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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 8 mai 1990 - Vol. 31 N° 30

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique au Québec


Journal des débats

 

(Onze heures cinq minutes)

Le Président (M. Bélanger): Bonjour. Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre place pour que nous commencions les travaux de la commission de l'économie et du travail qui procédera à une consultation générale et à des auditions publiques sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique au Québec.

Alors, avant de commencer, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, il y a un remplacement: Mme Marois (Taillon) est remplacée par M. Perron (Duplessis).

Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme Marois (Taillon) est remplacée par M. Perron (Duplessis). Bien. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui, M. le Président, compte tenu de l'envergure des sessions qu'on va entreprendre en commission parlementaire, j'aurais une demande à faire au nom de tous les membres de la commission, du côté ministériel comme du côté de l'Opposition, à l'effet que toute personne puisse intervenir à l'intérieur de l'enveloppe de temps qui sera...

Le Président (M. Bélanger): Tout membre du Parlement.

M. Jolivet: Tout membre du Parlement. Excusez-moi, c'est bien vrai. Que tout membre de l'Assemblée nationale puisse participer à cette commission en autant qu'il respecte l'enveloppe de temps qui sera déterminée pour chacun des partis. Seuls les membres de la commission qui seront dûment inscrits à tous les jours auront le droit de vote, les autres n'ayant qu'un droit de parole.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, Mme la ministre.

Mme Bacon: Bien, c'est la première fois qu'on nous amène ça. On n'en a pas discuté. Je ne pense pas que ça ait fait partie des discussions entre l'Opposition et le gouvernement.

Le Président (M. Bélanger): Habituellement, la procédure, c'est qu'on demande le consentement à chaque fois.

M. Jolivet: C'est ça.

Le Président (M. Bélanger): De mémoire, on ne l'a jamais refusé. Alors, vous proposez qu'on le fasse en vrac au départ pour ne pas avoir à le faire à chaque fois.

Mme Bacon: Non, je voulais juste souligner que c'est la première fois qu'on entend parler de ça. La demande est faite par l'Opposition. Elle n'avait pas été faite auparavant.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, j'ai l'accord du parti ministériel là-dessus?

Mme Bacon: Si on n'avait pas pensé que c'était important, M. le Président, on n'aurait pas tenu une telle commission parlementaire.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, votre requête est accordée, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Nous en sommes donc au stade des remarques préliminaires. Alors, Mme la ministre, la parole est à vous.

Déclarations d'ouverture Mme Lise Bacon

Mme Bacon: Alors, M. le Président, la commission parlementaire de l'économie et du travail entame aujourd'hui et, on vient de le dire encore une fois, une session de discussion qui est exceptionnelle à bien des égards. Le fait même que nous ayons décidé de consacrer l'ensemble de nos travaux aux réflexions concernant le développement du secteur électrique est en soi inhabituel. Autant que je le sache, jamais jusqu'ici, l'Assemblée nationale du Québec n'avait réservé les travaux d'une de ses commissions à cette seule question. Au cours des années passées, le développement du secteur de l'électricité était abordé à l'occasion des discussions annuelles sur les tarifs, ou, plus épisodiquement, lors des consultations intéressant l'ensemble du secteur énergétique.

Cette année, il nous a semblé essentiel d'affecter plusieurs semaines de nos travaux au seul dossier du développement de l'électricité. Ça s'explique, bien sûr, par l'importance des enjeux qui sont en cause. Avec le plan de développement qu'elle a déposé il y a quelques semaines, la société Hydro-Québec nous propose pour les 10 prochaines années de nous engager dans un effort d'investissement, de mise en valeur du potentiel hydroélectrique québécois

tout à fait considérable. De plus, cette stratégie s'inscrit dans un contexte national et international également exceptionnel. Dans le monde, les interrogations et les inquiétudes sur l'environnement et la sécurité de notre planète se multiplient, tandis que la compétition économique internationale se fait chaque jour plus agressive et plus exigeante.

La proposition de développement élaborée par Hydro-Québec est fondée sur un ensemble d'analyses et de prévisions qui constituent, en fait, la perception qu'a la société d'État de notre situation et de notre devenir dans le secteur de l'électricité. Ces analyses, ces prévisions, c'est à nous maintenant d'en étudier les implications avec soin et d'en déduire les choix existants tout en envisageant les alternatives possibles.

Les enjeux des discussions que nous commençons aujourd'hui sont donc tout à fait majeurs. De nos analyses découleront les orientations finalement retenues pour assurer la gestion et le développement de notre principale ressource naturelle énergétique. Dans ces circonstances, il était normal que le débat soit le plus ouvert possible et qu'en particulier tous les intervenants intéressés aient la possibilité de communiquer à cette commission leurs propres analyses et recommandations. Il est donc particulièrement heureux qu'un grand nombre d'invidus, de groupes et de compagnies aient saisi l'occasion qui leur était offerte et viennent nous présenter, au cours des prochaines semaines, les résultats de leurs réflexions. Je reviendrai dans quelques minutes sur l'organisation de cette commission parlementaire et aussi sur le déroulement de nos débats. J'aimerais cependant auparavant rappeler quelques données qui me semblent fondamentales et qui délimitent en fait le contexte dans lequel nous allons devoir engager nos discussions.

Parmi les réalités incontournables que l'on doit avoir en mémoire lorsque l'on traite du secteur électrique québécois, la première donnée concerne, bien entendu, l'importance de notre potentiel hydroélectrique. La nature a doté le Québec d'un bassin hydrographique dont les caractéristiques physiques rendaient l'utilisation à des fins énergétiques techniquement et économiquement très intéressante. Très tôt, ce potentiel a commencé d'être exploité, mais le rythme et la nature des efforts de mise en valeur se sont profondément transformés au cours des dernières décennies. On a assisté à une accélération des efforts consentis, à un accroissement de leur ampleur, tandis que les sites aménagés étaient de plus en plus éloignés des centres de consommation, avec les résultats que l'on peut imaginer au plan des coûts et des exigences en matière de transport.

Comme on le sait, les résultats de l'effort consenti par les Québécois sont tout à fait spectaculaires. En 1989, l'essentiel de l'électricité utilisée au Québec était produite sur place à partir des ressources hydroélectriques que nous avons mises en valeur. Hydro-Québec contrôlait directement 25 000 mégawatts de puissance installée, dont plus de la moitié résultait d'investissements consentis au cours des 15 dernières années.

En tenant compte de toute l'hydroélectricité disponible à Hydro-Québec ou chez les producteurs privés québécois, le Québec assumait à lui seul, en 1987, 9 % de la production mondiale d'hydroélectricité, 32 % de la production nord-américaine et 58 % de la production canadienne. Quatrième producteur mondial d'hydroélectricité, le Québec gérait également l'un des réseaux de transport parmi les plus vastes en Amérique du Nord Ces résultats, on le sait, s'expliquent en bonne partie par les aménagements de la Baie James qui, à eux seuls, ont ajouté 10 000 mégawatts au parc de production d'Hydro-Québec. Sans préjuger de l'avenir, cette première réalité doit donc être rappelée. Le Québec est l'un des producteurs majeurs d'hydroélectricité dans le monde. Son savoir-faire en la matière a fait ses preuves et le potentiel restant encore aménageable, sur l'analyse duquel nous reviendrons au cours des prochains jours, offre des perspectives qu'Hydro-Québec propose justement d'exploiter dans son plan de développement

La deuxième donnée sur laquelle je voudrais insister concerne la demande énergétique québécoise. Elle est, en fait, directement reliée à notre patrimoine hydroélectrique. Les réserves hydroélectriques québécoises ont été aménagées et mises en valeur avant tout parce qu'un marché important pouvait en justifier l'exploitation. Ce marché, le marché énergétique québécois, a en même temps été bouleversé par la possibilité d'utiliser massivement l'hydroélectricité. L'évolution de notre bilan énergétique depuis le début des années soixante-dix est bien connue: En moins de 20 ans, l'électricité a doublé sa part relative dans le bilan énergétique total. Dans les secteurs industriel, commercial et résidentiel, l'électricité constitue, et de loin, la première forme d'énergie employée. Ce n'est que parce que les transports restent un marché captif des hydrocarbures que le pétrole dépasse encore l'électricité dans le bilan énergétique global.

Les aménagements hydroélectriques effectués au Québec ont donc, avant tout, profité aux Québécois, qui ont massivement remplacé les hydrocarbures par l'électricité, là où cela était possible. Les phénomènes observés dans le secteur résidentiel sont particulièrement illustra-tifs à cet effet. En 1971, au Québec, 83 % des logements étaient chauffés au pétrole et seulement 7 % utilisaient l'électricité. En 1989, l'électricité est, et de loin, la principale forme d'énergie utilisée pour le chauffage: 68 % des foyers se chauffent à l'électricité, le pétrole et le gaz naturel représentant respectivement 21 % et 7 % du marché.

Le Président (M. Bélanger): Si vous me le

permettez, Mme la ministre, on est à la page 7, au dernier paragraphe en bas. Je m'excuse.

Mme Bacon: Des phénomènes analogues se sont produits dans le secteur industriel et dans le secteur commercial. Alors qu'au début des années soixante-dix l'électricité restait cantonnée dans des marchés où son utilisation était irremplaçable, cette forme d'énergie intervient maintenant dans des usages où elle entre en concurrence directe avec le pétrole et le gaz naturel. En 1970, les Québécois utilisaient surtout l'électricité pour s'éclairer, pour faire fonctionner leurs appareils électroménagers et, dans le secteur industriel, en tant que force motrice et intrant pour certains procédés. L'électricité occupe maintenant une part importante du marché de la chauffe, ce qui explique, en fait, l'accroissement de son rôle dans le bilan énergétique total. (11 h 15)

Au niveau des usages, j'ajouterais une constatation qui s'applique, en fait, à l'ensemble de nos sociétés industrielles. Les progrès technologiques des années récentes ont multiplié le nombre et l'importance des systèmes automatisés dont la source d'approvisionnement énergétique est l'électricité. Sur le plan qualitatif et non plus quantitatif, l'électricité joue maintenant un rôle crucial dans le fonctionnement des sociétés modernes. Pour s'en convaincre, il suffit de mesurer les perturbations extrêmement déplaisantes causées par des pannes et des ruptures d'approvisionnement. L'importance de l'électricité sur les marchés énergétiques dépasse ainsi singulièrement sa contribution simplement mesurée en unités thermiques.

Au Québec, la pénétration de l'électricité sur le marché énergétique a eu, on le sait, un effet très positif sur la sécurité globale de nos approvisionnements. La croissance de l'hydroélectricité disponible, jointe à la pénétration du gaz naturel et aux économies d'énergie, nous a permis de réduire très sensiblement notre dépendance vis-à-vis du pétrole importé. Mesurée par ce que l'on appelle le degré d'autonomie énergétique, notre autosuffisance est maintenant largement supérieure à celle de l'Ontario, de la plupart des pays européens, et approche celle des États-Unis. Nous ne devons pas oublier que cette situation, dont on ne peut que se réjouir, découle pour l'essentiel de l'exploitation de nos richesses hydroélectriques.

La troisième réalité qui doit être rappelée concerne l'importance prise par l'électricité dans le développement économique du Québec. Là aussi, les données sont bien connues. Au Québec, en termes de création de richesse, le secteur de l'électricité à lui seul représente plus de 90 % du produit intérieur brut du secteur de l'énergie. Depuis 1980, en dollars constants, l'industrie de l'électricité a investi, au Québec, une vingtaine de milliards de dollars, ces investissements représentant, certaines années, jusqu'à 20 % des investissements totaux de l'économie. La disponibilité d'électricité au Québec a permis le développement d'activités industrielles, de firmes de services dont les performances sont de niveau international. L'exemple de l'aluminium est à cet égard très caractéristique. Dans ce secteur d'activité, où le Québec dispose d'un avantage déterminant avec son électricité à offrir, nous sommes maintenant le troisième producteur et le premier exportateur mondial.

Les secteurs d'activité liés à l'électricité, qu'il s'agisse d'industries très grandes consommatrices d'énergie, de fournisseurs d'appareillage ou de firmes de services, contribuent de façon très dynamique à notre croissance économique. Ces entreprises jouent un rôle primordial dans nos échanges avec l'extérieur. Nombre d'entre elles exercent l'essentiel de leurs activités en région. D'une façon générale, l'électricité a joué un grand rôle au Québec dans le développement régional, que ce soit lors de la mise en valeur des ressources hydroélectriques ou en raison du développement d'industries attirées par notre électricité. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean, la région de Bécancour sont deux exemples de développement régional directement imputable à la mise en valeur de nos ressources hydrauliques.

En soulignant ces quelques réalités, je souhaitais rappeler le cadre, le contexte dans lequel vont se dérouler nos discussions, car il est évident que nous sommes actuellement confrontés à plusieurs questions qui constituent autant de défis pour les prochaines années. La première question - j'y ai fait référence au début de cette intervention - concerne l'environnement. On assiste dans le monde entier à une prise de conscience très rapide des menaces qui pèsent sur notre environnement. Il se trouve que plusieurs des problèmes environnementaux identifiés sont étroitement reliés aux activités énergétiques.

La production, la transformation et l'utilisation de l'énergie entraînent, on le sait, trois séries de problèmes au niveau environnemental. En premier lieu, les aménagements énergétiques nécessitent des modifications, souvent importantes, de l'environnement naturel. La construction de barrages est un exemple de ce type d'impact, mais on pourrait citer également les modifications environnementales provoquées par l'exploitation des gisements de charbon, de certains types de pétrole ou les risques liés au transport des hydrocarbures.

En deuxième lieu, l'utilisation de certaines formes d'énergie s'accompagne d'émissions de gaz, de pollution atmosphérique dont les effets sur l'environnement peuvent être très dommageables. C'est bien sûr le cas des pluies acides, produites en partie par les centrales thermiques, mais aussi des émissions de gaz carbonique, auxquelles on attribue le processus de réchauffement de l'atmosphère qui serait actuellement enclenché.

Enfin, on doit mettre dans une catégorie à part les impacts réels ou appréhendés de la filière nucléaire, dont l'exploitation soulève des questions spécifiques en matière de sécurité et de traitement des déchets.

Pour ce qui est de cette question environnementale, qui sera bien évidemment largement abordée au cours de notre commission parlementaire, j'aimerais simplement rappeler que le Québec a la chance d'échapper à plusieurs des problèmes que je viens d'évoquer. Nous n'utilisons que marginalement la filière nucléaire, ce qui nous permet d'éviter les risques attribués à cette forme d'énergie. En employant de l'électricité d'origine hydraulique, nous écartons l'une des sources importantes de pollution atmosphérique, il faut savoir, par exemple, que le Québec produit per capita moitié moins de gaz carbonique que la moyenne canadienne, et que ce résultat remarquable est directement imputable à la place de l'hydroélectricité dans notre secteur énergétique.

En fait, sur le plan environnemental, nos problèmes sont liés essentiellement aux aménagements que nécessite l'exploitation des ressources hydrauliques, aussi bien sur les sites mêmes de production que pour la construction des lignes de transport. Le fait que les questions que nous nous posons sur le plan environnemental soient clairement identifiées et localisées ne les rend pas moins importantes. On doit cependant convenir que dans le dossier environnemental le secteur énergétique québécois dispose d'atouts et d'avantages que d'autres sociétés nous envient.

Une deuxième question, que beaucoup d'intervenants vont certainement aborder, concerne les solutions alternatives au développement proposé par Hydro-Québec. Pour répondre à la demande d'électricité qu'elle a identifiée, la société d'État nous présente un plan de développement qui se veut une réponse cohérente et globale aux besoins de la collectivité. Bien évidemment, cette réponse n'est pas la seule envisageable et d'autres orientations peuvent être aussi imaginées. Nous pourrions, par exemple, moduler le recours que nous faisons à l'hydroélectricité. Surtout, les économies d'énergie pourraient peut-être infléchir la courbe de nos besoins et donc limiter les efforts à consentir pour les satisfaire.

Dans son plan de développement, HydroQuébec a introduit des programmes d'économies d'énergie qui semblent majeurs. Au cours de cette commission, de nombreuses suggestions et recommandations seront sans doute présentées, afin de mieux utiliser notre énergie. Quel Impact peut-on attendre de ces mesures? Comment les intégrer dans une politique de développement global dans notre secteur de l'électricité? Cette commission devrait nous éclairer sur ces questions. Je pense que, de toute façon, nous pouvons nous entendre sur un point: II est essentiel pour notre collectivité que nous fassions le choix le plus éclairé parmi les différentes solutions énergétiques qui se présentent à nous, et un tel choix suppose une analyse rigoureuse des différentes alternatives et de leurs implications.

Une troisième question que l'on doit poser aussi au début de cette commission concerne les retombées économiques du développement de l'électricité. J'ai rappelé, il y a quelques minutes, le rôle majeur qu'a joué jusqu'ici le secteur de l'électricité dans la croissance de l'économie québécoise. Quelles que soient les orientations retenues pour les années futures, nous devrons faire en sorte que le développement de l'électricité ait le maximum de retombées sur notre structure industrielle, sur notre croissance économique. Face à la concurrence internationale, le Québec peut-il se payer le luxe de ne pas utiliser pleinement l'un des atouts majeurs dont il dispose?

Personnellement, j'espère que cette commission parlementaire nous permettra de dégager des stratégies, des interventions qui auront pour effet de faire profiter d'abord les Québécois des investissements à venir. Notre structure industrielle et notre main-d'oeuvre devront être en mesure de répondre avec efficacité aux demandes provenant du secteur de l'électricité. Je compte sur nos travaux pour identifier les difficultés éventuelles et, bien sûr, suggérer les approches à privilégier.

Les trois séries de questions que je viens d'évoquer ne sont probablement pas les seules que l'on doit se poser lorsque l'on réfléchit au développement de l'électricité. Beaucoup d'autres thèmes seront certainement abordés par les intervenants. Je songe, par exemple, aux droits des autochtones et à leur rôle dans le développement du secteur, aux questions directement reliées à notre société d'État, à ses modes de gestion. L'éventail des mémoires qui nous ont été adressés me rassure immédiatement sur un point: Au cours des prochaines semaines, nous devrions être en mesure d'aborder l'essentiel des questions que l'on doit soulever lorsque l'on veut réfléchir à la situation du secteur électrique québécois et à son évolution future.

J'en viens, en fait, à l'organisation des travaux de cette commission parlementaire. Cinq questions avaient été identifiées dans l'avis annonçant la tenue de cette session spéciale. Ces questions, vous vous en souviendrez, faisaient référence à la place de l'électricité dans les besoins énergétiques du Québec, à l'évolution à moyen et à long terme de notre demande d'électricité, aux choix possibles afin de satisfaire cette demande, aux moyens proposés par HydroQuébec pour fournir l'électricité nécessaire au Québec et, enfin, aux politiques permettant de concilier la satisfaction de nos besoins, la qualité de l'environnement et le développement durable.

Ces questions rejoignent, bien sûr, les préoccupations que je mentionnais tout à l'heure. Elles confirment le caractère très ouvert de nos

débats et le grand nombre de thèmes que nous aurons à aborder. Avec l'accord de l'Opposition officielle, la présentation des mémoires devant la commission a été organisée de telle sorte que tous les intervenants soient traités sur un pied d'égalité et qu'aucun sujet ne sort spécifiquement privilégié. Au cours des prochaines semaines, plusieurs recommandations s'y imposeront peut-être. Sans vouloir anticiper le contenu de nos discussions, il est même possible que des consensus apparaissent. En tout état de cause, les travaux de cette commission auront un impact déterminant sur nos orientations futures en matière d'électricité. En conviant la commission parlementaire de l'économie et du travail à réfléchir sur l'électricité au Québec, le gouvernement a marqué clairement son souhait de discuter sans intermédiaire, et le plus largement possible, des développements que nous souhaitons entreprendre dans ce secteur. Au terme de ces travaux, il s'agira d'appliquer dans les faits les conclusions que les différents intervenants nous auront permis de dégager. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la ministre. J'inviterais donc le porte-parole officiel de l'Opposition, M. le député d'Ungava, à prendre la parole.

M. Christian Claveau

M. Claveau: Merci, M. le Président. En commençant les travaux de cette commission sur la question de la problématique globale de l'énergie au Québec...

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, M. le député d'Ungava, est-ce qu'on a une copie de votre texte?

M. Claveau: Je n'ai pas de texte, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Ah bon! Alors, je vous remercie.

M. Claveau: Je n'ai que quelques notes. Donc, en commençant les travaux de cette commission qui va, au cours des quatre prochaines semaines, étudier l'ensemble des problèmes de l'énergie, de la production, de la distribution et de l'utilisation de l'énergie au Québec, je voudrais d'abord saluer la présence de Mme la ministre, qui se prête à cet exercice avec beaucoup de grâce, semble-t-il, à la suite de ce que l'on vient de voir dans son discours, ainsi que son personnel et l'ensemble des parlementaires qui sont intéressés par le sujet. On sait que c'est un sujet qui prend de plus en plus d'importance et qui sera sûrement au coeur des débats de l'Assemblée nationale et de notre travail de parlementaires au cours des prochains mois, sinon des prochaines années.

Je tiens aussi à remercier très sincèrement l'ensemble des groupes, qui sont au-delà de 70, qui se présentent devant cette commission, qui nous ont déposé des mémoires et qui viendront faire valoir des points de vue. Des points de vue qui sont, à bien des égards, très différents et qui semblent presque inconciliables lorsqu'on regarde les différents intérêts qui sont soulevés ou qui sont exprimés dans ces mémoires-là. Mais, je pense que ça fait partie de l'exercice. C'est essentiel pour qu'on réussisse en tant que législateurs à se faire une idée globale de l'intérêt de l'ensemble des Québécois quant à la question de l'énergie et à tout ce qui touche aussi les questions de l'environnement, les problèmes de main-d'oeuvre, les problèmes des impacts dans les différents milieux là où on construit des barrages ou des centrales hydroélectriques. Alors, je crois qu'il s'agit là d'un intérêt certain pour les travaux de cette commission-là, le simple fait que l'on ait au-delà de 70 groupes qui viennent nous présenter des mémoires.

L'an dernier, M. le Président, l'Opposition officielle avait conclu l'étude du plan de développement d'Hydro-Québec en demandant deux choses essentiellement, soit un moratoire sur tous les projets d'exportation d'électricité d'Hydro-Québec et la tenue d'un débat public sur les politiques énergétiques du gouvernement du Québec. L'un ne va pas sans l'autre dans la mesure où, d'une part, on ne peut pas entreprendre une étude sur la situation énergétique au Québec, avec tous les délais que ça suppose, tout en continuant à promouvoir - sans considération finalement pour les résultats des travaux d'une commission parlementaire qui ferait une telle étude, comme celle qu'on entreprend aujourd'hui - les exportations d'électricité, qui sont au coeur du débat. On se souviendra d'ailleurs que, depuis 1985, on a fait grand état de la possibilité d'exporter de l'énergie à nos voisins américains, ce qui devait être excessivement rentable pour le Québec. Cette politique-là, qui, à l'origine, voulait amener le Québec à exporter, autour de l'horizon 2000, quelque chose comme 12 000 mégawatts d'énergie ferme à puissance garantie chez nos voisins américains, a été, à bien des égards, à l'origine du débat qui nous amène aujourd'hui devant cette commission parlementaire, parce que ce n'était pas tout le monde qui était d'accord, à ce moment-là. Et de ce qu'on voit dans les mémoires que l'on a sous les yeux, ce n'est pas tout le monde qui est d'accord encore aujourd'hui que l'on inonde au-delà de 1 % du territoire du Québec à des fins d'exportation ou à des fins qui, pour une bonne part, seraient de produire de l'électricité pour vendre à nos voisins américains. (11 h 30)

Ceci étant dit, nous devons constater que les travaux de la commission sont quand même un peu, je n'oserais pas dire prématurés, mais

bousculés dans la mesure où plusieurs groupes nous ont fait des représentations à l'effet que le temps de préparation pour arriver avec des mémoires qui soient substantiels, qui leur permettent de donner complètement l'ensemble des idées qu'ils avaient à émettre, a été plutôt court. On se souviendra que, finalement, on a réussi à négocier un délai d'une soixantaine de jours entre le moment où on a fait l'annonce de la commission et le début des travaux, ce qui représente quand même pour beaucoup de groupes un délai relativement court. En ce qui me concerne et au nom de ma formation politique, je tiens à m'en excuser auprès des groupes. Nous croyons que plusieurs groupes auraient profité d'un meilleur délai pour nous donner, peut-être, une version plus complète et des points de vue plus raffinés quant aux intérêts des groupes ou des gens qu'ils représentent.

Par ailleurs, nous croyons qu'il s'agit là aussi d'une première étape dans l'ensemble de la dynamique que nous sommes à mettre en place pour arriver à redéfinir une politique globale de l'énergie au Québec. À notre avis - et je tiens à le préciser - pour tous les parlementaires qui auront à participer au débat au cours des prochains jours et qui auront aussi, par la suite, à prendre des décisions là-dessus, il est important de voir la consultation qui débute aujourd'hui comme une étape d'information, mais une première étape, ce qui signifie qu'en bout de piste, au moment de recevoir le dernier groupe et de faire nos discours de clôture de la commission parlementaire, les travaux ne doivent pas s'arrêter là. Il va y avoir un certain remue-ménage d'idées qui émaneront de cette commission parlementaire, étant donné la grande divergence des points de vue qui émanent des différents mémoires. Dans ce sens-là, il est bien évident que nous aurons à prendre des décisions quant au suivi que nous aurons à donner à cette commission parlementaire là. D'ailleurs, je souhaite que nous réussissions à nous entendre avec le gouvernement sur une dynamique qui permettra, au cours des mois qui suivront, de ressasser tout ça et de retravailler l'ensemble des idées qui vont apparaître sur la table pour nous amener à décortiquer ou à mettre en place une véritable approche en vue de trouver des solutions aux problèmes de l'énergie.

Il ne s'agit pas non plus pour nous de faire ici le procès d'Hydro-Québec. C'est bien évident qu'Hydro-Québec, en tant que société d'État, a un mandat à accomplir et un mandat qui lui est donné justement par cet État qui, lui-même, représente l'ensemble des citoyens du Québec. Dans la mesure où Hydro-Québec tient à bien remplir les mandats qui lui sont donnés par le gouvernement, eh bien, Hydro-Québec, comme société responsable, a à prendre des décisions en conséquence.

Au moment où on se parle, le mandat d'Hydro-Québec est de fournir de l'électricité au meilleur prix possible à l'ensemble des Québécois, tout en assurant une gestion rentable. Dans le cadre de ce mandat-là, j'admets que les administrateurs d'Hydro-Québec puissent vouloir établir des critères financiers qui soient parmi les meilleurs que l'on puisse retrouver a travers l'Amérique du Nord, pour le moins, sinon au monde, dans des sociétés de même calibre ou de même catégorie. J'admets aussi qu'Hydro-Québec puisse avoir des visions de produire de plus en plus d'électricité et de développer des marchés pour cette électricité-là, toujours dans l'esprit de fournir de l'électricité à tous les Québécois et de rentabiliser ces investissements ou de faire en sorte de les gérer de la meilleure façon possible et que l'une de ces façons-là puisse être de vendre de l'électricité aux réseaux voisins, afin de faire entrer de l'argent dans les coffres d'Hydro-Québec. Je l'admets, mais ça ne veut pas dire pour autant que je partage cette idée-là.

Donc, le problème tel qu'il se présente n'est pas, à notre avis, au niveau d'Hydro-Québec, mais au niveau de ceux qui donnent les mandats à Hydro-Québec, de l'État, qui est le seul actionnaire d'Hydro-Québec au nom de tous les Québécois. Dans la mesure où, à la sortie de cette commission parlementaire, nous pourrons identifier de nouvelles pistes grâce à la collaboration de tous ceux qui viendront présenter des mémoires devant nous au cours des quatre prochaines semaines, dans la mesure où nous nous donnerons la peine, par après, de bien reprendre nos travaux et, à partir de cette première démarche, d'établir une véritable politique énergétique au Québec, non pas quelque chose qui a été pensé par un beau soir de printemps par un ministre qui a sa propre idée sur la question énergétique, mais à la suite d'une consultation globale où nous aurons pu prendre connaissance des différents points de vue exprimés par la population, eh bien, à ce moment-là, en tant que propriétaire d'Hydro-Québec, l'État sera en mesure de donner des nouveaux mandats à Hydro-Québec au besoin, ou de préciser d'une façon très claire les mandats qu'elle lui donne actuellement.

Dans ce sens-là, si, à la suite des travaux que nous entreprenons, on en conclut que l'on doit construire moins de barrages, que l'on doit produire moins d'électricité ou, du moins, développer moins de nouveaux potentiels de production d'électricité et que, par contre, on devrait investir d'une façon beaucoup plus massive, beaucoup plus substantielle dans des politiques d'économie d'énergie, eh bien, ce sera à l'actionnaire d'Hydro-Québec, au nom de tous les Québécois, de donner ce nouveau mandat-là à la compagnie. Et la compagnie n'aura qu'à se conformer en conséquence, comme toute compagnie responsable qui répond aux voeux de ses actionnaires, d'où l'importance que tous les citoyens du Québec, que tous les groupes qui ont quelque chose à dire expriment leur point de

vue, que ce soit dans le domaine environnemental, en termes de services à la population, en termes de coûts, de facturation, d'utilisation finale du produit hydroélectrique, que l'on s'intéresse à la question du développement hydroélectrique en fonction du développement économique, qu'on s'y intéresse d'une façon peut-être un petit peu plus attentive en termes de développement durable et respectueux de l'environnement ou qu'on s'y intéresse avec un oeil ou d'un point de vue autochtone, car il est de plus en plus évident et certain que toutes nos interventions sur le territoire ont des impacts énormes sur les conditions de vie des autochtones, sur des terres qui sont traditionnellement utilisées par les autochtones, à leurs fins de subsistance ou d'activités traditionnelles.

Quel que soit le point de vue que l'on ait de ça, il est important que l'on vienne le dire ici aujourd'hui, qu'on en discute, qu'on s'exprime devant les instances gouvernementales qui auront à prendre les décisions et à donner les nouveaux mandats à Hydro-Québec.

Si vous me le permettez, M. le Président, je vais terminer mon intervention là-dessus, étant donné qu'on n'est pas ici pour s'autosatisfaire, pour se parler, se faire de beaux discours entre nous et essayer de se convaincre, tous et chacun d'entre nous, de ce que nous pensons, mais plutôt pour écouter très attentivement, avec tout le devoir que l'on doit y mettre, les groupes qui viennent nous exposer leur point de vue dans le but évident de mettre en application, en bout de piste, les principes ou les idées qui nous seront émis par ces différents groupes. C'est avec plaisir que je m'empresse de terminer et de passer la parole, si vous le permettez, au premier groupe qui aura à ouvrir ce grand débat sur l'avenir des politiques énergétiques québécoises.

Auditions Association des ingénieurs-conseils du Québec

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député d'Ungava. J'inviterais donc à la table des témoins l'Association des ingénieurs-conseils du Québec qui sera représentée par M. Jean-H. Ouimet, président, M. Bertrand Beaulieu, trésorier, et M. Jean-Pierre Sauriol, ex-président.

Bonjour, messieurs. Rapidement, je vais vous expliquer nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes fermes pour la présentation de votre mémoire et il y aura une partie d'échanges de 40 minutes avec les parlementaires. Pour bien nous comprendre, tous les parlementaires, je voudrais vous informer de la chose suivante: je ferai une gestion très serrée du temps, c'est-à-dire que je m'en tiendrai à l'horaire prévu pour éviter les débordements et les désagréments que nous causent les retards lorsqu'on en prend. Alors, ne m'en tenez pas rigueur si j'applique à la lettre l'horaire qu'on a accepté ensemble.

Messieurs, si vous voulez identifier vos porte-parole et, chaque fois que vous prendrez la parole, bien vouloir vous identifier, ce qui facilite de beaucoup le travail des gens qui font la transcription du Journal des débats. Alors, messieurs, procédez.

M. Ouimet (Jean-H.): M. le Président de la commission, Mme la ministre, M. le porte-parole de l'Opposition, Mmes et MM. les membres de la commission, comme le président de la commission vient de le faire lui-même, je me présente: Jean Ouimet, le président de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. Mon collègue à ma gauche, Jean-Pierre Sauriol, ingénieur, est le président de l'an dernier, Bertrand Beaulieu, ingénieur, est le trésorier de notre Association, et nous avons également avec nous Jean-Noël Duff, ingénieur, qui est un spécialiste en environnement.

Nous sommes les premiers entendus. C'est tout un honneur et c'est toute une responsabilité. Je vous en remercie. L'Association des ingénieurs-conseils du Québec désire, en premier lieu, vous remercier de lui donner l'occasion de faire valoir son point de vue devant cette commission sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique au Québec et, en particulier, sur le plan de développement proposé par HydroQuébec.

Nous tenons à souligner au départ que notre contribution à ce débat est fondée sur l'expertise acquise par les membres de l'AICQ dans les technologies de l'énergie et qu'elle se veut tout à fait désintéressée. En effet, quelles que soient les orientations qui seront prises par le Québec à l'avenir dans le domaine de la production d'énergie électrique, les ingénieurs seront, de toute façon, appelés à mettre leur contribution pour en assurer la réalisation.

Les commentaires qui vont suivre sont le fruit d'une réflexion collective à laquelle ont participé plusieurs spécialistes recrutés dans les entreprises membres de notre Association. Il y a plus de 25 bureaux qui ont participé à la rédaction du mémoire. En ce sens, on peut affirmer qu'il représente assez fidèlement le point de vue de l'ensemble des membres de l'AICQ.

Pour résumer en quelques mots la position de l'AICQ sur le sujet qui nous préoccupe, je dirai que nous voulons convaincre les membres de cette commission et la population québécoise dans son ensemble que les options énergétiques qui s'offrent à notre société sont très limitées et que, compte tenu de cette réalité, le plan de développement proposé par Hydro-Québec s'oriente dans la bonne direction en ce qui concerne les choix technologiques qui doivent être privilégiés.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous croyons important de rappeler qu'Hydro-Québec constitue le fer de lance de notre économie et que les décisions qu'elle est appelée à prendre

ont un impact important sur toute la société québécoise. Depuis la nationalisation de l'électricité, au début des années soixante, on peut affirmer qu'Hydro-Québec s'est acquittée de sa tâche de façon remarquable, malgré tous les obstacles qu'elle a dû affronter.

Un mandat d'une telle envergure ne peut certes s'accomplir sans soubresauts et sans quelques incidents, je dirais plutôt accidents de parcours, comme les pannes de courant que nous avons connues. S'il faut se montrer vigilant quant au devoir de l'entreprise d'apporter une solution rapide et efficace à de tels problèmes, nous devons cependant nous garder de condamnations hâtives et globalisantes. (11 h 45)

À ce propos, nous déplorons que, à partir de quelques bris de courant survenus dans des conditions climatiques exceptionnelles, certains critiques aient exagéré la situation à un point tel qu'on en a conclu à une absence totale de fiabilité dans notre réseau électrique. Nous profitons donc de l'occasion pour réitérer notre confiance en Hydro-Québec et en l'expertise technique de son personnel, de même que dans sa volonté d'améliorer la qualité et la fiabilité de ses services. Nos membres peuvent également témoigner du sérieux de ses préoccupations environnementales qui font, encore là, l'objet de critiques injustes et hautement exagérées. D'ailleurs, nous reviendrons sur ce sujet plus loin dans notre exposé.

