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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 31 mars 2004 - Vol. 38 N° 27

Consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

 
M. Geoffrey Kelley, président
M. Yvan Bordeleau, président suppléant
M. Pierre Reid
M. Éric R. Mercier
Mme Pauline Marois
Mme Sarah Perreault
Mme Noëlla Champagne
M. Claude Cousineau
* M. Jean-Philippe Gingras, ADEESE ? UQAM
* M. Patrick Charland, idem
* M. Stéphane Marcotte, idem
* M. Jacques A. Lefebvre, collège LaSalle
* M. Jacques Marchand, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission
 
 
 

Journal des débats

(Quinze heures quatorze minutes)

Le Président (M. Kelley): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames et messieurs, je déclare la séance de la Commission de l'éducation ouverte. Je rappelle que le mandat de la commission est de tenir une consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Morin (Montmagny-L'Islet) remplace Mme Gaudet (Maskinongé).

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Alors, avant de céder la parole à notre premier groupe, je vais juste indiquer qu'on a reçu un communiqué du Syndicat général des professeurs et professeures de l'Université de Montréal. Je pense... tous les membres de la commission ont reçu ce même communiqué indiquant qu'il ne vient pas témoigner aujourd'hui. Alors, je veux remercier l'Association des étudiantes et étudiants de la Faculté des sciences de l'éducation de l'UQAM de venir un petit peu plus tôt pour faciliter les travaux de la commission.

Et, sans plus tarder, j'aimerais céder la parole à son président, M. Jean-Philippe Gingras.

Auditions (suite)

Association des étudiantes et étudiants
de la Faculté des sciences de l'éducation
de l'UQAM (ADEESE 
?  UQAM)

M. Gingras (Jean-Philippe): Merci, M. le Président. Que M. le premier ministre de l'éducation, Mme la critique officielle de l'opposition en éducation, Mmes, MM. membres de la commission... Avant de commencer, permettez-moi de tout d'abord... de vous présenter les membres de la délégation de l'Association des étudiantes et étudiants de la Faculté des sciences de l'éducation de l'UQAM. Donc, à ma gauche, M. Patrick Charland, vice-président aux cycles supérieurs et étudiant au doctorat en éducation; à ma droite, M. Stéphane Marcotte, attaché à l'exécutif et recherchiste de l'association; et moi-même, Jean-Philippe Gingras, président de l'association et étudiant à la maîtrise en éducation.

Donc, l'ADEESE ? UQAM est l'Association des étudiantes et étudiants de la Faculté des sciences de l'éducation de l'UQAM. Avec plus de 5 000 membres, nous représentons près de 30 % de tous les futurs enseignants de la province de Québec. C'est donc avec un intérêt tout particulier que nous sommes ici, devant vous, aujourd'hui. Nous représentons les étudiants universitaires soucieux de la qualité de leur formation, mais également des étudiants qui seront directement responsables de la qualité de la formation de tous les élèves du préscolaire, du primaire et du secondaire au Québec. Notre présentation sera constamment teintée de cette touche particulière qui nous caractérise. Par ailleurs, je tiens aussi à rajouter que l'ADEESE est membre de la Fédération étudiante universitaire du Québec, la FEUQ ? nous y reviendrons d'ailleurs un peu plus tard.

D'entrée de jeu, nous tenons à préciser la nature particulière du regroupement associatif à l'UQAM. Il n'existe pas une association générale des étudiants, mais bien sept associations étudiantes facultaires autonomes qui se sont réunies dans le cadre de cette commission. Ainsi, nous endossons les propos qu'ont tenus hier nos collègues des association facultaires de l'UQAM sur les grands thèmes de leur présentation, notamment la nécessité d'une fiscalité responsable des entreprises, l'importance des étudiants internationaux. Cependant, culture consensuelle oblige, certains points, telle la nécessité d'une loi-cadre, n'ont jamais fait l'unanimité. Ceci étant dit, comme les enjeux liés à l'accessibilité ont été développés déjà à maintes reprises lors de la présente commission, nous ne ferons qu'aborder brièvement ce thème. Nous accorderons une attention beaucoup plus importante à l'aspect qualité de la formation des étudiants en éducation en insistant sur la qualité de leur formation pratique ainsi que les problèmes qui y sont reliés. Nous terminerons finalement cet exposé par la question du financement ou plutôt du sous-financement des universités.

Nous débuterons donc par l'accessibilité. L'ADEESE ? UQAM considère que l'accessibilité aux études postsecondaires est d'une importance capitale. Mis à part la capacité et la volonté des étudiants d'aller à l'université, nous considérons qu'aucun facteur ne devrait les en empêcher. Tous les étudiants devraient disposer de moyens qui leur permettent d'étudier au niveau postsecondaire. À notre avis, le gel des frais de scolarité est le minimum requis afin de favoriser et maintenir une accessibilité aux études postsecondaires. En effet, nous sommes convaincus que ce gel est un investissement plutôt qu'une perte de revenus pour l'État.

Par ailleurs, pour compenser le vieillissement de la population, la persévérance aux études est nécessaire. Lorsque les baby-boomers quitteront le marché du travail, le nombre de contribuables prenant en charge l'augmentation des coûts en éducation, en santé et en programmes sociaux diminuera. Nous considérons donc stratégique que le gouvernement assure un financement suffisant et à long terme de l'éducation, de la santé et des programmes sociaux. Augmenter le nombre de diplômés universitaires au cours des prochaines années en rendant les études postsecondaires plus accessibles s'avère une solution tout à fait adéquate. De plus, lorsqu'il est question des frais de scolarité, il ne faut surtout pas oublier les frais obligatoires, plus communément appelés les frais d'administration non réglementés ou les frais afférents. Nous sommes d'avis que ces frais devraient être réglementés de façon très stricte afin qu'ils ne présentent... afin qu'ils ne représentent pas des hausses de frais déguisées.

En ce moment, les universités qui manquent d'argent profitent du fait que les droits administratifs ne soient pas réglementés pour aller chercher de l'argent supplémentaire auprès des étudiants. Nous n'avons qu'à prendre en exemple les fameux 180 $ en gestion administrative imposés aux étudiants de l'Université Laval. En ce sens, nous pensons qu'une loi-cadre sur l'accessibilité aux études universitaires devrait être adoptée afin de garantir le gel des frais de scolarité et la réglementation des frais afférents.

n (15 h 20) n

Nous enchaînerons maintenant sur la qualité de la formation universitaire. En tant qu'étudiants en éducation, nous croyons fermement que la qualité de la formation doit être une priorité, et ce, à tous les ordres d'enseignement, que ce soit au niveau préscolaire, au niveau primaire, aux niveaux secondaire, collégial et universitaire. Un des volets de la qualité de la formation pour des étudiants en éducation est celui de la formation pratique. Présentement, les baccalauréats en enseignement sont de 120 crédits et doivent comporter 700 heures de formation pratique. Les stages en éducation ne sont pas rémunérés. Ils impliquent la prise en charge complète de la tâche d'un enseignant pouvant aller jusqu'à 11 semaines.

Durant la dernière année, l'ADEESE ? UQAM a étudié de manière approfondie les conditions de vie des étudiants stagiaires. À ce titre, il y a un document qui vous a été remis, la recherche sur les conditions de vie des étudiants stagiaires. Donc, on souhaiterait en fait le déposer officiellement dans le cadre de cette commission.

Document déposé

Le Président (M. Kelley): Oui, on accepte le dépôt de documents ? pardon; j'essaie de faire deux choses en même temps, M. Gingras, je m'excuse.

M. Gingras (Jean-Philippe): Pas de problème. Ainsi, plus de 1 000 étudiants stagiaires des programmes du baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire, du baccalauréat en enseignement secondaire, du baccalauréat en adaptation scolaire et sociale ainsi que du baccalauréat en intervention d'activités physiques ont été traités et analysés. Des résultats fort intéressants sont présentés dans un rapport que nous venons de vous remettre.

Cette étude démontre que près de 60 % des étudiants travaillent durant leurs stages. Parmi eux, 80 % n'ont pas le choix financièrement de travailler, puisque leurs stages ne sont pas rémunérés. Dans ces conditions, il n'est pas possible de parler de formation pratique de qualité. Les effets négatifs provoqués par cette situation sont multiples: 96 % des étudiants disent ressentir beaucoup de fatigue, plus de 60 % se disent stressés, et près de 30 % ne se sentent... ne peuvent assister à des activités parascolaires ou des rencontres diverses en dehors de leurs stages ou leur travail. Mais ce qui est encore plus alarmant, c'est que 56 % des étudiants stagiaires qui travaillent ont mentionné qu'ils manquaient de temps pour préparer les tâches d'enseignement associées à leurs stages. Il est ici question uniquement des impacts sur les stagiaires.

À nos yeux, pour que la formation pratique atteigne ses objectifs, l'étudiant doit pouvoir se consacrer à ses stages sans considération extérieure. L'étudiant en stage ne devrait pas devoir travailler 15, 20 heures le soir et les fins de semaine lorsqu'il prend en charge une classe à titre d'enseignant. Ainsi, les apprentissages des élèves du Québec ne devraient pas être défavorisés par des stagiaires fatigués, stressés et moins préparés que leurs enseignants réguliers. De même, dans ces conditions, les enseignants associés qui accueillent les stagiaires dans leur classe sont moins enclins à recevoir des stagiaires si ces derniers ne peuvent consacrer toutes leurs énergies à leurs stages. Pour leur santé physiologique et psychologique, les étudiants stagiaires doivent être libérés de ce stress financier.

Les avenues et pistes de solution possibles sont multiples. Une bonification du programme de l'aide financière, par exemple par l'ajout d'une bourse spéciale accordée aux stagiaires, permettrait de pallier momentanément à cette situation. Il est illogique que l'aide financière aux études ne tienne pas compte des réalités que vivent les étudiants en éducation. Par contre, cette solution est loin d'être idéale. En effet, certains étudiants préféreront travailler plutôt que de s'endetter avec le programme de l'Aide financière aux études. La solution à privilégier est la mise sur pied de mesures minimales de rémunération aux étudiants en fin de parcours académique. Tous y seraient gagnants.

Un autre volet important concernant la qualité de la formation universitaire des étudiants en éducation se situe au niveau de la qualité des cours théoriques. À notre avis, il est essentiel que les étudiants de premier cycle puissent bénéficier du savoir et de l'expertise des professeurs-chercheurs. Actuellement, la majorité des cours de premier cycle sont dispensés par des chargés de cours.

Comprenons-nous bien; l'apport des chargés de cours, qui sont des praticiens expérimentés et qui ont des expériences professionnelles pertinentes, est très riche pour la formation des futurs enseignants. Cependant, les conditions de travail offertes aux chargés de cours ne permettent pas un encadrement de qualité. L'université met à la disposition des chargés de cours un seul local par département. En éducation, cela se traduit par un seul local pour 88 chargés de cours. Comment peut-on espérer offrir une formation de qualité si les chargés de cours n'ont pas un lieu physique minimalement adéquat pour rencontrer leurs étudiants?

Par ailleurs, comme nous l'avons mentionné précédemment, nous sommes loin d'avoir un équilibre entre le nombre de cours dispensés par des professeurs versus le nombre de cours dispensés par des chargés de cours. Cet équilibre est important à notre avis afin d'avoir une formation qui soit balancée entre l'expertise pratique des chargés de cours et l'expertise théorique et scientifique des professeurs, d'où l'idée d'instaurer un nombre minimal de cours dispensés par des professeurs au premier cycle. La qualité des cours théoriques passe aussi par une moyenne d'étudiants par cours qui est raisonnable. À ce sujet, augmenter sans cesse le nombre d'étudiants a pour conséquence de diminuer le seuil minimal d'étudiants nécessaires pour qu'un cours soit offert, multipliant ainsi les effets pervers.

À l'UQAM, l'augmentation de la moyenne cible, qui est la moyenne d'étudiants par groupe-cours, a été, au fil des ans, incorporée et régie par la convention collective des professeurs. Cette augmentation avait pour but la rationalisation des dépenses budgétaires de l'UQAM par la réduction du nombre de cours offerts. L'objectif a été atteint. Ainsi, en 2002-2003, il y a eu environ 400 groupes-cours de moins qu'en 2000-2001, alors que l'effectif étudiant s'est accru, ce qui a entraîné en cascade de nombreux effets pervers, notamment au niveau de la nature des cours offerts; beaucoup moins de cours sont offerts à plusieurs reprises dans une année académique; le maintien des cours-ateliers, soit de 20 étudiants et moins, est difficile, les étudiants en éducation et en arts étant les principaux touchés. Les cours optionnels ont connu également une réduction considérable. Les étudiants ne peuvent profiter d'aucune diversité dans leur cheminement, puisque, sur une banque de cours optionnels, seulement un ou deux seront offerts. Au niveau des programmes d'études, certains profils et même certains programmes sont remis en question en raison d'une baisse de fréquentation due à une offre de cours moins intéressante.

En ce qui a trait aux étudiants, les rapports personnalisés entre les professeurs et les étudiants ont radicalement changé; ils ont diminué énormément. Le cheminement au sein d'un programme devient plus difficile en raison de conflits d'horaire. Ceci entraîne parfois des retards d'une année avant la diplomation. Aucune innovation n'est permise au plan pédagogique, le modèle d'enseignement magistral étant souvent le seul viable dans les présentes conditions. On se rappellera que cette hausse de la moyenne cible et ses effets désastreux avaient été instaurés dans le cadre des contrats de performance conditionnels au financement des établissements universitaires. On est loin d'une qualité de formation idéale pour les étudiants. Jamais des concessions sur la qualité de la formation ne devraient être faites pour de simples considérations économiques.

Il y a la qualité des cours, mais il y a aussi la qualité des infrastructures complémentaires à cette formation. Ainsi, les didacthèques et les bibliothèques doivent offrir des documents récents de qualité et en quantité suffisante. À l'UQAM, les dépenses des bibliothèques en ressources documentaires par étudiant sont près de deux fois moins élevées... à celles de l'Université de Montréal, de l'Université de Sherbrooke, de l'Université Laval. Que ce soit un choix institutionnel ou non, il n'en reste pas moins qu'une augmentation du financement des universités contribuerait à pallier à la situation des bibliothèques de l'UQAM.

En ce qui a trait au financement, rappelons qu'en 1987 le financement public des universités s'établissait à environ 80 %. Depuis ce temps, ce taux n'a jamais cessé de chuter pour enregistrer respectivement, en 1993, 72 % et 66 % en 2001. Il n'existe pas de solution miracle en rapport à cette problématique. L'enjeu sur le partage du financement des universités entre ses différentes sources ? gouvernementales, privées, étudiantes ? est presque essentiellement d'ordre politique. Des choix politiques doivent être faits, et des enveloppes budgétaires doivent être favorisées. Un financement public prépondérant des universités donne à celles-ci une liberté d'action et de décision tout en laissant à l'État une certaine latitude pour formuler ses expectatives à l'endroit du système universitaire et de les soutenir en conséquence.

