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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 19 avril 1983 - Vol. 27 N° 14

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen de la décision de la SEBJ et du rôle du premier ministre et de son bureau lors du règlement hors cour de la poursuite intentée à la suite du saccage de LG 2


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Jolivet): La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux en vue d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de I_G 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier minsitre et de son bureau à cet égard.

Je dois vous dire, dès le départ, qu'aujourd'hui nous allons ajourner, selon la formule habituelle, nos travaux à 12 h 30 de façon à reprendre les travaux de l'Assemblée nationale à 14 heures. Nous reviendrons, à la suite d'une motion qui sera faite et adoptée en Chambre, de façon qu'on soit ici vers 15 h 30 pour terminer nos travaux à 18 heures et les reprendre de 20 heures à 22 heures en vertu du règlement.

Les personnes qui sont invitées à venir devant cette commission aujourd'hui sont M. Claude Roquet, pour terminer les questions qu'on a à lui poser, MM. Roland Giroux, Robert Boyd et Lucien Saulnier. Ce sont donc les personnes qui sont invitées à être devant nous aujourd'hui.

Les membres de cette commission sont: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Tremblay (Chambly), M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Saintonge (Laprairie). Le rapporteur est M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

Comme nous en étions rendus à M. Claude Roquet, je l'invite donc. M. le député de Vimont avant.

M. Rodrigue: M. le Président, le député de Rousseau, M. René Blouin, vous ne l'avez pas mentionné dans la liste des noms.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, je vérifie.

M. Lalonde: Corrigeons cette erreur immédiatement.

Le Président (M. Jolivet): Donc, il remplace Mme Harel?

M. Rodrigue: Oui. M. Blouin: D'accord.

Le Président (M. Jolivet): M. Blouin (Rousseau) comme intervenant. Cela va. M. Roquet, s'il vous plaît.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Remarques générales M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: ...avant de poursuivre le témoignage de M. Roquet, j'aurais seulement quelques observations à vous faire. Tout d'abord, je pense que j'ai bien dit au ministre, lors de l'ajournement de vendredi midi, que nous n'avions plus de questions, enfin que nous étions prêts à mettre fin au témoignage de M. Roquet. Donc, j'espère qu'il a bien compris ce que je lui ai dit et que M. Roquet n'a pas l'impression qu'on le force à revenir ici aujourd'hui simplement pour une ou deux questions. En ce qui nous concerne, nous étions prêts à mettre fin à son témoignage vendredi dernier. Peut-être que, selon les questions qui pourraient être posées par d'autres députés, nous en aurions. Je ne veux pas affecter le droit de chacun des parlementaires de poser les questions qu'il croit pertinentes.

Deuxièmement, M. le Président, depuis notre ajournement, il y a eu des événements difficiles à croire qui se sont passés concernant la commission parlementaire, et je veux me référer à deux déclarations du premier ministre. L'une semble menacer l'existence et les travaux de cette commission, à savoir que le premier ministre voudrait y mettre fin dans les plus brefs délais. L'autre contient des insultes à l'égard des membres de l'Opposition qui participent aux travaux de cette commission. Je voudrais

dire tout de suite qu'on commence à être habitué un peu au langage du premier ministre et même que c'est malheureux que les Québécois soient obligés de tolérer un premier ministre qui se permet d'insulter ses adversaires.

M. Duhaime: Vous commencez mal votre semaine.

M. Lalonde: II reste que cela ne nous intimide pas dans le sens que... Mais je pense que c'est quelque chose qu'on ne peut pas laisser passer. Nous avons, jusqu'à maintenant, fait notre travail suivant le règlement, à la demande du premier ministre lui-même qui nous disait, le 23 mars - et je le cite, à la page 3 du journal des Débats du 23 mars 1983 - "Je m'engage, dès maintenant..." Et il continue un peu plus loin: "...que tous les gens qui sont intéressés, puissent aller à cette commission et faire la lumière". Donc, l'engagement du premier ministre est que tous les témoins qui sont intéressés puissent venir à cette commission et faire la lumière. Il disait un peu plus loin: "Les témoins - le premier ministre, M. le Président, dit "les témoins" et non "les invités" - qui ont quelque rapport pourront être convoqués aussi longtemps qu'on le voudra et cela dans les meilleurs délais." Un peu plus loin, il poursuivait: "Là-dessus non plus, je ne mens pas à la Chambre".

M. le Président, je rappelle au ministre, au cas où il voudrait se laisser inspirer par les propos du premier ministre lors de cette fin de semaine, que nous sommes, nous du Parti libéral, déterminés plus que jamais à remplir le mandat qui nous a été confié, à poursuivre le travail, conformément aux règlements et à la loi et à tenter de faire la lumière, avec les témoins que le gouvernement et nous-mêmes avons demandés, et avec ceux qui pourront s'ajouter à la liste ou être rappelés.

Quant aux insultes, M. le Président, je veux simplement vous rappeler qu'on dit que la bouche parle de l'abondance du coeur et je laisse au premier ministre la responsabilité de ses propos.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre a-t-il des commentaires sur ce début de semaine?

M. Yves Duhaime

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais dire au député de Marguerite-Bourgeoys que, s'il a été intimidé par ce que le premier ministre a dit en fin de semaine, il se laisse intimider facilement. Moi, c'est drôle, mais j'ai plutôt compris que le premier ministre souhaitait que les travaux se poursuivent avec célérité, efficacement et rapidement, et que l'on évite de tomber, du côté de l'Opposition libérale, dans ce que j'ai dû moi-même arrêter à plusieurs reprises, depuis le début de ces travaux, dans ce que j'appellerais "des procédures inquisitoires" qui mènent je ne sais où, mais, chose certaine, qui nous font perdre notre temps.

Cependant, je dirai que la journée d'aujourd'hui pourrait être un test quant à cette commission. J'aurai, bien sûr, à rencontrer mes collègues au Conseil des ministres, demain, pour faire le point sur l'état de nos travaux et, pour que le député de Marguerite-Bourgeoys ne se sente pas intimidé, je veux tout simplement dire que je ne fais aucune menace. Seulement, je rejoins plusieurs des commentaires qui ont été faits par des observateurs de la scène politique et, en particulier, dans le quotidien La Presse, samedi dernier, en page éditoriale, par M. Adam. Je pense que, pour chacun des députés du Parti libéral présents à cette commission, parce qu'on ne nous a, jamais dans le passé, fait l'honneur d'un pareil aréopage, cela pourrait être inspirant pour la suite des choses. Ce que je souhaiterais, M. le Président, c'est exactement dans le sens du mandat de cette commission, que l'opinion publique soit éclairée, mais que l'on ne le fasse pas par des procédures de harcèlement sur des citoyens et des citoyennes du Québec, des gens honnêtes qui siègent à un des conseils d'administration les plus importants et qui ont déploré eux-mêmes la façon de travailler de certains membres de l'Opposition. Je ne leur mets aucun mot dans la bouche.

Je dis également, quant au témoignage de M. Roquet, qu'il avait fait part à la commission, si mon souvenir est bon, qu'après son témoignage il souhaitait faire un commentaire ou ajouter une déclaration. Quant à moi, je n'aurai pas d'autres questions à poser à M. Roquet. M. le Président, si vous voulez lui donner la parole, je pense qu'il aurait une déclaration à faire.

Le Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole à M. Roquet, j'aimerais d'abord vous dire, que à la suite de demandes des membres de cette commission, un document vous sera distribué qui concerne des lettres et des documents-annexes transmis par la Société d'énergie de la Baie James à la commission parlementaire de l'énergie et des ressources; donc, ce document vous sera distribué tel que demandé. Est-ce que c'était cette question, M. le député de Brome-Missisquoi?

M. Paradis: Peut-être, M. le Président. Mais au cas où ledit document auquel vous référez ne contiendrait pas le compte détaillé des avocats Geoffrion et Prud'homme auquel on se réfère à la page 222...

Le Président (M. Jolivet): Peut-être que cela pourrait vous aider; il y a d'abord, une lettre de M. Laliberté du 18 avril 1983. En annexe A, l'extrait du procès-verbal de la réunion du 11 décembre 1978. En annexe B, l'extrait du procès-verbal de la réunion du 23 janvier 1979. En annexe C, l'extrait du procès-verbal de la réunion du 30 janvier 1979. En annexe D, une lettre de transmission du 24 janvier 1979 et un mémoire relatif à des modifications à la déclaration de transaction. En annexe E, la lettre de transmission du 26 janvier 1979, la proposition de règlement du 26 janvier 1979, une opinion sur le quantum des dommages et, en annexe F, un compte d'honoraires de Geoffrion et Prud'homme.

M. Paradis: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que cela satisfait vos demandes?

M. Paradis: Pour l'instant.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a des questions à poser?

Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je voudrais relever un peu les propos du ministre lorsqu'il a dit qu'aujourd'hui ce serait un test. Il met la commission à l'épreuve. Quelles sont les conditions que l'on doit remplir pour pouvoir obtenir le privilège de survivre au Conseil de ministres de demain pour passer le test? En ce qui me concerne, tout en déplorant que quelques témoins aient pu se sentir harcelés, je pense qu'on peut affirmer que les questions qui ont été posées, de ce côté-ci en tout cas - parce qu'on est à peu près les seuls qui en posent - l'ont été de façon très pertinente. Lorsqu'on a dû faire preuve d'un peu plus d'insistance, appuyer davantage sur une question, la répéter différemment, c'est - et je ne l'apprends pas au ministre, avocat lui-même - l'enfance de l'art de l'interrogatoire qui veut permettre au témoin de rafraîchir sa mémoire.

Lorsqu'on souligne des contradictions, peut-être apparentes, c'est justement pour permettre de clarifier ces contradictions et souvent cela permet au témoin de démontrer qu'il n'y en a pas ou que la contradiction est apparente. Nous allons continuer, ainsi à moins que le ministre ne vienne nous annoncer de nouvelles règles du jeu que je ne connais pas.

Il faudrait, M. le Président, que vous nous rassuriez à savoir que le règlement et la Loi sur l'Assemblée nationale continuent de s'appliquer, comme vous l'avez fait avec grande sagesse depuis le début des travaux de cette commission.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je vous dirai essentiellement, M. le Président, que le plus difficile à supporter dans ces travaux, c'est le verbiage inutile, le style redondant des parlementaires qui périphrasent plutôt que de s'exprimer en termes concis. Ce sont ces questions emberlificotées, au préambule interminable et remplies d'incidentes qui répètent ad nauseam les mêmes faits et précisent ceux qui l'ont été maintes et maintes fois.

Ce que je dis, c'est effectivement un texte préparé. Je vous ai lu un paragraphe, qui m'apparaît important, de l'éditorial de M. Marcel Adam, de la Presse de samedi dernier. C'est dans ce sens que je dis à mon collège de Marguerite-Bourgeoys pour qui, vous le savez, j'ai beaucoup d'estime et de considération, que je ne voudrais pas qu'il commence la semaine en se sentant menacé ou intimidé. Je dis que la journée d'aujourd'hui va être un test, non pas dans le sens qu'il l'a lui-même indiqué, mais plutôt dans le sens que nous évaluerons si, oui ou non, l'Opposition libérale a l'intention de faire preuve de sérieux. C'est dans ce sens que j'ai fait ma remarque tout à l'heure et je peux dire que, pour une fois, au moins sur ce paragraphe, je suis parfaitement d'accord avec ce qu'a écrit M. Marcel Adam, du journal La Presse.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, si je comprends bien, ce que le ministre me reproche, c'est un style qu'on lui connaît très bien en réponse aux questions à l'Assemblée nationale. Nous essaierons de ne pas l'imiter, mais que le ministre sache...

M. Duhaime: À l'Assemblée nationale? M. Lalonde: En réponse à nos questions. M. Duhaime: À l'Assemblée?

M. Lalonde: C'est un peu ce que vous voulez qu'on évite.

M. Duhaime: Vous ne m'avez jamais posé une question de votre vie.

M. Lalonde: Non, je n'ai pas le temps. Il y a seulement 45 minutes à la période des questions.

Nous allons continuer de faire notre travail sans tenir compte des menaces et des rappels du ministre.

M. Duhaime: Franchement!

M. Lalonde: Si, quelquefois...

M. Duhaime: C'est vraiment fin!

M. Lalonde: ...aux observateurs, cela peut paraître long, j'en conviens.

M. Duhaime: Ils me l'ont dit.

M. Lalonde: D'ailleurs, non seulement aux observateurs. M. Marcel Adam avait, d'ailleurs, écrit la semaine précédente que le fardeau de la preuve, à savoir qu'il n'avait pas trompé la Chambre, reposait sur les épaules du premier ministre, maintenant; c'est un homme très sage. Cela peut paraître long aux observateurs, mais, lorsqu'on a un mandat aussi large que d'examiner les circonstances entourant la décision de la SEBJ de régler hors cour pour 200 000 $ une réclamation de 32 000 000 $; lorsque le gouvernement invite des membres du conseil d'administration devant nous qui grattent leur mémoire pour savoir quels sont les motifs qui les ont portés soit à voter pour ou à voter contre, c'est long. Je peux rappeler des témoignages de simples citoyens qui n'ont naturellement pas le prestige et l'importance des membres du conseil d'administration de la SEBJ, mais qui sont de simples citoyens qui sont appelés à témoigner devant nos cours tous les jours et qui, souvent, sont tenus là, interrogés et contre-interrogés par plusieurs avocats pendant des journées entières. L'essentiel est que la lumière soit faite à la fin et c'est ce que nous allons continuer de faire, sans tenir compte des caprices du ministre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, vous avez mentionné tantôt que le témoin qui est devant nous aura une déclaration à faire à la fin de son témoignage. Loin de moi toute idée de lui enlever ce droit, mais je voudrais seulement confirmer que, s'il y a des propos dans cette déclaration qui peuvent soulever certaines questions, je me réserve le droit -et je crois que mes collègues aussi se réservent ce droit - de lui poser certaines questions sur les propos que pourrait contenir sa déclaration à la fin de son témoignage.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Là-dessus, M. le Président, je suis parfaitement d'accord. Je ne vois même pas pourquoi on pose la question; cela me paraît tellement aller de soi. Cependant, que je voudrais dire bien clairement que, lorsqu'on fait une comparaison entre les gens qui sont appelés à venir ici apporter leur contribution et dire aux membres de la commission parlementaire certains faits ou certaines choses dont ils ont eu connaissance et des "témoins" devant une cour de justice, comme le député de Marguerite-Bourgeoys vient de le faire, à mon sens - je le dis bien modestement - il n'y a aucun parallèle possible pour une raison très simple: ici, il n'y a aucune accusation, il n'y a aucun chef d'accusation. Vous savez très bien, en face de moi, qu'il n'y a aucun accusateur non plus et, par voie de conséquence, il n'y a personne d'accusé. Nous sommes en train de faire un examen des circonstances qui ont entouré le règlement hors cour du saccage de la Baie-James et du rôle du bureau du premier ministre.

J'avoue honnêtement, M. le Président, que je n'ai peut-être pas été assez clair tout à l'heure. Je ne sais pas si c'est cette nostalgie du barreau qu'ont certains de mes collègues à ma gauche ou encore la tentation de se livrer à un exercice pour rappeler leur bon souvenir à leur clientèle d'autrefois, mais je n'entends pas agir ici comme procureur; comprenez-moi bien. J'espère également que vous comprendrez mon message et que si des gens honnêtes qui, de bonne foi, viennent ici apporter leur éclairage et leur contribution aux travaux de notre commission, se font harceler dans des contre-interrogatoires qui durent trois heures, il est bien évident, M. le Président, qu'on se livre à un exercice que je n'endosserai pas. Je suis prêt à mettre au défi n'importe quel des procureurs libéraux à ma gauche de se livrer à cet exercice de contre-interrogatoire et vous verrez comme c'est facile de faire de la mise en boîte quand on joue sur un calendrier de quatre ans et demi sans aucune note et sans aucun agenda dans les mains. (10 h 30)

Le Président (M. Jolivet): J'aimerais, à la suite de ces interventions à ma gauche et à ma droite, rappeler quand même que la commission parlementaire est une commission parlementaire. Je n'ai pas à tenir compte de ce qui a pu être dit à l'extérieur par des gens qui ont pu être "témoins" de certains événements. Mais, à cette commission, je continuerai toujours de vous demander de les considérer comme des invités à cette commission parlementaire, puisque ce sont des invités. En conséquence, j'avais fait mention à deux reprises, au début des travaux et vers le début de la semaine dernière, que l'article 168 s'appliquait par analogie aux personnes qui sont invitées à venir nous aider à faire en sorte que les circonstances entourant la décision du conseil d'administration soient connues par tout le monde en tenant compte de ce qui a été demandé à l'époque. Compte tenu de ce que j'ai dit depuis le début, je continuerai toujours à dire que nous avons devant nous des invités qui doivent nous aider à faire la lumière sur l'ensemble du dossier.

En conséquence, je n'ai pas eu à dire

que M. Roquet avait une intervention finale à faire, c'est lui qui l'a demandé à la commission. J'ai demandé s'il y avait des personnes qui avaient d'autres questions à lui poser avant qu'on passe à cette étape. Je crois comprendre qu'on est prêt, sous le même serment demandé par le député de Marguerite-Bourgeoys, à procéder. M. le député de Rousseau.

Témoignages M. Claude Roquet (suite)

M. Blouin: Puisque nous sommes à la reprise de nos travaux cette semaine et qu'évidemment ces travaux sont suivis par un grand nombre de nos concitoyens et de nos concitoyennes, j'aimerais poser une toute brève question à M. Roquet. Cette question revient, au fond, aux motifs qui ont présidé à la tenue de cette commission parlementaire, qui est de savoir si les propos qu'a tenus le premier ministre à l'Assemblée nationale étaient conformes à ce qui s'était effectivement passé.

M. Roquet, je vais vous relire deux paragraphes de la déclaration de M. Lévesque le 20 janvier 1979 à l'Assemblée nationale et j'aimerais très rapidement que vous me disiez si, compte tenu de ce que vous savez, cette déclaration vous apparaît conforme à ce qui s'est passé. Voici la déclaration de M. Lévesque qui, semble-t-il, est très controversée. "En janvier de cette année, c'est-à-dire il y a quelques semaines, si je suis bien informé, la Société d'énergie de la Baie James a reçu des offres de règlement de la part de certains des défendeurs et, ce qui est assez normal, de nouveau...

Le Président (M. Jolivet): Une question de règlement de la part du député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, pour s'assurer que le député de Rousseau n'induit personne en erreur parce que les débats sont enregistrés, je voudrais simplement signaler que la déclaration du premier ministre dont il fait état n'est pas celle du 20 janvier 1979, mais du 20 février 1979. Le député de Rousseau a dit la 20 janvier. Je pense que c'est important pour ceux qui suivent les débats.

Le Président (M. Jolivet): La rectification étant faite, c'est donc le 20 février 1979. M. le député de Rousseau.

M. Blouin: C'est donc le 20 février 1979. Alors, je la reprends. "En janvier de cette année, c'est-à-dire il y a quelques semaines, si je suis bien informé, dit le premier ministre à l'Assemblée nationale le 20 février, la

Société d'énergie de la Baie James a reçu des offres de règlement de la part de certains des défendeurs et, ce qui est assez normal, de nouveau, elle a voulu savoir, le sentiment de celui qui vous parle..." C'est le premier ministre qui parle. "Mon sentiment, disait-il à l'Assemblée nationale, a été très clair, la décision appartient forcément à Hydro-Québec et à son conseil d'administration qui coiffe toute l'opération chantier, énergie, etc., et, bien sûr à la Société d'énergie de la Baie James elle-même, qui est là comme partie. "Tout en étant bien clair là-dessus -c'est-à-dire sur le fait que la décision leur appartient - le demeurant encore aujourd'hui, mon sentiment - et je leur ai donné comme ils le demandaient - est éminemment favorable à un règlement."

Est-ce que cette déclaration de M. Lévesque à l'Assemblée nationale, compte tenu de ce que vous avez vécu, vous qui étiez près de ces événements, vous paraît conforme à ce que vous avec vécu?

Le Président (M. Jolivet): M. Roquet.

M. Roquet (Claude): M. le Président, sans avoir ce texte devant moi, je pourrais essayer de prendre point par point les affirmations que je viens d'entendre. Que la SEBJ ait reçu des offres de règlement, à ma connaissance, à ce moment-là, comme témoin, je puis dire que, oui, c'est ce dont nous avons été informés. Que la société ait voulu savoir le sentiment du premier ministre, c'est exact. Le conseil a pris une décision en ce sens et une démarche a été faite par ses représentants définis par la loi pour les rapports avec le gouvernement. Que le premier ministre nous ait fait connaître ses sentiments de façon très claire et qu'il était éminemment favorable à un règlement, c'est ce que j'ai constaté comme administrateur en écoutant le rapport du président du conseil, M. Saulnier. L'affirmation que la décision appartenait à la SEBJ, c'est, en effet, quelque chose que j'ai dit dans mon témoignage, que la société se sentait saisie de cette décision et qu'elle croyait qu'elle lui appartenait.

M. Blouin: Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. Roquet, pouvez-vous approcher votre micro, s'il vous plaît?

M. Lalonde: Avant, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ...tout simplement pour compléter l'exercice du député de Rousseau, j'aimerais vous rappeler aussi une autre

déclaration faite par le premier ministre, le même jour, et que je vais lire, en réponse à une question qu'un député lui posait. La partie de la question à laquelle la réponse s'adresse était la suivante: "Deuxièmement, est-il exact que c'est dans le bureau du premier ministre, en présence du premier ministre ou d'un de ses représentants, qu'une partie de cette négociation de règlement a eu lieu?" Voici la réponse, quelques lignes plus loin, du premier ministre: "Deuxièmement, ce n'est pas du tout, ni de près, ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu". Est-ce que vous pouvez confirmer cette réponse du premier ministre?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Le député de Marguerite-Bourgeoys demande de confirmer la réponse du premier ministre. J'ai cru comprendre qu'elle était consignée au journal des Débats. Je ne vois pas pourquoi M. Roquet serait appelé à dire oui ou non, ou peut-être, ou bien etc., si c'est dans le journal des Débats. Vous venez de lire une question et une réponse que tout le monde sait par coeur.

M. Lalonde: Est-ce que vous pouvez confirmer cette réponse du premier ministre?

M. Roquet: Si je peux poser une question, voulez-vous dire le contenu de la réponse ou bien que c'est là la réponse qu'il a faite?

M. Lalonde: Non, non, non, le contenu, naturellement.

M. Roquet: Je dois vous dire, M. le Président, qu'en répondant à la première question j'ai fait très attention, en écoutant d'abord et en y répondant, de m'en tenir à des faits connus par moi comme témoin à ce moment-là. Et c'est pour cette raison que je l'ai sériée attentivement. Dans ce cas-ci, j'ai l'impression que, l'affirmation du premier ministre portant sur des faits qui débordent ma connaissance des événements comme membre d'un conseil d'administration ayant vécu une partie de ces événements, il m'est impossible de sérier de la même façon les composantes de la question et de répondre oui ou non à l'une ou l'autre composante.

M. Lalonde: Merci, monsieur.

Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez, M. Roquet, procéder à vos commentaires.

M. Roquet: Je vous remercie, M. le Président. Ce n'est pas une déclaration. Vous vous souviendrez qu'au départ, j'ai dit qu'il y aurait peut-être quelques éléments qu'il me paraîtrait utile, à la fin, d'ajouter pour clarifier ou compléter certaines des remarques que j'aurais faites. Puisque, ce matin, vous avez bien voulu me demander de témoigner à nouveau, il y a quelques points qui ont fait l'objet de questions qu'on m'a posées sur lesquels je voudrais ajouter un peu de lumière.

Un point sur lequel on m'a interrogé, c'est la question de l'interaction, si vous voulez, entre mes attitudes et mes votes et ceux de mes collègues, les divers administrateurs, notamment, ceux qui avaient eu une expérience prolongée de la Baie-James, que ce soit MM. Boyd, Giroux, Gauvreau, Monty ou Laliberté. J'ai mentionné à ce moment-là qu'il y avait un rapport ambigu entre les débats réels du conseil et leur traduction, toujours très partielle, dans les résolutions du conseil, en d'autres termes, que ce n'était pas une simple question de oui ou de non, ou de bons ou de méchants, et que les positions n'étaient pas nécessairement coupées à la hache entre les administrateurs. Il s'agissait de l'interaction d'une équipe.

Je voudrais simplement porter brièvement à votre attention, à cet égard, la signification des votes du conseil, le 6 et le 20 février. Je n'en tire aucune conclusion parce que, précisément, les votes traduisent mal les réalités du débat. Mais, au moment où, le 6 février, nous donnions mandat aux procureurs d'explorer la possibilité d'un règlement hors cour, à la condition que les défendeurs reconnaissent leur responsabilité, qu'il y ait une somme d'argent acceptable et que les compagnies d'assurances en prennent soin, j'ai quand même constaté, en regardant les procès-verbaux, que cette décision avait été prise unanimement par les membres du conseil présents, qui étaient MM. Lucien Saulnier, Claude Laliberté, Robert Boyd, Mme Nicolle Forget, MM. Georges Gauvreau, Roland Giroux, Hervé Hébert, Pierre Laferrière et Claude Roquet. Absents à cette réunion, MM. Monty et Thibaudeau.

Le 20 février, vous avez également une autre décision cruciale qui est celle, cette fois-là, d'autoriser nos procureurs à proposer aux procureurs des défendeurs les termes d'un règlement, encore une fois avec certaines conditions: la première, responsabilité reconnue; la deuxième, une somme représentant substantiellement les frais judiciaires - on me dit, incidemment, que ce terme, dans ce cas-là, désignait les frais encourus vis-à-vis des procureurs et non pas les frais indirects - la troisième, prendre soin des compagnies d'assurances. La décision, à ce moment, comme la première, a été unanime chez les membres présents qui étaient: MM. Lucien Saulnier, Claude Laliberté, Robert Boyd, Mme Nicolle Forget, MM. Georges Gauvreau, Pierre Laferrière, Guy Monty, André Thibaudeau. Étaient absents: MM. Giroux, Hébert et Roquet.

II s'agit simplement, là, d'une situation de fait, que je ne veux pas interpréter, mais je crois qu'elle illustre la complexité de l'interaction entre les administrateurs et le fait que les votes, et notamment le vote du 6 mars, qui avait lui aussi sa composition particulière, ne rendent pas compte du fait qu'il y avait un échange très riche entre les administrateurs et que les positions n'étaient pas nécessairement toutes absolument pour ou absolument contre.

C'était ma première remarque sur un point sur lequel vous avez voulu m'interroger, ici. Ma deuxième remarque est - excusez-moi - de nature personnelle, mais elle me paraît utile. On a établi, ici, au niveau des faits, à ma dernière comparution, que j'avais été nommé sous-ministre adjoint au ministère de l'Énergie et des Ressources à peu près au moment où se réglait hors cour le différend sur le saccage de la Baie-James. Vous me permettrez, pour éviter une interprétation inexacte de cette conjonction d'événements, de souligner les faits suivants: premièrement, une nomination comme sous-ministre ou sous-ministre adjoint ne se fait pas en quelques jours. La mienne était en voie bien avant le vote et n'avait rien à voir avec lui. Je l'affirme et sous serment. Je n'ai pas informé le gouvernement de mon vote; il ne s'en est pas informé auprès de moi.

Deuxièmement, bien avant toute cette question de règlement hors cour, j'ai été sondé par de hauts fonctionnaires du ministère des Affaires intergouvernementales, en raison de mon expérience internationale, en vue d'assumer un poste important de délégué général du Québec à l'étranger. Pour un simple conseiller, il y aurait eu là un avancement appréciable. J'ai décliné. Mon poste présent comme sous-ministre adjoint au ministère des Affaires intergouvernementales m'avait également été offert à peu près un an avant que je l'accepte. Je l'avais décliné parce que j'étais au milieu de dossiers de l'énergie qu'il me paraissait important de poursuivre.

Finalement, dans mes présentes fonctions, j'ai été sondé aussi en vue d'assumer quelques postes de niveau supérieur au mien. J'ai décliné pour des raisons personnelles. Quand même, quand j'ai quitté Ottawa, pour ce qui était des raisons professionnelles de principe, j'étais déjà sous-ministre adjoint d'un ministère prestigieux là-bas, vingt fois plus gros que le ministère de l'Énergie, où j'ai été nommé au moment du règlement de la Baie-James. J'avais obtenu ici à Québec, par les voies de la fonction publique et non par faveur du gouvernement, un simple poste de conseiller. (10 h 45)

Je veux tout simplement suggérer par là, M. le Président, que ce n'est pas là le cheminement d'un homme qui cherche à tout prix des promotions, encore moins d'un administré qui brouillerait ou fausserait son vote pour ne pas en compromettre une. Personne, je le souligne, n'a tiré une telle conclusion. Il me paraissait néanmoins utile de clarifier ce point, puisqu'au niveau des faits il a été établi et qu'il a reçu un certain écho.

Évidemment, le fait que je sente le besoin de faire cette mise au point souligne le problème dans lequel nous nous trouvons ici ensemble dans la conjonction du monde des représentants élus et du monde des administrateurs de sociétés d'État. Je m'associe ici avec la plus grande déférence pour l'Assemblée nationale et tous ses représentants aux remarques faites à ce sujet par plusieurs de mes collègues administrateurs.

Finalement, M. le Président, puisque vous avez la patience de m'entendre un peu, j'aimerais rendre hommage à mes collègues du conseil, à leur esprit d'équipe, à leur sens des responsabilités, à leur sens stratégique des grands problèmes qui m'ont beaucoup impressionné pendant les années où j'étais au conseil. Que ce soit du remarquable président du conseil, M. Saulnier, jusqu'au dernier membre du conseil sur la liste alphabétique, ils m'ont inspiré beaucoup de respect. Je me dois d'exprimer ces sentiments, en particulier à l'égard du président-directeur général de la Société d'énergie de la Baie James, M. Claude Laliberté. Il apportait à sa tâche une expérience diversifiée et de la Baie-James et de la Société d'énergie de la Baie James et d'une firme prestigieuse de génie-conseil et de la gestion globale des politiques d'électricité en milieu gouvernemental. Chargé à la fois des tâches d'administrateur, comme nous l'étions, mais aussi gestionnaire de l'entreprise, il avait des responsabilités et un fardeau particulièrement lourds, il était particulièrement exposé. Il est donc juste qu'à titre personnel, en tout cas, je signale que lui revient, à mon avis, largement le mérite des résultats extraordinairement positifs de ces longues années où il a piloté l'entreprise alors qu'elle était au sommet de ses investissements et ses réalisations.

Je suis à la disposition de la commission si elle souhaite me poser des questions sur mes remarques.

Le Président (M. Jolivet): Le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président.

Alors, cette déclaration de M. Roquet, en ce qui concerne plus particulièrement les trois points qu'il a soulevés, amène aussi une certaine réaction de ma part, en tout cas, au sujet de l'interaction des votes qu'il nous a expliquée en faisant valoir que, sur certains votes, certaines personnes ont voté d'une façon et, sur certains autres votes,

elles ont voté d'une autre façon. M. le Président, je pense que, dans une situation semblable, on peut comprendre les hésitations des membres, on peut comprendre qu'il soit difficile de voter pour ou de voter contre, mais que les membres de cette commission doivent et ont l'obligation stricte de s'en référer aux votes tels qu'ils apparaissent aux procès-verbaux. On ne peut pas les mitiger, on ne peut pas mitiger un vote postérieur par un vote antérieur en disant que c'est moitié, moitié. Je pense que ce n'est sûrement pas ce que le témoin a voulu dire, mais les votes doivent être considérés à l'intérieur du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration où ils ont été donnés. On ne peut vous soumettre, on ne peut argumenter qu'un vote est moins pour parce qu'on a donné un vote contre à la séance suivante ou quelque chose de semblable. Ce sont les remarques que j'ai, tout d'abord, à faire sur ce sujet.

En ce qui concerne la mise au point faite par M. Roquet au sujet de sa nomination quelques jours à peine après le 6 mars qui a vu le règlement, je vous ferai remarquer - M. Roquet, d'ailleurs, l'a souligné fort justement - que nous, de ce côté-ci, n'en avons tiré aucune conclusion. Nous avions, comme M. Roquet l'avait établi dès le début de sa comparution, un certain nombre de faits qui établissaient le déroulement de sa carrière. Nous avons prolongé ce déroulement d'une façon normale en demandant à M. Roquet où il en était maintenant et à quelle date il était entré dans certaines fonctions qu'il occupait. M. le Président, je ne voudrais pas que l'intervention de M. Roquet laisse à qui que ce soit l'impression que nous, de ce côté-ci en tout cas, ayons fait un rapport quelconque. Nous avons tout simplement prolongé...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député de Louis-Hébert. J'ai une question de règlement du député de Chambly.

M. Tremblay: Je ne comprends tout simplement pas pourquoi l'Opposition sent le besoin de se défendre, à la suite de la déposition de M. Roquet.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Chambly, ce n'est pas une question de règlement. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. C'est à la suite de l'établissement par M. Roquet, par M. le sous-ministre lui-même de son profil de carrière que nous avons continué ce profil de façon à avoir une image globale, une image qui soit complète. C'est comme cela que nous l'avons fait et c'est dans cet esprit que nous l'avons fait.

M. le Président, les hommages - je termine là-dessus - que rend aux membres du conseil d'administration M. Roquet sont sûrement des hommages que lui peut considérer personnellement comme étant mérités. C'est une opinion personnelle. En tant que membres de cette commission, je pense qu'il est de notre devoir de ne pas porter dès maintenant de jugement sur des actes administratifs particuliers. Nous n'avons jamais mis en doute, de quelque façon que ce soit, l'honnêteté de qui que ce soit. Nous n'avons pas eu à le faire et nous n'avons pas l'intention de le faire. Cependant, nous sommes ici pour examiner des gestes administratifs extrêmement importants et je pense que M. Roquet peut bien avoir des idées qui lui sont personnelles en ce qui concerne les gens avec qui il a eu l'occasion de travailler; je lui en laisse le droit le plus complet. Cependant, je pense que nous, les membres de cette commission, il n'est pas de notre ressort de rendre hommage à qui que ce soit.

M. Roquet, finalement - et je termine là-dessus - s'associe à certaines remarques qui ont été faites par d'autres membres du conseil d'administration qui se sont sentis un petit peu vexés, offusqués, peut-être même humiliés d'avoir à répondre à certaines questions. Là-dessus, je pense qu'il est important d'établir le point suivant: c'est que la Société d'énergie de la Baie James est une société publique et qu'en tant que telle il est possible que les élus du peuple, qui sont les représentants des actionnaires de ces sociétés, puissent avoir l'occasion de demander, comme n'importe quel actionnaire peut le faire lors d'une assemblée d'actionnaires, des comptes aux administrateurs. Je pense qu'il n'est que sain que des gens qui, pour rendre service à la collectivité, je suis bien prêt à le reconnaître, acceptent de siéger au conseil d'administration d'une société publique, sachent qu'ils n'agissent pas comme administrateurs d'une société privée et que les élus du peuple, les députés que nous sommes, nous avons, si l'occasion se présente, si besoin en est, un droit de regard sur les actes, les gestes administratifs. Nous avons ce droit fondamental. Je regrette, mais je ne peux pas accepter de me faire faire quelque leçon que ce soit sur la façon dont j'ai, en tant qu'élu du peuple, l'obligation de poser les questions qui s'imposent dans des cas semblables. Qu'on vienne me dire que, dorénavant, s'exposeront à ce genre de questions ceux qui sont dans les conseils d'administration, je pense que, si c'était le cas et que cela amenait les contribuables québécois, c'est-à-dire les actionnaires véritables de ces sociétés d'État, à être rassurés sur la bonne gestion de nos sociétés publiques, je n'aurais pas à m'en excuser, bien au contraire, je devrais, en

toute honnêteté, m'en féliciter.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Est-ce que je pourrais suggérer au député de Louis-Hébert de convoquer les journalistes et d'aller tenir sa conférence de presse à une autre table, s'il vous plaît, de façon qu'on puisse avancer nos travaux?

Le Président (M. Jolivet): M. Roquet a-t-il une dernière intervention à faire?

M. Roquet: Non.

Le Président (M. Jolivet): Donc, M. Roquet, je vous remercie d'être venu à cette commission. J'inviterais M. Roland Giroux à venir à cette table et je demanderais au greffier, M. Jean Bédard, de lui faire prêter le serment, tel que demandé par le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Doyon: M. le Président, avec votre permission...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Le cameraman m'a signalé tout à l'heure que je ne pouvais pas m'avancer trop facilement parce que je cachais la caméra, parce que les témoins avaient déménagé d'une chaise de ce côté-ci.

Une voix: Ils se rapprochent de l'Opposition.

M. Doyon: S'ils se rapprochent de l'Opposition et de la vérité, je considère cela comme très normal.

Le Président (M. Jolivet): Nous allons leur demander de s'installer au milieu, la vertu étant au milieu.

M. Lalonde: Oh! un instant: C'est très présomptueux, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas voulu l'employer, comme d'autres, en latin.

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.

M. Duhaime: ...je voudrais seulement m'assurer que le député de Louis-Hébert va apparaître à l'écran quand même. Je ne voudrais pas qu'on déplace des choses et que le député de Louis-Hébert disparaisse de l'écran.

Le Président (M. Jolivet): Nous allons donc procéder avec - s'il vous plaît! S'il vous plaît! - M. Bédard et M. Giroux.

M. Roland Giroux

Le greffier (M. Jean Bédard): M.

Giroux, pourriez-vous répéter après moi: Je (vos nom et prénom) jure et déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité?

M. Giroux (Roland): Je, Roland Giroux, déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. Giroux, avez-vous une déclaration préliminaire ou si nous passons directement aux questions?

M. Giroux: Vous pouvez passer aux questions, parce que ma voix ne me permet pas de parler très longtemps.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: M. Giroux, je voudrais d'abord vous donner l'assurance que mes questions seront courtes et qu'elles seront peu nombreuses.

Je voudrais que vous disiez à la commission si vous avez en main une copie d'un télex ou d'un télégramme dont j'ai copie ici en main, du 23 mars 1983, adressé au premier ministre.

Le Président (M. Jolivet): M. Giroux.

M. Giroux: Je n'ai pas la copie. Si vous voulez bien le lire?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je vais regarder mes notes et je vais vous en passer une copie.

Le Président (M. Jolivet): Allez lui porter une copie. M. Giroux, on vous apporte une copie du télégramme et M. le ministre pourra procéder ensuite.

M. Duhaime: Pour les fins de la bonne compréhension...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: ...ce télégramme, M. Giroux, a déjà été lu et déposé à l'Assemblée nationale, mais je pense qu'il n'a pas été déposé ici en commission, comme tel.

M. Lalonde: Le président l'a lu.

M. Duhaime: J'aimerais que vous nous en fassiez la lecture, si vous reconnaissez, bien sûr, le texte que vous avez transmis.

Le Président (M. Jolivet): M. Giroux.

M. Giroux: Oui. Je n'ai pas lu cette copie, parce qu'elle a été transmise par téléphone de Miami à Montréal et de Montréal on l'a envoyée ici. "Monsieur le Greffier, "La présente est pour excuser M. Roland Giroux, qui est retenu au lit pour cause de maladie. Présentement, M. Giroux est au repos à Miami sous les soins du Dr Nestor J. Madariaca pour au moins un mois. "Ci-après, vous trouverez copie du texte envoyé à M. René Lévesque, la semaine dernière: J'étais contre le règlement hors cour intervenu en 1979. Je serais encore aujourd'hui du même avis. Je savais que vous étiez favorable à ce règlement hors cour par M. Claude Laliberté, président de la SEBJ. Au retour des trois membres qui sont allés vous rencontrer: M. Boyd, M. Saulnier et M. Laliberté, M. Saulnier nous a rapporté qu'il était de votre désir de régler hors cour. Vous ne m'avez jamais parlé de cette affaire: vous n'avez donc pu exercer sur moi quelques pressions que ce soit."

