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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 13 mars 1990 - Vol. 31 N° 16

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur les modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux


Journal des débats

 

(Quinze heures trente minutes)

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail so réunit pour procéder à une consultation générale et des auditions publiques sur les modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. Nous avons donc M. le député Richard (Nicolet-Yamaska) en remplacement de M. Audet (Beauce-Nord). Il n'y a pas d'autres remplacements?

M. Jolivet: Pas de remplacements.

Mme Marois: Non, il n'y en a pas de notre côté.

Le Président (M. Bélanger): Pas d'autres remplacements. Bien. Sans plus tarder nous appelons nos premiers témoins a la barre. Je vous en prie, M. le député de Laviolette.

L'objet de la consultation M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Juste une question au ministre. Compte tenu de ce qui a paru dans le journal Le Nouvelliste chez moi, hier, que j'ai repris et que le ministre a maintenant entre les mains, le responsable du comité Maurice Richard sur les heures d'affaires du dimanche, M. Richard, nous indique que, comme plusieurs parmi nous, il est catholique pratiquant et il est pour le repos dominical. Alors, je pense que c'est une invitation au ministre d'une décision allant vers la non-ouverture des commerces le dimanche.

D'un autre côté, j'ai entendu à la télévision un reportage nous indiquant que, du bureau du premier ministre, des rumeurs circulaient voulant qu'ils étaient pour l'ouverture des commerces le dimanche. Alors, comme le ministre ne le sait peut-être pas, puisqu'il est nouveau comme ministre, nous, ayant vécu 1985-1989 où, quand le "bunker" décidait des choses, le ministre n'avait qu'à faire ce que le "bunker" décidait, je me demande, au départ de cette commission, M. le Président, si on doit continuer après maintenant quatre jours de débats - on en a encore pour environ sept jours à venir - et si ça vaut la peine de continuer en commission parlementaire ou si vraiment la décision du ministre est prise ou si, encore, la décision du "bunker" étant prise, il est décidé que les commerces vont ouvrir le dimanche, à rencontre de ce comité et du représentant honoraire de ce comité, M. Richard. Je voulais juste me faire rassurer parce que j'ai l'impression que l'idée est faite, puis on nous fait travailler. Quand on dit que c'est un peu une commission bidon, c'est parce qu'on a l'impression qu'on travaille pour rien, dans le fond. On perd notre temps. La décision est prise, alors pourquoi ne pas la dévoiler immédiatement?

M. le Président, tout simplement, je vous l'indique. C'est bien la position du député de Nicolet-Yamaska qui est, lui, contre l'ouverture le dimanche, alors que le "bunker", ayant plus de force que le député de Nicolet-Yamaska et que le ministre, décide que ça va être ouvert. Alors, j'aimerais savoir où on s'en va avant...

Mme Marois: Le député va sûrement convenir lui-même que...

Le Président (M. Bélanger): Comme on ne lit malheureusement pas Le Nouvelliste à Laval...

M. Jolivet: Je vous en donne une copie, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): ...je n'ai pas pris connaissance de ce texte, que je lirai d'ailleurs tout à l'heure, mais je peux vous dire que jusqu'à maintenant la commission a un mandat clair. Je vais l'exercer avec toutes ses prérogatives. Je comprends la position du député Richard. Il est l'auteur d'un rapport qui avait une telle recommandation et, dans ce sens-là, il n'est que "congruent" avec lui-même. Dans ce sens-là, on l'en félicite.

Maintenant, ça ne présume en rien de la décision qui sera prise. Elle ira dans un sens ou dans l'autre. Je pense qu'il y a encore des réflexions à faire. Il y a encore des gens à rencontrer, des invités à recevoir, avant de faire notre opinion. Je pense que le bureau du premier ministre, le temps venu, sera partie prenante de la consultation, mais je ne crois pas qu'il ait ce droit de veto que vous semblez lui prêter. Je fais confiance à M. le ministre qui nous a dit tout le long que son lit n'était pas fait. Dans ce sens-là, je pense qu'on n'a aucune indication comme quoi son lit serait fait et...

M. Jolivet: J'aurais aimé entendre le ministre. On verra, avec ce qu'il nous dira, les résultats au bout des trois prochaines semaines. L'impression qu'il me reste dans mon esprit, avec les questions qu'il nous pose, avec ce qui est dit de la part du "bunker", c'est que l'idée est déjà faite, sauf que, pour sauver la face, on fait une commission parlementaire. On invite du monde

qui dépense énormément d'argent et d'énergie pour venir nous rencontrer mais, dans le fond, on est ici avec l'idée déjà préconçue qu'il va y avoir ouverture des commerces le dimanche. Alors, j'aimerais bien entendre le ministre, moi.

Le Président (M. Bélanger): Oui. Mais si c'était le cas, je peux vous avouer que je serais le premier très choqué si c'était...

M. Jolivet: li ne vous dira pas ça de même aujourd'hui. On verra à l'usure ce que ça va donner, par exemple.

Le Président (M. Bélanger): Oui. M. le ministre.

M. Gérald Tremblay

M. Tremblay (Outremont): Je voudrais rassurer le député de Laviolette ainsi que la députée de Taillon à l'effet que lorsqu'on a, avec l'accord du présent gouvernement, décidé de faire une commission parlementaire sur les heures d'ouverture des établissements commerciaux, c'était dans le but de permettre à tous les intervenants qui avaient une opinion sur le sujet de nous la faire connaître. Je voudrais vous rassurer et vous répéter encore une fols que ce n'est pas une commission bidon. Je pense que nous avons vécu peut-être quatre ou cinq jours de travail ensemble. On a, de l'Opposition et je pense également du côté de la deputation ministérielle, une bonne relation de travail. On essaie de trouver une solution pratique dans un dossier qui n'est pas facile. J'ai demandé à tous les intervenants d'avoir une ouverture d'esprit, de venir ici non pas pour nous exposer leurs problèmes, mais pour dire comment ils voient le règlement de ce dossier-là.

Alors, dans cette optique-là, je répète encore une fois qu'aucune décision n'a été prise. Après la commission parlementaire, on s'est engagés à déposer un projet de loi. J'aimerais peut-être, pour la première partie de votre intervention, donner la parole au député de Nicolet, qui est directement visé par les affirmations que vous avez fartes, pour lui donner l'opportunité de répondre.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Nicolet.

M. Maurice Richard

M. Richard: Vous permettez, M. le Président?

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Richard: Merci, M. le ministre. Effectivement, le journaliste posait la question dans un sens très pur et très clair: Est-ce que vous êtes catholique? Effectivement, je suis catholique pratiquant et je n'ai aucun remords à cet effet-là, au contraire, sauf que le journaliste aussi, quand même, mentionne que "le député de Nicolet estime toutefois que le jour du Seigneur est une vision si personnelle qu'en fait, le débat d'ouverture des commerces le dimanche lui semble indépendant de tout sentiment religieux. "Ce n'est pas, au fond, une question de jour du Seigneur, c'est une question de qualité de vie et de choix de société", reprend-il en ne voulant pas trop laisser transpirer ouvertement ses convictions intérieures et religieuses." En fait, c'est qu'on dit que c'est un choix societal. Effectivement, c'est mon opinion que c'est un choix societal. Et comme le disait M. le Président tout à l'heure, c'est certain que j'ai été à la tête d'un groupe qui a fait toute une recherche en 1988, et il y a un rapport qui s'appelle le rapport Richard qui a traité de ça. Le premier argument du rapport Richard était de dire non à l'ouverture du dimanche, en septembre 1988. Alors ça complète et je ne pense pas que le journaliste... Je ne fais pas partie de la troupe des mal cités. C'est exactement ce que j'ai mentionné à Sainte-Thècle.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, ceci étant dit...

M. Tremblay (Outremont): Avec votre permission, M. le Président...

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre. Dépôt d'une lettre de la SAQ

M. Tremblay (Outremont): ...vous vous rappelez, on a discuté la semaine dernière des affirmations qui ont été faites à l'effet que la Société des alcools du Québec pourrait, dans certaines régions - on parlait surtout, à ce moment-là, des zones touristiques - ne pas respecter la Loi sur les heures d'affaires. Je voudrais déposer à cette commission une lettre que j'ai demandée au président de la Société des alcools du Québec qui se lit comme suit: "Par la présente, je désire vous confirmer que la Société des alcools du Québec respecte intégralement l'article 5.8° de la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux." Alors, si jamais, pour une raison, vous avez de l'information que nous n'avons pas, je suis prêt, comme je l'ai toujours mentionné, à faire respecter la loi. Alors, c'est une lettre que je dépose à la suite des discussions que nous avons eues la semaine dernière.

Le Président (M. Bélanger): Bien, je vous remercie. Alors, le document étant officiellement déposé, on vous en fera faire des copies dans quelques instants.

Auditions Assemblée des évêques du Québec

J'appelle donc nos premiers invités qui sont l'Assemblée des évêques du Québec qui est représentée par M. Jacques Côté, M. René Théberge et Mme Christiane Lagueux. Je vous prierais de vous identifier et de bien vouloir procéder à la présentation de votre mémoire. On a 20 minutes fermes. S'il vous plaît, aussi, surtout durant la période d'échange, chaque fois qu'on vous pose une question, bien vouloir vous identifier avant de répondre, pour les fins de transcription au Journal des débats. Ceux qui font la transcription ne vous voient pas, alors c'est très difficile pour eux, ça les aide beaucoup. S'il vous plaît, si vous voulez procéder.

M. Théberge (René): M. le Président, je tiens à me présenter, René Théberge. Nous sommes ici pour représenter le comité des affaires sociales de l'Assemblée des évêques du Québec, dont Mgr Jean-Guy Hamelin, évêque de Rouyn-Noranda, est le président. Mon nom est René Théberge; je suis directeur de l'Office de la pastorale sociale au diocèse de Québec. Les collègues: Mme Christiane Lagueux, qui est adjointe à l'Office de la pastorale sociale au diocèse de Québec et M. Jacques Côté, qui est directeur de l'Office de la famille au diocèse de Québec.

Nos objectifs en venant ici, c'est, au fond, précisément pour participer à un débat de société et non pas un débat purement commercial, comme le disait M. le ministre Tremblay au début de cette commission parlementaire. J'ajouterais même, à partir de ce que je viens d'entendre, que ce n'est pas un débat religieux non plus, comme tel, c'est clair. Aussi, dans d'autres mots, c'est pour participer à un débat sur les valeurs, selon les mots mêmes de Mme Pauline Marois, députée de Taillon et porte-parole de l'Opposition. C'étaient ses mots lorsqu'elle a présenté la position de l'Opposition.

Notre position dans ce débat, c'est assez précis: nous nous associons à tous ceux qui refusent, je dirais, l'élargissement des heures d'affaires le dimanche. En ce sens, bien, ça veut dire restreindre dans la mesure du possible les activités commerciales du dimanche, y compris dans le secteur alimentaire. Ça veut dire limiter le nombre d'exemptions. S'il paraît nécessaire d'augmenter le nombre d'heures d'ouverture des commerces, ce qui nous paraît, je dirais, des choses faciles, je crois, en tout cas, possibles, en pensant aux soirs de la semaine, nous sommes tout à fait en accord avec cette possibilité d'aménagement sur les journées de semaine. Quatrième élément, laisser à la juridiction provinciale le pouvoir décisionnel en ce domaine.

J'ajouterais ceci: De façon plus technique, le rapport Richard explicite avec beaucoup d'à-propos ces quatre recommandations. Pour avoir participé lors de cette commission, avoir lu le rapport de la commission Richard, donc au plan plus technique, ce qui se retrouve, de façon générale, dans le rapport Richard nous rejoint beaucoup en termes d'aménagement.

Bien sûr qu'en explicitant un peu notre position on n'a pas la prétention de répondre à toutes les objections. Mais il reste que nous voulons apporter un certain éclairage, encore une fois, en termes de débat de société. Je crois que c'est là que nous voulons intervenir, et en termes aussi de valeurs qui sont en question.

Si on explicite un peu ces prises de position, on le fait en se référant aux principes qui ont été mis de l'avant dans cette consultation, à savoir l'équité entre les commerces, les besoins réels des consommateurs, la qualité de vie de la population, en particulier des travailleurs et de la famille. Nous donnerons aussi quelques considérations sur fe dimanche dans sa dimension plus large, culturelle et je dirais même anthropologique.

C'est certain que ces principes ont donné lieu et, je suppose, dans les jours qui viennent, vont donner lieu à de multiples lectures, de multiples interprétations. Nous tenons, en tout cas, à éclairer notre interprétation à partir d'une certaine réflexion éthique - je crois que c'est vraiment ça - sur les valeurs et sur la culture qui est la nôtre et dans laquelle nous souhaitons vivre.

Là-dessus, je passe la parole à Mme Lagueux pour cerner la question des besoins du consommateur. Mme Lagueux.

Mme Lagueux (Christiane): Je suis Christiane Lagueux. Je suis animatrice en pastorale sociale au diocèse de Québec. Répondre aux besoins des consommateurs, qu'est-ce que ça signifie? C'est ce qu'on a essayé d'élaborer dans les quelques pages qui suivent. D'abord, on remarque au niveau des différents sondages qui ont été publiés... En particulier, je m'arrête à celui qui a paru dans Le Soleil du 8 janvier 1990, où on remarquait qu'il y avait 48 % de la population du Québec qui se disait en accord avec l'ouverture des magasins le dimanche. Soit. Par contre, quand on lit ces sondages-là après le commentaire qu'on a entendu des ACEF sur les cinq derniers sondages qui avaient été commandés, je pense qu'on doit mettre un bémol sur cette dimension-là. (15 h 45)

Par ailleurs, on a aussi recueilli nous-mêmes, l'année dernière, au mois d'avril ou mai, des citoyens en paroisse, des millions... des milliers de signatures, pardon; des millions, c'est un peu gros. Alors, plus exactement du diocèse de Québec, on en a calculé 20 668 plus les signatures qui ont probablement dû vous parvenir directement, ici, à la suite de l'envoi direct de

paroisses qui n'a pas été contrôlé par le diocèse. Toutes ces signatures-là s'ajoutent à celles de la coalition des différents diocèses du Québec qui, m'a-t-on dit, représenteraient à peu près 400 000 signatures. Alors, sondage pour sondage, c'en est un autre. Je pense qu'il peut avoir sa valeur aussi.

Du côté des arguments en faveur de l'ouverture ou de l'augmentation des heures d'ouverture, le dimanche en particulier, pour les magasins d'alimentation, on cite le fait d'avoir une journée supplémentaire pour être capable de faire ses courses avec un peu plus de sérénité. On dit souvent aussi que les centres commerciaux peuvent peut-être devenir des lieux de rencontre. Ils le sont aussi, à voir d'ailleurs la quantité de gens qui se promènent à l'intérieur de ça. On peut ajouter à ces arguments le fait aussi que le style de vie des travailleurs et des gens a changé, s'est modifié par le fait, par exemple, que les deux conjoints travaillent souvent, par le fait qu'on retrouve des familles avec un seul chef, qu'on retrouve des gens qui, devant allier travail et organisation de la famille, ont besoin de plages d'ouverture plus grandes.

Alors, effectivement, on retrouve ces types d'arguments. Par contre, on se dit que, si ce sont un peu des arguments qui vont dans le sens d'assurer un peu le confort des personnes, alors, tant qu'à faire, est-ce qu'on ne peut pas penser à d'autres types de services qui seraient aussi utiles sinon plus aux différentes personnes dont il est question actuellement, comme tous les services publics, par exemple, qui pourraient être offerts et qui pourraient, dans le fond, aller aussi dans le sens du nouveau style de vie des gens?

S'il faut respecter les besoins de l'individu comme consommateur - quand on dit respecter les besoins de l'individu comme consommateur, pour moi, ça ne veut pas nécessairement seulement dire avoir accès aux produits de consommation, ça veut aussi dire la qualité des services, ça veut aussi dire l'accessibilité, je dirais, monétaire de ces différents services - je pense qu'on doit aussi respecter, protéger des besoins qui sont probablement moins palpables, moins visibles, mais qui sont tout aussi réels et fondamentaux pour la personne. On a nommé, ici, se reposer, se ressourcer, maintenir et renforcer ses relations avec les siens et avec ses amis, réfléchir sur le sens profond de la vie et je dirais que les psychologues et ceux qui sont préoccupés par le développement humain vont parler des besoins d'amour et d'appartenance, des besoins de considération et d'estime, des besoins de connaître et de comprendre, des besoins d'esthétique, des besoins d'actualisation, des besoins de transcendance, en plus des besoins purement physiologiques ou de sécurité. Alors, je pense qu'il y a toute une gamme de besoins qui dépasse le simple besoin premier du consommateur.

On pourrait alléguer également que chacun est tout à fait libre de ses activités et que l'ouverture des commerces d'alimentation ou autres n'oblige tout à fait personne. Peut-être, mais, quand on regarde cette nouvelle convivialité commerciale qui en résulterait, est-ce qu'elle ne se feraft pas, elle, au détriment d'autres convivialités - et, quand je dis convivialité, dans le fond, je parle de la capacité d'une société de favoriser les échanges réciproques entre les personnes ou entre les groupes de cette société - plus fondamentales, comme les convivialités culturelles, sportives, familiales et religieuses? Plus de liberté pour vendre et acheter, est-ce que ça ne signifie pas moins de liberté pour d'autres dimensions de notre activité humaine, pourtant tout aussi essentielle à notre épanouissement?

Alors, je passe maintenant la parole à mon collègue.

M. Côté (Jacques): Jacques Côté, directeur de l'Office de la pastorale familiale. M. le Président, M. le ministre, Mme Marois, vous ne serez pas étonnés que notre organisation ait voulu consacrer un chapitre entier à la qualité de la vie. D'entrée de jeu, disons-le tout de suite, nous estimons que de libéraliser les activités commerciales le dimanche - nous n'avons pas dit d'élargir possiblement les heures en semaine - nous apparaîtrait contraire à une véritable recherche d'une meilleure qualité de vie, pour plusieurs raisons et sous différents aspects.

Tout d'abord, considérons, si vous le voulez, pendant un moment, la question du dimanche et de la famille. La plupart des gens dans notre société vont admettre que compétition, surmenage et productivité existent et qu'il nous est indispensable de prendre au moins, au moins une journée de repos par semaine pour se libérer des contraintes du travail quotidien. S'il importe, bien sûr, au plus haut point de s'accorder un jour de repos, il n'est pas moins important que ce jour soit commun, afin de permettre aux gens de maintenir et de renforcer le tissu des relations humaines qui les supportent. Le rapport Richard a d'ailleurs mentionné cet aspect lorsqu'il évoquait, je pense à peu près textuellement, les liens familiaux qui se voient suffisamment effrités actuellement. Nous avons besoin de ce jour de repos pour préserver cet aspect de la qualité de la vie. Nous estimons qu'il ne faudrait pas accentuer l'isolement qui risque de compromettre l'épanouissement intégral des personnes. La faculté de choisir son jour de repos ne ferait, nous semble-t-il, qu'amplifier la privatisation et l'individualisme déjà très répandus dans notre société. Toute occasion de se rencontrer, de bâtir des liens interpersonnels, communautaires est certainement un facteur de cohésion déterminant pour la vie familiale. Le dimanche reste le seul jour où les membres de la famille

et les amis ont encore la possibilité de se rencontrer. Le banaliser par la libéralisation des activités commerciales, est-ce que ce n'est pas là créer une pression indue et tout à fait inutile sur la famille, qui est une institution fondamentale de la société et qui est déjà suffisamment éclatée actuellement? La famille a besoin qu'on protège un temps en commun pour resserrer les liens de la vie conjugale et parentale. Autrement dit, le consommateur auquel nous pensons n'est pas seulement un simple consommateur, il est aussi famille, être de relations.

Deuxième élément, la question du dimanche et du travail. Nous estimons que le travail est source - qu'il doit l'être, en tout cas - d'épanouissement et de dignité pour la personne. Nous traversons actuellement une période de chômage - nous en connaissons une - et c'est sûr que le travail est devenu un bien rare. L'augmentation du travail le dimanche permettrait, dit-on, le maintien et même le développement de l'em ploi. Est-ce qu'on n'assisterait pas plutôt au déplacement des heures de travail pour des travailleurs et travailleuses souvent très vulnérables, les jeunes en particulier, les petits salariés, pour ne pas les nommer, qui sont tous et toutes à statut précaire? Cette forme de réorganisation du travail n'entraînerait-elle pas plutôt une augmentation des heures coupées du travail à temps partiel? Est-ce que ce serait augmenter la qualité de la vie, pourrions-nous nous demander, que de créer et d'élargir ce genre de conditions de travail?

Le travail du dimanche a aussi des répercussions réelles sur le mode de vie des personnes impliquées - on s'en doute - et, en conséquence, sur l'équilibre psychologique. En effet, à notre point de vue, c'est toute la vie sociale dans son ensemble qui en pâtit et qui en pâlit. Les moments pour se voir, pour visiter sont diminués. Le temps que requiert l'exercice de loisirs est compromis. Le travailleur et la travailleuse du dimanche entreraient en contradiction avec le régime de travail le plus répandu. Ils risquent donc de rencontrer des difficultés d'intégration en raison de la désynchronisation de leur rythme de vie par rapport aux autres personnes de leur famille et de leur milieu.

Je résumerais cette partie en rappelant que, quand il n'y a pas de ressourcement, il y a de l'usure; quand il y a moins de repos, il y a plus de stress et de pression. La participation aux activités culturelles, aux activités sportives communautaires, les loisirs familiaux, la convivialité avec ses parents, ses amis, les personnes âgées, le contact avec la nature aussi, le temps pour soi, le temps pour ses enfants, les droits de visite pour les familles monoparentales, tout cela est principalement vécu en journée de dimanche.

Je redonne la parole à mon collègue René Théberge.

M. Théberge: Au-delà de ce qu'on vient d'aborder, j'aimerais tout simplement ajouter quelques éléments encore sur le dimanche. On associe à cette réalité-là, dans notre société, des mots comme solidarité et fraternité et des réalités, en arrière de ces mots-là, qui ne vont pas nécessairement de soi et qui ont besoin d'être défendues autant que d'autres réalités dans notre société. C'est une plage de liberté et j'oserais même dire que non seulement le dimanche est un moment de liberté, un jour plus libre, mais c'est un jour à libérer et non pas à encombrer davantage dans le rythme de la semaine. C'est un temps de gratuité pour soi, pour les autres. Il y a quelque chose là aussi qui m'apparaît une force sociale. Face à notre culture, dans notre vie culturelle, ça s'enracine très loin le dimanche. Je n'oserais pas vous apporter les arguments que je lisais, il y peu de temps, en fouillant un peu là-dessus, d'un médecin américain qui avait fait la démonstration que quelqu'un - celui qui se rendait à 50 ans à l'époque - qui se reposait un jour par semaine allongeait sa vie de sept ans. Je n'oserais pas vous avancer ça, parce que c'est simplement une détente. Il ajoutait même que celui qui refusait ça, comme il portait atteinte à sa vie, il était passible d'une peine. J'efface.

Donc, le choix du dimanche, la question est plus large que simplement - pour reprendre un commentaire que je lisais dans le journal d'hier - celle de vider les magasins pour remplir les églises ou de vider les églises pour remplir les magasins. C'est beaucoup plus large que ça. Si prendre congé le dimanche, ça fait partie de notre culture, c'est un élément qui a des références profondes. Le dimanche n'est-il pas le jour qui marque le rythme de la semaine par sa différence? C'est le point que je veux peut-être simplement souligner ici, l'idée d'avoir une journée qui casse un rythme dans la vie. C'est très vieux, ça s'enracine très loin. J'évoque ici les premières pages de la Bible six jours de travail et une journée de repos. Ce n'est pas parce qu'il avait besoin de se reposer, c'est un texte qu'il faut situer dans toute une recherche anthropologique et religieuse, mais qui dit le besoin d'un rythme qui est brisé.

J'ajouterai ceci. Ce besoin de rythme et d'alternance, if me semble qu'on le voit dans la tendance actuelle d'introduire de plus en plus des semaines complètes de congé familial, soit la mi-session, par exemple, qui vient de se vivre, la mi-session universitaire qui se vit cette semaine, dans le réseau secondaire, collégial, en partie, ça s'est vécu la semaine dernière et l'Ontario le vit actuellement dans les pentes de ski à Québec. C'est une tendance nouvelle d'introduire une semaine complète qui vient briser le rythme d'une saison. C'est vrai maintenant aussi à l'occasion de Noël, de plus en plus, il y a une semaine de dégagée...

Le Président (M. Bélanger): Je vous

inviterais à conclure, le temps est écoulé.

M. Théberge: Oui. Alors, je crois que ça dit l'importance d'un temps d'arrêt, d'un congé commun dans le rythme de la vie. Il me semble que cette tendance nouvelle doit, du même coup, nous inciter à ne pas mettre en cause trop facilement ce jour dans la semaine, ce jour régulier qui vient briser le rythme du travail. Donc, il y a une invitation, il me semble, très profonde à se rendre compte qu'il y a une respiration collective qui a un poids, qui a une richesse. C'est un acquis. Sous prétexte de modernité, sous prétexte de beaucoup de nouveauté, il me semble qu'il y a un progrès social qui n'en serait pas un, si on empiète sur cet espace.

Je terminerai en disant que ce seront les petites gens, ce seront les nouveaux arrivants, les immigrants, les jeunes, ce sont ces gens qui seront le plus pénalisés par le travail le dimanche. Ce ne seront pas les gens les mieux salariés. Ce ne seront pas les patrons. Ce seront les petites gens qui auront à choisir ces espaces pour travailler parce qu'ils devront gagner leur vie. (16 heures)

Le Président (M. Bélanger): Je suis obligé de vous interrompre. Le temps est écoulé.

M. Théberge: Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre

M. Tremblay (Outremont): M. Théberge, je vois que votre présentation est faite au nom du comité des affaires sociales.

M. Théberge: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce que vous avez, à l'Assemblée des évêques du Québec, un comité des affaires économiques?

M. Théberge: À ma connaissance, non. Le comité des affaires sociales traite des différentes questions économiques, politiques et sociales.

M. Tremblay (Outremont): Pouvez-vous me parler un peu de la représentativité du comité des affaires sociales?

M. Théberge: Oui. Le comité des affaires sociales, c'est le comité qui parle au nom de l'Assemblée des évêques du Québec pour les questions précisément économiques, politiques et sociales qui sont intervenues à l'occasion de la réforme sur la sécurité du revenu. Bon, vous connaissez probablement le message du 1er mai autour du monde du travail qui émane de ce groupe de réflexion dont ce groupe d'évêques. Ce sont, en fait, cinq évêques qui siègent à ce comité-là plus quelques laïcs, quelques experts qui travaillent avec eux pour réfléchir sur ces questions-là et donner des avis comme ça au nom de l'ensemble des évêques des 20 diocèses de la province de Québec.

M. Tremblay (Outremont): Et les sondages maison, je pense, que Mme Lagueux a mentionnés tout à l'heure, ce sont surtout des gens qui vont à la messe le dimanche. C'est là que vous avez... Est-ce que c'est ça?

M. Théberge: Oui. Ça a été dans la ligne des pétitions qui se signaient dans les pharmacies, qui se signaient un peu partout..

M. Tremblay (Outremont): Oui

M. Théberge: ...qu'on a tout simplement dit pourquoi, à l'arrière de l'église, on n'inviterait pas, si les gens veulent s'exprimer... Donc, il y a plusieurs paroisses un peu dans tous les coins de la province qui ont mis les pétitions et les gens se sont exprimés de telle sorte que ce qu'on voulait dire, une pétition versus l'autre, ça vient se balancer.

M. Tremblay (Outremont): Dites-moi, au niveau économique, une des recommandations ou des suggestions que vous nous faites, c'est de restreindre, dans la mesure du possible, les activités commerciales le dimanche. Je pense que plus on regarde la loi existante, on s'aperçoit qu'à cause des exceptions, elle est inéquitable, la possibilité de faire un retour en arrière ou d'aller de l'avant. Alors, dans votre cas, vous préférez le retour en arrière pour protéger le dimanche et je pense que c'est une position que vous défendez bien. C'est pour ça que je vous demandais tout à l'heure les conséquences économiques, vous ne les avez pas abordées, s'il y en a. Je ne dis pas qu'il y a des intervenants qui sont venus nous expliquer ça mais je voudrais juste voir si vous avez pris en considération l'aspect économique.

M. Théberge: En tout cas, on n'est pas les spécialistes du domaine comme on le disait. Maintenant, ce qui a amené un peu le trouble, à ce que j'ai pu saisir, ce sont les amendements de 1984, de fait, qui ont ouvert une porte et ceux qui ont utilisé cette porte après y être passés ont élargi le mur en arrière. Donc, il me semble qu'il y a quelque chose à corriger dans ce sens-là.

M. Tremblay (Outremont): Oui.

M. Théberge: J'oserais dire que c'est un peu comme un fumeur dans cette salle, ça ne dérangerait pas beaucoup, mais si tout le monde fumait... C'est ce dont on s'est rendu compte dans la société à un moment donné. Tant qu'il n'y avait que quelques fumeurs... Mais, à un

moment donné, on s'est rendu compte que lorsque tout le monde fumait, woop, là, on a dû revenir en arrière et faire des réglementations pour dire: Bien, il y a des conséquences. Et il me semble que dans ce cas-là, une ouverture, on se rend compte après coup qu'il y a des conséquences, qu'il y a des injustices. Est-ce que ça veut dire: Bien, ouvrons encore plus large pour réparer les injustices ou s'il n'y a pas à corriger certaines dimensions de cet amendement de loi qui a eu lieu en 1984?

M. Tremblay (Outremont): Mais vous allez convenir avec moi que si on parle de la cigarette, ce qui se passe aujourd'hui au niveau d'une certaine réglementation dans les avions, dans les endroits publics, c'est principalement parce qu'on a dépassé la majorité. Peut-être qu'aujourd'hui ce sont 53 %, 54 %, 55 % des personnes qui ne fument pas, peut-être plus même.

M. Théberge: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Alors, il y a eu un changement d'attitude important.

M. Théberge: Je pourrais dire qu'il y a eu une éducation.

M. Tremblay (Outremont): Oui, je suis d'accord.

M. Théberge: On s'est éveillé à des conséquences. Et je me demande si dans ce domaine-la, actuellement... C'est certain que si vous me demandez à brûle-pourpoint comme ça sur la rue: Est-ce que tu souhaiterais pouvoir magasiner quand tu veux? Un premier réflexe, "me and myself, c'est le moins de contraintes possible. Et, ça, c'est un premier réflexe comme... la même chose pour la cigarette. Le premier réflexe: Bien, oui, que je fume quand je veux et là où je voudrai, puis peu importe les autres. Je dirais que c'est un second réflexe, lorsque je prends conscience des conséquences ou que la science m'amène à voir les conséquences de la cigarette que, là, je change mes comportements et ma façon de voir.

Et je crois qu'on peut appliquer ça aussi actuellement face à tout ce débat autour des heures d'affaires. On a l'impression qu'on peut gruger cet espace social privilégié. Cet espace de repos commun, on peut le gruger sans conséquence à long terme. On pourrait élargir un peu et j'ai l'impression qu'on ne s'en porterait pas plus mal, tout ce qu'on en est, dans les années qui viendront. Mais, à long terme, quel sera l'impact réel sur la famille, sur la convivialité, comme on l'a dit? Ça, c'est...

M. Tremblay (Outremont): Parlons exactement de ça. C'est ma dernière question, les besoins réels des consommateurs. Je me rappelle les bonnes années où, avant d'aller communier, il fallait jeûner. Je me rappelle également que dans le temps, lorsque je servais la messe, pendant le temps des fêtes, il fallait servir trois messes. Je me rappelle également le temps où il y avait certaines formes de confession puis, aujourd'hui, on peut faire la même confession en groupe.

Alors, ce que je me dis, vous avez senti le besoin, pour répondre aux besoins réels de votre clientèle, d'élargir la messe, par exemple, le samedi soir pour justement permettre à des gens qui, à la suite d'une sortie le samedi, voulaient se reposer en famille, profiter du dimanche plutôt que d'aller à la messe le dimanche, donc le samedi.

Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction dans ce que vous nous dites que si, lorsqu'on parle de l'Assemblée des évêques du Québec, vous adaptez vos services aux besoins réels de votre clientèle avec - je fais le parallèle entre les deux - les besoins réels des consommateurs?

M. Théberge: Moi, je répondrais que d'adapter des services et d'en changer la nature, ça me paraît deux choses. Et ouvrir ce que je lisais hier - vous avez dû voir la nouvelle coalition qui vient de surgir pour l'ouverture - là, quand je lis ça, ce ne sont plus des adaptations. C'est la nature des choses qui change. Il faut, à ce moment-là, que tout soit, je dirais, le salut... Et j'ai été surpris de lire ça. Il y a une vocation. Le seul moyen pour l'entreprise privée de remplir sa vocation, c'est d'ouvrir le dimanche. Et Steinberg s'est trouvé une vocation aussi pour le dimanche. C'est en ouvrant le dimanche que Steinberg pourra le mieux accomplir sa mission. Là, pour moi, quand je lis ça, c'est la nature des choses qui est changée.

M. Tremblay (Outremont): Restons au niveau philosophique, la nature, justement ce point-là. Oublions les intervenants. Restons au niveau philosophique, la nature. En quoi pouvez-vous reprocher à des commerçants d'ouvrir le dimanche qui change la nature, si je compare à la nature de vos services? Ils vont offrir les mêmes services, sauf qu'ils vont les offrir sept jours par semaine au lieu de six.

M. Théberge: Vous avez parlé tantôt d'adaptation. Et je crois que dans le domaine des modifications à la loi, il y a eu des adaptations heureuses et moi, je suis tout à fait d'accord. Qu'on me dise qu'autrefois, la fonction que remplissait le perron d'église d'être un lieu de convivialité, aujourd'hui, il ne le remplit plus et qu'on développe d'autres lieux pour que cette fonction sociale soit remplie... M. le député de Langelier disait l'autre fois qu'il est allé aux halles et il a été surpris de voir le nombre de personnes qui étaient là et qui prenaient un café. Bien, bravo!

Mais, pour que se vive cette convivialité est-ce qu'il faut que le rapport devienne un rapport marchand? Est-ce qu'il faut absolument que j'achète ou que je vende pour remplir cette fonction sociale que les personnes se rencontrent et qu'on trouve des lieux, qu'on en développe, parce que, effectivement, le perron d'église jouait ce rôle, il y a un certain temps et ce n'est plus vrai, sinon partiellement? Donc, à ce niveau-là, je trouve qu'on doit fournir une multitude de lieux, mais penser que tous ces rapports-là doivent devenir des rapports marchands, il me semble qu'on rapetisse et qu'on change la nature des choses.