Il est primordial de renverser la tendance entraînant une diminution de la proportion du financement des sources publiques en faveur du financement de source privée. Nous concevons que l'université ne doit pas se positionner dans un cadre de logique marchande. D'un autre côté, dans la conjoncture actuelle, il est clair que le financement des universités ne peut être public à 100 %. Ainsi, la place du secteur privé pourrait être une des solutions au problème du financement des universités québécoises. À ce titre, certaines idées ont été avancées, notamment l'implantation d'une fiscalité plus responsable des entreprises et le prélèvement direct de 0,18 % sur la masse salariale des entreprises.

Toutefois, il faut s'assurer d'établir un certain nombre de balises à l'intérieur desquelles la liberté académique des institutions universitaires doit être préservée. Dans cette perspective, une forte vigilance est primordiale et nécessaire. Il est loin d'être souhaitable que l'université fasse osmose avec les finalités des entrepreneurs.

n (15 h 30) n

De manière à orienter certaines de ces balises, il importe de référer à certaines valeurs que nous jugeons primordiales. À notre avis, deux valeurs doivent primer dans un partenariat financier université-secteur privé. Tout d'abord, la liberté académique. Les entreprises privées ne doivent en aucun temps se permettre d'orienter indûment la formation universitaire. Nous devons insister sur le fait que les exigences du marché ne doivent pas entraver ni même orienter l'offre de formation.

En second lieu, le profil de sortie multiple. Un diplôme universitaire devrait notamment permettre au finissant de se trouver un emploi dans un domaine étudié. Cependant, il est primordial que sa formation soit suffisamment générale et adaptée à un ou plusieurs secteurs du marché du travail, et non pas à une industrie spécifique.

Il est clair, dans la conjoncture économique actuelle, que le gouvernement du Québec ne peut se permettre de diminuer les droits de scolarité. Cependant, comme il est démontré tout au long de cet avis, les études postsecondaires sont à la base de notre société et de notre économie. L'éducation étant une richesse inestimable, une plus grande accessibilité aux études postsecondaires serait bénéfique pour tous les Québécois. C'est pourquoi nous sommes d'avis à ce que soit construit un plan de financement à long terme des universités à l'intérieur duquel un ou des scénarios ayant comme objectif la gratuité scolaire aux études postsecondaires soient proposés.

En conclusion, en attendant l'étude de ces scénarios, une loi devrait garantir le gel et réglementer les frais afférents, qui ne sont en quelque sorte qu'un contournement du gel présent. Pour ce qui est de la qualité de l'enseignement, c'est un sacrifice qui ne devrait jamais être fait, particulièrement quand il s'agit de programmes en formation des enseignants. Pour assurer une formation pratique de qualité dans ces programmes, il urge de tout faire pour aider les étudiants stagiaires au niveau financier afin qu'ils puissent se concentrer uniquement sur leurs cours et leurs élèves. Hypothéquer cette qualité et ce faible investissement, c'est hypothéquer une partie de la future formation des élèves du préscolaire, du primaire et du secondaire.

Finalement, avant de vous céder la parole, on ne peut pas passer sous silence le budget 2004-2005. Les sommes additionnelles accordées aux universités permettent uniquement de couvrir les coûts de système et l'accroissement des effectifs étudiants. Pire encore, on coupe 63 millions au programme de l'Aide financière aux études, qui aurait dû connaître une hausse d'environ 30 millions simplement pour répondre à l'augmentation du coût de la vie, ce qui veut dire que les étudiants qui déjà s'endettent pour étudier devront le faire davantage, alourdissant leur fardeau financier une fois leurs études terminées. Il serait inacceptable que cet endettement décourage la poursuite des études universitaires des étudiants du Québec. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Gingras. On va commencer une période d'échange avec les membres de la commission pour un premier bloc de 10 minutes. M. le ministre de l'Éducation et député d'Orford.

M. Reid: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord souligner que nous regrettons évidemment que les représentants du Syndicat des professeurs et des professeures de l'Université de Montréal aient décidé de ne pas se joindre à nous et que nous allons relire d'autant plus attentivement leur mémoire pour nous assurer de bénéficier au maximum de leurs idées.

Je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association des étudiantes et des étudiants de la Faculté des sciences de l'éducation de l'UQAM et leur dire jusqu'à quel point leur présence ici m'intéresse parce qu'elle m'intéresse à plus d'un titre, évidemment comme étudiants universitaires, mais aussi comme personnes qui vont oeuvrer ? et, comme vous venez de le dire ? probablement, même si ce n'est peut-être pas la seule possibilité, dans le système d'éducation québécois, et qui relève pour l'instant effectivement de mes responsabilités.

J'aurais de nombreuses questions. Je vais commencer par dire que je suis tout à fait d'accord avec votre dernier énoncé d'ailleurs: aucun étudiant québécois ne devrait se refuser ou se voir refuser l'accès à l'université. Ma question... Je vais commencer par une question à laquelle vous semblez accorder beaucoup d'importance ? et c'est très intéressant et c'est très articulé, je dois dire ? c'est les recommandations qui suivent cet énoncé de valeurs quand on regarde le privé, notamment la valeur de liberté académique et le profil de sorties multiples. Et c'est intéressant parce que ce n'est pas nécessairement... c'est une couleur un peu différente que ce qu'on a entendu parfois. Et j'aimerais...

Bon. La recommandation 4, on parle que les liens entre les universités, les entreprises, donc vous parlez des liens entre les universités, les entreprises ou... Dans les trois recommandations, dans un premier temps, vous dites que ce soit effectué dans le respect de la mission de formation des étudiants, des étudiantes et de façon à maintenir un équilibre entre les volets fondamental et spécialisé. Et vous poursuivez: Respecter, entre autres, l'autonomie, la liberté académique. Dans la recommandation 5, vous dites «que les liens ? encore une fois entre les universités, les entreprises ? s'effectuent dans un cadre de conformité avec les exigences de l'autonomie de gestion des établissements universitaires». Et la recommandation 6, vous dites «que les relations à caractère financier ? toujours entre les universités et les entreprises ? n'entraînent pas l'imposition d'orientations à la formation et à la recherche selon les besoins spécifiques des entreprises étant donné [une] trop grande spécialisation», etc.

Une petite question plus précise sur la recommandation 6. Est-ce que c'est... Dans cette recommandation-là, est-ce que vous manifestez la crainte que les entreprises qui auraient une trop grande place dans les contenus ou qui avaient de la place dans le contenu pédagogique pourraient faire en sorte que, quand on sort, on a une seule voie possible et on n'a plus la formation générale? Est-ce que c'est à mettre en lien avec cette valeur-là?

Une voix: ...

M. Reid: Bon. D'accord. C'est ce que je pensais. Et d'une façon générale j'aimerais que vous élaboriez là-dessus. Mais, dans le contexte de votre vécu à vous, qui êtes donc des étudiants, des étudiantes de sciences de l'éducation, comment est-ce que ça, ça vous interpelle particulièrement, ces questions pour lesquelles vous faites les trois recommandations?

M. Gingras (Jean-Philippe): Disons que ces trois recommandations-là s'inscrivent, dans un premier temps, au niveau plus universitaire de dire justement que la formation se doit d'être autonome, donc on ne veut pas justement, comme vous avez mentionné, une entreprise, par exemple, une entreprise qui financerait une faculté de génie et que les ingénieurs justement qui seraient diplômés ne pourraient que travailler que pour cette entreprise-là. Donc, selon nous, ça, c'est à éviter totalement.

Pour le transposer au milieu de l'éducation, disons que la situation est un peu plus... il n'y a pas nécessairement une entreprise privée qui va financer une faculté d'éducation, étant donné que notre employeur et notre formateur, c'est le ministère de l'Éducation. Donc, personnellement, ces recommandations-là, on ne les voyait pas ou en tout cas on ne les inscrit pas nécessairement dans une vision par rapport au milieu de l'éducation. Ceci étant dit, les universités qui offrent justement des formations en éducation se doivent de pouvoir les offrir de façon la plus autonome possible, et je pense que le ministère a une autonomie des universités qu'il doit respecter et qu'il se doit de respecter à ce niveau-là.

M. Reid: D'accord. Est-ce que vous pensez que les mécanismes actuels qui existent là-dessus ? comité d'agrément, etc. ? donnent certaines garanties par rapport à cette distance que vous voulez avec le ministère de l'Éducation et les fonctionnaires ou le ministre lui-même, finalement?

M. Charland (Patrick): Effectivement. Je crois que... À l'UQAM, on a vécu, à la Faculté des sciences de l'éducation, depuis deux années déjà, un travail, là, qui s'est fait dans la révision des programmes, donc avec le CAPFE, où on a travaillé sur la révision pour, bon, des programmes dans le cadre de la réforme qui est à venir. Et ce travail-là s'est fait, puis ça a été très intéressant. D'un autre côté, c'est peut-être fait un peu tard si je pense au programme, là, d'enseignement primaire et préscolaire. La réforme est en place depuis six ans déjà, et ce n'est que cette année que les étudiantes ? les étudiantes en majorité, en fait ? qui ont pu profiter, là, de cette révision où on leur enseignait, là, directement ce qu'ils allaient voir ou ce qui allait être vécu...

Si je pense à des exemples, là, comme l'évaluation des compétences, cette année encore, le cours n'a pas été complètement révisé, ce qui fait que des étudiantes enseignent... apprennent, si on veut, à évaluer par objectifs, alors que, dans le milieu, on travaille sur l'évaluation des compétences. On a travaillé beaucoup ici, à l'association, avec le COFPE de manière à travailler sur les orientations et de manière à s'assurer aussi que la formation des étudiants, là, allait... était vraiment de concert avec le milieu. Donc, je pense qu'au niveau du travail de concertation avec le MEQ ça s'est... ça se fait de manière, là, intéressante.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Charlesbourg.

M. Mercier: Merci, M. le Président. Bienvenue, messieurs, d'abord dans la capitale nationale et plus particulièrement ici, à l'Assemblée nationale et à cette commission parlementaire. Vous mentionnez... Je vais faire référence à la page 16 de votre mémoire, et dont... Je tiens à saluer, je vous dirais, la qualité également de votre rapport préliminaire, qui contient beaucoup de renseignements qui nous éclairent davantage sur certaines situations particulières des étudiants. Alors, à la page 16, vous dites... et vous faites référence à un équilibre qui doit être maintenu dans l'embauche de professeurs autant juniors que seniors. Je vous cite ici, vous dites: «Néanmoins, il faut rester vigilant avec l'embauche de professeurs. En effet, il faut s'assurer de conserver un certain équilibre intergénérationnel.» Alors... Et, à la toute fin de votre paragraphe, vous dites que «ceci implique donc nécessairement un financement garanti sur plusieurs années». J'aimerais que vous explicitiez davantage ce que vous entendez par là.

Le Président (M. Kelley): M. Gingras.

M. Gingras (Jean-Philippe): Mais, dans un premier temps, ce qui est important, c'est qu'étant donné qu'une université comme... Justement, une université comme l'UQAM, qui a été créée il y a 35 ans... il y a un départ massif qui se prépare tranquillement pas vite; justement, la majorité des professeurs atteignent un niveau de... un temps de pratique du moins fort respectable et s'apprêtent à quitter.

n (15 h 40) n

Or, on estime qu'il serait désastreux que tous ces profs-là ou que la plupart de ces professeurs-là quittent à l'intérieur d'un certain nombre d'années très restreint, c'est-à-dire un deux, trois ans, où justement tout le corps professoral devrait être... une grande majorité devrait être renouvelée. Donc, dans cette mesure-là, c'est notre vision de dire: il faut s'assurer justement qu'il y ait des mesures qui permettent d'embaucher des professeurs juniors, donc de prendre, par exemple... Une majorité des chargés de cours ont des doctorats et ils sont éligibles justement à l'enseignement tel qu'un professeur... telle la tâche d'un professeur. Donc, notre vision, c'est de dire justement: il faut maintenir cet équilibre-là en fonction si les...

On ne peut pas envoyer tous les professeurs et, après ça, embaucher pour les remplacer. Il faut qu'il y ait un suivi, du moins un transfert de la mémoire institutionnelle, si je peux me permettre, qui se lègue, qui fait en sorte justement que la formation est toujours de qualité et justement permette une poursuite intéressante.

M. Mercier: M. le président, soit, sur l'équilibre. Cependant, sur le financement garanti, comment est-ce que ça s'applique pour vous, le financement garanti?

M. Gingras (Jean-Philippe): O.K. Dans notre vision, en fait, c'est... On revient à la proposition d'un plan de financement. Selon nous, le plan de financement au niveau des universités devrait être un plan de financement à long terme. Avec les contrats de performance, on avait une certaine... les universités, même si on était en désaccord, là, avec le principe de rapport... de financement par rapport à la performance... il reste que les universités avaient un plan sur lequel ils pouvaient développer. Ils avaient un financement garanti, d'une certaine façon, pour un certain nombre d'années.

Donc, pour nous, c'est un peu la même façon de dire: si les universités peuvent savoir combien d'argent elles vont avoir sur un nombre d'années de trois, quatre ans, bien ça va être beaucoup plus facile pour elles de pouvoir planifier justement ces départs à la retraite là et ces nouvelles embauches que de voir à chaque année si justement on va couper ou on ne coupera pas.

M. Mercier: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. Avant de souhaiter la bienvenue à nos invités, j'aimerais faire une remarque sur le fait que le Syndicat général des professeurs et professeures de l'Université de Montréal ait décidé de ne pas se présenter dans la commission parlementaire.

Au bénéfice d'ailleurs de nos invités, en fait ils donnent des raisons très précises, puisqu'ils ont émis un communiqué ? et j'imagine que le ministre en a pris connaissance: «Le budget déposé hier ? et je cite ? à l'Assemblée nationale ne montre aucune volonté de la part du gouvernement de réinvestir dans les universités[...]. Le [syndicat] dénonce l'abdication du gouvernement devant ses responsabilités de mandataire du développement de la société québécoise pour lequel les universités sont un rouage clé.» Et c'est donc dans cette perspective qu'ils ne se sont pas présentés devant nous. C'est un peu dommage cependant parce que leur mémoire est très porteur et très intéressant et ouvrait des avenues qui n'avaient pas encore été présentées à la commission, entre autres sur l'imputabilité en ce qui concerne la gestion, la bonne gestion à l'université de même que l'évaluation de la qualité des professeurs, finalement de la qualité de l'enseignement et de la recherche dans les universités. Alors, ce mémoire mériterait, oui, d'être pris en compte dans l'ensemble de l'analyse qui sera faite sûrement par le ministère de l'Éducation et par le ministre. Alors, je voulais simplement le dire sans enlever de temps plus qu'il ne fallait... plus qu'il ne faut à nos invités.

