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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 23 mai 1990 - Vol. 31 N° 38

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique au Québec


Journal des débats

 

(Dix heures deux minutes)

Le Président (M. Bélanger): Bonjour tout le monde. La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux pour procéder à une consultation générale des auditions publiques sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique au Québec.

Dans un premier temps, ce matin, nous recevrons la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Montréal. Je prierais ses porte-parole de s'approcher de la table des témoins. Madame, monsieur, bonjour. Nous allons vous expliquer rapidement nos règles de procédure. Vous avec 20 minutes ferme pour la présentation de votre point de vue. Il y aura, par la suite, une période d'échanges avec les parlementaires. Dans un premier temps, je vous prierais de vous identifier et de bien vouloir procéder à la présentation de votre mémoire. Je vous remercie.

Chambre de commerce de la Rive-Sud de Montréal

M. Monarque (Sylvain): Merci, M. le Président. Mon nom est Sylvain Monarque, associé de Samson, Bélair, Deloitte, Touche, comptables agréés et président de la Chambre de commerce de la Rive-Sud. Je vous présente Louise Colli-gnon, directrice des relations publiques à la Chambre de commerce de la Rive-Sud.

Je vais procéder à la lecture du mémoire. M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM., membres de la commission de l'économie et du travail, la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Montréal est, de par le nombre de ses membres, la quatrième en importance au Québec. De tous les regroupements de gens d'affaires situés sur son territoire, la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Montréal est le plus important et le plus représentatif. Comptant sur plus de 1700 membres répartis dans 11 villes associées, la Chambre a une mission de représentation, mais aussi d'éducation.

Nous n'avons ni les ressources ni les moyens de commanditer de larges études sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique au Québec. Toutefois, nous venons vous présenter ici des préoccupations qui, tenant compte du sens commun, méritent néanmoins d'être portées à votre attention.

La première partie de notre mémoire s'intitule: "Pour un juste équilibre entre protection de l'environnement et développement économique." C'est à proximité du territoire de la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Montréal, que l'on retrouve deux municipalités dont la simple évocation du nom sonne une cloche dans la tête de tous les Québécois et pas seulement dans celle des environnementalistes: Saint-Basi-le-le-Grand et Saint-Amable. Pour ce dernier cas, nous parlons évidemment de la montagne de pneus ou plutôt de ce qui en reste de résidu huileux aujourd'hui. Dans un tel contexte, il ne faut pas se surprendre que les questions reliées à la protection de l'environnement suscitent chez nos membres un intérêt certain. La Chambre est d'avis qu'Hydro-Québec doit utiliser tous les moyens pratiques pour protéger et mettre en valeur l'environnement dans l'exercice de ses activités non seulement dans le développement des réserves hydroélectriques, mais dans la gestion courante du réseau et des équipements.

La préoccupation environnementale doit devenir chez Hydro-Québec une valeur de gestion partagée par tous les employés, les cadres et les partenaires de l'entreprise.

Les membres de la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Montréal partagent également l'avis que développement économique va de pair avec protection et mise en valeur de l'environnement. Nous croyons qu'il est donc possible pour une organisation comme Hydro-Québec de poursuivre le développement de nos infrastructures économiques, de jouer un rôle moteur en ce sens, tout en devenant un acteur de premier plan dans la protection de notre environnement. À cet égard, sa mission est double puisque, à notre avis, non seulement Hydro-Québec doit-elle atténuer les impacts écologiques de ces équipements, mais elle doit encore mettre en valeur notre patrimoine environnemental.

Puisque les conséquences d'un accident écologique peuvent être désastreuses, il n'est donc pas surprenant que ceux qui se soucient de l'avenir de la planète abordent ces questions avec beaucoup de circonspection. Mais le risque d'un accident doit-il obligatoirement entraîner l'immobilisme? Pour la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Montréal poser la question c'est y répondre.

Bien que nous partagions les préoccupations de groupements voués à la défense de l'environnement, nous ne pensons pas qu'il faille pour autant prendre un retard irrécupérable dans le développement de nos infrastructures économiques. Si le développement de nos ressources a parfois pu donner lieu à des abus et entraîner des conséquences environnementales désastreuses, le contraire est aussi vrai. Alors, qu'il suffise de rappeler la croisière de Green Peace dans le dossier des bébés phoques. En plus des conséquences économiques de cette épopée, c'est tout un écosystème qu'on a débalancé. Les abus des

uns ne justifient pas les excès des autres. Rappelons aussi la construction du tunnel de Grondines pour y passer la ligne de transmission alors que les sommes investies dans ce projet, quoique le projet était très esthétique, auraient certainement été mieux utilisées à régler les problèmes plus urgents tel celui des pneus de Saint-Amable par exemple, en supportant financièrement le projet de pyrolyse mis de l'avant par Petro-Sun.

Le Québec s'apprête à prendre le virage surtout du XXe siècle. Si, nous voulons demeurer dans la course et continuer de nous démarquer, surtout dans une perspective d'ouverture des marchés, nous devons aller de l'avant dans le développement de nos richesses hydroélectriques. Le Québec a été et continue d'être une terre d'accueil pour les entreprises à gros gabarit génératrices de nombreux emplois. Qu'il nous suffise de mentionner ici les alumineries qui, depuis quelques mois, sont venues s'installer chez nous. C'est avec le monde entier que nous étions en compétition, mais c'est au Québec que ces géants ont choisi d'élire domicile. D'abord, parce que nous étions en mesure de leur offrir des conditions favorables à leur développement, mais aussi parce que nous pouvions leur garantir, à des conditions avantageuses l'énergie dont elles avaient besoin. Par ailleurs, la venue de ces grandes entreprises est une source importante de retombées économiques pour nos PME.

Ce développement de notre potentiel hydroélectrique doit cependant se faire de façon ordonnée. Comme le disait ce sage des temps modernes: Nous ne léguons pas la planète aux générations, nous leur empruntons. Aussi, nous avons été heureux d'apprendre qu'Hydro-Québec avait inscrit, en 1989, le développement durable, dans les objectifs poursuivis par son plan de développement. La notion de développement durable signifie en clair que le développement doit répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre à leurs propres besoins. Élaboré par la Commission mondiale sur l'environnement, mieux connue sous le nom de la commission Brundtland, le concept de développement durable est maintenant traduit en plan d'action chez Hydro-Québec et nous nous en réjouissons.

Nous croyons que, si certains travaux d'Hydro-Québec soulèvent la méfiance de certains groupes environnementaux, c'est souvent par manque d'information. Puisque cette information est disponible, nous formulons comme première recommandation: Qu'Hydro-Québec intensifie ses moyens de communication et de concertation à l'intention de tous ses partenaires y compris les groupes écologiques, eu égard aux résultats de ses analyses sur les impacts environnementaux de ses différents projets, notamment celles sur les effets environnementaux cumulatifs du plan des installations proposé.

La deuxième partie du mémoire s'intitule: "Pour un juste équilibre entre les mesures d'économie d'énergie et les besoins de développement de notre potentiel hydroélectrique. " C'est un fait que les sources d'énergie du Québec ne sont pas illimitées et que la protection d'un environnement sain est vitale- Tel que proposé par Hydro-Québec, ce programme d'efficacité énergétique comporte deux volets: les économies d'énergie et la gestion de la consommation. Il s'agit donc, d'une part, d'utiliser moins d'électricité tout en pouvant compter sur les mêmes services et, d'autre part, de répartir la demande d'électricité le plus également possible pendant toute l'année. À cet égard, le succès des programmes biénergie sont quand même éloquents.

Il est temps que, comme société, nous apprenions à mieux utiliser une source d'énergie qui, bien que renouvelable, ne doit pas être gaspillée pour autant. Au moment où on se parle, chacun d'entre nous a probablement chez lui au moins un appareil électrique qui est allumé inutilement. Le programme est d'autant plus ambitieux que ce sont des habitudes et des attitudes qu'il faut ici modifier.

Le développement de nos richesses hydroélectriques est donc une chose, mais l'élimination du gaspillage en est une autre puisque nous pourrons ainsi économiser nos ressources pour les employer à des fins utiles. Le rôle d'Hydro-Québec étant de soutenir le développement économique, cette énergie de réserve que nous pourrons dégager permettra de favoriser l'implantation de nouvelles entreprises sur la rive sud de Montréal comme partout ailleurs au Québec. Par son programme d'efficacité énergétique, HydroQuébec vise un objectif audacieux: une diminution de l'équivalent de 10 % des ventes actuelles au Québec. Nous ne croyons pas qu'Hydro-Québec rêve ici en couleur puisque, entre 1971 et 1989, d'après les chiffres officiels, la consommation moyenne d'énergie totale de chaque ménage au Québec a diminué de plus de 40 %.

Hydro-Québec prévoit plusieurs moyens afin d'atteindre ses objectifs. Le plan d'action comporte différents volets, tant au niveau résidentiel que commercial et industriel. Nous ne pouvons que nous réjouir de constater qu'Hydro-Québec a l'intention de dépenser à ce chapitre plus de 1 800 000 000 $ au cours des 10 prochaines années.

D'autre part, il faut saluer l'investissement de plusieurs centaines de millions de dollars en recherche de développement au Québec. La région de la Rive-Sud de Montréal est économiquement très performante. Son taux de chômage est très faible, sa concentration de PME est très grande et les grandes entreprises occupent une place enviable sur son territoire. Si le dynamisme et la vitalité de la Rive-Sud témoignent de son esprit d'entrepreneurship, son positionnement géographique et sa force de travail ont enclenché son développement économique de façon remarquable. Aussi, nous pouvons vous assurer que plusieurs

artisans, PME, petites et grandes entreprises de la Rive-Sud de Montréal, sont prêts à mettre leur expertise au service d'Hydro-Québec et à relever le défi de l'excellence auxquel ils sont conviés.

Cependant, il arrive parfois qu'à vouloir trop bien faire, les efforts consentis deviennent contre-productifs. Bien que l'économie d'énergie mérite qu'on y consente des efforts particuliers, l'objectif visé ne doit pas nous amener à néglir ger pour autant les règles d'une saine gestion économique. Comme société, bien qu'il faille utiliser au maximum les ressources dont nous disposons déjà, il ne deviendrait pas rentable d'encourager des initiatives d'économie d'énergie dont les coûts seraient supérieurs à ceux des nouvelles installations. Concrètement, si nous dépensons 10 $ pour économiser une quantité x d'énergie et que la même énergie pourrait être produite avec de nouveaux équipements dont le coût est de 8 $, les 8 $ comprenant les coûts raisonnables reliés aux impacts négatifs faits en environnement et qu'Hydro-Québec se doit d'assumer, compte tenu de ça, nous estimons qu'il faudrait privilégier la seconde alternative.

Les bénéfices qui sont reliés aux grands travaux comme ceux de la Baie James, considérés uniquement sour l'angle des retombées économiques, sont indéniables. La disponibilité d'énergie électrique constitue un atout certain pour le Québec et tout programme d'économie d'énergie, aussi audacieux et efficace soit-il, ne peut nous faire oublier qu'il doit aller de pair avec la construction de nouveaux équipements. Le Québec doit maintenir sa position concurrentielle internationale, puisqu'il s'est taillé une place enviable, notamment en raison de son capital énergétique. Le territoire de la Rive-Sud de Montréal est un secteur propice à l'établissement de nouvelles entreprises privilégiées par la proximité du marché américain. Cette proximité avantage plus particulièrement les entrepries longeant l'autoroute 30 dont nous espérons le prolongement pour très bientôt. La Chambre de commerce de la Rive-Sud de Montréal appuie depuis longtemps la libéralisation des échanges commerciaux avec les États-Unis. La position stratégique de sa région motive beaucoup cet appui, et la Chambre considère même le libre-échange comme le moteur du développement économique et de l'avenir de la Rive-Sud de Montréal. L'approvisionnement en énergie fiable et constante est un facteur important à considérer si nous voulons attirer chez nous les entreprises qui feront notre force économique de demain.

Aussi, nous formulons cette seconde recommandation: Tout en appuyant le programme d'économie d'énergie, la Chambre invite HydroQuébec à maintenir un juste équilibre entre la gestion économique de l'entreprise et celle de nos richesses naturelles. Et donc, qu'Hydro-Québec s'assure que les coûts reliés aux mesures mises de l'avant pour favoriser l'économie d'énergie n'excèdent pas les coûts reliés à la construction de nouveaux équipements. (10 h 15)

Troisième partie. "Pour un juste équilibre entre la mise en valeur de notre potentiel hydroélectrique, et la gestion de nos déchets dangereux." Si les aventures de Saint-Basile-le-Grand et de Saint-Amable ont suscité des réactions un peu partout au Québec et ailleurs, il n'est pas besoin de préciser qu'elle a provoqué une véritable prise de conscience chez l'ensemble de la population de la Rive-Sud de Montréal. La gestion des déchets dangereux et des contaminants est donc devenue chez nous une préoccupation importante. Bien que nous acceptions le fait que, comme le veut le dicton populaire, on ne fasse pas d'omelettes sans casser des oeufs, la Chambre de commerce de la Rive-Sud devient très critique et observe de très près ce qui se passe en matière de gestion des déchets dangereux.

Nous sommes heureux de constater qu'Hydro-Québec compte adopter à court terme et mettre en application un pian d'action qui lui permettra de gérer de façon plus efficace les divers contaminants qu'elle utilise. Son approche se veut globale, axée sur la prévention plutôt que sur l'intervention en cas d'accident. Cet exemple devrait, d'ailleurs, être suivi par d'autres, par exemple, dans le cas des pneus usagés.

La Chambre de commerce de la Rive-Sud de Montréal accueille très favorablement ces différentes nouvelles et estime qu'il s'agit d'un excellent pas dans la bonne direction. La Chambre croit qu'Hydro-Québec devrait se démarquer davantage dans la gestion des BPC et que nous devrions lui donner les moyens d'assurer un véritable leadership à cet égard. Qu'il s'agisse de l'entreprosage, de l'élimination des BPC ou des carcasses en ayant contenu, Hydro-Québec dispose de l'expertise requise pour trouver une solution durable à ce problème. Aussi, nous formulons cette troisième et dernière recommandation: Qu'Hydro-Québec dispose des ressources et des appuis requis pour continuer à nettoyer l'environnement des BPC qu'elle a utilisés et qu'elle trouve une solution permanente et définitive pour les éliminer.

En conclusion, ce que la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Montréal propose, c'est de chercher à atteindre un juste équilibre entre la protection de notre environnement, l'amélioration de notre qualité de vie et les efforts à consentir pour assurer notre développement économique. La région de la Rive-Sud de Montréal est en forte croissance. Pour preuve, qu'il suffise de signaler que nous comptons l'arrivée de 26 nouveaux centres commerciaux sur notre territoire, depuis un an. L'hydroélectricité est un élément important de nos infrastructures économiques, permettant d'attirer chez nous de nouvelles entreprises, mais aussi de moderniser et d'agrandir celles qui y sont déjà situées. La

Chambre est d'avis qu'Hydro Québec doit jouer un rôle de premier plan dans la protection et la mise en valeur de notre environnement. Mais elle doit aussi assurer notre approvisionnement en énergie hydroélectrique en quantité suffisante, mais aussi de qualité. C'est de cette façon que nous pourrons mieux planifier le développement de notre région et assurer ainsi une meilleure qualité de vie à ses résidents.

En terminant, nous endossons complètement la position, de la Chambre de commerce du Québec, eu égard à factuel système de tarification. Gomme elle, la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Montréal s'inquiète du fait que la rentabilité d'Hydro-Québec dépende grandement de la tarification de la petite et moyenne puissance, catégorie dans laquelle nous retrouvons une majorité de la PME. Sachant que ces dernières sont la plus grande source de création d'emplois au Québec, le régime de tarification devrait être vu en fonction d'un critère de plus grande équité.

Nous formulons également des réserves quant à l'à-propos, à ce moment-ci, du niveau de la hausse des tarifs d'Hydro-Québec et de ses impacts sur l'économie. Nous concédons toutefois qu'il est essentiel de redonner à Hydro-Québec sa pleine santé financière. Suivant de très près l'évolution du dossier des relations du travail chez Hydro-Québec, nous espérons, nous aussi, voir se relever le niveau de productivité de l'entreprise. À cet égard, la recommandation de la Chambre de commerce du Québec présentée dans le cadre de vos travaux est une proposition qui mérite d'être considérée.

M. le Président de la commission, Mme la ministre, Mmes et MM. de la commission de l'économie et du travail, nous vous remercions d'avoir pris nos réflexions en considération et nous demeurons à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie beaucoup. Mme la ministre.

Mme Bacon: Madame, monsieur, nous apprécions votre présence ici, à cette commission parlementaire. Il ressort de votre mémoire la nécessité d'une recherche d'équilibre entre la protection de l'environnement, la conservation des ressources et aussi, évidemment, le développement économique. J'aimerais savoir, à votre avis, quels sont les facteurs majeurs qui sont les plus susceptibles de rompre cet équilibre?

M. Monarque: Encore là, le sens commun nous indique que la construction de grands barrages crée un certain bouleversement au niveau naturel, mais c'est surtout au niveau des populations autochtones, je pense, qu'il y a nécessairement un problème. Il y a un problème culturel aussi. Sauf que nous, on pense que, si les compensations financières sont adéquates, il me semble que le problème n'est pas insoluble et que c'est dans ce sens-là qu'Hydro-Québec a toujours agi, c'est-à-dire qu'elle a toujours agi avec fair-play vis-à-vis des populations autochtones. Aussi, te gros bon sens me dicte que, si j'avais à choisir entre le développement hydroélectrique et le développement nucléaire, malgré les bouleversements que l'hydroélectricité peut amener, je pense que c'est certainement moins considérable que tes bouleversements que l'énergie nucléaire peut apporter, surtout au niveau de là, gestion des déchets, qui est quand même beaucoup plus importante. Si on inonde les terres, on nous dit qu'il y a du mercure pour peut-être une génération, 20 ans, 40 ans et qu'après ça la situation se stabilise. Si vous construisez une usine nucléaire, vous avez des déchets qui durent des millions d'années, avec lesquels vous êtes pris pendant des millions d'années. Il me semble que c'est facile à comprendre qu'entre les deux j'aime mieux privilégier le développement hydroélectrique que le développement nucléaire. Entre deux maux, il faut choisir te moindre.

Mme Bacon: Vous relevez, comme atout du programme d'efficacité énergétique, la constitution d'une énergie de réserve supplémentaire, attractive pour de nouvelles implantations industrielles, grâce à l'élimination des gaspillages, et le marché ouvert à des artisans, des entreprises pour la mise en oeuvre des actions d'efficacité énergétique aussi. Est-ce que vous avez une estimation des potentiels d'économies d'électricité qui sont propres aux entreprises membres de la Chambre de commerce, tant dans l'industrie que dans le secteur commercial? Est-ce que vous êtes susceptible, comme Chambre de commerce, d'encourager vos membres à identifier ces potentiels ou à améliorer leur compétitivité économique par le biais de l'économie d'énergie?

M. Monarque: Non, nous n'avons pas ces données et on n'a pas l'intention de se substituer à Hydro-Québec. Je pense que c'est le rôle d'Hydro-Québec de faire les études en question et de publiciser ça auprès de nos membres. Nous, on est prêts à appuyer cette démarche-là. Mais nous n'avons pas les ressources pour faire l'étude; tout ce qu'on peut donner, c'est un accord de principe à ce niveau-là.

Mme Bacon: Est-ce qu'il y a déjà eu des discussions à l'intérieur de votre Chambre quant aux efficacités énergétiques? Est-ce qu'on en discute à la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Montréal?

M. Monarque: Disons que ce n'est pas un discours intensif. C'est sûr que chaque entreprise fait sa propre gestion. Et chaque entreprise est intéressée à économiser de l'énergie à un coût qui est concurrentiel. Cependant, s'il y avait, de

la part d'Hydro-Québec, un programme peut-être plus spécifique à la rive sud, peut-être que nous pourrions nous faire le porte-parole de ce programme-là et essayer d'inciter nos membres à se renseigner à ce sujet-là.

Mme Bacon: Si je vous demande ça, c'est parce qu'à la commission, ici, on nous dit que c'est plus facile, par exemple, de faire des économies d'énergie dans le milieu résidentiel et que dans nos industries, il y a encore un long cheminement à faire avant d'y arriver. Est-ce que vous ressentez ça de vos industriels, des industries de la rive sud, par exemple?

M. Monarque: Bien disons que c'est possible. Mon expérience personnelle, disons qu'au niveau d'une filiale d'Hydro-Québec qui s'appelle Écono-ler, vous savez que ça a fonctionne pendant un temps et que ça ne fonctionne plus. Et je pense que le principal responsable, c'est l'écart qu'il y avait dans le prix du pétrole. L'écart entre le prix du pétrole et le prix de l'électricité était suffisamment important pour justifier des économies d'énergie, autrefois. Maintenant, aujourd'hui, cet écart-là a diminué. Alors, c'est sûr que, dans les PME surtout et dans les grandes entreprises, le calcul est toujours le même: Combien ça coûte sauver de l'énergie contre ce que ça me rapporte demain matin? Et le problème que je me souviens qu'il y avait, c'était que les programmes d'investissements pour faire des économies d'énergie, ce sont des projets d'immobilisations, donc qui impliquent un investissement important avec une dépense d'amortissement dans le futur. Donc, c'est un déboursé, au point de vue "cash-flow", très important aujourd'hui et une économie qui s'échelonne sur une très longue période dans le temps. Et les gestionnaires, naturellement... La pression du profit fait que certains gestionnaires ont une pression pour dire: Moi, je veux des résultats aujourd'hui. Je dépense 1 $ aujourd'hui, donc je veux un profit de 2 $ aujourd'hui. Si tu me dis: Je dépense 100 $ aujourd'hui et je vais avoir un profit de 150 $ dans 10 ans, mon actionnaire ou mon président de conseil, lui, ne sera pas heureux. Ça, c'était le gros problème, c'est le gros problème qu'on rencontre. Je ne sais pas si ce sont les principes comptables ou si ce sont plutôt les principes de gestion qui devraient être changés, mais il reste que c'est un problème qu'on rencontre. C'est que les investissements sont importants. Donc, le déboursé d'argent est important et les retombées sont à long terme. Alors, ' à ce moment-là, le calcul n'est pas toujours évident.

Mme Bacon: Dans votre mémoire, vous mentionnez aussi la possibilité d'adhésion d'artisans, d'entrepreneurs pour faire profiter HydroQuébec de leur expertise. Quelle serait cette forme de collaboration? Quelle forme ça pourrait prendre et dans quel domaine, peut-être, les membres de la Chambre de commerce seraient-ils susceptibles d'apporter le plus d'expertise? Est-ce qu'il y a des domaines spécifiques où on pourrait retirer davantage d'expertise par rapport à cet échange avec Hydro-Québec?

M. Monarque: C'est embêtant. Je suis un petit peu embêté de vous répondre. On n'a pas fait l'inventaire de toutes les entreprises qui pourraient... Je sais que, sur la rive sud, on a - naturellement, ce sont les grosses qui ressortent - l'IREQ qui est là. On a aussi ABB, Asea, plutôt, Asea, qui est... Mais ce serait peut-être une chose à faire, faire l'inventaire des entreprises qui seraient susceptibles de participer à cet effort.

Mme Bacon: Je reviens à votre réponse de tantôt, quand vous me disiez: Si Hydro-Québec, en fait, fait son effort, peut-être que les industries seraient prêtes à faire la même chose. Il y a une expertise du côté des industries; il y en a une du côté d'Hydro-Québec, alors peut-être que, si on met ça ensemble, il y aurait peut-être plus d'efficacité d'énergie au fond, à...

M. Monarque: Effectivement.

Mme Bacon: ...peut-être un coût moindre que celui qu'on craint.

M. Monarque: Effectivement. Il y a un travail, disons, d'éducation, si on peut dire, entre guillemets, à faire et il y a aussi, peut-être, un travail d'identification des entreprises qui pourraient... (10 h 30)

Mme Bacon: C'est ça.

M. Monarque: Effectivement.

Mme Bacon: Vous attribuez aussi à HydroQuébec une double mission en matière de protection de l'environnement. Vous dites qu'Hydro-Québec doit atténuer les impacts écologiques des équipements, mais aussi mettre en valeur notre patrimoine environnemental. Par rapport à la mise en valeur du patrimoine environnemental, est-ce que vous pouvez m'en dire davantage? Est-ce au niveau des grands travaux d'Hydro-Québec?

M. Monarque: Quand on dit ça, c'est plus au niveau, disons, de... En réalité, les projets sont tellement éloignés des grands centres urbains que c'est peut-être un petit peu charrié que de dire: On va remettre en valeur ces... Le barrage Manie 5, je ne sais pas si ça peut être un attrait touristique suffisamment important pour...

Mme Bacon: On nous parlait d'une rivière,

la semaine dernière, comme étant un patrimoine; ça fait partie du patrimoine québécois.

M. Monarque: Oui, c'est sûr; entre autres, je sais qu'il y a des rlvères à saumon qui sont très importantes et qui sont uniques au monde quasiment. Je pense que c'est la Moisie ou Wapetuk, je sais qu'on a un client qui est impliqué dans ce coin-là, qu'Hydro avait un projet de "harnachement" de cette rivière-là et, finalement, que le projet a été abandonné parce que la rivière en question était tellement unique et avait tellement quelque chose de particulier qu'il fallait la préserver. C'est peut-être dans ce sens-là qu'on parle. La rivière Jacques-Cartier, entre autres, je me souviens que, dans le temps, ça avait été un projet. Moi, j'ai fait du camping sur la rivière Jacques-Cartier et c'est superbe. En tout cas, je me dis: SI on peut la préserver le plus longtemps possible, ce sera le mieux. Alors, c'est peut-être dans ce sens-là qu'on parle, où c'est possible, où c'est réalisable d'essayer de préserver les sites.

Mme Bacon: Vous craignez aussi que la prise en considération de demandes de certains groupes environnementaux, si elles sont excessives, puisse faire prendre, au Québec, un retard irrécupérable dans le développement de nos infrastructures économiques. Par contre, il y a des intervenants qui sont venus ici soutenir, au contraire, qu'Hydro-Québec va accuser un retard irrécupérable dans la technologie d'énergies nouvelles, si elle persiste à aller de l'avant dans des nouveaux barrages, par exemple, ou si les programmes d'efficacité énergétique restent timides.

M. Monarque: Moi, je pense qu'étant donné la taille du Québec par rapport à l'économie mondiale on a un créneau qui est intéressant qui est l'hydroélectricité. On ne peut tout faire, les ressources sont quand même limitées; les ressources financières sont limitées. C'est sûr que, si on développe de façon extensive notre réseau hydroélectrique et qu'en plus de ça on y va de façon extensive au niveau nucléaire, je pense qu'on n'a pas les moyens, comme société, de se permettre les deux. Je pense que ça n'empêche pas... li y a d'autres sociétés, comme la France, peut-être, qui, elles, sont moins pourvues au niveau hydroélectrique et qui prennent une avance au niveau nucléaire. Il y a l'Ontario, entre autres. Bon, ces technologies, elles les développent, elles sont brevetées, c'est sûr, mais elles ne sont pas secrètes. Donc, les développements que les autres feront, les résultats de ça seront à notre disposition un jour ou l'autre et on en profitera. Alors, je me dis: C'est une question d'allocation des ressources.

Mme Bacon: Vous souhaitez aussi qu'Hydro-Québec accentue ses efforts d'information et de communication avec le public pour qu'il comprenne mieux le rôle d'action d'Hydro-Québec en matière d'environnement. Qu'est-ce qu'Hydro-Québec pourrait vraiment faire pour améliorer ça?

M. Monarque: C'est sûr qu'il y a certainement par la voie des médias, qu'il y a certainement au niveau des conférences de presse, de la commission parlementaire, c'est sûr que ce n'est pas Hydro-Québec, mais c'est un outil d'Information, c'est un exercice démocratique qui est très intéressant. Puis aussi, quand elle fait les études d'impact cumulatif sur les différents projets, peut-être essayer de mieux publiciser, essayer aussi de rendre publiques et de façon plus accessibles au grand public les études d'impact sur l'environnement. Comme la question du mercure: le "harnachement" des rivières crée des bassins qui créent du mercure, bon! Alors, ce qu'on nous dit, c'est que le mercure, c'est une situation qui dure 20 ans, peut-être 40 ans, 20 ans, il semble que ce n'est pas assez, alors mettons que ça dure 40 ans. Mais peut-être qu'on devrait dire aussi que 40 ans, qu'est-ce que c'est si on compare aux déchets nucléaires qui durent des millions d'années. C'est ce genre de discours là. Dans le fond, Hydro-Québec ne devrait pas avoir peur de prendre position et de dire: Écoutez, quand je me regarde, je me désole, mais, quand je me compare, je me console. Quand je regarde les alternatives, elles ne sont peut-être pas si roses que ça et, dans le fond, ce qu'on fait est très logique.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Orford.

M. Benoit: M. Monarque, Mme Collignon, dans la dernière page de votre mémoire, dans la conclusion, il y a une petite phrase. J'aurais aimé qu'il y ait tout un chapitre, mais il y a seulement une demi-phrase sur le sujet. Je vous la lis: "...nous espérons, nous aussi, voir se relever le niveau de productivité de l'entreprise." Vous êtes comptables et vous êtes membres d'une chambre de commerce, une des très bonnes au Québec. Vous avez placé ça là parce que vos gens vous ont parlé de productivité, j'imagine, à Hydro-Québec. On a entendu ça en commission parlementaire et Dieu sait, comme député, dans le champ, qu'on entend ça tous les jours de la semaine. Comment arrive-t-on à augmenter la productivité d'une entreprise d'une taille aussi gigantesque, à la grandeur d'une province d'une telle taille, quand on sait qu'on ne peut, en tout cas, on n'a pas idée, je pense, de distribuer les profits, comme on le fait dans l'entreprise privée, aux plus performants? Comment arrive-t-on à augmenter la productivité d'une entreprise comme celle-là?