Je peux facilement dire que j'ai été au moins six mois sans avoir à parler à M. Lévesque. Alors, je ne lui ai pas parlé.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. (11 heures)

M. Duhaime: M. Giroux, si je comprends bien, lors des discussions auxquelles vous avez participé au courant des mois de janvier 1979 et de février 1979, au conseil d'administration de la SEBJ, vous étiez au courant et au fait que le premier ministre avait souhaité un règlement hors cour dans ce dossier?

M. Giroux: J'avais été mis au courant. Je crois que je devrais expliquer à la commission comment cela s'est passé. Le matin où M. Laliberté devait annoncer cela, il a demandé de me voir privément. C'était la première fois qu'il recevait une demande gouvernementale et, comme j'avais déjà été président, il m'a demandé si j'avais déjà passé par cette chose; j'ai dû lui répondre que, malheureusement non, je n'avais pas cette expérience. Le gouvernement n'est jamais intervenu quand j'ai été président d'Hydro-Québec.

Il a exposé purement et simplement que le gouvernement désirait qu'on rencontre les gens. M. Laliberté a très bien fait. À ce moment-là, il y a eu de nombreuses discussions. Il ne faut pas oublier que, quand vous voyez les livres de minutes des assemblées qui durent de 9 heures le matin à 19 heures le soir et que vous avez quatorze pages de minutes, ce sont des résumés et que les discussions qu'il y a entre les membres ne sont pas là. À un moment donné, il fallait tout de même se rendre à une évidence quelconque, à savoir ce que c'était, on n'avait aucun chiffre.

J'ai admis qu'on pourrait procéder à l'examen de l'offre que l'union était prête à faire. J'ai toujours été contre le principe des règlements, à moins que ce ne soient des règlements extrêmement justes et qu'on ait seulement les frais d'avocat à éviter; je suis contre, parce que j'ai perdu beaucoup de mémoire pour les gens qui ne paient pas et j'aime mieux avoir des jugements dans mes poches, au cas où un jour ils feraient de l'argent, que pas de jugement. C'était la seule base de raisonnement que j'avais.

J'ai constaté qu'il y avait eu des déclarations de faites en ce sens que cela aurait pu baisser les coûts de la Baie-James. C'est purement hypothétique. D'abord, premièrement, les coûts de la Baie-James ont commencé à baisser lorsque le territoire était vierge. Au début, on ne pouvait avoir que des soumissionnaires de l'extérieur de la province ou de l'extérieur du pays. Alors, M. Boyd a fait plusieurs visites - je suis d'ailleurs allé à une ou deux avec lui - où il rencontrait les entrepreneurs du Québec. M. Boyd a mis sur pied un sytème qui morcelait les travaux. En deux mots, au lieu de demander des soumissions pour un travail de 150 000 000 $, il aurait demandé dix soumissions, si c'était possible, pour des travaux de 15 000 000 $. Ces chiffres sont absolument explicatifs. Encore là, on a rencontré pas mal de difficultés, parce que nos entrepreneurs québécois étaient, non pas en totalité mais en majeure partie des cas, dans l'impossibilité de fournir des bons de garantie. On a dû réunir les banques, avoir des assemblées privées avec chaque banque et on a fini par convaincre les banques de nous donner les garanties nécessaires, la Société d'énergie de la Baie James s'engageant à ne pas laisser dépasser les travaux au-delà des garanties. À ma connaissance, il n'y a eu aucun problème à ce sujet.

Maintenant, si vous vous rappelez ce temps, c'est le temps où tous les gros travaux disparaissaient, excepté les rêves d'huile Méga, qui n'ont jamais eu lieu. Les entrepreneurs sont devenus affamés de contrats. On a eu une procédure qui a accentué les travaux. Pour accentuer les travaux, on a promis des bonis. Ces bonis devaient être divisés ou partagés entre les employés. M. Boyd pourrait vous donner les détails de cela, moi, je ne les ai pas. Je crois que c'est cela qui a été la cause de la stabilisation des coûts, s'il n'y a pas eu

d'augmentation radicale dans les coûts de la Baie-James.

Le règlement n'a certainement pas nui, parce que vous ne donnez pas un cadeau de 30 000 000 $ à quelqu'un comme cela. Seulement, si on n'avait pas eu ce modèle, la Baie-James aurait été entièrement construite par de très bons entrepreneurs, les entrepreneurs de l'Ouest et les entrepreneurs américains. Les entrepreneurs canadiens - M. Boyd peut donner une liste beaucoup plus exhaustive que moi - ont rejoint ces gens-là et ont formé des consortiums. De ces consortiums, est venue une amélioration très sensible. Le terrain d'absolument vierge qu'il était, est devenu un terrain où vous pouviez travailler, où vous pouviez aller voir où étaient les agrégats, où était la moraine. Vous connaissiez les dépôts. Les analystes qui travaillaient pour Hydro, les bureaux d'ingénieurs qui travaillaient aussi pour Hydro avaient rapporté des agrégats d'un peu partout et les gens pouvaient faire des soumissions beaucoup plus basses.

Si l'on remarque la courbe, c'est l'avance directe et la rapidité avec lesquelles cette chose a été faite. Même s'il y avait des bonis de donnés, ils coûtaient beaucoup plus, parce que la charge des intérêts était énorme. À ce moment, on avait eu l'avis que, dans les quatre ou cinq ans à venir - le type a eu parfaitement raison - je ne le nommerai pas ici, parce que je ne veux pas lui faire de publicité, mais c'est un des plus grands analystes en taux d'intérêt que nous ayons eu - il disait donc que - dans ces quatre ou cinq ans, en parlant de 1982-1983; il y aurait une hausse terrible des taux d'intérêt.

À Hydro-Québec, on a établi de peine et de misère un système par lequel on a essayé de se maintenir - là je pense que c'était la Commission hydroélectrique - avec une balance au crédit à long terme d'à peu près 1 000 000 000 $, puis on plaçait nos fonds à court terme à peu près pour 1 000 000 000 $ et on faisait de l'argent là-dessus. Ce n'était pas le but. Cela l'est devenu par chance, parce que, même si on avait perdu, le danger, une fois les travaux entrepris et que vous êtes gelé et que vous ne pouvez pas emprunter, vous risquez d'être obligé de ralentir les travaux, de les suspendre et, à ce moment, cela aurait coûté une fortune.

M. Duhaime: Maintenant, M. Giroux, je voudrais, peut-être pour la bonne compréhension des prochaines questions qui vont suivre, que vous nous disiez à quel moment exact vous êtes devenu membre de la Commission hydroélectrique dans le temps, à titre de commissaire.

M. Giroux: Je crois que c'est le 7 juillet 1966.

M. Duhaime: En 1966? M. Giroux: Pas comme président. M. Duhaime: Comme membre. M. Giroux: Comme membre.

M. Duhaime: Est-ce qu'à un moment vous êtes devenu président du conseil de cette commission?

M. Giroux: Comme président du conseil, c'est en 1969.

M. Duhaime: Vous êtes devenu ce qu'il est convenu d'appeler dans le jargon le P.-D.G., à quel moment?

M. Giroux: La commission était collégiale. C'était un vieux système qui datait de 30 ans. Il n'y avait pas de P.-D.G. comme tel. Naturellement, on m'appelait le P.-D.G., mais tout le monde émettait son opinion et c'était assez rare qu'on prenait un vote. La majorité marquait et c'était collégial. Cela devait être changé d'année en année, mais cela n'a pas été fait. En 1977, j'avais des choses qui étaient assez intéressantes pour me rendre à l'âge que j'ai aujourd'hui.

On m'a obligé d'aller voir le premier ministre et de lui demander de considérer ma démission. Il a accepté ma démission en me demandant de rester en poste jusqu'au mois de novembre, parce qu'il y aurait des élections.

M. Duhaime: On parle de 1976.

M. Giroux: On parle de 1977, non, de 1976, oui. Quand M. Lévesque et M. Parizeau sont venus me voir, eh bien! il y avait urgence. On avait une émission à New York dans laquelle il y avait une clause qui était assez embêtante, s'il y avait des changements radicaux, dans leur opinion; ils pouvaient voir annuler l'émission avec une compagnie d'assurances. Alors, il a fallu descendre d'urgence à New-York pour ramener le marché, et on a toujours ramené le marché d'Hydro-Québec à un niveau de réception de la part des investisseurs pas mal plus élevé que celui de la province. L'embêtement qu'on avait, comme financiers, c'est de dire qu'on était garanti par la province.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Alors, cela veut dire, M. Giroux, si je vous comprends bien, que, de 1969 à 1976, vous avez agi à titre de

président du conseil à la commission sans être pour autant P.-D.G.?

M. Giroux: Sans être pour autant P.-D.G. à la SEBJ, j'étais président du conseil, parce que là, c'est une corporation à actions, et il y avait un président, M. Boyd, qui était président-directeur général.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Oui. Maintenant, tantôt, en répondant à l'une de mes premières questions, vous avez dit: "Quand j'ai été président, le premier ministre n'est pas intervenu dans les affaires d'Hydro-Québec". J'ai cru vous entendre dire cela tantôt. Je voudrais être bien certain que c'est ce que j'ai entendu.

M. Giroux: Oui, oui, c'est cela.

M. Duhaime: Au cours de l'année 1976, il y a eu un conflit de travail à HydroQuébec?

M. Giroux: II y a eu un conflit de travail.

M. Duhaime: Est-ce que, au meilleur de votre souvenir, vous avez toujours été en parfaite harmonie ou en parfait accord, soit avec le ministre du Travail du temps, M. Cournoyer, ou encore avec le premier ministre?

M. Giroux: Avec le ministre du Travail, on était en parfait accord, sauf que c'est lui qui gouvernait la convention. Mais, à ce moment-là, j'ai été absent et c'est M. Boyd qui a fait les négociations. Ils ont signé dans la nuit, la veille des élections.

M. Duhaime: Là, on parle des élections du 15 novembre 1976?

M. Giroux: Exactement.

M. Duhaime: Est-ce que vous avez le souvenir, M. Giroux, d'une séance de la Commission hydroélectrique tenue au siège social de la SEBJ à Montréal, le lundi 15 novembre 1976, à 9 h 45? Je vais demander à la commission s'il faut suspendre pour quelques instants pour permettre de faire des photocopies de ce document pour tous les membres de la commission et pour que vous-même vous puissiez en prendre connaissance. Je vais simplement donner les présences: M. Roland Giroux, président au fauteuil, M. Robert Boyd, vice-président, M. Georges Gauvreau, commissaire, M. Paul Dozois, commissaire, M. Guy Monty, commissaire, M. A. Demers, secrétaire.

M. le Président, avec votre permission, je pense que ce serait important que l'on suspende pour quelques minutes et je vais demander que l'on fasse des photocopies de ce document qu'on pourrait transmettre.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vous pouvez continuer à poser d'autres questions en attendant, quitte à revenir?

M. Duhaime: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Donc, on va faire faire les photocopies et on reviendra à la question.

M. le ministre.

M. Duhaime: Alors, M. Giroux, je comprends que vous n'étiez pas présent lorsque le conseil d'administration de la SEBJ a pris le vote dont il a été fait état dans d'autres témoignages: six pour, trois contre et une abstention. Dans votre sentiment à vous, quelles étaient les chances, premièrement, d'obtenir jugement et, deuxièmement, d'exécuter ce jugement contre les syndicats québécois et/ou contre le syndicat américain? Autrement dit, quelles étaient les chances d'être payé?

M. Giroux: Je crois que, à HydroQuébec, à ce moment-là - non pas à la commission, mais à Hydro-Québec même -toutes les opinions juridiques étaient excessivement favorables. Il y avait un doute sur la compagnie américaine, mais la compagnie américaine, si on le prend sur une base d'affaires, ne se serait pas offerte à payer une partie des frais, si elle ne s'était pas sentie coupable.

M. Duhaime: Là, vous parlez de la compagnie d'assurances?

M. Giroux: De la compagnie d'assurances.

M. Duhaime: Moi, je vous parle des syndicats.

M. Giroux: Oui, mais le syndicat américain était capable de payer sa compagnie.

M. Duhaime: D'accord, mais... (11 h 15)

M. Giroux: Alors, le point, c'est que, qu'il ait eu les moyens à ce moment-là de payer ou non, je ne sais, le lendemain, s'il aurait eu les moyens de payer. Comme je vous le disais tantôt, j'aime mieux avoir un jugement dans mes poches. Et, c'est justement à ce moment-là que, pour un problème extrêmement moindre, Reynolds a obtenu un jugement de 5 000 000 $ contre la CSN. C'était énormément moindre comme dommages. Ce n'étaient pas des dommages

sauvages. On avait laissé sécher des cuvettes d'aluminium. Il y a eu 5 000 000 $ de dommages et on a réglé, je crois, pour 2 800 000 $. Ce règlement avait un certain bon sens. Je crois que chacun payait ses frais. Je ne me rappelle pas. Mais c'est à ce moment-là que nous avons réglé pour...

Ce que je me suis toujours dit, c'est qu'on prenait 30 000 000 $ d'argent du public et qu'on le remettait aux syndicats. Ce n'était pas Hydro-Québec qui avait fait le saccage.

M. Duhaime: Cela, je pense que tout le monde en convient. Ce que je voudrais savoir tout simplement, c'est que vous nous disiez... Finalement, ce que vous nous dites, c'est que vous étiez personnellement prêt à aller devant les tribunaux, ici au Québec, et à la Cour suprême du Canada et, s'il le fallait, devant les tribunaux américains, dans toute la procédure en exemplification...

M. Giroux: C'était en deuxième instance, pour les syndicats américains...

M. Duhaime: ...pour obtenir un jugement exécutoire.

M. Giroux: Mais, je crois que, du côté américain, on avait autant de chances de gagner que la partie américaine. Tandis que, pour le saccage à la Baie-James, après la condamnation des gens à la prison et tout cela, je crois qu'on avait 100% des chances de gagner.

M. Duhaime: Quel pourcentage, dites-vous?

M. Giroux: 100%.

M. Duhaime: ...contre les syndicats québécois. Mais contre les syndicats américains?

M. Giroux: Contre les syndicats américains, on avait 50-50.

M. Duhaime: Est-ce qu'il y a eu des demandes faites au conseil d'administration de la SEBJ? Est-ce que vous étiez convaincu ou non que vous poursuiviez des débiteurs, c'est-à-dire les syndicats du Québec, qui étaient dans une situation financière telle qu'ils ne pourraient jamais rencontrer l'exécution d'un jugement?

M. Giroux: J'ai environ 50 ans d'expérience en finance. J'ai vu des gens qui n'avaient pas un cent et que j'aurais accusés d'être généreux - je ne sais pas qui - et qui m'ont payé. Je ne sais pas si le syndicat aurait payé un jour ou non. Mais, tout de même, on avait le papier.

M. Duhaime: Donc, votre opinion a toujours été très ferme, très nette...

M. Giroux: ...très ferme.

M. Duhaime: ...et très arrêtée.

M. Giroux: Quand ont eu lieu les discussions d'Hydro-Québec et de la SEBJ au conseil, elles se faisaient sur la possibilité d'examiner un règlement. Ce qui a été fait en dernier, ce n'est pas un règlement. On aurait été mieux de le faire pour 1 $ et considérations...

M. Duhaime: Lorsqu'il a été porté à votre connaissance, soit par M. Laliberté ou plus tard, j'imagine, par la discussion qui a eu lieu au conseil d'administration, par MM. Saulnier, Boyd et Laliberté, qui avaient rencontré le premier ministre, est-ce que, à aucun moment, le souhait qu'avait manifesté le premier ministre M. Lévesque vous a influencé de quelque manière que ce soit?

M. Giroux: Au point de vue financier, non. Mais la raison, je ne m'en souviens pas, je crois même que c'est moi qui ai débloqué le débat, qu'on délègue trois personnes pour rencontrer le premier ministre, afin de savoir ce que le gouvernement voulait, après tout, nous étions des administrateurs et le gouvernement était l'actionnaire à 100%. Si l'actionnaire à 100% dit: Faites telle chose, les administrateurs n'ont qu'une chose à faire: démissionner ou la faire.

M. Duhaime: Est-ce qu'on a en main le document dont j'ai demandé les photocopies?

Le Président (M. Jolivet): Le document n'est pas encore arrivé, M. le ministre.

M. Duhaime: Alors, ce serait tout, quant à moi, pour l'instant.

Le Président (M. Jolivet): On pourra revenir...

M. Duhaime: Oui, on pourrait revenir, aussitôt que ce document sera disponible.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. Giroux, moi aussi, je n'aurai que quelques questions; j'espère qu'elles seront aussi brèves. Le 17 mars 1983, au bulletin de nouvelles de 22 h 30, je crois, à Radio-Canada, le journaliste Jean Pelletier vous attribuait la déclaration suivante que je cite de la transcription du bulletin de nouvelles: "L'accord, c'est imposé à Hydro-Québec et c'est dans le bureau de René Lévesque que ça c'est fait." Et M. Giroux, d'ajouter: "Je suis prêt à

comparaître en commission parlementaire pour le dire." Vous y êtes, on vous écoute, M. Giroux.

Le Président (M. Jolivet): M. Giroux.

M. Giroux: Ce qui est arrivé, c'est que j'ai demandé que trois membres aillent rencontrer M. Lévesque pour savoir si c'était réellement le désir du gouvernement, et M. Saulnier a fait rapport à une assemblée suivante en disant que c'était réellement le désir du gouvernement qu'on fasse un règlement.

M. Gratton: Selon votre conception des choses, à titre d'administrateur, le fait que l'unique actionnaire de la société soit le gouvernement, le fait que cet actionnaire dise: On veut un règlement hors cour ne laissait que deux possibilités aux onze administrateurs, soit d'endosser cela ou de démissionner.

M. Giroux: Je n'en vois pas d'autres. S'il y en a qui en connaissent d'autres au point de vue juridique, ils le diront, moi, je n'en connais pas.

M. Gratton: Donc, je présume que si, par exemple, la majorité au conseil d'administration s'était prononcée contre, comme M. Boyd, Mme Forget et M. Hébert l'ont fait, comme vous l'auriez fait, si vous aviez été présent le 6 mars, donc, si une majorité du conseil avait voté de cette façon, on aurait pu assister à la démission en bloc des administrateurs.

M. Giroux: Bien pire que cela. Le ministre responsable de la SEBJ et d'Hydro-Québec - car la Société d'énergie est une compagnie qui appartient à Hydro-Québec, c'est une filiale - pouvait demander une assemblée d'actionnaires et, par une telle assemblée spéciale, présenter tout un nouveau "slate" d'officiers, et cela finit là. Cela se fait, je l'ai vu faire dans bien des compagnies.

M. Gratton: M. Giroux, le 23 mars, vous étiez en Floride, vous avez fait parvenir au premier ministre le télégramme que vous avez lu tantôt. À qui en avez-vous parlé avant d'envoyer ce télégramme?

M. Giroux: J'ai lu dans le journal que j'avais eu des conversations et que les gens avaient eu des conversations, alors j'ai cru bon d'envoyer un télégramme par ma secrétaire. Premièrement, je ne pouvais pas assister à la séance, parce que mon médecin me l'avait défendu, j'étais au lit. Comme question de fait, je n'ai pas encore la permission de venir ici aujourd'hui, j'ai demandé au ministre de remettre l'audition à mardi, parce que j'ai des traitements seulement ce soir. Ce qui arrive, c'est que j'ai cru en toute justice que d'envoyer ce télégramme était l'action exacte qui s'imposait. À ce moment, je vous le jure, je ne croyais jamais pouvoir venir assister à la commission parlementaire. Le point important de ce télégramme, le fait que j'étais contre, tout le monde le savait, le fait que M. Lévesque n'était jamais intervenu, je croyais que c'était important, j'ai donc envoyé le télégramme.

M. Gratton: Avant d'envoyer le télégramme, vous n'avez pas eu de conversation avec qui que ce soit, par exemple avec le premier ministre? Sûrement pas?

M. Giroux: Non. J'ai vu un accusé de réception dans le journal.

M. Gratton: Non, mais avant d'envoyer le télégramme?

M. Giroux: Non, non.

M. Gratton: Vous n'avez pas parlé à Jean-Roch Boivin, à Yves Gauthier et à ces gens?

M. Giroux: Non.

M. Gratton: Vous dites dans votre télégramme, en fait on pourrait même reprendre les deux premiers paragraphes: "J'étais contre le règlement hors cour intervenu en 1979", vous avez expliqué pourquoi et, "Je serais encore aujourd'hui du même avis". Au 5e paragraphe, vous dites: "Vous ne m'avez jamais parlé - en parlant au premier ministre - de cette affaire, vous n'avez donc pu exercer sur moi quelque pression que ce soit".

M. Giroux: Oui.

M. Gratton: Est-ce qu'à votre connaissance, en aucun temps, en 1978 ou en 1979, des pressions ont pu être exercées sur d'autres membres du conseil d'administration?

M. Giroux: II y a quelqu'un qui avait exprimé un désir qu'on négocie à M. Laliberté. Il est venu me voir à l'assemblée pour savoir comment on le présenterait à l'assemblée. Alors, je lui ai dit qu'il y a des gens à Québec, au gouvernement, je ne savais pas qui, qui désiraient qu'on fasse une négociation.

Le principe de la négociation, si elle est faite à partir de montants raisonnables, peut-être que j'aurais changé d'avis.

M. Gratton: Vous-même, personnelle-

ment, à quel moment avez-vous appris qu'il était du désir du premier ministre et de son bureau de régler hors cour?

M. Giroux: À ce moment, on a suggéré... D'ailleurs, il y avait un manque au point de vue de la Loi sur l'Hydro-Québec et quant au "Chairman of Board".

Le Président (M. Jolivet): Président du conseil.

M. Giroux: Le président du conseil était l'officier officiel des communications entre le gouvernement, Hydro-Québec et la Société d'énergie de la Baie James. Donc, les membres ont tous été d'accord là-dessus pour qu'on délègue trois membre, MM. Saulnier, Boyd et Laliberté pour voir le premier ministre pour bien voir si c'était son désir.

M. Gratton: Avant de se rendre là, vous dites qu'il y avait un manque dans la Loi sur l'Hydro-Québec, mais je pense qu'on l'avait corrigé au moment de l'adoption de la loi 41, en juin 1978, auquel moment on a spécifié très exactement dans la loi que le directeur, le P.-D.G. de la société, devenait l'intervenant ou, en fait, était le point de contact du gouvernement s'il devait y en avoir un.

M. Giroux: Peut-être qu'il a été spécifié dans la loi, je ne pourrais pas vous le dire. Seulement, le point de contact d'Hydro et de... a toujours été, selon ma mémoire, M. Saulnier.

M. Gratton: Donc...

M. Giroux: M. Saulnier a toujours été, selon moi, le contact officiel.

M. Gratton: Est-ce que c'est M. Saulnier qui vous a parlé le premier du désir...

M. Giroux: Non, c'est M. Laliberté.

M. Gratton: Est-ce que...

M. Giroux: Avant l'assemblée.

M. Gratton: Avant l'assemblée du 30 janvier?

M. Giroux: Avant la première assemblée à laquelle il en a parlé.

M. Gratton: Je comprends que vous ne puissiez pas vous souvenir en détail, mais est-ce qu'on pourrait établir si c'était, par exemple, le 30 janvier?

M. Giroux: Disons qu'il n'avait jamais été question de cela officiellement, ni à

Hydro ni à la Société d'énergie de la Baie

James, avant cette démarche que M. Laliberté a faite.

M. Gratton: Où vous avez suggéré qu'il y ait une rencontre avec le premier ministre?

M. Giroux: J'ai suggéré...

M. Gratton: Donc, c'était probablement, soit le 23 janvier ou le 30 janvier. Mais vous dites qu'il n'y avait jamais rien eu d'officiel. Est-ce qu'il y avait eu des discussions non officielles?

M. Giroux: Pas à ma connaissance.

M. Gratton: M. Laliberté ne vous en a jamais parlé?

M. Giroux: II faut dire que j'étais très peu souvent à Montréal, à cette époque, et j'avais demandé d'être relevé des assemblées d'Hydro, non pas parce que je n'aimais pas cela, mais les assemblées débutaient à 9 heures et se terminaient à 17 heures, ce que ma santé ne me permettait pas.

M. Gratton: À votre souvenir, M. Laliberté ne vous a jamais parlé...

M. Giroux: Non, il ne m'a jamais tenu au courant et il n'avait aucune raison de le faire non plus.

M. Gratton: Vous ne saviez pas, par exemple, qu'il avait rencontré, le 3 janvier, M. Jean-Roch Boivin, lequel lui avait formulé le souhait du premier ministre?

M. Giroux: ...

M. Gratton: Est-ce que vous pourriez répondre par oui ou non, M. Giroux, parce que, au journal des Débats, ils n'enregistrent pas les signes de tête.

M. Giroux: Ah bon! Je m'excuse auprès du journal des Débats. Je n'ai eu aucune conversation avec M. Laliberté avant cette date à ce sujet.

M. Gratton: Avec M. Boyd, par exemple, est-ce que vous avez eu l'occasion d'en discuter?

M. Giroux: Non plus.

M. Gratton: Vous n'avez jamais eu connaissance, vous n'avez jamais été informé qu'il y avait eu d'autres pressions sur M. Boyd, par exemple, autres que celles du gouvernement qui disait: On veut un règlement hors cour.

M. Giroux: Non. D'abord, il faut bien connaître M. Boyd. M. Boyd est un type qui, s'il avait eu des pressions, n'en aurait parlé à personne, premièrement. C'est un type très secret. Deuxièmement, il n'avait aucune raison de m'en parler. (11 h 30)

M. Gratton: Lorsque vous disiez tantôt - parce que j'essaie de préciser le plus possible à quel moment M. Saulnier vous a parlé, la première fois, du désir du premier ministre de voir la chose se régler hors cour - que c'était avant la première réunion où il vous a parlé de cela, est-ce que c'était à la réunion où M. Laliberté a fait et où vous aviez...? Je présume qu'il fallait que ce soit avant le 1er février puisque c'est à cette même réunion que vous avez suggéré qu'il y ait une rencontre.

M. Giroux: La suggestion de la rencontre est peut-être venue comme un règlement. Il y a peut-être eu des discussions sur les sujets de règlement et des possibilités, mais disons que les discussions réelles sur le règlement avec les unions ont eu lieu avec le consentement d'Hydro-Québec, naturellement, après la visite de M. Saulnier.

M. Gratton: De quelle façon M. Saulnier... et je présume qu'il a fait rapport dès la première réunion après le 1er février?

M. Giroux: M. Saulnier a fait rapport qu'il avait rencontré le premier ministre avec ses deux compagnons et que le premier ministre était très favorable à un règlement.

M. Gratton: Est-ce qu'il a fait état d'une insistance quelconque que le premier ministre aurait manifestée?

M. Giroux: Pas à ma connaissance.

M. Gratton: Dans le fond, vous teniez pour acquis que si le gouvernement voulait cela, c'est que...

M. Giroux: C'est que, le changement étant fait, c'était une compagnie. Alors, si le gouvernement veut une chose dans une compagnie, et que le bureau de direction s'oppose, il a totalement le droit de s'opposer, il a deux possibilités: démissionner - cela ne me donnait rien de démissionner parce que je m'en allais d'une façon ou de l'autre - ou le gouvernement peut appeler une assemblée spéciale des actionnaires. Il présente un autre "slate" tout à fait complet, ou le même moins un, ou... C'est administré exactement comme une compagnie.

M. Gratton: Dans un autre ordre d'idées, M. Giroux, au cours des travaux de cette commission depuis quelques semaines, on a appris qu'en janvier et février 1979, c'est-à-dire au moment où le procès était en cours, il y a eu un va-et-vient continuel des procureurs des syndicats aussi bien que des procureurs de la Société d'énergie de la Baie James, entre le bureau du premier ministre et la cour. À cette époque, étiez-vous au courant de ce...?

M. Giroux: Absolument pas.

M. Gratton: On a également établi ici à la commission, la semaine dernière, qu'à la demande de M. Claude Laliberté, les procureurs de la Société d'énergie de la Baie James, Mes Geoffrion et Prud'homme, ont préparé en date du 18 janvier 1979, un projet de règlement hors cour, étiez-vous à l'époque au courant de cela?

M. Giroux: Non.

M. Gratton: Non. À votre connaissance, est-ce... Pardon? Je n'ai pas compris la réponse.

M. Giroux: Non, je n'étais pas au courant.

M. Gratton: À votre connaissance, après le 18 janvier ou même avant, mais je présume... Je ne présume de rien, en fait. Est-ce que vous avez eu connaissance, du moment où M. Laliberté a informé, s'il l'a fait, le conseil d'administration qu'il avait mandaté les procureurs de préparer ce règlement hors cour?

M. Giroux: Normalement, il aurait dû parce qu'il n'est pas procureur.

M. Gratton: Mais à votre connaissance, il ne l'a pas fait?

M. Giroux: II n'a pas d'affaire à me le montrer non plus.

M. Gratton: Avez-vous pris connaissance vous-même de ce document du 18 janvier de Mes Geoffrions et Prud'homme, toujours pour le journal des Débats?

Le Président (M. Jolivet): M. Giroux. M. Gratton: La réponse est non? M. Giroux: C'est non.

M. Gratton: Monsieur, moi non plus je ne suis pas habitué à cela, c'est pour cela que je ne vous le demande pas à chaque fois.

M. Giroux, je terminerai là-dessus, vous avez dit tantôt, en réponse à des questions que le ministre vous a posées, que, selon

vous, la société avait, à l'époque, 100% des chances de gagner sa cause contre les syndicats québécois. Ai-je bien compris? Vous faites signe que oui?

M. Giroux: J'ai très bien compris. C'est mon opinion, après avoir lu l'opinion des avocats et des procureurs d'Hydro-Québec, qu'il y avait de fortes chances, surtout que le jugement contre la CSN venait juste de sortir dans une affaire absolument mineure comparée au saccage de la Baie-James.

M. Gratton: Cela, c'est le jugement dans le cas de Reynolds?

M. Giroux: Reynolds.

M. Gratton: Du 6 février, je pense. Vous avez dit - je voudrais que vous me corrigiez si j'ai mal compris, parce que je l'ai pris en note rapidement - que ce qui a été fait en dernier, c'est-à-dire le règlement hors cour pour 200 000 $, selon vous, n'était pas un règlement, qu'on aurait mieux fait de régler pour 1 $. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Giroux: Quant à régler hors cour, on aurait pu régler pour un montant raisonnable. On a réglé pour un montant non raisonnable. Je ne sais pas si je me serais opposé ou non. Cela dépend du montant. Un règlement qui ne donne rien ne vaut rien.

M. Gratton: Selon vous, quel aurait été un montant raisonnable qui vous aurait apparu, à vous, acceptable dans les circonstances?

M. Giroux: Quelque chose de plus de 20 000 000 $.

M. Gratton: Vous dites 20 000 000 $?

M. Giroux: 20 000 000 $, parce qu'il ne faut pas oublier que c'est la population qui perd cela.

M. Gratton: Nous, on ne l'oublie pas, M. Giroux, on est ici justement pour cela.

M. Giroux: Moi, c'était dans mon mandat de protéger l'argent de la population. Pour nos financements, il fallait rencontrer tous les ans le gouvernement pour avoir des augmentations de tarif. Je n'étais pas favorable au fait de laisser aller une réclamation comme cela et de demander une augmentation de tarif.

M. Gratton: Les arguments disant que les syndicats québécois, s'ils avaient été condamnés, n'auraient peut-être pas eu la capacité de payer ne vous inquiétaient pas?

M. Giroux: On n'aurait pas exigé le paiement immédiatement. Le jugement serait peut-être encore dans le tiroir. Il prenait de la valeur tous les ans, c'est comme un bon vin.

M. Gratton: Je vous remercie beaucoup, M. Giroux.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, j'ai fait distribuer une copie du procès-verbal de la commission hydroélectrique du 15 novembre 1976. Est-ce que vous en avez une copie en main M. Giroux?

M. Giroux: Oui, j'en ai une.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je n'ai pas d'objection à ce qu'on examine les procès-verbaux de la commission hydroélectrique de Québec de 1925 à 1983, mais j'aimerais que le ministre établisse la pertinence de ce document qui a trait à un règlement d'un conflit syndical à Hydro-Québec en novembre 1976, qu'il établisse la pertinence avec le mandat - M. le Président, c'est à vous que je pose la question - que nous avons d'examiner les circonstances entourant le règlement hors cour de la réclamation de 32 000 000 $.

Le Président (M. Jolivet): De la même façon, avant que le ministre ne réponde, que j'avais soumis respectueusement aux membres de cette commission, à la suite d'une demande de question de règlement pour le député de Brome-Missisquoi ne sachant pas où il voulait aller, mais sachant qu'il veut faire la lumière sur l'ensemble de ce qui est prévu par le mandat, je lui avais permis de poser ses questions - il s'en souviendra - en tenant compte d'une chose, c'est qu'il arrive le plus rapidement qu'il lui est permis d'y arriver à l'objet de notre mandat. Donc, si le ministre veut répondre à la question posée par le député de Marguerite-Bourgeoys avant de continuer.

M. Duhaime: Toujours sur la question de règlement, M. le Président, la première chose que je dirai, c'est que, lorsqu'on parle du 15 novembre 1976, peut-être que c'est une date qui agace un peu ceux assis à votre gauche, mais je voudrais tout simplement dire que...

M. Lalonde: Un date qui agace de plus en plus les Québécois.

M. Duhaime: ...à ce moment-là, les procédures étaient intentées dans ce dossier. Deuxièmement, je voudrais, avec cette séance, la 1870ième séance de la commission hydroélectrique tenue le 15 novembre 1976, faire préciser à M. Giroux, ce qu'il a lui-même affirmé tout à l'heure, que selon ce que j'ai entendu lorsqu'il était président du conseil, le premier ministre du Québec n'était jamais intervenu dans les affaires d'Hydro-Québec.

Cette résolution qui est devant nous a été adoptée. Il y a quatre conclusions et des "considérants" qui sont très intéressants. J'ajouterais aussi, M. le Président, que mes questions à M. Giroux iront dans le même sens que celles que j'ai adressées, il y a plusieurs jours, et c'est rapporté au journal des Débats aux pages CI-304 et CI-305. J'ai posé une question à M. Gauvreau et je vais simplement lire sa réponse.

La question que je lui ai posée est celle-ci: "Vous donnerez des détails, si vous le souhaitez, M. Gauvreau, mais la seule que je voudrais vous demander, c'est ceci: Est-ce que, dans votre cas à vous, cette démarche constituait un précédent?" On référait, à ce moment, à la démarche faite par les trois membres du conseil d'administration qui demandaient un rendez-vous au premier ministre pour connaître son point de vue.

La réponse de M. Gauvreau est la suivante: "Sous cette forme, c'était un précédent. Mais, vous savez, j'ai siégé au conseil d'Hydro-Québec sous cinq premiers ministres et sous sept ministres des Richesses naturelles. Des échanges de points de vue, des interventions, des suggestions, des téléphones, il y en a eu sans fin sous tous les gouvernements, et de conséquences aussi lourdes et même beaucoup plus lourdes pour Hydro-Québec que dans ce cas-là."

C'est avec la réponse que faisait, tout à l'heure, M. Giroux et avec la réponse que donnait M. Gauvreau, avec cette résolution qui a été acceptée que je voudrais continuer de poser des questions qui sont...

M. Lalonde: ...j'aurais une question de règlement, M. le Président.

M. Duhaime: ...peut-être moins pertinentes...

Le Président (M. Jolivet): ...excusez, M. le ministre...

M. Duhaime: ...à la seconde même où je les exprime, mais qui seront très pertinentes...

Le Président (M. Jolivet): ...M. le ministre...

M. Duhaime: ...dans deux minutes, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, M. le député de Marguerite-Bourgeoys sur une question de règlement.

M. Lalonde: Je voudrais simplement demander au ministre s'il pourrait permettre à la commission, c'est-à-dire à tous les membres de la commission d'avoir accès à ces documents. Nous avons, tout à coup, devant nous, un procès-verbal d'une séance de la commission hydroélectrique du lundi 15 novembre 1976 à 9 h 45. Je ne sais pas si le ministre a, dans ses archives tous les procès-verbaux d'Hydro-Québec d'autrefois et de maintenant. Les procès-verbaux de la SEBJ depuis le début de son existence. Si le ministre peut utiliser à sa guise un procès-verbal ou l'autre qui fait son affaire, il me semble qu'à ce moment ce n'est pas une façon de procéder pour la commission.

Ce serait à la commission de décider quels sont les documents pertinents. Il nous arrive avec un procès-verbal. Je peux bien laisser le ministre poser la question à M. Giroux. M. Giroux prendra la responsabilité de sa réponse. Je me demande comment les travaux de la commission pourraient se dérouler de façon ordonnée si le ministre peut lui-même, et seul parmi tous les membres de cette commission, avoir accès à des documents qui pourraient éclairer la commission.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je crois avoir fait distribuer, tout à l'heure, copie du procès-verbal de cette réunion. Je l'ai fait parce qu'il m'apparait important d'établir un point très précis. Je suis même prêt à distribuer une lettre qui porte la date du 13 octobre 1976 au bureau du président d'Hydro-Québec adressée à l'honorable Robert Bourassa, premier ministre, et qui est signée par le président, M. Roland Giroux, pour que tout le monde puisse en prendre connaissance. J'ai dit exactement où mes questions porteraient. Cela m'apparaît tout à fait pertinent de pouvoir continuer.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys. (11 h 45)

M. Lalonde: M. le ministre n'a peut-être pas compris la portée de mon intervention. Je lui demanderais de répondre s'il le veut bien. J'aimerais qu'il nous dise pourquoi il ne permet pas à tous les membres de la commission d'avoir accès à tous les documents? Non seulement il nous présente un document qui, semble-t-il, d'après le dernier paragraphe, n'est même qu'une partie du procès-verbal, la partie qui fait l'affaire du ministre et qui ne contient pas tout le procès-verbal. Il n'y a pas de

vote, il n'y a pas de signature du secrétaire. On ne sait même pas - et cela, c'est tout à fait injuste à l'égard du témoin - s'il peut reconnaître la 1870ième réunion? Il ne voit pas de signature du secrétaire. Il ne peut pas reconnaître si c'est réellement le procès-verbal qui a été signé, à ce moment-là, par le secrétaire de la commission hydroélectrique. Il me semble que ce n'est pas une façon de procéder. C'est tout à fait irrégulier à l'égard du témoin que le ministre nous reprochait, à nous, députés libéraux, de harceler alors que nous n'avons que les documents qu'on nous donne. Et lui-même va ramasser un procès-verbal d'une réunion qui date d'à peu près sept ans. Il coupe le procès-verbal là où ça lui plaît; il enlève les signatures qui permettraient au témoin de l'identifier. Et là, il nous sort une autre lettre. Est-ce que vous allez la faire distribuer? Est-ce que vous allez nous donner cela au compte-gouttes ou si, honnêtement, vous n'allez pas permettre aux membres de la commission de prendre connaissance de tous les documents?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je pense qu'on fait une bien longue histoire avec pas grand-chose, si vous voulez mon sentiment. Je peux faire vérifier s'il y a une attestation. Mais je puis vous assurer que je n'ai rien enlevé nulle part, au contraire. La pertinence de ma question est simple. Je pars d'une affirmation qu'a faite, tout à l'heure, M. Giroux à savoir que, à l'époque où il était président du conseil, le premier ministre du Québec n'était jamais intervenu dans les affaires d'Hydro-Québec. Je pense qu'il est important, pour la bonne compréhension des événements, que la commission sache que, dans au moins un cas, à mon sens très important, non seulement le premier ministre, M. Bourassa, est-il intervenu, mais il a imposé sa décision. C'était en novembre 1976. Et je comprends le député de Marguerite-Bourgeoys de vouloir s'opposer. C'est son droit. Mais, moi, M. le Président, je vais tout simplement vous demander de pouvoir continuer et M. Giroux nous dira ce qu'il en est.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'aimerais que le ministre réponde à la question que je lui ai posée, à savoir où est la signature, où est l'attestation du secrétaire sur ce procès-verbal? Et, deuxièmement, en ce qui concerne l'intervention apparente de l'ancien premier ministre, M. Bourassa, je ne sache pas qu'il ait été accusé d'avoir trompé l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je ne vois vraiment pas pourquoi le député de Marguerite-Bourgeoys s'oppose. Je suis absolument convaincu que les événements de 1976 sont frais à la mémoire de M. Giroux. Je ne suis pas ici pour mettre quiconque dans l'embarras. Et j'ai demandé qu'on fasse la vérification tout de suite, à savoir si les deux pages d'une résolution adoptée le 15 novembre 1976, à la commission hydroélectrique, constituent le procès-verbal complet de cette réunion. Si ce n'était pas le cas, je peux dire tout de suite au député de Marguerite-Bourgeoys qu'on va faire le nécessaire pour que tout le procès-verbal de la réunion du 15 novembre 1976 soit disponible pour les membres de la commission.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. M. le ministre va terminer et ensuite M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Duhaime: Deuxièmement, je me demande pourquoi le député de Marguerite-Bourgeoys s'oppose au fait que je veuille vérifier avec M. Giroux la démarche qui a été faite par trois membres du conseil d'administration - à la suggestion de M. Giroux, si j'ai bien compris - pour connaître le souhait du premier ministre en ce qui a trait au règlement hors cour. M. Gauvreau nous a dit que, pour lui, ce n'était pas quelque chose d'anormal, qu'il y en a eu beaucoup, sous cinq premiers ministres, sous sept ministres des Richesses naturelles. Je veux simplement vérifier avec M. Giroux, à l'époque où il était président du conseil, si sa mémoire aujourd'hui peut nous éclairer à savoir que c'est une première, une deuxième, une troisième ou une quatrième, ou s'il s'agit vraiment d'un précédent. C'est essentiellement là, M. le Président, le sens des questions que je voudrais poser. Cela m'apparaît tout à fait pertinent.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je voudrais quand même rappeler au ministre que ce qui me préoccupe, c'est de permettre à la commission d'avoir accès à tous les documents, que lui-même dit pertinents. Je suis prêt à prendre sa parole, sous condition d'une vérification ultérieure. Je lui

rappellerai que tous les extraits de procès-verbaux de la SEBJ qui nous ont été soumis par la SEBJ comportent la certification du secrétaire pour bien l'identifier. Nous avons pris la parole et la signature. Nous avons pris ces documents à leur face même. On peut s'y référer comme à un document officiel, un document dont on a fait preuve. Ici, nous avons deux feuilles sans signature. Est-ce que le ministre pourrait permettre au témoin d'identifier ce procès-verbal avec la certification du secrétaire?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je n'ai aucune espèce d'objection là-dessus, M. le Président. Comment tenait-on les procès-verbaux à la commission hydroélectrique, en 1976? Je tiens pour acquis que le document, qui m'a été fourni, reflète bien le procès-verbal. Mais, encore là, je vous répète essentiellement que je fais faire une vérification.

