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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 16 mai 1990 - Vol. 31 N° 34

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique au Québec


Journal des débats

 

(Dix heures quatre minutes)

Le Président (M. Bélanger): Si vous me permettez, la commission de l'économie et du travail poursuit son mandat de consultation générale et d'auditions publiques sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique au Québec.

J'aimerais vous rappeler les lignes directrices de cette commission. Donc, à cette fin, nous allons examiner la place de l'électricité dans les besoins énergétiques du Québec, la situation et révolution de la demande d'électricité au Québec à moyen et à long terme, les orientations et les choix possibles afin de satisfaire l'évolution de la demande d'électricité au Québec, à moyen et à long terme, et les moyens en termes de ressources et d'équipements proposés par Hydro-Québec dans le cadre de son plan de développement pour accomplir son mandat et fournir l'électricité nécessaire au Québec et, en dernier lieu, les moyens de concilier la satisfaction des besoins d'électricité au Québec, la qualité de l'environnement et le développement économique durable.

Cela dit, si vous me permettez un instant... Alors, jusqu'à maintenant certains groupes... Il y a une tradition dans cette commission qui est, lorsqu'on finit l'audition ' d'un groupe, que le ministre et le porte-parole, de l'Opposition vont le saluer à l'arrière. Malheureusement jusqu'à maintenant je plaide un peu coupable. J'ai fait une gestion du temps à ce point serré que ça n'a pas été possible et nous allons malheureusement devoir continuer ainsi à moins qu'on m'exprime un avis contraire du côté du porte-parole et de Mme la ministre, la raison étant que le temps dont on dispose, on voudrait en consacrer le plus possible à entendre les gens plutôt qu'à aller faire du social à l'arrière. Or, dans cette perspective, je continuerai cette gestion serrée, mais si je m'aperçois qu'on veut changer ces règles en cours de route, j'assouplirai.

Cela dit, nous recevons ce matin, un premier groupe, Enjeu et Environnement jeunesse inc., que j'invite à la table des témoins s'il vous plaît. Alors ce groupe est représenté par Mme Danielle Laramé, MM. Gaétan Leduc et Claude Villeneuve. Alors, bonjour! Je vais vous expliquer rapidement nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire, c'est-à-dire qu'à la 19e minute je vais vous faire signe de conclure. Je sais que c'est limité mais nous n'avons pas le choix. Par la suite, il y a une période d'échanges avec les parlementaires. Or, dans un premier temps, si vous voulez bien identifier votre porte-parole, présenter ceux qui vous accompagnent et procé- der à la présentation de votre mémoire, on vous écoute. Je vous remercie.

Enjeu et Environnement Jeunesse inc.

Mme Laramé (Danielle): Mmes et MM. de la commission, bonjour! Je vais effectivement vous présenter les gens qui sont à ma droite et à ma gauche. Donc, à ma gauche, M. Claude Villeneuve, biologiste et membre du conseil d'administration d'Enjeu depuis quatre ans; il est aussi membre du programme de L'homme et la biosphère de l'UNESCO, président du Groupe de recherche en développement durable de l'Université du Québec à Chicoutimi et membre du conseil d'administration de la Fédération de la faune du Canada.

À ma droite, M. Gaétan Leduc, membre du conseil d'administration d'Enjeu et étudiant en maîtrise en sciences de l'environnement à l'Université du Québec. Moi-même, Danielle Laramé, présidente du mouvement Environnement Jeunesse et ex-membre du Conseil consultatif de l'environnement.

Pour vous présenter notre mémoire ce matin, je vais d'abord commencer par vous introduire un peu ce qu'est Environnement Jeunesse. Ensuite M. Villeneuve vous expliquera un peu ce qu'est l'éducation relative à l'environnement que l'on fait, le concept du développement durable et, par la suite, je vous présenterai les résultats d'un référendum qu'on a tenu sur l'énergie, dans lequel les jeunes ont exprimé leur opinion et ce qu'ils étaient prêts à faire sur l'énergie.

Environnement Jeunesse est un mouvement provincial de jeunes qui regroupe plus de 400 membres individuels et 300 groupes collectifs, dont une cinquantaine en milieu collégial. C'est un mouvement qui oeuvre en éducation relative à l'environnement pour amener la population à être plus consciente et plus responsabilisée par rapport à l'environnement et à son action individuelle et collective. Pour ce faire, on produit des outils, on a un service d'animation et on réalise aussi des projets d'envergure avec une thématique à travers différents cégeps du Québec.

Je vais laisser la parole à M. Villeneuve pour vous présenter ce qu'est, de façon succincte, l'éducation relative à l'environnement et notre perception du concept du développement durable.

M. Villeneuve (Claude): Merci, Danielle. L'éducation relative à l'environnement est une forme d'éducation qui vise à intégrer la dimen-

sion environnementale dans le processus de décision à tous les niveaux. L'éducation relative à l'environnement n'est pas que l'enseignement de l'écologie. C'est une partie de cela, mais, en fait, II s'agit d'Introduire dans toutes les matières, au niveau scolaire aussi bien qu'extra-scolaire, la dimension environnementale des problèmes humains au même titre qu'on se fait une gloire d'introduire dans à peu près toutes les prises de décisions, la dimension économique des problèmes qu'on étudie.

L'éducation relative à l'environnement est une condition nécessaire pour assurer le développement durable. De nombreuses études l'ont démontré, l'UNESCO d'ailleurs a publié, encore récemment, des études à ce sujet-là. Pour qu'on puisse penser à un développement durable, il faut d'abord penser à l'alphabétisation écologique de la population. En effet, pour prendre des décisions en ce qui concerne l'environnement, une population doit être bien informée du fonctionnement de son environnement, des éléments qui le caractérise et elle doit aussi se rendre compte que l'environnement, ce n'est pas ce qui nous entoure, mais bien ce dont on dépend pour survivre. Toutes les ressources naturelles disponibles à une société proviennent de son environnement à l'échelle locale ou à une échelle plus globale.

Naturellement, on parle aussi de la nécessité de l'éducation relative à l'environnement pour améliorer la compétence des décideurs en ce qui concerne leur mécanisme de prise de décisions collectif aussi bien qu'individuel, cela pour faire des choix éclairés ex éviter des erreurs qui ont été commises dans le passé.

Le développement durable tel qu'il nous est présenté actuellement est un concept qui réconcilie naturellement beaucoup de gens parce que c'est un concept qui est relativement vague. On définit dans la commission Brundtland le développement durable comme un développement qui vise à satisfaire les besoins de la génération actuelle sans remettre en cause les possibilités des générations futures de répondre aux leurs. Cette définition réconcilie beaucoup de monde, mais, dès le moment où on veut l'opérationaliser, on se retrouve à opposer économie et écologie. Or, ce n'est pas nécessairement là où on doit chercher les réponses pour le développement durable parce que, en réalité, on oublie que économie et écologie sont deux dimensions de la perception qu'une société peut avoir de sa qualité de vie.

Donc, un modèle plus cohérent nous amènerait à donner trois pôles au développement durable qui seraient le pôle écologique sur lequel l'économie se construit, le pôle social ainsi que le pôle économique qui, formant un triangle, nous permettent d'expliquer que pour qu'une ressource puisse générer pendant un temps durable des rendements économiques, il faut qu'on s'occupe de son rendement soutenu et que ce rendement économique peut permettre le développement d'une société, mais que cette société a aussi une relation avec l'écosystème qui la supporte, que cette relation-là nous oblige à la conservation des ressources naturelles.

Le développement durable, donc, doit respecter les besoins des générations futures. C'est assez difficile, lorsqu'on parle de besoins, de ne pas référer aussi à des préférences. Or, nos sociétés actuelles répondent déjà assez bien à leurs besoins. Peut-être est-ce que nos préférences ou peut-être est-ce que nos choix de société handicapent ou handicaperont les chances que les générations futures peuvent avoir de se développer.

Ainsi, les décisions concernant les choix énergétiques doivent se faire en pleine connaissance des impacts environnementaux et économiques qui résultent de ces choix. Or, les jeunes, pour qui nous voulons développer de façon irréversible le territoire, ne sont actuellement ni consultés ni informés sur ce type de développement qu'on leur offre sur le genre de province qu'on va leur léguer. C'est pourquoi à Environnement Jeunesse, l'année dernière, dans le cadre du programme, l'écologie en action!-2, nous avons choisi la thématique énergie pour faire de l'éducation relative à l'environnement et donner aux jeunes des informations et de l'éducation en ce qui concerne leur choix énergétique et le développement énergétique. Nous avons aussi pris la peine de consulter ces jeunes à travers un référendum que Danielle va vous présenter, dont elle va vous présenter les résultats maintenant.

Mme Laramé: Merci, Claude. Donc, on sait que les gens sont directement concernés par les questions environnementales parce que c'est eux qui vont avoir à vivre avec les répercussions et, pour eux, c'est important d'être consultés et d'être participants à ces décisions-là. Le référendum qui a été organisé à l'automne dernier a permis d'aller dans 22 cégeps, d'avoir une réponse de 20 % des étudiants à temps plein, qui avaient droit de vote, pour ce référendum. En général, ce qu'on constate, suite aux résultats du référendum, c'est que la majorité des jeunes qui ont répondu au référendum désirent s'inscrire dans le sens des recommandations du rapport Brundtland.

Vous me permettrez donc de vous donner les résultats de ce référendum. Vous remarquerez que les résultats aussi... Les questions qui ont été amenées lors du référendum ne portent pas nécessairement seulement sur l'énergie hydroélectrique, mais aussi sur les autres types d'énergie. Dans le cadre de ce projet, quand on parlait d'énergie ou de politique énergétique, c'était d'une façon globale.

Donc, à la première question qui avait été posée: Appuieriez-vous un gouvernement qui favorise le transport en commun au détriment de l'automobile personnelle? Il y a plus des deux tiers des répondants qui appuieraient un gouver-

nement qui favoriserait le transport en commun au détriment de l'automobile personnelle. Et, suite à ça, le mouvement Enjeu suggère, toujours dans une optique de développement soutenable, que les gouvernements tiennent compte réellement et "priorisent" la question de l'impact environnemental lors des décisions politiques et administratives concernant le secteur du transport; que les gouvernements augmentent le coût de l'essence par une taxe spéciale qui serait imputable à un fonds de recherche et de développement du transport en commun; que l'on établisse et réalise un plan de développement et de promotion d'un transport ferroviaire efficace; que l'on instaure des voies réservées aux autobus en milieu urbain; et que l'on favorise le covoitu-rage par des mesures incitatives.

Deuxièmement, on demandait si on appuierait un gouvernement qui hausse les tarifs de la consommation énergétique dans une perspective environnementale de développement durable. À cette question, une majorité absolue des répondants appuierait une hausse des tarifs de l'énergie, si elle vise le développement durable. Ce que le mouvement Enjeu suggère, c'est une hausse des tarifs de l'énergie, par une taxation spéciale, qui vise à favoriser une baisse de la consommation, telle que le rapport Brundtland le proclame, dans le but de rationaliser l'utilisation de nos ressources naturelles et de diminuer les impacts environnementaux liés à la consommation énergétique. Et les revenus seraient totalement investis dans la mise sur pied de systèmes d'économie de l'énergie et de programmes d'efficacité énergétique, dans l'établissement de mécanismes de compensation pour les personnes qui sont à faible revenu et dans la recherche, notamment par la création et le support d'un centre de recherche qui serait spécifiquement voué aux énergies alternatives dans une université québécoise.

Suite à ça, la troisième question: Appuie-riez-vous un gouvernement qui privilégie l'utilisation de l'énergie de fission nucléaire? À cette question, une majorité simple des répondants n'appuieraient pas l'option de l'énergie de fission nucléaire. Ce qu'on constate, finalement, c'est que les résultats à cette question montrent que, malgré toute la publicité qui est investie par l'industrie nucléaire, le nucléaire demeure quand même une question controversée. Et il y a un besoin d'information plus objective et d'éducation relative à l'environnement sur cette question, considérant les impacts environnementaux, notamment au niveau des risques et de la question encore irrésolue des déchets nucléaires.

La quatrième question. On disait: Êtes-vous prêts à payer plus cher pour des énergies moins polluantes? À cette question, plus des deux tiers des répondants sont prêts, oui, à payer plus cher pour des énergies moins polluantes. Et ça, pour nous, c'est un message clair qui nous permet de dire aux gouvernements et aux industries d'in- vestir davantage dans la recherche sur les énergies alternatives. On parle d'énergie moins polluante, mais c'est axé sur les énergies alternatives.

La cinquième et dernière question: Êtes-vous prêts à accepter des restrictions à votre consommation d'électricité durant les périodes de pointe? À cette question, il y a plus des deux tiers des répondants qui sont prêts à faire leur part, à accepter des restrictions à leur consommation d'électricité durant les heures de pointe. Ce qu'on constate et ce qu'on suggère, en termes de mouvement, c'est que, nous, les jeunes, finalement, on préfère changer notre comportement de consommateur plutôt que de construire de nouveaux barrages de centrales nucléaires. Oui, on est prêts à accepter des restrictions à notre consommation d'électricité pour autant que ça évite de construire d'autres barrages. Que ce changement à nos habitudes de consommation doit être soutenu, non pour permettre l'exportation de l'hydroélectricité, mais pour préserver la qualité de l'environnement dans le sens de l'utilisation de nos ressources à des fins de développement national collectivement consenties, toujours dans une perspective de développement durable.

Et, finalement, ce qu'on suggère, c'est que cette restriction à la consommation d'électricité durant les heures de pointe peut se réaliser facilement, soit en décalant l'heure du souper, en diminuant le gaspillage et l'utilisation de gadgets électriques non essentiels ou par l'instauration de programmes de délestages volontaires et prévus en échange d'une réduction des tarifs comme mesure incitative.

Ce sont donc les cinq questions qui ont été posées dans 22 cégeps à une population de 60 000 étudiants, auxquelles 20 % ont répondu. Donc, finalement, le mouvement Enjeu et le conseil d'administration du mouvement Enjeu, dans une optique de développement durable, amènent les recommandations suivantes qui sont plus générales. Finalement, pour donner une chance aux générations futures de bénéficier à leur tour du patrimoine énergétique et environnemental, on demande de mettre sur pied un processus réel permettant un véritable débat public sur l'énergie, permettant à l'ensemble de la population de se prononcer sur la politique énergétique au Québec. D'ici la tenue de ce débat, ce que les jeunes demandent, c'est d'établir un moratoire sur tout projet de développement des ressources énergétiques, notamment hydroélectriques et nucléaires. Et, finalement, ils demandent d'axer leurs interventions et recherches sur la maîtrise énergétique, soit l'efficacité énergétique, la diversification et la conservation de l'énergie. Ça, c'était les recommandations générales, finalement, qui sont sorties du référendum.

Donc, ce qu'on prône, on ne prône pas le retour à la terre ou le retour à l'utilisation de la

lampe à l'huile. Ce qu'on veut, c'est vivre décemment, dans un environnement qui soit harmonieux et dans lequel on puisse vivre en harmonie. Pour les jeunes, ce qui est important, c'est que la politique énergétique ne doit pas avoir comme seul objectif de répondre à un besoin, à une demande qui est en croissance, mais devrait avoir comme objectif de diminuer la demande, et, idéalement, de diminuer la croissance de la demande, et ce, en conformité avec ce que le rapport Brundtland prône au niveau de l'énergie. Je remercie les gens de la commission de nous avoir écoutés ce matin.

Le Président (M. Bélanger): Nous vous remercions de votre présentation. Mme la ministre.

Mme Bacon: Mme Laramé, M. Leduc, M. Villeneuve, je vous remercie d'être ici avec nous, ce matin, pour dialoguer et faire la présentation de votre mémoire. Je constate, avec plaisir, l'intérêt des jeunes pour l'énergie, pour le développement durable et je dois vous féliciter de l'initiative du sondage que vous avez réalisé pour apprécier les tendances qui se dessinent pour l'avenir. Pour réduire la consommation d'énergie, vous proposez, entre autres, que le gouvernement réhabilite le transport en commun. En posant l'hypothèse que le gouvernement favorise la mise en place des infrastructures nécessaires, je pense que vous n'ignorez pas non plus que le principal problème consisterait à convaincre les gens d'effectuer leurs déplacements de courte distance en autobus ou en covoiturage, et leurs déplacements de plus longue distance, soit en train, soit en autobus. Est-ce que vous avez des mesures pratiques, des mesures économiques à suggérer qui inciteraient les gens - et je pense qu'on peut insister sans contrainte; on sait que les gens sont toujours négatifs quand ils sentent une contrainte - à renoncer à un usage individuel de l'automobile?

M. Villeneuve: L'usage de l'automobile, c'est peut-être une des plus grandes satisfactions qu'on retire de notre siècle de vitesse actuellement parce qu'on peut se déplacer d'un point à un autre assez rapidement. Sauf que, dès le moment où on arrive dans les embouteillages, on se rend compte que notre plaisir est beaucoup gâché et, en même temps, on se rend compte aussi que les impacts environnementaux de ces choix de société là sont extrêmement négatifs.

Parmi les mesures qui sont incitatives et qui sont expérimentées ailleurs dans le monde, à plusieurs endroits, pour diminuer la congestion urbaine en même temps qu'améliorer la qualité de l'air, je peux vous citer, par exemple, au niveau de Seattle où on a des voies sur toutes les autoroutes qui sont réservées, à des heures particulières, essentiellement aux véhicules où il y a plus de deux personnes. Les véhicules qui font du covoiturage ont une voie spécifique qui est réservée sur les autoroutes pour entrer. Alors il y a certainement beaucoup de gens ce matin à Montréal qui auraient été très heureux de partager leur voiture en faisant tout simplement diminuer l'impact de la pollution pour se rendre au travail. Parce qu'il y a 40 minutes d'attente sur les ponts ce matin et, ces 40 minutes-là, ils auraient probablement préféré les passer à dormir ou à rencontrer leur famille. Ce genre de mesures-là n'est pas punitif. Les policiers qui sont déjà sur les routes à ces heures-là pour assurer la sécurité des gens peuvent très bien faire la surveillance de ce type de voies.

Il y a aussi beaucoup d'autres initiatives qu'on pourra éventuellement soumettre à l'intérieur d'un autre mémoire à la commission si la commission le désire, mais il y a de l'imagination dans la gestion de l'automobile qui a été expérimentée dans plusieurs autres pays. Et les gens, à partir du moment où on leur donne les renseignements nécessaires et on leur donne, finalement, l'éducation nécessaire pour comprendre ce qui se produit lorsqu'ils surutilisent leur automobile, sont capables de prendre des décisions. Il y a naturellement aussi, bien sûr, des incitatifs qui vont par le biais de la taxation. Nous recommandons des augmentations de la taxation sur les carburants. C'est bien clair que ce n'est pas quelque chose qui est accepté de gaieté de coeur par l'automobiliste, ni même l'automobiliste que je suis, mais, d'un autre côté, ça peut rendre compte, de façon beaucoup plus réaliste, des impacts et des coût de réparation des impacts écologiques qui sont causés par une trop grande utilisation des énergies fossiles. En ce sens, en plus - sans vouloir mêler tous les genres - c'est aussi peut-être une excellente manière d'équilibrer les budgets de la province.

Mme Bacon: Je reviens encore une fois.. On est quand même dans une société de gens qui sont très individualistes. Moi, j'habite une ville qui est Laval. Il faut traverser les ponts tous les matins et il faut passer à travers les autoroutes. S'il y a trois personnes qui travaillent, il y a trois voitures sur l'autoroute et qui doivent traverser les ponts. Est-ce que le seul fait de dire qu'on va leur réserver une place sur l'autoroute, s'ils sont deux ou trois dans la même voiture, va faire changer vraiment les mentalités? On a beau essayer d'inciter les gens et de prendre soit un covoiturage - on en a déjà parlé beaucoup du covoiturage - ça ne change pas beaucoup en ce moment. On ne sent pas le changement quand on fait l'autoroute le matin.

M. Villeneuve: Est-ce que vous avez fait l'essai de réserver une voie au covoiturage? Et, si non, est-ce que les citoyens de Laval sont plus individualistes que ceux de Seattle?

Mme Bacon: Je serais tentée de vous dire

oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Villeneuve: J'aimerais avoir les enquêtes là-dessus.

Mme Bacon: M faudrait peut-être faire l'essai de...

M. Villeneuve: Exactement.

Mme Bacon: ...de dire on réserve des voies spéciales parce qu'on sait le temps que ça prend pour se rendre au centre-ville, en partant de Laval.

M. Villeneuve: C'est tout à fait exact, Mme Bacon. Ici, je pense que nous devons, si on veut avancer vers le développement durable, absolument prendre une approche expérimentale, une approche scientifique pour y arriver, parce que, effectivement, ces solutions-là qui apparaissent quelquefois dans la mentalité dominante des choses farfelues ou des choses qui ne vont pas d'elles-mêmes, si on ne les essaie pas, on peut difficilement en tirer des conclusions. Or, en fait, je pense que le gouvernement du Québec serait très sage de faire des essais et d'assurer le suivi de ces essais-là, de telle façon qu'on puisse vraiment dire si, oui ou non, ces solutions-là sont possibles. Lorsqu'on parle de développement durable, en fait, on ne parle pas de s'arrêter, on ne parle pas, comme disait Danielle tout à l'heure, de revenir à la lampe à l'huile, ce n'est pas notre objectif, mais on parle vraiment de rationaliser en tenant compte de la dimension environnementale dans nos mécanismes de choix sociaux, dans nos mécanismes de prise de décision. On essaie, simplement, de faire durer cette qualité de vie qui est la nôtre le plus longtemps possible.

Mme Bacon: Vous parlez de taxe écologique sur les tarifs de l'énergie. On sait que les sources d'énergie ne sont pas toutes aussi dangereuses ou toutes aussi polluantes pour l'environnement. Est-ce que vous préconisez une taxé uniforme ou si, au contraire, vous préconisez une taxe qui serait modulée suivant les énergies?

M. Villeneuve: C'est une question qui est intéressante en ce sens qu'il y a naturellement le reflet, à l'intérieur du choix de taxation, des volontés politiques ou des choix sociaux qui sont faits à l'intérieur d'une population ou d'une société comme la nôtre. En ce sens, il est certain que la taxation, en fonction d'une taxe écolologique, soyons clairs, implique qu'on connaisse et qu'on reconnaisse les problèmes qui sont causés par l'exploitation d'un type ou de l'autre type d'énergie. En ce sens, naturellement, je ne suis ni fiscaliste, ni spécialiste de la taxation, ni parlementaire...

Mme Bacon: ...l'environnement.

M. Villeneuve: ...mais au niveau de l'environnement, je pense qu'on peut amener beaucoup d'éclaircissements sur le genre d'impact, sur les biens communs qui sont causés par l'utilisation des biens privés. Dans ce sens-là, il est certain que les fiscalistes ou que les gens qui sont spécialistes en économie auraient probablement intérêt à intégrer ces connaissances écologiques à l'intérieur de leur choix de taxation.

Mme Bacon: En laissant la fiscalité de côté mais en pensant seulement aux sources d'énergie polluantes ou dangereuses, si on fait une hiérarchie, quelle serait la plus taxée et la moins taxée?

M. Villeneuve: Vous me posez là un piège intéressant.

Mme Bacon: Non, non parce qu'on veut protéger l'environnement, au fond.

M. Villeneuve: Oui, d'accord. Je vous dis simplement, par exemple, que si on parle du gaz naturel, dépendant de la manière dont on utilise le gaz naturel, dépendant de la gravité du phénomène de l'effet de serre, on pourrait dire que le gaz naturel est, d'un côté, un combustible beaucoup moins polluant et, de l'autre côté, par contre, un risque - parce que c'est constitué de méthane - un risque pour l'augmentation du réchauffement global de la planète si cela s'avère exact. Et, en ce sens-là, il y aurait probablement un choix à faire d'une moindre taxation pour le gaz naturel, d'une taxation qui serait probablement plus incitative vers ce type de combustible-là pour des usages industriels et même pour des véhicules personnels. Et il y aurait d'autres formes d'énergie qui devraient être plus taxées en allant vers le charbon, éventuellement, quoiqu'on n'en utilise pratiquement pas au Québec, mais essentiellement il faudrait reconnaître ce genre d'impact-là dans le coût des éléments qu'on fabrique avec. (10 h 30)

Mme Bacon: Si l'on considère que sur une période de 10 ans on peut avoir un vaste programme d'économie d'énergie et que ce programme ne donne pas les résultats qu'on espère, et si l'on considère aussi que pour construire un barrage c'est la même période - il y a 10 ans du moment où on prend la décision et qu'on s'y met jusqu'au moment où il est réalisé - est-ce que vous croyez que le gouvernement doit prendre le risque d'interrompre tout développement énergétique ou s'il doit le poursuivre peut-être en ralentissant au fur et à mesure que la consom-

mation se réduit, ou si on doit, au contraire, imposer des restrictions si le programme n'est pas suivi volontairement, par exemple?

M- Villeneuve: Si l'on s'engage, par exemple, à l'intérieur d'un programme d'économie d'énergie qui est basé sur une base de 10 ans, à ce moment-là on doit se fixer des objectifs très clairs de rendement énergétique et assurer un suiyi de ces objectifs-là le plus possible. En ce sens, si l'on s'intègre dans un programme comme celui-là, c'est exactement la même chose que si l'on bâtit un barrage, c'est-à-dire qu'on se dote d'une marge de manoeuvre énergétique. Et, les moyens mis en oeuvre pour faire un programme d'économie d'énergie, c'est un mandat qu'on doit donner à la société d'État qui gère l'énergie, au même titre que celui de bâtir un barrage. C'est ce genre de mandat-là que la société doit respecter. De cette façon, si l'on décide d'économiser ce qu'un barrage pourrait nous produire, on en disposera si les gens font bien leur travail parce qu'il reste, à beaucoup de niveaux, non seulement au niveau individuel mais aussi au niveau institutionnel, du travail à faire, de l'innovation à faire. Il faut savoir que la nécessité est souvent la mère de l'invention et, lorsqu'on est dans une société de trop grande abondance, on devient rapidement paresseux des neurones et le meilleur moyen de stimuler la créativité, c'est souvent d'offrir aux gens soit des plans à rencontrer ou encore des barrières pour en arriver à un objectif particulier. C'est comme ça, d'ailleurs, qu'on fait produire de l'électricité aux rivières, on leur met des barrières.

Mme Bacon: Alors, si je comprends bien, vous seriez prêts à ce qu'on prenne le risque de ne pas préparer une construction de barrage, par exemple, en espérant que, durant cette même période de 10 ans, on arrive à faire suffisamment d'économies d'énergie.

M. Villeneuve: Vous posez là..

Mme Bacon: Est-ce que j'ai bien compris?

M. Villeneuve: Vous avez très bien compris. C'est-à-dire que c'est un risque au même titre qu'on prend le risque, par exemple, que, dans cette même période de 10 ans, il y ait développement d'une source d'énergie autre qui rende l'hydroélectricité tout à fait non concurrentielle. C'est un risque à ce niveau-là et c'est un risque, en même temps, le choix des économies d'énergie pour produire, pour se donner une marge de manoeuvre parce qu'en fait, c'est ça, le choix de l'économie d'énergie est un choix qui va nous apporter une amélioration au niveau environnemental à tout point de vue. Et, donc, on a un profit à dépenser moins, ce qui nous laisse plus de marge de manoeuvre pour éventuellement préparer les jeunes à un développement qu'ils vont pouvoir faire eux-mêmes. Si on veut caricaturer un petit peu, il faut peut-être laisser quelques barrages à développer pour nos jeunes s'ils en ont vraiment besoin.

Mme Bacon: Quand on regarde les conséquences d'une décision pareille, si on fait suffisamment d'économies d'énergie, on peut avoir un surplus. Mais si ça n'arrive pas et qu'on manque d'énergie, qu'est-ce qu'on fait?

M. Villeneuve: D'abord il est infiniment peu probable que nous manquions d'énergie. Les modèles qui permettent...

Mme Bacon: Vous êtes optimiste, vous.

M. Villeneuve: C'est-à-dire que je suis optimiste au même titre que les économistes qui font la planification et qui, eux aussi, sont optimistes. Dans les modèles de prévisions énergétiques, on a des intrants qu'on ne remet jamais en question. On dit que les tendances nous portent à croire que la consommation énergétique va augmenter. Or, la consommation énergétique, comme autre chose, ça peut se changer, ces tendances-là. On l'a vu, d'ailleurs, avec le premier choc pétrolier. Si on avait un choc pétrolier aujourd'hui, ça changerait probablement beaucoup les cartes de planification d'Hydro-Québec et il n'y aurait peut-être pas de commission parlementaire.

Dans le modèle qu'on vous propose, c'est une volonté politique qu'il faut mettre de l'avant, c'est-à-dire que c'est un choix de société, ce choix étant d'essayer d'utiliser l'énergie avec toute la valeur qu'on doit lui accorder. On est en compétition avec des sociétés, comme l'Europe, par exemple, qui paie son énergie deux fois plus cher que la nôtre. Est-ce que ça veut dire qu'on est deux fois moins efficaces puisqu'on vend au même prix qu'elles? Est-ce que ça veut dire qu'on est deux fois moins créatifs? Est-ce que ça veut dire qu'on est deux fois moins bons? Je pense que non. Je pense tout simplement qu'on profite d'un prix peu élevé de l'énergie, ce qui diminue notre créativité pour trouver des solutions qui seraient environnementalement bien meilleures et qui nous éviteraient d'autres problèmes par la suite.

Le Président (M. St-Roch): Merci, Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître M le député de Beauce-Nord.

M. Audet: Merci, M. le Président. Bonjour. Dans le même sens, concernant le moratoire pour le développement des projets hydroélectriques, il y a des intervenants qui sont venus en commission nous dire que les prévisions de demandes énergétiques qu'Hydro a dans son plan de développement sont bien en deçà. Ils prévoient

que la demande de consommation, la demande pour l'énergie va être beaucoup au-delà de ce qu'Hydro prévoit dans les prochaines années.

Mme la ministre l'a mentionné tantôt, advenant le cas, par exemple, où un programme d'économie d'énergie n'atteint pas ses objectifs, parce qu'on sait qu'au gouvernement, pour les grands programmes nationaux - le gouvernement ou ses organismes - la fiche est loin d'être parfaite. On n'a pas toujours atteint les objectifs qu'on se fixait. Des groupes nous ont dit qu'il y aurait peut-être des alternatives à ça ou des solutions. J'aimerais connaître votre position là-dessus, sur des petits barrages qui existent présentement, qui ne sont pas en opération, mais qui pourraient être remis en opération. Quel est votre point de vue là-dessus? Vous n'en avez pas parlé dans votre mémoire, des petits barrages, par exemple, qui existent présentement.

M. Villeneuve: Dans notre mémoire, on a parlé de la diversification des formes de production d'énergie. En fait, nous croyons qu'à l'avenir on est plus susceptibles d'avoir besoin de projets, disons, locaux ou sur une base plus diffuse que les mégaprojets. Il y a cette production énergétique sur une base régionale qui peut être importante. On parle, par exemple, de la cogénération qui est une nouvelle façon de voir la valorisation des résidus des parterres de coupe forestiers. C'est une voie intéressante éventuellement. Il y a aussi des voies intéressantes dans le domaine de la valorisation de la biomasse en général qui peuvent donner, sur une base de projets locaux, des ressources énergétiques.

Les problèmes, je pense, qui sont reliés avec les prévisions de demandes d'Hydro-Québec viennent des choix qui sont faits au niveau du développement industriel des alumineries, par exemple, qui consomment énormément d'électricité et aussi au niveau de la vente de contrats captifs aux États-Unis. Ces éléments-là, en fait, forcent la demande à être plus élevée que les besoins des Québécois actuellement et peut-être même que les besoins prévisibles des Québécois. Donc, le choix qui s'impose est de juger si nous sommes en situation de vouloir développer l'hydroélectricité pour un type de développement en particulier, qui correspond à ce qu'on a fait dans le passé, ou si on veut développer de l'hydroélectricité pour satisfaire aux besoins réels des Québécois d'aujourd'hui et de demain.

M. Audet: D'accord. Deuxièmement, vous avez parlé tantôt d'une taxe écologique sur les tarifs de l'énergie. Vous savez, bien sûr, que toutes les sources d'énergie ne sont pas toutes aussi dangereuses ou toutes aussi polluantes. Est-ce que vous suggérez une taxe uniforme sur tous les produits ou...?

M. Villeneuve: Mme la ministre m'a posé cette question-là tout à l'heure.

M. Audet: Ah! je m'excuse.

M. Villeneuve: J'y réponds encore de la même façon, c'est-à-dire qu'en fait, il faudrait savoir reconnaître, à l'aide des connaissances que nous donne l'écologie, les impacts réels de chacune des méthodes de production d'énergie pour établir cette taxation.

M. Audet: Parce qu'on sait que des taxes comme celles-là dans des régions - moi, je viens de la Beauce - un peu plus éloignées des grands centres, ont toujours des effets plus importants que, par exemple, les entreprises qui sont situées dans les grands centres. Alors, ça cause des problèmes assez...