M. Monarque: Écoutez, c'est sûr que c'est

un défi de taille. Je peux vous dire qu'oeuvrant dans un bureau de comptables qui est le plus gros bureau de comptables au Québec, c'est sûr qu'on n'oeuvre pas au même niveau, mais toute grande entreprise a ce défi-là. Ce qui est particulier, comme vous l'expliquez, à HydroQuébec, c'est que ce n'est pas une entreprise privée. Donc, est-ce qu'il y aurait des formules équivalentes au plan de participation aux actions qu'on pourrait trouver? Est-ce qu'il y aurait des formules de bonis aux cadres qu'on pourrait trouver et est-ce qu'on pourrait aussi motiver les employés avec des systèmes participatifs? Il y a certainement des formules à trouver, en tout cas, pour que les employés participent au fruit de leur effort. Effectivement, c'est ça qui est le défi, comme vous l'expliquez. C'est que l'employé qui travaille, je ne sais pas, qu'il fasse sa semaine ou qu'il en fasse plus, au bout de la ligne c'est la même paye. C'est une convention collective ou un décret et puis il n'a rien de plus. Il y aurait peut-être lieu de trouver des formules, sauf que c'est très complexe. À partir du moment où l'on parle d'actionnariat et d'actions, vous savez, Hydro-Québec, dès qu'elle émet des actions dans le public, elle peut se permettre d'émettre peut-être 10 % d'actions; après ça, au-dessus de ça, elle devient imposable, ce qui représente un coût énorme d'impôts qui s'en vont au fédéral. Je pense qu'il n'y a personne, politiquement, qui est intéressé à cette situation. Donc, on ne peut pas dire qu'on va privatiser Hydro-Québec demain matin. Je ne pense pas que ce soit une solution facile comme ça. Mais il y a peut-être moyen de mettre sur pied des plans de participation aux résultats, soit en faisant faire une espèce de comptabilité divisionnaire en disant: Les employés vont avoir une espèce de plan d'affaires et voici leurs objectifs pour l'année. C'est ce qui se fait dans chaque entreprise. Il y a un plan d'affaires. Voici les objectifs. Si vous atteignez ces objectifs-là, voici les objectifs de profits que vous devriez avoir et voici votre participation à ces profits. Il y aurait peut-être moyen, comme ça, en décentralisant et en ayant une comptabilité divisionnaire, de motiver les employés.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Orford.

M. Benoit: On parle de productivité et j'y reviens. On n'a pas vu en commission, peut-être que ça existe... J'ai posé la question hier à Lévesque Beaubien, qui sont des courtiers en valeurs mobilières. Il y a la Banque de Montréal qui s'en vient; je les avise tout de suite, je vais leur poser la même question. Est-ce qu'il y a eu des comparatifs de productivité entre les entreprises américaines dans les mêmes secteurs de distribution de l'énergie et Hydro-Québec, entre des compagnies, par exemple, de téléphone? Combien de temps ça prend pour poser un poteau de téléphone à Bell Canada versus combien de temps ça prend pour poser un poteau de téléphone à Hydro? Combien de temps ça prend pour poser un fil d'un kilomètre de long à Bell versus un kilomètre à Hydro? La productivité, ça se compare avec autre chose quelque part et ça, ça n'a pas été démontré. Des gens nous ont dit que ce n'était pas productif, Hydro-Québec, mais, personne ne nous est arrivé avec des chiffres. Est-ce que, vous autres, les gens de la Chambre de commerce, ou vous, comme comptable chez Samson Bélair, vous avez de ces données-là?

M. Monarque: Non malheureusement. Notre mémoire, on l'a axé surtout, comme on l'expliquait, sur le juste équilibre entre le développement économique et l'environnement. On n'a pas couvert cet aspect-là et je ne peux malheureusement pas vous répondre.

Le Président (M. Bélanger): Je cède la parole au député d'Ungava. M. le député.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous recevoir parmi nous pour avoir l'occasion de discuter un peu avec vous des problèmes d'Hydro-Québec. Juste une remarque en passant: Hydro ne pose pas de poteaux de téléphone. Ha, ha, ha! Elle laisse ça a Bell et à Télébec.

La rive sud de Montréal est peut-être l'endroit du Québec, en tout cas à première vue, qui est le plus favorisé par les grands travaux d'Hydro-Québec. Vous l'avez dit tout à l'heure, il y a plein d'entreprises qui sont liées à HydroQuébec - quand ce n'est pas Hydro-Québec elle-même, par exemple, à travers l'IREQ - qui opèrent sur la rive sud de Montréal et qui ont sûrement avantage à ce que Hydro-Québec ait des programmes de développement. Quand on parle de la rive sud, en tout cas, dans ma tête à moi, ce sont tous les environnements immédiats, y compris les chantiers maritimes de Sorel qui fabriquent des turbines, des groupes alternateurs, le parc de Tracy, ABB, l'IREQ. Il y a même des entreprises qui sont sûrement intéressées à ce qu'il y ait des développements à Hydro-Québec et qui, peut-être, à première vue, ne sont pas très liées à Hydro-Québec, par exemple, CIL à McMasterville, et tout ça. On sait combien ça prend de dynamitage et d'explosifs finalement pour réussir à ancrer des barrages et des centrales hydroélectriques. Tout ça fait sûrement que la rive sud de Montréal est peut-être, en tout cas à première vue, une des régions qui a le plus d'intérêt immédiat à ce qu'il y ait des constructions de barrages quelque part ailleurs au Québec, dans le Nord.

Est-ce que vous avez, en ce qui vous concerne, nonobstant la réponse que vous avez donnée tout à l'heure à Mme la ministre sur la situation des entreprises chez vous, une évaluation un peu grossière de la situation ou de

l'importance des travaux hydroélectriques, de l'impact économique que ça a sur la rive sud de Montréal?

M. Monarque: Écoutez, c'est sûr qu'on n'a pas d'évaluation précise du genre: Si vous faites la deuxième Baie James, ça va générer tant pour la rive sud. Je ne pense pas que ce soit aussi mathématique que ça parce que, d'abord, ça va profiter à l'ensemble du Québec. Jusqu'à quel point est-ce que ça va profiter aux entreprises de la rive sud? Je n'ai pas de données précises là-dessus, mais, comme vous le dites, il y a beaucoup d'entreprises sur la rive sud qui fabriquent des composantes de lignes de transmission; il y a certaines entreprises de grands constructeurs qui sont situées sur la rive sud et, effectivement, ce sont tous des gens qui vont profiter des retombées économiques. Mais une évaluation précise, je n'en ai pas.

M. Claveau: En contrepartie, à l'instar de ce qui nous a été demandé hier par d'autres groupes qui se sont présentés, et ce qui nous est demandé, de toute façon, régulièrement à travers le Québec, si Hydro-Québec régionalisait plus ses opérations et faisait affaire de plus en plus avec des entrepreneurs régionaux et voyait à acheter des fournitures de plus en plus en région, un peu partout, là où, finalement, les gens vivent les inconvénients aussi des barrages, on pourrait peut-être à l'occasion en avoir quelques avantages. Est-ce que vous croyez qu'une politique semblable de la part d'Hydro-Québec pourrait atténuer les retombées sur la rive sud de Montréal?

M. Monarque: Je dois vous avouer que moi, je crois beaucoup à la compétitivité des marchés. Je n'ai pas d'objection peut-être à privilégier - je pense qu'il y a une certaine logique dans ce que vous dites - l'endroit où se font les travaux, de sorte qu'il y ait une espèce de préjugé favorable vis-à-vis des entreprises locales. Ça, écoutez, toute chambre de commerce qui se respecte va tenir ce discours-là pour sa localité. Cependant, il faut que les lois du marché jouent. Si la compétition est faussée, que ça coûte trois fois plus cher de faire construire par telle entreprise qui est située à telle place par rapport à une entreprise de la rive sud, bien, je pense que là, on débalance complètement les lois économiques. Il y a peut-être une politique qu'on peut encourager. Ça, je suis d'accord avec vous. Mais il ne faut pas déroger de la saine gestion économique et des lois du marché. Si c'est compétitif, je n'ai pas de problème avec ça.

M. Claveau: Vous savez, pour développer l'économie en région, il faut, à toutes fins pratiques, que les gouvernements et les entreprises mettent en place ce qu'on appelle, entre guillemets, la discrimination positive. Il faut se garder des créneaux où on va, je ne dirais pas coûte que coûte, mais disons, tout en prenant en considération un certain nombre de critères, privilégier les entreprises régionales. Je regarde, par exemple, le domaine de la fourniture de maisons ou de campements. Il y a des entreprises régionales qui en font, il y a des entreprises sur la rive sud de Montréal aussi qui en font. Alors, quand vient le temps d'acheter des campements ou des maisons préfabriquées, etc., il pourrait y avoir dans les politiques d'Hydro-Québec une espèce de discrimination positive à l'effet que, même si une maison construite en région coûte un petit peu plus cher, on l'achète en région quand même.

M. Monarque: Non. Je pense qu'on s'entend là-dessus. Comme vous dites, ça coûte un petit peu plus cher. Mais si elle coûte trois fois plus cher, là, je ne suis plus d'accord avec vous. C'est ça, le principe.

M. Claveau: O.K. Mais vous êtes d'accord pour que, même s'il y a...

Dans votre mémoire, je regardais... Attendez un peu. En page 8, vous nous dites que si d'autres sources d'énergie coûtaient moins cher que l'hydroélectricité, eh bien, on aurait avantage à s'en prévaloir finalement. Vous dites: Si ça coûte 10 $ avec l'électricité produite à partir de l'eau et que ça coûterait 8 $ pour le même service à partir d'une autre source d'énergie ou d'autres façons de produire l'électricité, on devrait le faire autrement.

M. Monarque: Si on dit que ça coûte 10 $ pour économiser de l'énergie et que ça coûte 8 $... Admettons que le deuxième barrage de la Baie James, ça coûte, je ne sais pas, moi, 8 $ l'unité et que ça coûte 10 $ pour faire économiser, bien, à un moment donné, c'est HydroQuébec qui s'appauvrit. Puis, il y a une logique à un moment donné. Il y a un équilibre aussi parce que ça prend un contexte comme Hydro-Québec, une société d'État monopole, pour dire à une société: Vous allez investir pour diminuer vos ventes. Ça, dans le secteur privé, vous ne verrez jamais ça. Alors, c'est ça dans le fond, des économies d'énergie. On dit à Hydro-Québec: Vous allez encourager les gens à ne pas consommer d'électricité. Donc, vous allez encourager à diminuer vos ventes et à diminuer vos profits. C'est compréhensible parce que c'est un monopole et c'est une entreprise d'État et elle a un rôle social. Sauf qu'il ne faut pas exagérer. À un moment donné, si on pousse ça à l'extrême, c'est l'appauvrissement d'Hydro-Québec. C'est cet équilibre-là qu'il faut maintenir.

M. Claveau: Ça peut se voir aussi dans l'entreprise privée, dans la mesure, par exemple... Si, pour augmenter de 10 % votre part de marché, vous devez doubler vos investissements,

bien, vous allez dire: On va les laisser à l'autre, ces 10 %. Finalement, ce ne sera pas. rentable pour moi. C'est un petit peu le cas des économies d'énergie. Enfin, on questionne Hydro-Québec, à savoir, plutôt que d'investir 55 000 000 000 $ pour développer 10 000 mégawatts supplémentaires, si vous nous dites qu'avec 1 800 000 000 $ vous êtes capables d'économiser 2500 mégawatts, le rapport est facile à comprendre. Et puis, à ce moment-là, on dit: On a peut-être avantage, pour la saine gestion même de l'entreprise à économiser un peu plus plutôt que de construire des équipements très coûteux finalement pour une part de marché minime à prendre ou à satisfaire. (10 h 45)

M. Monarque: Encore là, on dit: Oui, mais à condition que ça ne nous coûte pas plus cher le kilowatt économisé versus le kilowatt produit avec les nouveaux équipements. Il ne faut pas que le kilowatt économisé coûte plus cher; sans ça, il y a un appauvrissement. Les économies d'énergie, ça crée une pression à la hausse sur les tarifs parce que ce sont des dépenses que vous encourez. Vous n'avez pas les revenus parce que les gens diminuent leur consommation.

M. Claveau: Oui.

M. Monarque: Inévitablement, ce qui arrive, si vous voulez combler la différence, vous augmentez les tarifs. Alors, c'est pour ça qu'il y a une limite. On est d'accord avec ce principe-là, mais il ne faut pas pousser ça à l'extrême parce que, à ce moment-là, l'électricité va coûter trois ou quatre fois plus cher. On va en consommer moins aussi.

M. Claveau: O.K. On sait que ce qui est coûteux, finalement, dans la production d'électricité, ce sont les pointes. Et on doit mettre en place des équipements de pointe, finalement, qui augmentent la puissance installée considérablement pour une utilisation de quelques heures par année, pour répondre aux grandes pointes hivernales, entre autres. À cet effet-là, on a commencé, ou Hydro-Québec a commencé à construire ce qu'on appelle des puissances additionnelles à Manie 5, puissances additionnelles et LG 2A. J'ai deux puissances additionnelles aussi où on ajoute des équipements de plusieurs milliards, finalement, qui sont comme des espèces d'accélérateurs de production sur les centrales qui font que, pendant quelques semaines par année, on peut prélever plus que la capacité normale du réservoir, afin de satisfaire à la pointe. Ces équipements-là ne peuvent pas servir à temps plein, parce que, à ce moment-là, on viderait les réservoirs très rapidement. Alors, on ne peut les utiliser que dans les périodes de pointe.

Il y a eu une proposition qui nous a été faite ici par une entreprise qui s'appelle Cas- cades, qui nous dit: Plutôt que d'investir à coups de milliards, finalement, pour satisfaire des pointes uniquement, pourquoi Hydro-Québec ne transférerait-elle pas la gérance de cette pointe-là à l'industrie? Ce qui pourrait se faire de toutes sortes de façons. On connaît le niveau de la consommation industrielle. Alors, en faisant des ententes avec Hydro-Québec et peut-être en modifiant un petit peu les techniques de production, ou en s'organisant pour être capable d'autosatisfaire ses besoins pendant quelques heures par année ou quelques jours par année, l'entreprise, avec des aides financières éventuellement, Hydro-Québec ou autrement, pourrait gérer cette pointe-ià, ce qui enlèverait à HydroQuébec la nécessité, l'absolue nécessité de construire ces équipements-là pour répondre à la pointe, ce qui représenterait énormément d'économies, dans le fond, pour Hydro-Québec.

Cela pourrait représenter, en plus, des économies pour l'entreprise qui serait amenée à gérer cette pointe-là, peut-être en modifiant ses façons de faire et pour couper carrément sa consommation, par exemple, pendant un certain nombre d'heures annuellement, lorsque HydroQuébec lui en fait la demande, etc. Mais, vous, là, connaissant la situation industrielle et commerciale sur la rive sud de Montréal qui est quand même un milieu assez intense sur le plan économique, est-ce que vous pensez que l'entreprise pourrait accepter de travailler dans ce genre de démarche-là afin de diminuer les coûts d'Hydro-Québec, les coûts globaux de la société québécoise et, éventuellement aussi, les coûts de l'entreprise qui participerait à un programme semblable?

M. Monarque: Si c'est rentable, définitivement. Le secteur privé va fonctionner uniquement sur une base de rentabilité. Si le prix payé par Hydro-Québec pour ce kilowatt supplémentaire est suffisant pour absorber le coût des installations et générer un profit qui donne un taux de rendement adéquat, c'est sûr que l'entreprise privée va acheter ça demain matin. La seule chose, par exemple, c'est que c'est une idée intéressante. Maintenant, est-ce que la preuve a été faite? Est-ce qu'il y a des expériences? Je sais qu'il y a des mini-barrages qui ont été construits. Quelle est l'expérience de ces minibarrages? Je ne le sais pas. Encore là, je n'ai pas de données là-dessus, mais l'idée est très intéressante. Si elle est rentable, c'est sûr que c'est une donnée très intéressante. Je pense que tout homme d'affaires va embarquer, mais à condition que ce soit rentable. Il va même prendre des risques, mais à condition que ce soit rentable. J'imagine que le kilowattheure, à la pointe, c'est un kilowattheure qui se vend peut-être plus cher que le kilowattheure en... À ce moment-là, il y a peut-être un créneau, il y a peut-être un marché qui est intéressant, qui peut peut-être rentabiliser certaines installations.

C'est à voir, c'est à étudier.

M. Claveau: Alors, quand vous parlez de collaboration entre Hydro et l'entreprise, ça pourrait être un exemple de cette collaboration.

M. Monarque: Ça pourrait en être un, effectivement.

M. Claveau: Si vous le permettez, je vais passer la parole à mon collègue de la rive sud de Montréal.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux saluer M. le président de la Chambre de commerce et madame. Une des dix villes qui apparaissent sur votre papier à lettre est La Prairie, évidemment, chef-lieu du comté de La Prairie. Alors, c'est avec plaisir que je vous salue.

Je voudrais m'attarder à la page 6, à votre première recommandation: "Qu'Hydro-Qué-bec intensifie ses moyens de communication et de concertation à l'intention de tous ses partenaires, y compris les groupes écologiques, eu égard aux résultats de ses analyses sur les impacts environnementaux de ses différents projets, notamment celles sur les effets environnementaux cumulatifs du plan des installations proposé." Est-ce que vous pourriez élaborer un peu sur cette recommandation, l'expliciter un peu?

M. Monarque: Écoutez, encore là, ce que je vous dis, c'est un peu le sens commun. On entend toutes sortes de choses et c'est sûr qu'il y a différents discours qui sont tenus. On sait qu'il y a le discours environnementaliste qui dit: Economisez de l'énergie et vous n'aurez pas besoin de faire une deuxième Baie James. Et de notre côté, nous, on dit: II y a un développement économique, on ne peut pas passer à côté, il faut suivre la parade qui est à l'échelle mondiale et on n'a pas d'autre choix que de développer cette deuxième Baie James. Alors, entre les deux discours, il y a peut-être de l'information qui devrait circuler. On sait quels sont les obstacles de ces grands barrages-là. On sait qu'on inonde des territoires. On sait donc qu'on bouleverse l'écologie. On déplace des populations autochtones. Et on a aussi le problème des lignes de transmission qui créent une pollution visuelle. Ensuite, il y a les impacts des lignes de transmission sur les terres. Les zones magnétiques, est-ce que ça affecte l'agriculture? Bon. Toutes ces informations-là sont peut-être publiques, mais elles ne sont certainement pas à la portée de tous les citoyens et peut-être qu'il y aurait lieu de les vulgariser pour essayer de voir, justement... Hydro dirait: Voici le travail que nous avons fait, voici les conclusions auxquelles nous en arrivons. Ce n'est pas parfait. Voici les pour et les contre. Mais comparativement à telle source d'énergie - le charbon, le pétrole, le nucléaire - nous, on vous dit que, dans le fond, on a fait notre devoir et que c'est cette source d'énergie-là qui est encore, économiquement et écologiquement, la plus performante. C'est peut-être ce genre de discours-là qu'Hydro-Québec devrait tenir de façon plus intensive pour répondre au discours écologique qu'on entend, mais qui nous donne peut-être juste une partie de la version.

M. Lazure: Dans le sens de vos remarques, est-ce que vous iriez jusqu'à appuyer les 31 ou 32 organismes qui se sont regroupés dans une coalition et qui demandent à Hydro-Québec et au gouvernement de procéder à une vaste consultation publique avant de mettre en train Baie James 2?

M. Monarque: Non. Pour nous, encore là, c'est le gros bon sens. On n'a pas besoin de 36 études et de 31 organismes et tout ça. Le développement économique est suffisamment important. Il faut travailler au niveau de solutions alternatives comme celles que vous mentionniez, peut-être les entreprises, tout ça. Écoutez, moi, j'y reviens toujours, le pétrole, le charbon, le nucléaire, l'hydroélectricité, il me semble qu'entre les quatre, c'est bien facile à comprendre, c'est l'hydroélectricité qui est la moins dommageable. Si on subit un retard dans l'hydroélectricité, la concurrence mondiale va nous rattraper et ce sont les autres qui vont en profiter. Ce sont les pays du pétrole qui vont... On va être obligés d'importer davantage de pétrole. Il va falloir, à un moment donné, se convertir au nucléaire. On n'a pas le choix, dans mon livre à moi, c'est évident. Là où j'en suis, c'est peut-être de dire: Bien, écoutez, les fameux impacts écologiques de l'hydroélectricité, il faudrait peut-être ramener ça à une juste proportion quand on regarde l'ensemble. Alors, pour moi, ce n'est pas dans le sens de dire: On va faire une vaste consultation populaire; c'est de dire à Hydro: Bien, écoutez, vendez votre salade - c'est aussi simple que ça - vendez-la, votre salade parce que, moi, ça me semble évident. C'est un peu dans ce sens-là que je dis ça.

M. Lazure: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Alors, si vous voulez remercier nos invités, M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Alors, il me fait plaisir de vous remercier pour votre prestation devant cette commission parlementaire et avec les éléments nouveaux que vous nous apportez, concernant, entre autres, toute l'importance de l'hydroélectricité et des activités des entreprises de la rive sud de Montréal, que vous représentez d'ailleurs ici. Merci de votre présence.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la ministre.

Mme Bacon: Je voudrais vous remercier aussi de ce témoignage, parce qu'il y a une grande sagesse et, en même temps, il nous semble que ce témoignage est une recherche d'équilibre dans le dossier que nous avons devant nous. On vous remercie beaucoup d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Montréal pour sa participation à ses travaux.

J'inviterais à la table des témoins les groupes de la Banque de Montréal et de Nesbitt Thomson.

Bonjour messieurs, madame. Je vais vous expliquer rapidement nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de vos points de vue et, par la suite, il y aura une période d'échanges avec les parlementaires. Dans un premier temps, nous apprécierions beaucoup que vous puissiez identifier votre porte-parole, présenter les gens qui vous accompagnent et nous présenter votre mémoire. Nous vous écoutons. Merci.

Banque de Montréal - Nesbitt Thomson Deacon Itée

M. Rourke (Glenn): M. le Président, je vous remercie de nous avoir fourni l'occasion d'être entendus ce matin. J'ai le plaisir de vous présenter mes collègues. En premier lieu, je suis Glenn Rourke, je suis premier vice-président de la direction des grandes entreprises et administrations publiques, Banque de Montréal, responsable de l'Est du Canada. À ma droite, de Nesbitt Thomson, M. Michel Côté, premier vice-président et administrateur, direction générale du Québec; Luc Bachand, vice-président, financement gouvernemental et corporatif; Mme Line Rivard, associée, financement corporatif; à ma gauche, de la Banque de Montréal, M. Jacques Rastoul, directeur des affaires publiques.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.

M. Rourke: M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés. Dans leur mémoire conjoint sur les perspectives de l'énergie électrique au Québec, la Banque de Montréal et Nesbitt Thomson ont fait ressortir l'importance cruciale d'assurer les besoins énergétiques du Québec pour les prochaines décennies. Notre mémoire souligne en même temps l'avantage incomparable dont dispose le Québec avec l'hydroélectricité comme source d'énergie abondante, propre et renouvelable. C'est dans cette perspective qu'il faut voir l'intérêt du Québec à poursuivre le développement de ses ressources hydroélectriques, non seulement pour accroître les exportations mais pour assurer son autosuffisance énergétique, indispensable à son développement économique.

C'est en raison de l'importance du plan de développement d'Hydro-Québec pour l'économie du Québec et de notre participation directe au financement de la phase I du projet de la Baie James que nous avons choisi d'intervenir en commission. La Banque de Montréal est un partenaire financier d'Hydro-Québec depuis de nombreuses années. Lors de la phase I du projet de la Baie James, nous avions, à titre de cochef de file, organisé un financement de 1 250 000 000 $, avec la participation de 49 banques représentant 11 pays. Plus récemment, nous avons piloté, en 1984, des crédits de soutien de l'ordre de 750 000 000 $ sur le marché canadien avec la participation de 78 banques et, en 1988, de 400 000 000 $ sur le marché européen avec la participation de 23 banques. Au fil des années, Hydro-Québec a reçu un appui continu du milieu bancaire, tant au Canada qu'à l'étranger, ce qui témoigne d'une forte confiance à l'égard de ses plans de développement et de son potentiel énergétique. (11 heures)

Forts de l'expérience de la phase I du projet de la Baie James, nous croyons donc que le plan de développement d'Hydro-Québec est bien fondé. J'aimerais souligner deux des arguments qui sous-tendent notre jugement. En premier lieu, l'ère des surplus énergétiques tire à sa fin et, en second lieu, l'énergie hydroélectrique, particulièrement celle du Québec, jouit d'un avantage concurrentiel certain à long terme. Nous croyons en effet que les surplus énergétiques que le monde a connus au cours des dernières années, qui ont été caractérisés par un excédent de capacité et des prix modérés ne se reproduiront pas au cours de la prochaine décennie. Les surplus étaient dus, d'une part, à une réduction de la consommation d'énergie, réduction entraînée à la fois par la forte augmentation des prix du pétrole au cours des années soixante-dix et par les efforts de conservation. Les surplus étaient dus aussi à l'accroissement de la production dans les pays non-membres de l'OPEP, à des changements favorables dans la réglementation du gaz naturel aux États-Unis et au développement de projets importants de gaz liquéfié et d'énergie nucléaire et hydroélectrique.

Les années 1990 seront caractérisées par un meilleur équilibre entre l'offre et la demande. Nous ne prévoyons pas d'insuffisance énergétique, mais il faut s'attendre à des périodes de restriction et à une vulnérabilité accrue des systèmes aux demandes dé pointe. La production de pétrole dans les pays non-membres de l'OPEP a atteint son sommet, car les prix actuels ne justifient pas le développement de ressources marginales. Par ailleurs, les réserves de l'OPEP sont concentrées

dans cinq pays et le développement de ces réserves est soumis à des contraintes politiques et financières. On prévoit également des problèmes d'approvisionnement de réseaux de gaz naturel et d'énergie électrique dans certaines régions des États-Unis.

Dans ce contexte, il est généralement reconnu que la demande d'énergie électrique au États-Unis s'accroîtra deux fois plus vite au cours des années quatre-vingt-dix que pendant la dernière décennie, soit d'environ 2 % par année. Pour répondre à cette demande, il est clair que la production hydroélectrique du Québec bénéficiera d'un avantage comparatif indéniable. En effet, les autres sources d'énergie seront soumises à des contraintes: le gaz naturel, à des problèmes de réglementation et de transport par pipelines; le pétrole et le charbon, à des problèmes d'impact environnemental. De plus, les coûts de production de l'énergie au Québec sont moins de la moitié de ce qu'ils sont dans les États américains limitrophes, ceux qui dépendent surtout du pétrole, du gaz et du charbon.

Compte tenu de ces facteurs, la capacité de production hydroélectrique d'Hydro-Québec représente un avantage exceptionnel pour l'ensemble de l'économie du Québec. C'est pourquoi la Banque de Montréal, comme partenaire financier d'Hydro-Québec, appuie le projet de développement de la phase II de la Baie James. Notre perspective est renforcée par celle de notre filiale Nesbitt Thomson sur les aspects financiers du projet, notamment le financement obligataire. Pour traiter de ces aspects financiers, je cède maintenant la parole à M. Michel Côté, de Nesbitt Thomson. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci.

M. Côté (Michel): Merci, M. Rourke. M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés, au nom de la maison Nesbitt Thomson, j'aimerais, tout d'abord, vous rermercier de nous donner l'opportunité de présenter nos commentaires sur la proposition de plan de développement d'Hydro-Québec. Vous avez entendu, précédemment, M. Rourke vous parler de l'ampleur du projet. En ce qui a trait à notre rôle, nous sommes ici pour vous faire part de nos commentaires sur la faisabilité du programme de financement envisagé pour ce projet.

Au cours de notre présentation d'aujourd'hui, j'aimerais tout d'abord faire l'évaluation du plan de développement au point de vue financier ainsi que de ses besoins d'emprunt; ensuite, nous aborderons la question des capitaux disponibles sur les marchés mondiaux au cours des années 1990-1999, ce qu'Hydro-Québec doit faire pour accéder à ces capitaux et, enfin, une brève conclusion.

En premier lieu, la nature du plan de développement et ses besoins financiers. Comme nous l'avons dit plus tôt, le plan de développe- ment consiste à augmenter la puissance d'Hydro-Québec en électricité d'environ 10 000 mégawatts pour la fin de 1999, soit une augmentation de 40 % de la puissance actuelle. Ceci nécessitera des investissements de 61 800 000 000 $ dont 13 200 000 000 $ dans les trois prochaines années. Le rachat d'obligations à long terme ainsi que les investissements, selon le projet de plan de développement, exigeront des emprunts de quelque 50 000 000 000 $ au cours des 10 prochaines années dont 12 500 000 000 $ pour les trois prochaines années.

Maintenant que nous connaissons les besoins financiers du projet, nous allons discuter des perspectives des marchés financiers pour la prochaine décennie. En premier lieu, nous aimerions discuter de la disponibilité des capitaux, puis, en second lieu, de l'accès de ceux-ci.

Question de disponibilité. Permettez-moi de souligner que bien que l'épargne brute des pays de l'OCDE soit passée de 23 % à 20 % du PNB depuis le début des années soixante-dix, celui-ci, le PNB, a cependant connu une croissance annuelle d'environ 9 % durant cette même période, ce qui, en chiffres absolus, a amené l'épargne brute à presque tripler depuis une quinzaine d'années, pour atteindre, aujourd'hui, près de 3000 milliards de dollars annuellement.

Des études récentes du Fonds monétaire international nous indiquent qu'au cours des 10 prochaines années on estime que le taux d'épargne devrait demeurer essentiellement le même, soit environ 20 % du PNB, et que le produit national brut devrait croître d'approximativement 7 % par année, ce qui nous amènerait à un niveau annuel d'épargne brute, pour la fin de la décennie, d'environ 5000 milliards de dollars annuellement. Dans cette perspective, les besoins de fonds annuels d'Hydro ne représenteraient alors que 0,2 % des fonds annuels disponibles, une proportion ainsi relativement faible de la totalité des fonds disponibles.

Question d'accès. La dimension des fonds disponibles n'est qu'un aspect, l'accès en est un autre. À ce sujet, il est évident, que la compétition sera grande pour ces fonds. Cependant, il est bon de savoir, premièrement, qu'Hydro-Québec, avec sa présente cote, double A, se situe parmi les meilleurs risques de crédit à travers le monde et que, deuxièmement, grâce à la sophistication des instruments financiers et à la mondialisation des marchés, Hydro-Québec a accès à pratiquement tous les marchés financiers internationaux. Ces deux facteurs importants nous permettent donc d'être confiants que, non seulement ces fonds seront disponibles, mais qu'Hydro-Québec y aura accès.

J'ai fait allusion, plus tôt, à la cote d'Hydro-Québec. Je me dois maintenant de discuter de façon plus approfondie de cette question, car elle est fondamentale au succès du programme d'emprunt envisagé pour ce projet. Lors de la première phase de la Baie James, ce qui repré-

sentait un programme d'expansion ambitieux, Hydro-Québec a réussi à compléter ses programmes d'emprunt grâce à la rencontre d'objectifs financiers qu'elle s'impose depuis ses tout débuts, qui lui ont permis de conserver une bonne santé financière. En effet, en maintenant sa couverture d'intérêt à plus d'une fois, en s'assurant que son taux de capitalisation se maintienne aux alentours de 25 %, ainsi que plusieurs autres tests financiers, Hydro-Québec a démontré sa capacité de saine gestion financière et a ainsi réussi à se financer sans affecter négativement sa cote de crédit.