Je peux poser mes questions à M. Giroux, M. le Président, en dehors de cette résolution qu'on pourra déposer plus tard, si cela peut satisfaire le député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. Giroux, je voudrais revenir essentiellement à l'affirmation que vous faisiez tout à l'heure, selon laquelle, à l'époque où vous étiez président du conseil, le premier ministre du Québec, que ce soit M. Bourassa, M. Lévesque ou d'autres, n'était pas intervenu dans les affaires d'Hydro-Québec. Tout le monde sait qu'il y avait un conflit de travail en 1976, que ce conflit s'est réglé. Je voudrais que vous nous disiez, au meilleur de votre souvenir, comment cela s'est réglé finalement?

Le Président (M. Jolivet): M. Giroux.

M. Giroux: Si j'ai bonne mémoire, j'ai démissionné en juillet 1976. Je n'étais là que par intérim. Aux assemblées fixées pour le 28 décembre et le 4 janvier 1977, je doute fort y avoir été présent. Pour ce qui est du conflit syndical, M. Cournoyer a convoqué les parties comme un arbitre, mais jamais le premier ministre.

M. Cournoyer a aussi convoqué les deux conseillers qui étaient MM. Jean-Claude Lebel et Richard Drouin, au bureau de la rue Crémazie, qui était le bureau du ministère du Travail. Il a dit: "Ma recommandation sera cela." Vous savez que, pour avoir un arrêté en conseil, cela prend la recommandation du ministre ou du sous-ministre. Alors, que sa recommandation soit cela, qu'il ait dit que M. Bourassa exigeait cela ou ne l'exigeait pas, je ne le sais pas. Mais les recommandations de M. Cournoyer étaient faites de façon... Je me rappelle fort bien que M. Boyd m'appelait pour me tenir au courant des démarches qu'il y avait et que le dimanche soir, ils ont décidé de signer la convention par peur des élections.

M. Duhaime: Au meilleur de votre souvenir, il n'y a donc jamais eu de réunion qui aurait été tenue le 8 novembre 1976, en présence du premier ministre, M. Bourassa, pour parler du règlement du conflit de travail, suivie, subséquemment, le 15 novembre 1976, à la commission hydroélectrique, d'une réunion, à laquelle vous assistiez, pour accepter le désir du premier ministre.

M. Giroux: II a pu y avoir une réunion où M. Bourassa posait énormément de questions d'information. Il s'informait. Mais le règlement d'Hydro-Québec, les recommandations ont été faites par M. Jean Cournoyer et non pas par M. Bourassa.

M. Duhaime: Au sujet de ce conflit, M. Giroux, est-ce que vous avez le souvenir d'avoir communiqué directement avec le premier ministre, M. Robert Bourassa, alors que vous étiez président du conseil, plus précisément le 13 octobre 1976, par lettre, pour lui manifester votre...

M. Giroux: Je peux vous dire que ces choses.. Il avait nommé deux personnes et ces gars-là ne pouvaient pas dire un mot.

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais faire distribuer, pour la bonne compréhension des événements, une lettre photocopiée, signée par M. Giroux et adressée à l'honorable Robert Bourassa, portant la date du 13 octobre 1976 pour que tous les membres de la commission puissent en prendre connaissance. Voulez-vous en transmettre une, s'il vous plaît, à M. Giroux?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, vous reprenez.

M. Duhaime: Je peux peut-être laisser quelques minutes à M. Giroux pour qu'il prenne connaissance de ce document parce que je veux être bien certain qu'on va pouvoir l'identifier et aussi lui donner l'occasion de se rappeler des vieux souvenirs, j'imagine bien.

Le Président (M. Jolivet): M. Giroux.

M. Giroux: Comme je l'expliquais à M. Bourassa, les objections d'Hydro-Québec contre le plan qui avait été proposé, ce

règlement n'est pas une demande qu'Hydro-Québec a faite à M. Cournoyer, ce sont les objections qu'on avait. À ce moment, je lui ai peut-être parlé au téléphone. On n'a jamais fait de délégation à trois.

M. Duhaime: Effectivement, vous reconnaissez, M. Giroux, qu'à première vue, sous réserve que l'original de cette lettre soit déposé devant la commission, est-ce que vous avez souvenir d'avoir fait rédiger et fait transmettre, sous votre signature, cette lettre au premier ministre du Québec, dans le temps, M. Bourassa?

M. Giroux: C'est ma signature.

M. Duhaime: Maintenant, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Giroux.

M. Giroux: Si vous le permettez, M. le Président, il y a peut-être un mot d'explication. Je ne me rappelle pas de quel article il s'agit - peut-être que M. Boyd s'en rappellera parce qu'il a une bien meilleure mémoire que moi - mais il y avait un article dans ceci qui disait: "Au moins qu'il y ait les mêmes règlements à Québec." On a une personne, par exemple, qui a 28 ans de services et on a un poste ouvert en droit; elle a le droit de postuler pour obtenir le poste et on a 90 jours pour la qualifier. Il faut aller vite en maudit pour qualifier un avocat en 90 jours.

M. Duhaime: Oui.

Si vous permettez, M. Giroux...

M. Giroux: Et il n'y a pas d'examens. C'est à des choses comme celles-là qu'on s'opposait.

M. Duhaime: Oui. On pourrait, pour la bonne compréhension, à la page 2 de votre lettre, au centre de la page, au paragraphe qui est pertinent à notre échange de ce matin: "De nouveau, la nouvelle est parvenue à la commission - donc à la commission hydroélectrique - que les syndicats étaient intransigeants et qu'ils exigeaient l'adoption intégrale du rapport du ministre. Afin d'éviter les conséquences désastreuses pour tous les abonnés, la commission se rend à la limite des concessions qu'elle peut faire et accepte toutes les recommandations du ministre, sauf les quatre articles suivants: Système d'évaluation des emplois de métier, opérateurs maisons neuves (métiers), article 19, ancienneté, article 19 plan de carrière (techniciens). (12 heures) "La commission a été informée hier soir que MM. Lebel, Laporte et Drouin avaient suggéré que les clauses normatives seraient applicables jusqu'au 31 décembre 1978 mais que les clauses monétaires se termineraient le 31 décembre 1977 et que ces clauses seraient négociables au cours de l'année 1978 et pour cette année seulement. La commission accepte cette proposition à la condition expresse qu'elle remplace les articles du rapport du ministre permettant la renégociation des clauses salariales en cas d'abandon des lois provinciales et fédérales anti-inflation ainsi que l'augmentation de 6% à compter du 15 octobre 1978. "De plus, la commission propose une forme finale de protocole de retour au travail attachée en annexe au présent document. "Si le gouvernement ne partage pas les vues de la commission et, étant donné qu'il assume devant les citoyens de la province la responsabilité des politiques de ses organismes et s'il croit que la commission doive accepter intégralement les recommandations de M. Jean Cournoyer, qu'il en avise la commission et celle-ci donnera suite à ce voeu. "La commission a adressé une lettre à chaque syndicat leur demandant d'accepter de négocier certains articles. La commission apprécierait que vous appuyiez de tout votre prestige cette demande aux syndicats. "Veuillez accepter, M. le premier ministre, l'assurance de mes sentiments distingués."

Je voudrais, M. le Président, maintenant que j'ai fait lecture de cette lettre du 13 octobre 1976 de M. Giroux au premier ministre, sous réserve de déposer l'original du procès-verbal de la séance de la Commission hydroélectrique de Québec tenue au siège social de la Société d'énergie de la Baie James à Montréal, le lundi 15 novembre 1976, à 9 heures 45, donner lecture de ce procès-verbal et, s'il faut ajourner nos travaux, nous le ferons. Je pense que je vais rejoindre le souhait, à moins qu'on l'accepte de tout côté, qu'on fasse déposer de façon officielle par le secrétaire de la commission hydroélectrique l'original de ce procès-verbal avec toutes les signatures requises.

M. le Président, je vais aller tout de suite à... D'abord, les présences. 15 novembre 1976: M. Roland Giroux, président; M. Boyd, vice-président; MM. Gauvreau, Dozois, Monty, commissaires; M. Demers, secrétaire.

À la rubrique AC-1269-76, Conflit syndical à Hydro-Québec. "Résolu: "Considérant que les recommandations contenues au rapport du ministre des Richesses naturelles, M. Jean Cournoyer, en vue du règlement du conflit de travail qui sévit à Hydro-Québec comportent pour cette dernière des difficultés et des inconvénients au point de vue administratif et des

désavantages au point de vue financier; "Considérant que, afin d'éviter des conséquences désastreuses pour tous les abonnés, Hydro-Québec s'est rendue à la limite des concessions qu'elle pouvait faire et a accepté toutes les recommandations du ministre, sauf quatre articles dont l'application ne lui permettrait pas d'assurer la continuation d'une saine gestion et le maintien de la qualité de son service aux citoyens du Québec; "Considérant que cette position de la commission a été appuyée spontanément par 37 cadres relevant directement de la commission et 2800 cadres de direction et de maîtrise, spécialistes et professionnels d'Hydro-Québec; "Considérant que le premier ministre -et nous sommes en 1976 - a convoqué les membres de la commission à une réunion qui s'est tenue le 8 novembre 1976; "Considérant que, à cette réunion du 8 novembre, le premier ministre a alors exigé verbalement des quatre commissaires présents: a) d'appliquer les quatre recommandations contenues audit rapport du ministre Cournoyer et qui demeuraient alors en litige; b) d'accepter de signer une lettre d'entente selon laquelle la formule de promotion par ancienneté pourra être soumise à l'arbitrage quand les parties le jugeront à propos, les termes de cette entente étant ceux soumis par le premier ministre; c) de verser à chacun des syndiqués un montant forfaitaire maximal de 800 $ après la signature des conventions collectives; "Considérant que M. Robert Bourassa, chef du gouvernement, en formulant les exigences susdites, s'est engagé formellement à les confirmer par écrit à la commission dans les jours suivant la réunion; "Considérant que le gouvernement a la responsabilité ultime des politiques qu'il juge les meilleures pour le bien-être des citoyens de la province; "Considérant que les syndicats ont fait part à Hydro-Québec qu'ils sont maintenant consentants à signer une entente de retour au travail selon le texte intégral qui leur avait été transmis par Hydro-Québec le 9 novembre 1976; "Considérant que les syndicats ont accepté de parapher le texte des conventions collectives à être signées par les parties tel que soumis par Hydro-Québec et qui est conforme aux recommandations contenues audit rapport du ministre Cournoyer. "En conséquence: "Qu'Hydro-Québec accepte d'appliquer les quatre recommandations contenues audit rapport du ministre Cournoyer et qui faisaient l'objet du litige; "Qu'Hydro-Québec accepte de signer une lettre d'entente selon laquelle la formule de promotion par ancienneté pourra être soumise à l'arbitrage quand les parties le jugeront à propos, les termes de cette entente étant ceux soumis par le premier ministre et qui sont contenus au document versé au dossier du présent procès-verbal; "Qu'Hydro-Québec accepte de verser à chacun des syndiqués une somme forfaitaire maximum de 800 $, à titre de rétroactivité pour tenir compte de certains avantages prévus aux conventions collectives et pour autres considérations, le tout selon les modalités déterminées dans une lettre d'entente à intervenir à ce sujet entre les parties, copie de ladite lettre étant versée au dossier du présent procès-verbal; "Qu'Hydro-Québec accepte de signer une entente de retour au travail, selon les termes de la lettre soumise par HydroQuébec aux syndicats le 9 novembre 1976, copie de ladite lettre étant versée au dossier du présent procès-verbal."

M. Giroux: Quels commissaires étaient présents à l'assemblée?

M. Duhaime: Pardon?

M. Giroux: Quels commissaires étaient présents à l'assemblée?

M. Duhaime: À l'assemblée du 15 novembre 1976?

M. Giroux: ...

M. Duhaime: II y avait vous-même, M. Roland Giroux, président au fauteuil...

M. Giroux: Non, non, au bureau de M. Bourassa. Le 8 novembre, lesquels quatre commissaires étaient présents?

M. Duhaime: Considérant qu'à cette réunion du 8 novembre le premier ministre a alors exigé verbalement des quatre commissaires présents... J'ai tenu pour acquis tout à l'heure, lorsque vous avez répondu, que vous-même vous n'étiez pas là. Mais le 15 novembre 1976, lorsque vous avez présidé - le procès-verbal l'atteste - il y avait vous-même, M. Boyd, M. Gauvreau, M. Dozois et M. Monty. Alors, si vous n'étiez pas là à la réunion du 8 novembre 1976, je dois conclure que c'étaient les quatre autres qui y étaient.

M. Giroux: Qui étaient?

M. Duhaime: Est-ce que la rencontre qui a eu lieu entre les quatre commissaires, le 8 novembre 1976, et le premier ministre, à laquelle réunion le premier ministre M. Bourassa a fait part de son désir, est-ce que ce désir-là du premier ministre rencontrait les vues que vous aviez vous-même exprimées dans votre lettre du 13 octobre

1976 au premier ministre, ou si c'était en contradiction?

M. Giroux: II y avait contradiction, parce qu'il admettait des points toujours en litige. Je sais ce que sont des litiges. Mais n'oubliez pas une chose que je vous ai dite tout à l'heure: c'est que si quelqu'un a un problème comme celui-là qui durait depuis un an, et que ça ne fait pas son affaire, il démissionne, et j'avais démissionné en juillet 1976.

M. Duhaime: Vous avez démissionné quand?

M. Giroux: En juillet 1976. Je suis resté parce qu'il devait nommer mon successeur le lendemain des élections et il n'était plus là. Alors, le premier...

M. Duhaime: M. Giroux, il faut bien se comprendre. Vous aviez fait part de votre volonté de remettre votre démission en juillet 1976...

M. Giroux: Ma démission avait été acceptée, monsieur...

M. Duhaime: ...mais si j'ai bien devant moi le procès-verbal du 15 novembre 1976, vous y siégiez à ce moment-là.

M. Giroux: J'y siégerais pro tempore. M. Duhaime: Comme président. M. Giroux: Oui, pro tempore.

M. Duhaime: Ce qui est bien clair entre nous ce matin, c'est que votre lettre du 13 octobre 1976 où vous avez dit: On est prêt à accepter l'entente qui est proposée, sauf quatre points... Dans la résolution du 15 novembre 1976, même si vous-même vous y étiez opposé pour l'avoir écrit au premier ministre, le conseil d'administration de la commission hydroélectrique a accepté les quatre points sous votre présidence.

M. Giroux: II a accepté sous ma présidence, mais je n'étais pas là.

M. Duhaime: Pardon?

M. Giroux: Moi je n'étais pas là.

M. Duhaime: Mais vous étiez présent le 15 novembre?

M. Giroux: Oui.

M. Duhaime: Mais vous n'étiez pas là le 8?

M. Giroux: Le 15 novembre, naturellement, dans cette chose-là, la résolution c'est presque une copie de la recommandation de M. Cournoyer au Conseil des ministres.

M. Duhaime: Oui, mais est-ce qu'on peut convenir, M. Giroux, entre vous et moi, que comme président du conseil - je comprends que votre démission avait été remise, mais elle n'était pas effective puisque vous continuiez de présider le conseil - vous aviez fait valoir quatre objections majeures par lettre au premier ministre, M. Bourassa. Le 15 novembre 1976, le jour des élections, vous avez présidé le conseil de la commission hydroélectrique et vous avez accepté, le 15 novembre, ce que vous aviez refusé le 13 novembre 1976, est-ce que je peux conclure comme cela?

M. Giroux: Peut-être que les dates ne sont pas tout à fait exactes. Mais je crois que M. Boyd m'a appelé à Miami et je lui ai confirmé que si tout le monde votait, j'acceptais. Mais je ne suis pas convaincu que j'étais à l'assemblée.

M. Duhaime: Du 15 novembre 1976? Alors, on va obtenir l'original du document que j'ai ici en main. C'est M. Roland Giroux, président au fauteuil.

M. Giroux: Au fauteuil.

M. Duhaime: Alors, si je tiens pour acquis, M. Giroux que le 15 novembre 1976, vous étiez présent et que vous avez présidé ce conseil d'administration, je vais revenir à la question que j'ai posée tout à l'heure. Est-ce que dans la démarche qui avait été sollicitée à votre suggestion, à savoir que MM. Saulnier, Boyd et Laliberté rencontrent le premier ministre concernant le règlement de l'affaire du saccage de la Baie-James, à la lumière du rappel que je viens de vous faire, cette démarche était un précédent ou si vous reconnaissez avoir eu une divergence d'opinions avec le premier ministre, M. Bourassa, en novembre 1976 et, finalement, vous être rangé à son avis?

M. Giroux: J'ai eu diverses divergences d'opinions avec M. Bourassa, mais le fait que le conseil vote favorablement ne veut pas dire que moi, je suis favorable.

M. Duhaime: Très bien. Ce que je voudrais maintenant...

M. Giroux: Des assemblées comme celle-là, il a pu y en avoir. Moi, les seules assemblées que j'ai eues avec un commissaire, c'était avec M. Boyd et M. Daniel Johnson au sujet du nucléaire. Mais c'étaient des assemblées pour expliquer les problèmes du nucléaire par rapport aux

versions des banquiers américains et du monde entier disant qu'on devait faire de l'hydraulique plutôt que du nucléaire.

M. Duhaime: Ce qui veut dire que des échanges entre les commissaires, le président du conseil et le premier ministre sur un sujet d'importance, bien sûr, sur ce sujet comme sur d'autres, à votre connaissance, il y en a eu?

M. Giroux: Oui.

M. Duhaime: II y en a eu. Maintenant, le fait que vous ayez vous-même suggéré qu'une démarche auprès du premier ministre soit faite, je comprends que vous vouliez connaître le point de vue du premier ministre, mais, selon ce que vous venez de dire, est-ce que cela n'était pas une procédure normale pour vous que les administrateurs rencontrent leurs actionnaires?

M. Giroux: Pas depuis que la compagnie était formée.

M. Duhaime: Pas depuis que?

M. Giroux: Pas depuis que la compagnie était formée. C'étaient des démarches normales dans le temps de la commission, si vous voulez, il aurait pu y avoir... Parce que n'importe quel membre de la commission avait les mêmes pouvoirs que le président d'aller voir n'importe qui à Québec.

M. Duhaime: Maintenant, M. Giroux, si j'ai bien compris tout à l'heure, vous avez dit: Je suis contre un règlement. Je voulais avoir un jugement. Quant à la responsabilité des travailleurs sur les chantiers en 1979 au moment où l'instance commençait, le 15 janvier 1979, devant la Cour supérieure pour un procès - tout le monde l'a dit ici - qui allait durer de longues semaines, sinon de longs mois, et qui pourrait ensuite aller en Cour d'appel et en Cour suprême et aux États-Unis, si on voulait aller rejoindre le syndicat américain, selon votre sentiment personnel, est-ce que vous considériez les travailleurs sur les chantiers - je ne parle pas de la structure des syndicats - contre qui, éventuellement, parce que syndiqués, le jugement aurait pu être exécuté, comme étant responsables du saccage de la Baie-James en 1974?

M. Giroux: Responsables personnellement, non, mais quand vous appartenez à un club, à un syndicat, vous êtes responsable des actes des directeurs.

M. Duhaime: On a eu l'occasion de lire à quelques reprises - cela sera ma dernière question - des extraits du rapport de la commission Cliche; je voudrais vous en relire deux paragraphes et vous poser une question. À la page 68 ou encore à la page 99, dépendant de l'édition qu'on a en main, on dit: "Les commissaires - en parlant des commissaires membres de la commission Cliche - ont acquis la conviction que les travailleurs ordinaires n'encourent pas la responsabilité de ce qui est arrivé. Il ne s'agit aucunement d'une réaction de masse, mais bien d'une opération montée par un noyau de mécréants dirigés par Duhamel pour montrer une fois pour toutes qui était le maître à la Baie-James. "L'impression nette que nous tirons de l'interrogatoire des témoins du saccage est que les travailleurs ont été de simples spectateurs et même des victimes des actes insensés posés par un Duhamel en délire. C'est à ce genre de catastrophe que devait fatalement aboutir l'irresponsabilité des aventuriers sans scrupules qui avaient fait main basse sur le contrôle des principaux locaux de la FTQ-Construction." Je pourrais continuer. (12 h 15)

Est-ce que vous partagez cette conclusion, qui est une des conclusions les plus importantes de la commission Cliche, selon laquelle les travailleurs ordinaires n'encourent pas la responsabilité de ce qui est arrivé?

M. Giroux: Partiellement.

M. Duhaime: Vous l'endossez partiellement.

M. Giroux: Partiellement, parce que c'est une commission qui a été sérieusement faite. Par contre, ces types-là ont été condamnés pour certains à la prison. Il y avait des dommages réels. Je crois que, financièrement, on serait plus fort avec un jugement.

Le point de vue de l'ingénieur, je ne l'ai pas. J'ai toujours regardé seulement le point de vue financier. On est toujours plus fort avec un jugement dans ses poches en sa faveur que pas de jugement. Sur ce point, qu'est-ce que vous voulez, cela ne me fait rien.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président. Je vais tenter d'être bref. Vous me permettrez cependant un commentaire, en vertu du droit de parole que chacun des membres a à cette commission, à l'égard de la pirouette tactique ou stratégique à laquelle s'est livré ce matin le ministre de l'Énergie et des Ressources qui s'est donné le rôle de procureur de la défense du premier ministre depuis les débuts des travaux de cette

commission.

M. Duhaime: ...j'ai entendu cette trouvaille, M. le Président...

M. Pagé: ...nous sommes à étudier...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. M. le député de Portneuf, c'est à vous la parole.

M. Pagé: Pour le bénéfice du ministre et des auditeurs, des membres et des gens qui sont ici ce matin, je répéterai que jamais je n'ai vu une pirouette juridique, tactique et stratégique comme celle dont a fait preuve le ministre de l'Énergie et des Ressources ce matin, en arrivant, à brûle-pourpoint, au milieu des travaux d'une commission parlementaire qui a le mandat d'étudier un sujet bien déterminé où nous avons le privilège de recevoir, ce matin, M. Roland Giroux, qui a une longue expérience d'Hydro-Québec, et où on a à débattre d'un sujet spécifique comme celui du règlement de la Baie-James. Le ministre de l'Énergie et des Ressources, qui s'est donné le rôle de procureur de la défense du premier ministre autour de cette table depuis quelques semaines, nous arrive comme un cheveu sur la soupe avec un procès-verbal dont on n'a d'ailleurs même pas la confirmation du secrétaire-trésorier, qui ne porte pas de sceau officiel, etc.

Peu importe cet aspect, M. le Président, je n'embarquerai pas dans cet aspect technique, mais, si le ministre de l'Énergie me le permet certainement, comme c'est mon droit, je me permettrai, pendant quelques minutes, de relever le procès-verbal qu'il a déposé, de relever la lettre qu'il a produite et qui n'a pas du tout affaire, ni directement ni indirectement, au mandat que nous avons la responsabilité d'assumer, c'est-à-dire étudier l'ensemble de cette question.

Le ministre de l'Énergie et des Ressources a fait référence à la grève qui a perduré à Hydro-Québec en 1976. Une grève qui est arrivée particulièrement au milieu de la campagne électorale, qui s'est posée avec de plus en plus d'acuité au fur et à mesure que la campagne électorale se déroulait. Il a fait référence à un règlement qui est intervenu le 15 novembre 1976. Je peux confirmer, parce que vous savez, M. le Président, et les auditeurs le savent, que nous sommes seulement trois collègues autour de cette table qui étions là en 1976; le ministre de l'Énergie et des Ressources n'y était pas, qu'on se rappelle. Et je voudrais qu'on prenne quelques minutes et, vous me le permettrez, parce que le ministre s'est permis. On va prendre quelques minutes pour revoir ce conflit et revoir le règlement qui est intervenu.

La grève perdurait. Les citoyens du

Québec étaient privés d'électricité régulièrement. Les entreprises du Québec étaient privées d'électricité, dans leurs activités, tous les jours, avec les dommages conséquents que cela peut comporter. Il avait deux possibilités, à ce moment-là: le gouvernement pouvait demeurer silencieux et laisser perdurer un conflit de travail dans un secteur aussi vital que l'hydroélectricité qui constitue en quelque sorte un service public entre parenthèses, j'espère que le gouvernement du Parti québécois, pour le peu de mois qu'il lui reste, pourra régler ce problème de services essentiels et de fourniture d'électricité. À ce moment-là, le gouvernement, présidé par Robert Bourassa, premier ministre du Québec, a cru non seulement opportun, mais de sa responsabilité, devant les citoyens et les citoyennes du Québec, de déléguer, de nommer une personne pour tenter de trouver une solution à ce conflit.

La première question, M. le Président, que vous me poserez ou que le ministre pourrait nous poser: Pourquoi le premier ministre n'a-t-il pas délégué le ministre du Travail du temps, M. Gérald Harvey? On se rappellera que M. Harvey était particulièrement occupé, au cours de cette campagne, dans son comté, le comté de Jonquière où il avait à faire face à la grève de l'Alcan, où son adversaire était, d'ailleurs, l'avocat du syndicat de l'Alcan. On se le rappellera, le premier ministre a jugé opportun de demander à un homme d'expérience en relations du travail, M. Jean Cournoyer, ministre de l'Énergie, d'agir comme conciliateur et ce, publiquement, ouvertement, officiellement. Je dois vous dire que c'était beaucoup plus responsable à l'égard d'un conflit de nommer Jean Cournoyer comme conciliateur que de faire en sorte que ses ministres se promènent sur les lignes de piquetage, comme René Lévesque l'avait fait au moment de la grève de la SAQ en disant: "Lâchez pas, les gars". Ce qui était plus responsable, c'était de nommer un ministre membre du cabinet avec une longue expérience en relations du travail pour s'occuper de ce dossier. D'ailleurs, la conciliation est évidente au document et j'apprécie que le ministre l'ait déposé. Pour celui qui a fait un peu de relations du travail, il constatera que c'était une véritable conciliation.

Lorsqu'on dit, à la page 2 du document déposé par le ministre, ce matin, et référant à la lettre du 13 octobre 1976, adressée à M. Robert Bourassa, premier ministre du Québec, sous la signature de M. Roland Giroux... Je vous demanderais de me suivre, M. le Président, et de vous référer à la page 2. On dit, au deuxième paragraphe: "C'est avec regret que la commission a appris, par la suite, que les syndicats restaient sur leur position". C'est donc dire que les parties

n'étaient pas en présence l'une de l'autre. "Dans le but ultime de trouver une solution à ce conflit, la commission a présenté un nouveau projet d'entente et, sur le plan financier..." C'est donc dire que les parties n'étaient pas en présence et il fallait absolument qu'une personne en autorité intervienne et c'est là l'exercice d'une responsabilité gouvernementale. L'objectif de cette démarche - je vous réfère au sixième paragraphe: "...afin d'éviter les conséquences désastreuses pour tous les abonnés". On se rappellera, M. le Président, et, probablement qu'il y en a autour de cette table qui s'en rappelleront, qu'à chaque jour où le soleil se levait, des milliers de Québécois et de Québécoises perdaient des sommes importantes. Tout ce que les péquistes trouvaient à faire, à ce moment-là, c'était d'être sur les lignes de piquetage et d'encourager les grévistes.

M. le Président, quand on parle de conséquences désastreuses, ce n'est pas en termes de tarifs d'électricité. Si le ministre veut convoquer une commission pour étudier l'effet de ce règlement sur la tarification d'Hydro-Québec, aucun problème! Convoquez-la et nous y serons. On espère, à ce moment-là, qu'on pourra aborder en même temps, comme volet additionnel du mandat, le coût d'un règlement à la SEBJ, intervenu après que vous ayez formé le gouvernement, à la suite de la grève des gardiens et à la suite de la grève des employés de cafétérias. On pourra regarder cela, si vous êtes intéressés. N'importe quand, nous sommes prêts.

Je reviens à mon propos au sujet de la mesure de diversion du ministre, ce matin. Les conséquences désastreuses que le gouvernement voulait éviter, c'était, évidemment, le coût, les pertes et les dommages concrets vécus par les citoyens, tous les matins. Ce que je retiens de cette démarche, ce sont certains aspects intéressants. Je terminerai là-dessus.

En aucun moment, dans ce document, on ne fait référence à des membres du cabinet du premier ministre. On ne réfère pas à M. Benoit Morin, qui était chef de cabinet du premier ministre de l'époque. Alors que dans le conflit qui nous occupe actuellement, on doit nager dans le caractère nébuleux d'interventions obscures du chef de cabinet du premier ministre actuel, M. Jean-Roch Boivin. En aucun moment, il n'apparaît dans ces documents que des officiers du cabinet du premier ministre étaient dans le dossier. Au contraire. On réfère à M. Jean Cournoyer qui, j'en conviens, était ministre. On réfère aussi à M. Gilles Laporte, qui était sous-ministre en titre au ministère du Travail de l'époque. On réfère à M. Jean-Claude Lebel qui, si ma mémoire est fidèle et le ministre pourra vérifier, était au Conseil du trésor à l'époque. On réfère à Me

Richard Drouin qui est, de commune renommée, le procureur du gouvernement dans plusieurs conflits. On sait d'ailleurs que c'est lui qui doit fournir quotidiennement une assistance, en connaissances et sur le fond du dossier, à Mme LeBlanc-Bantey, dans son dossier avec les professionnels, en ce moment. On ne référait pas à des anciens permanents du Parti libéral là-dedans. On ne référait pas à des gens qui ont rencontré le premier ministre en catimini ou son chef de cabinet ou quelqu'un d'autre, avant le dénouement du conflit...

M. Duhaime: II y a des gens qui avaient été nommés...

M. Pagé: C'était public, c'était su, c'était connu. Les journalistes sont ici pour en témoigner, ce matin, s'ils réfèrent à des articles qu'ils ont écrits à l'époque. Il y a d'ailleurs eu des arrêtés en conseil pour entériner des décisions prises à la suite des recommandations formulées par M. Jean Cournoyer, conciliateur dans ce dossier, qui est devenu médiateur par la suite et qui a produit un rapport. M. Robert Bourassa, premier ministre du Québec, n'a jamais dit qu'il n'était pas intervenu dans ce dossier.

M. Lalonde: II n'a pas menti...

M. Pagé: M. Robert Bourassa, premier ministre du Québec, n'a jamais dit qu'il n'était pas intervenu dans ce dossier; Robert Bourassa n'a jamais dit - on pourrait revenir sur cela - au conseil d'administration: "Crisse", vous allez régler ou je vais régler à votre place". Robert Bourassa, dans sa démarche, ne visait pas à donner 30 000 000 $ à un groupe auquel les Québécois auront à payer; sa démarche visait à faire en sorte que des Québécois qui perdaient des millions chaque jour puissent récupérer ces millions. La démarche, ce n'était pas de régler une réclamation en droit de 32 000 000 $ - M. Giroux dit ce matin que, selon lui, à 100% le syndicat était capable de payer et Hydro-SEBJ était capable de réaliser sa créance à l'égard des syndicats québécois - pour 200 000 $, c'était d'épargner des millions de dollars aux Québécois de tous vos comtés, messieurs, qui en perdaient à chaque jour.

M. le Président, je retiens de ces aspects assez intéressants que cette mesure en est une de diversion, une mesure dilatoire. Je constate aussi que, malheureusement, M. Giroux, vous êtes le premier membre du conseil d'administration -on pourra me corriger, mais si on part du principe que le fait de poser des questions à des membres constitue du harcèlement - qui fait l'objet de harcèlement de la part du gouvernement. Je comprends que le gouvernement était sur la défensive, à la

lumière de vos commentaires très éloquents qui témoignent d'une vaste expérience et qui nous donnent tout le respect envers vous, M. Giroux.

Je trouve déplorable, malheureux et bassement reprochable que le ministre de l'Énergie et des Ressources arrive comme un cheveu sur la soupe et informe la commission de ce document dilatoire qui n'a rien à voir avec le mandat de la commission et tente de vous confondre et de sauver le petit peu qui reste de sa peau, de leur peau, dans l'objectif qu'ils poursuivent à cette commission. Au nom de la commission, peut-être que cela ne sera pas réitéré de la part des membres du gouvernement, mais je crois que la commission vous doit des excuses devant la petite pirouette juridique à laquelle s'est livré le ministre de l'Énergie et des Ressources ce matin. Je tenais à rectifier certains faits, premièrement.

Deuxièmement, je peux vous dire que, personnellement, on a bien apprécié votre témoignage ce matin. On sait que cela n'est pas facile pour vous de venir témoigner ici, mais les faits et les énoncés que vous avez formulés à l'égard du règlement, à l'égard de ce dont je me rappelle très bien, le cadeau de 30 000 000 $ qui a été fait par le gouvernement à un groupe privilégié, envers lequel le gouvernement avait un préjugé favorable à l'époque, à quelques mois du référendum. On le retient, on se le rappelle et soyez certain que votre déposition de ce matin sera de nature à bien orienter, à bien situer les conclusions que nous aurons à formuler comme formation politique à la fin de nos travaux.

Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je conclus donc que le député de Portneuf n'avait pas de question à poser. La seule chose que je voudrais dire cependant est que son exposé me facilite la tâche, dans le sens suivant. C'est que - tout le monde l'a entendu en tout cas - il est maintenant admis que le premier ministre, M. Robert Bourassa, a fait une démarche pour imposer le règlement du conflit de travail le 15 novembre 1976, tel que le mentionne la résolution du conseil d'administration du 15 novembre 1976 à laquelle assistait M. Giroux: "Considérant que M. Robert Bourassa, chef du gouvernement, en formulant les exigences susdites - je ne répéterai pas tout - s'est engagé formellement à les confirmer par écrit à la commission dans les jours suivant la réunion; considérant que le gouvernement a la responsabilité ultime des politiques qu'il juge les meilleures pour le bien-être des citoyens de la province."

Je voudrais, M. le Président, si vous me le permettez - il reste peut-être une minute avant l'heure de la suspension - dire que les deux documents que j'ai déposés ce matin sont tout à fait pertinents non pas seulement au mandat de la commission, mais également au témoignage qu'a rendu M. Giroux. Je peux reformuler ma question à nouveau. Si j'ai bien saisi, M. Giroux nous a dit au début de sa déposition que, du temps qu'il a été président du conseil, le premier ministre n'était pas intervenu dans les affaires d'Hydro-Québec. Est-ce que je me trompe?

Le Président (M. Jolivet): M. Giroux.

M. Giroux: Vous ne vous trompez pas. J'agissais comme président, mais j'avais donné ma démission qui avait été acceptée. La preuve de cela, c'est que j'avais deux lettres qui me permettaient de prendre les directorats dans des compagnies compétitrices parce que je devais être remplacé dans la semaine du 16.

M. Duhaime: Alors, M. Giroux, une toute dernière question. Personnellement, je vous connais maintenant depuis quelques années. Est-ce que, avec l'échange que nous avons eu ensemble ce matin, à quelque moment ou à quelque seconde que ce soit vous vous êtes senti embarrassé ou encore harcelé par les questions que je vous ai posées?

Le Président (M. Jolivet): M. Giroux.

M. Giroux: Ce sont des commissions parlementaires plutôt pas gaies, mais j'ai déjà assisté à pire.

Le Président (M. Jolivet): Suspension de nos débats jusqu'après la période questions.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise de la séance à 15 h 31)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît;

La commission permanente de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie en vue d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne

(Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'lslet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Tremblay (Chambly), M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), M. Blouin (Rousseau), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert) et M. Saintonge (Laprairie).

Le rapporteur est M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

Au moment où nous nous sommes quittés pour l'heure du dîner, nous avions M. Roland Giroux, mais, à la suite de vérifications, comme il n'y avait plus de questions à lui poser, je le remercie d'être venu devant la commission.

J'inviterais M. Robert Boyd. Je demanderais à M. Jean Bédard, greffier, d'aller faire prêter le serment.

M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Oui, M. le Président, pendant qu'on procède, avec votre permission, à l'assermentation du témoin, j'aimerais dire que, ce matin, on a été témoin, de la part du ministre, d'un tour de magie imprévu, qui s'explique, cependant, quand, tel un prestidigitateur, il nous a sorti de sa manche des documents qu'il a plus ou moins identifiés, dont on a pu plus ou moins constater l'exactitude ou l'origine.

Sur cette question, M. le Président, je vous signale que pour ce qui est des documents auxquels nous avions fait allusion et dont nous aurions peut-être aimé avoir des copies, c'est-à-dire les procès-verbaux des 23 et 30 janvier 1979, le ministre nous a fort éloquemment expliqué que c'étaient des documents confidentiels. On nous avait aussi fait valoir qu'il n'y avait rien qui concernait le règlement qui était à l'étude, le mandat de la commission plus spécifiquement. La surprise que j'ai aujourd'hui est de constater que le ministre sort un procès-verbal d'Hydro-Québec. J'aimerais savoir dès maintenant, M. le Président, si le ministre a des documents à déposer dont il a l'intention de saisir un ou des témoins au cours de la journée. Je pense que la plus élémentaire décence, la plus élémentaire justice exigerait que le ministre nous fasse connaître dès maintenant ces documents, qu'il nous les distribue du moment qu'il les a en main, si c'est son intention d'y recourir.

