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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le vendredi 18 mai 1990 - Vol. 31 N° 36

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions des parties quant aux raisons motivant l'impossibilité d'une entente relativement aux modifications à apporter au décret de la construction


Journal des débats

 

(Neuf heures quatorze minutes)

Le Président (M. Bélanger): Je demanderais, s'il vous plaît, à chacun de bien vouloir trouver un siège. Il devrait y en avoir suffisamment.

Je demanderais aussi votre collaboration. On veut entendre surtout ceux qui sont à la table des témoins, non pas ceux qui sont dans la salle. Ça va nous permettre de mieux nous comprendre. Alors, si on pouvait s'entendre pour ne pas parler, ça nous aiderait beaucoup. Est-ce qu'on peut inviter M. le ministre à venir nous rejoindre, parce qu'on commencerait nos travaux dans quelques instants?

La commission de l'économie et du travail siège aujourd'hui afin de procéder à des auditions publiques, te! que prévu à la motion qui a été inscrite à l'article 68 du feuilleton de l'Assemblée, hier. Donc, nous procéderons à l'audition des organismes suivants, et ce, dans l'ordre ci-après indiqué; la durée de l'audition de chaque organisme étant d'une heure.

La première association, c'est l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, l'AECQ; la deuxième, ce sera la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la FTQ-Construction; ensuite, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, la Confédération des syndicats nationaux, CSN-Cons-truction, et le Syndicat de la construction de la Côte-Nord de Sept-îles inc. Ce sera l'ordre dans lequel... M. le député de Joliette.

M. Chevrette: J'ai vu entrer le président de la CSD, je pense. Dans la loi, je pense qu'il y a cinq parties représentatives. Qu'est-ce qui justifie dans la convocation que le Syndicat de la Côte-Nord soit inscrit et que la CSD ne le soit pas?

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, avez-vous une réponse à cela?

M. Séguin: Oui, en fait, c'est simplement une formalité. On aurait pu, techniquement peut-être, exclure même le Syndicat de la Côte-Nord, parce que c'est l'association représentative et, en vertu de notre loi, la notion de représentativité est au minimum de 15 % pour procéder. Donc, on aurait pu procéder autrement, mais ça s'est fait comme ça. Il n'y a pas de problème. De toute façon, la CSD est ici, je pense.

M. Chevrette: Oui, j'ai cru la voir.

M. Séguin: Je comprends que, par une certaine entente, un autre groupe aussi, sur la suggestion de vous-même, pourrait être entendu tantôt, à l'amiable, quelques minutes.

M. Chevrette: Comme d'habitude, M. le ministre, à l'amiable.

Le Président (M. Bélanger): À l'amiable, on va bien s'entendre. Est-ce qu'il y a des remplacements, ce matin, à la commission?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a un remplacement: Mme Marois (Taillon) est remplacée par M. Chevrette (Joliette).

Le Président (M. Bélanger): Bien. Il n'y a pas d'autres remplacements?

Le Secrétaire: Non.

Le Président (M. Bélanger): Alors, on m'avait informé qu'il y aurait des remarques préliminaires avant de commencer les travaux. Alors, j'inviterais donc M. le ministre, dans un premier temps.

Remarques préliminaires

M. Séguin: Oui, merci, M. le Président. Quelques minutes, bien sûr, pour, d'une part, souhaiter la bienvenue aux gens qui assistent aux travaux. Il y a quelques représentants des différents intervenants. Je veux également souhaiter un bon exercice à notre commission, ce matin, qui, comme la loi le dit, est un exercice obligatoire. La loi stipule, à son article 51, que, dans le cas où le décret est prolongé... et je dois dire que le décret est obligatoire dans tous les cas.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, je m'excuse de vous interrompre. Pouvez-vous vous rapprocher du micro, s'il vous plaît?

M. Séguin: Oui, je pense que ça va être mieux. Je disais qu'il faut comprendre, quant au décret, que la question n'est pas de savoir s'il y a ou non un décret. Les relations du travail dans la construction, depuis 1969, sont faites par une loi particulière qui dit qu'il y a une seule convention collective et que cette convention collective existe, a force de loi que si elle est sanctionnée par un décret du gouvernement.

La seule différence, c'est s'il y a ou non entente, mais il y a toujours un décret. Alors, quand j'entends qu'il ne faut pas avoir de décret ou qu'on ne devrait pas avoir de décret, ça n'a aucun sens par rapport à la loi actuelle. Donc, je

comprends, cependant, la demande qui a été formulée et qu'on va peut-être entendre aujourd'hui à l'effet qu'on n'intervienne pas, qu'on laisse le vide juridique, mais, même si on laisse le vide juridique et que, par après, il y a une entente, bien, il va falloir qu'un décret intervienne pareil pour sanctionner l'entente.

Alors, à défaut d'entente - et je pense que tout le monde est d'accord pour constater qu'il y a une impasse dans les négociations, qu'on n'a pas une entente négociée - pour expliquer les travaux de ce matin, M. le Président, simplement, la loi oblige le gouvernement ou le ministre du Travail à convoquer la commission parlementaire - ce qui est fait maintenant et ce qui est la commission actuelle - pour entendre les parties, non pas, ce matin, pour discuter du contenu du décret, mais davantage pour entendre les parties sur l'impasse, etc., sur les commentaires à formuler. Le délai imparti actuellement, c'est le 21 mai, c'est le délai maximum, à minuit, où expire la convention collective. Il faut comprendre que c'est la convention collective qui meurt complètement s'il n'y a rien qui la fait continuer an plus tard le 21 mai à minuit. Donc, ce matin, les parties vont certainement exprimer des commentaires, je pense que ça va être utile pour peut-être éclairer davantage l'ensemble des éléments qu'on peut greffer au décret parce que mon intention est non pas de faire un décret comme tel parce que le décret doit être là pour que les conditions de travail existent, comme je le dis, même s'il y a entente négociée ou sans entente négociée, mais, à défaut de l'entente, il y a quand même énormément d'éléments qui ont été amenés aux tables de négociation, que mon conciliateur m'a transmis et que les parties, les dirigeants syndicaux et les dirigeants de l'Association des entrepreneurs ont indiqués. Ça me semble des éléments intéressants, donc je vais certainement être extrêmement ouvert pour faire en sorte que les conditions de travail soient améliorées.

Si je modifie le décret, c'est dans le seul but d'améliorer les conditions actuelles dans le décret qui existe maintenant, depuis quelques années, sans aucune modification. L'année passée, on l'avait extensionné, avec quelques petits changements, mais rien de très important. Je pense que, là, on va assister, quand même, à des changements un peu plus importants, un peu plus intéressants.

Essentiellement, en terminant, M. le Président, je dirai que l'exercice de ce matin, ça se fait avec beaucoup d'ouverture d'esprit, beaucoup de souplesse. Il n'y a rien de préconçu, actuellement, au moment où je vous parle. Je suis très intéressé à entendre des commentaires, des suggestions et je vous confirme, M. le Président, mon intention - on pourra en parler un peu plus tard ce matin, de la façon dont ça se fera - de réformer la Loi sur les relations du travail dans l'industriede la construction, dès cet automne, d'une façon publique, formelle, probablement par la commission actuelle, par la commission de l'économie et du travail, et je suggère même que ça puisse se faire par un mandat d'initiative de la commission et même une commission rogatoire à travers le Québec, publique, pour vraiment, pour une fois, depuis 1969, faire un travail en profondeur sur cette loi qui mérite d'être changée, qui a des dispositions, à mon sens, absolument inacceptables, pour faire renaître, peut-être, un certain rapport de forces et, deuxièmement, empêcher que le gouvernement soit toujours tenu, comme c'est le cas depuis 1969... A ma connaissance, il n'est jamais arrivé d'entente depuis 1969; le gouvernement a toujours été dans l'obligation de procéder. Je pense que c'est ça qu'il faut corriger et l'intention est très ferme de ma part, et comme gouvernement, d'intervenir dès cet automne pour réformer la loi. Toutes les parties vont être invitées, publiquement, à y participer. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Je vous remercie, M. le Président. Je serai très bref pour permettre à mon collègue de dire quelques mots aussi. Cependant, si on a à vivre ce qu'on vit ce matin, je pense qu'il y a des responsables. Je suis convaincu que le ministre ne s'attend pas à ce que je le félicite. Depuis le 6 avril dernier, les règles du jeu ont été brisées, peut-être de très bonne foi, mais, à mon point de vue, dès qu'on annonce au public, dès qu'on dit au peuple québécois que le décret sera prolongé, comment voulez-vous que les parties négocient? Comment voulez-vous qu'un patron s'assoit et veuille négocier? Je pense que c'est l'une des erreurs fondamentales qu'il y a eues depuis le 6 avril. Il n'y a pas eu de négociations. Il y en avait eu très peu avant, selon les rapports que j'ai également, mais depuis le 6, d'une façon plus évidente, il n'y en a pas eu.

D'autant plus que je sais même... Parce que j'ai parlé à des gens qui ont assisté à une réunion à Québec dont M. Dion a été témoin; tantôt, il pourra nous répéter que, comme ils savaient que, vendredi soir, en parlant d'aujourd'hui, ce serait la fin et que, lundi, il y aurait un décret, ça n'incitait pas beaucoup à la négociation.

Donc, les parties, à cause du mécanisme... Je suis content que le ministre, d'autre part, annonce la révision des mécanismes. Je pense que c'est important que renaisse un rapport de forces. Je l'ai dit hier, dans mon exposé en Chambre. Je le répète ici ce matin; II faut absolument qu'il y ait un rapport de forces. Sinon, on ne peut pas accumuler les frustrations en négociations pendant aussi longtemps sans s'attendre à des bouleversements- À un moment

donné, ce n'est plus la légalité qui va primer, mais la légitimité de certains gestes qui pourraient être posés. Ça, c'est de un.

Aussi, je pense qu'il est très naïf... C'est de la naïveté quasi consommée que de penser qu'on peut négocier après un décret, quand il n'y a plus de mécanisme, qu'il n'y a plus de rapport de forces. Surtout, de demander à quelqu'un de négocier par après, alors qu'il a refusé avant, ça me surprend que ça fasse des enfants forts. Je trouve que c'est assez naïf de penser qu'il pourrait y avoir des négociations après et que ça pourrait conduire à un contrat collectif de travail. Je pense qu'il faut s'empresser de changer les mécanismes pour qu'il y ait un véritable rapport de forces et que les parties puissent exercer, à partir de ce rapport de forces, les pressions nécessaires pour arriver à certains objectifs.

Dans un premier temps, je me permettrai de dire ça et sûrement qu'à la fin on pourra échanger certains propos, parce que j'ai des questions précises à demander au ministre. Même si l'exercice de ce matin n'est pas pour toucher les contenus comme tels, il y a des orientations qui peuvent se dégager et aider un ministre à rédiger un décret correct, un décret qui tient compte de la réalité, qui tient compte des besoins et qui tient compte du fait que, depuis 1969, il n'y a pas eu de contrat, comme il l'a dit lui-même. Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Pointe-aux-Trembles, sur la même enveloppe de temps.

M. Bourdon: M. le Président, il faut souligner que l'article 51 de la loi dit que, comme règle générale, le gouvernement peut prolonger ou abroger le décret avec le consentement des parties. La règle qu'on va appliquer à partir des auditions d'aujourd'hui, c'est le quatrième alinéa de l'article qui dit: "Le gouvernement peut aussi, sur la recommandation du ministre, prolonger, abroger ou modifier le décret sans le consentement" des parties. Malheureusement, force est de constater que la règle d'exception, qui est l'imposition, est devenue comme la règle générale par l'usage. Je pense que dans ce sens-là, c'est une mauvaise tendance. Le rapport de forces a été faussé quand on a indiqué aux parties que, de toute façon, il n'y aurait pas de vide juridique et que le décret serait prolongé. Il l'a été de trois semaines, jusqu'au 21 mai, et, là, il le sora, nous dit on, pour une période de trois ans, ce qui est énorme et qui est arrivé peu souvent, parce que, d'habitude, les prolongations avaient une durée d'un an.

La dernière, M. le Président, c'est celle du 26 avril 1989, une prolongation d'un an qui avait été consentie par les. parties et qui comportait une hausse des salaires de 5 % et deux autres éléments: une étude sur la stabilité du revenu et de l'emploi dans la construction, c'a été fait par la commission d'enquête Sexton-Picard, et, également, la garantie d'une négociation sérieuse, négociation qui n'a pas eu lieu, M. le Président. Il y a eu un total d'à peu près 50 heures de rencontres entre la coalition syndicale, qui regroupait la FTQ-Construction, le Conseil provincial, la CSN-Construction, et les employeurs. En conciliation, il y a eu un total d'à peine une quinzaine d'heures de rencontres en direct.

Donc, le constat que l'Opposition officielle fait, c'est que les employeurs n'ont pas négocié fort parce qu'ils savaient que le gouvernement prolongerait le décret et, là, le gouvernement va prolonger le décret parce que ça n'a pas négocié fort. C'est un cercle vicieux parfait et, dans ce sens-là, je concours à ce que dit le député de Joliette; on trouve bienvenue qu'on revoit l'ensemble des règles, mais, tant que le gouvernement aura comme idée que la construction est sous tutelle, d'une certaine manière, je pense qu'on n'en sortira pas. Si on doit revoir les règles, revoyons-les dans le sens de reconnaître que les parties sont responsables de leur sort.

Le Président (M. Bélanger): Oui Je vous remercie. M. le ministre, brièvement.

M. Séguin: Oui, si on me permet une petite minute de commentaires ou certains propos, bien cordialement, c'est que le député de Joliette suggère que le gouvernement aurait dit, dès le 6 avril, ses intentions. Je m'excuse, mais je ne crois pas que ce soit le cas. Ce sont peut-être des choses qui sont interprétées des intentions du gouvernement. C'était la même chose lorsque le Parti québécois était au pouvoir. Je pense qu'un gouvernement qui, pendant dix ans, n'a certainement pas donné l'exemple de ne pas avoir recours au décret, c'est certainement durant ces années, de 1977 à 1985, où le gouvernement québécois a été celui qui a eu le plus recours au décret et, même une fois, sans commission parlementaire et, cette fois-là, sans augmentation des conditions de travail. (9 h 30)

Alors, je dirais que l'exemple, depuis 1973, est beaucoup plus accablant du côté de mes anciens prédécesseurs au gouvernement qui, jamais, n'ont passé à côté du décret. Je suis étonné de les entendre, dans leur discours, suggérer le vide juridique qui, à ce stade-ci, suggère la grève. Je suis étonné d'entendre ces propos de parlementaires qui souhaiteraient presque qu'on laisse un rapport de forces, ce qui veut dire soit grève ou lock-out se faire pour régler un problème, alors que, jamais, dans le temps de ces années-là, entre 1977 et 1985, ils ne l'ont eux-mêmes suggéré, peut-être avec raison parce qu'il y a des conséquences extrêmement graves à laisser des parties s'affronter. Je ne pense pas que c'est dans l'intérêt des parties non plus de

souhaiter soit des grèves ou des lock-out.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, brièvement...

M. Séguin: Oui.

Le Président (M. Bélanger):... parce que je pense que l'objet, ce matin, c'est d'écouter nos invités et non pas d'échanger.

M. Séguin: Oui. Je termine là-dessus, parce que c'étaient des petites remarques préliminaires; je veux juste terminer là-dessus et on n'en parlera plus. Je pense que le sens, effectivement, du travail maintenant, c'est non pas de savoir s'il y a un débat sur le décret ou quoi que ce soft, mais d'en arriver à des conditions de travail des plus intéressantes, des plus complètes, et c'est l'esprit qui m'anime, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Je vous remercie.

M. Bourdon: M. le Président, juste..

Le Président (M. Bélanger): Très brièvement.

M. Bourdon: Très brièvement.

Le Président (M. Bélanger): Très brièvement, parce que ce n'est pas ça, ce matin, qu'on doit faire.

M. Bourdon: Nous ne souhaitons ni grève ni lock-out dans la construction. On souhaiterait que commence une vraie négociation et, d'autre part, le vide juridique a existé de 1979 à 1980. Ça a fini par une convention collective entre les parties, qui est devenue une grève.

Le Président (M. Bélanger): Oui, mais je ne voudrais pas que ce soit un jeu de réponses partisanes ce matin. Une voix: Loi spéciale.

Auditions

Le Président (M. Bélanger): On a la Chambre pour faire ça; c'est la place pour ça. Ici, ce matin, on entend nos invités. J'appelle le premier groupe, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, f'AECQ. Si vous voulez vous approcher de la table des témoins.

Bonjour, messieurs.

Une voix: Bonjour.

Le Président (M. Bélanger): Pour vous expliquer un peu nos règles de procédure, ce sont les règles habituelles des commissions parlementaires. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre point de vue. Par la suite, il y a une période d'échanges avec les parlementaires. Dans un premier temps, je souhaiterais que vous identifiiez vos porte-parole, présentiez votre équipe et présentiez votre point de vue. Nous vous écoutons.

Association des entrepreneurs en construction du Québec (AECQ)

M. Julien (Roméo): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, il me fait plaisir, en tant que président de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, de vous présenter les gens qui m'accompagnent: à ma gauche, Me Michel Dion, directeur général, qui va certainement vous donner le plus de compléments de réponse aujourd'hui; M. Jean Perron, vice-président; M. Réjean Cloutier, membre du conseil d'administration et aussi du comité de négociation; M. André Drouin et M. René Malo.

On a fait pas mal de commentaires jusqu'à maintenant. On a eu beaucoup de discussions. C'est M. Dion qui va prendre la parole à ma place.

Le Président (M. Bélanger): Vous m'excuserez, je n'ai pas entendu le nom du dernier monsieur au bout.

M. Julien: M. René Malo.

Le Président (M. Bélanger): O. K. Vous-même, votre nom, c'est?

M. Julien: Roméo Julien.

Le Président (M. Bélanger): Roméo Julien. Vous pouvez procéder maintenant.

M. Dion (Michel): Bonjour messieurs, bonjour M. le ministre, M. le Président. Je pense qu'avec ce qu'on vient d'entendre, ce que vous vous disiez entre vous, on est ici plutôt pour essayer de vous expliquer pourquoi on n'a pas réussi à s'entendre dans la construction, plutôt que d'essayer de faire un récit de données statistiques de ce qui a pu se passer antérieurement à la présente négociation.

Je me permettrai, peut-être, comme petit préambule en passant, de souligner ceci, c'est que si, dans un élan, vous avez mentionné qu'il n'y a jamais eu de négociations qui ont donné d'entente signée dans l'industrie de la construction, du même coup, j'ai entendu M. Bourdon, que je connais bien, mentionner qu'en 1979-1980 les parties, à la fin de cette période de vide juridique, ont signé une convention. Je lui sais gré d'avoir reconnu qu'au moins une fois il y a eu une entente négociée. Il y a eu, en 1986 également, une entente négociée; il y en a eu une également en 1979 et aussi en 1976. Je veux

vous faire remarquer que, pour nous, de passer par des processus de conciliation ou des processus d'intervention des ministres en place ne nous apparaît pas être une procédure anormale dans une procédure de négociations pour autant qu'on arrive, au bout de ça, à faire une entente entre les parties et à signer. Pourquoi, cette année, on n'est pas capable d'atteindre ce niveau-là?

Nous sommes la partie qui avons demandé, dans la présente négociation, la nomination d'un conciliateur, parce que notre inquiétude était assez grande face au déroulement des négociations. Nous avions nettement l'impression que la lourdeur de cette négociation provoquait, effectivement, un danger imminent qu'on ne puisse pas arriver en temps, le 30 avril, avec une entente négociée. Quoi qu'en pensent certains individus, on a approuvé une négociation par table de métiers; ça, ça implique 23 métiers et occupations et ça a donné lieu à 19 tables de travail plus une table centrale. On a reçu de la partie syndicale, au mois de juillet, quelque chose comme à peu près un pied d'épaisseur de documentation de demandes syndicales. Je pense qu'il n'y a à peu près pas un seul article de notre décret actuel qui n'a pas été mis en jeu, soit par la table centrale, soit par les tables particulières. Ce processus-là a provoqué que nous avons dû consulter une foule de gens. On a tenu au-dessus d'une centaine d'assemblées, soit au niveau de nos employeurs par métier, soit au niveau de nos employeurs par secteur, soit au niveau de nos employeurs par région. Le déroulement de ces assemblées-là de consultation et de coordination de notre négociation, évidemment, était absolument nécessaire avant de s'en aller à la table, de façon à ne pas se retrouver à créer soit des précédents ou des injustices dans la négociation. Nous avions à répondre à des demandes qui pouvaient être, effectivement, semblables à différentes tables de métiers. Nous avions aussi des demandes qui pouvaient s'entrecouper entre les tables et qui pouvaient, également, avoir une influence face à la table centrale. Or, il y a eu un travail énorme de préparation de cette négociation.

Outre ça, nous avons commencé des négociations à des tables particulières. De penser qu'il y a eu peu de travail de fait, il faut quand même reconnaître qu'il y a 19 tables qui ont travaillé, qu'il y a eu cinq rondes de négociations, ce qui veut dire au moins une centaine de rencontres qui duraient en moyenne à peu près, on pourrait dire, une journée chacune, et toutes ces tables-là ont travaillé durant ce temps-là. J'avouerai, effectivement, que le travail n'a pas avancé de la même façon à toutes les tables. Certaines tables particulières ont tenté d'arriver à un règlement, ont forcé la négociation, ont échangé et ont travaillé dans le sens de conclure une entente en temps voulu, pour arriver pour le 30 avril. On a constaté - j'inclus là-dedans la période d'extension du 21 jours - qu'aujourd'hui il y a au-dessus d'une dizaine, d'une douzaine de métiers ou d'occupations qui ont accepté de faire le jeu de la négociation, de faire les échanges et de faire des ententes avec la partie patronale, satisfaisant ainsi environ, au moins, on peut présumer, actuellement, peut-être une vingtaine de milliers de travailleurs impliqués dans ces métiers. Nous savons, à l'heure actuelle, qu'il y a plusieurs autres métiers - quand je dis plusieurs, ce n'est pas un, c'est plus que deux ou trois - qui seraient possiblement proches de trouver un terrain d'entente. Mais j'ai comme l'impression que, pour les mêmes raisons que la table centrale, on ne peut pas arriver à une entente. Et quelles sont ces raisons-là pour la table centrale? Nous, on pense que notre négociation, qui était une négociation très compliquée, très difficile avec toutes ces tables de métiers et cette table centrale, il y avait un écueil majeur dans cette négociation-là, c'était l'éventualité d'un rapport Picard-Sexton. Évidemment, je n'ai pas envie de discourir ici sur le rapport Picard-Sexton; j'ai comme l'impression qu'un jour ou l'autre on aura l'occasion de le faire. Je suis obligé de vous dire que, selon des déclarations mêmes de la partie syndicale et des agissements évidents de la partie syndicale, il n'y a rien qui pouvait avancer tant et aussi longtemps que le rapport Picard n'était pas connu, n'était pas sur la table. On a entendu des déclarations syndicales à savoir: On ne signera rien tant qu'on n'aura pas réglé le problème de la sécurité d'emploi et de revenu. Or, la sécurité d'emploi et de revenu, c'est le mandat de la commission Picard-Sexton.

Alors, on veut bien penser que les efforts de négociation peuvent être faits, mais quand on a en face de nous une partie qui, effectivement, n'a pas l'intention de signer ou de conclure, c'est assez difficile de faire avancer une négociation. Nous, rendus au 20 avril ou vers le 20 avril, on a pensé, à ce moment-là, qu'il y avait peut-être moyen de faire faire un pas rapide, un pas de géant à la négociation. On a déposé à la table centrale, dans un premier temps, une proposition globale essayant de répondre ainsi à la plupart des demandes de la partie syndicale et de répondre, pas nécessairement affirmativement, mais d'une façon raisonnable dans les cas où on pouvait avoir un mandat pour donner des choses et pour donner une réponse claire et nette à la partie syndicale sur ces autres demandes qui se trouvaient dans la brique de demandes syndicales du mois de juillet.

Lors du dépôt de cette proposition, la partie syndicale, sous prétexte qu'on avait mentionné que notre proposition était bâtie dans l'intérêt des travailleurs, a quitté la table de négociation sous prétexte d'aller consulter les travailleurs. Ça a eu comme conséquence, évidemment, qu'entre le 20 et le 30 avril, il n'y a eu aucune, aucune discussion entre les parties, aucun échange. Jamais, en aucun temps, on a eu

l'occasion, durant cette période, d'avoir une réponse sur la proposition qu'on avait mise sur la table. Je pense que ce n'est certainement pas une démonstration d'une volonté de négocier On peut interpréter ça comme un manque de mandat du côté syndical, mais je pense que ça ne peut pas être ça parce que la partie syndicale était en mesure de conclure, à ce moment-là, des ententes aux tables particulières, donc elle avait un mandat autant aux tables particulières qu'à la table centrale. Je pense qu'elle a tout simplement cherché à écouler le délai jusqu'au 30 avril, de façon à s'approcher le plus possible d'un dépôt éventuel de la commission Picard-Sexton, objectif qu'elle maintenait dans la présente négociation.

Quant à la prolongation qu'a imposée le ministre, je dois vous dire qu'on n'était proba-blement pas plus d'accord que la partie syndicale. Du moins, on n'était pas d'accord avec cette prolongation pour des raisons économiques évidentes. C'est que déjà, depuis un certain temps, nos employeurs subissaient des pressions sur les chantiers. Il y avait des arrêts de travail, des arrêts de production, la conduite de travailleurs, sur les, chantiers ne favorisait pas la vie économique sur les chantiers. Alors, on était obligés, à ce moment-là, de procéder... Les employeurs étaient obligés de procéder, à ce moment-là, soit à des mesures disciplinaires ou à des mises à pied de leurs travailleurs. Or, il y avait un coût économique énorme qui était engendré sur les chantiers de construction. Il y avait, effectivement, dans notre esprit, la possibilité d'un vide juridique, mais un vide juridique, évidemment, dans notre esprit, ça veut dire peut-être une intensification de ces moyens de pression et une intensification des pertes qui sont subies économiquement dans l'industrie de la construction.

Quand le ministre a annoncé, à partir de là, qu'il faisait une extension de 21 jours en vue de favoriser un échange entre les parties et que nous, on a compris qu'au bout des 21 jours, si on n'était pas rendus à signer un décret, il y avait des possibilités qu'il fasse une intervention, on a pensé que l'occasion était peut-être excellente, à ce moment-là, pour reprendre la négociation ou pour reforcer de nouveau la négociation. On s'est présentés, à la demande du ministre et du conciliateur - et je vous souligne que c'est nous qui avions demandé un conciliateur dans le portrait pour essayer aussi de débloquer les. négociations - le 30 et on a mentionné, à ce moment-là, qu'on était prêts à négocier de bonne foi et à faire avancer le dossier, mais qu'au minimum, ce qu'on exigeait, c'était d'avoir une réponse sur la proposition qu'on avait mise sur la table, non pas une proposition en disant: On l'a présentée et les membres l'ont refusée, point, ça finit là. Je pense que, dans l'ampleur de la négociation qu'on conduit dans l'industrie de la construction, c'est plus important que de dire: On l'a regardée et ce n'est pas le "fun". Je pense que ça mérite beaucoup plus que ça. Ça mérite des prises de positions claires vis-à-vis des choses sur lesquelles on avait fait des propositions. Je pense que ça méritait de nous dire: C'est suffisant ou c'est insuffisant, ou: Vous en avez donné assez ou vous n'en avez pas donné assez, de façon que les parties puissent ajuster leur tir.

Après plusieurs tractations du conciliateur, la partie syndicale a accepté de faire une contre-proposition. Je pense qu'il n'y a pas eu de pressions pour obliger la partie syndicale à nous donner une réponse; du moins, on ne pense pas qu'il y ait eu des pressions suffisantes pour l'obliger à donner une réponse et, à ce moment-là, on s'est retrouvés avec une contre-proposition. Là, je dois vous dire honnêtement que, pour nous, le dossier s'est sérieusement gâté. La partie syndicale a tout à coup saisi certaines concessions, une vingtaine peut-être de petites concessions qui pouvaient exister dans notre document et, à partir de là, nous a ramené sur la table exactement la même position qu'au mois de juillet, aucun avancement dans le dossier, aucun geste de négociation, ce qu'on appelle laisser aller un peu de "loose" de façon que le dossier avance. La partie syndicale a tout simplement maintenu ses positions du mois de juillet. Alors, on imagine qu'à ce moment-là c'était difficile de penser qu'on avançait dans la négociation. (9 h 45)

Devant le fait, nous nous sommes tournés de bord. On a déposé une offre globale finale et on a dit: Bien, à ce moment-là, ça a l'air assez évident que, si la partie syndicale revient au mois de juillet, elle n'a pas l'intention de négocier, il est possible que ça prenne le rapport Picard pour les amener à faire une table de négociation. Le rapport Picard n'étant pas sur la table, le 21 mai approchant, éventuellement, c'est sûr et certain qu'on ne laissera pas l'industrie de la construction sauter en l'air et le trouble économique se répandre, alors on pouvait s'attendre à ce qu'il y ait une intervention du gouvernement, c'est évident.

Notre position, évidemment, a été critiquée par la partie syndicale en disant qu'on n'a pas mis l'accent très fort sur la négociation. Je vous rappelle et je vous souligne qu'on a négocié, actuellement, avec 11 tables de métiers. On a l'impression que ces 11 métiers-là ont fait le jeu de la négociation. On a l'impression que ces gens-là, qui représentent environ 21 000 salariés dans l'industrie de la construction, ont été chercher, par la négociation intelligente et de bonne foi, des conditions de travail propres à leur métier qui vont probablement être intéressantes dans les prochaines années. Je pense que c'était le système avec lequel nous, on était prêts à vivre.

Le système d'une négociation par métier n'est quand même pas étanche au point qu'on

peut prétendre qu'on pourrait opter pour une telle solution dans toutes les négociations parce qu'il reste, évidemment, des métiers qui sont beaucoup plus gourmands que les autres, qui ont tendance à attendre de voir ce que les autres ont pour essayer d'avoir un peu plus que les autres. Cette négociation par métier, si elle était acceptée, jusqu'à la limite, par chacun, je pense qu'elle ne devrait pas se faire en disant: Si l'autre a eu ça, moi, je veux avoir ça. Une négociation par métier, c'est: chaque table règle son problème.

Le problème, à l'heure actuelle, c'est qu'il y a des tables, dans un cas, qui ne veulent pas régler, puis, dans d'autres cas, qui attendent de voir ce que les autres vont régler. C'est sûr qu'il n'y a pas moyen de fermer des tables de métiers dans ce scénario.

En gros, on considère - et je vous donne ça peut-être un peu comme finale parce que, possiblement, on peut passer à une période de questions - que le système des relations du travail, à sa face même, dans l'industrie de la construction, actuellement, a certains avantages. Évidemment, il y a des lacunes possiblement à corriger et, quand M. le ministre a mentionné qu'il fera une commission ou une revue de la loi, c'est sûr et certain qu'on ne peut pas être contre cette possibilité-là. Sauf que, si c'est une réforme dans le but de tout chambarder le système, de recommencer à zéro, j'ai comme l'impression qu'on va tout simplement recommencer à zéro comme on a commencé en 1969 et qu'on va tout simplement refaire un autre 10 ans d'expérience avec pas de possibilité d'être capables d'avoir un système stable pour régler nos problèmes.

