L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 15 mai 1990 - Vol. 31 N° 33

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique au Québec


Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail se réunit pour procéder à une consultation générale et à des auditions publiques sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique au Québec.

Dans un premier temps, ce matin, nous recevons le Comité Baie James de la Conférence énergie et développement viable. J'inviterais donc les représentants de ce groupe à s'approcher de la table des témoins, s'il vous plaît. Il est représenté par Mme Lajambe, M. Edwards et M. Chénier.

Bonjour. Pour vous expliquer brièvement nos règles de procédure, vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire. Quand je dis "ferme", on ne peut pas excéder 20 minutes. Par la suite, il y a une période d'échanges avec les parlementaires. Dans un premier temps, si vous pouviez vous Identifier et présenter votre porte-parole, votre équipe, et procéder à la présentation de votre mémoire, il nous fera plaisir de vous entendre. Je vous en prie.

Comité Baie James de la Conférence énergie et développement viable

Mme Lajambe (Hélène): Mon nom est Hélène Lajambe. Je suis ici avec le Comité Baie James de la Conférence énergie et développement viable. À ma droite, est assis Marc Chénier et, à ma gauche, Gordon Edwards. Nous allons parler chacun à notre tour et nous serons disponibles simultanément pour répondre aux questions.

Le Comité Baie James est né en septembre dernier à l'occasion de la Conférence énergie et développement viable au cours de laquelle nous avions organisé un forum sur le développement de la Baie James où nous avions essayé de voir s'il existait des bilans, tant économiques qu'écologiques, de la première Baie James. Nous rendant compte qu'il n'existait pas de bilan réel des premiers projets de la Baie James, nous avons commencé à nous interroger et, depuis lors, ce comité s'est rencontré régulièrement pour étudier et poser des questions à ce sujet-là. Nous voyons dans cette rencontre avec la commission l'occasion de vous dire un peu la conclusion de notre réflexion.

En fait, notre grand message aujourd'hui, l'essentiel, c'est que, vu les problèmes et les questions qui se posent dans la politique énergétique au Québec, vu l'ampleur des questions qu'elle soulève dans le reste de l'économie, il nous semble que les présentes audiences ne sont pas à la hauteur de la tâche.

Il y a un sentiment de malaise très profond dans la société québécoise, à l'heure actuelle, vis-à-vis de la société d'État qui met en vigueur les politiques énergétiques. Ça se traduit maintenant par un manque de confiance qui est inquiétant. De fait, les experts concourent à ce diagnostic et, devant les immenses projets annoncés dans le plan de développement déposé par Hydro-Québec, beaucoup ont démontré au-delà de tout doute qu'il y avait des questions sérieuses à se poser collectivement sur ce plan de développement. Notamment, il semble que ces projets ne soient pas justifiés, qu'ils ne soient pas nécessaires pour répondre à la demande Interne - et la preuve en a été faite, notamment, en février à l'Office national de l'énergie - mais que, même si on voulait faire le commerce de cette électricité, il est douteux qu'il y ait des marchés qui soient intéressés à nous l'acheter à un prix convenable. Donc, vaut-il la peine de s'embarquer dans un projet dont le bien final ne trouvera peut-être pas preneur ou à si bas prix que ça n'est plus intéressant d'investir des capitaux par ailleurs si nécessaires pour le développement économique du Québec?

On a aussi également beaucoup mis en doute la validité de ces contrats signés avec des industries particulières et sur lesquels on n'a aucune information solide, ce qui nous laisse à penser que peut-être ils sont encore plus désavantageux que les exportations qui ont eu lieu jusqu'à présent. Donc, les experts posent énormément de questions qui se trouvent à rester sans réponse et le scénario que l'on voit se mettre en place depuis quelques mois diffère considérablement de ce qui avait été annoncé il y a quelques années dans ce livre que vous connaissez tous. Le plan de développement d'Hydro-Québec est considérablement différent de cela et, ne serait-ce que pour cette raison, la société québécoise devrait être invitée à repenser même les hypothèses de s'embarquer dans de tels développements.

La population québécoise elle-même ressent profondément les tergiversations et a souffert dans les dernières années d'interruptions de courant, de grèves sporadiques et d'une remise en question de ses projets, étant donné que les autres besoins de la société semblent négligés, qu'il y a beaucoup d'autres secteurs où on pourrait faire un effort que l'on ne semble pas consentir, alors qu'on est tout prêt à l'accorder pour produire l'électricité.

J'aimerais attirer votre attention, notamment, sur la copie de cette semaine du magazine

des affaires, This Week in Business, qui émet, très clairement, les résultats d'une enquête. Je vous lis le titre, je traduis, môme, en français: Les Québécois sont en faveur d'arrêter - "pull the plug" - l'expansion d'Hydro-Québec. Les pourcentages auxquels cette enquête arrive sont extrêmement convaincants. Il y a un besoin profond de savoir ce qui se passe et, surtout, de remettre en question tout projet de développement. Vous constatez que plus de la moitié des Québécois ordinaires - évidemment, c'est un "poil" qui a été fait pour les Québécois ordinaires - refusent les projets, même si ça devait se traduire par davantage d'emplois, même si ça devait se traduire par un meilleur approvisionnement. Ils refusent les projets même si les exportations étaient profitables. Les Québécois ont les pieds sur terre et ce qu'ils veulent, c'est une amélioration du service, et ça, ils l'ont démontré par plus de 70 %, 71 % des suffrages exprimés dans cette enquête.

Hydro-Québec a perdu, au cours des années, toute crédibilité et c'est sans doute dû à de nombreux facteurs, dont l'un, majeur, est peut-être le fait que le projet de la première Baie James a créé des problèmes considérables, mal étudiés. Mais, surtout, on se rend compte que la gravité des problèmes a dépassé le cercle des gens qui connaissent la question énergétique et que c'est, maintenant, outre-frontières que l'on questionne, que l'on remet sur le tapis la réputation d'Hydro-Québec.

La crédibilité de cette commission elle-même a souffert quand on a vu que les hausses de tarifs ont été accordées avant même que le plan de développement ait été étudié. Beaucoup, et pas seulement dans le cadre de la campagne Hydro-Glasnost, ont demandé qu'une véritable enquête publique sort faite en un lieu et avec des intervenants convenables. S'il y avait eu une régie de l'électricité au Québec, cela aurait peut-être pu être un des lieux. Malheureusement, il y a quelques années, ce gouvernement a éliminé la Régie de l'électricité et nous n'avons plus, maintenant, qu'une Régie du gaz naturel. De la même façon, il n'y a plus de commission de l'énergie, des terres et forêts. Les audiences sur l'énergie sont maintenant entendues à votre commission. Donc, il n'y a pas vraiment un forum et, étant donné l'ampleur et la gravité des problèmes qui seraient à étudier, pour que ce soit crédible, nous avons établi les modalités d'une enquête publique, qui nous apparaîtraient convenables. Et, là, je laisserai la parole à Marc Chénler, qui va vous les donner.

M. Chénier (Marc): Bonjour. J'aimerais d'abord manifester notre appui total à la Coalition pour un débat public sur l'énergie au Québec, Coalition dont nous faisons partie. Comme la Coalition, nous reconnaissons l'urgent besoin d'une consultation publique à grande échelle sur la question de l'énergie au Québec, débat qui devrait dépasser le cadre d'une commission parlementaire. Le processus d'enquête devrait être beaucoup plus ambitieux, de beaucoup plus grande envergure, avec des commissaires Indépendants, comme l'a dit Mme Lajambe. Nous avons établi des modalités que nous proposons pour la tenue d'un tel débat, modalités auxquelles je reviendrai tout à l'heure.

Je voudrais parler un peu du risque financier de cette entreprise. En ce moment, la dette à long terme d'Hydro-Québec s'élève à plus de 22 000 000 000 $, ce qui entraîne une dépense de 2 500 000 000 $ par année seulement pour le service de la dette. Si le gouvernement approuve les plans actuels, cette dette triplera. Il en coûtera alors 7 500 000 000 $ par année simplement pour empêcher la dette de grossir; c'est un énorme risque financier. Si on regarde ces chiffres per capita au Québec, ça signifie 3500 $ par personne et cette dette atteindra bientôt 11 000 $ par personne, selon le nouveau plan. Le gouvernement du Québec dit qu'Hydro-Québec n'a qu'un seul actionnaire, c'est-à-dire le gouvernement au pouvoir. Je crois qu'il serait peut-être plus juste de dire que nous en avons 6 000 000, mais on ne nous a jamais demandé notre avis, il n'y a jamais eu de réunion d'actionnaires. Les citoyens québécois qui devront vivre avec les conséquences de tels projets méritent bien de participer à la prise de décision.

Alors, cette électricité, ce serait pour qui et pour quoi? Je crois que toute augmentation Importante de la capacité électrique ne saurait être justifiée que par un des motifs suivants: soit que nous voulions réserver de grandes quantités d'électricité pour rencontrer les besoins des clients à l'extérieur du Québec; soit que nous voulions attirer au Québec des industries qui consomment des quantités démesurées d'électricité, telles les aiumineries; soit que nous options pour une politique visant à substituer l'électricité à d'autres formes d'énergie, le mazout et le gaz, pour le chauffage de l'eau et des Immeubles, par exemple. En fait, le gouvernement poursuit à la fols ces trois options.

Nous trouvons qu'il y a deux questions qui se posent. D'abord: Pourquoi les Québécois devraient-ils assumer d'énormes contraintes financières et endurer une si grande destruction environnementale dans le seul but de subventionner certaines industries privées bien spécifiques ou de rendre service à des clients hors Québec? Une deuxième question qui se pose: La substitution électrique est-elle la façon la meilleure ou la moins onéreuse de réduire la consommation du pétrole et du gai? Nous ne le croyons pas. Nous croyons que la solution réside plutôt dans la conservation de l'énergie. Si le Québec veut être compétitif au XXIe siècle, il ne peut pas se permettre de gaspiller son capital sur des mégaprojets, alors qu'il y a des occasions beaucoup plus profitables dans le domaine de l'efficacité énergétique.

II est erroné de penser que nous n'avons pas le temps de faire un débat public. En fait, au lieu de procéder tout de suite à la construction de ces mégaprojets, on pourrait prendre le temps de respirer. On pourrait investir tout de suite et avoir des résultats très rapidement en investissant dans l'efficacité énergétique, ce qui nous donnerait le temps de repenser tout cela. Et s'il est vraiment nécessaire de construire ces projets, on aura considéré cette décision sous tous ses angles. Je crois que le Québec est à la croisée des chemins. Il y a une des décisions les plus importantes de notre histoire qui doit être prise et très bientôt. Et je crois qu'un débat public est vraiment nécessaire pour que cette décision soit prise de façon claire et précise, et où tous les Québécois pourront participer.

J'aimerais parler un peu maintenant des modalités que nous proposons pour la tenue d'une telle enquête. Nous réclamons.

Qu'une commission d'enquête soit constituée par le gouvernement du Québec, avec pouvoir de subpoena et droit de contre-interrogatoire des témoins;

Que cette commission indépendante soit formée de cinq citoyens ou plus qui ont bien démontré leur dévouement hors pair et leur intérêt pour le bien-être du Québec et qui n'ont pas pris part de façon professionnelle, pendant les cinq dernières années, ni à la formulation, ni à l'application de politique énergétique au Québec;

Que cette commission tienne des audiences publiques à travers le Québec sur les coûts, les risques et les avantages associés à tous les projets hydroélectriques présentement en construction ou prévus au Québec;

Que soient octroyés à la commission suffisamment de fonds et d'experts-consells afin qu'elle puisse remplir efficacement son mandat;

Que des subventions suffisantes soient octroyées aux groupes d'intervenants pour leur permettre d'engager des chercheurs professionnels, de présenter des experts comme témoins et de retenir les services de conseillers qualifiés;

Qu'il y ait au préalable une série de rencontres avec des groupes d'intérêt public, dont le Comité Baie James, afin d'établir les règles de procédure des audiences, ainsi que le mandat et la composition de la commission d'enquête;

Que dans le mandat de l'enquête publique soient incluses les considérations suivantes, sans toutefois s'y limiter:

Premièrement, la fiabilité des prévisions passées et présentes de la demande en électricité, tant au Québec que dans le Nord-Est des États-Unis, ainsi que la validité des prévisions hydrologiques, avec une analyse détaillée des erreurs passées et des hypothèses actuelles,

Deuxièmement, une analyse comparative des implications environnementales, économiques et sociales des projets hydroélectriques proposés face à des investissements comparables pour l'implantation de mesures d'efficacité énergétique, de gestion de la charge et de conservation énergétique aux niveaux communautaire, régional ou provincial, visant à réduire la demande en électricité sans pour autant causer une réduction des services;

Troisièmement, les conséquences à long terme pour l'ensemble de la société québécoise de la dette associée aux projets hydroélectriques actuels et prévus, y compris, entre autres, la question des options d'Hydro-Québec pour le service de la dette, advenant des conditions adverses, et celle des problèmes de disponibilité de capitaux pour le reste de la société québécoise en raison du surinvestissement dans l'industrie de l'approvisionnement en électricité;

Quatrièmement, l'étendue des dommages potentiels à l'environnement associés à ces projets hydroélectriques, en se basant sur une évaluation des effets cumulatifs et progressifs des projets déjà réalisés, tels l'inondation des forêts, le bouleversement des phénomènes météorologiques et hydrologiques, l'accélération de l'érosion, les impacts sur les environnements marins avolsinants et sur les écosystèmes côtiers marécageux, l'Interférence dans les routes migratoires de dizaines de milliers de caribous et de millions d'oiseaux, la perte de vastes régions sauvages encore intactes, le chambardement de l'habitat des mammifères marins, des poissons et de la faune terrestre, la contamination par le mercure des poissons, des animaux et des humains, la production du gaz méthane et la deforestation pouvant contribuer à l'effet de serre, et la possibilité du déclenchement de tremblements de terre;

Cinquièmement, les effets probables de tels projets hydroélectriques sur la santé, le bien-être, le mode de vie et les moyens d'existence des peuples autochtones, et les questions éthiques soulevées par ces projets;

Sixièmement, le potentiel créateur d'emplois à court et à long terme de ces projets hydroélectriques par comparaison avec des investissements comparables dans d'autres secteurs de la société québécoise, ou dans le domaine de l'amélioration de l'efficacité, de la gestion de charge et de la conservation énergétique;

Septièmement, la vulnérabilité aux pannes totales et partielles du système de transmission et de distribution d'Hydro-Québec, et le lien entre ces pannes et la taille et la complexité des réseaux d'Interconnexion...

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.

M. Chénier: D'accord... et certaines politiques telles la promotion du chauffage électrique des bâtiments sans système de stockage de chaleur, l'octroi de subventions à des industries à intense consommation d'énergie comme les

usines d'affinage de l'aluminium, et les engage ments fermes d'exportation d'électricité;

Huitièmement, les risques pour la santé, les dangers pour l'environnement et les impacts économiques reliés aux lignes de transmission à haute tension qui sont nécessaires pour livrer l'électricité au marché;

Neuvièmement, la création de mécanismes, par exemple, une régie des services publics, pour qu'Hydro-Québec art à répondre de ses décisions qui Influenceront profondément le bien-être des générations présentes et futures de Québécois.

Nous exigeons que la commission sott chargée de publier, dans les deux ans du début de son mandat, un rapport public complet qui contiendrait les recommandations détaillées sur toutes les questions ci-haut mentionnées de son mandat et que la commission soit aussi tenue de publier un rapport intérimaire au plus tard un an après le début de son mandat, ainsi que tout autre rapport intérimaire qui serait Jugé pertinent. Voilà qui serait une véritable enquête publique. Soyez francs, exigez-la.

Je cède maintenant la parole à M. Gordon Edwards.

Le Président (M. Bélanger): Malheureusement, le temps est écoulé. Je me dois de vous interrompre à moins qu'il n'y ait consentement et qu'on ne le déduise de la période d'échanges par la suite. Consentement? Alors, vous pouvez y aller.

Mme Lajambe: Merci, M. le Président.

M. Edwards (Gordon): Chaque année, des milliards de dollars quittent la province pour acheter de l'huile en provenance de l'Amérique du Sud et pour payer l'intérêt sur la dette à long terme d'Hydro-Québec. En utilisant les principes de l'efficacité énergétique à l'échelle nationale, nous pouvons arrêter cette fuite d'argent et maintenir la plupart de cet argent ici, au Québec. Cela stimulera beaucoup d'activités économiques à travers la province puisque ces dollars présentement gaspillés seront disponibles pour des achats et des investissements québécois. En rendant efficaces nos villes et villages sur le plan énergétique, nous créerons beaucoup plus d'emplois que par des investissements semblables dans des mégaprojets hydroé lectriques, et ces emplois seront créés à travers la province et non seulement dans le Nord. Le Québec deviendra plus compétitif à l'échelle internationale s'il apprend comment faire plus avec moins. L'efficacité énergétique peut sauver des milliards de dollars sans endommager l'environnement, sans détruire le mode de vie des autochtones, sans augmenter la dette à long terme et sans aliéner des citoyens québécois. (10 h 30)

Une politique énergétique basée sur l'efficacité n'est pas une politique de sacrifices ni une politique de faiblesse. C'est une politique forte, intelligente et imaginative demandant du leadership Mesdames et messieurs, vous êtes les représentants des citoyens du Québec; les enfants de nos enfants devront vivre avec vos décisions concernant le dossier énergétique. Les citoyens et les citoyennes du Québec méritent une véritable enquête sur toutes ces questions soulevées aujourd'hui. Mesdames et messieurs, s'il vous plaît, donnez-leur ce qu'ils demandent Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Bacon: Alors, Mme Lajambe, M. Chénler, M Edwards, Je vous remercie d'être présents aujourd'hui à la commission parlementaire. Comme vous le savez, l'un des principaux objectifs de cette commission est d'examiner les orientations et aussi les choix possibles pour satisfaire les besoins en énergie électrique pour les années deux mille. On porte quand même à cette commission une attention particulière, d'abord, à l'évolution de la demande d'électricité à moyen et à long terme, aux propositions qui sont contenues dans le dernier plan de développement d'Hydro-Québec et aussi aux moyens de concilier développement économique et protection de l'environnement.

Votre mémoire aborde ces sujets-là, mais j'aimerais quand même poser quelques questions qui vont peut-être au-delà des positions qui sont contenues dans votre présentation. Je pense que les réponses que vous pouvez nous apporter aujourd'hui dans le dialogue que nous allons engager peuvent amener quand même un éclairage nouveau et utile aux travaux de la commission.

Une question toute simple au départ: Est-ce que vous pensez que les prévisions de la demande d'électricité telles qu'elles nous sont présentées par Hydro-Québec dans son plan de développement sont exactes ou fiables?

Mme Lajambe: Disons qu'il faut regarder les différents secteurs On reste un peu sur la même impression qu'on avait déjà eue en 1971 en regardant les prévisions d'Hydro-Québec. C'est qu'elles montent beaucoup trop à un moment donné et que beaucoup des éléments d'augmentation de la demande sont loin d'être sûrs. Il y a beaucoup de risques. Ce nouveau plan de développement apporte un nombre de risques plus grand qu'auparavant parce qu'il fait intervenir des industries énormes et lie, en plus, les bénéfices de l'entreprise aux bénéfices de ces entreprises, c'est-à-dire que les risques ne sont pas seulement au stade de la construction et des investissements nécessaires pour la construction, mais sont même au stade de la rentabilité de ces entreprises-là

Les estimations pour le secteur de la demande résidentielle me semblent raisonnables,

même si elles sont un peu fortes, attendu que l'on sait qu'il existe ailleurs qu'au Québec énormément d'équipements, d'appareils ménagers, de lampes d'éclairage et de moyens de fournir l'énergie dans ce secteur-là qui sont Infiniment plus efficaces. Vous avez des réfrigérateurs qui utilisent le cinquième de ce que nos réfrigérateurs utilisent. Nous connaissons tous maintenant les lampes compactes fluorescentes qui durent 10 fols plus longtemps et consomment cinq fois moins. Elles coûtent peut-être plus cher certainement, mais, sur la durée de vie de l'équipement, les investissements sont beaucoup plus rentables et la demande d'électricité sera beaucoup moins forte.

Donc, à travers toutes ces possibilités qui existent ailleurs et qu'il serait temps qu'on introduise au Québec dans tous les secteurs, la demande d'énergie, telle que présentée par Hydro-Québec, nous paraît bien forte, en plus des risques que j'ai mentionnés tout à l'heure.

Mme Bacon: On sait que la croissance énergétique qui est mentionnée dans le plan de développement vient surtout du secteur Industriel. Vous venez de parler du domestique, des résidences, des citoyens, mais on voit que la croissance est quand même... Il y a une marge pas mal plus évidente dans les besoins industriels. Est-ce que vous pensez que dans le secteur industriel on peut arriver à avoir une efficacité énergétique et à faire des économies d'énergie, comme on suggère aux résidents de le faire dans leur résidence par toutes sortes d'objets qu'on leur suggère, même en ce moment? Est-ce qu'on peut y arriver dans le secteur industriel comme on peut le faire dans le secteur résidentiel, par exemple?

Mme Lajambe: Oui. C'est un secteur particulièrement intéressant parce que le nombre de décideurs est réduit. Donc, si vous faites circuler la bonne information, les décisions se prennent beaucoup plus rapidement et, dans certains cas, ils n'ont même pas besoin de subventions parce que ça leur épargne de l'argent de toute façon. Donc, c'est vraiment un secteur qu'il faut regarder de très près. Par contre, il faut remarquer que la politique d'électrlflcation de ce secteur-la a introduit un "biais" à la surélectrtfi-cation et que, vraisemblablement, ça risque de durer; on risque de se trouver toujours à être un petit peu plus électriques dans ce secteur-là.

Il y a également le danger que d'autres industries qu'on pense attirer ici ne viendront pas, parce que le jour où le Québec aura véritablement des contrôles environnementaux sur les industries comme il en existe ailleurs, le jour où on aura des règlements environnementaux sur les alumineries, les raffineries et tout ça, il est bien certain qu'elles ne viendront pas, parce que les avantages qu'on aura à leur offrir à ce moment-là seront bien moindres. Mais il faut considérer que les industries qu'on attire à l'heure actuelle avec ces faux avantages, on en paie le coût très chèrement puisqu'elles viennent ici, qu'elles polluent et qu'elles s'en vont, et que, comme dans le cas de la Balmet, c'est nous qui nous retrouvons avec la facture.

Mme Bacon: Vous parlez des contrôles environnementaux, ils existent ailleurs, les contrôles environnementaux, et les gens y vont quand même, les industries s'installent quand même. Même si on avait davantage de contrôles environnementaux, elles vont venir s'installer de la même façon ici. Quelle serait l'ampleur, quel serait le potentiel énergétique qu'on pourrait sauver, par exemple, qu'on pourrait économiser?

Mme Lajambe: Sur les deux points que vous dites, je pense...

Mme Bacon: Par rapport au résidentiel.

Mme Lajambe: Oui. Le Québec est encore le paradis de la pollution. Je pense que c'est vastement reconnu. Sur votre deuxième point, je crois que c'est un des exemple des questions que tout le monde se pose et qui justifierait largement d'avoir une enquête sur l'énergie au Québec pour savoir exactement où on en est, parce qu'à l'heure actuelle on est obligés de se fier aux chiffres d'une seule société, qui est à la fois juge et partie. Donc, on n'a pas vraiment cette analyse indépendante dont on a besoin et à laquelle vous-même, vous sentez le besoin de faire appel.

Mme Bacon: Mais est-ce qu'une enquête publique est la meilleure solution, est une réponse quand on n'a pas les chiffres ou les études de base dont on aurait besoin pour discuter vraiment? Parce que, si on veut faire une enquête publique, comme vous le suggérez, il faut quand même avoir des données de base. Et il nous semble, à nous, qu'on n'a pas ça, ces données de base pour servir à davantage d'éclairage pour la discussion qui serait générale à ce moment-là à travers le Québec, comme vous le suggérez. Et si on n'a pas ces données de base, comment peut-on commencer une discussion qui va nous amener à trouver des solutions? Ça m'amène aussi à vous dire que, vous comprendrez, quand il nous manque de telles données, de telles études, et qu'on doit comme élus prendre des décisions, eh bien, ça nous amène à regarder et à prendre ces décisions avec la meilleure connaissance possible que nous avons, mais pas toujours avec toutes les données qu'on voudrait bien avoir nous-mêmes. C'est la même chose.

Mme Lajambe: Oui, effectivement, il y a ce manque de données de base. Mais je pense que le plus on attend, le plus ça devient grave et la crise à laquelle est confrontée Hydro-Québec ne

disparaîtra pas du jour au lendemain. Le besoin de données est là et peut-être qu'avant de faire l'enquête comme on le voudrait, d'une façon assez large, vous pouvez faire faire ces enquêtes-là par des experts indépendants, ou à l'intérieur même du ministère ou alors à l'extérieur, et commencer à préparer le terrain pour établir une véritable politique énergétique. M. Edwards voulait également compléter.

M. Edwards: Je m'excuse si je parie en anglais; c'est parce...

Mme Bacon: Go ahead.

M. Edwards:... que c'est difficile pour mol...

Mme Bacon: No, no, go ahead

M. Edwards:... de m'exprimer en français. I find it shocking that we do not have basic data and I think that the Government is to blame for this because the Government of Québec has been ignoring energy conservation for decades. For example, I prepared some years ago this graft which is Annex C in the documentation. This is directly from a publication of the Québec Government, some years ago, in 1983, and it shows very clearly that the amount of petrolium, the amount of oil saved through reduction of demand in the year 1981, for example, was six times larger than the amount of oil displaced by substitution from electricity, and five times larger than the combined effect of substitution from electricity and gas. Yet, in that same document, there was not one word about energy conservation as an important source for saving oil. The same could be said, by the way, for saving electricity.

In the current documentation which we have before us for these audiences, we have the same phenomenon. We have virtually no sufficient recognition of the primary importance of energy efficiency. You know, Hydro-Québec, for example, is talking about investing in new development at a ratio of 25 to 1 compared with its investment in energy efficiency, even though its own study show energy efficiency is far cheaper, far faster and therefore far more desirable. Mathematically - I am a mathematician by training - if you reduce demand, it is just like having a generating station. Because, that reduction of demand, whether it is insolation, whether it is improved equipment, whether It is an improved industrial process, that equipment proceeds to generate power in effect year after year after year and the operating cost is virtually nothing, once it is installed.

We are simply following bad business practice. What large corporation in the world would think of investing 60 000 000 000 $ in an expansion plan without even having basic data as to the alternatives? I think that that is why we need an Inquiry. We are simply not following basic common sense. I don't think any large private corporation would dream of embarking on a 60 - billion - dollar expansion plan without having a lot of data about the alternatives, far more than we have seen In Québec.

Mme Bacon: Je vais juste vous ramener, M. Edwards, à la page 6 de votre mémoire, où vous dites: Toute communauté, qui dépend excessivement de l'électricité sera toujours plus vulnérable au désordre. " Il me semble pourtant que les troubles sociaux des dernières années, qui peuvent être reliés à l'énergie, concernent davantage le pétrole que l'électricité. Qu'on pense seulement à la guerre Iran-Irak, aux troubles dans le golfe Persique, aux déversements de pétrole en mer. Et bien sûr, aussi, on a eu Tchernobyl et Three Mlle Island, mais II s'agissait là d'accidents nucléaires, sans lien avec l'hydroélectricité. J'aimerais, peut-être, pour le bénéfice de la commission, que vous justifiiez l'affirmation que j'ai citée tantôt et que vous venez de faire encore, car on retrouve ça dans votre mémoire. Est-ce que vous préférez qu'on s'en aille au nucléaire, au mazout? (10 h 45)

Mme Lajambe: Le nucléaire lui-même est électrique. Donc, ce n'est pas une solution si on veut se couper de cette vulnérabilité. Le sens de cette phrase, c'est pour rappeler les conséquences sociales d'un environnement économique qui dépendrait excessivement d'une seule forme d'énergie, soit l'électricité, en particulier, au Québec, puisque c'est le cas qui nous occupe. L'électricité est présente dans tous nos actes, soit de la vie économique, ou de la vie domestique, ou de n'importe quoi. C'est pourquoi toute interruption ou toute difficulté de service de cette forme d'énergie a des répercussions et peut éventuellement mener au désordre, comme on l'a vu quelquefois quand il y a eu des pannes d'électricité dans des centres-villes, et même au vandalisme. Et le fait, également, que cette électricité nous vient de très loin - plus de 1000 kilomètres de lignes de transmission qui sont elles-mêmes soumises, en hiver, à des conditions difficiles et même, quelquefois, en été, à des tempêtes solaires - explique qu'on est très vulnérables, finalement, sans s'en rendre compte.

M. Edwards: The mention of nuclear power as an alternative reminds me that just about 10 or 12 years ago, we were told that we had to build 30 nuclear reactors along the St. Lawrence river or we would be freezing in the dark. They were already choosing the sites for these nuclear reactors and, at that time, we were told: How are you going to meet this demand, except by building nuclear reactors? Have we learned nothing from the past? Has this parliamentary commission taken a close look at why those forecasts of electricity demand, 12 years ago,

were so badly wrong? Has the parliamentary commission studied in detail the fact that, back in 1973, when the first oil shock came, every major utility in North America, including HydroQuébec, predicted that the demand for electricity, which had been growing at about 7 % per aninum at that point, would, In fact, accelerate because people would turn away from oil and therefore they would require electricity, and therefore the demand for electricity had to grow more than 7 %? It was elementary common sense, It seemed, to our utility planners 12 years ago, even 15 years ago.

Well, now, we have a similar situation and it seems that we are just taking it for granted, as if it was haded down from the mountain that this electricity demand Is there and is unavoidable and nothing can be done about It. I think that if you simply look at the graph on the back of this page, if you simply look at the history of the 1970s, you will see very clearly that our planners are often times dead wrong because they continue to look at electricity and energy as a commodity to be sold rather than a service to be rendered. And there Is a very big difference between those two points of view. The fact of the matter Is that, when corporations and individuals throughout North America learned how to save oil, they also saved electricity simultaneously and as a result, the demand for oil and electricity went down simultaneously. And we ended up with a temporary glut, as we remember very well here in Québec, where the big embarrassment was how we could get rid of all our surplus electricity, not how desperate we should be to build new dams. And why? The reason is because it is almost impossible to save oil without also saving electricity. The fact of the matter is - and I do not know a single energy analyst in Canada who really would disagree with this - that by far the best investment is in energy efficiency, and yet we are still not putting our first priority there. We are making it our third, fourth or fifth priority, not our first priority and not even our second priority. Until we make it our first priority, especially in this country, which is still the most energy wasteful country In the world In terms of per capita consumption, until we make ft our first priority, we are going to continue to squander our resources, both our capital resources and our environmental resources and I think even our human resources in what Is ultimately futile: building new capacity so that we can waste it.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à cette commission. Même si le temps est un peu limité à cause, justement, du mandat de la commission qui est lui-même limité, j'en conviens, je pense que c'est important, quand môme, qu'on prenne le temps d'échanger, ce qui risque de nous amener à aller plus loin. Mais il faut commencer quelque part et cette commission-là est peut-être, justement, le point de départ nécessaire pour aller plus loin dans le débat. Et, dans ce sens-là, il me semble qu'on doit reconnaître sa validité, malgré ses limitations.

Vous avez dit dans votre présentation, Mme Lajambe, qu'il n'existait pas de bilan de la première Baie James. Je conviens que les effets de la première Baie James n'ont pas tous été étudiés et que, effectivement, il y a encore beaucoup de trous là-dedans. Mais j'aimerais vous entendre d'une façon plus explicite sur ce que vous entendez par bilan de la première Baie James.

Mme Lajambe: Je parlais à la fois d'un bilan énergétique, d'un bilan économique et d'un bilan environnemental. Je m'attarderai surtout au bilan économique qui nous préoccupe dans le cadre des nouveaux investissements d'Hydro-Québec. Ce que nous aimerions avoir, c'est un petit peu le détail de ce qui s'est dépensé. On nous a donné un chiffre. On nous a dit, en fait: Ça a coûté 13 700 000 000 $. Par contre, quand on pose des questions les gens n'ont pas l'air très sûrs de savoir de quels dollars il s'agit, de quelle année, si ça inclut les intérêts après la construction ou seulement pendant la construction. À l'intérieur de ce montant-là, qu'est-ce qui est allé pour la construction des centrales elles-mêmes en comparaison avec les lignes de transmission et les postes, la distribution? Donc, il y a tout un tas de détails qui ne sont pas publics, qui, peut-être, existent de façon disséminée à l'intérieur d'Hydro-Québec. Mais, c'est une des demandes qu'on leur a faites depuis plusieurs années, de nous fournir un bilan économique de la première Baie James, pour savoir si vraiment ça a été une bonne affaire, avant de commencer à considérer de s'embarquer dans une deuxième.

M. Claveau: Essentiellement, en gros - et je vous pose la question afin d'être bien certain de comprendre ce que vous demandez - si on regarde les besoins de consommation du Québec comme ils sont au moment où on se parle, on a besoin d'une puissance installée d'à peu près 30 000 mégawatts. Là-dessus, la Baie James, telle qu'elle est là, en produit 10 000 ou 10 800, ou elle va être augmentée. C'est ce que l'on connaît des trois premières centrales LG 2, LG 3, LG 4, les 13 000 000 000 $ et quelques. C'est le tiers de la production d'électricité au Québec actuellement, si on inclut Churchill qui, à lui tout seul, produit quelque chose comme 5200 mégawatts, mais c'est de l'achat d'électricité de l'extérieur.

Donc, au départ, on peut s'imaginer que, si on enlève la Baie James, telle qu'elle est là, avec

20 000 mégawatts, aujourd'hui, avec ce qu'on connaît, dans le contexte économique que l'on a, il nous manque de l'électricité. On ne serait pas capables d'arriver. Môme en supposant que l'on mette des mesures d'économies d'énergie qui nous feraient économiser quelque 30 % de ce que l'on a, en supposant que tout aille bien, encore là, on serait tout juste capables, et probablement môme pas capables d'arriver si on n'avait pas la première Baie James. Est-ce que vous pensez, dans ce contexte-là, qu'il aurait été préférable d'aller vers une autre sorte de production d'énergie? Sinon, le simple fait qu'actuellement la Baie James, qui nous permet quand môme de produire des kilowattheures à un prix raisonnable et à maintenir, qu'on le veuille ou non, le tarif résidentiel à peu près le plus bas de toute l'Amérique du Nord, n'est-ll pas en soi une justification pour ce projet tel quel? Ou, est-ce que vous pensez qu'il aurait été moins cher de le faire avec le nucléaire, ou le thermique, ou autrement?

Mme Lajambe: Le premier grand problème qu'il y avait avec la première Baie James, c'est qu'elle a été mise en route pour de mauvaises raisons. Elle n'a pas été mise en route pour répondre aux besoins en énergie des citoyens québécois. Rappelez-vous, c'était un projet pour remplir une promesse électorale de 100 000 emplois. De fait, le "timing" était mauvais puisque, dès les débuts, on s'est rendu compte que le projet était beaucoup trop gros et qu'il allait y avoir des surplus considérables. Donc, te projet a été mis en route beaucoup trop tôt. Et on peut se poser la question, à savoir si le projet avait été entrepris au moment opportun pour répondre aux besoins des Québécois, est-ce que, à ce moment-là, on n'aurait pas eu des alternatives? Est-ce que, à ce moment-là, l'amélioration de l'efficacité énergétique dans les usages où on en avait besoin à ce moment-là n'aurait pas été déjà plus rentable? N'y avait-ll pas, à ce moment-là, d'autres possibilités?

Peut-être qu'en regardant la courbe d'augmentation de la demande rétrospectivement on se dit: Ça cadre assez bien. Oui, mais, dites-vous bien qu'une bonne partie de cette demande-là est de la demande forcée, qu'Hydro-Québec a dû se débarrasser de surplus considérables. À une époque, c'était plus de la moitié de la Baie James qui était en surplus, au début des années quatre-vingt. Donc, à ce moment-là, tout était bon pour presque donner l'électricité, en passant par les ventes de feu aux ventes à l'exportation à très bas prix en interruptible. Et, également, rappelez-vous les subventions aux citoyens des secteurs domestique, commercial et résidentiel, qui, pratiquement, ont rendu gratuits les équipements électriques. Que ce soit la biénergie à ce moment-là ou, dans certaines industries, les électrotechnologies, ce sont des équipements qui ont été quasiment gratuits. Donc, la demande a semblé pouvoir s'ajuster et rattraper la courbe de l'offre, mais dites-vous bien qu'une bonne partie de cette demande-là est artificielle. Elle a été poussée parce qu'on avait des surplus qu'on ne voulait pas gaspiller. Donc, si on avait entrepris la Baie James au moment où on en avait vraiment besoin, peut-être qu'on aurait eu à ce moment-là d'autres alternatives, peut-être qu'on se serait contenté de faire seulement LG 2 et qu'on se serait arrêté là, et ça aurait suffi pour un moment.

Au début, il est très important de voir quels sont les motifs derrière un projet de cette envergure-là. Et II serait bon que la société québécoise se pose la question à ce moment-là: C'est pour qui, la Baie James 2, étant donné que môme les citoyens québécois n'en veulent pas? Quel est le vrai motif? Et c'est sans doute à vous, les parlementaires, de vous attaquer à cette question-là.

M. Claveau: M. Edwards.

M. Edwards: If I could just add a few words about this, you know, when James Bay 1 was launched, ft was conceived as a very large project which would bring a lot of prosperity and benefits to Québec. Here we are, 22 000 000 000 $ later and how come we are not comfortable? All of a sudden we are desperate. The reservoirs are empty. We need to accelerate the construction schedule for new dams because Hydro-Québec cannot dream of even waiting for environmental hearings, because they are so desperate to build new dams. What, In other words, has our 22 000 000 000 $ bought us in terms of security of supply? And what are we going to do for an "encore" after James Bay 2? Is this really sustainable, this pace of development? Where does It lead us? Does it lead us to a blind alley or does it lead us to a sustainable society? I think these are very serious questions and, you know, some of the assumptions and some of the attitudes that were good perhaps for the 18th century, and the 19th century, and even the 20th century are not good any more for the 21st century We cannot continue along this line. If we continue along this line, we are going to find ourselves in a dead alley. And, in fact, the experience of James Bay 1 has not been very reassuring.

Now, there are studies, which this parliamentary commission simply cannot go into because you do not have the expertise, you do not have the time, you do not have the resources. But, for example, here Is one to which Mme Lajambe contributed, a study called: "2025: Soft Energy Futures for Canada", which is a detailed, technical and economic feasibility study as to how Canada, with a significantly Increased population, with a significantly increased gross national product and without changes of life style, how Canada and, In particular, Québec

could meet its energy needs using energy efficiency as the first priority and renewable forms of energy as a second priority. And the conclusions of this report are very interesting because they imply that Canada, for example, could support a population almost double of what it is now, a GNP more than double what It is now by the year 2025 and be using less primary energy than we were using in 1978. And, of that, some 85 % to 90 % could be met from renewable sources of energy. (11 heures)

I have another document which I will be willing to leave with the committee and I could make more copies available, or perhaps they could be reproduced. This is an interesting and easily read summary. It is the keynote address of Mr. Amory Lovins, of the Rocky Mountain Institute, given at the Green Energy Conference which we organized in Montreal, in September, as a counterpart for the World Energy Conference. The reason why we organized the Green Energy Conference is this: the World Energy Conference is dominated by people who are in the business of selling you energy, selling energy as a commodity. That is one point of view and It Is the point of view which has prevailed and that is the point of view, I am afraid, which Hydro-Québec has inherited from other energy corporations. But, in fact, rather than energy being a commodity to be sold, it is more important to realize that energy Is the life-blood of society and that what is good for society is not necessarily what is in the interest of private corporations who are out to make a buck by selling you energy. Oil companies are not going to be the first to persuade you to use energy conservation anymore than tobacco companies are going to be the first to persuade you to stop smoking. Unfortunately, HydroQuébec, even though it is a State owned corporation, has Inherited In a sense, some of those same attitudes which are really inappropriate for the 21st century, inappropriate for Quebec's future, Inappropriate for a sustainable society.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je voudrais féliciter Mme Lajambe et ses collègues pour la qualité de leur mémoire. Je retiens en particulier les neuf considérations que vous introduisez pour définir - c'est une suggestion - le mandat de la commission publique. Il me semble que ça couvre les points les plus essentiels. Nous pensons, nous, de ce côté-ci, qu'il faut qu'il y ait une consultation publique, large, sérieuse, avec des moyens techniques que cette commission-ci n'a pas, de toute évidence.

Je vais m'arrêter à l'aspect environnemental de votre mémoire, à la page 6, La "liquidation" de l'environnement J'ai une question bien précise. Dans vos recherches et dans votre inventaire de ce qui s'est fait ailleurs, que ce soit en Europe ou en Amérique du Nord, est-ce que vous connaissez certains endroits où on a fait des études justement sur les effets cumulatifs sur l'environnement suite à des projets hydroélectriques semblables, peut-être sur une plus petite échelle qu'ici, mais quand même semblables à nos propres projets hydroélectriques?

Mme Lajambe: À mon grand regret, non, je ne peux pas vous aider là-dessus. Mais si j'en découvre, je vais m'assurer que vous soyez informé de telles études.

M. Lazure: On sait qu'en Europe de l'Ouest, surtout dans les pays nordiques, il y a quand même une tendance à diminuer l'exploitation ou le développement de l'énergie hydroélectrique. . Moi, ]e conviens que ce n'est pas une raison pour ne pas le faire, même si ça n'a pas été fait ailleurs. Il reste que la tâche est très complexe, mais les conséquences de ne pas faire cette étude-là sont encore plus importantes que les complications que provoque une telle étude. M. Edwards, oui.

M. Edwards: It seems to me that this is still another thing that Hydro-Québec and the Québec Government, of course, should require as a precondition for any James Bay 2. I mean, who has the resources to do such studies? Who has the planes to get in and out of the territory and the resources to do the studies? We do not have a cumulative environmental impact study of James Bay 1 and that is a very good reason for not proceeding with James Bay 2, because we do not know what we are doing. I am afraid that the same points which Madam Lajambe was raising on the economic level, in terms of doing an economic assessment of the effects of James Bay 1, should be also done on environmental level.

By the way, I am convinced that we do not have here the expertise necessary to address your questions. But such expertise does exist and this is something which, I think, a full-blown inquiry would really get into, because we have some excellent people with whom we could produce and we would be very glad to produce in an inquiry which really address those questions.

I did participate in my organization, which is the grandfather of the James Bay Committee which is the Canadian Coalition for Nuclear Responsibility of which both Madam Lajambe and myself are members of the Board. We did participate, almost more than ten years ago, in a three-year large scale inquiry in Ontario which was called the Royal Commission Inquiry into Electric Power Planning. And I believe that all parties involved in that on all sides founded it

extremely illuminating and there was a lot of extremely useful information that came to light.

I have no doubt the same would be true, here In Québec.

M. Lazure: Une dernière question: Dans les milieux scientifiques, particulièrement dans les milieux universitaires, il y a sûrement suffisamment d'expertise, mais est-ce qu'il y a suffisamment d'expertise qui n'a pas été à l'emploi d'Hydro-Québec comme "contractant" ces dernières années pour pouvoir faire des études objectives? Ma question est sérieuse.

Mme Lajambe: Oui, elle est très sérieuse, M. Lazure. Effectivement, c'est une des raisons pour lesquelles, en 1987, j'avais commencé à mettre sur pied le CAPE, le Centre d'analyse des politiques énergétiques. Nous avions réussi à rassembler 25 experts, tous francophones, certains du Nouveau-Brunswlck, d'autres de l'Université d'Ottawa, pour regarder exactement les questions de politiques énergétiques. Le prédécesseur de Mme Bacon, M. Ciaccla, nous avait chaudement félicités de nos interventions en commission parlementaire, etc. Malheureusement, nous n'avons jamais pu obtenir le financement initial qui nous aurait permis de démarrer. L'équipe d'experts est encore là. Ce sont essentiellement des universitaires. Certains travaillent pour des industries, soit du côté offre, soit du côté efficacité énergétique. C'est encore possible d'en trouver quelques-uns, oui.

Le Président (M. St-Roch): Alors, très, très brièvement, M. le député d'Ungava, Je vais vous reconnaître pour une dernière question.

M. Claveau: Oui. Dans la même ligne de pensée, quand je regarde le mandat que vous donnez à l'annexe B, est-ce que d'une certaine façon vous ne présupposez pas - ce n'est pas une question-piège, c'est une question, Je pense, qui est valable - que le résultat de cette commission d'enquête là ira dans le sens de ce que vous avancez? Et si tel n'était pas le cas, est-ce qu'on peut déjà vous demander comment vous réagiriez en supposant, par exemple, que la commission d'enquête en question avec des experts indépendants donnerait 100 % raison à Hydro-Québec? Supposons-le parce que c'est toujours une hypothèse possible.

M. Lazure: Tu as de l'imagination, Christian.

M. Claveau: Non, mais quand on va là-dedans il faut s'attendre à tout.

Mme Lajambe: Je pense que l'ampleur des malaises qu'on remarque justifie l'enquête, peu importe si elle donne 100 % raison ou pas 100 % raison. Je pense que le simple processus d'en- quête, la simple démarche qui s'effectuerait sur plusieurs mois et sur plusieurs années va permettre de mettre au jour suffisamment d'Information, va permettre aussi un processus éducatif dans la société québécoise elle-même, va permettre de sortir de nouvelles Idées qui, à l'heure actuelle, sont enfermées. On le remarque chaque fois qu'on a des conférences sur ce sujet-là. Notamment, pour la préparation de ces termes de référence, on a fait plusieurs réunions, et on s'est rendu compte à quel point les gens sont passionnés par cette question-là et aussi combien les gens ont de bonnes idées.

Je dirais qu'une bonne partie du travail d'une commission est faite simplement en amenant des gens ensemble. Il n'est pas question de donner raison ou de donner tort. En fait, l'important, c'est d'arriver à un consensus social. Je pense que c'est important de le faire autour de la question de l'électricité au Québec à cause de ce malaise général. Les gens sont mal à l'aise d'être obligés de critiquer Hydro-Québec pour les raisons que vous savez. Ils voudraient qu'on en arrive Je ne dirais pas à un genre de réconciliation, mais à ouvrir des voies nouvelles où on pourrait tous aller ensemble et où Hydro-Québec serait vraiment l'outil au service de ce nouveau développement énergétique. Elle rendrait vraiment les services énergétiques que les Québécois attendent et je pense qu'il y a un processus qui doit s'effectuer quelque part. Notre comité, disons, l'a schématisé là; sur papier, ça a l'air très sec, mais en fait, dans la réalité des démarches, des échanges, des rencontres, II y a énormément de choses qui se produisent, une interaction sociale et c'est comme ça que se développe, de façon tout à fait "dépassionnée", un consensus, mais un consensus qui est beaucoup plus informé parce que les Informations sont là sur la table. On n'est pas obligés de faire appel à la loi d'accès à l'information. Les documents sont là depuis le début. Donc, ça se fait très professionnellement, également, parce qu'on a accès aux Informations. Les citoyens peuvent faire appel à leurs propres experts et tout se passe dans une atmosphère infiniment plus constructive qu'une enquête normalement antagoniste.

Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Saint-Maurice.

M. Edwards: May I say one remark, perhaps?

Le Président (M. St-Roch): Very, very briefly.

M. Edwards: O. K. Just briefly. I would like to point out a serious political problem that Québec is going to be facing, and that is that already Hydro-Québec is more powerful than

anything else in Québec. If they go ahead with a 60 000 000 000 $ expansion without some form of political accountability beyond what you have now, it is going to be very difficult for both Hydro-Québec and the Government of Québec and the people of Québec to really find their way, politically, through that. I think that, at this point, an Inquiry would be extremely beneficial in broadening things out and educating people as to what is up.

Le Président (M. St-Roch): Thank you very much. M. le député de Saint-Maurice.

M. Lemire: Je remarque que, dans votre mémoire, vous vous préoccupez beaucoup des répercussions sur l'emploi des décisions qui seront prises concernant les économies d'énergie. Vous allez jusqu'à dire que de telles mesures d'économies d'énergie créent plus d'emplois par dollar investi, des emplois non seulement dans le Nord, mais à travers toute la province. Ce que j'aimerais savoir, c'est: est-ce que vous avez des études pour appuyer vos affirmations?

Mme Lajambe: Effectivement, j'avais fait une étude dans cet ordre-là pour le Conseil régional de l'Estrie, en 1982. Effectivement, les emplois créés sont infiniment moins chers, infiniment plus nombreux et ils font appel à un niveau de qualification moyen, disons. Donc, on trouve très facilement à recycler une main-d'oeuvre qui, à l'heure actuelle, peut se trouver au chômage. Par ailleurs, ce sont des emplois qui suivent la population. Partout où il y a des villes, II y a un besoin de gens pour construire des maisons. Ceci crée un climat complètement différent des emplois dans le Grand Nord où, qu'on le veuille ou non, l'Implantation des chantiers a créé des désastres sociaux dans les communautés autochtones.

On pourrait élaborer énormément là-dessus. Il y a certaines études que je pourrais vous signaler, si vous êtes intéressés plus particulièrement. Mais le point Intéressant, peut-être, pour vous qui vous Intéressez aux questions économiques, c'est que, après que ces équipements sont en place, la facture énergétique des gens du lieu diminue elle-même considérablement, ce qui leur permet d'avoir suffisamment d'argent pour dépenser comme ils le veulent et réinvestir dans l'économie. Ça peut être pour acheter des gâteaux ou une meilleure bicyclette ou n'importe quoi, mais ça crée un potentiel qu'on réinvestit dans l'économie. Donc, ça reste localement et ça fructifie localement.

M. Lemire: Je voudrais revenir...

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Saint-Maurice, je me dois d'être le gardien du temps des deux formations. Alors, très, très, très brièvement.

M. Lemire: Quand vous pariez d'emplois dans le Nord, justement, vous avez effleuré un peu, peut-être, la réponse que j'aimerais avoir. Quel type d'emplois les autochtones pourraient-Ils occuper, à ce moment-là, quand vous pariez d'économies d'énergie et que vous allez créer...

Mme Lajambe: Je pense que, tout comme vous et moi, ils habitent dans une maison, et ils auraient besoin d'avoir des corps de métiers qui pourraient, par exemple, faire de la rénovation en améliorant l'enveloppe thermique de ces bâtiments ou maisons. Ça pourrait être également dans les industries qu'ils essaient de développer dans le Nord. Donc, à ce point de vue là, les méthodes de construction visant l'efficacité énergétique seraient aussi applicables dans le Nord que dans le Sud.

M. Edwards: If I could just mention, there was a very useful experience in the Notre-Dame-de-Grâce region of Montreal, again some 12 years ago. The woman was a master of urban planning from McGIII University, who coordinated the project. And what it was, was an energy audit for an entire community. Coordinated by professionals and run by volunteers, the idea is to take a community and do a complete energy audit, professionally, to look at where the savings are and, then, to put a plan to the community which everybody can buy into if they wish. And they can buy into having very top-notch work done, going up one street and down the other. (11 h 15)

There is a great deal of construction work involved in this, a lot of jobs. And the point is that, by doing ft this way, you achieve economies of scale and you also achieve the benefit of good professional advice. And unfortunately, at that time, there was very little encouragement for this project. And the second phase, which is implementation, there was absolutely no funding for. But there is a model, and it is all written up and reported on and ft would be an excellent model, which could be used throughout Quebec.

Le Président (M. St-Roch): Thank you very much, M. Edwards. M. le député d'Ungava, de brèves remarques de conclusion.

M. Claveau: Oui, M. le Président. Je voudrais d'abord, rassurer, Mme la ministre quant à mes intentions. Bien au contraire, je n'ai jamais voulu empêcher qu'il y ait un vaste débat public sur l'énergie. Je pense qu'il est nécessaire, il doit se faire. Ma grande préoccupation, par contre, c'est que cette commission parlementaire là, qui est déjà restreinte, qui est déjà limitée, finisse en queue de poisson. Et la plus belle façon de la légitimer, de lui donner toute sa valeur et de faire en sorte que les interventions

que l'on aura ici encore au cours des trois prochaines semaines aient l'écoute attendue, c'est probablement en lui donnant un suivi par le biais d'une vaste commission d'enquête publique. Si on ne le fait pas, probablement que ce qui va s'être dit ici pendant un mois va rester lettre morte, il n'y a personne qui va le relever et, en bout de piste, le gouvernement pourra continuer à annoncer ses politiques comme si de rien n'était et à négocier à l'interne avec Hydro-Québec comme s'il ne s'était jamais rien passé...

Le Président (M. St-Roch): En conclusion, M. le député.

M. Claveau:.. légitimant sa position à partir du fait qu'on a entendu quelques mémoires devant cette commission. Ce serait très dommage. Ceci étant dit, je suis tout à fait satisfait et content de votre présentation qui va sûrement faire avancer le débat, qui, je l'espère, va permettre à Mme la ministre de réfléchir plus à fond sur les annonces qu'elle aura à faire au cours des prochains jours, avant même que cette commission soit terminée. Merci.

Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, M. le député d'Ungava. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre.

Mme Bacon: Je pense qu'avant de décider ce qu'on doit faire on va prendre le temps de réfléchir, M. le Président, et c'est Justement cette réflexion que nous venons faire en écoutant les différents invités que nous avons à cette commission parlementaire. Et je dois dire que |e préférais, la semaine dernière, le député d'Ungava qui parlait du respect de l'Assemblée nationale et du respect de cette création de l'Assemblée nationale qu'est une commission parlementaire; c'était tout à fait ce que je pense d'une commission parlementaire. Si nous ne respections pas l'émanation de l'Assemblée nationale, je ne vois pas pourquoi nous serions ici comme des élus démocratiquement par la population.