Je vous souhaite donc la bienvenue au nom de ma formation politique. Vous avez un mémoire bien ramassé, qui est une bonne synthèse de vos positions. J'aime bien le titre aussi, Éduquer pour le bien commun. Je crois que ça traduit bien ce que vous voulez nous apporter comme message. Bon. Je vais commencer par une première question sur l'accessibilité. D'abord, vous indiquez, là, à la page 4 de votre mémoire, en vous référant à une enquête récente ? en 1999 ? et qui a été faite par Statistique Canada d'ailleurs, que d'autres groupes avant vous ont citée, en nous indiquant que «79,8 % des familles ayant un revenu de moins de 30 000 $ souhaitaient que leurs enfants fassent des études universitaires [et] néanmoins, c'est [...] 18,7 % d'entre elles qui parviennent à épargner suffisamment pour y arriver». C'est une des grandes préoccupations d'ailleurs de la commission. Enfin, malheureusement, je trouve que le gouvernement envoie de mauvais messages avec son budget parce qu'il prend des décisions avant qu'on ait fini l'étude à cette commission, en particulier sur la participation des étudiants à leur... au financement des universités. Mais j'y reviendrai dans un autre forum.

Vous terminez ce paragraphe-là à la page 4 en disant: «La valorisation des études par la famille et [par] le milieu pourrait être un exemple» pour amener les familles à supporter encore davantage leurs jeunes, leurs jeunes adultes pour aller à l'enseignement supérieur. Et vous terminez par une question: «Cette valorisation ne devrait-elle pas venir en premier lieu de l'État?»

Vous pensez à quoi en particulier? Qu'est-ce que vous attendriez de l'État pour valoriser cette formation universitaire... ou cette accessibilité à la formation universitaire?

M. Gingras (Jean-Philippe): Écoutez, si les choix, je pourrais dire, financiers exprimaient une volonté claire par rapport à l'éducation, je pense que le message serait véhiculé au sein de la société. Actuellement, le financement des universités... la situation des universités laisse croire justement que la valorisation des études universitaires n'est peut-être pas si importante que ça, d'accord? Sans vouloir dire qu'il n'y en a aucune, il y en a une, mais disons qu'on...

Mme Marois: ...qui semble contradictoire à votre point de vue.

M. Gingras (Jean-Philippe): Disons qu'on sent que ce qui est dit n'est pas accompagné de gestes.

Mme Marois: Bon. Je vais aller plus loin dans votre... Pardon?

M. Reid: Excusez-moi, j'ai pensé tout haut.

Mme Marois: D'accord. Ce n'est pas défendu. C'est juste de le faire au bon moment. À la page 6 de votre mémoire, vous êtes assez critique sur l'évaluation que fait le ministère de l'Éducation quant à l'augmentation du taux d'obtention d'un diplôme de baccalauréat à l'université, donc en disant: «Il est surprenant de constater que le ministère de l'Éducation estime à 3,2 % la baisse du nombre d'étudiants équivalents à temps plein dans les universités», alors qu'on prévoit une hausse du taux de diplomation sur une période de 10 ans ? enfin, qui était de 10 ans lorsqu'on l'a planifiée, là ? qui est prévue en 2010. Et, dans le paragraphe précédent, vous faites référence aux services publics qu'il devrait davantage valoriser.

J'aimerais ça que vous me fassiez un petit peu le lien un peu plus... de façon un peu plus élaborée par rapport à ces deux remarques dans votre mémoire.

M. Gingras (Jean-Philippe): Dans un premier temps, au fond c'est de le voir comme étant... Étant donné qu'il y a de... Avec, je veux dire, la baisse d'étudiants qui est prévue, avec le fait justement que le taux de diplomation n'a pas connu une hausse malgré les contrats de performance ? il y a quand même eu une amélioration, mais cette amélioration-là est loin d'être grande ? et que les objectifs que le ministère se fixe sont des objectifs qui selon nous ne correspondent pas à la réalité, donc, dans cette optique-là, comment est-ce qu'on peut espérer avoir des citoyens du moins diplômés à l'université qui puissent permettre le développement de cette société-là si justement les objectifs ne sont pas... ne peuvent être atteints? Pour ça, selon nous, ça passe encore par un financement; je veux dire, tout tourne autour du financement.

Et si ? justement on parle d'accessibilité ? si on souhaite une accessibilité, on pense en tout cas...  Nous, on croit que la gratuité scolaire doit être du moins étudiée, ne peut pas être rejetée simplement, de dire: Écoutez, c'est irréaliste. Est-ce qu'on peut au moins avoir une étude qui montre que c'est irréaliste à cet effet-là?

Mme Marois: D'accord. Je pense que ça revient beaucoup dans votre mémoire d'ailleurs, sur toute la question de l'accessibilité, comment il y a un effort à faire de société et évidemment des décideurs politiques ? je pense qu'on va en convenir.

Toujours sur cette question de l'accessibilité, vos deux premières recommandations concernent d'une part ? la première ? une loi-cadre sur l'accessibilité et qui garantirait un gel de frais de scolarité et la réglementation des frais afférents. Bon. Je sais que beaucoup de vos collègues en ont parlé dans d'autres universités. Et, dans votre deuxième recommandation, vous dites qu'une bourse additionnelle soit accordée via le programme d'aide financière aux études à l'étudiant en formation des enseignants qui suit une formation pratique.

Ça m'a été soulevé déjà à quelques reprises parce qu'on dit: Les étudiants qui font des stages ne peuvent pas, en faisant des stages, souvent aller chercher un travail rémunéré, et d'autre part le stage n'est pas rémunéré, contrairement à certaines autres formations universitaires. Alors, évidemment c'est bien mal parti, là, parce que le ministre a décidé de baisser le niveau des bourses, mais, ça, on pourra y revenir.

Vous pensiez à quoi en termes de valeur de la bourse qui serait admissible, etc.? Est-ce que ce seraient tous les étudiants qui font des stages et qui ont une formation pratique?

n(15 h 50)n

M. Gingras (Jean-Philippe): Dans le rapport qui vous a été remis...

Mme Marois: Le rapport plus élaboré...

M. Gingras (Jean-Philippe): Le rapport plus élaboré.

Mme Marois: ...qui a l'air très bien fait.

M. Gingras (Jean-Philippe): Je ne pourrais pas vous dire rapidement à quelle page, mais en fait une des questions justement où on s'adresse aux étudiants, c'est à savoir à combien ils évaluent leurs besoins financiers pour cesser de travailler pendant leur formation pratique. Ils évaluent autour de 160 $, si je ne me trompe pas, par semaine la somme qui leur serait nécessaire du moins pour arrêter de travailler. Parce qu'on l'a mentionné, je l'ai mentionné tantôt, c'est impensable qu'un étudiant travaille 15, 20 heures, assume la tâche complète d'un enseignant, donc joue exactement le même rôle qu'un enseignant. On lui demande de travailler un 15, 20 heures en plus de cela et on lui demande justement... on lui confie la responsabilité d'enseigner à des élèves du primaire, du secondaire. Et justement il se dit moins bien préparé, il se dit stressé, fatigué; la qualité de son enseignement en est affectée, c'est évident.

Donc, selon nous, une des mesures serait justement d'avoir une bourse au niveau de l'aide financière. Sauf que, comme je l'ai mentionné, par contre cette bourse-là a pour effet que c'est seulement les étudiants qui décident de profiter du programme d'Aide financière aux études qui pourraient peut-être en bénéficier. Mais actuellement, dans le programme d'aide financière, pour qu'un étudiant en stage puisse avoir un certain dédommagement, il faut que cet étudiant-là soit en stage pendant une session complète, donc 15 semaines, une session universitaire complète. Or, ce n'est jamais le cas pour un étudiant en éducation. Et le...

Mme Marois: Parce qu'il y a des allers-retours évidemment entre le stage pratique et la formation théorique.

M. Gingras (Jean-Philippe): Oui, c'est ça. Donc, il y a des allers-retours. Et, dans le programme actuellement, nous aurons 59 $ dans les dépenses admises qui leur sont accordés de plus s'ils ont un stage pour une session complète. Donc, la réalité des étudiants en éducation n'est pas du tout prise en compte dans cette structure du programme. On souhaiterait qu'il y ait une modification qui soit faite en ce sens.

Idéalement, on souhaiterait que tous les stages, en fait les stages surtout de troisième et quatrième année, puissent être rémunérés de façon à ce qu'il n'y ait pas d'injustice au niveau des étudiants.

Mme Marois: Ça va. Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Chauveau ou... O.K. Mme la députée de Chauveau.

Mme Perreault: Merci, M. le Président. Alors, bonjour à vous, bienvenue ici. J'ai l'habitude de dire que c'est stimulant pour nous autres d'avoir des jeunes à la commission parlementaire, et je le pense vraiment. Tout à l'heure... Juste une petite question au fond. Je ne sais pas si j'ai très bien compris tout à l'heure, mais vous avez fait mention de la formation par rapport à la réforme. Est-ce que je dois comprendre de vos propos qu'on a adapté la formation universitaire cette année par rapport à la réforme qui a été mise en place au primaire ou vous parliez du secondaire? Ça me chicote un petit peu.

M. Charland (Patrick): Oui. En fait, effectivement, donc l'an passé, il y a eu une vaste opération, disons, de révision de toute la programmation des programmes en fait qui étaient suivis de l'obtention d'un brevet. Donc, le CAPFE avait ordonné ou demandé aux universités de s'assurer de cette révision-là.

Donc, pour ce qui est de l'enseignement secondaire, la situation, elle est, disons, moins déplorable, puisque la réforme sera, je l'espère, en place dès l'année prochaine. Par contre, pour ce qui est du primaire, ce n'est que cette année, finalement depuis septembre, que ces programmes-là ont été adaptés en vertu des nouvelles orientations ministérielles en lien avec l'éducation au Québec.

Mme Perreault: Alors, vous êtes en train de me dire... Écoutez, je suis extrêmement surprise de ce que vous me dites là. Vous êtes en train de me dire qu'on a mis en place... que le gouvernement a mis en place une réforme ? c'est en 1998, si ma mémoire est bonne ? et qu'on sait qu'un bac universitaire en enseignement ? je pense que c'est rendu quatre ans maintenant...

Alors, il y a des étudiants qui sont sortis de l'université en 2002, alors que la réforme était en place en 1998 et qu'ils n'avaient pas reçu la formation adéquate, notamment, là, pour les compétences transversales, éducation... enseignement par projets, etc. C'est ce que je dois comprendre de vos propos?

M. Gingras (Jean-Philippe): Bien, j'apporterais peut-être juste une nuance, c'est-à-dire que les programmes en tant que tels, donc les cours qui étaient offerts, viennent d'être rappelés. Donc, depuis septembre, effectivement la formation au complet correspond, sauf que les programmes n'ont eu d'autre choix par contre... de s'adapter. Donc, moi-même, durant ma formation, j'ai quand même eu une formation par rapport aux compétences transversales, on a étudié le nouveau programme, etc. Donc, il y a quand même un ajustement qui s'est fait, mais l'ajustement sur papier, techniquement, et même au niveau de la structure des programmes, c'est fait depuis septembre dernier.

Mme Perreault: Je voulais juste faire un dernier commentaire, M. le Président, parce que je trouve ça important. Vous êtes les enseignants de demain. Vous devez être, à mon point de vue, et je le dis en toute sincérité, vous êtes les premiers sur la scène avant. Vous devez être ceux qui devaient être le mieux formés, avec des formations des plus adéquates, pour entrer dans nos écoles avec, tu sais, l'engouement. Alors, je trouve ça surprenant, ce que vous me dites.

Et, je ne le sais pas, est-ce que vous avez, juste en terminant, une explication peut-être à donner pour ? puis je pense que votre expertise dans le domaine est importante ? une explication à donner pour le bénéfice des membres de la commission pourquoi ça n'a pas été une priorité dans la mise en place de cette réforme-là, d'arrimer la formation universitaire à la réforme? Parce qu'on sait qu'on a eu du mal au niveau de la formation des enseignants; ça a été extrêmement compliqué pour les enseignants qui étaient en place. On sait tout le débat qu'il y a eu autour de ça, mais qu'on n'ait pas pris la peine d'arrimer, là, systématiquement la formation universitaire sur la réforme, ça me surprend. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Charland (Patrick): Effectivement, on a été consultés ? je crois que c'est en octobre ou en septembre dernier ? par le Conseil supérieur de l'éducation qui nous demandait, là, et dans le cadre d'un mémoire sur la profession enseignante, là, quelles étaient certaines orientations qu'on pourrait donner. Et, pour répondre un peu à ça, je pense que notre idée, c'était l'idée d'une plus grande concertation et d'une table concertation avec beaucoup plus de rencontres et un dialogue beaucoup plus grand entre les universités qui offrent des programmes de formation et le ministère de l'Éducation de manière à s'assurer cette concertation-là puis de s'assurer aussi que la formation qui est dans les universités soit toujours à date.

Il est clair aussi que la formation continue et que les programmes de formation continue vont contribuer, si on veut, à s'assurer que les gens qui étaient en place avant même... avant que les nouveaux étudiants entrent sur le marché... ou en fait dans les classes sont des solutions possibles. Et là la valorisation de ces programmes de formation continue là est intéressante à ce niveau-là.

Mme Perreault: Je veux juste terminer en disant qu'il m'apparaît comme essentiel qu'une situation comme celle-là ne se renouvelle pas, là, ne serait-ce que pour vous, qui allez être des futurs enseignants, puis pour le bénéfice de tous les jeunes enfants, des étudiants du Québec.

Le Président (M. Kelley): Merci, Mme la députée. Est-ce que c'est sur le même sujet, M. le député? Parce que le ministre veut intervenir aussi. M. le député d'Acadie ou...

M. Bordeleau: Bien, tout dépendant du temps; c'est un autre sujet.

Le Président (M. Kelley): Il reste cinq minutes. Alors, allez. Et ? juste une parenthèse, un mot de bienvenue ? je n'ai pas eu l'occasion formellement de dire bienvenue au député d'Acadie qui est nouveau membre de la Commission de l'éducation, alors bienvenue parmi nous.

M. Bordeleau: Juste une question pour laisser du temps. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de voir la publication qui a été faite, Montréal, Ville du savoir, et qui a été publiée récemment, qui circule. Et j'aimerais avoir votre réaction par rapport à une donnée que j'ai vue dans ce document-là qui m'a surpris.