M. Villeneuve: De la même façon, je viens du Lac-Saint-Jean, et notre tarif d'électricité, même si on en produit des quantités assez importantes, n'est pas différent de celui de la ville de Montréal. Et, de la même façon, les gens qui vivent dans les villages de la Baie-James vont générer leur électricité à partir du mazout qui leur coûte beaucoup plus cher alors que l'énergie est produite tout à côté.

Je pense qu'il y a beaucoup d'iniquités qui sont générées dans notre type de taxation et de développement. C'est peut-être une chose que le gouvernement a reconnu lorsqu'il a fait un prix de l'essence moins élevé dans les régions que celui qui est payé en métropole.

M. Audet: Je vous remercie.

Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, M. le député de Beauce-Nord. Je vais maintenant reconnaître M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue devant cette commission parlementaire.

J'aimerais revenir, en ce qui me concerne, pour commencer, sur la question des analyses, des études environnementales. Hier soir, M. Yergeau, qui est considéré, que l'on peut qualifier de spécialiste, pour le moins, en études environnementales, nous disait que, quant à lui, il croit que les études qui sont réalisées par Hydro-Québec au cours des dernières années sont faites selon une méthodologie qui est très acceptable et que, finalement, le problème ce n'est peut-être pas au niveau des études comme telles, mais c'est au niveau de la capacité des instances à traiter ces études.

Il disait que sa grande crainte, finalement, c'était de voir cet océan d'informations, comme il le disait, se perdre dans des dédales administratifs à travers des structures qui n'étaient pas capables de les digérer et de les traiter. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

M. Villeneuve: Je pense que là-dessus, on

peut reconnaître la compétence de M. Yergeau et vous dire que, actuellement, dans beaucoup d'éléments où on doit prendre des mesures, où le gouvernement doit prendre des mesures, il y a effectivement des informations qui se perdent faute de mécanismes de traitement adéquats. Les informations qui peuvent provenir des études environnementales sont des informations qui sont basées sur des mécanismes de prévision, un peu comme on prévoit la météo à partir des éléments du passé. On voit qu'avec la météo, il faut avoir les plus gros ordinateurs disponibles pour être capable de prévoir pour une journée, avec une bonne probabilité, pour deux jours, avec une moins bonne, et pour une prévision sur une semaine, eh bien, on obtient le même rendement qu'avec un 0,25 $.

Essentiellement, lorsqu'on fait des études d'impact environnemental, on essaie le plus sérieusement possible de déterminer quelles seront les composantes du milieu qui seront affectées. Et, ensuite, lorsqu'on a fait le travail, on vérifie et ça prend un programme de suivi environnemental. Hydro-Québec, là-dessus, s'est beaucoup améliorée au cours des ans et, effectivement, elle dispose d'excellents biologistes et d'excellents spécialistes qui permettent de faire des prévisions qui, je le pense, sont raisonnables. Et Hydro-Québec se donne aussi, dans une optique de développement viable, un programme de suivi des études environnementales.

Maintenant, tout ça ne change pas à la base que, lorsqu'un développement est irréversible, comme la construction d'un barrage, par définition, il est impossible de revenir en arrière et les mesures d'atténuation qu'on propose ou qu'on essaie de mettre sur pied sont souvent des cataplasmes sur une jambe de bois. Alors, essentiellement, on a découvert, à la suite de la construction des barrages, différents phénomènes scientifiques qui n'étaient pas connus. On travaille dans l'inconnu lorsqu'on fait un nouveau projet. Et le genre de phénomène scientifique, par exemple, d'accumulation de bioaccumulation du mercure à l'intérieur des réseaux alimentaires, c'était quelque chose qui était inconnu avant qu'on fasse les barrages comme la Manie ou la Baie James.

Et, essentiellement, chaque fois qu'on s'engage dans un nouveau projet, dans un nouvel environnement qu'on connaît mal, à chaque fois on génère des données qui, effectivement, se perdent et dont on s'aperçoit de l'importance a posteriori. C'est donc pourquoi, par respect pour les jeunes, je pense qu'il faut être extrêmement prudent et circonspect dans les développements irréversibles qu'on veut faire subir à nos écosystèmes.

Je vais simplement ajouter un petit quelque chose de plus régional. Par exemple, pour le développement de la rivière Ashuapmushuan, il serait nécessaire que les gens soient consultés et qu'on connaisse, aussi bien que les résultats de ce que produirait de développement hydroélectrique, quelles seraient les autres utilisations qu'on peut faire de la rivière et qu'on les connaisse aussi bien avec des études aussi précises. Comme ça, les gens auraient une façon éclairée de faire des choix pour vraiment savoir ce qu'il faut faire avec cette rivière-là. (10 h 45)

M. Claveau: Vous n'aurez pas de difficulté, en ce qui me concerne, à me faire endosser votre point de vue sur la rivière Ashuapmushuan. Ceci étant dit, j'aimerais passer la parole à mon collègue de La Prairie qui aurait quelques questions.

Le Président (M. St-Roch): Je vais maintenant reconnaître M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux féliciter les porte-parole du groupe Environnement Jeunesse. C'est un bel exemple de collaboration entre enseignants et jeunes. J'ai eu beaucoup de plaisir à lire ce mémoire. Quant à moi, en tout cas, c'est un petit bijou parce qu'il allie, dans le quotidien, dans des choses très pratiques, des principes fondamentaux. J'ai un certain nombre de questions à poser, mais avant, je voulais simplement exprimer mon accord entier avec la conclusion générale, les recommandations générales. Je pense que, de ce côté-d de la table, nous partageons votre volonté d'obtenir un débat public et aussi d'établir un moratoire durant la période où aurait lieu ce débat public.

On a parlé tantôt de covoiturage; c'est un bel exemple, je crois, d'un phénomène qui n'a pas été expérimenté suffisamment au Québec. Il y a eu quelques faibles tentatives, il y a quelques années. Vous avez cité l'exemple de Seattle, mais il y a aussi des méthodes, des techniques qui sont tout à fait simples et non coûteuses. Ce n'est peut-être pas assez coûteux pour les grandes entreprises d'État qui préfèrent des trucs très coûteux, mais la simple installation, en région, d'une centrale de coordination, avec un numéro de téléphone accessible... Parce que le covoiturage, ça ne se fait pas de façon spontanée, il faut qu'il y ait un minimum d'organisation pour coordonner ça. Et, dans la plupart des États américains, à tout bout de champ, le long des autoroutes, on voit des numéros de téléphone: Covoiturage, tel numéro. Il suffirait de subventions modestes de la part des ministères de l'Énergie, de l'Environnement et des Transports pour qu'on puisse établir, surtout dans les ceintures des grands centres urbains, des centrales de coordination comme ça. Et il suffirait aussi d'obtenir la collaboration du patronat, des employeurs pour qu'il y ait des mesures qui favorisent, de la part des employeurs... Parce que ça se fait ailleurs, ça. Il y a des employeurs, ailleurs, qui favorisent les employés qui utilisent le covoiturage. Bref, moi, je pense que le gou-

vernement, ici, a une mine de suggestions intéressantes. Et j'offre à la ministre le comté de La Prairie comme comté... Puisque c'est dans la périphérie de Montréal, la rive sud de Montréal et qu'il y a beaucoup de "traversages" de ponts un peu comme à Laval, peut-être que Chomedey et La Prairie seraient deux excellents comtés pour faire des expériences pilotes.

Mais sérieusement, je reviens à votre groupe. Je trouve intéressante l'orientation de votre groupe qui est axée sur l'éducation et je voulais savoir comment ça fonctionne, de façon un peu plus précise. Vous parlez de votre présence dans les universités, dans les collèges. Est-ce que vous allez aussi dans les polyvalentes, au secondaire? Comment procédez-vous pour entrer dans les institutions d'enseignement?

Mme Laramé: O.K. Comme je le disais dans l'introduction, quand j'ai présenté le mouvement Environnement Jeunesse, pour faire de l'éducation relative à l'environnement, on produit divers outils. On a des guides, on a un service d'animation. Entre autres, par le biais de ce service d'animation, on a beaucoup de demandes des écoles qui sont plutôt de niveaux secondaire et primaire. Et les animations qu'on fait, c'est sur des thématiques. Entre autres, il y a toute une série d'affiches de l'UNESCO qu'on a vulgarisées et qu'on utilise pour aller faire de l'animation au niveau des écoles. Ça, c'est une façon, aux niveaux secondaire et primaire.

Au niveau des milieux collégial et universitaire, on y va plus par des projets d'action. Tantôt, on parlait du projet Écologie en action. Alors, Écologie en action, on en est rendu à la version 3 qui va se dérouler en 1991. Il y a déjà eu 1 et 2 qui ont porté sur des thèmes très précis et qui étaient des semaines d'animation. Ça se déroulait habituellement sur deux, trois mois, une semaine d'animation par Cégep. Et, durant cette semaine d'animation, il y avait une exposition, il y avait aussi des films, un minifestival de films qui était présenté; donc, plein d'outils qui étaient produits pour sensibliser, informer et surtout responsabiliser les jeunes qu'on se trouvait à côtoyer, à ce moment-là, lors de la tournée, sur des termes très précis. Alors, ça, c'est le genre d'outils qu'on utilise pour faire de l'éducation relative à l'environnement. Je ne sais pas si ça répond à votre...

M. Lazure: Oui. Est-ce que vous avez la collaboration du ministère de l'Éducation? Est-ce que vous avez...

Mme Laramé: En fait, le mouvement Enjeu est subventionné par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, parce qu'on est un organisme de loisir, au niveau du loisir scientifique. Il y a le ministère de l'Environnement aussi qui a été un de nos principaux bailleurs de fond, et il y a le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science et de la technologie, au niveau des projets ponctuels qu'on a eus, c'est-à-dire les projets écologie en action. Ce ministère-là, entre autres, dans un cadre d'un programme qui était "Étalez votre science", a aussi collaboré pour financer ces projets.

M. Lazure: Avez-vous une idée combien ça vous a coûté, à peu près, le sondage que vous avez effectué?

Mme Laramé: Mon Dieu! le projet écologie en action-2, c'est une subvention du ministère de l'Enseignement, c'est un projet de 30 000 $. Donc, à l'intérieur de ce projet, il y avait le référendum qu'on a tenu, mais il y a aussi les semaines thématiques qui ont été tenues, la production de matériel pour ces semaines thématiques-là, la logistique, etc.

M. Lazure: Je pense, M. le Président, que l'expérience de Environnement Jeunesse à cet égard, à l'égard des référendums, des consultations, ça pourrait servir, justement, le jour où il y aura une consultation plus vaste, et ça peut inspirer, peut-être, le gouvernement à utiliser certaines techniques qui sont actuellement courantes auprès des jeunes, que ce soit le référendum sur l'énergie ou même d'autres sortes de référendums qui se tiennent dans les cégeps actuellement.

J'ai une dernière question. Vous dites qu'une importante portion de vos revenus provient de l'autofinancement. Est-ce que vous pourriez nous donner un peu plus de détails là-dessus?

Mme Laramé: II y a les cotisations des membres. On est rendus, quand même, comme je le disais tantôt, à plus de 400 membres individuels et plus de 200 membres collectifs. Donc, il y a les cotisations. Il y a les commandites, parce que, pour ces projets ponctuels qu'on a eus depuis trois ans, on va chercher des commandites aussi. Il y a aussi la vente de matériel, là, etc. C'est essentiellement, en gros.

M. Lazure: Avez-vous des cellules dans chaque région du Québec?

Mme Laramé: Oui. M. Lazure: Oui?

Mme Laramé: Oui, à l'heure actuelle, oui. On a des cellules un peu partout, et ce qu'on essaie, c'est de développer encore plus, d'aller chercher encore plus de groupes écologiques au niveau des cégeps, et là, maintenant, au niveau universitaire aussi. Il y a, dernièrement, neuf groupes, si je ne me trompe pas, universitaires qui se sont affiliés au mouvement Environnement Jeunesse.

M. Lazure: Excellent, merci.

Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, M. le député de La Prairie. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, M. le Président. Moi je veux revenir sur la question des études environnementales, parce que ça me semble être un des éléments qui est au coeur du problème, actuellement, par rapport aux choix qu'on doit faire en termes de production d'électricité et, éventuellement, d'économie d'énergie, par dérivé. On disait, hier encore, et dans l'intervention de M. Yer-geau, que toute la question des interrelations entre tes différents projets pour essayer de cumuler, si vous voûtez, la somme totale des inconvénients qui pourraient s'additionner d'un projet à un autre, c'est quelque chose qui est plutôt embryonnaire et puis que si on attendait - encore là, je reprendrai une de ses expressions - si on devait attendre d'avoir ces résultats-là avant de bouger, on risque d'être drôlement longtemps arrêtés. Est-ce que vous partagez ce point de vue là?

M. Villeneuve: Vous savez que, actuellement, au niveau de la recherche en ce qui concerne l'évaluation des impacts au niveau mondial, la plupart des spécialistes se posent des questions sur la compréhension des impacts cumulatifs. Cette compréhension des impacts cumulatifs exige une méthode d'analyse qui est encore inexistante. Nous avons actuellement - c'est une parenthèse - un projet pour faire du Saguenay-Lac-Saint-Jean un laboratoire du développement durable et c'est un des endroits où on pourrait examiner et essayer de développer une méthode sur un bassin versant complet, de façon à essayer de déterminer des impacts cumulatifs. En dehors de cela, les études qui considèrent, en fait, toujours l'impact de l'enlèvement d'un morceau d'un écosystème, révèlent généralement des impacts qui sont relativement faibles. Mais laissez-moi vous donner un exemple. Si on vous coupe un doigt, ça ne vous fait pas trop mal. Si on vous coupe une main, c'est encore tolerable. Mais, si on commence à vous enlever des gros morceaux, à un moment donné, vous allez trouver que vous êtes beaucoup moins fonctionnel Et c'est exactement ce qu'on fait avec les écosystèmes actuellement. Un peu comme, actuellement, on se réveille avec des problèmes dans le fleuve Saint-Laurent qui étaient insoupçonnables il y a 50 ans, on peut se retrouver avec des problèmes dans certaines régions parce que l'ensemble des dégradations environnementales crée une synergie qui fait que des mécanismes plus profonds s'avèrent attaqués alors qu'on ne pouvait pas le prévoir par les études d'impact. Donc, il y a quand même de ce côté-là beaucoup de recherche à faire en ce qui concerne les impacts cumulatifs.

En ce qui concerne la question de dire: Est-ce qu'une forme d'énergie a des impacts plus importants qu'une autre? Je pense qu'à l'heure actuelle on le voit bien avec l'effet de serre, avec les précipitations acides, avec tous ces problèmes-là qui sont des reflets, justement, de questions où on n'avait pas prévu les impacts cumulatifs des actions individuelles.

M. Claveau: Dans un autre ordre d'idées, vous avez soulevé tout à l'heure un point que nous avons abordé rapidement aussi hier. C'est la question de la conservation d'énergie vue comme projet de société, si vous voulez, une nouvelle façon d'envisager un mégaprojet énergétique qui serait de développer un esprit et d'appuyer cet esprit-là par les interventions nécessaires pour faire en sorte que l'on se donne des objectifs globaux de société en termes de conservation d'énergie.

Le problème qui nous a été soulevé là-dedans, c'était la question du financement de tout ça parce que c'est beau d'y aller massivement au niveau de l'idée, mais l'appui financier ne semble pas être aussi évident. D'abord, vous semblez être d'accord pour dire que ça serait probablement un des plus beaux mégaprojets énergétiques qu'on pourrait développer au Québec, mais est-ce que vous êtes d'accord avec cette idée-là de la très grande difficulté de financer une telle opération?

M. Villeneuve: Vous me permettrez de ne pas être d'accord avec la très grande difficulté de financer un tel projet. En réalité, les projets d'économie d'énergie se financent par le fait qu'ils sont économiques, d'abord, mais aussi c'est que si on voit ce projet-là d'économie d'énergie en parallèle avec une taxation écologique de l'énergie, on se rend compte que le financement devient immédiatement disponible. Ce financement-là, en fait, il est proportionnel aux efforts qu'on met, en tant que société, dans ce projet-la. Naturellement, je ne veux pas insister sur la difficulté de gérer des projets collectifs de cette envergure parce que le nombre d'intervenants est immense et qu'on se heurte à de l'incompréhension et à des mécanismes d'évitement qui sont normaux dans une société.

Cependant, je crois que, pour la société québécoise, ce serait un excellent projet de société. C'est quelque chose qui nous manque à l'heure actuelle, un projet de société vers des années d'un nouveau millénaire. Je pense que la société québécoise est là pour rester et, en tant que telle, c'est à travers des projets collectifs comme ceux-là qu'elle va se développer une identité.

M. Claveau: En terminant, puisqu'on me dit qu'il me reste juste le temps d'une question, j'aimerais vous entendre élaborer un tant soit

peu sur la question des énergies alternatives, ou plutôt sur les modalités ou les façons alternatives de produire de l'électricité. On a des gens qui sont venus nous parler amplement du solaire. D'autres sont venus nous parler de la cogénéra-tion à partir de la biomasse. Bon, d'autres ont défendu la thèse du gaz naturel dans le chauffage, par exemple, des trucs comme ça. J'aimerais que vous élaboriez un peu sur ces hypothèses. (11 heures)

M. Villeneuve: Toutes ces méthodes sont des méthodes intéressantes pour aller chercher des souces énergétiques qui nous sont actuellement non disponibles ou carrément gaspillées ou qu'on ne valorise pas suffisamment. Il y a toute une valorisation de déchets qui peut se faire. Il y a aussi l'utilisation des énergies diffuses. On parle, par exemple, des chaleurs résiduelles qui proviennent des eaux de refroidissement de certaines industries. On parle de récupération d'une chaleur qui, actuellement, n'est pas économique à récupérer et le principe, peut-être, c'est de permettre à l'imagination d'exercer ses capacités sur ce genre de problème-là. En fait, il y a un Bureau des économies d'énergie qui a déjà des ressources et des moyens, mais visiblement, il n'est pas supporté tellement par le gouvernement à l'heure actuelle. C'est un organisme qui devrait avoir un statut de conseil consultatif et vraiment donner des contrats de recherche, des travaux, pour aller chercher l'expertise où elle se trouve à l'intérieur de nos créateurs québécois mais aussi à l'extérieur, ailleurs dans le monde, pour pouvoir développer des expériences d'adaptation de technologique. Le principe, c'est que, lorsqu'on est innovateur, les autres nous copient, mais on peut toujours leur enseigner comment nous copier.

Je pense que le défi dans la question de l'efficacité énergétique, c'est d'être à l'avant parce que - le rapport Brundtland, nous le montre bien - ce n'est pas possible qu'on continue, à l'échelle globale, de consommer autant de ressources énergétiques. On est quand même un très petit pourcentage de l'humanité et on dépense, au point de vue énergétique, les ressources qui sont nécessaires pour les générations futures.

Le Président (M. St-Roch): De brèves remarques de conclusion, M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Je vous remercie pour votre intervention qui est très intéressante, enfin qui nous amène des compléments de réflexion pour les travaux de la commission. Peut-être que, pour les questions de covoiturage, le gouvernement pourrait donner l'exemple, on ne sait pas; éventuellement, on pourrait mettre deux ministres par limousine.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, M. le député d'Ungava. Mme la ministre.

Mme Bacon: C'est rare qu'ils vont au même endroit en même temps. Je voudrais vous remercier, Enjeu et Environnement Jeunesse, de votre présentation aujourd'hui et, aussi, du mémoire que vous nous aviez déjà fait parvenir et qui a été, pour nous, fort intéressant à lire et à analyser et vous féliciter pour le travail que vous avez fait. J'ai déjà eu l'occasion d'être plus près de vous dans d'autres fonctions et je dois dire que j'apprécie toujours ce qui est fait par vous. Merci beaucoup.

Le Président (M. St-Roch): Merci, Mme la ministre. Je tiendrais, au nom de tous les parlementaires, à remercier les porte-parole de Enjeu et Environnement Jeunesse inc., pour leur contribution aux travaux de cette commission. Et sur ce, je demanderais maintenant aux représentants du Club d'électricité de Montréal inc., de bien vouloir prendre place s'il vous plaît. Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue à la commission de l'économie et du travail. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier, s'il vous plaît, ainsi que les membres qui l'accompagnent, pour le bénéfice des parlementaires et du Journal des débats.

Club d'électricité de Montréal inc.

M. Séguin (Maurille): Merci, M. le Président. Mme la ministre, distingués membres de la commission, mon nom est Maurille Séguin, président de Douserv inc., une société d'ingénieurs-conseils. Je suis ici à titre d'ex-président du Club d'électricité de Montréal. Je suis accompagné, pour l'occasion, de M. Gilles Girard, directeur du marketing - à ma gauche - GE, General Electric du Canada, et membre du conseil d'administration du Club. À sa gauche, M. Antoine Backhangi, conseiller technique chez Westinghouse Canada, membre du conseil d'administration du Club; à ma droite, M. Normand Pomerleau, vice-président de Hervé Pomerleau inc., et membre du Club, et Mme Francine Mathieu-Séguin, secrétaire générale du Club.

Le Président (M. St-Roch)): À partir de ce moment-ci, M. le président, vous avez maintenant 20 minutes pour déposer votre mémoire.

M. Séguin (Maurille): Merci. Fondé en 1916, le Club d'électricité est un organisme à but non lucratif qui se veut le carrefour de l'industrie électrique au Québec. Le Club a pour mission de fournir à l'industrie électrique un forum et une tribune pour en promouvoir les intérêts professionnels, économiques et commerciaux.

Le Club poursuit surtout trois buts: promouvoir les interrelations entre les organismes

intéressés à l'électricité; organiser des événements afin de favoriser la synergie entre les entreprises ou sociétés du Québec concernées par l'industrie électrique; et troisièmement, contribuer de façon générale à faire connaître dans les différents publics intéressés les apports économiques et points de vue du monde de l'électricité.

Le Club d'électricité compte plus 250 membres individuels, représentant au-delà de 120 compagnies des plus importantes dans le domaine de l'électricité. Les manufacturiers fournisseurs de gros équipements électriques, founisseurs d'équipements connexes à l'indutrie électrique représentent 46 % de nos membres, et les ingénieurs-conseils, 26 %. Il y a aussi une représentation d'Hydro-Québec, en tant que producteur d'électricité, à 13 % du membership; les entrepreneurs en construction en représentent 10 % et il y a d'autres membres pour 5 %.

Depuis sa fondation en 1916, le Club d'électricité organise des déjeuners-causeries auxquels participent des conférenciers sélectionnés parmi les têtes dirigeantes des services publics, des industries de pointe, des institutions financières ou parmi les ministres provinciaux et fédéraux. Je crois en fait que tous les ministres de l'Énergie du Québec sont passés par notre tribune et j'ose croire, Mme la ministre, que vous ne briserez pas cette belle tradition et que vous serez des nôtres à la saison qui débute en octobre.

À son assemblée annuelle, le mois dernier, le Club d'électricité de Montréal inc. a changé son nom pour Club d'électricité du Québec inc., pour être plus représentatif de l'origine de ses membres et de l'étendue de ses activités. En tant que représentant des principaux intervenants dans le secteur de l'électricité au Québec, le Club d'électricité du Québec tient à profiter de l'occasion qui lui est fournie dans le cadre de cette commission parlementaire pour formuler sa position face au plan de développement d'Hydro-Québec et ce, sur deux points de vue. Premièrement, du point de vue d'un grand nombre de fournisseurs de produits et services, et deuxièmement, du point de vue d'un groupe important de consommateurs industriels de l'électricité.

D'abord, le Club d'électricité en tant que représentant des fournisseurs de produits et services en électricité au Québec. Notre intervention dans ce secteur, M. le Président, s'inscrit en sept volets.

Le premier volet, le développement de l'hydroélectricité dans la perspective d'un développement durable. Le Club d'électricité considère que les objectifs énoncés dans le plan de développement d'Hydro-Québec, visant à ce que notre société s'oriente vers un développement durable en harmonie avec l'environnement, sont conformes aux critères proposés et définis dans le rapport de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement. Je parle bien entendu du rapport Brundtland publié en 1987. Dans l'état actuel de la technologie et compte tenu que les besoins continueront néanmoins de croître au cours des dix prochaines années, c'est avec l'hydroélectricité que notre société peut le mieux souscrire à cet objectif, et ce, avec le moins de compromis pour le respect de l'environnement, le développement de son économie et l'amélioration de sa qualité de vie.

Bien sûr, nous souscrivons à la nécessité d'effectuer des études d'impact environnemental, mais notre industrie s'inquiète des délais que ces études requièrent, actuellement. Elles ont trop souvent pour effet de diminuer le temps de conception et de réalisation des projets, ce qui entraîne des risques pour notre industrie à pouvoir répondre adéquatement aux demandes de produits et services.

Nous endossons le plan de développement de l'hydroélectricité au Québec, souhaitant vivement voir cette source d'énergie continuer à s'imposer vis-à-vis des autres sources d'énergie, afin de permettre à notre société de s'orienter vers un développement plus durable.

Le deuxième volet traite de la prévision de la demande d'électricité. Le scénario d'un accroissement de la demande d'électricité de 2 % en moyenne par année au cours des dix prochaines années comporte certains risques et inquiète notre industrie quant à sa capacité de répondre rapidement et adéquatement à une accélération soudaine du taux de croissance. D'ailleurs, la revue Au courant, dans son édition de janvier-février 1990, mentionne que l'an passé, nos voisins, Ontario Hydro, avaient prévu une augmentation annuelle de la demande de 3 %. La réalité: 12 %. La conséquence: Ontario Hydro devra dépenser quelque 900 000 000 $ pour investir dans un programme d'économie d'énergie.

Si nous manquons de capacité énergétique, Hydro-Québec devra acheter l'énergie manquante des réseaux voisins, contribuant ainsi à la dégradation de notre environnement, puisque cette énergie est souvent produite à l'aide d'anciennes centrales thermiques classiques, souvent très polluantes. Nous supportons un scénario cible de croissance axé sur un taux d'accroissement de la demande plus élevé, qui tiendrait compte d'une plus grande marge de manoeuvre.

Le troisième volet traite de la fiabilité et de la qualité du service d'Hydro-Québec. Les investissements prévus au plan de développement pour améliorer la fiabilité des réseaux de transport et de distribution, de même que la qualité du service, sont essentiels pour faire de l'électricité une source d'énergie qui réponde aux critères de qualité de notre société d'aujourd'hui. Il est impérieux que la fiabilité d'approvisionnement et la qualité du service atteignent un niveau qui soit au moins comparable sinon supérieur à celui des producteurs d'électricité les plus performants.

Le quatrième volet traite de la recherche, du développement et de la promotion des économies d'énergie. Dans ce domaine, nous endossons encore une fois le programme à long terme d'économies d'énergie d'Hydro-Québec, et nous souhaitons que le volet sur la recherche et le développement soit développé avec une attention particulière.

Le cinquième volet. L'électricité: moteur de développement économique. Au Québec, l'industrie de l'électricité emploie directement ou indirectement des dizaines. de milliers de travailleuses et travailleurs. Le plan de développement d'Hydro-Québec permettra de maintenir et même d'accroître ces emplois au cours des 10 prochaines années. En poursuivant le développement de l'hydroélectricité, notre industrie se sent justifiée d'accroître ses efforts de recherche en vue d'améliorer les technologies actuelles de conception, de réalisation et d'exploitation des centrales hydroélectriques et des réseaux de transport. Cela engendrera d'importantes retombées économiques pour le Québec. De plus, les manufacturiers et les fournisseurs québécois peuvent ainsi investir dans l'augmentation de leur productivité, ce qui leur permet d'avoir des prix plus compétitifs et, par conséquent, d'être plus concurrentiels sur le marché international.

Le sixième volet, l'électricité et l'environnement. L'hydroélectricité est la forme d'énergie la plus compatible avec nos préoccupations fondamentales en matière d'environnement, en ce qui a trait à l'émission de produits polluants et à la limitation des risques de catastrophe écologique.

Finalement, M. le Président, le septième et dernier volet dans ce premier secteur d'intervention: Hydro-Québec et le partenariat. Il est désormais essentiel qu'Hydro-Québec puisse compter sur ses partenaires techniques autant que sur ses partenaires économiques. Le partenariat entre tous les intervenants du milieu de l'énergie devient désormais essentiel au développement harmonieux et viable de l'hydroélectricité. Dans cette perspective, le Club d'électricité fait partie des organismes auxquels Hydro-Québec doit s'associer pour assurer le succès de son entreprise. Le partenariat doit être promu et concrétisé, particulièrement dans le secteur de la recherche et du développement et celui du développement du personnel qualifié. (11 h 15)

Le deuxième secteur d'intervention, M. le Président, portera sur le Club d'électricité en tant que représentant d'un groupe important de consommateurs industriels d'électricité, et s'inscrit en trois volets.

Le premier, la tarification de l'électricité. Il est normal qu'Hydro-Québec veuille assurer une saine gestion de son entreprise et que, pour ce faire, elle ait recours à des augmentations de tarifs qui lui permettent d'atteindre les seuils de rentabilité qui lui sont nécessaires. Nous souhai- tons cependant que des efforts additionnels soient consentis en vue de l'amélioration de sa productivité et ce, afin de limiter les augmentations de tarifs. Les augmentations freinent les développements de l'industrie et, de ce fait, vont à rencontre des objectifs de développement durable.

Le deuxième volet, la promotion des économies d'énergie. Nous endossons le programme d'économie d'énergie d'Hydro-Québec, en autant qu'il fasse l'objet d'une politique à long terme, et souhaitons vivement qu'il aura des retombées positives sur notre propre industrie. Pour que ce programme soit une réussite, dans sa forme actuelle, nous aimerions qu'il soit amplifié et qu'Hydro-Québec engage des fonds plus substantiels dans des programmes de recherche, de développement et de démonstration en économies d'énergie dans le secteur industriel. Les membres du Club d'électricité sont prêts à s'associer à cet effort.

Le troisième volet dans ce secteur traite du service à la clientèle. Devant l'importance qu'Hydro-Québec accorde aujourd'hui à l'utilisation de l'électricité dans l'industrie, il devient essentiel qu'elle assure un support direct à sa clientèle industrielle pour s'assurer que l'objectif poursuivi soit atteint. Hydro-Québec propose d'améliorer la qualité de ses relations avec la clientèle. Elle se doit de rehausser sa réputation d'entreprise avant-gardiste, efficace et soucieuse de la qualité de ses relations avec les clients.

M. le Président, en guise de conclusion, permettez-moi de faire le sommaire des positions du Club d'électricité du Québec. Nous considérons que le plan de développement d'Hydro-Québec répond adéquatement aux besoins, aux préoccupations et aux aspirations actuelles de notre société. Nous fondons cette affirmation principalement sur cinq éléments. 1° Les Québécois et les Québécoises veulent plus d'énergie pour satisfaire leurs aspirations en matière de qualité de vie et de développement économique et ce, dans un contexte d'un développement durable; 2° Les Québécois et les Québécoises souhaitent parvenir à une utilisation plus efficace de l'énergie; 3° Les Québécois et les Québécoises désirent que la fourniture d'électricité soit plus fiable et comporte un service à la clientèle, un service, même, amélioré; 4° Les Québécois et les Québécoises veulent que l'hydroélectricité continue d'être un moteur de développement technologique et économique pour le Québec; 5° Les Québécois et les Québécoises aspirent à ce que Hydro-Québec parvienne à ce degré d'excellence que toute société exige d'un de ses plus grands éléments de fierté nationale.

Pour atteindre cet objectif, nous souhaitons éveiller et inciter le gouvernement du Québec et Hydro-Québec à intégrer un certain nombre

d'améliorations et d'ajustements au plan de développement qu'Hydro-Québec a soumis J'en mentionne quatre, en particulier, que nous considérons importants. Il s'agit de la prévision du taux de croissance, les hausses de tarifs, le partenariat et la promotion des économies d'énergie.

En ce qui a trait à la prévision du taux de croissance, à 2 % en moyenne par an pendant 10 années, ça comporte certains risques quant à la capacité dé répondre adéquatement à une accélération rapide de la demande d'électricité. Nous demandons une réévaluation du taux de croissance prévu et nous suggérons fortement de l'augmenter sensiblement.

Pour limiter les hausses de tarifs d'électricité, nous incitons Hydro-Québec à consentir des efforts plus importants dans l'amélioration de sa productivité.

Troisièmement, le partenariat entre les intervenants du milieu doit être davantage structuré et renforcé, pour une meilleure synergie des efforts en recherche et développement et une meilleure planification des services de conception et de réalisation des projets.

Et quatrièmement, il faut amplifier la promotion des économies d'énergie, pour qu'elle connaisse un succès dans le milieu industriel, en particulier. M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, parvenir à un développement durable est un défi de taille. Nous en acceptons les objectifs et tenons à faire partie de ceux qui fourniront à notre société les moyens d'y parvenir.

Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, M. Séguin. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre.

Mme Bacon: M. Séguin, M. Girard, M. Bachkangi, M. Pomerleau et Mme Mathieu-Séguin, je vous remercie de votre intérêt à cette commission parlementaire, qui revêt une importance toute particulière, je pense, compte tenu des grandes discussions que nous avons en ce moment au sujet du plan de développement que nous propose Hydro-Québec. Mais en même temps, aussi, je pense qu'on a voulu élargir à cette commission parlementaire un mandat de grande discussion sur l'énergie électrique. C'est avec intérêt que je constate que le Club de l'électricité représente à la fois des fournisseurs de produits et de services et aussi un groupe important de consommateurs industriels d'électricité.