Le Président (M. Bélanger): Je cède la parole à Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue aussi au nom de ma formation politique. Je pense que vous n'êtes pas sans savoir que je partage essentiellement votre point de vue sur le fond de la question, particulièrement autour de tout ce concept de maintien de la qualité de la vie. Et, actuellement, ce qui m'agace un peu dans le débat, c'est qu'on tente de ridiculiser un petit peu, justement, cette espèce de vision en disant: Bon, là, vous exagérez, vous charriez quand vous dites qu'une journée, quelque part dans la semaine, qu'on en modifie son utilisation à des fins commerciales va avoir un tel impact sur la qualité de la vie. Alors, on tente donc de ridiculiser un petit peu cet aspect en disant: Bon, c'est vraiment accorder beaucoup d'importance à un élément qui, pourtant, est relativement secondaire.

Ce n'est pas mon point de vue, vous le savez, mais je le dis pour dire dans quel contexte on fait le débat. Ce n'est pas facile de tenir le point de vue que vous défendez et celui aussi que je défends au nom de ma formation politique. Mais allons-y, justement, au fond de cette réalité de la nouvelle éthique à développer. Parce que moi, j'y crois et je pense qu'on a un problème de société et il est dû au fart justement qu'on a un problème au niveau des valeurs.

Dans votre document, à la page 4, vous mentionnez le fait que... À la fin de la page, dans "dimanche et famille", vous dites: II ne faudrait pas accentuer l'isolement qui compromet l'épanouissement intégral des personnes. La faculté de choisir son jour de repos ne ferait qu'amplifier la privatisation et l'individualisme déjà très répandus dans notre société. Toute occasion de se rencontrer et de bâtir des liens interpersonnels communautaires est un facteur de cohésion pour la vie familiale.

J'aimerais que vous me parliez un petit peu des conséquences sur la vie des personnes et sur la communication entre les personnes et aussi sur l'aspect peut-être convivialité dont vous parlez, de cette philosophie qui se développe où "que le meilleur gagne", "chacun pour soi". Qu'il n'y ait pas de règle d'encadrement parce que ce n'est pas utile, surtout pour des activités de ce type-là - commercial - on dit: Pourquoi, finalement, un gouvernement se mêlerait-il d'organiser un peu le temps des gens? Qu'on laisse la liberté à chacun de choisir et de décider et on sera dans la meilleure des sociétés. J'aimerais que vous me parliez un petit peu de la réflexion que vous pouvez avoir fait autour de cette question-là.

M. Côté (Jacques): Mme Marois, je pense que nous n'avons surtout pas voulu faire un plaidoyer - on l'a dit d'ailleurs, je pense, clairement - pour que les gens... On enlève cette liberté qu'on peut avoir de choisir les loisirs qu'on veut, par exemple. Je pense que ce n'est pas à ce niveau qu'on situait notre intervention. C'est plus au niveau de ce qu'on pourrait appeler peut-être l'acquis social actuel dans notre société québécoise d'une journée - on pourrait souhaiter deux, mais soyons réalistes - qui permet dans la très grande majorité des cas au plus grand nombre de gens possible de vivre justement cette gratuité, cette convivialité, etc., dont nous avons fait mention tout à l'heure.

Je pense que la ligne est dans cette direction-là. Nous souhaitons, nous, que cet acquis que nous avons actuellement puisse être maintenu, quitte à adapter. On a parlé d'élargissement des heures en semaine. Il y a toutes sortes de modalités, on n'entrera pas dans le détail. On n'est pas spécialistes là-dedans. Ça, c'est un concept qui peut être intéressant. Mais gardons donc, pour la très grande majorité des citoyens et des citoyennes du Québec, cette possibilité, au-delà même, je dirais, de ce que nous avons appelé tout à l'heure le dimanche vu sous l'aspect religieux. C'est une question de liberté de conscience mais...

Mme Marois: Ça, c'est une autre chose.

M. Côté (Jacques): ...cette possibilité que nous voudrions garder pour les gens d'exercer facilement, sans contrainte, cette journée qu'on appelle "journée de repos", journée plus propice à la qualité de la vie. Ça ne veut pas dire qu'elle est la seule possible de la semaine. Ça ne veut pas dire que, dans certains milieux plus favorisés, le mercredi on peut faire jour de relâche si on est dans tel type de profession. Mais au plan social, actuellement, il est communément admis que le dimanche est la journée qu'à peu près tout le monde, en général, sauf les cas de services particuliers, bien sûr... Tous les travailleurs ne sont pas impliqués à conduire des autobus, par exemple, à travailler dans les hôpitaux. Alors, le dimanche est la journée qui est communément admise dans les faits actuellement, comme représentant cette possibilité. C'est plus le sens. On ne voulait pas, au nom des

fameux soi-disant droits individuels... On en fait d'ailleurs, que ce soit aux questions de la langue, que ce soit à d'autres niveaux en politique, une marotte actuellement des droits individuels. Gardons cet acquis commun, sinon communautaire, du dimanche. C'est un peu le sens. Je ne sais pas si ça répond à votre question. (16 h 15)

La Présidente (Mme Marois): Oui, madame, vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Lagueux: Je pourrais ajouter que les raisons communautaires qui font que je pense que c'est important de protéger le dimanche sont les mêmes que pour, si on regarde autour, par exemple, la semaine de mi-session. À un moment donné, le choix a été fait dans chacune des commissions scolaires et même, au départ, c'était chacune des écoles qui choisissait sa semaine. Alors, petit à petit, à quoi est-on en train d'assister et pourquoi? Je pense que ce sont les mêmes raisons qui sont en arrière de ça qui font que les gens ont besoin d'une plage commune et que les gens qui se connaissent, les gens qui ont à se rencontrer ou qui veulent développer des relations plus intimes et plus profondes ont besoin, effectivement, d'un temps comme ça. Peut-être qu'actuellement on est en train de banaliser cette journée qui arrive parce qu'elle peut être bien trop régulière, mais je pense qu'elle est à protéger, un peu pour les mêmes raisons.

Mme Marois: Oui.

M. Théberge: René Théberge. Il me semble qu'on sent, en arrière de ce débat, bien sûr, une question de profit. Ce n'est jamais nommé, mais c'est toujours sous-jacent. Il me semble que ce serait trop facile de vouloir envahir cet espace à grand pas sans en mesurer, encore une fois, les conséquences sociales, les conséquences, je dirais, sur la vie familiale, ia rencontre des personnes, sur toute la gratuité qui peut s'exercer, qui est possible parce qu'il y a beaucoup de monde qui est dégagé. C'est là que, je dirais, on voit du monde sur les stationnements. Quand est-ce que les stationnements des hôpitaux sont remplis? C'est le dimanche, et on pourrait donner d'autres exemples comme ça où il y a cette gratuité qui s'exerce et qui est un acquis social qui ne se chiffre pas dans les revenus et déboursés d'une société, d'un État, mais qui devrait, qui doit, je dirais, compter dans la balance commerciale, dans, je dirais, le trésor d'une province, d'une certaine manière, à côté, bien sûr, d'autres intérêts qui se font valoir et qui ont leur importance, mais ça, pour un gouvernement, il me semble que c'est important qu'on pèse ça. Et encore une fols, c'est a long terme, je crois, qu'on mesurera davantage comment le tissu social pourra se détériorer ou se construire. Ce n'est pas indifférent; il y a des lois, il y a des gestes, des libéralisations qui font que ça se détériore ou que ça se construit. C'est vrai dans un milieu familial et c'est vrai aussi dans une société.

Le Président (M. Bélanger): II y a M. Côté et Mme Lagueux qui voudraient réagir.

M. Côté (Jacques): J'aimerais rappeler que le gouvernement a bien indiqué clairement tout récemment, il y a quelques mois, par ia création du Conseil de la famille, il a rappelé sa préoccupation fondamentale de protéger en quelque sorte le noyau familial. Je pense que c'est une préoccupation très légitime et à laquelle nous souscrivons d'emblée. La famille - je cite à peu près textuellement - garde son importance. On a parlé de garder le dimanche jour de repos traditionnel reconnaissant par là qu'il y avait une tradition chez nous de culture effective extrêmement intéressante à préserver et on a parié du dimanche dont la fonction première, sinon parmi les plus importantes, est de permettre les rencontres, le loisir, le ressourcement. En ce sens-là, lorsqu'on affirme que le coeur du problème de ia question qui nous préoccupe actuellement est beaucoup plus la surabondance des exemptions qui a créé une concurrence déloyale, etc. - je ne referai pas le dossier que d'autres ont mieux présenté que nous sur ces questions-là - moi, je pense que, de libéraliser le commerce le dimanche, ce n'est certainement pas aller dans la ligne de cette noble préoccupation que le gouvernement s'est plu à nous rappeler, à redire et à rappeler encore par l'avis tout récent du Conseil de la famille, sur les critères à préserver dans les politiques familiales pour favoriser l'éclosion et défendre ia famille sous différents aspects.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Nicolet?

Une voix: Yamaska.

Le Président (M. Bélanger): Yamaska, oui.

M. Richard: Merci, M. le Président. Vous mentionnez dans votre mémoire: "Restreindre, dans la mesure du possible, les activités commerciales du dimanche, y compris dans le secteur alimentaire." On sait que, dans le secteur alimentaire, depuis quelques années, on pose des gestes à caractère quotidien. Vous semblez dire, d'une façon générale: Nous, on ne veut pas qu'il y ait d'autres commerces d'ouverts le dimanche, on veut réduire les exemptions qui existent dans la loi actuelle, mais est-ce que ça va aussi loin que de dire même dans le milieu alimentaire, en prenant comme exemple le monde de la fruiterie, qui est quand même un avènement assez nouveau depuis quelques années, donc uniquement ce qu'on appelle le dépanneur, trois personnes et

moins?

Mme Lag ueux: De toute façon, je pense qu'on va répondre la même chose. Là-dessus, je pense que ce qu'on veut protéger à l'intérieur de ça, c'est effectivement une certaine forme de qualité de vie, donc d'amener les restrictions le plus complètement possible, y compris dans le secteur alimentaire, y compris pour la question des fruiteries. Je pense qu'il y en a d'autres qui ont pu vous faire des démonstrations tout à fait complètes à savoir que la qualité des produits qui sont offerts n'est pas mise en jeu par le fait qu'on ferme une journée, le dimanche. De toute façon, j'ai l'impression que la science est assez avancée là-dessus pour qu'on soit capables, effectivement, de nous offrir des produits de qualité.

Deuxièmement, c'est entendu que, comme société ou comme mode, on revient en arrière - pour reprendre un petit peu les propos du début - au temps où personne n'avait de réfrigérateur et où il fallait, effectivement, s'approvisionner à tous les Jours. C'est une mode. Est-ce que, parce que c'est une mode, ça ne changera pas demain ou autrement? Je pense qu'effectivement, cette mode, on peut la suivre sans que ce soit une telle journée, soit le dimanche. En soi, je pense qu'on peut très bien s'organiser autrement dans cette perspective.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. Très brièvement, j'aimerais vous entendre élaborer un petit peu plus. Vous avez mentionné, dans votre message, qu'une de vos craintes - je crois que c'est M. Côté qui a mentionné ça - c'était aussi l'effritement de la famille, étant donné qu'il y a de plus en plus de familles monoparentales, et que ça puisse affecter le droit de visite. Si c'est possible, j'aimerais que vous élaboriez juste un peu sur le droit de visite des enfants, à savoir si ça pourrait chambarder quelque chose?

M. Côté (Jacques): J'ai plutôt voulu dire, monsieur, qu'en pratique, si nous considérons l'exemple des maisons de la famille, actuellement, je n'apprendrai rien à personne en disant qu'il y a beaucoup de familles, au Québec, qui sont des familles dites éclatées, réorganisées, reconstituées, comme on veut les appeler. Dans les faits, à la Maison de la famille de Limoilou, par exemple, qui est un service offert à la communauté, nous constatons que pour la très grande majorité des pères, car ce sont souvent les pères qui sont les plus impliqués dans cette forme de garde partagée - les mères aussi -c'est en fin de semaine et le dimanche, principalement, non pas exclusivement mais principalement, que ça se fait. Dans la pratique, de tous les jours de la semaine, c'est le dimanche que le père prend les enfants. Là, on parle de système de malsons avec droit de visite où des gens, pour toutes sortes de raisons, ne peuvent pas prendre leurs enfants chez eux. Alors, c'est le dimanche, principalement, qu'ils vont le faire. Et je ne dis pas que ça va empocher ça. Je dis simplement qu'on va, encore une fois, créer une condition d'exercice encore plus difficile qu'elle ne l'est actuellement, à des gens qui ont déjà des difficultés à cause des horaires de travail de la semaine régulière et aussi des écoles. Il faut penser que... supposons que, moi, je vivrais cette situation et que j'aimerais bien avoir mes enfants deux jours par semaine en plein milieu de la semaine scolaire, ça poserait aussi des problèmes, ça. Je pense qu'il faut être réaliste et voir que, dans notre système actuel, le dimanche - pour certains, c'est aussi le samedi, mais parlons du dimanche - est quand même la journée qui semble la plus propice pour un très grand nombre de gens, pour maintenir cette visite aux enfants. C'est le seul sens de ce que j'ai voulu apporter.

M. St-Roch: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de l'Acadle.

M. Bordeleau: D'abord, je veux vous remercier de nous avoir présenté votre point de vue. J'aimerais, juste avant de vous poser une question plus précise, réagir à ce que la députée de Taillon mentionnait tout à l'heure à savoir que le point de vue que vous défendez a peut-être tendance à être ridiculisé par certains. Je ne sais pas exactement à qui elle faisait référence quand elle mentionnait ce fait-là, mais je voudrais bien que ce soit clair - et j'ai l'impression de parler pour mes collègues de la deputation ministérielle - à savoir qu'il n'est pas question, pour nous, de ridiculiser aucun point de vue. Au contraire, je crois que les gens viennent nous présenter des points de vue très différents, notre objectif est d'essayer de faire le maximum pour comprendre exactement toute la valeur de chaque présentation qui nous est faite. Il n'est pas question pour nous d'avoir une position préétablie. En tout cas, dans mon cas, ce n'est pas du tout ce qui se produit. Alors, on est intéressés à avoir tous les différents points de vue et je pense que le fait de poser des questions ne veut pas dire qu'on ridiculise une position ou l'autre. Ceci étant dit...

Mme Marois: M. le Président, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Taillon. C'est une question de privilège.

Mme Marois: Je m'excuse auprès de nos invités. C'est une question de privilège. Il est

bien entendu... et le député va sûrement apprendre à travailler avec moi, on va apprendre a se connaître. Ça fait peu de temps qu'on travaille ensemble, mais il va apprendre que je suis très respectueuse, d'une part, des personnes qui nous présentent leur point de vue, et aussi de mes collègues, tant de mon côté que de l'autre côté de la Chambre. Et il est évident que mon propos n'était pas de dire que, d'aucune espèce de façon, le gouvernement avait voulu ridiculiser cette approche-là, mais c'est un discours qui a cours, cependant, ailleurs qu'à cette commission et où des gens nous disent: C'est effectivement ridicule, etc., etc. Moi, j'en défends une position et c'est à cela que j'essaie de trouver des arguments et aussi une façon de défendre le point de vue qui est présenté, entre autres, par les gens qui sont devant nous. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci madame. Alors, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Alors, écoutez, je reviens à ma question d'une façon plus précise. Sur la première page de votre document, vous mentionnez de limiter le nombre d'exceptions. Je me demandais, de façon concrète, quelles seraient les exceptions auxquelles vous avez peut-être pensé? Vous connaissez la liste d'exceptions qui existent actuellement. On a fait référence aux difficultés actuelles et à une certaine Inéquité qui peut exister, mais concrètement, ce seraient quoi les exceptions qu'il vous paraîtrait au fond acceptable de retenir éventuellement?

M. Théberge: Moi là-dessus, je veux vous référer, encore une fois, au rapport Richard qui a été produit par une commission et qui indique, qui donne des références claires et qui nous paraissent tout à fait acceptables en termes de limitation et, entre autres, je sais que ça touche autour des pharmacies...

M. Bordeleau: O.K.

M. Théberge: ...à un moment donné qui ont sauté les barrières. Bon, je n'entrerai pas encore une fois dans les détails, mais notre référence, c'est ce document qui appartient à cette Chambre...

M. Bordeleau: O.K.

M. Théberge: ...le rapport Richard où ça nous donne des balises qui nous semblent tout à fait intéressantes et qui, encore une fois... C'est certain, la position qu'on tient, ça touche à des valeurs traditionnelles et ça ne me gêne pas qu'on me dise que je défends des valeurs traditionnelles dans un débat comme celui-ci parce qu'il me semble que... En tout cas, je suis aussi à l'aise pour défendre ces valeurs-là que, je dirais, quand j'entends, sans que ça soit trop dit, la force de la loi du profit actuellement qui devient une loi qui semble devoir prendre toute la place et tous les droits. J'oserais ici reprendre quelqu'un qui me précédait quand je suis passé à la commission Richard. C'étaient des propriétaires de grandes surfaces qui louent des espaces, et je ne sais pas si M. Richard se souvient, mais on disait ceci et c'est le mot à mot: "L'homme est un animal économique. Ce qui est important, c'est de susciter chez lui "l'Impulsion bound" -M. Richard incline - le réflexe conditionné pour le faire acheter et pour ça, ii faut qu'il soit le plus souvent possible mis en contact avec la vitrine pour qu'il voie et, du même coup, que se déclenche cette impulsion qui va faire qu'il va acheter. Ça, c'étaient leurs propos. Il y avait de quoi, forcément, faire un peu dresser les cheveux, mais ça dit de manière caricaturale cette loi du profit qui, actuellement, je dirais, veut s'imposer de façon discrète, dans un langage très très soigné habituellement, mais il me semble que l'homme est...

Le Président (M. Bélanger): Est-ce que vous pourriez conclure, s'il vous plaît, puisque le temps est écoulé?

M. Théberge: Oui. L'homme est plus qu'un consommateur en puissance. L'homme est plus que ça. Et quand je dis l'homme ici, c'est sûr, c'est dans le sens large, homme et femme, bien sûr.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laviolette, vous aviez une question?

M. Jolivet: Oui, bien en fait, c'est peut-être un commentaire plus qu'une question. Je me souviens de ce qui différenciait autrefois les collèges privés des collèges publics, c'était qu'on y enseignait le latin et le grec, qu'on n'allait pas à l'école le mercredi après-midi et qu'on y allait le samedi matin et, à un moment donné, pour des raisons diverses, on a tout fusionné ça pour les besoins des polyvalentes. Simplement pour donner l'autre partie aussi à la réplique du député de Taschereau qui disait qu'il était tout surpris de voir des gens aller prendre un café dans des halles, le dimanche.

Je dois vous dire que si on part de ce principe-là pour rassembler le monde, je trouve qu'on voit un peu mal, dans la mesure où on regardera ce qui s'est fait dans les centres commerciaux... Faites la différence entre Place Laurier et le mail Saint-Roch, faites la différence entre Rockland et Anjou, vous allez voir la différence énorme. Si on se fie sur ça pour amener le monde à vivre en société et à se rencontrer, moi, j'ai peut-être des fois des soupçons à l'idée que ça ne devrait pas être ça. Et regardez ce qui est arrivé au mail Saint-Roch en particulier pour le donner comme exemple,

parce que c'est arrivé ailleurs aussi - ce n'est pas le député de Salnt-Roch, le député de Drummond - au mail Saint-Roch, qu'est-ce qu'on a fait à un moment donné, pour se débarrasser de personnes indésirables? On les a parquées dans un coin en disant: Allez au petit café de la paix - je ne sais pas comment on l'appelle là - puis allez prendre un café là plutôt que de vous asseoir dans le centre commercial ou encore dans le mail intérieur, comme vous le connaissez, ou ailleurs, et on met des policiers pour les sortir de la place. (16 h 30)

SI c'est ça qu'on veut comme société, si on veut un lieu de rassemblement où on va se débarrasser de ceux qu'on ne veut pas voir par des moyens détournés, je trouve que ce n'est pas la solution du futur. Dans ce sens-là, si, en plus, on veut ajouter une journée de plus à ce phénomène-là, je ne vois pas comment on va rassembler une population et lui dire: Vivez en communauté, vivez de façon à vous donner une qualité de vie. C'est mon impression personnelle et c'est pour répondre un peu à ce que disait le député de Taschereau, la semaine dernière.

Le Président (M. Bélanger): Alors, brièvement, s'il vous p'aît, M. Côté.

M. Côté (Jacques): Nous, nous pensons que, dans toute cette question, il y a des erreurs à corriger et que la solution, c'est la correction des erreurs ou du laxisme excessif beaucoup plus que la remise en question systématique d'acquis sociaux et culturels aussi riches que le dimanche dans notre société québécoise.

Le Président (M. Bélanger): Très rapidement.

M. Théberge: En terminant, je crois qu'on est rendus là, au nom de l'Assemblée des évêques du Québec, je tiendrais à remercier la commission, M. le Président, M. le ministre et les membres de l'Opposition de nous avoir entendus.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: On vous remercie aussi de votre présentation. Je voudrais juste revenir, puisque j'ai une ou deux minutes pour clore, à mon tour, sur certains éléments que vous apportez dans votre document. Vous dites que peut-être ça créera des emplois - vous laissez un point d'interrogation - mais il est aussi assez clairement dit, dans les documents que nous avons devant nous, que ce que ça peut faire, c'est plutôt de déplacer des emplois que d'en créer effectivement. Donc, il ne faut pas non plus - parce que ça aussi, ça fait partie du débat - soulever une culpabilité en disant: Là, maintenant, on est contre l'emploi, alors qu'on se défend pour que les travailleurs et les travailleuses, au contraire, aient des conditions de travail plus décentes et moins précaires. On sait que, souvent, le travail de fin de semaine amène aussi la précarisation du travail. D'autre part, effectivement, la bataille qui est devant nous est, entre autres, une bataille de parts de marché. Certains diront: C'est tellement petit comme pourcentage, ce qu'on peut aller chercher, c'est 1 %, 2 %, 3 %. Pourquoi? Donc, ce n'est pas vrai, ce n'est pas une bataille de parts de marché, c'est une bataille de services au consommateur. D'autre part, en même temps, on nous dit, et ce sont des chercheurs qui nous l'ont dit jusqu'à maintenant, que 1 % ou 2 %, dans l'alimentation, à cause des marges bénéficiaires, c'est énorme. Alors, il y a aussi une bataille de parts de marché dans ce que l'on discute actuellement.

Ceia étant dit, je vous remercie de la contribution que vous apportez à nos travaux et de la réflexion supplémentaire que vous nous amenez sûrement à faire. Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Mme Lagueux, MM. Théberge et Côté, j'aimerais vous remercier et vous dire que je pense que c'est important, les valeurs traditionnelles. On est d'accord avec ça, mais je ne voudrais surtout pas vous laisser ou que vous nous laissiez avec l'impression, quand on parie, soit de bataille de marché ou de profit, que ce n'est pas sain. Je pense que même si on en arrivait à la conclusion que la volonté générale, c'est la fermeture des commerces le dimanche, un fait demeure, le profit va toujours être là et les valeurs traditionnelles vont devoir vivre avec cette notion de profit. Je pense que ce que je retiens de votre présentation, au-delà de l'importance de la qualité de vie et des valeurs traditionnelles, c'est que, quelle que soit la décision que nous allons prendre, la loi va devoir être équitable. Et si elle est équitable pour tous et pour toutes, on en arrivera peut-être à un meilleur équilibre des profits qui permettra à des gens de maintenir une qualité de vie. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de l'économie et du travail remercie l'Assemblée des évêques du Québec et invite, à la table des témoins, le Congrès juif canadien.

J'inviterais chacun des membres de la commission à reprendre sa place, s'il vous plaît, afin que nous procédions à l'audition du Congrès juif canadien, qui sera représenté par M. Jack Jedwab et M. Richard Levy. Je vous prierais donc, messieurs, de bien vouloir vous identifier et de procéder à la présentation de votre mémoire. Vous avez 20 minutes pour ce faire, 20 minutes fermes et, par la suite il y aura une période d'échange avec les parlementaires. Je vous prierais aussi, à chaque fois que vous

prenez la parole, de bien vouloir vous identifier, cela pour les fins de transcription au Journal des débats. Je vous remercie, je vous écoute.

Congrès juif canadien

M. Levy (Richard): Merci, M. le Président. Je me présente, Richard Levy. Je suis président du sous-comité sur les heures d'ouverture du comité des relations communautaires de la région du Québec du Congrès juif canadien. C'est beaucoup de mots pour vous dire que je suis la personne qui s'occupe de ce dossier auprès du Congrès juif canadien. Je vous présente M. Jack Jedwab, qui est directeur des relations communautaires du Congrès juif canadien, région du Québec. M. Jedwab enseigne à l'Université McGill, au département de sociologie; il donne un cours sur les minorités du Québec. Moi, je ferai la présentation de notre mémoire dont j'espère tout le monde a reçu copie. M. Jedwab et moi allons partager l'honneur de répondre à vos questions.

Peut-être que je devrais commencer par expliquer un peu ce que ça veut dire, le Congrès juif canadien, région du Québec. Le Congrès juif canadien, ce n'est pas un organisation religieuse, c'est une organisation communautaire qui unit différentes organisations, fédérations juives du Québec, qui représentent ou tentent de représenter différents points de vue des juifs du Québec sur des questions politiques et sociales. Nous nous intéressons au dossier des heures d'ouverture des établissements commerciaux depuis longtemps et nous avons présenté plusieurs mémoires devant d'autres commissions parlementaires, l'an passé. Nous vous remercions pour l'opportunité de présenter, lors de cette consultation, encore une fois, notre position qui, comme... La société du Québec est développée et, chaque fois qu'on présente un mémoire, ça nous donne une chance de réfléchir un peu sur ce que représente la loi sur les heures d'ouverture le dimanche. (16 h 45)

Je pense que ce serait bon de commencer en vous résumant un peu nos recommandations qui sont clarifiées dans notre mémoire. Mais avant de faire ça, juste un peu d'histoire. Nous avons fait, lors des consultations parlementaires, en 1984, une présentation sur le fait qu'il n'y avait aucune exemption dans la loi parmi toutes les exemptions que vous avez pour combler, pour solutionner le problème suivant: Parmi notre communauté, il y a beaucoup de juifs, qu'on appelle des juifs religieux, qui suivent très soigneusement les dictées, les règles de la religion juive. Et une de ces règles - que tout le monde connaît - c'est qu'un juif religieux doit fermer son commerce du coucher du soleil le vendredi jusqu'au coucher du soleil le samedi soir. Et à cette époque-là, avec la loi canadienne sur la fermeture des commerces le dimanche, qui est maintenant déclarée invalide et la loi provin- ciale, il y a eu ce résultat qui n'était pas prévu par la loi qu'un religieux juif devait fermer son commerce le samedi, à cause de ses convictions religieuses, et à cause de la loi, il devait fermer son commerce le dimanche. Alors, vraiment, il était pris dans une position onéreuse: la fin de semaine, le week-end, les deux journées importantes, il devait rester fermé.

À cause des représentations du Congrès juif canadien, il y a eu une exemption qui a été introduite à l'article 5.4 de la loi qui dit ceci: "Le ministre peut également, aux conditions déterminées par le gouvernement, autoriser des établissements commerciaux à exercer leurs activités le dimanche, si ces établissements effectuent leurs activités de façon régulière et conformément à la loi, du lundi au vendredi, et s'ils sont fermés le vendredi, à compter du coucher du soleil, le samedi toute la journée, et si à chaque jour d'ouverture, il n'y a jamais plus de trois personnes en même temps pour en assurer le fonctionnement." Alors, on a travaillé avec cette exemption depuis 1984. Cette exemption a permis à beaucoup de commerces qui sont gérés par des juifs religieux de rester ouverts le dimanche. Mais ça a causé beaucoup de problèmes.

Le premier point que je voudrais présenter devant cette commission, c'est de rectifier ces problèmes, qui sont des problèmes techniques, et qui peut-être n'ont pas été prévus par les personnes qui ont rédigé cette loi. On a demandé dans le décret que toute demande d'autorisation de rester ouvert le dimanche soit accompagnée d'une recommandation du Congrès juif canadien. Depuis 1984, le processus est le suivant: On reçoit une demande de quelqu'un qui s'identifie. On passe la demande au ministère de l'Industrie et du Commerce, et le ministère de l'Industrie et du Commerce refuse ou accueille la demande. Mais ça nous a mis vraiment dans une position vicieuse, si vous me permettez l'expression, parce que ça nous a obligés à demander aux personnes: Quelles sont vos convictions religieuses? Si on a demandé de fournir une recommandation, on n'a aucun fondement dans les recommandations sans faire une enquête auprès de la conviction d'une personne. Ça veut dire qu'on doit demander: Êtes-vous juif? Ou on peut aller plus loin qu'on n'a pas à aller pour dire: Est-ce que vous êtes un juif religieux? Et je pense que je partage probablement l'opinion des membres de cette commission que c'est vraiment quelque chose qui est vicieux et inopportun que de demander aux personnes: Quelles sont vos convictions religieuses?

Alors, notre première recommandation et on espère que le gouvernement va maintenir cette exemption - c'est que l'exemption soit donnée sur la base d'une demande faite directement par le requérant, ou comme pour les autres exemptions. Cela veut dire que si vous pensez qu'une personne viole l'esprit ou la lettre d'une exemp-

tion, vous avez des Inspecteurs pour vérifier si vraiment le commerce ferme le samedi. On vous demande de laisser la recommandation du Congrès juif canadien de côté, parce que c'est vraiment nous mettre dans une position inconfortable. On ne veut pas être l'intermédiaire entre un requérant et le gouvernement, juste en passant la demande. Certainement, on ne voudrait passer un avis sur la bonne foi d'un requérant qui se dit: Je profite de l'exemption.

Nous avons trois autres recommandations et je résume comme suit. Le Congrès juif canadien recommande que la loi soit amendée de façon à permettre à tous ceux qui observent le "shabbat" de demeurer ouverts le dimanche, indépendamment de la taille du commerce et de la main-d'oeuvre. Maintenant, si vous opérez une pharmacie, ou une librairie avec cinq, six ou sept personnes pendant la semaine, vous ne devez pas réduire votre effectif le dimanche pour profiter de l'exemption. Mais si vous êtes un juif religieux et que vous voulez profiter de l'exemption pour ceux qui observent le "shabbat", vous devriez, selon la loi, opérer votre commerce avec un maximum de trois employés, pendant toute la semaine. Ça veut dire qu'il n'est pas possible pour vous d'opérer un commerce avec dix personnes pendant les cinq journées de la semaine et de diminuer votre effectif le dimanche. La loi dit ceci, qu'il faut que chaque jour que vous êtes ouverts, votre effectif ne dépasse pas trois personnes. Pour nous, ça viole un des principes directeurs de votre comité consultatif. Parce que votre principe numéro un, c'est l'équité entre des commerces. En rédigeant l'exemption de cette façon, vous créez une division dans la communauté juive. Et vous créez une division entre ceux qui peuvent opérer leur commerce avec trois personnes et ceux qui ne le peuvent pas. Je pense que cette discrimination entre des personnes de la même communauté crée des divisions dans la communauté et c'est vraiment quelque chose qui n'est pas souhaitable. C'est pour ça que notre deuxième recommandation est que, indépendamment de la taille du commerce ou de la main-d'oeuvre, les personnes qui profitent de l'exemption devraient en profiter.

Juste pour vous montrer que la même question est maintenant débattue en Ontario... En Ontario, leur nouveau projet de loi a écarté cette restriction. En Ontario il y avait une restriction qui était plus large que la nôtre. Auparavant, en Ontario on pouvait bénéficier de l'exemption en ayant sept employés - au Québec c'est trois - et un maximum d'espace des lieux de 5000 pieds carrés. Maintenant, en Ontario, avec le nouveau projet de loi, on a trouvé que, pour les raisons que je viens de vous donner, c'est injuste et on a aboli les restrictions. Ça veut dire que tout le monde qui bénéficie de l'exemption peut ouvrir le dimanche.

Notre troisième recommandation se résume comme suit. Le Congrès juif canadien région du Québec pense qu'une exemption du dimanche juste et équitable devrait être assez vaste pour profiter à tous ceux qui observent un jour de repos autre que le dimanche. C'est encore une question d'équité. C'est vrai qu'on représente le Congrès juif canadien, mais on est conscients qu'il y a d'autres groupes religieux qui observent une journée de repos, une journée avec leur famille ou une journée de réflexion, un jour autre que le samedi et on pense que nos recommandations devraient être équitables pour tous les citoyens du Québec. C'est pour ça qu'on dit ceci: Si une personne a une journée de repos le vendredi, ou une autre journée de la semaine, elle devra profiter aussi de l'exemption.

On vient de vous passer des feuilles d'un document, avec le document de fond, qui s'appelle "L'Église des adventistes du septième jour à Saint-Hubert." C'est intéressant qu'on ait reçu une demande de cette église adventiste pour donner une recommandation à un de ses membres. On a été vraiment mis dans une position gênante. On a été mis dans la position de recommander au gouvernement une exemption pour quelqu'un qui est d'une autre croyance. Ça se peut qu'on reçoive des demandes des musulmans qui observent le vendredi. C'est vrai que maintenant, la loi est rédigée pour englober le coucher du soleil le vendredi jusqu'au coucher du soleil le samedi, mais si, par exemple, vous élargissez la loi pour un musulman, la question de recommandation est toujours une question onéreuse. Mais, à part la question de recommandation, je pense que tout le monde qui observe une journée de repos devrait bénéficier de la même exemption.

Notre quatrième recommandation est ceci. On recommande qu'une loi sur le travail sort ébauchée pour assurer à tout employé de commerce au détail la possibilité de choisir entre le samedi et le dimanche comme journée de repos pour la consacrer à sa convenance à sa famille ou ses amis. On est conscients que pour beaucoup, le troisième principe directeur de votre comité, la qualité de vie, est quelque chose de très précieux et très important. Je viens d'écouter la présentation qui a été très éloquente sur l'importance de la qualité de vie et les liens entre familles. Nous autres, nous sommes conscients que pour les personnes qui ferment une autre journée de semaine, il soit permis d'ouvrir le dimanche - cette recommandation sera-t-elle acceptée par votre gouvernement? - que ça peut agrandir, élargir le nombre des employés qui seront mis en position de travailler le dimanche.

Dans notre opinion, on devrait chercher un équilibre entre les besoins des consommateurs de faire le magasinage le dimanche, les besoins des commerçants de faire le commerce le dimanche et les besoins des travailleurs. Et, dans notre opinion, ce n'est pas le bon endroit dans une loi sur les droits d'ouverture pour réaliser cet

équilibre. Nous sommes d'opinion qu'un employé qui ne veut pas travailler le dimanche pour des raisons religieuses ou pour toute autre raison devrait avoir protection selon la loi sur le travail pour protéger ses droits et ce congé du dimanche.

