dit, c'est toutes les formes de recherche subventionnée où effectivement là il y a deux univers parallèles à l'intérieur de nos institutions: le corps professoral régulier et les chargés de cours.

M. Reid: Juste une petite remarque, M. le Président, avant de passer la parole à mes collègues. Il est assez intéressant de voir que, même si on n'a pas présenté des pages d'enjeux sur les chargés de cours dans le document, cette volonté de faire une commission extrêmement large fait en sorte qu'on se destine de plus en plus, à mon avis, vers... dans les conclusions de la commission, à faire en sorte que cette question des chargés de cours, leur rôle, leur positionnement, etc., devienne finalement un des éléments les plus importants sur lesquels on va devoir se pencher et réagir pour assurer, encore une fois, la qualité, l'accessibilité et le financement des universités. Alors, je voulais faire cette remarque parce que, encore une fois, aujourd'hui, on voit l'importance que ça prend. Et ça m'interpelle beaucoup, et je voulais vous le répéter encore une fois.

Le Président (M. Kelley): M. Cyr.

M. Cyr (François): En réaction, M. le ministre, effectivement, on parle de plus en plus des chargés de cours dans cette commission-là, puis ce n'était pas le cas au début. Sauf le recteur de l'Université du Québec à Montréal, il n'était pratiquement pas question des chargés de cours. Il a fallu un solide éditorial du journal Le Devoir et quelques grèves pour que... Parce que, vous savez, les grèves, pour nous, on ne les fait pas par plaisir, mais c'est notre façon, à nous, de prendre la parole, hein? C'est une forme de prise de parole, et on l'utilise parce qu'on a très peu de pouvoirs à l'intérieur de l'institution. Et on se rend compte finalement que, derrière tout ça, il y a une tension fondamentale. Il y a comme une contradiction entre, d'une part, la contribution objective des chargés de cours au développement de l'institution et à sa démocratisation et, d'autre part, l'espèce de relative marginalité dans laquelle on se trouve, et ce qui fait que très souvent on doit malheureusement recourir à ce type de moyen là pour nous faire entendre.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue, à mon tour, à cette commission au nom de ma formation politique, vous remercier pour la présentation de votre mémoire. Je partage essentiellement les propos du ministre. Je pense que vous avez eu l'occasion de m'entendre à quelques reprises à ce sujet-là, donc je ne reprendrai pas ces propos. Mais je suis tout à fait d'accord avec ceux-ci. D'ailleurs, à l'occasion de la commission, j'ai soulevé à plusieurs reprises des questions lorsque les mémoires faisaient référence aux chargés de cours ou même quand ils n'y faisaient pas référence. Bon.

n(11 h 10)n

Alors, moi, je vais revenir sur le débat que vous venez d'avoir, l'échange que vous venez d'avoir avec le ministre. Et je vous pose la question en même temps que j'en fais une sorte de suggestion, je crois qu'on est arrivé à un moment où il serait pertinent de refaire le point sur la question des chargés de cours dans nos universités, et sans doute que le Conseil supérieur de l'éducation, par exemple, pourrait être un lieu d'analyse, de recherche, d'enquête. Je n'aime pas tellement le mot «enquête», mais ça ne me dérange pas si on veut utiliser celui-ci, là, mais un lieu d'échange, d'analyse en profondeur de la situation des chargés de cours, et ensuite qu'on arrive à proposer un certain nombre d'orientations et de changements qui seraient susceptibles d'améliorer le sort des chargés de cours et leur meilleure intégration dans les institutions universitaires. Alors, je veux savoir votre point de vue sur cela, si ça vous apparaît une avenue intéressante. D'ores et déjà, j'ai l'impression que c'est un peu une intention que vous auriez souhaité nous entendre débattre ici.

La deuxième chose, c'est qu'à l'occasion de cet avis qui pourrait être demandé au Conseil supérieur est-ce qu'on ne pourrait pas imaginer qu'il y ait une véritable mise en forme, si on veut, d'un processus qui permettrait un passage de la fonction de chargé de cours vers la tâche professorale régulière pour ceux et celles qui le souhaiteraient et qui en ont évidemment les compétences? Et, généralement, on constate que d'abord, pour être chargé de cours, on doit répondre à un certain nombre d'exigences, donc on a des compétences. Vous décriviez le chargé de cours plus ponctuel, là, qui a une approche un peu plus pointue, qui devra demeurer dans nos systèmes évidemment de formation et qui est essentiel pour apporter son expertise. Jean-Marie Toulouse en parlait tout à l'heure, aux HEC, hein, on va chercher des gens qui ont des expertises très, très pointues qui viennent les partager avec les étudiants.

Mais j'ai l'impression que toutes les universités sont aux prises avec cette question actuellement. Certains ont, je dirais, une réaction de recul en disant: C'est difficile de penser à des passerelles parce qu'ils ont perdu ceci, cela et qu'ils ne peuvent pas occuper des postes de professeur, alors que d'autres disent: Non, au contraire, je pense qu'on peut les imaginer. Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir une approche un petit peu plus structurelle, si on veut, là, où on retiendrait un certain nombre d'outils et adopterait des politiques qui pourraient s'adapter évidemment aux universités selon leurs modèles organisationnels propres?

M. Cyr (François): Mme Marois, mon collègue Rioux va répondre à votre question sur l'enquête, dans le sens sociologique du terme, là, et pas policier.

Mme Marois: D'accord, oui, je comprends. Oui, mais, de ce temps-ci, c'est tellement galvaudé, là, que...

M. Cyr (François): C'est ça. Et, pour ce qui est de ce qu'on appelle, nous, des clauses passerelles, ma collègue Blais va se faire un plaisir de vous répondre.

Le Président (M. Kelley): M. Rioux.

M. Rioux (Laval): M. le ministre, Mme la députée de Taillon, voici le document qui a paru en 1989 et qui relève d'une enquête, sondage fait à la grandeur des établissements universitaires au Québec, en 1987. McGill, pour sa part, a très peu participé, ce fut... La défaillance de l'enquête est la participation de l'Université McGill là-dedans. Nous avions demandé, en tant que fédération, cette enquête faite par le Conseil des universités, qui n'existe plus, et elle nous a été très profitable par la suite pour établir un portrait, une connaissance et notre mode d'évolution à nous-mêmes, à nos syndicats, avec ça. Et ça a été sans doute très utile aux administrations universitaires parce que ça couvrait différents aspects de toute la question des chargés de cours à l'université.

Je fus, pour ma part, très surpris que le Conseil supérieur de l'éducation fasse une étude sur le renouvellement du corps professoral et n'aborde pas en même temps la question des chargés de cours. Et, quand j'ai lu le rapport attenant du Pr Denis Bertrand disant que les professeurs enseignent entre 25 % et 30 % de leur temps, bien je me suis dit: Il y a beaucoup de citoyens au Québec qui pensent qu'un professeur d'université ça passe 60 % de son temps à enseigner dans les universités. Alors, il faut apporter des explications à ça, hein? Puis ça il faut savoir qu'est-ce qui se produit au plan de l'enseignement, et surtout au premier cycle à l'université. C'est pourquoi on a un plaidoyer si fort en faveur de la revalorisation de l'enseignement universitaire, nous croyons qu'il y a une réelle menace, là, et je pense qu'une enquête s'imposerait, et dans les meilleurs délais. Nous avons des données, là, en tant que syndicat, je peux vous assurer, là, mais on voudrait que ce soit une personne hors circuit qui nous observe d'une manière impartiale et qui fasse cette étude-là. On en a vraiment besoin, M. le ministre.

Le Président (M. Kelley): Un complément de réponse, Mme Blais ou...

Mme Blais (Marie): Mais c'était pour l'autre partie de la...

Mme Marois: Oui, bien, je... Oui, bien, ça, je suis d'accord, il y a l'enquête sociologique, à savoir revoir les... où on en est, mais, moi, je crois qu'il faut aller plus loin. Alors, c'est peut-être à ça que vous voulez faire référence, parce qu'il faut, à partir de cela, tirer un certain nombre de conclusions puis proposer des actions.

Mme Blais (Marie): Par le passé, on a beaucoup insisté sur l'intégration des chargés de cours à la vie universitaire, il ne faut pas oublier cet aspect. C'est-à-dire qu'on est quand même 8 000, et la formation est au coeur de la mission de l'université. Et, nous, on dit que, pour mieux exercer cette mission-là, pour mieux réaliser cette mission-là, il faut mieux associer les chargés de cours. Alors, indépendamment de la question des passerelles, il faut poser aussi la question de l'encadrement des étudiants, d'une meilleure intégration des chargés de cours à la vie universitaire, et ça, c'était la question des enveloppes dédiées.

Par ailleurs, à propos de votre question sur la question des passerelles, il y a déjà des passerelles dans certaines universités. Je pense, entre autres, à l'UQAM où il y a, dans la convention des professeurs, une passerelle. Et cette passerelle-là malheureusement, selon nous, ne fonctionne pas, c'est-à-dire que, comme je vous expliquais tantôt, souvent des chargés de cours avec des dossiers importants ne sont pas considérés. Pourquoi? On ne le sait pas. Donc, c'est sûr que la question des passerelles, il faut examiner un peu plus pourquoi il y a ces blocages-là. Et ce qu'on note, c'est que ce n'est pas les établissements, les dirigeants d'établissements qui ont des problèmes, mais beaucoup plus au niveau des départements. Et c'est là que se situe le processus d'embauche, et c'est là qu'on voit les problèmes, disons, d'une certaine façon, les embûches.

Nous, quand on a pensé l'intégration, il y a une quinzaine d'années, on pensait que, pendant... si les professeurs nous connaissaient mieux, peut-être qu'il y aurait moins d'embûches. Malheureusement, après 15 ans, je ne peux pas vous dire que ça a vraiment fonctionné. Mais on sent beaucoup plus d'ouverture chez les syndicats de profs à propos de ces questions-là, beaucoup plus qu'il y a quelques années.

Par ailleurs, les dirigeants d'universités, si vous posez la question des passerelles, ils vont vous dire: Non, non, ça marche. Ce qu'il faut bien savoir, c'est que ceux qui sont engagés, très souvent, ce sont des chargés de cours qui ont une ou deux charges de cours, c'est-à-dire que ce sont des étudiants qui viennent de finir leur doctorat, ce qui est excellent, leur postdoc, qui prennent une ou deux charges et qui profitent de cette clause passerelle. Donc, ça joue son rôle.

Nous, notre problème, c'est comment faire pour que les chargés de cours qui ont une plus grande expérience d'enseignement et, je répète, qui ont aussi un dossier de recherche et de publications puissent avoir aussi accès. Et c'est là qu'on se questionne pourquoi on n'a pas plus accès à cette carrière: est-ce que c'est le fait qu'on est connu, qu'on est déjà là puis qu'on ne coûte pas cher, ce que disait notre M. Toulouse tantôt? Peut-être. Pourquoi engager quelqu'un à... Ils sont là, ils sont présents, ils font un bon boulot. Alors, on ne le sait pas. Mais c'est sûr que c'est une bonne question, et je pense qu'il faudrait... Le processus d'embauche, c'est vraiment une grosse question.

Mme Marois: Surtout ? si vous permettez ? surtout dans la conjoncture actuelle où il n'y a pas un mémoire qui n'a pas fait référence au fait qu'on allait devoir embaucher des professeurs dans les années qui viennent, d'une part, parce qu'il y a une vieillissement du corps professoral régulier et, d'autre part, parce qu'on veut augmenter aussi le nombre d'enseignants réguliers qui vont pouvoir faire et de la recherche et, bien sûr, de l'enseignement. Alors, je trouve que ça se présente dans ce contexte, là, comme un élément de conjoncture essentiel à débattre et auquel il faut répondre concrètement par des actions à cet égard-là. Et je suis contente de l'éclairage que vous nous apportez sur la question des passerelles parce que j'ai posé plusieurs fois la question, puis, dans certains cas, on me disait: Oui, ça fonctionne et ça va aller, mais ce n'est pas le point de vue que vous avez, en tout cas vu sous un autre angle, si je comprends bien. Vous voulez ajouter quelque chose, monsieur...

M. Cyr (François): Oui, effectivement. Cette enquête-là, outre l'analyse sociologique, pourrait se pencher, d'une part, sur les différents comportements de freinage à la réalisation d'un tel objectif à l'intérieur de l'institution, mais aussi l'enquête pourrait, de façon comparative, examiner les situations des enseignants précaires ailleurs au Canada et aux États-Unis pas sur le plan des conditions de travail nécessairement, mais sur le plan des différents profils. On discute beaucoup avec nos amis canadiens, américains, et, dans la plupart des cas, ils ont ce qu'on appelle «tenure track», c'est-à-dire qu'un chargé de cours, dans un profil de carrière possible, a un certain nombre d'espérances concrètes de pouvoir un jour, dans l'organisation systématique de l'institution, accéder à la fonction de prof, ce qu'on n'a pas ici, là. Alors, ça pourrait être un autre objet, je pense, là, de cette réflexion auquel nous, on est prêts à participer, on en appelle de tous nos voeux à cette enquête, là.

n(11 h 20)n

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On a un autre type de passerelle, si j'ai bien compris, dont on a longuement discuté. Un autre genre de passerelle, mais on a trouvé une autre variation de terme. Mme la députée de Maskinongé.

Mme Gaudet: Bonjour. Merci pour votre participation à cette commission. Dans votre mémoire, vous préconisez un meilleur arrimage entre les collèges et les universités. Alors, déjà, plusieurs expériences existent en ce sens, mais il semble, selon ma compréhension, que vous ne trouvez pas que ce soit suffisant. Alors, quelles sont les actions et les modalités qui, selon vous, seraient les plus susceptibles d'améliorer ce continuum entre l'enseignement collégial et l'enseignement universitaire?

Le Président (M. Kelley): M. Cyr.

M. Cyr (François): Oui. Rapidement, M. le Président, cette question-là est importante, et je dois confesser que notre réflexion s'amorce à ce niveau-là. C'est une problématique qui est relativement nouvelle pour nous. Cependant, je pense que cette réflexion-là devrait se faire dans le cadre de trois balises particulières. D'abord, il faut faire en sorte que les caractéristiques des deux institutions et des deux réseaux ? et «réseau» dans le sens large, là, universitaire ? soient préservées dans leur spécificité. Évidemment, il s'agit d'enseignement supérieur dans les deux cas, mais il faudrait éviter que, au terme, au finish d'un éventuel processus d'amarrage, quelle que soit la forme, on perde au change tant sur le plan de la qualité de l'enseignement que de la richesse des différents curriculums.

Deuxièmement, je pense qu'il faudrait, du point de vue des étudiants, faire en sorte que... évidemment favoriser l'accélération des cheminements, mais encore là que finalement il n'y ait pas de formation au rabais, s'assurer toujours, là, que la formation soit de qualité.

Et, bien sûr, vous me voyez venir, Mme la députée, quand un syndicaliste parle, il va se préoccuper, troisièmement, du respect des droits des syndiqués dans ces éventuelles expériences d'amarrage entre les deux niveaux d'institutions.

Mme Gaudet: Est-ce que je peux...

Le Président (M. Kelley): Oui.

Mme Gaudet: J'aurais juste une petite information complémentaire. J'aimerais que vous élaboriez davantage, là, sur votre proposition de mise en réseau de l'ordre universitaire, peut-être juste en continuité.

Le Président (M. Kelley): O.K. Peut-être, avant de répondre, le ministre a un complément de question qu'il veut poser aussi.

M. Cyr (François): Mon collègue Rioux.

M. Reid: C'est un complément de question là-dessus. C'est parce que, si... Effectivement, on est sur la même longueur d'onde, là. Vous écrivez: «La FNEEQ est par ailleurs partisane de la constitution de véritables réseaux pour tout l'enseignement supérieur, tant au collégial qu'à l'université. Une bonne gestion de ces réseaux oblige le gouvernement à en assurer une planification, tout en déléguant la gestion à des organismes locaux responsables.» À la lecture de ça, on a l'impression que, sachant que les deux réseaux, si on veut, le système universitaire, le réseau collégial, sont très, très, très différents dans leurs relations avec l'État... L'université, c'est une très, très large autonomie. Les collèges sont, pour beaucoup, dépendants des décisions du ministre de l'Éducation, j'en prends beaucoup plus que je voudrais en prendre. Et, sachant cela, quand on dit... ici, à la lecture de votre texte, on a l'impression que vous semblez aller vers ? et détrompez-moi, là, mais... vous semblez aller vers un système pour les universités qui serait beaucoup plus semblable à celui qui existe pour les cégeps. Est-ce que c'est bien votre position, et dans la perspective où effectivement, là, on touche directement à l'autonomie universitaire?

Le Président (M. Kelley): M. Rioux.

M. Rioux (Laval: Oui. C'était le voeu de votre prédécesseur, le ministre Claude Ryan, en 1980, il voulait absolument mettre en réseau les universités au Québec un peu sur le modèle des collèges, y voyant une façon primordiale et préalable à faire une meilleure connexion en enseignement supérieur. D'ailleurs, je pense qu'à cette époque-là le ministère s'appelait le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, bon, avec... et c'était une préoccupation courante.

L'évolution actuelle des universités risque d'aller vers une grande disparité, et c'est très difficile, même en concevant une bonne formule optimale de subvention de tous les établissements, d'assurer qu'il n'y aura pas des problèmes d'articulation et de complémentarité entre ces institutions. La tendance est plutôt à la concurrence, à la compétition, bon, à la hiérarchisation, et je pense que le rôle de l'État, c'est de planifier à long terme pour que de telles choses n'arrivent pas. Je ne sais pas de quelle manière, par une formule de financement, on pourrait y arriver, mais je sais que par des politiques d'encadrement on y parviendrait. C'est pour la question universitaire.

Et, pour nous, c'est une chose... On a toujours, à la FNEEQ, depuis une vingtaine d'années... J'étais ici en 1987 pour faire des représentations à cette même commission, et nous demandions que cette chose-là soit faite. Il y avait un sentiment d'urgence. On voyait, même au sein de l'UQ, une désagrégation des constituantes, une primauté donnée à l'UQAM, et tout ça, puis ça ne correspondait pas au schéma de la loi fondamentale de l'UQ de 1967. Et ça nous inquiétait beaucoup, puis on se demandait: Que vont faire les autres universités dites privées qui prenaient des avances considérables au plan de la recherche, et tout ça? Je pense que le rôle de l'État, quand nous demandons un financement public plein et entier et qui va aller grandissant... On est rendu à 67 %, nous étions à 84 % au début des années quatre-vingt, la part des subventions des gouvernements au développement des universités. Je pense qu'il faut revenir à ça et faire un encadrement qui sera utile pour toute la collectivité dans son avenir.

Le Président (M. Kelley): Parce qu'il y avait une question, Mme la collègue de Chauveau ou...

Une voix: ...non, c'est correct, vas-y.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Chauveau.

Mme Perreault: Oui. Bonjour à vous. Moi, je voulais vous entendre. À la page 10 de votre mémoire, vous parlez d'un gel des frais scolarité, éventuellement d'une abolition des droits de scolarité. Alors, selon vous, ce serait la solution à l'accessibilité pour l'ensemble des étudiants. Vous savez aussi qu'il y a une autre façon de voir qui dit que l'abolition des droits de scolarité profiterait davantage à la classe moyenne et à l'élite, peut-être à ceux qui sont plus fortunés, compte tenu, là, que, eux, ils ne s'endettent pas d'avance, ils ont les moyens de s'offrir les frais, donc ce serait une diminution importante pour eux, et que ce qui garantirait peut-être une plus grande accessibilité, c'est d'arrimer davantage les prêts et bourses, le système des prêts et bourses avec des droits de scolarité qui pourraient être ce qu'ils sont actuellement ou être augmentés. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Rioux (Laval): Bon, évidemment, les frais de scolarité, ils sont gelés ici depuis 1994 et ils n'ont pas beaucoup augmenté pendant une certaine période de temps. Il faut se demander pourquoi ? même si c'était la recommandation du rapport Parent ? on n'a pas mis en place tout de suite la gratuité, en même temps qu'on a mis en place le réseau des universités du Québec. Bon, je ne suis pas là... Il faudrait que je demande à M. Guy Rocher qu'est-ce qui s'est produit. Une hypothèse: on a admis des collèges privés puis on leur a donné le droit de percevoir des droits de scolarité. Bien, évidemment, quand on met un réseau public en place, il demande la même chose. Alors, on a maintenu des droits de scolarité qui étaient plutôt symboliques à l'époque. Je me rappelle que mon père les payait, moi-même, et puis on trouvait que ce n'était pas une chose très encombrante. Mais, à un moment donné, ça s'est mis à croître, et à croître, et à croître en suivant l'exemple américain, puis là, nous, on s'est dit: Bien, oh, danger! On va perdre la perspective du rapport Parent, parce que l'accessibilité, dans l'esprit des commissaires du rapport Parent, ça supposait la gratuité des études, et c'est pour ça que nous préconisons d'y retourner.

Bon, est-ce qu'on fait des cadeaux à des plus riches? Est-ce qu'on embarrasse les personnes moins fortunées pour lesquelles il faudrait faire un transfert des bourses? Ça vient à peu près des mêmes conditions, là. Je pense que c'est des questions qu'il ne faudrait pas considérer comme telles. Bon, les étudiants ont fait des propositions: le fonds du savoir. Certains évaluent à 330 millions par année ce que ça coûterait à l'État pour mettre en place immédiatement la gratuité des frais à l'université. Bien, c'est un choix de société. Moi, je suis très embarrassé de voir que nous prenons une optique canadienne et genre américaine, sachant que, dans ces universités, aux États-Unis, tous les étudiants sont boursiers, un peu à la manière de Bishop's qui dispose de 1 million par année, qui répartit ça à ses 2 250 étudiants. On ne peut pas faire ça ici, hein? Il faut s'endetter avec des prêts, des bourses ? plus des prêts que des bourses maintenant ? et puis cet endettement-là devient un découragement très, très important pour la poursuite des études. Ça, je peux vous en témoigner, j'ai des amis, des jeunes que je connais qui me disent: Ça prend un effort considérable pour continuer à s'endetter sans perspective immédiate de rentabilité de ça, là. Ils ne sont pas tous en médecine et en génie, là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Taillon.

n(11 h 30)n

Mme Marois: Oui. Deux questions, et ensuite j'ai mes collègues qui veulent pouvoir intervenir aussi. Bon, à la page 8 de votre mémoire, vous en avez parlé tout à l'heure dans votre intervention, l'intrusion du gouvernement canadien qui contrevient au partage établi de compétences constitutionnelles et présente une menace à une saine politique de planification du développement universitaire. Je suis complètement d'accord avec vous et je suis persuadée que le gouvernement actuel est aussi, dans cette perspective, inquiet de ce qui se passe, parce que ça réoriente un certain nombre de priorités et ça ne respecte pas les choix qui peuvent être faits par les premiers responsables que sont les provinces en matière d'éducation.

Vous dites: «Nous appuierons volontiers tout gouvernement du Québec dans sa défense du respect de ses compétences à cet égard.» Est-ce que vous avez en tête des propositions concrètes ou des stratégies précises à suggérer? Je me permets de vous poser la question, parce que beaucoup de mémoires font référence à cette réalité et offrent au gouvernement une forme de collaboration en ce sens.

M. Rioux (Laval): Bon, tout ce que j'ai en mémoire, c'est la magnifique opération que nous avons faite à l'occasion des bourses du millénaire, puis je pense qu'on a encore des énergies et une expérience acquise là-dessus pour aller devant le gouvernement fédéral et lui dire que notre système d'éducation à nous, il est modelé selon une culture qui nous appartient, et on n'a pas besoin de grands canons et normes pancanadiennes et nationales qui font en sorte qu'on va distribuer de l'argent dans... si on a...

Ce dont j'ai peur, c'est que, si on remet en place les transferts en éducation postsecondaire, que tout ça soit accompagné de normes et de balises qui ne nous conviennent absolument pas. Alors, je pense qu'il faut prendre les devants là-dessus, puis le ministre des Finances, M. Séguin, est bien d'accord avec nous, hein! Nous reprendrons nos munitions et notre ardeur au combat et nous irons tous ensemble avec les étudiants, avec les corps intermédiaires, avec tout le monde que la question intéresse. C'est parce que nous croyons tous, n'est-ce pas, que, l'argent, il se trouve là actuellement, hein? Ça soulagerait beaucoup le ministre des Finances si on pouvait avoir une bonne besace venant d'Ottawa là-dessus. Il pourrait faire ses budgets puis permettre une planification triennale ou quinquennale pour les universités, ce qui est une chose très importante et que... Actuellement ? je suis d'accord avec vous, Mme la députée de Taillon, vous l'avez dit souvent ? on ne peut pas le faire à cause de ce problème de la retenue de fonds à Ottawa.

Mme Marois: Parce que n'oublions pas que c'est notre argent aussi, hein...

M. Rioux (Laval): Bien, c'est ce que je prétends.

Mme Marois: ...qu'on envoie à Ottawa en termes d'impôt, et ils violent leur propre constitution. Ça aussi, il faut leur rappeler parfois, n'est-ce pas?

Une dernière question pour ce qui me concerne: à la page 16 de votre document, dans les conclusions, vous revenez à la question de la transparence par rapport aux administrations universitaires. Vous souhaitez que celles-ci fassent preuve d'une gestion transparente des comptes, de leur... rendent compte de leur planification autant à la communauté universitaire, à la société environnante et finalement à l'Assemblée nationale du Québec.

Vous savez qu'il y a une loi qui amène l'imputabilité, c'est-à-dire qui fait état de l'imputabilité des administrateurs des universités, et ceux-ci viennent régulièrement chaque année. Et je crois que la commission est de plus en plus exigeante, notre commission, quant aux questions qui sont posées, quant au cadre dans lequel tout cela se fait. Qu'est-ce que vous avez comme suggestions à faire pour ce qui est de la transparence à l'égard de la communauté universitaire elle-même et la société environnante?

M. Cyr (François): Effectivement, c'est une question qui est importante pour nous, on l'a soulevée dans le mémoire. On se réjouit de l'existence de cette loi-là. On aime bien ça voir, une fois par année, les recteurs et rectrices des universités parader devant cette commission-là et répondre aux questions. Bien sûr, on est attachés à l'autonomie des universités. Bien sûr, la liberté académique, la liberté de recherche, on en est. Mais, pour nous, l'obligation de rendre compte, c'est différent de ces grandes libertés là, et, à fonds publics, il est correct qu'il y ait effectivement reddition de comptes publics. Ça peut prendre la forme, comme ça été le cas dans le passé, de la Vérificateur général qui a effectivement examiné les comptes des universités. Et je me souviens, à ce moment-là, il y a des gens qui disaient: Ah! non, non, ce n'est pas pareil, nous, c'est différent, vous ne pouvez pas comprendre exactement la façon dont on dépense notre argent. Nous, on soutenait la mise en oeuvre de cette obligation de rendre compte.

Pour ce qui est de la reddition de comptes et de la transparence par rapport à l'ensemble, là, de la communauté, là aussi, je pense, il va falloir approfondir notre réflexion. Je ne dis pas que c'est une proposition de notre fédération, mais, moi, je ne déteste pas, à titre personnel, cette idée d'éligibilité, O.K., par l'ensemble de la population...

Mme Marois: Cette idée de?

M. Cyr (François): D'éligibilité, O.K., et on voit ça aux États-Unis, les universités publiques effectivement, O.K.

Mme Marois: Ah! O.K. d'accord.

M. Cyr (François): Alors, je ne dis pas qu'il faut aller jusque-là, tu sais, mais ça peut être une façon de regarder d'autres modes de désignation des autorités universitaires, faire en sorte que ces élus soient redevables devant l'ensemble de la communauté. Il y a des institutions où il y a des assemblées universitaires qui jouent un peu le rôle...

Une voix: De parlement.

M. Cyr (François): ...oui, de parlement effectivement, et ça fonctionne très bien. On pourrait penser à généraliser ce type de structure ou d'institution à l'intérieur des universités. Bref, pour nous, je pense que ce serait intéressant d'approfondir ces questions-là en examinant ce qui se passe ailleurs, comment ça se fait ailleurs, cette obligation de rendre compte et cette obligation de transparence, compte tenu aussi des sommes publiques qui sont dépensées par les universités.