Abordons maintenant la question de la demande en électricité. À ce propos, permettez-moi de vous présenter deux tableaux qui serviront de base à nos commentaires. On retrouve d'ailleurs ces tableaux dans notre mémoire. Je m'excuse, ça a été fait au dessin informatisé et je réalise maintenant, en les voyant, que c'est vraiment trop petit. Mais, de toute façon, comme je viens de le dire, vous avez ces tableaux dans le mémoire et ça me permettra, les ayant à côté de moi, de peut-être vous donner une explication un peu plus complète.

Le premier des deux tableaux qui fait l'historique des sources d'énergie à l'échelle canadienne ne permet pas de mettre suffisamment en relief l'évolution toute particulière qu'a connue le Québec au cours des 30 dernières années. Nous le présentons quand même pour situer le débat dans son contexte historique. D'ailleurs, l'allure des courbes que l'on voit sur ce tableau, on la retrouve dans à peu près tous les pays industrialisés.

Si on retourne au début de l'ère industrielle, à la fin du siècle dernier, on voit que, évidemment, le charbon et le bois étaient les deux sources d'énergie privilégiées. Ce n'est qu'au début du siècle qu'on a commencé à privilégier l'électricité et le gaz naturel. Alors, la tendance que l'on voit, pour les années futures, si on regarde l'allure de la courbe, évidemment, c'est que le pétrole qui a fait son entrée à la fin du siècle dernier a tendance à diminuer et, comme le disait Mme la ministre tout à l'heure, son importance demeure encore relative à cause du transport, évidemment. Dans le contexte de la commission parlementaire, on pense énergie électrique, donc production d'énergie électrique.

Quant aux autres modes d'énergie, le gaz naturel, on le voit, a connu une ascension très lente, mais qui a été accélérée au moment de la crise du pretrole, et là, ça devient très important dans le contexte énergétique. Le bois a repris un petit peu d'ascension dans la courbe de consommation a cause de certains foyers qui utilisent des poêles à combustion lente, etc. Mais selon l'allure de la courbe, ici, si je reviens aux chiffres du Québec, à la veille de la première crise pétrolière, en 1973, on peut rappeler que 20,3 % seulement des besoins en énergie des Québécois étaient assurés par l'électricité, comparativement à 72,8 % pour le pétrole et 1,6 % pour le gaz.

Quinze ans plus tard, en 1988, la situation était radicalement transformée. La part du pétrole tombait à 43,3 % et celle de l'électricité grimpait à 40,5 %, tandis que le gaz portait la sienne à 14,8 %. Il est probable que la part de l'électricité et du gaz, dans le bilan énergétique du Québec, continuera de monter au cours des prochaines années. Dans le secteur de l'habitation, par exemple, la quasi-totalité des nouvelles constructions, au moins unifamiliales, sont munies de chauffage à l'électricité. De plus, on retrouve un nombre croissant d'habitations munies de thermopompes ou de systèmes de ventilation et de climatisation.

Par ailleurs, dans le secteur industriel, il faut prévoir, notamment dans le contexte du libre-échange, une accélération du processus de modernisation de nos industries où certaines techniques traditionnelles de fabrication faisant appel aux hydrocarbures laissent la place aux électrotechniques et aux techniques gazières souvent plus efficaces et, surtout, moins polluantes, auxquelles s'ajoute l'installation de systèmes informatisé de commande et de contrôle.

Enfin, mentionnons les nouveaux besoins créés par l'expansion de nos PME et la création de nouvelles entreprises, deux phénomènes qui prennent de plus en plus d'importance, actuellement, grâce à l'audace et au dynamisme dont font preuve les entrepreneurs québécois.

Pour toutes ces raisons, nous estimons très conservatrice la position d'Hydro-Québec selon laquelle les besoins en électricité augmenteront au même rythme que la consommation moyenne générale en énergie. Nous pensons que la demande interne de la prochaine décennie sera plus élevée que les prévisions utilisées dans le plan de développement. En conséquence et compte tenu des risques de faible hydraulicité qui peuvent entraver sérieusement les disponibilités actuelles, nous pensons qu'il est primordial que

soit réalisé le projet de Grande Baleine selon les échéanciers proposés, si l'on veut répondre adéquatement aux besoins du Québec à moyen terme.

Je me permets de répéter que le projet Grande Baleine est nécessaire pour assurer les besoins internes du Québec. On n'a qu'à se référer au deuxième tableau pour constater qu'en situation de demande interne moyenne les disponibilités pour l'exportation sont, somme toute, peu importantes. Encore une fois, le deuxième tableau, vous l'avez dans notre mémoire.

Ce que l'on a fait, c'est qu'on a superposé plusieurs informations qui sont contenues dans le document qui s'appelle proposition de plan de développement d'Hydro-Québec 1990-1992 Horizon 1999. Alors, on voit la courbe réelle de consommation jusqu'en 1990-1991 et on voit également les trois projections selon les scénarios suivants: prévision scénario fort, prévision scénario moyen et prévision scénario faible. On a ajouté à cette courbe-là le chiffre réel des exportations jusqu'en 1990 pour montrer l'importance relative des exportations, dont la quantité, en chiffres absolus, a tendance à diminuer. Donc, l'importance relative a également tendance à diminuer, puisque la courbe de consommation, elle, augmente nécessairement chaque année.

Quant à la marge de manoeuvre qui est indiquée ici, c'est toute la problématique de l'hydraulicité qui est variable et imprévisible. Dans une prévision de scénario de consommation moyenne, à la deuxième ligne, celle du milieu, nous avons ajouté l'impact prévisible des mesures d'économie d'énergie pour bien montrer l'importance relative des mesures d'économie d'énergie, avec la prévision d'une dizaine d'années. On parle d'un potentiel d'économie réalisable de 10 % et les prévisions d'Hydro-Québec se situent quelque part entre 5 % et 10 %. Autrement dit, Hydro-Québec prévoit qu'avec des moyens raisonnables on va pouvoir atteindre à peu près la moitié du potentiel extrême.

Évidemment, il serait très coûteux de réaliser toutes les économies d'énergie qu'on pourrait faire. Alors, à des coûts raisonnables, si on ajoute cette courbe des économies d'énergie, on voit, par la partie hachurée en dessous de la deuxième courbe, ce que ça représente relativement toujours à la même échelle, où on voit les années en bas et la consommation en térawatt-heures.

Nous avons ajouté également un deuxième tracé hachuré à cette courbe-là qui permettrait de prévoir que quelque part, au moment où le projet Grande Baleine serait terminé - parce que je sais que l'exportation, c'est une grande préoccupation de la commission - au moment où le potentiel maximum de Grande Baleine pourrait être utilisé, on aurait nécessairement, pendant un certain nombre d'années, un surplus momentané d'énergie. Et, dans le scénario de consommation moyenne, on voit qu'il y a une nouvelle tranche d'exportation possible qui pourrait venir s'ajouter à celle qu'on avait en bas.

Dans un cas de scénario fort, cette tranche-là n'existe pas et, dans un cas d'hydraulicité faible, cette tranche-là n'existe pas. Alors, il faut quand même situer le débat à l'intérieur de ces deux paramètres: l'hydraulicité et l'augmentation de la consommation interne d'énergie électrique au Québec.

On voudrait, dans certains milieux, que soit décrété un moratoire sur les projets hydroélectriques futurs afin d'en analyser en profondeur toutes les conséquences. Pour ce qui est de Grande Baleine en particulier, en raison de la lenteur du processus de préparation menant à la réalisation d'un projet d'une telle envergure, tout retard serait désastreux. En effet, les solutions de rechange seraient à la fois coûteuses et difficilement acceptables. Si l'on retarde Grande Baleine et que nous devions faire face à la fois à une faible hydraulicité et à une demande interne plus forte que prévu, nous serions forcés d'importer de l'électricité pour assurer nos besoins et donner plus d'importance à la production d'électricité utilisant le gaz naturel. Le feu vert à la réalisation du projet Grande Baleine doit être donné dans les plus brefs délais possible, si l'on veut respecter les échéanciers prévus et être en mesure de répondre aux besoins internes du Québec au cours de la prochaine décennie. Une telle situation d'urgence ne devrait plus se répéter dans l'avenir, ni dépendre des politiques de relance économique ou de revirements soudains dans les politiques d'exportation.

L'apport économique de projets de cette ampleur est tel qu'il doit s'inscrire dans la continuité d'un plan harmonieux de progression, si l'on veut assurer au Québec une stabilité économique. C'est pourquoi nous recommandons que la planification des projets de développement soit intensifiée, de manière à envisager continuellement les exigences d'un scénario de forte demande interne, quitte à ralentir si les prévisions s'avèrent tronquées.

Comme nous le disions déjà en février 1980, dans un mémoire présenté au ministère des Richesses naturelles du temps, je cite: "II sera toujours plus facile de vendre un surplus d'énergie que de s'adapter à des pénuries ou d'avoir à prendre des mesures d'urgence pour acheter l'énergie que notre manque de prévision nous forcerait à nous procurer." Un tel effort de planification dans un esprit de continuité est en outre important pour le maintien de l'expertise québécoise reconnue internationalement dans les domaines de production, de transport et de l'utilisation efficace de l'énergie et de l'électricité. Il permettra également de maintenir plus facilement l'emploi dans ce secteur d'activité, évitant ainsi les aléas des cycles économiques et des orientations politiques.

Nous avons la chance, au Québec, ce que

nous envient un grand nombre de sociétés, de posséder une abandondance de ressources énergétiques efficaces et non polluantes. L'agronome de réputation internationale, René Dumont, dont les préoccupations écologiques sont bien connues, affirmait récemment que, de toutes les sources d'énergie, l'hydroélectricité était la moins dommageable pour la planète. Il est donc tout à fait légitime que nous cherchions à développer graduellement cette richesse pour satisfaire nos besoins en énergie et offrir nos surplus temporaires à nos voisins, qui ne bénéficient pas des mêmes avantages. Actuellement, nos exportations sous forme de contrats fermes représentent une part très modeste de notre capacité globable de production hydroélectrique. C'est la courbe ici - avant qu'on l'enlève, évidemment - en bas.

Quant aux autres surplus, ils servent momentanément à rentabiliser des centrales et des réseaux de distribution qui sont, de toute façon, destinés à répondre à nos propres besoins. C'est la problématique de l'hydraulicité faible ou forte.

Dans une telle optique de développement durable, ce serait d'ailleurs profitable pour tous si le Québec exportait davantage son électricité. Au plan économique, ces exportations sont rentables pour le Québec. D'autre part, l'exportation de l'hydraulicité québécoise aux États-Unis permet non seulement de réduire la pollution de l'air dans ce pays, mais aussi chez nous, compte tenu que les polluants atmosphériques produits par les centrales thermiques américaines sont poussés par les vents vers notre territoire sous forme de pluies acides. L'abondance de nos ressources hydrauliques et le potentiel hydroélectrique économiquement exploitable ne doivent pas, cependant, nous empêcher d'explorer d'autres moyens de produire l'électricité. À ce propos, nous pensons que la filière nucléaire constitue une alternative valable qu'il faudra certainement considérer dans un proche avenir, en particulier les réacteurs du type CANDU qui sont parmi les plus performants, les plus fiables et les plus sécuritaires au monde.

Les réticences envers le nucléaire sont bien connues. Elles nous font oublier certains avantages du nucléaire qui sont appréciables. La construction de centrales nucléaires à proximité des grands centres de consommation ne nécessite pas de transport de courant sur de longues distances, non plus que l'inondation de vastes territoires. Malgré des coûts initiaux élevés, les frais d'entretien et d'exploitation sont minimes et contribuent à maintenir à long terme des tarifs concurrentiels. (12 heures)

Moins de 3 % des besoins en électricité du Québec sont satisfaits par la production d'énergie nucléaire comparativement à 50 % pour l'Ontario et à 40 % pour le Nouveau-Brunswick. Il nous apparaît souhaitable qu'Hydro-Québec augmente quelque peu la contribution du nucléaire dans le cadre d'une politique de diversification pouvant pallier aux facteurs impondérables reliés à l'hydroélectricité. Quant aux autres modes d'énergie... Combien de minutes?

Le Président (M. Bélanger): II vous reste une minute.

M. Ouimet: Une minute. Je vais passer quelques pages de ma présentation.

Les perturbations de l'environnement social sont également un facteur très important auquel il faut accorder toute l'attention nécessaire avant d'entreprendre la réalisation des grands projets de développement hydroélectrique. Nous invitons donc cette commission - que nous proposons dans notre mémoire, l'établissement, pour l'après Grande Baleine, d'une commission environnementale sur l'énergie - à porter une grande attention aux représentations et revendications des populations autochtones, il va de soi, pour permettre de limiter la portée des changements à leur mode de vie, pour limiter autant que possible les atteintes à l'environnement physique et social. L'objectif visé est qualifié de réaliste par certains de nos membres, tandis que d'autres, on l'a vu tout à l'heure, dans les consommations d'énergie, le trouvent optimiste, alléguant les difficultés de modifier des habitudes en l'absence de situations d'urgence, toujours en parlant d'économies d'énergie, ou de mesures incitatives vraiment alléchantes.

En dernier lieu, nous appuyons l'intention d'Hydro-Québec d'encourager la production d'électricité par des producteurs indépendants, notamment par la construction d'usines de cogé-nération et de petites centrales hydroélectriques.

Permettez-moi de conclure en résumant en quelques phrases le point de vue de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec sur le plan de développement hydroélectrique. Nous sommes globalement d'accord avec l'orientation technologique qui est proposée et en particulier avec la réalisation du projet Grande Baleine sans lequel nous risquons de nous trouver en état de pénurie d'énergie vers l'an 2000. Nous tenons à souligner le peu de flexibilité des choix à notre portée. Il s'agit d'un choix de société. Il faut se préparer au nucléaire qui devra être utilisé dans l'éventualité où Hydro-Québec devrait cesser de privilégier l'hydroélectricité. C'est un ou c'est l'autre. Pour notre part, nous réaffirmons que le Québec se doit d'accorder la priorité à la rentabilisation maximale de ses ressources hydroélectriques qui font l'envie des pays industrialisés.

Enfin, les orientations d'Hydro-Québec visant à limiter l'augmentation de la demande constituent, à nos yeux, une amorce intéressante de développement durable. Il nous faut cependant insister sur la faiblesse des moyens techniques

dont dispose notre société pour réduire la demande d'énergie dans une économie en progression. Encore là, il s'agit d'un choix de société. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. Ouimet. J'inviterais Mme la ministre à poser des questions à nos invités.

Mme Bacon: Merci, M. le Président. MM. Ouimet, Sauriol, Beaulieu et Duff, ce n'est jamais facile d'être les premiers à participer à la présentation d'un mémoire dans une commission d'importance comme celle que nous avons. Dans le mémoire que votre association a déposé, un mémoire qui est fort bien articulé, d'ailleurs, vous analysez la demande à court terme, à moyen terme, et vous analysez aussi les moyens pour satisfaire cette demande, sans oublier les impacts physiques des grands aménagements hydroélectriques et aussi les dérangements sociaux qui sont occasionnés par la réalisation de ces grands projets.

Je crois que votre mémoire s'inscrit en ligne droite avec les énoncés de la politique énergétique, développement de potentiel hydroélectrique, exploration, aussi, des possibilités d'exportation rentable, tout en essayant de gérer au mieux l'environnement.

À la lecture de votre mémoire, il se dégage un certain nombre de messages et même, je dirais, de signaux que je considère importants et qui mériteraient peut-être qu'on s'y attarde quelque peu ce matin. À plusieurs reprises, vous insistez sur la faiblesse des moyens techniques dont notre société dispose pour diminuer la demande d'énergie, les options énergétiques qui seraient très limitées aussi pour satisfaire les besoins en électricité. J'aimerais peut-être, pour amorcer le débat ce matin, vous demander d'expliquer de façon plus détaillée les deux affirmations que vous faites.

M. Ouimet: Mme la ministre, il faut se rappeler que depuis plusieurs années les ingénieurs sont très actifs dans le domaine des économies d'énergie. Donc, il y a plusieurs de ces mesures qui ont déjà été implantées. Les mesures faciles à implanter l'ont déjà été.

Le programme de remplacement du pétrole par l'électricité et le gaz a grandement contribué à ces économies d'énergie. Ça a permis à des propriétaires de gros complexes immobiliers de refaire des systèmes de chauffage, des systèmes de climatisation, d'y installer des contrôles beaucoup plus efficaces avec des ordinateurs qui prévoient, qui anticipent les variations de température, qui font le contrôle de l'éclairage, etc. Ces choses-là ont déjà été faites.

La deuxième phase à laquelle s'attaque Hydro-Québec dans les résidences, évidemment, il y a des choses qui sont évidentes. Par exemple, on utilise beaucoup, au Québec, les chauffe- moteurs. Les gens ont la vilaine habitude d'arriver à 17 heures ou à 18 heures et de laisser chauffer le "block heater" comme on dit, le chauffe-moteur, jusqu'au lendemain matin. Ça, c'est un gaspillage absolument inutile d'énergie. Une heure suffit pour réchauffer le moteur. Il ne sera pas plus chaud après 12 heures ou après 15 heures. Il y a des choses comme ça qui sont encore faciles à faire. On peut remplacer les lampes incandescentes par des sources plus efficaces au quartz, des lampes fluorescentes.

Mais lorsqu'on s'adresse à l'industrie, l'efficacité des moteurs, par exemple, pour une grosse pièce d'équipement, on va aller chercher quelques pourcentages d'économies d'énergie. Ça peut avoir une influence importante sur la facture énergétique mais, dans l'ensemble du réseau, ça n'aura pas d'influence importante tant qu'on ne s'attaquera pas au procédé comme tel dans les papeteries, dans les alumineries, enfin... Il faut penser que nous sommes en train... Alcan, par exemple, est en train de construire une nouvelle aluminerie, non pas pour augmenter sa capacité de production, mais pour améliorer l'efficacité de sa production. Il y a beaucoup de ces économies dans l'industrie qui sont déjà réalisées ou qui sont en voie d'être réalisées.

Lorsqu'on regarde les projections et qu'on dit: On va essayer d'atteindre la moitié du potentiel... D'abord, le 10 %, d'où vient-il? Le 10 % potentiel vient d'études très poussées qui ont été faites un peu partout aux États-Unis, ailleurs au Canada et au Québec. Les experts s'entendent pour dire qu'il y a un potentiel actuellement, en 1990, d'économie d'énergie électrique d'environ 10 %. Et les experts s'entendent également pour dire que la moitié ou un peu plus de ce potentiel est réalisable à des coûts qui font que ça va se réaliser. Le programme, actuellement, il y a beaucoup de publicité qu'Hydro-Québec fait sur l'économie dans les résidences. On parle de chauffe-eau plus efficace. On parle de lampes plus efficaces. Ça va avoir un effet direct sur la consommation. Mais n'oublions pas que, dans notre climat, une grosse partie de l'électricité dans le résidentiel est utilisée pour le chauffage. La plupart de ces maisons qui sont chauffées à l'électricité sont de construction récente, sont bien isolées et ont une très bonne fenestration. Donc, c'est un peu marginal, dans l'ensemble de la consommation de chacune des résidences, par exemple, les économies qu'on va réaliser. C'est pour ça qu'on dit qu'avec nos moyens techniques actuels il ne faut quand même pas s'imaginer que les ingénieurs vont pouvoir proposer des économies d'énergie additionnelles à celles qu'ils proposent depuis 10 ans, encore aussi importantes que celles qui ont été réalisées depuis 10 ans. Parce que toutes les choses faciles et peu coûteuses ont été faites.

Mme Bacon: Vous soulignez aussi, je pense à juste titre, que l'électricité va demeurer un

élément primordial, un élément essentiel à notre économie et aussi à notre façon de vivre. J'aimerais connaître votre opinion sur l'utilisation de l'électricité en tant qu'outil de développement économique par l'entremise, notamment, du développement industriel, mais aussi des exportations d'électricité.

M. Ouimet: Pour le premier volet de votre question, Mme la ministre, je pense que nous avons tous, Québécois, la responsabilité d'attirer des industries qui vont venir chez nous transformer, par exemple, l'aluminium ou le magnésium que nous produisons maintenant ici. Ce sera nécessairement des industries qui vont consommer une grande quantité d'énergie électrique, peut-être pas autant que les affineries comme telles. Si on regarde le nombre d'emplois créés, nécessairement les petites et moyennes entreprises sont les générateurs d'emploi. Donc, l'industrie des transformations, les petites et moyennes entreprises qui vont venir se greffer autour de nos complexes de transformation de métaux, il est très important qu'on puisse les attirer avec des coûts d'électricité relativement bas, relativement bas par rapport à ce qu'on peut avoir dans les autres provinces canadiennes ou aux États-Unis. Dans un contexte de libre-échange, si vous regardez la carte de l'Amérique du Nord, il faut quand même réaliser que le Québec a un climat qui n'est pas facile, est un peu loin des centres de distribution. Alors, si on veut attirer ici l'industrie de transformation, si on veut que les petites et moyennes entreprises s'installent, un des avantages que nous avons sur les autres, c'est de l'électricité en quantité abondante et à des prix relativement bas. Il ne faut pas le négliger, dans le contexte global du développement industriel du Québec.

Quant au deuxième volet de votre question, au sujet des exportations, il faut bien faire la distinction entre les contrats d'exportation d'énergie ferme et les contrats d'exportation d'énergie de surplus. Dans le contexte des liens qui existent entre les États de la Nouvelle-Angleterre, l'État de New York, et la province de Québec et les provinces de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick, particulièrement, il y a un échange. Leurs demandes maximales arrivent durant l'été, à cause de la climatisation, tandis que notre demande maximale arrive durant l'hiver à cause du chauffage. C'est la résultante de notre climat. Au moment où nous avons des installations hydroélectriques ou de production d'électricité suffisantes pour répondre à la pointe que nous devons rencontrer durant l'hiver, durant l'été, cette pointe-là n'est pas utilisée. Cette énergie-là, qui est exportée, particulièrement en période de haute hydraulicité, c'est un revenu important, c'est un avantage qui n'est pas à négliger, puisque nous devons avoir la capacité de production pour répondre à la consommation d'hiver, de toute façon, et que notre consomma- tion d'été diminue considérablement, alors que, pour nos voisins du Sud, c'est le contraire, ils ont besoin de beaucoup plus d'énergie, à cause de la climatisation durant juillet et août, par exemple.

Mme Bacon: M. Ouimet, il y a des éléments qui vous portent à croire, si j'ai bien compris votre mémoire, que la demande des années futures est sous-estimée par Hydro-Québec, par exemple, par rapport à ce qu'ils ont estimé eux-mêmes, et, quand on considère que la société d'État, Hydro-Québec, retient l'hypothèse du libre-échange dans le cadre de ses prévisions, comment réagissez-vous à ça? (12 h 15)

M. Ouimet: Je l'ai mentionné, tout à l'heure, Mme la ministre, et peut-être que je peux revenir sur la courbe, ici, c'est que la courbe du scénario moyen prévoit une augmentation moyenne annuelle de consommation d'électricité de 2 %, qui est égale à la consommation d'énergie que les économistes prévoient. Donc, Hydro-Québec ne prévoit pas que l'apport de l'électricité va augmenter, mais, connaissant les avantages de l'électricité, par exemple pour le chauffage domestique, on voit mal comment les constructeurs de nouvelles maisons vont utiliser autre chose que l'électricité, sauf dans certaines régions où le gaz naturel est disponible. Je ne pense pas que l'on retourne dans des nouvelles constructions à des chauffages à l'huile. Alors, c'est l'un ou c'est l'autre.

Mme Bacon: C'est ça. En fait, est-ce qu'on peut quantifier l'écart de prévision de la demande d'Hydro-Québec par rapport à vos analyses? Est-ce qu'il serait possible de quantifier?

M. Ouimet: II serait un peu téméraire de notre part de...

Mme Bacon: ...M. Ouimet, aujourd'hui?

M. Ouimet: ...le faire, Mme la ministre, mais je pense qu'on sera d'accord pour dire que 2 %, soit le même taux d'augmentation que l'énergie d'une façon générale, ça nous semble bas. Encore une fois, il faut bien se mettre dans le contexte de 1990, au moment où nous réalisons des économies d'énergie, les ingénieurs, depuis de nombreuses années. Il y en a de moins en moins à réaliser, parce que, évidemment, le contexte, le scénario tient compte de ces économies tel que montré ici. Alors, le jeu est de 1 % en plus ou en moins. On ne joue pas avec des pourcentages très importants sur le nombre total de térawatt-heures annuellement.

Mme Bacon: Sur un autre sujet, dans votre mémoire, à la page 28, on parle d'études qui sont réalisées par votre association, qui démontrent que le prix offert par Hydro-Québec ne sera pas,

dans bien des cas, suffisant pour justifier la construction d'usines de cogénération. Est-ce qu'il vous serait possible d'illustrer davantage les propos que vous tenez à la page 28?

M. Ouimet: Madame, je pense que les conclusions de nos membres - et plusieurs de nos spécialistes se sont penchés sur le sujet - c'est qu'au moment où on pourra utiliser l'énergie de rejet ça va devenir rentable. Il faut bien réaliser qu'une turbine à gaz, par exemple, est un appareil qui n'est finalement pas tellement efficace. Il faut la refroidir et l'eau qui sert à refroidir cette turbine a quand même un potentiel énergétique important: l'eau est encore très chaude. Si on n'utilise pas cette eau-là dans une industrie secondaire qui serait voisine d'une usine de cogénération, les chiffres que l'on a actuellement - remarquez bien que c'est assez nouveau que nous pensions cogénération au Québec - il y a une étude qui avait été faite il y a quelques années par le ministère fédéral de l'Énergie qui s'appelait "Energy Cascading", la cascade de l'utilisation de l'énergie. Alors, on utilise l'énergie à très haute température pour faire tourner les turbines. L'énergie de rejet peut être utilisée dans l'industrie pour faire du lavage, en teinture, dans l'industrie textile ou quoi que ce soit, et cette eau de rejet qui contient encore une certaine quantité d'énergie pourrait être utilisée, par exemple, pour chauffer des serres. Enfin, dans un complexe global d'utilisation d'énergie, il n'y a pas de doute que la cogénération va devenir rentable. Mais, la cogénération comme telle, c'est un peu actuellement aléatoire. La comparaison avec l'Ontario où il s'en est fait beaucoup, si vous me permettez, c'est qu'on utilise le gaz naturel en Ontario pour faire la cogénération, mais les coûts de transport, particulièrement dans l'ouest de l'Ontario, sont beaucoup moins importants qu'au Québec. Alors, évidemment, le gaz a à peu près la double distance à parcourir avant de se rendre à Montréal, par exemple, par rapport au Nord-Ouest de l'Ontario. Évidemment, le coût du gaz naturel là-bas, c'est le coût du producteur, plus le coût de transport. Alors, le coût de revient du producteur de cogénération là-bas en Ontario est beaucoup moins élevé. Alors, en Ontario, on a beaucoup maintenant de cogénération et c'est rentable. Ici, je peux vous dire, Mme la ministre, que les ingénieurs étudient ça avec attention et qu'on est en conversation constante avec les gens de Gaz Métropolitain et d'Hydro-Québec pour dégager la dynamique de l'économie, au sens précis du terme, de la cogénération.

Mme Bacon: Serions-nous capables d'indiquer en ce moment quel serait le seuil de rentabilité pour un projet de cogénération type? Est-ce qu'on est en mesure d'indiquer ça?

M. Ouimet: Vous voulez dire la dimension de l'installation?

Mme Bacon: Oui.

M. Ouimet: Oh, je pense bien qu'en bas de... On a parlé de 25 mégawatts maximum. Et je ne pense pas qu'en dessous de 5 mégawatts ça vaille la peine de regarder le projet. C'est quelque part entre 5 et 10 que serait le seuil minimum. Hydro-Québec s'engage à acheter l'énergie qui serait produite dans toute installation jusqu'à 25 mégawatts. Alors, je pense que c'est quelque part, disons, entre 10 et 25 que la rentabilité doit s'étudier.

Il y a des coûts de main-d'oeuvre assez importants à l'opération d'une telle usine. Évidemment, entre 5 et 10, la rentabilité est peut-être un peu douteuse. À 25, ou autour de 25, il y a plus de chances que ce soit rentable parce que les coûts d'opération, les coûts de main-d'oeuvre, vont être à peu près les mêmes, quelle que soit la dimension de l'usine. Il faut avoir des mécaniciens en charge 24 heures par jour, etc.

Mme Bacon: II faudrait peut-être penser davantage en fonction du 25 que du 5 ou 10, si je comprends bien.

M. Ouimet: Oui, c'est exact. Maintenant, je ne vous cache pas que, les coûts de gaz, actuellement, étant - comme je le disais tout à l'heure - beaucoup plus élevés qu'en Ontario, c'est un peu la pierre d'achoppement. Mais je ne voudrais pas vous donner une réponse définitive, puisque nous sommes tous en train d'étudier des problèmes, des projets très précis, en cogénération. Dans quelques mois, on pourra vous donner des données beaucoup plus précises là-dessus.

Mme Bacon: M. le Président, je pense que vous m'indiquez que mon temps est terminé. Je voudrais vous remercier, M. Ouimet, M. Beaulieu, M. Sauriol et M. Duff et, même temps, vous dire que je pense qu'on a très bien décodé certains messages et surtout certains signaux que vous nous avez faits. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Alors, M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. À la lecture de votre mémoire, je dois dire que j'ai effectivement quelques réflexions. Et je suis étonné aussi par quelques-uns des énoncés que vous mettez de l'avant dans votre mémoire. Je voudrais vous dire très brièvement et très sincèrement, en quelques lignes, ce que je retiens du mémoire et vous me direz si je me trompe et, si oui, en quoi je me trompe.

J'ai eu l'impression, une fois que j'avais terminé de lire votre mémoire, que vous disiez: II faut tout harnacher ce qu'il y a de rivières

harnachables au Québec, étant donné que c'est encore la meilleure source pour produire et puis tout le monde est jaloux de notre potentiel hydro-électrique. Harnachons! Exportons tant qu'on peut. On dit: Les énergies alternatives ne sont à peu près pas intéressantes. Donc, produisons de l'hydroélectricité et, quand nous ne pourrons plus rien harnacher, nous construirons des centrales nucléaires. Et vous justifiez cela, entre autres, en disant qu'Hydro-Québec a sous-évalué la demande et que la demande pourrait être beaucoup plus grande qu'elle ne l'est actuellement. Mais, par contre, vous n'admettez pas la possibilité que l'on puisse diminuer cette demande-là ou la restreindre par le biais de politiques très substantielles, très coriaces en termes d'économie d'énergie. Donc, la seule façon de répondre vraiment à la demande, c'est de construire des barrages.

Et puis, en bout de piste, vous dites: Si jamais on a des problèmes avec les autochtones ou ces gens-là dans le milieu, on s'arrangera, on négociera des conventions - ce n'est pas tout à fait ce que je retrouve dans le texte mais, en gros, c'est ce que je retiens - on paiera et puis on achètera la paix, d'une certaine façon, et puis on construira.

Est-ce que c'est vraiment ça, la philosophie qui sous-tend votre mémoire et l'importance que les ingénieurs-conseils du Québec donnent à la question hydroélectrique au Québec?

M. Ouimet: Je crois qu'il y a beaucoup d'exagération dans vos propos, M. le porte-parole de l'Opposition.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ouimet: Disons, d'abord, que l'hydroélectricité est un produit québécois. Le gaz naturel doit être importé de l'Ouest canadien, si on se sert du gaz et on le fait pour des pointes. Mais je crois que, dans un contexte québécois, de penser répondre à la demande habituelle avec de l'électricité produite avec du gaz naturel parce qu'on a parlé... Tout à l'heure, j'ai répondu à Mme la ministre pour la cogénération, mais on peut imaginer que le gaz naturel... D'ailleurs, le gaz naturel est utilisé par Hydro-Québec dans des turbines pour répondre à la demande de pointe. La demande normale, la consommation normale, la politique - et je pense qu'en tant que Québécois nous devons être d'accord - de la consommation normale de tous les jours doit être alimentée par des ressources hydroélectriques.

Alors, quand on parle de nucléaire, on ne dit pas: Allons jusqu'au bout des ressources hydroélectriques et ensuite de ça on utilisera le nucléaire. Ce que l'on dit, c'est que le projet Grande Baleine doit être réalisé sans autre retard, sans retard. Ce que l'on propose, c'est qu'il y ait une commission environnementale sur l'énergie qui regarde dans un contexte global de l'Est de l'Amérique du Nord les conséquences écologiques de la production d'électricité avec des centrales thermiques, au charbon ou à l'huile, comme ça se fait au sud de la frontière, ou avec du gaz naturel qui est beaucoup moins polluant, mais qui est quand même un peu polluant, ou les conséquences écologiques du développement de nos ressources hydroélectriques.

À ce propos-là, si vous me le permettez, il y a un tableau - tout à l'heure, j'ai dû escamoter certaines pages de mon texte - que j'aimerais vous présenter. Celui-là, vous ne l'avez pas dans votre mémoire. J'ai pensé que, pour situer le projet Grande Baleine dans le contexte environnemental, il serait important de comparer les surfaces inondées, parce qu'on parle beaucoup des surfaces inondées. Alors, on a préparé un tableau où on montre les surfaces inondées en kilomètres carrés pour trois projets: le projet La Grande, phase I, La Grande, phase II - LG 1, LG2 - et Grande Baleine.

Le premier chiffre, ici, la première colonne nous donne les superficies inondées après les travaux. La deuxième colonne nous donne le territoire inondé à l'état naturel, parce qu'on sait qu'il y a une grande partie de ce territoire-là qui est déjà inondée. La troisième colonne nous donne l'augmentation de la surface inondée pour chacun des trois projets. On se plaît, en certains milieux, à comparer cette surface inondée à la surface du lac Saint-Jean. Alors, j'ai pensé comparer les trois projets à la surface du lac Saint-Jean parce qu'il y a toutes sortes de chiffres qui sont lancés. Je peux vous dire, à moins que nos ingénieurs se soient trompés radicalement, qu'à 1 % ou 2 % près ces chiffres-là sont bons.