Nous croyons que la même situation prévaut aujourd'hui surtout que la taille des Investissements prévus pour le projet actuel, en relation avec la taille de l'actif total d'Hydro, est inférieure aux ratios qui prévalaient au cours des années 1975-1985. L'investissement d'aujourd'hui, de quelque 48 000 000 000 $ en dollars constants, représente 1,4 fois l'actif actuel, comparativement aux investissements, pour la période 1975-1985, de près de 39 000 000 000'•$, en dollars constants de 1990, ce qui représentait 2,6 fois la base d'actif en 1975.

Une autre manière de mettre l'ampleur de ce projet en perspective est lorsqu'on regarde l'endettement d'Hydro-Québec par rapport à son actif. Aujourd'hui, la dette totale d'Hydro-Québec se situe à 23 500 000 000 $ pour un actif de 34 000 000 000 $. À la fin de la décennie, la dette totale d'Hydro-Québec sera de l'ordre de 60 000 000 000 $. En autant qu'Hydro respectera ses objectifs financiers et, par le fait même, son ratio dette-actif, cette dette sera supportée par un actif d'au moins 85 000 000 000 $, ce qui devrait, conséquemment, lui permettre de maintenir sa cote de crédit et de financer le projet.

M. le Président, j'ai essayé de vous démontrer que la croissance des marchés de capitaux et la flexibilité des nouveaux véhicules de placement devraient assurer l'accès et l'argent nécessaires à ce projet, pour autant qu'Hydro-Québec, par le maintien de ses objectifs financiers, conserve sa cote de crédit. Nesbitt Thomson est donc confiant que, dans ces conditions, Hydro-Québec pourra compléter avec succès son plan de financement. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, monsieur. Mme la ministre. (11 h 15)

Mme Bacon: Alors, madame et messieurs, je vous remercie d'être ici avec nous pour discuter, j'irais jusqu'à dire, de la viabilité du plan de développement d'Hydro-Québec, parce que je n'ai pas l'impression que vous vous êtes vraiment prononcés sur des choix énergétiques dans votre dossier, à moins que vous me souhaitiez apporter un soutien au plan de développement. Est-ce qu'on doit comprendre, quand même, que vous appuyez les choix énergétiques qui sont proposés par la société d'État ou est-ce que vous voulez tout simplement vous prononcer seulement comme agent économique?

M. Rourke: Vous avez raison, Mme la ministre. L'appui que nous donnons pour le projet, c'est un appui pour la proposition qui a été faite par Hydro-Québec. Nous pensons que la source d'énergie hydroélectrique pour le Québec, si on regarde nos besoins et ceux de nos voisins du Sud, c'est peut-être la meilleure, mais nous avons regardé le plan de développement d'Hydro-Québec, et c'est à ça que nous donnons notre appui.

Mme Bacon: Comment qualifieriez-vous la crédibilité financière d'Hydro-Québec sur les marchés canadiens et sur les marchés étrangers en ce moment?

M. Côté (Michel): Pourriez-vous répéter votre question, Mme la ministre?

Mme Bacon: Comment pourriez-vous qualifier la crédibilité financière d'Hydro-Québec sur les marchés étrangers et sur les marchés canadiens?

M. Côté (Michel): Écoutez, si le passé est garant de l'avenir, il s'agit de regarder les emprunts considérables qu'Hydro est parvenue à faire dans les derniers 10 ou 15 ans de son histoire. Peut-être que M. Bachand peut me donner les statistiques nécessaires, mais, considérablement, elle a été capable d'emprunter sur les marchés internationaux.

Je pense que ça reflète le profil, l'image et la qualité d'Hydro. Le point que nous faisons est à l'effet que, si vous maintenez les critères financiers et le bilan financier, on a toutes les raisons de croire que l'histoire va se continuer.

M. Bachand (Luc): Peut-être pour ajouter, je pourrais dire que, historiquement, si on retourne au début des années soixante-dix, Hydro-Québec a toujours réussi à compléter ses programmes de financement. Lorsque des marchés sont plus difficiles que d'autres, Hydro-Québec a un rayonnement mondial et elle réussit à emprunter dans un autre marché lorsqu'il y en a un plus difficile. Cette année, Hydro-Québec s'est financée presque entièrement dans les marchés étrangers. Lorsque le marché canadien sera plus favorable, elle va revenir. C'est une juste balance. Il faut toujours regarder une longue période.

Mme Bacon: Je ne sais pas si vous avez suivi un peu les travaux de la commission parlementaire en mars 1990 qui concernait les tarifs d'Hydro-Québec. Il y a eu plusieurs discussions qui ont traité de l'impact et du respect ou non des critères financiers suivant Hydro-Québec, soit le taux de couverture des

intérêts, le taux de capitalisation, le taux d'autofinancement et le taux de rendement sur l'avoir propre. Selon votre expertise des marchés de capitaux, lequel ou lesquels de ces critères revêtent le plus d'importance aux yeux des prêteurs?

M. Côté (Michel): Je vais commencer, si vous me le permettez, avec une conclusion. Je pense que ce qui est important, c'est de garder la cote d'Hydro où elle est. Je ne voudrais pas me substituer aux agences qui déterminent, somme toute, la cote et à qui il faudrait peut-être poser la question: Qu'est-ce qui est plus important comme critère? Je vous avoue que, en ce qui me concerne, je pense que vous devez avoir un ensemble. Probablement qu'à l'intérieur de l'ensemble, il peut y avoir certains fléchissements ou certaines distorsions sans pour autant affecter la cote. Mais, lorsque vous considérez 50 000 000 000 $ d'emprunts dans le prochains 10 ans, je pense que vous avez tout avantage à regarder le bilan selon les critères qui ont été prouvés précédemment. Et si, jamais, il y avait des expériences à faire, à savoir si on devrait maintenir à une fois le taux de couverture ou 25 %, il serait peut-être mieux de le faire une fois que les emprunts de 50 000 000 000 $ auront été faits. Il y a peut-être quelque chose à faire, mais je recommanderais de ne pas l'essayer avant ce projet.

Mme Bacon: Il y a eu une analyse du contexte énergétique nord-américain qui a été faite. Quand on regarde cette analyse, vous indiquez que, du point de vue économique, la réalisation du plan de développement d'Hydro-Québec devrait se révéler bénéfique au Québec et à ses voisins limitrophes. Si, pour une raison ou une autre, le Québec ne profite pas des opportunités qui lui sont offertes, comment qualifie-riez-vous les pertes économiques pour la société québécoise?

M. Rourke: Pouvez-vous répéter la dernière partie de votre question, s'il vous plaît?

Mme Bacon: Si on ne profite pas des opportunités qui nous sont offertes - on parle toujours du plan de développement - quelles seraient les pertes économiques pour la société québécoise? Comment on peut les qualifier? Parce qu'on sait que ça va quand même amener, sur le plan économique, au Québec, des bénéfices, et même à nos voisins.

M. Rourke: Je ne sais pas, Mme la ministre, si je peux qualifier quelles seront les pertes. On prend des études qui ont été faites par les

Américains sur les besoins de l'énergie dans les années quatre-vingt-dix. On sait qu'il y a un potentiel là pour Hydro-Québec d'exporter une ressource, de l'électricité, quelque chose que nous avons ici. quelque chose de très important pour la province. On croit que si on peut, sans profiter de cela, il y aura des retombées économiques très, très importantes pour le Québec.

Si on ne fait pas les investissements, c'est sûr et certain qu'il y aura moins de retombées, mais pour vous dire exactement les chiffres, je ne peux pas, sauf que si on regarde l'impact d'Hydro-Québec sur l'économie du Québec, alors, 5 % à peu près du produit intérieur brut, c'est quand même, très, très grand.

Mme Bacon: Dans sa stratégie de financement, Hydro-Québec cherche évidemment à maximiser la part de financement en dollar canadien qui inclut aussi les crédits croisés.

Selon vous, est-ce que les emprunts massifs que devrait faire la société d'État au cours des prochaines années pourront rendre plus difficile cette stratégie?

M. Côté (Michel): Quelques réponses que j'aimerais faire à cette question. Hydro-Québec, de par son profil, encore une fois, est un des rares crédits que nous possédons, qui a la flexibilité d'aller emprunter à l'extérieur des marchés domestiques.

Lorsque vous dites qu'Hydro prendra trop de place sur les marchés domestiques, il faut aussi envisager que là où Hydro pourrait prendre la place, c'est avec des crédits qui, probablement, n'ont pas d'autre accès que les marchés domestiques, alors qu'Hydro pourra toujours, comme elle le fait actuellement, par exemple, elle emprunte à l'extérieur actuellement parce que c'est plus avantageux et s'il y avait de la place sur les marchés canadiens, que ça redevenait avantageux, elle reviendrait dans un contexte de bonne gestion financière.

J'aimerais vous dire également que, dans le passé, vous avez financé le premier projet sans prendre trop de place. L'expérience a été bonne. Finalement, dans ce projet-ci, vous devriez considérer le fait que c'est un projet par étape. Donc, il y aurait toujours possibilité, devant l'éventualité où ça prend trop de place, d'atténuer, de retarder.

Mme Bacon: Dans le cadre du plan de développement, on sait qu'Hydro-Québec aura recours au marché financier interne et étranger pour réaliser son important programme d'emprunt au cours des prochaines années.

Est-ce que le fait d'exporter de l'électricité aux États-Unis peut influencer l'accès et aussi les conditions de crédit des marchés financiers américains?

M. Côté (Michel): Je pense que le fait... Au contraire, je vois ça comme un avantage assez considérable. Ça permet à Hydro d'emprunter en dollar américain, par exemple, parce que vous avez l'assurance d'être capables de rembourser

capital et intérêts en dollar américain sans avoir à prendre des risques indus.

Donc, les ventes d'énergie aux Américains, je pense, du point de vue strictement financier, je ne parle pas d'avantages autres, mais au point de vue financier, probablement un aspect positif.

M. Bachand: Juste pour renchérir. Si une proportion de nos revenus sont en dollar américain, l'accès à des financements en dollar américain, sans utiliser les crédits croisés comme vous avez mentionné, nous permet d'aller chercher des niches dans le marché ou des termes dans le marché qui ne sont pas nécessairement accessibles par les crédits croisés. Ce que je veux dire, c'est qu'un emprunt à 40 ans dans le marché américain, on ne peut pas le faire par un crédit croisé. Donc, les revenus nous protègent contre le risque de change et, dans ce sens-là, je pense que c'est un avantage d'avoir des revenus qui sont en plus qu'une devise.

Mme Bacon: D'accord. Dans votre mémoire, vous nous indiquez aussi qu'une faible performance, tant de la croissance économique que de la réduction du déficit du compte courant du Canada, pourrait entraîner une baisse de la cote de crédit du Canada et, par conséquent, du Québec et d'Hydro-Québec. Vous conjuguez aussi à cette décote un accès réduit aux capitaux étrangers. J'aimerais ça que vous nous précisiez davantage en quoi l'accès aux capitaux étrangers serait réduit.

M. Côté (Michel): Est-ce que je peux vous demander de reformuler?

Mme Bacon: C'est parce que je me base sur votre mémoire que nous avions en main et où vous nous indiquiez qu'une faible performance, tant de la croissance économique que de la réduction du déficit du compte courant du Canada, pourrait entraîner une baisse de la cote de crédit du Canada et, par conséquent, du Québec et d'Hydro-Québec. Vous ajoutez aussi à cette décote un accès réduit aux capitaux étrangers. C'est pour ça que j'aimerais que vous précisiez en quoi l'accès aux capitaux étrangers serait réduit.

M. Côté (Michel): Je vais, en premier lieu, essayer de répondre et demander à M. Bachand... Je pense que, lorsque vous parlez de l'accès aux marchés étrangers, toutes ces considérations-là sont interreliées. Il est évident, à ce moment-là, qu'on se base constamment sur le crédit, par exemple, du Canada en premier. C'est la base. Si on rentrait dans une période de récession ou si, par exemple, nos déficits n'étaient pas contrôlés, la base, les obligations du Canada seraient moins en demande, moins considérées. Ça coûterait plus cher parce que le crédit serait moins bon. De là découlent tous les autres crédits à l'intérieur du pays, dont Hydro en est un. Et probablement que, si à la base vous avez un crédit de moins grande qualité, il faut que vous compreniez qu'Hydro serait également de moins grande qualité et, par conséquent, l'accès aux marchés internationaux pourrait être plus difficile.

J'aimerais peut-être préciser à la fin que, plutôt que de dire que c'est l'accès, je vois plus ça comme étant: le coût serait supérieur. Je pense qu'on aura toujours accès. Mais il y a un prix à tout. Si vous avez une qualité première, vous allez payer moins cher. Si le tout se détériore, que ce soit le Canada, que ce soit la province, c'est évident que vous allez avoir accès, mais vous allez avoir un coût supérieur à payer. Luc, est-ce que tu veux...

M. Bachand: Simplement pour ajouter que le système est simple: les meilleurs crédits au monde ont le premier choix, les dollars disponibles, et ça descend. Donc, si la cote de crédit de l'emprunteur diminue, il y a d'autres emprunteurs qui vont passer avant lui. Comme Michel le disait, il y a un coût à tout. À un moment donné, si on veut absolument les capitaux, l'argent sera là.

Mme Bacon: Hier, nous recevions aussi des représentants d'une importante institution qui est active sur les marchés des capitaux. On nous disait que les conditions sur les marchés financiers internationaux seront moins favorables dans la présente décennie, dans les années quatre-vingt-dix. Cette analyse se base en particulier sur une baisse de l'épargne mondiale, une plus grande demande de crédit, tant sur le marché canadien qu'au niveau mondial, et sur une plus grande volatilité, peut-être, des marchés. Quand je regarde votre mémoire et la présentation que vous nous faites aujourd'hui, je constate que vous ne semblez pas partager cette analyse. J'aimerais, pour les bénéfices de la commission, peut-être que vous nous explicitiez davantage les arguments qui sous-tendent votre analyse qui est une analyse différente des gens que nous avons reçus hier. Vous êtes plus optimistes. (11 h 30)

M. Côté (Michel): Oui. Mme la ministre, suite aux études du Fonds monétaire international qui est probablement plus optimiste, j'aimerais faire la précision suivante. On a fait allusion que l'épargne est en baisse. C'est un phénomène qui existe déjà depuis une dizaine d'années, sinon plus; depuis le milieu des années soixante-dix. Cependant, l'épargne est toujours en fonction de la croissance du PNB. C'est toujours une relation. On parlait, dans les années précédentes, de 23 % du PNB; aujourd'hui, on est rendu à 20 %. Cependant, ce qu'on observe, c'est que ce même PNB augmente et a augmenté dans les dernières années à 9 %; et les études que je citais évaluent l'augmentation, pour la prochaine décennie, à 7 %. Donc, bien que le pourcentage

de la relation ait diminué - c'est un fait - il faut quand même comprendre que la base, elle, augmente. C'est ce qui me permet d'affirmer que, par exemple, à la fin de la décennie, vous aurez probablement un taux annuel de 5000 milliards; je comprends que c'est brut, mais c'est quand même selon l'évolution du PNB, le pourcentage demeurant à environ 20 %.

M. Bachand: Juste un point aussi. Vous avez dit: Plus forte demande de crédit. On se rappelle qu'au cours de la fin des années soixante-dix, début des années quatre-vingt les pays d'Amérique latine et d'Afrique ont été de grands demandeurs de crédit. La question qu'on peut se poser pour les années quatre-vingt-dix, c'est au sujet de l'Europe de l'Est qui, potentiellement, peut être un grand demandeur de crédit. Je pense, par exemple, que le point qu'il faut faire, c'est que les grandes banques mondiales ont beaucoup appris avec l'expérience de l'Amérique latine, et j'espère, en tout cas, qu'elles ne répéteront pas les mêmes erreurs. C'est-à-dire que, si elles prêtent de l'argent, ça va être prêté de façon différente de ce qui a été fait au cours des années soixante-dix. Et pour revenir au point qu'on faisait plus tôt, tant et aussi longtemps qu'Hydro-Québec se maintiendra parmi les meilleurs crédits au monde, on ne voit pas de difficulté à compléter les programmes de financement.

Mme Bacon: Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. Dans votre évaluation de tout ce mégaprojet de 50 000 000 000 $ de financement dont vous parlez, est-ce que vous avez établi un coût moyen, pour la prochaine décennie, au niveau des intérêts?

M. Côté (Michel): C'est impossible parce qu'on n'est pas à même d'évaluer, par exemple, révolution... Excusez! Laissez-moi reprendre ma réponse. Il est très difficile pour nous d'essayer de savoir ce que les taux d'intérêt vont être dans deux ans. Écoutez, on a de la misère à les prédire pour le mois prochain. Imaginez-vous quand on regarde un projet d'une dizaine d'années, essayer d'évaluer ce que le coût de financement va être est une tâche... On pourrait le faire, mais il faudrait avoir tellement d'hypothèses, et ça pourrait changer du jour au lendemain. La réponse, c'est: Non, on ne l'a pas fait.

M. St-Roch: Ma deuxième question: En admettant la flexibilité, marché canadien-marchés étrangers, au niveau des emprunts, dans ces 60 000 000 000 $ que vous prévoyez comme dette d'ici la fin de la décennie, quelle est la propor- tion que vous envisagez des emprunts sur le marché canadien versus les marchés étrangers?

M. Côté (Michel): Encore là, malheureusement, il n'y en a vraiment pas. Hydro a été capable, dans les dernières années, de toujours démontrer hors de tout doute sa capacité à aller chercher un emprunt en Suisse, dans les pays asiatiques, en eurodollars, dépendant du meilleur coût. Il est évident qu'on peut parler de 40 000 000 000 $, 60 000 000 000 $. Il y a une chose que je peux vous dire, je pense, c'est qu'il serait probablement possible de faire l'emprunt total à l'extérieur du pays; je doute que l'inverse soit vrai. Ça, je pense qu'il faudrait le prendre en considération. A l'intérieur de ça, tout est permis. Et je suis obligé de vous dire que je crois qu'on va le faire selon ce qu'il y aura de meilleur marché pour les contribuables.

M. St-Roch: Et ma dernière question... Oui, allez!

M. Rourke: Peut-être un point, pour préciser. Vous êtes peut-être au courant des crédits croisés. On peut emprunter ailleurs, retourner en canadien. On peut emprunter à un taux flottant, le retourner en fixe. Alors, il n'est pas nécessaire d'emprunter seulement au Canada pour avoir du canadien.

M. St-Roch: Ma dernière question: S'il est vrai qu'on a, au niveau du financement de la dette canadienne, un montant de 100 000 000 000 $ qui est à très court terme, ne croyez-vous pas que lorsqu'on remet ça dans toute cette perspective-là... Vous vous référez souvent aux années soixante-dix, quatre-vingt, alors, lorsqu'on regarde les besoins financiers de l'ensemble canadien, ils étaient beaucoup moindres, je pense, qu'à ce moment-ci. Ces 100 000 000 000 $ ne pourraient-ils pas avoir à court terme un effet négatif sur la possibilité pour Hydro-Québec de trouver son financement à un coût rentable?

M. Côté (Michel): Je ne le penserais pas. Il est évident... Ah! Il faut faire attention à ce qu'on dit. Il y a beaucoup de la dette nationale qui est à court terme; ça, je pense que c'est un phénomène que tout le monde est capable d'observer. Le marché de capitaux, on devrait le considérer comme le "free enterprise system". On a toujours la possibilité d'allonger notre dette, mais le marché va vous laisser savoir assez rapidement si vous exagérez ou non. Dans un contexte, par exemple, de 100 000 000 000 $, je pense que le gouvernement fédéral aimerait ça, à un temps opportun, rallonger sa dette. Ce serait logique. Hydro est là avec également des possibilités énormes parce que les actifs qu'Hydro est en train de construire vont durer pendant 50, 60 ans, ce qui lui permet, à ce moment-là, de

financer à très long terme, à court terme. Elle a toutes les capacités, à cause de la nature des actifs qu'elle construit. Donc, il va arriver, à un moment donné... On revient, je crois, à la question de Mme la ministre, à savoir: Est-ce qu'il va y avoir assez de place? La réponse est que je crois que, oui, il va y avoir assez de place et les marchés vont nous laisser savoir si on exagère ou non. À ce moment-là, ça demandera que les gens se retirent, aillent à l'extérieur. C'est toujours un phénomène de comparaison. On compare constamment pour savoir: Où est-ce que c'est le plus avantageux? Est-ce qu'on peut aller à 20 ans, payer tant, ici au Canada, ou rester à 10 ans? Hydro a toute cette flexibilité.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue et d'avoir l'occasion d'échanger quelques mots avec vous sur la question du financement d'Hydro-Québec. Une première question très brève: Jusqu'où peut aller Hydro-Québec dans sa capacité d'emprunt? Elle a une limite, comme n'importe qui. 20 000 000 000 $, 30 000 000 000 $, 50 000 000 000 $, 200 000 000 000 $, 550 000 000 000 $? Donnez-moi un chiffre. Quand est-ce qu'Hydro va pouvoir arrêter d'emprunter?

M. Côté (Michel): Ça dépend. Si vous me permettez, c'est parce que vous regardez juste un bord du bilan. Vous regardez les emprunts, le passif. Vous avez raison. Mais il faudrait aussi regarder l'actif. Je peux vous dire que vous pouvez emprunter 200 000 000 000 $ si vous construisez pour 500 000 000 000 $ d'actifs. C'est un équilibre. Vous ne pouvez peut-être pas emprunter 30 000 000 000 $ additionnels, si ce n'est pas pour construire des actifs sur le côté du bilan qui soient acceptables. Le point que je faisais... J'ai essayé de faire une corrélation entre la situation actuelle d'Hydro où vous avez à peu près 23 000 000 000 $ d'emprunt pour 34 000 000 000 $ d'actifs. Je vous dis, selon les prévisions actuelles, selon les ratios financiers, vous empruntez pour le projet actuel, vous allez vous retrouver avec 60 000 000 000 $ d'emprunt à la fin des années quatre-vingt-dix. Par contre, vous allez avoir un minimum de 85 000 000 000 $. Dans ce contexte-là, je suis à l'aise de vous dire: C'est faisable, c'est "finan-çable", c'est normal.

M. Claveau: Oui, O.K. Sauf que... Je regarde ça très rapidement, très brièvement, sans être expert en la matière, mais il y a une chose que je comprends: sur les 34 000 000 000 $ d'actifs d'Hydro-Québec, là-dessus on enlève déjà 23 000 000 000 $ ou 24 000 000 000 $ de dettes, il en reste 10 000 000 000 $. Sur ces 10 000 000 000 $, il y en quelque chose comme 3 000 000 000 $ qui sont des bénéfices non répartis, des intérêts consolidés, des trucs semblables. Donc, l'équité sur la cabane, HydroQuébec, c'est quelque chose comme 7 000 000 000 $. 7 000 000 000 $, avec une dette de 23 000 000 000 $. Là, on nous dit qu'Hydro-Québec peut emprunter, pas de problème. On va encore mettre 2 000 000 000 $ ou 3 000 000 000 $ de "cash" et on est capable d'aller chercher encore 20 000 000 000 $ additionnels. Ne trouvez-vous pas qu'en bout de piste, on aurait avantage à avoir un peu plus d'équité sur ce qu'on a déjà comme biens, de finir d'acheter plutôt que continuellement payer des intérêts sur des propriétés qui ne nous appartiennent pas, en bout de piste?

M. Bachand: II faut regarder aussi d'autre chose... Il y a un autre point important. Il y a le bilan, l'actif passif mais, l'autre point important, c'est que ces actifs-là, 85 000 000 000 $ d'actifs, vont générer des revenus - les biens sont amortis sur 50 ans, mais l'espérance de vie est encore plus longue que ça - donc, vont générer des revenus pour repayer ces prêts-là. Je pense qu'un des autres points très importants que les financiers internationaux regardent, c'est la capacité de repaiement de la dette. Si l'investisseur est confiant qu'il va se faire repayer ou se faire refinancer, il va prêter. Donc, tant que les nouveaux actifs génèrent des revenus rentables qui vont générer assez de "cash flow" ou d'autofinancement pour servir la dette, c'est l'autre point qui va faire que ça fonctionne en plus du bilan qui a des actifs pour supporter le passif.

M. Côté (Michel): Si vous me permettez d'ajouter. On n'est pas en désaccord. Vous remarquerez qu'un des critères financiers d'Hydro est justement de maintenir son taux de rendement à un niveau semblable au taux de la dette. Cela veut dire, essentiellement, que vous allez remettre de l'argent grâce à un bilan et des profits qui vont rester à l'intérieur, qui vont être en équilibre avec vos projets d'expansion. Mais c'est nécessaire.

M. Claveau: Oui, mais ça, c'est un peu comme la dette nationale. C'est vrai tant que ça va bien. Sauf que, ce rendement-là, HydroQuébec ne peut l'avoir que d'une seule façon, c'est en vendant de l'électricité aux Québécois et un petit peu aux Américains, à côté. Donc, à un moment donné, on vient que, pour garder le taux de rendement et pour avoir un rendement sur l'avoir propre de l'ordre de 12 % ou 13 % et tout ça, eh bien, il faut augmenter les bénéfices et, les bénéfices, on ne peut les prendre que dans les poches de ceux qui achètent de l'électricité parce qu'Hydro-Québec ne fait pas de spéculation immobilière et elle n'est pas dans l'industrie maritime et elle n'est pas dans l'aviation, elle est dans la vente d'électricité. Il y a une source

de revenu, c'est l'électricité.

Alors, moi, ce dont j'ai peur, c'est qu'à force d'emprunter et d'investir - oui, toujours pour satisfaire nos besoins, supposément - à un moment donné, on va finir que ça va être comme la piastre canadienne, on va pouvoir la déchirer et mettre la partie des intérêts, 35 % de votre "bill" d'électricité vont pour payer au service de la dette d'Hydro-Québec. Et puis, un jour, on dira à Hydro-Québec: Là, vous êtes trop endettée. Ça n'a plus d'allure. On approche les 50 % des revenus qui s'en vont au service de la dette. Vous avez de belles propriétés, soit, mais vous n'êtes plus capable de les gérer et on va les prendre. Est-ce que ce n'est pas un risque? Comme c'est arrivé d'ailleurs... Moi, je me demande, jusqu'à un certain point - excusez-moi si je continue ma réflexion, ça va peut-être préciser votre réponse - mais je me demande, jusqu'à un certain point, si actuellement les marchés internationaux... C'est toujours plaisant de monter une structure de financement de 50 000 000 000 $. Je me demande jusqu'à quel point les marchés internationaux ne sont pas en train de nous rendre beaux et fins, ceux qui ont encore des cotes crédibles, afin de récupérer une certaine partie des pertes dans les investissements dans les pays du tiers monde qui sont à peu près en faillite, au moment où on se parle, et qui étaient, eux aussi, très beaux et très fins, il y a une vingtaine d'années, au moment... votre cote est bonne. On va vous prêter, ça nous fait plaisir. Mais, aujourd'hui, ils ne sont plus capables de rembourser et il faut bien récupérer quelque part. Ça fait qu'on va trouver d'autres beaux et fins ailleurs qui vont payer en attendant.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Leclerc): M. Côté.

M. Côté (Michel): Je dois vous dire que vous avez mentionné quelques points. Vous m'excuserez si j'en ai peut-être oublié quelques-uns, mais je vais essayer... Une des choses qui me plaît dans ce que vous avez dit, c'est que vous prenez l'hypothèse qu'il va y avoir une demande additionnelle d'énergie - j'ai crû comprendre ça - dans les prochaines années. Pas d'importance quelle qu'elle soit, mais vous semblez être d'accord - j'espère - que, d'ici la fin des années quatre-vingt-dix, le Québec aura besoin de plus d'énergie qu'il n'en a besoin en 1990, sans ça, on va avoir des problèmes pas mal plus sérieux.

Donc, si on prend cette hypothèse, il faut, à partir de ce moment-là, la trouver... Et, là, on parle de l'électricité. Je ne suis pas ici pour parler si c'est du mazout. Je parle juste de votre projet. Il n'y a pas des millions de manières de financer ce genre. Vous faites allusion à la tarification. Ça en est une méthode qui permet, grâce au fait qu'Hydro a un très beau bilan, d'emprunter à des coûts inférieurs. Mais, là où j'attire votre attention, peut-être que vous n'êtes pas obligé de faire une tarification aussi sévère, mais le bilan va, en souffrir. À partir de ce moment-là, vous allez payer plus cher d'intérêt. Vous savez, il n'y a pas moyen d'en sortir, il va falloir payer d'une manière ou d'une autre. À partir de ce moment-là, je pense qu'il y a un équilibre entre la tarification et le phénomène d'emprunt à un coût de... quoi? ou encore les impôts. Je ne vois pas d'autre manière. Si on doit assurer au Québec l'énergie additionnelle et qu'on considère actuellement l'électricité, je pense que ce sorti les deux, trois critères avec lesquels vous pouvez jouer. (11 h 45)

M. Claveau: Oui, mais ne trouvez-vous pas qu'à force d'emprunter et de vivre sur des intérêts... C'est un peu comme ta carte de crédit. C'est beau de la garder élevée un bout de temps mais, à un moment donné, il faut que tu la baisses si tu ne veux pas t'habituer à ce que la majorité de ton salaire s'en aille dans ie crédit. Ne trouvez-vous pas que c'est risqué, finalement, à long terme, comme ça a été risqué dans certains pays ailleurs dans le monde, dans les années soixante ou soixante-dix, d'importer des capitaux à outrance finalement pour faire du développement supposément rentable, à ce moment-là? Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est risqué pour Hydro-Québec, malgré l'intérêt, enfin, la valeur marchande de ses équipements, si vous voulez le prendre comme ça, d'emprunter et d'emprunter et d'emprunter encore, alors que sa principale source de revenus, qu'on le veuille ou non, réside dans la tarification aux Québécois? En bout de piste, ce sont les mêmes qui vont payer le déficit fédéral, le déficit du Québec, qui vont payer aussi le déficit d'Hydro-Québec ou les prêts internationaux à Hydro-Québec. C'est tout le même monde qui paie ça, en bout de piste, là. Ne trouvez-vous pas, finalement, que ça risque de faire un fardeau de dettes passablement important sur le dos de quelque 6 000 000 de Québécois qui ont une bonne cote de crédit, au moment où on se parle, mais peut-être que, dans 10 ans, on dira: Vous êtes trop endettés, messieurs.

M. Côté (Michel): II y a plusieurs volets à votre question. Je sens que mes associés aimeraient aussi participer. Je vais juste dire deux choses et je demanderais, après ça, peut-être qu'ils ajoutent leur point de vue.