Nous considérons qu'il y a une bonne partie du système qui est bon à l'heure actuelle. Ce qui est bon, théoriquement, je pense, réellement, pour nous, c'est ceci. C'est que la négociation globale est difficile. La négociation sectorielle de toute l'industrie ensemble est très difficile. Par contre, elle a l'avantage suivant: C'est qu'après ces quelques mois ou ces quelques semaines de difficultés par lesquelles il faut passer je pense que l'industrie se retrouve dans une période de calme. Ce n'est peut-être pas le cas quand on se retrouve avec des décrets courts d'un an. Mais, quand on se retrouve avec un décret de trois ans, normalement, ce qui est le cas, je pense qu'on vit avec au moins deux ans et demi, deux ans et trois quarts de paix dans l'industrie de la construction. Ça, c'est intéressant et ça, c'est envié par d'autres gens qui ont à faire des relations du travail dans la construction.

Il faut que vous vous rappeliez que notre industrie est composée d'un ensemble de métiers. Si un jour on imagine qu'on peut régler l'industrie de la construction en négociant métier par métier ou secteur par secteur, je pense qu'à ce moment-là on va multiplier les troubles actuels peut-être par 23 métiers ou par 4 secteurs. Nous pensons encore que ce système-là est bon.

Par contre, ça fait des années qu'il n'y a pas eu de vote dans l'industrie de la construction. Ça, je pense que c'est peut-être de nature à créer des distorsions de représentations syndicales. Je pense que ça fait des années qu'on est obligés, du côté syndical, de faire des mariages de raison, parce qu'on a assisté cette année à un mariage de raison pour faire la négociation. Nous avons l'impression, que ça choque ou pas, que si nous avions eu à négocier avec le Conseil provincial international, nous aurions pu signer une convention collective.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! Non, non, non. S'il vous plaît! Nous ne pouvons... S'il vous plaît! Aucune manifestation ne peut être acceptée dans la salle. Ce sont les règles de notre Parlement. Même si tout le monde se réjouit et est heureux d'une chose, on ne peut pas le manifester, pas plus, à l'inverse, quand on est en colère. Je demanderais, s'il vous plaît, votre collaboration à cet égard. C'est très important pour que démocratiquement chacun puisse s'exprimer à la valeur de ses opinions et qu'il soit bien écouté. Je vous remercie de votre collaboration. M. le ministre.

M. Dion: Pour être suffisamment bien interprété, je suis convaincu, je pense que les autres centrales syndicales, en adoptant une attitude qui aurait pu être semblable à celle du Conseil provincial, c'est-à-dire de négocier la négociation pour la négociation, et non pas négocier avec la commission Picard en arrière, je pense que les autres centrales pourraient et auraient pu également arriver à un règlement. Je cite, à titre d'exemple, et on a signé aux tables avec les autres centrales syndicales qui, elles, ont tout simplement mis de côté le problème qui était latent devant la table centrale.

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.

M. Dion: Pardon?

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à conclure. Les 20 minutes sont écoulées.

M. Dion: Si ça fait votre affaire, j'ai fini.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie beaucoup. Alors, M. le ministre.

M. Séguin: Brièvement...

Le Président (M. Bélanger): Juste auparavant, M. le ministre, on s'entend pour la règle de l'alternance. Cinq, six minutes. Cinq, six minutes. D'accord.

M- Séguin: Très brièvement, je vais demander au représentant de l'AECQ, peut-être à son président... j'ai confirmé tantôt l'intention de réformer le processus. M. Dion vient de dire que, bon, il y a des bons côtés, mais il y a des aspects qui sont peut-être à revoir. Alors, dans ce processus, à l'automne, dans cet engagement très ferme de revoir la Loi sur les relations de travail dans la construction, est-ce qu'il y a déjà, semble-t-il à vous, des éléments sur lesquels plus précisément vous aimeriez qu'il y ait des changements ou des modifications ou déjà des suggestions, ou est-ce que c'est trop prématuré dans l'ordre des choses?

M. Dion: M. le ministre, c'est prématuré. Peut-être que vous me prenez un petit peu par surprise. Mais si on va ramasser nos vieux mémoires qu'on a faits depuis quelques années, je pense que vous ne faites que raviver nos envies de quelques années. On a déposé énormément de choses là-dessus. Je vous le soulignais tantôt, entre autres, le vote. Je pense que la question du vote syndical, c'est quelque chose. Je pense que, également, un vote de tous les travailleurs face à une proposition patronale, il faut trouver le moyen que les travailleurs se prononcent quand il y a des propositions qui sont venues sur la table

Du côté patronal, je vous ferai remarquer que l'association, nous n'avons aucun droit de conclure une convention sans avoir fait le tour de tous nos employeurs de tous les secteurs dans toutes les régions de la province. On ne voit pas la même obligation du côté syndical. C'est une question de règle interne. Et ce, je pense que si on s'adressait, dans un vote à tous les travailleurs pour les faire se prononcer, c'en est des choses, je pense, qui peuvent être réglées. Je ne veux pas aller refouiller dans tous les mémoires. Je peux vous dire que c'est une chose de rien pour nous autres de relever toutes les recommandations qui ont pu être faites.

Le Président (M. Bélanger): Voulez-vous continuer encore?

M. Dion: Non, moi ça va.

Le Président (M. Bélanger): Non? M le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, c'est l'Association des entrepreneurs qui a demandé l'intervention d'un conciliateur. Je me demande, Me Dion, si vous ne pourriez pas nous dire un peu quel travail vous avez fait avec le conciliateur pour tenter d'arriver à une entente?

M. Dion: Effectivement, je pense que les gens ont peut-être une mauvaise vision de ce qui a été fait exactement. C'est que le conciliateur est intervenu et, quand on lui a demandé d'in- tervenir, on lui demandait d'intervenir au niveau de la table centrale. Parce qu'à ce moment-là, notre sentiment, et je pense que c'est un sentiment qui devait être partagé à certains niveaux, nous avions un sentiment que les tables particulières opéraient. Donc, la présence du conciliateur, nous avions l'idée de la concentrer sur la table centrale qui n'opérait pas et qui n'avançait pas. Au moment où le conciliateur, le travail qu'on s'attendait, on s'attendait que, sur le dépôt d'une proposition, il mettrait le poids d'une conciliation pour forcer une partie à donner une réponse à une proposition. Tout simplement pas se retrouver comme on s'est retrouvé, que la partie syndicale a ramassé le papier, s'en aller, et a dit: Salut, je m'en vais voir mes troupes et il n'y a eu aucun échange.

C'est sûr et certain, M. le député Bourdon, que dans des négociations comme dans l'industrie de la construction, auxquelles vous avez souvent participé - et je me rappelle avoir été à vos côtés plusieurs fois - c'est lourd, c'est difficile, c'est pas facile. On ne parle pas de négocier pour une petite boîte avec une quinzaine d'employés. On négocie pour 100 000 travailleurs. Si vous regardez la brique des demandes syndicales et si vous regardez le mandat qu'on peut développer du côté patronal, il y en a de toutes... ça va de l'instrument, ça va de mitaines, de gants, ça peut aller dans des clauses de présentation et des conditions de déplacement. Il y a de la mobilité. L'industrie de la construction, vous savez comment est-ce que c'est. Ce ne sont pas des gens qui rentrent à tous les matins à la même usine, à la même heure, et qui sont là 360 jours par année. C'est un bassin de main-d'?uvre mouvant, avec qui les employeurs travaillent. Il y a un tas d'affaires. Alors c'est lourd la négociation, et on ne peut pas s'attendre à ce que ça débloque facilement. Alors c'est sûr que la présence d'un conciliateur, pour nous, dans le portrait, c'était d'essayer peut-être de commencer à engendrer le dialogue, mais un dialogue valable.

On était encore, quand on a appelé le conciliateur, à discuter des clauses, deux jours ouvrables pour un grief ou trois jours ouvrables pour un grief, les pouvoirs du représentant syndical. Va-ton le laisser rentrer n'importe quand? On ne le laissera pas rentrer n'importe quand. Et on était rendu presque au début, je dirais, du dernier détour de la négociation et on n'avait pas encore parlé des heures de travail, des taux de salaire, des frais de déplacement, des indemnités, des primes. Il n'y a rien de ça dont on avait encore parlé. Et une chose excessivement importante dont on n'avait pas encore parlé et qu'on avait déposé sur la table, c'est la définition de construction résidentielle et construction industrielle. Nous, on veut régler le problème du résidentiel. Il n'y a rien de ça qui était discuté. Il ne tombait rien sur la table. Et quand on mettait une définition, ça c'était mis

de côté et là, on voulait nous parler d'ancienneté. On voulait nous parler de représentants syndicaux. Et, honnêtement, assez habilement dans certains cas, ils nous tenaient là-dedans pendant des séances de temps. Et Dieu sait qu'ils ont réussi, entre parenthèses, à nous écoeurer.

M. Bourdon: M. le président, vous parlez de la nécessité que les organisations syndicales, à l'occasion, consultent leurs membres. Or, de mémoire, je pense que votre première offre globale a été déposée le 20 avril, vous en avez fait une deuxième pendant la conciliation. Comment penser que deux propositions globales, dont la deuxième est finale, en mettant l'exi-v gence de consulter, 100 000 personnes comment penser que la négociation puisse avancer? Et j'ajoute une autre chose. Avez-vous tenté, avec le conciliateur, de chercher à trouver de sa part des suggestions de nature à relancer la négociation? Et, autre facteur, vous avez parlé des réalités du pluralisme syndical, et ça a suscité une réaction quand vous avez choisi de lancer des fleurs à une partie représentative au détriment des autres, est-ce que vous ne pensez pas, qu'éventuellement, il pourrait être souhaitable d'avoir une situation où il y aurait aussi un pluralisme patronal et où les syndicats pourraient, à l'occasion, choisir tel groupe plutôt que tel autre?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît. S'il vous plaît.

M. Dion: C'est assez lourd comme question, mais je vais essayer, d'abord, de vous dire que la conciliation a commencé, je pense vers le mois de mars. Alors ça veut dire que la première proposition qu'on a mise sur la table le 20 avril, le conciliateur était en place. Alors quand le conciliateur est en place, le 20 avril, et qu'effectivement les parties prennent la proposition patronale, partent et s'en vont et se retirent, à ce moment-là, je pense... et qu'ils viennent nous répondre d'une façon officieuse par les journaux que les membres la rejettent, c'est sûr et certain, à ce moment-là, qu'on s'attendait, comme travail de la part de la conciliation - et Dieu sait qu'on ne vient pas ici blâmer le conciliateur, je pense qu'il a opéré dans le dossier dans les mesures qu'il pouvait opérer - d'avoir une réponse sur ces propositions du 20 avril. (10 heures)

Alors, si on a fait tomber une deuxième proposition sur la table, c'est qu'on a, à ce moment-là - si vous examinez la documentation, MM. les députés et M. le Président - c'est que ie 11 mai quand on a "redéposé" une contre-proposition, c'est notre proposition du 20 avril, avec un certain nombre d'améliorations tenant compte de certaines contre-propositions syndicales qui étaient faites le 4 mai et intégration de toutes les tables particulières, c'est-à-dire d'une proposition à toutes les tables particulières. Et, à ce moment-là, nous avons même offert à la partie syndicale, pour montrer et inciter à la négociation, que tout règlement aux tables particulières serait intégré, soit par nous, dans une entente, ou soit... On demanderait à quiconque ferait un décret dans la construction d'intégrer les ententes signées. Effectivement, je sais que ça va vous être souligné. Nous n'avions aucune objection à ce que les ententes, ce qu'on peut appeler les mini ententes signées, nous n'avions aucune objection, parce qu'il y avait eu une négociation honnête et de bonne foi, on n'avait aucune objection à ce que ces ententes entrent dans un décret ou dans une convention signée, évidemment, ou dans un décret imposé, quel que soit le cas. On voulait inciter les gens à faire de la négociation. C'était notre point de vue.

Les fleurs que j'ai pu donner à la FTQ, au Conseil provincial, effectivement, je dois vous dire que ce sont des fleurs momentanées. Je dis, et j'ai voulu le spécifier, que, dans les négociations, il m'apparaît que le Conseil provincial - dans les 10 ou 11 tables qu'on a signées - a été un peu plus actif. Honnêtement, je sais l'explication et je peux vous la dire. Je pense que le Conseil provincial n'a pas le même intérêt devant le rapport Picard-Sexton que le restant des autres parties syndicales. Donc, le Conseil provincial n'était pas, à ce moment-là, enfargé par un refus de négocier à cause du rapport Picard-Sexton. Alors, c'est peut-être pour ça qu'ils ont été ouverts et c'étaient des fleurs momentanées. Je peux vous dire que des fois ils sont peut-être aussi haïssables que les autres. Mais, moi, je considère qu'ils sont tous pareils. On est là pour négocier et ils sont là pour négocier.

Quant à savoir si vous devez jouer ou non au pluralisme syndical, je veux juste vous souligner que l'industrie de la construction a été, autrefois, menée, je pense, par un monopole syndical et un pluralisme patronal et ça a foiré. Excusez le mot, mais ça a foiré. Aujourd'hui, on a un monopole patronal et un pluralisme syndical et ça foire. Je peux vous dire que, dans certains cas, quand je regarde ce qui s'est passé dans le passé, on a eu des problèmes à arriver à un niveau de négociation, à un niveau d'entente parce qu'il y avait un problème entre les parties syndicales.

Je ne vous dis pas que la vraie solution c'est peut-être monopole-monopole, mais je peux vous dire une chose, c'est que du côté patronal, on n'a pas de problème à vivre. Du côté syndical, je trouve qu'ils ont beaucoup de problèmes à vivre entre eux et ils font souvent des mariages de raison. C'est le cas dans la présente négociation. Je pense, effectivement, outre ces mariages de raison, que c'est un droit aux travailleurs au

moins, de temps en temps, de pouvoir voter, réellement voter pour choisir son syndicat, pas une "votette" comme vous avez dans la loi à l'heure actuelle; si tu veux changer, tu vas voter. Et les gars, si tu veux changer, bien, là, ils ne votent pas.

Alors, pour l'industrie de la construction, je pense qu'on devrait faire comme n'importe quelle organisation, donner le droit et même, peut-être, avoir l'obligation que les gens votent. Qu'ils aillent voter, qu'il y ait un vote réel dans l'industrie de la construction. Je pense que si les travailleurs votent et donnent un monopole, à ce moment-là, on aura réellement un vrai interlocuteur. En tout cas, ce n'est pas nécessairement certain qu'on va avoir un pourcentage à 50 %, mais il y a peut-être une éventualité que ça arrive. Et peut-être que là vous aurez réglé le problème.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: M. le Président, je trouve M. Dion fort habile pour jouer sur la division des parties d'en face.

M. Dion: Bien, M. Chevrette, vous faites ça couramment, comme bon parlementaire. Je vous écoute et j'aime ça en maudit.

M. Chevrette: Bien, nous autres, on est divisés, M. Dion, par un vote, justement, du public et on a un rôle à jouer.

M. Dion: Eux autres aussi.

M. Chevrette: Mais en négociation, à vous écouter parler depuis tantôt, c'est comme si les méchants existaient exclusivement dans la même cour et que vous étiez le plus-que-parfait de l'autre côté.

M. Dion: Vous ne m'avez pas demandé s'il y avait des méchants de mon bord.

M. Chevrette: Je vais finir ma question, s'il vous plaît. Merci. Ma question est la suivante: les tables particulières, les tables sectorielles qui ont eu des ententes, mais pas nécessairement signées, seriez-vous prêts oui ou non à les respecter? Ce n'était pourtant pas long comme question.

M. Dion: Je peux vous dire que ce n'est pas votre question qui m'embête, c'est de savoir jusqu'où on peut être...

M. Chevrette: Jusqu'où la bonne foi peut aller.

M. Dion: Non. jusqu'où on peut être nigaud un peu. On peut être nigauds. Je dois vous dire ceci, M. Chevrette. Si vous prenez le document du 11 mai de la partie patronale, vous allez retrouver là-dedans les ententes et les propositions qu'on a faites à la table centrale. Vous allez retrouver là-dedans les ententes qui ont été faites et qui ont été signées à des tables particulières et vous allez retrouver là-dedans les propositions qui ont été faites à des tables particulières, non signées, dans la limite où on avait des mandats. Tout ça, à notre point de vue à nous, pouvait être la base d'une entente dans l'industrie de la construction.

M. Chevrette: Mais vous reconnaissez qu'il y a des ententes pas nécessairement signées qui ont fait l'objet de consensus à des tables sectorielles.

M. Dion: Bien sûr.

M. Chevrette: Et vous ne seriez pas offusqué qu'un ministre, compte tenu du fait que ce n'était pas un décret punitif que recherche le ministre mais bien un décret qui reflète le plus la réalité... le décret pourrait donc contenir des ententes, qu'elles soient signées ou pas.

M. Dion: Je ne pense pas que ce soit une question d'être offusqué. C'est rien qu'une question d'être de bonne foi, comme vous avez mentionné tantôt. Nous, on a déposé une offre globale. Si le gouvernement veut prendre notre proposition globale et faire un décret avec ça, je pense qu'on est en mesure de respecter notre parole, quoi que vous en pensiez. C'est ce qu'on a proposé, donc on va le respecter.

M. Chevrette: Je ne fais pas de procès d'intention. Je vous pose la question.

M. Dion: Oui, oui, mais ça, ça inclut. M. Chevrette, les propositions non signées. Par contre, il faut reconnaître ceci. Ce que vous n'avez peut-être pas comme notes, c'est que les propositions non signées, souvent, ce sont des débuts de consensus vers une entente. Là, il y a eu un blocage à la fin. Il est resté quatre ou cinq clauses qui ont empêché de fermer la table. Mais ce qui est dedans, c'était quand même un consensus, et on est assez honnêtes, à ces tables, pour accepter que ces consensus soient dans la proposition. Si vous voulez prendre notre demande, à ce moment-là, ou notre proposition, c'est-à-dire du 11 mai et en faire un décret, je peux vous dire qu'on est là, comme employeurs, pour vous dire qu'on va le respecter. C'est notre parole et on est de bonne foi.

M. Chevrette: Est-ce que vous croyez qu'il est possible, après la promulgation du décret, de négocier pour en arriver à une entente d'une convention collective après, comme le suggère le

ministre?

M. Dion: Je pense que je n'ai pas compris que le ministre suggérait ça. Mais si, par erreur, je n'ai pas compris les bonnes choses, je dois vous dire que je pense que, dans le scénario qui s'est déroulé, à partir du moment où le gouvernement a pris comme option, le 30 avril, de nous donner 21 jours additionnels pour régler, sinon - et ça, c'est peut-être de l'imagination qu'on a eue - il allait régler à notre place, ça nous a amenés à mettre nos culottes sur la table. Comme je viens de vous le dire, dans notre proposition du 11 mai, nos culottes sont dedans. On va respecter nos culottes. On ne pense pas, à l'heure actuelle, qu'on va négocier par-dessus ça, parce qu'il ne nous reste plus rien. Je pense que ce qu'on avait à mettre sur la table est sur la table.

M. Chevrette: Donc, ce serait utopique et naïf que de penser qu'il peut y avoir une négociation postdécret.

M. Dion: Je pense que ce serait utopique de penser que nous pourrions négocier par-dessus une proposition globale, finale. Je pense que ce serait utopique. Ce ne serait quand même pas réaliste non plus. On a mis notre mandat sur la table.

M. Chevrette: Quant à la révision des mécanismes de négociation - une petite question et après ça, je laisserai la parole à d'autres - est-ce que, M. Dion, vous ne jugez pas important qu'on révise précisément les mécanismes, tout au moins pour judiciariser, si je me permets l'expression ou légaliser... Vous êtes avocat, vous allez comprendre ça Les tables sectorielles sont des tables de bonne foi.

M. Dion: Ce n'est pas reconnu par la loi, M. Chevrette.

M. Chevrette: C'est ça.

M. Dion: Mais on a consenti par protocole.

M. Chevrette: Mais si on délimitait, par exemple, dans une révision des mécanismes, si on s'entendait pour dire qu'un cadre salarial et de bénéfices marginaux, ça fait partie d'une table et qu'on légalisait également un processus de négociation face à tout ce qui s'appelle conditions de travail ou conditions accessoires au travail spécifiques de tel ou tel secteur. Vous avez l'air fermé a priori à ce genre de discussions que vous a proposées le ministre, avec lequel je suis d'accord, en passant. Ça n'arrive pas souvent mais je lui dis. Là, c'est vous qui semblez vouloir... Vous avez un monopole de représentativité. Vous recherchez un monopole de représentation syndicale pour vos vis-à-vis. Vous dites: II ne faut pas retoucher pantoute aux mécanismes existants. Qu'est-ce que ça vous prendrait pour être satisfaits? Être les seuls à vous parler? C'est quoi?

M. Dion: Ha, ha, ha! Je ne suis pas sûr que vos prémisses arrivent à votre conclusion mais, en tout cas, on va essayer d'y arriver.

M. Chevrette: Bien, en tout cas...

M. Dion: Disons qu'on ne recherche pas le monopole syndical. On a voulu simplement, vous faire savoir que si le résultat d'un vote donnait un monopole syndical, on n'est pas antipathiques à une situation qui pourrait arriver. Nous, on pense que ça pourrait être une solution où on aurait un vis-à-vis. Donc, je ne recherche pas. Mais je dis: Si ça arrive, je n'ai pas de problème avec ça.

Pourquoi est-on, dans une certaine mesure, antipathiques à une négociation qui serait scindée? C'est parce que l'industrie de la construction, M. Chevrette - vous allez le vivre et tous les gens du gouvernement vont le vivre - ça veut dire à peu près quelque chose comme 23 métiers ou occupations dans l'industrie de la construction. Ça veut dire une négociation par escaliers. Ça veut dire que, comme on le vit un petit peu, à l'heure actuelle, que les plus faibles ou les moins forts, disons, à ce moment-là, vont peut-être avoir tendance à réagir plus rapidement, mais les plus forts, se sentant réellement plus forts, vont attendre à la dernière minute. Ce n'est pas évident, à ce moment-ci, que vous allez avoir une négociation qui sera mieux faite, plus rapide et qui va régler les problèmes.

M. Chevrette: M. Dion, je vous arrête. Pourquoi de votre côté ce n'est pas la même chose? Qu'une multitude, par exemple, d'employeurs du domiciliaire qui contrôleraient votre association parce que plus nombreux?

M. Dion: Un instant!

M. Chevrette: Qu'est-ce que ça fait par rapport...

M. Dion: M. Chevrette, vous ne connaissez pas l'industrie de la construction.

M. Chevrette: Le seul privilège qu'on a...

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Le seul privilège qu'on a, M. Dion, c'est de se faire élire pour venir ici justement poser une question.

Le Président (M. Bélanger): On va s'écouter.

M. le député de Joliette.

M. Chevrette: La question est claire

M. Dion: Ce n'était pas malin. C'était rien que pour "joker".

M. Chevrette: Non, non, c'est ça.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, on écoute les...

M. Chevrette: On a croisé le fer à l'enquête Cliche. Si, de votre côté, votre association est contrôlée par un groupe d'employeurs, quelle est la différence entre dire qu'un corps de métier est plus gourmand qu'un autre corps de métier si un groupe d'employeurs peut bloquer toute une négociation parce qu'il voit ton objectif? QueHe est la différence fondamentale? Vous ne pensez pas que c'est regarder ça avec des oeillères?

M. Dion: Bien non. M. Chevrette, si on arrivait à penser qu'à un moment donné, un entrepreneur - je le prends à titre d'exempte - qu'un employeur briqueteur, il n'est que brkjueteur pour poser des briques sur des bungalows. A ce moment-là, ce gars ne pense qu'au bungalow. Il ne pense pas à autre chose. Il ne fait rien que ça. Mais le poseur de briques, il est poseur dans un bungalow. Le lendemain, il est dans un petit centre commercial. Le lendemain, il pose de la brique dans l'industriel ou fait une cheminée ou quelque chose comme ça Les gens se promènent. La sous-traitance dans l'industrie de la construction se promène d'un chantier à l'autre.

Deuxièmement, l'entreprise générale va où il y a de l'ouvrage. Généralement, il y a une tendance à une certaine spécialisation. Un va s'en aller plus vers la voirie, l'autre plus vers l'habitation. Mais quand tu prends le général, à un moment donné, tu peux retrouver un gars qui prend de temps en temps un contrat qui est un contrat de génie, un bâtiment industriel et un petit bâtiment commercial. Les gens sont mobiles d'un secteur à l'autre. On ne peut pas scinder l'industrie de la construction en disant: Là, on va négocier les plombiers habitation. Ce n'est pas de même, l'industrie de la construction. C'est un global.

En plus de ça, vous êtes dans une industrie où le métier de plombier dépend du métier de n'importe quel autre, des 23 autres. Je ne peux pas poser mes tuyaux si je n'ai pas mis du ciment avant. Je ne peux peut-être pas poser mes fils si je n'ai pas mis de cloison. Tout le monde est interdépendant. Alors, de penser régler l'industrie de la construction en la morcelant par morceaux, je ne pense pas qu'on va régler les problèmes dans l'industrie de la construction. On va se retrouver.. Faites l'expérience, vous allez voir. On va se retrouver avec les problèmes qu'il y a ailleurs où ils règlent les plombiers et, pas longtemps après, ils ont les charpentiers-menuisiers sur les bras. Après ça, ils règlent les charpentiers et ils ont les tireurs de joints sur les bras. L'industrie est toujours en mouvement. Je ne pense pas que ce soit une solution.

Moi, je vous le dis... Je ne sais pas qui a fait la loi 90, c'est peut-être... Le Parti libéral l'a faite, c'est peut-être le Parti québécois qui l'a améliorée. Je pense - et je vous dis ça, j'en ai un bon bout de fait dans la construction - que la base du système est bonne, d'une entente pour l'industrie de la construction. Il y a des bons retouchages à faire dessus parce que je pense qu'il y a des affaires qui accrochent. Je peux vous en dire, on en avait parlé à un moment donné, que quand on faisait un maraudage et qu'un mois après on commençait à négocier, c'est impossible de marcher de même. Les gars venaient de se lancer des affaires d'un bord et de l'autre et, après ça, il fallait les asseoir ensemble pour négocier. Ce n'était pas pensable.

Le Président (M. Bélanger): Je vous inter romps. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, simplement sonder Me Dion - que je connais depuis longtemps - sur une interprétation que les gens ont dans la construction. C'est que le monopole patronal est tellement immense, dit-on, que ce qui fait le consensus, c'est de dire non. On dit que dans ce sens-là, l'AECQ cherchait toujours à avoir un décret du gouvernement parce qu'à ce moment-là, elle n'a pas à répondre à ses membres d'aucun compromis Ce qui peut améliorer le sort des travailleurs, c'est le méchant gouverne ment qui l'a donné et elle, elle est intacte dans son monopole.

M. Dion: Si je voulais vous donner raison, M. Bourdon, je vous dirais qu'on n'a sûrement pas toujours dit non. Je refais le panégyrique de tantôt. On a déjà négocié des ententes et on a déjà réglé des ententes. Donc, on n'a sûrement pas toujours dit non.

Deuxième chose, c'est que nos employeurs chez nous sont quand même aussi consultés et divisés par secteurs. Il y a quatre secteurs dans l'organisation. Nos gens aussi sont représentés au conseil d'administration par régions. Ils sont représentés par grosseur d'entreprises. Je pense qu'il n'y a aucun conflit. Ne cherchez pas de bibites. Chez nous, il n'y en a pas. On s'entend, on vit bien ensemble. On est bien comme industrie. N'essayez pas de démancher celles qui marchent, pensez à celles qui ne marchent pas. Demandez-vous pourquoi, à un moment donne, la CSD ou je ne sais pas trop quoi qui, malheureusement, n'a pas été convoquée ici...

Des voix:...

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!

M. Dion: ...pourquoi la CSD, effectivement, dit dans les journaux que la coalition est en train de faire de la foutaise. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est eux autres qui le disent. Moi, je n'ai pas ces problèmes-là chez nous.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Séguin: Moi, j'aurais une très brève question. À un moment donné, mon collègue, le député de Joliette, vous posait une question qui m'a intéressé particulièrement concernant les tables sectorielles. Effectivement, ce n'est pas dans la loi, mais c'est une entente, depuis quelques années, plusieurs années, même, où des tables sectorielles négocient, métier par métier et, ensuite, il y a une table centrale. Dans l'hypothèse où, effectivement, il y aurait des négociations de faites, actuellement, aux tables sectorielles, réglées ou pas, normalement - on pourra poser la question, aussi, aux représentants syndicaux tantôt - est-ce que la coalition syndicale, actuellement, ne serait pas embarrassée par des négociations sectorielles qui ne seraient pas entérinées à la table centrale? Autrement dit, vous, à l'AECQ, avez participé à des négociations à des tables sectorielles, est-ce que ça ne doit pas, aussi, être entériné avec l'agrément de la table centrale?

M. Dion: Je pense que c'était ça, le système. Ce qui se faisait, à toutes fins pratiques, aux tables particulières devait être agréé, et je ne suis pas sûr que je vous ai suivi jusqu'au bout.

M. Séguin: C'est parce que le député de Joliette vous posait la question suivante: Est-ce que, s'il y avait déjà des ententes à des tables de métier, des tables sectorielles...

M. Dion: Oui, les tables particulières, O.K., c'est correct.

M. Séguin: ...des tables particulières, même s'il n'y a pas eu d'entente globale à la table centrale, la question était de savoir: Est-ce que vous n'auriez pas d'objection à ce que le ministre, moi-même, prenne ces négociations aux tables particulières pour les rentrer dans le décret? Moi, je vous pose la question: Est-ce que, comme ministre, je ne devrais pas vérifier auprès de la coalition syndicale, à la table centrale, si eux sont d'accord avec ça?

M. Dion: Écoutez, je ne vois pas de problème. Vous avez le droit, c'est vous qui allez le faire, semble-t-il, le décret, vous devez vérifier où vous pensez que vous devez vérifier, je n'ai pas de problème avec ça. J'imagine que la proposition patronale qui est sur la table, actuellement, c'est probablement au moins quelque chose que la partie syndicale veut et, théoriquement, ce n'est pas suffisant pour elle parce que, sinon, elle l'aurait signée. Je n'ai pas l'impression qu'elle va être contre ce qu'il y a dans la proposition. C'est au moins un début pour eux autres; nous, on espérait que c'était une fin. Sûrement que si vous voulez consulter, ils vont vous donner une réponse positive.

M. Séguin: Ça va, merci.

Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie. Si vous voulez remercier nos invités, s'il vous plaît.

M. Chevrette: M. le Président, je tiens à remercier... C'est dommage qu'on n'ait pas plus de temps, j'aurais pu confronter nos idées sur d'autres points, mais je suis convaincu que l'occasion se présentera à nouveau.

M. Dion: On va revenir vous voir, c'est à peu près certain.

M. Chevrette: J'espère que ce ne sera pas pour les mêmes choses.

M. Dion: Bien non.

M. Bourdon: Je remercie Me Dion et son groupe. Je peux lui dire que je constate qu'il a toujours toute sa vigueur.

M. Dion: Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Séguin: Merci également à l'AECQ pour l'intervention. Je prends bonne note des commentaires.

