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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 2 juin 1983 - Vol. 27 N° 79

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen de la décision de la SEBJ et du rôle du premier ministre et de son bureau lors du règlement hors cour de la poursuite intentée à la suite du saccage de LG 2


Journal des débats

 

(Onze heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît;

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend donc ses travaux aux fins d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: M. Vaillancourt (Jonquière), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Perron (Duplessis), M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Tremblay (Chambly), M. Saintonge (Laprairie).

Le rapporteur est toujours M. LeBlanc de Montmagny-L'Islet.

Je tiens à vous faire mention que nous travaillons à partir de maintenant jusqu'à 13 heures. Nous reprendrons de 15 heures à 18 heures et, selon la motion en Chambre, de 20 heures à 22 heures. Je céderais la parole à M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, ce matin, nous allons entendre le premier ministre qui voudrait s'adresser à la commission parlementaire pour faire d'abord une déclaration et ensuite répondre aux questions des députés membres de cette commission parlementaire.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Propos sur la déclaration solennelle

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais qu'on clarifie au départ le statut du premier ministre à cette commission. Je ne me souviens pas que vous ayez mentionné son nom lorsque vous avez donné la liste des membres et intervenants. Alors, je présume donc qu'il est un invité comme tous les invités ou témoins qu'on a reçus jusqu'à maintenant. Je vous rappelle simplement que la demande que j'avais faite, au début des travaux de cette commission, à savoir que les témoins soient assermentés, tient toujours.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre de l'Énergie et des Ressources a-t-il quelque chose à dire sur ce point?

M. Duhaime: Oui, M. le Président. En fait, il est pour le moins inhabituel que le premier ministre vienne en commission parlementaire dans des circonstances comme celles-ci. Je voudrais dire cependant que M. Lévesque, comme député de Taillon, a déjà prêté serment comme député, comme tous et chacun des membres de cette commission parlementaire et de l'Assemblée nationale, en 1976 et en 1981. Il a également prêté serment comme membre du Conseil exécutif depuis le 25 novembre 1976 et ce, sans interruption. Il a également fait une déclaration solennelle ou prêté serment comme chef du Conseil exécutif, c'est-à-dire comme premier ministre, le 30 avril 1981. Je pense que ce matin comme hier, comme dans le cours normal de ses fonctions comme député, comme membre de l'Exécutif, comme premier ministre, il est toujours sous son serment d'office.

On n'en fera pas un drame ou une question de procédure, si l'Opposition y tient absolument, quoique nous ayons des réserves et que nous pensions que c'est superfétatoire comme le dirait mon collègue de l'Éducation. Le premier ministre peut faire une déclaration solennelle. Cela serait la quatrième pour M. Lévesque.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas que cette demande apparaisse comme étant dérogatoire, car elle a été faite à l'égard de tous les témoins. On m'a fait valoir que le premier ministre voudrait témoigner de son siège, d'un siège de député. Vérification faite, on m'a appris que l'ancien règlement prévoyait qu'un député témoigne

de son siège alors, pour cette question, c'est réglé. Mais en ce qui concerne le serment, l'un n'annule pas les autres; plusieurs des témoins qui étaient ici étaient déjà sous des serments d'office institutionnels. Je ne pense pas que la Loi sur l'Assemblée nationale fasse état d'autres serments ou que cette obligation de prêter serment, si un membre le demande, soit annulée par le fait qu'on ait déjà prêté serment.

Le Président CM. Jolivet): Je vous remercie. Il semble y avoir une forme d'entente que je vais rendre formelle en vertu du règlement. Je sais très bien qu'en vertu de l'article 148 du règlement, "tous les députés ont accès aux commissions, mais ceux qui n'en sont pas membres et les autres personnes doivent obtenir la permission de la commission pour s'y faire entendre". Je dois comprendre que, de part et d'autre, on ne s'oppose aucunement à ce que le premier ministre soit entendu. C'est la première question de réglée. Consentement.

La deuxième, quant à la Loi sur l'Assemblée nationale, la déclaration solennelle est prévue aussi à la Loi sur l'Assemblée nationale. En conséquence, puisque le ministre dit qu'il n'y a pas d'objection qu'elle se fasse, elle pourrait se faire de son siège. Le député de Marguerite-Bourgeoys ajoute qu'en vertu du règlement, tout député... Et la constance est là et de son siège, quand il vient à une commission parlementaire.

Il me reste une autre question à poser. Je crois comprendre qu'on donnera la permission au premier ministre de faire sa déclaration préliminaire et, après, on pourra lui poser des questions. En conséquence, quant au temps au niveau des questions qui lui seront posées, chacun posera des questions et le premier ministre aura à répondre, mais, pour éviter tout imbroglio, il serait bon de passer par mon intermédiaire comme président pour adresser la question à M. le premier ministre.

Ceci étant bien clair au départ, je vais... Oui, M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): J'aimerais soulever un point. Vous avez parlé de la Loi sur l'Assemblée nationale. D'accord, le premier ministre va prêter serment ou fera une déclaration solennelle, mais j'aimerais bien qu'on mentionne que, s'il le fait, c'est volontairement et ce n'est pas la loi qui l'y oblige parce que la Loi sur l'Assemblée nationale parle des personnes assignées comme témoins devant notre commission parlementaire. Or le premier ministre n'est pas assigné comme témoin.

Le Président (M. Jolivet): Vous avez absolument raison, M. le député. C'est de son propre chef qu'il le décide ainsi.

M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Oui, M. le Président. La toute petite hésitation que j'avais à reprendre sous une autre forme à peu près l'essentiel des trois ou quatre serments d'office que j'ai déjà eu l'occasion de prêter, c'est qu'on crée ainsi, je crois, un précédent qui, probablement, ou possiblement pourrait affecter mes successeurs, mais je n'ai pas la moindre objection. Pour simplifier, je pourrais fort bien prêter serment, mais je me contenterai de jurer, ou plutôt de déclarer solennellement que je dirai ici toute la vérité et rien que la vérité.

M. Lalonde: Est-ce que c'est le greffier qui...

Le Président (M. Jolivet): Non, vu que c'est une déclaration solennelle, il la fait de son siège.

M. le premier ministre, la déclaration...

M. Lalonde: Excusez-moi une seconde, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Lalonde: Est-ce que, comme président de la commission, vous trouvez cette procédure acceptable ou en vertu de quel article est-ce prévu ou autorisé? Je veux bien parce que c'est une façon de procéder. La loi prévoit le serment en vertu de...

Le Président (M. Jolivet): Non, la Loi sur l'Assemblée nationale prévoit deux choses, soit une déclaration solennelle - cela a été fait - ou un serment.

M. Lalonde: La déclaration solennelle est traitée sur...

Le Président (M. Jolivet): Oui. M. le ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je me considère aussi fortement lié par cette déclaration que par un autre serment, quoi que semble en penser le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Duhaime: M. le Président, la procédure utilisée, pour l'information du député de Marguerite-Bourgeoys, vous la retrouvez à l'annexe 2 de la loi 90, Loi sur l'Assemblée nationale. Ce que le premier ministre a lu, il y a quelques secondes, c'est le mot à mot de cette formule qui réfère à l'article 52 de la loi.

M. Lalonde: M. le Président, c'était seulement pour faire une dernière demande.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Jusqu'à maintenant, les invités prêtaient serment sur l'Évangile ou faisaient une déclaration solennelle sur l'Évangile. Si vous considérez que la déclaration solennelle qui vient d'être donnée par le premier ministre est valable et équivaut à ce serment, à ce moment-là, M. le Président, j'accepterai votre décision.

Le Président (M. Jolivet): Je pense l'avoir rendu dans ce sens, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. C'est que la déclaration solennelle faite par le premier ministre est en vertu de l'annexe 2 de la Loi sur l'Assemblée nationale.

M. le premier ministre, vos préliminaires.

Déclaration du premier ministre M. René Lévesque

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je dois dire, pour commencer, que je n'ai, pour ma part, aucune documentation personnelle quelle qu'elle soit sur ce règlement hors cour de 1979. La raison en est fort simple. Je n'en ai jamais vu l'utilité, puisque mon rôle n'a été que de recommander fortement que l'on aboutisse à un tel règlement, un point c'est tout.

Quant aux souvenirs qui m'en reviennent, ils sont assez sommaires. Cela se comprend peut-être après quatre ans et demi. En fait, ces souvenirs découlent pour l'essentiel de ce qu'ont pu me remettre en mémoire les deux interventions que je faisais à l'Assemblée nationale le 20 février 1979 pour répondre au député de Marguerite-Bourgeoys. (Il h 45)

Touchant les faits qui ont entouré ma recommandation d'il y a maintenant quatre ans et demi, je vais donc rester à l'intérieur de ces limites, en prenant bien garde, surtout, de ne pas m'alimenter indûment à même tout ce qui a été dit ou produit depuis deux mois devant cette interminable commission.

D'abord, si on me le permet, je voudrais évoquer le pourquoi de cette recommandation que j'ai faite à la Société d'énergie de la Baie James, en fait à l'ensemble d'Hydro-Québec.

Ensuite, la façon dont cette recommandation fut transmise aux intéressés, et ce que je me rappelle de la suite des événements.

Et, évidemment, mes propos à ce sujet à l'Assemblée nationale et le fait qu'ils n'étaient aucunement de nature à induire la Chambre en erreur.

Après quoi, on me permettra, j'en suis sûr - puisque les procureurs libéraux ne s'en sont guère privés en cours de route d'ajouter quelques très brefs commentaires en terminant.

Le saccage du chantier LG 2 à la Baie-James, il y avait déjà presque cinq ans qu'il s'était produit et à peu près trois ans que des poursuites judiciaires en avaient résulté lorsque, à la fin de 1978, on nous a fait repenser à tout cela. Les poursuites contre divers syndicats étaient en effet sur le point d'aboutir devant les tribunaux et on nous demandait, à mon chef de cabinet, Me Boivin, et à moi-même, d'intervenir dans le sens d'un abandon de ces poursuites et d'un règlement hors cour. Demande qui provenait, naturellement, de certains défendeurs syndicaux.

Il ne m'est jamais venu à l'esprit que je pourrais avoir le droit de ne pas me préoccuper de la question. Comme chef du gouvernement, représentant politique des citoyens propriétaires de l'entreprise, c'était, me semblait-il, mon devoir le plus strict de me faire une opinion et, le cas échéant, de la faire connaître à qui de droit. D'autre part, il était absolument essentiel de relire le rapport de la commission Cliche. Comme je l'ai dit en Chambre, à l'époque, et je cite: "C'était là le fruit de la seule enquête, sauf erreur, qui a été faite d'une façon globale sur ce saccage de la Baie-James." C'est en effet le 3 mai 1974, soit moins de deux mois auprès l'événement, que cette commission avait été formée, et, précisément, 364 jours plus tard, le 3 mai 1975, qu'elle avait remis son rapport. Pour quiconque avait à se faire une opinion, rendu en 1978, c'était évidemment la source d'information indispensable entre toutes. Nous avons donc relu ce rapport. Pour ma part, je me souviens de l'avoir fait avec le plus grand soin. Après quoi, avant le congé de Noël 1978, Me Boivin et moi-même avons fait le point. Et il nous est apparu à l'évidence qu'un règlement hors cour était bel et bien indiqué.

Et voici pourquoi. D'abord, en ce qui concerne le syndicat américain qui était poursuivi, lui aussi, ce syndicat américain dont la solvabilité était le seul facteur de crédibilité d'une réclamation de plus de 30 000 000 $. Solvable donc, ce syndicat américain? Oui, fort probablement. Mais responsable? Quant à nous, d'aucune façon. Le rapport Cliche ne peut laisser le moindre doute à ce propos. Le seul reproche qu'il trouve à adresser à ce genre d'union qu'on dit internationale, c'est-à-dire américaine, en fait - et ce reproche, le rapport le fait sans ménagement - c'est d'avoir des statuts qui font fi, littéralement, de nos lois en ce qui touche leurs filiales canadiennes ou

québécoises. Mais concernant l'opération saccage, il apparaît très clairement que les Américains n'avaient rien eu à voir là-dedans et qu'il s'était agi d'un coup monté exclusivement par des mécréants bien de chez nous.

D'autre part, à supposer qu'on eût quand même cherché à faire payer les Américains, il était tout aussi clair, c'est le moins que je puisse dire, qu'on n'était pas sortis du bois. Dans l'opinion émise à ce propos par des procureurs de la Société d'énergie de la Baie James et dont Me Boivin avait pris connaissance, l'on retrouvait à tout bout de champ des mots comme "possiblement", "il est à présumer" ou encore "la responsabilité se trouve peut-être engagée", etc. Bref, il sautait aux yeux que cet aspect de la cause était terriblement aléatoire. Et l'on ne pouvait s'empêcher de penser au pèlerinage judiciaire que cela aurait forcément impliqué. Jusqu'en Cour suprême ici au Canada et puis on recommence aux États-Unis! Après combien de millions de frais d'avocats et de procédures? On serait encore probablement en train de patauger là-dedans aujourd'hui, en 1983, et sans doute pour quelque temps encore. Mais surtout, au-delà de tout cela, et je tiens à le répéter, cette poursuite contre les syndicats américains demeurait dès l'abord parfaitement inéquitable. On ne fait pas payer aux autres nos propres mauvais coups.

Arrivons-en maintenant aux vrais et principaux responsables du saccage, les syndicats québécois. Je réfère ici aux clients de Me Jasmin, aujourd'hui juge Jasmin, c'est-à-dire l'Union internationale des opérateurs de machinerie lourde, local 791, assez bien connue à l'époque et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (FTQ). À deux reprises, lors de mes interventions en Chambre, le 20 février 1979, j'ai été on ne peut plus clair à ce sujet, en parlant par exemple, je cite: "des syndicats québécois qui peuvent être tenus techniquement et juridiquement responsables, d'ailleurs ils l'admettent".

Mais alors, pourquoi m'étais-je également permis de dire: "il me semble, c'est le sentiment que j'en ai, qu'il serait injuste de faire payer par l'ensemble des travailleurs des montants importants pour lesquels ils ne sont franchement pas responsables?". Là-dessus, il faut retourner de nouveau au rapport de la commission Cliche. À l'Assemblée nationale, en février 1979, je m'étais contenté d'en citer un seul passage de ce rapport. Un passage qui est en quelque sorte une conclusion sur le fameux saccage. Curieusement, c'est ce même passage, et lui seul, qu'on a cru bon de rappeler à plusieurs reprises, au cours des travaux de cette commission. Il me semble que c'est bien court. Évidemment, à la période des questions, en 1979 - on sait que ce n'est pas un moment qui se prête aux longs discours - je m'étais contenté de cela, mais il me semble que c'est bien court et que cela ne permet pas de saisir comme il le faut le véritable roman d'horreur dont la destruction du chantier de LG 2 devait être le point culminant.

Le rapport Cliche rappelle d'abord qu'au cours de négociations - c'était vers 1970 - sur le décret de la construction, tout le monde s'était entendu sur la nomination d'un nombre très important de "délégués de chantier", comme on les appelait, qui auraient comme fonction "de veiller à l'application du décret et des conditions de travail des salariés qu'ils représentent..."

Comme le souligne le rapport, c'était une excellente idée que "cette attribution de la surveillance et de l'application du décret aux représentants des travailleurs". L'idée était indiscutable, mais ce qu'il faut voir, c'est l'application qui en fut faite par certains syndicats de la FTQ-Construction, ceux en particulier qu'on devait retrouver en première ligne dans les événements de la Baie-James.

Je cite les pages 32 et 33 du rapport Cliche. "Les témoignages révèlent en effet que cette clause a eu pour conséquences d'abord la création, ensuite l'entretien d'une armée privée de fiers-à-bras sans pareille dans l'histoire des relations ouvrières au Québec. "Du jour au lendemain, sans que les simples travailleurs eussent été le moindrement consultés, quelque 2000 individus furent sacrés "maîtres" de la construction et instaurèrent le terrorisme dans les chantiers (...) "Un alarmant pourcentage des délégués se compose de repris de justice. La Sûreté du Québec a analysé leurs dossiers selon la méthode scientifique pour le compte de la commission; cette étude constitue en soi un témoignage éloquent sur le noyautage de l'industrie de la construction par la pègre."

Parmi cette pègre, il y a deux noms surtout qui reviennent au premier plan tout au long de cette enquête sur les tenants et aboutissants du saccage de la Baie-James: les dénommés René Mantha et Yvon Duhamel.

Je prends le passage suivant aux pages 69 et 70 du rapport Cliche: "M. René Mantha était l'un des hommes forts de ce régime de terreur. C'est lui qui a inspiré la vocation syndicale de Yvon Duhamel. Il est vrai que la sienne était elle-même d'éclosion toute fraîche - sa vocation (...) "M. Mantha avait déjà acquis une solide expérience dans un autre milieu. Son dossier judiciaire en témoigne éloquemment. Il montre une spécialisation en matière de violence caractérisée, entre autres, par une attaque contre son propre frère à coups de poignard dans le dos. Sa compétence fut

reconnue puisqu'on le voit, le jour des élections, en octobre 1973, diriger une escouade d'une douzaine de fiers-à-bras, dont notre boxeur Yvon Duhamel, armé, comme il se doit, d'un coup de poing américain, faisant le tour des deux comtés de Taillon et de Laporte.

Mantha et trois de ses voyous se font arrêter durant l'avant-midi, en train de faire du grabuge à l'entrée d'un comité du Parti québécois dans le comté de Taillon.

Relâchés à la suite des représentations d'un avocat, ils continuent de vaquer à leurs activités.

Ces activités devaient d'ailleurs les faire arrêter puis relâcher une seconde fois dans la même journée jusqu'à ce qu'un autre avocat libéral arrive au poste de police, porteur d'une lettre du secrétaire d'élections pour le comté de Laporte, lettre qui se terminait ainsi, je cite: "J'autorise la libération des personnes susdites à la condition expresse et formelle qu'ils (sic) -les personnes - quittent le comté de Laporte et n'y reviennent pas d'ici la clôture du scrutin." Et le rapport Cliche d'enchaîner comme suit: "Ces honnêtes travailleurs d'élections purent donc se remettre à l'oeuvre, mais ailleurs."

Ailleurs hélas! pour le dénommé Duhamel et d'autres bandits de même acabit, cela devait signifier, dans les mois suivants, et jusqu'au saccage de mars 1974, les malheureux chantiers de la Baie-James. Si j'ai cité ce passage "électoral" du rapport Cliche, ce n'est pas pour le plaisir un peu méchant, en tout cas sûrement pas seulement pour cela, de rappeler à certains quelques mauvais ou peut-être quelques bons souvenirs. C'est pour souligner que si les antécédents syndicaux de ces individus étaient aussi courts que douteux, ils avaient par ailleurs d'autres accointances qui doivent forcément figurer dans toute réflexion sur une question de responsabilité.

Voici donc cette cohorte de bandits installée à la Baie-James. Loin des régions peuplées, dans un contexte où leurs pouvoirs de délégués de chantier vont leur permettre des comportements auprès desquels leurs exploits d'honnêtes travailleurs d'élections sont de la petite bière.

Un seul exemple: Le témoignage devant la commission Cliche d'un certain Lavergne, un des piliers, comme Yvon Duhamel, du local de l'époque, local 791 de la FTQ-construction. Il y raconte de quelle manière, à LG 2 justement, on s'y était pris pour obtenir un scrutin favorable à une grève illégale.

Cela se trouve à la page 13 du rapport Cliche et je cite: "Nous autres, on ne participait pas au vote, on s'occupait simplement à empêcher ceux qui étaient contre la grève de voter, de ce fait il y a une partie de notre groupe qui est restée à l'intérieur de la cafétéria ils ont barricadé les portes avec des deux par quatre (2 x 4) et les autres étaient à l'extérieur qui les empêchaient d'approcher de la porte jusqu'à temps que le vote soit pris, s'il y avait des gars qui voulaient forcer la porte on s'en occupait."

Et comment s'en occupait-on, le cas échéant? Quelques lignes plus loin, le même individu en donne un exemple des plus concrets et je cite à la même page: "Quand le vote suivant a été, disons, prêt à se faire, on s'était arrangé un certain groupe ensemble, une cinquantaine, peut-être un peu plus.(...) On s'est groupé une cinquantaine armés, certains de trente-huit (.38), d'autres de quarante-cinq (.45), d'autres avec des chaînes, des "bats" de baseball, en conséquence." Le président ne peut s'empêcher de poser la question suivante: Est-ce que c'était des revolvers tout ça? La réponse: "Oui, on avait des trente-huit (.38). Moi, personnellement, j'avais un Magnum quarante-cinq (.45)."

Il me semble que, sur ce point, le fait que des bandits professionnels avaient fait main basse sur les syndicats de la FTQ-Construction et tout spécialement ceux de la Baie-James, ces évocations devraient suffire. Oublions les travailleurs qui furent effectivement bousculés, expulsés, assommés. Ceux qui voudraient se documenter davantage n'ont qu'à relire eux-mêmes ce rapport impitoyable de la commission Cliche. (12 heures)

Avant de conclure ce tour d'horizon d'un chapitre vraiment sinistre de l'histoire du syndicalisme, on doit encore, si brièvement que ce soit, évoquer ce qu'il faut bien décrire comme l'omniprésence et, à l'époque, la puissance vraiment multidi-mensionnelle d'un empire du crime qui ne tenait pas seulement les chantiers dans ses tentacules, mais aussi le plus important organisme établi par le gouvernement et l'Assemblée nationale pour régir au sommet l'industrie de la construction. Cet organisme, c'était la Commission de l'industrie de la construction, la CIC, à laquelle, à la suite du rapport de la commission Cliche, devait succéder l'actuel Office de la construction du Québec, l'OCQ.

La CIC, c'était là, en plus des chantiers eux-mêmes, à la fois tout un enjeu et tout une police d'assurance pour les "racketeers" qui étaient au pouvoir. À la page 138 du rapport Cliche, je cite: "La CIC était une entreprise considérable qui devait à la fois interpréter et appliquer le décret de 140 000 travailleurs, à l'emploi de 15 000 entrepreneurs. Elle comptait quinze bureaux régionaux, employait plus de 600 personnes et son budget administratif atteignait en 1973 18 000 000 $. "Parallèlement, pour administrer le régime de sécurité sociale de l'industrie de

la construction, on avait créé le Comité des avantages sociaux de l'industrie de la construction. Le CASIC logeait sous le même toit que la CIC, fonctionnait comme elle et l'assurait de tous ses services techniques (services d'informatique, d'inspection, etc.). Ses encaissements sont présentement - le rapport parle de l'année 1975 - de l'ordre de 90 000 000 $ par année."

C'est ici que le rapport de la commission Cliche identifiait le plus clairement, le plus concrètement et de façon particulièrement lapidaire l'individu indiscutablement remarquable qui régnait sur ce véritable état criminel dans l'Etat: le célèbre André "Dédé" Desjardins. Page 139 du rapport Cliche, je cite: "La preuve révèle que plusieurs inspecteurs de la CIC n'étaient rien d'autre que des agents d'affaires de la FTQ-Construction. En fait, si M. André Desjardins, directeur général du Conseil provincial des métiers de la construction, avait d'une part une armée de délégués de chantier bien entraînés, il pouvait aussi compter sur une fort bonne escouade d'inspecteurs à la Commission de l'industrie de la construction..." Les deux groupes avaient en commun leur dévouement aux intérêts de M. Desjardins. Le rapport enchaîne: "Si, fort heureusement, la majorité des employés et des inspecteurs de la commission était honnête et remplissait son mandat au meilleur de sa capacité et dans l'intérêt des travailleurs, pour plusieurs autres, leurs emplois étaient une récompense pour services rendus au local 144 des plombiers ou d'autres locaux de la FTQ-Construction."

On imagine, il me semble en tout cas, assez facilement le réseau fourni de complaisances et de complicités spontanées ou forcées, et qui allait chercher pas mal loin dans la société, que pouvait requérir le maintien à peu près incontesté d'une telle combine de terrorisme et de racket. C'est ce que le rapport Cliche évoque assez bien en résumant en une phrase cette journée, une journée chaleureusement conjointe de MM. "Dédé" Desjardins et Paul Desrochers, bras droit du premier ministre de l'époque, et je cite: "...il était imprudent pour M. Desrochers d'explorer la possibilité d'accorder un monopole syndical à M. André Desjardins, le midi, au Club de la Garnison, à Québec, puis de retrouver ce même M. Desjardins, le même soir, à Sept-Îles, pour lui demander de l'aide afin que l'élection partielle de ûuplessis, et je cite: "se passe dans un climat serein."

Est-il surprenant que sur les chantiers, tout en haut, les simples et honnêtes travailleurs de la construction, encadrés de force par des bandits dont les chefs étaient pour ainsi dire pas mal au pouvoir, aient perdu complètement le contrôle effectif de leurs syndicats? Aussi, la commission Cliche a-t-elle émaillé son rapport de constatations comme celles-ci, à la page 16: "II est de notoriété publique que les scrutins de grève de la FTQ-Construction se déroulent à Montréal et que n'y participe qu'une faible proportion des membres, sans que la masse des travailleurs ait l'occasion de se prononcer. C'est ce même groupuscule qui se charge ensuite de diffuser la bonne nouvelle dans tout le Québec et de la faire accepter par les moyens qu'on connaît." Encore à la page 66, cette évocation assez saisissante du saccage à LG 2 le 21 mars 1974, je cite: "La suite, dit la commission, fait partie des annales judiciaires, puisque Yvon Duhamel purge maintenant une peine de dix ans de pénitencier. Beaucoup de gens se rappelleront longtemps cette scène incroyable, celle d'un agent d'affaires qui fonçait sur des génératrices de 250 000 $ pièce à coups de bélier mécanique. Il revint en face du local de la FTQ - toujours sur le chantier - pour s'adresser de nouveau à la foule, défoncer ensuite d'immenses réservoirs à essence, mettre le feu à son bureau et, avec l'aide de ses complices, à une bonne partie du camp." Et la commission ajoute: "Tout cela sous les yeux ébahis et impuissants des travailleurs ordinaires assistant à la destruction de leur camp et à la perte de leurs emplois."

Voilà comment, M. le Président, j'en étais venu personnellement à une opinion claire et nette, qui rejoignait d'emblée la recommandation que me fit, à la veille de Noël 1978, M. Jean-Roch Boivin. Comme on le sait, c'est ce dernier qui se chargea de transmettre, le 3 janvier 1979, cette opinion et cette recommandation à M. Claude Laliberté, président de la Société d'énergie de la Baie James, à savoir que nous étions en faveur d'un règlement hors cour.

Après quoi, en janvier, si ce n'est de quelques propos échangés par-ci, par-là avec Me Boivin, je ne me souviens d'aucun autre fait pertinent jusqu'à la rencontre que me demanda le conseil d'administration d'Hydro et de la Société d'énergie de la Baie James pour le 1er février suivant.

Quant au déroulement de cette rencontre avec M. Laliberté et l'autre président-directeur général, celui d'Hydro, M. Boyd, et avec M. Lucien Saulnier, qui était alors président du conseil d'administration, tel qu'il me revient approximativement à la mémoire, il correspond tout à fait au récit que Me Boivin en a fait ici même - je ne le répéterai pas - sauf deux éléments dont il est normal que je me souvienne avec plus de précision, puisque c'est moi qui en étais responsable. Il y a eu, premièrement, certaines questions insistantes sur la façon dont la rencontre avait été préparée. Je puis dire que je me rappelle simplement, pour ma

part, que j'avais demandé à mon chef de cabinet de prendre lui-même, dès le début, l'initiative de la discussion, puisque c'est lui qui avait, de loin, une meilleure connaissance des opinions et argumentations juridiques et de tous les aspects de la cause, en fait.

Ainsi que M. Boivin l'a raconté, c'est ensuite, après ces premières interventions, que j'ai pris part plus activement à la discussion. Plus activement et plus vivement aussi. Est-ce que cela aurait pu me conduire jusqu'à la phrase plutôt brutale - un phrase, en fait, impérative au point d'être vraiment sans queue ni tête - une phrase que j'aurais prononcée, puisque M. Laliberté a fini par s'en souvenir à force de questions? Pour ma part, elle ne me rappelle strictement rien, je puis vous le dire. Mais puisque M. Laliberté se l'est rappelée sous serment, moi je veux bien admettre qu'à un certain moment, me sentant vraiment excédé, j'aie pu dire quelque chose comme cela, parce que, effectivement, et cela je m'en souviens très clairement, l'attitude du président d'Hydro, M. Robert Boyd, avait fini, pendant cette rencontre, par m'excéder. C'est très simple. C'était une attitude littéralement braquée, qui me semblait avoir quelque chose d'un peu vengeur, comme s'il s'était agi de punir une sorte de crime de lèse-majesté. M. Boyd disait tenir mordicus à aller coûte que coûte jusqu'à un jugement, même sans trop savoir s'il pourrait être exécuté. J'avoue que cela me tapait sur les nerfs, il n'y a pas d'autre expression. D'autant plus que, depuis quelque temps déjà - et cela a été évoqué au cours de la rencontre, sauf erreur - les syndicats québécois impliqués étaient prêts à admettre leur responsabilité dans le saccage, ce qui me semblait - même si je suis profane -avoir le même effet fondamental qu'un jugement de cour, sur cet aspect des choses, en tout cas.

J'ajoute que, ni avant ni après cette rencontre du 1er février 1979, je n'ai eu ni cherché l'occasion d'exercer quelque pression que ce soit sur aucun des membres du conseil d'administration conjoint, Hydro-Québec et Société d'énergie. En fait, si j'ai bonne mémoire, je n'ai vu aucun d'entre eux pendant les quelque trois mois dont on parle.

De plus, j'affirme à nouveau, catégoriquement, que ni de près ni de loin, ni moi ni mon bureau n'avions à nous mêler des négociations qui se sont amorcées entre les parties pour tâcher de concrétiser l'éventuel règlement. Ce n'était pas notre affaire. Nous étions convaincus, je l'ai dit, que le syndicat américain, tout en étant solvable, n'avait aucune responsabilité dans les faits. Et, d'autre part, nous étions sûrs que les syndicats québécois, tout en étant responsables, eux, juridiquement, étaient, à toutes fins utiles, insolvables - insolvables, en tout cas, en regard de réclamations de plus de 30 000 000 $, ou encore d'une autre qui avait été évoquée, de 17 000 000 $ ou de 18 000 000 $ - insolvables pour des montants pareils, à moins d'aller pressurer pendant des années l'ensemble de leurs cotisants qui avaient été foncièrement victimes des excès criminels d'un groupe de bandits.

Restait donc, si l'on acceptait de régler hors cour, à négocier essentiellement un quantum quelconque, une somme d'argent, le mieux possible, avec les syndicats québécois. Et ça, c'était strictement l'affaire des parties. Et c'est si vrai que j'ai été fort surpris, le 20 février 1979, lorsqu'en Chambre le député de Marguerite-Bourgeoys s'est mis à évoquer une certaine hypothèse de règlement à 125 000 $.

Je dois ajouter que j'ai également été quelque peu surpris lorsque j'ai appris, quelques semaines plus tard, au mois de mars 1979, le montant de 300 000 $ sur lequel on s'était finalement entendu. Il m'aurait semblé - c'était une opinion personnelle - qu'à tout le moins, on aurait pu exiger l'équivalent des frais judiciaires qui avaient été engagés par la société d'énergie dans cette cause. Mais, comme nous avions fermement décidé de ne pas nous immiscer dans ces négociations qui étaient clairement, quant à nous, de la responsabilité des administrateurs de l'entreprise, je n'avais pas à m'en mêler plus après qu'avant, ni à porter un jugement sur la conclusion à laquelle ils en étaient venus dans le meilleur intérêt, à leur avis, de la Société d'énergie de la Baie James.

Le règlement, c'était au mois de mars. Mais, le 20 février, on n'en était pas là. Ce 20 février 1979, jour de fin de session, lorsque le député de Marguerite-Bourgeoys me fit l'honneur de me poser quelques questions et ensuite de réclamer un minidébat sur le même sujet, ce règlement hors cour n'était pas encore une certitude. C'était tout au plus une probabilité. Ce qui explique amplement, je crois, la prudence avec laquelle je répondis à la première question du député de Marguerite-Bourgeoys où l'on me demandait s'il était exact qu'un tel règlement était envisagé. "Premièrement, ai-je répondu, il est exact qu'il est question d'un règlement. C'est même, paraît-il, pour ce que j'en sais, assez avancé." Ce qui était strictement conforme à l'état de la situation tel que je le connaissais.

Question suivante du député de Marguerite-Bourgeoys, ce même 20 février 1979: "Deuxièmement, est-il exact que c'est dans le bureau du premier ministre, en présence du premier ministre ou d'un de ses représentants, qu'une partie de cette négociation de règlement a eu lieu?"

Première partie de ma réponse, première phrase: "Ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du

règlement a eu lieu."

Et, bien sûr, si l'on prend cette phrase toute seule, hors de son contexte, si on la prend donc très malhonnêtement, comme on l'a fait à maintes reprises, depuis quelques semaines, cela pouvait avoir l'air de cacher une partie des faits. Mais si on a la simple bonne foi de replacer cette phrase dans le contexte global de mes deux interventions de ce jour-là, il me semble que, là encore, un minimum de bonne foi permet de voir aussitôt que je n'avais rien déguisé. D'ailleurs, qu'est-ce que j'aurais pu, pour l'amour du ciel, avoir à gagner à cacher quoi que ce soit? Mais enfin! (12 h 15)

Un peu plus loin, au cours de cette même réponse en Chambre, voici, en effet, ce que j'ajoutais à propos de l'opinion que j'avais transmise aux dirigeants d'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James. Je cite: "Mon sentiment a été très clair. La décision appartient forcément à Hydro-Québec et à son conseil d'administration. Tout en étant bien clair là-dessus et le demeurant encore aujourd'hui, mon sentiment - je leur ai donné comme ils le demandaient - est éminemment favorable à un règlement. Les modalités, je ne veux pas les connaître, jusqu'au jour où on les connaîtra tous. Ce n'est sûrement pas à mon bureau de commencer à dire que ce sera tant, etc. Ce n'est pas de notre affaire. Mais l'idée, le principe du règlement, oui".

Donc très clairement, mon bureau et moi-même étions éminemment favorables à un règlement hors cour et nous l'avions fait savoir à qui de droit, après nous être formé une opinion que, d'ailleurs, je résumais aussitôt après en poursuivant cette même réponse.

Après avoir résumé cette opinion et les raisons pour lesquelles on se l'était formée, je répétais à nouveau et je cite: "II me semble - c'est le sentiment que j'en ai -qu'il serait injuste de faire payer par l'ensemble des travailleurs qui sont membres des syndicats défendeurs, les syndicats québécois qui peuvent être tenus techniquement et juridiquement responsables - d'ailleurs ils l'admettent - des montants importants pour lesquels ils ne sont franchement pas responsables".

Lorsque j'avais dit, au début de ma réponse, la seule phrase avec laquelle on a fait des choux et des raves - à mon humble avis pas très honnêtement - que ce n'était pas "ni de près ni de loin dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement avait eu lieu", il me semblait, en parlant en Chambre, et il me semble encore évident que cette phrase-là n'avait rien à voir avec le principe du règlement hors cour. Au contraire, je l'avais dit et répété: l'opportunité quant à moi d'en arriver à un tel règlement, l'opinion "éminemment favorable" que j'avais transmise dans ce sens aux dirigeants de l'entreprise, il me semble que c'était clair et net dans mes propos. Qu'est-ce que c'est alors qu'on n'avait touché "ni de près ni de loin", dans quoi s'était-on interdit de s'ingérer de quelque façon que ce soit?

La réponse, avec la distinction élémentaire qu'elle comporte, n'est-elle pas aussi d'une évidence aveuglante, à moins d'être absolument tordu par la partisanerie, ou encore d'être entraîné dans une sorte de caricature du métier de l'information, sur laquelle je reviendrai brièvement avant de terminer?

Le 20 février 1979, le même jour, en Chambre, toujours dans ma même réponse aux questions du député de Marguerite-Bourgeoys, à peu près une minute après le début, voici ce que je disais: "La décision appartient forcément à Hydro-Québec et à son conseil d'administration qui coiffe toute l'opération chantier, énergie, etc. et, bien sûr, à la Société d'énergie de la Baie James elle-même, qui est là comme partie".

Et en terminant cette même réponse, après avoir résumé les raisons pour lesquelles je croyais qu'on devrait régler hors cour, je déclarais à nouveau: "À partir de là, la décision appartient à la Société d'énergie de la Baie James, mais comme elle l'avait fait en 1975, au moment de poursuivre, en consultant, elle a eu l'opinion du premier ministre d'aujourd'hui, s'il s'agit d'un règlement éventuel".

Puis, comme le député de Marguerite-Bourgeoys revenait à la charge en me prodiguant de sages conseils de prudence, j'ai encore une fois conclu comme suit: "La décision appartient à ceux qui administrent l'entreprise, y compris les modalités d'un règlement, les questions de responsabilités, etc. Cela ne nous regarde pas, c'est leur droit."

Et puis enfin - pour ainsi dire, trop fort ne casse pas - le même jour, ce même 20 février 1979, le même député de Marguerite-Bourgeoys revenait à la charge en réclamant, à 10 heures du soir, juste avant la fin de la session, ce qu'on appelle en jargon parlementaire un "mini-débat", où cette fois il se concentrait plutôt, à toutes fins utiles, sur un appel - cela m'a paru comme cela - à une sorte de retour de l'État-fainéant, un appel bien emmitouflé tout de même et comme il se doit dans la meilleure démagogie pseudo-populiste et qui se terminait ainsi et je cite: "...Qu'on laisse disait solennellement le député de Marguerite-Bourgeoys - la justice suivre son cours ou alors que le premier ministre justifie objectivement, documentation à l'appui, pourquoi les Québécois devraient échanger une réclamation de 32 000 000 $ pour à peu près rien."

Pour ce qui est de la "documentation à

l'appui", j'ai référé de nouveau, dans ma réplique, au rapport de la commission Cliche, car c'était vraiment ma documentation fondamentale. J'avoue que j'ai oublié d'en transmettre une copie au député de Marguerite-Bourgeoys...

Et là-dessus, et pour la dernière fois ce jour-là, je me suis évertué à resituer mon intervention et les limites de cette intervention, dans les termes suivants: "Partant de là, - tout ce qui avait précédé - sachant aussi que les syndicats québécois qui sont intimés sont incapables de toute façon de payer des sommes le moindrement substantielles, j'ai donné mon sentiment. Et c'était que puisqu'un règlement a été demandé par quelques-uns des syndicats ou leurs procureurs au début de 1979, quant à moi, il me semblait meilleur, dans l'intérêt du Québec et d'une certaine paix sociale - il ne s'agit pas de favoritisme politique, il s'agit de chantiers lointains où il est important que la paix règne - (il me semblait meilleur, donc) si un règlement était possible, de le soutenir, de l'appuyer, mais que c'est aux parties, à commencer par la Société d'énergie de la Baie James qui est demanderesse là-dedans, de décider ce qu'elles veulent faire."

C'est effectivement ce qu'elles ont fait, quelques jours plus tard. Pour ce qui est de la Société d'énergie de la Baie James, en dépit de mon insistante recommandation, cette décision de régler fut prise assez librement pour que certains administrateurs, à commencer par M. Robert Boyd, n'hésitent pas à voter contre. Mon bureau et moi n'avions donc ni décidé ni négocié ni, encore moins, prétendu imposer un règlement, comme cela s'était déjà produit dans le passé. C'est d'ailleurs devenu, je crois, d'une telle évidence au cours de cette commission que, tout en continuant de prétendre le contraire, certains "procureurs" libéraux se sont mis tout à coup, il y a quelques jours, à nous reprocher éloquemment de ne pas nous être ingérés suffisamment pour aller chercher plus d'argent! On admettra que c'est quand même un peu fort que de vouloir, comme on dit en anglais, avoir son gâteau et le manger en même temps.

Tous ces propos de février 1979, que je viens de citer, d'évoquer, se retrouvent évidemment dans mes deux interventions en Chambre. Comme ces dernières, ces interventions n'ont, semble-t-il, été évoquées à cette commission que par bribes plutôt éparses et trop souvent isolées pour l'effet, je me suis permis - c'est quand même le dossier de cette affaire-ci - de les annexer au complet à ma déclaration.

En les relisant, pour ceux qui le veulent, on y verra, soit dit en passant, que d'aucune façon, le député de Marguerite-Bourgeoys n'avait cru bon, à ce moment-là en 1979, de poser de questions sur la façon précise dont Me Boivin et moi-même nous nous étions formé une opinion. Je dois dire que je n'ai absolument pas pensé qu'il fallait évoquer certaines consultations préalables tellement, je suppose, cela me paraissait aller de soi. On ne se forme pas une opinion dans l'air du temps. Au cours du mini-débat de la fin de soirée, le passage que je viens de citer démontre que j'ai mentionné spontanément des demandes en Chambre faites par "des syndicats ou leurs procureurs". Si on avait voulu, en février 1979, faire un plat sur ces rencontres des avocats avec Me Boivin, comme on n'a pas cessé de le faire au cours de cette commission, j'aurais volontiers répondu, après m'être informé bien sûr, puisque je n'avais jamais vu et je ne vois pas encore la raison pour laquelle j'aurais tenu une sorte de compilation de ces va-et-vient qui, je le répète, me paraissaient tout bonnement aller de soi. On m'a dit que certains d'en face avaient prétendu, la semaine dernière, apercevoir là une restriction mentale, même une sorte de péché d'omission, si je suis bien informé. Pour les raisons que je viens de donner, je dois dire que je me sens la conscience tranquille là-dessus, comme sur le reste d'ailleurs.