Alors, je vous remercie beaucoup, Mme Lajambe, M. Chénier et M. Edwards, de cet éclairage que vous nous avez apporté encore aujourd'hui et du document que nous avons en main pour poursuivre la réflexion que nous avons commencée. Merci beaucoup.

Le Président (M. St-Roch): Merci, Mme la ministre. Je tiens à remercier le Comité de la Baie James pour sa contribution aux travaux de cette commission. Sur ceci, je demanderai maintenant au porte-parole du Parti québécois de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

À l'ordre, s'il vous plaît! J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue au porte-parole du Parti québécois. Je demanderais maintenant au porte-parole de bien vouloir s'Identifier, ainsi que la personne qui l'accompagne, pour le bénéfice du Journal des débats.

Commission nationale sur l'écologie et l'environnement du Parti québécois

M. Messier (Daniel): Daniel Messier. M. Frenette (Sylvain): Sylvain Frenette.

Le Président (M. St-Roch): Alors, maintenant, vous avez 20 minutes pour déposer votre mémoire.

M. Messier (Daniel): Alors, bonjour. Je vous remercie, M. le Président. C'est un Immense honneur pour mol de pouvoir m'exprimer en ces lieux historiques si prestigieux. Je tiens aussi à remercier, au nom de notre groupe, la Commission nationale sur l'écologie et l'environnement du Parti québécois, le chef de l'Opposition pour la chance qu'il nous donne de faire avancer ce mégadossier où plusieurs éléments fondamentaux de notre projet de société sont touchés. Quand je parle de notre projet de société, M. le Président, je parle de toute la population, tant au nord qu'au sud, les communautés autochtones, les gens en région et les plus démunis de notre société.

Au début des années soixante-dix, la population endossait le projet Baie James dans un climat d'euphorie, pour sortir le Québec du malaise économique, créer de l'emploi, répondre aux besoins internes en électricité dans un objectif d'auto3Uffi8ance énergétique. Ce but était très louable pour le Québec et je crois, effectivement, que la première série de barrages sur les rivières du Nord a contribué à l'affirmation du peuple québécois, qui veut maintenant se donner un pays. - II semble y avoir un consensus là-dessus, M. le Président.

Le nouveau plan de développement hydroélectrique de notre société d'État suscite plusieurs interrogations et les 62 000 000 000 $ d'investissements prévus Inquiètent une majorité de Québécois. Hydro-Québec qui, jusqu'à tout récemment, était la fierté nationale des Québécois et, entre autres, du Parti québécois laisse maintenant la place à un mécontentement général. Les consommateurs ont découvert qu'il y avait un lien entre les grands projets et les hausses de tarifs, ce qui rendait notre hydroélectricité moins attrayante comparativement aux autres formes d'énergie. Les difficultés financières de l'entreprise, reliées aux premières aventures hydroélectriques, ont fait en sorte que le réseau de distribution d'Hydro-Québec a été négligé depuis les dernières années. D'ailleurs, M. le Président, les pannes d'électricité sont malheureusement devenues le symbole de notre société d'État. J'ai aussi eu droit à cinq courtes pannes durant la rédaction du mémoire. Alors, c'est une source d'inspiration peu commune. M.

le Président.

La détérioration des relations de travail entre les dirigeants d'Hydro-Québec et ses syndiqués ne rassure en rien la population sur la fiabilité du réseau. Un climat de confrontation semble s'installer entre les parties en présence et la loi 58, M. le Président, amplifie ce sentiment-là. De plus, de très importantes erreurs de prévision de la demande ont laissé d'énormes surplus d'électricité qu'on a dû exporter à rabais, ce qui souligne les risques des mégaprojets.

À cela s'ajoutent les préoccupations écologiques. L'hydroélectricité, bien que considérée renouvelable, ne jouit plus de la réputation d'énergie propre, comme autrefois. On a progressivement découvert qu'elle pouvait contaminer les bassins des barrages au méthylmercure. Le détournement des rivières et les Inondations, combinés au nombre grandissant de pylônes nécessaires à la distribution, ont largement contribué à la destruction des forêts et des écosystèmes, au moment où l'un des grands débats écologiques à l'échelle mondiale est celui de la protection des forêts.

L'expropriation des peuples autochtones et leur empoisonnement au méthylmercure les empêchent de vivre selon leurs traditions. On achète les droits ancestraux des Cris pour réaliser d'autres barrages et, en échange, c'est la valse des millions, le confort de l'homme blanc et la perturbation de toute une communauté qui était là avant nous, M. le Président.

Pour ces différentes raisons, M. le Président, le nouveau plan de développement de la société d'État ne suscite pas l'enthousiasme, à l'heure où Hydro-Québec connaît des difficultés sur tous les fronts. Les énormes dépenses prévues inquiètent. Est-ce que cela va contribuer à l'autosuffisance énergétique du Québec ou nous rendront-elles plus vulnérables aux pressions extérieures?

Les choix politiques, économiques, écologiques et sociaux devront être pris par la majorité de la population, parce que les enjeux sont trop importants et les problèmes qui en résultent nous touchent tous. Plusieurs alternatives peuvent être envisagées pour répondre à la demande d'énergie. Le temps est venu pour le Québec de s'engager dans une réelle politique de développement durable axée sur la conservation et l'efficacité énergétique.

Dans ce contexte, ne devrions-nous pas augmenter la recherche et le développement sur de nouveaux procédés qui réduisent notre consommation d'électricité et sur des formes d'énergie plus douces et renouvelables qui ne mettent pas l'environnement en péril, comme c'est le cas avec l'hydroélectricité et les autres formes, centrales nucléaires et centrales thermiques? "Le Québec est une immense centrale hydroélectrique, mais elle n'est encore que partiellement exploitée. Chaque jour, des millions de kilowattheures potentiels vont se perdre dans la mer. Quel gaspillage!" C'est en ces termes que le premier ministre, Robert Bourassa, s'exprime dans son livre "L'énergie du Nord".

Certes, le potentiel hydroélectrique est impressionnant, mais comparer la faune, la flore et les écosystèmes fragiles à une centrale hydroélectrique est une forme de non-respect envers l'écologie québécoise. Augmenter la puissance hydroélectrique de 18 800 mégawatts et doubler la superficie du territoire occupé par Hydro-Québec semble davantage inspiré par le développement à tout prix et la consommation à outrance que par un développement viable.

Les prévisions de la demande interne en électricité, d'Ici l'an 2006 40 % d'augmentation, et la façon dont Hydro-Québec veut la combler ne semblent pas plus réalistes que les prévisions des années soixante-dix, lors de la première Baie James. Après avoir surévalué la demande interne, Hydro-Québec s'est retrouvée avec un énorme surplus qu'on a exporté à des prix qu'on pourrait comparer à une vente de feu. Beaucoup d'exportations combinées à de faibles apports hydroélectriques, en raison de la baisse des pluies depuis 1983, ont fait diminuer dangereusement le niveau d'eau des barrages.

Depuis maintenant deux ans, Hydro-Québec a cessé les exportations afin d'assurer l'énergie nécessaire au Québec, a procédé à la mise en marche de la centrale thermique au mazout de Tracy, beaucoup plus polluante, et au rachat des contrats de biénergie commerciaux institutionnels et industriels. Malgré la position d'Hydro-Québec, qui persiste à affirmer que la situation n'est que temporaire, la réalité nous démontre qu'il pourrait s'agir d'une situation permanente. En effet, la crise de la faible hydraulicité, qui vient de connaître ses deux pires années, en 1988 et 1989, pourrait bien être causée par un des principaux problèmes à l'échelle de ia planète, l'effet de serre ou le réchauffement climatique de la biosphère. Pour pallier aux demandes de pointe, Hydro-Québec exploite la centrale nucléaire de Gentilly, pour un potentiel de 685 mégawatts. Les problèmes qui en découlent au niveau de la gestion des déchets et des effluents d'eau lourde nous obligent à trouver d'autres solutions que ce type de centrale.

Les hausses de tarifs vont contribuer à l'appauvrissement d'une bonne partie de la population. Déjà, en 1988, des milliers de consommateurs ont été privés d'électricité parce que Incapables de payer leurs comptes. La politique tarifaire d'Hydro-Québec a des conséquences importantes au point où il est devenu primordial d'adopter des mesures d'atténuation, peu importe la forme que cela pourrait prendre; ça pourrait être une forme de crédit d'impôt ou toute autre forme. D'accord, M. le Président, j'admets que ces augmentations vont encourager la population à faire attention à sa consommation. Par contre, les bénéfices encourus serviront-ils à viser une meilleure efficacité énergétique ou serviront-ils

plutôt à la construction de barrages supplémentaires, avec tous les impacts qui s'ensuivront, pour alimenter le marché américain et les nouvelles aluminerles?

M. le Président, on veut savoir les chiffres; on ne réussit pas à les avoir. Les tarifs préférentiels aux aluminerles et aux États-Unis inquiètent, à l'heure où les PME, les serricul-teurs et l'industrie manufacturière ont besoin d'aide pour faire face à la mondialisation de l'économie. Au lieu de cela, on augmente les tarifs et on augmente ainsi leurs coûts de production. La population croit que sa société d'État et son gouvernement ont de bonnes raisons de cacher une information sur la politique tarifaire d'Hydro-Québec. Plusieurs croient que cette politique est socialement inacceptable.

Inonder des milliers de kilomètres carrés a des conséquences incalculables en matière d'environnement. Le développement des 18 800 mégawatts supplémentaires portera de 1 % à 2 % le territoire occupé par l'ensemble des équipements de transport et de production d'électricité. L'étude des impacts et des coûts environnementaux du premier projet de la Baie James n'est pas encore terminée et Hydro-Québec veut déjà entreprendre des travaux de plus grande envergure encore.

Hydro-Québec a réalisé près de 160 études d'impact depuis les 20 dernières années. Alors, on sait qu'elle s'en occupe et que ça lui tient à coeur. La vice-présidence à l'environnement d'Hydro-Québec prend une place de plus en plus importante au sein de l'entreprise. Malgré cela, les répercussions environnementales sont trop nombreuses pour donner le feu vert aux nouveaux projets. La deforestation et la contamination au méthytmercure constituent sans aucun doute les principales catastrophes écologiques émanant de ces mégaprojets. Le mode de vie des autochtones, en particulier les Cris, est profondément brimé par les inondations et le contour-nement des rivières, car c'est leur territoire de chasse et de pêche qui est attaqué, donc leur mode de subsistance. Après avoir évalué la négociation de la première Baie James, à la Convention de 1975, les Cris ne veulent plus des millions de dollars et tiennent à garder leur environnement à l'état naturel. Les changements de débit des cours d'eau, les milieux estuariens, le climat, la nappe d'eau phréatique, les ressources et habitats fauniques, la vie aquatique, les paysages, les BPC, les phytocides, les déversements accidentels, les effets biologiques des champs électriques et magnétiques sur la santé de l'homme et le bruit sont d'autres impacts environnementaux très importants. Évidemment, Hydro-Québec les connaît à peu près tous et je 6ens qu'il faut qu'elle continue à les évaluer davantage. (11 h 30)

Hydro-Québec s'apprête à investir près de 62 000 000 000 $, d'ici 10 ans, dans ses dif- férents pro|ets. Une bonne partie de ce montant sera empruntée sur les marchés étrangers, dans le but de satisfaire la demande des nouvelles alumineries et le marché américain. Pourtant, la détérioration récente des résultats financiers de la société d'État démontre sa vulnérabilité face aux risques extérieurs ou externes. L'évolution de l'hydraullcité, l'évolution de la demande, les taux de change et les taux d'intérêt peuvent modifier radicalement la progression de la situation financière. Selon nous, investir massivement dans l'exportation d'énergie et d'aluminium non transformé pourrait même contribuer à créer des emplois ailleurs qu'au Québec, à notre détriment. Que ferons-nous de ces barrages à la fin de leur durée de vie de 50 ans? Que ferons-nous de ces alumineries subventionnées à l'extrême par l'État, lorsque ce produit sera remplacé par d'autres plus efficaces et plus performants? Le marché de l'énergie provoque parfois des variations dévastatrices de prix, ce qui peut rendre une source d'énergie moins concurrentielle qu'une autre. Ainsi, l'utilisation d'électricité au Québec est passée de 43 % à 40 %, lors de la baisse du prix mondiaJ du pétrole.

On peut s'imaginer facilement la différence qu'il peut y avoir aux États-Unis, alors que leur potentiel hydroélectrique est beaucoup moindre que celui du Québec. Les Québécois sont-ils prêts à devancer la mise en chantier de ces nouveaux projets et à supporter Indirectement leur financement par les hausses tarifaires, sans avoir l'assurance d'emplois durables? Ces énormes dépenses aideront-elles le Québec à devenir une société libre et autosuffisante ou nous rendront-elles encore plus vulnérables aux pressions extérieures?

Dans ce contexte, peut-on prétendre, hors de tout doute, qu'exporter notre hydroélectricité soit profitable pour les Québécois? À notre avis, trop de questions restent sans réponse et, comme c'est de tout un projet de société qu'il s'agit, seul un débat public en profondeur sur l'ensemble d'une politique énergétique peut dégager un consensus populaire, nécessaire pour de tels projets collectifs. D'ailleurs, tout récemment, c'est ce que déclarait M. Drouin, le président d'Hydro-Québec.

Développement durable. Quel terme galvaudé, utilisé par tous et à toutes les sauces! Nous considérons que l'interprétation qu'Hydro-Québec en fait ne correspond pas à la définition du rapport Brundtland et à ce qui est défini par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement. Hydro-Québec parie d'une croissance mesurée et prudente, alors que Mme BrundUand préconise davantage des économies substantielles d'énergie et une diversification vers les ressources renouvelables et alternatives.

Le virage sensationnel de notre société d'État vers l'efficacité énergétique tombe juste à point, avant la commission parlementaire. Malgré la grande visibilité positive dans la publicité, la

fameuse pomme de douche Water Pik, fabriquée en Ontario, fait couler beaucoup d'encre ces temps-ci. Nous comprenons que notre société d'État est encore un peu mal à l'aise avec ce concept, elle qui, pendant longtemps, a encouragé plutôt la consommation à outrance. Bien que certains appareils puissent effectivement contribuer aux économies d'énergie, l'ensemble de la population doit faire sa part au niveau de la consommation. Et, à cette fin, le gouvernement doit encourager les consommateurs, d'une façon globale, en matière énergétique. Mieux planifier les villes afin de limiter l'étalement urbain - ça, c'est dans un sens global qui dépasse seulement l'hydroélectricité - favoriser le transport en commun, lancer un vaste programme d'Isolation des bâtiments et promouvoir de nouvelles technologies, comme les chauffe-eau solaires, montreraient une réelle volonté d'entreprendre un développement durable.

Malgré un potentiel hydroélectrique exceptionnel, M. le Président, le Québec doit, à l'instar de tous les pays, développer son autosuffisance et rechercher de nouvelles formes d'énergie plus douces, qui n'ont pas ou peu d'effets sur l'environnement. Hydro-Québec pourrait s'engager, en collaboration avec d'autres entreprises et les universités, à trouver de nouvelles avenues pour le développement, l'application et l'exportation du savoir-faire québécois en matière d'énergie renouvelable, autre que l'hydroélectricité, évidemment. Je pense surtout aux énergies éollenne et solaire.

D'ailleurs, M. le Président, j'ai assisté, la semaine dernière, à un court exposé sur les piles ou les plaques photovoltaïques, qui servent à capter les rayons solaires et à les transformer en courant électrique. Les débouchés semblent très prometteurs pour ce type d'énergie. Et on sent tous que le Québec doit s'engager dans cette voie. Ça pourrait môme amener une autonomie des régions en matière énergétique, ce qui est, sans aucun doute, un avantage.

Notre société d'État pourrait accentuer les recherches scientifiques afin de perfectionner et de promouvoir l'hydrogène comme carburant, à partir de nos surplus d'électricité. L'hydrogène, à l'aide de piles à combustible, permet d'entreposer l'électricité et pourrait offrir de fascinantes possibilités pour son transport.

Consciente du potentiel spécifique et des besoins de chacune des régions, la société nationale pourrait rénover de petites centrales hydroélectriques où cela pourrait s'avérer économiquement avantageux. Disons que ces bâtiments-là sont déjà existants; alors, plutôt que d'en construire des nouveaux, ça pourrait être moins coûteux et plus avantageux pour certaines régions.

Un large débat national sur l'énergie. Le nouveau plan de développement d'Hydro-Québec ne fait pas l'unanimité au sein de la population. Les audiences tenues devant l'Office national de l'énergie ont démontré la détermination des groupes pour sauver nos dernières rivières et nos forêts nordiques. En raison des performances passées d'Hydro-Québec, de son absence de transparence, on ne peut accepter que ces décisions cruciales pour l'écologie, l'économie et le peuple québécois soient prise par une société d'État et un premier ministre dont on connaît le parti pris et l'attachement à ces mégaprojets. Évidemment, celui-ci devrait demander à sa ministre de l'Énergie d'entreprendre un véritable débat public, comme les groupes de citoyens le réclament depuis 20 ans, depuis la phase I.

La commission parlementaire annuelle sur Hydro-Québec n'a jamais rien remis en question. Le temps de l'Hydro-glasnost est arrivé. Seul un large débat national sur l'énergie pourrait Informer davantage sur les véritables intérêts du Québec. Peu importe la décision qui sera prise, M. le Président, c'est le peuple qui doit décider, propriétaire légitime de sa société d'État.

Avant de lui donner le mandat d'accroître notre endettement collectif de 62 000 000 000 $, nous devons ressaisir collectivement notre société d'État et la remodeler en fonction des nouveaux besoins et des nouvelles préoccupations de la communauté, entre autres les préoccupations environnementales. Une coalition de 25 groupes représentant plus de 1 000 000 de personnes, pour laquelle j'ai participé à plusieurs réunions, débats et forums, veut obtenir ce grand débat de fond sur le développement énergétique durable.

Pour s'assurer que le Québec entreprend concrètement un développement soutenable et équitable en matière d'énergie et que la population soit suffisamment informée, le Parti québécois demande: une évaluation publique en profondeur de toutes les facettes de ces projets hydroélectriques et les autres orientations possibles; un moratoire sur la construction des nouveaux projets hydroélectriques; que ce moratoire soit en vigueur tant que de sérieuses études d'impact et des audiences publiques ne seront pas réalisées pour tous les mégaprojets; qu'aucune signature de contrats fermes ne résulte des négociations avec les compagnies américaines de services publics et les autres groupes impliqués dans ces dossiers tant qu'une vaste consultation publique ne sera pas effectuée; que cette commission publique soit itinérante, en région, et composée de représentants de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire de députés de l'Opposition et du gouvernement, et de commissaires neutres.

Pour conclure, M. le Président, HydroQuébec connaît toutes sortes de difficultés. Même les plaintes des consommateurs se ramassent aux poubelles. Ça constitue ni plus ni moins la goutte qui fait déborder le vase. Le gouvernement du Québec a décidé d'accélérer et d'intensifier le développement des ressources hydroélectriques. Cette décision se base sur une politique économique et sociale favorisant l'extraction et

l'exploitation des ressources naturelles comme moteur de la croissance économique et de la création d'emplois. Jusqu'à présent, ces contrats d'exportation ne visaient qu'à écouler des surplus. Le contexte change complètement lorsqu'il s'agit d'un commerce d'énergie garantie à long terme. Ne sommes-nous pas en train de subventionner des exportations qui vont créer des emplois ailleurs, tout en détruisant l'environnement québécois et les moyens de subsistance des premières nations, des autochtones? Dans ces conditions, peut-on prétendre d'une façon absolue qu'exporter notre électricité soit profitable et souhaitable pour les Québécois? La ouananiche, le saumon, le béluga du nord, la faune, notre forêt boréale et nos rivières ne représentent-ils pas nos grandes richesses naturelles à protéger?

Sa prise de conscience sur la nécessité de protéger l'environnement fait en sorte que la population n'accepte plus que les grandes décisions qui affectent notre projet de société soient prises en secret. Hydro-Québec espérait faire valider ces projets par le gouvernement sans produire de sérieuses études d'Impact. Le fédéral s'en est mêlé et le tollé de protestation a fait réagir le Conseil des ministres du gouvernement du Québec qui a décidé de procéder unilatéralement à des audiences publiques sur les Impacts environnementaux.

Après de longues tergiversations, le gouvernement libéral veut procéder le plus rapidement possible afin de ne pas retarder le début des constructions du projet Grande Baleine. On peut se questionner sur le sérieux d'une telle procédure puisqu'on théorie ces audiences pourraient remettre le projet en question, s'il ne respecte pas suffisamment l'environnement. Le gouvernement semble prendre cette procédure comme une simple formalité. Au moment où Hydro-Québec s'apprête à inonder des milliers de kilomètres carres de territoire, la tenue d'audiences publiques réelles et sérieuses sur ces grands projets est essentielle.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, s'il vous plaît.

M. Messier (Daniel): Oui, J'ai terminé. Il est important que la population soit informée sur les impacts écologiques, sociaux et économiques de ces projets, afin qu'elle puisse faire des choix éclairés.

Oui, M. le Président, des changements fondamentaux doivent être discutés au cours des prochains mois pour faire d'Hydro-Québec une authentique société de services énergétiques gérée en fonction des besoins de ses actionnaires, les Québécois et les Québécoises.

Le temps est venu de renationaliser une autre fois Hydro-Québec. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie beaucoup. Mme la ministre.

Mme Bacon: M. le Président, en remerciant MM. Messier et Frenette et avant de passer aux questions, j'aimerais quand même relever certaines erreurs. Vous n'avez pas suivi tout votre document. Je pense que vous avez de nouvelles notes devant vous. Vous me permettez de suivre le document que nous avions devant nous et de vous dire tout d'abord. Quand vous parlez des alumineries qui sont subventionnées fortement, c'était effectivement le cas quand on pense à Pechiney, mais pour Pechiney, ce n'est pas notre gouvernement qui était en place à cette occasion-là. Je dois dire que, depuis que nous sommes là, quand on parle d'Alumax, quand on parle d'Alouette, les règles du jeu ont changé et bien changé puisque les subventions ne sont pas là, il n'y a pas de rabais tarifaire. Aujourd'hui, on fait un partage de risques et de bénéfices.

Dans l'introduction de votre mémoire, que nous avions devant nous, vous dites: "De très Importantes erreurs de prévision ont laissé notre société d'État avec d'énormes surplus d'électricité de la Baie James qui ont coûté très cher. " Il serait peut-être bon de préciser que d'autres planificateurs, en Ontario, par exemple, aux États-Unis, en France, avaient aussi sous-évalué l'Importance de la crise économique et l'envergure de la récession des années quatre-vingt.

Et, toujours en Introduction, lorsque vous mentionnez que "des choix politiques, économiques, écologiques et sociaux devront être pris d'une façon éclairée et non partisane", j'aimerais simplement vous rappeler qu'en septembre 1988, au moment de la parution de la politique énergétique, l'actuel chef de l'Opposition avait favorablement réagi à la publication de l'énoncé de politique qu'il avait Justement qualifié de document non partisan. Le député d'Ungava s'en souvient certainement.

En page 3, vous nous dites aussi que "l'électricité représente plus de 40 % du bilan énergétique du Québec, le niveau le plus élevé au monde, après la Norvège". Cette réalité que vous semblez présenter aujourd'hui comme un reproche, on peut peut-être le rappeler, découle directement d'un des objectifs de la politique énergétique du gouvernement du Parti québécois qui était publiée en 1978. En page 6, vous dites que le complexe Grande Baleine "entrerait en service entre 1998 et l'an 2000, en même temps gue l'objectif d'exportation de 3500 MW au Etats-Unis". Je trouve malheureux de vouloir associer, consciemment ou non, Grande Baleine avec les exportations. Comme moi, vous savez fort bien que l'objectif d'exporter 3500 mégawatts a été rendu public depuis plusieurs années, que ce même objectif est passablement entamé puisque, déjà, 1500 mégawatts sont signés avec les réseaux voisins, que les livraisons débuteront, dans le cas du Vermont, dans quelques semaines et, pour ce qui est de New York, en 1995. Il est donc totalement faux et je regrette de le dire, que les exportations de 3500 mégawatts débute-

rant au moment de la mise en service de Grande Baleine.

Mais j'aurais une question à vous demander: Selon vous, est-ce que le Québec - et je pourrais en relever d'autres, mais je vais poser des questions - doit continuer à chercher à établir les tarifs d'électricité au plus bas niveau possible pour les consommateurs d'électricité? Parce que je constate que vous appuyez les économies d'énergie et qu'il est généralement reconnu que l'un des moyens de favoriser des économies d'énergie, c'est l'établissement de tarifs dis-suasifs, voire élevés, pour le consommateur. Est-ce que vous pouvez expliquer comment vous conciliez l'objectif d'économies d'énergie et celui de maintenir aussi les tarifs à un plus bas niveau possible?

M. Messier (Daniel): Disons, ce que j'ai mentionné tantôt, c'est justement que je sais que l'augmentation des tarifs va amener une prise de conscience au niveau des consommateurs et que ces consommateurs-là vont faire plus attention à leur consommation d'électricité. Mais, par contre, quand les gens des ACEF viennent dire qu'il y a 4000 foyers qui ont été coupés en plein hiver, le point de vue humain, Mme la ministre, finit par prendre le dessus ni plus ni moins, et c'est dans ce sens-là que nous croyons qu'il devrait y avoir des mesures d'atténuation pour les plus démunis de notre société. (11 h 45)

Si je peux répondre aussi à une autre affirmation que vous avez faite tantôt à propos de Grande Baleine et des contrats... Même si c'était prévu depuis longtemps les contrats d'exportation, dans le mémoire qui sera déposé plus tard par Hydro-Québec, on dit que le projet Grande Baleine est étudié depuis un grand nombre d'années, depuis les années soixante-dix. C'est ce qu'Hydro-Québec mentionne dans son mémoire.

Mme Bacon: Oui, mais comme tous les projets qui sont étudiés. Ils sont tous étudiés depuis longtemps.

M. Messier (Daniel): Donc, c'est...

Mme Bacon: Mais ce n'est pas pour l'exportation. C'est parce que vous reliez Grande Baleine strictement à l'exportation. Ça me rappelle ce que fait le président de votre parti dans le comté de Vimont, quand il va au Vermont, quand il va voir les Cris, quand il va voir les Inuit, tout en travaillant pour le ministre Bouchard. Alors, je reviendrai à d'autres questions, M. le Président.

Relativement au programme d'efficacité énergétique d'Hydro-Québec que vous estimez trop timide parce que basé sur des mesures incitatives seulement, vous faites référence à un potentiel de plus de 6000 mégawatts, vous dites, d'après "plusieurs experts". Ça, c'est en page 12. Est-ce que vous pouvez élaborer sur un programme d'économies d'énergie que vous souhaiteriez voir mis en place de façon plus imposante? Est-ce que vous pensez à des mesures coercitives, par exemple, pour avoir vraiment des mesures d'économies d'énergie?

M. Messier (Daniel): Non, dans ce que vous avez dit, je ne blâme pas Hydro de n'utiliser que la méthode incitative, disons, là. Je ne tiens pas à ce que les dirigeants ou les décideurs utilisent le c?rcitif pour faire appliquer des économies d'énergie. Loin de là.

Mme Bacon: Est-ce que vous trouvez que les mesures incitatives sont suffisantes pour que les gens arrivent à avoir suffisamment d'économies d'énergie pour les besoins en énergie?

M. Messier (Daniel): Non. Je trouve que c'est timide comme approche tout de suite, déjà, d'amener une nouvelle pomme de douche. Évidemment, au niveau des éclairages, je sens qu'on peut amener beaucoup d'économies d'énergie, mais...

Mme Bacon: Au niveau du chauffage?

M. Messier (Daniel): Au niveau du chauffage et aussi au niveau de l'isolation des bâtiments; ça peut être au niveau de l'enveloppe thermique, comme en parlait Mme Lajambe tantôt, qui pourrait se faire par l'énergie solaire, amener de nouveaux procédés...

Mme Bacon: D'autres sources.

M. Messier (Daniel):... d'autres sources renouvelables qui, évidemment, ne mettent pas l'environnement en péril.

Mme Bacon: D'accord. Mais est-ce que ça va fonctionner si nous ne restons qu'à l'incitation, dans votre opinion à vous?

M. Messier (Daniel): Disons, depuis, quoi, deux ou trois semaines à peu près que la vaste campagne de publicité d'Hydro-Québec a commencé. Je pense que c'est une des bonnes façons, que le côté incitatif peut fonctionner avec une bonne campagne de sensibilisation auprès des consommateurs. Je pense que ça peut fonctionner.

Mme Bacon: Vous n'en êtes pas au coercitlf?

M. Messier (Daniel): Pardon?

Mme Bacon: Vous n'en êtes pas au coercltlf?

M. Messier (Daniel): Non, non, pas du tout.

Mme Bacon: Vous reconnaissez quand même les efforts qui ont été accomplis par HydroQuébec en matière de politique d'environnement.

M. Messier (Daniel): Évidemment.

Mme Bacon: Mais vous souhaiteriez que la place réservée à l'écologie soit encore plus grande chez les décideurs d'Hydro-Québec Je pense qu'il y a quand môme un prix à payer pour poser des actions efficaces en environnement. Quelle place êtes-vous prêt à accorder aux actions environnementales dans l'ensemble des choix d'une société? Jusqu'à quel prix peut-on faire assumer à l'ensemble de la société les décisions environnementales?

M. Messier (Daniel): Disons que ce que je trouve un peu ambigu, c'est... Évidemment, Hydro-Québec a les meilleurs spécialistes en environnement et môme Hydro-Québec fait avancer ni plus ni moins la cause, ou la recherche, ou l'ingénierie environnementale. Mais Hydro-Québec cause les problèmes et, après ça, elle crée de l'emploi pour réparer ces problèmes-là. Alors, c'est dans ce sens-là que j'aimerais qu'on prenne plus conscience des problèmes environnementaux avant d'agir sur le terrain et de provoquer ces conséquences environnementales.

Mme Bacon: Ce que vous appelez causer des problèmes, c'est la construction des barrages?

M. Messier (Daniel): Bien, les changements de débit, les Inondations, la contamination, au méthylmercure, la deforestation, etc.

Mme Bacon: D'ici 1996, Hydro-Québec compte engager 4 200 000 000 $ en investissements, en charges d'exploitation pour l'amélioration de la qualité des services. Hydro-Québec compte aussi investir 1 800 000 000 $ dans une vingtaine de programmes d'efficacité énergétique qui sont destinés à toutes les catégories de clientèle. Elle prévoit, la société Hydro-Québec, une économie de 12,9 térawattheures en 1999, ce qui serait l'équivalent de 10 % des ventes d'électricité au Québec en 1989.

Dans ce contexte-là, est-ce que vous pouvez continuer à soutenir, comme vous le faites dans votre mémoire, que la qualité et l'amélioration du service semblent céder la place à un développement à tout prix quand on pense à toutes les sommes qui sont engagées par Hydro-Québec? Vous le dites dans votre mémoire que "la qualité et l'amélioration du service semblent céder la place à un développement à tout prix". Quand on regarde tous les investissements qu'ils font en efficacité énergétique, qu'ils font aussi en économie et que ça va économiser 12,9 tôrawatt- heures en 1999, est-ce que vous pouvez encore soutenir ça?

Une voix: J'ai manqué un peu...

Mme Bacon: Je vais vous référer à votre dossier. J'essaie de trouver la page. Page 5 dans votre dossier.

M. Messier (Daniel): Les 1 800 000 000 $ d'investissements au niveau de l'efficacité énergétique pour les 10 prochaines années, c'est quand môme beaucoup d'argent, mais, comparativement aux 62 000 000 000 $ qui vont être requis pour la construction de nouveaux barrages alors qu'on parte de marché saturé... On parle de 0,6 % d'augmentation au niveau de la demande des résidences; on parie d'à peu près 1,2 %, je crois, au niveau des commerces, l'industrie un peu plus. Alors, avec des bonnes économies d'énergie, disons qu'Hydro va avoir à gérer, ni plus ni moins, la décroissance en matière de résidences s'il y a un bon programme d'efficacité énergétique. Alors, qu'on investisse 1 800 000 000 $ en efficacité énergétique sur une enveloppe globale ou sur un financement global de 62 000 000 000 $, je trouve que les 1 800 000 000 $ ne sont pas si Importants que ça dans la balance.

Mme Bacon: Vous pariez aussi du risque d'accroissement de gaz carbonique dans l'atmosphère en raison du déboisement, de l'inondation de territoires dans le Nord. Ça, c'est en page 8 de votre mémoire. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette affirmation que vous nous faites tant que des études scientifiques n'en auront pas clairement fait la démonstration.

Si la preuve en est faite, qu'est-ce que vous pensez de la position de certains groupes qui s'opposent à l'émission d'autorisations distinctes sur les grands projets parce qu'elles laisseraient présumer l'accord final sur le projet dans son ensemble mais qui a pour fin de récupérer le bois avant l'inondation des territoires visés?

M. Messier (Daniel): Je pense que c'était déjà commencé pour le projet Sainte-Marguerite. J'ai entendu ça dernièrement qu'on avait commencé déjà à couper le bois pour justement prévoir dans quelques années certaines inondations, j'imagine. Alors, évidemment, couper le bois, ça peut diminuer les impacts environnementaux ou les impacts globaux que constituent l'effet de serre ou le réchauffement climatique ou môme la couche d'ozone. Je pense qu'Hydro, de toute façon, a déjà fait des études là-dessus, sauf qu'ils ont toujours considéré que, étant donné, entre autres, que, pour des projets comme Grande Baleine, les distances sont beaucoup trop grandes à parcourir, donc les coûts de transport seraient trop élevés, donc, ça ne serait pas

rentable.

Mme Bacon: Quant à Sainte-Marguerite, j'aimerais juste vous dire qu'on n'a pas coupé le bois.

M. Messier (Daniel): Pardon?

Mme Bacon: A Sainte-Marguerite, on n'a pas coupé le bois. On n'a fait que de la réfection de routes. C'est tout ce qu'on fait en ce moment.

M. Messier (Daniel): D'accord. Excusez-moi.

Le Président (M. Bélanger): M. le député, d'Ungava.

M. Claveau: Oui, M. le Président. Ça me fait plaisir de saluer votre participation à la commission parlementaire et de démontrer finalement l'intérêt que le parti porte à la consultation publique, enfin, au débat nécessaire d'envergure sur toute la question de l'énergie au Québec qui dépasse et de beaucoup la simple intervention sur quelques projets en particulier. Il y a une dynamique globale dans laquelle il va falloir faire quelque chose.

Je voulais juste dire à Mme la ministre, parce que tout à l'heure elle me félicitait pour les interventions que j'ai eues concernant le respect des institutions parlementaires, que je l'en remercie. Je crois effectivement que l'on doit respecter les institutions parlementaires, mais il n'en reste pas moins que ce respect-là doit d'abord et avant tout passer par le respect de ceux que l'on représente. Dans ce sens-là, tout Parlement, tout gouvernement, dans une démocratie parlementaire comme la nôtre, qui ferait fi de l'intérêt de la majorité que l'on est amené à représenter, eh bien, ne respecterait pas lui-même l'institution parlementaire qui l'a élu. Et si la majorité de nos citoyens nous dit qu'il faut aller plus loin dans la démarche, qu'il faut avoir une enquête publique, qu'au-delà de l'intérêt de quelques groupes corporatifs ou au-delà de l'intérêt de quelques associations, de quelques individus, de quelques entreprises de construction, l'ensemble de la population du Québec croit, elle, qu'il faut aller plus loin et qu'il faut enquêter sur la situation énergétique, eh bien, il sera du devoir de ce gouvernement, comme du devoir de tout gouvernement qui pourrait être à sa place, d'aller plus loin justement dans le respect de l'institution parlementaire que nous représentons et dans le respect de notre peuple.

Dans ce sens-là, l'importance de la commission que l'on a actuellement, sur laquelle on travaille actuellement, va de soi; elle nous permettra justement de dégager les grandes pistes, les pistes fondamentales qui devront orienter le gouvernement dans son action future et dans le suivi que l'on aura à donner à cette commission parlementaire qui, comme je le disais tout à l'heure, ne devra surtout pas finir en queue de poisson, en se frottant les mains à la Ponce Pilate et en disant: Maintenant qu'on a entendu du monde, maintenant que les gens sont venus nous présenter leurs points de vue, eh bien, on continue à faire comme on veut. Ce n'est pas le but de cette commission et elle devra nécessairement déboucher sur quelque chose de plus fondamental et ce quelque chose, justement, on est ici pour le définir.

SI, à la limite, l'ensemble des intervenants ou la majorité des intervenants nous disent que la vision qu'Hydro-Québec a du développement énergétique devra être modifiée, eh bien, il sera du devoir du gouvernement et de la ministre, en tant que responsable du maintien du respect de l'institution parlementaire que nous représentons, d'aller de l'avant et de satisfaire les intérêts de l'ensemble, de la majorité de la population ou de ceux qui auront pris le temps de venir s'exprimer ici pour donner leurs points de vue sur la situation énergétique du Québec et sur le plan de développement d'Hydro-Québec.

Ceci étant dit, M. le Président, j'aimerais passer la parole à mon collègue qui va questionner les représentants du Parti québécois qui sont à cette table.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux féliciter les deux porte-parde de la Commission et aussi les remercier, de même que leurs collègues pour la qualité de leur travail, qualité qui Inclut même une autocritique tellement elle est objective, cette étude-là. Mme la ministre tantôt a fait remarquer que les 40 % du bilan énergétique, c'était la politique du Parti québécois. C'est vrai. C'est vrai. Mais elle n'a pas ajouté cependant qu'à cette époque-là le prix du pétrole avait grimpé entre 35 $ et 40 $ le baril. Et, depuis c'est baissé de moitié et plus que de moitié.

Je veux revenir sur une question que la ministre a soulevée. Elle a dit, elle a demandé aux représentants du Parti québécois: Quel prix pensez-vous que la société est prête à payer pour respecter l'environnement? Personne ne peut répondre, évidemment, à cette question-là. Mais une des façons de commencer à avoir des éléments de réponse, c'est précisément de faire cette large consultation avec la population, dans les régions du Québec, et de confier à des arbitres ou à des commissaires neutres et compétents, et non pas à la solde directe ou indirecte du gouvernement ou d'Hydro-Québec, de confier à des personnes compétentes et neutres le soin d'aller entendre les groupes de citoyens à travers le Québec et de leur poser justement cette question: Quel prix la société est-elle prête

à payer pour préserver une qualité saine à l'environnement? (12 heures)

La dissuasion. Il me semble qu'avec la perte de crédibilité inquiétante d'Hydro-Québec la ministre devrait peut-être s'adresser à des collègues ministres de qui relèvent des réseaux d'édifices parapublics. Je pense à l'Éducation, par exemple, je pense à la Santé et aux Services sociaux. Et il y en a d'autres, les Affaires municipales. Sans avoir à payer des millions à des firmes de publicité, comme Hydro-Québec le fait, on pourrait très bien, par ces ministères-là, entreprendre des campagnes de sensibilisation, d'éducation populaire, pour, par exemple, dans la saison froide, diminuer le degré de chauffage dans les édifices publics, que ce soit les édifices de la Santé et des Services sociaux ou de l'Éducation. Il y a une foule de mesures, à part les fameux trucs de douche ou les ampoules spéciales, il y a bien des mesures qui ne demandent pas du tout, du tout d'argent, de remplacement d'équipement, mais qui demandent une éducation qui pourrait même commencer avec les enfants à l'école, au primaire, au secondaire pour sensibiliser la génération montante à l'économie d'électricité.

Mais je ne suis pas sûr que ça intéresse tellement la ministre, cette question-là. Je ne suis pas sûr, malheureusement, que ça l'intéresse tellement. Elle aime mieux laisser à Hydro le soin de donner de gros contrats de publicité à des firmes privées, des millions et des millions qu'Hydro redépense chaque année en publicité. Quand ce n'est pas pour faire son propre éloge, c'est pour faire l'éloge d'un nouveau gadget. Alors, moi, je suggère à la ministre de parler à ses collègues, autres ministres dans le cabinet, qui devraient entreprendre des campagnes de sensibilisation pour diminuer l'utilisation de l'électricité au Québec.

J'ai une question pour les porte-parole de la Commission. Vous dites, à un moment donné, que la Suède a décidé, d'Ici l'an 2010, de diminuer sa production de 40 %. Est-ce que vous pourriez nous donner un peu plus de détails sur cette décision de la Suède et les moyens qu'ils entendent prendre ou qu'ils ont commencé à prendre pour arriver à cet objectif? Parce que c'est un objectif considérable; 40 %, dans l'espace de 20 ans, c'est beaucoup.

M. Messier (Daniel): Je ne suis jamais allé en Suède, personnellement. Disons que la Suède a décidé de ne plus endiguer de ses grandes rivières importantes et a refusé d'accroître le nombre de ses centrales nucléaires. Par conséquent, il y a différentes sortes de mesures qui ont été prises, comme une très grande sensibilisation vers le transport en commun. On parle même de nouveaux autobus qui fonctionneraient à l'hydrogène et que même le Québec serait dans la course pour aller chercher des contrats à ce niveau-là. Ça, c'est un exemple. Disons que je ne pourrais pas vous en nommer des tonnes. Mais II y a différents exemples comme ça qui montrent que la Suède, quand même, est en avance. Et les pays du nord de l'Europe, comme la Norvège, aussi - Mme Brundtland est la présidente de ce pays-là - montrent vraiment l'exemple et sont déterminés, quand même, à prendre le virage vert et à faire attention, à avoir un sain équilibre entre le développement économique et la protection de l'environnement.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, je voudrais souligner que, dans l'Intervention de la ministre, il a été dit qu'Hydro avait l'intention de consacrer 1 800 000 000 $ à la question des économies d'énergie au cours de la décennie. Si on le rapporte en pourcentage des 62 000 000 000 $ qui sont proposés, on en est à un chiffre de 3 % des Investissements en cause qui seraient consacrés aux économies d'énergie. Et il y a un terme américain qui décrit bien, je pense, ce genre de politique corporative là; on appelle ça du "tokenism" II y a des gens qui disent qu'il faut faire des économies d'énergie. On sort un dépliant en couleur sur les douches, puis, nous, on s'occupe des économies d'énergie!

L'autre aspect, je pense, de cette question-là, c'est l'idée qu'en mettant l'électricité chère, on va faire économiser de l'énergie. Et, là-dessus, la ministre a posé des gestes concrets, oui, pour que l'électricité soit chère et le gouvernement fédéral a fait son bout aussi. Ce qui veut dire que, dans les 12 prochains mois, les gens vont payer l'électricité 23 % plus cher qu'avant. Et, à cet égard, il est remarquable de voir que, dans les hausses de tarifs qu'Hydro-Québec a demandées, et ça augure mal du sens critique de la ministre vis-à-vis des gros projets de développement d'Hydro-Québec, qui étaient de 8,5 % pour le domestique, on a consenti 7,5 %; on demandait 6,5 % pour les moyens utilisateurs de puissance, donc les PME, on a accordé 1 % de plus, 7,5 %; et, pour les grands utilisateurs d'électricité, Hydro-Québec demandait 8 %, la ministre a accordé moins que ce qui était demandé, soit 7,5 %. Et on voit que, dans cette tarification-là, ce sont les PME qui prennent la douche la plus froide au moment de faire les tarifs.

À cet égard, je voudrais dire aux Intervenants que je suis d'accord avec l'idée d'une enquête publique et d'un débat vraiment fondamental sur les plans, les projets d'Hydro-Québec, puisqu'il est question, collectivement, de dépenser 62 000 000 000 $ pour s'équiper en matière d'électricité. Donc, on parle de sommes très considérables et il serait bon de consulter, je pense, l'ensemble des actionnaires. Et, à cet

égard-là, je tiens à dire aux Intervenants que nous, on est d'accord avec l'Idée d'aller plus loin que ça et de pousser plus loin qu'une commission parlementaire qui joue un rôle utile et qui entend très démocratiquement les intervenants. Mais je regarde comment ça s'est passé pour les tarifs, entre autres: la commission a entendu Hydro deux jours et, après ça, la ministre a accordé à Hydro à peu près tout le montant qui était demandé comme augmentation de tarifs.

Ce que je veux dire par là - et ça, je pense que c'est important dans le débat - c'est que, quand Bell Canada veut avoir des augmentations de tarifs, Bell doit les justifier devant le CRTC et elle est contre-interrogée et elle est contre-expertisée. Et c'est la môme chose pour Hydro Ontario qui doit justifier ses hausses de tarifs devant un organisme public. Alors que nous, on va recevoir, dans quelques semaines, Hydro-Québec avec un camion de documents et, à ma connaissance, la commission, à part son secrétaire qui fait un travail extrêmement utile, n'a même pas ses propres recherchistes pour faire vraiment l'étude détaillée de quelque chose qui est un investissement de 62 000 000 000 $.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le député d'Ungava, est-ce que vous voulez intervenir encore?

M. Claveau: J'ai combien de...

Le Président (M. Bélanger): II reste dix minutes à votre formation et six minutes au parti ministériel. M. le député de Saint-Maurice.

M. Lemire: À ce moment-ci du débat, je voudrais préciser un peu ce que le député vient d'avancer et rappeler ceci aux gens qui nous ont présenté le mémoire, les jeunes du Parti québécois, peut-être pour faire la lumière sur certaines augmentations d'Hydro-Québec. On se souvient de l'année 1982, lors de la dernière crise économique. On avait augmenté, à ce moment-là, l'électricité. Pour une période de trois ans, on avait eu des augmentations de l'ordre de 45 %. Dans une période de trois ans, on a eu des augmentations de 18 %, de 22 %, de 20 %, dans le secteur domestique. Et on avait eu des augmentations d'au-delà de 20 % pour les PME. Ce que je veux dire à ce moment-ci, c'est qu'on subit présentement un réalignement et un réajustement. On est en train de remettre en marche Hydro-Québec qui est une société d'État qui, à l'heure actuelle, a toujours un peu donné le ton. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'Hydro-Québec a seulement 45 ans d'âge. C'est une compagnie qui est très jeune et qui a tout de même des actifs très considérables. Et quand on dit: 7, 5 %, 7 % et quelques et qu'on a pénalisé les PME, il faut comprendre que les PME paient encore très bon marché leur électricité comparativement à l'Ontario. Il y a encore une dif- férence d'au-delà de 30 %, dans certaines PME, par rapport à ce qui est payé en Ontario.

Ce que je veux dire et ce que je veux rappeler ici, au député qui a mentionné tantôt qu'une augmentation de 7, 5 %, à ce moment-ci, c'est excessif: II faudrait peut-être prendre en considération que la relance d'Hydro-Québec dans ces projets, ce sont tout de même des projets qui sont discutés depuis des dizaines d'années. Parce que les plans de développement d'Hydro-Québec, il ne faut pas penser qu'on décide ça du jour au lendemain. Il ne faut pas non plus penser qu'on est là seulement pour défendre la société d'État. On est là pour faire un débat qui est non partisan et un débat qui se fait de façon à dire à tous les Québécois: Si on choisit des projets importants dans le futur qui vont, en même temps, relancer notre économie, qui vont remettre en marche la société d'État qui, dans l'année 1985 n'avait presque pas d'investissements - on était presque arrivés au point zéro dans les nouveaux investissements, dans les nouvelles constructions de barrages - là, on la remet en marche et on dit même que l'an prochain II y aura 3 500 000 000 $ de nouveaux investissements qui vont permettre, dans les prochaines années, de remettre 29 000 personnes au travail.

Je pense que c'est important. Il faut regarder ça d'une façon constructive et non pas d'une façon à aller détruire la société d'État, qui est, tout de même, dans une position financière qui n'est pas si mauvaise que ça. Parce que, si on regarde les rapports de Nesbitt Thomson, de la Banque de Montréal et tous les rapports, et la façon dont la société d'État va emprunter son argent sur les marchés internationaux, elle ne pourrait pas avoir des emprunts avec les cotes qu'elle a présentement si elle était réellement en difficulté financière. Je pense qu'il ne faut pas charrier. Il faut rester dans le débat. Il faut s'en aller dans une vision qui va nous permettre de faire un choix et de s'en aller d'une façon modérée, sans pour autant compromettre la consommation et la nécessité des Québécois de s'approvisionner en énergie.

Le Président (M. Bélanger): Je voudrais faire une petite remarque à ce stade-ci. Les débats qu'on pourrait avoir entre nous sur les questions de fond ou de rectification m'apparaissent peut-être très importants et ce n'est pas suite à l'intervention du député de Saint-Maurice que je fais mon intervention, mais simplement pour rappeler qu'il serait peut-être important ou intéressant de questionner un peu plus nos invités. C'est leur point de vue qu'on veut avoir actuellement. Le nôtre, on aura d'autres tribunes pour l'émettre, je le pense. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: C'est parce que notre crainte, M. le Président, c'est qu'après que le dernier

participant à cette commission aura été entendu, soit Hydro-Québec, on fasse chacun notre petit discours, qu'on ferme les livres et qu'on n'ait plus jamais l'occasion d'en rediscuter. Alors, c'est peut-être l'occasion de lancer la perche et...

Le Président (M. Bélanger): Bon, le message est...

M. Claveau:... savoir quand on va avoir l'occasion de se réunir en commission pour faire le point sur les travaux de cette consultation.

Le Président (M. Bélanger): Cette mise au point étant faite, on a d'autres tribunes pour passer ces messages. Je souhaiterais qu'on revienne à nos invités, ne serait-ce que par déférence pour les efforts qu'ils ont fournis pour produire leur mémoire. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: En fart, M. le Président, c'est que la vertu dort commencer à un moment donné. Je vais finir par poser une question à nos invités, mais je voudrais cependant souligner que...

Le Président (M. Bélanger): Ne soulignez pas trop, questionnez plutôt. J'apprécierais.

M. Bourdon: Non, mais, M. le Président, quand le député de Saint-Maurice parlait, II a dit des choses. Et, quand on lui répond, ça serait que nous, on ne serait pas dans l'ordre, mais lui, il lui était bien loisible d'en dire beaucoup, d'une façon non partisane.

Le Président (M. Bélanger): Mais vous êtes d'accord avec mol, beaucoup a été dit et on a peu questionné nos invités. Je préférerais qu'on... S'il vous plaît! Je préférerais qu'on questionne nos invités. D'accord?

M. Bourdon: M. le Président, c'est que les règles doivent s'appliquer également pour tout le monde.

Le Président (M. Bélanger): C'est ce que j'essaie de faire.

M. Bourdon: Et je veux juste dire qu'au début des années quatre-vingt les taux d'inflation au Québec ont atteint 11 % et 12 %, que les taux d'intérêt ont frôlé 18 % et 19 % - ça, c'est une réalité - et qu'Hydro-Québec vient d'obtenir - je vais demander à nos invités s'ils sont au courant de ça - des hausses de tarifs de 7, 5 %, c'est-à-dire de 50 % de plus que l'inflation constatée ces dernières années. Alors, la vérité a des droits et je pense que c'est Important de le dire.

Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous pouviez questionner nos invités, je pense qu'ils l'apprécieraient beaucoup.

M. Bourdon: Je demandais à nos invités s'ils trouvent que les hausses de tarifs que la ministre a accordées presque telles quelles à HydroQuébec augurent bien de sa décision quant aux 62 000 000 000 $ d'Investissements qu'Hydro-Québec nous propose de faire.

M. Messier (Daniel): C'est évident que c'est difficile de faire la preuve comme quoi les hausses de tarifs sont directement attribuables à la construction des futurs barrages. Sauf que, indirectement, le lien semble un peu évident, comme il l'a été à l'époque de la première Baie James. (12 h 15)

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le député d'Orford.

M. Benoit: Dans votre mémoire, vous recommandez la rénovation de petites centrales hydroélectriques par Hydro-Québec. D'abord, pourquoi faire faire la rénovation de ces petites centrales-là par Hydro-Québec plutôt que par l'entreprise privée? Et avez-vous une idée combien elles généreraient d'énergie si on améliorait ces petites centrales ou si c'est une recommandation sans aucun chiffre?

M. Messier (Daniel): Comment, sans aucun chiffre?

M. Benoit: Avez-vous une idée, si on avait un programme pour améliorer les petites centrales, de quelle serait la production et de combien on améliorerait notre production?

M. Messier (Daniel): Je n'ai pas de chiffres là-dessus. Une affaire que je sais, par exemple, c'est qu'au Québec - c'est un chiffre que j'ai déjà eu - il y avait au-dessus de 1500 digues et barrages dont plusieurs, là-dedans, sont hors d'usage. Alors, au lieu d'en construire d'autres, on pourrait sûrement en rénover. À certains endroits, on pourrait faire des études de faisabilité, à savoir si c'est rentable, si ça vaut la peine de rénover ces petites centrales-là.

M. Benoit: Dans vos études, est-ce que vous avez regardé s'il y a avantage, dans le cas des petites centrales, à le faire sous forme de sous-traitance ou à le faire faire par Hydro-Québec?

M. Messier (Daniel): J'aimerais mieux ne pas me prononcer là-dessus.

M. Benoit: Parfait.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, le temps étant écoulé, M. le député d'Ungava, si

vous voulez remercier nos invités.

