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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 1 juin 2005 - Vol. 38 N° 60

Consultations particulières sur le projet de loi n° 95 - Loi modifiant diverses dispositions législatives de nature confessionnelle dans le domaine de l'éducation


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Chagnon): J'invite toutes les personnes présentes à s'asseoir. J'invite la Fédération des commissions scolaires du Québec à s'approcher à la table, son président, M. Caron, que je salue.

Je demande au secrétaire s'il y a des remplacements pour ce matin.

Le Secrétaire: Aucun, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Je rappelle que le mandat de la commission pour cette séance est de poursuivre les consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 95, Loi modifiant diverses dispositions législatives de nature confessionnelle dans le domaine de l'éducation.

Nous entendrons, ce matin, la Fédération des commissions scolaires du Québec et, à partir de cet après-midi, 15 heures, le Comité sur les affaires religieuses, la Table de concertation protestante et la Centrale des syndicats du Québec; et nous entendrons, ce soir, l'Assemblée des évêques, la Confédération des syndicats nationaux et le Conseil supérieur de l'éducation.

Auditions (suite)

Alors, puisque vous êtes nos premiers invités, je vous salue et vous souhaite la bienvenue, M. Caron, mesdames, messieurs de la Fédération des commissions scolaires et de l'ADIGECS, si je me souviens bien. Alors, je vous cède immédiatement la parole en indiquant à ceux qui sont dans cette salle puis à nos auditeurs que les règles du jeu sont les suivantes: vous aurez 15 minutes pour nous faire part de votre projet de mémoire, et la parole sera pour aussi 15 minutes du côté gouvernemental et du côté de l'opposition. Donc, pour les 45 minutes, le jeu est à vous. Alors, bienvenue, et encore une fois nous écoutons.

Fédération des commissions scolaires du Québec
(FCSQ) et Association des directeurs généraux
des commissions scolaires (ADIGECS)

M. Caron (André): Merci, M. le Président, et bonjour. Bonjour, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Dans un premier temps, permettez-moi de présenter les personnes qui m'accompagnent: à ma droite, Mme Normande Lemieux, qui est directrice générale de la commission scolaire des Laurentides et qui, ce matin, représente l'Association des directeurs généraux; à ma gauche, extrême gauche, Annie Jomphe, qui est conseillère au dossier, ainsi que Jeannot Bordeleau, aussi conseiller au dossier.

D'abord, vous remercier de l'opportunité que vous nous offrez d'exposer les vues de nos deux organismes relativement au projet de loi n° 95 dont vous avez reçu le mémoire, je pense, dans les délais prescrits. La fédération ainsi que les commissions scolaires que nous représentons sont engagées, depuis plusieurs années, dans une démarche de déconfessionnalisation ? et là je l'ai réussi pour la première fois, de le dire sans me tromper; si je me trompe, les autres fois, c'est parce que je trouve qu'il n'est pas facile à dire ? déconfessionnalisation du système scolaire public québécois. Nous considérons ce projet de loi comme une suite aux mesures déjà adoptées afin d'apporter des modifications aux dispositions législatives de nature confessionnelle, tout particulièrement concernant les programmes d'enseignement religieux catholique et d'enseignement religieux protestant.

n (11 h 20) n

La présentation qu'on va vous faire se compose de deux parties. D'abord, dans un premier temps, je ferai un bref rappel de la démarche suivie par le réseau scolaire, démarche à laquelle nous nous sommes engagés. Et, dans une deuxième partie, Mme Lemieux et moi-même aborderons la mise en oeuvre du projet de loi sous différents aspects, soit la période de transition, le régime pédagogique, le perfectionnement du personnel et les défis au plan de la communication.

Si on part avec la démarche, d'entrée de jeu il importe de se rappeler que le Québec est résolument engagé dans la voie de la déconfessionnalisation du système scolaire public. En 1996, l'amendement à la Loi constitutionnelle de 1867 consacre l'abolition des dispositions confessionnelles qui empêchent de restructurer le système scolaire sur une base non confessionnelle. En 1998, l'adoption de la loi n° 109 entraîne l'abolition des commissions scolaires confessionnelles et la mise en place des commissions scolaires linguistiques. À compter de cette date, la Fédération des commissions scolaires du Québec cesse de représenter les commissions scolaires catholiques, pour regrouper les 60 commissions scolaires francophones et la commission scolaire du Littoral.

En 2000, le projet de loi n° 118 est adopté. Les écoles publiques sont désormais neutres. Aucune école publique ne peut avoir un projet particulier de nature religieuse. Les services d'animation pastorale catholique et d'animation religieuse protestante sont remplacés par un service d'animation spirituelle et d'engagement communautaire offert à tous les élèves. Ainsi, en 2000, le maintien de l'enseignement religieux confessionnel catholique et protestant constitue le dernier élément confessionnel nécessitant le recours aux clauses dérogatoires dans un système scolaire qui n'est plus confessionnel, étant composé de commissions scolaires linguistiques avec des écoles ouvertes à la communauté. Cinq ans plus tard, en prévision de cette consultation, les commissions scolaires ont adopté à nouveau une position qui s'inscrit dans la démarche de déconfessionnalisation de notre système scolaire, en évolution avec la société québécoise et particulièrement celle des parents.

Parlons maintenant de cette évolution. La prise de position adoptée par le Conseil général de la fédération, en février dernier, prise de position appuyée par l'Association des directeurs généraux, repose sur certaines considérations que j'énumère: d'abord, l'évolution des points de vue exprimés dans le milieu scolaire; deuxièmement, les initiatives des commissions scolaires pour offrir des cours plus adaptés; et les difficultés d'offrir toutes les options du régime actuel dans certaines écoles.

Aussi, basés sur des études, deux aspects que je voudrais vous faire ressortir, soit que la majorité de la population souhaite que l'école publique offre un enseignement portant sur les religions au lieu d'une seule; et, deuxièmement, dans ces études-là, on note une majorité de parents qui sont d'avis qu'il appartient aux parents et aux communautés religieuses d'assurer la responsabilité de l'enseignement religieux confessionnel.

Si je reviens maintenant aux considérations, il y avait aussi l'importance d'adapter l'éducation à la religion aux réalités d'aujourd'hui. Une autre était le rôle majeur que l'école doit jouer pour éduquer à la religion.

Dans ces considérations toujours, parmi les propositions du Comité sur les affaires religieuses, nous retrouvons un parcours commun incluant la formation éthique et l'éducation à la religion, un parcours respectueux des chartes des droits et libertés en ce qui concerne l'égalité de traitement et la liberté de conscience et de religion. La position de la Fédération des comités de parents a été considérée aussi à l'effet que l'école publique se prépare à laisser aux familles et aux églises le soin d'assurer l'enseignement confessionnel correspondant à leurs convictions. Et enfin, comme considération, la réalité des services offerts par les commissions scolaires et les écoles se caractérise à la fois par une ouverture à dispenser de nouveaux programmes et par des difficultés éprouvées à réellement offrir en option les programmes d'enseignement religieux catholique et protestant et le programme d'enseignement moral dans notre milieu.

En prenant en compte les consultations, nos membres recommandaient au gouvernement d'abandonner les cours d'enseignement religieux confessionnel offerts en option, à l'école, avec le programme de formation morale et d'adopter le parcours commun continu proposé par le Comité sur les affaires religieuses, incluant la formation à l'éthique et l'éducation à la religion pour tous les élèves du début du primaire jusqu'à la fin du secondaire, de reconduire les clauses dérogatoires pour une période justifiée par le temps nécessaire à l'élaboration et à l'implantation des nouveaux programmes ainsi qu'à la formation des enseignants. Aussi, nous demandions de garantir, conformément aux décisions qui seront arrêtées, la disponibilité de toutes les ressources, c'est-à-dire les ressources humaines, les ressources matérielles et surtout les ressources financières, ressources requises aux commissions scolaires pour en assurer la mise en place et une saine gestion sans pénaliser les élèves quant aux autres services pédagogiques à leur offrir.

Si nous abordons maintenant la mise en oeuvre de ce projet de loi, la fédération et l'Association des directeurs généraux reconnaissent donc l'importance d'adapter l'éducation à la religion aux réalités d'aujourd'hui et le rôle majeur que l'école doit jouer pour éduquer à la religion. Aussi, nous nous réjouissons de la décision du gouvernement de remplacer les programmes d'enseignement religieux catholique et protestant et celui d'enseignement moral par un programme d'éthique et de culture religieuse. Cette proposition est bien accueillie, en ce quelle met fin au recours des clauses dérogatoires et semble devoir mieux répondre aux besoins des élèves et aux attentes majoritaires exprimées par les parents.

Nous aimerions quand même qu'il y ait une transition souple et harmonieuse, et, bien que les délais prévus pour l'élaboration, l'expérimentation et la mise en oeuvre des programmes apparaissent nécessaires, il faut reconnaître que plusieurs commissions scolaires sont déjà engagées dans l'offre de nouveaux programmes et que d'autres s'apprêtent à le faire, devant les difficultés qu'occasionne le maintien des programmes actuels. À cet égard, nous saluons certaines dispositions de ce projet de loi qui permettront d'assurer une transition souple et harmonieuse vers l'implantation des nouveaux programmes.

Nous apprécions l'ouverture manifestée à l'article 12, qui donne la possibilité, à une école autorisée à offrir un programme local d'orientation oecuménique ou d'éthique et de culture religieuse, la possibilité de continuer à offrir ce programme à ses élèves jusqu'au 30 juin 2008. Nous apprécions également la disposition prévue à l'article 13 permettant à une école d'offrir un programme d'éthique et de culture religieuse avant 2008. Ce sera peut-être la voie que choisiront d'emprunter certains milieux, en raison des difficultés qu'ils éprouvent à offrir aux élèves des programmes d'enseignement religieux catholique ou protestant et d'enseignement moral. Ces difficultés découlent notamment du désistement d'enseignants qualifiés et de la complexité de l'organisation scolaire à mettre en place, compte tenu des caractéristiques du milieu. Aussi, d'ici l'échéance de 2008, nous sommes d'avis que les autorisations ministérielles prévues à l'article 13 soient assorties de conditions facilitantes.

Je demanderais à Mme Lemieux de poursuivre avec le régime pédagogique, s'il vous plaît.

Le Président (M. Chagnon): Alors, Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Normande): Merci, M. le Président. L'adoption des orientations ministérielles nécessitera des modifications au régime pédagogique. À cet effet, conformément à l'avis que nous avons présenté sur le projet de règlement sur le régime pédagogique de l'éducation préscolaire, de l'enseignement primaire et de l'enseignement secondaire, nous réitérons l'importance que nous accordons à la continuité des apprentissages poursuivis, en matière d'éthique et de culture religieuse du primaire, jusqu'à la fin du secondaire et en conséquence nous souhaitons que cet enseignement puisse également être offert en troisième secondaire.

Le remplacement des programmes existants par un programme commun d'éthique et de culture religieuse à tous les élèves, au primaire et au secondaire, constitue une opération d'envergure qui nécessitera un programme de formation initiale, de formation sur mesure, et évidemment un plan de perfectionnement approprié. En effet, au primaire, cet enseignement est majoritairement assuré par des titulaires de classe, généralistes, et ils sont plus de 20 000 au Québec, alors qu'au secondaire la formation doit s'adresser à tout près de 2 400 spécialistes qui assurent cet enseignement. À cet égard, nous souscrivons aux visées du Plan d'action ministériel relatif au perfectionnement du personnel et nous vous assurons de la collaboration des commissions scolaires à la réalisation de celles-ci. Par ailleurs, les orientations ministérielles nécessiteront des modifications à la formation initiale des enseignants, des maîtres, et un engagement rapide des universités à modifier leurs programmes. À cet égard, nous ne saurions trop insister sur l'importance pour que ces programmes répondent aux besoins du milieu dans les délais impartis.

Le Président (M. Chagnon): Merci, Mme Lemieux. M. Caron.

n (11 h 30) n

M. Caron (André): Je poursuis avec le plan de communication. L'ampleur des changements proposés ainsi que les craintes et les appréhensions que suscite encore, chez certains, un sujet aussi sensible que l'enseignement religieux justifient à notre avis le développement par le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport d'un plan de communication efficace. Nous partageons les points de vue émis au regard de la nécessité que toutes les personnes intéressées par l'éducation, et au premier chef les parents, puissent comprendre la portée de ces changements et découvrir les bénéfices de ceux-ci pour la formation des jeunes et l'avenir de la société québécoise. Il importera en effet de bien répondre aux questions des parents, du personnel scolaire et des élèves pour faire comprendre les perspectives retenues afin que tous se rallient autour d'une mise en place harmonieuse de ce projet commun de formation et un changement de culture important.

En guise de conclusion, la Fédération des commissions scolaires du Québec et l'Association des directeurs généraux accueillent favorablement le projet de loi n° 95 qui a pour effet de remplacer l'enseignement religieux confessionnel et l'enseignement moral par un nouveau programme d'éthique et de culture religieuse commun à tous les élèves, s'inscrivant ainsi en continuité de la démarche de déconfessionnalisation engagée dans le réseau public. Cette position fondamentale à l'égard des programmes et d'un ultime recours aux clauses dérogatoires est conforme aux recommandations que nous adressions au gouvernement du Québec en mars dernier.

La fédération et l'association estiment qu'un important dispositif de communication devrait être mis en place afin d'informer adéquatement toutes les personnes intéressées, comme je le disais tantôt, intéressées par l'éducation, et au premier chef les parents, sur la portée de ces changements et leurs bénéfices pour la formation des jeunes et l'avenir de la société québécoise. Et la référence qu'on pourrait donner là-dessus, c'est qu'au niveau de la réforme de l'éducation l'information qui a été donnée et le plan de communication aux parents ont fait en sorte qu'ils ont adhéré à cette réforme. Par ailleurs, une attention particulière et des efforts soutenus devront être accordés à la formation initiale ? Mme Lemieux y faisait référence tantôt ? et continue des enseignants afin de bien les préparer à assurer une qualité à la formation qui sera offerte.

Enfin, nous rappelons au gouvernement la nécessité de garantir la disponibilité de toutes les ressources, humaines, matérielles et financières, requises aux commissions scolaires pour assurer la mise en place des changements proposés et une saine gestion sans pénaliser les élèves quant aux autres services à leur offrir. Merci beaucoup de votre attention.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, M. le président. M. le ministre.

M. Fournier: Merci, M. le Président. M. Caron, bonjour. Je salue aussi les gens qui sont avec vous. C'est avec un grand plaisir que je vous revois.

Très rapidement, pour l'essentiel sur le mémoire, j'ai quelques questions qui reviennent. Au fur et à mesure des groupes qui viennent nous voir, il y a un groupe particulièrement qui est venu nous voir pour nous dire que les parents de manière générale ne partageaient pas le point de vue que nous devions aller dans la direction où nous allons ? un groupe qu'on a entendu hier ? bien que la Fédération des comités de parents soit venue nous dire qu'il fallait s'engager sur cette voie-là et qu'aujourd'hui vous faites référence, dans votre mémoire, à une majorité de parents que vous sentez, là, être aussi dans ce sens-là.

Par ailleurs, le mémoire parle des difficultés... Je notais ça à la page 10, entre autres. Vous parlez des difficultés éprouvées par nombre d'écoles d'offrir les options. Un peu plus loin, vous parlez du désistement des enseignants. En fait, je pars donc du point de vue des difficultés à vivre la situation actuelle. Est-ce que cela explique la position des parents, ou cela explique la position des commissions scolaires? De toute façon, ce que je retiens, c'est que et les commissions scolaires et la Fédération des comités de parents n'ont pas la même position aujourd'hui qu'elles avaient en 2000, lorsque la question s'est posée. Et j'aimerais qu'on puisse établir à nouveau... parce que ça me semble important de le dire. Il ne s'agit pas simplement d'une transformation pour l'avenir, il s'agit aussi d'un constat de la situation actuelle, comment elle se vit, puis c'est important de la documenter.

Alors, je vous demanderais donc d'une part de nous dire comment votre regroupement prend sa position: inspirée plus du vécu organisationnel dont vous avez la charge tous les jours ou de votre compréhension du positionnement des parents? Mais qu'est-ce qui fait... Parce que ce n'est pas si long que ça, cinq ans, dans tout un système établi depuis longtemps, pour qu'il y ait ce changement de position de la part des commissions scolaires.

Le Président (M. Chagnon): Allez-y, M. le président.

M. Caron (André): Peut-être que je peux tenter une remarque ou une réflexion sur l'évolution. Effectivement, en tout cas pour l'avoir vécu personnellement, là, de 2000 jusqu'à 2005, il y a effectivement eu, des membres de la Fédération des commissions scolaires, une évolution importante et un consensus beaucoup, beaucoup, beaucoup plus fort. C'est mentionné dans notre mémoire. Ce n'est pas unanime, la décision de février dernier, mais c'est très largement majoritaire, ce qui n'était pas le cas du tout en l'an 2000. Donc, il y a eu évolution, les gens ont mieux compris, et, nous, on a travaillé sur le terrain.

Quant aux difficultés rencontrées sur l'application du régime actuel, je demanderais peut-être, si vous me permettez, M. le Président, à Mme Lemieux, qui est vraiment sur le terrain, de nous donner des explications sur ces difficultés.

Le Président (M. Chagnon): Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Normande): Merci, M. le Président. Alors, effectivement, au niveau des institutions scolaires, c'est une problématique, puisque nous nous retrouvons à diviser les élèves d'un même groupe pour assurer actuellement l'enseignement moral et l'enseignement religieux protestant et l'enseignement catholique, et à un coût humain important, étant donné que parfois, pour six élèves, nous allons engager un personnel pour donner ce cours-là. Donc, ça permet, à l'heure actuelle, de défaire un groupe, de développer non un sentiment d'appartenance à travers le fil de la religion, mais plutôt l'inverse, parce que les gens se voient travailler, je dirais, dans certains concepts identiques, dans des silos différents, d'une part.

D'autre part, problématique de locaux. À partir du moment où on a des spécialistes qui sortent les élèves, on a des problèmes à trouver des lieux appropriés pour donner, dans plusieurs milieux, l'enseignement requis. Et de plus on a un problème actuellement de recrutement de personnel qualifié, étant donné qu'il y a eu désengagement de la formation initiale. À cause de l'ambiguïté de ce que nous vivons, il n'y a qu'une université actuellement qui offre le cours, et une autre en partie. Cette université a environ seulement 10 élèves inscrits dans le programme. Donc, actuellement, nous n'avons pas vraiment de personnel qui sort des universités qualifié pour l'avenir et le présent. Ce sont donc des gens parfois qui ont des tolérances d'enseignement temporaires pour enseigner cette matière.

M. Fournier: M. le Président, je retiens ? ce n'est pas la première fois qu'on le dit, mais quand même je pense que c'est important de le souligner ? je retiens de ce que plusieurs groupes qui agissent sur le terrain viennent nous dire que le statu quo n'est pas finalement une solution viable, n'est pas une solution qui est tenable, et qu'il faut absolument y apporter des correctifs, ne serait-ce que parce qu'il n'y aura pas personne qui va être capable de faire l'enseignement qui est exigé par le choix des options. Je pense que c'est important de le noter.

M. Caron, vous avez dit: Les gens ont mieux compris, il y a eu des explications. Depuis 2000, les gens ont mieux compris. Avant d'aller sur l'enjeu de communication ? on y reviendra tout de suite après, mais c'est en lien avec la communication ? vous décelez que les gens ont mieux compris. En 2000, ils ne voyaient pas qu'il y avait un cours de culture des religions? Ils pensaient que la religion était sortie, donc il y avait une perte... Est-ce que c'est ça? Quand on dit: Ils ont mieux compris, quel élément qui n'existait pas en 2000, qui existe maintenant dans leur compréhension de ce qui s'en vient, fait qu'ils y adhèrent maintenant?

M. Caron (André): M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Monsieur, je vous écoute. Je vous laisse interagir.

M. Caron (André): O.K. C'est beau. Je vais demander peut-être à M. Bordeleau, qui a travaillé plus pointu au niveau, entre autres, je pense, de la CSDM...

Le Président (M. Chagnon): Alors, M. Bordeleau.

M. Bordeleau (Jeannot): Oui, de la CSDM, de même que les différentes études qui ont été produites depuis cinq ans.

Il y a eu une évolution dans plusieurs milieux qui a amené des commissions scolaires à expérimenter des nouveaux programmes approuvés par le ministère et à en élaborer d'autres localement, et ces programmes-là ont surtout porté sur l'éthique, sur la culture religieuse ou sur l'ensemble des religions. Et les informations qui ont été recueillies à ce moment-là, c'est: on a reconnu que, lorsque les parents étaient bien informés des enjeux, ils optaient majoritairement pour un enseignement culturel des religions. Et d'autre part les évaluations qui ont été faites auprès d'un certain nombre de commissions scolaires ont révélé un intérêt marqué des élèves pour ces types de programmes là, une satisfaction des parents et un changement en termes de formation qu'ils recevaient, à la satisfaction du milieu.

D'autre part, même si on s'appuie sur des sondages qui ont été faits sur le plan provincial et même canadien, qui révélaient que la majorité des parents souhaitaient un enseignement culturel des religions, les données plus précises dans certains milieux, dont la commission scolaire de Montréal récemment, ont révélé que cette tendance-là était réaffirmée par les parents de la grande région de Montréal, à l'effet qu'ils souhaitaient de compléter la laïcisation du système scolaire et d'avoir un enseignement culturel des religions.

Je pense qu'il y a un intérêt nouveau. Il est progressif. Est-ce qu'il est dû à la difficulté que rencontrent les commissions scolaires? Peut-être dans certains milieux, mais il est aussi dû à un changement de mentalité, je dirais, qui est un peu en conformité avec l'évolution de la société québécoise.

n (11 h 40) n

M. Fournier: M. le Président, je note que les expériences qui sont vécues, notamment à la CSDM ? c'est ce que vous nous dites, en tout cas ? tendent à démontrer que ce qui se vérifie par sondage, en termes de réponse générale à une question: Voulez-vous comme c'est maintenant, voulez-vous la culture des religions ou pas du tout?, les sondages démontrent qu'il y a un choix large vers éthique et culture des religions et que, lorsque le choix réel est offert, c'est effectivement ce qui est aussi choisi. Donc, à la CSDM, on pourrait dire que le sondage se vérifie.

Maintenant, je vais profiter de votre expérience justement où il y a une telle offre qui est faite, de telles expériences qui sont faites. Hier, on nous a présenté la prétention à l'effet que, si on s'en va vers un cours de culture des religions, il va y avoir beaucoup de notions qui peuvent paraître contradictoires et qui pourraient entraîner de la confusion chez les élèves, et ce qui militerait pour donc perpétuer le statu quo plutôt que d'amener les élèves face à des connaissances qui mèneraient à la naissance d'une confusion dans leur esprit.

Est-ce que les expériences que vous avez vécues donnent du poids à cette prétention? J'ai entendu tantôt que vous avez dit qu'il y avait une satisfaction. D'habitude, on n'est pas satisfait de la confusion, quoique peut-être. Alors, je voudrais que vous me disiez ce qui se vit réellement.

Le Président (M. Chagnon): Oui, Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Normande): Oui. Alors, dans le concret, les étudiants qui vivent les expériences actuellement pilotes au sujet des nouveaux cours, je dirais, ont des concepts qui collent mieux à leur réalité et y adhèrent davantage. On comprend que la culture, au Québec, est plus rendue sur cette erre-là, d'aller vers une ouverture à la communauté, une compréhension des autres religions, et ils en profitent pour, je dirais, élargir leur point de vue. Je dirais que donc on veut, avec la réforme, actuellement, faire comprendre la diversité, et c'est une façon pour la faire comprendre, mieux que d'enseigner en silo des matières dont ils n'entendent pas parler les uns et les autres.

M. Bordeleau (Jeannot): J'aurais peut-être un complément d'information. L'enquête qu'avait effectuée la Fédération des commissions scolaires en 2000 avait révélé des craintes, des inquiétudes, de la part des parents, sur le fait que: Qu'est-ce que ces changements-là pouvaient apporter? Est-ce qu'entre autres les écoles allaient être envahies par différentes religions? Comment les nouveaux programmes allaient prendre en compte cette réalité religieuse du Québec? Et ces appréhensions-là et ces craintes sont toujours présentes, peut-être chez un nombre moins important de parents. Moi, je pense que toute réforme, quelle qu'elle soit, mérite d'être bien préparée, et par surcroît lorsqu'on connaît les craintes et les appréhensions des parents. Et, à cet égard-là, moi, je pense qu'il y a des parents qui estiment nécessaire ? et je le partage aussi ? que l'héritage culturel, l'héritage religieux dont ils ont profité puisse être transmis à leurs enfants. Et, dans ce contexte-là, je pense qu'on accorde beaucoup d'importance au programme actuel en croyant qu'il répond aux attentes, mais on les connaît mal aussi. Et ça me fait dire que les nouveaux programmes à mon avis traduisent l'évolution de la société, mais en même temps il va falloir les expliquer à ceux dont ça rejoint le point de vue, et plus particulièrement à ceux qui ont des réticences, ceux et celles qui ont des réticences. C'est pour ça qu'à mon avis ça demande beaucoup de préparation, et on sait que tout le monde n'est pas sur la même longueur d'onde, même si majoritairement on note cette évolution-là.

M. Fournier: M. le Président, je comprends et j'en prends bonne note, que, selon les expériences sur le terrain, ce n'est pas de la confusion, mais ce serait une meilleure appropriation du religieux qui se vit face à ce phénomène ou à cette façon de dispenser des cours. Je le retiens pour ce qui nous a été présenté hier. Je pense que c'est important.

Je vous garde sur la question justement des inquiétudes. Vous nous suggérez, et, je pense, à bon droit, parce que c'est exactement ce qui nous préoccupe aussi... D'ailleurs, c'est pour ça qu'il y a un délai de trois ans qui permet de préparer le cours de façon correcte, en validant avec plusieurs intervenants, en permettant que ça se fasse sans brusquer. Il faut respecter les gens qui ont encore à embarquer dans l'autobus, là, qui sont à l'arrêt mais qui n'ont pas encore décidé d'embarquer. Je pense que c'est important d'avoir ce temps-là.

Vous nous amenez, nous conseillez, à une oeuvre de communication. J'imagine que vous la voyez sur la période des trois années. Qu'est-ce que vous suggérez comme communication, comme moyen, comme contenu, comme méthode que nous devrions utiliser pour justement aller chercher l'adhésion du plus grand nombre?

M. Caron (André): Bien, je pense qu'on n'a pas fait de réflexion très grande sur le moyen. Pour nous autres, c'était sur le principe que c'était important, basé surtout sur l'expérience qu'on a vécue ou qu'on vit encore avec la réforme de l'éducation. On a réalisé que, quand c'est expliqué, puis que les objectifs sont clairs, et puis que les moyens sont connus, l'adhésion est beaucoup plus facile. Donc, je pense que c'est un défi commun que nous aurons, dans les prochaines semaines ou prochains mois, de s'asseoir ensemble pour que le plan de communication colle le plus possible à la base, et au terrain, et aux écoles, et aux directions générales des commissions scolaires dans leurs milieux. Et peut-être qu'un plan de communication pourrait être à saveur variable, par exemple, sur l'île de Montréal, peut-être qu'il pourrait être plus musclé ou moins musclé, je ne le sais pas, là, la réflexion reste à faire. Parce que, si j'en... ce que mes oreilles ont entendu, par exemple, dans les lignes ouvertes, sur ce sujet-là, quand il y a quelqu'un qui appelle d'une région ? puis je n'en nommerai pas, là ? il n'a pas la même perception que quelqu'un qui provient d'un grand centre. Donc, moi, je pense qu'il va falloir ajuster un plan de communication qui réponde très, très bien au milieu.

M. Fournier: J'ai peut-être 30 secondes ou... S'il y avait un élément que vous verriez, l'élément majeur dans cette communication pour aller chercher l'adhésion, ce serait quoi? Vous parliez tantôt de l'importance de l'héritage. Est-ce que c'est la question de l'ouverture à la diversité? Quel serait le pôle majeur, principal ? puis, vous voyez, c'est une question piège, là, je comprends ? mais ce que vous considérez qui est le facteur le plus important, propice à aller chercher l'adhésion de ceux qui n'y sont pas encore?

Le Président (M. Chagnon): Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Normande): La garantie effectivement que les gens vont retrouver les valeurs qu'on avait antérieurement dans le nouvel enseignement qui va être donné. Parce qu'on ne s'adressera pas qu'à la population qui a des enfants dans les écoles, on va s'adresser aux payeurs de taxes aussi qui n'ont pas des enfants dans les écoles et qui ont des valeurs très bien ancrées, québécoises, catholiques, chrétiennes. Je pense qu'il faut rassurer toute la population.

M. Fournier: Merci beaucoup.

Le Président (M. Chagnon): Bienvenue. Il y a quand même un bout d'évolution dans ce dossier-là. Il y a 23, 24 ans, au moment où je présidais la Fédération des commissions scolaires, la Fédération des commissions scolaires avait pris comme avenue l'ouverture aux commissions scolaires linguistiques, ce qui était quasi une révolution, à l'époque, et ça avait coûté à la Fédération des commissions scolaires le départ de la CECM qui n'acceptait pas ce principe-là et qui exigeait que la fédération revienne sur sa décision.

Une voix: Vous avez une bonne mémoire.

Le Président (M. Chagnon): Vous vous souvenez de ça, vous?

Mme Marois: Ça s'appelait d'ailleurs la Commission des écoles catholiques de Montréal. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Chagnon): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue à mon tour, au nom de ma formation politique. Je voudrais continuer dans le sens des questions qu'a soulevées le ministre et aborder d'autres aspects avec mes collègues aussi.

La Fédération des comités de parents, lorsqu'ils sont venus présenter leur mémoire ? d'ailleurs, c'était le premier groupe à se présenter à la commission ? eux ont souhaité que les parents soient consultés dans la préparation des contenus ou, à tout le moins, qu'on leur indique où on allait pour qu'on entende leur point de vue ? c'est comme ça que je l'ai interprété ? et que ça puisse permettre d'influencer d'une part les contenus des cours. Mais est-ce que d'autre part ? et là je vous envoie la balle ? est-ce que ça ne pourrait pas être aussi, dans le plan de communication, un élément majeur pour aller chercher l'adhésion de ceux et de celles qui sont inquiets de ce qu'on pourrait y trouver ou ne pas y trouver? Parce qu'on les a entendus, ceux qui voulaient le renouvellement de la clause «nonobstant», ils sont venus avec un certain nombre de remarques et de craintes, là. C'était probablement l'extrême du mouvement d'inquiétude, mais il reste qu'il y en a. Alors, je vous pose la question.

M. Caron (André): Bien, j'oserais quasiment répondre: Pourquoi pas? Parce que de toute façon le partenariat et les liens sont très étroits entre la Fédération des comités de parents et la Fédération des commissions scolaires. Là-dessus, on se parle régulièrement, et je pense qu'on est complices et condamnés à faire réussir le plus grand nombre de jeunes au Québec. Et là-dessus, autant au niveau des programmes que sur certains aspects du plan de communication, moi, je pense que, oui, c'est quelque chose qui est très envisageable.

Mme Marois: Alors donc, vous seriez confortables avec une approche comme celle-là.

M. Caron (André): Oui.

Mme Marois: Parce que c'est sûr que la meilleure façon de faire tomber les barrières, les craintes ou les inquiétudes, c'est l'information, et, quand on est en plus associé à la démarche, bien c'est...

M. Caron (André): C'est plus facile.

Mme Marois: Enfin, ça m'apparaît, moi, une voie particulièrement prometteuse.

n (11 h 50) n

Dans votre mémoire, à la page 10, vous parlez de la mise en oeuvre du projet de loi, si tant est qu'il est adopté, et vous nous dites qu'il y a eu des expérimentations ? on y a fait référence tout à l'heure ? dans plusieurs commissions scolaires. D'ailleurs, le Conseil supérieur de l'éducation y a fait référence lui-même dans son avis. Et vous dites: Bon, un certain nombre de commissions scolaires expérimentent et offrent des programmes approuvés d'études locaux d'éthique et de culture religieuse ainsi que divers programmes traitant des religions et offerts en option. Et vous concluez cette partie de votre mémoire en disant: «...d'ici l'échéance de 2008, nous sommes d'avis que les autorisations ministérielles prévues à l'article 13 soient assorties de conditions facilitantes.»

Vous voulez dire quoi exactement par «conditions facilitantes»?

Le Président (M. Chagnon): M. Bordeleau.

M. Bordeleau (Jeannot): Oui. En fait, on voyait là une belle ouverture pour permettre à des commissions scolaires qui soit sont prêtes, de par leur milieu, pour répondre aux besoins des élèves et aux attentes des parents, à s'inscrire immédiatement dans cette voie des nouveaux programmes, de pouvoir procéder aussitôt qu'elles le pourront, ou encore, si elles éprouvent des difficultés majeures à offrir les programmes actuels, pour toutes sortes de raisons, bien cette possibilité, cette ouverture qui apparaît dans la loi pourrait permettre aux commissions scolaires qui le désirent, au moment où ça leur convient, de procéder. Et, comme il est indiqué que c'était aux conditions du ministre, nous, ce que nous souhaitons dans le milieu scolaire, c'est que ces conditions-là soient facilitantes, dans le sens que ce soit facile pour une commission scolaire, au moment où elle le désire puis à partir du moment où elle a les ressources requises puis la volonté du milieu, de procéder aussitôt qu'elle le veut. C'est dans ce sens-là.

Mme Marois: Oui. Je pense que M. Caron veut ajouter quelque chose.

M. Caron (André): Je voudrais rajouter que, nous, ce qu'on tente d'aller chercher, c'est des conditions facilitantes pour les commissions scolaires et non des conditions facilitantes pour le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: J'imagine qu'il a bien compris ce que vous vouliez dire à cet égard-là.

Une voix: Ça allait de soi.

Mme Marois: Ça allait de soi. Semble-t-il que ça allait de soi. Bien, c'est pas mal. Non, je suis contente de vous entendre dire cela parce que mes connaissances du dossier d'une part puis les dernières lectures faites sur celui-ci nous indiquent que dans les faits il y a eu beaucoup d'expérimentations, puis des expérimentations et des expériences heureuses, finalement. Et, comme on sait que, dans beaucoup de milieux, il y a des difficultés, que vous avez mentionnées d'ailleurs dans votre mémoire et dans les échanges avec le ministre, je crois que, si on peut aller en ce sens-là, tant mieux.

Une autre question que vous abordez, c'est l'harmonisation du régime pédagogique, au point 4.2 de votre mémoire, à la page 11. Je vous cite encore une fois: «...nous réitérons l'importance que nous accordons à la continuité des apprentissages poursuivis, en matière d'éthique et de culture religieuse, du primaire jusqu'à la fin du secondaire et en conséquence nous souhaitons que cet enseignement puisse également être offert en troisième secondaire.» Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous souhaitez cela?

M. Caron (André): Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Normande): Toutes les matières...

Le Président (M. Chagnon): Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Normande): Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Non, non, allez-y.

Mme Lemieux (Normande): Merci. Toutes les matières qui seront dans le régime seront en continuité pour, je vous dirais, l'approfondissement des compétences, et on juge qu'une année où il n'y aurait pas ce cours permettrait qu'il y ait peut-être un trou au niveau du développement des compétences. On souhaiterait donc que ce soit en continuité, parce qu'en troisième secondaire il n'y a pas, de prévu, à l'heure actuelle, au régime, de l'enseignement de l'éthique et culture religieuse ou des formes s'appropriant à ce programme ou s'en rapprochant. Donc, pour le développement des compétences en continuité, on fait la suggestion qu'il y en ait en troisième secondaire également.

Mme Marois: D'accord. À ce moment-là, est-ce que ça ne pourrait pas être intégré au cours sur la citoyenneté ou sur la responsabilisation... bien, enfin, peu importe, là, les formations personnelles et sociales qu'on a remplacées, mais où on introduit d'autres éléments de connaissances?

Mme Lemieux (Normande): Si M. le président me le permet, oui...

Le Président (M. Chagnon): Allez-y, oui.

Mme Lemieux (Normande): ...alors, effectivement, s'il n'y avait pas possibilité de changer le régime, du moins permettre une souplesse dans les milieux pour qu'il puisse se donner à l'intérieur d'un autre cours, ou par le biais de cours à option, ou en divisant le cours de quatrième secondaire en deux ? deux unités en troisième, deux en continuité ? permettre, faciliter l'organisation de ce cours en troisième secondaire.

Mme Marois: Parfait. Je vous remercie. J'ai un collègue qui voudrait interpeller.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, bonjour, bienvenue à cette commission parlementaire, en particulier Mme Lemieux. On se rencontre, de temps en temps, à la commission scolaire des Laurentides.

Écoutez, à la page 11, au point 4.3, vous parlez évidemment de l'adaptation de la formation initiale et continue des enseignants. Évidemment, c'est un défi très, très, très important, la mise à niveau des enseignants et puis la formation des enseignants, parce qu'on remplace un programme par un nouveau programme d'éthique et puis de culture religieuse. Il faut donc former les gens puis faire en sorte que ceux et celles qui sont en place soient adéquatement formés.

J'aimerais vous entendre sur cette formation-là. Comment est-ce qu'elle doit se présenter? J'imagine que, dans votre tête, ce n'est pas uniquement une mise à niveau ad hoc, une formation ad hoc au niveau des écoles. Les gens vont devoir s'inscrire et aller chercher des données supplémentaires, des cours supplémentaires au niveau de la certification, que ce soit au niveau d'un certificat ou au niveau d'un baccalauréat. Alors, je veux vous entendre là-dessus. Comment vous voyez, dans les deux, trois prochaines années, le temps que la clause dérogatoire est en place... pour faire en sorte de mettre à niveau ces gens-là? Puis quelles sont les pressions que ça peut exercer au niveau du syndicat puis au niveau des enseignants et des enseignantes?