Vous êtes au moins les troisièmes intervenants qui affirment, devant cette commission, que les prévisions de la demande d'Hydro-Québec devraient être réévaluées à la hausse. Sur quoi fondez-vous vos appréhensions d'une demande d'électricité plus forte que prévue?

M. Séguin (Maurille): Dans un premier temps, Mme la ministre, à la lecture du plan de développement d'Hydro-Québec, quand on constate sur quoi ils fondent la cible de 2 %, c'est bien entendu sur l'historique et aussi sur un plan très optimiste de conservation de l'énergie. Nous mettons ici en doute la réussite du plan de conservation d'énergie, où Hydro-Québec prétend, dans les dix prochaines années, conserver 12,9 térawattheures. Nous pensons qu'ils ne réussiront pas à faire conserver autant d'énergie à la population québécoise. Nous pensons que les Québécois, certainement, sont conscients et seront sérieux dans leur économie d'énergie, dans leurs efforts d'économie d'énergie, mais nous doutons sérieusement qu'ils pourront atteindre une économie d'énergie à la hauteur des attentes d'Hydro-Québec.

Et ces 2 % nous semblent bas, aussi, si on compare avec nos voisins de l'Ontario. Ontario Hydro est une société qui est très parallèle à Hydro-Québec, comme vous le savez. D'ailleurs, les profits, l'an passé, étaient à quelques milliers de dollars près l'un de l'autre. Le nombre d'employés est à quelques employés près. Enfin, le parallèle est très bon entre les deux sociétés. Eux, l'an passé, avaient prévu 3 %. La réalité, c'est que c'a été 12 %.

Mme Bacon: On doit dire... Certains intervenants ont quand même dit devant cette commission que les objectifs d'Hydro-Québec étaient modestes. D'autres intervenants nous affirment qu'ils sont ambitieux, et à la limite, qu'ils sont irréalistes. Comment réagissez-vous devant ça?

M. Séguin (Maurilie): Bien, nous, nous pensons qu'ils ne sont pas ambitieux, définitivement. Nous préconisons une cible plus élevée, comme je l'ai mentionné tantôt, parce que les effets en bout de ligne pourraient devenir très importants. Et je m'explique là-dessus. C'est que si, par exemple, Hydro-Québec prévoit la mise en service de certaines installations majeures pour pallier à une croissance de 2 % par année, on risque de se retrouver dans 10 ans avec une capacité insuffisante d'énergie. Alors, bien entendu, la demande est là. Il faudra pallier à cette demande-là. Comment peut-on le faire? Il s'agit, je pense, en un premier temps, de considérer d'acheter l'énergie ailleurs. Si on est obligés d'acheter de l'énergie ailleurs, est-ce que ces sources d'énergie seront aussi économiques? Sûrement pas. Et nous osons croire, aussi, qu'elles seront beaucoup plus polluantes.

Mme Bacon: En fait, ce que je mentionnais - je m'en excuse, j'aurais dû le redire -c'est au niveau des programmes d'économies d'énergie qui sont proposés par Hydro-Québec. Encore une fois, il y a des intervenants, au niveau des programmes d'économies d'énergie, qui nous disent que ces programmes d'Hydro-Québec sont modestes. Il y en a d'autres qui nous disent

qu'ils sont ambitieux, qu'ils sont irréalistes. C'est de trouver le juste milieu entre les deux perceptions, par exemple. J'ai l'impression que vous nous dites qu'ils sont aussi modestes par rapport à ce que d'autres ont perçu, en économie d'énergie.

M. Séguin (Maurille): En économie d'énergie, toujours, bien entendu. Non, nous croyons que le plan d'Hydro-Québec, en économie d'énergie, est ambitieux. C'est-à-dire que leurs attentes sont très élevées. Nous ne croyons pas qu'ils réussiront à faire économiser autant d'énergie par les Québécois.

Mme Bacon: Vous ne croyez pas qu'ils réussiraient à persuader les Québécois de faire vraiment des économies d'énergie dans les années qui viennent, par exemple.

M. Séguin (Maurille): Ils vont réussir, mais pas à l'étendue qu'ils s'attendent.

Mme Bacon: Vous faites aussi part de vos inquiétudes quant aux délais qui sont relatifs aux études d'impact sur l'environnement. Quels sont les éléments de solution que vous pouvez soumettre, aujourd'hui, devant cette commission, pour peut-être dissiper vos inquiétudes tout en nous permettant une protection adéquate de l'environnement?

M. Séguin (Maurille): Je pense qu'en matière d'énergie électrique, nous sommes très fortunés, au Québec, d'avoir des ressources naturelles qui nous permettent de produire de l'électricité, avec les richesses en eau qu'on retrouve largement au Nord du Québec, bien entendu. Et je pense que cette façon de produire de l'électricité est certainement la moins polluante que l'on connaisse, en ce moment.

Mme Bacon: Vos préoccupations, encore une fois, par rapport à la qualité de la vie apparaissent bien clairement. Je vais vous citer. Vous nous dites: II faut veiller à ce que l'utilisation de cette énergie, dans l'industrie en particulier, ne produise pas à son tour des rejets qui viendraient détruire les effets bénéfiques de l'hydroélectricité. Quels seraient les effets bénéfiques de l'hydroélectricité, au niveau environnemental?

M. Séguin (Maurille): Dans ce que vous avez cité, Mme la ministre, ce qu'on tentait de démontrer par ce paragraphe en particulier, c'est un peu un rôle connexe à Hydro-Québec, mais un rôle qui ne lui appartient pas réellement. C'est-à-dire qu'Hydro-Québec, en tant que fournisseur d'électricité - c'est peut-être un voeu pieux qu'on émet, je l'admets - permet à certaines industries d'opérer. Si ces industries n'avaient pas d'électricité, elles ne pourraient pas opérer, et ces industries-là pourraient être polluantes. Alors, on suggère ici, et on le fait sous toutes réserves, qu'Hydro-Québec aurait peut-être à ne pas offrir de l'électricité, ou pourrait peut-être avoir certaines restrictions quant à la fourniture d'électricité pour une industrie qui est réellement polluante.

Mme Bacon: Concernant les objectifs de développement durable, vous affirmez qu'en matière d'énergie, il y a des changements fondamentaux qui sont nécessaires et que ces changements doivent comporter une utilisation plus rationnelle de l'énergie et le recours à des sources d'énergie propre et renouvelable. Est-ce que vous pourriez peut-être préciser la nature des changements fondamentaux qui pourraient être anticipés, à part l'hydroélectricité? Est-ce qu'il y a d'autres sources d'énergie propre et renouvelable auxquelles vous faites allusion dans votre mémoire?

M. Séguin (Maurille): Je vais demander à M. Girard de vous répondre, Mme la ministre.

M. Girard (Gilles): Mme la ministre, dans ce volet-là, ce que l'on regarde, du point de vue industrie, c'est réellement une concertation, une consultation avec Hydro-Québec, pour qu'on puisse, ensemble, en équipe, arriver a développer des moyens de production efficaces. Des moyens de production qui, dans un certain sens, vont consommer moins d'énergie et, parallèlement à ça, vont permettre aux industries, à ce moment-là, d'augmenter leur niveau de productivité tant locale que nationale, et même internationale. (11 h 30)

Mme Bacon: Les délais d'ingénierie, de production du matériel requis pour réaliser des nouvelles installations, advenant la nécessité de devancer certains projets, pourraient devenir trop courts - écrivez-vous en page 7 de votre mémoire - pour permettre d'y parvenir tout en intégrant les critères de développement durable. Est-ce que vous pouvez préciser les critères applicables aux activités que je viens de citer? L'ingénierie, la production de matériel...

M. Séguin (Maurille): Ici, on parle d'études d'ingénierie, et aussi d'études connexes au niveau de l'environnement. Bien sûr, on veut être, on veut se comporter, en tant que concepteur de ces équipements-là, en bon père de famille, et concevoir des équipements et des installations hydroélectriques qui sont le moins polluants possible. C'est pourquoi nous sommes d'accord avec les études, aussi, sur l'environnement. Ce que nous soulignons, là-dedans, c'est que si on fait énormément d'études, bien entendu, on compresse à la fin, en bout de ligne, le temps de fabrication et d'installation de ces équipements-là. Et ces retards-là, encore, pourraient avoir pour effet de nous forcer, encore une fois, à

importer de l'électricité pour combler les demandes de consommation, électricité qui serait plus polluante que le résultat net d'économie sur les éléments polluants qu'on a faits, résultant des études du départ. M. Girard avait quelque chose à ajouter.

M. Girard: Je pourrais peut-être me permettre de rajouter un volet qui est quand même très important, ici. Dans la conception et la fabrication des équipements pour tous ces projets là, les manufacturiers en tant que tels font des études détaillées en vue d'améliorer, justement, le rendement de ces équipements-là. Et pour faire ces études-là, il y a un temps minimum qui est quand même requis, afin qu'on puisse obtenir des résultats positifs qui vont aller, justement, vers l'augmentation de rendement. Des retards, justement, ou des délais trop longs dans les fameuses études en question réduisent substantiellement le temps alloué au fabricant pour être capable d'atteindre ses objectifs d'augmentation de rendement de ces propres équipements-là. Ce qui, par rebond, à ce moment-là, permet d'en arriver à des économies d'énergie quand même.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.

M. Séguin (Maurille): Je pense que M. Po-merleau voulait ajouter quelque chose, si vous permettez, aussi.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Pomerleau (Normand): II y a aussi, Mme la ministre, le côté main-d'oeuvre qu'il faut considérer. On sait que le Québec, présentement, souffre d'une pénurie de main-d'oeuvre, de formation de main-d'oeuvre, une pénurie de main-d'oeuvre spécialisée. Il faudrait essayer de, peut-être, régulariser l'étendue des projets, de façon à ce qu'il n'y ait pas de demande subite de main-d'oeuvre, ce qui pourrait aussi nous causer un problème dans l'exécution des travaux.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, je vous souhaite la bienvenue, et vous me permettrez de souhaiter d'une façon toute particulière la bienvenue à M. Pomerleau, qui est de ma région, de la Beauce. Puisqu'un peu de publicité n'a jamais fait de mal à personne, je me permets de reprendre une ligne de la page 13 du mémoire: Groupe Pomerleau est en train de parvenir à ce degré d'excellence pour devenir un de nos éléments de fierté beauceronne et bientôt, probablement, national. M. Pomerleau, bonjour. Je voudrais...

Le Président (M. Bélanger): La commission est non partisane. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Audet: Je veux reprendre un peu, dans votre conclusion, les sommaires des positions du Club d'électricité. Vous dites, à un moment donné: "Nous fondons cette affirmation sur les éléments suivants". Vous dites, bon, "les Québécois". Ces éléments que vous mentionnez là, est-ce que c'est à partir de sondage, ou de... Vous prenez ça où, là, pour... Vous nous dites ça comme ça, parce que vous dites: "Les Québécois veulent plus d'énergie pour satisfaire leurs aspirations en matière de qualité de vie et de développement économique". Et puis, c'est un peu, c'est contradictoire beaucoup, avec ce que certains groupes nous ont dit, que des grands projets comme ceux qu'on a présentement, ou qu'on prévoit ou qu'Hydro-Québec prévoit dans son plan de développement, portent atteinte à notre qualité de vie, à la qualité de vie des Québécois. Est-ce que vous pourriez... D'abord, deux questions. Où vous prenez ces éléments-là? Puis deuxièmement, comment vous pouvez... Vous vous basez sur quoi, pour affirmer ça?

M. Séguin (Maurille): Les éléments ne sont pas basés sur un sondage récent. C'est bien populaire, des sondages, là Le Club d'électricité n'est pas dans le domaine des sondages. Le Club d'électricité regroupe les principaux intéressés du domaine électrique au Québec et ce, depuis 1916. Alors on a, si vous voulez, un sondage constant chez nous. On est toujours à l'écoute des besoins des spécialistes de l'électricité. Et, quand on parle des Québécois et Québécoises, je vous concède qu'on ne parle peut-être pas au nom de 100 % des Québécois et des Québécoises, mais des Québécois et Québécoises qui sont représentatifs du domaine de l'électricité et spécialisés dans le domaine de l'électricité, en d'autres mots, les membres du Club d'électricité du Québec.

M. Audet: D'accord. Deuxièmement, vous mentionnez... Je viens de le mentionner. Enfin, vous aspirez à ce qu'Hydro-Québec parvienne à ce degré d'excellence que toute société exige dans un de ses plus grands éléments de fierté nationale On a soulevé qu'il y a quelques années encore... On se rappelera de la publicité d'Hydro-Québec où chaque Québécois, je pense, était très fier de cette compagnie-là. On disait qu'on était 12 012 à Hydro-Québec. Finalement, on n'est pas 12 012 On est 3003 qui se fendent en quatre pour vous servir tout ça. Aujourd'hui, malheureusement, ça s'est un peu détérioré. Et je veux rattacher ça à la productivité. Vous dites un peu plus loin: "Nous incitons Hydro-Québec à consentir des efforts plus importants dans l'amélioration de sa productivité." Votre incitatif,

est-ce que ce sont des recommandations que vous faites? Parce que, pour la plupart d'entre vous, vous êtes des gens qui venez du privé où la productivité vous préoccupe, puisqu'à la fin, les profits sont directement rattachés à ça. Est-ce que, comme incitatifs pour vous, ce sont des recommandations que vous faites à Hydro? Comme club, des moyens que vous pourriez leur fournir ou leur donner? Je ne sais pas moi.

M. Séguin (Maurille): Oui, il y a certainement des moyens, M. le député que te club peut fournir à Hydro-Québec et c'est pour ça qu'on suggère fortement le partenariat avec HydroQuébec. Je pense qu'Hydro-Québec aurait tout à gagner à s'associer avec le Club d'électricité du Québec et ses membres, les industriels, les ingénieurs ou les concepteurs d'équipements électriques, pour produire des équipements et concevoir des équipements plus productifs.

M. Audet: Une dernière question. Si HydroQuébec améliore grandement sa productivité et qu'on reprend des éléments de mémoires qui ont été déposés ici à l'effet... vous vous dites pour limiter les hausses de tarifs d'électricité, mais qu'Hydro-Québec améliore sa productivité considérablement, mais qu'on continue quand même à augmenter les tarifs d'électricité, une sorte de taxe écologique, comme ça nous a été recommandé ici, est-ce que vous ne prévoyez pas, à ce moment-là, qu'on aura des besoins énergétiques qui seront moins grands, d'une part? Et, est-ce qu'à ce moment-là ces surplus-là ne pourront pas être... Comment est-ce que je dirais ça? C'est parce qu'on dit qu'au Québec on est des grands consommateurs d'électricité. Alors est-ce qu'on doit, comme certains pays, freiner cette grande consommation-là pour plutôt la laisser excédentaire et aller la vendre sur d'autres marchés? Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux...

M. Séguin (Maurille): Oui, je ne crois pas qu'on puisse réellement freiner ce développement et cette croissance de la demande d'électricité au Québec. La simple raison... Je pourrais peut-être vous démontrer ici par une simple comparaison. Si on regardait ce que l'on retrouvait dans une cuisine, il y a 10 ans, au niveau de consommateurs d'électricité, d'équipement, du petit équipement de comptoir de cuisine. Regardez aujourd'hui et essayez de visualiser en l'an 2000. Je prétends, et les membres du club prétendent, que la consommation d'électricité au Québec va toujours aller en augmentant.

M. Audet: D'accord, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): M le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. À la lecture de votre mémoire à la page 10, on parle du partenariat, mais surtout au niveau de la recherche, mais j'aimerais... Parce qu'à la lecture de ça, ça sous-entend du moins qu'il pourrait y avoir une participation beaucoup plus accentuée de la part d'Hydro envers les différents intervenants au niveau de la recherche et de la conception. Et une dernière phrase dans votre mémoire, en plus gras, dit: "...et celui du développement du personnel qualifié." J'aimerais vous entendre élaborer un peu plus sur cette conclusion à laquelle vous arrivez au niveau du type de partenariat que vous souhaiteriez d'Hydro-Québec, au niveau de la recherche, mais aussi au niveau du développement du personnel qualifié.

M. Séguin (Maurille): La question est très bien posée, M. le député. Si - encore une fois je me sers d'un exemple pour démontrer ce dont on parle ici - on retourne à la Baie James originale, le projet de la Baie James, Hydro-Québec, à ce moment-là, a choisi l'application du partenariat avec Bechtel et Lavalin. Tout le monde connaît le grand succès qu'une de ces sociétés-là a connu au Québec, ce n'est plus à refaire. On a créé ici une capacité de personnel qualifié dans le domaine de l'hydroélectricité. On l'a amplifié, on l'a amélioré. Pourquoi? À cause de ce partenariat qu'Hydro-Québec a fait avec les sociétés d'ingénieurs-conseils. Les sociétés d'ingénieurs-conseils, à ce moment-là au Québec, n'étaient peut-être pas aussi qualifiées que nos voisins du sud, en l'occrurence Bechtel, mais en s'associant avec l'une de nos sociétés ici, on a monté une connaissance en hydroélectricité maintenant qui fait l'envie mondiale de bien des firmes d'ingénieurs-conseils.

M. St-Roch: Alors vous souhaitez la même chose, j'imagine, au niveau de l'économie d'énergie ou au niveau de la construction.

M. Séguin (Maurille): Pas nécessairement avec les mêmes partenaires, mais le même genre d'association.

M. St-Roch: Le même genre d'approche... M. Séguin (Maurille): Exact.

M. St-Roch: ...avec les autres secteurs d'activité.

M. Séguin (Maurille): C'est bien ça. M. St-Roch: Merci, monsieur.

Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le député. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue devant la commission au Club d'électricité de Montréal inc.

Vous avez dit que c'est changé de nom? Le Club d'électricité du Québec. C'est peut-être effectivement plus représentatif pour quelqu'un qui vient d'en dehors de Montréal en tout cas. Ça...

Une voix: ...il n'y a pas de club d'électricité?

M. Claveau: II n'y en a pas. Les contrac-teurs ne sont pas assez gros. Ha, ha, ha! J'ai un petit problème, d'aucuns pourront le qualifier d'existentialiste, je ne le sais pas, avec votre conclusion. Quand vous parlez au nom des Québécois et vous dites: Les Québécois veulent de l'énergie, veulent satisfaire leurs besoins, ils souhaitent, ils désirent, ils veulent et ils aspirent. C'est la cinquième journée qu'on a des Québécois et des Québécoises de toute origine qui se présentent devant la commission et qui nous expriment ce qu'ils veulent, ce qu'ils souhaitent et leurs aspirations. Il y a une coalition qui s'est présentée devant nous en nous disant que, en ce qui les concerne, ils représentent un nombre important de Québécois; qui nous dit que les constructions, il faudrait peut-être y mettre un frein, qu'on aurait avantage à regarder plus globalement le problème, mais aussi, qu'on aurait avantage à faire une vaste enquête publique pour connaître les tenants et les aboutissants de toute cette histoire-là de production d'électricité au Québec.

On a des associations de consommateurs aussi qui représentent quelques individus à travers le Québec, de nombreux individus qui nous ont dit que l'électricité, ça commençait à coûter drôlement cher et qu'on avait peut-être intérêt à mettre la pédale douce aussi sur le développement de nouvelles infrastructures très coûteuses pour des besoins qui leur semblent, à bien des égards, hypothétiques. Ils veulent qu'on considère l'électricité comme un besoin essentiel et qu'à ce titre-là, on devrait en revoir toute la stratégie de développement et d'utilisation. On a des groupes spécialisés aussi de toute sorte de nature qui se sont présentés devant nous et qui plaident eux en faveur d'alternatives, d'énergie alternative, d'alternatives de production de l'électricité, qui nous ont parlé de l'économie générale de l'électricité au Québec et qui, pour la plupart, ne sont pas tout à fait d'accord, avec les orientations d'Hydro-Québec. (11 h 45)

On a des experts aussi de toute nature, universitaires, indépendants, contractuels qui, en ce qui les concerne, critiquent ou requestionnent à bien des égards, même d'une façon très sévère, les thèses d'Hydro-Québec, quant à la rentabilité des constructions quant aux possibilités d'investir autrement que dans du béton. Et tout ça a comme trame de fond finalement, et ça a été relevé continuellement, toute la question environnementale, l'utilisation des territoires, le développement régional, l'impact dans le milieu, l'intérêt des populations directement concernées. Finalement, quand je fais rapidement un tour de tout ce qui nous a été dit, j'ai de la difficulté à le concilier globalement au nom des Québécois avec votre mémoire. Et pourtant vous nous dites que c'est ça que les Québécois veulent et vous nous donnez un certain nombre de définitions de ce que les Québécois cherchent en termes énergétiques. Tout ça pour vous demander finalement sur quoi se base cette affirmation-là que vous nous faites.

M. Séguin (Maurille): Si l'on prend ces éléments-là un à un, on dit là-dedans que les Québécois et les Québécoises souhaitent parvenir à une utilisation plus efficace de l'énergie. Est-ce que celle-là est contestée? Je ne crois pas.

M. Claveau: Ça va.

M. Séguin (Maurille): Bien. Une deuxième disait que les Québécois et Québécoises désirent que la fourniture d'électricité soit plus fiable et comporte un service à la clientèle. Je ne pense pas que ce soit contesté ça non plus. Il y en a une qui serait peut-être contestée, c'est la suivante: ils veulent que l'hydroélectricité continue d'être un moteur de développement technologique et économique pour le Québec. Je ne suis pas certain que ce serait contesté ça non plus à moins que j'entende le contraire. La dernière, peut-être, quand on dit qu'on aspire à ce que Hydro-Québec parvienne à un degré d'excellence que toute société exige d'un de ses plus grands éléments de fierté nationale, je pense que tous les Québécois veulent être fiers d'Hydro-Québec. D'ailleurs, on l'était fiers d'Hydro-Québec jusqu'à ce que Hydro-Québec ait certains problèmes de pannes inattendues, il y a quelques années. Je ne crois pas réellement, M. le Président, M. le député... Ou on cite mal les Québécois et les Québécoises dans leurs aspirations, leurs demandes et leurs attentes.

M. Claveau: Le problème est dans la conclusion globale de tout ça, parce que tout ce que l'on retrouve dans votre mémoire finalement lié à cette conclusion-là sur ce que les Québécois veulent et aspirent ou la réponse que vous donnez globalement à ça c'est de dire: II faut bâtir, il faut réviser à la hausse la demande de l'électricité, il faut bâtir des barrages, il faut que les entreprises diverses qui sont liées à la production d'équipements et d'expertises dans le domaine hydroélectrique soient associées d'une façon beaucoup plus proche à Hydro-Québec. Il faut que les études d'impact environnemental ne soient surtout pas trop encombrantes pour ne pas nuire aux délais...

M. Séguin (Maurille): Non, ça on n'a pas dit

ça.

M. Claveau: Tout ça finalement, il reste que l'analyse qui sous-tend vos affirmations est tout à fait différente, à mon avis, de l'analyse qui amène les Québécois représentés par d'autres groupes. Arriver à des conclusions qui sont à peu près semblables aux vôtres, j'en conviens, mais à partir d'un certain nombre de prémisses qui sont tout à fait différentes.

M. Séguin (Maurille): Je pense qu'on est d'accord sur le fait qu'on a bien saisi les attentes des Québécois et Québécoises en matière d'énergie. C'est peut-être notre conclusion avec laquelle vous avez certaines difficultés parce que d'autres ont d'autres conclusions à ces demandes d'attente. Si je relève l'un de vos commentaires au niveau de d'autres formes d'énergie, l'hydroélectricité, selon nous, est de beaucoup la plus économique et la moins polluante, et c'est en réalité la-dessus que ça se joue. Ce que ça coûte et la protection de l'environnement. Si l'on régarde les sources alternatives d'énergie, il pourrait y avoir quoi? Nucléaire - on n'a pas à refaire le procès de Three Mile Island et de Tchernobyl, je pense que tout le monde est au courant de ça - les centrales thermiques, les centrales au gaz, au charbon. Toutes ces formes d'énergie sont beaucoup plus polluantes. Il y en a une, peut-être, qui est moins polluante c'est les éoliennes. Il y a une grosse éolienne au Québec installée à Cap-Chat qui génère quatre mégawatts d'électricité. C'est un monstre, c'est la hauteur de la Place Ville-Marie. Cette éolien-ne-là est encore à l'état d'étude. C'est peut-être la moins polluante côté particules dans l'atmosphère, mais, côté bruit, pour ceux qui sont directement dans la région, le bruit est assez important.

Vous avez traité justement de l'intérêt des populations directement concernées. Bien entendu, on ne peut pas être contre la vertu et négliger le fait que la Baie James 2, par exemple, déplacerait quelques centaines, voire quelques milliers de personnes dans l'environnement immédiat. On les déplacerait, je dis. Il n'y aurait pas plus de pollution où ils s'en vont, on les déplacerait. L'alternative à ça, c'est quoi? Et c'est peut-être là qu'est le choix réel entre faire et ne pas faire Baie James 2. On a le choix de déplacer quelques centaines et quelques milliers même de populations et de les relocaliser ailleurs. C'est vrai que ce n'est pas facile de se relocaliser, mais c'est une alternative.

L'autre alternative, c'est quoi? C'est de produire de l'électricité avec d'autres sources d'énergie, c'est de l'acheter ailleurs. Toutes ces sources-là sont plus polluantes pour les personnes dans l'environnement immédiat de ces installations. Et, si le projet de Baie James 2 est retardé, ça veut dire quoi en bout de ligne? Ça veut dire qu'on sera probablement forcés d'acheter de l'énergie d'Ontario Hydro. Qu'est-ce qu'Ontario Hydro va faire pour nous fournir cette énergie-là? Elle va réactiver des vieilles centrales thermiques qui sont très polluantes. Vous allez me dire: Correct! L'environnement immédiat et la population immédiatement concernée sont en Ontario, mais cette pollution-là s'en vient ici dans quelques semaines, ne vous en faites pas.

Alors la solution que nous préconisons, c'est d'activer, de maintenir le projet de développement à Hydro-Québec d'aller de l'avant avec Baie James 2.

M. Claveau: Bon. Vous nous avez dit aussi dans votre intervention qu'en ce qui concerne les économies d'énergie, c'était très louable, dans le fond. Je caricature un peu, mais j'ai compris que c'était très louable et qu'il fallait évidemment appuyer les efforts dans ce sens-là, mais que les objectifs étaient déjà plutôt optimistes, même si, pour d'autres, ils sont très conservateurs et que, finalement, vous ne croyez pas qu'il serait possible d'atteindre les objectifs et qu'il serait très difficile d'en arriver à faire un véritable programme d'économies d'énergie.

Par analogie, je vais me permettre de vous dire à quoi ça me fait penser. Il n'y a pas plus qu'une dizaine d'années - mettons-en 15 en tout cas - au moment où le pétrole était quand même très facile d'accès, on s'imaginait qu'on en aurait jusqu'à la fin des temps et qu'on ne parlait pas de pollution. Les compagnies d'automobiles essayaient de nous faire accroire que c'était tout à fait normal qu'on ait des moteurs qui fassent 8 ou 10 milles au gallon ou 15 milles au gallon dans le temps, et on en était bien content. On se promenait en Europe et on voyait les Européens se promener avec des voitures qui faisaient, comme ils disent, 7 ou 8 litres au 100 kilomètres, alors que, dans nos transferts, on faisait 14, 15 et 16 litres au 100 kilomètres. On nous disait: Oui, ça c'est beau pour les Européens, mais nous, ici, on ne peut pas faire ça, les distances et la température, etc.; on a de gros moteurs et on consomme. Et, tout à coup, on se retrouve finalement, une quinzaine d'années plus tard, avec des moteurs qui sont tout aussi performants que ceux des Européens et, pourtant, on n'en est pas plus mai. On a mis au point des moteurs à injection, des moteurs beaucoup plus performants avec des essences beaucoup moins polluantes et on n'est pas plus mal qu'on l'était avant. Ça ne nous empêche pas d'avoir des vitres électriques et des pitons partout sur nos tableaux de bord et de voyager très confortablement sur nos grands-routes à des températures largement inférieures à zéro, alors qu'il y a 15 ans, on nous disait que c'était impossible à cause de notre climat.

Là, j'ai l'impression qu'on a encore à peu près le même genre de vision par rapport aux économies d'énergie. On dit: Ah oui! Mais ailleurs, ils font ça. Je veux bien croire que les conditions ne sont pas pareilles, que ce n'est pas

le même climat, qu'ils n'ont pas le potentiel qu'on a, et finalement, en bout de piste, qu'on risque de se retrouver, dans 20 ou 25 ans, avec l'obligation de faire un virement rapide et d'en arriver à faire à peu près les mêmes performances qu'ailleurs au monde, mais, pour le moment, comme on en a en masse, comme on a du territoire et qu'il n'y a pas de problème, alors pourquoi investir dans les économies d'énergie. Continuons à dépenser et construisons des barrages pour en produire plus, parce qu'on en dépense plus qu'ailleurs et c'est normal, étant donné notre climat et notre territoire.

Je pense que là-dedans on a encore une approche un peu rétrograde quant à la possibilité de faire mieux que ce qu'on fait là et quant à notre supposée incapacité de faire moins bien qu'ailleurs en termes d'économie d'énergie. Ce n'est pas une brique que je vous lance. C'est une analyse que je fais et que je transmets en question. Est-ce que vous croyez vraiment qu'il est optimiste de s'imaginer qu'on pourrait économiser quelques mégawatts à partir de programmes d'économies d'énergie.

M. Séguin (Maurille): M. le Président, il faudrait que le député comprenne bien qu'on n'est pas contre un programme véritable d'économies d'énergie. Au contraire, on souscrit intensément à un programme de conservation d'énergie et d'économies d'énergie.

Là où on dispute certains chiffres, c'est sur le quantitatif tout simplement. Bien entendu, nous allons même appuyer Hydro-Québec dans ses démarches d'économie d'énergie. Nous allons faire tout ce qu'on peut pour atteindre les 12, 9 térawattheures, mais on a certaines réserves là-dessus. On pense que les Québécois vont bien réagir et, conscients comme ils l'ont été pendant la crise ou après la crise de l'énergie, la pénurie d'huile, et tout ce que les industriels ont fait pour amener les voitures nord-américaines à des performances de 7 litres aux 100 kilomètres, le même phénomène s'appliquera à la conservation d'électricité. Mais, ça va prendre beaucoup de temps, je pense, à convaincre la population de fermer la lumière, par exemple, quand on n'en a pas besoin. On n'a qu'à regarder ce qui se passe dans les centres-villes, M. le Président. Dans les centres-villes, on voit des tours, même au 75, boulevard René-Levesque, des tours allumées toute la nuit. Et le Club d'électricité souscrit au développement d'édifices intelligents. L'édifice, par exemple, où sont nos bureaux, à 19 heures, les lumières ferment progressivement partout. Si quelqu'un est encore au bureau à 19 heures, on peut rallumer tout simplement et l'ordinateur, à ce moment-là, mesure combien de lumières ont été rallumées, combien de circuits sont remis en fonction et il y a une décision déjà de précodée par informatique, à savoir si l'air climatisé va continuer ou non. Ça, c'est ce qu'on appelle les édifices intelligents. Le club veut devenir par- tenaire avec Hydro-Québec dans le développement de ces édifices intelligents, peut-être en commençant par le 75, boulevard René-Levesque.

Mais là où on s'inscrit avec prudence, c'est dans la possibilité d'Hydro-Québec et du gouvernement de convaincre la population de fermer les lumières ou, même, d'installer, comme on retrouve en Europe, par exemple, dans les corridors où on ne passe pas trop souvent, les lumières se ferment automatiquement, elles sont sur une minuterie. Dans les toilettes publiques, ça se ferme automatiquement. Ici, qu'est-ce qu'on a fait à la place de ça? On a mis souvent des commutateurs où ça prend une clef pour fermer la lumière. En France, ça se ferme tout seul. Alors, c'est toute une éducation et toute une nouvelle structure manufacturière dans les petits produits électriques de commutation.

M. Girard: Si vous me permettez, j'aimerais peut-être toucher un autre point que vous avez abordé dans votre question. C'est justement le rendement des équipements en tant que tel. Vous avez dit justement que la voiture ou les constructeurs de voiture disaient: Vous rêvez en couleur au Canada ou en Amérique du Nord ce n'est pas requis. (12 heures)

Les équipements présentement qui sont associés à la production et au transport et à la distribution d'énergie électrique sont des équipements qui, à date, sont hautement performants. Pour vous donner quelques exemples, par exemple, on se ramasse avec des alternateurs en centrale qui ont des rendements de l'ordre de 98, 5 % et même 99 %, dépendamment du type d'application qu'on parle. On se ramasse avec des turbines qui ont des niveaux de rendement de 94 %, 94, 5 %. Qu'est-ce qui nous empêche de se rendre à 100 %? Ce sont les simples lois de la physique. À ce point de vue, je pense qu'en tant que manufacturier d'équipements, on est prêt à mettre au défi n'importe qui pour nous dire que: Messieurs, vous ne faites pas d'efforts pour essayer d'améliorer ces rendements. Dans un autre volet, également, M. le député de Beauce, dans le mémoire qui a été présenté avant, parlait de rénovation de centrales. Les manufacturiers québécois sont tout à fait définitivement en faveur de ces rénovations de centrales. On a des équipements maintenant qui sont de beaucoup plus performants que ce qui avait été développé dans le temps où ils ont été mis en marche.