Le Président (M. Bélanger): Alors la commission de l'économie et du travail remercie le groupe de l'AECQ pour sa participation à nos travaux, ce matin, à cette consultation. Nous devrons suspendre les travaux quelques instants, M. le ministre doit aller faire quelque chose d'important. Alors, nous reprendrons les travaux dans quatre ou cinq minutes en recevant, à la table, la Fédération des travailleurs du Québec.

(Suspension de la séance à 10 h 19)

(Reprise à 10 h 31)

Le Président (M. Bélanger): Je demanderais à chacun de reprendre sa place, s'il vous plaît. M. le ministre, je vous inviterais à reprendre votre place, s'il vous plaît, pour qu'on reprenne

nos travaux sans délai.

La commission reprend maintenant ses travaux. Nous invitons à la table des témoins la Fédération des travailleurs du Québec. Vous êtes le représentant de la FTQ?

Fédération des travailleurs du Québec (FTQ)

M. Lavallée (Jean): Oui, mais j'attends deux petites secondes, mes deux confrères vont arriver.

Le président (M. Bélanger): On vous donne deux secondes, si vous voulez les envoyer chercher.

Un instant, j'ai perdu mes deux joueurs principaux. Si on veut vous entendre décemment, je présume que ce serait mieux qu'ils soient à leur place. Vous pouvez y aller, si vous voulez présenter vos porte-parole, votre équipe. Vous ayez vingt minutes pour donner votre point de vue. Je vous en prie.

M. Lavallée: Merci, M. le Président. Je suis accompagné du directeur général de la FTQ-Consctruction, Yves Paré, membre du comité de négociation, ainsi que de Norbert Henley du local

AMI membre du Comité de négociation. Je suis Jean Lavallés, président de la FTQ-Construction.

M. le Président, M. le ministre, membres de cette commission, on n'a pas eu le temps de faire un mémoire, vous savez qu'on était en congrès au CTC. On aurait probablement dû se préparer en conséquence, mais je pense que c'est toujours mieux lorsque ce qu'on a à dire vient des tripes, sans y avoir trop pensé d'avance.

Pour nous, aujourd'hui, ce n'est pas de gaîté de coeur qu'on se présente devant cette commission-là. C'est un jour triste. Cette commission démontre encore une fois l'échec de notre régime de relations du travail. Pour nous, p'est clair, on n'a pas droit à la négociation dans la construction. Depuis 10 ans, on n'a pas réussi à faire de réelles négociations dans l'industrie de la construction. D'ailleurs, au cours de certaines discussions avec le ministre, même le ministre nous disait que le gouvernement avait dû, à 17 ou 18 reprises, intervenir de quelque façon dans la construction depuis 20 ans. Je pense que, contrairement à l'attitude patronale, ça démontre clairement que ce système-là, ça fait 20 ans qu'il est sur pied et il est drôlement temps qu'on le regarde à nouveau. Au moins, sur ce point, je suis entièrement d'accord avec le ministre, il va falloir qu'on regarde de fond en comble notre régime de relations du travail dans l'industrie de la construction. Ce n'est pas normal, chaque fois qu'on a à négocier une convention collective dans l'industrie, que la partie patronale s'assoie toujours sur le fait que je gouvernement va décréter si on n'a pas d'entente.

On a eu deux fois des négociations: 1976, 1979 Mon confrère vous parlera de 1986. Il y a eu une entente, mais avec un "gun" sur la tempe. En 1976 et en 1979, on a eu des ententes et on a eu des gains appréciables. Pourquoi? Justement parce qu'il y avait eu vide juridique. À ce moment-là, on pouvait faire notre rapport de forces. Vous savez, dans n'importe quelle négociation, si on ne peut pas utiliser notre rapport de forces, on ne réussira pas à aller chercher grand-chose. Si le rapport de forces qu'on utilise ne porte pas fruit, on n'ira rien chercher. Il faut que ça fasse mal un peu pour que ça puisse rapporter quelque chose. Mais dans la construction, chaque fois qu'il y a quelque "move" que ce soit, on intervient immédiatement et on ne nous donne pas le droit de négocier.

On met en marche une machine. On fait des assemblées syndicales, contrairement à ce que l'AECQ dit. On consulte nos membres. La loi est très claire sur ce sujet. On doit faire des assemblées spéciales et un vote secret. On a consulté des milliers de membres. Je ne rougis pas du nombre de membres qu'on a consultés parce que, si on compare ça avec les assemblées que I'AECQ a - 18 000 employés et elle a de la misère à regrouper le quorum dans certains cas... Je pense que je n'ai pas à rougir des genres de consultations que les centrales syndicales, la coalition, a faits pour consulter ses membres. La même chose lorsque arrive le temps d'accepter une convention collective, on prend le même processus.

Il va falloir qu'on regarde très sérieusement tout ce processus. Contrairement aussi à l'attitude patronale qui dit que c'est très lourd, les tables sectorielles, en 1969. la table sectorielle existait. La table de 1976 aussi existait et on a réussi à s'entendre. Au fil des années, dans les autres cas, on n'a jamais réussi. Je me rappelle - même si j'ai les cheveux gris un peu, je ne suis pas si vieux que ça - de 1954 à 1970, on avait un régime de relations du travail. Peut-être qu'il n'était pas parfait. Vous allez me dire: Vous n'aviez pas, à ce moment-là, tous les gens qui étaient syndiqués. Mais de 1954 à 1970, 16 ans, il y a eu une grève dans l'industrie de la construction, et il y avait les métiers qui existent aujourd'hui et les occupations aussi. On réussissait, avec nos associations patronales du temps qui existaient, à s'entendre sans aller en grève. Une grève en 14 ans, et le Conseil pourra le dire, je pense que c'était la grève des ferblantiers.

Donc, ça démontre qu'on avait quand même un régime qui fonctionnait peut-être mieux à ce moment-là que celui qu'on a aujourd'hui. Depuis 20 ans, vous le disiez vous-mêmes, M. le ministre, 17 ou 18 interventions, je pense que ce n'est pas normal. Il est grandement temps qu'on puisse regarder à nouveau ce régime. Ce n'est pas drôle pour vous d'être ici, aujourd'hui. Vous aimeriez bien mieux qu'on s'entende, qu'on signe, qu'on se donne la main et qu'on reparte tout le

monde heureux sur les chantiers de construction.

Mais ce ne sera pas le cas mardi. Il y a des chantiers où les gens ne travaillenl pas; par contre, ce n'esl pas nous qui les avons fermés, les chantiers. On n'a pas de gens en grève. On a des gens qui sont désabusés de voir que depuis 10 ans ils ne peuvent pas réellement exercer leurs droits et c'est de la frustration. Je ne pense pas que mardi matin, lorsque certains chantiers vont rouvrir, le climat va être très serein, à moins que le ministre ne signe au bas de notre convention collective qu'on avait préparée. Je caricature mais... Il pourrait en enlever un petit peu, mais... Si on nous impose des conditions de travail, même si c'étaient des conditions qui sont alléchantes aussi... Je pense qu'il est temps qu'on ait une vraie négociation et que les parties fassent leur négociation; et quand on a fini, on se donne la main, on s'en va ensemble sur les chantiers, on travaille et on produit. Il a été un temps où les travailleurs de la construction au Québec avaient une très bonne réputation.

C'est malheureux, tout ce qui se passe aujourd'hui, et je suis convaincu que, tant qu'on n'aura pas une convention négociée, le climat des relations du travail dans la construction va être très mauvais. Ça va "définitivement" se sentir et personne ne va être heureux. Même s'il y a un décret en cours, il n'y a rien qui empêche les parties de s'asseoir et de conclure certaines ententes. À ce moment-là, on les emmène au ministre et le ministre les met dans le décret. Il y a plusieurs tables qui n'ont pas réglé leurs conditions de travail. Il y a une vingtaine de milliers de travailleurs qui ont réglé, à une dizaine de table; c'est leur privilège, on applaudit ça. Mais il y en a 80 000, 90 000, qui n'ont pas réglé leurs conditions de travail. Je pense qu'il est temps que ces tables-là aussi puissent avoir l'opportunité de faire une réelle négociation, à des tables particulières. Il y a des ententes qui pourraient être conclues, et vous ferez la vérification avec votre conciliateur. La partie partronale a dit: Oui, j'ai le mandat de vous donner telle clause, mais je ne la donne pas, à cause que je vais être obligé de la donner aux autres. Il a dit ça en présence de votre conciliateur. Tout ça pour vous démontrer que, tant et aussi longtemps que le gouvernement va s'ingérer à l'expiration d'un décret et va dire; On ne peut pas laisser un vide juridique... C'est arrivé à trois occasions qu'on est allé dans un vide juridique et, dans deux cas, on a réussi à conclure une entente. Tant que ça ne sera pas clair, tant qu'on n'aura pas un régime de négociation qui nous permet d'utiliser nos moyens de pression à un moment donné, on ne pourra pas avoir d'entente. La partie patronale va s'asseoir en disant, comme Me Dion disait tout à l'heure: On a mis nos culottes sur la table, mais des culottes vides en maudit. Elle va laisser le gouvernement trancher et, après ça, elle dira:

C'est le maudit gouvernement qui nous imposé des choses.

Donc, ça complète la partie que j'avais à vous dire. Maintenant, Yves Paré va conclure pour la période de temps qu'il nous reste.

Le Président (M. Bélanger): M. Paré.

M. Paré (Yves): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, ce qu'on a entendu ce matin, d'abord que le ministre devait intervenir avant l'expiration d'un décret parce que c'était un décret, je pense que Jean l'a expliqué. Il y a eu, au moins à deux reprises, des conventions signées dans des vides juridiques et il n'y a personne qui est mort au Québec à cause de ça. En 1986, lorsqu'on dit qu'il y a eu une entente, il faut se rappeler que le ministre du Travail d'alors avait imposé les conditions de travail pour trois ans, avec une période de deux mois pour une entente, sans quoi le décret imposé s'appliquerait sans aucune augmentation, sans aucun changement. Quand le président chez nous a dit qu'on a avait un "gun" sur la tempe, ce n'était pas un "gun", c'était un bazooka. On nous disait. Si, au 30 août, vous ne vous êtes pas entendus, c'est bien de valeur, la convention est reconduite pour trois ans. On a effectivement signé une entente et on a réussi à inclure dans cette petite entente-là de deux ans qu'il y aurait un comité pour étudier la stabilité du revenu, qui était le comité Sexton. Alors, ce n'est pas une entente, c'est du tordage de bras et les deux mains sur la plume pour nous faire signer. C'est ce qu'on vit depuis au-delà de 10 ans.

On doit ici expliquer pourquoi il n'y a pas eu possibilité d'une entente. On va essayer d'être... Je suis un type qui, des fois, est sarcas-tique; je vais essayer de ne pas l'être, M. le Président, mais il faut qu'on dise clairement la vérité. On dit: Toutes les demandes, toutes les clauses du décret ont été demandées comme modifications. Le directeur général de l'AECQ dit: On a commencé de l'article 1 à la fin. C'est faux. Dans nos dépôts on avait comme 172 demandes de maintien du statu quo, des articles, des sections du décret en statu quo. On avait 104 articles du décret de la construction qui étaient en suspens et on avait 139 refus. Donc, on avait au moins 172 articles de la convention qu'on ne touchait pas d'une virgule. On sait - et c'est ce que l'AECQ dit - la lourdeur de la procédures des tables particulières, de la table centrale. C'est la raison pour laquelle on demande le démantèlement de l'AECQ et qu'on lui mette d'autres associations qui vont venir l'aider, parce qu'on sait que toute seule elle n'est pas capable de le faire, surtout quand elle ne veut pas le faire. Le gros problème est là.

Quant à la commission Picard, il y a eu un mariage de raison, et on l'admet, entre les trois associations syndicales. On a été assez matures pour compléter la demande qui avait été faite le

26 avril 1989, dans le bureau du ministre, à l'effet d'entreprendre les négociations immédiatement lors de la conclusion d'une entente pour une année. On a mis de l'eau dans notre vin, les trois associations, on s'est entendues, on a signé un protocole. On avait même écrit dans le protocole qu'il n'y aurait pas de discussion à la table centrale du comité Picard avant le dépôt de ce rapport-là. On était en mai 1989. On a eu tout le loisir, depuis le 15 juillet, de négocier en mettant de côté le rapport Picard. Effectivement, au milieu d'avril, on a dit: Si le rapport Picard ne sort pas, parce qu'il devait sortir le 28 février, on ne pourra pas signer le décret de la construction. Mais il y avait neuf mois de passés. (10 h 45)

Je vais rappeler une déclaration écrite de l'AECQ dans "Négociation 1989-1990" qui date du 27 octobre 1989. C'est bien avant le supposé dépôt du rapport et c'est dès le début des négociations. "Si, théoriquement, les travaux de la commission et les présentes négociations sont conduits de façon parallèle, il est difficile de les dissocier en considération de leur impact éventuel sur la capacité de l'industrie à offrir des services à un coût abordable pour le donneur d'ouvrage, qu'H soit un individu voulant se taire construire une maison, une municipalité qui octroie un contrat d'aqueduc et dégoût ou une entreprise industrielle qui commande la construe tion d'une usine. Même si nous considérons inconcevable, voire inacceptable, que la commission Picard-Sexton puisse recommander au ministre du Travail d'implanter un régime de revenus garantis financé par les employeurs à un coût qui ne serait connu que dans le futur, il serait irresponsable de notre part de ne pas prendre cette hypothèse en considération dans la négociation des conditions de travail devant s'appliquer au terme du présent décret. En d'autres termes, l'AECQ ne peut pour l'instant se compromettre vis-à-vis des demandes monétaires onéreuses, alors que pend toujours au-dessus de la tête des employeurs la possibilité d'une charge financière supplémentaire qui serait imposée par le législateur. La commission constituera dans une certaine mesure un handicap sinon un obstacle au processus de négociation mais ce sont les syndicats et non l'AECQ qui ont demandé la formation de cette dernière et pour cette raison, ils n'ont pas à être indisposés par les règles qu'ils ont imposées à la négociation "

Le 27 octobre, on disait que, tant qu'ils ne sauraient pas ce qu'il y avait dans le rapport Picard, ils ne pouvaient pas négocier Or, c'est pas mal longtemps avant nous autres. On n'a pas pu s'entendre, M. le ministre, pour beaucoup d'autres raisons. Il y a eu toujours l'intervention du gouvernement, et là, quels que soient les partis politiques dans le processus de négociation dans l'industrie de la construction. Le 6 avril, il y a eu une déclaration à savoir que le décret allait se prolonger au-delà du 1er mai. Immédia- tement, c'était clair que l'Association des entrepreneurs en construction n'avait plus d'intérêt à vouloir régler une convention collective de travail. Elle n'en avait pas. Je la comprends Si j'étais le directeur général de l'AECQ, je ferais exactement le même processus de négociation: le laisser venir, le laisser imposer la convention collective de travail, et probablement que le gouvernement va mettre 4 %, 4,5 % ou 5 %; c'est beaucoup inférieur à ce qu'elle aurait à donner si elle devait négocier. Ça, c'est clair et je pense que, comme tactique de négociation, c'est excellent. On voulait qu'il y ait une main ferme, cette année.

Le 26 avril 1989, quand on a signé une entente, une prolongation d'un an, il était clair que la négociation devait se faire. L'AECQ, dans des promesses à n'en plus finir, si les trois associations étaient là, s'il y avait une majorité représentative de syndicats, qu'elle négocierait donc de bonne foi! On a réussi, M. le ministre, à obtenir des réponses officielles, sur des statu quo demandés et déposés le 14 juillet, le 2 mars 1990. On n'était pas dans la discussion des clauses d'ancienneté, on était à faire accepter des statu quo où on n'avait pas de demande. Quand l'Association des entrepreneurs dit qu'on négociait des choses aussi farfelues que l'ancienneté, bien, je pense qu'H y a des gens quelque part, qui ont certaines responsabilités, qui sont dépassés par les années. En 1990, c'est farfelu de parler de clauses d'ancienneté, de mises à pied. On ne sait pas où on est rendu. Quand on nous dit, le 27 octobre... et qu'on a refusé jusqu'au 20 avril, lors du dépôt de la première offre globale patronale, de discuter des clauses monétaires, on a toujours dit: On met ça de côté, c'est du monétaire. Quand on vient nous dire qu'elle a déposé des propositions sérieuses, qu'on nous dit que, dans une définition du résidentiel, ça devrait comprendre tout ce qui est au moins 75 % d'utilisation en logements, peu importe la grosseur des "blocs", 200 logements, 150, 300 logements, ça n'a aucune importance...

Quand on nous dit que la partie patronale va bien ensemble, qu'eux autres, Hs s'entendent bien, qu'on nous dit: Pour l'amour du bon Dieu, donnez-nous une définition du résidentiel, qu'on ferme la gueule à Orner Rousseau de l'APCHQ. . Bon, on est prêts à négocier, on était ouverts. Ce n'est pas vrai que ça va si bien que ça

Les relations du travail, M. le ministre, quand une partie sait que quelqu'un d'autre va imposer des conditions, et sûrement des conditions minimales, ils n'ont pas d'intérêt et ils n'en auront jamais. On a essayé. Quand on dit que le conciliateur qui a été nommé a essayé de régler des choses, quand la partie qui dépose un projet global dit, comme explication du projet global, qu'elle n'a pas de commentaire, je pense qu'il n'y en a pas, de bonne foi. Il n'y en a pas et, si j'étais à sa place, je jouerais le même jeu.

Quand on demande au ministre, quand on

demande au gouvernement: Laissez le rapport de forces s'exercer... On comprend qu'il va falloir peut-être trouver un processus de négociation. Quand on dit qu'un décret de trois ans, ça met la paix dans l'industrie de la construction... Mais je ne suis pas persuadé, cette année, qu'un décret imposé de trois ans va régler les relations du travail au Québec. Vous pouvez emmener le cheval à la rivière, vous ne le ferez peut-être pas boire, puis les gars ne rentreront pas au travail de gaieté de coeur. Et, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas la chance de s'exprimer - ça fait 10 ans qu'on le dit, ça fait 10 ans qu'on le crie - qu'on n'aura pas la chance de pas nécessairement viser un affront... Mais quand une partie sait que quelqu'un va intervenir en temps et lieu, quand on déclare dans les journaux: Pensez-vous que le gouvernement va laisser aller le métropolitain en grève? et qu'on est certain qu'il va intervenir, il n'y a plus aucun intérêt. Je ne les blâme pas.

Il va falloir, M. le ministre, M. le Président, qu'on fasse des choses. On est prêts à en faire. Je pense qu'on a toujours été dans la concertation, on a travaillé là-dedans, on se rend compte aujourd'hui, après peut-être 10 ans, que la concertation n'est pas nécessairement rentable pour les travailleurs. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie beaucoup. M. le ministre.

M. Séguin: Oui. Premièrement, mes salutations aux représentants de la FTQ. On a eu l'occasion de parler beaucoup, d'échanger beaucoup de propos, évidemment, dans ces derniers temps. D'ailleurs, je salue aussi leur dynamisme et la vigueur de leur travail. Je pense que ce sont des gens très convaincus de leurs représentations.

Peut-être une petite question plus particulière à M. Lavattée, qui était le premier intervenant. C'est concernant la possibilité, en fait, même plus la possibilité maintenant, c'est un engagement de s'engager dans une réforme du système - je le disais tantôt - sous réserve d'un mandat confirmé par l'Assemblée nationale avec nos règlements. Mon intention, en tout cas, c'est de me soumettre à la commission de l'économie et du travail pour réviser la loi sur les relations du travail de la construction, dès cet automne. J'étais même ouvert à une commission publique, rogatoire, même à travers la province, et ce qui s'est, à ma connaissance, peu fait, mais elle pourrait même être télévisée pour montrer le sérieux cette fois-ci de s'interroger sur cette loi, sur ses mécanismes qui me semblent, m'apparais-sent défectueux sur plusieurs aspects.

Il y a peut-être des aspects qui sont valables, mais il y en a d'autres qui sont certainement à corriger. Sous l'angle, ce qu'on appelle le rapport de forces, il me semble, effectivement, que toute l'histoire, depuis 1969, démontre, semble démontrer en tout cas, que c'est le gouvernement qui, en l'absence des ententes entre les parties, qui ne se produisent pas souvent, est obligé, d'une manière ou d'une autre, de décréter, même des fois, des lois spéciales. Il y a eu un vide juridique en 1986. C'est le plus près de nous. Je pense que c'a duré neuf ou dix jours, et cela a dû se terminer par une loi spéciale.

Est-ce que, M. Lavallée, il apparaîtrait, pour vous - je comprends que la question est peut-être un peu prématurée, mais je sais qu'on souhaite une réforme. Est-ce qu'il y a un aspect, à vos yeux, sur lequel on devrait déjà s'interroger à l'intérieur de la loi, des mécanismes à corriger que vous seriez capable d'indiquer à ce stade-ci, dans cette dénonciation du système que l'on fait tous? Mais, est-ce qu'il vous apparaît déjà un élément, ou certains éléments sur lesquels il vous semble que ça n'a pas de bon sens?

M. Lavallée: C'est clair que nous aussi on va sortir nos vieux mémoires qu'on a déposés en 1984 et d'autres mémoires qu'on a déjà déposés concernant la négociation. Mais il est clair que cette forme de négociation actuelle, avec uniquement une association patronale unique, qui ne veut pas respecter les mandats de plusieurs de ses membres, va toujours arriver à l'affrontement. Je vous disais qu'avant 1969, il y avait une structure. Je ne dis pas que c'était la structure parfaite, mais ce genre de structure avait quand même démontré que, durant une quinzaine d'années, il n'y a pas eu de grève. La loi 290 est arrivée et quand elle, a été mise sur pied, c'a été bon en ce sens qu'on a au moins réussi à uniformiser les salaires, que ce soit pour un travailleur en Gaspésie, à Montréal ou ailleurs.

Il y a des choses intéressantes qui sont arrivées, mais lorsque la loi a été mise en vigueur, ce n'était pas le même processus qu'aujourd'hui. Il y avait les associations patronales qui existaient et, au fil des années, c'a été modifié pour créer l'association unique. Ils n'en voulaient même pas; elle a été imposée, si je me rappelle bien, par le ministre Johnson.

Donc, il y a des choses à revoir dans ça. Je pense qu'il va falloir regarder sérieusement les tables sectorielles, puis regarder les associations patronales pour que, lorsqu'on négocie, on négocie avec nos vis-à-vis, et qu'ils sachent exactement de quoi ils parlent. Tant et aussi longtemps qu'on aura ce genre de régime-là, je ne pense pas qu'on puisse en arriver à des ententes, à moins, encore une fois, qu'on laisse les forces s'affronter.

Dans l'industrie de la construction, si on fait une grève et qu'elle ne fait pas mal, on ne réussira jamais à obtenir des choses. Au moment où on a obtenu des conditions différentes, des choses importantes comme le régime de retraite et tout, c'a été après certains moyens de près-

sfon et certaines grèves qui n'ont pas duré tellement longtemps. Vous parliez de 1986; après neuf jours de grève, le ministre est intervenu, mais là aussi il avait dit: Si vous ne vous entendez pas - je me rappelle - je vais être obligé d'intervenir. C'a été fini. Dès qu'il a dit ça, la partie patronale s'est assise là-dessus et elle a attendu que le ministre intervienne et c'est là qu'il nous a passé la loi spéciale et qu'il nous a dit: Décret de trois ans, à moins que vous vous entendiez. On avait deux mois, on s'est entendu. J'ai dit tout à l'heure que j'avais un "gun" sur la tempe, c'est vrai, ce n'était pas un "gun", c'était un bazooka. On a été obligé d'accepter. À ce moment-là même on nous avait promis encore une réforme pour regarder tout ça, l'industrie de la construction. J'espère bien que cette fois-ci, M. le ministre, ce sera la vraie réforme, mais je suis convaincu qu'il faut changer l'association patronale unique AECQ, puis remettre aux associations le mandat de négocier, par tables sectorielles.

L'AECQ disait tout à l'heure que c'est lourd. Je connais un petit moins que vous le régime de la fonction publique, mais il y en a combien de tables sectorielles à la fonction publique? Et vous réussissez quand même à conclure des ententes. Ce n'est pas parce qu'il y a 23 tables dans la construction que c'est lourd. 23 tables, moi, je trouve ça relativement petit C'est très facile d'en arriver à des ententes quand il y a une bonne volonté, mais ce n'est pas lourd la négociation de la construction. Ce n'est pas vrai qu'on négocie d'un couvert à l'autre à chaque fois. Yves le mentionnait tout à l'heure, on a quand même parti avec au-delà de 170 statu quo et on n'a même pas pu avoir de vraies négociations sérieuses. On a passé notre temps à expliquer nos demandes. Il y a à peine eu cinquante heures de discussion.

Le Président (M. Bélanger): Merci M le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, je voudrais demander à la FTQ-Construction, à l'égard d'une refonte possible de la loi, vous avez mentionné les tables sectorielles et le monopole patronal de négociation. Mais ma question est: Quelle que soit la réforme qu'on fasse, si la règle c'est que le gouvernement ne permet jamais aux rapports de force de s'exercer, ne pensez-vous pas qu'on revient...

Une voix: À la même chose.

M. Bourdon: ...au point de départ, en ce sens que si l'idée c'est qu'il ne faut pas que, dans ce secteur, qui est un secteur privé, où la sécurité et la santé du public ne sont pas en cause, qu'il ne doit jamais y avoir des rapports de force obligeant les parties à s'entendre, parce qu'il y a un poids des deux côtés, quelle que soit la manière dont on refait la marmite, est-ce qu'on ne se retrouve pas devant le même dilemme qui est celui qu'on vit souvent et depuis longtemps? (11 heures)

M. Paré (Yves): C'est clair. Qu'on mette les carcans, les obligations, les processus qu'on voudra si, au bout de la ligne, on se garde le pouvoir de décider pour les parties, ça ne peut pas avancer. On comprend que l'industrie de la construction c'est une industrie très importante au Québec, je pense qu'on est assez mature pour en prendre conscience, mais on comprend aussi que l'industrie de la contruction c'est une industrie privée. S'il y a des endroits, un chantier quelconque où c'est un service essentiel, qu'on en discute. Je pense qu'on est assez mature, mais c'est une industrie privée, qu'il n'est pas question de vie ou de mort pour les personnes. Il est question de délais, mais si on ne peut pas exercer le moyen ultime - on ne vise pas une grève - qui est ce moyen de pression-là, une grève, aussi bien ne pas négocier. Ce n'est pas une fin, la grève; c'est un moyen ultime. Or, on ne vise pas ça. Si, chaque fois, au bout de la ligne, quelqu'un nous dit. Les petits gars, si vous ne faites pas ça, vous allez y goûter - et peu importe la partie - tout le monde s'attend à y goûter. Et ça, il va falloir à un moment donné que ça cesse. Il va falloir qu'on trouve un mécanisme pour dire: On va laisser le rapport de forces s'exercer comme ça existe ailleurs. À l'heure actuelle, en Ontario, les plombiers et les électriciens sont en grève. On n'a pas vu de morts nulle part. On n'a pas entendu.. Il y a 15 000 électriciens et environ 10 000 plombiers qui sont en grève en Ontario à l'heure actuelle. Est-ce que c'est la mort? Pas du tout, ils vont s'entendre. Ils vont négocier leurs conditions de travail. Le processus... Si à la fin on ne peut pas conclure la convention sans l'intervention, peu importe ce qu'on va mettre dans la loi, ça ne changera rien.

M. Lavallée: D'ailleurs, on a déjà démontré notre bonne foi. En 1976, construction du Stade olympique, les Jeux... On est en retard dans le travail. La convention collective expire le 30 avril. Lo gouvernement nous rencontre. C'était M. Harvey qui était le ministre du Travail du temps. Il nous dit: Écoutez, il faut prolonger le décret, sinon on n'est pas capable d'arriver à temps pour les Jeux olympiques. Finalement, on a pris notre responsabilité. Ça n'a pas été facile. C'était une bonne période. Les gens avaient travaillé et ils avaient de l'argent. Ça faisait plusieurs mois, plusieurs années, qu'ils avaient du travail. On a fait des assemblées et notre monde a accepté la prolongation pour permettre de finaliser la construction des installations des Jeux olympiques. Et il y a eu vide juridique en 1976, à compter du mois d'août et on a signé la convention collective au début décembre. On n'a

pas tout viré la province à l'envers.

La même chose s'est répétée en 1979. Je pense que si on modifie notre régime de négociation et qu'on ne nous permet pas d'exercer le rapport de force, c'est clair que ça ne changera rien.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: ...c'est assez habile, de la part du ministre, de nous amener dans le futur, mais j'aimerais qu'on discute du présent. Parce que ce soir il va rédiger un décret. Il n'a pas le choix. C'est sa responsabilité en vertu de l'article 51 de la loi, dès qu'il s'approprie du droit de vous convoquer. Qu'est-ce que ça prendrait dans ce décret, ce soir à minuit pour que ça soit acceptable?

M. Paré (Yves): M. le Président, ça nous prendrait le pouvoir de négocier et d'exercer notre rapport de force. Tout ce que ça prendrait c'est que le ministre dise, cet après-midi ou ce soir: Messieurs, négociez. À compter de mardi matin, vous êtes tout seuls comme des grands garçons et amusez-vous. Réglez votre problème. Je vous garantis, je suis persuadé d'une chose, qu'on va avoir deux parties qui vont se contacter et qui vont essayer de régler le problème. Ce n'est pas plus que ça. Que le ministre nous donne 80 % de nos demandes, on n'a pas réglé la base principale qui est celle d'un droit fondamental qu'on a de négocier et d'exercer notre rapport de force, notre droit qui est fondamental.

M. Chevrette: Dans le principe, M. Paré, je vous suis. Mais je suis un gars très pragmatique et très pratique. Je comprends que vous allez lutter jusqu'à la mort pour conquérir votre droit le plus fondamental, un droit inaliénable, un droit qui fait partie des conventions internationales, à savoir celui de négocier, mais ma question n'est pas là. Et je vous demande de ne pas faire le politicien, de me répondre en syndicaliste...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: ...parce que les politiciens répondent rarement apparemment. La question est la suivante. Ce soir, sur le plan pratique, vous allez avoir des conditions de travail dans ça. Est-ce que vous vous attendez à quelque chose sur le plan de la préretraite? Est-ce que vous vous attendez à quelque chose sur le plan du rapport Picard? À combien vous attendez-vous au niveau de l'indexation? Qu'est-ce que vous attendez au niveau de l'ancienneté? C'est quoi? Y a-t-il de choses que vous pouvez nous passer comme message pour qu'on puisse parler au ministre, nous autres aussi?

M. Paré (Yves): II y a quand même des échanges qui ont été faits. Il avait été suggéré... L'an passé, quand on a signé l'entente d'une année, le ministre nous avait dit: Écoutez, vous reprenez la négociation; si vous ne vous entendez pas et que vous ne faites pas votre job, je vais vous nommer un conseil de médiation et son rapport, ça va être la convention. Comme on n'a pas de mémoire de déposé, mais on a une bonne mémoire, on s'est rappelé de ça. Et, on dit: Un conseil de médiation qui ferait un rapport à l'intérieur de trois mois, qui forcerait, qui aurait un pouvoir de forcer les parties à venir négocier, on pense que ça pourrait peut-être satisfaire plus de personnes, que de nous mettre l'abaissement de l'âge de la retraite, et ces choses-là. Le principe de base, c'est de laisser les parties pouvoir régler.