Je devrais juste finir en disant un mot sur les consommateurs de croyance religieuse juive. Ces consommateurs juifs sont maintenant vraiment désavantagés par le présent régime. Ils ne devraient pas, par leurs croyances religieuses, faire le magasinage le samedi. La plupart des commerces sont fermés le dimanche. Le vendredi soir, c'est aussi leur sabbat. Alors, ceux qui travaillent, il y a aussi beaucoup de couples de croyance religieuse juive partout dans la société québécoise où les deux personnes, la femme et le mari, travaillent et ça leur donne juste le jeudi soir pour faire tout le magasinage. Si vous allez dans certains magasins à Montréal le jeudi soir, vous penserez qu'il y a des milliers et des milliers de juifs religieux à Montréal parce qu'ils font tout leur magasinage le jeudi soir, ils n'ont pas le choix. Ça, ça me rappelle le commentaire d'un journaliste pigiste, Claude Piché, dans La Presse du 13 février 1990. J'espère que je vais lire ça sans violer les droits d'auteur: "La loi présente oblige les gens à vivre continuellement en course contre la montre. Les commerces sont ouverts alors que personne ne peut aller magasiner et sont fermés alors que les consommateurs auraient le temps d'y aller." Je pense que c'est surtout le problème des consommateurs juifs. On peut régler ces problèmes et les problèmes des autres citoyens québécois en mettant, dans une loi sur le travail, la protection des employés. (17 heures)

Le Président (M. Bélanger): Je vous invite à conclure.

M. Jedwab (Jack): Si vous me permettez d'ajouter quelques mots à la présentation de M. Lévy.

Le Président (M. Bélanger): C'est M. Jedwab.

M. Jedwab: M. Jedwab, oui. Est-ce que je me présente? Je pense que je n'ai pas besoin. Je suis directeur des relations communautaires au Congrès juif canadien. J'offre également un cours à McGill sur les minorités au Québec au département de sociologie.

Premièrement je veux dire que le Congrès juif a bien apprécié la bonne volonté du gouvernement qui a accordé une exemption aux observateurs du sabbat, je pense que c'était en 1985. Mais, simplement, notre expérience démontre que ça ne fonctionne pas, et c'est mis en évidence, non seulement par la lettre qu'on a reçue... Ce n'est pas la lettre que nous avons reçue de l'Église adventiste, mais on a reçu une lettre de la Direction des services aux entreprises com- merciales qui a envoyé une lettre à l'Église adventiste, et ils ont référé leur cas au Congrès juif canadien. Alors, j'espère que vous comprendrez que notre rôle intermédiaire dans une telle situation n'est pas pour nous autres la meilleure situation pour traiter des cas particuliers. En général, ça soulève une autre question, c'est le gouvernement, l'autorité gouvernementale pour enquêter, pas sur les convictions religieuses, mais dans ce cas-là, c'était sur les pratiques religieuses de certains individus. Je comprends très bien que, dans un Québec qui n'est pas monolithique, où il y a des personnes qui partagent des valeurs différentes, je comprends que les intervenants... C'est terminé?

Le Président (M. Bélanger): Le temps est écoulé, si vous voulez, très rapidement...

M. Jedwab: Vous avez un discours très éloquent! Je vais arrêter là.

Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez, quand même, finir votre point de vue.

M. Jedwab: Oui, juste encore une autre minute. Je vais essayer d'être bref. Je comprends que l'intervention que vous avez entendue - moi j'ai bien entendu l'intervention tantôt - où les représentants étaient très préoccupés par la qualité de la vie. Nous autres aussi, sommes aussi préoccupés par la même question. Dans la communauté juive, ce ne sont pas toutes les personnes qui respectent le sabbat, vous le savez, bien sûr. Moi, par exemple, je suis laïc, mais, quand même, je pense que c'est nécessaire de protéger les observateurs du sabbat, qui ont leur propre rythme de vie, et avec plusieurs autres personnes dans la société, qui ne partagent pas des valeurs, je ne dirais pas, il n'est pas nécessaire de dire des valeurs chrétiennes, parce qu'il y a des valeurs non-chrétiennes où certaines personnes pensent que le dimanche doit être un journée en commun, une journée de repos. Bien sûr, il y a beaucoup d'autres personnes qui pensent que, pour eux-autres, ils ont leur propre rythme de vie, et puis, ils pensent que c'est toujours possible dans la société québécoise, qui est de moins en moins homogène, que ça ne brise pas pour un grand nombre de personnes qui veulent respecter le dimanche, cette possibilité. Je termine là.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup. J'aimerais que vous m'aidiez dans la réflexion, surtout du point de vue suivant: À cause de vos convictions religieuses et de votre religion - pas juste les convictions, de vos contraintes au niveau de votre religion - au

coucher du soleil et le samedi, vos commerces doivent être fermés, pas nécessairement les vôtres, là. Donc, un des problèmes qu'on a avec la loi, c'est l'équité. Théoriquement, peut-être pas aujourd'hui, mais peut-être dans un an, deux ans ou trois ans, si on permettait l'ouverture des commerces, vos commerces, l'exception que vous demandez le dimanche, indépendamment du nombre d'employés, ce que vous demandez également, ne pas le limiter à trois, on pourrait très bien, dans une situation où ces commerces-là feraient la concurrence à d'autres commerces comme ça arrive présentement, sans vouloir mentionner le nom des commerces. Étant donné qu'on veut avoir une loi équitable, ce que vous nous dites, c'est: Oui, respectez nos valeurs religieuses. Par contre, nous, ce qu'on dit, c'est: Tout le monde pourrait ouvrir le dimanche puis ça ne nous dérangerait pas. Vous êtes d'accord avec ça? En d'autres mots, vous ne nous dites pas, parce que vous autres, vous avez des problèmes religieux, qu'il faut fermer le dimanche. Ce que vous dites, c'est: Nous, on veut avoir le droit d'ouvrir ie dimanche, indépendamment du nombre d'employés. Si d'autres sont ouverts, tant mieux! Bon, parfait. Un, ça, c'est clair.

Deuxièmement, vous allez même plus loin, vous faites une suggestion pour dire, dans le fond: SI d'autres, pour des valeurs religieuses ou pour d'autres raisons, fermaient, par exemple, le lundi et voulaient ouvrir le dimanche, ils le pourraient. C'est ça que vous nous dites?

La Présidente (Mme Dionne): M. Levy.

M. Levy: Oui. Brièvement, on se demande à certains moments pourquoi les religieux juifs devraient bénéficier d'une exemption...

M. Tremblay (Outremont): Oui.

M. Levy: ...sans que les autres communautés en bénéficient.

M. Tremblay (Outremont): Oui.

M. Levy: On connaît les musulmans, par exemple; on ne connaît pas toutes les religions, les croyances religieuses. Alors, finalement, on dit ceci: Si quelqu'un ferme pour une raison une journée de la semaine, il devrait ouvrir le dimanche. On peut dire pour des croyances religieuses, mais le problème, en disant pour des convictions religieuses, comment est-ce qu'on peut régler ça? On est dans le même trou; ça veut dire que notre seule façon de régler les convictions religieuses, c'est de demander à quelqu'un: Quelles sont vos convictions religieuses? La Cour suprême du Canada - je partage et je pense que la majorité des Québécois partage cette opinion - dit que c'est contre nos libertés et nos droits de citoyens de recevoir une enquête sur nos convictions. Alors, si on ne permet pas une enquête sur nos convictions religieuses, pour moi, la seule solution est de dire: Ceux qui ferment une journée de semaine devraient ouvrir le dimanche. C'est comme ça qu'on a abouti à cette logique.

M. Tremblay (Outremont): Comment réagi-riez-vous si on disait qu'on ferme les commerces le dimanche, sauf s'il y a trois employés et moins, tout le monde? Parce qu'on voit la complexité, là. En fait, on parle de la communauté juive; on peut avoir la communauté musulmane éventuellement. Si on regarde au niveau de l'immigration, il y a d'autres communautés qui vont se joindre à nous éventuellement et qui pourraient nous faire des demandes spéciales pour dire: Nous autres, on a une journée de religion. Est-ce que c'est au gouvernement de s'adapter aux immigrants qui viennent ici ou si c'est au gouvernement de dire: On permet une certaine législation, puis adaptez-vous à cette législation-là? En d'autres mots, ce que je dis, c'est qu'il y a deux façons de le faire. On ouvre les commerces le dimanche, donc tout le monde est sur le même pied. Vous, vous êtes, à cause de vos convictions religieuses, peut-être comme un catholique qui dirait: Moi, je n'ouvre pas le dimanche, vous, vous n'ouvririez pas le samedi. Ça, c'est une possibilité. L'autre possibilité, c'est de dire: On ferme, tout le monde, le dimanche.

M. Levy: La première possibilité ne nous nuit pas du tout...

M. Tremblay (Outremorrt): C'est ça. M. Levy: ...c'est égal, c'est équitable. M. Tremblay (Outremont): Oui.

M. Levy: La deuxième possibilité, ça nuit aux commerçants religieux parce que, comme il a été dit à l'unanimité par la Cour suprême du Canada dans une cause qui date d'à peu près trois ans, si une personne doit choisir entre ses convictions religieuses et son commerce, c'est-à-dire sa façon de faire sa vie, ça viole ses droits religieux. Si une personne est désavantagée parce qu'elle devra fermer deux jours, un jour pour ses convictions religieuses et l'autre jour parce que la loi l'exige, ça lui cause un problème, un conflit entre sa religion et son mode de vie, son gagne-pain, et la Cour suprême a dit: Ça viole carrément le droit à la liberté religieuse.

À notre avis, si on fait une restriction pour dire qu'on doit couper l'exemption aux commerces qui opèrent avec trois personnes, pour nous, ça crée une inégalité entre ceux qui peuvent opérer chaque jour de la semaine avec trois personnes et les autres. Alors, ça veut dire que quelqu'un qui n'est pas un juif religieux peut

ouvrir son commerce avec 50 personnes le samedi, et le dimanche, c'est fermé. Ça veut dire qu'il est ouvert six jours par semaine, et la fin de semaine, c'est le plus important, comme tout le monde sait.

M. Tremblay (Outremorrt): Oui, mais mettons...

M. Levy: Peut-être que je ne réponds pas à votre question.

M. Tremblay (Outremont): Je m'excuse de vous interrompre. Si on oublie la nourriture "kosher", parce qu'on ne parle plus de ça, on élargit, si j'étais, moi, un membre de la corn munauté juive et s'il y avait un besoin réel des consommateurs, comme on semble le voir, le dimanche, j'ai un créneau extraordinaire: je vais me spécialiser dans l'ouverture d'un commerce où je ne suis plus limité dans le nombre. On ne parle plus uniquement de nourriture, on parle de tous les produits possibles. On va se ramasser dans une situation... Je ne vise pas la communauté juive, là, je veux bien que vous soyez conscient de ça, parce que vous avez mentionné tout à l'heure les musulmans; puis si on veut avoir une vision dans deux ans, dans trois ans, je verrais très bien, parce que les juifs sont des personnes d'affaires, un scénario où on se dit: On ferme le samedi, ce n'est pas plus grave que ça, mais on a un marché libre le dimanche, puis on va commencer, dans tous les centres commerciaux, dans nos environnements respectifs, non pas à vendre uniquement des biens réservés à la communauté juive qui ne peut pas magasiner ces jours-là, mais à élargir l'éventail puis à prendre le marché le dimanche. Si c'est vrai qu'au niveau des consommateurs il y a un besoin, comment je fais, en tant que législateur, pour m'assurer que dans deux ou trois ans on ne crée pas une concurrence illégale qui fait qu'on a les inéquités d'aujourd'hui? Avez-vous une réponse à ça? Comment vais-je faire, là?

M. Levy: Pour moi, c'est un choix entre deux situations inégales. Maintenant, la situation est inégale pour les commerçants de religion juive. Et dans votre situation, où il y a juste des commerçants de religion juive qui peuvent ouvrir des commerces de grande taille, ça peut être une situation inégale.

M. Tremblay (Outremont): Prenons les pharmacies d'escompte.

M. Levy: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Un exemple précis: si on arrive à la conclusion qu'il faut fermer tous les commerces de trois employés et moins le dimanche, on ferme, disons, 50 % des pharmacies d'escompte. Par contre, l'autre 50 % - je n'ai pas les statistiques, je donne ça juste à titre d'exemple - propriété, mettons, de commerçants juifs, il a le droit d'ouvrir, indépendamment de la superficie et du nombre d'employés. Comment je fais, là? Comment je vais faire? Vous allez faire des affaires en or le dimanche, parce que ce ne sont pas juste des membres de votre communauté qui vont aller acheter dans ces pharmacies d'escompte, ou même dans des supermarchés. Je vais aller sur la rue Saint-Laurent, à Montréal, puis je vais ouvrir Warshaw, je vais ouvrir tous ces commerçants-là, puis ça va être plein de monde comme ça. Je vais me spécialiser dans le domaine touristique, je vais avoir des commerces, fa même chose, parce que la communauté juive est partout. Elle est partout, puis ce sont des commerçants. Comment je fais pour être équitable avec les autres nationalités qui veulent réussir en affaires? Vous voyez la dimension du problème.

M. Levy: Oui, je vois la dimension du problème, et c'est pour ça qu'on est allés plus loin que dans les mémoires qu'on a présentés les années passées. Parce que maintenant on a élargi notre recommandation pour dire que l'exemption devrait bénéficier à tous les commerçants qui devront fermer leurs portes le samedi. Alors, pour mettre ces commerçants sur le même pied que les autres commerçants, ils devront...

M. Tremblay (Outremont): Je m'excuse, je suis d'accord; je l'ai lu, ça, mais c'est impensable, parce que ia communauté juive est concentrée sur certains territoires, puis ça ne serait pas praticable que quelqu'un ferme le samedi. Peut-être que l'autre possibilité serait qu'il faudrait que quelqu'un ferme un jour, mais fà, les communautés qui ont un problème religieux nous imposent leur problème religieux; en d'autres mots, le samedi, il faut fermer.

Je ne l'ai pas, ia réponse. Je vous le dis, je ne l'ai pas. La seule possibilité que j'ai trouvée à date, si on veut répondre à ça, puis je le dis ouvertement, c'est qu'il faudra ouvrir les commerces pour tout le monde le dimanche. Là, on n'aurait pas de problème. Mais le jour où on ne fait pas ça et on répond à votre demande, je ne sais pas comment on va le régler. Mais je suis très conscient qu'une chose est certaine: c'est beaucoup vous demander d'assumer la responsabilité de nous donner un visa pour permettre à des commerces d'ouvrir. Je suis conscient de ça, puis ce n'est pas facile.

L'autre problème que j'ai, pour en avoir discuté avec des membres de votre communauté, c'est que, si je vous donne un monopole le dimanche, vous allez l'exploiter au maximum, comme certains, puis je fais abstration même de la communauté hassidique, je vais aller dans une autre communauté membre de la communauté juive, ils l'exploitent au maximum. La preuve, c'est qu'ils ferment. Ils ont deux, trais, quatre et

cinq commerces et ils ferment les commerces où il y a moins de monde le dimanche et ils ouvrent les autres. Alors, ils attirent la clientèle dépen-damment des besoins des différentes régions. Je ne sais pas. Peut-être que ça faisait... J'ai sûrement dépassé mes dix minutes, mais vous allez comprendre, Mme la députée de Taillon... (17 h 15)

Mme Marois: Remarquez, d'ailleurs, que je n'ai fait aucun commentaire.

M. Tremblay (Outremont): ...et comment on va faire... C'est ça. Comment je fais ça? Parce que ça, là, j'ai un gros problème et peut-être que, là, vous pouvez enchaîner et poser ces questions-là. On peut revenir. Essayez de nous aider là-dessus.

M. Levy: Finalement, notre dernière recommandation...

Le Président (M. Bélanger): M. Levy

M. Levy: Merci. Notre dernière recommandation, c'est de laisser les personnes qui ferment une autre journée de semaine ouvrir le dimanche. Est-ce que c'est près de la solution d'ouverture pour tout le monde le dimanche? Oui, je suppose que c'est très proche de cette solution-là. En suivant la logique pour diminuer l'inégalité entre les commerces juifs, on a abouti à cette conclusion.

M. Tremblay (Outremont): Mais non le samedi. En d'autres mots, ce que vous dites, c'est que, idéalement, celui qui ferme le samedi devrait avoir le droit d'ouvrir le dimanche. Idéalement. Mais, en guise de compromis, vous diriez: Si quelqu'un veut ouvrir le dimanche, il faut qu'il ferme une autre journée dans la semaine.

M. Levy: On veut que tout le monde soit sur un pied d'égalité.

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais c'est parce que... Je veux bien comprendre ce que vous dites, c'est important. Vous, vous dites: Nous, nous sommes fermés le samedi. Donc, je suis pénalisé à cause de mes valeurs religieuses une journée la semaine, le samedi. J'ai cru lire - peut-être que je me suis trompé - que si on ferme le samedi, si quelqu'un ferme le samedi, il peut ouvrir le dimanche. L'autre chose que je vous ai entendu dire après, c'est: Oublions le samedi. Si quelqu'un fermait une journée la semaine...

M. Levy: Oui.

M. Tremblay (Outremont): ...indépendamment du jour, il pourra ouvrir le dimanche. Oui?

M. Levy: Oui.

M. Tremblay (Outremont): O.K. Très bien

Le Président (M. Bélanger): Mme la députéa de Taillon.

Mme Marois: Merci. Je vous remercie de votre contribution à nos travaux. Effectivement, les questions soulevées par le ministre sont évidemment les questions qui nous viennent immédiatement en tête. En ce sens-là, je suis aussi intéressée que lui à avoir les réponses que vous nous donnez. On va essayer de départager un petit peu les choses. D'abord, je pense que vous présentez bien le point de vue que vous êtes un petit peu en porte-à-faux dans cette histoire de recommander ou non et, en ce sens-là, je comprends très bien votre point de vue et je pense que c'est tout à fait légitime de faire cette recommandation-là. Quand on dit qu'on va vous consulter pour que vous alliez, à votre tour, enquêter sur les croyances religieuses, je me dis que c'est un peu... ça vous met dans une situation, je pense, incorrecte. Donc, en ce sens-là, c'est sûrement souhaitable que ce soit éliminé de la loi parce que c'était... Ce n'était pas dans la loi comme dans un règlement, je crois, qui avait été... C'est dans un règlement. C'est ça que je regardais. C'est dans un règlement, oui, c'est ça. C'est un décret qui avait été passé. Bon, alors, mettons ça de côté. Je pense que c'est tout à fait correct et logique. Vous avez tout à fait raison. Peut-être que ma question, en ce sens-là, devient un peu difficile à répondre, mais je la pose quand même. À votre point de vue, combien de membres de la communauté juive sont respectueux, en termes de proportion ou de nombre à peu près, de cette conviction - ça ne veut pas dire que les autres ne sont pas respectueux d'autres convictions, on s'entend bien - mais du respect du jour du sabbat? Est-ce que vous avez une idée de la proportion?

M. Jedwab: De la communauté juive, dans son entier...

Mme Marois: Oui.

M. Jedwab: ...vous voulez dire...

Mme Marois: Oui.

M. Jedwab: ...ou dans les personnes qui ont...

Mme Marois: Sur ie territoire québécois

M. Jedwab: ...demandé une exemption à la loi?

Mme Marois: Non.

M. Jedwab: J'ai mal compris.

Mme Marois: On pourrait regarder ceux qui ont demandé une exemption. Je me demandais... C'est peut-être le ministre qui pourrait me répondre sur ça parce que ça, ils ont ies données au ministère. Je ne sais pas si vous gardez un registre, mais le ministère en garde sûrement un. Non, moi, c'était plutôt sur l'ensemble de la communauté: Combien de personnes ou combien de gens d'affaires seraient concernés?

M. Jedwab: J'estime que ça dépend, parce qu'il y a différents niveaux de pratique...

Mme Marois: Oui, bien, c'est ça.

M. Jedwab: ...même à l'intérieur de la communauté juive qui... Je suis certain que la plupart d'entre vous connaissez un peu... même dans les communautés plus religieuses, il y a différentes formes de pratique.

Mme Marois: Tout à fait.

M. Jedwab: Mais j'estime que, pour les observateurs du sabbat, il y a à peu près 20 % ou c'est entre 10 %et20 %, ça dépend.

Mme Marois: D'accord.

M. Jedwab: Ça dépend, c'est-à-dire que, dans la communauté juive, il y a environ 100 000 personnes. On parle... on pourrait dire 10 000.

Mme Marois: Qui seraient...

M. Jedwab: 10 000

Mme Marois: C'est ça, très...

M. Jedwab: Qui sont des observateurs du sabbat. Ce ne sont pas nécessairement des hassidiques.

Mme Marois: Non, non, je fais bien la distinction. Est-ce que... et là, par exemple, je veux voir sur le fond aussi de la question: est-ce que, pour la communauté jufve pratiquant le respect du jour du sabbat, il y a aussi obligation que le commerce soit fermé, même si des gens qui y travaillent, comprenez-vous, ne sont pas nécessairement de cette conviction-là, enfin, ne partagent pas nécessairement les convictions, par exemple, d'un patron?

M. Jedwab: Ça dépend encore. Ça dépend. Dans certains cas, oui; dans certains cas, non.

Mme Marois: Certains vont jusqu'à évaluer qu'il est nécessaire que leur propre...

M. Jedwab: Mais, dans le cas de ces personnes qui permettent à leurs employés de travailler le samedi, la loi n'a pas un impact direct sur eux mais...

Mme Marois: Parce que vous voyez un petit peu où je veux en venir, en ce sens où la loi pourrait s'appliquer généralement avec un bloc de fermeture le dimanche, etc. Et que, dans un commerce où les personnes concernées, étant pratiquantes, décident qu'elles ne travaillent pas mais le commerce ne ferme pas nécessairement, il peut y avoir du remplacement par des gens qui, eux, ne partagent pas les mêmes convictions ou ne pratiquent pas.

M. Jedwab: Oui, mais il reste toujours - il ne faudrait pas oublier ça - la question des consommateurs que M. Levy a mentionnée tantôt...

Mme Marois: Ça, je vais y venir, c'est pour ça que j'ai essayé de solutionner un peu le problème là. Prenons-les l'un après l'autre.

M. Jedwab: Ce n'est pas facile. Même les juifs qui étaient ici, au début du XXe siècle, ont vécu le même problème. Il y avait même un débat à l'Assemblée nationale - l'Assemblée législative à cette époque - sur cette question. Mais il faut dire une chose, c'est que même si la majorité des membres de la communauté juive ne pratique pas ou n'observe pas le sabbat dans sa pratique, ils défendent le principe qu'ils voient dans cette question parce que, parmi ce grand pourcentage de personnes qui ne sont pas des observateurs du Sabbat, ils n'ont pas nécessairement un respect religieux pour le dimanche non plus. Alors, il se trouve parmi un grand nombre de personnes qui respectent la loi parce que c'est la loi de l'État, mais qui ne croient pas nécessairement que le dimanche doive être une journée de repos. Alors, quand nous autres et les membres de notre comité de relations communautaires défendons notre position, c'est une question de principe, premièrement, et, deuxièmement, on pense que ces minorités dans la communauté juive doivent être en mesure de pratiquer leur religion à pleine capacité.

Mme Marois: Oui. La troisième question que je voulais soulever - et je pense que ma collègue a une autre question aussi - c'est le fait... Je comprends aussi le problème que peut avoir un consommateur qui se trouve dans cette situation-là et qui voit son temps réduit à une portion congrue pour faire ses courses, mais si - et c'est une des hypothèses aussi qui sont sur la table - on parle d'allonger les heures d'ouverture d'un autre soir dans la semaine, par exemple, le mercredi, est-ce que ça ne répondrait pas, en partie - je sais que ce n'est pas complet, bien sûr, je suis bien consciente de ça - au besoin

qu'ont les gens d'avoir un nombre d'heures un peu plus grand pour avoir accès aux biens nécessaires pour vivre, quoi?

Le Président (M. Bélanger): Richard Levy.

M. Levy: Pour répondre à ça, oui, ça va améliorer la situation pour ceux qui devront faire toutes leurs courses le jeudi soir, mais il reste le fait que, pour tout le monde dans notre société comme dans la plupart des sociétés de l'Ouest, les deux journées du week-end sont les journées où les enfants n'ont pas d'école, les adultes ne travaillent pas. D'habitude, les personnes que je connais, je pense, ont un peu répondu... elles font le magasinage, les courses un des jours et, l'autre jour peut-être, elles font des activités, du ski, du sport avec la famille. Maintenant, parce que, à cause de la loi, on est un peu coincés, un peu dirigés pour faire les activités du magasinage le samedi et les autres activités le dimanche, les juifs qui ne sont pas...

Mme Marois: Pratiquants.

M. Levy: ...pratiquants mais souhaitent être un peu pratiquants - parce qu'il y a tous les degrés, comme pour les chrétiens - maintenant, ils ont vraiment cette force législative de faire toutes les courses le samedi. S'ils avaient le choix, ils pourraient choisir le dimanche pour faire les courses, pratiquer cet aspect de la religion juive et passer le temps avec leur famille le samedi. Alors, je pense qu'il y a cet aspect aussi qui n'est pas réglé par l'ouverture des heures de commerce le mercredi soir.

Mme Marois: D'accord, ça va pour moi. Je pense que ma collègue a une question à soulever.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Chlcoutimi.

M. Tremblay (Outremont): Excusez-moi, juste une question d'information. Est-ce que j'ai bien compris qu'un Juif non pratiquant - peut-être que j'étais distrait - pourrait, à cause de l'ouverture le dimanche, au niveau de sa qualité de vie, pratiquer, retourner à la pratique le samedi pour profiter du dimanche, si on répondait à votre demande. Est-ce ça que vous avez dit?

M. Levy: Tout est possible.

M. Tremblay (Outremont): Qu'il y a des juifs qui sont non pratiquants parce qu'ils ne peuvent pas magasiner le dimanche. Je le pose d'une autre façon.

M. Levy: Oui, avec peut-être ce petit exemple pour bien clarifier le point. Pour être un peu personnel, moi, je ne suis pas un juif pratiquant, mais j'essaie de faire quelque chose que les juifs pratiquants font le samedi, soit la lecture avec mes enfants, par exemple, les promenades et tout ça. Mais je n'ai pas de croyances très fermes, ce qui veut dire que, pour toutes sortes de raisons, je garde mes convictions religieuses et je suis toutes les règles. Mais si j'avais plus de choix, je pense que je suivrais plus les règles. Faire plus que je fais le dimanche, le samedi, c'est difficile pour mol, pour l'instant.

Mme Marois: Oui, ma collègue, M. le Président, voudrait...

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Brièvement, parce que je sais que le temps est presque écoulé. Si j'ai bien compris vos explications, tout à l'heure, dans les chiffres que vous nous fournissez, vous dites qu'il y a entre 10 % et 20 % de la communauté qui sont pratiquants. Pour voir si vraiment il y a un rapport qui observe le sabbat, à ce moment-là, pour bien voir s'il y a un rapport entre la pratique et le fait que les commerces sont ouverts ou non le dimanche, il faudrait voir un peu ce que ça donne aux États-Unis, par exemple, il faudrait établir des comparaisons. Là, je vous dis, là-dessus, j'imagine... Peut-être l'avez-vous fait, mais si ça se fait comme dans notre propre religion, je pense que ça se ressemble un peu, il y a un peu plus de liberté là-dedans et plus de variantes.

Il y a 10 % ou 20 %, disons, au maximum 20 % de votre communauté qui sont pratiquants, qui observent le sabbat. De cette communauté, on estime à combien le nombre qui seraient propriétaires de commerce? Parce que pour se donner une idée de ce que ça veut dire, faut-il savoir combien sont effectivement affectés par cette mesure alors qu'on sait que ceux qui ne pratiquent pas - et ce sont les plus nombreux, 80 % - peuvent ouvrir et le samedi et le dimanche, s'ils ont moins de trois employés. Donc, ils ont des avantages que n'ont pas... Non?

M. Tremblay (Outremont): Non.

Mme Blackburn: Non? Parce qu'il faut vraiment qu'on mesure le degré de pratique.

M. Tremblay (Outremont): Ils peuvent ouvrir le dimanche uniquement avec trois employés ou moins, s'ils ferment le commerce au coucher du soleil le vendredi et le samedi.

Mme Blackburn: S'ils ferment le samedi. D'accord. Alors, revenons à la question principale. Vous avez donc 80 % de votre commu-

nauté qui ne sont pas affectés par l'ouverture ou la fermeture des commerces le dimanche. Mais ça représente combien, en chiffres réels, qui ne peuvent pas compenser en ouvrant le dimanche? Alors, combien en avez-vous dans vos 20 % -parce que je mets le maximum - qui sont effectivement affectés?

M. Levy: Moi, je ne connais pas ces chiffres.

M. Jedwab: On n'a jamais fait de sondage de la sorte, même si, au Québec, on est forts dans les sondages. Nous autres, on n'a jamais fait un sondage pour mesurer ça. Comme je l'ai mentionné tantôt, pour nous autres, c'est plutôt une question de principe qu'une question de chiffres. Je comprends que, pour M. Tremblay ou pour les autres, ça pourrait être plus important d'obtenir un aperçu sur les chiffres mais, pour nous autres, ça devrait être, enfin, une question de principe. On défend des principes de ce groupe minoritaire, même dans la communauté juive entière.

M. Tremblay (Outremont): Avec votre permission, M. le Président, je veux juste donner...

Le Président (M. Bélanger): II reste quelques minutes à votre formation.

M. Tremblay (Outremont): En fait, je ne suis pas... 59...

Mme Marois: II y en a combien? C'est ça qu'il avait demandé comme... (17 h 30)

M. Tremblay (Outremont): Depuis 1985, pour votre information, les dispenses accordées pour le jour du Sabbat, il y en a eu 59.

Mme Marois: Au total?

M. Tremblay (Outremont): Au total, c'est 59. Mais, aussi, il faut dire que tous les commerces de trois employés ou moins...

Mme Blackburn: Ça veut dire que ce sont les plus gros...

M. Tremblay (Outremont): ...parce qu'on parle souvent de petits commerces.

Mme Blackburn: Les plus gros.

M. Tremblay (Outremont): Un point important, c'est que tous les commerces de trois employés ou moins ne nous ont jamais demandé d'autorisation parce qu'ils ont le droit d'ouvrir le dimanche.

M. Levy: Est-ce que vous dites que les commerces qui ont moins de trois employés sont...

M. Tremblay (Outremont): Non pas dans tous les secteurs, mais dans l'alimentation.

M. Levy: Ah! dans l'alimentation. C'est vrai. Ils entrent dans notre exemption.

M. Tremblay (Outremont): Non pas dans tous les secteurs. Je veux dire dans les secteurs exemptés et, principalement, l'alimentation.

Le Président (M. Bélanger): Je demanderais un petit peu d'ordre parce qu'il y a des conversations parallèles et ça devient très difficile à suivre.

Mme Marois: On s'excuse, M. le Président, c'est parce qu'on essaie de bien comprendre les proportions, les données, etc. Là, on veut bien comprendre que la règle des trois employés s'applique aussi en semaine, s'ils peuvent ouvrir le dimanche.

M. Tremblay (Outremont): En tout temps.

Mme Marois: On s'entend. Bon, voilà. C'est ça. D'accord? Alors, c'est la même...

M. Tremblay (Outremont): En tout temps.

Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Vous avancez un principe intéressant mais qui, finalement, trouve ses limites dans notre organisation de société qui prévoit l'ouverture des bureaux du lundi au vendredi, des écoles, ainsi de suite. Vous dites, en page 7 de votre mémoire, au dernier paragraphe: "...II est impératif que toute famille québécoise ait le plus de liberté possible pour déterminer ses propres loisirs ainsi que ses jours de repos." Il est évident que les jours de repos, au Québec, pour vous, c'est le samedi, pour nous, c'est le dimanche, parce que ça peut difficilement être un autre jour de la semaine. Si vous avez des enfants, si vous faites des affaires et, finalement, si vous travaillez dans un bureau ou êtes à l'université, comme c'est le cas chez vous, la limite existe dans notre organisation même, on n'a pas ce loisir de le prendre n'importe quand. Je trouvais que c'était un argument qui était...

M. Jedwab: Quand vous avez mentionné "pour vous" et "pour nous"... Je pense qu'il y a un grand nombre de personnes qui ne reconnaissent pas de façon... dans leur foi, enfin, que c'est ou le dimanche ou le samedi. Alors, je dois me joindre un peu à eux, dans ces circonstances, parce que je ne veux pas simplement approcher la question de façon paroissiale. Et comme je

suis une personne qui ne pratique pas, ni le dimanche ni le samedi, et que je suis en contact avec un grand nombre de personnes de diverses communautés, je dois dire qu'eux, comme Québécois et Québécoises, ils veulent avoir un certain contrôle sur leur propre rythme de vie. Je sais que ça pose un problème quand on essaie de légiférer sur ces questions, mais j'essaie seulement de vous présenter un peu l'opinion d'un grand nombre de personnes dans tous les secteurs.

J'aimerais ajouter une autre chose. J'ai entendu, lors d'une dernière intervention, qu'il y aura un grand Impact sur les immigrants qui arrivent Ici parce qu'ils seront forcés de travailler le dimanche. Ça, c'est l'ancienne hypothèse. Je ne suis pas certain si on pourra confirmer une telle hypothèse mais, parmi les immigrants... Je travaille et je participe à une table de concertation sur les réfugiés et dans plusieurs autres organismes qui s'occupent des préoccupations des immigrants et des réfugiés, et je suis loin d'être certain qu'ils ne pensent pas que, pour maintenir leur propre rythme de vie, ils préfèrent que les commerces soient fermés le dimanche.

Mme Marois: J'aimerais réagir juste une minute à ce que vous dites. Je comprends très bien votre point de vue et je suis très consciente de ce pluralisme dans lequel on est, comme société, et aussi le respect de cette pluralité devant laquelle on se retrouve. Je ne veux pas non plus défendre le groupe qui est passé avant, mais quand ils parlaient des personnes immigrantes qui seraient davantage concernées par la précarité du travail, on sait, statistiquement parlant, qu'un certain nombre de membres des communautés immigrantes, non pas tous mais un nombre significatif et important, vivent effectivement des conditions de travail précaires. Et on risque de précariser davantage le travail en le morcelant pour, en tout cas, une majorité. Et c'est plus dans ce sens-là, je pense, que ça a été apporté.

M. Jedwab: Oui.

Mme Marois: Mais je comprends aussi le point de vue que vous défendez.

M. Jedwab: Je comprends votre point de vue. Je voulais seulement dire que je pense que c'est mieux pour les immigrants de présenter leur point de vue. Je ne me présente pas comme porte-parole pour les immigrants mais je ne pense pas que personne d'autre ne pourrait être un porte-parole pour eux non plus. Alors, peut-être que c'est mieux de demander aux groupes immigrants de savoir ce qu'ils pensent de cette question au lieu de dire qu'on protège les immigrants, qu'on les protège de telles lois. C'est tout.

Mme Marois: Oui, mais a contrario, je vous dirais... c'est-à-dire je vous retournerais le fait que vous qui êtes un non-pratiquant, vous défendez quand même les pratiquants et je pense que c'est correct aussi, d'accord.