Le Président (M. Chagnon): Allez-y, Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Normande): Alors, évidemment, en premier lieu, il y a la formation initiale. Il va falloir faire un plan de relève, au niveau de la formation initiale, et communiquer rapidement l'information aux universités, de façon à permuter la formation initiale, et faire du recrutement. Je signalais, tout à l'heure, de la déperdition énorme au niveau de l'inscription dans ce secteur, étant donné l'ambiguïté dans laquelle on se trouvait. Alors, ils ne savaient pas s'ils pourraient terminer leur cours en ayant une formation qui permettait une embauche après, étant donné qu'on s'en allait vers des changements.

Quant à la formation continue, il va falloir rapidement qu'il y ait des comités de formés avec les universités, comités de travail pour justement élaborer un plan de formation sur mesure sur une période de trois ans. On peut le faire, comme on l'a vécu pour la réforme, par cycles d'apprentissage, parce que, les programmes étant créés par cycles ou constitués par cycles, la formation devra se donner également par équipes de travail, cycles. Il faudra déconcentrer la formation, si possible, dans les régions parce qu'il est évident que ce sera une grande problématique que de penser que les universités vont offrir des certificats et que les gens pourront tous voyager à travers le Québec pour aller vers les formations dans les lieux. Alors donc, il faudra prévoir des comités de formation flottants ou une déconcentration de la formation, en entente avec les universités et les commissions scolaires, sur une période de trois ans, par cycles, un peu comme on a constitué la réforme.

M. Cousineau: M. le Président, localement, au niveau de la commission scolaire, est-ce que vous sentez que les enseignants puis les gens qui représentent le syndicat sont prêts à embarquer, puis à emboîter le pas, et puis à collaborer avec...

Mme Lemieux (Normande): Je dirais qu'il y a un malaise actuellement, chez les enseignants, pour enseigner l'enseignement religieux catholique tel qu'on le connaissait. Ça ne correspond plus, je dirais, à la réalité. Donc, il y a vraiment un engouement pour une formation rapide, avec l'ouverture, là, qu'on va connaître si les clauses sont faites.

Mme Marois: Est-ce que ça vous va, Claude?

M. Cousineau: Oui, oui, ça va.

Mme Marois: Alors, M. le Président, est-ce qu'il me reste encore un peu de temps?

Le Président (M. Chagnon): Allez-y, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Je voudrais revenir sur les expérimentations qui ont été faites à travers le Québec. Actuellement, vous diriez que c'est le cas de combien de commissions scolaires ou combien d'écoles où on a déjà commencé à introduire des façons différentes, et sachant, là, que c'est différent justement d'une école ou d'une commission scolaire à l'autre? Quel est le pourcentage à peu près?

Mme Lemieux (Normande): Je ne pourrais pas vous donner le pourcentage. Cependant, je suis au fait que plusieurs écoles qui avaient été des écoles ciblées par la réforme au primaire et les écoles de validation au secondaire se sont enclenchées dans des nouveaux programmes de ce type-là parce qu'ils étaient en avance de la réforme, parce qu'ils étaient les premiers. Alors, on a donc quand même un certain nombre d'expérimentations dont on peut témoigner.

Mme Marois: D'accord. C'est parce que ma question suivante était celle-ci: Est-ce que dans les faits trois ans, c'était nécessaire, ou on aurait pu le faire dans une période plus courte que le trois ans? Parce qu'hier les doyens d'université sont venus dire... pas les doyens mais l'Association des doyens pour l'étude et la recherche en éducation sont venus nous dire, entre autres, qu'à l'Université Laval, par exemple, on offrait déjà une formation aux maîtres, aux nouveaux maîtres, qui allait essentiellement dans le sens de ce qui est proposé, de ce qui est retenu, puisque justement les jeunes ne choisissaient plus le programme qu'on offrait pour préparer à l'enseignement religieux, là, protestant ou catholique. Alors, c'est un peu le sens de ma question.

M. Caron (André): Bien, peut-être que ce que je tenterais comme réponse, c'est que, compte tenu qu'on peut le faire pour trois ans et compte tenu aussi qu'il y a des milieux qui sont peut-être prêts et qui ont peut-être les ressources qualifiées pour le faire, bien ils pourront le faire avec l'article 12 et l'article 13. Mais les milieux qui ont plus de difficultés... Et on sait qu'on a certaines difficultés de recrutement avec des enseignants réguliers. Donc, on peut comprendre que peut-être, si on a des problèmes avec les réguliers, avec des enseignants qui ont aussi cette qualification-là, on va avoir autant de difficultés. Donc, donnons-nous le temps de le faire correctement pour la meilleure chance de réussite, finalement.

Mme Marois: D'accord. Je vous remercie. Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Alors, je vous remercie beaucoup. Il n'y a pas d'autres commentaires? Alors, je remercie la Fédération des commissions scolaires pour son apport à cette commission et je suspends les travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 15 h 2)

Le Président (M. Chagnon): Les travaux de cette commission reprennent avec maintenant le Comité sur les affaires religieuses, n'est-ce pas? Avec M. Charron et Mme Lison Jean, je pense.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Chagnon): Alors, M. Charron, Mme Jean est la porte-parole? Nous allons attendre une seconde, nous allons attendre le retour de la députée de Taillon. Ce serait plus...

Des voix: ...

M. Cousineau: Tout ce qu'on sait, c'est qu'elle intervenait en Chambre.

Des voix: ...

Le Président (M. Chagnon): Est-ce que nous l'attendons?

M. Fournier: ...vous disiez qu'elle devait...

Le Président (M. Chagnon): Ah bon, bon! Alors, allons-y. Alors, c'est bon.

Des voix: ...

Le Président (M. Chagnon): C'est ce que tout le monde a compris?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Chagnon): Bon. Alors, si c'est ce que tout le monde a compris, l'idée est d'être...

Des voix: ...

Le Président (M. Chagnon): C'est ça, mais... Je peux continuer en italien, si vous voulez, mais ça ne nous avancera pas beaucoup. Alors, je vais vous inviter, monsieur... monsieur...

M. Charron (Jean-Marc): Charron.

Le Président (M. Chagnon): ...M. Charron, je vais vous inviter à nous faire part de votre document, de votre mémoire. Vous avez 15 minutes pour le faire, ensuite nous passerons la parole au gouvernement et à l'opposition.

Comité sur les affaires religieuses (CAR)

M. Charron (Jean-Marc): Merci, M. le Président. D'abord, commencer par remercier la commission d'avoir invité le comité à présenter ses réflexions suite au dépôt des orientations et du projet de loi n° 95. Vous avez reçu donc le mémoire, et le comité a déjà eu l'occasion de faire connaître sa position sur cette question-là, dans l'avis qu'il avait déposé l'an dernier. Alors, je ne reprendrai pas tout en détail, mais vous faire ressortir les grandes lignes.

D'abord, vous rappeler que le Comité sur les affaires religieuses a été mis sur pied suite à l'adoption du projet de loi n° 118 en juin 2000. Il a commencé ses travaux en février 2001. Il est composé de quatre parents d'élèves, deux du primaire, deux du secondaire, de quatre professionnels du monde de l'éducation, deux enseignants ? un du primaire, un du secondaire ? un administrateur et un membre du personnel non enseignant, des services auxiliaires, et de quatre universitaires, et en plus d'un membre du personnel du ministère de l'Éducation.

La position du Comité sur les affaires religieuses a été présentée dans l'avis que nous avons déposé au ministre en mars 2004, qui s'intitulait Éduquer à la religion: enjeux actuels et piste d'avenir. Pour l'essentiel, la position du comité était à l'effet d'abolir le régime d'options, tel qu'on le connaît présentement, et de le remplacer par un parcours commun de formation qui intégrerait l'enseignement de l'éthique et l'éducation aux traditions religieuses dans un programme commun au primaire, dans un programme différencié au secondaire.

Le comité proposait aussi, quant à la question des clauses dérogatoires, de se donner une période de transition, de façon à permettre au milieu scolaire... d'abord au ministère de produire les programmes afférents à ces orientations, et au milieu scolaire de se préparer à assumer ces nouvelles orientations et ces nouveaux programmes. Alors ça, pour l'essentiel, c'est la position du comité, qui est connue encore une fois, qui a été rendue publique dans l'avis publié l'an dernier.

J'aimerais attirer votre attention sur ce qui a amené le comité à cette position-là. Et il y a eu deux moments déterminants qu'on souligne dans le mémoire qu'on vous a déposé. D'abord, avant de vous parler de ces deux moments, vous dire que, depuis le début de ses travaux, le comité a été soucieux d'être en relation constante avec les différents milieux concernés par ces questions-là, les Églises, parce que c'était dans le mandat du comité, à la fois les représentants de l'Église catholique et des Églises protestantes, mais aussi des milieux éducatifs et des autres traditions religieuses. À cet effet, le comité a assez rapidement mis sur pied ce qu'on appelle un groupe de consultation sur les traditions religieuses où on retrouve des gens qui sont issus des différentes grandes traditions présentes au Québec, des grandes traditions religieuses. Donc, la réflexion du comité a été alimentée par ce travail de relation avec les différents milieux.

Je vous disais donc deux moments importants dans la réflexion du comité, un premier avis qui a été déposé au printemps 2003 et qui portait sur la question des signes religieux distinctifs à l'école. Ça avait été une demande expresse du ministre, à l'époque, qui souhaitait avoir un avis, un éclairage particulier sur cette question-là. Je n'entre pas dans le détail de la position du comité sur cette question particulière, mais simplement vous dire que ce qui fondait la position du comité à l'époque, c'est la conviction que l'école, même l'école devenue laïque, avait une responsabilité importante à l'égard de la question religieuse et en particulier importante à l'égard de la diversité religieuse. Et, s'il y a un phénomène, s'il y a un défi de société qui est important ici, au Québec, comme dans l'ensemble des sociétés occidentales, c'est cette question de la diversité religieuse et de la nécessité de la cohabitation, et pas uniquement d'une cohabitation pacifique, ce qui est déjà bien, mais d'une cohabitation harmonieuse et constructive entre les différents groupes de convictions et les différentes traditions religieuses.

Il faut dire qu'à l'époque, pour mémoire, au moment où on travaillait sur cet avis-là, on était, dans l'actualité, en pleine période de l'histoire du kirpan à la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys. C'est peut-être moins la question du kirpan lui-même, quoiqu'on a eu l'occasion de réfléchir ensemble sur ces questions-là, mais ce qui a été préoccupant pour le comité... Et vous vous souvenez sûrement de cet événement-là qui avait été présenté dans les actualités. Une fois la décision de la cour prise, le matin où le jeune étudiant a été réintroduit dans son école, le comité d'accueil qui l'attendait était composé d'adultes québécois qui ne l'ont pas accueilli à bras ouverts et qui l'invitaient à retourner chez eux s'il n'était pas content de vivre au Québec. Pour nous, au comité, ça a été un moment de prise de conscience et de réflexion importantes par rapport à ce qui se passait dans la société québécoise et la responsabilité de l'école à l'égard de l'éducation sur la diversité religieuse et le pluralisme. Je suis convaincu que beaucoup d'entre nous, sinon la majorité des Québécois et des Québécoises ne souhaitent pas vivre dans une société marquée par l'intolérance religieuse.

n(15 h 10)n

Autre moment important dans la réflexion du comité et préalable à cet avis sur les orientations que devrait prendre l'enseignement religieux, c'est l'avis qu'on a déposé à l'automne 2003, qui porte sur la question de la formation des maîtres. J'ai souvent eu l'occasion de rappeler sur différentes tribunes qu'il serait hautement souhaitable de lire ensemble l'avis sur la formation des maîtres et l'avis sur l'éducation à la religion. Et, là aussi, c'était une commande du ministre. On nous demandait notre avis sur la problématique de la formation des maîtres dans le domaine du développement personnel. Succinctement, hein, la position du comité, on disait d'entrée de jeu: M. le ministre, vous nous demandez un avis sur la question de la formation des maîtres? Nous allons vous en déposer un. Mais nous vous annonçons déjà, d'entrée de jeu, que le problème n'est pas celui de la formation des maîtres et celui des facultés de sciences de l'éducation, le problème est celui du secteur, du domaine du développement personnel et, entre autres, du régime d'options tel qu'on le connaît présentement.

La problématique de la formation des maîtres et de l'abandon, hein, le constat qu'on faisait à l'époque, c'est que la majorité des facultés des sciences de l'éducation au Québec ont abandonné, à toutes fins pratiques, la formation des maîtres à l'égard des questions d'éthique et de culture religieuse. Et, si les facultés l'ont abandonnée, c'est sur la base du peu de fréquentation, de ce domaine-là, par les futurs enseignants. Pourquoi peu de fréquentation? Parce que les jeunes ont perçu, à tort ou à raison, mais ils ont perçu qu'il y avait une fragilité inhérente à ce domaine d'enseignement, liée au régime d'options. Et, quand on a 20 ans et qu'on se prépare à une carrière, on ne souhaite pas se préparer à une carrière qui est menacée ou à un secteur qui est menacé de disparaître à tout instant. Alors, il y a une fragilité inhérente au régime d'options qui a ses conséquences sur la formation des maîtres, et, penser qu'on va améliorer la formation des maîtres dans le domaine tout en maintenant le régime d'options, la conviction du comité, c'est que c'est se faire illusion. Le régime actuel n'attirera pas un nombre important de futurs enseignants dans ce domaine. Alors ça, ça a été deux moments dans la réflexion du comité préalable à son avis sur l'enseignement religieux.

Les convictions du comité, on vous les a résumées en quatre points. Encore une fois, il ne s'agissait pas tout bêtement de vous résumer l'avis, j'imagine que vous avez eu l'occasion de le parcourir, mais disons quatre éléments importants.

Première conviction, c'est que le régime actuel, le régime d'options actuel, il n'est pas viable. Il n'est pas viable en particulier à cause des difficultés de gestion, de mise en application qui mettent en péril l'avenir même de l'enseignement de la religion ou des religions dans les écoles. On peut avoir des beaux principes, mais, quand ces principes-là ne peuvent pas s'appliquer, ils sont, à toutes fins utiles, désuets, hein, ils ne s'inscriront jamais dans la réalité, et c'est la tendance qu'on observe par rapport au régime d'options. Les administrateurs scolaires, les gestionnaires ont de la difficulté, au niveau de la tâche enseignante, au secondaire mais aussi au primaire, pour des raisons différentes dans les deux niveaux, qui amène certaines directions d'école, à toutes fins pratiques, à ne pas offrir l'option et à imposer l'enseignement moral partout. Ce n'est pas une tendance majoritaire, je vous le concède, mais c'est une tendance forte qui va en augmentant.

Deuxième conviction du comité, la fragilité ? et je le disais, parlant de l'avis sur la formation des maîtres ? du régime d'options et sa remise en question périodique liée au nécessaire recours aux clauses dérogatoires ont un effet dissuasif sur les futurs enseignants. Et ce qui est en cause, c'est la formation d'un personnel qualifié pour assumer ces enseignements.

Troisième conviction ? et c'est la plus importante ? pour nous je vous dirais qu'au point de départ, dans notre réflexion, l'enjeu n'était pas tellement de savoir... Bon, tout le focus, dans plusieurs milieux, a été mis sur les clauses dérogatoires. Bon, est-ce que c'est une hérésie, les clauses dérogatoires? Est-ce que c'est pertinent? Pour nous, d'entrée de jeu, on n'a pas voulu poser la question dans ces termes-là. Pour nous, la question des clauses dérogatoires est une question de moyen et non pas de fin. Et les vraies questions devraient être des questions d'ordre éducatif et pédagogique. C'est le propos de la conviction qui est rapportée au troisième point.

Il y a des enjeux majeurs au plan des questions religieuses, aujourd'hui, dans nos sociétés. Elles offrent, aujourd'hui, une configuration nouvelle par rapport à ce qu'on a connu dans le passé. L'histoire du Québec est traversée par une perspective un peu monolithique, quoiqu'il faudrait souvent nuancer, mais un peu monolithique par rapport aux questions religieuses. Les questions religieuses, aujourd'hui, sont dans l'actualité et sont dans l'actualité sur la base... en fait caractérisées par la question de la diversité et de la pluralité. Le choc des différents systèmes de croyances ? et il s'agit de parcourir l'actualité quotidiennement pour voir comment ça marque nos sociétés ? le Québec n'échappe pas à ces questions-là, et donc il y a des enjeux de société par rapport à la question religieuse.

Et, quatrièmement, bien, il y a une responsabilité de l'école à cet égard-là, et la responsabilité de l'école est de former de futures citoyennes et de futurs citoyens capables d'assumer leur identité certes et d'en rendre compte, mais aussi de se comprendre mutuellement en reconnaissant les ressemblances et les différences de chacun et chacune, de débattre de questions communes et de participer aux débats de société et à la vie en commun sur la base de la reconnaissance des différences, et ça, c'est une responsabilité spécifique, hein, de l'école. La transmission de la foi, ce n'est pas une responsabilité scolaire, c'est une responsabilité de groupes de conviction. Mais la responsabilité de former des jeunes qui vont avoir une culture ouverte au plan religieux et qui vont être capables de comprendre la réalité de la société et de la culture dans laquelle ils ont à vivre, ça, c'est une responsabilité typiquement scolaire.

Alors, sur la base de ce cheminement et de ces convictions, vous comprendrez que le comité endosse les orientations ministérielles rendues publiques le 4 mai dernier. Il y retrouve les perspectives générales et essentielles des recommandations qu'il faisait dans son avis. Et il est aussi favorable à l'ensemble des mesures qui sont prévues dans le projet de loi n° 95, avec quelques nuances que je me permettrai de vous évoquer rapidement. En termes de préoccupations d'abord, première chose, dans la perspective d'un programme commun d'éthique et de culture religieuse...

Le Président (M. Chagnon): Il vous reste une minute.

M. Charron (Jean-Marc): Une minute? Je vais vous faire ça «short and sweet», M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Alors, continuez. On va fonctionner sur le temps du ministre, il n'y a pas de problème.

M. Charron (Jean-Marc): Merci. Alors, dans la perspective d'un programme commun d'éthique et de culture religieuse, ce sera important pour les concepteurs de programmes d'être attentifs. Nous, on a souhaité qu'il y ait plus de passerelles entre ces deux disciplines-là, plus de passerelles que ce qu'on connaît présentement, mais, tout en favorisant des passerelles, il faudra être attentif à bien distinguer ces deux disciplines-là de façon à ne pas réduire les religions à un ensemble de valeurs et de prescriptions morales, d'une part, ou, d'autre part, à ne pas faire de l'éthique une forme séculaire d'aspiration religieuse.

Deuxième préoccupation, vous le comprendrez, sur la base de l'avis qu'on a produit sur la formation des maîtres, cet élément-là va être capital pour la suite des choses. Le projet de loi, les orientations ministérielles nous annoncent une perspective enthousiasmante, qui a des défis importants, mais on ne pourra pas relever adéquatement ces défis-là si on n'investit pas de façon importante, au niveau de la formation des maîtres.

n(15 h 20)n

Plus globalement, il y a la formation des maîtres certes, mais il y a une problématique de culture institutionnelle par rapport aux questions religieuses. J'ai eu souvent l'habitude de dire: Au Québec, tant qu'on était dans le régime confessionnel, au plan du régime scolaire, que les gens soient ou pas d'accord avec le régime confessionnel, les gestionnaires savaient comment se démerder, se dépatouiller par rapport aux questions religieuses, dans le cadre de ce régime-là. L'abolition du régime confessionnel a laissé beaucoup d'intervenants, dans le milieu scolaire, sans référence par rapport à la gestion des questions religieuses. Et, oui, il faut investir dans la formation des maîtres, mais, je vous dirais, il faudra investir de façon tout aussi importante dans l'éducation des intervenants, aux différents niveaux du système éducatif.

Au niveau de la conception des programmes, et vous l'avez souligné dans les orientations ? enfin, M. le ministre, vous l'avez souligné dans le texte des orientations ? ça va être un défi important, cette question-là de la conception des programmes. Il va falloir s'assurer que les concepteurs de programmes disposent des outils nécessaires pour, dans des délais serrés, produire des programmes de qualité. On vous annonce que le comité est disposé à accompagner les concepteurs de programmes dans ce travail.

À cet effet, quelques remarques sur le mandat du comité. Simplement vous souligner que... Et je ne suis pas en train de me chercher du travail pour les prochaines années, soyez assurés qu'à l'Université de Montréal j'en ai amplement, mais je vous dirais que le maintien d'un comité aux affaires religieuses est important pour la suite des choses. Les questions religieuses, je vous le disais en introduction, elles sont importantes aujourd'hui, elles traversent nos sociétés, elles ont des impacts sur les différentes institutions publiques et privées. Je pense que ce n'est pas de trop de fournir au ministre et au ministère une expertise et une interface avec les groupes concernés par ces questions-là.

On se permet au passage de glisser quelques remarques sur la formation au collégial. Je pense qu'il y a des choix courageux qui sont faits par rapport à la question religieuse, avec ce qui est sur la table. Le mandat, à l'heure actuelle, du comité concerne uniquement l'enseignement primaire et secondaire, mais on se permet de constater des lacunes majeures par rapport à cette question-là, au niveau collégial, et nous attirons l'attention du ministre sur la nécessité d'examiner la pertinence d'inviter le réseau collégial à intégrer ces questions-là.

Enfin, quelques recommandations par rapport au projet lui-même. Au-delà du projet de loi, dans l'état actuel des choses, la formation des maîtres pour le préscolaire-primaire se limite à trois crédits. On invite le ministre, en collaboration avec les facultés de sciences de l'éducation, à faire passer cela à six crédits, ce qui ne serait pas exagéré par rapport à la nature des questions.

Enfin, sans les réciter l'une après l'autre ? vous les avez dans le texte ? mais il y a un certain nombre de recommandations plus fines par rapport au mandat du comité, en regard de ce qui est inclus dans le projet de loi n° 95. Pardonnez-moi d'avoir débordé de mon temps. Merci de votre attention.

Le Président (M. Chagnon): Il n'y a aucun problème, c'était une gracieuseté du ministre. Alors, merci, M. Charron. M. le ministre.

M. Fournier: Merci, M. le Président. M. Charron, madame, merci d'être avec nous.

Je vais essayer d'aller rapidement quand même parce qu'il va m'en rester un petit peu moins. Je veux quand même noter, ça me semble important... J'essaie de le prendre de temps en temps, mais... Vous dites, à propos du... Bon, vous êtes heureux de la formation éthique et religieuse des jeunes qui est proposée. Je lis, à la page 9: «Il assurera aux jeunes une meilleure compréhension des nombreuses traditions religieuses, de leur présence dans la société et de leurs contributions aux cultures, de plus grandes habiletés au regard du vivre-ensemble dans une société pluraliste.» Et là ça continue. On est à des années-lumière de la confusion dont certains nous ont... enfin un groupe nous a parlé, que, si on met en relation ou si on dispense des connaissances sur plus qu'une religion, ça amènerait les jeunes à être confus et ça causerait un problème majeur.

En fait, je reviens sur la question depuis qu'on a eu la présentation du groupe, là, qui demandait le statu quo, finalement, et tout le monde nous dit que, plutôt que d'amener de la confusion, ça amène plutôt une meilleure appropriation du religieux. C'est un peu la façon dont je le décode jusqu'ici, et donc j'y trouve un côté positif.

Je profite aussi du fait que notre collègue de l'ADQ est avec nous en ce moment pour lui signaler qu'autant hier qu'aujourd'hui, ce dont on parle, il y a ce phénomène-là et il y a le phénomène aussi du régime à options que vous ramenez, hein, où finalement vous nous dites: Le statu quo n'est pas viable, il ne fonctionne pas. Alors, la question n'est pas de nous placer en opposition entre aujourd'hui et demain, quels sont les choix, il faut changer. La force des choses fait que ça ne marche pas. En termes organisationnels, même si on fait semblant que la loi dit que tu as des options, en termes organisationnels, l'option n'est pas sur le marché, pas partout, en tout cas. Alors, il y a donc une complication que vous resoulevez et, je pense, qu'il faut ramener à chaque instant.

Vous avez parlé des groupes de consultation avec qui vous étiez en lien sur les traditions religieuses. Je voudrais que vous me parliez de leur réaction. Comment s'est tenue cette consultation? Quelle a été leur réaction? Et il y a deux groupes, hein? Il y a les privilégiés par la clause dérogatoire et il y a ceux qui ne le sont pas, qui, eux, se sentent donc préjudiciés parce qu'ils ne sont pas privilégiés par la question de la clause. Donc, je serais intéressé de savoir comment ils expriment leur différence de statut, de qualité peut-être qui dénote une différence dans les positions. J'aimerais que vous nous en parliez en gardant à la tête, parce que je risque de manquer de temps... À la page 7, vous nous dites...

Le Président (M. Chagnon): Ne soyez pas inquiet. Parlez avec un débit plus lent.

M. Fournier: Merci. «Le traitement de ces traditions religieuses, dans les programmes ministériels, devra tenir compte de l'autocompréhension que ces traditions ont d'elles-mêmes.» Je ne sais pas si vous nous mettez sur la piste d'une validation, d'une consultation des groupes, du fait qu'ils doivent se sentir tout au moins dans le coup, sans qu'ils soient décisionnels, là, mais qu'ils ne soient pas laissés pour compte, finalement. Alors, je ne sais pas comment... Vous pouvez nous parler et de vos consultations à travers le groupe et de ce que vous voyez comme apport de ces différentes traditions religieuses à l'égard de la conception du cours.

Le Président (M. Chagnon): Oui. Allez-y, M. Charron.

M. Charron (Jean-Marc): En deux minutes?

Le Président (M. Chagnon): Ah! oui, oui. Prenez...

M. Charron (Jean-Marc): Alors, je vais répondre. En fait, il y avait trois éléments, M. le ministre, dans votre intervention: alors, la préoccupation par rapport à l'élémentaire, la culture religieuse versus l'éducation de la foi ? appelons ça comme ça ? la question du groupe de consultation, comment les gens réagissent, et la question de l'autocompréhension, la collaboration qu'on pourrait avoir.

Je vais répondre sur le groupe de consultation, l'autocompréhension, rapidement sur l'élémentaire, et, si vous le permettez, je donnerai la parole à Mme Jean pour compléter, qui est elle-même enseignante au primaire. Son expertise pourrait être précieuse.

Le groupe de consultation tout d'abord. Il y a, autour de la table, dans ce groupe-là, une cinquantaine de personnes, des gens qui sont non pas des représentants, ce n'est pas à ce titre-là, mais des gens issus des différentes traditions religieuses ou des experts de la question religieuse ou du dialogue interreligieux ici, au Québec. Alors, il y a bien sûr des gens de tradition protestante, des gens de tradition catholique, mais aussi des musulmans, des sikhs, des bouddhistes, et, dans les groupes protestants, je vous dirais, des protestants des différentes confessions, des représentants de la communauté juive, etc.

En cours d'élaboration de notre avis, on a eu l'occasion de soumettre la perspective du comité, comme on l'a fait d'ailleurs pour l'avis sur les rites et symboles précédemment, et je vous dirais que bon, avec des nuances, bien entendu, les gens représentant ou issus des groupes catholiques, ou des groupes protestants, ou des institutions qui représentent ces groupes-là expriment, autour de la table, des choses que vous avez probablement eu l'occasion d'entendre aussi dans le processus d'élaboration du projet de loi. C'est sûr que ces deux groupes-là sont les gens qui sont plus directement visés par l'abolition du régime d'options. Alors, qu'il puisse y avoir des préoccupations, là, c'est compréhensible.

Par ailleurs, je vous dirais que, dans les autres traditions religieuses, les gens sont très favorables à une perspective comme celle qu'on a mise de l'avant dans l'avis qui a été déposé au ministre l'an dernier, c'est-à-dire de faire une place à la compréhension des différentes traditions religieuses, d'une part, et à la compréhension entre les groupes issus ou les personnes issues de différentes traditions religieuses.

n(15 h 30)n

Ma perception, c'est que, dans les différents groupes religieux au Québec, les orientations que vous proposez devraient être très bien accueillies, avoir une bonne réception, tout en se disant qu'autant dans ces milieux-là que dans les milieux catholiques et protestants il y a des diversités de points de vue, et il ne faut jamais appréhender ces choses-là comme des groupes compacts et monolithiques. Mais je vous dirais que les gens qui sont bien inscrits, hein, dans la société québécoise et qui ont une pratique de nos institutions se reconnaissent tout à fait dans cette ouverture-là.

La question de l'autocompréhension, ce sur quoi on souhaitait attirer votre attention et l'attention des futurs concepteurs de programmes, c'est que, dans des programmes, et surtout des programmes qui visent la formation des jeunes à l'élémentaire et au secondaire, et sachant qu'on aura, dans nos classes, des jeunes qui sont issus des différentes traditions religieuses dont on va parler, on ne peut pas traiter les questions religieuses uniquement comme un objet d'observation, hein ? je caricature mais à peine ? on ne peut pas traiter la question religieuse comme on traiterait du corps humain dans un cours de biologie: et voici, c'est ceci, c'est cela, nous allons faire une dissection, faire une présentation purement objective ou objectivante de la réalité religieuse. Je crois qu'il faut être le plus objectif possible dans le traitement de ces choses-là, mais il faut être sensible au fait que la réalité religieuse, elle est vécue par des gens. Ce n'est pas un objet de musée, là, hein, on n'est pas en train de parler d'une affaire qui existait au IVe siècle. On est en train de parler de réalités qui sont vécues par des gens très concrets et qui ont un rapport intime à ces réalités-là.

Alors, ce qu'on veut souligner, c'est que, dans le traitement des traditions religieuses, il faudra être sensible à la façon dont les gens qui sont issus de ces traditions-là se comprennent eux-mêmes, et pas uniquement faire un traitement encyclopédique des traditions religieuses, en étant sensible aussi au fait que, dans cette autocompréhension-là, il y a une diversité, il y a de la diversité. Les musulmans ne se comprennent pas tous de la même façon, là.

Le Président (M. Chagnon): C'est un sujet qui vous passionne, ça paraît. Mais est-ce que Mme Jean doit parler aussi? Parce que, là, on va passer le temps du ministre, c'est clair, on va être rendus dans le temps de l'opposition. Je suis certain qu'ils vont vous laisser parler, mais quand même. Mme Jean.

M. Charron (Jean-Marc): Alors, c'est pour l'élémentaire.

Mme Jean (Lison): Très bien. Donc, rapidement, je veux vous mentionner que, moi, je travaille auprès de 10-11 ans, des élèves de ? je m'excuse; oui? ? ...

Le Président (M. Chagnon): Allez-y.

Mme Jean (Lison): ...des élèves de fin du primaire, et, face au régime à options, c'est un projet intéressant qui est mis sur la table, à savoir que ce n'est pas seulement pour les jeunes puis pour les enseignants, ce projet-là, je pense que ça va faire le bonheur de tout le monde à l'école. Présentement, ce qui se vit, c'est une situation pas très intéressante où c'est compliqué pour tout le monde de fonctionner avec un temps... d'avoir à morceler notre groupe une heure-semaine sur un sujet. À titre d'enseignante, j'aimerais rester avec mes élèves, et mes élèves sont toujours un peu déchirés de quitter parce que ça ne convient pas, on ne peut pas rester. C'est un choix qu'ils doivent assumer. Donc, ce n'est qu'un événement heureux pour nous, d'accueillir ça en tant qu'enseignantes, ce projet-là.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup. M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, M. le Président. Bonjour, monsieur, madame. Bienvenue à cette commission parlementaire. Félicitations pour votre mémoire, il est succinct mais très précis puis dans le mille.

Alors, ma première question concernant vos préoccupations, que vous nous avez décrites à la page 6, au niveau du programme commun concernant l'éthique puis les cultures religieuses: Dans un monde idéal, est-ce qu'il serait préférable d'avoir deux programmes distincts pour ne pas que, si on a seulement qu'un programme, l'éthique vienne inhiber la culture religieuse ou l'inverse? Est-ce que ce serait préférable d'avoir deux programmes distincts et puis appliqués d'une façon obligatoire, là, tout au long du primaire et du secondaire?

M. Charron (Jean-Marc): Je vous dirais, si on avait beaucoup de temps pour traiter de ces questions-là dans l'ensemble du curriculum, éventuellement, d'avoir deux programmes distincts, un d'éthique et un de culture religieuse, dans un monde idéal, comme vous l'avez dit, ça pourrait être souhaitable. On sait que ce n'est pas le cas. On sait que, dans le nouveau régime pédagogique, le nombre d'heures consacrées à ces questions-là a diminué de façon significative. Donc, il faut être aussi réaliste et, dans la perspective, par ailleurs, d'un programme unique où on traitera à la fois des questions d'éthique et de culture religieuse... Et là je parle en mon nom personnel parce qu'au niveau du comité on n'a pas tranché sur ces questions-là. Mais idéalement ce serait bien, dans un programme unique, d'avoir des modules différenciés, hein? Si on ne peut pas avoir des programmes différents, qu'on ait au moins des modules différenciés pour que tout ne soit pas dans tout, et réciproquement. Alors, qu'on ait un module d'éthique qui ait son nombre d'heures spécifique et qu'on ait un module de culture religieuse aux différents moments, là, du curriculum académique.

M. Cousineau: M. le président, merci.

Au niveau de la formation des maîtres, bon vous mentionnez que ce serait intéressant de revoir tout le certificat... pas le certificat, le baccalauréat à l'enseignement et puis les trois crédits qui sont alloués présentement, lors de la formation, qu'il puisse y avoir trois crédits supplémentaires au niveau des cultures religieuses puis trois crédits au niveau de l'éthique, donc une banque de six crédits, là, au niveau de la formation des maîtres. Un représentant d'un autre groupe nous a mentionné hier que ça pourrait facilement, ce programme-là, être un complément de tâche pour les professeurs d'histoire, par exemple, au niveau secondaire. Comment vous voyez ça, vous? Est-ce que ça pourrait être un complément de tâche pour les professeurs d'histoire...

M. Charron (Jean-Marc): Pour les professeurs d'histoire?

M. Cousineau: ...en ce qui a trait à l'enseignement des cultures religieuses?

M. Charron (Jean-Marc): Oui. Moi, je vous dirais là-dessus que les questions d'éthique et les questions religieuses sont tellement complexes aujourd'hui.... On dit dans notre texte: Ne s'improvise pas qui veut spécialiste de ces questions-là, et malheureusement c'est trop souvent le cas à l'heure actuelle. C'est un des problèmes d'ailleurs du régime d'options. Comme on a de la difficulté, au secondaire, à constituer une tâche qui a un peu d'allure pour un enseignant du secondaire, on confie ça, en fin de tâche, à quelqu'un dont ce n'est pas la spécialité. Tu sais, si vous voulez discréditer ces disciplines-là, continuons de faire ça.

Du point de vue du comité, ces questions-là, ça doit être considéré comme une discipline. Est-ce qu'on confierait l'enseignement de l'histoire, en fin de tâche, à un spécialiste des mathématiques? On ne le ferait pas parce qu'on considère que l'histoire, c'est une question importante, c'est une discipline qui a ses règles propres et son expertise particulière. Je vous dirais que c'est la même chose pour les questions d'éthique et de culture religieuse. Si on veut faire de ce cours-là un cours de dessin, et de découpage, et d'occupationnel, n'importe qui peut faire ça. Mais je pense que ce n'est pas le cas, là, ce n'est pas de ça qu'on parle.

M. Cousineau: Remarquez que ce n'est pas ma conviction, là. Je mentionne ce qui nous a été dit par d'autres groupes, et puis pas les moindres. En fin de compte, on parlait des doyens au niveau universitaire, là. Mais, d'accord, ça répond...

M. Charron (Jean-Marc): Ce n'est pas une avenue à privilégier.

M. Cousineau: Bon, ça répond à ma question. Merci.

Le Président (M. Chagnon): Merci. Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Il reste combien de temps? Parce que je sais que notre collègue de la Beauce aussi aurait des questions.

Le Président (M. Chagnon): Oui, oui. Je pense à votre collègue de la Beauce. Il n'y a aucun problème.

Mme Champagne: On va avoir du temps pour tout le monde?

Le Président (M. Chagnon): Absolument. Je vais vous organiser tout ça comme il faut.

Mme Champagne: On s'organise? C'est beau.

Alors, bonjour. Ça ne m'avait pas déplu d'entendre qu'éventuellement des professeurs d'histoire pourraient toujours, pas pour compléter des tâches seulement, là, avec une bonne expertise, ajouter à leurs fonctions, pour la bonne raison qu'on sait que, dans le concret de tous les jours, il est à peu près évident qu'à moins d'exception on n'arrivera peut-être pas à donner à une spécialité comme telle... Si c'était le cas, c'est peut-être l'idéal, comme vous le dites d'ailleurs, par contre.

Est-ce que vous le voyez, cette remarque-là que vous venez de faire sur la spécialité donnée à ces professeurs-là, d'abord pour la valoriser, la profession, autant au niveau du primaire que du secondaire ou spécifiquement au niveau du secondaire?

n(15 h 40)n

M. Charron (Jean-Marc): Bon, je répondais à la question spécifiquement pour le secondaire. Si vous me posez la question par rapport au primaire, moi, je trouve qu'à l'heure actuelle... Puis, remarquez, des gens d'une autre discipline pourraient vous faire éventuellement les mêmes remarques. À l'heure actuelle, l'enseignement religieux... Et j'imagine que, dans le projet qui est sur la table, ce sera le cas, cette responsabilité sera la responsabilité des titulaires de classe. On recommande au ministre d'«upgrader», si vous me permettez l'expression latine, la formation, de passer de trois à six crédits au primaire. Mais même ça, là, c'est un minimum, minimum vital.

Ma préférence, la préférence des gens du comité ? parce que, ça, on a déjà eu l'occasion de le débattre au moment de la préparation de l'avis sur la formation des maîtres ? si on confiait cet enseignement-là à des spécialistes, au primaire, ce serait préférable que de le confier aux titulaires de classe, qui ne disposeraient, pour se préparer à cet enseignement, que de six crédits si on suivait la recommandation ou de trois crédits si on s'en tient à l'état actuel des choses.