Augmentation du nombre de fois de la superficie du lac Saint-Jean. Évidemment, si on regarde LG 1 qui est le grand projet, il y a eu une inondation additionnelle équivalente à 5,3 fois le lac Saint-Jean Comme on le dit dans notre rapport, les conséquences écologiques n'ont finalement pas été si horribles qu'on le prévoyait et, quant au gros problème de mercure, il y a une stabilisation et la concentration de mercure, après quelques années, diminue considérablement. Pour LG 2, la superfie inondée représente une demi-fois la surface du lac Saint-Jean. Pour Grande Baleine, la superficie inondée additionnelle représente un petit peu moins que 1 %, 0,45 %. Situons ces surfaces-là, si vous voulez bien, dans un contexte global du continent nord-américain, parce qu'on a peur que les surfaces inondées affectent le climat du monde La superficie du lac Saint-Jean est de 1850 kilomètres carrés. À titre de comparaison, rappelons-nous que la superficie du lac Érié, par exemple, qui est le plus petit des Grands Lacs, est de 25 800 kilomètres carrés, presque 20 fois plus, et la superficie du lac Supérieur est de 82 300 kilomètres carrés. Alors, je ne vous dis pas que

ça n'a pas des conséquences, je ne vous dis pas qu'il n'y a pas des autochtones qui vont être lésés, le seul message que nous, les ingénieurs-conseils, on veut transmettre à la commission parlementaire, c'est que, au moins, partons des bons chiffres, des bonnes surfaces, lorsqu'on porte un jugement sur les conséquences écologiques de l'inondation de certains territoires. (12 h 30)

Le choix de société. M. le porte-parole de l'Opposition, à quel moment est-ce qu'on va vouloir, nous, les Québécois, aller au nucléaire? Ce n'est pas aux ingénieurs-conseils à le faire. C'est à la population, au gouvernement, enfin, à tout le monde et à tous les intéressés. La raison pour laquelle on parle du nucléaire, c'est que, d'une part, on pense que le CANDU, le système canadien CANDU, est vraiment le plus sécuritaire. Deuxièmement, on pense que, au Québec, on doit quand même conserver une certaine expertise dans le nucléaire, de sorte que, si un jour on doit y retourner, nous n'ayons pas à importer la technologie du nucléaire. Et, troisièmement, dans un contexte de commission sur l'environnement, que l'on propose après Grande Baleine, non pas après que Grande Baleine sera terminé, mais après que Grande Baleine sera commencé - ça peut être le lendemain - on pense qu'il y aura un choix de société et qu'à ce moment-là le nucléaire devra être considéré.

Si vous avez vu l'Economist du 14 avril, on nous rappelle des chiffres. En France, c'est 75 % ou 80 % pour le nucléaire, la production d'électricité. Au Japon, c'est 60 %. En Amérique du Nord, au Canada, aux États-Unis, le total est de 20 %, de façon générale. La moyenne varie d'une région à l'autre. On a vu qu'en Ontario et au Nouveau-Brunswick, les deux provinces qui nous entourent, c'est de l'ordre de 50 % ou 40 %. Au Québec, on parle de quelques pour cent. Alors, à un moment donné, dans ce contexte global de choix de société, il faudrait savoir à quel moment on veut rentrer le tiroir nucléaire. On ne dit pas: Développons toutes les ressources hydrauliques. Si on veut continuer à développer l'économie du Québec, si on veut continuer à attirer la petite et la moyenne entreprise, ça va nous prendre de l'électricité. Comment allons-nous répondre à la demande d'électricité? On ne pourra pas l'importer, nos voisins n'en auront pas. Et les voisins qui en auraient, si le Nouveau-Brunswick, par exemple, fait Pointe-Lepreau 2, ça va être du nucléaire. Alors, le nucléaire ne sera pas tellement loin de la frontière du Québec, à ce moment-là. Pointe-Lepreau 1 est collé sur la frontière du Québec, enfin, à quelques kilomètres.

M. Claveau: II reste, M. le président, qu'en page 32 de votre mémoire je retiens deux phrases où vous dites: "II sera toujours plus facile de vendre un surplus d'énergie que de s'adapter à des pénuries ou d'avoir à prendre des mesures d'urgence pour acheter l'énergie que notre manque de prévisions nous forcerait à nous procurer." Ça, ça présuppose que votre choix, le choix que vous feriez, si vous aviez à prendre la décision finale, serait de construire plus de barrages, d'installer un potentiel de production supérieur à toute prévision, dans la mesure où, si on en a de plus, ce sera toujours plus facile de s'en débarrasser que d'acquérir ce qu'il nous manquerait.

Et vous dites, après: "Nous continuons d'affirmer qu'en priorité nous devons rentabiliser au maximum l'hydroénergie dont nous disposons et qui fait l'envie du monde." Donc, votre choix est définitivement fait là-dessus.

M. Ouimet: Écoutez, je pense que vous parlez de deux choses, là. D'une part, il n'y a pas de doute que, dans le choix de société, on pense, nous, que l'hydroélectricité doit être privilégiée, mais on la construit au moment où on en a besoin. Et, d'autre part, les exportations, comme on le voit sur les courbes - et je l'ai expliqué tout à l'heure - et dans le document d'Hydro-Québec, c'est très bien expliqué, évidemment, lorsque vous construisez un nouveau barrage, vous avez une augmentation soudaine de la capacité. Alors, durant cette période-là où la demande doit rattraper, parce que la demande va augmenter chaque année, il va y avoir, temporairement, un surplus.

Ça s'est présenté lorsque les installations de la phase I de la Baie James ont été raccordées au réseau. À ce moment-là, on a eu des surplus beaucoup plus importants que prévus, parce qu'il y a eu un ralentissement économique, d'une part, et on a mis en oeuvre des mesures importantes d'économie d'énergie, ce qui fait que nos surplus ont duré plus longtemps que prévu. Mais il est évident que, quel que soit le mode de production que vous utilisiez, que ce soit du nucléaire, du thermique ou que ce soit de l'hydroélectricité, dès que cette nouvelle installation sera raccordée au réseau, vous allez avoir, pendant quelques années, un surplus disponible qui peut être exporté. Parce que votre courbe de construction va nécessairement être en dents de scie, alors que la courbe de consommation va augmenter graduellement chaque année. Est-ce que je réponds bien à vos préoccupations?

M. Claveau: Ça me va pour le moment. Je voudrais revenir sur la question des économies d'énergie. Vous ne semblez pas être très friand de mesures d'économie d'énergie, d'après, en tout cas, ce qui me semble transparaître de votre mémoire. Vous avez dit que les ingénieurs du Québec avaient déjà beaucoup investi là-dedans et finalement que vous saviez à quoi vous en tenir, comme ingénieurs, sur les économies d'énergie, et que vous doutiez de la capacité d'Hydro-Québec de réaliser ses souhaits d'économiser quelque chose comme l'équivalent de 2,5

mégawatts de puissance au cours des prochaines années. Alors qu'Hydro-Québec nous dit, à toutes fins pratiques, que le potentiel d'économie qu'elle voudrait idéalement réaliser, serait de l'ordre de 5,6 mégawatts. Moi, j'aimerais savoir pourquoi, en tant qu'ingénieurs, vous remettez ça en doute et vous pensez que ce n'est à peu près pas réalisable, alors que pas plus tard que lundi dernier, le 7 mai, dans le journal Le Soleil, en page C-11, on avait un gros titre qui disait que le Québec arrive bon dernier en matière d'économie et d'efficacité énergétique. On démontre là-dedans que, par rapport à ce qui se fait en Europe, aux États-Unis ou ailleurs dans le monde, on est vraiment des gaspilleurs d'énergie.

On va se référer au choc pétrolier, si vous voulez, du début des années soixante-dix, alors qu'on se promenait en Amérique du Nord et au Québec avec des voitures avec lesquelles, lorsqu'on faisait 15 milles au gallon, on était contents, parce qu'on se disait ce n'était pas de dépense; on pouvait avoir des gros quatre barils qui faisaient 7 à 8 milles au gallon, et on était fiers de ça. Et les compagnies nous disaient: Ce n'est pas possible, l'économie d'énergie, les moteurs, c'est comme ça. À 20 milles au gallon, c'est le maximum qu'on peut faire, alors qu'à ce moment-là, en Europe, ils faisaient 35 à 40 milles au gallon. Aujourd'hui, on est rendu qu'on construit des voitures, des moteurs qui sont tout aussi puissants, performants, mais beaucoup plus économiques. On fait 40 milles au gallon avec des moteurs qui sont, à toutes fins pratiques, aussi performants que ceux qui marchaient à 10 milles au gallon, il y a à peine 15 ans, mais, en Europe, ils le faisaient déjà. Sauf que, nous, on ne voulait pas l'accepter, on dépensait du pétrole. J'ai l'impression qu'on a à peu près encore la même vision aujourd'hui par rapport à l'électricité. Alors qu'on nous prouve noir sur blanc que dans les pays européens et ailleurs dans le monde on met en place des mesures énergétiques qui font qu'on puisse consommer moins d'énergie électrique par tête de pipe, eh bien, nous, on a encore une discours à l'effet qu'on ne peut pas faire mieux et que, de toute façon, investir là-dedans, c'est de l'argent perdu. On est mieux de bâtir des barrages et de produire plus, parce qu'on va en avoir besoin de plus.

M. Ouimet: Si vous me le permettez, il ne faut quand même pas confondre énergie au total et électricité. Lorsqu'on parle de transport, je pense qu'on s'entend qu'Hydro-Québec n'est pas impliquée. Lorsqu'on regarde les chiffres de consommation d'énergie pour le Québec, il n'y a pas de doute qu'avec notre climat et avec les distances qu'on a à parcourir nous consommons plus d'énergie per capita que tous les pays d'Europe. Si l'on compare aux autres provinces canadiennes, l'Ontario consomme plus d'énergie per capita que le Québec. Le climat est un peu moins rigoureux, les distances, ça peut probablement se comparer, les habitudes de vie, ça peut peut-être se comparer, mais le développement industriel est plus important en Ontario. Donc, la consommation d'électricité en Ontario est légèrement plus importante qu'au Québec, per capita.

Quand aux économies d'énergie, nous sommes d'accord avec le 5 % d'Hydro-Québec. Ce que l'on dit, c'est que c'est un chiure qui va demander beaucoup d'efforts à atteindre. Ce que l'on dit, c'est que toutes les économies d'énergie faciles ont été faites. Encore là, c'est un choix de société. Si vous avez des enfants, combien de fois leur dites-vous d'éteindre les lumières lorsqu'ils quittent leur chambre? Une lampe de 100 watts qui fonctionne 24 heures par jour, c'est 2,4 kilowatts. En fait, tout ça s'additionne et je pense que les sociétés européennes sont beaucoup plus disciplinées qu'on ne l'est. Alors, il y a un choix de société, il y a une éducation à faire, et je pense que le travail qu'Hydro-Québec fait, dans le moment, la campagne de publicité qui est faite dans le moment est un pas dans la bonne voie. L'augmentation des coûts décrétée récemment va avoir un effet, nous le pensons. Les gens qui se donneront la peine de ne pas mettre en fonction leur chauffe-moteur toute la nuit et qui vont se donner la peine d'éteindre quelques ampoules dans leur maison, chaque soir, vont réaliser une économie équivalente à l'augmentation de tarif qu'ils ont à subir. Est-ce que ça va les convaincre du bien-fondé des mesures d'économie d'énergie?

C'est un choix de société, et je pense qu'Hydro-Québec et nous tous devons nous pencher sur ce choix de société. Est-ce qu'on veut vraiment ici, au Québec, surchauffer nos maisons? Est-ce qu'on veut vraiment éclairer partout? Si c'est ça qu'on veut, il va falloir en payer le prix. Même à Paris, par exemple, les monuments sont éclairés seulement quelques heures chaque soir; ils ne sont pas éclairés toute la nuit. C'est un choix de société et, eux, ils ont fait ce choix-là il y a longtemps. Il y a même eu des périodes, on se souvient, après la Guerre, où ce n'était pas éclairé du tout, où c'était éclairé un soir par semaine Alors, ici, on est gâté, on est habitué à penser que l'énergie est une denrée illimitée, pas chère, qu'on peut utiliser. Vous parliez d'automobile, tout à l'heure. Il n'y a pas seulement le transport, c'est partout. Alors, c'est un choix de société, il y a une éducation à faire et on est parfaitement d'accord avec cet effort qui est fait. Ce qu'on dit, c'est qu'on pense que, réaliser 50 % du potentiel, c'est réaliste, mais n'oubliez pas que même HydroQuébec prévoit - on le voyait tout à l'heure sur la courbe, là - que ce potentiel-là va être atteint d'ici 10 ans. Donc, ça n'aura pas d'effet immédiat; ça aura un effet chaque année et ça va aller en s'additionnant. Les économies d'éner-

gie s'additionnent chaque année.

M. Claveau: Mais nous sommes ici pour avoir...

Le Président (M. Bélanger): Très rapidement.

M. Claveau: ...l'opinion de ceux qui viennent se présenter devant la commission. Vous, en tant que représentant d'un groupe, l'association des ingénieurs-conseils du Québec, est-ce que vous privilégiez que l'on continue à éclairer nos monuments toute la nuit en construisant des barrages pour ce faire ou que l'on ferme la "switch" pour ne plus avoir de barrages à construire? C'est quoi, votre choix, là-dedans?

M. Ouimet: Bien, je pense qu'on a prouvé... Peut-être que les monuments sont un mauvais exemple, mais, si on regarde l'éclairage dans les édifices publics, par exemple, toutes nos recommandations sont à l'effet que, dans les édifices où l'on chauffe au mazout, on éteigne les lumières la nuit. Il y a eu une époque où on laissait fonctionner l'éclairage la nuit. Par contre, si vos édifices sont chauffés à l'électricité, de toute façon, les watts de l'éclairage vont dégager de la chaleur et ça va contribuer à chauffer l'édifice. Alors, il y a un choix à faire, et c'est dans les mesures d'économie d'énergie que ça devient évident.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, M. le député d'Ungava, si vous voulez remercier nos invités.

M. Claveau: Alors, je vous remercie, MM. Ouimet, Beaulieu, Sauriol, et Duff, de votre présentation. Je pense que le débat est bien enclenché, est bien parti. C'est une présentation digne du niveau des travaux que nous souhaitons avoir tout au long de cette commission parlementaire. Je suis heureux, là, d'avoir eu les quelques minutes qui nous ont été offertes pour partager quelques discussions sur les différents points de vue avec vous. Merci de votre présentation.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la ministre, si vous voulez remercier nos invités.

Mme Bacon: À nouveau, je voudrais vous remercier, messieurs, de votre présentation, et aussi pour tous les tableaux que vous nous avez présentés, en particulier le dernier, qui réussit, je pense, à dégonfler certains mythes qui circulent en ce moment et qui nous donne des chiffres pour nous faire vraiment comprendre les situations et les évaluer telles qu'elles devraient être évaluées.

Je pense que la commission, vous le dites vous-mêmes, va nous permettre de dégager un consensus, et c'est le but même de la commis- sion. On va identifier ce consensus social et ensuite nous allons tous ensemble y participer. Merci beaucoup d'avoir été là ce matin.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de l'économie et du travail remercie les représentants de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. Nous suspendons nos travaux jusqu'à environ 13 heures, c'est-à-dire jusqu'à 15 heures, pardon, soit après la période des questions. Alors, ça peut varier de quelques minutes. Je vous remercie.

(Suspension de la séance à 12 h 45)

(Reprise à 15 h 23)

Le Président (M. Bélanger): Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place, afin que la commission de l'économie et du travail puisse procéder à une consultation générale et à des auditions publiques sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique au Québec.

Nous recevrons à la table des témoins le Bureau de commerce de Montréal, c'est-à-dire probablement la section Forum énergie centre-ville, qui sera représenté par M. Harper, M. Powell, M. Ouellet et M. La Salle. Or, je prierais donc ces personnes de s'avancer à la table, s'il vous plaît!

Après avoir pris place, je vous prierais, dans un premier temps, de bien vouloir vous présenter, d'identifier votre porte-parole et de procéder à la présentation de votre mémoire. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire et une période de 40 minutes d'échanges avec les parlementaires. Alors, sans plus tarder, je vous inviterais donc à vous identifier et à procéder. Je vous remercie.

Bureau de commerce de Montréal

M. Harper (Alex): M. le Président, Mme la ministre, je suis Alex Harper. Je suis le vice-président exécutif du Bureau de commerce de Montréal. À ma droite, M. Michel La Salle, membre du comité, qui nous a aidés à rédiger notre mémoire; à mon extrême gauche, Christian Ouellet, architecte, et aussi, à ma gauche, Claude Boisvert, aussi architecte. Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour vous présenter notre mémoire. Notre façon de procéder, c'est que je dirai quelques mots d'ouverture et, après, mes trois collègues feront part du mémoire. On ne fera pas la lecture du mémoire, on fera une présentation du contenu.

Juste quelques mots. Vous savez que le Bureau de commerce de Montréal est un organisme qui existe depuis 1822. Nous sommes une association d'affaires à Montréal et nous avons dans notre "membership" environ 3000 entreprises, la plupart étant les plus petites et moyennes

entreprises. Vous avez raison, M. le Président, nous avons aussi eu la collaboration du Forum énergie centre-ville dans la préparation de notre mémoire et nous leur sommes très reconnaissants de l'aide qu'ils nous ont donnée afin de préparer la présentation.

Nous remercions la commission parlementaire de l'économie et du travail de l'Assemblée nationale de bien vouloir recevoir le présent mémoire sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique au Québec. Nous reconnaissons le rôle clé qu'Hydro-Québec a joué dans le développement économique du Québec. Non seulement la société a-t-elle apporté et continue-t-elle à apporter des revenus financiers directs au gouvernement et, par le fait même, à la population, mais sa politique de faire faire a été à l'origine de la création de beaucoup d'autres industries et de découvertes technologiques qui ont grandement contribué à rehausser la réputation internationale du Québec.

C'est une grande source de fierté qu'Hydro-Québec ait toujours réussi, dans le passé, à fournir à la population du Québec des services hydroélectriques fiables et à bon marché. Cependant, il nous importe que les plans actuels reflètent les succès passés, les nouvelles réalités et les nouveaux défis, permettant ainsi à HydroQuébec de mieux répondre, dans l'avenir, aux besoins de la population locale, ainsi que ceux de ses clients de l'extérieur.

Les préoccupations énoncées dans notre mémoire le sont en vue de fournir quelques indications utiles pour permettre de rendre accessible la plus grande réserve de puissance hydroélectrique au plus grand nombre de clients potentiels, tout en causant le moins de dommages à l'environnement et au plus bas coût possible. Dans ce contexte, nous croyons qu'Hydro-Québec doit d'abord commencer par améliorer le réseau existant, améliorer sa productivité, adopter une nouvelle culture d'entreprise basée sur l'efficacité, la conservation et la gestion appropriée de ses installations, plutôt qu'uniquement sur la construction de nouveaux barrages, favoriser conséquemment l'établissement d'une nouvelle éthique grand public d'efficacité énergétique; conduire son action surtout en fonction des préoccupations socio-environnementales; consulter les groupes d'intérêt spécialisés et ne pas se limiter au seul examen en commission parlementaire; et, finalement, échanger et s'ouvrir davantage au secteur privé.

Je laisserai maintenant M. La Salle continuer la présentation.

M. La Salle (Michel): Merci, M. Harper. Le Bureau de commerce de Montréal s'inquiète grandement, en fait, de la facture du plan de développement d'Hydro-Québec jusqu'à l'orée du prochain millénaire pour la bonne et unique raison qu'Hydro-Québec répond mal à ses abonnés actuellement et qu'elle répond de moins en moins bien aux attentes de l'industrie.

Nous estimons qu'avant de lancer sur d'autres mers le navire amiral de l'économie québécoise, Hydro-Québec, ferait bien de passer quelque temps en cale sèche, car nous trouvons qu'il tangue de manière fort suspecte. Qui plus est, l'examen des travaux nécessaires à sa réfection de même que son plan de navigation, ainsi que l'indique le plan de développement, nous semblent un peu précipités. Il y a trop d'impacts socioculturels, économiques et environnementaux qui ne sont pas mesurés et qui sont en jeu dans le présent plan. Nous nous inquiétons de ce que Hydro-Québec envisage uniquement le bien-être de la collectivité, en termes de développement à tous crins.

La création du réservoir, d'une superficie de plusieurs fois celle du lac Saint-Jean ou de l'ordre la France, n'affectera pas seulement les collectivités autochtones dans le Grand Nord, mais aussi la vallée du Saint-Laurent, le climat et peut avoir des conséquences imprévisibles absolument néfastes, qu'on ne connaît même pas.

En fait, est-ce qu'on sait bien à qui et à quoi tous les développements qu'Hydro-Québec propose vont servir? Est-ce que ce sont seulement quelques utilisateurs ou si c'est bien l'ensemble des utilisateurs? En fait, dans le village global dans lequel nous vivons, on se rend compte que 25 % de la population utilise 75 % des ressources énergétiques. À l'échelon planétaire, notre chance de survie dépend directement de notre façon de réduire radicalement la consommation d'énergie, en particulier dans les pays industrialisés.

Nous pensons que le bien-être de la collectivité [«pose davantage sur la qualité de vie plutôt que sur le développement effréné En fait, ça nous semble être le sérieux avertissement que nous donne le rapport Brundtland de la Commission mondiale sur le développement et l'environnement qui stipule que, pour assurer un développement durable, il faut réduire notre consommation énergétique. De ce point de vue là, il ne faudrait pas oublier que la société québécoise est une des sociétés les plus énergivores au monde.

Dans cette perspective, ne vaut-il pas mieux considérer les méthodes d'efficacité énergétique plutôt que de nouvelles constructions? L'audace des planificateurs nous semble céder le pas à trop de témérité. Certaines questions demeurent sans réponse. D'où vient ce nombre alarmant de pannes qui touchent au plus haut point notre industrie? En cette heure de globalisation des marchés fortement axée sur le contrôle des coûts, le Québec ne risque-t-il pas de perdre un avantage énergétique concurrentiel, crucial, avec un réseau existant de plus en plus vétusté?

L'entreprise, en particulier la PME - on se targue que le Québec est le paradis de la PME - ne risque-t-elle pas d'être désavantagée par des tarifs plus élevés? Quelles sont les répercussions des augmentations tarifaires sur les

consommateurs et la PME en particulier? A-ton attribué suffisamment de ressources pour consolider les acquis en entretenant et en mettant à jour les installations existantes de production et de distribution d'électricité plutôt que d'accumuler de nouvelles constructions insuffisamment entretenues? Devrait-on proposer la construction de nouveaux barrages quand on ne connaît même pas tous les effets souvent néfastes et irréversibles sur l'environnement socioculturel et physique? Qui bénéficierait des nouveaux barrages et à qui bénéficierait une politique d'efficacité énergétique généralisée? L'énergie récupérée dans le cadre d'un programme d'efficacité énergétique servirait-il à d'autres développements énergivores ou freinerait-elle l'ajout de nouvelles installations de production hydroélectrique?

Cet ensemble de questions nous fait penser qu'en raison de son envergure le plan de développement d'Hydro-Québec ne devrait certainement pas être étudié à la vapeur uniquement en commission parlementaire. Il devrait d'abord être scruté à la loupe par des groupes d'intérêt spécialisés indépendants et expérimentés, suivant un calendrier d'études qu'ils jugent suffisant. Nous estimons que le projet proposé renferme un véritable plan de société dont les tenants et les aboutissants n'ont pas encore fait l'objet d'un examen approfondi par les usagers, les associations professionnelles, les autochtones, cités, villes et municipalités, consommateurs domestiques et industriels, milieux éducatifs et hospitaliers, organismes de promotion de l'efficacité énergétique - comme l'AQME, l'Association des propriétaires et administrateurs d'immeubles, Forum énergie centre-ville - les syndicats, les organismes environnementaux.

Nous ne mettons pas en doute la compétence de la société Hydro-Québec de lancer le Québec dans un nouveau projet hydroélectrique. Ses réussites dans le passé le prouvent amplement. Mais, compte tenu de ses difficultés administratives répétées, nous préférons qu'elle concentre d'abord ses énergies sur l'organisation et l'entretien de son réseau et qu'elle en oriente la gestion sur l'efficacité énergétique.

Nous exposerons maintenant nos appréhensions et nos interrogations à partir des rubriques suivantes. Mon collègue Claude Boisvert, architecte et homme d'affaires, traitera de la question énergétique et du contexte économique au Québec, suivi de la gestion du réseau et du développement et de la création d'emplois. M. Christian Ouellet, architecte, exposera ses propos sur la gestion de la conservation et l'efficacité énergétique ainsi que sur la protection de l'environnement. Enfin, M. Boisvert reviendra pour parler de la culture d'entreprise et du maillage industriel. Nous ferons ensuite les recommandations appropriées. M. Boisvert.

M. Boisvert (Claude): Merci. Mon propos s'adresse en premier lieu à la question énergétique et au contexte économique. Hydro-Québec présente la problématique de l'énergie au Québec selon quatre axes: l'énergie comme moteur de développement économique; la sécurité des approvisionnements; la protection de l'environnement; et, enfin, le bénéfice du consommateur québécois.

Nous remettons en question la notion de développement durable, comme l'invoque HydroQuébec. La société tente seulement de minimiser les impacts environnementaux de ses mégaprojets, plutôt que de considérer ces impacts dans leur totalité. Les conditions récentes sur le marché mondial nous font prendre conscience que l'électricité est une ressource limitée et coûteuse. Du fait de son caractère essentiel pour l'éclairage et la force motrice, elle occupe une place centrale dans le débat énergétique. Même si elle est porteuse des plus grands espoirs, la question énergétique est conditionnée par le contexte économique. Or, le présent contexte nous demande de redoubler de prudence dans les choix économiques qu'Hydro-Québec devra faire.

Est-ce qu'il est temps de surcharger la société de dettes au moment où l'économie du Québec entre en période de ralentissement? Les principaux paramètres et indices économiques nous font voir que la situation, à court terme et moyen terme, se présente de façon peu pessimiste, mais marque un ralentissement certain. Considérée comme le moteur de l'économie québécoise, Hydro-Québec en deviendra-t-elle un frein? En 1989, pour la première fois en trois ans, la croissance économique du Québec a été limitée à une performance inférieure à celle de l'ensemble du Canada. Remarquons que de 1983 à 1988 la croissance annuelle moyenne du produit intérieur brut québécois a connu un taux supérieur à 5 %. Cette année, l'économie affichera de nouveau une croissance d'environ 1 %, soit la moitié de celle du Canada. En 1991, la croissance de 1,5 % du produit intérieur brut québécois sera toujours inférieure à celle du produit intérieur brut canadien. De plus, la menace inflationniste que la Banque du Canada tente de subjuguer par une politique de taux d'intérêt élevés favorise une période de ralentissement économique, sinon de récession. Dans ce contexte, emprunter pour construire de nouveaux ensembles de barrages nous semble même hasardeux, à moins d'ententes financières avantageuses conclues à long terme avant d'entreprendre la construction.

Deuxièmement, en ce qui touche la gestion du réseau, le développement et la création d'emplois, on ne saurait trop encourager HydroQuébec de prendre le temps nécessaire pour bien prévoir et ne pas céder à un climat de panique à la seule lecture d'indices conjoncturels et structurels. La société devrait se méfier davantage des probabilités d'erreurs croissantes lorsque le calendrier de planification est trop serré. Efficacité et sécurité en prennent alors un coup. La

qualité du réseau actuel illustre parfaitement ce point de vue.

Et, finalement, le consommateur industriel va écoper en bout de ligne de ces décisions prises, peut-être, à la hâte. À vouloir construire à tout prix de nouvelles installations hydroélectriques, la société a laissé dépérir le réseau actuel, à tel point qu'il sera nécessaire, d'après le plan, d'investir 2 000 000 000 $ au cours des quatre prochaines années, pour pallier aux déficiences conjoncturelles et structurelles. Cette insuffisance administrative est lourde de conséquences, car la fiabilité du service d'Hydro-Québec affecte directement le tissu industriel québécois. De plus, une réputation longue à bâtir et solide est maintenant mise en jeu par les politiques récentes et les problèmes récents de réseau.

Selon un sondage mené en 1988 auprès de l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité, les pannes répétées du réseau ont causé des pertes sèches de 9 600 000 $ pour les usagers. À la lecture de ces chiffres, pour la prochaine année, Hydro-Québec pourrait coûter plus de 16 000 000 $ en pannes à 23 membres de cette même association. Donc, ces instantanés représentent bien peu de chose quand Hydro-Québec déclare 34 732 pannes pour les deux dernières années, excluant décembre 1989 qui a été, à ce chapitre-là, pas un record, mais pas loin. Donc, combien de chaînes de montage, d'heures de travail, de matériaux perdus à cause d'arrêts inopinés de courant? Ces pertes irrécupérables par notre industrie minent sa compétitivité au plan international quand on parle de globalisation des marchés.

Nul doute que la grande entreprise et les grands projets créent des emplois, mais au Québec la majorité des emplois, nous l'avons souligné, proviennent de PME. L'accent a été mis dans tous les programmes de développement économique sur Pentrepreneurship" et la place des PME dans l'industrie québécoise. Le gouvernement, par une politique énergétique appropriée, et Hydro-Québec, par une saine gestion du réseau existant, peuvent les aider à améliorer leur position concurrentielle, en particulier lorsque la composante énergétique est importante dans les coûts de production. On parle ici d'autres pays qui ont des avantages en termes de politique d'économie d'énergie, qui sont en directe concurrence avec nos PME québécoises, qui exportent en ayant des taux d'électricité qui sont artificiellement subventionnés. Qu'est-ce qui en sera quand on va arriver pour exporter des biens à contenu énergétique à l'étranger? La compétitivité est minée à la base.

Donc, Hydro-Québec favorise-t-elle suffisamment les PME? Derrière sa volonté de faire du Québec un fournisseur d'énergie à rabais, elle tend à surspécialiser l'économie québécoise, surtout dans les secteurs de production primaires caractérisés par des procédés énergivores. Dans ces conditions, il n'est pas surprenant qu'Hydro-Québec affirme ne pouvoir satisfaire à la demande d'autres projets majeurs, tels que les alumine-ries déjà annoncées.

Il n'est pas surprenant, non plus, qu'elle se serve de cet argument pour justifier des ambitieux projets en évoquant la sécurité des approvisionnements. Or, le coût en immobilisation d'un emploi dans ces secteurs est très élevé. Un article dans This Week In Business parle de coûts d'emplois subventionnés dans les secteurs de l'aluminerie qui peuvent aller de 150 000 $...

Une voix:...

M. Boisvert: Parfait, merci. Donc, sans plus tarder, je vais laisser la parole à M. Ouellet, qui va enchaîner avec la gestion de la conservation énergétique.

M. Ouellet (Christian): Est-ce qu'il me reste du temps?

Le Président (M. St-Roch): il vous reste environ quatre minutes.

M. Ouellet: Donc, je vais être très bref. Je ne vous dirai pas que le Bureau de commerce aimerait peut-être, ou suggérerait de complètement privatiser Hydro-Québec; je n'irai pas jusque-là. Mais il reste quand même que ce serait peut-être intéressant de voir le nom d'Hydro-Québec changé. Peut-être qu'on pourrait appeler ça "Électricité et énergie du Québec". Parce que, quand ça s'appelle Hydro-Québec, on a l'impression que ça va toujours être de l'hydroélectricité qu'on va faire et, pourtant, il y a tant d'autres sources d'énergie qui pourraient être exploitées, et des énergies absolument non polluantes, comme le solaire, en particulier.

Le Solar Energy Research Institute (SERI), qui est le centre d'études américain sur l'énergie solaire, dit que 50 % de l'efficacité énergétique, ou d'économies d'énergie, pourraient être faits, actuellement, aux États-Unis, et 25 % de ces 50 % - autrement dit, la moitié - pourraient venir du solaire. C'est donc une source importante dans le bâtiment - et on sait que l'électricité est très importante dans le bâtiment, au Québec - sans compter les éoliennes, qui ont une efficacité accrue de 25 % depuis cinq ans. Sans compter, aussi, la géothermie, les pompes géothermiques, en particulier, si on regarde les exemples qui ont été faits à Ottawa, où on va sauver 1 000 000 $ par année, en énergie, à l'Université de Carlton; la photovoltaïque, quand on pense qu'on a 85 % du soleil qui existe en Floride - on a l'impression que c'est juste en Floride que ça existe - et, naturellement, les mini et les moyennes centrales qui pourraient devenir très importantes avec la coproduction et la production de méthanes à travers les déchets et la production d'économie d'énergie.

Finalement, si on met tout ça ensemble, ça équivaut à deux mégaprojets. Il est important pour nous d'insister sur les économies d'énergie en tant que construction au Québec. C'est aussi rentable de construire des économies d'énergie, de faire de l'équipement pour des économies d'énergie, que c'est important de construire des barrages. On n'est pas contre la construction des barrages. On pense seulement qu'Hydro-Québec, actuellement, dans son programme, ne vise pas assez haut au niveau des économies d'énergie.

M. La Salle: Alors, voilà. C'est un peu le propos que nous voulions vous tenir. Je pourrais terminer notre prestation en vous faisant part des recommandations que nous faisons.

Que le gouvernement du Québec revoie entièrement sa politique énergétique, qui ne nous semble déjà plus conforme à nos besoins et aux moyens de les satisfaire.

Qu'une analyse plus approfondie du plan de développement de la société, incluant les retombées économiques, écologiques et socioculturelles, soit menée.

Que cette analyse soit faite par une association indépendante de spécialistes rassemblant les représentants de tous les groupes intéressés par la question énergétique plutôt que d'être uniquement étudiée en commission parlementaire.

Qu'Hydro-Québec redéfinisse ses orientations, de manière à ajuster sa culture institutionnelle de constructeur de barrages à celle de gestionnaire de réseau.

Que la société rationalise ses ressources humaines et physiques, qu'elle revoie ses méthodes de gestion et qu'elle collabore davantage avec l'industrie et adopte le maillage industriel pour ses besoins et pour vraiment favoriser le secteur privé québécois.

Que les mesures visant la conservation de l'énergie soient encouragées et stimulées au premier chef d'une façon plus soutenue que les propositions actuelles ne le laissent faire.

Qu'un suivi périodique des programmes de conservation d'Hydro-Québec soit effectué en concertation avec les milieux économique, industriel, institutionnel, privé, public et parapu-blic.

Qu'Hydro-Québec revienne, dans deux années, présenter publiquement les résultats des mesures d'efficacité énergétique mises en plan.

Que soit analysée la privatisation éventuelle de certains aspects du réseau d'Hydro-Québec et soit permis l'établissement de micro-réseaux privés sur des rivières facilement harnachables. (15 h 45)

Que le gouvernement du Québec investisse de façon significative dans la recherche - développement en conservation énergétique et fasse appel directement à l'industrie pour ce faire.

Que le gouvernement et Hydro-Québec, en fait, élaborent au grand jour et en concerta- tion - nous revenons souvent sur cet aspect-là - avec tous les organismes intéressés à la question énergétique, une autre politique énergétique, dans l'éventualité d'une opposition juridique victorieuse à la construction des mégaprojets qui ont lieu actuellement ou qui sont en gestation dans le Grand Nord.

Le Président (M. St-Roch): Alors, en conclusion, brièvement, s'il vous plaît.

M. Harper: Je pense que ça a été fait, M. le Président. Nous sommes prêts à répondre aux questions.

Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, M. Harper. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre.

Mme Bacon: Merci, M. le Président. MM. Harper, Boisvert, Ouellet et La Salle, je vous remercie de votre mémoire et de vous être déplacés pour venir discuter avec nous, cet après-midi, du dossier énergie.

J'ai pris bonne note de votre mémoire et je pense qu'il y a certaines mises au point qui doivent être faites. D'abord, je constate qu'il y a des sections entières de votre document qui consistent à faire le procès d'Hydro-Québec. J'ai déjà déclaré publiquement, et ça, à plusieurs reprises, qu'il n'était nullement question de faire ici, aujourd'hui, le procès de la société d'État, et je pense que là-dessus, ce matin, le député d'Ungava était tout à fait d'accord avec moi: Nous ne venons pas ici dans ce but.