M. Chevrette: Je reprends ma question. M. Paré (Yves): Oui.

M. Chevrette: Je suis aussi tenace que vous l'êtes, M. Paré.

M. Paré (Yves): Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Vous avez dit... Vous commencez à répondre, je pense, mais il vous en manque un petit bout. Vous parlez d'un conseil de médiation. C'est donc dire un conseil de médiation qui va ajouter au contenu du décret que le ministre ferait ce soir. Mais dans son décret de ce soir, que devrait-il mettre?

M. Paré (Yves): S'il veut mettre... Si on s'en va sur une discussion de trois mois, il faut qu'il y ait des choses, bien sûr, à l'intérieur. Qu'on parle d'augmentation de salaires, qu'on parle de l'abaissement de l'âge de la retraite, qu'on parle, contrairement à ce qui a pu être déclaré le 17 mai dans le rapport Picard, le porte-parole du ministère qui dit qu'ils peuvent bien créer des commissions, ils ne sont pas obligés de les suivre; ça, c'est décevant.

M. Chevrette: Qui a dit ça?

M. Paré (Yves): Bien, je ne le sais pas, dans Le Devoir: "Interrogé sur l'impact du rapport Picard sur le décret à venir, le porte-parole du ministre Séguin s'est, pour sa part, contenté d'affirmer avec force: Ce n'est pas parce qu'un rapport est rendu public qu'il est ratifié tout de suite ou qu'on lui donnera suite." Ça, ça nous a mis très perplexes. Alors que l'an passé, on avait mis beaucoup d'espoir dans la création d'une commission d'enquête pour établir le système de stabilisation du revenu et d'emploi

des travailleurs de l'industrie de la construction, la question qu'on s'est posée hier, quand on a mis lu ça dans le journal: Est-ce que c'est l'an passé que ce n'était pas sérieux ou si c'est cette année? On pense qu'il y a des obligations qui ont été données à l'effet que, oui, le rapport Picard devrait être contenu dans une extension possible du décret de la construction. Ça, c'est clair, officiel et précis, parce que, sans ça, on aurait créé une commission pour établir un système de stabilisation du revenu et d'emploi inutilement. On espère que ce rapport-là ne sera pas un rapport auquel on n'aura pas à lui donner suite, mais qu'on va lui donner suite.

M. Chevrette: Ah! Il y a eu un rapport qui a précédé le rapport Picard, qui est le rapport Cliche. Un des derniers chapitres traitait strictement de la sécurité du revenu, vous avez entièrement raison. D'ailleurs, c'est cité ce matin par...

M. Paré (Yves): ...parVennat.

M. Chevrette: ..par Vennat de La Presse. Donc, là-dessus, je vous suis, mais il y a une clause, par exemple, que le rapport Picard n'a pas produite. Est-ce qu'une clause ouverte ou de réouverture de convention ou de décret au moment où le rapport sortirait, vous satisferait un peu?

M. Paré (Yves): Dans un décret qui dirait que le rapport Picard doit être inclus dans la convention collective de travail...

M. Chevrette: Oui

M. Paré (Yves): Oui, bien sûr. Si c'est inclus!

M. Chevrette: Inclus ou négocié suite à sa parution, je ne sais pas.

M. Paré (Yves): Oui, mais négocié dans une ouverture d'un décret qui ne donne rien au bout

M. Chevrette: Ouverture, avec un mécanisme...

M. Paré (Yves): Ah! Avec un mécanisme.

M. Chevrette: Je vais vous donner un exemple. J'ai négocié un petit peu, quelquefois dans ma vie.

M. Paré (Yves): Oui.

M. Chevrette: Ça se fait dans un décret, une clause de réouverture de contrat. Dès la parution du rapport Picard, les deux parties seront conviées à une négociation et, à défaut d'entente, il y aura un arbitre qui tranchera.

Bout! C'est une clause, ça; ça se fait. Ce n'est pas compliqué.

M. Paré (Yves): Oui

M. Chevrette: Ça ne prend pas un décret gouvernemental pour écrire ça; ça prend un gars brillant un peu, sur les bords.

M. Paré (Yves): C'est exact.

M. Chevrette: Et ça fait une clause de réouverture, ça fait une entente possible.

M. Paré (Yves): Oui.

M. Chevrette: Ça vous "irait-u " ça?

M. Paré (Yves): Oui.

M. Chevrette: M. le ministre, pourriez-vous en prendre note s'il vous plaît?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Séguin: Me permettez-vous d'intervenir?

M. Chevrette: Bien oui.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît. M. le ministre.

M. Séguin: Je pourais demander à mon collègue pourquoi il ne l'a pas fait pendant qu'il était au pouvoir, pendant 10 ans.

M. Chevrette: C'est parce que je n'ai pas été ministre du Travail, parce que ça serait fait.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Chevrette: Avez-vous d'autres questions?

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Séguin: Oui, je vais continuer mon intervention.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M le ministre, si vous voulez continuer votre intervention.

M. Chevrette: Je suis considéré comme potentiellement capable de prendre votre place.

M. Séguin: Ah! il n'y a pas de doute, mais pas avant une quinzaine d'années, je pense bien!

M. Chevrette: Non, non, ça s'en vient, dans deux ans là, regardez monter ça!

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Séguin: Effectivement, dans le rapport Cliche, il y avait toute une thématique. Et, pour reprendre ce que vient de dire M. Paré, le mandat qui a été donné à la commission Picard-Sexton, je rappelle que c'est une commission du gouvernement du Québec avec des commissaires. C'est une commission importante pour étudier les modalités d'un système pour la stabilisation du revenu et de l'emploi, et, pour le concept stabilisation du revenu et de l'emploi, on s'était inspiré du rapport' Cliche. À date, on s'en souviendra, MM. Paré et Lavallée étaient là, on avait convenu d'un mandat jusqu'à la fin février pour la commission. Je pense qu'on a réalisé tous qu'il n'était pas faisable pour la commission et la commission m'a demandé de prolonger à ce moment-là parce qu'ils ne pouvaient pas, en quelques mois, élaborer tout un chapitre et des modalités sur un système qui est très complexe. J'ai accepté de prolonger, à la demande de la commission, jusqu'au 30 juin. Et à date, le rapport n'est pas déposé. Il y a eu des discussions récemment de la part des commissaires avec les parties pour informer des quelques orientations qui sont, à date, retenues par la commission, mais on sait que les modalités sont fort complexes et qu'on ne peut pas, techniquement - et remarquez que le gouvernement, pour être logique avec lui-même, et surtout pour avoir engagé des fonds publics importants dans cette commission, je le souligne, deux fois, très importants, peut-être pas autant que 2 000 000 $, mais plusieurs centaines de milliers de dollars à même les fonds publics - je vous avoue que le gouvernement serait dans une drôle de situation aujourd'hui de dire qu'avant le rapport soit fait on adopte quelque chose alors qu'on ne sait pas ce qui est dans le rapport. Je ne le ferai pas mais, si je voulais, je pourrais demander à M. Paré: Bien, qu'est-ce qu'on met? Vous dites: II faut mettre de quoi. Je vous demanderais: Bien, c'est quoi?

M. Lavallée: M. le ministre, Yves répondra à ça. Je ne sais pas si vous avez fait un lapsus sur le mandat de la commission, mais le mandat de la commission, on en a discuté à peu près à 32 reprises ensemble. Ce n'est pas d'étudier, les modalités d'implantation d'un système de stabilisation du revenu et de l'emploi. Je me rappelle le texte par coeur.

M. Séguin: Ah oui, oui, c'est ce que j'ai dit.

M. Lavatlée: Vous aviez dit tout à l'heure "étudier". Donc...

M. Séguin: J'ai parlé des modalités de toute façon mais vous conviendrez avec moi que pour avoir... Maintenant, vous connaissez les orientations du rapport et je pense que vous n'êtes pas déçus.

M. Lavallée: Non, mais étudier... La question nous avait été posée à plusieurs reprises par les journalistes. On avait dit: Non, ce n'est pas une commission pour étudier, c'est plus une commission pour établir des modalités.

M. Séguin: C'est ça, c'est pour recommander au gouvernement les mécanismes appropriés. Et c'est ce qu'on attend.

M. Paré (Yves): On n'est pas déçus du rapport Picard, M. le ministre. Ce qui nous a chicotés, c'est le dernier paragraphe de l'article du Devoir, du jeudi 17 mai. Ça, ça nous chicote, par exemple. Et on nous parle d'une prolongation, d'une intervention du gouvernement le 21 mai alors que le rapport n'est pas déposé dans une possible extension de deux ans ou trois ans d'un décret de la construction. Est-ce que ce rapport va rester sur la tablette? La question est là. Est-ce qu'on est satisfait du rapport? Oui, je peux bien être très satisfait de ce qu'il y a, de ce qu'on nous a dit, qu'on n'a pas lu mais qu'on nous a dit, mais si on le prend, tous les bouquins, qu'on le met sur la tablette et qu'on ne peut pas en parler avant trois ans! Ce petit paragraphe-là confirmerait qu'on a été dupés l'année passée. C'est aussi simple que ça. Alors, est-ce qu'on peut trouver un mécanisme sans, les yeux fermés, implanter immédiatement le régime? Au moins, partir les régimes avec les quelques modalités que, je pense, le. commissaire que vous avez nommé pourrait vous donner verbalement sans avoir à déposer globalement toutes les mesures législatives à apporter pour implanter le régime. Mais il me semble qu'il pourrait y avoir le départ. On sait qu'il y a de l'argent à mettre dedans. Il y a quelques mécanismes de discussion ou de processus dans les modalités. Or, je pense que M. Picard pourrait facilement vous dire deux ou trois points qu'il faudrait mettre au décret actuellement pour que le régime prenne vie. Et je pense qu'à la lumière des explications qu'on a eues, verbalement, bien sûr, de M. Picard, et, je pense, que toutes les parties dans l'industrie ont eues, c'est quelque chose de facilement faisable. Il y a au moins une confirmation; il n'est pas, ce n'est pas le régime intégral préconisé par la FTQ-Construction et la CSN, mais c'est un régime basé sur un supplément à l'assurance-chômage avec d'autres modalités qui sont, à notre avis, acceptables, juste entre parenthèses encore, sur ce qu'on nous a expliqué. C'est vrai qu'on n'a pas les textes. Mais, sur ce qu'on nous a expliqué, on pense qu'il y a des choses qui peuvent être faites immédiatement avant la production du rapport. Si on se dépêche d'exten-

sionner le décret, de prolonger ou d'imposer un décret pour trois ans et que, parce qu'on n'a pas le rapport officiel écrit, on ne peut rien mettre dans le décret, M. le ministre, on va être encore plus extrêmement déçus parce que ça va être l'année passée qu'on va s'être fait jouer et non pas cette année. (11 h 15)

M. Séguin: J'aimerais que vous me disiez, sur ce sujet, pourquoi vous associez directement la commission Picard-Sexton au décret? Qu'est-ce qui empêche que, au dépôt du rapport, le gouvernement procède à l'examen du rapport et détermine la suite à donner? Pourquoi présumer d'avance de conclusions qu'on n'a pas, établir un régime dont on ne connaît pas les modalités, dont la faisabilité n'est pas établie encore, alors que rien n'empêche, strictement parlant, que la commission finisse ses travaux et fasse ses recommandations au gouvernement? Comme dans toute chose, je me rappelle du Fonds de solidarité de la FTQ à l'époque, pour l'avoir suivi, non pas parce que j'étais membre du gouvernement, mais parce que j'étais membre dans une pratique fiscale et, pour en avoir étudié les modalités à l'époque, il n'y aurait jamais été pensable que le Fonds de solidarité existe dans ses modalités et que, après, on détermine la réglementation à suivre un an ou deux plus tard. Je pense que, dans toute chose, dans tout régime, le régime proposé s'adresse à toute l'industrie, obligerait l'ensemble des employeurs à des choses pour créer un fonds qui, on le sait, selon différents paramètres, pourrait générer plusieurs dizaines de millions de dollars par année.

Donc, ce n'est pas quelque chose qui se crée comme ça rapidement, et vous en convenez, je pense. Et même les commissaires se prémunissent contre la tentation de conclure à la facilité; ils disent qu'il y a encore énormément d'éléments à travailler sur le plan technique, que ça touche plusieurs lois et plusieurs obligations. Donc, au sérieux de la commission Picard-Sexton, comme je le disais tantôt, qui est un mandat public donné à des commissaires, pourquoi voulez-vous, en quelques heures, conclure à des éléments dont on ne peut pas avoir la démonstration et qu'est-ce que ça empêche que le gouvernement en fasse l'examen en profondeur avec vous et puisse, tout à fait indépendamment du décret ou de ce qui se passe au niveau de la convention collective, établir ces modalités en toute logique, après examen des choses, comme le gouvernement le fait dans l'ensemble de ses dossiers? C'est sûr.

M. Lavallée: Moi, M. le ministre, je serais bien content que vous nous disiez que, dès que le rapport va sortir, vous allez tout de suite enclencher le processus et mettre en vigueur le rapport Picard-Sexton. Mais, par contre, il n'y a rien qui empêche, au moment où on se parle, avec les indications qu'on a de Picard, de commencer à bâtir le fonds. Selon Picard, ça prend une couple d'années pour bâtir ce fonds-là à raison de certains montants qu'il suggère de 0,50 $ cette année et de 0,50 $ l'année prochaine. Donc, il n'y a rien qui empêcherait que vous mettiez dans le décret que le fonds soit créé. Et, si ça nous prend un an, un an et demi ou deux ans au maximum, parce que la suggestion, c'est de commencer à défrayer des coûts supplémen taires à l'assurance-chômage ou au fonds de pension à cause que c'est un régime mixte, il n'y a rien qui empêche de commencer immédiatement à mettre le fonds sur pied et, si ça prend un an ou un an et demi à faire la réglementation, à regarder les lois que ça affecte, à ce moment-là enclencher ce processus-là. Mais, au moins, si, d'ici un an et demi, on a réussi à faire la réglementation, à 100 000 000 d'heures de travail par année, on aurait déjà quand même au-delà de 100 000 000 $ d'accumulés dans le fonds. Si on attend dans un an et demi pour commencer à créer le fonds, ça veut dire qu'on va commencer à retirer du solde dans quatre ans. Donc il n'y a rien qui empêche le ministre, au moment où on se parle, de dire: Oui, on va commencer à créer le fonds; vous le savez, et il l'a dit à toutes les parties, incluant l'AECQ, que sa recommandation, le contenu de son rapport serait ça et qu'on n'aurait pas de surprises au moment où il va sortir C'est un fonds supplémentaire à l'assurance-chômage avec une partie, dépassé un certain temps, qui serait versée au régime de retraite du travailleur en question pour l'incitation et que, pour faire ça, il recommande, lui, que ce soit 0,50 $ cette année, 0,50 $ l'année prochaine. Bâtir un fonds qui prend deux ans et, à partir de là, on commencerait à payer. Ça, il nous l'a dit à tout le monde. Donc, le minimum qui devrait être fait au moment où on se parle c'est d'inclure dans le décret le fonds.

Le Président (M. Bélanger): M le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Séguin: J'avais une dernière question et, après ça, je laisserais le temps de parole.

Le Président (M. Bélanger): Ah! O.K. On va laisser M. le ministre terminer. Je vous en prie.

Une voix: II n'y a pas de problème.

M. Séguin: Juste pour finir mon intervention.

Une dernière petite question très brève On a parlé tantôt du rapport de force, etc. J'avoue que c'est l'élément qui m'intéresse à travailler dans la réforme qu'on va faire cet automne pour rééquilibrer, je pense, ce rapport de force qu'on souhaite.

M. le député de Joliette posait une question que je trouve quand même intéressante, à savoir:

Ce soir ou demain, vous souhaitez un rapport de force, le vide juridique, donc, vous pourriez souhaiter que le gouvernement ne fasse pas de décret, laisse mourir la convention collective et laisse les parties dans un rapport de force, lock-out, droit de grève.

Ma question est celle-ci: Est-ce que vous ne croyez pas que, dans l'état actuel de l'industrie de la construction des chantiers, dans l'état actuel aujourd'hui, au moment où on se parle, dans les prochains jours un tel rapport de forces, qui s'exerce ou non, pourrait amener pour l'intérêt public, à cause des réactions que ça pourrait causer, est-ce qu'il n'y a pas un danger - je pose la question avec beaucoup de souplesse - qu'à ce moment-là ça oblige le gouvernement à intervenir par une loi spéciale comme ça s'est fait dans le passé quand il y a eu des vides juridiques, l'exercice d'un rapport de forces, alors que les chantiers sont déjà actuellement perturbés, c'est le moins qu'on puisse dire? Est-ce que ça n'ajouterait pas, à ce stade-ci, le 21 mai, un rapport de forces qui s'exercerait entre les • parties, est-ce que ça ne provoquerait pas une congestion complète de toute l'industrie et est-ce que l'intérêt public, l'intérêt de la population, des citoyens, ne commanderait pas au gouvernement à intervenir à un moment donné ou à un autre par une loi spéciale? Est-ce que ce n'est pas un danger? Est-ce que ce n'est pas pire comme scénario à ce moment-là que... Vous voulez un rapport de forces, j'en conviens, et c'est la recherche qu'on fera dans la réforme, je vous le dis tout de suite. Mais, au moment, aujourd'hui, où on se parle, si on parle des solutions que nous avons, est-ce que vraiment un rapport de forces, lundi . matin, est susceptible de ramener une négociation entre les parties ou si ce n'est pas susceptible de créer un tel affrontement qu'on se dirige vers une loi spéciale?

M. Paré (Yves): De la façon que vous l'expliquez, M. le ministre, je suis persuadé... Être l'AECQ, je dirais: Laissez tomber le décret, vous allez revenir avec une loi spéciale dans une semaine. C'est clair. Vous dites: Si on laisse tomber le décret et que vous exercez votre rapport de forces, vous ne pensez pas que le gouvernement va intervenir avec une loi? Bon, bien, si' c'est ça le processus d'exercer un rapport de forces, être l'AECQ, je vais dire: On va "toffer" encore une semaine de plus parce que ça va être une loi spéciale.

Le problème est là. Est-ce qu'il y a une obligation, des personnes dont la sécurité et la santé sont en danger si on exerce un rapport de forces? Si la réponse est négative, si on met en danger la santé et la sécurité des gens du public, oui. On met en danger des problèmes financiers des entrepreneurs, oui. Mais, pour ça, il va falloir avoir quelqu'un qui prenne au sérieux, de dire: On s'asseoit et on les règle. Ce que je pense, et très honnêtement, c'est que si le vide juridique se faisait, les chantiers reprendraient immédiatement, mais qu'il y ait un vide juridique sans, peut-être, une intervention du gouvernement, l'AECQ viendrait s'asseoir et, en-dedans d'une semaine, je peux vous garantir qu'ils auraient trouvé des solutions au problème. Ça, je suis persuadé qu'ils en auraient trouvé des solutions au problème et qu'ils en trouveraient. Au moins, ils en chercheraient. Quand on dit qu'on dépose une proposition, que le conciliateur demande: Est-ce qu'on peut maintenant commencer à discuter sur les points non, où il n'y a pas d'accord, et que la partie répond, comme toute discussion de négociation: Pas de commentaire, que le conciliateur dit: Messieurs, je vous demande de prendre un caucus et de réfléchir. Qu'on prend chacun un caucus, la partie syndicale, on revient, on dit: M. le conciliateur, on est prêt à prendre tous les points où il n'y a pas d'entente et à en. discuter. On est prêt à en discuter.

La réponse patronale: Pas de commentaire à nouveau. C'est une offre globale, finale. Quand on nous dit qu'on a des intentions très honnêtes et de bonne foi de vouloir négocier, c'est faux parce qu'ils savent que le gouvernement va intervenir et imposer des conditions de travail inférieures à ce qu'il aurait à donner si on leur tordait un peu les bras. C'est clair. La négociation, c'est du tordage de bras. On a vécu ça pendant 43 heures, l'an passé, M. le ministre. On a eu une entente. Je pense qu'on a eu une bonne décision de prise l'année passée. Sauf que le malheur de tout ça, c'est qu'on revient au point de départ. C'est rien que ça, le problème. On était de bonne foi. On était enthousiastes, l'an passé, de dire: On va avoir une véritable négociation. On a un an pour s'entendre. On a rencontré le Conseil provincial. On l'a supplié d'embarquer avec nous autres pour faire un vrai fonds. Oui, c'a été un mariage de raison. Mais on a eu l'honnêteté, M. le ministre, de discuter entre nous autres. On n'était pas toujours d'accord sur des sujets. Mais au moins, on a eu l'honnêteté de discuter entre nous autres, de mettre de l'eau dans notre vin. Je peux vous dire que les trois associations syndicales, l'expérience qu'on a vécue entre nous autres, on est au moins capables de se parler, de bien se parler et de défendre les intérêts des travailleurs. Mais, pour ça, on ne peut pas le faire tout seuls. Ça prend quelqu'un en face de nous autres. Et quelqu'un qui, à un moment donné, a suffisamment de pression et surtout, une intention ferme de vouloir régler le problème dans l'industrie de la construction, qui est assis en face de nous autres et qui dit: Oui, on va le régler. C'est ça que ça nous prend.

M. Lavallée: Deux petites secondes.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Lavallée: II faut toujours garder en mémoire qu'en 1976, on a vécu quatre mois avec un vide juridique. On n'a pas eu de loi spéciale. On a signé une convention collective qui a été extensionnée en décret. Même chose en 1979: neuf mois, vide juridique, pas de loi spéciale et on a signé une convention collective.

M. Séguin: Peut-être... Pardon.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, le temps est écoulé, à moins que j'aie un consentement. Consentement? Oui.

M. Séguin: Dix secondes.

Le Président (M. Bélanger): Très rapidement.

M. Séguin: Dix secondes. Juste sur le point qui est soulevé. Je l'entends souvent et je le comprends, à savoir: Est-ce qu'il est d'intérêt public, est-ce que le rapport des forces s'exerce et dérange l'intérêt public? On semble dire que c'est l'entreprise privée, qu'il n'y a personne qui met en péril sa santé, sa sécurité. Peut-être. Mais, d'un autre côté, je ne suis pas convaincu qu'il n'en va pas de l'intérêt public. Lorsque ça ne va pas dans l'industrie de la construction, je pense que l'ensemble de la population est inquiet. Je pense qu'il faut admettre qu'un conflit de travail, une grève ou un lock-out, ou une absence de travail dans la construction, indépendamment de qui c'est la faute, crée immédiatement un dommage considérable à l'économie et à l'ensemble de la population.

Je pense que sous cet angle-là - et la loi est très claire à l'article 51 - l'un des devoirs du ministre du Travail aussi, c'est de réagir par rapport à l'intérêt public. Je pense que tous les gouvernements qui se sont succédé ont toujours été extrêmement sensibles sur ce point-là. C'est le devoir des élus. Moi, je suis un élu. Je suis le député de Montmorency. Et dans les considérations que j'ai, j'ai un équilibre à rechercher entre l'intérêt des deux parties dans leurs négociations. J'ai aussi une très forte responsabilité vis-à-vis de l'intérêt public. Ça, je ne peux pas fermer les yeux sur l'intérêt public. Voilà. Merci.

M. Paré (Yves): Je comprends, M. le ministre, qu'il y va de l'intérêt public. Mais il ne faut pas non plus embarquer dans une psychose. Puisqu'il y en a déjà eu, en 1976, des vides juridiques, il y en a eu en 1979. Est-ce que vous vous rappelez de quelque chose d'extraordinaire qui s'est passé en 1976, après l'extension de trois mois? Est-ce que quelqu'un peut se rappeler qu'il y a eu des bâtisses qui ont sauté, quelque chose du genre? Pas du tout. Il y a eu l'exercice intelligent d'un rapport de forces. En 1979, entre le 1er août 1979 et le 12 mai 1980, on était dans un vide juridique. Est-ce que quelqu'un se rappelle qu'il s'est passé quelque chose d'extraordinaire dans ces huit ou neuf mois-là? Je ne pense même pas que personne se souvienne qu'on a eu le droit de grève entre le 1er août 1979 et le 12 mai 1980, alors qu'on a signé une convention collective de travail.

Alors, je pense qu'on est des gens suffisamment matures pour, bien sûr, ne pas nous sacrer de l'économie du Québec. Mais l'économie du Québec ne repose pas que sur les 100 000 travailleurs de l'industrie de la construction. Elle repose sur d'autres secteurs d'activité. Mais pourquoi? Qu'on nous dise clairement ça, ça serait beaucoup plus simple - oui, je coupe - que l'industrie de la construction est un service essentiel au Québec. Personne n'a le droit de faire des moyens de pression. Plus de droit à la négociation.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie de votre collaboration. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, le ministre a parlé de la sécurité du revenu et de la possibilité que le gouvernement intervienne même si le décret qui serait imposé pour trois ans ne comporterait pas d'ouverture là-dessus. Dans la mesure où un tel fonds suppose de l'argent à déposer - et on pense aux employeurs parce que le collègue du ministre au Trésor n'est sûrement pas dans des dispositions pour en faire un régime public, financé par les fonds publics, ce qui créerait, d'ailleurs, des problèmes dans d'autres secteurs de la société où il n'y a pas de régime de revenu... (11 h 30)

M. Chevrette: II aurait bien changé.

M. Bourdon: Ce serait donc une condition pour les employeurs et des salaires indirects pour les travailleurs; donc, une condition de travail. Je voudrais dire aussi que le juge Gold avait décidé, par arbitrage, d'un régime à l'époque qui touchait la sécurité d'emploi. Ce que mon collègue de Joliette mentionnait, c'est que ce serait pensable qu'il y ait dans le décret une période de négociation entre les parties avec un arbitrage qui lierait les parties sur quelque chose qui pourrait s'appliquer. Je pense qu'à cet égard-là, c'est une chose à regarder.

Par ailleurs, je voudrais ajouter, puis questionner nos interlocuteurs de la FTQ là-dessus sur la signification d'une offre globale de l'AECQ, le 20 avril, sur laquelle elle demande que les travailleurs se prononcent, puis d'une autre, après le 1er mai, quand le décret a été prolongé de trois semaines. Parce que j'ai un peu d'expérience des relations du travail: quand on cherche à s'entendre, des fois, on sollicite le conciliateur pour déposer des hypothèses de règlement. Quand on dépose des offres finales,

on laisse aller le temps, on dit: C'est ça ou bien, c'est rien.

Je finis avec une autre question: Est-ce que l'ancienneté des mises à pied, c'est une chose à laquelle vous tenez?

M. Paré (Yves): Oui. Lors du dépôt du 20 avril, la partie patronale nous a dit clairement: Ce n'est pas la convention chromée des représentants syndicaux, c'est la convention dont on pense que les travailleurs ont besoin dans l'industrie de la construction et on vous demanderait de laisser les salariés s'exprimer. On a pris le document, on l'a regardé, puis on a dit: On va aller le présenter aux travailleurs. Là, ils sont insultés. Ils nous disent que c'est pour les travailleurs. On dit: O.K. on va aller le soumettre aux travailleurs et ils décideront. On semble offusqués. On nous dit: On dépose un document, puis ce n'est pas votre convention chromée des représentants syndicaux, c'est aux travailleurs. Donc, on va laisser les travailleurs décider. Ils n'avaient pas à s'offusquer de ça.

Le 4 mai on nous dépose une autre proposition. On a même ajouté une clause humanitaire. Ils ont accepté de permettre aux travailleurs de la construction d'emprunter leur argent, comme paie de vacances, à la Commission de la construction pour aller suivre des cures de désintoxication. Sont-ils assez généreux! Ils ont accepté que les gars prennent leur argent pour aller suivre des cures de désintoxication. C'est le genre de changements qu'on a apportés après une vingtaine de jours.

On dit qu'on a déposé une convention sérieuse pour régler les problèmes dans l'industrie de la construction. Quand on dit que c'est le salarié qui va être responsable si un employeur ne détient pas un numéro, sa licence de la Régie des entreprises en construction, qu'on marque dans la convention qu'on n'aurait pas le droit de réclamer pour un salarié qui ne se serait pas assuré, lors de son embauche, que son employeur détient un numéro de la Régie des entreprises en construction du Québec, il faut être rendu assez loin en arrière. On n'est pas en 1990, je pense qu'on est en 1922. Le gars qui va dire au "boss" qui va l'engager: As-tu ton numéro d'employeur? J'ai l'impression que, lundi matin, il ne travaillera pas pour le "boss". Or, c'est ce genre de clauses que l'AECQ nous a proposées pour régler le travail au noir. On va "batter" le salarié, puis s'il va s'engager pour un gars qui n'a pas de licence, il paiera pour. C'est de la folie furieuse. C'est aussi simple que ça. On avait même suggéré qu'un travailleur qui ne se présente pas au travail un matin soit considéré comme ayant démissionné. C'est ça, il a démissionné. Or, c'est le genre de propositions pour régler les problèmes de l'industrie de la construction.

Quant à la clause d'ancienneté, à la définition de mise à pied, ce sont des choses impor- tantes pour nous. Quand on dit que la définition de mise à pied, c'a peut-être l'air curieux pour des gens... Quand, dans une convention collective de travail, l'employeur se sert d'une définition pour congédier du monde, soit parce qu'un employé a exigé son temps supplémentaire le samedi, ou parce qu'il a refusé de monter dans un échafaud qui n'était pas solide, puis que le "boss" lui a dit: Lundi matin, on n'a plus besoin de toi... Il se sert de sa clause de mise à pied pour un manque temporaire de travail. Il n'en a pas besoin pour deux jours: mise à pied, bonjour. C'est un congédiement déguisé et on dit: II faut pallier à ça. Il faut empêcher le travailleur d'être pris à la gorge, d'accepter des conditions moindres, sans ça, va-t-en. Parce que le mot d'ordre, aujourd'hui, c'est: Si tu n'es pas content, va-t'en travailler ailleurs. Dans une usine, le "boss" ne peut pas faire ça, parce que le travailleur a une protection; il a une clause d'ancienneté, il a des protections. On n'en a pas dans l'industrie de la construction. On ne demandait qu'une clause d'ancienneté par chantier, métier, spécialité ou occupation. On ne veut même pas d'une clause d'ancienneté "at large" de l'employeur. Sur ce chantier-là, le mécanicien de chantier que tu as embauché le premier, c'est le dernier que tu vas mettre à pied. Si on vient nous dire que ce sont des demandes farfelues, je pense qu'il y a des gens qui auraient un urgent besoin de se recycler.

M. Lavallée: Juste un autre exemple qui est flagrant aussi: Présentement à la Baie James, la semaine, c'est 50 heures à temps simple; après ça, 5 heures à temps et demi; après, temps double. On nous a offert 60 heures à temps simple à la Baie James. Ça, c'est la demande des travailleurs dans leur convention chromée, qu'ils appellent. Ils nous ont dit que la nôtre était chromée, mais la leur... Les travailleurs veulent, maintenant, à la Baie James, 60 heures à temps simple au lieu de 50 heures. C'est un non-sens.

M. Chevrette: O.K. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous voulez remercier nos invités.

M. Chevrette: Je vous remercie, messieurs. M. Séguin: Merci beaucoup. Des voix: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de l'économie et du travail remercie la Fédération des travailleurs du Québec pour sa participation à ses travaux et invite le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction.