Pour reprendre l'expression de votre collègue, dans un monde idéal, si la culture éthique et religieuse de la majorité des gens et des futurs enseignants est autre que celle qu'on peut constater aujourd'hui, je vous dirais, les élèves sont en bonnes mains avec des enseignants au préscolaire-primaire qui possèdent trois crédits d'initiation minimale. Préférence encore une fois irait vers des spécialistes. Même si on n'en a pas fait une recommandation, même dans l'avis sur la formation des maîtres, on est réalistes, là, par rapport à ces choses-là, mais...

Mme Champagne: Pourquoi pas? On a des spécialistes en éducation physique, on en a en anglais.

M. Charron (Jean-Marc): Oui, oui, oui.

Mme Champagne: Pourquoi pas en enseignement des religions?

M. Charron (Jean-Marc): Ce serait souhaitable.

Mme Champagne: Voilà. Petite question, puis ce serait peut-être ma dernière. Il me reste combien de temps, M. le...

Le Président (M. Chagnon): Il reste du temps pour le député de Beauce-Nord aussi.

Mme Champagne: Parfait. Formation de niveau collégial. Vous avez parlé, tout à l'heure, de passerelles, mais je pense que c'était à un autre niveau. Et là vous avez dit, et je vous cite: «Le comité soumet au ministre la suggestion d'examiner très sérieusement l'hypothèse d'une poursuite de cette formation au niveau collégial, lequel souffre d'une lacune grave en matière de traitement des réalités religieuses.» Votre vision du collégial en matière de réalités religieuses, ça ressemble à quoi, là?

M. Charron (Jean-Marc): Ça ressemble à quoi? L'état actuel des choses, Mme la députée, c'est que je pense que j'ai assez des cinq doigts de la main pour identifier le nombre de cégeps qui offrent un cours sur les religions ou le phénomène religieux au collégial. Et là vous m'ouvrez une porte qui demanderait plus de temps que ce que M. le président de la commission m'accordera.

Le Président (M. Chagnon): Ça empêche le député de Beauce-Nord de nous poser une question.

Mme Champagne: Il pourra compléter.

M. Charron (Jean-Marc): Mais l'inculture religieuse des jeunes est lamentable, est lamentable, hein? Moi, je suis à l'Université de Montréal. Il y a des jeunes qui arrivent à l'université, puis je ne vous parle pas des jeunes qui arrivent en théologie ou en sciences des religions, quoique... mais, dans l'ensemble des disciplines... J'ai des collègues, au Département d'histoire, qui préparent des glossaires, 100 concepts de base sur le christianisme, pour des étudiants en histoire parce que ces étudiants d'histoire là, quand ils se retrouvent devant un texte du XIIe, XIIIe, XIVe siècle puis qu'ils se retrouvent devant des choses simples du christianisme ? pas parthénogenèse et transsubstantiation, là, mais pape, archevêque, etc. ? ils ne savent pas de quoi il s'agit? Et ne parlons pas des autres traditions religieuses.

Alors, certes, ce qu'on s'apprête à faire au primaire et au secondaire va nous permettre d'enrichir la culture des jeunes. Mais, si, au collégial, on ne poursuit pas puis... Puis les jeunes du collégial ont une curiosité, une ouverture sur le monde qui rendrait ces cours-là encore plus pertinents, et ça aurait une fonction par rapport à l'initiation des questions qu'ils auront abordées dans la poursuite de leurs études, sans parler du fait que ça va les rendre un peu moins déficients pour le vécu en société.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup.

Mme Champagne: Alors, écoutez, il faudrait noter ça, là, écrit en lettres d'or, M. le ministre.

Le Président (M. Chagnon): Ça doit être marqué, hein?

Mme Champagne: Je pense que ce serait une suite logique, parce qu'on a des étudiants de collégial très incultes à ce niveau-là, très incultes. Alors, je vais laisser mon collègue...

Le Président (M. Chagnon): Mais ça va être écrit. Pour votre bénéfice, Mme la députée de Champlain...

Mme Champagne: Ça va être noté?

Le Président (M. Chagnon): ...ça va être écrit, pour les livres d'histoire, dans nos documents, là, pour tout le temps.

Mme Champagne: C'est excellent. Nous allons le rappeler.

Le Président (M. Chagnon): Oui.

Mme Champagne: Ce sont des phrases du futur. C'est correct.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Alors, moi, j'écoute ça puis je me dis: Il faut essayer de faire une loi qui va essayer d'être la plus parfaite possible, quand on sait que c'est impossible, là. Mais il reste quand même qu'on semble tous être d'accord ici. Puis il me semble que ça fait six mois qu'on dépose des pétitions à peu près à toutes les semaines. On doit avoir environ, je ne sais pas, pas loin de 100 000 personnes qui s'opposent.

Une voix: 74 000.

M. Grondin: 74 000? Bon. Alors, ça veut dire que ce n'est pas tout le monde qui est d'accord. Et on a quelqu'un qui n'est pas d'accord, en tout cas.

Une voix: L'ADQ.

M. Grondin: Hein? Bien, je ne pense pas que c'est juste l'ADQ, parce que je pense que les députés libéraux en ont déposé, et, vous autres aussi, vous en avez déposé. Je pense que les citoyens ont à avoir une loi le plus parfaite possible, qui les rejoint le plus possible.

Et puis, moi, je me demande... Là, on parle de formation des maîtres, on parle de... Parce que, là, on veut faire une spécialité d'enseigner les religions. Est-ce qu'on a les moyens d'offrir un cours formation de maître quand on sait qu'on est toujours à se battre pour des crédits, qu'on manque d'argent? Là, dans le fond, si on fait ça, c'est qu'on rajoute beaucoup d'argent dans le système. Est-ce qu'on a les moyens? Puis, si on s'asseyait, tout à l'heure, avec toutes les religions, est-ce que dans le fond... Eux autres, ce serait peut-être souhaitable, ils se diraient: Bien, tant qu'à faire une affaire de même, sortons la religion complètement, puis, je veux dire, que la religion catholique s'arrange avec les catholiques, puis que les protestants s'arrangent avec les protestants, puis que... Parce que, sur le terrain, là, moi, je pense...

Des fois, les citoyens nous parlent puis ils disent: Moi, là, c'est bien de valeur, je ne suis pas intéressé qu'un professeur qui enseigne ? je ne sais pas, moi ? les religions qui ont de la misère un peu, dans le monde, là, qui se tirent à la mitraillette, je ne suis pas intéressé que mon enfant apprenne ça, tu sais. Là, moi, je parle au président, mais en tout cas l'idée que je lance, moi, là: au lieu de faire toute cette affaire, quand on sait qu'on est en compression budgétaire presque couramment, sortons-la complètement puis disons aux catholiques: Bien, arrangez-vous, puis aux protestants: Arrangez-vous, puis aux musulmans: Arrangez-vous dans votre communauté, enseignez-la, la religion, à vos enfants. Parce qu'on a beau dire que les parents n'ont pas peut-être des aptitudes, mais, écoutez, je pense qu'on a tous appris à marcher, on a tous appris à parler, on a tous appris à faire du sport, puis, la plupart de ces affaires-là qu'on a apprises puis qu'on tient jusqu'à 80 ans, c'est nos parents qui nous les ont montrées. Alors, moi, je ne sais pas, là. Remarquez que je lance l'idée. Je ne sais pas si ça a été approché. Parce qu'on sait très bien que, dans le moment présent, même le projet de loi ne fait pas l'affaire de tout le monde.

Le Président (M. Chagnon): Merci. Avez-vous un commentaire sur le commentaire? Ou est-ce une question? Prenons-le comme une question.

M. Charron (Jean-Marc): Je la rependrai comme une question. Écoutez, sur la question de laisser aux catholiques, aux protestants, aux musulmans le soin de faire l'éducation de la foi selon leurs traditions, tout le monde est d'accord là-dessus, ou presque, et ça, je le disais tantôt dans mon intervention, l'éducation de la foi, la transmission d'une foi particulière, c'est la responsabilité d'une communauté de foi, qu'on soit catholique, protestant, juif, bouddhiste, musulman ou autre. À votre commentaire-question sur est-ce que ce ne serait pas préférable, à ce moment-là, de tout abandonner, moi, je vous dirais... Alors, si on règle la question de la transmission de la foi puis de l'éducation de la foi, ça, c'est une chose. Je vous dirais qu'il reste une responsabilité de l'école par rapport à l'éducation, l'éducation citoyenne par rapport à la réalité religieuse. Ça coûte cher? Oui, ça coûte cher. Moi, je vous dirais, pour reprendre une expression qui a été utilisée dans d'autres circonstances: Ça coûte peut-être cher, mais demandez-vous si ça ne vous coûtera pas plus cher de ne rien faire. Moi, je pense que socialement, si l'école n'assume pas de responsabilité par rapport à l'éducation religieuse des jeunes, il y aura un coût social par rapport aux défis sociaux de la diversité et du pluralisme religieux. C'est la perspective du comité.

Le Président (M. Chagnon): Une autre question?

M. Grondin: Oui. Bien, écoutez, on a sorti des écoles, il y a quelques années, à peu près tout ce qui se faisait en éducation physique, puis on se rend compte que tous nos enfants sont rendus gras, puis là on sort un bonhomme bleu pour essayer de leur faire comprendre qu'il faut qu'ils maigrissent. Ha, ha, ha!

M. Fournier: C'est résumer un peu rapidement, là, quand même. Mais je pourrais répondre à celle-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charron (Jean-Marc): Non, non, on préfère le bonhomme bleu.

Une voix: Il n'est pas rouge.

n(15 h 50)n

M. Grondin: Mais une autre question qui me préoccupe...

Le Président (M. Chagnon): Avant qu'on cherche le secret de la Labatt Bleue...

M. Grondin: ...une autre question qui me préoccupe, vous avez parlé, à la page 6, là, dans votre mémoire, que... Est-ce que ce projet de loi là va comprendre, va englober tous les autochtones, les Cris, les Inuits, toutes les réserves indiennes? Est-ce qu'ils vont être inclus dans le même projet de loi, ou s'il va falloir faire une loi à côté pour les autochtones?

Le Président (M. Chagnon): Merci.

M. Charron (Jean-Marc): C'est le sens du projet de loi. En fait, le projet de loi englobe les modifications apportées à différentes lois existantes. Le comité ne s'est pas prononcé, là, sur les communautés particulières. Il y a une dimension technique au projet de loi qui appartient au ministre, en fait, là.

M. Fournier: Ça me fera plaisir de répondre d'ailleurs lorsqu'on fera l'article par article, ce qui me permettra de vous préciser que, lorsqu'un député dépose une pétition, ça ne veut pas nécessairement dire qu'il est d'accord avec la pétition, mais c'est son devoir comme député.

Le Président (M. Chagnon): Voilà. M. le ministre fait un rappel du règlement. Mais, puisqu'on fait un rappel du règlement, je suis obligé de vous dire, tout en faisant un autre rappel, que votre temps prescrit est terminé, et nous vous remercions infiniment, M. Charron, Mme Jean, du Comité sur les affaires religieuses, de votre participation. Et, dans ce phénomène de transsubstitution, nous allons passer maintenant à la Table de concertation protestante sur l'éducation, représentée par M. Éric Lanthier, qui est président.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Chagnon): Alors, nous vous écoutons, M. Lanthier. Vous avez 15 minutes, comme vous le savez, et il y aura un 15 minutes par la suite au ministre et 15 minutes à l'opposition. Alors, c'est à vous, M. Lanthier.

Table de concertation protestante
sur l'éducation

M. Lanthier (Éric): Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre, tous les membres de la commission parlementaire.

Bien, pour le bénéfice des membres de la commission parlementaire, la Table de concertation protestante sur l'éducation est un partenaire très actif du ministère de l'Éducation, et ce, depuis sa création, en septembre 1993, où Mme Lucienne Robillard et le sous-ministre associé de foi protestante, M. Grant Hawley, en avaient encouragé la création. Parce que, contrairement aux catholiques, les protestants, c'est un ensemble qui est un peu morcelé. C'est un peu comme une constellation de groupes. Donc, on est très décentralisés. Par exemple, la différence entre les catholiques et les protestants, c'est que les catholiques ont la papauté, et les protestants, le pape ôté. En d'autres mots, c'est qu'il n'y a pas de pape protestant. Donc, on ne peut pas s'identifier à la communauté protestante comme étant une entité organisée. Donc, ce qu'on a fait, c'est de se regrouper, former une table de concertation pour pouvoir être un partenaire actif, si on veut, en matière d'éducation.

Et c'est intéressant parce que la Table de concertation réussit à établir des consensus entre des gens qui sont autant de gauche, de droite, qui ont à prime abord des visions différentes, mais il y a un consensus intéressant qui finit toujours par émerger de justement notre concertation. Donc, elle a participé à presque toutes les commissions parlementaires et tous les débats publics sur la place de la religion à l'école, dans les dernières années, et c'est pour ça que la table ressent la nécessité de vous faire part de ses inquiétudes.

En prenant justement connaissance des déclarations publiques, vous avez peut-être constaté que la communauté protestante n'a jamais souhaité faire appel à la clause dérogatoire, puisqu'elle a toujours accueilli les communautés minoritaires avec respect et justice. Mais les membres de la table sont très inquiets et préoccupés par l'état de l'éducation morale et religieuse du système public et croient qu'il y a des interventions que le gouvernement peut et doit faire pour y remédier.

Donc, selon la Table de concertation protestante sur l'éducation, quatre points doivent être considérés. Premièrement, il faut tenir compte de trois principes directeurs qui sont selon nous fondamentaux dans le débat portant sur l'utilisation de la clause dérogatoire. Nous affirmons que les dimensions spirituelles et religieuses sont des éléments indispensables en éducation. En tant qu'êtres humains, nous vivons selon un ensemble de croyances, de valeurs ou d'idées qui imprègnent et orientent nos actions. Les croyances religieuses et la spiritualité font partie intégrante de cette vision de la réalité. Donc, pour nous, on est assez sceptiques par rapport au concept de neutralité parce que chacun a une perception du monde, une vision du monde. Donc, c'est évident que le système d'éducation va être teinté par cette vision du monde là, et donc c'est important qu'on puisse prendre le temps de bien définir les choses.

Ce qui nous inquiète aussi, c'est la question de la séparation entre l'Église et l'État. On sait très bien que l'Église a un rôle à jouer, et l'État également. Cependant, si on restreint de plus en plus la place de la religion dans le système scolaire, eh bien, à ce moment-là, ce qu'on va se poser comme question, c'est: Est-ce que les religieux ou les gens qui prônent des valeurs ou des croyances religieuses ont leur place dans l'arène publique? Et c'est important qu'à titre indépendant les religions puissent se prononcer sur les enjeux de la société, puisqu'elles font partie de cette société. Donc, à ce moment-là, ça, c'est un élément important à considérer.

Deuxièmement, nous affirmons la priorité du choix des parents à l'intérieur des programmes d'enseignement de leurs enfants dans la culture éducationnelle actuelle. Eh bien, on se réfère, en ça, évidemment aux chartes québécoise, canadienne et à l'article 5 de la Convention du droit des enfants.

Troisièmement, nous affirmons que, dans l'esprit du modèle amérindien, si un groupe de parents veut un certain type d'éducation et peut montrer qu'il peut être offert de façon responsable, le gouvernement devrait par conséquent statuer en faveur de cette éducation et fournir les fonds nécessaires à sa réalisation dans le cadre de l'école publique, parce que, si on regarde la loi fédérale sur les Indiens, chapitres I à V, les articles 115 à 120 justement, même jusqu'à 121, nous démontrent qu'il est possible... Il y a un accommodement raisonnable qui existe dans la législation canadienne actuelle, où est-ce que le ministre peut octroyer des droits aux institutions religieuses, peut octroyer des droits aux parents, peut permettre, à ce moment-là, qu'il y ait même des projets éducatifs, à l'intérieur des écoles amérindiennes, qui se créent et qui puissent dispenser des cours d'enseignement religieux catholique et protestant à l'intérieur du système actuel. Donc, nous, on veut s'inspirer de l'esprit du modèle amérindien. Puisque ça se fait déjà au Canada, pourquoi pas le faire au Québec, d'autant plus que la communauté historique protestante est une communauté religieuse qui a été reconnue par des droits constitutionnels jusqu'à tout récemment? Mais malheureusement ces droits-là ont été amendés sans leur consentement.

Et donc la voie la plus équitable qu'on croit, c'est de donner le pouvoir aux parents, là où le nombre le justifie, de mener à terme un projet éducatif correspondant à leurs valeurs, à leurs convictions et aux besoins de leurs enfants, qu'il soit sports-études, arts-études, musique-études, danse-études, sciences-études ou confessionnel. Nous croyons fermement qu'un maximum de 30 écoles sur les 3 300 seraient confessionnelles, soit moins de 1 % de l'ensemble des communautés scolaires québécoises. Ainsi, notre position favoriserait 99 % des attentes du mouvement laïque. Et, lors d'un récent débat que j'ai eu avec Mme Françoise Laurin là-dessus, elle n'a pas contesté ces chiffres, elle n'a pas dit que ces chiffres étaient inadéquats. Et donc, nous, on pense que, si on permet aux parents de remettre sur pied des écoles confessionnelles, il n'y en aurait pas plus que 30 au maximum dans les prochaines années.

Donc, ce qu'on dit pour ça: puisqu'on veut donner le droit aux parents, là où le nombre le justifie, de mettre sur pied des écoles à projet particulier, bien on croit, ça va de pair, que le financement devrait suivre l'enfant dans l'école du choix des parents. Et, selon une étude de l'École nationale d'administration publique menée par les chercheurs Marceau et Bernier, eh bien, ça stimulerait et augmenterait la participation et l'implication des parents parce qu'ils se sentiraient un peu comme des actionnaires de l'école, et ça leur donnerait un pouvoir.

n(16 heures)n

Cette recherche démontre que 87 % des répondants veulent pouvoir choisir leur école publique, et, à ce moment-là, ils seraient prêts à s'impliquer s'ils avaient plus de pouvoir, et ce pouvoir-là passe par le financement qui suit l'enfant dans le choix de l'école des parents.

Ensuite, il faut tenir compte que, de 1998 à 2002, le débat sur la place de la religion à l'école a entraîné d'énormes changements à la structure du système éducatif, au Québec, et ce débat-là est loin d'être terminé. Donc, c'est important qu'on puisse prendre le temps de... c'est important qu'on puisse bien prendre le temps de s'assurer que la prochaine réforme soit une réforme qui tient compte de plusieurs réalités.

Ensuite de ça, bien, évidemment, les dernières, si on veut, les dernières réformes à ce sujet-là, eh bien, c'est la communauté franco-protestante qui a perdu le plus à ce niveau-là. On a perdu les commissions scolaires protestantes, on a perdu les animateurs religieux protestants ? on en a perdu 55 ? on a perdu 11 écoles confessionnelles à projet éducatif et on a perdu nos représentants, par exemple le sous-ministre associé de foi protestante. Et donc ce que, nous, on dit, la table: on vous invite à être sensibles à la présence des minorités culturelles et religieuses parce que, dans le passé, justement, malgré une assurance que nous avait donnée la ministre de l'Éducation à l'époque, Mme Marois, qui est ici présente... Par voie de lettre, elle nous avait dit qu'elle protégerait nos écoles, mais malheureusement, quelques années plus tard, on a vu que nos écoles ont été fermées. Et donc, évidemment, la communauté protestante a été marquée et attristée de ces décisions-là.

C'est pourquoi, nous, ce qu'on propose, c'est que, dans la sphère publique, il puisse y avoir un programme unique d'enseignement moral et religieux qui touche trois dimensions: premièrement, nos racines judéo-chrétiennes. C'est important que tous les élèves du Québec puissent comprendre et puissent avoir un bon survol historique et de bonnes connaissances sur nos racines judéo-chrétiennes, donc qui sont les gens qui ont marqué l'histoire du judéo-christianisme. Dans un deuxième temps, on croit qu'il y a une place, dans le système public, pour la diversité religieuse parce que ça fait partie d'un phénomène social qui est présent. Et, dans un troisième temps, eh bien...

Je ne sais pas si, M. le Président, je pourrai distribuer une documentation supplémentaire, si ça fait partie des règlements.

Le Président (M. Chagnon): Vous en faites le dépôt?

M. Lanthier (Éric): Oui.

Document déposé

Le Président (M. Chagnon): Alors, nous acceptons le dépôt.

M. Lanthier (Éric): D'accord. Et, dans un troisième temps, nous pensons que, d'une manière concrète, l'école doit développer le caractère chez l'élève, donc chez l'enfant, parce que c'est bon de lui transmettre des valeurs, mais c'est important qu'on puisse voir à ce qu'il puisse appliquer ces valeurs et ces valeurs puissent faire partie du vécu. Alors, ce qu'on croit: il pourrait y avoir une banque d'une trentaine, par exemple, d'éléments de caractère ou de vertus à prioriser, et, dans chaque école, eh bien, là, le conseil d'établissement pourrait dire: Bon, bien, cette année, on travaille sur telle vertu et puis ça fait partie du projet éducatif, ou ça fait partie justement de la vision de l'école. À ce moment-là, on pourrait travailler sur des éléments importants. Parce qu'il y a des écoles, par exemple, qui sont... Vous rentrez dans l'école et puis vous voyez qu'il y a le désordre, c'est clair. Il y a besoin d'un travail là-dessus. D'autres, vous allez dans une salle de classe, et puis les enseignants vont dire: Bien, écoutez, on a de la difficulté à voir à ce que nos enfants puissent remettre leurs travaux à temps. Donc, en ciblant, par exemple, certaines vertus ? par exemple l'assiduité, ça peut être la loyauté, ça peut être le respect à l'autorité ? là, à ce moment-là, ça pourrait faire partie des compétences aussi transversales qui pourraient être renforcées.

Le Président (M. Chagnon): ...

M. Lanthier (Éric): Pardon, M. le Président?

Le Président (M. Chagnon): J'ai dit «la gentillesse», mais...

M. Lanthier (Éric): Exact. Merci. Et donc, nous, ce qui nous inquiétait, par exemple, lorsqu'on a lu l'avis du Comité sur les affaires religieuses, c'est que la question de la famille et des parents semblait... en tout cas ne semblait pas être très présente. À cinq reprises, sur les huit utilisations du mot «famille», il est fait mention que l'école a pour rôle d'aider l'enfant à se distancier de sa famille et être modéré face à ses croyances. Donc, pour nous, on est inquiets par rapport à cette dimension-là. Donc, pour nous, c'est important, le droit des parents, parce que l'école doit jouer un rôle, si on veut, de continuité et de partenariat avec les parents. Parce que les enfants n'appartiennent pas à l'État, ce sont les enfants qui sont sous la responsabilité des parents. Et l'école est un service qui est offert, qui est géré par l'État, mais c'est un service qui est offert à la famille. Du moins, c'est ce qu'on croit.

Donc, si on veut faire un résumé, eh bien, nous, la Table de concertation, on croit que les parents doivent avoir un rôle central, un rôle de décision important. On croit, à ce moment-là, que les parents devraient avoir le droit de mettre sur pied une école à projet particulier, qu'elle soit sports-études, arts-études ou confessionnelle. On croit que le financement devrait suivre l'enfant dans le choix de l'école des parents. Et, en matière d'enseignement religieux, eh bien, on croit que le programme doit avoir trois volets, dont une bonne base judéo-chrétienne, donc nos racines judéo-chrétiennes, la diversité religieuse et le développement du caractère. Merci, M. le Président, chers membres du comité.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie beaucoup. M. le ministre.

M. Fournier: Merci, M. le Président. M. Lanthier, bonjour et merci d'être avec nous. J'ai lu votre mémoire, je vous ai écouté. Le mémoire est un peu différent de la présentation que vous avez faite, il était plus élaboré et touchait à d'autres matières. J'ai vu qu'au détour on parlait même de revoir les structures des commissions scolaires et des écoles. Alors là on était dans un champ bien différent.

J'ai accroché sur un élément. Vous dites: En démocratie... C'est à la page 2. «En démocratie, le ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport doit pouvoir permettre aux parents de mettre de l'avant tout projet éducatif favorisant l'émancipation de leurs enfants.» On a en ce moment, ce qui est sur la table, un projet qui a été décrit par un certain nombre qui sont venus ici... Puis je fais attention, pas tous, il y a un groupe hier qui est venu dire que de donner des connaissances sur plusieurs religions pourrait entraîner de la confusion. Cependant, tous ceux à qui nous avons posé la question pour savoir si selon eux tel était le cas, ils ont tous dit plutôt le contraire, en fait catégoriquement le contraire, à l'effet qu'il allait permettre une meilleure appropriation du religieux, si on veut, une meilleure compréhension. Et c'est le contraire de la confusion, en fait. C'était: la connaissance allait permettre un meilleur discernement. Et je sais, bon, d'abord parce que nous en avons déjà discuté, parce que vous en avez aussi parlé un peu, que, dans vos écoles, de manière générale, il y a une approche d'ouverture par rapport à la diffusion de la connaissance à l'égard d'autres religions, sur la pluralité.

Alors, j'aimerais que vous situiez votre mémoire par rapport à l'idée, parce que je sais bien qu'elle ne dit pas que ça, votre présentation, aujourd'hui, mais par rapport à l'idée d'accepter qu'il y a diverses religions et de l'utilité qu'elles soient communiquées aux jeunes. Est-ce que, vous, vous croyez à ça ou est-ce que vous croyez que les expériences que vous menez sont à l'effet que cela entraîne de la confusion et qu'il ne faudrait pas le faire?

M. Lanthier (Éric): Bien, je pense que ça nous ramène à notre énoncé puis à nos convictions de base, c'est qu'on croit que l'école appartient aux parents. Donc, si, dans une école, les parents privilégiaient peut-être que cette dimension-là soit moins couverte, eh bien, on croit que l'école devrait suivre la volonté des parents. Donc, nous, on ne propose pas une solution mur à mur, on propose plutôt une solution décentralisée.

Ceci étant dit, nous sommes ouverts à l'enseignement de la diversité culturelle, mais ce qui serait peut-être important, c'est de le repousser un peu plus vers le secondaire, à ce moment-là, parce qu'on croit que... C'est vrai peut-être pour des enfants du primaire, que ça peut amener certains éléments de confusion. Cependant, ça ne veut pas dire que ça ne doit pas être traité. Et ça revient à l'aspect que la formation des maîtres doit jouer un rôle très important à ce niveau-là. Il va falloir considérer l'âge et le développement de l'enfant.

Un des points qui nous chatouillent, puis je l'ai mentionné tout à l'heure, c'est la question du lien entre l'enfant qui vit dans une réalité, avec des concepts religieux, qui arrive à l'école, et on lui amène une approche et on le remet en question. C'est peut-être cette approche-là de remise en question trop jeune qui amène certains groupes ou certains parents à être craintifs, et je pense que c'est là la nuance qui est importante.

n(16 h 10)n

M. Fournier: À partir du moment où vous savez, puisque vous avez lu la documentation, que l'enseignement sera progressif, qu'il tiendra compte de l'évolution de l'enfant, donc, jusqu'à un certain point, prendra acte des inquiétudes... Puis on ne donne pas non plus l'information puis les connaissances n'importe comment. Il est vrai que, dans le programme qui sera constitué, un des volets qui est bien regardé, c'est justement que ce soit progressif. Donc, le mode de partage de la connaissance, lorsqu'il s'y arrête, est une des modalités qui permettent d'éviter la confusion, est plutôt de développer une meilleure appropriation, chez l'enfant, de ce qu'est le religieux dans la société qui l'entoure.

Maintenant, vous revenez assez régulièrement sur l'aspect de la famille par rapport à l'école, comme actionnaire de l'école, une espèce de coopérative pour le bien de ces parents-là. Maintenant, tous les groupes qui sont venus ici n'ont pas dit: Il n'y a pas d'opposition entre le fait que la famille soit un endroit... excessivement de l'éducation, et particulièrement de l'éducation à la foi, puisque c'est là d'abord que se fait le choix sur d'autres lieux de diffusion de connaissances qui amènent non seulement de la connaissance, mais aussi de l'adhésion à la foi, que ce soient les églises, les temples ou autres. Et donc ça continue d'exister.

Dans le système de la société que nous aurons, une fois ce projet de loi adopté, il y aura des écoles qui enseignent, qui donnent des connaissances, qui permettent d'ouvrir tout le monde sur la découverte de l'autre aussi. Ce n'est pas chacun dans son coin qui, au gré d'un petit groupe, va dire: Moi, je veux connaître seulement mon groupe à moi. Il y a une volonté collective, si je peux me permettre, qui vient dire: Nous souhaitons que chacun ait une connaissance de l'autre. Certains peuvent le présenter comme étant restreindre la liberté des parents qui voudraient eux-mêmes restreindre la connaissance à l'égard des autres, mais nous croyons que de permettre à tous les enfants d'avoir accès à une connaissance chez les autres, ce n'est pas brimer la liberté, c'est offrir des outils de plus avec lesquels les parents pourront alors faire le choix, qu'ils continuent d'avoir, de choisir l'Église ou la confession de leur choix.

Est-ce qu'il n'y a pas une construction intellectuelle qu'on peut faire à partir de ça? On ne brime pas la liberté des parents, on donne des outils pour qu'ils expriment leur liberté de façon mieux avisée.

M. Lanthier (Éric): Bien, M. le ministre, avec tout le respect que j'ai pour vous...

M. Fournier: ...remarquez bien.

M. Lanthier (Éric): Bien, oui, oui, puis c'est fait pour ça, un débat. Je pense que, oui, on brime la liberté parce qu'on empêche les parents de pouvoir mettre sur pied des écoles qui sont conformes à leurs croyances, chose qui était un droit constitutionnel dans le passé, qui nous était acquis. Ce n'est pas quelque chose d'hurluberlu, ça existait, dans un premier temps.

Dans un deuxième temps, moi, j'ai fait mon mémoire de maîtrise sur l'école La Source, qui est une école confessionnelle protestante, et j'ai étudié tous les élèves qui ont été à l'école La Source, de la maternelle au secondaire V, et aucun d'eux n'a doublé. Et la raison pour laquelle j'ai essayé de savoir pourquoi, c'est que les valeurs qui étaient prônées à l'école, à la maison et à l'église étaient les mêmes, et il y avait un sentiment de sécurité qui était là. Et ça n'empêchait pas l'école La Source d'avoir des activités et des projets avec d'autres écoles, avec des gens du milieu qui n'étaient pas protestants.

Le programme qui est offert, c'est un programme qui enseigne... Le programme d'enseignement religieux qui est enseigné à l'école La Source, c'est un programme qui enseignait la diversité religieuse. Et donc, si vous acceptez la proposition des protestants, où est-ce que le cours unique inclut la diversité religieuse, même si on avait une école subventionnée à 100 %, confessionnelle protestante, ou juive, ou etc., eh bien, à ce moment-là, l'école serait tenue d'enseigner la diversité culturelle et il pourrait y avoir des modalités qui encourageraient l'école à avoir des liens et vivre des projets avec d'autres communautés. Et là, à ce moment-là, les parents ne seraient pas brimés dans leur liberté, dans leurs droits fondamentaux, et les objectifs bien fondés du ministère seraient respectés.

M. Fournier: Juste pour être sûr que je comprends bien, vous êtes d'accord avec le fait qu'il y ait un cours d'éthique et de culture des religions. Est-ce que je comprends ça? Vous seriez d'accord avec ça?

M. Lanthier (Éric): Bien, oui...

M. Fournier: À moitié?

M. Lanthier (Éric): Non, non. Oui, mais pas nécessairement dans l'esprit dans lequel il a été véhiculé. Comme vous le disiez, il y a une question progressive, il faut tenir compte de l'âge, mais seulement si, par exemple, on a une bonne fondation des éléments de nos racines judéo-chrétiennes et le développement du caractère. Ça va ensemble, ça. Parce que, si on met un accent sur la diversité religieuse et on noyaute là-dedans le christianisme, là, à ce moment-là, ça laisse croire aux parents... comme si l'État devenait un peu la conscience collective en disant: Nous, on est au-dessus de toutes les religions puis on veut juste vous dire qu'il y en a quelques-unes. Par contre, s'il y a un élément historique qui est bien ancré dans le programme en disant: Le Québec, là, il y a un arrière-plan historique qui est judéo-chrétien, et on peut comprendre le Québec maintenant en comprenant cette réalité-là, et on ouvre la porte à la diversité, là, à ce moment-là, on est à l'aise.

C'est juste que, nous, on recentre, si on veut, le discours. Ce n'est pas qu'on met ça gauche, droite. Nous, on veut revenir au centre en disant: Il y a une place pour chacun.

M. Fournier: Je comprends que vous souhaitez garder le caractère confessionnel protestant, mais vous êtes ouvert à une diversité. Donc, c'est ce que vous ajoutez comme modalité.

M. Lanthier (Éric): O.K. Bien, le caractère confessionnel protestant, c'est un choix dans la mesure que c'est un choix des parents là où le nombre le justifie, au même titre qu'une école pourrait être catholique, au même titre qu'une école pourrait être publique, laïque, sans religion, mais, dans toutes les écoles du Québec, il y aurait le cours unique en trois volets.

M. Fournier: Là, en ce moment, on a un système, je dirais, de classes à option, de cours à option. Vous proposez des écoles à option, ni plus ni moins. Je ne me souviens pas si vous en parlez dans votre mémoire. Il me semble. Peut-être. Mais on entend plusieurs groupes qui viennent nous parler de la difficulté en ce moment de vivre ne serait-ce que les options d'aujourd'hui. On peut prétendre qu'il y a régime à option aujourd'hui, ceux qui vous ont précédé, comme d'autres avant, nous ont dit que le statu quo n'est pas viable parce qu'on n'a pas les maîtres pour le faire. C'est aussi simple que ça. L'instabilité, le fait que, les gens, ça ne colle plus...

On aura la CSQ tantôt. On aura sûrement l'occasion de parler de ce que vivent les enseignants comme étant ceux qui sont responsables de l'enseignement là-dessus. Mais que la capacité organisationnelle d'offrir la méthode actuelle d'options ne fonctionne plus... Vous étiez avec nous, le groupe qui est passé devant vous nous l'a dit de façon très, très, très claire, les commissions scolaires, un peu plus tôt, ce matin. Alors, est-ce que ce que vous nous proposez, qui est finalement de multiplier les options en fonction de l'ensemble des confessions qui voudraient l'avoir... Parce que bien sûr vous ne proposez pas ça pour une seule confession, vous le proposez pour une panoplie dont je ne connais pas la fin. Alors, comment est-ce qu'on peut organiser la chose? Si le régime à options, assez limité néanmoins, aujourd'hui, au niveau organisationnel, ne fonctionne pas, comment est-ce qu'on va y arriver? Prenez un détour en même temps pour me dire à combien on peut voir le nombre de possibilités d'écoles au choix des parents.

M. Lanthier (Éric): M. le ministre, je dois dire que je reconnais vos bonnes qualités de «debater» là-dessus. Dans un premier temps, on ne propose pas un régime d'options pour le cours d'enseignement moral et religieux, on propose un modèle unique pour ce cours-là. Le régime d'options, c'est sur le projet éducatif. Maintenant, si on se fie aux 11 écoles protestantes qu'il y avait dans le passé, elles ont pu naître grâce à la volonté des parents, en partenariat avec les instances qui étaient là, donc par les commissions scolaires, et ce sont tous des projets éducatifs qui ont été performants. Ce n'étaient pas des élèves... Les élèves n'étaient pas acceptés en fonction de leur performance, mais, à cause de la dynamique dans l'école, les résultats étaient concluants. Donc, lorsqu'il y a un nombre de parents... Par exemple, pour avoir une école viable, ça prend au moins 250 élèves minimum, et, pour avoir 250 élèves, il faut ramasser des parents, il faut les mobiliser, faire des réunions. Ce n'est pas évident. Ce ne sera pas facile. Donc, ce ne sera pas la multiplicité des écoles qui vont arriver puis vous allez avoir 150 projets la semaine prochaine. Ça, ce n'est pas la réalité.

Donc, si on ouvre la porte aux options, eh bien, on est en train de dire aux parents: On croit que vous êtes capables de monter un projet responsable; démontrez-nous-le, puis, si ça a du bon sens, on l'accepte et, si ça n'a pas de bon sens, on ne l'accepte pas. C'est ce qui va faire qu'il va y avoir des projets qui ne viendront pas à terme, qui vont arriver sur votre bureau, et votre équipe autour de vous va leur dire non, tout simplement. Mais par contre il y aura des projets qui vont fonctionner et qui vont être drôlement intéressants pour les enfants.

M. Fournier: J'ai un peu de difficultés à voir le système où on reconnaît une possibilité mais où il y a une espèce de discrétion ministérielle qui n'est pas toujours évidente à exercer avec les notions que vous mettez sur la table. Mais peu importe.

n(16 h 20)n

Est-ce que je comprends que les projets d'école dont vous me parlez sont des projets d'école où les élèves qui sont admis à l'école sont des élèves d'une confession? Ils vont peut-être, à cette école-là, avoir des apprentissages sur d'autres religions, parce que vous trouvez intéressant, je crois bien, de donner cette diversité en partage. Mais les projets d'école dont vous parlez, c'est là où il y a des parents, actionnaires de cette école, qui se réunissent parce qu'ils sont membres d'une même confession. Ils disent: Nous, on va se donner un projet éducatif qui colle à notre confession. Donc, ce que vous nous proposez ? je peux me tromper, là, j'essaie de voir ? c'est une école où il y a une confession et c'est celle qui réunit, le fil conducteur de chacun des élèves. Et donc, jusqu'à un certain point, si c'est le cas, est-ce que ça ne s'éloigne pas d'un des objectifs que nous avons, de faire que les jeunes de confessions diverses apprennent ensemble, et non pas chacun dans son coin, ce qu'est l'autre? Est-ce qu'il n'y a pas... Et là, à ma deuxième question, peut-être que vous allez me dire non, parce que je me suis fourvoyé à la première, mais je vous laisse me dire que je me suis trompé aux deux.