Le seul mot de précaution, si on veut, qu'on voit vis-à-vis de la réfection de centrales, c'est qu'il faudrait regarder avec beaucoup de détails, avec Hydro-Québec le "timing", le temps que ça prend justement pour faire ces réaffectations de centrales, ces réfections de centrales. Les énergies en tant qu'ingénierie à faire pour la réfection de centrales sont à peu près aussi grandes sinon même plus grandes que les énergies à faire pour développer des équipements

neufs.

M. Claveau: Vous comprendrez, en tout cas, dans tout ce qu'on a entendu depuis la semaine dernière, que le problème ne se situe pas au niveau de la performance des producteurs d'électricité. La performance des équipements de production, c'est plutôt au niveau de la performance des équipements de consommation, là où on a un certain nombre de problèmes. Et moi je veux bien que, effectivement, il y ait une économie au Québec qui se développe autour de la production d'équipements performants, et je veux bien que les producteurs d'alternateurs, qu'ils s'appellent Générale électrique ou Marine industrie, développent leurs entreprises. Je veux bien que Asca, Brown-Bovery développent des transfos excessivement performants. Je veux bien que l'on ait des sociétés d'ingénierie au Québec qui puissent profiter amplement de la manne qui leur arrive à cause des constructions de centrales hydroélectriques. Je veux bien aussi qu'au niveau de la construction en général on puisse se servir de ça pour développer une structure finalement où des contracteurs d'envergure internationale, pour ne pas les nommer. Je comprends tout ça. Mais est-ce que ces intérêts-là... là où est mon problème, ma dernière question... J'ai déjà dépassé mon temps, à ce qu'on me dit. Ma question est à savoir si ça c'est plus important ou si on doit donner la priorité à cette économie qui se développe autour de la construction des centrales de barrages ou si on doit regarder peut-être plus globalement l'ensemble des problèmes du Québec et l'ensemble des aspirations des Québécois?

Quant aux dynamiques de conservation d'énergie, je veux bien que ça demande un certain temps pour y arriver. Mais il s'agit d'un choix de société et si le gouvernement dit: À partir de demain matin, les constructions se font comme ça et on va vous donner les sommes pour vous aider au besoin avec des programmes développés avec Hydro. Et si on dit: A partir de demain matin, les équipements c'est fait comme ça et si on met en place un certain nombre de contraintes sociales pour amener les gens à le faire, eh bien, ça va faire comme la ceinture de sécurité. Au début, il n'y a personne qui voulait la porter. Je regardais ce matin, on nous disait à la radio que quelque chose comme 86 % des Québécois la portent maintenant et ils ont le sourire aux lèvres en conduisant.

Sauf qu'on a établi une certaine contrainte pour le faire. Comme on a établi des contraintes aussi pour obliger les manufacturiers d'automobiles à avoir des moteurs plus performants et à enlever le plomb dans l'essence. Si on les avait laissés faire tout seul, ne craignez pas qu'on en aurait encore du plomb, il y en aurait ça d'épais dans le fond de nos réservoirs d'essence. Mais on a fait des contraintes pour les obliger à changer. Est-ce qu'on n'aurait pas, comme société, la possibilité de faire le choix d'investir autrement qu'à travers une microéconomie finalement qui se développe autour des constructions de barrages et de centrales?

M. Séguin (Maurille): La construction de centrales et de barrages n'est pas, premièrement, un moteur de développement économique et technologique. C'est d'abord la réponse à un besoin en énergie. Pour nous, c'est bien entendu que des retombées, et on en est très conscient et très fier, mais la première considération de l'installation de la Baie James 2 c'est pour satisfaire à une demande de la façon la plus performante, la plus économique et la moins polluante. C'est réellement là qu'est le choix. Parce que les autres sources d'énergie sont beaucoup plus polluantes, et de loin, moins performantes et plus coûteuses qu'un barrage du type Baie James 2.

Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie. Si M. le député d'Ungava veut remercier nos invités.

M. Claveau: Je suis bien content d'avoir eu l'opportunité d'échanger quelques mots avec vous et de prendre connaissance de votre mémoire qui est incontestablement, disons, favorable au plan de développement d'Hydro-Québec, avec toutes les contraintes que ça suppose, bien évidemment. Si tout le monde avait été d'accord avec le plan de développement d'Hydro-Québec, probablement qu'on n'aurait pas eu de commission parlementaire. Merci de votre présentation.

Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le député. Mme la ministre.

Mme Bacon: Alors, Mme Séguin, M. Pomer-leau, M. Séguin, M. Girard et M. Bachkangi, je vous remercie de votre présence à cette commission et du mémoire que vous nous aviez déjà fait parvenir. Je pense que c'est un éclairage différent de certains autres groupes, mais tout aussi valable. C'est à nous, je pense, après cette période de réflexion qui va suivre la commission parlementaire, d'essayer de tirer profit de ce que nous entendons à cette commission, que ce soit pour l'économie d'énergie, que ce soit par un développement plus large de nos ressources. Je pense qu'il faudra faire le point dans tout ça. On tiendra compte de tout ce qu'on a entendu ici. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de l'économie et du travail remercie le Club d'électricité de Montréal inc., de sa participation à nos travaux et j'invite à la table des témoins Les Ami-e-s de la terre du Québec.

Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place. Pendant que Les Ami-e-s de la terre du Québec prennent place à la table des

témoins, je vous explique nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour présenter votre point de vue et, par la suite, il y aura une période d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais donc, dans un premier temps, d'identifier votre porte-parole, de présenter votre équipe et de nous présenter votre mémoire que nous écouterons avec beaucoup d'attention. Je vous remercie.

Les Ami-e-s de la terre de Québec

Mme Paquin (Ginette): Ce ne sera pas long, monsieur. C'est parce qu'il manque quelqu'un avec nous, on attend une troisième personne.

Le Président (M. Bélanger): Malheureusement...

Mme Paquin: Bon, O.K., on va commencer tout de suite.

Le Président (M. Bélanger): ...on doit débuter, je m'en excuse.

Mme Paquin: Alors, mon nom, c'est Ginette Paquin, des Ami-e-s de la terre de Québec. Je dois d'abord vous dire que le mémoire a été préparé par Les Ami-e-s de la terre de Québec, mais qu'il a été appuyé par Les Ami-e-s de la terre du Québec qui comprend quatre groupes: un à Québec, un à Montréal, un dans l'Estrie et un dans Portneuf. Il a été appuyé également par le Conseil de l'environnement des régions de Québec et de Chaud ière-Appalaches dont on a un des représentants ici. Moi, je suis des Ami-e-s de la terre de Québec. Je vous présente Louis Douville, des Ami-e-s de la terre de Portneuf. La troisième personne, c'est Richard Legault, président du Conseil de l'environnement des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches.

Le Président (M. Bélanger): Et vous êtes Mme Paquin, je présume.

Mme Paquin: Ginette Paquin, des Ami-e-s de la terre de Québec.

Je vais commencer par lire le mémoire et peut-être qu'à la fin de la lecture j'aimerais aussi ajouter quelques points sur le mandat de la commission parlementaire. Est-ce que je peux faire ça?

Le Président (M. Bélanger): Vous avez 20 minutes pour faire tout ça.

Mme Bacon: Et peut-être sur le discours de la ministre. Je vais passer par après la parole à M. Richard Legault qui aurait peut-être quelques questions aussi à poser. Ensuite, on pourra passer aux questions.

Le Président (M. Bélanger): Je vous ferais remarquer la règle, ici: "nous" posons les questions.

Mme Paquin: Non, mais...

Le Président (M. Bélanger): Nous voulons connaître votre point de vue. Les parlementaires ne sont pas là pour répondre aux questions, aujourd'hui.

Mme Paquin: Non, mais ce ne sont pas...

Le Président (M. Bélanger): Ce n'est pas l'objet de la commission.

Mme Paquin: ...des questions à répondre, mais peut-être des questions qu'on soulève sur la problématique.

Le Président (M. Bélanger): Vos interrogations. Alors, il n'y a pas de problème.

Mme Paquin: Bon. Alors, bien que nous soyons membres de la Coalition pour un débat public sur l'énergie et que nous souscrivions entièrement à son mémoire, il nous apparaissait important de déposer un bref texte indiquant notre perception de la situation actuelle dans le secteur énergétique au Québec et exprimant notre conviction que cette commission parlementaire n'a ni le mandat ni l'envergure nécessaire pour orienter l'avenir en matière énergétique au Québec.

Cette perception découle de trois constats: d'abord, du fait que le gouvernement du Québec n'a pas pris conscience de l'importance des enjeux en cause; deuxièmement, du fait qu'il n'est pas vraiment ouvert à des alternatives en matière énergétique et économique pour le Québec - le mandat de cette commission parlementaire en fait foi - et, troisièmement, parce que, en réponse aux groupes qui réclament depuis longtemps un débat public large sur la question énergétique, le gouvernement a répondu par une commission parlementaire dont le mandat est limitatif, de durée insuffisante, et dont le lieu est éloigné des populations touchées par les projets d'Hydro-Québec.

Les enjeux en matière énergétique et économique. Les enjeux sont importants, parce que nous sommes à un carrefour de notre développement énergétique, mais aussi de notre développement économique. Nous ne pouvons plus poursuivre dans la tradition qui a été la nôtre jusqu'à maintenant, c'est-à-dire des mégaprojets, de la surproduction et de la surconsommation de l'énergie, la non-consultation des populations touchées par les grands projets hydroélectriques et industriels et par la politique énergétique, le gaspillage de nos ressources naturelles, l'absence de vision à long terme, le développement économique à courte vue, les impacts sur l'environnement des projets hydro-

électriques et industriels peu ou pas considérés.

La commission Brundtland l'a bien démontré, les pays développés et industrialisés n'ont pas le choix: ils doivent modifier leur façon de se développer. Le Québec, qu'il le veuille ou non, n'y échappera pas. En cette matière, la population en général a déjà senti la nécessité du changement à faire, mais il semble que cette conscientisation n'a pas rejoint nos élus. Ceux-ci ont tendance à continuer dans la vieille tradition des mégaprojets et de la croissance économique à tout prix, parce qu'ils ne sont pas à l'écoute des nouvelles tendances en matière énergétique et économique, ni à l'écoute de l'avant-garde qui porte ces nouvelles tendances. Ils préfèrent s'alimenter entre eux. Il en découle donc qu'ils continuent dans la voie qui les mènera au cul-de-sac.

Il est essentiel, étant donné le contexte actuel, de s'arrêter un bon moment pour réfléchir à notre avenir énergétique et économique. Nous n'avons pas le choix de réorienter notre développement autrement, de faire de nouveaux choix adaptés à l'an 2000.

Pourquoi ces nouveaux choix? Le contexte actuel au Québec en matière énergétique ressemble à ceci, selon nous: exportation de notre énergie hydroélectrique aux États-Unis et importation d'entreprises grandes consommatrices d'électricité sans qu'il y ait eu consensus sur ces orientations au Québec; augmentation de la consommation électrique domestique et industrielle; augmentation des tarifs aux consommateurs résidentiels; des équipements hydroélectriques en mauvais état et qui ont donc besoin d'être réparés et améliorés; accélération dans la mise en chantier de mégaprojets appelés à bouleverser le mode de vie des autochtones et les écosystèmes du Nord québécois; une politique énergétique axée sur une croissance économique à courte vue et de piètre qualité; le peu de conscientisation des élus face à la nécessité de prendre le virage du développement durable et équitable, c'est-à-dire investissement massif dans les économies d'énergie, recherche d'alternatives énergétiques mieux adaptées à l'environnement et aux besoins de chaque communauté, recherche d'alternatives de développement moins pénalisantes pour l'environnement et pour notre société.

Nous ne pouvons plus continuer dans la voie actuelle pour les raisons mentionnées plus haut. Or, la commission parlementaire n'a pas le mandat pour faire les nouveaux choix qui s'imposent à l'heure actuelle au Québec. Elle nous confine, au contraire, à une approche réductrice de la réalité énergétique et réduit ainsi à néant la possibilité, pour la population du Québec, de participer à la planification de son avenir énergétique et, par extension, de son avenir économique. Tous les types d'énergie doivent être considérés dans le débat ainsi que les économies d'énergie, la politique économique dans ses liens avec l'hydroélectricité doit être discutée, les mégaprojets requestionnés; la population doit pouvoir être impliquée de façon beaucoup plus importante, puisque c'est elle qui, en définitive, paiera la note. Celle-ci a besoin de connaître les enjeux et surtout d'avoir une vision globale de la réalité énergétique québécoise. (12 h 15)

Notre proposition va un peu dans le sens de (a Coalition pour un débat public sur l'énergie. Qu'il y ait une enquête publique au Québec, soit un débat public beaucoup plus large que celui qui se déroule présentement, dont le mandat aborderait au minimum les points suivants: la politique énergétique québécoise, les implications d'une politique économique axée sur les grands projets hydroélectriques, les impacts environnementaux et sociaux de ces mégaprojets, leurs implications sur le mode de vie des autochtones, la gestion et les prioriétés d'Hydro-Québec, et dont les modalités du débat seraient définies en collaboration avec les groupes préoccupés par l'environnement et le développement durable. Et qu'un moratoire soit imposé sur tous les grands projets hydroélectriques en cours et à venir et sur toutes les négociations de contrats de vente d'électricité aux Américains et à des entreprises avant et pendant la tenue de ladite enquête.

Je voudrais revenir un peu sur le mandat de la commission parlementaire. Je trouve qu'elle ne pose pas les bonnes questions. J'en ai déjà parlé dans le mémoire. Elle se centre sur une seule source d'énergie, ce qui est largement insuffisant. Elle prend pour acquis la croissance de la demande d'énergie hydroélectrique au lieu de chercher des moyens de gérer cette demande à l'aide de scénarios de décroissance par secteur. Elle nous centre sur les moyens proposés par Hydro-Québec pour fournir l'électricité alors que, selon nous, Hydro-Québec est liée par un mandat restreint qui la confine presque à un seul type d'énergie et aux modèles mégaprojets hydroélectriques, la rendant ainsi incapable de s'ajuster aux changements sociaux et aux défis de l'an 2000.

Enfin, le dernier point du mandat: les moyens de concilier la satisfaction des besoins d'électricité au Québec, la qualité de l'environnement et le développement économique durable. Il nous apparaît que vouloir satisfaire les besoins en électricité du Québec en stimulant ces besoins et vouloir en même temps assurer la qualité de l'environnement et un développement durable, c'est à peu près une mission impossible. Il faut vouloir mettre le poids d'un côté de la balance.

Je voudrais signaler aussi qu'il y a absence autour de la table, si je ne m'abuse, du ministre de l'Environnement et du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et même, peut-être, du premier ministre qui est responsable des autochtones, je crois. Je ne suis pas sûre, mais je penserais. Non? En tout cas, je ne sais pas s'il y a un ministre responsable des autochtones, mais il devrait peut-être être autour de la table aussi. Ces ministères-là sont interpellés par les grands

projets hydroélectriques de la Baie James et par le mandat de cette commission parlementaire, alors je suis déçue de ne pas les voir autour de la table.

L'autre question que je voulais aborder, c'est le discours de Mme la ministre en début de commission parlementaire. J'en ai lu des extraits dans le journal. Nous avons été déçus par ce discours. On avait l'impression d'entendre un vieux discours du début des années soixante-dix, au moment où on se préparait à enclencher la Baie James 1. Le discours ne semble pas avoir changé depuis cette époque. Aussi, le discours démontre une grande préoccupation pour l'économie, mais il manque certainement une préoccupation pour l'environnement et le développement durable et pour le côté social. Je noterai certains points du discours. Mme la ministre notait l'importance de notre potentiel hydroélectrique, de notre savoir-faire et de la nécessité d'exploiter le potentiel restant. Nous, on dirait plutôt en contrepoids à ce discours: On voudrait faire valoir l'importance de nos rivières, de notre faune, de notre végétation, de nos paysages, de notre territoire, de la culture des autochtones, de la conservation de nos ressources en vue d'utilisations futures.

Il est mentionné aussi qu'on veut exploiter tout le potentiel restant jusqu'à tant qu'il n'en reste plus du tout. Selon nous, ça, c'est la solution facile. Nous pensons qu'Hydro-Québec est passée maître dans ce genre de solution, étant donné que c'est une solution d'ingénieurs. Il nous apparaît qu'au nom du prétendu savoir-faire d'Hydro-Québec vous nous proposez d'exploiter toutes nos rivières, et ça, ça n'a pas de sens pour nous. Ce savoir-faire est aussi en train de détruire notre territoire et de tuer notre imagination dans la recherche d'autres solutions à nos problèmes de développement.

Il y avait dans votre discours, aussi, la mention que la demande justifiait l'aménagement et la mise en valeur des réserves hydroélectriques. Ça c'est comme dire que la fin justifie les moyens. Je dirais plutôt que la grande disponibilité de l'électricité au Québec nous cantonne au gaspillage de nos ressources, à une non-diversification de nos sources d'énergie et, même, qu'elle limite nos possibilités en termes économiques.

La troisième mention qu'il y avait au discours, c'était l'importance de l'électricité dans le développement économique du Québec, et on prenait l'exemple de l'aluminium. Nous sommes complètement en désaccord avec cet énoncé, également. Nous pensons que les industries de l'aluminium rendent les régions dépendantes dune ou deux industries polluantes qui, un jour ou l'autre, fermeront leurs portes, laissant la région sans ressource parce qu'elle n'aura pas trouvé d'autres moyens d'améliorer sa situation économique; elle ne se sera pas penchée elle-même sur ce qui se passe dans sa région ou sur la façon de se développer. Selon nous, ça tue notre imagination face à la recherche d'autres possibilités de développement plus diversifiées et, en plus, ça crée peu d'emplois intéressants et ce sont des emplois qui sont subventionnés de façon abusive, tel que le disait Jean-Thomas Bernard hier, ici, en commission parlementaire.

Ensuite, nous étions déçus aussi que Mme la ministre refuse de faire des remises en question fondamentales et qu'elle affirme que les projets de la Baie James ne posent pas de problèmes majeurs et que les impératifs économiques étaient incontournables. Selon nous, les besoins, ça se modifie; les priorités économiques aussi. Je pense qu'il faudrait mettre l'accent sur les programmes d'économie d'énergie et que ceux proposés par Hydro-Québec sont insuffisants. Nous vous proposons à cet égard de faire faire des études à l'extérieur d'Hydro-Québec. Amory Lovins, aux États-Unis, qui est spécialiste de ces questions; il pourrait peut-être être consulté là-dessus.

Ensuite, la mention de l'image de Mme la ministre, qui disait qu'on devra s'éclairer à la bougie si on ne fait pas les projets de la Baie James. Je répondrai à ça que, si on continue, on va devoir se nourrir d'aluminium. Après le fer, ça a été l'aluminium; après l'aluminium, qu'est-ce que ça va être? L'hydrogène, peut-être, je ne le sais pas. Un projet de société axé sur l'aluminium, ça manque d'envergure. Je pense que les jeunes aspirent à mieux que ça.

Pour ce qui est de la recherche du développement durable, je pense que beaucoup de monde en parle, y compris les élus, du développement durable, mais il semble qu'il n'y a pas grand monde qui sache ce que ça veut dire exactement. Alors, il faudrait peut-être se pencher sur la définition exacte qu'on veut donner au développement durable avant de penser en faire avec l'hydroélectricité.

Je voudrais passer la parole maintenant à Richard Legault, du Conseil de l'environnement des régions de Québec et de Chaudière-Appala-ches.

M. Legault (Richard): Bonjour. Je m'excuse. J'étais juste à la porte. J'étais en train de préparer mes questions et je ne pensais pas que c'était commencé. Je suis président du Conseil de l'environnement des régions de Québec et de Chaudière-Appaiaches. Le Conseil regroupe actuellement 30 organismes environnementaux de la grande région de Québec.

J'aurais des questions à poser à la commission, au nom du Conseil, qui sont, à mon avis, des questions fondamentales auxquelles la commission devrait trouver des réponses qui seraient éclairantes pour le public québécois, avant de laisser aller Hydro-Québec dans la deuxième phase de cette Baie James. Je veux parler d'abord des prévisions en besoins énergétiques. Quand on sait que la marge d'erreur des prévi-

sions d'Hydro-Québec en besoins énergétiques est très grande et, cela, au dire même du rapport du projet de développement d'Hydro-Québec... Je vous donnerai la page, si vous voulez la citation. Bon, par exemple: Hydro-Québec prévoit une augmentation de 50 % de plus des besoins d'ici 2006. Alors, c'est réparti comme ceci. Je pense que vous connaissez mieux que moi tous les dossiers: 1,6 % par année de 1986 à 1996 et, ensuite, une recrudescence des besoins à partir de 1996 jusqu'à 2006, une demande de 2,4 % par année.

Vu ces faits-là, est-ce que la commission entérine ces prévisions qui sont, de toute façon, aléatoires, ces prévisions sur lesquelles est basée, au fond, toute la justification des développements futurs d'Hydro-Québec? Ça me semble la question fondamentale de départ. Si on retourne ça à l'envers et qu'on se pose... L'arrière-plan de cette question-là, c'est: Est-ce que ce n'est pas plutôt qu'Hydro-Québec est considérée et a été considérée dans les années soixante-dix - et on continue encore de la même manière - comme un État dans l'État, on l'a déjà dit, mais est considérée aussi par le gouvernement comme un moteur de développement économique, quasiment la base de notre société alors que ça devrait plutôt être un organisme qui répond aux besoins de la société qui peuvent être modulés en fonction de la conservation de l'énergie et du développement durable? N'est-ce pas cela qui justifie entre autres les gros projets industriels d'aluminerie et qui permet de justifier des industries qui sont énergivores à des coûts préférentiels d'électricité, on le sait? Ils ne sont même pas divulgués, tellement ils sont préférentiels. Ce sont des coûts qui permettent de créer des emplois mais qui sont subventionnés à quelque 128 000 $ par année par emploi. Alors, ces immenses capitaux vont être investis dans la phase 2 de la Baie James. On parle de 62 000 000 000 $ prévus. Dans les faits, en tout cas, on sait que pour la première Baie James les coûts ont augmenté énormément. Alors, on pourra s'approcher des 100 000 000 000 $ dans quelques années.

Est-ce que ces coûts faramineux sont censés stimuler l'économie québécoise alors que, en fait, on n'a même pas fait une évaluation de la stimulation qui a été faite avec le projet Baie James 1? Regardez le taux de chômage qu'il y a au Québec, actuellement. Est-ce qu'il y a eu un bilan écologique, un bilan économique, socio-économique des régions où il y a eu des projets de barrage? C'est de l'emploi temporaire qui est créé et ensuite, bien, le barrage est censé fonctionner s'il pleut.

Mais, dans les faits, est-ce que ces immenses capitaux ne privent pas d'autres secteurs de notre économie? On pense au dossier culturel, ça fait des années... Vous savez tous fort bien que - je dirais - le secteur culturel est beaucoup plus créateur d'emplois, de même que le secteur manufacturier et surtout le secteur de la restauration; des économies substantielles d'énergie pourraient être faites à ce niveau-là. Et le secteur de l'économie d'énergie créerait pour les mêmes sommes d'argent... Jamais on n'investira plus que 5 000 000 000 $ à 10 000 000 000 $ dans nos économies d'énergie...

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.

M. Legault: Pardon?

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît; votre temps est écoulé.

M. Legault: Oui. Alors, je veux juste dire qu'on peut créer beaucoup plus d'emplois permanents en utilisant ces sommes d'argent là ailleurs, en économisant aussi l'énergie, que dans la construction de barrages et de centrales. On sait qu'économiser un kilowatt coûte 10 fois moins que produire un kilowatt et le vendre.

Pour conclure, le Conseil de l'environnement demande un débat public sur l'énergie car, au fond, le gouvernement a tout à gagner à ouvrir la discussion. Le gouvernement devrait arrêter d'avoir peur, Hydro-Québec aussi, et d'être sur la défensive; il devrait s'ouvrir à la discussion avec la société québécoise. À mon avis, peut-être qu'il va y avoir des choix, effectivement, qui vont être faits, mais ils vont être faits en connaissance de cause. Peut-être qu'il y a des barrages qui vont être encore construits, mais ils vont être faits en connaissance de cause. Actuellement, on ne sait pas où on s'en va.

À mon avis, ça va aussi faire découvrir des formes d'énergie. On parle du savoir-faire, de l'imagination créatrice des Québécois. Je pense que ce serait le bon moment d'en profiter pour dire: On pourrait peut-être découvrir des formules nouvelles de conservation d'énergie et de production d'énergie douce. Les Québécois l'ont déjà prouvé dans le passé, ils peuvent aussi le prouver maintenant. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Alors, Mme la ministre.

Mme Bacon: Mme Paquin, M. Oouville et M. Legault, votre mémoire expose les positions de votre organisme et dénonce en même temps très sévèrement l'action gouvernementale en matière d'énergie. (12 h 30)

Quant à votre perception des quelques notes d'ouverture, j'aimerais peut-être, Mme Paquin, vous envoyer une copie de ce texte. J'ai l'habitude de lire tous les jours tous les journaux pour vraiment avoir la meilleure vérité, mais vous auriez peut-être avantage, je pense, à lire en

entier l'allocution du départ de cette commission.

Votre mémoire ne contient aucun exposé de faits, aucune démonstration ni aucune preuve au soutien des positions que vous prenez. Comme gouvernement, nous partageons la conviction de la commission Brundtland qu'un avenir énergétique sûr, peu nuisible à l'environnement, économiquement viable et capable de soutenir le progrès humain est une nécessité absolue. Nous croyons également que, pour définir les exigences d'un développement énergétique durable pour le Québec, il est nécessaire d'établir les bases d'un dialogue constructif avec tous les intéressés. C'est précisément, je pense, l'objet de notre consultation.

On dit dans le rapport Brundtland qu'il n'existe aucun modèle idéal de développement soutenable, que les systèmes sociaux, les systèmes économiques et les conditions écologiques varient évidemment beaucoup d'un pays à l'autre. J'aimerais peut-être vous dire aussi que, quant au rapport Brundtland, j'ai eu l'honneur de présider la table ronde pendant mes 10 mois à titre de ministre de l'Environnement et, donc, que ma préoccupation environnementale, je pense, n'a pas à être prouvée à l'occasion de cette commission.

À la page 55 du rapport Brundtland, on dit: "Dans son esprit même, le développement soutenable est un processus de transformation dans lequel l'exploitation des ressources, la direction des investissements, l'orientation des techniques et des changements institutionnels se font de manière harmonieuse et renforcent le potentiel présent et à venir permettant de mieux répondre aux besoins, aux aspirations de l'humanité." On ajoute aussi: "Le développement implique une transformation progressive de l'économie et de la société", en page 51 du rapport Brundtland. À partir de ces réflexions qui sont tirées du rapport Brundtland, j'insiste sur la notion de transformation progressive qui caractérise le développement durable. J'insiste aussi sur la nécessité de définir un modèle de développement qui est adapté à la réalité que nous vivons ici, la réalité du Québec. Croyez-vous que l'arrêt brutal de tous les projets énergétiques en cours corresponde à la transition progressive et harmonieuse souhaitée par la commission Brundtland?

Mme Paquin: Je voulais revenir aux extraits de votre discours. Je l'ai lu dans Le Soleil, dans "Les idées du jour".

Mme Bacon: Je vais vous en donner une copie intégrale.

Mme Paquin: Dans "Les idées du jour", j'ai pensé que c'était reflété de façon assez exacte. Maintenant, qu'il n'y ait aucune preuve dans le mémoire ou aucune démonstration, je pense que Richard est quand même allé un petit peu plus loin que moi là-dessus, mais ce n'était pas le but de notre mémoire d'apporter des preuves. Nous, ce qu'on veut d'abord, c'est faire un débat public élargi sur la question, et nous pensons que c'est là que pourront être apportées, peut-être, les questions techniques du côté des spécialistes et d'autres questions du côté de la population. On voulait vraiment... Oups! L'eau est en train de me rejoindre. On manque de barrages au Québec. Ha, ha, ha! Excusez-moi.

Je comprends que vous essayiez d'établir le dialogue ici, mais on ne pense pas, comme on l'a dit dans le mémoire, que la population soit intéressée nécessairement à venir dialoguer ici, dans un endroit qui est un peu impressionnant pour M. Tout-le-Monde. Je pense que chaque région du Québec est touchée par les projets d'Hydro-Québec, étant donné qu'Hydro-Québec a une visée sur à peu près toutes les rivières du Québec. Alors, il serait important d'aller voir la population un peu partout et il faudrait la préparer aussi à recevoir ces délibérations en lui présentant la situation de façon éclairée.

Pour ce qui est du modèle de développement viable de la commission Brundtland, je suis d'accord avec vous que ça va devoir se faire progressivement, mais au Québec, en tout cas dans le secteur de l'hydroélectricité, on ne sent pas de changement de cap, si vous voulez. On sent qu'on applique exactement le même modèle que celui des années soixante-dix. On ne sent pas de virage important. Peut-être qu'il y a de petites affaires.

Mme Bacon: Est-ce que 1 800 000 000 $ investis dans les économies d'énergie par HydroQuébec vous semblent des petites affaires?

Mme Paquin: Oui.

Mme Bacon: Ou un changement?

Mme Paquin: Ça nous semble des petites affaires, effectivement, d'autant plus qu'Hydro-Québec, je ne pense pas qu'elle soit préparée à faire ce genre d'étude. C'est une compagnie qui est axée sur l'hydroélectricité depuis longtemps. Je ne pense pas que les économies d'énergie, ce soit vraiment son secteur de spécialisation jusqu'à maintenant. C'est pour ça qu'étant donné... On pense qu'Hydro Québec pourrait développer cette expertise-là, effectivement, à la longue, mais, à court terme, on aimerait quasiment mieux que ça se fasse à l'extérieur d'Hydro-Québec parce qu'elle est quasiment en conflit d'intérêts en faisant ces études-là. Entre l'hydroélectricité et les économies d'énergie, elle va préférer l'hydroélectricité.

Comme je l'ai mentionné dans le mémoire, je pense qu'on est vraiment à un carrefour de notre développement à tous points de vue. On va avoir des décisions importantes à prendre. Si on ne les prend pas bientôt, on va être acculés à

les prendre plus tard, mais ça va être plus difficile de les prendre, de toute façon. On devra les prendre avec des grincements de dents, je dirais. Alors, aussi bien s'y préparer maintenant, faire les études qu'il faut maintenant, faire les arrêts maintenant.

Pour ce qui est de la commission Brundt-land, j'ai travaillé un peu sur le concept de développement durable et j'ai essayé de l'appliquer au secteur hydroélectrique. Mais, ce que j'ai retenu de son cadre stratégique, c'est que le développement durable impliquait une vision à long terme du développement, une modification de la qualité de la croissance, les pays industrialisés doivent évoluer vers des activités à moins forte intensité de matières premières et d'énergie, vers une amélioration du rendement de leurs ressources et vers une répartition plus équitable de cette croissance. Il faut viser la satisfaction des besoins essentiels de la population dans une perspective d'équité, il faut réorienter les technologies en tenant compte des facteurs écologiques dans la recherche de nouvelles techniques, il faut modifier nos institutions pour que l'environnement fasse partie de la décision, il faut une utilisation plus efficace des ressources et la préservation de la base écologique de celles-ci, donc une approche conservation. Il faut intégrer l'économie et l'environnement dans la prise de décisions, il faut impliquer activement les citoyens dans la prise de décisions, il faut réviser nos façons de consommer et les adapter à l'écologie.

C'est ce que j'ai retenu de ma lecture de la Commission Brundtland. Je ne pense pas qu'on soit très, très proches de cette...

Mme Bacon: Si vous permettez, Mme Paquin, dans la vie, il y a des choix à faire.

Mme Paquin: Je vous comprends un peu là-dessus. Je ne voudrais pas être à votre place.

Mme Bacon: Non, mais on construit maintenant des routes avec des bulldozers. Bon. On aurait pu les construire avec une pelle et de la main-d'oeuvre, comme on a déjà fait dans les années, je ne sais pas, au début du siècle. On a fait des choix. On construit avec de la machinerie.

Je pense qu'il y a une question primordiale, c'est celle de l'information objective qui est fondée sur des faits, mais aussi sur des observations qui sont scientifiques. Je pense que c'est une condition essentielle pour prendre une décision éclairée.

Est-ce que vous estimez que les positions qui sont soutenues dans votre mémoire sont fondées intégralement sur une observation objective de la réalité? En tant que groupe de défense de l'environnement, comment contribuez-vous, sur le plan pratique, à informer la population des enjeux en cause en matière d'énergie et d'environnement? J'espère que vous ne vous basez pas seulement sur les journaux.

Mme Paquin: Pardon? Si on se base sur les journaux?