Je vous signalerai, en terminant, que cela me paraît être une situation de deux poids deux mesures. Dans la pile de documents qui nous est remise par la société d'État on doit, selon le ministre, se contenter de ce qui nous est remis. On est obligé de constater que le ministre ne se gêne absolument pas pour avoir accès à tous les procès-verbaux qui, semble-t-il, peuvent exister. Ce n'est pas une mince affaire que de retrouver la 1870ième réunion du conseil d'administration d'Hydro-Québec, d'en sortir des extraits. Je vous signale qu'il doit y avoir une justice apparente et élémentaire dans cette commission, c'est-à-dire qu'on doit y avoir accès, tous tant que nous sommes. Je comprends qu'en face, cela les énerve, mais avec votre permission je vais continuer quand même.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Doyon: M. le Président, il est élémentaire que les membres de cette commission puissent avoir accès aux mêmes éléments de preuve, aux mêmes documents qui peuvent servir à éclairer non seulement cette commission, mais toute la population. Force nous est de constater que le ministre nous a apporté ce matin un document auquel d'aucune façon, de ce côté, nous pouvions avoir accès.

M. Pagé: Il le regrette.

M. Doyon: Je comprends qu'il le regrette parce qu'il n'a pas été aussi utile et aussi percutant qu'il l'aurait voulu. Au-delà de cela, je fais appel au sens de la justice que vous avez démontré jusqu'à maintenant, ce sens de la justice qui fait que nos travaux puissent se dérouler dans l'harmonie.

Si on est pour se servir de documents qui nous viennent de je ne sais où, il faudrait que tous les membres de cette commission puissent avoir le même privilège, ce qui, je vous le signale, n'a pas été le cas jusqu'à maintenant. Qui plus est, de toute façon, cela nous a été refusé par le ministre quand nous avons mentionné, sachant qu'il y avait eu des réunions du conseil d'administration les 23 et 30 janvier... On nous a expliqué...

Je comprends que le député de Rousseau a fait du cinéma, il a peut-être tenté d'être jeune premier, mais qu'il dise "coupez" ou pas, cela ne dérange absolument rien. Il fera son cinéma ailleurs, en d'autres mots.

M. le Président, on sait que, les 23 et 30 janvier, il y a eu des procès-verbaux. Il y a eu un conseil d'administration. On n'a pas insisté et on n'a pas eu l'occasion de vérifier ces procès-verbaux. Il faudrait que cette règle qui semble avoir été établie au tout début de nos travaux - il y a quelque temps, en tout cas - puisse être respectée de façon que les témoins puissent agir en connaissance de cause et que nous, de l'Opposition, puissions faire notre travail d'une façon responsable, comme nous avons l'obligation de le faire.

Et, M. le Président, les interruptions d'en face... Et je me dois de le signaler

parce que, quand on parle et que la télévision nous regarde, on a l'impression que parfois on a certaines hésitations dans notre débit que je me dois d'expliquer, parce que ce n'est pas visible à la télévision que, en face, on m'interrompt continuellement et que, de cette façon...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert, je vais être obligé de vous interrompre à mon tour.

M. Doyon: Mais, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Non, je comprends. J'ai demandé à chacun de faire en sorte que cette commission se réunisse de façon normale. Cela a été bien jusqu'à maintenant. Je ne voudrais pas que vous utilisiez des moyens pour que les gens montent dans les rideaux, comme on dit. J'ai cette obligation de maintenir l'ordre. Je l'ai fait jusqu'à maintenant et je vais continuer de le faire.

M. Doyon: Alors, je n'en demande pas plus, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: Oui. Sur la question qui est soulevée par le député de Louis-Hébert, je me demande ce qu'on veut... Je pense qu'on veut nous chercher noise. Ce que j'ai déposé ce matin, c'est un procès-verbal de la Commission hydroélectrique du 15 novembre 1976 et je me suis engagé à déposer devant cette commission, aussitôt que le document me serait accessible, à la demande du député de Marguerite-Bourgeoys, une copie certifiée par le secrétaire de la commission attestant que ce procès-verbal correspond, bien sûr, à l'original qui est au dossier de la Commission hydroélectrique. Et avant de me servir de ce document ce matin, je l'ai fait distribuer à tout le monde à la commission parlementaire. J'ai également déposé ce matin un document qui porte la date du 13 octobre 1976, que tout le monde a en sa possession, incluant les gens de la presse, et qui est signé par M. Roland Giroux, président du conseil, adressé à l'honorable Robert Bourassa, premier ministre. Ces documents ont été déposés parce qu'ils me sont apparus comme étant très pertinents, non seulement à l'intérieur du mandat de cette commission, mais surtout parce que ces documents sont directement reliés à l'affirmation qui a été faite ce matin par M. Giroux, à savoir qu'à l'époque où il était président du conseil, le premier ministre du Québec n'était jamais intervenu dans les affaires d'Hydro-Québec. Ces deux documents vont dans le sens de prouver le contraire, d'autant plus que - je ne sais pas si je devrais dire que j'en suis heureux ou malheureux - je dois constater que le député de Portneuf était parfaitement d'accord avec le fait que le premier ministre, M. Bourassa, était intervenu auprès d'Hydro-Québec, en novembre 1976. Si vous voulez mon avis, M. le Président, je trouve cela, quant à moi, parfaitement normal. Je ne vois pas pourquoi on fait un drame dans ce genre de choses.

Pour ce qui est de la production des documents, je dirai au député de Louis-Hébert que je suis conscient des responsabilités que j'ai à remplir. Je vais tenter d'être fair-play et de remettre à tous et à chacun des membres de la commission, au fur et à mesure que je pourrai le juger pertinent, selon, bien sûr, les réponses qui pourraient venir des questions qui sont posées aux gens qui comparaissent devant cette commission... Je ne peux pas deviner d'avance les réponses. Je pose des questions. Je vais tenter, dans la mesure du possible, de fournir, le plus rapidement possible, les documents. Je ferai comme ce matin; je les transmettrai à tout le monde de sorte que, si le coeur vous en dit, vous pouvez utiliser également, pour votre bon plaisir, les documents qui sont déposés. Il n'y a aucune espèce de problème avec cela.

Le Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole à qui que ce soit, je voudrais quand même faire remarquer qu'en commission parlementaire, il n'y a pas de dépôt de documents. Il n'y a que distribution des documents que les gens veulent bien nous transmettre. Donc, je ne peux, en aucune façon, comme président, forcer qui que ce soit à remettre quelque document que ce soit.

Je voudrais aussi faire remarquer, à la demande des gens de la commission et d'un accord commun, qu'il y avait eu mention de documents que la Société d'énergie de la Baie James devait nous faire parvenir. Je reprends, d'une façon plus particulière, la question des journées des 23 et 30 janvier, où on a, de part et d'autre, demandé que ne soient distribuées à chacun que les listes de présence des gens, compte tenu que cela n'avait, semblerait-il, affaire que pour la question des présences, dans les discussions que nous avons. Je voudrais simplement faire remarquer que je n'ai aucun pouvoir de forcer qui que ce soit à faire quelque distribution de documents que ce soit. M. le député de Louis-Hébert, en terminant.

M. Doyon: M. le Président, la limite de vos pouvoirs est évidente et j'en tiens compte dans les remarques que je fais. Cependant, M. le Président, ce que je veux souligner, c'est que le ministre fait état que certaines réponses des témoins peuvent appeler la nécessité, pour lui, de sortir certains documents de sa manche, certains

documents auxquels il a accès - je ne sais trop à quel titre - et que nous, de l'Opposition, ne disposons pas du même privilège. Selon les réponses qui peuvent être données par des documents antérieurs, nous aurions possiblement, si nous avions eu accès à certains documents, confronté certains témoins à des documents, si nous avions eu les mêmes possibilités que celles du ministre, M. le Président. Que le ministre me donne comme réponse que cela dépend des réponses qu'il reçoit et que selon les réponses qu'il reçoit il va sortir ou ne pas sortir les documents, M. le Président, je vous signale que le jeu est au moins un petit peu faussé. Nous de l'Opposition, même si nous avions le désir de le faire, nous n'avons pas cette possibilité, selon les réponses qui sont données à nos questions par les témoins, de sortir de notre manche certains documents qui pourraient remettre en question certaines réponses. C'est là le point de toute l'intervention que je voulais faire. Ceci étant dit, je n'ai rien à ajouter.

Le Président (M. Jolivet): M. Boyd. Je vous demanderais maintenant, après cette intermission, d'aller prêter serment avec M. Bédard.

M. Robert Boyd

Le Greffier (M. Jean Bédard): M. Boyd, pourriez-vous mettre la main sur l'Évangile et répéter après moi: Je, vos nom et prénom, jure ou déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

M. Boyd: Je, Robert Boyd, déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le Greffier (M. Jean Bédard): Merci bien.

Le Président (M. Jolivet): Je vais vous demander, M. Boyd, si vous avez un préambule avant qu'on puisse commencer les questions.

M. Boyd: Très bref, M. le Président. Simplement pour dire que j'ai été au service d'Hydro-Québec pendant 37 années. J'ai débuté comme jeune ingénieur et j'ai gravi différents échelons. En 1963 j'étais directeur général, distribution et ventes. En 1965, directeur général d'Hydro-Québec. En 1969, commissaire; en 1972, président de la SEBJ. En 1977, j'ai cumulé pendant un certain temps les deux postes de président de la SEBJ et président d'Hydro-Québec. En octobre 1978, je suis devenu P.-D.G. d'Hydro-Québec jusqu'au mois de décembre 1981. Ceci est pour situer ma carrière. (15 h 45)

Voilà, je suis à votre disposition.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: M. Boyd, beaucoup de choses ont été dites depuis le début des travaux de cette commission parlementaire. Je voudrais, avec vous, entrer tout de suite dans le vif du sujet. Je voudrais vous demander de dire à la commission parlementaire, au meilleur de votre souvenir, bien sûr, en quelles circontances s'est faite au conseil d'administration la suggestion de rencontrer le premier ministre afin de connaître son point de vue concernant la possibilité d'un règlement hors cour de l'action intentée après le saccage de la Baie-James, en 1974.

M. Boyd: Cela a été à la suggestion d'un membre du conseil. Je crois que M. Giroux nous a déclaré que c'était lui-même. Il a été décidé que MM. Saulnier, Laliberté et moi-même irions rencontrer M. Lévesque à ce sujet pour savoir son opinion au sujet d'un règlement hors cour.

Alors nous avons eu cette rencontre le 1er février à ses bureaux de Montréal. Cela s'est passé assez rapidement. Il était accompagné de M. Boivin. Le premier ministre et M. Boivin nous ont indiqué qu'ils aimeraient, qu'ils souhaitaient qu'on puisse régler hors cour et nous ont indiqué les principales raisons qui les orientaient dans cette direction. Évidemment, leur point de vue était que nous n'avions pas tellement une bonne cause, que, surtout du point de vue de l'union internationale, il ne serait pas facile de remonter jusqu'à la source et que si jamais nous venions à obtenir un jugement important, les syndiqués seraient dans l'impossibilité de payer ou il faudrait augmenter les cotisations. En somme, c'étaient les principaux arguments qu'ils nous ont donnés, autant que je me souvienne.

C'est à ce moment que, personnellement, j'ai indiqué, en principe, mon désaccord. Et, sans me souvenir exactement des mots qui ont été employés -pour moi les mots n'ont pas d'importance, c'était plutôt l'idée - M. le premier ministre nous a dit: Ou vous réglez hors cour ou nous prendrons les moyens pour que vous le fassiez. Voilà, c'est en résumé ce qui s'est passé lors de cette réunion dont on parle tellement.

M. Duhaime: M. Boyd, au cours de votre carrière, vous avez été de longues années à Hydro-Québec. Vous avez dit tantôt que vous aviez commencé votre carrière comme jeune ingénieur et, ensuite, vous êtes monté, si je puis dire, jusqu'au plus haut échelon de l'administration, à partir du poste de commissaire en 1969 et ensuite, comme P.-D.G. des deux conseils d'administration en 1972. Est-ce que, pour vous, comme

président de ces deux sociétés d'État, comme membre du conseil, et pour vos collègues aussi dans la décision que vous aviez à prendre, c'était important de connaître le point de vue du gouvernement sur cette question.

M. Boyd: C'est important de le connaître dans un cas comme celui-là, mais, dépendant des personnes qui reçoivent des commentaires comme celui-là, la réaction est différente. J'ai souvent eu des contacts avec les premiers ministres et les ministres. Les souhaits n'avaient peut-être pas autant d'effet sur moi que sur d'autres, parce que mon opinion a toujours été que le bien d'Hydro-Québec passait en premier. C'était ma responsabilité de travailler dans ce sens, alors j'ai toujours maintenu cette philosophie jusqu'à la dernière minute. Ce n'était pas la première fois que je rencontrais un premier ministre qui me donnait son avis.

M. Duhaime: Est-ce que je pourrais conclure - vous me corrigerez si je fais erreur - que ce n'était pas la première fois non plus que vous étiez en désaccord avec un premier ministre sur des questions ayant trait à Hydro-Québec?

M. Boyd: Ce n'était pas la première fois, non.

M. Duhaime: M. Boyd, est-ce que je pourrais vous demander si le fait de rencontrer le premier ministre et de connaître de vive voix son souhait vous a influencé dans votre décision ultérieure, comme membre du conseil d'administration, lors de la décision qui a été prise en mars 1979?

M. Boyd: Est-ce que cela m'a influencé?

M. Duhaime: Oui.

M. Boyd: Non, cela ne m'a pas influencé puisque j'ai voté contre le règlement hors cour.

M. Duhaime: M. Boyd, je voudrais simplement revenir sur les motifs de votre décision. Est-ce que pour vous, par exemple, l'aspect de la paix sociale sur les chantiers en 1979 était un facteur important et l'avez-vous considéré dans votre décision?

M. Boyd: Pour moi, la paix sociale sur les chantiers était toujours un facteur important. Je l'ai vécu, ce problème, à la Manic, dans l'exploitation, et en 1974 puisque, lors du saccage, j'étais président de la Société d'énergie de la Baie James. L'avoir vécu, ce n'est pas la même chose que d'en parler quelques années plus tard ou aujourd'hui. Je me souviens de 1979 plus que de n'importe quelle autre période et la paix sociale ou la paix sur les chantiers, c'est toujours un facteur important.

Alors, nous avions obtenu une paix relative après le saccage. À mon avis, ce n'est pas le fait d'avoir réglé hors cour qui a changé le portrait. Nous avons eu une grève en 1980 dans les cuisines. Je pense que la principale chose qui nous a apporté la paix à la Baie-James, qui nous a permis de faire les travaux que nous avons faits dans les conditions que vous savez a été que nous avons contrôlé l'accès aux chantiers et que les personnes non désirables n'y entraient pas. En fait, cela a été la chose importante. La paix, nous l'avions obtenue.

L'année 1977, entre autres, a été une année extraordinaire. Lorsqu'on parlera tout à l'heure - si vous le permettez - de ce qui nous a permis de terminer avant le temps, on verra que 1977 a été une année extraordinaire où nous n'avons pas eu de grève. Ce n'est pas parce qu'on a réglé hors cour ou pas que cela a eu une influence importante. Je pense que le fait d'avoir institué une action, dans les années 1975 à 1979, a été aussi bénéfique, parce que les gens sérieux qui voulaient y travailler, que ce soient des employés, des manoeuvres, des hommes de métier, des professionnels ou des entrepreneurs, savaient qu'on pouvait travailler en paix à la Baie-James; c'est cela qui a été un facteur important.

M. Duhaime: Maintenant, M. Boyd, je voudrais me référer au procès-verbal du 6 février 1979, soit quelques jours après la rencontre avec le premier ministre. Il y a eu une décision qui a été prise à l'unanimité du conseil; je voudrais tout simplement la lire. C'est à la page 70 du document qui a été déposé par la Société d'énergie de la Baie James: "Après discussion, sur proposition dûment faite et appuyée, il est unanimement résolu de donner mandat aux procureurs agissant pour la compagnie dans la cause SEBJ contre Yvon Duhamel et al d'explorer auprès des procureurs des défendeurs la possibilité d'un règlement hors cour de ladite cause sur la base d'une reconnaissance par tous les organismes qui sont défendeurs de leurs responsabilités pour les dommages et du paiement à la compagnie d'une somme d'argent qui pourrait lui être acceptable, le tout sous condition que les actions instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes défendeurs soient réglées préalablement."

Je crois que vous étiez présent à cette réunion. Est-ce que je peux conclure que, même si le souhait du premier ministre à la suite de la rencontre qui avait eu lieu cinq jours auparavant ne vous avait pas influencé, comme vous venez de nous le dire, vous étiez cependant disposé, en tant que membre

du conseil, à donner mandat à vos procureurs d'explorer, suivant les conditions que je viens de lire, la possibilité d'un règlement hors cour?

M. Boyd: Oui, en effet. J'étais d'accord avec le conseil pour aller faire une exploration. S'il y a une occasion de régler hors cour, mais à des conditions acceptables, un règlement hors cour est presque toujours préférable à un règlement à la cour, mais il s'agit de savoir ce que nous avons au bout. C'est quand j'ai vu ce qu'il y avait à la fin que j'ai changé d'idée.

M. Duhaime: Si je comprends bien, vous étiez d'accord sur l'idée d'explorer un règlement mais vous étiez en désaccord et vous avez exprimé librement, lors de votre vote à l'assemblée du 6 mars, que vous n'étiez pas d'accord avec le règlement qui était proposé.

M. Boyd: C'est cela.

M. Duhaime: Vous avez parlé tantôt des syndicats américains. Je voudrais ajouter un élément avant de poser ma question. Est-ce qu'on a porté à votre connaissance la difficulté juridique de rejoindre en responsabilité le syndicat américain, d'une part, et, d'autre part, est-ce que l'état de "solvabilité" des syndicats québécois qui étaient assignés comme défendeurs dans ce dossier pour vous c'était quelque chose de significatif, ou bien si en aucune manière cela n'entamait votre détermination d'obtenir un jugement, ou encore un meilleur règlement hors cour?

M. Boyd: Évidemment, on a eu les avis de nos différents procureurs au sujet de ce lien avec le syndicat international américain. J'étais au courant que cela serait peut-être plus difficile d'obtenir gain de cause de ce côté, que cela prendrait plus de temps et plus d'argent. Pour moi, ce n'était pas primordial. Ce qui était primordial c'était d'obtenir un jugement, ensuite de voir d'où les sommes viendraient. Je pense qu'on avait posé un geste conséquent. Après l'incident, on a évalué les dommages - c'était notre responsabilité en tant qu'administrateurs - en vue d'obtenir ou d'essayer d'obtenir des dédommagements. Rien à mon avis dans les avis qu'on a eus ne m'a fait changer d'opinion à ce sujet-là.

Peut-être que cela devenait un peu difficile d'aller chercher l'argent au syndicat international mais ce n'était pas le motif principal.

M. Duhaime: Alors le motif principal pour vous c'était de faire reconnaître par une cour de justice, même si c'était le plus haut tribunal, la responsabilité des syndicats, d'une part, et d'obtenir un montant en dommages, même si - vous n'avez pas répondu à cette partie-là de ma question au sujet de la solvabilité - il pouvait se révéler difficile d'exécuter le jugement.

M. Boyd: S'il se révélait impossible d'exécuter le jugement s'il était de plusieurs millions, disons de 20 000 000 $ et plus; si le jugement ne pouvait pas être exécuté ou satisfait, il aurait fallu se contenter de ce qu'il y avait. Avant d'en arriver là, il fallait traverser le premier pont à mon avis et obtenir le jugement.

M. Duhaime: Trois courtes question, M. Boyd, pour terminer. Est-ce que, en dehors de cette rencontre avec le premier ministre à laquelle vous avez assisté, vous avez eu d'autre conversation vous-même directement avec le premier ministre sur ce sujet?

M. Boyd: Non.

M. Duhaime: Est-ce que vous avez eu des rencontres, des conversations ou des contacts par vous-même personnellement avec Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre durant l'année 1978 et durant l'année 1979, concernant ce dossier précisément, en dehors de la rencontre que vous avez évoquée tantôt? (16 heures)

M. Boyd: Concernant ce sujet-là, non.

M. Duhaime: Est-ce que vous avez eu également des rencontres ou des conversations avec Me Yves Gauthier, conseiller politique au cabinet du premier ministre, sur cette question-là?

M. Boyd: Non.

M. Duhaime: Je vous remercie, M. Boyd.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. Boyd, j'aimerais tout d'abord vous référer au texte que j'ai devant moi de ce qui a été publié le 17 mars 1983, sur les ondes de Radio-Canada. Tout d'abord, il y avait celui qui disait les nouvelles, M. Derome, et M. Pelletier. On dit ici: "Radio-Canada a appris que le premier ministre du Québec, René Lévesque, a exercé, en 1979, des pressions sur M. Robert Boyd, alors président-directeur général d'Hydro-Québec, afin qu'il endosse, même contre son gré, un règlement hors cour du saccage de la Baie-James." Est-ce que cette nouvelle était exacte?

M. Boyd: J'ai répondu à cette question tout à l'heure. Les seuls contacts que j'ai

eus avec le premier ministre, c'est lors de la réunion du 1er février. La seule conversation qu'on a eue, je vous l'ai résumée dans les meilleurs termes possible. Alors, peut-être que Radio-Canada a mis un peu d'emphase autour de cela.

M. Lalonde: Alors, venons donc au contenu de la réunion. Vous avez appris sûrement, comme tout le monde, ce que M. Laliberté est venu dire ici, il y a quelques semaines, sur le contenu de la réunion -enfin, ce que M. René Lévesque, le premier ministre, avait dit: "Vous réglez - il y a un juron que, tout le monde, apparemment, a admis avoir été dit - ou bien, nous allons régler à votre place" ou quelque chose comme cela. Pour arriver à ce niveau de conversation, à ce degré d'intensité, j'imagine... ou enfin, je vous demande si cette interjection ou cette déclaration a été précédée par une autre conversation. Vous avez dit, en réponse à une question du ministre, que cette réunion-là s'est passée assez rapidement, que le premier ministre et M. Boivin vous ont avisés qu'ils aimeraient que cela se règle, qu'ils vous ont donné plusieurs raisons. Les raisons sont que, tout d'abord, ce n'est pas une bonne cause et que, deuxièmement, il n'y a pas possibilité de percevoir, ou enfin, cela touche ces deux points-là. Vous avez dit: "J'ai exprimé mon désaccord". De quelle façon, si vous vous en souvenez, avez-vous exprimé votre désaccord à ce moment-là?

M. Boyd: À propos des trois raisons qu'ils employaient, surtout celle qu'on n'avait pas une bonne cause, j'ai dit que, évidemment, on avait une bonne cause. Je pense que c'est le point principal sur lequel j'ai insisté, autant que je me souvienne. Et, cela n'a pas été long que le premier ministre s'est impatienté. Il nous a donné la réponse que vous connaissez. Cela a été assez bref comme conversation.

M. Lalonde: Est-ce que vous avez mentionné comme argument que ce n'était pas dans l'intérêt des Québécois de faire un tel règlement?

M. Boyd: J'ai dû le mentionner, parce que c'était l'un de mes arguments. J'ai dû le mentionner.

M. Lalonde: Est-ce que le premier ministre a réagi à cet argument, de façon précise, quant aux Québécois?

M. Boyd: Je pense que sa réaction a été que ce sont les syndiqués qui seraient appelés à payer et...

M. Lalonde: II n'y a pas eu de qualificatif particulier en ce qui concerne cet argument-là?

M. Boyd: Je ne crois pas, non.

M. Lalonde: Est-ce que, au cours de cette réunion, on a parlé des modalités du règlement? Autrement dit, est-ce qu'il était évident qu'on parlait d'un abandon de la cause pour des "grenailles" ou bien s'il a été question d'un ordre de grandeur du montant? Est-ce qu'il serait dans l'intérêt de la Société d'énergie de la Baie James et de tout le monde que cela se règle pour un montant, par exemple, comme le disait M. Giroux ce matin, de 10 000 000 $ ou de 20 000 000 $ ou, enfin, quelque chose comme cela?

M. Boyd: Non. Il n'a été question d'aucune modalité, ni d'aucun montant en ma présence.

M. Lalonde: Le premier ministre ou M. Boivin n'ont pas dit qu'il fallait quand même qu'il y ait un montant minimal?

M. Boyd: Non. Il n'y a pas eu de montant fixé ou discuté en ma présence.

M. Lalonde: Maintenant, je voudrais parler des rapports entre M. Laliberté, le P.-D.G. de la SEBJ à compter du mois d'octobre 1978, et vous, comme membre du conseil à ce moment-là. Il vous remplaçait?

M. Boyd: Oui, j'étais président de la SEBJ avant qu'il occupe le poste de P.-D.G. de la SEBJ.

M. Lalonde: On comprend que la structure, à ce moment-là, avait changé.

M. Boyd: La structure a été changée à ce moment-là.

M. Lalonde: Quand vous a-t-il mis au courant de son cheminement intellectuel ou, enfin, de sa vision qu'il poursuivait de régler et qui, apparemment, évoluait au cours du mois de janvier 1979, peut-être un peu avant et un peu après?

M. Boyd: J'ai été mis au courant aux séances régulières de la société, lorsqu'il en a été question.

M. Lalonde: Si on peut récapituler un peu, durant cette période, il y a eu l'assemblée du 20 novembre 1978 où la SEBJ décidait d'autoriser le montant de 500 000 $ pour les frais judiciaires. M. Laliberté vous a-t-il mis au courant, à ce moment-là, de son orientation vers un règlement hors cour ou vers un abandon de la cause, comme il l'a dit ici?

M. Boyd: Pas à cette occasion.

M. Lalonde: Le 27 novembre - j'imagine que c'est la réunion qui suit immédiatement celle du 20 novembre - il y a une autre réunion du conseil d'administration. On a les procès-verbaux ou les extraits de procès-verbaux qui concernent le règlement. On parle d'interventions de membres du conseil d'administration qui soulèvent des questions concernant cette cause, à savoir le lien de droit, entre autres, peut-être aussi la solvabilité ou la capacité de payer des syndicats québécois. Est-ce à ce moment-là que M. Laliberté vous a mis au courant de ses doutes quant à l'à-propos de continuer?

M. Boyd: Pas pour autant que je me le rappelle.

M. Lalonde: Le 11 décembre, il y a une autre réunion où on informe de façon plus formelle les membres et où on leur remet des documents comme les opinions juridiques qui existaient à ce moment-là, je pense que ce sont celles de 1975. Est-ce que M. Laliberté vous a mis au courant, à ce moment-là, comme membre du conseil d'administration, de ses inquiétudes concernant l'à-propos de continuer de poursuivre?

M. Boyd: Pas pour autant que je me le rappelle.

M. Lalonde: Le 5 janvier, une nouvelle opinion juridique de vos procureurs est remise à la suite des demandes du conseil d'administration. Elle est étudiée à la réunion du conseil d'administration du 9 janvier 1979. On est rendu en 1979. On voit, d'après les extraits du procès-verbal, qu'on a longuement étudié, à cette assemblée, tous les tenants et aboutissants de cette cause et que la conclusion de la réunion est de ne pas modifier les décisions antérieures, c'est-à-dire de continuer la poursuite. On sait que le procès commence le 15 janvier, donc, dans moins d'une semaine. À ce moment-là, est-ce que M. Laliberté vous a informé, au conseil d'administration ou vous-même, personnellement, de son cheminement vers une vision de régler la cause?

M. Boyd: Non. Pour autant que je me le rappelle, à cette occasion-là, cela n'a pas été discuté dans ce sens-là non plus.

M. Lalonde: D'après nos renseignements - on ne possède pas, comme le ministre, tous les procès-verbaux d'Hydro-Québec et de la SEBJ - d'après les documents que nous avons, la prochaine réunion où il aurait été question de la poursuite concernant le saccage de la Baie-James serait celle du 23 janvier. On n'a pas d'extrait de procès- verbaux, étant donné que la société - je pense que, sur cela, on n'a pas à lui faire de reproche - ne nous a remis que les extraits touchant directement le saccage de la Baie-James, la poursuite et le règlement, mais, à notre demande, on nous a remis les présences. Est-ce que c'est à ce moment, à cette réunion du 23 janvier qui, d'après nos informations - si nous avons tort, vous nous corrigez - serait la réunion suivant celle du 9 janvier, la première réunion où on reparle de la poursuite de la Baie-James que M. Laliberté vous aurait informé de son cheminement?

M. Boyd: Personnellement, je n'ai plus les documents de ces assemblées. Je ne peux pas vous dire de quoi il a été question parce que je n'ai pas les documents autres que ceux que vous avez eus au sujet des présences. Je ne me rappelle pas si c'est à cette assemblée qu'il a exprimé son opinion.

M. Lalonde: Est-ce que, pour témoigner ici, M. Boyd, on vous a donné accès à tous les procès-verbaux de la Société d'énergie de la Baie James?

M. Boyd: Oui, on m'a indiqué que je pouvais obtenir les renseignements que je voulais.

M. Lalonde: Alors, à quel moment - là, nous sommes rendus au 23 janvier - M. Laliberté vous aurait-il mis au courant de son cheminement?

M. Boyd: Comme je vous le dis, de mémoire, cela serait le 23 ou le 30 janvier. Assurément, cela devenait très chaud, à ce moment. Pour autant que je me souvienne, cela serait à l'une ou l'autre de ces assemblées ou peut-être aux deux. Effectivement, le 1er février, on allait chez le premier ministre.

M. Lalonde: À ce moment, étiez-vous au courant d'un certain va-et-vient dont on a fait une certaine démonstration ici et de la présence au bureau du premier ministre à plusieurs occasions soit des procureurs des défendeurs dans la cause ou même de vos procureurs?

M. Boyd: Je n'étais pas au courant parce que les procureurs se rapportaient au P.-D.G. de la Société d'énergie de la Baie James. J'ai été mis au courant de cela en même temps que les autres.

M. Lalonde: C'est-à-dire il y a quelques semaines ou à ce moment-là?

M. Boyd: II y a certaines des démarches que j'ai apprises récemment et d'autres que j'ai apprises dans le temps.

M. Lalonde: Par exemple, le 6 mars...

M. Boyd: Je n'avais pas de renseignements privilégiés.

M. Lalonde: ...vous êtes, comme membre du conseil d'administration, appelé à voter...

M. Boyd: C'est cela.

M. Lalonde: ...sur une proposition de règlement. Le 6 février, un mois auparavant, vous aviez voté en faveur d'une proposition d'aller explorer, mais c'est seulement un mois après qu'on vous demande de voter formellement sur la proposition qui est sur la table. Est-ce qu'à ce moment vous saviez que les procureurs de la Société d'énergie de la Baie James s'étaient retrouvés dans les bureaux du premier ministre?

M. Boyd: Dans les bureaux du premier ministre, non, je ne le savais pas. Mais, le 6 février, je savais qu'il y avait eu des propositions, qu'on commençait à 50 000 $, 125 000 $ et que ceci augmentait graduellement, mais je ne savais pas qu'il y avait eu les visites dont vous parlez.

M. Lalonde: Étiez-vous au courant que M. Laliberté aurait - je dis "aurait" parce que je n'ai pas le texte devant moi, mais j'en suis pas mal sûr; en, fait on pourrait le corriger - donné un mandat aux procureurs de la Société d'énergie de la Baie James, vers le 18 janvier, de rédiger un projet de transaction, transaction étant ce qu'on appelle, dans le langage courant, un règlement hors cour, et qu'il avait donné un mandat à vos avocats de travailler, autrement dit, dans le sens d'un règlement?

M. Boyd: Non, pour autant que je me souvienne, je n'étais pas au courant. (16 h 15)

M. Lalonde: D'après vous, d'après le souvenir que vous avez de ces réunions, comment le conseil d'administration de la SEBJ en est-il venu à demander un complément d'opinion juridique qu'on retrouve le 19 février, soit, premièrement, de Me Gadbois, qui est le "house counsel", l'avocat de la SEBJ à temps plein, soit de Mes Geoffrion et Prud'homme? On retrouve deux avis qui vont dans le sens de compléter l'information du conseil d'administration. Comment en est-on venu à demander ces opinions juridiques?

M. Boyd: Évidemment, c'était un sujet de discussion assez chaud pendant cette période. Le procès était en cours, les opinions étaient partagées et les membres, sans doute ceux qui étaient moins certains de leur opinion ou qui voulaient être plus renseignés, demandaient des opinions additionnelles. Comme les autres membres étaient d'accord pour être le mieux renseignés possible, c'est comme cela que les opinions additionnelles étaient demandées.

M. Lalonde: À votre connaissance, est-ce que des faits nouveaux, que vous ne connaissiez pas auparavant, auraient été portés à la connaissance du conseil d'administration à l'une ou l'autre de ses réunions, après le 9 janvier 1979 - je dis bien après le 9 janvier - qui auraient pu justifier justement de demander des opinions juridiques? Je ne demande pas pour tout le conseil, je veux parler seulement pour vous.

M. Boyd: Je peux dire que les opinions que j'avais eues déjà me satisfaisaient. J'étais, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, d'avis que, les procédures ayant été prises, on avait suffisamment de justifications pour continuer. Ce n'est pas moi qui ai demandé les opinions additionnelles, mais j'étais bien d'accord pour qu'on les obtienne puisque les autres les voulaient.

M. Lalonde: Oui, je comprends que ce n'est pas vous. C'est ce que j'avais compris de votre réponse précédente. Mais je vous demande si, à votre connaissance, des faits nouveaux, insoupçonnés, ont été portés à la connaissance du conseil d'administration après le 9 janvier? Par exemple, la cause commence le 15. Est-ce que vos avocats vous ont dit: Cela va mal, il y a des faits qu'on ne soupçonnait pas. On a une moins bonne cause qu'on ne le pensait?

M. Boyd: Non, ce n'est pas à la suite d'un rapport ou d'une déclaration de nos avocats au sujet du cheminement de la cause que les opinions ont été demandées. C'est plutôt à la demande de membres du conseil qui voulaient être renseignés davantage.

M. Lalonde: Le 6 février - je reviens, je m'excuse de faire un certain va-et-vient dans le temps - vous avez voté pour donner un mandat à vos avocats d'explorer les possibilités d'un règlement hors cour. Dans votre esprit, à ce moment, si vous vous en souvenez, quel était l'ordre de grandeur du montant que vous auriez pu accepter ou pour lequel vous auriez pu voter comme membre du conseil d'administration dans un règlement hors cour?

M. Boyd: Je ne m'étais pas fixé de montant. Pour moi, c'était un élément important, mais pas le principal. Je voulais attendre, pour regarder cet aspect, d'être plus avancé à savoir si c'était possible. Travailler dans les hypothèses n'était pas

mon fort. J'aimais mieux attendre d'être devant quelque chose d'un peu plus concret pour me faire une idée.

M. Lalonde: Est-ce que vous pourriez expliquer comment est venue - peut-être que vous l'avez mentionné, mais j'aimerais avoir un peu plus de détails - la proposition d'aller rencontrer le premier ministre? Je crois que c'est à la réunion du 30 janvier que cela s'est fait ou le 23. Peut-être que vous pourriez le préciser.

M. Boyd: Oui, c'est soit le 23 ou le 30. Je ne sais pas laquelle. Évidemment, on discutait du sujet et sans doute qu'il a été mentionné que le gouvernement avait indiqué son désir que l'on règle. C'est à ce moment que des membres du conseil ont proposé que les trois permanents, si vous voulez, le président du conseil et les deux P.-D.G. soient mandatés pour aller voir et se rendre compte. C'est à peu près comme cela, pour autant que je me le rappelle, que c'est arrivé.

M. Lalonde: II a été mentionné - enfin, c'est sûrement un argument qui a été mentionné par M. Boivin et par le premier ministre - que la cause était moins bonne qu'on ne le croyait; qu'il était mieux de régler hors cour, d'abandonner la poursuite, à toutes fins utiles, 200 000 $ pour 32 000 000 $. Est-ce qu'on vous a communiqué personnellement, M. Boyd, les opinions juridiques de Me Jasmin et de Me Beaulé, plus particulièrement les communications du 5 février 1979? Est-ce que ces communications ont été portées à votre connaissance lors de la séance du 6 février?

M. Boyd: Je sais que certaines de ces opinions nous sont venues avec les articles que l'on discutait. Oui, j'en ai pris connaissance. Si on regarde le procès-verbal du 6 février et la résolution, la première correspondance que l'on voit, c'est celle de Me Michel Jasmin. Les autres qui sont dans ce livre, j'en ai pris connaissance au conseil.

M. Lalonde: Je reviens un instant, si vous le permettez M. Boyd, à la réunion du 1er février. Lorsque le premier ministre vous a dit: Vous réglez ou nous allons régler pour vous ou prendre les moyens de régler - cela dépend; c'est le sens de son intervention -est-ce qu'il vous a démontré de quelle façon il s'y prendrait pour régler?

M. Boyd: Non.

M. Lalonde: Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci, M. le Président. Tout à l'heure, en réponse à une question de M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur la rencontre avec le premier ministre, vous avez employé l'expression: J'ai dû employer cet argument, que ce seraient les Québécois qui paieraient. Est-ce l'argument que vous avez employé? C'est parce que vous avez été un peu évasif et pas certain de l'argumentation que vous avez employée et de la réponse du premier ministre. Je voudrais, pour les fins du journal des Débats, que ce soit au moins une affirmation sûre de ce que vous auriez dit à ce moment.

M. Boyd: Les mots exacts de l'argumentation - ces faits sont loins, c'est assez difficile à dire - c'est qu'on avait une bonne cause et que c'était notre devoir de voir à ce que les personnes responsables paient et qu'on ne devait pas faire payer l'ensemble de la population, quand c'étaient d'autres qui étaient responsables.

M. Laplante: En gros, vous avez employé cette argumentation.

M. Boyd: C'est cela.

M. Laplante: Merci. Si on se reporte au moment de l'action de 32 000 000 $, lors du saccage en 1974, c'était d'une très grande importance à ce moment. Par votre expérience et les moments que vous aviez vécus, vous aviez tout cela comme images dans la tête. Vous avez eu, après cela, ce qu'on a appelé le rapport de l'enquête Cliche et vous-même, vous avez dit tout à l'heure qu'en i979, déjà, il y avait un climat favorable chez les travailleurs du chantier de la Baie-James. Vous avez dit aussi que les travaux étaient en avance et que tout fonctionnait comme dans le meilleur des mondes. Si en 1979, vous aviez eu à prendre une action nouvelle, est-ce que vous auriez pris ces 32 000 000 $ à ce moment-là, connaissant ce qui s'est passé depuis ce temps, le rapport Cliche, l'avance que vous avez eue dans les travaux jusqu'en 1979, le climat favorable chez les travailleurs? Est-ce que les 32 000 000 $ étaient valables à ce moment-là, si vous aviez eu à prendre une nouvelle action?

M. Boyd: Si vous le permettez, M. le Président, avant de répondre à la question que je qualifierais d'hypothétique, j'aimerais profiter de cette ouverture pour expliquer davantage ce qui s'est passé à ce moment-là et ce qui s'est passé par la suite. Premièrement, j'aimerais corriger certaines citations ou énoncés qui ont été faits ici ou dans les médias disant que les 31 000 000 $ étaient, en partie, fictifs. Je peux vous assurer que ce n'était pas fictif. Les chiffres qui sont connus étaient basés sur les

dommages réels. Prenons les plus gros montants: les 21 000 000 $ qui devaient être payés à Impreglio & Spino, ce n'était pas une hypothèse.

Le 18 avril, c'était la journée d'ouverture des soumissions pour ce contrat immense; c'était le plus gros contrat jamais donné au Québec. Les appels d'offres avaient été lancés avant le saccage. Vous pouvez vous imaginer l'inquiétude des gens de la SEBJ. d'Hydro-Québec et surtout des entrepreneurs qui y soumissionnaient. Beaucoup d'inquiétude a été manifestée par les gens qui soumissionnaient. À tout le monde, on a dit: Soumissionnez comme s'il n'y avait rien eu, on verra par la suite. C'était la seule réponse qu'on pouvait donner.