Vous avez aussi un certain nombre d'énoncés dans votre mémoire et des recommandations qui méritent, je crois, qu'on fasse certaines précisions. À la page 1 de votre mémoire, vous soutenez, et là, je vous cite: "La création du réservoir d'une superficie de l'ordre de celle de la France n'affectera pas seulement les communautés autochtones, mais aussi le climat de la vallée du Saint-Laurent, avec toutes les conséquences imprévisibles que cela comporte." J'aimerais bien rectifier votre première assertion. Pour les fins des projets Grande-Baleine et NBR, les superficies inondées seraient respectivement de 3140 kilomètres carrés et de 6500 kilomètres carrés, soit, au total, moins de 10 000 kilomètres carrés. Je souligne, à titre indicatif, que la France couvre au moins 50 fois cette superfie, et que le Québec couvre 3 fois la superficie de la France.

Quant à la corrélation que vous établissez entre la création des réservoirs et un impact sur le climat de la vallée du Saint-Laurent, je présume que vous associez le Saint-Laurent à l'effet de serre. À ma connaissance, les spécialistes qui examinent ces questions, même s'ils se penchent actuellement sur des émanations de CO2 qui pourraient résulter de la création de réservoirs, ne nous ont fait part d'aucune conclusion

qui soutiendrait l'hypothèse que vous tenez pour certaine. J'aimerais que vous nous expliquiez sur quelle étude vous fondez l'hypothèse que vous avancez dans votre mémoire.

M. Ouellet: Bon. Écoutez, on me demande de répondre, de prendre la parole. Sur ce sujet-là, personnellement, je ne suis pas très au fart sur quelle étude ça a été fondé, mais beaucoup plus probablement sur une série de lectures qui ont été faites par l'ensemble des membres qui ont collaboré à la préparation de ce mémoire. Donc, personnellement, je n'ai pas vu cette étude même, mais il y a certainement d'autres membres qui l'ont vue. Par contre, je sais une chose, que j'ai entendue tout récemment et qui est fort intéressante, c'est que l'emmagasinage de grandes surfaces d'eau, apparemment d'après une étude américaine en cours, pourrait provoquer des tremblements de terre inattendus. Je trouve ça intéressant à rapporter, parce que c'est quelque chose dont peu de monde a entendu parler auparavant.

Mme Bacon: Ce sont des hypothèses que des gens émettent. Est-ce que ce sont vraiment des études qui ont été réalisées par des firmes qui peuvent prouver ces avancés?

M. Ouellet: La plupart des études qui ont été faites sur la qualité de l'air dans le bâtiment, sur la toxicité des matériaux, dont je m'occupe principalement, sont toutes parties d'hypothèses et, maintenant, 20, 30 ou 40 ans après, on les prouve. Donc, je crois que les hypothèses qui sont actuellement émises valent la peine d'être retenues.

Mme Bacon: Vous soutenez aussi qu'Hydro-Québec devrait s'ouvrir davantage aux méthodes de gestion du secteur privé en matière de conservation .de l'énergie. Est-ce que vous pouvez préciser le contenu de ces méthodes de gestion que vous avancez?

M. Boisvert: Oui, je réponds. On parle ici de gérer le secteur public comme le secteur privé est géré et qu'Hydro-Québec soit un moteur dans le sens de leader, en ternies de gestion énergétique dans les bâtiments. Si on regarde, on a 1 800 000 000 $ d'investis dans les mesures d'économie d'énergie. Sur un budget total de 62 000 000 000 $ en immobilisation, c'est très peu. Ce sur quoi je suis revenu tout à l'heure, c'est une question de culture d'entreprise, je crois. Si on garde la mentalité qu'Hydro-Québec - sans vouloir minimiser le rôle d'Hydro-Québec - est avant tout un constructeur de barrages plutôt qu'un gestionnaire d'énergie, je pense qu'il est difficile que la communauté d'affaires prenne les mesures qui s'imposent. Donc, si Hydro-Québec garde en tête que l'électricité est une denrée précieuse à économiser et fait office de leader, en termes d'économie d'énergie, je crois que la communauté d'affaires est prête à suivre. La majorité de nos membres, c'est la communauté d'affaires, et le mémoire émane de sondages auprès de ces membres-là.

Mme Bacon: Vous vous questionnez aussi, je pense avec raison, sur les répercussions des augmentations tarifaires sur les consommateurs et sur la PME, en particulier. Vous soutenez qu'Hydro-Québec devrait promouvoir davantage les économies d'énergie en fondant le coût de rachat des mégawatts sur le coût marginal de production évité. Vous savez sans doute que la mise en place d'un tel critère exercerait certainement des pressions à la hausse sur le prix de l'électricfté, en raison des pertes de revenus que cela pourrait entraîner pour Hydro-Québec. Est-ce qu'on doit conclure que les membres de la communauté d'affaires que vous représentez accepteraient des hausses tarifaires pour favoriser des économies d'énergie? Est-ce que c'est le sens de votre mémoire?

M. Ouellet: Je crois que oui, parce que effectivement les hausses tarifaires qui pourraient survenir parce qu'on voudrait économiser plus d'énergie ou être plus efficace en énergie seraient une retombée profitable sur les PME et sur la petite entreprise, parce que ça les prépa rerait. Ça les mettrait dans une situation de concurrence qu'elles devront subir dans une dizaine d'années où l'énergie aura, de toute façon, augmenté dans les autres pays et ici aussi Si on ne se prépare pas en faisant de grandes économies d'énergie, des économies d'énergie d'importance, l'industrie ne sera pas prête à pouvoir payer, à ce moment là, de l'énergie plus chère dans une dizaine d'années et on ne sera plus dans une situation concurrentielle.

Mme Bacon: Vous faites aussi, à plusieurs reprises, le reproche à Hydro-Québec de cons truire des projets, alors que les effets environ nementaux ne sont pas tous connus et ne sont pas non plus tous maîtrisés. J'aimerais aussi rappeler, à ce moment-ci, que chacun des projets de construction d'Hydro-Québec est assujetti à une procédure d'examen et aussi à une procédure d'évaluation des impacts qui permet de retenir le projet de moindre impact. Et, évidemment, Hy dro-Québec a démarré en 1987 une étude sur les effets environnementaux cumulatifs qui permet d'évaluer l'effet global du plan des installations et d'intégrer les résultats à l'étape de planification des projets. Quelles démarches environnementales, selon vous, Hydro-Québec devrait-elle entreprendre et quelles mesures devrait-elle prendre pour assurer la protection, la mise en valeur de l'environnement de plus qu'elle ne le fait maintenant?

M. Ouellet: Pour moi, ce serait - et je

pense que le Bureau partagera mon opinion là-dessus - qu'Hydro-Québec fasse faire des études indépendantes. Indépendantes, ça veut dire quoi? Est-ce que ça veut dire de donner ça à des firmes qui, de toute façon, vont être intéressées à avoir les prochaines études d'impact à faire? Non. Ça serait plutôt de le donner à un regroupement universitaire ou carrément à une université qui a encore - je crois ici au Québec - une certaine liberté d'expression et eux, ils pourraient faire des études qui seraient publiques et qui intéresseraient tout le monde, où les gens pourraient donner leur opinion, et non pas une étude interne ou faite par une firme qui, de toute façon, va être intéressée à ce qu'Hydro-Québec lui donne une autre étude à faire.

Vous voyez, tant qu'on n'aura pas quelque chose de réellement très clair, très net, à l'extérieur d'Hydro-Québec, il va toujours subsister un doute dans la tête des gens, et je crois que ce doute-là, on doit le partager et on se demande pourquoi Hydro-Québec ne donnerait pas ça à l'extérieur.

Mme Bacon: Est-ce que vous pouvez justifier à la page 11, où vous jugez de faible importance les programmes d'efficacité qui couvrent un large type d'intervention et qui coûtent plus de 1 000 000 000 $ à Hydro-Québec? Quelles seraient les conditions d'une mise en application efficace de ces programmes-là? C'est à la page 11.

M. Ouellet: Bien, ça, ça devait être une des choses qu'Hydro-Québec devrait nous démontrer: Comment va-t-elle faire pour être efficace? Actuellement, je crois qu'en partant avec des petites choses dans le domaine domiciliaire, avec des pommes de douche ou avec des éclairages qui, de toute façon, réchauffent la maison, je ne crois pas qu'on aille très loin.

Il me semble qu'on devrait sortir une politique beaucoup plus globale sur les économies d'énergie et se donner un devoir de revenir devant une commission indépendante, au moins à tous les deux ans, pour démontrer les économies d'énergie qu'on a faites et être beaucoup plus soutenus que juste par une entente avec le Bureau des économies d'énergie; que le Bureau des économies d'énergie ait un rôle de surveillance plus indépendant dans les économies d'énergie qui peuvent se faire. Ça serait beaucoup plus sûr qu'il va se faire quelque chose d'important.

Je crois, en plus, que 1 800 000 000 $ dévolus à l'économie d'énergie, c'est très peu par rapport aux 60 000 000 000 $ qu'on veut dépenser. Et qu'on donne uniquement le coût marginal de la dépense entre la création d'une nouvelle centrale et le coût actuel n'est pas, quoi qu'en dise Hydro dans son rapport, quelque chose que toutes les "utilities" aux États-Unis font. Au contraire, il y a des compagnies sur la côte ouest qui donnent jusqu'à 7 % et 10 % de plus que ce que leur coûte réellement un nouveau projet de construction de centrale électrique pour faire des économies d'énergie. Parce que l'économie d'énergie, c'est un investissement auquel toutes les petites PME et toutes les moyennes industries - et même la création d'emplois - doivent être intéressées. Nous, ce qui nous intéresse, c'est justement que ça tourne rond dans notre province.

Mme Bacon: Vous avez dit, tout à l'heure, M. Ouellet, qu'Hydro-Québec ne visait pas suffisamment haut dans sa cible par rapport aux économies d'énergie. Quelle serait la vôtre?

M. Ouellet: C'est-à-dire d'avoir au moins quelque 30 % d'économies d'énergie. Ça devrait être possible parce que, uniquement dans le bâtiment, qui est quand même quelque chose d'important, on peut viser 30 %. Si on ajoute à ça les transferts d'énergie qu'on peut faire dans la moyenne et grande entreprise, les déphasages d'énergie qu'on peut faire, comme les Japonais le font, effectivement, on pourrait, à ce moment-là, penser se rapprocher des 50 %. Donc, quand on vise, dans 10 ans, 18 %, eh bien, c'est peu 18 % ou 20 %; on pourrait viser facilement 30 % et plus.

Mme Bacon: Vous exposez à la page 14 de votre mémoire que, "d'un point de vue juridique, il faut redoubler de prudence quand on sait que les lois relatives à la protection de l'environnement ne sont pas nécessairement applicables dans les régions éloignées du Grand Nord québécois." J'aimerais peut-être juste rappeler, ici, que la Loi sur la qualité de l'environnement du Québec a été modifiée, en 1978, de façon à intégrer le territoire qui est couvert par la Convention de la Baie James et du Nord québécois, un régime de protection aussi rigoureux que dans la partie qu'on appelle la partie méridionale du Québec. La loi a été adoptée aussi de façon à respecter les pouvoirs dévolus par la Convention à différents comités qui sont chargés de la protection du milieu nordique. Quand on regarde les chapitres II et III de la loi, ils sont consacrés entièrement au milieu nordique. Si on considère le caractère obligatoire de ces régimes juridiques, comment pouvez-vous soutenir, comme vous le faites dans votre mémoire, qu'ils ne sont pas nécessairement applicables dans les régions éloignées du Grand Nord québécois?

M. Ouellet: À notre connaissance, ces lois-là n'ont été faites ni avec l'accord complet ni avec la présence, au niveau de la rédaction, des gens du Grand Nord, des Cris, des Montagnais. Ces gens-là n'étaient pas présents au moment où la rédaction de la loi a été faite. Maintenant, ils se plaignent. Ils doivent se plaindre pour quelque chose. Alors, est-ce que, pour nous, ici, une

protection environnementale est la même que là-bas dans une situation aussi fragile que celle qu'ils ont? Probablement pas et c'est ça qui nous fait affirmer qu'il y a un danger d'appliquer nos normes écologiques à un territoire qui nous est, finalement, très peu familier. (16 heures)

Mme Bacon: Je suis un peu. . Vous me permettrez, M. Ouellet, d'être un peu surprise parce que la Convention de la Baie James a quand même été acceptée, et non seulement acceptée par les parties qui... bien, négociée et acceptée, et acceptée aussi par le gouvernement fédéral. Je pense que tout le monde était partie prenante dans ce dossier-là. Mais, encore une fois, je pense qu'il y a quand même des précisions à apporter à votre mémoire.

Le Président (M. Sl-Roch): Je vous remercie, Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Je tiens à féliciter le Bureau de commerce de Montréal pour le travail qu'ils ont mis à la préparation de ce mémoire-là, un mémoire qui, à bien des égards, soulève beaucoup plus de questions qu'il n'amène de réponses. En tout cas, à ma façon de le lire, on a des pages complètes de questionnement, un questionnement qui est sain, qui, à beaucoup d'égards, est très intéressant. Mais je reste quand même sur mon appétit quant aux réponses ou à l'argumentaire qui accompagne les réponses que vous voudriez donner à ces questions-là.

Ma première question se réfère à une citation que vous avez en page 3 et qui dit: "En raison de son envergure, le plan de développement d'Hydro-Québec ne devrait certes pas être étudié à la vapeur, uniquement en commission parlementaire. Il doit d'abord être scruté à la loupe par des groupes d'intérêt spécialisés, indépendants et expérimentés suivant un calendrier d'étude qu'ils jugent suffisant." Est-ce que, lorsque vous dites ça, vous vous référez au genre de groupes universitaires dont vous pariiez tout à l'heure en ce qui regarde, par exemple, les dynamiques d'économie d'énergie ou autres? D'autre part, ne trouvez-vous pas là que, pour un exercice annuel, c'est un peu lourd? Ça risque de devenir un exercice beaucoup plus bureaucratique que fonctionnel. Et est-ce que, dans ces conditions-là, on n'aurait pas avantage à essayer de trouver une autre mécanique par le biais, par exemple, de consultations quinquennales ou autres choses semblables plutôt que de s'attarder d'une façon très spécifique à la problématique du plan de développement comme tel qui, en bout de piste, est en somme un mandat, le mandat annuel ou la vision annuelle que l'entreprise propose à son actionnaire?

M. Ouellet: Je pense qu'on a pris un peu comme modèle ce qui se fart en Californie. En Californie, ils ont réuni une cinquantaine de groupements, dont les universités, mais tout le monde, enfin, qui voulait et qui avait réellement une affinité particulière face à l'énergie, et ils ont fait des sessions qui, effectivement, ont duré plusieurs mois. Je crois que ça a duré presque six à huit mois. Ils sont finalement arrivés à un consensus où tout le monde semblait, en tout cas, être plus heureux que s'ils avaient été obligés de projeter quelque chose à la vapeur. Et nous, on n'a pas eu l'impression que c'était quelque chose d'annuel mais c'était un plan de développement qui y allait pour 10, 15, ou 20 ans. Ça, disons que ça nous a donné une impression de quelque chose de gros qui allait passer très rapidement.

M. Claveau: On ne parie pas de la même chose. Parce que nous, lorsqu'on parte du plan de développement ou de la proposition de plan de développement d'Hydro-Québec, c'est la vision annuelle que l'entreprise a, ou vient défendre vis-à-vis de l'actionnaire. Alors, à ce moment-là, si on veut bien s'entendre, il faudrait dans ce cas-là, comme vous le dites, utiliser un autre terme que le plan de développement qui est, à toutes fins pratiques, une expression consacrée là dans le cadre d'une relation entre les gestionnaires de l'entreprise et l'actionnaire. O.K.

Vous pariez beaucoup des énergies alternatives et des économies d'énergie. Hydro-Québec, justement dans sa proposition de plan de développement et l'efficacité énergétique, en page 6, a une définition à savoir jusqu'où elle est prête à aller en termes d'économie d'énergie. Et je voudrais vous entendre commenter cette citation-là que je fais immédiatement. On dit: "Hydro-Québec s'apprête à consacrer aux économies d'énergie des sommes représentant jusqu'à la différence entre le coût marginal d'un projet d'équipement et le manque à gagner résultant des économies d'énergie." Est-ce que vous pouvez nous commenter un peu cette façon de voir d'Hydro-Québec finalement qui dit qu'elle ne dépassera pas, en termes d'économie d'énergie, la différence entre le coût marginal d'un projet d'équipement et le manque à gagner résultant des économies d'énergie elles-mêmes?

M. Ouellet: Oui. Je l'ai déjà un peu com mente tout à l'heure quand j'ai dit qu'ailleurs il se fait beaucoup plus que ça. Et je pense que c'est timide comme mesure, en ce sens qu'on veut rester rentables avec les nouvelles productions d'électricité hydraulique, tandis que nous, on considère que la production de "négawatts", autrement dit la production de watts qu'on évite, qu'on ne fait pas, est aussi une production productive. C'est aussi rentable pour l'ensemble de l'économie d'un pays et, à ce moment-là, on devrait lui donner sa juste part. Et cette juste part, c'est le coût réel d'un nouveau projet

hydroélectrique, plus, même, augmenté, parce que les économies d'énergie c'est quelque chose qui va demeurer longtemps, qui va exister longtemps. Peut-être même plus longtemps qu'une centrale hydroélectrique. Donc, si on ne va pas plus loin, qu'on donne au moins le même coût marginal que coûtera une nouvelle centrale.

M. Claveau: Lorsque l'on parle de ralentir ou de modifier les plans d'équipement, finalement, et éventuellement d'abandonner les projets d'équipement, la construction de barrages, on a un autre problème qui se pose. Ça représente éventuellement, et sûrement même, un certain nombre de mises à pied ou de manque à gagner pour l'industrie de la construction. Et on a, d'autre part, des syndiqués, des travailleurs de l'industrie de la construction, comme des entreprises aussi, des firmes spécialisées dans le domaine qui maintiennent au Québec des milliers et des milliers d'emplois qui sont indirectement reliés à l'électricité, à cause de ces projets de construction de centrales, de barrages, d'équipement de transport et de distribution. Est-ce que vous avez fait des études à savoir si la mise en place de programmes de conservation d'énergie peut, et jusqu'à quel pourcentage, remplacer d'abord l'expertise développée par les constructions de barrages, et aussi le manque à gagner pour le travailleur qui, finalement, se retrouve avec rien à faire si on ne bâtit plus de centrales hydroélectriques, ou si on en bâtit moins? Est-ce que vous avez fait la relation économique globale entre ces différents facteurs-là?

M. Boisvert: Non, on n'a pas fait d'études en profondeur sur ça. Ce que je dois dire, c'est qu'il est certain qu'on peut estimer qu'une partie des emplois perdus via la construction de barrages peut être récupérée si on utilise cet argent-là pour faire de la recherche et développement en matière d'économies d'énergie, et se développer une compétence distinctive en matière d'économies d'énergie qu'on puisse exporter par le biais de nos PME. Mais je dois dire que ce n'est pas une étude qu'on a eu le temps de faire vu le court délai qu'on a eu pour se préparer. Et, comme je le disais, on l'a souligné, on s'est préparé en conséquence de critiquer ou d'apprécier, si on veut, le plan de développement d'Hydro-Québec pour les 10 prochaines années. Donc on n'a pas...

M. Ouellet: Par contre, d'autres les ont faites pour nous, ces études-là. Et en particulier, justement en Californie, on s'est rendu compte que développer un secteur d'économies d'énergie était quelque chose d'excessivement rentable si on prenait un leadership là-dessus. Et nous, du Bureau de commerce, on croit que justement, au Québec, on pourrait prendre un leadership, développer une expertise qui ferait qu'on exporterait, comme l'a dit mon confrère Boisvert, notre expertise vers l'extérieur. Et on ne dit pas de ne pas construire de barrages. On dit juste que les deux devraient être faits en parallèle, et l'économie d'énergie devrait être aussi importante que la construction de barrages, et c'est ce qu'on ne trouve pas actuellement dans la volonté actuelle du plan de développement. C'est surtout de construire des barrages, 60 000 000 000 $, 1 800 000 000 $ pour les économies d'énergie. Quand on considère, nous, que ça peut aller jusqu'à 50 %, on dit, à ce moment-là, c'est timide, il devrait y en avoir plus, et que ce plus-là va faire qu'on va développer réellement une structure industrielle ici, chez nous, qu'on pourrait exporter.

Prenez l'exemple, simplement, de l'éclairage de rues et l'éclairage de routes, qu'on pourrait avoir, ou bien l'éliminer ou le conserver à sodium à basse pression, où, là, on aurait 125 lumens par watt, tandis qu'actuellement on s'en va dans un éclairage de sodium à haute pression, à 50 lumens par watt, et on ne les fabrique pas chez nous, tandis qu'on est capable, on serait capable de fabriquer les 125 lumens, le sodium à basse pression, et les exporter. Dans 10 ans, on va renverser encore, on va dire: On ne fait pas encore assez d'économies d'énergie, on va aller vers la basse pression, et là on sera obligé d'acheter ces lumières-là ailleurs.

M. Claveau: Je comprends l'intérêt de tout votre raisonnement de ce côté-là. Un autre problème: vous parlez des énergies alternatives, ou ce qu'on appelle généralement des énergies alternatives: domaine solaire, les éoliennes, la co-génération, les bouilloires... Enfin, il y a différentes possibilités de produire de l'électricité autrement qu'avec du nucléaire ou des barrages hydroélectriques. Est-ce que vous avez fait aussi des études quant au coût du kilowattheure produit qui sort de ce genre d'équipement? Et est-ce que vous avez une évaluation, je dirais, assez précise, ou du moins significative de l'intérêt ou de ce que la population en général serait prête à payer pour se chauffer ou s'éclairer à partir d'énergies alternatives? On sait très bien que de produire de l'électricité avec du solaire, ça paraît beau à première vue, mais pour s'acheter une maison solaire, il faut avoir du "cash" dans ses poches. La même chose pour les projets d'éoliennes. On en a déjà plusieurs au Québec. Il y a la grande éolienne des Îles-de-la-Madeleine. Il y en a une à Kuujjuaq. Il y a celle de Cap-Chat. On a fait des projets d'éoliennes un peu partout au Québec et, jusqu'à maintenant, on n'a jamais réussi à trouver un seuil de rentabilité à ces projets. La même chose pour des projets de cogénération qu'on commence maintenant avec certaines entreprises, mais on n'arrive à y trouver une certaine rentabilité que dans la mesure où l'entreprise intéressée est la première consommatrice ou la plus grande consommatrice de l'énergie qui en est produite.

Jusqu'à quel point vos études là-dessus démontrent-elles que l'on pourrait, sans risque de se tromper, amener la population à prêcher vraiment pour les énergies alternatives?

M. Ouellet: Avant d'amener la population à prêcher pour ces énergies alternatives comme vous les appelez il faudrait peut-être prêcher auprès du gouvernement qui a fermé son département des énergies renouvelables. À grand regret, parce qu'il me semble qu'il existe beaucoup de choses là... Actuellement, aux États-Unis, on se rend compte que l'intérêt remonte à vue d'oeil, parce que les techniques sont réellement à un point de développement qu'elles peuvent être appliquées. Mais aussi, ce qu'on dit, c'est qu'il faut faire de la recherche et du développement. On a fait et on fait toujours de la recherche et du développement pour produire justement de l'hydroélectricité à meilleur compte et d'une façon plus efficace. On fait du développement pour que le réseau soit en bon ordre. On fait du développement aussi pour le nucléaire dans le reste du Canada, mais on ne fait pas de développement pour aller chercher justement une énergie qui serait gratuite et non polluante, comme le solaire. On ne fait presque rien, sinon rien. C'est évident que la population, à ce moment-là, ne peut pas être au courant qu'il y a une base valable dans ces choses-là. Quand vous dites qu'on n'a rien fait dans les éoliennes, j'ai bien mentionné tout à l'heure qu'il y a eu une augmentation de 25 % d'efficacité depuis cinq ans, mais vous pariez de projets d'antan. Les projets qui ont été faits ici au Québec datent de 15 ans.

M. Claveau: Dans le projet de Kuujjuaq, sans vouloir vous démentir, l'éolienne date de deux ans et elle est à peine en phase expérimentale.

M. Ouellet: ...c'est une vieille technologie. M. Claveau: Pardon?

M. Ouellet: C'est une vieille technologie qui a été utilisée à ce moment-là. Ça va tellement vite dans ces choses-là. Prenez seulement que le photovoltaïque, actuellement, les progrès sont énormes et ça va très rapidement. Je ne dis pas de faire des centrales en photovoltaïque. Mais le photovoltaïque pourrait être développé pour les régions du Nord en particulier et remplacer le mazout Même, éventuellement, si on arrivait à le produire à meilleur marché, on pourrait penser utiliser le photovoltaïque dans des domaines qui n'ont pas encore été envisagés ici au Québec. Toutes ces énergies, si on les laisse de côté, si on ne s'en occupe pas, c'est bien évident que nous n'arriverons jamais à un résultat concluant. Il faut les aider. Il faut faire de la recherche. C'est pour ça que je crois et que nous croyons, nous, que c'est dans l'intérêt du Québec qu'Hy-dro-Québec débloque des montants pour faire de la recherche dans ces domaines Prenez juste J'ai parlé de la géopompe tout à l'heure L'Université de Carlton va économiser 1 000 000 $ par année d'énergie de chauffage, quand leur pompe va être installée dans trois ans. C'est énorme comme énergie qu'on peut économiser (16 h 15)

M. Claveau: J'essaie de concilier des tendances et je voudrais savoir comment vous vous y prendriez pour concilier, par exemple, le fait que les ingénieurs-conseils du Québec, eux, nous disaient, cet avant-midi, qu'en ce qui les concerne - et, semble-t-il, ils s'y connaissent dans le domaine de la technologie et de la conception d'équipement, etc - il y a très peu d'espoir, à court et à moyen terme, dans les énergies alternatives - donc, ils auraient tendance à dire: Oui, on va en faire, mais vous savez que ce n'est probablement pas là la voie de l'avenir - et une position comme la vôtre, par exemple, qui dit: Écoutez, c'est probablement ça, la voie de l'avenir, et au contraire, il faut y aller, là, à plein, dans ce domaine-là. Laquelle d'entre les deux positions, croyez-vous, va être la plus capable de faire la preuve la plus tangible possible de son point de vue, devant un gouvernement qui aura une décision à prendre de ce côté-là?

M. Bois vert: Si vous me permettez de répondre, l'Association des ingénieurs-conseils regroupe des membres qui sont spécialisés dans le domaine ou, à toutes fins utiles, ils touchent le domaine de l'énergie. Le Bureau de commerce de Montréal regroupe des gens d'affaires dont les intérêts sont variés, qui ne sont pas des spécialistes de la question énergétique Le Bureau de commerce est ici à titre d'intervenant dans la société québécoise, mais pas à titre d'intervenant spécialisé, comme le sont les ingénieurs-conseils Ce n'est pas le rôle du Bureau de commerce, comme ce serait celui de l'Association des ingénieurs-conseils, de démontrer, par des études, parce qu'on n'a pas l'argent pour le faire et ce n'est pas notre but de démontrer que ça vaut la peine de faire des économies d'énergie, chiffres à l'appui. On n'a aucun intérêt, on n'a aucun budget pour faire ça. L'Association des ingénieurs-conseils, c'est une association d'intérêts Donc, ils ont un intérêt, ils ont les budgets, ils peuvent aller chercher des subventions pour documenter des études dont les résultats peuvent contredire les aboutissements auxquels on est arrivés. Les nôtres ne sont pas fondés sur des études parce qu'on n'a pas, justement, ces budgets-là. Si on poursuivait ces études-là, de façon très poussée, il serait à voir qui a raison, qui n'a pas raison Mais, n'ayant pas plus d'informations que ça, on ne peut pas avancer.

M. Ouellet: II demeure quand même que,

lorsqu'il y a des rencontres de gens qui s'occupent d'énergies alternatives, on ne voit jamais les ingénieurs dans ces rencontres-là. Que ce soit à Ottawa, à Vancouver - où j'étais l'an passé - à Denver - où j'étais, il y a quinze jours - en Allemagne, au mois de septembre, à Plea, en Hongrie, ou ici, à Halifax, au printemps, les ingénieurs sont toujours absents. Comment voulez-vous qu'ils soient au courant?

M. Claveau: Le message est passé, j'espère qu'ils ont compris. Une dernière question, puisqu'on me dit que mon temps achève. Vous avez une nouvelle notion qui apparaît, que j'ai cru voir poindre, en page 9 de votre mémoire, où vous parlez d'emplois vraiment reliés à la consommation d'énergie et vous utilisez les mots: "emploi à faible consommation d'énergie" versus emploi à haute consommation d'énergie ou à grande consommation d'énergie. J'aimerais vous entendre élaborer un peu là-dessus. Parce que vous semblez attaquer de plein fouet les entreprises qui sont de grandes consommatrices d'énergie, en disant: Écoutez, un emploi créé par une entreprise semblable, c'est un emploi vraiment hautement subventionné, alors qu'on peut créer beaucoup plus d'emplois avec moins d'énergie dans d'autres types d'entreprises. Mais est-ce que, jusqu'à un certain point, ces grandes entreprises... Et, quand on parle de ça, on vise essentiellement ou très souvent, pour le moins, le secteur des alumineries. Est-ce que ces entreprises-là ne sont pas, à bien des égards, nécessaires dans la structuration d'une base économique régionale, et ne vont-elles pas être, finalement, un fer de lance ou un moteur économique qui va générer un certain nombre d'entreprises et qui vont elles-mêmes maintenir en place des dizaines et des dizaines de milliers d'emplois à plus faible consommation d'énergie, à cause de leur existence?

Si on les enlève... Et je prends, à titre d'exemple - et peut-être que vous pourriez me le commenter, je ne le sais pas, là - ce qu'on a vu dans la région de l'est de Montréal, lorsque des entreprises peut-être un peu plus énergivores sont disparues; eh bien, il y a un certain nombre de problèmes qui sont apparus. Si on regarde, par exemple, une région comme le Saguenay-Lac-Saint-Jean, il y a énormément de PME, mais elles sont toutes, en bout de piste, reliées soit à l'industrie de l'aluminium ou à l'industrie forestière, qui sont deux activités industrielles hautement consommatrices d'énergie. Est-ce qu'il y a vraiment une confrontation, là, une dichotomie entre les deux approches? Ou est-ce que ce n'est pas plutôt quelque chose qui est complémentaire, finalement, dans une structure économique globale?

M. Boisvert: Je pense que les deux approches sont complémentaires. Mais on parlait d'une base d'infrastructure industrielle axée sur l'aluminerie. Ici, on dit qu'on est en train de spécialiser, peut-être même de surspécialiser l'économie québécoise, et il arrivera ce qui est arrivé dans les secteurs du papier où d'autres pays qui font de la recherche et du développement, ou des pays qui n'ont pas encore développé des potentiels énergétiques à base d'hydroélectricité comme la Chine, comme certains pays d'Amérique du Sud, pourront les développer à court ou moyen terme. Donc, que va-t-il arriver? C'est que les centres de production vont se déplacer, comme il est arrivé pour le papier: Trois-Rivières était le plus grand centre de production mondial de papier. Qu'est-ce qu'il en reste aujourd'hui? On fait du papier à partir d'essences de bois dont, il y a 30 ans, on n'aurait jamais pensé pouvoir faire du papier à partir de ces essences de bois. On a des usines de papier flottantes qu'on exporte en Amazonie; montées au Japon, exportées flottant en Amazonie pour aller faire du papier là-bas. Donc, si on axe tout le développement futur sur l'aluminerie, et que des pays en voie de développement développent des capacités énergétiques à moyen terme, bien, on sera obligés de faire un redéploiement industriel, comme on a été obligés de l'assumer dans le domaine du papier, comme on l'a fait aussi dans d'autres domaines industriels.

M. Ouellet: Actuellement, on veut investir dans l'aluminium les 12,9 térawattheures qu'on va économiser par les économies d'énergie, par l'efficacité énergétique. L'aluminium est 56 fois plus omnivore que de fabriquer de l'acier à poids égal. C'est un matériau, l'aluminium, qui est en chute libre au niveau de l'utilisation. On croyait qu'on allait l'utiliser dans l'automobile, on l'utilise moins; en architecture, dans les bâtiments, c'est en chute libre, aussi, parce qu'on croyait que c'était un matériau qui ne se désagrégeait pas et, au contraire, on se rend compte qu'on a des aciers qui sont beaucoup plus résistants que l'aluminium dans le bâtiment. Donc, le commerce de l'aluminium, d'ici 10 ans, va certainement être moins florissant qu'il ne l'est actuellement, et pourtant on va investir tout notre potentiel, en tout cas, qu'il est dit actuellement, d'efficacité énergétique dans ces quatre alumineries-là.

Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez, Mme la ministre, il vous reste cinq minutes.

Mme Bacon: Vous me permettez d'utiliser mes cinq minutes? Alors, je reviens à votre document. Vous me permettrez de revenir à la page 13, où vous indiquez que, "contrairement à Hydro-Québec, la plupart des fournisseurs d'électricité canadiens et américains ne songent pas à se lancer dans de nouvelles constructions." Sur quoi vous basez-vous pour justifier cette affirmation, alors que, par exemple, on n'a qu'à penser à Hydro Ontario qui vient de présenter

un plan qui allie un programme d'efficacité énergétique au développement de l'offre, y compris le nucléaire? Ils vont très loin dans le nucléaire, Hydro Ontario. Est-ce qu'il faudrait, là aussi, qu'on change le nom d'Hydro Ontario? Sur quoi vous basez-vous pour nous dire ça?

M. Ouellet: Qui veut répondre? Moi? Bon. Ça a l'air que ça me revient encore. Je vais répondre. Écoutez, ça, c'est une des autres affirmations qui a été faite par quelqu'un dans le comité, qui avait apporté cette lecture des documents qu'il a faits. Je pense que les quatre personnes qui sont ici, actuellement, n'ont pas la référence pour dire ça. Une référence que j'ai, par contre, c'est que, justement, dans le Ver-mont, on vient de dire, et ça, ça ne date pas d'un mois, qu'on va faire des économies d'énergie plus grandes que jamais on en avait prévu pour, justement, éviter - on n'a pas dit qu'on n'en construira pas - la construction d'une nouvelle centrale. Et nous, du Bureau, on ne dit pas de ne plus faire de production avec de nouvelles centrales; on ne dit pas ça. On dit juste qu'on devrait - en tout cas, c'est notre pensée - développer un secteur, le secteur des énergies renouvelables et le secteur des économies d'énergie, en parallèle avec les centrales, parce qu'avec un taux d'augmentation de 7 % - non pas 5,7 % sur 15 ans - les dernières années d'augmentation de consommation, c'est évident qu'on ne sera pas capables de faire assez de mégaprojets pour pouvoir combler ça d'ici l'an 2015. Donc, on est mieux d'aller aussi, et d'une façon non pas timide mais très ardue, vers une économie d'énergie, vers une efficacité énergétique, pour être capables aussi d'atteindre le public, pour être capables de convaincre les gens par toutes sortes de façons qu'on doit tomber à une augmentation de 2 % seulement. Ce qu'Hy-dro-Québec, actuellement, propose, c'est d'augmenter de 2 % au cours des années qui s'en viennent. Mais on avait 7 %, les années passées. Qu'est-ce qu'ils proposent, pour changer l'opinion publique là-dessus? Juste les économies d'énergie? Ça ne suffira pas.