Je sais, M. le Président, que cette déclaration a déjà mangé un bon morceau du temps si précieux de cette commission. Pourtant, je ne m'excuserai pas d'ajouter en terminant quelques très brefs commentaires sur deux points en particulier: la Presse avec un grand P, la Presse de Montréal, "le plus grand quotidien français d'Amérique" et puis, deuxièmement, la façon dont cette commission parlementaire s'est déroulée depuis plus de deux mois. Et justement, puisque pendant ces deux mois, nos "amis d'en face", à 80% et davantage, ont ainsi monopolisé plus de temps et de fonds publics que le règlement de la Baie-James lui-même, on comprendra que je ne me sente pas trop gêné de prendre quelques minutes de plus pour dire un peu ma façon de penser sur ces deux points.

D'abord, premier point. Tout cela a découlé d'un article de la Presse de Montréal et surtout de l'énorme titre à la une dont on avait cru bon de coiffer cet article.

Avant de dire ce que j'en pense, je me permets de souligner qu'une des idées à la mode en ce moment est celle qu'on appelle l'imputabilité, une traduction un peu barbare de l'anglais "accountable", c'est-à-dire, en termes de tous les jours, que si on a des responsabilités dont l'impact peut affecter les autres, on doit accepter tout simplement d'en rendre compte. C'est là une notion qu'on applique depuis toujours, plus ou moins bien mais à juste titre sûrement, aux hommes et aux femmes politiques. Ils sont imputables. Il est question de l'imposer aussi désormais aux fonctionnaires les plus

importants, ceux qu'on appelle les "grands commis de l'État". Pourquoi pas? Et pourquoi pas également aux syndicats et aux milieux d'affaires les plus pesants dont les décisions peuvent influer tellement sur le sort des gens? Et pourquoi pas aussi aux médias d'information? C'est ce que j'évoquais, il y a quelques jours à peine, à l'Assemblée nationale en soulignant à quel point ces médias d'information et les intérêts massifs qui souvent les contrôlent, sont à la fois très puissants et foncièrement irresponsables, susceptibles par conséquent de faire du mal à volonté et sans aucune "imputabilité". Ou alors, les recours qui restent aux victimes sont à la fois coûteux, aléatoires et, de toute façon, très lents.

Quoi qu'il en soit - je ferme cette parenthèse mais elle m'apparaît quand même avoir une certaine importance - le 17 mars dernier, s'étalait dans la Presse de Montréal un article signé par un M. Michel Girard. Il s'agissait en fait d'un pseudo-reportage sur le règlement hors cour du saccage de la Baie-James. Un sujet, on l'admettra je pense, tout à fait original après quatre ans et demi et, peut-être même pour cette seule raison, était-ce un sujet révélateur d'intentions plus proches de la propagande que de l'information.

Quoi qu'il en soit, ce texte était tout bonnement un tissu d'erreurs, de faussetés, de procès d'intention, parfaitement gratuit. Sur les passages qu'il était en mesure d'évaluer personnellement, mon chef de cabinet, Me Boivin, a fourni à cette commission une analyse très factuelle qui a eu, elle aussi, le grand honneur d'être publiée. Mais cette analyse mérite, à mon humble avis, de ne pas s'en aller si vite aux oubliettes. C'est pourquoi, en la reprenant tout entière à mon compte, je l'ai reproduite en annexe, la deuxième annexe de ma propre déclaration.

Puisqu'elle est là, je n'y ajouterai donc que deux constatations qui touchent mon cas personnel, qui me touchent directement. La première, c'est que M. Girard avait réussi, par un tour de force qui ne pouvait surtout pas être accidentel, à escamoter à peu près complètement les précisions que j'avais données à l'Assemblée nationale et que je viens d'évoquer à nouveau, et réussi aussi à déguiser sournoisement le peu qu'il en avait conservé. C'était en quelque sorte - pour parler comme les bandits de la Baie-James -une "job de bras" journalistique. Quant à ma seconde remarque, elle concerne le titre dont on avait coiffé ce chef-d'oeuvre. Une énorme manchette sur six colonnes à la une! Cette énorme manchette sur six colonnes à la une disait textuellement: "René Lévesque a trompé l'Assemblée nationale".

D'aucune façon ce titre n'était justifié par le texte proprement débile de l'article en question. Mais, cela ne l'a pas empêché de faire son chemin, cet article, dans les ragots de bas étage, radiophoniques et autres, et aussi dans les propos prudemment téméraires de "nos amis d'en face", ces messieurs d'en face! (12 h 30)

Or, un gros titre en première page, surtout lorsqu'il est à la fois explosif et injustifié, ce n'est pas simplement le reporter qui en décide; à peu près jamais, j'en suis sûr. Comme l'a si bien répété le député de Marguerite-Bourgeoys - j'ai lu cela un jour de la semaine dernière et cela m'avait frappé - celui qui fait les titres au journal La Presse, parce qu'on ne peut pas accuser le journaliste de faire les titres. Justement, qui fait les titres? Ou plus précisément qui donc, dans les cas, comme on dit en anglais "touchy", risqués, les autorise ces titres ou encore les dicte peut-être à l'occasion? Tout ce que je peux dire, sans la moindre hésitation, c'est que ce genre de titre risqué me rappelle forcément que la Presse appartient à de gros intérêts financiers dont la famille politique est bien connue et qu'au départ de M. Roger Lemelin, il y a quelque temps, ces mêmes intérêts financiers lui ont choisi pour successeur à la présidence un M. Roger Landry, personnage à la fois insatiable en matière de publicité personnelle et férocement partisan, ce qui peut avoir une terrible influence sur le choix des sujets et aussi des titres.

Je termine en me demandant très simplement pourquoi l'Opposition libérale a sauté à pieds joints sur ce très fragile et très douteux tremplin. Pourquoi, après avoir paralysé l'ouverture de la session afin de dramatiser le terrible sentiment d'urgence que cela lui inspirait, s'y est-elle agrippée si longtemps et à si grands frais pour les contribuables? Cela ne peut pas être uniquement pour la volupté et la rentabilité du spectacle télévisé, rentabilité aléatoire d'ailleurs parce que, lorsque cela dure trop longtemps, il peut arriver qu'on finisse par voir à quel point cela est cousu de fil blanc. Alors, quoi? J'avoue que je ne sais pas. Sauf que j'ai l'impression qu'en sautant ainsi sur une apparente occasion en or d'abattre l'adversaire, de l'abattre quelque peu comme on dit, c'est dans la "game" - qu'en faisant cela, on n'a pas vraiment fait avancer la cause partisane mais, en revanche, on a très certainement fait reculer celle du parlementarisme et de la réforme dont il a si grandement besoin. Cela, je suis loin d'être le seul à l'avoir constaté. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le premier ministre. M. le ministre.

M. Duhaime: Je n'aurai pas de questions, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais relever un certain nombre d'affirmations contenues dans le mémoire du premier ministre, un long mémoire qui essentiellement se fonde sur le rapport de la commission Cliche. Je peux immédiatement rassurer le premier ministre qui regrettait de ne pas m'en avoir fait parvenir une copie en 1979: J'en avais pris connaissance bien avant, peut-être même avant le premier ministre lui-même, étant donné les fonctions que j'occupais au moment où le rapport avait été remis au gouvernement. Un plaidoyer fondé tout d'abord sur la justification du premier ministre de favoriser un règlement, ensuite une analyse, je vous avoue, un peu tortueuse de sa réponse et du mini-débat, analyse qui n'est pas le spectacle le plus clair que le premier ministre ait donné dans sa vie et qui se réfère à un événement qui, d'autre part, a été enregistré. Vous l'avez sûrement, je ne sais pas si vous l'avez fait mais plusieurs d'entre nous l'ont fait, revu depuis, c'est-à-dire les questions et les réponses du 20 février 1979.

J'aurais aussi à relever un certain nombre d'affirmations et à poser des questions comme, par exemple, sur les motifs de l'Opposition libérale dans les travaux de cette commission: Mais, comme j'avais demandé au député de Brome-Missisquoi de préparer le début des questions, je vais vous demander de le reconnaître, après avoir fait une suggestion concernant nos travaux.

Demande de visionnement

On a vu des morceaux de la longue réponse du premier ministre rapportés un peu partout. Lui, le premier ministre, le réprouve ou regrette, en quelque sorte dans son mémoire, qu'on prenne seulement une phrase hors contexte. Avec le consentement des membres, serait-il techniquement possible d'organiser pour le début de nos travaux, cet après-midi à 15 heures, le visionnement de cette question et de cette réponse. Cela nous donnerait l'ensemble, ici, à tous les membres de la commission. Serait-il possible en même temps, de faire en sorte que cette période de questions et réponses soit transmise, comme nos travaux le sont, sur les mêmes ondes?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, puisqu'on a demandé consentement.

M. Duhaime: Si vous voulez avoir une première réaction bien spontanée puisque je n'ai eu aucun avis concernant une pareille requête, je serais tenté de dire oui. Sur le plan technique, comment cela va-t-il fonctionner...

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, si on me permet de dire un mot.

Le Président (M. Jolivet): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je ne suis pas très entiché de me revoir à la télévision. J'ai fait le métier assez souvent pour savoir qu'on est toujours un peu déçu, mais il me semble que cela tombe sous le sens et, peut-être même, aurait-on dû y penser avant. Enfin!

M. Duhaime: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Que voulez-vous voir exactement?

M. Lalonde: Les questions du 20 février avec les réponses. Si vous voulez faire la même chose avec le mini-débat, mais en fait, c'est surtout la question dont il est question ici. C'est comme vous le considérez.

M. Duhaime: Le mini-débat n'est pas tellement long. Suivant nos règlements, cela dure dix minutes.

Le Président (M. Jolivet): Dix minutes, c'est cela.

M. Duhaime: Quant à avoir l'éclairage, aussi bien l'avoir au grand complet. Alors, vous voudriez faire cela cet après-midi?

M. Lalonde: Oui, je présume au début des travaux parce que cela prend quand même quelque temps pour organiser cela.

M. Duhaime: Pour autant que c'est techniquement faisable et pas trop coûteux, on peut le faire, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Jolivet): Donc, compte tenu du consentement de part et d'autre, je ne prendrai pas cette question en délibéré puisque j'ai votre accord, mais je verrai si les moyens techniques nous permettent de le faire pour 15 heures cet après-midi, de façon à le retransmettre sur les ondes comme les travaux qui se font actuellement.

M. le député de Brome-Missisquoi a donc la parole pour le moment.

Interrogatoire

M. Paradis: M. le Président, dans le but de situer ma première question dans un cadre compréhensible pour tous ceux qui suivent les travaux de la commission, parce qu'on ne le verra pas, d'après ce que j'ai compris, cet après-midi, je rappellerai tout

simplement à tous ceux qui nous écoutent que la...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Vous dites qu'on ne le verra pas?

M. Paradis: Non.

Le Président (M. Jolivet): J'ai mal compris.

M. Paradis: C'est parce que vous me devancez. J'étais pour parler de la question du 12 février 1979, qu'on ne verra pas à l'écran.

Le Président (M. Jolivet): Allez donc!

M. Paradis: Je voulais replacer celle-ci dans le débat pour qu'on comprenne d'où cela provient finalement, au salon bleu, sur ce sujet: le règlement hors cour de 32 000 000 $ pour 200 000 $.

M. le Président, pour vous le résumer, le 12 février, le ministre de la Justice, Me Marc-André Bédard, a répondu à une question du député de Marguerite-Bourgeoys comme suit: "M. le Président, je n'ai reçu aucune opinion juridique dans quelque sens que ce soit concernant la cause que mentionne le député de Marguerite-Bourgeoys. À ce que je sache, il s'agit d'une réclamation civile où les parties sont très bien identifiées et le procès se déroulera suivant les règles usuelles." On est le 12 février, quelque temps avant le 20 février. Le ministre de la Justice, Me Bédard, d'ajouter: "Mais, à la suite de la question du député de Marguerite-Bourgeoys, je prendrai la peine d'en discuter avec le ministre délégué à l'Énergie." On était le 12 février et comme on ne le verra pas cet après-midi, je voulais situer le cadre.

Maintenant, mes premières questions découlent du témoignage ou de la déclaration qu'a rendue devant cette commission, votre chef de cabinet. Vous êtes sans doute assez familier, M. le premier ministre, avec cette déclaration. Je vous réfère plus spécifiquement aux pages 8 et 9 de celle-ci.

Je vais la lire lentement, au bas de la page 8 et au début de la page 9, il s'agit du paragraphe 5 de la déclaration de votre chef de cabinet. Ce n'est pas tellement complexe comme texte et c'est même assez clair. "Avant le congé de Noël 1978, j'ai fait un court rapport verbal à M. Lévesque des faits que je connaissais dans ce dossier et des représentations qui m'étaient faites par la FTQ ainsi que par Me Beaulé, le procureur du syndicat américain. M. Lévesque m'a dit "qu'il était évident" que cette cause devait se régler hors cour aux conditions dont les parties auraient elles-mêmes convenu et il m'a demandé de faire connaître son opinion au président de la 5EBJ et de me tenir au courant de l'évolution du dossier afin de pouvoir l'en informer."

Ma première question...

M. Lévesque (Taillon): ...m'en informer.

M. Paradis: Afin de pouvoir l'en informer. J'ai lu au texte une petite faute bénigne: de m'en informer. À ce moment-là, M. le premier ministre, est-ce que cette déclaration, sauf la petite touche inexacte que vous avez relevée, est conforme à la réalité?

M. Lévesque (Taillon): Autant que je m'en souvienne, oui. Vous savez le 3 janvier, inutile de dire que ce n'est pas longtemps après le jour de l'an. Je n'y étais pas. M. Boivin a eu le courage, l'héroïsme de travailler ce jour-là pour faire connaître l'opinion. Je ne peux pas dire autre chose que je sais qu'il l'a fait. Pour le reste, c'est conforme à ce qui me reste de souvenirs, oui.

M. Paradis: Me Boivin, votre chef de cabinet, situe cette réunion avant le congé de Noël.

M. Lévesque (Taillon): D'accord.

M. Paradis: C'est donc avant la réunion du 3 janvier.

M. Lévesque (Taillon): Oui, c'est conforme.

M. Paradis: Est-ce que votre mémoire vous permet de vous souvenir de la date de cette réunion?

M. Lévesque (Taillon): Absolument pas, parce que c'était avant qu'on parte pour Noël.

M. Paradis: Est-ce qu'il s'agit, suivant votre mémoire, de votre première intervention personnelle dans le dossier du règlement hors cour?

M. Lévesque (Taillon): Ce n'était pas une intervention. C'était à la suite de quelque chose qu'on avait décidé assez spontanément, fin novembre ou début de décembre, au moment où on a eu les premières représentations, si vous le voulez, des syndicats, de leurs procureurs. M. Boivin s'était chargé de se bâtir une opinion pendant que moi, dans le temps dont je pouvais disposer, j'essayais de m'en faire une aussi. Ensuite, on a mis cela ensemble.

M. Paradis: On va revenir en arrière, si vous le voulez. Ce qu'on avait au dossier jusqu'à maintenant - je vous remercie de

l'ajouter - suivant la déclaration de M. Boivin, on ne parlait que de cette rencontre avec vous. On n'était pas au courant comme membres de la commission qu'avant, vous, vous aviez parlé avec des gens des syndicats. Je vous remercie de le préciser...

M. Lévesque (Taillon): ...non, je m'excuse, M. le député. Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. J'espère qu'on ne sera pas obligé de revoir à l'écran les réponses à cette commission.

M. Paradis: On peut toujours le faire.

M. Lévesque (Taillon): Ce que j'ai dit, c'est que M. Boivin s'était chargé de se faire une opinion après les appels téléphoniques qu'il avait eus - d'ailleurs, c'est lui qui les avait eus au point de départ - des gens des syndicats, dont M. Laberge de la FTQ, et de leurs procureurs quelque temps après.

M. Paradis: Pour qu'on se comprenne bien, je vais répéter la question pour éviter tout imbroglio. Est-ce que vous, personnellement, comme premier ministre du Québec, c'était la première fois, à la fin de décembre 1978, à cette réunion qui est évoquée par votre chef de cabinet, que vous aviez des discussions, des échanges de points de vue à propos de ce dossier?

M. Lévesque (Taillon): Non, on en a sûrement eu quelques-uns en cours de route simplement pour voir comment se développaient les consultations dans lesquelles M. Boivin avait accepté de s'engager pour nous aider à nous faire une opinion sur la cause.

M. Paradis: Donc, ce n'était pas la première fois que vous vous impliquiez, à la fin de décembre 1978, dans ce dossier-là. Ce n'était pas la première fois. Avec qui avez-vous eu des rencontres, des échanges? Utilisez le vocabulaire qui vous semble le plus juste, le plus approprié.

M. Lévesque (Taillon): Franchement, autant que je me souvienne, exclusivement avec Me Boivin. (12 h 45)

M. Paradis: Exclusivement avec Me Boivin.

Si vous tentez de vous replacer dans le temps, avant décembre 1978, à quelle époque, à quel mois, à quelle date, si possible, pourriez-vous fixer ces entretiens que vous avez eus avec Me Boivin?

M. Lévesque (Taillon): Je ne peux absolument pas. Cela a été n'importe quand - entre nous, heureusement qu'on l'a rappelé ici à la commission et que Me Boivin a fait l'effort de mémoire pour s'en souvenir car moi, je ne m'en serais pas souvenu. Ce furent très évidemment quelques échanges de propos, d'évocations de cette affaire-là, entre fin novembre, début décembre et le moment de partir pour les vacances qui était, je ne sais pas quel jour, mais le long du chemin.

M. Paradis: Je vais tenter de préciser ma question. Est-ce que votre mémoire vous permet de vous rappeler d'en avoir parlé - je ne sais pas, moi - au printemps 1978, à l'été 1978?

M. Lévesque (Taillon): Absolument pas, sauf qu'il a été évoqué ici une rencontre qui avait eu lieu avec les gens de la FTQ qui concernait d'ailleurs, si j'ai bonne mémoire -je me souviens du cadre de la rencontre -les négociations dans l'industrie de la construction, justement. Que cela ait pu être évoqué - après tout, ils devaient l'avoir à l'esprit, ces gens-là, qu'il y avait une poursuite - c'est fort possible, mais, je ne m'en souviens absolument pas...

M. Paradis: Vous ne vous en souvenez pas.

M. Lévesque (Taillon): ...parce que ce n'était pas le sujet de la rencontre.

M. Paradis: Vous ne vous souvenez pas de cette rencontre-là? Maintenant, avec Me Gauthier, vous vous souvenez, il a été nommé en octobre 1977 par le Conseil des ministres, tuteur de l'un des syndicats qui étaient poursuivis. Un an après, vous l'avez embauche comme conseiller politique à votre bureau. Il a quand même joué un rôle important: président d'une tutelle, c'est un rôle important. Est-ce qu'il a été question entre vous et votre conseiller spécial, Me Yves Gauthier, de cette affaire-là, avant décembre 1978?

M. Lévesque (Taillon): Absolument pas. Me Gauthier était sorti de sa tutelle. Juridiquement, cela s'est fait un peu plus tard car il fallait le remplacer. Mais, il était sorti dès la fin août, début septembre 1978. On l'a nommé comme conseiller politique chez nous - au bureau, si vous voulez - en octobre 1978. C'était bien avant que ces choses-là nous reviennent à l'esprit et nous sollicitent en fonction d'un règlement possible. Je n'ai jamais eu l'occasion de parler de cette histoire-là avec M. Gauthier, aucune occasion dont je me souvienne. Une chose est certaine, il n'était pas dans le dossier.

M. Paradis: Est-ce que vous avez eu l'occasion, au cours de l'été ou de l'automne 1978, d'en discuter avec le ministre du

Travail de l'époque, M. Pierre-Marc Johnson? Et, je vais peut-être tenter de...

M. Lévesque (Taillon): Un instant, si vous voulez. Je pourrais peut-être revenir sur le début de votre question, dont je comprenais mal la pertinence. C'est vrai que, je ne sais pas, moi, quelques jours avant, le 12 janvier, je crois, il y avait eu une question en Chambre à laquelle Me Bédard, ministre de la Justice et Procureur général, avait répondu, comme on sait. Parce que c'est vrai, on n'avait pas vu l'importance, on avait plutôt vu l'importance de ne pas le faire jusqu'à un certain point, de faire intervenir Me Bédard dans cette discussion sur l'opportunité de la poursuite. Il ne s'agissait pas de l'administration de la justice; il s'agissait plutôt d'essayer de dessaisir la justice, de ce cas-là. Alors, cela explique, je pense bien, pour autant que je me souvienne, pourquoi Me Bédard a répondu comme cela. Par ailleurs, celui qui était le ministre de tutelle, comme on dit dans le jargon, M. Guy Joron, à l'époque, avait été mis au courant: Cela, je le sais: II n'avait pas d'objection non plus, parce qu'il était assez évident que cela pouvait relever jusqu'à un certain point d'une responsabilité de chef de gouvernement. Je crois que Me Johnson qui était à ce moment-là ministre du Travail, avait également été mis au courant, je n'en sais pas plus.

M. Paradis: On va revenir au ministre du Travail de l'époque, à Me Pierre-Marc Johnson. Il avait eu une rencontre, le 28 août 1978, avec les Américains. Est-ce que vous avez eu, avant - je le situe toujours -le congé de Noël 1978, des échanges, des pourparlers, des discussions avec le ministre du Travail de l'époque concernant cette réunion?

M. Lévesque (Taillon): Une réunion, je m'excuse?

M. Paradis: Est-ce que vous avez eu des échanges, des conversations téléphoniques? Est-ce qu'il vous a fait rapport de cette réunion, le ministre du Travail de l'époque?

M. Lévesque (Taillon): C'est cela. La réunion du mois d'août 1978 avec des Américains, quels Américains?

M. Paradis: Plus exactement, Me Woll.

M. Lévesque (Taillon): Écoutez, je m'excuse. Je n'ai pas pu suivre tous les travaux de la commission.

M. Paradis: Cela va. Me Woll, Me Fanning, leur représentant...

M. Lévesque (Taillon): ...c'est-à-dire des procureurs du syndicat concerné?

M. Paradis: ...leur représentant, Me Rosaire Beaulé qui était leur avocat. Ils souhaitaient, à l'époque - si vous me permettez de vous rappeler les faits -rencontrer le ministre du Travail d'abord pour le sensibiliser à leur point de vue et au fait qu'ils prétendaient ne pas avoir de responsabilité dans cette cause. Suivant les témoignages qu'on a recueillis devant cette commission, ils ont eu effectivement une réunion à laquelle a assisté le ministre du Travail de l'époque, M. Pierre-Marc Johnson, le 28 août 1978. À la suite de cette réunion, avez-vous été mis au courant par le ministre du Travail ou un de ses attachés politiques du contenu des délibérations?

M. Lévesque (Taillon): Je ne m'en souviens absolument pas. Vraiment alors, peut-être qu'ils ne l'ont pas trop indiqué ou peut-être qu'ils l'ont fait de façon un peu à la sauvette, je ne le sais pas. Je ne me souviens absolument pas de communications de ce genre-là.

M. Paradis: Pour sauver du temps, les mêmes questions: cela porte du début du dossier jusqu'à avant Noël 1978, est-ce que vous avez eu des échanges avec le ministre de l'Énergie de l'époque, M. Joron?

M. Lévesque (Taillon): Probablement, parce qu'on se voyait assez souvent.

M. Paradis: Sur ce dossier-là?

M. Lévesque (Taillon): Comme mes prédécesseurs, j'ai un bureau à l'édifice d'Hydro-Québec à Montréal. M. Joron y passait souvent puisqu'il était ministre de tutelle. On s'est sûrement rencontré mais, de parler de l'affaire elle-même dont on parle ici, non. Absolument pas.

M. Paradis: Absolument pas.

Lorsque vous avez eu cette rencontre avec votre chef de cabinet, M. Boivin, avant le congé des fêtes, quel est le mandat précis, suivant le meilleur souvenir que vous puissiez en avoir, que vous avez confié à votre chef de cabinet?

M. Lévesque (Taillon): On ne parlait pas beaucoup en termes de mandat. On travaille ensemble.

M. Paradis: Les directives précises?

M. Lévesque (Taillon): M. Boivin a des compétences, soit 20 ans de pratique du droit, que je ne peux pas avoir eues; j'ai été un très mauvais étudiant en droit. Ce n'est pas que je le regrette, mais enfin! Donc, Me

Boivin, sur ce plan forcément, était celui qui d'emblée avait accepté de regarder soigneusement tout ce qu'il pouvait y avoir de juridique dans cela - c'est normal. Maintenant, je ne vois pas ce que je pourrais dire de plus que ce que vous avez cité vous-même tout à l'heure. C'est à peu près cela qui me revient. C'est M. Boivin qui dit: j'ai fait un court rapport verbal. Je me souviens qu'on s'est parlé et pas très longtemps des faits que je connaissais de ce dossier, des demandes de règlement, etc., tel que cela s'était développé pendant quelques rencontres. On s'est regardé et, si j'ai bonne mémoire, on s'est dit tous les deux: C'est assez évident. Cela me paraît même très évident que cela devrait plutôt se régler hors cour. Il n'y avait pas de mandat en soi, sauf ceci: c'est que je lui ai demandé s'il pouvait - comme il l'a raconté, il le pouvait - faire savoir cela aux gens de la SEBJ, surtout au président, M. Laliberté.

M. Paradis: Suivant le témoignage de votre chef de cabinet, M. Boivin, il aurait reçu, à la fin du mois de novembre, un appel téléphonique de M. Louis Laberge, président de la FTQ. La conversation aurait été brève. Il l'aurait avisé que Me Jasmin, qui était le procureur des syndicats québécois, devait lui rendre visite et lui fournir de plus amples explications. Me Boivin, avant le congé de Noël, fin décembre, vous a parlé du dossier. À ce moment-là, quels sont les éléments au dossier qu'a fait valoir Me Boivin pour vous amener à la conclusion, celle que je cite du témoignage de votre chef de cabinet "qu'il était évident que cette cause devait se régler hors cour aux conditions dont les parties auraient elles-mêmes convenues". Il m'a demandé, en parlant de vous, de faire connaître son opinion au président de la SEBJ et de me tenir au courant de l'évolution du dossier afin de pouvoir l'en informer. Quels sont les éléments qui vous ont mené à cette conclusion?

M. Lévesque (Taillon): C'est le député de Marguerite-Bourgeoys qui a dit tout à l'heure que j'avais fait une assez longue déclaration. Après deux mois, je pensais que c'était peut-être le moment.

M. Paradis: On peut...

M. Lévesque (Taillon): Tout est dans la déclaration. Je m'étais fais une opinion de profane, si vous voulez, mais elle me paraissait quand même fondamentale. Il faut avoir le respect des faits. Je m'étais fais une opinion à partir essentiellement d'une relecture du rapport Cliche. Comme l'a dit, je pense, Me Boivin, il l'avait feuilleté lui aussi de nouveau au moins, mais, essentiellement, ce qu'il m'apportait, c'était - c'est pour cela que je dis qu'on en a assez longuement discuté - une opinion sur l'aspect juridique de tout cela, sur la valeur des arguments évoqués, enfin, sur ce qui découlait de ses rencontres avec un certain nombre de procureurs.

M. Paradis: Si vous aviez pris la peine d'effectuer une relecture du rapport Cliche, je présume - vous me corrigerez si je présume à tort, M. le premier ministre - que Me Boivin nous avait donc parlé de ce dossier, que vous en aviez discuté ensemble avant le congé de Noël 1978.

M. Lévesque (Taillon): Brièvement à l'occasion, mais oui. À partir du moment où il y a eu ces premiers appels...

M. Paradis: Fin novembre.

M. Lévesque (Taillon): ...essentiellement de M. Laberge et ensuite une première rencontre avec Me Jasmin, qui était procureur des syndicats québécois impliqués, les principaux, c'est évident qu'on s'en est parlé. On s'est dit: On va se faire une opinion. Cela nous paraît être une responsabilité qu'on doit assumer de se faire une opinion et, le cas échéant, de la faire connaître. On s'en était sûrement parlé en cours de route. J'ai dû lui demander: Les rencontres donnent-elles quelque chose? quelque chose du genre. Je ne m'en souviens plus.

M. Paradis: Mis à part le résumé ou l'exposé que vous a fait votre chef de cabinet avant le congé de Noël, mise à part la lecture du rapport Clicle que vous avez effectuée pour vous rafraîchir la mémoire à cette époque, est-ce qu'il y a d'autres éléments que vous avez consultés - et éléments inclut documents et personnes ou personnalités - qui vous ont amené à la conclusion de dire qu'il était évident qu'il fallait régler hors cour?

M. Lévesque (Taillon): Je ne m'en souviens pas et je ne le crois pas.

M. Paradis: À partir du moment où vous avez confié ce "mandat" - excusez le terme, je le mets entre guillemets...

M. Lévesque (Taillon): ...pour faire cela.

M. Paradis: ...que vous vous êtes entendu avec votre chef de cabinet - mais vous demeurez quand même le patron, comme premier ministre - vous lui avez demandé de faire connaître son opinion au président de la SEBJ et de vous tenir au courant de l'évolution du dossier. À quel moment, suivant le meilleur de votre souvenir, avez-vous eu un premier rapport et quel était le contenu dudit rapport de votre

chef de cabinet?

M. Lévesque (Taillon): Je ne m'en souviens pas. Cela devait sûrement être après les Rois parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, Me Boivin s'était donné la tâche assez héroïque d'y aller le surlendemain du jour de l'an; cela devait adonner comme cela. J'ai dû revenir - il faudrait que je regarde moi aussi tous mes va-et-vient; je n'ai pas pensé que c'était utile - après les Rois ou juste après les Rois. C'est probablement à ce moment qu'on s'en est reparlé. Il le fallait bien.

M. Paradis: Dans quel but, M. le premier ministre, avez-vous demandé à votre chef de cabinet de rencontrer M. Laliberté qui était le président-directeur général de l'organisme qui avait intenté la poursuite?

M. Lévesque (Taillon): Dans le but de faire savoir à M. Laliberté et éventuellement s'il le voulait, à ses collègues du conseil d'administration, quelle était l'opinion qu'on s'était formée et qu'on croyait indiqué de leur faire savoir.

M. Paradis: Strictement dans ce but? M. Lévesque (Taillon): Bien...

M. Paradis: Lorsque votre chef de cabinet, Me Boivin, vous a fait rapport de sa rencontre du 3... Excusez. Je vais reprendre. Lorsque votre chef...

M. Lévesque (Taillon): On pourrait peut-être simplifier tout ce que j'appelle les va-et-vient dont on ne se souvient pas toujours. On vient de me rappeler que du 8 au Il janvier 1979, j'étais en visite, disons semi-officielle, en Louisiane au pays des Cajuns, de nos cousins les Cajuns, et Me Boivin m'accompagnait justement. Alors ce doit être à ce moment qu'on a fait le point. Peut-être en avion, je ne sais pas mais enfin, vous voyez à peu près...

M. Paradis: Mais essentiellement - et vous me corrigerez encore une fois si j'ai tort - Me Boivin vous a dit: J'ai exécuté une partie du mandat. J'ai rencontré Laliberté. Laliberté m'a dit - selon la transcription -qu'il était pour en faire part aux autres membres du conseil d'administration. C'est la phase qui se termine là. Est-ce que vous avez donné "mandat" à Me Boivin de poursuivre les démarches dans ce dossier?

M. Lévesque (Taillon): Non, ni de poursuivre ni de ne pas poursuivre. Il était normal qu'on suive un peu l'évolution du dossier parce qu'il commençait, en janvier, à y avoir des évocations de possibilités de la part des procureurs. Je ne sais pas s'ils avaient un mandat, mais cela a dû être évoqué durant la commission. Ils commençaient, de part et d'autre, à gratter cette idée de règlement. Ils pensaient, à l'occasion, utile ou indiqué de tenir Me Boivin au courant.

M. Paradis: Dans les discussions que vous avez eues, le résultat de l'entente à la suite du rapport qu'il vous a fait de la rencontre du 3 janvier avec Claude Laliberté, disant que M. Laliberté, qui est le P.-D.G., en fera part aux autres membres du conseil d'administration, est-ce que vous avez dit finalement - je vais essayer de traduire cela en des mots pour qu'on se comprenne: notre ouvrage est fait, laissons aller les choses? Ou avez-vous demandé à votre chef de cabinet de continuer à suivre de près l'évolution du dossier?

M. Lévesque (Taillon): Je suis très sûr que je ne lui ai pas demandé. Je ne lui ai pas demandé non plus de ne pas les rencontrer. Après tout, il s'agissait d'une affaire qui nous intéressait sur le principe, sur le fond. On était intéressé à savoir comment cela tournerait. C'est tout.

M. Paradis: C'est que je tente de voir où sont les autres mandats. Le 3 janvier, il s'agissait d'un mandat précis, finalement. Vous aviez une décision commune: Jean-Roch, va voir Claude Laliberté et dis-lui ceci, puis fais-moi rapport. Jean-Roch fait rapport. Jean-Roch dit: Laliberté m'a dit qu'il en ferait part aux membres du conseil d'administration et là, vous partez en Louisiane, vous en discutez - selon ce que je suis de l'histoire - avec votre chef de cabinet qui vous dit: Mission accomplie, "boss", j'ai fait mon ouvrage. Mais là, est-ce que vous...

M. Lévesque (Taillon): Vous n'avez pas précisément le style. Enfin, je comprends qu'il s'agit d'une reproduction approximative.

M. Paradis: De Jean-Roch Boivin, je ne veux pas? Très approximative, mais j'essaie de reconstituer pour vous permettre de vous rappeler le mandat ou la décision que vous avez prise à ce moment-là. Est-ce que vous avez dit: Notre dossier est fermé ou si on poursuit dans ce dossier-là?

M. Lévesque (Taillon): Je ne me souviens absolument pas de choses comme celle-là. Tout simplement, je vous répète en d'autres mots peut-être ce que j'ai dit. C'est sûr que quant à nous, nous en étions arrivés à une opinion. Elle avait été transmise. Il nous intéressait de savoir si quelqu'un en tiendrait compte éventuellement et quel était le cheminement de cette idée d'un règlement hors cour, s'il y en avait un. Il s'est

présenté que les procureurs, à tour de rôle et souvent à répétition, demandaient des rendez-vous. Je suppose que Me Boivin ne voyait pas de raison de les refuser. Cela nous intéressait de voir comment se développait l'idée d'un règlement.

Le Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure, je vais suspendre jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 01)

(Reprise de la séance à 15 h Il)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît;

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend donc ses travaux jusqu'à 18 heures alors qu'elle suspendra pour reprendre à 20 heures.

La parole était au député de Brome-Missisquoi à qui je la redonnerai, mais je rappelle à l'ensemble des gens qui nous écoutent et à tous ceux qui sont autour de cette table, qu'après les questions du député de Brome-Missisquoi, nous passerons à la partie d'écoute de la journée du 20 février 1979 ainsi que du mini-débat dans la soirée.

Le député de Brome-Missisquoi a la parole.

M. Paradis: M. le Président, ma question au premier ministre est la suivante. Je le réfère au bas de la page 9 de la déclaration écrite qu'il nous a remise ce matin ainsi qu'au haut de la page 10. Cela va peut-être me permettre d'accélérer et de gagner beaucoup de temps. Je le lis au texte: "Voilà comment j'en étais venu personnellement - et c'est le premier ministre qui parle - à une opinion claire et nette, qui rejoignait d'emblée la recommandation que me fit, à la veille de Noël 1978, Me Boivin. Et c'est ce dernier, comme on le sait, qui se chargea de transmettre, le 3 janvier 1979, cette opinion et cette recommandation à M. Claude Laliberté, président de la Société d'énergie de la Baie James, à savoir que nous étions en faveur d'un règlement hors cour. "Après quoi, si ce n'est de quelques propos échangés par ci par là par Me Boivin, je ne me souviens d'aucun autre fait pertinent jusqu'à la rencontre que me demanda le conseil d'administration d'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James pour le 1er février suivant." Autrement dit, cela élimine entre le 3 janvier et le 1er février les faits pertinents dont vous vous souvenez à cette époque. Est-ce exact?

M. Lévesque (Taillon): Oui, enfin, sauf, c'est sûr, comme je l'ai dit, quelques propos qu'on a échangés en se demandant: Est-ce que cela avance d'après ce qu'on entend dire? etc.

M. Paradis: Ce matin, vous avez terminé vos déclarations de la façon suivante à la cassette R/1707 à la page 2 que je cite. C'est vous qui parlez, M. le premier ministre. "C'est sûr que quant à nous, nous en étions arrivés à une opinion. Elle avait été transmise. Il nous intéressait de savoir si quelqu'un en tiendrait compte éventuellement et quel était le cheminement de cette idée d'un règlement hors cour, s'il y en avait un. Il s'est présenté que les procureurs, à tour de rôle et souvent à répétition, demandaient des rendez-vous. Je suppose que Me Boivin ne voyait pas de raison de les refuser. Cela nous intéressait de voir comment l'idée d'un règlement se développait." Vous faisiez allusion aux rencontres qui ont eu lieu entre les procureurs des diverses parties, à ce moment-là, et votre chef de cabinet entre le 3 janvier et le 1er février.

J'essaie de concilier cela avec la page 2 de votre déclaration de ce matin, au paragraphe trois où vous dites: "II a donc été convenu que mon chef de cabinet, Me Boivin, prendrait les moyens appropriés pour y voir aussi clair que possible, ce qui impliquait forcément des rencontres avec les avocats au dossier et une évaluation de leurs arguments". Je vous pose la question tout bonnement. Ce matin, vous m'avez répondu: Ce sont les avocats qui demandaient à être reçus et je ne voyais pas pourquoi il devait leur dire non. Là, à la page 2, au troisième paragraphe, vous dites: La démarche qu'on avait entreprise impliquait des rencontres absolument... De quelle façon conciliez-vous cela?

M. Lévesque (Taillon): II me semble que c'est assez clair. Avant les fêtes, à partir de la fin de novembre ou du début de décembre - comme je l'ai dit - cette histoire nous a rebondi dans la face, parce que le procès était censé s'engager incessamment, et finalement cela a été en janvier. Les gens qui étaient intéressés à en parler étaient, forcément, on le sait, M. Laberge de la FTQ pour des raisons évidentes, puis, sur la lancée de l'appel qu'il avait fait, forcément les procureurs. À ce moment-là, c'était plutôt... Je ne sais pas qui a sollicité qui, je pense que c'est Me Jasmin, mais vous l'avez dans le témoignage de M. Boivin, parce que c'est lui qui les rencontrait, mais je suppose qu'il lui a demandé un rendez-vous. À ce moment-là, on était intéressé à avoir ces rendez-vous du côté de M. Boivin, parce qu'il s'agissait de se former une opinion avant les fêtes. C'est ce qui était important. Après les fêtes...

M. Paradis: Mais...

M. Lévesque (Taillon): ...l'opinion était faite. Je n'ai pas pu relire au complet ce que M. Boivin a dit. C'est lui qui a eu ces rendez-vous avec les procureurs, pour des raisons évidentes. Je pense que c'était plutôt eux qui nous tenaient au courant, plus qu'autre chose.

M. Paradis: Ce que vous nous dites, finalement, c'est que M. Laberge, le président de la Fédération des travailleurs du Québec, appelle votre chef de cabinet, M. Boivin, et lui dit: Me Jasmin va te rencontrer et t'expliquer la...

M. Lévesque (Taillon): Je ne sais pas. Vous avez le témoignage. C'est Me Boivin qui a reçu l'appel téléphonique.

M. Paradis: Suivant son témoignage, c'est ce qu'il nous a dit. La conversation téléphonique a été brève: Me Jasmin ira vous rencontrer. Me Jasmin y est allé au début décembre et a exposé les motifs pour lesquels la poursuite devait être abondonnée. Mais, au niveau des rencontres entre... Là, on était fin novembre, début décembre?

M. Lévesque (Taillon): Dans ce bout-là, oui.

M. Paradis: Vous, avant le congé des fêtes, avec votre chef de cabinet, vous en venez à la conclusion personnelle que cela devrait se régler hors cour et vous demandez à votre chef de cabinet ou vous venez à la conclusion ensemble de transmettre ce message au président de la Société d'énergie de la Baie James et votre chef de cabinet s'exécute le 3 janvier.

Entre le 3 janvier et le 1er février, vous nous dites, à la page 9 de votre texte que votre mémoire ne vous permet pas de réciter les faits précisément. Il y a eu beaucoup de rencontres d'avocats, de promenades, de va-et-vient. Ce matin, vous m'avez répondu à la toute fin, c'était la dernière question à laquelle vous avez répondu: "II s'est présenté que les procureurs, les avocats des syndicats québécois et américains, à tour de rôle et souvent à répétition, demandaient des rendez-vous. Je suppose que Me Boivin ne voyait pas de raison de les refuser." Vous me dites cela ce matin.

Également à la page 2, troisième paragraphe de votre déclaration, vous nous dites que lorsque vous avez pris la décision qu'il devrait y avoir un règlement hors cour - c'est au tout début de votre déclaration de ce matin - cela impliquait forcément des rencontres avec les syndicats. Est-ce que Me Boivin avait le mandat de votre part - c'est finalement ma question - de rencontrer les avocats de toutes les parties?