M. Lanthier (Éric): Bien, moi, je pourrais vous dire que, si c'est le cas, si ce que vous dites est vrai, ça veut dire que les enfants ne joueront plus dans les cours d'école, n'iront pas jouer au hockey, n'auront pas des activités communes en dehors de l'école. Ça, c'est ça que ça veut dire.

M. Fournier: Mais ils passent beaucoup de temps à l'école. Alors, consacrons-nous au temps qu'ils passent à l'école pour voir s'ils sont ensemble à l'école et dans la cour d'école, aux récréations.

M. Lanthier (Éric): Bien, nous, on croit que c'est aux parents à transmettre un héritage, contrairement à ce que Jean-Jacques Rousseau dit, parce que Jean-Jacques Rousseau, lui, dit que les parents, ils corrompent, en transmettant un héritage, les enfants. Nous, ce qu'on dit, c'est: L'école appartient aux parents...

Le Président (M. Chagnon): Ce n'est pas une citation exacte, là.

M. Lanthier (Éric): Pardon?

Le Président (M. Chagnon): On s'entend-tu pour dire que ce n'est pas la citation exacte?

M. Lanthier (Éric): Non, non, mais...

Le Président (M. Chagnon): La société...

M. Lanthier (Éric): Non, mais je ne veux pas rentrer dans tous les détails, mais on se comprend. On se comprend bien là-dessus. Nous, où est-ce qu'on part du principe, c'est: l'école, elle doit appartenir aux parents, le parent doit avoir un rôle central là-dedans, il doit avoir un pouvoir de décision, il doit avoir un pouvoir de décision sur l'orientation de l'école. Et la question, moi, que je me pose à mon tour, c'est: Pourquoi c'était correct en 1999 puis pourquoi ce n'est plus correct en 2005? En six ans, pourquoi c'est... Et pourquoi ce n'est plus correct tout d'un coup, alors que ça l'était? C'était la volonté des parents et ça fonctionnait bien. Alors, je me dis, il était où, le problème? Est-ce que ces enfants de... Ces enfants n'étaient pas sectaires, ça n'a pas fait des gens qui ont été... En anglais, on dit «narrow-minded». Ça a été des gens qui ont grandi, puis qui sont dans la société à l'heure actuelle, puis qui fonctionnent très bien.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie beaucoup, M. le ministre.

M. Fournier: Mais je terminerais en vous suggérant d'aller voir la transcription de ce que la Fédération des comités de parents nous a suggéré, ça donne un certain point de vue sur ce qui s'est passé depuis cinq, six ans et sur la raison pour laquelle ils ont changé leur position à l'égard du projet.

M. Lanthier (Éric): D'accord. Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Chagnon): Et, si ta citation de Rousseau est bonne, ça devrait être: L'homme est bon, la société le corrompt.

Mme Marois: C'est ça, c'est la société qui le corrompt.

Le Président (M. Chagnon): Alors, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: C'est ça, l'homme est fondamentalement bon, et c'est la société qui par son influence vient le corrompre.

Le Président (M. Chagnon): Voilà. Je ne suis pas très «rousseauiste» moi-même.

Mme Marois: Alors, je vous souhaite la bienvenue au nom de notre formation politique. Ça me fait plaisir de pouvoir échanger avec vous.

Bon, peut-être revenir évidemment sur certaines affirmations au mémoire qui m'interpellent personnellement. Il est vrai que nous avions, au moment où nous avons changé la Loi constitutionnelle, enfin proposé un amendement à la Loi constitutionnelle pour introduire les commissions scolaires linguistiques, qu'à ce moment-là et dans la foulée des changements que nous avons obtenus nous avions convenu que les statuts des écoles protestantes ou catholiques ne seraient pas changés à ce moment-là. Mais ce n'était pas un engagement pris pour l'éternité. Et par ailleurs, quand vous faites référence à juillet 2000...

Le Président (M. Chagnon): Je suis obligé de vous interrompre.

Mme Marois: ...d'abord, un, je n'étais pas ministre de...

Le Président (M. Chagnon): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Oui. Pardon?

Le Président (M. Chagnon): Je suis obligé de vous interrompre, on a un vote.

Mme Marois: Un vote?

Le Président (M. Chagnon): Un vote.

Mme Marois: Bon! D'accord.

Le Président (M. Chagnon): Alors, je suis obligé en même temps de vous interrompre aussi, pauvre M. Lanthier. Nous allons aller voter, nous allons revenir.

M. Lanthier (Éric): ...

Le Président (M. Chagnon): On vous garde. On vous garde.

M. Lanthier (Éric): D'accord.

Le Président (M. Chagnon): Vous n'êtes pas en otage, mais on vous garde. Dans une quinzaine de minutes, on devrait être ici. Ça va? Alors, je suspends l'assemblée pour quelques minutes, le temps d'aller voter.

(Suspension de la séance à 16 h 24)

 

(Reprise à 16 h 49)

Le Président (M. Chagnon): Vous m'excuserez, je suis allé saluer mon ancien président de syndicat local, quand j'étais président de la commission scolaire régionale de Chambly. Alors, des vieilles connaissances, des vieilles connaissances.

Une voix: ...

Le Président (M. Chagnon): Bien oui, je sais. Alors, nous reprenons nos travaux, et c'est à vous, Mme la députée de Taillon. Vous pouvez continuer votre exposé.

Mme Marois: Merci. Je vais simplement finir mon intervention, là, puisque je suis interpellée dans le mémoire. Je voudrais simplement rappeler à... voyons! pardonnez-moi, à M. Lanthier. J'allais dire «Éthier», mais je savais que ce n'était pas... M. Lanthier. En juillet 2000, s'il s'est fermé des écoles, c'était évidemment sous la gouverne des commissions scolaires parce que c'est les commissions scolaires qui ont cette responsabilité, et ce n'est pas généralement le ministre ou la ministre qui indique quelles écoles fermer, s'il y a lieu d'en fermer.

n(16 h 50)n

Mais mettons ça de côté, et je veux plutôt revenir sur le fait que la Fédération des comités de parents, la Fédération des commissions scolaires étaient, en 1999, lorsqu'il y a eu le dépôt du rapport du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école, en désaccord avec le fait qu'on enlève la clause «nonobstant», et voulaient plutôt la conserver, et sont venues, depuis deux jours, plaider dans le sens inverse et le sens contraire. Et, en ce sens-là, évidemment, il n'y a pas que des décideurs politiques qui peuvent proposer d'autres avenues, mais entendre des avenues proposées par des partenaires de l'éducation, et, entre autres, ceux-là sont venus nous dire qu'ils croyaient que maintenant il était préférable et souhaitable de ne plus recourir à la clause «nonobstant» ou à la clause dérogatoire. Bon.

Alors, moi, je voudrais revenir sur la discussion que vous avez eue avec le ministre et sur vos propos. Est-ce que le risque que comporte votre proposition de dire: Il y aura un projet particulier pour chaque école, selon ce que les parents souhaiteraient, ce n'est pas de ghettoïser finalement le milieu scolaire et d'aller à l'encontre de ce que nous proposons par l'intermédiaire de l'école? C'est: que le lieu école soit le creuset pour l'intégration des nouveaux Québécois, entre autres, et soit un creuset pour qu'ensemble on partage un ensemble de valeurs, ce qui rejoint d'ailleurs, me semble-t-il, certains de vos propos et recommandations. Et, en ce sens-là, est-ce que le risque de ghettoïsation est pas mal plus grand que le risque de voir des jeunes ayant plus d'information être amenés par la suite à faire des choix qui sont peut-être différents mais qui seront peut-être plus éclairés, au plan religieux entre autres?

M. Lanthier (Éric): Je ne crois pas. Je ne crois pas parce qu'une religion n'est pas un ghetto en soi. Donc, si quelqu'un fait partie d'une famille religieuse, il ne fait pas partie d'un ghetto. Donc, au même titre, dans une école confessionnelle, il ne fait pas partie d'un ghetto.

D'autre part, Michel Venne, à l'époque du débat, lorsqu'il y avait la question du rapport Proulx, mentionnait que le problème des écoles à projet particulier confessionnel, c'est un problème de transport. Souvent, les écoles à projet particulier confessionnel, parce que justement c'est difficile de réunir 250 élèves, ça devient des écoles régionales, ce qui fait que les gens viennent d'un peu partout. Donc, il n'y a pas un ghetto sur le plan géographique, c'est des gens qui viennent de plusieurs milieux.

L'autre aspect, c'est que, l'ouverture ? moi, je prends le modèle protestant parce que c'est celui que j'ai connu ? l'ouverture des protestants par rapport aux autres cultures, le programme d'enseignement religieux protestant démontrait l'ouverture des protestants à l'époque parce que c'est eux qui ont popularisé, si on veut, le concept de diversité culturelle à l'intérieur du programme. Eh bien, l'ouverture avec les gens qui étaient non protestants était très présente. On avait des activités, par exemple, de basketball avec d'autres écoles qui n'étaient pas protestantes. Il y avait des activités pour aller dans le milieu, les parents étaient souvent impliqués avec d'autres écoles, etc., ce qui faisait qu'on n'a pas remarqué un phénomène de ghettoïsation.

Et je me souviens que votre collègue M. Garon à l'époque, quand il avait visité l'école La Source, à Chicoutimi, était revenu après ça, avait fait une déclaration publique. Il disait: L'école idéale, c'est une école de 250 élèves qui part de la maternelle à secondaire V. Et c'était le lendemain d'avoir visité notre école, qui était l'école La Source, qui représentait ces caractéristiques-là. Donc, je crois que c'est un mythe, ça, la question de la ghettoïsation, et malheureusement c'est un mythe qui fait obstacle aux droits des parents.

Mme Marois: Oui, mais on peut au moins observer un fait: réunir ensemble des gens qui soit ont une même culture, une même histoire ou partagent essentiellement les mêmes convictions sans échanger ou partager avec des gens qui ont des convictions différentes, c'est sûr qu'en tout cas ça divise la société et ça la sectarise, dans un sens, et, en ce sens-là, moi, j'avoue que je suis un petit peu mal à l'aise avec cela. Et je ne nie pas que les écoles protestantes aient été très accueillantes et très ouvertes pour les parents et les enfants qui les fréquentaient et que les directions qui en assumaient la responsabilité aient été effectivement accueillantes et aient permis de recevoir des jeunes qui ne partageaient pas nécessairement les mêmes points de vue religieux. Mais en même temps je pense qu'il faudrait plutôt arriver à ce que l'école soit justement un lieu commun d'intégration plutôt qu'un lieu où on catégorise, classifie et éloigne les jeunes les uns des autres.

Je veux revenir sur une affirmation que vous faites, dans votre document, sur... En fait, attendez un peu, là, c'est au... J'essaie de voir. Bon, c'est ça, ici. Vous faites un certain nombre de recommandations et, à la page 7, vous nous dites, au point 4: «Que le programme favorise et encourage la création de liens entre les volets moral et religieux du programme», bon, etc. Mais vous nous dites à la fin ? moi, ça m'agace un peu: «Qu'une importance particulière soit portée au développement du caractère, tout en évitant de faire de la religion un outil promotionnel de valeurs civiques chères à l'État, mais parfois contraires aux croyances des familles.»

En quoi des valeurs civiques peuvent être contraires aux croyances des familles? C'est quoi, les valeurs civiques pour vous?

M. Lanthier (Éric): Bien, dans le sens... Non, ici, on parle de... On n'a pas spécifié quelles sont les valeurs civiques, mais, nous, on part du principe que justement, si, par exemple, une communauté, qu'elle soit protestante, qu'elle soit catholique, qu'elle soit bouddhiste... Je vais donner l'exemple de l'Halloween. Chez certains parents, qu'ils soient religieux ou non, la dimension morbide de l'Halloween, avec les sorcières, les têtes de mort, ça ne leur plaît pas, et j'avais demandé, lors du rapport Proulx, à des gens qui étaient impliqués au niveau du changement au niveau de la religion: Si on veut fêter Noël dans une école qui ne sera maintenant plus confessionnelle ? parce que, là, il était question de la loi ? est-ce que, par exemple, les parents sur un conseil d'établissement pourraient intervenir puis dire: On va fêter Noël conventionnel, chrétien, parce que c'est une fête qui est établie? Ils ont dit non à cause du droit de conscience. Et alors j'ai posé la question: Mais, s'il y a des parents qui par conscience ne veulent pas qu'il y ait une fête de l'Halloween sous le couvert morbide, est-ce qu'ils peuvent contester une décision du conseil d'établissement? Et là on nous a répondu: Non, parce que c'est un consensus. Alors, c'est comme s'il y avait deux poids, deux mesures.

Alors, ici, si on prend ? c'est un exemple, ce n'est pas le seul ? si on prend, par exemple, un État qui devient la conscience collective de la culture commune, là, à ce moment-là, nous, on n'est pas en accord. On ne veut pas que l'État devienne la conscience collective de la culture commune. On veut que la culture émerge, vienne des familles, et c'est là qu'est notre préoccupation.

Mme Marois: Vous me permettrez d'être un peu en désaccord, là. Disons que l'État ne fait pas la promotion de la fête de l'Halloween, mais l'État peut faire la promotion de l'équité, de la solidarité, de la justice, du respect. Ça, ce sont des valeurs, valeurs humanistes d'ailleurs, qu'on peut véhiculer, et souhaiter que ces valeurs soient partagées, connues, intégrées, assumées et vécues, surtout qu'on appuie son vécu sur cela.

Le Président (M. Chagnon): La tolérance.

Mme Marois: La tolérance, c'est un autre exemple. D'ailleurs, votre petit dépliant ici en donne un certain nombre d'exemples.

M. Lanthier (Éric): Mais, nous, c'est qu'on n'est pas en contradiction avec ça. Ce qu'on dit: ça doit partir de la volonté des parents et non pas être imposé par l'État. C'est là où est-ce qu'on ne se rejoint pas.

Mme Marois: Alors, il y a effectivement un certain désaccord à cet égard-là, et, moi, je pense que, là, c'est quelque chose de très fondamental parce que c'est une philosophie à l'égard de l'école dans le fond que vous ne partagez pas ou avec laquelle vous êtes en désaccord. Que chaque école ait son projet éducatif, d'abord c'est possible. En vertu de la Loi de l'instruction publique, actuellement, avec les conseils d'établissement, chaque école peut avoir son projet éducatif. Ce que vous dites dans votre document, c'est tout à fait possible. Ce qu'on dit cependant, c'est qu'il y a, dans le curriculum, des matières de base qui, elles, doivent être enseignées à tous les enfants, peu importent leur origine, leur couleur, leurs convictions, le lieu où on demeure au Québec, et c'est ce qui fait qu'on est capable ensuite, avec plus d'information et avec de meilleures connaissances, de porter un jugement critique sur sa société et de faire des choix éclairés. Et il me semble que ça, c'est un rôle qui appartient à l'école.

Le projet de programme ? enfin, de programme, je ne devrais pas dire ça, là ? mais les éléments d'un projet de programme qu'on retrouve dans le document que le ministère a rendu public, que le ministre a rendu public il y a quelques semaines, là ? je recherche le titre ? qui s'appelle La mise en place d'un programme d'éthique et de culture religieuse ? Une orientation d'avenir pour tous les jeunes du Québec, est-ce que ça vous apparaît répondre en partie à vos craintes, à vos souhaits ou à vos espoirs?

n(17 heures)n

M. Lanthier (Éric): Non, bien, dans le sens que... Non, malheureusement. Encore une fois, la place de la famille, du parent... le pouvoir donné aux parents n'est pas suffisamment significatif pour nous. Nous, on croit que c'est aux parents à avoir plus de pouvoir.

Vous avez cité la question du conseil d'établissement. Lorsque j'étais conseiller de stage à l'université, moi, je rencontrais des directeurs d'école puis je leur disais: Puis, comment ça va, au conseil d'établissement? Est-ce que les parents prennent leur place? Ils disaient: Non, on ne leur dit pas trop c'est quoi, leur pouvoir, parce qu'ils prendraient trop de place. Alors ça, c'est des réalités sur le terrain qui sont déplorables. Et ce qu'on dit: Est-ce qu'il y a moyen de donner plus de pouvoir aux parents et que les parents deviennent des partenaires actifs? Donc, c'est pour ça que, nous, la question du financement devenait un bon moyen pour les rendre plus actifs, les responsabiliser, leur donner une forme d'imputabilité. C'est pour ça.

Mais, moi, M. le Président, est-ce que je peux poser une question à l'opposition?

Le Président (M. Chagnon): ...poser une question, en tout cas.

M. Lanthier (Éric): Pardon?

Le Président (M. Chagnon): Vous pouvez m'en poser une à moi. Quelle est la question?

M. Lanthier (Éric): Bien, moi, la question que je me pose, parce qu'on s'inspire essentiellement du modèle amérindien fédéral en ce qui concerne les écoles à projet particulier, la question que la communauté protestante se pose, c'est: Est-ce qu'advenant le cas d'un Québec souverain, puisqu'il semble que le Parti québécois ne va pas...

Mme Marois: Je vais peut-être répondre, tiens.

M. Lanthier (Éric): ...parce que le Parti québécois...

Des voix: ...

Mme Marois: Mais on m'interpelle, alors...

Le Président (M. Chagnon): On va commencer par vous permettre de poser votre question. Il reste deux minutes, alors...

M. Lanthier (Éric): Parfait. Non, mais c'est parce qu'advenant un Québec souverain, puisque, la Loi sur les Indiens, les articles 115 à 121 sont de juridiction fédérale et puisqu'ils ne reconnaissent pas la validité de notre projet, est-ce que ça veut dire que le gouvernement du Parti québécois va changer les lois pour ne plus permettre aux Amérindiens d'avoir des écoles confessionnelles, protestantes ou catholiques?

Mme Marois: Alors, vous savez très bien que le Parti québécois a, entre autres, été une des formations politiques qui ont signé des ententes avec les communautés autochtones, qui ont reconnu un certain nombre de droits et qui ont probablement... Nous avons probablement été un des gouvernements et nous avons été le gouvernement qui a été le plus loin à cet égard-là. Alors, je peux vous assurer que, dans le même sens où nous avons agi jusqu'à maintenant, nous continuerions de le faire dans un État souverain.

M. Lanthier (Éric): Mais pourquoi, à ce moment-là, vous les accordez aux Amérindiens et pas aux protestants?

Le Président (M. Chagnon): Si on revenait à notre débat, là?

M. Lanthier (Éric): Oui.

Le Président (M. Chagnon): Parce que vous pourrez vous rencontrer... Je suis certain que vous pourrez vous rencontrer et épiloguer sur le sujet, qui est très intéressant mais qui nous éloigne un petit peu de la clause «nonobstant».

M. Lanthier (Éric): Si vous me permettez, M. le Président, c'est parce que ça touche les écoles protestantes. C'est dans ce sens-là. C'est que, nous, notre inquiétude, c'est: Si on permet aux Amérindiens d'avoir des droits, mais pourquoi, nous, les protestants qui étaient une communauté reconnue par la Constitution, on n'a pas le droit aux mêmes droits? C'est ça, ma question.

Mme Marois: Mais il y a peut-être une différence entre des nations autochtones... Est-ce qu'il y a une nation protestante? Je ne crois pas. Mais il y a une religion, confessionnalité à laquelle adhèrent un certain nombre de personnes, qui en fait un groupe qui partage cette conviction, mais ça n'en fait pas pour autant une nation. Alors, M. le Président, j'ai répondu aux questions soulevées par notre...

Le Président (M. Chagnon): Oui. Je vous remercie beaucoup, M. Lanthier. Nous avons eu un échange qui a été malheureusement interrompu, puis on s'en excuse, c'est normal, ce sont les travaux de la Chambre, normaux, qui font en sorte que parfois nous devons nous quitter. Alors, je vous remercie, je remercie la Table de concertation protestante sur l'éducation et M. Lanthier, et j'invite la Centrale des syndicats du Québec de prendre place pour le débat.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Chagnon): Bienvenue, M. Parent. Vous pourriez nous présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît? Et nous pourrons procéder immédiatement à l'audition de votre mémoire.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

M. Parent (Réjean): M. le Président, donc, à ma gauche, Jocelyn Berthelot, conseiller à la centrale. Je suis convaincu qu'il y a plusieurs députés qui l'ont vu avant aujourd'hui. C'est un vieux conseiller avec un jeune président de centrale et...

Mme Marois: C'est un homme d'expérience.

Une voix: Un conseiller d'expérience.

M. Parent (Réjean): C'est un conseiller d'expérience, effectivement, et je vous dirais que...

Dans l'introduction du mémoire, on réfère à un débat qui a déjà cours depuis plusieurs années, on réfère aux états généraux, mais, moi, je pense que ce débat-là avait commencé bien avant. Comme centrale, il a traversé nos rangs pendant toutes les années quatre-vingt. Un congrès a statué, en 1992, sur une laïcisation, pour une école laïque. Les états généraux recommandaient... dans cette direction-là. Il y a des gestes qui ont été posés par les gouvernements, et je vous dirais que, comme Centrale des syndicats du Québec, on salue le projet de loi n° 95. Je vous dirais que c'est un projet qui à notre avis s'inscrit dans l'évolution du Québec et qui indique clairement l'état des lieux. On voit que, dans la population, il y a, de plus en plus, un accueil dans cette direction, une volonté du vivre-ensemble, et, à ce niveau-là, moi, je pense que le ministre a fait le bon choix.

Et évidemment, comme nous sommes une centrale syndicale ? quelques petits morceaux qui dépassent ? et peut-être une déformation de prof, en corrigeant le devoir, on voudrait y apporter des améliorations et, de ce côté-là...

Le Président (M. Chagnon): ...qu'on ne donne plus des étoiles puis des anges, là.

M. Fournier: Je ne voudrais pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parent (Réjean): Est-ce que vous êtes en manque, M. le Président?

Le Président (M. Chagnon): Non, non, non. Moi, j'en ai eu beaucoup à l'époque. Aujourd'hui, c'est moins à la mode.

M. Parent (Réjean): Bon. Dans un premier temps, dans un premier temps, vous dire: Le projet, ses intentions nous apparaissent claires. C'est sûr qu'on aurait souhaité que ça aille plus vite. Pour avoir déjà échangé avec le ministre, je pense que les éléments de réflexion qui l'ont amené à le placer dans un cadre de trois ans, c'était une volonté de pouvoir assurer une transition confortable, laisser certaines mentalités se préparer, et je pense qu'avec ce que j'entends, ce que je peux voir dans la vie courante, le choix du ministre m'apparaît fort judicieux.

Mais en même temps on peut dire qu'on va régler un bon lot de problèmes, à commencer par les élèves qui fréquentent les écoles. Quand on est un enseignant de carrière, quand on est dans une école, bien on est en mesure de voir les contraintes, je dirais... je ne parlerai pas de ghetto, mais, je veux dire, les séparations des corps qui se font, comment sont identifiés certains élèves, comment ils sont perçus, et avec toutes les incidences même sur l'estime de soi. Donc, de ce côté-là, d'avoir une école qui est neutre, qui est laïque, qui prône des valeurs civiques, qui n'est pas en soi, là, une école dévalorisée ou sans valeur, ça m'apparaît un judicieux choix pour les enfants du Québec.

Pour les commissions scolaires, je pense que ça va définitivement régler un problème d'organisation, là, qui risquait d'être à l'infini. Dans la séance précédente, le ministre mettait le doigt sur la réalité de l'école, je veux dire, comment, à partir d'une structure fondée sur la linguistique... Il reste que, dans certaines écoles, de pouvoir offrir le minimum de services, là, le minimum d'options, c'était déjà une acrobatie. Mais, si en plus on suscite la demande de d'autres confessions...

Puis, ça dit, là, la centrale respecte les convictions religieuses de chacune et de chacun des citoyens. Pas de problème de ce côté-là. Puis, la libre pratique puis la liberté de conscience, ce n'est pas là que le bât blesse. Je pense qu'une école publique doit être une école ouverte, une école ouverte à toutes et à tous, et, de ce côté-là, je pense qu'on règle les problèmes d'organisation.

Du côté de la formation, là aussi, de plus en plus, là, je pense qu'il y avait péril en la demeure, du côté universitaire, en termes de quels cours on donne, on forme qui pour quoi et vers quoi. Donc, message clair.

n(17 h 10)n

Et, chez les enseignantes, enseignants de commission scolaire, là, la liberté de conscience, même s'ils avaient la liberté de demander une exemption, là, quand on est sur le terrain, il faut aller voir les contraintes que ça pose. Et Jocelyn voulait vous donner quelques références. Avant la séance, il disait: Réjean, là, je veux t'expliquer ça. J'ai dit: Mon cher Jocelyn, ma conjointe est enseignante puis elle l'a demandée 10 ans, l'exemption, avec tout ce que ça apporte puis ça comporte. C'est certain, même avec cette possibilité-là, elle ne le demandait pas parce que ça entraînait, je veux dire, une organisation du travail qui était laborieuse. Ça entraînait des options ou des choix qu'ils n'avaient pas envie de faire, où certains avaient des invitations à se priver d'une partie de salaire et à prendre un congé à temps partiel pour pouvoir assumer leurs convictions ou leur liberté. Ça fait que donc, de ce côté-là, c'est un projet de loi qui vient régler somme toute des problèmes d'organisation et des problèmes de conviction ou de liberté.

Et ça m'apparaît majeur, toute la question de favoriser le vivre-ensemble, faire en sorte qu'on crée, qu'on amène finalement des écoles qui seront le reflet d'un Québec qui est ouvert à la diversité et qui va favoriser le vivre-ensemble. Ceci dit, éléments en termes de modifications. On a dit tantôt... Ça, c'étaient les étoiles et les anges qui sont donnés. Bien, pas les anges, mais, mettons, les étoiles. On va en rester aux étoiles. On va en rester aux étoiles. Pour ce qui est de la modification qui nous apparaît souhaitable, qui nous apparaît souhaitable, il y a un élément sur le Comité des affaires religieuses. Le Comité des affaires religieuses, dans le projet du ministre, on dit que, lorsque le comité est appelé à donner son avis, «il peut consulter les groupes religieux ainsi que les personnes ou organismes particulièrement intéressés par la question religieuse». Comme centrale syndicale, tout en respectant les convictions religieuses, on n'est pas nécessairement une organisation qui pourrait prétendre être intéressée par des questions religieuses au plus haut point, en tout cas de première ligne, mais il n'en demeure pas moins que la question religieuse peut nous interpeller. Dans le mémoire, on parle d'accommodements raisonnables dans les établissements scolaires. Comme organisation, on se sent directement interpellés, même si on n'a pas une connotation religieuse, et, de ce côté-là, on pense que le projet aurait le mérite d'être clarifié, et la suggestion qu'on fait en page 7, c'est: lorsqu'il est appelé à donner son avis, le comité peut consulter les organisations intéressées par la question. Donc, ça nous apparaît, là, limitatif que d'en rester soit à une appartenance religieuse ou à un intérêt religieux.

Deuxième série de modifications et, à plus haut niveau, toute la question... Si on dit que la Loi de l'instruction publique doit refléter ce caractère diversifié ou la diversité du Québec, on dit: La Loi de l'enseignement privé doit être du même ordre. On doit poser les mêmes contraintes aux écoles privées qu'on pose aux écoles publiques en termes de liberté de conscience, en termes de programmes d'enseignement, et, de ce côté-là, on considère que des écoles... Puis je pense que ce serait envoyer un mauvais message que de subventionner à outrance des écoles qui se fondent sur la base de projets éducatifs religieux ou carrément d'inspiration confessionnelle. On ne dit pas que les parents n'ont pas le droit d'avoir leurs écoles fondées sur des préceptes religieux, ça leur appartient, ils ont cette liberté-là, mais une liberté qu'ils doivent assumer pleinement, et ils subventionneront leurs écoles. Mais ce serait un mauvais message de poursuivre dans ce...

Je pense que ça se justifie, ce qui a existé dans un passé. Quand on pose la question: oui, mais c'était de même avant, si c'était de même avant, c'est parce qu'on avait un système qui était fondé sur la foi protestante et catholique, judéo-chrétienne, et, dans ce cadre-là, je veux dire, dans un cadre, je dirais, d'accommodement, avant-même que les chartes existent, on a subventionné certaines écoles ethnoreligieuses en termes d'assumer une certaine équité ou égalité ou avec des desseins parfois de favoriser une certaine francisation. Mais, dans le contexte d'un Québec moderne, avec le projet de loi du ministre, où on ouvre des établissements sur une base laïque, on dit: Les mêmes contraintes doivent être posées aux écoles privées, et, dans un contexte où une école privée voudrait se fonder sur un projet religieux, bien, à ce moment-là, il n'y a pas lieu d'aller subventionner, et tout ça dans une dynamique où notre appréhension...

Vous aurez compris qu'on salue le projet de loi, mais on ne voudrait pas qu'il y ait une porte par en arrière où on sonne la cloche pour dire: Bien, sortez des écoles et formez vos établissements, même s'ils ont un caractère régional: une école islamique, une école baptiste, une école méthodiste, une école qui est ultracatholique ou catholique. Là, je ne devrais pas mettre le mot «ultra». Je vais me retenir, quand même.

Donc, dans ce sens-là, en page 8, les recommandations qu'on vous fait, pour les raisons que je viens de vous mentionner, on aurait: le ministre ne peut agréer, aux fins de subventions, un établissement privé d'enseignement constitué à des fins religieuses ou qui s'est doté d'un projet particulier de nature religieuse. Ça peut exister, ces écoles-là, mais pas subventionnées par l'État.

S'assurer dans l'agrément que le ministre s'assure que l'établissement privé d'enseignement respecte la liberté de conscience et de religion des élèves, des parents et du personnel qu'il emploie, ça, on l'a vécu, là, en termes de débat, sur le terrain. On représente du personnel d'établissement privé qui sont dans des écoles confessionnelles où, à un moment donné... les amener soit à porter le voile ou... donc poser des obligations, porter des signes ostentatoires. Donc, de ce côté-là, si on parle d'une école laïque, d'une école ouverte, quand l'État finance, bien il finance des écoles laïques.

Toutefois, l'établissement perd l'agrément... Parce qu'il n'y a pas juste la question pour les nouveaux agréments. Mais, dans le cas de renouvellements ou si on met en place de tels projets, bien l'école perd son agrément, donc sa capacité d'être subventionnée, et tout ça, évidemment, on le sait, ça peut entraîner des modifications, des changements. Certains établissements qui voudront se rattacher au secteur public, bien il faudra prévoir ou envisager des conditions, comme on l'a fait quand il y a eu la fusion des commissions scolaires puis l'intégration ou la création des commissions scolaires sur des bases linguistiques, en 1997, puis qu'on a prévu des mécanismes de transfert pour faciliter les transitions et les passages en douceur.

Autre élément qui nous apparaîtrait, là, une amélioration, c'est par rapport à la charte, l'article 41. Tout en étant conscients que cet article-là n'a pas un caractère juridique contraignant, il n'en demeure pas moins qu'il a le don de semer l'illusion ou la confusion, laissant croire ou laissant entendre à certains parents qu'à partir de leur volonté ils pourraient créer une obligation. Et encore là mettons que les témoignages que j'ai entendus précédemment nous justifient d'autant plus d'apporter des modifications à l'article 41 de la charte qui iraient dans le sens de ce que vous retrouvez en page 10: les parents et, le cas échéant, les tuteurs légaux ont le droit de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions. Donc, on reconnaît cette capacité, cette possibilité. C'est un droit de libre pratique puis de conviction. Mais en même temps on ne saurait imposer aux institutions publiques cette obligation de transmettre la foi.

En conclusion, on terminait le mémoire sur les programmes. Je pense que, de ce côté-là, la prudence du ministre va nous laisser un espace au cours des prochains mois pour continuer d'intervenir. C'est sûr qu'on est très, très intéressés par le développement de ces programmes, à faire une bonne distinction entre éthique et culture, à assurer un suivi, un continuum. Déjà, on sait que, dans le régime pédagogique, on va ramener les cours de formation de la personne. Ça nous apparaît comme le ciment. C'est beau, avoir les matières de base, mais la construction d'une citoyenne ou d'un citoyen... Il faut construire ça sur la base de valeurs, et, de ce côté-là, il y a des éléments intéressants. La continuité n'est pas encore au rendez-vous, mais on va continuer de pousser dans cette direction.

Les conditions de changement, juste un petit rappel. La loi n° 118 a généré des changements que la CSQ a salués, mais en même temps on a été en mesure de voir que toutes les conditions n'ont pas été réunies pour faire en sorte de donner l'impulsion de pouvoir réaliser correctement le travail ? à titre d'exemple, les animateurs de pastorale qu'on a transformés en animateurs de la vie spirituelle et communautaire, bien, si on regarde les conditions dans lesquelles s'exerce cette profession-là aujourd'hui, à toutes fins, là, c'est l'incapacité de faire un bon travail, donc une préoccupation ? tout en transformant le système, pour faire en sorte qu'il puisse garantir la qualité. En conclusion, vaut mieux tard que jamais. Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, M. Parent. En 25 ans qu'on se connaît, c'est la première fois que je peux contrôler votre temps de parole, ou du moins contrôler...

M. Parent (Réjean): Ce n'était pas de même à l'assemblée des commissaires, hein?

Le Président (M. Chagnon): Non, non. Merci beaucoup, M. Parent.

M. Parent (Réjean): Mais on est plus sage en vieillissant, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Oui, oui, c'est ça. M. le ministre.

M. Fournier: Merci. Merci, M. le Président.

Mme Marois: ...

Le Président (M. Chagnon): Ça s'applique à tout le monde.

M. Fournier: M. Parent...

Le Président (M. Chagnon): Ça s'applique à tout le monde. Ça, je pense, ça s'applique à tout le monde, M. Parent, hein?

M. Parent (Réjean): C'est sûr. C'est sûr.

M. Fournier: Bon, on va rappeler à l'ordre le président pour qu'on puisse entamer nos échanges.

Le Président (M. Chagnon): Allez, allez.

M. Fournier: Merci, M. le Président. M. Parent, M. Berthelot, je salue Mme Perreault, si je comprends bien, qui est aussi à l'arrière. Bien, merci de votre présence, et de votre mémoire, et de la façon dont vous l'avez présenté.

n(17 h 20)n

Je vais aller directement au vif du sujet, si vous me permettez. Je vais profiter de votre expertise pour que vous me parliez des enseignants. Je vais m'accrocher à la page 6 de votre mémoire où vous dites ceci: «La liberté de conscience du personnel enseignant sera désormais véritablement respectée.» Juste vous dire qu'hier soir ? c'était-u hier soir? hier après midi? je pense que c'est hier soir ? il y a un groupe qui propose le statu quo qui m'a dit exactement l'inverse, c'est-à-dire que, si on s'en va vers une formation où on dispense des connaissances sur des religions, il y a des enseignants qui vont se sentir mal à l'aise là-dedans parce que ça ne représente pas leur appartenance à une confession religieuse. Évidemment, vous savez à quel groupe je fais référence, évidemment.

Mais comment je dois interpréter... Vous qui représentez les enseignants, là, je crois comprendre de votre proposition dans le texte ? vous l'avez dit un peu tantôt ? qu'effectivement c'était à ce point généralisé que les enseignants trouvaient difficile de devoir porter la formation telle qu'elle existe dans nos lois actuellement, là, avant la modification. Est-ce que c'est une discussion, une complication? Vous pouvez parler de votre épouse ou de d'autres.

M. Parent (Réjean): Je vais parler d'autres. Il ne faudrait pas que je parle trop d'elle, quand même.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: Bien, allez-y.

M. Parent (Réjean): Écoutez, ce n'est pas qu'on a une étude scientifique, un sondage à la pointe, mais encore là je référerais à mon expérience d'enseignant. Un, enseigner la religion fait appel à une certaine somme de convictions, quand on fait un enseignement religieux, et, de ce côté-là, les enseignants qui n'ont pas ces convictions, ne les partagent pas, mais qui en même temps... S'ils font une autre option, ça va entraîner soit une organisation du travail qui va être intenable... On va leur demander d'enseigner des choses auxquelles ils ne tiennent pas ou carrément de renoncer à une partie de salaire pour avoir la paix avec l'enseignement religieux. Donc, il y a des gens qui se l'imposaient, cet enseignement religieux, sans conviction. Donc, il y avait là un non-respect, je dirais, de leurs convictions, de leur liberté de pratique, avec toute l'organisation du travail que ça suppose. Parce qu'on parle de l'école, là. L'école idéale, 250, il y a des écoles à 100, il y a des écoles à 125, il y a des écoles à 150, il y a même des écoles à 60 dans la province, hein? Ça fait que mettons que les libertés de choix, là, elles trouvent vite leurs limites.

Pour ce qui est d'un enseignement, je dirais, culturel de la religion, ça ne fait pas appel à des convictions, ça fait appel à une connaissance rationnelle, je dirais, à une observation évidente de la réalité. Il existe différentes religions. Il existe des religions qui ont été plus marquantes pour le Québec, qui ont été plus présentes. Et en même temps il y a là des éléments à reconnaître. On ne peut pas faire abstraction de l'existence du phénomène religieux. Quand on parle d'enseigner l'histoire, bien je le vois du même ordre quand on parle d'enseignement culturel des religions, c'est faire référence à ce qui existe, l'impact social que ça a eu dans le développement du Québec, et, de ce côté-là, moi, je pense que ça fait beaucoup moins appel, je dirais, à des convictions profondes ou à une foi fondamentale des personnes tout simplement, je dirais, à rappeler et à transmettre des connaissances d'une évolution historique du Québec.

M. Fournier: Merci. Votre témoignage est important pour notre compréhension puis pour essayer de voir... Parce que le groupe nous représentait cet élément-là, à l'effet que pour les enseignants ça allait être une difficulté à l'avenir puis que ce qui était confortable, c'était la situation actuelle. Alors, je suis content que vous nous fassiez la différence pour qu'on puisse bien situer les représentations de chacun.