Mme Bacon: J'aimerais juste relever que le Vermont a aussi dit que l'hydroélectricité était la source d'énergie la plus propre, par rapport à ce qui pouvait être utilisé aux États-Unis, comme le charbon et d'autres sources d'énergie. Vous me permettrez juste de vous dire ça.

M. Ouellet: La plus propre, mais pas autant que le solaire.

Mme Bacon: J'ai bien lu aussi. Dans votre mémoire, vous adhérez quand même au programme de développement de petites centrales. Vous savez que nous avons fait des modifications à la Loi sur le régime des eaux récemment, pour faciliter l'accès de promoteurs privés aux sites hydrauliques du domaine public. Ce seraient des centrales de moins de 25 mégawatts. Vous faites référence à un potentiel de 10 000 mégawatts d'aménagement des petites rivières, mais vous contestez, par ailleurs, la construction d'un nouveau barrage en disant qu'on ne connaît pas tous les effets environnementaux d'un nouveau barrage. Comment pouvez-vous être assurés que les effets environnementaux d'une multitude de petites centrales sur presque l'ensemble des rivières du Québec - si on veut arriver à 10 000 mégawatts, il en faut - comment pouvez-vous nous dire que ça va être moins dommageable qu'une seule construction?

M. Ouellet: Je ne crois pas qu'on en soit assurés. Je crois tout simplement que les petites centrales ont beaucoup plus de chance de contenir le changement écologique qu'elles vont faire. Même, effectivement, on pourrait dire que dans ça on comptait - et le chiffre vient d'un autre membre - mais on comptait là-dessus qu'il y a plusieurs barrages qui existent actuellement et dont on ne se sert plus à travers le Québec, des anciens barrages qui pourraient être refaits, mais où l'eau est déjà rendue à un niveau assez élevé pour être utilisable. Et quand on parle de mini, on parle même de cinq kilowatts. Rendu à aussi petit que ça, c'est évident qu'on ne fait pas un gros changement sur un petit cours d'eau, sur un petit ruisseau, mais si l'ensemble de tout ça deviendrait une force énorme.

Mme Bacon: Vous n'avez pas peur des effets cumulatifs si la majorité de nos rivières étaient utilisées pour des petits barrages. Et je voulais juste vous dire que c'est pour ça qu'on a fait un changement dans la loi, c'est pour pouvoir utiliser ceux déjà existants qui ont été délaissés en cours de route et qu'on voudrait voir réutilisés. Mais ils ne sont pas si nombreux que ça quand même au Québec Quand vous parlez de 10 000 mégawatts, on n'est pas rendus la, même avec ceux qui existent déjà et qui pourraient être réutilisés.

M. Ouellet: On vous l'accorde, mais les projets d'Hydro-Québec, de toute façon, sont de harnacher toute rivière harnachable au Québec. Ça aussi, ça a un efffet cumulatif.

Mme Bacon: Mais l'effet cumulatif de l'ensemble des rivières pour aller chercher 10 000 mégawatts, ça ne vous inquiète pas sur le plan environnemental?

M. Ouellet: Oui, c'est une chose qui, à mon sens, devrait être étudiée en profondeur. Absolument, mais...

Mme Bacon: Vous préférez cela à un seul barrage?

M. Ouellet: Pour le moment, oui. Un seul barrage a certainement un effet monumental.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Ungava, si vous voulez remercier nos invités.

M. Claveau: Ça me fait plaisir, effectivement, de vous remercier de votre présentation, au nom de l'Opposition officielle. Soyez assurés que les nombreuses questions que l'on retrouve dans votre mémoire, jumelées aux réponses très intéressantes que vous nous avez données, seront sûrement de nature à faire avancer les travaux de la commission. Je crois qu'il s'agit là, comme je le disais encore ce matin, d'un excellent début qui prouve l'importance des travaux que nous allons tenir au cours du prochain mois. Merci!

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Bacon: Je pense qu'il y a des sons de cloche différents que nous avons entendus depuis le matin et je dois vous remercier d'être venus devant nous, discuter avec nous. C'était le but d'avoir cette commission, d'établir un large consensus dans la société québécoise, et ce consensus, à un certain moment donné, nous amène aussi à entendre des sons qui sont tout à fait différents les uns des autres; c'est l'importance de cette commission parlementaire. Je vous remercie beaucoup d'être venus nous rencontrer, d'avoir discuté avec nous et de nous avoir présenté votre mémoire.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie le Bureau de commerce de Montréal pour sa participation à nos travaux et invite à la table des témoins le Syndicat professionnel des ingénieurs d'Hydro-Québec.

Bonjour messieurs. Je vais vous expliquer les règles de fonctionnement de la commission. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire et il y aura une partie d'échange avec les parlementaires par la suite. Je vous prierais donc, dans un premier temps, de vous identifier et, si vous avez à répondre aux questions par la suite, de bien vouloir vous identifier à chaque fois. Cela facilite beaucoup le travail des gens qui sont à la transcription du Journal des débats. Sans plus tarder, donc, je vous invite à commencer. (16 h 30)

Syndicat professionnel des ingénieurs d'Hydro-Québec

M. Ménard (Philippe-André): M. le Président, Mme la ministre, M. le porte-parole de l'Opposition officielle, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, j'aimerais, tout d'abord, vous présenter mes collègues. À ma droite, M. Michel Lacharité, secrétaire du syndicat; M. Louis Mauger, vice-président; à ma gauche, M. Michel Parrot, vice-président et, à l'extrême gauche, M. Val Tessier, trésorier.

Au nom des membres du Syndicat professionnel des ingénieurs d'Hydro-Québec, je tiens à vous remercier, tout d'abord, de votre invitation à participer à cette importante consultation. Notre exposé portera, bien sûr, sur les orientations de développement présentées dans la proposition de plan de développement d'Hydro-Québec. Mais, auparavant, il nous importe de vous présenter notre organisme et nos membres. Par la suite, afin de bien saisir la situation actuelle de l'entreprise, nous allons dresser un bref bilan des 10 dernières années.

Le SPIHQ a été fondé en 1964. Il représente aujourd'hui plus de 1200 ingénieurs répartis sur l'ensemble du territoire québécois, ce qui en fait le plus important syndicat d'ingénieurs et l'un des plus importants syndicats de professionnels au Québec. Pour ce qui est des ingénieurs oeuvrant à Hydro-Québec, leur compétence n'est plus à démontrer. Certaines de leurs réalisations techniques sont mondialement connues et leur ont valu une renommée internationale. Bien que la mission fondamentale des ingénieurs reste, encore aujourd'hui, d'ordre technique, avec les années, le champ d'intervention des ingénieurs d'Hydro-Québec et l'éventail des tâches qui leur sont confiées se sont beaucoup élargis. Outre les activités traditionnelles reliées à la planification, à l'ingénierie, à la construction et à l'entretien des équipements de production, de transport et de distribution de l'électricité, les ingénieurs d'Hydro-Québec doivent aujourd'hui tenir compte de paramètres dont la quantité et la complexité n'ont cessé d'augmenter. Par exemple, la dimension environnementale d'un projet occupe désormais une place importante dans la conception technique.

Quant au réseau de transport et de distribution, son expansion et son vieillissement forcent les ingénieurs à proposer des solutions innovatrices qui vont au-delà des processus normalisés. Les domaines de la planification et de l'encadrement des ventes sur les différents marchés de l'entreprise font aussi maintenant partie des nouvelles préoccupations des ingénieurs. Finalement, les contraintes de coûts, d'échéanciers et de qualité des projets sont aussi des éléments pris en compte par les ingénieurs. Par le passé, les ingénieurs d'Hydro-Québec ont été en mesure d'effectuer ce travail efficacement. Cependant, les ingénieurs ont vu, au cours des dernières années, leur influence et leur rôle-conseil diminuer. Ils sont trop souvent devenus de simples exécutants de décisions techniques prises en haut lieu afin de répondre à des impératifs imprécis sans qu'ils y participent ou qu'on les consulte.

Depuis sa création jusqu'à la fin des années soixante-dix, Hydro-Québec a été une source de fierté pour tous les Québécois. Considérée comme

une entreprise efficace, à la fine pointe de la technologie, capable des plus grandes réalisations, Hydro-Québec représentait alors pour les Québécois le symbole de la prise en main de leur société, le premier élément concret du nationalisme économique et politique du Québec.

En 1981, le gouvernement nomme à la tête d'Hydro-Québec un président qui vient de l'extérieur de l'entreprise, M. Guy Coulombe. L'équipe de M. Coulombe dresse rapidement plusieurs constats négatifs sur l'entreprise. Selon eux, Hydro-Québec serait une "boîte d'ingénieurs" mal gérée dont les charges financières seraient trop élevées; les frais d'exploitation auraient une croissance trop rapide; les prévisions de croissance de la demande seraient trop optimistes. Selon eux, l'entreprise s'orienterait vers des surplus énergétiques importants. Ce serait le cul-de-sac.

Les premiers chiffres de 1982 donneront raison à M. Coulombe et à son équipe. Hélas! M. Coulombe y voit alors l'indice d'une tendance a long terme. Il fait fi des mises en garde qui lui sont fartes et lance une vaste offensive de ventes à l'externe, doublée d'une rationalisation draconienne à l'interne. La nouvelle direction chambarde l'entreprise. Plus de 2000 personnes quittent l'entreprise, 2000 autres sont mises en disponibilité, le nombre de cadres est réduit de 1000 personnes, et 2000 employés sont décentra lises. Les coupures sont appliquées également et aveuglément dans toutes les unités administratives de l'entreprise. On délaisse les missions principales des unités administratives pour répondre à des objectifs à court terme auxquels sont reliés des bonis.

En 1982, M. Coulombe impose une révision à la baisse importante du taux de croissance projeté. Tous les changements que s'apprête à vivre l'entreprise s'appuient sur cette présomption. Les employés, dont les ingénieurs, s'op posent à l'ampleur des changements et à la férocité avec laquelle ils sont implantés. Le SPIHQ, en outre, s'inquiète publiquement des conséquences de la décentralisation sur le savoir-faire en matière d'ingénierie et se préoccupe également des impacts sur la qualité du service. Ces changements sèment le désarroi et la consternation au sein du personnel, et résultent en une perte de motivation et de mobilisation des employés.

Aujourd'hui, l'histoire donne raison à ceux qui s'inquiétaient. Dès la fin de la récession, la demande québécoise d'électricité reprend son rythme soutenu de croissance. En 1984, le taux annuel de croissance des ventes d'électricité régulière atteint plus de 6 %. Depuis, ce taux n'a pas baissé en deçà de 6 %. Les choix stratégiques de l'équipe Coulombe ont été quand même maintenus. Les budgets n'ont pas augmenté. L'entreprise a continué à négliger l'entretien préventif et les investissements requis pour maintenir la qualité du service. En conséquence, le réseau est aujourd'hui extrêmement vulnérable à toute variation, qu'on l'appelle variation climatique, orage magnétique ou faible niveau d'hydraulicité. De plus, la réalisation d'un scénario de forte croissance de la demande interne risque d'entraîner un déficit énergétique important au cours des années quatre-vingt-dix

Le bilan que les ingénieurs dressent de révolution qu'a vécue Hydro-Quebec au cours des dernières années est le suivant. Les changements qu'a connus Hydro-Québec ont résulté en une perte d'influence de la technique, en un manque de cohérence de la gestion, ainsi qu'en une baisse de la qualité du service. Les économies de coûts et la réduction des délais ont eu priorité sur la qualité des projets. Hydro-Quebec a lésiné sur l'ingénierie des projets. Avec les années, les ingénieurs ont été de plus en plus écartés des tables de décision, même quand celles-ci étaient techniques En fixant a priori des paramètres d'études limités, l'entreprise a restreint l'implication des ingénieurs dans la détermination de ses choix stratégiques. La décentralisation de l'entreprise a résulté en une perte de savoir-faire dans plusieurs domaines techniques stratégiquement importants pour l'entreprise. Le peu d'efforts de l'entreprise en matière de formation continue a érodé l'avantage technologique de ses ingénieurs. Le manque de sang neuf dans l'entreprise, et particulièrement chez les ingénieurs, a causé un viellissement important de la population, un manque de ressourcement et un manque d'idées nouvelles dans l'entreprise. Pendant ce temps, le départ de nombreux ingénieurs parmi les plus expérimentés a, lui aussi, causé une perte sensible d'expertise qui n'a pas été compensée par une transmission adéquate du savoir-faire des plus vieux aux plus jeunes Pendant que la tâche a augmenté et s'est complexifiée, l'embauche de nouveaux effectifs a stagne Les ingénieurs, actuellement, sont débordés. Plusieurs projets sont mis en marche avant que les études soient terminées. Des avant-projets sont confiés à l'externe, ce qui résulte en une perte supplémentaire d'expertise dans l'entreprise et en une perte de contrôle par l'entreprise sur les choix stratégiques qui guident ses orientations.

L'ensemble de ces facteurs, les reorganisa tions répétées et la perte d'expertise qui s'ensuivit, les coupures de personnel, les attaques soutenues de l'entreprise pour réduire les salaires et la dévalorisation du rôle de l'ingénieur dans l'entreprise ont entraîné un climat de travail malsain. Ce climat est le résultat des actions passées de la direction et la source de ses problèmes actuels.

Hydro-Québec se retrouve aujourd'hui de vant plusieurs défis à relever au cours des années quatre-vingt-dix. L'entreprise devra être en mesure de proposer un développement durable et harmonieux tout en offrant à la population une fiabilité améliorée, une gestion de la demande plus serrée, des impacts environnementaux

plus faibles et des tarifs avantageux. Pour atteindre ces résultats, Hydro-Québec propose une stratégie d'intervention en quatre volets: la qualité du service, les économies d'énergie, l'environnement et les exportations.

Pour ce qui est des ressources humaines, Hydro-Québec devra compter sur des employés motivés et mobilisés quant aux objectifs de l'entreprise. La nouvelle direction d'Hydro-Québec a admis plusieurs des lacunes passées et soumet maintenant des mesures de correction dans sa proposition de plan de développement.

Par contre, le SPIHQ croit qu'en termes de motivation et de mobilisation des ressources humaines le gouvernement actuel a posé un geste inapproprié, la semaine dernière, avec l'imposition de sa loi spéciale. Comment croire que les employés seront maintenant enthousiastes à adhérer aux objectifs de l'entreprise, alors que le gouvernement vient de leur nier le droit d'en venir à une entente négociée avec leur employeur? Comment retrouver la fierté alors que l'on vient de perdre sa dignité?

Pour ce qui est des orientations proposées par Hydro-Québec dans sa proposition de plan de développement, les ingénieurs d'Hydro-Québec sont globalement d'accord avec ces orientations. Cependant, certaines mises en garde doivent être faites et des actions autres que celles déjà proposées doivent compléter cette stratégie pour assurer le succès de sa réalisation.

Afin d'améliorer la qualité de son service, Hydro-Québec propose, au cours des six prochaines années, une série de programmes représentant des investissements de plus de 4 000 000 000 $. La direction des années quatre-vingt a laissé en héritage une fiabilité du réseau sérieusement détériorée. Pour leur part, les ingénieurs ont été occupés à éteindre les feux, ainsi qu'à répondre aux objectifs à court terme de l'entreprise et ont assisté, impuissants, à cette détérioration. Faute de ressources et surtout d'influence dans les décisions, les préoccupations techniques à long terme des ingénieurs ont été délaissées pour d'autres priorités.

Pour être fiable, le réseau doit donc se développer de façon cohérente et optimale. En ce sens, l'amélioration de la continuité du service passe par une planification à long terme adéquate et par la conservation et le développement du savoir-faire dans l'entreprise. Tel que nous l'avons présenté devant cette commission en octobre 1987, le SPIHQ n'est pas contre l'attribution de contrats à l'externe. Cependant, Hydro-Québec doit s'assurer de demeurer un propriétaire averti ainsi que développer et conserver son savoir-faire.

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît. Il reste une minute.

M. Ménard: Merci. Nous croyons que la décennie quatre-ving-dix sera celle de l'éthique professionnelle et de la responsabilité environnementale. La décennie devra aussi être celle de la transparence d'Hydro-Québec. Les ingénieurs d'Hydro-Québec sont ouverts aux nouvelles valeurs et ils sont aptes à proposer des solutions originales pour répondre aux nouveaux choix de société. Nous voulons redonner aux Québécois un réseau dont la continuité de service sera jugée excellente et nous sommes prêts à mettre notre savoir-faire et notre ingéniosité au service d'un programme agressif d'efficacité énergétique. Nous sommes, en outre, en mesure d'élaborer des projets en harmonie avec le milieu et nous nous engageons à réaliser les orientations retenues en matière d'exportations sans pour autant mettre en péril le service offert aux Québécois.

Les ingénieurs d'Hydro-Québec sont prêts à se mobiliser autour des objectifs présentés dans la proposition de plan de développement d'Hydro-Québec et désirent participer activement à la mise en application des stratégies de l'entreprise. En bref, nous voulons travailler à redonner à l'entreprise sa fierté d'antan, pour peu qu'on nous en donne les moyens. Nous lançons un appel à tous les intervenants pour contribuer de façon positive aux débats et aux choix de société qui en découleront. Le SPIHQ remercie la commission parlementaire et demeure disponible pour toute autre consultation. (16 h 45)

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie beaucoup. Mme la ministre.

Mme Bacon: M. le Président, M. Ménard et ceux qui vous accompagnent, je voulais vous remercier de votre mémoire. Vous comprendrez que je ne ferai pas, aujourd'hui, le procès de l'ex-P.-D.G. d'Hydro-Québec et que nous allons nous en tenir au mandat de la commission. Mais j'ai remarqué les derniers mots de votre exposé, qui étaient "mobilisation" et "fierté", et là-desssus je suis tout à fait d'accord avec vous.

Votre mémoire met beaucoup l'accent sur la responsabilisation des ingénieurs et cette volonté de mobilisation des ressources humaines est aussi exprimée par Hydro-Québec, je pense, dans son plus récent plan de développement. Par ailleurs, nous avons récemment exprimé la volonté gouvernementale d'un nécessaire accroissement de la productivité au sein d'Hydro-Québec. Vus sous cet angle, j'aimerais que vous fassiez ressortir en quoi les changements que vous préconisez en matière de gestion des ressources humaines se traduisent pas des gains de productivité et quels sont les effets probables sur l'accroissement des effectifs.

M. Ménard: Je pense que, malgré notre intervention en termes de mobilisation des ingénieurs, on n'a pas de recette miracle à proposer à l'entreprise. Par contre, effective-

ment, depuis quelques années, depuis, je dirais, l'arrivée en place de la nouvelle direction, on sent une nouvelle approche. On est très en faveur de cette nouvelle approche-là. Dans le fond, notre message est de dire que c'est une question d'attitude, de la part de la direction, d'être à l'écoute de son personnel technique, parce que le produit qu'elle a à livrer, c'est un produit qui est quand même hautement technique. Souvent, c'est plus économique, c'est plus productif de regarder a priori l'ensemble des possibilités, ou des choix ou des options à faire, plutôt que d'arriver avec un projet des fois préconçu et que ce projet-là soit remis en question soit par la société en général, soit par des groupes de pression. S'il y a une écoute, de la part de la direction, de son personnel technique, je pense qu'on va avoir des gains de productivité. C'est bien évident que la décroissance qu'Hydro-Québec a connue au cours des années quatre-vingt va avoir un certain impact au niveau de l'embauche de nouveau personnel. Par contre, je ne pense pas que cette nouvelle embauche-là mette en cause la productivité. Au contraire, ça va assurer le maintien et le transfert du savoir-faire au sein de l'entreprise.

Mme Bacon: II doit y en avoir, de l'embauche, parce qu'il y a des bureaux d'ingénieurs qui se plaignent qu'on va chercher les ingénieurs dans leurs bureaux et qu'on les amène à HydroQuébec. Pour revenir au personnel technique, vous souhaitez, à la page 26 de votre mémoire, qu'Hydro-Québec redevienne "une entreprise à l'avant-garde de la technologie." Les budgets d'Hydro-Québec, ce qu'elle consacre à la recherche-développement, en fonction de son chiffre d'affaires, ça la classe quand même parmi les entreprises canadiennes les plus actives dans le domaine de la recherche-développement. Comment expliquez-vous cette situation qui me semble, de prime abord, paradoxale?

M. Lâchante (Michel): Michel Lâchante, si vous le permettez. Je pense qu'au niveau de l'ensemble du développement technologique on a un institut de recherche. C'est sûr qu'il y a beaucoup de sous qui peuvent se mettre au niveau du développement technologique. Ce qu'on vient dire ici, c'est qu'en termes de constat pour l'ensemble des ingénieurs dans le quotidien les gens vont parfois faire des diagnostics comme quoi il y a des procédés ou des demarches qui ne sont pas nécessairement accomplis au sein de l'entreprise en termes d'études et, à ce moment-là, ils vont faire des demandes. C'est tout récemment, je pense, depuis quelques années, qu'il y a une démarche structurée, qui vient avec un plan de technologie précis qui est déposé, dans lequel on met des énergies pour essayer de développer certains domaines. On ne dit pas qu'il n'y en a pas, sauf que je pense qu'il est important qu'on mette "l'emphase" la plus grande possible dans ce domaine-là. Nous, on pense qu'il pourrait y avoir encore un petit peu plus d"emphase" et que ça serait juste mieux pour la connaissance de notre technologie.

Mme Bacon: D'accord. En matière d'environnement, vous suggérez, à la page 23 de votre mémoire, pour les nouvelles constructions, qu'il y ait des critères environnementaux qui soient plus sévères que ceux qui sont actuellement en vigueur. Dans quels domaines voudriez-vous voir ces critères environnementaux plus sévères, où ça devrait-il être appliqué et qu'est-ce que vous, vous proposez?

M. Ménard: Je pense que, encore là, c'est une question de philosophie ou d'attitude. Je ne pense pas qu'on demande qu'il y ait des règlements plus sévères pour Hydro Québec. Mais, je pense qu'Hydro-Québec, tout d'abord, doit évidemment se conformer aux lois et règlements en vigueur, ce qu'elle ne fait pas toujours de façon complète. Par contre, dans l'élaboration de ses projets, je ne pense pas qu'elle doive s'arrêter, dans certains choix qu'elle doit poser, au fait qu'il y a un règlement ou non. Je pense que, s'il y a un choix à faire en fonction de la protection de l'environnement, on doit faire ce choix-là, peu importe qu'on y soit forcé ou non par la réglementation. Donc, dans ce sens-là, c'est une question d'attitude et de philosophie, de dépasser la réglementation et de ne pas s'arrêter strictement à la lettre des lois.

Mme Bacon: À la page 15, dans votre mémoire, vous soutenez que "la décentralisation de l'entreprise a résulté en une perte de savoir-faire dans plusieurs domaines techniques straté-giquement importants pour l'entreprise." C'est un constat, quand même, pour le moins inquiétant que vous faites. Est-ce qu'il vous serait possible d'identifier les domaines où ça peut être davantage important et est-ce que vous proposez des solutions qui viseraient à rétablir le savoir faire de l'entreprise? C'est le deuxième paragraphe, page 15

M. Parrot (Michel): Je vais répondre à cette question. En fait, sur la décentralisation, il y a certains domaines, au niveau de l'expertise, où l'entreprise a effectivement conservé une masse critique d'ingénieurs à Montréal, des domaines tels que le transport et la production. Toutefois, lorsqu'on touche à des domaines comme la répartition, la répartition, c'est une notion qui est moins connue dans le public, si on veut, mais c'est un palier, à Hydro-Québec, qui fait le lien entro la distribution et les grands réseaux de transport.

Dans des régions comme Québec, il y a quand même là un volume qui justifie la présence, si on veut, d'un nombre suffisant d ingénieurs. Toutefois, il y a des régions plus petites

où des ingénieurs, la première des choses, il y en a moins parce que les réseaux sont moins gros. Deuxièmement, ce qui se produit, c'est que bien souvent ce sont des régions éloignées. Donc, l'ingénieur est porté à vouloir revenir en région urbaine. Donc, il y a un certain manque de continuité de ce côté-là.

Au niveau de la distribution aussi, il y a une décentralisation qui s'est faite vers les secteurs. Ce n'est pas qu'on soit contre ces mesures de décentralisation, sauf qu'il y a des impacts qui sont associés à ça, des impacts qui, à long terme, peuvent être pénalisants, si on veut, au niveau de la qualité du service, parce qu'il n'y a pas un nombre suffisant d'ingénieurs pour échanger, pour conserver un savoir-faire dans ces différents domaines.

M. Ménard: De toute façon, je pense que l'entreprise, depuis environ un an ou deux, commence aussi à poser le même diagnostic dans différentes autres fonctions. Il y a des mesures correctives qui sont en cours actuellement pour remédier à ces problèmes.

Mme Bacon: Dans le mémoire aussi, je trouve fort encourageant votre engagement à développer à l'interne des nouveaux modes d'économies d'énergie et de gestion de la demande. J'aimerais quand même que vous élaboriez quelque peu sur les incertitudes liées aux programmes d'économies d'énergie auxquelles vous faites référence dans votre mémoire.

M. Ménard: La question des incertitudes, c'est que, comme les ingénieurs conseils l'ont mentionné ce matin, le potentiel facile d'économie d'énergie a été quand même réalisé au début des années quatre-vingt, suite aux crises du pétrole. Par contre, on pense qu'il y a encore un certain potentiel d'économies d'énergie à réaliser, mais ça ne pourra pas se réaliser dans les prochains mois ou dans la prochaine année. Donc, le degré d'incertitude, d'une part, il est temporel. Ça ne se réalisera pas à très court terme. D'autre part, les études qu'Hydro-Québec a menées au niveau du potentiel d'économies d'énergie, ça s'est réalisé auprès d'autres réseaux, dans d'autres sociétés. Donc, c'est l'incertitude au niveau de l'applicabilité dans la société québécoise de ces économies d'énergie. On ne réagit pas tous de la même façon aux mêmes incitatifs. Donc, il y a une incertitude à ce niveau-là, puis aussi au niveau de quand ça va se réaliser.

Mme Bacon: Vous indiquez, à la page 19 de votre mémoire, que, selon Hydro-Québec, "le contrôle de la qualité est lié à ce que chacun ait reçu la formation appropriée, que le climat de travail soit favorable, que les objectifs soient clairs et cohérents, que les résultats soient suivis et reconnus et que les ressources humaines, matérielles et financières soient suffisantes." Vous spécifiez aussi que la direction de l'entreprise n'a pas encore réussi à mettre en oeuvre des moyens pour faire de ces énoncés une réalité dans le quotidien d'Hydro-Québec. Comment expliquez-vous cette situation-là? Et quelles sont les mesures pratiques qui devraient être adoptées par la haute direction d'Hydro-Québec pour mettre en application cet énoncé que vous avez dans votre mémoire?

M. Lacharité: Je pense qu'on peut revenir sur le discours de l'écoute dont M. Ménard parlait tantôt. Je pense qu'il y a des mécanismes - on le disait tantôt - il y a certains correctifs qui se mettent en place par-ci, par-là, sauf que, globalement, ce qu'on dit, c'est que, débordés par la quantité de projets, compte tenu qu'on est pris de court un petit peu avec notre propre croissance de la demande, débordés un peu par la croissance des projets, les ingénieurs, de l'autre côté, ne sont pas nécessairement les gens les plus écoutés au sein de l'entreprise, en termes de table technique ou en termes d'intervention, d'influence, si vous voulez, au niveau de la conduite ou du développement du réseau. Ils collaborent à ça, ils font certaines études, mais avec des paramètres déjà très arrêtés.

Donc, à ce moment-là, ce qu'on dit, c'est qu'on sent un certain vent nouveau, mais on n'a pas encore une garantie que toutes les mesures vont être mises en place, dans les années qui viennent, pour nous redonner cette espèce de nostalgie du passé, si vous voulez - sans vouloir retomber dans le passé, parce qu'il y a bien des paramètres qui ont changé - pour nous redonner une écoute favorable, du côté de la direction, dans le développement de ses équipements.

Mme Bacon: D'accord. Est-ce que j'ai fini mon temps?

Le Président (M. Bélanger): II vous reste une minute, Mme la ministre.

Mme Bacon: Je reviendrai tantôt.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Vous voulez vous garder une minute? Soit.

D'abord, tout en vous remerciant pour la présentation que vous nous avez faite et pour les idées qui émanent de votre mémoire, je me dois de vous dire que j'ai beaucoup de difficultés à accepter qu'on se serve d'une tribune de consultation publique comme celle-ci pour faire le procès d'individus. J'avoue qu'il y a certaines choses, quand on parle d'individus, qu'on les identifie nominalement comme étant des causes de problèmes... Je ne pense pas que ce soit vraiment la place pour le faire. Je ne vous

questionnerai sûrement pas sur ces points-là.

D'autre part, j'aurais aussi aimé retrouver dans votre mémoire certains éléments, disons, de critique envers le plan de développement d'Hydro-Québec, l'approche d'Hydro-Québec et la façon dont vous, vous vivez et fonctionnez ou dont vous aimeriez être considérés à l'intérieur même de la dynamique de préparation des plans de développement et des orientations à long terme d'Hydro-Québec. À titre d'exemple, on ne retrouve pas grand-chose sur la question des économies d'énergie, des énergies alternatives. C'est plutôt dans ce sens-là que je vais vous questionner.

Ma première question vise une affirmation qui est souvent faite à Hydro-Québec et que vous avez vous-mêmes relevée, qui dit: HydroQuébec a une mentalité de constructeur de barrages. J'aimerais savoir comment vous, en tant qu'ingénieurs à Hydro-Québec, vous vous sentez, de quelle façon vous réagissez, comment vous percevez cette affirmation-là lorsqu'on accuse Hydro-Québec d'être une boîte d "engineering" qui n'a qu'une vision de constructeur de barrages et qui a, en somme, très peu et même, pour certains, n'a pas du tout de préoccupation quant aux économies d'énergie ou aux alternatives de production d'énergie autres que par le biais de la construction de barrages et d'inondation de territoires. (17 heures)

M. Ménard: O.K. Je pense que la notion "Hydro-Québec, une boîte d'ingénieurs", ou "Hydro-Québec, une boîte de bâtisseurs de barrages", découle d'une vision historique d'Hydro-Québec. Si on regarde l'évolution d'Hydro-Québec au cours des 40 ou 50 dernières années, effectivement, Hydro-Québec a construit beaucoup de barrages; effectivement, les ingénieurs construisaient beaucoup d'équipements. Ça, c'est évidemment dû à l'évolution de la société québécoise, à l'accroissement de l'économie du Québec. Je pense que, à l'époque, c'était requis.

Par contre, on a fait mention que, depuis quelques années, depuis même, je dirais, une décennie, notre travail s'est beaucoup diversifié. On intervient dans des domaines très différents de la construction strictement. On intervient dans les domaines du marketing, de l'environnement, de la tarification, dans plusieurs domaines. Je pense que, au niveau de la construction de barrages ou des économies d'énergie, ce qu'on vient dire, dans le fond, c'est que les choix de société, ce n'est pas aux ingénieurs d'Hydro-Québec de les faire. Ce n'est pas à nous de les faire, les choix de société, je pense que c'est à la société en général à faire ces choix. C'est au gouvernement de les incarner, puis de les traduire en termes de mandats pour HydroQuébec. Ce qu'on vient dire, c'est que les ingénieurs seront au rendez-vous pour mettre en oeuvre les choix de société qui seront faits, suite, entre autres, à la commission parlemen- taire.

M. Claveau: O.K. Alors, si je prends ce que vous venez de me dire, en supposant qu'à la suite des consultations et de différents processus qui pourraient être mis en place le gouvernement, l'actionnaire d'Hydro-Québec, donne à Hydro-Québec un mandat, par exemple, qui serait de voir à réaliser, au cours des 10 prochaines années, ou à mettre en place des politiques d'économies d'énergie de l'ordre de 30 %, pour reprendre un chiffre qui nous était donné, juste avant vous, par le Bureau du commerce de Montréal et qui, selon lui, est réalisable, ça veut dire, ça, que les ingénieurs d'Hydro-Québec seraient prêts immédiatement à embarquer dans le nouveau mandat, à se remettre sur la planche à dessin, à reconsidérer toute l'approche actuelle et à collaborer avec la compagnie, avec l'entreprise, pour faire en sorte que cet objectif de 30 % soit réalisé. Est-ce qu'on ne risquerait pas plutôt de retrouver, dans quatre ou cinq ans, une petite note au bas d'une page, comme on voit en page 2 du résumé de votre mémoire, où vous dites. "La décentralisation de l'entreprise a résulté en une perte de savoir-faire dans plusieurs domaines techniques stratégiquement importants pour l'entreprise", alors que l'on sait très bien que, selon la même logique, cette décentralisation - ce que vous appelez décentralisation, nous, on appelle ça de la régionalisation - c'est aussi un choix de société? C'est un choix d'actionnaires qui donnent un mandat à une entreprise Pourtant, ça ne semble pas faire l'affaire de tout le monde à l'intérieur de l'entreprise. Est-ce que vous nous dites que vous êtes prêts à refaire globalement tous les devoirs nécessaires si l'actionnaire d'Hydro-Québec donne un mandat carrément différent de ce que l'on retrouve actuellement dans le plan de développement?

M. Ménard: Je pense que le message de notre mémoire, puis le message qu'on est venus livrer ici, c'est qu'on est prêts à travailler, à mettre en oeuvre les choix de société qui seront posés, puis je pense que, de toute façon, les potentiels d'économie d'énergie ou d'efficacité énergétique, ce sont des choses qui sont quand même hautement techniques. Si je pense juste, entre autres, à la gestion de la demande, ça ne se fait pas tout seul, ça; je pense que ça prend toute une panoplie de techniques que les ingénieurs devront mettre en oeuvre pour réaliser ce potentiel d'économie d'énergie.

Si je fais une petite parenthèse sur la décentralisation, je suis d'accord que la décentralisation est peut-être un choix de société Par contre, ce qu'on décrit, ce n'est pas nécessairement un choix de société, c'est la façon, d'une part, dont ça a été fait, parce qu'on a décentralisé des activités, mais on n'a pas mis les ressources en place pour que cette décentralisa-

tion-là soit efficace pour l'entreprise et pour la société québécoise. Donc, ce que je viens dire, c'est que oui, on va réaliser les choix de société, mais donnez-nous-en les moyens.

M. Claveau: Vous dites, en page 24 de votre mémoire: "Hydro-Québec doit démontrer à la population la rentabilité des exportations." Vous élaborez là-dessus, mais vous dites essentiellement qu'Hydro-Québec devrait démontrer la rentabilité des exportations. Avec tout ce qui a été dit depuis 1986 sur la question des exportations, est-ce que vous considérez, par cette affirmation-là, que, malgré tout, Hydro-Québec n'a pas encore fait la preuve noir sur blanc de la rentabilité des exportations?