Mme Marois: Merci. Je crois que mon collègue veut...

Le Président (M. Kelley): Oui. M. le député de Bertrand, en rappelant qu'il vous reste trois minutes. C'est l'invitation d'une question à plusieurs volets, mais vas-y quand même.

M. Cousineau: Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, bienvenue à cette commission parlementaire. À la page 9, vous parlez de la situation démographique au Québec, et puis vous précisez que, bon, déjà on voit une baisse des cohortes en provenance des cégeps et puis on va sûrement avoir dans les années à venir une problématique au niveau de l'effectif dans les universités québécoises. Puis vous abordez toute la question de la formation continue. Vous dites que les universités doivent s'orienter vers... prendre ce virage là. Et puis la question en fin de compte, c'est: de quelle façon, là, que ça pourrait être financé? Est-ce que vous pensez à un partenariat avec l'État, l'université, les employeurs, les ordres professionnels, les étudiants? De quelle façon? Est-ce que vous avez pensé à un modèle?

M. Rioux (Laval): Bon. On n'a pas pensé aux formules de financement. Je sais qu'il y a un groupe qui étudie toute la question actuellement de la formation continue. On a déploré que, dans la politique de formation continue que le gouvernement avait émise, il n'y avait rien concernant les universités. On s'est dit: Peut-être que c'est un chapitre à venir, dans un autre moment. Nous jugeons cependant ? vous faisiez référence à la question démographique ? nous jugeons cependant que l'université est en train de devenir autre qu'elle a été jadis.

Depuis six ans, on a une croissance des clientèles qui s'inscrivent à l'université, en même temps qu'on a une décroissance des diplômés de cégeps qui arrivent à l'université. Alors, qui sont ces personnes qui viennent à l'université qui ne transitent pas immédiatement des cégeps? Ce sont différentes catégories de la population qui viennent chercher une formation continue, une mise à jour de leurs connaissances, qui veulent faire des études plus avancées et ils n'ont pas beaucoup de choix. Ils ont un peu de petits programmes au niveau des cégeps, mais c'est limité, c'est ceux de l'ordre technique. Ils veulent des connaissances plus générales, plus théoriques, et c'est l'université qui les offre, hein? Il faut faire le virage, à l'université, de la formation continue. Pour nous, c'est le nouvel appel de la démocratisation, hein?

Les personnes qui viennent, la nouvelle clientèle à l'université, là, ce sont des citoyens comme vous et moi qui ont misé, dans leur contribution fiscale, au développement de ce système d'éducation. Je pense qu'ils ont droit d'en attendre en retour, quel que soit leur âge, hein... quel que soit leur âge, qu'ils en attendent les bénéfices. C'est notre position.

Le Président (M. Kelley): Un dernier commentaire vraiment, parce que...

M. Cousineau: Oui, rapidement. Dans votre conclusion, vous mentionniez que le ministre devrait penser à une deuxième consultation suite à celle-ci qui dure maintenant depuis quelques semaines, là. Avec ce que vous avez entendu, puis avec la façon qu'on a abordé le problème des chargés de cours, est-ce que vous trouvez que c'est suffisant ou on doit penser à une autre consultation puis...

n(11 h 40)n

M. Cyr (François): Je pense qu'il faut revenir avec cette... deux idées: d'abord, cette enquête, et on y tient. Je pense que ça pourrait être révélateur d'un certain nombre de situations qui doivent être examinées. La collectivité doit en prendre connaissance, d'une part. Et, d'autre part, de façon plus particulière, les chargés de cours, je pense que, pour éviter de devoir utiliser des moyens de pression qui sont les nôtres quand on n'a pas les moyens de se faire entendre autrement à l'intérieur de l'institution, je pense que la meilleure façon de stabiliser cette situation-là, c'est de faire en sorte qu'on bénéficie d'une enveloppe dédiée. Et, comme il y a des discussions budgétaires qui s'en viennent, ce serait peut-être l'occasion rêvée pour faire en sorte qu'il y ait des signaux positifs de la part du gouvernement à ce chapitre.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Cyr. On a noté, les deux côtés de la table, un intérêt de se pencher sur le statut des chargés de cours, surtout dans le contexte qui est évoqué d'une pénurie de main-d'oeuvre; on prévoit les difficultés du recrutement. Alors, de toute évidence les chargés de cours auront un rôle accru à jouer dans l'avenir. Alors, sur ça, merci beaucoup pour le témoignage ce matin.

Je vais suspendre quelques instants, et j'invite les représentants de l'Université du Québec en Outaouais de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 41)

 

(Reprise à 11 h 44)

Le Président (M. Kelley): Alors, bienvenue aux représentants de l'Université du Québec en Outaouais. Encore une fois, par pure coïncidence, je vois que le député de Papineau et président de notre caucus est parmi nous. Alors, ça tombe bien parce que l'université de votre région est parmi nous. Alors, il y a toujours des coïncidences dans la vie. Alors, sur ça, je suis prêt à céder la parole à M. Whyte.

Université du Québec en Outaouais (UQO)

M. Whyte (Francis R.): Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais en premier lieu vous offrir mes excuses pour l'absence ce matin de mes deux vice-recteurs, M. Dubé et Mme Grand-Maître, qui devaient m'accompagner pour cette présentation-là. Ils sont tous les deux retenus à Gatineau à cause de la situation critique que nous vivons ces jours-ci dans nos relations de travail avec les personnes chargées de cours. Néanmoins, je les ai remplacés, mes vice-recteurs, par un certain nombre de fiches. Alors, je sais que vous allez quand même... j'espère que vous allez quand même avoir les informations nécessaires.

Le Président (M. Kelley): Vous pouvez déguiser votre voix pour donner certaines réponses.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Whyte (Francis R.): Pour M. Dubé, oui, mais pour Mme Grand-Maître, ça va être plus difficile.

M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. membres de la commission, je tiens d'abord à vous remercier de nous donner l'occasion d'exprimer ici l'état de nos réflexions sur l'avenir du système universitaire québécois et de faire valoir la spécificité de nos besoins en tant qu'établissement universitaire. L'Université du Québec en Outaouais, que je représente, est membre du réseau de l'Université du Québec. Je tiens ici à exprimer mon entier appui aux recommandations proposées dans le mémoire soumis à la commission par l'Université du Québec ainsi que dans celui soumis à la CREPUQ.

Je veux ainsi profiter de l'occasion qui m'est si généreusement donnée surtout pour faire valoir les spécificités de l'Université du Québec en Outaouais et de sa région. Et, en parlant de notre région, je fais référence en premier lieu à la région administrative 07, mais je tiens à souligner que plusieurs défis et besoins identifiés dans notre mémoire se manifestent également dans les Hautes-Laurentides, région que nous desservons depuis plus de 20 ans en partenariat avec le cégep de Saint-Jérôme.

Créée en 1981, l'UQO est un établissement très jeune. Elle compte aujourd'hui plus de 5 300 étudiants, 160 professeurs, presque 600 chargés de cours, et elle compte cinq unités de recherche reconnues dans trois chaires de recherche du Canada. L'UQO a décerné depuis sa création plus de 23 000 diplômes.

La grande spécificité de notre université par rapport aux autres établissements régionaux du Québec est d'être située dans une agglomération au caractère métropolitain et en zone frontalière. Le Grand Gatineau représente en effet le troisième pôle en importance au Québec, tandis que l'agglomération plus large de Gatineau-Ottawa est le quatrième pôle urbain en importance au Canada avec environ 1 million d'habitants.

La position de l'Outaouais par rapport à cette grande agglomération présente des avantages considérables au plan des possibilités de diversification économique, du développement de la recherche et du transfert des connaissances.

Les acteurs socioéconomiques de la région comptent d'ailleurs sur l'UQO pour réaliser les objectifs régionaux de développement économique et social, et ce, aussi bien pour l'agglomération urbaine de Gatineau que pour les territoires ruraux de la région. Notre université assume de mieux en mieux ce rôle moteur en faisant preuve d'un grand dynamisme. En effet, dans une volonté explicite de répondre aux besoins de la région, les dernières années ont été marquées par des percées majeures au plan du développement de la recherche, du déploiement de la programmation et de l'occupation du territoire.

Au plan de la recherche d'abord, les progrès accomplis au cours des dernières années ont été remarquables se traduisant par la création de deux chaires de recherche, d'un centre de recherche, d'un laboratoire et d'un observatoire. Entre 1999-2000 et 2001-2002, les fonds externes de recherche ont doublé à l'UQO et se chiffraient à près de 5 millions de dollars en 2002-2003, une augmentation de 20 % par rapport à l'année précédente.

L'UQO a par ailleurs été maître d'oeuvre dans le projet de création du Centre de recherche en technologies langagières qui est situé sur notre campus. Les technologies langagières ont été identifiées par le Massachusetts Institute of Technology comme l'un des principaux domaines d'avenir des 50 prochaines années. L'UQO a créé un département d'études langagières en 2003 et a implanté un programme de deuxième cycle en localisation, une première au Canada. Le projet de création du Centre de recherche en technologies langagières a été réalisé en collaboration avec le Centre national de recherche du Canada et des partenaires industriels, et il fait l'objet d'un octroi de fonctionnement de 10 millions de la part du gouvernement fédéral. Les investissements partagés entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral seront, nous l'espérons, de l'ordre de 15 millions en plus.

n(11 h 50)n

L'UQO a également convenu d'un protocole de partenariat avec l'Institut québécois d'aménagement de la forêt feuillue, IQAFF, qui a permis à des chercheurs de cet organisme d'agir à titre de professeur associé à l'UQO. Cette collaboration doit mener à la constitution d'une nouvelle infrastructure majeure conjointe UQO-IQAFF pour accentuer les efforts de recherche régionaux en aménagement forestier avec une application particulière à la forêt feuillue. Ce partenariat, qui ouvre la voie au déploiement anticipé par l'UQO en sciences biologiques et forestières, a d'ailleurs donné lieu récemment à un octroi de 1,2 million de dollars de Recherche Québec et le fonds canadien de l'innovation pour la mise en place d'une infrastructure pour le développement de nouvelles approches de construction et d'exploitation d'environnements multimédias appliquées entre autres à la foresterie et à la télédétection.

Au chapitre de la formation, l'UQO se montre également très dynamique en multipliant les nouveaux programmes, en particulier aux cycles supérieurs. Depuis quelques années, l'UQO a implanté une vingtaine de nouveaux programmes dont certains dans des domaines novateurs, tels que la bande dessinée, le développement régional, la traduction et la rédaction et le renouveau pédagogique pour les enseignants.

Les cycles supérieurs en particulier ont connu des développements importants avec l'implantation d'une maîtrise en développement régional, d'une maîtrise en informatique et d'une maîtrise en sciences infirmières, l'implantation d'un doctorat en psychologie, en collaboration avec l'UQAM, et d'un doctorat en relations industrielles, en collaboration avec l'Université Laval, et la création de diplômes d'études supérieures spécialisées en administration scolaire, en finances et en localisation.

En ce qui concerne l'occupation du territoire, l'UQO a le défi particulier de desservir une population de plus de 300 000 habitants répartis sur une immense étendue. Soucieuse d'offrir ses services sur l'ensemble du territoire pour combler les besoins de formation, l'université déploie beaucoup d'efforts en vue d'offrir une gamme de programmes à son centre de Mont-Laurier. Au cours des deux dernières années, en plus d'une multiplicité de programmes à temps partiel qui se donnent depuis plusieurs années, l'UQO a commencé à y offrir deux programmes de baccalauréat à temps complet.

L'UQO a également ouvert un nouveau point de services à Maniwaki pour répondre aux besoins de la population de la Haute-Gatineau. En collaboration avec la commission scolaire, nous venons d'y construire une salle de vidéoconférence pour la dispense de cours, et on y offre actuellement un programme de deuxième cycle en renouveau pédagogique à l'intention des enseignants. Notre université est également partenaire dans l'offre de D.E.C.-bac intégré en sciences infirmières avec le collège de l'Outaouais, le collège de Saint-Jérôme et le collège Montmorency. À partir de l'automne prochain, ce nouveau programme sera offert à temps complet à Gatineau et à Saint-Jérôme et à temps partiel à Mont-Laurier et à ville Laval.

L'UQO assume donc de mieux en mieux son rôle de moteur social, culturel et économique dans une région qui mise, dans son plan stratégique de développement, sur la diversification économique et le renforcement des secteurs à fort contenu en connaissances. Nous sommes fiers de pouvoir affirmer que, depuis une dizaine d'années, l'UQO a relevé avec un succès toujours croissant le pari du développement.

Toutefois, ces efforts ont leur prix, et il reste encore beaucoup à faire. Considérons, par exemple, l'état de l'offre de programmes universitaires en Outaouais par rapport aux autres régions du Québec. L'offre de programmes universitaires en Outaouais est de loin la plus dépouillée de toutes les régions du Québec qui ont une université. Le Saguenay? Lac-Saint-Jean et la Mauricie comptent deux fois plus de programmes que l'Outaouais pour des populations sensiblement plus faibles. En proportion de la population, la Mauricie compte pratiquement quatre fois plus de programmes que l'Outaouais. Ainsi, chez nous, malgré la présence d'une population urbaine forte et dense et en pleine croissance, l'Outaouais ne dispose que d'un nombre très limité de programmes universitaires. Les disciplines des sciences de la nature et du droit, par exemple, sont complètement absentes de nos programmes; les lettres, et les sciences appliquées, et les sciences sociales y sont très peu représentées.

Ce manque de programmes se traduit par un nombre très élevé d'étudiants de l'Outaouais, soit environ 5 300 chaque année, qui s'inscrivent ailleurs et, à cet égard, MM. et Mmes les membres de la commission, le tableau qui se retrouve à la page 26 du cahier de consultation qui dit que 62 % des étudiants de l'Outaouais sont inscrits à l'UQO, est complètement faux. Ça ne tient absolument pas compte de la saignée des étudiants de l'autre côté de la frontière.

Alors, à la seule université... En effet, environ 2 000 étudiants francophones de l'Outaouais s'inscrivent à la seule université d'Ottawa et 2 000 autres dans d'autres universités au Québec. Environ 1 300 étudiants s'inscrivent ailleurs en Ontario, dans d'autres provinces ou hors Canada. Pour donner un ordre de grandeur, l'exode vers Ottawa représente à lui seul environ 40 % du volume actuel d'étudiants que compte l'UQO. En d'autres termes, les contribuables de l'Outaouais doivent payer des droits de scolarité deux fois plus élevés que les parents québécois dans d'autres régions pour permettre à leurs enfants de faire des études universitaires sans devoir s'exiler.

Les conséquences de ce phénomène sur le développement économique, social et culturel de la région sont incommensurables. Il est important de considérer, par ailleurs, que l'Outaouais est l'une des rares régions au Québec pour lesquelles on prévoit une croissance soutenue de la population au cours des prochaines décennies, soit environ 9 % de 2006 à 2021, selon l'Institut de la statistique du Québec. Lorsqu'on considère l'évolution démographique et le nombre de personnes qui doivent fréquenter des universités ontariennes actuellement en raison de la faiblesse de l'offre sur la rive québécoise, on se rend compte que le potentiel de développement de l'UQO est immense. Ceci est d'autant plus vrai quand on considère les tendances et les orientations en matière de développement économique, lesquelles sont marquées au coin de la diversification en Outaouais. Des besoins en main-d'oeuvre sont à prévoir dans les secteurs du tourisme, de l'agroalimentaire, de la foresterie et de la biotechnologie, pour ne nommer que ceux-là. Les besoins en formation universitaire chez nous n'iront qu'en s'accroissant, et le pari que doit relever l'UQO est de pourvoir à ces besoins pour la région.

Par ailleurs, l'état de sous-développement de la programmation universitaire dans l'Outaouais n'est qu'un seul exemple du sous-investissement dont souffre la région en matière de ressources en recherche et d'innovation. Considérons, par exemple, le nombre de professeurs-chercheurs. En Outaouais, le nombre de professeurs-chercheurs est de quatre par 10 000 habitants. C'est le taux le plus bas de toutes les régions du Québec qui ont une université. En comparaison, la région de Québec, ici, où on siège aujourd'hui, qui présente un profil sociodémographique souvent comparé à celui de l'Outaouais, compte 23 professeurs-chercheurs par 10 000 habitants. On peut parler pour l'Outaouais d'une réelle absence de masse critique, ce qui a des incidences directes sur le dynamisme de la recherche et sur les capacités de l'université à remplir sa mission de service à la collectivité et de transfert des connaissances.

Une autre donnée significative est le niveau de dépenses publiques en éducation par habitant dans l'Outaouais, qui encore une fois ? je m'excuse de me répéter ? est le plus bas de toutes les régions qui comptent une université au Québec. Il est de 40 % inférieur au niveau de dépenses que l'on trouve dans la région de Québec: concrètement, une dépense de 1 361 $ par habitant en Outaouais comparativement à une dépense de 2 289 $ par habitant dans la région de Québec. Il en va de même des investissements privés en recherche-développement par habitants qui, en Outaouais, sont de 80 % inférieurs à la moyenne québécoise.

Ces quelques données indiquent qu'il reste beaucoup à accomplir afin de doter Gatineau et l'Outaouais des ressources adéquates pour relever le défi de la société du savoir. À cet égard, l'UQO se montre très dynamique et assume son leadership au niveau régional, mais elle demeure encore clairement une université qui est à bâtir.

n(12 heures)n

En effet, la dynamique de l'UQO en est une de construction et de développement, et il lui faut encore ouvrir de nouveaux secteurs, ce qui représente des développements majeurs et des investissements substantiels. L'UQO est la seule université au Québec qui en soit encore à l'étape de développer sa base de programmes. Or, comme nous l'avons évoqué plus tôt, les efforts de développement ont un prix. Il est important de comprendre que la mise sur pied d'un nouveau programme dans un secteur disciplinaire est relativement aisée lorsqu'on dispose déjà d'une base étendue de programmes dans ce même secteur. La situation est tout autre lorsqu'on doit mettre sur pied de nouveaux programmes dans de nouveaux secteurs, et, à ce chapitre, l'Université du Québec en Outaouais est toujours la plus défavorisée des universités du Québec.

Le réinvestissement des dernières années a permis à l'UQO de poursuivre son développement mais n'aura pas permis à l'université, jusqu'ici, de retrouver l'équilibre budgétaire. Comme nous l'avons fait valoir dans notre rapport de suivi au contrat de performance, la croissance très forte de la fréquentation étudiante au cours de la période 1999 à 2002 a été accompagnée de mesures serrées de contrôle budgétaire qui ont contribué à diminuer encore davantage le niveau relatif de dotation en personnel de notre université, tandis que le niveau des dépenses non salariales par étudiant a diminué de façon significative. Ainsi, tout en réussissant à se développer et à croître, notre université a pratiqué une gestion rigoureuse de ses ressources dans un contexte où elle était déjà sous-dotée et sous-développée au plan des infrastructures. En effet, notre université demeure la moins bien pourvue de toutes les universités en région du réseau de l'Université du Québec en ce qui a trait au nombre de professeurs et au nombre de personnels administratifs. Par ailleurs, l'université souffre d'un sérieux manque d'espace, un problème qui ne cesse de s'aggraver.

En résumé, donc, l'Université du Québec en Outaouais est sise dans une région qui connaît un grand dynamisme économique et démographique et elle a pris, depuis une dizaine d'années, avec sa région, le pari du développement. L'UQO élargit sa programmation, intensifie les partenariats ainsi que sa présence sur son territoire. Elle développe ses infrastructures de recherche en collaboration avec d'autres organismes et établissements. L'UQO aspire à devenir un établissement universitaire relativement complet, en mesure d'assumer pleinement son rôle de leader social et économique dans les territoires qu'elle dessert. Toutefois, un tel défi ne peut être relevé que si le gouvernement du Québec reconnaît la spécificité de l'UQO en tant qu'établissement dont la fondation même n'a pas été achevée. En particulier, les développements dans de nouveaux secteurs disciplinaires ne peuvent être adéquatement financés sur la base des règles courantes de financement des universités.

L'état actuel de sous-dotation de notre université et les difficultés financières auxquelles elle est confrontée reflètent, selon nous, une inadéquation dans les modes de financement, et ce, sous deux aspects. D'une part, la formule de financement elle-même ne tient pas suffisamment compte des différences entre les réalités des grands et des petits établissements, en particulier des effets de taille qui génèrent des économies d'échelle très variables dans le réseau des universités. La formule est également très désavantageuse pour les établissements comme nous qui comptent une forte proportion d'étudiants dans les disciplines les moins bien financées telles que les sciences administratives et les sciences de l'éducation.

D'autre part, le développement doit être appuyé par des mécanismes distincts et adaptés aux différents niveaux de maturité des établissements. Le financement actuel est, en général, basé sur une logique de vitesse de croisière qui s'applique à quasi l'ensemble des universités québécoises, mais c'est une logique qui ne convient pas au contexte de développement majeur et de construction qui est celui de l'UQO.

L'objectif de rétablir l'équilibre entre la situation financière des universités québécoises et celle des autres provinces est prioritaire; celui de rétablir une équité entre les universités québécoises l'est certainement tout autant. Ainsi, nos recommandations sont à l'effet que, en plus du rattrapage général qui doit se faire pour permettre aux universités québécoises de demeurer concurrentielles, c'est-à-dire le réinvestissement de 375 millions de dollars récurrent, il faut ajuster les mécanismes de financement pour tenir compte des ressources nécessaires pour assurer le développement des régions. La formule de financement doit être ajustée en fonction des effets de taille, et on doit prévoir des mécanismes spécifiques de financement permettant le développement majeur, c'est-à-dire le démarrage d'activités dans de nouveaux domaines disciplinaires. Je vous remercie beaucoup de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Whyte. On est rendu maintenant à 12 h 7. Alors, je propose deux blocs de 15 minutes. Alors, j'aurais besoin d'un consentement pour un léger dépassement; on va terminer vers 12 h 37. Est-ce que ça va? Et, sur ça, la première question est à vous, M. le ministre.

M. Reid: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. le recteur. Peut-être une petite précision pour être sûr que je comprends bien votre intervention. Au niveau du document, page 26, tableau 28, quand vous disiez tout à l'heure que le chiffre était faux, évidemment, le chiffre correspond évidemment aux données réelles quand on tient compte des étudiants inscrits dans les universités québécoises, mais ce que vous soulignez, c'est que le chiffre ne... si j'ai bien compris, c'est que le chiffre ne montre pas l'effet, enfin le phénomène qui existe pour vous, à savoir qu'il y a des étudiants qui sont québécois ou résidents québécois, mais qui s'inscrivent ailleurs. Ce n'est pas montré dans le tableau, comme ça ne l'est pas d'ailleurs pour ceux qui vont au Nouveau-Brunswick, par exemple, ou pour les étudiants anglophones de Montréal qui étudient en Ontario ou ailleurs. Mais effectivement c'était le sens de votre remarque plutôt que d'une erreur dans les chiffres, si je comprends bien.

M. Whyte (Francis R.): C'est exactement ça, M. le ministre...

M. Reid: D'accord.

M. Whyte (Francis R.): ...mais je veux juste souligner que ce phénomène est majeur pour l'Université du Québec en Outaouais, ce n'est pas marginal, là.

M. Reid: Oui, oui. Non, je comprends bien.

M. Whyte (Francis R.): Donc, il y a une distorsion.

M. Reid: Je comprends bien, je comprends bien. Et loin de moi l'idée de marginaliser ça, mais c'était juste pour qu'on se comprenne bien, parce que le mot «faux», parfois, ça veut dire qu'il y a une erreur de calcul, et je voudrais en être sûr, qu'il n'y en ait pas.

Mais, là-dessus, sur le fait que vous avez une problématique peut-être plus intense que dans d'autres régions là-dessus, là où ça existe, vous mentionnez qu'il serait important ? et vous venez de le réitérer ? d'ajuster les mécanismes ou de créer des mécanismes particuliers de financement qui pourraient effectivement tenir davantage compte de la situation de l'UQO et, en particulier, bon, une université jeune.

Vous parlez de niveau de maturité. Vous parlez du fait que c'est la métropole d'une région pour laquelle il n'y a pas uniquement la capitale nationale, mais aussi des régions plus rurales, et aussi la nécessité d'une comparabilité à cause de la concurrence effectivement avec les universités ontariennes, concurrence pour les étudiants, mais aussi, pour les embauches de professeurs, avec les universités qui sont vos voisines. Vous parlez aussi de coûts historiques ? on en a parlé, ce matin, plus tôt, avec un de vos collègues de HEC ? au niveau administration et éducation. Effectivement, c'est assez intéressant comme élément explicatif aussi.

Ma question est liée au fait que ? et vous l'avez souligné ? s'il y a un ajout d'argent, comment est-ce que cet ajout-là se répartit. Et il y a des travaux qui se font sur une grille de répartition actuellement entre les universités et le ministère de l'Éducation, et il est clair que, si on parle, par exemple, des coûts historiques en administration et en éducation, que cette problématique-là est couverte par la grille, par l'analyse ou le travail qui se fait sur la grille.

Par contre, est-ce que... Mises à part des interventions ponctuelles, je pense que c'est de l'ordre de 4 millions pour l'université, pour l'UQO au niveau de sa mission régionale, également au niveau de la taille de l'université. Au-delà de ça, quand vous parlez de tenir compte d'une université plus jeune ou d'un niveau de maturité différent entre les universités, du fait que donc il y a une mission régionale et puis qu'il y ait cette problématique peut-être particulière et exceptionnelle par rapport à l'ensemble du Québec, ailleurs que chez vous, est-ce que ces discussions-là... vous pensez à des mécanismes qui devraient être discutés ou qui sont discutés dans les négociations actuelles et les discussions entre les universités et avec le MEQ ou si vous pensez à des interventions ponctuelles spécifiques en dehors de ces discussions-là?

M. Whyte (Francis R.): Je pense qu'il y a un ensemble de facteurs qui sont interreliés si je prends les divers aspects que vous avez évoqués. Et je n'ai pas vraiment fait référence à des questions historiques, là. J'aurais pu le faire, mais je ne l'ai pas fait.

n(12 h 10)n

M. Reid: Bien, vous n'avez pas mis le mot «historique», mais vous dites tantôt: Puisque c'est les disciplines les moins bien payées. Et, nous, on a eu à plusieurs reprises, dont ce matin, une explication approfondie de raisons historiques pour lesquelles ces disciplines-là ne sont peut-être pas aussi bien payées.

M. Whyte (Francis R.): Ah! Je comprends, je comprends.

M. Reid: Voyez-vous? C'est ça, je fais le lien avec cette chose-là.

M. Whyte (Francis R.): C'est évident que cette question-là des disciplines les moins payées a un effet très important sur l'UQO, là. Il y a presque, je pense, de mémoire, si on prend sciences de l'administration et sciences de l'éducation, entre 60 % et 70 % des étudiants qui sont là, là-dedans, autant au deuxième cycle qu'au premier cycle. Et ce que nous avons pu constater, c'est que, malgré des augmentations de clientèle, parfois, on a subi une saignée importante d'argent parce que le niveau de pondération a baissé parce que les augmentations sont en grande partie dans ces disciplines moins bien payantes. Nous avons, par exemple, presque 500 étudiants dans la maîtrise en gestion de projets. C'est le plus grand programme au Canada et c'est effectivement une masse énorme d'étudiants au deuxième cycle qui sont justement dans une discipline qui est parmi les maîtrises les moins bien payées. Et ce qui arrive dans ce cas-là, c'est que l'ensemble des coûts d'infrastructure de l'université sont portés en grande partie par des étudiants qui sont les moins bien payés, alors que, dans des universités qui sont mieux équilibrées, même si dans d'autres disciplines, c'est évident, ça coûte plus cher, là, ces coûts sont portés par l'ensemble du corps étudiant dont certains sont très bien financés et d'autres moins. Ça, c'est un problème majeur.