M. Lévesque (Taillon): Écoutez, s'il y a eu un enchaînement là, c'est plutôt lui qui pourrait vous l'expliquer. Encore une fois, vous tenez à employer le mot "mandat". On s'était dit, entre nous, puisque M. Laberge a appelé - c'est normal que cela les préoccupe - là maintenant je crois qu'on doit s'en préoccuper car c'est notre devoir à nous autres aussi. Il y avait une rencontre de prévue avec Me Jasmin - aujourd'hui juge Jasmin - et à partir de là, il y a eu un enchaînement normal, c'est-à-dire aussi bien de les entendre tous, je suppose.

M. Paradis: Est-ce que vous avez décidé ensemble - je vais la poser autrement - qu'il y aurait forcément des rencontres avec les avocats de toutes les parties pour évaluer leurs arguments?

M. Lévesque (Taillon): Je ne me souviens absolument d'aucune décision formelle de quelque sorte à ce point de vue. C'est simplement que cela paraissait indiqué. Comme je l'ai dit, je pense, dans ma déclaration, cela paraissait aller de soi, surtout avant de se faire une opinion. Tu ne te fais pas une opinion dans l'air du temps, tu essaies de te la faire à même les sources les plus concrètes, quoi!

M. Paradis: J'ai retrouvé le passage que je viens de vous citer, le passage qui dit que cela impliquait forcément des rencontres avec les avocats au dossier, une évaluation de leurs arguments. Je l'ai retrouvé au troisième paragraphe de la page 2 de votre mémoire qui s'intitule: Déclaration du premier ministre à la commission permanente. Je ne l'ai pas retrouvé dans les transcriptions de ce matin. J'avais noté que vous aviez sauté ce paragraphe ce matin. On le retrouverait normalement à la page 1689, paragraphe un. Qu'est-ce qui explique que vous ayez omis cette partie de votre déclaration ce matin?

M. Lévesque (Taillon): M. Duhaime a un meilleur souvenir que moi et cela a l'air que c'est au moment où j'étais en train, hélas! de m'allumer une cigarette et j'ai dû passer par-dessus.

M. Paradis: Vous vous allumiez une cigarette? Est-ce qu'on peut considérer que ce paragraphe fait partie intégrale de votre déclaration et est-ce que vous auriez l'obligeance de le lire, pour qu'il soit dans la transcription?

M. Lévesque (Taillon): Avec plaisir, oui. Je m'excuse de l'avoir sauté ce matin. Je le

mets dans son contexte le plus immédiat: "Comme chef du gouvernement, représentant politique des citoyens propriétaires de l'entreprise, c'était de mon devoir le plus strict de me faire une opinion et, le cas échéant, de la faire connaître à qui de droit".

Il a donc été convenu que mon chef de cabinet, Me Boivin, prendrait les moyens appropriés pour y voir aussi clair que possible, ce qui impliquait forcément des rencontres avec les avocats au dossier et une évaluation de leurs arguments. "D'autre part, il était absolument essentiel de relire - c'étaient les deux sources - le rapport de la commission Cliche." Cela, je pouvais plus m'en charger."

M. Paradis: C'est très bien, c'est remis dans son contexte. De façon à pouvoir vous permettre de fumer votre cigarette tranquillement. On pourrait passer au visionnement...

Le Président (M. Jolivet): Donc, le député de Brome-Missisquoi ayant terminé ses questions, nous passerons à l'étape demandée par le député de Marguerite-Bourgeoys et aussi acceptée par le ministre de l'Énergie et des Ressources, c'est-à-dire entendre cet extrait de la période de questions du 20 février 1979 portant sur les réponses aux questions de M. Lalonde, de 14 h 27 à 14 h 39. Je tiens à souligner que vous constaterez qu'il y a une différence entre ce qui va passer à l'écran et les textes qui sont reconnus au journal des Débats, puisqu'il y a des corrections qui sont apportées, soit à des anglicismes ou à des fautes de français possibles. La différence entre les deux, comme les membres de l'Assemblée nationale le savent, c'est une chose tout à fait normale au journal des Débats. Je dois donc rappeler que nous allons entendre cet extrait et que nous passerons ensuite à la deuxième partie qui est celle du mini-débat. Je me permettrai, à ce moment-là, comme président, de donner quelques explications sur ce qu'est un mini-débat.

Je dois vous dire également que nous ne pourrons éteindre les lumières dans la salle parce qu'il faudrait 20 minutes pour les rallumer. En conséquence, nous nous fierons à l'écran géant qui est là-bas.

Note: Pour l'intérêt de nos lecteurs, nous reproduisons ci-après le compte rendu des questions et réponses sur le règlement du saccage de LG 2 tel que publié dans l'édition du mardi 20 février 1979, volume 20, numéro 105. C'est la bande magnétoscopique de la même date qui est visionnée à ce moment.

Questions et réponses du 20 février 1979

Dommages causés au chantier de LG 2

M. Lalonde: M. le Président, le 21 mars 1974, la violence éclatait sur le chantier de construction de la baie James, dans ce qu'il a été convenu d'appeler le saccage de la baie James, causant des dommages considérables et forçant la fermeture du chantier pour une période de 57 jours. Par suite de ces actes, la Société d'énergie de la baie James prenait, le 24 février 1976, une action en dommages-intérêts au montant d'environ $32 millions contre un certain nombre de syndicats et d'individus. Le procès a débuté devant la Cour supérieure à Montréal le 15 janvier 1979, il y a quelques semaines. Or, on apprenait, il y a quelques semaines, que la Société d'énergie de la baie James envisageait de régler la réclamation de $32 millions pour la modique somme d'environ $125 000. La semaine dernière, j'ai posé des questions au ministre de la Justice, M. le Président, et vous vous souvenez que ses réponses ont fait état d'une ignorance évidente de ce dossier.

Aujourd'hui, je veux poser mes questions au premier ministre. Premièrement, est-il exact qu'un tel règlement est envisagé? Deuxièmement, est-il exact que c'est dans le bureau du premier ministre, en présence du premier ministre ou d'un de ses représentants, qu'une partie de cette négociation de règlement a eu lieu? Enfin, dans l'affirmative, en vertu de quel principe la SEBJ renonce-t-elle ou est-elle prête à renoncer à une réclamation de $32 millions pour moins de 0,4%? Est-ce en vertu du préjugé favorable envers les travailleurs ou en fonction d'une évaluation objective des droits et des intérêts de la population dans cette réclamation?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, il y avait trois questions du député. Premièrement, il est exact qu'il est question d'un règlement. C'est même, paraît-il, pour ce que j'en sais, assez avancé. Deuxièmement, ce n'est pas du tout, ni de près, ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu. Mais il y a eu une consultation au bureau du premier ministre, oui, avec des gens du conseil d'administration de l'Hydro et de la Société d'énergie de la baie James. Je crois qu'en toute bonne foi, parce qu'il s'agit de quelque chose de très important qui concerne une propriété publique, le député permettra que je donne l'arrière-plan. (14 h 30)

À la suite du saccage dont tout le

monde, hélas, se souvient, il y a eu une poursuite d'intentée, autour du mois de février 1976, en dommages-intérêts, au montant de $32 millions. Cette décision de poursuivre avait été prise par les autorités de l'Hydro-Québec, après consultation - je vous le fais remarquer - avec le premier ministre du temps, M. Bourassa, vers la fin de 1975. Cette consultation, de même que la décision de poursuivre, étaient absolument normales. Personne n'avait rien à redire là-dessus. Après tout, la responsabilité gouvernementale, au nom des citoyens, existe aussi au niveau politique. La décision appartient quand même forcément à ceux qui ont été chargés d'administrer ces biens publics, y compris pour des poursuites ou pour quoi que ce soit. Il reste cependant que la consultation - des rapports normaux, civilisés entre des instances avec de telles responsabilités - est normale et c'est ce qui avait été fait en 1975 avec le premier ministre de l'époque.

En janvier de cette année, c'est-à-dire il y a quelques semaines, si je suis bien informé, la Société d'énergie de la baie James a reçu des offres de règlement de la part de certains des défendeurs et, ce qui est assez normal, de nouveau, elle a voulu savoir le sentiment de celui qui vous parle là-dessus.

Mon sentiment a été très clair, la décision appartient forcément à l'Hydro-Québec et à son conseil d'administration qui coiffe toute l'opération chantier, énergie, etc., et, bien sûr, à la Société d'énergie de la baie James elle-même, qui est là comme partie.

Tout en étant bien clair là-dessus, et le demeurant encore aujourd'hui, mon sentiment et je leur ai donné, comme ils le demandaient - est éminemment favorable à un règlement. Les modalités, je ne veux pas les connaître, jusqu'au jour où on les connaîtra tous. Ce n'est sûrement pas à mon bureau de commencer à dire que ce sera tant, etc. Ce n'est pas de notre affaire. Mais l'idée, le principe du règlement, oui.

Si on me le permet, je voudrais dire rapidement pourquoi. Je réfère tout le monde à la seule enquête - sauf erreur - qui a été faite, d'une façon globale, sur ce saccage de la baie James, et qu'on trouve aux pages 68 et 69 - dont je vais citer un bref extrait -du rapport de la commission Cliche. Je pense qu'il est important, pour l'équité, d'écouter ces deux paragraphes: "Les commissaires ont acquis la conviction que les travailleurs n'encourent pas la responsabilité de ce qui est arrivé. Il ne s'agit aucunement d'une réaction de masse, mais bien d'une opération montée par un noyau de mécréants, dirigés par Duhamel, on s'en souvient, pour montrer une fois pour toutes qui était le maître ou le "boss" à la baie James. L'impression nette que nous tirons - je cite toujours - de l'interrogatoire des témoins du saccage est que les travailleurs ont été de simples spectateurs et même des victimes des actes insensés posés par un Duhamel en délire."

C'est à ce genre de catastrophe que devait fatalement aboutir l'irresponsabilité des aventuriers sans scrupules qui avaient fait main basse sur le contrôle des principaux locaux syndicaux des chantiers de la FTQ-Construction. Puisqu'on demande les résultats de la consultation que j'ai eue avec les gens qui m'ont demandé mon opinion, en partant de ça et de quelques autres faits, il me semble - c'est le sentiment que j'en ai -qu'il serait injuste de faire payer par l'ensemble des travailleurs qui sont membres des syndicats défendeurs, les syndicats québécois, qui peuvent être tenus techniquement et juridiquement responsables - d'ailleurs ils l'admettent - des montants importants pour lesquels ils ne sont franchement pas responsables. Ils ne sont tellement pas responsables qu'en fait ça se passe remarquablement très bien à la baie James maintenant; on sait que, à l'automne 1979, des mois avant les dates prévues, les premiers groupes générateurs vont être mis en service à LG 2. Ce qui veut dire que, depuis ces événements, la productivité s'est accrue sur le chantier et qu'il y a vraiment un climat remarquablement meilleur que jamais auparavant.

J'ajouterais, tenant compte du rapport Cliche, que trois des cinq individus défendeurs, y compris celui qui a été nommé dans le rapport, ont déjà été condamnés au criminel ou sont présentement devant les tribunaux. Quant aux deux autres, si on s'imagine qu'ils pourraient payer les montants éventuels du jugement, on est optimiste.

Il y a évidemment l'implication - je termine là-dessus - du syndicat américain, qui, lui, est solvable, parce que les syndicats québécois ne sont pas solvables. Il semble que sa responsabilité soit, le moins qu'on puisse dire, aléatoire; de toute façon s'il y avait un jugement, les recouvrements seraient longs et compliqués, je pense que ce n'est pas difficile à comprendre. Ce qui semble encore plus important, parce qu'il y a quand même quelque chose qui est moralement difficile à défendre à certains points de vue, c'est que l'implication - il y avait un décrochage à peu près complet de la centrale syndicale américaine - réelle des Américains est inexistante dans ces événements. C'est leur faire porter une chose où vraiment, ni de près ni de loin, ils n'ont eu quoi que ce soit à faire.

Finalement, le coût de la cause, si elle continue, est le suivant, au bas mot, d'après ceux qui nous ont donné leur opinion. Pour obtenir un jugement ça coûterait à peu près $2 millions ou $3 millions, si on inclut les frais de la Société d'énergie et même ceux

de l'aide juridique du gouvernement qui, pour certains défendeurs, serait obligée de se substituer aux procédures normales où on paie des avocats, parce qu'ils n'ont pas les moyens.

Tout ça résume le sentiment que j'ai donné aux gens qui voulaient l'avoir; je ne parle même pas du climat social et de la nécessité d'un bon climat sur des chantiers lointains, mais les raisons sont là. À partir de là la décision de règlement appartient à la Société d'énergie de la baie James, mais comme elle l'avait fait en 1975, au moment de poursuivre, en consultant elle a eu l'opinion du premier ministre d'aujourd'hui, s'il s'agit d'un règlement éventuel.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, après cette longue réponse du premier ministre, je l'en remercie. Il a fait une déclaration d'insolvabilité au sujet des syndicats québécois: ça a dû être un lapsus, il a dû vouloir dire que les syndicats n'avaient peut-être pas les moyens de payer une réclamation de $32 millions.

Est-ce qu'il ne serait pas plus prudent, et c'est là en fait l'ingérence du premier ministre dans cette décision - que je déplore dans sa déclaration aujourd'hui - est-ce qu'il ne serait pas plus prudent, dis-je, de se reposer sur un jugement de la Cour supérieure ou un jugement d'un tribunal pour déterminer la responsabilité, parce qu'en voulant favoriser un groupe de travailleurs on enlève à l'ensemble de la population, qui comprend tous les travailleurs, syndiqués ou non, les droits qu'elle a dans cette réclamation? S'il y a un syndicat qui est solvable pour employer l'expression du premier ministre, pourquoi ne pas attendre le jugement de cour et ensuite tenter d'aller chercher ce qui est notre dû à toute la population, là-dedans? Est-ce que ce ne serait pas plus sage comme décision de premier ministre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Écoutez, sur la question de sagesse, sur l'opportunité éventuelle des décisions, je répète ce que j'ai dit: C'est à la Société d'énergie de la baie James, au conseil d'administration qui la coiffe aussi, de prendre les décisions. S'il y a un règlement qui est négocié - je sais qu'il y a eu des approches, je l'ai dit dès le début de l'année 1979 - la décision, ni de près ni de loin, le bureau du premier ministre ne pèse dessus. On a demandé notre sentiment et en toute conscience, je ne répéterai pas tout ce que j'ai dit y compris sur la responsabilité plus qu'aléatoire des Américains là-dedans, en fait inexistante à toutes fins utiles, j'ai donné mon sentiment. La décision appartient à ceux qui administrent l'entreprise, y compris les modalités d'un règlement, les questions de responsabilités, etc. Cela ne nous regarde pas, c'est leur droit.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Est-ce que le premier ministre va au moins nous donner l'assurance que le ministre de la Justice n'a pas pu nous donner la semaine dernière, à savoir que la Société d'énergie de la baie James va s'appuyer sur un avis juridique quant à la responsabilité? Les avis juridiques du premier ministre ici, cela ne pèse pas fort. Quand il a parlé de la responsabilité à peu près inexistante, vous m'excuserez de ne pas la prendre. Est-ce que cela ne serait pas plus juste que la Société d'énergie de la baie James fasse reposer sa décision sur un avis juridique, à savoir la responsabilité de ce syndicat américain, en particulier, et aussi des autres, parce que c'est l'argent de la population?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, inutile d'ajouter que ce que j'ai dit tout à l'heure, c'était après avoir été passablement mis au courant des avis juridiques assez nombreux qui ont été accumulés autour et alentour de cette question-là. Je voudrais quand même que le député ne soit pas injuste pour le ministre de la Justice qui n'est pas ici aujourd'hui, parce qu'il n'avait pas à connaître cette affaire.

(Fin de la reproduction)

Le Président (M. Jolivet): C'était l'extrait de la période des questions. Je dois donc vous rappeler maintenant que nous passerons à l'étape suivante qui est celle du mini-débat dont nous vous présenterons l'extrait. À ce mini-débat, il y avait eu deux questions ce soir-là et il a commencé à 22 h 07 et s'est terminé à 22 h 20. Je vous rappelle, ainsi que pour les besoins des gens qui nous écoutent, qu'un député peut toujours, s'il n'est pas satisfait d'une réponse donnée à une question qu'il a posée, donner un avis écrit de son intention de soulever le problème pour lequel il désire des renseignements lors du débat prévu à cette fin au paragraphe 4, c'est-à-dire qu'à la fin des travaux d'une séance de l'Assemblée nationale qui se termine à 22 heures, en vertu du règlement, un député peut demander un mini-débat. Le mini-débat est d'une période de dix minutes. Le député qui

soulève la question peut parler pendant environ cinq minutes et le ministre ou l'adjoint parlementaire peut répondre, lui aussi, de son côté, pendant cinq minutes.

C'est donc cet extrait que nous allons revoir sur l'écran géant.

(Reproduction)

Mini-débat du 20 février 1979

Règlement des dommages causés par le saccage de LG 2

Le Président: Maintenant, nous devons, suivant les avis qui ont été donnés, procéder aux mini-débats et en vertu des dispositions de l'article 174 de notre règlement. Le premier, comme je l'avais annoncé cet après-midi, c'est celui réclamé par M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Je relis l'avis de M. le député de Marguerite-Bourgeoys: "M. le Président, à la séance d'aujourd'hui, j'ai posé au premier ministre une question portant sur le sujet suivant: le règlement éventuel de la réclamation de $32 millions de la Société d'énergie de la baie James suite au saccage de LG 2, en mars 1974. Puisque je ne suis pas satisfait de la réponse donnée, je désire me prévaloir des dispositions de l'article 174 du règlement. Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs." C'est signé du député de Marguerite-Bourgeoys que j'invite à prendre la parole pour cinq minutes. Je vous rappelle les dispositions de notre règlement à cet égard, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Après cinq minutes, je devrai vous interrompre. M. le premier ministre, je vous rappelle également les dispositions de notre règlement - il est rare que le premier ministre soit convoqué à un mini-débat -après cinq minutes, je dois vous interrompre.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, cet après-midi, le premier ministre a admis que la Société d'énergie de la baie James est en train de régler une réclamation de $32 millions pour un montant qu'il dit ne pas connaître et ne pas vouloir connaître, mais que tout le monde sait être des grenailles, soit environ $120 000, c'est-à-dire à peu près quatre dixièmes de 1% de la réclamation de $32 millions. Le règlement de la réclamation de la population du Québec contre ceux qui ont saccagé notre baie James est allé jusqu'au bureau du premier ministre, il l'admet, mais il ne veut pas savoir pour combien la SEBJ est prête à régler.

Je dis que le premier ministre ne doit pas jouer l'autruche, se mettre la tête dans le sable quand la rumeur court partout que la SEBJ est prête à sacrifier une réclamation, qu'elle a elle-même évaluée à $32 millions, pour une croûte de pain. M. le Président, $125 000 pour une réclamation de $32 millions, cela ne fait même pas la moitié du chauffage du chantier pendant les 57 jours où il a été fermé par suite du saccage, chauffage qui a coûté $254 000. La déclaration du premier ministre cet après-midi équivaut à une irresponsabilité politique grave puisqu'il est prêt à régler à n'importe quel prix, au mépris des intérêts légitimes de la population qui, elle, devra être appelée à payer les dommages.

S'inspirant d'une impression exprimée par la commission Cliche sur l'absence de responsabilité des travailleurs en général, dans cette violence, le premier ministre déclare qu'il serait injuste de faire payer par les travailleurs membres des syndicats impliqués des montants importants, même si ces syndicats peuvent être tenus techniquement et juridiquement responsables. Or, jamais la commission Cliche n'a prétendu établir la responsabilité juridique et civile des actes dans le saccage de la baie James. Elle n'en avait pas les pouvoirs. Le premier ministre fait lui-même preuve d'irresponsabilité politique lorsqu'il s'interpose carrément dans le processus judiciaire normal en pardonnant d'avance de leur responsabilité juridique possible les défendeurs dans cette cause. (22 h 10)

Ce qu'il ne veut pas faire payer par un groupe de travailleurs membres de ces syndicats, défendeurs dans cette cause, le premier ministre est prêt à le faire payer par l'ensemble de tous les travailleurs québécois, contribuables, qui n'ont rien à faire avec ces événements. Sans s'ingérer dans le processus de décision de la cour dans cette cause, on peut dire que seulement deux raisons pouvaient justifier un règlement et cela encore faudrait-il que le montant soit raisonnable. La première raison serait que l'action n'est pas juridiquement fondée.

Or, le premier ministre lui-même a admis qu'il était normal que la SEBJ prenne action. La deuxième raison serait que les défendeurs n'ont pas les moyens de payer. Si quelques-uns, surtout des individus, sont dans cette situation, les autres ne le sont pas; ce n'est pas le cas des syndicats et en particulier d'un syndicat américain, que le premier ministre reconnaît être capable de payer les dommages dus à tous les Québécois. Mais ici le premier ministre fait une ingérence irresponsable dans le processus judiciaire. Il se substitue aux juges, à qui il ne donne même pas la chance de rendre jugement. Il dit publiquement, de son siège, sans aucune preuve documentaire, que la

responsabilité de ce syndicat est aléatoire.

Jamais cette Assemblée n'a été témoin d'une ingérence politique aussi irresponsable d'un premier ministre dans une affaire de cour. Si le premier ministre veut réparer les dommages de son inconscience politique, il doit, avant que tout règlement n'intervienne, produire en Chambre tous les documents, opinions juridiques et autres qui répondront à nos questions. Autrement, l'ingérence du premier ministre dans cette affaire servira de dangereux précédent car sans préjuger d'un jugement qui peut intervenir dans cette affaire, M. le Président, personne dans cette Chambre ne veut écarter la règle qui fait que chacun est responsable de ses actes. Sinon, c'est l'anarchie, c'est le chaos. On a voulu dans cette Chambre, après un débat, faire du droit nouveau en matière d'assurance automobile et on a adopté un nouveau principe de droit, celui de la responsabilité sans faute.

Quant à moi, je ne veux pas, M. le Président, qu'au nom d'un soi-disant préjugé favorable pour les travailleurs, qui dans ce cas-ci ressemble davantage à une faveur politique sur le dos de la population, je ne veux pas, dis-je, que ce précédent introduise dans notre droit et en particulier en matière de relations de travail le principe, la règle de l'irresponsabilité avec faute. L'absence de transparence du premier ministre qui favorise un règlement, n'importe quel règlement sur le dos des fonds publics ouvre la porte à toutes les spéculations quant aux véritables intentions et aux véritables objectifs du gouvernement surtout dans le contexte de négociations dans la fonction publique où il serait inadmissible que le gouvernement échange l'appui de certains milieux contre des droits de la population. Qu'on laisse la justice suivre son cours ou alors que le premier ministre justifie objectivement, documents à l'appui, pourquoi les Québécois devraient échanger une réclamation de $32 millions pour à peu près rien. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le premier ministre, cinq minutes.

M. René Lévesque

M. Lévesque (Taillon): Oui, M. le Président. Je vais essayer de ne pas vous forcer à me rappeler et à l'ordre et à l'horloge. J'ai beaucoup aimé la façon dont le député a sans cesse parlé de la nécessité de ne pas s'ingérer, de ne pas se mêler de ce qui ne nous regarde pas, de ne pas se prendre pour d'autres. Pendant qu'il endossait les $32 millions comme si c'était du pain bénit, il se substituait au tribunal parce que les $32 millions sont simplement le montant d'une réclamation. Par ailleurs, il avançait avec une certitude absolument... J'aurais été convaincu si je ne savais pas qu'il sait encore moins que moi quels pourraient - et moi je ne le sais pas - être les termes, les modalités d'un règlement. Autrement dit, c'est bien facile de jouer avec des 0,4% quand on ne sait pas, ni d'un bord, ni de l'autre, ni le maximum, ni le minimum de ce qui va arriver. J'avoue humblement que je ne le sais pas moi non plus.

Ce que j'ai rappelé tout simplement cet après-midi, c'est que comme le premier ministre qui m'a précédé avait été consulté en 1975 pour savoir si on devait - et à ce moment, Dieu sait que c'était plus qu'indiqué - entamer des poursuites, de la même façon, on m'a demandé mon opinion purement et simplement, sans préjuger du tout des décisions qui appartiennent à la société d'énergie et au conseil d'administration de l'Hydro-Québec, on m'a demandé quel était mon sentiment.

Je l'ai dit mon sentiment. Je pense que cela vaut la peine, dans le peu de temps dont je dispose, de répéter cette attitude fondamentale du rapport Cliche, parce que je pense qu'il est bon que les citoyens - pas seulement les gens de l'Assemblée nationale ici - se rappellent ce qui a été dit aux pages 68 et 69 du rapport Cliche sur le seul groupe qui ait vraiment été au fond de cette histoire déplorable du saccage de la baie James. "Les commissaires ont acquis la conviction que les travailleurs ordinaires n'encourent pas la responsabilité de ce qui est arrivé. Il ne s'agit aucunement d'une réaction de masse, mais bien d'une opération montée par un noyau de mécréants, dirigés par Duhamel, pour montrer, une fois pour toutes, qu'il était le maître à la baie James." C'est la conclusion du rapport Cliche qui a passé assez de temps sous l'ancien gouvernement à étudier, justement, les tenants et les aboutissants du saccage de la baie James.

Partant de là, sachant aussi que les syndicats québécois qui sont intimés sont incapables de toute façon de payer des sommes le moindrement substantielles, j'ai donné mon sentiment. C'était que puisqu'un règlement a été demandé par quelques-uns des syndicats ou leurs procureurs au début de 1979, quant à moi, il me semblait meilleur, dans l'intérêt du Québec et d'une certaine paix sociale nécessaire - il ne s'agit pas de favoritisme politique, il s'agit de chantiers lointains où il est important que la paix règne - si un règlement était possible, de le soutenir, de l'appuyer, mais que c'est aux parties, à commencer par la Société d'énergie de la baie James qui est demanderesse là-dedans, de décider ce qu'elles veulent faire.

Maintenant, pour terminer, je rappellerai et j'apprendrai peut-être au député et à d'autres que, dans ce règlement qui n'est pas intervenu encore et qui, je

l'espère, interviendra d'une façon satisfaisante, la Société d'énergie de la baie James a exigé - ce qui est parfaitement normal - que certains des syndicats québécois au moins, qui peuvent être juridiquement, techniquement impliqués, admettent leur responsabilité. Donc, si un règlement intervient, cette responsabilité, cette admission de responsabilité en fera partie. Si on va jusqu'à un jugement, il est évalué qu'il faudra au moins cinq mois d'audience, que cela coûterait au moins $2 millions de plus pour arriver exactement aux mêmes résultats, c'est-à-dire que c'est évident que la responsabilité serait acquise. À partir de là, le jugement déciderait, pas le député, ni votre serviteur, M. le Président, quels sont les dommages attribuables. $32 millions, c'est la somme de la demande. Je ne le sais pas et le député non plus. Une chose certaine, c'est qu'il y aurait eu $2 millions et peut-être plus de dépensés pendant cinq mois pour aboutir fondamentalement aux mêmes résultats, sauf, comme le rappelait le député, je l'ai dit moi-même, qu'il y a un syndicat américain qui est là. Mais ce syndicat américain, d'après les avis juridiques qui m'ont été expliqués longuement avant que je donne mon humble sentiment, cette responsabilité des syndicats américains est plus qu'aléatoire au point de vue juridique, d'après tous ceux qui ont été consultés. Pardessus le marché, leur responsabilité réelle dans les faits - ils n'étaient là nulle part, ni au début, ni pendant, ni après la grève -n'existe pas. Moralement, ils n'ont rien à voir là-dedans.

En terminant, c'est vrai qu'en dernière analyse ce sont les citoyens du Québec qui ont payé pour ce saccage, mais qu'on ne vienne pas nous raconter que c'est une faveur politique à qui que ce soit sur le dos des citoyens que d'essayer de régler cette histoire. C'est vrai que les travailleurs, qui avaient été littéralement "bulldozes", bousculés à ce moment-là par une "gang" de bandits, ont repris en main leur démocratie syndicale et qu'il y a une productivité et, dans l'ensemble, un climat social qui contraste actuellement drôlement avec le quasi-vandalisme institutionnalisé qui, je me permets de le rappeler, régnait sous l'ancien gouvernement. On a rattrapé des échéances qui semblaient compromises. On devance même de plusieurs mois la mise en service des premiers groupes de production d'électricité et cela économise, par ailleurs, combien de millions de dollars aux Québécois!

(Fin de la reproduction)

Le Président (M. Jolivet): Une partie de ces deux interventions, c'est-à-dire l'extrait de la période des questions du 20 février 1979 ainsi que l'extrait de ce mini-débat de la soirée du 20 février 1979, étant entendue, à sa demande expresse et à l'acceptation du ministre, je passe donc désormais la parole au député de Marguerite-Bourgeoys.

Interrogatoire (suite)

M. Lalonde: M. le Président, nous avons tous entendu dans le contexte, comme voulait d'ailleurs remettre certaines déclarations dans le contexte le premier ministre lui-même ce matin, les questions, les réponses ainsi que les deux échanges qu'on appelle le mini-débat du 20 février 1979.

J'aimerais rappeler quelques extraits de la réponse du premier ministre et je les prends dans le texte qui a été publié dans le journal des Débats. C'est peut-être un peu différent comme je l'avais expliqué de ce qui a été dit mais seulement légèrement. La réponse que le journal La Presse reproche au premier ministre, c'est celle-ci: "Ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu. Mais il y a eu une consultation, oui, au bureau du premier ministre, oui avec des gens etc."

Donc, il y a eu une consultation. Un peu plus loin, le premier ministre dit, en parlant de la Société d'énergie de la Baie James: "...elle a voulu savoir le sentiment de celui qui vous parle là-dessus."

Troisièmement, un peu plus loin, le premier ministre disait, le 20 février 1979: "...mon sentiment - et je le leur ai donné, comme ils le demandaient - ..."

Un peu plus loin, le premier ministre parle toujours en réponse à ma question: "Puisqu'on demande les résultats de la consultation que j'ai eue avec les gens qui m'ont demandé mon opinion..."

Et si vous allez à la page 5741 - pour ceux qui suivent sur le journal des Débats -à la fin de la réponse à la question principale le premier ministre dit ceci: "Tout cela résume le sentiment que j'ai donné aux gens qui voulaient l'avoir..."

Et juste à la fin, il dit: "À partir de là, la décision de règlement appartient à la Société d'énergie de la Baie James, mais comme elle l'avait fait en 1975, au moment de poursuivre, en consultant elle a eu l'opinion du premier ministre d'aujourd'hui..."

Dans la même page, un peu plus bas, le premier ministre, en réponse à une question additionnelle, dit: "On a demandé notre sentiment..."

Dans le mini-débat, on retrouve aussi la même perspective dans laquelle le premier ministre met sa réponse - le 20 février 1979, page 5793: "...on m'a demandé mon opinion purement et simplement..."

Un peu plus loin: "C'était que puisqu'un

règlement a été demandé par quelques-uns des syndicats..."

Tout dans la réponse donne à penser que le premier ministre a donné son sentiment à la demande à cinq ou six reprises...

Une voix: Huit.

M. Lalonde: Sept. Je vais les compter, M. le Président. J'en ai 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8. 9 en comptant le mini-débat, mais enfin. Et d'ailleurs c'est ainsi que dans les journaux ou certains journaux, le lendemain, ont perçu la réponse du premier ministre. Dans le Journal de Québec, par exemple, du 21 février 1979, le lendemain, il est dit: "M. Lévesque a été consulté à ce propos par Hydro-Québec et la Société d'énergie de la Baie James et tout comme l'avait fait l'ex-premier ministre, etc."

D'autre part, la preuve démontre - et le premier ministre l'a confirmé ce matin -que c'est à la suite d'un appel téléphonique de M. Laberge, président de la FTQ, et d'un examen de la situation qu'il avait fait avec son chef de cabinet, Me Boivin, que le premier ministre a donné instructions à M. Boivin de transmettre au président-directeur général de la SEBJ son désir que cela se règle.

Comment - M. le Président, c'est ma question au premier ministre - concilier la réponse qu'il m'avait donnée après m'avoir dit: "Ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu. Mais il y a eu une consultation..." Comment concilier sa réponse avec le fait que l'initiative de tout le processus de règlement était partie du bureau du premier ministre et s'était transmise le 3 janvier 1979?

Le Président (M. Jolivet): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Vous savez, la période de questions du 20 février, je vais vous dire bien franchement que ce qui me paraissait important - parce que là j'y étais et là cela était vraiment clair face aux trois principaux dirigeants - c'est que cela était vraiment le moment crucial par rapport à un règlement parce qu'ils l'avaient demandé... Ce qu'on avait transmis - je n'y étais pas, cela part plus de l'esprit - à M. Laliberté selon le rapport que M. Boivin en a fait c'était qu'on s'était fait une opinion. Cela ne m'a pas paru toucher à l'essentiel - je le suppose, en tout cas - au moment de cette période de questions. Je ne vois pas ce que cela change quant à l'essentiel, je dois vous l'avouer. Ce que l'Opposition voulait savoir à ce moment-là c'est s'il était vrai qu'il était question d'un règlement et si c'était le bureau du premier ministre ou le premier ministre lui-même qui s'était mêlé de négocier ou de faire venir ce règlement. Il me semble que je l'ai assez bien expliqué dans ma déclaration de ce matin. C'est vrai que le 20 février j'avais complètement escamoté cette histoire du 3 janvier mais pour moi la clé, au moment où j'y suis et que je sais ce qui s'est passé - c'est là que se trouvait la clé quant à nous - c'est quand le conseil d'administration d'Hydro-Québec avait demandé - évidemment, c'est une chance encore, ils avaient été avertis avant qu'on avait une opinion - de me rencontrer. Je n'ai pas d'autre explication.

M. Lalonde: M. le Président, je pense que le premier ministre - en relisant la transcription, je vais pouvoir m'en assurer -a dit: C'est vrai que j'ai escamoté la réunion du 3 janvier dans ma réponse.

M. Lévesque (Taillon): Écoutez, je m'excuse là. J'ai escamoté une réunion à laquelle je n'assistais pas. Cela s'est passé au lendemain des fêtes et où Me Boivin avait dit à M. Laliberté que nous avions une opinion et que c'était celle-là. Il devait la transmettre au conseil d'administration. Quand le conseil d'administration a décidé de venir vérifier, selon moi c'était là que cela se passait.

M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas...

M. Lévesque (Taillon): Vous pouvez en faire un gros plat si vous voulez mais c'est comme cela que je l'ai vécu.

M. Lalonde: II n'est pas question d'en faire un plat, M. le Président. C'est qu'on est au coeur de la question à savoir: Est-ce que l'Assemblée nationale a été trompée ce jour-là?

M. Lévesque (Taillon): Sur l'essentiel, non.

M. Lalonde: C'est une question d'opinion. Est-ce qu'il n'était pas essentiel que l'Assemblée nationale sache et que la population sache que l'initiative de toute l'opération venait du bureau du premier ministre alors que la réponse du premier ministre allait dans le sens contraire, selon lequel il avait eu un rôle passif? On était venu demander son opinion. C'est pour cela que je vais demander au premier ministre pourquoi il a escamoté - pour employer ses mots - cette partie importante de toute l'opération dans la réponse alors que la question référait justement à la participation de son bureau et de lui-même dans le règlement?

M. Lévesque (Taillon): Premièrement, il y a une chose que je dois dire, sauf erreur -vous pouvez retrouver tout ce qui s'est passé pendant cette commission - l'initiative, c'est-à-dire l'amorce d'un règlement, s'est faite par le truchement des procureurs. Cela commence toujours assez loin. Ce n'est pas nous qui avons pris l'initiative. On a pris l'initiative de se faire une opinion et de la faire connaître. Le moment crucial quant à moi - encore une fois, je n'y ai même pas pensé; si le député de Marguerite-Bourgeoys, le 20 février, dans le temps très restreint qu'on a lors d'une période de questions, m'avait demandé plus de détails, je n'avais pas de raison de le cacher - était là. Encore aujourd'hui, l'essentiel, selon moi, était là.

M. Lalonde: Si le député de Marguerite-Bourgeoys avait demandé plus de détails, je demande au premier ministre...

M. Lévesque (Taillon): J'aurais pris avis, j'aurais vérifié.

M. Lalonde: ...une fois que la question est posée sur son implication et l'implication de son bureau dans le règlement et qu'il me répond, de la façon la plus catégorique que j'aie vue à l'Assemblée nationale, que ni de près, ni de loin partie du règlement n'a eu lieu à son bureau et, d'autre part, très longuement il parle d'une consultation - je ne veux pas répéter les endroits où il dit: "il semble qu'on a voulu savoir le sentiment", "comme ils le demandaient", "ils m'ont demandé mon opinion" - est-ce que cela n'était pas important pour l'Assemblée nationale de savoir que c'était le premier ministre qui avait pris la décision de demander à la SEBJ ce que M. Laliberté est venu nous dire ici, à savoir que la cause soit abandonnée et qu'un règlement ait lieu? Est-ce que cela n'était pas important pour l'Assemblée nationale à ce moment-là? (16 heures)

M. Lévesque (Taillon): Je suis obligé de répéter au député de Marguerite-Bourgeoys -je peux bien le répéter vingt fois - que s'il m'avait posé des questions sur les tenants et les aboutissants, sur la façon dont on s'était fait une opinion, en l'occurrence, si les gens d'Hydro-Québec, c'est-à-dire M. Laliberté, avaient été mis au courant de cette opinion, je le lui aurais dit. Je ne vois pas ce que j'avais à cacher. La seule chose qu'il y a, c'est qu'il ne me l'a pas demandé, et dans le temps que j'avais, j'ai pensé à l'essentiel, et l'essentiel, c'était quand j'étais face à face avec les trois principaux dirigeants à ce moment-là d'Hydro-Québec qui venaient vérifier, je suppose, les tenants et les aboutissants de mon sentiment et de l'opinion que je leur avais fait transmettre - je n'étais pas là quand ils les ont eus forcément - et ce qu'on pourrait appeler, si vous voulez, l'importance que j'attachais au principe de ce règlement. C'est à ce moment-là, il me semble, que se trouvait le coeur de la question.

M. Lalonde: M. le Président, de toute évidence, je n'aurai pas de réponse différente du premier ministre là-dessus. On laissera la population juger.

J'ai une autre question à poser au premier ministre. Dans sa réponse, à la page 5741 - c'était la réponse à la première question additionnelle - le premier ministre dit ceci, et je le cite au texte: "S'il y a un règlement qui est négocié - je sais qu'il y a eu des approches, je l'ai dit dès le début de l'année 1979 - la décision, ni de près ni de loin, le bureau du premier ministre ne pèse dessus." Comment le premier ministre peut-il concilier cette réponse avec le fait que le 3 novembre 1978, le conseiller spécial du premier ministre, M. Yves Gauthier, rencontrait déjà un des membres du conseil d'administration, M. Laferrière, à un lunch où il était justement question de cette poursuite? Comment peut-il concilier cette réponse qu'il me donnait à ce moment-là avec le fait que M. Gauthier, encore, toujours conseiller spécial du premier ministre à ce moment-là, à l'automne, semble-t-il, d'après la seule preuve que nous en avons, rencontre Me Gadbois, avocat interne de la SEBJ, et lui donne des arguments indiquant que la cause devrait être arrêtée? Comment peut-il concilier cette déclaration - que le bureau du premier ministre ne pèse sur la décision de la SEBJ -avec le fait que, le 3 janvier, à la connaissance cette fois-là, j'en suis sûr, du premier ministre, parce qu'il l'a confirmé, il a rencontré M. Laliberté, le président-directeur général, le patron de la SEBJ, pour lui transmettre son souhait que la cause soit abandonnée et qu'il y ait règlement j'emploie à peu près les mots de M. Laliberté - et que ce soit transmis aux membres du conseil d'administration, comme le premier ministre l'a dit ce matin? Comment peut-il concilier ce qu'il vient de dire et ce qu'il disait le 20 février, alors qu'à peu près trois semaines auparavant il avait dit à trois dirigeants importants, M. Saulnier, M. Laliberté et M. Boyd: Vous réglez, "crisse" "or else"? Cela, cela ne pèse pas. Enfin, peut-il concilier cette réponse avec le fait que, le lendemain de cette réunion amicale, son chef de cabinet, M. Boivin, lunche avec les deux principaux avocats de la SEBJ, Me Aquin et Me Cardinal, et leur dit: Ne vous enfargez pas dans les documents? Le premier ministre ne trouve-t-il pas que sa réponse, le 20 février, ne donnait place à aucun des événements qui sont en preuve actuellement et que je viens de décrire?

Le Président (M. Jolivet): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): À l'occasion, je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys a des expressions extraordinairement ambitieuses, comme de dire que toutes ces choses-là sont "en preuve". Je veux bien. La seule chose qu'il y a, c'est que vous avez gratté tout cela. Le 20 février 1979, il aurait fallu que vous me posiez des questions quasiment au feuilleton de la Chambre pour que je retrouve chacun des éléments que vous venez d'évoquer. Par exemple, les lunches, les rendez-vous pour déjeuner que pouvait avoir ou que peut avoir Me Yes Gauthier, ce n'est pas exactement de la discipline de couvent. Il a le droit d'aller luncher avec qui il le veut, pour l'amour du ciel! Qu'il ait vu M. Gadbois, je ne sais pas ce qu'il en a raconté. S'il se mêlait de la question d'une façon trop intime, si vous voulez - pour reprendre une expression qu'on aime beaucoup de l'autre côté - il l'a sûrement fait sans mandat. Mais je ne veux pas juger, parce que je n'y étais pas.