Le plus grand risque, je pense, auquel on peut faire face, en tout cas, c'est un risque qui est certainement à considérer, c'est de ne pas avoir assez d'énergie. Ça, je pense que c'est une question à laquelle il faut absolument faire face pour assurer la croissance économique. Vous faites allusion au fardeau de la dette qui - vous avez raison, les déficits, ce sont des choses à

prendre en considération... Mais je pense que, dans le cas d'Hydro, c'est le genre de dette que vous voulez avoir parce que c'est une dette avec laquelle vous allez bâtir des actifs, qui va vous rapporter quelque chose. Vous avez entièrement raison. Les gouvernements, quand on regarde la dette nationale et tout ça, quand c'est pour payer l'épicerie, ça, c'est dangereux; ça, je dois vous dire, je suis entièrement d'accord avec vous. Si vous empruntez pour faire face à vos comptes courants, vous avez un problème sérieux, mais si vous empruntez pour bâtir - c'est de ça dont vous parlez actuellement - non seulement des choses qui vont rapporter des revenus, des profits, je pense que, ça, ça ne devrait pas être mêlé avec les comptes d'épicerie.

M. Bachand: C'est seulement pour faire le point sur les pays de l'Amérique latine qui vous inquiètent... Finalement, c'était ça, le gros problème. En Amérique latine, on finançait à long terme les déficits du compte courant; donc, on finançait l'épicerie avec la dette à long terme; ici, vous financez des actifs à long terme avec de la dette à long terme. C'est une très grosse différence.

M. Rourke: Juste un autre point sur... Vous avez mentionné plusieurs fois la dette au tiers monde. Oui, à la Banque de Montréal, on a quelques actifs en Amérique latine, je vous assure qu'il n'y a aucune possibilité qu'on fasse des prêts à Hydro-Québec ou à d'autres pour aller récupérer les pertes qu'on a faites. C'est impossible. Alors, et comme M. Bachand l'a mentionné tout à l'heure, je pense que nous avons appris une leçon pas mal sévère et que les banques internationales regardent de très près les crédits syndiqués, les grands crédits dont on parle pour Hydro-Québec, très, très proches. On ne voudrait pas être pris dans une situation dans laquelle on a vécu pendant les cinq ou six dernières années.

M. Claveau: O.K. Supposons que... Le besoin des Québécois, c'est essentiellement - vous nous l'avez dit à plusieurs reprises - de satisfaire nos besoins énergétiques. C'est excessivement important, j'en conviens. Je pense que la plupart de Québécois en conviennent d'ailleurs, rares sont ceux qui veulent retourner à la lampe à l'huile. Mais, une fois qu'on a dit ça, on peut peut-être penser à d'autre chose que d'investir des milliards dans le béton. Il y a des gens qui nous disent - ceux qui sont passés avant vous - que ce n'est pas compliqué de trouver du financement, par exemple, pour des mesures d'économie d'énergie; ça, on devrait être capables d'en financer aussi bien que de financer des barrages. D'autres disent: Faisons attention, les institutions prêteuses aiment bien prêter, mais il faut qu'elles soient capables d'hypothéquer quelque chose. Des mesures d'économie d'énergie, ce n'est pas trop hypothécable, donc probablement qu'on va avoir de la difficulté à aller emprunter pour mettre en place d'autre chose que des constructions de centrales hydroélectriques. Qu'est-ce que vous en pensez? Supposons qu'Hydro-Québec, par exemple, aurait besoin, demain matin, de 5 000 000 000 $ pour développer au Québec un programme d'économies d'énergie qui fera dégager 5000 mégawatts de puissance dans ce qu'il y a actuellement. Est-ce que c'est aussi intéressant pour vous? Sa cote de crédit va-t-elle être aussi bonne que si ces 5 000 000 000 $ sont pour construire une nouvelle centrale hydroélectrique?

M. Côté (Michel): Absolument. Les actifs ne représentent qu'un aspect des critères par lesquels les investisseurs vont vous prêter de l'argent. Je peux vous faire l'exemple... Sûrement que bien des actifs que je connais, personne ne va prêter de l'argent là-dessus parce que ça ne rapporte rien. Alors! Les actifs, en soi, ce n'est pas toute la réponse. Je pense que vous devez considérer la capacité de rembourser d'une institution financière en fonction d'un emprunt. Si vous mettez de l'avant, par exemple, des mesures comme vous me parlez, qu'il n'y a pas de construction d'actifs mais qui permettent l'énergie, qui permettent à Hydro d'avoir une santé financière, des profits, les investisseurs vont être tout aussi heureux de vous prêter, garder la même cote. Comme je vous dis, je pense que, si j'avais à prêter, la première chose que je vais regarder c'est, oui, les garanties et la capacité de rembourser.

M. Claveau: Donc, ça ne fait pas de problème pour vous.

M. Côté (Michel): Absolument pas.

M. Claveau: Qu'est-ce que vous pensez, finalement, des programmes d'économies d'énergie et des questions environnementales telles qu'Hydro-Québec les prévoit et telles que peut-être on pourrait développer dans l'avenir? Je pense que les institutions prêteuses, quelles qu'elles soient, vont devoir de plus en plus s'intéresser aux questions environnementales; c'est clair de prêter éventuellement sur des politiques de prêts ou des trucs semblables en fonction d'entreprises qui sont de moins en moins polluantes et de plus en plus en harmonie avec l'environnement. Est-ce que vous pensez qu'il est souhaitable pour Hydro-Québec d'investir dans les économies d'énergie et dans l'atténuation des impacts environnementaux?

M. Rourke: En ce qui concerne l'environnement, nous croyons, à la Banque de Montréal et, je crois, pour toute autre institution financière, que c'est très, très important. Il faut absolument que le projet de la phase II de la Baie James soit fait avec des considérations environnemen-

tales bien claires, à savoir comment ne pas trop faire de mal, faire le moins de mai possible à l'environnement.

En ce qui concerne la conservation de l'énergie, encore, on a une ressource hydroélectrique au Québec, mais ce n'est pas illimité. Alors, on appuie beaucoup les programmes qu1 Hydro-Québec met devant nous. Ça nous en prend encore mais ça n'affectera pas, je crois, la rentabilité ou la rentabilité du projet de la phase II de la Baie James.

M. Claveau: Est-ce que vous êtes intéressés ou est-ce que vous avez actuellement, je ne sais pas, sans entrer dans le secret des dieux, des discussions ou des gens qui vous approchent pour travailler dans les énergies alternatives du genre solaire ou les énergies éoliennes, etc., tous ces trucs-là? Est-ce que vous pensez, d'abord, qu'il pourrait être intéressant d'investir là-dedans pour une entreprise comme Hydro-Québec, ça pourrait être un autre type d'entreprises? Est-ce que vous pensez qu'il serait intéressant d'investir la-dedans? Et vous, comme banquier, est-ce que vous croyez que les institutions bancaires peuvent s'intéresser à ce genre de projets-là?

M. Rourke: Oui, on a des approches. Je pense que, l'industrie bancaire et notre banque, on s'intéresse beaucoup mais c'est comme un autre projet. Ça prend de l'argent. Qu'est-ce qu'ils vont faire avec leurs produits? Est-ce que c'est rentable? On se demande, on pourrait avoir bien des projets comme des projets de cogénéra-tion au Québec mais, pour remplacer la capacité d'Hydro-Québec, ce serait quelque chose d'énorme. Est-ce que ces projets-là sont rentables? Est-ce qu'ils ont une capacité? Quels seront les impacts sur l'environnement? Est-ce qu'ils sont fiables? Ce sont des questions qu'il faut se poser. C'est sûr et certain que, si quelqu'un arrive avec un projet, on le regarde de très près.

M. Claveau: On me dit que c'est fini.

Le Président (M. Leclerc): Alors, M. le député, si vous voulez remercier nos invités.

M. Claveau: Alors, merci de votre présence ici. Ça a été assez bref. Je pense qu'on aurait peut-être pu aller plus en profondeur dans certains aspects. En souhaitant finalement qu'Hydro-Québec soit autre chose qu'un excellent prêteur avec une bonne cote de crédit, mais qu'elle demeure essentiellement une entreprise au service des Québécois pour les approvisionner en électricité, je vous remercie de votre présence.

Le Président (M. Leclerc): Mme la ministre.

Mme Bacon: Je vous remercie infiniment de votre présence à cette commission parlementaire.

Encore une fois, je pense que c'est une autre facette qui est fort intéressante et qui nous apporte des ajouts importants. Votre contribution aujourd'hui est d'un tout autre domaine que lorsqu'on parle d'environnement ou de possibilité énergétique, mais qui nous aide quand même à faire le point sur l'ensemble du dossier. C'est un ajout fort important. Merci infiniment de votre intérêt.

Le Président (M. Leclerc): Madame et messieurs, au nom de la commission, je vous remercie de vous être déplacés pour vous faire entendre et je vous souhaite un bon retour.

Nous suspendons une minute, le temps de permettre à la Confédération des syndicats nationaux de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 11 h 56)

Reprise à 11 h 58)

Le Président (M. Leclerc): À l'ordre, s'il vous plaît!

Au nom des membres de la commission, je voudrais vous souhaiter la bienvenue. Je voudrais vous demander de vous identifier, en vous rappelant que vous avez 20 minutes pour nous faire part de votre mémoire et que, ensuite, chacun des groupes ministériels aura 20 minutes pour vous interroger. Alors, madame.

Confédération des syndicats nationaux

Mme La montagne (Céline): Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais d'abord excuser l'absence du président de la CSN, M. Gérald Larose, qui s'était annoncé comme venant présenter le mémoire à la commission. Il n'a pu se déplacer aujourd'hui.

Mon nom est Céline Lamontagne, je suis troisième vice-présidente de la CSN; mon collègue est Peter Bakvis, adjoint à l'exécutif de la CSN et économiste.

On vous remercie d'avoir permis à notre organisation de se faire entendre aujourd'hui. Je pense qu'on est très heureux qu'il y ait une telle consultation sur Hydro-Québec et les projets de développement d'Hydro-Québec, d'autant plus heureux que, depuis 1983, il n'y a pas eu de consultation importante. Pourtant, à notre avis, le gouvernement a fait des choix majeurs ces dernières années, entre autres, il a fait des contrats à long terme avec certaines compagnies, dont les alumineries; il a fait des contrats d'exportation d'énergie; il a haussé les tarifs. Tout ça n'a pas eu de larges consultations telles que la commission d'aujourd'hui.

On considère que ces choix-là, qui sont majeurs, ont eu des conséquences sur la vie des Québécois et des Québécoises et ont aussi des conséquences sur le choix qui est fait maintenant

d'accélérer le développement de nouveaux projets, de nouveaux barrages.

Donc, la consultation de cette commission nous semble importante mais, comme je vais l'expliquer plus loin, elle nous semble nettement insuffisante, compte tenu de l'envergure de ce qui est déposé, de ce que sont les projets actuellement d'Hydro-Québec.

L'intervention qu'on va faire aujourd'hui va se faire autour de six points, ce qui est essentiellement le même schéma qu'on a suivi dans notre mémoire écrit, c'est-à-dire: premièrement, la nécesssité, à notre avis, d'un débat public large; deuxième point, on va parler des projections d'électricité tel qu'Hydro le fait; troisièmement, des augmentations tarifaires; ensuite, sur les contrats d'exportation d'électricité; cinquième point, l'électricité et l'industrialisation et, le sixième point, toute la question environnementale qui a sûrement été abordée par d'autres, lors de cette commission.

Je disais tout à l'heure que, oui, cette commission parlementaire, c'est bien qu'elle se tienne sept ans plus tard, mais, à notre avis, cette commission est beaucoup trop limitée dans ses mandats et, nous, on s'est joint, la CSN, à une coalition très, très large qui demande une commission spéciale, itinérante et indépendante sur toute la question de la problématique énergétique. On considère qu'on doit se pencher non pas seulement sur le développement de l'électricité, mais on doit aussi se pencher et réfléchir collectivement sur l'ensemble des choix énergétiques que le Québec aura à faire. Alors, c'est pourquoi on souhaite qu'il y ait une telle commission. On souhaite aussi qu'il y ait une commission spéciale itinérante pour permettre que cette commission se déplace à travers le Québec et, particulièrement, dans les régions nordiques où on est plus spécialement concerné, touché directement par les développements de barrages. Un autre aspect majeur, un autre caractère important de cette commission, c'est qu'elle devrait être indépendante pour pouvoir mener à bien toutes les études nécessaires dans la situation actuelle.

Donc, je pense que d'autres groupes avant nous ont développé longuement sur la nécessité d'une telle commission indépendante. Je m'arrêterai là, pour le moment. Le deuxième point qui nous semble important quand on a regardé les projets ou les développements d'Hydro-Québec, c'est qu'on s'interroge beaucoup sur les prévisions que fait Hydro des besoins et des demandes d'énergie dans l'avenir. Alors, Hydro propose une accélération de la construction de mégaprojets à partir d'une évaluation d'une croissance de la demande qui repose principalement sur trois choses: une croissance de l'exportation, une croissance des besoins au niveau industriel et, évidemment, une croissance de la demande au niveau domestique.

L'évaluation que fait Hydro nous pose plusieurs questions et il nous apparaît - c'est un questionnement, principalement - qu'Hydro a sous-réévalué cette croissance. Premièrement, il faut constater - on ne citera pas de chiffres, il y en a quelques-uns dans notre texte - que le Canada et le Québec, par la suite, est un pays qui dépense beaucoup d'énergie, qui est très énergivore, si on veut, et il nous semble que l'analyse d'Hydro-Québec repose sur le fait que la situation actuelle, la tendance actuelle va continuer à se perpétuer, premièrement, en termes de croissance des dépenses d'énergie et, deuxièmement, que cette énergie va être néces-sairement de l'électricité. On constate qu'il y a un parti pris, c'est peut-être normal, pro-élec-tricité quand on fait l'évaluation de la croissance de la demande d'électricité.

Nous, on croit que, premièrement, il y a des efforts à faire beaucoup plus grands pour regarder quelles sont les mesures qui doivent être prises pour économiser de l'énergie. Il doit y avoir de la recherche qui soit faite sur l'économie d'énergie, et toujours des économies d'énergie qui soient profitables à la population et, surtout, des économies d'énergie qui n'entravent pas, finalement, le confort et la santé de la population, comme on a déjà vu lors de la crise du pétrole, mais qui doit y avoir des efforts beaucoup plus grands pour voir comment on peut réduire nos dépenses énergétiques.

Deuxièmement, et c'est ça qui n'est pas du tout fait dans les analyses qu'on a vues, c'est qu'il faut regarder vers d'autres sources d'énergie, particulièrement pour des fins industrielles. On pense, nous, plus particulièrement au gaz qui est sous-évalué dans la partie d'énergie que ça demande quand on fait l'évaluation de la demande future.

Une autre inquiétude qu'on a, c'est qu'il ne faudrait pas, non plus, qu'en surévaluant la croissance de la demande d'électricité, on se retrouve avec une surcapacité de production, comme on l'a déjà vu dans le passé, et que ce soient les Québécois et les Québécoises qui paient la facture de cette surcapacité de production. C'est pourquoi, toujours dans la même foulée que tout à l'heure, on demande que la commission indépendante puisse faire des études qui regardent non seulement la question de l'électricité, mais aussi d'autres scénarios d'augmentation de la demande d'énergie, d'autres scénarios et aussi d'autres sources d'énergie.

Le troisième point qu'on voulait aborder aujourd'hui avec vous, c'est la question de l'augmentation tarifaire. Nous, on considère que les augmentations tarifaires qui ont été faites quelques jours avant Pâques, ce printemps, des augmentations qui, rappelons-le, s'ajoutent à la TPS, nous semblent injustes pour la majorité des Québécois et des Québécoises. D'abord, ces augmentations prévoient un taux qui est le même pour tous les secteurs, que ce soit le secteur résidentiel, le secteur agricole ou le secteur

industriel. À notre avis, également, ces augmentations-là pénalisent les régions nordiques et les régions éloignées parce que, entre autres, il n'y a pas possibilité de conversion à d'autres sources énergétiques, entre autres, au gaz. Ensuite, ça épargne les gros clients, si on veut, d'Hydro, soit les compagnies, soit l'exportation. Il faut se rappeler aussi qu'il y a quelques années on a convaincu les Québécois de se convertir à l'électricité en se disant que c'était une énergie qui était propre, qui était peu coûteuse et qu'il fallait utiliser Mais on ne s'attendait pas à ce qu'on ait des augmentations tarifaires qui dépassent les coûts d'inflation et qui fassent payer, finalement, au citoyen ordinaire la facture de l'électricité, d'autant plus que c'est un bien essentiel pour la plupart des citoyens du Québec dont on ne peut pas se dispenser. Donc, personne n'est épargné dans cette augmentation d'électricité.

AJors, nous, notre proposition, c'est qu'on maintienne notre taux d'augmentation à 4,5 % pour 1990 et 1991 et qu'également les politiques de tarification soient un mandat de la commission spéciale, c'est-à-dire qu'on regarde l'ensemble des critères et ce que serait une politique de tarification juste et équitable pour tout le monde.

Le quatrième point, ce sont les contrats d'exportation. Il nous apparaît essentiel que le gouvernement précise comment il voit l'avenir de ces contrats d'exportation d'électricité vers l'extérieur. Il nous apparaît essentiel que chaque nouveau contrat soit soumis à un examen public. Il nous apparaît tout à fait anormal qu'on doive compter sur les informations venant des États-Unis pour connaître la nature et le contenu des contrats avec des États américains. Nous avions déjà proposé, en 1983, qu'il y ait une commission permanente qui fasse l'examen public de tous ces contrats-là et on réitère cette proposition-là parce qu'il y a plusieurs choses qui nous inquiètent: premièrement, le choix qu'on fait d'indexer les contrats au coût de la vie sur une période de 30 ans, alors qu'on ne sait pas comment va évoluer le prix du baril de pétrole; deuxièmement, dans le contexte du libre-échange, on se demande ce qui va arriver de ces contrats-là, quelle prise le gouvernement va pouvoir avoir sur ces contrats-là. Est-ce que le gouvernement, par exemple, va pouvoir privilégier le marché québécois à l'échéance de ces contrats-là ou s'il sera dans l'obligation de poursuivre les contrats? Quelle sera la tarification des contrats à l'extérieur? Et surtout dans le contexte du libre-échange, tout ça nous inquiète beaucoup et on souhaite avoir des réponses beaucoup plus claires sur l'avenir des contrats d'exportation.

Un autre aspect, c'est toute la question de l'électricité et de l'énergie électrique et l'industrialisation. Il y a quelques années, entre autres, dans "Bâtir le Québec", on misait sur le fait qu'en offrant l'électricité à des tarifs bas, on pouvait attirer l'industrialisation au Québec. On constate, après analyse et chiffres à l'appui et comparaison, entre autres, avec la province de l'Ontario, qu'il y a un échec relatif, peut-être partiel, mais un échec quand même de cette politique dans certains secteurs d'activité économique, entre autres, dans les pâtes et papiers, dans la fonte, dans l'affinage des métaux, dans la sidérurgie. Le secteur où cette politique a réussi à attirer l'industrie, c'est le secteur de l'aluminium, que tout le monde connaît très bien. Mais, là aussi, on a des questionnements. On est d'accord pour que l'aluminium se développe au Québec et qu'on devienne un très grand producteur d'aluminium. Mais là aussi, il y a des contrats qui sont plus ou moins secrets, dont on connaît peu la nature.

Deuxièmement, à quel prix on va payer ces contrats qui favorisent très grandement les alumineries? Et aussi, à quel prix, au niveau environnemental, on va payer ces contrats? C'est évident qu'on est d'accord, à la CSN, que dans le cadre d'une politique de plein-emploi, d'une stratégie industrielle, que la question, l'énergie électrique à prix avantageux, peut attirer des investissements industriels. Par ailleurs, on croit que ce n'est pas le seul facteur qui peut attirer l'industrie. Ce n'est pas le seul facteur de localisation. Donc, on croit qu'il faut aussi envisager intégrer la question de l'énergie dans d'autres politiques, une politique industrielle plus large qui vise, évidemment, le plein-emploi et qui comprend plusieurs volets, entre autres des programmes de formation, des programmes de recyclage, des programmes sur la fourniture des matières premières. Donc, la seule question de l'électricité ne peut pas être la base, à notre avis, d'une politique de développement industriel et de développement du plein-emploi, mais il faut que ce soit dans un cadre beaucoup plus global.

L'autre aspect, toujours lié à l'industrialisation, nous considérons aussi, comme sur les autres questions, que tous les contrats d'approvisionnement particuliers, qu'il y a entre certaines industries et Hydro-Québec, doivent aussi faire l'objet d'études plus approfondies et on doit connaître la nature de ces contrats.

L'autre aspect, c'est qu'on recommande également que, toujours dans le cadre d'une politique de développement industriel, les autres sociétés d'État soient mises à partie et que le gouvernement puisse autoriser la mise sur pied de programmes de recherche pour développer des produits, des équipements qui économisent de l'énergie, que ce soit pris en main par les sociétés d'État. Parce que, soit dit en passant, oui, on sait qu'Hydro-Québec a des programmes d'économie d'énergie qui visent, soit la population en général ou l'industrie, mais on peut se poser la question: Est-ce qu'Hydro-Québec n'est pas un peu en conflit d'intérêts, quand on parle d'économie d'énergie, que la recherche devrait

peut-être être faite par dautres sociétés moins liées à la production de l'électricité ou toute autre forme d'énergie? (12 h 15)

En terminant, j'aborderai très brièvement la question environnementale qui est une question majeure, à notre avis. Nous avons malheureusement peu élaboré cette question-là dans notre mémoire. Mais, à la lecture des dossiers, à la lecture des documents, on s'inquiète aussi sur comment Hydro-Québec traite la question environnementale. On trouve qu'elle minimise la question environnementale. On semble minimiser, par exemple, le fait que les nouveaux projets, entre autres, vont doubler la superficie des terres inondées. Plus grave encore est toute la question de la négociation avec les Cris. On semble aussi minimiser toutes les inquiétudes des populations locales face à tous les nouveaux projets qui s'annoncent. Donc, aussi, on constate qu'il n'y a pas d'étude indépendante sur les questions environnementales, les conséquences environnementales face au nouveau projet mis de l'avant. Parce qu'entre autres, le BAP n'a pas de mandat pour couvrir les régions nordiques. Donc, nous, ce qu'on peut proposer et conseiller, c'est que, un, le gouvernement devrait entamer des négociations sérieuses avec les populations, les peuples autochtones. Il devrait y avoir des études sérieuses sur les impacts environnementaux, quitte - et ça, c'est une proposition qu'on fait - à ce qu'il y ait un moratoire sur le développement des nouveaux projets, tant, entre autres, que la commission indépendante n'aura pas complété ses travaux, entre autres, sur la question environnementale. Et on devrait faire aussi d'autres études plus en profondeur sur les conséquences environnementales. Dans le discours, on parle beaucoup de développement durable mais c'est sûr que l'ouverture de nouveaux barrages ne se fait pas sans conséquences graves pour l'environnement. Et ça ne nous semble pas satisfaisant, les études qui sont là actuellement.

Alors ça termine la présentation de notre mémoire. Je vous remercie.

Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie, Mme Lamontagne. Je reconnais Mme la ministre.

Mme Bacon: Mme Lamontagne, M. Bakvis, on vous remercie de votre présence et de la présentation que vous venez de nous faire de votre mémoire. Un mémoire qui soulève des questions qui sont fort intéressantes et qu'il serait intéressant de discuter avec vous aujourd'hui. Vous me permettrez peut-être juste quelques précisions sur certains sujets.

Vous mentionnez l'Accord de libre-échange. J'aimerais vous dire que cet accord a changé peu de choses dans le cas des exportations d'électricité. Le prix dans l'exportation peut désormais être inférieur au coût des options dont disposent les acheteurs américains. Par exemple, le coût d'une centrale au charbon. Ce changement a enlevé une contrainte à l'exportation mais, dans les faits, le prix de vente sera toujours le résultat d'une libre négociation où chacune des parties y trouve un avantage économique. Et, d'autre part, l'Office national de l'énergie pourra toujours s'assurer, même après la déréglementation, que les coûts encourus au Canada sont récupérés, que le prix à l'exportation n'est pas inférieur au prix négocié entre les services publics canadiens. L'accord prévoit aussi qu'en cas de pénurie, les livraisons d'électricité seront réduites proportionnellement aux acheteurs canadiens et américains. Et ce problème, je pense, n'est pas susceptible de se produire avec l'hydroélectricité québécosie.

Il ne faudrait pas oublier non plus que le Québec devance des équipements pour l'exportation. Les conditions d'hydraulicité affecteraient à peu près autant les centrales qui sont devancées pour exportation que celles qui sont construites pour les besoins du Québec. Et j'aimerais aussi souligner que les contrats d'exportation ne sont pas secrets. Il sont déposés à l'Assemblée nationale et nous essayons d'en faire le dépôt dans toutes les juridictions en même temps. Peut-être qu'à un moment donné, il y a une journée qui devance l'autre, mais ils sont disponibles en même temps dans toutes les juridictions.

Depuis longtemps, la mise en valeur des ressources hydroélectriques québécoises, ça été quand même un moyen privilégié de développement pour tous les gouvernements qui se sont succédés ici au Québec. Est-ce que la CSN remet en question aujourd'hui l'orientation qui a été prise par ces gouvernements?

Mme Lamontagne: C'est une question?

Mme Bacon: Oui.

Le Président (M. Leclerc): Mme Lamontagne.

Mme Lamontagne: Je pense que juste sur cette dernière question - on pourra revenir sur le libre-échange - on ne remet pas en question le fait que l'énergie électrique, on puisse la produire, qu'on ait les ressources pour la produire au Québec, soit une base intéressante pour attirer l'industrie. Mais, ce qu'on dit essentiellement, c'est que ça ne doit pas être le seul critère d'une politique industrielle et on ne doit pas croire que le fait qu'on offre de l'électricité à bas prix va être un automatisme pour attirer les industries. Et ça on le dit en 1990. Et en 1983, lors de la commission parlementaire qu'il y a eu sur la question, on a aussi fait cette mise en garde. Donc, on ne remet pas en question, mais on dit: une politique industrielle, c'est beaucoup plus large que juste la question de l'électricité, surtout dans le cadre où il y a

beaucoup de mutations au niveau de l'organisation du travail, de la production. Il y a beaucoup de changements technologiques. Il y a la nécessité d'une main-d'oeuvre qui soit de plus en plus spécialisée, de plus en plus instruite, scolarisée etc. Donc, c'est un ensemble de politiques. C'est sûr que l'énergie est un élément de cette politi-que-là, mais elle ne devrait pas être la seule et on ne devrait pas laisser croire que si l'électricité va, toutes les industries vont venir, comme un aimant, s'installer au Québec. C'est l'un des aspects, il y a les matières premières évidemment et tout ça. Je ne sais pas si Peter, tu veux ajouter...

M. Bakvis (Peter): En fait, il y a peut-être la question qu'on soulève, si on parle de l'industrialisation par l'électricité, ce que l'on questionne, ce sont les conditions qui sont offertes aux alumineries particulièrement et, notamment, on élabore pas mal là-dessus. Pour ce qui est de l'indexation des contrats, qui nous semble extrêmement risquée, on va indexer, pour un quart de siècle, au prix mondial l'aluminium, sauf si d'autres alumineries peuvent obtenir des tarifs d'électricité plus bas; là, on promet d'abaisser encore davantage. Ça me semble très risqué. Même Hydro admet que, quand on parle de l'aluminium, c'est un marche extrêmement instable et qui est voué plutôt à la stagnation au cours des prochaines années. Alors, ça nous semble risqué et ça représente enfin un coût, une espèce de subvention qu'on fait à ces industries-là. Quand on fait un calcul d'emploi par dollar investi par ces subventions indirectes, c'est quand même extrêmement coûteux. On soulève la question. On souhaite qu'il y ait davantage de débats qui se fassent avant que ces contrats ne soient signés et lorsqu'on parle des contrats d'exportation, le seul débat qu'on souhaite, c'est qu'on tienne des consultations avant que les contrats ne soient signés. C'est ça le point qu'on voulait soulever.

Pour ce qui est du traité de libre-échange, pourquoi on le soulève? C'est parce que, d'une part, le premier ministre, à la signature du traité, a dit qu'il y avait des affaires majeures pour l'énergie, alors on présume que, s'il a dit cela, c'est plus que des affaires mineures qui sont dans le traité. Il y a deux aspects qui nous inquiètent, peut-être pas pour l'immédiat, mais quand ces contrats viendront à échéance. On dit: On ne peut pas, par mesure législative, abaisser la proportion des exportations dans l'ensemble des ventes d'un produit d'électricité. Il y a aussi la question pour ce qui est des prix, comme quoi on ne peut pas imposer des prix - on cite les articles à la page 24 de notre mémoire - de vente inférieurs.

Est-ce que le Québec aura réellement la marge de manoeuvre dans peut-être une tout à fait nouvelle conjoncture en l'an 2020, par exemple, lorsque certains de ces contrats vien- dront à échéance? Est-ce qu'il va pouvoir décréter qu'il faut privilégier par une politique de prix préférentiels ou dire directement à Hydro: Écoutez, vous n'exportez plus parce qu'on en a besoin pour nos industries ici. C'est ça, les questions qu'on soulève au chapitre de l'impact du traité de libre-échange.

Mme Bacon: Vous êtes en faveur des économies d'énergie; vous réclamez aussi des augmentations tarifaires qui sont limitées à 4,5 % en 1990-1991 et vous recommandez que la tarification de l'électricité, dans le secteur résidentiel, soit examinée par une commission indépendante sur l'énergie. Ne pensez-vous pas que des tarifs relativement bas pourraient hypothéquer le succès des programmes d'économie d'énergie? Il y a des gens qui sont venus ici nous dire: Comme les tarifs sont un peu plus élevés, ça va forcer les gens à penser en termes d'économie d'énergie. Vous parlez de commission indépendante sur l'énergie pour les tarifs résidentiels. Est-ce que vous avez éliminé complètement une commission indépendante sur l'énergie qui toucherait la tarification du secteur industriel, par exemple?

M. Bakvis: Non, c'est sur l'ensemble des politiques de tarification qu'on voudrait que...

Mme Bacon: C'est parce que j'avais compris pour le résidentiel, c'est sur l'ensemble des...

M. Bakvis: Oui, c'est sur l'ensemble. Mme Bacon: O.K.

M. Bakvis: Mais rapidement - Mme Lamon-tagne va compléter - sur les questions d'économie d'énergie, on constate finalement que là, on va imposer une augmentation des tarifs de 23 % d'ici le 1er mai.