M. Lacharité: Ce dont on a l'impression, c'est qu'au niveau du débat public autour des exportations il y a une série de balises qui... Les gens vont craindre que les exportations, ce ne soit pas rentable, les gens vont craindre qu'à un moment ou l'autre on ne soit en train d'exporter du nucléaire, supposons. Les gens peuvent craindre un jour ou l'autre de perdre du courant chez eux parce qu'il va y avoir des exportations, etc. C'est sûr que l'entreprise répond du mieux qu'elle peut à ces objections-là qui viennent de l'extérieur. Sur les coûts, qui sont un des sujets, souvent le discours est à l'effet que c'est un peu secret, parce qu'il y a une négociation avec un tiers et qu'on ne peut pas commencer à révéler tous nos coûts sur la place publique, etc. Nous, ce que l'on vient dire ici, c'est que, dans le fond, à une commission parlementaire comme celle-ci où à d'autres tribunes possibles, l'entreprise devrait, comme on peut le faire autour des économies d'énergie en lançant des programmes, prendre le temps de vulgariser sa méthodologie et les balises qu'elle se donne en termes de sécurité par rapport à ses exportations, de telle façon que les gens comprennent vraiment les enjeux des exportations sans qu'il soit nécessaire de dire au bout de la ligne... Ça coûte 0,04 $ le kilowattheure ou ça coûte 0,80 $ le kilowattheure. Ça, j'imagine que le gouvernement doit savoir ce que ça coûte. La population peut lui faire confiance, en autant qu'elle comprenne comment tout le processus qui mène à l'établissement de ces coûts-là s'est bâti et comment le déroulement des activités s'est fait.

Donc, qu'on rassure la population sur l'ensemble des balises qui tournent autour des exportations par une démonstration publique peut-être plus cohérente, plutôt que d'être en réaction par rapport au public. Peut-être qu'Hydro-Québec pourrait prendre la "pole", la tribune et venir expliquer ces balises-là sur la place publique et, à ce moment-là, ça pourrait peut-être être mieux compris.

M. Claveau: D'après vous, puisqu'on est ici quand même en tant que parlementaires pour recevoir justement, de la part des intervenants, des opinions qui vont permettre éventuellement à l'actionnaire d'Hydro-Québec de prendre des décisions d'orientation sur la compagnie, donc, d'après vous qui êtes intimement liés au fonctionnement de l'entreprise et au développement des différents équipements de l'entreprise, est-ce que les exportations sont définitivement rentables et est-ce que c'est un bon choix pour la société québécoise de s'axer sur les exportations, comme nous le disait d'ailleurs l'Association québécoise des ingénieurs-conseils tout à l'heure?

M. Lacharité: Je ne veux pas me prononcer si c'est un bon choix de société dans son ensemble; nous, on se prononce ici, dans le mémoire, comme quoi les exportations ont des avantages pour notre société au niveau des coûts, parce qu'à l'interne on croit que les coûts des équipements sont les plus élevés qu'on a au niveau de notre facturation. Donc, à partir de là, on croit que ça peut être rentable pour l'économie québécoise, sauf que, en termes de choix de société, la société pourrait décider de... Tantôt, il y avait des gens des PME, ici, qui disaient: II faudra faire quelque chose, il y a peut-être des développements d'énergies nouvelles qui peuvent se faire. Peut-être que les PME en question auraient des contrats et qu'elles pourraient faire fonctionner leurs usines avec ça, puis peut-être que le choix de société, comme on le fait avec l'aluminium, c'est de subventionner l'énergie pour générer de l'emploi, etc.

Ça, c'est un choix de société. Nous, tout ce qu'on dit, c'est qu'en termes d'exportations on est en train de mener des études. On se plaint qu'elles sont peut-être menées un petit peu vite ou que l'implantation des critères pour la stabilité de notre réseau va peut-être se faire rapidement, mais il y a quand même des gestes qui vont se poser pour essayer de se donner une meilleure stabilité pour nos interconnexions avec les réseaux voisins. Et il y a peut-être aussi une démonstration, en fait, à faire qui fait que nous, on est favorables aux exportations, mais on n'a pas à faire le choix pour la société.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur une question qui a été abordée par mon collègue d'Ungava sur la décentralisation. Votre réponse me laisse un peu perplexe, parce que vous dites que la décentralisation a eu comme effet d'amener une perte de savoir-faire et que cette constatation avait été faite par l'administration dans d'autres secteurs. Moi, je voudrais bien savoir dans quels secteurs on a fait le même type de constatation. Est-ce que je comprends bien votre conclusion en disant: II faut, pour avoir une masse critique, une masse critique qu'on n'a plus dans les

régions, développer un savoir-faire; donc, rapatrions tous les ingénieurs à Montréal ou à Québec? Est-ce que c'est ça, votre discours?

M. Ménard: Ce n'est pas tout à fait ça, notre discours. Quand on parle d'autres secteurs, je pense que l'entreprise a identifié certains secteurs, que ce soit les secteurs d'appareillage, d'automatisme ou de planification du réseau. Des activités ont été décentralisées. On a dit: Ce sont maintenant les régions qui s'occupent de ces activités-là. Mais on n'a pas donné les ressources aux régions pour s'en occuper. Ce qu'on dit, c'est: Soit qu'on recentralise les activités, soit qu'on augmente le personnel dans les régions pour s'occuper de ces activités-là.

Ce n'est pas en engageant un ingénieur qui sort de l'université et en l'envoyant à Rouyn-Noranda qu'il va pouvoir s'occuper de la fiabilité du réseau ou de l'entretien des équipements. Il n'a pas l'expérience, il n'a pas l'expertise et il n'est pas entouré de collègues qui ont cette expérience ou cette expertise-là. Ce même jeune ingénieur, à l'époque où c'était centralisé, lorsqu'il arrivait à Montréal, il était entouré de collègues qui pouvaient le "coacher", le "baquer". Qu'on laisse les activités en région, d'accord, mais qu'on mette le personnel nécessaire pour réaliser ces activités-là. Je pense que c'est aussi le constat que l'entreprise a fait au cours des dernières années.

Mme Blackburn: Comme syndicat, quel est votre choix? Quel serait votre choix? Parce que je n'étais pas certaine d'avoir... Comme je sais que dans la région du Saguenay on a perdu en quelques mois quatre postes d'ingénieur, j'ai comme des problèmes à vous suivre. Si ça devait continuer à glisser, je ne suis pas certaine que ça soit à l'avantage des régions. Mais vous, comme syndicat, vous semblez dire que la centralisation est préférable à la décentralisation. Comme le dit mon collègue, sans vous prononcer sur les choix de société, vous les écorchez un peu.

M. Ménard: Non, mais je pense que je ne répondrai pas en tant que syndicat, je répondrai en tant que professionnel. Quand on sort des écoles d'ingénierie, on a une espèce de stage de deux ans où on doit théoriquement être "coaché" par des ingénieurs d'expérience. Quand HydroQuébec, à l'époque de la décentralisation, disait: On va engager de jeunes ingénieurs et on va les mettre dans le champ pour qu'ils prennent l'expérience dans le champ, bien, ils étaient tout seuls dans le champ. C'est là un peu que le bât blesse: quand les gens sont tout seuls et qu'ils n'ont pas l'expertise ni l'expérience pour réaliser les activités. Je pense qu'on doit s'attendre à ce que ces gens-là aient le support nécessaire pour réaliser ces activités-là.

Le Président (M. Bélanger): Alors, le temps est écoulé, malheureusement. M. le député d'Ungava, est-ce que vous voulez remercier nos invités? Je m'excuse, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Claveau: Mme la ministre ne s'était elle pas réservé une minute?

Le Président (M. Bélanger): Effectivement, je m'excuse. Mme la ministre.

Mme Bacon: Avant les remerciements, vous me permettrez peut-être une dernière question qui n'en est pas moins importante. Les prochaines années pourraient peut-être être chargées pour les ingénieurs d'Hydro-Québec, dans la mesure où le programme d'équipement d'Hydro-Québec va de l'avant. Est-ce que vous pensez que l'organisation du travail à Hydro-Québec, particulièrement chez les ingénieurs, permettrait qu'on puisse livrer la marchandise, advenant que le consensus se fasse autour de ces grands projets?

M. Ménard: Je pense que, comme on l'a mentionné, historiquement il y a eu certaines défaillances au niveau de l'organisation du travail, mais je pense qu'il y a actuellement un vent de changement dans l'entreprise et je pense que les ingénieurs, justement en tant que professionnels, sont intéressés à livrer la marchandise et à produire un travail de qualité

Mme Bacon: Vous revenez à votre mobilisation et à la fierté?

M. Ménard: Effectivement.

M. Claveau: Malgré la loi spéciale?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): M le député d'Ungava, si vous voulez remercier nos invités.

M. Claveau: Alors, ça m'a fait plaisir d'avoir eu l'opportunité d'échanger avec vous sur quelques points de vue concernant le fonctionnement d'Hydro-Québec et, enfin, la participation active des ingénieurs d'Hydro-Québec aux choix qui seront faits par la société. Alors, dans l'espérance d'avoir à continuer à travailler avec vous d'une façon harmonieuse dans l'exécution de ces choix de société, eh bien, je vous remercie de la présentation que vous êtes venus nous faire aujourd'hui.

M. Ménard: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la ministre. (17 h 15)

Mme Bacon: Quant à moi, je voudrais vous remercier de votre présence et de cette contribution au dialogue qui a été entrepris au début de cette journée. Je dois vous dire que la fierté que vous voulez éprouver, nous voulons tous, les Québécois, l'éprouver aussi avec vous. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci. La commission de l'économie et du travail remercie les représentants du Syndicat professionnel des ingénieurs d'Hydro-Québec pour leur participation à nos travaux. J'invite à la table des témoins le Groupe de recherche appliquée en macro-écologie. Merci.

Nous accueillons maintenant M. Guérard, qui est le président et le représentant du Groupe de recherche appliquée en macro-écologie. Vous connaissez nos règles de procédure, vous avez au maximum... On va être obligés de réduire un peu le temps de tout le monde, parce que les deux formations ont un caucus à 18 heures, alors, en trichant un peu, peut être à 18 h 5; donc, on va vous donner 15 minutes pour votre présentation de mémoire. Si ce n'est pas suffisant, on essaiera d'allonger et puis on coupera dans les questions après. Je vous en prie, si vous voulez procéder.

Groupe de recherche appliquée en macro-écologie

M. Guérard (Yves): Merci. Bonjour. L'énergie, c'est comme l'alcool: un peu, c'est merveilleux; trop, ça mène à des gros problèmes: pollution, maladies, débalancement général du système, empoisonnement de la vie des autres, dépenses ruineuses et, surtout, exclusives. Et on consomme encore plus pour fuir le problème. Au Québec, on est clairement des alcooliques énergétiques. Si tous les habitants de la planète consommaient de l'énergie comme nous, il y aurait production de sept fois plus de gaz carbonique qu'actuellement, donc un effet de serre probablement mortel pour toute vie sur terre. Étendre à tous les habitants de la planète nos habitudes énergétiques, c'est pourtant la meilleure façon de tester la "soutenabilité" de notre développement. Notre développement est donc totalement non soutenable et il n'a pas tendance à s'améliorer, depuis quelques années.

Comment est-ce qu'on a glissé dans l'alcoolisme énergétique? C'est essentiellement à cause de notre mode de vie axé sur la trilogie auto-bungalow-banlieue. En décuplant notre mobilité, l'auto et les carburants à bon marché ont généralisé l'accès au bungalow et à la banlieue éloignée. Réciproquement, le bungalow et la banlieue éloignée nous ont rendus de plus en plus dépendants de l'auto. L'inefficacité énergétique du transport de masse par automobile est ainsi multipliée par l'augmentation des distances à parcourir qu'occasionnent inéluctablement la faible densité et l'éloignement des centres d'emploi. Mathématiquement, la perfor- mance écologique d'un quartier de bungalows est quatre fois plus mauvaise que la performance écologique d'un quartier de duplex en rangée, par exemple. Pour chacun de ses habitants, un quartier de bungalows nécessite quatre fois plus d'espace, quatre fois plus de déplacements, quatre fois plus d'infrastructures et, donc, quatre fois plus d'énergie. Notre consommation d'énergie est donc structurellement inefficace.

Pour remédier à ça, les grands de l'écolo-gisme international (Commission mondiale, René Dumont, WorldWatch et World Resources Institute) nous prescrivent la sobriété énergétique. L'économie massive de l'énergie est la solution primordiale. On nous demande de couper de 50 % d'ici 2030. Cependant, la tentation, même chez les écologistes, est très forte de chercher plutôt la solution du côté des énergies douces ou alternatives, ou du côté de la diversification des sources d'énergie. Pourtant, aucune forme d'énergie n'est vraiment plus propre qu'une autre. À niveaux d'utilisation égaux, elles ont des amplitudes d'impacts tout à fait comparables sur les grands équilibres biosphériques. La matrice des impacts des énergies alternatives que vous allez trouver dans le mémoire le démontre assez bien.

Quand on réussit, par contre, à démontrer les avantages très nets d'une forme d'énergie par rapport à une autre, c'est généralement qu'on compare l'impact nécessairement mineur d'une énergie mineure (le bois, les résidus agricoles, l'éthanol) à l'impact nécessairement majeur d'une énergie majeure, comme le pétrole ou l'hydroélectricité. Pourtant, là où ils sont surconsommés en tant que sources majeures d'énergie, le bois, les résidus agricoles et l'éthanol sont des causes majeures de deforestation, de désertification et de pollution de l'air, y compris de l'effet de serre. Le Brésil et l'Afrique l'illustrent bien. Il en va de même pour le méthanol, l'hydrogène, l'électricité et le gaz naturel. En comparaison, c'est l'hydroélectricité qui paraîtrait douce, mais c'est en grande partie une illusion. Il n'y a pas de bonnes et de mauvaises formes d'énergie. Certaines technologies rendent le charbon beaucoup plus propre que le bois. Vouloir remplacer - et on l'entend souvent - le pétrole ou l'hydroélectricité par le méthanol ou le gaz naturel, c'est comme vouloir régler son problème d'alcoolisme en passant de la bière au vin.

Notre recommandation 1: l'efficacité énergétique - la conservation de l'énergie - est la seule priorité.

Il y a, en fait, trois dimensions à l'efficacité énergétique, comme il y a trois dimensions en réalité. La tableau 1 du mémoire les décrit et fournit quelques exemples. Il est essentiel de tenir compte de cette représentation en trois dimensions, parce que des progrès dans une dimension de l'efficacité sont souvent annulés par un recul dans une autre dimension, on pourrait dire annihilés.

Ainsi, une amélioration de 25 % de l'efficacité marginale des automobiles ou du chauffage des maisons est absolument dérisoire par rapport au fait que déménager de son duplex à Montréal pour aller s'installer dans un bungalow de banlieue à Mascouche ou Rosemère, ça va multiplier par 10 la consommation d'énergie d'une famille. Ça, c'est 1000 % d'augmentation de la consommation d'énergie.

La performance énergétique des pays de l'OCDE s'explique à la lumière d'une analyse détaillée de ces trois dimensions de l'efficacité énergétique. Les États-Unis, dont les villes sont caractérisées par une très grande inefficacité structurelle, une très grande dispersion des activités, et par un effort exclusif du côté des normes sur l'efficacité marginale pour les autos et les électroménagers efficaces, affichent pourtant une consommation de 7,7 tonnes d'équivalent pétrole par habitant par année. La CEE et le Japon ne souffrent pas d'une aussi grande inefficacité structurelle, puis réussissent à avoir une consommation de seulement trois tonnes d'équivalent pétrole par habitant. Le Japon, qui, en plus, procède à l'implantation systématique des technologies d'épuration les plus modernes et les plus propres - il a donc une grande efficacité marginale dans la dépollution - arrive à produire respectivement 10, 37 et 8 fois moins de SO2, de particules et de NOx per capita que les États-Unis. Ce sont des gros chiffres. C'est encore plus gros en regard du Canada et du Québec.

L'efficacité énergétique structurelle du Japon explique certainement en bonne partie son excellente performance économique. Même si ce pays est un grand importateur de pétrole coûteux, l'énergie est utilisée efficacement pour produire des biens d'exportation plutôt que d'être gaspillée par les citoyens japonais. Les cas du Japon et des États-Unis semblent bien indiquer que l'efficacité énergétique est à la base de la capacité concurrentielle sur les marchés internationaux. Plus fondamentalement, les expériences du Japon et de l'Europe montrent que les taxes à la consommation agissent positivement et simultanément sur les trois dimensions de l'efficacité énergétique.

Recommandation 2: toujours tenir compte des trois dimensions de l'efficacité énergétique.

Maintenant, les taxes. Nos études démontrent que plus on taxe l'énergie, moins on la consomme. Le graphique 1 du présent mémoire l'illustre de façon convaincante. En fait, toutes les nuisances associées à la consommation excessive d'énergie pourraient être ramenées à un niveau soutenable si et seulement si la consommation finale et intermédiaire de l'énergie était adéquatement taxée, qu'on le veuille ou non.

Il y a quelques mois, dans le débat concernant la TPS, le premier ministre Mulroney affirmait devant les médias que "les taxes de vente sont un mal nécessaire". Avec tout le respect qu'on lui doit, j'aimerais démontrer ici à quel point ce cri du coeur spontané de M. Mulroney nous apparaît aussi erroné, à nous - à vous, je ne le sais pas - que riche en éléments de réflexion.

Nos études montrent que certaines taxes de vente, loin de constituer un mal nécessaire, sont au contraire bénéfiques. Il s'agit des taxes qu'on impose sur des produits de consommation jugés nuisibles, taxes sur les cigarettes, l'alcool et les carburants. Fournissant des revenus appréciables au gouvernement tout en décourageant des comportements néfastes et destructeurs, ces taxes de nuisance ont une petite mais réelle tendance à orienter notre économie vers des modes de développement plus soutenables. Si leur effet reste mineur, c'est que leur application reste mineure. Ces taxes de nuisance constituent un bien nécessaire. Et les corrélations avec le PIB (produit intérieur brut) per capita indiquent clairement que les taxes de nuisance ne sont pas un handicap économique. Les taxes de nuisance constituent un outil très puissant et très souple de gestion de l'économie et de l'environnement. On aura intérêt à implanter ces taxes de façon progressive, planifiée, prévisible à long terme et publicisée pour permettre aux consommateurs (finals ou intermédiaires) d'adapter en conséquence leur planification et leurs habitudes de consommation. Les taxes de nuisance ont des caractères qui leur confèrent des qualités qui en font des outils de gestion extrêmement avantageux dans le domaine énergétique. Elles sont une mesure d'efficacité énergétique en soi. Elles sont un mécanisme spontané. Au contraire de la norme, du règlement ou du programme qui nécessitent un effort de la part de l'État, la taxe de nuisance est lucrative; elle fournit plus de moyens qu'elle n'en nécessite. Elles sont un outil de planification, les taxes de nuisance Elles permettent une meilleure prévisibilité de la demande à long terme, puisque le principal facteur influençant la demande (le prix) est contrôlé par le planificateur. Ceci est particulièrement important pour une industrie comme celle de l'électricité où l'évolution de la demande est presque imprévisible sur la période de temps nécessaire à la construction des infrastructures de production, de transport et de distribution

Les taxes de nuisance, par exemple sur la cigarette, sont politiquement plus défendables qu'une hausse des impôts. Il viendra probablement un temps où la virulence des problèmes reliés aux pollutions globales rendra politiquement aussi facile une hausse de taxe de 0,10 $ le litre d'essence et de diesel, c'est à-dire 1 000 000 000 $ de recettes au Québec seulement, qu'une même hausse actuellement pour le paquet de cigarettes. Ce n'est pas demain la veille, je suis d'accord. Elles sont proportionnelles à l'ampleur du problème. Un problème lourd comme celui de l'automobile générera des recet-

tes tout aussi lourdes, si le niveau de taxation est adéquat. Elles sont créatrices d'emplois, parce que les produits les plus intensifs en énergie, ceux qui sont les plus susceptibles d'être les plus touchés par les taxes de nuisance, sont ceux qui créent le moins d'emplois. Ça se ferait au profit des produits et services les plus intensifs en main-d'oeuvre.

Maintenant, quelques exemples du potentiel des taxes de nuisance. Au Québec, chaque tranche de 0,01 $ de taxe de nuisance sur le litre d'essence et de diesel rapporterait 100 000 000 $ par année. C'est deux fois plus que ce qui avait été promis comme ajout au budget du ministère de l'Environnement. Personne ne hurlerait pour ça, avec cette destination-là. Pour l'automobiliste moyen, ça correspond à seulement 25 $ par année, en une cinquantaine de versements, dépendant des fois qu'il passe à la pompe. Mieux, l'automobiliste ne subira aucune hausse de ses coûts s'il acquiert une voiture 2 % plus efficace ou s'il roule 2 % moins.

Toujours au Québec, chaque tranche de 0,02 $ de taxe de nuisance sur le mètre cube de gaz naturel rapporterait 100 000 000 $ par année. Il n'en coûterait rien au consommateur s'il diminuait sa consommation de 8 %. Une taxe de 8 % sur la facture d'électricité au Québec rapporterait 500 000 000 $ par année et ne coûterait rien à personne avec une hausse moyenne de 8 % de l'efficacité énergétique.

Une taxe comme la TPS, proposée par le ministre Wilson au fédéral, est une barrière continue et incontournable pour l'acquéreur d'un produit ou d'un service. À l'opposé, pour les consommateurs finals et intermédiaires, des taxes de nuisance constituent une barrière pleine de trous dans lesquels ils peuvent se glisser pour éviter de payer la taxe, et ce, en toute légitimité et au plus grand profit de l'environnement, de la santé et des produits, services et processus conciliables avec le développement soutenable. Contrairement aux hausses de taxes et d'impôt qui, traditionnellement, arrivent comme des surprises imprévisibles et imparables, les taxes de nuisance peuvent être progressives dans le temps, planifiées à long terme et publicisées. Elles seront donc tout à fait évitables si on oriente sa production ou sa consommation vers des produits, processus et services non nuisibles ou bénéfiques. À long terme, la taxation des nuisances induira une évolution spontanée de la production et de la consommation vers le développement soutenable, par sélection naturelle négative des nuisances.

Maintenant, les taxes de nuisance ne sont pas régressives. Le seul argument vraiment embêtant qui va à rencontre de la taxation systématique des nuisances, c'est l'argument de la régressivité sociale des taxes à la consommation. Pourtant, une analyse juste de la question montre que rien, fondamentalement, ni théoriquement, ni en pratique, ne condamne les taxes de nuisance à être existentiellement régressives. Les produits de base de la vie des classes sociales les plus modestes ne sont pas des nuisances notoires et ne sont pas susceptibles d'être touchés par la taxation systématique des nuisances. Au contraire, ces produits, consommés par les classes sociales les plus modestes (logement de haute et moyenne densité, vêtements, chaussures, aliments, produits et services de télécommunications, télévision, téléphones, transport en commun) sont plutôt susceptibles d'être financés par une partie des recettes des taxes de nuisance. (17 h 30)

De plus, des crédits d'impôt remboursables systématiques peuvent naturellement accompagner toute nouvelle mesure de taxation d'une nuisance et concilier ainsi systématiquement les objectifs sociaux et écologiques, selon le bon jugement des dirigeants et de leur électorat. Des taxes de nuisance dont les recettes iraient en totalité ou en bonne partie à l'établissement d'un régime de revenu minimum garanti, ce qui ne dépend que d'une volonté et d'une capacité politiques, seraient des taxes socialement très progressives.

Enfin, on oublie trop souvent que les impacts de la dégradation de l'environnement sont eux-mêmes régressifs, touchant beaucoup plus les pauvres des villes centrales que les classes moyennes aisées des banlieues ou les classes riches. L'outil primordial du développement soutenable s'attaque à la surconsommation non soutenable dont les plus pauvres ne sont certainement pas, presque par définition, les responsables.

C'est dur à prendre, mais l'information et les efforts personnels sont totalement inefficaces sans signal de prix. Ainsi, les quelques gestes suivants permettraient de diminuer radicalement la consommation d'énergie d'une famille: ne pas avoir plus d'une auto par famille; quand vient le temps de déménager, aller s'installer près de son lieu de travail, dans un quartier de densité moyenne ou forte, genre duplex; d'une manière générale, favoriser les produits dont la préparation apparaît la moins énergivore; parfaire l'isolation de son logement; économiser l'eau chaude. Si elle habitait initialement dans un bungalow de banlieue éloignée, une famille réussirait ainsi à consommer 10 fois moins d'énergie, directement et indirectement.

Cependant, si les efforts personnels sont louables, les statistiques démontrent que sans taxes lourdes sur les nuisances écologiques, dont le gaspillage énergétique, la seule sensibilisation du public ne peut pas suffire à diminuer la consommation de l'énergie. Ainsi, entre 1982 et 1987, dans la région de Montréal, alors que la sensibilisation écologique de la population atteignait un niveau record...

J'avais prévu 20 minutes.

Le Président (M. Bélanger): Alors, allez-y.

On est d'accord?

M. Guérard: Surtout que j'arrive à HydroQuébec.

Le Président (M. Bélanger): Oui.

M. Guérard: Bon. Le nombre de familles à deux autos et plus, pendant que la sensibilisation à l'écologie atteignait un maximum, a augmenté de 40 % en cinq ans, dans la région de Montréal. La proportion des déplacements faits par auto passait de 65 % à 71 %. La part du transport collectif, du transport public, tombait de 28 % à 23 %. Dans les couronnes nord et sud de Montréal, il y a maintenant plus de familles avec trois autos ou plus que de familles sans auto.

La recommandation 3 s'impose naturellement: adopter les taxes de nuisance comme outil primordial de gestion de la demande énergétique.

La problématique particulière de l'énergie électrique au Québec. Le programme d'économies d'énergie proposé par Hydro-Québec dans son document "Hydro-Québec et l'efficacité énergétique" constitue, selon nous, un effort modeste, mais réel, qui donne la mesure de ce qui est réalisable à l'intérieur des règles du jeu actuelles, dans le domaine des économies d'énergie. L'aspect positif du programme vient du fait que ça permettra de limiter la consommation d'électricité au Québec, en 1999, à 165,1 térawatt-heures, plutôt que de la laisser grimper à 178 térawattheures, scénario moyen.

L'aspect négatif de cette projection correspond, en fait, à une hausse de la consommation d'électricité de 31 % entre 1990 et 1999, alors que la commission Brundtland et la Con férence de Toronto nous demandent plutôt de réduire de 20 % d'ici l'an 2000... Ce n'est pas la bonne direction, mais c'est à peu près le bon rythme. On pourra toujours argumenter que le cas de l'hydroélectricité est différent et que sa consommation industrielle, qui est la principale cause de la forte augmentation prévue, correspond, en fait, à un déplacement de consommation de l'électricité produite à partir de charbon ailleurs dans le monde (aux États-Unis). C'est vrai en partie, mais moins vrai que le fait que les ventes d'électricité régulière au Québec ont augmenté de 6,5 % de 1988 à 1989 et que ce taux correspondrait presque à un doublement de la consommation d'électricité régulière d'ici l'an 2000, si la tendance devait se maintenir. Mais c'est encore moins vrai que le fait que les ventes d'hydroélectricité excédentaire ont dû être diminués de façon draconienne pour faire place à cette croissance incontrôlée de la consommation d'électricité régulière, générant ainsi plus de pollution globale et la non-atteinte des engagements intergouvernementaux du Québec en matière de lutte aux pluies acides.

Pourtant, le programme d'économies d'énergie proposé par Hydro-Québec comporte tous les éléments prescrits par les spécialistes nationaux et mondiaux de l'efficacité énergétique: de l'isolation des bâtiments à la cogénération, en passant par les électroménagers, les fluorescents compacts, les moteurs industriels à haut rendement, l'éducation et le développement d'une expertise en matière d'efficacité énergétique. Il ne faut pas non plus oublier que le programme repose sur un budget de 1 451 000 000 $ sur 10 ans, ce qui n'est pas rien, quoi qu'on en dise.

Le caractère non soutenable du plan de développement d'Hydro-Québec ne provient pas de l'incompétence de ses dirigeants, ni de la faiblesse de son programme d'économies d'énergie. Le caractère non soutenable découle essentiellement de règles du jeu qui vont fondamentalement à rencontre du développement soutenable. Les prix de l'énergie sont beaucoup trop bas - même si ça fait mal à entendre - et trop instables. L'électricité au Québec est deux fois moins chère qu'aux USA et moins chère que partout ailleurs dans les pays de l'OCDE étudiés par le Bureau de l'efficacité énergétique. J'ai les chiffres ici.

Le critère du moindre coût, autre règle du jeu qui nous empêche de fonctionner par objectifs. Autre règle du jeu, Hydro-Québec qui est en conflit d'intérêts; on demande aux producteurs de diminuer la consommation. Les autres formes d'énergie, enfin, et ce n'est pas la faute d'Hydro-Québec, qui représentent 60 % du bilan de consommation intérieure, ne font pas partie du portrait.

Cinquièmement, on néglige totalement l'électrification des transports - trams, trains, trolleys - par fil, alors que c'est là que l'hydroélectricité a incontestablement la meilleure efficacité marginale dans la consommation, la meilleure efficacité marginale dans la dépollution et la meilleure efficacité structurelle, mieux que toute autre source d'énergie dans le transport électrique par fil: trains, trams, trolleys.

Recommandation 4: taxe de 0,05 $ le litre d'essence et de diesel, 500 000 000 $ par année, pour procéder à l'électrification des transports ferroviaires et publics au Québec.

Pour conclure, la taxation des nuisances est appelée à devenir un outil courant et fondamental de gestion de l'environnement, tôt ou tard. La question vient naturellement: Qui contrôlera ce nouvel outil macro-écologique ou macroéconomique? Ni le ministre de l'Environnement, ni le ministre des Finances ne peuvent agir seuls. Le ministre de l'Environnement n'a pas le pouvoir, le ministre des Finances n'a pas l'expertise pour imposer les taxes de nuisance. Quant aux comités de ministres, ils sont lourds et n'ont aucun pouvoir réel.

La réforme institutionnelle la plus efficace, la plus simple, la plus légère et la plus définitive, selon nous, pour nous engager dans la voie du développement soutenable consistera à faire cumuler par la même personne les deux postes de

ministre des Finances et de ministre de l'Environnement. Les cumuls de ministères sont chose courante dans tous les gouvernements. Le ministre des Finances et de l'Environnement aura à la fois l'expertise, le pouvoir et la motivation nécessaires pour opérer l'outil que constituent les taxes de nuisance. Il aura la volonté politique et, surtout, la capacité politique d'agir dans le sens du développement soutenable. Les électeurs seront, en conséquence, eux aussi, pleinement responsables de leurs choix quant au niveau de taxation des nuisances qu'ils voudront bien tolérer et quant à la proportion des recettes des taxes qu'ils souhaiteront voir réinvestie dans la conservation de l'environnement.

Une telle réforme, mineure au plan institutionnel, aura pourtant des conséquences fondamentales quant à la réconciliation de l'environnement et du développement et quant à la réconciliation de l'écologie (la science de la maison selon ses racines grecques) et de l'économie (l'administration de la maison selon ses racines grecques).

Aussi, par souci d'efficacité et de sincérité, il faut que l'électorat et l'opinion publique exigent l'engagement des partis politiques à procéder à la nomination d'un ministre des Finances et de l'Environnement comme seul test valide non pas de leur volonté politique, mais de leur capacité politique de s'engager véritablement dans la voie du développement soutenable.

Je vous remercie. C'est un cours de six heures pour mes étudiants, demain, que je vous ai résumé en 20 minutes.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Bacon: Je vous félicite de votre capacité de nous résumer ce cours, M. Guérard. Votre mémoire nous semble quand même contenir une idée très intéressante et j'aimerais ça qu'on regarde avec vous certains points. Dans votre exposé, vous vous attardez longuement à dénoncer la trilogie: auto, bungalow, banlieue. Il est indéniable que l'usage généralisé de l'automobile privée soit, en grande partie, responsable de la dispersion urbaine et aussi de la consommation d'énergie qu'elle sous-tend. Quand même, ce problème s'inscrit dans un ensemble, qui est beaucoup plus complexe, de certains phénomènes. Il y a des déplacements interurbains individuels de travail, de loisir, la sous-utilisation aussi des transports en commun au profit de l'automobile privée à l'intérieur même des villes. Il y a l'évasion des urbains vers les campagnes éloignées les fins de semaine, les résidences secondaires. Ce ne sont que des exemples, je pense, qui révèlent une situation où l'automobile privée peut être tenue responsable d'une grande consommation d'énergie.

Avant de dégager les solutions qui sont appropriées à un problème, il faut, je pense, non seulement examiner toutes les facettes, les répercussions, mais aussi, faut considérer les avantages, les inconvénients qui sont relatifs à chacun des éléments qui visent à le résoudre.

J'aimerais d'abord cerner avec vous de plus près la nature et l'ampleur du problème que vous soulevez. Vous parlez de banlieues éloignées, par rapport aux villes du Québec. Est-ce que vous pouvez préciser le sens exact que vous accordez à ce concept de banlieues éloignées?

M. Guérard: Banlieues éloignées. Bien, je veux dire, Montréal-Nord, c'est une ville collée sur Montréal, avec 100 000 habitants, 90 000, la plus dense au Canada, je pense. Puis Rosemère ou Mascouche, ce sont des villes à plusieurs dizaines de kilomètres du centre-ville de Montréal de très, très faible densité. La différence de consommation d'énergie, directement et indirectement, entre une famille de Montréal-Nord et une famille de Mascouche ou de Rosemère, c'est un facteur 10. C'est phénoménal, mais c'est ça. C'est ce qui explique... Puis, vous dites... Mais je voudrais tout de suite pas juste essayer de me défendre, je voudrais comme...

Mme Bacon: Non, non, on ne vous accuse de rien, là. Vous n'avez pas à vous défendre, là.

M. Guérard: O.K. Non, non, non, je le sais. Ce que je voudrais essayer de vous montrer, c'est que vous me parlez de banlieues. Vous dites: Transport en commun aussi, il y a un problème, parce que, en banlieue, les gens utilisent leur auto...

Mme Bacon: Ce sont quand même des villes.

M. Guérard: ...ils n'utilisent pas l'autobus, mais les autobus sont quatre fois plus inefficaces en banlieue, parce que la population est quatre fois moins dense. Donc, soit que l'autobus est quatre fois plus vide, donc, pollue quatre fois plus par passager, soit qu'il passe quatre fois moins souvent, donc, on s'achète un char.

Mme Bacon: Mais même à l'intérieur des villes...

M. Guérard: Mais tout ça découle d'une tradition nord-américaine de faible prix de l'essence. Il est beaucoup plus faible qu'en Europe depuis 60 ans.

Mme Bacon: La revitalisation des centres-villes, évidemment que ça a des effets: ça chasse la population la plus pauvre, souvent, au prix des classes plus aisées, des gens qui sont plus aisés. Est-ce que vous ne croyez pas que la formation de nouveaux ghettos périphériques pourrait voir le jour, si on suit votre raisonnement?