On mentionne que... On a un tableau à un endroit que je vous réfère. Si vous n'êtes pas au courant, j'aimerais ça que vous alliez le voir et... Il y a un tableau qui donne un peu les coûts des frais de scolarité dans les différentes provinces canadiennes et aussi au niveau de certains États américains. Et on voit, dans ce tableau-là, qu'effectivement, au Québec, c'est là où les frais de scolarité sont actuellement les plus bas. Et par contre, quand on regarde d'autres données qui sont dans le même document, on constate que le taux de diplomation est le plus faible au Québec par rapport à tous ces autres endroits où la scolarité est plus élevée. Et j'ai de la misère à comprendre qu'avec des conditions qui sont quand même en tout cas moins exigeantes sur le plan des frais de scolarité on se retrouve avec une réalité où les taux de diplomation sont moins élevés que dans d'autres endroits où les frais de scolarité sont plus élevés.

Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de regarder ça. Sinon, bien j'aimerais ça que vous alliez regarder ça. Et, si vous avez des commentaires à... J'aimerais comprendre pourquoi. Alors, si vous avez éventuellement des commentaires à faire sur ces données-là, vous pourriez les faire parvenir à la commission parce que je pense qu'il y a quelque chose là que j'ai de la misère à saisir. Mais, comme vous êtes les premiers intéressés, j'aimerais ça avoir votre point de vue.

M. Gingras (Jean-Philippe): Écoutez, je ne veux pas m'étendre parce que je pense que ça a été largement discuté par d'autres organismes étudiants dans la présente... dans le cadre de la présente... dans la présente commission.

Simplement dire qu'il y a plusieurs éléments qui expliquent un taux de diplomation, que ce n'est pas nécessairement relié aux frais de scolarité, entre autres les personnes justement...

n(16 heures)n

Quand on parle des universités ailleurs au Canada, il y a toute une étude par rapport à la classe qui accède justement aux études universitaires, qui sont ces gens-là justement. Il y a un écart qui se creuse énormément entre la classe, si je peux dire, bien nantie et les moins bien nantis, comparativement au Québec, justement. Mais, pour ça, je vous référerais à l'argumentaire, entre autres, de la Fédération étudiante universitaire du Québec, de la FEUQ, de laquelle les étudiants en éducation de l'UQAM sont membres. Donc, c'est sensiblement le même discours qu'on a.

Le Président (M. Kelley): M. le député d'Orford et ministre de l'Éducation.

M. Reid: Ça va être très bref, ce qui reste. Je vais peut-être attendre parce que je poserai peut-être une courte question, c'est sur la qualité. Parce qu'il est possible que vous posiez ces mêmes questions là et qu'ils auront plus le temps de répondre. Donc, je vais attendre. Puis, si, à la fin, ça n'a pas été couvert, je prendrai quelques secondes.

Le Président (M. Kelley): Parfait. Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Alors, bonjour, messieurs, bienvenue. Alors, écoutez, je vous questionne un peu, même, je dirais, peut-être pas en dehors de votre document mais quelque peu. Je lisais tout récemment que les étudiants en formation pour enseigner aux niveaux primaire ou préscolaire, primaire et même secondaire auraient besoin également de formation particulière pour contrer et faire face à des étudiants un peu plus turbulents, un peu plus difficiles, parce qu'on sait que l'accès... Et je suis de ce monde-là, je viens de ce monde-là. Et on en avait moins, je pense, à l'époque ? parce que je dois parler, dans mon cas, d'époque ? d'étudiants qui avaient d'énormes difficultés. Il y en avait, mais c'était différent.

Or, les classes sont nombreuses, même au niveau primaire, maintenant pour toutes sortes de raisons. Et même on est rendu, dans les paroisses, dans les milieux ruraux, avec des niveaux multiples, sinon on doit fermer des écoles de village, ce qui n'est pas le but des gouvernements. On tente tout pour les garder en poste.

Donc, cette formation-là, cette préparation-là particulière, est-ce que vous en parlez entre étudiants? Est-ce que vous la ressentez? Puis est-ce qu'elle se donne dans les faits? Parce qu'il y a peut-être diverses écoles de pensée là-dessus, donc l'approche face aux étudiants ou une génération qui est plus difficile que moins à cause de nombreuses familles, nombreux pères, nombreuses mères et nombreux grands-pères et nombreuses grands-mères.

M. Gingras (Jean-Philippe): En ce qui a trait justement, je pourrais dire, au traitement des cas particuliers dans les classes, la situation varie selon chacun des programmes. L'UQAM a un programme, un baccalauréat en adaptation scolaire et sociale, donc, bien entendu, les étudiants de ces programmes-là sont très bien formés en ce qui a trait à l'intervention.

Quand on parle par contre d'un programme en éducation préscolaire, d'enseignement primaire ou même dans un baccalauréat en enseignement secondaire ou en éducation physique, la situation, elle est autre. Au primaire, on a de la difficulté à joindre, avec les 120 crédits qui sont demandés, on a de la difficulté à joindre, à atteindre l'équilibre, si je peux dire, entre une formation disciplinaire qui soit adéquate, une formation psychopédagogique qui soit adéquate et une formation aussi en adaptation scolaire, ou en tout cas en intervention, si je peux dire, qui soit adéquate. Donc, il y a des choix qui sont faits, et je peux dire que la plupart des étudiants vont vous répondre que, leur expérience en intervention, ils la développent pendant leur formation pratique, pendant leurs stages principalement, et qu'il n'y a pas un cours théorique qui prépare à l'intervention. Et je pense que ce serait très difficile. Il y a possibilité d'avoir des cours théoriques, mais je pense qu'aussi il n'y a rien de mieux que la pratique aussi.

Mais vous avez soulevé un point très important au niveau de la quantité d'étudiants qui sont présents dans les classes. D'un côté, on souhaite une intégration qui soit plus élevée des élèves justement en difficulté, on cherche à les intégrer. L'association trouve que justement c'est tout à fait louable et ça doit être fait. Cependant, les conditions de travail doivent aller avec, là. Donc, on doit avoir des ressources d'accompagnement qui soient conséquentes, là, avec cette intégration-là.

Mme Champagne: Mais, si vous permettez, si on vous proposait, à l'intérieur de vos cours, je parle de formation régulière et non pas de formation spécialisée, parce qu'on ne peut pas mettre des spécialistes en quantité, là, énorme dans chacune des classes...

Est-ce que vous autres, les étudiants, vous sentez déjà, de par vos discussions, le besoin d'ajout d'un certain nombre de cours, que ce soit en psychologie, approche particulière? Est-ce que vous le sentez, le besoin?

M. Gingras (Jean-Philippe): À mon sens, non. Certains étudiants par contre se sentent moins bien outillés, si je puis dire, mais sentent le besoin d'avoir un cours spécifiquement sur ça, sur cette problématique-là? Je ne crois pas. Je pense que ce doit être intégré à l'intérieur des différents cours, à l'intérieur des différentes phases de la formation.

Mme Champagne: Donc, je conclus en disant que le message a été passé par des profs en action sur le terrain. Donc, c'est senti par ceux qui font déjà l'expérience concrètement à tous les jours. Peut-être qu'avec le temps un jour ça viendra parce que, effectivement, ces difficultés-là, on les rencontre régulièrement. Alors, merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, M. le Président. Bonjour. Bienvenue à cette commission parlementaire. Écoutez, j'ai fait 26 ans dans le domaine de l'éducation, puis, les dernières années, j'étais directeur des services éducatifs d'un petit collège privé primaire et secondaire ? primaire premier cycle, deuxième cycle et secondaire. Et puis, je me souviens très bien, durant le printemps 1998 et l'été 1998, bon, on a passé des curriculum vitae d'étudiants et d'étudiantes en provenance des universités qui faisaient application pour pouvoir venir travailler chez nous, au primaire. Et puis, dans les entrevues qu'on passait, ces gens-là, bien c'était très clair qu'ils avaient une formation qui était campée sur ce qui s'en venait avec la réforme. C'est des gens qui nous disaient que, oui, ils avaient les ajustements nécessaires à l'université pour être capables d'affronter... et puis même d'amener du plus, là, si on les engageait évidemment la première année au niveau de la réforme, puis d'aider à l'implantation de la réforme dans notre collège.

Ceci dit, à la recommandation 12, vous dites que les professeurs soient obligés d'offrir un nombre de cours minimal au premier cycle par année. Qu'est-ce qui se fait présentement, puis pourquoi vous placez cette recommandation-là? Est-ce que vous...

M. Gingras (Jean-Philippe): Peut-être simplement spécifier «au premier cycle universitaire», pas au premier cycle du primaire.

M. Cousineau: Ah! Du primaire.

M. Gingras (Jean-Philippe): Non, c'est ça. Quand on parle au premier cycle, c'est au premier cycle universitaire.

M. Cousineau: Oui, c'est ce que j'ai compris, au premier cycle universitaire. Les professeurs qui enseignent au premier cycle universitaire présentement, moi, je pensais que c'étaient des gens qui avaient des charges de cours aussi au niveau maîtrise puis au niveau...

M. Gingras (Jean-Philippe): Bien, en fait, ce qui arrive, c'est que... La réalité, c'est que je dirais que 80 % des cours qui sont offerts, par exemple en éducation, sont dispensés par des chargés de cours. Donc, le professeur justement qui fait de la recherche et qui a une expertise théorique et scientifique va généralement se spécialiser ou en tout cas va préférer enseigner à la maîtrise et au doctorat pour plusieurs raisons, entre autres parce que c'est très peu valorisé, l'enseignement au premier cycle, par un professeur dans le milieu universitaire.

M. Cousineau: Vous, vous souhaiteriez que ces gens-là aient au moins une tâche minimale au premier cycle universitaire.

M. Gingras (Jean-Philippe): C'est ça. Puis, bien entendu, cette mesure-là devrait être établie à l'ensemble du Québec, donc à l'ensemble des universités du Québec parce que, sinon... On ne se le cachera pas, si, par exemple, l'UQAM... tout professeur qui vient à l'UQAM doit offrir minimalement un cours par session au premier cycle et qu'à l'Université Laval on ne le demande pas, bien les professeurs, ils ne viendront juste pas à l'UQAM, ils vont aller à l'Université Laval. Donc, ça prend du moins... pas une... en tout cas une politique qui fasse en sorte que toutes les universités adoptent les mêmes bases, les mêmes exigences.

M. Cousineau: Oui. Certains groupes ont plaidé pour l'amélioration du sort des chargés de cours pour permettre des passerelles... pour que les chargés de cours puissent devenir des professeurs permanents, et puis voire même... Est-ce que vous allez dans ce sens-là aussi?

M. Gingras (Jean-Philippe): Ah! Tout à fait. Il y a un grand nombre de chargés de cours qui possèdent toutes les compétences requises pour être un professeur, ne le sont simplement pas parce que les universités manquent d'argent.

M. Cousineau: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon, il reste une couple de minutes.

Mme Marois: Oui. Une question sur la moyenne cible. Vous faites un long plaidoyer pour que le gouvernement abolisse le principe de la moyenne cible propre au réseau UQ. Vous le remplaceriez par quoi? Et quel est l'impact le plus négatif, à votre point de vue, de l'application de la moyenne cible?

M. Marcotte (Stéphane): Oui. Bonjour. Dans le fond, tout ce qu'on veut dire par ça, par cette espèce d'«abolissement» du concept de moyenne cible, c'est de l'abolir au niveau des financements conditionnels parce que ça a eu un grand impact au niveau de la qualité de la formation, ne serait-ce que par le nombre d'étudiants par groupe-cours. C'est-à-dire, à ce moment-là... C'est juste de sortir un peu cette mesure-là, de ces financements conditionnels là, parce que, comme impact... comme sous-impact, si je peux m'exprimer ainsi, l'augmentation de la moyenne cible, ça a aussi par conséquent... comme conséquence l'augmentation du nombre minimal d'étudiants pour qu'un cours soit donné. Alors, à ce moment-là, c'est tous les cours optionnels qui sont moins populaires un peu, c'est tous les cours qui sont regroupés aussi, et ça entraîne toutes les conséquences vraiment néfastes qu'on a... dont on a fait mention tantôt, un petit peu plus tôt.

n(16 h 10)n

À remplacer par quoi? C'est sûr, il va toujours exister un nombre d'étudiants moyen par programmes ou par groupe. Ce ne serait pas de le remplacer nécessairement par quelque chose d'autre, ce serait juste dire que ça ne fait tout simplement plus partie de ce type de financement conditionnel là parce que, les effets, on les ressent encore. Je travaille à l'association; on reçoit des étudiants à l'association, puis ils viennent nous dire: Stéphane, ça n'a vraiment pas de bon sens, ça fait trois sessions que je suis supposé avoir suivi tel cours dans mon cheminement normal, je n'ai pas pu le suivre encore. Probablement que les secrétaires de département font des pieds et des mains pour peut-être substituer ça par quelque chose d'autre, par un autre cours qui... Bon. Il y a cet exemple-là.

Il y a aussi l'exemple d'un étudiant, admettons, au niveau du baccalauréat en enseignement au secondaire, qui, lui, à ce moment-là, a un cours avec un étudiant en histoire. Ce n'est pas mauvais en soi, mais des fois c'est juste des conjugaisons. Les universités ont été obligées de rallier ensemble pour couper un certain nombre de groupes-cours. Bien sûr, ça a réduit les coûts, mais au niveau de la qualité de la formation, au niveau des étudiants même... Parce que, en plus, l'UQAM n'a pas été construite pour accueillir... n'a pas les infrastructures pour accueillir un si grand nombre d'étudiants par groupe, là. Alors, c'est un petit peu... ça a déjà une anarchie et ça l'est encore un petit peu au niveau de la gestion de ces cours-là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Marcotte.

Mme Marois: D'accord. Merci. Je pense que ça nous éclaire bien. Merci.

Le Président (M. Kelley): Il vous reste deux minutes pour un mot de la fin, M. le ministre.

M. Reid: Oui, je vais le faire très rapidement. Ce n'est pas un mot de la fin, c'est une question. La qualité, pour moi, c'est la qualité au carré en ce qui nous concerne parce que c'est à la fois la qualité de votre formation et de ce que vous allez faire avec les élèves après. Dans ce sens-là, il y a un article hier, dans Le Devoir, sur la formation des maîtres par rapport aux élèves qui ont des troubles de comportement. Et, moi, jusqu'à maintenant, pour ces élèves-là, la solution qu'on m'a toujours proposée ? et il en parle dans l'article aussi ? c'est des professionnels. Et ça, on a posé un geste d'ailleurs; ça va, puis on va continuer.