Bonjour, messieurs du Conseil provincial du

Québec des métiers de la construction. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire et, par la suite, il y aura une période d'échanges avec les parlementaires. Je vous en prie, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Autant aux intervenants qu'au ministre, j'aurais une suggestion. Si on pouvait éviter... Parce qu'il reste quatre heures, au moins, potentiellement et l'ordre de la Chambre, c'est à 14 heures, si j'ai bien compris.

Le Président (M. Bélanger): Oui.

M. Chevrette: Et il reste à peine deux heures et demie pour quatre groupes. S'il y avait possibilité d'éviter les répétitions et qu'on aille au coeur même des objets que vous voulez traiter; et nous autres, on fera pareil, on essaiera, en tout cas. Je ne sais pas ce que vous en pensez. Prendre peut-être un peu moins de temps pour qu'on puisse avoir quelques minutes de plus pour vous questionner.

M. Pouliot (Maurice): Je n'ai pas d'objection, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez d'abord vous identifier et présenter vos...

Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International)

M. Pouliot: On va commencer par s'identifier comme il faut. C'est le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction International. Ce qui est le plus important, c'est "international".

Le Président (M. Bélanger): Bien.

M. Pouliot: Donc, je vais vous présenter les membres qui m'accompagnent. Il y a M Jean-Marc Morin, membre du comité de négociation du Conseil provincial, M. Gérard Cyr, Mme Francine Legault, agente d'information pour le Conseil provincial; M. Jean-Paul Caissy, membre du comité de négociation et, moi-même, Maurice Pouliot, président-directeur général du Conseil provincial.

Je pense que dans la situation actuelle, M. le Président, il est un peu déplorable qu'on soit encore une fois obligés de se présenter devant la commission parlementaire qui va, finalement, fixer les conditions de travail, ou qui devrait fixer les conditions de travail des quelque 110 000 travailleurs et travailleuses de l'industrie de la construction. On n'a sûrement pas à répéter ce qu'a mentionné, effectivement, la FTQ ou les autres associations qui vont le mentionner. D'ailleurs, on a un mémoire assez bien préparé et qui explique très clairement la position de l'International concernant les modifications à la loi.

Il est évident que le Conseil provincial a accepté de participer à une coalition On le dit assez clairement, c'est un mariage de raison qu'on a fait avec les deux autres centrales syndicales dans le but de conclure une convention collective pour les travailleurs et les travailleuses de l'industrie de la construction. Il faut le souligner, c'est effectivement une première. Il faudrait aussi mentionner qu'il y a déjà eu une prolongation de décret, un an avant celle de 1989. Le 15 novembre 1988, le Conseil provincial signait une prolongation de décret avec la FTQ et l'AECQ. Donc, il y a eu deux prolongations de décret et aussi, comme vous le savez, la loi 106 qui nous a, à toutes fins pratiques, enlevé, à ce moment-là, le droit à la libre négociation ou le rapport de forces dans l'industrie de la construction. Quant à nous, ce qu'on a demandé au ministre, c'est de laisser le vide juridique. D'ailleurs, on va revenir là-dessus

L'AECQ mentionne assez facilement que les demandes qui ont été déposées par la coalition, le 14 juillet, ça peut avoir un ou deux pieds d'épais. C'est vrai que c'est très volumineux, mais il faut aussi comprendre qu'on n'a jamais négocié dans l'industrie de la construction. Depuis les 10 dernières années, il n'y a pas réellement eu de véritables négociations. Il y a toujours eu des négociations à la sauvette, des interventions de l'État, et ainsi de suite. Et ça, il ne faut pas l'oublier. On avait dix ans à reprendre et on voulait négocier pour les deux ou les trois prochaines années. Donc, même si on nous dit que c'est très volumineux, c'est véridi-que.

Je voudrais aussi vous mentionner que dans l'entente qu'on a signée avec l'AECQ, le 11 juillet, il avait été entendu qu'on devait déposer toutes les demandes, tant les demandes et clauses communes que les demandes particulières, pour le 14 juillet. La coalition a fait un travail de géant pour arriver à déposer à temps toutes nos demandes, tant particulières que générales Et, dans le protocole d'entente que nous avons signé, !a coalition, c'est une négociation à deux paliers, celle des 19 tables particulières... Présentement il y a sept tables particulières où il y a eu des ententes de principe et les autres tables sont encore sujettes, effectivement, à des rencontres ou à des négociations qui devraient avoir lieu. Mais, devant l'attitude de l'AECQ qui nous a dit très clairement ou qui a dit aux membres de la commission qu'elle s'attendait à l'intervention de l'État depuis un certain temps, vous comprendrez qu'il est extrêmement difficile d'arriver et de négocier de bonne foi.

La position du Conseil provincial est simplement de dire que même si on a réglé à des tables particulières, il y a encore des demandes qui sont communes, des clauses générales. Il n'y a pas grand chemin de fait. Les offres patronales déposées le 20 avril et le 11 mai, à notre avis,

sont des reculs sur le statu quo, dans plusieurs cas, du décret actuel. Et lorsque l'AECQ nous mentionne qu'ils ont mis leurs culottes sur la table, qu'ils sont là le 11 mai, bien leurs culottes ne sont pas tellement pesantes en ce qui nous concerne. Donc, on pense qu'il devrait y avoir des améliorations à l'intérieur des offres globales et finales que nous a déposées l'AECQ.

Je voudrais aussi vous mentionner que la coalition a déposé des demandes le 14 juillet 1989 mais qu'elle a aussi modifié ses demandes suite à un exercice que nous a demandé de faire le conciliateur, M. Dufresne, que vous avez nommé. La coalition s'est réunie. On a déposé d'autres demandes pour la table centrale. Et, à ce moment-là, l'AECQ s'est retirée. Ils ont dit: On va étudier ça. Le conciliateur nous a demandé à nouveau de faire des démarches pour, encore une fois, pas bonifier, mais modifier à rabais les demandes des travailleurs de l'industrie de la construction, ce qu'on a encore fait dans un deuxième exercice. Vous avez en annexe du mémoire du Conseil provincial une convocation de M. Dufresne, qui dit: On devrait négocier, à la table centrale, les 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14 mai. On s'est retrouvés simplement dans une rencontre le 11 mai. Et, à ce moment-là, les seules négociations qu'il y a eu, c'est que les porte-parole de l'AECQ nous disaient: Pas de commentaires, pas de commentaires. Et le conciliateur nous a demandé de nous retrouver le 12 mai, simplement la coalition, pour savoir s'il y avait des morceaux qu'on pouvait laisser tomber. Encore une fois, il semblait qu'on n'en avait pas laissé tomber assez.

Je pense qu'il est évident qu'il va falloir, une fois pour toutes, que la loi dans la construction soit modifiée à fond. Évidemment la question qu'on va me poser, à laquelle je m'attends, c'est la question de la sécurité du revenu et de l'emploi dans l'industrie de la construction. Il faudrait comprendre la position du Conseil provincial. On n'a jamais été contre un régime de sécurité du revenu et de l'emploi dans l'industrie de la construction, mais on veut en connaître les implications et les modalités. On ne peut pas dire qu'on embarque dans un régime semblable sans savoir quelles en sont exactement les conséquences. On a, effectivement, rencontré MM. Picard et Sexton qui nous ont fait part des grandes lignes qu'ils pensaient qui devaient arriver dans leur rapport. Simplement on veut un rapport global et final. (11 h 45)

D'un côté, on se voit, le Conseil provincial... La FTQ-Construction laisse planer une menace en disant: S'il n'y a pas de supplément à l'assurance-chômage ou une formule, un système de sécurité du revenu, il n'y a pas de convention collective. De l'autre côté, l'AECQ dit à peu près la même chose. Et le Conseil provincial est un peu l'homme-sandwich là-dedans, "pogné" entre les deux. Comment est-ce qu'on peut se sortir d'une situation semblable? On serait beaucoup plus favorables à une politique globale de la main-d'oeuvré, un peu comme le recommandait la commission Cliche, un système général et global. On pense que les travailleurs de la construction ont effectivement droit à un minimum de sécurité du revenu et de l'emploi dans la construction. Tout le mécanisme...: Et, quant à nous, c'est peut-être plus long que de dire: On peut régler ça avec deux ou trois paragraphes. Lorsqu'on a à modifier, à notre avis, plusieurs règlements et plusieurs lois, ça devient effectivement des problèmes substantiels.

Donc, l'exercice qu'a fait le Conseil provincial, c'est qu'on a demandé aussi une rencontre avec le comité de coordination, parce que dans l'entente qu'on a signée avec l'AECQ, le 11 juillet, il y a un comité de coordination qui devait siéger pour les 19 tables particulières. Le conciliateur nous convoque à une rencontre pour dire: Écoutez, on va essayer de fixer des dates pour les tables qui ne sont pas réglées: tables particulières, métier, spécialité ou occupation. L'AECQ décide simplement que c'est fini, que ça ne représente plus... Elle dit: Écoutez, si vous voulez continuer les négociations, appelez M. Bérubé ou appelez M. Brown ou appelez M. Untel qui sont les porte-parole des tables de l'AECQ; et ça, c'est la structure de l'AECQ. Mais la coalition était présente de bonne foi lors de la réunion du 9 mai et finalement, l'AECQ a décidé de ne pas participer. Donc, qu'on vienne nous dire qu'on n'est pas prêts... On a toujours été prêts - je parle aussi au nom de la coalition, à mon avis - à modifier des demandes syndicales. Tout était négociable à l'intérieur du dépôt qu'on a dit, entre guillemets, global, mais ça, ça pourrait être négocié, il y a des morceaux qu'on peut laisser tomber. On était dans une négociation et, quant à nous, en est encore dans une négociation. Mais les déclarations du gouvernement à l'effet qu'il ne pourra pas laisser de vide juridique, je pense que ça ne vient pas aider effectivement l'industrie de la construction. Donc, quant à nous, le droit de vote syndical dans l'industrie de la construction, vous savez, si le gouvernement a l'intention de modifier et de prolonger le décret pour trois ans, les travailleurs et les travailleuses de l'industrie de la construction vont être cinq ans dans la même association sans avoir le droit de changer d'allégeance syndicale. Il y a des gens qui sont dans l'International, qui sont probablement mécontents et qui veulent aller joindre les rangs d'autres centrales syndicales; c'est leur choix, c'est une liberté syndicale qui existe. Mais avec des prolongations, des impositions de décret, on brime la liberté syndicale des travailleurs de l'industrie de la construction. Et ça, quant à nous, c'est inacceptable. Il faut laisser le choix au travailleur de décider de sa centrale syndicale. On l'oblige à être syndiqué, mais là, par une différente formule qui arrive, on lui empêche

ce droit.

Je pense que le tout a débuté en 1973, avec l'adoption du bill 9 - M. Bourdon se rappelle sûrement de ça - lorsque l'ex-ministre, M. Jean Cournoyer, nous avait donné 0,85 $ l'heure d'indexation. À ce moment-là, il y avait un problème qui existait, l'inflation ou ainsi de suite, mais c'est à ce moment-là qu'on a introduit la notion de l'article 51 de la loi. Donc, on qualifie le bill 9 ou la loi 201 de cadeau empoisonné. C'est qu'on nous a dit: On vous donne 0,85 $; mais par contre, vous n'avez plus de droit de gérance sur votre convention collective. Les ministres ou les gouvernements, et peu importent les gouvernements, ont toujours utilisé cette arme-là: prolongation, modification ainsi de suite. Quant à nous, la situation qu'on a à vivre actuellement est très déplorable. Donc, une réforme de la loi, mais on ne voudrait pas revenir tel que vous l'ont mentionné auparavant plusieurs intervenants... Il y a eu, comme vous le savez, un comité qui a été formé, présidé par M. Réal Mireault et, d'un autre côté, par M. Jean Sexton sur les modifications au champ d'application et la loi. C'est votre prédécesseur qui avait formé ce comité-là.

En 1986, avec l'adoption de la loi 106, M. Paradis a dit: On va nommer M. Laporte comme médiateur spécial. On a eu une entente, c'est vrai, mais c'était une entente sur deux ou trois points. On n'avait plus de pouvoir de force. Le gouvernement avait décidé: Vous allez vous entendre ou bien on va clencher à la cachette et ça vient de finir là. Donc, quant à nous, il y a eu une entente, mais aussi un engagement de M. Laporte, à savoir qu'à ce moment-là, la loi dans l'industrie de la construction était pour être modifiée, pas simplement sur des peccadilles, et pas pour avoir ce qu'on appelle des cadeaux de grec, commme celui que le gouvernement nous a fait avec la loi 31. Il a dit: O.K. Il n'y aura plus d'artisans, mais il va y avoir des entrepreneurs autonomes et on va exclure les travaux de rénovation et de réparation à des fins non lucratives et personnelles. Mais d'un autre côté, une association de l'APCHQ leur donne des trucs sur comment aller s'enregistrer à la Régie des entrepreneurs pour opérer comme entrepreneurs autonomes. C'est la situation qu'on a dans l'industrie de la construction.

Quant à nous, les engagements du gouvernement, on sait que le ministre est de bonne foi, mais on sait qu'on va effectivement modifier la loi. Vous savez, ça fait trop de fois qu'on nous conte ça en commission parlementaire: Oui, oui, on va modifier la loi et entendez-vous et signez une convention collective. Il est clair quant à nous que ce n'est pas une obligation. Le gouvernement peut laisser une convention collective... C'est écrit dans la loi qui nous gouverne qu'il peut y avoir une convention collective sans décret. On pourrait même signer une convention collective demain, sans demander au gouverne- ment d'extensionner notre convention collective en décret. Et on peut opérer avec un décret pendant deux ou trois ans, ou on peut demeurer avec un vide juridique jusqu'à ce qu'il y ait une entente. Il n'est pas sûr que, le 22 mai, si le ministre décide d'imposer des conditions de travail, les travailleurs vont réagir d'une façon très bonne On ne connaît pas le contenu du décret.

On avait mentionné au ministre que la prolongation du décret de 21 jours causait effectivement des problèmes majeurs. Les travailleurs de l'industrie de la construction sont tannés de se faire imposer des conditions de travail et veulent simplement qu'on négocie leurs conditions de travail. Le système actuel nous empêche de faire ça. Quant à nous, il y a des tables qui devraient continuer à siéger. Il y a des bonifications des conditions de travail. Qu'on pense à la définition de mise à pied ou de congédiement. On peut penser aussi à la question de la santé et de la sécurité du travail des travailleurs de la construction. Vous savez, depuis 1979, il y a ce qui s'appelle dans la loi le représentant de la prévention. On est rendus en 1990 et le représentant de la prévention s'applique dans tous les secteurs d'activité, à l'exception de celui de l'industrie de la construction. Pourtant, la place où il y a le plus d'accidents du travail, chaque année, où il y a des travailleurs et des travailleuses qui se font tuer sur les chantiers de construction, évidemment, c'est dans notre secteur. Pourquoi n'y a-t-il absolument rien de fait actuellement? On veut profiter de l'occasion dans les présentes négociations pour dire: Écoutez, il devrait y avoir des choses à l'intérieur de la négociation, du décret, qu'on parle de la santé et de la sécurité pour les travailleurs qu'on représente. C'est un minimum de décence. L'AECQ nous dit: Ah, il n'est pas question de ça. Ça va se régler à la CSST. Vous savez, la CSST, quant à nous, c'est un autre problème Rien ne nous empêche dans notre convention collective d'inclure des choses semblables. Il y a aussi toute la question de la bonification du régime d'assurance santé-salaire-maladie. Il n'est pas question d'en parler. C'est encore le même régime. Il n'y a pas de bonification de ce régime-là. Par contre, sur le régime de retraite, on nous dit: Là, on serait prêts à faire un petit bout. L'âge de la retraite à 55 ans, mais en 1993.

Donc, je pense qu'il y a beaucoup de choses qui doivent être améliorées dans le décret actuel. Ce n'est pas abuser que de demander au gouvernement - d'ailleurs les expériences passées l'ont prouvé - qu'on puisse négocier et que l'AECQ s'assoie et négocie de bonne foi avec la coalition conformément à deux ententes, celle qui a été signée par le Conseil provincial de la FTQ et la CSN, le 24 mai, et l'entente signée avec l'AECQ et la coalition, le 11 juillet 1989. On peut donner la certitude et la promesse au ministre qu'il n'y

aura pas de fermeture du Métropolitain; on peut faire une grève civilisée. Il a été démontré clairement, ça a existé en 1976, ça a existé en 1980, pas de décret, un vide juridique et, finalement, il y a eu une convention collective qui a été conclue.

Donc, je pense que ce sont des choses extrêmement importantes et je sais que c'est gros, le secteur de l'industrie de la construction. On parle de 20 000 000 000 $, mais on parle aussi de l'intérêt public. Évidemment, l'intérêt public, souvent, c'est facile pour le gouvernement de mettre ça en jeu. Moi, je vais vous poser la question. L'intérêt des travailleurs et des travailleuses de l'industrie de la construction, ce sont des citoyens qui paient aussi des impôts au gouvernement. Ils ont droit à une bonification de leur convention collective ou de leur décret et ce n'est pas la situation qui prévaut depuis une dizaine d'années. Donc, devant une situation semblable, je pense qu'on n'a pas d'autre alternative que de redemander au gouvernement que, finalement il y ait une entente, qu'on laisse le rapport de forces s'exercer et que le conciliateur fasse siéger la table centrale et aussi les douze tables où il n'y a pas eu d'entente, les tables particulières, et sûrement qu'on respecte les ententes qui sont parvenues aux sept ou huit tables particulières parce qu'on parle de tables par métier, spécialité ou occupation. Donc, c'est une négociation évidemment à deux paliers.

Vous savez, on nous parle de toutes sortes de choses, mais je pense qu'on veut l'avancement et on veut être de bonne foi. La coalition, effectivement, est encore là et existe encore, quant à nous. On demande une reprise de négociation, mais sérieuse. Qu'on nous enlève l'épée qu'on a en haut de la tête en nous disant: Écoutez, on va intervenir. Bon. Si le gouvernement a l'intention d'intervenir encore une fois en ce qui nous concerne, il est aussi bien d'imposer une convention collective tout de suite. Mais les négociations par téléphone, ce n'est pas de même que ça doit se faire, en catimini, à gauche et à droite, ce n'est pas ça.

On devrait convoquer les parties et dire: Vous allez vous asseoir et vous allez régler. C'est Maurice Bellemare, à l'époque, qui a fait ça souvent en 1968, avant d'adopter la loi 290. Mais, évidemment, ce qu'on essaie de faire aujourd'hui, c'est un peu ça. C'est dire: Là, appelle-moi donc et je peux te régler un point, une virgule et une petite parenthèse. Ce n'est pas ça, quant à nous, une négociation d'une importance aussi grande que celle dans le secteur de l'industrie de la construction. Regardez ce qui se produit dans la province voisine, en Ontario. Il y a une négociation par métier au niveau provincial et ils signent leurs conventions collectives. On ne peut jouer à ce que je dois donner aux plombiers, aux électriciens et ainsi de suite. Je vous remercie de votre bonne attention.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. Pouliot. M. le ministre.

M. Séguin: Oui, très brièvement. D'abord, je veux souligner la qualité du mémoire présenté par le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International). J'ai eu le temps de le feuilleter et j'ai trouvé qu'il était particulièrement bien présenté, avec beaucoup de détails très précis.

J'ai entendu, tantôt, M. Pouliot faire allusion à une représentation syndicale et je n'ai pas tellement bien compris. Vous disiez, à un moment donné, qu'il fallait peut-être revoir la représentation des entités syndicales prévues à la loi, dans le cadre d'une réforme. Je ne sais pas si vous pourriez revenir là-dessus. Je ne sais pas si vous saisissez ce que... Vous avez mentionné, à un moment donné, qu'il semblait que la loi, de la façon dont elle est faite actuellement, ne favorise pas, pour le travailleur, son adhésion au syndicat de son choix, etc. Vous avez mentionné ça. Je n'ai pas...

M. Pouliot: Oui, oui. J'ai mentionné que...

M. Séguin: Pourriez-vous préciser un petit peu?

M. Pouliot: ...il y a un vote obligatoire, en vertu de la loi sur la construction, à un moment donné, 11 mois avant l'expiration du décret. C'est la loi 114 qui a modifié la loi sur les relations du travail. Donc, pour le travailleur, comme vous le savez, ce sont des périodes de maraudage qu'il a normalement tous les deux ans ou tous les trois ans; tout dépend de la durée d'une convention collective ou d'un décret. Mais, lorsque le ministre intervient et décide de prolonger le décret ou qu'il y a simplement des ententes pour un an, évidemment, ça élimine la question du maraudage.

Nous, on pense qu'il doit y avoir un maraudage dans l'industrie de la construction et que les travailleurs de la construction devraient être obligés d'aller voter pour une des cinq associations représentatives dans l'industrie de la construction. Avec le système actuel, par l'intervention toujours de l'État, il y aurait normalement, si vous avez l'intention de prolonger le décret de deux ou de trois ans, peut-être un prochain maraudage simplement en 1992. Le dernier maraudage a eu lieu en 1987, donc ça veut dire que les travailleurs seraient cinq ans dans la même association représentative. Il y a des travailleurs qui nous mentionnent qu'effectivement ils se sont trompés de centrale syndicale, et ça joue pour les cinq associations, non pas nécessairement a l'avantage du Conseil provincial, mais ça peut être à l'avantage d'autres.

Je pense qu'on devrait respecter le minimum, soit la liberté syndicale, et que le travail-

leur de la construction devrait pouvoir choisir son association représentative. C'est ce que j'ai voulu mentionner. Ce que vous êtes en train de faire, si vous donnez une prolongation au décret, vous allez éliminer une autre période de maraudage dans la construction et, là-dessus, on n'est pas d'accord, pas plus qu'avec l'intervention de l'État.

Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le ministre. M. le député de Joliette. (12 heures)

M. Chevrette: Merci. Au début de votre exposé, M. Pouliot, vous avez parlé de la négociation aux tables sectorielles ou particulières. Si j'ai bien compris vos propos, et j'aimerais que vous clarifiiez ce point, il y a des tables qui sont signées, mais il y en a beaucoup qui seraient sur le point d'être signées et qui ne sont pas signées ou il y en a d'autres où il manquerait quelque peu de négociations pour finaliser les contenus. Est-ce que ça constitue un préjudice grave, pour les travailleurs touchés par ces tables-là, s'il y a imposition de décret sans finaliser les négos?

M. Pouliot: Sûrement. Il y a, dans le processus de négociation actuellement, 19 tables particulières. Il y a 7 tables particulières qui ont réglé leurs problèmes particuliers. Prenons le cas des mécaniciens d'ascenseur, ifs ont des problèmes particuliers. Eux sont réglés à la table particulière, mais il ne faut jamais sortir de l'idée que la table centrale, elle, n'est pas réglée. Il n'y a rien de réglé là encore, mais les tables particulières sont réglées.

Il y a 3 ou 4 tables qui seraient près d'une entente, selon ce que me disent les représentants, les porte-parole de ces différentes tables-là. Ce n'est pas simplement au Conseil provincial. C'est aussi dans les autres centrales syndicales. Je sais que la table des "bowler makers", des plombiers et certaines tables pourraient avoir une entente assez rapidement sur leur table particulière. Donc, le fait de dire: C'est tout fini, il n'y a plus de négociation aux tables particulières, pas plus qu'à la table centrale évidemment, ça met fin, à un moment donné, à toute entente possible sur les tables particulières.

M. Chevrette: Ça veut dire qu'il y a seulement 7 tables sur 19...

M. Pouliot: II y a 7 tables sur 19 qui ont été réglées. Il faut comprendre qu'il y a des tables qui représentent 2 métiers. Prenons la table des ferblantiers et des couvreurs. Ce sont les deux métiers qui sont représentés par le même local d'union chez nous, parce que le Conseil provincial a 29 locaux qui lui sont affiliés. Donc, évidemment, c'est une structure qui est celle-là qui dépend des unions internationales évidemment, et ça, ils ont réglé. Donc, ça veut dire 2 métiers, une table. Et la même chose arrive dans le cas des frigoristes, des protecteurs d'incendie. Eux, c'est la FTQ-Cons-truction qui a une majorité à l'intérieur de cette table-là et ont signé leur table particulière. Donc, il reste 12 tables qui n'ont pas eu d'entente particulière.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, est-ce à dire, M. Pouliot, parce que je comprends votre position qui est celle d'ailleurs de toute la coalition, que vous ne souhaitez pas que le gouvernement impose des conditions de travail pour un, deux ou trois ans? Mais, dans l'hypothèse, il le ferait... Parce que ça a tout l'air qu'il va le faire. Est-ce à dire que vous souhaitez que les tables particulières qui n'avaient pas conclu leurs travaux, que le gouvernement, parce que je suppose que le conciliateur est au courant de l'évolution des pourparlers à chaque table particulière, on en tienne compte dans le décret qu'on vous imposera?

On se comprend bien. Nous aussi, on est opposés à ce qu'on vous impose des conditions de travail, mais de deux choses l'une, ou bien on permet au processus de négociations de continuer ou bien, pour ce qui est des tables particulières, comme pour les tables générales, on s'occupe des dossiers et on les mène à terme d'une certaine façon, par imposition, d'accord, mais on les mène à terme.

M. Pouliot: Effectivement, M. le Président, ça a été la demande de la coalition et, à la suite de ce que nous a demandé M. Dufresne lors de la réunion du 9 mai où la coalition était présente, c'était justement ça, l'exercice. Le comité de coordination était là pour fixer les tables particulières, les rencontres pour les tables qui n'étaient pas réglées. Donc, il est clair, quant à nous, que les ententes qui sont survenues aux tables particulières, c'est une chose. Où il n'y a pas eu d'entente, il devrait y avoir une rencontre avec le conciliateur qui devrait connaître à fond les problèmes, mais le conciliateur est difficile à rejoindre actuellement. Il semblerait qu'ils sont en train d'écrire un décret. C'est ce qu'on me dit. Donc, il n'y a plus de rencontre possible avec les tables qui n'ont pas eu, à un moment donné, d'entente. Mais, quant à nous, il devrait y avoir des rencontres et ce serait fort possible qu'il y ait des ententes, en tout cas, aux tables particulières.

Évidemment, je pense qu'au niveau de la table centrale... C'est un peu plus difficile d'avoir des ententes à la table centrale, mais ce n'est pas impossible. Encore une fois, au risque de me répéter, M. le Président, tout ce qui a été déposé, à notre avis, à la table centrale, les demandes de la coalition sont négociables. Je

pense qu'on ne peut pas être plus clairs que ça.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Oui. Je reviens sur ce point, parce que le ministre était absent pour raison valable, mais je ne veux pas souligner l'absence. Je veux qu'il soit conscient de ce qui vient d'être dit.

Ça m'apparaît important, s'il y a des préjudices graves à certaines tables, que le ministre soit conscient que ces préjudices peuvent nuire au climat des relations du travail après l'imposition d'un décret. Ça a de l'importance, tout autant qu'une loi d'exception quand on a à en voter une. À mon point de vue, ce que vous dites est fort important, à l'effet que plusieurs tables sectorielles y gagneraient au change avec une négociation, en ce qui regarde les relations patronales-syndicales. C'est un peu ce que M. Pouliot nous dit. Il y a seulement 7 tables sur 19 de réglées définitivement. Mais il y a beaucoup de négociations qui pourraient être finalisées avantageusement, mais qui ne le seront pas s'il y a imposition de décret puisqu'il y a eu une fin de non-recevoir de l'AECQ dans les circonstances. C'est un peu ce que M. Pouliot nous a dit comme message.

Est-ce que vous voyez la possibilité d'un mécanisme quelconque qui pourrait permettre... autre que celui que j'ai bien compris? Le ministre a fait son lit. Le ministre a décidé d'utiliser l'article 51, donc, de vous entendre et de décréter. Est-ce qu'il y aurait possibilité, selon vous, d'avoir un mécanisme qui permettrait, dans un contexte non pas artificiel parce que, d'après moi, négocier avec un décret, finaliser, sans mécanisme ça n'aboutirait à rien... Mais est-ce que ce serait pensable que, par exemple, certaines tables puissent avoir tant de jours de négociation et que le tout soit soumis à l'arbitrage, par exemple, advenant une impasse? Est-ce que ça pourrait être un mécanisme qui pourrait vous servir? Je vois votre objectif, je sens l'importance d'une négociation, mais je ne vois pas, à partir de la décision du ministre, comment vous pouvez arriver... Moi, je ne crois pas à la négociation après un décret. C'est rêver en couleur, pour moi.

Mais s'il y a un mécanisme dans le décret qui prévoit quelque chose, est-ce que vous croyez qu'il y aurait possibilité d'envisager des solutions dans ce sens-là?

M. Pouliot: Non. Si vous parlez de l'arbitrage obligatoire qui existe actuellement dans la loi, quant à nous, cela a été rejeté. Ce qu'on maintient comme position... Et il ne faut jamais oublier qu'à l'intérieur des 12 tables qui restent, il y a des métiers très importants qui n'ont pas eu de règlement. Peut-être les charpentiers-menuisiers, les occupations, les électriciens, les plombiers, ce sont de grosses tables. Il ne faut pas non plus minimiser l'impact de l'importance de ces 12 tables-là. Par contre, si on laissait l'exercice se continuer, à notre avis, il est fort possible qu'il y ait des ententes à ces tables. Mais qu'on nous demande la question de l'arbitrage obligatoire, il n'en est pas question, en ce qui nous concerne. La balance, on veut avoir le vide juridique.

On pense, encore une fois, qu'il pourra y avoir une entente et on peut donner la garantie au gouvernement qu'il n'y aura pas de grève générale dans l'industrie de la construction, le 12 mai, s'il laisse le vide juridique. Il va y avoir des moyens de pression qui vont s'exercer. C'est clair. Sur différents métiers, différentes régions, différents chantiers. Mais je ne pense pas qu'il va arriver... On l'a eu, l'exercice, dans le passé. D'ailleurs, M. Lavallée l'a mentionné à plusieurs occasions. Je ne veux pas répéter ce qui a été mentionné. Mais cela a déjà existé, il n'y a pas personne qui est mort de ça. Il y a des travailleurs qui sont morts parce qu'ils se sont fait tuer sur les chantiers de construction. Il n'y a pas de santé et de sécurité qui existe. Ça, il y en a en masse. Il y en a tous les jours.

Mais dire, à un moment donné, que c'est l'intérêt public, oui. Mais qu'on laisse le rapport de force s'exercer. C'est ce qu'on pense, dans la situation actuelle. Évidemment, si on arrive dans une prochaine législation, quel devrait être te contenu? On vous en suggère plusieurs façons, à l'intérieur de notre mémoire, dont la loi doit être amendée. Mais je ne pense pas que ce soit l'endroit ici, c'est la tribune pour commencer à parler. Le ministre nous dit que ça devrait être au mois de septembre, au mois d'octobre. À ce moment-là, on fera un mémoire plus étoffé pour expliquer la façon dont la loi devrait être amendée dans l'industrie de la construction.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. Pouliot, supposons que le ministre décrète les conditions de travail - on s'entend bien que vous ne le voulez, en aucune façon - est-ce qu'il devrait, dans ça, tenir compte de chacune des tables particulières et de l'état du dossier? Je ne veux pas dire: D'aucune façon, est-ce que vous consentez à ce que les conditions vous soient imposées? On se comprend bien, vous êtes contre. Mais tant qu'à l'être, est-ce que le décret devrait tenir compte de chacune des tables particulières où il y a eu de la négociation, qu'elle ait abouti ou non, cette négociation?