En ce qui concerne la problématique de développements majeurs, je pense que, ça, c'est quelque chose qui est plutôt de l'ordre de discussions ponctuelles dans des domaines précis, mais ça exige, dans le concept du financement de l'université, que ce concept-là existe, l'idée que, quand vous démarrez un nouveau secteur là où l'université n'est absolument pas présente aujourd'hui, que ça prend un financement spécial. Et, actuellement, on n'a pas trouvé qu'il y avait énormément de possibilités de ce côté-là. Ça fait plusieurs années que nous essayons, chez nous, de démarrer en foresterie parce que les besoins, surtout dans les secteurs ruraux de l'Outaouais et dans les Hautes-Laurentides, sont énormes, surtout du côté de la forêt feuillue, là, qui est un domaine qui n'est pas actuellement occupé, si je peux l'exprimer ainsi, et les difficultés de démarrer ça sont énormes. On a fait beaucoup... Comme je l'ai dit dans ma présentation, nous avons fait beaucoup de progrès justement avec des partenariats de la région, mais on arrive au bout de ces possibilités-là. Et ça va nous prendre la collaboration du ministère de l'Éducation, peut-être aussi du ministère du Développement régional et de la Recherche, mais ça prend une ouverture du gouvernement à voir que vous ne pouvez pas faire ce genre de développement là avec des économies à la marge.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Maskinongé.

Mme Gaudet: Bonjour. Merci de votre présentation. Alors, vous mentionnez dans votre mémoire que la situation du financement de la formation en sciences infirmières est un cas particulièrement frappant de l'inadéquation entre les règles de financement et les coûts réels de la formation. Est-ce que vous pourriez développer davantage, là, sur ce point?

M. Whyte (Francis R.): La question de la formation en sciences infirmières est un vrai casse-tête, là, c'est très difficile. Les coûts actuels sont de l'ordre de 1 250 $ par stage de trois crédits en plus des coûts de l'encadrement académique régulier. Il faut dire que ce problème-là est plus difficile en Outaouais qu'ailleurs au Québec à cause de la situation très, très, très difficile vécue par les établissements sociosanitaires de la région en termes de personnel. Par exemple, lorsque nous avons exploré la possibilité d'ouvrir ce programme-là à Saint-Jérôme, le D.E.C.-bac intégré en sciences infirmières, les coûts seront sensiblement moins à Saint-Jérôme que ce que nous encourons en Outaouais parce que les établissements à Saint-Jérôme ont plus ? ou dans la région, en général, de Saint-Jérôme ? ont plus de disponibilités, semblerait-il.

Nous allons reprendre les discussions avec les... Oh! je devrais ajouter d'ailleurs que la tendance cependant est à la baisse. On a réussi... En 2002-2003, le coût était de 1 250 $ par stage, 2004-2005, là, ça tourne plutôt autour de 955 $. Donc, on a réussi à commencer à ramener ce coût-là, mais il reste très, très onéreux pour l'université. Il y a eu toutes sortes de discussions autour de ces questions-là avec le ministère de l'Éducation, avec le ministère de la Santé et des Affaires sociales, avec la régie régionale ou l'ancienne régie régionale, avec les établissements de la région, mais il semble être extrêmement difficile de trouver une solution à ce problème-là.

Mme Gaudet: Vous recommandez que votre université bénéficie de ressources qui se comparent, en proportion, à celui des établissements d'enseignement et de recherche de la rive ontarienne. Quelle est votre position sur les droits de scolarité, puisque la politique de l'Ontario à cet égard est assez différente de celle de la situation québécoise?

M. Whyte (Francis R.): Oui, madame.

Le Président (M. Kelley): ...question facile.

Mme Gaudet: Question facile.

M. Whyte (Francis R.): Premièrement, c'est évident que, encore une fois, comme il arrive très souvent, l'UQO est dans une situation assez particulière en ce qui concerne les frais de scolarité, parce que, si je parle comme recteur et administrateur, c'est évident que, si les frais de scolarité au Québec rejoignaient la moyenne canadienne, ça ne nous aiderait absolument pas dans notre mission de retenir en sol québécois les étudiants québécois. Donc, je pars nécessairement de ce point de vue là.

En ce qui concerne la question générale des frais de scolarité, j'ai indiqué que je souscris aux recommandations qui sont dans le mémoire de l'Université du Québec. Donc, nous ne prônons pas, comme université, la hausse des frais de scolarité.

Cependant, moi, ma position sur ça, c'est que la question de la gratuité des études, à quelque niveau que ce soit ou le niveau où on situe les frais, c'est effectivement, comme il a été dit plus tôt ce matin, un choix social qui relève du gouvernement. Moi, je suis personnellement d'accord avec le choix social que le gouvernement a fait. Je crois cependant qu'il faut avoir les moyens de payer les choix sociaux. Puis c'est évident que, quand vous parlez de nous face à l'Ontario et on parle de mettre les universités, les ressources des universités québécoises au niveau des universités ontariennes, là, ce qui est l'étude qui a été faite, nous, on vit cette problématique-là chaque jour. Et, quand on parle de la différence des frais de scolarité, c'est vrai, sauf que, nous, on voit des agents de l'université d'Ottawa qui arrivent à offrir aux meilleurs étudiants dans nos écoles secondaires des bourses de 10 000 $, ce qui nous dépasse complètement. Et d'ailleurs le... Donc, les... comme il est le cas dans le cas des États-Unis, plusieurs des universités ontariennes ont trouvé le moyen, à partir d'un système d'aide financière, d'un système de bourses, la façon de pallier un peu aux inconvénients que pourrait leur causer cette question de frais de scolarité quand, eux, ils sont en milieu frontalier.

Mais c'est évident que, même si l'effort fait par le gouvernement du Québec est supérieur à l'effort fait par le gouvernement de l'Ontario en ce qui concerne le financement des universités, le niveau de revenus dont bénéficient les universités ontariennes est de loin supérieur à ce que nous avons à l'UQO, et on vit cette réalité-là de façon très pénible chaque jour.

Le Président (M. Kelley): On a une demande de notre collègue de Papineau de poser une question. Ça prend le consentement parce qu'il n'est pas membre, j'imagine.

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): La parole est à vous, M. le député de Papineau. Il vous reste à peu près trois minutes.

M. MacMillan: Merci de me donner la permission de poser des questions. J'ai vu que c'était difficile pour l'opposition de me donner la permission. Bienvenue, M. Whyte. Bienvenue à l'Assemblée nationale...

Le Président (M. Kelley): ...la question à ma droite, alors...

M. MacMillan: Ils n'ont pas le choix, comme président de caucus... Bienvenue chez nous, M. Whyte... et toujours plaisir de vous voir et de profiter de l'occasion de vous remercier. Je pense que beaucoup de gens... mais qu'ils ne savent pas votre implication sociale dans notre région. J'ai toujours été, depuis... En tout cas, je connais depuis nombre d'années... Votre implication côté social, développement économique est très importante, et je veux vous remercier, de la part de mes collègues, de votre participation.

Il y a quelque chose qui m'a frappé tantôt dans votre présentation: le nombre d'étudiants du Québec qui vont à l'Université d'Ottawa. Il y a un exode énorme. Vous avez parlé, je pense, au-delà de 5 000 étudiants, en plus des gens... pas seulement l'Université d'Ottawa, mais un 1 200, 1 300 dans d'autres provinces. Est-ce que vous pensez... J'aurais deux volets: la première, est-ce que... Il y aurait une augmentation de programmes à l'UQO, est-ce qu'une bonne partie... pas une bonne partie, mais un certain pourcentage de ces gens-là reviendraient vers l'Université du Québec dans l'Outaouais? Et, peut-être pour finir, me dire, quand qu'on parle de manque d'infrastructures à l'université, chez nous, à peu près, c'est quoi qu'il manque pour qu'on pourrait atteindre peut-être... ou rejoindre les autres universités au Québec?

n(12 h 20)n

M. Whyte (Francis R.): Premièrement, je voudrais juste apporter une précision, parce que je ne veux pas non plus être accusé d'alarmisme, là, ou d'autre chose. C'est parce que l'UQO attire aussi des étudiants d'autres régions du Québec. Je pense que ceci est très bien illustré d'ailleurs sur le tableau à la page 26 de ce document-là. Et je dirais même que notre pouvoir d'attraction d'autres régions du Québec augmente parce qu'on commence à avoir de plus en plus certains programmes qui ont acquis une renommée au niveau de la province, et je m'en réjouis, et je pense qu'il y en aura d'autres. Donc, c'est...

Mais il reste qu'il y a un exode très important d'étudiants vers l'Ontario. Pour moi, l'exode des étudiants qui veulent aller dans d'autres régions du Québec, je pense que c'est un peu normal, moi, je ne m'élève pas du tout contre ça. Comme j'ai dit, il faut qu'on fasse notre part pour avoir des étudiants d'autres régions chez nous, et ça, c'est enrichissant pour le Québec. Mais l'exode vers l'Ontario n'est pas enrichissant pour le Québec, c'est quelque chose qui porte des coups à notre développement économique. Je n'ai pas à vous peindre un portrait détaillé: très souvent, ces étudiants-là, leur lien professionnel, ils le font en Ontario, ils finissent par épouser des Ontariennes, ils s'établissent en Ontario. Toute l'infrastructure de recherche, des professeurs, des laboratoires qui est construite pour leurs... c'est là-bas, et les implications économiques de ce phénomène-là sont très considérables même si elles n'ont pas été chiffrées de façon détaillée.

Votre question: Est-ce que l'augmentation de la programmation va apporter un remède à ça? C'est évident, je pense que oui. Je veux dire, on va juste dire qu'on n'a aucun programme en sciences de la nature, donc c'est évident en partant que tout étudiant qui a un intérêt de ce côté-là doit s'en aller ailleurs, puis normalement ils vont aller en Ontario. Alors, on a un seul programme de génie qu'on a implanté en 1998, mais c'est nettement insuffisant, là, pour créer un pôle d'intérêt pour les gens qui s'intéressent aux sciences appliquées, par exemple. Donc, il y a une insuffisance au niveau de l'offre de programmes, et on ne peut pas blâmer les étudiants québécois, là, qui s'en vont de l'autre côté de la rive parce que les programmes ne sont pas chez nous.

Quand on regarde les programmes que nous avons, le taux de rétention des étudiants québécois est raisonnable. Ça pourrait être amélioré, mais c'est raisonnable. Mais on est une très jeune université, puis, au fur et à mesure que notre réputation se fait, qu'on a plus de diplômés, qu'on est connu, ce phénomène-là, à mon avis, va se résorber de façon satisfaisante. En d'autres termes, je pense que le courant de l'histoire est avec nous dans ce débat-là, mais il faut continuer à... mais il est parfois nécessaire d'orienter l'histoire aussi, hein, c'est...

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à mon tour au nom de ma formation politique. Je n'en ai pas parlé au groupe précédent, M. le Président, mais j'ai déjà enseigné à l'Université du Québec, qui s'appelait à ce moment-là l'Université du Québec à Hull, comme chargée de cours d'ailleurs. Alors, je peux témoigner d'une certaine expérience et j'ai vécu en Outaouais une très belle expérience au début de ma carrière et dont je garde un souvenir exceptionnel. Bon.

Revenons maintenant aux questions plus concrètes. Je vais reprendre là où a laissé le député de Papineau, sur la diversification des disciplines que vous souhaiteriez... à laquelle vous souhaiteriez procéder, diversification dans différents champs de formation. J'aimerais savoir lesquels spécifiquement. Et, d'autre part, est-ce que c'est en lien avec, entre autres, l'entente-cadre que vous avez signée... en fait, que la région a signée, qui a été conclue, là, en 2000 ? vous y faites référence dans votre mémoire ? avec comme objectif de faire de la région un pôle de développement de la connaissance et du savoir.

J'ai une sous-question à ça: est-ce que le fait que, par exemple, les organismes de concertation comme les CRD aient disparu... est-ce que ça ne risque pas de rendre un petit peu plus difficile ce développement d'ententes-cadres et d'identification de créneaux d'excellence pour l'Université du Québec en Outaouais?

M. Whyte (Francis R.): Merci, madame. Brièvement, les grands domaines, il y a d'abord évidemment les technologies langagières où on a déjà réussi une implantation avec l'aide du Conseil national de recherches du Canada. Ensuite, il faut absolument que l'université s'établisse dans le domaine des sciences naturelles, là, c'est très important, et aussi dans le domaine de la forêt feuillue. Alors, il y a un lien entre ces deux-là, mais il reste que ces deux choses-là sont des défis de taille qui exigent des investissements, des partenariats et des appuis importants. Mais, à mon avis, ces deux secteurs-là sont très importants pour la région, sont très importants pour l'université. Et, dans notre plan de développement jusqu'à 2012, ce sont les deux grands secteurs qui sont identifiés comme secteurs nouveaux. Il y a plusieurs autres développements reliés, comme dans toutes les universités, à ce que nous faisons déjà, mais c'est surtout ces deux grands secteurs.

Par rapport à l'entente-cadre de développement de l'Outaouais, quand nous avons fait notre contrat de performance, nous avons pris la peine de relier chaque objectif de développement à l'entente-cadre de développement de la région. Donc, oui, il y a des liens importants. Il y a des liens importants aussi avec les projets ACCORD. La région a retenu, par exemple, la foresterie et les technologies langagières comme deux priorités de la région en ce qui concerne les projets ACCORD. Et, quand l'entente-cadre de développement a été faite, les technologies langagières n'existaient pas comme concept, là; c'est très récent, cette idée-là. Donc, ce n'est pas mentionné comme tel dans l'entente-cadre, mais c'est bien arrimé avec tout le désir justement de l'entente-cadre de faire de l'Outaouais un pôle du savoir, et il n'y a pas de doute que le Centre de recherche en technologies langagières va être un élément majeur à l'atteinte de cet objectif-là.

En ce qui concerne le CRDO, qui est devenu défunt il y a deux jours, et la Conférence régionale des élus qui le remplace, moi, j'ai été à l'exécutif du Conseil régional de développement. L'université va être présente au niveau de la Conférence régionale des élus en termes de membres pour représenter le secteur science et le secteur éducation. Donc, les liens avec ces organismes de développement de la région vont être maintenus, je pense, de façon serrée avec l'université.

J'ai présidé, pendant un an et demi, le comité de décentralisation qui a fait suite au Rendez-vous national des régions, là, et nous avons élaboré un projet de décentralisation qui vise surtout à donner à la Conférence régionale des élus une infrastructure qui permet à la conférence... ou qui permettrait, si c'est accepté, à la Conférence régionale de mieux s'arrimer ou de s'arrimer le plus possible avec les organismes de la région et les organismes communautaires, les OSBL, etc., de la région. Donc, je pense que la possibilité est là pour la Conférence régionale des élus de prendre des positions dynamiques dans ce domaine-là, mais il est trop tôt pour se prononcer là-dessus. C'est une structure qui n'est pas vraiment en place, là, et il faut voir l'évolution de ça.

Mme Marois: Vous allez me permettre évidemment un commentaire sur lequel je ne vous demanderai pas de répondre, mais on conviendra que le processus de planification stratégique donnait des résultats particulièrement intéressants en termes de mobilisation et de concertation entre les différents partenaires impliqués dans le développement, et vous êtes un exemple à cet égard comme l'un des partenaires ayant particulièrement stimulé cette réflexion et l'identification de créneaux propres à votre région.

Vous parlez des problèmes d'infrastructures ? le député de Papineau a aussi soulevé la question, mais vous n'y êtes pas revenu ? le problème des infrastructures chez vous parce que vous êtes sur deux campus. Et il y a aussi cette nécessité de rendre disponibles, par la formation continue, j'imagine, des formations, entre autres, dans toute la grande région. Je pense à la grande région au nord de la région en allant vers Maniwaki, vers le Pontiac où on sait qu'il y a des problèmes de développement assez cruciaux, et la Lièvre, la Petite Nation où il y a là des entreprises et des industries qui sûrement, dans le domaine, entre autres, de la foresterie, peuvent être particulièrement intéressées par votre offre de service. Est-ce qu'à ce niveau-là vous avez des besoins spécifiques qui ont été identifiés ou vous avez des attentes particulières à l'égard d'un support au financement et à l'investissement dans les infrastructures?

n(12 h 30)n

M. Whyte (Francis R.): Je pense que ces questions-là sont interreliées. Oui, c'est un grand défi pour nous, l'occupation du territoire. Moi, je ne sous-estime pas du tout les difficultés dans d'autres régions, là, que j'ai vues moi-même aussi. La difficulté dans l'Outaouais, c'est qu'on a une population ? bien, si je prends juste la partie outaouaise, là ? qui est à peu près 300 000, mais c'est 275 000 à la ville de Gatineau. Puis, à part ça, là, c'est des collectivités extrêmement réduites, ce qui veut dire que c'est très, très difficile, sur l'ensemble de ce territoire-là, de réunir des groupes que je pourrais appeler, entre guillemets, rentables pour offrir un service, et c'est une partie de la raison pour laquelle nous avons trouvé ça, dans l'état de nos ressources actuelles, un peu plus facile de développer notre centre à Mont-Laurier, parce que, autour de la MRC Antoine-Labelle, la population est un petit peu plus concentrée. Et, avec l'aide du cégep de Saint-Jérôme et les infrastructures qui étaient déjà là, nous avons réussi à faire un développement à Mont-Laurier qui est intéressant, et je pense qu'il a eu un impact important même maintenant, là, sur ce qui se passe dans la MRC Antoine-Labelle.

En partie, le centre de Mont-Laurier aide aussi la Haute-Gatineau. Donc, il y a eu un impact sur l'Outaouais aussi. À Maniwaki, nous avons réussi aussi à offrir des cours qui ont été raisonnablement corrects au niveau des ressources, etc. Mais, si je prends l'ensemble de la MRC Pontiac, là, les grandes parties de la MRC Papineau, l'état des ressources de l'université nous permettent difficilement de nous adresser à ces difficultés-là. On en est très conscients, de ça.

Donc, oui, je pense que ce que l'université a besoin, c'est d'une injection de ressources de façon générale qui nous permettraient de nous occuper de ces fonctions-là ainsi que du développement de la recherche, par exemple, qui est... malgré les développements énormes que nous avons faits, on est encore, là, l'une des universités dont les indicateurs de recherche sont les plus pauvres, et ce, dans une région qui vise sur la haute technologie puis la diversification économique.

Donc, il y a plusieurs problèmes d'infrastructure à l'UQO, mais tout est relié, dans un sens, au niveau général de nos ressources. La question d'être réparti sur deux campus est quand même importante. Ce n'est pas efficient. Ça divise un corps étudiant qui n'est déjà pas énorme, là, en deux parties qui... Donc, il n'y a pas d'interaction. Il y a deux cultures qui... On vit cette réalité-là aussi difficilement. Il faut dire que c'est mieux que sept sites qu'on avait avant, mais c'est évident que le dynamisme de l'université serait beaucoup plus considérable si on était sur un seul site.

Mme Marois: Merci. Mon collègue voudrait poser une question, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. M. Whyte, ça me fait plaisir de vous saluer à mon tour. C'était très intéressant d'entendre votre présentation et aussi les réponses que vous apportez aux questions de mes collègues, puisque vous vivez les problèmes à la fois d'une région urbaine, d'une agglomération urbaine quand même importante avec la concurrence avec d'autres centres universitaires, mais, en même temps, vous vivez des problèmes attribuables à une région qui est quand même assez vaste et dont la population est très répartie sur un immense territoire. Alors, de vous entendre parler des problématiques de la formation continue, c'est extrêmement intéressant. Et aussi je dirais que vous vivez les problèmes attribuables à un jeune établissement, puisque ça existe depuis 1981.

Alors, moi, quand je regarde, M. Whyte, la situation de votre université, dans le fond, ce n'est pas aussi désespéré que certaines régions du Québec ou certains centres universitaires dans certaines régions du Québec. Par exemple, la question du transfert, du départ vers l'Ontario, je suppose que la situation s'est améliorée un peu depuis 1981, puisqu'il n'y avait pas d'université francophone de l'autre côté de la rivière. Donc, je suppose qu'ils allaient presque tous de l'autre bord de la rivière. J'aimerais vous entendre un petit peu là-dessus.

Quand on regarde les statistiques sur les 15 ans et plus qui ont un diplôme universitaire, vous êtes vraiment... assez, de façon intéressante, autour de 15 %, alors que, dans certaines régions du Québec, on est à 6 %, à 7 %, à 8 % là où on retrouve de vos collègues de l'Université du Québec. Puis aussi la démocratie... la démographie ? et la démocratie bien sûr ? mais la démographie de votre région laisse présager un avenir intéressant pour l'Université du Québec dans l'Outaouais, ce qui va rassurer le député de Papineau bien sûr.

Ma question, c'est en regard de l'attrait des formateurs, des professeurs-chercheurs. Est-ce que vous avez des problématiques particulières ou une concurrence plus forte des universités de l'autre côté de la rive pour attirer chez vous des chercheurs et des professeurs?

M. Whyte (Francis R.): Bon. C'est des questions très importantes. En ce qui concerne l'amélioration de la situation pour l'éducation des francophones, avant l'implantation de l'Université du Québec à Hull, à l'époque, là, ou le Centre d'études universitaires..., avant le rapatriement des soins de santé, l'Outaouais n'existait pas, c'était un dortoir d'Ottawa, point. Et ce n'est que depuis le rapatriement des soins de santé que l'université a commencé à retrouver une identité régionale, à retrouver le désir de se prendre en main puis de développer quelque chose. C'est neuf, ce phénomène-là. C'est récent, ce phénomène-là, et c'est ça, notre problème, comme région. C'est-à-dire, nous, on est, comme région, dans une dynamique à une étape de développement où d'autres régions ont été dans les années trente ou quarante, cette prise de conscience qu'on existait ? peut-être plus récent que ça, mais, en tout cas, bien avant nous. Et toutes nos infrastructures sont dans cette situation-là: l'université, les hôpitaux, les autoroutes, dont je ne parlerai pas, etc. C'est ça, notre dynamique.

Oui, la situation s'est améliorée, mais c'était tellement lamentable au début que c'était à toutes fins pratiques scandaleux. Et je suis très, très, très fier que, au cours de la dernière décennie... Parce que, moi, je suis en fin de mandat, donc je me sens un peu plus dégagé pour dire ce que je pense, là. Depuis 10 ans que je suis dans l'Outaouais, le progrès en termes d'identité, le progrès en termes de développement, d'orientation, de priorité est absolument énorme. Et je suis très fier que l'université a joué un rôle majeur dans cette évolution-là qui est reconnu par les instances de la région, ce dont pourrait probablement témoigner M. MacMillan. Donc, c'est...

Mais il reste qu'avec tout ça, avec tout ça, tout ce progrès qui a été fait, on a une région qui est l'une des régions qui a une... Ce n'est pas la plus démunie des populations, la région de l'Outaouais. C'est une grande ville, Gatineau. Depuis la fusion, ça a fait des progrès énormes en termes de synergie. Avec ça, on reste avec l'université la plus faible, la moins bien pourvue de ressources de toutes les universités actuellement dans les régions, si on met de côté Abitibi-Témiscamingue qui est vraiment dans une situation très différente, là, et une dynamique différente.

En ce qui concerne les statistiques sur la diplomation, moi, je l'ai dit dans ma présentation, oui, il y a des avantages énormes à notre situation et aussi des inconvénients majeurs. Mais je vous mets en garde sur l'interprétation des statistiques sur l'Outaouais, parce que l'Outaouais est, de sa nature même, un pays d'extrêmes. Alors, vous savez, la MRC des Collines est l'une des MRC les plus riches du Québec. Pourquoi? Parce qu'il y a un paquet de sous-ministres fédéraux qui demeurent à Chelsea puis autour de Cantley, là, et, quand vous sortez de là, vous êtes dans des poches de pauvreté complètement comme si vous étiez dans l'une des régions qui statistiquement figurent parmi les plus pauvres du Québec. Même à l'intérieur de la ville de Gatineau, les disparités sont énormes.

Oui, on a des taux de diplomation énormes, mais, écoutez, on a des gens... on a une population de docteurs dans certains... à Aylmer, là, dans certaines régions de l'Outaouais, extraordinaires, sauf qu'on a aussi des gens en grande quantité qui n'ont pas de diplôme secondaire. Et ça, ça crée des difficultés, parce que, chaque fois qu'on demande de l'aide pour la partie pauvre, on dit: Mais vous êtes riches! Et c'est très, très difficile donc de faire parvenir le vrai portrait de l'Outaouais. Donc, moi, je trouve qu'il y a un avenir énorme pour l'Outaouais, là, j'ai dit... j'ai un courant de l'histoire qui nous porte là-dedans, mais il y a des problèmes très considérables, très considérables.

En ce qui concerne les professeurs, oui, on a des difficultés en ce qui concerne l'Université d'Ottawa. Je pense que notre concurrence pour les professeurs est peut-être plus Montréal. Il y a un va-et-vient, là, notamment entre l'UQAM et nous, là, assez considérable. Mais je dois dire qu'il y a... la région de l'Outaouais, la ville de Gatineau a un certain attrait, là. Donc, c'est peut-être moins difficile d'engager des professeurs dans notre cas que dans certaines autres régions, mais ça reste un problème. On a actuellement 10 postes de professeurs vacants, ce qui est une bonne chose, ça renfloue notre budget, là, mais qui est moins bon pour le côté académique.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, merci beaucoup pour cette présentation passionnée sur la région de l'Outaouais. Vous êtes un bon défenseur des intérêts de votre région.

Je vais maintenant suspendre nos travaux jusqu'après les affaires courantes, cet après-midi, dans cette même salle. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 40)

(Reprise à 15 h 24)

Le Président (M. Kelley): Alors, la Commission de l'éducation reprend ses travaux sur le mandat sur les universités. On est un petit peu pressé dans le temps, on a dû adopter une motion de condoléances pour le peuple espagnol. Alors, nous nous excusons comme parlementaires.

Vu qu'il nous reste deux heures et demie, à peu près, je propose des présentations de 20 minutes et deux blocs de 15 minutes d'échange avec... alors, pour les heures de 50 minutes ? c'est comme la psychiatrie. Alors, sur ça, je vais vous céder la parole, M. Boucher.

Fédération des cégeps

M. Boucher (Gaëtan): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, bonjour. Permettez-moi de me présenter, je suis Gaëtan Boucher. Je suis le président-directeur général de la Fédération des cégeps, qui représente les 48 collèges publics du Québec. Je vous présente également les gens qui m'accompagnent: à ma gauche, le président de notre conseil d'administration, M. Maurice Carrier, qui est également le directeur général du cégep Limoilou; et, à ma droite, M. François Allard, qui est le directeur général du cégep Montmorency et qui est le président du comité qui a présidé à la préparation de ce mémoire.

La qualité et l'accessibilité des études universitaires font depuis toujours partie des préoccupations des cégeps, puisqu'ils appartiennent, comme les universités, à l'enseignement supérieur. Ils accordent donc une grande importance à l'évolution des universités, et cette commission parlementaire constitue pour nous l'occasion d'exprimer notre vision de l'ordre universitaire et d'aborder la question des liens plus étroits qui doivent exister, à notre point de vue, entre le collégial et l'université.

Le plan de développement du réseau collégial public, publié l'an dernier par les cégeps, contient d'ailleurs plusieurs pistes d'action qui portent sur la consolidation du partenariat entre les deux réseaux. Ce plan ainsi que le document de consultation préparé pour cette commission nous permettent aujourd'hui de poursuivre le dialogue avec les universités et avec tous les partenaires de l'enseignement supérieur. D'ailleurs, nous voyons cette commission parlementaire comme étant la première partie d'une réflexion collective sur l'enseignement supérieur qui se poursuivra dans le cadre du forum sur le développement du réseau collégial au printemps.

Le document de consultation décrit avec beaucoup de justesse le rôle important des universités dans le développement du Québec. C'est clair, nous pouvons être fiers de nos universités. Elles ont permis au Québec de faire d'immenses progrès économiques, culturels et sociaux au cours des 40 dernières années. Mais malheureusement ce document ne tient pas du tout compte du fait que l'enseignement supérieur est constitué ici de deux forces complémentaires, les universités et les cégeps, et que c'est l'action conjuguée de ces deux forces qui assure le développement du Québec. Cette caractéristique de l'enseignement supérieur québécois, qu'on remarque de plus en plus dans d'autres systèmes nord-américains, aurait dû, de notre point de vue, être présente tout au long du document de consultation.