M. Levy: Si vous me permettez un dernier point qui a été soulevé sur la question de trois employés. Je ne me souviens pas si ce point a été fait. Parce que l'exemption s'applique à la personne qui doit travailler avec trois employés toutes les journées de semaine. Ça veut dire que la personne qui a bien réussi dans son commerce ne peut pas engager une quatrième ou une cinquième personne et va perdre son exemption. C'est très Important de s'en souvenir.

M. Tremblay (Outremont): Non, ça, j'en suis très conscient. Dites-moi une chose. Est-ce que vous pourriez sur une question... Les juifs pratiquants, est-ce qu'ils pourraient le samedi ouvrir pareil en engageant des juifs non pratiquants? Est-ce que c'est réaliste ça?

M. Levy: Je ne suis pas une autorité dans (a loi juive. Je sais qu'il y a des difficultés et que j'ai... Il y a quelques années, j'ai abordé ces questions et c'était assez complexe. Il faut vraiment faire quelque chose, une structure corporative qui est assez complexe pour essayer de dire que la personne ne travaille pas. Ce n'est pas simplement une question d'engager des employés non juifs. Mais plus que ça, peut-être je vais me renseigner et si c'est possible, me renseigner sur la question et présenter un mémoire en surplus sur cet aspect de la question spécifique, si ça peut vous aider.

M. Tremblay (Outremorrt): La raison pour laquelle je pose cette question-là, c'est que c'est vrai qu'on a eu juste 59 demandes d'exemption. On ne compte pas les trois commerces et moins. Mais si on regarde la tendance, si on crée une autre exception, parce que, aujourd'hui, on parle des juifs, demain, on va parler des musulmans et après-demain, on va parier d'une autre communauté, ça serait purement logique qu'éventuellement, on se trouve un créneau particulier pour ouvrir les commerces le dimanche dans ces religions-là et c'est normal. Pourquoi pas? On va en profiter. On est seuls le dimanche. Alors, moi, la raison pour laquelle je vous pose cette question-là, et je veux que vous l'ayez à l'esprit, nous revenir, est-ce que c'est possible, si jamais on décrétait la fermeture des commerces le dimanche pour tout le monde sauf trois employés et moins, que vous puissiez compenser le samedi en engageant soit des non-juifs ou d'autres nationalités pour ces commerces-là qui ne peuvent pas pour des considérations religieuses ouvrir le samedi? J'aimerais ça si vous aviez une chance de nous déposer juste un avis. Il y a d'autres communautés juives qui vont venir. On

va poser à nouveau la même question. Peut-être que vous pouvez y penser et en parler entre vous tout à l'heure et nous donner la réponse par le biais des autres organismes.

Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la députée de Taillon, si vous voulez remercier nos invités.

Mme Marois: Je vous remercie de l'éclairage que vous apportez à la commission, aux travaux de la commission. Je pense que vou3 soulevez effectivement un problème réel, un problème concret qui n'est pas facile nécessairement à résoudre mais, évidemment, auquel on doit faire face quand on est un gouvernement responsable. On doit assumer que ces décisions auront des conséquences en souhaitant qu'elles soient le moins pénalisantes possible et qu'elles ne le soient pas du tout à la limite pour votre communauté. C'est, bien sûr, ce qui est souhaitable. Mais ça se fait quand même dans ce cadre-là. Je vous remercie de votre contribution à nos travaux.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): M. Levy, M. Jedwab, je suis encore très préoccupé par cette question-là. Que vous en soyez... Je comprends votre problème. Je suis d'autant plus préoccupé qu'étant député du comté d'Outremont, j'ai 3500 électeurs qui représentent votre communauté qui sont de très bons commerçants. Je suis très sensible pour en avoir discuté avec les différents membres des communautés. Mais il faut trouver un mécanisme, j'aimerais ça, on ne l'a pas trouvé, qui va être équitable pour tout le monde et qui ne fera pas, quand je le dis... on veut avoir une loi applicable, une loi gérable, et une loi durable. Il ne faudrait pas, à cause d'autres demandes qu'on pourrait avoir dans les années à venir, être obligés de rouvrir la loi et de créer un vide qui va permettre à des gens d'affaires, comme les membres de votre communauté qui sont très d'affaires, de profiter de ça pour créer une concurrence à d'autres commerçants qui ne pourront pas ouvrir le dimanche, si jamais il y a un besoin réel des consommateurs d'avoir accès aux commerces le dimanche. Alors vous nous avez donné, par contre, des éléments de solution, il y en a au moins deux que vous avez mentionnés. Un c'est: on pourrait ouvrir le dimanche; deux, c'est de dire: La personne qui voudrait ouvrir le dimanche doit au moins fermer un autre jour de la semaine. Ça serait une position de compromis si je retiens bien ce que vous avez dit, parce que initialement, vous nous disiez: Si quelqu'un ferme le samedi il peut ouvrir le dimanche. Là on pourrait dire: Si quelqu'un ferme un jour de la semaine, il pourrait ouvrir le dimanche. Je ne dis pas que c'est ça. Dans notre réflexion on peut au moins garder ça à l'esprit.

Alors je vous remercie beaucoup. Il y a d'autres membres des communautés, je pense, qui vont venir. Peut-être que vous pouvez en discuter entre vous pour nous revenir avec des solutions, parce qu'on n'en a pas trouvé encore.

M. Levy: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Bien, alors la commission de l'économie et du travail remercie les représentants du Congrès juif canadien et Invite à la table des témoins l'Archidiocèse de Montréal.

Alors j'inviterais tout le monde à reprendre sa place, s'il vous plaît. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place. Nous avons déjà du retard sur notre horaire et une formation politique a un caucus et... s'il vous plaît je demande à chacun de bien vouloir reprendre sa place. Nous recevons présentement l'Archidiocèse de Montréal. Alors, messieurs, si vous voulez bien d'abord, dans un premier temps, vous présenter, vous Identifier et identifier votre porte-parole, et procéder à la présentation de votre mémoire, nous vous écoutons. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes fermes, pas une seconde de plus, pour la présentation de votre mémoire. Ce n'est pas une limite qu'on vous impose à vous, c'est que nos horaires très chargés nous les imposent eux-mêmes. Alors je vous en prie donc, procédez.

Archidiocèse de Montréal

M. Parenteau (Jules): M. le Président, je dois d'abord vous exprimer mes vifs remerciements pour nous donner la chance d'exercer un privilège démocratique de paraître dans une commission parlementaire. C'est une expérience qui m'a séduit, et j'ai pris le risque de venir ici avec des collègues vous exposer le point de vue que nous avons, à Montréal, sur la problématique de Montréal un peu, sur certains aspects que j'ai pu partager avec la coalition et aussi pour répondre à vos questions.

Je m'appelle Jules Parenteau, je suis directeur adjoint de l'Office des oeuvres. Je ne suis pas un spécialiste des questions économiques et sociales. J'ai simplement le privilège d'être le frère de Roland Parenteau, qui est un économiste assez réputé et avec qui je partage depuis 45 ans sur ces questions-là. Je suis un praticien, plutôt, ayant travaillé dans des paroisses ouvrières. J'ai été curé, vicaire et aumônier d'hôpitaux. C'est dans ce domaine-là que j'excerce mon ministère et c'est là aussi que je peux observer beaucoup de choses qui ajoutent à notre expérience pastorale. (17 h 45)

Je vous présente mes collègues. D'abord, Mme Micheline Morency qui est directrice adjointe à l'Office des oeuvres. Elle a été gestionnaire dans le secteur des affaires à un assez haut niveau. Maintenant, elle est responsable de la pastorale des groupes communautaires des oeuvres sociales de Montréal et elle s'occupe du réseau d'aide de tout ce qui demande un support, une animation, parce qu'il y a énormément de besoins dans la région de Montréal, surtout depuis que certains programmes de services sociaux ont été éliminés ou diminués. M. André Lafrance, à ma gauche, qui a un diplôme en sociologie. Il est commissaire à la Commission des écoles catholiques de Montréal, président du Conseil pastoral de sa paroisse, Sacré-Coeur, dans une zone un peu défavorisée, le centre-sud de Montréal. Aussi, M. Gérard Valade, qui est, de profession, un enseignant, qui est maintenant le directeur de l'Office de la famille et qui remplace M. Fortin, qui est actuellement au Conseil de la famille. J'ajoute que nous représentons aussi un peu l'opinion du Conseil des catholiques d'expression anglaise. Ils sont parfaitement d'accord. Nous sommes parfaitement unis. Nous venons, non seulement en notre nom, mais aussi en communion de pensée avec le Comité episcopal des affaires sociales de l'Assemblée des évêques du Québec et aussi avec la Coalition contre l'ouverture des magasins le dimanche et la Fédération des ACEF. Nous avons, depuis le début, suivi leurs délibérations, leur cheminement vis-à-vis certaines conclusions ou autres et nous voulions aussi en témoigner quelque peu.

Maintenant, je dois vous avouer qu'après avoir entendu la première heure, je réalise que tout a été dit. Je ne voudrais pas tellement répéter sur l'exposé des valeurs, peut-être simplement souligner quelques aspects pratiques et puis peut-être prendre aussi d'autres trajectoires pour aller peut-être au même but qui est quand même de défendre des mêmes valeurs.

Notre position est résumée comme ceci. Assurer tout au cours de cette remise en question, de ce débat, le respect et la primauté des valeurs fondamentales de la personne humaine dans le domaine commercial par la sauvegarde d'une journée commune de repos qui, au Québec, est traditionnellement fixée au dimanche pour les besoins de la cause. Évidemment, j'ai le plus grand respect pour toutes les demandes de la communauté juive puisque je suis intéressé au dialogue judéo-chrétien depuis mes années de grand séminaire.

Ensuite, deuxièmement, une opposition ferme à toute mesure de libéralisation sauf pour des exemptions prévues et suffisantes - s'il y en a d'autres qui se présentent - des heures d'ouverture de commerce le dimanche, y compris dans le secteur alimentaire. Dans ce domaine, nous endossons la position de la Coalition dans le domaine de notre compétence, parce que nous n'avons pas compétence pour toutes les modalités techniques de l'application de ces lois.

Troisièmement, défense et promotion de la meilleure qualité de vie sous toutes ses formes gravement menacée par l'érosion inévitable et irréversible du respect social dû à cette journée commune de repos. Nous ne sommes pas fatalistes mais nous savons que la société, quand même, s'oriente dans un sens qui peut être menaçant et, avant que nous y soyons rendus, peut-être qu'il est mieux de sonner l'alarme un peu.

Nous faisons un peu l'historique de notre participation. C'est un peu important pour comprendre nos positions. D'abord, nous savons que les évêques du Canada et du Québec interviennent depuis un bon bout de temps sur la question du dimanche. Je ne parle pas de l'aspect religieux qui est une question qui concerne les croyants et qui n'intéresse peut-être pas la société en général, quoique des chrétiens qui croient à leurs valeurs, qui les mettent en pratique, qui essaient de conformer leur conduite à leurs paroles ou à leur credo ne sont pas de très mauvais citoyens. C'est reconnu habituellement par les sociologues que ceux qui sont fidèles à leurs églises sont aussi, la plupart du temps, d'excellents citoyens.

Les interventions de l'épiscopat du Canada et du Québec révèlent un peu aussi par les titres des documents, un peu, l'évolution des églises vis-à-vis ce phénomène du dimanche. Je vous les signale. En 1986, il y a eu une lettre pastorale des évêques du Canada, sous le titre "Le sens du dimanche dans une société pluraliste". On répondait en particulier à l'accusation que le dimanche était un idéal sectaire chrétien. Ça a été développé assez longuement par les évêques. En 1987, un journal, Parabole, de la Société catholique de la Bible, a fait un numéro spécial complet sur le dimanche intitulé: Un repos bien mérité, en prenant racine dans la Bible et en montrant le déroulement jusqu'à nos jours. En 1988, il y a eu un appel des évêques du Québec et on a envoyé aussi aux fidèles un dépliant, au-delà de 100 000 exemplaires. Ce dépliant-là est intitulé "Le droit au repos", et, à l'intérieur, "Libérez le dimanche. Le dimanche n'est pas un jour comme les autres. Libre des activités commerciales habituelles, c'est un jour favorable pour se reposer des contraintes du travail, renouveler nos énergies physiques et mentales, briser l'isolement qui compromet l'épanouissement des personnes, se retrouver soi-même et retrouver les personnes qu'on aime, maintenir et renforcer des liens d'amitié, intensifier les relations humaines dans la gratuité, bâtir des liens interpersonnels et communautaires, profiter de la détente et des activités de loisir, développer des talents que les milieux de travail ne peuvent pas accueillir, prier et rencontrer Dieu."

Voyez que la préoccupation religieuse n'était pas le but principal, c'était de défendre une valeur qui est rattachée au dimanche depuis que la Bible nous a dit que Dieu s'est reposé le

septième jour. Une parabole, si vous voulez, une comparaison, mais quand même qui montre l'importance de cette tradition judéo-chrétienne. Ensuite, en 1988, en 1989, il y a eu plusieurs messages épiscopaux de différents diocèses. En cette année, aussi, il y a un bulletin qui s'appelle "Liturgie, foi et culture", qui était autrefois uniquement bulletin de liturgie, maintenant on fait un rapprochement, une espèce d'harmonie entre la liturgie, la foi et la culture, c'est nouveau. Le numéro spécial qui vient de paraître, il y a quelques mois, "Le dimanche éclaté". Nous sommes assez réalistes, je pense, en église, pour réaliser que le dimanche ne peut pas se vivre comme autrefois.

On nous accuse parfois de vouloir revenir au Québec du début du siècle, ou bien on dit que ce débat est une querelle de clocher. Non, je pense qu'il y a pour nous une préoccupation sincère pour le bien des concitoyens, quels qu'ils soient, même ceux qui ne sont pas catholiques. Nous voulons que l'on n'oublie pas ces valeurs qui nous paraissent primordiales dans une société où la loi du marché, les impératifs économiques sont en train de vouloir s'affirmer avec des moyens considérables. J'en ai entendu parler pas mal au moment des discussions de la Coalition. Je n'entrerai pas dans les détails pour le moment. Je voudrais donc vous dire que, quand j'y suis allé, j'y suis allé comme observateur et ce n'est pas moi qui devais y aller. Comme tout le monde était très occupé, et moi également d'ailleurs, j'y suis allé par curiosité, simplement pour voir ce qui se passait. J'ai été très Impressionné par la rencontre des laïcs qui étaient là. Ils étaient très nombreux, plus nombreux qu'ici, et ils étaient des gens représentant les syndicats, les consommateurs et les commerçants de toutes sortes. C'était une assemblée considérable. J'ai été invité à plusieurs reprises et j'ai été, je vous le dis franchement, séduit par leur approche, leur honnêteté, leur désintéressement et leur haut idéal pour leur famille, leur société. C'est entendu qu'ils discutaient de leurs intérêts économiques, mais j'entendais aussi à tout instant un rappel que c'était d'abord une question de qualité de vie, une question de projet de société, une question de tissu social à préserver. Ça revenait souvent au cours des réunions.

J'ai été très impressionné, et ce sont ces laïcs-là qui m'ont converti à la cause, qui, jusque-là, me laissait peut-être tiède, je dois l'avouer à ma courte honte. Alors, je les ai accompagnés tout au long, je n'ai jamais senti aucune pression, aucun désir de récupération de l'influence de l'Église, je tiens aussi à le dire. J'étais parfaitement libre, et ils ne nous ont jamais talonnés, simplement: venez voir, venez participer, venez écouter ce que vous voulez parmi nous. Ensuite, nous avons donc décidé de nous compromettre, non seulement sur la question des principes et des valeurs, qui est un peu de notre compétence, mais aussi sur les solutions techniques. Nous avons adopté celle de la Coalition et celle de la Fédération des ACEF, globalement. Nous ne sommes pas équipés, à tous points de vue, pour défendre tous les aspects techniques, les modalités, j'espère que vous me ferez grâce de cet aspect-là. Nous voulons simplement avertir que nous croyons qu'il y a une qualité de vie à préserver et qu'il y a des valeurs à promouvoir. Donc, nous avons rédigé ce mémoire dans des conditions un peu difficiles, parce que notre travail était un petit peu interrompu par toutes sortes de contraintes. Mais comme il reprend fondamentalement presque les idées d'autres mémoires, je n'insisterai pas trop. Je compterai plutôt sur vos questions pour qu'on approfondisse un point ou l'autre.

Nous sommes d'accord avec la considération des besoins réels du consommateur, comme nous le disons, comme il a déjà été dit, ces besoins sont non moins réels quand ils touchent à des choses invisibles. L'invisible est aussi du réel. Le spirituel est aussi du réel, ce n'est pas du rêve, de l'imagination. C'est ce que nous croyons. Le consommateur est un être qui exerce une fonction da consommateur, à un moment donné, mais il est d'abord une personne humaine, un homme ou une femme, il est peut-être responsable de famille ou seul, il est en relation avec d'autres et tout cela vit en lui pendant qu'il consomme, ne l'oublions pas. Nous identifions quelques besoins. C'est plutôt une espèce de table. L'alimentation c'est un besoin, le vêtement, logement, le repos, la détente. Alors il y a l'aspect de loisir, la "participaction", à laquelle on nous invite systématiquement. Il y a aussi tout l'appel de communion à la nature qui rejoint un peu aussi le mouvement écologique. Ce sont des besoins réels et ces besoins-là ne sont peut-être pas facilités tellement par le rythme de vie moderne. Nous souhaiterions peut-être qu'une organisation de la vie sociale, du travail et des loisirs favorise plus cette liberté de choix pour ces valeurs.

Deuxièmement, on parle des besoins émotifs. J'ai eu le privilège, comme prêtre accompagnateur, d'accompagner des couples du mouvement Renouement conjugal en fin de semaine... D'ailleurs, depuis 1946, je m'occupe de mouvements de couples, c'était des mouvements des couples ouvriers, ensuite la préparation au mariage, et ainsi de suite. Depuis bientôt 45 ans, je suis régulièrement en contact avec beaucoup de couples et je constate que la grande tragédie des temps d'aujourd'hui, c'est le manque de temps et d'ambiance, de climat pour pratiquer le dialogue. Nous insistons beaucoup sur le dialogue, parce que c'est la clé de beaucoup de problèmes familiaux et sociaux. Nous le constatons tous les jours. Nous avons rencontré souvent, dans ces fins de semaine, des couples qui nous ont dit, combien, après 10, 15, 20 ans de mariage, ils dialoguaient pour la première fois de leur vie, parce qu'on leur a donné un instrument pour le

faire, ils l'ont fait pendant 44 heures et ça a été une ouverture sur une toute autre vie, une vie vraiment... découverte du bonheur conjugal et un printemps de l'amour.

Je pense que cet aspect est un aspect qui mérite d'être considéré, même si ça n'entre pas dans les statistiques ou les sondages.

Il y a aussi les besoins de partage avec les enfants. Ça aussi, ça demande du temps. Ça demande des occasions... Je me rappelle un père de famille qui était allé à la pêche avec son fils sur un lac éloigné. Le petit garçon au bout d'un certain temps - il avait deux soeurs et sa mère qui étaient assez présentes dans la maison - il a dit: Papa, ça fait donc du bien de pouvoir se parler entre hommes. Ce petit bonhomme avec son père. Il y a beaucoup de réactions de jeunes qui sont heureux d'avoir un peu de temps pour parler à leurs parents. Je pense qu'il y a des enfants qui sont pas mal malmenés aujourd'hui. Ce sont des problèmes qui vont coûter cher aux services sociaux, tout à l'heure, dès maintenant. Eh bien, c'est un peu dû au fait que le tissus du dialogue familial est vraiment menacé par toutes sortes de pratiques et qu'on laisse introduire... Évidemment il faut respecter la liberté des gens, mais nous croyons qu'il y aurait peut-être quelque chose à faire pour faciliter cela.

Alors, il y a des besoins rationnels aussi. Beaucoup de gens suivent des sessions en fin de semaine. Beaucoup en profitent pour se reposer. Mais étudier aussi, tous ceux qui suivent des cours du soir. Il y a plusieurs activités en fin de semaine qui seraient certainement menacées si, par une publicité et un marketing très habiles, on arrive à faire croire aux gens que, le dimanche, il faut se trouver au centre d'achats, que c'est l'activité normale à faire et que c'est là qu'on doit être pour vivre comme les autres. (18 heures)

Ensuite, il y a les besoins sociaux, il y a le partage, le service des autres, et je m'occupe beaucoup de bénévolat dans les hôpitaux et les centres d'accueil où ça en prend de plus en plus, étant donné que le personnel est de moins en moins disponible. Alors, je dois dire que ce domalne-là aussi est très menacé: beaucoup de personnes âgées ne reçoivent pas du tout de visite; dans les hôpitaux, bien, évidemment, c'est moins grave. Il y a aussi la solution qui consiste, pour certaines personnes, à considérer les centres d'achats comme des lieux de récréation, des lieux de loisirs: je pense que ça devrait être plutôt des lieux d'achat et qu'on développe plutôt les parcs et les autres attractions pour que les gens puissent se développer.

Enfin, les valeurs spirituelles. Bien, là, je n'ai pas à développer, nous y croyons profondement et c'est une gratuité que nous voulons sauvegarder.

Nous concluons donc que tous ces besoins, il faudrait les apprécier et les équilibrer pour faire une société qui soit équilibrée. Évidemment, c'est la liberté de chacun de choisir, de faire ses choix, et nous ne voulons pas aller contre cette liberté, mais une liberté est toujours accompagnée ds responsabilités et il faut peut-être considérer les responsabilités qu'on a vis-à-vis les siens, vis-à-vis ceux qui nous entourent et cette responsabilité nous amènera peut-être à renoncer à certains aspects de la liberté: quand on doit, par exemple, vivre avec sa famille, ce n'est pas le temps de se sauver au centre d'achats.

Ensuite, en vue d'assurer une meilleure qualité de vie. Bien, la qualité de vie, pour nous, ce n'est pas seulement une qualité de vie d'ordre économique, c'est une qualité de vie d'ordre profondément humain, et cette qualité de vie comporte tous les aspects du bien-être physique, moral, spirituel et social, comme on l'a défini pour la notion de santé. C'est un équilibre dynamique, c'est quelque chose qui est toujours à refaire, mais la notion de vie, je ne pense pas qu'on la trouve dans simplement la fréquentation de centre d'achats pour se distraire ou se changer les idées. Alors, les champs d'application de cette qualité de vie, c'est dans le couple - nous l'avons développée tout à l'heure, la question du dialogue - dans la famille, avoir du temps et un climat pour des échanges libres, pour les fêtes familiales - Mme Morency pourrait vous parler d'un exemple dans sa famille - la visite des malades et des personnes âgées qui se fait souvent le dimanche.

Les relations du travail. Nous soulignons, comme les coalitions l'ont fait, les menaces de dégradation des conditions de travail, le travail précaire, à temps partiel et bien d'autres menaces qui viendront par la pression économique. Les relations commerciales: on sait aussi qu'il y a un débat sur les lois du marché et nous croyons que les lois du marché, dans un certain cadre, ont un rôle à jouer mais que le pouvoir économique, uniquement parce qu'il est puissant et qu'il dispose de beaucoup d'argent, ne doit pas dicter les lois de la société et les valeurs de la société. Je pense qu'il doit plutôt servir. C'est entendu que le pouvoir économique amène un certain bien-être mais, d'autre part, on y perd dans d'autres domaines. Je pense que, si on pense à l'Allemagne de l'Est, quand tous les gens ont envahi à travers les brèches du mur de Berlin l'Allemagne de l'Ouest, ils n'ont pas trouvé le bonheur complet et, quand ils sont retournés chez eux, ils avaient les mêmes problèmes sociaux, les mêmes problèmes éthiques qu'avant. Ce n'est pas le marchandage qui est le produit de consommation qu'on désirait voir et approcher depuis longtemps qui a réglé leurs problèmes de société.

Enfin, nous voulons une société qui soit équitable, juste et où les droits - parce que le repos, je pense, est devenu un droit fondamental de l'homme - soient respectés et qu'il y ait dans tout cela, évidemment, une certaine paix sociale

qu'il va peut-être être difficile d'établir et c'est pourquoi j'admire énormément nos hommes politiques qui donnent tellement de temps et d'attention à écouter ce que nous avons a dire. Je trouve que c'est admirable et, pour moi, c'est un aspect que je ne connaissais pas, mais j'ai ouvert les yeux - c'est toujours le temps - pour découvrir un peu le dévouement de nos hommes publics.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. Parenteau, en parlant de temps, je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.

M. Parenteau: J'ai fini, mais je voulais dire un mot de ce que représente le dimanche, le jour du Seigneur, pour nous, chrétiens: Eh bien, ça fait partie de notre culture, ça fait partie de nos acquis, ça fait partie même de notre inconscient, je pense, et on l'a très bien souligné, et je ne développerai pas ça, parce que cela avait été bien expliqué par M. Théberge. Alors, c'est pour vous dire en somme que, pour les valeurs, nous sommes parfaitement d'accord avec l'Assemblée des évêques du Québec, et c'est normal. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Alors, qu'il nous reste une journée pour s'habiller en dimanche.

M. Parenteau: Oui, c'est ça. Une voix: Ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup M. Parenteau. Dites-moi... On dit que la population catholique de l'archidiocèse de Montréal, 2 000 000... La population totale est de 2 151 000 et la population catholique, c'est 1 567 000.

M. Parenteau: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce que... Une, c'est par curiosité. Quel est le pourcentage de la population pratiquante sur ces 1 567 000? Avez-vous des statistiques là-dessus?

M. Parenteau: Si vous voulez dire ceux qui pratiquent dans la région de Montréal... Parce qu'il y a tous ceux qui se sont évadés dans des maisons de villégiature. Il y en a énormément. J'ai déjà fait du ministère dans des petites chapelles de campagne qui sont débordées, qui ne fournissent pas avec plusieurs messes par jour. Alors, si on parle de Montréal, je pense que, le dimanche, on calcule peut-être de 20 % à 30 % à peu près.

M. Tremblay (Outremont): Si on ajoutait ceux qui vont dans des endroits, ceux et celles qui vont dans des endroits de...

M. Parenteau: Nous n'avons aucune idée. Il n'y a aucun moyen de le savoir.

M. Tremblay (Outremont): O.K.

M. Parenteau: J'aimerais ça vous le dire, mais...

M. Tremblay (Outremont): Non, parfait. C'était une question d'information plutôt. Dites-moi, quand vous dites que vous avez été mandaté pour exposer le point de vue - et il est très clair, votre point de vue - vous n'avez pas fait des sondages au niveau de... On a rencontré d'autres personnes tout à l'heure qui partagent votre point de vue et qui nous ont dit: Pour contrebalancer, par exemple, d'autres sondages, ceux qui sont favorables à l'ouverture le dimanche, nous, on a commencé à en faire et on... Est-ce que vous en avez fait auprès de la population catholique de 1 567 000?

M. Parenteau: Pas systématiquement, non. M. Tremblay (Outremont): O.K.

M. Parenteau: Cependant, j'ai fait une expérience. Depuis que je suis entré comme observateur dans la coalition, depuis 1988, j'ai parlé de ce sujet-là à différentes personnes, à un aussi grand nombre de non-pratiquants que de pratiquants, si on veut préciser, et ça m'a frappé de voir que tout le monde est d'accord, sauf dans un cas ou deux et ils n'avaient pas pensé aux aspects négatifs. Il y a beaucoup de gens qui m'ont dit comme ceci: On n'a pas besoin de ça. Ça revenait un peu à ce raisonnement-là. On peut s'organiser autrement. Ce n'est pas nécessaire de magasiner le dimanche. On aime mieux, vraiment, le garder pour notre famille. Maintenant, je ne sais pas s'il y en a, parmi ceux qui m'accompagnent, qui voudraient ajouter quelque chose sur cette perception que l'on a de ce que la population pense. Dans nos services, on a rencontré énormément de monde. Il y avait plusieurs réunions par semaine, des gens de différentes catégories, et je pense que c'est assez général.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce qu'on peut vous demander... Tout à l'heure, vous m'avez ouvert un peu la porte de votre expertise au niveau de la communauté juive. Vous avez un peu assisté à la discussion qu'on a eue tout à l'heure. Vous voyez un peu la problématique que nous avons à ce sujet-là. Un des problèmes de la loi, c'est qu'avec le temps il y a eu des exceptions. Puis, ça a été ajusté un petit peu. Mais ce sont des exceptions qui créent une certaine inéquité. Donc, est-ce que je me trompe - parce que c'est peut-être moi qui vois des choses qui n'arrive-

ront peut-être pas - mais, à cause de l'immigration, à cause de l'importance de plus en plus croissante de la communauté juive, considérant également que ce sont des personnes d'affaires, considérant maintenant, éventuellement, les mul-sulmans, on nous demande des exceptions. Comment... Avez-vous une suggestion à nous faire de ce côté-là?

M. Parerrteau: Pas du tout. Mais j'ai pris la précaution de téléphoner au père Stéphane Valiquette, qui est le pionnier du dialogue judéo-chrétien depuis 1937 et qui est en train de préparer un livre sur son expérience du dialogue judéo-chrétien. Je lui ai demandé s'il croyait que les juifs avaient des positions très arrêtées par rapport au sabbat et au dimanche. Il croit, lui qui a fréquenté le Congrès juif canadien et est l'ami personnel de plusieurs personnalités juives, qu'il n'y a pas tellement de problèmes pour eux à accepter cette journée de congé commune. C'est son opinion et il m'a donné la permission de la refléter ici. Il ne croit pas qu'il y ait des positions tellement tranchées. Il me disait même que, d'après lui, le Congrès juif canadien n'avait pas une idéologie précise, mais qu'il était plutôt un groupe de coordination des différents mouvements juifs avec les différentes insistances sur... Il me disait qu'ils étaient 3 % à Montréal et que la partie la plus orthodoxe ou la plus rigoureuse représentait 40 % des juifs à Montréal. Je ne pourrais pas aller plus loin. Franchement, ce serait un sujet trop délicat. Je ne suis pas assez informé.

M. Tremblay (Outremont): Très bien. Alors, quand vous dites: "maintien de la fermeture le plus étanche possible des commerces le dimanche"... La loi mentionne trois employés et moins en tout temps.

M. Parenteau: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce que vous seriez favorables à ça? En d'autres mots: il ne faut pas élargir à cause de la demande. Je ne veux pas vous mettre dans une mauvaise position là.

M. Parenteau: C'est à peu près... Non, non, c'est à peu près ça. Maintenant, je vous dis que nous l'avons fait par loyauté avec la coalition, qui nous a fourni une multitude d'arguments au cours des réunions qu'on a eues avec eux. Mais, comme je vous dis, ce n'est pas de la compétence de l'Église de se prononcer officiellement et avec autorité sur ces aspects-là. Nous considérons ça comme des modalités qui sont très discutables. Je n'aimerais pas qu'on traite cela comme si on pouvait qualifier cette opinion-là au même niveau que le principe des valeurs.

M. Tremblay (Outremont): Très bien.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Au nom de ma formation politique, je vous souhaite la bienvenue à cette commission. Évidemment, vous avez entendu aussi mes propos avant de venir à la table, vous connaissez donc un petit peu mon point de vue. J'aimerais juste vous poser une question pour permettre d'aller un peu plus loin. C'est une question que j'ai aussi posée à des personnes qui sont venues avant vous, entre autres les représentants de l'Assemblée des évêques du Québec, où on identifie un certain nombre de difficultés rencontrées par les personnes, qui nous amènent à miser davantage sur l'individualisme que les valeurs collectives. Vous avez fait un assez bon tour de piste sur ce que vous souhaitiez comme activités de rencontres, de communication, d'échanges, mais vous avez parlé aussi, et plus dans votre présentation peut-être que dans le document qui est devant nous, des conséquences du fait que plusieurs personnes soient occupées à des activités de type commercial ou de production, puisque ça en impliquera peut-être, et qu'ainsi il y aura des gens qui se retrouveront un peu plus seuls, parce que d'autres seront occupés à du travail. J'aimerais ça que vous m'en parliez un petit peu. Quand vous parlez des centres d'accueil, des personnes âgées, des visites dans les centres hospitaliers... Je pense que vous travaillez beaucoup avec les bénévoles dans ce sens-là et j'aimerais que vous me parliez un petit peu des conséquences que cela aurait à votre point de vue et à partir de l'expérience que vous avez vécue; ça, c'est une première question.

Je vais poser la deuxième tout de suite. Je ne sais pas si mon collègue en a, parce que, comme on a fait un bon tour de piste ensemble... J'aimerais ça que madame, peut-être, nous fasse part de son expérience. Vous l'avez présentée, d'ailleurs, dans...

M. Parenteau: J'allais vous demander qu'elle réponde en mon nom.

Mme Marois: Ah, bien, c'est intéressant. J'aimerais , ça qu'elle me fasse part de son expérience, puisqu'elle a été du côté aussi des affaires. Je vais me permettre un commentaire avant que vous répondiez. Une chose à laquelle on arrive ou qu'on constate actuellement, et les travaux de la commission, évidemment, vont nous permettre d'aller plus loin pour confirmer ou infirmer ce que j'avance, c'est qu'il semble se dégager un clivage entre les propriétaires de grandes chaînes ou les grandes corporations et les propriétaires indépendants ou de commerces à nombre limité de succursales. Et ça semble vraiment se dégager. Dans un cas, on est d'accord, parce qu'on se dit: On va faire la bataille des parts de marché; mais, dans l'autre cas, on

est en désaccord, parce qu'on voit immédiatement ce que ça a comme impact sur nos travailleurs et travailleuses, puisqu'on est très près d'eux. Alors, peut-être que votre expertise pourrait nous éclairer de ce côté-là aussi.

Mme Morency (Micheline): Mon travail quotidien me met en contact régulièrement avec des regroupements populaires, donc avec une couche très appauvrie de notre société, à Montréal spécialement. On a initié, je pense que c'est connu de tous, les cuisines collectives. C'est un nouveau phénomène qui met en action des personnes qui sont sur le bien-être social, qui ont des bouches à nourrir: des femmes chefs de famille, seules, avec deux ou trois enfants, et qui doivent faire face à des situations économiques absolument intenables à Montréal avec la "gen-trtfication", les loyers et tout ça; c'est la bouffe, c'est la nourriture qui en prend un coup. Des gens appauvris qui sont susceptibles de, surtout avec les nouvelles lois, qui sont forcés de retourner coûte que coûte sur le chemin du travail. La situation de ces gens, c'est qu'ils ne sont pas souvent qualifiés pour des travaux autres que le commerce, les petits commerçants, des petits travaux qui ne demandent pas d'expérience particulière, et c'est cette couche de la société qui, finalement, aura à assumer un travail le dimanche. Je suis convaincue, pour avoir géré du personnel, que, lorsqu'on peut étendre les journées d'ouverture, ça devient très facile de n'employer que du temps partiel, parce qu'on met les gens...