M. Claveau: M. le Président, ça m'a fait plaisir de recevoir devant cette commission et de remercier de leur participation les membres de la Commission nationale sur l'écologie et l'environnement du Parti québécois. Et je voudrais, en guise de conclusion, souligner que j'aurais bien aimé aussi avoir l'opportunité de questionner devant cette commission la Commission-Jeunesse du Parti libéral qui est généralement présente à toutes les commissions parlementaires et consultations publiques. Peut-être que le dernier exemple qu'ils ont eu dans le cas des frais de scolarité les a écartés à tout jamais des consultations publiques. Enfin, nous verrons.

Le Président (M. Bélanger): Ce sont vos conclusions. Mme la ministre.

Mme Bacon: Merci, M. Messier et M. Frenette.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce que vous voulez remercier nos invités, Mme la ministre?

Mme Bacon: C'est fait.

Le Président (M. Bélanger): C'est fait. Bien La commission de l'économie et du travail remercie les représentants du Parti québécois pour leur présentation et invite à la table des témoins son prochain groupe qui est le groupe Cascades, représenté par M. Bernard Lemaire, président, et M. Jacques Aubert, secrétaire général. Bonjour, messieurs les représentants de Cascades. Je vais vous expliquer un peu nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire ou de votre point de vue. Avant de procéder, je vous prierais de bien vouloir vous identifier et de procéder. Nous vous écoutons. Je vous remercie.

Cascades

M. Lemaire (Bernard): Bernard Lemaire, président de Cascades. M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés. Vous vous demandez peut-être un peu pourquoi Cascades vient présenter un mémoire sur l'énergie alors qu'on est dans le papier. Mais vous savez que, dans l'industrie du papier, 15 % de nos coûts, c'est l'énergie et que l'importance du développement de nos entreprises passe par l'énergie et qu'on a vu, dans le passé, des fluctuations des prix importantes qui ont rendu notre compétitivité dans le monde parfois pas très facile de 1976 à 1981.

Nous présentons un mémoire peut-être aussi dans un intérêt personnel. J'ai annoncé que, d'ici à quelques années, je prendrai la direction seulement du conseil de Cascades et que je me consacrerai à la nouvelle entreprise que nous avons formée cette année, Cascades Énergie.

Mon expérience européenne m'a fait réaliser que l'abondance de l'énergie au Québec et les taux très peu élevés ont fait que nous n'exploitons pas notre énergie au maximum et qu'il y a un potentiel important pour l'entreprise privée de développer l'énergie au Québec et de réaliser des profits pour le bénéfice des Québécois qui pourront... On peut exporter ce produit comme on exporte notre papier journal, on peut exporter l'énergie, et je pense que ça peut être très rentable à long terme pour le Québec. Et ma vision - je ne sais pas si elle est juste - je prévois que, dans les trois à cinq ans qui viennent, nous aurons une nouvelle crise de l'énergie. C'est pour ça qu'ici, aujourd'hui, nous voulons vous présenter un mémoire.

Alors, je demanderais à Me Aubert de vous faire part de notre mémoire et je serai prêt à répondre à vos questions.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Me Aubert, on vous écoute.

M. Aubert (Jacques): Merci. Oui, je pense que ce n'est pas d'hier que le groupe Cascades, avec ses 30 usines - j'ai marqué 30 dans notre mémoire, c'est maintenant 31 - manifeste un intérêt important pour l'énergie. En effet, dans l'Industrie des pâtes et papiers, le prix de l'énergie représente entre 10 % à 15 % des coûts d'opération, ce qui veut dire chez nous environ 70 000 000 $ à 75 000 000 $ par année. De là, notre implication dans la recherche des moyens visant à diminuer au maximum ces coûts parfois astronomiques.

La dimension énergétique est omniprésente dans la gestion de Cascades, que ce soit lors de l'étude de nouveaux projets, d'acquisitions d'usines ou de conception d'un nouveau procédé de fabrication. De fait, Cascades a fait preuve de plusieurs initiatives dans la conception, le développement et l'utilisation de technologies permettant à la fois une plus grande flexibilité des sources d'énergie et une plus grande efficacité énergétique.

Constamment soucieuse du coût d'investissements reliés à la mise en place de ces nouvelles technologies, Cascades a également utilisé son savoir-faire dans ce domaine pour utiliser des équipements usagers ou réusinés ou réaliser des projets-pilotes.

La présence de Cascades sur le continent européen maintenant depuis cinq ans et demi l'a non seulement amenée à faire partager cette préoccupation pour les coûts énergétiques à la direction de ses différentes usines, mais elle lui a également permis de bénéficier des expériences réalisées par ses diverses usines en vue, notamment, de produire leur propre électricité et, conséquemment, d'améliorer leur efficacité énergétique dans un contexte où l'énergie électrique est coûteuse et pratiquement inaccessible à cause de son coût à certaines périodes de l'an-

née.

Voici quelques exemples de mesures concrètes prises par les usines de Cascades pour réduire les coûts énergétiques et ce, en misant principalement sur l'efficacité énergétique.

Installation de bouilloires - en fait, c'est un mot anglais, je le dis un peu plus loin, les Français nous ont montré que ce n'étalent pas "bouilloires", mais "chaudières" - de chaudières à résidus de bois. Il s'agit de chaudières qui brûlent des résidus de bois qui, autrement, causeraient des problèmes environnementaux. L'avantage de ces bouilloires est une économie d'énergie car elles ont pour effet de générer la vapeur nécessaire au séchage du papier. Les rebuts d'alimentation proviennent d'une ressource renouvelable et diminuent ainsi la consommation de combustibles fossiles. Nous avons de semblables chaudières à résidus à nos usines de Cabano, East-Angus, Jonquière et LaRochette en France.

Également, la mise en place de presses Tem-Sec, qui est une exclusivité nord-américaine pour Cascades avec une entreprise espagnole. En fait, ce sont des presses qui permettent d'obtenir, au niveau de la feuille de papier, une sciccité plus élevée avant le séchage et ce, de façon mécanique. Ce procédé a pour effet de diminuer de façon importante la consommation de vapeur, et donc de combustible, ou de l'énergie nécessaire. Des Tem-Sec semblables sont Installées à nos usines de Cabano, Avot Vallée, Blendecques, Duffel et Kingsey-Falls. D'autres usines feront bientôt l'installation de presses semblables.

Installation de nouveaux fourneaux. Nous avons conçu à notre usine de Loulseville un nouveau type de fourneaux pour séchage de panneaux-particules. L'effet a été que, tout en augmentant la production de 30 %, nous avons enregistré une économie d'énergie de l'ordre de 20 %. À l'une de nos unités de Kingsey-Falls, l'installation d'un fourneau à infrarouge, en collaboration avec le Centre de recherche d'Hydro-Québec, a permis une diminution des coûts d'électricité de l'ordre de 25 %.

Interruptible. Notre usine de Port-Cartier a signé le premier contrat d'énergie interruptible dans les pâtes et papiers avec Hydro-Québec, contribuant ainsi à ce qu'Hydro puisse mettre en place les mécanismes nécessaires permettant de ne pas dépasser la demande maximale permissible sur le réseau en hiver.

Mais, depuis un certain temps, Cascades s'intéresse plus particulièrement à un domaine peu connu ici au Canada. En effet, je veux parler de la cogénération. La vapeur est très importante et donc très nécessaire dans la production des pâtes et papiers. Cascades a construit la première usine de cogénération au Canada. Par l'alimentation au gaz naturel de deux turbines, nous générons non seulement l'électricité nécessaire pour nos six usines de Kingsey-Falls, mais également la vapeur - au- delà de 150 000 livres - et ce, à partir des gaz d'échappement qui, autrement, se perdraient dans l'atmosphère.

Mais, déjà, en Europe, des turbines à vapeur sont installées à nos usines de Blendecques, LaRochette et Avot Vallée. Il s'agit de vapeur haute pression dont la pression est diminuée par les turbines. L'effet d'abaisser la pression génère de l'électricité. De plus, deux turbines à eau génèrent l'électricité supplémentaire à notre usine de LaRochette.

Dans une autre usine en Europe, l'installation d'un moteur à combustion interne au mazout produit de l'électricité et les gaz d'échappement sont récupérés pour générer de la vapeur. Il s'agit d'une première mondiale avec la compagnie Caterpillar.

La performance de ces nouveaux moyens nous permet non seulement des économies d'échelle, mais également, dans quelques cas, de sauver l'entreprise d'une fermeture, de là notre intérêt à poursuivre davantage notre implication dans ce secteur.

Produisant maintenant au-delà de 50 mégawatts et des possibilités d'autant à partir d'équipements de cogénération variés et utilisant différentes sources d'énergie, Cascades veut maintenant s'impliquer davantage dans la mise en place et/ou l'exploitation de centrales de cogénération au Québec. Dans cette perspective, elle pourra être en mesure d'apporter sa contribution pour permettre à Hydro-Québec de faire face à une demande croissante d'électricité.

Des projets à réaliser. L'expertise de Cascades l'amène à considérer un certain nombre de projets de cogénération pour certaines de ses usines au Québec. L'électricité ainsi produite servirait non seulement aux besoins des usines, mais à la collectivité. Évidemment, de tels projets ne pourront démarrer que dans la mesure où Hydro-Québec adoptera une tarification basée sur les "coûts évités" qui permettra de rentabiliser les investissements requis.

Parmi les projets envisagés, on retrouve les suivants. A l'usine de Cabano, installation d'une chaudière alimentée totalement par des résidus de bols qui pourraient générer entre 15 et 20 mégawatts. À notre usine de Port-Cartier, remise en opération d'une turbine à vapeur d'une capacité de 30 mégawatts. À l'usine d'East-Angus, une étude entreprise avec le Conseil québécois de valorisation de la biomasse, à l'usine d'East-Angus, pour la construction d'une unité de cogénération à partir de biomasse forestière. Notre usine de Jonquière présente un potentiel très Intéressant pour la mise en place d'une chaudière alimentée à partir d'écorce.

Maintenant, des projets pour la collectivité. Cet intérêt pour la production d'électricité a également amené Cascades à s'intéresser à des projets hydroélectriques, un domaine presque exclusivement laissé à Hydro-Québec. En effet, Cascades détient des droits sur un site hydroé-

lectrique situé sur la rivière Saint-François, à l'intérieur des limites municipales de la ville d'East-Angus. Une étude concernant la faisabilité technique de ce projet a été réalisée et s'est avérée positive. La mise en marche de ce projet est, là aussi, dépendante de la tarification et des conditions contractuelles proposées par HydroQuébec.

Cascades examine également d'autres sites en vue d'établir leur faisabilité technique et économique. En ce sens, elle rejoint les préoccupations d'Hydro-Québec qui, dans son plan de développement 1990-1992, indique que plus de 400 petites rivières au Québec offrent un potentiel de l'ordre de quelque 10 000 mégawatts. Cascades considère que ces projets modestes et de moindre envergure que les mégaprojets peuvent contribuer d'une façon positive à l'utilisation rationnelle de nos ressources hydrauliques sans changer le site naturel de nos cours d'eau et sans affecter la faune et la flore.

Par ailleurs, l'incertitude reliée au remplacement des énergies non renouvelables, tels le gaz et le pétrole, en Amérique du Nord devrait inciter le gouvernement du Québec et HydroQuébec à mettre de l'avant une politique véritablement incitative pour le développement de ses ressources hydroélectriques.

Par ailleurs, en 1985, les frères Lemai-re - pourquoi les frères Lemalre? Pour ne pas mettre la compagnie Cascades dans le cadre de recherche de gaz, puisqu'on sait que c'est très risqué - donc, les frères ont formé une société nominale et se sont impliqués avec SOQUIP et Gaz Métropolitain dans un forage dans la région de Joly, dans le comté de Lotbinière. Ce forage s'est avéré infructueux et coûteux. (12 h 30)

Cependant, les frères Lemaire ont quand même voulu poursuivre leur implication dans le domaine et se sont associés a la firme Jaltin pour réaliser un programme d'exploration de la région de Yamachiche. Ce programme d'exploitation a permis de découvrir un petit gisement de gaz naturel, entre un et trois Bcf, situé à faible profondeur, soit à 200 ou 350 pieds.

Cascades s'est associée à SOQUIP pour mettre ce gisement en production au cours du mois de juin. Le gaz produit permettra d'alimenter dans un premier temps une usine de Cascades à Louiseville, qui achète et qui s'alimente déjà avec du gaz naturel de Gaz Métro. Si le gisement donnait les résultats escomptés, Cascades pourrait choisir d'installer de petites génératrices en vue de produire de l'électricité avec le gaz en place.

Par cette perspective, Cascades, qui détient des droits de pétrole et/ou de gaz avec l'entreprise Jaltin sur un territoire important du Québec, entend poursuivre un programme d'exploration visant la réactivation de petits gisements de gaz naturel, dont la production avait été jugée commercialement insuffisante à l'époque. Cascades compte prochainement continuer son activité sur un gisement de la région de Gaspé, où la production de gaz naturel pourrait permettre de générer de l'électricité sur une base rentable, si la tarification actuelle d'Hydro-Québec était modifiée.

Mesdames, messieurs, par ce mémoire, Cascades a voulu non seulement faire état de ses préoccupations pour les coûts énergétiques de ses usines, - mais également mettre en évidence le fait qu'elle a su développer son expertise dans la production d'électricité et qu'elle compte la mettre au service du Québec sous différentes formes. Le groupe Cascades a même créé, au début de l'année, une filiale qui se spécialisera dans l'énergie, Cascades Énergie inc. Et Bernard Lemaire, qui a annoncé il y a à peu près neuf mois son retrait de la production des pâtes et papiers d'ici un an ou un an et demi, en deviendra le président et, donc, s'en occupera d'une façon particulière. Cascades Énergie inc. veut principalement centrer son action sur la production d'électricité à partir de différents moyens et ce, en complémentarité avec Hydro-Québec.

Cependant, pour que Cascades puisse réaliser, dans une région tant limitée, ses projets de cogénération à partir des différentes sources d'énergie et ses projets hydroélectriques, il est impératif que certaines mesures soient prises: un, qu'Hydro-Québec bonifie sa tarification actuelle pour l'achat d'électricité, de manière à ce qu'elle reflète réellement ses coûts évités; le maintien de la politique de prix actuel rendra impossible la mise en oeuvre de nouveaux projets; deux, qu'Hydro-Québec se donne une structure d'accueil intégrant toutes les fonctions - tarification, normes d'Installation, branchements, etc., - reliées à la mise en marche de tels projets, de manière à réduire les temps d'étude et de réaction et à tenir compte des ressources humaines limitées dont disposent les entreprises faisant la promotion de ces projets.

Avec une politique de prix d'achat d'électricité permettant de rentabiliser les projets envisagés et en allégeant le processus décisionnel pour obtenir certaines autorisations et/ou actions, Hydro-Québec pourra compter sur des entreprises, telles que Cascades, disposées à travailler conjointement avec elles et, dans la mesure de leurs moyens, contribuer à l'atteinte de certains objectifs qu'elle s'est donnés.

Pour le Québec, la mise en oeuvre de tels projets aura non seulement un impact positif sur la situation énergétique québécoise, mais elle aura aussi un effet significatif sur le développement économique régional, puisque tous les projets envisagés par Cascades sont situés dans différentes régions du Québec. Madame, messieurs, merci de votre attention.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie beaucoup. Mme la ministre.

Mme Bacon: M. Aubert, M. Lemaire, je vous remercie d'être présents à cette commission et de nous faire part d'un éclairage nouveau et différent, aujourd'hui. Dans votre première recommandation, vous demandez une bonification de la tarification d'achat d'électricité par HydroQuébec et qu'Hydro-Québec, par le fait môme, reflète réellement les coûts qui sont évités, que cette tarification reflète ça. Vous affirmez aussi que le prix actuel d'achat d'électricité rendra impossible la mise en oeuvre de nouveaux projets. Vous semblez sous-entendre que la tarification qui est proposée ne refléterait pas réellement les coûts évités d'Hydro-Québec. Est-ce que vous pouvez expliquer davantage?

M. Lemaire: C'est peut-être difficile de savoir les coûts évités d'Hydro-Québec. On ne veut pas nous le dire exactement. Mais ce qu'on entend dire, c'est que, parfois, les coûts des nouveaux projets d'Hydro-Québec vont faire que le coût de l'électricité générée dans ces projets sera peut-être de six centièmes... Si on fait l'ensemble des coûts d'Hydro-Québec, oui, parce qu'on sait qu'il y a des barrages qui existent depuis 50 ans, depuis 30 ans et qui n'ont aucun coût, qui n'ont pratiquement aucune charge. Probablement que les coûts d'Hydro-Quôbec, dans leur total, sont peut-être ceux qu'ils nous disent. Mais on pense que ces nouveaux projets-là... Est-ce qu'on ne pourra pas bénéficier d'une amélioration de ces coûts-là? Parfois, cette électricité-là est exportée à des prix qui sont assez élevés aux États-Unis. On a publié ces montants-là. Mais, quand on voit le prix qui nous est offert, on se dit: L'Hydro se garde une marge de manoeuvre très importante.

Et c'est ça qu'il faudrait peut-être réaliser, qu'on peut exploiter des centrales de cogénéra-tion de différents types, peut-être à un coût qui fera bénéficier Hydro-Québec. Hydro-Québec pourra quand même faire un profit important, tout en occasionnant un profit pour nous. Je pense que, dans ces petits projets-là, nous pouvons être efficaces, nous pouvons développer de l'énergie efficacement, industriellement, ce qu'Hydro-Québec ne peut pas faire. HydroQuébec, c'est gigantesque. Elle peut faire des projets importants que les entreprises privées ne peuvent peut-être pas faire. Mais ces petits projets-là, on peut les faire et être rentables. Ce qui nous était offert, je peux dire que l'amélioration... Il y a un mois, on a eu une meilleure qualification pour la mise en marche... On a mis en marche, il y a quelques semaines, avec HydroQuébec... On a connecté notre centrale de cogénération de Kingsey-Falls, le 3 mai, |e crois. Et on a eu une nouvelle tarification améliorée de ce qui nous avait toujours été dit... On a même pris le risque. Cascades a pris un risque important. En faisant le projet avec une tarification, comme on le disait... Mais j'ai pensé qu'avec le bon sens les gens et les administrateurs d'Hydro-

Québec réaliseraient qu'on ne peut pas arriver à faire des projets comme ça, avec le taux qu'on nous a fait

Après négociation, on a amélioré le taux. Mais on a d'autres projets. On s'aperçoit qu'on est très marginal. C'était peut-être seulement à Klngsey-Falls où on pouvait employer toute la vapeur générée. Parce que vous savez que ces projets de cogénération peuvent être faits seulement si on utilise la vapeur, "l'exhaust", les gaz d'échappement de la turbine, qui est un moteur d'avion normal - ce sont des moteurs de DC-8 que nous avons, dans le moment. Les gaz d'échappement sont transformés en vapeur et c'est cette vapeur-là que nous pouvons utiliser directement dans nos usines, qui font que l'économie d'un projet semblable... Une Impianta-tion de cogénération au gaz en plein milieu d'un champ, sans utilisation de la vapeur, ne peut pas être rentable. Mais on a su réaliser ce projet-là. Je pense que si la tarification... Mais il y a beaucoup de projets semblables qui pourraient être faits, si la tarification était améliorée.

C'est une amélioration qu'on nous a offerte, dernièrement, mais j'espère qu'on pourra peut-être bien regarder les coûts des futurs projets que vous voulez mettre en marche par HydroQuébec, de ces grands projets, mégaprojets, pour nous faire bénéficier, nous aussi, à l'entreprise qui générera... Ce sont des investissements. On a investi tout près de 16 000 000 $. Gaz Métropolitain Investit des sommes importantes pour l'oléoduc qui se rend à Kingsey-Falls. Alors, c'est dans la région un apport d'investissement qui fait profiter plusieurs régions.

Et vous savez qu'il y a plusieurs petits barrages qui pourraient être faits dans des régions, qui vont faire une activité économique dans ces régions-là et qui permettront au Québec de se développer. Peut-être des mégaprojets qu'Hydro-Québec... Oui, on va peut-être exporter de l'énergie, mais peut-être que les entreprises privées peuvent collaborer avec Hydro-Québec pour en exporter plus.

Mme Bacon: Au niveau des marchés d'énergie, M. Lemaire, est-ce que vous pensez qu'il y a des alternatives qui seraient concurrentielles à l'électricité, par exemple?

M. Lemaire: Peut-être, oui. Mais dans combien d'années? L'hydrogène deviendra peut-être l'énergie du futur. Dans ma vision, moi, je vois l'hydrogène comme énergie du futur. Mais on a un long chemin à parcourir avant de mettre de l'hydrogène. On devra vivre peut-être quelques décennies avant que cette énergie soit contrôlée et mise à l'utilité des gens. Alors, je pense que la société va continuer à progresser. On a besoin d'énergie et on aura une crise d'énergie

Si vous regardez les prix du pétrole, comme ils vont, et la consommation du pétrole... Regar-

dez, depute les cinq dernières années, l'augmentation de consommation de pétrole et la production des pays du Moyen-Orient. Vous allez voir qu'on est tout près de la balance. On verra peut-être un emportement des prix du pétrole et on aura encore une crise énergétique. Alors, je pense qu'on est bien placés au Québec pour développer notre énergie, pour en bénéficier. Et je pense que c'est à notre avantage de développer notre énergie hydroélectrique en faisant aussi attention à l'environnement. Mais je pense que c'est pour plusieurs années encore une énergie propre, qui a sa place. On aura d'autres sources d'énergie qui viendront, mais je pense que ce sera un développement très long.

Mme Bacon: M. Lemaire, on parie beaucoup d'économies d'énergie par rapport au secteur résidentiel, par rapport à nos résidences. On en a beaucoup discuté, ces derniers temps. On dit qu'il y aura une augmentation de consommation d'énergie par rapport au secteur industriel dans les années qui viennent. Comment peut-on arriver à faire des économies d'énergie au niveau industriel? Est-ce que les gens sont ouverts à ça? Est-ce qu'ils sont prêts à poser des gestes ou à utiliser, je ne sais pas, moi, des trucs comme on en utilise - on a parlé de nouvelles techniques, par exemple - dans le secteur résidentiel?

M. Lemaire: Oui. Je pense qu'une entreprise peut réaliser des économies d'énergie; c'est pour ça que je m'intéresse à l'énergie. Dans nos entreprises, on n'économisait pas l'énergie. J'ai vu en Europe, avec une tarification qui est différente de la nôtre, ce qu'on a développé, comme moyens d'économiser l'énergie. Je pense qu'il y a beaucoup à faire, au Québec, de ce côté-là. Nos entreprises peuvent le faire. Les coûts augmentent, les coûts énergétiques des entreprises augmentent, mais c'est une nouvelle structure. Vous savez que les chaudières étaient toutes construites à basse pression. On utilisait des chaudières à 250 livres de pression, et on n'utilisait pas la détente de cette vapeur-là pour fabriquer de l'énergie.

Toutes les entreprises qu'on a en Europe fabriquent la vapeur à des pressions de 600 à 800 livres. On détend l'énergie à travers une turbine et on fabrique de l'électricité, ce qu'on ne faisait pas, avant, parce que ce n'était pas rentable. Mais, aujourd'hui, c'est rentable. Je pense que les sociétés vont pouvoir mieux utiliser l'énergie fossile qui est employée pour fabriquer ces énergies, et faire des économies en ayant utilisé moins d'électricité.

Dans nos entreprises, il y a toujours moyen d'économiser. Aussi, je pense que ce qui a été fait pour l'énergie de pointe à Port-Cartier peut être fait dans plusieurs entreprises. Vous savez qu'on peut accumuler certains produits. On peut diminuer, lors de la période de pointe. Je pense que, où il y a une économie importante à faire, pour Hydro-Québec, c'est de ne pas développer son réseau de distribution pour l'énergie de pointe. L'industrie peut se charger des pointes. Je pense que s'il y a des montants de mis qui peuvent favoriser qu'une entreprise se retire de la demande dans les moments de pointe, si la tarification le fait, ou si l'économie est permise à l'entreprise, on n'aura pas à modifier le réseau. Le réseau peut en prendre, mais le réseau ne peut pas en prendre à certaines heures.

Alors, si vous êtes en France, où j'opère, vous savez que notre énergie va de une à dix fois, en certaines périodes du mois de février. Alors, on est équipés pour s'enlever du réseau à certaines heures. Les principaux moteurs, qui utilisent beaucoup d'énergie, sont enlevés du réseau à certaines périodes, et on a seulement à avoir des réservoirs supplémentaires pour la pâte. Ce sont des choses qui peuvent être faites pour économiser, sur le réseau d'Hydro. L'énergie, on en a besoin, on peut l'utiliser, mais, pour ce qui est des périodes de pointe, on peut certainement faire des économies sur ces périodes, pour ne pas développer le réseau. Car ça coûte énormément cher, ie développement du réseau.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de...

M. Aubert: Excusez! Juste peut-être pour ajouter là-dessus, quand on parlait, tout à l'heure, de la tarification. En fait, pendant quatre mois, vous savez que, pour faire des usines de cogénération comme on a fait, par exemple, à Kingsey - qui est la première, pour l'instant - ça a pris beaucoup d'énergie - là, je fais un jeu de mots - beaucoup d'efforts et, finalement, on a réussi à régler avec HydroQuébec, le 2 mai, un tarif qui soit raisonnable dans le cadre de l'exploitation de cette usine de cogénération, pour la mettre en marche avec elle le 3 mai. Mais ce qui est important... Quand j'écoutais M. Lemaire parler de pointe, en Europe... Je pense qu'Hydro comprend bien, ici, la question de pointe, parce que son intérêt à signer ce contrat d'une période de cinq ans de nos surplus d'électricité qu'on va vendre à Hydro-Québec, c'est surtout durant les mois de décembre, janvier, février et mars, et c'est la raison majeure qui lui a fait augmenter cette tarification.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata. (12 h 45)

Mme Dionne: Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais parier de façon particulière, venant de Kamouraska-Témiscouata où Cascades a une entreprise, de la biomasse forestière. Alors, vous parlez d'un projet pour utiliser la biomasse comme combustible, pour créer de l'énergie. Est-ce que vous pourriez peut-être décrire un peu

quels sont les résidus que vous allez utiliser? Il y a peut-être des gens qui vont penser qu'on prend des planches pour faire ça. Quels sont les résidus que vous allez utiliser pour...

M. Lemaire: Je pense que vous avez eu, dans la région de Kamouraska, dernièrement, des démonstrations de gens qui trouvaient que les scieries qui font brûler leurs écorces dans des "enfers", qu'on appelle, et qui polluent l'environnement, les autos et tout... Bien, ça pourrait être utilisé pour générer de l'électricité. Encore une fois, on a étudié plusieurs projets. Ça fait trois fois qu'on fait refaire les projets pour la fabrication d'électricité avec l'usine de Cabano, mais la tarification ne nous permet pas de le justifier. Pour le moment, avec la nouvelle tarification, s'il y avait encore un effort supplémentaire fait par Hydro-Québec, je pense que ces projets-là pourraient pousser à plusieurs endroits. On les a nommés, on pourrait mettre en place des projets dans ces endroits-là pour générer plus d'électricité.

Je pense qu'on ne doit pas pénaliser. Vous allez voir, il faut être franc. Parfois, HydroQuébec nous paie plus cher que nous payons, dans le moment, notre énergie dans nos entreprises. Mais elle peut la vendre à un taux beaucoup plus élevé à l'extérieur. C'est un commerce ça. Cela permet à nos entreprises de demeurer concurrentielles. On a de l'énergie bon marché, mais la seule personne qui peut vendre à quelqu'un qui en a besoin... C'est un commerce qu'on fait. Il y a des demandes, à des prix plus élevés, à l'extérieur, aux États-Unis. Pourquoi ne pourrions-nous pas produire une certaine quantité d'énergie pour la vendre, par le biais d'Hydro-Québec parce qu'on ne peut pas la vendre, nous - à l'extérieur, tout en gardant nos entreprises concurrentielles, en payant le taux de 0,032 $. Chez nous, l'hydroelecticité qu'on a fabriquée depuis de nombreuses années, qu'on a développée depuis de nombreuses années et qui ne nous coûte pas cher, pourquoi ne pas en faire bénéficier nos entreprises québécoises? Et que nos entreprises québécoises qui peuvent fabriquer de l'électricité l'exportent à l'extérieur, comme on exporte nos autres produits. C'est le développement qui doit être fait dans le futur, le développement hydroélectrique par les entreprises. Je pense qu'il y a une bonne approche de faite.

On a conclu, comme M. Aubert nous a dit, une journée avant la mise en contact avec Hydro-Québec, notre cogénération, avec une amélioration. Je pense que c'est une négociation, je pense que les gens d'Hydro-Québec sont de très bons négociateurs, mais il faudrait peut-être qu'il y ait des efforts. Je pense que Mme la ministre est là qui contrôle, mais il y a une possibilité de développement de notre potentiel électrique dans nos entreprises, ici au Québec. Et, dans Kamouraska, ce sera une des premières qui pourra être faite avec une nouvelle tarification.

Mme Dionne: J'aurais, à la suite de ça, M Lemaire, deux questions, deux hypothèses. Premièrement, si ça se réalise, cette cogénération à base de biomasse forestière, est-ce que ça va vous fournir suffisamment d'énergie pour, éventuellement, avoir une usine de pâtes à Cabano? Première question. Et la deuxième: Si vous ne pouvez utiliser vos résidus de bois pour faire de l'énergie, comment allez-vous en disposer?

M. Lemaire: Â notre usine de Cabano, nous n'avons pas de problème, parce que nous brûlons nos écorces, dans le moment, à notre usine. On a un système qui a été mal conçu, à cause d'une électricité trop bon marché, on n'a pas fabriqué à haute pression. On fabrique à basse pression, on ne fait pas la dépense pour fabriquer de l'électricité avec. Mais nous reconstruirions une nouvelle unité à haute pression qui générerait de la vapeur tout en générant de l'électricité, et qui pourrait utiliser beaucoup plus de biomasse que dans le moment. C'est de rentabiliser cette chose-là.

Nous avons la chance de pouvoir faire un profit à la vente de l'électricité, parce que nous pouvons utiliser la vapeur dans notre usine à Cabano. Une scierie ne peut pas faire la même chose; un scieur ne peut pas faire la même chose, parce que lui, il ne peut pas utiliser la vapeur. Nous, chez nous, on a l'avantage d'avoir un besoin de vapeur, alors ça rentabilise l'ensemble en faisant une usine comme à Cabano. C'est pour ça que nous sommes intéressés à un projet semblable.

Mme Dionne: La réponse à ma première question... C'est peut-être une boutade, mais selon le prix du marché, si vous avez suffisamment d'énergie, ça donnera une usine de pâtes à Cabano?

M. Lemaire: Peut-être, si les coûts d'énergie demeurent bas. Vous savez que la pâte mécanique utilise beaucoup d'énergie. Alors, on pourra peut-être réaliser le projet.

Le Président (M. Bélanger): C'est le plan de développement d'Hydro qu'on regardait, pas celui de Cascades. M. le député d'Orford.

M. Benoit: M. Aubert, M. Lemaire, une bonne partie de votre mémoire, particulièrement à la page 8, qui a trait aux 10 000 mégawatts possibles sur les 400 rivières du Québec... Vous parlez de façon précise du barrage sur la rivière Saint-François, à East-Angus. Prenons celui-là, à titre d'exemple. Quel est le taux de rendement qu'un actionnaire normal de Cascades - Ils sont probablement tous normaux, les actionnaires de

Cascades - exigerait d'un investissement de cet ordre-là? Et dans quel délai il exigerait une rentabilité, et de quel ordre de rentabilité, si vous aviez... J'imagine que vous avez étudié tout ça. Alors, qu'est-ce qu'un actionnaire, un gars qui met des piastres dans un barrage, exige comme rendement, et à l'intérieur de quelle période de temps?

M. Lemaire: Bien, je pense que c'est un minimum de 20 %. On dort avoir 20 %, parce que, lorsqu'on a payé nos impôts et tout, il ne reste pas... Avec des taux d'intérêt comme aujourd'hui, c'est moins rentable que de placer son argent à la banque, même si on fait 20 % sur des investissements. Mais c'est un minimum de 20 %. Je peux vous dire que le projet étudié à East-Angus n'était pas rentable avec le coût des investissements, le coût d'intérêt qui est très élevé; il n'était pas rentable avec l'ancienne tarification. Avec la nouvelle tarification, nous allons refaire nos chiffres. On le verra, mais on doit avoir une rentabilité. Il y a un risque aussi. Vous savez qu'il y a un risque à construire. Est-ce que les coûts de construction d'un barrage de cette envergure-là... Il n'y a pas beaucoup d'expertises. Alors, on prend des risques et il faut avoir peut-être une meilleure rentabilité, à cause du risque qu'on prend de construire des barrages. L'expertise va se développer dans les petits barrages. Il y a quelques expériences, mais pas beaucoup, et je pense que la marge de manoeuvre n'est pas très grande, dans ces projets-là. Alors, il faut avoir une bonne tarification. Mais je pense qu'on arrivera à négocier quelque chose pour le développement. C'est pour ça que je suis Ici. Je parle pour faire comprendre à MM. les députés et Mme la ministre et tout ça qu'il y a quelque chose qui peut se développer par l'entreprise privée, tout en étant sous la tutelle d'Hydro-Québec. Notre acheteur, c'est Hydro-Québec, qui en dispose et qui verra à la distribuer où elle est nécessaire et à la vendre, si elle en a trop. Elle négociera ces contrats de vente, mais je pense que l'entreprise privée peut participer à ce développement d'hydroénergie au Québec.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir de recevoir devant cette commission MM. Lemaire et Aubert, de Cascades. En ce qui me concerne, je trouve toujours ça intéressant de discuter avec des gens qui n'ont pas peur de se prendre en main et de trouver des alternatives ou de chercher des alternatives aux problèmes existants, avec tous les risques que ça occasionne et que ça présuppose.

J'ai beaucoup de questions en tête, à la lecture de votre mémoire qui nous amène des chiffres, qui nous donne, enfin, pour le moins, une vision nouvelle, une vision intéressante.

Entre autres, toute la question de refiler la pointe à l'industrie. Il me semble que c'est là une notion sur laquelle Hydro-Québec aurait avantage à travailler avec beaucoup de sérieux, au cours des prochaines années, plutôt que de construire des centrales ce qu'on appelle des puissances additionnelles, comme Manie 5 PA ou LG 2A, qui sont finalement des "boosters" pour répondre aux pointes quelques minutes ou quelques heures par jour ou par année et qui sont excessivement coûteuses. Il y aurait peut-être avantage à négocier globalement avec l'entreprise une espèce de transfert de responsabilité à l'entreprise pour absorber les pointes hivernales, entre autres. Je trouve que cette notion est particulièrement intéressante.

Si on étendait globalement à l'ensemble de l'industrie un point de vue tel que le vôtre, si de plus en plus d'entreprises travaillaient dans ce sens-là, avec la connaissance que vous avez de la possibilité de faire générer cette électricité-là à partir des moyens alternatifs, quel pourrait être l'impact global que cela pourrait avoir sur le niveau de production d'Hydro-Québec, enfin, sur le... Quel est le pourcentage global d'électricité, d'après vos analyses, qui pourrait être produite de cette façon-là pour satisfaire aux besoins de l'entreprise québécoise?

M. Lemaire: Moi, j'ai regardé cette approche-là sur un point de vue de commercialisation. Je parle de l'économie de pointe. Je pense qu'on fait un gaspillage de l'économie de pointe. On pourrait faire une économie sur les réseaux. Parce que, moi, quand je voyais construire des réseaux pour servir la pointe seulement, des réseaux qui ont été construits pour seulement les pointes, ça, c'est une économie qu'Hydro-Québec peut faire en jouant avec la tarification ou les "incentives" à donner à une entreprise, une réduction de tarif, si elle peut s'enlever du... Ce serait peut-être le meilleur moyen, de dire: Si vous vous enlevez de telle heure à telle heure et tant de jours de pointe - 27 jours, comme on a en Europe - qu'entre telle heure et telle heure vous devez être hors, si vous voulez avoir tel tarif... Alors, ce sont des initiatives qui font qu'on s'enlève de la pointe. On la prend si on veut, mais il y a une compétitivité qui se fait sur les produits finis, et, si on est là et que ça nous coûte trop cher, on est mieux de ne pas fabriquer à certains taux. Alors, ce sont les économies qu'on peut réaliser, cette chose-là.

Mais je pense que le potentiel du Québec, ce n'est pas de ne pas fabriquer de l'électricité. Si on a la chance d'avoir les ressources de développement et si on a des gens prêts à acheter notre produit, c'est ça qu'on doit développer. Le Québec n'a peut-être pas beaucoup de moyens de se développer; ça en est peut-être un très important. On peut vendre quelque chose qu'on peut fabriquer au Québec.

On cherche toujours. On n'est peut-être pas capables de fabriquer des automobiles, pas capables de fabriquer des télévisions, mais on peut peut-être fabriquer de l'électricité. On va peut-être être compétitifs à fabriquer de l'électricité chez nous, la vendre à l'extérieur, parce qu'il y a un marché pour l'acheter, puis être peut-être plus écologiques. C'est ça que je voudrais qu'on développe, au Québec. C'est de l'entreprise électrique qu'on développe. Peut-être pas pour les besoins du Québec. Oui, on peut peut-être favoriser les entreprises québécoises pour se développer à l'intérieur, des alumineries, peut-être, je ne sais pas le pour et le contre... Mais vendre cette électricité, c'est aussi payant. C'est payant de la vendre. Et si ça bénéficie aux Québécois et que ça bénéficie aux entreprises québécoises, on deviendrait... Si Cascades Énergie va être un fabricant d'énergie qui veut vendre à l'extérieur, ce n'est pas pour fournir ses usines. Cascades voudrait être un fabricant d'électricité, et on en a la chance, on a développé des techniques pour transporter notre électricité par des lignes à haute tension qui peuvent aller livrer très loin notre énergie. La formation du Québec est faite de telle manière qu'on a des dénivellations importantes, et on peut utiliser ça pour faire de l'énergie; le soleil se charge de remonter l'eau en haut. Alors, c'est peut-être ça qu'on doit exploiter.

Moi, j'entends beaucoup... Il y a peut-être ceux qui veulent protéger l'écologie et tout. Oui, c'est bien, mais on doit aussi se développer. On doit se développer, et on doit faire fabriquer de l'énergie. Moi, je pense que c'est peut-être le plus écologiquement possible, parce que tout développement a des conséquences écologiques. Tout développement. Quand on fabrique du papier, on a des conséquences écologiques: on coupe des arbres. Mais on a développé cette ressource-là. On doit développer notre ressource hydroélectrique. C'est important. Je pense qu'on peut en bénéficier beaucoup. Il y a beaucoup à faire, et je pense que c'est pour ça que je suis de cet avis. On peut aider au développement, on peut peut-être le faire d'une manière un peu différente, mais je pense qu'on doit exploiter. Je suis un industriel, peut-être pas un écologiste; je suis un industriel, et quand il y a un produit à vendre et qu'il y a quelqu'un pour l'acheter, moi, je suis là pour le produire, si je suis capable de le produire en faisant un profit. Alors, c'est ça que je regarde en venant Ici: si je peux vendre quelque chose à profit et en faire profiter la communauté. Je paierai mes impôts ici, c'est l'argent des citoyens, alors, le profit restera ici. Nos actionnaires sont québécois, alors, ça restera au Québec, ça développera le Québec en vendant un produit à l'extérieur. C'est pour ça que je pense qu'on doit développer notre ressource hydroélectrique au maximum.

M. Claveau: Vous ne croyez pas, M. Lemai- re, qu'on aurait ou qu'on pourrait tirer encore plus d'avantages si on développait nos besoins hydroélectriques en fonction de ce qu'on est capables de transformer chez nous, aussi? SI on avait continuellement vendu notre électricité au plus offrant - parce que l'électricité, ça se vend bien - eh bien, peut-être qu'aujourd'hui on n'aurait pas des entreprises comme Bombardier, qui est la première productrice mondiale d'avions, de petits transporteurs aériens, actuellement, avec les dernières acquisitions qu'elle a faites. Peut-être qu'une entreprise comme Cascades n'existerait pas, non plus, avec toutes ses ramifications internationales. Peut-être qu'on ne serait pas au niveau où on est dans le domaine des moteurs d'avion ou des constructions de toutes sortes d'équipements. Vous dites: On n'est peut-être pas capables de faire des TV" ou des autos, mais on peut vendre de l'électricité. Et nous, on dit, ou, enfin, moi, je pense que, peut-être, on pourrait virer à l'envers et dire. Profitons donc de ce qu'on a pour pouvoir envahir les marchés internationaux avec les autos et les "TV" qu'on va produire chez nous. Parce que, dans le fond, c'est là où il y a la plus-value, c'est là où c'est important. Plus on transforme un produit, plus on en dégage de bénéfices nets pour l'entreprise et pour l'ensemble de la société. Je ne sais pas, moi, en tout cas, si on aurait pas avantage à regarder globalement la chose de cette façon-là, tout en respectant notre environnement. Parce qu'il semble de plus en plus évident, dans nos sociétés modernes, que l'on ne soit pas prêt ou que, globalement, l'ensemble des citoyens ne soient pas prêts à tout sacrifier pour le rendement, disons. (13 heures)

M. Lemaire: Oui. Mais j'ai bien dit, tout à l'heure, qu'on vendait notre électricité à HydroQuébec plus cher qu'elle nous la vend. Ça, je dis qu'Hydro-Québec devrait demeurer avec ça, pour qu'on demeure compétitifs. Je pense qu'Hydro-Québec a peut-être un potentiel encore à pouvoir vendre de l'énergie qui a été construite il y a plusieurs années. Cette énergie-là ne coûte pas cher à Hydro-Québec. Elle peut nous la vendre, celle-là. Elle peut la vendre aux entreprises. Elle peut fournir les citoyens. Je pense qu'on a un surplus important, et on peut avoir un surplus important de... Je n'ai pas les chiffres. Combien utilise-t-on, comparé à ce qu'on exporte? Et dans le futur, dans les 10 prochaines années, quel sera le pourcentage qu'on utilisera au Québec, comparé à ce qu'on veut exporter? Il y a des limites, à utiliser l'énergie. Je pense qu'on développe la pâte mécanique, on développe.

L'industrie des pâtes et papiers est une industrie qui utilise beaucoup d'énergie. L'aluminerie, les alumineries, ça utilise beaucoup d'énergie. La rentabilité de tout ça, c'est bien. C'est le développement du Québec. C'est partait. Si on peut créer des entreprises avec ça, qu'on

fasse le maximum, ou si on peut en exporter... Mol, je veux vendre, mais je sais que, si je vends mon électricité à 0,032 $ du kilowatt, je ne peux pas créer de nouvelles sources d'énergie. Hydro-Québec peut peut-être... Elle me la vend à ce prix-là. Si elle dit: Je vais te payer le môme prix que je te la vends, je ne peux pas réaliser ces potentiels-là. On ne peut pas les réaliser. On a la chance d'avoir cette énergie qui nous coûte ce prix-là, cette tarification nous a été donnée tout en faisant un profit du côté d'Hydro-Québec, peut-être, mais qu'est-ce qu'on veut faire?

Si j'avais à construire une entreprise et que je doive payer 0,05 $, peut-être que je créerais l'énergie sur place, moi-même, pour l'utiliser, comme je le fais en France. On l'emploie, parce que le taux est plus élevé. Alors, c'est Important que ce soit l'usine qui utilise l'électricité générée. Mais, dans le moment, on a l'avantage d'avoir un taux moindre. On a un taux moindre que ce qu'on peut produire. Les projets ne se sont pas faits. Pourquoi ces projets ne se sont-ils pas faits? C'est parce que ce n'est pas rentable. On ne les fait pas, ce n'est pas rentable. On a la chance d'avoir un taux d'énergie, mais...

Mettons, complètement à côté, une industrie qui peut être développée pour vendre de l'énergie à l'extérieur à 0,07 $. Ce qui est fabriqué pour l'intérieur, il est bon marché, on le paie moins cher, on développe nos entreprises avec, mais ce sont deux choses. Il faudrait sôpuror les deux choses, parce qu'on a un client qui est prêt à payer 0,07 $, à côté. Nous, ça nous coûte environ, peut-être, 0,05 $ pour la fabriquer. Il y a 0,02 $ de profit à faire. Alors, les 0,02 $, qu'Hydro-Québec les fasse; je vais faire peut-être 0,005 $ de profit, et on est corrects. Mais, pour mon entreprise, je paie moins que 0,05 $ pour l'électricité de mon entreprise. Alors, ce n'est pas rentable de le faire, pour moi. C'est seulement rentable de le faire pour l'exporter. C'est pour ça que c'est un développement. Dans ce développement-là, il faut avoir deux volets. L'énergie qui peut être faite pour être exportée et l'énergie qui peut être faite pour le développement du Québec à l'intérieur, à travers ses entreprises, à un bon taux, le meilleur qui existe en Amérique. Alors, peut-être que ça, c'est bon pour le développement industriel du Québec. Je laisse à Hydro-Québec le soin de développer cette partie-là. Mais moi, quand je suis situé à Cabano ou à East-Angus, tout près des frontières américaines, où c'est 0,07 $ de l'autre côté, le seul transporteur qui peut transporter mon énergie et qui peut aller la vendre de l'autre côté, c'est Hydro-Québec, à 0,07 $. Alors, moi, c'est ce que je veux développer. Je ne suis pas ici pour régler le problème du total; je suis ici pour dire qu'on peut développer des entreprises pour fabriquer de l'électricité pour vendre à l'extérieur.

M. Aubert: C'est pour faire le même commerce qu'on fait actuellement, qui est celui des pâtes et papiers. On fait de l'argent avec les pâtes et papiers en les vendant aux Américains. Mais vous savez qu'il y a des entreprises privées juste à côté de chez nous, au Vermont, qui ont décidé d'exploiter des petites centrales hydroélectriques, comme on veut le faire - comme on veut faire, entre autres, à East-Angus - et elles reçoivent, pour le prix vendu, 0,09 $ à 0,12 $ du kilowattheure, ce qui est loin des 0,04 $ qu'on reçoit d'Hydro-Québec pour vouloir faire la même chose. On veut en faire, donc, un commerce au même titre qu'Hydro-Québec le fait, mais en moins grande envergure, bien sûr.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: M. le Président, c'est toujours rafraîchissant d'entendre des gens qui ont eu recours à des méthodes innovatrices. Et je note aussi, au passage, que M. Lemaire constitue un bel exemple de transfert de technologies. Il a apporté des techonologies, qu'il avait développées ici, en France, en Europe. Mais, par ailleurs, il en a rapporté de France aussi, en matière d'économies d'énergie. Je pense que c'est un bel exemple de transfert de technologies. Moi, j'ai été frappé par deux choses, particulièrement vos installations de chaudières, là, qui brûlent les résidus de bois, qui, comme vous le dites très bien dans votre mémoire, autrement deviennent des nuisances environnementales, et aussi par votre entente avec Hydro-Québec, concernant le contrat d'énergie interruptible. Et ça c'est un bel exemple où il y aurait des économies phénoménales d'énergie, si c'était une pratique qui se répandait plus. Mais ma question porte surtout sur le premier fait que vous avez relaté, là, les chaudières à résidus de bois. Et ma question est toute simple: Ça me paraît tellement avoir de l'allure et en même temps être rentable pour l'entreprise, comment se fait-il que les autres papetières ne le font pas, ou presque pas?

M. Lemaire: Bien, c'est peut-être la question économique. Notre électricité nous coûte trop bon marché. C'est ça. Dans le moment on fabrique, seulement avec les écorces, ce dont on a besoin comme vapeur. Parce que, pour fabriquer ce dont on a besoin comme vapeur, on doit employer du pétrole. Alors, là, la rentabilité est là. Mais pour fabriquer de l'électricité, avec ces mêmes résidus, parce qu'il y en a en surplus, alors là, ce n'est pas rentable. Ça devient non rentable. Ce qu'on a, on a cet avantage-là. Il ne faut pas détruire l'avantage qu'on avait. Ne disons pas qu'Hydro-Québec nous vend l'électricité trop bon marché. Hydro-Québec est capable de nous vendre, à l'industrie, meilleur marché

cette énergie-là, et tout en faisant de l'argent. Ça c'est... Mais je vous dis qu'il y a un potentiel supplémentaire d'énergie qu'on peut aller vendre à l'extérieur, en exploitant ces méthodes-là Fabriquer de l'énergie, à 0,045 $ ou 0,05 $, on peut le faire, et on sait qu'il y a des clients pour plus cher à l'extérieur. Alors, ça, c'est pourquoi ces potentiels-là n'ont pas été développés. Il n'ont pas été développés, parce que, quand on arrive, on prend les coûts d'opération et les coûts d'installation de ces génératrices-là, et ce n'est pas rentable de le fabriquer au prix qui est le prix d'Hydro-Québec.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Si vous le permettez. Deux ou trois petites questions techniques, parce que, voyez-vous, ça m'intéresse dans la mesure, entre autres, où les projets de centrales de biénergie ou de cogénération, tout ce que vous voulez, là, sont excessivement populaires par les temps qui courent dans mon coin de pays. Tout le monde en étudie, et puis, finalement, on ne sait pas trop ce que ça va donner. La vapeur à basse pression, qui sort de la turbine, après avoir produit l'électricité, elle peut être transportée sur combien de kilomètres ou de mètres?

M. Lemaire: Ah, pas tellement loin, parce ce si vous êtes à basse pression, le transport dans un tuyau, vous perdez... Vous avez des pertes de pression par la distance. Ce n'est pas tellement loin.

M. Claveau: Oui.

M. Lemaire: Vous savez que nous, à Kinsey Falls, on a réuni nos six usines ensemble, dans notre réseau de vapeur, et on a des pertes de 75 livres, je dirais, dans 1000 pieds. Parce qu'il y a beaucoup de coudes et... Alors on perd énormément de pression. Nous, on était chanceux, on avait toutes nos entreprises à peu près dans le même secteur, en dedans d'un demi-kilomètre. Alors, on a pu toutes les desservir avec la vapeur générée en un seul endroit, et c'est pour ça que c'est... On ne peut pas transporter la vapeur. L'électricité se transporte facilement, mais la vapeur... Il y a des pertes énormes d'énergie dans le réseau.

M. Aubert: Alors ça ne marchera pas dans le Grand Nord, M. Claveau.

M. Claveau: Ha, ha, ha! Quel est le pourcentage... Vous nous dites, vous avez répété à plusieurs reprises que, pour être rentable, il fallait définitivement être capable d'écouler sa vapeur à basse pression. Quel est le pourcentage de revenu qui vient de la vapeur et de l'électricité, là, avec les nouveaux tarifs que... Si vous aviez à rentabiliser chacune des opérations, là, vapeur et électricité, comment départageriez-vous le revenu?

M. Lemaire: Je ne peux pas aller dans les chiffres directement. Mais je peux vous dire que, à 0,032 $ kilowattheure, ces projets-là n'étalent pas rentables. Ça je peux vous dire... Cabano a été étudié, plusieurs fois, ça n'était pas rentable. Alors, à 0,043 $, comme à peu près... Parce que là maintenant on nous a fait le tarif plus élevé en hiver et tout, qu'on dort garantir pour l'hiver, mais je pense qu'Hydro-Québec va dans le bon sens de son développement. Il fait des taux plus élevés, nous paie plus cher cette énergie-là, en hiver, à la condition qu'on lui garantisse une stabilité, pour l'hiver. Ça, ça l'améliore. Ça nous oblige à être beaucoup plus efficaces. Parce que, si nos installations font défaut en hiver, on va être très pénalisés. Je peux vous dire que, là, on perd tout l'avantage qu'ils nous ont accordé.

Mais, eux, ils ont un problème à résoudre. Alors, ils veulent résoudre leur problème et ils nous font supporter ce problème-là, et c'est à nous. C'est ça d'être industriels, c'est de vivre avec des risques, de prendre des risques pour faire un profit. C'est ce qu'on est prêts à faire, et je pense qu'avec l'amélioration des tarifs on peut faire que ce soit rentable, mais pas à 0,032 $; on l'a étudié à plusieurs occasions, ce n'est pas rentable. Ce n'était pas rentable de faire tous ces projets qui ont été mentionnés, on ne les a pas faits. On a fait celui de la cogénération avec le gaz, parce qu'on a été capables de se faire garantir un taux de gaz, à ce moment-là, à un bon prix, pour cinq ans. On a évalué notre risque sur cinq ans et on a dit que peut-être on va même utiliser la température peu élevée de cette turbine-là, après être passée dans les chaudières, à d'autres fins, pour séchage d'autres choses, ou chauffer des serres, ou quoi que ce soit On avait d'autres alternatives qui peuvent aller utiliser l'énergie pratiquement jusqu'à sa fin, vous savez.

Alors, on peut faire ça, mais c'est un risque. Je pense qu'on a fait cette chose-là parce qu'on aime le goût du risque. On a risqué 16 000 000 $, en disant: On prend un risque, mais on va le développer. On va faire quelque chose de spécial. Et on a pris ce rlsque-là. Ça va permettre à d'autres d'en faire d'autres. On va probablement en faire d'autres. On a fait bouger Hydro, dans son ensemble, avec ce projet-là. Elle était intéressée. On a eu les crises de l'hiver passé, qui nous ont aidés beaucoup. Je pense qu'on était impliqués; même si ça a causé beaucoup de problèmes à Hydro, ces problèmes-là nous ont aidés à avoir de meilleurs tarifs et de négocier plus facilement avec HydroQuébec pour l'hiver.

M. Claveau: Si vous me permettez, très rapidement, juste une petite dernière question,

parce que vous vous intéressez beaucoup à cette question-là: Est-ce que Cascades Énergie va s'intéresser au solaire?