D'ailleurs, la semaine dernière, l'Université Laval disait devant cette commission, je cite, que «les collèges font maintenant partie de notre vision collective de ce que doit être l'enseignement supérieur». Les cégeps et les universités ont une mission commune, et tous les grands débats sur l'éducation qui se sont tenus au Québec depuis 10 ans ont souligné que l'arrimage entre les deux réseaux constitue l'une des voies les plus prometteuses pour accroître la qualité de l'enseignement.

La réforme de l'enseignement collégial, en 1993, a situé très clairement les programmes préuniversitaires du cégep comme la première partie d'un cycle de cinq ans conduisant à l'obtention d'un baccalauréat. On disait en effet vouloir progresser vers des programmes collégiaux qui ? et je cite encore une fois ? «constituent vraiment la première de deux étapes dans un cheminement conduisant normalement au premier grade universitaire de baccalauréat». C'est depuis ce temps également que les deux réseaux travaillent ensemble au sein du Comité de liaison de l'enseignement supérieur, le CLES, pour réviser, élaborer et expérimenter des programmes préuniversitaires.

Certains modèles de collaboration existent entre les cégeps et les universités. Les problématiques liées au passage du cégep à l'université ont, par exemple, fait l'objet de travaux au CLES. Les programmes D.E.C.-bac, qui permettent aux étudiants de la formation technique de continuer à l'université, se sont multipliés, et plusieurs ententes de partenariat visant un regroupement des services ont été conclues entre des collèges et des universités. Mais, pour une plus grande efficience, on doit favoriser encore davantage l'arrimage entre les deux réseaux. Plus les cégeps et les universités travailleront ensemble, plus ils harmoniseront leurs programmes et leurs approches au lieu de les dédoubler, et mieux les ressources financières de l'État investies dans les deux réseaux seront utilisées.

Pour la suite, je cède la parole à M. Allard qui va continuer à vous faire la présentation, M. le Président. Je reviendrai à la fin pour conclure.

Le Président (M. Kelley): M. Allard.

M. Allard (François): M. le ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour. La question 8 du document de consultation fait référence à l'accessibilité aux études universitaires. Dans leur plan de développement, les cégeps ont aussi fait de l'accessibilité à l'enseignement supérieur un enjeu majeur. C'est un fait établi, l'accroissement de la scolarisation et la hausse des qualifications vont de pair avec la notion de progrès dans toutes les sociétés. Dans ce contexte, la réponse à la question nous apparaît donc évidente: oui, il faut maintenir l'accessibilité aux études collégiales et aux études universitaires, mais il faut également accroître l'accès au diplôme collégial et au diplôme universitaire en redoublant d'effort, du secondaire à l'université, pour valoriser ces diplômes et la réussite des étudiants.

Le document de consultation souligne par ailleurs, et je cite, que «les universités québécoises ont contribué à la démocratisation de l'enseignement supérieur». Nous reconnaissons évidemment l'apport des universités à cet égard, mais il faut tout de même admettre que c'est véritablement la création des cégeps, en 1967, qui a favorisé cette démocratisation et a amené un nombre considérable de jeunes et d'adultes à l'enseignement supérieur et à l'université.

n(15 h 30)n

Laissez-moi vous rappeler quelques chiffres. En 1961, le taux d'accès des jeunes d'une génération au collège était de 16 %. Et, en 1975, huit ans après l'ouverture des premiers cégeps, ce taux était passé à 39,3 %. En 1985, il était de 58,1 %, soit une augmentation de 42 % en une vingtaine d'années. Je pense que c'est considérable. On peut donc voir que les cégeps ont directement contribué à élargir l'accès à l'université.

L'accessibilité à l'enseignement supérieur doit donc être vue comme une responsabilité conjointe des collèges et des universités, et il faut pouvoir garantir l'accès aux études collégiales et universitaires partout au Québec. Pour y arriver et parce qu'il ne nous semble pas envisageable d'augmenter le nombre d'universités sur le territoire en raison des coûts et de la baisse démographique, nous croyons qu'on doit envisager de nouvelles solutions. Le plan de développement des collèges contient deux pistes d'action qui visent un décloisonnement entre le niveau collégial et le niveau universitaire.

La première de ces pistes propose d'examiner la possibilité que des collèges en région offrent eux-mêmes des éléments de formation universitaire de premier cycle reconnus par une ou des universités. D'autre provinces canadiennes ont choisi de mettre de l'avant de nouvelles collaborations entre les collèges et les universités: l'Alberta, par exemple, où les collèges communautaires offrent, en plus de la formation collégiale, une partie des programmes universitaires. Et les universités nous encouragent elles-mêmes à agir en ce sens, puisque, dans un mémoire présenté, en septembre 2002, à la Commission de l'éducation, les quatre universités montréalaises proposaient non seulement de s'inspirer de l'Alberta pour mettre en place des modèles de collaboration entre collèges et universités, mais aussi de faire en sorte que les collèges puissent offrir des baccalauréats d'études appliquées comme c'est le cas en Colombie-Britannique et en Ontario.

Et c'est là justement l'objectif de notre deuxième piste: autoriser les collèges à offrir des programmes qui conduisent à des diplômes d'études appliquées pour répondre aux exigences élevées du marché du travail et aux besoins de formation technologique supérieure dans les domaines où il n'y a pas de formation universitaire. À titre d'exemple, en Ontario, 34 baccalauréats en technologie appliquée sont offerts dans 18 collèges d'arts appliqués et de technologie depuis l'an dernier. Nous estimons donc qu'on doit examiner sérieusement ici, au Québec, ce type de collaboration qui aurait pour avantage d'ouvrir plus largement l'accès à l'enseignement universitaire en région éloignée comme dans les centres urbains.

Et cela nous amène à recommander que ces deux pistes d'action soient inscrites dans le plan de travail 2004-2005 du CLES, Comité de liaison de l'enseignement supérieur, comme objet de discussion national. Elles pourraient faire en même temps l'objet de projets expérimentaux entre des collèges et des universités.

Permettez-moi maintenant de répondre à la question 13 qui traite des mesures envisagées pour soutenir les universités en région. D'abord, nous pensons qu'il faut avant tout chercher des voies de solution qui tiennent compte du lien étroit qui unit la santé socioéconomique d'une région et l'enseignement supérieur. L'enseignement supérieur doit en effet constituer le pôle de connaissance, d'expertise et d'excellence autour duquel peuvent s'organiser tous les projets de développement. Il peut non seulement les appuyer, mais aussi les susciter. Il fournit la main-d'oeuvre, les experts, le soutien technologique, la recherche, le réseautage et la force de son propre réseau. Mais le déclin démographique et les baisses de clientèle menacent depuis quelques années la vitalité de certains établissements d'enseignement supérieur, ce qui risque d'entraîner des effets négatifs sur le plan du développement socioéconomique et culturel de leur milieu. Et les cégeps sont particulièrement touchés par ce phénomène. Entre 1996 et 2009, dans quelques années ? c'est près ? certains collèges auront connu une baisse de plus de 30 % de leur population étudiante. La baisse démographique commence aussi à affecter certaines universités en région.

Des mesures financières ont été mises en place dans les cégeps et les universités pour compenser ces baisses, mais des solutions à plus long terme doivent être appliquées. C'est pourquoi, dans leur plan de développement, les collèges proposent des pistes d'action qui visent, d'une part, le regroupement et le partage des ressources à tous les ordres d'enseignement et, d'autre part, la création ou la consolidation de créneaux d'excellence dans certaines régions ou dans certains centres urbains. On doit aussi faire en sorte que les collèges et les universités, qu'ils soient situés en région ou dans les centres urbains, puissent concevoir ensemble non seulement leur propre développement, mais aussi celui de leur milieu. Ils doivent pouvoir examiner, en tenant compte du financement et de l'offre d'enseignement supérieur, les moyens dont ils disposent ensemble pour répondre aux besoins, favoriser de nouveaux projets et contrer l'exode des individus et des entreprises. C'est un modèle qu'on doit appliquer pour la création de créneaux d'excellence, mais également dans le domaine de la recherche.

En effet, s'il est un domaine où la mise en commun des forces et des expertises est naturelle et très productive, c'est bien celui de la recherche. Dans les collèges comme dans les universités, on trouve de nombreux exemples de collaborations fructueuses entre les groupes de recherche et leur milieu. Il s'agit là d'une voie d'avenir. Les universités et les cégeps doivent, dans ce domaine plus que dans tout autre, agir comme des partenaires d'un seul et même système d'innovation. Ce sont ces partenariats et seulement ceux-là qui peuvent favoriser l'émergence de créneaux d'excellence et dynamiser le développement des milieux en mobilisant toutes les ressources techniques et professionnelles disponibles d'un bout à l'autre de la filière d'enseignement supérieur et en produisant des masses critiques de chercheurs dans chaque région du Québec.

En lien avec la question 3 du document de consultation sur les moyens à mettre en place pour amener les universités à répondre aux besoins de main-d'oeuvre, à améliorer la réussite des étudiants et à faciliter leur insertion professionnelle, nous souhaitons encore une fois proposer des solutions basées sur un meilleur arrimage des deux réseaux. De 1997 à 2000, la Commission des universités sur les programmes de la CREPUQ a mené des travaux pour examiner et rationaliser l'offre des programmes entre les universités, mais peu de programmes universitaires ont été jugés non pertinents. Est-ce qu'on ne devrait pas refaire cet exercice dans le contexte actuel pour s'assurer que l'offre de programmes répond toujours aux besoins?

Par ailleurs, si les travaux du CLES ont permis que les programmes préuniversitaires du cégep soient maintenant définis conjointement avec les universités, de leur côté, les universités agissent de façon indépendante et définissent leurs programmes de premier cycle sans consulter les collèges. À notre avis, il y a là un déséquilibre qui mène à des dédoublements improductifs sur le plan financier comme du point de vue de la formation. Pour remédier à cette situation, les universités doivent associer les cégeps à la définition de tous leurs programmes de baccalauréat, et cela pourrait se faire au sein du CLES.

Nous sommes par ailleurs prêts à regarder avec nos partenaires les moyens par lesquels on pourrait rendre cet exercice plus aisé, mais il est clair, de notre point de vue, que la collaboration doit se faire dans les deux sens et non pas à sens unique. Le recteur de l'Université Laval a jeté un éclairage pertinent sur la situation actuelle quand il est venu dire ici, et je cite: «Si les universités considéraient davantage les cégeps comme faisant partie de l'enseignement supérieur, beaucoup de problèmes seraient réglés, notamment ceux qui touchent les chevauchements entre les cours de la formation préuniversitaire au cégep et ceux de la formation universitaire.» Comme lui, nous en sommes absolument convaincus.

Par ailleurs, la question de la réussite et de la persévérance scolaire doit, à notre avis, être considérée d'un point de vue systémique. Dans un souci de transparence et d'information, chacun des trois réseaux de l'éducation doit se doter d'un ensemble d'indicateurs fiables, mis à jour annuellement et accessibles à la population. Ces indicateurs, dont les principaux seraient communs à tous les ordres, permettraient aussi de soutenir, d'un réseau à l'autre, le cheminement scolaire des étudiants et de bien cibler les interventions. Et, là encore, un arrimage plus serré entre les cégeps et les universités permettrait d'accroître les conditions favorables à la réussite des études universitaires en donnant un meilleur accès aux programmes et en facilitant les parcours scolaires. Pour illustrer la situation actuelle à cet égard, je me permets de vous poser une question: est-il normal qu'en 2004 les cégeps puissent toujours ne pas obtenir de toutes les universités québécoises les statistiques qui leur permettraient de suivre le cheminement scolaire de leurs étudiants à l'université?

Par ailleurs, en lien avec la question 12, nous croyons que l'arrimage et la complémentarité indispensables à l'enseignement ordinaire le sont tout autant au secteur de la formation pour les adultes où on remarque des dédoublements coûteux pour la société entre des formations courtes offertes au collégial et à l'université. Et, même si la politique des universités prévoyait, il y a trois ans, que les activités des universités en matière de programmes courts devaient être examinées en relation avec celle des cégeps, rien n'a encore été fait à ce sujet. La Fédération des cégeps souhaite vivement que cette commission parlementaire soit enfin l'occasion de régler cette situation qui est inacceptable dans un contexte où les établissements font face à une diminution des ressources.

n(15 h 40)n

Nous avons donc des attentes doubles en ce qui concerne la formation continue. Il faut, premièrement et rapidement, mettre en place un mécanisme de concertation relevant du CLES qui aurait pour mandat de dresser un portrait exhaustif de l'offre de formation continue dans les cégeps et les universités, d'en faire l'analyse et de proposer des avenues de rationalisation dans le respect des missions respectives des deux réseaux. Deuxièmement, il faut harmoniser les modes de financement de la formation courte dans les cégeps et les universités. Les cégeps doivent pouvoir compter, eux aussi, sur une enveloppe ouverte pour répondre aux besoins de tous les étudiants, y compris les étudiants à temps partiel.

Je voudrais maintenant dire quelques mots au sujet de la dimension internationale de la formation. À notre avis, l'État doit soutenir les établissements d'enseignement supérieur dans leurs efforts pour enrichir leurs programmes et favoriser la mobilité de leurs étudiants à l'étranger, mais aussi la mobilité des enseignants et des chercheurs. Il doit aussi favoriser le recrutement des étudiants étrangers, et la seule voie possible pour améliorer la situation, c'est de déréglementer les droits de scolarité des étudiants étrangers pour permettre aux cégeps d'en recueillir et d'en accueillir davantage. C'est une demande que les universités ont aussi adressée au gouvernement. Il est évident que nous les appuyons dans cette démarche. Nous nous attendons d'ailleurs à ce que la solution retenue pour les universités serve de base aux discussions pour le réseau des cégeps également. Si vous voulez bien, je vais maintenant rendre la parole à M. Boucher qui va conclure notre présentation.

M. Boucher (Gaëtan): Alors, avant de conclure, M. le Président, je voudrais dire quelques mots sur la question incontournable du financement. Il y a un peu plus d'un an, quand le gouvernement a annoncé la tenue d'une commission parlementaire sur le financement des universités, nous avons demandé qu'on examine plutôt le financement de l'enseignement supérieur dans son ensemble, donc celui des collèges. Comme on le sait, le gouvernement a plutôt décidé d'élargir la commission sur les universités autour des thèmes que l'on connaît et d'annoncer un forum sur l'enseignement collégial pour le printemps. Nous continuons de penser que la question du financement des collèges et celle du financement des universités ne peuvent pas être dissociées pour toutes les raisons que nous avons déjà abordées dans notre mémoire.

Nous l'avons entendu depuis le début de cette commission, il est clair qu'il y a un problème de financement dans l'enseignement supérieur, et nous croyons que la responsabilité de proposer des solutions à cet égard revient à l'État lui-même. S'il ne peut plus financer l'enseignement supérieur à un niveau adéquat et que des solutions nouvelles doivent être envisagées, c'est à lui d'en faire la démonstration et de proposer de nouveaux modèles dont il faudra pouvoir débattre. Au-delà des solutions nouvelles que nous pourrions explorer, il est clair que des économies pourraient être réalisées à travers une gestion plus efficiente des ressources consacrées à l'enseignement supérieur basée sur des arrimages et des partenariats plus affirmés entre les collèges et les universités. En apportant les modifications que nous avons proposées, nous pourrions dégager des ressources qui seraient réinvesties dans les deux réseaux, et cela pourrait être fait à très court terme.

Par ailleurs, le gouvernement fédéral a annoncé récemment qu'il compte bonifier l'aide financière aux étudiants. Si cela se concrétise dans le prochain budget fédéral, il est sûr et certain, de notre point de vue, que le même type de règlement qui est intervenu entre Québec et Ottawa dans le cadre des bourses du millénaire devra s'appliquer en tenant compte du poids financier du réseau collégial public qui représente tout près de 23 % de l'aide financière totale accordée au Québec à nos étudiants selon les derniers chiffres du ministère de l'Éducation.

En terminant, j'aimerais simplement rappeler que les universités et les cégeps jouent tous deux un rôle stratégique dans le développement de la société québécoise. En joignant nos forces, nous répondrons mieux aux besoins des étudiants et nous servirons encore mieux le Québec dans son évolution comme société du savoir. Cette volonté de travailler ensemble est d'ailleurs très présente dans le plan de développement des collèges, et c'est dans cette perspective également que nous aborderons la deuxième étape de cette grande réflexion sur l'enseignement supérieur au Québec, le forum sur le développement du réseau collégial. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Boucher. La parole est maintenant à vous, M. le ministre.

M. Reid: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Boucher et votre délégation. Vous avez abordé des questions qui nous mettent déjà en appétit sur toutes les questions qui vont être reliées au forum sur l'avenir des collèges dans lequel on veut s'assurer qu'on va faire ce qu'il faut, mineur ou majeur, pour que les collèges nous rendent les mêmes services et rendent les mêmes services à la société québécoise pendant les prochaines années, les 20, 30 prochaines années, que ce qui est arrivé depuis leur création.

Parmi les éléments très intéressants que vous avez abordés, l'an dernier, dans le plan de développement du réseau collégial public, qui effectivement était un peu à l'origine, de par sa perspective très large, de ce que ce rapport-là touche, est à l'origine un petit peu de cette volonté de faire ce questionnement de façon collective et publique au Québec, le forum sur l'avenir des cégeps, il y a un élément là-dedans qui touche peut-être plus que tous les autres à la commission parlementaire sur l'accessibilité, la qualité et le financement des universités, c'est ? à mon sens, du moins ? c'est cette volonté, ou ce désir, ou peut-être cette tentation ? je ne sais pas comment vous voulez l'appeler ? d'entrer progressivement dans le domaine de la formation universitaire.

Pour ma part, je dois vous dire que c'est quelque chose qui m'apparaît très excitant, qui m'apparaît intéressant et qui m'apparaît mériter qu'on regarde de très près. Maintenant, je voudrais profiter de l'occasion, puisque ça a un impact important sur la qualité de la formation universitaire, l'accessibilité de la formation universitaire, le financement des universités si on progresse vers cet ordre-là, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui... et il y a cinq points.

En tout cas, je vais essayer de voir... de ramener des points, là, où j'aimerais avoir des détails qu'on ne voit pas souvent ? ou peut-être que ça m'est passé inaperçu ? sur des différences importantes entre des collèges comme les nôtres qui ne donnent pas une formation universitaire comme telle ? et je trouve très intéressant qu'on veuille y aller ou qu'on veuille aller vers ça ? et des comparaisons qu'on fait, et vous en avez fait cet après-midi, avec les collèges, par exemple, d'autres provinces canadiennes qui, elles, sont dans le postsecondaire et offrent des formations postsecondaires et parfois, comme vous avez dit, universitaires.

D'ailleurs, vous avez dit, par exemple, pour l'Alberta, on offre une formation collégiale et universitaire, mais il faut bien comprendre que, dans leur cas à eux, il n'y a pas de collégial et universitaire, puisque c'est le même niveau, hein, on se comprend? Et j'y reviendrai dans un instant. Et, pour moi, il y a cinq dimensions, et peut-être que vous pourrez répondre à certaines d'entre elles pour lesquelles on n'a pas eu beaucoup de détails et qui sont une différence importante, qui permettent aux collèges des autres provinces d'être au niveau de cet ordre de formation universitaire et pour lequel les collèges québécois n'ont pas vraiment...

Enfin, ça m'apparaît des différences importantes ? et peut-être que je les vois plus importantes qu'elles ne le sont, je vais vous laisser y répondre ? mais voici les cinq: a) les universités... les collèges à l'extérieur sont des collèges autonomes par opposition à ? autonomes dans le sens de l'autonomie des universités... beaucoup plus autonomes quant à la loi qui les constitue, etc., chacune; deuxième différence, les collèges ailleurs définissent leurs programmes comme on le fait dans les universités, ce qui n'est pas le cas des collèges au Québec; les collèges ailleurs signent leurs diplômes, ce qui n'est pas le cas même si la loi le permettrait éventuellement, mais ce n'est pas le cas au Québec; les collèges à l'extérieur gèrent leurs contrats de travail, ce qui n'est pas le cas au Québec non plus; et, d'une façon générale, donc ? et j'avais dit que j'y reviendrais ? c'est que, à l'extérieur du Québec, étant donné la structure différente, les collèges sont du niveau qu'ils calculent, eux, universitaire parce que leur système universitaire est un système universitaire de quatre ans, et ils sont déjà à ce niveau post-secondaire et universitaire, si on veut, dans les années qui correspondent d'ailleurs à l'université, et donc le passage à la formation universitaire est assez naturel pour eux dans ces conditions-là.

J'aimerais entendre vos commentaires sur cette question-là. Est-ce que ce sont des différences qui sont substantielles? Et surtout, si on veut aller vers la formation universitaire, est-ce que ce sont des différences qui représentent des difficultés de changement à vos yeux? Parce que aller dans la formation universitaire, moi, je trouve que c'est intéressant, puis je ne suis pas le seul au Québec. Il y a des régions qui y tiennent beaucoup puis il y a des centres d'excellence de cégeps qui y tiendraient aussi, d'après ce que je comprends, d'après ce qu'on me dit. Et est-ce que ça représente des difficultés? Et est-ce que c'est des difficultés qui sont insurmontables si jamais le Québec, la population québécoise, après le forum, voulait aller vers une beaucoup plus grande implication des collèges dans la formation universitaire?

Le Président (M. Kelley): Chaque fois que le président annonce que le temps est serré, les questions deviennent plus compliquées. La parole est à vous, M. Boucher.

M. Boucher (Gaëtan): Évidemment, nul besoin de vous dire, M. le Président, que c'est une question extrêmement intéressante, mais, avant d'y répondre, je pense, ce serait important de se rappeler de la réforme de 1993. Il faut bien voir que, en 1993, le gouvernement du Parti libéral a décidé de refaire le choix des cégeps comme appartenant intimement à la société québécoise. D'autre part, à l'époque, on peut dire qu'il a fait passer résolument les collèges en enseignement supérieur. Et, dans la réforme de 1993, dite la réforme Robillard, sous l'égide du livre-soleil ? votre sous-ministre va se rappeler ? on a amené les collèges résolument à assumer des responsabilités pédagogiques importantes, très importantes, beaucoup plus significatives et on avait introduit également à ce moment-là des possibilités, entre autres, qu'on puisse décerner notre diplôme.

n(15 h 50)n

Je vous dirais bien simplement qu'effectivement, si on regarde l'évolution du système, manifestement, quand on regarde le fonctionnement de l'enseignement collégial, on a, pour faire un euphémisme, un pied en enseignement supérieur, un pied en enseignement universitaire et un pied en enseignement secondaire. Et effectivement les quatre choses que vous avez évoquées sont des éléments qui concernent l'autonomie. L'autonomie autour des programmes, la possibilité de décerner notre diplôme et un modèle de relations de travail sont des caractéristiques propres de l'enseignement universitaire, et c'est des caractéristiques de nos collègues des provinces de l'Ontario, de l'Alberta, de la Colombie-Britannique particulièrement. Alors, peut-être pour vous dire, vous répondre bien simplement, nous sommes actuellement, chez nous, à faire un certain nombre de travaux pour comprendre mieux comment les collèges communautaires fonctionnent en Ontario, en Colombie-Britannique, en Alberta et deux États américains, et les questions que vous posez sont actuellement posées à nos membres.

Donc, effectivement, la question qui est posée et à laquelle nous aurons réponse au moment du forum, c'est de demander aux gens de collèges s'ils veulent passer résolument à l'enseignement supérieur. Donc, effectivement, est-ce qu'ils veulent avoir la pleine autonomie, comme les universités, autour des programmes? Est-ce qu'ils veulent décerner leurs propres diplômes? Est-ce qu'effectivement ils veulent avoir un modèle de relations de travail plus décentralisé? La réflexion, elle est entamée, elle fait l'objet de débats extrêmement intenses, et je dois vous dire qu'effectivement, à première vue, ces choses nous intéressent beaucoup parce que, de fait, je pense qu'on a fait un pas il y a 10 ans, maintenant il y a un deuxième pas à franchir, et je dois vous dire qu'on travaille très, très fort pour qu'on franchisse le deuxième pas.

M. Reid: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Maskinongé.

Mme Gaudet: Bonjour. Merci pour la présentation de votre mémoire. Vous avez certainement pris connaissance du rapport qui a été présenté par la Fédération des commissions scolaires sur l'avenir des cégeps, et j'aimerais savoir ce que vous pensez de l'orientation qui est proposée dans ce rapport par la Fédération des commissions scolaires concernant la restructuration des cégeps.

Le Président (M. Kelley): M. Boucher.

M. Boucher (Gaëtan): Oui. Il n'y a pas à dire, il n'y a pas à dire...

Mme Gaudet: Vous devez avoir quelque chose... Vous avez sûrement une opinion.

Le Président (M. Kelley): Autre question facile. Ha, ha, ha!

M. Boucher (Gaëtan): Une autre question facile.

Mme Gaudet: Question facile. Ha, ha, ha!

M. Boucher (Gaëtan): Mais c'est une belle question, Mme Gaudet. Je vous dirais... Écoutez, première chose, je vous dirais assez simplement, bien sûr que je l'ai lu, nous l'avons lu. Vous l'avez vu comme moi, c'est un rapport qui se situe très nettement sur une base économique. Alors, manifestement, de notre point de vue, le rapport Bédard erre sur le plan économique. On aura l'occasion, dans les prochaines semaines, de leur répondre sur une base économique.

La question, nous, qui nous préoccupe, c'est de savoir si effectivement, dans une structure comme celle-là, les étudiants seraient mieux servis, parce que, dans le fond, là, la question essentielle, au-delà de l'argent, c'est effectivement: est-ce qu'on pourrait avoir un système de formation professionnelle et technique intégré qui effectivement pourrait mieux fonctionner, amener un meilleur soutien, un meilleur encadrement aux élèves, plus de réussite, plus de diplomation?

Également, je dois vous dire, cet après-midi, que nous regardons ces options, de voir s'il y aurait un intérêt de rejoindre le monde nord-américain et d'intégrer la formation professionnelle et technique sous l'égide des collèges. Parce que les commissions scolaires ont beau dire et ont beau faire, le modèle nord-américain fait en sorte que, lorsqu'il y a formation professionnelle et formation technique ensemble, c'est sous l'égide des collèges; nous sommes à l'enseignement supérieur. Donc, je vous dirais assez simplement: d'autres plus experts que moi feront la démonstration que les commissions scolaires malheureusement se sont trompées sur le plan économique et que, deuxième chose, la solution, sur le plan pédagogique, est une solution qui ne tient pas la route si on se réfère au modèle continental dans lequel nous sommes. Donc, pour nous, le rapport Bédard, nous l'avons mis de côté, Mme Gaudet, nous ne sommes pas là aujourd'hui.

Mme Gaudet: Merci. On aura l'occasion...

M. Boucher (Gaëtan): Mais, par ailleurs, je vous réitère que, dans le débat... dans le forum pour l'enseignement collégial, le ministre a dit que, dans le fond, les cégeps étaient là pour rester, mais il a dit qu'il y avait dans le rapport Bédard des choses intéressantes. La chose qui pourrait être intéressante, c'est éventuellement un regroupement de la formation professionnelle et de la formation technique. On le regarde, c'est des scénarios que nous envisageons, et, au moment du forum, nous aurons une prise de position ferme autour de cette question-là. Mais je vous réitère encore une fois, si on regarde ailleurs comment ça se passe, tout ça est sous l'égide des collèges. M. Allard.

M. Allard (François): Je voulais rajouter à ça, sur la formation technique, à mon avis, le Québec a fait un bon choix quand il a décidé de situer véritablement à l'enseignement supérieur la formation technique. Et je crois fermement que, en élevant cette formation technique là, ça a eu pour effet d'en augmenter la fréquentation par les étudiants et les étudiantes du Québec. Actuellement, s'il y a 50 %, à peu près, des étudiants qui sont en formation technique dans les collèges, c'est, à mon avis, en partie parce que nous avons fait le choix de la valoriser, cette formation technique là, en la situant à un niveau qui était le niveau de l'enseignement supérieur. Et, peu importent les décisions qu'on devrait prendre peut-être à ce sujet-là dans les mois ou les années qui viennent, il me semble qu'il y a eu un choix de société fort intéressant et très pertinent, et qui demeure pertinent en 2004.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue au nom de notre formation politique. J'ai lu avec attention votre mémoire. Certains de mes collègues sont aussi intéressés à soulever quelques questions. J'ai compris par les interrogations du ministre qu'il veut peut-être se rattraper, parce que plusieurs de vos commentaires portent sur le fait que, lorsqu'on parle d'enseignement supérieur dans le document préparatoire aux travaux de la commission, nous n'intégrons jamais... le document n'intègre jamais la question des cégeps. J'ai lu ça à quelques reprises dans votre mémoire, et vous en faites la remarque à notre commission et par notre intermédiaire évidemment au ministre. Alors, j'avais l'impression que c'était une sorte de réponse à vos remarques. Mais c'est un commentaire personnel, sans plus.