Les soumissions sont entrées le 18 avril. Là-dessus, il y a deux choses à expliquer: premièrement, évidemment, les événements qui venaient de se passer avaient un effet sur le programme; au pire, on était retardé d'une année. L'autre point sur lequel il faudrait peut-être revenir, c'est qu'on a laissé entendre qu'on a peut-être trop retardé l'ouverture des chantiers et j'aimerais parler de cela plus tard.

Au sujet des soumissions, 224 000 000 $ - de ce que je me rappelle - était la soumission la plus basse, les deux autres étant de beaucoup supérieures. Les 224 000 000 $ étaient très proches de notre estimation antérieure. C'est beaucoup d'argent pour un contrat. Avant de rencontrer les entrepreneurs, il a fallu que nous fassions une révision du programme pour voir s'il y avait moyen de reprendre le temps perdu et de quelle façon on pouvait en reprendre le plus possible.

Dans la soumission originale, la dérivation de la rivière, qui était un événement important, était prévue pour l'automne 1974, c'est-à-dire le 1er novembre; c'était dans l'appel d'offres. Étant donné le saccage et les 51 jours perdus, il était impossible de penser au 1er novembre. On a alors changé de méthodes de travail. On a décidé d'essayer de faire la dérivation de la rivière immédiatement après la crue de 1975, c'est-à-dire au mois de juin 1975. C'était prendre un assez gros risque, mais on a fait notre planification dans ce sens. Cela voulait dire mettre un batardeau beaucoup plus élevé pour éviter que le batardeau ne soit emporté par la crue du printemps. Donc, changement de programme, délais dans les travaux, quantités additionnelles, etc. C'est là qu'on a dû négocier avec l'entrepreneur pour qu'il fasse ces travaux, on a négocié fermement. C'est de là que viennent les 21 000 000 $ qui ont été ajoutés à son contrat. Donc, ce n'est pas fictif. Son contrat n'était plus de 224 000 000 $, il était de 245 000 000 $. (16 h 30)

Effectivement, on a fermé, fait la dérivation, à la fin de juin 1975, avec un débit dans la rivière de 120 000 pieds cubes/seconde. Les ingénieurs avaient dit: N'essayez pas au-delà de 100 000 pieds cubes/seconde, mais on a essayé tranquillement et cela s'est fait. Donc, voilà pour cette première partie.

Ensuite, en 1976, il y a eu la grève générale de la construction au Québec. Les gens sont sortis à la Baie-James aussi. À la fin de 1976, le programme était environ six mois en retard. C'est là qu'il y a eu des rencontres. Je suis allé rencontrer M. Hamel à LG 2 et nous avons décidé de changer le programme pour reprendre le temps perdu. Cela voulait dire de l'équipement additionnel, du personnel additionnel et de l'encadrement additionnel aussi. On est passé, de l'hiver 1976 au printemps 1977, de 4 000 à 6 000 hommes à LG 2 sur les travaux. On a demandé à l'entrepreneur d'acheter ou de louer de l'équipement, etc. Au printemps de 1977, on était en mesure de commencer des travaux de beaucoup plus grande envergure, d'essayer de rattraper le temps perdu. Cela a coûté une quinzaine de millions.

L'année 1977 a été une année excellente, pas de grève. Au point de vue de la température, rien de mieux. On a travaillé à poser du matériel jusqu'en novembre 1977, chose qui ne s'est pas vue dans le reste du contrat. Nous avions dépensé un autre montant de quinze millions. Cela a tellement bien été qu'à ce moment on a décidé qu'on pouvait faire le devancement de la mise en service des unités. Au lieu de février 1980, on pouvait les essayer pour la fin de l'été 1979. Pour cela, il fallait faire encore des modifications, changer les structures aux galeries de dérivation pour être capable de les fermer sous charge, etc. Cela aussi, c'était environ quinze millions.

Premièrement, pour me résumer, les chiffres de 31 000 000 $ n'étaient pas fictifs; je vous ai donné un exemple et je pourrais parler de tous les autres. Ensuite, on se donnait bonne conscience en disant: On est arrivé à temps, cela va coûter moins cher; donc, ce n'était pas si grave que cela. On est arrivé à temps, on est arrivé avant le temps et on est arrivé en bas de l'estimation parce qu'on a changé de méthodes, parce qu'on a investi de l'argent, parce qu'on a pris les risques et les moyens d'y arriver. C'est tout cela qu'il faut regarder ensemble quand on parle de cela, pas seulement un fait. Je m'excuse si ma réponse a été longue, mais c'est un point qui n'a pas du tout été éclairci depuis le début et, comme on doit faire la lumière, je vais faire la lumière.

Pour répondre à votre question hypothétique, en 1979, je ne le sais pas. Il aurait fallu que j'examine où on en était et, comme je viens de vous le dire, on avait mis deux fois 15 000 000 $ et on avait changé

de méthode, etc. Donc, le problème était bien différent.

M. Laplante: Ces 15 000 000 $, on ne peut pas les imputer, non plus, au saccage.

M. Boyd: Non, on ne les impute pas au saccage.

M. Laplante: Les 245 000 000 $ dont vous parlez, viennent des 21 000 000 $ à Spino Construction, puisque vous avez dit qu'on les avait ajoutés au contrat de 224 000 000 $. Il reste que ce contrat a été modifié aussi pour des ajouts d'ouvrage qu'il y a eu. On ne peut pas non plus imputer complètement les 21 000 000 $ dans ce contrat comme ajout.

M. Boyd: Les 21 000 000 $ étaient dus au programme. On a dit: Voici le programme, on perd un an. Qu'est-ce qu'on peut faire pour récupérer? C'est ce dont on a discuté avec eux, ce qu'on a négocié. Et on a eu un changement de commande de 21 000 000 $. Cela, c'est fait. D'accord? Ensuite, je voulais en même temps vous expliquer pourquoi on était arrivé avant le temps, etc. C'est qu'on a fait d'autres changements qui étaient, évidemment, dans les deux cas, des changements de la direction, de la bonne gérance du chantier, qui ont fait qu'on a épargné beaucoup d'argent.

M. Laplante: En 1974, lors du saccage, vous aviez combien de retard sur le chantier?

M. Boyd: Au début?

M. Laplante: Oui, au moment du saccage, combien de retard aviez-vous déjà sur le chantier?

M. Boyd: On était légèrement en retard puisque le premier entrepreneur n'avait pas tellement bien réussi, mais c'était quelque chose qui se reprenait assez facilement. On avait pris des mesures, en fait, en lui enlevant le contrat pour le donner à un autre et cela aurait pu se faire sans problème.

M. Laplante: Ce que je voudrais vous faire dire exactement, M. Boyd, c'est que...

M. Boyd: J'écoute. Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Laplante: ...le saccage de la Baie-James n'a pas été le seul élément dans les retards jusqu'en 1976; avec vos six mois de retard, le saccage n'a pas été le seul élément du retard que vous aviez sur le chantier.

M. Boyd: L'effet du saccage a été qu'il a fallu renégocier. Cela a coûté 21 000 000 $. Il y a eu d'autres problèmes qui se sont présentés, qu'on a réglés séparément et qui, évidemment, n'ont rien à voir avec ce saccage. La raison pour laquelle je vous en parle en même temps, c'est pour vous expliquer tout le portrait.

M. Laplante: Comme ça, on s'entend pour dire qu'en 1974 il y avait déjà un retard appréciable qui s'est accentué jusqu'en 1976? On s'entend là-dessus?

M. Boyd: En 1974, il y avait peut-être un peu moins, disons, de deux mois de retard...

M. Laplante: Deux mois, d'accord.

M. Boyd: ...mais c'était sur la préparation des portails des galeries de dérivation...

M. Laplante: Oui.

M. Boyd: ...qu'on a enlevée à cet entrepreneur qui ne donnait pas satisfaction et qu'on a donnée à celui qui avait les galeries de dérivation. C'était facile à récupérer. Ce n'était pas de gros travaux.

M. Laplante: Cela fait que les 51 jours de retard perdus lors du saccage de la Baie-James ont forcé aussi la Société d'énergie de la Baie James à trouver de nouvelles méthodes de travail, à changer ses méthodes de travail. Est-ce exact?

M. Boyd: Non.

M. Laplante: Je parle de ce que vous avez dit, moi. Je vous suis.

M. Boyd: Oui, oui. Par méthodes, j'entends l'équipement, les façons de travailler, les programmes surtout.

M. Laplante: Ce qui a fait, en somme, que ces méthodes-là ont augmenté le contrat de Spino qui vous réclamait 21 000 000 $ dans vos montants. Mais ces 21 000 000 $ ont été bénéfiques, en somme; ils ont été donnés à Spino pour, justement, une addition à son contrat d'ouvrage neuf qui n'était pas inclus dans la première soumission.

M. Boyd: II fallait lui demander de mettre plus d'hommes, de faire des batardeaux plus élevés, d'utiliser plus d'équipement, etc. Il fallait bien le payer. Ce n'était pas sa faute à lui, ni la nôtre.

M. Laplante: Je peux me tromper dans

ce cas-là. C'est que lorsqu'on dit que, le saccage a coûté 32 000 000 $, il y a une grande partie de cela qui ne devrait plus entrer dans les 32 000 000 $ à ce moment-là. C'est pourquoi je vous demandais tout à l'heure: Si vous aviez à faire un retour en 1979, si vous aviez une action nouvelle à prendre sur les dégâts qu'il y a eu à la Baie-James, est-ce que ce serait le même montant? Parce que la cour, à ce moment-là, aurait décidé de l'avancement des travaux. Elle aurait décidé de beaucoup de choses, elle aussi. Elle aurait prouvé que cela n'a pas retardé, même qu'on a devancé, à ce moment-là, en 1979. Mais croyez-vous que la cause aurait été aussi bonne en 1979 qu'au moment où vous l'aviez prise?

M. Boyd: II aurait fallu expliquer à la cour avec beaucoup plus de détails et beaucoup plus de chiffres que je ne peux vous en donner ici, le cheminement de tous ces ajouts ou changements. Mais certainement que les sommes qui avaient été versées ou qui devaient être versées, chez nous, c'était pour du travail fait. Je pense bien qu'il n'y avait pas autre chose à faire que de payer pour le travail fait.

M. Laplante: Merci, M. Boyd.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. En écoutant le député de Bourassa, encore un peu et je pensais qu'il essayait de faire la preuve que le saccage avait épargné de l'argent à la SEBJ et que c'était bénéfique pour les travaux.

M. Boyd: Ce n'est pas une question, cela?

M. Ciaccia: Non, je ne pense pas que ce soit cela. Je pense que les chiffres nous ont démontré qu'il y avait une perte réelle. M. Boyd, vous avez eu une longue et fructueuse carrière avec Hydro-Québec. Je me souviens que plusieurs d'entre nous étaient très déçus et désappointés quand vous avez démissionné à la fin de décembre 1981, je crois. Pendant votre carrière, vous étiez le président de la SEBJ durant les négociations de la Baie-James avec les autochtones.

M. Boyd: D'accord.

M. Ciaccia: Je me souviens d'avoir eu de longues discussions et négociations avec vous, parce que vous étiez responsable pour l'équipe de la SEBJ.

M. Boyd: Oui.

M. Ciaccia: Je me souviens, à ce moment-là, que les autochtones avaient entrepris des procédures juridiques contre la SEBJ et Hydro-Québec. Ils avaient réussi à obtenir une injonction. À ce moment-là, j'avais récupéré ce dossier comme représentant du premier ministre pour essayer d'effectuer un règlement avec les autochtones.

M. Boyd: Oui.

M. Ciaccia: Je me souviens que les négociations, à la suite de ces procédures, étaient ouvertes. Le règlement n'avait pas été imposé par le bureau du premier ministre dans ses termes et conditions, parce que je me souviens d'avoir souvent eu à négocier avec vous et à reculer sur certaines des positions que j'avais prises. Les arguments que vous donniez, à ce moment-là, étaient que vous agissiez pour défendre les intérêts de la SEBJ et ceux des Québécois. Finalement, les négociations ont abouti à un accord entre toutes les parties, sans être imposé par le gouvernement ou le bureau du premier ministre.

Je me souviens que vous aviez démontré une fermeté et que vous étiez très soucieux des intérêts de tous les Québécois dans les négociations pour cette entente très historique. Au début, les autochtones étaient très désenchantés de votre position, mais, à la fin, ils ont été obligés de reconnaître certains arguments que vous aviez évoqués. Ils ont eu beaucoup de respect pour vous quant à la façon dont vous avez dirigé votre équipe de négociation.

Je voudrais vous demander, M. Boyd, très brièvement - je sais que vous nous avez déjà donné quelques-unes des raisons - de récapituler les raisons pour lesquelles vous avez voté contre le règlement de 200 000 $.

M. Boyd: Les raisons pour lesquelles j'ai voté contre?

M. Ciaccia: Oui. Pourquoi étiez-vous contre ce règlement de 200 000 $?

M. Boyd: Premièrement, je préférais qu'on obtienne un jugement. Je trouvais que, dans la proposition qui nous a été faite pour un règlement hors cour, les conditions qu'on avait exigées n'étaient pas respectées. On parle de reconnaissance de responsabilité par les parties. Il y a plusieurs parties qui n'ont pas voulu reconnaître leur responsabilité. Pour moi, c'était un facteur. Aussi, la somme qui était offerte était beaucoup trop inférieure ou trop minime, en somme. Je pense que c'étaient les principales raisons.

M. Ciaccia: Quelle était votre position sur la capacité de payer des syndicats? Parce que plusieurs administrateurs nous ont

dit qu'ils doutaient de la capacité des syndicats de pouvoir payer le jugement qui aurait été rendu dans cette cause. (16 h 45)

M. Boyd: Personnellement, sans pouvoir le prouver, j'avais l'impression qu'ils auraient pu payer beaucoup plus que cela. Quelques années auparavant, comme cela, ils nous avaient offert le tiers des 1 200 000 $, c'est-à-dire qu'ils nous avaient offert 400 000 $ sans aucune sollicitation; c'était venu comme cela. S'ils avaient pu faire cette proposition à ce moment, je ne voyais pas comment ils pouvaient, je dirais, oser commencer par 50 000 $; c'est un peu ridicule, et même les 200 000 $, à mon avis. Que pouvaient-ils payer? C'est très difficile à dire. Je ne sais pas si quelqu'un connaît vraiment la capacité de payer des différents syndicats qu'on a au Québec. Je ne la connais pas et je ne sais pas s'il y en a qui la connaissent. Je pense que, si on avait eu des conditions raisonnables quant à l'acceptation des responsabilités, il y a des montants qui auraient pu être payés, et beaucoup plus importants que 200 000 $.

M. Ciaccia: Vous avez mentionné que toutes les conditions n'ont pas été remplies. Une des conditions, c'était la reconnaissance des responsabilités.

M. Boyd: C'est cela.

M. Ciaccia: Cette condition a été remplie seulement partiellement.

M. Boyd: Cette condition a été remplie partiellement. J'ai des notes ici à ce sujet. Quant aux individus, Yvon Duhamel, possiblement qu'il pouvait reconnaître ses responsabilités; il était déjà en punition. Michel Mantha et Maurice Dupuis étaient en appel; donc, ils ne voulaient pas faire d'aveu. André Desjardins n'était pas intéressé à intervenir d'aucune façon. René Mantha n'était pas intéressé à intervenir d'aucune façon; cela me chicotait beaucoup parce qu'on savait le rôle que ces gens avaient joué. L'International Union of Operating Engineers et le local 134 de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique ne voulaient pas reconnaître leurs responsabilités. Donc, il y en avait qui les reconnaissaient, mais ce n'était certainement pas ce qu'on avait indiqué comme étant "tous".

M. Ciaccia: Quand le chèque de 200 000 $ est finalement arrivé sur la table - je présume qu'à un moment donné il est arrivé au conseil d'administration - quelle a été votre réaction face à ces chiffres?

M. Boyd: Je l'ai indiqué tout à l'heure, quant à moi, c'était bien insuffisant.

M. Ciaccia: Y a-t-il eu des discussions, à savoir: Écoutez, on a déjà refusé 400 000 $ en 1975, on négocie plusieurs années plus tard et on accepte 200 000 $? Il me semble que, si j'étais au conseil d'administration, je dirais: Un instant, mes collègues, réfléchissons sur ces chiffres. Quelle a été la discussion à ce moment?

M. Boyd: Pour autant que je me le rappelle, il y a certainement eu une discussion sur le montant. Je pense bien que je n'étais pas le seul à trouver que ce n'était pas suffisant. On n'a pas pris le vote sur ce point particulier, mais je pense bien que plusieurs des membres n'étaient pas satisfaits du montant. On en a parlé, évidemment. Les procureurs qui avaient été chargés de négocier nous ont dit que c'était tout ce qu'ils avaient pu obtenir. Quant à moi, je leur ai certainement dit de retourner et de faire un peu plus de travail; c'était mon opinion.

M. Ciaccia: Parce que le premier ministre avait indiqué d'une façon ou d'une autre son voeu que ce soit réglé, est-ce que cela a pu influencer? Le conseil d'administration a-t-il dit: Écoutez, le premier ministre veut régler, on va régler pour 200 000 $?

M. Boyd: C'est difficile pour moi de répondre sur ce sujet. Il n'en a pas été question en ce sens; je ne me le rappelle pas, du moins. Cela ne me satisfaisait pas et c'est pour cela que j'ai voté contre.

M. Ciaccia: La question de la paix sociale...

M. Boyd: Pardon?

M. Ciaccia: Plusieurs des administrateurs ont invoqué, à la suite de questions devant cette commission parlementaire, qu'une des raisons pour lesquelles ils ont voté en faveur du règlement, c'était pour maintenir la paix sociale sur le chantier. Le 9 janvier, à la réunion du conseil d'administration, il y avait un rapport confidentiel qui concluait, et je cite: "II est important...

M. Boyd: Quelle page? M. Ciaccia: Page 23. M. Boyd: Oui.

M. Ciaccia: "II est important, pour le maintien de ce climat de confiance qui est devenu apparent depuis la reprise des travaux à la Baie-James et l'institution de l'action, que les responsabilités des parties soient déterminées par le tribunal et que la société

d'énergie soit reconnue comme un organisme qui ne fléchit pas dans la poursuite d'un but qu'elle reconnaît amplement justifié." Ce rapport a été signé par Me Jean Bernier, directeur des ressources humaines, M. Laurent Hamel, chef du chantier de LG 2, M. Marc Darby, coordonnateur des assurances, et Me André Gadbois, chef du contentieux.

À ce moment, est-ce que ces conclusions ont été contestées par quelques-uns des membres du conseil d'administration?

M. Boyd: Je pense que c'est certainement un paragraphe que j'aurais pu initialer ou endosser personnellement. Je ne me souviens pas qu'on en ait discuté spécifiquement. Vous comprenez que, quand on a un dossier aussi important, aussi volumineux que celui-là, on n'est pas entré, autant que je me souvienne, dans les détails des différents documents. Chacun les lisait pour lui-même et prenait ce qu'il voulait. Pour moi, c'était un élément important, mais je ne peux pas vous dire que cela a été mis en doute par d'autres.

M. Ciaccia: Alors, d'après votre souvenir, votre mémoire, cela n'avait été mis en doute par aucun des autres membres présents à cette réunion?

M. Boyd: Pour autant que je me souvienne, non.

M. Ciaccia: C'était le 9 janvier 1979? M. Boyd: C'est cela, oui.

M. Ciaccia: Je présume que la question de la paix sociale a été soulevée après le 9 janvier. Quels faits ou quelles déclarations vous étaient rapportées par les membres du conseil d'administration qui soulevaient des dangers de désordre au chantier comme argument pour régler à tout prix? De quoi avait-on peur exactement?

M. Boyd: C'est difficile de répondre pour d'autres, mais j'imagine que le fait d'avoir une décision qui serait défavorable aux syndicats les rendrait malheureux et violents par la suite. Cela ne m'impressionnait pas dans ce sens. C'est que, depuis qu'on avait repris le chantier et qu'on n'avait plus les "stewards" ou les agents spéciaux qui étaient là pour causer des difficultés, on avait, d'une façon générale, la paix. En y allant souvent moi-même, j'ai rencontré les gens sur le chantier, à la cafétéria et ailleurs. On se rendait compte que les hommes qui étaient là y étaient pour travailler, étaient heureux de travailler et on avait la paix sociale. Évidemment, on avait certains problèmes mineurs, mais, au point de vue général, la paix était établie. Il n'y avait pas, à mon avis, d'inquiétude spéciale à y avoir à la fin de 1978 ou au début de 1979.

M. Ciaccia: Alors, vous confirmez les conditions qui étaient décrites dans le rapport confidentiel, soit que, depuis la reprise des travaux, le climat de confiance était devenu apparent, que cela n'a pas changé?

M. Boyd: Oui. En effet, depuis la reprise des travaux, en 1974, on avait mis beaucoup d'effort pour améliorer les conditions de travail et pour améliorer le climat. Réellement, on avait mis le paquet pour que cela travaille mieux. Je vous l'ai dit, en 1977, on avait atteint cette grande efficacité et cela s'est maintenu par la suite.

M. Ciaccia: J'avais une autre question au sujet d'une des raisons qui avaient été invoquées par un des administrateurs sur la difficulté d'établir les pertes réelles, mais je vois que le député de Bourassa a établi par ses questions que vous étiez en mesure d'établir les pertes réelles.

M. Boyd: D'établir?

M. Ciaccia: D'établir les pertes réelles que la SEBJ avait subies.

Le 19 février 1979, une opinion juridique a été envoyée à Me André Gadbois par le bureau de Mes Geoffrion & Prud'homme. Est-ce qu'à votre connaissance il y avait plus qu'une opinion juridique qui avait été envoyée en date du 19 février par le bureau de Mes Geoffrion & Prud'homme?

M. Boyd: On a ici une lettre de Me Gadbois au président et aux membres du conseil de la SEBJ, datée du 19.

M. Ciaccia: Oui, il y a une lettre adressée à Me Gadbois par Jean-Paul Cardinal.

M. Boyd: Adressée à Me Gadbois par Mes Geoffrion & Prud'homme.

M. Ciaccia: Oui, sous la signature de Jean-Paul Cardinal.

M. Boyd: Ces deux lettres-là, oui.

M. Ciaccia: Est-ce qu'à votre connaissance il y avait plus qu'une opinion juridique qui avait été soumise par le bureau de Mes Geoffrion & Prud'homme en date du 19 février?

M. Boyd: Je pense qu'au point de vue de ce qui est arrivé au conseil, c'est ce que vous avez. Il y a peut-être eu une autre

opinion émise au bureau de M. Cardinal le 19, mais on n'a pas ici...

M. Ciaccia: J'ai, devant moi, une copie d'une opinion juridique en date du 19 février, adressée à Me André Gadbois, qui n'est pas tout à fait conforme à l'opinion juridique contenue dans les procès-verbaux que nous avons. Vous souvenez-vous de cette deuxième ou peut-être première opinion juridique?

M. Boyd: J'ai vu cette deuxième lettre récemment quand j'ai demandé les documents. Elle est dans les dossiers du contentieux, sans doute, mais...

M. Ciaccia: Est-ce qu'il y a une explication?

M. Boyd: Je pense qu'il faudrait demander à d'autres que moi ce qui s'est passé.

M. Ciaccia: Vous n'avez pas souvenance de ce qui s'est produit pour qu'il y ait deux opinions juridiques sur le même sujet, la même journée?

M. Boyd: Non. Je pourrais faire une hypothèse, mais, pour être sûr, je ne le sais pas.

Le Président (M. Jolivet): Oui. M. le député.

M. Ciaccia: Seulement pour la question qui me vient à l'esprit, c'est que l'opinion juridique contenue dans le document fait référence à la cause de Gaspé Copper Mines.

M. Boyd: Oui, je le sais.

M. Ciaccia: Tandis que, dans le document de l'autre opinion juridique, il n'y a pas de référence à Gaspé Copper Mines.

Vous ne savez pas comment cela aurait pu...?

M. Boyd: Si vous le permettez, je pourrais demander...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. Vous le demandez pour pouvoir répondre ensuite.

M. Boyd: ...un conseil.

Le Président (M. Jolivet): Oui, oui, il n'y a pas de problème.

M. Boyd: Si les deux maîtres qui sont ici peuvent me l'expliquer, je vous donnerai la réponse.

Le Président (M. Jolivet): Oui, oui.

M. Boyd: S'ils ne peuvent pas l'expliquer, je n'aurai pas de réponse.

M. Ciaccia: Vous pouvez le demander.

Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez le demander, il n'y a pas de problème. (17 heures)

M. Boyd: J'ai une réponse. En fait, ce que Me Gadbois me dit, c'est que Mes Geoffrion & Prud'homme avaient envoyé une première opinion où il n'était pas question de Gaspé Copper et, à la suite de discussions entre les deux bureaux, on a demandé qu'on parle de Gaspé Copper. La deuxième opinion est venue.

M. Ciaccia: Alors, qui a demandé de parler...

M. Boyd: II faudrait le demander au bureau de Mes Geoffrion & Prud'homme si jamais...

M. Ciaccia: Peut-être que, de la même façon que vous avez obtenu cette réponse, vous pourriez demander qui a demandé d'inclure la référence à Gaspé Copper Mines?

M. Boyd: Ce n'est pas Me Gadbois. M. Ciaccia: Pardon?

M. Boyd: Ce n'est pas Me Gadbois. C'est sans doute venu d'eux-mêmes lorsqu'ils se sont rendu compte, mais il faudrait le leur demander. Je ne le sais pas.

M. Ciaccia: Je remarque que la cause de Gaspé Copper Mines à laquelle on se réfère dans cette opinion semble être plutôt en faveur des défendeurs, The International Union of Operating Engineers.

M. Boyd: C'est le mieux qu'on peut faire pour le moment.

M. Ciaccia: Non, je comprends. Mais la question qui me vient à l'esprit - je sais que ce n'est pas vous qui pouvez répondre - est celle-ci: Pourquoi n'a-t-on pas fait référence à la cause de la CSN et Reynolds? M. Giroux, ce matin, y a fait référence, lui. Il y avait eu un jugement pour 6 000 000 $. Cette cause était en faveur des demandeurs. Autrement dit, vous avez des avocats, Geoffrion & Prud'homme, qui représentent les demandeurs, mais ils citent des causes en faveur du défendeur et ils n'ont pas cité la cause qui était en faveur de la SEBJ. Je pense que le jugement pour 6 000 000 $ est sorti le 6 février 1979, deux semaines avant que cette opinion juridique soit envoyée par Mes Geoffrion & Prud'homme. Peut-être que cela aurait... En tout cas, si j'avais été un avocat du demandeur, j'aurais peut-être...

C'est une réflexion que je fais tout haut...

M. Boyd: Je ne peux pas vous donner...

M. Ciaccia: ...à la lecture de ces documents.

Le Président (M. Jolivet): Vous aurez l'occasion de la poser à d'autres, M. le député.

M. Ciaccia: Oui, oui. En écoutant, peut-être que les avocats pourraient penser à préparer...

Le Président (M. Jolivet): Déjà une réponse.

M. Ciaccia: ...une réponse. Ils ont réglé pour 2 500 000 $, comme M. Giroux l'a dit ce matin. C'était une cause de beaucoup moindre importance que celle concernant les problèmes qui sont arrivés à la SEBJ. Je vous remercie beaucoup, M. Boyd.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Je voudrais questionner M. Boyd. Au début de votre témoignage, vous avez dit que, dans votre esprit, les personnes responsables du saccage devaient payer. Est-ce que, pour vous, cela voulait dire que les travailleurs de la SEBJ, les travailleurs du chantier, à ce moment-là, devaient payer pour ces saccages?

M. Boyd: Les travailleurs qui étaient responsables, certainement. Quant à l'ensemble des travailleurs, c'est une autre question. Quand on fait partie d'un syndicat et que notre syndicat fait des gaffes... Cela s'est vu ailleurs que le syndicat reconnu coupable a été obligé de payer.

M. Tremblay: Combien y avait-il de personnes impliquées directement dans le saccage de la Baie-James?

M. Boyd: Je ne les ai pas comptées. À ce moment-là, il y en avait quelques centaines. Il y avait environ 600, 700, peut-être 800 personnes sur les chantiers. Quelques-unes ont, évidemment, posé des gestes; les autres les ont regardé faire et les ont encouragées, etc. Établir le nombre de responsables, c'est assez difficile. Pour moi, il n'en demeure pas moins que ces gens avaient eu des rencontres avec leur chef. Ils avaient été montés, soulevés, cuisinés. C'est le problème de la démocratie lorsqu'on se laisse cuisiner.

M. Tremblay: Vous avez aussi parlé, tout à l'heure, des fauteurs de troubles sur le chantier. Est-ce que, avant cela, ils avaient été identifiés?

M. Boyd: Oui.

M. Tremblay: Vous avez aussi dit dans votre témoignage qu'une des raisons pour lesquelles la paix sociale était revenue sur le chantier, c'est que vous aviez établi des contrôles pour les entrées.

M. Boyd: En effet.

M. Tremblay: À ce moment, je me demande pourquoi, avant le saccage, vous n'établissiez pas ces contrôles puisque le saccage lui-même est venu à la suite d'une détérioration assez longue des conditions ou de l'atmosphère sur le chantier.

M. Boyd: Évidemment il y en avait des contrôles avant. C'étaient les centres d'accueil où tout le monde qui arrivait devait passer pour s'identifier, avoir une carte, obtenir son campement, son linge, etc. Le problème avec ces centres d'accueil, c'est qu'ils étaient au milieu du campement et non pas à l'accès, comme à l'aéroport, ou à l'accès de la route. Il y avait aussi les gens travaillant pour les autres groupements, comme la SDBJ, etc.

Il était difficile de prévoir avant les troubles qu'on aurait ce genre de problèmes. Ce n'était pas notre première expérience. On avait fait tous les chantiers de Manic-Outardes sans connaître ces problèmes de saccage. On avait eu des problèmes, on avait eu des grèves, mais rien d'aussi grave que cela. Il y avait des contrôles, mais moins rigoureux que ceux qu'on a dû imposer. C'est pour cela qu'une fois la gravité du saccage connue une des choses que j'ai moi-même décidée et exigée, c'est qu'à l'avenir personne n'entrerait sans passer ce contrôle. Moi-même, je m'y soumettais, les ministres, les premiers ministres, que ce soit ceux du Québec ou d'ailleurs, tout le monde passait par là, c'était la règle générale. Il y a eu des tas de gens qui ne sont pas montés. On a eu des plaintes des différents syndicats que c'était un contrôle beaucoup trop rigoureux, que cela n'avait pas de bon sens. On a continué, on a persisté et cela a porté fruit. C'était la première fois que cela se faisait ainsi.

M. Tremblay: II ne semble pas que la situation était de tout repos sur le chantier avant le saccage puisque la commission Cliche a établi qu'un avocat de la CSN, à cette époque, Me Clément Richard, qui est maintenant ministre du gouvernement, s'est rendu sur le chantier afin de faire adhérer des membres et qu'il a dû être accompagné par au moins quatre policiers. Il devait y avoir à ce moment, quand même, une

certaine tension sur le chantier. Encore une fois, je me demande comment cela se fait que la SEBJ, à ce moment, n'ait pas pris des mesures, puisque la situation était telle, pour régulariser la situation et permettre à un autre syndicat, tel que la loi le permettait, de faire adhérer des membres.

M. Boyd: C'est qu'à ce moment c'était la guerre à mort entre la CSN et la FTQ dans la construction. Ce n'était pas particulier à la Baie-James, c'était général. La FTQ avait décidé qu'elle s'imposerait à la Baie-James. Nos gens de sécurité des relations de travail n'étaient pas en nombre suffisant pour faire la police de tout le monde. Leurs instructions - et c'est ce qu'ils faisaient, en fait - c'était de voir à ce que les gens qui étaient d'autres syndicats, de la CSN ou de la CSD, puissent avoir accès au travail. À cause des agents et des agents à gros bras qui étaient là, c'était très difficile pour les autres syndiqués de s'implanter. Il y a différents incidents qui sont relatés où nos gens ont pris la défense des gens de la CSN, en fait. Le dernier incident, comme vous le savez, c'est qu'on a voulu faire sortir deux employés affiliés à la CSN. Et c'est un peu cela qui a fait déborder le vase. Mais je pense qu'il était difficile pour le petit groupe de cadres qui étaient à la SEBJ, à LG 2, de faire mieux que ce qui se faisait dans le reste de la province au sujet de cette lutte entre les deux syndicats. Une fois le saccage passé, nous, on s'est dit: Si on ne peut pas régler ce problème dans la province, on va le régler à la Baie-James. Et on l'a réglé.

M. Tremblay: Je reste un peu sur deux pattes. Ma réaction était que la SEBJ, à cette époque, n'avait pas les moyens d'expulser du chantier les fauteurs de troubles. Mais vous les avez trouvés par la suite?

M. Boyd: Oui, c'est cela. On n'avait pas pris les moyens à ce moment-là, parce qu'on avait fonctionné comme on fonctionnait auparavant sur les autres chantiers. Mais il a fallu prendre les moyens.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: La Société d'énergie de la Baie James a été créée par une loi qui a été présentée à l'Assemblée nationale en 1971, si ma mémoire est fidèle. La société a été créée, elle a été formée, elle a amorcé sa responsabilité sur le chantier de la Baie-James en termes de réalisations. De 1971 ou 1972 jusqu'en 1978, elle a agi en fonction d'un mandat qui lui était dévolu par une loi adoptée à l'Assemblée nationale du Québec. Vous avez été intimement associé au travail et aux réalisations éclatantes de la Société d'énergie de la Baie James, en plus de votre longue expérience à Hydro-Québec.

Le 13 juin 1978, il y a une loi qui a été adoptée ici à l'Assemblée nationale qui venait modifier la Loi sur l'Hydro-Québec et la Loi sur le développement de la région de la Baie-James. Il y a deux objectifs particuliers qui étaient définis dans cette loi. Le premier était de redéfinir les objets de la Société d'énergie de la Baie James de manière à lui confier le mandat de poursuivre, pour le compte d'Hydro-Québec, les travaux de développement du complexe La Grande et d'assumer, à la demande d'Hydro-Québec, la gérance d'autres travaux d'envergure. C'était l'un des premiers objets de la loi 41, sanctionnée le 13 juin 1978. Un deuxième objet était de majorer le nombre d'administrateurs, d'augmenter le nombre des membres du conseil d'administration de cinq à onze membres. Ma première question serait de savoir si, comme personne, vous avez été consulté par le ministre qui, à l'époque, a présenté ce projet de loi, premièrement, et aussi de voir quels ont été les motifs invoqués par le ministre du gouvernement du Parti québécois pour majorer le nombre de membres au conseil d'administration de cinq à onze.

M. Boyd: Oui, j'ai été consulté par le ministre à l'époque, à quelques reprises, au début de la préparation de ce projet de loi. Personnellement, je n'avais pas d'objection à l'augmentation du nombre de membres du conseil. J'étais d'accord avec une nouvelle structure où il y aurait un conseil, un président du conseil et un P.-D.G. Là où je cessais d'être d'accord - et on ne m'a pas consulté là-dessus, je l'ai appris par la suite - c'était d'avoir deux sociétés parallèles; une société d'énergie et une société Hydro-Québec, qui avaient les mêmes membres du conseil avec deux P.-D.G., etc. Là-dessus, je n'étais pas d'accord, mais on ne m'a pas demandé mon opinion.

M. Pagé: À votre connaissance et à la lumière de la longue et vaste expérience que vous avez, croyez-vous que la Société d'énergie de la Baie James aurait pu réaliser le mandat qui lui était confié et redéfini par la loi 41 afin d'atteindre les objectifs poursuivis par la création d'une telle société, si le nombre d'administrateurs n'avait pas été majoré de 5 à 11? (17 h 15)

M. Boyd: Vous parlez de la Société d'énergie de la Baie James?

M. Pagé: Oui.

M. Boyd: Évidemment, on peut spéculer là-dessus. C'est assez difficile à dire. Je ne pense pas que ce soit le nombre qui ait été

le facteur important. Quant à moi, mon opinion était plutôt qu'il était difficile de gérer deux sociétés en parallèle. Le nombre était une chose qui aurait pu être discutée, mais ce n'était pas le facteur important.

M. Pagé: Avec 5 membres du conseil d'administration plutôt que 11, à votre connaissance, est-ce que la Société d'énergie de la Baie James aurait été capable de réaliser ses travaux?

M. Boyd: Non. On avait géré avec 5 membres du conseil de 1972 à 1978. Donc, on aurait pu continuer. Comme chez HydroQuébec, la commission était de 5 membres et on est passé à 11 membres. Ce sont des changements de structures. Est-ce mieux l'une que l'autre? C'est une question d'opinion. Je vous ai dit que je n'avais pas d'objection à ce qu'il y ait plus de membres au conseil d'Hydro-Québec. C'est la relation entre la SEBJ et Hydro-Québec qui ne me plaisait pas. Cela a été créé. Peut-être que cela devrait être changé dans l'avenir. Mais, maintenant, je peux en parler avec plus de désintéressement. Je pense que cette relation devrait être changée dans l'avenir. On a vécu avec celle-ci et on a quand même réussi à compléter les travaux et à fonctionner. On peut s'accommoder de différentes structures, mais il y a des structures avec lesquelles on s'adonne mieux qu'avec d'autres.

M. Pagé: Donc, vous auriez pu réaliser ces objectifs avec 5 membres plutôt qu'avec 11 membres?

M. Boyd: On l'avait fait de 1972 à 1978. C'était déjà un bon bout de chemin de fait.

M. Pagé: D'accord. Au cours de cette consultation du ministre Joron, sur le projet de loi no 41, il n'a jamais été question, avec vous, du saccage de la Baie-James?

M. Boyd: Je ne me rappelle pas qu'on en ait discuté, non. L'objet de la réunion était de discuter du changement de la loi, des nouvelles structures.

M. Pagé: À plusieurs reprises, ici, soit par des questions ou par des commentaires ou par des réponses qui ont été données par les témoins qui ont comparu jusqu'ici, on s'est référé à la question "du climat social" sur le chantier et à l'obligation qu'il y avait que les travailleurs soient satisfaits, soient heureux, que les travailleurs puissent continuer à verser leur cotisation à leur syndicat et non pas au gouvernement, en termes d'indemnité à payer sur un jugement déclaré. On a donc, à certains égards, tenté de faire le lien entre l'accélération des travaux et le règlement hors cour.

Je constate, d'après votre témoignage d'aujourd'hui, que l'accélération des travaux, une fois que le chantier a été rouvert, après 51 journées de fermeture, n'est pas attribuable au règlement hors cour qui est intervenu en 1979, mais bien au changement de gérance du chantier, aux changements techniques que vous avez apportés. Vous avez même fait référence aux conditions avantageuses de la température à l'automne 1977, si je me rappelle bien. Est-ce que vous maintenez ces propos et vous confirmez que le règlement hors cour n'a pas été un élément déterminant dans l'accélération des travaux?