Le même groupe nous parlait de la confusion qui allait naître à partir du moment où on donne plus de connaissances. Et, à partir de ce moment-là, en sachant plus, probablement que ça nous amenait sur des pistes qui remettaient en question et pouvaient faire naître la confusion. Dans votre texte, vous dites ceci: «Les expériences étrangères démontrent qu'il est tout à fait possible d'ouvrir les jeunes du primaire à la diversité ethnique et religieuse par des stratégies pédagogiques», bon, et vous continuez. Pour poser une question pointue, mais vous nous parlez d'expériences étrangères où finalement on ne voit pas de confusion, ne naît pas la confusion de ça, mais au contraire les aspects positifs.

Pouvez-vous m'en dire un peu, de ce que cela signifie pour vous, des effets positifs qui vont découler d'une connaissance plus grande, plus diversifiée?

M. Parent (Réjean): Je vais donner le soin au conseiller de la centrale de répondre sur les expériences étrangères, mais, juste avant de lui laisser la parole, rappeler que, dans les années quarante, un député de l'Union nationale plaidait que l'instruction obligatoire et la transmission de connaissances, ça pourrait entraîner une plus grande confusion. Je ne sais pas si on est plus confus en 2005, mais, à mon humble avis, là, ça m'apparaît un argument...

Le Président (M. Chagnon): On n'a plus d'Union nationale.

M. Parent (Réjean): C'est ça. Ça a enlevé la confusion. Bien, je vais laisser le soin à Jocelyn de répondre sur les expériences étrangères.

Le Président (M. Chagnon): M. Berthelot.

M. Berthelot (Jocelyn): Oui. Le commentaire aussi s'appliquait parce que, dans l'énoncé de politique sur le nouveau programme d'études, on disait: Les échanges ou l'ouverture à d'autres religions, ça doit venir au secondaire. Or, on dit: Ça peut aussi venir au primaire. Et les expériences étrangères, c'est notamment... Bon, il y a des expériences britanniques qui ont ? et ailleurs ? des échanges entre écoles, par exemple, où on part de la réalité des enfants, parce que les enfants vivent dans une famille. Et, dans une famille, il y a la transmission de la foi, et c'est souvent en plus dans la diversité ethnique contemporaine liée à une diversité qui est ethnoculturelle et religieuse. Donc, ça permettait aux enfants de se connaître: Qu'est-ce que tu fais, le matin, en te levant? Ou: Qu'est-ce que tu fais en fin de semaine? Quelle journée? Est-ce que tu vas à l'église? Est-ce que tu n'y vas pas? Est-ce que tu vas dans une... Donc, les enfants échangeaient à partir de ce qu'ils vivaient.

Il y avait une autre approche qui était de publier la vie d'un enfant dans une communauté particulière pour montrer que, dans une société, on vit de différentes façons. On peut vivre dans une famille élargie, on peut vivre dans une famille qui a des croyances diversifiées, où on mange du porc, où on n'en mange pas, bon, etc. Donc, ça permettait de mettre en contact les enfants, mais aussi dans une perspective d'éducation interculturelle de compréhension de l'autre, du vivre-ensemble. Donc, c'est ces expériences-là auxquelles on faisait référence.

M. Fournier: Expériences qui démontrent le bien-fondé de la démarche que l'on amène.

M. Berthelot (Jocelyn): Oui, tout à fait.

M. Fournier: Est-ce que ces expériences témoignent à l'occasion ? à la marge, peut-être ? de complications qu'on pourrait appeler de l'ordre de la confusion qu'on a plaidée hier, ou il n'y a aucune mise en garde qui vient, qui découle de ces expériences étrangères, qu'effectivement c'est juste du positif?

M. Berthelot (Jocelyn): C'est très positif, et je voudrais ajouter un petit élément: c'est le contraire. Parce que, quand on demande aux enseignants... Et je pense que, dans le cas de l'enquête du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école, il y avait eu un sondage fait auprès des enseignants. Il y avait déjà une partie importante des enseignants ? je pense que ça approchait le 40 % et peut-être plus; et là c'est en 1997, donc ça s'est accentué depuis ? qui se disaient mal à l'aise avec l'enseignement religieux à l'école, et, quand on le leur demande, une très grande majorité, aujourd'hui ? ça doit approcher les 90 % ? souhaite un enseignement culturel des religions à l'école. Donc, quand on leur demande ce qu'ils pensent, ils se disent mal à l'aise avec la réalité actuelle et se trouveraient à l'aise avec la réalité qui est proposée.

M. Fournier: Et à l'aise avec le fait qu'il y ait aussi une préoccupation que cet enseignement parte du quotidien et de l'environnement immédiat et donc ait un ancrage important dans l'héritage, tel que la confession catholique ou protestante a pu façonner l'identité québécoise.

Est-ce que les enseignants sont à l'aise avec ce rattachement et d'éviter de perdre cet héritage-là?

M. Berthelot (Jocelyn): D'habitude, la question qui est posée, dans les sondages, sur cette question-là, c'est un enseignement culturel des religions ancré dans l'histoire québécoise, et c'est à ça qu'ils disent oui très, très majoritairement. Donc, il n'y a pas de problème de ce côté-là.

M. Fournier: Comme dernier sujet, je voudrais que vous me parliez de l'éthique et de la culture des religions. Vous mentionnez, dans le document, l'importance de dissocier l'un et l'autre ? pouvez-vous m'en dire un peu plus? ? en même temps que vous abordez la possibilité de discontinuité, si je comprends bien, à l'égard de l'enseignement de la culture des religions, qu'il puisse y avoir des pauses là-dedans. Je ne sais pas si je l'ai bien saisi, là. Donc, il y a deux thèmes à ma question. Il y a la question de la pause, d'une part. La Fédération des commissions scolaires, ce matin, nous a demandé: Est-ce qu'il y a une continuité accrue ? en référant au secondaire III? Ça, c'est une chose. Mais profitez-en pour me signaler ce que vous souhaitez dans les ressemblances et les différences à établir entre l'éthique et la culture des religions pour que je puisse mieux saisir, là, ce que vous voulez nous signifier.

M. Parent (Réjean): L'enseignement culturel plus dans un cadre, vous savez, historique, avec le caractère révolutionnaire, l'existence, les préceptes qui animent chacune de ces institutions, et donc plus axé, là, sur le fait religieux, mais comme fait historique, alors que, quand on parle d'éthique, c'est plus en termes de valeurs que je qualifierais de morales, au sens où, là, on est plus proches de l'éducation citoyenne, et les valeurs qui doivent animer un citoyen ne sont pas nécessairement collées à une religion ou à une appartenance religieuse. C'est dans ce sens-là qu'on parle d'éthique.

n(17 h 30)n

Quand on parle de continuité ou de discontinuité, je dirais qu'à ce stade-ci on n'est pas sûrs que ce soit nécessaire d'avoir un enseignement culturel des religions, année après année, au primaire. On ne dit pas non, mais on dit: Il ne faudrait pas nécessairement partir avec le préalable qu'il doit y avoir une continuité, de peur de perdre l'ancrage, puis des fois qui viendrait mêler les enfants, là. Ça fait que, je veux dire, de ce côté-là, d'avoir le judicieux mélange, d'avoir cet ancrage-là ou cette connaissance historique... Mais en même temps est-ce qu'il faut remettre la sauce année après année? Plutôt, on en doute. Je ne dis pas qu'on est fermés, là, mais, à ce stade-ci, je vous dis qu'il n'y a pas nécessairement d'obligation à s'empresser d'avoir un enseignement culturel année après année.

M. Fournier: Je comprends, dans votre présentation, qu'il n'est pas nécessaire de rallonger la sauce sur la culture de religion. Mais, pour l'éthique, qu'en serait-il?

M. Parent (Réjean): Là, on parle d'encore plus de continuité. Je l'ai dit tantôt, c'est le ciment, hein? On peut avoir des connaissances, mais confectionner une citoyenne ou un citoyen, une préoccupation d'assurer, je dirais, un judicieux mélange ? un cours de formation de la personne, d'éthique, bon, ajouter l'enseignement culturel... Donc, en tenant compte qu'on a des matières de base à transmettre, il faut savoir doser, je dirais, année après année, mais s'assurer qu'il y a une continuité en termes de faire en sorte qu'un élève va développer, je dirais, des valeurs, pour reprendre l'expression de Mme Marois, civiques et qu'on va en faire un citoyen ou une citoyenne à part entière.

M. Fournier: Merci, M. Berthelot, M. Parent.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci. Ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à mon tour, au nom de ma formation politique.

Je veux continuer dans le même sens que les dernières questions soulevées par le ministre de l'Éducation. Vous insistez vraiment pour que la formation de la culture religieuse s'inscrive dans la formation d'une éducation interculturelle et vous dites, à la fin du paragraphe 2.1, là, de la partie 2.1 ? c'est ça: «L'éducation interculturelle doit débuter dès les premières années du primaire, dans toutes les écoles, quel que soit le degré de diversité du milieu.» J'aimerais ça que vous m'expliquez un peu comment vous voyez ce programme ou ces différents programmes. Parce que je comprends que vous faites des distinctions, là: éthique, culture religieuse, éducation interculturelle, continuité ou pas. Expliquez-moi, là, comment vous voyez ça, du primaire au secondaire. Et je ne veux pas avoir une grande thèse nécessairement, là, mais j'essaie de voir comment ça s'articule. Est-ce qu'on met tout ça dans un même cours, ou on fait des cours différenciés? Bien, est-ce qu'au primaire on aborde certaines questions qu'on n'aborde plus au secondaire, ou en continuité on aborde toute ces questions tout au long de la formation, du primaire au secondaire? Je veux essayer de comprendre exactement ce que vous proposez.

M. Parent (Réjean): Vous avez une question à plusieurs dollars. Ça va occuper le ministre de l'Éducation pendant une couple d'années. Je vous rappelle que le ministre s'est donné trois ans pour produire ce travail-là, ça fait que...

Mme Marois: Je trouvais que c'était un peu long, mais ça, c'est...

M. Parent (Réjean) : Non, non. Puis on vous ne le fera pas dans les deux minutes qui suivent. Moi, je pense qu'on veut être clairs, il faut différencier culture religieuse et éthique. Tout dans le même cours puis dans le même continuum, là, le mélange des genres pourrait entraîner la confusion.

Pour ce qui est de la culture religieuse dans une vision d'éducation interculturelle, quel dosage, quel degré, du plus simple à comprendre au plus complexe, je pense que c'est l'enfance de l'art en éducation. Dans quel style? Je pense que Jocelyn vous référait à l'expérience anglaise tantôt. La connaissance de l'autre, dans quel type d'activités, en coopération, en solidarité, tout ça, là, je veux dire, en termes d'approche pédagogique, en termes de dosage de... Finalement, quand on parle d'éducation interculturelle, là, c'est l'école ouverte, c'est la compréhension les uns, les autres, à quels préceptes répondent certains comportements, en quoi ça ne constitue pas une menace pour l'humanité que d'avoir des habitudes différentes dans le respect des uns et des autres, et ça, de ce côté-là, dès le primaire, on pense que c'est...

Vous avez, dans le mémoire, une référence puis vous le vivez au quotidien comme députés, comment il y a des gens qui sont au Québec, qui sont nés au Québec, leurs parents sont nés au Québec, puis ils sont encore perçus comme des étrangers au Québec, ce qui n'est pas normal, à notre avis. Donc, il faut rapidement, en bas âge, commencer, je dirais, à ouvrir à l'interculturel. Et, de ce côté-là, comment le réaliser? Bon, un programme dosé. Je pense qu'on ne fera pas une maîtrise de la religion protestante en première année, on va attendre un peu. Ça, je pense que c'est à l'université qu'on va le faire.

Mme Marois: D'accord. Ha, ha, ha! Je pense qu'il y a M. Berthelot qui voulait ajouter...

M. Parent (Réjean): Oui, oui, c'est sûr. Jocelyn, vous rentrez dans ses cordes.

Mme Marois: Vous le sentiez aussi, là, hein?

M. Berthelot (Jocelyn): Mais c'est seulement une déduction... C'est parce qu'actuellement c'est dans les domaines généraux de formation, l'apprentissage du vivre-ensemble. Je disais ça à une enseignante, elle disait: Oui, mais bien sûr que, nous, à l'école, on aborde la diversité ethnoculturelle, etc. C'était une enseignante de la région de Montréal, bien sûr. Je ne suis pas sûr que ce domaine général de formation soit abordé de la même façon en Gaspésie ? et dit avec toute sympathie parce que je suis d'origine gaspésienne. Et j'avais toujours l'habitude de dire, quand j'abordais ce dossier-là: Écoutez, oui, mais la diversité, elle n'est pas en Gaspésie, mais vous savez qu'à l'âge adulte il y a pas mal plus de Gaspésiens qui vivent à Montréal qu'il y en a qui restent en Gaspésie. Donc, ce serait l'occasion d'introduire formellement, dans un programme d'études, la perspective d'une éducation interculturelle, non seulement dans un domaine général de formation, et ça pourrait se faire aussi par le biais du programme d'éthique ou dans des espaces de culture religieuse.

Mme Marois: D'accord. Merci. Je veux maintenant aller vers la formation des enseignants et le perfectionnement. On a reçu, hier, des représentants des... ? j'oublie toujours leur nom parce que c'est un très long nom, là ? des doyens... Non, mais il y a un nom particulier, là. Alors, je vais le retrouver.

Le Président (M. Chagnon): L'AREDEQ. L'AREDEQ.

Mme Marois: ...

Une voix: L'Association des doyens et des directeurs généraux...

Mme Marois: Voilà, l'Association des doyens et directeurs pour l'enseignement de la recherche en éducation du Québec. Vous admettrez que c'est un peu long, quand même, là. Bon. L'ADEREQ. Mais c'était fort pertinent...

M. Parent (Réjean): On l'a oublié, on l'admet.

Mme Marois: ...fort pertinent et intéressant. Et eux, au niveau de la formation ? c'est M. Simard qui était là ? suggéraient que, pour ce qui est de la formation des spécialistes ? pas la formation initiale, là, la formation des spécialistes ? c'est-à-dire la mise à niveau, dans un sens, eux suggéraient que ce soit quand même une formation... pas une formation sporadique ou ad hoc, mais qu'on pense à des formules comme un certificat où une formation en continu à l'université et qui s'adresserait spécifiquement aux gens concernés. Comment vous voyez ça?

Et par ailleurs vous dites ici, là: Il faut vraiment qu'il y ait des mesures spécifiques dans un plan de perfectionnement pour assurer une préparation adéquate du personnel. Alors, par rapport à ce qui nous était proposé hier, je ne pense pas trahir la pensée, là, des gens qui sont venus hier, de l'association qui est venue hier.

M. Parent (Réjean): Moi, je distingue deux niveaux dans la question. Il y a comme l'aspect, là, formation continue ou ce que je vais appeler mise à niveau dans un contexte de changement, comment est-ce qu'on gère cette transition. Puis il faut le voir, là, si ça figure dans le mémoire, c'est plus la référence à un passé ou à des conséquences de la loi n° 118 avec... Je pense que ça a pu se vivre difficilement pour certaines enseignantes ou enseignants qui étaient en formation morale ou en formation religieuse, la disparition des programmes. Donc, de ce côté-là, de pouvoir être supportés dans leur formation... Est-ce que ça doit être par un certificat, est-ce qu'il doit y avoir des mesures particulières, un recyclage pour une partie de l'année? On dit: Il y a une préoccupation... Parce qu'il y a une insécurité, là. Quand on est sur le terrain, on est en mesure de le voir. Les changements, ça a toujours le don de créer certaines frayeurs. Je pense qu'il y a du monde qui savent de quoi on parle. Et, de ce côté-là, on dit: Bien, pour gérer le changement, bien mettons des mesures qui vont se...

Puis, comme on en a vécu un, on a une référence historique, avec 118 et les modifications que ça a apportées par rapport au curriculum, certains programmes qui ont disparu. Ça fait que c'est tout à fait récent. Puis ce qu'on entend... On a parlé des animateurs de pastorale, et ajoutez à cela les enseignantes, enseignants en religion, le nombre de postes réduits... se retrouver avec des besoins de formation et un meilleur suivi.

Maintenant, pour ce qui est de l'avenir, comment, là... c'est quoi... chose certaine, si on parle du primaire, je pense qu'il faut l'avoir dans le cursus universitaire. Mais là on parle d'une formation qui est plus générale pour l'enseignante ou l'enseignant du primaire. Si on parle du secondaire, bien, là, je pense que ça va orienter nos universités quand on va savoir qu'est-ce qu'il va y avoir dans les écoles. Bien, là, il n'y en aura peut-être plus seulement que 25 inscrits dans l'enseignement religieux. On devrait voir renaître un certain nombre d'inscriptions plus grand à partir de programmes qui seront connus.

n(17 h 40)n

Bon, est-ce que ça prend un bac? Est-ce que ça prend un certificat, là? Il faut encore voir. En termes de spécialistes, moi, je pense qu'il faut avoir une bonne formation pour ce qui est des spécialistes au niveau secondaire. Et, les personnes qui éventuellement atterrissent dans ces champs, qu'elles aient des certificats d'accessibles, ça m'apparaît, là, un bon corridor en termes de formation continue.

Mme Marois: C'est ça. C'est parce qu'ils le voyaient dans la perspective ? j'ai retrouvé leur texte exact, là ? d'une formation continue créditée de telle sorte que... pour la transition, pour que ceux et celles qui sont déjà enseignants au secondaire, entre autres qui enseignent soit la religion de foi catholique ou de foi protestante ou la morale, puissent s'approprier les nouveaux concepts, le nouveau programme, et qu'on le fasse d'une façon formelle, avec une reconnaissance qui va aussi loin que de créditer la formation. C'était leur suggestion.

Le Président (M. Chagnon): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Bonjour, messieurs. Dans la formation, sur laquelle est intervenue ma collègue de Taillon, est-ce que vous voyez des spécialistes tant au niveau primaire qu'au secondaire, ce qu'on a entendu en début d'après-midi, ou ce qu'on vit présentement, là, des enseignants qui ont des bouts de tâche, ou des fins de tâche, ou des parties de tâche qu'ils partagent?

Alors, on s'entend bien, tout le monde, là, et là-dessus je ne conteste pas ça, ça ne va pas très, très bien parce que l'enseignant qui se ramasse avec un cours de religion ou de morale, là, il ne le veut pas nécessairement puis il est pris à le faire s'il veut compléter ses tâches. Alors, ce n'est pas ça que je vise, là, dans la formule qui est ici. Mais, dans votre pensée à vous autres, un professeur qui va donner l'éthique ou la culture des religions, est-ce que vous le voyez comme un spécialiste, tant au primaire qu'au niveau secondaire? Donc, c'est sa tâche, il la fait à plusieurs niveaux s'il le faut, mais il la fait entièrement, il ne partage pas avec d'autres matières.

M. Parent (Réjean): Encore là, c'est... D'abord, moi, je pense qu'au niveau primaire, dans le contexte actuel, même en tenant compte d'un ajout qui va être fait au régime pédagogique, de 90 minutes... Le ministre tient à l'anglais en première année, ce à quoi on ne tient pas, nous autres. Mais il y tient. Ça fait que ça ne lui fait pas beaucoup de place pour entrer des spécialistes, je veux dire, en interculturel, que ce soit culture religieuse ou éthique, là. Ça fait que, moi, je pense que réalistement, là, dans la formation générale des enseignantes et des enseignants, pour ce qui est du préscolaire, primaire, il faudrait avoir un aspect du curriculum de ces gens-là pour pouvoir répondre aux nouvelles exigences de programme. Et je ne vois pas de spécialiste là. Mais là, quand je dis ça, là, je vous dirais, on n'a pas fait des débats de 102 heures, tu sais, je réponds sur le vif en tenant compte de la réalité puis des contraintes du réseau.

Et, pour ce qui est du secondaire, moi, je pense que la somme des cours devrait générer, je dirais, des tâches qui impliquent qu'on puisse spécialiser ces tâches-là. C'est sûr que, si on se retrouve dans... Pour prendre l'exemple du collègue, quand il parlait de sa Gaspésie, bien il y a certaines écoles en Gaspésie où le prof du secondaire, il enseigne deux, trois et quatre matières. Si on est à Montréal, là on va se retrouver avec une densité plus grande de population et là ça permet, je veux dire, d'avoir des spécialistes qui vont enseigner strictement ces matières. Donc, c'est pour ça qu'on ne peut pas généraliser le Québec. Mais, je vous dirais, il devrait y avoir une formation enseignement secondaire spécifique sur l'éthique, culture religieuse et formation de la personne, là. En tout cas, je pense qu'on nage dans les mêmes eaux. Il s'agit d'éviter de mêler les concepts.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Beauce-Nord, s'il vous plaît.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Écoutez, ma question, moi, elle va dans le même sens. En région ? à Montréal, c'est bien beau, mais en région, là ? il ne faut pas se mettre la tête dans le sable, je ne pense pas qu'on va avoir les moyens, autant la commission scolaire, le gouvernement, de payer des spécialistes pour enseigner cette matière-là.

À l'heure actuelle, je regarde juste qu'est-ce qu'on peut voir au niveau de l'enseignement de l'anglais. Souvent, on a des professeurs qui enseignent l'anglais. Lâchez-les pas en Ontario ou bien aux États-Unis, ils vont avoir de la misère à se débrouiller. On va se ramasser un peu avec... Ça va être les mêmes professeurs qui vont rester là, qui vont... Je ne sais pas s'ils vont aller suivre des cours, mais ils vont un peu modifier leur enseignement. J'imagine que ça doit être ça qui va arriver. Je ne pense pas que le gouvernement a les moyens de mettre des spécialistes dans toutes les écoles du Québec, même d'ici trois ans. On connaît les moyens de la commission, on connaît les moyens du gouvernement. Est-ce que vous avez déjà évalué les coûts que ça peut engendrer?

M. Parent (Réjean): Écoutez, actuellement, là, on substitue des cours à d'autres. Ça fait qu'il y en a déjà, là, des enseignantes puis des enseignants. Là, on parle d'un maintien d'effectif, puis la question était de savoir: Bien, est-ce qu'on doit avoir des formations spécifiques? À ça on répond: Oui, il doit y avoir une formation spécifique, et il ne faut pas nécessairement... ça n'engendre pas un coût récurrent supplémentaire. Il y a peut-être un coût à court terme, dans le sens de s'assurer d'avoir une formation solide pour faire face aux changements, mais par la suite, là, il y a 25 heures dans le régime pédagogique, au niveau secondaire, on s'en va vers le 25 heures au niveau primaire. C'est une décision gouvernementale qui est déjà prise, avec des coûts qui ont été estimés puis qui vont figurer dans le budget de l'État. Donc, ça ne m'apparaît pas problématique, la question de savoir...

Ça pourrait devenir problématique si on réduit la tâche du généraliste pour amener un nouvel ensemble de spécialistes, là. Mais je ne pense pas que c'est ça qui est en débat pour le primaire actuellement. Ça fait que, dans ce sens-là, là, je dirais que c'est des coûts qui m'apparaissent minimaux, des coûts d'opération à court terme, en termes de transition.

M. Grondin: Mais, dans les...

M. Parent (Réjean): Et je veux juste, si vous permettez, M. le député... C'est vrai, il fut un temps, quand, moi-même, j'allais à l'école et que j'étais tout petit, fort probablement que la titulaire qui m'enseignait l'anglais, «John and Mary go to school», elle aurait eu de la misère en Ontario, pareil comme celui qui vous parle. Mais, aujourd'hui, je pense que la qualité de la formation en anglais, dans les écoles du Québec... Je ne dis pas qu'il n'y a pas un prof qui enseigne l'anglais qui n'aurait pas de misère en Ontario, mais, à mon humble avis, la très, très, très grande majorité, pour ne pas dire presque toutes et tous, ils vont pouvoir aller en Ontario, en Colombie-Britannique puis même en Grande-Bretagne.

M. Grondin: Même en dehors du secteur français. Mais, écoutez, on voit qu'est-ce qui se passe, là, dans les années qui viennent de passer, on sait que la religion, quand même c'est un secteur assez «touchy», là. C'est sensible, hein, la population est sensible à ça. On a vu des gens se rendre jusqu'en cour pour porter ? comment est-ce qu'ils appelaient ça, là? ? le kirpa sur eux autres, le genre de... Alors, l'enseignant qui va enseigner la religion, qui va enseigner ces religions-là, il va falloir qu'il ait des connaissances assez justes de la religion, parce qu'on va se ramasser dans quel... On peut-u se ramasser avec des poursuites ou n'importe quoi avec ça si on n'enseigne pas la vraie théorie de certaines religions, là?

M. Parent (Réjean): Ça, des poursuites, on n'est jamais à l'abri de ça, comme on n'est pas à l'abri de la pluie. Et puis, je veux dire, les temps changent. Je disais aux collègues, avant d'arriver en avant, je disais: Dans les années 1500, on brûlait les sorcières; aujourd'hui, il n'y a plus de sorcière. Ça fait qu'il faut croire qu'on est dans une évolution constante. On est dans une évolution constante. Et, de ce côté-là, moi, je pense que d'avoir une bonne formation, ça se justifie d'autant plus quand on dit: Il faut avoir une bonne formation pour le personnel enseignant, s'assurer d'une transition la plus en douceur possible tout en étant conscient que le changement va déranger. Mais c'est correct qu'il y ait un certain dérangement. Mais qu'on gère ce dérangement, qu'on donne une bonne formation.

Bon, c'est sûr qu'il y a des gens qui sont peut-être des puristes, pour ne pas dire des puritanistes. Mais, au bout de la course, là, moi, je pense que le choix que le Québec fait, c'est d'un Québec ouvert, et, de ce côté-là, la diversité, la reconnaissance finalement des convictions des uns et des autres, on ne peut pas être perdant avec ça.

Le Président (M. Chagnon): Alors, je voudrais, sur ce, MM. Perreault et Berthelot, vous remercier pour votre participation à la commission parlementaire.

M. Parent (Réjean): Parent et Berthelot.

Le Président (M. Chagnon): Parent. Parent et Berthelot.

M. Parent (Réjean): Ce n'est pas drôle. Je le savais, qu'en vieillissant... Ils le savent, en plus...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Chagnon): Parent et Berthelot. Je voudrais vous remercier, et Mme Perreault. C'est Mme Perreault que j'avais en tête, hein, Mme Perreault d'ailleurs qui assure une certaine pérennité à notre système d'éducation, si j'ai bien compris. Et je ferais en sorte évidemment de vous remercier tous les deux. Nous allons suspendre nos travaux pour 20 heures. Et vous pouvez laisser vos...

Des voix: Pour 20 heures? Pour 20 heures?

Le Président (M. Chagnon): Nous allons les suspendre jusqu'à 20 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 50)

 

(Reprise à 20 h 3)

Le Président (M. Chagnon): ...la commission évidemment ouverte et j'accueille et souhaite la bienvenue aux membres de l'Assemblée des évêques du Québec, d'abord Mgr St-Gelais et Mgr Blanchet qui sont avec nous. Et vous pouvez peut-être nous présenter la personne qui vous accompagne et en même temps...

M. St-Gelais (Raymond): C'est M. Pierre Gaudette, qui est le secrétaire général de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec.

Le Président (M. Chagnon): Voilà. Bien, merci beaucoup. Alors, vous avez, comme il se doit, évidemment les 15 minutes pour nous présenter votre mémoire, et ensuite, du côté de l'opposition et du côté ministériel, nous aurons aussi 15 minutes de chaque côté pour vous poser des questions.

Assemblée des évêques catholiques
du Québec (AECQ)

M. St-Gelais (Raymond): Alors, nous vous remercions beaucoup de l'invitation que vous nous avez faite de venir dialoguer avec vous.

Le ministre de l'Éducation vient de faire connaître les orientations qui serviront à élaborer un nouveau programme d'éthique et de culture religieuse en remplacement des programmes actuels d'enseignement moral et religieux. Nous voulons exprimer d'abord notre déception, dans la mesure où la solution retenue ne rejoint pas les attentes d'un grand nombre de parents ayant des enfants d'âge scolaire. Il est regrettable que l'on prive dorénavant la grande majorité catholique de ses droits historiques.

Nous reconnaissons que le ministre a tenu compte du large consensus qui s'est exprimé autour de la nécessité d'assurer une place à la dimension religieuse dans le cursus scolaire. Nous considérons cependant que la voie choisie prive la société de moyens appropriés de transmettre son héritage culturel et religieux de même que ses valeurs éthiques fondamentales.

Comme tout phénomène humain, les religions sont sans doute marquées par l'ambiguïté et peuvent parfois donner lieu à des excès, des abus, des déviations. Cependant, elles ont joué et continuent de jouer un rôle important dans la transmission des valeurs et de la motivation de l'agir. Elles aident un très grand nombre de personnes à donner un sens à leur vie. Elles ont été à l'origine de nombreuses institutions qui marquent le paysage social de l'Occident.

De façon particulière, il serait impossible de comprendre l'identité québécoise si l'on faisait abstraction du christianisme. C'est pourquoi nous apprécions hautement l'engagement du ministre à assurer la présence de la dimension religieuse à l'école publique ? et cela, d'une manière qui favorise le discernement personnel ? qui soit respectueuse de l'héritage chrétien de notre société et des convictions d'un grand nombre de citoyens.

D'entrée de jeu, l'Assemblée des évêques tient à souligner l'importance qu'elle attache aux objectifs que l'école publique devrait se fixer pour l'ensemble des élèves en matière d'éducation morale et religieuse. Il apparaît notamment essentiel qu'elle aide des jeunes à affermir leur propre identité, à apprécier la diversité religieuse et culturelle ainsi qu'à acquérir des attitudes intérieures qui leur permettront de respecter les droits de chacun et d'être des citoyens responsables. Nous trouverions malheureux que l'école se contente d'une simple transmission de connaissances. Il lui incombe aussi de soutenir les élèves dans leur développement personnel, dans leur recherche de sens, de bonheur et de liberté.

Ceci dit, nous voulons réitérer notre souci de respecter intégralement la diversité de mission entre l'école et la communauté de foi. Depuis plus d'une quarantaine d'années, des ajustements ont été faits concernant ce que l'une et l'autre doivent offrir en termes d'éducation religieuse. Les diocèses s'efforcent actuellement de proposer en paroisse des parcours beaucoup plus substantiels d'éducation de la foi et de préparation aux sacrements. Il nous semble cependant que l'école publique continue d'avoir un rôle spécifique important, relié à sa visée éducative et à sa capacité d'offrir une formation systématique rigoureuse. De plus, en ce qui a trait à l'école privée, nous croyons qu'elle doit garder sa liberté dans le domaine de l'enseignement moral et religieux, respectant ainsi l'article 41 de la charte québécoise des droits et libertés.

Désirant participer de façon constructive à la réflexion autour de la place de la religion à l'école, nous avons fait, en octobre dernier, une proposition qui s'inscrivait dans le cadre de la mission éducative de l'école publique. Nous rappelions comment les programmes d'enseignement religieux catholique intègrent dans leur visée le souci d'une ouverture à la découverte et au respect de la diversité religieuse. Depuis plusieurs années déjà, ils n'ont pas pour fin de susciter la foi mais de favoriser une certaine familiarisation avec la tradition chrétienne et l'héritage religieux de l'humanité. Ils cherchent aussi à développer chez les jeunes une capacité de se référer avec discernement à ce patrimoine religieux pour la conduite de leur vie.

Dans notre proposition, nous faisions appel à un renouvellement de l'ensemble des programmes de formation religieuse et morale. Nous suggérions de continuer à améliorer les programmes dits confessionnels tout en exprimant aussi le voeu que l'actuel programme de morale soit élargi pour contenir un certain nombre d'éléments d'information sur les traditions religieuses, particulièrement celles qui ont marqué l'histoire et le paysage du Québec. Nous exprimions notre préférence pour un régime d'options afin de mieux assurer le respect du droit à la liberté de conscience et de religion, de favoriser une sérieuse appropriation de leur patrimoine culturel et religieux par les jeunes Québécois. Nous continuons de croire qu'une telle position rejoint le mieux les attentes d'une grande partie de la population, notamment des parents d'enfants d'âge scolaire. Pour permettre un meilleur respect du droit à l'égalité et éviter le recours aux clauses dérogatoires, nous invitions le gouvernement à reconsidérer la possibilité d'ouvrir à d'autres confessions l'accès à un enseignement religieux à l'école publique, comme on le fait dans d'autres pays occidentaux.

Le ministre de l'Éducation vient d'annoncer la décision de mettre plutôt en oeuvre un programme unique d'éthique et de culture religieuse. Certains aspects de ce programme sont accueillis avec intérêt par l'Assemblée des évêques catholiques du Québec. Par exemple, des objectifs de socialisation et de compréhension interreligieuse poursuivis prioritairement par un tel programme rencontreraient, tout en les amplifiant, ceux qui faisaient déjà partie des programmes d'enseignement religieux catholique.

n(20 h 10)n

Par ailleurs, le document d'orientation prend soin de mentionner qu'il s'agirait d'un programme enraciné dans la culture québécoise, qui fait connaître le patrimoine culturel et religieux du Québec d'hier et d'aujourd'hui. Ce patrimoine, le ministre l'a rappelé, est largement constitué de l'apport des traditions catholiques et protestantes. Il s'est enrichi d'une diversité religieuse dont les formes et les manifestations varient d'un milieu à l'autre, d'une région à l'autre. Ce phénomène exigera une certaine souplesse, voire une possibilité de modulation dans la mise en oeuvre du programme. Cela est d'ailleurs reconnu par le document d'orientation. Il y a donc, dans l'énoncé d'orientation du ministre, des éléments de convergence qui sont susceptibles d'entraîner l'appui de l'Assemblée des évêques.

D'autre part, certaines questions fondamentales méritent d'être posées et certains risques évoqués. Nous les regroupons autour des enjeux d'ordre culturel, éducatif et juridique.

La place du christianisme dans la culture québécoise. Un objectif important du nouveau programme sera de favoriser l'esprit critique et le vivre-ensemble en apprenant aux jeunes à reconnaître et à apprécier diverses conceptions du monde et de la vie. Il y aura une dimension importante de l'éducation à la citoyenneté. Tout en souscrivant à cet objectif, nous estimons que les jeunes ont aussi besoin de se familiariser avec leurs propres origines culturelles et religieuses, tout particulièrement au primaire. On semble oublier parfois que les jeunes, surtout dans les grandes villes, sont mis tout naturellement face à la diversité religieuse. Celle-ci leur pose souvent moins de difficultés qu'une véritable connaissance de leurs traditions propres. C'est seulement la présentation détaillée du programme qui permettra de savoir si la place faite aux traditions chrétiennes, dans le nouveau programme, reflétera adéquatement celle qu'elles occupent dans l'histoire et la culture québécoise.

Quoi qu'il en soit, il est difficile d'imaginer comment un programme d'éthique et de culture religieuse pourrait constituer un simple enrichissement de ce qui existait auparavant comme par une sorte de valeur ajoutée, car c'est bien d'une transformation profonde qu'il s'agit, d'un programme de nature et de portée différentes. L'Assemblée des évêques estime qu'il y aurait méprise à penser qu'avec le nouveau programme les jeunes ne perdront rien mais gagneront simplement une plus grande ouverture et des connaissances plus étendues. Il est en effet prévisible qu'une réduction significative de la place des traditions chrétiennes dans ce programme paraisse inévitable pour permettre la présentation d'autres propositions de sens rattachées à la croyance et à l'incroyance.

Si l'on veut éviter de compromettre un certain sens de continuité culturelle entre les générations de Québécoises et de Québécois, il faudra prendre garde de ne pas réduire cette place au point de provoquer son effacement dans notre mémoire collective ou sa banalisation en tant que simple religion parmi d'autres. C'est pourquoi nous croyons nécessaire d'attirer l'attention sur le risque d'une juxtaposition de conceptions religieuses et non religieuses qui pourrait engendrer le relativisme, la confusion ou l'indifférence. Il faudra une habileté considérable dans la confection des programmes et la formation des maîtres pour éviter ce risque.

L'enjeu d'une éducation globale. Dans une perspective d'éducation globale, l'articulation des dimensions personnelle et sociale sera critique d'un point de vue éducatif. Le ministre le reconnaît en affirmant que, par le programme d'éthique et de culture religieuse, le gouvernement veut fournir à l'école les moyens de répondre plus adéquatement aux défis sociaux actuels et aux besoins des jeunes d'aujourd'hui. Dans une société plurielle comme la nôtre, il importe que l'école contribue activement à l'acquisition par les jeunes des connaissances, des habiletés et des aptitudes qui leur serviront tout au long de leur vie, tant sur le plan personnel que social.

Le document d'orientation, qui présente les grandes lignes du programme, met surtout l'accent sur les impératifs sociaux liés aux exigences du vivre-ensemble telles que la sauvegarde, la cohésion sociale et la promotion de la compréhension mutuelle. Il mentionne aussi l'objectif d'informer sur le sens que les diverses religions donnent à la vie, à la souffrance, à la mort. Pour conserver au programme sa pleine valeur éducative, il importera de veiller à ce que la recherche personnelle de sens des jeunes ne soit pas subordonnée aux préoccupations d'ordre civique ni enfermée dans une pure cueillette d'information. Il s'agit de les amener à découvrir non seulement ce qu'ils peuvent apprendre sur les religions, mais aussi des religions, par une réflexion personnelle qui puisse s'en inspirer dans leur quête de bonheur et d'accomplissement. Cet objectif se rattache à la dimension spirituelle qui fait partie de la mission d'éducation globale de l'école. Il rejoint aussi les préoccupations de son Service d'animation spirituelle et l'engagement communautaire, dont l'Assemblée des évêques tient à saluer la contribution tout en déplorant les conditions d'exercice actuelles.