Mme Bacon: C'est 7,5 % plus 7 %, ça fait 14,5 %.

M. Bakvis: Plus 7 % qui viendra du fédéral au 1er janvier 1991.

Mme Bacon: Ce n'est pas nous, il faut quand même... Non, non. Restons au provincial, 7,5 % plus 7 %, dans ma tête à moi, ça fait 14,5 %.

M. Bakvis: O.K. Mais j'ai parlé du point de vue du consommateur pour qui, lui, sa facture va être de 23 % plus élevée.

Mme Bacon: C'est ça. Mais nous n'avons pas augmenté de 23 %.

M. Bakvis: D'accord. Ça constitue un fardeau important et malheureusement l'électricité

est un bien essentiel. Quelle est la capacité pour quelqu'un qui n'a pas accès au gaz, comme c'est le cas de beaucoup de consommateurs québécois qui ont peut-être investi beaucoup dans le chauffage à l'électricité de leur résidence, de convertir rapidement et de réaliser cette économie-là? Nous, on constate, du point de vue du consommateur, que ça constitue une taxe qui va frapper davantage les gens qui ne pourront pas faire ces investissements qui seraient nécessaires pour réaliser des économies. Les documents d'Hydro démontrent bien que l'économie la plus importante qu'on pourrait réaliser si on reste à Montréal, c'est de reconvertir vers le gaz. Mais ça exige évidemment un investissement important. Alors, c'est ça le point qu'on soulève, mais on peut également avoir une politique d'économie d'énergie qui est plus incitative. Hydro a commencé d'ailleurs, avec sa politique de rabais de 15 $ pour les douches, mais il y a sûrement des moyens beaucoup plus importants qu'on pourrait prendre mais qu'on n'envisage pas et qui n'auraient pas pour effet de pénaliser tout à fait comme une taxe indirecte les gens qui sont les moins capables de payer. C'est bien essentiel.

Mme Bacon: Vous pensez qu'on devrait inciter les gens à ne plus se chauffer à l'électricité? Est-ce que c'est ça que vous voulez dire? Inciter les gens à se chauffer au gaz naturel ou à d'autres...

M. Bakvis: On a pris connaissance des documents d'Hydro qui nous informe que le gaz est la meilleure option énergétique pour tout de suite, sauf que pour beaucoup de Québécois ça ne sert pas parce qu'on a arrêté le développement du réseau de gaz il y a quelques années. C'est une option qui ne s'offre pas à tout le monde mais pour un consommateur rationnel qui devrait faire ce choix-là ça semblerait, selon les chiffres qu'Hydro nous présente, le choix le plus logique pour tout de suite.

Mme Bacon: On a eu différents groupes qui sont venus ici. Il y en a évidemment qui nous ont dit qu'il faudrait peut-être inciter les constructeurs de nouvelles maisons à ne plus utiliser les plinthes électriques, donc, le chauffage électrique. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

Mme Lamontagne: Un commentaire d'ordre général. C'est difficile peut-être de dire oui, il faut que toutes les nouvelles maisons soient au gaz ou il faut qu'on n'utilise plus les plinthes électriques. D'abord, premièrement, sur la question des plinthes électriques, je ne suis pas une spécialiste, mais il me semble qu'il y a d'autres moyens de se chauffer à l'électricité qui soient moins dispendieux que le type de plinthes qu'on a. Alors, c'est pour ça que lorsqu'on parle d'économie d'énergie, on ne parle pas juste d'inciter chaque individu du Québec à acheter le pommeau de douche à 15 $ de rabais. C'est très, très bien cette mesure-là, on n'a rien contre, au contraire, mais il y a aussi de la recherche qu'il faut faire. Ce n'est pas juste une question d'habitudes individuelles d'économiser de l'énergie mais il y a des recherches qu'il faut faire. Alors, si on fait la recherche, si on regarde aussi dans l'ensemble des énergies disponibles les choix qu'on a à faire, ça peut être que les nouvelles maisons on les encourage à utiliser le gaz plutôt que l'électricité. Ça peut aussi être qu'on trouve d'autres formes de chauffage électrique qui dépensent moins d'énergie et qui sont moins coûteuses etc. C'est pour ça que cette commission-là, le mandat nous semble un peu limité quand on veut parler vraiment de choix énergétiques d'ensemble pour l'avenir du Québec. Il y a beaucoup de recherche, beaucoup d'études à faire.

L'autre aspect, je reviendrais sur la question du coût de l'électricité. Est-ce un incitatif à économiser de l'énergie? Ça peut être un incitatif. Mais, à notre avis, c'est vraiment, parmi les ensembles d'incitatifs, loin d'être le plus important et loin d'être le seul. Il faut offrir des moyens, il faut faire des campagnes d'éducation comme on le fait sur d'autres aspects, comme on l'a fait sur les habitudes alimentaires, etc. Il y a une conscience. Les Québécois, s'ils se rendent compte qu'il faut économiser de l'énergie, ce n'est pas juste parce que ça leur coûte plus cher qu'ils vont prendre les moyens pour économiser cette énergie-là. Donc, je ne pense pas qu'on devrait pénaliser surtout les plus démunis en haussant le coût sous prétexte d'encourager les économies d'électricité, mais on devrait assortir ça de moyens plus concrets, de campagnes, et pas juste les citoyens individuels, mais inviter aussi les industries à se convertir à d'autres sources d'énergie également. (12 h 30)

Mme Bacon: D'après votre mémoire, il me semble que la CSN tienne à ce qu'Hydro-Québec ne soit par impliquée dans la recherche en économie d'énergie, dans des programmes d'économie d'énergie. Ce point de vue peut se comprendre par des formes d'énergie autres que l'électricité. Mais est-ce qu'il ne faudrait pas considérer aussi, en même temps, l'expertise d'Hydro-Québec dans le secteur de l'électricité pour faire en sorte d'accepter qu'elle fasse elle-même aussi des recherches en économie d'énergie? Vous n'accepteriez pas qu'Hydro-Québec fasse des recherches en économie d'énergie en disant: II y a un conflit d'intérêts, si je me rappelle bien ce que vous avez dit tantôt.

Mme Lamontagne: Oui, elle peut en faire dans la mesure où elle connaît le secteur mais, à notre avis, ce ne devrait pas être seulement Hydro-Québec; il devrait y avoir d'autres sociétés

qui cherchent des moyens d'économiser de l'énergie. Parce que c'est sûr que l'exemple que je prenais tout à l'heure, ce n'est pas les compagnies de tabac qui vont faire principalement des campagnes antrfumeurs. Donc, comme Hydro est productrice d'électricité, elle a un certain conflit d'intérêts à dire de dépenser moins d'électricité. C'est pour ça que, oui, l'expertise d'Hydro est importante, mais il doit y avoir d'autres sociétés d'État ou d'autres instituts qui fassent aussi des recherches complémentaires et qui aillent peut-être plus loin que celles d'Hydro.

Mme Bacon: Hydro est un producteur, mais elle est aussi quelqu'un qui vend des services à une population.

Mme Lamontagne: Oui.

Mme Bacon: Je pense que c'est en termes de services que je voyais davantage l'expertise d'Hydro-Québec qui pourrait être importante dans la recherche, par exemple, en économie d'énergie.

Mme Lamontagne: Oui, effectivement, on est d'accord avec ça, entre autres, c'est sur ce principe qu'on dit qu'il ne faut pas hausser abusivement les tarifs parce qu'Hydro a été formée pour d'abord rendre service à la population du Québec.

Mme Bacon: Vous objectez à la réduction de l'interfinancement en invoquant que l'électricité est un service justement public et non un produit dont on doit tirer le maximum de revenus. Est-ce que la CSN s'opposerait à la réduction de l'interfinancement si ça avait pour effet de réduire la demande, de réduire le coût d'Hydro-Québec et d'augmenter les dividendes au gouvernement et de défrayer le coût des autres services publics dont profitent les Québécois?

M. Bakvis: C'est-à-dire est-ce qu'on serait d'accord avec les augmentations de tarifs, si, par la suite...

Mme Bacon: Est-ce que vous vous opposeriez à la réduction de l'interfinancement?

M. Bakvis: Oui, qui se traduit par une augmentation de tarifs.

Mme Bacon: Oui.

M. Bakvis: Écoutez, en fait, vous posez ça tout à fait comme si une augmentation de tarifs permettait à Hydro de payer des dividendes plus importants, c'est une autre forme de taxation. Alors, si on le prend de votre point de vue, que c'est une forme de taxation, ce qu'il faut constater, c'est que c'est une forme de taxation extrêmement régressive; je ne crois pas qu'il y ait d'étude détaillée là-dessus, mais probablement plus régressive encore qu'une taxe sur la vente, parce que c'est un produit auquel on peut difficilement substituer...

Mme Bacon: Mais il y a plus que ça dans ma question.

M. Bakvis: Alors, si on regarde des moyens pour augmenter les revenus, la CSN a déjà proposé un bon nombre d'autres moyens de taxation, entre autres, éliminer les abris fiscaux pour les gains de capitaux pour ramener au niveau d'il y a quelques années le taux d'impôt pour les plus hauts revenus, et ça nous semblerait des formes de taxation beaucoup moins régressives et plus justes.

Mme Bacon: En fait, dans votre réponse, vous ne me donnez qu'un des effets que j'ai mentionnés. Mais, comme effet aussi, j'ai mentionné la réduction de la demande, la réduction des coûts d'Hydro-Québec. J'ai mentionné aussi de défrayer le coût des autres services dont pourraient profiter les Québécois. Il y a d'autres effets que ça pourrait avoir s'il y avait une réduction de l'interfinancement.

Mme Lamontagne: Mais les autres services, vous parlez des services d'éducation, de santé ou d'autres services liés à la...

Mme Bacon: Oui, oui.

Mme Lamontagne: Les services publics en général? Mais c'est parce que... En tout cas, je pense que c'est dans la même idée que ce que mon collègue disait. Ici, on utilise ce moyen-là pour payer d'autres services. C'est sûr qu'il y a des besoins dans d'autres secteurs. On est très, très conscients de ça, qu'il y a du sous-financement de certains services actuellement, mais c'est lié à une politique fiscale qui est beaucoup plus globale. C'est chaque individu qui paie. Je reviens à la question, c'est une forme de taxe aussi là.

Le Président (M. Leclerc): M. le député de Saint-Maurice, brièvement, s'il vous plaît.

M. Lemire: Madame, monsieur de la CSN, votre mémoire mentionne que l'accélération des constructions pour l'exportation exerce une pression structurelle à la hausse sur les tarifs d'électricité.

J'aimerais savoir: sous quelles conditions cette pression existerait-elle, d'après vous? Et est-ce que c'est possible, au contraire, que ces exportations-là enlèvent de la pression sur les tarifs?

M. Bakvis: Pour répondre à ces contrats d'exportation, on construit, on développe des

nouveaux projets. Chaque nouveau projet représente un coût marginal plus élevé. Il est dans la pratique des sociétés d'utilité publique d'établir les tarifications en fonction du coût marginal. Alors, chaque fois qu'on développe un projet qui est plus coûteux, on a tendance à vouloir augmenter les tarifs pour rejoindre ce coût marginal-là. C'est dans ce sens-là qu'on dit qu'il y a une pression à la hausse structurelle sur les tarifs domestiques.

Le Président (M. Leclerc): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue devant la commission aux représentants de la CSN qui nous amènent sûrement un éclairage différent de ce qu'on en a entendu, surtout depuis hier, où on avait plutôt le côté financement et "engineering". Vous parlez beaucoup dans votre mémoire justement de la nécessité d'une vaste consultation publique. Les limites de la consultation actuelle, j'en conviens, et je pense qu'on doit nécessairement admettre que la consultation que l'on a là actuellement permet, de toute évidence, d'ouvrir sur les alternatives et sur le point de vue de bien du monde concernant toute la question énergétique au Québec. Actuellement, on soulève beaucoup de questions mais, essentiellement, il y a très peu de réponses qui sont amenées. Je suis d'avis qu'il serait excellent pour tout le monde que l'on puisse avoir une consultation beaucoup plus large avec des mandats qui soient différents, qui nous amèneraient un certain nombre de réponses argumentées et peut-être beaucoup plus précises dans leur forme pour permettre, entre autres, à l'actionnaire de donner des mandats à Hydro-Québec qui correspondent au voeu de la population et qui soient conformes avec aussi des impératifs financiers qui sont quand même non négligeables dans une société comme Hydro-Québec qui nous appartient et qu'on n'a pas intérêt à voir péricliter.

Mon autre préoccuation, aussi fondamentale, c'est que les travaux de la commission finissent en queue de poisson, comme on dit, si ça reste à ce qu'on est là actuellement. On a vu les consultations parlementaires, par exemple, sur le financement des universités ou les frais de scolarité où tout le monde a dit: Non, non, non, il ne faut surtout pas augmenter les frais de scolarité puis, la semaine d'ensuite, le ministre a annoncé une augmentation des frais de scolarité. Alors, ça ne change pas grand-chose dans la consultation. C'est presque se moquer du monde de faire ça comme ça. Je souhaite ardemment que la consultation que l'on a là ne finisse pas en queue de poisson: chacun fait son petit discours de 15 minutes à la fin et puis, bonjour la compagnie, vous avez été bien aimables de venir vous présenter devant nous. Puis, finalement, il n'y a plus personne qui tient nulle part compte de tout ce qui a été dit là-dedans, on s'en reparlera dans sept ans, comme vous le mentionnez dans votre mémoire finalement, depuis la consultation de 1983.

Cela dit, j'ai quand même un petit problème. Je pense qu'il faut en discuter sérieusement. Hydro-Québec et le gouvernement se sont engagés dans une dynamique d'implantation d'entreprises hautement consommatrices d'énergie et qui vont demander de l'alimentation à court terme en électricité. La plupart des organismes de ceux qui se sont présentés ici devant nous pour dire: Stoppons les constructions et analysons plus à fond, en parallèle s'objectent ou s'objectaient ou enfin avaient de grosses réserves quant à cette politique d'implantation d'une structure industrielle à partir d'entreprises hautement énergivores.

Vous vous nous dites: Nous on est d'accord avec ça. Ça crée des emplois. Spécialisons-nous. Devenons le premier producteur mondial d'aluminium tout en sachant très bien que ça demande quand même beaucoup d'énergie. Il va falloir la livrer aux alumineries cette électricité-là avant longtemps. Et en même temps, vous nous dites: II faudrait faire un moratoire sur les centrales et étudier beaucoup plus à fond par le biais d'une vaste consultation publique. J'aimerais savoir, peut-être d'une façon plus globale, comment allez-vous là-dedans pour faire en sorte finalement que l'on soit capable d'appuyer des projets hautement énergivores, tout en étant très circonspects ou sceptiques quant au développement de nouvelles centrales?

Mme Lamontagne: Premièrement, je pense qu'il y a un principe de base qu'on énonce dans notre mémoire, c'est qu'il faut viser à diminuer globalement la consommation d'énergie même au niveau industriel. La diminuer pas de façon absolue, mais la diminuer par rapport à la production, à la consommation de l'énergie. Et au niveau industriel toujours, on croit que certaines industries devraient se convertir à d'autres formes d'énergie que l'électricité, entre autres, au gaz, entre autres, peut-être le secteur des pâtes et papiers. C'est une première chose.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'alumi-nerie, oui, on pense que ce sont des projets de développement qui peuvent être utiles au niveau économique pour le Québec. Mais on ne voudrait pas non plus payer n'importe quel prix pour ces projets-là. Autant en termes du coût qui est le contrat entre les alumineries et Hydro qui a un coût très très privilégié, autant aussi il y a des coûts environnementaux qu'on peut payer, liés au développement de l'aluminerie. Ça aussi c'est une préoccupation qu'on a. On connaît les désastres qu'ont faits les alumineries au Québec en termes d'environnement qu'il faut maintenant réparer. Donc, c'est ça.

Moi, je ne suis pas en mesure, avec précision, de dire: Est-ce que, s'il y a un moratoire,

on va être capable d'alimenter les alumineries? De toute façon, plusieurs de ces alumineries sont encore en construction. Deuxièmement, les nouveaux projets, ce n'est pas pour demain matin non plus qu'on va pouvoir utiliser l'énergie des nouveaux barrages. Ça prend plusieurs années.

Et, troisièmement, on pense aussi qu'une commission, qui est plus en profondeur, si le gouvernement avait la volonté politique de la mettre sur pied, ça ne demande pas des années non plus. Ça s'organise dans quelques mois une commission comme ça. Ça peut se mettre sur pied très rapidement. Donc, ça n'aurait pas un effet désastreux pour retarder éventuellement les projets de développement d'Hydro-Québec.

De toute façon, peut-être que le gouvernement n'aura pas le choix de retarder ces projets-là parce qu'on sait que toute la négociation avec les peuples autochtones, entre autres les Cris, ce n'est pas terminé, ce dossier-là et, on le sait, il y a eu une intervention du gouvernement fédéral, etc. Donc, ça aussi, peut-être que le gouvernement n'aura pas le choix de s'asseoir sérieusement et de négocier avec les peuples concernés et aussi de regarder plus largement que les projets de développement d'Hydro, mais de regarder aussi tous les choix énergétiques. Et je le répète, s'il y a une véritable volonté politique d'une consultation large, à mon avis, ça s'organise assez rapidement. Je ne sais pas si tu veux...

M. Claveau: Par rapport aux constructions de centrales - ce n'est pas un piège que je vous tends, mais j'ai envie de soulever la question - on sait que de construire des centrales hydroélectriques, ça représente beaucoup d'ouvrage, beaucoup d'emplois pour pas mal de monde.

Mme Lamontagne: Je l'attendais, celle-là. Ha, ha, ha!

M. Claveau: Ha, ha, ha! On se souvient qu'en tout cas l'industrie de la construction se réjouissait de l'annonce de... Si je ne m'abuse, c'est le 1er mai 1988, dans le discours sur le budget, qu'on annonçait 40 000 personnes-année, etc. Par rapport à ça, je conçois que, par contre, ce n'est probablement pas la seule façon de créer de l'emploi. Est-ce que vous pensez que la mise en place, par exemple, d'une industrie qui serait en parallèle aux activités d'Hydro-Québec. soit en termes d'économie d'énergie tant dans la fabrication d'équipements moins consommateurs d'énergie, dans la fabrication de pommeaux de douche - pour reprendre l'expression - au lieu de faire travailler les Ontariens, et aussi dans toute l'industrie de la construction modifiée, avec des nouvelles normes et tout ça, pour le résidentiel, le commercial, etc., est-ce que vous pensez qu'on trouverait là-dedans suffisamment d'emplois bien rémunérés pour compenser pour les pertes d'emplois qui pourraient résulter d'abandons de construction de centrales? (12 h 45)

Mme Lamontagne: Bon. Premièrement, sur la question des travailleurs de la construction, c'est évident que tout nouveau projet qui crée de l'emploi dans un secteur d'activité va enthousiasmer les personnes qui travaillent dans ce secteur-là. Ceci dit, ce ne sont pas les seuls travailleurs qui ont des choix à faire à un moment donné, et ce n'est pas à n'importe quel prix, non plus, qu'on fait ces choix-là. De plus en plus, et l'avenir va nous le dire, il y aura, dans les usines, des choix à faire, en termes d'environnement; comment on transforme les emplois. On ne veut pas de pertes d'emplois, mais on va avoir à réorganiser notre travail, à intervenir au niveau environnemental, par exemple, pour faire changer des choses. Et c'est clair que c'est exigeant pour les travailleurs, comme c'est exigeant pour les travailleurs de la construction de dire: Bien, peut-être que ce projet-là va être retardé, mais ce n'est pas à n'importe quel prix. Je n'ai pas fait de calculs mathématiques, mais c'est évident que s'il y avait des études sérieuses ou des recherches sérieuses pour des économies d'énergie, il y aurait là un lieu de création d'emplois.

Deuxièmement, on a parlé beaucoup du gaz, on en parle un peu dans notre mémoire. On a mentionné, Peter a mentionné tout à l'heure l'interruption des travaux du gazoduc. Si, aussi, on continuait ces travaux-là, il y aurait là un lieu pour créer de nouveaux emplois et aussi, comme vous le dites, créer des emplois dans (a fabrication, peut-être, de nouvelles plinthes électriques qui seraient moins énergivores aussi, etc. Il y a des secteurs où on peut créer de l'emploi, ce n'est pas juste en construisant des barrages.

M. Bakvis: Rapidement, je peux ajouter... En fait, il y a déjà des études américaines qui datent de quelques années et qu'on connaît qui, effectivement, démontrent que les économies d'énergie créent plus d'emplois que la production d'électricité. Évidemment, c'est moins spectaculaire d'investir dans les économies d'énergie que dans les nouveaux barrages. Mais, ce qui nous inquiète, en fait, c'est que le Québec accuse déjà un certain retard par rapport aux États-Unis, par rapport à l'Europe et vous avez parlé de l'Ontario, qu'on ne connaissait pas. Ces équipements, si on n'investit pas rapidement, on risque finalement que, oui, il y aura des emplois de créés, mais ailleurs. C'est donc pourquoi dans le mémoire on propose... On croit qu'il y a même des filiales de la SGF qui sont extrêmement bien placées, qui déjà ont une expertise au niveau de la fabrication d'équipement pour Hydro-Québec, qui pourrait très bien sans doute faire des recherches et développer des emplois dans le secteur de l'économie d'énergie. Mais il faut aller

de l'avant et très rapidement.

M. Claveau: On nous disait, durant les travaux de la commission... Là je reviens sur la question des économies d'énergie. On nous disait que, le fait qu'on consomme beaucoup d'énergie au Québec, ce n'est pas uniquement dû à la température, aux distances, etc., c'est essentiellement ou en grande partie lié au choix de société qu'on s'est donné, au mode de vie, à notre espèce de qualité de vie qu'on s'est donnée comme population. Entre autres, par exemple, le développement du milieu périphérique des centres urbains, genre bungalow de banlieue, comme on aime bien l'appeler. Ce qui fait que, à cause de ces choix que l'on fait en tant que société - et ça vaut pour tous ceux qui peuvent faire le choix - on finit par utiliser globalement quelque chose comme 8 a 10 fois plus d'énergie, que ce soit en électricité, en pétrole, en essence pour se déménager à sa job ou au centre ville, que ce soit pour, je ne sais pas, le transport aérien des employés, etc. Globalement, ces choix ont fait en sorte qu'on finit par avoir un bilan énergétique qui est 10 fois supérieur à ce qu'il pourrait être, si on était plus rationnels quant à la localisation de nos résidences par rapport au lieu de travail, etc. Est-ce que vous pensez, advenant le cas où l'actionnaire d'Hydro-Québec, le gouvernement, travaillerait sur une orientation visant à atténuer ces éléments, que le travailleur québécois en général serait prêt à modifier ses choix?

Mme Lamontagne: Une grande question. C'est difficile de répondre pour chacun des travailleurs québécois. Mais je pense que, moi, personnellement j'aime mieux vivre en ville qu'en banlieue, alors je me sens très à l'aise avec la question. Mais je pense que ça demanderait - c'est assez général comme réponse - de valoriser aussi les milieux urbains, de valoriser la qualité de vie dans les milieux urbains, valoriser les espaces verts dans les milieux urbains. Ce sont des énergies qui devraient être mises vers ça, pour rendre la ville agréable à vivre, pas juste pour venir y travailler, mais rendre la ville agréable en termes de services, en termes de milieu de vie. C'est sûr que c'est plus dispendieux de vivre dans une maison qui est exposée au quatre vents - ce sont des vérités de La Palice - que de vivre en ville dans un environnement urbain, mais il y a des efforts des grandes villes pour rendre la ville agréable. On ne peut pas faire dans ce domaine-là de la coercition ou de l'incitation abusive. On ne peut que rendre ça attrayant pour que, finalement, on trouve ces avantages à vivre en ville en termes de raccourcissement de temps de transport, en termes de services, etc. Je pense que c'est vers ces orientations-là qu'il faut aller si on veut permettre aussi qu'il y ait des économies d'énergie à ce niveau-là, au niveau des habitudes de vie.

M. Claveau: Je vous remercie. Mon collègue a des questions à poser.

Le Président (M. Leclerc): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: M. le Président, je veux saluer les représentants de la CSN. Ce n'est peut-être pas inutile de répéter la position de notre formation politique sur la consultation. Nous avons dit, de façon très claire - d'ailleurs les porte-parole du parti sont venus présenter un mémoire dans ce sens-là - que nous appuyons la demande de la coalition à l'effet que se tienne un débat public très large sur l'avenir de l'hydroélectricité et, de façon plus générale, sur les formes d'énergie, les choix que notre société veut se donner.

Je voudrais m'attarder à un autre aspect qui n'a pas été souvent abordé ici en commission. À la page 39, recommandation 5: Qu'une commission permanente qui tiendrait des audiences publiques, etc., soit établie pour autoriser les nouveaux contrats. Et, à 6, vous suggérez un autre mandat à cette commission permanente concernant les contrats aux alumineries et ainsi de suite. Je pense que c'est une notion fort intéressante que celle d'une commission permanente. Parce qu'il ne suffit pas de siéger une fois ou deux par année en commission parlementaire. Il ne suffit même pas d'une vaste consultation qui aura peut-être lieu si la ministre se laisse toucher par les demandes de beaucoup de groupes. Mais même si cette consultation large durait un an, un an et demi, deux ans, ce n'est pas suffisant. À mon avis, il serait nécessaire d'avoir cette commission permanente et peu de groupes en ont parlé. Alors je voudrais vous entendre élaborer un petit peu là-dessus. Juste à titre de piste, est-ce que c'est un concept qui pourrait s'apparenter à la commission qui s'appelle le CRTC par rapport aux radiodiffuseurs, aux producteurs de télévision, de radio en y exerçant certains contrôles, certaines normes? Ou est-ce que vous connaissez des précédents ailleurs, dans des provinces ou dans des États où les producteurs d'énergie électrique sont un peu chapeautés comme ça par une commission permanente?

Mme Lamontage: Effectivement, les objectifs poursuivis par cette demande-là sont exactement ceux que vous avez mentionnés. Oui, il faut de grandes études à un moment donné, mais il faut que, au quotidien, pour les nouveaux contrats, il y ait des examens publics et des commissions qui les examinent. Cette proposition s'inspire, oui, du CRTC, et à Bell Canada, il y a des commissions avant de fixer les prix et il existe aussi dans des États américains des commissions sur la question énergétique, sur la question de l'électricité et même pour examiner les contrats qu'ils ont avec l'extérieur, pas juste les contrats qu'eux passent à l'extérieur, mais les contrats, par exemple,

qu'ils font avec le Québec. Donc, c'est d'abord les États américains qui nous inspiraient cette proposition.

Le Président (M. Leclerc): Je m'excuse C'est tout le temps qu'il nous reste.

M. Lazure: Bon, je voulais simplement dire...

Le Président (M. Leclerc): À moins que ce soit très court, oui.

M. Lazure: ...que nous appuyons... En tout cas, moi, j'appuie fortement une telle suggestion et j'espère que cette piste-là va être explorée de façon sérieuse par la ministre, comme elle le fait d'habitude.

Le Président (M. Leclerc): Merci, M. le député de La Prairie.

Je reconnais M. le député d'Ungava pour remercier nos invités.

M. Claveau: Juste un mot pour vous remercier de votre présentation et j'avoue avoir retenu d'une façon... En tout cas, ça m'a assez marqué le fait que les économies d'énergie, ce n'est pas nécessairement uniquement des politiques de conservation de l'énergie comme telle. C'est peut-être toute une approche globale de notre système de vie en améliorant peut-être les conditions de vie dans les municipalités, les villes, par exemple, dans les milieux qui, au départ, sont peut-être un petit peu moins agréables, mais si on y mettait plus d'emphase, on pourrait régler un certain nombre de problèmes en termes de transport et, entre autres, en termes d'économies d'énergie. Je vous remercie de votre prestation.

Le Président (M. Leclerc): Merci, M. le député d'Ungava.

Mme la ministre.

Mme Bacon: Écoutez, je vais vous remercier d'abord d'être venus ici nous rencontrer, contrairement à d'autres qui ont refusé de le faire. Je pense que ça soulève des questions intéressantes mais, en même temps aussi, ça nous apporte certaines réponses à des questions que nous-mêmes, on se pose. C'est différent de ce qu'on a entendu au cours des dernières journées. Je pense qu'on a parlé beaucoup - vous étiez présents - de tout l'aspect financier, mais je pense qu'il y a d'autres aspects. C'est pour ça une commission parlementaire, je pense, c'est de regarder l'ensemble des aspects. Il y a un éventail de dossiers qui sont devant nous pour étude. Contrairement à ce que pense le député d'Ungava, je n'ai pas l'intention de mettre ça sur une tablette. Je pense qu'on n'a pas fait une commission parlementaire pour avoir de beaux dossiers sur les tablettes, mais simplement sur lesquels se pencher après. Il y a toute une somme de travail qui va être requise quand on va faire le point sur tout ce qu'on a entendu ici à cette commission. Je dois dire que, jusqu'à maintenant, c'est fort intéressant les différents éléments qu'on a devant nous et votre contribution est un ajout important à ça aussi. Ça fait partie de toutes ces facettes qu'on voulait regarder de plus près avec l'aide des gens qui viennent témoigner ici devant cette commission et qui échangent avec nous. Merci beaucoup.

Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie, Mme la ministre.

Alors, Mme Lamontagne et M. Bakvis, la commission vous remercie de vous être déplacés pour vous présenter devant elle. Nous vous souhaitons un bon retour. Nous suspendons nos travaux jusqu'autour de 16 heures, dès après la période de questions.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 16 h 17)

Le Président (M. Bélanger): Bonjour Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place, s'il vous plaît, pour que la commission de l'économie et du travail puisse procéder à une consultation générale et à des auditions publiques sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique au Québec.

Nous recevons, dans un premier temps, le Comité d'intervention pour le développement de la rivière Saint-Maurice. Bonjour, messieurs. Il nous fait plaisir de vous accueillir. Pour vous expliquer brièvement nos règles du jeu, vous avez vingt minutes ferme pour la présentation de votre point de vue et il y aura une période d'échanges avec les parlementaires par la suite. Dans un premier temps, je vous inviterais à identifier votre porte-parole à présenter l'équipe qui l'accompagne et à procéder à la présentation de votre mémoire. On vous écoute.