Mme Bacon: Comme vous l'avez fait pour mon texte.

Mme Paquin: Ah! J'ai perdu la première partie de votre... en tout cas. Pour ce qui est de...

Mme Bacon: Comment contribuez-vous, sur le plan pratique...

Mme Paquin: Oui. Ça, je l'avais compris, mais c'est la partie...

Mme Bacon: ...à informer la population? Je dis: Est-ce que vous avez... Et je regarde votre mémoire, j'ai bien pris connaissance de votre mémoire. Est-ce que vous estimez que les positions que vous soutenez dans votre mémoire sont fondées sur une observation objective de la réalité?

Mme Paquin: Je ne sais pas, exactement, ce que vous voulez dire par votre question, mais...

Mme Bacon: Le fondement scientifique, par exemple.

Mme Paquin: Oui, mais ce n'est pas un mémoire scientifique, vous vous en rendez bien compte. Le but du mémoire, ce n'est pas d'apporter des preuves scientifiques...

Mme Bacon: Non, mais vous faites beaucoup d'affirmations dans votre mémoire.

Mme Paquin: Oui. Bien, ça, j'étudie le dossier énergétique depuis 1987. Plus j'avance dans l'étude de ce dossier, plus je suis convaincue qu'on ne s'en va pas dans la bonne direction et qu'il faut s'arrêter pour en discuter. C'est simplement ça. Je suis convaincue qu'on ne s'en va pas dans la bonne direction en décidant de harnacher toutes nos rivières et en fondant notre développement économique complètement sur l'hydroélectricité. Et tout ce que je dis, c'est que j'essaie de vous le faire comprendre.

Je vous ai décrit la situation au Québec. Je pense que, là-dessus, vous ne pouvez pas le nier. Ce que j'ai décrit à la page 2, au premier paragraphe, on ne peut pas nier ça ce que j'ai dit là, qu'il n'y a pas de consensus, au Québec, sur l'exportation; qu'il n'y a pas de consensus sur l'importation d'entreprises; que la consommation électrique augmente; que les tarifs augmentent; que les projets augmentent; que notre politique énergétique est axée sur une croissance économique à courte vue, _ c'est-à-dire qu'on fait

ce qu'on peut, mais qu'on ne se pose pas les grandes questions. C'est comme si on agissait au jour le jour en disant: On fait ça parce qu'on n'a pas pensé à faire mieux. Donc, on va faire ça.

On a l'hydroélectricité, alors on l'utilise parce qu'on n'a pas pensé à autre chose, à d'autres possibilités de développement que les possibilités de développement que nous apporte l'hydroélectricité comme les alumineries. Mais ce que je dis, c'est qu'il faut s'arrêter et faire la discussion, faire les études nécessaires.

Mme Bacon: Vous ne pensez pas que ce qu'on fait en ce moment est un arrêt, un cran d'arrêt...

Mme Paquin: Ce n'est pas suffisant.

Mme Bacon: ...pour vraiment discuter en profondeur de ce dossier, écouter les gens. Nous avons reçus 70 mémoires. Il y a quand même des gens qui croient à cet exercice de démocratie que nous avons.

Mme Paquin: Vous savez très bien que la Coalition pour un débat public, ça comprend 30 groupes et ces 30 groupes ont refusé de venir présenter, pour la plupart, un mémoire, ici, en commission parlementaire, parce que ces 30 groupés sont convaincus que le débat ne se fera pas ici. Il devra se faire de façon beaucoup plus importante. Il ne se fera pas en trois semaines, le débat, parce que la population doit être préparée à le faire. Elle doit connaître les enjeux. Elle doit connaître la situation énergétique. Et la commission parlementaire, je l'ai dit tantôt, elle ne porte que sur une facette de la politique énergétique, qui est l'hydroélectricité. C'est très limitatif comme...

Mme Bacon: Est-ce qu'avant de prendre position dans votre mémoire - c'est ma dernière question, M. le Président - vous avez consulté tous vos membres pour savoir s'ils sont d'accord avec cette position de votre mémoire?

Mme Paquin: Nous fonctionnons comme n'importe quelle entreprise, par conseil d'administration, et c'a été approuvé par les conseils d'administration des Ami-e-s de la terre de Québec et du conseil de l'environnement des régions de Québec.

Mme Bacon: Alors, vous fonctionnez un peu comme nous, avec des élus qui sont ici qui viennent...

Mme Paquin: Oui, mais nous allons en assemblée générale une ou deux fois par année et nous discutons...

Mme Bacon: On va en élection et les gens décident. C'est la même chose.

Mme Paquin: Non, non. il n'y a pas juste l'élection. Quand nous faisons les assemblées générales, nous abordons tous les sujets. Nous demandons aux membres de nous présenter des priorités et nous choisissons, en assemblée générale, les priorités qui seront retenues pour l'année. Chaque priorité a ses orientations et le dossier énergétique est une priorité depuis au moins trois ans, accepté par les membres en ce sens.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Mme Paquin, M. Douville, M. Lecours, merci d'être venus ici à cette commission parlementaire.

M. Legault: M. Legault, en passant. M. Benoit: Pardon? M. Legault: M. Legault. M. Benoit: M. Legault.

M. Legault: Je ne sais pas s'il y a une erreur.

Le Président (M. Bélanger): On nous avait induit en erreur dans la présentation.

M. Benoit: Merci d'être venus à cette commission parlementaire et d'avoir fait valoir votre point de vue. À la lecture de votre mémoire, j'ai ressenti quelque chose de drôle un peu: les bons sont tous sur le même côté, c'est-à-dire que les gens de l'environnement, ce sont les bons et il y a le reste de la société. Je pense que, comme l'Opposition, comme le reste de la société, nous n'avons peut-être pas l'étiquette "environnemental istes" écrite au revers de notre doublure, mais nous croyons au mieux-être de l'individu, au mieux-être de l'environnement et, indéniablement, je pense qu'on est des amis de la terre, sous une forme ou sous une autre. Vous êtes, j'en suis convaincu, comme Green Peace l'a été il y a 10 ans, des précurseurs d'un message. Il vous faut continuer à livrer ce message, c'est une bonne tribune pour ie faire et je vous encourage à continuer.

D'autre part, il y a peut-être quelques questions auxquelles j'aimerais que vous répondiez. Vous parlez d'une "recherche d'alternatives de développement moins pénalisantes pour l'environnement", dans votre mémoire, à la page 2. Il semble que la société évolue à une rapidité telle que les grands environnementalistes, en Europe, par exemple, qui décriaient l'énergie nucléaire, il y a quelques années, les plus grands environnementalistes reviendraient maintenant à

dire: Le nucléaire, c'est la solution de demain. Comment votre groupe se situe-t-il dans ces recherches d'alternatives de développement moins pénalisantes? (12 h 45)

Mme Paquin: En passant, quand vous parlez d'alternatives de développement, vous faites allusion à des alternatives énergétiques, si je comprends bien.

M. Benoit: Oui. Bien oui, dans votre mémoire, à la page 2.

Mme Paquin: Parce que des alternatives de développement, c'est un peu différent. Ce sont des alternatives dans le sens de choisir des modes de développement différents, c'est-à-dire des types d'entreprises ou des formes d'entreprises différentes.

M. Benoit: Pouvez-vous être plus... Mme Paquin: Alors, vous parlez... M. Benoit: ...spécifique?

Mme Paquin: Oui. C'est parce qu'il y a alternative énergétique et il y a alternative de développement. En ce qui concerne le développement économique, vous pouvez choisir d'investir dans l'aluminium, comme on le fait, ou vous pouvez choisir d'investir dans un autre secteur comme les économies d'énergie; ça, ce sont des alternatives de développement. Mais une alternative énergétique... Vous parlez du nucléaire, donc c'est une forme d'énergie alternative, si vous voulez. Nous, on ne s'est pas vraiment penchés sur la question du nucléaire, dans notre groupe. On en a suffisamment avec l'hydroélectricité. Et comme c'est le problème majeur, au Québec, l'hydroélectricité, pour le moment, c'est la question qu'on étudie présentement. Pour ce qui est du nucléaire, on va sûrement l'étudier à un moment donné, quand on aura les énergies pour le faire. Pour le moment, on n'a pas de position là-dessus. Est-ce que vous en avez, vous autres?

Des voix: Non.

M. Benoit: Pour vous, Mme Paquin, et votre groupe, est-ce que croissance économique, ça veut absolument dire la fin d'une société écologique équilibrée, jusqu'à un certain point, qui fonctionne bien? Est-ce que les mots "croissance économique", c'est, pour vous, la fin d'une société écologique?

Mme Paquin: Les mots "croissance économique"?

M. Benoit: Oui.

Mme Paquin: Les mots "croissance économi- que", je veux dire... Le développement économique, ça peut se faire, à condition qu'il soit accolé à d'autres concepts. Si on fait attention à l'environnement, au social, au développement durable, le développement économique peut se continuer. Je ne dis pas qu'on va arrêter le développement économique demain matin, au contraire. Mais c'est de faire un développement économique qui soit en accord avec un développement viable, en accord avec le respect de l'environnement et en accord avec nos besoins sociaux, ici, au Québec. Alors, ça demande de se poser des questions.

Je sens que je suis très sévère, effective ment. Je comprends les élus parce que les élus sont pris avec des problèmes de court terme, qu'ils doivent régler au jour le jour; je suis très consciente de ça. Nous, on n'a pas ces problèmes-là, on travaille sur des dossiers de plus long terme. Mais c'est pour ça que je vous suggère de faire un moment d'arrêt parce que, quand on est pris tous les jours dans le court terme, on ne peut pas avoir de visées à long terme. Pour avoir des visées à long terme, il faut prendre le temps de s'arrêter et je pense que c'est toute la société qui en bénéficierait, et pas seulement les élus.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue devant cette commission parlementaire. Je vais quand même me permette certaines réflexions. La grande partie de votre mémoire, finalement, porte sur la question de la pertinence de cette commission parlementaire. Mais il n'en reste pas moins que, tout en partageant pour l'essentiel les préoccupations que vous avez de ce côté-là et en étant conscient de l'importance d'un débat public - on peut l'appeler enquête, on peut l'appeler consultation, on peut l'appeler, bon, commission - mais d'un débat public plus large sur toutes la question énergétique, tout en étant conscient de ça - et d'ailleurs, le mémoire qui a été déposé devant la commission, hier, par le comité environnement du Parti québécois était on ne peut plus clair quant à ça aussi - il faut quand même commencer quelque part, hein? Avant d'avoir de la braise, il faut allumer le feu. Je pense que l'intérêt de cette commission, que l'on tient, c'est justement d'allumer le feu. C'est de créer, de susciter l'intérêt d'aller plus loin et de permettre à des gens qui veulent aller plus loin de s'exprimer, dans un premier temps, pour expliquer pourquoi le gouvernement, finalement, devrait engager des sommes énormes, importantes du moins, pour aller plus loin dans ce vaste débat-là. Les contributions telles que la vôtre sont excellentes dans cette façon de faire avancer le débat vers quelque chose de plus global, de plus systématique.

il ne faut pas oublier, quand même, lorsque l'on parle d'Hydro-Québec, à travers tout ça, que, essentiellement, au départ, c'est à travers les plans de développement d'Hydro-Québec, dont l'analyse est souvent contestée dans la population, que l'on en est arrivés à demander et à exiger de la part du gouvernement la tenue, déjà, d'assises un peu plus larges pour regarder globalement le problème, qui nous ont amenés à la commission que nous avons actuellement qui, j'en conviens, doit nécessairement déborder sur autre chose. Parce que si on se contente d'un petit 15 minutes d'intervention de part et d'autre et qu'après la dernière intervention on se frotte les mains et qu'on dit: Bon, ben, c'est fini, probablement que dans 15 ans on sera encore au même point. Hydro-Québec reviendra l'année prochaine nous redéposer son plan de développement avec ses tableaux en couleurs et son système vidéo et on n'aura pas avancer. On va continuer le plan de développement de la même façon, et puis... Il faut aller beaucoup plus loin, beaucoup plus à fond, j'en conviens avec vous. Mais je conviens aussi de l'importance d'allumer le feu quelque part. Et c'est ce que, je pense, nous sommes en train de faire, actuellement, sinon de mettre le feu à la ministre, du moins d'allumer sa conscience sociale de façon qu'elle ait envie d'aller plus loin et d'amener son gouvernement à se requestionner plus globalement sur l'ensemble de la situation énergétique du Québec. Si nous n'atteignons que ce but-là, après le mois de consultation, et bien ça sera déjà un pas énorme dans la bonne direction, qui va faire en sorte que peut-être que des tenants un peu plus inconditionnels des positions d'Hydro-Québec devront nuancer leur position dans l'avenir.

Je voudrais juste vous poser une question avant de passer la parole à mon collègue qui a quelques questions. Vous avez dit et j'ai retenu dans votre intervention, entre autres, qu'il était difficile d'imaginer qu'Hydro-Québec puisse gérer - parce que ça ne faisait pas partie de sa façon d'être, finalement - des politiques importantes de conservation d'énergie, etc. J'aurais tendance à avoir une vision différente et c'est pour ça que j'aimerais avoir vos explications là-dessus. Je pense qu'essentiellement Hydro-Québec, même si elle n'a pas un visage très rassurant depuis quelque temps, n'est quand même pas un monstre. Hydro-Québec, essentiellement, est à l'image du Québec et à l'image d'un mandat que les Québécois lui donnent. Jusqu'à maintenant, on a donné à Hydro-Québec, du moins depuis sa prise d'essor vertigineuse en 1964, un mandat de pourvoyeur d'électricité et on revenait de loin, il faut bien se le dire. Juste à titre d'exemple, la Coopérative régionale d'électricité de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville sur la rive sud de Montréal a eu un mandat de promotion de ('electrification rurale jusqu'en 1988. Le mandat vient juste d'être changé, il y a deux ans. Alors, c'est pour vous dire qu'on revenait de loin en 1964.

À ce moment-là, on disait: Hydro-Québec, on lui a donné un mandat de pourvoyeur d'électricité. Là, on requestionne globalement l'affaire. Mais, est-ce qu'on ne pourrait pas, comme société, donner un nouveau mandat à HydroQuébec, qui serait peut-être plus un mandat de gestionnaire d'électricité et qui, à ce moment-là, l'amènerait à concevoir autre chose que de l'endiguement de rivières et, finalement, de la production d'alternateurs et de lignes de transmission, lignes de transport? Est-ce qu'il ne serait pas concevable que, comme société, on oriente autrement Hydro-Québec et, qu'à partir de ses compétences, Hydro-Québec pourrait être un excellent ou devenir un excellent gestionnaire d'électricité et, par le fait même, de mesures d'économies d'énergie ou d'énergies alternatives, etc., comme elle a été, depuis une vingtaine d'années - et on doit l'avouer - un excellent gestionnaire de "pourvoyage" d'électricité ou de fourniture d'électricité aux Québécois?

Mme Paquin: Oui, bien, c'est ça. C'est ce que je disais tantôt. C'est que le mandat d'Hydro-Québec est assez restreint présentement. Ce que je voulais dire en disant de confier à l'extérieur d'Hydro-Québec, c'est à court terme, étant donné que c'est difficile de changer des mentalités, de changer une gestion qui dure depuis des années, de faire les changements institutionnels à l'intérieur de l'institution, si on peut dire Étant donné que les économies d'énergie ça presse, les énergies alternatives aussi, c'est pour ça que je disais: À court terme, on pourrait peut-être faire faire des études à l'extérieur d'Hydro-Québec, mais, à long terme, évidemment, on pourrait envisager de changer le mandat d'Hydro-Québec, d'élargir sa base de travail en en faisant une compagnie qui s'orienterait dans plusieurs types d'énergie, entre autres dans les types d'énergie qui n'ont pas encore été tellement étudiés au Québec, les énergies alternatives. C'est ce qu'on pense. Mais ce que je disais, c'est, à court terme, est-ce qu'elle sera capable de faire le virage rapidement? Ça, j'en doute.

M. Claveau: O.K.

M. Douville (Louis): II faudrait peut-être aussi intégrer les consommateurs dans ces prises de décision aussi.

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse. Est-ce que vous pourriez parler un petit peu plus fort? On vous entend très mal.

M. Douville: II faudrait peut-être intégrer les consommateurs dans les prises...

M. Legault: Dans le processus.

M. Douville: ...dans le processus, c'est ça,

pour l'aider à s'orienter. Je parle ici d'Hydro-Québec.

Mme Paquin: Parce qu'il parlait du mandat d'Hydro-Québec...

M. Douville: C'est ça, c'est ça, d'intégrer... Mme Paquin: Explique-le donc un peu plus.

M. Legault: Je pense que, si Hydro-Québec représente les Québécois, les Québécois pourraient avoir une place à Hydro-Québec. Actuellement, c'est un État dans l'État. Je veux dire, les décisions se prennent même... en tout cas, antérieurement, elles se prenaient même sans que le gouvernement soit, je ne veux pas dire d'accord, mais souvent, Hydro-Québec poussait sur le gouvernement. Actuellement, il y a peut-être un partenariat, je crois, mais, à long terme, si Hydro-Québec était mieux contrôlée par les consommateurs québécois, de façon impartiale, je pense que ça lui permettrait de diversifier ses actions et de vraiment travailler au bien-être des Québécois en général.

Le Président (M. Bélanger): Bien. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants du groupe Les Ami-e-s de la terre. Avant de leur poser quelques questions, j'aurais quelques réflexions aussi. Je pense que c'est une vue un peu trop étroite que de dire: Si vous n'arrivez pas à des données scientifiques, vous êtes loin de la vérité. La vérité emprunte divers chemins; souvent, c'est le chemin de la soi-disant objectivité scientifique, mais souvent, ça peut être aussi le chemin de l'intuition, même le chemin du subjectivisme...

M. Claveau: Du gros bon sens.

M. Lazure: ...du sens commun. À titre d'exemple, lorsqu'on a commencé à se servir des rayons X en médecine, en médecine dentaire, en particulier, personne n'a pensé que les rayons X pouvaient être dommageables et, à un moment donné, il y a des citoyens, justement des groupes semblables aux Ami-e-s de la terre, qui dit: Attention, il ne faut pas utiliser les rayons X trop souvent, que ce soit pour les dents ou pour autre chose. Et, éventuellement, la preuve scientifique a été faite que l'usage abusif de rayons X pour des fins de diagnostic était dommageable. Alors, moi, je pense qu'il faut écouter les messages même s'ils ne sont pas apportés à grand renfort de données, soi-disant objectives, un peu comme les experts d'Hydro-Québec ont tendance à le faire justement. Il faut écouter quand même ces messages-là. Et je fais appel à la ministre parce que la ministre, au fond... Ce groupe-ci comme d'autres et comme la trentaine qui ne viendront pas, c'est-à-dire la Coalition, réclament un débat public. Nous, au Parti québécois, on pense qu'il doit y avoir un débat public aussi. La ministre a déjà répondu de façon très favorable lorsque l'un de ses collaborateurs, qui était président du Bureau d'audiences publiques, le BAPE, alors qu'elle était ministre de l'Environnement, a dit: Attention, Mme la ministre, il ne faut pas trop révéler la vérité aux gens en matière de déchets dangereux. Le bon Dr Goldbloom recommandait à la ministre de cacher la vérité ou de la limiter, la vérité. La ministre a fait ce qu'il fallait qu'elle fasse, elle a été courageuse. Elle a mis le bon Dr Goldbloom de côté et elle a dit, en faisant ça: II faut que le public participe à ce débat sur les déchets dangereux. Et elle a créé la commission Char-bonneau, son gouvernement a créé la commission Charbonneau, qui est un pas dans la bonne direction.

De la même façon, moi, je fais appel à la ministre, nous faisons appel à la ministre pour qu'elle donne la chance non seulement à ce groupe-ci, mais à l'ensemble de la population de pouvoir débattre en public durant un an, un an et demi, deux ans, le temps qu'il faudra, cette question fondamentale, fondamentale non seulement pour l'envergure des sommes impliquées - 60 000 000 000 $, 65 000 000 000 $, ce sont des sommes considérables - mais surtout parce que ça va toucher la vie quotidienne de milliers de personnes, les autochtones en particulier, et aussi parce que ça va complètement bouleverser les systèmes écologiques de la région. Mais la principale raison, c'est qu'il faut qu'au Québec on cesse de tenir pour acquis que la consommation d'électricité, étant donné que ça ne coûte pas cher et qu'on a beaucoup de rivières, on peut y aller a gogo. Ça prend un virage et souvent une consultation publique, du genre de la commission Parent, de la commission Castonguay ou d'une autre commission. Souvent, ces consultations publiques ont le don, ont pour effet, entre autres, de sensibiliser et de permettre à un gouvernement de faire un virage majeur. En tout cas, je pense que la ministre a fait preuve de courage à cet égard dans le passé et nous souhaiterions qu'elle en fasse encore preuve aujourd'hui. Ce n'est pas le report d'un an ou même de deux ans qui serait catastrophique, loin de là. Ce n'est pas vrai que ce serait catastrophique. Si on nous dit ça, c'est de la démagogie. La ministre ne l'a pas dit, de toute façon.

Je pense que l'absence de certains de ses collègues et vous l'avez noté avec raison... Son collègue de l'Environnement, on ne l'a pas vu ici depuis qu'on siège. On ne l'a pas vu une fois, pas une seule fois. C'est lui qui est le chien de garde de l'environnement dans ce gouvernement-là et on ne l'a pas vu. Le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, qui est le chien de garde de la faune, on ne l'a pas vu non plus. Le ministre responsable des autochtones qui est

censé défendre les intérêts des autochtones, des Cris et des Inuit en particulier, dans ce dossier-ci, on ne l'a pas vu non plus. Alors, je pose la question aux représentants des Ami-e-s de la terre, puisque c'est vous qui l'avez soulevée: Pourquoi pensez-vous que ces trois ministres-là devraient être ici?

Mme Paquin: Je l'ai dit tantôt, nous pensons qu'ils sont tous interpellés par les grands projets hydroélectriques d'Hydro-Québec, chacun à sa façon, et plus particulièrement aussi quand on prétend s'orienter vers le développement viable et équitable. Le ministre de l'Environnement est interpellé aussi. Quand on veut marier l'économie et l'environnement, le ministre de l'Environnement est encore interpellé. Évidemment, pour être plus précis, les grands projets hydroélectriques touchent la faune de façon importante. Il y a eu des études de faites par la société Audubon, entre autres, sur la question. Il y a des études qui ont été faites même par Hydro-Québec qui avoue les problèmes sur le territoire aussi, bien qu'elle n'ait pas fait toutes les études qu'il faut. Le ministre responsable des autochtones, bien sûr, aurait un mot important à dire, parce que toute la culture, tout le mode de vie de ces peuples est en cause dans ces grands projets-là. Eux, ce sont des gens qui vivent de la nature et on leur prend leur nature. Alors, ils vont devenir comme nous, des gens axés sur l'exploitation et sur le développement économique a courte vue. On essaie de les rendre comme nous, dans le fond. On leur apporte le développement dans leur territoire.

M. Lazure: J'ajouterais peut-être une dernière chose.

M. Legault: Je veux juste ajouter une chose. C'est qu'Hydro-Québec se targue de penser aux effets cumulatifs, mais je peux vous dire que j'ai quand même étudié la méthodologie de travail d'Hydro-Québec et, enfin, c'est un jugement personnel comme étudiant en urbanisme qui a étudié là-dessus, mais ce n'est pas du tout à point actuellement et c'est en processus. Les effets cumulatifs de la Baie James I n'ont même pas été évalués. Après plusieurs années, on s'est aperçu que le mercure... Il y a énormément d'effets cumulatifs, et dans le rapport du plan de développement d'Hydro-Québec, on parle surtout des effets cumulatifs au niveau socio-économique, mais on ne fait pas de couplage avec les effets par rapport à l'effet de serre, par rapport à l'ensemble des composantes biophysiques du milieu, et je dirais qu'il y a même des effets cumulatifs sur la création d'alumineries qui ont d'autres effets sur l'environnement, locaux et régionaux.

M. Lazure: II y a une dernière question, M. le Président, que je voudrais soulever. Vous parlez justement d'alumineries. Si le gouvernement ne consent pas à tenir ce débat public, on pourrait se poser la question, encore une fois: Est-ce que le refus du gouvernement de tenir un débat public serait motivé par les mêmes raisons qui empêchent ce gouvernement de mettre en vigueur l'article 2n de la loi, l'article 2n qui permettrait des audiences publiques dans le cas de grands projets, alumineries, papetières, etc.?

On sait que le ministre de l'Environnement, lui, il veut que cet article 2n devienne en vigueur pour qu'il y ait des audiences publiques de tenues chaque fois qu'il y aura un grand projet industriel. Mais on sait aussi qu'à l'intérieur de son Conseil des ministres, il est neutralisé par l'ensemble du Conseil des ministres, apparemment, qui choisit de ne pas mettre en vigueur cet article 2n, donc, de ne pas tenir des débats publics lorsqu'il s'agit de grands projets industriels, parce que c'est de ça qu'il s'agit.

L'article 2n dit: Si on est pour faire une grande aluminerie ou une papetière, on va tenir des audiences, donc, un débat public là-dessus, pour voir les répercussions, les impacts environnementaux de ça. Alors, si le gouvernement refuse d'avoir des audiences publiques, un débat public sur Baie James II, est-ce que c'est pour les mêmes motifs que son refus, qu'on s'est fait expliquer il y a quelques mois par le ministre de l'Environnement, son refus de mettre en vigueur l'article 2n?

Le Président (M. Bélanger): Bien, alors...

Mme Paquin: En tout cas, nous, on espère que la ministre va essayer de convaincre ses consoeurs et confrères du Conseil des ministres sur la question du débat public, parce qu'on pense que c'est très important. On espère l'avoir convaincue un petit peu, même si ce n'est peut-être pas totalement, lui avoir au moins ouvert une petite porte à la réflexion et on espère que son discours de fermeture sera plus encourageant que son discours d'ouverture et qu'il y aura des portes ouvertes du côté de l'environnement.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M le député d'Ungava, vous pouvez remercier nos invités.

M. Claveau: Je tiens à vous remercier de votre participation qui ajoute aux travaux de la commission et je profiterais peut-être de ce moment qui m'est donné pour inviter la ministre à faire en sorte que ses collègues soient présents pour la fin des débats d'ici à la fin mai. Et, comme ça, elle sera moins seule et peut-être plus appuyée lorsqu'elle se présentera devant son Conseil des ministres pour demander de larges audiences publiques sur la question de l'énergie au Québec. Merci de votre représentation.

Le Président (M. Bélanger): Mme la minis-

tre.

Mme Bacon: Vous me permettrez, M. le Président, de juste citer Brundtland qui dit: Plus largement encore, les grands organes centraux du gouvernement chargés de l'économie des autres secteurs devraient désormais être rendus directement et pleinement responsables de s'assurer que leurs politiques, leurs programmes et leurs budgets sont capables de soutenir un développement écologiquement et économiquement soutenables.

Je dois dire que quand on est ministre responsable d'un secteur économique, on doit être capable d'intégrer les valeurs, les choix et sans avoir continuellement la présence des autres collègues avec nous. Et je pense que le ministère que je dirige, à vocation économique, m'amène aussi, avec l'expérience' que nous avons, à intégrer les valeurs et à faire des choix.

Le député d'Ungava parlait tantôt d'un feu qui a été allumé. Je pense que ça prend une décision ministérielle pour allumer le feu, ce qui a été fait avec mes collègues qui m'ont apporté leur appui pour tenir cette commission parlementaire qui n'avait quand même pas eu lieu. Et je ne voudrais pas qu'il amène la braise tout de suite. On va alimenter ce feu et on verra par la suite. Mais je vous remercie d'avoir alimenté aujourd'hui ce feu.

Le Président (M. Bélanger): Alors, en terminant, une remarque qui est non partisane, qui vient de la présidence, peut-être faire remarquer à vos groupes amis qui ont refusé de venir à la commission, qui n'ont pas voulu venir, qui se sont privés d'une saprée belle occasion de faire connaître leur point de vue, que c'est peut-être eux ou la cause qu'ils défendent qui est la plus grande perdante là-dedans. Quand on décide de ne pas parler, on vit avec les conséquences de n'avoir rien dit et, quand on le dit aux bonnes places - et ici, c'est la bonne place; nous avons été élus pour ça - ça a beaucoup plus de chance que le message passe. Alors, transmettez-leur ça de ma part, s'il vous plaît.

Mme Paquin: Est-ce que je peux juste ajouter quelque chose? Je comprends que vous avez été élus et que vous vous sentez représentatifs de la population québécoise, mais je pense qu'il y a des décisions qui ne peuvent se prendre uniquement par les élus. Quand ce sont des décisions qui sont très importantes pour l'avenir du Québec, les élus doivent descendre au niveau de la population.

Le Président (M. Bélanger): Vous venez de définir exactement pourquoi les commissions parlementaires existent. Je vous remercie. Bon appétit! Et nous reprendrons nos travaux à 16 heures, après la période des questions. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 11)

(Reprisée 16 h 8)

Le Président (M. Leclerc): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire de l'économie et du travail qui tient une consultation générale et des auditions publiques sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique au Québec reprend ses travaux.

J'invite donc le Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James à prendre place à la table, s'il vous plaît.

Alors, M. Marcotte, je vous invite à nous présenter les gens qui vous accompagnent en vous rappelant que vous avez 20 minutes pour nous faire part de votre mémoire et qu'ensuite chacun des groupes ministériels aura 20 minutes pour vous interroger. Je vous cède la parole.

Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James

M. Marcotte (Hubert): M. le Président, mesdames et messieurs, mon nom est Hubert Marcotte et je suis le président du Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James. Je suis accompagné de M. Louis-Edmond Hamelin, membre nommé par le gouvernement du Canada; de M. Alain Soucy, qui est membre nommé par le gouvernement du Québec; et de M. Allen Penn, qui est membre nommé par l'Administration régionale crie.

Afin de mieux situer nos commentaires, je voudrais tout d'abord apporter quelques précisions sur le mandat du Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James. Ce comité a été créé en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de l'article 134 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Le Comité consultatif est composé de 13 membres. Le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et l'Administration régionale crie nomment chacun quatre membres; le treizième membre est le président ou le vice-président du comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage. Ce dernier est un comité consultatif créé également en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois afin d'assurer une participation active des Cris à la gestion de la faune sur le territoire.

Le mandat du Comité tel qu'énoncé dans la Convention et dans la loi indique que ce comité doit être consulté à titre d'interlocuteur privilégié et officiel dans le processus d'élaboration des lois et règlements concernant la protection de l'environnement et du milieu social sur le territoire de la Baie James. Le Comité a également pour fonction de surveiller, par le libre échange de points de vue et de renseignements, l'application du chapitre 22 de la Convention. À cette fin, il peut étudier et formuler des recommandations relativement aux mécanismes et

procédures d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et le milieu social. Le Comité est aussi consulté sur des questions d'importance majeure relativement à la mise en oeuvre du régime de protection de l'environnement et du milieu social et des mesures concernant l'utilisation des terres. Il peut, dans ce domaine, conseiller les gouvernements responsables intéressés.

De plus, le Comité maintient des liens étroits avec les personnes impliquées activement dans la prestation de services gouvernementaux sur le territoire. Il maintient également des liens avec les comités responsables de l'application des procédures d'évaluation et d'examen, tel qu'énoncé dans le chapitre 22 de la Convention.

En conformité avec son mandat, le Comité consultatif désire porter à l'attention de cette commission quelques observations générales sur le développement hydroélectrique du territoire par rapport au milieu biophysique et social. Le Comité tient à préciser qu'il s'agit de commentaires généraux et non d'une analyse détaillée du plan de développement d'Hydro-Québec. En ce sens, le Comité ne définit pas de position quant au bien-fondé des projets énergétiques proposés dans ce plan.

Dans cette présentation, mes collègues et moi traiterons de thèmes qui ont retenu notre attention en raison de leurs implications possibles sur l'environnement et le milieu social sur l'utilisation du territoire par les résidents dont la majorité sont des autochtones pratiquant un mode de vie traditionnel, soit la chasse, la pêche ou le piégeage.

Ainsi, M. Allen Penn traitera d'abord des implications liées aux échéanciers accélérés pour la mise en service des projets hydroélectriques; M. Alain Soucy abordera les aspects portant sur les impacts cumulatifs des activités de développement, sur les critères de conception et d'optimisation des projets, sur la pratique du détournement des rivières ainsi que sur l'affectation de la totalité des ressources hydrauliques de certains bassins versants à des fins de production énergétique; M. Louis-Edmond Hamelin traitera de l'harmonisation des procédures d'évaluation des impacts sur l'environnement et le milieu social. À la fin, j'apporterai quelques élé ments de conclusion à cette présentation. M. Penn.

M. Penn (Allen): Oui, M. le Président, je vais résumer pour vous la partie de notre mémoire qui traite des échéanciers de construction et de mise en service des éléments du programme d'équipement et leurs implications écologiques.

Le Comité, d'abord, a constaté que le nouveau plan de développement d'Hydro-Québec comprend plusieurs compressions additionnelles par rapport au plan de 1989 qui ajoutent déjà aux pressions, aux échéanciers accélérés dans ce plan préalable. Le Comité s'inquiète des implications que pourraient avoir les échéanciers comprimés sur les procédures d'évaluation et d'examen prévues pour l'étude et l'autorisation environnementale de ces projets.