Mais il dit autre chose, et, là-dessus, j'aimerais vous entendre. Il dit: «...l'analogie avec les employés du secteur de l'aviation ? il a avancé cette analogie-là ? qui ont appris à composer avec les colères au comptoir d'un client outré que son vol ne parte pas à l'heure prévue.» Et il est cité ici en disant: «Ils ont été formés pour réagir, ils savent quoi faire [et] ils ont appris. Comment se fait-il qu'on ne le fasse pas pour des élèves?» Autrement dit, comment se fait-il ? et dans le reste de l'article ? qu'on n'apprenne pas aux étudiants et aux étudiantes, parce que la majorité sont des femmes en plus, comment est-ce qu'on peut réagir à ces choses-là?

Qu'est-ce que vous en pensez, vous? Parce que, moi, c'est la première fois qu'au-delà des questions où on m'a dit: Il faut absolument ajouter des professionnels ? et on le fait... Mais c'est la première fois que j'entends ça, et je n'ai pas eu l'occasion d'en parler avec beaucoup de monde, mais j'en profite, que vous soyez là, pour avoir votre avis là-dessus.

M. Charland (Patrick): Bien, tout d'abord je ne peux que féliciter cette initiative qui a été prise dans le budget d'hier. Par contre, là, je ne reviendrai pas sur d'autres aspects du budget qui sont beaucoup plus négatifs.

D'un autre côté, il faut comprendre que, pour un enseignant, l'apprentissage va se faire dans sa formation pratique, que l'étudiant... Apprendre à conjuguer une situation, apprendre à dealer, entre guillemets, avec une situation, ça ne s'apprend pas comme ça, de manière théorique sur les bancs d'une école. Ce qu'on favorise, c'est justement des professionnels, là, qui vont favoriser un encadrement. Par contre, à 35, 36 étudiants, avec 10 élèves qui sont, excusez-moi... À 35, 36 élèves dans une classe au primaire, avec 10 de ces élèves-là qui ont des troubles de comportement, bien, l'apprentissage va se faire au fil du temps.

Or, l'intégration des futurs élèves... ou des futurs, excusez-moi, étudiants, dans la formation, elle est très difficile. Je crois qu'on a une statistique dans l'enseignement secondaire où on a 50 % des étudiants qui vont lâcher la profession parce qu'ils trouvent ça extrêmement difficile pour eux, ils sont stressés, ainsi de suite. Donc, à ce niveau-là, je pense que la comparaison, elle n'est pas valable. On peut apprendre, après un certain temps, à comment dealer avec des élèves qui ont des troubles de comportement, mais on ne peut pas leur apprendre dans un cours, ainsi de suite. Je pense que c'est vraiment avec le temps qu'on va être capable de...

M. Reid: Bien sûr, parce que, moi... Bon. Il faut poser des gestes, hein, vous en avez parlé tantôt ? mais je ne suis pas en accord avec vous ? mais il faut poser des gestes, puis on en pose. Et, pour les poser, il faut savoir quoi faire et qu'est-ce que c'est, les éléments qu'on n'aurait pas déjà vus. Et est-ce que vous me dites que finalement c'est quelque chose... on peut difficilement faire mieux que d'avoir une sensibilisation à l'université, puis ensuite, dans la pratique, on l'apprend au fur et à mesure? Est-ce qu'on peut faire autre chose que ça? C'est ça, ma question.

M. Gingras (Jean-Philippe): Bien, un des éléments en tout cas que je vois clairement d'emblée, c'est, Patrick l'a mentionné... L'insertion socioprofessionnelle, ça fait très mal actuellement parce que les classes les plus difficiles ou les milieux les plus difficiles sont réservés pour les jeunes enseignants. Quelqu'un qui diplôme... Je veux dire, les meilleures conditions de travail, les classes justement où il y a le moins de troubles de comportement sont réservées pour les enseignants qui ont le plus d'expérience.

Donc, un jeune enseignant se retrouve sur le marché du travail, dans une école, dans un quartier défavorisé, se retrouve à peut-être devoir enseigner dans trois classes différentes pour combler trois tâches différentes, donc doit s'occuper à préparer trois tâches d'enseignement différentes et par ailleurs doit conjuguer avec les troubles de comportement. Et on ne parle pas... dans ces cas-là, on ne parle pas d'un trouble de comportement dans une classe. Et la formation, du moins en aviation, je ne pense pas qu'on parle non plus de six personnes qui sont en même temps debout sur leur banc après essayer d'arracher leur siège.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Gingras. Et merci beaucoup pour cette présentation. Moi, mes enfants sont à la même école secondaire que leur père était, et on voit l'impact d'avoir les jeunes enseignants qui prennent la relève. C'est un devoir... un défi très important, alors merci beaucoup pour avoir partagé vos expériences. Et je vais suspendre nos travaux quelques instants. Et j'invite les représentants du collège LaSalle de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 16)

 

(Reprise à 16 h 18)

Le Président (M. Kelley): On va accélérer le rythme. Je devais dire un mot de bienvenue aux représentants du collège LaSalle avant de céder la parole. On est toujours... Mettre nos conflits sur la table, c'est la tradition de la commission. Premièrement, j'ai un conflit d'horaire. Il y a neuf ans, le député de Jacques-Cartier a demandé au gouvernement si on peut avoir le «block funding» avec les communautés et les villages nordiques et les Inuits. Il y a la signature d'une entente à ce moment, alors je vais m'absenter pour assister à cette signature historique. Mais je veux au moins recevoir les représentants du collège LaSalle, parce que je suis dans un conflit d'intérêts personnel aussi; je ne peux pas... ? et on n'est pas ici pour commenter la qualité de l'enseignement en général au collège LaSalle ? mais je peux dire qu'il y a un membre de votre corps professoral dans le département de l'anglais qui est une excellente enseignante et également l'épouse du député de Jacques-Cartier depuis 25 ans.

Alors, dans le but de la transparence et de mettre toutes nos cartes sur la table, je suis très familier avec le rôle que le collège LaSalle joue et sa clientèle. Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole à M. Lefebvre ou à M. Marchand?

Collège LaSalle

M. Lefebvre (Jacques A.): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre de l'Éducation, Mmes et MM. les délégués membres de cette commission, merci de nous recevoir aujourd'hui. Permettez-moi d'abord de vous présenter la personne qui m'accompagne. Il s'agit de Jacques Marchand, directeur général du collège LaSalle.

En premier lieu, je veux dire aux membres de cette commission que le collège LaSalle appuie sans réserve le mémoire de l'Association des collèges privés du Québec. L'association sera entendue le 7 avril.

n(16 h 20)n

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je pense qu'il serait approprié que je situe en quelques mots le collège LaSalle. Fondé en 1959, le collège LaSalle a 45 ans d'existence. Le collège accueille un peu plus de 2 500 étudiants dans les domaines de la mode, de la gestion hôtelière, des services alimentaires et de la restauration, de la gestion internationale et de l'informatique. Avec ses campus de Montréal, de Vancouver et ses établissements affiliés en Chine, à Singapour, en Malaisie, aux Philippines, en Indonésie, en Colombie, au Maroc, en Tunisie et en Turquie, le collège LaSalle s'appuie sur un réseau de 21 écoles qui accueille des étudiants de tous les horizons ? à Montréal, parmi eux, quelque 500 étudiants étrangers provenant de 50 pays différents. À lui seul, le collège LaSalle reçoit presque la moitié des étudiants étrangers du réseau collégial privé et public.

Dans le domaine de la mode, le collège LaSalle a joué un rôle déterminant à Montréal. Premier établissement à offrir la formation en mode, il a été reconnu par le ministère de l'Éducation comme centre de transfert de technologie de la mode et a été l'instigateur de la création de l'École supérieure de mode de Montréal et de la Fondation de la mode de Montréal. Cette fondation remet annuellement plus de 110 000 $ en bourses d'études pour accompagner... pour encourager plutôt la poursuite des études universitaires dans le domaine de la mode.

À titre d'établissement d'enseignement supérieur partenaire des universités, le collège LaSalle s'est toujours préoccupé de la qualité et de l'accessibilité et du financement de l'enseignement supérieur. Cette commission parlementaire est pour nous l'occasion d'exposer certaines situations qui pourraient être l'objet d'examen et de rappeler la nécessité d'un meilleur arrimage entre les universités et les collèges en mettant l'accent sur les économies substantielles que pourraient générer certaines mesures. C'est dans ce sens d'un arrimage université-collège que nous aborderons la question de la reconnaissance des acquis de formation collégiale à l'université et des partenariats interordre d'enseignement à développer, la question du financement de la formation continue et des formations courtes et la politique sur les droits de scolarité exigés des étudiants étrangers.

Les établissements d'enseignement supérieur qui jouent un rôle capital dans le développement des connaissances et leur diffusion par les technologies sont des acteurs incontournables du développement économique. Pourtant, il est curieux de constater que ces questions, comme celles de la qualité, de l'accessibilité et du financement de l'enseignement supérieur et de la productivité des universités, intéressent si peu l'ensemble des acteurs économiques. Au Québec, la mentalité qui s'est développée est que les gens de l'éducation sont en dehors des affaires et que le gouvernement doit prendre en main ce secteur important d'activité. Comme entreprise privée qui fait de l'éducation, nous pensons que cette situation est déplorable. Il faudrait favoriser davantage le partenariat entre le public et le privé et tenter de développer une culture où, à l'enseignement supérieur, le privé aurait plus de place. Dans le même ordre d'idées, dans un contexte où l'État voit ses dépenses augmenter à un rythme qui met en péril son équilibre budgétaire, il est surprenant de constater que la notion de productivité est aussi peu présente dans les discussions sur le financement des universités. C'est sur cette toile de fond que le collège LaSalle aborde la question qu'il soumet... ou les questions qu'il soumet à cette commission.

L'État, qui a une capacité de payer limitée, finance la plus grande partie des coûts d'opération des universités. Nous croyons que... Si l'État qui cherche déjà par tous les moyens à conserver son équilibre budgétaire doit réinvestir dans les universités, il doit le faire en ciblant les activités ou les domaines prioritaires, mais un exercice de rationalisation et d'examen des coûts s'impose d'abord pour être en mesure de réinvestir, dans la mesure du possible, à même des économies ou des gains de productivité réalisés. De plus, le gouvernement doit exiger que les autres intervenants, étudiants et entreprises participent davantage au financement universitaire. Un bref inventaire des microprogrammes ou programmes courts de premier cycle offerts dans les universités, souvent sans préalables autres que ceux de l'âge et d'une courte expérience de travail, nous permet de conclure que ces programmes ne s'inscrivent pas naturellement au coeur de la mission universitaire et pourraient être dispensés par d'autres établissements d'enseignement moins coûteux pour l'État et/ou être autofinancés par les établissements. Ces programmes courts crédités de premier cycle se comptent par dizaines dans la plupart des universités. On observe que les conditions d'admission à ces programmes courts se limitent, dans la majorité des cas, à avoir 21 ans et posséder une expérience de travail ou de répondre de la définition d'adulte.

Il nous semble évident que le financement à l'université de la plupart de ces formations doit être examiné. L'équivalent de ces formations se donne déjà et ne doit-il pas aussi se donner dans les collèges où les coûts sont moins élevés? Un exercice d'analyse et de questionnement de certaines situations s'impose dans un premier temps dans la perspective de rationalisation et de recherche objective de solutions. L'État devrait privilégier et financer davantage certaines formations dans certains domaines, mais il doit aussi rechercher des façons de financer autrement et à moindre coût certaines autres formations ou activités. C'est dans ce sens que nous avons la conviction qu'un meilleur arrimage collège-université favoriserait l'accessibilité à l'enseignement supérieur tout en contribuant à réduire les coûts.

L'année additionnelle que compte la formation conduisant à un diplôme d'études collégiales techniques ne nous semble pas reconnue à sa juste valeur par les universités ou ne l'est que partiellement. Pour les étudiants, cela signifie une année de plus aux études, une année de moins sur le marché du travail avec un endettement accru; pour l'État, un coût supplémentaire important. L'Université Laval et plusieurs constituants de l'Université du Québec en région ont manifesté récemment une ouverture intéressante, mais les universités, particulièrement à Montréal, sont réfractaires à l'idée de reconnaître les connaissances acquises dans ce domaine au niveau collégial. Dans le domaine de la mode, les finissants qui poursuivent à l'université n'atteignent pas 20 %, alors que l'École supérieure de mode de Montréal est à proximité d'une grande majorité de ces finissants qui se voient refuser une partie importante de leurs acquis de formation de troisième année collégiale. Ainsi, nous estimons que la troisième année d'études collégiales techniques conduisant à un diplôme, et, à plus forte raison, si elle est sanctionnée par le ministre de l'Éducation, devrait être automatiquement reconnue par les universités aux étudiants qui poursuivent dans le même domaine de technologie.

Puisque ce sont les fonds publics qui sont utilisés, nous estimons que les règles budgétaires devraient être utilisées pour harmoniser les pratiques des universités en matière de reconnaissance de la formation sanctionnée par un diplôme d'études collégiales techniques. Cela contribuerait à réduire, là où c'est possible, les coûts à la fois pour les étudiants et pour l'État. Dans la même perspective d'un meilleur arrimage université-collège, il nous semble que des projets de partenariat devraient être encouragés par le gouvernement. L'expérience que nous avons vécue au collège LaSalle dans le domaine de la mode a fait ressortir de nombreuses embûches à la mise en place de tels partenariats tant du côté du partenaire que du ministère. Il faut affirmer qu'actuellement la mise en place de projets de partenariat entre les collèges et les universités est non seulement difficile mais souvent impossible. Même les partenariats existants se retrouvent souvent non fonctionnels à la suite de contraintes réglementaires ou la collaboration parfois déficiente des représentants des universités impliquées.