M. Pouliot: Sûrement qu'il devrait tenir compte... D'ailleurs, dans l'annexe du mémoire, il y a une lettre du directeur général de l'AECQ qu'il adresse aux conciliateurs, qui dit qu'il est d'accord, lorsqu'il y a une entente globale, que

ça doit être mis dans le décret ou dans l'entente. Bon. Et d'un autre côté, je pense qu'il ne faut pas non plus écraser ceux qui n'ont pas eu d'entente aux tables particulières. Vous savez, il y en a qui sont peut-être plus exigeants. Ils ont peut-être plus de problèmes. Il y a une multitude de raisons que je ne connais pas. Mais je pense qu'on devrait tenir compte des revendications de ces tables particulières-là aussi. Même, ce qu'on essaie de me dire, que le Conseil provincial est plus facile d'entente et qu'on a réglé plusieurs tables, bon, ça peut être bien comique et bien le "fun" mais il y a aussi d'autres travailleurs qui ont droit à des conditions de travail, peu importe les centrales syndicales.

M. Bourdon: D'accord.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Y a-t-il d'autres intervenants?

Une voix: Non, ça va.

Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous voulez remercier nos invités.

M. Chevrette: On vous remercie, M. Pouliot, et on espère que vos paroles sont au moins entendues et souhaitez qu'elles soient comprises.

M. Pouliot: Au moins, elles sont écrites.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International) - j'ai bien appris - et invite à la table la Confédération des syndicats nationaux (CSN-Construction).

Bonjour. Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre point de vue et il y aura un échange avec les parlementaires, par la suite. Je vous prierais d'identifier votre porte-parole, de présenter les gens qui vous accompagnent et de procéder.

Confédération des syndicats nationaux (CSN-Construction)

M. Bilodeau (Jean-Noël): Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, les membres de la commission parlementaire, d'abord, au nom de la CSN-Construction, je tiens à vous remercier de la politesse du gouvernement à nous entendre à ce moment-ci.

Je voudrais d'abord préciser, à la suite de certaines remarques qui ont été faites ce matin par le porte-parole de l'AECQ, que les offres globales patronales qui ont été déposées ont été rejetées...

Le Préskient (M. Bélanger): Excusez-moi, j'aurais souhaité que vous vous identifiiez d'abord.

M. Bilodeau: D'accord. Mon nom est Jean-Noël Bilodeau; je suis coordonnâtes à la CSN-Construction. Je préférerais, dans la suite que je vais vous dire, présenter les autres personnes. D'accord?

Le Président (M. Bélanger): C'est que ça nous aide beaucoup pour l'organisation des travaux et pour le Journal des débats. Je m'excuse de vous faire déroger à votre ligne...

M. Bilodeau: Je vous en prie.

Le Président (M. Bélanger): mais si vous voulez présenter vos collègues, ça nous aiderait beaucoup. Merci.

M. Bilodeau: D'accord Je reprends Je voudrais préciser qu'à la suite de certaines remarques qui ont été faites par le porte-parole...

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, je voudrais préciser que je voudrais que vous présentiez vos collègues, s'il vous plaît!

M. Bilodeau: C'est bien. Alors, ceux qui sont avec moi à la table, ce matin: il y a le président du Syndicat de la construction de Québec, Jean-Guy Gagnon; Roger Trépanier, de la CSN-Construction. À ma gauche: Louis-Serge Houle, de la CSN-Construction; Yvon Landry, président du Syndicat de la Mauricie, CSN-Construction; Olivier Lemieux, négociateur de la CSN-Construction.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie beaucoup.

M. Bilodeau: Je vous en prie. Je reprends. Je voudrais préciser, à la suite de certaines remarques qui ont été faites ce matin par les porte-parole de l'AECQ, que les offres globales patronales déposées le 20 avril ont été rejotees, depuis le début du mois de mai, par plus de 70 assemblées générales des syndiqués de la CSN Construction à plus de 90 % à 100 %, et ce, par vote secret. Je voudrais également souligner que la plupart de leurs représentants démocratiques sont ici parmi nous pour en témoigner, dont ceux d'Abrtibi-Témiscamingue et de son président, M. André Lépine; dont ceux de l'Outaouais et de leur vice-président, Jean-Marc Cloutier; dont celui de Montréal et de son président, M. Alfaro; dont celui de l'Estrie et de son président, M. Henri-Louis Bisson; dont celui du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie et de son président, M. Robert Lévesque; dont celui de la Côte-Nord et de son président, M. Alain Rousseau; dont celui du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de son président, M. Edouard Duchesne; dont celui de

Lanaudière et de son président, M. Leopold Marion; dont celui de la Montérégie et de sa trésorière, Johanne Groulx; dont celui de la Mauricie, M. Landry, que je vous ai présenté tout à l'heure, et de M. Jean-Guy Gagnon, de Québec.

Nous avons préparé un mémoire dont nous vous remettrons les copies. Nous allons vous en faire la lecture. La CSN-Construction se présente aujourd'hui devant la commission parlementaire de l'économie et du travail pour réaffirmer le droit des travailleurs et des travailleuses de la construction, dont les 28 000 qu'elle représente, au libre exercice de la négociation dans cette industrie. (12 h 15)

Dans une société comme la nôtre, où le droit d'association des travailleurs et des travailleuses ainsi que le pluralisme syndical sont reconnus et garantis par la législation, le libre exercice de la négociation constitue également un droit inaliénable. La CSN-Construction considère que les travailleurs et les travailleuses doivent garder l'assurance que ces acquis seront toujours respectés et conservés.

En plus de s'inscrire dans une tradition de liberté syndicale, ils représentent de façon vivante les principes démocratiques sur lesquels s'appuie le Québec dans son développement. En revendiquant une législation du travail appropriée et en participant à la négociation de leur convention collective, les travailleurs et les travailleuses veulent s'assurer, à eux et aux membres de leur famille, des conditions de travail et de vie qui leur permettent de satisfaire leurs besoins et de travailler de façon convenable et en toute sécurité. Par la convention collective, ils veulent également se soustraire à des conduites arbitraires qui ne respectent pas leur dignité.

La négociation de la convention collective est un processus par lequel le rapport de force entre l'employeur et les travailleurs et travailleuses s'exerce pour déterminer les conditions de travail. En laissant libre cours au rapport de force, les parties directement intéressées s'entendent sur la façon dont le travail est effectué et sur les conditions salariales de ce travail.

Pour les travailleurs et les travailleuses, la négociation de la convention collective constitue un excellent moyen pour améliorer, changer, transformer les conditions de travail et de vie qui ne respectent pas la dignité humaine. En outre, la négociation leur permet de défendre et de promouvoir des principes et des droits légitimes qui pourront bénéficier à toute la société. Brimer le libre exercice de la négociation et le droit de grève qui est son prolongement équivaut à briser les règles du jeu, à empêcher des hommes et des femmes d'améliorer des conditions de travail et de vie, d'espérer changer leur existence, à soustraire l'une des deux parties de son obligation de discuter du contrat de travail.

En ce début de nouvelle décennie, nous sommes forcés de constater que le libre exercice de la négociation de la convention collective est remis en question. Alors que le droit à la syn-dicalisation est de plus en plus contesté, la négociation ne semble plus être un moyen reconnu pour déterminer les conditions de travail. Systématiquement, depuis quelques années, le gouvernement, en tant que législateur, s'ingère et intervient dans de nombreuses négociations et change les règles du jeu. Ce faisant, il empêche de nombreux travailleurs et travailleuses d'améliorer leurs conditions de travail et de vie.

Au Québec, près de la moitié des syndiqués, soit environ 500 000 travailleurs et travailleuses, se retrouvent ainsi à la merci de leur employeur et se voient incapables d'exercer librement leur rapport de force. C'est vrai, notamment, pour les salariés des hôpitaux, des écoles, des services publics et également d'Hydro-Québec et de ceux de la construction qui relèvent pourtant du secteur privé. Pour tous ces hommes et ces femmes, les conditions de travail sont décrétées unilatéralement sans qu'ils puissent, en toute légitimité, intervenir pour corriger, par le processus normal de la négociation, des injustices qui existent dans leurs lieux de travail ou qui ont été causées par des décisions arbitraires.

Dans l'industrie de la construction, la convention collective n'a pas été négociée une seule fois dans son ensemble depuis 1980. Jamais, au cours de cette période, les travailleurs et travailleuses de ce secteur n'ont réussi à améliorer autre chose que quelques articles, dont les clauses salariales, dans leur convention collective. Les articles relevant du normatif, qui n'ont pourtant aucune incidence monétaire, sont les mêmes qu'il y a 10 ans.

Formée de plus de 120 000 personnes, la construction est non seulement la plus importante industrie du secteur privé, mais la seule où on empêche systématiquement la tenue d'une véritable négociation. Depuis 1980, toutes les négociations se sont déroulées sous la menace d'une intervention gouvernementale. Le décret qui tient lieu de convention collective a été prolongé ou imposé en 1982, 1984, 1986 et 1987. En 1989, où les parties ont signé une entente, la négociation n'a donné lieu qu'à quelques changements de la convention collective parce que, encore une fois, le gouvernement menaçait d'intervenir.

La CSN-Construction considère l'ingérence du gouvernement du Québec dans la négociation de la convention collective de l'industrie de la construction comme étant totalement inacceptable. En agissant ainsi, le gouvernement nie le droit des travailleurs et des travailleuses d'intervenir dans ce qui les concerne directement. En brimant ainsi leur droit de négocier leurs conditions de travail, on les empêche de proposer des

solutions aux problèmes qu'ils vivent quotidiennement sur leurs lieux de travail. Si la situation n'a cessé de se détériorer dans la construction, plus particulièrement depuis 10 ans, c'est parce que le gouvernement est intervenu et a empêché le libre exercice de la négociation. Ce faisant, il a donné des munitions à l'AECQ qui ne remplit plus son mandat de gérer les conditions de travail dans l'industrie et de négocier la convention collective.

Depuis une dizaine d'années, l'AECQ refuse systématiquement de négocier les conditions de travail des salariés de la construction. Son intérêt à négocier est nul parce qu'elle sait qu'elle peut compter sur le gouvernement pour prolonger ou imposer les conditions de travail.

En 1988, la CSN-Construction et la FTQ-Construction entreprenaient des discussions avec l'AECQ pour en venir, éventuellement, à la signature d'une convention collective. Une entente est effectivement intervenue, le 26 avril 1989, à plusieurs conditions dont celle de reprendre, dès l'été, les discussions pour conclure, pour la première fois en 10 ans, une entente sur l'ensemble des articles de la convention collective. À ce moment, les associations syndicales, dont la CSN-Construction, ont fait confiance au gouvernement ainsi qu'à l'AECQ et considéraient qu'avec une année complète pour discuter, il était possible de penser signer une convention collective. C'était sans compter sur l'absence de volonté de l'association patronale.

Si l'AECQ n'a jamais démontré de réelle volonté de s'entendre avec les associations syndicales représentatives, en revanche, celles-ci ont tout mis en oeuvre pour tenter d'en arriver à un règlement négocié. Après avoir formé, avec l'inter, une coalition représentant 90 % de l'ensemble des travailleurs et des travailleuses de l'industrie, les associations syndicales ont harmonisé leurs demandes et déposé un cahier complet sur l'ensemble des articles de la convention collective, le 14 juillet 1989. La formation, pour la première fois, d'une telle coalition syndicale s'inscrit dans la volonté - et ce n'est pas un mariage de raison - exprimée de solutionner les problèmes que vivent les travailleurs et les travailleuses en négociant des améliorations à la convention collective. En déposant le cahier des demandes syndicales, les associations ont en outre indiqué clairement qu'elles étaient disposées à discuter de l'ensemble de ces demandes.

Cependant, l'Association des entrepreneurs ne s'est montrée disposée à débuter les pourparlers que trois mois plus tard, en octobre. À partir de ce moment jusqu'à aujourd'hui, seulement 23 rencontres de négociation ont eu lieu et il en a fallu neuf pour expliquer les demandes. Au cours des discussions, l'AECQ n'a jamais accepté d'entreprendre sérieusement les négociations. Alors qu'une entente semblait à la portée de la main sur un article après plusieurs heures de discussion, les représentants patronaux quittaient la table en indiquant clairement que ces demandes ne correspondaient à aucune véritable préoccupation et étaient inacceptables.

Le 20 avril et le 11 mai, elle a remis aux représentants de la coalition syndicale deux contre-propositions globales qui ont été rejetées massivement par les membres de la CSN-Construction réunis dans 70 assemblées générales. À la lecture des contre-propositions patronales, les travailleurs et les travailleuses ont compris que l'industrie de la construction n'apporte aucune solution aux nombreux problèmes que vivent les travailleurs et les travailleuses de ce secteur. Au contraire, elles ne font qu'attiser un mécontentement déjà grandissant des travailleurs et des travailleuses. En niant leur droit fondamental au libre exercice de la négociation de leur convention collective, le gouvernement balaie du revers de la main un processus démocratique, entrepris il y a plusieurs mois, visant à solutionner de façon concrète les problèmes vécus sur les chantiers par les salariés de l'industrie.

Les demandes de la CSN-Construction, qui ont été harmonisées avec celles de la coalition et qui se retrouvent dans les cahiers déposés à la table centrale et aux 19 tables particulières, ont été élaborées dans le cadre de plusieurs tournées d'assemblées générales dans toutes les régions du Québec où ont participé des travailleurs et des travailleuses de tous les métiers, spécialités et occupations. Les membres de la CSN-Construction, comme tous les travailleurs et travailleuses de la construction, veulent trouver des solutions à l'insécurité d'emploi, à l'insécurité du revenu, au travail au noir, aux difficultés que leur posent plusieurs clauses normatives ainsi qu'à des problèmes particuliers, spécifiques à leur métier, spécialité ou occupation.

Dans une société où les règles sont supposées être les mêmes pour tout le monde, les travailleurs et les travailleuses de la construction sont: premièrement, actuellement incapables de négocier leur convention collective en raison de l'ingérence du gouvernement; deuxièmement, difficilement en mesure de faire respecter tous leurs droits à cause de l'absence de la formule d'ancienneté; troisièmement, les premières victimes du travail au noir qui permet à certains entrepreneurs d'augmenter ses profits au détriment de leur sécurité d'emploi et de revenu.

Les travailleurs et les travailleuses de la construction n'ont pas à payer de leur appauvrissement et de la détérioration de leurs conditions de travail les conséquences de l'incurie et du laisser-aller de l'application de la loi. Ce qu'il faut, c'est une convention collective qui soit respectée par tous les intervenants de l'industrie, qui respecte le droit au travail des salariés et qui rejoigne les responsabilités sociales des gouvernements et des entreprises à assurer du travail. C'est dans cette optique que les travailleurs et les travailleuses ont articulé leurs

demandes. Celles-ci correspondent à leurs préoccupations maintes fois exprimées d'apporter la sécurité d'emploi et de revenu, tout en s'assurant du respect de leurs droits.

Depuis 1980, l'AECQ n'a jamais accepté de négocier l'ensemble des clauses normatives de la convention. Pourtant, plusieurs articles de la présente convention collective sont déficients et ne correspondent aucunement aux problèmes des travailleurs et des travailleuses. Les demandes déposées par la coalition syndicale relativement aux clauses normatives visent à adapter la convention collective aux réalités actuelles du travail sur les chantiers.

La CSN-Construction tient à souligner à la commission que jamais ces demandes n'ont empêché un règlement avec l'association patronale. La coalition s'est toujours montrée ouverte et disponible à discuter des propositions. En outre, celles-ci se retrouvent dans la plupart des conventions collectives des entreprises syndiquées du Québec, que ce soit une clause de grief, que ce soit une procédure dans la mise à pied ou de l'arbitrage, que ce soit au niveau de l'ancienneté, ce sont tous des points qui se retrouvent dans la plupart des conventions collectives.

Si une entente n'est pas intervenue à ce moment-ci, c'est parce que l'association patronale n'a jamais véritablement accepté d'entreprendre les discussions sur aucun point de la convention collective.

Dans notre mémoire, nous avons souligné plusieurs des points que l'on considère comme étant extrêmement importants, notamment celui d'une clause de grief, celui d'une bonne définition de la mise à pied et du licenciement, celui d'une nouvelle définition du chantier industriel. On a voulu souligner également la nécessité d'avoir de nouveaux pouvoirs syndicaux pour permettre, effectivement, de contrer une fois pour toutes le travail au noir. On pense qu'au niveau des congés, au niveau de la formation, il y a des choses à ajouter pour faire en sorte que les travailleurs puissent avoir plus de liberté syndicale. On pense également qu'il doit y avoir des préavis écrits de mise à pied. On pense que ça prend une formule solide, très importante d'ancienneté qui permettrait, finalement - et on a parlé du rapport du comité Picard-Sexton - qui permettrait peut-être d'ajouter une certaine forme de sécurité d'emploi à la sécurité du revenu que ce rapport-là semble vouloir offrir.

En conséquence, pour la CSN-Construction, seul le libre exercice de négociation peut apporter des solutions actuellement aux problèmes qui se vivent quotidiennement sur les chantiers de construction. En se substituant à l'une des deux parties, en l'occurrence l'AECQ, le gouvernement fausse les règles du jeu et nie le droit des travailleurs et travailleuses à négocier librement leurs conditions de travail.

La CSN-Construction s'objecte donc à toute intervention gouvernementale pour prolonger ou imposer le décret de la construction. En agissant ainsi, le gouvernement ne règle rien mais ne fait qu'attiser le mécontentement grandissant des salariés de cette industrie. Il existe des problèmes profonds dans l'industrie et une prolongation ou une imposition ne répond en rien à ces problèmes. Si on ne permet pas le vide juridique, si on empêche ie rapport de force de s'exercer, la CSN croit que les relations du travail souffriront énormément au cours des semaines à venir. Si je peux employer une image, je dois vous dire que s'il y a des nuages sombres qui passent actuellement au-dessus du Québec et pas seulement à Saint-Amable, on espère bien que les retombées ne pollueront pas l'industrie pendant les prochaines années, du moins les relations du travail.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Séguin: Oui, brièvement. D'abord, je veux souhaiter la bienvenue aux représentants de la CSN à cette commission et saluer leur mémoire que j'ai parcouru tantôt, ce matin, que j'ai trouvé intéressant parce qu'il soulève effectivement, comme vous l'avez dit, des points très précis. Vous parlez, par exemple, de licenciement, de mise à pied, des chantiers industriels, de la représentation syndicale, des congés sans solde, l'ancienneté, la question de l'ancienneté sur le congédiement qui, je sais, tient bien à coeur particulièrement la CSN, les préavis de mise à pied, enfin... etc., la durée normale du contrat, les modes de paiement de salaires, les congés annuels obligatoires, les heures supplémentaires, la retraite, lés congés de maladie, les prestations supplémentaires d'assurance-chômage. Je pense que vous faites allusion au rapport Picard-Sexton, si je ne me trompe pas; toutes des choses évidemment très précises et qui sont importantes dans les conditions de travail. Ma question, enfin, c'est un échange avec vous... Vous suggérez, à la fin de votre mémoire et de votre intervention, de dire: Toute intervention par décret ou quoi que ce soit n'est pas souhaitée. Enfin, vous souhaitez a contrario davantage le vide juridique. Mais je me repose la question: Si le décret d'intervention ou des conditions de travail qui s'élabore présentement et que non pas le ministre du Travail aura à déterminer, comme l'a dit le député de Joliette, mais c'est plutôt le Conseil des ministres... On sait que, dans la loi, il y a des pouvoirs qui sont du pouvoir ou de l'autorité du ministre du Travail et il y en a d'autres qui sont du gouvernement. Il a été ministre assez longtemps pour savoir que ce n'est pas le ministre du Travail qui décrète, mais c'est le gouvernement, sur recommandation du ministre du Travail, mais c'est le Conseil des ministres qui détermine.

Il y a d'autres choses que le ministre du

Travail peut faire... Il disait lui-même que, s'il avait été ministre du Travail, à l'époque, dans son gouvernement, il aurait peut-être réglé certaines choses. Qu'on me donne la chance, à ce stade-çi, de recommander à mon gouvernement l'ensemble des sujets qui ont été discutés aux tables de négociation, même celles qui n'ont pas été entendues. Je ne me sens pas lié, strictement parlant, par ce qui aurait été entendu ou non. J'ose croire que le projet des conditions de travail est fait dans une optique assez généreuse. Alors, à ce moment-là, si vous trouviez que le décret finalement rejoignait un ensemble de ce que vous suggérez, est-ce que vous croyez cela uniquement parce que c'est un décret ou qu'il n'y a pas eu de rapport de force que c'est inacceptable? (12 h 30)

M. Bilodeau: Naturellement, si le ministre, dans un décret, s'avisait d'être généreux, je dois vous dire que ce sera d'abord un peu surprenant si on connaît l'histoire de l'industrie de la construction. Toutefois, il est certain que dans le cadre qui vous a été soumis par la coalition dans ses contre-propositions - et d'ailleurs on a travaillé avec votre conciliateur pendant tout près d'une journée pour lui indiquer les principaux points, la journée de samedi a servi à ça - je pense que les messages ont été assez clairs au gouvernement que la volonté de la coalition, c'est peut-être d'adapter une fois pour toutes des solutions à l'ensemble des problèmes que vivent les travailleurs et les travailleuses de la construction depuis plusieurs années. On insiste peut-être dans les grandes lignes sur toute la question du travail ,au noir. Le travail au noir, on l'avait dénoncé, il y a plus de cinq ans, et actuellement il n'y a pas d'effort senti de la part des associations patronales, même si elles vont afficher elles-mêmes, je dirais, constater le phénomène, il n'y a pas d'effort véritable pour nous dire ou indiquer qu'il puisse y avoir quelque part une volonté commune d'arriver à faire en sorte qu'on puisse corriger le travail au noir. Alors, on n'a pas d'autres choix que de vous offrir une proposition qui est celle de vous dire: Écoutez, il faut que les parties syndicales puissent avoir le pouvoir d'aller sur les chantiers de construction et de vérifier les cartes des travailleurs de la construction, de vérifier les licences des entrepreneurs de façon à pouvoir simplement identifier le travail au noir. Ça, c'est une chose qu'on demande depuis plusieurs années. On n'a pas reçu de réponse à ce niveau-là. Au niveau de l'ancienneté, ça fait 20 ans qu'on la demande. On sait que c'est la base même, je dirais, d'un minimum de possibilités pour faire en sorte que le travailleur, isolé sur son chantier, puisse être capable d'avoir un pouvoir pour résister à l'arbitraire du patron qui, lui, peut le mettre à pied sans même un préavis écrit, qui peut le mettre à pied simplement, comme le disait tout à l'heure Yves Paré de la FTQ- construction pour une mise à pied temporaire et qu'on ne reverra pas parce que de toute façon ce sera un licenciement déguisé. Alors, on pense qu'une liste d'ancienneté va permettre au travailleur de lui donner, je dirais, quelque part, un moyen de s'agripper à son décret pour faire au moins respecter les conditions du décret qui ne sont pas respectées de toute façon. Et là. je pense qu'on vous a expliqué chacun de ces points-là. Quant à nous, il est clair que si le gouvernement intervenait à ce moment-ci et disait: Écoutez, la contre-proposition syndicale nous apparaît comme étant la solution qui permettra de régler des problèmes. Je dois vous dire qu'on serait d'abord, premièrement, très surpris mais qu'ensuite, je pense, que nos assemblées syndicales en tiendraient certainement compte pour faire en sorte de juger à ce moment-ci de la volonté de continuer avec une prolongation de décret. Mais on irait voir dans nos assemblées d'abord ce qui...

M. Chevrette: Sur le plan théorique, je voudrais bien donner raison au ministre. C'est vrai que c'est le Conseil des ministres qui décrète et non pas le ministre. Mais je vois Mme Robic discuter du contenu du décret de la construction et de l'ancienneté dans les mises à pied sur un chantier temporaire par rapport à un chantier de grande envergure industrielle. Il ne faut pas rire du monde là! Il y a un cadre juridique, il y a un cadre pratique. Le cadre pratique, c'est le ministre du Travail qui arrive avec une recommandation au Conseil des ministres. Moi, je pensais, de la manière qu'il avait commencé à lire le mémoire, qu'il viendrait nous dire: Bon, bien savez-vous, la formule des griefs que vous proposez, je la trouve pas pire. Je pense qu'on va la recommander. Je pensais qu'il était pour nous dire... Les chantiers industriels, la définition que vous lui donnez, ça a de l'allure et ce soir, je vais la recommander dans mon décret. Mais ce n'est pas ça qu'il vous a dit: II a trouvé ça beau. Il a trouvé ça très beau, très bien écrit. Nous autres, on aurait aimé que le ministre dise ce qu'il en pensait. En plus d'être beau et d'être bien écrit et que ça se lit bien, est-ce que ça va faire partie du décret ce soir ou de la recommandation gouvernementale? C'est un Conseil des ministres spécial qui devrait avoir lieu, si j'ai bien compris. Cinq ministres qui vont décider de façon très urgente de passer un décret pour minuit ce soir. C'est ça, à toutes fins pratiques, à moins que je ne me trompe. Je ne me trompe pas, hein?

Donc, ne me trompant pas, imaginez-vous si le ministre a le temps aujourd'hui d'aller fouiner dans les 19 tables sectorielles, pour voir où on en est rendu. Sur le plan pratique, moi, je n'aime pas ça qu'on remplisse le monde. Sur le plan pratique, le décret, il faut qu'il soit quasiment rédigé à cette heure-là. Il est 12 h 35 de l'après-midi. Il va faire partie d'une convention

collective décrétée ce soir à minuit et il y a 19 tables sectorielles, dont sept qui ont fini. Il y en a d'autres où ce n'est pas tout à fait fini et d'autres qui sont avancées sur certains sujets. Comment, décemment, tout ça va-t-il faire partie d'un décret potable? Je ne le sais pas. À moins qu'il y ait eu des négociations qu'on ignore. Est-ce que vous avez eu des offres dans les coulisses, vous autres?

M. Bilodeau: Des offres? Vous me surprenez. Effectivement, je dois vous dire que, depuis deux semaines, la coalition et principalement peut-être, je dirais, certains groupes de métiers parce que, pour eux, les tables particulières revêtent beaucoup d'importance, ont fait des demandes répétées et suivies au gouvernement pour faire en sorte de faire avancer leurs tables. De là à avoir eu des offres, non.

M. Chevrette: Vous n'avez pas eu un cadre de règlement final qui vous aurait été proposé?

M. Bilodeau: Non.

M. Chevrette: Par un conciliateur?

M. Bilodeau: Non.

M. Chevrette: Vous n'avez pas eu d'échange avec l'AECQ sur un potentiel cadre de règlement?

M. Bilodeau: Des échanges éclairs dans le sens où par exemple, voyant que le conciliateur était affairé, nous avons communiqué avec le conciliateur pour lui demander effectivement ce qui se passait, ce qui arrivait. Or, effectivement, on lui a indiqué, encore à ce moment-là que, pour nous, c'était important de faire en sorte de respecter ce qui est contenu dans notre rapport, de laisser le vide juridique, de laisser les parties négocier et on lui a indiqué également que la contre-proposition de la Coalition la semaine dernière et ces points très importants qui avaient été indiqués au conciliateur devraient être retenus par le conciliateur à ce moment-ci et continuer de faire l'objet de la négociation.

M. Chevrette: Est-ce que je peux poser une question au ministre? Est-ce que le ministre a demandé à son conciliateur un rapport, pour lui au moins, sinon pour les parties?

M. Séguin: Le travail de mon conciliateur actuellement, c'est de me formuler un ensemble de recommandations, suggestions ou propositions pour m'éclairer le plus possible, évidemment, sur ce qui pourrait être contenu à la convention. Alors, le conciliateur a discuté avec les parties. Il discute encore et il va retenir des choses. Sur autre chose, il ne pourra les retenir parce que ce n'est pas complet ou ce n'est pas possible, mais son travail actuel est dans ce but-là. Je reçois présentement certaines communications des parties sur les points sur lesquels elles veulent insister davantage.

M. Chevrette: Est-ce que c'est pensable... Je m'excuse si je vous ignore pour quelques minutes, mais je pense que ça va bien pour vous pareil. Est-ce que c'est pensable que le conciliateur, d'ici quelques heures, puisse faire part à toutes les parties d'un cadre potentiel de règlement?

M. Séguin: À ce stade-ci, le travail du conciliateur est difficile entre les parties parce qu'il n'y a pas d'entente. Alors, on connaît l'état de la situation entre les parties, donc ce que j'ai demandé à mon conciliateur, c'est de m'aider le plus possible à établir ce qui lui a été présenté et ce qu'il a pu constater et ce qu'il semble croire qu'il y a des éléments intéressants.

M. Chevrette: Mais, avant de décréter, si votre conciliateur, M. le ministre, vous rédige un état de situation qui devrait vous influencer dans la rédaction finale du décret, comme addenda à votre décret, le contenu des conditions de travail, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de soumettre ça aux parties? Tout d'un coup que ça aurait un petit peu d'allure? Tout d'un coup que, si, de part et d'autre, on sent...

M. Séguin: Je ne crois pas que le conciliateur...

M. Chevrette:... que c'est peut-être préférable.

M. Séguin: Le conciliateur m'a informé qu'il n'arrivait pas actuellement à un protocole d'ensemble acceptable entre les parties. Il y a eu des tentatives, des discussions, mais ça n'a pas réussi. Ce que je lui ai demandé de faire, c'est de m'indiquer les éléments, au niveau de la convention collective, qui sont susceptibles d'être retenus et qui sont intéressants. Sa démarche n'est pas officielle. On sait qu'un conciliateur, en vertu de la loi, n'est pas tenu au dépôt du rapport comme tel. Mais je lui ai demandé, pour m'assurer, moi, au-delà des parties, s'il n'y a pas d'éléments sur lesquels, même s'il n'y a pas eu d'entente, que je ne peux pas reconnaître le bien-fondé et tâcher de leur donner une bonification dans le décret. Comme je l'indique depuis hier, c'est mon intention. Des parties font valoir actuellement, enfin, particulièrement, les parties syndicales, insistent sur des éléments qu'elles souhaiteraient, au minimum, voir apparaître dans le décret, même si je comprends bien que la coalition n'est pas heureuse peut-être qu'il n'y ait pas d'entente et n'est peut-être pas heureuse de voir le décret, mais je me dis à tout le moins

que si les conditions de travail respectent le plus possible les demandes - je pense que c'était le sens de notre échange tantôt - je pense que le débat n'est pas de savoir s'il y a un décret, s'il y a un rapport de force, s'il y a une grève ou un lock-out. Je comprends que ça, ce sont des moyens, mais, à tout le moins, ce qu'on veut, c'est un résultat le plus raisonnable, le plus correct possible. Enfin, j'estime que ma bonne foi et ma sincérité, les éléments que j'ai me permettent de croire que les conditions ou les éléments du décret devraient être jugés, à tout le moins, raisonnables et intéressants sur plusieurs aspects, très intéressants.