Une chose est certaine, c'est que, dans la mesure où il s'agissait du principe d'un règlement sur lequel on s'était fait une opinion, c'était strictement mon chef de cabinet, Me Boivin, et moi-même. Les autres n'avaient pas d'affaire là-dedans. Cela ne veut pas dire que cela ne les intéressait pas, pas du tout.

Le député a parfois, comme d'autres, une sorte de façon de poser des questions qui fait que tu te retrouves mal après, parce que tu en a cinq ou six en même temps.

Pour revenir à l'essentiel: Oui, c'est vrai que, quand j'ai rencontré les trois dirigeants en compagnie de Me Boivin, le 1er février - pas le 19 février comme l'ont dit certains journaux - celui d'Hydro-Québec, le président-directeur général, M. Boyd, le président-directeur général de la Société d'énergie de la Baie James et le président du conseil d'administration, à ce moment-là, M. Saulnier, c'est vrai que, très clairement, avec acharnement même, parce que c'était notre opinion, je leur ai dit: Moi, je crois -je leur ai répété de toutes les façons que je pouvais trouver - que ce serait plus logique... Surtout quand M. Boyd, pour les raisons que j'ai données dans ma déclaration - je ne reviens pas là-dessus - semblait littéralement avoir quasiment un besoin personnel d'un jugement. C'est vrai que j'ai dû perdre patience et dire quelque chose comme ce que vous avez cité. Il faut être un peu tartufe, quand on vit au Québec, pour ne pas penser que certains gros mots ne nous arrivent pas dans nos conversations. J'en entends souvent en Chambre ou dans les coulisses et cela m'arrive à moi aussi, mais cela ne change pas le fond des choses.

M. Lalonde: Oui, mais est-ce que le fond des choses n'est pas justement que le premier ministre, le chef du gouvernement, dit à des dirigeants: Vous réglez. Il le dit très fortement. Est-ce que ce n'est pas très impératif? D'ailleurs, pour employer un mot, je crois, que le premier ministre mentionne dans sa déclaration: Est-ce que cela ne pèse pas sur la décision? Comment le premier ministre peut-il, trois semaines après, dire que le bureau du premier ministre ne pèse pas sur la décision après avoir donné cet ordre, ce désir intense...

M. Lévesque (Taillon): Écoutez...

M. Lalonde: ...avec cette menace voilée: Ou bien on le fera à votre place? C'est le sens de ce qui nous a été dit. Comment le premier ministre peut-il ensuite nous dire que l'Assemblée nationale a été parfaitement informée le 20 février?

M. Lévesque (Taillon): II me semble que les événements prouvent que c'était, pour l'essentiel, vrai. D'abord, je dois vous souligner que les gens nommés à un conseil d'administration - on essaie, en tout cas, nous, depuis un bon bout de temps, il y en avait déjà qui étaient comme cela dans ceux qui étaient là - ne sont pas des pions. Ils ne sont pas nécessairement obéissants. À moins que, comme certains de mes prédécesseurs, y compris mon prédécesseur immédiat, l'ont fait - cela a été évoqué ici - ils reçoivent -là, ils ont une sacrée décision à prendre -des dictées, littéralement en disant: Voici ce que vous allez faire pour régler: Un, deux, trois, quatre. Je n'ai jamais pensé qu'on devait agir comme cela. Seulement, je ne vois pas pourquoi je me serais privé, par exemple - je me suis peut-être impatienté à un certain moment - de dire des choses un peu raides. Je ne vois pas pourquoi je me serais privé de dire, jusqu'au fond, pourquoi on était convaincu de la nécessité, à notre avis, en tout cas, dans l'intérêt d'Hydro-Québec, dans l'intérêt public au sens le plus large, d'un règlement hors cour. Point final.

M. Lalonde: Cela ne pèse pas sur la décision, si je comprends bien l'opinion du ministre?

M. Lévesque (Taillon): Si j'ai bien vu... Je n'avais pas vu le vote. Je ne me souviens pas qu'on m'ait mis au courant en détail. Peut-être que d'autres m'en ont parlé après. Mais, si j'ai bien compris, le vote qui a été pris au mois de mars n'a pas eu l'air de peser sur ceux qui ne s'étaient pas déjà fait une opinion. Cela n'a pas changé grand-chose au résultat. Je dois le dire quasiment avec confusion. Cela n'a pas eu l'air d'affecter les opinions qui étaient en train de se former librement.

M. Lalonde: M. le Président, j'aurais une question sur la reconnaissance de responsabilité. Le premier ministre, là-dessus, dans sa réponse, le 20 février, disait, je cite à la page 5741: La décision appartient à ceux qui administrent l'entreprise, y compris les modalités d'un règlement, les questions de responsabilité, etc. Cela ne nous regarde pas. C'est leur droit." Au cours du mini-débat, même si cela ne regarde pas le premier ministre - mais cela c'est mon commentaire - M. le Président, on retrouve à la page 5793 un passage du discours du premier ministre, que je cite: "Donc si un règlement intervient, cette responsabilité, cette admission de responsabilité en fera partie."

Comment le premier ministre peut-il concilier cette affirmation que son bureau ne s'occupe pas des termes, des conditions, des modalités, de la question de responsabilité, ici, et le fait qu'à la réunion du 1er février, où le premier ministre était présent et très actif, d'après ce que je comprends, il aurait - d'après le témoignage de votre chef de cabinet, M. Boivin - été question de la reconnaissance de la responsabilité. M. Boivin ne se souvient pas si c'est le premier ministre ou lui-même qui avait soulevé cette hypothèse - qui aurait été d'ailleurs mentionnée auparavant, d'après M. Boivin, avant la réunion - que la reconnaissance de la responsabilité remplacerait un jugement. Comment concilier cette réponse, à savoir que le bureau du premier ministre ne s'occupe d'aucune modalité du règlement, et la preuve qui a été faite ici d'appels téléphoniques de Me Jasmin, avocat des syndicats québécois, à Me Boivin, votre chef de cabinet, pour s'enquérir s'il était vrai que la SEBJ exigeait la reconnaissance de la responsabilité, disant que c'était inahabituel? M. Boivin aurait appelé M. Laliberté, le président de la SEBJ, pour donner suite à cet appel téléphonique. A la suite de l'appel téléphonique de M. Laliberté il aurait rappelé Me Jasmin. Me Beaulé a appelé M. Boivin. M. Boivin a appelé Me Aquin à peu près pour les mêmes questions de reconnaissance de responsabilité, du syndicat américain cette fois-là, et vice versa, puis il y a eu d'autres appels téléphoniques. En quelque sorte, la plaque tournante des échanges entre les avocats et les différentes parties, selon ce qu'on en sait ici, c'est votre chef de cabinet.

Comment concilier cette réponse et ce que maintenant nous savons? Comment aurais-je pu m'imaginer un iota de ce qui vient d'être décrit ici comme étant la preuve faite à la commission en recevant votre réponse?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je ne suis pas intervenu auparavant, et je vais le faire très brièvement. Je pense que vous allez admettre avec moi et ceux qui nous écoutent aussi que ce n'est pas facile de suivre le député de Marguerite-Bourgeoys. En posant ses questions il fait de l'argumentation, il fait des résumés de faits qui ont été établis devant la commission pour ensuite poser une question.

Puisqu'on dit qu'il y a eu des conversations entre Me Boivin, Me Jasmin, Me Beaulé, Me Cardinal, Me Aquin et Me Jetté, je pense aussi qu'il y a une chose qui est essentielle et que le député de Marguerite-Bourgeoys devrait rappeler, si on permet ce genre de préambule. C'est qu'il a été bien établi devant la commission parlementaire que les procureurs des syndicats défendeurs se demandaient si leurs messages se rendaient bel et bien au conseil d'administration de la SEBJ. C'est en ce sens que les procureurs des syndicats ont fait cette démarche pour vérifier certains dires auprès de Me Boivin.

Il a été également établi devant la commission qu'à la demande de Me Jasmin une rencontre a été organisée avec M. Laliberté, en présence de ses avocats et en présence aussi de Me Jasmin. Je ne voudrais pas qu'on fasse dire à Me Boivin, en résumant son témoignage, des choses qui n'ont jamais été établies, c'est-à-dire la question de la reconnaissance de responsabilité comme telle. En tout cas je n'ai pas entendu cela et cela fait neuf semaines que je suis ici. Sur le plan de la reconnaissance de la responsabilité il y a eu des discussions de fond.

Je pense que Me Boivin a très bien situé son niveau d'intervention dans ce dossier. Il a fait une navette téléphonique, c'est exact - il l'a dit ici en commission parlementaire - mais sur un point très précis: c'était pour bien vérifier si le point de vue des syndicats était fidèlement rapporté au conseil d'administration. Les procureurs, de leur propre aveu, nous ont dit, Me Beaulé en particulier, qu'il y avait peut-être de la distorsion dans le message. C'est dans ce sens-là que la réunion a été organisée.

Je pense que ce serait important, si on résume les faits devant la commission, avant d'enfiler sur une question, de tout mettre sur la table. (16 h 15)

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Vous avez permis cette argumentation au ministre. Ce que j'ai décrit, c'est la participation du bureau du premier ministre dans les échanges concernant une modalité très importante du règlement, l'un des trois éléments importants

du règlement. Les motivations des avocats -les avocats des différentes parties - pour appeler Me Boivin, c'est leur problème, mais ce qui est en preuve, c'est bien la participation active du bureau du premier ministre dans les échanges concernant le règlement, la négociation de cette modalité importante, de cet élément important. Et c'est pourquoi, je pense que ma question au premier ministre est bien fondée, à savoir: Comment concilie-t-il cette preuve qui a été faite et comment aurais-je pu m'imaginer que c'est comme cela que c'est arrivé, à partir de la réponse qu'il m'a donnée le 20 février, à savoir que son bureau ne s'occupait d'abord pas du tout du règlement, et encore moins des termes et des modalités?

Le Président (M. Jolivet): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais rappeler ce que je disais au tout début de mon intervention ce matin. Je vais m'en tenir à l'essentiel. J'ai lu des grands bouts de témoignages, j'en ai peut-être... J'en ai écouté une partie, mais je n'ai pas eu la chance d'en faire une étude exhaustive parce que - je pense que vous vous en doutez - durant les deux mois qu'un certain nombre de gens se sont concentrés ici, il se passait quand même des choses qui appelaient que le gouvernement s'en occupe. Ceci fait que c'est par intermittence, c'est le moins que je puisse dire, que j'ai pu suivre cela. Alors, je n'irai pas plus loin que mes souvenirs. Je les confronte avec ce que j'ai dit en Chambre. C'est vrai que - je ne sais pas à quel moment, mais vers la fin, je crois - à la rencontre du 1er février, cette question d'admission de responsabilité avait été évoquée. D'ailleurs, c'est un secret de polichinelle que, en ce qui concernait le syndicat américain, pour les raisons que tout le monde connaît, il ne l'aurait jamais admise probablement. Pour ce qui est des syndicats québécois, on avait l'impression qu'ils commençaient à penser qu'ils étaient mieux de l'admettre. C'est tout ce que j'en sais. Après, il y a peut-être eu des échanges, etc. Mais, vous avez les témoignages. Les gens sont venus témoigner sous serment. Je ne vois pas pourquoi je me substituerais à eux, d'autant plus que je n'ai pas suivi tous ces périples téléphoniques, etc. Seulement, on a appris avant le 20 février que cela était censé être acquis. Si j'ai bonne mémoire, cela a été acquis quelque part le long du chemin. C'était censé être acquis et c'est pour cela que j'ai dit en Chambre, lors du mini-débat, que pour autant que je savais quelque chose, c'était cela. Je cite: "Si un règlement était possible, on avait décidé de le soutenir, de l'appuyer, mais que c'est aux parties, à commencer par la Société d'énergie de la Baie James qui est demanderesse, de décider ce qu'elles veulent faire. Pour terminer - c'est cela que je disais - je rappellerai et j'apprendrai peut-être au député - c'était le député de Marguerite-Bourgeoys ce jour-là - et à d'autres que dans ce règlement qui n'est pas intervenu encore et qui, je l'espère, interviendra d'une façon satisfaisante, la Société d'énergie de la Baie James a exigé, ce qui est parfaitement normal, que certains des syndicats québécois au moins, qui peuvent être juridiquement, techniquement impliqués, admettent leur responsabilité." Cela n'était peut-être pas dit en termes juridiques; je n'ai pas une longue pratique. Mais, enfin, cela disait l'essentiel.

Donc, j'ajoutais ceci: "Si un règlement intervient, cette responsabilité, cette admission de responsabilité en fera partie." C'est ce qu'on avait appris et c'est ce que je disais. Autrement dit, on se tenait au courant; on était même forcé de se tenir au courant un peu. Et, d'autre part, on ne pesait pas sur ces décisions-là. C'était à eux de les négocier, leurs responsabilités, pas à nous.

M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas eu cette conciliation que je demandais, mais je vais poser une dernière question sur un autre élément du règlement: l'argent. En ce qui concerne les montants, la négociation des montants du règlement, là, c'est beaucoup plus flou. Il semble que la devise "Je me souviens" n'ait pas inspiré beaucoup les témoignages des témoins ici en ce qui concerne l'argent. Souvent, on se souvient... On ne se souvient pas de la réunion, mais on se souvient de ne pas avoir parlé d'argent. Alors, le seul témoignage qu'on peut voir poindre à l'horizon concernant la participation du bureau du premier ministre dans la négociation des sommes d'argent, c'est celui de M. Maurice Pouliot qui, dans un mémoire qu'il a préparé pour la commission, mais qui apparemment... Il aurait dit, d'après la publication dans un journal, que la somme de 300 000 $ est le résultat de discussions qui ont été faites avec MM. Gauthier, Boivin, et même avec le premier ministre. Du moins, c'est la façon de Me Jasmin, d'après M. Pouliot, de représenter la chose.

Motion pour convoquer M. Maurice Pouliot

Puisque le ministre et le premier ministre m'ont toujours refusé de demander de convoquer M. Maurice Pouliot ici, en commission parlementaire, et de le faire par motion, M. le Président, je fais motion que, en vertu de l'article 51 de la Loi sur l'Assemblée nationale, 1982, chapitre 62, la commission élue permanente de l'énergie et

des ressources invite et assigne M. Maurice Pouliot, président-directeur général du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International), à comparaître devant ladite commission le lundi 6 juin 1983, à 10 heures, pour répondre aux questions qui lui seront posées ou pour y produire toute pièce que ladite commission juge nécessaire à son enquête. 0e vous remets, M. le Président, le texte de ma motion.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, sur une question de règlement, d'après ce que j'ai cru comprendre?

M. Duhaime: Oui, parce que je crois percevoir que cette motion est débattable. Alors, je suis prêt à en débattre, mais, au préalable, je voudrais savoir du député de Marguerite-Bourgeoys si l'Opposition en a terminé avec les questions à poser au premier ministre. Je pourrais suggérer que, la motion étant déposée, l'on termine avec les questions qu'on voudrait adresser à M. Lévesque et, ensuite, on pourrait faire le débat sur la motion.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, d'abord, est-ce que la motion est reçue?

Le Président (M. Jolivet): Je dois dire que je n'ai aucun autre choix que de la recevoir. Elle est reçue. La seule question que le ministre a posée est une question...

M. Lalonde: Oui, oui. Je voulais d'abord savoir si elle était reçue.

Le Président (M. Jolivet): C'est cela.

M. Lalonde: Alors, sur la question du débat sur la motion, M. le Président, le problème devant lequel nous sommes forcés de travailler est le suivant: un certain nombre de questions sans doute au premier ministre dépendraient de la décision qu'on pourrait obtenir à la suite de cette motion de recevoir et d'entendre M. Pouliot. Nous n'avons pas voulu la présenter avant aujourd'hui parce que nous croyions et nous espérions toujours que le gouvernement allait comprendre le bon sens à un moment donné et inviter ce monsieur qui a signé... En tout cas, je ne veux pas parler sur le fond de la motion, je le ferai plus tard.

Donc, nous avons attendu jusqu'à aujourd'hui. Je ne voulais pas présenter la motion ce matin parce que je voulais permettre au premier ministre de faire sa présentation et de commencer à répondre à des questions. D'autre part, si nous discutons de cette motion seulement après l'interrogatoire du premier ministre, elle va perdre de sa pertinence. À moins que le gouvernement - le premier ministre est ici, il peut décider, il peut donner les instructions nécessaires à son ministre - à moins que le premier ministre nous dise: Cela va, très bien, on va le convoquer dans un avenir prochain. À ce moment-là, on passera à autre chose.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je vous dirai, M. le Président, que je n'ai pas demandé d'instructions à M. Lévesque là-dessus. Je pense que, comme réaction, c'est spontané. Je suis prêt à débattre de cette motion aussitôt que vous aurez décidé, M. le Président, à quel moment nous entamerons ce débat. Ce que je trouve un peu curieux, à moins qu'on veuille prolonger ce que M. Lévesque appelait ce matin cette volupté, j'ajouterais: cette délicieuse volupté de l'Opposition de prolonger le suspense, mais, si vous voulez être sérieux le moindrement, est-ce qu'on ne pourrait pas poursuivre cette période de questions et réponses? Je voudrais vous donner l'assurance, parce que je n'ai pas l'habitude de jouer des tours, que nous reconvoquerons la commission demain, si c'est nécessaire, ou encore on pourrait débattre de la motion en fin de journée ou ce soir. On a un ordre de l'Assemblée de siéger de 20 heures jusqu'à 22 heures et on peut prolonger, de consentement, après 22 heures jusqu'à minuit, une heure, deux heures, trois heures du matin, si cela vous tente de vous coucher un peu tard, mais je ne vois pas la raison de surseoir en quelque sorte à la période des questions adressées au premier ministre qui, j'imagine, un peu comme moi a autre chose à faire lui aussi. Que vous poursuiviez votre période de questions - autrement, j'en viendrais à la conclusion que vous n'avez strictement rien à dire - et qu'on reporte le débat sur cette motion, qui est une motion... Mon Dieu, Seigneur! ce n'est pas la fin du monde. De toute façon, je vous préviens tout de suite qu'elle sera battue, mais je suis prêt à entamer le débat pour motiver pourquoi elle sera battue lorsqu'elle sera mise aux voix.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, quelles que soient les assurances que nous donne le ministre que la motion sera battue, le fait demeure que, tant et aussi longtemps que la commission n'en dispose pas, elle est toujours devant la commission. Nous, on ne présumera pas qu'elle sera battue, on présume qu'on pourra la débattre et qu'une fois qu'elle aura été débattue, de chaque côté de la

commission, on se prononcera sur le bien-fondé de la motion; on l'adoptera ou on la rejettera. Si on la rejette, M. le Président, dans l'éventualité où elle est rejetée, il est possible que les membres de l'Opposition aient des questions à adresser au premier ministre. Une chose est certaine: si la motion était adoptée par la commission, effectivement, nous aurions des questions à poser au premier ministre, puisque M. Pouliot a des choses à dire - je n'entrerai pas sur le fonds de la motion pour le moment - qui pourraient nous amener à poser des questions précises au premier ministre. Si le souci du ministre, en exigeant que nous terminions de poser des questions au premier ministre avant de débattre la motion, c'est de permettre au premier ministre de vaquer à ses autres occupations - et de cela on convient, il en a d'autres - il peut faire comme on fait constamment à une commission, il peut se retirer durant le débat sur cette motion et y revenir au moment où on reprendra la période des questions.

Mais, quant à moi, vous n'avez pas beaucoup de choix dans l'application du règlement de l'Assemblée nationale. Vous avez devant vous une motion que vous avez déclarée recevable et c'est maintenant qu'on doit en débattre, à moins qu'il y ait consentement de la suspendre et, quant à nous, nous ne donnons pas notre consentement. Nous vouions en débattre immédiatement.

M. Duhaime: On ne vous l'a pas demandé, votre consentement.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Vous m'avez présenté une motion, qui est débattable. Je crois qu'au départ on peut accepter facilement que cette motion est débattable, le règlement le permet. La question que je me pose et je vais me référer, le député de Châteauguay sera sûrement content de moi cette fois-ci, à une décision que j'ai déjà rendue. Nous avons actuellement, en vertu d'un consentement, je dois vous le rappeler, puisque j'ai fait bien attention ce matin au début, nous avons accepté par consentement, en vertu de l'article 148, qu'une personne autre qu'un membre ou intervenant à cette commission se fasse entendre. Vous vous en souvenez, c'est bien par consentement, j'ai bien fait attention ce matin pour le faire. J'ai déjà d'ailleurs rendu une décision dans ce sens qu'on ne peut pas arrêter un consentement, même si c'était par une motion. Le député de Châteauguay se souviendra de la discussion qu'on a eue lors d'une commission parlementaire où cette question était effectivement revenue et sur laquelle j'ai rendu une décision. Le député d'Argenteuil, qui suit nos débats actuellement, s'en souviendra aussi, j'ai rendu d'ailleurs la même décision à la commission de l'éducation. Je me vois mal actuellement rendre une décision à l'inverse de celle que j'ai déjà rendue. Même si la motion est recevable, je devrai considérer que la discussion de la motion pourra se faire, mais seulement quand nous aurons terminé avec les questions à être posées à M. le premier ministre.

En conséquence, la motion est - ce qu'on peut appeler dans le jargon - "tablée" jusqu'à ce que l'interrogatoire du premier ministre soit terminé.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je voudrais bien comprendre le sens de votre décision. Vous parlez d'un consentement, de quel consentement s'agit-il?

Le Président (M. Jolivet): L'ordre du jour de ce matin a été établi par un consentement. Ce consentement était d'entendre, en vertu de l'article 148, M. le premier ministre. Compte tenu de ce consentement que vous m'avez accordé, je n'ai aucun pouvoir de le changer et même les membres de cette commission, à moins de consentement, et j'ai considéré qu'il n'y en avait pas, puisque M. le ministre demandait qu'elle soit étudiée après. Comme il n'y a pas consentement, une motion m'obligeant à changer l'ordre du jour de ce matin ne peut pas être acceptée. En conséquences, nous allons continuer avec l'interrogatoire de M. le premier ministre.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys. (16 h 30)

M. Lalonde: M. le Président, si j'avais cru que le sens du consentement qu'on me demandait était de bâillonner les députés quant à faire autre chose que de poser des questions à l'invité, ce consentement aurait été - d'ailleurs c'est conforme aux conversations, je n'aime pas invoquer les ententes ou les échanges que nous avons à l'extérieur de la commission mais j'avais bien laissé entendre, lorsqu'on me l'a demandé hier, que nous aurions une motion et que cette motion pouvait arriver avant la fin de l'interrogatoire. On m'avait assuré qu'il n'y aurait pas d'objection à ce que cela procède de cette façon. Je ne sais pas si le ministre a pour devise: Je me souviens. Je fais appel à sa mémoire. Si ce que je viens de dire est conforme à ce qu'il a compris, il pourrait consentir à son tour à ce que nous discutions de la motion. Nous pourrions suspendre l'interrogatoire du premier ministre et le reprendre un peu plus tard.

Le Président (M. Jolivet): Avant que le ministre ait la parole, je dois simplement

dire que, quant à moi, comme président, je n'ai connaissance de rien de ce qui se passe ailleurs qu'ici. En conséquence, je dois prendre les consentements qui me sont accordés ici. Je dois vous rappeler que la décision que j'avais rendue dans le cas du député de Châteauguay à l'époque, c'était même une motion conditionnelle à ce que les membres de l'Opposition n'abusent pas du droit qu'on leur donnait. Malgré cela, il a fallu que, comme président, je rende une décision à l'effet qu'il me fallait le consentement de l'ensemble de la commission.

Alors je crois comprendre que le député de Marguerite-Bourgeoys demande le consentement de M. le ministre et je vais le lui demander. M. le ministre.

M. Gratton: M. le Président, me permettriez-vous un simple commentaire? Le premier ministre a semblé...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Le premier ministre a semblé acquiescer, presque, tantôt, à la suggestion que je faisais. Si ce n'est pas le cas, il me corrigera, mais si c'était le cas, cela réglerait le problème, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est vraiment un à-côté. C'est simplement que j'ai fait signe, je pense, au député de Mont-Royal pour dire - parce que je ne suis pas un grand expert en procédure, surtout que c'est une étrange procédure qui est suivie parfois ici - que si on tombait dans cette motion, il serait normal que je fiche le camp pour aller faire autre chose. Mais je n'ai pas à me mêler du fond de la question.

Le Président (M. Jolivet): Donc, il s'agit de savoir d'abord si le ministre donne son consentement.

M. Duhaime: M. le Président, le député de Marguerite-Bourgeoys a fait état que nous avons eu des conversations. C'est exact. Je n'ai pas une mémoire supérieure à celle des autres, mais cette rencontre étant très récente et assez explicite - je viens juste de parler à nouveau avec quelqu'un qui m'accompagnait - j'ai donné la garantie très claire à l'Opposition que s'ils avaient une motion, deux motions, trois motions même, 50 motions s'ils le désiraient, ils auraient le loisir de les présenter à la présidence. Mais je me souviens très clairement comme si c'était hier - parce que c'est justement arrivé hier - d'avoir dit que je voulais éviter ce qui est en train de se produire, qu'on interrompe l'échange de questions et réponses et, mon Dieu, ce n'est pas la fin du monde. Je trouve que vous abusez joyeusement.

Si vous me dites que c'est très important, cette motion que vous voulez faire, je pense que je pourrais vous proposer que l'on continue l'interrogatoire que vous avez commencé, si jamais il y a encore des questions que vous jugez pertinentes. Et vous faites votre motion. Si vous vous basez sur le résultat qui sera fait à cette motion après le débat pour enchaîner sur le reste, vous êtes très optimistes. Je vous donne tout de suite notre point de vue. On n'a pas l'intention de voter en faveur de cette motion, mais c'est lors du débat sur la motion qu'on va expliciter notre position là-dessus. Mais si jamais vous avez besoin par la suite que le premier ministre revienne pour des éclaircissements, je pourrai lui en parler, mais je ne voudrais pas qu'on arrête ce qu'on a commencé depuis le matin - il est 16 h 30, 16 h 35 - pour un débat qui peut durer une heure, une heure et demie, deux heures, peut-être quatre jours. Je ne le sais pas du tout. Avec vous, je ne suis pas capable de me programmer un agenda depuis neuf semaines, alors j'aimerais mieux qu'on termine cette partie - cela réapparaîtrait logique - et ensuite qu'on aille à votre motion ou peut-être l'autre motion qui est prête ou la troisième ou la quatrième, je l'ignore complètement. En pure logique, je dois dire, en toute honnêteté et en toute justice, que je me souviens très bien de cette discussion et c'est une des raisons de la rencontre: que je voulais justement éclaircir cette question.

Le Président (M. Jolivet): Ceci étant dit, n'ayant pas de consentement, ma décision étant rendue, la parole est au député de Marguerite-Bourgeoys s'il a d'autres questions encore.

Interrogatoire (suite)

M. Lalonde: Oui, M. le Président. Le chef de cabinet du premier ministre, dans son témoignage, a dit qu'il avait préparé des notes au premier ministre ou à l'intention du premier ministre au cas où une question lui serait posée. C'était la réponse à une question sur la question que j'avais posée au ministre de la Justice le 12 février. Le 12 février, la question que j'avais posée comportait le montant de 125 000 $. Je voudrais simplement, pour être sûr que je comprends bien... À la page Il de la déclaration du premier ministre, il dit: "Et c'est si vrai que j'ai été fort surpris lorsqu'en Chambre, le 20 février 1979, le député de Marguerite-Bourgeoys s'est mis à évoquer une certaine hypothèse de règlement de 125 000 $." Est-ce que le premier ministre se souvient qu'avant le 20 février

j'avais posé une question au ministre de la Justice? Je dois dire en toute justice que le 12 février, le premier ministre était absent de la Chambre. Je pense qu'il recevait un personnage étranger. On s'aperçoit de cela en relisant les débats. Est-ce que c'était la première fois qu'on parlait de 125 000 $?

M. Lévesque (Taillon): Autant que je me souvienne, oui. Comme le dit le député de Marguerite-Bourgeoys, cela explique peut-être ce qui m'est revenu, si peu que ce soit, en écrivant ma déclaration et en consultant un peu; il faut croire que je n'étais pas en Chambre quand la question avait été posée. Je savais qu'une question avait été posée, donc il fallait quand même préparer quelques notes. Je savais bien qu'elle reviendrait, c'est tout. Ce montant de 125 000 $ était surtout pour moi une espèce d'assurance - je pense qu'on l'a vu à la télévision dans les deux extraits - l'assurance assez formidable avec laquelle le député de Marguerite-Bourgeoys semblait évoquer ce chiffre. J'avais entendu des chiffres qui traînaient dans le paysage depuis des semaines. Il n'y avait aucun chiffre sur lequel on avait eu à discuter, cela n'était pas de notre affaire. On l'avait dit.

M. Lalonde: Est-ce que...

M. Lévesque (Taillon): Quant à moi, c'était nouveau que tout à coup on saute sur ce chiffre-là. Je ne le connaissais pas.

M. Lalonde: Mais, est-ce que après...

M. Lévesque (Taillon): Pas plus que d'autres.

M. Lalonde: ...cette question du 12 février, votre chef de cabinet vous a mis au courant du fait qu'une question avait été posée en Chambre?

M. Lévesque (Taillon): Je ne sais pas si c'est à ce moment-là. J'avoue que quelqu'un... En général, s'il y a des questions qui semblent pouvoir avoir des rebondissements, elles peuvent assez logiquement venir de mon côté. Il n'y avait pas de raison de ne pas y penser puisque nous, nous étions - contrairement au ministre de la Justice - impliqués dans le principe du règlement. Je me disais: Seigneur, si cela vient, aussi bien préparer quelques notes.

M. Lalonde: Oui, mais est-ce que, ayant posé la question au ministre de la Justice, ayant reçu une réponse de la nature de celle qui tombe de la lune de la part du ministre de la Justice qui n'avait aucune idée de ce dont je parlais, de toute évidence... Il savait qu'il y avait une cause en cours, mais il n'avait aucune idée de l'implication du gouvernement ou du bureau du premier ministre dans ce dossier. Est-ce que le premier ministre a eu connaissance après la question du 12 février, de cette question... Pourquoi n'a-t-il pas volontairement informé la Chambre - j'avais seulement tendu une question au cas - alors que je n'avais eu aucune réponse et que lui savait ce qui se passait?

M. Lévesque (Taillon): Ecoutez, la raison pour laquelle le ministre de la Justice avait l'air de tomber du ciel, je l'ai expliquée ce matin. Vous pouvez vous référer à la réponse que j'ai faite là-dessus parce que cela me paraissait tomber sous le sens. Pour ce qui est... Qu'est-ce que... Avec le député de Marguerite-Bourgeoys, il m'arrive d'en perdre des bouts. Je m'excuse, mais à quoi cela menait-il?

M. Lalonde: Cela menait au fait que...

M. Lévesque (Taillon): Pourquoi je n'ai pas spontanément...

M. Lalonde: Bien oui, offert spontanément l'information que le ministre de la Justice était incapable de me donner.

M. Lévesque (Taillon): II y a deux choses qui me reviennent facilement à l'esprit. Normalement, sous forme de déclaration ministérielle ou encore de complément de réponse quand il y a quelque chose qu'on pense devoir ajouter, on peut faire cela motu proprio. Je n'avais pas à me substituer au ministre de la Justice. Il y avait aussi une autre raison. D'abord, je savais que la question reviendrait et deuxièmement, on savait aussi qu'on s'approchait probablement d'un règlement. Je ne voyais pas de raison pour commencer à discuter de cela jusqu'à ce qu'on sache éventuellement ce qui arriverait. Quand la question est venue, on s'était préparé quelque peu, de façon à pouvoir y répondre.

M. Lalonde: J'aurais une question sur une déclaration, à la page 12 de votre déclaration. Vous dites, après la première partie de la réponse: "Ce n'est pas du tout ni de près, ni de loin dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu." Et vous dites: Et bien sûr, si l'on prend cette phrase toute seule etc., et vous terminez: Cela pouvait avoir l'air de cacher une partie des faits. Est-ce que vous pourriez être plus explicite et nous dire quelle partie des faits cela pouvait avoir l'air de cacher?

M. Lévesque (Taillon): Je ne me suis pas posé de longues questions là-dessus. Tout à l'heure, avec votre motion, j'avais commencé à paqueter mes petits, au cas.

Page 12: "Bien sûr" - je reprends le paragraphe, le député de Marguerite-Bourgeoys ne l'a pas tout cité - "Bien sûr, si l'on prend cette phrase toute seule, hors de son contexte, qu'on la prend donc très malhonnêtement, comme on l'a fait à maintes reprises depuis quelques semaines, cela pouvait avoir l'air de cacher une partie des faits." C'est sûr qu'en prenant juste cette phrase-là, s'il n'y avait pas autre chose après: "Ce n'est pas du tout ni près ni de loin dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu...", cela aurait eu l'air, non seulement cela aurait eu l'air, cela aurait été effectivement cacher le fait qu'on avait une opinion très claire qui avait été transmise et que, par conséquent, on n'était pas absents du dossier, mon bureau et moi-même. En ce qui concernait le principe d'un règlement, on était profondément convaincus et on l'avait fait savoir. La suite dit que c'est cela. La suite dit également que pour le reste, c'est-à-dire tout ce qui pouvait de près ou de loin être la négociation du règlement, ou même la décision elle-même, je ne suis pas allé plus loin que la rencontre que j'ai eue avec les trois dirigeants parce que je n'ai pas vu - cela aussi, vous l'avez dans ma déclaration - ni avant ni après même le 1er février les gens du conseil d'administration d'Hydro-Québec. Autant que je me souvienne, je ne leur ai pas téléphoné, d'aucune façon. Donc, je n'ai pas cherché à essayer de peser sur la décision elle-même autrement qu'en disant: Oui, comme responsable politique, je crois -on s'est fait une opinion - que ce serait mieux dans l'intérêt d'Hydro-Québec et dans l'intérêt public. C'est tout.

M. Lalonde: Alors, le premier ministre ne peut pas dire quelle est la partie des faits exactement qu'il...

M. Lévesque (Taillon): J'allais le dire.

M. Lalonde: II y a aussi les réponses du premier ministre... Vous savez, la première fois, le 20 février, je vous ai cru. Je vous ai tellement cru que tout le mini-débat - je pense que ceux qui l'ont entendu - a porté sur l'à-propos d'un règlement et non pas sur la participation du bureau du premier ministre dans la négociation. Parmi une partie des faits, y aurait-il la réunion du 3 janvier que vous voulez couvrir?

M. Lévesque (Taillon): Non, absolument pas, pour la raison que j'ai donnée tout à l'heure. Elle peut bien ne pas vous satisfaire, mais cette période de questions, je l'ai oubliée, complètement, parce que cela ne me paraissait pas central. C'est tout ce que je peux vous dire. Je n'étais pas à la réunion, très brève, d'ailleurs, semble-t-il, que Me Boivin a eue pendant que je n'étais pas là, parce que j'étais en vacances, et qui correspondait à ce qu'on s'était dit avant les fêtes. Cela m'est complètement parti de l'esprit parce que le coeur... Je pense qu'en toute bonne foi on admettra qu'en évoquant le fait que devant les trois principaux dirigeants d'Hydro-Québec, j'avais clairement expliqué notre sentiment, l'opinion qu'on s'était faite, la Chambre avait l'essentiel. Le reste, eh bien...

M. Lalonde: M. le Président, le premier ministre, dans sa déclaration, s'est permis des petites remarques sur l'Opposition, c'est de bonne guerre. Nos invités d'habitude sont un peu plus dociles ou timides. Il se demande pourquoi l'Opposition libérale a sauté à deux pieds joints sur ce très fragile et trèsdouteux tremplin. J'aimerais, en terminant, faire quelques commentaires là-dessus.

Le Président (M. Jolivet): Donc, je crois comprendre que vous n'avez plus de questions.

M. Lalonde: II est possible que cela se termine par une question, mais je ne le pense pas. À ce stade-ci, soyons... M. le Président....

Le Président (M. Jolivet): D'accord. Je voulais seulement m'assurer si le premier ministre devait bien écouter pour savoir s'il y avait une question ou s'il doit écouter vos commentaires.

M. Lalonde: II pourra écouter, s'il le veut. Ce n'est pas tellement à lui que je m'adresse, c'est à vous, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci. (16 h 45)

M. Lalonde: II se demande pourquoi l'Opposition a travaillé de la façon que l'on sait et que toute la population qui a suivi nos débats a pu voir, de façon rigoureuse, disciplinée, en faisant preuve d'une connaissance des dossiers et d'une préparation que plusieurs, d'ailleurs, ont remarquées. J'aimerais rappeler au premier ministre que lui-même a déclaré que l'accusation qui lui était faite était très grave, très sérieuse et que c'est lui-même qui a convoqué cette commission parlementaire. Il nous reproche la manière dont nous l'avons invité à la convoquer, mais je me souviens très bien, d'autre part, qu'il a dit après que, de toute façon, il y aurait eu une commission parlementaire. Alors, qu'elle ait été accordée le 23 mars ou le 24 mars, il y en aurait eu une quand même. Donc, c'est une décision du premier ministre, parce que l'accusation de tromper l'Assemblée nationale est une accusation extrêmement grave.

Pourquoi l'Opposition s'est-elle inté-

ressée à cette affaire, à faire la lumière sur cette accusation? C'est parce que, justement, c'est très grave. C'est grave pour l'accusé, sans doute, d'autant plus qu'il est celui qui a le pouvoir de convoquer une commission parlementaire ou d'instituer une enquête indépendante, ce qu'on aurait préféré et ce qu'on avait demandé. C'est une accusation grave, aussi, je dirais surtout pour l'institution qu'est le Parlement, le Parlement de tous les Québécois. Si le Parlement a été trompé, la lumière doit être faite et si l'accusation de tromper le Parlement est faite, la lumière doit aussi être faite. Les conclusions seront exprimées en temps et lieu.

Notre motivation, je veux le répéter... Je regrette que le premier ministre l'ait oubliée. Dans son cas aussi, je pense que la devise "Je me souviens" pourrait être un "motto" quotidien. Il semble avoir oublié que nous avons dit à l'Assemblée nationale, que nous avons répété, soit en conférence de presse, soit en entrevue, qu'il s'agissait de l'intégrité du Parlement et que l'intégrité du Parlement devait être rétablie.

Pourquoi cela a-t-il pris autant de temps? Nous sommes rendus au 20e ou au 21e témoin. Les mémoires, souvent, ont été difficiles à rafraîchir. Les débats ont été pénibles. Chaque question de règlement -vous le savez, M. le Président - ou à peu près devenait un débat partisan. C'est la nature de l'instrument que le premier ministre nous a donné pour faire la lumière là-dessus. Ce n'est pas le meilleur instrument, au contraire, mais c'était le seul que nous avions. Donc, il ne s'agit pas de ce qu'il appelle la volupté, au contraire. Nous avons investi, de notre côté, beaucoup de temps, beaucoup de ressources et d'efforts qu'on aurait pu investir ailleurs. Mais je crois que c'est la gravité de la situation, de l'accusation et l'importance de rétablir l'intégrité de l'Assemblée nationale qui devaient nous inspirer.

Nous ne sommes pas beaucoup plus avancés, je le regrette. J'espérais que le premier ministre reconnaîtrait que la réponse qu'il a donnée le 20 février laissait de grands trous noirs importants, pas de la façon un peu secondaire dont il l'a traitée tout à l'heure. Par exemple, il est évident que toute la structure de sa réponse, à savoir qu'il était consulté, qu'on lui demandait une opinion, qu'on lui demandait son sentiment, ajoutée à la réponse catégorique que, ni de près ni de loin, c'est dans son bureau que le règlement, en partie ou en tout, a eu lieu, mais il y a eu une consultation. Il fait tout partir de cette consultation qui a eu lieu, la preuve l'a révélé, le 1er février. Dans l'explication que le premier ministre en donne, il revient en arrière, mais jusqu'où? Jusqu'aux offres de règlement seulement qui, toutes, ont été ultérieures à la réunion du 3 février. Je pense, M. le Président, qu'en ce qui concerne un des trois éléments importants de ce règlement... Qu'est-ce qu'un règlement, M. le Président? C'est cela, la transaction. Une transaction, d'après le Code civil, à l'article 1918, c'est un contrat pour mettre fin à un litige. Je l'ai devant moi, signée, et je vois même le nom de M. Maurice Pouliot, ici, comme signataire. Me Jasmin a aussi signé. Est-ce que vous avez une culpabilité par association ici. Il y a de vos amis, je peux les nommer. Je vois les noms de M. Beaulé, Me Jasmin à quelques reprises, Geoffrion et Prud'homme. Est-ce que vous croyez à cela, à la culpabilité par association? Non, le député de Bourassa n'est pas là. Non, il n'est pas ici.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Alors, c'est cela, un règlement, et lorsqu'on le lit, après les considérations, on voit, et c'est d'ailleurs le chef de cabinet du premier ministre lui-même qui l'a reconnu dans son témoignage, que ce règlement est composé de trois éléments majeurs.

Il y en a un qui est essentiel, c'est-à-dire que la poursuite en cour, la poursuite judiciaire de la SEBJ, soit abandonnée et seule la demanderesse, la SEBJ, pouvait dire: J'abandonne.