Le Comité croit qu'il y a des incidences ici sur l'optimisation même, la conception même de ces projets et la planification des mesures d'atténuation dont il faudrait tenir compte. Premièrement, nous remarquons que la période disponible pour les amants des projets serait passablement raccourcie par les échéanciers proposés, notamment pour le complexe Grande Baleine, mais le même commentaire s'applique pour d'autres composantes du projet de programme d'équipement dont LA-2, EM-1 et le complexe NBR.

Je cite ici le texte du mémoire qui indique: Cette inquiétude prévaut pour l'ensemble des projets, mais plus particulièrement pour le projet Grande Baleine. Si les échéanciers proposés par Hydro-Québec dans sa dernière proposition de plan de développement sont retenus, seulement quelques mois seront disponibles pour l'évaluation environnementale de ces projets.

Nous notons aussi qu'il y a des liens entre les échéanciers prévus pour les différentes composantes du programme d'équipement et que l'accélération de Grande Baleine et de NBR probablement va créer une situation où il sera difficile de profiter de l'expérience fournie par LA-1, par exemple, ou EM-1, les prochains projets retenus qui innondent ont une grande superficie du territoire. La compression des échéanciers signifie qu'il y a peu de temps disponible pour apprendre ce qui se passe avec les systèmes, les écosystèmes qui sont en voie d'être perturbés.

L'acquisition des connaissances nécessaires à l'élaboration des études d'impact doit se faire en tenant compte de l'ampleur prévue des modifications aux écosystèmes résultant des projets et de la variabilité interannuelle des écosystèmes du Nord. Il est donc important d'obtenir une banque de données qui dépasse une année et qui va au-delà des programmes d'inventaire classique. Les écosystèmes aquatiques et terrestres requièrent une analyse approfondie et qui ne devrait pas être compromise par un échéancier trop serré.

Le mémoire du comité consultatif poursuit cet argument en nous fournissant des illustrations des conséquences d'un échéancier comprimé d'autorisations d'études environnementales et de construction en citant, par exemple, la problématique de l'optimisation de la conception des projets, de la gestion des réservoirs, de l'échéancier de remplissage des réservoirs et de la mise en place des programmes de piégeage, de récupération et de relocalisation de la faune, ainsi que plusieurs activités liées au traitement des incidences sociales et économiques de ces

projets.

Le comité a pris en considération, dans son analyse du mandat de la commission, l'importance des délais raisonnables, nécessaires pour l'examen des projets et la possibilité qu'il y ait lieu de recourir au promoteur pour des données additionnelles, si l'étude n'est pas jugée complète ou s'il y a d'autres études nécessaires liées à la conception même du projet. Ce sont des facteurs qui vont probablement influencer les délais appropriés pour l'évaluation du projet. Le comité a voulu également exprimer l'avis que les délais spécifiques mentionnés dans la Loi sur la qualité de l'environnement sont très restreints, sont très contraignants pour des projets de cette envergure, notamment, et surtout pour les complexes Grande Baleine et NBR.

Le comité commente aussi l'ambiguïté légale qui entoure la proposition de séparer les autorisations pour l'infrastructure routière, pour le complexe Grande Baleine, de l'étude du reste du complexe et signale à la commission les difficultés que ça pourrait générer au niveau de l'examen à la fois des infrastructures de transport et pour le complexe hydroélectrique comme tel.

Le comité attache une grande importance, dans ses mémoires, au principe d'optimisation des projets, c'est-à-dire le principe que ces projets ne soient pas planifiés seulement en vue de critères techniques et économiques, mais qu'il y ait des objectifs environnementaux incorporés même dans la stratégie de conception des complexes dans leur ensemble. Il s'agit, dans ce cas-là, d'un défi qui va prendre un certain temps. C'est un consensus parmi les scientifiques et dans le public pour arriver à un consensus sur qu'est-ce que c'est qui constitue un projet "optimisé" dans le Nord québécois et ailleurs dans les autres régions visées par le plan de développement. Le comité mentionne aussi que la compression des échéanciers de construction aurait ses propres incidences sociales. Ça se reflète, par exemple, au niveau des programmes de formation des autochtones et des programmes conçus pour améliorer ou augmenter les possibilités d'intégration de la population locale, lors de la réalisation de ces projets. Je vous passe maintenant M. Soucy.

M. Soucy (Alain): M. le Président, mesdames et messieurs, le comité a constaté avec grand intérêt l'importance grandissante qu'Hydro a apportée dans son plan de développement sur la notion de développement durable et de s'intéresser, par le fait même, à ce qu'on appelle les effets environnementaux cumulatifs. C'est pourquoi mes propos seront, pour les prochaines minutes, à ce sujet. Il est évident qu'avec des projets de l'envergure dont on parle pour la Baie James, où le territoire qui est concerné représente l'ensemble des bassins qui sont considérés ici, représentent quand même une superficie presque équivalente au quart du Québec, la notion d'impact cumulatif revêt une importance considérable. On pourrait définir ces effets cumulatifs de différentes façons, comme des changements brusques ou progressifs d'un milieu qui résultent de l'accumulation ou de l'interaction d'impacts qui peuvent être directs ou indirects et qui sont générés par plusieurs interventions. Il y a donc une notion d'accumulation, qu'elle soit dans l'espace ou dans le temps, et une notion de synergie qui fait que les impacts sont interreliés entre eux. La problématique ici n'est pas tant dans la définition mais dans les méthodologies d'évaluer ces impacts et dans la qualité des personnes pour en fixer les objectifs, dans l'expertise pour les évaluer. L'inquiétude du comité, ici, se situe donc à ce niveau-là. Comment allons-nous définir ces critères pour les évaluer correctement? Comment allons-nous les juger? Quelle est l'expertise en place, au sein de l'appareil gouvernemental, pour ce faire, comprenant qu'Hydro, pour sa part, a déjà commencé à faire ses devoirs de ce côté-là en regroupant un certain nombre de spécialistes autour de ce thème? Mais est-ce qu'il faut laisser à l'initiative d'Hydro-Québec cette grande question des impacts cumulatifs, impacts cumulatifs qui peuvent avoir, comme vous le savez, des conséquences importantes? On parle ici, à titre d'exemple d'impacts cumulatifs: les pluies acides, l'effet de serre. Ce sont des exemples importants.

Il est donc essentiel également de définir des critères méthodologiques reconnus, confirmés, acceptés par tous et, également, que des discussions s'engagent sur ces notions et sur les dimensions que cela doit prendre.

Le deuxième point de vue qu'a reconnu le comité a trait aux objectifs environnementaux. Quand on parle de développement durable, on doit parler d'objectifs environnementaux. Il ne suffit pas de faire des études d'impact et d'en prédire les conséquences, encore faut-il intégrer dans le projet des dimensions qui en deviennent une partie importante, qui sont des objectifs environnementaux et qui s'allient, ces objectifs-là, aux objectifs économiques et qui s'ajoutent aussi aux contraintes qu'il faut imposer, contraintes qui sont soit techniques, dans certains cas, mais aussi contraintes environnementales.

Il s'agit donc ici qu'on définisse aux promoteurs quels seront les objectifs environnementaux qu'ils devront rencontrer à l'intérieur du projet qui est soumis, que ces objectifs-là soient bien intégrés lors de l'optimisation du projet et lors de sa réalisation et qu'on s'assure que ces objectifs soient également rencontrés. Nous n'avons pas l'impression, actuellement, que les processus pour arriver à cet objectif-là soient en place. Nous nous inquiétons donc de cette dimension.

Dans le même ordre d'idées, lorsqu'il s'agit d'aménagement hydroélectrique dans le Grand-Nord québécois, il semble tout à fait naturel,

compte tenu de ia nature des bassins versants, compte tenu de la proximité des eaux - dans certains cas même, il y a des lacs qui se déversent dans deux bassins différents, à tour de rôle, suivant des cycles - il semble donc naturel et facile de préconiser, à titre d'aménagement optimum sur les plans technique et économique, le détournement des rivières. C'est d'ailleurs ce qui s'est fait dans le cas du complexe La Grande. Mais jusqu'où devons-nous aller en ce sens? Quels sont les critères que nous devons définir, les critères d'acceptabilité environnementaux que nous devons définir et qui interviendront donc dans les décisions d'aménagement de ces projets et qui seront donc, comme toile de fond, pour les développer et les optimiser?

C'est une question qui nous apparaît fondamentale, une question qui n'a jamais fait l'objet de débat public, qui devrait en faire certainement. Il est important de définir donc, au Québec, une politique en matière de détournement de cours d'eau, sinon il sera toujours facile, techniquement et économiquement possible de le faire, et ça, aux dépens de la qualité des milieux et de la protection de l'environnement.

Cette politique devrait s'appuyer sur la capacité de support et l'équilibre du milieu, la protection d'espèces rares ou menacées et un consensus sur les débits résiduels à maintenir en aval des ouvrages devrait être défini.

Quoi qu'il en soit, nous savons maintenant que l'absence de limites écologiques dans le "design" et la gestion des réservoirs a des conséquences importantes sur l'ensemble du milieu, autant physique qu'humain. C'est pourquoi il nous semble exister un besoin réel de mise sur pied de ces politiques et mécanismes d'intervention dès la conception du projet et permettre d'en assurer, dans la mesure du raisonnable, la multiplicité et la durabilité des ouvrages. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Leclerc): Mme la ministre

Mme Bacon: En vous remerciant, messieurs, de votre présence à cette commission parlementaire et de votre mémoire que nous avons déjà analysé...

Le Président (M. Leclerc): Excusez-moi, madame.

Mme Bacon: Oui

Le Président (M. Leclerc): Si j'ai bien compris, vous n'étiez pas le dernier intervenant ou quoi?

Mme Bacon: Est-ce qu'il y en a un autre?

Une voix: ...une autre intervention, si vous...

Le Président (M. Leclerc): O.K. Votre temps...

Mme Bacon: Ah non. Bon alors, ça va.

Le Président (M. Leclerc): ...étant terminé, je croyais que vous aviez fini, c'est une erreur de ma part. Alors, peut-être que quelqu'un...

M. Soucy: Est-ce qu'on pourrait vous demander une petite minute?

Le Président (M. Leclerc): Oui, il n'y a pas de problème. Je m'excuse.

Mme Bacon: Allez, allez. M. Soucy: M. Hamelin.

Le Président (M. Leclerc): Non, ça ne se déplace pas.

M. Hamelin (Louis-Edmond): Peut-être que le point de vue que j'ai à ajouter n'a pas l'importance des points de vue précédents concernant l'échéancier ou les effets cumulatifs. Je veux simplement attirer votre attention aux pages 13 et 14 de mon mémoire - du mémoire, en fait, du conseil plutôt - concernant un effort qui pourrait peut-être être fait dans le but de procéder d'une façon globale plutôt que de procéder d'une façon singulière à l'excès. Nous pensons que, dans l'esprit d'ailleurs de la convention de 1975, certaines études environnementales pourraient être faites en même temps et non pas nécessairement séparément pour des questions d'esprit de la convention, pour diminuer le parallélisme des efforts, pour diminuer peut-être la lenteur des délibérations, pour diminuer le coût et pour diminuer les contradictions, en somme, inefficaces, à la condition cependant que l'esprit de la convention de 1975 et les autres soient respectés et à la condition que la façon de procéder et la façon de décider de chaque acteur, que ce soient les Cris, que ce soit Hydro-Québec ou le gouvernement du Québec ou les autres partenaires, que toutes ces façons de décider qui ont été acceptées dans le passé soient dûment respectées et qu'il n'y ait évidemment aucun préjudice pour les groupes autochtones de sorte que, si l'on acceptait d'aller vers une certaine convergence des efforts, il faudrait qu'il y ait un protocole dûment signé et, en fonction de ce protocole-là, les choses pourraient être faites. Merci.

Le Président (M. Leclerc): Merci, M. Hamelin. Je comprends maintenant que votre allocution est terminée, je reconnais donc Mme la ministre. (16 h 30)

Mme Bacon: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, vous demandez au gouvernement

du Québec de définir une politique relative au détournement des rivières et au développement des bassins versants. Or, jusqu'à maintenant, le développement s'est fait cas par cas parce qu'aucune situation n'est semblable. Quelle serait la portée d'une telle politique, de façon pratique? Et est-ce que le gouvernement n'aurait pas l'air d'adopter une politique pour un seul promoteur qu'en définitive on ne reviendrait pas au cas par cas?

Le Président (M. Leclerc): M. Soucy.

M. Soucy: Oui, si vous me le permettez, M. le Président. Il est bien évident que, lorsqu'on parle de politique de détournement, ici, on parle également de limites à ces détournements beaucoup plus qu'à la non-faisabilité de détournements. L'intervenant majeur au Québec qui travaille sur les rivières, bien sûr, c'est HydroQuébec, mais on peut penser que d'autres intervenants, les compagnies minières, les compagnies qui utilisent les cours d'eau peuvent faire ces détournements à une moins grande échelle, bien sûr, mais elles peuvent faire ces détournements. Il y a quand même des mécanismes de régulation pour ces projets de sorte que, quand les détournements sont de faible envergure, ce sont ces mécanismes qui jouent. Quand on arrive dans l'aménagement de très grands projets comme ceux-ci, on se voit obligés d'établir certaines contraintes minimales à respecter pour ces détournements et c'est ça qui est absent actuellement. C'est évident que ça s'adresse surtout à Hydro-Québec, mais la politique pourrait être plus générale et englober, bien sûr, pour des projets d'envergure, des critères qui, eux, seraient quand même acceptables dans le sens qu'ils permettraient des détournements, mais pas à n'importe quelle condition.

Mme Bacon: Est-ce que vous pouvez me donner un exemple, M. Soucy, du genre de contraintes dont vous parlez?

M. Soucy: Bon. Par exemple, il y a la question des débits résiduels. Chaque goutte d'eau que vous laissez aller a un impact sur la rentabilité du projet. C'est sûr que c'est de l'énergie de moins. Et on sait bien que, par les temps qui courent, avec l'eau qui n'est pas en grande abondance à la Baie James, ça représente pas mal d'argent. Mais c'est peut-être le sacrifice à faire dans l'optimisation des besoins du Québec en énergie et dans l'optimisation de la protection du milieu et des autres utilisations de ne pas, aux seules fins de l'énergie, consacrer toute l'eau de nos rivières. C'est peut-être l'exemple que je donne. Il y a eu, dans le détournement La Grande, des détournements complets de rivières avec des conséquences importantes; il y a eu des aménagements correc- teurs, bien sûr, qui ont compensé en partie. Mais s'il y avait eu, à cette époque, une politique de débits résiduels, les aménagements correcteurs auraient été beaucoup plus faciles à faire et ils auraient été beaucoup rentables. Dans...

Mme Bacon: Allez-y, monsieur.

M. Soucy: Dans le cas où aussi on pourrait avoir une politique qui dirait que chaque rivière doit être aménagée dans son lit et qu'il n'y a pas détournement, une politique pourrait aller jusque là si c'est un choix de société. Ça rend les projets un peu moins rentables et ça les repousse un peu dans le temps, mais ça fait partie de la dynamique d'ordonnancement des projets à ce moment-là, mais il y a une volonté sociale et une volonté politique d'aménager les rivières dans leur propre lit parce que c'est une politique sociale et c'est une décision qui a été prise; ça implique des coûts sur le plan énergétique, mais ça a des bénéfices sur le plan, disons, des usages multiples des cours d'eau. Une politique pourrait aller jusque là.

Une politique pourrait ne pas se rendre jusque-là, se limiter aux débits résiduels, pourrait permettre dans certains cas des détournements à condition que des objectifs environnementaux bien précis soient rencontrés. Mais, en l'absence de politique, qu'est-ce qu'on fait? Le problème n'est pas de choisir la politique, c'est d'en avoir une.

Le Président (M. Leclerc): Mme la ministre.

Mme Bacon: Vous évoquez aussi le concept de développement durable et considérez important de fixer des objectifs environnementaux à respecter dans l'établissement d'un plan d'aménagement des ouvrages. Pour les projets Grande Baleine et NBR, quels seraient pour vous les principaux objectifs écologiques, objectifs sociaux qui auraient été jusqu'à maintenant négligés dans la conception des projets?

M. Soucy: Dans le cadre du projet Grande Baleine, je sais qu'il y a des efforts beaucoup plus importants qui ont été faits pour rencontrer ces objectifs-là de la part d'Hydro-Québec. Je sais aussi qu'actuellement, dans les différents documents et tout l'appareil, les compétences environnementales d'Hydro-Québec sont à considérer des objectifs environnementaux pour le complexe NBR.

La question n'est peut-être pas là. C'est à savoir qui les fixe, ces objectifs-là. Est-ce que c'est Hydro qui doit se les fixer elle-même ou si c'est la société ou le pouvoir gouvernemental ou l'État qui doit les fixer? Et là, on a plutôt l'impression que ces objectifs-là sont fixés par le promoteur d'une façon presque unilatérale et c'est ça qui est plus notre inquiétude que le fait de savoir s'il y a des objectifs qui ont été fixés

ou pas.

Le mémoire ici fait état, bien sûr, de l'importance de ces objectifs environnementaux, mais aussi à savoir qui les fixe, ces objectifs environnementaux-là. Je ne pense pas qu'il faille laisser le promoteur seul fixer ces objectifs, tout compétent soit-il ou armé de spécialistes soit-il. Il faut donc qu'il y ait en contrepartie, du côté gouvernemental, des compétences aussi qui participent à ce débat de fixer ces objectifs environnementaux. C'est plutôt là-dessus qu'on insistait.

Mme Bacon: Hier soir, nous avions Me Michel Yergeau qui nous a fait part de ses craintes face à la capacité de l'appareil gouvernemental de valider le contenu des études d'impact d'Hydro-Québec et aussi d'en garantir la qualité et d'en contrôler aussi la teneur scientifique.

La qualité des mécanismes de contrôle dont l'État québécois s'est doté risque d'en souffrir, selon Me Yergeau. Est-ce que vous partagez les mêmes craintes que Me Yergeau?

M. Soucy: Oui. Nous avons les mêmes craintes, pour les avoir vécues à part ça. C'est évident que quand on parle d'environnement, ce n'est pas une science qui est très vieille, hein? En 1970, on en parlait un peu. On parle d'il y a 20 ans.

II y a, bien sûr, depuis lors, des spécialistes qui ont été formés un peu partout dans les universités, mais on se rend bien compte que, quand on arrive avec des notions comme celles des impacts cumulatifs, les compétences sont encore à venir. Il y a quelques compétences, bien sûr, qui existent. Mais, quels sont les effors que nous faisons pour doter l'appareil gouvernemental de ces spécialistes? C'était ça un peu notre inquiétude. Nous avons un peu l'impression qu'on est toujours un peu en réaction et on est toujours un peu en retard sur Hydro-Québec à ce point de vue-là. Je pense qu'il serait temps que l'État se donne une politique dynamique de ce côté-là pour doter son appareil de compétences et d'expertises et je partage ce point de vue à ce moment-ci.

Mme Bacon: Vous semblez attacher aussi une grande importance aux effets environnementaux cumulatifs. Vous soulignez à la page 9 de votre mémoire qu'il n'existe pas encore de méthodologie éprouvée ni de procédure régissant les modalités d'un tel examen. Vous souhaitez qu'Hydro-Québec consulte les groupes et les organismes concernés pour définir la nature, la portée et la méthodologie des études à entreprendre.

Dans le plan de développement d'Hydro-Québec 1989-1991, dans le document "HydroQuébec et l'environnement" aux pages 35 à 39, on expose la démarche qui a été adoptée par l'entreprise pour l'étude des effets cumulatifs. On nous dit qu'un rapport synthèse serait disponible sous peu. Est-ce que le comité est au courant de la démarche d'Hydro-Québec? Est-ce que vous souhaitez aussi l'adoption d'une méthodologie différente de celle qui a été adoptée?

M. Soucy: Disons que mon propos ici et ma réponse vont aller dans le même sens que les autres. Nous sommes au courant des efforts qu'Hydro a faits de ce côté-là. Ils ont fait venir, d'ailleurs, des spécialistes d'un peu partout. Donc, des spécialistes externes afin de définir une méthodologie qui nous apparaît, à première vue, correcte. La question est de savoir si de notre côté nous avons mis en place les compétences - je parle du côté de l'appareil toujours qui doit juger et autoriser - qui vont de pair. Et deuxièmement, les études qui ont été faites dans ce sens-là par Hydro-Québec n'ont pas encore été rendues publiques. Elles n'ont pas fait l'objet, donc, de sanctions par des pairs, je pourrais dire, l'équivalent de ça, par d'autres spécialistes qui pourraient dire: Ça va comme méthodologie ou ça ne va pas.

Tant que ça reste à l'interne et que ça reste une préoccupation interne d'Hydro, c'est sûr que c'est difficile d'en faire un débat et d'amener une crédibilité aux méthodologies qui sont préconisées. Je ne dis pas que les méthodologies qu'Hydro s'apprête à appliquer ne sont pas valables. Ce n'est pas ça que je dis. Je dis qu'elles ont besoin d'être, disons, reconnues par d'autres compétences que celles qui sont strictement internes à celles d'Hydro. Et également, qu'elles fassent l'objet de débat entre spécialistes parce que dans ce domaine, nous sommes au début de ces considérations. Il y a quelques documentations là-dessus, c'est sûr. D'ailleurs, il y a des références que j'ai apportées avec moi ici qui sont publiées par un organisme canadien. Mais il n'y a pas, à proprement parler, à ce moment-ci, eu de consensus sur ce que devait être une méthodologie valable de ce côté-là. Je ne sais pas si M. Hamelin a quelque chose à ajouter.

Le Président (M. Leclerc): M. Hamelin.

M. Hamelin: Oui, j'ai quelque chose à ajouter là-dessus. En réalité, nous vivons à une certaine époque du développement de la science environnementale. Ça ne dépend pas de nous et c'est un mouvement mondial. J'attire votre attention que Mme Brundtland a parlé de développement durable. C'est un mot qui est devenu à la mode, mais j'aurais vraiment préféré qu'elle parle d'environnement durable. Et le seul fait d'avoir mis comme substantif le mot "développement" à la place de "environnement" m'inquiète un peu. Ça me fait réfléchir. Je pense qu'on est dans un mouvement de développement environnemental et ce mouvement-là a beaucoup de

difficulté, a eu surtout beaucoup de difficulté à faire entrer l'aspect proprement humain et en l'occurrence ici cri, la culture des Cris dans le mouvement.

Si vous regardez la liste des préoccupations environnementales d'Hydro-Québec ou d'autres personnes, nous avons toujours une liste d'une dizaine de problèmes. Il y en a à peu près huit ou neuf en somme qui concernent l'aspect environnemental physique, naturel, qui était celui qu'on considérait uniquement, en somme, il n'y a pas encore longtemps, et on n'a fait qu'ajouter une ou deux préoccupations humaines. Il faudrait donc, madame, rebrasser l'ensemble du concept environnemental et là je dirais que le Québec pourrait peut-être être à la fine pointe en fait des connaissances mondiales. Nous avons fait un premier pas. Hydro-Québec, en somme, a changé énormément depuis qu'elle avait construit des grandes centrales sur la Côte-Nord. Il y a déjà un facteur environnemental qui est rentré dans la machine. Mais, ce facteur-là n'est pas un facteur complètement équilibré entre les forces naturelles, les problèmes naturels et les problèmes, en somme, culturels. (16 h 45)

Si vous me permettez, je termine là-dessus, je suis quand même un peu étonné qu'on n'utilise pas davantage un terme de langue crie ou de langue inuit pour baptiser les futures grandes centrales. Il y a là, en fait, il me semble, un certain irrespect à l'égard des cultures fondamentales qui nous ont bien précédé. De sorte, pour terminer, que toute la bande environnementale qui doit nous occuper devrait accorder beaucoup plus d'importance aux aspects culturels et humains. Je suis toujours étonné que la culture crie et la culture des Amérindiens du Nord aient très peu influencé nos cultures majoritaires et principales. On signe des contrats à tour de bras avec des Amérindiens et on se contente, en somme, d'ignorer complètement leur culture. Je pense qu'il y a là une espèce de vice de forme qui tient à ce concept de l'environnement qui a de la difficulté à devenir un environnement total. Et on est encore trop près d'un environnement de biologie physique.

Le Président (M. Leclerc): Bien. Je vous remercie.

M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue parmi nous et de constater que votre mémoire, à bien des égards, recoupe le mémoire d'un autre spécialiste des questions environnementales, M. Yergeau, qui est venu nous expliquer son point de vue hier. Comme l'a souligné la ministre tout à l'heure, il y a énormément de rapprochement dans la façon de voir. J'écoutais M. Hamelin, dans son intervention, et ça me faisait penser à ce qui se passe actuellement autour du golfe d'Oka où il y a des représentants mohawks qui disent: Mais pourquoi, lorsqu'il y a un bosquet, faut-il absolument le développer? Pourquoi la nature n'aurait-elle pas le droit d'exister par elle-même et d'être rentable dans la mesure où elle est belle, agréable et où on peut s'y retrouver? Les Mohawks ont tendance à dire, et là-dessus, on ne peut pas trop leur en vouloir, que partout où on peut occuper un territoire, nous, les Blancs, on est comme obnubilés par le fait qu'il y a quelque chose à occuper et il faut absolument y aller et en profiter et, finalement, détruire cette nature-là qui a le droit d'exister par elle-même.

Dans la conclusion de votre mémoire, vous nous parlez de la nécessité de faire une vaste consultation publique et vous dites que ce débat sera nécessaire si l'on veut éviter la remise en cause systématique des grands projets d'Hydro-Québec. En lisant ça, j'ai eu tout de suite une image qui m'est venue à la tête. C'est comme si ces projets-là, quand on parle d'électricité, de construction de centrales, etc., c'est comme s'il y avait une espèce de plaie qui traîne quelque part dans la population du Québec et ça dérange, ça fait mal, ça agace passablement de monde, finalement, au Québec, que l'on parle de développement hydroélectrique et tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas lavé la plaie en profondeur, eh bien, il va rester du pus; et on ne peut pas se permettre de la garder éternellement, sinon elle va finir par contaminer l'ensemble de la société québécoise. Et le fait que la ministre ait mis un baume, un peu d'alcool à friction là-dessus, ça ne sera pas suffisant. Est-ce que je comprends bien quand vous nous dites qu'effectivement les travaux de cette commission, ce n'est vraiment pas suffisant pour laver et panser cette plaie-là qui prend de plus en plus de place dans l'esprit des Québécois et Québécoises?

Le Président (M. Leclerc): M Marcotte.

M. Marcotte: Le comité pense qu'il faudrait peut-être élargir, disons, jusqu'à un certain point, le débat, justement parce qu'il y a beaucoup de facteurs qui sont liés à ces projets-là qui débordent, dans le fond, le cadre du promoteur. En ce sens, lorsqu'on parle de vendre de l'électricité à d'autres groupes, à d'autres sociétés, que ce soient des entreprises, etc., par rapport à donner, disons, une autoréduction de l'énergie au Québec ou toutes ces différentes questions, je crois qu'il faudrait élargir le débat à l'extérieur d'Hydro-Québec parce que c'est une question de société. C'est un choix de société à faire. C'est pourquoi le débat devrait être élargi pour permettre à plus de gens de pouvoir faire des commentaires.

Je prendrais peut-être, à titre d'exemple, un peu ce que fait la commission Charbonneau, dans le sens où l'accessibilité à cette commission est très étendue. Les travaux de la commission,

également, s'étendent sur une plus longue période, donc permettent à beaucoup de groupes, d'individus de pouvoir se prononcer, de pouvoir énoncer des commentaires à ce sujet-là. Alors, c'était dans cette dimension-là surtout, d'élargir le débat. Parce que, sans ça, les questions de base vont toujours revenir à la surface. Je ne sais si de mes collègues aimeraient ajouter... M. Hamelin? Allen Penn?

M. Penn: Je voulais tout simplement ajouter que les références à la problématique des effets cumulatifs à la biocrémation du mercure dans les réservoirs, au problème des populations le long de la côte de la baie James, face aux modifications du régime hydrologique. Pour moi, il s'agit d'un ensemble de facteurs qui justifient un débat plus large au niveau des politiques de l'État qui sous-tendent les politiques générales d'aménagé ment de rivières. Dans ce sens, je pense qu'il y a lieu de promouvoir un débat plus large.

M. Claveau: J'aurais une autre question que j'aimerais adresser d'une façon un peu plus spécifique à M. Hamelin, en tant que géographe et que spécialiste des questions nordiques, sommité reconnue mondialement en la matière. Et c'est vrai. Alors, est-ce que vous croyez qu'il y aurait moyen d'établir une espèce d'approche, ou qu'il serait même souhaitable, quand on parle de centrale hydroélectrique, d'innondation de territoires pour fins de production d'électricité, qu'il serait souhaitable de travailler à partir d'une base que je qualifierais d'inconvénients versus rendement? Il y a certains projets, par exemple, qui peuvent permettre de produire passablement d'électricité avec des inconvénients moindres, à cause de toutes sortes de contextes géographique, humain, physique, alors que d'autres projets se situent dans des milieux, où, pour une production hydroélectrique, une production de kilowattheures assez faible, ils ont un immense impact sur le territoire. Au-delà de l'étude environnementale comme telle et au-delà de l'étude des mesures de correction qui peuvent toujours venir atténuer un tant soit peu l'impact environnemental qui est fait par le projet, est-ce qu'on ne devrait pas avoir là un genre d'approche du type inconvénients sur rendement, par exemple, donne un facteur x?

M. Hamelin: Pour répondre à votre question, il y a déjà deux inconvénients. Premièrement, nous présentons un rapport du comité consultatif et là vous me posez une question personnelle qui déborde les questions que nous avions voulu vous présenter. Le deuxième inconvénient, c'est que je ne suis pas un ingénieur hydraulicien qui permettrait, en somme, d'évaluer votre question. Cependant, si vous me permettez, je vais prendre l'occasion de cette question, si les autres membres du comité me le permettent, il n'y a pas de doute qu'il faudra, il faudrait, et j'espère qu'on le fera, brasser presque tout le Québec avec cet immense projet. Il faut constater que c'est la première fois dans son histoire depuis des siècles que le Québec a la chance de réaliser ou de massacrer un quart du territoire national. C'est une affaire épouvantable et c'est une responsabilité extraordinaire. On a une chance de penser la planification d'une partie importante du Québec. On n'a jamais eu cette chance-là dans le passé. De sorte que voilà un premier point qui nécessiterait un débat public, qui nécessiterait un examen très profond des conditions. Il y a là une dimension absolument exceptionnelle.

Évidemment, il ne faut pas faire les choses simplement n'importe comment. Et si vous me permettez, je vais vous rappeler une phrase très belle qui a été écrite par un philosophe-écrivain de Toronto et je la donnerai en français: Le Canada a fait des grands projets dans le passé, comme s'il n'aimait pas la nature. C'est une phrase d'une grande sagesse. Quand tantôt M. Soucy parlait du détournement des rivières, voilà: Est-ce qu'on va détourner les rivières en aimant la nature et les cultures des Cris ou non? De sorte que votre question déborde. Elle est extraordinaire. Il ne faudrait pas non plus ne pas saisir cette occasion immense de développer le quart du territoire québécois sans s'approcher bien davantage de la compréhension des cultures amérindiennes et des cultures cries. De sorte que vous voyez les éléments du débat général qui peut être fait en commission parlementaire. Un débat public le meilleur n'est pas nécessairement un débat sur la place publique au Palais Mon-calm. Un débat public peut remuer l'ensemble des citoyens ou une quantité considérable de citoyens qui auraient la chance de s'exprimer. La formule de faire passer comme une grande question et de poser les vraies questions et de faire réfléchir chacun des citoyens n'est pas seulement unique. Je crois que la commission parlementaire a, en somme, un rôle très important à jouer, mais il faudrait que la commission parlementaire puisse recevoir toutes les options, en discuter et se souvenir des opinions émises lors de la prise finale des discussions. De sorte qu'il me faudrait un long, un trop long temps pour répondre à votre question. Mais seulement que je ne crois pas, en fait, que dans l'histoire économique et politique du Québec, dans le passé, on ait eu en face de nous une question de cette importance.

M. Claveau: Merci, on reviendra tout à l'heure.

Le Président (M. Leclerc): Alors, M.. Écoutez, on me dit que, depuis le début de la commission, on ne tient pas compte du principe de l'alternance. Compte tenu du fait que je l'ai fait pour le député d'Orford, nous allons tenir compte du principe jusqu'à la fin de ce groupe-ci, et on reviendra à nos bonnes habitudes par après. M. le député d'Orford.

M. Benoit: Très bien. M. Hamelin, lors de votre toute première intervention, vous avez fait part que vous seriez intéressé à ce qu'il se crée un groupe, sous quelque forme, où on pourrait remettre toutes les énergies ensemble, plutôt qu'avoir différents groupes qui vont étudier les impacts. Le Conseil du patronat, la semaine dernière, M. Dufour, faisait une recommandation semblable. Quelles sont les nomenclatures de gens que vous verriez là? Les organismes? Est-ce que le fédéral... Comment tout cela se répartirait-il? Pourriez-vous être un peu plus généreux dans vos commentaires, sur cette formule que vous nous proposez?