M. Guérard: Écoutez, je n'ai pas la référen-

ce exacte, c'était un organisme de surveillance, on en partait dans L'actualité récemment. Un article du Devoir d'il y a quelque temps disait qu'il restait juste 10 % des pauvres du Québec - et c'est une tendance vers ça - à l'extérieur des grandes villes, à l'extérieur des grands centres urbains; que la majorité des plus pauvres sont proches des centre-villes ou des grandes villes; que les pauvres qui ne sont pas dans les grandes villes sont dans les petites villes; puis, qu'à l'extérieur des villes il y a juste 10 % des pauvres du Québec. Vraiment, les pauvres habitent les villes pour une bonne raison, c'est qu'ils n'ont pas d'auto.

Mme Bacon: Si on fait la revitalisation des villes et qu'on chasse les gens qui sont moins aisés, vous allez transporter votre problème en périphérie?

M. Guérard: Écoutez! Montréal-Nord, c'est la ville type de ça, qui a hérité des assistés sociaux déplacés du centre-ville de Montréal. Bon. Ce n'est pas une banlieue éloignée de type bungalow, Montréal-Nord; c'est de la très haute densité, la partie des assistés sociaux étant...

Mme Bacon: Hum!

M. Guérard: Oui, oui, je viens de là.

Mme Bacon: J'ai habité là aussi.

M. Guérard: C'est vrai.

Mme Bacon: Je l'ai habitée aussi.

M. Guérard: Mais c'est l'est de Montréal-Nord qui est très dense; c'est la ville la plus dense au Canada, la plus densément peuplée.

Il y a le problème de la "gentrification", effectivement. Ce qu'on propose dans une annexe du document - mais ça, c'est une mesure dont je ne voulais même pas vous parler, parce que c'est évident que ça va être dans 50 ans qu'on va l'envisager - c'est de taxer à 100 % le gain de capital sur les revenus provenant de la spéculation sur le fonds de terrain, mais c'est évident que ça ne passera pas. C'est une façon de tuer la "gentrification", puis de laisser les pauvres dans des maisons rénovées où ils sont, oui, mais ce n'est pas demain la veille.

Mme Bacon: Non. J'aimerais peut-être aussi qu'on considère les effets des mesures que vous proposez. Je pense qu'on n'ignore pas personne que l'accès à la propriété privée est plus dispendieux dans les centres urbains qu'en périphérie. Par le fait d'une taxe de nuisance imposante sur l'énergie, l'espace urbain deviendrait encore plus convoité, je pense bien, et la propriété ne serait accessible qu'aux mieux nantis. Quelles solutions de rechange proposez-vous à la classe moyenne?

Parce que c'est toujours celle-là qui paye souvent le prix, qui est désireuse d'élever ses enfants en sécurité et qui veut avoir un accès direct sur l'extérieur. Est-ce que vous avez des propositions concrètes pour cette classe moyenne? (17 h 45)

M. Guérard: Écoutez! Moi, primo, je ne prétends pas que les changements qu'on propose sont plaisants et qu'ils vont se faire sans hurlements, sans douleur. Ce qu'on propose, c'est un scénario de développement soutenabJe, le reste, selon nous, ne sera pas soutenable, O.K. La classe moyenne, comment la protéger? Toute taxe de nuisance qui vise à arrêter l'explosion urbaine, donc taxe sur le transport, peut-être sur la faible densité, une partie des recettes de cette taxe-là peut être retournée à la classe moyenne. Là, ce peut être sous forme de crédits d'impôt remboursables, d'une façon assez progressive, de façon à ce que l'effet soit tamponné, qu'on décourage le gaspillage de l'énergie, sans pour autant nécessairement appauvrir injustement la classe moyenne modeste. Mais il faut voir aussi, une fois qu'on a des millions en recettes, qu'on peut les investir dans l'achat de banques de terrains près des centres-villes. Ce sont des choses qui se font. Je veux dire, la ville est à rebâtir; Montréal est une ville qui a perdu des centaines de milliers de personnes, pas nécessairement la ville, mais le centre de Montréal.

Mme Bacon: Peut-être une dernière question, parce que mon temps achève. Si on en vient au rapport Brundtland, les principaux problèmes énergétiques mondiaux sont associés à la combustion des hydrocarbures. Est-ce que vous ne croyez pas qu'il serait judicieux de maintenir peut-être un écart de taxation beaucoup plus substantiel entre les différentes sources énergétiques renouvelables ou non renouvelables? Si on faisait la différence entre les sources d'énergie renouvelable ou non renouvelable par rapport à la taxation que vous proposez?

M. Guérard: Mais c'est évident. Si on avait des trains, tramways, trolleys à l'hydroélectricité qui sont structurants d'abord, qui ramènent le développement dans des axes plutôt que de le faire "at large", c'est évident qu'on n'aurait pas à taxer aussi lourdement cette sorte de transport là qu'est le transport automobile individuel à une personne par auto qui cause l'effet de serre, les pluies acides, le "smog" des villes. Une taxe de nuisance, c'est un outil de direction pour le dirigeant, pour le gouvernement; ce n'est pas quelque chose qui est mathématique C'est comme un budget, on prépare ça au jugé pour donner une direction. Si la taxe n'est pas assez forte, on peut l'augmenter; si elle est trop forte, on peut la diminuer. S'il y a quelque chose qui n'est pas une nuisance, eh bien, ce ne sera pas taxé. Une énergie qui n'est pas une nuisance: le

solaire, si on a des autos solaires... Je n'y crois pas aux autos solaires, il n'y a jamais de soleil au Québec. Je veux dire, les autos solaires, ça marche dans le désert de Mojave, aux États-Unis, où il fait toujours soleil et où le soleil est beaucoup plus haut dans le ciel, mais, au Québec, c'est une cause presque désespérée. Mais si ça marchait, les autos solaires, eh bien, elles ne seraient pas taxées ou à peine, un peu pour l'étalement urbain.

Mme Bacon: C'est ça. Alors, vous feriez la différence entre le renouvelable et le non renouvelable.

M. Guérard: Bien, absolument. C'est un outil de direction. Ce n'est pas un outil aveugle.

Mme Bacon: D'accord. Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Bien, je dois vous dire qu'en ce qui me concerne je trouve très intéressantes un certain nombre de choses qu'il y a là-dedans. En fart, j'admire la somme de travail qu'a pu représenter la préparation de ce document et je me demande, d'ailleurs, si ce n'est pas un document qui fait partie dune série de cours ou de choses semblables, comme vous avez dit que vous nous avez résumé en 20 minutes un cours de six heures. Alors, est-ce qu'il s'agit là d'un document pédagogique que vous utilisez dans certaines séances de formation? C'est un premier volet de ma question.

Mais je vous dis que moi, en tout cas, j'ai presque envie de m'excuser auprès de la population québécoise de demeurer à quelque 800 kilomètres de Montréal. Je m'imagine que je dois coûter drôlement cher à la société québécoise. Dans le fond, ce que je veux dire par là, et vous me démentirez si je me trompe, c'est qu'il me semble que votre document ne se base que sur une vision essentiellement urbaine du problème. Je ne retrouve rien là-dedans qui ait une vision régionale, qui ait une vision territoriale qui colle à la situation réelle que l'on vit au Québec en termes d'occupation d'un vaste territoire de quelque 1 500 000 kilomètres carrés par moins de 7 000 000 d'habitants, ce qui est quand même différent de ce que l'on retrouve dans certains pays européens auxquels vous vous référez. À ce niveau-là, en tout cas, moi, je crois qu'il y a une dimension territoriale et d'occupation d'un territoire par un peuple donné qui n'apparaît pas dans votre document.

M. Guérard: O.K. D'abord, le document a été fait à peu près gratuitement, mais c'est une façon de parler. Il a été fait depuis à peu près quatre ou cinq ans. C'est la somme de nos expériences. On fait beaucoup de demandes de financement et on a peu de réponses, mais on ne se plaint pas; on sait qu'à un moment donné on va réussir. Bon!

Vous dites que vous restez à 800 kilomètres de Montréal et vous sentez le besoin de vous excuser. Dans la perspective des taxes de nuisance, on essaie de rejeter toute moralisation, tout "jouage" de violon. On dit: Paie la taxe et, après ça, tu es quitte. C'est une façon de s'acquitter, une taxe de nuisance. C'est comme la taxe sur la cigarette. Maintenant, vous dites: En région. Effectivement, c'est la question qui, à part la "régressivité" sociale, revient le plus souvent. Je vous dirai ceci: Premièrement, il n'y a pas de raison, quand on reste en région... Oui, voilà! Ce n'est pas parce qu'on reste en région qu'il est normal qu'on reste à 80 ou à 100 kilomètres de son lieu de travail et qu'on voyage quotidiennement. Je ne dis pas que c'est un mal; je dis qu'il n'y a pas de raison. À Montréal, on reste-Une voix: On va se construire des maisons...

M. Guérard: Non, mais ce que je veux dire, c'est qu'on peut très bien rester en région à 10 kilomètres de son lieu de travail. On ne peut pas rester en région à 10 kilomètres de Montréal, mais on peut rester en région dans un domicile qui est à 10 kilomètres de son travail. Mais ce n'est pas, non plus, une nécessité morale. Si on reste à 80 kilomètres de son travail, bien on paiera la taxe; on aura une auto qui consomme deux fois moins ou trois fois moins; on polluera d'abord trois fois moins si on a une auto qui consomme trois fois moins. On se sentira moins coupable et on fera sa part pour, par exemple, financer du reboisement qui va permettre de refixer le CO2 dans la matière ligneuse. Ce n'est pas une question de morale. C'est une question d'être quitte avec l'environnement et avec la société.

M. Claveau: Juste une petite remarque...

M. Guérard: En plus, pour la région, par exemple, il y a moyen, tout à fait, de trouver des ajustements. On parle de crédits d'impôt remboursables pour les classes modestes ou moyennes, correspondant à une taxe de nuisance. Pourquoi pas des crédits d'impôt remboursables pour certaines fonctions ou certaines régions, pour les habitants de certaines régions? Une taxe de nuisance, c'est un outil de direction, un outil de gestion, ce n'est pas quelque chose comme un impôt sur le revenu qui s'applique aveuglément.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Je voudrais vous dire que je trouve la notion de taxe de nuisance intéressante. Aux États-Unis, le sénateur Kennedy, par

exemple, a proposé à maintes reprises de rendre le pétrole plus cher et de réduire l'impôt sur le revenu dans la même proportion pour que les gens soient incités à consommer moins. Mais, au Québec ou au Canada, on est dans un contexte un peu particulier, on est le seul pays occidental qui a financé la consommation de pétrole pendant plusieurs années pour le maintenir artificiellement en bas du prix mondial. Et, à cet égard, je trouve que la première page de la partie 3 de votre document, où on met la consommation d'énergie par pays, est révélatrice. Je veux dire, le Canada est bon champion per capita...

M. Guérard: Ah oui! Ce n'est pas un hasard.

M. Bourdon: ...et il y a des pays comme l'Italie ou le Japon, des pays nordiques aussi qui, au plan du froid, se comparent au Québec - je pense à la Finlande, je pense au Danemark - qui ont une performance autrement meilleure que la nôtre. Maintenant, la crainte que j'ai de vos taxes de nuisance, c'est que le gouvernement ne retienne qu'une partie de votre discours et qu'il y ait une taxe, mais sans avoir des compensations. Et, à cet égard, je voudrais vous signaler que, pour ce qui est du transport en commun, le gouvernement va absolument dans l'autre voie que celle que vous suggérez. Le dernier budget nous annonce le retour aux municipalités des frais d'opération du transport en commun. Pour Montréal, c'est à peu près entre 150 000 000 $ et 190 000 000 $ qui devraient être payés en augmentant les tarifs ou en augmentant la taxe foncière. Puis, quand on augmente la taxe foncière, on augmente l'étalement urbain, parce qu'on ne se cachera pas que, dans une grande ville, les gens qui vont vers la banlieue, c'est parce qu'à cause des lois du marché le terrain est moins cher et, donc, les bâtisses à acheter sont moins chères - ça, c'est un facteur incontournable, comme dirait l'autre - mais c'est aussi pour fuir les coûts qu'il provoque, parce que les Montréalais, les gens du centre-ville à Montréal paient des taxes en partie pour la circulation, pour la pollution, pour ce qui est amené par ailleurs. Dans ce sens-là, je veux juste vous dire que je trouve l'idée sympathique d'une plus grande densité, mais le gouvernement a des politiques d'étalement urbain.

Quant au zonage agricole, c'est la même logique. On veut dézoner et, donc, dissuader de s'installer au centre et rendre plus accessible de s'en aller en périphérie. On n'a peut-être pas assez dit que le zonage agricole au Québec n'a pas que protégé les terres agricoles. Le zonage agricole a contribué à densifier un peu et a poussé vers les centres-villes des développements parce que les lois du marché faisaient en sorte qu'un développeur qui ne trouvait plus de terrains, bien, il achetait des vieux immeubles qu'il rénovait pour faire les logements qu'il y a à faire. Alors, ma question: Est-ce que vous pensez que le gouvernement est sur la même longueur d'onde que vous?

M. Guérard: O.K. Je pense qu'il n'y a pas grand monde qui est sur la même longueur, qui va dans la direction de ce que j'ai présenté O.K. Disons que la TPS fédérale, ça va complètement dans l'autre sens. On détaxe des produits éner-givores - la taxe va passer de 13 % pour certains produits énergivores à 7 % - puis on taxe des services qui sont neutres ou bénéfiques. Des services de consultants en environnement, c'est bénéfique à l'environnement; on les taxe maintenant. Bon, enfin, c'est un détail. Je ne reçois pas d'argent; je ne suis pas en conflit d'intérêts. Le budget Levesque, effectivement, me semble aller drôlement dans l'autre sens. Par contre, la critique de M. Garon, qui dit que ce n'est pas assez ce qu'on donne aux autoroutes, va dans le même sens que le budget Levesque, mais un peu plus loin. C'est une nouvelle notion, puis il va falloir commencer à l'apprivoiser et à l'utiliser. Bon. On ne va pas dans la bonne direction et c'est pour ça que notre consommation d'énergie actuellement explose. Parce que notre non-gestion des taxes de nuisance s'additionne à la baisse internationale des prix de l'énergie depuis quatre, cinq ans. Il y a ça. Il y a aussi la question que vous avez mentionnée des arbitrages. Qu'est-ce qu'on va faire? On taxe l'essence. Mais, là, les pauvres vont être déplacés en périphérie. Où vont-ils rester? Vu qu'ils vont être loin, ils ne pourront même plus se déplacer parce qu'ils n'ont pas d'argent. Ils ne pourront pas rester au centre-ville parce que les terrains vont prendre...

Les arbitrages, ça avait J'ai vu bien du monde sourire, mais le ministre des Finances et de l'Environnement qu'on propose, c'est la personne qui, avec des centaines de collaborateurs, mais tous les ministres fonctionnent comme ça, des centaines de fonctionnaires, pourrait réaliser ces arbitrages-là. On prend de l'argent sur telle nuisance. Qu'est-ce qu'on fait avec? Quelle partie de ces recettes-là va être imputée aux solutions? Quelles parties vont simplement aller à régler le maudit problème du déficit? Un ministre des Finances et de l'Environnement serait une personne qui a non seulement la volonté politique, mais la capacité politique de bouger pour nous faire prendre le virage vert. Après, on pourra découpler les deux ministères. Mais pour prendre le virage il faut tourner. Après, on peut aller tout droit. On découplera. Mais pour tourner, ce serait, il me semble, le changement institutionnel.

Aussi, juste pour terminer, je ne vous demande pas aujourd'hui d'aller aux 2 $ le litre, comme on demandait l'année passée, d'ici 10 ans. Je vous demanderais juste d'essayer de faire en sorte que, d'ici quelques années, on ait 0,01 $, ou 0,02 $, ou 0,03 $ le litre pour financer du transport en commun. Souvenez-vous, 0,01 $ le

litre d'essence et de diesel, 100 000 000 $. C'est énorme. C'est un effort que beaucoup de gens consentiraient à faire, 0,01 $ le litre. Ça ne paraît dans aucun budget.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le député d'Ungava, si vous voulez remercier notre invité.

M. Claveau: Oui, peut-être une petite réflexion en même temps, si vous me le permettez, dans notre enveloppe de temps, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Oui.

M. Claveau: N'allez pas croire que nous prenons à la légèro ce qu'il y a là dedans. Je pense qu'il y a énormément de notions qui sont très intéressantes, des choses qui sont à faire, à titre d'exemple, quand on parlait des régions tout à l'heure, eh bien, encore là, ce n'est pas pour être en conflit avec le centre urbain de Montréal; tout ça doit être complémentaire dans une économie globale. Mais, par exemple, pourquoi construit-on des routes qui sont à mesure détériorées par des flottes de camions à n'en plus finir, alors qu'en même temps on démantèle le réseau ferroviaire? Alors, c'est là-dessus, d'ailleurs, qu'on se bat depuis des années, en région, pour garder le réseau ferroviaire, pour faire en sorte que les compagnies qui opèrent ces réseaux-là offrent des services et aillent négocier avec des clients, ce qui ne se passe pas actuellement aujourd'hui. Quand on parle de construction à la Baie James, par exemple, pourquoi fait monter le ciment en camions à partir de Montréal jusqu'à la Baie-James, alors qu'on pourrait lui faire faire plus de la moitié du chemin en train, jusqu'à Matagami? Et, à ce moment-là, on vient d'économiser et sur le réseau et sur les polluants qui sont liés au transport, etc. Il y a plein de choses, là-dedans qui sont excessivement intéressantes et qui s'appliquent aussi bien en région qu'ailleurs, que dans les centres urbains.

Là où on aurait éventuellement avantage à s'asseoir et à discuter un peu plus, c'est sur la notion essentiellement de taxe de nuisance. Et, juste à titre de référence, ce n'est pas une question que je pose, là, parce qu'on n'a pas le temps, malheureusement, mais je prends une ligne, dans votre mémoire, dont les pages ne sont pas numérotées, malheureusement, et où vous dites: "Une taxe de nuisance de 8 % sur la facture d'électricité au Québec rapporterait 500 000 000 $ par année et ne coûterait rien à personne avec une hausse moyenne de 8 % d'efficacité d'énergie." Moi, je veux bien, sauf que si vous arrivez avec ça auprès des quelques centaines de milliers d'assistés sociaux qu'on a au Québec et qui ne sont déjà pas des consommateurs à outrance, eh bien, il y a bien des chances qu'ils ne soient même plus capables de se brancher sur le compteur d'électricité parce qu'ils ne seront plus capables de payer. Alors, il y a aussi un genre de décorticage à faire parce que l'application d'une façon parallèle ou unilatérale à tout le monde de certaines taxes de nuisance pourrait s'avérer très compliquée. La taxe sur l'essence, j'en conviens, mais de quelle façon on va compenser, par exemple, pour les pêcheurs de la Gaspésie qui tirent déjà le diable par la queue alors qu'ils ont des moteurs au mazout et qu'ils ont quand même besoin de s'acheter du pétrole à l'occasion? Tout ça fait partie du débat.

Ceci étant dit, je vous remercie de la présentation que vous nous avez faite parce qu'elle nous amène à aller passablement plus loin dans ta réflexion que l'on doit faire quant à l'utilisation de l'énergie sur le territoire québécois. Dans ce sens-là, je crois que vous avez fait une contribution très louable aux travaux de la commission.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la ministre.

Mme Bacon: Oui, très courte, M. le Président. Je remercie M. Guérard de son exposé et je veux lui dire que, quand on propose des changements profonds de société, il est normal de donner un peu de temps à cette société de les accepter. Nous avons voulu avec la commission essayer d'atteindre un consensus au Québec sur l'énergie électrique. Je pense que votre intervention est un atout dans tout ce processus de concertation, de dialogue que nous avons avec les différents groupes et les individus qui viennent nous voir pour, justement, faire avancer ce consensus de notre société. Avant d'arriver à adhérer pleinement à votre proposition, je pense qu'il y a ces étapes-là qu'il faut franchir et vous en êtes bien conscient, vous aussi. Je vous remercie de l'apport que vous avez donné à cette commission et je vous encourage à continuer. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de l'économie et du travail remercie le Groupe de recherche appliquée en macroécologie et suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 3)

(Reprise à 20 h 8)

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux pour procéder à des consultations générales et à des auditions publiques sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique.

Ce soir, nous recevons un premier groupe,

la Corporation des maîtres électriciens du Québec, que j'inviterais à s'approcher de la table des témoins, s'il vous plaît. Ils seront représentés pas M. GuHbault, M. Gosselin, M. Noiet, M. Boucher et M. Auger. Bonsoir, messieurs. Nos règles de procédure: D'abord, vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire et il y aura, par la suite, une période d'échange avec les parlementaires. Avant de commencer, je vous prierais d'identifier votre porte-parole, de bien vouloir identifier les membres de votre équipe et de procéder à la présentation de votre mémoire. Je vous en prie.

Corporation des maîtres électriciens du Québec

M. Gosselin (Roger): Mon nom, c'est Roger Gosselin. Je suis président de la Corporation des maîtres électriciens du Québec. Je voudrais présenter les gens qui sont ici à la table. A ma gauche, M. Richard Noiet, qui est président sortant de la Corporation des maîtres électriciens du Québec, M. Guilbault, qui est directeur général de la corporation. À ma droite, M. Jean-Louis Auger, ex-président de la corporation, et M. Anicet Boucher, secrétaire de la corporation.

Le Président (M. Bélanger): Bonsoir, si vous voulez présenter votre mémoire, on vous écoute.

M. Gosselin: La Corporation des maîtres électriciens du Québec a examiné la proposition de plan de développement d'Hydro-Québec pour la prochaine décennie. Les chiffres cités sont vertigineux: 62 000 000 000 $ d'investissement sur 10 ans, dont 43 000 000 000 $ devront être empruntés. 85 000 emplois seront reliés au cours des trois prochaines années aux activités d'Hydro-Québec. Les retombées économiques pour le Québec sont faramineuses. Partout, des mégadonnées, de mégaprojets pour un mégaorganisme.

Par contre, il faut bien l'avouer, au cours des dernières années les pannes ont été plus nombreuses, la détérioration du réseau de distribution et plusieurs reportages médiatiques plutôt négatifs ont considérablement ébranlé le géant qu'est Hydro-Québec. La confiance de sa clientèle a été altérée. Le doute s'est installé. Toute orientation, toute initiative, toute décision d'Hydro-Québec doivent être longuement expliquées, d'autant plus que chaque citoyen entretient le sentiment qu'Hydro-Québec lui appartient un peu.

Dans tout ce contexte, la proposition de plan de développement d'Hydro-Québec a suscité à la Corporation des maîtres électriciens du Québec une curiosité intéressée.

Les visions et les perspectives. Les gestionnaires d'Hydro-Québec nous transmettent leur vision, leurs solutions, avec une bonne ouverture d'esprit et saisissent bien, de l'avis de la CMEQ, les préoccupations des Québécois et leurs atten- tes. Quelques extraits du plan l'illustrent bien: "Vous attendez d'Hydro-Québec un service de première qualité et de l'électricité en quantité suffisante... Ces propositions permettront d'assurer le maintien d'un équilibre entre les besoins du Québec et les ressources disponibles, tout en assurant une meilleure utilisation de l'électricité." Néanmoins, une contrepartie s'impose et HydroQuébec nous le rappelle: "Un prérequis demeure toujours vrai: notre entreprise doit être en bonne santé financière pour pouvoir assurer sa mission." Autrement dit, Hydro-Québec pose les vrais enjeux: Vous voulez la qualité du produit, la qualité du service, alors donnez-nous les moyens pour atteindre ces objectifs. Ces moyens totalisent plus de 4 000 000 000 $. Hydro-Québec ne se défile pas et fait preuve de lucidité.

Voici d'autres extraits: "Nous croyons que vos exigences en matière de qualité de service sont pleinement justifiées..." À un autre endroit on peut lire: "Nous réduirons de moitié la durée moyenne des interruptions de courant pour atteindre une performance comparable à la moyenne des autres entreprises canadiennes d'électricité. Enfin, nous réduirons les délais de raccordement des nouveaux clients..."

Pour les entrepreneurs électriciens, ce dernier objectif réalisé sera un soulagement. En matière d'installation électrique, le maître électricien est le maillon entre le client et le producteur d'électricité. Tout délai de raccordement ne suscite que mécontentement et frustration. La CMEQ est d'accord avec les objectifs définis et les moyens ont été identifiés

Un choix: les économies d'énergie et le développement durable des ressources hydroélectriques. Les documents d'Hydro-Québec nous apprennent que: "Depuis 1983, la consommation d'électricité des Québécois a augmenté de 50 % et 90 % des ensembles d'habitation sont chauffés à l'électricité." Les besoins continuent d'augmenter. Hydro-Québec précise qu'elle doit prendre les mesures pour réduire la croissance de notre consommation et pour assurer un développement durable des ressources À cet effet, Hydro-Québec privilégie les économies d'énergie et le développement durable des ressources hydroélectriques La CMEQ souscrit à cette orientation qu'elle juge fort sage D'ici à 1999, Hydro-Québec a l'intention d'investir quelque 1 800 000 000 $ dans une vingtaine de programmes destinés à réaliser une économie d'énergie Selon Hydro-Québec, ces programmes permettront d'équilibrer l'offre et la demande tout en augmentant la marge de manoeuvre nécessaire pour assurer le développement à long terme du Québec.

Prévoir aujourd'hui les besoins de demain. Pas de choix possible, il faut aller de l'avant. Les besoins en électricité des Québécois augmenteront en moyenne de 2 % par année d'ici l'an 2006: une augmentation totale de 40 % en 16 ans. Il faut donc mettre en chantier de nouveaux

projets de centrales et de lignes. S'il faut compter 10 ans entre le moment où HydroQuébec entreprend des études pour construire une centrale hydroélectrique importante et le moment où celle-ci commence à produire de l'électricité, il ne faut pas hésiter: les moyens nécessaires doivent être pris pour assurer la mise en service du complexe Grande-Baleine, en 1998.

La santé financière d'Hydro-Québec. Le programme d'équipement d'Hydro-Québec exigera des investissements de 62 000 000 000 $, dont 43 000 000 000 $ devront être financés par des emprunts. Hydro-Québec maintient qu'elle a fait tous les efforts pour comprimer ses dépenses et affirme que plusieurs facteurs ont assombri ses pronostics financiers, dont la faible hydraulicité, la baisse des ventes à l'exportation et le coût de nouveaux programmes.

Ces constatations sont pondérées par le fait qu'Hydro-Québec admet qu'il est encore possible d'améliorer la productivité individuelle de ses employés et que des efforts sont faits dans ce sens. Sur ce point précis, la CMEQ se doit de surenchérir. À n'en point douter, le plan de développement est solide quant à son analyse technologique, financière, prévisionnelle, environnementale et économique.

Il y a un doute sur la productivité des ressources humaines. Or, les meilleurs scénarios ne sauraient tenir sans l'implication et la productivité des ressources humaines. Les relations de travail sont tendues chez Hydro-Québec. Les dirigeants ne peuvent pas toujours assurer une gestion efficace des ressources humaines et toute perte de productivité se reflète nécessairement sur les coûts d'opération.

Dans un tel contexte, comment parler de qualité de services sans une certaine responsabilisation des employés et des syndicats? Cette seule question de la productivité des ressources humaines peut démolir le plan de développement d'Hydro-Québec, subtilement, pernicieusement et de façon durable. C'est pourquoi la CMEQ estime que la productivité des ressources humaines doit être au centre des discussions au cours de chacune des présentes et prochaines négociations.

Le rôle de la sous-traitance. Si l'augmentation de la productivité des ressources humaines d'Hydro-Québec est une question primordiale, le développement de la sous-traitance l'est tout autant. Hydro-Québec doit favoriser l'octroi de contrats à des entreprises privées. Il est économiquement bénéfique que les entreprises privées profitent des retombées du plan de développement proposé par Hydro-Québec. Il s'agit d'une saine concurrence où Hydro-Québec peut profiter du rendement des entreprises les plus productives, tout en diminuant ses coûts. Bien souvent l'exécution de travaux ad hoc ne justifie pas la permanence d'employés. À plusieurs reprises, il a été démontré que dans de nombreux cas la sous-traitance demeure la solution idéale, tant sur le plan technique que financier. Dans le cas d'Hy- dro-Québec, les retombées économique de son plan de développement doivent profiter au plus grand nombre possible d'entreprises québécoises et à plus forte raison si elles ont le faire-faire nécessaire.

Conclusion. Hydro-Québec a défini dans son plan de développement des objectifs réalistes et attendus: la qualité du produit, la qualité du service et une augmentation de sa capacité de production pour pourvoir aux besoins futurs et anticipés. Elle réclame avec raison des moyens financiers pour réaliser ses objectifs. La CMEQ estime que l'augmentation de la productivité des ressources humaines d'Hydro-Québec est une condition essentielle à la réalisation du plan proposé par Hydro-Québec et que la sous-traitance est le meilleur moyen pour réduire les coûts, favoriser une meilleure productivité et développer un faire-faire indispensable à l'évolution de l'économie québécoise. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le président.

Mme la ministre.

Mme Bacon: M. Gosselin et messieurs, d'abord je veux vous remercier de votre présence à cette commission parlementaire, qui est une présence importante pour l'intérêt, je pense, de la discussion que nous avons en ce moment et qui va durer tout le mois de mai.

Vous soulevez dans votre mémoire la question de la réduction des délais de raccordement des nouveaux clients. Quel devrait être, selon vous, un délai raisonnable pour le raccordement de nouveaux clients?

M. Gosselin: Quand les installations électriques de base sont faites, je pense que les critères d'Hydro-Québec, il y a quelques années, étaient de trois jours - à moins que je ne me trompe - et actuellement il y a des délais qui sont souvent plus importants que ça. Évidemment, je ne parle pas des endroits où les réseaux ne sont pas rendus, où il y a des études de réseaux à faire, mais évidemment, là encore, il y a de la concordance probablement à faire entre les services d'Hydro-Québec pour que les travaux se réalisent le plus rapidement possible. Un délai raisonnable, autrement dit, dans une situation normale, ça pourrait être trois jours.

Mme Bacon: Trois jours. Le thème de la productivité d'Hydro-Québec occupe aussi une place importante dans votre mémoire et vous savez comme on a mis l'accent sur la productivité après la commission parlementaire sur la tarification. Est-ce que vous pourriez nous préciser votre perception des moyens pour accroître la productivité chez Hydro-Québec? Est-ce que, selon vous, il faudrait des ajustements sur le plan de la rémunération seulement ou encore est-ce qu'il faudrait des changements

dans l'adaptation de nouveaux modes de gestion? Est-ce que c'est par les modes de gestion ou par la rémunération des ressources? Qu'elle serait pour vous la meilleure façon d'accroître la productivité?

M. Gosselin: Savez-vous que la question est bonne, la réponse est plus difficile. Dans un cas comme...

Mme Bacon: II y a plusieurs facettes.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. Guilbault.

M. Guilbault (Y von): La question, évidemment, n'est pas facile pour des gens qui sont de l'extérieur, surtout quand on parle de gestion de ressources humaines, et là on fait affaire, vous le savez, à beaucoup d'impondérables. Pour être des gens qui travaillons régulièrement avec Hydro-Québec, il y a une perception très nette et très claire que la productivité des ressources humaines d'Hydro-Québec a gravement périclité au cours des dernières années. C'est une constatation qui est faite par une perception, donc ce n'est pas une, ce n'est quand même pas une déduction qui provient d'analyses techniques. Les gens le sentent, les gens le voient par des délais, par des façons de répondre, par vingt coups de téléphone avant qu'il y ait une réponse, plutôt que deux coups de téléphone. Ce qui fait que ce qui circule dans notre milieu, ce n'est sûrement pas par des augmentations de salaire qu'on peut résoudre ces questions-là. Les joueurs de baseball en ont des augmentations de salaire, et pourtant ça ne résoud pas tous les problèmes. C'est sûrement par des modes de gestion et une complicité entre la direction et les employés, puis cette complicité-là, on ne la sent pas, un peu tout le monde se fout du résultat au bout de la ligne et tout le monde en souffre un peu, puis, pourtant, à peu près tout le monde a le sentiment qu'Hydro-Québec lui appartient un peu, ce qui devient fort frustrant

Mme Bacon: D'accord.

M. Guilbault: Alors, c'est définitivement du côté des moyens de gestion...

Mme Bacon: Les moyens de gestion...

M. Guilbault: À long terme. Le salaire, ça, on l'a une journée, et le lendemain on pense à la prochaine qu'on va avoir.

Mme Bacon: II n'y a rien de plus vieux qu'une ancienne convention.

M. Guilbault: Pardon?

Mme Bacon: II n'y a rien de plus vieux qu'une ancienne convention.

M. Guilbault: À peu près ça, et le lendemain.

Mme Bacon: Vous préconisez un recours accru d'Hydro-Québec à la sous-traitance pour réaliser son mandat. Quels sont les critères, peut-être, de partage des travaux entre l'interne et l'externe que vous favorisez9 Est-ce qu'on doit accorder l'entretien à l'interne, la construction à l'externe, ou si on doit aller selon les besoins qu'Hydro-Québec sent dans les travaux à faire immédiatement?

M. Gosselin: Évidemment, encore là, il y a une stratégie de gestion qui va entrer en ligne de compte au niveau de la planification de la sous-traitance, mais il est bien évident qu un peu plus loin dans le mémoire on souligne qu'on a l'impression comme Québécois qu'Hydro-Québec nous appartient un peu, et je pense que tout le monde voudrait avoir, peut-être, la chance d'y travailler tout au moins dans les travaux de construction, même dans les travaux d'entretien, si ce sont des travaux qui ne justifient pas l'embauche de personnes permanentes, de façon annuelle, dans le domaine. Mais, au niveau de la sous-traitance, ce qui est revenu le plus souvent, nous autres, au cours des discussions - c'est évident que c'est un choix de gestion, aussi, à l'intérieur de ça - c'est: si c'est moins cher d'aller en sous-traitance, pourquoi ne pas aller en sous-traitance, quand c'est moins cher? Ça se résume peut-être à ça, comme stratégie. Mais, à savoir quels travaux devraient aller en sous-traitance, je pense que notre mémoire ne rentre pas en profondeur à l'intérieur de ça. Je ne sais si c'est assez clair.

Mme Bacon: D'accord. Vous soulevez aussi, dans les problèmes des délais de raccordement, les pannes qui sont plus nombreuses, la détérioration du réseau de distribution, en termes de faiblesse. Au niveau de la qualité de service, si on s'arrête à seulement la qualité de service, est-ce que vous pourriez nous indiquer d'autres éléments qui pourraient faire l'objet d'une attention particulière dans l'effort d'amélioration de la qualité de service? Est-ce qu'il y a d'autres éléments, qui pourraient paraître même mineurs ou même majeurs, mais qui pourraient améliorer la qualité de service? Souvent, ce sont de petits éléments comme ça, et il y a une accumulation d'éléments qui fait que le service est ou bon ou mauvais.