Les associations université-collège devraient être encouragées et facilitées par le gouvernement. Dans certains domaines de formation, les collèges pourraient offrir la formation universitaire en partenariat avec des universités comme collèges agréés ou associés. Cette situation est observée dans d'autres provinces canadiennes où des collèges offrent la formation universitaire conduisant à un baccalauréat technique. C'est le cas, par exemple, de Kwantlen University College à Vancouver, d'abord un collège technique qui offre maintenant certaines formations conduisant au baccalauréat.

n(16 h 30)n

En gardant toujours comme toile de fond cette préoccupation de productivité, la question des modalités de financement de la formation continue et des programmes courts nous apparaît aussi importante. Là aussi, un exercice de rationalisation nous apparaît nécessaire. À l'automne 2002, 60 000 étudiants étaient inscrits dans des programmes courts de premier cycle. On peut estimer à près de 200 millions la formation financée par l'État dans les universités pour ces programmes. Avec l'avènement de la formation en ligne, l'accès à ces programmes sera plus facile, et le nombre d'adultes sans diplôme d'études collégiales intéressés à s'inscrire à ces programmes courts augmentera. Par ailleurs, ces programmes répondent, dans bien des cas, à des besoins de formation continue et en réponse aux besoins des entreprises et n'exigent souvent aucune contribution autre que celle des droits de scolarité. L'État finance, au niveau universitaire, ces formations selon le modèle de formation initiale, sans autre contribution des entreprises ou des employés. Le collège LaSalle impose à ses étudiants québécois des frais de scolarité deux fois plus élevés que les universités. Une partie de sa clientèle se retourne donc vers les universités qui peuvent offrir une formation équivalente ? sans autre préalable académique d'admission ? financée par l'État et prise en compte dans les besoins d'immobilisations. Un étudiant à l'université exprimé en équivalence de temps complet coûte en fonds publics annuellement près de 12 000 $ au fonds de fonctionnement et au service de la dette. Au collège LaSalle, il coûte annuellement à l'État environ 6 000 $ et, dans un collège privé non subventionné, il ne coûte que l'intérêt des prêts de 3 100 $ par session aux étudiants, environ 400 $. Il ne nous paraît pas correct que le modèle de financement des universités permette de tels écarts dans le financement des activités de la formation par l'État. Il ne nous paraît pas plus correct que les employeurs contribuent aussi peu au recyclage et au perfectionnement de leur main-d'oeuvre qui doit poursuivre des études universitaires.

Au regard du financement, nous suggérons donc plusieurs mesures dans le mémoire que nous avons soumis. J'en rappellerai simplement ici les principales. Nous pensons qu'il serait utile de distinguer, dans les modalités de financement, les besoins de la formation initiale de ceux des programmes courts et de la formation continue. Cette distinction s'applique aussi aux droits de scolarité et pourrait conduire à des frais différenciés entre la formation initiale et la formation continue. La formation accessible au niveau collégial qui ne requiert pas le diplôme d'études collégiales ou l'équivalent comme base académique d'admission ne devrait pas pouvoir être prise à l'université et être financée par l'État. Les employeurs et les adultes en formation continue devraient apporter une contribution plus importante à leur formation.

En plus des économies sur les subventions de fonctionnement réalisées par l'État, ces mesures réduiraient la pression sur les besoins d'investissement dans les universités, qui nous apparaissent hors contrôle dans un contexte où la population des étudiants d'âge collégial est en nette décroissance et que les collèges privés se vident. Par ailleurs, cet exercice de rationalisation permettrait de dégager plusieurs millions de dollars et pourrait être utilisé pour bonifier les ressources consenties aux programmes sous-financés conduisant à des baccalauréats, à une maîtrise ou à un doctorat.

Un dernier sujet enfin qui touche énormément le collège LaSalle est celui des droits de scolarité exigés des étudiants étrangers. Nous estimons que la politique actuelle du gouvernement ne favorise pas suffisamment le recrutement d'étudiants étrangers et qu'elle pénalise même les établissements qui en accueillent. Les montants forfaitaires exigés ne couvrent pas les coûts dans certains programmes et ne prennent pas en compte les coûts d'immobilisations. Au collège LaSalle, nous avons de plus observé que le versement d'un montant peu élevé à l'inscription, comme l'exige le règlement, et l'étalement par la suite du paiement des droits de scolarité sur plusieurs mois permettent à certains étudiants étrangers de quitter leurs études après quelques semaines pour une autre institution ou pour entrer au pays parfois de façon illégale. Par ailleurs, dans le cadre d'un exercice de rationalisation, le traitement des étudiants français comme des résidents du Québec nous semble aussi devoir être examiné. En utilisant les données fournies par le ministère et celles d'Immigration Canada, nous avons établi que cette mesure coûte environ 45 millions annuels pour le réseau universitaire, incluant le coût des immobilisations.

De plus, les étudiants étrangers assujettis aux montants forfaitaires coûteraient à l'État entre 2 000 $ et 3 000 $ annuellement. En laissant aux établissements la responsabilité de gérer eux-mêmes les étudiants étrangers et d'autofinancer leur formation par des droits de scolarité qu'ils fixeraient eux-mêmes selon les exigences des programmes et des conditions du marché, le gouvernement économiserait à l'université au moins 15 millions.

La conclusion qui s'impose ? et c'est l'objet de notre recommandation ? serait de laisser les établissements autofinancer et gérer les droits exigés des étudiants étrangers, économie d'environ 15 millions plus un potentiel de revenus non estimé; d'établir la parité dans le programme d'exemption entre les Français étudiant au Québec et les Québécois étudiant en France, économie de 45 millions; de clarifier, en collaboration avec le ministère des Relations avec les citoyens, les cas d'étudiants qui utilisent leurs inscriptions aux études comme moyen d'entrer au pays en leur imposant, par exemple, des droits de scolarité non remboursables plus élevés.

Dans le cadre d'ententes avec certains pays partenaires, le gouvernement, qui consacre actuellement environ 100 millions à ces ententes, pourrait continuer à intervenir selon ses choix et sa capacité financière au moyen de bourses d'exemption des droits de scolarité additionnels ou autrement. Par contre, il nous semble que les universités et le gouvernement devraient davantage viser les étudiants privés payant les droits de scolarité additionnels pour augmenter la clientèle internationale. Plusieurs millions de dollars pourraient ici encore être réorientés pour mieux répondre aux besoins des études universitaires. De son côté, le gouvernement a l'obligation de voir à ce que ceux qui dépensent l'argent des contribuables le dépensent sagement et parcimonieusement.

En terminant, nous estimons que la mission fondamentale d'enseignement et de recherche des universités doit être assurée et que les questions préoccupantes doivent être examinées sérieusement. Mais l'examen de ces questions fondamentales doit aussi être accompagné d'un exercice de rationalisation et d'un examen de la productivité du système d'enseignement supérieur. Dans cette perspective, nous estimons que des gains de productivité sont possibles tout en continuant à valoriser et à accorder une priorité à l'enseignement supérieur. En ce sens, il nous apparaît qu'un meilleur arrimage entre les établissements d'enseignement supérieur ainsi qu'une plus grande présence du secteur privé dans un environnement souple qui favorise le privé et les partenaires public-privé et l'autonomie des établissements devraient être envisagés. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci beaucoup, M. Lefebvre, pour la présentation de votre mémoire. Je laisse maintenant la parole au député d'Orford, ministre de l'Éducation.

M. Reid: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue aux représentants, M. le président, M. le directeur général du collège LaSalle.

Vous avez... Ma première question, c'est sur les relations entre les collèges et les universités. Et ce serait intéressant peut-être que vous nous parliez un peu de cette expérience vécue que vous mentionnez dans le résumé comme dans le mémoire. Je vais lire quelques lignes, là ? c'est la page 6 du résumé: «L'expérience vécue au collège LaSalle dans le domaine de la mode ? et on parle des projets de partenariat entre universités et collèges ? a fait ressortir de nombreuses embûches à la mise en place de tels partenariats tant du côté du partenaire que du ministère. Actuellement, la mise en place de projets de partenariat entre les collèges et les universités est non seulement difficile mais souvent impossible. Même les partenariats existants se retrouvent souvent non fonctionnels à la suite de contraintes réglementaires ou de collaborations parfois déficientes des représentants des universités impliquées.»

Alors, ce que vous nous dites par la suite, évidemment après avoir réaffirmé que l'étudiant est au coeur de vos préoccupations, et tout ça, et que la formation de qualité offerte au moindre coût, voilà ce qui vous guide, vous suggérez deux mesures qui effectivement... on a entendu à quelques reprises, c'est-à-dire la possibilité au Québec d'ouvrir ? et c'est votre suggestion ? d'ouvrir la possibilité donc pour des collèges de participer à la formation universitaire. Et, dans un premier temps, la première partie de la mesure, c'est que les collèges puissent offrir, en partenariat avec des universités, comme collèges agréés ou associés, de la formation universitaire. Et, dans un deuxième temps, en citant comme vous l'avez fait un collège de Vancouver, qu'il pourrait y avoir, à condition de changer la loi bien sûr... on pourrait permettre que le ministre... au ministre de reconnaître certains établissements collégiaux pour offrir la formation universitaire pouvant conduire à un baccalauréat dans certains cas précis.

Est-ce que vous pourriez élaborer un petit peu plus sur d'abord, d'une part, le vécu dont vous parlez? C'est quoi, les difficultés, que vous rencontrez au niveau de votre partenaire universitaire ou des partenaires que vous avez eus et du ministère, pour nous permettre un peu plus de comprendre en quoi est-ce qu'effectivement la solution ou la suggestion que vous nous posez, là, amène des solutions à celles-là. Et élaborez peut-être un petit peu sur cette solution-là également.

n(16 h 40)n

M. Lefebvre (Jacques A.): Merci. D'abord, je dois vous dire que le collège LaSalle a tenté de donner un bac en mode et cette démarche-là a commencé en 1992. Et puis notre première approche a été auprès du ministère de l'Éducation, mais le ministère nous a fait comprendre que ce serait peut-être plus facile si on allait du côté de l'Université du Québec et d'essayer d'avoir une entente avec l'Université du Québec. Bon. On a approché l'Université du Québec et finalement on a abouti avec l'Université du Québec à Montréal. Et la démarche a commencé à ce moment-là, et ça a été très long. On s'est entendus sur une entente réelle de partenariat où on aurait une charte dans laquelle seraient partenaires l'Université du Québec à Montréal et le collège LaSalle. Et puis on a fait la démarche, on a fait l'étude de pertinence; ça a été très long. Et puis finalement, quand on est arrivés au ministère de l'Éducation, le ministère nous a dit: Bien, écoute, c'est impossible, pour le moment, d'avoir une charte pour une composante de l'UQAM.

Et donc ça avait bloqué là jusqu'à temps que le ministre Garon, je crois, qui était là à l'époque, a demandé si ça... aux gens qui l'entouraient si ça faisait du sens, d'avoir un baccalauréat en mode. Et la réponse à ça évidemment, c'était oui. Donc, on a fait des compromis et puis... pour démarrer ce programme-là avec l'entendement que les deux partenaires travailleraient ensemble conjointement pour aller chercher éventuellement une charte séparée pour que l'École supérieure de mode en question, qui était le «joint venture», si vous voulez, l'École supérieure de mode puisse recevoir les fonds directement du ministère et se gérer de façon autonome et... Mais ça ne s'est jamais produit. On est toujours une composante de l'Université du Québec à Montréal.

Bon. Il y a un comité exécutif sur lequel siège M. Marchand, et lui pourrait peut-être combler certaines de mes lacunes. Mais c'est ce qui existe présentement. L'argent chemine à l'Université du Québec à Montréal, les fonds demeurent là, on n'a aucun droit de regard. Finalement, le seul plaisir qu'on a, c'est de pouvoir dire, bien, qu'on est associés à l'Université du Québec à Montréal dans ce programme-là et d'avoir des locaux utilisés par l'École supérieure de mode dans nos locaux à nous.

L'autre problème qu'il y a eu, et qui est encore, disons, un irritant, est le fait que l'arrimage n'est pas bien fait. Nos étudiants qui sortent du collège LaSalle doivent étudier... je crois que c'est deux ans et demi ou trois ans pour obtenir un baccalauréat technique. Partout à travers l'univers... ou de façon générale, je devrais dire, un baccalauréat, c'est 16 ans, ce n'est pas 17 ans, ce n'est pas 17 ans et demi, ce n'est pas 18 ans. Donc, on a un problème d'arrimage avec les étudiants étrangers qui nous arrivent, disons, avec une 12e année, et puis ils sont obligés de suivre un D.E.C., et puis ensuite aller à l'université. Donc, finalement ils se réveillent avec 17, 18 ans d'études. Et ça, c'est un obstacle majeur pour le recrutement à l'international. L'autre problème qu'on a, c'est le bac anglais. On voulait introduire le bac français et le bac anglais en même temps parce qu'on en avait besoin pour nos composantes internationales, les étudiants voulaient venir chez nous à Montréal. Finalement, on n'a pas de bac anglais encore et on ne voit pas l'heure quand on en aurait un.

Pendant un grand bout de temps, l'Université du Québec à Montréal était intéressée: Oui, oui, on va faire ça avec vous. Mais ils ont une multitude de comités, et ça bloque au niveau des étudiants, ou ça bloque au niveau des professeurs, ou ça bloque au niveau de la charte; je ne sais pas trop quoi, mais ça bloque constamment. Et la dernière fois que j'ai rencontré le recteur de l'UQAM, lui, il m'a proposé de... qu'on fasse le travail avec Concordia. Bon, j'ai dit: Moi, je ne suis pas capable de percer Concordia, c'est trop compliqué, donc peut-être que vous pouvez nous aider. M. Denis, Roch, a accepté et il n'a pas été plus loin que nous. Finalement, ça ne s'est pas matérialisé.

Donc, là, on est dans un vide. Et ce qu'on aimerait faire, pour tout dire, c'est d'offrir nous-mêmes le bac, un bac technique en mode de 16 ans, et ce serait très faisable dans le cadre au moins d'un collège privé. Donc, ça, c'est une expérience.

Par ailleurs, on a d'autres expériences avec des constituantes de l'Université du Québec en région. Et là on a réussi à avoir des ententes, mais on ne peut pas dire que c'est très, très fonctionnel, là. C'est-à-dire que, si, nous, on ne met pas l'effort constant de vouloir voir des choses se produire, ce n'est pas l'université qui va venir nous voir; c'est nous qui voulons faire constamment l'effort. Et c'est pour ça qu'on dit que les règles budgétaires du gouvernement pourraient facilement ou pourraient aider grandement, disons, à forcer des arrimages, surtout quand vient le temps des reconnaissances des D.E.C. techniques.

M. Marchand (Jacques): Si vous me permettez, M. le ministre, M. le Président, si je peux juste ajouter, disons, sur la vision du collège LaSalle. Le collège LaSalle étant un collège francophone et un collège anglophone, le collège LaSalle est une organisation qui a décidé rapidement, et depuis au-delà de 15 ans, d'intervenir et d'exporter le savoir-faire québécois sur la scène internationale. Et, comme vous pouvez le constater, là, dans le préambule de notre mémoire, on a bien réussi jusqu'à ce jour et on va continuer aussi de bien réussir pour les années à venir. On a 20 écoles à l'étranger, et notre clientèle est anglophone et francophone. Et la vision du collège LaSalle était de créer, entre autres ? on ne se limitait pas à ce domaine-là ? mais de créer un lieu fort de formation pour le Québec dans le secteur mode qui amenait les jeunes jusqu'au niveau bac technique, et non pas strictement au niveau collégial, qui est quand même de l'enseignement supérieur. Mais, quand vous alliez à l'étranger, la formation mode, c'était offert au niveau du baccalauréat minimalement et même au niveau maîtrise. Ça fait que, quand on voulait devenir une ville internationale de mode, c'était un essentiel pour nous et c'est pour ça qu'on croyait fermement au besoin fondamental d'offrir la formation dans les deux langues essentielles au Québec.