M. Lemaire: Au solaire?

M. Claveau: À l'industrie solaire?

M. Lemaire: Peut-être qu'on aura, dans cette société-là... Certainement, après ça, il y aura des experts. C'est une société qui est un embryon, on commence. On a quelque chose à mettre dedans, on a deux, trois chaudières qu'on va installer dans ça, notre cogénération, nos puits de gaz, ça va tout être un ensemble qui va ramasser tout ça. Je pense que, dans quelques années, on regardera toutes les façons de produire de l'énergie. Ce sera une société consacrée à l'énergie. Je peux vous dire que, à ma retraite, j'ai toutes sortes d'idées que j'essaierai de mettre en pratique. Je dépenserai peut-être de l'argent, mais j'ai des idées de fabriquer des énergies différentes, puis, je n'ai pas eu le temps de me consacrer à ça, j'étais dans l'entreprise, mais j'ai des idées. C'est pour ça que Cascades Énergie... C'est pour ça que je suis ici aujourd'hui. Je prépare ma retraite, mais ma retraite pour avoir du plaisir à faire peut-être d'autres énergies.

Une voix: Une retraite énergétique.

Le Président (M. Bélanger): Bien Alors, si vous voulez remercier nos invités.

M. Claveau: On va vous souhaiter une bonne retraite énergique, ou énergétique, M. Lemaire, en vous remerciant de votre participation, votre collaboration, qui saura sûrement rehausser les travaux de cette commission, qui sont déjà, par ailleurs, importants et qui ont déjà donné beaucoup d'alternatives ou, enfin, de visions différentes aux parlementaires, en souhaitant que ça débouche vers de véritables solutions, à long terme, pour l'ensemble de la question énergétique québécoise. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci Mme la ministre.

Mme Bacon: M. Lemaire et M. Aubert, je pense que c'est un éclairage nouveau que vous nous apportez aujourd'hui, fort différent et, surtout, très intéressant. Ça fera partie, je pense, des réflexions qu'on aura à entreprendre à la suite de cette commission parlementaire. Je vous remercie beaucoup d'y avoir ajouté ces différences qui sont intéressantes. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie le groupe Cascades pour sa participation à ses travaux et nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures, soit après la période de questions. Bon appétit.

(Suspension de la séance à 13 h 15)

(Reprise à 15 h 52)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, bonjour. La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux et nous recevons présentement à la table des témoins l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie. Bonjour, mesdames, messieurs. Je vous explique rapidement nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire et, par la suite, une période d'échanges avec les parlementaires. Alors, je vous prierais, dans un premier temps, de bien vouloir vous identifier, d'identifier votre porte-parole et de nous présenter votre mémoire. Nous vous écoutons.

Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie

M. Sainte-Marie (Alain): Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. Permettez-moi de me présenter ainsi que l'équipe qui m'accompagne. Je suis Alain Sainte-Marie, un des membres fondateurs et l'actuel président de l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie. À ma droite, il y a Mme Danielle Tanguay, qui est présidente de Tréma, groupe de consultants de planification, stratégie et marketing, qui est membre du conseil d'administration de l'AQME et aussi membre du comité exécutif. À ma gauche, il y a Mme Lise Brousseau, qui est directrice générale de l'AQME.

À l'aide de larges extraits de notre mémoire, nous essaierons, dans un premier temps, de vous présenter la nature de notre Association. Par la suite, nous ferons ressortir qu'une transition s'Impose au Québec dans le domaine énergétique et que c'est un défi de taille à relever. Par ailleurs, nous soulignerons que les économies d'énergie constituent, entre autres, la marge de manoeuvre pour passer le cap de la fin du siècle au niveau énergétique. Ensuite, nous constaterons que l'efficacité énergétique et les économies d'énergie sont sous-exploitées au Québec et que, pour cette raison, il est très rentable d'investir dans la maîtrise de l'énergie. Nous exprimerons, par la suite, la nécessité de favoriser l'industrie de l'efficacité énergétique et, finalement, nous soutiendrons que la maîtrise de l'énergie doit être un processus planifié et à long terme.

L'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie existe depuis près de cinq ans. Fondée par des spécialistes en matière d'énergie provenant des secteurs privé, public et parapublic, l'AQME regroupe maintenant plus de 600 mem-

bres et atteint pleinement son objectif d'être un carrefour d'intervenants ayant un intérêt pour la maîtrise de l'énergie ainsi qu'une plaque tournante entre ces intervenants et entre leur milieu respectif. Nos membres se recrutent principalement parmi les utilisateurs d'énergie, les industries, les hôpitaux, les écoles, les municipalités, les experts et expertes-conseils en efficacité énergétique, les fournisseurs de produits efficaces en énergie et les fournisseurs d'énergie, que ce soit l'électricité, le gaz naturel, l'huile, l'énergie nucléaire et les énergies nouvelles.

Par cette intervention en commission parlementaire, nous profitons de l'occasion de féliciter Mme Bacon de son initiative de permettre un débat sur le développement de l'électricité au Québec. Donc, nous voulons réaffirmer la nécessité de mettre en place un programme d'action concret orienté vers une meilleure maîtrise de l'énergie. Nous sommes persuadés que la mise en oeuvre d'un tel programme aura comme conséquence de réduire la croissance de la demande d'énergie et aussi de favoriser la création d'emplois stables et la croissance d'une industrie chargée d'offrir des équipements et des services en vue d'une utilisation plus judicieuse de l'énergie électrique.

Il convient d'abord de noter que l'AQME accueille avec beaucoup d'intérêt et un certain enthousiasme l'annonce que fait déjà HydroQuébec, dans sa proposition de plan de développement, de son intention de s'engager de façon concrète dans des programmes d'efficacité énergétique et d'économies d'énergie. Les objectifs énoncés dans cette proposition sont ambitieux, et on prévoit les doter d'importants moyens financiers. C'est en s'appuyant sur de telles bases que l'AQME veut devenir un partenaire privilégié des initiatives d'Hydro-Québec en matière de maîtrise de l'énergie, tout en l'encourageant à devenir le fer de lance de l'efficacité énergétique au Québec.

Examinons maintenant la transition qui s'impose au Québec, et le défi de taille qui est à relever. L'AQME croit que la société québécoise se trouve maintenant à un point tournant dans son évolution énergétique et qu'Hydro-Québec a la capacité et la responsabilité de gérer, efficacement et avec imagination, le changement inéluctable de la situation énergétique qui s'imposera au Québec d'ici le tournant du siècle. Mais, pour ce faire, il lui importe de définir et d'adopter, dès maintenant, une stratégie cohérente et stable qui permettrait au Québec de faire face adéquatement au défi énergétique de l'an 2000.

Depuis le dépôt de sa proposition de plan de développement, on a l'impression qu'Hydro-Québec commence à percevoir l'ampleur du défi qu'elle doit relever. La proposition qui nous a été soumise pour étude ne semble pas, toutefois, remettre en question le credo traditionnel d'Hydro-Québec de bâtisseur de barrages. Toutes les mesures d'efficacité énergétique qui y sont proposées sont en soi valables, mais n'indiquent pas l'émergence d'une volonté unifiée à la société d'État. Nous croyons que ces audiences constituent une bonne occasion de préparer l'avenir et de réévaluer, au besoin, les concepts généraux qui sont la base de la stratégie d'Hydro-Québec. Il ne faudrait d'ailleurs pas hésiter à élargir le mandat d'Hydro-Québec, comme il a été fait en 1983, lorsque l'exportation d'électricité est devenue une de ses valeurs, afin d'accorder ça aux nouvelles réalités énergétiques.

Le gouvernement du Québec doit aussi assumer un leadership social en matière d'économies d'énergie et d'efficacité énergétique, de même qu'en recherche et développement dans ces domaines. On devrait, entre autres, redonner au Bureau de l'efficacité énergétique des moyens suffisants pour jouer son rôle essentiel dans le domaine de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables.

Examinons maintenant comment les économies sont essentielles dans le domaine énergétique pour passer le cap de la fin du siècle. Comme l'échéancier de construction d'Hydro-Québec ne peut être devancé davantage, il serait essentiel de s'en tenir rigoureusement au taux de croissance prévu de 2,8 % de 1989 à 1996 et de 1,5 % entre 1996 et l'an 2006. Cette prévision nous semble cependant très optimiste, compte tenu de la croissance moyenne d'environ 7 % qui a été enregistrée au cours des 5 dernières années.

Même si l'aménagement des grands bassins hydroélectriques comme ceux de la rivière Grande Baleine et des rivières Nottaway, Broadback et Rupert semble inévitable, il importe toutefois de faire en sorte que ces projets soient réalisés sans précipitation et en minimisant leurs conséquences environnementales. Il faut, à cet égard, rappeler que l'efficacité énergétique devrait constituer un élément essentiel de toute préoccupation environnementale et un instrument privilégié d'amélioration de la qualité de vie. La commission Brundtland l'a souvent répété, et l'AQME croit fermement en cette maxime.

De façon plus générale, nous croyons qu'il faut discuter dès maintenant des sources d'énergie qui devront êtes mises à profit au-delà des 18 000 mégawatts qui ont été identifiés comme "économiquement aménageables" par les experts d'Hydro-Québec. À cet égard, Hydro-Québec devrait dé/à songer à diversifier ses sources d'énergie électrique. La cogénération, le gaz naturel, l'énergie nucléaire, la biomasse, le vent, le soleil devraient être constamment évalués en parallèle avec l'énergie hydraulique. Ce n'est qu'à la lumière de cette vision globale que nous pourrons définir l'ampleur de l'effort technologique et financier à consentir dès aujourd'hui dans l'efficacité énergétique et les économies d'énergie. (16 heures)

Regardons maintenant en quoi les économies d'énergie et l'efficacité énergétique sont sous-exploitées au Québec. Le programme d'économie d'énergie proposé par Hydro-Québec est à la fois très ambitieux, compte tenu de ce que nous avons pu observer au cours des cinq dernières années, et peut-être insuffisant, compte tenu de la faible marge de manoeuvre dont nous disposons, et que nous venons de décrire. Il faut, d'autre part, s'assurer du réalisme des objectifs d'économie d'énergie qui seront inclus dans le plan de développement final d'Hydro-Québec. Sinon, on risque de ne pas pouvoir répondre à la demande ou encore de devoir mettre en place des solutions de dépannage qui seront beaucoup plus coûteuses comme, par exemple, l'importation de puissance de pointe ou la construction de centrales thermiques.

Il faut investir dans les économies d'énergie et l'efficacité énergétique, non seulement parce que cela est souhaitable en termes économique et environnemental, mais parce que cette contribution à l'équilibre énergétique du Québec risque de devenir essentielle, si un moindre retard intervient dans le programme d'équipement ou si la croissance de la demande est légèrement plus forte que prévu. L'AQME croit donc que l'efficacité énergétique et les économies d'énergie devraient faire l'objet d'une politique à long terme de la gestion de la demande. Trop souvent, on a eu l'impression que de telles initiatives ont été mises de l'avant pour réagir à des événements ponctuels comme des difficultés de livraison ou un programme d'équipement poussé à la limite.

Une telle politique à long terme permettrait surtout d'éviter des soubresauts de l'équilibre offre-demande qui ont souvent forcé HydroQuébec à transmettre des signaux qui peuvent sembler contradictoires dans l'esprit des consommateurs, aussi bien individuels que corporatifs.

Dans la situation actuelle, l'AQME croit donc que les objectifs de réduction de la demande anticipée devraient se faire plus pressants pour conduire à des résultats tangibles dès les premières années du plan de développement. Nous démarrons déjà avec un certain retard, nous ne pouvons plus nous permettre de perdre encore quelques années.

Il faut, entre autres, corriger dès maintenant les mauvaises habitudes de gaspillage que nous avons prises au cours des dernières années d'insouciance énergétique. Hydro-Québec, qui est elle-même une grande utilisatrice d'électricité doit, d'ailleurs, donner l'exemple, notamment en matière de chauffage à l'électricité. On répète souvent que l'électricité est une forme d'énergie noble et ne doit pas être réduite à ne produire que de la chaleur. Cela est aussi vrai pour Hydro-Québec que pour tout autre consommateur.

Pour établir sa proposition de plan de développement, Hydro-Québec a évalué que plus de la moitié du potentiel d'économie d'énergie se trouve dans les secteurs domestiques, contre à peine plus de 15 % dans les secteurs industriels. Il nous semble cependant que le fait de consentir des tarifs énergétiques avantageux aux industries, évidemment, afin de favoriser leur compétitivité économique, ne les porte pas, par contre, à investir dans l'efficacité énergétique.

De façon plus générale, nous encourageons Hydro-Québec à être plus créative dans l'élaboration de sa tarification. Les tarifs industriels pourraient, par exemple, être augmentés, si on s'assurait de réinvestir ces revenus supplémentaires dans ce secteur spécifique, afin d'y favoriser l'efficacité énergétique. Hydro-Québec devrait développer et mettre à la disposition de ses clients les instruments qui leur permettraient de prendre conscience de leur niveau d'efficacité énergétique et de gérer eux-mêmes leur consommation d'énergie.

Analysons maintenant pourquoi il faudrait investir davantage dans les économies d'énergie et l'efficacité énergétique. Le financement constitue un facteur-clé pour la réussite de tout programme d'efficacité énergétique et d'économies d'énergie. À cet égard, l'AQME est d'avis que l'énergie économisée devrait bénéficier d'un avantage en termes de prix équivalent. HydroQuébec entend cependant limiter ses investissements en matière d'économie d'énergie à l'écart entre son coût marginal de production et son prix moyen de vente. En termes clairs, HydroQuébec ne veut investir plus qu'elle n'économise elle-même grâce aux économies d'énergie. L'AQME croit, au contraire, qu'il faut investir davantage pour économiser une certaine quantité d'énergie que pour produire cette même quantité d'énergie. Compte tenu de l'incertitude liée aux coûts d'aménagement des ressources hydroélectriques et du coût environnemental de ces projets, l'efficacité énergétique devrait bénéficier d'un avantage significatif en termes de prix équivalent. Le recyclage énergétique de la biomasse résiduaire des déchets urbains devrait également bénéficier d'un tel avantage économique.

Au cours de la prochaine décennie, HydroQuébec prévoit investir 62 000 000 000 $ dans l'ensemble de son programme d'équipement, comparativement à moins de 1 500 000 000 $ dans ses iniatives d'efficacité énergétique. Nous croyons que cet effort financier devrait être beaucoup plus substantiel et être constitué exclusivement d'investissements directs. Une plus grande part des revenus additionnels générés par les augmentations de tarifs devrait également être directement investie dans l'efficacité énergétique et les économies d'énergie.

L'efficacité énergétique est une industrie qu'il faudrait favoriser. L'AQME est persuadée que l'efficacité énergétique n'est pas un frein à la croissance d'Hydro-Québec pas plus qu'elle ne l'est pour le développement économique de la

société québécoise. L'efficacité énergétique et les économies d'énergie constituent à nos yeux un secteur d'activités dont on sous-estime constamment ie potentiel. Les investissements en efficacité énergétique peuvent devenir un facteur de développement économique tout aussi performant que ne le sont les investissements masstfs dans la production d'énergie.

Un grand nombre d'entreprises québécoises, et plusieurs sont membres de notre Association, sont déjà à même de développer une expertise exceptionnelle en matière de maîtrise de l'énergie, et nous croyons qu'Hydro-Québec devrait supporter l'émergence de cette nouvelle industrie de la maîtrise d'énergie. Les fournisseurs de produits et de services dans le domaine de l'efficacité énergétique et des économies d'énergie devraient pouvoir jouir d'un support équivalent à celui dont ont bénéficié les concepteurs et les constructeurs de grands équipements de production énergétique.

Tout comme notre expertise dans la production d'énergie est maintenant exportée à l'échelle internationale, il pourrait en être de même, dans quelques années, de l'expertise que nous pourrions développer en matière d'utilisation efficace de l'énergie électrique. C'est toute une industrie qu'il s'agit maintenant de développer dans ce secteur, une industrie dont l'avenir ne peut être que très prometteur dans un contexte de développement durable. La maîtrise de l'énergie doit être un processus planifié et à long terme. Si la notion de développement économique durable est davantage qu'un simple slogan promotionnel, il faut dès maintenant penser à l'évolution à long terme de la situation énergétique du Québec.

Alors que nous négocions actuellement des contrats fermes d'exportation qui ne viendront à échéance que dans un quart de siècle, HydroQuébec s'en tient à une planification de 10 ans dans son programme d'équipement. Qu'allons-nous faire après que les 18 000 mégawatts économiquement aménageables auront été mis en production?

L'approvisionnement en énergie électrique renouvelable que nous offre le territoire québécois constitue un patrimoine dont la valeur exceptionnelle deviendra de plus en plus évidente avec les années. Nous ne pouvons plus nous permettre d'hypothéquer cette richesse par le gaspillage, aussi bien des consommateurs domestiques et commerciaux qu'industriels. Nous avons tous, fournisseurs, utilisateurs et décideurs, la responsabilité de préparer dès maintenant l'atterrissage en douceur de la société québécoise dans une ère de plafonnement de notre capacité de production hydroélectrique. L'AQME est, quant à elle, convaincue que le succès de cette transition économique et sociale repose avant tout sur une meilleure maîtrise de l'énergie. L'atteinte des objectifs d'efficacité énergétique que s'est donnés Hydro-Québec constitue évidemment une étape primordiale de cette transition qui ne pourrait être réalisée sans le concours des efforts soutenus de tous les partenaires du secteur de l'énergie.

En conclusion, j'aimerais résumer en six points le message que l'AQME veut laisser à cette commission dont nous félicitons, encore une fois, la tenue. L'AQME, de pair avec l'ensemble des bénévoles qui la supportent, croit en la nécessité d'un programme d'efficacité énergétique fort, cohérent et permanent comme charnière de plan de développement d'Hydro-Québec. Il faudra toutefois être très vigilants pour que ces programmes gardent leur caractère permanent au-delà des aléas de la conjoncture économique et politique. Il y aura lieu de considérer sérieusement l'extension du mandat confié à HydroQuébec à cet effet. Un tel programme aura sans doute des effets Industrialisants importants au Québec. Il permettra en outre, s'il est installé dans le cadre d'une planification à long terme et s'il est protégé par une certaine vigilance, de catalyser le développement du noyau industriel déjà bien implanté au Québec en matière d'efficacité énergétique.

Quatrièmement, le défi pour Hydro-Québec sera de taille. Tous les intervenants importants de la scène énergétique québécoise, le gouvernement le premier, doivent s'engager à en faire un rèei succès à long terme comme partenaire privilégié.

Cinquièmement, l'efficacité énergétique doit être considérée plus que comme une marge de manoeuvre temporaire dans le plan de développement de l'électricité au Québec. Elle doit être la clé de voûte d'une politique de développement économique durable et équilibré au Québec. Elle dort être planifiée à long terme et avec autant de minutie que ne l'est l'offre de l'énergie.

Sixièmement, le défi est grand et Hydro-Québec aura besoin du support de tous les partenaires québécois importants sur la scène énergétique. L'AQME est déjà au rendez-vous depuis sa création et elle s'est fixé, comme mission première, de promouvoir l'efficacité énergétique Elle mettra son expérience à contribution dans toutes les opportunités de collaboration qui se dessineront. Nous vous remercions de votre attention et de l'opportunité que vous nous avez donnée d'être entendus aujourd'hui.

Le Président (M. Bélanger): Nous vous remercions. Mme la ministre.

Mme Bacon: M. Sainte-Marie, Mme Tanguay et Mme Brousseau, en vous remerciant de vous être présentés devant la commission parlementaire, vous féliciter de votre document, qui est fort intéressant et surtout d'actualité.

Dans votre document, vous souhaitez qu'Hydro Québec devienne le fer de lance de l'efficacité énergétique au Québec et vous précisez que l'AQME est persuadée qu'Hydro-

Québec a à la fois la capacité et la responsabilité de gérer la transition qui s'impose dans notre société. Et vous ajoutez: "II ne faudrait d'ailleurs pas hésiter à changer le mandat d'Hydro-Québec afin de l'accorder aux nouvelles réalités énergétiques."

Parallèlement, vous estimez que le gouvernement du Québec doit assumer un leadership social en ces matières. En conséquence, à la page 4: "...que le gouvernement provincial devrait adopter une stratégie globale, un programme d'objectifs précis en matière d'efficacité énergétique et d'énergies renouvelables."

Je crois comme vous que la situation exige le concours, les efforts soutenus de tous, que ce soient les fournisseurs, que ce soient les utilisateurs et, aussi, les décideurs. J'aimerais cependant que vous éclalrcissiez les rôles respectifs que vous souhaitez voir tenir soit par le gouvernement du Québec, soit par Hydro-Québec. J'aimerais aussi, en môme temps, que vous précisiez le rôle de votre Association et le rôle que votre Association est prête à assumer pour assurer la progression de l'efficacité énergétique.

M. Sainte-Marie: Comme nous l'avons mentionné lors de notre allocution, la maîtrise de l'énergie et de l'efficacité énergétique, c'est l'affaire de tous. Hydro-Québec étant évidemment le principal producteur d'électricité au Québec, elle se doit, avec les moyens financiers dont elle dispose, de faire la promotion de la maîtrise de l'énergie. Par contre, on voit difficilement Hydro-Québec faire la promotion de l'efficacité énergétique dans les autres sources d'énergie. On voit, à ce moment-là, selon les discussions que nous avons eues avec notre "membership", qu'on... Écoutez, il est très important, pour mobiliser les entrepreneurs et les industriels, que le gouvernement prenne une position claire en faveur de l'efficacité énergétique.

Souvent, lors de nos discussions, on nous a même dit qu'autant au niveau fédéral qu'au niveau provincial il semblait de moins en moins évident que le gouvernement prônait l'efficacité énergétique, d'où un désintéressement au niveau des présidents d'entreprises pour ce secteur, un désintéressement aussi... Il y a certains de nos membres qui étaient chefs de service dans les secteurs de gestion de l'efficacité énergétique et ces postes ont été abolis avec les années, parce que la perception d'une stabilisation des prix de l'énergie était telle qu'il n'y avait plus d'intérêt pour les entreprises à gérer de façon efficace. Dernièrement, il y a eu un regain de vie au niveau de l'efficacité énergétique. À l'AQME, l'ensemble de nos membres nous dit qu'il faut que le gouvernement soit présent pour faire une politique à long terme dans l'ensemble du Québec pour que l'ensemble des sources d'énergie soit utilisé de façon plus efficace.

Hydro-Québec, au niveau électrique, évidemment, doit être le fer de lance, doit diriger, doit proposer un ensemble de solutions à sa clientèle et, par la suite, elle devrait mettre en pratique et aider ses clients à les mettre en oeuvre.

Pour ce qui est de l'AQME, nous, avec nos modestes moyens, nous avons essayé, au cours des cinq dernières années, de faire beaucoup de transferts d'information. Nous publions des revues tous les trimestres qui font part des réalisations concrètes dans le domaine de l'efficacité énergétique. Ça n'a pas toujours été facile, parce que, si on se rappelle il y a cinq ans, le domaine de l'efficacité énergétique était quand même très peu reconnu au Québec. Maintenant, avec l'intervention des ministères, avec les gens du BEE, avec tous ces intervenants dans le domaine, l'efficacité énergétique revient sur le tapis. (16 h 15)

Donc, nous croyons fermement que, finalement, c'est le client qui va voir à la fin qu'il y a un intérêt pour lui, autant économique au niveau des industriels qu'au niveau budgétaire pour les institutions, à utiliser l'énergie de façon efficace. Et c'est de concert avec tous ces gens que nous pourrons arriver à un meilleur rendement énergétique au Québec.

Mme Bacon: Quels sont les potentiels d'économie d'électricité qui pourraient être identifiés par votre organisme, par exemple, dans les différents secteurs de consommation au Québec? Et est-ce que ces économies d'électricité impliquent le recours à d'autres sources d'énergie?

M. Sainte-Marie: J'aimerais pouvoir vous dire que le potentiel d'économie d'énergie électrique dans le domaine industriel est de 82,3 %. Malheureusement, je ne peux faire ça. Nous, ce qu'on a recueilli de la part de nos membres, ce sont des faits concrets. Il y a certains de nos clients qui ont implanté une nouvelle technologie et qui vont économiser jusqu'à 40 % sur les coûts de production énergétique. Évidemment, on ne peut généraliser ça à l'ensemble du secteur industriel. Mais il y a des technologies qui existent et qui sont disponibles maintenant, qui demandent seulement à être implantées.

Au niveau des autres secteurs de l'industrie et de l'efficacité énergétique, je pense que Mme Tanguay peut apporter un complément de réponse.

Mme Tanguay (Danielle): Mon nom est

Danielle Tanguay et je suis membre du comité exécutif de l'AQME. Ce que je voudrais faire ressortir, c'est l'importance de la question de Mme Bacon en posant la question des potentiels. Lorsque, depuis des années, on essaie de regarder ce qu'on fait dans le domaine des économies d'énergie, on se bute systématiquement à l'évaluation de l'univers des économies qu'on peut

aller chercher. On se bute au fait qu'on ne connaît pas l'infrastructure môme de production, tant dans nos industries, où se consomme l'énergie d'une façon systématique, qu'au niveau commercial et au niveau résidentiel.

L'AQME n'est pas un organisme qui, par ses ressources qui sont essentiellement constituées de bénévoles, fait des études sur les évaluations de potentiels. Nous devons, nous, quand nous nous référons à certains potentiels, nous référer à ceux qui sont émis par différents organismes qui ont plus de ressources que nous. Mais ce que nous voudrions faire ressortir, c'est qu'il ne faudrait pas s'arrêter à la difficulté de ne pas évaluer les potentiels pour nous empêcher d'aller de l'avant dans ce secteur-là. Je dois dire qu'Hydro-Québec doit rencontrer les mêmes problèmes que la plupart des fournisseurs d'électricité et de gaz en Amérique du Nord. Présentement, la plupart des programmes visant les économies d'énergie et la gestion de la demande, qu'on appelle en bon français, "demand side management" ou gestion axée sur la demande, commencent par ce premier élément d'investigation au niveau des potentiels. Il faut dire que peut-être on aurait dû commencer par les investiguer, mais je pense qu'il faut d'ores et déjà aborder cela d'une façon systématique et ne pas retarder nos actions à cause des incertitudes qu'on pourrait avoir sur ces potentiels.

Mme Bacon: Est-ce que les économies d'énergie peuvent influencer de façon significative ou de façon permanente la consommation d'électricité des secteurs d'activité de l'économie québécoise, incluant le secteur résidentiel? Il y a l'industriel et le résidentiel aussi.

M. Sainte-Marie: O.K. Au niveau résidentiel, on touche à un secteur qui est le confort des gens. Les enquêtes, les études de marché qui ont été réalisées dans ce domaine de l'énergie, au niveau résidentiel, nous indiquent que l'énergie est vraiment une utilité publique. On ne se préoccupe pas de l'énergie tant que la fournaise ne brise pas. Pour conscientiser la population à faire un effort et à diminuer son efficacité énergétique, et nous croyons que ça peut être un... Sur l'ensemble de la consommation du Québec, surtout si on regarde au niveau du chauffage et du chauffage de l'eau chaude, il y a lieu de travailler, de sensibiliser la clientèle. On peut arriver, avec moins d'énergie et avec un confort égal, à économiser l'énergie pour que cette énergie-là puisse servir à des fins plus utiles.

Mme Bacon: D'accord.

M. Sainte-Marie: Danielle, je pense, voulait ajouter quelque chose.

Le Président (M. Bélanger): Vous avez un élément de réponse, madame?

Mme Bacon: Allez-y, je vous en prie, madame.

Mme Tanguay: J'aimerais peut-être ajouter un point d'information supplémentaire. Vous demandiez dans quelle mesure les économies d'énergie peuvent avoir une influence permanente sur la consommation d'électricité, ou d'autres sortes d'énergie, dans les différents secteurs. Je pense qu'il y a lieu de distinguer deux types d'actions qui peuvent avoir des incidences plus ou moins permanentes Dans le cas des actions de sensibilisation, je pense que c'est du travail "de bâton de pèlerin" qu'il faut faire systématiquement et de façon continue Ce travail de sensibilisation et d'information est Important pour changer tranquillement les comportements. Ces comportements peuvent varier essentiellement et, évidemment, en fonction de différentes autres Incitations. Ce que Je voudrais dire, c'est que, quand on travaille au niveau des investissements dans l'infrastructure de consommation d'énergie, si on change certains équipements, que ce soient dans le secteur résidentiel, commercial ou industriel, ces équipements-là sont en place et, quel que soit le comportement plus ou moins cohérent des consommateurs, les équipements seront en place et garantiront cette permanence. Alors il y a deux éléments. Il y a l'élément comportement qui peut varier et, à ce niveau-là, il faut être vigilants et réinjecter systématiquement; II y a un rôle systématique du gouvernement là-dedans. Et il y a les éléments investissements en équipement. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, madame. M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président.

Vous touchez dans votre mémoire, tout particulièrement aux pages 7 et 11, tout ce qui regarde la problématique de conservation et d'utilisation efficace de l'énergie. Vous touchez aussi, à la page 11, avec justesse d'ailleurs... Je pense que ce qui fait la fierté aujourd'hui de beaucoup de Québécois, c'est de voir qu'à partir du développement de l'hydroélectricité nous avons développé une masse de recherche et de développement au niveau de la production qui est fantastique, parce qu'on est probablement les leaders mondiaux et qu'on peut exporter cette capacfté-là. Mais vous vous trouvez aussi à dire. Attention, on a un retard au niveau de la conservation. Il y a peut-être un autre genre d'expertise qu'on pourrait regrouper et on pourrait assumer aussi ce rôle de chef de file et exporter cette technologie-là.

Moi, ma question est celle-ci. Si on prend pour acquis qu'on a un retard au niveau du développement de cette technologle-là, on veut faire un accroissement de connaissances à

quelque part, mais comment peut-on combler le retard d'une façon rapide, si je crois l'ampleur du retard que vous donnez dans votre mémoire? En d'autres mots, est-ce qu'il ne serait pas préférable, dans un premier temps, d'Importer cette technologie-là, quitte à la raffiner, à la redévelopper, à la redessiner pour qu'on puisse, dans un deuxième temps, l'exporter?

M. Sainte-Marie: Les chiffres que l'on possède à ce sujet nous indiquent qu'environ 30 % des produits efficaces en économie d'énergie proviennent du Québec. Les 70 % additionnels sont importés, présentement. Donc, effectivement, devant le manque de structures manufacturières dans ce domaine, on doit Importer ces produits. On le fait déjà. Par contre, ce qu'on prône, c'est que, s'il y a une politique claire et à long terme, c'est-à-dire au moins cinq ans, qui dit que, oui, le Québec se lance dans le développement durable et l'efficacité énergétique, nos hommes d'affaires, comme vous l'avez vu, ce matin, avec M. Lemai-re, lorsqu'il y a une opportunité de le faire, ils vont y aller. Mais il faut que ça soit clair que ce n'est pas pour deux ans et que demain matin on change d'idée. SI c'est là, une Industrie va se développer et je pense qu'il faut la soutenir, cette industrie-là.

Je peux vous donner un exemple. Il y a des experts en efficacité énergétique qui ont survécu au cours des cinq dernières années, au Québec, avec un prix d'énergie très bas mais Ils ont réussi à faire des produits efficaces en énergie et à vendre ces produits-là malgré ce contexte Imaginez-vous lorsque toute cette expertise qui a été développée va pouvoir être agrandie à l'ensemble du Québec avec d'autres opportunités. On va être très certainement en mesure de défendre notre point de vue. Danielle.

Mme Tanguay: Est-ce que vous me permettez d'ajouter quelque chose?

Le Président (M. Bélanger): Oui.

Mme Tanguay: Je pense qu'il y avait deux volets à votre question: un volet de dimension technologique, et on a une réalité au Québec qui fait que certaines technologies doivent être importées, et aussi la dimension, comme le disait mon collègue, de l'expertise-conseil. À l'instar de ce qu'on a comme expertise-conseil au niveau de l'offre d'énergie, le Québec est très bien équipé, présentement, en expertise-conseil pour supporter ces programmes de développement de la demande gérée, si je peux dire. Cette expertise-conseil est suffisamment forte pour que déjà on se réfère à cette expertise à l'exportation pour faire de la formation dans des pays de la francophonie, par exemple. Alors, il y a lieu de bien comprendre qu'il est clair qu'il faut accélérer le développement des technologies, d'autant plus qu'Hydro-Québec, par le passé, par ses actions et ses plans de développement, a définitivement eu des impacts industrialisants marqués au Québec. Il y a lieu de mettre l'emphase sur le développement des technologies au Québec mais de faire confiance, aussi, et de supporter et de développer l'expertise-conseil technique, technologique qui, elle, va servir de fer d'introduction chez le client en complémentarité avec Hydro-Québec.

M. St-Roch: Est-ce que je pourrais, M. le Président, pour une autre brève question?

Le Président (M. Bélanger): Une dernière question, rapidement.

M. St-Roch: Le plan qui a été déposé, de 1 800 000 000 $ d'Investissements, est-ce que ça répond à ces critères-là?

M. Sainte-Marie: Le plan est un très bon début. On pense que c'est déjà très ambitieux et l'ampleur du défi est tellement grande qu'on est très content que ça commence maintenant. On espère que, dans l'avenir, ça va être plus précis, parce que c'est quand même des projets qui restent à définir, mais on est très enthousiastes face au dépôt de ce plan-là de 1 800 000 000 $. Mme Tanguay, je pense, veut compléter.

Mme Tanguay: Lorsqu'on parle d'un programme qu'on considère ambitieux, il faut bien caractériser ce qu'on veut dire. Le programme est ambitieux dans la mesure où il va devoir mobiliser plusieurs ressources financières, mais aussi humaines. Ces ressources humaines, du fait qu'on traite avec de la demande qui est très décentralisée et qui se retrouve en région, devront se référer à une expertise décentralisée. C'est ambitieux dans la mesure où il faudra savoir bien gérer ces ressources qui vont mettre de l'avant ce plan de développement. C'est ambitieux aussi au niveau des objectifs, je dois le dire; seulement trois à cinq fournisseurs d'électricité nord-américains, présentement, ont des objectifs ou des cibles de taille comparable. Par contre, II est difficile pour nous de savoir dans quelle mesure ces objectifs représentent des défis très importants, dans la mesure où on ne sait pas si ces objectifs fixés pour l'ensemble de la période jusqu'à l'an 2000 pourront se réaliser en dedans de cinq ou dix ans. On ne sait pas, si on s'était fixé des objectifs à court terme, si on serait capables de les réaliser.

Le programme est ambitieux parce que, pour être réalisé, on doit se référer à une connaissance des marchés, à une connaissance de la clientèle. On doit donc se référer aussi à des alliances avec des tierces parties qu'on a déjà développées pour pouvoir le mettre de l'avant déjà. On doit aussi être capables, déjà, pour le mettre de l'avant rapidement, d'avoir développé la logistique de livraison de ces programmes-là. Hydro-Québec semble avoir une base déjà déve-

loppée là-dessus, mais limitée, dans la mesure où, d'accord, elle ne part pas du point zéro, dans la mesure où elle a déjà développé des alliances stratégiques avec les intervenants, mais on ne sait pas dans quelle mesure l'organisation de son terrain ou la livraison des programmes sera suffisante, dans la mesure où on n'a jamais livré les ressources en place, où on n'a jamais mandaté les ressources en place, chez HydroQuébec, de la responsabilité de livrer plusieurs programmes, 36 programmes de front, en même temps. Donc, à ce niveau-là, c'est ambitieux, au niveau des ressources à mobiliser. Par contre, Hydro-Québec part avec certains avantages, comme la plupart des fournisseurs d'énergie présentement En fait, elle peut bénéficier, présentement, de l'expérience des succès et des échecs des autres fournisseurs d'électricité qui se sont déjà engagés, il y a quelques années, dans les programmes de gestion de la demande et d'efficacité énergétique. D'autres avantages, aussi. On parlait des technologies, récemment, précédemment...

Le Président (M. Bélanger): Mme Tanguay, je m'excuse de vous interrompre. C'est très intéressant, mais je suis obligé, à cause des retards qu'on a, de faire une gestion très serrée..

Mme Tanguay: Du temps?

Le Président (M. Bélanger): ...du temps Je dois céder la parole à l'Opposition. Vous m'en excuserez.

M. Claveau: II n'y a pas de problème, M. le Président. Je vais leur remettre la parole très rapidement, parce que l'exposé est définitivement intéressant et ouvre des pistes nouvelles dans la discussion. Avant de revenir là-dessus, par contre, Mme Tanguay, j'aurais une première question à poser. À partir de votre mémoire, vous dites, d'abord, dans un premier temps, qu'Hydro-Québec pourrait ou que l'on pourrait, en tant que société, annuler des grands travaux, dans ce qui est prévu au plan de développement. Vous parlez de cela en tout début de votre mémoire et puis vous dites, après ça... Bon, là vous avez parlé de la partie ambitieuse, si vous voulez, des mesures d'économies d'énergie. Et, en contrepartie, en page 4, vous venez nous dire que le processus d'aménagement des rivières de la Grande Baleine, de la Nottaway, de la Broad-back et de la Ruppert, semble, à toutes fins pratiques, irréversible. J'aimerais vous entendre là-dessus et vous entendre préciser aussi quels sont les grands travaux qui devraient être abandonnés, si ceux qui sont les plus grands sont irréversibles. (16 h 30)

M. Sainte-Marie: D'accord. J'aimerais préciser, effectivement, ce qui a été décrit dans le mémoire. Pour arriver à une conclusion, nous allons partir de la prémisse suivante. Nous supposons que le scénario cible d'Hydro-Québec se réalise En analysant ce scénario cible, on se rend compte que, pour la construction de Grande Baleine, près de 44 % de l'augmentation prévue de consommation est due au secteur industriel qui est la fonte et l'affinage Évidemment, on n'est pas en mesure de se prononcer sur la politique québécoise de développement économique. Ce qu'on se dit, ce qu'on constate, c'est que la construction de Grande Baleine, si elle est basée, en grosse partie, sur le développement d'une seule industrie qui est l'aluminium, c'est peut-être risqué. En travaillant dès maintenant avec les efficacités énergétiques, si la demande dans ce type d'Industrie fluctue, à ce moment-là, ça va augmenter notre marge de manoeuvre. Pour ce qui est des autres travaux qui sont déjà planifiés, on ne pense pas que les résultats, en domaine d'efficacité énergétique, puissent être suffisamment rapides pour annuler ces travaux. Par contre, lorsqu'on parle de NBR dans l'échéancier temps, à ce moment-là, les réalisations pourraient peut-être nous porter à réévaluer le besoin de NBR, mais, pour ce qui est des projets qui précèdent Grande Baleine et Grande Baleine elle-même, ça serait très difficile d'annuler ce genre de projet là.

D'autre part, lorsqu'on regarde à court terme, si la société a une décision à prendre, quelles sont les autres alternatives qui pourraient être utilisées, à part la construction d'une centrale? Il existe peut-être un réseau gazier qui pourrait, dans certains cas, répondre à certaines demandes de nos industriels, mais, dans des procédés comme l'électrolyse, au niveau de l'aluminium ou du magnésium, il n'existe pas d'autres sources d'énergie qui peuvent remplacer l'électricité. C'est pourquoi nous disons que, dans la mesure du possible, les efficacités énergétiques peuvent retarder, dans certains cas, certains projets; on parle de plus long terme. À court terme, nous pensons que l'alternative qui est choisie est la meilleure.

M. Claveau: O.K. En contrepartie, il y a d'autres groupes qui se sont présentés et II y en a d'autres qui vont se présenter dans les prochains jours qui prétendent eux que, finalement, on pourrait très bien amorcer très rapidement un virage de ce côté-là qui ferait en sorte que l'on pourrait investir dans de nouvelles technologies, dans de nouvelles formes d'énergie, soit à partir du solaire, ou à partir de la récupération de déchets ou de résidus forestiers, ou encore par le biais du gaz naturel ou autrement, ce qui nous amènerait à éliminer ou à requestionner globalement tous les développements qui ne sont pas en place actuellement, y compris la Grande Baleine

Là-dessus, je reviendrais peut-être sur ce que vous disiez tout à l'heure, au moment où on

vous a coupé la parole, Mme Tanguay, sur la question des économies d'énergie. Supposons que l'on donne à Hydro-Québec un mandat ferme, très précis et que l'on oblige Hydro-Québec aussi à y mettre les moyens, d'une façon ou d'une autre, massivement. Il y a un certain nombre de problèmes de consommation énergétique qui sont déjà identifiés où on n'a pas besoin de s'épivar-der de midi à quatorze heures, on connaît les problèmes en termes d'isolation, en termes de système de chauffage, de mauvaise utilisation de surface. Par exemple, on prend les hangars, juste au niveau du gouvernement, je suis certain que, si on faisait attention aux portes de hangars du ministère des Transports, l'hiver, quand on rentre et qu'on sort les charrues, il y a bien des chances qu'on sauverait du courant. Je connais des exemples, par exemple, au niveau des con-tracteurs qui ont de plus en plus de difficulté à arriver avec les soumissions et qui ont réglé une grosse partie de leur note de chauffage de hangars et de garages juste en mettant des ventilateurs au plafond qui refont une circulation d'air.

Alors, est-ce que vous ne pensez pas que, si on identifiait très rapidement un certain nombre de problèmes ou de situations très énergivores et que l'on se donnait les moyens pour intervenir rapidement par l'implantation de nouvelles technologies ou des modifications d'équipements, à ce moment-là, on ne pourrait pas, à plus brève échéance, remettre en question les investissements comme NBR et Grande Baleine?

M. Sainte-Marie: Pour ce qui est de NBR, peut-être; pour ce qui est de Grande Baleine, nous croyons que ce serait très optimiste - on parle en termes d'efficacité énergétique - de dire que les mesures pourraient être implantées, en termes d'économies d'énergie, suffisamment rapidement. Et nous avons de la difficulté... Encore une fois, on vous a expliqué que ce genre d'analyses nécessite des moyens considérables. Nous pouvons difficilement affirmer que, si toutes ces mesures étaient mises en place, ce serait suffisant pour diminuer la demande suffisamment pour ne pas avoir besoin de construire Grande Baleine. Nous n'avons pas les informations précises pour affirmer une telle chose. Nos membres nous disent que, si on n'a pas l'Information, d'après ce qu'ils nous disent, on peut difficilement faire des affirmations si nous n'avons pas les chiffres. Donc, c'est pour ça qu'on... SI les organismes en question font ces affirmations, ils doivent avoir des études sur lesquelles se fier pour faire ces affirmations. Malheureusement, nous ne possédons pas ces études. Donc, d'après les informations que nous avons, nous concluons que, probablement, pour NBR, le délai serait suffisant, mais pas pour Grande Baleine. Je pense que Mme Tanguay a un élément additionnel à vous communiquer.

Mme Tanguay: Je remercie de m'avoir relancé la parole par votre question, d'une certaine façon. Pour répondre à votre question, vous demandez dans quelle mesure, si on donne les moyens massifs et si on structure des programmes qui se réfèrent aux différentes mesures dont vous nous avez parié, il y aurait lieu de faire infléchir la demande suffisamment pour retarder des décisions globales de planification à long terme. Je dois dire que les programmes mis de l'avant par Hydro-Québec dans son plan de développement sont des programmes qui sont relativement connus, qui se retrouvent dans certains programmes de développement des autres fournisseurs d'électricité en Amérique du Nord, il n'y a donc pas d'élément expérimental dans ces programmes-là, ce qui nous laisse penser qu'il y aurait lieu quand même de croire à un certain succès de ces programmes-là. Par contre, je dois dire quelque chose. On ne connaît pas les hypothèses de taux de participation des programmes qui ont été mis de l'avant pour justifier les inflexions de demande dans les prévisions des scénarios cibles. Donc, je ne peux pas vous dire dans quelle mesure c'est réaliste ou pas.

Ce que je voudrais faire ressortir, par contre, c'est qu'il n'existe pas ou qu'on n'a pas vu ce qu'on appelerait des plans de contingence, dans les programmes mis de l'avant, si la demande est plus faible ou plus forte que ce qu'on réussit à faire avec nos programmes. On travaille dans un milieu - et c'est pour ça qu'on disait que le programme représente des défis - où il y a beaucoup d'incertitude, il est montré que plusieurs fournisseurs d'électricité en Amérique du Nord - je m'y réfère encore parce que ça donne un contexte de référence aussi - rapportent certains échecs dramatiques de leurs programmes, pas parce qu'ils avaient mis le paquet, et pas parce qu'ils n'avaient pas mis le paquet, et pas parce qu'ils n'avaient pas bien conçu leurs programmes, mais des échecs qui peuvent aller jusqu'à certains cas où on a eu des 2 %, 4 % de participation parmi les populations admissibles. D'autre part, il y a peu de programmes où on rapporte qu'ils ont été surperformants.

Donc, pour faire une réponse longue dans une synthèse courte, ce que je voudrais dire, c'est qu'il y a des incertitudes même si on met le paquet. Il y aurait lieu, par contre, de faire des programmes qui nous permettent de faire des scénarios alternatifs si ça marche plus ou moins bien. Il y aurait lieu de faire un suivi très serré de nos actions. C'est important de le faire. Et, à ce niveau-là, que ce soit par Hydro-Québec, par le gouvernement ou d'autres intervenants, mais je pense que les enjeux sont suffisamment grands pour... Comme ces différents programmes sont relativement nouveaux dans notre continent, on n'a peut-être pas suffisamment d'information pour avoir des enjeux ou prendre ces risques-là, du moins, de retarder ou d'annuler certains programmes. Mais, encore là, peut-être que les

autres groupes qui ont présenté ces assertions étaient mieux documentés que nous sur ces potentiels ou les réactions des populations à ces programmes-là.

M. Sainte-Marie: J'aimerais peut-être ajouter quelque chose. C'est une gestion de risques. Si le programme d'efficacité énergétique ne se réalise pas, quel est le risque pour la société québécoise de manquer d'énergie à la fin et - on le mentionne dans notre mémoire - de fabriquer avec des centrales thermiques ou d'importer? C'est ça le risque qui est dur à évaluer. Dans le doute, je pense qu'on peut assurer nos arrières et, peut-être, entreprendre la construction d'un barrage.

Mme Tanguay: Au niveau du risque - si je peux ajouter quelque chose - je pense que ça vaudrait la peine de prendre le risque de faire trop d'économies d'énergie ou de programmes, dans la mesure où, en plus, notamment dans le secteur industriel, on dote les industriels de moyens d'augmenter indirectement et même directement, si ça touche leurs procédés, leur compétitivité économique. Et ça, c'est Important et c'est un risque qu'il faut prendre, aussi.

M. Claveau: En fait, si je comprends bien, vous dites. Construisons suffisamment pour répondre au moins à la demande prévisible à moyen terme, tout en mettant en place des éléments alternatifs qui, eux, pourront prendre la relève à long terme.

Mme Tanguay: Et forts et permanents, avec une perspective de planification à long terme qui éviterait toute perception en dents de scie possible dans les actions à mettre de l'avant.

M. Claveau: Vous parlez, en page 7 de votre mémoire, d'initiatives d'efficacité énergétique qui auraient été mises en place pour réagir à des événements ponctuels. Avez-vous des exemples de ça?

M. Sainte-Marie: On peut citer un exemple, c'est le cas du programme biénergie où, malheureusement, Hydro-Québec a dû investir de façon assez importante pour financer les équipements chez les clients, et on a vu, à cause de l'imprévision de la demande et des problèmes d'hydraulicité, qu'Hydro-Québec a dû, pour répondre à la pointe, cet hiver, racheter une grosse part de ses contrats. Donc, mettez-vous dans la peau du consommateur ou de l'industriel qui fabrique des produits, c'est assez ambigu comme message. Est-ce qu'on va favoriser la gestion de la demande? Est-ce qu'on va se convertir à une source d'énergie plutôt qu'à une autre? C'est assez difficile, à ce moment-là C'est un des exemples qu'on pourrait citer.

M. Claveau: Vous parlez aussi, un peu plus loin dans votre mémoire, des tarifs industriels qui ne favorisent pas l'efficacité énergétique. En règle générale, les industriels ont plutôt tendance à croire qu'ils financent le résidentiel par le biais d'une relation de cofinancement d'une catégorie de consommateurs à une autre. Est-ce que vous pensez que ça serait en modifiant la tarification ou, un peu à l'instar de ce que nous ont dit aussi d'autres qui sont Intervenus avant vous, par exemple, en mettant des mesures coercltlves qui feraient en sorte qu'au-delà d'une certaine consommation l'industriel aurait avantage à s'équiper par lui-même ou, du moins, à prévoir des équipements plus performants? J'aimerais que vous soyez un peu plus précis là-dessus aussi, si c'est possible.

M. Sainte-Marie: À l'AQME, nous croyons fermement que, lorsqu'une entreprise décide d'investir dans le domaine de l'efficacité énergétique, à moyen terme, elle va améliorer sa concurrentialité et, par la suite, elle va pouvoir prendre une plus grande part du marché. À court terme, ça peut sembler rébarbatif d'avoir une hausse tarifaire Injustifiée. Nous, on croit fermement - et on le mentionne - que, s'il y a des moyens qui sont pris pour réinvestir ces sommes dans des technologies efficaces et qu'on prend les moyens pour qu'elles soient Implantées, à moyen terme, comme l'a mentionné Mme Tanguay, ces entreprises-là vont devenir beaucoup plus efficaces, beaucoup plus productives et vont accaparer une plus grande part du marché.

On parlait tantôt d'intervenants; je pense que, si on regarde la compagnie Cascades, le genre de contraintes, au niveau tarification, qui peuvent exister en Europe a forcé la créativité de toutes sortes de moyens au niveau efficacité énergétique, au niveau production de chacune des usines qui peuvent maintenant être implantés ici, avec intérêt. Je pense que ça, c'est la façon dont on voit les choses.

Utiliser d'autres sources d'énergie? Je pense que ça aussi on le mentionne très succinctement, au niveau de notre mémoire L'électricité n'est pas nécessairement la meilleure énergie au niveau chauffage. Est-ce qu'on va construire un barrage pour utiliser de l'énergie seulement pendant les périodes d'hiver? À ce moment-là, il y a moyen, surtout dans le domaine industriel et dans le domaine du chauffage, d'avoir un mélange, un mixte, entre guillemets, d'énergie qui pourra optimiser la demande du réseau d'électricité et la demande des autres fournisseurs d'énergie. (16 h 45)

Un exemple: la cogénération. Dans certains cas, le coût de transport d'électricité devient tellement onéreux qu'une usine de cogénération, qui devient très efficace parce que la vapeur est récupérée dans les procédés, peut produire de l'électricité livrée à un moindre coût que le prochain barrage que l'on va devoir construire. À

ce moment-là, oui, dans certains cas, pour un industriel, ça peut être avantageux de se doter de moyens d'autoproduction d'électricité. Et, si je me souviens bien, dans le document de référence au niveau de la commission parlementaire, on parlait d'un potentiel de 750 mégawatts possibles au niveau de la cogénération. Je pense que c'est une avenue que des compagnies, comme Cascades, ont déjà entreprise et qu'il y a moyen aussi de travailler avec d'autres secteurs de l'industrie. Hydro-Québec, je pense, s'attache à cette tâche-là.

Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie. Si M. le député d'Ungava veut remercier nos invités.

M. Claveau: Je tiens à vous remercier de l'excellence de votre présentation. On peut, pour le moins, parier d'un discours articulé et, disons, réfléchi sur la question globale des expertises énergétiques pour le Québec, en espérant que ce ne sera pas tombé dans l'oreille d'un sourd du côté ministériel. Merci de votre présentation.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la ministre.

Mme Bacon: Je ne sortirai pas de mes gonds, M. le Président, quant à la dernière remarque du député parce que ce que je viens d'entendre est trop intéressant pour se fâcher contre le député d'Ungava. Et je dois dire que j'aurais aimé que nous puissions en discuter encore beaucoup plus longtemps. C'est très bien préparé, bien recherché. Votre recherche est fort intéressante. Et, soyez assurés que c'est un ajout important à la discussion que nous avons.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de l'économie et du travail remercie l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie pour sa participation qualitative à ses travaux et invite à la table des témoins l'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec.

Messieurs, pendant que vous prenez place, je vous explique nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire. Et je me dois de faire une gestion du temps serrée puisque nous avons du retard et que, pour 18 heures, nous devons avoir terminé, avant l'ajournement jusqu'à 20 heures. Alors, dans un premier temps, je vous prierais de présenter votre équipe, d'identifier votre porte-parole et de bien vouloir nous présenter votre mémoire. Nous vous écoutons attentivement. Je vous remercie.

Association des directeurs de recherche industrielle du Québec

M. Tremblay (Pierre): Alors, l'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec est représentée aujourd'hui par mon collègue, André Trudel, qui est directeur du bureau de liaison pour la recherche et développement de l'Université du Québec à Montréal - M. Trudel est secrétaire de notre association; M. Jean-Marc Rousseau, qui est vice-président recherche et développement de la compagnie Giro inc., une société spécialisée dans les logiciels d'exploitation de systèmes de transport, et, moi-môme, Pierre Tremblay, directeur du centre de recherche et développement à Arvida de la société Alcan. Vous me permettrez, pour souligner de manière appropriée la tenue du congrès de l'ACFAS ces jours-ci à Québec, de mentionner que mon collègue, M. Rousseau, est le dernier récipendiaire du prix J.Armand-Bombardier de l'ACFAS.