Mais la contrepartie de cela, on trouve les deux autres éléments importants: La reconnaissance de responsabilité de la part de tous les défendeurs, la SEBJ le demandait, mais seulement quelques-uns, après négociation ont reconnu leur responsabilité. L'autre est l'argent. Or, c'est évident, et cela ne paraît pas dans la réponse que le premier ministre m'a donnée le 20 février, il est évident, de la preuve, que le principe même, l'abandon de la cause, que l'élément no un de tout le règlement a non seulement été négocié, mais a été dicté par le bureau du premier ministre et par le premier ministre lui-même le 1er février.

Où, mais où, dans cette réponse du 20 février, retrouve-t-on cette réalité que nous avons vue ici, que M. Louis Laberge appelait le chef de cabinet et disait: II faut que cela se règle? Le chef de cabinet disait au premier ministre: Je pense que cela devrait se régler. Le premier ministre de dire à son chef de cabinet: Allez voir M. Laliberté, dites-lui que mon souhait, c'est que la poursuite soit abandonnée et qu'il y ait un règlement.

Où est-ce que je peux trouver cela dans cette réponse-là? Pourtant, c'est totalement différent et politiquement différent de ce qu'on nous présente dans la réponse. La justification du règlement, M. le Président, on en a fait état beaucoup ici;

qu'un règlement hors cour intervienne dans n'importe quelle procédure, il y a un sérieux dicton qu'un mauvais règlement, c'est mieux qu'un bon procès, d'accord.

Je l'ai demandé à M. Boyd, je pense, et c'est pour cela qu'il avait voté pour la résolution du 6 février qui était d'explorer la possibilité d'un règlement à certaines conditions, mais qui a voté contre la résolution du 6 mars, qui était pour approuver ce règlement-là. Je pense que ceux qui invoquent l'appui de M. Boyd, entre autres, parce que cela a été unanimement adopté, à la résolution du 6 février 1979, devraient faire preuve de plus d'honnêteté que ce que j'ai entendu ici autour de la table. C'est vrai qu'il a voté pour un règlement mais pas n'importe quel règlement. Il était bien inscrit, le règlement, à quelles conditions, et ce n'est pas le règlement qui a été fait, parce qu'il a voté contre le règlement qui a été finalement conclu.

Donc, pour toute cette implication du premier ministre, du bureau du premier ministre, la gâchette - le "trigger" - qui a fait partir le coup, c'est dans le bureau du premier ministre qu'on la retrouve, ce n'est pas dans la réponse qu'il m'a donnée le 20 février qu'on la retrouve. J'aurais espéré que le premier ministre eût aidé davantage dans l'éclairage que nous cherchons sur cet aspect important. Donc, en ce qui concerne l'élément numéro un du règlement, le bureau du premier ministre y est jusqu'au-dessus de la tête. C'est le démarreur. Et, ensuite, il a très bien suivi cela.

Pour le deuxième élément, celui de la reconnaissance de la responsabilité, on l'a vu, non seulement il en a été question à la réunion du 1er février avec le premier ministre, en présence du premier ministre, de M. Boivin, son chef de cabinet, où on a dit, apparemment - d'après la réponse de M. Boivin - que le premier ministre ou M. Boivin a dit à M. Boyd: Écoutez, si vous avez la reconnaissance de la responsabilité... Est-ce que ce n'est pas en discuter, cela? Est-ce que ce n'est pas cela, discuter? Ce n'était même pas ma question. Ma question n'était même pas de savoir si le premier ministre avait participé à la négociation, mais si cela avait été fait en sa présence ou en présence de l'un de ses représentants. Là, pour la reconnaissance de la responsabilité, c'est jusqu'au cou au moins. C'est la plaque tournante: M. Boivin qui reçoit des appels téléphoniques des avocats, qui téléphone à la SEBJ, qui téléphone aux avocats de la SEBJ, qui retéléphone aux avocats des parties. Reconnaissance de responsabilité, on en discute et on s'informe; on en discute, on est un intermédiaire tout à fait engagé.

En ce qui concerne l'argent, là, par exemple, c'est très différent. C'est très différent parce qu'il semble que le ministre, lorsqu'on lui a confié la défense, a fait un peu de confusion entre un règlement et un règlement d'argent seulement. Et là, tout ce qu'on sait, ce sont des trous de mémoire. On sait qu'il y a eu des montants, qu'il y a eu une offre, des offres faites par les avocats des syndicats, alors que les avocats de la SEBJ n'étaient même pas mandatés pour négocier, même pas pour explorer, et les montants changeaient. Mais les mémoires, en ce qui concerne les échanges dans le bureau du premier ministre avec les représentants du premier ministre, sont très vagues à cet égard. Ce que nous avons, en fait, c'est une seule source, qui n'est pas la meilleure - ce n'est pas la meilleure à cause de la nature de l'information et non pas de la personne -c'est M. Maurice Pouliot qui est signataire...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Lalonde: Je sais, M. le Président, c'est une façon des péquistes... On voit cela en Chambre quand on nomme quelqu'un ou quelque chose qui les énerve, on voit tout de suite un petit rire nerveux. Alors, je voulais simplement expliquer aux téléspectateurs les bruits qu'ils ont entendus. Voilà, le ministre encore. Allez-y.

Signataire de ce règlement: le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (FTQ) par Maurice Pouliot. Il a signé. Donc, il a dû savoir quelque chose pour signer. C'était le client de Me Jasmin qui, lui, ne peut rien nous dire à cause de son secret professionnel. Mais le client, lui, peut nous parler des échanges entre lui et son avocat. C'est l'avocat qui a l'obligation de ne rien dire, pas le client. On a demandé de l'entendre et, c'est une attitude que nous discuterons un peu plus tard, M. le Président, une attitude qui répugne à un esprit démocratique, qui répugne à quiconque a à coeur l'intégrité du processus démocratique et du processus parlementaire. Certains ont parlé de "cover-up". On verra. Nous avons espoir jusqu'à la fin que le gouvernement, dirigé par le premier ministre, qui est lui-même fort intéressé dans nos travaux, aura la prudence de ne pas faire cette erreur de refuser d'entendre quelqu'un qui est partie au règlement, parce qu'on parle bien du règlement, mais qui semble déplaire au premier ministre. On voyait cela autrefois, dans les années quarante, dans le temps... (17 heures)

M. Duhaime: Dans le temps de Duplessis?

M. Lalonde: ...dans le temps de Duplessis...

M. Duhaime: Je vais vous en parler.

M. Lalonde: ...on voyait cela, mais il semble que ce n'est pas une mentalité qui soit entièrement disparue, hélasl M. le

Président, nous allons tenter encore une fois, lorsque vous nous en donnerez la permission, de convaincre le gouvernement d'entendre au moins un autre témoin et aussi M. Latouche, qui, semble-t-il, est aussi banni par le premier ministre que M. Pouliot, pour des raisons strictement partisanes. Nous allons, en conclusion de cette demande, espérer que le gouvernement reviendra sur sa décision et qu'il verra qu'il empêche la commission de faire toute la lumière en refusant à deux témoins, dont un était sur la liste maîtresse des témoins, liste dressée par...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, vous m'aviez bien dit que vous auriez l'occasion d'en discuter une autre fois. On pourra effectivement en discuter.

M. Lalonde: Mais, M. le Président, je conclus.

Le Président (M. Jolivet}: Oui, oui. J'aimerais bien, mais il ne faudrait pas faire indirectement ce que je n'ai pas permis directement.

M. Lalonde: M. le Président, je ne fais pas là de motion.

Le Président (M. Jolivet): Non, non, mais c'est parce que vous discutez d'une chose qui, effectivement...

M. Lalonde: ...qui est illégale?

Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas illégal. Je pense que j'ai déjà dit que, sur la question de MM. Latouche et Pouliot, la seule façon de pouvoir en discuter de façon plus approfondie, c'est de présenter des motions. Vous en avez fait une qui est reçue et qui sera discutée en temps et lieu. Si vous en avez une deuxième, vous pourrez aussi la faire en temps et lieu. Ce que je veux, c'est que vous...

M. Lalonde: C'est seulement en passant, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): J'ai bien compris, mais je ne voudrais pas que ce soit trop long.

M. Lalonde: Non, non, cela ne sera pas long. Je veux simplement mentionner ce fait qui est très, très important pour nos travaux de la commission pour nous permettre de conclure, pour nous permettre un éclairage le plus complet possible. Je n'aurai pas d'autres questions à poser au premier ministre. Peut-être que mes collègues en ont d'autres.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le premier ministre a certainement un commentaire.

M. Lévesque (Taillon): Oui. Je n'essaierai pas, M. le Président, - comme je pense que c'est un peu le jupon qui dépassait quand le député de Marguerite-Bourgeoys a parlé des téléspectateurs qui écoutent - de préparer quelques passages particulièrement percutants pour les nouvelles de 18 heures, mais je voudrais reprendre certains points des commentaires du député de Marguerite-Bourgeoys.

Il trouve - et cela fait quelques fois qu'il dit cela, je pense - que cette commission parlementaire n'était pas nécessairement le meilleur instrument. Il a dit cela comme ceci. J'ai pris cela en note: "L'instrument que le premier ministre nous a donné..." Je dois avouer ceci. C'est que, au moment - il faut se souvenir rapidement comment cela s'est passé - où on bloquait -je pense que c'est le député de Marguerite-Bourgeoys lui-même - l'ouverture de la session, on faisait un drame cosmique qui empêchait même de nommer un président, qui est quand même un des personnages les plus essentiels de toute institution parlementaire, à moins qu'on puisse discuter de cette question le jour même de l'ouverture de la session. J'ai proposé une commission parlementaire. Si on avait eu, à la réflexion - parce qu'on n'a pas eu d'autres nouvelles pendant les jours suivants, sauf que cela s'ajustait - d'autres propositions, on aurait pu les considérer. Mais cela avait l'air de faire l'affaire de tout le monde, alors, il ne faudrait pas se plaindre de l'instrument maintenant.

Pourquoi autant de temps? Le député de Marguerite-Bourgeoys faisait appel à l'opinion publique pour la prendre à témoin du fait que cela avait pris beaucoup de temps, mais que cela avait fait beaucoup de lumière, etc. Ce n'est pas l'impression qui se dégage de plus en plus des commentaires -cela a pris un certain temps avant qu'ils se précisent - qui sont émis. Je me permets d'en citer deux rapidement. Un qui vient du Droit d'Ottawa, daté du 7 mai. Enfin, je me permets de le citer, c'est tout.

M. Gratton: II a été cité avant.

M. Lévesque (Taillon): II rejoint un peu l'impression que j'en ai moi aussi...

M. Lalonde: Oui, j'imagine.

M. Lévesque (Taillon): "Faisant que, trop soucieux d'étaler pour le plaisir des téléspectateurs leur talent d'inquisiteurs sans scrupule, les libéraux ont depuis belle lurette - rendu au début de mai, je comprends -délaissé l'objet essentiel de la commission parlementaire et ses deux questions centrales pour s'adonner à un déculottage systématique et sans merci de tous les témoins amenés. Bien sûr, ils en ont presque tout le loisir. Ils

se battent théoriquement dans l'intérêt commun, mais jouissant de l'immunité parlementaire, ils sont aussi membres d'une institution souveraine." Je trouve ceci dans le Quotidien du 16 mai, à mesure que cela s'amplifiait: Cette futile tentative de faire passer le premier ministre pour menteur est cousue de fil blanc puisqu'à la fin, les gens se diront que M. Lévesque a été élu pour prendre des décisions et qu'il était normal qu'il dise à un moment donné, quelque cinq ou six ans après le saccage, qu'il était temps que cette affaire se règle, etc.

Enfin, vous ne pouvez pas dire que cela est un sondage et que même un sondage nous dirait tout ce que les gens ont comme réaction, je ne le sais pas moi-même. Mais je sais que ma réaction, c'est celle que j'ai dite ce matin, c'est que je considère que cela n'a pas été le parlementarisme, c'est tout. C'est l'usage qu'on a fait de cet instrument qu'est la commission parlementaire.

Très rapidement, deux points. Le député de Marguerite-Bourgeoys revient avec insistance sur tout ce qui s'était passé avant le 1er février en me reprochant de ne pas avoir donné tous les détails au cours d'une période de questions ou d'un mini-débat où on fait ce que l'on peut mais où on essaie de s'en tenir à l'essentiel et, justement, de dire l'essentiel. Je répète de nouveau qu'on s'était fait une opinion d'abord. Alors, si on m'avait demandé comment on se l'était faite, je l'aurais dit. On ne me l'a pas demandé. Il me semble que cela tombait sous le sens que, pour avoir une opinion, il faut se la faire et que pour cela, il faut se renseigner. Tout cela s'était passé avant les fêtes. Le 3 janvier l'opinion qu'on avait avait été transmise par Me Boivin alors que j'étais en vacances et que je n'y étais pas. J'ai appris, en fait, probablement vers le 8 ou le 10 que c'était fait. Cela ne m'avait pas frappé comme étant essentiel, l'essentiel étant qu'à partir de cela ou peut-être à partir des propres questions qui étaient posées, les membres du conseil d'administration sont venus s'enquérir, reconnaissant que j'avais quand même le droit de leur donner l'opinion sur le principe d'un règlement, des tenants et des aboutissants de cette opinion. Ils l'ont eue, ils l'ont eue très clairement, avec beaucoup d'insistance sur le principe.

Il me semble qu'il n'y a rien de plus clair dans ce que j'ai dit le 20 février 1979, en Chambre. Le principe, le fond de la question, la décision qu'il fallait prendre d'abord sur le fond, cela, c'est vrai qu'on n'a pas caché notre opinion et on l'a fait savoir avec autant d'insistance que les occasions qu'on en a eu qui essentiellement étaient le 1er février.

Pour ce qui est du règlement lui-même, on peut bien prendre une décision de principe, oui on est favorable à un règlement, il peut arriver que les conditions du règlement ne soient pas acceptables pour l'une ou l'autre partie et que cela ne se réalise pas. C'était à elles de s'arranger avec cela. Je veux bien admettre, comme le député de Marguerite-Bourgeoys, qu'il y a deux éléments, après une décision de principe qui est qu'un règlement serait souhaitable, il faut qu'il y ait une admission de responsabilité. Là, je trouve que le député de Marguerite-Bourgeoys abuse de certaines terribles simplifications en leur donnant un sens qu'il essaie de rendre péjoratif. Je pense que c'est en dépit des témoignages assermentés qui ont été donnés ici. Je résume cela en une expression. Il a dit que mon chef de cabinet, Me Boivin, était un intermédiaire engagé dans la question d'admission de responsabilité. On était engagé à savoir ce qui se passait, oui, autant que possible et pour servir d'intermédiaire parce qu'après tout, c'était comme la misère sur le pauvre monde, les appels téléphoniques qui arrivaient. Alors, il transmettait, je pense bien, cela découle de son témoignage, ce que les parties avaient à dire là-dessus. Ce n'est pas à nous, d'aucune façon, de peser - et on ne l'a pas fait - sur cet élément, l'admission de responsabilité. C'est même après que, quant à moi, j'ai su dans le détail que les Américains, c'était "no ways", qu'ils n'accepteraient pas une responsabilité qui, d'ailleurs, n'existait pas et que les syndicats québécois eux, s'ils pouvaient s'en tirer avec cela, ils n'étaient pas mécontents.

Pour ce qui est du quantum, d'aucune façon on n'en a discuté. On a entendu des rumeurs comme tout le monde, y compris celle du député de Marguerite-Bourgeoys sur 125 000 $ le 1er février. Mais on n'avait pas à s'en mêler et on ne s'en est pas mêlé.

Je vais terminer simplement sans entrer dans le fond, sur un mot à propos de M. Pouliot, cosignataire. J'ai vu l'autre jour ce qu'il avait raconté, semble-t-il, dans les journaux. Il y a une chose qui m'a frappé et je pense que vous avez pu constater vous-mêmes qu'il y a un certain minimum de fiabilité qui ne semble pas être là. Si j'ai bien suivi, le député de Marguerite-Bourgeoys me corrigera, ce qu'il est censé avoir dit en tout cas, en attendant éventuellement de savoir s'il viendra ou s'il ne viendra pas ici sous serment - de cela, je ne m'en mêle pas - ce qu'il a raconté, paraît-il, c'est que non seulement on avait discuté du quantum mais que Me Jasmin en avait discuté en ma présence. Est-ce que c'est à peu près cela? Est-ce que vous pourriez relire?

Le Président (M. Jolivet): Le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je vais relire simplement ce qui a paru dans le Soleil le jeudi 26 mai

1983. Le journaliste cite, d'après les guillemets que je vois ici, ceci: "Selon notre procureur, écrit M. Pouliot - parce que M. Samson, le journaliste, dit que c'est ce qui est contenu dans un mémoire préparé par M. Pouliot, le président-directeur général du Conseil provincial des métiers de la construction...

M. Lévesque (Taillon): Que vous n'avez pas lu.

M. Lalonde: ...pour la commission parlementaire: "Selon notre procureur, écrit M. Pouliot dans sa déclaration, le montant de 300 000 $ fut le résultat de plusieurs discussions qu'il a eues avec MM. Yves Gauthier, Jean-Roch Boivin et le premier ministre lui-même. Du moins c'est de cette façon qu'il nous a présenté le projet de dédommagement."

M. Lévesque (Taillon): C'est pour cela que je vous demandais justement si cela ne m'impliquait pas aussi parce que je peux confirmer ici - et je suis ici après une déclaration solennelle qui s'ajoute à pas mal de serments d'office qui m'interdisent de raconter des histoires - absolument ce que sous serment Me Jasmin qui est aujourd'hui le juge Jasmin et qui ne pouvait répondre à beaucoup de questions, mais ce qu'il a dit s'appelle dans le jargon parlementaire: le ruban 1662, page 1, Me Jasmin qui dit: "Ce dont je me souviens premièrement c'est que je n'ai jamais communiqué ou parlé à M. Lévesque." Deuxièmement, je vous affirme aussi très simplement que sur aucun des aspects concrets de tout cela, je n'ai jamais parlé à M. Jasmin. Tout ce qui a pu arriver c'est que j'ai pu lui dire "bonjour" - on se connaissait depuis longtemps - quand je le voyais dans le corridor. Un point, c'est tout.

Donc le ouï-dire de M. Pouliot, seulement sur ce point, ne me donne pas une énorme confiance dans sa crédibilité, mais ce n'est pas à moi de commencer à me mêler de la discussion de fond sur la motion. Vous le ferez.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. le Président, au ruban 1577, à la suite d'une question du député de Marguerite-Bourgeoys, aux questions de l'avis juridique qui ont été expliquées au premier ministre par son chef de cabinet, M. Boivin dit: "J'ai fait état au premier ministre de mon avis, oui."

Plus tard, quand on lui demande lequel avis juridique, il dit: "J'ai expliqué celui du 16 décembre 1975 de Mes Geoffrion et Prud'homme - et il dit - et le mien."

Le député de Marguerite-Bourgeoys continue: "Et de dire que vous n'étiez pas là pour donner des avis juridiques formels."

Autrement dit, si je comprends bien la réponse de M. Boivin, il vous a expliqué l'opinion juridique du 16 décembre 1975 et il vous a donné son opinion qui était une opinion qui n'était pas formelle. Si je comprends bien, ce n'était pas une opinion écrite. Est-ce exact, M. le premier ministre?

M. Lévesque (Taillon): Oui, oui. C'est exact. On a longuement parlé et étudié ce qui découlait de cette opinion de 1975. Je ne peux me souvenir si on l'avait sous les yeux, peut-être pas. Mais enfin, l'essentiel je le connaissais grâce aux explications que M. Boivin m'a données et il m'a donné également ses propres conclusions après certaines rencontres.

M. Ciaccia: Dans quels termes M. Boivin vous a-t-il expliqué cette opinion?

M. Lévesque (Taillon): Dans des termes très clairs.

M. Ciaccia: Ouais.

M. Lévesque (Taillon): Écoutez, si je vous demandais: La semaine dernière - je pourrais vous prendre - jeudi à 16 h 30, seul ou avec d'autres, que faisiez-vous? Vous seriez mal pris.

M. Ciaccia: Non.

M. Lévesque (Taillon): Alors là, on parle d'il y a quatre ans et demi. Je ne m'en souviens pas.

M. Ciaccia: Non. M. le Président. Ce n'est pas cela. Je n'ai pas demandé au premier ministre les mots exacts. Je voulais vous demander les termes dans le sens: Est-ce qu'il vous a expliqué que c'était une opinion favorable à la SEBJ ou si c'était une opinion qui n'était pas favorable à la SEBJ? Grosso modo...

M. Lévesque (Taillon): C'était une opinion extraordinairement transparente au point de vue - je pense que c'est honnête de la part de procureurs de le laisser entendre au besoin - de l'incertitude qu'ils ressentaient face à la possible ou à l'implication alléguée du syndicat américain. (17 h15)

M. Ciaccia: Est-ce que vous vous souvenez avoir vu l'opinion ou strictement d'en avoir entendu parler?

M. Lévesque (Taillon): Je ne me souviens pas. Je sais que je l'ai vue à un moment donné en cours de route. À ce moment-là... En tout cas, j'en savais l'essentiel et l'essentiel qui m'avait frappé, je l'ai mis dans ma déclaration: c'est

possible, possiblement, peut-être...

M. Ciaccia: Vous nous avez mentionné que vous avez lu cette opinion à un moment donné.

M. Lévesque (Taillon): Sûrement, parce que j'ai le souvenir de l'avoir lue. Je m'excuse, c'est peut-être parce que je l'ai lue dans la déclaration de mon chef de cabinet, Me Boivin, il y a quelques jours. Il y avait d'assez longs passages, mais il me semble que j'ai dû la lire, en tout cas, le long du chemin.

M. Ciaccia: Je ne veux pas trop faire appel à votre mémoire sur des sujets spécifiques mais...

M. Lévesque (Taillon): Elle n'est pas mauvaise, mais ce n'est quand même pas un appareil à enregistrer des années et des années.

M. Ciaccia: Est-ce que vous vous souvenez si Me Boivin vous aurait donné les conclusions de cette opinion, selon lesquelles les règles de droit pertinentes, l'ensemble des faits que nous connaissions justifient que la SEBJ prenne action avec succès contre Yvon Duhamel, Michel Mantha, Maurice Dupuis, le local 791 et l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec? C'était la première partie, avec succès contre ses défendeurs.

M. Lévesque (Taillon): Je pense qu'il n'y a jamais eu personne qui en a douté d'autant plus - sauf erreur - qu'il y en avait un ou deux qui sont allés assez vite au pénitencier, alors en 1979, on s'en doutait un peu.

M. Ciaccia: Je référais au local 791 et à l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec. Plus loin, on disait: "D'autre part, si la cour retient le principe que nous avons mis de l'avant selon lequel un délégué de chantier est véritablement un représentant ou un mandataire du syndicat, la SEBJ aura également de bonnes chances de succès d'impliquer la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique."

M. Lévesque (Taillon): II me semble que juste le fait que vous ayez lu les deux phrases l'une après l'autre, l'une très catégorique et l'autre "de bonnes chances", quand on regarde le reste de l'opinion, j'ai comme l'impression que cela traduit exactement l'impression qu'on avait à ce moment-là. Encore une fois, si on me permet de l'ajouter, il y a une espèce de minimum de morale collective - je ne veux pas prendre les grands mots, je vais l'expliquer simplement, je l'ai dit dans ma déclaration - qui va au-delà de certaines avocasseries et de certaines façons de dire: On a des chances, etc. C'est: est-ce que ces gens-là, aux États-Unis, même s'ils avaient plus d'argent, est-ce que cela était éthiquement acceptable, moralement acceptable d'essayer de les pourchasser - ce qui n'était pas un cadeau de toute façon - alors qu'il était très évident qu'ils n'avaient ni de près, ni de loin participé à ce pataugeage...

M. Ciaccia: Est-ce que vous vous souvenez... Je comprends cet aspect. Est-ce que vous vous souvenez si dans cette opinion, ils faisaient état des activités de International Order of Operating Engineers selon laquelle ils avaient des activités au Canada et que le local 791 était sous l'autorité d'une charte octroyée par International et qu'il y avait aussi eu des méthodes de contrôle par International Union of Operating Engineers avec le local 791... autrement dit, ils avaient des relations entre International Order et le local 791. Ce n'était pas aussi clair qu'il n'y avait absolument rien à faire avec le fonctionnement du local 791. Est-ce que vous vous souvenez de cela?

M. Lévesque (Taillon): Je ne m'en souviens pas dans le sens où j'aurais la lecture sous les yeux. Je me souviens tout simplement d'une chose, je pense que cela est reflété dans mes réponses en Chambre comme dans ma déclaration... Je m'excuse, M. le député, vous permettez que je réponde rapidement, très simplement ceci: II était très évident qu'il y avait autant de déconnexions factuelles, autrement dit de ruptures de continuité peu importe les textes juridiques - on sait à quoi cela sert parfois -il y avait autant de ruptures de continuité, plus encore, entre l'International Union aux États-Unis et ces locaux-là qu'il pouvait y en avoir entre les simples et honnêtes travailleurs de la construction et les bandits qui avaient pris les chantiers... On voyait... Ils n'étaient nulle part impliqués.

M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais citer un autre extrait de cette opinion? Je me demande si vous vous souvenez que M. Boivin l'ait porté à votre attention: "D'ailleurs - je cite l'opinion de Geoffrion et Prud'homme -notre enquête a révélé que l'International Union of Operating Engineers exerçait une surveillance des activités du local 791." C'est à la page Il de l'avis.

M. Lévesque (Taillon): Non, parce que très simplement, on a exploré longuement ce qu'il fallait interpréter de tous ces avis parce qu'il y avait celui-là et il y avait aussi ce qui s'était accumulé dans les semaines qui avaient précédé le moment où on s'est formé une opinion, c'est-à-dire qu'il

y a plusieurs procureurs qui avaient été rencontrés et à partir de là, cela nous paraissait clair. Ce que vous appelez une surveillance, disons que c'était encore sur le papier à notre avis, mais une chose est certaine, cela n'existait pas sur les chantiers.

M. Ciaccia: En tout cas, je cite textuellement l'avis de Mes Geoffrion et Prud'homme.

M. Lévesque (Taillon): Peut-être qu'ils auraient pu lire plus ou comme moi le rapport Cliche. Je pense qu'on voyait que les surveillances, ce n'était pas précisément en vigueur.

M. Ciaccia: Mais je ne veux pas entrer dans le rapport Cliche parce que c'est un gros rapport, il y a beaucoup de choses qu'on dit dedans, mais les procureurs disaient à ce moment-ci: "D'ailleurs notre enquête a révélé que..." Alors...

M. Lévesque (Taillon): Écoutez, je ne sais pas ce qu'ils ont...

M. Ciaccia: ...chez Mes Geoffrion et Prud'homme, on avait mandaté quelqu'un pour faire une enquête et il s'est révélé que l'union internationale exerçait une surveillance des activités du local 791.

M. Lévesque (Taillon): Statutairement, sûrement, mais en réalité, non.

M. Ciaccia: Excusez, je ne voudrais pas donner l'impression que c'était statutairement. Statutairement, cela vient à une autre page, c'est la constitution, ici ce n'est pas statutairement, c'est l'enquête qui aurait révélé la surveillance des activités. Pas statutairement, mais sur le champ, d'après l'avis qui a été émis par Mes Geoffrion et Prud'homme.

M. Lévesque (Taillon): Cela nous paraissait éminemment fragile. Peut-être qu'il aurait été utile que le député de Mont-Royal ou d'autres aillent dans plus de détails sur les procureurs en question. Ils sont venus ici sous serment.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais établir un point. Je ne veux pas faire le procès qui avait commencé le 15 janvier et qui a été ajourné. Ce n'est pas le but de mes questions. Je voulais seulement savoir dans quel contexte Me Boivin avait discuté de cette opinion avec vous et s'il a porté à votre attention certains des faits. Je ne veux pas aller sur le fond et continuer le procès.

M. Lévesque (Taillon): Est-ce que je pourrais résumer très simplement? À un moment donné, après avoir lu cette opinion - je pense que c'est la seule qui traînait dans le paysage à ce moment-là - ...

M. Ciaccia: C'est la seule. D'après M. Boivin, c'est la seule qui...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, il ne faudrait pas interrompre.

M. Lévesque (Taillon): Si vous permettez. ...de plus, après avoir résumé aussi les impressions qu'il retirait de tout ce qui avait découlé des rencontres qu'il avait eues, de ce qu'on peut appeler l'état de la cause, tel qu'il pouvait le juger avec 20 ans de pratique - c'était sa partie - longuement, il m'a expliqué, on s'est expliqué et on a relié cela au rapport Cliche et on est sorti de là avec une conviction absolument aveuglante que l'évidence était qu'il fallait un règlement dans l'intérêt d'Hydro-Québec, si c'était possible qu'on arrive à cela, ce serait mieux pour tout le monde.

M. Ciaccia: Avez-vous pris connaissance d'une opinion juridique qui a été envoyée à Me André Gadbois par Mes Geoffrion et Prud'homme en date du 9 novembre 1978? La lettre était adressée à Me André Gadbois, mais l'objet, ce qui était attaché à la lettre, c'était un "legal memorandum", une opinion du bureau Elarbee, Clark & Paul, un bureau d'avocats américains qui donnait une opinion juridique sur...?

M. Lévesque (Taillon): Non. M. Ciaccia: Vous n'avez pas?

M. Lévesque (Taillon): Non, personnellement, absolument pas. Cela se peut que Me Boivin m'en ait expliqué... C'était quelle date?

M. Ciaccia: Le 9 novembre 1978.

M. Lévesque (Taillon): Cela se peut que Me Boivin ait eu l'occasion de la voir et qu'il m'en ait parlé, mais je me souviens très pertinemment de ne pas l'avoir lue.

M. Ciaccia: Je pense que dans son témoignage, Me Boivin s'est limité à l'opinion du 16 décembre 1975. Son opinion, la sienne, n'était pas formelle.

M. Lévesque (Taillon): Bien non.

M. Ciaccia: II nous a expliqué cela. C'était avant...

M. Lévesque (Taillon): Ce n'est pas écrit. Me Boivin ne m'a pas écrit un mémoire formel. On gagnait du temps en discutant et en essayant de faire une opinion.

M. Ciaccia: Est-ce qu'on a porté à votre attention un rapport confidentiel qui a été rédigé pour le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James concernant l'action instituée en Cour supérieure, rapport confidentiel en date...

Une voix: Le 5 janvier.

M. Ciaccia: Non, je pense qu'il était annexé à la réunion du 9 janvier. C'était rédigé...

M. Lévesque (Taillon): Je ne suis pas porté à aller regarder ce qui est confidentiel. Mais, de toute façon, je ne l'ai pas vu.

M. Ciaccia: Jean Bernier, Laurent Hamel, Marc Darby et Me André Gadbois.

M. Lévesque (Taillon): Est-ce que je pourrais simplifier le travail du député? Les choses juridiques, tout ce qui pouvait toucher l'aspect juridique, je répète pour la nième fois, si on me le permet, que, moi, j'évitais - ce n'est pas nécessairement par goût, mais par une certaine modestie normale - de me mêler de cela. Je considérais que Me Boivin, avec ses années de pratique, était mieux placé que moi pour évaluer ce qui pouvait être disponible et que, ensuite, on puisse en parler et qu'il me donne en même temps son opinion.

M. Ciaccia: Alors, si je comprends bien, vous n'avez pas pris connaissance de ce rapport confidentiel vous-même?

M. Lévesque (Taillon): Je n'en ai aucun souvenir. Je viens de le dire, je ne courais pas après cela et je ne me souviens pas d'avoir vu ces choses-là.

M. Ciaccia: Est-ce que Me Boivin vous aurait expliqué le contenu de ce rapport confidentiel?

M. Lévesque (Taillon): Cela a peut-être fait partie, d'une certaine façon... Il y avait une sorte d'évaluation des argumentations, c'est sûr. Mais je ne suis pas capable de référer à tel ou tel morceau.

M. Ciaccia: Je vais vous lire seulement deux passages de ce rapport.

Une voix: À quelle page êtes-vous?

M. Ciaccia: C'est à la page 8 du rapport, mais à la page 22 du document "Extraits du registre des procès-verbaux" qui a été déposé par la Société d'énergie de la Baie James; à la page 22, au bas de la page, et au haut de la page 23. Il parle de la Société d'énergie de la Baie James, il dit: "Cependant, elle était consciente que, à titre d'entreprise à caractère parapublic gérant des fonds et des biens du domaine public, elle se devait de tenir les individus et organismes responsables de leurs actes dans le but d'établir un climat de confiance pour les travailleurs et les entrepreneurs présents et futurs sur les chantiers de la Baie-James". Je continue la citation à la prochaine page: "II est important, pour le maintien de ce climat de confiance qui est devenu apparent depuis la reprise des travaux à la Baie-James et l'institution de l'action, que les responsabilités des parties soient déterminées par le tribunal et que la Société d'énergie soit reconnue comme un organisme qui ne fléchit pas dans la poursuite d'un but qu'elle reconnaît amplement justifié".

La question que je vous posais était la suivante: Est-ce que Me Boivin avait porté à votre attention le contenu de ce rapport tel que...

M. Lévesque (Taillon): Encore une fois, je vous dis que je ne l'ai jamais vu. Est-ce qu'on a parlé... Ces arguments existaient. Il y avait des gens qui étaient "braqués" à Hydro-Québec - cela se comprend - dans le genre: II faut absolument aller jusqu'au bout, etc. Je n'avais pas besoin de lire cela pour savoir qu'il y en avait.

M. Ciaccia: Je comprends. Je sais que beaucoup de gens avaient des arguments. Ma question était la suivante: Est-ce que Me Boivin a porté à votre attention, strictement...

M. Lévesque (Taillon): Des textes de ce genre? Non.

M. Ciaccia: Est-ce que...

M. Lévesque (Taillon): II y a une chose qui est certaine, c'est qu'on a parlé essentiellement sans texte. Il s'agissait de se faire une opinion.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez pris connaissance d'une opinion juridique en date du 5 janvier 1979 rédigée par Geoffrion et Prud'homme et soumise à la Société d'énergie de la Baie James?

M. Lévesque (Taillon): Non. Est-ce que cela a pu être porté à la connaissance de Me Boivin, le contenu, ou qu'il en ait entendu parler et que cela ait servi à former son opinion? C'est possible. Mais je ne me souviens pas... Moi, je sais que je ne l'ai pas lu.

M. Duhaime: Un petit coup de gaz, il est 17 h 30.

M. Ciaccia: Vos sautes d'humeur, M. le

ministre... Cela va bien, le premier ministre et moi, laissez-nous, je pense que l'atmosphère est assez cordiale. (17 h 30)

Est-ce qu'on vous a expliqué qu'après deux semaines de procès d'avocats de la SEBJ, les avocats de la SEBJ, dans leur opinion du 26 janvier, ont affirmé que pour 17 000 000 $ de réclamation, c'était juridiquement fondé?

M. Duhaime: M. le Président, je m'excuse.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Ouhaime: Je veux faire une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: À moins que le député décide d'ajuster sa question, je pense qu'il n'a jamais été établi devant cette commission qu'il y avait 17 000 000 $ de juridiquement fondés. Si vous voulez qu'on déterre...

M. Ciaccia: ...d'après l'opinion de Geoffrion et Prud'homme.

M. Duhaime: Non, d'après votre opinion.

M. Ciaccia: D'après l'opinion de Geoffrion et Prud'homme, je m'excuse.

M. Duhaime: Non, à l'intérieur des 17 000 000 $, il y avait un bloc de 16 000 000 $ en dommages indirects qui était relié au délai sur les chantiers.

M. Ciaccia: Je vais lire l'opinion de Geoffrion et Prud'homme.

M. Duhaime: Vous êtes à quelle page là?

M. Ciaccia: Je suis à la page 24 du document: Lettres et documents, annexe transmise par la Société d'énergie de la Baie James à la commission parlementaire de l'énergie et des ressources.

Je lis comme suit: "En résumé, la réclamation totale peut se détailler comme suit: a) les postes suivants sont juridiquement fondés et, selon notre opinion, devraient être maintenus." Le total est 17 196 419 $.

M. Lévesque (Taillon): J'ai dit dans ma déclaration, ce matin, et c'est tout ce que je peux dire, qu'il avait été évoqué, probablement que cela découlait de certaines conversations comme cela, que les 32 000 000 $ pouvaient peut-être être ramenés à 17 000 000 $, 18 000 000 $ ou 19 000 000 $ je ne me souviens plus. Le fondement juridique, etc., je ne le sais pas.

M. Ciaccia: Je voudrais comprendre un peu plus quand vous dites que cela avait été évoqué. Est-ce que cela vous avait été évoqué à vous?

M. Lévesque (Taillon): Sûrement, puisque je dis que cela a été évoqué. Le chiffre avait flotté dans le paysage, je ne sais pas, par Me Boivin probablement ayant appris qu'il y avait des gens qui parlaient plutôt de 17 000 00 $, de 18 000 000 $ que de 30 000 000 $. De toute façon, l'un n'était pas plus réaliste que l'autre par rapport aux syndicats québécois dans l'état où ils étaient. C'est ce qui...

M. Ciaccia: Écoutez, je ne veux pas... J'essaie de comprendre le témoignage de Me Boivin qui nous dit qu'il a expliqué. Il se réfère strictement à une opinion légale de Geoffrion et Prud'homme, celle du 16 décembre 1975 et il ne parle pas du tout des autres opinions. Je pense que quand il a été questionné à cet égard par le député de Marguerite-Bourgeoys, il s'est strictement limité à l'opinion du 16 décembre 1975. Alors, si l'opinion du 26 vous a été transmise, est-ce que cela aurait été par quelqu'un d'autre ou peut-être que cela ne vous a pas été transmis, peut-être que vous n'êtes pas au courant.

M. Lévesque (Taillon): Écoutez, je suis peut-être marqué. Il faut toujours se méfier. Il me semble que Me Boivin lui-même a évoqué dans son témoignage qu'à un moment donné dans un échange téléphonique avec quelqu'un de chez Geoffrion et Prud'homme, peut-être Me Aquin... c'est Aquin lui-même qui avait évoqué 17 000 000 $, 18 000 000 $ ou 19 000 000 $ ou quelque chose du genre. Est-ce que cela m'a été dit à ce moment-là? Je sais qu'un chiffre comme celui-là avait été évoqué, mais ne me demandez pas par qui.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, Me Boivin nous dit qu'il a expliqué l'opinion du 16 décembre. Il vous a expliqué celle du 16 décembre. Le chiffre de 17 000 000 $, c'est vrai, a été évoqué par Me Aquin et peut-être à une conversation téléphonique. Je me souviens de cela aussi. Vous n'avez pas pris connaissance de l'opinion du 9 novembre 1978, l'opinion américaine, ni de celle du 5 janvier 1979.

M. Lévesque (Taillon): Peut-être indirectement, en cours de route. Je l'ai toujours dit et je vais le répéter encore une fois. Je ne les ai pas lues. Je ne me souviens pas d'avoir lu quoi que ce soit de

tout cela. On avait bien d'autres chats à fouetter. Comme il y avait quelqu'un qui était compétent qui suivait ces parties d'argumentation, on avait simplement à se faire une opinion et c'est tout. Je ne crois pas avoir jamais lu de ces textes-là.

M. Ciaccia: J'essaie de concilier...

M. Lévesque (Taillon): ...à ce moment-là en tout cas, peut-être après.

M. Ciaccia: J'essaie de concilier, M. le premier ministre, les réponses de M. Boivin et les vôtres aujourd'hui avec votre réponse au député de Marguerite-Bourgeoys, au ruban 5741, quand vous dites: "C'était après avoir été passablement mis au courant des avis juridiques assez nombreux qui ont été accumulés autour et alentour de cette question-là."

M. Lévesque (Taillon): Me Boivin avait accepté de se faire une opinion à même ce qui était disponible, en rapaillant ce qui paraissait utile, en décembre en particulier, pour qu'on se fasse une opinion. Alors, il m'a expliqué en long et en large ce qui lui paraissait utile. Moi, j'ai combiné cela avec l'impression que je m'étais faite après une sorte de remémorisation des faits eux-mêmes et on est arrivé à notre conclusion.

M. Ciaccia: M. le Président, j'essaie de comprendre. Je comprends les explications du premier ministre. Mais, M. Boivin nous dit: J'ai expliqué celle du 16 décembre. Il y en avait seulement une. Et, le 20 février, vous affirmez à l'Assemblée nationale, vous parlez de plusieurs, de nombreuses réunions. Même plus tard, vous dites, au ruban 5793: "Mais ce syndicat, d'après les avis juridiques qui m'ont été expliqués longuement avant que je donne mon humble sentiment..." Qui vous aurait expliqué tous ces avis juridiques?

M. Lévesque (Taillon): Écoutez, M. Jasmin était venu... On regarde cela parce que je n'étais pas toujours au bureau. Je saluais les gens quand je les voyais - on est porte à porte quasiment - mais, je ne me mêlais pas de leurs réunions. Cela, c'étaient des réunions d'avocats. Le 4 décembre, à la demande qui avait été faite par la FTQ, il y a eu une rencontre de Me Boivin avec Me Jasmin - aujourd'hui le juge Jasmin - et le Il décembre, avec Me Beaulé. En tout cas, avant les fêtes, il y avait cela, et, du côté patronal, l'histoire de Geoffrion et Prud'homme de 1975. Et là, ne me demandez pas le détail, mais à partir de tout cela, Me Boivin s'était fait une opinion sur la valeur de toutes ces argumentations-là. Il me l'a transmise et on l'a discutée, c'est vrai. Et, ensuite, on s'est fait une opinion.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez lu le plaidoyer de Me Beaulé qui a été remis à M. Boivin?