Et puis là on a eu de grandes difficultés qui existent encore aujourd'hui, et qui privent une grande partie de notre clientèle, et qui nous privent, dans beaucoup de nos démarches, de l'accès à cette formation-là pour le Québec, parce que c'est des jeunes qu'on amènerait au Québec, qui étudieraient au Québec, et qui donneraient de l'emploi au Québec, et qui amèneraient de l'argent au Québec, de l'argent frais qui circulerait dans notre économie.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, je vous remercie beaucoup, M. Marchand. On va passer à un premier bloc de questions consacrées à l'opposition, et je laisse la parole à Mme la porte-parole de l'opposition en matière d'éducation et députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à mon tour au nom de ma formation politique, de vous saluer de façon toute particulière parce qu'on a eu l'occasion de travailler ensemble à différents projets autant à l'étranger qu'ici, au Québec. Et j'ai suivi aussi ce dossier du développement du secteur formation mode avec tous les aléas que vous décrivez. C'est sûr qu'il y a un travail à faire pour mieux s'arrimer et c'est difficile de comprendre que ça puisse être si compliqué, mais enfin j'imagine que le nouveau ministre, enfin qui est encore nouveau comme ministre, va se pencher sur cette question et peut-être trouver avec vous une solution plus adéquate. Vous soulevez un vrai problème, je suis consciente de ça.

Bon. Je voudrais revenir, moi, sur la question des droits de scolarité à déréglementer pour les étudiants étrangers. Bon. Vous suggérez pas mal de choses. Vous faites une longue analyse. Bon. Il y a un endroit dans votre mémoire, à la page 9, où vous dites, bon, une pratique actuelle, là ? page 9, les paragraphes du centre: «La pratique actuelle des montants forfaitaires exigés à des étudiants d'abord financés par l'État est lourde et inefficace. Dans les universités, selon les données du document de consultation, ces montants ne couvrent pas les coûts de tous les programmes. Le déficit est important au niveau du deuxième et troisième cycle», etc. Et vous dites: «Une autre problématique est celle de l'étalement du versement des droits de scolarité additionnels ou montants forfaitaires exigés des étudiants étrangers qui peut faciliter l'entrée au pays de certains étrangers qui s'inscrivent dans un établissement d'enseignement, paient les frais et quittent ensuite sans laisser d'adresse. Au collège LaSalle, nous avons observé que le versement d'un montant peu élevé à l'inscription, comme l'exige le Règlement sur les établissements privés au collégial, et l'étalement par la suite du paiement des droits de scolarité sur plusieurs mois permettent à certains étudiants étrangers de quitter leurs études après quelques semaines et ainsi rentrer au pays de façon illégale.»

Est-ce que vous avez connu ça de façon assez importante? Et comment pensez-vous que ça pourrait être suggéré... corrigé? Je sais que vous faites un certain nombre de suggestions, mais j'aimerais vous entendre nous en parler un peu.

M. Lefebvre (Jacques A.): Je vais laisser la parole à M. Marchand à ce sujet.

n(16 h 50)n

M. Marchand (Jacques): Alors, oui, on a connu... Entre autres, je me rappelle très bien d'une expérience, il n'y a pas si longtemps, où on avait accueilli des gens en provenance de l'Inde et qu'en tout cas ça avait... On fonctionne avec des agents à l'étranger et rapidement on a eu beaucoup, beaucoup, beaucoup de demandes pour venir étudier chez nous. Et puis là, nous, bon, on a accepté ces gens-là, quoique parfois on trouvait qu'ils avaient plus que les prérequis demandés. Mais ils s'en venaient dans des formations techniques, ce qui n'est pas très différent des jeunes du Québec qui parfois vont faire des formations universitaires, même à des hauts niveaux, et après vont décider de retourner à des matières techniques.

Alors, nous, on avait accueilli plusieurs individus, et très rapidement ces jeunes-là s'inscrivaient. Et là, nous, on demandait qu'ils transfèrent les frais de scolarité pour une session, alors eux s'empressaient même de le transférer pour une année, ce que... Nous autres, on trouvait ça très bien parce qu'on pense que l'étudiant étranger doit venir à Montréal pour se concentrer sur ses études. Et l'histoire de payer des frais de scolarité et de faire de la collection, bon, ça peut aller avec des étudiants du Québec qui restent la rue d'à côté ou la ville d'à côté, puis ils sont tous dans le même... Mais, quand vous parlez de collecter de l'autre bord de l'océan avec les parents, ça ne peut pas. Et puis de toute façon les gens qui viennent ici sont conscients du coût important et de l'investissement qu'ils doivent faire. Ça fait qu'aussi bien transférer de l'argent. C'est réglé, l'étudiant étudie, puis on n'est pas là à courir après lui, à toutes les semaines, pour dire: Écoute, tu vas sortir de ton cours puis, etc.

Ça fait que ça, on a eu beaucoup de problèmes. Ça fait que là, l'étudiant indien, lui, il a décidé d'envoyer tout son argent. Mais rapidement, après une semaine, deux semaines: Ah non! Ça ne me convient plus; non, je ne veux plus étudier; non, je veux sortir, je veux retirer ma demande d'admission, etc. Ça fait que, nous, on se voyait dans l'obligation de lui remettre la totalité de son argent moins un montant, là. Si ma mémoire est juste, là ? ça a augmenté un peu ? mais, à l'époque, c'était 500 $. Ça fait que, pour l'étudiant étranger, c'était très peu de frais pour transférer son argent au Québec. Et puis, après ça, je veux dire, nous, on n'avait pas de suite, là, où est-ce que cet étudiant-là se rendrait et qu'est-ce qu'il faisait. Bien, ça, ça a été une grave problématique à tel point que, nous, on a fermé l'inscription des étudiants en provenance de l'Inde parce que, je veux dire, ça ne nous donnait rien, là. 500 $, pour nous, là... C'est très coûteux, aller chercher un étudiant étranger, puis toute la communication, tous les échanges, etc. Mais ça, c'était un gros, gros problème.

Là, ce qu'on parle, dans la déréglementation, c'est qu'on dit que l'étudiant étranger devrait payer minimalement. Et puis ça, je prends à témoin même mes collègues de l'Ontario avec qui on fait plusieurs visites à l'international, où eux déjà demandent une pleine scolarité pour une pleine session, puis ils disent: On devrait demander même pour l'année au complet pour régler cette histoire-là une fois pour toutes. Parce que l'étudiant étranger, quand il vient ici, il va à l'immigration, il est approuvé pour venir dans un collège, venir faire une formation, pas pour aller magasiner. Il doit faire son choix, puis l'immigration va lui donner son visa pour aller à un endroit. Et puis là il paie ses frais de scolarité.

De toute façon, les frais de scolarité, ça représente entre 30 % et 40 % de ce que l'étudiant va devoir débourser quand il vient ici, parce que le reste, c'est tous ses frais de transport, ses frais de déplacement, ses frais de séjour. Ça fait que ce n'est pas... Les frais de scolarité, même si c'est un chiffre important ? 10 000 $, ou 11 000 $, ou 12 000 $, ce n'est quand même pas négligeable ? mais il va devoir le payer. Puis je pense que l'immigration demande ça, qu'il démontre clairement qu'il ait, dans son compte de banque, l'argent qu'il faut.

Ça fait que, nous autres, c'est dans ce sens-là qu'on dit: il y a une grosse problématique et, si on veut favoriser le développement de la clientèle étudiante étrangère et le fonctionnement de cette dite clientèle là, il faut déréglementer de ce côté-là.

M. Lefebvre (Jacques A.): Il faut aussi changer les règlements pour ne pas qu'on soit obligés de rembourser si l'étudiant quitte. C'est là le plus gros problème. Et, à l'université par ailleurs, ce n'est pas exactement la même dynamique, là, qui fonctionne. Ils ont plus de flexibilité qu'on peut avoir au niveau collégial.

Mme Marois: Ça, c'est compris dans le règlement? C'est dans le règlement de financement des...

M. Marchand (Jacques): Oui.

Mme Marois: Parce qu'il y a un...

M. Marchand (Jacques): Je m'excuse, Mme Marois. Moi, j'ai cité l'Inde parce que, quand on fait un exemple, on prend toujours le plus percutant, celui qui nous a marqué le plus. Mais ça existe aussi chez plusieurs nationalités, là.

Mme Marois: C'est ça. Il y a d'autres...

M. Marchand (Jacques): C'est ça, oui. Oui, c'est ça, mais dans le règlement...

Mme Marois: ...ressortissants d'autres États dans le monde, là.

M. Marchand (Jacques): Exact. Mais, dans le règlement, effectivement... Bien, c'est une loi qui a été d'abord pensée pour les étudiants du Québec. Là, il y a eu des ajustements et des adaptations pour les étudiants dits étrangers qui quand même représentaient, à l'époque du baby-boom et des grandes croissances de notre clientèle, où est-ce qu'il y avait peu d'étrangers... Moi, quand je suis allé à l'école, à part quelques Vietnamiens, à l'époque, même à l'université, il n'y avait pas beaucoup d'étrangers. Mais là c'est comme un phénomène qui s'est développé, sauf que la loi reste toujours celle qui a été ? en tout cas, pour les collèges privés ? celle qui a été pensée pour des étudiants québécois qui... En fait, elle est fonctionnelle. Il y a des améliorations, mais elle est fonctionnelle.

Mais, pour les étudiants étrangers, c'est sûr qu'il y a un problème d'adaptation et d'ajustement parce que ça prend une dimension qui va aller en s'accroissant énormément, là, et qui s'accroît énormément chaque année puis qu'on doit encourager.

Mme Marois: D'accord. Donc, vous suggéreriez qu'il y ait des modifications d'apportées en ce sens-là.

M. Marchand (Jacques): Ça prend presque une autre loi ou un autre règlement pour les étudiants étrangers.

Mme Marois: ...mais je comprends bien. Remarquez qu'il y a déjà des règles particulières qui s'appliquent aux étudiants étrangers de par leur... de déjà des exigences qui leur sont faites en termes de paiement de montants plus élevés pour avoir accès aux institutions. Mais je comprends bien ce que vous décrivez comme phénomène.

Dans les... Vous avez un long développement aussi dans une autre perspective. Puis le ministre l'a abordée tout à l'heure par le dossier particulier de la mode. Mais vous suggérez que tous les programmes techniques d'études collégiales puissent donner accès éventuellement à l'université sans avoir à refaire une année, là, si on veut, que vous considérez de trop. C'est-à-dire qu'à ce moment-là on pourrait obtenir le bac avec deux ans de formation. C'est ce que je lis dans votre mémoire. Est-ce que vous ne pensez pas, compte tenu des programmes différents dans les universités, des exigences particulières, qu'il y aurait lieu, un peu comme c'est engagé actuellement, que ça se négocie plutôt par blocs de formation? Bon. Imaginons que c'est l'informatique. On l'a faite ? on, excluant la personne qui parle, mais j'y avais un peu travaillé ? la question de la formation des infirmiers et infirmières, hein, où le D.E.C. technique permet d'aller maintenant, là ? la première cohorte arrive ? à l'université et d'aller chercher son baccalauréat en deux ans.

Est-ce que ça ne devrait pas se faire plutôt de cette façon-là, que de dire: Il y a un automatisme qui s'applique?

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que vous pourriez répondre succinctement, puis on reviendra tout à l'heure dans un autre bloc. Alors, si vous pouviez donner votre réponse...

M. Lefebvre (Jacques A.): ...O.K., assez rapidement. Oui, ça pourrait se faire définitivement par blocs. Par exemple, si on regarde la gestion hôtelière et le tourisme, par exemple, c'est un bloc. Et puis par contre il faudrait encore une fois, là, je reviens là-dessus, il faudrait avoir une intervention de l'État. Nous, on donne un diplôme d'État, puis c'est un peu amusant de voir que les universités sont obligées de négocier avec des universités pour reconnaître la formation qu'on donne. On donne un diplôme sanctionné par le ministère. Donc, effectivement on pourrait regarder ça sur... en blocs.

Mais maintenant, ce qui aggrave le problème davantage, c'est que l'ITHQ, par exemple peuvent avoir une entente avec l'UQAM; nous autres, on est obligés d'aller négocier une entente avec l'UQAM, et chaque collège est obligé d'aller négocier une entente avec l'UQAM. Donc, il y a une improductivité incroyable, là, qui... Mais c'est... On pourrait passer par...

Mme Marois: ...une approche plus systémique que vous suggérez.

M. Lefebvre (Jacques A.): Oui, oui, oui.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le ministre.

M. Reid: Oui. Je reviens sur une autre série de mesures que vous suggérez, qui semble provenir de peut-être un certain recoupement ? donc vous en parlez dans certains cas ? entre les formations que les universités offrent dans le type de formations pour lesquelles il y a des crédits, donc des subventions, mais qui sont des formations qui peut-être se recoupent par rapport à ce que des collèges ou le niveau collégial peut offrir.

Et vous, à la page 9 de... Je prends le sommaire, ici, là. Vous dites, par exemple: «Distinguer, dans la Politique québécoise de financement des universités, les programmes courts et de formation continue des autres programmes conduisant à un grade universitaire.» Vous dites aussi: «Prévoir des modalités distinctes de financement pour les besoins de la formation régulière et ceux de la formation continue ou des formations courtes.» Tandis que ce que vous dites, jusqu'à un certain point, c'est qu'il y a des formations courtes dans les universités pour lesquelles vous trouvez que c'est inadéquat de les considérer au même titre que les formations à grades, avec le même type de financement, si je comprends bien.

De la même façon, vous dites: «Questionner la pertinence de subventionner certaines formations qui peuvent être assimilées à des programmes de culture personnelle.» Ce serait intéressant si vous aviez un exemple peut-être, parce que... Et il y en a encore deux autres, et en fait ce sont des questions que j'ai entendues souvent, moi, dans des conversations ? des gens me parlent de ça dans des conversations. Mais je crois, si je ne me trompe pas, qu'ici il n'y a personne qui nous est arrivé avec ce type de suggestion ou de questionnement. Alors, ce serait intéressant de pouvoir vous entendre un peu plus sur des aspects ? surtout que vous avez une expérience bien concrète ? et de peut-être en savoir un petit peu plus parce que, même si on entend ça dans des conversations, on ne l'a pas entendu ici, autour de la table.