On peut arriver à trois jours, on engage à temps partiel et on étend le personnel, mais finalement ce ne sont que des emplois précaires, sans sécurité d'emploi et tout ça, et ce sont ces personnes qui seront au travail durant les week-ends. Les gens des couches plus aisées, eux, auront le choix parce que ça ne les touche pas, parce que ce ne sont pas des petits commerçants, eux; il n'y aura rien de changé pour eux, ils pourront aller faire leurs courses si ça leur chante, prendre le choix... D'accord, on est tous d'accord là-desus, c'est un choix libre de consommer ou de ne pas consommer. La question, c'est pour les gens qui seront privés d'une journée avec leurs enfants et c'est spécialement les femmes qui seront touchées et qui devront... Qu'est-ce qu'elles vont faire avec les enfants? Quel contact... On voit déjà la difficulté que les mères peuvent avoir avec la garde des enfants et tout ça pour travailler. Les enfants qui seront à la maison les fins de semaine, qu'est-ce qui va se passer? Et ça, c'est une réalité que je vois actuellement. Évidemment, les relations parents-enfants... On sait actuellement que c'est de plus en plus difficile d'assurer une présence auprès des enfants, ce qui donne lieu à des enfants qui sont laissés à eux-mêmes et qui ont toutes sortes de problèmes. Ça, c'est une chose à laquelle je touche spécialement dans ma pratique actuelle.

Et les relations de couple? Je pense que c'est évident que quand l'un et l'autre travaillent... Moi, je peux vous dire que dans ma famille, depuis 20 ans, j'ai deux frères dans la police et deux belles-soeurs infirmières. Alors, vous pouvez imaginer ce que ça représente pour la famille d'avoir une réunion de famille. On doit la planifier et on n'en a qu'une par année, parce que c'est la seule... Et au temps des fêtes, il n'y a jamais tout le monde, parce qu'il y a toujours quelqu'un en devoir. Près de la retraite, ça s'arrange, mais pour les plus jeunes... Pendant des années, c'était impossible d'avoir des réunions familiales. On peut imaginer, si c'est étendu à une pratique générale, ce que ça va donner comme société. Ça va être des problèmes extrêmement difficiles pour se rencontrer entre amis pour faire des choses ensemble, et les relations familiales vont être très difficiles. Voilà ce que j'avais à dire là-dessus.

Mme Marois: C'est un petit peu cette expérience-là dont je voulais que vous nous parliez aussi. Oui?

M. Parenteau: M. Valade aimerait peut-être ajouter quelque chose au nom de la famille.

Mme Marois: Oui.

M. Valade (Gérard): Ce que Mme Morency vient de dire, c'est ce qu'on retrouve aussi à l'Office de la famille dans le secteur des personnes séparées, divorcées. Mais je voudrais apporter un autre son de cloche et vous raconter ce qui s'est passé chez moi, hier, non pas pour allonger le temps, mais parce que d'après moi... En tout cas... Je vous l'explique.

On est allés à l'hôpital, hier, parce que ma belle-mère a eu un infarctus. Toute la famille, on y est allés, sauf ma grande - j'ai deux enfants - parce qu'elle ne pouvait pas, elle étudiait. On est revenus à la maison, on en a parlé, on a discuté longtemps, on a regardé les travaux scolaires. Bon, si je vous raconte ça, c'est pour vous dire que ce n'est pas nécessaire d'aller le dimanche à l'hôpital. Ma belle-mère est rentrée le lundi, donc je ne pouvais pas y aller la veille. Donc, c'est possible d'aJIer un autre tantôt qu'un dimanche. Faire des travaux scolaires, c'est aussi possible de faire ça un autre tantôt que le dimanche. Se parler en famille, c'est aussi possible de faire ça un autre tantôt que le dimanche. Puis je vous dirai, mais ne dites pas ça à mon archevêque, que, des fois, je magasine chez Jean Coutu le dimanche avec ma famille. Mais tout ça nous a fait poser une question, parce que les filles, mes enfants, savaient que je venais aujourd'hui à la commission parlementaire sur ce sujet. Là, ma grande qui est bien pointilleuse, me dit: Qu'est-ce que tu vas dire au juste, parce que des fois, le dimanche, on va magasiner chez Jean Coutu? On

fait bien d'autres choses, les loisirs, autre que le dimanche, et cette question, on en a parlé ensemble un lundi soir. On s'est dit, on a le choix aussi môme le dimanche, parce que c'est déjà arrivé d'aller magasiner chez les Juifs. Ils sont ouverts, certains, et sont moins cher. Pourtant, à un moment donné, on a pris la décision de ne pas y aller. Et dans le fond, ça revient... Quand je regarde ma famille et quand je regarde un gouvernement, ça se ressemble beaucoup. Je ne sais pas qui est le premier ministre chez nous mais, enfin, ça importe peu.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Valade: Ou la première ministre, excusez-moll Ha, ha, ha! Ce qui arrive, c'est qu'on a décidé ensemble... Et je rejoins ce qui est marqué dans le document "Familles en tête" - vous connaissez sans doute - où on dit, au tout début que M. Bourassa disait qu'il faut accroître la qualité de vie et un peu plus loin, à la page 45, on parle de loisirs, d'activités en famille.

À un moment donné, on s'est posé la question. Hier, on s'est reposé cette même question: Pourquoi on irait magasiner? Pourquoi on irait faire autre chose qu'être en famille le dimanche? Et, dans le fond, ça a été une décision de famille. On s'est dit: Oui, on va conserver le dimanche pour se reposer, pour "vacher", pour, des fois, aller faire des loisirs et même - je me pense à l'Assemblée nationale - pour se chicaner de temps en temps. Or, on s'est dit: Le dimanche, au moins, ça nous permet de faire des choses qu'on ne fait pas dans la semaine. Et c'est intéressant de s'arrêter. Dans le fond, ma remarque... Je ne voudrais pas passer pour le mouton noir de la "gang", dire qu'il faut absolument que le dimanche soit un congé. Nous, on a pris notre décision en famille: que le dimanche, parce que c'est congé, on décide de faire toutes sortes d'activités, des fois individuelles et des fois en famille. Parce qu'on sait qu'on aura la chance de se parler cette journée-là, surtout le dimanche soir.

Bon, c'est ça. C'est mon expérience de père aussi, pas nécessairement de directeur de la famille, mais aussi... Je dirais que l'expérience de directeur de la famille me dit qu'il y a un tas de gens, de familles qui sont comme moi. C'est grâce à un dimanche où on a congé qu'on peut se retrouver de différentes façons en famille.

Mme Marois: Ça va.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, d'autres questions? Ça nous convient?

Mme Marois: Ça va

Le Président (M. Bélanger): Si on veut remercier nos invités.

Mme Marois: On vous remercie de votre contribution à nos travaux, de la réflexion que vous nous avez apportée et aussi de l'expérience dont vous nous avez fait part. Merci beaucoup.

M. Parenteau: Nous vous remercions également.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Moi, j'ai quelques petits commentaires que je vais faire à haute voix. En fart, deux commentaires. Le premier, c'est pour Mme Morency, parce que j'ai pris une note tout à l'heure. Je ne vous souhaite pas d'avoir un frère ou une soeur en politique parce que vous allez avoir des problèmes de coordination avec vos frères ou soeurs qui sont déjà policier ou infirmière. C'est un petit aparté.

Tout à l'heure, M. Parenteau, vous avez mentionné toute la question d'insister sur le dialogue et la communication. Je pense que c'est important, que c'est très important. Je voulais juste faire cette remarque et surtout dire à M. Valade... Je tiens à vous féliciter parce que c'est la première fois, à cette commission parlementaire, qu'on a un intervenant qui vient, complice d'une démarche, qui nous dit réellement: Écoutez, c'est un choix qu'on fait. Vous fartes votre choix de magasiner ou pas le dimanche. Vous l'avez fait. Je retiens ça, mais je retiens également que ce que vous auriez pu ajouter, c'est qu'il y a plus de chances - pour au moins que ce sort intégré avec les autres membres de votre groupe-il y a plus de chances de se retrouver si, le dimanche, c'est fermé.

Je veux vous remercier beaucoup et on va prendre en considération votre position dans la décision qu'on aura à prendre.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de l'économie et du travail remercie les représentants de l'archidiocèse de Montréal et suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 24)

(Reprise à 20 h 6)

Le Président (M. Bélanger): On se réunit afin que la commission de l'économie et du travail procède à une consultation générale et à des auditions publiques sur les modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

Ce soir, nous recevons - je m'excuse, je cherche mon horaire; il est ici - la Congrégation Beth Tikvah. Est-ce que je l'ai bien dit? Je ne voudrais surtout pas vous choquer, mais vous

comprendrez que mes langues étrangères ne sont pas toujours au point.

Je vous prierais donc de bien vouloir vous identifier, de procéder à la présentation de votre mémoire, soit en le lisant, soit en le commentant. Vous avez 20 minutes pour ce faire et, dans la période d'échanges avec les parlementaires, je vous prierais, s'il vous plaît, de bien vouloir vous identifier chaque fois, ceci pour les fins de la transcription du Journal des débats. Ils ne vous connaissent pas. Je vous en prie, allez-y.

M. Jolivet: Ce n'est pas 20 minutes. Mme Marois: Je ne crois pas.

M. Jolivet: J'ai l'impression que c'est 10 minutes.

Mme Marois: C'est 10 minutes ce soir.

Le Président (M. Bélanger): Ah! Excusez-moi! C'est 10 minutes de présentation. Je m'excuse; c'est mon erreur. Je n'avais pas regardé mon horaire comme il faut.

Congrégation Beth Tikvah

M. Elberg (Nathan): M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les députés, je m'appelle Nathan Elberg, de la Congrégation Beth Tikvah, à Dollard-des-Ormeaux. À ma gauche, M. Joseph Posman. Je veux m'excuser, premièrement, pour continuer en anglais, parce que je pense que vous comprendrez mon anglais mieux que mon français.

We represent Congregation Beth Tikvah, Dollard-des-Ormeaux, a suburb of Montreal. You have already heard from the Canadian Jewish Congress which speaks for the Jewish community in Québec as a whole. The Jewish community in Québec is a blend of people, ideas and different ways of life. Our point of view is that of one corner of the community.

Beth Tikvah, the name of our synagogue, is Hebrew for house of hope, "maison d'espoir". We are building our community on hope and confidence for the future, participating fully in Quebec's society while following the ancient traditions of our forefathers. Beth Tikvah is not just a house of prayer. It is the central point of Dollard's Jewish life. The building is busy seven days a week. Our school, which teaches in French and Hebrew with no English until grade 4, has just undergone a major expansion. Our population is young and dynamic and is growing faster than any other Jewish community in Québec. We are here tonight to assert our confidence in our future in Québec and to ensure that our Government understands the needs of the many different groups that make up its population. We thank you for the opportunity to be here.

We are concerned about business hours of commercial establishments. We feel that current restrictions make it more difficult for us to participate fully in Quebec's society, while following our traditions. As a compliment, one can say that these restrictions make it more difficult to be an observant Jew. This is true from the point of view of the Jewish consumer, retailer or retail clerk. I will not repeat our brief to you as I understand we were invited because you already read it and considered it somewhat interesting. Me Posman will now make a few remarks and than we will be happy to answer your questions.

M. Posman (Joseph): M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les députés, c'est réellement la croyance de notre congrégation que la liberté de religion ne devrait pas priver ses individus, surtout ceux qui sont plus pratiquants, du droit d'accès au marché comme consommateurs. Comme vous le savez - probablement, ça vous a été dit de nombreuses fois, je ne savais pas que vous aviez d'autres auditions aujourd'hui - la journée juive commence au coucher du soleil et se termine au coucher du soleil. Je ne veux pas être indiscret, vous le savez. Alors, effectivement, le sabbat, c'est le vendredi soir et ça finit le samedi soir. Le pire dans tout ça, c'est que le vendredi soir, pendant l'hiver, pendant cinq ou six mois... Je pense qu'au mois de décembre, c'est à 15 h 30, 16 heures, 16 h 15; je ne suis pas un rabbin, mais c'est à peu près ça. Ça veut dire que ces individus qui sont très pratiquants doivent terminer leur travail, sans que je veuille exagérer, à 1 heure, midi, pour se laver, se préparer pour le sabbat, pour aller à la synagogue.

Cela veut dire, effectivement, que ceux qui sont très pratiquants ont réellement un soir pour faire leurs achats importants. Je ne parle pas du manger, de ia nourriture. Je parle des vêtements ou d'aller chez Canadian Tire faire réparer une automobile, ou je ne sais quoi. C'est vrai que les autos, des fois, ils peuvent les réparer dans la semaine. Mais, disons, aller dans les quincailleries, des affaires comme ça. En tenant compte, comme nous tous ici, qu'on a tous des obligations avec nos enfants, il y a l'école, il y a ci, il y a ça, des fois les enfants sont malades, alors on ne peut pas toujours aller faire des achats le jeudi soir. Ce qui arrive, c'est que ces individus-là, qui sont obligés d'y aller seulement le jeudi soir, forcément, ils n'ont pas le droit de courir les aubaines. Je pense que courir des aubaines, c'est notre droit dans notre société québécoise d'Amérique du Nord, c'est une partie du marché.

Quand je parlais du samedi, même l'été, quand le sabbat commence - dans quelques mois encore, ça va commencer vers les 17 ou 18 heures - le type va travailler jusqu'à 15 heures; il arrive chez lui, c'est le même phénomène, c'est le sabbat et ça finit tard. Alors, le samedi

soir ça finit pius tard.

Je n'aime pas utiliser le mot "préjudice", probablement parce que je viens du Lac-Saint-Jean et que notre famille a été élevée là-bas. On n'a jamais subi de préjudice, la famille Posman. Je n'aime pas utiliser le mot "préjudice", mais l'effet de la loi c'est que, finalement, ces gens-là ne subissent pas un préjudice, mais ils sont forcés d'aller faire des achats à des heures spécifiques sans pouvoir bénéficier des choses que j'ai stipulées.

Quand on m'a demandé de venir ici, je pensais à deux choses. Je m'étais dit que celui qui est très pratiquant comme juif, l'employé, le salarié, est encore plus puni que l'employeur, parce que l'employeur, s'il a quelques employés, peut toujours s'arranger dans la journée pour aller faire ses achats, pas nécessairement avec ses enfants, sauf exception. Mais pour le salarié, ce n'est pas le cas; c'est le jeudi soir et c'est tout. La chose qui m'intrigue - c'est mon opinion personnelle - c'est qu'à Dollard-des-Ormeaux -ça ne veut pas dire que je suis contre - vous avez le Marché de l'Ouest. Pour moi, un marché, ça veut dire des fruits et des légumes, mais ce n'est pas ça. C'est une boutique d'opticien, un salon de coiffure et je pense qu'on peut même se faire faire des verres la même journée, le dimanche. Il y a un opticien et la société des alcools. Je ne suis pas sûr si la société des alcools est ouverte le dimanche, je ne suis pas prêt à dire ça. Mal il y a une coiffeuse et un magasin où on peut acheter toutes sortes de cadeaux. En plus, il y a un magasin qui s'appelle La Réserve. Je ne suis pas contre ça, mais, si c'est comme ça pour le Marché de l'Ouest, pourquoi ce ne serait pas comme ça dans d'autres parties de Dollard?

Un autre exemple. Il y en a qui vont dire que c'est l'argument contraire, mais prenez Saint-Sauveur et Sainte-Agathe. Je sais que ce sont des endroits touristiques, mais ce sont des endroits, et je le dis avec le plus de respect, où il y a plus de chrétiens et les magasins sont ouverts. Je comprends que c'est une question économique, parce que ces endroits-là sont touristiques, sont plus petits. Je ne suis pas contre ça, mais si c'est ça dans ces endroits-là, si c'est ça au Marché de l'Ouest, pourquoi ce ne serait pas pareil pour d'autres marchands ou pour d'autres magasins? Vous voyez, ça dépend aussi de la municipalité. Je crois que la municipalité, ça devrait être elle qui décide des heures de fermeture suivant les besoins de sa population et ses exigences, réellement.

Prenez aussi le salarié qui est très pratiquant. Il ne peut pas se trouver un emploi que le dimanche. Il travaille cinq jours par semaine et ça y est. Alors, je reviens à la proposition que je soumets: Ça devrait être dans les mains de notre municipalité, suivant, naturellement, les besoins dans chaque cas. Chaque municipalité est différente. Si vous êtes à Aima ou à Québec, où c'est à 90 % ou à 95 % catholique, c'est sûr que ça va être fermé le dimanche, s'ils veulent. Mais, encore là et même là, c'est une autre opinion, la liberté de religion, ça c'est une chose et les heures d'affaires, ça devrait être une autre chose. Je vous remercie de nous avoir donné le privilège de venir et de nous avoir entendus. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie beaucoup. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Me Posman, en fait, j'écoute bien les explications que vous nous donnez et ça justifie amplement, je pense, le débat que nous avons en ce moment sur la loi sur les heures d'affaires, parce qu'on s'aperçoit qu'à cause des nombreuses exceptions ça crée énormément d'iniquités. Vous dites vous-même: Comment se fait-il qu'un est ouvert et que l'autre n'est pas ouvert? Alors, le but de la commission parlementaire, c'est de s'assurer qu'on va être équitable.

Je voudrais, moi, juste profiter de cette occasion d'avoir des membres de la communauté juive pour nous aider dans la démarche que nous avons. On a un article dans la loi, l'article 5.3, qui est balisé par un règlement qui permet, à cause de vos pratiques religieuses, l'ouverture des commerces le dimanche, à la condition qu'en tout temps il y ait trois employés et moins. En tout temps, ça veut dire pas en tout temps le dimanche, mais en tout temps à la semaine longue.

Il semblerait que les intervenants précédents... Le congrès juif nous dit: Bon, premièrement, nous, on a un problème, par exemple, d'être obligés de donner le visa pour l'ouverture des commerces. Deuxièmement, on nous dit: On est un peu pénalisés parce que trois employés, c'est difficile. On a beaucoup de commerces qui sont ouverts la semaine et qui ont plus de trois employés. Quand il faut ouvrir le dimanche, si on les limite à trois, on les pénalise. Donc, ils nous disent: La solution idéale, si tous les commerces veulent fermer une journée, que ce soit le dimanche, le lundi ou le mardi - évidemment, ils préféreraient que tout le monde soit fermé le samedi - ils pourraient ouvrir le dimanche.

Nous, on est en train d'écouter tous les intervenants et il semble y avoir deux tendances qui se dessinent. L'une, c'est la possibilité d'ouverture des commerces le dimanche, une libéralisation. Il y en a qui nous ont soumis ça. Alors, ça règle votre problème, parce que ce serait général. Tous les commerces qui veulent ouvrir le dimanche pourraient ouvrir. Alors, vous seriez satisfaits de ça? Vous ne le dites pas clairement. Parce que vous pensez uniquement à votre problème - c'est légitime - vous nous dites: En autant que ce soit ma communauté et la municipalité où vous êtes le plus concentrés, si j'ai la permission d'ouvrir, moi, ça va. Donc,

le dimanche, si je comprends bien, si vous aviez la possibilité d'ouvrir, vous ne vous opposeriez pas à ce que tout le monde ait la possibilité d'ouvrir.

M. Posman: Non seulement s'il y avait une ouverture complète... Ça, c'est mon opinion personnelle, en dehors de mon opinion comme membre de la congrégation. SI les magasins veulent ouvrir partout au Québec, je n'aurais aucune objection.

M. Tremblay (Outremont): Mais, comme représentant de votre congrégation, peut-être, je peux le demander à M. Elberg? Vous, comme représentant... Dans les deux solutions, il y en a une qui est l'ouverture le dimanche et l'autre, c'est la fermeture le dimanche. Si on ferme le dimanche, on a un problème, c'est-à-dire que vous avez un problème et nous, on a un problème pour décider de l'équité. Alors, moi, ce qui me fait peur, c'est que de plus en plus on semble avoir des demandes. On a eu la demande des congrégations juives, on a les musulmans qui, pour des considérations religieuses aussi, vont nous demander l'ouverture le dimanche. Et ce qu'on veut éviter, c'est de créer un statut particulier qui pourrait générer, par exemple, un marché libre pour les juifs, disons, le dimanche. Ça, ça nous crée un problème. Peut-être que la première question que je pose, c'est: Qu'est-ce qui arrive s'il y a ouverture totale le dimanche? Avez-vous un problème avec ça, M. Elberg?

M. Elberg: Non, nous n'avons pas un problème avec l'ouverture totale le dimanche, ça serait la solution idéale. Notre position, c'est que les droits des travailleurs doivent être protégés, mais pas par une restriction des ouvertures. Je pense qu'ils peuvent être protégés par d'autres moyens. Et si on donne aux gens la liberté de choisir leur journée de repos, ça donne la solution au problème.

M. Tremblay (Outremorrt): Et vous considérez qu'à cause de vos valeurs religieuses, le coucher du soleil et le samedi, vous n'êtes pas pénalisés parce que, dans le fond, c'est un choix religieux que vous faites, s'il y a une ouverture le dimanche et si on prend en considération la protection des travailleurs et des travailleuses.

M. Elberg: Oui, je pense que ce serait la meilleure solution, que les gens puissent choisir s'ils vont ouvrir le dimanche, le samedi ou les deux journées.

M. Tremblay (Outremont): Bon. O.K.. Je voulais juste clarifier. Si on en arrivait à la conclusion, à la suite des analyses, qu'on n'ouvre pas le dimanche, on veut une loi équitable, il faut éliminer les exceptions, qu'est-ce qu'il faut faire dans votre cas? C'est quoi, votre sugges- tion? Vous en avez une exception, est-ce que vous en êtes satisfaits? Vous avez une exception, en ce moment, qui vous permet en tout temps, avec trois employés et moins, d'être ouverts le dimanche.

M. Eiberg: Je peux donner un exemple personnel. Si je veux magasiner pour des fournitures pour ma maison, II n'y a pas beaucoup de magasins de fournitures où il y a moins de trois employés. Ça ne donne pas l'opportunité de faire des achats, de participer normalement à la société comme consommateur. Je peux ajouter aussi que c'est un problème pour les juifs qui travaillent dans les magasins, parce que, si on veut travailler dans un magasin, on doit travailler un jour de fin de semaine, parce que ce sont les jours les plus importants, où on fait le plus de commerce. Si on doit travailler un jour de fin de semaine et qu'on est fermé le dimanche, on doit travailler le sabbat.

M. Tremblay (Outremont): C'est clair, ce que vous dites, mais si on créait une exception pour permettre aux membres de la communauté juive, qui sont propriétaires de commerces, d'ouvrir le dimanche, s'il y a un besoin - toujours des "si" - réel et que les gens sentent le besoin d'aller acheter autre chose que ce qui se vend normalement dans de plus petites entreprises, on crée un statut particulier qui va, éventuellement créer des problèmes dans un an, deux ans ou trois ans, parce que, comme tout bon commerçant, on peut profiter de cette exception-là pour élargir les commerces et profiter d'un marché, en fait d'un monopole le dimanche.

M. Elberg: On pense que ça peut être dangereux d'avoir des lois qui spécifient que certains groupes ont des droits, ont des exemptions qui n'appartiennent pas à d'autres groupes. Si on fait des lois sur le commerce pour les juifs, on peut avoir des problèmes. Ce sont des lois qui causeront des problèmes pour les juifs ou pour un autre groupe dans deux, trois, dix ou vingt ans.

M. Tremblay (Outremont): Je donnais l'exemple des pharmacies d'escompte.

M. Elberg: Oui.

M. Tremblay (Outremont): II y a plus que trois employés dans les pharmacies d'escompte. Si on prenait la décision de fermer les commerces le dimanche...

M. Elberg: Oui.

M. Tremblay (Outremont): II y a des pharmacies d'escompte importantes, qui sont la propriété de membres de votre communauté.

M. Elberg: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Alors, ces pharmacies-là sont ouvertes le dimanche.

M. Elberg: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Bon! S'il y a un besoin, ça veut dire qu'en bons hommes d'affaires ces commerçants-là vont attirer toute la clientèle, qui allait, par exemple, dans d'autres pharmacies d'escompte, dans leurs pharmacies d'escompte. Alors, on va avoir donné une journée qui est supposée importante. Si on écoute ceux qui défendent cette position, vous allez ouvrir des pharmacies d'escompte partout pour avoir accès à ce marché-là le dimanche. Est-ce une hypothèse farfelue, ça?

M. Elberg: Je pense que c'est une situation qu'on veut éviter, qu'il y ait des magasins juifs ouverts et que les autres soient fermés le dimanche. Si on veut magasiner le dimanche, si on est juifs, si on est chrétiens, si on est bouddhistes, on va au magasin juif. Quand on parle de magasins juifs qui ont des...

M. Tremblay (Outremont): Mais ce n'est pas le cas, c'est à cause de - par exemple, je vais pousser plus loin - la mise en marché que vous faites. On dit toujours qu'on peut aller chez certains commerçants. Il y a de meilleurs prix.

M. Elberg: Oui.

M. Tremblay (Outremont): il y en a beaucoup qui sont venus en commission parlementaire, môme des gens qui sont contre l'ouverture le dimanche, qui nous ont dit qu'on pourrait théoriquement avoir des commerces ouverts le dimanche où on dirait: Venez le dimanche, vous allez avoir 20 % d'escompte.

M. Elberg: Oui.

M. Tremblay (Outremont): On pourrait faire ça et vous pourriez prendre une part importante du marché.

M. Elberg: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Comment on fait là? Aidez-nous à régler ce problème-là. On est sensible à vos préoccupations religieuses, mais on veut avoir une loi équitable et une loi durable. Comment on fait?

M. Elberg: Notre position, c'est qu'on doit répondre aux situations spécifiques des secteurs de population. Dans un endroit, une ville ou une partie de ville, si on a besoin de magasins qui sont ouverts le dimanche ou si on a besoin d'emplois le dimanche, on doit répondre à ça. Je pense que c'est le "market place", on répond par le "market place" qui va vous donner la formule qu'il peut être ouvert. Si on veut répondre d'une manière décentralisée au problème, ça permet de le faire plus facilement. Notre idéal, c'est que tout le monde puisse choisir quand ce sera ouvert et quand ce sera fermé. Aux États-Unis, il y a des magasins qui sont ouverts sept jours par semaine, 24 heures par jour. On ne demande pas ça, mais je pense que, pour nous, l'idéal, c'est de donner la liberté de choix dans ce cas. Nous reconnaissons qu'il y a des besoins. Alors, pour les règlements, si on peut les faire à un niveau local, comme ça on peut répondre plus directement aux besoins des populations locales.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue au nom de ma formation politique. Il y a des représentants du Congrès juif canadien qui sont venus cet après-midi. On a donc eu l'occasion d'aborder avec eux un certain nombre des problèmes que vous soulevez. J'aimerais d'entrée de jeu peut-être préciser une chose. Je suis un peu mal à l'aise face à votre position, quand vous mentionnez le fait qu'on laisse à chaque municipalité la possibilité de choisir ses heures d'ouverture On sait que l'organisation commerciale des villes est différente selon qu'on soit à Montréal, selon qu'on soit en région, selon qu'on soit dans les grands centres ou en périphérie, etc. Il est évident que, si une ville a le choix et qu'elle décide, par exemple, de libéraliser complètement, elle a un impact, qu'on le veuille ou non, sur son environnement et peut forcer d'autres villes à décider d'aller dans le même sens. Donc en disant qu'on décentralise cette décision, je pense que dans le fond on se départit du problème et on l'envoie ailleurs. Mais le problème reste entier ou sinon, s'il ne reste pas entier, c'est qu'on a décidé que ça ouvrirait les jours où les gens veulent bien que ça ouvre, à n'importe quel moment, le dimanche, le samedi, le vendredi ou peu importe. Parce que, en mettant le poids sur les municipalités, certaines décidant de le faire, ça va avoir un effet d'entraînement, la chaîne continuant, évidemment, car on se touche les unes les autres, bon! Alors, je pense que vous êtes conscients de ça. Notre point de vue, c'est qu'on pense qu'il est préférable d'avoir une loi d'encadrement général. Bon! Ça, c'est le point de vue de mon parti; je vous en fais part, je vous le dis pour ne pas qu'il y art d'ambiguïté sur ça.

Moi, j'aimerais revenir à une question que j'ai soulevée auprès des représentants de votre communauté cet après-midi, évidemment pas de votre congrégation, mais de la communauté juive, du Congrès juif canadien. Est-ce qu'il pourrait être imaginable qu'un propriétaire d'entreprise qui est pratiquant et qui respecte le sabbat

puisse décider, iui comme propriétaire, elle comme propriétaire, de respecter le sabbat, donc, d'arrêter toute activité pour elle-même à partir du vendredi au coucher du soleil jusqu'au samedi, mais que, par contre, son entreprise puisse être gérée à ce moment-là par des travailleurs ou des travailleuses qui sont à l'emploi de l'entreprise et donc qu'elle puisse rester ouverte? Oui, certainement, M. Posman.

M. Posman: Oui, je pense qu'il y a deux choses. Premièrement, je ne suis pas ministre de la religion. À ma connaissance, c'est que, techniquement, un juif réellement pratiquant doit fermer son commerce pour lui, de même que pour tous ses employés. Même s'il avait des employés et qu'il restait ouvert, en quoi cela change-t-il le problème pour les salariés qui sont pratiquants? Ça ne change rien pour ceux qui sont des salariés et des employés, ils n'ont quand même pas accès au marché.

Mme Marois: C'est un autre problème, ça. On va y venir.

M. Posman: Du côté financier, cela aide peut-être celui qui est propriétaire, mais ça ne change absolument rien pour celui qui est salarié. (20 h 30)

Mme Marois: Combien y a-t-il de membres dans votre communauté? On a posé la question. On ne vous la pose pas, à vous particulièrement; on l'a posée aux évêques cet après-midi et à tous les groupes qui sont venus devant nous. Combien votre communauté comprend-elle de membres à peu près?

M. Elberg: II y a 2500 familles juives à Dollard-des-Ormeaux.

Mme Marois: D'accord, qui sont membres de la Congrégation Beth Tikvah.

M. Elberg: Dans la synagogue elle-même, il y a 800 familles qui sont des membres.

Mme Marois: D'accord.

M. Elberg: Alors, ça vous donne une idée que ce n'est pas complètement une communauté homogène...

Mme Marois: Oui, oui.

M. Elberg: ...mais c'est une communauté dynamique.

Mme Marois: Oui, je n'en doute pas.

M. Elberg: Au sujet du fait qu'une ville commence à permettre aux magasins d'ouvrir, par exemple, si on commençait à Dollard-des-Ormeaux et si le conseil municipal décidait qu'il y a assez de demandes pour que les magasins soient ouverts Se dimanche et qu'on vole que des gens viennent non seulement de Dollard-des-Ormeaux, mais de Pointe-Claire, de Sainte-Anne-de-Bellevue, de ville d'Anjou...

Mme Marois: Voiià.

M. Elberg: ...pour magasiner à Dollard-des-Ormeaux parce que les magasins sont ouverts, ça va donner une indication aux conseils municipaux et aux administrateurs de ces villes que leur population s'intéresse à l'ouverture le dimanche et ça vous donnerait une vraie connaissance de l'opinion de la population à ce sujet. C'est la demande. Si on va, par exemple, au Marché de l'Ouest comme on l'a mentionné, il est toujours rempli le dimanche, pas juste de juifs, mais de gens de toutes ies communautés. On vient de l'autre côté de l'île à ce marché public.

Mme Marois: Bien sûr. Je vous dirai, moi, vous savez: Si la Régie de l'assurance automobile est ouverte le samedi, peut-être que je vais attendre le samedi aussi pour m'en occuper, parce que ça va m'arranger. Comprenez-vous? On ne sait pas lequel vient avant l'autre. Est-ce qu'effectivement il y a un besoin tel qu'on doive ouvrir - je reviendrai tantôt au besoin réel de votre communauté, d'accord? - ou si du fait que le service est là, on se dit: On va l'utiliser, puisqu'il est là? Il faut faire une distinction, quand même, entre le fait que, si le service est offert, je m'en prévaux, mais, s'il n'est pas offert, ça ne me prive pas nécessairement.

M. ESberg: Mais si les gens ont le choix, non pas pour les juifs pratiquants, mais pour les autres gens du Québec, d'aller magasiner le samedi ou s'ils ont le choix d'aller magasiner le dimanche et, au fond, si le choix de magasiner le dimanche indique que c'est leur demande, leur besoin, comment fait-on une distinction entre l'utilisation d'un service et un besoin?

Mme Marois: Je suis d'accord et je comprends bien ce que vous présentez, sauf qu'on peut le décider aussi comme société, comme vous dans votre congrégation. Vous dites: Notre foi nous amène à dire qu'il y a une journée où on veut pouvoir se recueillir, réfléchir, respecter les convictions profondes que l'on a. On peut, sur un autre plan - non pas sur un plan religieux, je n'en suis absolument pas là, mais sur le plan d'une éthique sociale ou sur celui des valeurs - décider qu'un jour dans la semaine sera un jour où, comme société, on va ralentir les activités de production, les activités de commerce, pour mettre davantage l'accent sur des activités de réflexion, des activités d'échange, de loisir, etc. Vous me suivez bien jusque-là quant au choix de société?

C'est bien sûr que, si on ouvre sept jours

par semaine, il y a des gens qui vont y aller le septième, le sixième, le cinquième ou le premier, parce qu'il est là. Moi qui privilégie le fait que l'on resserre un petit peu nos critères et qu'on se donne une journée un petit peu plus tranquille, je me dis: Si c'est ouvert, bien sûr que je vais y aller, parce que je me dis que ce que je n'ai pas fart hier, je le ferai ce jour-là. Donc, qu'est-ce qui crée le besoin, le fait que le service est offert ou le besoin réel?

Maintenant, revenons au problème que vous soulevez, soit la difficulté pour les membres de votre communauté qui respectent le jour du sabbat d'avoir accès à des services pendant des heures un peu plus longues. On comprend bien, comme c'est fermé le dimanche généralement, que vos membres respectant le sabbat n'ont pas d'activités commerciales le samedi ni le vendredi soir. Donc ils ne vont pas aller acheter non plus et ils disent: II nous reste le jeudi soir. Une des propositions, c'est qu'il y ait un élargissement des heures d'ouverture le mercredi soir. Évidemment, ça ne satisfait pas complètement et parfaitement, je dirais, tous les besoins, mais est-ce que ça ne répond pas en partie au besoin que vous avez, qui est réel et que je comprends?

M. Elberg: Mercredi soir, ça répond un peu, comme vous dites. C'est une amélioration, mais je dois dire que ce n'est pas juste parce qu'on a besoin des services, qu'on a besoin d'être des consommateurs. Quand on pense aux juifs, on pense peut-être, premièrement, à des détaillants, à des propriétaires de commerces, mais il y a aussi beaucoup de gens qui sont des travailleurs, qui ne sont pas...

M. Posman: Qui ne sont pas...

Mme Marois: Qui n'ont pas d'habileté, de profession.