M. Lévesque (Taillon): Non. Enfin, je ne m'en souviens pas.

M. Ciaccia: Je voudrais revenir à votre explication, quand vous dites, aujourd'hui -dans la réponse que vous avez donnée au député de Marguerite-Bourgeoys - quand vous dites que, dans votre réponse, la Chambre avait l'essentiel. J'essaie de comprendre la différence et je voudrais que vous nous expliquiez la différence entre la réponse que vous avez donnée, votre version, au député de Marguerite-Bourgeoys qui dit spécifiquement que c'est Hydro-Québec qui a pris l'initiative, qui vous a consulté - c'est la réponse que vous avez donnée et vous l'avez mentionné six ou sept fois - en 1979, et les faits qui sont sortis à cette commission à savoir que l'initiative n'est pas venue d'Hydro-Québec, elle est venue du bureau du premier ministre. Et je vais citer même M. Laliberté, le 3 janvier, quand il dit que le souhait qui avait été exprimé par M. Boivin, c'était "que la cause soit abandonnée et qu'il y ait un règlement hors cour". Alors, comment pouvez-vous dire aujourd'hui que vous avez donné l'essentiel au député de Marguerite-Bourgeoys quand les faits sont vraiment à l'opposé? L'initiative n'est pas venue d'Hydro-Québec, elle est venue de votre bureau.

M. Lévesque (Taillon): Je veux bien répondre pour la cinquième fois. Vous pourrez comparer mes réponses. L'initiative -si on veut regarder l'initiative vraiment en ce qui nous concerne - est venue à la fin de novembre, début décembre, quand les gens à la fois, M. Laberge qui, forcément, s'occupait de sa centrale à ce moment-là et le procureur de l'époque, Me Jasmin - se sont pointés dans le paysage. Et là, tout à coup, on s'est mis à y penser, parce qu'on s'est dit: C'est notre devoir. Moi, en particulier, c'était mon devoir de me faire une opinion là-dessus. Comme on ne se fait pas une opinion de l'air du temps, on a bâti notre opinion le mieux possible. On l'a transmise, enfin, Me Boivin l'a transmise, deux ou trois jours après le jour de l'an, à M. Laliberté. On n'avait pas à insister davantage. C'est pour cela que je n'y ai plus repensé tellement. Si c'était tombé dans le vide, ce serait tombé dans le vide. Mais c'est devenu sérieux quand - je me suis dit, au moins ils veulent le savoir un peu plus en détail - les trois principaux - et cela, c'est l'essentiel; en tout cas, c'est ce qui me frappait comme étant l'essentiel - d'Hydro-Québec ont dit: Bon, il faudrait savoir où vous en êtes. Est-ce qu'on pourrait se rencontrer? On s'est rencontré et vous

connaissez le reste.

Pourquoi ne l'ai-je pas dit tout en détail en Chambre? Si le député de Marguerite-Bourgeoys m'avait posé une question dans le genre: Comment avez-vous fabriqué votre opinion? Qu'est-ce qui est arrivé en cours de route, plus en détail? Je l'aurais dit. Qu'est-ce que j'avais à gagner? Encore une fois, qu'est-ce que j'avais à gagner, à cacher des détails? Sauf qu'en période de questions, je vous jure que vous dites ce qui vous paraît l'essentiel... surtout avec certaines questions!

M. Ciaccia: Ce n'était pas la question qu'on vous a posée. Je vais citer le député de Marguerite-Bourgeoys, à la page 5793: "Qu'on laisse la justice suivre son cours ou alors que le premier ministre justifie objectivement, document à l'appui, pourquoi les Québécois devraient échanger une réclamation de 32 000 000 $ pour à peu près rien." Ce n'est pas exactement...

M. Lévesque (Taillon): Enfin, là, il y a une conclusion...

M. Ciaccia: Cela n'a pas été fait.

M. Lévesque (Taillon): Non, non, mais il y a une conclusion que vous venez de citer du député de Marguerite-Bourgeoys demandant de la documentation. De la documentation, je n'en avais pas. Je viens de vous dire que même les opinions juridiques je les ignorais. En détail, je ne les connaissais pas. Je n'avais pas de documentation là-dessus. La seule documentation que, moi, j'avais vraiment en main, c'était le rapport Cliche, comme je l'ai dit. Cela me suffisait, quant à moi, comme, il me semble, honnête homme pour me faire une sacrée bonne opinion sur l'opportunité politique d'un règlement et sur l'opportunité sociale aussi.

Cela étant dit, quand, au départ, le député de Marguerite-Bourgeoys me pose deux questions: Est-il exact qu'un règlement pourrait venir? Je dis: Oui, pour autant que je le sache, il se pourrait qu'il y ait un règlement. Deuxièmement, est-ce que c'est, de près ou de loin, ou quelque chose comme cela - je ne m'en souviens plus - dans le bureau du premier ministre ou avec le premier ministre lui-même ou avec un de ses représentants que ce règlement a eu lieu, en partie ou en tout?... Bon. J'ai répondu: Pour ce qui est - parce que je voulais faire une distinction et Dieu sait que je l'ai faite à plusieurs reprises - du principe, oui, on était d'accord. Non seulement on était d'accord mais on l'a fait clairement savoir à la Société d'énergie de la Baie James. On peut bien me reprocher de ne pas avoir dit: On leur avait fait tenir un début de cette opinion, enfin, le noyau de cette opinion juste au moment des fêtes, mais j'avoue humblement que cela ne m'a pas paru être l'essentiel. L'essentiel était que, oui, ils l'avaient clairement su. Pour le reste, c'est-à-dire tout ce qui est le règlement lui-même, on ne s'en était pas mêlé mais on s'était tenu au courant, point.

M. Ciaccia: M. le premier ministre, vous voulez nous affirmer ici, aujourd'hui, que la version que vous avez donnée: "Ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie de règlement a eu lieu... Mais il y a eu une consultation," vous voulez nous dire que cette version, que vous avez donnée le 20 novembre, correspond aux faits...

M. Lévesque (Taillon): Le 20 février...

M. Ciaccia: ...le 20 février 1979 -excusez-moi - correspond à ce qui a été dévoilé à cette commission, que ce n'est pas une consultation, qu'elle n'est pas venue d'Hydro-Québec, qu'elle est venue de vous, de votre bureau, à la Société d'énergie de la Baie James, au P.-D.G. de la Société d'énergie de la Baie James par l'entremise de votre chef de cabinet? Est-ce que vous affirmez ici aujourd'hui que la version que vous avez donnée est la même chose que ce qui a été dévoilé à cette commission parlementaire?

M. Lévesque (Taillon): Je pourrais reprendre certains des termes du député. Ce qui a été dévoilé ici, franchement, il ne faudrait pas trop faire les "Sherlock Holmes". Après deux mois, quand on gratte ce qui s'est passé il y a quatre ans et demi et qu'on va chercher tout cela, il est évident qu'il y a des faits que je ne pouvais pas donner dans une période de questions et il y en a qui m'échappaient de toute façon à ce moment. La consultation, c'est l'autre terme que vous avez employé, pour autant qu'il y en a eu une, elle s'est faite le 1er février dans mon bureau avec les dirigeants d'Hydro-Québec. Un point c'est tout, quant à moi.

M. Ciaccia: Comment appelez-vous toutes les treize autres réunions, rencontres dans le bureau de M. Jean-Roch Boivin par Jasmin, Beaulé? Qu'est-ce que c'était cela? Ce n'était pas une consultation, c'était de la négociation, qu'est-ce que c'était? (17 h 45)

M. Lévesque (Taillon): Celles qui ont précédé les fêtes, c'était pour se mettre au courant des argumentations et de se faire une opinion. Il me semble que c'est clair, je l'ai dit plusieurs fois. Ce qui est venu après les fêtes, c'était essentiellement, sauf erreur, toujours des procureurs de l'une ou de l'autre partie qui suivaient leur affaire et qui mettaient M. Boivin au courant et qui,

souvent étaient sacrement tannants, d'après les souvenirs que j'en ai.

M. Ciaccia: Mais l'opinion de M. Boivin était déjà formée avant Noël, la vôtre aussi.

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Ciaccia: Mais toutes ces réunions ont eu lieu après.

M. Lévesque (Taillon): Je viens de vous le dire. Les procureurs téléphonaient ou demandaient ou rencontraient Me Boivin. Je ne pense pas que ce soit lui qui courait après. Je vous dis qu'on était profondément tannés à l'occasion parce qu'il y en a qui étaient insistants au point où, je pense on était obligé de leur dire: C'est ce que Me Boivin vous a dit, je crois. Écoutez, on a dit ce qu'on avait à dire. Maintenant cela va se régler ou cela ne se règlera pas. Arrangez-vous.

M. Ciaccia: D'après vous, quand vous dites: On a été consulté, on a regardé la réponse à la question que vous avez posée, on a revu la vidéo, le 20 novembre 1979...

Le Président (M. Jolivet): Le 20 février.

M. Duhaime: C'est la mémoirel

M. Ciaccia: Je ne sais pas pourquoi je pense toujours au 20 novembre. Il doit y avoir quelque chose qui m'est arrivé le 20 novembre. Vous nous dites et vous nous donnez clairement l'impression et vous avez dit, pas plus qu'une impression: on m'a consulté, j'ai donné mon opinion, mon souhait. Cela est votre réponse. Ici, j'utilise le mot "dévoilé". Ce n'est pas cela du tout qui s'est passé. Vous avez dit à votre chef de cabinet: Va dire à Claude Laliberté de régler, d'abandonner la cause, non pas seulement un règlement hors cours. C'est l'abandon des poursuites.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président...

M. Ciaccia: Je cite textuellement ce que M. Laliberté a dit.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, il me semble que cela ne prend pas un grand cerveau pour comprendre que s'il y a un règlement hors cour qui intervient dans une instance que la poursuite s'abandonne ou est abandonnée.

Une voix: C'est en vertu de quoi qu'il intervient?

M. Duhaime: Sur une question de règlement. Je voudrais rappeler que même si cet après-midi on a laissé à l'Opposition tout le loisir de poser des questions, jusqu'à il y a quelques minutes cela va relativement bien. J'ai comme l'impression que si cela avait fonctionné comme cela depuis le début des travaux, il y aurait longtemps qu'on aurait fini. Mais je ne voudrais pas qu'on oublie que l'article 168 existe toujours. Je ne veux pas interrompre le député de Mont-Royal, mais si j'éliminais de toutes les questions qu'il a posées jusqu'à présent ce que j'appellerais des préambules inutiles, il n'en resterait pas beaucoup et l'argumentation non plus n'est pas permise. Vous aurez parfaitement le loisir de tirer vos conclusions, mais si vous posez des questions, posez-les, mais il n'est pas permis, je pense vous ne l'avez pas toléré jusqu'à maintenant - de laisser un député s'embarquer et en plus s'enfarger dans une argumentation.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, le ministre voulait faire son petit tour j'imagine. Cela fait longtemps qu'il n'avait pas eu la caméra. L'argumentation, ce n'est pas la place. Les questions sont compliquées et il faut donner la perspective. Cela serait injuste envers l'invité de poser simplement une question sans la mettre en perspective, et c'est tout ce que fait le député de Mont-Royal.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal, en essayant cependant d'éviter peut-être la longueur des questions.

Je comprends bien qu'on peut donner...

Une voix: C'est par déférence, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui. On veut peut-être donner davantage un éclairage, mais je pense que les travaux de cette commission, on les connaît beaucoup tout le monde, autour de cette table, et je vous inviterais à aller rapidement aux questions. M. le député.

M. Ciaccia: Si vous me permettez, je suis conscient que nous interrogeons le premier ministre et j'essaie d'apporter autant de faits que possible, de faire non seulement un résumé, mais de citer les différents passages parce que je voudrais être aussi précis que possible en plus de montrer ma déférence envers le premier ministre, mais...

M. Lévesque (Taillon): Je suis profondément touché.

M. Ciaccia: ...je voudrais dire que je vais insister... pardon? Je ne vous ai pas entendu.

M. Lévesque (Taillon): J'ai dit que cela me touche profondément.

M. Ciaccia: D'accord. Moi aussi.

M. Lévesque (Taillon): Parce que je le sens en plus.

M. Ciaccia: Vous le sentez, oui.

M. Lévesque (Taillon): D'autres témoins l'ont exprimé aussi.

M. Ciaccia: Non, je veux...

Sincèrement, M. le Président, je veux montrer mon respect envers le bureau du premier ministre...

M. Lévesque (Taillon): C'est très important.

M. Ciaccia: Oui... et le premier ministre. Mais je ne voudrais pas que la fonction du premier ministre m'empêche de poser les questions que je voudrais poser alors que...

Le Président (M. Jolivet): Je ne pense pas que personne veuille vous empêcher de poser des questions, quelle que soit la fonction de la personne que vous interrogez. La seule chose, c'est que si vos questions sont longues et contiennent des affirmations qui ne sont pas l'essentiel - comme on l'a bien dit - des témoignages des personnes, on risque peut-être de faire des argumentations qui n'ont pas lieu lors d'une question. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, voici ma prochaine question au premier ministre: N'est-il pas exact qu'il y avait deux opérations parallèles? Je vais les décrire si vous me le permettez, si vous me donnez le droit de le faire.

M. Lévesque (Taillon): À moins que...

M. Ciaccia: II y avait le conseil d'administration qui se réunissait le 20, le 27 novembre, toutes les différentes étapes. Il demandait des opinions juridiques, il donnait instruction à la SEBJ de continuer, les opinions les justifiaient, les encourageaient. Ils ont alloué 500 000 $, même après l'opinion du 5 janvier. Il y a eu un conseil d'administration le 9 janvier pour réitérer le désir de continuer la poursuite. Ils ne savaient pas, sauf M. Claude Laliberté, ce qui se passait dans le bureau du premier ministre. Ils sont même allés au 6 février et ont donné le mandat d'explorer. Le 1er février ils sont venus vous voir. C'était là une opération.

L'autre opération parallèle, c'était l'opération du bureau du premier ministre par l'entremise de M. Jean-Roch Boivin. Il est allé voir M. Claude Laliberté, il rencontrait Mes Jasmin et Beaulé hors de la connaissance des administrateurs. Quand on a interrogé même MM. Laferrière, Giroux, Boyd et Saulnier, ils n'étaient absolument pas au courant que tout cela se produisait. Alors, n'est-il pas exact qu'il y avait deux opérations parallèles et que la réponse que vous avez donnée le 20 février 1979 ne donne aucune indication de la deuxième opération de M. Jean-Roch Boivin?

Le Président (M. Jolivet): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): On a quasiment l'air d'avoir été des subversifs, dans des opérations parallèles, etc. Il me semble que j'ai dit, et je le répète, que cette opération soi-disant parallèle faisait partie de ce que je considérais comme étant la responsabilité d'un chef de gouvernement quand il s'agit d'une cause qui peut affecter une très grande entreprise, qui affecte une très grande entreprise publique, cinq ans après les événements et qu'il fallait que je me forme une opinion dès le moment où on m'a mis la puce à l'oreille, à la fin du mois de novembre, par des appels à Me Boivin, que cela s'en venait et... Il me semblait de mon strict devoir de me faire une opinion. Alors, l'activité parallèle jusqu'au début de, jusqu'au mois de janvier a été essentiellement à partir de cette conscience qu'on avait qu'il fallait qu'on se fasse une opinion. Nous ne sommes pas supposés être des irresponsables. On s'est donc fait une opinion. C'est vrai que je l'ai fait transmettre, c'est-à-dire que j'ai demandé à M. Boivin s'il voulait bien transmettre cela quand il aurait le temps -parce que vous savez c'était avant le congé de Noël - à qui de droit. Il a réussi, c'est lui qui l'a dit, le 3 janvier à rejoindre - je ne connaissais pas la date mais je savais qu'il l'avait fait quelques jours plus tard -M. Laliberté et à lui dire que telle était notre opinion. Je ne l'ai pas mentionné en Chambre, c'est vrai. Si on me l'avait demandé, je l'aurais dit. Le fond de la question, quant à moi - c'est quand même cela qui m'avait le plus impressionné - était de rencontrer moi-même, face à face, les trois dirigeants principaux d'Hydro-Québec parce qu'ils voulaient savoir une fois pour toutes - moi aussi d'ailleurs j'étais bien intéressé à avoir leurs réactions - ce qui en était de cette question du principe d'un règlement hors cour.

M. Ciaccia: M. le Président, je crois que personne de ce côté-ci de la table ne met en doute votre droit de vous former une opinion sur cela mais...

M. Lévesque (Taillon): C'était cela l'opération parallèle.

M. Ciaccia: ...non, non. Vous avez formé votre opinion à la fin de décembre 1978. Les rencontres se sont accélérées après le mois de janvier et il y a eu beaucoup de rencontres. Si c'était strictement à titred'information, pouvez-vous expliquer pourquoi les membres du conseil d'administration, sauf Claude Laliberté, n'étaient pas au courant que ces réunions avaient lieu? Même Me Aquin a dit que lorsqu'il a été informé par Me Beaulé, il était déstabilisé de voir ces réunions. Si c'était tellement ouvert et si cela était tellement clair, tellement dans le but d'obtenir des consultations, pourquoi toutes ces choses-là sont-elles arrivées sans la connaissance de personne, même dans l'ignorance totale de ceux qui devaient prendre les décisions? Les administrateurs du conseil d'administration ne le savaient même pas.

M. Lévesque (Taillon): Cela est votre hypothèse. Cela me paraîtrait très surprenant qu'ils ne l'aient pas su. Après tout, les procureurs de part et d'autre étaient en contact - il me semble qu'ils devaient l'être - avec leurs clients. Il ne devait pas y avoir de grands mystères là-dedans, en tout cas, moi je n'en vois pas.

M. Ciaccia: Tous les administrateurs qui ont témoigné devant cette commission, sauf M. Claude Laliberté, ont affirmé qu'ils ne le savaient pas du tout. Même, la plupart, si je ne me trompe, ont affirmé qu'ils ont appris ici, à cette commission parlementaire, que toutes ces réunions avaient eu lieu. Ils ne savaient même pas, d'après certains d'entre eux, que lorsque le règlement a eu lieu, il y avait eu toutes ces réunions.

M. Lévesque (Taillon): Cela va peut-être intéresser le député de Mont-Royal de savoir que moi non plus je ne savais pas combien de réunions il y avait eu. Cela ne me paraît pas particulièrement important qu'il y en ait eu deux de plus ou deux de moins.

M. Ciaccia: Non.

M. Lévesque (Taillon): La seule chose, je vais me permettre, sans prétendre faire un procès d'intention, de dire au député de Mont-Royal que si on avait eu le malheur, moi surtout, d'appeler les administrateurs pour leur dire: Aïe, on s'en occupe, là, on serait accusés d'ingérence, etc., mais on ne l'a pas fait.

M. Ciaccia: M. le Président...

M. Lévesque (Taillon): Ce n'était pas à nous de les renseigner.

M. Ciaccia: M. le Président, le premier ministre est très habile. Je n'ai pas dit que vous deviez savoir le nombre de réunions, et quand ils se rencontraient, mais vous le saviez. Vous aviez mandaté M. Boivin, vous l'avez même dit ici. Au moins, vous le saviez. Je n'ai pas suggéré que vous deviez aller voir les administrateurs pour leur parler, mais ils ne savaient même pas que ces réunions avaient lieu, et pourtant, il y avait leurs propres avocats qui étaient impliqués, il y avait les avocats des défendeurs, et ils étaient dans la totale ignorance de cela. Alors, la question qu'on se pose est: Comment ces administrateurs pouvaient-ils prendre les décisions au conseil d'administration? Est-ce que c'était juste envers eux? Quel était le but de leur cacher toutes ces réunions-là?

Le Président (M. Jolivet): Avant que le premier ministre réponde, vous avez plusieurs questions, dont l'une est une question d'opinion: Est-ce qu'il était juste? Cette partie n'est vraiment pas recevable.

M. Ciaccia: Quel était le but alors de cacher ces réunions-là au conseil d'administration, sauf à M. Claude Laliberté à qui on avait exprimé le désir du premier ministre que la cause soit abandonnée et qu'il y ait un règlement hors cour?

M. Lévesque (Taillon): Vous n'êtes jamais allé au septième étage où on a nos bureaux, à Hydro-Québec? C'est caché, sauf pour à peu près une dizaines de personnes, tous ceux qui voient entrer et sortir quelqu'un. C'est caché terriblement!

M. Ciaccia: M. le Président.

M. Lévesque (Taillon): C'était un secret de polichinelle qu'il y avait des réunions.

M. Ciaccia: Non. M. le Président, question de règlement.

M. Lévesque (Taillon): Bien, voyonsl Je m'excuse, vous ferez une question de règlement, si vous voulez, mais je veux finir ma phrase, si vous permettez. Ce n'était pas à moi ni à nous de nous inquiéter de savoir si - ce n'était pas caché du tout - les gens devaient de toute façon, être au courant, à notre avis. Puisque M. Laliberté le savait, il n'avait qu'à leur dire. Ils ont fini par être au courant, au mois de janvier, puisqu'ils ont demandé une rencontre. Je ne vois pas ce

qu'il y a de si mystérieux, de caché ou...

M. Ciaccia: M. le Président, j'invoque le règlement. Je pense qu'il ne faudrait pas donner l'impression que les membres du conseil d'administration savaient que ces réunions se produisaient. Ils ne le savaient pas. Ils l'ont affirmé devant cette commission parlementaire. Ce n'est pas une question qu'ils savaient qu'il y avait des réunions, mais ils ne savaient pas le nombre, parce que c'est une bâtisse de 21 étages et ils ne savent pas où les gens vont. Ce n'est pas cela du tout. Ils ont affirmé ici... M. Lucien Saulnier a affirmé sous serment devant moi qu'il ne savait pas du tout qu'il y avait ce va-et-vient. M. Laferrière, un autre des administrateurs, a dit: Je ne le savais pas du tout. Ce n'était pas un secret de polichinelle, c'était un secret tout pur. Eux, ils ont affirmé ici qu'ils ne le savaient pas. Ma question est la suivante: Quel était le but de cacher ces réunions si c'était seulement tel que vous l'aviez décrit dans votre réponse le 20 février?

Le Président (M. Jolivet): En ce qui concerne la question de règlement, puisque vous avez deux parties dans votre... M. le ministre.

M. Duhaime: Oui, M. le Président, je vais essayer de vous dire ce que je peux saisir de la question de règlement qui est faite. Je n'arrive pas à comprendre l'échafaudage cérébral du député du Mont-Royal. Soyez au moins logique. De deux choses l'une: Si les rencontres entre Me Boivin et les procureurs n'ont jamais été portées à la connaissance des membres du conseil d'administration, cela n'a donc pu les influencer.

M. Ciaccia: Question...

M. Duhaime: Deuxièmement, il y a une chose qui a été portée à la connaissance des membres du conseil d'administration, c'est le souhait du premier ministre. Cela m'a l'air de ne pas les avoir influencés beaucoup, M. le Président. Je pourrais vous lire ici - je le ferai peut-être plus tard - la décision qu'ils ont rendue dans cette affaire au conseil d'administration. Cela ne ressemble pas beaucoup à la version de Michel Girard dans la Presse du 17 mars. Ces personnes ont pris une décision suivant leurs propres responsabilités. Je vais vous citer simplement M. Hébert...

Le Président (M. Jolivet): Non, M. le ministre, je ne permettrai..

M. Duhaime: ...M. Thibodeau, M. Boyd... Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: ...M. Laliberté...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, vous allez un peu trop loin.

M. Duhaime: Faites-vous une idée.

Le Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure, je vais suspendre jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise de la séance à 20 h 13)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie pour continuer ses travaux jusqu'à 22 heures, suivant la motion présentée à l'Assemblée nationale du Québec, à savoir: s'il y a lieu, les travaux de la commission se poursuivront demain matin, après la période des questions.

La parole était au député de Mont-Royal qui a toujours le droit de parole. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

M. le premier ministre, la Presse du 18 mars 1983 a publié le texte intégral de votre déclaration sur le règlement hors cour qui a suivi le saccage de la Baie-James. Et, cette déclaration a suivi les affirmations dans la Presse au sujet des déclarations que vous aviez faites à l'Assemblée nationale. Dans ce texte, vous dites et je cite: "Or, voici ce qui s'est réellement passé..." - c'est votre texte. Je continue la citation: "...c'est à la demande de M. Daniel Latouche et de Me Michel Jasmin que Me Yves Gauthier a rencontré M. Yvan Latouche en présence de Me Jasmin qui était son avocat pour une tout autre affaire. En effet, M. Latouche prétendait avoir été congédié de la SEBJ injustement."

Quand Me Jasmin est venu témoigner devant cette commission, au ruban 1662, page 2, il a affirmé que le 16 février 1979, la date de cette rencontre, il n'était pas l'avocat de M. Latouche. De plus, il a aussi affirmé que c'était le notaire Gauthier, votre conseiller spécial, qui l'avait appelé pour cette réunion. Est-ce que vous pourriez concilier votre déclaration dans la Presse, où vous dites: "C'est à la demande de Daniel Latouche et de Me Michel Jasmin"... Michel Jasmin était l'avocat de M. Latouche. Le témoignage de Me Jasmin qui dit: Moi, je n'étais pas l'avocat de M. Latouche et c'est le notaire Gauthier qui m'a appelé à cette réunion.

M. Lévesque (Taillon): II y a une raison très simple aussi. C'était une déclaration du 17 mars?

M. Ciaccia: Dans la Presse, le 18 mars.

M. Lévesque (Taillon): Le 18 mars. Je pense qu'elle se tient pour l'essentiel. Pour ce qui est du hors-d'oeuvre concernant Daniel Latouche, Yvan Latouche et compagnie, c'est par téléphone que, oralement, on a eu ce genre de renseignement. Il semble, en effet, que cela manquait de précision. Entre autres choses, Me Jasmin, je pense, a dit qu'il avait eu a être conseiller ou consultant de M. Latouche. C'est peut-être là qu'il y a eu une confusion dans les appels téléphoniques. On avait le feu à cause de l'article de la Presse. On a essayé, le plus vite possible, de faire une réponse sur l'essentiel. Là, il y a eu une erreur dans les 24 heures, cela se comprend.

M. Ciaccia: Quand vous dites que ce n'est pas exact, le fait demeure que, dans votre déclaration, vous affirmez: Voici, ce qui s'est réellement passé.

M. Lévesque (Taillon): Oui. C'est ce qu'on avait eu comme renseignement téléphonique trop rapide.

M. Ciaccia: De qui avez-vous eu ce renseignement?

M. Lévesque (Taillon): Je pense que c'était de M. Gauthier, lui-même, si j'ai bonne mémoire. Mais, ensuite, en vérifiant.

M. Ciaccia: Vous allez comprendre notre position parce que...

M. Lévesque (Taillon): Oui, mais quand vous vous faites insulter publiquement sur quelque chose qui, sur le fond, est complètement inqualifiable et qu'il y a des à-côtés là-dedans, il peut arriver que, 24 heures après, on fasse des erreurs. D'accord.

M. Ciaccia: Je comprends que vous croyez que ce n'était pas justifié mais si quelque chose n'est pas justifié, est-ce que cela justifie une autre déclaration qui n'est pas exacte?

M. Lévesque (Taillon): Cela n'avait aucun rapport avec l'essentiel. Cela a été comme une sorte de bouche-trou. On l'a traité comme cela mais, malheureusement, on aurait peut-être pu, si on avait eu deux jours de plus, le vérifier. Mais, est-ce que cela change quelque chose sur l'essentiel? Je ne crois pas.

M. Ciaccia: Bien. Vous avez dit la même chose dans votre déclaration du 20 février: "Est-ce que cela change quelque chose sur l'essentiel?" Oui cela change quelque chose sur l'essentiel, si vous me posez la question parce que vous dites quelque chose et les faits ne sont pas les mêmes. C'est cela le reproche qu'on vous fait du 20 février 1979. Vous avez dit que c'était une consultation, que vous aviez été approché. Les faits ont démontré qu'il y avait plus que cela, que l'initiative avait été prise par vous, par vous et non pas par Hydro-Québec. Alors, lorsqu'on cherche à établir certains faits, je crois qu'on a presque le même principe ici. Ce n'est pas de la même importance les faits, je suis d'accord avec vous. Mais le principe de la véracité et de dire les choses sans les escamoter, ce principe demeure dans toutes les déclarations spécialement quand on lit ceci, car cela vient immédiatement après les paroles suivantes: "Or, voici ce qui s'est réellement passé". La première affirmation quand vous dites: "s'est réellement passé" ne s'est pas passé de cette façon.

M. Lévesque (Taillon): La seule chose qu'il y a, c'est que si vous remontez un petit peu plus loin dans la déclaration, vousallez voir à quel point cela n'a pas une importance fondamentale. Il faut peut-être le placer, juste un paragraphe avant. Qu'est-ce qui ressort en effet de la lecture de la Presse? - c'est dans ma déclaration - que c'est le notaire Gauthier de mon bureau qui aurait mis en contact Yvan Latouche et Me Jasmin, permettant à ce dernier d'entrer en possession de documents prétendument incriminant pour M. Robert Boyd, qui était le président d'Hydro-Québec. Je me souviens que dans l'article du dénommé Michel Girard de la Presse, ce qui était dit, c'est que cela voulait dire qu'il y avait eu une sorte d'accointance - je ne le cite pas au texte -avec les gens qui étaient impliqués là-dedans pour voir s'il n'y avait pas moyen de compromettre M. Boyd, que c'était quasiment comme si on cherchait des armes contre M. Boyd. Ce qui était totalement inventé, faux, qui nous a jamais traversé l'esprit. Évidemment, je m'excuse, on n'a pas pris le temps de faire une enquête en 24 heures pour savoir si au téléphone on avait peut-être fait une erreur.

M. Jasmin, je crois, a dit ici, cela il pouvait le dire, qu'il avait été appelé en consultation ou qu'il avait rencontré pour des consultations le dénommé Yvan Latouche. Bon, d'accord, il y a eu une erreur, il n'avait pas été tout à fait son avocat dans une autre affaire, mais il avait été consulté. Je ne pense pas que ce soit...

M. Ciaccia: D'ailleurs quand vous dites que cela n'a pas toujours son importance, je crois que la vérité a toujours son importance...

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Ciaccia: ...mais les faits peuvent être...

M. Lévesque (Taillon): Je suis d'accord.

M. Ciaccia: ...jugés moindres. La question que cela soulève, c'est que si vous vous souvenez Me Jasmin était lié par son secret professionnel.

M. Lévesque (Taillon): Sauf que sur cette partie...

M. Ciaccia: Alors la plupart de ses questions étaient sur... Mais celui-ci ne l'était pas alors. La question que cela soulève c'est: combien d'autres choses on aurait pu avoir de Me Jasmin si ses clients lui avaient donné le droit de témoigner sur différentes...

M. Lévesque (Taillon): Sachant que Me Jasmin est un homme honnête, compétent, il n'aurait pas contredit l'essentiel de ce qu'on avait à dire.

M. Ciaccia: On a une contradiction ici et on ne saura...

M. Lévesque (Taillon): Je l'ai bien dit c'est un accessoire qui va... un peu un de vos "red hearing". Bon, d'accord.

M. Ciaccia: On ne saura jamais ce que Me Jasmin aurait pu nous dire. Peut-être que M. Pouliot pourrait nous le dire.

M. Lévesque (Taillon): II ne faut jamais dire "jamais". Oui, je vous voyais venir comme une porte de grange.

M. Ciaccia: Et vous ne voulez pas l'entendre.

M. Paradis: II ne veut pas l'entendre, n'est-ce-pas?

M. Ciaccia: Prenons un autre point, M. le premier ministre. À la fin de 1978 vous êtes venu à la conclusion, à la suite d'une recommandation de M. Boivin, ou peut-être étiez-vous déjà venu à cette conclusion, que la cause devrait être réglée hors cour. Aviez-vous indiqué à ce moment un chiffre, un montant, un ordre de grandeur?

M. Lévesque (Taillon): La réponse est non.

M. Ciaccia: M. Laliberté a témoigné que le souhait qui lui avait été exprimé par M. Boivin était, je cite: "...que la cause soit abandonnée et qu'il y ait un règlement hors cour". Quand on demande par un souhait ou autrement - mais cela vient du bureau du premier ministre alors le degré de l'importance du souhait, je crois, est proportionnel à la position d'autorité de celui qui fait le souhait.

Une voix: C'est normal.

M. Ciaccia: Dans quelle position de négociation avez-vous placé la Société d'énergie de la Baie James quand vous avez dit...

Le Président (M. Jolivet): Seulement par le début de votre question, non, non... Seulement par le début de votre question, c'est déjà irrecevable. Changez-la si vous voulez, mais elle ne sera pas acceptée.

M. Ciaccia: Le fait que vous ayez exprimé le souhait d'abandonner la poursuite, est-ce que cela n'aurait pas placé la Société d'énergie de la Baie James dans une situation où elle ne pouvait pas vraiment négocier adéquatement avec les défendeurs?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, elle n'est pas mieux.

M. Duhaime: C'est parce qu'il y a une hypothèse dans votre question.

M. Ciaccia: Quelle est l'hypothèse? C'est un fait. Il a dit: Abandonnez...

Le Président (M. Jolivet): Non, non, M. le député...

M. Ciaccia: ...puis il y a eu un règlement de 200 000 $. Ce sont des faits.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, elle n'est pas recevable. M. le député, posez votre question autrement.

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député de Mont-Royal. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, vous avez déclaré irrecevables deux questions du député de Mont-Royal qui touchent à la position dans laquelle la SEBJ se retrouvait à la suite du souhait du premier ministre. Je pense que c'est une question de fait que de demander au premier ministre s'il a fait ce souhait pour aider la société, pour avoir davantage ou s'il a mis un montant minimal. C'est de la même nature.

Le Président (M. Jolivet): Oui, mais elle est bien différente comme question de celle que le député de Mont-Royal a posée.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Est-ce que le fait que vous ayez indiqué à la Société d'énergie de la Baie James que la cause devrait être abandonnée... Je fais une distinction entre demander de régler hors cours et demander d'abandonner la cause et régler hors cours, parce que cela peut affecter sensiblement les conséquences...

M. Lévesque (Taillon): C'est votre question?

M. Ciaccia: Non, non. Est-ce que le fait que vous ayez exprimé ce souhait peut expliquer qu'en 1975 il y ait eu une offre de 400 000 $ faite par un des syndicats représentés par Me Jasmin, premièrement? Deuxièmement, le 10 janvier 1979, Me Beaulé avait offert 250 000 $ pour la moitié de la réclamation, ce qui aurait fait une offre de 500 000 $. Le 12 janvier, Me Boivin informe Me Jasmin de sa rencontre du 3 janvier avec M. Laliberté et du souhait que vous aviez exprimé. Le 16 janvier, Me Jasmin offre 50 000 $ dans une cause de 32 000 000 $. Ce montant-là avait même été qualifié de ridicule par M. Laliberté et autrement par plusieurs autres intervenants. Alors, le fait que vous ayez demandé d'abandonner la cause, est-ce que cette demande peut expliquer l'offre ridicule de 50 000 $?

M. Duhaime: 168, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je vais être obligé de faire comme j'ai fait pour deux autres députés à un moment donné et de vous dire que, malheureusement, pour la question que vous posez, il ne semble pas y avoir de moyen de la rendre recevable. Je ne peux pas recevoir cette question.

M. Duhaime: Changez de sujet.

M. Ciaccia: Alors, M. le premier ministre, étiez-vous conscient que le fait que vous demandiez l'abandon de la poursuite avait comme effet de placer la SEBJ dans une situation intenable quant à la négociation?

M. Duhaime: C'est une pure hypothèse, M. le Président.

M. Ciaccia: Ce n'est pas une hypothèse...

Une voix: Ce n'est pas une hypothèse, c'est ce qui est arrivé. (20 h 30)

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, le seul fait d'ajouter au début de la... S'il vous plaît! M. le député, M. le député! Seulement le fait de demander si le premier ministre était conscient de, me permet de la trouver encore sous la branche, mais de l'accepter celle-là. M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): D'abord, l'emploi réitéré du mot "abandonner", comme si c'était la fin du monde, ne me paraît pas tout à fait honnête. Quand on propose le principe - s'il vous plaîtl - de l'abandon des procédures, c'est un principe, mais cela implique automatiquement que, si tu lâches le processus judiciaire, tu continues à négocier, si tu veux avoir un règlement, parce que c'était cela notre recommandation. Alors, ce n'était pas du tout brimant pour la SEBJ parce qu'il lui restait non seulement toute la négocation de l'éventuel règlement, s'il y en avait un, mais cela ne lui enlevait d'aucune façon - Dieu sait qu'ils l'ont compris comme cela, les événements l'ont prouvé - le droit de ne pas faire de règlement. La preuve, d'ailleurs, c'est que Dieu sait que, jusqu'à la dernière minute, les opinions étaient partagées et les votes qui ont décidé, finalement, de l'acceptation d'un règlement étaient légèrement divisés, sauf erreur. En quoi cela a-t-il pu brimer? J'ai perdu mes illusions sur - si j'en avais eu, mais je n'en avais pas - cette espèce de puissance que pouvaient avoir une opinion et une recommandation qui, nous, nous paraissaient être dans l'intérêt public. Je suis très heureux que, d'ailleurs, finalement, cela se soit réglé. Je ne vois d'aucune façon en quoi cela aurait affecté la capacité de négocier d'Hydro-Québec ou de la SEBJ.

M. Ciaccia: Le fait de dire "abandonner" - je passe un commentaire -enlève la marge de manoeuvre...

Le Président (M. Jolivet): M. le député...

M. Ciaccia: C'est pour entrer dans ma prochaine question.

Le Président (M. Jolivet): Non, justement, M. le député, j'ai été patient jusqu'à maintenant et je pense que beaucoup de monde a été patient. Le problème que j'ai, comme président... Je m'excuse, M. le député de Brome-Missisquoi, vous avez eu la parole, laissez-la moi. Ne vous inquiétez pas, je vais la prendre lorsque j'ai le droit de la prendre. M. le député, depuis tout à l'heure que vous faites des gestes qui commencent à être un peu "tannants" pour les gens. S'il vous plaît, M. le député de Brome-Missisquoi.

Tout ce que je suis en train de dire, c'est que le député de Mont-Royal, dès le départ, dit: Je vais faire des commentaires. Je n'ai aucune objection, c'est ce que je voulais lui dire. Cependant, s'il a des commentaires à faire, il les fera, mais il n'aura plus de questions ensuite. Je ne

voudrais pas qu'on commence par faire des commentaires pour ensuite aller à la question. Qu'il aille directement à la question, il fera ses commentaires après, comme cela a été prévu depuis le début.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Le premier ministre, en parlant d'abandon de la cause, je pense, a employé les mots "un peu malhonnête" ou quelque chose comme cela. Je pense que, sur une question de règlement, on doit rétablir que ce propos, cette expression n'est pas celle du député qui l'a rapportée, mais - je pense que c'est ce que le député de Mont-Royal allait faire - l'expression employée par un témoin sous serment, M. Laliberté. Si vous voulez, je pense qu'on devrait laisser au député de Mont-Royal le soin de rétablir les faits.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je sais très bien que vous venez à la rescousse du député de Mont-Royal, mais le député n'a pas commencé en disant qu'il avait une question.

M. Lalonde: Non, non. Je ne viens pas à la rescousse de personne. Je viens à la rescousse du règlement.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Un instant. M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Ce que je suis en train de dire, c'est que si le député de Mont-Royal m'avait dit: J'ai une question de règlement, je l'aurais accepté. Ce n'est pas ce qu'il a dit. Il a dit: J'ai un commentaire. Je ne peux pas le permettre.

M. Ciaccia: M. le Président, si vous remarquez, depuis que j'ai commencé à poser des questions, j'ai esayé d'être assez respectueux envers la présidence, envers le premier ministre. J'essaie d'éviter, autant que possible, des questions de règlement parce que des questions de règlement impliquent que quelque chose a été dit qui n'était pas tout à fait conforme à la vérité. Maintenant, si vous voulez que je le fasse de cette façon, je suis prêt.

M. Lalonde: Oui.

M. Ciaccia: Je vais faire une question de règlement. Le commentaire que je voulais faire, je le fais comme question de règlement. C'est que le mot "abandon", ce n'est pas moi qui l'ai utilisé, ce n'est pas moi qui l'ai inventé, c'est quelque chose qui a été dit ici par Claude Laliberté à la suite d'une question à savoir que, le 3 janvier 1979, M. Boivin lui a exprimé le souhait que la cause soit abandonnée, qu'il y ait un règlement hors cour. M. le Président, ce n'est pas moi qui utilise le mot "abandon" hors contexte.

Le Président (M. Jolivet): Maintenant, avez-vous des questions, M. le député de Mont-Royal?

M. Ciaccia: Certainement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Allez-y:

M. Ciaccia: Puisque je ne peux pas faire de commentaire à la suite des propos du premier ministre, je vais être tenté de lui poser des questions, pour relever quelques-unes des affirmations qu'il a faites en guise de questions. M. le premier ministre, vous avez mentionné que les administrateurs auraient pu continuer à négocier et à régler. Mais n'est-il pas exact que même, par exemple, M. Giroux a témoigné ici que le fait que le premier ministre avait indiqué qu'il voulait un règlement hors cour, cela obligeait les administrateurs, d'après lui, à accéder à ce souhait et que le fait que vous ayez indiqué que vous vouliez que la cause soit abandonnée a eu un effet sur les administrateurs, qui ont finalement décidé de voter pour le règlement à 200 000 $?