Je voudrais d'abord remercier la commission de l'économie et du travail, de nous permettre de présenter nos vues sur la proposition de plan de développement d'Hydro-Québec. Nos propos porteront exclusivement sur le rôle de la société d'État dans l'effort québécois de recherche et développement, le fer de lance d'une industrie forte et compétitive. Nous pensons que, dans le domaine du développement de l'assise technologique de l'industrie québécoise, Hydro-Québec a un rôle unique et prépondérant à jouer. L'ADRIQ, l'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec, est bien placée pour commenter cet aspect du rôle économique d'Hydro-Québec. L'ADRIQ a été créée en 1978 par des dirigeants de la communauté scientifique industrielle québécoise. Et, en quelques années, l'Association est devenue le porte-parole reconnu de cette communauté qui est responsable de l'exécution d'activités de recherche et développement représentant actuellement un budget annuel d'environ 1 000 000 000 $.

Dans ce bref exposé, nous comptons rappeler quelques données sur l'effort québécois de recherche et développement, souligner les secteurs Industriels qu'Hydro-Québec peut contribuer à développer jusqu'à un niveau de compétitivité internationale et, finalement, rappeler le rôle considérable, en termes financiers, dévolu à la société d'État dans la stratégie gouvernementale de soutien à la recherche et développement.

Au terme de ce bref survol, nous espérons vous avoir convaincus qu'il faut confirmer le rôle d'Hydro-Québec dans le développement de la technologie québécoise, lui confier un mandat clair dans ce sens et lui donner les ressources financières et autres pour le réaliser.

L'effort de recherche et développement d'un pays, d'une société est une bonne mesure de la compétitivtté de son industrie. Il suffit de se rappeler qu'il y a une corrélation incontestable entre la force de l'industrie japonaise, allemande, américaine, française, suédoise et suisse - pour n'en nommer que quelques-unes, les chefs de file

- la compétitivité de ces Industries sur les marchés internationaux et les investissements de ces pays en recherche et développement, qui sont tous au moins le double des Investissements canadiens, les investissements étant traditionnellement mesurés en pourcentage du produit intérieur brut.

Nous avons préparé un graphique et un tableau qui sont très éloquents par eux-mêmes. Puis-je suggérer que l'on distribue ce graphique et ce tableau aux membres de la commission? Alors vous verrez, sur le graphique, la progression des dépenses de recherche et développement dans quelques pays de l'OCDE et le tableau qui vous sera remis avec le graphique fait ressortir la difficulté de progesser dans ce domaine. Alors, nous ne ferons pas une lecture détaillée des documents qui vous seront remis. Qu'il nous suffise de remarquer que le Québec et le Canada ne sont pas dans le peloton de tête des pays grands investisseurs dans le domaine de la recherche et du développement. Le dernier chiffre qui apparaît sur le graphique de 1985 montre un investissement très légèrement supérieur à 1 %, ce qui est très nettement en deçà de ce que les chefs de file réalisent, c'est-à-dire 2,7 %, 2,8 % et 2,9 %.

Le tableau intitulé "Rythme de progression des dépenses de recherche et développement dans certains pays de l'OCDE" montre que les gains, les progrès dans ce domaine sont extrêmement difficiles à réaliser. Et, remarquons, en passant, la Suède, chef de file, qui est passée de 1,5 % à 2,78 %, en 16 ans. D'après ces chiffres et considérant, d'une part, que le Québec est présentement à 1,3 % et qu'un niveau d'environ 2 % serait souhaitable - l'Ontario, par exbmple, investit au rythme de 1,9 % - on peut affirmer que nous avons, dans ce domaine, 10 ans de retard.

La situation, que nous décrivons d'une manière très sommaire, est décrite en détail dans le rapport du Conseil de la science et de la technologie sur la conjoncture scientifique et technologique au Québec. Et nous devons reconnaître que le gouvernement a mis en oeuvre un ensemble de programmes visant à augmenter rapidement l'effort québécois en recherche et développement pour augmenter la compétitivité de l'industrie québécoise. Ces programmes sont décrits dans les divers cahiers de la pochette "Imaginons demain" qui a été lancée l'automne dernier. Dans la stratégie gouvernementale de soutien à la recherche et développement dans les entreprises, le rôle d'Hydro-Québec est considérable en termes financiers. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Regardons plutôt, pour l'instant, les secteurs dans lesquels Hydro-Québec peut agir comme un puissant catalyseur du développement technologique.

Les champs d'intérêt scientifiques et techniques d'Hydro-Québec ne se limitent pas au seul domaine de l'électricité proprement dit, et nous citons ici un mémoire qui a été soumis récemment, en janvier 1990, par Hydro-Québec au comité permanent de l'industrie, de la science et de la technologie du développement régional et du Nord de la Chambre des communes. Je cite: Ils touchent - ces champs d'intérêt - à la robotique, l'électronique de puissance, les nouveaux matériaux, l'intelligence artificielle et les sytèmes experts, l'informatique et l'ingénierie assistée par ordinateur, d'autres formes d'énergie que l'électricité, comme la fission nucléaire, les placements industriels, les sciences de l'environnement, y compris la télédétection et, enfin, la prospective technologique dans les champs d'intérêt potentiels pour l'entreprise: par exemple, les accumulateurs à electrolyte polymé-rique destinés à la voiture électrique, la supraconductivité, la néo-céramique", et on pourrait rajouter, après la présentation du dernier mémoire, l'économie d'énergie.

À titre de maître d'oeuvre de grands ouvrages hydroélectriques, Hydro-Québec a joué un rôle-clé dans le développement de grandes firmes québécoise de génie-conseil, dont, aujourd'hui, trois se classent parmi les dix premières au monde. Nous pensons qu'Hydro-Québec peut jouer le même rôle dans réclusion d'un ensemble de PME québécoises de haute technologie capables de réaliser de la recherche-développement, le plus souvent, probablement, en collaboration avec les centres de recherche universitaires, d'incorporer les résultats de la recherche-développement à leurs produits et services et de commercialiser ceux-ci à l'échelle mondiale. En d'autres termes, nous pensons que les succès futurs d'Hydro-Québec doivent reposer davantage sur le dynamisme des industriels québécois. Et c'est la raison pour laquelle nous ne pouvons qu'être d'accord avec le passage du plan de développement où la société d'État affirme, et je cite, qu'elle entend continuer d'être "l'un des principaux moteurs du développement technologique du Québec" et qu'elle compte "amplifier les effets structurants de son activité technologique en resserrant le plus possible ses liens de coopération avec les industries, les centres de recherche, les organismes gouvernementaux et les universités".

Compte tenu de son importance, ce rôie devrait être élaboré davantage, comporter des objectifs précis et, de la part du gouvernement, faire l'objet d'un mandat clair.

Abordons maintenant, et finalement, la question des investissements de la société d'État en recherche-développement. Cette question a été traitée en détail dans le mémoire que nous avons soumis au comité. Alors, nous n'allons pas revoir le mémoire en détail, mais permettez-moi de signaler que, dans l'une de ses conclusions, lorsque nous comparons l'engagement du discours sur le budget de 1989, qui apparaît à la page 3 du mémoire, et les intentions exprimées par la proposition du plan de développement d'Hydro-

Québec au titre des investissements en recherche-développement, nous constatons une dif férence quant à l'ampleur de l'effort financier et aussi une imprécision dans les modalités d'application.

Alors, précisons, sur ces deux points. D'abord, la différence. L'analyse des dépenses prévues dans la section sur la technologie révèle que l'effort d'Hydro-Québec au titre de l'activité scientifique et technologique représentera au plus 404 000 000 $ au cours de la période 1990-1992. En effet, nous avons en quelque sorte refait l'addition et les 27 000 000 $ prévus pour la commercialisation ainsi que les 35 000 000 $ qui seront investis par d'autres partenaires dans l'exploration de nouvelles filières énergétiques ne peuvent être ajoutés aux dépenses technologiques de la société. (17 heures)

Par rapport aux 500 000 000 $ que permettaient de prévoir le discours sur le budget de mai 1989, ces 405 000 000 $ qu'Hydro-Québec doit consacrer à la recherche et au développement représentent des investissements de presque que 100 000 000 $ inférieurs à ceux prévus dans la stratégie gouvernementale pour soutenir la recherche et le développement des entreprises. Conséquemment, compte tenu de l'importance du rôle confié par le gouvernement du Québec à Hydro-Québec en matière de développement scientifique et technique, l'ADRIQ souhaite que la société d'État fasse connaître précisément le total et la répartition des dépenses de recherche et développement qu'elle envisage pour la période 1990-1992.

Nous constatons aussi, dans le plan, une lacune, en ce sens que la section consacrée à la technologie ne comporte pas d'indication chiffrée sur les intentions de la société d'État en matière de faire-faire. Il y est question des initiatives récentes d'Hydro-Québec en matière de collaboration avec d'autres entreprises, mais, pour l'avenir, on insiste surtout sur la volonté d'associer d'autres partenaires au financement et à la réalisation dos projeta. Blon sûr, l'ADRIQ se réjouit de ia volonté d'Hydro-Québec de maximiser la rentabilité de ces investissements en y associant d'autres partenaires du secteur privé ou public. Toutefois, l'Association voudrait être informée sur les intentions de la société d'État en matière d'impartition de ces dépenses de recherche et développement.

En conclusion, nous désirons réitérer notre appui à la définition d'un mandat clair pour Hydro-Québec dans le développement de l'assise technologique des secteurs industriels où elle intervient, notamment, par la recherche et développement.

Finalement, nous souhaitons que le gouvernement laisse la société d'État investir massivement en recherche et développement, idéalement, selon les termes du discours sur le budget de mai 1989, car ces investissements sont le gage d'une industrie québécoise plus forte et plus compétitive.

Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions et à préciser certains aspects de notre mémoire.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie beaucoup. Mme la ministre.

Mme Bacon: M. Tremblay, M. Trudel, M. Rousseau, en vous remerciant de votre mémoire, je commencerais tout de suite par une première question. L'ADRIQ considère les dépenses en recherche et développement d'Hydro-Québec comme insuffisantes par rapport aux engagements gouvernementaux - vous venez de le dire - du discours sur le budget de mai 1989. À ce sujet, il peut peut-être être important de rappeler qu'Hydro-Québec consacre plus de 2 % des revenus des ventes à la recherche et au développement, il me semble que ça constitue un effort qui est tout à fait considérable, sur le plan canadien et aussi sur le plan québécois. Dans cet ordre d'idées, quel serait un niveau, pour vous, réaliste, un niveau peut-être souhaitable pour les trois prochaines années, à Hydro-Québec et au Québec en général, pour la recherche et le développement en énergie?

M. Tremblay (Pierre): Évidemment, lorsqu'on considère ce niveau d'investissements, quelque 400 000 000 $ pour les prochaines années, c'est très impressionnant. Cependant, vous me permettrez de citer un cahier de la pochette "Imaginons demain" où on lit: Une autre façon de promouvoir... Alors, ce cahier est intitulé "La stratégie gouvernementale pour soutenir la recherche et le développement des entreprises". Alors, on y lit: La politique de faire-faire d'Hydro-Québec, qui est l'un des cinq éléments de cette stratégie gouvernementale, une autre façon de promouvoir les activités du secteur privé en recherche et développement, consiste à l'impliquer dans les projets réalisés par le secteur public. Ainsi, une partie de l'effort du secteur privé en recherche et développement, au cours des prochaines années, découlera des dépenses d'Hydro-Québec à ce titre. Ces dépenses seront de 830 000 000 $, au cours de la période 1989-1993.

Alors, si on fait une règle de trois, si on prend la tranche 1990-1992, on arrive à 498 000 000 $ qui, selon le document que j'ai en main, seraient investis au cours de cette période, pour faire un total de 830 000 000 $ au cours de la période 1989-1993. Alors, vous me posez la question: Est-ce que c'est suffisant? C'est insuffisant. Je ne voudrais pas entrer dans ce débat. Simplement, nous voulons signaler qu'il y a une différence entre ce qu'on a publié en 1989 et ce qui apparaît dans le plan de développement.

Mme Bacon: Dans le cas d'une éventuelle

politique de faire-faire d'Hydro-Québec, consi-dériez-vous que la recherche fondamentale devrait se faire dans les laboratoires d'Hydro-Québec plutôt que d'avoir des contrats à l'extérieur? Dans le même ordre d'idées, qui devrait effectuer les étapes plus en aval de la recherche, comme le développement, la démonstration, la commercialisation, par exemple?

M. Tremblay (Pierre): J'aime beaucoup votre question. Je pense qu'elle pose, elle amène en discussion deux sujets très importants, celui de la recherche fondamentale et celui en aval, comme vous dites, de la recherche et développement, la commercialisation, la mise en marché. Vous savez certainement qu'il y a une évolution au Canada, au Québec et aussi en Amérique du Nord vers une implication plus grande de l'université dans les domaines de recherche qui intéressent l'industrie. Alors, cette évolution que nous vivons fait en sorte que la recherche fondamentale, de plus en plus, sera réalisée dans les centres de recherche universitaires, c'est-à-dire la recherche fondamentale qui intéresse l'industrie.

Je demanderai aussi à mon collègue de commenter sur cela, mais avant de le faire, pour l'autre aspect de votre question, à savoir qui devrait s'occuper des opérations en aval de la recherche-développement, je pense que lorsque la recherche-développement a été réalisée en collaboration avec une entreprise, c'est très facile et, ensuite, probablement plus efficace, pour cette entreprise, de poursuivre au niveau de la commercialisation mondiale ou nationale. Alors, vous voyez que, si on veut transférer à l'industrie québécoise la commercialisation de produits et de services reliés à l'hydroélectricité, il faut que ces entreprises soient impliquées dès le début dans la recherche et développement en collaboration avec Hydro-Québec. Jean-Marc.

M. Rousseau (Jean-Marc): Oui, il y a quelques éléments de réponse que j'aimerais apporter sur la question précédente, rapidement. Un autre point, effectivement, c'est qu'Hydro-Québec, je pense, consacre à peu près 2,4 % de ses revenus à la recherche-développement, ce qui est très intéressant comme chiffre et de beaucoup supérieur au reste des industries québécoises et du gouvernement du Québec. On peut avoir un autre point de référence qui est un autre secteur un peu similaire, qui est Bell Canada, où il se dépense à peu près 5 %. Donc, ce sont des marges qui, enfin, ce sont des points de référence qui peuvent être intéressants.

Au point de vue de la dernière question, j'aimerais apporter quelques éléments. Effectivement, je pense qu'en principe la recherche fondamentale, on aimerait bien que ça soit fait en collaboration avec les universités, mais je pense qu'il faut se rendre compte qu'il y a des domaines de pointe dans lesquels Hydro-Québec a développé de grandes expertises et qu'elle ne doit pas nécessairement laisser de côté, mais simplement essayer d'associer peut-être un petit peu plus le milieu universitaire à ces recherches-là pour qu'il profite de la communication ou des échanges dans ce domaine-là.

Au plan de la commercialisation, je sais également qu'il y a peut-être un rôle parce que les outils ou les produits développés par l'industrie québécoise pour Hydro-Québec peuvent trouver un marché dans le domaine de l'électricité ou de l'hydroélectricité ou de la distribution électrique, mais souvent peuvent aussi trouver des marchés dans d'autres secteurs. C'est là qu'il y a intérêt à associer des entreprises privées aux activités de recherche et développement d'Hydro-Québec. Hydro-Québec a développé ou développe une commercialisation auprès des compagnies d'électricité et peut, dans ce sens-là, être un fer de lance pour l'industrie québécoise. Et là il faudrait regarder l'efficacité avec laquelle son service de technologie et affaires internationales fonctionne. Je pense qu'ils ont été assez efficaces au cours des dernières années et c'est un rôle qu'Hydro-Québec peut continuer à jouer. Mais je pense qu'il est important, dans la plupart des cas où c'est possible, d'essayer d'associer ou de faire démarrer des industries québécoises avec leur propre dynamisme pour qu'il se crée une expertise en dehors d'Hydro-Québec et que cette expertise-là puisse aussi, dans beaucoup de cas, servir à d'autres secteurs industriels au Québec ou à d'autres secteurs Industriels à travers le monde.

M. Trudel (André): Dans le domaine de la recherche fondamentale, je pense qu'il s'agit d'un secteur où l'équilibre des forces entre les centres de recherche privés et les centres de recherche publics universitaires est extrêmement important. Je voudrais donner comme exemple le fait que la création de l'IREQ a été un événement extrêmement important dans le développement de la recherche et tous les centres de recherche, qu'ils soient privés ou publics, sont en même temps des lieux de formation, de telle sorte que, maintenant, les jeunes qui ont été formés à l'IREQ sont rendus dans les universités ou dans des entreprises et ils sont à récupérer, d'une certaine manière, des dossiers de recherche fondamentale qui sont pris en compte, cette fois-là, par des laboratoires universitaires ou d'autres laboratoires privés. Donc, je pense qu'il ne faut pas enlever le secteur de la recherche fondamentale à Hydro-Québec parce qu'ils ont un rôle extrêmement important de précurseurs à jouer. Par exemple, tout le domaine de la supraconductivité, actuellement, on n'a pas beaucoup d'équipes de recherche universitaires, mais, à mesure que le dossier va se développer dans la consortium auquel participe Hydro-Québec, on aura des jeunes qui deviendront des ultraspécialistes eux-mêmes et qui seront, ensuite, des professeurs

universitaires, des chercheurs industriels. Il y a beaucoup d'autres secteurs dans lesquels on pourrait faire des analogies semblables. Donc, cet aspect-là, le rôie qu'ils jouent là est extrêmement important et nous demandons qu'il soit maintenu.

Mme Bacon: D'accord. En début d'année, Hydro-Québec, conjointement avec quelques partenaires, a mis sur pied ce qu'on appelle le fonds Caplteq. Cost un fonds qui vise à favoriser le développement de nouvelles entreprises dans le secteur de la haute technologie. Est-ce que vous pensez que c'est une initiative susceptible de générer des retombées Intéressantes dans votre secteur d'activité ou de quelle façon peut-elle le faire?

M. Trudel (André): Le domaine de la création de jeunes entreprises de haute technologie en est un qui n'est pas simple à définir. Évidemment, les contraintes qui sont les leurs sont extrêmement difficiles à définir, mais, d'une manière plus simple, je dirais que le fonds Capiteq vient, dans le fond, appuyer un certain nombre d'autres initiatives, comme Crtec qui a été développée dans la région montréalaise et le même type d'activité qu'il y a ici dans la région de Québec et qu'on commence à voir se développer dans d'autres régions du Québec, et les autres groupes d'influence comme Innocentre enfin, il y en a plusieurs. Il est important qu'il y ait plusieurs partenaires dans ce secteur d'activité, de telle sorte que les jeunes entrepreneurs qui ont besoin d'aide puissent avoir, d'une part, des ressources humaines et des conseils qui leur permettent d'éviter des erreurs, mais aussi, ce qui est extrêmement important, de l'argent de démarrage, donc du capital de risque, et là, ça devient un dossier très utile.

Mme Bacon: On a beaucoup parlé, en matière d'économies d'énergie, aujourd'hui... Le secteur industriel constitue véritablement une cible qui est toute Indiquée où d'importantes réductions de consommation d'énergie sont envisageables. J'aimerais avoir le point de vue de l'ADRIQ sur ce sujet-là et quel rôle l'ADRIQ pourrait jouer, en collaboration avec HydroQuébec en particulier, dans l'élaboration d'une stratégie de recherche et développement pour améliorer, d'une façon significative, l'efficacité énergétique des procédés industriels. Est-ce que vous voyez un rôle de votre groupe?

M. Tremblay (Pierre): Comme nous l'avons mentionné, nos membres se retrouvent à la tête des équipes de recherche qui réalisent plus de 80 % de la recherche et développement industriel au Québec. Donc, nous sommes, évidemment, bien placés pour collaborer avec Hydro-Québec à la définition de programmes visant à économiser l'énergie.

Maintenant, vous parlez plus spécifiquement du secteur industriel. Il y a des choses qui peuvent être faites, mais, comme vous le savez, la consommation d'énergie, souvent, est reliée à une technologie particulière et, tant qu'on ne change pas cette technologie, les consommations spécifiques d'énergie restent les mêmes. Évidemment, il y a des gains que l'on peut faire. Mais, comme les membres de ce comité le savent, c'est surtout par de nouveaux investissements, par de nouvelles usines, par un nouvel équipement industriel qu'on réalise des gains importants d'économie d'énergie. Oui, évidemment, dans le domaine de l'aluminium - c'est un exemple que l'on peut apporter - les vieilles technologies consomment typiquement 17 000 kilowattheures par tonne, par 1000 kilogrammes, alors que les nouvelles technologies consomment environ 13 000 kilowattheures par tonne, ce qui veut dire un gain de 4 sur 17, 4 sur 16 soit 25 %, mais réalisable par un nouvel équipement, par des nouvelles usines.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.

M. Trudel (André): C'est la raison...

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Trudel (André): Rapidement. C'est la raison pour laquelle tout le secteur de la recherche et développement nous apparaît tout à fait primordial. L'innovation technologique, pour qu'elle se réalise, il est nécessaire qu'il y ait au début des organismes, des gouvernements, mais aussi d'autres partenaires qui investissent. Comme ici on n'a pas beaucoup de capital de risque, il faut donc aller chercher des partenaires comme Hydro-Québec. On en a un exemple là, l'Alcan ayant un centre de recherche, ils ont pu le faire eux-mêmes. Mais c'est certain que, dans d'autres secteurs, la seule façon d'y arriver sera de mettre sur pied des programmes de recherche qui permettront, justement, de changer la technologie et arriver à une efficacité énergétique plus grande.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, M. le Président. Juste un mot pour vous souhaiter la bienvenue devant la commission et pour passer la parole à Mme la députée de Chicoutimi qui aimerait bien vous questionner sur la recherche et le développement.

Mme Blackburn: Merci, M. le député d'Ungava. M. le Président, c'est plus à titre de porte-parole de l'Opposition en matière de recherche et développement. Alors, vous comprendrez mon intérêt pour votre organisme et pour les questions que vous soulevez cet après-

midi. Vous allez me permettre d'abord de com mencer par offrir nos félicitations à l'heureux récipiendaire du prix J. Armand-Bombardier, distinction qui lui a été remise par l'ACFAS. Sans doute que ça marque...

Le Président (M. Bélanger): Vous m'excuserez. Je crois qu'il s'agit d'un vote. Si tel est le cas, nous devons tous aller en Chambre pour le vote. Alors, est-ce qu'on peut vérifier, s'il vous plaît?

Mme Blackburn: Ça peut être aussi le quorum.

Le Président (M. Bélanger): Non. On m'avait prévenu qu'il y aurait un vote autour de 17 heures.

Mme Blackburn: Oui, qu'il y aurait peut être un vote?

Le Président (M. Bélanger): Oui On peut continuer en attendant. Je vous en prie.

Mme Blackburn: Oui. Alors, ça va couper un peu le rythme. Quand même, continuons.

Le Président (M. Bélanger): Un vote?

Mme Blackburn: Je voudrais également féliciter l'Association...

Le Président (M. Bélanger): Alors, je m'excuse. Il s'agit bel et bien d'un vote.

Mme Blackburn: D'un vote. Bon. Alors...

Le Président (M. Bélanger): Alors, il faut aller en Chambre. Vous nous excuserez, on doit suspendre les travaux pour quelques minutes. On va continuer avec vous par la suite. Je vous en prie.

(Suspension de la séance à 17 h 19)

(Reprise à 18 h 1)

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place. S'il vous plaît! Compte tenu de l'heure, la commission devra suspendre ses travaux. Donc, nos invités, qui sont présentement à la table, on vous invite à revenir à 20 heures, s'il vous plaît. On terminera avec vous et on prolongera les groupes de ce soir. C'est l'entente qu'il y a entre les deux parties.

Une voix: On peut finir celui-là... Mme Bacon: Pour 15 minutes.

Le Président (M. Bélanger): C'est parce que l'entente, c'était qu'on reprenait à 20 heures, mais...

Mme Bacon: On peut finir celui-là. Une voix: Oui, on peut.

Le Président (M. Bélanger): Oui? Alors, il y a consentement pour prolonger après 18 heures? Consentement.

Mme Bacon: Oui, on peut terminer celui-là.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, si vous voulez, Mme la députée de Chlcoutiml, la parole vous appartient. Alors, je m'excuse.

Mme Blackburn: Je vous remercie, M. le Président.

M. Tremblay (Pierre): Nous apprécions que vous ayez accepté de poursuivre au lieu de reporter à 20 heures.

Une voix: Je vous remercie Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: C'est en signe d'appréciation de votre participation aux travaux de cette commission et, comme il s'agit vraiment d'un impondérable, je pense que c'était élémentaire que nous acceptions de poursuivre l'échange avec vous étant donné qu'il reste si peu de temps.

D'abord, je voudrais vous féliciter pour votre participation aux travaux de cette commission. La crédibilité d'un organisme comme le vôtre n'est plus à faire quand on sait qu'au total vous gérez, vous administrez 1 000 000 000 $ de recherche au Québec, 80 % de ce qui se fait en recherche au Québec, c'est majeur. Donc, quand vous venez dire à cette commission l'importance que devraient prendre, au Québec, les investissements en recherche et développement, ça a beaucoup de crédibilité parce que vous êtes en mesure d'évaluer les retombées économiques de la recherche et développement et l'Insuffisance des investissements au Québec. Je pense que vous l'avez bien fait ressortir.

En ce qui a trait aux investissements du gouvernement du Québec, je dois malheureusement vous dire que je partage votre avis. Il y avait dans le discours et dans la politique du gouvernement en matière do RD des projets intéressants en ce qui touche le Fonds de développement technologique, les investissements qu'Hydro-Québec devait faire, mais, malheureusement - je trouve ça triste de le dire et de le constater - c'est comme si le gouvernement se leurrait un peu, ou se mentait à lui-même. Parce que, quand vous tenez un discours, que je partage, sur la nécessité d'investir en RD, et

qu'en même temps vous trouvez moyen de périmer 58 000 000 $ des 60 000 000 $ qui devaient être dépensés en 1989-1990, on a un problème de développement au Québec. C'est Important.

Moi, j'aurais deux ou trois questions. Vous avez bien fait ressortir qu'entre le discours sur le budget de 1989-1990, qui contenait les principaux éléments d'une politique de recherche au Québec, et le plan de développement présenté par Hydro-Québec il y a un écart de quelque 100 000 000 $, c'est-à-dire à peu près 20 %, en ce qui a trait aux travaux de recherche et développement. Est-ce que vous avez eu des informations sur... Vous venez ici nous en informer. Je pense que votre calcul, là-dessus, il se passe de commentaires. Est-ce que vous avez eu des informations à savoir pourquoi il y a cet écart entre un engagement officiel du gouvernement dans le discours sur le budget et le plan de développement d'Hydro?

M. Tremblay (Pierre): Comme vous l'avez mentionné, nous sommes évidemment bien placés pour constater que les investissements en recherche et développement devraient être plus considérables au Québec. Et vous me permettrez, regardant la série d'investissements depuis 1978, de constater que cela a toujours été. Un des buts que nous avions en nous présentant ici aujourd'hui, c'était de signaler que, pour des raisons sans doute excellentes, les investissements prévus par Hydro-Québec au titre de la recherche et développement sont inférieurs à ceux que le gouvernement avait laissé entrevoir en mai 1989, et de dire au comité que cette baisse des investissements n'est pas petite et que cet aspect devra être sans doute examiné de nouveau.

Mme Blackburn: Bien. Vous faites trois demandes. Vous dites: II faut absolument que le gouvernement consente les investissements nécessaires pour soutenir la RD. Vous demandez également que le gouvernement donne à HydroQuébec un mandat clair en matière de recherche et développement. Lorsque vous parlez d'un mandat clair, est-ce que vous parlez d'identifier certains champs de recherche, d'identifier le partage, le faire-faire et le faire en matière de recherche? Parce qu'on sait que, dans le budget, on parlait de 60 % de ce budget qui devaient être consacrés au faire-faire, c'est-à-dire la recherche à l'extérieur d'Hydro. Est-ce que vous pourriez nous indiquer les quelques éléments que devrait contenir ce mandat?

M. Tremblay (Pierre): Oui. Lorsque nous parlions de mandat clair, il s'agissait, on voulait dire qu'Hydro-Québec devrait recevoir du gouvernement un mandat clair pour développer des PME québécoises de haute technologie capables de réaliser de la recherche et développement, d'en incorporer les résultats à leurs produits, à leurs services et, finalement, de commercialiser, sans doute, au niveau mondial. Et ce mandat, à vrai dire, Hydro-Québec l'a reconnu. Vous vous souvenez, tout à l'heure nous avons cité un passage du plan de développement et je le reprends ici: La société d'Etat affirme qu'elle entend continuer d'être "l'un des principaux moteurs du développement technologique du Québec", "amplifier les effets structurants de son activité technologique en resserrant le plus possible ses liens de coopération". Alors, le mandat, il est reconnu, je pense, par HydroQuébec et par le gouvernement, et notre propos était que, compte tenu de son importance, il devrait être précisé davantage, élaboré davantage.

Mme Blackburn: D'accord. Dans votre présentation, vous nous avez parlé de la nécessité que les milieux de recherche industrielle soient informés des intentions d'Hydro-Québec quant à son plan d'impartition et son programme de recherche. Quelle est la situation actuellement? Quelle est la pratique dans ce milieu-là? Est-ce que ça se fait assez en vase clos, mais de façon assez ouverte? Comment est-ce que ça procède, actuellement, à Hydro?

M. Tremblay (Pierre): Bien, je pense que les compagnies privées ne sont pas tenues de dévoiler la part de leurs investissements en recherche et développement qu'elles comptent donner à contrat, qu'elles comptent impartir. Cependant, nous pensons qu'Hydro-Québec, comme c'est une société d'État, devrait le faire. Et les 60 % que vous mentionnez, nous l'avions pris toujours dans ce document, "La stratégie gouvernementale pour soutenir la recherche et le développement", et on pariait de 60 % qui seraient impartis au secteur privé. Dans notre mémoire, nous signalons que ce n'est pas repris dans le plan de développement d'Hydro-Québec et nous demandions qu'Hydro-Québec fasse connaître le pourcentage qu'elle entend confier au secteur privé.

Mme Blackburn: Vous n'avez pas une idée du partage, dans les budgets actuels de recherche d'Hydro, dans faire et faire-faire? Vous n'avez pas de données là-dessus?

M. Tremblay (Pierre): Non, nous n'avons pas cette information. Si on parie de 60 %, on peut présumer que c'est considérable, de l'ordre de, je ne sais pas, peut-être 50 %.

Mme Blackburn: D'accord. Quand on parle de faire-faire à Hydro-Québec, on sait que le gouvernement a pris la manière forte pour s'assurer que toute l'histoire des entrepreneurs qui négocient des contrats de construction avec Hydro-Québec, qu'on élargisse la possibilité de

recours à des sous-contractants pour Hydro Québec. Il semble, pas il semble, on sait qu'ils ont pris la manière forte, c'est par une loi qu'on a modifié la convention collective, on a aboli un certain nombre de lettres d'entente qui prévoyaient certaines règles pour régir le recours à la sous-traitance. En matière de recherche-développement, au-delà du discours sur le budget qui prévoyait une politique de recherche-développement, il ne semble pas que le gouvernement ait pensé à des mesures un peu plus incitatives à l'endroit d'Hydro-Québec pour donner un peu plus de contrats. En tout cas, il me semble qu'il y a un écart entre ce qu'on a pratiqué à l'endroit des employés par rapport à Hydro-Québec et à sa capacité de recourir à la sous-traitance, mais je n'ai pas l'impression qu'ils aient les mêmes intentions en ce qui a trait à la recherche-développement. Mais vous, ce que vous dites, c'est que, si le gouvernement veut réellement réaliser ses engagements pris dans le discours sur le budget, il doit imposer certaines règles de conduite à Hydro-Québec à cet égard Est-ce que c'est ça que je dois entendre?

M. Tremblay (Pierre): Bien, c'était très clair dans notre mémoire que nous considérions HydroQuébec comme un élément majeur de succès de toute politique gouvernementale de soutien à la recherche-développement et, évidemment, la différence qu'on a exposée est grande, mais il reste que les investissements d'Hydro-Québec sont, il faut bien en convenir, considérables et devraient, à notre avis, non seulement être maintenus, mais encore augmentés, parce qu'Hy-dro-Québec peut avoir dans ce domaine un effet d'entraînement qui n'est pas remplaçable. Aucune autre entreprise québécoise ne peut avoir, dans ce domaine-là, un effet d'entraînement aussi grand. André.

M. Trudel (André): Si on tient compte des différentes activités dans le domaine de la recherche-développement d'Hydro-Québec au cours des cinq dernières années, on s'aperçoit qu'il y a eu tout de même une augmentation importante de sa participation à titre de partenaire dans des projets de recherche importants. Il y a, d'une part, les relations avec les universités qui se sont accentuées. Hydro-Québec finance maintenant plusieurs chaires industrielles de recherche et ça a créé un effet de levier très important dans ces universités-là. Il y a, d'autre part, la participation d'Hydro-Québec à des projets majeurs canadiens, c'est-à-dire la mise sur pied du centre de Shawinigan, le LTEE - je me mêle toujours dans le détail de la description - mais, donc, dans tout le domaine de I'electrolyse, et il y a aussi le dossier du Toka-mak. Donc, les grands projets, et celui de la supraconductivité dont je parlais tout à l'heure, les grands consortiums de recherche industrielle auxquols participa Hydro Quoboc, olio y participe d'une façon très importante et très active. Cependant, comme il s'agit de consortiums, il faut que la part du partenaire fédéral soit bien réalisée selon les termes des ententes préalables, ce qui n'est pas toujours le cas. En particulier, il y a des difficultés, par exemple, avec le centre d'électrolyse de Shawinigan et c'est dû, d'une part, à ce type de difficulté de partenariat.

Mme Blackburn: Une définition pas suffisamment claire du partage des coûts?

M. Trudel (André): C'est-à-dire que les engagements financiers des autres partenaires ne sont pas toujours réalisés selon les termes qui avaient été prévus au préalable.

Mme Blackburn: Donc, si je comprends vos propos un peu sibyllins, c'est que le Canada n'aurait pas allongé les sommes qu'il s'était engagea

M. Trudel (André): II y a des difficultés importantes de ce côté-là.

M. Tremblay (Pierre): Mon collègue, Jean-Marc...

Mme Blackburn: Oui

M. Rousseau: Oui, je voudrais simplement ajouter qu'effectivement, dans toute organisation, la tendance naturelle est de vouloir tout faire à l'intérieur et je ne pense pas qu'Hydro-Québec échappe à cette tendance-là, comme toute grande organisation, et que ça prend donc, à l'intérieur d'une organisation comme ça, une politique claire d'essayer de faire faire le plus possible plutôt que de faire à l'intérieur. Faire faire en collaboration, pas nécessairement de ne pas se mêler du tout d'un projet, mais d'impliquer des partenaires industriels tant que c'est possible, et qu'une mesure d'évaluation... Peut-être que le rôle du gouvernement du Québec est de demander à Hydro-Québec des comptes ou des rapports qui donnent, comme mesure d'évaluation, le nombre de "spin-off qu'ils ont réussi à créer, dans une année ou dans deux, sur le plan du développement technologique. Cette "incitative"-là pourrait permettre de mesurer les progrès réalisés dans ce contexte-là.

Mme Blackburn: D'accord, alors, je traduis bien votre pensée si vous nous dites que, d'abord, il faut investir, il faut donner à Hydro un mandat clair, et ce mandat devrait être de favoriser des rapports avec les PME de manière à créer des petites entreprises à la fine pointe de la technologie dans certains domaines que vous avez identifiés, et que ce serait la voie la plus prometteuse. Hydro-Québec avait proposé...

Le Président (M. Bélanger): En conclusion,

Mme la députée, le temps est écoulé.

Mme Blackburn: ...par rapport aux mesures tarifaires, une augmentation de 6,5 % pour les PME, parce qu'Hydro-Québec était assez sonslble à la nécessité d'encourager les PME, ot une des façons, évidemment, ce sont les tarifs préféren tiels, alors que le gouvernement l'a établie à 7,5 %, c'est-à-dire l'a établie de façon uniforme, quelles que soient les entreprises.

En conclusion, je dois dire que j'ai apprécié la présentation de ce mémoire. Je retiens un certain nombre d'éléments sur lesquels on pourra interroger Hydro-Québec lorsqu'elle viendra ici, mais, également, on pourra interroger le gouvernement, à savoir pour quelles raisons et comment ça s'est fait qu'ont disparu 100 000 000 $ dans l'enveloppe de recherche. 100 000 000 $, c'est énorme, c'est 20 % des engagements qui avaient été pris, et c'est un peu beaucoup l'avenir du développement économique du Québec qui passe par la RD, je pense que vous l'avez rappelé. Je vous remercie de votre participation.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, madame. Mme la ministre, si vous voulez bien remercier nos invités.

Mme Bacon: Je vous remercie beaucoup d'être venus, M. Tremblay, M. Trudel et M. Rousseau, et d'avoir apporté un éclairage important par rapport à la recherche et développement. Je pense que tant les réponses que vous nous avez données que votre mémoire vont être ajoutés à toute cette réflexion que nous aurons à la fin de la commission parlementaire. Pour rassurer encore une fois le député d'Ungava, ça fera partie des éléments importants qui vont guider nos décisions par la suite. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de l'économie et du travail remercie l'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec. On vous remercie particulièrement de votre patience puisque nous n'avions pas le choix, et d'être restés. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures. Je vous remercie.

(Suspension de la séance à 18 h 18)

(Reprise à 20 h 2)

Le Président (M. Bélanger): Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place avant d'Inviter le premier groupe à la table des témoins où je les inviterais à s'installer. C'est la Société de gestion Aucoin Internationale. Auparavant, j'aimerais juste préciser à nos invités particulièrement et aux gens de la commission que nous avons une heure de retard dans la "cédule", ceci est dû à des situations que nous ne pouvions pas contrôler, les votes que nous avions en Chambre aujourd'hui. Alors, on vous remercie de votre coopération, de votre compréhension et d'être restés parmi nous.

Donc, ce soir, nous allons recevoir, dans un premier temps, la Société de gestion Aucoin Internationale. Messieurs, vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire; par la suite, il y aura une période d'échanges avec les parlementaires. Dans un premier temps, je vous prierais d'identifier votre porte-parole, d'identifier votre équipe et de bien vouloir procéder à la présentation de votre mémoire. Je vous remercie.

SGA Internationale

M. Aucoin (Réjean): Bonsoir, les gens de la commission, mes respects, Mme la ministre. Réjean Aucoin, P.-D.G. de SGA Internationale; M. Guy Houle, économiste, Service de la planification SGA Internationale; mon frère, Serge Aucoin, copropriétaire de SGA Internationale.

Au niveau du mémoire qu'on a déposé, c'est une alternative. Autrement dit, au lieu de faire un barrage, on propose la relance de Gentilly 1, qui est un alternateur de 225 mégawatts d'électricité, pour produire un cinquième de la vente d'électricité aux États-Unis. Nous, on est allé du côté du gouverneur de l'État de New York, au niveau du premier ministre, de l'Office national de l'énergie au fédérai et ainsi de suite. On a avisé tout le monde de ce projet-là, qui est un projet d'intérêt public. C'est-à-dire que la relance de Gentilly 1 va permettre d'aller chercher des revenus de 3 500 000 000 $, un cinquième de la vente d'électricité aux États-Unis, pouvant, autrement dit, mettre une infrastructure pour, en même temps, dépolluer le fleuve et ainsi de suite. Les alternateurs sont là, ainsi de suite.

Présentement, cette centrale sert d'école de simulation pour les gens d'Hydro-Québec. La Commission de contrôle de l'énergie atomique Canada ne voit pas d'objection à ce qu'on se serve de cette centrale-là au niveau du projet de dépollution. La seule condition, c'est l'échange au niveau des baux emphytéotiques; ce n'est même pas un problème au niveau de ça. Ça fait qu'il reste en soi, autrement dit, que la centrale peut être relancée par des moyens conventionnels qui sont une raffinerie de pétrole, plus un incinérateur de déchets industriels. Lorsqu'on raffine du pétrole, on produit de la vapeur, cette vapeur-là peut être recyclée, dans un deuxième temps, dans l'incinérateur pour produire, être couplée à des moteurs à vapeur, pompes hydrauliques, transmissions hydrauliques qui vont faire tourner la centrale de Gentilly 1, mécanismes conventionnels et ainsi de suite, pour rentabiliser ces équipements-là qui ont déjà été payés. Ça, c'est le premier volet pour assurer des revenus de 3 000 000 000 $ pour permettre le paiement de

l'infrastructure, c'est-à-dire des dépôts jusqu'à la tête des Grands Lacs et jusqu'aux provinces maritimes.

Il y en a, dans notre pro forma, une dizaine de prévus, à 50 000 000 $ chacun, pour faire des aires de stockage pour stocker les déchets industriels et ainsi de suite Après, 750 000 000 $ sont prévus pour la construction de bateaux pour faire la cueillette des déchets industriels qui vont faire le cycle jusqu'à la tête des Grands Lacs, jusqu'aux provinces maritimes Des fonds au niveau des aires de triage pour trier les déchets industriels et ainsi de suite. Les acides vont être recyclés, les fluides et ainsi de suite. Ce qui ne sera pas recyclable va être traité soit pour les sites d'enfouissement ou soit pour être envoyé à l'incinérateur, ce qui va remettre les matières industrielles au niveau du marché. Une partie regarde les déchets domestiques, une partie qui est les matières biodégradablés va servir au niveau des composts et ainsi de suite, les métaux et le verre vont être ôtés Le reste devient de la briquette de combustible qui va être acheminée au niveau des dépôts pour être ramenée à l'incinérateur pour faire fonctionner aussi l'incinérateur.

Pourquoi une raffinerie de pétrole aussi? Une raffinerie de pétrole produit de la vapeur II faut qu'elle marche au moins à 85 % de son volume, une raffinerie de faible débit, 35 000 barils, pour qu'elle soit en sous-production pour produire en même temps de la vapeur et ainsi de suite. Ça, c'est le premier volet au niveau des 3 500 000 000 $ pour l'infrastructure, ce qui va permettre aux municipalités aussi d'avoir un système, parce que les municipalités, présentement, donnent des permis à leurs entreprises au niveau de l'implantation, mais elles n'ont pas de service de cueillette de déchets industriels et ainsi de suite. En permettant tout ce système-là, on va pouvoir mettre une infrastructure pour des "containers" à partir des ports, dans les zones fédérales, au niveau de tout ça Gentilly 1, c'est une zone fédérale, les ports et ainsi de suite. Ce qui veut dire que, nous, on a l'appui du cabinet du premier ministre au fédéral reconnaissant le bien-fondé du projet. On commence par la province de Québec au niveau de l'information de tout ça, pour avoir l'appui ici La centrale est là Ça fait que, comme M. Bourassa a fait de la vente d'électricité aux États-Unis, on dit que, prioritairement avant n'importe quei barrage, ce projet-là va permettre de créer tout ça, de dépolluer le fleuve tout en produisant de l'électricité, un premier 225 mégawatts.

Ce qui est prévu dans la deuxième phase, c'est un deuxième alternateur de 400 mégawatts pour équilibrer Gentilly 2, avec le même système de transmission hydraulique et ainsi de suite Parce qu'au niveau de l'hydraulique c'est beau coup plus fort que la vapeur L'hydraulique, une petite pompe hydraulique, peut pousser un fort débit de pression. C'est une question de pression pour faire tourner une transmission. Ça fait que c'est simplement d'équilibrer les pompes en conséquence II n'y a pas de problème technique là, mais en équilibrant Gentilly 1, 225 mégawatts, et Gentilly 2, 400 mégawatts, vous arrivez à 625 mégawatts, ce qui est le débit de Gentilly 2 Gentilly 2, après, on pourrait prendre le réacteur nucléaire et le débrancher pour faire un système d'appoint pour maintenir la pression, autrement dit, rabaisser les déchets nucléaires pour maintenir la pression. Le pot nucléaire va devenir générateur de vapeur.

Au niveau des déchets nucléaires à travers le monde, parce que le Canada vend des systèmes CANDU à travers le monde, mais il n'y a pas de système de cueillette au niveau des déchets nucléaires, bien, c'est ça, c'est de récupérer les cendres nucléaires, les concentrer pour faire un réchaud nucléaire aussi, ce qui va servir parce que les cendres nucléaires sont stables au niveau.. Un pot nucléaire produit de la vibration parce que c'est sous tension C'est une explosion continuelle au niveau d'un pot nucléaire tandis que la cendre prend 1000 ans à refroidir. Si on la concentre, on va pouvoir récupérer aussi de la chaleur pour produire un système de chaleur au niveau de ça

Avec tout ce concept-là, on peut pousser jusqu'à 1250 mégawatts les installations de Gentilly 1, 1A et Gentilly 2 tout en abaissant les déchets nucléaires, tout en contrôlant aussi les déchets industriels et domestiques, ce qui veut dire que le concept de la première phase, c'est de partir simplement Gentilly 1 pour aller chercher les 225 mégawatts et aller chercher la planification au niveau des 3 500 000 000.

Le Parti conservateur, dans son programme de réélection, a mis 1 000 000 000 $ à la disposition pour la dépollutlon fluviale Nous, comme on présente un projet d'intérêt public, c'est-à dire le gouvernement en place, qui est le gouvernement conservateur, les libéraux et le NPD plus le Sénat qui était visé à ce niveau, c'est un projet d'intérêt public. Ça fait que c'est simple ment à ce niveau-là. Il va rester, dans un deuxième temps, à informer les différents premiers ministres des provinces et ainsi de suite de tout l'ensemble du projet, ce qui, économiquement, va faire un développement, au niveau du travail, de toute l'infrastructure, de tout ce qui en est au niveau de ça: le développement de l'emploi, la qualité de vie et tout ce qui en est, ainsi de suite.

Présentement, il y a des gisements pétroliers dans le secteur Arthabaska, Notre-Dame-du-Bon-Conseil, Nicolet et ainsi de suite. En 1978, 1980, 1981. SOQUIP avait "drille" 300 000 000 de trous pour inventorier 6 500 000 000 de barils do pétrole dans cette zone-là. Nous, SGA Internationale, division Pétrolbec, on a conclu des accords avec les Waben-Akis au niveau des territoires, des droits miniers, Meta Oil et ainsi de suite au niveau de ces gisements là.

Ces actifs représentent 6 500 000 000 de barils à 20 $ le baril, ce qui veut dire 130 000 000 000 $, grosso modo, d'actifs au niveau des gisements pétroliers seulement.

Les réserves, c'est pour cinq raffineries de pétrole pour 196 ans à 35 000 barils par jour, 200 jours ouvrables par année. C'est, grosso modo, ce qu'il y a au niveau de ça. Il y a une partie au niveau du gaz qui peut être exploitable; si on prend le gaz, on va avoir moins de gisements de pétrole, et ainsi de suite.

La Caisse de dépôt nous a donné son accord pour l'ensemble du projet, en autant qu'il y avait un accord entre Noverco, SOQUIP et tout ça. Ce que Canam-Manac vient de faire, Canam-Manac vient d'avoir le contrôle à 51 % de Noverco, ainsi de suite. La Caisse de dépôt a sorti 215 000 000 $, je crois, pour aller récupérer les 27 % du capital-actions qui étaient sur le marché. Ce qui veut dire que l'accord est conclu pour ce qui est de la première étape, mais nous, en tant que SGA Internationale, pour avoir des capitaux, autrement dit, à un taux qui soit rentable, on s'est adressé, ici, à la banque Indosuez, plus Sonatrach, en Algérie, pour la liquéfaction du gaz, et ainsi de suite, qui ont des pétrodollars sur le marché international, pour nous mettre en position de négociation de ces capitaux.

Il reste de disponibles 20 % du capital-actions au niveau des raffineries. Pourquoi on ne veut pas sortir les 20 %, on ne demande pas aux actionnaires ou à ceux qui vont en vouloir de sortir de l'argent tout de suite? Parce qu'on va aller dans les banques et, après, les actions vont être payables 30 jours après l'ouverture de la raffinerie, ce qui veut dire que ceux qui vont vouloir en acheter vont pouvoir escompter leurs actions à la banque ou ainsi de suite. Il s'agit de ne pas, aussi bien vis-à-vis de Canam-Manac qui vient de finir ses problèmes financiers, les obliger à réinjecter des fonds pour l'instant. On peut avoir des fonds assez facilement sur le marché International, sur le marché national, dans les caisses de dépôt, on n'en manque pas. Tout est là dans l'ensemble, il reste que le dossier a été donné, au niveau de Meta Oil pour les permis de forage, à Mme Bacon; on attend des développements de ce côté-là.

Toute l'infrastructure au niveau des gisements, au niveau de la technologie, tous les protocoles d'entente ont été signés: ADS, Générale Électrique, Permacon Montco pour le traitement des cendres de l'incinérateur, pour faire du panneau thermique à partir des cendres, l'amiante et les cendres, composants soit en ciment ou ainsi de suite. C'est à peu près l'infrastructure proposée, ce qu'il peut y avoir au niveau des traitements nucléaires, industriels et domestiques.

Grosso modo, en relançant Gentilly, ça nous permet d'aller chercher ces capitaux-là, de relancer la création d'emplois au niveau de tout ça, de dépolluer le fleuve, et ainsi de suite.

C'est ce qui ressort à ce niveau. S'il y en a qui ont des questions, c'est à peu près...

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie beaucoup.

Mme la ministre.

Mme Bacon: MM. Aucoin et Houle, je vous remercie d'être venus discuter avec nous à la commission et de nous avoir présenté votre dossier. Le concept que vous avez à l'intérieur d'un même projet porte sur un très grand nombre de sujets, on peut dire des sujets qui sont préoccupants. Vous passez de l'augmentation de la capacité du raffinage au Québec à la gestion à long terme des déchets nucléaires. Vous passez par la conversion de réacteurs nucléaires jusqu'à la cueillette des résidus domestiques, industriels, revalorisation énergétique. Moi, j'aimerais que vous me précisiez le lien que vous avez entre votre concept et l'objet de la commission que nous tenons aujourd'hui qui porte sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique au Québec. (20 h 15)

M. Aucoin (Réjean): On dit qu'on a un alternateur de 225 mégawatts qui est là, qui est payé, qui sert juste d'école de simulation pour l'instant. En relançant ça par tout simplement une raffinerie et un incinérateur... On en a besoin. Que ce soit pour les BPC, tous ces produits, on en a besoin. Mais c'est de le mettre dans un site Idéal pour qu'il soit productif, pour produire de l'électricité, et ainsi de suite. C'est la première étape à ce niveau.

Deuxième étape, ce sera de définir les zones les plus polluées, les produits. Mais déjà, au niveau des déchets domestiques et tout ça, il y a de la technologie qui existe pour faire de la briquette de combustible pour pouvoir alimenter ça. C'est du résidu perpétuel qu'on peut - aussi bien que l'eau peut l'être pour les barrages - économiquement développer. Avant de penser à faire d'autres barrages, Hydro-Québec, à cause de la technologie qui s'en vient, à cause des économies électriques qu'on va produire, à cause de cette nouvelle technologie, on devrait simplement améliorer notre infrastructure pour l'Instant, se créer une qualité de vie. On est déjà autosuffisant en électricité.

C'est pour la vente? Si c'est pour la vente, déjà Gentilly, La Prade et tous ces secteurs peuvent facilement voir à ces besoins de 1200 mégawatts. Pourquoi faire d'autres barrages? Ce sera plus productif d'accorder une infrastructure dont on a besoin tout le monde à ce niveau, qui va créer des emplois permanents améliorant la qualité de vie tout en relançant Gentilly 1. Il est là, l'alternateur. Il s'agit de mettre une transmission hydraulique. C'est ça qui a pris trois ans et demi de recherches au niveau de SGA Interna-

tionale pour tout faire signer les protocoles d'entente, que ce soit à GE, au niveau de la consultation, pour arriver à un diagramme de cheminement pour dire: On commence la première étape et, spécifiquement, Gentilly 1, pour mettre ça.

Le raffinage du pétrole, on en a du pétrole. On le sait qu'on en a. On a toutes les études sismiques, on a tout ce qu'il faut, on le sait qu'il y a 6 500 000 000 de barils. Bon, il s'agit de le sortir, de le mettre en production, mais II s'agit de faire des zones de développement comme des petites raffineries qui vont être dans les régions, pour une raison: un baril de pétrole à 95 %: pétrole, asphalte, goudron, huile diesel, essence sans plomb, thinner, tout reste dans les régions. C'est de créer des secteurs de développement économique régional comme...

La première raffinerie, tous les papiers et résolutions sont faits pour Baie-Comeau. Ça va être pour la Côte-Nord-Lac-Saint-Jean, pour la première. La deuxième, Bécancour. la relier à un incinérateur pour pouvoir, justement, aller chercher l'infrastructure au niveau de Gentilly. Mais nous autres, dans notre organigramme, au niveau de SGA Internationale, déjà, on va faire notre raffinerie de pétrole à Baie-Comeau, indépendamment... On dit qu'au niveau de l'électricité on est là, mais on est allés chercher les techniciens au niveau de Générale Électrique, ADS, tous les meilleurs techniciens pour le faire et le produire, ce concept-là. Ce concept-là, on aime autant marcher à... 3 500 000 000 $, on sait que ce sont les revenus d'après les ventes que M. Bourassa a faites aux États-Unis.