Je veux revenir sur, par ailleurs, quelques grands éléments que vous soulevez, sur toute la question de l'arrimage entre le réseau de l'enseignement supérieur ? moi, je considère que les cégeps font partie de l'enseignement supérieur ? donc, le cégep et l'université.

Vous abordez toute la question de la fluidité, et là, à la page 22, vous allez très loin, vous dites: Un certain nombre de constatations, là, devraient conduire les universités à franchir une nouvelle étape en associant les cégeps à la définition de tous leurs programmes. Là, je suis à la page 22. Évidemment, vous dites qu'un important effort reste à faire du côté des universités, en sciences humaines comme dans les autres programmes, pour offrir une formation qui s'appuie résolument sur une formation préuniversitaire collégiale et qui, de ce fait, offre à leurs étudiants dès leur arrivée un parcours véritablement universitaire.

J'aimerais vous entendre sur cette question-là, quant aux expériences que vous avez eues jusqu'à maintenant et quant à ce que vous souhaitez pour l'avenir, parce que ça fait vraiment l'objet d'un très grand développement dans votre document.

Le Président (M. Kelley): M. Allard.

n(16 heures)n

M. Allard (François): Oui, effectivement, dans le document, on parle beaucoup de l'arrimage entre l'ordre collégial et l'ordre universitaire en situant cela dans un continuum de formation supérieure, dans le fond. Les collèges et les universités ont tracé certaines voies qui permettent d'avoir des arrimages qui sont intéressants, particulièrement en formation technique. On vous a mentionné dans le document qu'il y a eu plusieurs ententes, par exemple, de D.E.C.-bac dans le secteur technique, et je pense que ça, ce sont des belles réussites.

Ce qu'on peut déplorer, par contre, quand on parle d'arrimage de cette nature-là, c'est que les D.E.C.-bac, on les voit davantage avec des universités en région qu'à Montréal, et nous nous expliquons mal cette difficulté effectivement d'arriver, avec les universités de Montréal, à établir des partenariats de même nature. À part ce qu'on fait actuellement en soins infirmiers, par exemple, qui était un exercice imposé, vous le savez, il y a très peu de D.E.C.-bac avec des universités de la région de Montréal. Le champion de ça est l'Université Laval qui a multiplié ses partenariats avec les collèges et qui, je pense, est satisfait de la situation qu'il a pu développer avec ce réseau.

Donc, nous sommes favorables au développement d'associations comme celles-là. On voudrait aller plus loin, comme je vous dis, faire en sorte que, dans l'ensemble des universités et pour le plus grand nombre de programmes possible, on puisse faire en sorte que les programmes techniques, par exemple, ne soient pas nécessairement des programmes qui se terminent et qui mènent uniquement au marché du travail, mais qui pourraient continuer à être valorisés en offrant une voie intéressante de poursuite à l'ordre universitaire.

Si on parle des programmes préuniversitaires, bon, effectivement, nous croyons que les universités devraient prendre en compte de meilleure façon la formation préuniversitaire qui est donnée dans ces programmes au collégial et bâtir par la suite la formation des programmes de bac en tenant compte véritablement des compétences et des apprentissages qui ont été réalisés. Nous avons un chantier de travail sur le programme de sciences humaines qui, nous l'espérons, pourra déboucher véritablement sur une véritable reconnaissance de la formation qui est faite à l'ordre collégial en sciences humaines... et que par la suite les programmes puissent être... considérer cette formation-là dans l'offre qu'ils feront aux étudiants qui diplôment de l'ordre collégial. Dans le domaine des arts, on devrait imaginer la même chose, et, à ma connaissance, il n'y a pas de travaux véritablement qui ont été menés.

Il nous apparaît essentiel qu'en fin de compte, compte tenu que les collèges et les universités sont des partenaires d'un même ordre d'enseignement, que, lorsqu'on discute de programmes de formation, il y ait des tables, des chantiers qui se mettent en place et qu'on puisse discuter ensemble de la façon d'imaginer des programmes de formation qui intègrent véritablement le parcours de l'élève au collégial.

Mme Marois: Vous faites référence, dans votre document, au centre de liaison de l'enseignement supérieur. C'est comme ça qu'on l'appelle, hein, le...

M. Allard (François): Le CLES, le Comité de liaison de l'enseignement supérieur, Mme Marois.

Mme Marois: Le Comité de liaison, oui, je me souviens, là. Je ne me souvenais plus si c'était centre ou comité. Bon. Comité de liaison de l'enseignement supérieur. Est-ce que ce serait le lieu où on pourrait discuter, débattre de ces questions-là pour établir un cadre général qui éventuellement pourrait être ensuite repris par les institutions dans les régions, ou dans la métropole, ou dans la capitale? Parce que vous y faites beaucoup référence dans votre document, mais je n'ai pas entendu beaucoup les universités y venir, celles-ci parlant davantage de la Conférence des recteurs évidemment, de la CREPUQ.

M. Allard (François): Si vous me permettez, effectivement...

Mme Marois: Je vais revenir sur une autre question, là.

M. Allard (François): ...le point de jonction entre l'enseignement collégial et l'enseignement universitaire, c'est le Comité de liaison de l'enseignement supérieur. Il est présidé depuis, après un retour, par le sous-ministre en titre. De notre point de vue, c'est véritablement là où doit se faire l'arrimage. Bon.

La difficulté, elle est assez simple. Moi, j'y ai siégé à l'époque où le sous-ministre M. Lucier y était. J'y suis retourné. Ça prend quelqu'un, vous savez, qui réussit à forcer le jeu. Je vous donne ça comme exemple, bien simplement. Moi, j'y vais comme président-directeur général de la Fédération des cégeps. J'estime avoir un mandat de nos membres. On se retrouve devant nous avec sept universités. Elles sont tout à fait autonomes, indépendantes, et ça prend un temps fou pour que les choses se résolvent.

Dans le fond, ce que l'on souhaite et ce qui est dit dans le mémoire, c'est que le mandat du CLES soit revu, renforcé, renouvelé pour que dans le fond les choses progressent, particulièrement autour des sciences humaines, autour des indicateurs de performance, autour véritablement... Écoutez, on parle des ententes D.E.C.-bac. Je vous donne un exemple. En Colombie-Britannique, il y a 600 ententes de transfert bloc à bloc entre des collèges et des universités. On est ici, là, encore au b.a.-ba de ça et effectivement on est en présence de difficultés certaines. Je pense que, s'il y avait une volonté d'arrimage, elle doit se retrouver autour d'un CLES revu, corrigé et renforcé.

Il y a M. Carrier qui souhaiterait ajouter un mot, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): M. Carrier.

M. Carrier (Maurice): Brièvement, madame, si vous permettez. Il peut aussi y avoir des initiatives en provenance des universités. Je vous donne un exemple. Dans la région de Québec, l'Université Laval nous a approchés récemment pour qu'on mette en place des mécanismes de plus grande concertation entre les collèges de la région et les programmes universitaires offerts à l'Université Laval. Donc, il y a une ouverture à cet égard, et c'est une initiative tout à fait institutionnelle de l'Université Laval.

Mme Marois: D'accord. Y a-t-il une alternance ou on finit...

Le Président (M. Kelley): On finit, oui.

Mme Marois: Parfait. Je sais que mon collègue a une autre question à poser.

Oui, l'Université Laval en a fait état d'ailleurs quand ils sont venus ici. Mais je suis d'accord avec vous que, s'il n'y a pas une volonté politique, là, de tous les instants dans le cas du CLES, c'est évident que les partenaires ne se sentent pas interpellés vraiment et puis, à ce moment-là, on parle pour parler. Enfin, je me permets de faire cette remarque, là. Le ministre en fera ce qu'il en voudra, mais c'est ce que j'ai pu constater à différentes reprises.

Vous venez sur la question là aussi d'un meilleur arrimage, et c'est la première fois que je le vois dans les documents qui nous sont présentés jusqu'à maintenant, là, puis on a quand même vu une quarantaine de mémoires au moins, M. le Président, c'est la question de la réussite et de la persévérance scolaires et où vous suggérez d'aller aussi loin que de travailler en complémentarité et d'envisager entre les deux réseaux de nouveaux modes de collaboration spécifiquement centrés sur le soutien à la réussite, en faisant référence bien sûr aux universités en particulier. Et là je vous ramène à un commentaire enfin que vous avez livré pendant votre présentation et que vous reprenez ici. Vous semblez dire que les informations ne sont pas disponibles d'un réseau à l'autre. Ça, je suis très étonnée de cela. Bon, alors donc sur la question de fond, puis ensuite sur la question plus de données, là, d'information.

M. Boucher (Gaëtan): Bien, écoutez, M. Allard pourra compléter. Écoutez, la première fois que j'ai discuté de cette question-là, c'est avec Mme McNicoll, qui était directrice générale de la Conférence des recteurs au début des années 1990. Alors, encore aujourd'hui, il n'est pas possible de façon systémique d'obtenir des statistiques de suivi de nos étudiants rendus à l'université: taux de réussite au premier semestre, taux de réussite à la première année, taux de diplomation. Des universités les fournissent sur une base individuelle, mais ce n'est pas systématisé.

Alors donc, évidemment, une préoccupation que nous avions, je l'avais il y a 15 ans, c'est de dire: est-ce qu'il y a moyen de savoir comment nos étudiants, que nous préparons pour vous, comment ils performent rendus chez vous? Et donc est-ce qu'on pourrait effectivement avoir un certain nombre d'indicateurs? Et c'est ce à quoi nous faisons référence dans notre mémoire et notre présentation, ça nous apparaîtrait minimal à obtenir, mais ça aussi ? et ça, je ne veux pas interpeller le sous-ministre en titre, loin de là ? mais ça aussi, ça devrait normalement être dans la nature des choses que d'avoir un suivi de nos étudiants rendus à l'université de la même manière, de la même façon à la grandeur du Québec. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, c'est lié à des initiatives individuelles d'universités avec des collèges comme, par exemple... Mon président de conseil me signalait, ce midi, que l'Université Laval fournit systématiquement aux collèges de la région de Québec, dans le fond dans son bassin d'appartenance, les statistiques en question, ce qui permet aux collèges...

Mme Marois: ...dénominalisées, là, c'est-à-dire qui ne sont pas... C'est ça, je cherche le mot. Est-ce que j'ai le bon mot? Oui, c'est ça, hein, des données qui...

M. Boucher (Gaëtan): Nominatives.

Mme Marois: ...nominatives, là. Donc, dénominalisées. Des fois, j'invente des mots.

M. Carrier (Maurice): L'Université Laval, effectivement, depuis une dizaine d'années, convoque les collèges, je dirais, de Saint-Hyacinthe jusqu'à Gaspé, et le recteur nous remet séance tenante les rendements de nos étudiants en termes de réussite scolaire en première session, et ce sont des données comparatives, ce sont des données de groupes ? on n'a pas de données nominatives ? qui permettent d'évaluer le rendement de nos diplômés à l'Université Laval en première année en particulier, et on a des points de comparaison avec les étudiants qui viennent de l'ensemble du réseau collégial. Alors, c'est très, très intéressant parce qu'on peut réinvestir ces informations-là dans nos milieux respectifs pour améliorer un certain nombre de choses.

M. Boucher (Gaëtan): Nous, ce qu'on souhaiterait, c'est que ce soit systématisé sur les mêmes bases de données à la grandeur du Québec, puisque dans le fond un étudiant de Québec peut aussi bien faire son université à McGill, ou à Montréal, ou à Concordia, ou à Sherbrooke, par exemple.

Mme Marois: Tout à fait. Bon, sur les mesures de réussite, là, sur lesquelles vous pourriez travailler en collaboration.

M. Allard (François): On n'a pas identifié de chantier particulier sur la réussite. Ce qu'on s'est dit par contre, c'est que, à chaque fois qu'il y a un transfert d'un ordre à l'autre, il est bénéfique que les gens qui prennent les relais puissent discuter ensemble du vécu des étudiants à l'ordre qui précède. Et actuellement ces tables-là n'existent pas. Et je pense qu'on pourrait imaginer différents exemples. On sait la difficulté actuellement qu'éprouvent les étudiants dans tout le système pour l'apprentissage de langues maternelles. On pourrait imaginer très bien, par exemple, que, dans les facultés qui visent à préparer les futurs enseignants, on puisse établir des modalités de transfert d'informations, d'organisation d'activités qui commencent au collégial, se poursuivent, par exemple, à l'université dans une perspective de cet ordre-là. Mais actuellement ces tables-là n'existent pas. Donc, je ne peux pas vous mentionner aujourd'hui: Voici les mesures qu'on devrait mettre ensemble, mais c'est sûr que, si on avait l'occasion de discuter de ces questions-là comme on a l'occasion de discuter avec l'ordre qui précède chez nous, l'ordre secondaire, pour prendre un meilleur relais, et ce qui fait en sorte qu'il y a des mesures qui sont installées à l'ordre collégial pour prendre ces relais-là, si on avait ces moyens de discuter avec l'ordre universitaire sur une table, je suis convaincu qu'on déterminerait des pistes, des chantiers qui permettraient d'améliorer la réussite et la persistance aux études par la suite à l'ordre universitaire. Mais ces chantiers-là ne sont pas là.

Mme Marois: Merci. Question rapide, oui, mon collègue.

Le Président (M. Kelley): Très rapidement, une dernière courte question, M. le député des Îles.

n(16 h 10)n

M. Arseneau: À mon tour de vous saluer, messieurs. Je vais essayer d'être bref. Peut-être que la réponse est courte, M. le Président, on ne sait jamais. Mais je voulais d'abord assurer les gens des cégeps que, s'il fallait que la proposition des commissions scolaires se réalise, aux Îles-de-la-Madeleine, on n'aurait tout simplement aucun accès à l'enseignement supérieur. Et il y a une région complète, qui s'appelle la Gaspésie et les Îles, qui n'a pas d'université sur son territoire. Alors, je voudrais aller plus loin dans la collaboration entre les cégeps et les universités. Et vos trois pages sur le décloisonnement sont excessivement intéressantes et pertinentes.

Et ma question est la suivante: qu'est-ce qui manque pour qu'on puisse avoir un projet pilote? Parce que, dans le fond, il faut avoir une volonté. Le Centre d'études collégiales des Îles va fêter ses 20 ans cette année. C'est une volonté politique qui a décidé de créer un centre d'études collégiales. Il y en a une dizaine maintenant qui se sont créés sur le territoire québécois au nom de l'accessibilité. Qu'est-ce qui manque pour qu'on ait un projet pilote de décloisonnement où, par exemple, au cégep de la Gaspésie, à Gaspé, on pourrait donner un début de formation universitaire?

Le Président (M. Kelley): M. Boucher.

M. Boucher (Gaëtan): Il ne vous manque rien. Il s'agit juste que deux personnes collaborent, c'est-à-dire le cégep de la Gaspésie et des Îles et l'université.

L'université, il y a plusieurs années, l'université... oui, le cégep de l'Abitibi-Témiscamingue avec l'Université du Québec ont organisé de la formation universitaire. Dans le fond, l'idée, ça existe ailleurs au pays, le ministre l'a évoqué l'autre jour dans un point de presse, c'est la notion de «collège universitaire». C'est-à-dire, une université convient, parce qu'on est dans la population éloignée, de dispenser de la formation universitaire une année ou deux ans, sous son égide, sous sa responsabilité académique, dans un milieu éloigné. C'est la notion qu'en Colombie-Britannique vous retrouvez autour de cinq collèges universitaires, et donc ça fait en sorte que ça prend une entente de collaboration entre une université et effectivement un collège. Et il y a là effectivement une piste intéressante, nous l'avons évoquée dans notre plan de développement, le ministre l'a évoquée l'autre jour dans un point de presse. Il y a là une piste de développement pour répondre aux besoins des populations éloignées. Mais, au-delà de ça, M. Arseneau, il faut voir aussi que, autour des constituantes de l'Université du Québec et des cégeps en région, il y a des modes de collaboration beaucoup plus intenses à développer, il y a des maillages à serrer.

Écoutez, je prends toujours le même exemple, vous savez, en Abitibi, vous avez l'université, un passage physique et un cégep. On peut certainement croire qu'il y a là des collaborations plus soutenues, plus intenses qu'on pourrait développer lorsque, effectivement, dans une région donnée, on vit une décroissance de population extrêmement importante. Cet exemple-là, je pourrais vous le donner pour Rimouski, je pourrais vous le donner certainement pour Chicoutimi et d'autres. Mais, là-dessus, il faut entrevoir les choses d'une autre manière, d'une autre façon. Et tant et aussi longtemps que les collèges et les universités voudront travailler dans leur chasse gardée, il n'y a pas grand-chose qui va se passer.

Dans notre mémoire, nous plaidons pour un rapprochement, une intensification des relations entre les universités, les constituantes des universités du Québec particulièrement, et les collèges en région pour être à même de desservir toutes les populations du Québec de la même manière parce que, dans le fond, ces populations-là sont en décroissance, il faut trouver de nouvelles manières de faire, de nouvelles manières de livrer les services auxquels la population a droit.

Le Président (M. Kelley): Alors, ma générosité à ma gauche dégage un quatre minutes à ma droite pour équilibrer les choses comme il faut. Alors, M. le ministre, il vous reste quatre minutes.

M. Reid: Rapidement. Peut-être un petit commentaire sur ce dont on vient de parler, et c'est très intéressant, mais c'est pour remettre en perspective la question que j'ai posée tout à l'heure. Par exemple, si on pense au cégep de Gaspé ? et ça m'est déjà arrivé, parce qu'on m'avait fait une suggestion et que j'ai répétée à un journaliste ? il y a deux façons, disons, dans un spectre, si on veut, là, de possibilités, puis, entre les deux, il y en a plusieurs, et la façon la plus simple d'avoir des services universitaires à Gaspé, c'est de louer des locaux à une université, on se comprend? Mais que ça, ce n'est pas nécessairement quelque chose qui est structurant, hein, pour la région. Et on ne va pas nécessairement aller jusqu'à un bac, par exemple.

Et, à l'autre bout, bien, on parle... c'est un peu ce dont on parlait tantôt, c'est-à-dire qu'un cégep pourrait devenir, à condition de respecter ce que sont naturellement les règles d'autonomie, etc. ? et on nous a dit que c'est quelque chose pour lequel on va avoir des propositions ou, en tout cas, des détails... pourrait donc en arriver à développer, dans une région donnée... Puis l'exemple que j'avais donné, parce que c'est une suggestion qu'on m'avait faite, c'est intéressant parce que la Gaspésie est un environnement où on dit: Quand on va étudier à l'extérieur, bien, on revient en moins grand nombre et on perd des éléments intéressants pour la région et pour son développement et qu'à ce moment-là un collège pourrait aller jusqu'à offrir des programmes de baccalauréat dans un environnement nouveau, avec beaucoup plus d'autonomie. Et donc c'est tout un ensemble de perspectives qu'il faut regarder. Le forum sur les collèges est l'élément de regarder... est l'occasion de regarder ce que nous voulons, ce que la population veut, ce que ceux qui sont déjà dans le système veulent.

Et, dans ce sens-là, moi, je voudrais simplement terminer en disant que je suis très heureux de ce que nous avons entendu aujourd'hui, et de votre participation, et des questions que nous avons, parce que ça annonce effectivement un débat qui sera peut-être vigoureux, parce qu'on sait qu'il y a des gros joueurs qui n'ont pas les mêmes positions. Mais je pense que c'est un débat qui va être riche, qui va être à un niveau très élevé, d'après la nature des commentaires que nous avons, et qui va vraiment prendre en compte l'avenir du Québec et de l'éducation au Québec et dans une des choses qui est la plus précieuse, c'est-à-dire les collèges, dont on sait que ça va rester.

Le Président (M. Kelley): M. Boucher, le mot de la fin.

M. Boucher (Gaëtan): Alors, monsieur, je suis très heureux d'entendre le ministre. Lorsque les commissions scolaires ont sorti le rapport Bédard, le 28 novembre, le ministre, le lendemain matin, a dit que les cégeps étaient là pour rester. Le programme du parti au pouvoir indique... on parle du développement durable des cégeps, les cégeps sont là pour demeurer, ils sont là pour se développer. Et, nous, je peux vous dire, M. le Président, et je peux assurer le ministre, que nous prenons avec beaucoup de sérieux la préparation au forum. Nous menons des travaux extrêmement importants. Nous faisons... nous conduisons des recherches, des études, nous en débattons. Nous allons rendre public un cahier de propositions à la mi-avril et nous voulons faire un débat public autour de ces questions-là, parce que l'avenir des collèges, l'avenir des étudiants, l'avenir des régions, pour nous, nous importent beaucoup, parce que, effectivement, on pense que, comme les universités, on peut participer au développement du Québec.

Le Président (M. Kelley): Juste en terminant, on a une petite tradition maintenant de déclarer nos intérêts personnels. Mme la députée de Taillon a indiqué qu'elle a enseigné dans un cégep. Moi-même, j'ai enseigné dans un cégep. J'ai un cégep dans mon comté, où mon fils est étudiant. Alors, je pense qu'on a tous intérêt, dans l'avenir, dans la question du rôle que les cégeps vont jouer dans notre société. Ce doit être une question pertinente, parce que ça a été soulevé dans la période des questions aujourd'hui aussi. Alors, on va suivre avec intérêt et continuer le dialogue avec la fédération sur l'avenir de nos cégeps dans notre société. Sur ce, je vais...

M. Boucher (Gaëtan): ...vous pouvez le dire à vos collègues, c'est vous qui avez le plus beau cégep du Québec.

Le Président (M. Kelley): Oui, j'ai toujours pensé ça, mais je dois garder ma neutralité. Alors, sur ce, je vais suspendre nos travaux quelques instants et j'invite la Corporation des services universitaires du secteur Ouest de la Côte-Nord de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 18)

 

(Reprise à 16 h 20)

Le Président (M. Kelley): Vu qu'on est un petit peu serré dans le temps, mes collègues...

Une voix: ...

Le Président (M. Kelley): Oui, il y aura un forum, M. le ministre. J'aimerais vous rappeler que, pour la durée du mandat, vous êtes membre de cette commission. Donc, je suis le président.

Une voix: ...

Le Président (M. Kelley): Pour la durée du mandat. Alors, les règles sont rétablies. Alors, un mot de bienvenue pour les représentants de la Coopération des services universitaires du secteur Ouest de la Côte-Nord. Dans notre cascade des coïncidences, je vois que le député de René-Lévesque est parmi nous. Alors, bienvenue. J'imagine que vous avez un intérêt particulier dans l'échange qui va suivre. Et, sur ce, je vais céder la parole à...

Mme Richard (Françoise): Mme Richard, oui, Françoise.

Le Président (M. Kelley): O.K., Mme Françoise Richard, excusez, c'est le mauvais groupe, c'est ma faute. Alors, Mme Françoise Richard, la présidente, la parole est à vous.

Corporation des services universitaires
du secteur Ouest de la Côte-Nord

Mme Richard (Françoise): Merci beaucoup. Bonjour, M. le ministre, Mmes les députées, MM. les députés. Françoise Richard. Je suis à titre de présidente de la Corporation des services universitaires du secteur Ouest de la Côte-Nord. À ma gauche, j'ai M. Michel Julien, qui est agent de développement aux projets spéciaux; et, à ma droite, Mme Stéphanie Coll, qui est directrice de la Corporation des services universitaires.

Tout d'abord, merci de votre invitation à venir vous entretenir d'un projet unique qui nous tient à coeur dans le secteur Ouest de la Côte-Nord. Notre présence ici, à cette commission, reflète les efforts d'un milieu à se prendre en main quant à son avenir, un avenir inscrit dans la croissance économique certes, avec le projet Alcoa ? vous en avez sûrement entendu parler ? et d'autres compagnies, mais aussi dans le développement du savoir et du haut savoir.

Donc, au niveau de la présentation, je vais vous entretenir un peu de qui est la Corporation des services universitaires de la Côte-Nord et un petit peu de notre plan d'action et vers où on va, ce qu'on a de réalisé. Et, par la suite, Mme Coll nous entretiendra des réalisations de la corporation dans les dernières années, des grands principes qui motivent notre action et de quelques statistiques, et M. Julien nous parlera un peu du projet sur l'eau de la corporation.

Donc, qui est la Corporation des services universitaires du secteur Ouest de la Côte-Nord? C'est un organisme de type privé, sans but lucratif, qu'on appelle la corporation, qui a été formé en 1996. Comme vous savez, sur la Côte-Nord, il n'y a pas vraiment d'université. Il y a deux cégeps, un dans l'est, un dans l'ouest. Et nous sommes situés dans l'ouest, à Baie-Comeau, et la corporation exerce sa compétence sur le territoire de Tadoussac à Baie-Trinité, dans les MRC de Manicouagan et de La Haute-Côte-Nord.

La corporation a pour mission de favoriser l'accès et le développement des services universitaires pour la population de ce territoire par des activités de support, d'orientation et de développement de l'enseignement et de la recherche. Depuis 2003, la corporation est subventionnée par le ministère de l'Éducation du Québec à titre de 100 000 $ par année et la corporation est gérée par un conseil d'administration comportant un comité exécutif dont les membres sont identifiés au tableau 1 de la page suivante de votre mémoire que vous avez entre les mains. Il y a eu quelques ajouts, quelques modifications, car la corporation a eu son assemblée générale annuelle mercredi le 10 mars dernier. Donc, il y a eu quelques personnes qui se sont ajoutées et quelques personnes qui sont parties, mais c'est sensiblement le même conseil d'administration que nous avions en janvier dernier, lors de la présentation de notre mémoire.

L'organisme emploie actuellement trois personnes dont deux ressources professionnelles et une personne de soutien. Ses bureaux sont localisés dans une aire louée au cégep de Baie-Comeau.

La corporation est très présente dans son milieu et s'associe à différents partenaires, dont le Centre de recherche Les Buissons et différents partenaires au niveau de l'UQAR, au niveau du cégep de Baie-Comeau, pour faire progresser la recherche et l'enseignement universitaire sur son territoire.

Ses principales interventions au cours des dernières années ont été les suivantes, soit: entre 1996 et 2001, la corporation assurait la gestion des modalités relatives à l'offre de programmes de formation universitaire, principalement avec l'UQAR, et on a une entente administrative avec l'UQAR pour partir de nouvelles cohortes dans différents secteurs. Actuellement, on est en train de développer un diplôme d'études supérieures en administration scolaire pour tout ce qui est le recrutement et la stabilisation au niveau des directions d'écoles et un M.B.A. pour les gens qui sont en management.

Une consultation sur les services universitaires dans le secteur Ouest a été réalisée en 2001 auprès des acteurs et actrices socioéconomiques de la région par l'IDCE, l'Institut de développement pour le changement émergent. Elle visait à échanger sur la possibilité de créer un lieu de réflexion où l'accès à la formation universitaire serait démocratisé et de participer à des projets de développement local et régional grâce à une programmation riche en recherche et en enseignement. Cette réflexion visait à rendre la formation universitaire accessible à des populations qui jusqu'alors devaient soit s'en priver soit immigrer vers les grands centres pour l'obtenir.

Plus de 50 personnes représentant des organismes intéressés par la formation supérieure ont été invitées à participer à cette réflexion, et de cette consultation est ressorti un modèle universitaire évolutif correspondant aux réalités de la région. C'est sur ce modèle émergent que le projet de la Maison de l'université a été élaboré, que l'on a appelé la Maison de l'université de l'O, O pour Ouest, et pour H2O, car nous avons un volet recherche sur l'eau. C'est un modèle unique, évolutif au Québec. Le plan d'affaires a d'ailleurs été acheminé au ministère de l'Éducation du Québec, en février dernier, faisant état des besoins de financement pour le fonctionnement de cette Maison de l'université qui est à raison de 500 000 $ annuellement pour le fonctionnement. Et un projet a été réalisé aussi en relation avec l'est de la Côte-Nord et le CRD de la Côte-Nord, qui demandait 1 million pour la région Côte-Nord, pour les services universitaires. C'est une question d'équité et de développement régional.