Nous sommes conscients des difficultés soulevées par le renouvellement constant des clauses dérogatoires afin de protéger le régime actuel d'options contre des contestations au nom de l'égalité des droits. Par ailleurs, un programme unique peut-il être obligatoire et respecter le droit à la liberté de conscience? Cela place la société devant le dilemme de savoir comment concilier les droits à l'égalité et à la liberté de conscience.

Le court paragraphe consacré à la liberté de conscience dans l'énoncé ministériel laisse intouchée cette question fondamentale: Comment un programme unique et obligatoire parviendra-t-il à respecter également la conscience des jeunes croyants et incroyants?

Alors, je vais passer le point numéro 4 en raison du temps, là, qui est limité.

Le Président (M. Chagnon): Vous avez du temps.

M. St-Gelais (Raymond): On peut continuer, oui?

Le Président (M. Chagnon): Oui, vous avez du temps.

M. St-Gelais (Raymond): Vous trouvez ça intéressant?

Le Président (M. Chagnon): Oui, absolument.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Chagnon): Bien, la réponse, c'est oui.

M. St-Gelais (Raymond): Alors, je continue. Comment s'en tenir à une approche purement descriptive, phénoménologique, si l'on veut initier les jeunes à une recherche personnelle de sens et les inviter à l'appréciation positive des différentes conceptions du monde? Il est prévisible qu'un programme unique et obligatoire suscite alors certaines difficultés quant au respect de la liberté de conscience. Tout aussi problématique à cet égard serait d'ailleurs une approche réductrice du fait religieux, de caractère purement sociologique ou historique, par exemple, qui finirait par aggraver le risque de relativisme et d'indifférence invoqué plus haut. En outre, une telle approche ne pourrait que susciter méfiance et résistance de la part des parents soucieux de proposer à leurs enfants des balises cohérentes pour la recherche de la vie bonne.

Des conditions de réussite. Compte tenu de ces risques et de ces difficultés, l'Assemblée des évêques réserve son jugement sur la valeur du programme annoncé. Nous pourrons accorder notre soutien à ce programme et inviter les fidèles à y reconnaître une évolution positive dans la mesure où le gouvernement saura donner suite aux orientations prometteuses qu'il contient tout en évitant les risques sur lesquels nous avons cru nécessaire d'attirer l'attention.

Nous souhaitons mentionner, en terminant, certaines conditions qui pourraient favoriser une implantation réussie. La compétence de l'État en matière de formation religieuse étant relative et limitée, l'élaboration des contenus de programme portant sur les croyances et les pratiques devrait se faire en concertation avec des représentants autorisés des instances concernées.

Pour assurer la mobilisation et l'appui de tous les intervenants concernés, il serait indispensable que l'engagement du gouvernement soit plus ferme et clair qu'il ne l'a été pour la mise en oeuvre des dispositions de la loi n° 118. Cet engagement se traduira notamment par l'élaboration d'un programme d'études adéquat, le développement de matériel didactique de qualité et l'allocation de ressources suffisantes à la réalisation de ces conditions. Une solide formation initiale et continue des maîtres sera la pierre d'assise sur laquelle reposera la réussite de ce nouveau programme. Étant donné l'ampleur de la tâche, on peut se demander si la durée de trois ans prévue comme période de transition sera suffisante.

En manifestant une ouverture critique au programme d'éthique et de culture religieuse, l'Assemblée des évêques catholiques du Québec a voulu exercer sa responsabilité citoyenne et pastorale dans l'intérêt des jeunes et de la société. Nous entendons maintenir cet esprit de collaboration vigilante à mesure que se mettront en place les orientations et les aménagements annoncés.

Le Président (M. Chagnon): Ah! bien, nous vous remercions, Mgr St-Gelais. M. le ministre.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Mgr St-Gelais, Mgr Blanchet, merci d'être avec nous et de se revoir. Ça fait plaisir de rediscuter avec vous. J'ai l'impression qu'on est en terrain connu, et vous et moi. Donc, pas tellement étonné du mémoire. Je suis très content de recevoir et d'avoir votre son de cloche officiel.

Je vais tenter de donner une... de qualifier le mémoire. Je dirais que c'est un mémoire qui annonce et exprime sa déception avec aussi un appui suspensif, mais néanmoins avec une collaboration annoncée. Alors au net-net, je vous dirais que j'en suis très heureux, que nous puissions donc faire chemin ensemble.

n(20 h 20)n

J'en profite parce que vous soulignez une question ? bien, à la toute fin, d'ailleurs. Vous soulignez l'importance de faire partie... C'est la collaboration que vous annoncez, c'est de faire partie aussi des plans de la conception. Il y a eu une offre généralisée, à cette table, de gens qui veulent collaborer et apporter leur contribution, et je peux vous dire qu'on a déjà signifié que nous n'entendions pas élaborer ce programme et l'ensemble des démarches en vase clos, on va le faire bien sûr avec les partenaires. Il y en a de nombreux. Le dernier groupe qu'on avait cet après-midi, c'était la CSQ, qui représente les enseignants, qui ont aussi un mot à dire et qui s'intéressent aux mots qu'ils auront à dire à l'égard de la formation. Donc, je veux juste vous annoncer que nous sommes très intéressés de faire de ce programme une réussite. Et, pour y faire une réussite, il faut qu'on aille chercher l'adhésion du plus grand nombre. C'est ce qui d'ailleurs nous motive dans de nombreuses positions qu'on a prises.

Je veux attirer votre attention sur un élément, sur, entre autres, l'élément du trois ans de transition. Certains auraient souhaité que cela soit plus court. Peut-être que certains auraient souhaité que cela soit plus long. Mais il nous a semblé d'abord que c'était le délai pour lequel on est à l'aise pour que ça se fasse correctement. On peut toujours bousculer des choses, c'est vrai, mais là on peut peut-être manquer un petit peu de formation, on peut peut-être tourner des coins ronds dans le programme puis là on va échapper du monde. Alors, ce qui nous semblait bien important, c'est de prendre le temps nécessaire pour qu'on fasse les choses correctement en collaboration avec les groupes et que, le jour qu'on va être rendus à l'implantation, on ne soit pas en train de se dire: Est-ce qu'il faut réadapter des clauses? On ne peut pas jouer avec ça tout le temps.

Alors, je sais que vous avez une crainte sur le trois ans. Je veux juste vous dire que certains la trouvaient un peu trop longue, et à mon avis elle est à peu près, là, dans le bon temps.

Le Président (M. Chagnon): In medio stat vertus.

M. Fournier: Peut-être. Bon, certains pourraient diverger d'opinion, mais néanmoins...

Je veux vous dire ceci: il y a un des éléments qui nous est souvent revenu sur la situation actuelle. Parce qu'on peut bien souhaiter que le trois ans soit cinq ans et qu'on le renouvelle pas loin de cinq ans après, mais la situation actuelle ? puis, je dois vous le dire, tout le monde nous fait le constat, et je sais que vous le connaissez, ce constat-là ? la situation actuelle fait qu'en termes organisationnels les options qui sont sur la table sont pour le moins difficiles à rencontrer, lorsque dans certains cas elles ne sont tout simplement pas rencontrées. Dans ce contexte-là, il nous a semblé utile donc de s'acheminer vers cette piste-là.

Je crois comprendre de votre présentation que, faisant, vous aussi, ce constat-là, vous vous inquiétez de savoir si l'organisation va suivre pour ce cours-là ou si les maîtres sont prêts, et tout ça.

M. St-Gelais (Raymond): C'est pour nous, évidemment, une condition essentielle pour assurer le succès de l'opération. C'est tout le travail d'élaboration des programmes, de formation des maîtres, de pouvoir avoir des lieux d'expérimentation dans ces programmes-là. Bon. Alors, c'est autant d'éléments qui sont importants pour nous, disons, pour le sérieux de cette opération-là.

M. Fournier: Écoutez, on veut que ça marche, c'est évident.

M. St-Gelais (Raymond): Oui, oui. On ne met pas en doute votre crédibilité, M. le ministre.

M. Fournier: Non ? vous n'avez rien à gagner, de toute façon ? mais l'objectif étant de nous assurer qu'on ne passe pas d'un régime où ça ne fonctionnait pas puis qu'on aille avec un régime qui fonctionne.

Et je dois vous faire une confidence. À partir du moment où on est... ce qu'on nous dit, c'est que les gens, les maîtres ne veulent plus vraiment se former au régime actuel: instabilité. Est-ce que ça va durer? Puis certains disent: Désintérêt. Il va falloir inciter à ce qu'ils se forment. Il va falloir inciter à ce que ce cours-là intéresse. Et, jusqu'à un certain point, je voudrais vous donner la parole pour que vous puissiez être déjà dans une contribution d'incitation à la formation. Et cela va être possible, je pense bien, si les gens constatent que l'adhésion est assez largement répandue, que, bien formé, avec un cours bien fait, il est possible d'y trouver du gagnant, dans cette formule-là.

On reviendra tantôt, si vous le voulez, sur: Est-ce qu'il y a de l'addition ou de la soustraction? J'ai noté que, dans votre... vous avez un aspect de soustraction. Mais je voudrais vous entendre sur votre appel à l'incitation en tout cas à la formation pour dire aux maîtres: Oui, voilà une formule qui peut durer, qui peut marcher. Mais il faut que le monde s'inscrive.

M. St-Gelais (Raymond): Mais, M. le ministre, ce n'est pas facile de préparer des personnes pour un programme qu'on ne connaît pas encore, hein? Alors, je pense que ça... J'ai l'impression que le gouvernement, lorsqu'il aura travaillé son programme et qu'il sera sur le terrain, devra encourager lui-même les universités ou les lieux de formation à offrir pour les maîtres des programmes qui vont les inciter. Actuellement, on serait malvenus, on ne saurait pas à quoi les encourager, puisqu'on ne connaît pas la teneur des programmes qui s'en viennent.

Mgr Blanchet.

M. Blanchet (Bertrand): Si vous permettez, j'aimerais...

Le Président (M. Chagnon): Mgr Blanchet.

M. Blanchet (Bertrand): Oui, d'accord. Merci. Effectivement, pour moi, c'est un point tout à fait majeur du succès de la réforme. Si on pense que bon nombre de jeunes maîtres, aujourd'hui, peuvent fort bien faire l'enseignement au primaire sans avoir jamais eu de cours d'enseignement religieux ? ils peuvent être passés par la formation morale tout au long de leur cours ? si on pense qu'ils ne reçoivent, à l'université, que très peu... didactique de l'enseignement, on peut déjà voir là quelle sera la difficulté de la formation, d'autant plus que, sur la dimension religieuse, il y a là une dimension affective personnelle qui est souvent présente, hein, chez tout individu ? on est plus ou moins contre, plus ou moins en faveur ? de sorte que garder une position honnête, là, dans la proposition d'un enseignement religieux, ce n'est pas toujours simple. Ce n'est même pas simple pour nous quand on veut être honnêtes aussi lorsqu'on fait nos propres propositions.

Ceci étant dit, personnellement, à l'heure actuelle, moi, j'avais déjà offert, dans mon milieu, à la commission scolaire si on voulait avoir une collaboration, par exemple, pour que le programme, au primaire, qui présente des récits bibliques soit bien présenté, hein ? ce n'est pas simple, là, pour quelqu'un qui n'a jamais étudié la Bible, de bien présenter ça ? j'ai offert à la commission scolaire: Écoutez, le diocèse, on pourra vous aider. En ce sens-là, moi, je pense que les Églises diocésaines pourraient contribuer à une formation, aider à une bonne compréhension de ce qu'est le christianisme en particulier. Sur le reste, on n'est pas plus compétents que les autres. Mais, moi, en tout cas je trouve importante l'insistance que vous mettez là-dessus, et elle ne sera jamais trop grande.

M. Fournier: Je voudrais faire deux... Bien, d'abord, je vous ai posé la question. Je comprends que vous ne connaissez pas le programme, mais vous trouvez qu'il est prometteur. Alors, à partir de là, je me dis: On peut déjà avoir une base commune qui nous permet de poursuivre pour faire un programme qui se tient puis qui soit incitant aussi.

Un élément. Vous soulignez l'importance de l'héritage et de garder autour la réalité qui existe pour les élèves, la réalité autour de nous. Vous parlez même de modulation. Et je peux vous dire qu'encore là-dessus ce n'est pas que l'Association des évêques qui en parle, je pense à la Fédération des comités de parents qui supporte le projet, qui insiste. Et ça a été une préoccupation pour nous parce que, comme je disais, s'il faut aller chercher l'adhésion des gens, bien il faut bien qu'on réponde à une des préoccupations importantes, c'est-à-dire, oui, culture des religions, mais qui ne dilue pas l'importance de l'héritage que nous avons, qui a forgé l'identité. Et j'en profite donc pour vous dire que c'est partagé, c'est souhaité, vous l'avez vu dans le document qu'on a, c'est souhaité par nous aussi. Mais j'en profite pour saluer justement l'héritage que notamment l'Église catholique a laissé dans l'identité que nous avons. Le projet de loi ne cherche absolument pas à être un rejet de l'histoire mais plutôt à être une adaptation à une situation et, jusqu'à un certain point, qui fait un relais.

Et là c'est la question que je veux... enfin le commentaire que je veux faire et pour lequel je vous interpelle. Moi, je trouve que c'est une addition plus qu'une soustraction. Et on peut le calculer en terme de temps passé sur une religion, une confession ou sur une autre, mais on peut le regarder aussi sous l'angle d'un renouveau de la façon dont on va livrer la connaissance du phénomène religieux et qui peut peut-être créer un intérêt accru par rapport au phénomène religieux, que ce qui existe présentement.

Si ma conclusion est vraie, il est possible alors qu'il y ait un relais vers les confessions ? peu importent lesquelles, ça, ça fait partie de la liberté des gens ? mais il est possible qu'il y ait donc un relais aussi vers l'Église catholique. Est-ce que vous ne trouvez pas que, de ce côté-là, l'espèce de renouveau avec l'éthique et la culture des religions n'est pas propice à susciter un intérêt qui va amener peut-être des nouveaux questionnements et donc de nouvelles réponses?

M. Blanchet (Bertrand): Oui. Peut-être...

Le Président (M. Chagnon): Mgr Blanchet.

n(20 h 30)n

M. Blanchet (Bertrand): S'il vous plaît. Il est certain que ce nouveau programme va apporter une information plus ample sur l'ensemble du phénomène religieux et les diverses traditions religieuses. Mais pour ma part j'estime que, si l'on veut bien transmettre l'héritage, il faut comme être capable de faire savoir un peu de l'intérieur qu'est-ce que cela signifie. Autrement dit, pour connaître un peu ce qu'une religion peut apporter, il faut en avoir vécu une de l'intérieur, avoir fait peut-être une certaine expérience. Ça, c'est ma première observation.

Deuxièmement, ce qui ne sera pas facile, si l'on pense à votre propos, là, disons, d'améliorer la proposition actuelle, c'est qu'à partir du moment où on présente plusieurs traditions possibles on risque de les relativiser les unes par rapport aux autres, hein? Je dis ça à partir d'un programme qui existe présentement, où on voit, sur l'origine de la vie en particulier, mis côte à côte, par exemple, une légende amérindienne, la Genèse, qu'est-ce que le bouddhisme peut apporter. Alors, le jeune peut être aussi bien intéressé à la légende amérindienne sur l'origine de l'univers que ce qui est présenté dans la Genèse, mais il n'y a quand même pas le même fondement à ces deux réalités-là. Alors, à partir du moment où on juxtapose les choses, il est difficile de ne pas les relativiser.

M. Fournier: Excusez-moi, mais le jeune ne vit pas que dans son école, il pourra peut-être avoir accès à des informations plus amples. Mais il va toujours faire partie d'une famille. Puis, même dans la situation d'aujourd'hui, là, il peut bien avoir accès à n'importe quoi, quand il rentre chez eux, il y a du monde qui l'accompagne aussi. Et à mon avis il me semble qu'on ne doit pas perdre de vue l'aspect familial autour de cet enfant, qui donc a accès à une connaissance qui à mon avis ? et encore une fois je ne veux pas argumenter pour argumenter ? risque de susciter un intérêt, je pense, un peu plus grand par rapport à la situation actuelle, dont on dit de toute façon qu'en termes organisationnels elle ne remplit pas sa mission. Alors, à partir de là, je me dis: Ayant suscité cet intérêt, il est possible que ça suscite, pas de grands débats, là, mais au moins qu'on en discute dans le cadre familial et que peut-être ça peut créer...

D'ailleurs, on le voit, depuis quelques années, avec la préparation aux sacrements, où il y a eu une implication plus grande des familles. Corrigez-moi si je me trompe. Et donc il y a un suivi à cette information, connaissance, savoir plus ample. Bien, il y a un suivi familial, et dans le fond la famille doit avoir encore un rôle à jouer là-dedans, là, jamais je croirai.

M. St-Gelais (Raymond): Tout simplement de...

Le Président (M. Chagnon): Mgr St-Gelais.

M. St-Gelais (Raymond): Écoutez, oui, bon, d'abord, on dit, dans notre mémoire, à un moment donné: Il s'agit d'un programme de nature et de portée différentes. C'est quelque chose de tout à fait nouveau, là. Alors, que ça suscite un intérêt, bien espérons-le, hein? Et c'est évident qu'on est devant quelque chose à bâtir. Et, sur ce plan-là, on vous dit qu'on est intéressés à apporter une collaboration qui soit de vigilance, mais on ne vient pas ici pour vous dire qu'on... Vous comprenez qu'on... Mais, comme on est devant quelque chose de neuf, on ne peut pas dire, dès aujourd'hui, oui à tout, ça va être dans les années qui viennent qu'on va pouvoir davantage voir quelle configuration prend ce programme et comment il peut répondre aux objectifs d'abord de l'école, du jeune, et, bon, les objectifs d'ouverture à la diversité, tout cela, là.

M. Fournier: Merci. Je sais que vous ne venez pas dire que vous pouvez le qualifier avant même qu'il soit connu. Je l'ai dit d'entrée de jeu, j'ai vu l'expression d'une déception, mais, comme je l'ai dit aussi, un certain appui suspensif et surtout une collaboration déjà annoncée. Alors, à mon avis, on est déjà sur une bonne piste. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Ça me fait plaisir à mon tour de vous accueillir au nom de ma formation politique et de pouvoir échanger avec vous sur les propositions ou les inquiétudes que vous exprimez dans votre mémoire.

Bon, d'abord, je dois dire que j'aime votre mémoire, même si je ne partage pas tous les points de vue qui y sont exprimés, parce que je crois que, les inquiétudes ou les regrets que vous avez, vous les exprimez avec nuance et subtilité et avec un certain pragmatisme, en imaginant que ? et je crois que c'est le cas aussi ? vous pourriez contribuer, par vos propositions, par vos remarques, par vos propos, à bonifier, améliorer ce qui se prépare et ce qui s'offrira éventuellement dans nos écoles. Moi, je vais aller, de façon assez précise, sur des propositions que vous présentez, ou du moins des commentaires que vous faites, entre autres quand vous arrivez au programme d'éthique et de culture religieuse, au point 3.1, et que vous abordez la place du christianisme dans la culture québécoise. Vous indiquez, à la page 4, dans le dernier paragraphe de cette page, vous dites: «Quoi qu'il en soit, il est difficile d'imaginer comment un programme d'éthique et de culture religieuse pourrait constituer un simple enrichissement de ceux qui existaient auparavant, comme par une sorte de valeur ajoutée. [Donc, il s'agit] d'une transformation profonde [...] d'un programme de nature et de portée différentes. L'Assemblée des évêques estime qu'il y aurait méprise à penser qu'avec le nouveau programme, les jeunes ne perdront rien mais gagneront simplement une plus grande ouverture et des connaissances plus étendues.»

Pourquoi vous pensez ça? Est-ce qu'il ne serait pas possible d'arriver, avec l'esprit qui anime le document ou qui est à la base du document proposé par le ministère de l'Éducation, d'arriver à cette quête de sens à laquelle vous faites référence et à cette réponse aux jeunes?

Le Président (M. Mercier): Merci, Mme la députée. Monseigneur.

M. St-Gelais (Raymond): Bon, pourquoi? D'abord, peut-être que le fait que, dans le contexte actuel, on présentait à ceux qui faisaient l'option du programme confessionnel, on présentait la tradition catholique fait en sorte qu'il y avait une possibilité plus grande de se familiariser avec... Maintenant, on dit: Le programme qui est proposé va gagner en termes d'ouverture sur d'autres traditions religieuses. Sur ce plan-là, oui, mais peut-être que... Et on indique quand même le risque qu'on en arrive finalement à juxtaposer, à faire en sorte qu'on saupoudre un peu différentes confessions et qu'on en arrive uniquement à présenter des confessions, des croyances sans que la personne soit capable de s'identifier à une de ces traditions-là.

Mme Marois: Mais...

Le Président (M. Mercier): Mme la députée.

Mme Marois: Excusez. Mgr Blanchet, oui. Je pense que Mgr Blanchet voulait ajouter quelque chose.

M. Blanchet (Bertrand): Dans mes premières années comme évêque, j'ai eu l'occasion de regarder un programme d'enseignement culturel des religions qui s'adressait aux élèves de fin de secondaire. C'était à peu près une pile de papiers de cette hauteur-là. Quand j'ai eu terminé la lecture de ce programme-là, je me disais: Qu'est-ce que le jeune va retenir de vraiment éducatif de cela? Dans quelle mesure il est capable d'apprécier ce que signifient ces symboles religieux, ces traditions, ces connaissances? J'avais l'impression qu'on risquait de le disperser et que ce ne serait pas nécessairement éducatif. Autrement dit, ce que l'on risque de perdre, c'est un approfondissement de sa propre tradition. Sans doute une plus grande ouverture sur les autres, mais, dans notre optique, on aurait souhaité que ça se fasse à l'intérieur du programme actuel. Mais, moi, je crois que c'est beaucoup en termes d'approfondissement qu'il y a perte.

Le Président (M. Mercier): Merci, monseigneur. Mme la députée.

Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. Parce qu'on va convenir ensemble que c'est bien sûr à partir des parents et de l'Église, peu importe laquelle, que va se transmettre la doctrine, que vont se transmettre les principes de foi auxquels on adhère, et évidemment l'école vient apporter une information plus large, si on veut, permettant de relativiser, oui, mais sans, je dirais, sans contrarier ou sans contredire ? voilà ? sans contredire nécessairement les principes, la doctrine ou les orientations et les informations qu'on aura transmis à nos enfants comme parents ou que l'Église aura transmis aux enfants. Et donc, en ce sens-là, si le fond est solide, il me semble que c'est un plus que l'école pourra apporter, en termes d'ouverture et d'apport, au plan de l'information, au plan des connaissances, au plan des valeurs portées par l'ensemble de l'humanité mais aussi des expériences vécues et des histoires du monde. Je sens que vous êtes les deux à vouloir répondre, là. Je vous...

M. St-Gelais (Raymond): Non, non, mais simplement je dis...

Le Président (M. Chagnon): Personne ici ne va se battre, O.K.?

n(20 h 40)n

M. St-Gelais (Raymond): Non, non, non. Puis je n'ai pas... C'est parce que c'est intéressant. Ha, ha, ha! Non, je dirais que d'une certaine façon c'est un défi au programme, là, que je lance. D'une façon, M. le ministre l'a dit, là, puis il l'a redit à différents moments, bon, comment on va concilier la dimension, dire: C'est important de faire découvrir aux jeunes que l'identité québécoise, elle est... on ne peut pas détacher la dimension chrétienne? Bon, le défi, c'est d'une part de maintenir cette option tout en présentant aussi une diversité d'approches religieuses, là. Ça apparaît des fois même un peu la quadrature du cercle, disons. Mais c'est plutôt en termes de défi, je dirais, ce qui fait que le risque, c'est que... Bon, on ne parlera pas de ce qu'on a indiqué ici. Le risque, c'est ça, c'est qu'on en arrive finalement à vouloir... Parce que les traditions religieuses sont grandes, sont nombreuses ici, au Canada, de plus en plus, au Québec, et on va vouloir finalement satisfaire l'ensemble des traditions et faire en sorte qu'aucune d'entre elles ? ce que vous disait Mgr Blanchet ? ne puisse permettre une certaine intériorisation, un certain approfondissement de ce qui est, au Québec, un facteur important de l'identité québécoise.

Mme Marois: Voulez-vous ajouter quelque chose? Non? Ça va? Bien, moi, je veux pousser plus loin parce que, plus loin aussi dans votre document, vous faites référence évidemment à la conciliation des droits, à partir de cette première analyse, là. Puis on se retrouve à la page 6 de votre document. Vous dites: «...un programme unique peut-il être obligatoire et respecter le droit à la liberté de conscience? [Et] cela place la société devant le dilemme de savoir comment concilier les droits à l'égalité et à la liberté de conscience. [...] Comment [donc parvenons-nous ou] parviendra-t-il ? ce programme ? à respecter également la conscience des jeunes croyants et incroyants? Il [apparaît] bien difficile de viser une stricte neutralité en matière religieuse.»

Mais comment faire différemment, à partir du moment où l'école ne transmettra pas la doctrine? Parce que c'est de ça dont il s'agit aussi, là. Il faut être franc, il faut se dire les choses très clairement.

Le Président (M. Chagnon): Mgr Blanchet.

M. Blanchet (Bertrand): Peut-être en termes de défi, moi, à l'heure actuelle, il y a une inquiétude qui m'est souvent présente, c'est qu'il me semble qu'on risque de chercher les plus petits communs dénominateurs lorsqu'on veut vivre le pluralisme. Pour moi, un véritable pluralisme, c'est l'affirmation de ses convictions, de ses valeurs dans le respect des convictions et des valeurs de l'autre. Ce n'est pas la réduction au silence d'une minorité. Et, en ce sens-là, si j'applique ce principe-là, par exemple, à la question des symboles... Bon, si, dans une école, il y a, par exemple, un groupe de jeunes Juifs, on pourrait leur permettre de souligner, je ne sais pas, l'entrée dans le Yom Kippour; s'il y a un groupe de jeunes musulmans, je ne sais pas, l'entrée dans le ramadan. Mais, quand arrivera Noël, on sera capables, nous, les catholiques, de prendre la parole dans une école. Il me semble que, quand on parle de droit à l'égalité, il me semble que, si on voit ça sous l'angle du pluralisme, il ne faut pas chercher toujours les plus petits communs dénominateurs, hein?

Mme Marois: J'aime bien vous entendre en ce sens-là, mais, moi, je n'imagine pas ce que vous proposez impossible. Au contraire, j'imagine que ça puisse être possible justement dans une meilleure connaissance des uns et des autres et dans une meilleure acceptation de ce que porte chacun comme foi et de ce que ça entraîne concrètement en termes de gestes rituels ou autres.

M. Blanchet (Bertrand): Oui, tout juste. Moi, je souhaiterais que...

Mme Marois: ...écrire le programmeur. Rassurez-vous, là, mais...

M. Blanchet (Bertrand): Non, ça va. Je souhaiterais que le programme permette l'affirmation de ce type de pluralisme là. Ce n'est peut-être pas impossible, on verra, mais, à l'heure actuelle, la tendance est plutôt à l'inverse, hein? Ce qu'on favorise dans les écoles, là, les valeurs communes d'un projet éducatif, c'est la tolérance, qui pourrait fort bien s'accommoder de l'indifférence, hein?

Mme Marois: Oui, mais la tolérance accepte la différence. Et, pour accepter la différence, il faut la reconnaître, il faut qu'elle s'exprime.

M. Blanchet (Bertrand): Aussi. Et ça, ça suppose qu'on est conscient de son identité aussi.

Mme Marois: Oui, aussi.

M. Blanchet (Bertrand): Parce que, si son identité n'est pas clairement établie, c'est difficile de vivre le véritable pluralisme.

M. St-Gelais (Raymond): Il semble... En tout cas, disons, en positif, dans ce programme, c'est une ouverture au dialogue. Je pense bien qu'entrer en dialogue avec l'autre... Mais une des conditions pour entrer en dialogue, c'est d'abord se connaître soi-même. Si on veut être capables d'accueillir l'autre dans sa différence, il est bon que, nous-mêmes, on sache... Alors, c'est un peu ça, là, le défi, l'enjeu de ce programme qui se veut de favoriser le vivre-ensemble, disons, dans une société plurielle, et ça, bien sûr que c'est tout à fait... on y souscrit pleinement. Au fond, on travaille avec vous autres déjà à dire: Comment cela va-t-il se faire? Mais c'est ça, là. Comment favoriser un dialogue qui soit constructif, qui n'est pas simplement, bon, de l'indifférence? L'indifférence, ça veut dire: Bien, il dira bien ce qu'il pense, ça me... Mais être capable, moi-même, à partir de ce que je suis, de pouvoir... essayer de comprendre l'autre... Mais, si, moi-même, je ne me comprends pas, je peux difficilement saisir ce que l'autre me présente.

Le Président (M. Chagnon): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bonsoir. On parle d'école, on parle de nouveau programme, on parle de nouvelle approche, on parle d'éducation aux religions, mais, moi, je pense, préalablement à ça... Puis je vais vous donner un cas concret. J'ai une petite-fille de quatre ans et demi. Or, si elle comme tant d'autres qui vont à la garderie, qui ont des parents qui n'ont pas ces valeurs-là... Et c'est là qu'on en arrive maintenant à avoir tout ce nouveau débat. Parce qu'il y a un phénomène de non-participation, un phénomène de non-pratique de la religion, ce qui nous amène à dire: Écoute, nos enfants s'en vont où? Or, devant le fait qu'il y a une désertion de nos églises, désertion de la religion dans laquelle on a été tous élevés par nos parents, c'est de là que part le phénomène.

Alors, comment l'Église entend se comporter face à une clientèle parents, dont je fais partie et dont des plus jeunes font partie, qui ne pratique plus et qui semble vouloir que la religion catholique se donne encore à l'école mais qui ne la pratique pas à la maison? Et, moi, c'est un problème que je vis, dans le sens que je me dis: Comment est-ce que... On ne peut plus aller de l'avant comme ça à l'école parce que ça ne se pratique pas concrètement. Alors, de façon pratique, comment vous, de l'Église, pouvez rejoindre l'autre clientèle parents? Parce que l'enfant a toujours une référence parentale, on ne peut pas nier ça, là. Or, l'enfant revient à la maison, il n'entend plus parler de rien. Alors, la religion, à l'école, n'a plus la même saveur qu'elle avait quand, nous, on revenait à la maison, puis il fallait aller à l'église, le dimanche, puis il fallait aller pratiquer les sacrements, ce qui ne se fait plus. Ça, c'est une réalité qu'on vit tous les jours.

Alors, vous autres, vous avez donc un rôle à jouer, je dirais, en avant de ça, en amont de ça. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Saint-Gelais (Raymond): Bon, écoutez, je pense qu'actuellement, comme les communautés chrétiennes, les diocèses font un travail assez important. Mais on a vu, cette semaine, au Point, ce qui se fait à Montréal, et ces choses-là. Donc, je pense qu'un peu partout, nous, on parle de l'Église les soirs de semaine, c'est-à-dire que les sous-sols d'église sont pleins. Alors, il manque de locaux, même sur semaine, actuellement, pour toutes les rencontres qu'il y a à différents niveaux.

Mais là, au niveau du projet gouvernemental, un des aspects que je trouve intéressants dans la présentation du ministre, c'est toute la dimension de l'intégration, de l'enracinement dans la réalité du milieu. Et c'est possible que les familles, au plan de la pratique cultuelle, ne soient pas là, mais il y a quand même un héritage qui leur vient de parents ou de grands-parents, auquel ils sont familiers. Et l'intention du ministre qui s'est exprimée dans sa présentation, c'est justement de partir de cette réalité à laquelle le jeune est déjà plus familier.

Au primaire, on part de l'environnement qui est le sien, qui n'est pas uniquement de pratique. Déjà, le fait qu'il voit des jeunes, des enfants qui vont à la messe, d'autres qui n'y vont pas, c'est déjà s'habituer à vivre avec d'autres comportements. Mais ça, il m'apparaît que, dans le programme, cette dimension de la progression, de partir de ce qui est le plus connu pour aller progressivement vers du neuf, ça, je pense que, là...

n(20 h 50)n

Dans votre comté, qui n'est pas loin de chez nous, c'est un peu la même réalité: presque 100 % des gens sont de souche catholique. Donc, là, il y a une tradition qui vient des parents et des grands-parents, à laquelle l'enfant a accès, et c'est à partir de ça, j'imagine, que le nouveau programme va permettre au jeune de se familiariser avec sa propre identité et graduellement en arriver... Moi, c'est cette dimension-là, cette perspective-là du ministre que je trouve intéressante. Alors, peu importe, ça, c'est notre problème de dire dans quelle mesure on va en faire... puis ils vont adhérer à la foi. Mais la dimension de faire que le jeune, à partir de son milieu habituel, puisse approfondir des choses, découvrir des choses, des symboles, découvrir, au plan même du contenu... bon, parler de Jésus, parler... bon, alors, ça, progressivement, il me semble que pédagogiquement c'est intéressant.

Mme Champagne: Donc, la reconnaissance de l'héritage...

Le Président (M. Chagnon): Je suis obligé de vous interrompre parce que notre ami et collègue le député de Beauce-Nord a des questions à poser.

Mme Champagne: Veut poser une question. J'ai bien compris.

Le Président (M. Chagnon): Merci. Mais peut-être, Mgr Blanchet, que vous aviez un mot à dire, je pense, sur la...

M. Blanchet (Bertrand): Très rapidement, j'aimerais que, si c'était possible, dans ce nouveau programme, on puisse permettre certaines modulations à l'égard des milieux dans lesquels il sera dispensé. Je suis dans le diocèse de Rimouski. À l'heure actuelle, dans la commission scolaire de Rimouski-Neigette, il y a 95 % des enfants qui ont un enseignement confessionnel très, très majoritairement catholique. Il y a 10, 12 petites écoles où tous les enfants sont en enseignement religieux catholique, à la demande des parents. Est-ce que c'est pensable que le nouveau programme tienne compte de ces réalités et que ces petites paroisses ne soient pas nécessairement obligées de s'ajuster à ce qui se passe à Montréal?

Le Président (M. Chagnon): Merci. Monseigneur... Monseigneur... Je m'excuse.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Chagnon): Voyez-vous, voyez-vous...

Des voix: ...

Le Président (M. Chagnon): Évidemment, j'ai présumé un peu d'un avenir qui pourrait vous être prometteur, mais pour l'instant vous n'êtes que le député de Beauce-Nord...

M. Fournier: C'est déjà beaucoup.

Le Président (M. Chagnon): ...ce qui est déjà beaucoup, comme dit le ministre.

M. Grondin: Je ne suis que le député de Beauce-Nord, et fier de l'être.

Le Président (M. Chagnon): Et voilà! Vous avez tout à fait raison.

M. Grondin: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Mais vous n'êtes pas encore...

Mme Marois: Ça va venir, ça va venir.

M. Grondin: Ha, ha, ha! Bien, écoutez, quand on écoute tout ça, moi, je pense qu'autant le ministre, autant l'opposition, les évêques, je pense que tous les gens, là, qui ont passé ici, si on met les enfants au coeur de la décision, au coeur du programme, puis si tous les gens participent à l'élaboration de ce programme-là, je crois que tout le monde ne peut pas passer à côté d'en sortir gagnant. Peut-être qu'on voit des désavantages, il y a des avantages, mais je pense que dans l'ensemble, si tout le monde met ses connaissances, comme vous l'avez dit...

Puis, en région, c'est sûr qu'on ne vit pas la même réalité qu'à Montréal, mais il ne faut pas non plus... Montréal vit une réalité qui quand même... La majorité de la population est là. Alors, il faut quand même accommoder la ville de Montréal et la ville de Québec, les grandes villes. Alors, moi, ce n'est pas une question comme une réflexion. Je pense que, si M. le ministre et tout le monde, on travaille ensemble, on va faire de quoi de bon. Peut-être qu'on a peur pour rien, mais peut-être aussi que les parents vont avoir un peu leur job à faire dans tout ça, là. Parce que les parents, dans les dernières années, on a peut-être été négligents, on a laissé tout aux autorités scolaires et religieuses de s'occuper de nos enfants. Peut-être qu'il va falloir leur montrer un peu qu'est-ce qu'on a appris quand on était jeunes puis notre vie aussi. Alors, c'est ça. Merci.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, M. le député de Beauce-Nord. Je voudrais remercier...

Une voix: ...

Le Président (M. Chagnon): Pardon? Oui. Je voudrais remercier les membres de l'Assemblée des évêques qui sont avec nous et peut-être, là, les laisser avec une pensée suite au trois quarts d'heure qu'on vient de passer ensemble. Vous avez un grand défi qui est devant vous. Pendant des centenaires, dans le fond, l'Église catholique ici, de laquelle on a hérité beaucoup sur le plan culturel, sur le plan de notre organisation sociale, a baptisé des enfants par milliers, par centaines de milliers, pour les convertir. Aujourd'hui, votre défi, c'est dans le fond de convertir les baptisés. Alors, je vous remercie beaucoup, Mgr St-Gelais, Mgr Blanchet, M. l'abbé Gaudette.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Chagnon): Alors, M. Pierre Patry, je vous salue et je vous souhaite la bienvenue, Mme Suzanne Leduc aussi qui vous accompagne. Vous pourriez nous présenter l'autre personne qui est avec vous, que je ne connais pas?

M. Patry (Pierre): La troisième personne qui est dans notre délégation, c'est M. Ronald Cameron, qui est président de la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec, qui est une fédération affiliée à la CSN, bien sûr.

Le Président (M. Chagnon): Ronald Talbot.

M. Patry (Pierre): Cameron.

Le Président (M. Chagnon): Cameron. Bien, M. Patry, nous vous écoutons. Vous avez 15 minutes devant vous pour nous faire votre exposé. Ce sera suivi d'un 15 minutes de la partie gouvernementale et de la partie de l'opposition, chacune 15 minutes.