M. Lefebvre (Jacques A.): On a regardé, dans les universités, qu'est-ce qui s'offrait. Et d'ailleurs il y a beaucoup, beaucoup de programmes ou de microprogrammes qui se donnent dans les universités et... par exemple, Télé-université, à titre d'exemple, mais ce n'est pas la seule. Mais Télé-université, c'est pratiquement tous des cours que vous retrouvez... que vous pouvez retrouver au niveau collégial. Et lorsqu'on réalise que les universités sont financées pour la formation courte et la formation continue sur la base d'équivalents temps complet et que le financement est supérieur au financement que reçoit un collège, donc il nous apparaît que cette formation-là, qui se donne également au niveau collégial, bien, qu'elle soit donnée au niveau collégial et non au niveau universitaire.

n(17 heures)n

Et ça, ça a l'effet suivant aussi: les universités s'approprient de plus en plus de clients des cégeps et des collèges privés. D'ailleurs, les collèges privés... la majorité des collèges privés, à l'heure actuelle, ont de la difficulté à se maintenir la tête au-dessus de l'eau, et puis les universités par contre les vident. Ça coûte de l'argent au gouvernement parce que ces étudiants-là se retrouvent souvent au niveau universitaire et ils sont subventionnés au rythme de 11 000 $ ou 12 000 $ par étudiant, par année. Et donc il y a aussi...

On a vu des exemples dans le multimédia, par exemple dans l'informatique. Vous regardez l'ETS entre autres; ils offrent une série de microprogrammes de 15 crédits ou de 30 crédits, et toute cette formation-là est disponible au niveau collégial. Donc, pour l'État, c'est une perte énorme, car l'État doit déverser beaucoup plus d'argent qu'il devrait le faire pour ce genre de formation là. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Reid: ...juste ajouter. Si vous aviez des exemples de type... ? je ne parle pas de mentionner des personnes ou des formations ? mais quand vous dites de «certaines formations qui peuvent être assimilées à des programmes de culture personnelle».

M. Lefebvre (Jacques A.): ...là-dessus beaucoup de gens qui vont aller étudier à l'université, qui vont aller suivre des cours de langues, cours d'espagnol, cours d'anglais ou cours de rédaction de lettres ou quoi que ce soit. Et il y en a beaucoup, de ces gens-là, et souvent ils le font par goût de s'améliorer ou encore parce qu'ils veulent voyager dans un pays espagnol ou quoi que ce soit. Et ça, c'est le genre de cours auxquels on fait allusion. Il y a aussi... On pourrait inclure là-dedans ? et c'est un sujet un peu délicat, je le sais ? mais les gens à la retraite. O.K. Moi, j'ai déjà vu le recteur des HEC, à un moment donné, conter l'histoire ? et il était très fier de ça ? qu'il y avait une dame qui avait 70 ans, qui était inscrite dans le cours régulier du M.B.A., si je me souviens bien, ou quelque chose semblable. Et puis c'est réellement de la formation qu'elle n'utilisera jamais, mais c'est une formation qui par ailleurs lui donne... la valorise. Et ça, je me demande si l'État devrait être responsable de payer pour cette formation-là. L'État, à mon point de vue à moi, à mon humble point de vue, ne devrait pas être responsable de la formation d'un individu durant toute sa vie. Je pense que l'État est responsable d'aider à la formation primaire, secondaire, collégiale et universitaire, mais, de là à dire qu'elle prend en charge la formation de l'individu durant sa vie entière, je pense qu'il y a une bonne marche à monter, là. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Reid: Oui. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté de l'opposition? Alors, la parole à la députée de Taillon.

Mme Marois: Juste faire un petit commentaire ? ma collègue va poser les questions. Je voulais le faire d'entrée de jeu, puis je me suis penchée sur les questions que je voulais soulever. Je peux vous dire que j'ai eu l'occasion, à quelques reprises, d'assister à des présentations faites par des élèves diplômés du collège LaSalle où on a fait état de leurs réalisations, entre autres dans la mode, et que c'était particulièrement impressionnant. Je veux le mentionner parce que ça fait partie aussi de la recherche de l'excellence qui nous préoccupe d'une façon toute particulière ici, à la commission. Ma collègue...

Le Président (M. Bordeleau): La parole est maintenant à la députée de Champlain.

Mme Champagne: Merci. Bienvenue, messieurs. Écoutez, le discours que vous nous tenez, il est... il amène à une grande, grande réflexion. Je pense que même la réflexion se porte présentement au niveau secondaire, elle se porte chez vous, au niveau collégial, et elle devrait aussi se porter au niveau universitaire. Et, quand je lis, en page 7 de votre résumé de mémoire, et je cite, là: «Actuellement, la mise en place de projets de partenariat entre les collèges et les universités est non seulement difficile mais souvent impossible», c'est toujours pour moi une énorme question, mais je n'ose même pas la poser. Je pense que j'ai la réponse: «Même les partenariats existants se retrouvent souvent non fonctionnels à la suite de contraintes réglementaires ou de collaborations parfois déficientes des représentants des universités impliquées.»

Alors, la question que je vous pose, puis elle est vraiment large, c'est qu'il y a un constat qui est fait depuis, je ne sais pas, là, 80 groupes qu'on a rencontrés: il y a des éléments de fonctionnement en silo qui font qu'il n'y a pas de passerelle, là. Il y a des choses qui devraient se faire peut-être autrement au secondaire, qui devraient peut-être se faire autrement au collégial et qui devraient se faire autrement à l'université. Vous en avez plein, d'exemples, dans votre document, là. Et, quand vous dites qu'il faudrait suggérer... faciliter les associations université-collège, mais pourquoi on est encore à l'époque où il faut vouloir avoir une volonté? Je pense que la volonté, elle est comme là. Est-ce que ça prend une règle établie? Est-ce que qu'il faut qu'au niveau des ministères on décide de faire les choses autrement, de façon formelle? Parce que, moi, j'ai l'impression que faciliter seulement... mais ça ne se fera pas. Il y a des ? il faut le dire tel que c'est ? il y a des règles déjà établies, il y a des petits cheptels, là, puis tu ne brises pas ça comme tu veux.

Alors, est-ce que ça va jusque-là dans votre pensée en demandant au ministère d'établir les règles avec un système établi, là, solidement? Est-ce que c'est ça, votre volonté, derrière tout ça?

M. Lefebvre (Jacques A.): Oui, définitivement. Nous, nous pensons que le gouvernement doit intervenir peut-être par la voie des règles budgétaires pour s'assurer que certaines choses se fassent, entre autres un meilleur arrimage entre le collégial et l'université, toute la question, qu'on vient de discuter, de la formation courte et des microprogrammes. Donc, si le gouvernement n'intervient pas, les universités vont continuer à faire un peu ce qu'elles font présentement. Elles sont très bien représentées au niveau des relations publiques. Elles font... Elles sont très bonnes pour faire des levées de fonds, malgré qu'ils pourraient faire mieux encore. Il reste qu'ils obtiennent l'approbation du milieu des affaires et en général des milieux économiques. Et puis ces gens-là vont continuer à vouloir se monter... agrandir leur royaume, si vous voulez. D'ailleurs, on le voit, à l'heure actuelle, au centre-ville de Montréal, où vous avez Concordia qui est en train de monter des édifices qui vont aider beaucoup au développement de la ville de Montréal, mais je ne sais pas si, à long terme, on a besoin de toutes ces constructions-là. D'ailleurs, si vous regardez l'Université du Québec, je crois qu'il y a un très haut pourcentage de leurs étudiants qui sont des étudiants en formation continue, et ça, ce phénomène-là n'arrêtera pas, il va continuer. Ils vont continuer à piger dans la clientèle des collèges privés et des cégeps.

Donc, si on veut que quelque chose change et si on veut faire des économies, je pense qu'il faut s'adresser à ces liens de transition là, si vous voulez.

Mme Champagne: Autre petite question. Est-ce qu'il me reste un peu de temps?

Le Président (M. Bordeleau): Oui, il vous reste cinq minutes.

Mme Champagne: Bon. Question concernant la formation professionnelle. On sait qu'elle se donne au niveau secondaire et qu'il y a parfois, parce qu'on le vit également dans nos bureaux de comté, là, un genre de dédoublement, là, avec la formation professionnelle technique. Là également, il y a des acquis qui ne sont pas reconnus. On a déjà vu des étudiants partir d'un D.E.P., aller vers un D.E.C. et puis être obligés de recommencer parce que ce n'est pas reconnu.

Au niveau collégial, vous voyez ça comment? Puis vous la situez où, la formation professionnelle et la formation technique? Vous la regroupez, vous la divisez? On sait... Vous connaissez le mémoire déposé par la Fédération des commissions scolaires qui verrait... peut-être rapatrier le tout parce que, selon le mémoire, ils ont développé une expertise. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Lefebvre (Jacques A.): Bien, moi, d'abord, premièrement, laissez-moi répondre à votre dernier point. Je pense que ce serait une erreur grave de pousser la formation technique vers le secondaire. D'ailleurs, à l'international, une des choses qui nous distingue et puis qui crée l'envie de plusieurs gouvernements, dont celui de la Chine, c'est notre système de formation technique supérieure. Ils ont de la formation professionnelle, mais la formation technique de haut niveau, ça n'existait pas. Ça commence à exister, et ils regardent beaucoup le modèle... notre modèle canadien et québécois pour le faire. Donc, je pense que ce serait une erreur monumentale.

Une fois que j'ai dit ça, par ailleurs il y a une place pour la formation, le D.E.P. Il y a une place pour ça, et évidemment, comme je viens de le mentionner, il y a une place pour la formation technique. Et, nous, on voit très bien... on est très favorables à l'arrimage avec le secondaire dans ce domaine-là. Et, malheureusement, on a des discussions avec certaines institutions... on a eu des discussions avec certaines institutions secondaires, et puis à date je ne pense pas qu'on ait beaucoup, beaucoup...

M. Marchand (Jacques): Je pense qu'il y a eu beaucoup de travail au niveau du ministère, là, entre le secondaire professionnel et le technique collégial. On a vécu ça notamment au niveau de la mode. Nous, on a fait une journée avec les conseillers en orientation et on a rencontré des gens d'une école secondaire professionnelle dans le domaine des métiers de la cuisine. Et là on est en pourparlers pour établir des collaborations. Mais là ce qu'on dit, c'est que, tant au niveau professionnel technique qu'au niveau technique universitaire, il doit y avoir une intervention du ministère parce que toutes ces choses-là ne peuvent pas se faire une à une, une institution avec une autre institution, puis que ce soit... être repris à chaque collège qui veut en faire.

n(17 h 10)n

Parce que, nous, on a vécu une expérience notamment dans les techniques administratives, où notre formation, dans certaines composantes ou certaines institutions universitaires... l'étudiant qui termine avec son D.E.C. peut se rendre à cette université-là et compléter son baccalauréat avec deux ans. Dans une autre institution, toujours du réseau, c'est refusé. Le maximum qu'il réussit à obtenir, c'est l'équivalent d'une demi-année. Puis tout ce qu'ils nous ont expliqué pour nous démontrer leur point, c'est... C'est là qu'on voit que, là, les arguments n'ont plus de limite. Mais ça n'a pas de raison d'être. C'est un programme du ministère. Bien que ce soit dans différentes universités, c'est les mêmes codes de cours, tout est pareil puis au niveau du collégial. Ça fait que, si c'est vrai pour un, ça devrait être vrai pour l'ensemble du réseau. Et c'est là que, nous, on dit qu'il y aurait des économies substantielles au point de vue travail des individus impliqués, le travail des administrations impliquées. Puis il y aurait des économies importantes au niveau du cheminement du jeune qui, lui, peut aller chercher son bac technique, si on veut, là, en dedans de 16 années. Puis il aurait une valorisation au maximum.

Parce que, là, il y a eu beaucoup d'efforts du ministère pour valoriser la formation technique puis dire aux jeunes: Dans l'économie, on n'a pas juste besoin des bacheliers, on a besoin des gens en formation technique, mais on a aussi besoin des bonnes formations techniques qui vont jusqu'au niveau universitaire. Puis les jeunes veulent ça. Ça fait que, si on les amène au bout de 16 ans, c'est aussi une autre forme de valorisation. Ça fait qu'il faut amener nos jeunes à aller le plus loin possible au niveau de l'enseignement supérieur. Puis le ministère a un travail à faire parce que les universités, c'est très difficile à... surtout ceux dans les grands centres urbains; ceux en périphérie, c'est beaucoup plus simple. Mais il n'y a pas de raison, là; c'est les mêmes programmes, c'est les mêmes être humains qui circulent dans le réseau.

M. Lefebvre (Jacques): J'aimerais ajouter juste un point ici. Une des vice-rectrices d'une université à Montréal me disait que les directeurs ne voulaient pas avoir d'entente d'harmonisation avec les collèges pour la simple raison qu'ils se disent, par exemple, qu'en administration ? et tout le monde veut avoir une entente d'articulation, une harmonisation avec les universités dans les programmes d'administration ? ils se disent: Si on a une entente, on va perdre des revenus, de un; et, de deux, de toute façon, si on n'a pas d'entente, on va avoir ces étudiants-là pareil. Et c'est un peu le raisonnement qui existe à l'université présentement.

Mme Champagne: Je comprends cette... Je peux faire une dernière petite intervention?

Le Président (M. Bordeleau): Une dernière, très courte, et une réponse très courte.

Mme Champagne: Parfait. Alors, mon intervention est la suivante. C'est que je lis également, à la suite de votre paragraphe, que «l'étudiant doit être au coeur de nos préoccupations, et, une formation de qualité offerte au moindre coût ? vous dites ? voilà ce qui devait nous guider». Alors, je pense que ça sous-tend quand même un propos avec une grande logique, là. C'est qu'au-delà des finances et des besoins financiers de chacune des institutions, que ce soit secondaire, collégiale ou universitaire, en quelque part il y a un étudiant qui parfois y perd, y perd parce qu'il y a des redondances et des dédoublements au niveau de sa formation.

Et c'est très dévalorisant pour un étudiant de D.E.P. qui se retrouve au D.E.C., puis il est obligé de comme recommencer des choses parce qu'on dit: Écoute, ce que tu as fait avant, ce n'était pas bon. Puis, quand il arrive au niveau universitaire, c'est aussi dévalorisant de se faire dire: Écoute, ce que tu as fait au collégial, là, je pense qu'on ne le reconnaît pas. Et on se ramasse avec des étudiants à long terme, hein, qui ne finissent plus et qui coûtent une fortune.

Alors, je pense que ce propos-là, du moins, moi, je le retiens comme étant très valable. Et surtout s'il y a une table possible pour que ça se règle, je pense que c'est un souhait. Il y en a déjà, là, mais juste la volonté, j'ai des réticences à y croire. Juste «facilité», là, je ne pense pas que ça va fonctionner. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Merci beaucoup. Alors, je vous remercie, M. Lefebvre, M. Marchand, pour la présentation de votre mémoire. Et je suspends donc les travaux à demain, 1er avril, 15 h 30, dans la salle du Conseil législatif. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 14)


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