On dit: L'ingénierie... si vous voulez, les ingénieurs, participer à ça, 5 % du concept, c'est le taux normal au niveau ingénierie. On le sait que ça nous coûte 180 000 000 $ pour faire faire les plans de ça, mais on sait que ça coûte ça, on ne va pas en appel d'offres, il n'y a pas de si puis... C'est clair, c'est 180 000 000 $ pour se payer un concept dont on sait qu'il va être là, en place, avec des gens qui ont des compétences, et ainsi de suite. Ça fait que ce n'est pas à réprouver. Générale Électrique en fait, des alternateurs, mais Générale Électrique est là comme conseiller, pour l'instant. Marine Industrie, aussi, en fait des alternateurs. Tout préparer les plans, les ingénieurs... Ce n'est pas la fin du monde, un alternateur de 400 mégawatts. On en fait en différentes quantités, au niveau de nos barrages. C'est simplement de regarder dans cette direction-là, avant de faire d'autres barrages ou avant de... C'est de rentabiliser les équipements qu'ils ont là. Tout de même, ce secteur-là a coûté 2 000 000 000 $ Ça fait qu'on n'est pas pour... C'est l'argent de tous les contribuables. Je sais que le gouvernement...

Mme Bacon: Mais un concept comme le vôtre, M. Aucoin, est-ce que ça existe ailleurs?

M. Aucoin (Réjean): C'est nouveau. Ce qu'on propose là, ça n'existait à nulle part dans le monde Mais ce que je veux dire... Les transmissions hydrauliques, les alternateurs, toutes les pièces d'équipement sont là, il s'agit de les assembler Des raffineries de pétrole, ça existe. Tout est là, mais il s'agit d'intégrer ça dans cette zone industrielle là pour que ça fonctionne pour produire l'électricité. Pas plus qu'un barrage ne pouvait exister à LG 2 ou dans le Grand Nord. Il n'existait pas, au début, mais on a mis toute une infrastructure pour payer des barrages de 6 000 000 000 $, ainsi de suite. Là, on parle d'un alternateur qui est là. Une raffinerie de pétrole comme on propose, ça coûte 250 000 000 $. On raffine, nous autres, à 95 % le baril. Les 5 %, c'est pour les matières plastiques. Pour aller chercher 5 % du produit, je n'irai pas mettre 400 000 000 $, Pétromont est là pour ça. Elle était déjà déficitaire, on essayera de sortir 80 000 000 $. J'aime autant leur confier les produits pour qu'ils soient rentables à ce niveau, puis raffiner 95 % du baril de pétrole au niveau des goudrons, des machins comme ça. 400 000 000 $ pour aller chercher 5 %, ce n'est pas rentable pour nous autres.

Mme Bacon: Quand on pense à la pierre d'assise de votre concept, c'est la reconversation de la centrale nucléaire de Gentilly 1 pour la production d'électricité. C'est une opération qui met quand mâme en cause Énergie atomique du Canada et aussi Hydro-Québec Est-ce que vous les avez toutes les deux informées de votre projet et quelle est la réaction d'Hydro-Québec et Energie atomique?

M. Aucoin (Réjean): La Commission de contrôle qui est le patron d'Énergie automique Canada et ainsi de suite, c'est elle qui est la surveillante. Elle dit qu'il n'y a aucun problème au niveau de la Commission de contrôle, il n'y en a pas de problème. Le problème... C'est sûr qu'Énergie atomique Canada a des problèmes. Elle a démantelé une partie des équipements de Gentilly 1, et elle a vendu les équipements à un gars de Toronto. Elle voulait que je m'arrange avec. Je ne m'arrange avec personne, moi. Vous n'aviez pas d'affaire à... Allez vous expliquer avec le gouvernement et ainsi de suite. Ça, ça vient dans un deuxième temps. Moi, les équipements, il faut qu'ils restent là, c'est l'argent des contribuables. Moi, je fais un projet d'intérêt public. C'est sûr que les gars d'Énergie atomique Canada m'ont créé des problèmes au niveau de ça. Non pas ça. Pourquoi pas ça? C'est ça. Nous, on s'en va dans cette direction, puis ce n'est pas le gouvernement en place... Que le gouvernement conservateur ait dit n'importe quoi, H nous a dit qu'il nous soutiendrait, qu'il nous aiderait, ainsi de suite.

Au niveau de la banque fédérale, on avait demandé 5 000 000 $ pour nous aider Elle a

prêté 17 000 000 $ pour les bars de danseuses nues, puis elle n'avait pas 5 000 000 $ pour nous autres. Il va avoir à s'expliquer, M. Mulroney. Moi, je ne suis pas là pour faire du sentiment. Je vous dis que je le sais, et qu'économiquement, nous autres, les études qui ont été faites là ont été payées par SGA Internationale, alors que c'est un projet d'intérêt public. La banque fédérale va y goûter pour 1 000 000 $; on va la poursuivre pour 1 000 000 $ dans ce dossier-là. Je ne joue pas. moi. Je suis là pour faire le projet d'intérêt public avec Environnement Canada qui a reconnu qu'il nous aiderait au niveau des normes, au niveau de tout. Ce qui fait qu'on a l'appui du cabinet du premier ministre qui reconnaît le bien-fondé de tout ça, et le ministre fédéral a dit dans son programme qu'il mettait 1 000 000 000 $ pour la dépollution fluviale. Bon! Est-il là pour parler ou bien... Nous autres, on n'est pas là pour parler, parce qu'on a sorti des capitaux depuis trois ans et demi, on a signé des accords, puis on a toutes les compétences pour les réaliser avec ces gens-là. S'ils veulent en faire un débat sur la place publique, on va y aller. On n'est pas gênés, on est allés chercher tous les groupes environnementaux, on leur a donné le dossier. Mais, avant d'en arriver là, on dit: Le dossier repose, il est dans votre main, avant de faire quoi que ce soit. On attend votre réponse à vous au niveau de ça aussi, pour dire... Le protocole veut ça. On peut le donner à Greenpeace puis ainsi de suite. On va le faire dans une deuxième étape pour l'informer que les industriels ne sont pas... Ils vivent sur la même planète que tout le monde. On est là pour trouver des solutions qui soient économiquement rentables pour tout le monde. C'est tout. C'est ce qu'on essaie de faire.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à la commission parlementaire et de vous remercier de nous amener une nouvelle dimension au débat qui nous intéresse et qui, nous le souhaitons tous, là, nous aidera, aidera la gouvernement à déboucher sur des solutions acceptables pour l'ensemble des citoyens du Québec quant au pian de développement d'Hydro-Québec, à l'utilisation générale et à l'économie générale de l'énergie sur le territoire québécois.

J'ai quelques questions concernant votre concept qui semble être un concept plutôt de type global. Vous avez parlé à quelques reprises de 3 500 000 000 $. C'est quoi, ce chiffre-là? Est-ce que ce sont des investissements, des revenus anticipés?

M. Aucoin (Réjean): Les 3 500 000 000 $: M. Bourrassa a vendu 1000 mégawatts aux États-Unis, à l'État de New York pour 17 000 000 000 $. On a pris un chiffre, 3 500 000 000 $, pour se donner une marge d'une couple de centaines de millions d'erreurs. On a fait un pro forma pour voir, pour installer des différents... On mettait 50 000 000 $ par dépôt pour les déchets industriels, et ainsi de suite, mais il reste, dans un deuxième temps, à définir les zones plus polluées. Va-t-on mettre 10 000 000 $ là puis en remettre 40 000 000 $ là ou 70 000 000 $ là, ou ainsi de suite? C'est ça qu'il reste à déterminer, les produits pour les zones... puis du côté de Ports Canada, en travaillant avec eux autres, on va définir les secteurs industriels pour ajuster tout ça avec les municipalités et ainsi de suite, les types de "containers".

M. Claveau: Oui, mais ça, ce sont des coûts ou des revenus?

M. Aucoin (Réjean): Ce sont des revenus sur la vente d'électricité. On peut produire de l'électricité pour...

M. Houle (Guy): Ce sont des revenus qui servent pour faire le projet, pour réaliser le projet, pour les dépenses, pour faire l'exploitation du projet et les investissements.

M. Claveau: Mais les coûts du projet global sont de combien?

M. Houle: Bien, là, il y a une étude de faisabilité à faire pour déterminer toutes les capacités puis tous les coûts de façon plus précise. Actuellement, on en est à l'état de concept et c'est ça qu'on vous présente.

M. Claveau: Mais généralement, par exemple, comme quand Hydro-Québec nous arrive avec son plan de développement, ce sont des concepts aussi, finalement, des propositions d'action, mais elle est capable de nous dire que, quand on construit une centrale, ça va coûter tant le mégawatt de puissance installée pour cette centrale-là. Je suppose...

M. Aucoin (Réjean): Par rapport à tant de ciment puis ainsi de suite. Nous, on vous dit qu'on a 3 500 000 000 $ de revenus au niveau de la vente de l'électricité. On vous dit que, sur 3 500 000 000 $, notre pro forma nous donne ça, là...

M. Houle: Au niveau du revenu, mais au niveau des coûts il y a des études de faisabilité...

M. Aucoin (Réjean): ...pour abaisser les coûts.

M. Houle: ...pour définir les niveaux des intrants, là, tout ce qu'il faut pour produire un mégawatt.

M. Claveau: Alors, au moment où l'on se parie, là, vous ne savez pas combien va coûter votre projet, finalement?

M. Houle: Non On a un budget, qui est le revenu de la vente de l'électricité, c'est-à-dire 3 500 000 000 $.

M. Aucoin (Réjean): La raffinerie de pétrole s'autogénère: elle produit du pétrole, elle n'est pas là pour produire de la vapeur, mais on en produit, de la vapeur, parce qu'il faut refroidir nos équipements.

M. Claveau: Oui, mais

M. Aucoin (Réjean): Ou on envoie la vapeur en haut... Non, vous me parlez de coûts. Moi, je vais vous parler de coûts. La centrale de Gentilly 1 est là, elle est payée. Il reste un Incinérateur à mettre entre les deux puis des pompes hydrauliques puis une transmission hydraulique, vous savez, puis moi je vous dis que j'ai 3 500 000 000 $ de revenus pour payer ça. Une transmission hydraulique ne me coûtera pas... je ne paierai pas 3 000 000 000 $ pour une transmission, à moins qu'elle ne soit en diamant. Vous me parlez des coûts. Tout ce que je peux vous dire c'est que j'ai été au plus haut et qu'il me reste à rabaisser les coûts. Ma raffinerie, je la paie en moins de six ans, vous savez, puis elle est rentable. Point, à la ligne. Vous savez, ce sont des équipements qui avaient été faits pour l'Alaska, c'est une raffinerie transportable qu'on a, ça fait que ce n'est pas un problème, on peut l'installer rapidement...

M. Claveau: Mais...

M. Aucoin (Réjean): ...puis ainsi de suite. Ce sont toutes des pièces d'équipement qu'on a. Nos ingénieurs, ils ont bâti 14 raffineries. C'est bien beau la raffinerie de Petro-Canada mais elle a un défaut, elle saute un peu. Il y a la chambre de réaction de gaz, il y a un défaut dedans, elle a coûté 600 000 000 $. Ça ne m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse, c'est la mienne, elle me coûte 250 000 000 $ et elle va fonctionner, parce que le gars qui l'a faite, il en a fait 14 pour l'OPEP.

M. Claveau: Est-ce qu'on pourrait s'entendre sur qu'est-ce que c'est que SGA Interna tionale? Ça a combien comme chiffre d'affaires, ça a combien d'employés, ça opère dans combien de pays?

M. Aucoin (Réjean): Ça, c'est confidentiel pour nous autres. Nous autres on a des protocoles avec 18 directeurs qui ont chacun leur compagnie. On fait affaire avec les consulats et ainsi de suite. Point à la ligne. C'est tout. On a les compétences pour le faire. Nos protocoles d'entente sont là, le reste ça regarde la SGA

Internationale. L'objet c'est qu'on peut produire de l'électricité à 3 500 000 000 $, aller chercher des revenus. Y a-t-il quelqu'un qui est capable de faire mieux que nous autres? Le pétrole, les conventions sont signées pour le pétrole. Le pétrole, on a les droits exclusifs jusqu'à l'épuisement des gisements. Les droits territoriaux ne sont pas contestables. Tout le monde parle de l'accord du lac Meech et ainsi de suite; qu'ils regardent l'Acte de Québec. L'Acte de Québec dit que tu as le droit de garder ta propriété avec tous les usages qui s'y rattachent. Point à la ligne Le traité d'Eden, de 1627, reconnaît aux autochtones les mômes droits qu'aux Français En 1760, on a passé le pouvoir des Français aux Anglais, et ainsi de suite. Des conventions ont été signées internationalement. La seule province qui a des droits au niveau territorial, c'est le Québec, c'est pas les neuf autres provinces. C'a été conclu, ça a été signé pour empêcher l'invasion américaine. Ce n'est pas moi qui ai fait l'histoire mais, quand on vient se faire conter des conneries et des débats pour rien, on dit: Les droits territoriaux, on les a. On le sait, au niveau des droits miniers, il y a juste l'or et l'argent qui appartiennent à la couronne, 3 % au niveau des droits de surface. On le dit nous autres et les droits de surface on les laisse à l'UPA, à l'Union des producteurs agricoles. Mais les gisements appartiennent aux autochtones, c'est à nous autres. Moi, je suis un Abénaquis, et lui aussi et on sait qu'on connaît nos droits. Vous autres, vous avez votre manière de voir les choses mais on dit: Un instant, si ça ne fait pas, on va aller au tribunal de droit international, on va aller le débattre. On est bien prêts. Mais c'est à nous autres, point.

On vient de signer une convention avec Meta Oil qui a les droits d'exploitation au niveau de tout ça mais avec toute la magouille qu'il y a eu au niveau de SOQUIP et les 300 000 000 $ que ça a coûté pour trouver ce pétrole-là et qu'ils ne sont même pas enregistrés au fédéral, à l'Office national de l'énergie, bien on dit: Qu'est-ce qu'il se passe? Y a-t-il une commission d'enquête que Mme Bacon va décider pour faire la lumière, avec tous ces faits-là? Nous autres, on est prêts à aller le débattre. Ça ne nous dérange pas, nous autres, on a les mains propres.

Vous nous demandez qui on est. J'ai fait 13 ans et demi pour le journal La Presse. J'ai été chercher les meilleurs techniciens au monde au niveau des protocoles d'entente et chacune des compagnies a ses industries et ainsi de suite. Nous, on est une société socio-capitaliste: 25 % des bénéfices nets vont aller à nos travailleurs et on travaille avec la FTQ, la CSN et l'Internationale qui sont assujetties à Genève à 60 000 000 de travailleurs. Vous voulez savoir qui ont est? On est juste ça, SGA Internationale. On est la première compagnie socio-capitaliste, peut-être Je ne connais pas les autres pays pour en

parier mais, en tout cas, on est assez bien structurés pour se défendre. (20 h 30)

M. Claveau: Mais là, écoutez, je comprends qu'il y a une nouvelle dimension qui vient d'apparaître dans le dossier...

M. Aucoin (Réjean): C'est ça.

M. Claveau:... qui est la dimension des droits des autochtones et tout ça.

M. Aucoin (Réjean): Bien, ça fait partie de l'ensemble. Moi, je n'y peux rien. C'est ça qui se négocie. Ce n'est pas mol qui ai rapatrié la constitution, c'est Trudeau qui a rapatrié la constitution unilatéralement sans l'accord du Québec. Québec a dit non, parce que l'Acte de Québec lui reconnaît le droit de garder leur langue, leur foi, leurs propriétés et tous les usages qui s'y rattachent pour tous les Canadiens résidant dans la province de Québec. Relisez votre histoire. Moi, je ne la referai pas. Ça a été signé et c'est signé, point. Le reste du Canada n'en a même pas d'entente. C'est tout ça et c'est dit: Pas de droit de discrimination au niveau de n'importe quel Canadien. En 1982, la Chambre des Communes a adopté la Charte des droits et libertés. Moi, je me base sur des documents, il y en a qui font de la politicaillerie. Moi, je me base sur un document qui est là.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le député d'Ungava, si vous voulez remercier nos invités, s'il vous plaît. Ah, il y avait une question, je m'excuse. M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. En tant que député de Drummond, vous me voyez étonné de remarquer les quantités de pétrole et de gaz que vous mentionnez dans votre exposé. Est-ce que ces quantités ont été prouvées?

M. Aucoin (Réjean): Oui, oui. On peut vous fournir tous les documents, les études sismiques qui avaient été faites bout par bout. L'ancien ingénieur de SOQUIP, qui a tout "drillé" le pétrole, est sous protocole d'entente avec Pétrolbec et SGA Internationale. On a tout ce qu'il faut pour prouver hors de tout doute que le pétrole est là, et que ça a été peut-être le plus gros "boss" qu'on n'a jamais vu dans le domaine pétrolier.

Ça, ce n'est pas à moi de le déterminer. Mme la ministre, quand ce sera le temps, on va lui donner tous les documents pour lui prouver ça. S'il y a un ménage à faire... On ne peut pas présumer de la mauvaise foi du gouvernement. Il a été mandaté, élu pour les intérêts... Nous autres, on est là pour le déposer, pour dire que c'est là. Ce qu'on atteste, on peut le prouver hors de tout doute.

M. St-Roch: Les quantités qui sont là, vous pouvez les prouver?

M. Aucoin (Réjean): Oui. Ça, c'est l'ancien président de SOQUIP qui l'a déclaré, Cloutier. On a tout ça. On a les études sismiques. Partout, depuis trois ans, on a été chercher carte par carte pour unifier tout ça, pour avoir les études sismiques où étaient les gisements, la quantité de gisements et ainsi de suite. On peut prouver tout ça hors de tout doute.

M. St-Roch: Et la compagnie Meta Oil, c'est elle qui détiendrait les droits?

M. Aucoin (Réjean): Meta Oil, ce sont des gars... Eux autres, ce sont les seuls qui n'ont pas signé avec SOQUIP. Autrement dit, SOQUIP avait fait signer des procurations aux cultivateurs les mandatant pour "driller" pour eux autres pour trouver le pétrole. Après, ils ont passé une loi disant: Si on est 10 ans sans s'en servir, tu perds tous tes droits. Après, toute l'ancienne "gang" de SOQUIP a formé Noverco, et toute cette "gang" était au niveau de la direction de Noverco et tout ça. On dit: Bon, qu'est-ce qui arrive? Là, Dutil se retrouve avec 275 000 000 $ au niveau d'un pipeline, mais il n'y a rien qu'une affaire, les droits de gaz et les droits de pétrole, c'est nous autres qui les avons. On dit: Dutil, on ne favorise pas de s'associer avec toi, mais 10 % du capital-actions au niveau, ainsi de suite, et vous avez la Caisse de dépôt. On dit: Je n'ai pas le droit de présumer de la mauvaise foi de Dutil. Ce n'est pas à moi de faire l'enquête, c'est au gouvernement à faire ses enquêtes. Moi, je dis: Qu'est-ce que ça donne comme portrait pour l'instant? Je me pose autant de questions que vous, mais je dis: Le pétrole est là, les gisements sont là, on peut le prouver. Meta Oil, tout est là, il ne reste qu'à sortir nos permis de forage du côté de Mme Bacon. On peut "driller" demain matin. On a toutes les compétences pour le faire. On attend carrément après Mme Bacon pour voir ce qui se passe dans ce dossier.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le député d'Ungava, si vous voulez remercier nos invités.

M. Claveau: C'est en vous remerciant de votre participation à la commission et des informations que vous nous avez fournies, en souhaitant qu'il y ait des résultats qui vous soient satisfaisants un jour ou l'autre.

M. Aucoin (Réjean): Pas de problème, on va en avoir.

M. Claveau: Merci de votre présentation.

Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le

député d'Ungava. Mme la ministre.

Mme Bacon: Ce qu'on peut dire, M. Aucoin, c'est que vous ne manquez pas d'énergie.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Aucoin (Réjean): Surtout pas avec la ministre de l'Énergie.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de l'économie et du travail remercie la Société de gestion Aucoin Internationale pour sa participation à ses travaux. J'invite à la table M. Michel Yergeau. Merci, bonsoir.

Bonsoir, M. Yergeau. Vous âtes familier avec nos procédures. Je vous fais grâce de tout cela. Je veux juste vous prévenir qu'on a 20 minutes pour votre présentation. On vous écoute.

M. Michel Yergeau

M. Yergeau (Michel): N'ayez crainte. Je compte même prendre un peu moins que 20 minutes, histoire de vous permettre de rattraper le temps perdu. Mme la ministre, M. le Président, merci beaucoup de m'avolr permis de m'adresser à vous. Je n'ai pas préparé de mémoire comme tel, je vous ai fait parvenir une lettre qui résume certaines idées qui me sont chères et que j'entends exposer brièvement. Je ne représente pas de groupe en particulier, je viens en mon nom personnel, en tant qu'ancien vice-président du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, de praticien du droit de l'environnement, de président du Comité consultatif sur l'environnement d'Hydro-Québec, de membre de la Commission de réforme du droit du Canada en matière d'environnement et ainsi de suite. Donc, en tant que personne qui, dans le domaine de l'environnement, navigue professionnellement depuis une douzaine d'années, à toutes fins pratiques.

J'ai, dans la lettre, une dizaine d'idées, ce qui me donne deux minutes par idée, mais je vais essayer de les ramasser pour ne pas les prendre de façon trop ennuyeuse. Évidemment, je crains toujours une commission parlementaire qui aborde le problème de l'énergie via l'électricité. Je ne fais pas de reproche au gouvernement d'avoir institué une commission parlementaire, au contraire, je trouve que c'est une très bonne idée, que c'est un grand pas en avant. Sauf que je crains qu'aborder le problème de l'énergie par l'angle de l'électricité mène, nécessairement, à faire un petit peu le procès d'Hydro-Québec. J'ai eu l'occasion de lire une bonne partie des mémoires qui ont été déposés à la commission, et je sens, des fois, un peu une façon de procès à Hydro-Québec, mais peut-être que c'est le sort même de l'exercice qui entraîne ça. Quant à moi, j'aurais tendance à croire que la problématique de l'énergie est beaucoup plus vaste et, sans vouloir faire chorus avec les gens qui réclament nécessairement un grand débat public, je crois que tôt ou tard cette question va être inévitable, compte tenu de l'Importance des engagements qu'on va devoir prendre financièrement pour réaliser certains grands projets, compte tenu aussi de la complexité et du côté entremêlé et tricoté serré de l'énergie duquel il est toujours difficile d'extraire le problème de l'électricité. Si on reconnaît, par exemple, que le Québec tout à l'électricité était peut-être, au plan environnemental, un peu une erreur, parce que ça a forcé, par exemple, à chauffer les maisons à l'électricité, qui est, quant à moi, une source d'énergie bien trop noble pour chauffer des maisons, il n'en demeure pas moins que, si on veut trouver des alternatives, que ce soit, par exemple le gaz naturel, il est bien sûr que le gaz naturel appartient à l'entreprise privée qui n'est plus vraiment Intéressée à investir dans un réseau domestique de gaz naturel. Et, là encore, on voudrait se mettre au gaz naturel qu'il y aurait des problèmes, effectivement, de dégagement du méthane, donc de conséquences sur l'effet de serre. Donc, si on veut aborder le problème énergétique, il faut l'aborder globale ment, et je pense que, tôt ou tard, il va falloir prendre le problème à bras le corps, et peut-être la seule façon de le faire, ce sera par des états généraux de l'énergie. Mais ça, ça viendra sans doute dans un monde meilleur.

Pour moi, le problème des exportations n'est peut-être pas le principal problème de l'énergie ou de l'électricité. Quant à moi, c'est le rythme du développement industriel qui risque d'être le problème. Et il ne faudrait pas, sous prétexte, même tout à fait louable, de vendre l'électricité, qu'on crée finalement des pressions indues sur les mécanismes de protection de l'environnement que nous avons mis en place. Et c'est une des choses que je crains dans la situation actuelle, c'est que le gouvernement prend des engagements au niveau industriel, il y a une accélération des grands projets qui sont très consommateurs d'électricité, et ma crainte est que, finalement, on se retrouve que les besoins de fournir de l'électricité soient tellement grands qu'on ne puisse plus avoir la patience de passer à travers les procédures qu'on a mises en place en matière de protection de l'environnement, dans le domaine du développement hydroélectrique, justement. On a créé, il y a la Loi sur la qualité de l'environnement, il y a les mécanismes d'étude d'impact, il y a les audiences publiques, mais tout ça est assez long et assez complexe, ne serait-ce que le temps de rédaction des études d'impact et le temps d'analyse par le ministère de l'Environnement, mais, si on veut presser indûment le rythme de développement économique, on risque de s'engouffrer dans un cul-de-sac. C'est ce que je crains, et je crains que, finalement, ça soit les

institutions qui en souffrent. Si le gouvernement, et je ne fais pas de reproche, mais si le gouvernement, effectivement, maintient une volonté de développement économique très fort, il est possible qu'Hydro-Québec soit placée dans une situation qui soit vite intenable. Ce seraient, à toutes fins pratiques, les conditions idéales pour qu'Hydro-Québec soit placée en situation d'antagonisme, par rapport à la population du Québec, plutôt que d'être considérée comme une alliée, tout simplement. Peut-être qu'il ne faut pas favoriser la détérioration du climat. C'est un peu une des choses que je crains.

Évidemment, ça me ramène à une vieille idée qui est la mise en vigueur de l'article 2n du règlement sur les études d'Impact, qui assujettirait les grands projets industriels du Québec à la procédure. Je ne le fais pas pour hurler avec les loups, parce que beaucoup de gens le demandent. Je trouve qu'il serait normal, cependant, de soumettre les grands projets de développement à la même procédure et aux mêmes contraintes que le développement hydroélectrique lui-même. Parce que, si on met les contraintes seulement du côté du développement hydroélectrique, encore une fois, on augmente la pression sur les institutions, et c'est une chose qu'il serait possible d'éviter si on mettait en vigueur l'article 2n du règlement sur les études d'impact.

Là encore, il n'est pas tout d'exiger que les mécanismes soient respectés. Évidemment, mon propos, vouh l'uviv remarqué, porte aurtout sur l'environnement, mal» on parle do ce qu'on connaît, et c'est sous cet angle que j'aborde le problème. À mon sens, ce n'est pas tout d'exiger qu'Hydro-Québec porte le fardeau de réaliser des études d'impact environnemental qui soient adéquates, encore faut-Il que le gouvernement, que l'État, que le ministère de l'Environnement soit équipé pour faire face à ce travail. Lorsqu'on regarde le rythme prévu de mise en chantier dans le programme de développement d'Hydro-Québec, je ne vois pas comment le ministère de l'Environnement va réussir à faire le travail. Il y a déjà des problèmes au niveau du ministère, depuis plusieurs années, de sous-équipement, de personnel à la direction des études d'impact. On a beau maintenant vouloir engager du personnel et dégager des crédits, il n'en demeure pas moins que, je sais, par expérience, que les analystes capables de prendre les études, de les analyser, de les comprendre, de les valider, de les critiquer demandent beaucoup d'expérience. Ce n'est pas quelqu'un fraîchement sorti de l'université qui peut faire ce travail. Ce n'est pas, non plus, quelqu'un qui a déjà plusieurs années d'expérience d'analyse, mais qui n'a jamais travaillé dans les dossiers d'études d'impact complexes d'Hydro-Québec qui peut y parvenir. Or, on a beau sortir continuellement des dossiers et des études d'impact, encore faut-il que le ministère de l'Environnement soit équipé pour les traiter. Présentement, je sais que le ministère de l'Environnement ne peut pas traiter tout ce qui s'en vient au cours des prochaines années. C'est un problème, parce que, tôt ou tard, on va se retrouver, encore une fols, avec des pressions démesurées sur l'institution. Or, je suis tenant de la protection de l'institution, comme vous remarquerez, qui est à la fois la Loi sur la qualité de l'environnement, le ministère de l'Environnement, la crédibilité d'Hydro-Québec et la crédibilité du gouvernement et aussi, à toutes fins pratiques, le respect de la population du Québec dans tout ça.

Je pense que les économies d'énergie, d'autre part, c'est une chose absolument essentielle et je crois même que, si on prétend adhérer aux conclusions de la commission Brundtland, c'est la seule façon qu'on peut inscrire le Québec dans les conclusions de la commission Brundtland. Parce que c'est finalement là qu'on est le plus carence, donc c'est là qu'on peut le plus s'améliorer. Là encore, je ne crois pas qu'il soit possible d'arriver à un résultat tangible en matière d'économies d'énergie si on ne fait pas des économies d'énergie un véritable grand projet national, De la même façon qu'on a fait de Manie, à l'époque, un grand projet national, ou qu'on a fait de la première Baie James un grand projet national. Les économies d'énergie, c'est bien beau d'en parler, mais encore faut-il en faire quelque chose d'attrayant. Or, présentement, je ne suis pas sûr qu'on soit partis pour en faire quelque chose d'attrayant. Ça va prendre une espèce de génie pour réussir à faire avaliser ça et en faire quelque chose de stimulant.

Je donnais juste un exemple à la blague, on pourrait se fixer des objectifs mensuels, trimestriels, faire des baromètres comme Centraide et tout, en se disant: Atteindrons-nous nos objectifs annuels d'économies d'énergie? Mais je pense qu'en se creusant les méninges on pourrait en faire un projet national. Si on n'en fait pas un projet national, c'est peine perdue, on n'y parviendra pas. On n'y parviendra pas, parce que, pour y parvenir, il faut changer les habitudes de consommation d'électricité. Et ça, ça ne peut pas se faire sans toucher le coeur des gens. Ce n'est pas qu'une question de tarification, bien que je sois convaincu qu'il va falloir aussi, parmi les moyens utilisés, prévoir des aménagements de la grille tarifaire domestique, entre autres, pour y parvenir. (20 h 45)

Mais, ceci dit, je ne souscris pas non plus totalement à ce que j'appelle la grand-messe de l'environnement qui fait que la panacée serait les économies d'énergie. Je crois, d'une part, et pour trois raisons... D'une part, je crois qu'on ne parviendra pas à atteindre les objectifs que l'on vise. Deuxièmement, je ne crois pas qu'on parvienne à les atteindre dans un temps relativement bref. Troisièmement, des gens disent - parce que j'ai lu ça dans quelques mé-

moires, avec beaucoup de respect, je ne suis pas tout à fait d'accord - pourquoi ne pas investir dans les économies d'énergie tout ce qu'on veut investir dans les grands projets hydroélectriques? Pour la simple et bonne raison que les prêteurs ne prêteront pas sur un programme d'économies d'énergie. Ils vont prêter sur du béton. Tout ça doit être financé et on ne finance pas vraiment facilement un programme d'économies d'énergie.

Donc, je pense que, si c'est une chose essentielle, ça peut passer par un programme très stimulant qui soit un sujet de fierté, mais ça connaît aussi certaines limites qui peuvent être atteintes plus vite qu'on le croit, et il faut rester méfiants de ce côté-là.

J'ai été témoin, du temps que j'étais vice-président du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, ayant eu à tenir un certain nombre d'enquêtes où Hydro-Québec était impliquée, des carences au niveau procédural ou méthodologique de rédaction des études d'Impact. J'ai eu l'occasion de voir évoluer les choses. J'ai eu l'occasion, depuis quelques années, de faire partie de ce comité d'experts qu'Hydro-Québec convoque deux jours par deux mois, en gros, pour le consulter sur un certain nombre de problèmes environnementaux et se faire critiquer, et j'ai vu de quelle façon la méthodologie avait évolué. Lorsqu'on dit maintenant qu'Hydro-Québec fait peu de cas des études d'impact et tout, je pense que c'est faux. Hydro-Quebec a développé - et je le dis sans passion, mais je me crois autorisé à le dire - je pense qu'Hydro-Québec a réalisé des pas de géant dans la qualité méthodologique de ses études d'impact, qu'il y a là un acquis. Ce que je crains, cependant, c'est que les mécanismes de réception, d'analyse et de contrôle ne soient pas à la hauteur. Mais, au niveau méthodologique, je crois qu'il y a là des efforts considérables qui ont été faits. Mon autre crainte est que nous perdions la mémoire de tout ce qui est fait là, et il faudrait rendre plus facilement accessible l'océan d'information qui est contenue dans les études de répercussions environnementales d'Hydro-Québec.

On parle, évidemment, beaucoup des études d'impact cumulatif. C'est un sujet qui est à la mode, et je voudrais mettre en garde la commission, bien humblement, si vous me le permettez, sur ce qui est peut-être un peu un mirage que sont ces fameuses études d'impact cumulatif. En gros, une étude d'impact a pour objet d'étudier les conséquences, les impacts qu'un projet donné aurait sur un milieu donné. Les études d'impact cumulatif ont pour objet d'étudier les impacts qui ne naissent pas d'un projet lui-même, mais de la conjonction de deux ou de plusieurs projets, quels sont les impacts qui ne sont pas propres à un projet, mais qui apparaissent lorsque plusieurs projets sont mis ensemble.

Or, ces études d'impact cumulatif sont encore à l'âge de pierre. À ma connaissance, il n'y a qu'Hydro-Québec qui a commencé à déve- lopper une méthodologie sur les études d'impact cumulatif. Si on attend, cependant, les études d'impact cumulatif et les résultats des études d'impact cumulatif pour agir, il risque d'y avoir de grands délais qui vont s'écouler. Est-ce qu'il est préférable d'aller de l'avant sans savoir vraiment quelles sont les conséquences de l'accumulation des grands projets hydroélectriques? Peut-être, mais il n'en demeure pas moins qu'il ne faut pas croire que c'est pour demain la veille. Il y a encore certainement pour cinq ans de travail avant que l'outil, qui sera important, des études d'impact cumulatif soit à point. Ce n'est certainement pas pour l'an prochain qu'on va voir des résultats très intéressants, d'autant plus que l'exercice ne peut pas être fait uniquement par Hydro-Québec, mais qu'il dort être fait en conjonction avec d'autres utilisateurs, d'autres formes d'énergie, d'autres formes de grands projets

Ceci dit, je conclus sur deux Wees qui me sont chères. La première, c'est qu'il y a un certain nombre de cours d'eau au Québec qui ont le droit de couler sans être dérangés et, a mon sens, l'objectif collectif du Québec ne devrait pas être d'harnacher et d'utiliser la moindre ressource hydrique du Québec. La nature a le droit d'exister en elle-même et pour elle-même et non pas uniquement au service de l'homme.

Je pense qu'il y aurait lieu d'identifier un certain nombre de cours d'eau à grand potentiel, dès maintenant, de façon à les verser dans un fonds collectif de rivières auquel on toucherait le moins possible et qu'on renoncerait à utiliser, non pas pour verser les miettes lorsqu'on aura harnaché tout ce qui est beau et bon, mais pour Identifier, maintenant, ce qui devrait être protégé coûte que coûte pour l'avenir

Une dernière Idée à laquelle je suis très sensible, parce que j'y al été confronté à quelques reprises, et c'est encore une mise en garde que je fais, bien humblement, il ne faut pas sous-estimer le jugement extrêmement négatif qui est en train de se bâtir dans la communauté internationale à propos du sort fait aux autochtones du Québec. J'ai eu l'occasion d'être confronté dans des réunions, à gauche et à droite, où j'ai senti une incompréhension à peu près totale, une ignorance souvent absolue, mais quand même un jugement qui se bâtit. J'ai eu l'occasion, il y a quelques semaines, à Munich, de dire à un groupe de savants, là-bas, qu'ils étaient en train d'aborder - c'était un peu méchant - le problème des autochtones du Québec de la même façon qu'ils avaient abordé le problème des bébés phoques, c'est-à-dire qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent, mais ça ne les empêche pas de causer.

Je crois que c'est en train de se bâtir et, s'il n'y a pas des efforts qui sont faits pour essayer d'informer la communauté internationale, nous allons nous retrouver probablement avec un jugement extrêmement négatif sur le Québec,

qu'il ne faut pas sous-estimer. Je suis certain que ça peut être absolument fatal. L'Allemagne est en train de se construire une idéologie qu'elle cherche depuis 40 ans, et cette idéologie tourne autour de l'environnement. L'Allemagne, par contre, aura besoin d'énergie, aura probablement besoin d'hydrogène liquide, mais l'Allemagne ne pourra jamais être un client du Québec si nous ne réussissons pas à débloquer ce problème du sort fait aux autochtones, qui est un problème considérable. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. Yergeau. Mme la ministre.

Mme Bacon: M. Yergeau, nous écoutons toujours vos propos avec beaucoup d'intérêt. Il nous apparaît, à la suite de certains témoignages - vous vous êtes référé à certains témoignages et à la lecture de certains mémoires - qui ont été faits devant notre commission que la qualité des travaux d'Hydro-Québec en environnement, que vous soulignez, n'est pas reconnue à son mérite par les groupes. A quoi pouvons-nous attribuer une telle situation?

M. Yergeau: Remarquez que j'ai certainement autant de problèmes que vous, madame, à comprendre. Il y a une mauvaise diffusion de l'information. Hydro-Québec s'y est peut-être prise trop tard. Hydro-Québec est partie peut-être un peu en retard, peut-être que ce n'était pas de mauvaise foi, non plus, parce qu'il fallait bien commencer quelque part. Hydro-Québec a accumulé un certain nombre de jugements très négatifs sur ses études, entre autres, dans les premières années du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, et je dois confesser que j'en suis, parfois, un peu l'auteur parce qu'on s'est retrouvé dans des situations qui étaient critiquables et qui ont été critiquées.

Je pense qu'un tournant pour Hydro-Québec dans sa crédibilité au niveau des études ça a été le dossier de Grondines, l'impression qui est restée dans la tête de plusieurs qu'Hydro-Québec avait caché le résultat de certaines études pour éviter le passage sous-fluvial. Il y a eu une accumulation de critiques et de dossiers négatifs qui ont laissé une mauvaise impression. Pourtant, lorsqu'on regarde de près la méthode qui est utilisée, la rigueur, la vastitude des sources d'information qui sont recherchées, je crois qu'on a là, méthodologiquement, quelque chose qui est en train d'être au point. Je ne dis pas absent de critiques, et c'est pour ça que je m'inquiète de l'autre bout, à la réception, au ministère de l'Environnement, de ce qu'on peut faire comme critique, mais je trouve que, méthodologiquement, c'est bien fait, mais ça ne passe pas. Ça, c'est le drame, présentement, d'Hydro-Québec. Je pense qu'Hydro-Québec n'a guère de crédibilité.

La semaine dernière, je lisais, dans le journal... Je plaidais à Roberval, je n'y ai pas assisté, mais je sais qu'il y a eu une conférence de presse très longue, qui a été donnée par Hydro-Québec, pour expliquer son bilan de ses études en environnement et tout. Ce que j'ai lu dans le journal, ça a été une opération de relations publiques. Il y a là effectivement une difficulté, une crainte pour beaucoup de monde de se laisser flouer et, donc, qu'on assimile très facilement le travail qui est fait en environnement, qui est un travail sérieux, pour voir les gens travailler, mais qui est confondu avec des opérations de relations publiques. C'est toujours le résultat qu'on retrouve.

Mme Bacon: Je pense qu'on assiste en ce moment... Ce que vous venez de dire donne raison à une certaine crise de confiance de plusieurs groupes par rapport à la crédibilité des études qui sont exécutées par Hydro-Québec ou pour son compte. Il faut dire aussi que cette situation rend difficile la concertation et peut facilement conduire les discussions à une impasse. Je pense qu'on l'a vu dans certaines situations. Comment peut-on résoudre un problème comme ça? Par quel mécanisme, par quel moyen les citoyens ou les groupes pourraient-ils reconnaître à leur mérite des études qui sont faites par Hydro-Québec ou pour Hydro-Québec? Est-ce qu'il serait nécessaire, par exemple, d'avoir dans tous les cas recours à une expertise externe pour faire valider ce qui est fait à Hydro?

M. Yergeau: Le problème, c'est que l'expertise externe risque d'être moins compétente que l'expertise interne souvent. Il ne faut pas se le cacher. Il y a beaucoup de sujets qui ne sont étudiés finalement que dans le cadre des études d'Hydro-Québec. Donc, souvent, les gens les plus compétents, c'est ceux qui les font et non pas ceux qui sont de l'extérieur.

Évidemment, ça peut aider. Mais, quant à moi, je pense que la première chose à faire, ce serait de mieux préciser les rôles, le rôle du gouvernement et le rôle d'Hydro-Québec. En lisant les mémoires, j'ai souvent l'impression qu'on considère que c'est Hydro-Québec qui définit la politique énergétique du Québec. Je sais que ce n'est pas ça. Mais la perception est celle-là. Peut-être qu'il y a une confusion des rôles. Si le gouvernement décide, comme c'est son droit le plus absolu, qu'il faut favoriser un développement industriel massif qui implique une forte consommation d'électricité à prix relativement bas, c'est un choix politique qui doit être annoncé comme étant un choix politique qu'Hydro-Québec doit par la suite exécuter. Mais ce n'est pas Hydro-Québec qui décide du nombre d'alumineries ou qui décide finalement de mettre beaucoup de pression pour faire venir des industries ou pour l'établissement d'industries qui

sont énergivores. Je pense qu'il y a un problème, d'abord et avant tout, au niveau de la confusion des rôles entre Hydro et le gouvernement. Si c'était nettoyé, si Hydro était plus perçue non pas comme celle qui définit les politiques et les réalise, mais celle qui est là pour fournir de l'électricité selon les besoins, déjà ça irait mieux. Mais, évidemment, je crains aussi une espèce d'accélération de la demande d'électricité et, à ce moment-là, c'est Hydro-Québec qui va casquer, qui va porter toute la responsabilité.

Mme Bacon: À la notion de connaissances ou de diffusion des connaissances se rattache aussi toute la question de la limite des connaissances, qui se traduit par la notion d'Incertitude, la notion de risque. En environnement, comme dans tout autre domaine de l'activité humaine, la gestion du risque fait partie intégrante de toute décision d'intervention. En admettant que l'évaluation des risques est de nature scientifique et que leur acceptabilité est de nature sociale, à qui selon vous doit-il appartenir de déterminer si un risque est acceptable, raisonnable, "gérable"? Est-ce que c'est aux spécialistes de l'entreprise? Est-ce que c'est à la population, au gouverne ment, à des experts externes, à tout autre organisme? Quel doit être le rôle à ce moment-là d'audiences publiques, comme le BAPE, par exemple?

M. Yergeau: Voilà, je pense qu'on a mis en place... Et, quand je parlais de mon respect des institutions tantôt, c'est ça. Je pense qu'on a mis en place les mécanismes pour faire ces analyses. En bout de piste, la décision appartient à l'Etat. Ce n'est pas Hydro qui décide. Ce n'est pas le Bureau d'audiences publiques qui décide. C'est le gouvernement qui décide. Ça, c'est toujours très important de le souligner.

Ceci dit, dans la mesure où on prend le temps et où on donne le temps aux institutions de jouer leur rôle, d'où me crainte de la précipitation de tantôt, à ce moment-là, je pense qu'on a mis en place les mécanismes pour permettre aux gens de s'informer, de critiquer, d'entendre les experts et de laisser un organisme qui est jusqu'à maintenant neutre et crédible... Et, Dieu merci! le Québec est doté du Bureau d'audiences publiques qui est un organisme éminemment crédible, bien qu'il ait connu certaines embardées dans les derniers mois et certaines critiques, mais c'est encore un organisme émi-nement crédible, et il faut faire jouer ce rôle-là à plein, à mon sens. (21 heures)

II faut pouvoir permettre au Bureau d'audiences de jouer son rôle et il faut profiter de la crédibilité que l'organisme a réussi à bâtir, depuis 10 ans. Mais en matière de gestion des risques, de toute façon, c'est le gouvernement qui va devoir trancher dans tous les cas. Et ce sera toujours sa responsabilité. Je verrais d'un très mauvais oeil, par exemple, que ce soit le Bureau d'audiences publiques qui devienne décisionnel Le jour où le Bureau d'audiences publiques deviendra décisionnel, à ce moment-là, son rôle va se ratatiner nécessairement. Il ne pourra plus faire l'analyse large qu'il faisait jusqu'à maintenant, puisqu'il va être confiné à des balises très étroites. On va y perdre, on n'y gagnera pas, et la décision ne sera pas mieux prise. Je ne crois pas au gouvernement des juges. Je crois au gouvernement qui exerce son droit de gouvernement et ses responsabilités de gouvernement.

Mme Bacon: Le gouvernement s'est engagé à réviser la procédure d'autorisation de consultations publiques sur les grands projets d'Hydro-Québec. À votre avis, quelles seraient les améliorations à apporter, en priorité, à cette procédure?

M. Yergeau: La première chose, c'est de pouvoir aller devant le public, avec les grands enjeux, le plus vite possible. Systématiquement, dans les audiences d'Hydro-Québec, par exemple - parlons de celles-là, puisqu'on parle de l'électricité - la critique a toujours été... Écoutez, on est en train de discuter de la dentelle, c'est-à-dire de savoir où on va passer la ligne. Je me souviens de l'audience publique sur la troisième ligne du réseau de transport de la Baie James - ça fait maintenant 10 ans de ça - on discutait si c'était pour passer sur le terrain de golf ou à côté. Et, petit à petit, les gens ont pris conscience, toujours, que ça venait bien tard parce que les décisions de fond, c'est-à-dire est-ce qu'on va en passer une ligne ou si on n'en passera pas, ça, ça avait été décidé en amont, ça avait été décidé avant. Or, à mon sens, il est nécessaire de pouvoir aller fournir l'information et écouter les réactions des gens aussi vite que possible sur les grands enjeux. Et, d'autre part, essayer d'aller en audiences publiques, non pas sur tous les projets, mais sur des projets types, en laissant un mandat large au Bureau pour qu'ensuite l'audience puisse servir de précédent dans d'autres projets du même type. Il ne faut pas essouffler le monde. La consultation publique, on n'a pas ça, personne dans notre code génétique, n'est-ce pas? C'est fastidieux, c'est difficile et les gens n'ont pas vraiment l'habitude. Donc, il ne faut pas y aller à tout bout de champ. Il ne faut pas en faire d'abus. Il faut y aller bien comme II faut, bien soigneusement, donner le temps aux gens d'Intervenir et ensuite, faire des analyses qui servent de précédent.

Par exemple, lorsque le Bureau d'audiences publiques avait tenu une audience sur le déversement de la neige usée, dans le projet du quai à neige de la ville de Montréal, après ça, on n'a pas eu besoin d'une seule audience. Le problème était réglé. L'analyse avait été faite et, de fait, depuis ce temps-là, on vit sur le vieux-gagné,

sur les conclusions du Bureau d'audiences publiques, en disant: II faudrait trouver des méthodes et politiques, et ainsi de suite. Ça n'a pas été fait, mais on no change pas... On ne bâtit pas Paris en un jour. Ça va finir par se faire. Mais il faut y aller sur des cas types. Il faut fournir une information qui est la plus complète et vulgarisée possible. C'est la pire information à fournir, parce qu'elle doit être complète, et non pas partielle et pleine de trous. Par contre, il faut qu'elle soit compréhensible par ceux que la chose intéresse. On ne fera jamais venir à des audiences publiques le tout Québec. Ça va toujours représenter une frange de la population. Ça, ce sont les conditions essentielles pour que ça marche. Mais, surtout, y aller le plus vite possible, ça, ça me semble essentiel. Ne pas mettre indûment de pression sur l'institution, alors qu'il est possible de faire les choses dans le respect du monde. Quand on n'en fait pas trop, c'est possible. Quand on essaie d'en faire trop, c'est là que ça cafouille.

Mme Bacon: Vous soutenez, M. Yergeau, qu'il faut reconnaître la qualité exceptionnelle de certains cours d'eau et renoncer à en exploiter le potentiel hydraulique. Certains régimes juridiques prévoient expressément la conservation, la protection d'espaces naturels, notamment la Loi sur les parcs. Croyez-vous qu'il soit souhaitable d'étendre la protection intégrale au-delà de ces lois et, d'autre part, ne croyez-vous pas qu'il soit possible, suite à un aménagement hydroélectrique, de développer des conditions qui rendent environnementalement acceptables les modifications au cours d'eau original?

M. Yergeau: Oui. C'est une question qu'on me pose souvent et, de fait, je pense qu'il est toujours possible d'améliorer la nature. Je ne dis pas que la nature est une chose figée, et, quand je parie de la nature, j'emploie la nature dans le sens romantique allemand du XIXe siècle. Donc, c'est très spécifique. Mais II est toujours possible d'améliorer la nature. Cependant, je pense qu'on a aussi l'obligation, parfois, de reconnaître que certains cours d'eau devraient rester dans l'état où ils sont et de permettre à la nature d'opérer à son rythme à elle. Évidemment, il y a quelques siècles, lorsqu'on faisait des mégaprojets, on ne changeait pas la surface de la terre. Quand on a construit la grande muraille de Chine, on n'a pas modifié la surface de la terre. Et, pourtant, c'était des projets cyclopéens. Mais maintenant, quand on fait des projets cyclopéens chez nous, on change des provinces entières, parce qu'on a de l'équipement, et on le fait. Non seulement parce qu'on le fait, mais en plus de ça on le fait à un rythme que la nature ne connaît absolument pas. La nature change toujours, excepté qu'elle prend mille ans là où on prend six mois avec des béliers mécaniques. Or, ce que je dis, c'est que, môme si je crois qu'on peut améliorer la nature et la mettre à notre main, il y a aussi Un certain nombre de choses qu'il faut laisser là et qu'il faut juste laisser là. Une rivière a le droit du couler en paix, comme je le dis tout le temps, et II y en a un certain nombre, au Québec, qui devraient être conservées, même si elles ont un grand potentiel énergétique. Et là, je ne donne pas de noms, parce que je dis que c'est un travail qui devrait être fait par l'État, qui devrait dire: Procédons à une analyse. Qu'est-ce qu'on retire du potentiel hydroélectrique et à quoi renonce-t-on? Parce que je pense que si on prétend adhérer au principe du développement durable... Le principe du développement durable, c'est, dans une certaine mesure aussi, renoncer à certaines choses. C'est renoncer à certaines habitudes et c'est renoncer à certains projets même s'ils sont très attrayants. Et il faut avoir cette capacité de renoncer. Or, je pense qu'il doit bien y avoir dans notre patrimoine de rivières non exploitées un certain nombre de rivières qui devraient être là, tout simplement.

Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, Mme la ministre, je vais maintenant reconnaître M. le député d'Ungava.

M. Claveau: M. Yergeau, il me fait vraiment plaisir d'entendre votre exposé, qui est assez complet et qui, je pense, va nous éclairer. Vous avez parlé de la question des études d'impact et vous disiez avoir de la difficulté à comprendre pourquoi les études d'impact sont si mai perçues par la population. J'ai presque envie de vous conter une petite histoire personnelle...

Le Président (M. St-Roch): Oui, oui.

M. Claveau: Vous savez, pour être personnellement né sur une terre du Lac-Saint-Jean qui avait été, en partie, inondée par l'AJcan ou par Saguenay Power au moment de la construction du barrage de l'île Maligne, pour avoir eu un père qui a travaillé pendant plus de 30 ans dans la construction et dans l'opération de centrales hydroélectriques, pour avoir moi-même eu mon premier emploi rémunéré dans une centrale hydroélectrique, pour avoir vécu avec ma famille pendant plus de 14 ans dans une "company town" fermée appartenant à une compagnie exploitant une centrale hydroélectrique, et pour vivre maintenant depuis plus de 10 ans sur le territoire cri de la Baie James, je peux vous dire qu'à l'intérieur de moi, dans les fibres les plus sensibles de mon être, si vous voulez, sans vouloir faire de poésie, je comprends, moi, pourquoi les gens ont de la difficulté à croire les études d'impact. Parce qu'on s'est tellement fait avoir historiquement avec ces études d'impact là, lorsqu'on parlait d'inondations territoriales, qu'aujourd'hui il est à peu près impossible pour ces gens-là de comprendre qu'à partir d'une

petite étude on puisse régler tous les problèmes Depuis mon enfance, j'ai toujours vécu, ma famille a toujours vécu dans des problèmes reliés aux problèmes des centrales hydroélectriques, et on en a entendu parler tellement, et on a vu tellement d'à-côtés négatifs, finalement... Môme si je dois dire, à la décharge de la production d'électricité, que c'est peut-être à cause d'elle que l'on a vécu jusqu'à maintenant, dans ma famille, il reste qu'on a vu tellement d'impacts négatifs qu'on a de la difficulté... Et tous ceux qui ont vécu dans une même situation que la mienne ont beaucoup de difficulté à croire que l'on puisse, à partir d'une étude, trouver des solutions. Et on a eu exactement un exemple semblable qui nous a été présenté ici par les Amis de la rivière Moisie, qui sont venus nous présenter trois études réalisées, coup sur coup, années après années, et qui, finalement, finissent par se contredire toutes les trois. Alors, comment voulez-vous que l'on puisse y croire, tout simplement.