Comité d'intervention pour le développement de la rivière Saint-Maurice

M. Caron (Jean-Pierre): Merci, M. le Président, Mme la ministre, chers membres de l'assemblée. Mon nom est Jean-Pierre Caron, directeur régional de l'APCHQ, région de la Mauricie. On m'a confié le rôle de président du comité CIDR, qui est le Comité d'intervention pour le développement de la rivière Saint-Maurice. On est ici une délégation de 15 personnes de notre région. Pour ceux qui sont ici avec moi à l'avant, je commencerai par mon extrême droite: M. André Laneuville, ingénieur-conseil et urbaniste, membre du CIDR; M. René Lajoie, directeur général de l'Usine d'eau lourde Laprade

et de la centrale nucléaire Gentilly I; M. Vézina, maire de la ville de Shawinigan-Sud. Et, à ma gauche, M. Roland Desaulniers, maire de la ville de Shawinigan; M. Jacques Marchand, maire de la ville de Grand-Mère...

M. Marchand (Jacques): Bonjour.

M. Caron: ...et M. James Mills, du Centre d'interprétation de l'industrie de Shawinigan.

M. Mills (James): Bonjour.

M. Caron: On vous remercie de nous avoir donné l'occasion de se faire entendre. Je vais débuter quand même en vous faisant une légère présentation de notre Association, de ce que vous connaissez peut-être de l'APCHQ, et peut-être au niveau provincial. J'aimerais quand même faire une précision qu'on est ici au niveau de l'association régionale. On est une association à but non lucratif, d'appartenance volontaire et on regroupe actuellement au-delà de 365 membres, en région de la Mauricie, qui oeuvrent dans l'industrie de la construction résidentielle et du petit bâtiment commercial.

À notre association, on a différentes catégories de membres, des entrepreneurs généraux, des spécialisés, des fournisseurs de maté-rieux ou encore des professionnels associés. Notre territoire s'étend, d'est en ouest, de Sainte-Anne-de-la-Pérade jusqu'à Maskinongé et, du sud au nord, de l'autoroute 20 jusqu'à la région de La Tuque.

Il faut dire aussi que l'APCHQ s'implique et s'est impliquée activement au niveau de la promotion de sa région par l'organisation de certains événements, par exemple, promotions de maisons modèles. Mais surtout, ce qui nous préoccupe davantage, ce sont nos expositions, qui offrent aux consommateurs une tribune d'information vraiment importante. Ça a un impact direct sur notre industrie et dans notre marché.

Maintenant, le CIDR. Le CIDR est une initiative des autorités régionales de l'APCHQ - c'est pour ça que, tantôt, je faisais la distinction entre le niveau provincial et le niveau régional; pour nous, c'est très important. C'est aussi la première fois qu'une association comme la nôtre ou, du moins, qu'une régionale, de toute l'organisation provinciale, s'implique dans un dossier d'intervention régionale au niveau économique et, bien sûr, qui touche autre chose qu'uniquement la construction résidentielle, dans une situation qui peut se présenter de façon ponctuelle dans un marché ou dans un contexte qui peut être différent d'une année à l'autre.

Alors, évidemment, par la formation du CIDR, l'APCHQ veut aussi démontrer que, dans le futur, elle a fortement l'intention de s'impliquer au niveau du développement économique et aussi au niveau régional. Pourquoi? Parce que le développement économique, c'est définitivement un carburant important pour notre région et, évidemment aussi, pour la construction résidentielle, marché qu'on représente. Le développement, pour nous autres, c'est le carburant, je le répète. Qui n'a pas utilisé, un jour ou l'autre, le fameux thème: Quand le bâtiment va, tout va? Alors, évidemment, on y croit aussi. Cependant que ce soit un moteur économique, un moteur économique, ça a besoin d'une poussée. Et on veut participer activement à cette poussée-là dans notre région. Et c'est ce qui justifie notre intervention au niveau d'un tel comité.

Maintenant, à titre d'information, j'aimerais aussi vous faire part d'une démarche qu'on a faite, lorsqu'on a décidé de regrouper certains intervenants du milieu. Alors, uniquement pour votre information et pour vous situer, je voudrais vous mentionner quelques membres fondateurs de ce comité. On a M. Marcel Martel, qui est entrepreneur général et président de l'APCHQ, région de la Mauricie et qui est, d'office, en vertu de nos politiques internes, membre de tous les comités de notre organisation; on a Me Richard Lambert, qui était membre, à l'époque, du bureau de direction de la Chambre de commerce de Trois-Rivières et qui occupait le poste de responsable du comité touristique; M. Peter Hanna, qui est un manufacturier de bateaux et qui est président de les bateaux Dorai Ltée; on avait aussi, au départ, M. Pierre Nadeau, directeur général de Codicem, Centre Mauricie; M. Robert Desaulniers, qui est un commerçant et un conseiller municipal de la Municipalité de Saint-Roch-de-Mékinac; M. André Laneuville, un ingénieur et urbaniste consultant; M. André Arcand, qui est une personne-ressource et délégué à la demande de notre comité par le député du comté de Saint-Maurice; M. René Lajoie, directeur de l'usine d'eau lourde Laprade, que je vous ai présenté tout à l'heure; on avait aussi M. Yvon Caron, de l'Association touristique du Coeur du Québec; et moi-même, directeur régional de l'APCHQ.

Maintenant, passons à "l'item" 2, le but de l'intervention du CIDR sur le développement de la rivière Saint-Maurice. Alors, évidemment, on commence notre exposé en vous disant que le but principal du CIDR, c'est d'intervenir de façon positive dans le développement du potentiel qu'offre la rivière Saint-Maurice au niveau économique.

On veut aussi démontrer que ce potentiel est l'un des éléments principaux pouvant assurer à toute la région de la Mauricie un avenir économique plus prometteur.

Le CIDR vise de plus à sensibiliser non seulement les intervenants économiques, mais aussi Hydro-Québec et le gouvernement que, historiquement, la région de la Mauricie a connu, à la suite des premières installations hydroélectriques... Et si on voulait faire un petit historique, si on part des années 1900, tout le monde

se souviendra de la fameuse entreprise, la Shawinigan Water and Power, qui a largement contribué à tout le développement industriel du Québec. Plusieurs grandes industries sont venues s'installer dans notre région de par le fait qu'on avait beaucoup d'électricité. Alors, ce développement industriel a été reconnu, en proportion, comme étant l'un des plus importants à avoir eu lieu dans ces années-là au Canada.

Évidemment, si on se rapporte aux années cinquante, c'est là qu'on a connu peut-être la fin du développement Industriel et, finalement, on a commencé une espèce de déclin, si l'on veut, qui a forcé quand même les autorités économiques régionales à s'orienter de façon différente. Elles ne pouvaient plus viser l'installation des grandes industries, qui fermaient les unes après les autres. Alors, elles se sont orientées vers l'industrie de service, la petite entreprise, etc. Sauf que ça fait déjà 30 ans. Lorsque l'électricité a été étatisée, il faut être bien conscients que le gouvernement a ramassé en même temps la responsabilité de tout ce qui avait été fait et produit en vertu de la Shawinigan Water and Power. Maintenant, on est responsables de ce développement et c'est évident que pour nous autres, on pense que le potentiel hydroélectrique de la rivière Saint-Maurice est toujours là. Et on voudrait sortir du silence. On voudrait qu'Hydro-Québec sorte aussi un peu du silence et vienne dans notre région, sous certaines considérations, réaliser certains projets qui, on le sait, sont prévus dans son plan de développement.

J'ajouterai aussi un commentaire, que tout ce développement économique qui nous a marqués, qui a marqué le début des années 1900 dans notre région, était quand même destiné à servir l'ensemble du Québec, que ce soit au niveau industriel ou même au niveau électricité. Sauf qu'on en a eu des héritages peut-être moins reluisants et, aujourd'hui, on ne voudrait pas se faire oublier. Alors, la rivière Saint-Maurice, pour nous, c'est peut-être une opportunité.

Qu'est-ce que la rivière Saint-Maurice? La rivière Saint-Maurice s'étend sur plus de 400 kilomètres de longueur et a une dénivellation de 400 mètres, en partant du fleuve Saint-Laurent jusqu'à la hauteur du barrage Gouin où elle puise sa source. En passant, pour ceux qui ont copie de notre mémoire, juste une petite correction; ce n'est pas la route 157, mais bien la route 155 - au milieu du texte - qui longe la Saint-Maurice.

De par son relief et son environnement, on peut la qualifier de rivière qui offre un décor des plus majestueux au Centre Mauricie. Vous savez que les chutes de Shawinigan lui ont valu une renommée internationale. Je pense qu'on n'exagère pas. On lui a même donné le surnom du Niagara de l'Est. Alors, pour nous, c'était très significatif. Aujourd'hui, elle est loin d'avoir cette même réputation. Alors, c'est important pour nous de faire sortir la rivière Saint-Maurice de son silence, et on est convaincus qu'elle le fera.

On parte de développement économique, et j'aimerais aussi vous livrer la vision de notre comité sur le développement économique de la rivière. Évidemment, tantôt, on parlait d'industries, et on doit aujourd'hui tenir compte que les gens ont compris, de toute façon, qu'il n'est plus nécessaire de voir apparaître de très hautes cheminées pour identifier une industrie comme étant importante, qui offre de l'emploi, qui est active et qui est positive. Le développement de la rivière Saint-Maurice aura sûrement, dans l'avenir, un cheminement très différent de celui qu'elle a connu au début du siècle. Ça, c'est en considération des orientations que prennent toutes les municipalités riveraines du Saint-Maurice et aussi tous les organismes qui interviennent au niveau économique.

On parle des municipalités. Avec l'aide gouvernementale, les municipalités ont investi des millions et des millions de dollars dans l'assainissement des eaux. Et si on considère aussi tous les investissements des entreprises privées qui ont leurs activités en bordure du Saint-Maurice, on pense que ce sont des éléments qui ne doivent pas être négligés, du moins pas négligeables, et qu'on doit considérer dans tout projet de développement qui concerne la rivière Saint-Maurice.

Évidemment, il est important, à notre avis, de sensibiliser tout intervenant concerné, que ce soit un intervenant public, privé, municipal, à quelque niveau que ce soit, qu'un développement doit se faire de façon rationnelle et intégrée. Intégrée, pour nous, ça veut dire qu'on peut développer la rivière Saint-Maurice en considération de tout ce qui peut se passer autour de la rivière, en considération aussi de tous les secteurs d'activités et de tout ce qui peut intervenir, qu'on parle d'environnement, de récréotouristique, etc. Pour cette raison, on demande qu'Hydro-Québec considère, dans son plan de développement, que la Mauricie ne veut plus être oubliée. Le développement de projets hydroélectriques de la rivière Saint-Maurice est pour nous de plus en plus important.

Dans l'avenir, nous voyons une rivière qui pourrait devenir navigable de La Gabelle jusqu'à La Tuque, une rivière qui soit aussi de plus en plus accessible au développement récréotouristique, de villégiature, au développement résidentiel, qu'on parle de résidences permanentes, qu'on parle de pourvoiries de chasse, de pêche, etc. On a un territoire vraiment important, qu'on peut développer.

Si on parle de développement récréotouristique, la vallée du Saint-Maurice nous offre un potentiel de développement récréotouristique le plus important. Évidemment, on n'a qu'à parler des centrales hydroélectriques qui s'y trouvent actuellement. On sait très bien que, dernièrement, ces centrales ont fait l'objet, de la part

d'Hydro-Québec, d'une promotion qui invitait la population à venir visiter ces centrales. Ce sont des installations importantes qui sont, en elles-mêmes aussi, des installations qui intéressent les touristes. Je pense que c'est indéniable. C'est quelque chose qui peut vraiment attirer la population et qui peut aussi servir à promouvoir cette industrie qu'est l'hydroélectricité. (16 h 30)

Si on parle aussi de tous les équipements qui peuvent se retrouver ou les sites qu'on peut retrouver le long de la rivière Saint-Maurice, que ce soit le Parc des chutes, à Shawinigan, le Parc national de la Mauricie, la Réserve faunique du Saint-Maurice, le Parc des chutes de la Boston-nais, le Domaine touristique de La Tuque et aussi une multitude de projets qui totalisaient... Ici, on dit une dizaine de millions de dollars. On s'est permis de me corriger pour dire que c'est près de 60 000 000 $ qui ont été présentés à la dernière conférence socio-économique 04 et aussi, qu'une majorité de ces projets-là visaient l'industrie tertiaire. Je pense qu'on est convaincus que notre intervention est pertinente. Évidemment, on veut aussi sensibiliser tous les intervenants qu'il faut prévoir davantage l'accès à toutes ces installations, à tous ces sites.

Je pense qu'il serait important de souligner, rendus à ce stade, le Centre d'interprétation de l'industrie de Shawinigan, laquelle idée a été non seulement appuyée, mais aussi développée en grande partie par Hydro-Québec. Le gouvernement y a aussi investi quelques centaines de milliers de dollars. Ce centre d'interprétation de l'industrie est, à notre avis, une excellente initiative et un bel exemple d'intégration à un plan de développement.

Je ferai un commentaire à propos de nos confrères américains qui sont tout près de chez nous. Par exemple, les Montagnes Blanches. Eux, ils réussissent très bien dans ce domaine, sans même avoir une telle richesse que la rivière Saint-Maurice.

Alors, l'industrie touristique et récréative chez nos voisins américains est devenue très importante et surtout, dans les limites ou dans les zones immédiates, en autant que nous on est concernés, concernant la clientèle du Québec ou la clientèle québécoise. On est convaincus qu'on n'a absolument rien à envier, en Mauricie, aux Montagnes Blanches.

La villégiature. Évidemment, le territoire qui longe une rivière comme la Saint-Maurice offre aux amateurs de villégiature des possibilités inestimables. Qu'on parle d'endroits pour les chalets ou les sites réservés à cette fin, l'importance de cet aspect de développement n'est pas négligeable, parce que ça constitue une véritable toile de fond. Quand on parle de villégiature, on parle de chalets, on parle de petits réseaux routiers vraiment extraordinaires à travers toutes les forêts. Ça, ça permet un accès important et aussi plus facile à tout notre vaste territoire de forêts, de rivières et de lacs.

Le développement résidentiel. L'industie de la construction est un moteur économique très important. Qui d'entre vous, du moins, d'entre ceux qui sont impliqués politiquement n'ont pas dit, à une étape ou une autre de leurs interventions ou de leur campagne politique: Quand fa construction va, tout va? On y croit aussi et on trouve que c'est très louable. Sauf que l'industrie de la construction, évidemment, a besoin d'un moteur économique et son seul moteur économique, c'est le développement. Elle ne vient cependant pas au premier rang au niveau de ses intérêts. L'industrie de la construction est, dans le fond, le résultat d'un développement. On ne peut pas construire s'il n'y a pas de demande. Alors, la demande est créée par le développement des différentes industries, qu'elles soient récréo-touristiques, qu'elles soient commerciales, etc. Je pense que c'est important de le souligner. Notre intérêt, à ce niveau-là, se partage aussi avec l'ensemble des secteurs d'activité qu'on peut retrouver dans le développement économique d'une région.

Les résidences permanentes. Je n'élaborerai pas là-dessus. Je vais vous mentionner que, pour nous, ce qui est important, c'est la demande. On doit répondre à la demande. C'est le développement économique qui vient, à toutes fins pratiques, donner le coup d'envoi à ça.

La résidence secondaire. Je voudrais attacher davantage d'importance à la résidence secondaire, parce que ce marché n'attire pas seulement l'attention uniquement des constructeurs de maison. Il attire aussi l'attention des municipalités. Prenons, à titre d'exemple, tous les sites qu'on pourrait offrir aux gens qui viennent de Québec, de Montréal ou d'autres centres. Si on veut vraiment aller un peu plus loin, parlons du nord de Montréal, qu'on appelle les Laurentides. On sait très bien qu'actuellement, à notre avis, c'est un peu saturé. C'est devenu plus difficilement accessible. On pense qu'en Mauricie, on peut offrir facilement à la population du Québec ou, du moins, à ceux qui habitent dans les grands centres, ces opportunités-là.

Selon nous, il est réaliste de croire que les Québécois, que l'ensemble de la province puisse avoir accès à notre territoire. On ne veut pas travailler uniquement au niveau de notre région. On pense qu'on a une valeur considérable, vue des yeux de l'ensemble des Québécois. On n'est pas seulement une valeur qui est vue de l'ensemble des gens de la Mauricie. Alors, pour nous, ça fait... En tout cas, on pense que ça fait partie de tout l'ensemble touristique du Québec, la rivière Saint-Maurice. Ça vaut la peine qu'on s'en occupe.

La chasse et la pêche. Évidemment, on ne peut parler de la rivière Saint-Maurice sans parler de chasse ou de pêche. Tout le monde le sait. On offre d'excellents territoires de chasse et de pêche, et la chasse et la pêche, c'est aussi

une industrie à elle seule. La rivière Saint-Maurice a déjà été un paradis de la pêche, et on pourrait exercer un certain contrôle pour lui redonner sa vocation d'habitat de plusieurs espèces de poissons, par différents moyens. Exemple, des passes migratoires, ou encore la protection des frayères.

L'environnement. Alors, en termes d'environnement, il y a plusieurs organismes qui se sont penchés sur le dossier environnemental en Mauricie. Cependant, là-dessus, notre position est relativement simple. Actuellement, on n'a pas d'étude vraiment neutre, exhaustive, impartiale et complète, aussi. Cette étude, il serait très important de la voir, du moins il serait très intéressant de voir s'en compléter une, pour qu'on ait enfin l'heure juste sur l'environnement vis-à-vis la vallée du Saint-Maurice, pas seulement aussi sur la rivière. Évidemment, vous l'aurez deviné, le CIDR n'a pas les ressources humaines et financières pour aller chercher une telle étude.

Alors, en conclusion. Nous croyons que les plans de développement d'Hydro-Québec concernant la rivière Saint-Maurice pourraient, selon certains points de vue, présenter certains aspects négatifs. Cependant, si le développement hydroélectrique sur la rivière se faisait en considérant tous les aspects pouvant contribuer à atteindre un développement général intégré et rationnel, le CIDR pense sincèrement qu'il s'agirait d'une opportunité exceptionnelle pour la Mauricie.

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse de vous interrompre. Je suis obligé de vous demander de conclure, s'il vous plaît. Les 20 minutes sont déjà passées.

M. Caron: D'accord.

Le Président (M. Bélanger): Ça passe vite en notre compagnie.

M. Caron: Je vous remercie. Alors, laissez-moi 30 secondes. Alors, finalement...

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Caron: Je savais que je dépasserais le temps. Finalement, on veut aussi sensibiliser l'ensemble du milieu, et on veut vraiment susciter un intérêt. Parce qu'on a une volonté ferme, dans notre coin, et on veut rendre complice tous les intervenants qui peuvent agir au niveau du développement économique. Alors, vous avez certainement pris connaissance de nos recommandations. Je vais quand même les passer très rapidement, si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Caron: Alors, parmi nos recommanda- tions, on voudrait que soit accéléré le processus de réalisation, que soient priorisés les projets de développements hydroélectriques de la rivière Saint-Maurice et que soit considérée d'une façon très particulière la réalisation des nouveaux barrages prévus dans les plans de développement d'Hydro-Québec. Que les projets d'Hydro-Québec sur la rivière Saint-Maurice tiennent compte aussi des orientations municipales et régionales. On voudrait aussi que soient favorisés les différents intervenants et les gens d'affaires de la vallée du Saint-Maurice, les fournisseurs, les manufacturiers, les entrepreneurs, ses compétences, ses ressources humaines.

On a beaucoup d'expertise, de compétences qui s'expatrient continuellement. Alors, ce serait intéressant pour nous autres, aussi. J'avoue aussi qu'Hydro-Québec attache une importance particulière à la consultation du milieu par rapport aux besoins présents et futurs. Évidemment, on vous a parlé d'une étude. Ça fait partie de nos recommandations. On aimerait que soit commandée une étude sur le flottage du bois et sur l'environnement dans toute la vallée de la Mauricie. Cette étude pourrait éventuellement être complétée, sur le développement de l'industrie touristique et résidentielle, dans toutes les municipalités riveraines du Saint-Maurice. Évidemment, ce qu'on préconise ici, c'est une étude qui ne tienne pas compte seulement que d'un secteur. Il serait important d'avoir une étude qui soit vraiment globale, qui recouvrirait tous les secteurs, pas seulement environnementaux, mais aussi économiques, à tous les niveaux.

Finalement, nous croyons qu'il serait très opportun pour Hydro-Québec de continuer la promotion de ses installations, non seulement auprès du public, mais aussi auprès des entreprises énergivores qui, à notre avis, représentent une clientèle très intéressante non seulement pour Hydro-Québec, mais aussi pour tout le développement économique de la région. M. le Président, je m'excuse d'avoir pris un peu plus de votre temps et je vous remercie énormément pour votre attention.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Le principe c'était de vous écouter. On voulait vous poser tout plein de questions, parce que c'est très intéressant. Mme la ministre.

Mme Bacon: Écoutez, messieurs, tout ce que je peux dire, c'est que votre mémoire est quelque peu ambitieux et couvre plusieurs secteurs d'activité. Je pense qu'il faut se rappeler que la planification du développement socio-économique régional n'entre pas tout à fait dans les attributions d'Hydro-Québec. Et vous le rappelez dans votre mémoire. Les projets d'Hydro-Québec concourent au développement régional, c'est sûr. La société d'État doit donc prendre en compte, dans la planification, dans la réalisation de ses projets, des intentions d'aménagement municipal,

l'aménagement sur le plan régional, de rechercher aussi la meilleure intégration de son aménagement avec les autres usages du territoire. Et vous ne manquez pas d'imagination et d'idées pour votre territoire. Je pense qu'il faut aussi favoriser les services de la main-d'oeuvre régionale; ça aussi, c'est important pour l'implantation des différents projets. Alors, vous comprendrez qu'Hydro-Québec ne régit ni le développement industriel, ni le flottage du bois, ni non plus l'expansion du tourisme. Ça ne fait pas partie de... On a beau dire que c'est un État dans un État, on n'est pas rendus là.

Je m'attacherai donc à deux points de votre mémoire qui portent spécifiquement sur le développement hydroélectrique. Votre comité recommande d'accélérer le développement hydroélectrique de la rivière Saint-Maurice, d'implanter de nouveaux barrages. Vous souhaitez aussi qu'Hydro-Québec participe activement au développement industriel de la Mauricie. Mais dans votre mémoire, on déplore l'héritage environnemental peu reluisant de la région et on souhaite que le Saint-Maurice retrouve sa vocation récréotouristique. Comment pouvez-vous concilier ces deux vocations-là, qui peuvent apparaître opposées? Quand on pense au récréotouristique, quand on pense au développement strictement régional, au développement industriel dans votre région, comment pouvez-vous concilier les deux?

M. Caron: Alors, écoutez, je pense qu'on ne peut définitivement pas contrôler ce qui s'est fait dans le passé. Pour nous autres, l'aspect environnemental est important. Quand on parle de récréotouristique et quand on parle d'environnement, il faut quand même admettre une chose, c'est que la rivière Saint-Maurice s'étend sur 400 kilomètres. Alors, ça ne veut pas dire qu'il y a des sites qui sont en mauvaise situation environnementale à la longueur de la rivière. Alors, on se dit: Qu'on priorise certains secteurs. Pour nous autres, ce qui est important, c'est que ce soit fait. Et c'est très compatible, compte tenu de la longueur de cette rivière. On part d'en haut de La Tuque, très haut, quand même. Et ça fait aussi partie de projets de développement récréotouristiques, chasse, pêche, etc. Alors, évidemment, je pense, Mme la ministre, qu'il y a une question de prioriser certains secteurs. Qu'on commence par en bas, au milieu ou par en haut...

Mme Bacon: Est-ce que vous prioriseriez, par exemple, quand on regarde toute la longueur de la rivière Saint-Maurice et toutes les différentes facettes de possibilités que vous avez... Est-ce que vous seriez tentés de prioriser, par exemple, le récréotouristique par rapport au développement industriel? Parce qu'il existe déjà un développement industriel, le long de la rivière.

M. Caron: Oui, mais dans le fond, ce qu'on veut et, éventuellement, ce qu'on vise, on veut que ce soit complet, pas seulement le développement récréotouristique. Le potentiel hydroélectrique de la rivière, il existe, il est là. Il peut attirer quand même plusieurs entreprises, et ça peut être intéressant tant pour Hydro-Québec que pour les entreprises, que pour toute la région, économiquement. Alors, ce n'est pas seulement le récréotouristique. Sauf que le récréotouristique devient très important, parce qu'il peut engendrer une foule de choses, aussi, et une foule de prétextes au développement, tant au niveau des municipalités...

Mme Bacon: Par rapport à toute la grande région, est-ce qu'il y a des endroits spécifiques où vous favoriseriez le récréotouristique par rapport à d'autres, à un développement industriel, par exemple?

M. Caron: Écoutez, je dois admettre qu'on ne s'est pas penchés précisément sur des secteurs en particulier. On a visé, nous autres, l'ensemble de la rivière. On l'a vue dans son ensemble. Alors, évidemment, il y a peut-être certains secteurs qui sont plus favorables à ce développement-là. Et ça, c'est bien sûr. Si on dit qu'on part du fleuve Saint-Laurent, donc de Trois-Rivières, jusqu'à La Tuque...

Mme Bacon: Jusqu'à La Tuque.

M. Caron: ...c'est très vaste. Alors, Mme la ministre, je pense que c'est difficile de répondre à cette question-là sans avoir discuté vraiment à fond la question et regardé aussi tout l'inventaire qui existe actuellement.

Mme Bacon: Vous nous parlez d'une étude qui serait réalisée sur l'environnement de la vallée du Saint-Maurice. Sur quoi devrait porter cette étude-là, en particulier? Qu'est-ce qu'elle devrait contenir et qui pourrait être chargé de la réaliser, cette étude-là? Est-ce que vous avez pensé à ça? (16 h 45)

M. Caron: Oui. Mme la ministre, une telle étude, pour nous, est très importante. Une telle étude devrait contenir tout ce qui touche l'aspect environnemental de la vallée du Saint-Maurice, pas seulement au niveau de la rivière comme telle ou au niveau du flottage du bois, mais aussi au niveau des déversements chimiques, l'industrie, tout ce qui peut polluer non seulement la rivière, mais aussi l'air, la faune, etc. On devrait aussi avoir, dans cette étude-là, certaines recommandations. Il devrait ressortir d'une telle étude, de son contenu, des recommandations d'action et par qui elles devraient être faites. Une chose est certaine - et ça, là-dessus, je ferai une précision - certainement pas par toute entreprise qui a déjà participé à une telle

étude. Nous, on est convaincus qu'on n'a pas l'heure juste sur la vallée du Saint-Maurice. On ne l'a pas, l'heure juste. Pourquoi on se prononcerait? Pour se prononcer il faudrait se prononcer pour ou contre une étude, et ce n'est pas notre intention. Alors, ça devrait être fait par des gens qui sont spécialisés, qui sont vraiment impartiaux, qui n'ont jamais participé à des études sur ce sujet.

Mme Bacon: Le but de cette étude, est-ce que c'est de vraiment savoir quoi faire avec la rivière ou de faire les choix, par exemple, comme on disait tantôt, récréotouristiques par rapport à des choix industriels? Est-ce que votre étude irait aussi loin que ça?

M. Caron: Effectivement, ça irait aussi loin que ça. Tantôt je mentionnais qu'on ne voudrait pas une étude qui ne touche qu'un secteur, qu'on parle d'environnement ou qu'on parle économiquement, peu importe. Je pense que la rivière Saint-Maurice, il faut la voir dans son ensemble, à partir du fleuve Saint-Laurent jusqu'en haut.

Mme Bacon: Vous me dites vous-même qu'il y en a plusieurs qui existent. Une actualisation de ces études ne serait pas suffisante? Ça veut dire que ça en prend une autre.

M. Caron: Je vous répondrai: Vraiment, non.

Mme Bacon: Non quoi? Non, ce n'est pas suffisant? Ou non, ça n'en prend pas?

M. Caron: Vous me parlez des études qui existent actuellement?

Mme Bacon: Oui.

M. Caron: Si elles étaient suffisantes?

Mme Bacon: Est-ce qu'on peut actualiser ces études ou s'il faut vraiment recommencer?

M. Caron: On estime, au comité, que ces études ne sont pas, pour nous, complètement ou totalement impartiales et qu'elles ne sont pas, non plus, exhaustives, dans le sens où elles ne reflètent peut-être pas, j'utiliserai l'expression, l'heure juste.

Mme Bacon: D'accord. Dans votre mémoire, je pense qu'on voit que vous avez pris connaissance du plan de développement d'Hydro-Québec de 1990-1992, parce que vous souhaitez la réalisation de certains projets qui sont prévus. Dans ce plan de développement, il y a des projets importants d'économies de l'énergie, par exemple; il y a des programmes résidentiels, il y a des... qui peuvent être en mesure d'intéresser, peut-être, les membres de votre association. Est-ce que les gens de votre association ont réagi aux programmes d'économies de l'énergie qui sont mis de l'avant par Hydro-Québec? Est-ce que vous seriez en mesure de nous donner votre avis, peut-être sur les programmes résidentiels?

M. Caron: Oui, évidemment. Je crois que vous savez sûrement que notre organisation au niveau provincial a déposé un mémoire à cette présente commission sur cela. Je répéterai que l'APCHQ s'est toujours préoccupée de l'économie de l'énergie. On fera référence effectivement au programme R-2000, qui a demandé énormément de temps, d'argent et d'investissement d'efforts de toute sorte. On est d'accord en principe avec tout ça, en autant que ça corresponde aussi aux aspirations du consommateur, qu'on trouve une rentabilité à court terme. Si on fait des programmes d'économies de l'énergie qui suscitent des augmentations de coûts vraiment importantes pour le consommateur et qu'il ne peut pas récupérer ou qu'il ne peut pas avoir un retour à court terme sur son investissement, c'est plus délicat. Mais, en principe, on est d'accord. Ça a toujours fait l'objet de l'une de nos préoccupations.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Saint-Maurice...

M. Lemire: Bonjour, messieurs.

Le Président (M. Bélanger): ...qui semble porter une attention particulière à votre dossier.

Mme Bacon: II est très intéressé. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemire: Je dois débuter en vous remerciant de vous être déplacés avec une délégation aussi importante. Il ressort que votre mémoire... Vous dites, à un moment donné, que vous souhaitez voir la Mauricie s'industrialiser sans nuire à l'environnement naturel, à tirer profit et encore davantage de sa vocation récréotouristi-que. Or, sur le territoire du haut Saint-Maurice - comme c'est le territoire de mon collègue de Laviolette - la bande Weymontachie - Jean-Pierre les nomme plus facilement que moi - la nation attikamek occupe une réserve sur la rive nord de la rivière. C'est une réserve dont environ 10 % de la superficie pourrait être inondés advenant le "harnachement" de la rivière, par exemple le rapide des Coeurs. Comment pensez-vous pouvoir concilier le développement hydroélectrique que vous souhaitez voir accélérer sur la Saint-Maurice et le développement de la villégiature, les activités de chasse et de pêche et les intérêts de la bande des Attikameks?