Confédération des syndicats
nationaux (CSN)

M. Patry (Pierre): Merci, M. le Président. Nous remercions les membres de la Commission de l'éducation de nous permettre de transmettre le point de vue de la Confédération des syndicats nationaux sur la déconfessionnalisation du système scolaire. Cette question, centrale pour l'avenir du Québec, trouve finalement son dénouement.

La Confédération des syndicats nationaux représente plus de 300 000 travailleuses et travailleurs oeuvrant dans toutes les sphères d'activité et provenant de toutes les régions du Québec. De ce nombre, environ 50 000 travaillent dans le secteur de l'éducation. Notre organisation représente 14 000 enseignantes et enseignants du réseau collégial public, 8 000 chargés de cours d'université, 1 000 professeurs d'université, 2 000 enseignantes et enseignants, dans le secteur privé, des niveaux secondaire et collégial, 25 000 employés de soutien travaillant dans les cégeps, les universités et les commissions scolaires, incluant les travailleuses et travailleurs en service de garde. La CSN représente aussi plus de 250 000 travailleuses et travailleurs d'autres secteurs d'activité, en santé et services sociaux, commerces, organismes gouvernementaux, métallurgie, papier, forêt, communications, construction, pour n'en nommer que quelques-uns.

La CSN a traditionnellement accordé une grande attention aux débats de la société québécoise. Les questions relatives à l'éducation ont depuis longtemps occupé une part importante dans les délibérations de notre organisation. Au fil des ans, nous avons participé activement aux discussions concernant divers sujets de nature éducative, que ce soit relativement à la petite enfance, l'ordre collégial, l'université, l'éducation des adultes ou la formation continue. Nous avons été présents notamment lors de la commission Parent, de la commission Jean, de la Commission des états généraux sur l'éducation et récemment au Forum sur l'avenir de l'enseignement collégial.

L'intérêt de notre mouvement pour les questions éducatives provient non seulement du fait qu'en tant qu'organisation syndicale nous avons à coeur de défendre les préoccupations professionnelles de nos membres dans ce secteur, mais également parce que l'ensemble de nos adhérents sont préoccupés par le progrès de notre société et par l'épanouissement des individus qui la composent. De plus, bon nombre des membres de la CSN sont directement touchés, en tant que parents, par les réformes de l'éducation et sont soucieux de la qualité des services éducatifs dispensés à leurs enfants.

C'est avec beaucoup d'intérêt que la CSN a participé au débat entourant la déconfessionnalisation du système scolaire, et les positions de notre organisation ont évolué avec le temps. La CSN s'est d'abord prononcée sur le sujet dans les années soixante, lors des débats sur le rapport Parent. Puis, au début des années quatre-vingt, les travaux de la commission Jean ont permis de faire avancer notre réflexion. Ce n'est toutefois qu'en 1988 que la CSN a pris position pour la première fois en faveur de la déconfessionnalisation du système scolaire, dans son mémoire présenté à la Commission de l'éducation sur le projet de loi n° 107. La CSN argumentait que la religion, à la différence de la langue, n'était plus ce lien important autour duquel la société québécoise s'identifiait et se structurait et que le système d'éducation devait dorénavant être le reflet de cette évolution.

n(21 heures)n

Nous avons réitéré notre position à l'occasion des états généraux sur l'éducation, en 1996, puis dans notre mémoire sur le projet de loi n° 109, en 1997. Au cours de cette même année, notre centrale a présenté son point de vue, toujours en ce sens, au comité mixte du gouvernement fédéral chargé d'examiner le projet de résolution amendant la Loi constitutionnelle de 1867 relativement au système scolaire du Québec.

En 1999, à l'occasion du débat sur la place de la religion à l'école, la CSN a présenté sa position à la Commission de l'éducation et invoqué que le Québec avait changé, que notre société était devenue fortement pluraliste sur les plans culturel et ethnique, que le respect des droits et libertés devait s'exercer dans un contexte complètement transformé et que les institutions québécoises devaient prendre en compte ces changements. Encore tout dernièrement, de concert avec les 50 organisations membres de la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire, la CSN a pressé le gouvernement de ne pas reconduire la clause dérogatoire à la Charte canadienne des droits et libertés de la personne et de terminer l'opération de déconfessionnalisation du système scolaire entamée en 1997 avec la déconfessionnalisation des commissions scolaires et des écoles.

Aussi la CSN a-t-elle accueilli favorablement l'énoncé de politique ministérielle et le projet de loi n° 95 lorsqu'ils ont été déposés par le ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport, en mai dernier. L'initiative gouvernementale de déconfessionnaliser les écoles québécoises d'ici trois ans répond aux attentes de notre organisation et correspond à la position d'ouverture à la diversité culturelle et religieuse que nous défendons depuis plusieurs années. Pour la CSN, le gouvernement fait aussi preuve d'écoute en suivant les recommandations des organismes chargés de le conseiller et en tenant compte de l'opinion majoritaire de la population québécoise.

D'ici le 30 juin, l'Assemblée nationale du Québec sera appelée à prendre une décision déterminante concernant le respect du droit à l'égalité dans l'éducation. Rappelons que l'adoption, au début des années soixante-dix, de la Charte des droits et libertés de la personne a représenté un tournant majeur de notre histoire et a été un moment fort de l'entrée du Québec dans la modernité. La liberté de pensée, la liberté d'opinion, la liberté de croyance sont inscrites dans cette charte et sont les fondements de notre démocratie. Or, depuis plus de 20 ans, le Québec déroge à ces grands principes et à ces droits fondamentaux en éducation en allouant un privilège aux enseignements religieux confessionnels catholique et protestant par rapport aux autres enseignements religieux. Cette discrimination envers les non-catholiques et les non-protestants doit cesser. Non seulement l'État contrevient-il, ce faisant, aux valeurs communes qu'il a lui-même proclamées, mais il compromet la démarche éducative visant à amener les élèves à faire des chartes un élément fondateur des normes sociales.

Le gouvernement entend recourir aux clauses dérogatoires pour une dernière période de trois ans, soit de juillet 2005 à juillet 2008. La CSN aurait souhaité que ce délai soit plus court. Nous comprenons par contre qu'une période de transition est nécessaire afin de bien réaliser les travaux requis pour l'élaboration des programmes d'études, pour la formation et le perfectionnement des enseignants et pour l'acceptation du changement par les parents québécois tenants de l'enseignement religieux à l'école. C'est pourquoi la CSN est en accord avec... que le gouvernement ait recours à nouveau aux clauses dérogatoires, mais pour une période transitoire de trois ans.

Nous saluons également le fait que le projet de loi laisse la latitude aux commissions scolaires, avec l'autorisation du ministre, de permettre à une école d'introduire un programme local d'éthique et de culture religieuse jusqu'au 30 juin 2008. Cette disposition est en continuité avec la possibilité qui avait été donnée, en l'an 2000, d'introduire, au deuxième cycle du secondaire, un cours d'éthique et de culture religieuse.

Le document ministériel La mise en place d'un programme d'éthique et de culture religieuse ? Une orientation d'avenir pour les jeunes du Québec nous éclaire à plusieurs égards. Les fondements et les principes du nouveau programme y sont exposés de façon explicite, ce qui contribuera sans doute à en rassurer plusieurs, dont la CSN, nous en convenons. Nous y retrouvons en effet une grande partie des éléments que la CSN aurait souhaité voir introduits dans un nouveau programme, et ce, tel que nous l'avions indiqué en 1999, à l'occasion de notre présentation à la Commission de l'éducation sur la place de la religion à l'école. La CSN proposait alors de remplacer les enseignements religieux confessionnels catholique et protestant par un enseignement culturel des religions portant sur les différentes religions et sur les grands courants de la pensée séculière, et de dispenser cet enseignement à tous les élèves. Pour la CSN, un enseignement culturel des religions qui aurait abordé le phénomène religieux et les grands courants de la pensée séculière selon les perspectives des sciences humaines et sociales aurait mieux préparé les élèves à vivre dans une société pluraliste en reflétant la diversité religieuse présente au Québec et dans le monde.

De plus, nous étions d'accord avec le fait d'accorder une grande place à l'étude du christianisme pour tenir compte de l'importance de ce courant de pensée et de l'influence marquante qu'il a exercée sur le Québec, et pour éviter une rupture trop grande avec la tradition identitaire chrétienne de notre province. Nous croyions aussi que l'éducation aux valeurs communes de notre société devait également occuper une place importante dans cet enseignement et constituer un des principes directeurs du programme.

Enfin, à ceux qui invoquaient que la proposition d'enseignement culturel et religieux ne répondait qu'aux besoins de la métropole et ne correspondait pas à la réalité du reste de la province, la CSN indiquait son désaccord. Nous invoquions qu'avec la croissance fulgurante des technologies de l'information tous les jeunes Québécois étaient déjà en contact, soit par la télévision ou par Internet, avec la diversité religieuse présente ici et dans le monde. Selon la CSN, l'État aurait manqué à ses obligations en privant les élèves de la métropole ou des régions d'acquérir des connaissances sur cette réalité contemporaine.

La CSN est toujours d'avis qu'un enseignement de culture religieuse est souhaitable pour tous les jeunes du Québec, en remplacement des enseignements religieux confessionnels catholique et protestant, et considère à cet égard que le nouveau programme prévu répond à nos attentes. De plus, il nous apparaît que le contenu du volet éthique correspond à notre souhait que les valeurs communes de notre société et les prescriptions sociales soient introduites dans le nouveau programme d'enseignement.

Puisque le nouveau programme ne devrait plus comprendre d'aspect confessionnel, il nous semble que l'article 477.18.3 de la Loi sur l'instruction publique ne devrait plus contenir de disposition à l'effet que le Comité sur les affaires religieuses approuve les aspects confessionnels des programmes d'enseignement. De la même manière, le Comité sur les affaires religieuses ne devrait plus avoir à tenir compte des avis des Églises concernées ou à consulter les groupes religieux ainsi que les personnes ou organismes particulièrement intéressés par la question religieuse avant d'approuver les aspects confessionnels d'un programme, puisque les contenus confessionnels n'y seront plus. Le comité pourrait toutefois conserver la possibilité de consulter les groupes religieux ou organismes sur les aspects du programme où ces derniers pourraient apporter une expertise spécifique.

Par ailleurs, avec les changements envisagés, il nous semble que le libellé actuel de l'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, se rapportant aux droits des parents en matière d'enseignement religieux et moral, peut représenter un problème et amener des contestations judiciaires. La CSN n'a pas fouillé en profondeur le sujet, mais nous croyons tout de même que le ministre devrait être attentif à cette question et considérer notamment les avis de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec, du Conseil des relations interculturelles et du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école qui ont proposé de reformuler l'article 41 pour qu'il soit plus conforme aux engagements internationaux du Québec.

En conclusion, la CSN demande que le gouvernement du Québec termine sa démarche amorcée en 1997, avec l'abrogation de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, et franchisse le dernier pas afin que le système public soit complètement déconfessionnalisé, et ce, en cohérence avec les autres choix que le Québec a faits dans les dernières décennies. En 2005, plus que jamais la CSN est convaincue que l'école publique doit assurer le plein respect des droits fondamentaux de tous les élèves, quelles que soient les croyances de leurs parents en matière de religion, et que le retrait des enseignements confessionnels catholique et protestant pourra enfin permettre à tous les enfants de fréquenter la même école publique commune, sans distinction de religion. Nous sommes persuadés que la population québécoise est prête à franchir ce pas. Il en va de la cohésion sociale et de la démocratie au Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, M. Patry. Maintenant, je vais demander à M. le ministre de répondre. Qu'est-ce que vous avez contre ça, M. le ministre?

M. Fournier: M. le Président, je suis un peu embêté. M. Patry et les gens qui vous accompagnent, merci d'être avec nous. Je vous remercie beaucoup pour le mémoire que vous nous déposez. Je vais faire quelques constats du mémoire, vous avouer que je n'ai pas encore trouvé de piste de question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: À certains moments donnés, on nous conseille: Si c'est correct, pourquoi aller chercher plus loin? Ha, ha, ha!

Je vois, dans le mémoire, d'abord un historique du positionnement de la CSN, qui démontre la démarche qu'elle a faite, qu'il est intéressant de noter, surtout quand on le met en lumière avec d'autres groupes qui sont venus, qui nous ont aussi exprimé leur évolution. Je pense ici à la Fédération des comités de parents, à la Fédération des commissions scolaires qui, dans un passé plus récent, ont constaté des développements, ont choisi d'aller vers une nouvelle option, ont constaté que le choix actuellement des options n'est pas organisationnellement praticable, et donc suggèrent, conseillent qu'on change d'orientation, et je vois donc qu'il y a un fil conducteur pour tout le monde d'aller vers l'orientation qui est choisie. De la même manière, vous n'hésitez pas à souligner l'importance de préserver l'héritage, qu'encore une fois tout le monde a soulevée sans aucune gêne. Il est important que ce phénomène-là soit préservé et que ce ne soit pas un oubli. Encore une fois, vous n'êtes pas les premiers.

n(21 h 10)n

Et je note aussi l'élément sur le souhait que vous auriez formulé sur un délai plus court. Mais je note que vous avez vu un peu le dilemme qui était ? qui est en tout cas le mien ? lorsque la question s'est posée. Vous l'avez excessivement bien décrit dans le mémoire. Je pense que je ne l'aurais jamais dit aussi bien que vous, finalement, bien que c'est comme ça que ça s'est présenté. Il fallait se préparer. Ça veut dire préparer un cours, le faire correctement, ça veut dire aussi avoir des maîtres qui sont prêts à le faire. En termes organisationnels, il fallait faire ça. Mais vous avez noté, puis je tiens à le dire et à le répéter, que vous avez ajouté «et pour l'acceptation du changement par les parents québécois tenants de l'enseignement religieux à l'école». Vous avez compris qu'il y avait, dans l'approche que nous faisions, un souhait d'une continuité et de ne pas brusquer, de ne pas donner, lancer le message qu'on voulait imposer, mais qu'on voulait plutôt aller chercher l'adhésion des gens face à cette proposition-là, et je suis heureux que vous l'ayez écrit. Ça doit vouloir dire qu'on l'a assez bien dit puis que c'était ça qu'on voulait faire.

Et je constate, après deux jours, M. le Président... Je sais qu'on n'a pas fini, aujourd'hui, mais, après deux jours, il y a quand même, je dirais... ce n'est pas l'unanimité, mais...

Le Président (M. Chagnon): Non. Ce n'est pas rien. On n'a pas fini, c'est demain, là.

M. Fournier: C'est vrai. Je dis quand même qu'il n'y aura pas d'unanimité, mais on sent qu'on était rendus là et qu'on est prêts à faire ce choix-là. À nous maintenant de bien nous y préparer pour qu'en termes organisationnels on soit capables de livrer la marchandise. Ça, c'est notre responsabilité, et on va le faire en collaboration avec les gens qui nous ont offert la leur.

Je n'ai pas de question à vous poser, simplement vous remercier d'avoir apporté votre contribution, de nous avoir lus correctement. C'est exactement dans le sens qu'on veut le faire, sans brusquer personne, mais en allant chercher le plus de gens possible à faire ce choix que vous avez fait il y déjà très longtemps. Et, vous, vous étiez depuis longtemps, si je comprends bien, en recherche d'adhésions de plus en plus nombreuses à votre position. C'est maintenant chose faite. Mais il n'y a pas de question. Je crois que vous avez décelé des commentaires sur lesquels vous pourriez faire vous-mêmes des commentaires, M. Patry.

Le Président (M. Chagnon): Alors, M. Patry.

M. Patry (Pierre): Bien, je vous remercie, M. le ministre. Quand on décrit, au point de départ, ce qu'est la CSN, c'est 50 000 personnes qui oeuvrent en éducation, c'est 250 000 personnes qui oeuvrent dans l'ensemble des autres secteurs d'activité économique. Mais la CSN, c'est un microcosme de la société québécoise. Donc, c'est une organisation qui elle-même s'est déconfessionnalisée au début des années soixante, donc dans la foulée de la Révolution tranquille, et pour nous le point de départ, le début de la déconfessionnalisation du système scolaire, c'est avec le rapport Parent, le fait qu'on ait sorti les établissements d'enseignement de l'égide des communautés religieuses. Et après les gouvernements qui se sont succédé, qu'ils soient du Parti libéral ou du Parti québécois, ont tous franchi des pas dans le sens de la déconfessionnalisation du système scolaire, puis on se réjouit, aujourd'hui, de constater que les derniers pas seront franchis si le projet de loi qui est à l'étude est adopté.

Pour ce qui est de la période de transition, bien, vous l'avez bien dit, nous, on aurait préféré une période plus courte. Par ailleurs, on a aussi du monde qui oeuvre en éducation, qui a besoin aussi d'un espace pour permettre de s'adapter à cette nouvelle réalité là, ces nouveaux cours là. On pense que ça aurait pu se faire plus rapidement, mais, comme il y a un engagement réel, de la part du gouvernement, par le projet de loi n° 95 qui fait en sorte qu'en juillet 2008 il n'y aura plus d'utilisation des clauses dérogatoires, bien on pense que c'est un temps, bon, même si on considère qu'il est un petit peu long, qui va permettre de faire une meilleure transition. Et, à la CSN, on croit à la nécessité de convaincre. Donc, on sait qu'il demeure des personnes d'après nous minoritaires, dans la société québécoise, qui croient encore à l'importance des cours d'enseignement religieux, au sens de transmission de la foi dans les écoles, mais ce sera une période qu'on pourra utiliser, de concert avec le gouvernement, les organisations qui font partie de la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire... de convaincre ces gens-là de l'importance et du bien-fondé du nouveau programme.

M. Fournier: M. le Président, juste pour ajouter, et, jusqu'à un certain point, les gens qui ne sont pas favorables, qui préfèrent préserver le statu quo, jusqu'à un certain point, il faut les considérer comme des gens qui formulent des inquiétudes par rapport au programme qui sera mis en place, et donc l'importance, comme nous disaient les évêques, d'être vigilant et de s'assurer que ce soit aussi un programme qui soit performant, qui soit utile. Et, à cet égard-là, vous l'avez noté, le document qu'on a produit essaie d'être le plus clair possible, d'aller le plus loin possible pour réduire les inquiétudes. Souvent, il faut se rendre à la pleine destination pour que le plus d'inquiétude soit estompée. Mais, moi, je considère que le faire correctement, c'est tenir compte qu'il y a des gens...

D'ailleurs, certains sont venus nous voir, qui avaient beaucoup d'inquiétude, notamment sur la confusion qui pourrait être générée dans l'esprit des élèves, à l'égard d'un enseignement plus large que ce qui est présentement et plus diversifié que ce qui existe présentement. Et, bien qu'on a amené plusieurs témoignages à l'effet contraire, il reste qu'il y a des gens qui croient ça. Donc, c'est important de s'appliquer, dans le programme, pour que pour eux le résultat soit un résultat gagnant aussi. On le fait quand même pour le plus de monde possible et pour être gagnant.

Enfin, c'étaient les commentaires que je voulais faire, en vous remerciant.

Le Président (M. Chagnon): Merci. M. Patry.

M. Patry (Pierre): Un dernier mot peut-être sur cette question-là. Je mentionnais tantôt que, principalement à la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec, il y a des gens qui oeuvrent dans l'enseignement privé, au secondaire et au collégial, mais plus massivement au secondaire, et, si on peut apporter notre collaboration pour faire en sorte, au niveau du programme, qu'il puisse s'élaborer, là, disons, puis qu'il puisse rencontrer les objectifs souhaités de notre part et de votre part, on est prêts à collaborer puis à mettre des gens à l'oeuvre pour travailler à l'élaboration de ce programme-là également.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, M. Patry. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue aussi au nom de ma formation politique.

Et c'est vrai que votre mémoire est très limpide et très clair quant à vos... d'abord, un, à l'appui que vous avez toujours accordé en ce sens, au fait que l'école se transforme progressivement pour maintenant atteindre un certain niveau de laïcité, pour ne pas dire une laïcité certaine, un meilleur partage entre les responsabilités et les rôles de l'État, de la famille et de l'Église, et par ailleurs que l'État assume son rôle pour permettre que nos jeunes soient mieux formés, informés et soient capables de développer un esprit critique leur permettant d'exercer leurs droits de citoyens et, je dirais, de participer mieux dans le fond à la société dans laquelle ils vivent.

Cependant, vous étiez là lorsque l'Assemblée des évêques a présenté son mémoire et vous faites référence au même phénomène, pour ne pas le différencier comme eux le font. C'est celui du fait qu'on devrait traiter peut-être différemment la métropole, Québec, Gatineau et les régions. Il y a un paragraphe, dans votre mémoire, à la page 6, où vous dites: «Enfin, à ceux qui invoquaient que la proposition d'enseignement culturel des religions ne répondait qu'au besoin de la métropole et ne correspondait pas à la réalité du reste de la province, la CSN indiquait son désaccord. Nous invoquions qu'avec la croissance fulgurante des technologies de l'information», etc. Donc, par rapport à ce que nous demandait, tout à l'heure, l'Assemblée des évêques, vous n'êtes pas nécessairement d'accord avec ce point de vue ou vous n'en seriez... J'aimerais ça vous entendre.

Le Président (M. Chagnon): M. Patry.

M. Patry (Pierre): Bien, écoutez, ça a peut-être été moins présent dans le débat, cette fois-ci ? dans le débat public, je parle ? qu'il y a cinq ans. Je me rappelle qu'il y a cinq ans, quand bon il y a eu une grande partie de la déconfessionnalisation du système scolaire qui s'est opérée, là, au tournant de l'année 2000, quand on a déconfessionnalisé les commissions scolaires, le Conseil supérieur de l'éducation, le ministère...

Mme Marois: Les commissions scolaires, après ça le Conseil supérieur, le ministère et les écoles...

M. Patry (Pierre): Le ministère sous votre gouvernement, les écoles, puis il restait...

Mme Marois: ...et la possibilité d'offrir un programme...

M. Patry (Pierre): Exactement. Puis là il restait les cours d'enseignement religieux confessionnel. C'est le dernier pas à franchir, puis, la dernière fois, bon, il n'a pas été franchi, pour des raisons que vous connaissez fort bien, puis le débat avait porté beaucoup, à ce moment-là, sur le fait que beaucoup de gens disaient que c'était principalement un problème qui était montréalais. Ça a moins été présent dans le débat public, cette fois-ci, mais nous considérons que ce n'est pas qu'un problème qui est montréalais. Et, si on veut aussi permettre que, dans les différentes régions du Québec, on puisse accueillir des immigrantes et des immigrants et les intégrer à la communauté, bien il faut faire en sorte, au niveau des écoles, par exemple, d'ouvrir au niveau d'un autre enseignement religieux que l'enseignement religieux confessionnel. Donc, il y a peut-être un problème montréalais plus particulier, mais ce n'est pas uniquement une question montréalaise.

n(21 h 20)n

Puis maintenant, aujourd'hui, de toute façon, avec l'accès qu'ont les jeunes à l'ensemble de l'information, comme on dit dans notre mémoire, soit par Internet, la télévision, ainsi de suite, bien ils sont confrontés à toutes sortes de questions qui les interpellent, autant pour un jeune des régions que pour un jeune de Montréal. Donc, on ne pense pas qu'il faille faire des différenciations, selon les régions, du programme d'enseignement, là, d'éthique et de culture religieuse.

Mme Marois: D'accord. Il y a une autre remarque que vous faites sur le fait que l'on ait à consulter le Comité des affaires religieuses, et vous dites: Ce comité ne devrait plus avoir à tenir compte des avis des Églises concernées ? tel que les amendements, là, le prévoient ? ou consulter les groupes religieux, et donc procéder autrement. Encore là, j'aimerais vous entendre sur cette question plus concrète et spécifique.

M. Patry (Pierre): En fait, ce qu'on ne veut pas, c'est qu'il y ait l'obligation de le faire. Par contre, on a bien entendu, par exemple, l'Assemblée des évêques qui est passée avant et qui offre sa collaboration pour faire en sorte que, dans le programme d'éthique et de culture des religions, ils puissent collaborer pour faire en sorte que le contenu soit conforme à la pensée de ce qu'est l'Église catholique, de sorte qu'il soit bien rendu, pas au sens de transmission de la foi, mais que les préceptes de cette religion-là, comme de n'importe quelle religion, soient bien présentés. Bien, ce qu'on dit, c'est que le Comité sur les affaires religieuses, bien il devrait pouvoir consulter, mais il ne devrait pas y avoir une obligation, comme c'est fait à l'heure actuelle ou comme c'était dans le temps, là, avec les comités catholique et protestant qui étaient au Conseil supérieur de l'éducation, avant 2000.

Mme Marois: Qui étaient obligatoirement consultés sur tout, là.

M. Patry (Pierre): C'est ça. C'est ça. C'est l'obligation qu'on veut enlever. Si les différentes Églises veulent collaborer, je pense que ça va être un plus pour l'élaboration de ce programme-là.

Mme Marois: Mais pas nécessairement une obligation spécifique au fait qu'on consulte les différents groupes religieux.

M. Patry (Pierre): C'est ça, une obligation spécifique prévue à la loi, mais qu'on puisse leur permettre de le faire.

Mme Marois: D'accord. Merci. Je pense que j'ai une collègue qui voudrait prendre la relève.

Le Président (M. Chagnon): Alors, on va inviter la députée de Champlain à prendre la parole.

Mme Champagne: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, madame, bonsoir. Vous avez, parmi les gens qui relèvent de votre confédération, 50 000 travailleurs, dont 14 000 enseignants et enseignantes du niveau collégial public. Même s'ils ne sont pas touchés par la réforme maintenant, vous voyez ça comment, une telle approche face au niveau collégial? Parce qu'on tombe comme dans un vide, après ça. Même si ce n'est pas pour demain matin, là, il y a quand même une suite à donner, et on a eu des commentaires là-dessus par d'autres groupes, à savoir qu'il y a beaucoup de méconnaissance, en termes d'approche des religions, à ce niveau-là. Alors, vous autres, de la CSN, vous voyez ça comment?

M. Patry (Pierre): M. Cameron.

Le Président (M. Chagnon): M. Cameron.

M. Cameron (Ronald): Merci beaucoup. Bien, je veux dire, pour le dire simplement, on a beaucoup milité dans la dernière période pour expliquer que toute la culture et la formation générale devaient rester dans les collèges. C'est un élément crucial des attributs de l'enseignement collégial que cette formation générale là. Mais là est-ce qu'on doit introduire des cours de culture religieuse dans l'enseignement collégial? On ne croit pas que ce soit approprié. On croit plutôt, de renforcer la philosophie, que ce serait probablement plus approprié. Je pense que la question, c'est pour combler, au plan de l'enseignement primaire, secondaire, toute l'approche. Elle ne peut pas vraiment s'exporter au plan collégial. Il faut plutôt l'approcher au plan de la fonction de la formation générale, dans l'enseignement collégial. Ça, je pense que c'est un élément important.

Et finalement les cégeps ont été d'emblée déconfessionnalisés quand ça a été formé, à la fin des années soixante. Ils ont été conçus de cette manière-là. En fin de compte, c'est finalement, par rapport à la modernité, là, juste une mise à niveau des autres réseaux par rapport à la réalité des cégeps.

Le Président (M. Chagnon): Oui, M. Patry.

M. Patry (Pierre): Puis j'apporterais un complément aussi à cette réponse-là. Les jeunes, en étant mis au contact des cours d'enseignement culturel des religions et des cours d'éthique, au contraire, quand ils vont arriver au collégial, ils seront encore mieux préparés. Parce que, là, ils ne sont presque pas mis au contact des différentes religions, puis ensuite les grands courants de la pensée séculière, les grands religions, les préceptes des différentes religions, puis ainsi de suite. À ce moment-là, quand ils vont arriver dans les cours de philosophie, au collégial, on pense qu'avec ce qui est sur la table, en remplacement des cours confessionnels catholiques et protestants, ça offre une formation générale qui est plus complète pour les jeunes du secondaire et ça va venir même enrichir la portée des cours possiblement au collégial.

Mme Champagne: Une deuxième petite question. On parle d'éthique, on parle également d'enseignement moral, on parle, au niveau des religions, de la culture des religions et au niveau de l'éthique. Est-ce que vous y voyez une différence, une espèce de programme avec deux volets, ou vous voyez ça dans un seul tenant, cet enseignement-là? Parce que, là, on parle bien sûr de la culture des religions, mais on parle aussi d'éthique. Et on a entendu d'autres groupes qui y voient deux espèces de créneaux différents pour que l'un soit en lien avec l'autre, mais pas nécessairement dans un seul tenant. Alors, votre vision là-dessus, c'est quoi?

M. Patry (Pierre): Je ne peux pas prétendre qu'on est allés en profondeur sur cette question-là, mais, dans le projet de programme, on mentionne également des éléments de morale qui pourraient être intégrés. Je pense qu'il faut voir à l'usage. Il va falloir construire le nouveau programme. On pense qu'il pourrait remplir effectivement les deux fonctions. Mais c'est à l'usage, en fonction du contenu de ce que sera le nouveau programme, de ce cours-là, qu'on pourra mesurer... Parce que sinon il va falloir dégager d'autres places dans la grille horaire pour maintenir le cours d'enseignement moral et le cours d'éthique et de culture religieuse. On pense que le cours d'éthique et de culture religieuse, surtout que ça va s'échelonner sur l'ensemble du primaire et du secondaire, il devrait être capable de remplir les deux fonctions, de notre avis, là.

Mme Champagne: Vous avez des enseignants dans vos groupes, mais vous avez également les travailleurs et travailleuses d'autres secteurs: santé et services sociaux, commerce, organismes gouvernementaux, métallurgie, papier et forêt, communications, construction, et autres. Est-ce que, ces gens-là, vous les avez approchés dans le cadre de cette nouvelle approche, vous les avez approchés dans le cadre de cette nouvelle venue d'un nouveau programme? Parce que ces gens-là, ce sont des parents, ce sont des parents d'enfants. Puis, si vous l'avez fait, vous l'avez fait de quelle façon?

M. Patry (Pierre): Bien, vous savez, à la CSN, on a une tradition de débats démocratiques. Si on ne les approche pas, ne craignez pas, ils vont nous approcher. Quand on prend position...

Mais, quand je disais tantôt que la CSN, c'est un microcosme de la société québécoise, la CSN s'est elle-même déconfessionnalisée dans les années soixante. Ce n'est qu'à la fin des années quatre-vingt qu'on a pris position formellement sur la déconfessionnalisation du système scolaire parce que ce n'est qu'à ce moment... Bon, peut-être que les questions se sont moins posées, là, à la fin des années soixante-dix, au début des années quatre-vingt, mais ce n'est qu'à ce moment-là qu'il y avait, disons, qu'il y avait eu évolution à l'intérieur de nos rangs pour qu'on puisse prendre position sur cette question-là. Et, quand la CSN prend position sur des questions de cet ordre-là, elle consulte les instances démocratiques qui regroupent tous les gens dont vous avez mentionné tantôt... et je peux vous dire qu'on a... La dernière fois qu'on a fait le débat, c'est au mois de mars dernier, et ça a été un débat relativement simple si on le compare à ce qu'il était il y a 20 ans. Et il y a une large adhésion au projet de loi n° 95 qui est présenté, là, par le ministre.

Mme Champagne: Et, toujours en portant le fait ? vous l'avez mentionné tout à l'heure ? que le ministère, le ministre, entre autres, dans sa façon de voir le programme, va respecter les valeurs, là, qui sont liées à notre culture, à notre passé, est-ce que c'est ça que vous sentez également chez les gens du milieu ouvrier, et tout, là, qui vivent avec des enfants tous les jours mais qui ne sont pas nécessairement dans le domaine de l'enseignement? Est-ce que vous avez senti ce besoin-là d'être lié, d'être attaché aux valeurs ancestrales, si on veut?

M. Patry (Pierre): Bien, je dirais, c'est parce que là-dessus c'est un peu... On va reprendre ce qu'on disait tantôt: si on ne faisait pas ça, ce serait un affaiblissement de la culture générale des jeunes. Les grandes religions, là, elles ont marqué le monde dans l'histoire du monde puis le monde contemporain. Au Québec, la religion qui a principalement marqué la culture québécoise, c'est la religion catholique. Donc, on ne peut pas faire abstraction d'impacts qu'ont eus ces religions-là soit au Québec ou ailleurs dans le monde. Donc, il faut évidemment les présenter dans leur contexte historique. Et on pense qu'avec le cours de culture des religions et d'éthique on peut effectivement rencontrer ces objectifs-là, mais pas au sens de la transmission de la foi, mais aussi en permettant une ouverture sur les autres religions dans le monde, ce qui permet d'élargir l'éventail de connaissances des jeunes. Et c'est une ouverture aussi aux diverses réalités culturelles qui composent maintenant, de plus en plus, le Québec.

n(21 h 30)n

Le Québec d'aujourd'hui, ce n'est plus le Québec, en termes de composition, de ce qu'il était même au début des années soixante, quand il y a eu la commission Parent. Donc, pour nous, c'est un enrichissement culturel pour les jeunes, mais bien sûr il faut tenir compte de notre histoire, sinon ce serait une négation de ce qui s'est fait au Québec historiquement, là.

Le Président (M. Chagnon): Mme Leduc.

Mme Leduc (Suzanne): Oui. Bien, je voudrais juste ajouter, en complément à ce que M. Patry vient de dire, pour répondre encore plus précisément à votre question: en fait, ce qui est relaté dans le document, ce sont des positions qui ont été prises en 1999, qui ont été largement débattues, sur la question de l'enseignement culturel des religions. Alors donc, on ne fait que réitérer, dans le mémoire, ici, les éléments que nous avions apportés dans le mémoire que nous avions présenté à l'époque, et mémoire qui avait reçu l'accord, là... On avait discuté avec les membres de la CSN sur cette question-là. Et dernièrement, comme disait M. Patry, nous avons refait le débat en conseil confédéral de la CSN, et, la semaine dernière, moi, je suis allée présenter le contenu du projet de loi actuel, et, je vais vous dire, il n'y a vraiment pas eu de débat, comparativement à ce qu'il y avait eu à l'époque, en 1999.

Et j'ajouterais qu'à la question que vous aviez posée sur le comportement de nos membres de la métropole et ceux de l'extérieur de la métropole, en 1999, il y avait beaucoup, beaucoup d'inquiétude de la part des gens de l'extérieur des grandes métropoles... enfin de la métropole et des grands centres, alors que, cette année, c'est davantage la méconnaissance, l'ignorance et le besoin de connaître qui s'est exprimé, et, en ce sens-là, c'est comme ça que les gens ont donné leur aval davantage à cette idée qu'il y ait un enseignement, mais à la grandeur de la province. Alors, moi, je pense qu'on a vraiment constaté une évolution, au sein de nos propres rangs, dans les débats qui se sont faits, même au cours des cinq dernières années, là, sur cette question-là. Alors, moi, je pense qu'effectivement on est prêts, au Québec, à accueillir une réforme comme celle-là.

Mme Champagne: Ça me réjouit. Merci beaucoup.

Le Président (M. Chagnon): Bien, je voudrais vous remercier, Mme et MM. les représentants de la Confédération des syndicats nationaux, pour votre témoignage à cette commission. Et maintenant j'inviterais les membres du Conseil supérieur de l'éducation à venir vous remplacer à la barre.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Chagnon): M. Proulx, Mme de la Sablonnière, nous vous souhaitons la bienvenue pour une deuxième fois en deux semaines. C'est une douce et bonne habitude. Alors, nous avons réservé ce temps pour écouter votre exposé. Vous avez 15 minutes pour votre exposé, puis ensuite, eh bien, autant de temps sera dévolu et au gouvernement et à l'opposition pour vous questionner.

Conseil supérieur de l'éducation (CSE)

M. Proulx (Jean-Pierre): M. le Président, je veux d'abord vous remercier de nous avoir invités à cette commission parlementaire. Nous sommes heureux d'être là et honorés en même temps. Je ferai quelques remarques générales. D'ailleurs, je crois qu'on vous a sans doute transmis ces même remarques. Je vais les résumer et non pas les lire tout au long, pour permettre, le plus rapidement possible, un échange.

D'abord, les orientations générales annoncées par le ministre de l'Éducation, tant en ce qui a trait au projet de loi n° 95 qu'aux orientations des programmes. Nous avons constaté que dans l'ensemble elles sont conformes aux recommandations que le Conseil supérieur de l'éducation a formulées à l'adresse du ministre, sur ce même thème, en février 2005.

Plus dans le détail, concernant les dispositions dérogatoires, vous vous souviendrez que le conseil avait recommandé de ne pas renouveler la disposition dérogatoire à la Charte canadienne des droits et d'abroger celle qui est en relation avec la charte québécoise, pour deux raisons principales. La première, c'est qu'il nous a semblé que notre système d'éducation, comme le dit la Déclaration universelle des droits de l'homme, doit viser au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il nous apparaît que c'est une valeur fondamentale de notre société, que notre système d'éducation doit être cohérent avec cette valeur profonde à laquelle nous adhérons collectivement.

Et surtout, de raison pratique aussi, c'est que les clauses dérogatoires ont eu un effet délétère au cours des 20 dernières années, c'est qu'elles ont engendré ce que j'ai appelé ou ce que le conseil a appelé une dynamique du provisoire, de cinq ans en cinq ans ou de deux en trois ans, que sais-je encore. Les orientations ministérielles demeuraient toujours provisoires et ne permettaient pas la stabilité du régime.

Alors, pour l'heure, le projet de loi n° 95 propose de maintenir les dispositions dérogatoires pour une période de trois ans. Ce n'est pas tout à fait ce que nous avions recommandé. Nous y reviendrons, si vous voulez, en temps opportun, selon votre bon vouloir. Toutefois, nous avons constaté que l'effet réel de ces dispositions dérogatoires, couplé aux dispositions crépusculaires, si vous me passez l'expression, touchant la Loi sur l'instruction publique en matière d'enseignement religieux, aboutit au même résultat souhaité par le conseil. Donc, c'est une question de méthode plutôt qu'une question de but, et par conséquent on aboutit au même résultat.