M. Boyd: J'aimerais apporter certaines précisions. Vous avez parlé de changement de gérance. Avant que je l'oublie, on n'a pas changé de gérance, mais on a changé de méthode de travail. On a augmenté le personnel, les procédures, etc. Cela a été décidé par la gérance, à l'automne 1976, parce qu'on était en retard pour toutes sortes de raisons, incluant celle du saccage. On a décidé d'y mettre le paquet, comme je le disais tout à l'heure, pour commencer plus tôt, en 1977, avec plus de monde, plus d'équipements, plus de campements, etc. En plus de cela, comme je vous l'ai dit, le climat était devenu favorable parce que cela faisait deux ans et demi qu'on y travaillait et la température, parlant plutôt du climat humain et social, nous a été favorable toute l'année. Je pense qu'on n'a jamais fait une aussi grosse année de placement de matériaux. Donc, ce sont les différents facteurs qu'on avait atteints en 1977 qui nous ont permis de faire entrer les unités en service beaucoup plus tôt. L'inauguration officielle a eu lieu au mois d'octobre 1979. On avait parlé au début de faire la mise en service, je pense, en février 1980. Donc, les bonnes relations, le climat social, la productivité, on les avait déjà en 1977, et, en 1978, on ne les avait pas perdus; du moins, j'ai été là président jusqu'en octobre 1978 et je n'ai pas pensé qu'on les avait perdus. On ne les a pas perdus non plus en 1979. La grève suivante qu'on a eue, c'était en 1980, ce fut celle des cuisiniers. Je ne peux pas vous dire que c'est le règlement qui a fait cela, je parle d'antérieurement. Postérieurement au règlement, il n'y a rien qui prouve qu'on a gagné quelque chose de ce côté.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. Boyd, vous qui avez été intimement associé aux grands projets de construction hydroélectrique du Québec depuis 35 ou 36 ans, vous confirmez par votre témoignage, à la suite de la question

que je viens de vous poser, que l'accélération des travaux en termes d'échéancier est causée par les résultats de décisions prises par la Société d'énergie de la Baie James après le saccage évidemment, après que la poursuite a été entreprise et déposée devant les tribunaux réclamant une somme que vous considérez justifiée, à laquelle vous vous êtes référé, de 32 000 000 $, particulièrement au cours des années 1977 et 1978, avant évidemment que le règlement hors cour soit intervenu. Vous ajoutez même à la fin: II n'a pas été prouvé que le règlement hors cour a pu accélérer la réalisation des travaux et l'atteinte des échéanciers.

Nous sommes ici pour constater des faits desquels nous tirerons des conclusions. J'ai votre témoignage, votre déclaration. Comment concilier celle-ci avec le témoignage et la déclaration de M. Laferrière, qui a été au conseil d'administration et dont l'expérience au conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James et d'Hydro-Québec et des questions hydroélectriques lorsqu'il a eu à voter pour le règlement se limitait à la période du 1er octobre à mars 1979? Nous, on veut savoir qui dit vrai, finalement. M. Laferrière nous dit: C'était essentiel, c'était primordial d'avoir un règlement pour accélérer les travaux afin qu'on puisse livrer les équipements dans les délais prévus. Il s'est même référé à un montant de 5 500 000 $ ou 5 000 000 $ en vente d'électricité par jour, que c'était cela, l'ultime objectif, et que c'était un des éléments qui avaient pesé dans la décision qu'il avait prise au moment de l'exercice de son vote. Comment pouvons-nous, comme membres, concilier ces deux prises de position, ces deux déclarations?

Le Président (M. Jolivet): Avant que vous répondiez, M. Boyd, j'aimerais rappeler quand même l'article 168 qui, par analogie toujours, vous permet de refuser de répondre ou de répondre comme vous le voudrez, en tenant compte que c'est une opinion qui vous est demandée et que vous n'êtes pas obligé d'y répondre.

M. Boyd: Je vais répondre de cette façon. Les 5 000 000 $ par jour, ce sont des ordres de grandeur de ce que la production totale peut valoir. Évidemment, quant au jugement d'un membre du conseil qui a eu cette opinion, cela a été son opinion, c'est difficile pour moi de la critiquer. Je vous donne la mienne, lui, il a la sienne.

M. Pagé: Dois-je comprendre que les 5 000 000 $ de ventes, le montant qui constitue le produit de la vente d'électricité émanant de la Baie-James, c'est le résultat des décisions prises par la Société d'énergie de la Baie James au lendemain du saccage, des décisions prises à l'égard de la gérance, du nombre d'employés, en 1976, 1977 et 1978 et que ces 5 000 000 $ de revenus ne sont pas dus au règlement hors cour qui, lui, est intervenu en janvier 1979 seulement?

M. Boyd: Je vous ai dit tout à l'heure que les premières unités sont entrées en service en fin d'été 1979, qu'on a fait l'inauguration en octobre 1979, plusieurs mois avant la date qui avait été prévue et que c'était le résultat de décisions prises à l'automne 1975 et à l'hiver 1976, qui s'étaient concrétisées par des travaux en 1977 et 1978. Donc, si on a eu les unités plus tôt, c'est à cause de cela. Ce qui est arrivé par la suite, c'est autre chose.

M. Pagé: Devons-nous comprendre que, à toutes fins utiles, lorsque le règlement hors cour est intervenu en mars 1979 - les papiers furent signés en mars 1979 - les travaux étaient pratiquement complétés?

M. Boyd: Ils étaient fort avancés à LG 2. La centrale était... Mais il restait les autres chantiers: LG 3, LG 4. Ils étaient commencés mais beaucoup moins avancés.

Le Président (M. Jolivet): Une autre question, M. le député?

M. Pagé: Oui. C'est une question qui peut apparaître un peu délicate mais j'ai besoin de la réponse pour que les membres de cette commission soient vraiment informés et pour qu'on puisse avoir le meilleur des constats finalement, sur tout ce qui a tourné autour de ce règlement.

La loi a été adoptée en juin 1978, sanctionnéee le 13 juin 1978. Le nouveau conseil d'administration entre en fonction le 1er octobre 1978, cinq mois avant le règlement. Le conseil d'administration est majoré de cinq à onze membres. Le conseil d'administration a un nouveau P.-D.G. en la personne de M. Laliberté. Il arrive d'autres personnes: Mme Forget, M. Laferrière, M. Roquet, M. Thibaudeau. Je présume que vous avez eu des rencontres préalables, tout au moins une première séance; si ma mémoire est fidèle, selon les notes, c'est en novembre, la première séance du conseil avec la nouvelle composition. Je présume que, lorsqu'une nouvelle personne vient siéger avec nous, on s'enquiert, peut-être pas officiellement, mais dans les conversations, de la formation, de la provenance de la personne qui a été ainsi désignée. Je ne fais que présumer évidemment.

Saviez-vous que M. Pierre Laferrière, avant le début des travaux de cette commission, avait rencontré, le 3 novembre 1978, le notaire Yves Gauthier, ex-tuteur du local 791, poursuivi dans la réclamation, alors que M. Yves Gauthier venait de passer

de la tutelle du local 791 comme à un poste d'attaché politique au cabinet du premier ministre?

M. Boyd: Non, je n'étais pas au courant.

M. Pagé: Saviez-vous que M. Thibaudeau qui, en 1978, au moment de sa nomination, arrivait des Hautes études commerciales, avait été arbitre de griefs, etc., et avait déjà été vice-président de la FTQ?

M. Boyd: Oui, je le savais, parce que je connaissais M. Thibaudeau depuis de nombreuses années, ayant eu affaire à lui de l'autre côté, à titre de représentant de nos employés syndiqués. (17 h 30)

M. Pagé: On a souventefois fait référence ici au rôle des avocats, qu'on aura l'occasion d'interroger dans les jours qui viendront. Est-ce que vous saviez que Me Rosaire Beaulé, avocat des syndicats américains, était l'ex-associé de M. Boivin, le chef de cabinet du premier ministre?

M. Boyd: Je ne le savais pas.

M. Pagé: Est-ce que vous saviez que Me Jasmin, avocat de la FTQ, était intimement lié ou ami du premier ministre, en ce qu'il avait été avocat-conseil ou organisateur dans ses élections?

M. Boyd: Je ne le savais pas.

M. Pagé: Si on revient à la réunion du 1er février 1979, réunion qui n'a peut-être pas été déterminante, dépendamment... cela on aura à le juger à la fin. Certains disent qu'elle a été importante; d'ailleurs des membres du conseil d'administration ont indiqué qu'ils entendaient tenir compte de l'avis du premier ministre, d'autres qu'ils y allaient sans aucune volonté de tenir compte de son avis. Mais il ressort qu'on a souventefois, à juste titre, référé à cette réunion du 1er février 1979. Vous avez indiqué qu'elle avait été brève; que vous étiez trois personnes déléguées par le conseil, les trois permanents, termes que vous avez utilisés. Quelles étaient les autres personnes qui assistaient à cette rencontre?

M. Boyd: En plus du premier ministre, il y avait M. Boivin.

M. Pagé: M. Boivin et M. Lévesque? M. Boyd: C'est cela. M. Pagé: Qui présidait la réunion? M. Boyd: Pardon?

M. Pagé: Qui présidait la rencontre?

M. Boyd: Je ne pense pas qu'il y ait eu de président. On s'est assis comme cela et on a jasé.

M. Pagé: Qui avait l'initiative du débat, le premier ministre ou M. Boivin?

M. Boyd: Je pense qu'ils se sont partagé la tâche.

M. Pagé: Vous avez dit tout à l'heure que, probablement, vous aviez référé, lors de cette rencontre, à l'objet de cette réclamation, au montant réclamé, et que les travailleurs paieraient ou que ce seraient les Québécois qui paieraient.

M. Boyd: Peut-être pas dans ce sens. Mais mon point de vue est qu'on ne devait pas faire payer les dommages par les utilisateurs d'électricité, que ça devait être ceux qui étaient responsables, et qu'on avait une bonne cause. C'étaient mes arguments.

M. Pagé: Lorsque vous avez invoqué le fait que les utilisateurs de l'électricité, tout ce que nous en sommes, les Québécois et les Québécoises, ne devraient pas payer le prix du saccage à la suite d'un règlement, quels ont été les commentaires de M. Boivin?

M. Boyd: Je ne sais pas qui a fait des commentaires. Je pense que la réaction est venue assez rapidement de la part du premier ministre, celle qui a été mentionnée à plusieurs reprises. Devant cela, j'ai cessé de discuter parce que, en somme, c'était une indication qu'il n'y avait pas sujet à discussion.

M. Pagé: Alors, pas de discussion. M. le premier ministre vous formule un voeu, à savoir que vous allez régler, le tout religieusement soumis. A-t-il ajouté autre chose?

M. Boyd: Pardon?

M. Pagé: On sait qu'il a circulé depuis le congé pascal que le premier ministre avait fermement et clairement énoncé son intention comme chef du gouvernement que vous deviez régler, avec beaucoup d'insistance et le tout religieusement soumis. Est-ce qu'il a ajouté autre chose que ce qui est su et connu du public?

M. Boyd: Non, je ne pense pas. M. Pagé: M. Bovin? M. Boyd: Pas que je me rappelle. M. Pagé: Merci, M. Boyd.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: On va enchaîner sur des connaissances, M. Boyd. Êtes-vous au courant que M. René Mantha, qui était un des défendeurs, était un organisateur politique du Parti libéral aux élections de 1976, suivant ce qui a été établi devant la commission Cliche?

M. Boyd: Non.

M. Lalonde: ...établir comme cela, parce qu'en 1976 c'était après la commission Cliche.

M. Duhaime: En 1973, pardon. M. Lalonde: Ah bon!

M. Duhaime: M. Boyd, étiez-vous au courant qu'en termes de connaissances, André, Dédé Desjardins, le roi de la construction, était très actif pour le compte du Parti libéral pendant les élections et, entre autres, sur la Côte-Nord?

M. Boyd: J'en ai entendu parler dans les médias, c'est tout. Je ne le savais pas.

M. Duhaime: Bon.

M. Boyd: Je ne peux pas dire que je le savais.

M. Duhaime: Je ne vous blâme pas de ne pas le connaître, soyez sans inquiétude. Il faudrait peut-être revenir plus sérieusement à une partie de ce que vous avez dit tout à l'heure, en répondant à des questions de mon collègue de Chambly, pour ce qui est de la responsabilité civile des syndicats et de la responsabilité des travailleurs. Je voudrais qu'on se comprenne bien. Vous étiez d'avis qu'on maintienne les poursuites, qu'on obtienne un jugement contre les syndicats québécois et, si possible, contre le syndicat américain.

M. Boyd: D'accord.

M. Duhaime: On est d'accord là-dessus. Vous avez dit tout à l'heure - je voudrais être bien certain de cela - que les travailleurs devaient être tenus responsables des actes de leur syndicat. Est-ce que je vous ai bien saisi ou si vous voulez qualifier votre réponse, pour ce qui est de la responsabilité civile qui découlerait des dommages à la suite du saccage de 1974? Est-ce que vous pensez que c'est la seule responsabilité de quelques-uns - ce que la commission Cliche a appelé les caïds et les mécréants - ou si, de votre point de vue, la responsabilité civile doit aller jusqu'à la base, c'est-à-dire jusqu'aux membres mêmes et aux simples travailleurs?

M. Boyd: C'est une démocratie. Les gens qui sont membres d'un syndicat, à mon avis, devraient, aussi bien que dans n'importe quel autre groupement, être responsables de ce qui se passe dans leur syndicat. Peut-être que cela ne se fait pas suffisamment. Vous me demandez mon opinion, je dis qu'ils devraient et, s'ils le faisaient, peut-être qu'on aurait moins de ces troubles.

M. Duhaime: Je voudrais vous lire un paragraphe ou deux du rapport de la commission Cliche, à la page 68.

M. Boyd: Oui.

M. Duhaime: Si vous voulez me suivre, on commencera à l'avant dernier paragraphe, au bas de la page. Le rapport de la commission Cliche a été transmis à l'honorable Robert Bourassa le 2 mai 1975. C'est signé par MM. Robert Cliche, Brian Mulroney et Guy Chevrette. Je lis à la page 68: "Les commissaires ont acquis la conviction que les travailleurs ordinaires n'encourent pas la responsabilité de ce qui est arrivé. Il ne s'agit aucunement d'une réaction de masse, mais bien d'une opération montée par un noyau de mécréants, dirigés par Duhamel, pour montrer, une fois pour toutes, qui était le maître à la Baie-James. L'impression nette que nous tirons de l'interrogatoire des témoins du saccage est que les travailleurs ont été de simples spectateurs et même des victimes des actes insensés posés par un Duhamel en délire. C'est à ce genre de catastrophe que devait fatalement aboutir l'irresponsabilité des aventuriers sans scrupule qui avaient fait main basse sur le contrôle des principaux locaux de la FTQ Construction".

Si je comprends bien, cela veut tout simplement dire que, de l'avis de la commission Cliche en tout cas et des trois commissaires qui ont déposé le rapport, ils en sont venus à la conclusion que les travailleurs avaient davantage été des spectateurs plutôt que vraiment les responsables de ce qui s'était produit. Est-ce que vous partagez ce point de vue des commissaires de la commission Cliche?

M. Boyd: II y a quand même une distinction à faire. Sur les chantiers, c'est vrai que c'est Duhamel qui a réuni les troupes, qui les a chauffées à blanc. Il a été suivi par un certain nombre d'entre eux, pas par tous et peut-être pas par la majorité, mais plutôt par la minorité, je suis d'accord avec cela. Cela, c'est sur l'acte même. Je suis d'accord avec ce qui est dit.

Quant au principe, à savoir que si un syndicat est déclaré responsable et qu'il y a

des sommes à payer, le syndicat les paie mais je pense que les syndiqués doivent prendre les choses en main et voir à ce que cela ne se reproduise plus. Les chefs syndicaux doivent empêcher que cela ne se produise plus. C'est ma philosophie. Ce n'est peut-être pas celle de tout le monde, mais c'est la mienne. Je pense bien, que si on l'adoptait, il y aurait beaucoup moins de troubles.

M. Duhaime: Je peux vous dire, M. Boyd, pour vous rassurer, que je partage entièrement votre point de vue là-dessus avec la distinction importante, il me semble, que vous venez de faire.

On pourrait peut-être maintenant revenir sur une autre partie de ce que vous nous avez dit. Je voudrais seulement comprendre bien clairement, non pas mettre en doute, parce que je respecte votre point de vue, vous le savez très bien, mais je voudrais être bien sûr de comprendre votre raisonnement. Vous vouliez obtenir un jugement contre les syndicats.

M. Boyd: D'accord.

M. Duhaime: Que ce soit un montant de 10 000 000 $, 15 000 000 $, 20 000 000 $ ou 32 000 000 $, sur le plan du principe, vous vouliez obtenir un jugement.

M. Boyd: D'accord.

M. Duhaime: Nous sommes en 1979, le 15 janvier. Le procès en première instance en Cour supérieure à Montréal vient de débuter, votre conseil d'administration avait préalablement voté une avance de 500 000 $ pour la poursuite de cette instance. Tous ceux qui ont témoigné ici jusqu'ici m'ont convaincu que ce serait un long procès, qui pourrait prendre plusieurs semaines sinon plusieurs mois. Est-ce que vous partagez ce point de vue que c'était un procès qui s'annonçait long?

M. Boyd: Oui, cela aurait pu être long.

M. Duhaime: Ce dossier était également un dossier qui aurait pu être porté en Cour d'appel du Québec par l'une ou l'autre des parties.

M. Boyd: D'accord.

M. Duhaime: Ce dossier aurait pu aussi être porté en Cour suprême du Canada par l'une ou l'autre des parties.

M. Boyd: D'accord.

M. Duhaime: Si, par hypothèse, la cour en première instance avait retenu ou non la responsabilité civile de l'union américaine -on va se mettre d'accord vite - il aurait fallu, après un jugement final de la Cour suprême du Canada, recommencer les procédures en exemplification en première instance, en Cour d'appel pour peut-être même aboutir en Cour suprême aux États-Unis.

M. Boyd: Oui, si on avait voulu aller jusque-là. À chaque étape, évidemment, on est toujours libre d'arrêter.

M. Duhaime: On est parfaitement d'accord. Mais ce scénario que j'évoque aurait très certainement entraîné plusieurs centaines de milliers de dollars sinon quelques millions de frais.

M. Boyd: Cela aurait pu être coûteux, même très coûteux. Il y a des principes pour moi qui valent la peine qu'on y mette le prix.

M. Duhaime: Je suis parfaitement d'accord.

M. Boyd: On était au début d'un chantier qui était estimé à quinze ou seize milliards.

M. Duhaime: J'avance le chiffre de quelques millions puisqu'il a fallu une avance de 500 000 $; donc, c'est un demi-million avant même le premier jour du procès en première instance au Québec, pour 1979.

M. Paradis: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre a corrigé en disant que c'était pour l'année 1979.

M. Duhaime: Maintenant ma question, M. Boyd. Je vous rejoins et je comprends parfaitement votre position sur le plan du principe. Un tribunal au Québec, encore mieux la Cour suprême du Canada, rend un jugement tenant responsable un, deux ou trois syndicats et condamne effectivement les syndicats à payer X millions de dollars à la SEBJ à la suite du saccage. Je ne parle pas du syndicat américain pour l'instant. Comment, d'après vous, ce jugement aurait-il pu être payé?

M. Boyd: Je ne sais pas. À ce moment, il aurait toujours été possible de voir quelle solution apporter au problème. Je disais plus tôt qu'il faudrait d'abord passer, à mon avis, le premier pont et ensuite voir ce que l'on ferait avec le deuxième.

M. Duhaime: Est-ce qu'il n'y avait pas des risques, M. Boyd, que ce jugement,

même un jugement obtenu par le dernier tribunal canadien, reste sans suite, dans le sens qu'il n'aurait pas pu être exécuté? Supposons 10 000 000 $, par exemple.

M. Boyd: Pardon?

M. Duhaime: Supposons un jugement qui condamne trois syndicats du Québec à payer 10 000 000 $. Comment, d'après vous, ce jugement aurait-il pu être exécuté contre les syndicats, à moins d'aller contre les cotisations syndicales des travailleurs de 1981, 1982, 1983, 1984, 1985, selon la date du jugement final?

M. Boyd: Premièrement, je ne sais pas s'ils n'auraient pas été capables de payer. Deuxièmement, s'ils n'avaient pas été capables de payer, je pense qu'à ce moment-là on aurait eu une arme pour négocier avec eux.

M. Duhaime: C'est donc ce que vous recherchiez, d'abord et avant tout, une arme pour pouvoir négocier?

M. Boyd: Eh bien, les syndicats recherchent toujours des armes. Il faudrait peut-être que les patrons en aient quelquefois aussi. (17 h 45)

M. Duhaime: Je vous remercie, M. Boyd.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le député de Laporte.

Le Président (M. Jolivet): Oui, le député de Laporte? D'accord, M. le député de Laporte. Allez, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Ce ne sera pas long. Cela va être très court, M. le Président.

M. Boyd, lors de la rencontre du 1er février dans le bureau du premier ministre, vous nous avez dit que le chef de cabinet du premier ministre, M. Boivin, était présent et qu'il a pris la parole, je crois, aussi. Est-ce que vous avez dit cela?

M. Boyd: Les deux ont parlé, oui.

M. Bourbeau: Les deux ont parlé. Vous souvenez-vous en quels termes M. Boivin a parlé?

M. Boyd: Franchement, je n'ai pas séparé l'un de l'autre. C'était une conversation entre eux deux et nous. Je ne peux pas vous dire qui a dit quoi.

M. Bourbeau: Dans le cas de M. Boivin, était-ce également dans le sens d'un fort souhait de régler la cause?

M. Boyd: Oui. En fait, maintenant que je sais qu'il avait eu des rencontres avec les avocats, c'était surtout du côté juridique que son témoignage, ou sa discussion, je devrais dire, portait.

M. Bourbeau: Je crois que tout à l'heure, à une question de mon collègue, le député de Portneuf, vous avez dit que vous n'étiez pas au courant que M. Boivin avait été l'associé de Me Rosaire Beaulé, le procureur des syndicats américains?

M. Boyd: Je ne le savais pas, non.

M. Bourbeau: Vous ne le saviez pas? Quant à Me Yves Gauthier, qui est l'un des adjoints du premier ministre, est-ce que vous saviez qu'il avait été le tuteur du local 791 de la FTQ et qu'il venait d'entrer au bureau du premier ministre?

M. Boyd: Je ne le savais pas. J'avais sans doute entendu dire, dans le temps, que telle ou telle personne avait été nommée comme tuteur, c'était public. Mais, pour moi, cela ne voulait rien dire dans le sens que vous dites.

M. Bourbeau: Étant donné que les avocats dans la cause, l'avocat de l'un de vos principaux défendeurs, le syndicat américain, était un ex-associé du conseiller du premier ministre, que Me Michel Jasmin, l'avocat d'une autre des parties, avait été également très près du premier ministre, est-ce que vous ne trouvez pas, en rétrospective, que cela était assez inconfortable d'avoir à négocier avec des défendeurs qui avaient de si bons contacts au bureau du premier ministre?

M. Boyd: Je n'étais pas l'un de ceux qui négociaient. Je ne sais pas dans quelle position, dans quels souliers ils se trouvaient. Franchement. Je ne peux pas répondre à votre question.

M. Bourbeau: M. Boyd, pourquoi les offres des syndicats étaient-elles si basses, si peu élevées?

M. Boyd: Pardon?

M. Bourbeau: Pourquoi les offres des syndicats étaient-elles si peu élevées?

M. Boyd: La réponse qu'on nous a donnée est qu'ils n'avaient pas les moyens de payer davantage.

M. Bourbeau: Le fait que les syndicats savaient que le bureau du premier ministre poussait très fort pour un règlement, pensez-

vous que cela a contribué à garder les offres si peu élevées?

M. Boyd: Maintenant qu'on en parle, à ce moment-ci, j'imagine que cela devait leur donner du vent dans les voiles. C'est tout ce que je peux supposer.

M. Bourbeau: Les négociations qui ont eu lieu entre la SEBJ et les syndicats, estimez-vous qu'elles ont été des négociations normales?

M. Boyd: Qu'est-ce qu'une négociation normale? Qu'est-ce qu'une négociation anormale? Je ne sais pas. Ils étaient mandatés pour négocier, lorsqu'ils l'ont été; et je suppose qu'ils ont fait leur devoir.

Quant à moi, les résultats n'ont pas été assez bons.

M. Bourbeau: Ce que je veux dire, c'est que vous avez sûrement, au cours de votre carrière, eu des cas où vous avez dû négocier avec des défendeurs ou des entrepreneurs, pour des réclamations et des choses semblables. Dans les négociations qui ont eu lieu, est-ce que la demanderesse, soit la SEBJ quand elle négociait, a déjà communiqué aux défendeurs, aux syndicats une demande de contre-proposition? Est-ce qu'elle a fait une contre-proposition sur les offres originales?

M. Boyd: Je ne saisis pas très bien le sens de votre question.

M. Bourbeau: Au tout début, la première offre qui est arrivée est celle des 50 000 $ qui provenait des syndicats. À la suite de la réception de cette offre, est-ce que votre société, la SEBJ, a fait une contre-proposition de façon à faire l'équilibre, pour négocier?

M. Boyd: Autant que je me rappelle, les offres venaient du syndicat. C'est ce que j'ai compris que nous, nous n'avons pas fait d'offre ou de contre-offre. C'est ce que j'ai compris.

M. Bourbeau: Pourquoi n'avez-vous pas fait de contre-proposition?

M. Boyd: Js ne sais pas. Il faudrait le demander à ceux qui ont négocié.

M. Bourbeau: Est-ce que cela vous semble normal?

M. Boyd: Si c'est "votre normal"? Habituellement, dans des négociations - en général, du moins - il y a offre et contre-offre, jusqu'à ce qu'on s'entende, si on peut s'entendre. Mais ce n'est pas toujours le cas.

M. Bourbeau: Le fait que les offres partaient de la base et montaient, ne partaient pas d'en haut pour descendre, est-ce courant? Avez-vous vu cela souvent dans votre carrière de négociateur?

M. Boyd: Des négociations comme celles-là, je n'en ai jamais eue. Donc, je ne peux pas en parler d'expérience. Les miennes étaient des négociations d'ingénieurs ou d'administrateurs où on négociait un contrat, comme celui d'Impreglio, où il était question d'ajouter 20 000 000 $. Eux en voulaient peut-être 40 000 000 $ et, finalement, on a réglé à 20 000 000 $. Ce sont les sortes de négociations auxquelles je suis habitué ou j'étais habitué.

M. Bourbeau: C'est justement de cela dont je voulais parler. Vous me dites que, dans vos expériences, la partie qui veut avoir quelque chose demande plus ou essaie d'avoir plus et l'autre offre moins. Finalement, on finit par se rencontrer à mi-chemin. Dans ce cas-ci, pourquoi cela ne s'est pas produit?

M. Boyd: Je ne sais pas.

M. Bourbeau: Avez-vous déjà tenté de le savoir, au moment où on vous apportait ces offres sur la table?

M. Boyd: Tout ce dont je me rappelle des commentaires que j'ai faits personnellement et que d'autres aussi ont faits, c'est ceci: Pourquoi ne peut-on pas aller en chercher davantage, etc.? La réponse, c'est qu'il n'y a pas moyen.

M. Bourbeau: Qui indiquait qu'il n'y avait pas moyen?

M. Boyd: Ceux qui négociaient. M. Bourbeau: Vous voulez dire...

M. Boyd: Ceux qui négociaient pour nous, les procureurs qui étaient mandatés.

M. Bourbeau: Est-ce qu'ils justifiaient pourquoi il n'y avait pas moyen?

M. Boyd: Le syndicat n'avait pas l'argent, c'était la réponse des syndicats, ils n'avaient pas l'argent pour en mettre davantage.

M. Bourbeau: Qu'ils n'avaient pas d'argent ou ne voulaient pas?

M. Boyd: J'ai compris que la réponse était qu'ils n'avaient pas les moyens.

M. Bourbeau: Vous, vous n'étiez pas de cet avis, évidemment.

M. Boyd: Je n'étais pas convaincu.

M. Bourbeau: Je vous remercie, M. Boyd.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Merci, M. le Président. M. Boyd, on constate, à la lecture des comptes rendus des débats de cette commission, que dans le témoignage de M. Laliberté, donné plus tôt au cours des auditions, celui-ci a mentionné que les dommages directs causés sur le chantier par le saccage s'étaient élevés à 1 300 000 $. Évidemment, c'est une partie des 31 000 000 $ que vous avez mentionnés, parce que vous estimez qu'il y a des dommages induits en plus des dommages directs, mais, quant aux dommages directs qui ont été causés sur le chantier, on nous a cité le chiffre de 1 300 000 $.

On constate une chose: étant donné que les syndicats ont payé 200 000 $, les assurances ont comblé la différence et ont payé 1 100 000 $, ce qui fait que les dommages physiques et les pertes matérielles qui ont été causés sur le chantier ont été, à toutes fins utiles, remboursés à la SEBJ à 100%. Dans l'hypothèse d'une négociation, si les syndicats s'étaient rendus à 600 000 $, 700 000 $, 800 000 $, 900 000 $ et 1 000 000 $, est-ce qu'on ne peut pas dire que c'est tout simplement l'assurance qui aurait payé moins, étant donné qu'elle a comblé la différence entre ce que les syndicats ont payé et les dommages physiques et les pertes matérielles qui ont été causés sur le chantier?

M. Boyd: Premièrement, les assurances avaient déjà payé, c'était déjà fait. On les avait en poche, les 1 100 000 $, alors on ne peut pas les remettre sur la table. Je peux difficilement suivre votre raisonnement parce que les autres dommages étaient des dommages réels.

M. Rodrigue: Là, vous parlez des dommages induits.

M. Boyd: Pardon?

M. Rodrigue: Ce qu'on peut qualifier de dommages induits, ce sont d'autres dommages. Ici, on...

M. Boyd: Les dommages pour lesquels il a fallu sortir des sommes d'argent. Donc, en ce qui me concerne, comme président, celui qui est obligé d'aller à Hydro-Québec chercher des sommes d'argent et HydroQuébec, d'aller devant les clients chercher des sommes d'argent, c'était de l'argent -l'important - qui ne m'appartenait pas, dont j'étais responsable et les autres montants, dans cette liste de 31 000 000 $, n'étaient pas couverts.

M. Rodrigue: À quel moment l'assurance avait-elle déboursé le montant de 1 100 000 $?

M. Boyd: Je n'ai pas la date, mais c'était peut-être en 1975. C'est cela, au mois d'août 1975. 1 132 000 $.

M. Rodrigue: Dans les conversations que vous avez eues à ce moment, lorsque vous avez eu à discuter de l'ordre de grandeur des chiffres de la réclamation et surtout de l'offre de règlement qui était faite par les syndicats, est-ce que le fait que, compte tenu de ce qu'avaient payé les assurances et compte tenu de ce qu'offraient les syndicats, c'était un facteur qui avait été évoqué par des membres du conseil d'administration, cela permettait de rembourser les dommages physiques et les pertes matérielles qui avaient été subis sur le chantier? Évidemment, je suis conscient qu'il y a les autres dommages auxquels vous avez fait référence qui sont des dommages induits et sur lesquels on pourra peut-être discuter un peu plus longtemps si le temps nous le permet par la suite.

M. Boyd: Oui, au moment d'entreprendre la poursuite, tous les membres du conseil savaient qu'on avait reçu 1 132 000 $ et que les dommages physiques s'élevaient à 1 300 000 $. C'était connu. Mais tous les autres dommages étaient connus aussi. Les 21 000 000 $ avec Impreglio, cela n'a pas pris de temps qu'ils sont allés s'engager là-dedans. Dans les mois qui ont suivi, un mois, deux mois, parce qu'il n'y avait pas de temps à perdre, cette somme, on l'a passée au conseil et elle a été autorisée. Les réclamations avec les bureaux d'ingénieurs ou avec les entrepreneurs ont pris un peu plus de temps. On a étiré, négocié...

M. Rodrigue: Maintenant, sur la possibilité de faire exécuter le jugement, lorsque le ministre vous a interrogé tout à l'heure, vous avez répondu que cela vous aurait placé dans une position pour négocier, qu'il y avait là une question de principe et qu'il fallait que les syndicats reconnaissent leur responsabilité. Alors, effectivement, par le règlement hors cour, les syndicats ont reconnu leur responsabilité, ce qui réglait la question de principe.

Maintenant, sur la question...

Des voix: Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je m'excuse. J'en ai cinq qui demandent... M. le député...

M. Rodrigue: II semble qu'il se fait tard, M. le Président. Il y en a qui s'agitent de l'autre côté.

Le Président (M. Jolivet): M. le député. M. le député. S'il vous plaît! C'est parce que j'ai une question de règlement. Je suis obligé de l'entendre.

M. Rodrigue: Vous avez une question de règlement?

Le Président (M. Jolivet): Sauf que j'en ai quatre qui me le demandent en même temps. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je ne voudrais pas que le député induise la commission en erreur en disant que les syndicats avaient reconnu leur responsabilité. Je pense que M. Boyd a précisé au début, à la suite des questions qui lui ont été posées - je pense que c'est moi qui lui ai posé les questions - que certains syndicats avaient reconnu leur responsabilité, mais que d'autres...

M. Rodrigue: Non, ce n'est pas la question.

M. Ciaccia: ...n'avaient pas reconnu leur responsabilité. Alors, je pense qu'il faudrait préciser cela.

M. Rodrigue: Ce n'est pas une question de règlement.

M. Ciaccia: Lisez votre dossier.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Seulement un instant, j'aurais besoin d'une vérification. M. le ministre avait un document à remettre avant 18 heures; je pourrais lui permettre de le faire distribuer parce que c'est une demande qui était venue de M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Nous pourrions suspendre jusqu'à 20 heures. Je demanderais au ministre de distribuer le document.

M. Lalonde: M. le Président, avant de suspendre, j'aurais une demande à faire. J'avais exprimé le désir que M. Maurice Pouliot soit convoqué. Je pense que le secrétariat des commissions a communiqué avec lui. Peut-on savoir quand M. Pouliot sera entendu?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais faire une vérification. Je pourrais informer le député de Marguerite-Bourgeoys dès 20 heures...

M. Lalonde: Après le...

M. Duhaime: Si vous me le permettez, M. le Président, ce matin je m'étais engagé à faire faire une vérification et à déposer une copie certifiée conforme d'un extrait du procès-verbal de la séance de la Commission hydroélectrique de Québec tenue à Montréal le lundi 15 novembre 1976. Je voudrais déposer, ou mettre à la disposition des membres de la commission, une lettre de M. Jean Bernier, datée du 19 avril 1983 - je n'ai pas l'original parce que les bélinos ne sont pas encore assez avancés sur le plan de la technologie pour nous les transmettre -qui atteste que M. Roland Giroux était président et au fauteuil le 15 novembre 1976, qu'étaient présents M. Boyd, vice-président, M. Georges Gauvreau, commissaire, M. Paul Dozois, commissaire, M. Guy Monty, commissaire, M. A. Demers, secrétaire, et que le document que j'ai déposé ce matin sous le no AC-1269-76 et reproduit intégralement ici comme fait partie intégrante du procès-verbal de la 1870e séance de la commission hydroélectrique tenue à son siège social, le 15 novembre 1976, sous la signature de Me Jean Bernier.

Le Président (M. Jolivet): Le document vous sera distribué. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 01)

(Reprise de la séance à 20 h 13)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend donc ses travaux. Nous en étions avec M. Robert Boyd et la parole était au député de Vimont. M. le député.

M. Rodrigue: Merci, M. le Président. M. Boyd, lorsque nous avons suspendu à 18 heures, effectivement, j'étais en train de vous interroger sur l'élément suivant. Vous avez mentionné - je pense que c'était en réponse au député de Bourassa - qu'il y avait un élément de principe important dans la décision que vous avez prise de voter contre le règlement qui est intervenu entre la Société d'énergie de la Baie James et certains syndicats. Effectivement, il y avait deux syndicats sur cinq, je pense, qui avaient reconnu dans l'entente leur responsabilité civile, les autres disant qu'ils ne se sentaient pas engagés par l'action ou, du moins, qu'ils ne se sentaient pas responsables de l'action qui avait été faite sur le chantier, mais que, par ailleurs, ils acceptaient de participer au dédommagement dans une optique de règlement global de toute cette question.

Dans les dommages qui ont été réclamés - on retrouve cela à la page 54 du

document qui nous a été transmis - on constate que la plus grosse somme était celle du contrat d'Impreglio et Spino qui a été majorée de 21 000 000 $ pour tenir compte de modifications dans les travaux à être effectués. Si j'ai bien compris ce que vous avez répondu au député de Bourassa un peu plus tôt dans la journée, la somme de 21 313 875 $ qui est indiquée ici ne représente pas seulement des travaux qui ont dû être exécutés en plus à cause du saccage sur le chantier, mais il me semble que vous avez mentionné qu'il y avait un certain nombre d'autres ajustements aussi qui avaient dû être faits au contrat d'Impreglio et Spino et que c'était inclus dans les 21 000 000 $. Est-ce que je vous ai bien compris là-dessus?

M. Boyd: Non, je regrette, mais ce n'est pas cela que j'ai dit.

M. Rodrigue: Pourriez-vous préciser, s'il vous plaît?

M. Boyd: Les 21 000 000 $ étaient pour reprendre le temps perdu; ce n'était pas pour corriger d'autres facteurs. Avec le saccage, on était presque un an en retard et il s'agissait de changer nos méthodes de travail et pour la dérivation, au lieu d'attendre en novembre 1974, de voir à quel moment on pourrait la faire. On a décidé qu'elle pourrait être faite immédiatement après la crue du printemps de 1975. Mais, pour faire cela, il fallait engager des dépenses, faire des travaux supplémentaires, comme ériger un batardeau plus haut qui empêcherait les crues du printemps de passer par-dessus les travaux du barrage qui serait en bas. Ces différents travaux amenaient des coûts additionnels de même que le décalage dans le temps et l'équipement additionnel, c'est tout cela, ce qui coûtait 21 000 000 $.

M. Rodrigue: C'est à la suite de cela qu'est intervenue, je pense, à la société d'énergie la révision de l'échéancier des travaux et également d'un certain nombre de méthodes de travail. Il me semble que c'est à la suite de cela, étant donné le retard subi et le fait que vous vouliez le rattraper. Ce serait à ce moment qu'est intervenue cette révision de l'échéancier, si je comprends bien.

M. Boyd: Oui. Pour les travaux de LG 2, on a révisé l'échéancier à ce moment. Comme je vous le dis, la chose principale qu'il fallait faire à ce moment, c'était la dérivation de la rivière et c'était un gros facteur.

M. Rodrigue: Maintenant, dans les travaux additionnels que vous avez mentionnés plus tôt dans la journée, vous nous avez indiqué effectivement ce que vous venez de répéter: que le batardeau en amont était plus gros et que vous avez dû mettre des quantités additionnelles sur le batardeau en amont. Est-ce que c'est le batardeau en amont qui est intégré au barrage principal?

M. Boyd: Oui, maintenant, il fait partie du barrage principal. Dans le temps, on l'a fait pour être capable de gagner du temps et de faire la fermeture de la rivière à la fin de juin avec un débit qui atteignait 120 000 pieds cubes/seconde.

M. Rodrigue: II fallait que le batardeau soit plus haut à ce moment-là que ce qui était prévu initialement.

M. Boyd: Pour être capable de prendre la crue du printemps.

M. Rodrigue: Étant donné que ce batardeau, éventuellement, de toute façon, il était prévu de l'intégrer au barrage principal, les quantités que vous avez mises en plus à ce moment sur le batardeau en amont, ce sont des quantités de matériaux que vous n'avez pas été obligés de mettre plus tard quand vous avez complété le barrage principal.

M. Boyd: Évidemment, on en aurait mis moins. Cela changeait tout le concept de la construction. Si on n'avait pas eu le saccage, on aurait fait la fermeture plus tôt; donc, pas besoin de ces travaux. Le barrage n'aurait pas eu cette quantité de matériaux.

M. Rodrigue: Ici, j'ai une coupe du barrage devant moi et j'examine le batardeau en amont, c'est-à-dire là où est le réservoir, qui constitue, à toutes fins utiles, la base du barrage principal; de sorte que je suis porté à croire de prime abord - peut-être que ce n'est pas exact - en examinant le barrage qu'une bonne partie des matériaux que vous avez dû mettre en plus sont des matériaux que vous auriez dû installer de toute façon pour compléter le barrage principal. Je remarque que cela déborde un tout petit peu sur la ligne de pente en amont; quand même on peut constater qu'il y a une bonne quantité de ces matériaux qui auraient dû être mis en place de toute façon. Est-ce que vous avez la coupe du barrage devant vous? Effectivement, on constate que tous les matériaux...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, s'il vous plaît!