M. Guilbautt: Évidemment, on va parler pour notre groupe, notre version des choses. Les entrepreneurs électriciens, il y en a 3000. au Québec. Donc, ce sont des entrepreneurs. Ce qui fait que, chaque fois qu'il y a un raccordement à faire au réseau, ou une modification d'installation

qui implique un raccordement au réseau, ça implique une communication avec Hydro-Québec. Et, encore là, l'entrepreneur électricien va faire affaire directement avec le client. À partir du moment où il y a des délais entre la commande passée par le client à l'entrepreneur électricien et un délai entre l'entrepreneur électricien et Hydro-Québec, c'est ce qui suscite du mécontentement.

Je pense que, dans le milieu, à peu près tout le monde pourrait vous donner des exemples où il y a eu des retards absolument indus, où on est absolument incapables de mettre la responsabilité sur quelqu'un. Comme si ce n'était la faute de personne. Or, pour donner du service, c'est clair que ça prend des normes, ça prend des procédures, ça prend de la gestion. Souvent, on a de la difficulté à identifier qui est le patron à Hydro-Québec, à partir de la base. Et ce n'est pas un phénomène normal. Donc, pour les entrepreneurs électriciens, pour eux, la qualité du service, on ne parle pas vis-à-vis du public, mais la qualité du service, c'est d'être capable de rejoindre les gens à Hydro-Québec lorsqu'ils ont des questions à leur poser, en termes de techniques, en termes de modifications, ce qu'on appelle, dans le milieu, le livre bleu, c'est-à-dire toutes les procédures pour procéder au raccordement sur le réseau d'Hydro-Québec. Mais, si cette communication-là est très lente et qu'il y a des délais absolument inacceptables, vous comprendrez que c'est le public qui en souffre au bout de la ligne et l'entrepreneur électricien est mécontent, parce que son client est mécontent, et ainsi de suite. La perception du milieu, c'est qu'il est souvent très difficile de mettre le doigt sur le responsable de quelque chose. Comme s'il n'y avait pas de définition de tâche. Vu de l'extérieur, c'est quand même très difficile, parce qu'Hydro-Québec c'est gros. C'est difficile à mettre le doigt sur le bobo.

Mme Bacon: C'est ça. Vous appuyez aussi, à la page 4 de votre mémoire, l'orientation que prend Hydro-Québec par rapport à privilégier les économies d'énergie. Comme Corporation des maîtres électriciens est-ce que vous auriez d'autres suggestions à faire à Hydro-Québec relativement à des façons d'économiser l'électricité?

M. Guilbault: Dans la trentaine de moyens qui sont listés dans le document produit par Hydro-Québec, c'est évident qu'avec le temps il va s'en ajouter d'autres. Pour nous, les moyens préconisés par Hydro-Québec ne sont pas exhaustifs, dans le sens que, s'il y a d'autres bonnes idées qui se rajoutent dans le temps, il est évident qu'Hydro-Québec va en prendre considération. On a retenu l'idée d'amener les gens à concevoir les économies d'énergie comme un mode de vie. C'est comme ça qu'on l'entrevoit, nous. Déjà, on a des communications avec Hydro-

Québec concernant certains projets, comme ce qu'on appelle les options résidentielles que la Corporation a fortement publicisées au cours des derniers mois, pour amener les gens, les acheteurs de maison ou ceux qui font de la rénovation à penser économie d'énergie au moment de la construction de la maison et non après, quand les murs sont fermés et que ça devient excessivement dispendieux de faire des réparations. Ces discussions-là sont en cours. Pour nous, c'est carrément une question d'ouverture d'esprit, face aux économies d'énergie. Ce qui n'était pas possible il y a quatre, cinq ans, parce que les gens s'en foutaient royalement, maintenant, ça s'en vient dans les moeurs parce que les journaux en parlent. Quelqu'un qui ne s'intéresserait pas aux économies d'énergie ne serait pas à l'avant-garde.

Nous, notre travail, dans une organisation comme la Corporation, c'est d'amener les entrepreneurs à penser économie d'énergie quand elle offre les produits directement au public. C'est un peu le rôle qu'on joue à l'heure actuelle. C'est ce qu'on a fait dans un programme comme les options résidentielles qu'on va publiciser, encore une fois, au cours des prochains mois et des prochaines années.

Mme Bacon: Par rapport à Hydro-Québec, vous vous permettez de leur faire aussi des recommandations en cours de route?

M. Guilbault: Absolument. Parce que les meilleures recommandations, si elles ne sont pas applicables, ça cause drôlement... C'est du rêve. Dans le fond... Je vous donne un exemple de ce qu'on fait, en collaboration d'ailleurs avec Hydro-Québec: On amène, régulièrement et progressivement, les entrepreneurs électriciens vers des programmes comme celui-là, en les identifiant et en les forçant à s'identifier comme tels, comme étant intéressés à un phénomène comme les économies d'énergie Et sur 3000, en l'espace de six mois, il y en a 400 qui se sont dit: Nous, on est intéresses à embarquer dans des programmes comme ceux-là, à parler avec la clientèle de ce qu'ils pourraient ajouter dans la maison comme économies d'énergie, et ainsi de suite. 400, ça ne paraît peut-être pas beaucoup. En fait, c'est énorme, dans un premier temps. C'est de donner la tendance, de telle façon que, si quelqu'un ne suit pas cette tendance-là, il a l'air un peu fou en arrière, et là c'est strictement humain, mais c'est comme ça qu'on procède un peu.

Mme Bacon: Ça je pense que c'est donner le ton, aussi.

M. Guilbault: C'est ça.

Mme Bacon: Vous illustrez aussi, dans l'annexe de votre mémoire, le rôle des entrepre-

neurs électriciens, et leur importance dans l'économie du Québec. Vous dites que vous employez quand même, directement, plus de 12 000 salariés de la construction. Vous versez annuellement environ 280 000 000 $ en salaires. Est-ce que vous pourriez nous décrire l'impact que pourraient avoir des projets, là, dans le plan de développement d'Hydro-Québec cur votre secteur d'activité en particulier? (20 h 30)

M. Guilbault: Ah l'impact peut être énorme, dans le sens où souvent... comment expliquer? Les entrepreneurs électriciens, évidemment, sont indépendants l'un de l'autre. Ils sont 3000 mais ils sont indépendants. Une bonne partie va s'intéresser au secteur résidentiel, le secteur de la rénovation. D'autres vont surtout être spécialisés dans de la grosse construction industrielle ou institutionnelle. Les programmes d'Hydro-Québec, s'ils sont pensés, systématisés, ça permet à une organisation comme la nôtre d'orienter tous ces entrepreneurs-là dans la même direction. Parce qu'il ne faut pas oublier que, comme ils sont indépendants l'un de l'autre, chacun a son idée, et par définition, parce que ce sont des entrepreneurs, on peut vous dire que ce sont souvent des personnes fort individualistes. Et si les programmes d'Hydro-Québec, par sa puissance - parce que, écoutez, quand on parle de 62 000 000 000 $, c'est quelque chose - et son image, peuvent amener les gens à travailler dans une même direction, c'est ce que ça peut produire. En termes de chiffres, on ne peut pas quantifier ce que ça peut représenter. Par contre, on sait que ça solidifie des emplois, parce que ça force des gens à se spécialiser, plutôt que courir après chaque contrat qui passe.

Mme Bacon: Pour être prêt à faire face à... M. Guilbault: C'est ça Mme Bacon: ...à toute éventualité. Merci. M. Guilbault: Parce que... pardon. Mme Bacon: Allez-y.

M. Guilbault: Parce qu'un entrepreneur, évidemment, par définition, cherche des contrats et, s'il n'est pas spécialisé, il va soumissionner dans beaucoup de cas, surtout dans les petites villes, sur à peu près tous les contrats qui vont passer. Tandis que, s'il est identifié comme un expert en économies d'énergie offrant des produits et étant la personne qui connaît ça, c'est évident qu'à ce moment-là les gens qui vont travailler pour lui vont avoir un emploi mieux assuré, et ainsi de suite.

Mme Bacon: D'accord. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Alors, M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, M. le Président. J'ai écouté avec intérêt votre présentation. Je trouve, dans le texte de votre mémoire, que vous avez été fidèles à votre lettre que vous adressiez au secrétariat de la commission le 6 avril, où vous disiez que vous souhaitiez intervenir pour donner un appui de principe au plan de développement d'Hydro-Québec, tout en formulant certains commentaires sur la productivité de l'entreprise et sa politique de sous-traitance. C'est effectivement ce que l'on retrouve dans votre mémoire. Si j'avais un commentaire complémentaire à faire, c'est que je constate que votre mémoire, par contre, évacue complètement le grand problème de société auquel nous sommes confrontés et que nous aimerions discuter avec tous ceux qui participent à cette commission parlementaire, c'est-à-dire le développement hydroélectrique versus les problèmes environnementaux ou en fonction des orientations que l'on doit prendre comme société quant à l'utilisation de l'électricité et aux modalités de production de cette même électricité-là.

Ce qui m'amène à une première question. En page 5 de votre mémoire, vous dites, et c'est très précis, il n'y a pas de tergiversation là-dessus: "Les moyens nécessaires devront être pris pour assurer la mise en service du complexe Grande-Baleine en 1998." Qu'est-ce que vous entendez essentiellement par moyens nécessaires? Connaissant très bien toute la problématique qui tourne autour du complexe Grande-Baleine, la position des autochtones qui vivent sur le territoire, qui vont continuer à y vivre, qui ont probablement leur mot à dire, eux aussi, là-dedans concernant les impacts environnementaux que ça va avoir, enfin, toute la dynamique qui existe actuellement autour du projet Grande-Baleine, ça ne semble pas vous préoccuper particulièrement. Vous dites: Tous les moyens nécessaires devront être pris pour que ça soit réalisé. Quels sont tous ces moyens nécessaires?

M. Gosselin: Ça nous préoccupe, c'est évident. D'ailleurs, on le souligne en page 6 du mémoire. Mais, quand on regarde le document synthèse ou le document préparé par HydroQuébec, on remarque que le problème environnemental est quand même assez largement couvert et on pense que les moyens nécessaires doivent être pris pour assurer la mise en service du complexe Grande-Baleine en 1998 II est bien évident que le problème environnemental fait partie des discussions qui doivent avoir lieu préalablement à la mise en place des structures. Je pense que, dans notre esprit, c'était clair. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Claveau: Moi, c'est quelque chose en rapport avec la formulation dans le fond. C'est qu'on ne souhaite même pas que ça se réalise.

On demande que l'on prenne nécessairement les moyens pour que ça se réalise. Alors, ce n'est pas évident. Il pourrait éventuellement arriver pour une raison ou une autre, à l'issu des débats là-dessus, malgré un souhait, que ça ne se réalise pas quand même.

M. Guilbault: Oui, mais il faut comprendre l'optique dans laquelle on a écrit notre mémoire. C'est évident que vous avez réalisé que ce n'est pas un mémoire chiffré dans le sens que ce n'est pas un mémoire technique, ce n'est pas un mémoire qui a touché tous les aspects de la question. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'on ne les a pas touchés qu'on n'en est pas conscients. L'optique qu'on a prise c'est que globalement il y a des besoins qui sont là. Les gens veulent la qualité du service; ils veulent la qualité du produit. Alors, il y a une constatation que s'ils veulent la qualité du service et la qualité du produit, si on évalue les besoins pour les 10 prochaines années, il y a des décisions qui doivent être prises. On n'est pas naÏÏs au point de croire que ces décisions-là n'engendreront pas ou n'occasionneront pas des difficultés. Ce qu'on dit c'est qu'il faut prendre les décisions pour combler ces besoins-là et les moyens qui ont été... c'est-à-dire la façon de combler ces besoins, ce sont des barrages hydroélectriques. Ce qu'on dit c'est qu'on souscrit au moyen hydroélectrique de produire l'électricité mais c'est évident que, dans toute décision qui implique la société, il y a des groupes qui vont avoir des commentaires qui vont être négatifs. Ça ne veut pas dire de les mettre de côté mais ça veut dire de tenter de trouver des solutions. Autrement dit, s'il n'y a pas d'idées meilleures que celles qui sont exprimées par le plan de développement, bien, qu'on aille de l'avant. C'est ce qu'on a voulu dire.

M. Claveau: Dans un autre ordre d'idées, un peu plus loin dans votre mémoire, vous faites référence à la dynamique interne d'Hydro-Qué-bec, les problèmes de relations du travail, d'appartenance, d'intérêt des travailleurs par rapport à l'entreprise, etc., et on sait très bien qu'un des gros problèmes actuellement, qui est peut-être... En tout cas, un des noeuds importants des relations du travail à l'intérieur d'Hydro-Québec, c'est la question de la sous-traitance. Vous souhaitez que l'on règle le problème des relations du travail à Hydro-Québec pour que ça aille de mieux en mieux et que l'entreprise soit efficace, etc. Par contre, en même temps, tout de suite à la page suivante, vous souhaitez qu'Hydro-Québec favorise... Et vous allez plus loin que ça parce que vous dites: "Hydro-Québec doit favoriser - donc ce n'est pas un souhait, c'est une nécessité dans votre esprit - l'octroi de contrats à des entreprises privées." Advenant le cas où le problème des relations du travail à Hydro-Québec serait résolu en bout de piste justement par l'abandon de certains contrats concernant les entreprises privées, des contrats de sous-traitance, que ça deviendrait nécessaire pour régler des problèmes, est-ce que vous maintiendriez toujours quand même que l'on doive favoriser les relations du travail à l'intérieur d'Hydro-Québec comme étant une des premières choses auxquelles on doive s'attaquer?

M. Guilbault: Votre question concerne la sous-traitance? C'est parce qu'à un moment donné vous avez parlé de sous-traitance et je n'ai pas fait le joint avec votre conclusion.

M. Claveau: Non, non. C'est parce que vous dites qu'on doit tout faire, en fait, pour régler les problèmes de relations du travail à l'intérieur d'Hydro. D'une part, vous dites ça. D'autre part, vous dites: Hydro doit continuer à donner des contrats de sous-traitance. Moi, je dis: Soit, mais si on arrivait à la conclusion que pour justement régler les problèmes internes de relations du travail à Hydro et améliorer la qualité du service, la productivité, etc., à l'intérieur des structures mêmes d'Hydro-Québec, on doive y sacrifier à la sous-traitance, seriez-vous d'accord toujours pour qu'on donne quand même la priorité à l'amélioration des relations du travail et de l'efficacité interne à l'Hydro-Québec?

M. Guilbault: On ne peut pas être cartésien comme votre question le laisse supposer. Quand il y a des investissements de 62 000 000 000 $ dans une société comme celle dans laquelle on vit, je pense que les gens s'attendent à ce qu'il y ait une redistribution de ces investissements-là. Là, c'est carrément des choix de société. C'est évident qu'à un moment donné les gens qui vont travailler pour Hydro-Québec vont vouloir avoir tout le gâteau si nécessaire, puis ceux qui n'en ont pas en veulent une partie. Mais quand il y a 62 000 000 000 $ d'investissements, ça serait tout à fait normal que le gâteau déborde sur le reste des entrepreneurs québécois. Et ça, ce sont des choix de société, ça ne se fait pas toujours très facilement, ça peut se faire par des choix politiques. Mais, si vous posez la question à des gens d'Hydro-Québec, c'est-à-dire les syndicats et ainsi de suite, c'est clair qu'ils vont vous répondre que tout devra être fait par les employés d'Hydro-Québec. Mais, comme entrepreneurs, il nous apparaît clair, à cause de la dimension tout à fait gigantesque des retombées économiques des investissements d'Hydro-Québec, que les entrepreneurs aient non seulement leur part du gâteau, mais puissent aussi développer un faire-faire supposé par ces investissements qui sont tout à fait faramineux. On ne peut pas poser la question avec un choix comme celui-là. On ne peut pas.

M. Claveau: Bien, un jour ou l'autre, il va

falloir qu'il y ait un choix qui se fasse. Vous avez dit vous même que c'est un choix de société.

M. Guilbault: Bien, écoutez. Si vous voulez une réponse très précise, la sous-traitance, c'est clair que les entrepreneurs privés doivent en avoir et, s'il y avait un choix à faire, il faudrait que les employés d'Hydro-Québec comprennent qu'ils font partie de la société québécoise mais tout le gâteau ne leur appartient pas. Si vous voulez une réponse précise.

M. Claveau: Mais les employés d'Hydro-Québec, de toute façon, n'ont jamais demandé tout le gâteau. Est-ce que vous seriez d'accord, par contre, que l'on définisse une fois pour toutes et, ce, d'une façon non imposée mais à la suite de négociations vraiment en bonne et due forme, que l'on définisse vraiment une ligne qui délimiterait ce qui doit aller à la sous-traitance et ce qui doit rester à l'interne à Hydro-Québec?

M. Guilbault: Oui. Mais, vous savez, normalement, de la façon dont ça se passe dans ce genre de chose là, on ne nous demande pas nécessairement notre avis. Il y a une négociation entre la direction d'Hydro-Québec et les syndicats d'Hydro-Québec. Et les entrepreneurs privés, ce qu'ils peuvent faire, ils peuvent se présenter en commission parlementaire, comme ici ce soir, en toute démocratie et dire: Nous autres aussi, on veut notre part du gâteau. On n'est pas nécessairement partie à cette négociation-là, malheureusement.

M. Claveau: O.K. Je vais passer à d'autres questions puis peut-être que mon collègue de Duplessis aurait une ou deux questions à poser après là-dessus. Mais je voudrais quand même, là... Dans la dynamique des relations entre les entrepreneurs qui font la connection, si vous voulez, du service et Hydro-Québec, il semble y avoir un problème. Hydro-Québec nous disait en commission parlementaire, il n'y a pas plus tard que quelques semaines, au moment de parler de la tarification, qu'elle avait beaucoup de difficulté à planifier au niveau régional parce que, d'abord, elle n'est pas toujours avertie des modifications qu'il peut y avoir, par exemple, quant au chauffage, du changement du mazout à l'électricité. D'autre part, il peut y avoir, ça arrive qu'il y ait des nouveaux quartiers résidentiels, dans des nouveaux secteurs de développement qui sont connectés au réseau sans que pour autant Hydro-Québec soit avertie. Ce qui fait, finalement, que dans certaines régions on se retrouve avec une surcharge par rapport aux installations, aux équipements mis en place par Hydro-Québec, alors que dans d'autres régions les équipements dépassent largement la demande.

Alors, comment pensez-vous qu'on pourrait réussir à établir un mécanisme qui ferait en sorte que, lorsque vous allez connecter de nouvelles résidences ou lorsque vous faites des modifications, par exemple, pour changer un système de chauffage du mazout à l'électricité, les instances d'Hydro-Québec concernées soient immédiatement averties pour pouvoir, elles aussi, prévoir d'avance les travaux qu'elles auront à réaliser sur leurs installations?

M. Gosselin: Je vais recommencer. Juste pour clarifier, peut-être, la situation, il y a déjà un mécanisme qui est en place, qui est un formulaire que l'entrepreneur électricien doit compléter pour toute entrée électrique ou toute modification dépassant une certaine charge et en faire rapport à Hydro-Québec avant que tous travaux soient entrepris, ce qui s'appelle une formule de demande de raccordement ou de demande de modification. C'est déjà en place.

À savoir maintenant comment planifier ces choses-là, je pense que vous allez comprendre que nous, les entrepreneurs électriciens, sommes quand même des sous-traitants dans le réseau de l'industrie. Les contrôles ou les développements, ou les planifications de développement, quand on arrive là, souvent, il y a de l'infrastructure de faite. Il y a des routes de faites. Il y a des rues qui ont été développées. Il y a des réseaux d'égout et d'aqueduc qui sont posés et on arrive un peu plus tard, nous autres, dans le circuit. Mais, nous, comme entrepreneurs, on a une obligation de donner à Hydro-Québec les renseignements sur les modifications de charge ou des nouveaux raccordements pour tout ce qui touche les 400 ampères et plus à 120, 240. Ça veut dire tout ce qui est de 10 kilowatts et plus, si on veut. Ça fait que c'est déjà en place. (20 h 45)

À savoir comment l'améliorer, tantôt on parlait d'améliorer la situation au niveau des constructions. On a eu dans nos demandes d'entrepreneurs des gens qui ont fait des demandes et, au bout de trois mois, les raccordements n'étaient pas encore faits dans des nouvelles installations. Le délai, pourquoi le délai est là, pourquoi est-ce si long? Est ce que c'est une planification interne qui est déficiente? Je pense qu'encore là on est peut-être mal placés pour juger de ces choses là, mais on sait que, de temps à autre, ça ne prend pas de temps, et d'autres fois ça prend plus de temps. Il y a certainement des raisons qui expliquent ça. Je pense que, pour nous autres, c'est difficile. C'est difficile d'accepter que les délais soient si longs, ça c'est officiel. Mais, à savoir comment planifier ça et quelle pourrait être notre intervention, je vous dis qu'il y a déjà un mécanisme qui est en place, et c'est un formulaire que nous, l'entrepreneur, on doit transmettre à Hydro-Québec. Je pense que les gens d'Hydro-Québec ont dû vous la faire savoir, cette chose-là.

M. Claveau: Une dernière question brève,

avant de passer la parole à mon collègue de Duplessis, si vous le permettez. Est-ce que, selon ce que vous connaissez, étant donné que c'est vous qui travaillez directement avec les clients, surtout au niveau du résidentiel - l'industriel, c'est la même chose - est-ce que, actuellement, il y a une tendance à la baisse de la conversion à l'électricité des système de chauffage, dans les... Il reste encore un bassin de l'ordre de 25 % à 26 %, peut-être même 27 %, d'anciennes résidences ou d'installations peut-être un petit peu plus désuètes qui ne sont toujours pas converties à l'électricité. Est-ce qu'il y a une tendance à la conversion, ou s'il y a plutôt ralentissement de tendance?

M. Gosselin: Vous comprendrez qu'à la suite du programme biénergie résidentiel il est bien évident qu'il y a eu une baisse, et que cette baisse-là s'est maintenue. Il y a eu un gros boum, à un moment donné, dans la conversion, lors des subventions à la biénergie, dans le secteur résidentiel. C'est évident qu'au moment où on se parle on ne vit pas ce qu'on a vécu dans la transformation à cette époque-là. Ça c'est au niveau résidentiel. Et, au niveau commercial et industriel, vous savez ce qu'a fait Hydro-Québec il y a à peu près six mois ou au 1er janvier dernier, elle a racheté des contrats afin de régler un manque d'alimentation pour l'année en cours. Ça, je pense que tout le monde est conscient que c'est évident. Je ne peux pas vous dire les statistiques au niveau du chauffage à l'électricité au Québec, mais déjà II y a beaucoup de conversions qui ont été faites dans les programmes antérieurs. C'est certain qu'ils ne se referont pas, ces programmes-là. Mais je ne pense pas, je ne crois pas que dans le domaine résidentiel les gens reviennent vers le chauffage à l'huile, actuellement, ou vers le chauffage autre qu'électrique. Évidemment, il y a des ajouts qui se font, comme la thermopompe, ou ces choses-là, mais je ne pense pas que ce soit majeur. C'est un point de vue sans statistiques.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Oui, merci, M. le Président. Concernant le plan de développement d'Hydro-Québec, tout le monde sait que ce plan de développement, tel qu'il est préconisé actuellement, tel qu'il est présenté par la société HydroQuébec, est de l'ordre de 62 000 000 000 $. À l'intérieur de ces 62 000 000 000 $, il y a, en fait, deux aspects spéciaux: l'aspect construction, l'aspect rénovation et réparation dans certains équipements. Aspect construction, si ma mémoire est bonne, c'est de l'ordre d'à peu près 52 000 000 000 $. En passant, ce que les employés actuels d'Hydro-Québec ne veulent pas nécessairement avoir sous leur juridiction... Ce n'est pas là qu'est le problème de la sous-traitance pour les employés d'Hydro-Québec. Le problème de la sous-traitance, c'est sur la réparation et la rénovation des équipements. C'est là qu'est le problème, qui représente, dans l'ensemble du plan de 62 000 000 000 $, un montant de l'ordre d'à peu près 10 000 000 000 $. On sait que les employés d'Hydro-Québec ne veulent pas avoir l'ensemble, non plus, de ces 10 000 000 000 $ dont je viens de parler par rapport aux rénovations et réparations. Ça on sait ça. Mais ce que je voudrais savoir de votre part, parce que ça fait des années qu'on en parle, de la question de la sous-traitance, d'après vous, quelle est la proportion que devrait avoir l'entreprise privée dans le cadre de la réparation ou encore de la rénovation des équipements? Quelle est la proportion générale, normale, que devrait avoir l'entreprise privée par rapport aux employés d'Hydro-Québec? Qu'on parle du local 1500, qu'on parle du local 957 ou qu'on parle du local 2000.

M. Gosselin: Je suis un petit peu mal placé pour chiffrer les choses comme ça. Vous comprendrez que c'est difficile de chiffrer des choses. Je pourrais peut-être vous renvoyer une question?

M. Perron: Non, je vais...

M. Gosselin: Je pourrais peut-être vous répondre par une question.

M. Perron: Bien, écoutez, ce n'est pas...

M. Gosselin: Est-il normal de vouloir protéger, à l'intérieur d'une convention collective, un travail pour obliger une entreprise à ne pas aller en sous-traitance, alors que ce serait peut-être meilleur marché de le faire? C'est la question que je me pose moi aussi, comme utilisateur, comme payeur de taxes dans la société québécoise, et je me la pose la question. Si c'était meilleur marché de ne pas aller en sous-traitance, peut-être qu'on pourrait regarder ça autrement.

M. Perron: Alors, M. le Président, normalement, c'est nous qui posons les questions et non pas nous qui nous faisons poser des questions...

M. Gosselin: C'est pour ça, je n'ai pas de réponse.

M. Perron: Mais je vais répondre à votre question.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît.

M. Perron: Je pense qu'il est parfaitement normal...

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,

on va y aller plus calmement.

M. Perron: Oui, oui. Mais je pense qu'il est parfaitement normal que les employés d'Hydro-Québec veuillent maintenir une juridiction à l'intérieur même d'une convention collective qui a dûment été négociée antérieurement et où on parlait justement de sous-traitance par le biais d'une lettre d'entente. Vous comprenez, je connais un peu le dossier parce que j'ai travaillé 20 ans pour Hydro-Québec. Vous comprenez un peu les questions que je pose parce que, justement, je suis d'accord avec une répartition équitable de l'ensemble des opérations de réparation et de rénovation qu'entreprend la société Hydro-Québec mais, cependant, dans le respect de la convention collective des employés d'Hy-dro-Québec, d'une part, et aussi dans le respect de la définition du mot "construction" que l'on retrouve dans le décret. Si on prend les deux...

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Duplessis, pour reprendre l'essentiel de vos propos de tout à l'heure...

M. Perron: Je comprends. Vous prenez les propos de la ministre, là.

Le Président (M. Bélanger): Si on s'en tenait à questionner nos invités plutôt qu'à les informer... Ce sont des grands garçons, ils vont s'informer tout seuls.

M. Perron: Oui, oui, je suis d'accord que ce sont des grands garçons, mais...

Le Président (M. Bélanger): Si vous vouliez juste les questionner, s'il vous plaît.

M. Perron: M. le Président, comme j'ai eu une question qui m'a été posée, j'ai répondu à la question, d'une part.

Le Président (M. Bélanger): Bon.

M. Perron: D'autre part, je sais que vous n'avez pas besoin des informations de la ministre pour pouvoir me rappeler à l'ordre sur cette question-là. La question... Ce que je voudrais savoir...

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Duplessis, s'il vous plaît.

Mme Bacon: Je pense qu'on a un ton sensé depuis le matin, il faudrait peut-être le garder. Le député d'Ungava a été très correct là-dessus.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, je vous demande un petit peu de modération.

Mme Bacon: M. le député de Duplessis, vous pouvez peut-être faire la même chose. Donnez donc l'exemple.

Le Président (M. Bélanger): Je voudrais qu'on en revienne à questionner nos invités puisque c'est leur point de vue qu'on veut connaître C'est ça qui est le plus important ici.

Alors, si on voulait s'en tenir à cela et les questionner pour connaître leur point de vue, c'est la raison pour laquelle ils sont ici. Je vous remercie.

M. Perron: M. le Président, je voudrais bien les questionner mais on m'a posé une question, alors j'ai répondu.

Le Président (M. Bélanger): Parfait. Maintenant, on revient aux questions.

M. Perron: Si vous me permettez, M. le Président, je vais lui poser les questions que je veux poser.

Le Président (M. Bélanger): Allez-y, on est là pour ça.

M. Perron: À la condition qu'on ne me pose pas des questions en retour. Qu'est-ce que vous entendez lorsque vous parlez de sous-traitance? Non pas par rapport à la nouvelle construction, ça c'est une autre chose. Il n'y a pas de sous-traitance là-dessus demandée de la part des employés d'Hydro-Québec Lorsque vous parlez de la sous-traitance elle-même, pourriez-vous nous expliquer quelle est votre définition de la sous traitance par rapport à vos besoins, par rapport à vos écrits, par rapport à ce que vous voulez exactement? C'est quoi?

M. Gosselin: Tantôt, vous m'avez demandé de chiffrer. Je vous dis que je ne suis pas capable de chiffrer. Je vous ai répondu, je pense, à cette question-là. Nos besoins, on l'a dit tantôt, dans toute société québécoise où il y a un gâteau qui touche toute la société québécoise, je pense qu'il est normal que ceux qui oeuvrent dans l'industrie de près avec un organisme comme Hydro-Québec aient une part. Cette part-là, je ne suis pas capable de vous la chiffrer, moi personnellement. Je ne sais pas si, vous, vous êtes capable. Je ne poserai pas de question parce que je ne veux pas éterniser le débat, apparemment je suis là pour répondre à des questions. Je vous dis que je ne peux pas le chiffrer.

Le Président (M. Bélanger): Bien, alors le temps de la formation de l'Opposition étant écoulé, il restait à la formation ministérielle six...

Mme Bacon: Six minutes.

Le Président (M. Bélanger): Six minutes.

Alors, Mme la ministre.

Mme Bacon: On va prendre un meilleur ton, M. le Président, pour poser nos questions et traiter nos invités avec respect.

Au-delà des pannes et des problèmes de raccordement, la qualité de service, je pense, peut se traduire également en termes de qualité de produits, comme vous le mentionnez à la page 8 de votre mémoire. Vous parlez de qualité de produits. Qu'est-ce que vous entendez par la qualité de produits? Dans votre travail comme maître électricien, est-ce qu'il y a des moyens que vous pouvez suggérer pour améliorer cette qualité de produits que vous mentionnez dans votre mémoire? Est ce que vous considérez que le produit d'Hydro-Québec est assez adapté aux besoins des clients? Les variations de tension, par exemple, ça fait partie de votre...

M. Guilbault: Sur cette question-là, pour répondre peut-être indirectement à une question qui est directe, la façon dont on a analysé le mémoire, on a pris pour acquis que les gens à Hydro-Québec, en termes de vision, comme on a dit, je pense, à la page 2 du mémoire, on dit: Les gens veulent une qualité de produits et une qualité de service. Ils veulent que ça fonctionne. À partir du moment où on va dans les moyens qui, souvent, sont hautement techniques et sur lesquels les gens ne se questionnent pas toujours... Quand un moteur roule, ça ne veut pas dire qu'on va aller voir nécessairement ce qui se passe en dedans, mais on veut qu'il roule. Alors, nous autres, on dit: Hydro-Québec a clairement identifié les besoins et les attentes des gens: fiabilité du réseau, endurance du réseau. Quand les gens font appel à Hydro-Québec, en termes de service, que le téléphone ne sonne pas 22 coups, que les factures arrivent comme il faut, en temps et lieu, et ainsi de suite, choses qui se sont gravement détériorées au moment où on se parle... Ça présuppose qu'Hydro-Québec ait clairement identifié ces besoins-là, les attentes des gens. C'est notre vision, à nous. On s'est dit: On n'entrera pas dans les données techniques. On ne pense pas que ce sont nos fonctions de nous substituer à la gérance d'Hydro-Québec. Par contre, on dit que les attentes ont été bien identifiées, que les moyens pour y parvenir doivent être pris. C'est notre vision des choses. Autrement, on va se substituer et, là, ça pourrait faire des discussions excessivement longues. Mais, pour le faire, ça prendrait, de notre part, clairement, une étude plus complète.

Mme Bacon: Mais, quand vous travaillez, là, au niveau de contrats pour Hydro-Québec, par exemple, de quoi se plaignent les gens, par rapport à la qualité du produit? Vous devez en entendre, des plaintes, à un moment donné.

M. Gosselin: Je pense qu'on l'a dit un peu, tantôt, c'est souvent une question de rapidité. Actuellement, c'est peut-être ce qui chatouille le plus les gens chez nous, ce sont les délais, les délais de raccordement, les délais de construction de lignes, les délais ou les personnes à rejoindre. Je pense qu'on l'a défini tantôt, un petit peu. Et au niveau de trouver la bonne personne à HydroQuébec, pour le contact. Des fois, on se demande, comme entrepreneurs, si on n'est pas mieux de passer par quelqu'un qui a un beau-frère qui travaille à Hydro-Québec, si ça ne va pas plus vite. Ce sont des questions qu'on se pose. Évidemment, ça fait partie, ça, de nos préoccupations.

Mme Bacon: C'est parce que, en fait, ça me semble, à moi, beaucoup plus la qualité de service, quand vous parlez de ça...

M. Gosselin: Je pense que, pour nous autres qui faisons...

Mme Bacon: ...que la qualité du produit qui est offert par Hydro-Québec, en termes d'électricité.

M. Gosselin: Pour nous autres, qui faisons affaire directement avec Hydro-Québec, c'est évidemment la qualité du service qui est...

Mme Bacon: Davantage, oui.

M. Gosselin: ...primordiale, pour nous autres, dans le champ d'utilisation. Parce que, quand on a une question économique qui dépend directement d'une question de raccordement, par exemple, on a hâte que le client soit raccordé.

Mme Bacon: D'accord.

M. Gosselin: C'est peut-être la préoccupation majeure au niveau des contacts avec HydroQuébec.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le député d'Ungava, si vous voulez remercier nos invités.

M. Claveau: Oui, M. le Président. Ça me fait plaisir de remercier la Corporation des maîtres électriciens de nous avoir fait sa présentation, qui va sûrement aider à l'avancement de nos travaux et, éventuellement, faire en sorte que l'on finisse, un jour ou l'autre, par trouver la véritable et la plus raisonnable des démarcations possibles entre les sous-traitants et les employés permanents à Hydro-Québec.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Bacon: M. le Président, je voudrais remercier M. le président et son groupe de la

Corporation des maîtres électriciens. J'avais l'impression que le député d'Ungava dirait: Ça va nous faire voir la lumière. Mais j'ai l'impression que c'est un ajout important dans tout ce processus, un processus démocratique - le raccordement n'est pas encore fait - qui s'enclenche aujourd'hui. Je pense qu'on en a pour tout le mois de mai. Pour moi, c'est un processus important que vous ayez d'y participer, et je vous en remercie beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la cornmission de l'économie et du travail remercie la Corporation des maîtres électriciens du Québec pour sa présentation, sa contribution à nos travaux et, compte tenu de l'heure, nous ajournons nos travaux jusqu'à demain, 10 heures, à la même salle. Merci. Bonsoir.

(Fin de la séance à 20 h 59)

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