M. Hamelin: Écoutez, nous émettons un principe philosophique d'associationnisme des discussions. Nous ne sommes pas là, en somme, pour faire le travail d'autres personnes et trouver le comment. Ce conseil, ce comité, vous demande de considérer de rapprocher un peu les efforts d'évaluation environnementale. On s'en tient à ce principe-là. On n'est pas allés plus loin dans notre rapport, mais on pourrait prendre différentes formes pour réaliser cet objectif...

M. Benoit: Mais est-ce que...

M. Hamelin: ...en tenant compte de la position fondamentale de chaque acteur, y compris les Cris, qui sont peut-être plus résistants en face d'une telle démarche communautaire que d'autres groupes majoritaires qui peuvent agir sans ne rien craindre.

M. Soucy: M. le Président...

Le Président (M. Leclerc): Oui, M. Soucy.

M. Soucy: ...sur la même question. À la page 14 de notre mémoire, nous faisons référence à une lettre adressée à M. Pierre Paradis, ministre de l'Environnement, qui définit de façon très concrète ce qu'on entend, en tout cas, pour le projet Grande Baleine et qui peut s'appliquer aux autres projets. Vous avez là un élément de réponse, d'une façon pratique, à ce qui pourrait être fait, en tout cas, quant au projet de la Baie James.

M. Benoit: À la page 8 de votre mémoire, le comité souligne que les grands projets hydroélectriques, dans leur ensemble, impliquent - et je vous cite - "le développement de bassins versants... équivalant à 25 % de la superficie totale du Québec." Vous avez repris, tantôt, ces chiffres-là. Vous laissez sous-entendre que 25 % de la superficie du Québec serait inondée. Mes informations m'amènent plutôt à croire que c'est bien loin des 25 %. On parle de 2 % dans les trois grands bassins, la Baie James, Grande Baleine, et NBR. Est-ce qu'on s'entend sur les chiffres, ici?

Le Président (M. Leclerc): M. Hamelin.

M. Hamelin: Le mot "inondé" est irrecevable. C'est 25 % de l'ensemble du territoire du Québec qui va être influencé par ces projets-là. Mais seulement que l'inondation n'est pas du tout à ce niveau-là. C'est 1 %, peut-être.

M. Benoit: Parfait, merci.

Le Président (M. Leclerc): Bien. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux féliciter les représentants du Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James pour la grande qualité de leur présentation. Et pour être bien sûr que je comprends la première recommandation, à la page 15, la discussion publique dont vous parlez, que vous proposez, c'est pas seulement sur Grande Baleine. Vous utilisez à plusieurs reprises l'expression "choix de société" sur la pertinence de développer, dans le sens du projet du promoteur, cette deuxième phase. Alors, je veux d'abord être sûr qu'on se comprend bien. Autrement dit, est-ce que vous endossez, dans cette recommandation à la page 15, quand vous parlez de discussion publique, ni plus ni moins la recommandation de la coalition regroupant une trentaine d'organismes qui demandent un débat public? (17 heures)

M. Marcotte: Notre conclusion semble aller dans le même sens que la coalition, dans le sens que le comité trouve que la question déborde également Grande Baleine et elle rejoint effectivement, disons, des choix de société qu'il faut faire. Et c'est dans ce sens-là qu'on dit que le débat devrait être élargi, devrait permettre disons beaucoup plus de gens de pouvoir présenter leurs opinions.

M. Lazure: Merci. C'est aussi la position de l'Opposition officielle dans ce dossier. Nous pensons qu'il doit y avoir un débat public. Plus tôt cet après-midi, nous avons reçu un groupe qui s'appelle Les Ami-e-s de la terre, et ce groupe recommandait la même chose, comme plusieurs autres groupes l'ont recommandé. M. le Président, Mme la ministre posait la question aux Ami-e-s de la terre: Quelle objectivité scientifique avez-vous pour vouloir une telle chose? Mais je pense que ce serait malvenu de poser la même question cet après-midi au groupe qui est devant nous. Mais sérieusement, il me semble que les travaux de cette commission parlementaire ci ne sont qu'un début. Moi, je suis très content de voir qu'un groupe qui a autant de crédibilité que votre groupe et autant de sérieux au travail que votre groupe, que votre première recommandation va dans le sens de la majeure partie des groupes

qui se sont adressés à la commission. Ça me paraît de plus en plus difficile pour le gouvernement, pour la ministre, de ne pas arriver à la conclusion de cette commission et de ne pas accepter cette recommandation d'ouvrir sur un débat public. Quitte à revenir ensuite en commission parlementaire et là, les élus prendront les décisions, le gouvernement prendra ses décisions, mais à la lumière d'une grande consultation publique et d'un grand débat public. La deuxième question que j'avais, c'étaient les autorisations séparées. Vous notez, à un moment donné, qu'il serait dommage qu'Hydro-Québec utilise la technique des autorisations séparées. Est-ce que vous pourriez nous donner un peu plus de détails, là-dessus? Qu'est-ce qui vous fait croire qu'Hydro-Québec irait dans cette voie-là?

M. Penn: Oui. Le plan de développement précise qu'Hydro-Québec va présenter une demande d'autorisation ce printemps, au mois de juin probablement, pour les autorisations pour l'accès routier au complexe Grande Baleine. Il s'agit d'environ 700 kilomètres de route, et peut-être avec l'infrastructure aéroportuaire. Le même plan précise qu'une demande pour le complexe hydroélectrique comme tel sera acheminée plus tard cette année, vers l'automne.

Hydro-Québec cherche les autorisations pour les routes vers la fin de cette année, en novembre, décembre et, pour le complexe comme tel, ce serait vers la fin de 1991, au début de 1992. C'est comme ça que c'est défini dans le plan de développement.

M. Lazure: Dernière question. Est ce que vous pensez que les études qui sont prévues par la Convention de la Baie James... Vous citez de façon assez claire les cinq études qui pourraient devoir être faites pour le même projet: deux au fédéral, deux au Québec et une autre du fédéral avec les nouveaux pouvoirs qui ont été consacrés aux tribunaux, au fédéral, sur l'étude de tous les grands projets. Est-ce que le grand débat public dont vous parlez pourrait se greffer à, ou tenir lieu de ces études ou ces consultations, ces audiences publiques, qui doivent être faites selon les articles de la Convention de la Baie James?

M. Penn: Je veux vous dire qu'on pense à ça. Selon la Loi sur la qualité de l'environnement, il y a deux procédures déjà en marche, pour les Inuit et pour les Cris. Des propositions de directives ont été soumises au gouvernement. Le gouvernement va agir bientôt, j'imagine, il va transmettre quelque chose à Hydro-Québec. Pourtant, on est au mois de mai et Hydro-Québec propose de soumettre son étude d'impact pour les routes et les aéroports dans l'espace de quelques semaines. Alors, on se demande ce qu'est le vrai rapport entre les directives ministérielles et les études des répercussions fournies par HydroQuébec. C'est particulièrement évident pour l'échéancier proposé pour l'infrastructure routière, mais le problème persiste aussi pour le complexe comme tel, parce qu'il s'agit toujours d'un laps de temps de quelques mois entre la réception de la directive ministérielle et la soumission de l'étude d'impact finale par HydroQuébec. Ce qui soulève plusieurs questions sur la possibilité d'effectuer des recherches sur le terrain et d'incorporer les résultats de telles recherches dans l'étude d'impact, surtout dans un contexte où plusieurs agences ou plusieurs personnes qui ont examiné le dossier considèrent qu'il y a lieu d'approfondir sérieusement les connaissances des écosystèmes aquatiques dans ce territoire et les connaissances de processus écologiques. En ce sens-là, il s'agit d'une situation où les échéanciers d'Hydro-Québec sont difficiles à concilier avec l'application même de la loi québécoise sur la qualité de l'environnement. Mais si je peux ajouter à ça le fait que la procédure fédérale dont nous entendons parler n'est pas encore en application, et que pour ce qui est des procédures fédérales prévues au chapitres 22 et 23 de la Convention, les premières démarches n'ont pas été faites non plus. Donc, il y a beaucoup d'ambiguïtés et de confusion qui entourent les procédures d'autorisation applicables.

M. Lazure: Merci, ça va.

Le Président (M. Leclerc): Merci, M le député de La Prairie. Je reconnais Mme la ministre.

Mme Bacon: J'aimerais tout d'abord dire que le député de La Prairie disait tantôt que j'avais demandé sur quel fondement scientifique la demande d'un débat reposait. J'avais déclaré que la question primordiale pour une décision éclairée était celle de l'information objective. Je pense qu'il y a personne qui est contre ça, une information objective qui est fondée sur des faits et une observation scientifique. Je pense que le député de La Prairie va trouver que c'est fort valable, j'espère. Je ne suis quand même pas rendue à la conclusion de... On parle de conclusion de la commission, on n'est pas rendus là, il y a encore des groupes et des personnes à rencontrer. Je dois dire que, chaque fois que nous avons un dialogue avec les groupes, ça nous permet d'ajouter à la réflexion qui est déjà faite, déjà commencée chez nous, et ce sont des ajouts fort importants que nous avons, depuis le début de cette commission. Votre participation à la commission est aussi un ajout important, qui fait en sorte que notre réflexion va se continuer après la commission. Et nous allons faire le point sur tout ce que nous avons entendu au cours de cette commission parlementaire qui... On voit une variation de points de vue, qui sont souvent diamétralement opposés les uns aux autres. Je pense que c'est quand même important qu'on ait

eu cette commission parlementaire. Et je suis très heureuse que vous ayez accepté de venir discuter avec nous et de nous avoir fait parvenir votre document. Je vous remercie beaucoup d'avoir accepté de le faire. Il y a malheureusement certains groupes qui ne l'ont pas fait, et je pense qu'ils nous auraient fait bénéficier de leurs connaissances, de leur savoir, de leur expertise. C'est important qu'on ait cet exercice démocratique, comme on l'a cet après-midi. Merci beaucoup.

Le Président (M. Leclerc): Merci, Mme la ministre. M. le député d'Ungava, si vous voulez à votre tour remercier nos invités.

M. Claveau: Oui, M. le Président. Avant de le faire, je voudrais relever deux citations qui montrent jusqu'à quel point, finalement, les travaux de la commission sont limités et qu'il va probablement falloir aller assez loin avant d'arriver à déterminer la véritable orientation que le gouvernement du Québec devrait prendre, en ce sens. Quand on parle d'environnement, vous dites, dans votre mémoire que "le comité s'inquiète du fait que la compression des échéanciers des projets pourrait réduire de façon significative la période disponible pour la préparation des études d'impact", etc. Ce matin, le Club d'électricité de Montréal, qui représente un certain nombre de constructeurs, bâtisseurs, fabricants, etc., nous disait, en page 5 de son mémoire: "Cependant, notre industrie s'inquiète des délais que ces études requièrent actuellement. Elles ont trop souvent pour effet de diminuer le temps de conception et de réalisation des projets, ce qui entraîne des risques pour notre industrie..."

C'est tout à fait la thèse et l'antithèse. Alors, c'est pour démontrer jusqu'à quel point les opinions qui nous sont émises peuvent être divergentes. Que l'on se place d'un côté, en termes de développement durable, ou qu'on se place du côté du profit réalisé dans l'immédiat, toujours pour le bien autant d'un côté comme de l'autre, où on argumente toujours pour le bien de l'ensemble du Québec et de l'ensemble des Québécois, enfin, ça démontre bien qu'on est loin du consensus et qu'il est tout à fait justifié d'aller beaucoup plus en profondeur que cette présentation, d'autre part très intéressante, en commission parlementaire de la part de ceux qui, finalement, je le pense, sont là pour allumer le feu qui nous permettra...

Le Président (M. Leclerc): M. le député d'Ungava, je suis...

M. Claveau: ...d'aller plus loin et de...

Le Président (M. Leclerc): Je suis désolé, mais votre temps étant terminé, est-ce que vous pourriez...

M. Claveau: Ah! Vous m'aviez dit que j'avais encore quelques minutes avant de faire les remerciements.

Le Président (M. Leclerc): Non, non, non. M. Claveau: Oui.

Le Président (M. Leclerc): Non, non. Il n'y a plus de temps.

M. Claveau: C'est ce qu'on m'avait dit. Alors, merci de votre présentation, dans l'espoir de vous retrouver dans une autre consultation à un autre niveau.

Le Président (M. Leclerc): C'est bien. Alors, au nom de la commission de l'économie et du travail, je voudrais remercier M. Penn, M. Soucy, M. Marcotte et M. Hamelin de s'être déplacés et d'être venus ici rencontrer la commission. Je vous souhaite un très bon retour à maison.

Nous allons suspendre une minute, le temps de permettre à l'École polytechnique de Montréal de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 12)

(Reprise à 17 h 15)

Le Président (M. Leclerc): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux afin d'entendre les représentants de l'École polytechnique de Montréal. Je reconnais donc M. Doré, en lui demandant de nous présenter celui qui l'accompagne et en lui rappelant que vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire et qu'ensuite, chacun des groupes ministériels aura également 20 minutes pour vous interroger. M. Doré, je vous cède la parole.

École polytechnique

M. Doré (Roland): M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés, je suis accompagné par le professeur Daniel Rozon, directeur de l'Institut de génie énergétique de l'École polytechnique. C'est un spécialiste de l'énergie. Je suis plutôt un généraliste sur ces questions.

Le mémoire que nous avons envoyé à la commission est en fait une réaction générale au plan de développement d'Hydro-Québec. Il a été élaboré par un ensemble d'une dizaine de personnes. Certaines de ces personnes sont des spécialistes dans certains aspects énergétiques, comme, par exemple, les aménagements hydroélectriques, l'énergie nucléaire ou les aspects gaziers. Mais par contre, cette réaction est quand même une réaction générale. Elle a donc été élaborée suite

à une concertation entre ces personnes-là, qui représentaient le corps professoral, un étudiant et des représentants de la direction de l'école.

De façon à être efficace, si vous me permettez, M. le Président, je vais lire le mémoire et le commenter. C'est toujours plus rapide que de dire: Plutôt que de lire le mémoire, je vais le synthétiser. Mon expérience montre que ça prend toujours plus de temps, dans ces conditions-là.

Le gouvernement du Québec a jugé bon de tenir une commission parlementaire sur l'énergie électrique au Québec. L'École polytechnique se réjouit de cette décision. Elle encourage même le gouvernement à tenir d'autres commissions élargies, comme celle-ci, qui ouvriraient le débat d'une façon plus générale sur l'énergie.

Enfin, on s'est sentis un peu limités dans nos interventions, compte tenu du fait qu'on nous demandait de commenter un plan de développement. Il nous semblait que, si le débat on aurait peut-être pu le faire ou dû le faire - avait pu être élargi sur d'autres filières énergétiques, comme, par exemple, le gaz, nous aurions pu, à ce moment-là, donner peut-être un commentaire plus substantiel sur la politique générale de développement énergétique au Québec.

Donc, de telles commissions fourniraient l'occasion d'étudier plus en profondeur le sujet, en permettant de considérer d'autres sources d'énergie que l'électricité.

L'École polytechnique profite, pour une troisième fois, de l'occasion qui lui est offerte de commenter devant cette commission le projet de développement d'Hydro-Québec. Cet intérêt soutenu s'explique par bien des raisons. L'École polytechnique est un établissement de formation d'ingénieurs et de spécialistes en sciences appliquées. En fait, l'école compte actuellement 4400 étudiants. Elle est le plus grand établissement, le plus important parmi les 32 au Canada et les 8 au Québec, pour nous situer.

C'est d'abord par ses préoccupations scientifiques que l'école s'intéresse aux questions de production, de transport et de distribution de l'électricité. Mais il y a plus. L'école fut appelée à collaborer avec Hydro-Québec dès sa création. Cette collaboration s'est toujours accrue par la suite. Elle prend aujourd'hui des formes très variées, s'étendant de projets de recherche contractuels à l'établissement de chaires industrielles, en passant par la mise sur pied de laboratoires conjoints ou de programmes de formation.

C'est donc à titre de collaboratrice et de partenaire que l'École polytechnique intervient dans le débat. On a insisté pour faire savoir cela, compte tenu que nous avons, comme je vais le mentionner tout à l'heure, certaines réserves quant à certains aspects du plan de développement.

Ces liens privilégiés n'empêchent toutefois pas l'École de jeter un regard critique sur la proposition de développement soumise à la discussion. Le présent mémoire ne constitue pas un aval inconditionnel. Il est, en effet, plusieurs aspects de ce plan pour lesquels il importe soit de pousser la réflexion ou la réalisation plus avant, soit d'en questionner le bien-fondé. L'École suggère de s'arrêter d'abord sur les propositions relatives à assurer la qualité du produit. Plusieurs questions seront ensuite soulevées quant à la réponse à fournir à l'offre et à la demande, de même que sur le rôle d'Hydro-Québec quant au développement industriel du Québec.

Avant de conclure, l'École soumettra la contribution qu'elle envisage pour soutenir la réalisation des grands projets d'Hydro-Québec.

En affirmant d'emblée, dès le premier mot de sa proposition, que l'orientation fondamentale d'Hydro-Québec consiste à fournir l'électricité au Québec aux meilleures conditions, l'entreprise ne pouvait mieux cibler sa mission. C'est d'abord sur des objectifs de fournir à tous les Québécois, quels que soient leur région ou leur niveau de vie, un approvisionnement sûr et fiable en électricité au meilleur prix, à des tarifs uniformes et leur donner accès à une même qualité d'énergie que s'est livré la campagne pour la nationalisation de l'électricité. Hydro-Québec se doit de maintenir cet objectif bien en vue. Les difficultés connues ces dernières années, excusables en partie à cause de la complexité du système de transport, ne devraient pas se répéter, car des solutions techniques pour améliorer la situation existent actuellement.

L'École accueille donc très favorablement le projet PAQS. Ce programme d'amélioration du réseau de distribution comporte des objectifs raisonnables visant à ramener les temps d'interruption annuels à la moyenne des autres entreprises semblables ailleurs au Canada. Ce programme devrait jouir d'une priorité absolue. La fiabilité du service commence par le maintien en bon état des équipements de production. HydroQuébec s'y attaque avec vigueur. On doit, à cet égard, mentionner l'octroi d'une chaire à Polytechnique pour l'étude du vieillissement des barrages en béton, et l'établissement de programmes de restauration des ouvrages. Cette action complète admirablement le programme proposé dans ce plan.

La nouvelle politique d'entretien du parc de production et du réseau de transport constitue une innovation majeure sur le plan conceptuel. Un entretien préventif conditionnel requiert l'analyse du comportement des équipements avec des capteurs ou encore l'utilisation de techniques d'échantillonnage, pour n'intervenir que lorsque nécessaire. Il y a lieu de formuler ici deux remarques:

II s'agit d'un programme de haute technologie qui demandera des efforts accrus en recherche et développement. Il aidera l'entreprise

à garder sa place, ou de la recouvrer si elle s'en était écartée, à titre de leader international, mondial dans le domaine des réseaux de transport à haute tension;

Ce développement technologique devrait être supporté par un vigoureux programme d'embauché et de formation du personnel. À Hydro-Québec, si on regarde l'apport au niveau des personnels techniques au cours des dix dernières années, cet apport a été minime et nous croyons que, actuellement, Hydro-Québec souffre de ce manque d'apport de personnes qui peuvent venir avec des idées nouvelles pour alimenter les possibilités de solutions, quant à cette question de la qualité du service. C'est un aspect qu'il convient, donc, de ne pas négliger, compte tenu de l'ampleur des projets de développement dans plusieurs autres domaines de haute technologie qui sont annoncés.

En plus d'innover au plan de l'entretien, Hydro-Québec implante de nouveaux critères de conception et d'exploitation du réseau de transport. L'entreprise a opté pour la compensation en série sur des lignes existantes et futures. Il en découle deux retombées majeures: l'intégration avec les réseaux voisins qui permettent l'exportation et l'importation d'énergie selon les besoins, d'une part et d'autre part, la consolidation et la stabilisation du réseau, tout en en facilitant la conduite. Il s'agit d'une technologie robuste et fiable. Deux remarques s'imposent ici encore:

Son implantation - on parle de la compensation en série - requiert des modifications majeures qui font craindre une certaine période d'instabilité due au rodage des équipements des erreurs humaines. On ne dit pas que c'est impossible que ça se fasse sans heurt. Il faudra qu'on y mette les énergies et aussi qu'on y mette les ressources humaines nécessaires;

Deuxièmement, cette nouvelle technologie doit également être appuyée par un sérieux programme de formation des personnels concernés.

Ceci étant dit, Polytechnique ne peut qu'appuyer les efforts proposés et commencés en vue d'assurer la qualité du produit livré au consommateur.

Au chapitre de l'offre et de la demande, l'École se doit de prendre une position plus nuancée. Le programme envisagé pour l'économie d'énergie, les choix des filières énergétiques, l'exportation d'électricité et l'environnement suscitent un questionnement sérieux qui ne peut être passé sous silence. Bien qu'il soit affirmé que les économies d'énergie soient rentables, l'École, sans mettre en doute la bonne foi et les bonnes intentions d'Hydro-Québec, s'interroge sur cet aspect en apparence contradictoire de la mission de l'entreprise.

Il semble, à première vue, difficile pour une entreprise qui tire ses revenus selon le volume des ventes d'inciter ses clients à moins consommer. D'ailleurs, on a vu qu'au cours des temps, au cours de la dernière décennie, Hydro-Québec est passée d'un extrême à l'autre. Il faut admettre toutefois que, dans le passé récent, HydroQuébec s'est passablement bien acquittée de cette mission. Les actions suggérées dans le plan s'avèrent des mesures efficaces. Est-ce que celles-ci vont assez loin? On se pose des questions. Par exemple, la technologie existe actuellement qui permet de contrôler chez l'utilisateur, à sa porte même, la quantité d'énergie livrée. Ne pourrait-on pas implanter et généraliser l'emploi d'instruments efficaces? Les retombées négatives pour l'utilisateur sont minimes, presque nulles, en fait, et assureraient un meilleur nivellement des crêtes en demande de pointe.

On pourrait aussi introduire, comme en France, un système de tarification à deux taux. En fait, l'idée, ici, c'est que les Québécois soient sensibles à ce problème, qui est celui d'un taux continu de croissance de la demande énergétique. Polytechnique estime que de tels procédés ne priveraient en rien les consommateurs et limiteraient les besoins d'agrandissement du parc de production.

Hydro-Québec propose de maintenir l'hydroélectricité comme seule source d'énergie pour les besoins de base. Cette proposition semble s'imposer naturellement étant donné l'importance du potentiel hydroélectrique non encore aménagé. L'École est préoccupée, cependant, par le fait que cette source soit indentifiée comme source exclusive, ou presque exclusive, sans tenir compte d'autres filières dont, notamment, l'option nucléaire. D'autres sources, telles les centrales au gaz, sont proposées comme élément d'appoint. Cela ne semble pas suffisant. Faire reposer le développement de nouvelles unités de production sur le seul potentiel hydroélectrique comporte des embûches non négligeables et on pourrait tirer profit de l'aménagement d'autres sources.

Ainsi, il est affirmé que les installations actuelles n'occupent qu'un pourcent du territoire québécois. Les aménagements à venir porteraient ce taux, lorsqu'on parle d'inondation, à 2 %. Présentée ainsi, la donnée suscite une adhésion presque inconditionnelle au plan soumis. Traduite en termes de kilomètres carrés, elle étonne et surprend. Si elle est relativisée dans le contexte d'une concentration dans certaines régions, cette concentration affecte alors très sensiblement le territoire occupé par les autochtones. Elle provoque la contestation et le refus.

Si on regarde ce qui s'est passé dans d'autres pays, la Hollande a été, en fait, construite en repoussant les rives, donc il y a eu certainement là une perturbation immense des territoires. Par contre, ça s'est fait sur des siècles, ça s'est fait par petits pas. Et, à ce moment-là, ce sont peut-être des solutions de sagesse qui se font sur une période étalée. Et si on veut brusquer les choses, il peut y avoir des conséquences qui seront irréversibles. Il serait, par contre, souhaitable qu'Hydro-Québec démontre autant de flexibilité relativement à ses

sources d'énergie qu'elle n'en fait preuve à l'égard de ses réserves énergétiques et des marchés qu'elle entend exploiter.

La cogénération s'offre comme une alternative intéressante. Hydro-Québec utilise déjà l'énergie produite par des centrales privées. L'instauration d'un programme plus vaste de récupération de la vapeur, par exemple, pour la transformer en énergie électrique, réduirait de façon significative le besoin de nouvelles centrales hydroélectriques. L'École considère que l'énergie nucléaire constitue également une option fort valable et qui se compare, tout compte fait, avec d'autres filières.

Le Congrès mondial de l'énergie, tenu à Montréal, à l'automne 1989, récemment, concluait ses travaux en affirmant que "l'énergie nucléaire constitue la source d'énergie la moins polluante". Et le sens de cette affirmation était: ...considérant aussi les effets de grands complexes hydroélectriques sur les populations. Alors, donc, c'est le sens qui était donné en parlant de la moins polluante. C'est la moins perturbante, en fait, peut-être, si on tient compte des aspects non seulement physiques et biologiques, mais aussi des aspects culturels et des aspects perturbation sur les populations. Et c'est dans ce sens-là que le Congrès mondial de l'énergie concluait avec cette phrase. L'énergie nucléaire est largement utilisée en Ontario et dans d'autres pays industrialisés.

Concernant son coût, l'énergie nucléaire devient de plus en plus concurrentielle. L'expérience des pays qui ont imposé des normes très sécuritaires à la construction et au fonctionnement des centrales nucléaires montre bien que l'énergie nucléaire est maintenant mature. De plus, l'apport des centrales nucléaires peut stabiliser le réseau et le rendre plus fiable.

Ce choix comporte sans doute d'importants enjeux politiques. La population est généralement opposée à l'utilisation de l'énergie nucléaire, mais c'est surtout par manque d'informations justes et rigoureuses. L'École recommande la mise sur pied d'un programme d'information soutenu afin que la population puisse porter un jugement éclairé, le temps venu, sur des choix possibles quant à l'option nucléaire. HydroQuébec pourrait être investie, dès maintenant, d'une mission spécifique à cet égard.

Car il reste, en fin de compte, qu'il faudra tout probablement venir à l'option nucléaire un jour ou l'autre. Il serait malheureux que le Québec n'ait peu ou pas d'expertise en ce domaine et se prive de retombées économiques dont il a longtemps bénéficié par la participation de son industrie manufacturière à des projets extérieurs au Québec. Il ne faut pas oublier que bon nombre des centrales CANDU qui ont été construites dans d'autres pays ont été construites en grande partie par des industries locales. Je pense à MLW-Worthington et à MLW-Bombardier, je pense à Vickers, je pense à Dominion Bridge et, malheureusement, le fait que le Canada et que le Québec ne construisent plus de centrales chez nous, à ce moment-là, ces industries en ont subi des conséquences très graves et, dans certains cas, néfastes. L'exploitation de la centrale de Gentilly 2, par exemple, avec plus de 500 emplois permanents, permet d'envisager à elle seule plus de 15 000 années-personnes en emplois directs, pour les 30 prochaines années d'exploitation de cette centrale. (17 h 30)

Exportation. Hydro-Québec adopte la stratégie de devancer la construction d'aménagements hydroélectriques pour vendre à l'étranger l'énergie ainsi produite et faire bénéficier ensuite les Québécois d'installations dont ils auront besoin, à coût moindre, parce que les constructions auraient été devancées. Hydro-Québec ne peut elle-même se donner un tel mandat. Elle doit, en fait, recevoir ce mandat de son propriétaire, le gouvernement du Québec et, par la suite, mettre en place les infrastructures nécessaires pour livrer le produit selon la qualité et les échéanciers prévus. Le mandat donné à Hydro-Québec se doit donc d'être très clair à propos de l'exportation.

L'école ne peut contester la vente d'électricité à l'étranger, ce qui permet de trouver assez facilement des capitaux. Néanmoins, elle s'interroge sur la nature de ces exportations et sur leur rôle à long terme. Pensez exportation d'électricité, c'est d'abord imaginer des lignes de transport sillonnant le Québec et rejoignant les territoires voisins. Cependant, l'électricité s'exporte sous une forme un peu plus raffinée, un peu plus subtile, quand les lingots d'aluminium ou de magnésium quittent le Québec. Le projet de liquéfaction de l'hydrogène, par exemple, avec exportation dans les pays d'Europe, est aussi une autre forme d'exportation d'électricité.

Maintenant, la politique industrielle du Québec semble vouloir faire du Saint-Laurent T'aluminium valley" du monde. Attirer les industries fortement énergivores en rendant disponible une énergie peu chère constitue une approche probablement valable pour développer économiquement le Québec. Par contre, ne faudrait-il pas aussi songer qu'il y a d'autres moyens d'utiliser notre potentiel énergétique, en développant des industries qui utilisent des matières premières et qui les transforment sur place de façon à pouvoir exporter des produits à valeur ajoutée, non pas seulement à valeur ajoutée énergétique, mais à valeur ajoutée en termes de matière grise, donc matière ajoutée en termes de profits accrus sur le Québec.

Il y a là matière à réflexion. On doit convenir, toutefois, que la définition d'une politique industrielle ne relève pas du mandat d'Hydro-Québec. L'occasion se prête bien, cependant, pour attirer l'attention des décideurs publics sur cet aspect de l'utilisation de l'électricité. Hydro-Québec constitue un outil puissant

de développement économique, tant au niveau de la construction des infrastructures qu'à celui de l'utilisation judicieuse de l'électricité. Nous ne sommes pas convaincus que, sous ce dernier aspect, le Québec tire tout le profit possible de son potentiel énergétique, en particulier du potentiel hydroélectrique.

Hydro-Québec consacre un large chapitre à traiter des actions prises et de celles qu'elle envisage prendre pour la protection de l'environnement. Cette préoccupation, présente depuis 20 ans, est fort réjouissante. L'entreprise s'y intéresse de plus en plus. Ç'a été mentionné par le groupe qui nous a précédé. Sous cet aspect de la proposition du plan, l'école soumet deux questions: Les coûts de la production tiennent-ils effectivement compte des coûts des impacts sur l'environnement? Les coûts cachés sont difficiles à estimer, mais on est en droit de se demander si Hydro-Québec est en mesure de les évaluer en toute objectivité. Une plus grande transparence à ce sujet est nécessaire, de même que, probablement, un appel à des ressources extérieures. Le calcul du coût des impacts sur l'environnement dans l'analyse pour le choix d'une filière ne pourrait-il pas conduire à des solutions autres que l'hydroélectricité? Comme les études internes de la société d'État sur les coûts comparatifs des différentes filières ne sont publiées, il est difficile d'évaluer de façon objective l'ensemble des solutions imaginables. Les questions soulevées n'ont pas de réponses faciles. Il est à espérer que la réflexion se poursuive sur ces importants aspects de la proposition du plan de développement.

Au terme de son document, Hydro-Québec expose les retombées économiques engendrée par l'entreprise. Il est vrai que la société d'État a joué un rôle important dans l'économie du Québec, c'est d'ailleurs voulu ainsi. Par les travaux qu'elle entreprend, les sous-contrats qu'elle accorde, l'équipement qu'elle achète, Hydro-Québec contribue de façon significative au dynamisme économique du Québec. L'expertise reconnue mondialement, maintenant, par les firmes québécoises d'ingénieurs conseil dans le domaine de l'hydroélectricité et des lignes de transport n'est pas étrangère à la présence d'Hydro-Québec.

Il est cependant souhaitable de voir se greffer autour d'Hydro-Québec beaucoup plus d'entreprises de fabrication de matériel électrique. Maintenant, ceci est en évolution dans le bon sens. Le plan de développement laisse entrevoir avec encouragement que les innovations technologiques dont on envisage l'utilisation auront, elles aussi, leurs effets économiques. L'initiative d'Hydro-Québec en matière de développement des électrotechnologies devrait se poursuivre avec des objectifs stratégiques à long terme.

Par ailleurs, ayant réussi à produire une énergie disponible à bon marché, le Québec se positionne très favorablement face à la concurrence pour attirer des entreprises fortement énergivores. Comme il a été mentionné précédemment, il reste à implanter des usines qui transformeront ici la matière brute en produits de consommation. L'École croit donc que c'est par une stratégie globale de la mise en valeur de l'énergie électrique qu'on permettra à HydroQuébec d'accroître l'importance de son rôle de moteur de l'activité économique.

Je vais passer par-dessus la contribution de Polytechnique. Je voudrais terminer en reprenant une partie du texte du plan de développement d'Hydro-Québec lorsqu'on parle de la valorisation des ressources humaines. Nous croyons qu'un défi majeur pour Hydro-Québec, si ce n'est pas le défi majeur d'Hydro-Québec, dans les prochaines années, sera sans doute de provoquer un consensus de tous ses personnels autour des objectifs de l'entreprise. Vous vous souvenez tous, on se souvient tous de la fierté des Québécois pour ces 12 012 personnes qui étaient prêtes à nous servir. Et je crois qu'Hydro-Québec devrait travailler réellement à retrouver cet esprit de corps au sein de l'entreprise, sans lequel il sera impossible de réussir l'ambitieux projet contenu dans ce plan de développement. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie, M. Doré. Je reconnais Mme la ministre.