M. Rodrigue: ...qui ont été mis en place pour le batardeau en amont sont intégrés dans le barrage principal, une fois celui-ci terminé. Est-ce qu'à ce moment on ne peut pas parler davantage de devancement de travaux, qui auraient été réalisés peut-

être une année, deux années ou trois années plus tard, que d'une quantité additionnelle importante de matériaux qu'on a dû mettre en place? C'est l'impression que cela me donne, mais peut-être qu'elle est erronée.

M. Boyd: Évidemment, ce que vous m'avez montré rapidement, ce n'étaient pas les dessins détaillés des travaux, mais cela a été intégré parce qu'une fois bâti, on l'a intégré. Cependant, cela dépassait les quantités qui, normalement, auraient été installées.

M. Rodrigue: Est-ce que vous avez une idée de l'ordre de grandeur du dépassement des quantités, à ce moment-là?

M. Boyd: Non, je n'ai pas cela, non.

M. Rodrigue: Un dernier point, M. Boyd, sur la possibilité de faire exécuter un jugement qui aurait été rendu par des tribunaux, à supposer que la cause se serait poursuivie devant les tribunaux et que, une fois toutes les instances passées, il y aurait eu un jugement favorable à la poursuite de la SEBJ, et que les syndicats auraient été condamnés. Prenons l'hypothèse que la condamnation aurait été de 10 000 000 $; de quelle façon un tel jugement aurait-il pu être exécuté? D'abord, il se serait écoulé cinq, six, sept, huit ans avant que la Cour suprême tranche, si cela s'était rendu jusque-là. Donc, on se retrouverait peut-être en 1984, 1985 ou 1986 pour exécuter le jugement, alors que le personnel sur les chantiers aurait de beaucoup diminué par rapport à ce qu'il était en 1977 et en 1978, dans les années de travail très intense sur ces chantiers.

Donc, d'une part, il y aurait eu beaucoup moins de cotisants dans ces syndicats-là. D'autre part, même s'il y avait eu beaucoup de cotisants dans ces syndicats, il aurait été très facile pour ces syndicats -cela s'est vu ailleurs, dans le domaine de la construction, des dirigeants syndicaux s'organiser pour aller faire signer des cartes à leurs membres dans un autre syndicat - de laisser en place une accréditation syndicale et une entité juridique qui s'appelait l'ancien syndicat, une coquille vide, à toutes fins utiles, ne pouvant plus percevoir de cotisations parce que n'étant plus accréditée. À ce moment-là, même si un jugement de 10 000 000 $ était rendu contre cet ancien syndicat, il ne pourrait être exécuté parce qu'il ne percevrait plus de cotisations, étant complètement vidé de sa substance. Tout ce qu'on a devant nous, à ce moment-là, c'est une entité juridique, mais qui ne veut plus rien dire. Dans quelle mesure, dans un contexte comme celui-là, la Société d'énergie de la Baie James aurait-elle pu récupérer les 10 000 000 $, à supposer qu'après négociation vous auriez pu en venir à cet accord?

Je fais la distinction avec le cas de Reynolds. Dans le cas de Reynolds, c'est la centrale syndicale qui avait un permanent sur place, c'est la centrale syndicale CSN qui a été condamnée parce qu'il y avait un permanent de la centrale sur les lieux. Mais, dans le cas du saccage de la SEBJ, ce sont des syndicats locaux. Donc, ce n'est pas la centrale FTQ qui était en cause comme telle. À ce moment-là, cela aurait été très facile de faire signer des cartes de membre, d'aller chercher une nouvelle accréditation et de laisser de côté une coquille vide qui devait 10 000 000 $, mais qui n'avait pas les moyens de les payer.

Des voix: C'est de la fraude.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Rodrigue: De quelle façon, dans un contexte comme celui-là, était-il possible de faire exécuter le jugement?

M. Boyd: Ce que j'ai dit plus tôt, c'est que l'exécution du jugement, il aurait fallu s'en occuper s'il y avait eu un jugement, mais le problème ne s'est pas présenté. Je pense que les syndicats qui étaient là auraient respecté leurs obligations ou ils ne les auraient pas respectées. Pour nous, le problème était d'avoir le jugement et de trouver les moyens de nous faire rembourser.

M. Rodrigue: Vous avez dit tout à l'heure qu'avec un jugement vous étiez en position de force pour négocier. Qu'est-ce que vous aviez à l'esprit comme point de chute d'un règlement dans le cas du saccage de la Baie-James? Est-ce que vous aviez des chiffres à l'esprit qui vous apparaissaient être un règlement satisfaisant, à supposer qu'ils acceptent de négocier par la suite, plutôt que de laisser tomber tout simplement leur accréditation syndicale pour éviter d'avoir à payer?

Le Président (M. Jolivet): M. Boyd, vous êtes libre de répondre ou non à cette question, dans le même sens que je l'ai dit auparavant. Sans vous dire que vous ne pouvez pas répondre - c'est une hypothèse que j'émets en vertu de l'article 168 - vous pouvez répondre ce que vous pensez être le mieux à votre esprit.

M. Rodrigue: En fait, c'est une opinion qui est demandée, parce que ce n'est pas une question de fait, évidemment.

Le Président (M. Jolivet): Justement. C'est pour cela que j'ai rappelé à M. Boyd ses obligations.

M. Boyd: Franchement, je ne sais que répondre, si vous le permettez.

M. Rodrigue: Justement, vous êtes libre de ne pas répondre si vous ne vous sentez pas... Cela va.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Merci, M. le Président. J'écoutais attentivement, comme tout le monde, l'interrogatoire du député de Vimont. Je me rappelais avoir lu les défenses et les argumentations des procureurs des syndicats québécois, soit Me Jasmin, l'ancien organisateur du PQ, et Me Beaulé, l'ancien associé professionnel du chef de cabinet du premier ministre. Aujourd'hui, il en a ajouté aux arguments que ces gens, qui étaient les procureurs des syndicats et qui, professionnellement, se devaient de défendre les syndicats, ont donnés dans toute leur procédure et dans tout ce qui s'est passé devant le tribunal. Il va, comme député péquiste, encore plus loin en faveur du syndicat, sans considérer ce dont M. Giroux nous a parlé ce matin et ce dont M. Boyd nous a parlé cet après-midi et nous parle ce soir, c'est-à-dire l'intérêt de l'ensemble de la population, l'intérêt de l'ensemble des Québécois. C'est révélateur de l'état d'esprit qui anime ce parti politique.

M. Rodrigue: M. le Président, une question de règlement.

M. Paradis: II n'y a rien de faux, c'est tout exact.

M. Rodrigue: M. le Président, j'ai soulevé une hypothèse plausible; je n'ai pas dit que c'est ce que moi j'aurais fait dans ces circonstances, mais il fallait envisager cette hypothèse.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Cela coïncidait avec un petit peu moins d'insistance avec l'hypothèse soulevée par les avocats des syndicats, Me Jasmin, l'organisateur péquiste, et Me Beaulé, l'ancien associé professionnel du chef de cabinet du premier ministre.

On va revenir au témoignage de M. Boyd. M. Boyd, cet après-midi, lorsque vous avez bien humblement fait état de votre carrière au sein d'Hydro-Québec, au sein de la Société d'énergie de la Baie James, tout au long des questions qui vous ont été adressées et des réponses que vous avez données - je pourrais ajouter de la connaissance publique que j'avais de vous-même et de vos qualifications personnelles -ce qui m'a estomaqué dans ce dossier, c'est de retrouver, dans divers médias d'information, des sous-entendus de fautes professionnelles à votre endroit. Je vous réfère plus spécifiquement - je pourrais vous référer au Devoir, je pourrais vous référer à la Presse du 19 mars 1983 - à une lettre de Yvan Latouche et je la cite tout simplement. Il dit: "À la suite de l'examen de mon dossier de cour contre la SEBJ, M. Gauthier - "Ti-Lou" - et M. Jasmin - l'organisateur péquiste - ont pris connaissance d'un document qui relatait une faute professionnelle contre le P.-D.G. d'Hydro-Québec, Robert Boyd. Et de tout le dossier..."

M. Tremblay: Une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, une question de règlement de la part du député de Chambly.

M. Tremblay: Je veux bien que le député de Brome-Missisquoi qualifie un des avocats, mais au moins qu'il dise son titre dans le dossier. Qu'il ajoute aussi les épithètes qu'il voudra, il peut bien le faire, il peut faire sa démagogie comme il la veut, mais au moins qu'il dise le titre pour lequel le procureur était dans le dossier.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, je pense que le député de Chambly a raison et surtout pour lui qui n'a pas étudié son dossier on va l'ajouter: Me Jasmin, l'organisateur péquiste qui était procureur des syndicats québécois dans le dossier et Ti-Lou Gauthier - il faut que je le rajoute -l'ancien tuteur du 791, syndicat qui est passé de la tutelle au bureau du PM, une "switch", ça c'est Me Gauthier, notaire, connu sous le nom... Votre ministre l'appelle Ti-Lou constamment.

M. Laplante: C'est son premier nom.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. S'il vous plaît!

M. Paradis: Je recommence donc la citation sans donner les qualificatifs pour que tout le monde suive comme il faut. À la suite de l'examen de mon dossier de cour...

M. Laplante: On va s'en contenter.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le député de Bourassa.

Une voix: C'est vrai qu'il ne faut pas être trop compliqué.

Le Président (M. Jolivet): Je pense que tout allait bien jusqu'à maintenant. On devrait permettre au député de Brome-Missisquoi de continuer pour qu'on puisse aller rapidement et procéder ensuite avec M. Saulnier! S'il vous plaît!

M. le député de Brome-Missisquoi, en allant rapidement.

M. Paradis: Je vais garder cela le plus simple possible pour que le député de Bourassa tente de comprendre. Je cite: "À la suite de l'examen de mon dossier de cour contre la SEBJ, MM. Gauthier et Jasmin -qu'on vient de qualifier pour la compréhension - ont pris connaissance d'un document qui relatait une faute professionnelle contre le P.-D.G. d'Hydro-Québec, Robert A. Boyd. Et de tout le dossier que je leur avais présenté, seul ce document contre M. Boyd les intéressait au point de me demander la permission d'en faire des photocopies, ce que le notaire Gauthier a effectivement fait lui-même. Par la suite, M. Gauthier m'informa qu'il ne pouvait me faire réinstaller dans mes anciennes fonctions à la SEBJ; cependant, il demanda au coordonnateur de la division des réparations majeures de la SHQ, M. Luc Cyr, de me trouver un emploi et je fus embauché temporairement, etc, etc." (20 h 30)

M. Boyd, à la suite de cette lecture, ainsi que de la lecture d'autres médias, je suis allé dans les recueils de jurisprudence. J'ai mis la main sur une cause Boyd vs Conseil de la Corporation des ingénieurs. Je suis même allé dans des recueils de la Cour d'appel parce que, paraît-il, cela ne s'arrêtait pas là. J'ai trouvé des décisions. Est-ce que, publiquement, vous pourriez nous faire toute la lumière là-dessus et nous dire ce qu'il en est effectivement?

M. Boyd: Certainement. Revenons à 1965. Je suis devenu directeur général d'Hydro-Québec, donc le premier ingénieur d'Hydro-Québec. Il y avait déjà un contentieux entre Hydro-Québec et l'Ordre des ingénieurs - dans ce temps cela s'appelait la Corporation des ingénieurs - au sujet de l'application des sceaux sur les devis. Cela existait avant que je sois là et la procédure existait avant que je devienne directeur général.

En octobre 1967, j'ai reçu une lettre du secrétaire général de la Corporation des ingénieurs, se plaignant du fait qu'à Hydro on enlevait les sceaux des ingénieurs sur les devis pour publication d'appels d'offres. J'ai fait venir les deux directeurs généraux, c'est-à-dire celui du génie, qui est responsable des plans et devis, et le directeur général des approvisionnements responsable de la publication des appels d'offres, pour leur demander ce qui se passait, quel était le problème. Ils m'ont expliqué qu'il y avait un grand nombre de sceaux qui apparaissaient avec des signatures et que, pour publier, cela rendait les documents plus lourds, d'autant plus qu'il y a beaucoup d'ingénieurs et qu'on ne savait jamais qui était le responsable du devis, etc. J'ai dit: Voulez-vous rencontrer le secrétaire général de la corporation et tâcher de trouver un arrangement avec lui? Il m'ont dit: D'accord.

En 1967, j'avais bien d'autres choses pour m'occuper, dont Churchill Falls, etc. Au bout de quelque temps, je leur ai demandé comment cela allait et ils m'ont dit que cela se réglait, qu'il n'y avait pas de problème. Mais cela ne s'est pas réglé.

Au mois de mai 1968, la corporation adoptait une résolution portant plainte contre le directeur général pour avoir enfreint le code d'éthique en autorisant, permettant, tolérant ou ordonnant que des sceaux d'ingénieur soient enlevés sur les plans et devis. C'est allé devant le comité de discipline. Les avocats d'Hydro-Québec sont venus me défendre devant ce comité et cela s'est fait, d'après nos avocats, un peu cavalièrement. De toute façon, de là, c'est passé au conseil de la corporation pour en appeler de la décision du comité de discipline et il a entériné la décision du comité de discipline, c'est-à-dire en portant une plainte contre le directeur général d'Hydro-Québec pour avoir fait tout cela. Le conseil de la corporation a entériné la décision du comité de discipline et la commission d'Hydro-Québec, ne voulant pas changer sa méthode de procéder, a demandé aux avocats d'aller en Cour supérieure pour cela. Je n'y tenais pas du tout, mais la commission y tenait. Alors, la Cour supérieure a rendu un jugement et c'est ce qui a été utilisé en photocopies pour faire un dossier contre moi. La commission est ensuite allée en appel, puis une deuxième fois en appel devant trois juges. Finalement, la cause a été rejetée devant les trois juges. Cela a été réglé hors cour.

Alors, je vous ai résumé cela le plus simplement possible sans utiliser les termes juridiques que je ne connais pas très bien. Me Gadbois a un dossier épais là-dessus si on veut aller plus loin. Je pense que ce n'est pas nécessaire, quant à moi, mais j'ai voulu en parler. Si cela n'avait pas été soulevé, j'aurais demandé au président la parole pour en parler parce que cela donne l'impression que j'ai fait quelque chose d'épouvantable et je pense n'avoir fait rien d'épouvantable. C'était une question de mésentente entre la corporation et Hydro-Québec. Je crois que, depuis ce temps, de toute façon, c'est un directeur ou un chef de service qui met son sceau et signe les devis qui vont en appels d'offres.

M. Paradis: Mais, finalement, si on veut un dossier complet sur Robert Boyd, il faut inclure le jugement de la Cour d'appel -c'est cela qu'il est important de retenir - où Robert Boyd a été - on pourrait utiliser cette expression pour le vulgariser acquitté, et cela a été retourné en Cour supérieure et cela n'a jamais recommencé.

M. Boyd: C'est cela.

M. Paradis: C'est cela? C'est exact? Merci beaucoup, M. Boyd.

M. Boyd, à la page 70 de l'imposant document qui nous a été remis par la Société d'énergie de la Baie James... On pourrait peut-être regarder la page 69 avant. Ce qu'il est important de réaliser, c'est que vous y étiez, suivant le procès-verbal. C'était la réunion du 6 février 1979, à 14 heures. M. Claude Laliberté, président-directeur général de la compagnie, était là et il y a une note également disant que Me André E. Gadbois était aussi présent à la réunion.

À la page 70, on indique au deuxième paragraphe ce qui suit: "Les membres du conseil prennent connaissance d'un rapport adressé aux procureurs de la compagnie par Me Michel Jasmin, procureur du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et du local 791, ainsi que d'un rapport adressé à Mes Geoffrion & Prud'homme par Me Rosaire Beaulé, procureur du syndicat international." Après discussion, etc., il est dûment proposé et appuyé de donner mandat aux procureurs d'explorer les possibilités de règlement. Si on se reporte à la page 76, on a là une déclaration de transaction faite suivant les articles 1918 et suivants; autrement dit, une déclaration de règlement hors cour qui est datée, au bas de chacune des pages, du 19 janvier 1979. Lorsque cela vous a été présenté au conseil d'administration, est-ce que M. Claude Laliberté, président-directeur général, vous a fait rapport, vous a souligné ou vous a indiqué qu'il s'agissait de la déclaration de règlement hors cour qu'il avait commandée à ses propres avocats de la SEBJ, Mes Geoffrion & Prud'homme, et qui avait été rédigée la veille par ces avocats?

M. Boyd: Je ne me souviens pas de cela, non.

M. Paradis: Est-ce que vous vous souvenez que Me Gadbois, qui assistait à cette réunion, vous en aurait parlé?

M. Boyd: Non, je ne crois pas que Me Gadbois m'en ait parlé.

M. Paradis: Lorsque le moment est venu ou que le moment est arrivé de changer le P.-D.G., le président-directeur général de la Société d'énergie de la Baie James, vous cumuliez, selon ma compréhension du dossier, deux fonctions: P.-D.G. d'Hydro-Québec et P.-D-G. de la SEBJ. On sait qu'il est souvent de tradition et de coutume que le gouvernement consulte le P.-D.G. qui va quitter sur son choix ses préférences et ses intentions quant à son successeur. Est-ce que vous avez été consulté sur ce sujet?

M. Boyd: Je dois, d'abord, faire une petite correction. J'ai été pour une période d'un peu plus d'un an président. Le titre de P.-D.G. n'existait pas; j'étais président des deux sociétés. En ce qui concerne le choix du successeur à la SEBJ, il y a eu des conversations avec le ministre du temps au sujet de mon successeur, mais pas plus que cela.

M. Paradis: Mais, suivant cette tradition, est-ce qu'on vous a demandé de faire des suggestions, des commentaires?

M. Boyd: J'ai fait des suggestions qui n'ont pas été suivies, c'est tout.

M. Paradis: Sans vouloir aller trop loin là-dedans, combien en aviez-vous suggéré? Je veux seulement savoir le nombre, pas les noms.

M. Boyd: Un.

M. Paradis: Vous en aviez suggéré un et il n'a pas été retenu?

M. Boyd: C'est cela.

M. Paradis: Si on revient dans le bureau du premier ministre, à la fameuse réunion du 1er février. M. Laliberté est venu témoigner. M. Laliberté nous a dit que cela avait duré - comme vous nous l'avez dit vous-même - approximativement quinze minutes. M. Laliberté nous a dit spontanément, au début, que cela s'était déroulé dans une atmosphère cordiale. M. Laliberté a ajouté que le premier ministre avait dit textuellement - cela a pris un peu de temps, mais il s'en est souvenu, sa mémoire est revenue: - "Vous réglez, "crisse", ou on va régler!"

Vous nous avez corroboré les quinze minutes. Vous nous avez corroboré que c'était essentiellement cela qui avait été dit par le premier ministre du Québec. Vous avez ajouté que le chef de cabinet du premier ministre, Me Jean-Roch Boivin, avait fait part de certains arguments à saveur plus légale. J'essaie de meubler - comme les gens qui nous écoutent - ces quinze minutes. Je trouve qu'on en a très peu. Au meilleur de votre souvenir, M. Boyd, est-ce que vous seriez capable de revivre dans votre

mémoire, et de nous le dire tout haut, cette petite période de quinze minutes? Quand vous êtes entrés, qui a pris la parole? De quelle façon cela s'est-il passé? Était-ce vraiment cordial? Était-ce en toute cordialité que ces propos ont été échangés? Surtout, quel a été l'ensemble de vos interventions et de votre interaction autant avec les gens qui vous accompagnaient, soit MM. Laliberté et Saulnier, qu'avec les vis-à-vis que vous étiez allés rencontrer, le chef de cabinet du premier ministre, M. Jean-Roch Boivin, ainsi que le premier ministre lui-même? On en a pour quinze minutes, mais, en témoignages, on en a pour deux minutes. Il me manque treize minutes et je n'aimerais pas qu'on finisse la commission avec un trou de treize minutes sur une réunion aussi importante.

M. Boyd: Je ne le sais pas. Cela a peut-être même duré plus que quinze minutes. Vous dire comment cela s'est passé, le mot à mot, je n'ai pas porté assez d'attention pour m'en souvenir. Pour moi, l'essentiel était le message, les idées, la réponse. Ce n'était certainement pas sur un ton belligérant, mais de là à être cordial? C'était peut-être cordial au début, mais c'est devenu moins cordial. Pour ce qui est de vous donner plus de détails, franchement, je n'en suis pas capable. Cela fait trop longtemps et je n'ai pas attaché tellement d'importance à cela à ce moment-là, ni depuis surtout. J'aimerais vous faire plaisir et compléter les quinze minutes du scénario, mais j'en suis incapable. (20 h 45)

M. Paradis: On sait, d'après ce que vous nous avez dit dans votre témoignage, que vous avez indiqué au premier ministre que vous étiez contre. Est-ce que vous vous souvenez si M. Saulnier a indiqué un peu la même orientation?

M. Boyd: M. Saulnier pourra répondre lui-même. Pour autant que je me le rappelle, il n'a pas participé tellement à la discussion. Je pense qu'il doit paraître ici même et vous lui poserez la question, si vous me permettez de répondre ainsi.

M. Paradis: M. Laliberté, est-ce qu'il s'y opposait ou s'il semblait favorable à tout cela?

M. Boyd: Je pense qu'il a indiqué lui-même qu'il était favorable à cela au départ. Avant d'y aller, je pense que son idée était déjà pas mal faite, d'après ce qu'il a dit ici auparavant.

M. Paradis: Vous allez me forcer à conclure que la phrase: "Vous réglez, crisse, ou bien je vais régler" s'adressait seulement à vous.

M. Boyd: Je ne sais pas. Les trois représentaient le conseil; pourquoi plus à moi qu'aux autres. Je pense que c'était au conseil de régler et, pour le premier ministre, je n'étais même pas le P.-D.G. de la SEBJ; j'étais le P.-D.G. d'Hydro. Donc, je pense que cela s'adressait à ceux qui étaient là et surtout à l'ensemble du conseil.

M. Paradis: II fallait que le message passe à ceux qui n'y étaient pas.

M. Boyd: Le président du conseil a ensuite fait rapport au conseil que le premier ministre avait formulé ce souhait. Un souhait de premier ministre, dépendant de qui le reçoit, cela a plus ou moins d'importance. Pour certains, cela a peu d'importance, pour d'autres, moyennement et, pour d'autres, beaucoup. Cela dépend de la philosophie de chacun.

M. Paradis: Ce qui m'a frappé, dans les deux ou trois minutes des quinze minutes, peut-être un peu plus, qu'on a réussi à meubler, tout le monde ensemble cet après-midi, c'est lorsque vous avez dit que vous aviez exprimé votre opinion au premier ministre en disant: Ce sont les Québécois qui vont être appelés à payer la facture, finalement. Cela rejoint le témoignage de M. Giroux qui nous a dit: Les 30 000 000 $, c'est au bénéfice de la FTQ et c'est l'ensemble des abonnés d'Hydro-Québec qui paie. Il y a quelqu'un qui vous a répondu: Ce sont les syndiqués qui vont être appelés à payer cela. Je pense, suivant ma mémoire, que vous avez dit que c'était le premier ministre qui avait dit cela.

J'ai assisté, depuis trois ans, à plusieurs périodes de questions en Chambre. Le premier ministre est ce politicien habile qui n'oublie jamais l'argument présenté par une partie qui n'est pas d'accord, il s'y rattache et ajoute quelque chose dans le sens où il veut aller. Lorsque vous avez dit: "Ce sont les Québécois qui vont être appelés à payer", est-ce qu'il y avait ce pattern qu'on lui connaît en Chambre? Est-ce qu'il a parlé à ce moment des Québécois comme tels qui vont être appelés à payer tout cela?

M. Boyd: Je pense avoir dit qu'un de ses arguments, c'est qu'on ne devait pas faire payer cela aux syndiqués.

M. Paradis: J'essaie de ramener cela parce que son habitude, depuis trois ans, c'est de se rattacher à la première partie. Quand vous lui dites: Ce sont les Québécois qui vont avoir à payer dans tout cela, son réflexe est de réfuter votre argument et de dire l'autre côté. Je me demande s'il agissait par réflexe cette journée-là ou s'il était mieux conditionné que d'habitude.

M. Boyd: Je ne sais pas.

M. Paradis: Vous ne vous en souvenez pas?

M. Boyd: Je ne m'en souviens pas.

M. Paradis: M. Laliberté, en réponse à une question du député de Marguerite-Bourgeoys - je vous la lis, au journal des Débats: Pensez-vous que cela - on fait référence à la réunion du 1er février et au rapport qui en a été fait - ait pu influencer ou que cela ait pu compter dans la décision du conseil d'administration? - répond: Je pense que oui.

Vous nous avez dit que, quant à vous, cela n'a pas compté plus que cela puisque vous étiez contre pour des raisons que vous nous avez très bien et logiquement expliquées. Dans vos contacts avec vos collègues du conseil d'administration, est-ce que vous pourriez répondre comme M. Laliberté nous a répondu?

M. Boyd: II a répondu qu'il le savait.

M. Paradis: II a dit: Je pense que oui. La question était...

M. Boyd: Oui, oui...

M. Paradis: Je peux la préciser, si vous voulez que je la répète.

M. Boyd: Non, non. Sa réponse était qu'il pensait que cela avait influencé.

M. Paradis: Oui.

M. Boyd: Je ne sais pas. Cela a peut-être pu en influencer certains. Je ne pense pas que cela ait influencé tout le monde parce que la plupart, d'ailleurs, de ceux qui sont venus ici, jusqu'à maintenant, vous ont dit que cela ne les avait pas influencés. C'est difficile pour moi de mettre en doute leur parole.

M. Paradis: Non, non. Je ne parle pas de cela. Il y a la parole de M. Laliberté, il y a la parole de bien du monde, tout d'un coup. M. Laliberté nous dit: Je pense que oui. Et j'imagine que, s'il nous a répondu cela, c'est à cause de ses fréquentations avec les autres membres du conseil d'administration. Vous aussi, vous avez eu l'occasion de fréquenter les mêmes gens du conseil d'administration. À la question: Est-ce que cela a pu influencer? est-ce que vous pourriez répondre, selon votre connaissance personnelle de ces gens-là, je pense que oui, comme M. Laliberté.

M. Boyd: Moi, je ne peux pas répondre de la même façon parce que je n'ai pas eu de communications, ni de contacts avec les membres du conseil en dehors des discussions qui avaient lieu à l'assemblée. Si M. Laliberté en a eu - et je pense qu'il vous a dit qu'il en avait eu - et s'il pouvait porter ce jugement-là, peut-être qu'il pouvait le porter et sans doute qu'il le devait puisqu'il l'a dit. Moi, je ne peux pas porter ce jugement-là parce que, comme je vous le dis, je n'en ai discuté avec aucun en dehors des assemblées.

M. Paradis: Lorsque, pendant ces assemblées, vous avez eu des discussions au conseil d'administration, à travers toutes ces réunions, sans s'attacher à des dates spécifiques, est-ce que vous avez fait valoir à vos collègues du conseil d'administration les arguments que vous nous avez fait valoir ici aujourd'hui, en commission?

M. Boyd: Je pense que j'ai eu l'occasion, à différents moments, de dire ce que je pensais.

M. Paradis: Je vous remercie, M. Boyd.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: J'aurais un détail, M. Boyd. Il va y avoir quelques courtes questions. Je voudrais reprendre ce que le député de Brome-Missisquoi lisait tout à l'heure: les manchettes en première page du quotidien La Presse du 17 mars 1983, avec un renvoi à la page A-8 du même journal. Je l'ai ici en photocopie. Malheureusement, je n'ai pas le journal. Il y a un grand titre: "Le bureau de Lévesque donne des armes à la FTQ". Vous vous souvenez d'avoir pris connaissance de cet article?

M. Boyd: J'ai vu cet article.

M. Duhaime: Et, sous ce titre, que je ne qualifierai pas, apparaît la citation dont a fait état tout à l'heure le député, c'est-à-dire le texte même de M. Michel Girard. Et, à ce qu'il me semble de ma compréhension de cette lecture-là, on dit que M. Yvan Latouche leur a présenté, en parlant de Me Yves Gauthier et de Me Jasmin, un "dossier" concernant une faute professionnelle contre le P.-D.G. d'Hydro-Québec et l'un des principaux administrateurs de la SEBJ, Robert Boyd. "Ce dernier s'était toujours opposé avec véhémence à tout règlement hors cour." Vous avez fait état vous-même de la question dont il s'agissait et qu'il y a eu une action intentée en Cour supérieure. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais ce jugement a même été rapporté dans les recueils de jurisprudence. Il s'est rendu ensuite devant la Cour d'appel et il s'est réglé hors cour. Et le jugement de la Cour

d'appel est également rapporté. Ce qui n'a pas été précisé tout à l'heure, c'est à quel moment cela s'est réglé, ce dossier-là.

M. Boyd: Je pense que c'est en 1976. C'est cela, le 26 avril 1976.

M. Duhaime: Le 26 avril 1976. M. Boyd: Hors cour.

M. Duhaime: Hors cour. Moi, M. Boyd, je n'ai pas voulu vous interroger sur cette question parce que j'ai toujours pensé qu'alléguer une faute professionnelle contre Robert Boyd, comme ingénieur, cela me paraissait énorme. Mais, si quelqu'un qui s'appelle Yvan Latouche remet des recueils de jurisprudence ou des photocopies d'un jugement de la Cour supérieure et d'un jugement de la Cour d'appel sur un dossier qui est réglé depuis trois ans et dont le texte même du jugement est accessible à des centaines et à des milliers de personnes parce qu'il est public, est-ce que pour vous ce geste de la part de M. Latouche constitue un très puissant arsenal en termes d'armes qu'on pourrait donner à quelqu'un?

M. Boyd: Je dois, d'abord, vous dire que cela fait jurisprudence. J'ai une fille qui poursuit des cours en droit et l'an passé elle m'a apporté cette feuille pour me demander: Qu'est-ce que c'est? Elle se rappelait le cas et, évidemment elle m'a taquiné à ce sujet. La question que le journaliste m'a posée était si on s'était servi de cela contre moi d'une façon quelconque. La réponse est: Non, on ne s'en est pas servi. Il reste que je voulais qu'on en parle pour éclaircir la situation.

M. Duhaime: Entre vous et moi, M. Boyd, considérez-vous cela comme quelque chose de sérieux que M. Yvan Latouche remette à Me Yves Gauthier un jugement de la Cour d'appel qui met fin à un litige qui date déjà de trois années et qu'ensuite on en fasse une manchette avec un gros titre: " Le bureau de Lévesque donne des armes à la FTQ"? Pour vous, est-ce que vous avez pris cette histoire au sérieux ou bien si vous avez trouvé cela un peu ridicule?

M. Boyd: Personnellement, je suis habitué aux gros titres parce que dans les postes que j'ai occupés j'ai eu souvent affaire à des gros titres et à des caricatures en quantité aussi. Disons que, pour les gens qui vous connaissent, pour vos enfants, vos petits-enfants, etc., c'est ennuyeux. Je ne peux pas dire qu'on prend cela à la légère. C'est embêtant. Personnellement, cela ne me dérange pas plus que cela.

M. Duhaime: II faut dire que je partage le geste que vous venez de faire, M. Boyd. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je pense que ce n'est pas tellement à M. Boyd qu'il aurait fallu poser la question, mais on la posera probablement à M. Yves Gauthier, à savoir si lui il a considéré que c'était quelque chose d'assez sérieux pour récompenser Yvan Latouche d'un emploi à la Société d'habitation du Québec. Mais quoi qu'il en soit M. le Président, j'ai une autre question à poser à M. Boyd.

Le 20 février il y a eu une réunion du conseil d'administration à laquelle vous étiez présent, qui a débuté à 9 h 30 le matin. En Chambre, à l'Assemblée nationale, mon collègue de Marguerite-Bourgeoys posait des questions au premier ministre l'après-midi pour savoir de lui si effectivement il y avait un fondement à ce que, je présume, mon collègue avait entendu dire, possiblement, soit qu'il y avait un règlement hors cour qui se négociait dans le bureau du premier ministre ou dans les officines du bureau du premier ministre. La question que j'aimerais vous poser, M. Boyd, c'est si, au conseil d'administration, d'abord, vous avez eu des échos quelconques de cette question qui était posée la journée même à l'Assemblée nationale.

M. Boyd: Je ne me le rappelle pas parce que l'assemblée était commencée depuis 9 h 30. Habituellement c'était des assemblées très remplies, on commençait à 9 h 30 et on terminait à 19 heures. On n'était pas tellement au courant de ce qui se passait à l'extérieur des quatre murs. Oui, on l'a appris par les journaux et par les nouvelles le soir ou le lendemain, mais pas pendant qu'on travaillait.

M. Gratton: Dans le fond, quand vous êtes en réunion du conseil d'administration, vous êtes un peu comme les députés ici à l'Assemblée nationale, vous êtes un peu isolés. En tout cas nous, parfois, on a l'impression d'être coupés de la réalité pendant un bon bout de temps jusqu'à ce qu'on en ressorte éventuellement; ce soir, on en ressortira dans une heure ou deux. Donc, à la réunion comme telle, cela n'a pas été soulevé. Il n'y a personne, par exemple, de l'extérieur qui a été appelé et qui serait revenu pour dire: II vient de se poser une question à l'Assemblée nationale sur le règlement hors cour. Vous n'avez pas eu connaissance de cela?

M. Boyd: Non, je ne crois pas. (21 heures)

M. Gratton: Par contre, dans les jours

qui ont suivi, il a sûrement dû y avoir des discussions au sein du personnel de la société. Est-ce que vous en avez eu une connaissance quelconque?

M. Boyd: Tout le monde a lu les déclarations dans les journaux; cela a dû être le lendemain, j'imagine. Je ne pense pas avoir discuté ou rencontré qui que ce soit qui en ait discuté avec moi.

M. Gratton: Donc, vous n'avez aucun souvenir qu'il ait pu y avoir une réunion spontanée ou des conversations spontanées comme: As-tu vu cela? Une question a été posée hier. Comment cela se fait-il qu'ils savent cela?

M. Boyd: Non.

M. Gratton: La raison pour laquelle je vous pose la question est que, dans le journal La Presse du 29 mars, on avait le titre suivant: L'intervention de Fernand Lalonde aurait coûté 125 000 $ aux syndicats. On y lit, sous la plume de Michel Girard: "Selon un porte-parole syndical, si le député libéral Fernand Lalonde n'avait pas interrogé le premier ministre René Lévesque à l'Assemblée nationale le 20 février 1979 sur la négociation du règlement hors cour du saccage de la Baie-James, les syndicats poursuivis par la Société d'énergie de la Baie James auraient versé en dédommagement 125 000 $ de moins que le règlement final. C'est ce qu'a affirmé à la Presse le directeur général du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (communément appelé à l'époque FTQ-Construction), Maurice Pouliot."

On voit plus loin: "Or, selon M. Pouliot, qui dit détenir ses renseignements de l'avocat même de la FTQ, Me Michel Jasmin, les syndicats auraient pu s'en tirer avec un dédommagement total de seulement 175 000 $, soit 100 000 $ pour la SEBJ et 75 000 $ pour les assureurs, si le député libéral Fernand Lalonde n'était pas intervenu à l'Assemblée nationale. Notre avocat, Me Michel Jasmin, nous avait dit que le règlement final se chiffrerait à 175 000 $. Mais, après l'intervention du député Lalonde, les dirigeants d'Hydro-Québec et de la SEBJ - dont vous êtes - et le bureau du premier ministre ont eu peur de se faire critiquer et c'est pourquoi, de nous dire Me Jasmin, il a fallu accepter d'augmenter de 125 000 $ le montant du dédommagement, a expliqué M. Pouliot."

Donc, si j'ai bien compris les réponses que vous m'avez données tantôt, vous, à titre d'administrateur de la SEBJ, n'étiez pas parmi ceux-là - je vais reprendre la citation - qui "ont eu peur de se faire critiquer" à la suite des questions du député de Marguerite-Bourgeoys?

M. Boyd: Je ne pense pas avoir été parmi ceux qui ont eu peur. À l'assemblée du 20 février, je vois ici qu'il y avait une lettre de nos avocats qui nous parlaient d'une proposition de 175 000 $ datée du 12 février. Je me souviens qu'au conseil d'administration tout le monde avait dit que ce n'était pas suffisant; on demandait aux avocats d'aller en chercher davantage. Je ne pense pas que ce soit la peur qui ait fait faire cela. C'était plutôt, pour autant que je me souvienne, une décision du conseil qui trouvait que 175 000 $, ce n'était pas suffisant.

M. Gratton: Je vais vous faire un aveu. Je pense que ce ne sont pas tant les administrateurs de la SEBJ qui ont eu peur que les gens du bureau du premier ministre, à la suite de la question de M. Lalonde. Mais, fait assez intéressant...

Une voix: On n'est pas intéressé à savoir ce que vous pensez.

M. Gratton: Ah, vous allez le savoir quand même! Fait assez intéressant, lorsqu'on consulte la facturation des procureurs de la Société d'énergie de la Baie James, Geoffrion et Prud'homme, dans le document qu'on nous a déposé ou remis ce matin, on s'aperçoit que, justement, au dernier élément pour la journée du 20 février, on retrouve à la page 31 l'annotation suivante: "Vérification des dates de sessions à l'Assemblée nationale." Pouvez-vous m'expliquer pourquoi c'était important que vos procureurs vérifient les dates de sessions de l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Jolivet): M. Boyd. M. Boyd: Je ne le sais pas.

M. Gratton: Vous ne le savez pas. Cela m'aurait surpris que vous le sachiez, parce que, à ce que je sache, il n'y avait pas de projet de loi dans l'air le 20 février. D'ailleurs, il n'y en a pas eu. Alors, j'ai bien l'impression qu'on va reposer la question à vos procureurs demain matin.

Une dernière question, M. Boyd: c'est vous-même qui y avez fait allusion cet après-midi. En réponse à des questions que vous posait le député de Bourassa, vous avez dit: J'y reviendrai plus tard, je voudrais revenir plus tard au retard à rouvrir le chantier après le saccage.

M. Boyd: Oui?

M. Gratton: J'aimerais que vous profitiez de l'occasion pour nous dire ce que vous vouliez nous dire cet après-midi.

M. Boyd: J'ai quelques notes ici pour

ne rien oublier. Le 17 mars 1974, la capacité maximale au campement de LG 2 était de 1064 lits. Le 19 mars...

M. Gratton: Je m'excuse.

M. Boyd: Voulez-vous que je répète?

M. Gratton: Oui, s'il vous plaît!

M. Boyd: Le 17 mars 1974, la capacité maximale au campement de LG 2 était de 1064 lits. Le 19 mars, il y a eu une demande du chef de chantier pour 300 lits additionnels, surtout pour les gens qui travaillent au contrat de la dérivation. Donc, il lui manque 300 lits. Le 21 mars, il perd 268 lits par le feu. Il est rendu à 796 lits, comme capacité. Le 22 mars, les réparations commencent et, le 14 avril, les systèmes électrique et mécanique et les génératrices, etc., c'est terminé. Pendant ce temps, on cherche des moyens d'obtenir plus de lits. Le 10 avril 1974, pendant tout ce brouhaha, on a fait l'adjudication d'un contrat pour l'installation de lits supplémentaires. Le 18 avril, c'est l'entrée des soumissions pour le barrage principal dont je vous ai parlé. Le travail au campement est terminé, on l'a réparé et on l'a mis en état de fonctionner, mais on a un manque de lits assez important. Au lieu d'en avoir 1300, on en a 700 ou 800. On doit décider ce qu'on fait avec cette soumission. Alors, du 18 avril au 8 mai, on fait l'étude du contrat pour savoir si on peut le donner à cet entrepreneur, quelles sont les modifications qu'il faut apporter, quel plan de remobilisation on sera obligé de faire, parce que, évidemment, avec 500 lits de moins et un entrepreneur qui entre, il nous manque des lits. Donc, il faut étudier avec soin un programme de remobilisation. Une chose importante est que, entre-temps, il faut faire l'inspection complète des systèmes de protection-incendie au campement de LG 2, chose qui n'avait pas été faite. Après l'incident on voulait prendre les précautions nécessaires. Donc, tout cela s'est fait pendant ce temps. Du 27 avril au 8 mai le directeur du chantier fait la revue générale de la situation et prépare un plan de remobilisation en fonction des campements disponibles. Là, on alloue à chacun des entrepreneurs une certaine quantité de personnel qu'il peut faire entrer. Aussi, à l'aéroport principal même - j'y tiens beaucoup - je veux qu'on prenne les moyens d'émettre les cartes d'identité, les contrôles pour l'admission au chantier, c'est vital. Là, les travaux ne sont pas finis. Ce sont toutes ces raisons qui font que ce n'est que le 8 avril que j'autorise le retour au travail.