M. Chevrette: Sauf que si j'ai posé la question, c'est fort simple, c'est à cause de deux choses. L'AECQ dit, à toutes fins pratiques: Le gouvernement a décidé de se substituer à nous. C'est son droit, en vertu de la loi. Donc, pour nous, c'est fini. Et j'ai même fait dire à M. Dion, vous vous rappellerez, considérez-vous que vous pouvez négocier après? Il a bien dit non. À partir de là, c'est là que le ministre, à mon point de vue, peut jouer un rôle encore, dans le sens suivant. Quand un conciliateur ou un médiateur au dossier fait part de ce qui lui apparaît comme normal, ça peut créer une pression, y compris si on a un employeur qui a décidé de ne plus négocier parce que vous vous êtes substitués.

Je me rappelle, moi, de M. Marois, au moment où il a dû décréter les conditions de travail. Je ne me souviens pas en quelle année, mais je me souviens que les employeurs étaient devenus furieux contre Pierre Marois. Je m'en rappelle. Mais, à ce moment-là, je suis convaincu que s'il avait eu à négocier, il se serait peut-être assis à la table. Conscient des intentions du ministre du Travail, ça peut changer des choses assez rapidement. C'est pour ça que je vous tendais la perche, M. le ministre, en vous disant: Vous avez peut-être encore dans votre sac quelques heures devant vous pour dire à l'AECQ. Bien, c'est bien de valeur, mais comme tu n'as pas voulu ou que tu ne veux plus négocier ou... Il y a des choses que je reconnais comme plausibles dans les demandes. Non seulement je les trouve bien écrites et bien libellées, mais j'adhère à son contenu. C'est un peu ça que je voulais tirer du ministre et qu'il me dise: Bien, vu que je suis d'accord avec le contenu, peut-être que ça fera partie du décret, peut-être que ça va négocier vite, peut-être qu'avant lundi soir, minuit, il y a des choses... Quand on veut négocier... Il y en a un qui racontait que M. Bellemare enfermait... Je ne suis pas sûr que c'est toujours la meilleure solution. Mais, sans enfermer, je trouve qu'il y a encore des possibilités. Il y a une autorité morale, il y a une volonté politique qui peut jouer encore dans le décor.

M. Bilodeau: Je vous remercie de votre appui, mais on demeure sensibles quand même aux efforts du ministre et du conciliateur pour adhérer également à notre document.

M. Chevrette: Oui, hein. Moi aussi. Et je vous remercie.

M. Séguin: Je vous remercie des encouragements. Mais ils vont dans ce sens-là et je suis très ouvert. D'ailleurs, je vous écoute ce matin avec beaucoup de sensibilité. Évidemment, je connais les demandes de la coalition syndicale. Mon objectif, c'est d'essayer de les rencontrer. Actuellement, je fais l'impossible avec les gens du ministère pour que nous arrivions à un décret le meilleur possible, qui va respecter davantage les conditions de travail, et non pas la mécanique parce que pour ça je suis d'accord, la mécanique, les rapports de force, etc., j'ai pris l'engagement et c'est public. D'ailleurs, je suis prêt à le confirmer cet après-midi par un communiqué de presse. Sous réserve de la disponibilité de la commission actuelle de l'économie et du travail, dès septembre, au courant de septembre, on est prêt à soumettre la loi à l'examen de la commission par audiences publiques. Je suis prêt à m'engager dans la réforme sans aucune hésitation parce que, comme ministre du Travail et pour avoir négocié l'année passée et cette année, je suis convaincu que le système actuel n'est pas acceptable dans l'ensemble de ces dispositions.

Le Président (M. Bélanger): M le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bilodeau: Seulement peut-être pour vous résumer que même dans le cadre d'une réforme de la loi, effectivement, il peut y avoir certains, je dirais, trous importants actuellement dans la loi. On a fait partie d'un comité, il y a deux ou trois ans, qui devait revoir l'ensemble de la loi et dans lequel il s'est dégagé d'ailleurs des consensus, notamment sur le travail au noir. Simplement pour vous rappeler que ce comité avait été institué aussi parce qu'on sentait que la loi ne répondait plus au problème de l'industrie. On a fait partie du comité, mais ce comité n'a pas siégé très longtemps.

Le Président (M. Bélanger): M le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Avant de remercier nos interlocuteurs, je voudrais dire que nous on souhaite bien que le ministre, puisque sa décision de prolonger pour une longue période est prise et qu'il est en contact avec le conciliateur, établisse des conditions de travail qui pourraient donner à l'association des entrepreneurs le goût de négocier elle-même la prochaine fois.

Le Président (M. Bélanger): Alors, si on voulait remercier nos invités. M. le député de Joliette.

Une voix: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie la CSN-Construction pour sa participation aux travaux et j'appelle à la table la CSD, la Centrale des syndicats démocratiques.

Non, on continue jusqu'à 14 heures.

Alors, bonjour à nos invités de la Centrale des syndicats démocratiques. Excusez-moi, j'ai de la difficulté avec les sigles ce matin. Alors, bienvenue à nos travaux. Je vous inviterais, dans un premier temps, à identifier d'abord vos porte-parole, à présenter les gens qui vous accompagnent et à procéder à la présentation de votre point de vue pour lequel vous aurez 20 minutes ferme. Je vous en prie, si vous voulez. (12 h 45)

Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Gingras (Claude): Je vous remercie, M. le Président, membres de la commission, M. le ministre. Je désire, comme vous l'avez souhaité, vous présenter ceux qui m'accompagnent pour échanger certains propos à cette occasion. Alors, à l'extrême gauche, le vice-président du syndicat, M. Gérard Néron; à ses côtés, M. Ernest Léves-que, secrétaire; à ma gauche immédiate, M. Pierre-Yvon Ouellet, directeur professionnel du secteur construction et, à ma droite, Mme Catherine Escojido, relationniste à la CSD. Il est inutile de vous dire qu'à la CSD, on représente quand même 11 000 travailleurs de la construction avec beaucoup de fierté et ceux qui sont ici aujourd'hui le font dans cet esprit-là aussi.

Nous voilà enfin à nouveau réunis devant la commission de l'économie et du travail pour faire le point sur une situation qui prévaut dans le secteur névralgique qu'est l'industrie de la construction. J'ai pris connaissance, et je voudrais l'indiquer immédiatement, avec beaucoup de satisfaction de l'intention du ministre, qui semble partagée par l'Opposition, de revoir les fondements mêmes de la loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction qui, depuis trop d'années, fait défaut d'encadrer ou de prévoir un régime de relations du travail dans cette industrie qui, quand même, réponde aux besoins des défis de cette industrie-là.

J'espère que je ne dérange pas trop.

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): Comme on a des invités qui sont venus pour se faire entendre à notre demande, je voudrais qu'on les respecte et qu'on les entende bien de part et d'autre, s'il vous plaît! Merci.

Une voix:...

Le Président (M. Bélanger): Oui, j'ai remarqué. Vous savez, les chicanes de famille...

M. Gingras: Je voudrais vous souligner qu'il est regrettable que nous soyons une nouvelle fois placés dans la situation de participer à un tel exercice pour évaluer les hypothèses qui s'offrent. Or, depuis plus de 20 ans, il est important de rappeler qu'une seule entente négociée a été signée dans l'industrie de la construction. Tous les autres contrats de travail ont été imposés. Les gouvernements qui se sont succédé ont été bien sûr complices de cette situation - c'est notre évaluation - empêchant les parties de mener des négociations conformes aux particularités de l'industrie. Je vous rappelle qu'à la CSD, ce n'est pas la première fois qu'on conteste le mécanisme de négociation comme étant, en grande partie, responsable de la situation qui prévaut et qui se répète de négociation en négociation.

La présente négociation, bien sûr, ne déroge pas à cette dure réalité. Or, cette négociation a mené bien sûr à un échec qui s'est traduit par une autre intervention du gouvernement qui a dû prolonger le décret l'an passé pour une période d'un an, assorti de conditions minimales. Alors, c'est donc au début de 1989 que la FTQ et la CSN convenaient d'ajouter à leur coalition syndicale Tinter, en vue de négocier le renouvellement du décret qui venait à échéance effectivement le 30 avril 1990.

Dès le mois d'avril 1989, alors que la coalition était en phase de formation, il a été question d'y associer la CSD. Je vous réfère à la position qu'on vous a soumise; il y a des échanges de lettres qui ont été faits dans le but d'associer la CSD à l'exercice de la négociation. D'ailleurs, une des parties syndicales était aussi d'accord. Je veux les en féliciter, c'est l'International, qui avait quand même souscrit à la possibilité que la CSD fasse partie intégrante de la table de négociation en termes de principe. Cependant, ça n'a pas pu se réaliser: plus de 11 000 travailleurs de l'industrie ont ainsi été écartés, à mon avis, d'une façon outrancière, de la négociation de leurs conditions de travail. C'est une erreur qui semble un peu contagieuse, parce que la présente commission a failli calquer sa consultation sur le même modèle.

Le Président (M. Bélanger): Mais il y a des gens qui étaient vigilants.

M. Gingras: Or, à compter de 1989, la négociation s'est poursuivie dans un cadre et dans une structure comportant une table centrale et 19 tables particulières de négociation.

Or, c'est une structure qui, à notre avis, no peut que mener à la situation qu'on connaît, mener aux difficultés qu'on a connues dans le cours de la négociation. Et ce n'est pas la première fois qu'on le répète. C'est que la coordination d'une telle négociation est terriblement importante et l'équité des conditions qu'on cherche à négocier doit faire partie du modèle de négociation qu'on se donne si on veut parvenir quand même à ne pas créer, à l'intérieur même du mécanisme de négociation, les surenchères et différentes tables qui se contredisent au niveau du fonctionnement par rapport à des grands enjeux, qui sont quand même les enjeux de l'ensemble des travailleurs de la construction.

De plus, la coalition syndicale, à notre avis, a fait fausse route concernant ce qui constitue la pierre angulaire des demandes des travailleurs, à savoir la sécurité d'emploi et du revenu pour les travailleurs de la construction. En s'en remettant aux conclusions de la commission Sexton-Picard, la coalition a abandonné à des tiers, selon nous, son cheval de bataille initial concernant la bonification du régime d'assurance-chômage. La Commission devait étudier la faisabilité de mettre en oeuvre le régime de sécurité du revenu par un supplément d'assurance-chômage. La CSD-Construction a, d'ailleurs, présenté à cette Commission ses réserves quant à ce projet lors des audiences de Sainte-Foy, le 23 octobre 1989, et y a déposé un mémoire.

À notre sens, ce n'est pas en bonifiant un régime fait pour les chômeurs qu'on assurera la sécurité d'emploi et du revenu des travailleurs. Il faut rappeler que le régime était la priorité de négociation de l'alliance, la première qui avait été lormée, de la FTQ et de la CSN lors de la négociation de 1989. L'alliance avait finalement accepté d'y renoncer lors du renouvellement d'avril 1989, après que le ministre du Travail eut promis de mettre sur pied, justement, cette commission d'enquête.

Cette erreur, qui a consisté à confier à des tiers une priorité de négociation, allait éclater, selon nous, au grand jour lorsque le gouvernement prolongeait, au 30 juin 1990, le mandat de cette commission. Or, ce nouveau délai sortait complètement le sujet du calendrier de négociation et la coalition n'avait plus aucun pouvoir pour s'y opposer. La négociation a végété jusqu'au printemps 1990 et les événements se sont bousculés.

En mars et avril, on a assité à des moyens de pression sur les chantiers: grévettes, ralentissements, journées d'étude. Ces événements prouvaient l'incapacité de la coalition à procéder à un véritable exercice démocratique de mobilisation des travailleurs.

Or, cette absence de stratégie d'action constitue une quatrième erreur, à notre avis. En omettant d'associer l'ensemble des travailleurs à un exercice démocratique, on a semé la confusion, on a créé des frustrations et on a engendré la division Vous savez, quand 11 000 travailleurs qu'on représente ne sont pas associés quand même à un exercice aussi important que celui de décider des moyens de pression et d'être partie prenante à une négociation de leurs conditions de travail et, en fait, de leur qualité de vie en milieu de travail, c'est difficile, à un moment donné, de toujours partager lés moyens qui sont utilisés et quand on ne prend pas ces moyens-là, c'est difficile d'obtenir une certaine solidarité et qu'elle soit ressentie justement dans l'atteinte des objectifs.

En mars 1990, la CSD-Construction s'adressait à nouveau à la coalition syndicale pour participer à la négociation. Un document intitulé "Une démobilisation démocratique des travailleurs pour humaniser l'industrie de la construction au Québec" - et nous vous l'avons indiqué en annexe - exigeait de la coalition deux points majeurs. Le premier, qu'elle change de stratégie de négociation en abandonnant les tables de métier et en mettant de l'avant l'ancienneté régionale par employeur comme priorité de négociation et qu'elle change de stratégie d'action en revenant à la base d'une véritable action syndicale démocratique impliquant la tenue d'un vote au scrutin secret pour ou contre la grève générale, légale et illimitée. Or, les travailleurs de la CSD, bien sûr, sont prêts à partager l'action qui mènerait à la réalisation d'une convention collective mais dans le cadre, justement, d'un exercice démocratique où ils pourraient se prononcer justement en toute quiétude sur ces moyens à utiliser.

Il est important de rappeler que le 2 avril 1990, la CSD Construction demandait la nomination d'un conciliateur spécial. Ce n'est pas uniquement la partie patronale qui a demandé la nomination d'un conciliateur et je pense que ce n'est pas une honte de le faire. Je pense que quand des négociations sont dans des impasses et qu'on peut faire appel à des tiers qui, à un moment donné, peuvent aider à trouver des solutions, il faut rechercher ces mécanismes-là. Or, c'est avec cette intention que la CSD a demandé, justement, que ce conciliateur spécial soit quand même muni du mandat de rencontrer toutes les associations représentatives, bien sûr, incluant la CSD.

Mais on demandait aussi qu'il soit muni d'un pouvoir de faire une recommandation, recommandation aux parties sur l'ensemble des conditions qui pouvaient faire l'objet des litiges demeurant, incluant les ententes, bien sûr. Ça, ça aurait été la mécanique pour permettre de remettre la négociation un peu sur ses rails. Que quelqu'un, parce qu'il y a mésentente, impossibilité d'accord, puisse statuer à un moment donné, faire une proposition qui aurait pu éventuellement être examinée, tant par les travailleurs dans un exercice démocratique que par les employeurs aussi dans le même exercice, sans que ce soit une ordonnance. Cependant, ce

n'est pas tout à fait le mandat avec lequel il a entrepris son travail. Le 4 avril, considérant le fait que son mandat ne précisait d'aucune façon le pouvoir de formuler une recommandation, il n'a donc pu remettre la négociation sur ses rails. C'est notre prétention.

Le 27 avril 1990, le gouvernement décidait unilatéralement de prolonger le décret jusqu'à 21 mai 1990 en suspendant le droit de grève. Il plaçait ici la coalition syndicale dans une position intenable. Le gouvernement a enlevé à la coalition le pouvoir d'agir légalement dans le cadre du rapport de force. Nous en sommes maintenant à l'étape de la commission parlementaire.

Pour sortir de cette impasse, avant d'aborder spécifiquement les propositions d'action, la CSD-Construction désire rappeler le contexte général. En résumant son programme de revendications, en commentant l'attitude patronale et en rappelant les responsabilités de l'État.

Quant à notre programme de revendications, la CSD-Construction - et vous l'avez en annexe - a proposé un programme de négociations axé sur un thème fondamental: Humaniser l'industrie de la construction." Ce thème doit contenir les principaux aspects suivants: sécuriser l'emploi, sécuriser le revenu, combattre la discrimination, accorder des congés supplémentaires et répondre aux nouveaux besoins des travailleurs.

Quant aux tactiques partronales, l'AECQ, à notre avis, ne représente plus la réalité et les intérêts de ses membres. C'est régulièrement qu'on assiste à des rencontres avec des employeurs qui nous disent souvent se poser la question sur ce qui se passe et comment la négociation se mène. Et on a quand même des témoignages importants à ce sujet-là. Ils se questionnent énormément. On s'aperçoit que cette négociation-là est dirigée par une technocratie qui joue les cartes suivantes: Mener des luttes d'arrière-garde et proposer des offres dérisoires souvent; se retrancher derrière l'immobilisme et le juridisme à outrance et demeurer dans l'attente d'une intervention gouvernementale plutôt que de s'engager dans une véritable négociation. (13 heures)

Depuis toujours, le gouvernement utilise l'industrie de la construction comme levier économique. Il ne faut pas se cacher cette réalité. C'est une dure réalité avec laquelle on est obligés de composer, les travailleurs de la construction.

Cette industrie est considérée comme stratégique pour la bonne marche de l'économie en général. Le principe qui dit "quand le bâtiment va, tout va" est plus d'actualité que jamais et entraîne le gouvernement à poser souvent des çjcstes dont les effets sur les relations du travail sont déplorables. L'État favorise systématiquement ainsi la partie patronale par son intervention Le 27 avril, par exemple, le gouvernement a décrété des conditions de travail jusqu'au 21 mai 1990, suspendu le droit de grève pendant cette période. Or, la CSD-Construction, bien sûr, s'est opposée à cette approche car elle ne visait qu'à gagner du temps, tout en consacrant au profit du patronat le déséquilibre du rapport de forces. Il était utopique de croire que l'AECQ allait faire le virage de la sécurité d'emploi et du revenu pour les travailleurs face à une coalition syndicale amputée de son droit de grève légal.

L'État, quant à nous, doit agir. Pour la CSD-Construction, la présente commission parlementaire est l'occasion de sensibiliser le gouvernement à la gravité des problèmes de la construction et à ses responsabilités. Nous ne sommes pas ici pour cautionner l'action gouvernementale, mais plutôt pour exprimer publiquement nos positions et revendications.

Le gouvernement s'est placé en réaction en intervenant à la pièce, toujours en catastrophe, face à des situations d'urgence. Nous croyons que le gouvernement doit maintenant faire le point et agir pour modifier les règles désuètes. C'est avec satisfaction que vous répondez, M. le ministre, je pense, à cet objectif de notre revendication. Il est urgent d'entreprendre une opération en profondeur pour assainir le fonctionnement de l'industrie de la construction. Pour ce faire, le gouvernement doit s'engager sans détour à régler deux problèmes majeurs: procéder à la réforme du régime de relations du travail et s'assurer de la mise en place de conditions de travail comportant un véritable virage pour humaniser l'industrie.

Quand on parle de réforme du régime de relations du travail, pour nous, à la CSD, ça signifie l'expérience des 20 dernières années qui nous démontre que l'actuel régime est un échec. Nos propositions pour sortir de cette impasse reposent premièrement sur le pluralisme. L'État doit reconnaître sans équivoque, dans le régime de relations du travail, le droit fondamental de toute association syndicale de représenter ses membres, tant dans la négociation que dans l'application de leurs conditions de travail. On parlait de droits fondamentaux, j'ai entendu ça tout à l'heure, il est inacceptable de déposséder des associations syndicales mandataires du pouvoir de représenter leurs membres, de leur droit de négocier et d'appliquer leurs conditions de travail.

Ce régime doit garantir également la pleine application du pluralisme par les moyens suivants: assurer la présence de toutes les associations syndicales représentatives au processus de négociation et au conseil d'administration de la CCQ, respecter la liberté de choix syndical en cessant d'utiliser la formule de prolongation du décret qui a pour effet d'éliminer le vote d'allégeance et, enfin, rendre obligatoire le vote d'allégeance pour l'ensemble des travailleurs de la construction afin de démocratiser le droit d'association. Vous le savez, c'était la formule

originale qui a été modifiée dans le temps, tous les travailleurs devaient aller voter. Maintenant, ceux qui le font s'identifient comme des gens qui veulent changer d'allégeance à la porte même des "poils". Ça, je pense que ce n'est pas un exercice très, très démocratique.

La preuve n'est plus à faire que l'ensemble du processus de négociation doit être révisé. Il est donc impérieux que le gouvernement mette en place un régime qui prévoit la désignation d'un médiateur permanent qui aura le pouvoir d'agir dès le début de la négociation; d'accorder à ce médiateur le pouvoir formel de recommandation; et de permettre l'exercice démocratique de consultation de tous les travailleurs sur la base des ententes et des recommandations formulées par le médiateur. Ce sont des axes, des pistes qu'on soumet qui sont des pistes, pour nous, qui constituent peut-être les pistes de l'avenir d'un régime de négociation potable dans l'industrie de la construction. Il y aurait moyen d'"élaborer" autour de ces pistes-là.

La réforme du régime de relations du travail pourra en outre aborder d'autres questions comme les modalités de l'exercice du droit de grève, le monopole de l'AECQ, etc. Nous aurons sûrement des propositions à soumettre au cours d'une telle étude. Dans les circonstances actuelles, il semble qu'une fois de plus l'État aura peut-être à décréter les conditions de travail, ce que nous ne souhaitons pas nécessairement à ce moment-ci, et j'aime à le rappeler. La CSD-Construction déplore cette situation, et c'est pourquoi nous avons proposé une réforme du régime des relations du travail.

Dans l'éventualité d'un décret, nos revendications sont les suivantes parce que, bien sûr, vous remarquez qu'on n'est pas à la table de négociation. On a un petit peu de misère à les transporter aux bons endroits, nos revendications.

Ce qu'on demande, c'est l'ancienneté régionale par employeur. Contrairement à ce qui a été énoncé ce matin, on ne croit pas que l'ancienneté par chantier réponde aux besoins des travailleurs de la construction. On pense plutôt que l'ancienneté régionale par employeur, c'est la formule. Dans notre esprit, c'est la seule forme de virage qui va instaurer un minimum d'équité et un minimum de confiance, et les travailleurs dans cette industrie vont quand même pouvoir continuer de travailler dans cette industrie à partir des mêmes droits que les autres travailleurs dans d'autres entreprises, dans d'autres secteurs. Il est inadmissible qu'en 1990 on en soit encore à réclamer l'ancienneté dans cette industrie-là, qui n'existe sous aucune forme.

L'ancienneté régionale par employeur apporterait un critère universel et transparent dans les procédures d'embauché et de mise à pied. L'ancienneté régionale par employeur réduirait "drastiquement", quant à nous, le travail au noir. C'aurait un effet bénéfique, en tout cas, parce que l'importance d'accumuler son ancienneté, c'est quand même quelque chose qui contribue à afficher au grand jour les heures qu'on fait pour un employeur et cela permettrait véritablement aux travailleurs d'exercer leurs droits en matière de santé et de sécurité. Ça, on ne le rappellera jamais assez Actuellement, les travailleurs n'exercent pas leurs droits en matière de santé et de sécurité parce que, justement, le lendemain matin, c'est la porte qui les attend.

Il y a aussi l'abolition de la discrimination sous toutes ses formes, l'uniformisation pour tous les métiers et occupations du régime d'avantages sociaux et de primes, la présomption en faveur des travailleurs dans le cas de discrimination (la section XIV du décret), entre autres.

Le Président (M. Bélanger): Je vous.

M. Gingras: Je vais essayer d'accélérer, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Gingras: II y a l'indexation et l'enrichissement aussi qu'on réclame. Tous conviennent que certaines politiques actuelles, comme l'implantation de la TPS, créent une incertitude sérieuse sur l'inflation pour les prochaines années. Il faut protéger les travailleurs contre cette incertitude par une véritable clause d'indexation à laquelle il faut ajouter un enrichissement réel pour retourner aux travailleurs les gains de productivité auxquels ils ont droit.

Quant aux congés et jours fériés, vous avez ici l'énumération de notre réclamation. On propose de porter le pourcentage à un pourcentage plus élevé pour tenir compte d'une amélioration des vacances qui n'ont pas subi de changement depuis de nombreuses années.

Au chapitre des avantages sociaux, la CSD-Construction propose d'accroître la contribution de l'employeur de façon à permettre immédiatement la préretraite à 55 ans. De même, il est essentiel de prévoir "minimalement" l'indexation et les indemnités d'assurance-salaire et de frais dentaires.

Quant à la formation professionnelle, il est important aussi d'introduire une nouvelle section qui permette des congés-éducation et une formule d'accès à la formation académique de base incluant l'alphabétisation.

Quant aux autres mesures, donner aux préretraités et retraités, incluant les cas d'in- -validité, un accès à 65 ans à l'assurance-vie et à l'assurance-médicaments; permettre aussi, par dérogation, l'utilisation de l'indemnité de congés annuels pour le financement d'une cure de désintoxication, et j'ai compris que ça faisait partie maintenant des accords, mais c'était quand même une revendication importante.

Plus loin que le décret, bien sûr, il y a

d'autres revendications. Permettez-moi de conclure en vous disant que le gouvernement du Québec ne peut pas et ne doit pas se permettre de décréter les conditions de travail dans la tradition des 20 dernières années. Il doit entreprendre le virage de la sécurisation et de l'humanisation de l'industrie. Il doit en outre s'engager à entreprendre une réforme en profondeur de l'industrie. Le trop prévisible décret du 21 mai prochain doit marquer le début d'un virage à entreprendre et non l'aboutissement d'une autre intervention en catastrophe.

C'est pour ça, M. le ministre, que, s'il n'y a pas de conditions minimums, comme l'ancienneté qui font partie de ce qu'on appelle les prochaines conditions de travail des travailleurs de la construction, on n'aura rien fait pour changer l'état actuel des choses el humaniser l'industrie. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Séguin: Oui et, M. le Président, pour tenir compte du temps qui nous est imparti, je vais tâcher d'être assez bref pour entendre l'autre groupe après.

Je salue M. Gingras, président de la CSD, et ses collaborateurs. Il me fait plaisir de les entendre ce matin. Et saluer aussi la qualité de leur mémoire qui est complet, qui soulève des points précis. Je reconnais là quelques demandes qui, je sais, sont chères à la CSD. Particulièrement, bien sûr, je pense que votre souci de pouvoir être représentés aux tables de négociations est très légitime, très compréhensible. Dans le projet de réforme qui s'annonce pour l'automne, comme je l'ai confirmé ce matin, je peux d'ores et déjà vous dire que vous êtes invités à participer à ce projet. J'"anticipe" que vous fassiez valoir toutes vos représentations à nos travaux éventuellement, cet automne. Donc, d'ores et déjà, considérez-vous publiquement invités à participer, sans équivoque

M. Gingras: Soyez assuré qu'on sera aux premières rangées, M. le ministre.

M. Séguin: D'ailleurs, un autre chapitre qui, je sais, tient particulièrement à coeur à votre centrale, la CSD, et on a eu des échanges dans ce sens-là, qui ne sont pas terminés, d'ailleurs, au niveau de la santé et de la sécurité du travail... Je vous avoue que les quelques notes que j'ai lues, je les trouve particulièrement intéressantes et est aussi intéressant le chapitre que vous nous amenez sur la santé. On va tâcher de regarder ça avec beaucoup de sensibilité.

J'avais une petite question, bien sûr. C'est que vous évoquez également, à moins que je ne me trompe, cette question de la représentativité de votre association au niveau des négociations. Mais est-ce que, dans le projet de réforme, etc., la question des rapports entre les différentes associations, et je pense que c'est le Conseil provincial des métiers de la construction qui l'avait soulevée aussi, favorisait une espèce de maraudage pour que la représentation syndicale soit différente? Comment voyez-vous cet aspect-là?

M. Gingras: C'est que, au niveau de la participation à une table de négociation, dans une négociation qui se veut à l'échelle nationale comme c'est un peu ce qui se passe dans le secteur de la construction, c'est important que cette négociation tienne compte de l'ensemble des parties qui sont habilitées et qui ont un droit fondamental de représenter quand même leurs adhérents. Que ce soient les employeurs, que ce soient les travailleurs dans cet exercice-la, je pense qu'ils doivent y trouver les mécanismes de représentation adaptés à cette réalité.

Pour nous, il est impératif, au départ, que l'industrie de la construction... La réponse n'est pas le monopole syndical, comme certains peuvent le préconiser. À notre avis, le monopole syndical dans cette industrie-là va arriver aux mêmes aboutissements que ceux qu'on connaît actuellement. Ça ne changera pas nécessairement.

Mais il y a moyen de faire vivre le pluralisme syndical en adaptant des structures de négociations qui vont faire en sorte de reconnaître que tous ceux qui ont des rôles de représentants mandataires de leurs membres puissent participer à ce mécanisme de négociations. Qu'est-ce que c'est, un mécanisme de négociations? Premièrement, c'est d'avoir la possibilité de préparer avec ses membres les demandes qu'ils ont en matière d'amélioration des conditions de travail. Ça, je pense que, respectivement, chaque association est capable de préparer ses demandes en vue de les présenter à un moment donné dans un mécanisme de négociations.

Ce mécanisme de négociations là, quand on préconise la nomination d'un médiateur au tout départ, c'est une espèce de coordonnateur de la négociation, qui est là pour évaluer l'ensemble des demandes syndicales qui émanent des différents groupes ou associations qui ont des mandats de leurs membres de présenter des demandes de négociations. (13 h 15)

M. Séguin: Une dernière question à M. Gingras. Est-ce que cette idée-là que je trouve particulièrement intéressante parce que, dans le projet de réforme, j'avoue qu'il y a des représentations qui m'ont été faites de penser à une forme de commission permanente de négociations... Vous parlez d'un médiateur qui, dès le début... Je me demande, c'est un peu nouveau comme concept, chez nous, au Québec, et même en Amérique du Nord. On ne voit pas ça beaucoup, mais je pense qu'en Europe c'est un peu plus utilisé. Je me demande si, à votre idée... Je

pense que vous êtes le seul à suggérer ça ce matin. Je comprends que ce n'est pas le débat sur la réforme comme telle que nous avons, mais je trouve ça intéressant parce que ça rejoint un concept que je trouverais intéressant, en septembre, de discuter avec les parties, à savoir si on ne devrait pas avoir, dans l'industrie de la construction, une commission permanente de négociation avec des mécanismes pour rendre publiques des recommandations pour permettre au gouvernement, éventuellement, ou à une forme d'entité, de convenir, à défaut, avec un certain rapport de forces, avec des mécanismes travaillés... Mais je pense que, si je ne me trompe pas, quand vous parlez d'un médiateur dès le début, ça peut rejoindre cette idée d'une commission permanente.

M. Gingras: Oui, parce qu'au départ ce qu'il faut constater, quand on a plusieurs associations et qu'on a quand même une multitude d'intérêts à concilier dans une négociation, c'est que souvent ça prend un mécanisme qui va agir un peu comme le coordonnateur de cette négociation. C'est pour ça aussi qu'on recommande que la personne ou la commission, comme vous proposez, qui jouerait ce rôle-là aille plus loin. C'est que l'ensemble des enjeux de l'industrie de la construction qui avait une espèce de rôle d'évaluer pour l'industrie de la construction ce qui pourrait être le projet de conditions de travail de l'industrie et, à un moment donné, de faire des recommandations pour en arriver à certaines solutions par rapport aux demandes et aux réponses que les employeurs formulent dans le cadre de ces demandes...