Mme Bacon: M. Doré, M. Rozon, merci beaucoup d'être ici avec nous pour, d'abord, la présentation que vous venez de nous faire et, ensuite, le dialogue qui va s'engager entre nous. Je pense que c'est fort important que vous ayez accepté d'être là aujourd'hui.

Il y a plusieurs questions, je pense, qui sont soulevées par votre mémoire et votre exposé. Vous soulevez, dans votre mémoire, à la page 5, une préoccupation - et vous l'avez dit tantôt - soit qu'une seule source exclusive d'énergie, l'hydroélectricité, soit privilégiée. Est-ce que vous pouvez indiquer à la commission les raisons qui motivent vos inquiétudes et peut-être en dire davantage sur ce que vous nous avez dit tantôt? Et quelles seraient les autres sources d'énergie qui devraient être exploitées par Hydro-Québec, par exemple?

M. Doré: L'électricité est une forme fantastique d'énergie parce qu'elle est transportable assez facilement. Nous n'avions pas, il y a 10 ans, une infrastructure, par exemple, de distribution gazière au Québec. Si je prends l'exemple du gaz. Nous avons maintenant cette infrastructure qui n'est pas exploitée à 100 %, qui n'est pas à ploino capacité. Et c'est pour ça qu'au début de notre mémoire on a mentionné qu'en fait, ce qu'on regarde ici, c'est plus qu'un plan de développement d'Hydro-Québec. C'est un plan de développement énergétique du Québec. Et il nous

semble, nous, que ça serait sage d'exploiter une infrastructure existante au maximum - de façon sécuritaire, bien sûr - et peut-être de réfléchir sur l'accélération dans l'implantation de filières qui n'existent pas. En fait, c'est un peu le message qu'on veut passer. Ça, c'est un aspect, donc, exploiter les ressources existantes, les infrastructures existantes.

Un autre aspect, c'est celui de diversifier ces sources dans le sens de ne pas mettre tous les marrons dans le même panier. L'option nucléaire, pour le Québec, c'est une option qui présente des intérêts à bien des points de vue. Bien sûr, il y a le problème de cette psychose collective, mais, à un moment donné, il faudrait faire face à ce problème-là. Et il nous semble qu'à ce moment-là, sans dire que nous allons aller à 50-50, par exemple, 50 % d'hydroélectricité et 50 % d'autres filières... ce n'est pas ça qu'on dit. On dit qu'on devrait peut-être avoir une répartition moins d'un seul côté dans la filière choisie.

Et M. Rozon ici, qui est un spécialiste en génie énergétique pourrait peut-être nous dire quelques mots sur l'intérêt que pourrait présenter l'option nucléaire pour le Québec. Si vous permettez, M. le Président.

Le Président (M. Leclerc): Je vous en prie M. Rozon.

M. Rozon (Daniel): Merci. Disons que ma préoccupation découle surtout de la façon dont l'option nucléaire n'est pas présentée à la population lorsqu'on présente le plan de développement. On écarte pratiquement du revers de la main ce qui devrait nécessairement être con sidéré comme l'alternative, finalement, à certains projets, je ne dis pas nécessairement à l'ensemble des projets - en disant que nos études démontrent que c'est plus coûteux et qu'il demeure toujours l'épineux problème des déchets nucléaires. Donc, on continue à jouer le jeu, disons, de la psychose, on continue à apeurer le monde avec ces questions de déchets nucléaires sans tenir compte du fait que, chez nos voisins du sud, nos voisins de l'ouest, en Europe, il y a des sociétés industrialisées qui dépendent très largement de cette option qui est maintenant démontrée, qui est mature.

Ce qui est regrettable, c'est justement qu'on n'ait pas l'information sur laquelle se base Hydro-Québec pour faire ces affirmations. Je crois que, effectivement, on devrait, comme il est suggéré dans notre mémoire, confier à Hydro-Québec un mandat d'informer le monde un peu mieux sur cette alternative pour que, quand viendra le temps de faire des choix, on soit peut-être un peu placés pour le faire.

Mme Bacon: Si on revenait au mandat de la commission. Je pense qu'on parlait d'énergie électrique, mais on peut la produire avec du gaz naturel, on peut produire l'électricité pas seulement avec les barrages, mais avec le nucléaire, avec le mazout, il y a différentes façons de produire l'électricité. Je pense que c'est un peu... On dit: La place de l'électricité dans les besoins énergétiques du Québec, mais elle peut se faire de différentes façons cette place-là. Vous mentionnez le nucléaire, M. Rozon et M. Doré aussi. C'est pour ça que je demandais tantôt: Quelles sont les autres sources d'énergie qu'on peut utiliser? Je pense qu'on a été habitués, au Québec, avec l'énergie électrique, mais on peut la produire de différentes façons.

M. Rozon: Oui, d'accord.

M. Doré: En fait, ce qu'Hydro-Québec propose, c'est une seule façon de la produire. Nous, on dit. Si on veut absolument transporter de l'énergie par des lignes de transport d'électricité, il y a d'autres moyens à choisir, et on parlait de la cogénération.

Maintenant, il faut bien penser qu'on produit de l'électricité. Si on la produit par d'autres moyens, par exemple, si on produit de l'électricité par du gaz et si on veut transformer l'électricité, par la suite, en chaleur, on est peut-être mieux de dire: Allons, distribuons ces lieux de génération de chaleur près des lieux d'utilisation.

Mme Bacon: Oui. C'est pour ça que le mandat de la commission est élargi. Il n'est pas...

M. Doré: C'est ça.

Mme Bacon: ..que le plan de développement d'Hydro-Québec; on ne fait pas qu'étudier le plan de développement d'Hydro-Québec, on va beaucoup plus loin.

M. Rozon: Oui. En ce qui concerne, tout de même, la production d'électricité, qui est quand même centrale dans vos débats, il n'en demeure pas moins que, si on regarde la situation, par exemple, en Ontario, ça se ramène essentielle ment à l'énergie nucléaire versus le charbon. Mais, de ce côté-là, l'énergie nucléaire présente un avantage non seulement au point de vue coût, mais également au point de vue impact sur l'environnement.

On pourrait quand même transposer la question ici aussi. C'est clair que, si on décidait de construire une centrale nucléaire, on ne serait pas obligés de la faire aussi loin et que son impact serait certainement moins considérable en termes de superficie, en termes de personnes qui seraient affectées, etc. Donc, ça représente quand même une alternative sur laquelle il faudrait se pencher.

Mon impression, à tout le moins, disons, de la proposition du plan de développement d'Hydro-Québec, c'est qu'on nous présente un "package",

si vous voulez, qui couvre les 20 prochaines années, qui affecte une large partie du territoire et on n'a pratiquement pas le choix de l'adopter. Ça s'insère plus dans une politique de développement de territoires que de production d'électricité à moindre coût et, puis, ce sont des grosses tranches, on parle de tranches de 8000 mégawatts pour NBR ou de 5000 mégawatts. Il y a peut-être moyen d'y aller plus doucement et, encore là, possiblement que l'introduction de quelques tranches nucléaires nous permettraient de nous donner quelques années de réflexion de plus avant d'adopter ces projets. Je ne me prononce pas sur ces projets-là parce que c'est une question, je crois, qui devra être traitée, comme le disaient ceux qui nous ont précédés ici, peut-être d'une façon un peu plus élargie, c'est un débat de société.

Mme Bacon: On a parlé beaucoup ici d'économies d'énergie, par exemple. Est-ce qu'elles peuvent, ces économies d'énergie, influencer, d'une façon significative, d'une façon aussi même permanente, la consommation d'électricité des différents secteurs d'activité de notre économie? On sait que l'industrie est très énergivore, par exemple, si on la compare au résidentiel. Est-ce que vous pensez que la solution est là, vers les économies d'énergie? Il y a des groupes qui mettent beaucoup, beaucoup l'accent là-dessus en disant: On n'a pas besoin de barrages; faisons des économies d'énergie, c'est suffisant. (17 h 45)

M. Doré: Mme la ministre, il y a des pays qui ont choisi comme objectif une réduction de la consommation d'électricité. Il y a des pays qui ont réussi à réduire la consommation d'électricité. Nous, nous donnons encore comme objectif un accroissement de la consommation d'électricité, même au niveau de la population. Alors, je crois que oui, nous croyons que oui, il peut y avoir un effet permanent sur les besoins en production d'électricité. Maintenant, il faut que ce soit des programmes très agressifs. On est dans une société, on le sait, où on gaspille; au Québec, au Canada, on est habitués à gaspiller, on gaspille partout. C'est certainement d'un changement de culture dont on parle ici. Ça ne se fait sûrement pas en six mois. Mais, si on a un projet de société à savoir que, d'ici dix ans, il n'y aura pas d'augmentation de consommation d'énergie chez les utilisateurs comme nous, on peut atteindre ça, mais ce n'est pas ça l'objectif qu'on poursuit comme société. On dit: On va continuer, mais à un rythme réduit.

Mme Bacon: Dans le plan d'Hydro-Québec, on a inclus 1 800 000 000 $ sur une période de dix ans en économies d'énergie. Est-ce que ça vous semble réaliste cette période de dix ans...

M. Doré: Oui.

Mme Bacon: ...pour y arriver?

M. Doré: Oui, nous, en fait, la question qu'on a posée, c'est: Est-ce qu'on est assez ambitieux? Est-ce qu'il n'y aurait pas des moyens qui nous permettraient d'aller encore plus loin? Donc, on ne doute pas du tout que l'objectif d'Hydro-Québec soit atteignable. On ne doute pas de ça du tout.

Le Président (M. Leclerc): Bien merci, M. Doré. Je reconnais M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Une première question pour faire suite aux économies d'énergie. Vous avez mentionné tantôt qu'Hydro-Québec, dans le cadre, par exemple, de campagnes ou de promotion d'économies d'énergie, serait en conflit d'intérêts. Il me semble que c'est ce que vous avez dit. Vous verriez ça, vous confieriez ça à qui, vous, des choses comme ça, je ne sais pas, moi, la promotion d'économies d'énergie? Qui doit assumer ce rôle-là? Est-ce que ce n'est pas à Hydro-Québec de faire ça? Moi, c'est une opinion que je vous laisse là. Vous pouvez répondre. Mais, si, Hydro-Québec, le produit qu'elle vend, d'une certaine façon, est bien utilisé, à ce moment-là, selon moi, HydroQuébec, il me semble, serait regagnante? Cela éviterait peut-être des immobilisations impressionnantes à moyen terme par exemple. J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus.

M. Doré: En fait, Hydro-Québec n'est probablement pas en conflit d'intérêts dans le sens qu'on entend habituellement les termes "conflit d'intérêts". C'est pour ça qu'on a mentionné, au début de notre mémoire, que ces questions-là touchent l'ensemble de la politique énergétique du Québec. Si on sauve, ce n'est pas à Hydro-Québec de dire: On va sauver, nous, sur notre forme d'énergie, la forme d'énergie qu'on vend, si on favorise, par contre, que, dans la filière gazienne, on gaspille. Il faut que ce soit un effort concerté de tous ceux qui amènent... Il y en a deux principaux à part des pétrolières, mais disons qu'il y en a trois: il y a le gaz, il y a l'électricité et il y a les pétrolières, il faut que ce soit un effort de l'ensemble, autrement, ça n'a pas de sens. Pourquoi Hydro-Québec dirait-elle: Nous, on va faire des sacrifices comme société, parce que le gouvernement va lui demander d'être plus rentable, donc de vendre plus et de faire plus de profits, c'est normal. On est propriétaire d'Hydro-Québec, alors on va lui dire: Sois rentable. Vends de l'électricité à bon compte, mais vends-en. C'est pour ça qu'il faut que ce soit un ordre supérieur, que ces politiques soient poussées très fort. Il faut qu'Hydro-Québec contribue, bien sûr, aux campagnes, mais ça doit venir d'un ordre supérieur. C'est peut-

être un autre mandat qu'on donne au gouvernement ou à une commission sur l'énergie ou...

M. Audet: D'accord. À la page 7 de votre mémoire, vous parlez, entre autres, du nucléaire: "La population est généralement opposée à l'utilisation de l'énergie nucléaire, mais c'est surtout par manque d'informations justes et rigoureuses." On a déjà entendu quelques groupes, depuis quelques jours, et j'ai l'impression aussi qu'avec les développements hydroélectriques c'est un peu la même chose que ce que vous citez pour le nucléaire. C'est que les gens, il y a de l'information qui ne leur a pas été transmise ou qui leur a été mal donnée parce qu'on nous dit qu'on souhaitait un débat public pour refaire, peut-être, les grands choix, comme société, au point de vue développement énergétique dans les prochaines années. Est-ce que, premièrement, vous jugez, d'abord, qu'on a bien fait notre travail, peut-être en tant que gouvernement ou Hydro-Québec, au point de vue information des gens? Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose à refaire à ce niveau-là?

Deuxièmement, en tant que choix de société au point de vue énergétique, j'aimerais avoir vos commentaires parce que, selon moi, le choix qu'on a fait en tant que société, on l'a fait il y a déjà quelques années et on ne doit pas, je pense, remettre en question toutes les immobilisations qui ont été réalisées là, toute la technologie qui a été développée par le biais d'Hydro-Québec et vous le mentionnez d'ailleurs dans votre mémoire.

Je veux juste ajouter quelque chose. Est-ce que, si on devait tenir un débat, par exemple, on ne devrait pas plutôt tenir un débat sur la meilleure façon de faire notre développement hydroélectrique au Québec, par exemple, tout en tenant compte des impacts environnementaux, des impacts sociaux, tout ce qui est rattaché à tout ça parce qu'on a déjà des connaissances là-dessus? Enfin, je vous laisse...

M. Doré: En fait, on n'a pas dit, on ne veut pas dire que ce qu'on a fait dans le passé a été mal fait ou que les mauvais choix ont été faits. Non, je crois qu'on a fait de bons choix. Maintenant, c'est qu'il y a de nouveaux paramètres qui interviennent. Il y a l'effet de serre. L'effet de serre, c'est un nouveau paramètre. C'est depuis deux ans, trois ans. Ça fait 10 ou 15 ans que les gens en parlent, mais on y est sensibilisé, comme société, depuis tout récemment. C'est un nouveau facteur.

Un deuxième facteur, c'est que le fait de perturber par inondation des territoires devient un critère de plus en plus important. Donc, à ce moment-là, on est pris à prendre des décisions avec des contraintes, des frontières ou des contraintes qui bougent et il faut, pour trouver la solution optimale, bouger avec les contraintes. C'est dans ce sens-là que le congrès mondial de l'énergie a conclu que, compte tenu du fait que c'est plus acceptable d'inonder de vastes territoires, que ce n'est plus acceptable de brûler des combustibles fossiles parce que ça va peut-être être notre mort tout à l'heure, qu'une des solutions, la solution en fait qu'ils envisagent, et il y avait 5000 personnes hein, il y avait des gens au niveau politique, des scientifiques, ils ont conclu, et c'est la seule conclusion qu'ils ont: Le nucléaire, c'est probablement l'option économiquement actuellement la plus valable.

C'est pour ça qu'on dit, nous, élargissons, permettons à Hydro-Québec de nous sensibiliser parce qu'ils en ont fait, des études. C'est bien sûr que ce ne sont pas ces deux petits paragraphes qui constituent l'ensemble des conclusions des études d'Hydro-Québec. M. Rozon nous dit. Étalons ça, regardons qu'est-ce que c'est, les pour et les contre et les conséquences et peut-être qu'à ce moment-là, si Hydro-Québec était encouragée à peut-être dévoiler ce potentiel-là, bien qu'Hydro-Québec le ferait, et peut-être qu'à ce moment-là ça nous permettrait de prendre des décisions plus éclairées.

Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie, M. Doré. M. le député de Beauce-Nord, votre temps est à peu près terminé... Ah! Excusez. J'oubliais M. Rozon. Je vous en prie.

M. Rozon: Oui, je voulais un peu poursuivre sur la question de M. le député. D'abord, on déborde assez largement du contenu de notre mémoire qu'on a préparé d'une façon quand même relativement... Pardon?

Mme Bacon: On ne déborde pas du mandat de la commission.

M. Rozon: Sans doute Sans doute que non Mais c'est que nous, on s'aventure à ce moment-là. On s'aventure en fait à philosopher un peu comme peut-être ceux qui nous ont précédés à la table. Lorsqu'on commence à parler de débat de société... Vous avez mentionné dans votre question que le choix de société a déjà été fait. Je suis d'accord d'une certaine façon que lorsqu'on a décidé de nationaliser l'électricité et qu'on s'est dotés d'Hydro-Québec on a fait un choix de société et je suis bien content qu'on l'ait fait.

Il y a un autre choix de société, par exemple, qu'on n'a pas encore fait et que je pense que beaucoup de gens réclament autour de cette table. C'est celui qui concerne possiblement ce que j'anticipe être la vision de notre premier ministre d'anticiper ou de développer, de devancer les développements du Grand-Nord pour exporter notre électricité et pour offrir aux générations futures d'autres choses que des problèmes, une rente, par exemple, qui vont nous permettre de construire l'avenir, etc. C'est une vision qui se respecte certainement mais qui a

tellement d'implications, surtout au niveau du territoire, au niveau des gens qui l'occupent, que ça doit être débattu. Je ne voudrais pas vous suggérer ici qu'on devrait considérer la question de construire une ou deux centrales nucléaires en attendant, pour se donner un peu plus de temps pour le faire à fond, ce débat-là, que le débat sur le nucléaire soit une question de choix de société. Ce n'est pas une question de choix de société. C'est purement technique. D'accord, c'a des implications d'impact local. Il y a des procédures à suivre. Mais disons que je ne préconise absolument pas qu'on se lance dans un débat de société et commencer à parler du nucléaire avec un grand N. Ce n'est pas ça du tout la question.

Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie, M. Rozon. Je reconnais maintenant le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue. Votre mémoire est assez court et bref, mais plutôt condensé et bien rempli. J'aurais pas mal de questions. Je vais commencer par une question tout à fait technique. Puisque vous le soulevez vous-même, je pense que ça doit être parce que vous lui donnez de l'importance. C'est au niveau des questions de transport, les compensateurs séries. Vous semblez voir là la solution à bien des problèmes. Or, je me suis laissé dire, par des gens qui sont sùpposément compétents dans le domaine, qui connaissent un peu c'est quoi ces affaires-là, que, en fait, le compensateur série, c'était effectivement quelque chose qui, en modèle mathématique, fonctionnait très bien, mais qu'on ne savait pas qu'est-ce que ça allait donner sur les lignes, et que de construire ça, que d'avoir choisi ce moyen, c'était peut-être le moyen à la fois le plus dispendieux, le plus risqué pour Hydro-Québec afin d'assurer une meilleure fiabilité du réseau de transport.

Je constate que vous n'avez pas tout à fait le même point de vue. Je voudrais comparer avec l'autre.

M. Doré: En fait, on n'est pas des experts dans ce domaine ni l'un ni l'autre, mais on a consulté des experts avant d'écrire ce qui est écrit ici. Il y a des gens qui ont participé à une réflexion en profondeur avec Hydro-Québec sur ces questions aussi, indépendamment d'Hydro-Québec. Et, ce sont des gens de l'École polytechnique, quand même des professeurs d'école. Ils ont dit que c'est la bonne solution, que cette solution est technologiquement accessible, que la difficulté que pourrait avoir Hydro-Québec c'est le personnel en place. et ce personnel devrait être introduit dans Hydro-Québec en disant: Non, les gens qui sont capables de faire ça. Ils sont capables de gérer cette transformation du système de transport, mais il faudrait certaine- ment faire de la formation d'un certain nombre de personnel à l'interne et acquérir d'autre personnel, mais que la solution est tout à fait viable, tout à fait économique et tout à fait possible pour Hydro-Québec.

M. Claveau: Est-ce qu'elle existe actuellement, disons, réellement, est-ce qu'elle est utilisée sur des réseaux de transport à travers le monde? Autrement que dans des modèles mathématiques.

M. Doré: Écoutez, ce que j'en sais, par ce qu'on m'a dit lors des discussions qui nous ont amenés à ceci, c'est que je ne sais pas jusqu'à quel point... Mais ce ne sont pas seulement des modèles mathématiques. Il y a des systèmes physiques qui ont déjà été construits, qui ont déjà été testés. Maintenant, à quelle échelle ça a été testé? Là, actuellement, je ne peux pas vous le dire.

M. Claveau: D'accord. Je ne m'éterniserai pas là-dessus, de toute façon. La page suivante est intéressante aussi au niveau de la gestion des pointes. On sait que c'est un gros problème pour Hydro-Québec, la fameuse pointe hivernale, les heures de pointes. Hydro-Québec, enfin, dans ses plans de développement... Et aussi une vision qui est généralement répandue dans l'entreprise, c'est que c'est le consommateur résidentiel qui est responsable de la pointe. On voit, dans les documents d'Hydro-Québec, plan de développement, une base à peu près stable de niveau de consommation industrielle. Et quand on arrive à la consommation résidentielle, ce sont des pics au-dessus de la base constante. Alors, la réponse à ça de la part de l'industrie, c'est de dire: II faut que ce soit le consommateur qui paie la pointe, le résidentiel qui paie la pointe, parce que ce sont eux qui sont responsables de la pointe en grande partie. Donc, on justifie par le fait même aussi toute la théorie de l'interfinan-cement. Cascades nous est arrivée avec une vision tout à fait à l'inverse du problème où il dit: Hydro-Québec pourrait régler son problème de pointe très facilement ou, du moins, en grande partie, si elle donnait carrément la gestion de cette pointe-là à l'entreprise, par le biais de certaines mesures, en disant: On négocie avec les entreprises une utilisation de l'électricité qui fait en sorte que l'on puisse consommer moins dans l'entreprise aux heures de pointe, soit par une meilleure gestion du temps, en modifiant des techniques d'entretien, réparations ou en modifiant, par exemple, dans le cas d'entreprises où on a de l'accumulation de biens, qu'on doit faire, à ce moment-là, en augmentant les réservoirs, un certain nombre de choses qui permettrait d'utiliser moins d'électricité sur la période de pointe et on pourrait compléter ça par la cogénération ou le solaire ou autrement. (18 heures)

Personnellement, je dois vous dire que, d'abord, la position m'a un peu surpris au départ. Finalement, en y réfléchissant, je trouve que c'est loin d'être bête. Je ne sais pas si la position que vous nous amenez là irait dans ce sens, de dire: Au lieu de se casser la tête avec ça, pourquoi on ne refile pas à l'entreprise la responsabilité de gérer la pointe, à sa façon?

Le Président (M. Leclerc): Oui, M. Doré.

M. Doré: En fait, quand vous parlez de l'entreprise, vous parlez de l'entreprise consommatrice d'énergie électrique.

M. Claveau: Consommatrice d'électricité, la grande entreprise...

M. Doré: En fait, il y a deux groupes d'utilisateurs. Il y a le résidentiel et les entreprises, et les deux contribuent au fait que, à un moment donné, au cours d'une année, on a besoin de plus que ce qu'on produit. À ce moment-là, si on peut acheter tout ce qui est le surplus, à ce moment-là on n'a pas besoin d'avoir des infrastructures additionnelles pour produire l'électricité. Ce qu'on propose, nous, ce n'est pas ça. On propose que, si la pointe est due en grande partie, la pointe réellement avec un changement de pente, est due en partie au résidentiel, c'est qu'on pourrait probablement atténuer cette pointe-là en faisant une gestion, par utilisateur, sans qu'il s'en rende compte même. On ne va pas lui charger plus cher. Nous, on ne suggère pas que la pointe soit payée par l'utilisateur. On lui dit: Enlevons à l'utilisateur la possibilité de consommer de l'énergie pendant une certaine période, de façon à effacer la pointe. C'est ce qu'on dit.

M. Claveau: Ça, j'en conviens, c'est ce que vous nous avancez dans la page suivante. Mais, ce que Cascades nous dit c'est: Au lieu de se casser la tête avec tous ces petits utilisateurs finalement, ça devient quand même un petit peu plus difficile, pourquoi ne pas faire ça, mais avec la grande entreprise? Par exemple, pourquoi l'entretien, la réparation des moteurs hautement consommateurs d'électricité ne se ferait pas durant la période de pointe au lieu de la faire dans la nuit, quand personne n'a besoin de courant, ou des trucs semblables. Pourquoi, par exemple, l'entreprise ne serait pas autoproductrice d'énergie, par le biais de diesel ou de cogéné-ration, d'une façon ou d'une autre, pendant quelques heures par année, pendant la pointe? À ce moment-là ils pourraient, en contrepartie, bénéficier de certains avantages de la part d'Hydro-Québec. Ça ne serait pas plus simple à gérer finalement?

M. Doré: En fait, nous on dit que c'est aussi possible ça. On le dit, la cogénération. On dit: profitons, de façon accrue, de la cogénération. Il y a des entreprises qui seraient intéressées à même alimenter le réseau d'Hydro-Québec pendant certaines périodes où eux n'ont pas besoin de l'énergie à l'intérieur de l'usine. L'un ne va pas contre l'autre. Je crois qu'il faut exploiter ces deux possibilités. Maintenant, il y a des choses qu'on ne peut arrêter.

Prenez un haut fourneau, prenez une cuve d'aluminium, on ne dit pas, de 11 heures à 16 heures, on coupe l'électricité. Il y a des choses qui sont possibles et des choses qui sont impossibles. Je crois qu'il faut regarder toutes ces possibilités et c'est ça une utilisation rationnelle des infrastructures. Ça va un peu dans le même sens que la remarque que j'ai faite à propos du gaz. Regardons les infractures. Regardons toutes les possibilités d'utiliser ces infrastructures au maximum, en réduisant ce besoin de construire d'autres infrastructures. Il va falloir en construire d'autres. On n'a jamais dit, nous, qu'il faut arrêter la construction d'infrastructures. Maintenant, il y a peut-être moyen d'aller au-delà de ce qu'Hydro-Québec se fixe comme objectif.

Le Président (M. Leclerc): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Une autre question par rapport au nucléaire. Moi, je vais vous dire tout de suite que je suis loin d'être vendu à la théorie du nucléaire. Je ne suis pas particulièrement friand de ce genre de technologie, en ce qui me concerne, en tout cas. Le nucléaire c'est un peu comme la guerre. Tout le monde trouve ça beau, ça peut être rentable en autant que ça ne soit pas chez vous. Il y a plein d'entreprises qui nous disent, à l'occasion: La guerre c'est rentable, mais il ne faut pas qu'elle se fasse sur ton terrain, surtout pas. Le nucléaire, c'est un peu comme ça. Moi, le jour où la grande région montréalaise nous dira. Nous autres, on est prêts à voir pousser des réacteurs nucléaires sur l'île de Montréal pour préserver d'autres choses, peut-être que je commencerai à changer mon point de vue. Mais si c'est pour venir nous braquer des réacteurs nucléaires en région parce qu'il n'y a personne qui veut vivre à côté d'un réacteur nucléaire, je ne sais pas c'est quoi, l'intérêt réel. D'autant plus que le coût du nucléaire est supérieur à celui de l'hydroélectricité; oui, d'après tous les chiffres qui nous sont donnés par Hydro-Québec, en tout cas, c'est ça. Le coût de remplacement d'un réacteur nucléaire est beaucoup plus important que celui d'une centrale hydroélectrique. Le réacteur nucléaire a une longueur de vie qui est passablement courte comparée à une centrale hydroélectrique. Et l'expérience mondiale, à toutes fins pratiques, de l'utilisation du nucléaire, elle aussi, est particulièrement courte eu égard à la période de temps que ça prend pour se défaire de la radio-

activité du déchet. Des centrales hydroélectriques, au moins, ça fait quelque chose comme une centaine d'années qu'on en a et on commence à savoir comment ça fonctionne. Dans le cas des centrales nucléaires, c'est quand même assez bref, assez court, l'expérience que l'on a de ça. Alors, moi, en ce qui me concerne, en tout cas, j'aimerais bien que vous me donniez plus de détails sur l'approche qu'on pourrait avoir, d'abord, pour vendre aux individus le fait qu'avoir une centrale nucléaire dans sa cour, ce n'est pas plus dangereux qu'une cabane d'oiseaux et, en contrepartie, le fait que c'est plus rentable que de faire de l'hydroélectricité.

Le Président (M. Leclerc): Bien. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Leclerc): Ha, ha, ha! Qui va répondre à cette question-fleuve? M. Doré.

M. Doré: En fait, c'est sûr que les centrales nucléaires, il faut les installer près des centres d'utilisation; autrement, ça n'a aucune espèce de bon sens. Je dis près. On n'installera pas ça sur la rue Sainte-Catherine. D'abord, il faut que tu sois à côté de l'eau. Maintenant, l'option, c'est entre des inconvénients. Il y a toujours des inconvénients lorsqu'on fait un développement de type énergétique, il y a toujours des inconvénients pour quelqu'un. Maintenant, vous dites: Ils ne viendront pas l'installer chez nous. Mais vous, vous êtes député d'Ungava - je ne sais si je peux me permettre de dire des choses comme ça - s'il y a des centrales hydroélectriques qui vont au-delà de ce qui est acceptable par les gens d'Ungava, vous allez avoir aussi des problèmes. Alors, donc, ce sont des compromis.

M. Claveau: Ah! C'est clair.

M. Doré: Ce sont toujours des compromis. Et maintenant que mon collègue est prêt à répondre... Peut-être que tu pourrais ajouter...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Claveau: II avait l'air de chauffer sur sa chaises tout à l'heure.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Leclerc): Ne vous sentez pas obligé, M. Rozon.

M. Claveau: II était comme sur une chaise électrique.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rozon: Bien, disons, je suis un peu désemparé par votre question, si elle en est une.

Peut-être que les commentaires que vous avez faits justifient encore plus, à mes yeux, la nécessité d'informer le monde parce que vous me semblez, malheureusement, très mal informé sur ce qu'est le nucléaire.

D'abord, la théorie nucléaire. Je ne parle pas de la théorie nucléaire, je parle d'un phénomène de la nature, c'est ça qui nous éclaire. Vous êtes déjà allé en France, peut-être. L'an dernier, il y a eu une période, pendant l'été, où 100 % de l'électricité, en France, ce qui représente peut-être cinq fois l'électricité qu'on produit au Québec, était produite dans des centrales nucléaires. Ce n'est pas une invention de dernière minute, ça. Alors, c'est pour ça que j'ai de la difficulté à saisir un peu la portée de votre intervention. De toute façon, je ne suis pas ici pour prêcher. Je ne fais que rappeler à la commission que cette technologie, elle existe et qu'il faudrait arrêter de regarder cette technologie de ce point de vue là, c'est-à-dire d'un point de vue dogmatique. Il ne s'agit pas d'un dogme, il ne s'agit pas d'une théorie nucléaire, il s'agit tout simplement d'installations qui sont démontrées et démontrables, qui sont quanti-fiables, qu'on peut évaluer au même titre que les autres. Et j'aimerais bien qu'on le fasse, tout simplement, parce qu'on risque de compromettre notre avenir en faisant des déclarations un peu du genre de celles que vous avez faites, dans le grand public, ce qui ne fait que perpétuer, justement, cette incompréhension. J'aimerais ça qu'on en parle d'une façon un peu plus rationnelle. C'est tout.

Le Président (M. Leclerc): M. le député d'Ungava. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Claveau: Votre réponse est intéressante dans la mesure où, effectivement, s'il y a moyen d'éclairer la population là-dessus et s'il y a moyen de me convaincre, moi le premier, eh bien, j'en serais satisfait. Mais je dois vous dire en toute honnêteté qu'en ce qui me concerne, je suis peut-être un peu vieux jeu par rapport à ça, mais j'ai de la difficulté... bien que, soit dit en passant, j'ai visité la Centrale nucléaire de Gentilly et j'ai été particulièrement impressionné par les explications qu'on m'a données. Mais il reste que je continue à craindre plus le nucléaire que l'eau courante. Alors, c'est en vous remerciant de votre intervention. Enfin!

Le Président (M. Leclerc): Bien, sur cette vérité de La Palice, je reconnais Mme la ministre.

Mme Bacon: Je vous remercie beaucoup. Je pense que cet élément du nucléaire n'avait pas été abordé depuis le début, et je ne suis pas fâchée qu'on l'ait fait aujourd'hui. Je pense que

c'est un élément important. C'est un ajout dans toute la discussion que nous avons, la façon dont on peut utiliser les différentes sources d'énergie au Québec et ça s'ajoute au mandat que nous avons à cette commission parlementaire. Si ça peut éclairer les membres de cette commission, je pense que c'est fort important et c'est intéressant que ce soit fait aujourd'hui. Merci beaucoup.

Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie, Mme la ministre. Alors, à mon tour au nom des membres de la commission, je voudrais remercier M. Rozon et M. Doré, de l'École polytechnique de Montréal de s'être déplacés pour venir rencontrer la commission. Je leur souhaite un très bon retour à la maison. Nous ajournons les travaux de la commission de l'économie et du travail à demain matin, dix heures. Je vous remercie.

(Fin de la séance à 18 h 12)

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