M. Yergeau: Je suis totalement d'accord avec vous, et je pourrais vous relancer avec une autre histoire. Parce que je me souviens du Dr Frappier qui me racontait, il y a quelques années, le déchirement qu'il avait connu lorsqu'on a construit Beauharnois, parce qu'il venait de la région de Valleyfield. Et les promesses qui avaient été faites, et le résultat que ça a finalement donné sur le terrain, la destruction du village, et ainsi de suite... Mais je suis tout à fait d'accord avec vous, et il est bien évident qu'une étude d'impact, ce n'est qu'une étude d'impact, hein, ce n'est que ça, ce n'est pas plus que ça. C'est l'instrument qu'on a développé, en Amérique du Nord et dans la plupart des pays industrialisés, pour essayer de prévoir avec assez de précision quels seront les effets d'un projet. Ce que je dis, ce n'est pas que les études d'impact sont infaillibles. Je dis qu'Hydro-Québec a réussi à développer une méthodologie qui est une méthodologie sérieuse. L'analyse qui est faite ensuite, le jugement politique qui est posé et la qualité des mécanismes de vérification des études d'impact sont aussi importants que l'étude d'impact elle-même. L'étude d'impact est un outil récent, c'est un outil qui, à toutes fins pratiques, a quinze ans, ce qui est finalement très jeune, pour créer un nouvel outil de connaissance, et je dis que ça s'est considérablement amélioré. Je dis que la façon dont on va chercher l'information pour bâtir les études d'impact, c'est-à-dire les outils dont on s'est dotés - les outils cartographiques, les inventaires, et ainsi de suite - sont de plus en plus raffinés. Ils ne seront jamais infaillibles, et c'est encore une technologie ou une méthodologie qui est neuve. Sauf que, entre jeter la pierre et dire: Les études d'impact sont mal faites et sont trompeuses, et dire: Voilà la perfection, il y a comme une marge entre les deux. Et je dis que, comme témoin, peut-être un témoin privilégié qui a vu évoluer les études d'impact au Québec depuis une douzaine d'années, je trouve que la méthode d'Hydro-Québec s'est considérablement améliorée. Mais elle ne sera jamais meilleure que le chaînon le plus faible de la chaîne. Or, je crains que le chaînon le plus faible soit justement l'analyse qui en est faite par le ministère, non pas par manque de volonté ou par incompétence, mais par manque de ressources. Si on regarde les échéanciers qui sont dans le plan de développement et, donc, la pression qui va être mise sur le ministère de l'Environnement pour procéder à l'étude de ça, ce n'est pas la fin du monde, vous savez. Entre le moment où une étude d'impact est remise et le moment où le projet peut être autorisé, comptons un an, et on fait bien le travail Mais on fait bien le travail dans la mesure où il y a quelqu'un pour le faire et quelqu'un d'expérimenté. Or, c'est ça que je crains un peu, à ce niveau-là. C'est qu'on s'y soit pris peut-être un petit peu tard pour équiper le ministère, pour être capables de faire face à la musique qui va être assez bruyante dans les prochaines années, mettons pour les cinq prochaines années, à ce niveau-là.

M. Claveau: Vous nous avez parlé d'un certain nombre de choix qu'on aurait à faire, éventuellement, entre autres de la préservation de rivières auxquelles on ne voudrait pas toucher.

M. Yergeau: Oui.

M. Claveau: Et je donnerais, à titre d'exemple, la rivière Ashuapmushuan, au Lac-Saint-Jean, qui est la seule rivière qui n'a pas encore été harnachée dans la région; la rivière Moisie, sur la Côte-Nord, et, éventuellement, la Haute-Mauricie, bon! Il y a des trucs semblables et là-dessus je partage totalement votre opinion en ce qui me concerne. Mais là où j'ai un problème, c'est: Est-ce que vous ne croyez pas qu'au moment où l'on se parle, étant donné les engagements qui sont faits et étant donné aussi - ce sur quoi je reviendrai tout à l'heure, au niveau du genre de mégaprojet de conservation d'énergie dont on pourrait peut-être rêver ensemble... Étant donné tout ça, ne croyez-vous pas ou n'avez-vous pas la crainte qu'il soit trop tard, au moment où l'on se parle, pour pouvoir intervenir là-dedans, ou s'il est toujours possible de faire le virage avant qu'il ne soit trop tard?

M. Yergeau: A mon sens, c'est possible de le faire, et je ne suggère pas qu'on mette un arrêt sur toutes les rivières du Québec. Ce que je dis, c'est qu'il faudrait dès maintenant procéder à une espèce d'analyse et dire: Bien, écoutez, qu'est-ce qu'on considère comme absolument important?

II y a quelques années, je vous donne un exemple, il était question de harnacher les rapides de Lachine. Et je vais violer un secret de délibération du Comité consultatif sur l'environnement d'Hydro-Québec - je suis lié par le secret, normalement, mais l'histoire est trop drôle et, finalement, c'est déjà sorti. Il y avait un projet qui consistait, à toutes fins pratiques, à rebâtir les rapides de Lachine. Donc, on construisait une centrale, on les rebâtissait à un demi-mille en aval et on refaisait un peu avec du béton le profil actuel, et ça refaisait les rapides de Lachine.

Une voix: Ha, ha, ha!

(21 h 15)

M. Yergeau: Et ce n'était pas bête, ça produisait de l'électricité, c'était justifié de toutes les façons, sauf que... On a amené le Comité consultatif en hélicoptère sur les rapides et tout le truc, puis on est revenus en disant: Bien oui, mais c'est parfait comme ça, il ne faut pas toucher à ça. Il y a des choses qu'il faut pouvoir protéger. Montréal existe pour deux raisons. Montréal existe là où elle est parce qu'il n'était pas possible d'aller plus loin, à cause des rapides, et ça s'appelle Montréal à cause de la montagne. Il y a deux affaires qu'il faut protéger absolument: la montagne et les rapides de Lachine. Mais c'est devenu une évidence et, effectivement, ça a été un projet qui a été mis sous le boisseau et qui a été abandonné. Évidemment, ça a été un choix de dire, à un moment donné: Bien, c'est vrai, économiquement, c'est peut-être bon, mais, par contre, il y a de telles embûches et il y a aussi une espèce de patrimoine à préserver, et les rapides de Lachine font partie de ce patrimoine-là. À toutes fins pratiques, ça n'a pas été un bien long combat et je pense, maintenant, que c'est un peu aux oubliettes, comme projet. Ça reviendra quand on sera en état de carence. Il y aura toujours quelqu'un pour dire: On va harnacher les rapides de Lachine. Mais ça, c'en est un exemple. Il est possible de dire, non pas pour l'ensemble du Québec, mais pour un certain nombre de cours d'eau: Versons ça dans notre patrimoine commun, laissons i'eau couler là-dedans, laissons les saumons remonter et tout... Mais je vous le dis, je ne les identifie pas, parce que, moi, je ne suis pas l'expert, je suis juste avocat. Donc...

M. Claveau: II y a un groupe qui nous disait, cet après-midi, d'après eux, au moment où on se parle, qu'il était trop tard pour modifier les plans d'Hydro-Québec en ce qui concerne la rivière de la Grande Baleine et que, même pour NBR, il était peut-être déjà un peu tard, mais que l'on devait remettre en question tous les autres projets qui suivraient ou qui seraient parallèles à ces deux grands projets, ce qui leur semblait essentiel pour pouvoir assurer au Québec le taux, le volume énergétique dont on aura besoin au tournant de l'an 2000, tout en développant, en parallèle, une dynamique d'énergie alternative ou de cogénération, enfin, d'autres sources énergétiques et de préservation ou de conservation d'énergie. Est-ce que vous seriez tenté de croire, d'abonder dans le même sens?

M. Yergeau: Je ne me sens pas assez compétent pour porter un jugement à savoir si, effectivement, il est trop tard pour arrêter La Grande. Je sais que les pressions sont très fortes, puisqu'il y a des engagements qui sont pris. Il y a, évidemment, de nombreuses alumine-ries qui se construisent et, à chaque fois qu'on construit une aluminerie, on fait champignonner une ville, à toutes fins pratiques, en termes de consommation. Et ça, compte tenu de l'accroissement naturel de la demande, est-ce que ça veut dire qu'on a absolument besoin de La Grande? Je ne le sais pas.

Ce que je sais, c'est que, plutôt que de vouloir à tout prix mettre un holà et de faire un moratoire sur toute forme de développement hydroélectrique, je pense qu'il faudrait aussi mettre un certain holà sur le développement industriel, parce que l'un ne va pas sans l'autre. SI on arrête, il faut arrêter deux choses, pas juste une. On n'arrête pas juste un train, là, il faut en arrêter deux. C'est bien beau de dire qu'on arrête le développement hydroélectrique, mais si on n'arrête pas le développement industriel, si on ne ralentit pas le développement industriel en proportion, bien, qu'est-ce qui vous arrive? Vous allez vous retrouver... Non seulement vous allez avoir des problèmes majeurs, mais, en plus de ça, on va perdre toute crédibilité. Ça, c'est le propre d'un enjeu politique gouvernemental, mais je me dis qu'il y a une commission parlementaire justement pour aider le gouvernement et Mme la ministre à saisir ce que j'appelais l'aspect 'tricoté serré" de la problématique énergétique.

M. Claveau: Ça nous amène, de soi, sur l'idée dont vous nous avez parlé tout à l'heure, de financer un vaste programme d'économies d'énergie. Vous disiez: II faut en faire un projet national si on veut vraiment que la population embarque et si on ne veut pas que ça reste, à toutes fins pratiques, des interventions isolées ou des voeux pieux. Mais vous nous avez tout de suite refroidis et un peu rabattu les oreilles en nous disant qu'en ce qui concerne le financement de tout ça, eh bien, on pouvait difficilement imaginer le type mégaprojet, enfin, ou financement important. J'aimerais savoir comment vous pouvez combiner les deux, si on ne trouve pas un moyen de financer, d'une façon massive, une intervention semblable ou d'intéresser la population par le biais de campagnes publicitaires et d'Interventions directes - parce que ce n'est pas tout le monde, non plus, qui peut se payer les équipements ou les modifications nécessaires; il

va falloir que quelqu'un les aide, à un moment donné. Alors, si on ne trouve pas le moyen de faire ça, bien, notre vaste projet national peut devenir, lui aussi, un voeu pieux.

M. Yergeau: C'est-à-dire, voici comment je vois la chose. D'une part, ce que je constate, c'est qu'Hydro-Québec va avoir un peu de difficulté à passer à travers ce problème, entre autres parce qu'on ne peut pas avoir vendu par panneaux-réclame pendant plusieurs années le lave-vaisselle à dix sous l'heure, pour soudainement apprendre qu'il faudrait essayer de ne plus faire ça. Donc, Hydro-Québec va être un peu punie pour s'être traîné les pieds, pour avoir laissé tomber ou avoir donné l'impression de laisser tomber le problème des économies d'énergie, pendant les années où l'accès à l'énergie était plus facile. Donc, il y a un écueil de ce côté-là.

Un grand projet national ne coûte pas nécessairement 60 000 000 000 $. Ce que je dis, c'est que je prends l'exemple de quelques personnes qui, au cours des dernières semaines, même dans un ou deux mémoires... Je prends l'exemple de ces groupes ou de ces personnes qui disent: Prenons tout l'argent que l'on prévoit investir dans les grands projets hydroélectriques et utilisons-le dans des programmes d'efficacité énergétique et d'économie d'énergie. C'est là où je dis que, au plan des institutions financières, je ne vois pas comment on peut financer un programme d'économie d'énergie pour d'aussi grands montants. Évidemment, les institutions demandent des garanties et les garanties, normalement, sont en béton; c'est à peine une caricature. Les programmes d'économie d'énergie, ce sont des programmes. Évidemment, il va falloir y mettre de l'argent, il est déjà prévu d'y mettre de l'argent. Mais ce que je dis, c'est qu'en plus de l'argent il va falloir faire preuve de beaucoup d'Imagination, de beaucoup de charisme, de beaucoup de séduction pour réussir à le faire.

Si Hydro-Québec a à se rebâtir une crédibilité, ça va être, entre autres, par ce programme d'efficacité énergétique. Mais ça coûte de l'argent. Ça ne coûte pas 40 000 000 000 $, 50 000 000 000 $ ou 60 000 000 000 $. Ça se finance, sauf que ça ne se finance pas de la même façon qu'un barrage. C'est tout ce que je dis. L'argent n'est pas suffisant. Bien plus important que l'argent, c'est l'imagination pour y parvenir. Quand je lis le plan de développement d'Hydro-Québec, je suis d'accord avec les objectifs, même si je doute de la faisabilité d'un certain nombre de choses. Mais je suis convaincu que c'est profondément ennuyeux, comme présentation, et ce n'est pas avec ça qu'on va réussir à passer à travers. C'est une gentille critique pour Hydro-Québec, mais je trouve que ça donne sommeil, ce chapitre-là. Or, il faut trouver une façon captivante de le faire. C'est à ce prix-là que je dis que ça devient une espèce de projet collectif, un sujet de fierté. Pour moi, c'est beaucoup là la clé, c'est plus que l'argent.

M. Claveau: Quel est, d'après vous, le sort que l'on doit réserver aux moyens alternatifs de produire de l'énergie, par le biais du solaire, de l'utilisation de la biomasse, du gaz naturel ou autrement?

M. Yergeau: Pour le gaz naturel, j'en ai parlé un peu, tantôt. Le solaire, moi, j'y crois beaucoup sauf que, jusqu'à maintenant, on a l'impression que ça demeure toujours une affaire expérimentale et approximative Et on prend toujours pour acquis qu'au Québec, de toute façon, le soleil et nous, c'est deux choses et que si on habitait ailleurs, un peu plus au sud, ce serait plus facile. Je pense que c'est faisable, sauf que c'est une affaire qui n'a jamais été vraiment valorisée, et ça demeure une affaire marginale On peut difficilement, même pour les gens qui sont dans le milieu tout le temps, réussir à voir quelle est la faisabilité, quelle est l'efficacité véritable de l'énergie solaire. Si on réussissait à avoir une meilleure idée des alternatives solaires - parce que je crois plus au solaire qu'à autre chose, le gaz naturel n'étant pas vraiment une énergie alternative, on vit avec depuis longtemps... Si on prend l'énergie solaire, de ce côté-là, il y a sans doute quelque chose, mais on manque nettement d'information, on a de la difficulté à avoir l'heure juste, là-dessus.

Il ne faut pas négliger, il y a des efforts qui ont été fournis, il y a eu des résultats qui ont été atteints, mais ça a été emporté dans le grand courant des dernières années, où on a laissé tomber les dépenses en matière d'énergie alternative, et on ne sait plus trop où c'en est rendu. Il y a eu des efforts à la Polytechnique, à Laval et ainsi de suite, mais il y a une mise au point à faire, de ce côté-là.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remer cie, M. le député. Mme la ministre, il vous reste une minute.

Mme Bacon: Alors, une courte question. Un programme, au niveau de l'économie d'énergie, est-ce qu'on pourrait l'intégrer à toutes les sources d'énergie, ou s'il ne s'appliquerait, selon vous, qu'au niveau de l'énergie électrique?

M. Yergeau: II faut absolument l'intégrer à tous les niveaux. Si on prétend avoir une crédibilité au niveau international et si on veut pouvoir être un exemple - parce que je pense qu'on devrait, au Québec, donner l'exemple - c'est à tous les niveaux. Il est évident qu'il est inutile de vouloir nous faire économiser de l'électricité si on dépense le gaz naturel. C'est vraiment à une sagesse énergétique qu'il faut parvenir. Or, c'est toujours le problème.

C'est de remettre la responsabilité à HydroQuébec de gérer la sagesse énergétique. Mais Hydro-Québec, son rôle, c'est l'électricité. Il faut faire plus que ça. Il faut déborder ça, de la môme façon que je pense - et ça boucle la boucle - qu'il va falloir à un moment donné avoir des états généraux sur l'énergie, parce que tout renvoie à tout. De la même façon, je pense que, lorsqu'on parle de sagesse énergétique, tout renvoie à tout. C'est sur tous les fronts qu'il faut attaquer, et non pas uniquement au niveau de l'électricité, parce que ce serait faire la preuve que notre programme ou notre volonté d'économiser de l'énergie n'est que pour régler un problème ponctuel de faible hydraulicité, de carence ou de retard dans les mises en chantier.

Mme Bacon: D'accord.

Le Président (M. Bélanger): M. Yergeau. M. le député d'Ungava, si vous voulez remercier notre invité.

M. Claveau: M. le Président, il me fait plaisir de remercier M. Yergeau pour sa participation hautement constructive, je pense, aux travaux de cette commission. J'oserais môme dire, pour le féliciter de la vision globale qu'il a du problème énergétique et du problème avec lequel le gouvernement, comme actionnaire d'Hydro-Québec et comme garant des droits de la population du Québec, a à traiter et ce dans quoi II y a des décisions à prendre, qui reviennent au gouvernement. Merci de votre participation.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la ministre.

Mme Bacon: M. Yergeau, je vous remercie beaucoup, j'oserais ajouter, des propos fort rafraîchissants que vous nous avez servis ce soir. Je pense que c'est fort important pour nous. Justement, je suis d'accord avec mon collègue d'Ungava. Cette vision globale que vous avez du dossier est pour nous un atout fort précieux dans la réflexion qu'on doit entreprendre à la fin de septembre.

M. Yergeau: Merci beaucoup, madame.

Le Président (M. Bélanger): M. Yergeau, la commission de l'économie et du travail vous remercie de votre participation à ses travaux.

J'inviterais à la table des témoins M. Gérard Bélanger et M. Jean-Thomas Bernard. Je vais vous expliquer rapidement nos règles de procédure. Vous avez un maximum de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Ensuite, il y a une période d'échanges avec les parlementaires. Dans un premier temps, j'apprécierais si vous pouviez vous identifier et, par la suite, nous présenter votre mémoire. Nous vous écoutons. Je vous remercie.

MM. Gérard Bélanger et Jean-Thomas Bernard

M. Bernard (Jean-Thomas): Jean-Thomas Bernard, professeur au département d'économique et directeur d'un groupe de recherche sur l'économie de l'énergie et des ressources.

M. Bélanger (Gérard): Gérard Bélanger, professeur d'économie publique à l'Université Laval.

M. Bernard: Nous ne représentons pas de groupe d'intérêt. Donc, notre présentation portera principalement sur l'analyse, et beaucoup moins sur les recommandations.

D'abord, un peu d'histoire. M. Bourassa avait précédé sa rentrée politique de 1985 par la publication d'un livre, dans lequel il proposait d'accélérer le développement économique du Québec par la mise en valeur des ressources hydroélectriques non exploitées, dont la production serait acheminée au marché du Nord-Est américain. À cette époque, il avait même avancé le chiffre de 9000 à 12 000 mégawatts qui pourraient être ainsi mis en service, vers l'an 20Q0. La quantité d'énergie associée à un tel projet est à peu près égale à celle de la Baie James phase I, qui a été mise en exploitation entre 1979 et 1986. Une fois les contrats d'exportation expirés, cette énergie et cette capacité devaient être rapatriées pour satisfaire les besoins Internes du Québec. Ce projet de développement fut un élément important du programme électoral qui mena le Parti libéral à la reconquête du pouvoir, en décembre 1985. (21 h 30)

Ce volet du programme électoral fut, à toutes fins pratiques, oublié durant la campagne à l'été de 1989. Par contre, celle-ci fut entourée d'une série d'annonces concernant l'implantation ou l'expansion de quatre alumineries, au Québec. Ces projets, qui n'incluent pas la modernisation des installations de l'Alcan au Saguenay, ajouteraient 670 000 tonnes à la capacité annuelle de production québécoise. Présentement, le Québec compte pour environ 7 % de la capacité mondiale et ceci devrait porter sa capacité à un peu plus de 12 %, suite à l'addition de ces nouvelles affineries ou à ces expansions. Qu'est-il advenu du fameux plan de développement des ressources hydroélectriques pour fins d'exportation? Il semble qu'il ait été relégué aux oubliettes. Ainsi, on pouvait lire, l'automne dernier, dans un magazine qui s'adresse principalement aux gens de l'industrie, le commentaire suivant de M. Guévremont, qui est responsable du marché externe des publications. Et je traduis: "HydroQuébec n'a pas la capacité pour entreprendre de nouveaux marchés pour l'exportation d'électricité durant ce siècle, en plus de ceux qui sont déjà en cours de négociation ou qui ont été approuvés. Les contrats déjà signés et ceux qui sont en cours de négociation ne sont pas en danger,

affirmait M. Guévremont. Mais il n'y a rien qui peut être fait pour des livraisons avant l'an 2000. La croissance de la demande domestique a été plus rapide que prévu."

Hydro-Québec a déjà signé deux contrats qui sont ajourd'hui devant l'Office national de l'énergie, pour une capacité de 1450 mégawatts. Elle poursuit toujours un objectif à long terme de 3500 mégawatts. Des négociations sont en cours pour combler la différence. Il semble que le marché d'exportation ait perdu de son importance par rapport au marché Interne, en particulier le marché industriel.

Les deux grands partis politiques sont favorables à cette orientation d'utiliser l'hydroélectricité pour accroître la production industrielle au lieu de l'exporter. Le Parti québécois avait déjà tracé la voie, dans son énoncé de politique "Bâtir le Québec", et je cite - énoncé qui a été publié en 1979: "II va de soi que ces quantités excédentaires d'électricité pourraient être facilement exportées à l'étranger, mais, dans le contexte de la situation économique actuelle, il est plus logique d'utiliser ces ressources afin d'implanter de nouvelles entreprises et de créer au Québec des effets économiques bénéfiques."

Le gouvernement libéral a appuyé cette orientation lors de la mise à jour de la politique énergétique qui est parue, je crois, en septembre 1988. Et je cite à nouveau: "La modernisation de ce secteur névralgique de l'économie, la venue d'industries grandes consommatrices d'énergie, génératrices d'emplois, le maintien du prix de l'électricité à un niveau relativement bas pour toutes les entreprises sont, pour le gouvernement, des instruments essentiels du développement industriel du Québec."

La politique de développement des ressources hydroélectriques québécoises en faveur de l'exportation représentait un changement significatif par rapport à l'orientation traditionnelle de leur développement associé à l'industrialisation. Pourquoi maintenant ce retour à la normale? Alors, nous allons essayer de répondre à cette question sous deux angles. D'abord, qu'est-ce qui s'est passé? Deuxièmement, qu'en est-il de la rentabilité relative des exportations par rapport à la consommation industrielle au Québec, en particulier celle qui est adressée aux alumineries?

Dans un premier temps, je vais faire une brève synthèse de ce qui est en train de se passer dans le Nord-Est américain, principalement dans la Nouvelle-Angleterre et New York, à partir de deux tableaux. Alors, pour ceux d'entre vous qui ont le mémoire, on va passer très rapidement en revue ce qui est présenté au tableau 1. Ça, ce sont les projections de NEPOOL telles qu'elles ont été publiées au printemps dernier. Il y a des projections sur la demande et des projections sur la disponibilité de capacité. Eh bien, si on regarde d'abord la demande brute, il y a encore un taux de croissance positif relativement élevé, pour une région qui est mature sur le plan économique et sur la consommation de l'énergie. On compte obtenir une assez forte réduction de cette augmentation à partir de différents programmes de gestion de la demande et des économies d'énergie. Il demeure que, pour cette région, on s'attend à ce que la demande croisse de tout près de 2 % d'ici l'an 2000.

Maintenant, si on regarde du côté des disponibilités, il n'y a rien de nouveau du côté du nucléaire. Déjà, la mise en opération de Seabrook est prise en considération. Il y aura un léger déclin du charbon, également du pétrole. C'est de l'équipement qui vieillit et qu'on ne renouvellera pas.

La seule croissance attendue, endogène à la région, ce sont les achats auprès des petits producteurs locaux qui produisent de l'électricité à partir de petits sites hydroélectriques, de cogestions, de cogénérations, et aussi lorsqu'on brûle du bois, des déchets municipaux, et ainsi de suite. Donc, ça, c'est la croissance de la génération qui est assurée d'ici l'an 2000.

J'aimerais lire l'évaluation qui a été faite par le NAERC, le North American Electric Reliability Council, pour les États-Unis, lorsqu'il a porté une évaluation sur le Nord-Est américain. Eh bien, il dit, et Je cite: "La demande de pointe et les projections en ce qui a trait à la capacité de génération nous indiquent que des ressources additionnelles, en plus de celles qui sont déjà engagées, seront requises en Nouvelle-Angleterre aussi tôt qu'en 1993." Moi-même, il y a deux ans, passant une année à Harvard, j'ai subi des coupures de courant, ce que je n'avais jamais expérimenté ici, au Québec, à savoir des réductions do voltage, de sorte que votre ordinateur commence à bousiller, ainsi de suite

Maintenant, si on regarde New York, on n'a pas besoin d'élaborer très longtemps, c'est sensiblement le même scénario, à savoir qu'on compte encore une fois sur des programmes assez généreux de gestion de la demande pour réduire la croissance de la demande. Encore une fois, ici, il faut se rappeler qu'on parle de régions qui sont matures sur le plan économique, qui ont un taux de croissance relativement soutenu, mais on ne connaîtra certainement pas la croissance exceptionnelle, en ce qui a trait à la Nouvelle-Angleterre, que l'on a connue au cours des deux dernières décennies. Elle, elle prévoit également une croissance de la demande.

En ce qui a trait aux disponibilités pour l'État de New York, bien, encore une fois, le nucléaire, c'est statique, le charbon, c'est statique, le pétrole, c'est statique. La seule augmentation qui vient, encore une fois, ce sont les achats externes - le contrat avec HydroQuébec - et aussi des espérances assez généreuses auprès des petits producteurs locaux, de sorte que ces deux réglons vont connaître ce

qu'on appelle un rétrécissement de leurs réserves, et on entrevoit des difficultés en ce qui a trait à leurs capacités de rencontrer leurs propres demandes dans la décennie qui vient.

Maintenant, regardons un peu ce qui se passe au Québec. Dans le tableau 3, j'ai fait un peu une synthèse des projections d'Hydro-Québec au cours des 10 dernières années. Alors, ça, ce sont les projections qui sont parues dans chacun des plans de développement. Le premier chiffre qui apparaît dans chaque colonne, évidemment, c'est la réalisation. Ceux d'entre vous qui ont assisté à la présentation, ici, en commission parlementaire, connaissent toute la procédure. Donc, en 1981, Hydro-Québec était, encore une fois, très optimiste... Le projet de croissance de la demande... Ensuite est survenue la récession de 1982, ça a pris un certain temps avant qu'on s'ajuste. On est demeurés optimiste, môme encore en 1983 et en 1984. Par après, Hydro-Québec a rajusté ses projections à long terme, de sorte qu'aujourd'hui elles se situent, si ma mémoire est bonne, autour de 2 % ou un peu moins.

Eh bien, si on regarde la dernière colonne, ce sont les réalisations. Présentement, les réalisations sont encore fortes. J'ai oublié de mentionner que même si, en Nouvelle-Angleterre et à New York, on fait aussi des projections assez réduites pour les 10 prochaines années, à savoir un taux de croissance de 1 % à 2 %, bien, les 4 ou 5 dernières années ne nous ont pas laissé voir du 1 % ou 2 %. Alors, mon sentiment, présentement, et l'analyse que nous, nous faisons à partir de notre propre modèle de simulation d'Hydro-Québec, c'est qu'Hydro-Québec, probablement, sous-estime la croissance de la demande. Alors, chaque année, nous, on fait des projections qui sont relativement plus élevées qu'elle, ce qui implique en général des prix d'électricité plus élevés, co qui va donc agir un pou comme frein.

Donc, on pense, nous, qu'Hydro-Québec est un peu pessimiste, parce que, si on regarde l'expérience de la Nouvelle-Angleterre et de New York, ce sont des régions matures, sur le plan de la consommation de l'énergie; bien, elles, elles n'anticipent pas une réduction.

Au tableau 4 apparaît l'information qui vous a été présentée, encore une fois, il y a quelques semaines. Ce sont les projections de la croissance de la demande pour l'an 2000. Pour le domestique, une projection assez modérée, le commercial également. On peut dire, à toutes fins pratiques, sans trop caricaturer, que toute la croissance de la demande qui est attendue au Québec vient presque totalement du secteur industriel, et une grosse composante de ça, c'est évidemment les alumineries.

Alors, qu'en est-ll de la rentabilité, de privilégier ce type de demande versus les exportations? Eh bien, on a fait une analyse qui est assez sommaire, mais on peut dire que les grands paramètres sont assez corrects, de sorte que ce n'est pas ce qu'on met en doute, et on doit dire, môme, que les hypothèses qu'on a faites sont assez conservatrices, en ce qui a trait à l'évaluation. Si on regarde le contrat qu'Hydro-Québec a signé avec New York, notre propre analyse nous amène à conclure que ce contrat-là va rapporter en moyenne, sur l'ensemble de la vie du contrat, environ 0,061 $ le kilowattheure en dollars de 1989.

Eh bien, on ne connaît pas, nous, simples profanes dans les universités, quels sont les contrats exacts que les alumineries ont signés avec Hydro-Québec, mais, en étant bien conservateurs, on dit: On va leur attribuer le coût moyen industriel au Québec en 1989. Donc, ça, on est convaincus qu'on est conservateurs de ce côté-là. Eh bien, on leur impute un coût de 0,029 $ le kilowattheure, coût qu'ils n'auront probablement pas à rencontrer.

Évidemment, les alumineries ont des contrats spéciaux. On n'en connaît pas le détail, mais on en connaît un peu certaines caractéristiques. On sait que le prix sera basé sur le prix de l'aluminium. Or, II faudrait remarquer, à cet égard, que le prix de l'aluminium c'est un prix qui est très volatile. Au cours des deux dernières années, depuis 1988, ce prix est passé de 0,74 $ à 1,65 $ en dollars américains, alors c'est un prix qui est très volatile. Cela va influencer, probablement, la stabilité des rentrées d'Hydro-Québec. On sait aussi que ce prix, il nous semble, est en relation avec le prix de l'électricité dans les régions concurrentes, à savoir le prix que les alumineries peuvent obtenir au Brésil, en Australie, au Cameroun ou au Venezuela.

L'objectif qui est était par ces mesures-là, c'était d'assurer que la production ici, au Québec, soit stable à un niveau élevé. Donc, on voulait assuror la compétitivité. On sait également qu'une pareille pratique existe ailleurs dans le monde. Notre analyse, donc, nous amène à conclure que, si Hydro-Québec vendait aux marchés d'exportation plutôt que de vendre aux alumineries, elles réaliserait environ 0,032 $ additionnelles le kilowattheure. On pense que notre analyse n'est pas très loin parce que, même dans le plan de développement d'Hydro-Québec, elle fait une affirmation qui dit qu'elle reçoit de l'exportation environ deux fois ce qu'elle reçoit pour le tarif industriel grande puissance au Québec. Donc, ce n'est pas là-dessus qu'on va se quereller.

L'essentiel de notre message apparaît au tableau 5. Là, on a les quatre grands projets qui ont été annoncés et qui sont sur la table. Ce ne sont pas des projets à venir, ce sont des projets qui sont en cours de réalisation. On a les investissements, l'addition de capacité de production, les emplois directs de production. On a les dates de mise en service anticipée, et là, notre petit calcul, la facture, ce qu'on appelle la facture réduite d'électricité, c'est-à-dire c'est ce

qu'ils paieraient, s'ils payaient le même tarif qu'on reçoit à l'exportation.

Bien, j'aimerais revenir un peu sur la rentabilité. Ce n'est pas avec vous que je vais argumenter que la rentabilité, ça s'analyse en termes de ce qu'on reçoit et de ce qu'on subit en termes de coûts. On ne se prononce pas ici sur la rentabilité absolue des projets. Nous, on ne connaît pas de façon suffisamment détaillée les coûts d'Hydro Québec pour dire que, lorsqu'on exporte, ça nous coûte tant, lorsqu'on vend à une aluminerie, ça nous coûte tant. C'est trop fondu dans le message qu'on reçoit.

Par contre, on sait que servir les alumine-ries et servir le marché à l'exportation, c'est sensiblement le même produit. C'est de l'électricité qui est livrée à haut voltage, avec un haut facteur d'utilisation, qui est demandée sur une base plus ou moins continue. Donc, du côté d'Hydro-Québec, on supporte à peu près le même coût lorsqu'on décide de servir l'un ou l'autre. C'est pour ça que nous, on dit que cette rentabilité-là, elle peut s'analyser dans ce contexte-ci simplement en termes de différence dans les revenus. Et la différence dans les revenus, c'est 0,032 $. Eh bien, 0,032 $ par rapport à l'électricité qui sera vendue ainsi, ça représente 300 000 000 $ par année. Ça, ça veut dire qu'au cours des 25 prochaines années Hydro-Québec et l'ensemble de la société québécoise perdront 300 000 000 $ sur une base annuelle.

Pour de modestes profanes comme nous, 300 000 000 $, c'est assez difficile à représenter. Bien, ce qui est plus proche, pour moi, de cette représentation-là, c'est que le budget de l'Université Laval n'est même pas de 300 000 000 $ par année. L'Université Laval - vous passerez le message à votre collègue de l'Éducation - emploie tout de même 4000 à 5000 personnes, s'occupe de 35 000 étudiants. Alors, ça, c'est ma représentation à moi de 300 000 000 $. Ça, c'est sur une base annuelle au cours des 25 prochaines années.

Si on transpose ça, maintenant, en . termes de subventions - ce qu'on appelle subventions indirectes par emploi - bien, c'est - bon, on n'entrera pas trop dans les chiffres - c'est 200 000 $ par emploi par année pour les 25 prochaines années. Alors, nous, on trouve que c'est cher pour les emplois qui sont créés. (21 h 45)

C'est l'essentiel de notre message. C'est un message qu'on a déjà livré dans une version un peu plus mondaine et, en général, on a trouvé des objections. Les gens nous apportent facilement des objections. Alors, ce n'est pas sur les chiffres comme tels qu'on argumente, mais c'est sur d'autres dimensions. Eh bien, j'aimerais discuter brièvement de quelques objections.

La première, c'est la suivante. On nous dit: Ça se fait ailleurs. Le Brésil va faire ça, le Venezuela va le faire, l'Australie va le faire, même Bonneville Power Administration, dans le

Nord-Ouest des États-Unis, le fait avec ses alumineries. Alors, nous autres, si on veut demeurer compétitifs dans le secteur des alumineries, il faut le faire. Bien, il y a une très grande différence, ici. Nous autres, le Québec, on a l'avantage d'être localisés à côté d'une région, la Nouvelle-Angleterre et New York, où l'on pratique des prix très élevés, tout au moins en Amérique du Nord, et pour New York, même à l'échelle mondiale. Donc, on est voisins, nous autres, de cette région-là. Le Venezuela et le Brésil n'ont pas cette opportunité-là. Eux, ils ne peuvent pas vendre directement de l'électricité sur le marché américain. Leur seule façon de transposer leur avantage sur le marché américain, c'est à travers des lingots ou d'autres types de produits. Nous, on peut le faire directement. C'est pour ça que cette comparaison-là n'est pas valable de dire: Eux autres le font. On n'a pas à le faire parce qu'ils ne sont pas exactement dans la même situation. Alors, sur ça, je pense que notre avantage géographique, ici, je n'ai pas à vous l'expliquer très longuement. On peut l'expliquer aux gens de Terre-Neuve. Ils ont très bien compris que le Québec était entre eux et le marché du Nord-Est américain. Alors, ça vaut aussi pour nous, ça.

Le deuxième point - et ça, c'est celui qui nous est toujours ramené - ce sont les effets d'entraînement. On dit: Oui, mais les gens vont dépenser dans la région de Québec, s'ils sont voisins. Les gens, à Sept-îles, vont dépenser dans leur région et ainsi de suite, puis ça, ce sont des effets d'entraînement. Bien, Ici, il faut donner un peu de perspective. L'industrie de l'aluminium: regardons d'abord ce que nous, nous appelons les effets en amont. Il faut toujours commencer par en arrière. Eh bien, l'industrie de l'aluminium importe un produit, l'alumine, qui entre à toutes fins pratiques directement dans les usines, et la très grande majorité est ensuite exportée. Donc, pour ce qui est des effets en arrière, immédiats, là, il y en a relativement peu. L'Alcan produit son alumine, les autres l'importent. Donc, il y a très peu d'interaction entre l'usine et les étapes précédant la fabrication du produit.

Maintenant, en ce qui a trait à la transformation, on dit: Oui, peut-être que ça va créer des emplois additionnels dans la transformation. Est-ce qu'on manque d'aluminium au Québec, ici? On a toujours été inondé d'aluminium parce que c'était un endroit... À cause des avantages comparés, on a toujours eu une très grande disponibilité d'aluminium. Celui qui veut partir un projet d'aluminium demain matin n'a pas besoin, disons... Il n'y a pas de pénurie dans ce coin-ci, il n'y en a jamais eu. Alors, cet argument-là est fallacieux. On ne manque pas d'aluminium pour générer des effets en aval.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. Bernard, je vous inviterais malheureusement à

conclure.

M. Bernard: Oui. Alors, je vais conclure en disant que l'essence de notre message, à nous, c'est que ce qu'on oublie facilement là-dedans, c'est que les fameux 300 000 000 $ en ont, eux aussi, des effets d'entraînement. Ils pourraient prendre la forme d'un dividende versé au gouvernement, puis là, je laisse aux politiciens l'Imagination pour savoir ce qu'ils feraient avec ça; on pourrait aussi baisser les tarifs aux consommateurs, mais pas à la marge pour induire de la consommation additionnelle au Québec, et là les gens vont dépenser, puis ça aussi, ça aura des effets. Le problème, c'est que ces autres effets-là, associés, disons, aux 300 000 000 $, sont beaucoup plus diffus sur l'ensemble de la population et beaucoup moins concentrés que les projets d'aluminerie dans une région ou dans l'autre. Alors, c'est là le sens de notre message. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie beaucoup. Mme la ministre.

Mme Bacon: Alors, M. Bernard et M. Bélanger, je vous remercie d'être ici avec nous, ce soir, pour discuter de ce grand dossier d'énergie électrique et pour faire le point avec nous sur votre vision des choses.

Votre mémoire constitue, somme toute, une analyse économique des opportunités qui sont reliées à l'utilisation de nos ressources hydrauliques et j'en déduis - et vous me corrigerez si ça s'avère inexact - que vous appuyez le développement hydroélectrique au Québec par rapport à d'autres filières énergétiques. Mais vous me semblez quand même préoccupés par l'utilisation de cette ressource naturelle. Ceci étant dit, j'aimerais quand même aborder des hypothèses qui sous-tendent votre analyse économique qui conclut que le Québec encourt une perte économique importante, soit de 300 000 000 $ par année sur la durée de vie des contrats des alumlneries. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ces chiffres-là frappent suffisamment l'imagination. Vous avez utilisé l'Université Laval, on pourrait utiliser d'autres organismes, au Québec, qui aimeraient bénéficier de ces 300 000 000 $. Si le Québec n'avait pas la possibilité, par exemple, de vendre son électricité sur des marchés étrangers, est-ce que vous arriveriez à la même conclusion en ce qui a trait à la perte économique que vous associez au développement industriel du Québec?

M. Bernard: Évidemment non. C'est parce qu'on a cette opportunité-là, justement, qui est au sud de chez nous. Nous, ce qu'on dit, c'est: Si on veut mettre l'accent sur l'augmentation de la richesse pour l'ensemble du Québec, il faut regarder la meilleure opportunité qui se présente à nous. Eh bien, une des opportunités, c'est justement, présentement, d'exporter vers la Nouvelle-Angleterre et New York plutôt que d'exporter en Ontario. Une autre alternative serait d'exporter en Ontario, mais les prix en Ontario sont beaucoup moins intéressants. Donc, si on n'avait pas cette possibilité-là, l'analyse serait très différente, et là peut-être qu'on serait comme le Brésil et le Venezuela et que l'exportation, ce qu'on appelle l'exportation d'électricité à travers les lingots, ça serait une alternative viable. Mais nous, on en a une autre.

Mme Bacon: Votre étude fait nettement ressortir les avantages économiques qui sont reliés aux exportations d'électricité sur une base ferme, garantie, pour une longue durée. Selon votre expertise, quelle serait la perte économique que le Québec devrait subir si on imposait un moratoire sur les exportations d'électricité? Et à défaut, peut-être, d'une réponse quantitative, est-ce que vous pouvez nous indiquer de quelle manière on devrait comptabiliser le coût d'une décision pareille?

M. Bernard: Bien, pour demeurer dans notre même ligne de pensée, c'est un peu comme si le Québec décidait de s'éloigner de la Nouvelle-Angleterre. Là, on dirait: On n'a plus cette possibilité-là. Ça serait l'équivalent d'un moratoire. Eh bien, dans ce contexte-là, évidemment, la rentabilité ou le calcul économique serait basé uniquement en fonction du marché interne. Ça, ça voudrait dire nécessairement qu'il y aurait un développement plus lent des ressources hydroélectriques et qu'il y aurait peut-être même un développement accéléré de l'industrie, parce que ça serait une possibilité qu'on devrait exploiter davantage, dans ce contexte-là. Mais ça serait un second choix inférieur. Ce que, nous autres, on dit, c'est qu'il faut d'abord exploiter les ressources - et ça a été notre expérience aussi qui coûtent moins cher par rapport aux ressources qui coûtent plus cher. Alors, nous autres, ici, au Québec, on a commencé par développer d'abord ce qui était sur le Saint-Laurent même et le long du Saint-Laurent; c'est celles-là qui ont coûté, de loin, le moins cher à exploiter. Aujourd'hui, on s'éloigne de plus en plus et ça coûte de plus en plus cher. Alors, ça, c'est dans le même ordre de raisonnement. Il faut d'abord aller, d'un côté, vers ce qui nous coûte le moins cher à produire et, d'un autre côté, vers ce qui nous rapporte le plus. C'est comme ça qu'on va faire la plus grande contribution à la richesse québécoise.

Mme Bacon: Vous considérez, là, et je reviens encore sur la vente aux alumineries, que ça entraînerait une perte de revenu potentiel, on l'a dit tantôt. Ces pertes, est-ce qu'elles s'appliqueraient à toutes les autres ventes d'électricité aux Québécois et aux Québécoises, par exemple? Est-ce que vous seriez favorables à une modifi-

cation du premier principe tarifaire, qui est une tarification au coût moyen, pour que dorénavant tous les consommateurs paient le coût marginal?

M. Bernard: Disons, comme économiste, que je devrais vous répondre oui et vous dire que ce n'est pas la première fois que Je réponds oui. J'ai déjà fait des travaux là-dessus, j'ai appliqué ça à Hydro-Québec, puis je pourrais vous en laisser des copies. Bien, l'idée, c'est la suivante: c'est que, nous, on a de bonnes ressources hydroélectriques, mais elles ne sont pas de qualité égale. Alors, lorsqu'on prend la tarification au coût moyen, ça veut dire que les sites les mieux dotés fournissent de l'interfinancement aux sites qui coûtent plus cher à développer. Ça, ça veut dire que, à la marge, les gens ne paient pas pour ce que ça coûte. Bien, ça, ça veut dire que, comme société, on est en train de s'appauvrir lorsqu'on fart ça. Je ne pense pas que je choque personne en disant ici que le chauffage au Québec - le chauffage domestique - ne fait pas ses frais. Je ne pense pas que je choque personne ici. Bien, ça, ça veut dire qu'on utilise quelque chose qui, selon nos calculs, pourrait coûter peut-être - à ce moment-là, c'est un service bien particulier, qui est sur une petite période de l'année et qui est assez volatile - qui peut coûter peut-être entre 0, 12 $ et 0, 15 $, et les gens paient seulement 0, 04 $ pour ça. Alors ça, ça veut dire qu'on est en train de s'appauvrir. On utilise quelque chose qui coûte 0, 12 $, puis le bénéfice, pour moi, c'est seulement 0, 04 $. Alors, je suis en train de m'appauvrir lorsque je fais ça. Nous, on est favorables à un développement ou, tout au moins, à une meilleure représentation du coût marginal de développement. C'est bien clair que si on le développe... Je pense que, au Québec, qu'on le veuille ou non, même avec des programmes généreux - je vais revenir là-dessus - d'économie d'énergie et ainsi de suite, la croissance de la demande va probablement diminuer, mais elle ne viendra pas à zéro. Donc, il faudra la rencontrer. Ça, ça veut dire qu'on va faire appel à des sites qui sont de plus en plus coûteux à développer.

Je pense qu'il faut envoyer aux gens ce signal-là. Il ne faut pas leur dire que Beauhar-nois est encore sur la table. Ce n'est plus Beauharnois qui est sur la table, ce n'est plus Saint-Maurice qui est sur la table. Il faut leur dire que, présentement, ce qu'on développe, ça coûte 0, 03 $ ou 0, 04 $ à amener au réseau de distribution. Évidemment, on sait qu'il y a des coûts additionnels pour le service. Autrement, on est en train de leurrer les gens, on leur dit: Ça ne coûte pas cher. Ça ne coûte pas cher parce qu'on utilise de l'énergie qui a coûté moins de 0, 01 $ à développer et, pour le mêler avec de l'énergie, ça coûte 0, 05 $ ou 0, 06 $, et on dit: Écoutez, on va vous faire un paquet de 0, 03 $. Bien, pour celui qui l'achète, ça vaut juste 0, 03 $, aussi, mais il consomme quelque chose qui vaut 0, 06 $; alors, on s'appauvrit.

Mme Bacon: On sait que la tarification à coût marginal... Est-ce qu'elle devrait subir... Je vais dire ça autrement. Est-ce qu'on devrait abolir la tarification à coût marginal ou conserver l'uniformité territoriale?

M. Bernard: Ça, c'est dangereux. Vous savez comme moi que ça a été un des principes qui étaient poursuivis au moment de la nationalisation, en 1962, un principe qui semblait sacré...

Mme Bacon: Ça nous rappelle de vieux souvenirs.

M. Bernard: Oui. Il semble assez sacré, alors je serais assez mal placé, aujourd'hui, pour le mettre en doute.

Je ne mettrai pas en cause le principe parce que, encore une fois, je pense que c'est le gouvernement, ça, et tout. Mais on sait que l'histoire de l'uniformité, ça nous a amenés à des choses bien bizarres. J'aime beaucoup les Îles-de-la-Madeleine, les gens sont charmants et tout, mais l'électricité, là-bas, ne coûte pas 0, 04 $ à produire, on sait que ça coûte... Lorsqu'on a décidé de l'uniformisation, qu'est-ce qu'on a fait? Les gens ont dit: Je vais me chauffer à l'électricité. Ça coûtait beaucoup moins cher pour l'ensemble de la société québécoise qu'elle se chauffe au pétrole. Alors, il y a certainement des manifestations territoriales qu'on veut garder à l'esprit.

Dans ce sens-là, il est tout de même heureux que les alumineries soient sur la rive nord, parce que le coût additionnel pour passer à travers le fleuve est assez élevé. Selon moi, on a eu une petite attention à l'égard de ce problème-là. Il y a des régions - c'est de la petite histoire - au moment de la nationalisation, il y a des gens qui n'étaient pas contents; les gens qui étaient autour du Saint-Maurice et les gens de la région de Hull n'aimaient pas ça, parce qu'ils savaient bien qu'en faisant une moyenne pour la province leurs tarifs augmenteraient et, a cette époque, ils se sont opposés.

Mme Bacon: D'accord.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Orford.

M. Benoit: M. Bélanger, M. Bernard, depuis que Je suis au monde, j'ai l'impression que les prévisions de consommation ne se sont jamais réalisées. On était supposé avoir du pétrole pour des générations à venir, on s'est réveillé un matin, il n'y en avait plus; on a fait des campagnes nous disant de nous servir de l'électricité, on s'est réveillé un matin, on nous a dit de ne plus nous servir de l'électricité, qu'il en manquait. Pourquoi vous, des économistes, n'êtes-

vous pas capables de faire des prévisions aussi valables et pourquoi, finalement, arrtve-t-on si loin de la réalité dans nos prévisions, et à très court terme? Je comprendrais que, dans 20 ans, vous ne soyez pas capables de me répondre, mais, à 2 ans, à 3 ans... Comment se fait-Il qu'on soit si loin de la réalité? J'aurai une deuxième question, ensuite.

M. Bernard: Mon collègue est plus âgé, II a plus d'expérience, je vais le laisser...

Des voix: Ha, ha, hal

M. Bélanger (Gérard): II faut dire aussi, à la décharge d'Hydro-Québec... Prenez l'exemple des alumineries, ça a été quatre demandes additionnelles pour un proche avenir. Si ce projet-là n'est pas dans vos prévisions de demandes et que vous avez quatre projets nouveaux qui viennent sur la table, ça va faire que vos prévisions vont être erronées à la baisse. Donc, ceci joue.

L'autre point, aussi, c'est qu'il faut dire, les économistes comme tout le monde, qu'on prédit ce qui s'est passé dans le passé récent. Donc, Hydro-Québec, comme plusieurs économistes, joue sûr et projette à partir du passé récent. Souvent, l'activité change et, donc, on fait des surestimations et des sous-estimations. il y a une chose qu'il faut dire, aussi, c'est que les demandes sont modifiées. Si vous avez une demande élevée, vous pouvez prendre certaines politiques ou ajuster vos prix de façon à les réduire et, donc, peut-être que vous pouvez fausser vos prévisions de cette façon-là. (22 heures)

M. Bernard: C'est vrai que les prévisions d'Hydro-Québec, comme elles étaient indiquées là, n'étaient pas dans le mille - elles étaient loin d'être dans le mille - mais il faut dire que... Je regarde un peu ce qui s'est prédit à l'extérieur, aussi, principalement aux États-Unis, ils n'étalent pas pires que les autres non plus. Tout le monde s'est trompé sur la décennie 1980, initialement. La récession de 1982, il y a très peu de gens qui en avaient prévu l'ampleur et la manifestation que ça a pris, en termes de demandes d'emploi et ainsi de suite. C'est assez difficile de voir ça dans notre boule de cristal. Ce qui s'est passé sur le prix du pétrole dans la décennie 1970, l'avoir su, même si à l'époque j'avais peu de ressources, j'aurais essayé d'en acheter du pétrole. À ce prix-là, c'aurait été rentable de le revendre. Alors ça, ce sont des événements très importants qui ne sont pas contrôlés par HydroQuébec et ni Hydro-Québec, ni cette Chambre, ni nous-mêmes n'avons le monopole sur ce type d'informations. On est probablement ni mieux ni pire que les autres.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, oui.

M. Benoit: Vous avez mentionné dans votre exposé, M. Bernard, tantôt, que vous ne croyez pas que les prévisions de croissance d'Hydro-Québec seront ça. Vous n'étiez pas d'accord avec leurs prévisions. Quelle marge d'erreur donnez-vous dans tout ça et quelles seraient vos prévisions de croissance d'énergie dans les prochaines années?

M. Bernard: Nous autres, si ma mémoire est bonne, même avec un prix qui croît plus rapidement que ce qu'Hydro-Québec anticipe, on avait 10 térawattheures de plus en l'an 2000. 10 térawattheures sur ce qui est prévu... On peut voir ça au tableau 3, si ma mémoire est bonne, au tableau 4, c'est-à-dire. Disons, 10 térawattheures, ce serait environ 4 % à 5 % de plus qu'eux autres.

M. Benoit: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Bacon: J'aimerais peut-être enchaîner, M. le Président. Vous avez probablement lu le document annexe au plan d'Hydro-Québec sur l'efficacité énergétique. On en a beaucoup parlé de l'efficacité énergétique, ici à la commission. Hydro-Québec y énonce qu'elle s'apprête à consacrer aux économies d'énergie des sommes représentant jusqu'à la différence entre le coût marginal d'un projet d'équipement, production, transport, distribution, et le manque à gagner qui résulte des économies d'énergie. Qu'est-ce que vous pensez de cette approche d'Hydro-Québec?

M. Bernard: Bien, ça, c'est une proposition qui fait gagner les deux parties. Je pense que c'est la bonne proposition dans le sens que là Hydro-Québec, à la marge, si on prend les chiffres, perd 0,02 $. C'est-à-dire que ça lui coûte 0,06 $ à développer et elle reçoit 0,04 $; elle perd 0,02 $. Donc, elle dit: On va vous les donner, les 0,02 $. Dans ce sens-là, de toute façon, elle les perdait. Pour elle, une perte, c'est une perte. Ça va à la même chose.

Maintenant, si on regarde du côté du client, lui, il était prêt à payer 0,04 $, puisqu'il l'achetait, et il recevait un bénéfice. Il avait jugé que ça valait 0,04 $. Maintenant, on lui dit: Si tu arrêtes de le consommer, on va te donner 0,02 $. Évidemment, il va économiser ses 0,04 $, mais, par contre, il va perdre le bénéfice de l'électricité qu'il avait évalué à 0,04 $. Donc, il va recevoir les 0,02 $ additionnels. Hydro-Québec y gagne parce qu'elle subit la même perte et le client, quel que soit le type - résidentiel, commercial ou industriel - va y gagner par rapport à ce qu'il aurait fait autrement.

Mme Bacon: J'aimerais connaître votre opinion sur les moyens que le Québec devrait

prendre pour contribuer à la mise en place du développement durable. Ça aussi, on en discute beaucoup à cette commission. Est-ce qu'on doit s'engager dans le nucléaire? Est-ce qu'on doit s'engager dans la cogénératlon? Est-ce qu'on doit s'engager dans la poursuite des développements hydroélectriques? Est-ce qu'on doit exporter notre électricité? Jusqu'à quel point et selon quels critères doit-on poursuivre les économies d'énergie? En bref, quelles doivent être nos priorités?

M. Bernard: II y a beaucoup dans votre question.

Mme Bacon: C'est large.

M. Bernard: C'est très large. Sur ce qui est des économies d'énergie, ça me choque un peu lorsqu'on me dit: II s'en fait beaucoup en Nouvelle-Angleterre; il s'en fait déjà pas mal plus en Ontario. Ça me choque parce que la réalité est tout autre. Nous, ici, on paie 0, 04 $ ou 0, 05 $. J'arrive d'une année sabbatique dans la région de Boston. Ça me coûtait plus cher pour chauffer un petit appartement qui a une quinzaine d'années que pour chauffer ma maison à Québec, ici. Quand tu paies ce prix-là, tu t'inquiètes de fermer tes fenêtres, de voir à ce que l'air ne rentre pas et ainsi de suite. Alors, le contexte économique, en termes d'économies d'énergie, est très différent. SI j'installe une lumière, là-bas, qui me permet de réduire ma consommation de, on va dire, je ne sais pas, 10 % ou 15 %, lorsque tu pales 0, 12 $ du kilowattheure, c'est une économie de temps; lorsque tu paies 0, 04 $ du kilowattheure, c'est une économie de temps, mais beaucoup moindre. Alors, l'économie de l'énergie ici est très différente. C'est pour ça que, lorsque les gens prennent des situations externes au Québec, ils disent: On va faire la même chose avec à peu près les mêmes programmes. Bien, je pense que là il y a de l'erreur. Pour avoir un programme d'économies d'énergie qui sera sensé, II faudra, malheureusement - parce que, comme client d'Hydro-Québec, je n'aime pas payer, mol non plus - que ce soit supporté par une tarification appropriée, autrement, je pense qu'on va se leurrer un peu sur les objectifs qu'on voudra atteindre. Parce que l'économie de la chose, elle est différente. Alors, le même dollar dépensé par Boston Electric et dépensé par Hydro-Québec n'aura pas le même impact. Alors, c'est ça qu'il faut garder aussi à l'esprit. C'est pour ça que je pense qu'ici, présentement, les gens sont un peu optimistes, de ce côté-là. Il faudra penser à une tarification qui supporte ça. Et je pense que ce travail-là n'a pas été fait.