Donc, la formation universitaire dans une région est primordiale pour son développement social, économique et culturel. Je pense que la démonstration a dû vous être faite depuis que la commission siège. Je pense qu'on n'est pas les premiers à en discuter. D'ailleurs, le document de consultation de la commission sur la qualité et l'accessibilité mentionne clairement ce fait à plusieurs reprises. Et, de plus, la Côte-Nord, lors du Rendez-vous national des régions qui a eu lieu à l'automne 2002, a élaboré la proposition suivante: la consolidation et le développement des services universitaires.

L'absence d'universités et de services universitaires accessibles à l'ensemble du territoire constitue un frein important au développement de la région. Ainsi, la Côte-Nord souhaite le renforcement des composantes actuelles qui offrent des services universitaires, notamment en leur permettant de développer la formation à distance pour les régions plus éloignées. Nous y reviendrons quand nous parlerons des salles de vidéoconférence.

Donc, nous sommes donc d'accord sur l'impact que la formation universitaire a sur une communauté. Par contre, pour notre région, le constat qui découle d'une consultation sur les services universitaires réalisée, comme je vous le disais, en 2001 auprès des acteurs... Étaient présents lors de cette consultation-là: Emploi-Québec, la Régie régionale de la santé et des services sociaux, le CRD, les CLD, le MDR, qui s'appelait le MER à ce moment-là, Alcoa, CERFO, le CEPRO, le cégep, la commission scolaire de l'Estuaire, l'UQAR, l'UQAC et le FIEF. Tous ces gens-là ont réfléchi ensemble pour savoir comment se doter d'un service universitaire souple, non rigide, avoir vraiment une formule adaptée à la région, sans lourdeur administrative.

La corporation a donc opté plutôt pour un mode de fonctionnement souple où la coopération et le partenariat avec les différents partenaires et centres universitaires sont importants et essentiels. C'est de là qu'est né le concept de la Maison de l'université de l'O. Nous avons donc établi par la suite avec les partenaires... L'INRS est venu en région, l'Université Laval, l'UQAR, l'UQAM sont venues pour regarder le partenariat qui pourrait être établi entre la corporation et son projet de Maison de l'université. D'ailleurs, c'est ce que la corporation fait depuis la création d'un département de formation continue à l'UQAR.

n(16 h 30)n

Ça va beaucoup mieux, je dirais, avec l'UQAR depuis que la corporation est beaucoup plus autonome sur son territoire et a une entente administrative avec l'UQAR, mais sans sentir que l'UQAR vient développer notre région en n'étant pas vraiment partie prenante de la région. C'est l'extérieur qui arrive sur notre territoire. Ce que les gens ont décidé lors de la consultation, c'est d'être autonomes et d'avoir leurs propres services universitaires, même s'ils sont petits, qu'ils soient en lien avec l'enseignement supérieur des cégeps et des autres universités et qu'il y ait un centre de courtage au sein de la Maison de l'université pour faire affaire selon les besoins qui sont identifiés dans la région. Et on fait une offre à différentes universités pour qu'ils viennent octroyer la formation sur notre territoire. Et, de là, on fait des ententes, des protocoles avec les universités qui viennent sur le territoire.

Donc, dès lors, la collaboration entre les deux organisations est plus efficace et la clientèle davantage desservie, puisque les programmes se poursuivent malgré un nombre d'étudiants et d'étudiantes moins élevé que celui exigé par l'université pour poursuivre le programme. De plus, le nombre d'inscriptions annuelles est en augmentation, atteignant... à ce moment-là, c'était 400 étudiants, étudiantes; maintenant on est à 468, en 2003, en cours de formation sur notre territoire.

La Côte-Nord, comme vous le savez sûrement, c'est un vaste territoire, peu peuplé, un vaste territoire. Donc, ce point concerne d'ailleurs une réalité régionale importante. En effet, la Corporation des services universitaires du secteur Ouest de la Côte-Nord couvre un grand territoire, environ 250 kilomètres linéaires, le long de la côte et du fleuve, pour une population d'environ 50 000 habitants. Vous comprendrez qu'il devient alors difficile d'avoir des groupes où le ratio est élevé et rentable. Nous devons donc défrayer des coûts afin de maintenir l'offre de cours sur notre territoire.

Quand le groupe commence à 16 ou 17 étudiants, étudiantes puis qu'il diminue en cours de formation, bien, la corporation, avec le petit budget qu'on a, on défraie pour que le cours se donne jusqu'à la fin. Quand les gens sont inscrits dans un processus pour un certificat, un bac, une maîtrise, avant ça, l'UQAR se retirait ou l'université qui était sur le territoire se retirait, et ça faisait en sorte que les gens perdaient confiance et ne s'inscrivaient plus aux cours universitaires même s'ils avaient des besoins. Maintenant, ce qu'on fait, c'est qu'on paie; on défraie, pour les inscriptions manquantes, pour que le cours se donne jusqu'à la fin. Et c'est pour ça aussi qu'il y a eu une augmentation des clientèles. C'est que ça se passe... le bouche à oreille se fait, et les gens disent maintenant: Quand on s'inscrit dans un certificat ou dans un bac, bien, il va se faire jusqu'à la fin, et donc on a confiance, on s'inscrit, et ça donne de meilleurs résultats.

Vous comprendrez qu'il devient alors difficile d'avoir des groupes où le ratio est élevé; nous devons donc défrayer des coûts. L'année dernière, ça a été un 12 000 $ que nous avons octroyé à l'UQAR et 6 000 $, en 2003, pour le manque d'inscriptions dans les formations offertes sur le territoire. Mais on a quand même garanti la continuité, comme je vous le disais.

En plus de ce montant, nous avons une politique de frais de déplacements pour les étudiants et les étudiantes qui sont éloignés puis qui sont inscrits à la formation. Quand on reste sur la Haute-Côte-Nord, près des Escoumins, puis qu'on a des cours qui se donnent à Baie-Comeau, bien, c'est une heure et demie de route. Donc, on défraie, deux fois par session, les frais, en autant qu'il y a du covoiturage pour que les étudiants aient accès aux cours universitaires. Ça favorise les cours, puis ça fait en sorte que les cohortes aussi demeurent un nombre intéressant. De plus, la faiblesse du réseau régional dans le domaine de la vidéoconférence n'est rien pour aider à soulager le handicap des distances entre les lieux d'enseignement.

Une autre réalité régionale consiste en l'exode de la population. On est la deuxième population au Québec, là, en termes de décroissance démographique avec la Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine. Donc, il faut qu'il y ait un incitatif à ce que les gens restent en région et aient un accès à l'enseignement supérieur, ce qui favorise un processus, un principe de rétention et d'attraction pour la Côte-Nord. Ça fait qu'il est certain que l'accès à un savoir de haut niveau est un facteur important dans la rétention de la population, un attrait non négligeable pour amener les nouvelles personnes à s'établir dans la région. Bon, je vous parle ici... depuis 1996, la population totale de la région est passée de 105 000 habitants à environ 99 700 en 2002, soit une diminution de 5,1 % de notre population. La baisse démographique de la région est l'une des plus importantes de toutes les régions du Québec après la Gaspésie?les Îles qui est de moins 7,4 % de population. Donc, il faut vraiment des rectificatifs et des incitatifs. Selon Statistique Canada, la population des 18-35 ans aurait diminué de 23 % et 25,7 % sur tout notre territoire, d'où l'importance de poursuivre le développement de formation de haut savoir afin de retenir et d'attirer des jeunes et des moins jeunes de tous horizons.

Toute la question... quand je dis «de tous horizons», bien, ça inclut toute la question d'immigration. Parce que, quand on sait qu'on a un service universitaire en région et qu'on peut offrir des cours qui ne se donnent pas ailleurs, il y a un pouvoir d'attraction et pas juste pour des Québécois et des Québécoises mais des gens qui ont le goût... Si je regarde ce qui se passe à Rimouski, bon, il y a des gens d'un peu partout qui viennent étudier. Donc, souvent, ces gens-là peuvent prendre racine et rester dans le Bas-Saint-Laurent. C'est important, ça, pour attirer, là, des nouvelles personnes sur le territoire.

D'après le sondage de Mme Madeleine Gauthier, réalisé en 2001-2002, traitant de la migration des jeunes, parmi les jeunes migrants âgés entre 20 et 34 ans de la Côte-Nord, 73,7 % se disent très ou assez intéressés par l'avenir de leur région et 57,2 % se disent prêts à revenir si les circonstances s'y prêtaient. Par conséquent, la poursuite d'un cheminement de carrière diversifié et soutenu en matière de formation constitue un facteur déterminant.

Donc, c'est important de regarder ? vous avez le tableau... Au niveau de la migration, c'est vraiment... ce qui fait que les jeunes sortent de la région Côte-Nord, bien, c'est toute la question de la poursuite des études. Dès que les enfants, pour avoir des enfants... M. Julien a aussi un enfant qui est au cégep à l'extérieur. À l'Université Laval, j'ai une fille, là, qui vient de finir un bac. C'est sûr que nos jeunes, quand ils partent, c'est difficile de les ramener en région. Donc, c'est important de regarder vraiment le développement de l'enseignement supérieur en ayant un pouvoir d'attraction pour les maintenir en région ou tout au moins pour les attirer par la suite puis qu'ils vont pouvoir continuer, là, une formation s'ils le désirent.

Tous et toutes savent que l'impact de l'exode sur une population est important. Le déclin démographique n'entraînera pas la fin ou l'interruption du développement des régions touchées, selon Mario Polèse et Richard Shearmur, qui ont fait une étude sur La périphérie face à l'économie du savoir, qui sont de l'INRS-Urbanisation, Culture et Société, mais certains villages pourraient fermer si ces dernières ne sont pas aidées à opérer avec succès la transition vers l'économie du savoir. Il a été démontré que la démographie d'un territoire est directement liée au nombre, à la qualité et à l'accessibilité des institutions universitaires. Au Canada et dans les pays nordiques, les villes périphériques dotées d'une université sont plus prospères que les autres.

Et, au niveau de l'économie de la région, au niveau économique, la région tente, depuis plusieurs années, de varier son économie en développant, entre autres, la deuxième et la troisième transformation de ses ressources naturelles. Comme vous le savez, bon, la population de la Côte-Nord équivaut à peu près à 1,4 % de l'ensemble de la population du Québec. C'est sûr qu'on n'a pas un gros poids démographique. Par contre, au niveau économique, bien, il y a 31 % de l'aluminium qui est exporté qui vient de la Côte-Nord. Il y a 36 %... On a des expéditions minérales. 27 % de l'énergie hydroélectrique, 29 % des pêches, 11 % du volume du bois qui est récolté vient de la Côte-Nord. Donc, on aimerait avoir un retour sur nos investissements, que ça revienne dans la région Côte-Nord. On aide le Québec au niveau économique, mais on aimerait avoir quelque chose qui nous revienne. Donc, on souhaite le passage d'une économie de production de matières premières à une économie à valeur ajoutée.

Le développement de procédés et l'instauration d'entreprises exerçant dans ces secteurs d'activité passent par la recherche, le développement et la présence de personnel hautement qualifié. C'est toujours quelque chose qui est demandé: Est-ce qu'on a accès à des services universitaires? Quand un médecin vient s'installer en région, bien, soit son conjoint ou sa conjointe demande s'il y a des ressources universitaires. Donc, c'est important de développer ça pour retenir les gens sur notre territoire. Donc, c'est dans le plan d'action de la corporation, avec un maillage et le développement de partenariats avec les universités dans le domaine de la recherche et de développement. Ça coûte cher et ça nécessite un financement adéquat pour la poursuite de telles activités. Une reconnaissance à ce titre est également essentielle. Jusqu'à ce jour, la corporation, à titre d'exemple, a été impliquée dans la recherche sur l'if du Canada avec l'Association de chasse et pêche de Forestville, la formation d'une relève en phytogénétique avec le Centre de recherche Les Buissons. Ce ne sont que quelques exemples.

De plus, la diversification de l'économie régionale passe par la rétention et un recrutement de personnel qualifié. Quant à la qualification des personnes, elle passe par la bonification des services universitaires. Les facteurs favorisant l'éclosion d'une économie du savoir reposent sur la production de connaissances scientifiques, sur leur transmission par l'éducation, sur leur diffusion par les nouvelles technologies de l'information et de la communication et sur leur application dans les entreprises, les services ou les milieux culturels.

En conclusion, la Loi sur le ministère de l'Éducation mentionne: «Le ministre élabore et propose au gouvernement des politiques relatives aux domaines de sa compétence, en vue notamment [...] de contribuer, par la promotion, le développement et le soutien de ces domaines, à l'élévation du niveau scientifique, culturel et professionnel de la population québécoise et des personnes qui la composent; de favoriser l'accès aux formes les plus élevées du savoir et de la culture à toute personne qui en a la volonté et l'aptitude.»

n(16 h 40)n

Bien, sur la Côte-Nord, il y a des gens qui ont la volonté et l'aptitude de poursuivre une formation universitaire. Dans ce sens, l'expression «une priorité devenue nécessité» exprime bien le besoin criant de hausser le développement des services universitaires sur la Côte-Nord à des niveaux décents. Si on les compare avec l'investissement et les efforts faits dans la grande majorité des régions du Québec, ce sont des principes d'équité interrégionale, d'autonomie.

Et, avoir un financement du public, oui, mais il y aurait sûrement un maillage, un montage financiers à faire aussi avec les entreprises de la région au niveau privé. On a de grandes entreprises. Il y a... Bon, on vous parlait tout à l'heure d'Alcoa, mais Alcoa est en train de négocier une entente de 1 milliard de dollars. Je pense qu'il y aurait un maillage sûrement à faire avec le privé pour faire en sorte qu'on ait un meilleur accès à la formation universitaire.

Les recommandations. Bien, c'est de reconnaître la Corporation des services universitaires du secteur Ouest de la Côte-Nord comme intervenant universitaire afin qu'elle puisse remplir adéquatement ses mandats et poursuivre son travail de développement des services universitaires et de recherche sur son territoire s'étalant de Baie-Trinité à Tadoussac.

Première recommandation: diminuer le ratio d'étudiants et d'étudiantes nécessaire pour le démarrage et le maintien de cohortes de formation pour les régions éloignées des grands centres universitaires. Et la deuxième recommandation, c'est de faciliter l'accès aux formations par la vidéoconférence en établissement... deux salles supplémentaires sur le territoire de la corpo, soit à Forestville, qui est à 100 kilomètres de Baie-Comeau, et à Bergeronnes, à près de 200 kilomètres de Baie-Comeau, ainsi qu'en modernisant la salle de Baie-Comeau afin d'avoir accès aux nouvelles technologies à haute vitesse. Je vous remercie. Est-ce qu'il nous reste du temps?

Le Président (M. Kelley): Ça fait 21 minutes.

Mme Richard (Françoise): 21 minutes?

Le Président (M. Kelley): Je sais que vous êtes venus de loin. Alors, un petit mot de la fin, mais on est un petit peu serrés dans le temps.

Mme Richard (Françoise): O.K., pour nous permettre...

Mme Coll (Stéphanie): Je vais laisser parler Michel dans ce cas-là, parce que dans le fond Mme Richard a dit en gros ce dont je devais parler, puis on verra avec les questions.

Le Président (M. Kelley): O.K. Parfait.

Une voix: Bien, on peut parler de questions...

M. Julien (Michel): O.K. Bien, peut-être juste un petit... pour rajouter, avec la Maison de l'université. Disons, la Maison de l'université, c'est un projet qui est dynamique, ce n'est pas quelque chose qui est statique. Donc, c'est évolutif, ça peut être vu comme un projet pilote. Et puis, à l'intérieur de ça, la Maison de l'université, il y a un centre de courtage dans le fond où est-ce qu'on favorise l'accès à des services de formation continue ou autre avec des universités.

Par contre, il reste qu'une université, ça n'a pas juste cette fonction-là d'amener des gens à avoir des diplômes qui vont travailler dans l'industrie puis qui vont être plus compétents. Il y a aussi tout l'aspect de développement humain, développement social ou développement culturel.

Donc, on vise éventuellement à travailler sur un dossier qui nous caractérise sur la Côte-Nord, c'est l'eau. Donc, on aimerait ça développer un centre d'analyse et de réflexion sur l'eau comme bien commun, patrimoine mondial.

Si on regarde les grandes industries qu'on a dans notre région comme Alcoa ou bien donc les papetières ou Hydro-Québec, l'ensemble du développement économique, si on parle d'exploitation du territoire, est basé sur ces ressources-là et l'eau à la base, et, si on veut éventuellement utiliser... pas juste utiliser le territoire mais aussi l'occuper, ça fait qu'il faut avoir un lieu de rencontre où les gens puissent réfléchir sur cette ressource-là qui est l'eau.

Ça fait qu'on a tenu un forum, l'automne dernier, à Baie-Comeau, avec une vingtaine d'universitaires et de spécialistes du milieu, sur l'eau pour mettre en place un réseau éventuellement pour développer ce schéma-là de centre d'analyse et de réflexion sur l'eau comme bien commun et patrimoine mondial. On a réalisé, dans des ateliers de travail, à partir de six thématiques, avec, comme canevas de base... on avait à ce moment-là la politique de l'eau qui nous servait de point de référence, et on l'a analysée en fonction de: l'eau et la santé; l'eau et l'économie; l'eau et l'éducation relative à l'environnement; l'eau, les femmes et les peuples; l'eau... Il y en avait deux autres.

Une voix: L'économie, la santé.

M. Julien (Michel): La santé et puis la gestion, la gouvernance. Et on est en train de travailler présentement sur les axes de ce forum-là et les grands enjeux qui en ressortent. Ça devrait devenir un canevas pour nous, comme un curriculum pour un élément de recherche et développer des partenariats avec différents chercheurs universitaires dans les universités québécoises pour mettre en place ce centre-là. C'est un peu une vie universitaire qu'on veut créer alentour de cet élément-là et non pas juste donner des formations ou favoriser, par notre centre de courtage, des accès à des formations.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Julien. Je dois vous arrêter là, mais... parce que je veux préserver le temps pour les échanges avec les députés, et je propose peut-être deux blocs de 14 minutes. Je vais commencer, à ma droite, avec M. le ministre.

M. Reid: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue à toute la délégation de la région de Baie-Comeau et de la Côte-Nord. D'abord, premièrement, laissez-moi vous dire que c'est difficile de ne pas être enthousiaste devant une telle démonstration de dynamisme et de conviction face à la valeur des services et de la formation universitaires et du rôle que l'éducation peut jouer dans une région comme la vôtre.

J'ai envie de vous poser la question... Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'écouter un petit peu l'échange qu'il y a eu avec la Fédération des cégeps avant que ce soit votre tour. Et il y a une question qui a été apportée comme quoi il était possible peut-être que les cégeps jouent un rôle différent, plus proche encore peut-être dans certains cas du rôle... de ce que les universités peuvent faire ou les services universitaires peuvent apporter.

Comme on avait dit tantôt, il peut y avoir des locations de locaux dans un cégep; je pense que vous en faites ou d'autres universités en ont fait à Baie-Comeau. Mais, quand on pense que possiblement ? c'est ce qui a été évoqué précédemment ? certains collèges pourraient devenir, un peu ce qu'on trouve à l'extérieur du Québec, des collèges universitaires avec...

Dans une perspective comme celle-là, face à votre rôle et à la mission que vous vous êtes donnée, face aux relations que vous avez eues avec le cégep de Baie-Comeau ou que vous avez encore, comment est-ce que ces discussions-là et ce que ça pourrait amener comme horizon nouveau... Si jamais il y avait des choses qui étaient retenues là-dedans, comment est-ce que ça vous interpelle, vous, disons, dans le développement que vous proposez?

Mme Richard (Françoise): Bien, je pense que, ce qui est important, c'est le partenariat toujours, là, avec le cégep et les autres aussi, parce qu'il y a un centre de recherche aussi en phytogénétique sur le territoire, le Centre de recherche Les Buissons. Je pense... M. Arseneau est venu aussi faire une annonce l'année dernière. Je pense que c'est important. La corporation est maillée finalement avec les principaux intervenants.

Donc, je pense que ça n'enlève en rien la pertinence, je pense, de notre projet. La seule chose, je pense, que ça voudrait dire... Ce qu'on veut, nous autres, c'est vraiment aller vers des secteurs qui ne sont pas encore développés. Puis toute la question de l'eau, je pense que la pertinence avec le forum sur l'eau en novembre dernier nous l'a apportée.

La question autochtone, parce qu'on a des autochtones sur notre territoire ? bon, on en discute, vous le savez, c'est dans les journaux, tout ça ? toute l'Approche commune... On est d'accord que les autochtones aient plus de marge de manoeuvre et plus d'autonomie sur leurs territoires, mais il leur faut des formations spécifiques, il leur faut des outils de gestion de leurs territoires. Donc, je pense que ça, on aimerait avoir un comité de recherche sur la question autochtone mais avec les autochtones. C'est eux autres qui en feraient partie... Donc, ça n'exclut pas la pertinence, je pense, de notre développement, d'arrimer mais pas dans des bacs en enseignement au secondaire, tout ça. Je pense que ce n'est pas vers ça.

Nous autres, ce qu'on propose, c'est vraiment des secteurs d'activité en émergence. Plus, bon, avec le projet ACCORD qui vient d'être signé avec la Côte-Nord, toute la question du minier, des petits fruits, de la forêt boréale, je pense qu'il y a une complémentarité à avoir. Et, ce qu'on veut, c'est une structure souple. On ne veut pas avoir une grosse infrastructure lourde. Administrativement, c'est quelque chose de souple et de dynamique. Donc, je pense qu'il y aurait un arrimage très facilement à faire avec le cégep et les autres partenaires, là, du milieu.

Et je pense que c'est une avenue qui est très intéressante, ce que la Fédération, là, des cégeps a apporté tout à l'heure. Puis M. Lapointe, du cégep de Baie-Comeau, m'en avait d'ailleurs parlé, là. On est quand même dans le cégep, et M. Lapointe fait partie de notre conseil d'administration. Donc, on a des échanges assez fréquemment, et c'est des choses qu'il m'avait... des pistes qu'il m'avait déjà données. Je pense que ça n'exclut pas le fait qu'il y ait des bacs éventuellement qui se donnent, là, au cégep, mais il y a un maillage.

Nous autres, c'est plus... On voudrait avoir quelque chose plus au niveau de la recherche et de faire en sorte qu'il y ait des comités de recherche sur l'eau, les autochtones, l'entrepreneuriat féminin qui se développe beaucoup sur la Côte-Nord et qui, avec le FIEF... d'avoir un maillage avec le milieu.

Tu sais, il y a vraiment des secteurs qui sont en émergence sur la Côte, et on aimerait pouvoir associer des chercheurs avec ces gens-là pour faire en sorte qu'il y ait une dynamique qui s'installe, et, par la suite, qu'il y ait de la formation qui puisse se donner et une formation qui ne se donne pas ailleurs. Parce que, ce qu'on vise, c'est d'attirer du monde sur notre territoire qui vienne chercher de la formation à Baie-Comeau et sur la Côte-Nord, secteur Ouest. Ce n'est pas d'aller dans les sentiers qui sont déjà défrichés, qui sont déjà battus; on veut défricher d'autres secteurs.

n(16 h 50)n

Et, quand on a fait le forum sur l'eau en novembre, l'INRS-Eau était là, il y avait... Et ça ne s'était jamais vu, un forum... On l'a fait dans une église aussi, donc ça revêtait un certain caractère sacré. Et les gens ont pu débattre pendant deux jours de différents arguments qui n'avaient pas été... Ils nous ont dit: Bien, votre agora de Maison de l'université, elle est là, vous l'avez. C'est parce qu'il y avait vraiment un débat, les gens ont pu s'exprimer. Il y avait presque 150 personnes qui étaient là. Ça a été vraiment un moment...

Mais c'est cette agora-là qu'on n'a pas. À Baie-Comeau, on n'a pas de lieu où on peut s'asseoir entre universitaires et débattre d'enjeux de développement local et régional pour la Côte-Nord. On ne l'a pas, ça. Puis, au cégep, ça ne se fait pas. Tu sais, ce n'est pas... Il faut un lieu où on aurait des diplômés universitaires qui seraient ensemble, débattre d'enjeux. Quand on parle de question autochtone, ils ont besoin d'avoir un support. Mais il faut qu'ils soient assis autour de la table puis qu'ils fassent la démarche pour aller dans la création, une quête de savoir, une création de savoir.

Ça, actuellement, ça ne se fait pas, sur la Côte-Nord. Tu sais, c'est dommage, mais ce n'est pas là, le lieu n'est pas là puis on n'a pas... Tu sais, ce n'est pas insufflé. Tu sais, on attend après les grandes entreprises. Mais là le milieu se prend en main. Il dit: On veut avoir une... tu sais, quelque chose de souple. On ne veut pas quelque chose de lourd avec 150 administrateurs. Ce n'est pas ça, le but. C'est vraiment quelque chose de souple, d'adapté et qui va être disponible pour la population universitaire, et créer aussi, là, une synergie avec le milieu économique. Oui...

M. Julien (Michel): ...

Le Président (M. Kelley): M. Julien, un complément de réponse.

M. Julien (Michel): Oui. Moi, je suis très jaloux de Rimouski quand je regarde les débats conférences qu'il peut y avoir sur l'heure du midi, parce qu'il y a toute une approche de recherche puis il y a tout un transfert de connaissances puis d'échanges qui se fait avec la population aussi. Ce n'est pas juste de faire une formation, donner une diplomation, débattre: est-ce qu'on va donner juste des bacs en région avec une association cégep puis université ou il va y avoir une vie universitaire aussi? Et cette vie universitaire là, elle est nécessaire pour le développement.

Quand on parle de l'économie du savoir, il y a des gens qui arrivent puis que c'est plus qu'un bac qu'ils ont de besoin, c'est de la formation spécialisée ou c'est de la formation particulière au niveau de la maîtrise ou même du doctorat. C'est de faire atterrir la recherche aussi, qui soit... disons, qu'ils viennent accoter le développement régional, le développement économique puis le développement social.

Mme Richard (Françoise): Sinon, ce qu'on entend, c'est le harnachement de nos rivières, c'est l'embouteillage d'eau. Tu sais, il n'y a pas réflexion plus loin, plus poussée. Les gens vont dans ce qu'ils connaissent: Bon, bien, la Côte-Nord, c'est une région ressource, allons-y; exploitons nos forêts, nos rivières. On ne va pas plus loin.

Tu sais, pourtant, le discours dans l'entente-cadre de la région, dans la planification stratégique qui s'est faite, c'était valeur ajoutée; deuxième, troisième transformation. Mais la culture régionale a besoin de plus que ça pour aller... Et c'est pour ça que l'université a un rôle à jouer dans ce... Tu sais, d'aller vers une valeur ajoutée, bien, ça demande d'aller au-delà du harnachement de nos rivières et de l'embouteillage d'eau. Qu'est-ce que ça a comme impact sur les écosystèmes? Qu'est-ce que ça a sur la population? Est-ce que c'est la seule avenue pour développer puis créer de l'emploi?

Oui, il faut créer de l'emploi. Oui, les gens, il faut qu'ils travaillent sur la Côte-Nord, si on veut qu'ils occupent le territoire puis qu'ils le développent. Mais il faut aller au-delà de la coupe à blanc puis au-delà du harnachement des rivières, les minicentrales.

Tu sais, l'écotourisme, ça existe. L'environnement, ça existe. Il y a d'autres secteurs qui n'ont pas été explorés. Et je pense que c'est important, là, que le milieu universitaire arrive avec cette dynamique-là, puis ces enjeux-là, et ces questionnements-là. Ça fait que ça, ça nous manque beaucoup sur la Côte-Nord.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Reid: Oui. Une petite question. Bien, au-delà de... puisque vous employez ces mots, au-delà du harnachement, de la coupe à blanc, etc., il y a quand même des choses qui se sont faites. Et, bon, bien, je pense que, depuis peu, là, le centre dispose quand même de sommes non négligeables pour pouvoir avancer dans ses priorités. Je pense, pour trois ans, il y a un budget qu'on a accordé récemment.