M. Gratton: Donc, je retiens de vos propos une explication des allégations qu'il a pu y avoir à l'époque et même après, en ce sens que la SEBJ n'avait pas procédé avec toute la célérité voulue à la réouverture du chantier. Vous venez de donner l'explication de la raison pour laquelle il était impossible de procéder plus rapidement que vous ne l'avez fait.

M. Boyd: Je peux vous assurer que, tous les jours, je téléphonais au chantier pour suivre et m'assurer que tout était fait. Personne n'était mieux placé que moi pour réaliser l'importance de recommencer et l'argent que chaque journée de retard impliquait.

M. Gratton: Merci, M. Boyd.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. M. Boyd, tout à l'heure, à une question de mon collègue de Brome-Missisquoi, vous avez dit, concernant le cas qu'on pouvait faire d'une opinion ou d'un souhait du premier ministre: Une opinion de premier ministre, c'est plus ou moins important selon les personnes à qui elle s'adresse, les personnes qui la reçoivent; pour certains, ce n'est pas du tout important; pour d'autres, cela l'est moyennement et, pour d'autres, cela l'est beaucoup. M. Boyd, est-ce que, quand vous avez donné cette réponse, vous aviez à l'idée des noms de personnes du conseil d'administration pour qui cela ne l'a pas été du tout, pour qui, vous avez pu le constater, cela aurait pu l'être moyennement...

Le Président (M. Jolivet): M. Boyd, toujours en tenant compte que ce genre de question amène des opinions, vous répondez si vous le voulez.

M. Doyon: Sur cette même question, si je peux l'expliciter, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert, oui.

M. Ooyon: Je pense que, si j'avais pu continuer ma question, je l'aurais fait en demandant aussi à M. Boyd - ce n'est pas tellement une question d'opinion - sur quels indices et quels signes il base la réponse qu'il me donnera, à savoir que, pour certaines personnes, cela a été important, pour d'autres, cela l'a été moyennement et, pour d'autres, cela ne l'a pas été du tout. Pour éviter que cela ne devienne essentiellement une question d'opinion, M. le Président, je demanderais à M. Boyd - si la réponse de sa part est possible - de m'indiquer sur quels indices il base l'appréciation qu'il fera de l'importance que peut avoir une expression d'opinion du premier ministre.

M. Boyd: Cette question m'a déjà été posée; pas ici, je dois le dire. Il est évident que ceux qui ont voté contre, on peut les juger. En ce qui concerne ceux qui ont voté pour, il est assez difficile d'entrer dans l'âme et la conscience de chaque personne et de savoir à quel point cela peut les avoir impressionnés. Je n'ai pas eu de conversations personnelles avec eux à ce sujet. Si j'avais entretenu des conversations, j'aurais peut-être pu en savoir davantage, mais je ne l'ai pas fait.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Boyd. C'était la dernière question. Je vous remercie au nom des membres de la commission. J'inviterais M. Lucien Saulnier à se présenter. Je demanderais à M. Jean Bédard, greffier, de l'assermenter. Je ne sais pas si, entre-temps, le ministre serait prêt à répondre à la question qui a été posée avant 18 heures concernant la possibilité que M. Pouliot...

M. Lucien Saulnier

Le greffier (M. Jean Bédard): M.

Saulnier, pourriez-vous mettre la main sur l'Évangile et répéter après moi: Je (vos nom et prénom), jure ou déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité?

M. Saulnier (Lucien): Je, Lucien Saulnier, jure que je dirai toute la vérité et rien que la vérité. (21 h 15)

Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier, est-ce que vous avez des propos préliminaires avant que l'on commence les questions?

M. Saulnier: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Allez donc, M. Saulnier.

M. Saulnier: Avant de donner ma perception personnelle, après quatre ans, des travaux du conseil d'administration de la SEBJ en regard du dossier qui nous occupe, je voudrais donner à la commission trois éléments d'information. Premièrement, je suis devenu président du conseil des deux sociétés, Hydro-Québec et SEBJ, le 1er octobre 1978. J'avais été pressenti au cours de l'été, d'abord par le ministre de l'Énergie et des Ressources, M. Joron, et ensuite par le premier ministre. Deuxième élément, je connais le premier ministre depuis 23 ans. Je connais M. Boivin depuis six ans. Je connais M. Gauthier depuis près de 30 ans. J'affirme devant cette commission que je n'ai reçu des pressions de qui que ce soit pour agir d'une façon ou d'une autre dans ce dossier, nommément des trois personnes que j'ai mentionnées. Troisième élément, au décompte des votes du 6 mars, on trouve une abstention. C'est l'abstention du président du conseil. La règle que j'ai suivie - parce que je ne suis plus président d'aucune société depuis quelques mois - dans tous les conseils que j'ai présidés était de m'abstenir lorsque j'étais d'accord avec la décision, de voter quand j'étais en désaccord et qu'il y avait un vote et de dire pourquoi. Si le vote était unanime et que je n'étais pas d'accord, c'était d'enregistrer une dissidence que je faisais qualifier dans le procès-verbal. Je me considère donc solidaire de la décision qui a été prise.

M. le Président, le souvenir que j'ai gardé des délibérations du conseil d'administration sur le sujet qui nous occupe et des documents qui en étaient l'objet permettent d'affirmer: a) que le conseil, avant la rencontre des trois présidents et du premier ministre, avait été saisi d'une proposition de règlement hors cour et qu'il avait déjà indiqué à ses procureurs qu'il envisageait cette éventualité; b) qu'il était irréaliste de croire que la SEBJ pouvait obtenir compensation pour les dommages subis;

À la séance du 9 janvier 1979, le conseil a pris connaissance d'un document duquel je cite le passage suivant (page 22): "II y a lieu cependant de s'interroger sur ce que peut être présentement la solvabilité de tous ces défendeurs possibles et surtout sur ce qu'elle serait une fois le jugement final obtenu tenant compte, en particulier, de l'envergure de la réclamation de la société."

On disait aussi (paragraphe précédent de la même page 22) et je cite: "En instituant cette action, la société d'énergie était consciente du fait que la plupart des défendeurs ne seraient pas en mesure de pouvoir satisfaire à un jugement rendu dans cette cause."

J'attire votre attention, M. le Président, sur ce paragraphe. En somme, la SEBJ, en institutant cette action, en était déjà venue à peu près à la même conclusion que celle à laquelle en était arrivé le nouveau conseil d'administration le 30 janvier 1979. On ajoutait (dernier paragraphe de la page 22): "...qu'à titre d'entreprise à caractère parapublic, gérant des fonds et des biens du domaine public, la SEBJ se devait de tenir les individus et organismes responsables de leurs actes."

Le conseil d'administration n'était-il pas fondé de comprendre, dès le 9 janvier, que la procédure engagée avait une part de symbolique à son origine même et qu'une fois obtenus les aveux de responsabilités des principaux intéressés la poursuite ne pouvait se justifier que sur les possibilités de recouvrer une partie ou la totalité des dommages réclamés?

Or, les procureurs de la SEBJ, dans une opinion datée du 5 janvier et vue par les administrateurs le 9, nous informent qu'un syndicat professionnel avait été incorporé le 10 janvier 1973 sous le nom de l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec. Les procureurs affirment même que - et je cite, à la page 27 - "les documents obtenus et témoignages recueillis jusqu'ici nous indiquent qu'après la formation de ce syndicat professionnel, les actifs du local 791 lui ont été transférés sans considération apparente afin de permettre au syndicat strictement québécois de contrôler les fonds." On devait, dès lors, entretenir des doutes sur la possibilité d'obtenir des compensations pour dommages.

Les documents des archives de la SEBJ révèlent mieux que je ne saurais le faire l'état d'avancement des délibérations du conseil. Le 23 janvier, le conseil d'administration a été saisi d'une offre de règlement au montant de 125 000 $ et d'un projet de transaction. À cette même réunion, le conseil a également reçu et entendu ses procureurs, comme en fait foi le compte d'honoraires de Geoffrion et Prud'homme, à la page 204 des documents qui vous ont été remis. Ces faits confirment mon souvenir que le conseil d'administration a étudié en long et en large la possibilité de considérer à quelles conditions la SEBJ pouvait entrevoir un règlement hors cour.

Ainsi, dès le 24 janvier, le chef du contentieux informait les procureurs de la SEBJ, dans une communication livrée par messager, des suites à donner à la délibération du conseil de la veille, le 23, qui faisait état d'une possibilité de règlement hors cour. Je cite: "Le conseil, sans se prononcer sur la proposition de règlement hors cour, demande d'apporter certaines modifications aux documents présentés, lesquels font l'objet d'un mémoire en annexe" et, enfin, "demande de faire parvenir un rapport sur les montants des divers chefs de réclamation que, dans votre opinion et compte tenu du développement de la cause à ce jour, vous êtes en mesure d'établir et de prouver devant le tribunal." Je rappelle que les documents présentés contenaient surtout le texte d'un projet de règlement.

La réponse à ces demandes est datée du 26 janvier. À sa réunion du 30 janvier, le conseil a pris connaissance du texte modifié de la déclaration de règlement hors cour et de l'opinion sur le quantum des dommages pouvant être obtenus par jugement. Les procès-verbaux des 23 et 30 janvier ne font pas état de ces délibérations parce que le procès était en cours.

Il me revient une information que j'ai eue après cette période selon laquelle, à peu près à la même époque, le juge qui entendait la cause avait déclaré qu'il ne souhaitait pas écouter les plaidoiries d'un procès s'il était pour avoir un règlement hors cour. C'est une raison additionnelle, je pense, pour laquelle les délibérations ne sont pas rapportées et également pour la raison majeure et constante qu'il n'y a pas eu de décision. Aux procès-verbaux, on ne rapporte que les délibérations qui débouchent sur une décision.

Cependant, le souvenir que j'ai gardé de la réunion du 30 janvier est que les administrateurs favorisaient suffisamment un règlement hors cour pour m'inciter à demander qu'on vote sur le principe ou sur la proposition de règlement à cette même séance. Avant de procéder au vote, une suggestion a été faite aux fins de tenter de connaître le sentiment du chef du gouvernement. M. Giroux, je pense, a confirmé que c'est lui qui avait fait la demande. J'ai demandé, le même jour, au premier ministre de me recevoir avec le président d'Hydro-Québec et le président de la SEBJ, ce qu'il fit le 1er février, soit deux jours plus tard. Au cours de cette entrevue, il nous fit part de façon non équivoque de son souhait qu'intervienne un règlement hors cour. J'en fis rapport au conseil à la réunion du 6 février. Il ne faut donc pas se surprendre qu'à cette séance du 6 février 1979 les membres aient résolu de donner mandat à leurs procureurs d'explorer la possibilité de régler hors cour puisque cette éventualité avait été envisagée, sinon décidée aux séances des 23 et 30 janvier.

Cette décision, il faut le rappeler, a été prise à l'unanimité par les membres présents comme en fait foi le procès-verbal qui les identifie. Je rappelle que seuls MM. Monty et Thibaudeau étaient absents.

Il est très important de souligner aussi que, le 20 février, le conseil, à l'unanimité des membres présents - ce sont tous les membres du conseil, sauf MM. Giroux, Hébert et Roquet qui sont absents - décide, premièrement, d'autoriser ses procureurs à régler hors cour sous la condition, entre autres, d'un paiement à la compagnie d'une somme représentant substantiellement les frais légaux encourus à ce jour, etc., (page 118) et, deuxièmement, d'autoriser le président du conseil à consentir pour et au nom de la compagnie suivant le rapport qu'il lui sera fait par les procureurs et selon des conditions qu'il acceptera au règlement hors cour et à signer tous documents requis aux fins d'assurer tel règlement.

Je puis donc affirmer qu'en me confiant cette responsabilité tous les membres du conseil présents avaient pris une décision unanime et irrévocable de régler hors cour pour une somme de quelque 400 000 $, soit le montant des honoraires juridiques au 20 février. J'aurais pu, en vertu de la résolution du 20 février, accepter un règlement sans le resoumettre au conseil et le dossier ne ferait apparaître alors qu'une décision unanime au 20 février. On peut donc

dire que la seule véritable divergence entre les membres du conseil portait sur les chiffres de 400 000 $ pour satisfaire à l'expression "substantiellement" plutôt que 200 000 $, soit une différence de 200 000 $ et non pas de quelque 32 000 000 $. C'est pour cette raison et parce qu'un des défendeurs n'acceptait pas de signer un aveu de responsabilité que je me suis senti tenu de resoumettre ce dossier au conseil pour ratification le 6 mars.

Je reste donc persuadé que le conseil d'administration ne se serait pas comporté autrement qu'il ne l'a fait s'il n'avait pas été informé du souhait du premier ministre. J'estime que le conseil a agi de lui-même et qu'il a tiré le meilleur parti d'une situation dont il avait hérité. (21 h 30)

Pour me résumer, M. le Président, avec votre permission, parce que, à ce qu'on lit et à ce qu'on entend, il y a sûrement des membres du conseil qui doivent protester intérieurement d'être tenus par certaines personnes pour des insignifiants ou des incapables étant donné qu'il fallait choisir entre 32 000 000 $ et 200 000 $, je dis que le conseil n'a jamais été appelé à trancher le dilemme de 32 000 000 $ pour 200 000 $, mais bien plutôt de 200 000 $ ou rien du tout. Il n'était pas difficile de choisir entre rien du tout et 200 000 $. C'est ce que le conseil d'administration de la SEBJ a fait sans difficulté et, à toutes fins utiles, à l'unanimité à sa réunion du 20 février 1979.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je vous remercie, M. Saulnier. Je voudrais revenir à la déclaration que vous venez de lire à la commission et vous référer en particulier à la séance du conseil d'administration du 9 janvier dont vous avez parlé et, en particulier, à une référence à la page 22 du document qui est devant nous.

Pour la bonne compréhension de ceux qui reliront le journal des Débats, la page 22 du document auquel vous faites référence a trait à un rapport confidentiel au conseil d'administration de la société. C'est bien cela? Et l'extrait que vous en avez donné dans votre déclaration, je vais le répéter, parce que cela m'apparaît être important. Alors, c'est le troisième paragraphe de la fin à la page 22 du document et de la page 8 du rapport confidentiel: "En instituant cette action, la société d'énergie était consciente du fait que la plupart des défendeurs ne seraient pas en mesure de pouvoir satisfaire à un jugement rendu dans cette cause. Ses procureurs avaient attiré son attention sur ce fait par la mention suivante: "II y a lieu cependant de s'interroger sur ce que peut être présentement la solvabilité de tous ces défendeurs possibles et surtout sur ce qu'elle serait, une fois le jugement final obtenu, tenant compte en particulier de l'envergure de la réclamation de la société." "Cependant elle était consciente qu'à titre d'entreprise à caractère parapublic, gérant des fonds et des biens du domaine public, elle se devait de tenir les individus et organismes responsables de leurs actes dans le but d'établir un climat de confiance pour les travailleurs et les entrepreneurs présents et futurs sur les chantiers de la Baie-James."

M. Saulnier, lorsque vous êtes arrivé au conseil à l'automne de 1978, j'imagine que, comme président du conseil, vous avez eu tout le loisir de prendre connaissance des différents avis juridiques que vos procureurs vous avaient transmis en regard de ce dossier. Si je comprends bien votre déclaration, ce n'était donc pas en janvier 1979 seulement que l'attention du conseil d'administration avait été attirée sur la fragilité de la solvabilité des défendeurs mais bien depuis le début de l'instance, si je comprends bien votre témoignage.

M. Saulnier: Témoignage que je rends, M. le Président, en me reportant à ce paragraphe et à celui qui précède, parce que c'est tiré, à ce qu'on doit comprendre, d'une opinion donnée à l'époque.

M. Duhaime: Maintenant, vous employez une expression qui m'a frappé tout à l'heure à la page 2 de votre déclaration. "Le conseil d'administration n'était-il pas fondé de comprendre dès le 9 janvier 1979 - et les soulignés sont de vous - que la procédure engagée avait une part de symbolique à son origine même?" Il faudrait peut-être que vous élaboriez davantage votre idée là-dessus. Qu'est-ce que vous avez à l'esprit lorsque vous dites que la procédure engagée avait une part de symbolique à son origine même?

M. Saulnier: Dans le sens suivant, M. le Président. C'est que le document le dit, à toutes fins utiles. On notera que je l'ai mis sous la forme interrogative. À ce moment, d'ailleurs, je ne suis pas au conseil, je suis absent de cette réunion, mais je lis les documents cependant. Et l'impression très nette que j'ai et que j'ai encore aujourd'hui quand je relis ces textes, je me dis: Est-ce que ce n'était pas possible que cela ait une valeur symbolique à l'époque? Et je le mets sous forme d'interrogation. Je n'ai interrogé aucun de mes collègues. J'ai dit au début que c'est ma perception à moi.

Si on me permet d'expliquer un peu...

Le Président (M. Jolivet): Mais oui, allez-y.

M. Saulnier: Surtout quand j'arrive aux deux dernières lignes, et surtout d'établir un climat de confiance, j'ai beaucoup de difficulté à comprendre qu'on établit un climat de confiance quand on poursuit tous ces travailleurs. J'ai de la difficulté à absorber cela.

M. Duhaime: Toujours à partir de la déclaration que vous avez faite tout à l'heure, si j'ai bien compris, le 23 janvier 1979, en conseil d'administration et en présence de vos procureurs, il a été question d'une offre de règlement qui vous avait été faite et c'est à la suite de cette rencontre avec vos procureurs en conseil d'administration le 23, que, le lendemain, le 24, Me Gadbois a transmis une communication à vos procureurs. J'ai cru comprendre tantôt que, dès le 30 janvier 1979, lors du conseil d'administration que vous avez présidé - est-ce que j'ai bien compris tout à l'heure? - vous avez indiqué à la commission que vous étiez prêt à passer au vote dès le 30 janvier, avant même de rencontrer le premier ministre?

M. Saulnier: C'est le souvenir très net que j'ai conservé. Les délibérations avaient à peu près épuisé le sujet, parce que cela faisait presque deux jours complets. Quand on préside un conseil, on se rend un peu compte si les gens souhaitent qu'on en finisse ou qu'on continue, même s'ils n'ont rien à dire. Alors, j'ai dit: S'il n'y a pas d'autres questions, ou quelque chose du genre, d'autres interventions, je vais proposer qu'on fasse un tour de table. Je crois que c'est l'expression que j'ai utilisée, parce que c'est celle que j'utilise habituellement à cette occasion. Je ne vois pas pourquoi je l'aurais changée. M. Giroux a simplement suggéré: Est-ce qu'on ne serait pas bien avisés, ou quelque chose du genre, de connaître le sentiment du gouvernement à cet égard? Je n'ai vu d'objection de la part d'aucun des membres de mon conseil et j'ai compris qu'à ce moment-là c'était le bon plaisir des membres de s'enquérir des souhaits ou des sentiments du chef du gouvernement.

M. Duhaime: Donc, c'est le lendemain que la réunion a eu lieu avec le premier ministre et son chef de cabinet. Pouvez-vous nous dire, M. Saulnier, dans vos propres mots, comment s'est déroulée cette réunion du 1er février 1979 avec le premier ministre et les deux présidents qui vous accompagnaient, de même que le chef de cabinet, M. Boivin, qui accompagnait M. Lévesque? Comment cela s'est-il déroulé?

M. Saulnier: D'abord, rapidement, je pense que j'ai transmis au premier ministre ce que je lui avais dit d'ailleurs au téléphone quand je lui ai demandé de nous recevoir, que le conseil d'administration souhaitait connaître le sentiment du gouvernement et qu'on était rendu à un point où il était indiqué de le connaître. Je pense que, spontanément - c'est mon souvenir - il nous a indiqué de façon non équivoque qu'il souhaitait qu'intervienne un règlement hors cour. Je n'ai pas de souvenir, vous savez. Je vous ai dit tout à l'heure que je connais M. Lévesque depuis plus de 20 ans et je l'ai entendu utiliser des jurons que j'utilise à l'occasion moi aussi et je ne m'en formalise pas, mais je n'ai pas souvenir qu'il l'ait dit ce jour-là. Mais, encore une fois, c'est parce que je n'en ai pas souvenir. Il y en a qui s'en souviennent, alors peut-être qu'il l'a dit, parce qu'il le dit fréquemment.

Si on me le permet, je dirai qu'il a tout de suite posé la question ou que quelqu'un l'a posée: Est-ce que vous avez des raisons de ne pas régler, ou quelque chose du genre? Je crois que c'est à ce moment qu'il y a eu un échange d'opinions entre M. Boyd et le premier ministre. Pour être le plus précis possible, M. Boyd a fait valoir les raisons pour lesquelles on avait engagé une poursuite et les raisons pour lesquelles il y avait lieu de la continuer. C'est à peu près tout ce qui me revient à l'esprit. Mais, encore une fois, ce que je sais, c'est que cela a été assez bref. Cela a été assez bref, mais tout à fait cordial.

M. Duhaime: Maintenant, M. Saulnier, au sortir de cette réunion, est-ce que vous aviez l'impression ou est-ce que vous aviez le sentiment d'être sous "pression"?

M. Saulnier: La question m'est adressée personnellement?

M. Duhaime: Oui.

M. Saulnier: Le réponse, spontanément, c'est non, pour une excellente raison, c'est que c'est toujours non dans mon cas. Moi, je juge les questions qui me sont soumises à ce que je crois être leur mérite, je ne dis pas que c'est à leur mérite, je dis que c'est à ce que je crois être leur mérite. Les pressions ne m'impressionnent pas. J'ai dû en faire une règle pour de bonnes raisons très tôt dans ma carrière politique et cela m'a bien servi. Je pourrais ajouter que je ne voyais pas, personnellement, l'intérêt qu'il y avait à aller demander ce que le premier ministre pensait de cela, parce que je pensais que le conseil, à toutes fins utiles, était d'accord avant et, en fait, il l'a été après. Alors, je n'en voyais pas du tout l'intérêt, mais, comme c'était une expression d'opinion, par respect et déférence, on y est allé.

M. Duhaime: M. Saulnier, au meilleur

de votre souvenir, lors de cette réunion avec le premier ministre, est-ce qu'il a été question des modalités d'un règlement éventuel?

M. Saulnier: Absolument pas.

M. Duhaime: Absolument pas; en aucune façon?

M. Saulnier: Absolument pas.

M. Duhaime: II n'a pas été question de 2 000 000 $, de 1 000 000 $, de 500 000 $, de 200 000 $, 150 000 000 $, 125 000 000 $?

M. Saulnier: Encore une fois, je réponds, à mon souvenir: Absolument pas. Mais peut-être qu'au souvenir d'autres personnes, il y en a eu. Moi, je n'ai pas de souvenir de cela.

M. Duhaime: Vous avez lu, comme nous autres, j'imagine, M. Saulnier, le journal La Presse, à la une, du 17 mars 1983. Il y a un grand titre en première page et ensuite un renvoi à la page 8. Je voudrais peut-être vous en lire un paragraphe. À la toute fin de l'article: "À l'exception de M. Boyd - c'est M. Michel Girard qui l'a écrit - et de deux collègues, tous les autres membres du conseil d'administration d'Hydro-Québec et de la SEBJ ont cédé à l'ultime pression du premier ministre en acceptant, le jour même de l'intervention en Chambre de M. Lévesque, de donner à leurs avocats un mandat de négocier un règlement hors cour". Avant de vous poser la question, je pense que personne ne va me faire le reproche de corriger immédiatement que ce n'est pas le jour même que cette réunion a eu lieu, mais c'est le 1er février et que, le jour même, tel que c'est indiqué ici, on se réfère bien sûr à la décision prise au niveau du conseil d'administration. Ce que je veux savoir de vous, M. Saulnier, quand on mentionne que tous les autres membres du conseil d'administration d'Hydro-Québec et de la SEBJ ont cédé à l'ultime pression du premier ministre, est-ce que vous êtes d'accord avec le contenu de l'article de M. Michel Girard publié en page A-8 de la Presse du 17 mars 1983 ou si vous êtes en désaccord?

M. Saulnier: En ce qui me concerne, je suis en total désaccord. Je l'ai dit, d'ailleurs, dans mes renseignements préliminaires.

M. Duhaime: M. Saulnier, vous nous avez indiqué tout à l'heure que, lorsque vous présidiez les séances du conseil d'administration, vous aviez comme habitude, lorsque vous étiez d'accord avec la majorité qui se dégageait sur un sujet ou sur l'autre, de vous abstenir et, lorsque vous étiez en désaccord, d'exprimer votre vote. Dois-je donc comprendre que, si vous vous êtes abstenu ce jour-là, vous étiez d'accord avec les six autres membres du conseil d'administration qui acceptaient le règlement hors cour qui était recommandé et qui était sur la table. (21 h 45)

M. Saulnier: C'est conforme à la règle que j'ai résumée au début. Comme je n'ai pas voté contre, que je me suis abstenu, il est clair que je souscrivais à la décision.

M. Duhaime: Alors, M. Saulnier, je comprends donc que vous étiez d'accord avec la majorité du conseil d'administration lors de ce vote. Voulez-vous maintenant dire à la commission quels sont vos motifs pour en venir à cette décision?

M. Saulnier: D'accepter la décision?

M. Duhaime: D'accepter de régler hors cour.

M. Saulnier: Ce sont ceux que j'ai résumés dans la déclaration préliminaire et ceux qu'on peut trouver dans le dossier qui vous a été remis, M. le Président, également, ce qu'on peut retrouver dans ces souvenirs. J'ai bien mentionné quelque part dans mon texte que nous avons passé plusieurs heures avec nos procureurs. À la fin d'une séance de questions et réponses, on vient à se faire une idée de la valeur de ce qu'on a d'engagé. Je dis donc que c'est en se fondant sur les documents qui nous ont été soumis, particulièrement sur les points que j'ai soulevés et également en suivant les délibérations du conseil.

M. Duhaime: Pour vous, est-ce qu'il y avait un motif plus qu'un autre ou si c'étaient les liens de responsabilité civile à être établis avec le syndicat américain? Est-ce que c'était la capacité de payer des syndicats du Québec? Est-ce que c'était une préoccupation de paix sociale sur le chantier? Est-ce que c'étaient les souvenirs de la commission Cliche? Enfin, est-ce que vous pourriez développer davantage?

M. Saulnier: En ce qui me concerne -je pense que cela s'applique aussi à plusieurs membres du conseil mais je ne veux pas parler en leur nom - les deux arguments, parce qu'il ne faut pas les dissocier, qui appelaient une décision comme celle qui a été prise, c'était, premièrement, l'insolvabilité des parties québécoises, des intimés québécois, des défendeurs.

Le deuxième, qui était étroitement relié, c'était l'impossibilité de faire le lien de droit requis par la loi américaine. Là on ne parle pas d'une opinion d'un juge ou d'un jugement ou d'une opinion juridique, mais

bien du texte d'une loi écrite avec des mots simples de la langue anglaise qui dit comment on peut faire un lien. Nous, on ne pouvait pas le faire. À partir de ce moment, cela me fait revenir sur les 32 000 000 $. C'était à peu près l'équivalent, avoir poursuivi cela dans cette voie, que d'essayer d'accrocher son chapeau sur un clou dessiné au crayon sur un mur.

M. Duhaime: Maintenant, M. Saulnier, en dehors de cette réunion du 1er février avec vos collègues en compagnie du premier ministre, est-ce que vous avez eu d'autres rencontres, vous-même, ou d'autres conversations avec le premier ministre pour discuter de ce dossier?

M. Saulnier: Avec le premier ministre, absolument pas.

M. Duhaime: Avec Me Yves Gauthier? M. Saulnier: Absolument pas.

M. Duhaime: Avec Me Jean-Roch Boivin?

M. Saulnier: Sur le mérite du dossier, absolument pas. Mais il est possible qu'à l'occasion d'un appel téléphonique pour un autre objet, d'une rencontre fortuite, il m'ait demandé à un moment donné - je ne pourrais pas dire lequel, à quel endroit - à quelle étape le conseil était-il rendu, rien de plus. C'est sûr que ma réponse a été très brève, M. le Président.

M. Duhaime: Si vous me le permettez, M. Saulnier, je voudrais vous lire un extrait de mon livre de chevet, ces jours-ci: le rapport de la commission Cliche...

M. Saulnier: Ah! Oui. On parle de moi là-dedans, d'ailleurs.

M. Duhaime: ...qui a été transmis au premier ministre, M. Robert Bourassa, le 2 mai 1975, par les trois commissaires, MM. Cliche, Mulroney et Chevrette. À la page 68. Cela va être très bref. Page 68 de l'édition que j'ai. J'en ai une autre ici, c'est la page 99, si vous l'avez dans un plus grand volume. Alors, je vais le lire, M. Saulnier. Je ne sais pas si on pourrait vous en fournir une copie pour que vous puissiez suivre. Page 68, au bas de la page, à gauche: "Les commissaires ont acquis la conviction que les travailleurs ordinaires n'encourent pas la responsabilité de ce qui est arrivé..." - bien sûr, on réfère au saccage - "...il ne s'agit aucunement d'une réaction de masse, mais bien d'une opération montée par un noyau de mécréants, dirigés par Duhamel, pour montrer, une fois pour toutes, qui était le maître à la Baie-James. L'impression nette que nous tirons de l'interrogatoire des témoins du saccage est que les travailleurs ont été de simples spectateurs et même des victimes des actes insensés posés par un Duhamel en délire. C'est à ce genre de catastrophe que devait fatalement aboutir l'irresponsabilité des aventuriers sans scrupule qui avaient fait main basse sur le contrôle des principaux locaux de la FTQ-Construction".

Ma question est la suivante, M. Saulnier. Je ne sais pas si vous avez déjà eu l'occasion dans le passé de parcourir ce document éloquent, mais cela m'apparaît être l'une des constatations importantes du rapport de la commission d'enquête Cliche sur toute l'industrie de la construction et, en particulier, sur le saccage de la Baie-James. Est-ce que vous partagez, vous, ce point de vue des commissaires, à savoir que les travailleurs ordinaires n'encourent pas la responsabilité de ce qui est arrivé? Est-ce que vous partagez ce point de vue des commissaires?

M. Saulnier: Oui, sûrement.

M. Duhaime: Sûrement?

M. Saulnier: Ah! Oui, sûrement.

M. Duhaime: Je vous remercie, M. Saulnier. Je n'ai pas d'autres questions, pour le moment.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. Saulnier, vous nous avez dit que vous étiez présent à la réunion du 1er février au bureau du premier ministre?

M. Saulnier: En effet, oui.

M. Bourbeau: Pardon?

M. Saulnier: J'ai dit: En effet, oui.

M. Bourbeau: Oui. Réunion au cours de laquelle le premier ministre a exprimé son souhait que la cause soit, ou abandonnée, ou réglée. Etiez-vous au courant, avant cette date du 1er février 1979, que le premier ministre souhaitait régler la cause?

M. Saulnier: Absolument pas.

M. Bourbeau: Vous ne le saviez pas avant cette date?

M. Saulnier: Absolument pas.

M. Bourbeau: Pour vous, cela a été une surprise?

M. Saulnier: Dans le sens que venant de

lui, oui. Mais, dans le sens qu'il avait intérêt de régler, ce n'était pas une surprise, c'était à peu près rendu là.

M. Bourbeau: Votre président-directeur général, M. Laliberté, avec qui, je présume, vous aviez des contacts fréquents...

M. Saulnier: Pas plus que ceux requis par les affaires.

M. Bourbeau: D'accord. Mais, enfin, vous étiez le président du conseil et il était le P.-D.G. et vous vous rencontriez, je présume, de temps à autre? Il nous a dit que, quant à lui, il avait rencontré, un mois auparavant, trois semaines auparavant, M. Jean-Roch Boivin, le chef de cabinet du premier ministre et, qu'au cours de cette rencontre, M. Boivin lui avait fait état - à M. Laliberté - du souhait du premier ministre que la cause soit abandonnée. Est-ce que M. Laliberté vous en avait fait part?

M. Saulnier: Absolument pas.

M. Bourbeau: Vous voulez dire qu'en aucune façon, votre président-directeur général ne vous a fait part de cette réunion-là?

M. Saulnier: Non.

M. Bourbeau: Est-ce que, à votre connaissance, d'autres membres de votre conseil avaient été mis au courant, par M. Laliberté, du désir du premier ministre?

M. Saulnier: Moi, je ne pourrais répondre de ce qu'ils auraient pu entendre au conseil. Je n'ai rien entendu. Ce qu'ils peuvent entendre ailleurs, je n'en sais rien. Je ne peux pas les suivre et je ne les suis pas.

M. Bourbeau: Lors des discussions que vous avez eues au conseil, plusieurs discussions au cours du mois de janvier, personne, à votre connaissance...

M. Saulnier: À mon souvenir, non.

M. Bourbeau: ...n'a évoqué le souhait du premier ministre ou de son bureau de voir la cause se régler?

M. Saulnier: À mon souvenir, non.

M. Bourbeau: Et pourtant, d'après ce que vous me dites, vous avez beaucoup discuté au cours du mois de janvier de la possibilité de régler la cause ou d'abandonner les poursuites.

M. Saulnier: Nous n'avons sûrement pas discuté de cela. Je ne le savais pas.

M. Bourbeau: Vous ne saviez pas?

M. Saulnier: On ne savait pas que M. le premier ministre souhaitait que...

M. Bourbeau: Vous, vous ne saviez pas.

M. Saulnier: Je ne savais pas, je réponds pour moi évidemment. Sauf ceux qui l'ont entendu, j'ai l'impression que les autres ne le savaient pas.

M. Bourbeau: Quels sont ceux qui l'ont entendu?

M. Saulnier: Je n'en sais rien. Qui l'aurait entendu - je corrige mon verbe - je ne sais pas.

M. Bourbeau: Le 5 janvier 1979, vos procureurs, du bureau de Geoffrion et Prud'homme, ont émis une nouvelle opinion juridique, ont rafraîchi, si je peux dire, les opinions juridiques précédentes. Dans ce document, ils semblaient assez optimistes quant à l'issue de la cause, pour faire en sorte qu'à la réunion du 9 janvier, quatre jours plus tard, le conseil décide de continuer la poursuite en cour. À ce moment, est-ce que vous étiez d'accord avec l'opinion de vos procureurs?

M. Saulnier: Quelle partie de l'opinion, elle est longue?

M. Bourbeau: L'opinion juridique du 5 janvier de Geoffrion et Prud'homme. Je présume que vous en avez fait la lecture à plusieurs reprises. L'ensemble de l'opinion juridique du 5 janvier indiquait que vous aviez une bonne cause et qu'on devrait procéder avec le procès.

M. Saulnier: Est-ce que c'est mon opinion qu'on demande?

M. Bourbeau: Oui, votre opinion sur ce sujet.

M. Saulnier: Moi, sur la foi de cette opinion, j'estimais qu'on avait une cause qui n'était pas forte.

M. Bourbeau: Cela ne semble pas être...

M. Saulnier: Bien non. D'ailleurs j'ai cité moi-même dans mon texte un ou deux paragraphes de cette opinion.

M. Bourbeau: Cela ne semblait pas être l'opinion de vos conseillers juridiques.

M. Saulnier: Oui, mais je ne suis pas tenu de croire à cela, ce n'est pas l'Évangile.

M. Bourbeau: En matière juridique, vous pensez que vos conseillers juridiques n'étaient pas compétents, quoi?

M. Saulnier: Je n'ai pas dit cela et je ne dis pas cela. Je dis que ce que j'ai lu, les parties... si on me permet, quand j'étais plus jeune et que j'aidais mes fils à faire leurs travaux de mathématiques je leur disais toujours: Dans un problème, il est très important de lire les mots essentiels. Il y a beaucoup d'autres mots, mais les mots essentiels, ce sont ceux-là qu'il faut trouver. Moi, je les ai trouvés à la page 4, à la fin et au milieu ensuite; je l'ai cité d'ailleurs.

M. Bourbeau: Vous aviez voté une somme de 500 000 $ de frais légaux pour faire le procès.

M. Saulnier: Au mois de novembre.

M. Bourbeau: Non, le 9 janvier. Je m'excuse.

M. Saulnier: Je pense que c'est au mois de novembre.

M. Bourbeau: Vous aviez voté une somme de 500 000 $ tout de même pour faire le procès.

M. Saulnier: Oui. Nous avons été en poste le 1er octobre et, parmi les choses urgentes, celle-là est venue, je pense, au mois de novembre. À ce moment-là, tout ce qui est venu, c'est une vue à vol d'oiseau avec une demande de crédit. Or, comme on nous disait: Le procès va commencer, c'est bien évident qu'il faut voter un crédit.

M. Bourbeau: Donc vous avez voté...

M. Saulnier: Un crédit, je me permets, M. le Président. Je m'excuse M. le député.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Saulnier, vous pouvez continuer.

M. Saulnier: J'ai interrompu le député qui parlait, je m'en excuse.

M. Bourbeau: Je voudrais simplement dire que le 9 janvier, vous avez voté en faveur de continuer le procès?

M. Saulnier: Oui. C'est-à-dire non, le 9 janvier, j'étais absent.

M. Bourbeau: Vous étiez absent. Votre conseil au complet d'une façon unanime a voté pour continuer le procès.

M. Saulnier: C'est cela.

M. Bourbeau: À votre retour, quand vous avez pris connaissance de cela, est-ce que vous avez enregistré votre dissidence?

M. Saulnier: Après coup, post facto? M. Bourbeau: Oui, oui.

M. Saulnier: Moi, je ne crois pas à cela. Je sais qu'il y en a qui croient à cela; je suis un de ceux qui s'opposent, dans un conseil d'administration, au fait de voter à l'autre séance qui suit ou de voter en dehors.

M. Bourbeau: Non, je ne veux pas parler de voter en dehors, mais quand on fait la lecture du procès-verbal de l'assemblée précédente, en aucune façon n'avez-vous tenu à faire savoir...

M. Saulnier: Non, quand je suis absent, je ne discute pas ce que d'autres ont décidé en mon absence.

M. Bourbeau: Étiez-vous d'accord avec cette décision de continuer le procès le 9 janvier?

M. Saulnier: Le 9 janvier, peut-être pas en désaccord.

M. Bourbeau: Peut-être pas en désaccord.

M. Saulnier: Je n'étais peut-être pas en désaccord, non.

M. Bourbeau: Donc, à ce moment, vous auriez été plutôt d'accord je présume?

M. Saulnier: De continuer le procès? Non, je dirais plutôt: Pas en désaccord. Cela ne me paraissait pas majeur à ce moment.

M. Bourbeau: Vous étiez...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse de vous interrompre de part et d'autre. Comme il est 22 heures, j'ajourne à demain matin en vous demandant...

Une voix: Oui.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, avant l'ajournement, aurait quelque chose à ajouter.

M. Duhaime: Alors nous allons vous demander, M. Saulnier, d'être à la disposition de la commission. Est-ce que c'est possible...

Le Président (M. Jolivet): Dix heures, demain matin.

M. Duhaime: ...d'être ici à 10 heures demain matin? Pour l'information des

membres de la commission, nous pourrions siéger demain, de 10 heures à 13 heures, pour reprendre ensuite après la période des questions jusqu'à 18 heures, le tout sous réserve d'un avis ou d'une motion que fera le leader du gouvernement à l'Assemblée nationale demain après-midi.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je voudrais simplement que le ministre confirme que les témoins qui seront convoqués demain, une fois que le témoignage de M. Saulnier sera terminé, sont les avocats de la Société d'énergie de la Baie James.

M. Duhaime: Oui, c'est confirmé.

Le Président (M. Jolivet): Donc, ajournement à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 02)

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