M. Elberg: Qui n'ont pas de profession. Ils ont besoin de travailler dans un magasin comme "clerk"...

Mme Marois: Oui. Comme commis, oui.

M. Elberg: ...et, pour eux, c'est très difficile d'avoir un emploi et d'être des juifs pratiquants. Au sujet de l'éthique sociale que vous avez mentionnée, les gens qui vont nous suivre vont expliquer un peu plus les origines de cette éthique sociale qui vient de la Torah. Nous sommes complètement d'accord avec cette éthique sociale: on a besoin d'un jour de repos. Notre position, c'est que ie gouvernement ne doit pas dire aux gens quel jour on va avoir ce jour de repos.

Mme Marois: Je vous comprends, mais je...

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais, Mme la députée, à conclure, malheureusement.

Mme Marois: Eh bien, je vais conclure. Ça va être ma conclusion. Je suis d'accord avec vous que le gouvernement n'a pas à décider des religions, des croyances, de ci, de ça. Là-dessus, on va s'entendre bien, bien, bien. Mais le gouvernement a la responsabilité de s'assurer que l'intérêt collectif, général, va être préservé.

M. Elberg: Oui.

Mme Marois: Le gouvernement peut se dire qu'il souhaite qu'il y ait une journée où on ralentit un peu les activités. S'il définit cette journée-là, il y a un risque que la large majorité se retrouve dans une situation où on puisse jouir de cette journée-là ensemble, les membres d'une même famille, les amis, les groupes, etc. Tandis que, si on laisse le libre choix, on n'atteint pas l'objectif qui était d'avoir la possibilité d'une journée où les échanges entre personnes, les loisirs, etc., étaient un petit peu plus mis en valeur. Alors, à votre objection, moi, je réponds cela. Je vous remercie de la contribution que vous apportez à nos travaux. J'ai terminé, moi, mes propos?

Le Président (M. Bélanger): Malheureusement, oui. Si vous me le permettez, j'aurais besoin du consentement des membres de la commission pour permettre au député de D'Arcy-McGee pendant quelques minutes d'échanger avec les gens Alors, est-ce qu'on a ce consentement? Bien.

Mme Marois: Pour quelques minutes.

Le Président (M. Bélanger): Pour quelques minutes, oui.

Mme Marois: On a beaucoup de groupes.

M. Libman: Juste pour ajouter un dernier mot. Je pense qu'ouvrir le mercredi soir, c'est une amélioration de la situation, mais je pense qu'ils ont raison de vouloir avoir la capacité d'ouvrir le dimanche, parce que n'oubliez pas qu'ils ne peuvent pas ouvrir le samedi. Alors, il faut dire que ça donne un grand avantage dont peuvent profiter les autres commerçants. Il ne faut pas oublier qu'ils ne peuvent pas profiter d'une grande clientèle qui existe le samedi aussi pour tous les autres commerces. C'est juste un dernier mot là-dessus. Je pense qu'ils ont raison pour leurs besoins de vouloir être capables d'ouvrir le dimanche.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Posman: C'est que même... Excusez-moi.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, allez-y, M. Posman.

M. Posman: Je comprends que vous avez parlé d'iniquité, si c'est seulement les magasins juifs qui ouvrent le dimanche. Par contre, il y a bien bien des services à la population, par exemple, des grands grands magasins qui ne seraient pas ouverts. Je pense que c'est à ça qu'on se réfère: ils ne sont pas ouverts pour la population. Par exemple, Canadian Tire - c'est juste un exemple, je ne fais pas de publicité pour eux - ou n'importe quel autre ne sont pas là et on en a besoin. On n'a pas le service. Alors, à moins que réellement vous ayez une grande clientèle juive, l'équité, je me demande si réellement elle se créerait. Naturellement, votre proposition d'élargir les heures sur semaine, c'est toujours mieux. Mais, une chose que j'aimerais souligner, c'est qu'aux États-Unis, mon Dieu, c'est ouvert sept jours par semaine. Je ne dis pas que c'est parfait, mais je pense que, si vous allez vers des heures d'ouverture durant la semaine, on devrait peut-être ouvrir plus que le mercredi soir. Prenez les vendeurs d'automobiles, ils sont ouverts les lundi, mercredi, bref toute la semaine. J'ai un exemple: pourquoi est-ce différent pour les vendeurs d'automobiles?

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à être bref, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Merci beaucoup, MM. Elberg et Posman. Je vous laisse sur une remarque et c'est surtout pour introduire les représentants de la communauté juive, parce que je n'ai pas la réponse. Je regarde cela. Vous avez une exception dans la loi en ce moment qui dit que vous avez le droit d'ouvrir vos commerces en tout temps, en autant que vous ayez trois employés et moins pour en assurer le fonctionnement. D'autres représentants de votre communauté nous ont dit: Trois employés, ce n'est pas assez. Il faudrait avoir plus de trois employés. Je reconnais ça. Une façon simple de régler le problème: on ouvre les commerces le dimanche; vous n'avez plus de problème, c'est réglé. Par contre, s'il faut élargir cette demande-là de trois employés et plus pour répondre à vos besoins, en fermant les commerces le dimanche, si ce n'est pas l'ouverture qu'on prend, là où j'ai un problème de fond, c'est que je crée une exception aujourd'hui pour la communauté juive qui, dans le passé, je suis d'accord, n'en a pas abusé. Mais avec la tendance, je l'ai mentionné tout à l'heure, d'autres communautés peuvent nous demander la même chose et on peut être éventuellement dans une situation où des commerçants intelligents profitant d'une journée exclusive pour opérer un commerce pourraient engendrer des iniquités - je ne parle pas de ceux de trois employés et moins - où on pourrait avoir des problèmes.

On va écouter la Communauté juive de Montréal qui va nous faire d'autres remarques. J'aimerais ça qu'on arrive avec des suggestions concrètes, mais quant à l'accessibilité, à l'ouverture, aux États-Unis et à tout ça, ne vous en faites pas, il y en a beaucoup qui défendent ce point de vue là et qui vont venir le défendre en commission parlementaire. Ce n'est pas le point que j'essaie de faire ressortir des membres de la communauté juive. Celui-là, M. Posman, est très bien défendu.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, je dois vous interrompre. La commission de l'économie et du travail remercie la Congrégation Beth Tikvah et invite à la table des témoins la Communauté juive de Montréal. Merci.

M. Posman: C'est moi qui vous remercie de nous avoir invités.

Des voix: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place pour que nous recevions notre prochain groupe d'invités, les représentants de la Communauté juive de Montréal. Messieurs, bonsoir. Juste pour vous présenter un peu nos règles, nous avons 30 minutes. Donc, vous avez dix minutes pour présenter votre point de vue, soit par la lecture de votre mémoire ou en nous présentant les principaux points de votre mémoire et, par la suite, il y aura une période d'échange avec les parlementaires.

Je vous demanderais, s'il vous plaît, chaque fois de bien vouloir donner vos noms, chaque fois que vous interviendrez de vous nommer, ceci pour les fins de la transcription au Journal des débats. Alors, je vous remercie. Si vous voulez procéder, on vous écoute.

Communauté juive de Montréal

M. Bensabbath (David): Bonsoir, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, c'est David Bensabbath de la Communauté juive de Montréal et M...

M. Rouimi (Albert): Albert Rouimi.

M. Bensabbath: Albert Rouimi. On m'a demandé de venir faire cette présentation. Le document que vous avez reçu a été rédigé par M. Monheit qui ne peut pas se présenter ce soir. Je le fais à sa place. Je vais surtout parler du "chabate", en particulier, et essayer de faire de mon mieux pour exposer ce que c'est le "chabate" du point de vue juif. il faut bien se mettre dans la tête que, du point de vue de la religion, il n'y a pas de différence dans l'idée du "chabate" du point de

vue de la loi elle-même; II y a une différence dans la pratique que les gens font de ce jour-là, mais le "chabate" en tant que tel est une journée particulière qui, dans l'esprit orthodoxe, a été décidée, qui vient de la bible. C'est une demande divine, puisque la Bible pour nous est considérée comme étant d'origine divine, et le "chabate" est un jour d'origine biblique et qui est un des fondements mêmes de la vie juive. (20 h 45)

Avant d'aller plus loin concernant le "chabate", je voudrais seulement vous préciser ce que sont les lois au point de vue juif. On a un système de lois qui correspond, si vous voulez, au système parlementaire. Disons, si on appelait la Bible dans son entier constitution, de ce point de vue là que ce serait la constitution, le Pen-tateuque, c'est-à-dire les cinq livres, l'Exode, le Lévitlque, la Genèse, ces livres-là, si vous voulez. C'est le Pentateuque ou les cinq livres qu'on appelle la Torah pour nous. La Torah, ce sont les cinq livres du Pentateuque et ces cinq livres sont vraiment notre code de loi de base. C'est ce qu'on appelle la loi écrite.

Parallèlement à cette loi écrite, s'est développée ce qu'on appelle une loi orale, une loi orale qui pendant près de - si je considère que nous sommes en 1990 - 1000 ans est restée orale. Et pour des raisons évidentes de mémoire, de passage de la connaissance, de troubles politiques et historiques, ces lois ont dû être mises par écrit et on a appelé ça le Talmud. Le Talmud est fait alors de commentaires oraux qui sont parallèles et qui sont très vieux, qui couvrent, si on se fonde sur des connaissances historiques moyennes, une période d'à peu près 3500 ans, Je veux dire, sans entrer dans des discussions historiques. Ce qui fait que c'est un code de loi qui, jusqu'à nos jours, est utilisé, a été utilisé, s'est développé.

Tout rabbin, aujourd'hui, qui a une décision à prendre est comme un juge. C'est un juge rabbinique, c'est-à-dire que le rabbin joue plusieurs rôles, entre autres celui de juge rabbinique. On lui pose une question concernant, disons, le "chabate". On lui dit: Est-ce que je peux, moi, juif orthodoxe, ouvrir mon magasin le "chabate" en laissant ce magasin aux mains d'un non juif? Le monsieur, le rabbin en question qui est spécialiste en son domaine... N'oubliez pas que les juifs orthodoxes ou les juifs tout court, les rabbins, ce sont des gens qui possèdent un savoir. Ce n'est pas un savoir qui tombe du ciel, si je peux dire, c'est un savoir qui s'acquiert. Ils étudient, ils vont dans des écoles et passent tous les niveaux d'étude, dès l'âge de trois ans... Je ne sais pas si ça vous choque ou non, mais un enfant dans nos familles, à l'âge de trois ans, sait lire. Personnellement, à l'âge de quatre ans et demi, j'étais en première année et je savais déjà lire en français, en hébreu et en araméen. Pour vous dire un peu, le système est totalement différent, ce qui fait que très tôt les enfants sont habitués à étudier, à connaître les textes de loi et à les connaître de façon précise, parce que ce n'est pas une question, ce n'est pas quelque chose qui est artificiel. J'ai fait mon droit, mais les trois quarts de ce que j'ai fait comme droit, je l'ai oublié, je vous l'avoue honnêtement, mais ce que j'ai étudié comme textes de loi du point de vue rabbinique, je m'en souviens parce que, pour moi, c'est vital. C'est tous les jours que j'applique ces lois et le "chabate" est vital pour nous, c'est un fondement.

Ce rabbin qui a cette décision devant lui, il ne va pas me répondre tout de suite: Tu peux ouvrir le "chabate", tu peux donner ton magasin, ton commerce ou ton étude à M. Untel. Alors, il va me dire: Je vais réfléchir, je vais consulter les textes. Qu'est-ce qu'il va faire premièrement? Il va aller à la source. Il va commencer par prendre la Bible qu'il connaît déjà. Je vous donne un exemple exprès pour vous montrer le processus mental de la personne. Il va aller à la Bible, il va voir les premiers versets. Il va lire tel chapitre. Ah! C'est le chapitre qui parle de ça.

Le "chabate", tu ne peux pas travailler. Que veut dire, "chabate"? "Chabate" veut dire "Cesser", arrêter de travailler. Dans la racine hébraïque, je fais exprès de le mentionner, le mot "chabate" veut dire en même temps chômer, au sens de ne pas travailler, et veut dire aussi, par extension, faire la grève. Donc, il faut prendre le bon sens du mot. "Chabate" veut dire cesser, arrêter tout travail, mais tout travail. Ce qui fait que c'est très important pour quelqu'un qui s'arrête absolument d'être prêt pour ce jour-là. Ce qui veut dire que, dès la veille ou quelques jours auparavant, il doit être prêt pour son "chabate". Ça veut dire quoi, prêt? Ça veut dire, des fois, pour certaines personnes qui sont très pieuses, dès le mardi, parce que c'est une question d'esprit, de spiritualité, qu'elles vont commencer à acheter, à faire leur marché pour préparer leur "chabate". Ça, c'est le cas extrême, ce sont les gens très pieux. Mais la majorité des gens qui ont une vie familiale, le travail, l'école, rentrer de l'école, du travail, pour eux, les jours c'est jeudi, vendredi habituellement. Il faut faire la cuisine, il faut se préparer, acheter tout ce qu'il faut, cuisiner pour du vendredi soir au samedi soir, parce qu'on n'utilise pas du tout, on ne fait pas du tout de cuisson. Ce sont des lois très détaillées. Il y a plein de choses qu'on ne peut pas faire. C'est très dur pour quelqu'un qui ne connaît pas la chose, mais, pour quelqu'un qui est habitué, ça coule de source. Le "chabate", en passant, est une des journées, comme c'est mentionné dans le petit fascicule... Toute fête juive, tout élément important dans la vie juive s'explique à plusieurs niveaux. La première raison, c'est toujours la raison divine. Si quelqu'un vous dit que c'est pour une raison hygiénique ou autre, ne le croyez pas, ce n'est qu'une

raison secondaire qui a été ajoutée 1000 ans plus tard. Je peux vous donne un exemple très simple. Les juifs ne mangent pas de porc depuis que la Bible existe. Pensez-vous, il y a 2000 ans, que les gens savaient qu'il y avait de la trichinose dans le porc? Je ne crois pas. Les gens, peut-être, savaient que les gens tombaient malades, mais est-ce qu'ils savaient qu'il y avait vraiment quelque chose dans le truc? Ce n'est pas connu. D'un autre côté, la vie juive a permis, si vous voulez, par cette interdiction... Ce qui fait que c'est une raison divine au départ qui a dit: Tu ne mangeras pas telle chose, tu mangeras kascher. C'est une façon de procéder. Si d'autres raisons se sont ajoutées à cela, tant mieux. Ce qui fait qu'il y a eu des raisons sociales. Le "chabate", c'est... Je pense que la Bible est le premier... D'ailleurs, la civilisation judéo-chrétienne d'aujourd'hui repose sur cette idée du "chabate" dans la mesure où la Bible est l'un des premiers textes antiques à avoir donné un jour de repos, à une époque où la notion de repos n'existait pas, un repos obligatoire - obligatoire, j'insiste sur le mot. Souvent, dans les controverses théologiques, on dit: Le juif est-il fait pour le "chabate" ou le "chabate" fait pour le juif? L'homme pour le "chabate" ou le "chabate" pour l'homme? Dans la Bible, le terme "homme" est souvent pris de façon universelle et ne concerne pas seulement le juif. Et ça, c'est très important parce que nous vivons dans un contexte... Vous ne vous en rendez pas compte, la société, au Québec, a évolué depuis 20 ans, 30 ans. Je suis enseignant, j'ai des élèves québécois dans ma classe, pure laine - je dis bien pure laine - ce qui fait qu'ils ne connaissent pas leur religion. Ils ne savent plus ni qui est saint Paul ni qui est saint Pierre ni quoi que ce soit. C'est très choquant pour moi, dans la mesure où... Quelqu'un qui tient à certaines valeurs, il faut les faire passer, ces valeurs. Et si les enfants n'ont plus ces valeurs, on ne doit pas s'étonner qu'aujourd'hui on en soit à cette situation.

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.

M. Bensabbath: Je vais abréger, là. Je regardais ma montre...

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Bensabbath: C'est pour vous dire que le "chabate", pour nous, est très important et que ce n'est pas seulement un jour comme les autres de la semaine. Et pour le commerçant ou pour le juif simple... Il y a beaucoup d'ouvriers juifs. Je ne sais pas si vous le réalisez, il y a beaucoup d'ouvriers juifs. Je parle pour cette personne-là qui n'a pas une vie facile, qui doit courir tous les jours. Il faut accommoder ces personnes-là.

Et la meilleure façon de les accommoder, de les aider... Vous parliez d'équité, tout à l'heure. J'entendais les différents points, ils se valent. On parle d'équité. Je pense que la loi doit être faite de façon équitable, mais la loi doit être faite pour les personnes et non pas... Et c'est à la loi, au législateur, justement, de trouver les façons de répondre aux besoins individuels, aux besoins particuliers des gens. Et la loi doit tenir compte de ces besoins particuliers. Je pense qu'il est très facile pour le législateur de faire une loi-cadre générale, mais d'introduire dans ce cadre certains chapitres qui vont répondre aux besoins des communautés comme les adventistes ou les juifs orthodoxes. Je pense que c'est très important.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Je comprends les frustrations...

M. Bensabbath: Je m'excuse, mais là...

Le Président (M. Bélanger): ...inhérentes à nos contraintes de temps, mais... M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je vais en profiter pour vous demander de saluer le rabbin Monheit de ma part...

M. Bensabbath: Je n'y manquerai pas, merci.

M. Tremblay (Outremont): ...et, également, pour vous remercier d'avoir sensibilisé les membres de cette commission à l'importance du "chabate" dans la vie juive. Une question. Vous y avez juste touché, tout à l'heure. Est-ce qu'un juif pratiquant peut ouvrir son commerce le samedi en demandant à des juifs non pratiquants, disons, d'opérer ce commerce-là? Est-ce qu'il peut le faire ou si l'obligation religieuse, c'est la fermeture totale du commerce, môme s'il était géré le samedi par d'autres personnes?

M. Bensabbath: Je ne suis pas rabbin et ce sont des questions rabbiniques très précises. C'est dommage qu'il n'y ait pas un rabbin... Mais je vais vous répondre dans la mesure de ma possibilité, même si je peux répondre plus en détail.

M. Tremblay (Outrernont): Mais, M. Bensabbath...

M. Bensabbath: Je vais vous répondre. Je vais répondre à ça. Normalement...

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais ce que je vais vous demander après... Je ne veux pas vous couper la parole. J'ai d'autres questions à vous poser et je suis certain que...

M. Bensabbath: Je vais répondre en une phrase.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce qu'on peut avoir un écrit? Est-ce que vous pouvez me donner un écrit à cet effet-là?

M. Bensabbath: Certainement.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce que c'est oui ou non?

M. Bensabbath: Oui.

M. Tremblay (Outremont): C'est parce qu'on a de ia misère. J'ai demandé à M. Eiberg, tout à l'heure...

M. Bensabbath: Je vais vous répondre. Je vais répondre à votre question d'une façon précise. Normalement, non. Vous pouvez voir des exemples très simples. Il y a de grandes compagnies au Canada qui appartiennent à des juifs de grandes familles juives et qui, pour des raisons religieuses, ferment entièrement et qui, même... Je vais vous donner un exemple très simple. Si moi, personnellement - vous pouvez faire l'extrapolation de l'exemple que je vous donne - quand je veux finir mon sous-sol, j'ai mis dans le contrat du corrtracteur une clause qu'absolument il devait finir à telle heure, que tel jour de la semaine, parce qu'il y avait une fête, il ne pouvait pas travailler, parce qu'on a fart ça à l'avance et il a respecté ces clauses et que je ne pouvais pas le faire travailler... Il a dit: Mais moi, je ne suis pas juif. J'ai dit: Non, il n'en est pas question. Tu fais ce travail pour moi. La loi est claire, on ne doit pas faire travailler ni nous-mêmes, bien entendu, ni ses serviteurs ni ses employés ni ses animaux. Le verset est très clair...

M. Tremblay (Outremont): Très bien.

M. Bensabbath: ...les animaux sont cités avant les personnes, parce qu'on aurait tendance, même l'animal... Et si vous me le permettez, en deux minutes, je vais vous raconter une histoire. Un juif a vendu une ânesse, un âne de bât, de transport à un fermier voisin non Juif. Cet âne, pendant dix ans, avait travaillé à transporter, mais il était habitué à ne pas travailler le "chabate". C'est une histoire vérldique que, personnellement... Le vendredi après-midi, l'âne s'arrête de travailler. Le propriétaire ne comprend pas pourquoi. Il se met à le battre. L'âne se sauve et retourne chez son maître. Le fermier suit son âne et demande ce qui se passe. Son âne ne veut pas travailler le vendredi après-midi ni le "chabate". Alors, il lui a expliqué que voilà, pendant tant d'années, il n'a pas travaillé. Le fermier juif a tout de suite compris et il le lui a expliqué. C'est pour vous dire à quel point... Ça, si vous voulez, c'est...

M. Tremblay (Outremont): Merci, M. Ben- sabbath. Pour nous aider dans notre réflexion, est-ce qu'on pourrait avoir - je ne doute pas de ce que vous venez de nous dire...

M. Bensabbath: Si je comprends bien, vous voulez quelques références.

M. Tremblay (Outremont): Je voudrais juste avoir, pour la commission parlementaire, une lettre du rabbin Monheit - je n'aurais aucun problème avec ça, je pense qu'il est très représentatif de votre communauté - qui dirait qu'un juif pratiquant ne peut pas céder la direction de son commerce à d'autres personnes, des juifs non pratiquants ou même d'autres personnes, le samedi. Deuxièmement, qu'est-ce que vous nous suggérez? À la page 8, il y a des recommandations. Dans la loi actuelle, vous mentionnez l'article 5.3. Si on maintenait le statu quo pour la communauté juive, est-ce que vous seriez satisfait de ça?

M. Bensabbath: Les gens seront satisfaits parce qu'ils l'ont utilisé jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu de plainte...

M. Tremblay (Outremont): Bon!

M. Bensabbath: Mais vu que la tendance actuelle sociale, en général, au Québec est pour une libéralisation du système pour l'ouverture du dimanche, je crois qu'une libéralisation totale ne soulèverait aucun problème de la part de la communauté.

M. Tremblay (Outremont): Très bien. Qu'est-ce que veut dire le deuxième paragraphe de la recommandation? "Cependant, la recommandation..."

M. Bensabbath: Oui, c'est-à-dire "...la possibilité d'équité entre nos membres qui respectent les heures prescrites par la "Loi du chabate" et l'ensemble de la population." C'est qu'il ne faut pas non plus... Si jamais la loi en décide autrement, il faut penser à ces besoins particuliers et ne pas pénaliser. Parce que, du point de vue commercial, il est certain que le "chabate", le samedi, est la journée commerciale par excellence.

M. Tremblay (Outremont): Oui.

M. Bensabbath: Et ces gens qui ferment le "chabate" sont doublement pénalisés parce qu'ils ne pourront, même s'ils ouvrent le dimanche, jamais avoir la même affluence, le même nombre de clientèles. Les gens, le dimanche, qu'on le veuille ou non, ils sont sur les pentes de ski, ils sont à Sainte-Agathe, ils sont dans les Cantons de l'Est, ils sont dans le Vermont, ce qui fait..

M. Tremblay (Outremont): Très bien Alors,

si je résume votre pensée, vous dites, en fait: S'il y a une ouverture des commerces le dimanche, la communauté juive ne s'objecterait pas à ça, mais une chose est certaine, c'est que, s'il y a une fermeture, l'exception qui est dans la loi, l'article 5.3, c'est important parce que notre communauté, à cause de ses obligations religieuses et de ses besoins, ne pourrait pas se permettre de ne pas avoir accès aux commerces le samedi et le dimanche en plus. J'ai bien résumé, là?

M. Bensabbath: C'est bien le point, oui.

M. Tremblay (Outremont): Très bien.

M. Bensabbath: C'est bien le point.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée...

Mme Marois: Je n'avais pas compris que vous alliez aussi loin que cela, j'ai compris qu'on a respecté la loi jusqu'à maintenant, on a demandé des exemptions, on a respecté la loi. Comme il n'y a pas eu de plaintes, ça ne nous plairait pas, ça ne répondrait pas totalement à nos besoins, mais on vivrait avec cette réalité-là. Est-ce que je me trompe?

M. Bensabbath: Oui, je disais: Si la loi changeait - c'est pour ça qu'il y avait ce "si"...

Mme Marois: D'accord.

M. Bensabbath: Si la loi changeait, tout dépend... Personnellement, je ne suis pas un magicien, je ne lis pas dans les esprits des parlementaires, alors je ne sais pas quelle tournure ou comment la loi va être rédigée, ce qui va être décidé, en fin de compte, ce qui fait que ce que moi, je dis, et je le répète, c'est qu'il faut tenir compte des besoins de la communauté orthodoxe et juive. J'entendais parler de "chabate", il faut réaliser une chose, c'est que, dans la communauté juive, les orthodoxes qui sont, je dirais - personnellement, je pense qu'actuellement, parce qu'il y a un renouveau, un retour aux valeurs traditionnelles qui est très fort...

Une voix: Ah!

(21 heures)

M. Bensabbath: ...j'évaluerais peut-être à entre 20 % et 30 % les gens qui respecteraient scrupuleusement le "chabate". Mais si on dit... C'est une question, c'est un peu élastique, cette idée, vous croyez... C'est une question de pratique comme dans toutes les religions, il ne faut pas se leurrer, il ne faut pas se faire d'illusion mais, à mon avis, concernant l'ouverture des synagogues, si je tiens compte de la population qui est présente dans les synagogues tous les "chabate", je dirais qu'un bon 70 %, 75 % sont présents dans les synagogues au "chabate". Ce qui fait que beaucoup de gens sont touchés par la loi. Qu'ils s'en prévalent ou non, c'est un problème individuel. Si ces gens-là vont à la synagogue toute la matinée - parce qu'en général c'est de 8 heures du matin à midi et demi - c'est peut-être que, l'après-midi, ils sont dans leurs affaires. Vous comprenez ce que je veux dire? Ce qui fait que ces gens-là... Il faut faire la part des choses. La réalité du "chabate" est beaucoup plus près dans la communauté, elle peut toucher un grand nombre de personnes. Je dirais même, à Montréal - parce qu'en France c'est très différent et dans les pays d'Europe - mais ici je dirais, compte tenu de la vie sociale, parce que la synagogue est un lieu social avant tout en Amérique, je pourrais monter même à 85 % ou 90 % de présence. C'est une évaluation un peu à la légère, mais franchement, compte tenu... Et dans les synagogues ici, il y a des gens très pratiquants et des gens pas du tout pratiquants qui se présentent...

Mme Marois: Est-ce qu'on peut aller aussi loin que de dire, par exemple: II y eut un temps où, aussi, chez les catholiques romains, on disait le jour du dimanche est un jour de repos?

M. Bensabbath: Mais oui.

Mme Marois: Et donc on va à la messe et, en plus, on se repose, mais évidemment il y avatt des gens qui allaient à la messe et même on était très nombreux à y aller, pendant une certaine époque. On est pas mal moins nombreux maintenant.

M. Bensabbath: Mais non, mais je...

Mme Marois: Mais le repos après, bien ça, c'était autre chose. D'accord? Donc, il y avait des degrés dans ce sens-là. Donc, on peut aller à la synagogue, mais après aussi...

M. Bensabbath: Pour ceux... Oui. Votre réponse, honnêtement, oui, parce que la réalité humaine et sociale... Les gens font leur choix.

Mme Marois: Voilà.

M. Bensabbath: Mais si on vient à tenir compte de la loi et des gens parce que, finalement, un judaïsme qui se pratique, c'est, comme on dit souvent en anglais, un "package deal"...

Mme Marois: Oui.

M. Bensabbath: Quelqu'un qui est honnête avec lui-même va prendre tous les morceaux du "package deal"... Si vous allez en voyage, si vous ne voulez pas déjeuner ce jour-là à votre hôtel, c'est votre droit.

Mme Marois: C'est ça, mais...

M. Bensabbath: Pour les gens orthodoxes...

Mme Marois: ...c'est dans le prix.

M. Bensabbath: Oui, c'est le même prix. Les orthodoxes, ils suivent tous les aspects de la loi. Certains vont prendre ça un peu comme ça les arrange, même si, personnellement... Mais c'est la réalité. Mais ça n'empêche que même... Ce que je veux dire, c'est que même ces gens-là sont touchés par une loi qui les empêcherait d'avoir un accès à l'ouverture le dimanche parce que, justement, ils n'ouvrent pas toute la journée, même s'ils sont élastiques dans leur foi, dans leur pratique... peut-être pas dans leur foi, mais dans leur pratique, ils sont élastiques.

Mme Marois: Oui, oui, c'est ça. Moi, je veux revenir juste à un élément de votre document et ça revenait d'ailleurs dans votre présentation, je vous ai bien écouté. Entre autres, à la page 4 de votre document, on dit en haut de la page: "...à une époque où il n'existait aucune loi sociale imposant au patron de laisser ses employés se reposer, le Pentateuque est venu proclamer au Sinaï le droit de tout individu à une journée obligatoire de repos. Notre civilisation actuelle repose profondément sur ces principes bibliques." Et je pense que c'est vrai pour l'ensemble...

M. Bensabbath: ...de la population.

Mme Marois: ...des communautés chrétiennes, de tradition judéo-chrétienne. En fait, ce qui est regardé et analysé actuellement, c'est de dire: En lien avec cette tradition, mais en sortant sous l'angle laïque, on convient aussi qu'il y avait une sagesse à cette philosophie qui disait: Un jour de repos après avoir travaillé. Et c'est un peu ce que vous dites, dans vos documents. Il y a une espèce de sagesse profonde dans ça. Et le débat, dans le fond, porte sur le fait qu'on souhaiterait, comme société, que cette sagesse, on la retrouve dans notre pratique quotidienne et, donc, au-delà de toute espèce d'engagement religieux, on dise: Comme société, on souhaîte qu'il y art une journée où il y a un ralentissement...

Une voix: Disons, oui.

Mme Marois: ... - je me répète souvent, j'ai l'impression que mes collègues sont tannés de m'entendre - enfin, un ralentissement des activités commerciales et de production. Et je pense que ça se rejoint bien, nos points de vue à cet égard-là. Dans le fond, moi qui suis plutôt d'accord avec cet objectif que l'on resserre les critères et qu'on fasse une journée où on va un peu ralentir les activités, vous me posez un problème, je suis bien consciente de ça et je suis persuadée que les gens de ma formation sont bien aussi sensibles à cette réalité-là. Mais il y a un choix, à un moment donné, à faire pour une majorité et en se disant: On essaiera d'aménager pour qu'une minorité et un ensemble de minorités... Parce que vous avez raison aussi de souligner que votre réalité à vous fait en sorte que c'est le samedi et le vendredi soir et que dans une autre religion, ou selon d'autres convictions, la pratique se traduira d'une autre façon et posera d'autres types de contraintes. Mais qu'on puisse imaginer des aménagements - je pense que le ministre cherche un peu dans ce sens-là - et qu'en même temps on se dise: II y a peut-être quelque part une solution générale à retenir qui fait qu'on respecte moins cette attente fondamentale d'une société quant aux besoins d'une journée de repos quelque part, c'est le dilemme devant lequel on se trouve actuellement comme commission quand vous arrivez avec un point de vue qui est tout à fait légitime et pour lequel j'ai énormément de respect. Mais ça me pose un problème et je me dis: Comment le règle-t-on?

M. Bensabbath: Je ne pense pas qu'il y ait un problème parce que nous vivons dans une société ouverte, tolérante. Je ne pense pas qu'on doive créer des problèmes artificiels ou inutiles dans la mesure où le législateur dans sa sagesse se doit d'accommoder les différentes réalités auxquelles ii fait face. C'est au législateur justement, à vous messieurs, de trouver... Justement, mais la solution n'est pas...

Mme Marois: Le ministre veut répondre aussi ou il veut vous poser une question. Mais je veux réagir à ça. C'est qu'on a une responsabilité d'équilibre entre les intérêts des uns et des autres.

M. Bensabbath: L'intérêt général ne va pas contre l'intérêt particulier de ces communautés, justement. Oui, parce que je vais vous dire: Tout le monde reconnaît avec nous que tous les gens ont le droit à un jour. La majorité de la population du Québec a comme jour de repos le dimanche.

Mme Marois: Voilà!

M. Bensabbath: Et beaucoup de gens - je dis beaucoup parce que les chiffres des statistiques, je ne veux pas faire de bataille - trouvent que c'est pratique d'avoir une journée, vu que le niveau de religiosité en général dans la communauté québécoise a diminué pour ne pas dire disparu, bien qu'il y ait un renouveau spirituel ces dernières années. Ce qui fait que si les gens, s'il y avait une opposition très forte à l'ouverture le dimanche de la part des communautés

religieuses chrétiennes et une opposition très, très forte de la base, je pense, c'est certain que... Il existe des endroits dans le monde. Je sais que... Je ne les connaissais pas, mais des gens qui ont parlé avant nous, nos coreligionnaires, ont parlé de pays où c'est ouvert, aux États-Unis. Moi, je connais des pays où c'est fermé deux jours. J'ai vécu dans une province, en France, où c'est fermé le samedi et le dimanche.

Mme Marois: Voilà!

M. Bensabbath: Un instant, un instant. Vous ne réalisez pas à quel point ce n'est pas pratique. Vous ne le réalisez pas du tout.

Mme Marois: Mais oui. C'est pour ça d'ailleurs qu'on veut qu'il y en ait au moins un des deux où ce soit ouvert. Ha, ha, ha!

M. Bensabbath: Non, non, mais imaginez, pour quelqu'un qui est orthodoxe, le problème. Je vous ai parlé de préparation du sabbat. Je vais prendre deux minutes, M. le Président, si vous le permettez. En tant qu'enfant, il fallait acheter le pain. Souvent le vendredi, vu que les journées sont très courtes, on est à l'école, on revient de l'école, on se prépare, on va à la synagogue, on n'a pas tellement de temps. Donc, le jeudi, il faut acheter du pain pour trois jours. Ce n'est pas tout le monde qui faisait son pain, à l'époque, du moins. Nous on le fait, mais ce n'est pas tout le monde. À la maison, on le fait, mais dans certains cas, les gens l'achètent à la boulangerie. En France, les boulangeries, le pain sont kas-cher. Dans toutes les boulangeries, c'est du pain simple, à l'eau et c'est kascher. Alors, il faut acheter du pain pour trois jours, imaginez ça! Il faut faire vos provisions pour trois jours et ce n'est pas du tout pratique. Ce qui fait que, arrivé le lundi matin, c'est la course encore parce que tout est fermé; en Alsace, en Lorraine, tout est fermé. Il y a des gens qui, le dimanche, pour pouvoir avoir du frais, se déplacent. Ils prennent leur voiture, vont jusqu'à Belfort. Ils sortent des limites pour aller acheter, comme on dit, à l'intérieur. Mais je pense que c'était beaucoup plus libéral et beaucoup plus tolérant et je pense que cette liberté qui existe ici... Personnellement, je le dis franchement je suis ici depuis quinze ans, il y a une liberté de base chez les gens, dans la population, à laquelle il ne faut pas toucher. Et la loi doit montrer tout ça. Ce respect du particularisme dans une loi universelle ne dérange pas parce que, comme je dis, finalement, l'individu choisit sa croyance. On ne peut pas...