Et je me demandais si c'est en rapport avec ça que vous... quand vous vous... ou de mieux nous expliquer qu'est-ce que vous voulez dire par votre recommandation générale. Vous parlez de: Reconnaître la Corporation des services comme un intervenant universitaire. Qu'est-ce que vous voulez dire par ça exactement?

Mme Richard (Françoise): Bien, ce qu'on veut dire, c'est qu'on ait accès au réseau universitaire. Tu sais, il y a l'Assemblée des gouverneurs, il y a... Tu sais, qu'on ait vraiment un lieu où on pourrait dire: Il y a vraiment une université. Même si c'est une micro-université, même si c'est une maison de l'université, même si c'est un centre universitaire, appelons-le par n'importe quel nom, là... Bon, le milieu, quand il sera doté de la...

Après la consultation, on dit: On veut une maison de l'université. C'est pour ça que je continue à avoir cette formulation-là. Ça émane du milieu, c'est endogène, ça vient du milieu. Mais, ce qu'on aimerait, c'est qu'on ait vraiment une reconnaissance pour dire: Oui, on a une délégation de pouvoir pour dire on est un centre de courtage, oui, avec les universités. Mais on peut aussi regarder pour avoir accès à des budgets de recherche, parce que, le temps qu'on n'est pas reconnus comme étant un service universitaire officiel, on ne peut pas aller chercher des budgets de recherche, on ne peut pas aider un centre comme le Centre de recherche Les Buissons, qui sont en difficulté financière actuellement. On ne peut pas les aider dans leur développement parce qu'ils n'ont pas accès. Tant qu'ils ne sont pas collés à une université pour aller chercher des budgets de recherche, ils n'ont pas accès. Ça fait que c'est difficile pour eux actuellement d'attacher leur financement, même si, bon, ils ont des infrastructures, et tout. Ça fait que, si on avait... La corporation, si on avait vraiment un statut universitaire puis qu'on puisse siéger en des lieux puis discuter avec des partenaires universitaires, je pense que, là, ça favoriserait vraiment... on pourrait dire sur la Côte-Nord: Oui, on a... Même si ce n'est pas une grosse infrastructure ? ce n'est pas ce qui est visé par la Maison de l'université ? on pourrait avoir vraiment un lieu de formation universitaire et de recherche universitaire.

L'année dernière, on a eu deux stagiaires français qui sont venus de l'Université de Metz. Michel pourrait en parler, on s'est maillés avec le milieu. On a eu des partenaires avec la ZIP, le Conseil de bassin versant de la rivière aux Anglais. Et, nous, à la corporation, on a financé ces deux personnes-là qui ont passé plusieurs mois sur le territoire à faire de la recherche. Mais il faut plus que ça pour qu'il y ait un octroi. Après, pour que ça leur serve de stage, bien, il faut avoir une reconnaissance par le ministère de l'Éducation comme étant vraiment un milieu universitaire, même s'il est petit. On ne demande pas une grosse infrastructure mais un petit, un petit départ.

C'est évolutif dans le temps. On commence petit, puis graduellement il se maillera. C'est de même que l'UQAR est partie. L'UQAT en Abitibi, c'est parti petit. Ça fait que je pense que c'est vraiment... Mais il nous faut une petite cellule en quelque part pour faire en sorte d'avoir vraiment... puis que les gens disent: Ah! bien, sur la Côte-Nord, oui, tu peux avoir accès à une université même si c'est petit.

Puis on ne demande pas non plus d'offrir tous les bacs. Je pense que c'est pour ça que le cégep a son rôle à jouer. Si vous parlez d'un collège universitaire, le cégep a un rôle à jouer, puis le maillage peut très bien se faire avec le cégep, ça, il n'y a aucun problème. Puis ils ont de l'espace aussi.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue à mon tour à cette commission. J'essaie de me souvenir des premiers échanges qu'on a eus, mais enfin... C'était dans des moments assez difficiles finalement parce qu'on n'avait pas beaucoup de financement, on n'avait pas beaucoup de budget, mais on a cheminé avec vous. Et, moi, j'étais très fière de vous entendre tout à l'heure présenter... faire votre présentation. Je me disais que ça avait particulièrement bien cheminé, votre idée de départ.

Mes collègues vont sûrement souhaiter poser des questions. Vous allez permettre si évidemment nos amis...

Le Président (M. Kelley): ...un consentement pour le député de René-Lévesque, mais je suis certain que ça va être accordé à...

Mme Marois: ... ? c'est ça ? alors, qui voudront éventuellement poser des questions.

Bon, moi, je vous entendais, là, dans votre dernière intervention où vous souhaitez vraiment être, sinon un campus, un centre universitaire avec toutes les dimensions d'un vrai centre universitaire qui fait de la recherche, qui fait de l'enseignement, de la supervision, de la formation continue. Vous faites beaucoup de formation continue, bien sûr, j'ai constaté ça.

Vous faites affaire actuellement beaucoup avec l'Université du Québec à Rimouski. Mais, compte tenu des créneaux qui vous intéressent, je regarde toute la question de l'agriculture nordique, la question des autochtones, est-ce que vous avez aussi des partenariats ou des ententes avec l'Université du Québec à Chicoutimi? parce que eux font un travail en profondeur aussi dans certains des créneaux que vous avez identifiés, peut-être sous des angles différents. Mais est-ce que vous avez de telles ententes ou de tels échanges?

n(17 heures)n

Mme Richard (Françoise): Actuellement, ce qu'on a fait avec l'Université du Québec à Chicoutimi, c'est plus des programmes qui sont comme le D.E.S. en administration scolaire. On a fait un appel d'offres à Chicoutimi, à Rimouski pour avoir, là... les servir. Et, à partir de l'appel d'offres, on s'est assis avec la commission scolaire qui avait cette demande-là, ce besoin-là et la corporation pour analyser, et finalement, ce qu'on a fait, on a continué avec l'UQAR parce que les cohortes demandées sont moins nombreuses. Ils demandent 16 étudiants, étudiantes pour partir le cours, tandis que l'UQAT demande 25. Et on a eu en tourisme à un moment donné, marketing touristique avec l'Université Laval... on a fait appel à l'Université Laval, mais c'était 30 et 35. Ce n'est pas possible. Pour notre population, quand on a 15 étudiants pour partir une cohorte dans un même secteur puis maintenir cette cohorte-là, c'est ce qu'on... c'est notre réalité. Tu sais, entre 12 et 15, c'est réaliste; 30, 35, on ne partira rien, on oublie ça. Ça fait que l'Université Laval ne s'est pas déplacée parce qu'elle ne pouvait pas faire ses frais. C'est pour ça qu'on demande ça, c'est de diminuer le ratio. Je pense, ça, ça relève du ministère de l'Éducation du Québec de dire: Oui, la Côte-Nord a des besoins puis que... le manque à combler, bien là qu'il soit comblé par le ministère de l'Éducation.

À la corpo, on veut bien ? quand on part à 16, bon, puis que ça diminue, on veut bien, là ? compenser, mais on ne peut pas partir, dire: Bien, il en faut 30 puis on part à 15; on va payer pour 15 étudiants par session les frais d'inscription pour que le cours se donne. On n'a pas les moyens de faire ça, puis je ne pense pas que c'est ça qui est souhaité. Mais là c'est pour ça que le ministère a son rôle à jouer: pour que l'accessibilité au service universitaire se développe, bien, il faut que, les universités, quand elles ont une demande de la Côte-Nord... On n'est pas populeux, mais on est là, puis on a des besoins puis on aide à la construction du Québec puis au développement économique du Québec.

Donc, il faut un retour. Sans ça, on se sent un peu abandonnés, tu sais, on se sent un peu laissés sur notre territoire puis comme si on était juste une région ressource, puis, une fois, que les ressources seront parties, bien, le territoire ne servira plus. Mais ce n'est pas ça qu'on souhaite. Ce qu'on souhaite, c'est habiter... on a une excellente qualité de vie sur la Côte-Nord. Michel est de Montréal. Je suis de Montréal. Stéphanie revient après ses études sur la Côte-Nord parce qu'elle est native de la Côte-Nord, revient travailler parce qu'elle a eu une job. Elle reste puis elle a à coeur que ça se développe. Il y a une belle qualité de vie. C'est par choix, moi, que je suis sur la Côte-Nord depuis 20 ans. Je suis une Montréalaise, j'aime beaucoup Montréal, j'aime les grands centres, mais la qualité de vie de Montréal était quelque chose, mais la qualité de vie de la Côte-Nord, c'est exceptionnel.

Donc, j'ai à coeur que les services soient donnés. On a le droit à des services. On paie des taxes, on paie des impôts, on veut avoir... Ça fait que ça, c'est important que ce soit pris en compte par le ministère de l'Éducation du Québec, et c'est pour ça... Et on n'est pas les seuls, il y a des gens qui nous demandent régulièrement, tu sais, d'avoir de plus en plus de services. Bien, c'est pour ça qu'on a consulté le milieu, dire: Qu'est-ce que vous voulez? Parce que, moi, mon idée, quand je suis arrivée il y a 20 ans, je me disais: Pourquoi il n'y a pas d'UQCN ici? Tu sais, comment ça se fait qu'il n'y a pas de constituantes universitaires du réseau UQ? J'ai posé la question dans le temps au président du Conseil du trésor, M. Simard, qui était... pas natif, mais qui a été élevé, là, sur la Côte-Nord, et ce qu'il m'avait répondu, c'est: Les constituantes sont déficitaires, n'espérez pas avoir une grosse université.

Ça fait qu'à partir de là on a réunit des gens, on va se consulter: Qu'est-ce que vous voulez, comme modèle? Il faut un modèle émergeant, différent, souple. Bien, c'est ce que ça a donné, c'est la Maison de l'université de l'O, ce qu'on a appelé, là, depuis. Puis, depuis deux ans et demi, les gens dans le milieu parlent de cette Maison de l'université. Elle aura peut-être un autre nom, elle sera peut-être... Mais le concept demeure souple, évolutif, léger, et ça permet aux gens en tout cas de s'accrocher.

C'est un rêve, c'est sûr. Il... Mais il y a quand même des choses qui se sont faites, là, depuis les dernières années. Au niveau du centre de courtage, entre autres, là, il y a quand même beaucoup qui se fait, et les gens maintenant ne peuvent plus dire qu'il n'ont plus de services universitaires parce qu'il y en a... Il y a quand même des formations qui se donnent; on a 468 inscriptions. Donc, c'est évolutif. Les gens... Il y a un besoin, ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas, ils veulent.

Mme Marois: Je vais rapidement faire...

Le Président (M. Kelley): ...dans une gestion de temps parce que c'est également M. le député de René-Lévesque, alors....

Mme Marois: Oui. Rapidement faire un petit commentaire. C'est très, très enthousiasmant de vous entendre puis c'est absolument fascinant, hein, de voir que l'Université Laval, qui a pas mal plus de moyens que l'Université du Québec à Chicoutimi ou à Rimouski, dit: Bien, moi, c'est une cohorte de 30. Alors, bon... Bien, ça, ça illustre bien la nécessité d'un financement particulier pour les universités en région et pour le support à apporter, tout à fait spécifique, à des institutions comme la vôtre.

Et, en vous entendant parler avec tout l'enthousiasme que vous y mettez, on se faisait le commentaire, d'ailleurs, mon collègue et moi, je me dis: C'est... Vous illustrez bien ce qu'il faut faire pour occuper notre territoire, et le développer, et faire en sorte que les gens aient le goût d'y vivre, d'y élever leurs enfants, de faire en sorte que leurs jeunes trouvent un emploi, un emploi de qualité, un emploi aussi dans l'économie du savoir.

Et, quand vous faites référence, dans votre mémoire, à l'importance qu'on cesse d'être une région ressource que l'on exploite pour ses ressources, mais qu'on soit une région aussi qui puisse produire, transformer, faire de la recherche, je pense que vous pouvez être à cet égard un déclencheur et un accompagnateur, si on veut. Mais c'est évident qu'il faut que, comme société, on fasse des efforts particuliers. Sinon, nos régions risquent de se réduire comme des peaux de chagrin, hein, on le sait bien.

Mais il y a mon collègue qui veut...

Le Président (M. Kelley): ...permettre au député de René-Lévesque de poser sa question.

Mme Marois: C'est ça, oui. Puis, après ça, moi, j'ai terminé.

Le Président (M. Kelley): M. le député.

M. Dufour: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue à l'Assemblée nationale, Mme Coll, Mme...

Mme Richard (Françoise): Richard.

M. Dufour: ...Richard, M. Julien. Alors, peut-être deux questions en rafale pour laisser peut-être un peu de place à mon collègue aussi. Alors, vous parlez de régions ressources. Effectivement, on a Hydro-Québec, Alcoa, Abitibi-Consolidated, Kruger. Alors, il est vrai qu'on est une région premières ressources. Et est-ce qu'il y a, par rapport à la grande entreprise, des demandes spécifiques pour des créneaux de spécialités qui sont propres à leur entreprise, bien entendu? Et, au niveau des deux corporations, quel est le ratio actuel par habitant au niveau de la population versus d'autres régions au niveau des services universitaires?

Mme Richard (Françoise): Ce que je vous dirais, c'est... Bien, je vais répondre peut-être à votre deuxième question: le ratio par habitant. On a... Au Sommet socioéconomique de 1989 qui a eu lieu sur la Côte-Nord, c'étaient les libéraux qui avaient fait en sorte que les gens se concertent dans la région et ça avait donné à ce moment-là... Déjà, il y avait des demandes pour avoir quelque chose d'universitaire sur la Côte-Nord, et je pense que c'était le ministre Ryan qui était à ce moment-là ministre de l'Éducation. Il avait octroyé 100 000 $ pour l'ensemble de la région Côte-Nord, et, après ça, la décision qui a été prise, ça a été de scinder comme... la région en deux: bon, l'UQAC pour l'Est, l'UQAR pour l'Ouest, à raison de 50 000 $ par année, et, à ce moment-là, c'était pour trois ans. C'est resté dans la machine. On a toujours continué à avoir le 50 000 $, ce qui fait que ça fait 1 $ par habitant, par région de la Côte. Dans l'Ouest, on est 50 000 à peu près, plus ou moins maintenant, c'est 1 $ par habitant.

Si on regarde ce qui s'octroie à Chicoutimi, ce qui s'octroie à Rimouski, c'est dans les 30 millions de dollars, 20 quelques millions à Chicoutimi, 16 ou 17 millions en Abitibi. Disons que le ratio, eux autres, c'est plus dans le 125 $, 140 $, 150 $ par habitant pour l'éducation supérieure, tandis que, pour la Côte-Nord, c'est 1 $ par habitant, c'est le 100 000 $ qui est resté.

Vous l'avez... je pense, hein, le CRD a fait une analyse, on a fait l'analyse d'ailleurs avec eux et le Conseil de l'Est, et c'est les chiffres qu'on est allé chercher qui étaient sur leur site à ce moment-là. Je ne sais pas maintenant, l'octroi, s'il est dans le même environnement. Donc, ça répond à la première question. Disons qu'on est vraiment en déficit, il est là. L'écart est là, et ça paraît sur le tissu social culturel de la région évidemment.

Une chance qu'on a eu, dans Baie-Comeau entre autres, à Sept-Îles la même chose... au moins, au niveau culturel on a eu une salle de spectacle qui a à peu près une douzaine d'années, 12 ou 13 ans. On a eu une salle de spectacle. Pour moi, une université, c'est comme une salle de spectacle, comme infrastructure dans une région. Quand une région se développe, il devrait y avoir ces infrastructures-là de base qui font en sorte qu'il y ait une accessibilité à tous les services d'une région. Donc, ça fait en sorte que le milieu se développe.

Au niveau culturel, depuis qu'il y a une salle de spectacle, ça a ouvert ? tu sais, c'étaient des régions fermées, c'étaient des villes de compagnies ? ça a ouvert les esprits, ça a ouvert à différents courants d'idées qu'on n'avait pas avant. Ça paraît sur le tissu social, ça paraît sur les jeunes, ça paraît sur les adultes, c'est important.

Votre première question quant aux créneaux spécifiques avec les grandes entreprises, je dirais qu'on n'est pas encore rendus à attacher des projets de recherche. On l'a fait avec le forum sur l'eau. Disons, le forum sur l'eau, on a fait en sorte que nos partenaires ? Alcoa, Hydro-Québec, Abitibi-Consol ? financent le forum sur l'eau, bon, pas à des grands montants, mais, quand même, pour qu'il y ait vraiment un partenariat, un montage financier avec le privé et une table environnement évidemment. Et ils ont assisté et ont accompagné... pendant six mois qu'on a mis sur pied ce forum-là, bien, il y avait nos partenaires financiers qui étaient là et nos partenaires au niveau idéologique, je dirais.

Et il y a le professeur Riccardo Petrella aussi qui nous accompagne dans la démarche depuis trois ans. Ça fait trois fois que M. Petrella vient sur la Côte-Nord. On a travaillé avec lui les enlignements pour le forum sur l'eau, et, par la suite, il a été coprésident d'honneur avec Françoise David. Il n'a pas pu se rendre parce qu'il était à Paris, sur un autre forum social à ce moment-là ? le Forum social européen ? mais il est venu la semaine suivante et on a atterri les enjeux qui avaient été dégagés pendant le forum sur l'eau pour se donner des balises et dire: Voilà, on s'en va vers cet enlignement-là, et on continue d'être en lien avec M. Petrella dans ce niveau-là.

n(17 h 10)n

Et il y a aussi le SIE ? le Secrétariat international de l'eau ? avec M. Raymond Jost, avec qui on est en contact pour regarder si on ne pourrait pas établir quelque chose sur l'eau, là, à Baie-Comeau.

Donc, il y a des liens qui se font, puis, pour répondre à votre question: au niveau d'Alcoa, au niveau des principales entreprises, c'est sûr qu'ils ont des besoins. À l'intérieur même de leur boîte, de leur entreprise, ils ont des secteurs de formation, mais ils n'ont pas exclu la possibilité de travailler... Une fois qu'on... Si on est reconnu universitaire, à ce moment-là, c'est beaucoup plus facile de faire un maillage avec le milieu économique de la région.

Donc, dans ce sens-là, je pense qu'il y a un avenir qui est très prometteur si, au niveau du ministère de l'Éducation, on peut être reconnu comme étant universitaire avec un grand U.

Le Président (M. Kelley): Malheureusement, je dois couper l'échange ici parce que nous devons terminer à 18 heures; il y a un autre groupe à entendre. Mais le président notamment a noté votre intérêt dans la question autochtone, et je trouve ça très intéressant. Et, si jamais la ville de Baie-Comeau a besoin d'une campagne de publicité pour vanter les mérites de se déplacer en région, je pense qu'ils ont une vedette pour la série de publicité. Alors, merci beaucoup pour avoir pris la peine de faire la longue route pour venir ici partager votre passion avec les membres de la commission.

Sur ça, je vais suspendre nos travaux quelques instants, et j'invite les représentants de la Fédération étudiante de l'Université de Sherbrooke de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 12)

 

(Reprise à 17 h 14)

Le Président (M. Kelley): Alors, c'est tout à fait approprié de recevoir maintenant la Fédération étudiante de l'Université de Sherbrooke. Je pense c'est la semaine des stagiaires. À chaque année, il y a un nombre important des étudiants de l'Université de Sherbrooke qui sont parmi nous. Alors, ça tombe bien que leur fédération va prendre place.

Il nous reste 45 minutes. Alors, prenez le temps qu'il faut pour faire votre présentation; on va couper en deux le temps qu'il reste entre les parlementaires. Et, sur ça, la parole est à vous, M. Martin Tremblay, qui est président.

Fédération étudiante de l'Université
de Sherbrooke (FEUS)

M. Tremblay (Martin): Merci beaucoup. Je voudrais tout d'abord vous présenter les membres qui sont avec moi. Il y a Pierre-Luc Gagnon, nettement à ma droite, qui est vice-président aux affaires internes; Jean-Sébastien Closson Duquette, qui est vice-président aux affaires externes; et, à ma gauche, Geneviève Nadeau, qui est notre attachée à l'exécutif.

Donc, il nous fait grand plaisir de venir ici présenter notre mémoire, comme fédération étudiante. Comme fédération étudiante, nous représentons plus de 10 000 étudiants inscrits au premier cycle à l'Université de Sherbrooke et nous sommes l'un des plus grands groupes de ce type au Québec et aussi un des plus grands groupes de moyen de pression dans la région de l'Estrie. Donc, on vient vous présenter les préoccupations de nos étudiants, défendre leurs droits et leurs besoins de la formation. C'est quelque chose qui les préoccupe beaucoup. Donc, voilà pourquoi nous sommes ici, aujourd'hui.

Toute notre présentation se base sur des principes d'accessibilité, d'éthique, d'intégrité envers les étudiants, qui sont nos valeurs de base, et c'est ce qui ressort dans notre mémoire et aussi notre présentation d'aujourd'hui. La présentation va être séparée dans les trois enjeux de la commission, soit qualité, accessibilité et financement.

Tout d'abord, pour l'enjeu de la qualité, la fédération travaille depuis plusieurs années à tenter d'améliorer la qualité de la formation qu'on a à l'Université de Sherbrooke. Pas qu'elle soit mauvaise, mais il y a toujours place à amélioration. Donc, nous travaillons fort pour... Nous avons fait des pressions dans le temps de M. Reid pour créer une politique d'évaluation de l'enseignement, entre autres. Il y a aussi la création d'une politique linguistique, un groupe de travail sur le plan de l'assurance de la qualité de la formation qui est en cours et différents autres dossiers de ce type.

La fédération suit beaucoup l'université au point de vue de la qualité de la formation, puisque c'est ça qui va permettre à nos étudiants, une fois arrivés sur le marché du travail, d'avoir les connaissances adéquates pour pouvoir faire leur travail adéquatement et leur donner aussi le goût des études.

Il y a différents problèmes de qualité qui viennent rejoindre un peu aussi le financement, auxquels on va revenir un peu plus tard. Les bibliothèques universitaires, y compris à Sherbrooke, ont certains problèmes: un manque de monographies, de périodiques, de livres, parce qu'il faut quand même... À l'Université de Sherbrooke, il faut remplir pour tous les types de personnes qui veulent aller à la bibliothèque, que ce soit la communauté étudiante, que ce soit des professeurs ou des groupes de recherche. Mais on a la chance d'avoir aussi, à l'université, des gens de toutes les facultés. Il y a neuf facultés: administration, médecine, droit, enseignement, ce qui nécessite aussi des ressources de tous ces types-là en nombre adéquat pour pouvoir faire des recherches.

On a quelques problèmes d'infrastructure. Nous sommes dans notre cinquantième année, donc le grand anniversaire, mais il faut aussi dire que certains pavillons et certains endroits datent de cinquante ans aussi, avec les problèmes que ça occasionne, soit des problèmes de fenestration, de climatisation. Si on veut permettre aux étudiants d'avoir un environnement, une qualité pour faire leurs études, il faut s'assurer que l'endroit où ils sont soit adéquat, qu'il ne fasse pas trop chaud rendu au mois d'avril ou au mois de mai et pas trop froid à apporter son manteau à l'intérieur non plus rendu au mois de janvier. Et je crois aussi que c'est dans les bases de l'université de s'assurer d'offrir des programmes de qualité mais aussi un environnement de qualité pour permettre des études universitaires adéquates.

n(17 h 20)n

Et aussi ce qui arrive, c'est que les technologies et les recherches avancent très rapidement. On a besoin de technologies de pointe. Par exemple, présentement, on ne peut pas faire de recherche en microbiologie sans certains microscopes très spécialisés. On ne peut pas faire d'études en géographie puis les détections sans des GPS. Il nous faut du matériel adéquat, du matériel à la fine pointe de la technologie pour permettre de former des étudiants adéquats pour le marché. On ne peut plus maintenant faire un Bac en informatique sur Windows 95. Il faut s'assurer d'avoir ce qui est sorti hier et être prêt pour ce qui va sortir demain.

Aussi, il y a un grand besoin de professeurs. Ce n'est pas... La fédération étudiante n'ira pas à savoir combien il en manque. Certains autres groupes sont ici venus vous présenter leurs différents points de vue sur ce côté-là, mais on sait qu'il va en manquer et que le moyen idéal pour s'assurer qu'on ait des professeurs de qualité est aussi de valoriser l'enseignement des deuxième et troisième cycles, et c'est les étudiants de premier cycle qu'on représente qui seront ces étudiants-là par après. Si on ne leur donne pas les situations adéquates lorsqu'ils sont au premier cycle, ils n'auront pas l'intérêt, ils n'auront pas les moyens financiers de poursuivre pour des études de deuxième et troisième cycles.

Donc, pour la qualité, avec tout ça, si on veut s'assurer d'une bonne qualité, avec le financement que reçoivent les universités, il ne faut pas oublier que ces universités-là se doivent aussi d'être imputables envers quelqu'un avec les fonds qu'elles ont. Donc, il y a certains mécanismes d'imputabilité qui fonctionnent bien et d'autres un peu moins bien présentement; certains ont leurs côtés positifs et leurs lacunes, mais il se doit d'y avoir un mécanisme d'imputabilité pour les universités. Présentement, les universités viennent à tous les deux ans se présenter ici, devant la Commission de l'éducation. l'Université de Sherbrooke est passée encore récemment, cet automne, mais il existe aussi d'autres systèmes qui avaient été implantés un peu plus tôt, comme les contrats de performance qui ont leurs bienfaits mais aussi certaines lacunes qu'on peut voir maintenant, aujourd'hui.

Est-ce que, pour remplir les critères des contrats de performance, qu'il y ait un taux de diplomation, les universités vont avoir la tendance de baisser leur qualité pour s'assurer de faire le taux de diplomation tel qu'inscrit dans les contrats de performance? C'est une question qu'on peut se poser. Est-ce qu'il va y avoir une course aux universités pour remplir les conditions du contrat de performance, pour pouvoir avoir l'argent qui va avec, pour augmenter de 2 %, 3 %, 5 % ou 10 % leur clientèle? Il n'y a pas beaucoup quand même d'étudiants universitaires au Québec, et nous ne croyons pas qu'il serait dans l'intérêt du Québec que chacune des universités tente de se les arracher les unes les autres en tentant d'offrir quelque chose de plus ici et là si on n'a pas des critères de qualité et des critères fixes et très clairs pour tous. Donc, c'était l'ensemble des éléments pour la question de la qualité.

Pour les enjeux de l'accessibilité. À l'Université de Sherbrooke, on vit une situation particulière. Trois étudiants sur quatre ne proviennent pas du tout de la région de l'Estrie. Ils viennent... Vous avez ici quatre personnes qui ne sont pas de la région de l'Estrie. Donc, nous sommes un exemple parfait de ce qui arrive. On vient de Montréal, des Laurentides, parfois de la Côte-Nord. J'ai des amis qui venaient de Côte-Nord pour venir étudier jusqu'à Sherbrooke. Mais...

Donc, c'est ça, les étudiants ont donc des dépenses supplémentaires à assumer lorsqu'ils viennent étudier. 65 % des étudiants à l'Université de Sherbrooke reçoivent des prêts et bourses de l'Aide financière; c'est 10 % de plus qu'ailleurs dans les autres universités. Des systèmes ont été implantés aussi, comme la Fondation FORCE qui est quelque chose qui a été implanté par des étudiants pour aider d'autres étudiants dans le besoin, avec des banques alimentaires, un service d'emploi sur le campus, justement pour aider ces étudiants-là.

C'est pourquoi, comme fédération étudiante, les frais de scolarité ne peuvent pas augmenter. Le gel se doit d'être assuré ? le gel des frais de scolarité ? parce que nos étudiants, à Sherbrooke, sont déjà dans de plus grands besoins financiers. On ne peut pas couper ça parce qu'ils vont se retrouver à ne plus vouloir étudier, et on perd des personnes qui sont intéressées, qui sont prêtes à se déplacer pour aller étudier, mais, pour une question purement financière, on vient de les oublier, et on perd des professionnels pour demain. Et justement aussi, dans ce même cadre là, il faut aussi penser à une réforme des prêts et bourses. Merci.