M. Caron: Si vous me le permettez, M. Lemire, on a un représentant ici, au comité, M. René Lajoie, qui va répondre à votre question.

M. Lajoie (René): M. Lemire, Mme la ministre, M. le Président, tantôt, mon collègue parlait de résidence secondaire. Ma résidence secondaire est exactement dans cette région-là; elle est "droite" en face du rapide des Coeurs. C'est bien ce à quoi vous faites référence. Si le rapide des Coeurs était à ma place, il est évident que la réserve de Weymontachie - qui est Sanmaur et Weymontachie, de chaque côté de la rivière - serait inondée jusqu'à un certain point.

Mon opinion, c'est qu'avoir les Indiens, une réserve indienne, et avoir des Indiens, des autochtones sur la rivière Saint-Maurice, c'est aussi un atout. Parce que c'est encore une région... La région où ils demeurent, c'est quand même une région encore peu développée au point de vue industriel. Je suis certain que ces gens-là, si Hydro-Québec développait le rapide des Coeurs et/ou de la Chaudière, seraient intéressés à devenir plus actifs dans cette région à cause de l'accès des routes, à cause des activités que ça amènerait comme, par exemple, ils pourraient facilement exploiter les pourvoiries qui pourraient s'ouvrir sur ces lacs, qui seraient formés avec les barrages. Je pense que ça serait de ce côté-là qu'il faudrait exploiter pour que ces gens puissent vraiment avoir le sentiment qu'ils font partie aussi de la rivière Saint-Maurice et de notre société.

M. Lemire: Je vois aussi que, dans votre conclusion du rapport, vous dites, et je cite: "Un développement contrôlé et bien planifié, vu dans tout son ensemble, pourrait aussi devenir le meilleur chien de garde de l'environnement de la rivière St-Maurice." La plupart des groupes environnementaux qui ont paru devant cette commission ont affirmé le contraire. Les groupes en faveur du développement hydroélectrique considèrent, pour leur part, que la protection de l'environnement n'est pas incompatible avec les projets d1 Hydro-Québec, mais ne vont pas jusqu'à voir le développement comme le chien de garde de l'environnement. Pouvez-vous expliquer davantage cette relation que vous avez entre le développement contrôlé et la protection de l'environnement? Et, en même temps, essayez donc de me dire comment votre organisme verrait l'application de ce concept en Mauricie?

M. Caron: M. Lemire, concernant le chien de garde de l'environnement, je pense qu'il y a une chose qui est quand même logique et qui a une importance, et je l'ai mentionnée tantôt. On ne peut pas contrôler ce qui s'est fait dans le passé. On ne peut pas arrêter la terre de tourner parce qu'on a pollué dans le passé. Cependant, on peut entrevoir l'avenir d'une façon différente. Et je pense qu'aujourd'hui il y a tellement de sensibilisation au niveau environnement. On sait qu'il existe aussi tellement de lois, de règlements qui sont pertinents au niveau environnemental, et que chacun qui veut faire un développement, que ce soit au niveau municipal, gouvernemental ou privé, se doit de respecter ces règles-là et ces normes-là. Alors, c'est pour ça, lorsqu'on va connaître des développements dans le futur à travers tout le Québec, ça ne peut qu'être positif au niveau environnemental. Et, évidemment, lorsqu'on habite une région, lorsqu'il y a des gens qui utilisent cette région-là, ils sont très visuels et ils sont de très bons inspecteurs.

M. Lemire: Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Juste un mot pour vous souhaiter la bienvenue devant la commission. Avec l'éclairage un peu nouveau que vous nous apportez... parce qu'à ma connaissance vous êtes les premiers, et peut-être les seuls, au long de ces travaux, qui vont nous dire que la meilleure façon de protéger l'écologie d'une rivière c'est de la "harnacher". Cela étant dit, je vais passer la parole à mon collègue de Laviolet-te, qui a quelques questions à vous poser.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. D'abord je vous dis bonjour à nouveau, d'autant plus que je pense que c'est important que des gens de notre région viennent faire valoir ce majestueux Saint-Maurice. Cependant, ajoutant que la ministre vous a dit tout à l'heure qu'on venait parler d'Hydro-Québec, mais que, j'en suis assuré, vous avez profité du fait qu'elle est la ministre responsable du Développement régional pour lui passer quelques messages quant à l'aspect récréotouristique de la rivière Saint-Maurice... Et, d'autant plus que je suis une personne qui vivait dans mon temps de jeunesse le long de la rivière Richelieu et qui connaît aussi l'impact important, du Saint-Laurent jusqu'au lac Champlain, de cette voie navigable qui a permis, justement, une utilisation récréotouristique sans empêcher l'utilisation hydroélectrique. il y a cependant des choses pour lesquelles on peut être en accord ou en désaccord, mais il y en a une - j'aime autant vous le dire comme je le pense - ...quand vous dites qu'il devrait y avoir une nouvelle étude, je ne comprends plus rien. Je vais vous le dire bien honnêtement, moi, personnellement, je ne comprends plus rien. D'abord, ça ne prend pas de grosses études pour déterminer qu'il faut arrêter de jeter dans la rivière des polluants venant des usines. Je pense que c'est l'une des premières choses. Ça prend

une décision.

La deuxième, c'est que ça ne prend pas de grosses études pour déterminer que les rejets municipaux, ça doit aussi se terminer. Quand on considère la rivière Saint-Maurice, de La Tuque, jusqu'à Grand-Mère, maintenant, où tout a été fait ou presque terminé, mais qu'on se retrouve dans l'autre secteur qui est le plus pollué, où c'est en marche, mais non terminé, je dois dire que ça ne prend pas de grandes études. On va avoir terminé ça, et il est supposé être accéléré. En tout cas, j'espère qu'on va être capable de dire que, dans la rivière Saint-Maurice, de son départ, au barrage Gouin, jusqu'à Trois-Rivières, il n'y a plus de rejets municipaux et, deuxièmement, que les usines ont fait des rejets qui sont contrôlés par des épurateurs à leur sortie. Ça, je pense que, pour moi, il n'y en a pas besoin.

Quant à savoir, l'effet de tout ça sur les animaux, sur la faune aquatique, il est évident que, là, on a des divergences d'opinion. Il y en a qui disent que ça a des difficultés pour les animaux marins; d'autres disent: Non, non, il n'y a pas de problème; d'autres, c'est peut-être parce qu'il y a un pigment des billots. Ça, c'est une autre partie de la discussion que j'aurai avec vous autres. Vous dites: Nous, on n'a pas à se préoccuper de ça, tant qu'à y être, parce qu'il y en a qui s'en occupent et qui s'appellent le Regroupement des usagers de la rivière Saint-Maurice. Au niveau de la pitoune, vous savez les impacts; il y a des études qui ont été faites et, d'une façon ou d'une autre, si on veut arriver - et là, j'en arrive à ma question - à la page 11 de votre mémoire, en disant: "Nous voyons dans l'avenir une rivière qui pourrait devenir navigable, de La Gabelle jusqu'à La Tuque, une rivière accessible au développement récréo-touristique, à fa villégiature, au développement résidentiel, aux pourvoiries de chasse et pêche etc.." Il est évident que, pour ça, il faut enlever la pitoune sur la rivière Saint-Maurice. Quant à moi, les études sont terminées, ce billot qui est sur la rivière actuellement, dessus et en dessous de l'eau, doit disparaître. Je pense que tout le monde s'est mis d'accord sur ça. Il s'agit d'avoir une volonté politique. Les mémoires sont là; les études sont là. Il est évident que ça a des effets, quels qu'ils soient, minimes ou plus forts - pour ça, on pourra diverger d'opinion - mais il y en a.

Alors, la question que je vous pose: Pour avoir une rivière comme celle-là, les études, quant à moi, sont terminées. On n'a même pas besoin de consolider les études actuelles, il s'agit tout simplement d'avoir une décision politique. Quant au niveau des rejets industriels, c'est une décision qui est politique, d'obliger les compagnies en conséquence. Quant aux rejets municipaux, c'est une décision à la fois municipale et gouvernementale pour en arriver aux rejets municipaux terminés. Quant à la pitoune, c'est sûr que ça va prendre une décision politique. On a l'exemple, au Lac-Saint-Jean, comme ça.

Une fois qu'on a ça, maintenant, et qu'on est devant vous autres, qu'est-ce qu'Hydro-Québec vient faire dans le portrait pour aider justement à faire disparaître, sur la rivière Saint-Maurice, la pitoune? Est-ce que, d'après vous autres, vous avez une opinion, parce qu'Hydro-Québec a une responsabilité? Oui ou non?

M. Garon: Là, je dois répondre. Dans un premier temps, au niveau de l'étude, on dit qu'une étude... C'est fini les études. On avait eu connaissance d'une étude qui avait été faite par certains intervenants, que, malheureusement, on n'a pas consultée, mais que plusieurs membres du comité ont consultée et que, moi, je n'ai pas eu l'occasion de voir. Je n'en ai jamais vu une copie. Cependant, j'ai vu aussi une deuxième étude qui venait du ministère de l'Environnement, direction régionale de la Mauricie, qui venait - et je pense que vous le savez très bien, M. Jolivet - à toutes fins utiles, un petit peu contredire certains éléments qu'il y avait dans une première étude. Et, dernièrement, on a encore connu une autre étude qui est une étude quantitative de l'impact du flottage du bois sur la qualité du milieu aquatique. On regarde dans ça et, à chaque fois qu'on arrive au niveau d'avoir "l'heure juste", pour utiliser encore mon expression, on reporte à des tests subséquents ou à des tests plus tard au cours de l'été. Alors, on se dit, nous, dans le fond, qui commande l'étude? On aura un résultat, n'est-ce pas? Alors, on se dit: C'est pour ça que... Ce n'est pas seulement une étude concernant la pitoune, M. Jolivet. On n'a pas parlé, nous autres, de pitoune pour l'instant, on parle de développement économique. Si on veut parler de développement économique, de récréo-touristique et de villégiature, c'est bien évident qu'il faut s'assurer d'avoir un environnement qui soit capable de recevoir tout ça. On sait qu'on l'a. Il y a peut-être des pièges, il y a peut-être des anomalies qui existent, on veut le savoir, mais de quelle importance? Qui a raison? O.K? Alors, c'est pour ça qu'on dit: Au niveau de l'étude, c'est ceci. (17 heures)

Maintenant, concernant l'allusion que vous faisiez à savoir que, nous autres, la pitoune, on ne s'en occupe pas. Vous faisiez mention qu'il y a d'autres organisations qui le font. Je pense qu'on se comprend très bien. Évidemment, nous, ce n'est pas le premier mandat qu'on s'est donné au niveau environnemental. On n'est pas ici pour influencer qui que ce soit sur des décisions politiques. Je pense que ça revient aux élus de prendre ces décisions politiques, non pas à nous.

Concernant votre dernière intervention vis-à-vis d'Hydro-Québec: Qu'est-ce qu'Hydro-Québec vient faire là-dedans? Je pense que nous, ce sur quoi on veut attirer le plus possible d'attention, c'est qu'on sait qu'actuellement il y en a un plan

de développement qui touche la rivière Saint-Maurice. Alors, on dit: Pour nous, ce serait une opportunité. On dit: Cependant, si elle se réalise, qu'on considère les orientations régionales, les volontés du milieu. Nous autres on veut servir. C'est pour ça qu'on... c'est la mission qu'on s'est donnée ça, de . rendre un petit peu tout le monde complice du développement de la vallée du Saint-Maurice.

M. Jolivet: C'est parce que vous dites qu'on devrait utiliser la rivière à des fins récréotouris-tiques. Quand j'étais jeune, on faisait du ski nautique sur la rivière Saint-Maurice. Je n'en vois plus bien bien en faire. En face de Grand-Mère, il y avait, ce qu'il y a à Valleyfield, des régates. Il n'y en a plus, il y a du bois là. Quand je n'étais pas là, parce qu'il paraît que les études préliminaires du temps des colons, il y avait de la ouananiche jusqu'au grand lac Mékinac. Il n'y en a plus. Donc, pour ça, il s'agit avec les barrages qu'il y a sur la rivière, s'il faut la dépolluer au niveau industriel, la dépolluer au niveau municipal, la dépolluer au niveau de la pitoune sur la rivière Saint-Maurice, on se retrouvera avec une rivière qui sera, justement, pour vos besoins récréo-touristiques. Il n'y a pas de gens intéressés à aller s'installer sur la rivière Saint-Maurice avec de la pitoune en face de chez eux parce qu'ils ne pourront jamais sortir sur la rivière.

C'est pour ça que je vous posais la question: Est-ce qu'Hydro-Québec, dans ça, a un rôle à jouer? D'après vous, est-ce qu'Hydro-Québec doit faire quelque chose pour aider, je ne voudrais pas savoir l'étude, mais aider à ce qu'on l'utilise, cette rivière-là, à d'autres fins que de transporter de la pitoune et deuxièmement à d'autres fins que de bloquer ses barrages et ses turbines? La pitoune qui ne flotte pas, elle cale, et quand elle cale, il faut la nettoyer. Vous pouvez demander aux gens de Grand-Mère et d'ailleurs qu'est-ce qu'on doit faire avec le bois qui est là? Alors, je voulais poser la question. Est-ce qu'Hydro-Québec a quelque chose à faire, d'après vous?

M. Caron: Hydro-Québec a certainement quelque chose à faire dans ça. M. Jolivet, j'apporte cependant à votre attention la mission qu'on s'est donnée ici au CIDR. Si c'est des conclusions qui font suite à nos interventions, je pense qu'Hydro-Québec sera en mesure d'évaluer ce que ça lui coûte, si ça lui coûte quelque chose. Mais, actuellement, sur quoi, moi, je peux me baser pour dire ça lui coûte... proposer des solutions de rechange. Écoutez, moi, avec les ressources que j'ai, ce n'est pas notre mission de le faire. Mais on sait qu'Hydro-Québec peut, définitivement, elle, apporter des opinions importantes. Peut-être qu'on lui demandera et qu'on lui posera la question, et elle sera peut-être mieux placée pour répondre. On a vu des chiffres dans les journaux, dans les médias, de différents intervenants. C'est confirmé comment? C'est sûr qu'Hydro-Québec aura peut-être un rôle à jouer à ce niveau-là. Maintenant, de quelle nature? C'est une autre chose. On leur posera la question.

M. Jolivet: Quand vous parlez des barrages, je reviens à ce que M. Lajoie disait pour les gens de Weymontachie Moi, je serais intéressé, je vous le dis d'avance, à écouter ce qu'eux autres ont à dire. C'est important parce que, moi, je les rencontre au niveau du bois, parce que je suis responsable comme critique au niveau du bois, et ils me disent qu'ils ne veulent pas perdre leur territoire. Donc, peut-être, quand on regarde l'ensemble du "harnachement" qu'on veut faire ou de l'amélioration au barrage actuel ou de la surpuissance au barrage actuel, j'aurais quand même un problème au niveau du rapide des Coeurs en particulier. Est-ce qu'on vous a déjà sensibilisés au fait qu'Hydro-Québec avait, pour régulariser le niveau de la rivière Saint-Maurice, fait des recherches sur la réserve autopompée du lac Thomas. Quand vous montez sur la route de La Tuque entre Grande-Anse et Rivière-aux-Rats, vous avez le lac Thomas, dans la réserve Saint-Maurice. On parlait de faire une réserve autopompée pour les moments de pointe: ramasser l'eau du Saint-Maurice, la monter au lac Thomas et la redescendre pour les besoins. Est-ce qu'on vous a sensibilisés à ça? Est-ce que ce serait quelque chose d'intéressant pour vous autres?

M. Caron: Écoutez, effectivement, on a déjà eu un commentaire à ce niveau-là, sauf que c'est vraiment très technique et très théorique ce que vous nous mentionnez là. Je ne sais pas si M. Lajoie a quelque chose à ajouter là-dessus. Je pense qu'il aurait une meilleure expertise que moi pour vous répondre.

M. Lajoie: Le mot "expert" est peut-être un peu fort. Mais question d'impression, je pense que pomper de l'eau dans les deux sens - dans un sens, elle descend toute seule et, dans l'autre sens, elle remonte la nuit, hors des heures de pointe - pour moi personnellement c'est pire que bien. Évidemment, ça crée de l'énergie. Lorsque l'énergie ne coûte pas cher, on s'en sert pour remonter l'eau mais, toutes les fois qu'on brasse la soupe, le bouillon remonte à la surface. C'est évident que la surface d'en haut va être brassée deux fois par jour ou trois fois par jour, peu importe la fréquence, je pense que l'impact sur l'environnement et au point de vue écologique serait pire que le bien que ça apporterait. C'est une opinion personnelle.

M. Jolivet: Lorsqu'il y avait eu... vous êtes au courant, je pense, du principe équivalent dans le bout de Portneuf, de ce qu'on appelle la

réserve autopompée de Delaney et c'est simplement au point de vue économique qu'elle n'a pas été mise en place pour le moment. Mais est-ce des recherches qui avaient permis justement de regarder en même temps s'il était possible que, du lac Thomas, on puisse utiliser cette formule-là?

M. Lajoie: C'est qu'il y a un gros problème d'environnement là-dessus, M. Jolivet.

M. Jolivet: Dans l'ensemble de ce que vous proposez, donc c'est l'accélération, si je comprends bien, du plan d'équipement d'Hydro-Québec sur la rivière Saint-Maurice, du barrage... du réservoir Gouin jusqu'à Trois-Rivières. Vous prévoyez différents... On parle de la Chaudière, le Lièvre, des Coeurs et du détournement de la rivière Vermillon. Est-ce que vous voyez aussi, en même temps, parce que, comme association, vous avez intérêt à ce que les constructions se fassent, des réparations majeures? Est-ce qu'on vous a sensibilisés? Est-ce que vous avez vérifié avec les gens à Hydro-Québec l'ensemble des réparations qui peuvent être faites aux centrales et aux barrages actuels, les huit? Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

M. Caron: Actuellement, on est allé chercher des informations un peu partout. On sait très bien qu'effectivement les centrales existantes ont besoin de réfection et de restructuration ou de rénovation - je ne sais pas comment on appelle ça en termes de barrage; chez nous, c'est de la rénovation, de la réfection. Je pense qu'en principe ça ne peut être que positif.

M. Jolivet: Parce qu'en fait, comme association, si je regarde l'association qui est formée à partir de l'APHQ...

M. Caron: L'APCH.

M. Jolivet: L'APCHQ, oui, excusez-moi. APCHQ. Ce que vous avez, ce n'est pas tout à fait pareil. APCHQ, ce que vous avez comme but, en même temps que de développer tout le réseau récréotouristique de l'ensemble de la rivière Saint-Maurice, c'est aussi d'avoir de l'ouvrage pour vos employeurs et pour les employés en conséquence et utiliser la rivière à des fins qui permettent aux touristes de venir voir une si belle région. Alors, c'est pour ça que je vous pose la question au niveau de l'ensemble des travaux qui doivent être faits par Hydro-Québec. Vous parlez des barrages nouveaux à installer et vous parlez aussi, par le fait même, de la réparation et de la réfection des barrages actuels.

M. Lajoie: J'aimerais peut-être... Une voix: Oui.

M. Lajoie: ...ajouter, à ce point-ci, pour aller dans le même sens d'idées au point de vue de ces réfections, qu'on a même l'intention, quand on parle de développement intégré, on veut que notre gros voisin, Hydro-Québec, puisse être assez près de tous les intervenants du milieu pour qu'on puisse... les installations et les infrastructures qui vont servir à ces choses-là, soit des ponts en aval, soit des sentiers autour, des chemins d'accès, que ce soit pour des barrages neufs ou pour des réfections, qu'on puisse leur demander de les rendre un peu plus permanents pour pouvoir les donner après ça aux intervenants du milieu, soit pour des sentiers, soit pour des véhicules... ou toutes sortes de choses semblables.

M. Caron: Je voudrais répondre du moins à une partie de votre question. Vous parliez de rénovation ou de nouveaux aménagements pour créer de l'activité supplémentaire pour les membres de notre association...

M. Jolivet: Parce que j'ai compris votre... Quand le bâtiment va, tout va. J'ai compris, ça.

M. Caron: C'est ça. Évidemment. Sauf que ce qu'il est important de retenir cependant, c'est qu'on sait très bien que ce n'est pas nécessairement ça, cette raison-là, qui a déclenché tout notre processus. C'est vraiment l'histoire de s'intéresser à notre développement économique et de participer aussi, avec le milieu, pour contribuer à apporter tout ce qu'il faut et, finalement, au bout de la ligne, on va définitivement en profiter.

M. Jolivet: Vous savez qu'Hydro-Québec prévoit, sur un nombre d'années, environ 60 000 000 000 $ d'investissements. C'est le but de la discussion qu'on a aujourd'hui, incluant la rivière Saint-Maurice. Est-ce que, à ce niveau-là, vous seriez d'accord avec la position que nous tenons, à l'effet qu'il y ait une consultation plus large que celle de la commission parlementaire d'aujourd'hui, dans une commission qui a été présentée par la Coalition à l'effet d'avoir une commission itinérante, une commission permanente, une commission qui aille voir dans le milieu l'ensemble des activités d'Hydro-Québec. Est-ce que vous vous êtes fait une opinion sur cette question-là?

M. Caron: Honnêtement, M. Jolivet, à notre comité, on ne s'est pas fait d'opinion à ce niveau-là. Ce n'était pas, de toute façon, une de nos préoccupations. Pour nous, cette commission, je pense qu'elle est représentative. Pour émettre une autre opinion, il faudrait en discuter beaucoup plus longuement. Cependant, c'est toujours dans nos vues, du moins, de préconiser la consultation au niveau régional. Ça ne veut pas nécessairement dire qu'on préconiserait une

commission.

M. Jolivet: Ce n'est pas long, 20 minutes, hein?

M. Caron: Ce n'est pas long, hein?

Le Président (M. Bélanger): Hélas! Il y avait le député de Saint-Maurice qui avait manifesté l'intention... Il reste trois minutes à votre formation.

M. Lemire: Juste en conclusion, j'aimerais, dans le but d'éclairer la commission, faire une mise au point. Quand on parle du bas Saint-Maurice, de la réfection des barrages, ce n'est pas montré ça au plan de développement. Au plan de développement, ce qui est montré, ce sont les nouvelles centrales et les nouveaux projets. Quand on parle de réfection, je pense que, si je comprends bien ce que vous voulez, vous voulez être consultés quand Hydro-Québec va aller refaire les vieux ouvrages qui ont été faits au début du siècle, et sûrement qu'il y a des corrections environnementales qui doivent être faites. Hydro-Québec, à mon avis, devrait être très sensibilisée à votre démarche. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le député de Drummond, il reste deux minutes.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. À la lecture de votre mémoire et à votre dernière recommandation à la page 21, le point f, où vous suggérez qu'Hydro-Québec continue la promotion de ses installations auprès du public, auprès d'autres industries et, vous le mentionnez à la fin, principalement "pour le développement de notre région".

Vous ne croyez pas, dans un souci d'équité envers les différentes régions, que ceci pourrait placer Hydro-Québec dans une position à avoir à juger le développement économique du Québec si on favorisait simplement la division des sources d'énergie seulement dans votre région?

M. Caron: Non. Je pense que ce n'est pas ce qu'on dit ici. On ne dit pas de favoriser ça uniquement pour notre région. On dit que la promotion des installations auprès du public et aussi "auprès des entreprises énergivores québécoises de consommation moyenne", "représentent une clientèle très intéressante pour HydroQuébec et pour le développement de notre région", toujours à partir du principe où on dit que la rivière Saint-Maurice a toujours son potentiel important d'hydroélectricité. Alors, ça, c'est une raison vraiment... Je pense que c'est une bonne raison pour Hydro-Québec d'approcher l'industrie qui est consommatrice d'électricité près de ses installations. Je pense que la livraison d'électricité est beaucoup plus facile à faire et beaucoup moins onéreuse. Si on est avantagés, tant mieux.

Le Président (M. Bélanger): M. Lajoie avait un complément de réponse?

M. Lajoie: J'aurais peut-être un petit complément de réponse pour M. le député de Drummond à l'effet que la région de la Mauricie produit à peu près au total, en incluant... 2600 ou 2200 mégawatts, à quelques mégawatts près. Seulement sur la rivière Saint-Maurice, il y a à peu près 1600 mégawatts produits. Évidemment, c'est de l'exportation. On a même de la misère à tout l'exporter. C'est qu'on veut vraiment aussi se spécialiser là-dedans. On dit que toutes les industries PME qui sont énergivores, dans l'ordre peut-être de 100, 200 mégawatts, je ne sais pas le chiffre magique, chez nous, on est prêts à les recevoir. Ailleurs dans la province, il y aurait peut-être de la place à les placer parce qu'ils sont trop énergivores. Par contre, la petite PME, évidemment, on la veut aussi, mais, à ce moment-là, toutes les régions sont au même prix. On essaie de dire à la commission que notre région peut recevoir dans ces grosseurs d'industries-là.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le député de Laviolette, brièvement.

M. Jolivet: J'aimerais juste rappeler un fait d'histoire au député de Drummond en lui rappelant que la Mauricie, à l'époque de la nationalisation de l'électricité, a accepté que les industries partent de chez elle pour permettre au Québec d'avoir un même cycle d'électricité. Il ne faut pas l'oublier, hein, on a perdu beaucoup d'industries pour Varennes et Contrecoeur parce qu'on a accepté, comme tout le monde, qu'il y ait nationalisation de l'électricité, pour le même prix et le même service pour tout le monde à travers le Québec. Il ne faudrait pas l'oublier, ça.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Si M. le député d'Ungava, qui est le porte-parole de l'Opposition, veut bien remercier nos invités.

M. Claveau: Ça me fait plaisir de vous remercier pour votre prestation devant cette commission parlementaire et de voir l'intérêt que vous portez dans le développement de la Saint-Maurice, même si, peut-être, nous ne partageons pas complètement tous les points de vue qui sont dans votre mémoire. Il n'en reste pas moins qu'il est excessivement important d'utiliser au meilleur de nos connaissances toutes les rivières du Québec pour les fins de développement régional et, évidemment, il peut arriver que, dans certains cas, on analyse différemment, dépendamment des régions ce qui est ie mieux de faire avec ces

rivières-là. Là-dessus, je vous remercie de votre présentation.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la ministre.

Mme Bacon: On vous remercie beaucoup de l'intérêt que vous portez au dossier d'Hydro-Québec mais, en même temps, je pense, au développement de votre région. Il ne faut quand même pas se le cacher. Et, comme on a parlé de mes deux chapeaux, je pense que c'est important. Vous m'avez rappelé aussi des bons souvenirs en parlant de la Shawinigan Water Power. Merci de votre visite et bon voyage de retour. (17 h 15)

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de l'économie et du travail remercie le groupe, . le Comité d'intervention pour le développement de la rivière Saint-Maurice de sa participation à ses travaux.

J'inviterais à la table des témoins le Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentldes. Je vous remercie. J'inviterais tout le monde à reprendre sa place, s'il vous plaît. J'inviterais nos prochains intervenants, le Syndicat des producteurs de bois de l'Outaouais-Laurentides à bien vouloir prendre place à la table. S'il vous plaît, si on pouvait garder le silence pour permettre à nos travaux de bien se dérouler. Je vous remercie. Alors, bonjour. Je vais vous expliquer rapidement nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre point de vue. il y aura une période d'échanges avec les parlementaires. Je vous informe à l'avance que, malheureusement, nous aurons une petite limite dans le temps, une petite contrainte - on va dépasser un petit peu 18 heures, mais peut-être pas beaucoup, puisqu'on doit reprendre nos travaux à 19 h 15, et ceci jusqu'à 23 h 30 ce soir - pour permettre aux gens d'aller manger une bouchée et faire quelques retours d'appels. J'espère que vous ne nous en tiendrez pas rigueur et que vous accepterez cette petite contrainte, qui nous rendrait la vie plus facile.

Sur ce, si vous voulez bien identifier vos porte-parole, présenter votre équipe et procéder à la présentation de votre mémoire, nous vous écoutons. Merci.

Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentides

M. Séguin (Pierre): M. le Président, Mme la ministre, madame, messieurs, je me présente, Pierre Séguin, administrateur et président du comité biomasse pour le Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentides. À ma gauche, je vous présente le vétéran de notre organisme et membre fondateur de notre organisme, Devlin Vallières; ingénieur à notre syndicat, Daniel Leblanc. À ma droite, consultant pour notre organisme, Bertrand Fortin.

Notre organisme est en fonction depuis 25 ans. Nous occupons un territoire qui inclut l'Outaouais et se rend dans les Laurentides. Nous représentons la forêt privée. Nous avons plus de 13 000 membres que nous représentons. Le rôle principal de notre organisme, c'est de s'occuper de la mise en marché et de promouvoir la forêt privée. Vous vous demandez peut-être pour quelles raisons la forêt vient s'impliquer dans l'énergie ou dans l'électricité. Disons que Mme la ministre étant ministre en titre de la Forêt, et, en plus, nous croyons que la biomasse est une façon de produire de l'énergie, nous vous faisons part de notre réflexion.

La forêt, malgré la nette prépondérance de l'industrie forestière dans notre économie, montre un état de santé plutôt précaire. Vous n'avez qu'à survoler les forêts en hélicoptère pour vous en convaincre. Le Syndicat des producteurs de bois de l'Outaouais-Laurentides, une association qui défend les intérêts de 13 300 producteurs forestiers, s'est penché sur la question. Une étude préliminaire que nous avons déposée devant cette commission en est le résultat. Bien qu'elle ne soit pas complète, cette étude représente, à notre humble avis, un outil de concertation qui facilitera la prise de décision concernant l'utilisation de la biomasse forestière à des fins de production d'électricité.

Partout dans le monde, plus particulièrement aux États-Unis, des centaines d'usines de production électrique fonctionnent à partir de résidus de bois provenant essentiellement des usines de transformation primaires ou directement de la forêt dans le cadre de programmes de reboisement. La remise en production des superficies actuellement occupées par des peuplements dégradés, qui constituent une proportion non négligeable du territoire Outaouais-Laurentides, permettrait à la forêt privée d'accroître substantiellement la qualité de ses bois et de ses fibres ligneuses.

Pour ce faire, il ne manque qu'un seul outil à l'aménagiste forestier: la mise en marché des produits provenant des peuplements dégradés présentant des tiges de piètre qualité. Malgré la faible qualité de leurs fibres, les feuillus intolérants, peupliers possédant un haut potentiel énergétique qui les rend particulièrement intéressants pour la production de vapeur et/ou électricité, le territoire que nous avons étudié a un potentiel énergétique rassurant, avec ses 330 000 tonnes métriques vertes de bois disponible à des fins thermo-électriques. Cette masse de bois provient essentiellement de peuplements intolérants. De plus, une certaine partie de ce carburant potentiel comporte des résidus d'usines de transformation primaires issus du sciage ou du déroulage et des déchets de coupe tels que les cimes et les branches. Certains de nos producteurs nous ont confirmé la rentabilité de la récupération de ces résidus, étant donné les

infrastructures routières existantes, ponts et routes. D'ailleurs, certains d'entre eux trouvent avantageux présentement de produire du copeau énergétique au Québec pour le vendre aux Américains.