Mme Marois: Ça, on convient de ça, on convient de ça. On ne peut pas contraindre les gens à choisir une foi à laquelle ils n'adhèrent pas.

M. Bensabbath: Ils n'adhèrent pas, quel que soit...

Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi, le temps est écoulé. Il reste deux minutes à M. le ministre.

Mme Marois: Excusez-moi. Le ministre veut poser une question.

M. Tremblay (Outremont): Je veux être bien certain qu'on se comprenne...

M. Bensabbath: Oui.

M. Tremblay (Outremont): ...et je veux également profiter de la présence du Congrès juif qui est encore ici également, et de la Congrégation Beth Tikvah, parce que vous ne vous entendez pas sur une chose. S'il y a ouverture le dimanche, pas de problème. S'il y a fermeture le dimanche, la loi vous donne une exception: trois employés et moins en tout temps dans le commerce, pas de problème. Ça, ça veut dire là, non pas pour la nourriture, vous l'avez tout le temps, mais ça veut dire pour les autres. Vous avez déjà un avantage sur tous les autres commerces. Un avantage important, c'est-à-dire que vous pouvez vendre du prêt-à-porter le dimanche ou à peu près tout ce que vous voulez - trois employés et moins. Vous, vous dites que vous seriez satisfaits de ça. Par contre, les deux groupes précédents nous ont dit: Les commerces opérés par des juifs pratiquants, de trois employés et plus, vont être pénalisés parce qu'ils vont être obligés de fermer deux jours par semaine. C'est le dilemme que vous nous laissez. On se comprend bien. Moi, ce que je vous dis, c'est que, si vous avez des suggestions à nous faire...

M. Bensabbath: Personnellement, c'est une technicité commerciale à laquelle je ne suis pas confronté.

M. Tremblay (Outremont): Non, non. Mais je vais vous dire une chose. Moi, je dis toujours ça, et vous allez peut-être l'apprécier: Le diable se cache dans les détails.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Outremont): Vous allez voir que c'est quand on crée une petite exception, avec l'imagination de nos commerçants, on peut éventuellement se ramasser avec un très gros problème. Alors, les quatre, cinq, six, sept ou dix commerçants qui ouvrent des commerces le dimanche se trouvent dans un créneau particulier. J'aimerais que vous nous reveniez, par écrit, pour tous les membres de la commission, pour dire comment on pourrait régler ce problème-là.

M. Bensabbath: Une suggestion. S! je vous comprends bien, ce qui vous effraie, enfin ce qui effraie le législateur...

M. Tremblay (Outremont): Oui.

M. Bensabbath: ...c'est que certaines per sonnes à l'esprit inventif puissent, disons, ouvrir et le samedi et le dimanche...

M. Tremblay (Outremont): Ce serait que...

M. Bensabbath: ...et ces commerces seraient ouverts sept jours par semaine, toujours en profitant de ce créneau...

M. Tremblay (Outremont): Non, non, ils seraient fermés le samedi...

M. Bensabbath: Non, mais...

M. Tremblay (Outremont): Ils seraient fermés le samedi, - quatre employés et plus -mais ils seraient ouverts le dimanche et ils auraient un monopole le dimanche pour vendre certains...

Mme Marois: Concurrence déloyale.

M. Tremblay (Outremont): Concurrence déloyale. J'ai donné l'exemple des pharmacies d'escomptes...

M. Bensabbath: Ce serait...

M. Tremblay (Outremont): ...qui sont la propriété de juifs pratiquants, qui pourraient dire: On ouvre le dimanche.

M. Bensabbath: Je peux vous répondre tout de suite, enfin avec mesure, mais je peux vous répondre tout de suite.

M. Tremblay (Outremont): Oui.

M. Bensabbath: il n'y aurait pas, si la personne est orthodoxe pratiquante, qu'elle ferme entièrement du vendredi après-midi... Comme l'a mentionné un de mes coreligionnaires précédemment, souvent c'est du vendredi midi jusqu'au samedi soir, 21 heures, 22 heures et 23 heures même, en été, avec l'heure avancée. Ce qui fait que, du vendredi midi au samedi soir, 23 heures, si je prends l'étalage le plus grand, un jour et demi fermé déjà. C'est certain que, si cette personne a fermé un jour, il n'y a pas de concurrence déloyale; elle sera ouverte le dimanche un certain nombre d'heures légales; il n'y aurait pas concurrence déloyale. Ça tomberait, cette raison.

M. Tremblay (Outremont): Je vous laisse sur cette réflexion-ci.

M. Bensabbath: Parce que concurrence déloyale, ça veut dire qu'il y a vraiment un avantage absolument certain. Or, le dimanche n'est pas le jour du commerce par excellence, puisque les gens, justement...

M. Tremblay (Outremont): Si on se fie aux représentations qui sont faites à cette commission, je peux vous dire une chose, si, pour des raisons religieuses, je dois fermer le samedi, alors qu'il y a une concurrence totale au niveau de tous les commerces, j'ai le plus beau commerce au Québec parce que, en tant que juif pratiquant, je me trouve un créneau où je suis le seul à ouvrir mes commerces au Québec le dimanche. C'est extraordinaire si c'est vrai que le consommateur a un besoin d'acheter le dimanche. C'est ça. Là, on parie à des gens qui sont, aujourd'hui, évidemment de bonne foi. Il n'y a jamais eu d'abus dans le passé. Mais, si on regarde l'évolution de l'immigration au Québec -par exemple, maintenant, on a des communautés musulmanes qui commencent à nous poser la môme question - on peut éventuellement avoir un très gros problème, non pas dans dix ans, mais dans les mois à venir.

M. Bensabbath: Dans les mois qui viennent.

M. Tremblay (Outremont): C'est juste ça Si vous avez des suggestions à nous faire sur les trois employés et plus, pour ne pas pénaliser ces commerçants qui sont fermés le samedi et le dimanche; qu'est-ce qu'on peut faire? On est ouvert aux suggestions que vous pourriez soumettre à cette commission.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre...

M. Bensabbath: Si je peux me permettre... Je m'excuse.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Bensabbath: Vous partez de l'hypothèse que la loi... Je trouve ça bizarre. Vous partez de l'hypothèse, alors que le dimanche sera une journée chômée.

M. Tremblay (Outremont): Ce que je dis, c'est qu'il y a deux possibilités.

M. Bensabbath: Parce que ce n'est pas dans le cas où ce sera complètement fermé.

M. Tremblay (Outremont): Non, non. Il y a deux possibilités: que ce soit ouvert, alors ça, ça règle tous les problèmes...

M. Bensabbath: Ça règle le problème.

M. Tremblay (Outremont): ...ou que ce soit fermé. Si c'est fermé le dimanche, c'est fermé

pour tout le monde, sauf pour les commerces ayant trois employés et moins, dans l'alimentation, sauf pour la communauté juive pratiquante, où là, vous avez l'exception pour permettre, par exemple, le prêt-à-porter ou d'autres commerces. Trois employés et moins. En d'autres mots, c'est le très petit commerce pour vous permettre d'acheter votre pain le dimanche. C'est ça que ça veut dire en pratique.

M. Bensabbath: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Alors, notre temps est malheureusement écoulé. Mme la députée de Taillon, si vous voulez remercier nos invités. (21 h 15)

Mme Marois: Je vous remercie de votre apport à nos travaux. Je pense que vous soulevez un problème que vit réellement votre communauté, problème auquel, évidemment, il faudra être sensible lors de l'adoption de la loi. Je reviens, cependant, sur une philosophie de fond que vous défendez aussi et à laquelle j'adhère, qui est que l'on puisse consacrer une journée de la semaine, soit à se reposer, soit à prier, soit à échanger, ou à faire autre chose, mais où une majorité des membres de la communauté peuvent le faire à peu près en même temps. Merci.

M. Bensabbath: Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue.

Le Président (M. Bélanger): Nous vous remercions. M. le député de D'Arcy-McGee, est-ce que vous désirez remercier nos invités?

M. Libman: Je vous remercie de nous avoir présenté vos opinions et j'espère que vous allez avoir satisfaction avec la loi 28.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup, M. Bensabbath et M. Rouimi, pour vos réponses. Si vous pouvez nous revenir avec d'autres hypothèses sur le point que j'ai soulevé, on apprécierait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie les représentants de la communauté juive de Montréal et invite à la table des témoins le Groupe Expositions.

Je demanderais au représentant du Groupe Expositions de bien vouloir prendre place à la barre des témoins. J'inviterais tous les membres de la commission à reprendre leur place, s'il vous plaît. S'il vous plaît, je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place, nos contraintes de temps étant ce qu'elles sont.

S'il vous plaît, s'il vous plaît, à l'ordre!

Donc, nous recevons le Groupe Expositions représenté par M. Gilles Martin. M. Martin, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire ou votre point de vue, et il y aura une période d'échange avec les parlementaires par la suite. 20 minutes, oui. Je vous prierais donc de bien vouloir commencer.

Groupe Expositions

M. Martin (Gilles): Merci, M. le Président. M. le ministre, mesdames et messieurs. En premier lieu, j'aimerais expliquer un peu le Groupe Expositions. Je suis tout seul, mais on a un groupe un peu plus large. C'est une société qui a été fondée en 1979 et qui organise, au Canada, des expositions. Depuis maintenant huit ans, notre société oeuvre seulement dans l'organisation d'expositions commerciales. Au début, de 1980 à 1983, nous avons organisé à Montréal et à Québec des expositions ouvertes au public. En 1983, suivant la visite d'un inspecteur de la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux à notre exposition, "La super exposition d'ameublement", qui avait remis à chaque exposant une mise en demeure au sujet des heures d'affaires pour la journée du dimanche, nous avons décidé de ne plus tenir ce genre d'événement. L'on sait que des arrangements sont toujours possibles, puisque beaucoup de salons publics obtiennent des tolérances dans divers secteurs.

Présentement, nous organisons des expositions commerciales dans le domaine de la mode, dans le domaine de la fourrure, du prêt-à-porter féminin, du prêt-à-porter pour la mode enfantine. D'ailleurs, nous avons aussi organisé l'exposition qui s'est tenue en parallèle à la cinquième conférence internationale sur le sida, en juin dernier, qui a attiré plus de 10 000 délégués du monde entier.

Le Québec, en 1990. La mise en marché de différents produits au Québec, en 1990, ne se limite pas seulement à ce que des consommateurs visitent des magasins. Le secteur de la mise en marché est très dynamique et très changeant et toujours prêt à s'adapter aux nouvelles conditions du marché et répond ainsi aux besoins des consommateurs. C'est pour cela qu'aujourd'hui nous pouvons commander par catalogue des produits et ce, 24 heures par jour, sept jours par semaine. Nous pouvons même, via les réseaux de câblodistribution, commander des produits tant au Québec qu'aux États-Unis.

D'autre part, des milliers de vendeurs et de vendeuses ratissent le marché québécois et vont dans les résidences offrir des produits, que ce soit dans le domaine de l'alimentation, celui des produits de beauté ou encore dans le domaine vestimentaire. Le genre de promotion Tupperware est très prospère et génère des revenus con-

sidérables. Des activités telles que l'Expo-Québec qui acceptent différents commerçants dans des secteurs réglementés, mais qui sont certainement des marchands privilégiés, bénéficient d'activités commerciales et ce, sous la judicieuse égide des divers paliers gouvernementaux.

Nous tenons aussi à souligner l'existence hors des frontières du Québec de centres commerciaux dans des petites villes américaines dont l'importance n'a aucune mesure avec la population locale et qui sont capables de drainer des millions de dollars de pouvoir d'achat des consommateurs québécois. L'existence des clubs d'achat qui connaissent une popularité croissante sont une indication du changement survenu dans les moeurs des consommateurs.

La loi du marché devrait résumer toute l'activité commerciale et répondre aux besoins des consommateurs. Tout le monde est d'accord pour dire que la loi actuelle, avec ses exceptions, ses tolérances, son illogisme, ne contribue qu'à perpétuer la confusion au sein de la population et est hautement injuste pour les consommateurs et les différents types d'établissements commerciaux. On remarque que les détaillants de services ont une liberté quasi totale, tandis que ceux qui vendent certains biens sont assujettis à des règlements qui, dans beaucoup de cas, n'ont aucun sens et qui surtout ne répondent pas aux besoins du consommateur urbain québécois. Nous sommes donc pour la libéralisation des heures d'affaires des établissements commerciaux de manière que les commerçants répondent aux lois du marché, en plus d'être traités sur un seul et même pied.

Deux situations antérieures devraient faire réfléchir les membres de la commission sur l'importance de traiter les consommateurs québécois de milieux ethniques différents de la manière la plus équitable. Qui ne se souvient pas, à chaque printemps, être allé, il y a quelques années, attendre pendant des heures au Bureau des véhicules automobiles pour renouveler son immatriculation. Le ministère a cru bon de changer la façon de procéder et maintenant tout se fait par le biais de la poste et la productivité s'en est trouvée accrue, sans parler des milliers d'heures d'attente du consommateur qui ont été récupérées. Il y a aussi le cas de la Société des alcools. Il y a plusieurs années, il fallait faire des queues interminables pendant le temps des fêtes pour se procurer ces biens. Le changement de philosophie en plaçant les produits en libre-service a été bénéfique pour tous.

Nous mettons en garde la commission contre des représentations qu'elle peut recevoir de toutes sortes d'associations qui prétendent représenter des commerçants dont les membres sont souvent très ouverts à l'idée de faire des entorses à la loi, mais qui se servent de leur association pour restreindre le libre accès à leurs produits. Souvent le dicton "Fais ce que je te dis, mais ne fais pas ce que je fais" s'applique.

D'autres arguments sont présentés alléguant le manque de personnel permettant d'ouvrir sept jours par semaine et 24 heures par jour. À cela, on ne peut que répondre que les dépanneurs qui sont le reflet d'une très petite entreprise offrent, lorsque le besoin s'en fait sentir, un service de 24 heures par jour, sept jours par semaine et on n'entend jamais parler de regroupement de dépanneurs qui s'opposeraient dans le but de changer quoi que ce soit.

Par contre, les lois du marché aidant, il faut reconnaître que des commerçants décideront d'ouvrir à certaines heures et fermeront leurs portes à d'autres heures, répondant ainsi justement aux besoins de leur clientèle et non se conformant à des règlements faisant l'affaire des bureaucrates

Lorsqu'on enlève des libertés aux gens, les pressions pour répondre à certains besoins deviennent si fortes que la situation devient encore plus intolérable. Prenons comme exemple les marchés aux puces qui, d'un concept relativement simple de transiger des produits usagés, sont devenus à cause de la demande des consommateurs des endroits où l'on commerce des produits neufs, qui font une concurrence déloyale aux magasins qui sont forcés de fermer le dimanche. On crée des situations où tout le monde est perdant et où les frustrations sont dirigées vers ceux qui sont chargés de l'application des règlements. Pourquoi le législateur ne se montre-t-il pas généreux envers les citoyens en leur permettant de vivre à leur goût? Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Merci beaucoup, M. Martin. C'est clair. Je n'ai pas beaucoup de questions, sauf quand vous dites qu'en 1983 les inspecteurs du gouvernement, je voulais juste savoir... Vous savez qu'il y a une exception dans la loi qui permet au ministre, lors d'un événement spécial tel un festival, une foire, un salon ou des expositions comme vous en faites, de donner l'autorisation, d'émettre des permis pour la vente de certains biens pendant la durée de l'exposition. En 1983, est-ce parce que vous ne l'aviez pas demandé que les inspecteurs se sont présentés là?

M. Martin: Je vais vous répondre en deux parties. Premièrement, j'ai attaché deux documents à mon mémoire: l'un, c'est une annonce qui a paru dans La Presse, en 1988, une annonce du supermarché aux puces 5 étoiles. Je ne sais pas si vous l'avez vue.

M. Tremblay (Outremont): Oui.

M. Martin: Oui? Moi, je n'avais pas fait de demande. Nous, on est une société privée. On organisait des expositions publiques et l'inspec-

teur est venu nous voir à l'exposition pour donner des mises en demeure à tous les exposants la journée avant le commencement de l'exposition pour les mettre en garde contre une ouverture le dimanche. C'était une exposition qu'on organisait pour la deuxième fois. Lorsque j'ai été capable de parler à l'inspecteur à ce moment-là, je lui ai demandé pourquoi il n'était pas venu me voir avant. Il m'a dit: Ça fait partie de mon travail d'aller voir ceux qui peuvent enfreindre les règlements. Mais j'ai dit: Vous savez, au niveau des expositions, il y a des expositions publiques qui ont été tenues il y a deux semaines; il y a des expositions publiques qui ont été tenues il y a un mois. Pourquoi commencer par nous? Il a dit: Vous savez, il faut commencer quelque part.

J'ai déjà opéré des maisons de chambres, à Montréal, pendant quelques années. J'avais eu la visite de certains inspecteurs de la ville et on m'avait dit comment faire affaire avec des inspecteurs, mais j'ai vendu les maisons de chambres. Et quand ce genre d'approche m'a été fait, bien, j'ai fermé l'exposition et je me suis concentré dans d'autres secteurs.

M. Tremblay (Outremont): Mais lorsque vous faites des expositions, comme vous le mentionniez au début, le Salon canadien international de mode féminine, le Salon de mode enfantine Montréal...

M. Martin: Ce sont des foires commerciales.

M. Tremblay (Outremont): II n'y a pas de ventes là?

M. Martin: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Donc, vous demandez...

M. Martin: II y a des ventes, mais il n'y a pas de ventes aux consommateurs. Ce sont des ventes...

M. Tremblay (Outremont): C'est ça. O.K.

M. Martin: C'est pour ça que la société... J'écoutais Mme Marois... La plupart des salons commerciaux ouvrent le dimanche; donc, les transactions se font le dimanche. Il y a beaucoup de gens qui voyagent le dimanche; donc, ils travaillent le dimanche. Mais ça, ce n'est pas assujetti à la loi.

M. Tremblay (Outremont): Parfait. O.K. Vous, ce que vous dites, si on se fie à ce qui existe, comme vous l'avez mentionné, la vente par correspondance, par catalogue, vous avez regardé le côté de l'informatique et de la télématique, vous dites que, d'une façon ou d'une autre, il y a un besoin. La créativité des com- merçants est telle qu'ils vont trouver un moyen de contourner la loi. Donc, tant qu'à vivre ça, vous prônez la libéralisation totale.

M. Martin: Ce n'est pas ça. Je pense que vous, en tant que législateurs, vous êtes toujours à la remorque de ce que vous appelez la créativité. Ce n'est pas la créativité, c'est répondre à un besoin. Quand vous parlez des commerces, vous parlez des commerces qui ont pignon sur rue, mais il y a beaucoup d'autres commerces. Il y a 40 000 vendeurs et vendeuses itinérants au Canada qui vendent des produits de beauté de porte en porte. , Là, j'ai appris, dernièrement, qu'une de ces grandes sociétés va commencer à vendre de la lingerie pour dames. Elles vendent des produits de beauté et elles vont vendre de la lingerie, mais ce sont des produits, ça. Donc, il y a toutes sortes d'activités qui se passent en dehors des commerces qui ont pignon sur rue et vous, vous vous acharnez à essayer de réglementer ce petit secteur-là et il y a d'autres secteurs qui vont toujours passer outre à la loi. Donc, ça rend la situation très injuste pour les commerçants. (21 h 30)

M. Tremblay (Outremont): La question que je posais, c'est, si on regarde un exemple connu... Je ne veux pas faire de publicité, surtout pour une maison qui s'appelle Avon. Mais théoriquement, ce que vous nous dites, c'est que, les personnes étant chez elles le dimanche parce qu'elles ne peuvent pas magasiner ailleurs, Avon pourrait continuer... Parce que la loi dit bien que... L'article 2, c'est: "Aucun client ne peut être admis dans un établissement commercial." Ce que vous nous dites, c'est: Le fait qu'Avon se promène avec sa petite valise, il a juste à mettre plus de choses dans sa valise et il va pouvoir cogner à toutes les portes et vendre des produits le dimanche, concurrençant entre autres...

M. Martin: Le dimanche ou le soir. M. Tremblay (Outremont): Oui, oui. M. Martin: Le lundi soir, le mardi soir.

M. Tremblay (Outremont): Oui, c'est ça. Oui, le dimanche ou le soir.

M. Martin: Donc, le commerçant qui est pris à opérer son commerce et à être réglementé par vous, les législateurs...

M. Tremblay (Outremont): Avec un loyer, des taxes et...

M. Martin: Un loyer et des taxes. Sa concurrence, elle, se promène avec sa petite valise et peut faire des affaires d'or.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée

de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue à la commission au nom de ma formation politique. On ne partage pas le môme point de vue, mais c'est toujours intéressant d'en débattre. C'est pour ça qu'on est là.

M. Martin: Vous savez, moi, je ne suis pas un spécialiste. Mol, je suis ici parce que je trouve qu'il y a peut-être beaucoup de groupes qui peuvent être bien organisés et beaucoup qui ont une facilité de parole, mais...

Mme Marois: D'accord.

M. Martin: ...moi, je voudrais donner mon point de vue.

Mme Marois: Est-ce que vous êtes propriétaire de l'entreprise?

M. Martin: Oui.

Mme Marois: C'est ça, le Groupe Expositions. D'accord. Vous opérez surtout dans d'autres provinces, si je comprends bien.

M. Martin: Non.

Mme Marois: Surtout au Québec?

M. Martin: Oui.

Mme Marois: Essentiellement et uniquement au Québec?

M. Martin: C'est ça. Mme Marois: D'accord.

M. Martin: J'organise des expositions commerciales, entre autres, à la Place Bonaven- ture. On loue la salle, il y a des exposants qui viennent de 17 pays. Il y a des acheteurs qui viennent...

Mme Marois: Oui, j'ai vu, là.

M. Martin: C'est ça.

Mme Marois: D'accord. Donc, vous n'opérez... Dit comme c'était au début de votre document, on avait l'impression que vous opériez surtout dans le reste du Canada et peu au Québec, sauf pour quelques salons. Mais je comprends que vos activités se tiennent au Québec. Remarquez que le fait que ce soit fermé, des fois, le dimanche, ça permet au monde d'aller aux foires.

M. Martin: C'est ça.

Mme Marois: Alors, ça, c'est Intéressant. Il y a un point de vue qu'il n'est pas négligeable non plus, à cet égard, d'envisager. Quand vous dites, à un moment donné, que les membres... À la page 3 de votre document, vous dites: "Nous mettons en garde le comité contre des représentations qu'il peut recevoir de toutes sortes d'associations qui prétendent représenter des commerçants, dont les membres sont souvent très ouverts à l'idée de faire des entorses à la loi, mais qui se servent de leur association pour restreindre le libre accès à leurs produits." J'en conviens. Mais, en même temps, j'ai devant moi la liste de toutes les personnes, de toutes les organisations qui sont passées devant nous jusqu'à maintenant. Évidemment, ça fait quelques jours qu'on siège, donc, on commence à en avoir vu quelques-uns. Je ne peux pas remettre en question la bonne foi des gens qui sont là. Je pense, entre autres, à des gens avec lesquels vous faites affaire. Je pense aux Maltres-Four-reurs associés du Québec dont les représentants sont venus nous dire très carrément: Écoutez, c'est notre mort comme artisans, propriétaires de nos entreprises. Parce que c'est ça aussi. Et je pense que les gens qui vont vous suivre vont venir nous dire un peu la même chose, c'est-à-dire: C'est notre mort si vous libéralisez les heures d'ouverture des commerces, même si vous ne commencez que par l'alimentation. Parce qu'on va commencer par l'alimentation, mais il y a un pied dans la porte. Je pense que ce n'est pas à vous que je vais expliquer le principe du centre d'achat, comment ça fonctionne d'un bout à l'autre du centre d'achat et qu'est-ce qui attire le monde au centre d'achat. Alors, ça va être assez vite, on va se comprendre là-dessus.

Alors, quand je fais la liste, j'ai plutôt tendance à me dire: II y a un clivage et non pas: Les gens nous disent des choses, mais ils ne veulent pas se l'appliquer à eux, ils voudraient que ça s'applique au voisin. Un certain nombre le font, mais pour un bon nombre des gens qui sont là... D'abord, je présume de leur bonne foi, mais, en plus, je pense qu'elle se vérifie aussi de par leur organisation financière et leur mode de propriété. Le propriétaire indépendant, souvent, se dit, et les quincailliers sont venus nous dire ça, entre autres: J'aime mieux être sur le plancher, avec mes travailleurs et mes travailleuses le dimanche; on a besoin d'expertise, aussi, qu'on a de la difficulté à obtenir. Ça aussi, vous le dites dans votre mémoire. Vous dites: Qu'on ne nous dise pas que c'est difficile d'obtenir du personnel, ce n'est pas difficile. Attention! Il y a des gens qui sont venus ici et qui ont dit: Si on veut bien servir notre clientèle, ça nous prend des gens d'expérience sur notre plancher. Bon, alors, on peut, bien sûr, avoir des occasionnels, on peut, bien sûr, avoir des étudiants, mais ça prend de l'encadrement et ça prend des gens qui ont un petit peu plus de calibre expérimental, c'est-à-dire d'expérience,

"expérienciel", pour pouvoir répondre aux besoins de nos gens.

Alors, je suis un petit peu...

M. Martin: Pourquoi serait-ce plus compliqué de vendre des produits dans une quincaillerie qu'opérer un restaurant français?

Mme Marois: Parce que...

M. Martin: Dites-moi le donc. Pourquoi un restaurant français peut-il ouvrir le dimanche, peut ouvrir sept jours par semaine?

Mme Marois: Oui.

M. Martin: Moi, je trouve que, pour créer des plats dans un restaurant français, ça prend autant de connaissances...

Mme Marois: Je suis tout à fait d'accord avec vous.

M. Martin: ...que de travailler dans une quincaillerie.

Mme Marois: On va s'entendre vite vite là-dessus, c'est même, probablement, dans certains cas, beaucoup plus exigeant si on veut faire de bons plats.

M. Martin: Oui!

Mme Marois: Si vous connaissez un peu la cuisine, vous savez ça aussi. Bon!

M. Martin: Oui, parce que j'ai un restaurant aussi.

Mme Marois: Parfait. Alors, notre objectif, c'est justement de dire que, si on ouvre, ça va demander des expertises. Ça en demande déjà dans certains services spécialisés. C'est vrai là, c'est vrai à l'hôpital aussi et c'est vrai à la pharmacie où ça demande des gens qui connaissent ça un petit peu, les médicaments, si on veut bien servir les gens et ne pas faire d'erreurs. Donc ça demande du personnel spécialisé. Mais ce qu'on dit et ce que je dis, au nom de ma formation politique, ce qu'on souhaiterait, c'est qu'il y en ait le moins possible de gens qui sont obligés de travailler le dimanche pour qu'on puisse, au contraire, dégager ce temps-là pour la majorité des personnes qui vivent au Québec, de telle sorte qu'il ne reste que des services reliés à un certain nombre... qu'il ne reste ouvert que des établissements qui sont des établissements de services, soit essentiels, soit reliés effectivement aux loisirs et qui aident d'autres personnes à se réunir, à se rassembler et à bénéficier d'une vie différente. D'accord?

M. Martin: Non, moi, je ne suis pas d'ac- cord, mais c'est dû...

Mme Marois: Je sais que vous n'êtes pas d'accord, mais moi non plus.

M. Martin: Pour moi, madame, c'est du dirigisme. Allez-vous arrêter Aican d'opérer le dimanche?

Mme Marois: Ah! Vous savez pourquoi...

M. Martin: Pourtant, c'est une grosse usine.

Mme Marois: ...la majorité des gens ne travaillent pas, ne font pas d'activité de production le dimanche. Alcan est un exemple, les usines de papier en sont un autre, parce qu'on sait effectivement le coût qu'il y a à arrêter les machines et parfois même l'impossibilité technique. À l'Alcan, c'est même une impossibilité technique, on le sait, là aussi on pourrait s'en parler longuement et parler des cuves - voilà le mot que je cherchais. Alors, c'est l'objectif que l'on a. C'est vrai qu'il y a un petit côté, je ne dirais pas de dirigisme, mais il y a un côté - là, je vais vous reprendre aussi quand vous dites dans votre document: "Lorsqu'on enlève aux gens des libertés...", la liberté des uns commence là où la liberté des autres... la liberté des uns...

M. Martin: Pardon?

Mme Marois: ...s'arrête là où la liberté des autres commence. Si on enlève des libertés...

M. Martin: Quelles libertés, madame? La loi du marché, c'est une liberté. Quand les gens vont à Burlington ou à Plattsburg, il y a des immenses centres d'achat là qui ne répondent pas aux besoins locaux. C'est pour les Montréalais qui vont y aller. Pourquoi aller faire des détours pour essayer de créer des embûches? Moi, je vous l'ai dit, j'ai un restaurant, on est fermé le samedi midi et on est fermé le dimanche midi, parce que c'est de nos affaires. Il y a des stations-service qui sont fermées deux jours par semaine, le samedi et le dimanche. J'en avais une où je travaillais, à Westmount, parce que ça répond... Il y en a d'autres qui sont ouvertes 24 heures par jour. Laissons aux gens la liberté.

Mme Marois: Vous savez, la liberté totale, ça donne aussi l'anarchie.

M. Martin: Pardon?

Mme Marois: Ça donne aussi l'anarchie et ça a donné aussi le capitalisme sans contrainte et sans règle. Ca a donné les exagérations que l'on a connues au début du siècle et qui se sont maintenant tout à fait civilisées et organisées, on va en convenir, mais parce qu'il y a eu aussi

des gouvernements qui ont établi des règles d'encadrement qui ont fait qu'on n'a pas outrepassé un certain nombre de limites qu'on s'était fixées. On va convenir de ça ensemble aussi.

M. Martin: Oui, là on va convenir. Mme Marois: D'accord? M. Martin: Oui.

Mme Marois: C'est parce que vous faites des affirmations dans votre document, que je veux bien suivre, mais que je questionne. Vous me dites - là, je ne veux pas les reprendre, j'en fais juste la liste - qu'il y a des gens qui disent: Ne faites pas ça, mais nous, on va le faire, moi je dis qu'il y a la bonne foi des gens qui sont venus nous présenter leur point de vue. Qu'est-ce que vous voulez, je ne peux pas faire autrement que d'y croire et de les respecter, parce qu'ils ont déployé, je pense, tout un tas d'arguments qui nous ont été présentés et qui faisaient bien valoir leur point de vue. Je peux comprendre le vôtre aussi, même si je ne suis pas d'accord. Vous le défendez bien aussi. Mais je dis: On ne peut pas mettre en doute ni votre bonne foi ni la leur. Ça, c'est une chose. L'autre chose: c'est vrai qu'il se développe...

M. Martin: O.K. Je peux vous arrêter. En 1983, pour la superexposition d'ameublement, il y a un exposant qui, en 1982 - il n'est plus en affaires maintenant, c'est Valiquette - était venu participer à notre exposition. En 1983, il décide de ne pas venir à Place Bonaventure. Le direc teur général de Valiquette est le président de la Corporation des marchands de meubles. On l'invite à l'ouverture officielle, en tant que président, disons à 11 heures le matin - ça, c'est le jeudi ou le vendredi - et à 2 heures il fait une plainte au ministère, au nom de la Corporation, pour dire: Ces gens-là vont ouvrir. Il y avait beaucoup de membres de la Corporation des marchands de meubles qui étaient à notre exposition. O.K.? Pendant ce temps-là, l'inspecteur vient, met des mises en demeure à tout le monde. Pendant ce temps-là, Valiquette a ouvert toute la fin de semaine. Il n'a pas payé. Comme de raison, il n'a pas participé. Puis c'est le président de l'association qui, lui, a ouvert toute la fin de semaine. L'inspecteur n'est pas venu le voir et il ne s'en est pas occupé parce que c'est arrivé trop vite. Moi, j'ai travaillé longtemps dans le domaine des associations. Je connais un peu comment ça fonctionne, hein?

Mme Marois: Oui.

M. Martin: Des fois, les consensus sont assez vite pris et c'est facile d'avoir la vertu haute. Mais il peut y avoir beaucoup d'exceptions quand on regarde.

Mme Marois: Oui, je suis d'accord avec vous que c'est parfois facile d'avoir un langage d'un côté de la bouche et d'en pratiquer un autre de l'autre bord. Ça aussi, on le sait Mais ce n'est pas une mauvaise expérience, c'est une exception quelque part qui doit nous faire extrapoler pour l'ensemble des autres.

M. Martin: Non.

Mme Marois: D'accord.

M. Martin: O.K.

Mme Marois: Alors ça va. Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. M. Martin...

M. Martin: Oui.

M. St-Roch: ...je pense que c'est un secret de Polichinelle aujourd'hui de savoir que, dans la plupart des municipalités - là je parle des villes de moyenne à grande importance, qui ont du transport en commun, qui ont des forces policières - lorsque arrive le dimanche, on réduit les effectifs pour faire en sorte qu'on puisse donner des fins de semaine à des hommes et des femmes qui travaillent dans ces professions-là, mais ça a aussi une incidence au niveau des coûts des opérations des municipalités. Je prends votre optique. On ouvre les magasins et on s'en va tous azimuts les fins de semaine.

M. Martin: Vous n'ouvrez pas les magasins. Vous permettez aux magasins...

M. St-Roch: On permet... M. Martin: ...d'ouvrir.

M. St-Roch: Oui. Connaissant aussi tout ce qui peut arriver dans les centres d'achats: l'un ouvre, l'autre ouvre, on renégocie les baux en tout... Mais, si vous me permettez, assumons que la plupart des commerces vont être ouverts À ce moment-là, on accroît drôlement les affluences au niveau du commerce, ce qui va vouloir dire que la plupart des municipalités vont être obligées de mettre des forces policières en supplément. Parce qu'on a plus de gens, ça va être le transport ambulancier qui va s'accroître, ça va être le transport en commun aussi qui va venir. Parce qu'on va avoir des travailleuses et travailleurs qui vont oeuvrer, ça va demander de plus en plus de garderies. Qui va payer la note?

M. Martin: Je pense qu'il faut que la

société paie pour les services qu'elle veut se donner, la qualité de services qu'elle veut se donner.

M. St-Roch: Mais à l'heure actuelle, si on regarde les sondages, ça semble être drôlement partagé. Alors, pourquoi - je vais assumer que les sondages sont exacts, qu'on a 50-50 - 50 % des propriétaires d'une municipalité de moyenne importance verraient-ils leur facture de fiscalité municipale s'accroître pour donner des services supplémentaires pour un autre 50 % qui voudrait avoir une qualité de vie supposément dans...