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais faire une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Vous m'excuserez, M. Lévesque, je sais que vous étiez prêt à répondre. Ce que le député de Mont-Royal vient justement d'introduire dans sa question, c'est le prototype parfait de question irrecevable qui contient deux interprétations de témoignages et, entre autres, la dernière interprétation est complètement fausse. Chacun des membres du conseil d'administration qui sont venus ici, à l'Assemblée nationale, devant la commission, à tour de rôle, sous serment, a dit qu'il avait pris une décision librement. Ce que le député de Mont-Royal vient de dire, M. le Président, était que la manifestation du souhait du premier ministre les avait, en quelque sorte, influencés ou dirigés vers une décision. C'est exactement ce que vous avez dit.

M. Lalonde: Non, non, sur une question de règlement, M. le Président.

M. Ciaccia: Non, non, sur une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement, M. le ministre. Juste un instant. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'aimerais que... Si le ministre veut continuer sa question de règlement, qu'il se souvienne que le député de Mont-Royal a parlé de M. Giroux.

M. Duhaime: II a parlé de tous les membres du conseil d'administration.

M. Lalonde: Non, non, c'est qu'il avait dit que M. Giroux croyait que la portée... se demandait quelle était la portée du souhait du premier ministre. Ce qu'il avait demandé c'est: Est-ce que c'est exact que M. Giroux a dit cela?

Une voix: Les questions du député sont tellement longues que...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais juste terminer.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Ouhaime: En poursuivant, dans ce que le député de Mont-Royal voulait introduire dans sa question, on faisait dire à M. Giroux que les membres du conseil d'administration de la SEBJ avaient été influencés. Or, j'ai ici, M. le Président, la version de M. Roquet, qui est venu ici devant notre commission le 15 avril, et M. Roquet dit: "Je ne crois pas que l'entretien du premier ministre nous ait apporté de nouveaux considérants auxquels nous n'avions pas songé." M. Thibaudeau, qui est venu le 14 avril, dit, lui, et je cite: "Je trouvais que c'était tout à fait normal qu'il - en parlant du premier ministre - nous donne son opinion. Cela ne voulait pas dire qu'il fallait l'entériner. Cela ne veut pas dire du tout qu'il fallait l'entériner."

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, M. le député de Marguerite-Bourgeoys a une question de règlement.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement. Est-ce que le ministre est en train de témoigner ou s'il est en train d'argumenter?

M. Ouhaime: Non, M. le Président.

M. Lalonde: On peut l'assermenter, si vous voulez, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. Je pense qu'il faut clarifier la situation. M. le ministre a déjà dit pas mal pourquoi, à son avis, la question posée par le député de Mont-Royal était irrecevable, et j'avais même, avant qu'il n'intervienne, l'intention de le faire. Le député de Mont-Royal pourrait reformuler sa question et peut-être que cela nous permettrait de voir plus clair. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: C'est une question de...

M. Duhaime: Écoutez, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Elle est irrecevable, celle-là, M. le ministre.

M. Duhaime: Pardon?

Le Président (M. Jolivet): Elle est irrecevable.

M. Duhaime: Qu'est-ce qui est irrecevable?

Le Président (M. Jolivet): Sa question.

M. Duhaime: Ah bon. Cela règle mon problème. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): II va la reformuler.

Une voix: Un de vos problèmes.

M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais seulement, M. le Président, M. le premier ministre, vous référer au ruban 530, page 2, de nos débats où M. Giroux dit, et je le cite: "Si l'actionnaire à 100% dit: Faites telle chose, les administrateurs n'ont qu'une chose à faire: démissionner ou la faire."

M. Paradis: C'est cela la vérité. Cela, c'est de la vérité.

M. Duhaime: Vous parlez de l'ancien régime?

M. Ciaccia: Je voudrais passer à une autre question.

M. Duhaime: C'est quoi votre question là-dessus?

M. Lévesque (Taillon): Écoutez, M. le Président, j'aimerais dire un mot, quand même!

Le Président (M. Jolivet): Oui, je pense que je vais vous le permettre. Le problème que j'ai, c'est...

M. Ciaccia: Ce n'est pas moi qui vous en empêche.

M. Lévesque (Taillon): Non, je sais, ce n'est pas vous, mais vous laissez des fils qui pendent.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Un instant! M. le député, je vais devoir vous rappeler à l'ordre pour la première fois et vous le dire bien correctement: Vous avez fait un commentaire qui va obliger une réponse. Si vous avez des questions, posez-les donc et ne faites pas de commentaires, vous les ferez à la fin.

M. Ciaccia: Est-ce que j'avais soulevé une question de règlement?

Le Président (M. Jolivet): Non. Non, je n'ai pas entendu, M. le député. M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Cela va être très bref, M. le Président. J'ai eu la chance d'échanger quelques mots avec Me Boivin, parce que, après tout, c'est lui qui a témoigné autour de ces propos de M. Laliberté et M. Laliberté a dit ce qu'il avait à dire. Vous avez bien dit, j'ai entendu: "abandonner et aller à un règlement hors cour." Donc, abandonner et chercher, aller chercher, si possible, un règlement hors cour, il me semble que cela simplifie les choses. Or, ce qu'on disait tout à l'heure, c'est que M. Laliberté, qui n'est pas avocat, qui n'est pas trop déformé - il y a aussi une très bonne formation là-dedans - mais qui n'est pas déformé par le juridisme avait employé un terme de profane, "abandonner". Me Boivin me rappelle que, lui, il a parlé du fait qu'on recommandait un règlement hors cour, qui est en fait la chose pour laquelle on travaillait. On peut toujours jouer sur le mot "abandonner" tant qu'on voudra, mais franchement!

M. Ciaccia: Bon.

M. Lévesque (Taillon): Maintenant, pour ce qui est de M. Giroux, je n'ai pas à juger son témoignage, il l'a fait sous serment. Mais vous admettrez une chose, c'est que, quand M. Giroux, contrairement à l'ensemble... Je ne suis pas pressé.

Alors, quand M. Giroux qui venait quand même quelque peu de l'ancien régime et qui, peut-être, ayant vécu certaines expériences avec mon prédécesseur qui dictait les conditions des règlements jusque dans le détail, pouvait se faire encore cette idée que, si le chef du gouvernement donnait une opinion, cela devenait quasiment un ordre... Cela contredit totalement, sauf erreur, l'ensemble des témoignages qui ont été donnés par tous les membres du conseil d'administration qui ont tous dit, chacun à sa façon: Nous nous sentions parfaitement libres de prendre notre décision.

M. Ciaccia: M. le Président.

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais peut-être faire une question de règlement, ici.

Le Président (M. Jolivet): Un instant, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Je ne voudrais pas laisser passer...

Le Président (M. Jolivet): Oui, mais avant, si nous commençons à vouloir faire en sorte que le règlement... M. le ministre a peut-être utilisé un peu trop longuement le droit de sa question de règlement tout à l'heure pour essayer de faire des corrections à une question posée... Je dois vous dire au départ que nous n'avons pas terminé la soirée ni la journée de demain probablement puisqu'on va soulever, de part et d'autre, des questions de règlement sur ce que chacun affirme de part et d'autre. Si on l'utilise, je voudrais qu'on l'utilise à bon escient et non pas pour prolonger les débats qui sont déjà assez longs. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais simplement rétablir les faits.

M. Rodrigue: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: M. le Président, une question de règlement est invoquée lorsqu'un des règlements qui nous régit a été violé. Or, on ne peut pas invoquer une question de règlement pour rétablir des faits. C'est plutôt une question de privilège. Il y a d'autres dispositions également de notre règlement qui prévoient qu'un député peut le faire à la suite d'un débat mais ce n'est manifestement pas une question de règlement. Je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys invoque la question de règlement d'une façon abusive. D'ailleurs, il l'a dit lui-même au départ que c'était pour rétablir les faits. Donc, il veut discuter. Cela n'a rien à voir avec la question de règlement qui est prévue dans notre règlement.

M. Lalonde: Voulez-vous me reprocher ma franchise?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Lalonde: Je sais que c'est une denrée rare.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, notre premier ministre a, je pense, fait une affirmation que, peut-être, on pourrait lui permettre de reprendre. Il y a quand même M. Roquet qui a dit que cette intervention avait été significative mais non déterminante. M. Laferrière, il me semble aussi dans mon souvenir, avait dit qu'il en avait tenu compte à des degrés différents et M. Laliberté lui-même disait que le souhait du premier ministre a pu influencer ou compter dans la décision du conseil d'administration. Alors, je pense qu'on a intérêt, pour informer la population et l'Assemblée comme il faut, à faire des nuances là-dessus.

Le Président (M. Jolivet): M. le premier ministre. (20 h 45)

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, entre les espèces de prétentions extrêmes que le député de Mont-Royal essayait de tirer d'une seule phrase ou deux du témoignage de M. Giroux et ce que j'ai devant moi comme des extraits essentiels -puisqu'on les évoque, je vais lire ceux que j'ai devant moi - des témoignages de ces gens qui ne sont pas des pions et qui, je crois, pouvaient avoir un certain respect pour l'opinion que je leur donnais parce qu'il y a une relation qui existe toujours... Il y a un partage des responsabilités, au moins sur les grandes orientations, parce qu'il ne faut pas oublier une chose, c'est qu'un gouvernement, quand il s'agit d'une société d'État, nomme les administrateurs et il se sert de son meilleur jugement pour ne pas nommer des pions. Il nomme des gens pour leur compétence et qui ne sont pas manipulables à volonté. Par ailleurs, il reste qu'un gouvernement élu a une responsabilité fondamentale, dans l'intérêt public, au nom des actionnaires. Parfois, le public est le seul actionnaire et parfois, c'est un actionnaire majoritaire, mais, enfin, c'est une société publique. Alors, il reste qu'il faut équilibrer ces choses-là. Je crois que l'ensemble des administrateurs d'Hydro-Québec et de la SEBJ l'ont admirablement compris, que ce n'était pas nécessairement quelque chose à envoyer promener, l'opinion du chef du gouvernement, mais que, eux, ils demeuraient parfaitement libres, disons -espérons-le - de la respecter au moins pour ce qu'elle valait mais de prendre leur décision. M. Hébert, qui n'est pas exactement un enfant d'école, disait: "C'est une décision d'affaires et non une question de punir des coupables à quelque moment que ce soit. Ai-je subi des pressions de qui que ce soit? Même au conseil, nous n'avons jamais eu de directives."

M. Thibodeau dit: "Mon vote a été honnête et décidé par moi."

M. Boyd dit: "Non. Cela - c'est-à-dire la rencontre du 1er février - ne m'a pas influencé puisque j'ai voté contre le règlement hors cour."

M. Laliberté président de la SEBJ, dit: "J'ai parlé des deux raisons pour lesquelles je n'ai pas été influencé: premièrement, c'est parce que j'étais du même avis, si on peut dire, depuis le 22 janvier, donc avant cette rencontre, et, deuxièmement, je considérais à ce moment-là que la seule autorité habilitée selon la loi à régler le problème, c'était le conseil d'administration, ce qui est parfaitement exact."

M. Saulnier dit: "J'estime que le conseil a agi de lui-même et qu'il a tiré le meilleur parti d'une situation dont il avait hérité."

Mme Nicolle Forget dit: "Bien que j'aie voté contre le règlement, je tiens à vous assurer que, quant à moi, le conseil d'administration a pris la décision qu'il jugeait la plus saine pour l'entreprise, et je n'ai pas souvenance que des pressions aient été exercées sur le conseil pour qu'il décide d'abandonner - puisque le mot revient - les poursuites civiles entreprises quelques années plus tôt."

M. Giroux a dit ceci aussi, en dehors de ce que vous avez pu citer, il me l'a envoyé lui-même comme un rappel et un témoignage personnel: "Vous ne m'avez jamais parlé de cette affaire - il s'adressait à moi - vous n'avez donc pu exercer sur moi quelque pression que ce soit."

M. Laferrière, que vous avez cité, dit: "J'ai voté en faveur de la résolution - le règlement, le 6 mars de 1979. Bien que j'aie tenu compte de la position prise par le chef du gouvernement, les motifs qui m'ont incité à prendre cette décision étaient essentiellement d'ordre administratif propre à la SEBJ."

Il me semble que si on ne veut pas comprendre qu'il y a des nuances dans les relations entre le chef d'un gouvernement et les administrateurs d'entreprises publiques, on peut faire semblant, on peut essayer de s'amuser à déchirer ses vêtements en public pour je ne sais pas quoi. Il y a une chose certaine, c'est qu'il y a un équilibre délicat; on a essayé de le respecter, on a fait connaître notre opinion, j'ai fait connaître mon opinion. Je crois qu'ils l'ont évaluée, ils l'ont assez évaluée en tout cas pour venir l'approfondir avec moi une fois, dans une rencontre, et ensuite, ils ont librement pris la décision, qu'ils auraient pu ne pas prendre - il y en a qui ont voté contre - d'accepter un règlement. Et, pour ce qui était de la forme du règlement, de son contenu, cela était leur affaire, ce n'était pas nos affaires.

M. Ciaccia: M. le premier ministre, est-il exact, maintenant que vous avez

mentionné tous ces noms, que M. Hébert a voté contre, que Mme Forget a voté contre - elle n'a pas été influencée - M. Boyd a voté contre - il n'a pas été influencé - M. Laliberté a voté pour, mais... je vais finir ma question - il a voté pour...

M. Lévesque (Taillon): Je voudrais quand même que vous teniez compte de ce que j'ai cité de M. Laliberté. Il dit: "J'avais déjà atteint cette même - il faudrait tout de même être équitable pour les gens qui ne sont pas ici...

M. Ciaccia: Oui, oui.

M. Lévesque (Taillon): ...j'avais moi-même pris la décision vers le 22 janvier ou avant le 22 janvier, alors, quand même...

M. Paradis: Son cheminement a commencé le 3 janvier après la rencontre avec...

M. Ciaccia: Mais le fait demeure que M. Laliberté a été celui qui a été approché par M. Boivin, le 3 janvier, pour montrer votre souhait. M. Laferrière a déjà été un permanent du Parti québécois. M. Thibodeau était un vice-président de la FTQ. M. Saulnier, d'après le vote au conseil d'administration...

M. Lalonde: II s'est abstenu.

M. Ciaccia: ...c'est écrit qu'il s'est abstenu, quoiqu'il est venu devant cette commission pour dire que, lorsqu'il s'abstient, il vote pour. Est-ce que c'est exact?

M. Lévesque (Taillon): Je ne vois pas le rapport.

M. Ciaccia: Ah! d'accord. C'est une question d'opinion, alors je ne vous poserai pas la question parce qu'elle serait irrecevable.

Je vais revenir à la question du mot "abandon". Est-ce que je vous ai bien compris quand vous avez référé à M. Laliberté et dit: Écoutez, c'est un profane, il n'a pas une formation... C'est un "laïc", il n'a pas une formation juridique, il a utilisé le mot "abandon", mais M. Boivin lui a dit: Réglez hors cour. Est-ce qu'il a parlé de règlement hors cour?

M. Lévesque (Taillon): Je vais essayer de vous expliquer de nouveau ce que j'ai pigé tout à l'heure, très rapidement, parce que vous revenez toujours avec le mot "abandonner". Il disait... Après tout, je n'ai pas été ici pendant toute la commission. Qui a dit cela et qui ne l'a pas dit?

C'est M. Laliberté qui a traduit comme cela, apparemment, ce que M. Boivin lui avait dit et, quand M. Boivin est venu témoigner, il m'a dit très clairement qu'il avait dit qu'il s'agissait d'un règlement hors cour. Cela peut se traduire en langage de profane par "abandonner", dans le sens de "sortir de la cour", "abandonner les procédures", mais cela n'exclut pas du tout un règlement.

M. Ciaccia: Si c'est l'explication, est-ce que vous pourriez concilier cette explication avec la réponse de M. Boivin, au ruban 1429, page 2, à la question suivante: Est-ce que c'était une démarche dans le but d'obtenir l'objectif, c'est-à-dire que la cause soil-abandonnée et qu'il y ait un règlement hors cour? Et Me Boivin répond: Oui.

Lui-même a accepté dans cette réponse que la cause soit abandonnée et, naturellement, qu'il y ait ensuite un règlement hors cour. Ce sont les deux mots... Abandon est le mot clé, abandon des poursuites et règlement hors cour.

M. Duhaime: M. le Président.

M. Lévesque (Taillon): M. le député, si vous tenez absolument à ce qu'on répète pour la vingtième fois la même chose, je veux bien, mais on peut faire aussi une sorte de concertation sur le dictionnaire des analogies.

M. Ciaccia: Bien, Me Boivin est avocat et il sait ce qu'il dit. Il a répondu: abandonner, oui, abandonner et un règlement hors cour.

M. Lévesque (Taillon): Dans la même phrase: abandonner les procédures ou la cause devant les tribunaux et essayer d'obtenir un règlement ou d'arriver à un règlement hors cour. Il me semble que cela ne prend pas la tête à Papineau.

Une voix: Mais il ne l'a pas, lui.

M. Ciaccia: Non, cela ne prend pas la tête à Papineau pour voir que c'est cela qui a causé le règlement ridicule parce qu'il fallait abandonner.

M. le Président, aux débats de l'Assemblée nationale du 23 mars, à la page 3, le premier ministre a dit, et je le cite: "Je m'engage dès maintenant, si c'est la commission parlementaire qui paraît la plus indiquée, en mon nom comme au nom du gouvernement, dans les plus brefs délais, que tous les gens qui sont intéressés, à commencer par votre serviteur, puissent aller à cette commission et faire la lumière."

Et, à la page 4 du 23 mars 1983, le premier ministre a ajouté, et je cite: "J'ajoute simplement ceci: le mandat le plus large possible, défini convenablement tout de même (...) les témoins qui ont quelque

rapport pourront être convoqués aussi longtemps qu'on le voudra et cela dans les meilleurs délais. Et là-dessus, non plus, je ne mens pas à la Chambre."

À la suite de ces deux déclarations, est-ce que je pourrais demander au premier ministre pourquoi le gouvernement refuse de convoquer M. Pouliot?

M. Lévesque (Taillon): Je me contenterai de répondre ceci: Cela me fait plaisir de retrouver cette expression parce que cela répond un peu à certaines objections que j'ai très mal comprises, d'ailleurs, parce que cela vient très tard, entre autres, du député de Marguerite-Bourgeoys sur le fait que la commission parlementaire n'est pas le meilleur instrument, etc. Si j'ai bien dit cela, je crois que c'est vrai puisque c'est au journal des Débats: Si c'est la commission parlementaire qui paraît le plus indiqué, bien, Seigneur! allons-y au plus tût. À ce moment, cela faisait l'affaire de tout le monde et je ne sais pas pourquoi on s'en plaint aujourd'hui.

Maintenant, aussi longtemps qu'on le voudra: Quand même, quand cela fait deux mois, il me semble que cela devrait commencer à suffire. Pour ce qui est de M. Giroux, il y a une motion, vous la discuterez.

Une voix: Pouliot.

M. Lévesque (Taillon): M. Pouliot, excusez-moi. Vous la discuterez.

M. Ciaccia: La motion, c'est devant la commission parlementaire. Je vous demande à vous, M. le premier ministre, à la suite de la déclaration que vous avez faite, êtes-vous prêt à appuyer le fait que M. Pouliot vienne devant cette commission?

M. Lévesque (Taillon): Je pense que vous aurez l'occasion d'en parler longuement et ne me forcez pas - de toute façon je résisterai à la tentation - de dire ce que je pourrais penser de tout cela, y compris de M. Pouliot comme témoin éventuel. Pouliot, c'est ça?

M. Lalonde: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Oui. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Cela concerne l'organisation de nos travaux. Est-ce que les derniers propos du premier ministre qui sont maintenant rendus un peu partout indiquent que le président ou la commission doit satisfaire le premier ministre sur la crédibilité d'un témoin avant qu'on l'invite? C'est une question qui concerne l'organisation de nos travaux. Cela m'apparaît tout à fait exorbitant, tout à fait... Cela répugne au principe de...

Le Président (M. Jolivet): M. le député...

M. Lalonde: ...justice naturelle.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je ne vois pas le ministre...

Le Président (M. Jolivet): M. le député...

M. Lalonde: ...tiquer parce que c'est...

Le Président (M. Jolivet): ...M. le député de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît! Vous m'avez posé une question concernant les travaux de cette commission. J'y ai répondu en disant que, lorsque le premier ministre aura été libéré des questions qu'on a à lui poser, il y aura une motion. Les gens auront la possibilité de dire tout ce qu'ils veulent. Je ne peux pas dire, au moment où je vous parle, ce que chacun va dire pour ou contre la motion. On verra à ce moment-là. Une question a été posée, c'est la réponse qu'a donnée le premier ministre au député de Mont-Royal.

M. Lalonde: Si vous me le permettez, je trouve cette réponse inacceptable, complètement...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, c'est votre droit...

M. Lalonde: ...répugnante...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, c'est votre droit de penser ce que vous voulez mais vous n'avez pas droit de parole, c'est le député de Mont-Royal qui l'a.

M. Lalonde: On n'en restera pas là.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal. S'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je voudrais demander au premier ministre comment il peut concilier les paroles qu'il a prononcées le 23 mars 1983 selon lesquelles - je le cite: "le mandat le plus large possible, défini convenablement tout de même. Les témoins qui ont quelque rapport pourront être convoqués aussi longtemps qu'on le voudra et cela dans les meilleurs délais et là-dessus non plus je ne mens pas à la Chambre." Comment peut-il concilier ces paroles avec son refus

d'accepter, avec son désaccord de convoquer M. Pouliot devant cette commission?

M. Lévesque (Taillon): Au point où on en est rendu, vous avez une motion. Vous l'avez présentée en plein milieu de l'interrogatoire auquel vous me faites participer, que vous m'infligez. Elle est là la motion, vous allez la discuter et plutôt que de... Le député de Mont-Royal a l'occasion parfois... Je me disais que M. Pouliot reviendrait avec votre motion. Alors, essayer d'y arriver par la bande... Simplement pour ne pas aller plus loin dans ce que j'ai à dire de M. Pouliot pour l'instant, j'ai remarqué à la lecture de ce que racontait le député de Marguerite-Bourgeoys, à partir d'un article de journal, que déjà tel que cité, ce M. Pouliot, par ouï-dire, a dit quelque chose qui a été démenti comme un sacré mensonge par Me Jasmin, le juge Jasmin, pour la petite partie du témoignage qu'il pouvait donner en dépit de son secret professionnel...

M. Lalonde: Ce n'est pas possible. On traite tout le monde de menteur...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! À l'ordre!

M. Lalonde: C'est absolument incroyable.

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre!

M. Lévesque (Taillon): Me Jasmin, sous serment, a dit ici qu'il...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaîtl

M. Lalonde: Est-ce qu'il faut avoir un billet de confession avant de venir témoigner ici?

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Ce n'est pas croyable. C'est du "cover-up".

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! Juste un instant... Oui, M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): J'aimerais finir ma phrase. Je n'ai pas besoin de jeter mon crayon sur la table comme les lunettes du député de Marguerite-Bourgeoys pour faire semblant de je ne sais pas quoi. J'ai simplement dit, très froidement, que cet après-midi il a été très clairement établi que M. Pouliot avait dit à un journaliste du Soleil quelque chose comme ceci: il s'était fait raconter - il prenait cela comme argent comptant - que Me Jasmin était venu parler de quantum, de montant de règlement jusque devant moi et Me Jasmin, sous serment - est-ce que je peux résumer ce que j'ai dit? - parce que là il n'était pas lié par le secret professionnel, a dit à toutes fins utiles que c'était un mensonge. Il a dit: Je n'ai jamais parlé de cela à M. Lévesque. Moi, j'ai répété ici, à partir des engagements de déclarations solennelles que j'ai et d'un certain serment d'office que je n'oublie pas, que moi aussi je pouvais dire que jamais il n'en avait été question. (21 heures)

Partant de là, M. Pouliot, vous verrez avec la motion, peut-être qu'il y aura des choses qui seront dites à ce moment. Ce n'est pas moi qui vais faire une bataille pour qu'il vienne ici.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement de la part du député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, j'espère que, comme président de la commission, vous n'acceptez pas cette philosophie, à savoir que si un témoin a dit quelque chose, un autre témoin n'a pas le droit de venir le contredire. Il semble qu'il y ait des témoignages contradictoires...

M. Duhaime: II n'a pas été question de cela.

M. Lalonde: II y a un témoin qui n'a pas eu le loisir de venir parce que le gouvernement n'a pas voulu l'accepter qui, semble-t-il, contredirait ce qu'un témoin, un membre de la famille aurait dit. À ce moment-là, pas le droit de le faire venir, parce qu'il va contredire un de nos péquistes et le premier ministre aussi...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, vous aurez l'occasion de discuter lors de la motion.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président. Le Président (M. Jolivet): À l'ordre. M. Lalonde: C'est du "cover-up". Le Président (M. Jolivet): À l'ordre. M. Lalonde: C'est du camouflage.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal. À l'ordre.

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais faire une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, sur une question de règlement.

M. Duhaime: Oui. Les règlements de l'Assemblée nationale sont très formels. Il est interdit à un membre de l'Assemblée nationale, qu'il soit à l'Assemblée nationale ou en commission parlementaire, de prêter des intentions à qui que ce soit.

M. Paradis: Ce sont des faits.

M. Duhaime: Voulez-vous qu'on rajuste votre martingale?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Cela allait bien durant la journée. La soirée est un peu plus chaude.

M. le député. S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, le député de Marguerite-Bourgeoys aura beau faire état de ses états d'âme pendant encore deux mois, s'il veut, sur la question de M. Pouliot, puisqu'on en parle maintenant, M. Pouliot, tout ce que je peux dire, ce qui a été rapporté dans le journal Le Soleil, on vient juste d'en parler, c'est du ouï-dire. C'est la première chose qu'on apprend au premier cours de droit en procédure civile ou en procédure criminelle que c'est une preuve qui est inadmissible...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je vais malheureusement être obligé de vous arrêter, parce que j'aimerais mieux savoir quelle est votre question de règlement.

M. Duhaime: Quand le député de Marguerite-Bourgeoys dit, confortablement installé, qu'il se fait une opération de "cover-up" peut-être qu'il songe à son petit Watergate. Mais ce que je lui dis essentiellement, c'est qu'il ne peut s'agir de quelque opération dans le sens que lui le croit, puisque ce qui peut être mis en preuve et déposé devant cette commission, M. le Président, et vous le savez très bien, ce doit l'être conformément à nos règlements. Or, la preuve de ouï-dire n'est pas admissible. C'est fondamentalement le fond de tout ce que M. Pouliot rapporte à ce jour dans le journal.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau, question de règlement. Nous sommes embarqués dans un...

M. Gratton: Je vous rappelle seulement que vous avez vous-même déjà décidé, il y a quelques minutes, que la question du ministre n'était pas une question de règlement. Alors, est-ce qu'on pourrait passer à autre chose?

M. Duhaime: II n'a pas décidé cela.

Le Président (M. Jolivet): Non, c'est parce que le ministre m'a dit: Je reviens à la question de règlement, c'est pour cela que je l'avais interrompu.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, M. le premier ministre, si ce que vous dites est exact, à savoir que vous ne croyez pas M. Pouliot, ne serait-ce pas dans l'intérêt de votre gouvernement, dans votre intérêt et dans l'intérêt de la vérité de le convoquer ici? Tout le monde pourrait le questionner et si ce n'est pas vrai ce qu'il a dit, vous allez pouvoir le questionner. Ne trouvez-vous pas...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, M. le député, je dois vous arrêter parce que vous êtes en train de faire indirectement ce que le règlement ne vous permet pas. II y a une motion; vous aurez le droit de dire tout ce que vous voulez sur la motion quand elle sera débattable. Pour le moment... Je m'excuse M. le député de Laporte, tout ce que je dis, c'est que je ne permettrai même pas une réponse, parce que je ne permets pas la question.

M. le député, voulez-vous passer à un autre sujet parce que ce sujet on le discutera lors de la motion.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: D'accord. N'est-il pas exact, M. le premier ministre, que dans l'engagement que vous avez pris quant à la commission parlementaire et les témoins qui doivent être convoqués à la commission parlementaire, vous avez dit: "Je m'engage dès maintenant, si c'est la commission parlementaire qui m'apparaît le plus indiquée, en mon nom et au nom du gouvernement..." C'est un engagement que vous avez pris au nom du gouvernement. Pourquoi sommes-nous obligés de faire une motion maintenant alors que vous avez pris cet engagement au nom du gouvernement qu'on pouvait entendre les témoins?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je dois dire que c'est parce que la présidence de la commission, à la suite de vos demandes, a dit qu'il fallait une motion pour en discuter. Je vous demande de passer à autre chose pour la deuxième fois.

M. Ciaccia: Ce n'est pas la même... Le Président (M. Jolivet): M. le

député...

M. Ciaccia: ...question de règlement. Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que je pourrais vous demander une directive.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Ciaccia: Comment pourrais-je demander au premier ministre de donner suite aux engagements qu'il a pris lui-même à l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je dois vous dire - je vais le rappeler encore une fois pour les besoins - que quel que soit l'ensemble des autres personnes à être convoquées devant cette commission, la présidence n'a rien à y voir. La présidence, ce qu'elle a constaté, c'est qu'il n'y a pas chez l'ensemble des gens de la commission, unanimité sur d'autres personnes à être entendues à cette commission. Par conséquent, la seule façon d'y venir, c'est par des motions. Il y en a une sur la table, s'il y en a d'autres, on les discutera en temps et lieu.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, M. le Président, vous me dites que je ne peux pas interroger le premier ministre sur ses engagements?

Le Président (M. Jolivet): Vous le...

M. Ciaccia: Je ne demande pas à la présidence sur qui devrait être...

Le Président (M. Jolivet): Je vais vous répondre...

M. Ciaccia: Je voudrais interroger le premier ministre...

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Ciaccia: ...sur les engagements qu'il a pris à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Jolivet): D'accord, vous poserez la question à l'Assemblée nationale, pas à la commission. Non, à l'Assemblée nationale.

M. Ciaccia: Est-ce que vous pourriez m'indiquer - c'est une autre directive, M. le Président - le règlement qui m'empêche de poser une question en commission, mais qui me dit que je devrais la poser à l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je dois dire qu'on dit, en vue du mandat, d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard. Quant à moi, c'est le mandat que j'ai, ici. On a eu plusieurs questions qui ont été posées. Chaque fois, j'ai permis, au début des commissions, que des questions soient posées au ministre responsable de la commission parlementaire. À partir du moment où je lui ai permis... Parce que c'étaient les préliminaires des journées ou des débuts de semaine, à un certain moment donné, le ministre a indiqué qu'il n'était aucunement question... Des questions ont été posées à l'Assemblée nationale. J'ai dit que la seule façon de faire en sorte que le président, par l'intermédiaire de la commission parlementaire, soit prêt à entendre, pour l'ensemble des membres de la commission, d'autres personnes que celles qui avaient été données par le leader de l'Assemblée nationale, c'était d'y aller par motion. C'est la seule façon d'en sortir.

M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas mettre en doute votre décision, je l'accepte. La question que je posais est qu'on avait un engagement du gouvernement, du premier ministre, et je voulais...

M. Tremblay: M. le Président, question de règlement.

M. Ciaccia: ...tout simplement être en mesure... Je voulais savoir comment je pouvais interroger le premier ministre sur son engagement. C'est lui-même qui a fait...

Le Président (M. Jolivet): Je vous ai répondu.

M. Ciaccia: C'est lui-même, M. le Président, le premier ministre qui a dit qu'il se présenterait lui aussi à cette commission parlementaire...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal, j'ai répondu que les questions que vous pourriez poser sur ce sujet, vous les poserez à l'Assemblée nationale sur des choses qui ont été dites à l'Assemblée nationale. Ici, à cette commission, ce n'est pas le mandat que j'ai d'interroger sur des réponses données à l'Assemblée nationale. En conséquence, vous poserez vos questions là où elles doivent être posées. En deuxième lieu, si vous voulez que d'autres personnes... Le règlement dit que les personnes à inviter doivent être invitées par la commission si le leader de l'Assemblée nationale ne les invite pas. C'est par motion que cela se fait ici à cette commission et à toutes les

commissions.

M. Gratton: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Si j'ai bien compris, vous dites qu'on ne peut pas poser de questions ici qui découlent de questions qui ont été soulevées à l'Assemblée nationale. J'aimerais vous demander ce qu'on fait ici depuis neuf semaines, parce que tout découle d'une question et d'une réponse que le premier ministre a donnée le 20 février 1979. Franchement, vous m'avez perdu.

Le Président (M. Jolivet): Oui, je vous ai perdu. Comme on a souvent l'occasion, vous et moi, de nous entendre facilement quand le bon sens a le dessus. Je dois vous dire que le mandat que j'ai ici est un mandat qui nous a été donné à la suite d'une question posée à l'Assemblée nationale et à une réponse donnée à l'Assemblée nationale au moment où on devait déterminer si oui ou non il devait y avoir la nomination d'un nouveau président à l'Assemblée nationale. Rappelez-vous les faits. En conséquence, un mandat a été donné et je n'ai qu'à faire respecter le mandat. Je n'ai pas à savoir ici, à cette commission, ce qui se passe dans d'autres lieux mais ce qu'il y a ici, à cette commission. Si vous n'êtes pas satisfaits des questions et des réponses posées à l'Assemblée nationale, vous avez deux façons d'agir. Premièrement, demain à la période de questions à l'Assemblée nationale, vous pouvez poser des questions au premier ministre et si vous n'êtes pas contents des réponses données - on l'a vu encore cet après-midi - c'est de faire un mini-débat à 22 heures si on termine à 22 heures, à minuit si on termine à minuit ou à six heures si on termine à six heures.

M. Gratton: Mais, M. le Président, quand on a posé la question à savoir: Pourrions-nous entendre toutes les personnes susceptibles d'éclairer la commission? Cela a été fait la même journée, le 23 mars, où le premier ministre a promis qu'il y aurait une commission parlementaire. C'est le lendemain qu'on a connu le mandat. Je dois présumer que le mandat incluait les engagements que le premier ministre avait pris la même journée, le 23 mars, à savoir qu'il prenait l'engagement, au nom de son gouvernement, de permettre d'entendre tous ceux qui auraient quelque chose à dire pour éclairer la commission. Les questions que pose le député de Mont-Royal...

M. Tremblay: Question de règlement. Le Président (M. Jolivet): M. le député de Chambly, sur une question de règlement.

M. Gratton: Est-ce qu'il a le droit de parler quand le premier ministre est là?

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Chambly.

M. Gratton: À la bonne heurel

Le Président (M. Jolivet): M. le député. S'il vous plaît! M. le député de Chambly.

M. Tremblay: M. le Président, même si...

M. Lalonde: Vous êtes noté...

Une voix: Le prochain adjoint parlementaire.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Tremblay: ...les libéraux, présentement, disent qu'ils ne veulent pas mettre en cause votre décision, c'est ce qu'ils font. Je pense que ce serait le moment de leur rappeler l'article de notre règlement, l'article 43,2 qui dit: "Lorsque le président rend sa décision, il indique ce qui la justifie et il n'est pas permis de la critiquer ni de revenir sur la question décidée; il en est de même lorsque le président décide de laisser l'Assemblée se prononcer sur une question". J'ajouterais, M. le Président, si vous me le permettez, qu'il existe aussi l'article 68 de notre règlement qui permet à un député qui n'est pas satisfait d'une décision d'un président...

Le Président (M. Jolivet): C'est la troisième fois que je me le fais dire, ici à cette commission. Je le connais.

M. Lalonde: Quel article déjà?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, ce n'est pas nécessaire de me le rappeler.

M. Lalonde: Non. Mais est-ce qu'on pourrait savoir le numéro de l'article?

Le Président (M. Jolivet): L'article 68.

M. Tremblay: M. le Président, j'étais convaincu que vous le connaissiez...

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Tremblay: ...mais il semble que, si les libéraux ne sont pas satisfaits de vos décisions, ils ont des recours.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, ce n'est pas nécessaire de me le rappeler.

Tout ce que je veux simplement dire au député de - je pense qu'on va clore le débat sur cette question, M. le député de Gatineau - c'est que, effectivement, le président de la commission ne peut, en aucune façon, de son propre chef, convoquer qui que ce soit à cette commission. C'est la prérogative du leader de l'Assemblée nationale qui donne des... S'il vous plaît! S'il vous plaît! Le leader de l'Assemblée nationale donne à la...

M. Lalonde: Du gouvernement.

Le Président (M. Jolivet): Du gouvernement, je m'excuse. C'est le leader du gouvernement qui doit, à ce moment-là, envoyer au Secrétariat des commissions parlementaires une lettre indiquant les personnes qui doivent être convoquées à cette commission. À partir de ce moment-là, le greffier responsable de la commission fait les convocations qui importent. Toute autre personne sera donc convoquée si la commission, par une motion, en décide, si le leader, de son propre chef, ne l'a pas décidé ainsi. L'autre question qui était à être débattue et qui, à mon avis, a reçu toutes les indications nécessaires, c'est que des questions ont été posées à l'Assemblée nationale, des réponses ont été données à l'Assemblée nationale et c'est là que doivent se régler les problèmes qui n'ont pas à être réglés ici.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le premier ministre, si je comprends bien, je ne peux pas vous questionner sur la déclaration que vous avez faite à l'Assemblée nationale. Mais est-ce que je peux vous demander: Êtes-vous prêt à répéter ici, à cette commission parlementaire, l'engagement que vous avez pris à l'Assemblée nationale à savoir que tous les gens qui sont intéressés, à commencer par votre serviteur, puissent aller à cette commission et faire la lumière?

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, en soulignant que j'avais dit ceci aussi, le 23 mars: "J'ajoute simplement ceci: le mandat le plus large possible, défini convenablement tout de même; les témoins qui ont quelque rapport pourront être convoqués aussi longtemps qu'on le voudra - Dieu sait qu'on ne s'est pas privé pour les convoquer longtemps et les garder longtemps - et cela dans les meilleurs délais". D'ailleurs, je me souviens que mon homonyme, M. Gérard-D. Lévesque, qui est encore le chef de l'Opposition et député de Bonaventure, disait ceci une minute après: "Très rapidement - en terminant - est-ce que le premier ministre peut assurer cette Chambre que cette commission parlementaire aura lieu avant le congé pascal - on était autour du mercredi saint, je crois; non, on était la semaine d'avant, je crois - aura lieu, autrement dit -c'est M. Lévesque de Bonaventure qui parle -dès la semaine prochaine et, si c'est possible, avant la semaine prochaine? Le premier ministre peut-il nous donner cette assurance?" (21 h 15)

Alors, j'ai répondu: "Je vais répondre affirmativement parce que j'aurais aimé que cette commission suive immédiatement le titre invraisemblable, complètement injustifié qu'un journal s'est permis de faire là-dessus." Sans compter l'article, quand on le lit avec attention. Bon. Donc, tout témoin qui a quelque rapport. Vous en avez eu, Dieu sait, une salade de témoins, tous ceux qui touchaient de près ou de loin à la cause directement: les procureurs, tous les administrateurs d'Hydro-Québec, mon chef de cabinet, même certains un peu hors-d'oeuvre, comme M. Daniel Latouche dont on s'est vite rendu compte qu'il n'avait pas de rapport, et puis votre serviteur. Maintenant, il y a une motion. Vous en voulez d'autres. Il semble que votre équipe considère que le rapport de M. Pouliot, auquel vous tenez beaucoup, comme vous teniez beaucoup - je ne sais pas si c'est encore vrai - à M. Yvan Latouche qui, tout de même, vous l'admettrez, étant payé par le Parti libéral, au moins en partie, fait un curieux témoin... Enfin! M. Pouliot, il y a d'autres raisons qui ont justifié notre équipe de dire: II n'a pas...

M. Lalonde: Les autres sont payés par vous autres.

M. Gratton: Voyons donc! Une voix: II n'est pas bon, là.

M. Lévesque (Taillon): II n'a pas de rapport justifiable...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Lévesque (Taillon): II n'a pas de rapport justifiable, d'après nous, comme équipe, avec l'ensemble de la situation. Mais cela va être débattu dans une motion. Je ne peux tout de même pas commencer à anticiper sur la motion. Je dis: Oui, pour autant que quelqu'un a un rapport, un rapport valable, pertinent, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas entendu. Mais notre opinion, comme équipe, c'est que ce n'est pas vrai. Et je suppose qu'il y aura des raisons de données dans la motion.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Devons-nous attacher alors la même crédibilité à votre déclaration du 20 février 1979 qu'à votre déclaration du 23 mars?

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que cela fait partie de vos commentaires, M. le député, ou si c'est une demande...

M. Ciaccia: Non, c'est une question. Le Président (M. Jolivet): Mais...

M. Lalonde: C'est une question très importante.

Le Président (M. Jolivet): Je pense, M. le député...

M. Lalonde: Elle est drôlement importante.

Le Président (M. Jolivet): ...que c'est une question d'opinion.

M. Lalonde: On va le laisser terminer sa question, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Elle est terminée. Elle n'est pas recevable. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je n'ai plus de questions, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Vous n'avez plus de questions.