L'ensemble de cette proposition, parce que ça devient une proposition - il ne faudrait pas que cette commission-là vienne remplacer les parties, toutefois, et décide à leur place des conditions de travail - l'ensemble de cette proposition pourrait souvent être de nature à remettre la négociation sur ses rails et permettre un exercice démocratique de consultation des intervenants dans la construction. On parlait de notre doute que l'AECQ représente véritablement les employeurs, mais souvent les employeurs ne savent pas sur quoi se prononcer quand l'AECQ va les consulter aussi. Ils n'ont rien de tangible à mesurer et à décider. On est obligé d'avouer que, pour les travailleurs, souvent on est devant la même réalité. C'est qu'on va voir les travail leurs pour faire rapport des négociations sans nécessairement avoir beaucoup de choses à leur soumettre pour prendre des décisions.

Quand on n'a rien à soumettre et qu'on est en négociations et en demande, on ne peut pas échapper à la dure réalité que les travailleurs, à ce moment-là, deviennent très impatients, et puis on aboutit aux impasses qu'on connaît actuellement.

M. Séguin: Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: M. le Président, j'écoutais quasi religieusement l'approche théorique du président et du ministre. Entre vous et moi, en négociation, quand ça ne veut pas négocier, il n'y a pas grand-chose à y faire, tu auras beau avoir la plus belle structure, surtout quand un tiers peut jouer un rôle dedans. Surtout. Je me souviens, dans le domaine scolaire, c'était la même chose. On faisait participer la PAPT, la PACT et la CEQ à une même table. Ça, je pense que ça se bâtit bien, des mécanismes pour faire participer. Mais, en bout de course, s'il y a un tiers, souvent les parties vont s'en remettre à lui en disant: On ne veut pas perdre la face parce qu'on est rendus au bout de notre rouleau et nous autres... Et ça, là-dessus, je vous avoue que c'est pour ça que, quand la santé et la sécurité du public ne sont pas en danger, il n'y a rien comme un rapport de forces qui doit s'exercer correctement pour forcer les parties à négocier.

Je pense qu'on ne changera pas fondamentalement le processus de négociation. Je ne crois pas que la santé et la sécurité du public soient en danger, quand on parle du domaine de la construction, contrairement au cas des hôpitaux et contrairement au cas où l'année scolaire des enfants peut être en danger à un moment donné. À vouloir continuellement faire intervenir un tiers, je pense que les parties s'en remettront trop facilement à ce tiers qui est l'État, faussant ainsi toute règle du jeu dans le rapport de forces. Je pense qu'on n'y dérogera pas, à ça.

C'est un commentaire que je voulais faire. Mais j'ai une question à vous poser. D'abord, je voudrais corriger ce que j'ai dit tantôt. Pas corriger, mais apporter peut-être la nuance Je n'ai nommé qu'un ministre, vous ne comprendrez peut-être pas un décret, mais je pourrais en nommer 10 ou 16. Si ça fait plaisir à ma collègue de Kamouraska, je pourrais nommer le ministre du Tourisme, le ministre des Affaires municipales, le ministre des Terres et Forêts En voulez-vous d'autres? Le président du Conseil du trésor Si vous en voulez des plus gros, dites-le-moi, je vais vous les donner.

Ceci dit, j'aurais une question à vous poser. Croyez-vous fondamentalement que le décret qui est inévitable, à ce stade-ci... Voulez-vous me dire ce que vous y voyez comme éléments essentiels pour calmer les travailleurs ce soir? Quels sont les éléments essentiels que vous voyez dans ce décret pour calmer les travailleurs? Est-ce que c'est la liste d'épicerie que vous avez en annexe ou s'il y a des points particuliers sur lesquels vous insisteriez davantage par rapport à d'autres?

M. Gingras: Pour répondre à votre interrogation, je voudrais quand même, dans le

préambule, répondre à la première partie de votre intervention. Quand on parle d'introduire un tiers, ce n'est pas nécessairement pour lui donner le rôle de se substituer aux parties, dans notre esprit, c'est pour agir plutôt comme un coordonnateur, comme une personne responsable d'essayer de mesurer les enjeux et les objectifs des parties et de faire des recommandations appropriées. C'est d'agir pour créer la chimie.

M. Chevrette: Je suis d'accord avec vous.

M. Gingras: Oui, mais c'est ça, c'est parce que ça laisse sous-entendre qu'on élimine le rapport de forces. Pour nous autres, il n'en est pas question. C'est que, dans notre formule, le rapport de forces doit demeurer absolu, le droit de grève, dans toute sa plénitude, pour . les travailleurs. Si cet exercice qui vise à répondre à des besoins particuliers... Parce qu'il ne faut pas penser que l'industrie de la construction est dans une situation identique à ce qui se passe dans les relations du travail traditionnelles des entreprises; on est dans une situation qui est différente, il faut tenir compte de ces différences-là, avoir un mécanisme qui est approprié. C'est pour ça que, quand on parle de rapport de forces, il faut qu'il s'exerce après, quand même. Parce que la négociation n'a pas comme objetif de déboucher inévitablement sur un conflit; ce n'est pas ça qui est l'objectif de la négociation. Quand on ne veut pas que ce soit ça l'aboutissement, il faut prendre les moyens pour qu'on arrive à créer de véritables négociations. Alors, c'est ce qu'on recherche, mettre en place une mécanique qui tienne compte des composantes mandatées de cette industrie et qui, en bout de ligne, donne une chance pour que ces composantes-là puissent se prononcer sur des conditions de travail avant d'exercer un droit de rapport de forces, comme vous le mentionnez, ce qui, à ce moment-là, serait sain parce qu'on aurait au moins donné des chances à la négociation. C'est ce qui ne se passe pas actuellement dans l'industrie de la construction.

M. Chevrette: Je suis d'accord avec vous sur cette partie-là.

M. Gingras: Bon.

M. Chevrette: D'ailleurs, ce n'était pas l'interprétation que je voulais donner de vos propos. C'était beaucoup plus un commentaire additionnel.

M. Gingras: Bon, si on..

Wi. Chevrette: Parce que c'est vrai que les mécanismes sont importants, mais si on demeure dans une loi avec un "item" où c'est le ministre qui tranche à l'autre bout, on aura toujours cette tentative, dans des moments serrés ou corsés, de s'en remettre. Là, je ne dis pas exclusivement une partie. C'est la tendance qui peut se manifester, d'un côté comme de l'autre.

M. Gingras: Quant à votre deuxième question qui est celle des conditions de travail qu'on considère comme étant la pierre angulaire de l'humanisation des conditions de travail dans l'industrie de la construction, ça fait quand même depuis 20 ans qu'on n'a pas réussi à moderniser le décret dans un véritable rapport de forces. C'est arrivé à une reprise, je pense, qu'il y a eu une négociation qui a abouti à une convention négociée et qui a abouti finalement à un décret. Je pense que le ministre ne doit pas uniquement se contenter, dans un exercice de décréter des conditions de travail, de réaliser les consensus obtenus. Je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin que ça. Si on enlève aux travailleurs le droit d'établir le rapport de forces pour négocier et d'aller régler des enjeux fondamentaux, je pense que le ministre doit jouer le rôle jusqu'au bout. S'il veut se substituer aux parties pour décider des conditions de travail, il faut qu'il réussisse, dans le prochain décret, à régler l'ancienneté. On ne peut pas continuer d'attendre encore une décennie pour régler l'ancienneté dans l'industrie de la construction. C'est trop néfaste, les effets qu'il n'y en ait pas actuellement, sur le travail au noir, sur la santé et la sécurité, sur le droit de ces travailleurs-là de prétendre à un emploi et de pouvoir le conserver chez un employeur plutôt que de se faire évacuer constamment pour tout et rien et chaque fois qu'un chantier disparaît. Une ancienneté de chantier pour un travailleur du domiciliaire, savez-vous ce que ça veut dire? Il y en a qui passent deux jours sur un chantier, pour une maison. Ça veut dire qu'il aurait deux jours d'ancienneté. Ça, ce n'est pas la formule; c'est une ancienneté d'employeur sur le plan régional qui est la formule qui répond... C'est notre prétention et il faut absolument qu'il y ait un virage, qu'on l'accorde cette année, qu'on mette le pied dans la porte de l'ancienneté. Ça, c'est important.

Bien sûr, il y a les conditions économiques aussi, qu'on a soulevées, qui sont importantes. Si on n'a pas le droit de négocier, c'est que l'indexation des salaires des travailleurs, l'indexation aussi des différentes mesures qui sont à l'intérieur comme les frais de transport et ces questions-là, il y a plusieurs questions qui doivent être traitées, même si elles n'ont pas fait l'objet d'un accord. À notre avis, elles sont énumérées, elles sont toutes importantes. Le régime d'avantages sociaux, entre autres, le droit de prendre la retraite à 55 ans pour les travailleurs de la construction, ce sont des éléments importants de la négociation. Je pense que quand on parle d'humaniser l'industrie de la construction, on parle de toutes ces questions-là. Il faut absolument que ça fasse l'objet, s'il y a décret

de certaines conditions de travail, d'une réflexion très profonde et que ça ne se limite pas à essayer de rendre dans un décret les consensus obtenus. Je pense qu'il faut aller plus loin que ça parce qu'on ne peut pas attendre après la réponse de l'employeur. Actuellement, l'employeur ne nous consent pas l'ancienneté. On ne pense pas que, sans un rapport de forces, on va réussir à atteindre cet objectif. Si on veut nous l'enlever, le rapport de forces, il faut absolument qu'on statue sur des questions aussi essentielles que celles-là.

M. Chevrette: Je vous remercie beaucoup. Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Séguin: Je remercie M. Gingras et ses collaborateurs de la CSD d'être venus. Je le remercie de ses propos.

M. Gingras: Merci.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie la CSD pour la participation à ses travaux et invite à la table le Syndicat de la construction de la Côte-Nord de Sept-îles inc.

Bonjour. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre point de vue. Il y aura une partie d'échanges avec les parlementaires par la suite. Si vous voulez bien vous identifier et présenter votre mémoire, nous vous écoutons.

Syndicat de la construction de la Côte-Nord de Sept-îles inc.

M. Gendron (Sylvain): Parfait. Sylvain Gendron, pour le Syndicat de la construction de la Côte-Nord de Sept-lles inc. M. le Président, membres de la commission, on est le plus petit... Vous m'excuserez en partant parce que la personne qui devait venir n'est pas ici présentement. C'est moi qui ai été mandaté à la dernière minute. Ce que je tiens à préciser ici - premièrement, on n'a pas de mémoire - c'est qu'on est la plus petite centrale présentement. On n'a pas droit aux négociations, effectivement. Ce qu'on demande principalement... Excusez-moi, je n'ai pas l'habitude de parler en commission...

Le Président (M. Bélanger): Sentez-vous très à l'aise, prenez votre temps.

M. Gendron (Sylvain): Merci. Avec plus d'expérience...

Une voix: C'est pareil pour nous.

M. Chevrette: On a commencé exactement comme vous. Les genoux nous pétaient en dessous de la table, nous autres, dans les premiers temps.

Le Président (M. Bélanger): Peut-être moins pour M. le député de Joliette, mais pour certains autres, c'est vrai.

M. Gendron (Sylvain): Bon, merci beaucoup.

Une voix: II parle tout le temps, lui.

M. Gendron (Sylvain): Les mécanismes de négociation sont faits ainsi que nous ne pouvons participer aux négociations parce qu'on est la plus petite. On est une petite centrale en termes d'effectifs, c'est vrai, sauf qu'on est une centrale importante en termes d'hommes et de femmes qu'on représente, qui ont droit aussi, eux, de négocier leurs conditions de travail. Ils ne s'attendent pas à ce que le gouvernement leur impose une négociation sans qu'il y ait eu entente par les gens du milieu de la construction même. Nous, la majorité de nos membres s'attendent effectivement à ce que ce soient des membres de la construction qui négocient leur négociation de travail et non pas le gouvernement. C'est pour ça que notre centrale va se mettre contre... Excusez-moi, je choisis mal les termes, c'est la nervosité.

Le Président (M. Bélanger): Dites-le comme ça vient, on s'expliquera et on va se comprendre, il n'y a pas de problème.

M. Gendron (Sylvain): O.K. En fin de compte, c'est qu'on se porte contre le fait que le gouvernement impose les conditions de travail. On demande aussi que les négociations fassent en sorte que toutes les centrales soient représentées. Je sais bien qu'on ne représente pas un grand pourcentage dans le milieu de la construction, sauf qu'on veut faire partie des négociations. Je ne sais pas comment ça peut être arrangé, ce n'est pas moi le penseur à ce niveau, sur le plan central. Sauf que la demande, c'est de faire partie des négociations. S'il y a des points en particulier qui sont à retenir au niveau de la négociation actuelle, je suis en accord avec la CSD. C'est une chose dont on parle continuellement chez nous, l'ancienneté, parce que c'est l'ancienneté qui va faire en sorte que les gars puissent avoir de l'ouvrage à l'année longue et qui va empêcher le fait que ce soit des gens qui travaillent au noir qui volent la job des travailleurs de la construction, en fin de compte J'ai fini. Si vous voulez excuser mon manque d'expérience.

Le Président (M. Bélanger): Non, non. Il n'y a aucun problème. C'était clair, ça va bien. M. le ministre.

M. Séguin: Oui. Bienvenue. (13 h 30)

M. Gendron (Sylvain): Merci.

M. Séguin: Ne soyez pas intimidé. Nous sommes à échanger dans des propos pour s'éclairer mutuellement. Donc, soyez bien à l'aise. Parlez-moi donc un petit peu de votre centrale syndicale. Je m'excuse de ne pas la connaître mieux que ça. Peut-être que vous pourriez nous la décrire, pour l'intérêt des membres.

M. Gendron (Sylvain): O.K. La centrale syndicale, en fait, est devenue centrale en 1975. Elle est établie à Saint-Hyacinthe et on représente des membres à la grandeur de la province, comme toute centrale, effectivement. On représente 2700 membres présentement. Donc, lorsqu'on vous dit qu'on n'a pas une grosse proportion, c'est 1,4 % des membres de la construction. Nos services sont principalement axés sur la défense de nos membres, tous les services normaux, en fin de compte, qu'on retrouve dans une centrale. Effectivement, on ne fait pas partie des négociations. On s'occupe de santé et sécurité pour nos travailleurs. En gros, c'est le...

M. Séguin: Et vous dites que vos membres sont répartis à travers la province.

M. Gendron (Sylvain): Oui, c'est ça.

M. Séguin: Parce que, dans votre appellation, c'est centré sur la Côte-Nord, Sept-îles.

M. Gendron (Sylvain): Oui. O.K. C'est parce que...

M. Séguin: Ce n'est pas uniquement dans cette région-là.

M. Gendron (Sylvain): Non, non, non. C'est qu'autrefois, la centrale était affiliée à la CSN et, en 1975, elle s'est retirée de la CSN, sauf que c'est une centrale originaire de la Côte-Nord

M. Chevrette: Ambroise Picard.

M. Gendron (Sylvain): C'est ça, M. Ambroise Picard. Ça a été déménagé à Saint-Hyacinthe pour être plus centralisé parce que la majorité de nos membres sont de la région de Montréal et de la Rive-Sud.

M. Séguin: Ma dernière question. Tantôt vous avez dit que, dans l'ensemble, ce qui avait été présenté par la CSD, semblait vous rallier, vous aussi. Mais est-ce qu'il y a un élément... Enfin, quels sont les points, pour vous, qui apparaissent des demandes majeures? Si vous aviez pu les exprimer à la table de négociation, quels auraient été, pour vous, les éléments sur lesquels vous auriez aimé des améliorations?

M. Gendron (Sylvain): L'ancienneté, la retraite, mais surtout pas le salaire garanti. M. Séguin: Je m'excuse, je n'ai pas...

M. Gendron (Sylvain): Surtout pas le salaire garanti. Nous, on considère que mettre le salaire garanti par le mécanisme d'un supplément au. chômage ferait en sorte de privilégier le... En fait, ça privilégie le chômage, ça ne règle pas le problème du travail au noir, selon nous.

M. Séguin: Ce avec quoi vous êtes d'accord, c'est surtout l'ancienneté, si je vous comprends bien, et le deuxième point, c'est la retraite.

M. Gendron (Sylvain): Oui, l'augmentation salariale aussi, et les avantages sociaux, je pense.

M. Séguin: C'est ça Mais la retraite dans le sens de la préretraite.

M. Gendron (Sylvain): Qu'elle passe à 55 ans, tel que demandé présentement.

M. Séguin: Abaisser l'âge de la retraite.

M. Gendron (Sylvain): Oui, effectivement. C'est ça.

M. Séguin: D'accord. Merci beaucoup. M. Gendron (Sylvain): Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Oui, j'aurai seulement une question. Vous avez dit tantôt que vous étiez contre la sécurité du revenu. Ne croyez-vous pas qu'au niveau de la construction, avec tous les aléas, s'il y a eu de la violence, s'il y a encore un peu de tiraillement, c'est précisément parce que c'est tellement saisonnier qu'en n'assurant pas un nombre minimum d'heures, vous avez précisément ce désir de s'accaparer, par une minorité, à un moment donné, du nombre limité d'heures qu'il y a et que ça a conduit précisément à des altercations assez majeures, alors que, dans le domaine des ports nationaux, on a précisément un système d'heures garanties annuellement avec un système de sécurité du revenu qui a apaisé à peu près toutes les tensions dans les ports nationaux. Comment pouvez-vous justifier votre approche en étant contre un projet similaire dans la construction?

M. Gendron (Sylvain): Le principe derrière le projet de salaire garanti, on n'est pas contre. Par contre, là où on voudrait que ce soit... En fait, que l'ancienneté devance le salaire garanti. Si les travailleurs de la construction n'ont pas

une ancienneté qui leur garantit qu'ils vont rester au travail, rien ne nous prouve que le... Je m'excuse, je suis trop...

M. Chevrette: Non. Prends ton temps. Je ne suis pas pressé, moi.

Le Président (M. Bélanger): Pas de problème.

M. Gendron (Sylvain): O. K. Merci.

Le Président (M. Bélanger): C'est tellement impressionnant ici, qu'on comprend ça.

M. Chevrette: J'ai-tu l'air si mauvais que ça? Non.

M. Gendron (Sylvain): Non, non, non. Absolument pas. Je vous ai vu... Je disais ça comme...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): Vous savez que c'est son air habituel, à part ça.

M. Chevrette: Le pire, c'est que vous me frappez dans ma meilleure journée à part ça.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Gendron (Sylvain): Enfin, face au salaire garanti, on n'est pas contre parce que, effectivement, le salaire garanti, en faisant en sorte qu'il y ait une banque qui soit créée par les employeurs, ferait en sorte que les travailleurs, lorsqu'ils tombent sur le chômage, puissent retirer un supplément.

M. Chevrette: Je vais reprendre ma question différemment.

M. Gendron (Sylvain): O. K. Allez-y.

M. Chevrette: Dans le domaine de la construction, ce sont des travailleurs qui travaillent extrêmement dur. Ces gens-là sont soumis aux intempéries d'automne, de printemps, d'hiver et, à un moment donné, on sait très bien que pour qu'ils puissent gagner... Ils sont sur le chômage, pour les trois quarts du temps, six mois par année, presque six mois par année. On veut garantir... Il pourrait y avoir des modalités avec un régime de sécurité du revenu où des vieux travailleurs, par exemple, pourraient, selon le nombre d'années qu'ils ont participé, arriver... Il y a mille et une formule à songer qui éviteraient, à mon point de vue, toutes les tensions intersyndicales à part ça. Parce que l'objectif, ce n'est pas d'avoir le "sticker" dans le front.

M. Gendron (Sylvain): Non, non. Absolument pas.

M. Chevrette: Pour le Syndicat de la Côte-Nord, CSD, CSN, FTQ, International, l'objectif, c'est de représenter du monde le plus adéquatement possible. J'ai toujours cru que les coups de marteau qui ont été donnés, ce n'était pas dû aux "stickers". C'était pour pouvoir s'accaparer les cotisations d'un plus grand nombre. Ça, ça vaut pour vous autres comme pour les autres. Ce n'est pas parce que vous n'êtes pas nombreux que vous ne cherchez pas à aller en chercher, n'est-ce pas?

Donc, à partir de ce fait-là, je suis surpris que vous soyez pour l'ancienneté pure, sans régime de sécurité du revenu. Si vous êtes pour l'ancienneté pure et non pour la sécurité du revenu, il y en a qui ne travailleront à peu près jamais. Vous ne pensez pas qu'il doit y avoir une combinaison des deux pour essayer de créer un équilibre?

M. Gendron (Sylvain): Oui, effectivement. S'il y a une bonne combinaison des deux, c'est une bonne façon de faire en sorte que les travailleurs de la construction, ceux qui sont les vrais travailleurs et qui travaillent, qui veulent travailler à l'année longue, même si... Bon, on n'arrêtera pas le caractère saisonnier nécessairement demain matin avec ce principe-là, mais ça va permettre à un plus grand nombre de vrais travailleurs de la construction de travailler plus de mois.

M. Chevrette: C'est qui pour vous, un vrai travailleur de la construction?

M. Gendron (Sylvain): C'est quelqu'un qui a un métier de la construction et qui travaille - un métier sans nécessairement être un métier - c'est quelqu'un...

M. Chevrette: Un jeune qui sort de l'école avec son diplôme en option professionnelle de soudeur, est-ce que c'est un gars de la construction?

M. Gendron (Sylvain): Effectivement, c'est un gars de la construction si son objectif à lui, une fois qu'il a suivi son cours, c'est de devenir soudeur sur le champ.

M. Chevrette: Mais s'il s'en vient et s'il rentre dans la construction...

M. Gendron (Sylvain): Puis qu'il est bloqué par le fait...

M. Chevrette: Non, non. Laissez-moi finir ma question.

M. Gendron (Sylvain): O. K. Excusez-moi.

M. Chevrette: S'il rentre dans la construction et s'il vient "bumper" un gars de 10 ans d'ancienneté, qu'est-ce qui arrive?

M. Gendron (Sylvain): Bien là, si on vient "bumper" quelqu'un, excusez-moi, c'est qu'il va sûrement y avoir un problème à régler au niveau des effectifs, du nombre de travailleurs dans chaque région, sur tel ou tel chantier. On n'arrive pas... On ne formera pas... À l'heure actuelle, on travaille en relation avec le ministre de l'Éducation justement pour prévoir le nombre d'apprentis qui doivent être formés pour ne pas en arriver à...

M. Chevrette: En fait, ce que je veux dire, M. Gendron, c'est que s'il y a de la place pour 110 000 travailleurs, ce qui forcerait, d'ailleurs, les gouvernements - ça a toujours été dit, même dans le rapport Cliche - à planifier un peu plus les travaux d'envergure, s'il y a de la place pour 110 000 travailleurs, il n'y en a pas pour 150 000. Plus vous en entrez dans le réseau, plus vous diminuez la possibilité du nombre d'heures collectivement s'il n'y a pas d'autres critères.

D'autre part, si vous continuez à former à l'école des jeunes dans tous les métiers de la construction, on forme des frustrés. On a un dilemme qui est beaucoup plus grave, à mon point de vue, que celui d'une revendication de convention collective ou de décret. C'est beaucoup plus global, ce problème-là. C'est qu'on a le ministère qui forme et on a un marché qui peut accueillir tant, puis ça s'en va à la va comme je te pousse; 110 000 une année, là on ferme les bassins. On a du monde frustré qui viennent pour rentrer dans le bassin puis ils ne sont pas capables. Puis, d'autre part, il y a du monde qu'on a formé spécifiquement pour ça et ils ne peuvent pas rentrer.

Vous voyez un peu tout le climat. Je pense que c'est une discussion beaucoup plus globale que celle d'un décret qu'on souligne là. C'est une discussion de société à savoir comment on peut coordonner à la fois la formation avec les capacités du marché d'accueillir cette même main-d'oeuvre que l'on forme. Et puis, dans tout ça, comment faire en sorte que ceux que le bassin est capable d'accueillir ait un minimum décent de revenu? Regardez la moyenne des salaires, je ne sais pas de combien elle est dans la construction, mais elle ne doit pas être très très forte.

C'est quoi? 1000 heures, à peu près, la moyenne d'heures dans la construction, par année. 1000, divisez ça par 40, ça ne fait pas un nombre de mois de travail... C'est 25 semaines.

M. Gendron (Sylvain): Non. Les revenus et le nombre de semaines dans la construction moyenne, c'est faible. Comparativement vraiment à d'autres secteurs de l'économie, les travailleurs de la construction ont énormément à gagner au niveau du nombre de mois de travail et au niveau du revenu aussi. Mais il y a effectivement ce que vous souleviez au niveau de la formation. Ce n'est pas en allant "bumper" des anciens, mais c'est de bien prévoir la formation, les besoins réels du secteur de la construction pour x années à venir. C'est aussi une bonne planification des travaux, que ce soient des travaux gouvernementaux. C'est évident qu'un système de récession comme on connaît, le principe normal que lorsque le domiciliaire tombe, le commercial tombe, on peut prévoir que le gouvernement devrait sortir ses projets justement d'agrandissement ou ses projets de rénovation des structures économiques de la province.

À ce niveau-là, c'est de la planification aussi, mais ce n'est pas uniquement au niveau d'un salaire garanti qui va faire en sorte que la personne va travailler, elle va avoir une garantie de travailler pendant 10 mois. C'est évident que son cas, ses conditions de vie vont se voir et de loin améliorées. Je suis entièrement d'accord avec ça.

M. Chevrette: M. Gendron, je vous remercie, et ça n'a pas été si mal, hein? Tu t'en venais bien là.

M. Gendron (Sylvain): Vous excuserez ma nervosité.

M. Chevrette: Ça a bien été.

M. Gendron (Sylvain): Quelques années de pratique et ça viendra bien.

M. Chevrette: Bon voyage de retour.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de l'économie et du travail remercie le Syndicat de la construction de la Côte-Nord de Sept-îles inc., pour sa participation à ses travaux.

Avant de suspendre, M. le ministre, vous avez fait une ouverture tout à l'heure disant même que vous êtes prêt, dès cet après-midi, à annoncer l'ouverture du système de relations de travail qui prévaut dans le domaine de la construction. Vous avez aussi fait appel à l'usage possible de la commission comme commission rogatoire, pour faire le tour de la province. Je ne peux évidemment pas prendre l'engagement au nom de la commission parce que ce sont les membres de la commission qui sont maîtres de leurs travaux. Je ne suis qu'un de ces membres-là qui a une responsabilité d'organiser, d'animer les travaux, mais surtout pas d'imposer. Alors, si tout le monde est d'accord avec ce point de vue, je pense qu'on pourrait soumettre dans les meilleurs délais un mandat formulé, en bonne et due forme, à la commission. Peut-être même que dès le mois d'août on pourrait se mettre au travail là-dessus.

En tout cas, vous avez ici des gens de part et d'autre très motivés, très bien disposés. Il y a quelques mauvaises têtes, mais dans l'ensemble ce sont de bonnes têtes. M. le ministre, c'était simplement pour vous dire que nous serions très disponibles à ce mandat.

M. Séguin: Si vous me le permettez, oui, effectivement, hier, lors de la motion et des échanges avec l'Opposition, je l'ai dit, je l'ai répété ce matin, et je le redis même publiquement, ce n'est même plus une réflexion, c'est un engagement de se repencher sur cette loi-là. Je pense que la commission de l'économie et du travail serait une excellente façon de procéder. Peut-être que les membres pourront considérer soft un mandat d'Initiative, ou quoi que ce soit. Moi, ma perspective, c'est de dire à la commission: Aidez-moi à regarder cela de la façon la plus sérieuse, la plus publique, pour inviter tous les intervenants de l'industrie de la construction à venir rencontrer la commission et nous suggérer des avenues pour réformer les mécanismes de la construction, qui est une loi de 1969, et qui n'a connu aucun changement depuis 1969. Alors, je pense que c'est le temps.

Je souhaiterais, en terminant, M. le Président, que ce soit la dernière commission parlementaire dans le cadre du décret parce que je souhaiterais que ce soit le dernier décret de la construction qu'on ait à adopter et à avoir, Comme parlementaires. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le député de Joliette.

M. Chevrette: M. le Président, juste une petite nuance avec les propos du ministre quant au mandat d'initiative. Je pense que si l'on veut véritablement de l'efficacité et de la crédibilité, notre réforme parlementaire est encore jeune à l'effet que si le ministre est absent, si le ministre ne participe pas, parce qu'il a l'autorité de changer... On a vu des mandats d'initiative face à des problèmes, mais face à une modifica tion fondamentale d'une législation, moi, je souhaiterais, en (out cas, que It; ministre soit partie intégrante de la commission, sinon c'est un travail de sensibilisation qu'on devrait refaire, reconvoquer les parties. Je pense que la multiplicité des convocations... Les gens se tannent d'abord. Je pense que si on veut véritablement changer quelque chose, c'est de prendre un mandat, que ce soit la commission de l'économie et du travail, bravo, mais que ce soit véritablement une commission dont le but est de ramasser, de colliger ce qui deviendra des amendements concrets à la législation par la suite, de sorte que ça a plus de chance d'aboutir.

Le Président (M. Bélanger): Exact. Et que cette commission se déplace dans les régions.

M. Chevrette: Ça, moi, je n'ai pas d'objection du tout.

Le Président (M. Bélanger): D'abord, les décors...

M. Chevrette: On est montrables partout.

Le Président (M. Bélanger): ...sont souvent moins imposants qu'ici, moins intimidants parce que...

Une voix: On ira à Sept-îles.

Le Président (M. Bélanger): On ira à

Sept-îles, on ira partout. Dans ce sens-là, donc, le projet est sur la table. Il y avait M. Bourdon qui... M. le député de Pointe-aux-Trembles, excusez-moi.

M. Chevrette: T'aimerais pas ça te promener dans le Québec avec nous autres?

M. Bourdon: Je voudrais simplement dire au ministre à la fin qu'il doit, dans les prochaines heures, exercer un pouvoir qui est redoutable, celui de contraindre, parce qu'il s'agit d'enlever des choses, un pouvoir aux intervenants de l'industrie. Alors, il a, dans ce sens-là, une lourde responsabilité et je pense que - c'est ce que je lui laisserais comme message de la fin - quand on le pouvoir de contrainte, on a l'obligation d'être le plus juste possible.

M. Séguin: M. le Président, si vous me le permettez...

Le Président (M. Bélanger): Oui.

M. Séguin: Peut-être le mot de la fin, c'est que oui, c'est une décision importante et je la veux juste. Je pense qu'on me reconnaît un souci de justice. Juste pour équilibrer les choses, je dois dire à mon aimbable collègue, le député de Joliette que j'aime bien, qu'il n'était peut-être pas ministre du Travail, mais il siégeait au Conseil des ministres qui a passô les quatro ou cinq décrets, avant moi, Alors, je pense qu'on fait notre possible dans ce genre de situation.

Je veux dire aux gens qu'il faut qu'ils comprennent - et je pense que personne actuellement ne voudrait être à ma place - que quelqu'un doit être là, et je le fais avec le plus grand souci de justice, non pas pour, nécessairement, le ministre du Travail ou le gouvernement, mais pour les travailleurs de la construction. Présentement, c'est ta seule pensée que j'ai, de trouver, par toutes les façons, les améliorations pour les travailleurs de la construction. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): M le ministre, cette préoccupation vous honore. Je remercie les

membres de la commission qui ont été présents en grand nombre aujourd'hui. La commission, ayant acquitté son mandat, ajourne ses travaux à 10 heures mardi. D'accord. Alors, mardi, 10 heures. Merci.

(Fin de la séance à 13 h 49)

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