M. Martin: Oui. Je vais vous poser une question, vous. C'est quoi le pourcentage des commerces qui sont assujettis, des commerces dans le sens des produits et des services? Quel est le pourcentage des commerces qui sont présentement assujettis à la Loi sur les heures d'affaires? Disons, dans une ville, vous avez un coiffeur, vous avez trois restaurants, vous avez un hôtel, vous avez un magasin de meubles, vous avez... C'est quoi le pourcentage?

M. St-Roch: Bien, je ne le sais pas. Je regarde une ville comme la mienne qui a quand même 36 000 de population, avec 25 municipalités. On a les dépanneurs, on a les pharmacies... (21 h 45)

M. Martin: Oui.

M. St-Roch: ...régulières ou d'escompte. Mais on a trois centres d'achats qui regroupent peut-être 150 commerces qui sont fermés. On a un centre-ville qui est pratiquement désert, sauf la pharmacie ou sauf le dépanneur qui vont s'être installés. Quand je regarde, moi, dans une municipalité comme la mienne, le trafic la fin de semaine, ça permet à la municipalité de donner à des policiers et à des policières des fins de semaine aussi parce qu'il y a moins de circulation. Ceux qui opèrent le système ambulancier, bien, parce qu'il y a moins de trafic dans la ville, on fart la même chose; la même chose au niveau des garderies. Mais si demain matin on leur dit: On ouvre nos centres d'achats, tout ouvre tous azimuts, on va avoir tout un va-et-vient.

Alors, je pense que vous allez conclure avec moi qu'il va y avoir une augmentation de tous ces frais-là. Il va falloir que quelqu'un la paye, la note, à quelque part. Alors, est-ce qu'on met un impôt spécial à ceux qui vont ouvrir le dimanche pour payer la note?

M. Martin: Ce n'est pas un pauvre citoyen comme moi qui va vous dire de mettre de l'impôt ou de ne pas mettre de l'impôt, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-Roch: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la députée de Taillon, si vous voulez remercier notre invité.

Mme Marois: Je vous remercie de votre contribution.

M. Martin: O.K. Merci.

Mme Marois: Comme vous l'avez mentionné, on ne partage pas nécessairement les mêmes points de vue, mais ça reste toujours intéressant qu'on confronte nos idées, de telle sorte que ça puisse peut-être nous amener à adopter une loi qui réponde le mieux possible à l'ensemble des besoins que l'on veut couvrir. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Comme le dit l'adage: Du choc des idées jaillit la lumière!

Mme Marois: Semble-t-il!

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, si vous voulez remercier notre invité.

M. Tremblay (Outremont): Alors, je vous remercie beaucoup, M. Martin. Je pense que le point que vous défendez, c'est clair. Ce que je retiens, c'est que la loi mentionne qu'aucun client ne peut être admis dans un établissement commercial. Vous soulevez des éléments qui ont déjà été soulevés dans le passé, entre autres, la vente par catalogue. Je pense que M. Virthe est venu nous parier clairement et dire que de plus en plus c'est un secteur d'avenir. Vous pariez des vendeurs itinérants qui offrent des produits dans le domaine de l'alimentation. Donc, ça, ça veut dire celui qui se promène avec son petit camion, avec ses fruits, ses légumes et également ses poissons congelés et qui peut vendre ça de porte en porte. Vous pariez également des produits de beauté. Bon, ça, on les connaît. Également, ils sont en train d'élargir dans le domaine vestimentaire. Vous soulevez ça. Je suis content que vous le fassiez parce que, si on veut avoir une loi équitable et une loi durable, il va falloir évaluer ces éléments-là dans la décision qu'on va avoir à prendre. Je vous remercie beaucoup, M. Martin.

M. Martin: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de l'économie et du travail remercie M. Martin, du Groupe Expositions, et invite à la barre des témoins la Corporation des bijoutiers du Québec.

Bonsoir, madame, messieurs. Il me fait plaisir de vous recevoir. Alors, vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez au maximum dix minutes pour présenter votre point de vue. Il

y aura une partie d'échanges avec les membres de la commission. Je vous prierais, lorsque vous interviendrez, de bien vouloir vous identifier, ceci pour les fins de la transcription du Journal des débats. Alors, si vous voulez commencer, on vous écoute.

Corporation des bijoutiers du Québec

M. Marchand (André): Alors, M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, je me présente: André Marchand, président de la Corporation des bijoutiers du Québec. À ma droite, Mme Lise Petltpas, directrice générale du même organisme. J'ai fermement l'intention de vous faire un résumé du mémoire. Il se fait tard. Vous êtes tous sûrement fatigués et je ne voudrais pas que ce soit trop fastidieux. Alors, j'entre immédiatement dans le vif du sujet. J'imagine et j'espère que vous avez tous lu notre mémoire. Je prends pour acquis que c'est chose faite.

Alors, j'aimerais le résumer comme ceci: L'association professionnelle que je représente existe depuis 1952. Je dois ajouter que nous sommes mandatés à l'unanimité de nos membres. Notre organisme regroupe près de 1000 membres. On peut compter pour la province environ 1200 bijouteries réparties sur l'ensemble du Québec. La moitié de ces bijouteries sont gérées par des artisans, c'est-à-dire que ce sont des entreprises familiales occupant une ou deux personnes, la plupart du temps le mari et la femme ou un des enfants. Ces personnes travaillent présentement un minimum de 60 heures-semaine, heures ouvrables. Je vous fais grâce de toutes les heures supplémentaires pour faire les vitrines, les comptes, enfin, toutes ces heures qui ne paraissent pas aux yeux du public, mais que nous sommes obligés de nous payer, puisque nous n'avons pas toujours les employés voulus pour le faire à notre place.

Tout ajout à ces heures de travail ne pourrait que nuire à la qualité de vie que nous sommes en droit d'avoir comme d'ailleurs notre clientèle présentement. C'est pourquoi nous, les membres de la Corporation des bijoutiers du Québec, nous nous opposons fermement à tout changement de principe de la présente législation.

Ceci étant dit, nous aimerions quand même apporter réponse aux six questions que vous nous avez posées via le document 'Tenue d'une consultation générale de la loi sur les heures d'affaires". Nous voulons d'abord remercier et féliciter les personnes ou les groupes responsables de la parution de ce document de base. Son contenu et la qualité de sa présentation nous ont grandement aidés à compléter nos Informations. Si vous voulez leur transmettre nos félicitations, ça nous ferait plaisir.

Première question, révision des exemptions prévues par la loi. Selon nous, le gros du problème et la source de tous les ennuis consistent justement dans les nombreuses exemptions qui ont été accordées. Tout le monde le sait, nous sommes dans un marché stagnant; aucune augmentation de population, sinon une diminution et, donc, automatiquement, l'augmentation des ventes se fait au détriment des autres. Nous sommes donc devant un choix politique entre les multinationales et l'ensemble des commerçants indépendants. Les Pharmacies Jean Coutu, pour ne pas les nommer, profitent d'un privilège et, selon nous, non d'un droit acquis. Elles possèdent des comptoirs de bijouterie et sont nos concurrents directs, indûment.

Nous avons également le problème des marchés aux puces. Il y a une prolifération de plus en plus grande de ces fameux marchés aux puces. Dans le territoire de Laval où je demeure, il s'en est ouvert deux nouveaux en moins de six mois. Pour parler du plus connu et peut-être de l'ancêtre de la province, la Récréathèque, si vous entrez dans la Récréathèque, immédiatement en face de vous, vous allez voir un comptoir de bijouterie; là, je ne parie pas d'un kiosque de 10 par 10; il y a douze comptoirs de bijoux. En entrant, vous ne pouvez pas les manquer, ça a au moins 25 pieds par 25 pieds. Ils vendent des bagues, diamants, rubis, émeraudes, saphirs, d'une gamme de prix de 200 $ à 2000 $, des bracelets, gourmettes et autres bijoux de 150 $ à 1500 $. Je puis vous affirmer, pour y avoir été à maintes reprises - j'ai d'ailleurs fait de nombreuses plaintes à ce sujet - que 90 % de ce qui se trouve dans ces comptoirs vaut plus de 20 $ et est à l'encontre de la loi telle qu'elle existe présentement. Au même endroit dont je vous parle, il y a trois bancs de bijoutiers et un banc d'horlogers. Il y en a très peu présentement, dans toute la province, des bijouteries bona fide qui possèdent un aussi grand nombre d'ouvriers sur place pour les réparations. Donc, le marché est important.

Au même endroit, vous avez deux autres endroits similaires à celui que je viens de vous citer. Vous avez présentement plusieurs marchés aux puces qui n'ouvrent que les fins de semaine. S'ils n'ouvrent que les fins de semaine, c'est parce que c'est plus payant pour eux d'ouvrir ces jours-là, puisque nous, nous sommes fermés. Alors, pour nous, c'est vraiment une compétition directe, grave et importante, et on voudrait bien, quelles que soient vos décisions dans la prochaine loi, qu'au moins, si elle est similaire à celle qui existe présentement, elle soit enfin respectée.

Nous demandons donc le respect intégral de la loi existante ou une révision afin qu'elle définisse mieux les règles du jeu. Nous croyons que ces commerçants devraient être régis par la loi des heures d'affaires puisque, présentement, leur commerce ne se distingue en rien de celui des commerçants ayant pignon sur rue. Marchés aux puces, marchés publics, Club Price, Pharmacies Jean Coutu, etc., ils veulent tous

augmenter leur part du marché. C'est leur droit le plus strict, à la condition qu'ils soient placés sur le même pied que la compétition. Nous disons donc non à toute forme d'exemption ou d'exception, sauf celles contenues dans la loi de base de 1970.

Deuxième question, le réaménagement des heures d'affaires sur semaine pour tous les types de commerces. Nous sommes pour le statu quo. Les raisons vous en sont fournies dans notre mémoire.

Trois, l'ouverture le dimanche des établissements commerciaux du secteur de l'alimentation. Vous le savez tous, ça a été le déclencheur des polémiques et des problèmes actuels. Plus vous ouvrez une porte, plus il est facile d'y mettre le pied. De là à se mettre les deux pieds dans les plats, il y a peu de marge. C'est donc un choix de société, vous l'avez dit, vous nous l'avez écrit, et nous y croyons tous. Nous sommes donc contre l'ouverture des commerces le dimanche, mais nous n'avons rien contre la possibilité d'un réaménagement des heures actuelles en y ajoutant possiblement un soir de plus, toujours, bien entendu, strictement dans le domaine de l'alimentation.

Quatre, transfert du pouvoir au niveau local. Nous sommes catégoriquement contre. Cette responsabilité vous appartient et vous vous devez de faire respecter les lois que vous votez.

Cinq, l'augmentation du nombre d'employés présents, en tout temps, dans le secteur de l'alimentation. Nous croyons qu'il est important, d'abord et avant tout, de respecter l'esprit de la loi et de limiter les abus et échappatoires afin d'éviter la récidive des problèmes actuels et afin d'éviter, même si je trouve ça très agréable, d'être encore devant vous dans un an ou deux pour être face aux mêmes difficultés.

Six, les mécanismes et les modalités d'application de la loi, ainsi que l'augmentation des amendes pour les contrevenants. Il faut une volonté politique, je me répète, de faire respecter la loi. Ceci nous semble un prérequis essentiel à l'administration pratique de la même loi. Nous croyons vraiment que cette volonté existe, car nous sommes conscients des efforts que vous apportez à date. L'augmentation des amendes va de soi afin qu'aucun contrevenant ne puisse se vanter d'avoir enfreint la loi parce que c'était payant de le faire.

De plus, nous croyons que tous les médias qui ont publicise l'ouverture d'un ou des commerces à rencontre de la loi doivent également être poursuivis au même titre que le ou les contrevenants. Notre argumentation est simple: si personne ne sait qu'un ou des commerces seront ouverts, aucun client ne s'y présentera. En justice, celui qui tient le sac est sûrement aussi coupable que celui qui tient le fusil. Nous croyons donc que les amendes doivent être assez élevées pour dissuader toute ouverture non permise par la loi. Nous demandons également que celles et ceux qui diffusent l'information soient aussi assujettis à la même loi, car ils sont complices avant le fait et encouragent ainsi une activité illégale.

J'aimerais ouvrir une parenthèse en ce qui touche bien particulièrement le domaine de la bijouterie au détail. Nous avons de forts problèmes de sécurité. Inutile d'ajouter que nous en sommes rendus avec des portes barrées, avec des sas de sécurité; certains de nos membres ont même des chiens préparés et élevés dans le but de nous protéger. On a des caméras de télévision en circuit fermé. Nous avons tout ceci et, malgré tout les compagnies d'assurances refusent, pour la plupart d'entre nous, de nous accorder une protection valable.

Saviez-vous que moins de 20 % des bijoutiers au détail au Québec sont assurés contre le vol? C'est relativement grave. Ils se fient, à ce moment-là, à la protection publique et c'est très difficile pour nous de subir ce stress quotidien. Seule la compagnie Lloyd's de Londres - et je ne fais pas sa publicité - pour le moment, accepte de couvrir les risques inhérents à notre profession, et encore avec tellement d'exigences et de restrictions que ça devient aléatoire d'y faire une demande. Des heures d'ouverture prolongées nécessitent donc une protection proportionnelle et des dépenses sûrement supplémentaires, sans compter que les compagnies d'assurances refusent souvent d'assurer possiblement ces heures.

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.

M. Marchand: Oui, certainement. En conclusion, j'aimerais vous dire que présentement, avec la loi actuelle, il est possible, comme nous le mentionnons dans notre mémoire, d'acheter cadeaux, parfums, bijoux, montres, marchandises sèches, épicerie, articles de jardinage, ainsi que des médicaments, tout ça dans des pharmacies bien connues; vin, bière, charcuterie, épicerie, pain frais, repas précuits, chez les dépanneurs, la plupart ouverts vingt-quatre heures; de la sculpture, des peintures, des émaux, poterie, macramé, soieries, tout objet d'artisanat. Ça ne fait l'objet d'aucune restriction, vous le savez. Antiquités, livres, autres produits reliés à ces activités, ouverts en tout temps au gré du propriétaire. Fruits et légumes - pour les commerces de trois employés ou moins - marchandises en vrac: marchés, halles peuvent ouvrir sans restrictions autres que celles mentionnées. Denrées, articles de toutes sortes: les marchés aux puces - on en a parlé tantôt - qui ne respectent pas la loi font donc une concurrence déloyale aux commerces qui respectent les lois. Tous les articles qu'on peut se procurer dans les zones touristiques, le consommateur peut également se les procurer.

Que demander de plus? Les faits le prouvent. La loi sur les heures d'affaires répond aux

besoins des commerces de détail. Et, à ce niveau, j'aimerais conclure par cette phrase: Nos recommandations n'ont donc qu'un seul but: le rétablissement d'une saine compétition. Merci de m'avoir écouté.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): M. Marchand, au début, vous nous avez mentionné - je pensais que c'était à cause de votre enthousiasme - que c'était unanime, mais je le vois bien, c'est clair: 100 % des bijoutiers se sont prononcés contre l'ouverture des commerces le dimanche. Vous nous avez mentionné que vous avez 1000 membres. Il y a 1200 bijouteries. Ça veut dire que vous en représentez, si je fais bien la bonne comparaison, là, 1000 sur 1200. (22 heures)

M. Marchand: Non. Je pense qu'il faut être quand même précis et exact. Nous représentons l'industrie de la bijouterie, c'est-à-dire les membres commerçants, les industriels et les représentants, en tant que membres bijoutiers détaillants: environ 500.

M. Tremblay (Outremorrt): 500 sur les 1000? M. Marchand: C'est exact.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce qu'on pourrait en déduire que les 500 autres ne sont pas unanimes sur l'ouverture?

M. Marchand: Nous avons fait étalage, sans conteste, depuis douze ans, de notre position sur les heures d'affaires, à tous nos congrès, à toutes nos réunions. Nous l'avons aussi fart paraître dans différents journaux, lors de notre prise de position en ce qui regardait Jean Coutu et d'autres. Nous avons donc été actifs dans ce domaine. Nous envoyons les résultats de nos congrès et autres à tous les non-membres, à tous les bijoutiers. Ça a paru dans notre revue, qui s'appelle Bijou, tous ces résultats, sans jamais recevoir un seul appel téléphonique ou lettre de contestation.

M. Tremblay (Outremont): O.K. Deuxième question que vous avez posée: "Êtes-vous en faveur d'un changement des heures d'ouverture actuellement en vigueur?" Vous nous dites que, si jamais il y avait ouverture en semaine, le mercredi jusqu'à 21 heures, vous seriez d'accord avec ça, mais uniquement pour l'alimentation.

M. Marchand: Exact.

M. Tremblay (Outremont): Par contre, tout à l'heure, vous nous avez clairement exprimé votre point de vue en mentionnant que Jean Coutu vendait d'autres produits que des produits alimentaires, qu'il vend également des bijoux. Alors, ne pensez-vous pas que vous auriez intérêt à être ouverts également le mercredi soir? Parce que vous demandez au gouvernement de contrôler la vente de ces menus articles et c'est pas mal difficile. Est-ce que vous seriez prêt à repenser, avec vos membres, si jamais c'était une solution qui était retenue, à ce que tous les commerces sans exception soient ouverts le mercredi soir jusqu'à 21 heures?

M. Marchand: Je crois que notre position a été très explicite lors de nos derniers congrès. Nous reposons la question chaque année parce que révolution des gens et des choses fait que les opinions peuvent être modifiées. C'est très clair et très explicite qu'on veut, nous, le statu quo actuel. On veut quand même démontrer une certaine souplesse et démontrer que nous n'avons pas des oeillères et qu'il est possible, pour certaines activités de l'alimentation, de rendre service aux familles monoparentales ou autres, afin qu'elles puissent obtenir quelques heures de plus pour faire leurs commissions. Mais, si on se fie aux directives que nous avons reçues de nos membres, il est clair et net que c'est le statu quo intégral.

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais, M. Marchand, vous nous avez clairement exprimé, tout à l'heure, des réserves sur la loi actuelle qui ne permet pas aux Pharmacies Jean Coutu de vendre des bijoux le dimanche s'ils coûtent plus de 20 $. Vous vous opposez à ça et là vous seriez favorable à ce que Jean Coutu, pour les produits alimentaires, pour la pharmacie, soit ouvert le mercredi - c'est une suggestion qui est faite - jusqu'à 21 heures alors que vous allez rester fermés. Il se pourrait que ce soit difficile à contrôler. C'est ça qu'on essaie d'éviter, si on veut avoir une loi applicable, gérable et durable. Vous ne pensez pas que, par légitime défense, vous auriez intérêt à ouvrir le mercredi soir jusqu'à 21 heures?

M. Marchand: II m'est difficile de parler au nom des membres. Je puis vous dire et vous répéter encore une fois ce qu'ils nous ont chargés de vous transmettre, mais je ne crois pas qu'il y aurait non plus une levée de boucliers énorme si une semblable chose arrivait. Il reste, je pense, que la liberté d'ouvrir ou de ne pas ouvrir un mercredi, éventuellement, laisse à chacun son libre choix.

M. Tremblay (Outremont): Ma dernière question: Vous dites: Ça va être important qu'on ait une loi qu'on puisse appliquer. Donc, vous faites allusion directement aux amendes. Dans votre esprit, à vous... Êtes-vous un commerçant? Opérez-vous?

M. Marchand: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Qu'est ce qui serait une amende assez Importante pour s'assurer que la loi soit respectée pour vous, en tant que commerçant?

M. Marchand: C'est très relatif. Si je reste ouvert et que je possède un petit commerce, non pas dans un centre d'achats, mais sur une rue régionale, il reste que, pour moi, une amende de 1500 $ serait énorme, parce que j'aurais peut-être vendu pour la moitié de cette somme dans ma journée et peut-être moins. Mais pour quelqu'un qui a une bijouterie très reconnue, plusieurs employés et qui pourrait drainer, par une publicité adéquate, des ventes de 20 000 $, 1500 $ c'est encore très payant- Vous le savez tous, dans notre domaine, les profits bruts sont assez élevés.

M. Tremblay (Outremont): Oui. Donc, combien?

M. Marchand: Moi, je verrais une amende dissuasive d'un minimum de 2500 $ pour la première infraction.

Mme Marois: Merci, M. le Président, de me passer la parole. Ha, ha, ha! Je suis assez capable de la prendre habituellement, de toute façon.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: Ça ne l'inquiète pas, vous avez remarqué.

Le Président (M. Bélanger): Non, il n'y a pas de problème.

Mme Marois: Ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à nos travaux. Je pense que vous étiez dans la salle lorsqu'on a eu des échanges avec des gens qui sont venus avant vous. Vous connaissez un petit peu mon point de vue et le point de vue de ma formation politique.

Je pense que vous soulevez un certain nombre de questions, un certain nombre de problèmes, enfin, que je comprends, que je partage avec vous. Et je partage avec vous aussi la proposition que vous retenez. J'en faisais état à la personne qui vous a précédé, qui a présenté son entreprise, le Groupe Expositions. Effectivement, ça ressort encore là et vous le dites, vous, carrément dans votre mémoire: Le type d'organisation de notre société est différent de ce qu'on connaît, par exemple, en Ontario où on a beaucoup de petits propriétaires et moins de grandes corporations à filiales. Donc, ça modifie aussi toute l'organisation, évidemment, sur le terrain et c'est ce que vous défendez.

Mais il y a une chose que vous soulevez dans votre mémoire et que je trouve intéressante parce que ça nous amène à repositionner le problème. Le ministre l'a fait lui-même aussi en vous posant la question. C'est que, dans le fond, si on ouvre pour l'alimentation le dimanche, vous, ça ne vous concerne pas et, à cet égard-là, à la limite, vous dites: Bon, ce n'est pas trop grave. Sauf que si on permet d'ouvrir pour l'alimentation le dimanche, comme l'un de ceux qui vous font le plus de concurrence, à vous, à des quincailliers même et à un certain nombre d'autres petits commerçants, c'est, entre autres, la pharmacie à grande surface parce qu'elle vend des produits de bijouterie, parce qu'elle vend des produits de quincaillerie, parce qu'elle vend d'autres types de produits, donc, si en ouvrant le dimanche pour les commerces d'alimentation, on pense qu'on règle le problème, on en règle seulement la moitié parce que, si on permet à ces grandes surfaces de continuer à vendre des produits que vous vendez et qu'on ne vous permet pas d'ouvrir, on garde la même iniquité. On s'entend bien?

M. Marchand: Oui.

Mme Marois: C'est ça que vous soulevez ici quand vous pariez des marchés aux puces, entre autres, et de l'ouverture des établissements commerciaux le dimanche.

M. Marchand: Mme Marois, vous me dites que ce n'est pas grave que les établissements d'alimentation ouvrent. Moi, je ne suis pas d'accord avec ce principe pour une raison très simple.

Mme Marois: Remarquez que moi non plus, mais je veux que vous me la disiez.

M. Marchand: J'aimerais l'exprimer quand même parce que, si on recule de quelques mois seulement, Distribution aux consommateurs, qui est notre plus gros concurrent dans la bijouterie - il draine tout près de 25 % du marché - appartenait à Provigo. Et vous aviez déjà, chez Provigo, des comptoirs de prises de commandes pour Distribution aux consommateurs. Qui peut empêcher une autre chaîne à venir, Steinberg ou une autre, de faire de même et de s'affilier avec un autre représentant de bijoux? Alors, avec le morcellement des commerces, ce n'est plus spécialisé comme ça l'était. On tend vers une généralisation. Si ma mémoire est bonne, il y a même eu une injonction, de votre part, pour arrêter une superpharmacie qui se servait du prétexte de la pharmacie pour pouvoir englober à peu près toutes les autres sortes de commerces. Vous avez Club Price qui, sous prétexte d'être un club privé, avec une grosse parenthèse, selon moi, et un coût de 25 $, ce qui est un coup génial en marketing, fait payer les clients pour venir acheter. Je trouve ça génial, peut-être, mais au détriment de qui? De nous. Et

ils drainent des sommes absolument incroyables, des millions. Où vont-ils s'arrêter? Pour l'instant, ce ne sont pas, pour nous, des compétiteurs majeurs parce qu'ils se sont limités dans d'autres domaines, mais Ils vont s'apercevoir tôt ou tard que c'est également payant, la bijouterie, et ils vont embarquer dedans comme tout le monde. Alors, c'est ça, le problème, et je crois, M. le ministre, l'avoir mentionné antérieurement, c'est que vous donnez un pied et on prend une verge.

Mme Marois: Voilà!

M. Marchand: Et si on laisse aller les exemptions de plus en plus nombreuses et les exceptions, encore une fois, de plus en plus nombreuses, on se retrouve devant le même fouillis.

Mme Marois: Tout à fait. Vous avez des travailleurs et des travailleuses dans vos entreprises. Évidemment, ce sont de petites entreprises, mais il y a quand même des gens qui travaillent chez vous. Quel est leur point de vue, à eux? J'Imagine que vous êtes très près d'eux ou très près d'elles.

M. Marchand: Oui. C'est sûr que chez nous, dans la bijouterie, chacun qui va paraître ici va toujours dire qu'il est distinct des autres et, dans le fond, c'est un peu vrai. Chez nous, ça prend quand même une certaine expertise et je ne veux pas minimiser ou réduire la valeur des autres types de commerces, loin de moi cette pensée. Il reste quand même que nous avons besoin de plus en plus d'expertise dans notre domaine. Être bijoutier, ce n'est pas seulement prendre un bijou, le livrer; on doit l'expliquer, on doit le connaître, on doit le comprendre et on doit souvent - plusieurs parmi nous sont des artisans - les fabriquer également. Alors, la chaîne est quand même assez longue et je crois qu'il serait absolument impossible pour nous de prendre quelqu'un au salaire minimum et de lui dire: Toi, tu vends de la bijouterie demain matin. C'est peut-être possible, mais je doute de la qualité des résultats. Nos membres, à l'année longue, sont en période de recyclage, s'Inscrivent à des cours de perfectionnement chez nous. C'est comme dans tous les domaines, ça évolue et nous sommes obligés de suivre le train. Alors, pour nous, ce serait très complexe, très compliqué et ça ajouterait une chose très simple: pas de nouveaux employés avec un coût supplémentaire. On se taperait plus d'heures de travail parce qu'on n'a pas les moyens, tout simplement, d'en payer d'autres. C'est tout.

Mme Petitpas (Lise): Si vous me permettez d'ajouter une chose.

Mme Marois: Oui, certainement, madame.

Le Président (M. Bélanger): Mme Petitpas.

Mme Petitpas: Merci. On parlait, tout à l'heure, de salons d'exposition. À la Corporation des bijoutiers du Québec, on organise, une fois par année, un salon commercial. Bien sûr, on vend le dimanche à des commerçants, mais il n'y a aucune livraison. C'est une règle du jeu. Bien sûr, ils vont placer des commandes. Mais je veux en venir au fait qu'on a voulu organiser aussi un salon ouvert aux consommateurs et, bien sûr, qu'on pensait vendre aux consommateurs. Nous avons demandé la permission, mais on nous l'a refusée et on a trouvé ça correct. Il faut être cohérents, quand même, dans notre ligne de pensée. Je pense qu'on peut quand même - et même on en étudie la possibilité - organiser un salon pour consommateurs où on va leur montrer des belles choses, où on va mettre en valeur ce qu'on fait en bijouterie. Ce n'est pas nécessaire de vendre. Ils vont venir quand même et ils vont apprécier quand même ce qu'on leur montre, mais ça va être un loisir, par exemple. Moi, je me verrais très mal, en tout cas, aller à rencontre de ça. Il y a moyen d'organiser un beau salon pour consommateurs sans vendre.

Mme Marois: C'est ça. Bon. Écoutez, je ne veux pas prendre plus de votre temps. Je pense que votre mémoire présente bien votre point de vue. Vous l'avez bien fait valoir aux membres de la commission. Je le partage et ma formation politique appuie aussi ce point de vue que vous défendez. J'espère qu'on saura le faire valoir correctement jusqu'à la fin des travaux de cette commission, au nom d'un certain nombre de principes auxquels nous adhérons dont, entre autres, le fait que nous mettions, pour nous, en tout cas, de l'avant une valeur qui nous apparaît importante, soit la qualité de vie pour les travailleurs et les travailleuses. Vous êtes des travailleurs et des travailleuses, propriétaires de vos entreprises, mais vous y travaillez aussi; donc, ça vous concerne aussi très largement. Je vous remercie.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Juste deux petites questions. Combien de vos membres vendent des articles d'artisanat fabriqués par des Québécois? Est-ce qu'il y en a?

M. Marchand: C'est une excellente question, M. le ministre. J'aimerais avoir une bonne réponse. C'est très difficile pour nous de le juger. On fait une tournée occasionnelle, bien sûr, de nos membres, on va les saluer en passant, on discute de leurs problèmes et tout, mais de là à faire un bref inventaire... Nous savons

pertinemment que plusieurs de nos membres fabriquent des pièces sur mesure, sur commande; ça, c'est un fait. Ce n'est pas la majorité quand même. Par contre, nous avons beaucoup de très bons fabricants québécois. Et je peux vous dire que, dans notre domaine, nous sommes à l'avant-garde même, du produit européen, présentement.

M. Tremblay (Outremont): C'est parce que le but de ma question... Il y a une exception, dans la loi. Je voulais avoir votre opinion sur l'exception.

M. Marchand: Oui.

M. Tremblay (Outremont): L'article 14 permet l'ouverture des commerces le dimanche pour les établissements commerciaux qui vendent exclusivement des articles d'artisanat, s'ils sont créés par un artisan québécois. C'est pour ça que je vous posais cette question-là. Est-ce que c'est important qu'on maintienne cette exception-là?

M. Marchand: Je pense que, pour nous, c'est quasi inexistant. Ce n'est pas 1 %, j'en suis sûr. Il y a quelques artisans, peut-être, dans le bijou plus mode, le bijou de cuir, le bijou en émail. Est-ce que c'est de la bijouterie ou non? Nous, on peut le conserver, ça ne nous nuit absolument en rien.

M. Tremblay (Outremont): Bon. Vous avez... M. Marchand: C'est vraiment limité.

M. Tremblay (Outremont): Je veux juste profiter de votre présence ici. Je pense que vous y étiez, quand on a discuté, tout à l'heure, avec les communautés juives.

M. Marchand: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Vous étiez ici?

M. Marchand: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Les communautés juives, à cause du "chabate" le samedi, vous savez, peuvent ouvrir, par la loi, leurs commerces le dimanche, toute opération, donc la bijouterie. Est-ce que vous auriez objection à maintenir l'exception pour les communautés juives?

M. Marchand: M. le ministre, d'abord, j'ai appris qu'existait cette exemption. Pourtant, il me semble que, depuis nombre d'années, j'ai fouillé à peu près partout et je lis intégralement tout ce que vous me faites parvenir et un peu plus. Alors, je me tiens vraiment au courant de la loi. Je le croyais, du moins, jusqu'à tantôt où vous m'avez appris que cette exemption existait sur l'ensemble. Je ne croyais vraiment pas que c'était pour autre chose que l'alimentation. À partir de là, nous, on se dit qu'en mettant cette exemption - vous l'avez très bien mentionné - il y a les musulmans, il y aura d'autres religions qui vont vouloir faire pareil; un, ce sera le lundi, l'autre, le mercredi et l'autre, le jeudi. Qui pourra dicter qui est qui et quelle sorte de police - mettez-le entre parenthèses toujours -pourra vraiment gérer cette forme d'exemption?

Alors, pour nous, avec le fait que nous soyons contre l'ensemble des exemptions, je crois que définitivement elle ne devrait pas exister pour eux, pas plus que pour les autres.

M. Tremblay (Outremont): En tout cas, je pose la question...

M. Marchand: Oui.

M. Tremblay (Outremont): ...après les avoir écoutés. Ça voudrait dire que ces gens-là, à cause de leur religion, seraient pénalisés le samedi et le dimanche.

M. Marchand: Oui. Pénalisés est un grand mot, c'est un choix, un choix de vie. Je ne veux pas être contre eux. Moi, je sais une chose, c'est que je fais affaire avec plusieurs juifs, parce que, vous le savez, dans notre domaine, beaucoup de nos fournisseurs sont d'origine juive. J'ai de bons amis parmi eux. Il y en a qui sont très stricts d'observance. Je sais que - je ne veux pas nommer la compagnie - la plus grosse compagnie d'importation de perles du Canada ferme le vendredi et que, quand je veux parler aux propriétaires, ils ne sont pas là le vendredi après-midi. Mais il y a toujours quelques employés sur place, d'origine juive, qui répondent à mes besoins jusqu'aux heures de fermeture normales et régulières.

M. Tremblay (Outremont): Dans les zones touristiques, une des recommandations qui nous est faite, c'est, possiblement en limitant le temps, en balisant bien le temps, de garder de petits commerces. Alors, ce serait fort possible que, dans des zones touristiques, des commerces de trois employés et moins, en tout temps, donc des bijouteries puissent être ouvertes. Est-ce que vous auriez une objection à ça?

M. Marchand: Si vous gardez la limite de temps, c'est-à-dire que ce ne soit pas douze mois ou treize mois par année, oui, définitivement, on n'aurait pas d'objection à ce que ça demeure.

M. Tremblay (Outremont): Oui. J'en avais une autre. C'est moi qui suis en train de penser, j'en avais une autre à vous poser.

M. Marchand: Prenez tout votre temps.

M. Tremblay (Outremont): Non, non, je le

sais, je comprends. C'est parce que ça ne reviendra peut-être pas et vous...

Le Président (M. Bélanger): J'aimerais mieux qu'il se presse.

M. Tremblay (Outremont): ...allez trouver le temps long.

M. Jolivet: Ca pourrait arriver un dimanche.

Le Président (M. Bélanger): Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Marchand: Alors, M. le ministre, si jamais votre question vous revient à l'esprit, ça nous fera plaisir d'y répondre par écrit.

Le Président (M. Bélanger): Malheureusement, le temps est écoulé. M. le ministre, vous voulez remercier nos invités?

M. Tremblay (Outremont): Les avez-vous remerciés, oui?

Mme Marois: Oui, oui, moi, je l'ai déjà fait, je pense, en expliquant un petit peu mon point de vue, mais je peux les remercier à nouveau. Je pense que c'est toujours intéressant qu'une expertise nous soit apportée par les gens qui sont concernés eux-mêmes par le problème.

M. Tremblay (Outremont): Alors, je vous remercie beaucoup, Mme Petitpas et M. Marchand, d'être venus nous exposer votre point de vue. On va sérieusement le prendre en considération dans notre réflexion.

M. Marchand: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie la Corporation des bijoutiers du Québec et ajourne ses travaux à demain, mercredi, 10 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine. Je voudrais... S'il vous plaît. Je voudrais vous rappeler que, vendredi, il y aura un changement à l'horaire. Alors, s'il vous plaît, vérifiez vos horaires; ils seront distribués demain et il y aura un changement à l'horaire pour la journée de vendredi. Ceux qui ont des engagements à prendre ou quoi que ce soit, veuillez d'abord vérifier l'horaire. À demain, 10 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine.

(Fin de la séance à 22 h 19)

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