Mme Bacon: D'accord, merci.

Le Président (M. Bélanger): Bien, je vous remercie, Mme la ministre. M. le député d'Ungava?

M. Claveau: MM. Bernard et Bélanger, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue parmi nous, bien que je doive vous avouer que j'ai une certaine difficulté à vivre avec vos énoncés. Je crois comprendre qu'à la limite vous nous dites. Le plus payant serait de vendre notre électricité aux Américains parce que c'est la façon la plus rentable de dégager de la plus-value, à partir des installations hydroélectriques. J'aurais presque tendance à vous conter une autre histoire. Il y a quelques dizaines d'années, des experts se promenaient sur le territoire de l'Afrique occidentale française et regardaient les paysans qui cultivaient du mil et du sorgho. Ils disaient: Écoutez, ce n'est pas payant de cultiver du mil et du sorgho et, en plus, ce n'est pas très très nutritif. Alors, cultivez du coton et puis, en vendant ce coton-là à bon prix sur le marché international, vous pourrez racheter des produits alimentaires beaucoup plus nutritifs que ce que vous cultivez et, en plus, vous aurez de l'argent dans vos poches. Malheureusement, de trop nombreux paysans de ces pays-là, qui sont devenus, par la suite, différents pays, entre autres, la Haute-Volta, qui s'appelle maintenant le Burkina-Faso, le Niger, le Mali, sont embarqués dans ce bateau-là. Ils ont vendu du coton, ils ont ramassé de l'argent et ils ont acheté leurs aliments de l'extérieur: du blé qui venait d'Occident, de partout. Mais le jour où le coton n'a plus rien valu sur le marché international, les paysans se sont retrouvés avec pas de terres à cultiver, parce que le coton avait fini de manger tout ce qu'il y avait de minéraux dans le sol. Donc, des pays en désertification, avec des plantations qui ne sont plus vendables et avec plus aucun moyen de produire leur alimentation, d'où les famines que l'on connaît et la désertification qui avance à pas de géant. Et, maintenant, on réinvestit à coups de millions de l'argent pour essayer de trouver des solutions. D'autres experts sont en train de trouver des solutions.

J'ai malheureusement le même réflexe lorsque je vols la façon dont vous abordez le problème de l'électricité. Vous nous dites: Vendons à nos amis américains, nos proches voisins - on a la chance d'être proches de chez eux - et puis, avec l'argent qui nous reviendra de ça parce que c'est le plus payant à faire, pour le moment - on pourra réinvestir. Mais réinvestir dans quoi? Réinvestir dans des condos en Floride? Réinvestir dans des voiliers aux Bahamas? Réinvestir dans quoi? Et qu'est-ce qu'il va advenir de nos régions? Et qu'est-ce qu'on va faire le jour où, éventuellement, on ne sera plus concurrentiels et qu'on se retrouvera avec des bassins immenses qui auront été inondés et avec lesquels on devra vivre, mais avec aucune structure industrielle pour absorber cela en

territoire québécois, si, advenant le cas - ce qui est toujours possible, connaissant l'évolution rapide de la technologie - d'ici 20, 30 ou 40 ans, nos amis Américains nous disent: On n'en a plus besoin parce que, maintenant, on a de nouvelles façons de produire, eh bienl tant pis, on ne renouvelle pas nos contrats? Mais, nous, on n'aura pas développé des infrastructures industrielles qui vont créer des emplois chez nous, alors qu'eux vont l'avoir fait avec notre propre énergie. Et qu'est-ce qu'on va faire? C'est quoi, la solution à long terme? Ne trouvez-vous pas que, même si, pour le moment, c'est moins rentable pour une petite partie d'individus, finalement, une petite partie de la société qui pourrait éventuellement en bénéficier immédiatement, il n'est pas plus sage, à long terme, de s'assurer de cet avantage marginal que l'on a - avantage comparatif - d'avoir de l'électricité sur notre territoire, pour se doter d'une structure industrielle forte... Et le jour où nos amis américains manqueront d'électricité, comme vous le dites si bien dans votre mémoire, sous peu - 1993, vous nous dites - eh bien, à ce moment-là, nous serons en position, nous, de les inviter à, soit venir chez nous, soit acheter nos surplus à un prix qui va nous convenir, nous. Vous ne croyez pas que ce serait probablement plus louable ou plus sensé pour assurer l'avenir du Québec?

M. Bernard: Je voudrais avoir toute cette sagesse. Disons qu'on n'est pas devins. Une partie de votre raisonnement me rappelle un peu le début du développement du nucléaire qui a joué un très vilain tour à Terre-Neuve. On disait: Écoutez, dans quelques années, l'électricité, à la grandeur du monde, ça sera le nucléaire. Puis l'expression qu'on utilisait, c'était: Ça va être tellement peu dispendieux que ça va être comme le téléphone. On ne mesurera même plus. Les gens vont prendre un abonnement mensuel. Quand on laisse entrevoir des possibilités que l'électricité devienne relativement abondante, peu dispendieuse... On ne parle pas dans cinq ou dix ans, parce que d'ici cinq à dix ans, à moins d'un miracle à travers le monde, ça ne sera pas le cas, mais on parle, disons, peut-être, en l'an 2005, 2020, que là on serait pris. Mais, à ce moment-là, une grosse partie aura déjà été financée et ça serait surprenant qu'avec le coût additionnel qu'il nous restera à supporter à ce moment-là on ne soit pas capable de rencontrer à peu près n'importe quel type d'équipement.

L'histoire du nucléaire, elle est très riche en enseignement. Au sortir de la guerre, on s'est dit, encore une fois: Ça, c'est demain. Même aux États-Unis, vers 1970, plus de la moitié de la capacité était de type nucléaire, parce que c'était l'énergie de l'avenir. Bien, malheureusement, 20 ans plus tard, ce n'est plus l'industrie de l'avenir, c'est une industrie qui a déjà eu son passé. Alors, peut-être qu'un jour elle aura un second avenir, mais pas celui qu'on lui pensait. Alors, c'est pour ça que je dis: Dans ce contexte, d'après ce qu'on peut prévoir, nous, on parle des 20 prochaines années.

Maintenant, on connaît les prix que les Américains sont prêts à nous payer pour l'électricité, on les connaît, nous, c'est dans les contrats. Est-ce qu'on connaît mieux les prix de l'aluminium pour les 20 prochaines années? Est-ce que je suis capable, moi, de dire, présentement, le prix qu'on... Au cours des deux dernières années, ce prix-là est passé d'à peu près 0,65 $ à 1,65 $. Vous ne pensez pas que ça a un impact très significatif sur la rentabilité de ces gens-là? Il y en a plusieurs d'entre nous qui, à travers leur REA, avaient acheté de l'Alcan, à une certaine époque. Bien, pendant quelques années, il y en a plusieurs qui l'ont regretté aussi. Pourtant, c'étaient tous des gens qui pensaient bien faire. Et dans ce contexte-là, c'est tout des gens qui pensaient que la rentabilité de ça était assurée. L'aluminium a beaucoup de concurrents. Je ne veux pas Jouer l'avocat du diable, mais l'aluminium a beaucoup de concurrents. Les gens sont assez pessimistes sur l'avenir de cette industrie-là, ils prévoient une croissance plus lente que l'ensemble de l'économie mondiale. Les plastiques leur ont rentré dans le corps. On pensait que l'automobile, ça serait leur gros secteur, parce que c'est léger puis que ça consomme moins. Bien, malheureusement, le plastique leur a damé le pion de ce côté-là, puis ça, ce n'était pas prévisible il y a 10 ou 12 ans. Bon, on s'est dit: Le plastique, c'est un dérivé du pétrole, ça va revenir cher, mais ça n'a pas été le cas. Aujourd'hui, on produit des...

Alors, moi, je dis... puis là, je trouve ça malheureux un peu, parce que je pensais que les politiciens étaient imbus de beaucoup de sagesse et d'imagination, mais ils disent: Je ne sais pas quoi faire avec 300 000 000 $ - c'est ce que vous me dites. Bien, à l'Université Laval, qui a un budget beaucoup plus petit, on en prendrait une petite partie, nous. On s'occupe de 32 000, 35 000 étudiants, puis je vois beaucoup d'endroits où on pourrait en utiliser une petite partie de façon très rentable, très rentable, pas en cré-mant le gâteau, là.

M. Claveau: Oui, mais justement, d'abord, il me semble que c'est différent de dire: Nous devons vendre notre électricité, parce que c'est la façon la plus rentable de l'utiliser, ou, en contrepartie, de dire: Développer des alumineries au Québec, c'est probablement très risqué et on aurait peut-être avantage à trouver d'autres façons de développer notre structure économique. Là, on ne dit pas la même chose, lorsque l'on dit ça. Moi, je comprends, dans votre texte, que vous nous dites: Que ce soit les alumineries ou n'importe quel autre développement, à partir du

moment où c'est moins rentable, où on reçoit moins, Hydro-Québec encaisse moins que de vendre aux Américains, elle devrait tout simplement vendre aux Américains. Est-ce que c'est ça que vous dites? Moi, c'est ce que j'ai compris. (22 h 15)

M. Bernard: A la limite, c'est un peu ça, parce qu'il y a un subside. Pensez qu'avec les 200 000 $ on va supporter un emploi, un emploi où le travailleur va gagner en moyenne 40 000 $. Vous ne pensez pas qu'avec 200 000 $ au Québec, présentement, on pourrait engager plus qu'une personne? Même des professeurs d'université, on pourrait en engager quelques-uns, heinl

M. Claveau: Oui, mais on dit aussi que. lorsque l'on crée un emploi dans l'Industrie primaire, on génère un certain nombre d'emplois. Enfin, je ne m'avancerai pas sur les chfffres là - vous êtes probablement plus compétent que moi pour le dire - mais on crée un certain nombre d'emplois dans l'industrie secondaire et dans le tertiaire. Est-ce que l'hypothèse que vous avancez ne nous amènerait pas à ce qu'un économiste égyptien, Mohamed Dovidar, appelait, l'hypertrophie du tertiaire? Dans le fond, c'est une structure économique tout à fait tiers-mondiste où on retrouve une grande partie de l'économie qui est strictement basée sur les services et l'industrie tertiaire en général, avec une infrastructure de base, dans le primaire et dans le secondaire, à peu près inexistante. Et si on veut développer, en contrepartie, le primaire et l'industrie de transformation, le secondaire, II faut, de toute évidence, qu'on se serve de l'avantage comparatif que l'on a en termes énergétiques, étant donné que nous, du pétrole, on n'en a pas, du gaz naturel - il y en a qui prétendent qu'on en a, en tout cas, au moment où se parle, il n'y en a pas - c'est la même chose, mais on a l'hydroélectricité ou, enfin, différentes possibilités de produire de l'électricité.

M. Bernard: Ce n'est pas parce qu'on a de l'électricité qu'on doit l'utiliser selon des critères différents de celle qu'on achète. Celle qu'on achète, on paie pour l'acquérir, celle qu'on a, on pourrait en obtenir un revenu. Alors, on va prendre un exemple simple: un cultivateur qui déciderait de produire uniquement ce dont il a besoin pour sa famille, il serait probablement capable de le faire, mais, entre nous autres, II aurait un niveau de revenu assez bas. Qu'est-ce qu'il fait? Il se spécialise, puis il regarde le meilleur marché. Ma terre, peut-être que je pourrais produire des carottes, des choux et ainsi de suite. Par contre, si je produis seulement du maïs et que j'en nourris des porcs, je vais me faire un revenu suffisant pour mol et toute ma famille et là je...

Alors, c'est le même raisonnement, nous autres, qu'on applique. Ce n'est pas parce que c'est à nous qu'on doit oublier qu'en l'utilisant on perd quelque chose. Alors, on ne pense pas vous avoir convaincu totalement de ce point-là, mais on voulait semer suffisamment juste un peu de doute, de sorte que, lorsqu'on prend des actions comme ça, on y pense, à créer des emplois. Je vais vous dire un petit détail, j'ai été un peu choqué - choqué dans le sens de surpris - parce que des économistes universitaires, ça écrit beaucoup, c'est un peu bavard, puis bon, hein! Ça va? Mais, entre nous autres, ça va bien. Mais, lorsqu'on a écrit ça, c'est une des rares occasions où des gens nous ont appelés de façon agressive. Puis, ça m'a surpris parce que je ne pensais pas choquer du monde, moi. J'ai dit: Écoutez, on veut contribuer à la richesse québécoise. On leur dit: Voici comment on devrait s'enrichir. Puis, bon, qu'est-ce que vous voulez, je n'ai pas fait voeu de pauvreté. Ça s'est présenté clairement, il y a 20 ans, et ce n'est pas ce que j'ai choisi. Alors, j'ai dit. 300 000 000 $, on va dire ça pour la collectivité québécoise et ça devrait réjouir le monde. Au contraire, les gens du Lac-Saint-Jean nous ont appelés, sans raison, parce que l'Alcan, on ne traite pas du tout d'Alcan, Alcan a ses ressources et elle fera ce qu'elle voudra avec ses ressources. Ils nous ont dit: Écoutez, nous autres, si on n'a pas ça, qu'est-ce qu'on va avoir? Puis là, c'est votre point de tout à l'heure. Bien, je pense, que, si on vous nommait ministre du développement régional du Lac-Saint-Jean - peut-être que c'est votre aspiration - avec 200 000 $ par emploi, Je pense que vous seriez capable de faire des choses dans ce coin-là, même pour peut-être moins cher, je crois. Alors, c'est ce qu'on dit, nous autres. L'Université du Québec à Chicoutimi, j'ai beaucoup de respect, c'est du bien bon monde, mais on ne paie pas 200 000 $ par emploi pour ces gens-là...

M. Claveau: Oui, mais une université, M. Bernard...

M. Bernard: C'est mon exemple, helnl

M. Claveau: ...une université ou n'importe quel autre service du genre, ça ne vit pas en l'air. Ça s'enracine sur un vécu régional, ça s'enracine sur une expérience et parce qu'il y a des gens qui y vivent, hein! Et ce n'est pas toute une population qui peut vivre d'une université. S'il y a une université au Sague-nay-Lac-Salnt-Jean et s'il y a un niveau de services qui est développé, c'est, entre autres, parce que la grande entreprise y est présente depuis à peu près un siècle et qu'on y retrouve à peu près tout ce qu'il y a de compagnies pape-tières opérant au Québec, que l'on retrouve Alcan, que l'on retrouve Hydro-Québec, qu'on retrouve, enfin, un certain nombre de grandes entreprises qui ont créé une assise économique.

D'autres régions, comme l'Abitlbi, l'ont fait à travers l'industrie minière. Mais on s'assoit sur une activité de base et, dans le fond, l'université, comme le secteur commercial, ne vient que donner des services à une population qui vit déjà essentiellement d'autres choses. Alors, si vous me dites: Au lieu de développer cette autre chose-là à partir de l'avantage comparatif que l'on a avec l'électricité, on va vendre cette électricité-là pour se donner des services par après, moi, je veux bien, mais avec quoi va-t-on faire vivre l'essentiel des populations régionales qui, elles non plus, à l'instar de ce que vous nous avez dit, n'ont pas fait le voeu de pauvreté?

M. Bernard: bisons, je ne veux pas du tout être pessimiste, puis il y a des ressources. L'hydroélectricté dans le Lac-Saint-Jean, selon tous les critères qu'on peut utiliser, elle méritait d'être développée, puis elle mérite toujours d'être développée. Ça, ça aurait eu sa place. Et, à une certaine époque, la transformation par l'aluminium, c'était la meilleure chose, parce que le transport par haute tension, c'était limité, et ainsi de suite. Alors, c'était la meilleure chose. Je ne remets pas en cause l'histoire. La foresterie va toujours demeurer importante au Québec, on ne met pas ça en cause, et c'est un des développements qui vont prendre place dans les régions. Par contre, il faut admettre une certaine flexibilité dans le temps. SI une ressource s'épuise dans une région, il faut penser aussi que, parfois, ce sera des mécanismes de substitution qui vont permettre aux gens... mais, parfois aussi, le mécanisme d'ajustement, c'est le déplacement régional. Moi, j'ai été élevé dans les Appalaches, puis le petit village où j'ai été élevé, aujourd'hui les gens, on se compte sur la main. A l'époque, c'était le petit village florissant, et ainsi de suite, puis je rêverais, moi, que mon village existe encore dans sa forme d'il y a 25 ou 30 ans. Mais ça aurait coûté cher de l'avoir gardé dans cette forme-là. Alors, quand on applique ça à toute une région, il faut être un petit peu prudent aussi.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le député, si vous voulez...

M. Claveau: Le temps est écoulé?

Le Président (M. Bélanger): Oui, si vous voulez remercier nos invités.

M. Claveau: Alors, je vous remercie bien de votre présentation qui nous a amené un autre éclairage, enfin, un autre point de vue, et c'est bon dans le genre de travaux que l'on mène; justement, c'est que l'on veut avoir les points de vue, je pense, d'à peu près tout le monde, ce qui va permettre un éclairage complet du problème pour le gouvernement qui aura des décisions à prendre. Merci de votre présentation.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la ministre.

Mme Bacon: M. Bernard et M. Bélanger, vous rassurez le député d'Ungava quand il parle des décisions du gouvernement. Ce que vous venez de nous donner comme possibilités va nous forcer, je pense, à faire l'effort de continuer notre réflexion et de regarder toutes les facettes, je pense, du problème. Vous nous faites faire cet effort-là, ce soir. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): M. Bernard et M. Bélanger, la commission de l'économie et du travail vous remercie de votre précieuse collaboration à ses travaux. J'inviterais le prochain représentant, c'est M. Frank Auf Der Maur. Bonsoir, M. Auf Der Maur. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire et, par la suite, il y aura une partie d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais donc, dès que vous aurez fini de vous installer, de procéder à la présentation de votre mémoire. Je vous remercie.

M. Auf Der Maur (Frank): Puis-je m'assoir?

Le Président (M. Bélanger): Oui, je vous en prie.

M. Frank Auf Der Maur

M. Auf Der Maur: Merci. Bonsoir, M. le Président, membres de la commission. Bonsoir, membres du public. Ça me fait grand plaisir d'être ici avec vous ce soir et de participer à la grande responsabilité de trouver des solutions énergétiques pour le peuple du Québec. D'abord, je veux juste mentionner, par exemple, que je viens de passer à M. Bédard, ce soir, le deuxième rapport préliminaire. C'est écrit en anglais. Ça remplace le rapport préliminaire que j'ai présenté la semaine passée, qui était écrit en français. J'espère de passer à M. Bédard, avant mardi matin prochain, la version française du dernier rapport. Malheureusement, j'ai oublié d'ajouter, dans le dernier rapport que j'ai donné à M. Bédard, les recommandations et je vais le faire bientôt, dans les premières 20 minutes.

M. le Président, d'abord, l'heure avance et peut-être que Je ne lirai pas mon mémoire; vous aurez le temps, j'espère, de le lire pendant vos heures limitées, je sais, mais j'espère avoir vos commentaires. D'abord, pourquoi est-ce que je me trouve ici? Par exemple, je pense que c'était très important pour le mandat de votre commission de savoir, par exemple, si nous avons fait des bénéfices avec la Baie James. Je viens de recevoir cinq publications par Hydro-Québec qui offrent une description de la Baie James, phase II. Je suis sûr que vous avez examiné les cinq publications. Vous n'avez trouvé aucune référence à savoir si nous avons fait des bénéfices. Ça doit

commencer avec ça. Si nous avons fait des bénéfices avec la phase I, peut-être qu'on va le prendre en considération pour la phase II. J'avais pensé que, peut-être, je peux jouer un rôle responsable si j'offre mes estimations des bénéfices de la phase I.

Dans le premier rapport préliminaire... Dans le deuxième que j'ai présenté à M. Bédard ce soir, c'est doublé en dimension et j'ai doublé le nombre de chiffres présentés. Tous les chiffres que j'ai présentés viennent de mes amis, les publications aussi, de l'Office national de l'énergie, de New York Power Pool, de PASNY, Power Authority of the State of New York, Consolidated Edison of New York. C'étaient mes amis depuis les deux ou trois dernières semaines. Si, par exemple, vous avez des questions sur les chiffres que j'ai présentés dans mon rapport préliminaire, si vous avez eu l'occasion de le lire, j'ai montré l'origine de ces chiffres. Ça ne vient pas du Saint-Esprit, ça vient des publications.

C'était la première raison et, après, j'ai commencé à examiner la situation. J'ai pensé que, peut-être, je pouvais aussi faire des recommandations plus solides que ça. Peut-être parce que l'heure avance, je vais commencer avec mes recommandations et je vais développer mes recommandations, avec votre permission. D'abord, j'ai demandé à M. Bédard, le secrétaire, de passer des copies de mes rapports aux personnes intéressées au gouvernement du Québec et j'espère avoir des commentaires publics sur mes conclusions.

Deuxième chose, j'ai demandé aussi, par exemple, des commentaires d'Hydro-Québec sur mes conclusions. Troisième chose, ce sont mes recommandations. Je recommande qu'Hydro-Québec cesse d'offrir l'électricité pour les besoins de chauffage dans l'avenir. Deuxième recommandation, c'était pour commencer à retirer l'électricité pour le chauffage et de coopérer avec les fournisseurs des produits de l'huile et du gaz pour permettre à ces produits naturels de servir les besoins de chauffage dans l'avenir. Aussi, je recommande qu'Hydro-Québec doit annoncer un "moratorium" dans tous les projets majeurs pour la génération et la transmission de l'électricité dans la phase II et engager un groupe indépendant pour vérifier les estimations présentées dans les cinq publications, soit 1600 $ le kilowatt. Juste pour faire un petit commentaire sur ce chiffre, on dit que ça va coûter 1600 $ le kilowatt, multiplié par 18 000, ça monte à 30 000 000 000 $. Il y a des doutes sur l'accuracy" de ce chiffre. Par exemple, nous avons payé 500 $ le kilowatt il y a dix ans, quand le dollar était deux fois plus fort qu'aujourd'hui, par exemple. Tous les projets pour la phase II sont plus au nord dans la province de Québec. Je ne sais pas, peut-être qu'un "physicist" aurait une sensibilité... peut-être qu'il y a des doutes dans cette estimation. (22 h 30)

Alors, je crois que ce sont toutes mes recommandations. Je crois aussi que je vais rappeler les autres et les mentionner. D'abord, permettez-moi, par exemple, de présenter ma feuille sur le bénéfice de la Baie James phase I depuis les dix dernières années. J'ai indiqué que nous avons produit depuis les derniers 11 ans, ça veut dire, de la mise en marche dès 1979 jusqu'à aujourd'hui, nous avons eu une période de onze ans... J'ai fait mes estimés parce qu'il n'y a pas d'autres chiffres concrets présentés par HydroQuébec. Alors, peut-être que ce sera la première fois que quelqu'un présente un estimé officiellement sur les bénéfices de la phase I. J'ai indiqué que nous avons produit peut-être 8 000 000 000 $ pendant les derniers 11 ans avec la phase I. Mais, en termes globaux, Hydro-Québec avait indiqué, dans cette période, un bénéfice global de 6 000 000 000 $. Mais c'est beaucoup, tous les projets avant 1979, c'est-à-dire la Manicouagan, le Beauharnois, se trouvent maintenant dans nos livres avec une valeur de 200 $ le kilowatt.

Je fais mon magasinage chaque samedi après-midi dans le marché Jean-Talon. Quand j'achète un panier de tomates, il y a toujours des bonnes tomates bien rouges sur la "surface". En dessous du panier, de temps en temps, on trouve des tomates un peu moins intéressantes. Je crois que dans le panier d'Hydro-Québec il y a beaucoup de bons projets comme la Manicouagan, Churchill Falls, Beauharnois. Mais on commence à ajouter dans le panier d'autres tomates qui ne sont pas tellement intéressantes. Et peut-être que la phase I était une tomate un peu moins intéressante. Si on commence à ajouter trop de mauvaises tomates dans le même panier, ça va augmenter nos tarifs d'électricité plus vite que jamais.

Faites une petite promenade avec moi, par exemple, juste pour faire vous-mêmes un estimé sur le bénéfice de la phase I. On va faire cette petite promenade entre 1978 et aujourd'hui, 1989. J'apporte deux rapports annuels d'Hydro-Québec L'un pèse tellement lourd, parce qu'il y a des frais d'intérêts, l'autre, de 1978, n'est pas tellement lourd. Juste la différence, si vous commencez juste à calculer ça, vous pensez que vous pouvez vous-mêmes déterminer qu'il y a une différence dans les intérêts dans les deux publications, madame, de 1 800 000 000 $. Si vous regardez dans les deux publications une autre fois, vous voyez que, dans deux périodes différentes, la seule chose que nous avons fabriquée dans la province de Québec, c'était 50 000 000 de mégawattheures d'électricité par année. Alors, nous avons augmenté l'intérêt de 18 000 000 000 $. Nous avons fait une production annuelle augmentée de 50 000 000. Faites juste le calcul vous-mêmes. Vous montez à un chiffre de 36 $ le mégawattheure. J'ai indiqué que le coût pendant les derniers 11 ans, c'était 45 $ Ce n'est pas tellement différent. Vous pouvez

maintenant commencer à calculer vous-mêmes au lieu de demander des chiffres d'Hydro-Québec. Vous pouvez faire le calcul vous-mêmes. C'est important que vous preniez la responsabilité d'examiner ça si votre Hydro-Québec ne veut pas présenter des chiffres. Alors, vous avez vu ça, 1 800 000 000 $ de différence dans l'intérêt, une production annuelle augmentée par 50 000 000 de mégawattheures. Le taux d'intérêt pour chaque 1000 kilowattheures, 36 $.

Quel est le prix que le monsieur a indiqué à propos de nos ventes aux Américains depuis les dernières années? Qu'est-ce que nous avons gagné de ça? Ne me demandez pas à moi. Mais, par exemple, prenez les chiffres de l'Office national de l'énergie. Vous voyez que nous avons gagné peut-être 28 $ le mégawattheure. Nous avons envoyé aux Américains des intérêts qui ont une valeur de 38 $, juste pour l'intérêt. Quand nous avons vendu l'électricité, nous avons gagné 26 $ ou quelque chose comme ça. Nous avons fait une Baie James ici, dans la province de Québec. Nous avons envoyé l'électricité aux Américains. Nous avons envoyé plus d'intérêt aux Américains. Calculez, vous-mêmes s'ils ont fait de l'argent avec Baie James, phase I, c'est très douteux. Maintenant, on veut commencer avec la phase II plus au nord, peut-être que c'est tout "spread out" dans la province de Québec, ils nous disent que ça va coûter 1600 $ le kilowatt dix ans après, quand le dollar avait la moitié de sa valeur. Il faut réfléchir sur ça.

C'est très douteux, les chiffres présentés par Hydro-Québec. Maintenant, qu'est-ce qui est arrivé? Un accident est arrivé pendant les années soixante-dix, madame. C'était parce que toutes les "utilités" étaient dans la même situation, toute l'expansion était basée sur le taux de croissance depuis la guerre, ça avait augmenté par un facteur de quelque chose comme 5 %, Hydro-Québec et toutes les "utilités" aux États-Unis, dans l'Ouest du Canada avaient toujours basé leur expansion sur ça, quelqu'un leur a dit: Nous avons besoin de la phase I, à un certain moment, on a commencé, le chiffre a été présenté, la consommation a été baissée. Toutes les autres "utilités" en Amérique du Nord avaient coupé les expansions, sauf une, Hydro-Québec. Alors, qu'est-ce qui est arrivé? En 1979, nous avons eu un surplus. Nous avons réagi, dans cette situation, nous avons commencé à vendre les surplus, nous avons commencé à changer une tradition d'utiliser le gaz et l'huile pour le chauffage. Ce qui veut dire que nous avons utilisé une forme d'énergie de haute qualité pour un besoin de basse qualité.

Si vous vous rappelez vos cours, il faut utiliser des choses de haute entreprise pour des besoins de haute entreprise. C'était une situation qu'on n'a pas retrouvée dans le monde, sauf en Norvège ou en Suède où il y a des maisons chauffées avec l'électricité. Cette électricité vient des projets qui avaient coûté... Si vous avez examiné les rapports annuels des "utilités" en Norvège, comme je l'ai fait, c'étaient des projets qui avaient une valeur de moins de 500 $ le kilowatt, pas des projets qui avaient une valeur de 500 $ le kilowatt avec un taux d'intérêt de 12 %; pour les projets, en Norvège, on paie des taux d'intérêt de moins de 10 %. Nous sommes tellement différents ici, dans la province de Québec, avec notre taux d'intérêt, avec l'investissement requis pour chaque kilowatt pour nos projets d'expansion dans le nord du Québec.

Maintenant, je veux dire que, pendant le temps que nous avons changé le système de chauffage de nos maisons, dans nos foyers, qu'est-ce qui est arrivé? Je viens de Montréal, une fois, nous avions six raffineries dans la ville, maintenant nous en avons deux. Dans Montréal, nous avons perdu 2000 employés parce qu'il y a eu un changement par une erreur d'expansion dans la province de Québec par Hydro-Québec, nous avons changé l'huile et le gaz par l'électricité, nous avons perdu des emplois, mais, plus important, nous avons perdu 3 000 000 000 $... Excusez-moi si je parle trop fort, je deviens un peu excité, vous avez une salle, ici, tellement splendide, j'ai gagné l'expérience comme Napoléon, M. le Président.

M. le Président, je veux dire que les revenus des trois niveaux de gouvernement avaient perdu 3 000 000 000 $, depuis les onze dernières années, quand l'huile et le gaz ont été remplacés par l'électricité. Si vous avez fait vos calculs, le gaz et l'huile ne coûtent pas tellement cher. C'est parce qu'il y a beaucoup d'impôts dans toutes les phases de passage de l'huile et du gaz des puits en Alberta qui passent dans les oléoducs, dans les gazoducs; quand ça passe dans les raffineries, quand ça passe dans le réseau de distribution de Gaz Métropolitain, il y a beaucoup d'activités qui donnent de l'argent au gouvernement.

Tous les revenus gagnés par le gouvernement de la province de Québec, Hydro-Québec, sauf les dividendes, représentent 2 % sur les Investissements d'Hydro-Québec. Les chiffres pour l'industrie de l'huile et du gaz au Canada sont de 19 %. Consolidated Edison... On montre toujours qu'ici au Québec les tarifs au Québec sont moins chers qu'à New York. C'est vrai parce que c'est le coût de l'énergie là-bas. Mais on n'indique pas que les revenus de New York gagnent beaucoup d'argent de Consolidated Edison. Ça représente 19 % sur les investissements. A Hydro-Québec, si par exemple le gouvernement du Québec veut prendre de l'argent, ça devient... La concurrence n'est pas là. Alors, quand nous avons des changements, c'est parce qu'on manque d'argent pour le Medicare aujourd'hui. M. Bédard, le secrétaire... Nous avons fait de grands changements depuis les dix dernières années avec la phase I. On doit réfléchir avant de donner 60 000 000 000 $ à Hydro-Québec pour la phase II. Réfléchir sur ce

chiffre de 60 000 000 000 $.

Tous les investissements dans l'industrie de l'huile et du gaz au Canada sont de 75 000 000 000 $. Ça donne 20 fois l'énergie de la phase II. Faites vos calculs vous-mêmes. Ils nous demandent pour 60 000 000 000 $ dans les cinq publications que vous avez présentées, M. le Président, sans référence aux bénéfices pour un projet qui nous donne 5 % d'énergie, madame, de l'industrie de l'huile et du gaz au Canada. Faites vos calculs vous-mêmes. Quand vous faites les décisions pour nos enfants dans l'avenir, est-ce que nous allons leur laisser un projet qui va coûter 60 000 000 000 $? Ça, c'est peut-être, je pense, mes recommandations qu'on doit laisser les besoins de chauffage pour l'huile et le gaz parce que ça coûte moins cher. On va se concentrer sur les autres choses.

Une autre recommandation que j'ai faite, M. le Président, c'était que Hydro-Québec doit être moins secret. Il doit ouvrir la conversation avec le peuple. Juste par exemple, j'ai une publication ici. Je suis familier par exemple avec le grand centre de production d'aluminerie. On parle beaucoup ce soir d'aluminium, que nous avons un peu comme favori. C'est Bondfleld Power Administration. Ça vient des projets sur le fleuve Columbia. Je suis familier avec tous les détails du contrat entre les alumineries dans cette région des États-Unis et le Bondfleld Power Administration. J'ai tous les détails, comme citoyen du Canada. J'ai les droits et je les reçois.

Le Président (M. Bélanger): II vous reste une minute, malheureusement.

M. Auf Oer Maur: O.K. M. le Président. Ça veut dire qu'Hydro-Québec doit annoncer les détails de notre situation commerciale avec les alumineries parce que le "secrecy" encourage la spéculation. Peut-être que le peuple de Québec est mal traité. Laissez les choses sur la table pour que tout le monde les voie. J'ai présenté beaucoup de chiffres parce que je suis un homme de chiffres. Je ne suis pas un homme de mots. Je veux encourager et stimuler la conversation à propos de l'avenir d'Hydro-Québec, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie beaucoup. Mme la ministre. (22 h 45)

Mme Bacon: M. Auf Oer Maur, je vous remercie d'abord d'être ici, d'avoir eu la patience d'attendre jusqu'à cette heure avancée. Dans votre mémoire, vous suggérez que les futurs consommateurs et même les consommateurs qui utilisent actuellement l'électricité pour le chauffage de leurs locaux passent de l'électricité à l'huile ou au gaz. Vous soutenez aussi que la réduction de la demande d'électricité qui en résulterait éviterait à Hydro-Québec la construe tion de nouveaux équipements de production. C'est une hypothèse qui soulève un certain nombre de questions que j'aimerais discuter avec vous. Commençons d'abord par cette mesure qui ramènerait le bilan énergétique québécois à la situation qui existait au début des années soixante-dix, à savoir une forte dépendance de notre consommation d'énergie à l'égard des hydrocarbures. En conséquence, j'aimerais savoir quel serait, d'après vous, l'effet de cette mesure sur la sécurité des approvisionnements et aussi le degré d'autonomie énergétique du Québec.

M. Auf Der Maur: C'est une bonne question, madame. Je vais répondre en vous présentant des chiffres. Je ne sais pas si ces chiffres ont été présentés dans le rapport auquel vous faites référence, mais c'est certainement dans le rapport que j'ai présenté à M. Bédard, ce soir.

D'abord, le coût des réserves d'huile et de gaz représente 10 % des coûts des réserves d'électricité à la Baie James, phase I. J'ai fait le calcul dans le dernier rapport que j'ai présenté. D'abord, vous avez plus de sécurité si vous placez votre argent sur quelque chose de plus efficace au point de vue du rendement. Je répète: Si vous faites votre calcul sur un investissement de 500 $ le kilowatt, sur un facteur de capacité de 50 % et que c'est un projet qui, d'une façon optimiste, a une vie de 50 ans, vous arrivez à un calcul que le coût de réserve, pour chaque mégawattheure, est de 8 $.

Si vous prenez les chiffres de Statistique Canada, qui offre une description de l'industrie de l'huile et du gaz en Alberta et partout au Canada, vous verrez que nous avons des réserves de 25 ans. Ça coûte l'équivalent de 1,50 $ le mégawattheure. Par exemple, j'ai mentionné que l'industrie de l'huile et du gaz au Canada avait adopté un "reserve life index - c'est la mesure de 25 ans. Mais, pour une raison autre, aux États-Unis, ils avaient adopté une réserve de neuf ans et, en Angleterre, de huit ans. Ce qui veut dire qu'ici au Canada on a bien peu d'intérêt d'avoir une vie de 25 ans. Et si on va baisser cette chose, au lieu de coûter 1,50 $ par mégawattheure, ça va coûter moins cher. C'est une possibilité que j'ai mentionnée. Ça veut dire que, d'abord, c'est la sécurité offerte aux citoyens de la province du Québec, que ça coûte moins cher, des réserves dans l'Ouest du Canada avec un bon gazoduc, un bon oléoduc, une bonne coopération entre les deux provinces. Notre sécurité était montée.

Mme Bacon: Est-ce que vous croyez que les consommateurs qui se chauffent actuellement à l'électricité sont en mesure de transformer leur système de chauffage à un coût raisonnable pour passer à l'huile ou au gaz?

M. Auf Der Maur: C'est un accident, madame, que la plupart, les deux tiers des

personnes se chauffent à l'électricité. C'est un accident qui est arrivé, parce que l'estimation d'Hydro-Québec était mauvaise. Ils veulent créer un surplus. Ils veulent pousser l'électricité au peuple, et ils ont un marché captif. Mon frère avait changé sa fournaise de 50 ans pour l'électricité. Il n'y a pas d'options.

Dans le mémoire que j'ai présenté ce soir, madame, j'ai analysé les coûts pour mon frère et les autres citoyens à Montréal entre le gaz, l'huile et l'électricité, et j'ai présenté les chiffres. Il avait payé plus cher, parce que les personnes qui gardent nos "sécurités" à New York veulent avoir le paiement des intérêts. Il faut monter les tarifs avec un projet qui va nous coûter 500 $ le kilowatt, avec un panier de tomates, et le meilleur qui était en haut, qui devait nous coûter seulement 200 $ le kilowatt...

Nous sommes dans une autre phase, au Nord, avec la Baie James, phase I. Nous allons dans une autre phase plus haute, avec le coût d'investissement. On change toute la tradition de la province de Québec avec nos pensées de grandeur dans le Nord du Québec.

Mme Bacon: Au moment où l'on se parle, le chauffage à l'huile ou au gaz est souvent plus économique que le chauffage électrique. Mais un consommateur qui choisit cette année l'huile ou le gaz, est-ce qu'il peut prétendre que, dans quelques années ou dans plusieurs années, il ne payera pas plus cher que s'il avait un chauffage à l'électricité?

M. Auf Der Maur: II n'y a aucune garantie qu'il va payer moins cher avec l'électricité. Certainement, avec Baie James II, il faut payer l'intérêt de cette Baie James II, et il n'y a pas de garantie. Peut-être l'augmentation des prix de l'énergie ici dans la province de Québec est plus forte que le coût en Alberta, par exemple... Parce que je le répète, nous sommes dans une autre phase des projets... Churchill Falls va nous coûter... Peut-être dans le livre, c'est, en dollars, 200 $ le kilowatt. Maintenant, la personne qui chauffe sa maison doit payer les taux d'intérêt sur les investissements, peut-être 2500 $ le kilowatt. Et il y a moins de sécurité. Vous ferez des choses fantastiques pour la personne qui chauffe sa maison, dans l'avenir, si vous lui offrez l'huile et le gaz.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: M. le Président. J'ai retenu, M. Auf Der Maur, certains passages de votre mémoire sur lesquels j'aimerais bien avoir quelques éclaircissements. Quand vous nous dites que ça coûte plus cher de produire un kilowattheure d'énergie à partir d'une centrale hydroélectrique, je veux bien, dans un premier temps. Mais je me demande si, sur une analyse à long terme, ce n'est pas le contraire qui se passe. Et j'en prends à témoin la page 5 de votre mémoire, où vous nous dites que, globalement pour le parc d'Hydro-Québec, pour l'ensemble des installations d'Hydro-Québec - qui, dans bien des cas, sont des installations payées - le coût de production se situe autour de 200 $ le kilowatt. Ça, c'est de la puissance Installée. Et vous faites la comparaison avec la Baie James qui, elle, n'est pas payée, et vous dites: Pour la Baie James I, ça nous coûte 1450 $ du kilowatt de puissance installée.

Si c'est vrai que, globalement, l'ensemble du parc d'Hydro-Québec coûte 200 $ du kilowatt à opérer, en comprenant tous les coûts, ça, ça veut dire que les installations qui sont plus vieilles ne coûtent rien, ou à peu près rien. Donc, est-ce qu'il est vrai de dire que, sur une perspective historique, après un certain nombre d'années, finalement, ça devient beaucoup moins cher de produire avec de l'hydroélectricité qu'avec une centrale nucléaire, par exemple, qui a un coût de remplacement beaucoup plus élevé? Parce qu'une centrale nucléaire, ça n'opère pas pendant un siècle, alors qu'une centrale hydroélectrique peut opérer pendant un siècle.

Alcan, au Lac-Saint-Jean, a une centrale hydroélectrique, celle d'AJma, de l'île Maligne, qui opère depuis 1920 ou 1921. Alors, l'électricité qui en sort est nécessairement à peu près gratuite, alors que ce n'est pas le cas d'une centrale nucléaire. Et, d'ailleurs, Hydro-Québec prévoit, pour sa seule centrale nucléaire de Gentilly 2... Elle a dans ses postes budgétaires un "item" de coût de remplacement, parce qu'il va falloir la changer. Alors, s'il est vrai qu'au moment de construire c'est peut-être moins coûteux pour toutes les considérations que vous nous donnez et pour les comparaisons que vous faites avec Hydro-Ontario, en page 6 de votre mémoire, s'il est vrai que ça coûte moins cher de produire avec une centrale nucléaire au moment de la construire, il est peut-être aussi vrai que, 50 ans plus tard, c'est pas mal moins cher de produire avec une centrale hydroélectrique.

M. Auf Der Maur: D'abord, permettez-moi juste de répondre. Vous utilisez l'expression "si", par exemple, sur les coûts d'Ontario Hydro. Un si devient un fait... Les coûts viennent de publications d'Ontario Hydro, qui est ouverte avec le public là-bas. Ce n'est pas une question de si, ça a été annoncé dans les publications d'Ontario Hydro. O.K. Les chiffres viennent de là, à propos des coûts nucléaires. Ça, ce sont des chiffres publiés parce qu'Ontario Hydro a une politique de présenter tous les chiffres aux personnes de l'Ontario. Ça, c'est un fait, le coût que j'ai présenté.

D'abord, c'est une bonne considération que nous sommes favorisés par le produit de Mani-couagan parce que quelqu'un a payé pour le projet pendant 20 ans, disons. Juste une autre

chose, pour dire que ça c'est un bon point, mais il est autre chose d'Important. C'est que nous sommes dans une autre phase à propos des taux d'intérêt. Ce projet-là était à un taux d'intérêt de 2 % ou 3 % et maintenant on vit dans un contexte où les taux d'Intérêt sont plus élevés Alors, II faut devoir une "faster payout", II faut faire une autre "calculation" comme ça Les décisions faites il y a 20 ou 30 ans, nous en avons l'héritage aujourd'hui. Ça, c'est une chose importante.

La deuxième chose, ce n'est pas qu'on mette un projet à côté de Beauharnois, aujourd'hui. On parle d'un projet plus au nord, dans un autre contexte de prix, de coûts. Ça, ce sont les choses importantes. Les coûts montent. Ce n'est pas une question de toujours.. Quand on place le nucléaire, on place le nucléaire dans la môme ambiance, mais ici on parle, on va au nord où ça coûte plus cher. On va transporter le béton, on va transporter le ciment Ça prend beaucoup de chaleur pour fabriquer les choses. Les coûts augmentent tellement. Le contexte d'escalade, c'est tellement différent de ça, le taux d'intérêt, l'escalade des prix.

J'ai mentionné aussi le... "reserve life index" de l'industrie de l'huile. J'ai dit que, 25 ans, on doit baisser ça parce que le taux d'intérêt serait trop énorme. On doit adapter la réalité des choses. Maintenant, on parle de la situation en Russie, par exemple. You know, la Russie c'est un pays fantastique. Les gisements sont tellement plus au nord que n'importe où dans notre pays. Pour une raison ou l'autre... Mais, dans l'économie de la Russie, ils avaient posé trop d'investissements dans l'industrie basique comme les puits de gaz. Dans les puits de gaz, ils ont une réserve de 60 ans, ça veut dire qu'ils ont trop d'investissements dans les projets et ils n'ont pas laissé d'argent pour le marché, pour permettre au peuple d'acheter de la nourriture. Ça, c'est le danger avec l'économie de la Russie. Ça, c'est le danger avec la province de Québec, si on commence à mettre trop d'argent dans les projets trop coûteux parce que, aujourd'hui, dans les années quatre-vingt-dix, on ne parle pas de projets à Beauharnois, tout près de la ville, on parle de projets tellement loin de nous autres. Et c'est dans ce contexte qu'il est difficile de prendre des leçons du passé. Après un certain moment, le prix va baisser à 200 $ le kilowatt. Ça, c'est important. On doit éviter le problème qui s'est passé en Russie. (23 heures)

M. Claveau: Oui, mais pour reprendre le même exemple, les réserves de gaz naturel, les réserves de pétrole sont des réserves qui sont limitées dans le temps On parie de milliards de mètres cubes ou de milliards de barils et on sait qu'après un certain temps il n'y en aura plus. Alors, le jour où on ne pourra plus s'approvisionner en gaz naturel, même si c'est dans 50 ou 60 ans, il reste une chose. C'est que, là, il va falloir développer des énergies alternatives qui risquent d'être très coûteuses. Si, au moment où on se parle, nous, au Québec, on a la possibilité de développer des centrales hydroélectriques, peut-être, oui, qu'au moment où on la conçoit on va payer plus cher, sauf qu'il y a une chose qui est à pou près certaine, c'est que, dans 60 ans, la même centrale va continuer à opérer. Il y a des exemples, au Québec, de centrales qui opèrent depuis plus de 60 ans. Elle va être là. Alors que les autres vont se chercher de nouvelles sources d'énergie, nous, on va avoir notre technologie, peut-être un peu vieille, vous me direz, mais encore fonctionnelle qui, finalement, ne nous coûtera à peu près plus rien à opérer.

Est-ce que vous ne croyez pas que dans une vision à long terme - je ne parle pas d'une vision d'accumulation Immédiate de capital, de faire des profits immédiats, mais d'une vision à long terme - on n'a pas avantage à développer cette technologie sur laquelle on peut compter et qui va nous assurer, quand même, pendant des périodes assez vastes, un approvisionnement en énergie qui, elle, ne coûte à peu près plus rien? L'autre problème, aussi, c'est que le gaz naturel, le pétrole, même les biomasses, si on veut aller là-dedans, vont toujours nous coûter quelque chose en approvisionnement, en plus de l'entretien et des réinvestissements nécessaires pour la réfection des centrales. Il y a toujours un coût d'approvisionnement, alors que l'eau, normalement, quand il y a des précipitations, elle coule d'elle-même, on a peu de coûts d'approvisionnement. Est-ce que ce n'est pas un avantage, pour nous?

M. Auf Der Maur: Certainement, vous présentez une bonne thèse, mais on se doit du mesurer avec des chiffres. Je l'ai mesuré avec des chiffres dans le mémoire que j'ai présenté à M. Bédard, ce soir. J'ai fait 50 feuilles de calculs, on doit faire face à la réalité des taux d'intérêt d'aujourd'hui à 12 % d'Hydro-Québec. Quelqu'un avait pris la décision, je répète, maintenant, il y a 20 ans, 30 ans... Vous pariez des projets bâtis il y a 60 ans; quelqu'un avait pris la décision, avait fait des calculs basés sur le taux d'intérêt de cette période-là. J'ai fait les calculs. En théorie, vous avez présenté un argument solide, mais, en termes pratiques, avec le taux d'Intérêt d'aujourd'hui qu'Hydro-Québec doit payer, ce n'est pas une bonne décision, d'après mes calculs présentés ce soir.

Le Président (M. Bélanger): Je dois maintenant céder la parole au député de Jacques-Cartier. M. le député.

M. Cameron: Merci, M. le Président. I would like to, maybe, repeat or recapitulate on the major points in Mr Auf Der Maur's presentation. I might mention that I have some acquaintance with Mr Auf Der Maur and. in fact, when I

heard about this commission, I ask to run about who knew more about the energy and economics of Hydro-Québec than anybody else could be found. Several people told me that Mr. Auf Der Maur was precisely the person who did know such things.

As I understand it, It seems to me, to summarize the main points of your presentation, you have analyzed the actual effect, benefit or absence of benefit of James Bay I and found that we spent about 60 000 000 000 $ on it and we lost almost 8 000 000 000 $ on it. That is the actual story about James Bay I. The 6 000 000 000 $ plus profit of Hydro-Québec over the same 1979-1990 interval is to be explained rather by the much cheaper Beauhar-nois, Churchill Falls and so forth which come In at kilowatthour cost a thing like 1/6 or 1/7 the cost levels for James Bay. By applying the same argument, you were showing that the likelihood is that the James Bay II is not an economic enterprise and that, in fact, as long as we use electricity to try to do what Is better done by gas and oil In domestic heating we have so many things, that are not economic that, given the cost of capital nowadays, given the present level of interest rates, there is no way this thing could make sense. Is that roughly...

M. Auf Der Maur: That clearely is a basically... We have to take it into account, we have to "faire face à la réalité d'aujourd'hui". Un taux d'Intérêt de 12 % est tellement différent des décisions faites il y 60 ans, quand les décisions faites étaient à cette période-là. Et certainement, that precisely is the case, and I think that we have to see things simply and that we have to do our own calculations with respect to this matter. And I do hope, with respect to the mémoire that I presented tonight, that people will be encouraged to take out their pencils and to do their own particular calculations. And, primarily, with respect to, allow me to mention that my particular interest really only originated in 1977, when by accident I heard about the National Energy Board having earings regarding the first major contracts for the export of the surplus electricity from Bay James, and I presented arguments to indicate... National Energy Board invited people to go to Hydro-Québec building to examinate les contrats qui sont disponibles que nous venons de signer avec PASNY. PASNY, ça veut dire Power Authority State of New York. J'ai passé une demi-heure, Je travaille pour mon compte, je dois gagner ma vie sur mes propres actions, et je dois signer des contrats avec mes clients. J'ai examiné le contrat avec PASNY en 1978 et, après 30 minutes, j'ai dit qu'on ne va jamais faire d'argent avec cette chose. J'ai eu l'obligation de faire un mémoire pour l'Office national de l'énergie à l'hôtel Reine-Élizabeth en juin 1978 et j'ai présenté mes arguments, que la demande d'Hydro-Québec d'avoir un permis d'exportation doit être refusée aux termes de ce contrat, parce qu'on ne va pas gagner un prix compétitif. Douze ans après, toutes les choses que j'ai Indiquées en 1978, c'est la réalité. Nous avons gagné avec nos exportations 50 % de moins que le prix gagné par le Nouveau-Brunswick, 40 % de moins que le prix gagné par l'Ontario, basé sur les contrats que nous avons mandaté HydroQuébec de faire pour nous autres. Je parle, j'ai distingué entre "interruptible and firm power", j'ai analysé les deux. J'ai analysé aussi, par exemple, les premiers trois mois de cette année, nous avons payé peut-être 55 $ le mégawattheure pour nos importations d'électricité, deux fois plus cher que l'Ontario, deux fois plus cher que le Nouveau-Bruswick pour les mêmes importations. On doit commencer à examiner les activités d'Hydro-Québec. Elle doit mettre sur la table les bénéfices de la Baie James. Elle va vous présenter cinq publications pour vous demander un chèque de 50 000 000 000 $, sans indiquer si elle nous a gagné des bénéfices de la phase I. Ça c'est une insulte aux députés de la province de Québec! Nos représentants du peuple! Sans la preuve des bénéfices qu'ils nous ont gagné depuis les dernières 11 années! Vous, vous êtes les députés, ici. Vous représentez le peuple, et vous acceptez d'avoir cinq publications, comme ça! Examinez la situation d'Hydro-Québec, faites un moratoire dans tous les projets majeurs, coupez les ventes d'électricité pour le chauffage, ça ce sont les responsabilités des députés de la province de Québec pour le peuple du Québec.

Le Président (M. Bélanger): Je suis obligé de vous interrompre. Compte tenu de l'heure, nous devons mettre fin à nos travaux. Si M. le député d'Ungava veut remercier notre invité.

M. Claveau: Je vous remercie de votre présentation, pour le moins énergique. Et puis, je pense qu'il y a matière à réflexion dans votre document, alors il faudra s'y pencher peut-être beaucoup plus sérieusement que ce que l'on a fait jusqu'à maintenant, sur toute cette question du coût, d'opportunité, des coûts évités et des coûts réels que représente chacun des projets. Merci pour votre présentation.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. Auf Der Maur: Merci.

Mme Bacon: M. Auf Der Maur, merci beaucoup. Nous prendrons connaissance des dossiers que vous avez apportés aussi ce soir pour compléter le mémoire qu'on avait déjà en main, et ça va ajouter à notre réflexion, M. Auf Der Maur. Merci.

Le Président (M. Bélanger): La commission

de l'économie et du travail remercie M. Auf Der

Maur pour sa participation à ses travaux. Et compte tenu de l'heure, nous ajournons les travaux à 10 heures demain. Je vous remercie.

(Fin de la séance à 23 h 10)

Document(s) associé(s) à la séance