M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Laplante: Surveillez la porno!

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous platti

M. le député de Bourassa, s'il vous plaît, aidez-moil M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je suis bien heureux de pouvoir intervenir à ce moment-ci. Comme préambule aux questions que je voudrais poser à M. Lévesque, pour le bénéfice de ce dernier qui n'a pas eu l'avantage ou qui nous a indiqué aujourd'hui qu'il n'avait pas suivi l'ensemble de nos travaux, il comprendra, par les questions que je veux lui poser ce soir, que je fais référence, plus particulièrement, à un aspect du dossier et du règlement hors cour, intervenu à la suite de la poursuite entreprise par la SEBO après le saccage de la Baie-James. Vous aurez constaté, M. le premier ministre, si vous avez suivi un peu, que chacun d'entre nous a abordé certains aspects. L'un des aspects importants, c'est le moins qu'on puisse dire, qui apparaît dans vos commentaires et même dans votre déclaration d'aujourd'hui comme étant primordial à certains égards, c'est la notion de capacité de payer des syndicats.

J'aurais presque envie de vous poser une première petite question. Je suis persuadé que vous allez être d'accord avec moi. À la page 10 de votre document, vous dites, et je vous cite, au dernier paragraphe, lorsque vous vous référez à M. Boyd et à la rencontre que vous avez eue avec lui, et d'autres de vos collègues ou collaborateurs: "Parce qu'effectivement l'attitude du président de l'Hydro, M. Boyd, avait fini par m'excéder. C'était une attitude littéralement braquée, qui me semblait avoir quelque chose de vengeur, comme s'il s'était agi de punir une sorte de crime de lèse-majesté." J'en retiens que ce n'était certainement pas un crime de lèse-majesté, parce qu'on sait que c'est le gouvernement, et plus particulièrement le chef du gouvernement dont vous êtes, qui représente la couronne et Sa Majesté, mais c'était plutôt un crime de lèse-citoyens, en ce que les citoyens et les citoyennes du Québec ont eu à payer le prix des dommages qui ont été subis à la Baie-James, qui ont été faits là-bas et pour lesquels une réclamation de 32 000 000 $ a été présentée devant la Cour supérieure. Vous me direz ou quiconque pourrait soutenir que le montant de la réclamation était de 32 000 000 $, mais que cela ne représentait peut-être pas pour autant le montant qui aurait pu être octroyé en vertu d'un jugement. Mais je me permets de me référer à M. Boyd et à son témoignage sous serment devant cette commission, disant qu'ils étaient assurés d'aller chercher au moins 17 000 000 $ ou 18 000 000 $.

À la page 2 de votre document, vous dites: "Comme chef du gouvernement représentant politique des citoyens propriétaires de l'entreprise - et c'est exact - c'était de mon devoir le plus strict de me faire une opinion et, le cas échéant, de la faire connaître à qui de droit". Par la suite et à la lumière des réponses que vous avez données à certains de mes collègues aujourd'hui, vous avez indiqué le processus auquel vous vous êtes livré pour vous faire une opinion. Or, dans la réponse que vous avez donnée à mon honorable collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys, le 20 février 1979 - qu'on a eu le privilège de voir ensemble cet après-midi - vous indiquez -vous pourrez me corrigez si je ne vous cite pas exactement - "qu'on a constaté, et c'est l'opinion, que les syndicats québécois étaient insolvables". J'aimerais, tout d'abord, que vous me donniez votre définition du terme "solvabilité".

M. Lévesque (Taillon): D'abord, je voudrais seulement reprendre en un mot ce que le député de Portneuf a dit, d'abord, à propos de M. Boyd. M. Boyd a peut-être dit - il me semble que je l'ai mentionné - qu'il y avait des gros chiffres - je pense que c'étaient les deux chiffres essentiels - qui flottaient dans le paysage; le premier, c'était

la poursuite de 32 000 000 $. C'était la réclamation devant les tribunaux. Il y avait également ce chiffre, je pense, qui a été évoqué ici à la commission de 17 000 000 $ ou 18 000 000 $. Que M. Boyd ait dit qu'il était assuré de récupérer 17 000 000 $ ou 18 000 000 $, c'est son droit. Mais vous admettrez que c'est une opinion. Or, nous, notre opinion est que des sommes de cet ordre-là, s'il s'agissait des syndicats québécois, étaient absolument farfelues au point de vue pratique, au point de vue de la capacité de les récupérer. "Insolvable", sans entrer dans des définitions scientifiques, c'est toujours relatif. Insolvables par rapport à des sommes pareilles, oui, on en était profondément convaincu. Je pense que toutes les études qui ont pu se faire ensuite, y compris les conclusions de la Société d'énergie de la Baie James, car elle était équipée pour le faire et c'était à elle de négocier ces choses-là, ont démontré que des chiffres comme ceux-là étaient invraisemblables. Mais pas insolvables au point de n'être capables de rien payer puisque, finalement, ils ont payé quelque chose. Alors, tout est toujours relatif dans ces choses-là.

M. Pagé: Vous avez référé à un aspect important. Il y a eu des consultations, des échanges. Vous avez, dans certains cas, pris connaissance de certains documents. Dans d'autres, vous n'avez pas pris connaissance de certains documents. Vous vous êtes limité à vous référer ou à tenir pour acquis ce dont votre chef de cabinet, Me Jean-Roch Boivin, vous faisait part. Essentiellement, vous vous êtes formé une opinion. Avant d'en arriver à l'expression de l'opinion que vous avez, finalement, formulée avant la rencontre du 3 janvier entre Me Boivin et M. le président de la SEBJ, M. Laliberté, sur quoi vous êtes-vous appuyé pour former votre opinion? Plus particulièrement, j'apprécierais si vous pouviez nous indiquer si vous êtes disposé à déposer ici, en commission, les documents dont vous avez vous-même pris connaissance, que vous avez étudiés, analysés et scrutés pour vous former une opinion sur la capacité ou non de payer des syndicats.

M. Lévesque (Taillon): II faudrait que j'essaie de retrouver plus en détail ce qui nous avait permis de nous faire cette opinion sur l'insolvabilité relative, c'est-à-dire par rapport à des sommes pareilles, des syndicats québécois. Je crois que, normalement, cela a dû venir essentiellement des nouvelles et des faits qu'on pouvait obtenir, enfin, au moins en consultation. C'est probablement chez Me Boivin que cela a eu lieu. En ce qui concernait la capacité de payer des syndicats, ce sont leurs procureurs qui étaient les mieux placés pour en parler. Mais n'oublions pas - je pense que Me Boivin l'a souligné - que, sans aller plus loin dans tout cela, on avait laissé et conseillé même, sauf erreur, à la Société d'énergie de la Baie James de faire les vérifications. Après tout, c'était à elle de négocier, pas à nous. Je suppose qu'elle l'a fait. Enfin, elle était équipée pour le faire et elle a du très nettement vérifier. C'étaient des hommes honorables nommés là pour défendre l'intérêt public quand ils négociaient; ils ont sûrement négocié à partir de leur connaissance des faits.

M. Pagé: M. Lévesque, avez-vous à un moment ou l'autre, avant de vous former une opinion sur la capacité de payer des syndicats, demandé à votre chef de cabinet, M. Jean-Roch Boivin, d'étudier cette question?

M. Lévesque (Taillon): De façon spécifique, je ne m'en souviens pas; je ne crois pas, mais je ne m'en souviens pas, en tout cas.

M. Pagé: Vous ne croyez pas.

M. Lévesque (Taillon): Je ne crois pas. Mais écoutez!

M. Pagé: Au cours de cette période et toujours avant de vous former une opinion, M. Lévesque, avez-vous demandé au notaire Gauthier - qui travaillait chez vous à l'époque comme attaché politique ou secrétaire particulier depuis quelques mois et dont l'expérience au sein des syndicats était toute récente, c'est le moins qu'on puisse dire puisqu'il avait été tuteur d'un syndicat important qui était, d'ailleurs, au dossier de la SEBJ en termes de réclamations et de poursuites - de vous fournir un rapport, de vous indiquer ses commentaires, son jugement, son appréciation sur la capacité de payer des syndicats?

M. Lévesque (Taillon): Je ne crois pas. Je ne dis pas que c'est impossible parce que c'est vrai qu'il avait une connaissance récente de l'état de ces caisses. Ce n'est pas impossible, je ne me souviens pas du tout d'avoir spécifiquement demandé cela à Me Gauthier.

M. Pagé: Vous ne vous rappelez pas?

M. Lévesque (Taillon): Absolument pas. Il n'était pas mêlé, d'ailleurs, au dossier à ce moment, mais enfin!

Le Président (M. Jolivet): Avant d'aller plus loin, M. le député, simplement pour vous rappeler que nous avons conclu ce matin que le premier ministre, venant de son siège en vertu du règlement 99-6, doit être désigné soit par son titre comme premier ministre ou

comme député de Taillon. C'est simplement un rappel amical.

M. Pagé: II n'est pas membre de la commission?

Le Président (M. Jolivet): II est invité à la commission. Comme député, il est soumis aux mêmes règles. C'est simplement pour vous le rappeler.

M. Tremblay: Le député est venu faire son tour à la télévision et là il s'en retourne.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Pagé: M. le Président, je vais référer à M. Lévesque en l'appelant M. le premier ministre. Je n'ai aucune objection à cela, quant à moi.

Une autre question à M. le premier ministre. Vous avez eu l'occasion en 1978 de rencontrer au moins à une reprise M. Louis Laberge, président de la Fédération des travailleurs du Québec. On a référé à une rencontre qui s'est tenue ou qui se serait tenue, entre autres, en juin 1978, dont le sujet principal était ou aurait été l'étude du projet de loi no 52 ici à l'Assemblée nationale. Je voudrais vous demander si, au cours de cette rencontre, à d'autres moments, lors de rencontres fortuites, remises de plaques, cocktails ou autres événements, à votre bureau ou ailleurs...

M. Paradis: "Party" d'huîtres.

M. Pagé: ..."party" d'huîtres ou autres, peu importe, vous pouvez affirmer, M. le premier ministre, qu'en aucun temps, ni directement ni indirectement, ni de près ni de loin, M. Laberge a référé à la capacité de payer des syndicats qui aurait été, évidemment, limitée, selon lui.

M. Lévesque (Taillon): Écoutez, entre juin 1978 et le moment où il a voulu nous alerter en téléphonant à Me Boivin pour lui dire que cela s'en venait, le procès, c'est-à-dire la fin de novembre ou le début de décembre et la fin de l'année, j'ai probablement - on peut faire une enquête si vous voulez et je vais voir tous les rendez-vous que j'ai pu avoir ou les rencontres fortuites ou autres que j'ai pu avoir - eu l'occasion de rencontrer M. Laberge, mais je ne pourrais pas vous le dire. À part cela, au détour d'une conversation qui portait beaucoup plus sur le projet de loi en question, parce que c'était cela la raison de la rencontre de juin 1978, je ne suis pas sûr, mais il me semble que oui, ils ont mentionné qu'ils étaient devant les tribunaux et qu'ils n'aimaient pas cela, ou une chose du genre.

Après tout, c'est normal. Mais c'est à peu près le seul souvenir que je peux retracer, puis encore il est assez flou. Je ne crois pas, quelles que soient les rencontres qui aient pu survenir entre-temps, que M. Laberge ait parlé de cela. Il a fait un spécial pour téléphoner à Me Boivin vers la fin de 1978 pour dire: Est-ce que vous pourriez vous occuper de cela, vous faire une opinion? Enfin, je pense bien qu'on aimerait mieux que cela n'ait pas lieu. Et c'est là que s'est enchaînée la première rencontre avec leur procureur, Me Jasmin. (21 h 30)

M. Pagé: Dois-je comprendre, M. le premier ministre, que, pour vous forger une opinion sur la capacité de payer des syndicats, vous vous êtes limité à l'opinion émise par votre chef de cabinet, Me Jean-Roch Boivin, lequel s'appuyait sur des commentaires des deux procureurs des défendeurs, Me Jasmin et Me Beaulé?

M. Lévesque (Taillon): M. Page, autant que je m'en souvienne, c'était essentiellement cela, sauf que vous devriez peut-être ajouter - parce que tout cela restait une décision à prendre et que c'était notre conviction, qu'on avait bâtie à même les moyens du bord, que des sommes comme celles-là étaient absolument hors de portée par rapport aux syndicats québécois - qu'on a eu la prudence - je pense que c'est Me Boivin qui l'a dit ici dans son témoignage -de ne pas se prendre pour d'autres et, puisqu'ils avaient à négocier un règlement s'ils décidaient d'essayer d'en faire un, c'était à la Société d'énergie de la Baie James de s'en occuper. On a eu la prudence, Me Boivin l'a eue, de dire à M. Laliberté, je pense: À partir de là, "checkez" leurs finances ils ont eu des rapports, d'ailleurs, et c'est à partir de là, je suppose, qu'ils ont négocié.

M. Pagé: J'ai presque envie de vous demander, M. le premier ministre, si vous avez vu souvent dans votre vie des demandeurs s'appuyer sur l'opinion émise par les avocats des défendeurs. Je présume qu'il est rare que les avocats des défendeurs vont vanter auprès du demandeur la capacité énorme de payer de leur client. Mais je vais m'en abstenir parce que probablement que M. le Président m'arrêterait.

Est-ce que vous avez communiqué avec M. Pierre-Marc Johnson, ministre du Travail, sur la capacité de payer des syndicats?

M. Lévesque (Taillon): Non. Sûrement pas.

M. Pagé: Avez-vous demandé à votre chef de cabinet, Me Jean-Roch Boivin, s'il s'était au moins donné la peine de prendre le téléphone ou d'avoir une communication avec

le ministre du Travail, M. Pierre-Marc Johnson, qui est bien au fait ou qui peut facilement être informé des cotisations syndicales et aussi de la capacité de payer des syndicats par l'Office de la construction du Québec, M. le premier ministre?

M. Lévesque (Taillon): On n'avait pas besoin de faire tout cela pour la bonne et simple raison...

M. Pagé: Votre opinion était faite.

M. Lévesque (Taillon): ...que notre opinion était faite que ces sommes, d'après une sorte de commune renommée qui nous était parvenue - ne me demandez pas exactement les détails de cet aspect de notre opinion - étaient invraisemblables en ce qui concernait les syndicats québécois impliqués. Et parce que ce n'était pas à nous de finaliser une opinion là-dessus, on leur a demandé prudemment - je pense que c'est à M. Laliberté - de prendre leurs responsabilités d'administrateurs et d'examiner cela. On n'était pas équipés, on n'a pas un bureau qui a toute une... On n'a même pas un service de recherche au bureau, à Montréal. On a un tout petit personnel et ce n'était pas à nous de commencer à entrer dans toute cette plomberie. D'ailleurs, il y a eu ici la preuve que cela s'est fait. Il y a eu ici de déposée - on vient de me la montrer - une espèce d'évaluation que vous pouvez consulter et qu'on n'avait pas à consulter à ce moment. Ce n'était pas nous qui décidions des quanta. Si la Société d'énergie de la Baie James avait décidé: On ne règle pas parce que ce n'est pas raisonnable, etc., je suppose qu'ils auraient eu la courtoisie de venir me le dire et le dire: C'est bien malheureux, il n'y aura pas de règlement parce que ce n'est pas correct. C'était leur droit le plus absolu, ce n'était pas à nous de le faire à leur place.

M. Pagé: M. le premier ministre, dois-je comprendre que vous dites par votre réponse que, parce que vous aviez un tout petit bureau à Montréal et pas un gros bureau de recherche là-bas, etc., vous n'étiez pas en mesure de connaître la capacité de payer des syndicats?

M. Lévesque (Taillon): Ce n'est pas cela la question. Je dis simplement que cela ne valait pas la peine de mobiliser le peu de ressources directes ou de déranger tout le monde dans le gouvernement pour cela, puisque la Société d'énergie de la Baie James, qui était demanderesse et qui était cela qui, en vue d'un règlement éventuel, devait le négocier, n'avait qu'à vérifier ces choses, ce que, semble-t-il, elle a fait.

M. Pagé: Votre opinion à vous, vous vous l'êtes faite à partir de quoi?

M. Lévesque (Taillon): À partir du fait que d'après tout ce qu'on pouvait apprendre en cours de route - et je ne me souviens pas des détails des éléments parce qu'on n'en a pas fait une étude exhaustive - il semblait assez évident que, si le syndicat américain n'était pas responsable, il n'y avait pas de solvabilité par rapport à des sommes pareilles dans les syndicats québécois impliqués. Ensuite, cela ayant été étudié par la Société d'énergie de la Baie James qui avait à décider tout cela, il semblait que c'était confirmé.

M. Pagé: Dois-je comprendre, M. le premier ministre, que, lorsque vous avez entendu dire en cours de route qu'ils étaient insolvables, vous n'avez pas jugé opportun d'aller vérifier à la bonne place, là où vous auriez pu le savoir facilement par un simple coup de téléphone?

M. Duhaime: M. le Président, j'aurais une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: On dirait que le député de Portneuf vient de descendre en commission parlementaire à bord d'un parachute. Cela a été déposé ici, en commission parlementaire, aux pages 116, 117, 118 du cahier déposé par les procureurs Geoffrion et Prud'homme sous la rubrique correspondance. Le local 791, dans l'état de ses revenus et dépenses - le député de Portneuf fait état des millions de revenus, mais il oublie les dépenses - pour l'année 1978: les revenus, 1 572 000 $...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: ...les dépenses 1 455 000 $.

M. Lalonde: Cela n'est pas une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, encore une fois, vous avez pris une question de règlement pour un droit de parole que vous n'avez pas, malheureusement. La parole est au député de Portneuf, elle n'est pas au ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais faire une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): J'aimerais bien la connaître, mais le problème que j'ai, c'est qu'à chaque fois que vous faites une question de règlement, M. le ministre, vous commencez par un commentaire qui n'a pas

lieu d'exister sur la question de règlement. Si vous avez une question de règlement, je suis prêt à l'entendre.

M. Duhaime: Je vais faire une question de règlement. Tout à l'heure, le député de Portneuf a laissé tomber un commentaire que les comptables agréés du bureau Brisbane, Baird & Co. du 280 Dorval, à Dorval vont bien apprécier, dans le genre: Les procureurs des syndicats défendeurs...

Une voix: Encore antiréglementaire.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre...

M. Duhaime: ...n'ont peut-être pas montré le vrai visage de...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je pourrai vous donner la parole aussitôt que le député de Portneuf aura terminé ses questions. Vous pourrez faire tous les commentaires que vous voulez, mais la parole est au député de Portneuf. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je vais vous dire que, lorsque j'arrive ici en parachute, au moins le mien est ouvert, tandis que le vôtre est toujours fermé et cela arrive, "plouc", au beau milieu et on ne sait pas d'où.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf, continuez vos questions.

M. Pagé: M. le Président, je voudrais demander au premier ministre... Je demanderais de ne pas être interrompu. Je n'ai interrompu personne sur des questions de règlement aujourd'hui. J'ai été d'une...

Le Président (M. Jolivet): On ne peut pas les empêcher, M. le député. J'ai bien remarqué, comme vous le dites, que vous n'avez interrompu personne. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Dois-je comprendre qu'alors que vous en aviez eu vent, qu'on vous avait informé, que vous aviez entendu dire à gauche et à droite qu'ils n'avaient pas la capacité de payer, vous vous êtes limité à ces informations pour former vous-même votre jugement, d'où votre décision, et que vous n'avez pas cru opportun d'aller vérifier là où vous auriez pu avoir les chiffres des cotisations syndicales, de revenus aux différentes instances syndicales affectées et touchées par la poursuite, par les membres du Conseil provincial des métiers de la construction du Québec?

M. Lévesque (Taillon): Est-ce que je peux répondre?

M. Pagé: Oui.

M. Lévesque (Taillon): Bon. Si vous vous donnez la peine de regarder de nouveau ce que j'ai eu à dire, soit en Chambre en février 1979, soit ici dans ma déclaration, vous verrez que, pour l'essentiel de ce que vous appelez une décision, mais qui est, en fait, une opinion très ferme qu'on s'était formée, que je m'étais formée et qui montrait qu'il était indiqué dans l'intérêt public, dans l'intérêt éventuel directement aussi d'Hydro-Québec, de la Société d'énergie de la Baie James, d'arriver, si possible, à un règlement hors cour, les raisons fondamentales étaient, premièrement, que les procureurs disaient eux-mêmes que l'élément de rentabilité possible de cette poursuite énorme de 32 000 000 $ était le syndicat américain. On s'était fait une opinion très claire qu'il aurait été profondément injuste, inéquitable de prétendre pourchasser le syndicat américain d'autant plus qu'il paraissait plus qu'aléatoire qu'on puisse le rejoindre aux États-Unis parce qu'il n'avait été mêlé d'aucune façon à tout cela.

Deuxièmement, dans les syndicats québécois il y avait une immense majorité, en fait une quasi-totalité d'honnêtes travailleurs qui avaient été terrorisés, qui s'étaient fait détruire leur emploi sur les chantiers par des bandits. Par conséquent, il aurait été injuste de prétendre leur faire payer les dégâts dont ils n'étaient pas... Les travailleurs de la Baie-James sont aussi des Québécois.

M. Pagé: Est-ce que c'était plus juste pour l'ensemble?

M. Lévesque (Taillon): II arrive que des bandits causent des dommages et que, finalement, on soit obligé d'essuyer les plâtres collectivement. Cela n'aurait pas été correct, quant à nous, de faire payer les honnêtes travailleurs qui s'étaient fait tordre le bras, à l'occasion, assommer et terroriser par une "gang" de bandits. C'était la clé de notre opinion. À partir de là, on nous disait aussi que, si on enlevait le syndicat américain de la poursuite, ce qui restait aux syndicats québécois ne leur permettait, ni de près ni de loin, de payer des sommes comme celles qui étaient envisagées ou qui faisaient l'objet de procédures.

On a eu la prudence de demander à la Société d'énergie de la Baie James de vérifier cela. Après tout, elle est équipée pour le faire. La preuve a été déposée ici. Je n'avais pas suivi cette partie-là, vous l'avez. Peut-être que vous n'étiez pas là, vous non plus, mais il paraît qu'elle est toute là. Cela confirmait l'impression ou l'opinion qu'on s'était formée ou qu'on nous avait suggérée qu'ils n'étaient pas capables de payer.

Ce n'était pas le coeur de la question. Le coeur de la question, c'était: Les Américains ne sont pas responsables, les travailleurs québécois honnêtes, c'est-à-dire la quasi-totalité des membres de ces syndicats, ne sont aucunement responsables et ce serait injuste et pas dans l'intérêt d'Hydro-Québec, ni dans l'intérêt public de pousser cela jusqu'au bout s'il y a moyen d'arriver à un règlement convenable. À partir de là, c'était à la Société d'énergie de la Baie James, au conseil d'administration qui avait été nommé pour administrer, s'ils étaient d'accord - ils pourraient décider de ne pas y aller, à un règlement - de le négocier, y compris des quanta, ce qu'ils pourraient aller chercher.

M. Pagé: Dois-je comprendre, M. le Président, par les réponses du premier ministre, qu'en aucun moment au cours de cette période il n'a jugé opportun de faire vérifier auprès d'un organisme gouvernemental, l'Office de la construction du Québec, ce qui aurait été très facilement accessible pour vous forger une opinion et décider de vérifier les entrées d'argent dans les fonds des syndicats?

M. Lévesque (Taillon): Dans les deux ou trois semaines qui se sont passées entre les premières rencontres sur demande initiale des syndicats, c'est-à-dire fin novembre début décembre et le congé de Noël qui est arrivé comme d'habitude, vers le 20 décembre, on a fait ce qu'on pouvait pour se faire une opinion, y compris une opinion très approximative sur la question de la capacité de payer. Cela a été transmis, comme vous le savez, au début de janvier, par le biais de M. Laliberté, aux gens de la Société d'énergie de la Baie James. Dans ces deux ou trois semaines, on n'a pas fait d'enquête détaillée sur les finances des syndicats, c'est un fait, mais on a eu, quand même, la prudence de dire ou de faire savoir assez rapidement à la Société d'énergie de la Baie James que c'était à elle, comme tout le reste d'un règlement éventuel, de vérifier toutes ces données si elle voulait le négocier comme il le faut et elle l'a fait.

M. Pagé: M. le Président, j'aimerais demander ceci au premier ministre. Je crois pouvoir dire sans abuser que M. Laberge et vous, vous êtes de bons copains et que vous vous rencontrez à l'occasion. Vous n'avez jamais demandé à M. Laberge combien il y avait dans son fonds de réserve à ce moment-là?

M. Lévesque (Taillon): Non. On est peut-être à l'occasion ce qui peut sembler être des bons copains, de toute façon, on a d'excellentes relations en général. J'ai beaucoup de respect pour la carrière et l'allant de M. Laberge, mais, le connaissant un peu, je n'ai pas l'impression qu'il m'aurait ouvert ses coffres ou sa caisse. De toute façon, cela ne me serait pas passé par l'esprit.

M. Pagé: M. le Président, j'aurais quelques questions très brèves à poser au premier ministre. Je dois vous dire que j'ai eu l'occasion d'exprimer ma surprise précédemment à cette commission d'avoir des commentaires peut-être sévères à l'égard de votre chef de cabinet, mais tout à fait fondés, je crois, à l'égard de cette capacité de payer des syndicats. M. le premier ministre, est-ce que vous saviez à ce moment-là ou est-ce que vous avez appris que, à l'égard des précomptes syndicaux, c'est-à-dire le montant que chaque travailleur verse à son syndicat chaque mois, pour le mois de juillet 1979, c'est donc dire la période du règlement hors cour, au local 791, le défendeur dans cette cause, chaque employé versait à son syndicat une somme de 19 $ par mois et aussi 0,01 $ l'heure au Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et que, selon les dispositions ici - je ne me réfère pas à des documents en l'air, ce sont des documents de l'Office de la construction du Québec, ce sont des rapports du gouvernement - pour la même période, juillet et août 1979, en vertu de ce document, il est stipulé que le local 134, affilié au Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, FTQ, à l'époque, prélevait chez ses employés deux fois le taux horaire? C'est environ 22 $ par mois pour le syndicat. Est-ce que vous êtes au fait de cela?

M. Lévesque (Taillon): Non, mais je ne trouve pas cela invraisemblable.

M. Pagé: Mais vous ne le saviez pas à ce moment-là?

M. Lévesque (Taillon): Non. Je ne voyais pas l'utilité de me renseigner là-dessus dans les deux ou trois semaines avant la fin de 1978 et après non plus, parce que cela n'avait pas de pertinence. (21 h 45)

M. Pagé: M. le premier ministre, savez-vous que la répartition des cotisations syndicales pour le mois de février 1979 donnait au local 791 59 510,01 $ par mois et, au local 134, 61 221,37 $ de revenus par mois?

Une voix: Février est un petit mois.

M. Pagé: Février.

M. Lévesque (Taillon): De revenus?

M. Pagé: De revenus pour un mois qui

est dans une période où la construction est basse. Est-ce que vous saviez cela?

M. Lévesque (Taillon): Je suis obligé... C'est un bout des travaux de la commission que, par hasard, j'ai entendu. Est-ce le député de Portneuf qui revenait de la pêche? Je ne sais pas?

M. Pagé: Non, M. le Président. Une voix: II y allait.

M. Lévesque (Taillon): Enfin, je ne sais pas. À un moment donné, j'ai entendu toute une batterie de questions exactement dans le même sens que celles du député de Portneuf. Il s'est fait poser la question... Je suis obligé de la poser. Les revenus sont des revenus, on en a, mais on a aussi des dépenses. C'est vrai pour syndicats comme c'est vrai pour tout le monde.

M. Pagé: On y reviendra plus tard.

M. Lévesque (Taillon): Je pense que la seule chose qui puisse donner un aperçu convenable de l'état financier de quelqu'un, d'un groupe ou de qui que ce soit, c'est de regarder au moins les revenus et les dépenses et ce qu'il en reste, il me semble. Maintenant, de toute façon...

M. Pagé: Étiez-vous au courant...

M. Lévesque (Taillon): Moi? Non. Je n'avais pas être au courant de tout cela.

M. Pagé: Étiez-vous au courant que, pour le même mois, février 1979, les revenus du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction étaient de 52 226,82 $ pour 5 225 000 heures de travaillées dans le mois? Étiez-vous au courant de cela?

M. Lévesque (Taillon): Non. M. Pagé: Merci.

M. Lévesque (Taillon): Vous m'apprenez des choses.

M. Pagé: M. le Président, est-ce que le premier ministre est au courant que les cotisations cumulatives pour l'année 1978, donc l'année avant le règlement, pour le local 791, en revenus, étaient de 1 347 870,92 $? Pour le local 791, défendeur dans cette cause: 1 347 000 $ de revenus pour l'année 1978. On réfère ici au document de l'Office la construction du Québec.

M. Lévesque (Taillon): Je m'excuse, est-ce qu'il y avait une question?

M. Pagé: Oui. Je comprends que le député de Saint-Maurice vous a dérangé un peu, M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Non, je n'étais pas au courant du tout. Je suis au courant, par exemple, maintenant; je pense que le député de Portneuf peut l'être, lui aussi, puisqu'il y a un état des revenus et des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mai 1978. Cela prend une partie de 1978 et une partie de 1977, je suppose. Cela donne, sous la rubrique 1978, 1 572 000 $, cela, c'est le local 791, le local syndical dont vous parlez, 1 573 000 $, en fait, de revenus et 1 455 234 $ de dépenses. Cela signifie que, finalement, en tenant compte des questions d'amortissement, etc., il restait comme surplus net, pour cette année-là, 110 000 $.

M. Pagé: Je comprends que votre recherchiste, pour les circonstances, vous a passé le document. Ce que je veux vous demander c'est: Est-ce qu'à ce moment-là...

M. Lévesque (Taillon): Enfin, ce que je présume, c'est que le député de Portneuf connaît ce document, lui aussi.

M. Pagé: Oui, oui. Au moment du règlement, en 1979, vous deviez vous référer aux revenus cumulatifs pour l'année 1978. Je vous demande si vous saviez, à ce moment-là, en 1978 - les dépenses on va en parler tantôt, M. le premier ministre et cela va me faire plaisir - les revenus du local 791 étaient de 1 347 000 $, que les revenus du local 134 étaient de 957 000 $ et ceux du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, pour cette année-là, 1978, de 865 296 $. Cela, vous auriez pu le savoir, M. le premier ministre, en cinq minutes, soit en appelant à l'OCQ - vous êtes premier ministre du Québec - soit en communiquant directement avec le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Ou encore, vous auriez pu le savoir si votre chef de cabinet avait fait sa "job". Est-ce que vous le saviez, à ce moment-là? Merci.

M. Lévesque (Taillon): Je vous en prie.

M. Pagé: M. le Président, est-ce que le premier ministre pourrait m'indiquer si, avant de se forger une opinion et, ainsi, de décider de recommander à la SEBJ, en s'adressant par son chef de cabinet, le 3 janvier, à M. Laliberté, d'abandonner les poursuites ou de régler hors cour, il savait que les revenus des syndicats affiliés à la FTQ dans le monde de la construction, selon le relevé des cotisations syndicales cumulatives perçues pour la période de douze mois se terminant le 31 décembre 1978 - cela vient de l'Office de la constuction du Québec, c'est vous autres - totalisaient pour l'année

10 022 767,66 $? C'est donc dire, M. le Président - et c'est là l'essentiel de ma question au premier ministre - qu'un règlement hors cour aurait pu intervenir pour une somme de 6 000 000 $, ce qui était quand même substantiel, ce qui était beaucoup plus que les grenailles de 300 000 $ du règlement hors cour, alors que cela a coûté à la SEBJ 900 000 $ en frais de recherche, d'expertise et en frais judiciaires. Sur des dommages réclamés de 32 000 000 $, sur des dommages évalués comme possibilité de recouvrement par le président, M. Boyd, qui n'est quand même pas le moindre, à 17 000 000 $ ou à 18 000 000 $, 6 000 000 $, cela aurait été un effort, c'est le moins qu'on puisse dire, appréciable. Cela aurait été appréciable de la part des syndicats; ceux-ci auraient payé pour leurs dommages environ 1 $ à chacun des Québécois et des Québécoises, parce que nous sommes environ 6 000 000, malgré l'exode depuis quelques années. Les Québécois auraient payé, quant à eux, une douzaine de millions de dollars de leur poche. Saviez-vous, M. le premier ministre, que, pour payer 6 000 000 $, il aurait suffi de doubler les cotisations syndicales pour une certaine période? Quand on double les cotisations syndicales, on peut garder les mêmes dépenses et le produit additionnel, il est net pour payer le règlement hors cour. Cela, en l'absence des syndicats américains, parce que 6 000 000 $, cela ne réfère pas aux syndicats américains. Cela réfère uniquement aux syndicats du Québec. Pour 6 000 000 $, cela aurait pris sept mois et une semaine à régler. Êtes-vous au courant de cela?

M. Lévesque (Taillon): Est-ce que je peux répondre un peu autrement? Non, non, cela va rejoindre, quand même, ce que dit le député de Portneuf. Il y a peut-être quelque fragilité là. Cela me rappelle des souvenirs à propos des incorporations, du fait qu'on peut vider une coquille et ensuite s'incorporer ailleurs, etc. Juridiquement, je ne veux pas m'en mêler, mais je sais une chose et je la répète encore une fois, si ce n'est pas la dernière, je la répéterai de nouveau: Le coeur de notre opinion était la non-responsabilité des Américains qui était flagrante - cela, c'était vraiment les plus solvables, selon tout le monde - et la solvabilité, à tout le moins branlante, très relative, des syndicats québécois. Et puis, après cela, c'était à la Société d'énergie de la Baie James d'aller chercher, si elle était d'accord pour faire un règlement, le meilleur des règlements possible. Si cela avait été 6 000 000 $, ce n'est pas moi qui me serais plaint. Si elle avait trouvé que 200 000 $, ce n'était pas assez, c'était à elle de le décider. Ce n'était pas à nous de nous occuper de cela, parce que ce sont eux qui administrent Hydro-Québec. Il y a des administrateurs qui sont là, qui sont des gens compétents en administration, autant que le député de Portneuf ou moi-même. Oui, oui. Et ils avaient conscience de leurs responsabilités. Ils avaient pleine liberté, ils l'ont tous dit, de prendre une décision. Ils avaient notre opinion que c'était préférable de faire un règlement. Qu'ils le fassent entre 1 $, 2 000 000 $, 6 000 000 $, etc., c'était leur problème.

Et il me semble que cela tombe sous le sens que, si on ne veut pas se substituer à des administrateurs en qui on a confiance et qui ont été nommés pour administrer, on a le droit de leur donner une opinion et même d'insister sur un principe dans un cas d'orientation important, mais pas de prétendre les "railroader" à partir d'hypothèses dont je dirais qu'elles sont légèrement enfin, fragiles, comme celle qu'évoque le député de Portneuf. Bon. Qu'est-ce qu'on aurait dû dire? Ne réglez pas en bas de 6 000 000 $, ne réglez pas en bas de 8 000 000 $? Ce n'était pas notre affaire. Et on ne voulait pas se mêler de cela.

M. Pagé: Mais, monsieur...

M. Lévesque (Taillon): Eux, je crois, ont pris, comme le juge Bisson qui avait présidé - cela m'a frappé - aux deux premières semaines du procès... Je ne sais pas si on l'a. Oui, j'ai trouvé cela intéressant parce que, ayant vécu la cause pour le temps qu'elle avait duré, il donnait une opinion à la fin qui, quand même, était le point. Enfin, si je le retrouve, je le citerai.

M. Pagé: Oui, oui, toute la phrase.

M. Lévesque (Taillon): Je viens de dire l'essentiel. C'est que c'était à eux de le faire et que ce n'était pas à nous de nous ingérer dans des questions de quanta et dans des questions de négociation d'un règlement. Ce n'était pas à nous, non plus, de le décider à leur place. C'est eux qui l'ont décidé.

M. Pagé: M. le Président, vous me permettrez de demander au premier ministre qui se réfère au montant: M. le premier ministre, en passant le message au président de la SEBJ, le 3 janvier, d'abandonner les poursuites et de régler hors cour, par la voie - pas de n'importe qui - de votre chef de cabinet, Me Jean-Roch Boivin, ce qui a été réitéré par vous-même, personnellement, et avec beaucoup d'insistance, le tout, religieusement soumis lors de votre rencontre avec M. Boyd, en disant: Si vous ne réglez pas, on va régler à votre place; par surcroît, vous appuyant, pour former votre opinion et ainsi décider, sur les affirmations des

avocats des défendeurs, c'est-à-dire de ceux qui auraient eu à payer, vous ne devez pas vous étonner d'en être arrivé à 200 000 $ ou à 300 000 $. Vous avez pavé la voie.

M. Lévesque (Taillon): Je n'ai pas à être étonné, ni d'un côté ni de l'autre, que cela ait été 200 000 $. Je l'ai dit, d'ailleurs, que je trouvais que c'était quelque peu modeste, c'est le moins que je puisse dire. Mais j'ai présumé et je présume encore que des hommes sages - je vais parler comme l'honorable juge Bisson - qui connaissaient leur devoir d'état avaient fait de leur mieux pour arriver à un règlement et que, ce règlement étant ratifié, c'était comme cela que cela finissait.

Encore une fois, ce qui était le coeur, quant à nous, quant à mon bureau et à moi-même, de notre recommandation insistante sur le principe d'un règlement, c'était la non-responsabilité des Américains et la non-responsabilité d'à peu près la totalité des travailleurs dont, dans votre scénario un peu farfelu, vous doubleriez...

M. Pagé: On y reviendra tantôt.

M. Lévesque (Taillon): ...la cotisation même s'ils n'avaient aucune responsabilité véritable, aucun d'entre eux, dans les événements.

M. Pagé: On y reviendra tantôt.

M. Lévesque (Taillon): Mais peu importe. Si la décision était prise d'aller vers un règlement par les administrateurs de la société, le quantum et toutes les autres modalités du règlement, c'était à eux de les négocier. Moi, je crois que c'est un peu insultant comme insinuation, comme allusion, en tout cas, ce que vous dites là, parce que, finalement, ce que cela veut dire, ce que vous dites là, c'est que ces gens-là n'ont pas fait leur devoir, qu'ils n'ont pas pressé le citron comme ils auraient du, etc.

M. Pagé: C'est vous qui l'avez pressé, le citron.

M. Lévesque (Taillon): Voyons!

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Pagé: M. le premier ministre, en demandant à la SEBJ de régler hors cour, d'abandonner les procédures, en lui signifiant que, si elle ne réglait pas, vous alliez régler à sa place et en vous fiant uniquement, selon ce que vous venez de me dire, aux avocats des syndicats pour savoir s'ils étaient capables de payer, êtes-vous conscient que vous avez ainsi pavé la voie à un règlement pour des "pinottes", alors que vous auriez pu aller chercher des montants beaucoup plus substantiels? Ce n'est pas farfelu, ce sont vos chiffres à vous, M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): J'aime beaucoup la façon dont, disons, dans un flot d'éloquence où se trouve...

M. Pagé: C'est la vérité.

M. Lévesque (Taillon): Oui, je sais que cela vient du coeur. D'ailleurs, là encore, cela se sent. Mais la façon dont on dit: Vous ne comprenez pas que vous seriez allés chercher... Est-ce que je pourrais répéter tranquillement ce que j'ai dit ce matin dans la déclaration? "Mon bureau et moi n'avons donc ni décidé, ni négocié, ni encore moins prétendu imposer un règlement comme cela s'était produit dans le passé." Ah Seigneur! oui. Mais moi, ce n'est pas comme cela que je conçois une relation avec une société comme Hydro-Québec. "C'est, d'ailleurs, devenu d'une telle évidence, je dois le souligner, au cours de cette commission que, tout en continuant de prétendre le contraire, parce qu'après tout c'était le point de départ, certains procureurs libéraux se sont mis tout à coup à nous reprocher éloquemment de ne pas nous être ingérés suffisamment pour aller chercher plus d'argent." Il faut tout de même se décider un jour sur ce qu'on veut.

M. Pagé: M. le Président, on reviendra avec des commentaires là-dessus un peu plus tard. M. le premier ministre, en ce faisant: demande d'abandon, vous référez pour former votre opinion aux avocats des défendeurs, vous avez rencontré la SEBJ et pas n'importe qui, le président du conseil d'administration, en lui disant: Vous allez régler et, si vous ne réglez pas, on va régler à votre place, etc., en somme, vous lui avez attaché les mains bien comme il faut et vous avez dit à la SEBJ: Asteur, va te battre. Là, vous êtes surpris que ces gens en soient arrivés avec un "knockout" non pas technique, mais budgétaire que les Québécois ont à payer et que cela ait résulté par 300 000 $ pour une réclamation de 32 000 000 $, alors que cela leur en a coûté 900 000 $.

M. Paradis: Puis, vous êtes surpris!

M. Pagé: Puis, vous êtes surpris! Êtes-vous conscient de cela?

M. Lévesque (Taillon): Est-ce que je dois répéter le passage que je viens de lire?

M. Pagé: Non, non.

Le Président (M. Jolivet): Tout simplement, ce que je vais cependant

répéter, c'est que la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain matin, 10 heures.

M. Lalonde: Non, Il heures.

Le Président (M. Jolivet): Oui, excusez-moi. C'est vrai, après la période des questions; donc, peut-être 11 heures ou 11 h 30 demain matin.

(Fin de la séance à 22 h 01)

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