M. Closson Duquette (Jean-Sébastien): Donc, nous remarquons que les étudiants finissants sont de plus en plus endettés. Selon nous, ça vient du fait que le régime de prêts et bourses est inadapté à la situation actuelle. En effet, le régime de prêts et bourses ne tient pas compte de l'augmentation de l'électricité, des loyers par exemple, des prix à la consommation touchant les livres et la nourriture et le transport en commun.

C'est pourquoi nous pensons, à la fédération des étudiants de l'Université de Sherbrooke, que l'aide financière aux études doit être révisée, ceci pour alléger le fardeau fiscal des étudiants.

M. Tremblay (Martin): Dans ce sens-là, on voit encore certains... Il y a un nouveau programme qui sera implanté bientôt, mais il comporte encore de graves lacunes, et une des principales ? je crois qu'il y a un groupe qui sera appelé justement à vous les donner en détail, la fédération des étudiants de familles monoparentales et reconstituées... Une étudiante qui reçoit une pension alimentaire, cette pension alimentaire est inscrite comme un revenu. Elle est donc coupée aux prêts et bourses et ne peut plus continuer ses études. Il faut se rendre en comité dérogatoire à l'aide financière pour pouvoir faire passer ce point. Il n'est pas plus logique non plus que 5 $ soient alloués pour manger par jour; maintenant, ce n'est plus la réalité. Peut-être que ça pourrait me suffire, mais, à d'autres, non. Ensuite, il faut penser que... il ne faut pas oublier qu'il y a une pénurie de logements, les logements augmentent, ce qui entraîne des coûts supplémentaires.

Pour la question du financement, l'Université de Sherbrooke se trouve toujours dans un créneau particulier. Sommes-nous une université en région, sommes-nous une université de grand centre, une université de recherche? Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut s'assurer que l'université ait le financement qu'elle se doit de recevoir. Si le ministère considère que c'est une université en région, qu'on lui donne l'argent qui lui est nécessaire pour développer, sans oublier chacun de... son développement de recherche ou sa grande envergure. Il faut s'assurer qu'il ne faut jamais oublier que l'Université de Sherbrooke est dans une catégorie un peu spéciale, et, comme vous pouvez le voir dans notre mémoire, c'est justement dans ce cadre-là qu'on demande qu'il y ait un financement particulier pour les universités ? les universités ? de la région de Sherbrooke.

Dans ce sens-là, comme fédération étudiante, par solidarité aussi avec les gens qu'on côtoie dans la même ville, l'Université Bishop's, avec ses particularités, a aussi besoin d'un financement qui ne remplisse pas les mêmes... Ils ne vont pas chercher les mêmes types d'étudiants, ce n'est pas le même but de l'université, mais ils ont chacun besoin de leur financement. Et ce n'est pas vrai qu'on peut dire que l'une et l'autre a le même financement, sur les mêmes bases, parce qu'on ne remplit pas les mêmes critères et les mêmes buts.

Ensuite, il ne faut pas oublier qu'à l'Université de Sherbrooke l'entreprise privée occupe une très grande place. Avec un régime coopératif depuis plusieurs années, on a besoin des entreprises privées mais pas à n'importe quelles conditions.

M. Closson Duquette (Jean-Sébastien): Selon nous, le secteur privé bénéficie des recherches et des découvertes, tant dans les domaines scientifiques que dans les domaines sociaux. C'est donc pourquoi nous croyons que l'entreprise privée pourrait jouer un rôle dans le financement des universités sous trois formes différentes: les bourses qui seraient directement remises aux étudiants, une participation au financement des universités et ainsi que l'incitation au régime coopératif. Le régime coopératif procure un emploi dans le milieu futur du travail de l'étudiant.

M. Tremblay (Martin): Lorsqu'on parle aussi de la place du privé dans une université, il faut aussi s'assurer de garder une crédibilité de nos universités. Dans ce sens-là, il ne faut pas qu'il existe, nulle part au Québec, une faculté de médecine Imperial Tobacco, une faculté d'administration Banque mondiale. Oui, le privé vient de faire un joyeux investissement dans les universités québécoises; on a l'argent qu'il nous faut, mais on n'a plus la crédibilité ni au Québec, ni ailleurs au Canada, ni en Amérique, ni dans le monde. Donc, les entreprises privées ne doivent jamais ? et c'est très clair pour la fédération étudiante ? s'ingérer dans le contenu des programmes et dans l'offre de cours.

n(17 h 30)n

Si une compagnie privée veut nommer une salle en son nom, c'est bien, mais le programme ne changera pas. On ne va pas faire tous des petits ingénieurs pour Bombardier ou faire tous des petits financiers pour le ministère du Revenu. Donc, il faut s'assurer que l'offre de cours et le contenu académique ne soient jamais touchés. Dans l'ensemble, il s'agit rapidement de l'ensemble de nos positions. Alors, je ne veux pas prendre plus de temps. Je crois que c'est plus à vous de vous poser vos questions. Nous sommes ici pour répondre justement à vos questions, donc je crois qu'on va laisser le reste de la période à vous. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour la compréhension, M. Tremblay. Il nous reste 28 minutes, alors 14, 14. La parole est à vous, M. le ministre.

M. Reid: Merci, M. le Président. Bienvenue aux représentants de la FEUS et à son président. Alors, on a l'habitude de déclarer un peu nos relations avec les universités. Je ne veux pas aller trop dans le détail, mais un peu sous la forme qu'on mentionne en général, je voudrais dire d'abord que malheureusement, et je l'ai dit souvent, je n'ai pas de diplôme de l'Université de Sherbrooke, qui est une excellente université, mais mes deux filles en ont. Alors, je me suis repris de ce côté-là probablement. Mais aussi je voulais souligner que c'est... On parlait de la semaine des stagiaires, mais il y a deux stagiaires avec nous qui sont à mon cabinet et qui sont de l'Université de Sherbrooke. Et, quand vous disiez tantôt que, sur quatre personnes qui étaient présentes, il y en avait quatre qui ne venaient pas de la région de l'Estrie, bien, en fait, je peux vous dire qu'il y a un peu plus, que, sur six personnes présentes étudiant à l'Université de Sherbrooke, il y en a six qui ne viennent pas de l'Estrie. Donc, c'est assez intéressant.

Je voudrais vous poser une question sur une préoccupation que vous manifestez, et elle est manifestée davantage sous la forme d'une préoccupation, je pense, dans votre texte, à la fin de la page 5, au début de la page 6 et un petit peu avant et après, quand vous dites: «La FEUS croit qu'il est inconcevable que les mécanismes d'imputabilité visant à assurer la saine gouvernance des universités encouragent l'élimination de certains programmes, puisqu'une formation générale et diversifiée est indispensable à l'équilibre de la société.» Un peu plus tôt, vous avez parlé des cours de philosophie, etc., et, là-dessus, je pense que c'est tout à votre honneur d'avoir une préoccupation pour la formation générale puis je pense que vous aller trouver ici, autour de la table de la commission, beaucoup d'accord là-dessus avec vous.

Maintenant, quand on essaie de transformer ça en choses concrètes qui gèrent la vie quotidienne d'un gouvernement, d'une université, autrement dit, il y a contraintes quant à la façon dont on va gérer, distribuer, répartir les fonds que la société québécoise, que les Québécoises et les Québécois mettent à la disposition du système universitaire et du système d'éducation, et on peut se demander dans quelle mesure, disons, on peut assurer le financement d'un programme dans lequel il y aurait peu ou pas d'étudiants parce qu'il y a des professeurs qui sont engagés pour un programme donné. Ou est-ce qu'il faut que tous les programmes... c'est-à-dire que toutes les universités québécoises, pardon, aient des programmes dans toutes les disciplines générales? Et, autrement dit, est-ce que vous eu l'occasion de réfléchir un peu à partir de quel moment est-ce qu'on balise entre les extrêmes, finalement? Parce qu'on comprend qu'on ne peut pas avoir tout partout puis on comprend, non plus, qu'on ne veut pas avoir une absence de formation générale au Québec pour les étudiantes et les étudiants qui veulent le faire, mais, entre les deux, de quelle façon est-ce qu'on peut harmoniser ces choses-là?

Et il y a déjà eu des gens qui ont proposé des solutions entre des solutions très directives où il y a un comité qui décide qu'à telle place il y a tel programme, à un extrême, puis à l'autre extrême où c'est la liberté totale et c'est juste une question d'argent. Entre les deux, est-ce que vous avez eu l'occasion de vous positionner ou si, pour l'instant, c'est surtout un état de préoccupation que vous manifestez qui encore une fois est une préoccupation extrêmement louable, à mon sens? Et je pense que tout le monde va être d'accord avec moi ici.

M. Tremblay (Martin): C'est davantage une préoccupation pour l'instant, mais on ne vise pas qu'il y ait, par exemple, qu'une faculté de médecine au Québec. Il faut s'assurer d'une large distribution parce que, dans chacune des régions, il y a des demandes. Justement, juste auparavant, il y avait des demandes pour la Côte-Nord. Il faut s'assurer aussi que chacun puisse avoir accès facilement à ce qu'il désire comme formation, que ce soit par un développement de cours par Internet, de formation à distance. La structure, on ne s'est pas penché directement dessus, mais il faut s'assurer que chaque personne qui désire avoir une formation universitaire puisse l'obtenir, peu importe l'endroit où il habite au Québec, que ce soit dans le Grand Nord ou à Montréal, à côté d'une station de métro.

Et dans les... parmi les mécanismes précis, il existe déjà, au ministère, des financements par équivalent étudiant temps plein: un étudiant en administration vaut un, en génie vaut un virgule quelque chose. Si on veut aider, et on sait que certains programmes, on voit qu'ils souffrent de sous-financement, à ce moment-là ? qu'un étudiant coûte beaucoup plus cher ? c'est à revoir, cette table-là, pour s'assurer que ces programmes où il manque d'argent puissent avoir un financement de cette façon-là ou par financement spécifique. Si le gouvernement veut s'assurer qu'il y ait une formation générale ou des formations dans tous les programmes, il existe aussi des enveloppes au ministère pour donner de l'argent à des formations spécifiques. Donc, c'est plutôt de ce côté-là qu'on regarde.

M. Reid: O.K. Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Maskinongé.

Mme Gaudet: Bonjour. Merci pour votre présentation. À la page 5 de votre mémoire, vous parlez de mécanismes d'imputabilité. Alors, moi, j'aimerais vous entendre sur quels mécanismes d'imputabilité vous proposez. Et je ne sais pas si je comprends bien, là, mais vous semblez avoir un doute sur l'utilisation du financement. Vous dites ? et je cite ? que ces mécanismes d'imputabilité devraient vérifier l'utilisation que font les universités de leur financement en s'assurant que celles-ci répondent aux attentes de la communauté étudiante, du corps professoral et de la collectivité en regard de la qualité de la formation.

Alors, j'aimerais peut-être vous entendre sur les moyens que vous aimeriez qui soient mis en place pour faire cette vérification-là.

M. Tremblay (Martin): Il existe déjà une loi qui oblige l'université à venir présenter... À notre avis, il manque des critères aux présentations des éléments que les universités se doivent de présenter pour justement... par mécanisme d'imputabilité. Souvent, on entend parler qu'il y a des sondages Maclean's, du Globe and Mail. L'Université de Sherbrooke se classe très bien. Donc, nous en sommes heureux, nous aussi, mais il faut s'assurer aussi que ces mécanismes-là, que certains de ces critères se retrouvent aussi lorsqu'on arrive ici, devant l'Assemblée nationale, que les conditions des étudiants, les conditions des programmes, la qualité des programmes puissent aussi se retrouver dans le mécanisme d'imputabilité. À savoir exactement le libellé de chacun des critères, on n'est pas rendu à cette étape-là encore, mais... Nous croyons qu'il y a déjà un bon mécanisme par cette loi-là, mais qu'il faut la renforcir davantage.

Mme Gaudet: Est-ce que j'ai le temps pour une autre question?

En page 13, vous parlez de l'enseignement par les chargés de cours versus l'enseignement par les professeurs réguliers. Et vous dites qu'il est important de valoriser l'enseignement des chargés de cours, mais vous dites également qu'un professeur de HEC, Hugues Boisvert, a démontré que les chargés de cours génèrent à long terme des coûts supérieurs aux professeurs, puisque ces derniers n'exercent pas l'activité... n'exercent que l'activité d'enseignement, pardon.

Alors, j'aimerais avoir plus de précision sur cet élément et quelle est votre position par rapport aux chargés de cours versus les professeurs réguliers et la recherche.

M. Tremblay (Martin): Les professeurs réguliers font de l'enseignement, mais souvent ce n'est pas quelque chose qui est valorisé présentement. C'est quelque chose qu'on trouve très dommage parce que les professeurs, c'est pour aller chercher des subventions, aller chercher des éléments comme ça, du meilleur financement. Donc, puisque les universités présentement manquent d'argent, tous les professeurs sont beaucoup plus axés vers le niveau recherche que le niveau enseignement, et il faut trouver des mécanismes ou des moyens de valoriser l'enseignement.

Lorsqu'on parle des chargés de cours, c'est que la plupart des chargés de cours sont des professionnels qui, à tous les jours, font leur travail de professionnel dans chacun de leurs domaines et apportent des éléments nouveaux ou apportent un vécu que parfois certains professeurs universitaires ne peuvent pas apporter, puisqu'ils sont toujours dans un domaine qui est plus recherche qui est plus savant, qui est beaucoup plus poussé. Donc, il faut trouver un moyen de doser un peu les deux, mais il faut s'assurer que les chargés de cours, qui apportent ces éléments techniques là, ces éléments précis de la profession, que ce soit assez... que ce soit valorisé et qu'ils prennent la place qui est importante.

Mais, d'un autre côté, il faut aussi demander que les professeurs fassent de l'enseignement et pas que du niveau recherche. Si présentement ils ne font que de la recherche et que les chargés de cours viennent juste enseigner, il est vrai que ça va coûter plus cher pour les universités.

Mme Gaudet: Merci.

n(17 h 40)n

Le Président (M. Kelley): Juste pour réitérer la question de ma collègue sur l'imputabilité, si des éléments... Parce qu'on est toujours, comme commission, en train de structurer ces séances d'imputabilité avec les gestionnaires des universités, on est au moment de la création, alors, si vous avez des compléments de réponse ou des précisions quant aux facteurs ou aux éléments qui peuvent... que la commission peut exiger des dirigeants des universités, on est toujours très ouvert aux suggestions, alors... Même que, si la réflexion n'est pas plus poussée aujourd'hui, n'hésitez pas à l'avenir si vous avez d'autres suggestions à formuler pour les membres de la commission parce que, nous autres aussi, on a... Avant, c'était un exercice annuel d'une heure, alors on a fait ça vraiment en rafale. On a opté de faire ça une fois par trois ans, mais avoir un avant-midi ou un après-midi au complet. Alors, il y a l'espace maintenant. Mais on est également très intéressé aux indicateurs de performance, les choses qui peuvent bien alimenter la réflexion et l'exercice d'imputabilité avec les dirigeants des universités.

M. Tremblay (Martin): Dans ce sens-là, par exemple, à l'Université de Sherbrooke, la fédération étudiante a beaucoup poussé pour qu'il y ait la mise en place d'une politique de l'évaluation de l'enseignement. Nous sommes en révision, maintenant, de cette politique-là. Pour nous, il s'agit d'un critère que les universités se doivent de se doter. Il y a un groupe de travail sur la qualité de la formation. Ça, on s'est doté d'un plan d'assurance. Donc, c'est à long terme comment on s'assure d'une qualité de notre formation à l'université, et tous les membres, qu'ils soient chargés de cours, professionnels, professeurs, de la direction, y participent présentement. Et c'est des éléments dans ce sens-là que, nous, nous prônons davantage.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue au nom de ma formation politique. Il y a de mes collègues qui voudront vous questionner. Ça me fait plaisir de vous revoir aussi, puisqu'on a eu la chance d'échanger, il y a quelques semaines, sur le campus même de l'Université de Sherbrooke, et je me souviens qu'on avait abordé la question du rôle que votre association pouvait jouer pour améliorer le sort de la collectivité étudiante mais aussi de sa communauté. Et on avait parlé du transport en commun, et vous y référez dans votre mémoire en disant que vous aviez fait des pressions auprès de la société de transport pour améliorer le sort des étudiants sur le campus, mais que ça avait eu des retombées pour la population sherbrookoise et estrienne. Et je veux vous en féliciter parce que je pense que c'est intéressant que vous le souligniez.

Ma première question va dans le sens de ce qui vient d'être soulevé et que vous avez abordé. Dans votre document, à la page 3, toujours sur les mécanismes d'imputabilité ? comme vous voyez, on a de la suite dans les idées à la commission ? vous suggérez que, pour évaluer la qualité des universités, on devrait davantage... les mécanismes devraient davantage être axés sur la satisfaction de leurs étudiants et l'impact que les institutions ont dans la société. En ce sens-là, parlez-moi un petit peu de la politique dont vous avez fait état, là, quand le président vous a questionné.

M. Tremblay (Martin): Il y a les deux types de politiques, la première qui est la qualité... sur l'enseignement. C'est les petites évaluations que chacun des professeurs, des chargés de cours a à la fin d'un cours. Bon, est-ce qu'on a apprécié? Est-ce que le plan de cours ou le cheminement du cours était intéressant? Est-ce qu'il était.. Selon nous, est-ce qu'on a reçu la formation adéquate, selon nous, pour bien cheminer par après? Et ce que présentement on retrouve comme lacune, c'est: est-ce que le local était adéquat? Mais parfois la qualité de l'enseignement et du cours en tant que tels n'a pas beaucoup d'influence sur le local ou... Donc, c'est des petites choses dans ce genre-là. Et présentement chacune des facultés se doit de le faire, mais ce n'est pas toutes qui le font et ce n'est pas toutes qui se sont dotées de politiques facultaires aussi dans ce sens-là. Donc, c'est pour ça qu'on pousse beaucoup, pour s'assurer qu'on s'assure d'une qualité de l'enseignement puis on s'assure d'une qualité des professeurs et chargés de cours qui viennent enseigner.

Le deuxième, c'est un groupe de travail présentement. C'en est dans ses débuts. Donc, là, on parle vraiment pour dire sur la place de l'université, quel type de formation elle se doit de donner et qu'est-ce que l'Université de Sherbrooke se doit de faire soit comme règlements, comme politiques ou comme critères pour s'assurer de maintenir sa qualité dans l'enseignement, dans la formation de stages, dans la formation dans les laboratoires de recherche, donc dans tous les domaines qu'elle touche.

Mme Marois: Bon, je vous remercie. Ça va pour cet aspect-là. Vous avez un long développement, là, sur la contribution des étudiants et surtout l'importance de l'aide et du soutien financier aux étudiants. Je pense que vous faites une bonne description de la situation que vivent vos camarades sur le campus. Et, à la page 23 de votre mémoire, bon, vous suggérez un certain nombre de modifications, bien sûr, au régime d'aide aux études, mais une question que vous soulevez, c'est le fait que la contribution étudiante au régime d'aide financière soit en lien avec les revenus de l'étudiant. Et ensuite, un peu plus loin, vous recommandez que la contribution parentale considère les réelles capacités des parents de financer les études de leurs enfants. C'est un beau sujet de débat et de discussion, je pense que vous êtes bien conscients de ça. Actuellement, il y a des critères pour constater si, oui ou non, la famille peut contribuer ou pas.

Est-ce que vous avez analysé ça d'une façon assez pointue pour dire: Vraiment, ce seraient d'autres types de critères? Parce qu'on ne peut pas laisser ça non plus à l'arbitraire, hein, évidemment. Surtout que, s'il y avait trois demandes, ce n'est pas trop difficile, on réunit un petit comité, puis ils évaluent chacune des demandes. Mais, quand on parle de milliers de demandes, ça prend un encadrement puis ça prend des règles assez précises pour que l'équité soit respectée, qu'il y ait non seulement apparence de justice, mais qu'il y ait justice aussi, hein?

M. Tremblay (Martin): C'est pourquoi aussi on avait déposé un mémoire au Comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études il n'y a pas très, très longtemps, ce qui évidemment rentrait un peu plus dans le détail.

Mme Marois: Et dans le sens de la consultation, là, qu'ils sont en train de faire, là.

M. Tremblay (Martin): Dans le sens de la...

Mme Marois: Oui.

M. Tremblay (Martin): C'est ça. Et, par exemple... prendre... très personnel, lorsque j'ai rempli ma demande de prêt et bourse... et je suis allé voir mon père, je lui ai dit: Bien, c'est marqué 15 000 $, donc il est où, le chèque? Ce n'est pas réaliste. Ha, ha, ha! Avec l'hypothèque et toute la situation financière, parfois ce n'est pas du tout réaliste que... Et, pour le reste, il fallait tout simplement que je me débrouille. Et la situation financière des étudiants, c'est que présentement ça a un double tranchant. On a un minimum assuré de contribution de l'étudiant. Dès qu'on commence à le dépasser, on se fait couper de l'autre côté. Donc, pour des étudiants à l'Université de Sherbrooke qui sont en besoins financiers, comme j'ai dit un peu plus tôt, où 65 % de nos étudiants sont sur les prêts et bourses, dès qu'ils commencent à trop travailler, selon les critères de l'aide financière, ils se font recouper de l'autre côté. Donc, est-ce que je dois aller travailler pour aller chercher plus d'argent pour m'aider? Si je commence à plus travailler, bien, de l'autre côté, je suis pénalisé. Ça fait qu'il faut trouver un moyen justement, là, pour que les étudiants ne soient pas trop pénalisés de ce côté-là.

Mme Marois: Donc, vous avez déjà déposé un mémoire à cet égard. Il y a un comité, là, qui, actuellement, procède à une consultation. Ce sera intéressant de voir quels seront les résultats qu'on pourra tirer de cela pour la suite des choses. J'ai de mes collègues qui veulent pouvoir continuer à poser quelques questions. Est-ce que Claude...

Mme Champagne: Je vais poser...

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Il reste un petit peu de temps. Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Kelley): Oui, il reste cinq, six minutes.

Mme Champagne: Bon, je suis correcte. Alors, écoutez, je vais aller dans le sens un peu d'un groupe qu'on a rencontré, tantôt, des cégeps, qui nous parlait beaucoup d'arrimage entre le cégep et l'université. Vous en parlez également en page 17, là, puis vous déplorez le fait que l'arrimage, il est déficient, souvent déficient ? on nous en a d'ailleurs très convaincus, là ? entre les collèges et les universités. Puis vous suggérez même des cours préparatoires, principalement pour la saison d'hiver.

Alors, j'aimerais ça savoir comment vous voyez ça, comment vous arrimez ça en termes de mécanismes, parce que je crois beaucoup à cet arrimage-là pour la suite des choses. D'abord, au niveau problème démographique, on sait qu'on va en avoir un. Donc, il faut que tout le monde puisse enligner ses choses. Et, si tu ne réussis pas bien ou que tu n'es pas bien enligné ? vous en parlez également dans votre document ? même à partir du secondaire, bien tu ne te rends même pas au cégep. Alors, pour te rendre jusqu'à l'université, il y a un arrimage nécessaire, là, ça va de soi. Alors, votre vision à vous autres, comme étudiants d'université qui avez vécu toutes ces étapes-là avant, qui avez sûrement des collègues, là, qui ont lâché en cours de route pour diverses raisons, vous verriez ça comment, concrètement parlant?

n(17 h 50)n

M. Tremblay (Martin): Il faut dire que, présentement, la raison principale qui fait que des étudiants, souvent, quittent les études, c'est pour des raisons financières. On parle de 40 % qui n'ont jamais entrepris... 40 % des personnes, des étudiants qui n'ont jamais entrepris des études, c'est pour simplement des questions financières.

Mais, de l'autre côté, lorsqu'on parle d'arrimage, on dit que, par exemple, de plus en plus, les programmes... On est bien content d'avoir un régime coopératif, à l'Université de Sherbrooke, mais il faut absolument rentrer à la session d'automne, faire en alternance cours et stages pendant tant de temps, et c'est très, très fixe. Donc, l'étudiant qui termine son cégep au mois de décembre doit attendre un an s'il veut vraiment entrer à l'Université de Sherbrooke dans ce domaine-là, dans le domaine qui l'intéresse. Et, pendant ce temps-là, l'étudiant va aller soit travailler ailleurs, complètement délaisser les études et il ne retournera jamais à l'université.

Certains programmes ont d'autres facilités. Souvent, c'est le cas des sciences humaines, il y a beaucoup plus facilement d'arrimage, mais il y a aussi, par exemple, les bacs en enseignement où il faut absolument faire quatre ans au complet, rentrer en septembre, faire des stages à telle session, tant d'heures. Donc, plus on restreint... Avec aussi les normes des différents ordres professionnels, on restreint toujours les programmes universitaires, on se ferme des possibilités d'étudiants qui voudraient justement faire ce cheminement-là.

Et on parle que, pour des études préuniversitaires au cégep, c'est deux ans et quelque chose. La statistique officielle, je pense, c'est 2,3 ou 2,2, mais le virgule trois, il rentre où, cet étudiant-là? C'est la question. Il n'y a aucune...

Mme Champagne: ...là, c'est ça.

M. Tremblay (Martin): Il y a de moins en moins, même, de flexibilité dans les programmes parce qu'on veut s'assurer que l'étudiant soit bien formé pour les entreprises, pour les ordres professionnels qui ont des critères de plus en plus élevés, mais aussi cet étudiant-là, où il va? Et c'est ça qu'on ne sait pas encore.

Mme Champagne: Merci.

Le Président (M. Kelley): Dernière question, M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour. Bienvenue à cette commission parlementaire. Vous avez, à la page 16 et dans votre exposé, abondamment parlé, là, de la relation... du partenariat privé au niveau de la recherche, du financement avec le privé et puis vous avez souligné avec raison, là... vous soulevez avec raison le fait que certaines entreprises pourraient peut-être se placer en conflit d'intérêts, à savoir une entreprise comme IBM qui finance la recherche d'un laboratoire d'informatique ou de génie informatique, ça devient un petit peu curieux. Vous n'êtes pas le premier groupe à nous parler de tout ça, puis il y a beaucoup de groupes d'étudiants qui nous ont dit: Bien, ce serait intéressant de baliser tout ça puis d'y aller avec une politique ? comme vous le dites à la page 16 ? une politique, là, très stricte. Certains nous ont même mentionné la mise en place d'un fonds institutionnel pour répartir l'argent en provenance des entreprises privées au niveau des différentes facultés ou un fonds national qui pourrait le faire à l'échelle du Québec.

Donc, vous parlez d'une politique quelconque. Est-ce que vous avez pensé à des critères spéciaux ou est-ce que vous achetez, là, les recommandations que les autres groupes nous ont faites à l'effet de mettre en place un fonds pour faire en sorte que les entreprises privées n'aient pas le nez directement dans une faculté?

M. Tremblay (Martin): On partage les mêmes recommandations avec les autres groupes de ce côté-là. Et, pour rentrer plus précis dans le détail, lorsqu'on parle de recherche, comme fédération étudiante, on représente des étudiants de premier cycle, et il y a une association à l'Université de Sherbrooke qui est le REMDUS, qui est le Regroupement des étudiants de maîtrise, de diplôme et de doctorat de l'université, qui justement présentera, la semaine prochaine, leur mémoire ici... et qu'on fait souvent très en commun. Comme deux associations, on s'épaule avec chacun nos expertises dans différents domaines. Peut-être que vous pourrez garder votre question, la garder pour eux qui ont peut-être l'expertise supplémentaire que je n'ai peut-être pas, malheureusement.

M. Cousineau: D'accord.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, merci beaucoup aux membres de la fédération. Je suis tellement impressionné par le nombre de groupes de jeunes qui ont pris la peine de participer dans nos délibérations. Alors, félicitations aux représentants de la Fédération étudiante de l'Université de Sherbrooke.

Avant d'ajourner nos travaux, je vais noter que, demain, c'est le 17 mars. Alors, le président va invoquer, dans la convention collective des députés, la clause de congé culturel pour participer aux activités à Montréal, et demain c'est notre collègue des Îles-de-la-Madeleine qui va présider nos travaux. Alors, j'ajourne nos travaux à demain, 15 heures, dans la même salle.

(Fin de la séance à 17 h 55)


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