Sur le nouveau programme d'enseignement de la religion, nous avons constaté que le nouveau programme, dont les orientations nous sont maintenant connues, répond aux orientations que le conseil lui-même avait proposées. D'abord, nous avions proposé que cet enseignement soit non confessionnel sans nous attarder aux orientations, ce n'était pas notre propos. Nous constatons qu'effectivement c'est bien le cas et qu'à ce titre-là ça va assurer l'égalité de traitement et le respect de la liberté de conscience des citoyens et des citoyennes, et des enfants en particulier. Nous avions insisté énormément sur la mission de l'école, qui est celle d'instruire, de socialiser et de qualifier, et que c'est à ce titre-là que l'État était responsable de proposer à l'école un enseignement de la religion au nom même de cette mission-là. Nous y reviendrons, si vous le voulez. Nous avons insisté aussi sur la dimension socioculturelle d'un tel programme, qui doit viser à permettre la transmission du patrimoine québécois marqué par la religion chrétienne mais enrichi de d'autres traditions, et, à cet égard-là, le programme remplit cette visée. Et enfin nous avions insisté sur la dimension sociale du programme, qui doit viser à permettre un meilleur vivre-ensemble, et, à cet égard-là aussi, le programme poursuit ce but-là.

Sur la dimension éthique du nouveau programme, nous avions recommandé au conseil que le nouveau programme propose une dimension éthique forte. Je ne sais pas si la dimension éthique sera forte dans le programme, mais, chose certaine, c'est qu'il y a une dimension éthique, le programme s'intitule Éthique et culture religieuse. Donc, encore une fois, le programme répond à la vision du conseil, du moins quant à son orientation générale.

Quant aux moyens nécessaires à la mise en oeuvre d'un tel programme, nous avions insisté, et j'insisterai ici même davantage encore, sur le fait que c'est là, nous semble-t-il, une dimension cruciale, car on nous annonce, et avec raison, qu'il faudra former, dans un délai extrêmement court, 20 000 enseignants au primaire et 2 400 spécialistes au secondaire pour permettre l'implantation réussie de ce programme-là. Il y a à mon avis deux difficultés sur lesquelles je voudrais insister ? ce n'est pas dans mon texte ? que cela pose. Au-delà des intentions du gouvernement ? je le dis aussi parce que, vous savez, j'ai une autre expérience comme professeur d'université en faculté des sciences de l'éducation; je ne peux pas renier ça, même si je suis président du Conseil supérieur de l'éducation; je veux aussi vous faire profiter de cette expérience-là ? les jeunes que l'on reçoit en formation des maîtres ont une culture générale, en matière religieuse, très basse. Écoutez, M. le Président, si vous êtes connu comme Barabbas dans la passion, le problème, c'est que c'est Barabbas qui n'est pas connu.

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: ...

n(21 h 40)n

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui, tout à fait. Et donc ça, c'est une question difficile dont il faudra tenir compte dans la mise en oeuvre de ce programme-là. Les jeunes qui n'ont pas été socialisés dans la culture de leurs aînés sont perdus dans cet univers-là, même à l'intérieur du christianisme, a fortiori au regard des autres traditions religieuses.

Nous avons constaté aussi, par une autre expérience que j'ai eue comme président du Groupe de travail sur la place de la religion, il y a cinq ou six ans, une difficulté importante. Nous savons, par les travaux qu'on a faits à l'époque, que les enseignants éprouvent un malaise à enseigner la religion, et ce malaise-là, il est lié à deux facteurs, me semble-t-il: d'abord, leur propre méconnaissance culturelle de l'univers religieux, d'une part, mais aussi la délicatesse... ou plutôt le caractère délicat des enseignements religieux, surtout s'il s'agit de religions qu'ils ne connaissent pas, de peur de blesser ou de dire des choses qui sont en désaccord avec les religions qu'ils ne connaissent pas. Et ce qui nous avait frappés à l'époque, il y a cinq ans, c'est que le malaise était encore plus important chez les enseignants des écoles protestantes, qui avaient déjà, eux, un programme multiconfessionnel ou multiculturel, justement parce qu'ils avaient cette difficulté d'être en lien avec des enfants qui pratiquent des religions différentes. Ils voulaient pouvoir les respecter, et leur inculture, entre guillemets, religieuse les rendait incertains là-dessus. Donc, il y a cette difficulté-là concrète sur laquelle je voudrais attirer l'attention de la commission et de ceux qui auront à mettre en oeuvre ce programme-là.

Il y a aussi des questions logistiques. Perfectionner 20 000 enseignants en exercice d'ici 2006, c'est une tâche extrêmement lourde, et on ne connaît pas le plan d'action, à cet égard-là, mis en oeuvre, mais je suggère qu'il y a là un enjeu crucial pour la réussite de la mise en oeuvre de ce projet.

Le Président (M. Chagnon): Est-ce qu'on ne doit pas comprendre «d'ici 2008»?

M. Proulx (Jean-Pierre): J'ai dit quoi?

Le Président (M. Chagnon):«2006».

M. Proulx (Jean-Pierre): Non, non, 2008. Je m'excuse. C'est une erreur. Mais trois ans, c'est quand même peu.

Autre dimension, déclaration ministérielle. Nous recommandions qu'il y ait une déclaration ministérielle et un énoncé de politique. Eh bien, c'est fait. Nous le connaissons et nous nous réjouissons, du reste, de cet énoncé qui nous apparaît très clair et très inspirant. J'avais le plaisir de le relire cet après-midi, c'est encore ce que je pense.

Je terminerai par quelques remarques complémentaires. D'abord, nous avons, au conseil, constaté l'existence d'un consensus ferme sur le devenir de ces programmes, consensus ferme à la fois sur le principe d'égalité et sur le type d'enseignement de la religion qu'il convenait de donner à l'école. Toutefois, il me semble qu'il faut vraiment prendre en considération la dynamique du changement social et le fait qu'il y ait autour de 20 % des Québécoises et des Québécois, des parents qui se sentent, pour l'heure, mal à l'aise et qui acceptent difficilement la proposition gouvernementale.

Vous savez, le Conseil supérieur de l'éducation, c'est le Conseil supérieur de tout le monde, comme le ministre de l'Éducation est le ministre de l'Éducation de tous les enfants, et, à ce titre-là, le conseil sent le besoin d'attirer l'attention sur cette minorité qui aura plus de difficultés à accepter cette réalité-là. Il me semble que, dans la dynamique de changement, deux choses pourraient être faites pour favoriser l'appropriation par ceux qui se sentent mal à l'aise ou en tout cas qui ont difficulté à accepter cette décision-là. La première, c'est de rappeler de façon soutenue que le nouveau programme va tenir compte de l'héritage religieux du Québec. Et ce qui m'a frappé dans l'examen du consensus autour de cette question-là ? qu'on soit très laïcistes, qu'on soit très confessionnalistes, c'est à peu près le seul point qui fait un consensus général: tout le monde est d'accord pour dire qu'on ne peut pas faire abstraction de l'héritage québécois en matière religieuse. Au moins, là, il y a un consensus de fond, et il me semble que, dans la dynamique de changement, il faut tabler là-dessus.

L'autre remarque est plus pointue, c'est moins connu, mais ça mériterait d'être rappelé. Les écoles actuellement, en vertu de la Loi sur l'instruction publique, sont ouvertes à la communauté, les locaux des écoles sont ouverts à la communauté, et ça devrait être potentiellement rappelé aux confessions religieuses, que les conseils d'établissement peuvent leur permettre d'accéder aux locaux des écoles pour dispenser, par les Églises ou par les confessions elles-mêmes, des enseignements religieux en dehors des cours, en dehors des heures de classe. Cela est possible, c'est déjà inscrit dans la loi. Voilà une dimension qui mériterait d'être soulignée, d'autant plus que je regardais un sondage mené, il y a quelque temps, par la CECM pour constater que 65 %... il y a un vaste consensus là-dessus pour permettre l'accessibilité ou l'accès des confessions ou des groupes religieux dans les écoles. Qu'on soit d'ailleurs pour ou contre la religion à l'école, le consensus est généralisé.

Et la dernière remarque porte sur un élément qui a été souligné par, je pense, ceux qui nous ont précédés, c'est le libellé de l'article 41 de la Charte des droits et libertés, qui constitue à notre avis une difficulté qui pourrait n'être pas surmontée par la nouvelle politique gouvernementale, compte tenu de son libellé. Vous le connaissez, on dit que «les parents [...] ont le droit d'exiger que, dans les établissements d'enseignement public, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi». Les juristes bien sûr discutent du sens de cet article 41, mais il est là et il a certainement une valeur que j'appellerais programmatrice pour l'État. Le conseil suggère que le gouvernement réfléchisse un peu plus à fond sur cette question-là.

On a noté que la Commission des droits de la personne, le Conseil des relations interculturelles et le groupe de travail que j'ai présidé il y a quelques années avaient déjà soulevé cette difficulté-là et que la solution pourrait consister à reformuler l'article 41 en fonction de l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que je lis: «Les États [...] s'engagent à respecter la liberté des parents [...] de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions.»

En somme, pour terminer, le projet de loi et l'énoncé de politique correspondent dans l'ensemble aux orientations et recommandations du conseil. Il invite par ailleurs le ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport à prendre en compte en particulier la difficulté pratique que représente la formation des enseignants au futur programme d'éthique et de culture religieuse, à tenir compte aussi des sensibilités des parents catholiques et protestants pour qui le nouveau régime leur paraît une perte, et enfin à prendre en considération le problème juridique que pourrait poser l'article 41 de la charte québécoise des droits et libertés. Pour le reste, pour le fond, c'est dans le mémoire... ou plutôt dans l'avis que vous connaissez tous, qui a été publié au mois de février, où la pensée du conseil est davantage élaborée sur les questions qui nous intéressent aujourd'hui. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): C'est moi qui vous remercie, M. Proulx. M. le ministre.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Alors, M. Proulx, Mme de la Sablonnière, merci d'être avec nous, merci de vos remarques qui ne sont pas effectivement étrangères à ce que vous avez déjà communiqué par plusieurs autres méthodes. Alors, on connaissait un peu le positionnement. Donc, on est heureux de l'avis que vous faites sur la réponse à des avis que vous avez déjà livrés.

Encore une fois, c'est un autre mémoire pour lequel je n'ai pas un nombre de questions incroyable, une au moins cependant, et, avant de la faire, je veux quand même revenir sur la question du trois ans qui aboutit au même résultat, comme vous le dites, mais qui n'est pas étranger à deux des éléments que vous considérez excessivement importants et que vous avez repris, que vous avez déjà élaborés au début, mais que vous avez repris dans la conclusion. La préparation, premier élément excessivement important, la préparation, et vous rappelez au gouvernement la grande préoccupation que nous devons avoir à l'égard de la préparation. Et je peux vous dire que nous en avons discuté parce que, cette question du trois ans, alimentée, entre autres, par votre avis, on s'est posé des questions sur la transition et comment on y arriverait, et on croit que nous serons capables d'y arriver. Ça ne veut pas dire que ça va être une chose si aisée, là, et on est bien avisés de cela, et on va y mettre toute l'énergie. Mais une des raisons, c'est parce qu'on veut s'assurer qu'on ne se retrouve pas le bec à l'eau à la fin puis qu'il faille recommencer un processus de clause dérogatoire. On ne voudrait pas être rendus là, là. C'est loin d'être l'objectif. Alors, on essaie de faire les choses correctement.

n(21 h 50)n

Le deuxième élément ? d'ailleurs, le groupe qui vous a précédés avait noté ces deux éléments-là ? dans vos conclusions, vous nous rappelez d'être sensibles à l'inquiétude, sensibles à ceux qui n'ont pas encore adhéré à cette façon de voir, et je pense que d'avoir donné un délai de cet ordre... On avait des encouragements à avoir des délais plus courts, mais il m'a semblé, dans les rencontres que j'ai eues ? parce que j'en ai eu quand même un certain nombre avant de conclure ? qu'on avait là un délai qui était comme suffisant pour qu'on ne donne pas l'impression d'une rupture brusque qui aurait pu avoir une connotation de rejet à l'égard de l'expérience vécue depuis des décennies, avec plusieurs s, et qui permettait justement de réconforter par rapport à l'héritage. Et vous avez tout à fait raison de noter qu'il faut insister là-dessus. Et d'ailleurs, jusqu'ici, tous ceux qui sont venus ont insisté plus que nous, je dirais. Mais il faut le rappeler dans le message, qu'effectivement c'est là.

Je pense qu'une des grandes raisons pour lesquelles les gens inscrivent leurs enfants à ce taux de 80 %, ou 75 %, 78 %, peu importe, bien qu'ils ne soient plus pratiquants d'une manière très générale, c'est parce qu'on ne veut pas échapper quelque chose. On veut que la lignée se poursuive. Et je pense que vous avez tout à fait raison. Mais le trois ans vient aussi participer à ça. Alors, je voulais insister pour qu'on le comprenne bien, on est préoccupés, nous aussi, par les éléments que vous avez soulevés.

J'ai une question particulièrement. Je veux profiter de votre savoir à cet égard-là. Ce n'est pas la première fois que je pose la question, mais vous êtes peut-être plus interpellés que quiconque à qui j'ai posé la question. Un des groupes qui est venu nous voir prétend ? enfin, il est le seul qui s'oppose de façon claire à la démarche ? que de multiplier le savoir entraînera de la confusion chez les élèves et que donc il serait préférable de perpétuer le statu quo, qui a l'avantage d'être moins compliqué peut-être, plus simple, moins étendu dans le savoir et qui va moins perdre les enfants. Les élèves risquent de se perdre avec les éléments qui sont mis, puisqu'il va y avoir une pluralité de confessions qui sera envisagée, plus l'éthique, bon, alors ça fait de la matière.

Vous qui avez abondamment réfléchi à la question, qui avez des expériences ailleurs, comment vous voyez cette inquiétude? Parce que ça aussi, c'est une inquiétude. Et, comme le mandat qu'on se donne, c'est d'essayer d'apaiser les inquiétudes pour aller rechercher l'adhésion la plus large, comment on répond à cette question de la possibilité de confusion?

M. Proulx (Jean-Pierre): Premièrement, je crois que, dans les attitudes des enseignantes et des enseignants en classe, il faut éviter d'avoir, autour de cette question-là, un discours relativiste, c'est-à-dire de dire aux enfants: Ta religion puis celle du voisin, c'est la même affaire, parce que ce n'est pas vrai que, pour chacun des individus pris isolément ou pris... Les croyants estiment à bon droit qu'ils ont une vision qui est féconde pour eux et à laquelle ils adhèrent parce que ça vient de leurs traditions, de leurs pères, de leur Église, etc., et donc une attitude qui chercherait à niveler les conviction des enfants en classe contribuerait à cette confusion-là qui effectivement ne doit pas exister. En d'autres termes, c'est donc, premièrement, une attitude face aux enseignements des religions. Et de renvoyer cette question-là des croyances aux convictions des familles et des Églises, ça, je pense que c'est le rôle des enseignants de faire ça.

Par ailleurs, la réponse a déjà été donnée autour de cette table, je pense, ici, par vos collègues tout à l'heure. Le fait de pratiquer une religion... c'est-à-dire d'exposer en classe différentes religions n'annihile pas ou n'annule pas le fait qu'il y a des familles, il y a des Églises qui sont là pour rappeler aux enfants et rappeler aux... aux enfants, dis-je bien, qu'ils participent à une tradition, et ça, c'est aussi le rôle des Églises. Les enfants n'ont pas qu'une seule influence, qui est celle de l'école, il y a l'influence de la famille, il y a l'influence des parents, et ça entre en ligne de compte.

Moi, je ne pense pas, je ne crains pas cette confusion possible si les enseignants encore une fois ont une attitude qui est respectueuse de chacune des traditions et de la valeur intrinsèque pour les enfants eux-mêmes de ces traditions-là. Je comprends mal comment on pourrait arriver à cette conclusion-là. Il faut tenir compte aussi du développement psychologique des enfants à l'intérieur du... et ça, je pense que le ministère de l'Éducation et ceux qui font les programmes vont être sensibles à cette dimension-là dans les approches pédagogiques, parce que ça tombe sous le sens.

Tout à l'heure, quelqu'un a dit, autour de cette table ? je ne me souviens plus de laquelle des personnes autour de cette table ? que le but des programmes, ce n'est pas d'appauvrir, c'est d'enrichir les connaissances et les cultures des élèves, et je pense effectivement que, de pouvoir les faire accéder à des connaissances, à des attitudes respectueuses des autres croyances, on ne va pas appauvrir... si les Églises et les familles continuent de faire leur boulot. L'école va avoir fait son boulot, qui est d'enrichir la culture des jeunes, qui est une des fonctions essentielles d'une école, d'enrichir la culture, comme on le fait d'ailleurs... Analogiquement, je ne sais pas si mon exemple est... mais c'est comme si on disait: On ne va pas enseigner l'histoire des États-Unis, de peur qu'on se confonde avec l'histoire du Québec, ou la géographie. Il me semble que... Moi, je comprends mal cette crainte-là si elle est en tout cas son fondement.

M. Fournier: Vous avez, et puis c'est ma dernière question, vous avez soulevé: dans la mesure... Vous avez échappé cette phrase-là, je pense, «dans la mesure où les familles et les Églises font leur part». Par rapport à aujourd'hui, devraient-ils faire la même part ou une part accrue? Une opinion personnelle que je vais vous donner. La mienne, c'est que je pense qu'il y a de la place pour un petit peu plus, en tout cas certainement des familles. Dans le contexte de ce changement, je pense qu'il y a un geste à poser aussi pour inciter les familles à prendre part à ce virage. Quand vous nous dites qu'ils doivent chacun faire leur part, est-ce que vous considérez qu'il peut y avoir une part accrue par rapport à ce qui se vit aujourd'hui?

M. Proulx (Jean-Pierre): Vous posez là la question plus générale de la participation des parents à la vie de l'école à travers les conseils d'établissement, à travers l'intérêt qu'ils portent aux programmes que leurs enfants reçoivent, que ce soit dans n'importe quelle discipline. Donc, vous posez en pratique une question générale. Si vous posez la question de l'implication personnelle des parents dans l'éducation de la foi de leurs jeunes, le Conseil supérieur de l'éducation, et moi-même, n'est pas habilité à répondre à ça parce que ce n'est pas notre mandat de faire cela et que ça relève des valeurs de chacune des familles de faire cela ou de ne pas faire cela.

Au regard des Églises, par contre, ce qu'on a pu constater, c'est que de fait, depuis l'an 2000, depuis la déconfessionnalisation des structures, il y a eu un réveil, même un peu brutal, des Églises, parce que, depuis des temps immémoriaux, ils s'étaient entièrement reposées sur l'école. Pour l'éducation de la foi des jeunes, ils n'avaient pas développé d'expertise à l'intérieur même des Églises pour faire cela, ils n'avaient pas investi des ressources financières pour faire cela, et, un jour, on leur apprend qu'ils devront faire cela parce que leur rôle, c'est l'éducation de la foi.

Ce que l'on a pu observer d'une part dans les déclarations des évêques ? j'ai suivi ça un petit peu ? ils se sont dit: Bien, oui, il faut s'occuper de ça, c'est notre boulot. Et, deuxièmement, ils ont commencé très sérieusement à s'en occuper parce que c'est leur responsabilité propre. Maintenant, est-ce que la réponse des parents aux invitations de l'Église... ça, encore une fois c'est la responsabilité des parents. Je ne pourrais pas vous répondre clairement sur comment les parents répondent à cela, sinon par des témoignages personnels que je peux observer dans ma vie personnelle.

M. Fournier: Je comprends puis je ne suis pas mieux à même que vous, mais sauf qu'il faut se poser la question quand même: À partir du moment où on trace la ligne et on dit: Pour les parents, l'héritage est important ? on le sait, on le constate, tout le monde le dit, d'ailleurs; de toute façon, on le constate ? bon, et que la formation qui est donnée est plus étendue que ce seul héritage, ne peut-on pas déduire que pour les familles, pour les parents il y a un intérêt, une importance à ce qu'ils sachent qu'il y aura une telle transformation, d'une part, qu'ils soient vraiment avisés, pas juste par les structures représentatives, là, mais qu'ils soient vraiment avisés pour qu'ils puissent prendre acte de cette transformation et pour qu'ils puissent donner une plus-value, là, en plus de dire: Bon, je veux l'héritage, je comprends qu'il va y en avoir une partie à l'école, mais il va y avoir d'autre chose aussi, et ça m'interpelle? Est-ce qu'il n'y a pas une occasion pour nous, à l'égard de ces trois ans de préparation, de pouvoir aussi aviser, de façon un peu plus importante, les familles de cette transformation?

n(22 heures)n

M. Proulx (Jean-Pierre): Bien sûr! Et peut-être, à cet égard-là, que j'avais mal compris votre première intervention. La réponse à votre question, c'est oui. Et vous avez une chose qui va vous faciliter la tâche, c'est que très majoritairement les parents sont d'accord avec ça, ils sont d'accord à ce qu'il y ait la transmission de leur propre héritage et ils sont d'accord aussi que, cet héritage qu'ils ont reçu, ou l'héritage catholique ou chrétien au Québec, ils sont d'accord aussi pour que cet héritage soit enrichi des autres traditions. Donc, il y a une attitude, chez une majorité de parents, qui favorise déjà ça.

Ça, on sait ça par des expériences qui ont été faites déjà dans certaines écoles secondaires. Le programme fait état de ça, d'enquêtes qui ont été faites par le Service de l'enseignement... le SAR, Secrétariat aux affaires religieuses, qui montrent que, dans les établissements secondaires en particulier où on a volontairement choisi de faire un programme de culture religieuse et d'éthique, les parents se sont montrés intéressés et ont embarqué là-dedans, de même que les élèves. On le sait moins au primaire, où ça peut, le cas échéant, poser des difficultés. Mais il ne faudrait pas donc s'asseoir uniquement sur ce que révèlent les sondages ou les attitudes. Je pense que le ministère devra avoir un rôle proactif pour faire en sorte que ce nouveau programme là soit vraiment approprié à la fois par les enseignants, comme je l'ai dit tout à l'heure, mais aussi par les parents, manifestement. Et là j'imagine que ça relèvera des, comment dirais-je, donc, stratégies à la fois du ministère, des commissions scolaires, des conseils d'établissement, des enseignants. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'on note au total une attitude très favorable à cela.

M. Fournier: Merci, M. Proulx.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Ça me fait plaisir à mon tour de vous souhaiter la bienvenue au nom de notre formation politique.

Je vais commencer par... Je ne veux pas avoir l'air d'être complaisante, ou d'autres diraient téteuse, mais je vais commencer par vous dire que j'ai trouvé votre mémoire, celui de ce soir, bien sûr, qui est une synthèse de votre mémoire principal, très éclairant et particulièrement intéressant pour faire en sorte que la décision qui sera prise soit la plus pertinente possible et tienne compte de tous les aspects du changement que comportera le geste que l'on posera si nous adoptons la loi et qu'éventuellement ce programme, ce nouveau programme se met en place.

Et je veux revenir sur la discussion que vous avez eue avec le ministre, tout à l'heure, sur le fait qu'il réitérait le fait qu'il avait besoin de ce trois ans pour faire la transition. Mais en fait vous lui suggériez une autre avenue, dans le mémoire, qui aurait pu permettre d'arriver au même objectif et d'immédiatement ne plus avoir à recourir à la clause «nonobstant», même si c'est pour une période de temps limitée qui est celle de trois ans. Bon. Cela étant, les deux chemins mènent au même résultat. Mais il y avait une autre avenue, ce qui veut dire que le conseil était quand même conscient de la nécessité évidemment d'avoir un certain temps pour former, pour préparer et pour informer. Donc, en ce sens, le mémoire prévoyait les étapes auxquelles songeait le ministre lorsqu'il a choisi un chemin différent.

Mais je le redis parce que ça tient compte de beaucoup de dimensions que nous abordons, dans nos débats, depuis le début de cette commission, qu'on abordera dans l'étude du projet de loi. Et évidemment le fait que vous ayez présidé le Groupe d'étude sur la place de la religion à l'école a amené à développer une expertise particulièrement intéressante qui a pu être reprise ici, mais c'est une synthèse assez remarquable, et je le dis, là... Puis j'ai relu ce mémoire-là quelques fois, je m'y suis arrêtée, et je pense qu'il peut même nous aider et nous inspirer pour la suite des choses. Enfin, je le mentionne, puis, je pense, le ministre le sait aussi, mais de le redire, ce n'est pas inutile.

Dans le rappel que vous faites en synthèse, ici, d'un certain nombre d'orientations que vous nous avez proposées, vous revenez sur la question de la Charte des droits et libertés et vous suggérez évidemment que nous ne passions pas à côté de la modification nécessaire à l'article 41. Je ne crois pas qu'on puisse le faire directement par les amendements qu'on fera à la Loi de l'instruction publique. Je ne sais pas, peut-être que je me trompe, peut-être doit-on passer par un amendement à la charte, bien sûr, mais, comme, pour changer la charte, il faut avoir l'approbation d'un certain nombre de membres de l'Assemblée nationale, c'est peut-être par un autre geste législatif qu'il faudrait passer. Mais nous en discuterons au moment où on abordera l'étude du projet de loi.

Le Président (M. Chagnon): Probablement la semaine prochaine.

Mme Marois: Oui, j'imagine que ça devrait être la semaine prochaine. Nous concourrons, de toute façon, M. le Président, si c'était le cas.

Vous suggérez qu'on s'inspire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. J'aimerais vous entendre là-dessus puis après ça j'aimerais, à partir de là, revenir sur une objection qu'on nous a faite hier, là, le groupe de parents qui, lui, ne veut absolument rien savoir du fait qu'on ne reconduise pas la clause ? on devrait la reconduire ? et qui dit qu'au contraire on va aller contre le respect de la liberté et des droits des parents qui ont un point de vue différent. Mais je veux que vous me parliez un petit peu de ce que vous suggérez en vous référant au Pacte international. Par rapport à d'autres façons de dire et de faire, c'est ce qui vous apparaît le plus pertinent. Est-ce que c'est le cas?

M. Proulx (Jean-Pierre): Je n'oserais pas, M. le Président, me prononcer ou nous prononcer de façon ferme sur cette question-là, qui est une question d'ordre juridique, que le conseil n'a pas étudiée au fond et à son mérite. Cela dit, si cette réflexion est faite à la fin des remarques, c'est que les études juridiques que nous connaissons là-dessus permettent de penser que cette formulation-là vise à protéger des parents contre un enseignement qui, dans une école laïque, par exemple, ou dans une école religieuse, irait à l'encontre des convictions des parents. En d'autres termes, l'obligation repose sur l'État de ne pas faire un programme qui irait à l'encontre de la liberté de conscience, tandis que la charte québécoise est rédigée en des termes positifs, vous avez le droit d'exiger que. Alors, voyez-vous, la perspective est différente, l'objectif est de respecter la liberté de conscience, dans le Pacte international des droits.

D'ailleurs, cet article 18 du Pacte international fait partie... ce que vous avez dans notre résumé fait partie d'un article plus général sur la liberté de conscience. Alors, voyez-vous, c'est ça, la différence de perspective. Il est manifeste qu'on ne peut pas, par définition, on ne peut pas faire une loi qui brime la liberté de conscience des citoyens et des citoyennes, et c'est ça qui est visé par le Pacte international.

La jurisprudence que, moi, j'ai pu lire là-dessus montre, par exemple, qu'un programme de culture laïque, en fait non confessionnel de la religion, la jurisprudence européenne montre que ça ne va pas contre la liberté de conscience, parce qu'il faudrait que le parent en fasse la preuve. A priori, les tribunaux européens en sont venus à la conclusion qu'un programme non confessionnel de la religion n'est pas contre la liberté de conscience. Donc, voilà pourquoi on n'a pas besoin de déroger aux chartes là-dessus. Mais, comme c'est rédigé en des termes positifs, qu'on a le droit d'exiger, comme on ne connaît pas totalement le sens de cette disposition-là, le conseil a voulu attirer l'attention sur cette dimension-là, comme d'autres corps consultatifs l'ont fait, notamment la Commission des droits de la personne, à une commission. Je ne sais pas si je réponds bien à votre question.

Mme Marois: Oui, non, non, ça répond très bien. C'est ça que je voulais, je voulais savoir exactement dans quel contexte et à quoi ça permettait de répondre, cette référence à cet article-ci, par rapport à l'article 41 qu'on retrouve dans la Charte des droits et libertés.

Ce que nous disaient les... ? j'ai toujours de la difficulté avec les noms des comités qui sont venus ? le Comité pour le renouvellement de la clause dérogatoire, ce qu'on nous disait, c'est qu'en imposant un programme d'éthique et de culture religieuse obligatoire le gouvernement risque que des parents se voient dans la position malheureuse d'avoir à exiger l'exemption de ce cours, et cela, en conformité avec l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés. Alors, c'est un peu contradictoire par rapport à la conclusion à laquelle tout le monde arrive actuellement, là, après des études et des analyses sérieuses, pas simplement parce qu'on a cette opinion ou qu'on ne l'a pas. Mais enfin c'est ce que certains parents étaient venus nous dire hier. Voilà.

Une voix: ...

Mme Marois: Oui, mais c'est dans leur mémoire, hein? C'est ça. Alors, à mon point de vue, là, c'est résolu par justement aussi... Même l'amendement à l'article 41 viendrait rassurer encore la position qui est présentée ici.

Le Président (M. Chagnon): Voilà sûrement un sujet que nous étudierons la semaine prochaine.

Mme Marois: Je pense que M. Proulx veut...

Le Président (M. Chagnon): M. Proulx.

n(22 h 10)n

M. Proulx (Jean-Pierre): Encore une fois, sans prétendre donner une opinion juridique, parce que ce n'est pas ma compétence première ? mais je fais des réflexions à partir du bagage que j'ai accumulé ? je répéterai ce que je viens de dire et qui m'apparaît important. C'est: le but d'avoir un programme non confessionnel de la religion, c'est précisément de ne pas heurter la liberté de conscience. C'est le but premier. Mais un citoyen peut toujours prétendre le contraire, c'est son droit le plus strict d'invoquer les lois du pays. Mais il devrait, à ce moment-là, en faire la preuve devant un tribunal. Mais a priori le gouvernement me semble en terrain solide en proposant cela, et ce que je connais de la jurisprudence européenne va tout à fait dans ce sens-là.

Mme Marois: Ça va. Bien, je vous remercie, ça répond à mes préoccupations.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, Mme la députée de Taillon. M. le député de Beauce-Nord... Oh! vous aviez une question, Mme la députée de Champlain? Allez-y, Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Oui, une toute petite question, puis là je vais laisser le député de Beauce-Nord aller de l'avant.

Moi, ce qui m'intéresse puis qui me plaît, c'est l'article 90 et l'article 93 de la Loi sur l'instruction publique qui permettent, avec l'autorisation du conseil d'établissement, on s'entend bien, l'utilisation des locaux de l'école, pour des groupes extérieurs à l'école, pour des services éducatifs autres que ceux qui sont prévus au régime pédagogique. Donc, un groupe pourrait demander accès à des locaux parce qu'il veut, exemple, avec quelqu'un de la paroisse X, aller plus loin dans une forme d'éducation religieuse différente, et on pourrait lui donner accès, et à 10, 15 étudiants, avec l'accord bien sûr des parents. On parle d'étudiants de niveau primaire, j'entends. À ce moment-là, ils pourraient avoir accès et aller plus loin dans leur démarche.

Est-ce que c'est ça que je dois entendre par ces deux articles-là?

M. Proulx (Jean-Pierre): Tout à fait, M. le Président, madame. C'est tout à fait ce que ça veut dire. Écoutez, il y a des établissements d'enseignement primaire ou secondaire qui offrent leurs locaux pour donner des cours à l'éducation des adultes, hein? Moi, j'ai suivi ? je vais me citer en exemple ? des cours d'espagnol, à l'école de mon quartier, qui étaient donnés par la municipalité parce que l'école est ouverte à la communauté et elle est ouverte à la communauté pour donner des cours de ceci, des cours de cela ou offrir des services à caractère culturel ou récréatif. C'est pour ça que ces deux articles de la loi ont été écrits à l'époque, pour permettre à la communauté d'utiliser au maximum les locaux. Pas dans le désordre, il faut que le conseil d'établissement pose un jugement d'opportunité et de pertinence. Mais a priori il n'y a pas de raison de refuser ça à un groupe religieux. D'ailleurs, je l'ai souligné tout à l'heure, il y a un consensus là-dessus, la majorité des gens sont...

Mais la seule contrainte, et c'est une contrainte importante... Bien, ce n'est pas une contrainte, c'est une règle de vie démocratique. On ne pourrait pas dire: Je le permets aux catholiques, mais je le refuse aux musulmans, parce que ça, ce serait discriminatoire envers les musulmans. Si on l'offre à un groupe religieux, il faut l'offrir en pleine égalité à tous les groupes religieux. Ça peut éventuellement poser théoriquement des problèmes: Est-ce vraiment un groupe religieux, puis etc.? Bon, je ne donnerai pas d'exemple, parce qu'il m'en vient en tête, là, mais...

Le Président (M. Chagnon): On a tous le même en tête.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Chagnon): Ça rime avec «Noël».

M. Proulx (Jean-Pierre): ...

Le Président (M. Chagnon): Bien, voilà.

Mme Champagne: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, Mme la députée de Champlain. M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Je pourrais répondre à ma collègue. À l'heure actuelle, les locaux des commissions scolaires sont à la disposition des groupes parce que, tous les sacrements, les jeunes, il faut qu'ils suivent des cours spéciaux, et ils profitent des établissements à l'heure actuelle.

Ma question, moi: Présentement, là, vous avez parlé, à un moment donné, qu'il faudrait former environ 20 000 enseignants, enseignantes au primaire, mais les enseignants et enseignantes, à l'heure actuelle, qui donnent des cours religieux et moral, comment est-ce qu'il y en a dans la commission scolaire? Il doit y en avoir un certain montant. Comment est-ce qu'il y a de personnes qui donnent des cours présentement, là, en religion?

M. Proulx (Jean-Pierre): Ces chiffres de 20 000 ne sont pas de moi, ils sont du document ministériel, dans lequel on nous informe qu'il y a 20 000 enseignants qui...

Une voix: Au primaire.

M. Proulx (Jean-Pierre): Au primaire.

Le Président (M. Chagnon): Il s'agit des enseignants...

M. Proulx (Jean-Pierre): Alors, c'est les titulaires qui donnent...

Le Président (M. Chagnon): C'est les titulaires de classe, là.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui, tout à fait.

M. Grondin: Ces enseignantes-là et ces enseignants-là qui donnent des cours présentement pourraient... j'imagine, vont pouvoir se qualifier pour donner les cours comme on veut les faire, là, avec le nouveau projet de loi.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui, c'est exact. Le but de l'opération, c'est de former les enseignants déjà en exercice, et ceux qui vont venir après, à prendre en compte le nouveau programme et à l'enseigner conformément à ces orientations, à ces buts. J'ai simplement souligné que c'était là une tâche gigantesque, et le ministre m'a répondu qu'ils étaient prêts. Alors, tant mieux.

M. Grondin: Mais ça, on l'a déjà entendue, cette phrase-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Chagnon): ...M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Alors, je dois vous dire que, moi aussi, j'ai apprécié votre mémoire. Je trouve qu'il est clair, et puis, comme on dit, il frappe pas mal dans le «target». Merci.

Le Président (M. Chagnon): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Est-ce que vous me permettez...

Le Président (M. Chagnon): Bien sûr!

M. Proulx (Jean-Pierre): ...d'ajouter une réflexion qui n'était pas dans mon mémoire mais qui m'est venue à la suite de ce que j'ai entendu, ce qui a même été évoqué ici, tout à l'heure? Un élément qui me paraît très important, sur lequel il faut réfléchir collectivement ? et je suis sûr que, dans l'appropriation du programme, ça entrera en ligne de compte ? c'est ce qu'on a évoqué tout à l'heure: la différence entre Montréal puis le reste du Québec. Ce qui est important, me semble-t-il, à cet égard-là, ce n'est pas le fait qu'à Montréal il y a des immigrants ou que... Ce qui est important, c'est la mission de l'école, et mission de l'école qui est d'instruire, de socialiser et de qualifier. Et tous les Québécois et les Québécoises, qu'ils soient à Gaspé, qu'ils soient à Montréal, ont le droit d'accéder au même bien culturel et au même bien éducatif que leur propose l'école. C'est ça, me semble-t-il, qui est le fondement de ce programme-là, c'est le droit aux mêmes services éducatifs. Qu'il y ait des adaptations locales en fonction des situations locales, personne ne s'en offensera. Du reste, le régime pédagogique et la Loi sur l'instruction publique prévoient déjà ça en ce qui a trait à l'adaptation des programmes en fonction des réalités locales, pour autant que le droit général d'accès aux mêmes biens soit respecté.

Puis, si on réfléchit en termes de Montréal et de Québec, les Montréalais, là, c'est largement formé, ça, de citoyens puis de jeunes qui viennent des régions aussi, là. J'en suis un exemple, moi, je viens de Sherbrooke, tu sais. Puis plein de Montréalais sont des expatriés de leur région, et la mobilité au Québec, c'est une réalité aussi constante. Mais ce n'est pas ça qui est le plus important, c'est le fait de concevoir qu'on doit avoir accès au même bien culturel, que l'on soit à Montréal ou que l'on soit à Chicoutimi et à Percé.

Le Président (M. Chagnon): Eh bien, il ne reste plus qu'à vous remercier, M. Proulx, Mme de la Sablonnière, pour le témoignage que vous nous avez fait aujourd'hui, ce soir. Et j'ajourne les travaux sine die. Mais probablement... pas probablement, mais je présume que nous serons ensemble demain, en avant-midi, vers 11 heures, tout de suite après les travaux.

(Fin de la séance à 22 h 18)


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