À la lumière de notre plan de mise en valeur, nous pouvons rassurer le MEER quant au respect du rendement dit soutenu. Idéalement, le potentiel énergétique mentionné précédemment pourrait alimenter une usine de 22 mégawatts. Aux États-Unis, l'implantation de ce type d'usine est facilement justifiée au strict plan financier. Au Québec, l'abondance et le faible prix de l'électricité n'attirent pas les investisseurs. Selon nous, compte tenu des problèmes du milieu forestier - qualité déficiente du bois, aménagement timide, jeunesse des peuplements - il faut viser une rentabilité moins rapide, plus élargie et de plus longue portée. Un projet tel que nous le proposons ne peut donc naître que par choix politique.

Du côté de l'aménagement forestier, les avantages sont évidents. Pareille usine deviendrait un débouché intéressant pour n'importe quel sous-produit issu de l'activité forestière, qu'on parle de coupe à blanc, d'éclaircie commerciale ou de préparation de terrain.

Au plan environnemental et socio-économique, le projet proposé aurait aussi des répercussions positives. Car, en plus de générer plus de 200 emplois directs et indirects, il respecte des normes aussi strictes que celles de l'État de la Californie en ce qui a trait à la qualité de l'air et limite la prolifération des sites d'enfouissement nécessaires aux usines primaires de matières ligneuses.

Nous sommes bien conscients que ce projet peut représenter une goutte d'eau dans l'océan d'Hydro-Québec et que notre projet dépend d'elle. Nonobstant l'élaboration d'une telle politique énergétique que nous souhaitons, qui peut affirmer, en ces temps de faible hydraulici-té, qu'Hydro-Québec ne tirerait pas avantage de l'apparition d'une dizaine d'usines semblables à la grandeur du Québec? L'apport de nouvelles sources stables n'empêche pas Hydro-Québec de mettre de l'avant ses grands projets car un tel réseau ne peut prétendre les remplacer. De plus, une Hydro-Québec impliquée dans le développement d'une région signifierait une saine intégration.

En conclusion, nous croyons que notre projet ferait d'une pierre deux coups: régénérer l'activité forestière privée tout en contribuant à la production d'électricité. Nous demandons donc à cette commission une étude plus approfondie sur les retombées socio-économiques et environnementales de l'implantation d'une ou de plusieurs usines de biomasse, tant pour la région Outaouais-Laurentides que pour l'État. À la lumière de ces données, le gouvernement serait en mesure de mieux promouvoir le développement de tels projets.

Je vous remercie beaucoup de nous avoir permis de nous présenter devant votre commission.

Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre.

Mme Bacon: Messieurs, je vous remercie de votre présence à cette commission et de votre analyse de la rentabilité de la production d'électricité par la combustion de biomasse forestière, qui concorde parfaitement avec celle qui est réalisée par les fonctionnaires du ministère. Je pense que nous sommes quand même unanimes à conclure qu'une centrale au bois destinée uniquement à la production d'électricité serait beaucoup trop coûteuse. Mais j'aimerais explorer avec vous certaines alternatives qui sont potentiellement plus rentables et connaître aussi votre intérêt, ce que ça peut représenter pour votre région, pour vos membres.

Pour mieux saisir peut-être la problématique régionale, j'aimerais que vous m'exposiez les raisons pour lesquelles, selon vous, la région Outaouais-Laurentides devrait être favorisée pour une analyse en profondeur des mérites aussi et des possibilités de la production de l'énergie à partir de biomasse forestière et, éventuellement, pour une implantation d'une première centrale. Pourquoi plus chez vous qu'ailleurs?

M. Séguin (Pierre): Parce que l'Outaouais-Laurentides est la région du feuillu. Au Québec, vous avez 90 % de la forêt qui est résineuse. Il n'y a pas de marché pour le feuillu. On a présentement plusieurs usines dans l'Outaouais qui utilisent le feuillu, mais on ne parvient pas à se débarrasser de nos déchets. Et nos forêts sont très près des grands centres où il serait possible d'avoir une ou des usines qui utiliseraient le principe de cogénération en produisant de l'électricité et de la vapeur. En étant très près des centres... Notre forêt privée est très près des grands centres, ce qui comprend aussi bien... On peut parler tout près d'Ottawa, Hull. On a des usines, des papetières qui auraient des possibilités... On a à Sainte-Thérèse, dans ce secteur-là, où on aurait des chances de promouvoir l'implantation de cette usine.

Je dois vous mentionner, Mme la ministre, que l'Outaouais n'a pas été très favorisé dans le programme d'aménagement d'aide à la forêt privée. Si vous faisiez un survol des pourcentages qui ont été envoyés dans notre région, vous verriez que le pourcentage qui nous a été alloué est très faible. Si on prend des comparables avec d'autres régions, c'est que les programmes qui ont été mis de l'avant n'étaient pas appropriés à notre région. C'est bien beau de lancer des programmes, mais c'est sûr que les gens, quand ils les mettent en place, la première chose qu'ils font, c'est pour favoriser le résineux. Quand vous

n'avez que 7 %, 8 % qui est de feuillus, vous êtes toujours un des derniers. Ça fait que je crois que ça serait une belle occasion pour, comme on dit, nous donner un coup de pouce dans ce projet.

Nous croyons qu'il y a plusieurs choses qui doivent être étudiées dans le contexte québécois. Nous ne croyons pas que nous avons fait un survol entier de tout le problème. C'est pour ça qu'on pense que, de commencer par une étude pour impliquer la problématique vraiment québécoise du problème... Parce que, c'est sûr que, si on se compare avec les États-Unis, on com-pétitionne avec les États-Unis sur le marché du bois, eux ont des avantages: les usines produisent leur électricité; ils peuvent la vendre; ils vont en marché, mais les prix ne sont pas les mêmes. Le gros plus, si on ne surveille pas, c'est qu'ils sont 15 ou 20 ans en avance sur nous dans le développement et l'aménagement de leurs forêts. Je sais qu'on a fait beaucoup de chemin dernièrement dans nos forêts. Je pense qu'on a pris des choses en mains, mais je crois qu'avec la biomasse ça serait peut-être une occasion encore de pouvoir aider. Je pense que c'est une belle occasion.

Mme Bacon: Est-ce qu'il vous paraît acceptable, pour votre région, plutôt que la simple production d'électricité à un coût qui nous apparaît élevé, d'envisager un nouveau moulin qui utiliserait la matière première des forêts dégradées pour la fabrication de la pâte et des sous-produits qui ont une assez grande valeur commerciale, qui incorporerait aussi une centrale d'énergie à résidu de bois, capable de générer toute l'énergie, tant thermique qu'électrique dont elle pourrait avoir besoin?

M. Séguin (Pierre): Je dois vous avouer que le scénario parfait, c'est d'avoir un grand utilisateur d'énergie, autant électricité et vapeur. La discussion s'est faite avec les industriels de chez nous. Mais, présentement, chacun a sa propre petite installation. On aimerait bien avoir... On a des gens qui font des études dans l'Outaouais pour une nouvelle papetière ou une usine Kraft. Mais on me dit que ça n'avance pas aussi vite que... Mais ça serait probablement un atout dans notre jeu si on pouvait profiter d'un projet comme vous mentionnez. (17 h 30)

Mme Bacon: On me dit qu'on peut établir qu'il en coûterait environ 3000 $ par hectare, si on devait se servir de la production d'électricité comme outil d'aménagement forestier. On sait qu'un programme gouvernemental offre actuellement 300 $ par hectare pour des travaux de récupération, déblaiement et brûlage, des andains en vue d'un reboisement. À combien estimez-vous, dans votre région, ce qu'il en coûterait aux membres de votre syndicat pour procéder à un aménagement forestier de qualité? Est-ce que vous avez des coûts? Est-ce que vous avez fait des études de coûts?

M. Séguin (Pierre): Je vais laisser Daniel répondre, madame.

Mme Bacon: D'accord.

M. Leblanc (Daniel): On n'a pas fait d'évaluation de coûts comme tels, mais comme vous avez pu le voir, comme on peut le sentir dans le programme du ministère pour l'aide à la forêt privée, on sent un certain manque de participation. Et, souvent, le problème invoqué, c'est qu'il y a une mise en marché déficiente dans le sens qu'ils coupent du bois, mais c'est pour le laisser en forêt. Ils ne sont pas tentés, les producteurs comme tels, à couper juste pour couper. Ils aménagent, oui. Il y en a une certaine partie qu'ils aménagent, mais, en grande majorité, ce n'est pas ce qu'on voit. Et le gros problème, souvent, c'est la mise en marché, être capable d'avoir un autre supplément. Je ne dis pas que les subventions sont nécessairement insuffisantes quoique, dans certains cas, ce n'est pas tout à fait...

Mme Bacon: Vous aimeriez avoir davantage.

M. Leblanc: Avoir la mise en marché de produits résiduels à sa forêt, c'est un avantage à l'aménagement. Ça, c'est indéniable.

Mme Bacon: À la page 12 du mémoire que vous nous aviez envoyé, vous parlez de la nécessité d'une étude d'impact économique pour évaluer tous les effets d'une centrale électrique alimentée au bois. Sur la base de l'information disponible, il me semblerait prématuré de nous engager, peut-être, dans cette voie-là. Il nous semble préférable de procéder d'abord à une étude de marché pour sonder l'intérêt d'utilisateurs potentiels pour une valorisation énergétique de la biomasse dans des usages plus immédiatement rentables que celui que vous préconisez. Moi, j'aimerais savoir si votre syndicat serait disposé à participer financièrement à une telle opération et s'il vous semble possible d'intéresser des industriels, des utilisateurs potentiels. Vous avez dit qu'il y a déjà des gens qui ont démontré un intérêt dans votre région. Est-ce qu'ils seraient prêts à participer avec vous? Peut-être qu'on pourrait regarder des possibilités.

M. Séguin (Pierre): Je dois vous informer que notre organisme, disons, au point de vue des lois, c'est très difficile de s'impliquer, mais que notre conseil d'administration est très intéressé à faire avancer des fonds pour promouvoir la promotion de ces projets-là. Disons que c'est nous qui avons défrayé tous les coûts de la préparation et ce qu'on espère, c'est de.. En réalité, on pense que, présentement, la loi et les

conditions de marché d'Hydro-Québec ne permettent pas aux promoteurs de se lancer. On pense que si on réussit, avec votre commission et en faisant une étude, à trouver, à démontrer... On est prêts à s'impliquer, nous, à la recherche d'un promoteur pour se lancer dans cette voie-là, mais...

Mme Bacon: Est-ce qu'il y a des industriels qui sont prêts à le faire avec vous?

M. Séguin (Pierre): Je ne peux pas répondre pour, mais je dois dire qu'il y a un intérêt. Mais je ne peux pas...

Mme Bacon: Ce serait trouvable.

M. Séguin (Pierre): Ce n'est pas impossible parce qu'on est très bien situés. Je dois dire qu'on se sent dans une position très confortable, surtout si Hydro-Québec veut participer d'une façon qui peut nous aider.

Le Président (M. St-Roch): Merci, Mme la ministre. M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: Merci, M. le Président. Messieurs, ça me fait toujours plaisir de rencontrer des syndicats de producteurs de bois parce que je garde un excellent souvenir. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion d'aller dans votre région et je suis au fait de votre problème de mise en marché de vos feuillus. Quand on est passés chez vous, c'est ce qu'on nous disait et c'est encore ce qu'on dit.

J'ai quelques questions. Premièrement, il y a une petite chose que j'aimerais vérifier. En tout cas, vous me corrigerez si je me trompe, mais vous mentionnez dans votre mémoire, à la page 1, que vous représentez les intérêts de 13 300 producteurs forestiers. Est-ce que ce n'est pas plutôt 13 300 propriétaires de lots boisés privés? Parce que 13 300 producteurs forestiers... Il y en a 25 000 environ au niveau de la Fédération des producteurs de bois du Québec au niveau provincial. Est-ce que vous en avez plus de la moitié chez vous? Ça ne serait pas une petite erreur, ça?

M. Séguin (Pierre): Vous avez tout...

M. Audet: Est-ce que vous faites partie de la Fédération, d'ailleurs, ou si...

M. Séguin (Pierre): Je dois vous avouer que notre organisme n'est pas membre de la Fédération.

M. Audet: O.K. Ça va.

M. Séguin (Pierre): Un mariage, vous savez, des fois il y a des séparations...

M. Audet: C'est resté comme c'était. Ça va.

M. Séguin (Pierre): ...et on peut juger être mieux...

M. Audet: Je vous demande ça parce que, tantôt, vous avez soulevé le fait que les programmes d'aide à l'aménagement de la forêt privée, dans votre région, ça vous a créé des problèmes. Évidemment, parce qu'ils sont basés sur les anciennes essences commerciales qu'on appelle: sapin, épinette, pin gris et tout ça. Chez vous, vous en avez moins, c'est surtout des feuillus. Mais, dans la mesure où le gouvernement est en train de mettre sur pied, par exemple, des tables de concertation pour fixer les objectifs de développements régionaux, pour régionaliser les programmes, est-ce que ça existe chez vous, ça, même si vous ne faites pas partie de la Fédération des producteurs de bois? Est-ce que vous avez monté ces tables-là?

M. Séguin (Pierre): Je dois vous avouer que les tables de concertation ont été mises en place par Terres et Forêts et non pas par la Fédération.

M. Audet: Non, non.

M. Séguin (Pierre): La Fédération a été payée pour faire l'ouvrage, pour nous envoyer la documentation. On a mis nos tables de concertation en place, on a produit un rapport qui a été acheminé au ministre Côté.

M. Audet: O.K. D'accord. Une chose qui me vient à l'esprit, la ministre l'a soulevée tantôt: Est-ce que, chez vous, ça serait concevable... Il y a une recommandation, d'ailleurs, dans le rapport - en tout cas, quand je pense qu'il fait son petit bonhomme de chemin - c'est au niveau de ce qu'on appelle des fonds forestiers, un fonds forestier provincial. Est-ce que, chez vous, ça ne serait pas intéressant, à un moment donné, de rencontrer des industriels et des gens qui sont intéressés à la forêt, à son exploitation ou qui en tirent des bénéfices, quels qu'ils soient, et vous monter une espèce de fonds forestier régional qui pourrait servir, par exemple, je ne sais pas, moi, à faire la promotion de la cogénération, entre autres, avec des usines de pâtes et papiers, des choses comme ça, pour éliminer les essences que vous n'êtes pas capables de passer sur le marché parce qu'il n'y a pas d'acheteur?

M. Séguin (Pierre): Nous en avons un présentement. C'est notre fonds de recherche qui nous a permis de se servir des sommes d'argent pour produire un document pour venir en commission. Disons qu'on est prêts à l'élargir pour l'étendre sur une plus grande échelle. Votre idée, je sais qu'elle a été semée, mais elle est bien reçue chez nous. Disons qu'on a des gens qui sont très dynamiques. Vous avez mentionné un

organisme qui, nous croyons, est très valable, mais il a des problèmes et il a oublié d'évoluer. Ça fait que nous pensons qu'il va évoluer, mais ça, c'est un autre problème. On n'est pas ici, je crois, pour régler ce petit...

M. Audet: O.K. Dans la mesure où, par exemple, demain matin, je ne sais pas... Je sais qu'il y a des gros efforts de faits chez vous, avec des industriels et tout ça, des gens du milieu, pour mettre sur pied des usines, par exemple, de panneaux agglomérés, je ne sais pas, là. Mon collègue de Papineau qui est dans cette région-là pourrait peut-être me corriger. Il n'y a pas eu des annonces d'usines récemment de faites pour...

M. Séguin (Pierre): II y a quelque chose.

M. Audet: ...justement écouler sur le marché les feuillus en surplus que vous avez?

M. Séguin (Pierre): Oui, il y a quelque chose qui est dans l'air sur ça. Mais lorsqu'on parle de biomasse, on ne parle pas de matière ligneuse qui...

M. Audet: Non, ça va.

M. Séguin (Pierre): ...pourrait servir soit pour de la pâte kraft ou des panneaux ou pour...

M. Audet: Oui.

M. Séguin (Pierre): Nous, on veut vraiment utiliser ce qu'on appelle les déchets...

M. Audet: Oui.

M. Séguin (Pierre): ...la sciure, l'écorce...

M. Audet: Oui.

M. Séguin (Pierre): ...vraiment les branches qui ne sont vraiment pas utilisables. On ne veut pas se servir de... On aimerait garder la matière ligneuse qu'on a pour des usines de transformation qui sont plus valorisantes que la biomasse comme telle. On est d'accord sur ça.

M. Audet: O.K. Ça va. En tout cas, ça va pour moi, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, M. le député de Beauce-Nord. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: M. le Président, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue parmi nous pour regarder ensemble tout ce problème-là de la cogénération ou, enfin, de la production d'électricité à partir des résidus forestiers. À date, il y a eu beaucoup d'études qui ont été faites au

Québec, un peu partout, et même c'est très populaire d'en parler. Moi, je dois vous dire que même dans la ville où je demeure, à Chapais, actuellement, tout le monde parle de ça. On parle de voir de quelle façon on peut faire de la cogénération ou de la production d'électricité. On nous parte d'étude à Senneterre, on nous parle d'étude à Amos, on nous parle d'étude dans les Cantons de l'Est, on nous en parle partout. Sauf qu'il y a un dénominateur commun en bout de piste, c'est que, nulle part, c'est rentable, pour toutes sortes de raisons. Évidemment, quand je regarde vos chiffres en annexe, dans les six annexes que vous avez, la seule façon d'arriver à dégager des revenus dans le scénario 2 de l'annexe 6... Disons qu'après, ça représente quand même un certain nombre d'hypothèses qui ne sont pas nécessairement réalisables ou faciles à réaliser et, encore là, on parle d'un revenu de 9000 $ par année, d'un bénéfice net de 9000 $ par année avec un investissement de 37 000 000 $. C'est difficile, effectivement, d'attirer des investisseurs privés pour un taux de rendement aussi précaire.

Enfin, moi, je me demande jusqu'à quel point c'est possible ou si vous avez fait des études ou si vous pensez regarder ça, la possibilité d'améliorer les technologies et peut-être de voir une approche qui soit différente de celle de la combustion, de la chaudière à combustion, comme on voit? Est-ce que vous pensez qu'il y a, quelque part, un moyen qui pourrait nous permettre, si on s'y mettait vraiment, de réussir à rentabiliser un tant soit peu ces investissements parce que, effectivement, le résidu forestier, c'est un gros problème?

M. Séguin (Pierre): Chez nous, ce n'est peut-être pas rentable, mais si on regarde chez nos voisins du Sud, c'est très rentable. J'ai des amis qui en vivent très bien et ils font la cogénération; c'est que, eux, ils considèrent leur aménagement forestier. Quelle valeur vous voulez mettre à la forêt? Une forêt de qualité, je ne vous parle pas d'une forêt... Écoutez, chez nous, on parle de chêne, on parle de bois blanc, on parle de merisier, on parle de noyer, de cerisier. Ce sont des bois de grande valeur. Ce sont les bois nobles. On veut les aménager. Ça prend du temps. À l'hectare, qu'est-ce que ça vaut une forêt? Écoutez, nous, on est dans le commerce du bois à tous les jours. Présentement, nos industriels, pour avoir du bois de qualité, sont obligés de l'importer des États-Unis, l'amener ici au Québec pour le transformer et pour pouvoir le revendre par après. En réalité, dans l'étude, les chiffres qu'on vous a donnés, c'est sûr et même c'était un peu voulu de montrer que c'était vraiment... C'est un scénario négatif. On n'a même pas mentionné la cogénération. Si vous ajoutez la cogénération, vous améliorez grandement la rentabilité d'une usine. C'est pour ça que nous, on pense qu'il faudrait que ce soit

étudié. Présentement, on ne croit pas qu'il y ait eu d'étude qui ait vraiment tenu compte du contexte qu'on a ici avec Hydro-Québec et une forêt, dans notre contexte québécois à nous. Je ne suis pas sûr s'il y a eu quelque chose. Je suis d'accord qu'il y à eu beaucoup d'études, mais c'est sûr qu'il faut prendre soin d'être à date dans la technologie, ça je vous le concède, mais je pense qu'il ne faut pas oublier l'aspect de l'aménagement de la forêt dans ce contexte qu'on a présentement ici au Québec.

Le Président (M. St-Roch): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Bienvenue à la commission, d'autant plus que ce dont vous parlez, j'ai eu l'occasion en 1976, à mon élection, de commencer déjà à en parler puisqu'il y avait tout le contexte de ce qu'on appelait le réseau non relié. Parent, dans mon comté, est un coin qui n'était relié par aucun système hydroélectrique. On devait monter à Parent, pour les génératrices qui permettaient la mise en place de l'électricité faite à Parent même, à partir du poste non relié de l'époque, du mazout qui faisait que, finalement, ça coûtait énormément cher. J'avais donc rencontré des gens du réseau non relié, on l'appelait de même à l'époque, et on a jasé entre nous autres pour savoir de quelle façon on pouvait amener de l'électricité à Parent. Comme la descente électrique du Grand-Nord arrivait au poste La Vérendrye, moi, je me disais dans ma petite tête à moi: Est-ce que ce serait possible de prendre à la station La Vérendrye une sous-station qui amènerait l'électricité à Parent? Les superbes messieurs, dames d'Hydro-Québec m'ont dit: M. le député, vous rêvez en couleur. C'est correct, parfait. Comme je rêvais en couleur, j'ai dit: À ce moment-là, on va peut-être rêver autrement. J'ai demandé au ministre de l'époque, M. Joron, de regarder la possibilité, justement, de la biomasse et d'usines thermiques pour fabriquer l'électricité. L'étude qu'on avait faite à l'époque dans le milieu... Parce que, là, il faut rappeler à des gens qui posaient des questions sur la biomasse tout à l'heure qu'on va aller chercher les racines et le faîte des arbres et qu'on va essayer de conserver le milieu de l'arbre à des fins économiques possibles, soit de déroulage ou d'autres, sauf que, quand ce n'est pas possible, on le prend au complet et on l'envoie à la biomasse, au complet. On m'a dit, à l'époque de 1979, que ça coûtait à Parent - toutes les études étaient faites - 7 000 000 $ pour faire une usine qui permettrait de donner l'électricité à Parent, au village et à l'usine de l'époque, qui est devenue Howard-Bienvenu en cours de route, et qui, elle, avait des idées d'aller plus loin dans son cheminement pour avoir un lieu de séchage et autre. Ça, ça été fait avec la compagnie Nouveler que vous connaissez, parce que moi, j'ai toujours dit qu'il n'y a pas nécessairement de nouvelles . énergies, il y a peut-être des énergies retrouvées ou renouvelées, et c'en est une, celle-là, d'ailleurs, qui est retrouvée par rapport à ce qu'on faisait dans le passé. Jusqu'au jour où les gens ont eu peur, et c'est peut-être un message à Hydro-Québec, de perdre leur monopole quand ils ont vu que Nouveler, parce qu'ils en faisaient partie, eux autres, avait l'intention de l'implanter; ça s'en venait. Ils ont décidé que c'était logique maintenant de relier Parent au poste de La Vérendrye et, aujourd'hui, à partir de 1985, il y a Parent qui est reliée au poste de La Vérendrye. Eux autres trouvaient irréaliste l'hypothèse de départ, parce qu'on avait justement fait les études pour arriver à l'usine thermique de Parent qui aurait pu servir de modèle partout ailleurs au Québec; on s'est retrouvé, finalement, avec des gens qui ont dit: Ah bien, maintenant, le métha-nol, n'y pensez plus et l'électricité, n'y pensez plus. C'était fini. Là, vous revenez avec cette idée que je trouve intéressante. (17 h 45)

C'est sûr et certain que, quand on regarde l'ensemble du dossier, vous faites mention du coût et, vous me le direz si j'ai tort, vous parlez d'une production qui est prévue chez vous de 22 mégawatts à raison de 1 500 000 $ par mégawatt pour la construction d'une usine, ce qui donnerait à peu près 33 000 000 $ pour l'usine comme telle. Ce seraient les chiffres que vous auriez vérifiés pour le moment, d'une usine qui serait chez vous et qui produirait 22 mégawatts. Est-ce bien ça?

M. Séguin (Pierre): C'est une firme de consultants qui nous a fourni ces chlffres-là. Donc, il ne s'en est jamais construit au Québec, alors c'est difficile...

M. Jolivet: Non, je le sais.

M. Séguin (Pierre): ...d'avoir un chiffre exact. Peut-être pour votre intérêt. Dans les années 1983-1984, il y a eu 22 projets qui ont été approuvés par Ottawa, des projets énergétiques par le programme ENFOR. Lorsque HydroQuébec est venue de l'avant avec son programme biénergie, ces 22 programmes ont été cancellés parce qu'il n'était plus rentable pour les industriels d'aller de l'avant avec ces projets-là.

M. Jolivet: Parce que, quand j'entendais des questions tout à l'heure, j'avais quasiment l'impression qu'on était en train de vous décourager en vous disant: N'y pensez plus; plutôt, utilisons votre bois et on va vous aider à aménager votre forêt et, à ce moment-là, peut-être que vous ne reviendrez plus avec cette idée farfelue de faire une usine thermique. Est-ce que, malgré tout ça, dans le contexte actuel, vous croyez que c'est réalisable et de quelle sorte d'aide avez-vous besoin pour que ce soit

réalisable? Est-ce que c'est Hydro-Québec qui doit investir? Est-ce que c'est le gouvernement qui doit vous aider? De quelle façon voulez-vous procéder?

M. Séguln (Pierre): Écoutez, je ne voudrais pas aller en avant des conclusions d'une étude qui pourrait être faite, mais moi, je crois que, si j'étais Hydro-Québec, j'aimerais avoir des alliés de mon côté et avoir une dizaine ou une vingtaine de petites usines qui produiraient. Il me semble que ce serait un atout pour eux autres. Je suis sûr que ce ne seraient pas les usines qui seraient les plus rentables, mais il y aurait peut-être des partenaires qui seraient très dynamiques et qui seraient impliqués dans le milieu et, comme on dit, qui seraient à la source des centres pour la distribution. Moi, je vois ça comme un gros plus. Je ne le sais pas, je pense que... Une étude, je reviens sur ce point-là, je crois qu'il y a beaucoup de choses à regarder de près, mais il faudrait qu'Hydro-Québec fasse l'exercice d'une façon qu'ils ne croient pas que ce soit une menace, mais que ce soit plutôt un atout pour eux autres et qu'il va se joindre un partenaire à eux autres.

M. Jolivet: O.K. Il y a deux choses que je vais vous dire. En vertu de la loi sur la nationalisation de l'électricité qui a été renouvelée par le Parti québécois, qui a été renouvelée par le Parti libéral, il y a la possibilité d'aménager des petites centrales, des toutes petites. À ce moment-là, ce que vous êtes en train de dire, c'est que ce que l'on a donné par loi, parce que j'ai cru comprendre tout à l'heure que vous dites: Pour nous, investir dans une usine thermique, si jamais on voulait investir un jour, la loi ne nous le permet pas et la loi ne nous donne pas les moyens de pouvoir mettre de l'argent avec Hydro-Québec dans ce sens-là.

M. Séguin (Pierre): La législation est un peu floue. Je ne suis pas un spécialiste dans le domaine, mais ça prendrait, comme on dit, une modernisation. Je crois que vous êtes des experts dans ça. Vous pourriez nous aider plus. Mais, présentement, ce n'est pas clair et je crois que c'est un des aspects qu'il faudrait améliorer.

M. Jolivet: Donc, ça, c'est une partie de la question dont je parlais et ce qu'on dit, la loi qui est renouvelée au niveau des acquis des petites centrales.

Maintenant, vous dites: On veut agir comme partenaires avec Hydro-Québec. Vous savez, des fois, j'ai l'impression... C'est une opinion bien personnelle que je donne là, mais avec ce que j'ai comme expérience depuis 14 ans maintenant en politique, je vais vous dire qu'à l'époque, quand je suis arrivé en 1976, encore une fois, quand on allait au ministère de l'Industrie et du Commerce, si tu n'amenais pas une grosse aluminerie, tu étais mieux de t'en aller chez toi parce que les petits projets, ce n'était pas intéressant pour eux autres. Les gars attendaient le cadeau de l'extérieur. Est-ce que vous avez l'impression, des fois, qu'Hydro-Québec. dans des dossiers comme ceux-là - je suppose que vous avez eu des contacts avec eux autres - agit comme disant: Écoute, nous autres, on s'occupe des gros barrages; les petits autres, laisse-nous tranquilles avec ça.

M. Séguin (Pierre): Oui, mais je crois qu'ils ne sont pas les seuls à mener la barque. Je pense que beaucoup de gens se sont aperçus que l'emploi est créé par les PME et non pas par les grosses industries. Je crois que si vous mettez une dizaine ou une vingtaine de petites entreprises en place, vous allez vraiment créer de l'emploi et non pas juste, comme on dit, quelques petits emplois dans une grosse entreprise.

M. Jolivet: Ce que vous êtes en train de nous demander aujourd'hui, en fait, c'est de nous sensibiliser, comme membres de la commission, avec une décision que la ministre aura à prendre et qu'Hydro-Québec aura à prendre, c'est-à-dire: Donnez-nous l'argent pour faire l'étude, peu importe le résultat de l'étude, on verra à ce moment-là; mais donnez-nous au moins la chance d'aller plus loin dans le cheminement qu'on a fait jusqu'à maintenant, aidez-nous financièrement pour le faire de façon à ce qu'on sache si c'est rentable, comme c'est ailleurs, dans certains cas, rentable, de mettre en place des usines thermiques qui produiraient la chaleur nécessaire à la fabrication d'électricité. Et, en conséquence, vous dites: II ne faudrait pas, dès le départ, nous dire que ça ne marchera pas.

M. Séguin (Pierre): Non. Nous, on est convaincus que si on prend tous les coûts cachés on peut démontrer que ça peut être rentable. Ça ne sera pas une affaire où on va faire des millions, mais si on prend tous les coûts cachés, on croit fermement qu'il y a l'avantage pour l'État et les producteurs privés.

M. Jolivet: En tout cas, quant à moi, je pense que c'est une avenue qu'il faut regarder et il faudrait, à ce moment-là, qu'Hydro-Québec accepte, soit par l'intermédiaire de la ministre ou par l'intermédiaire de sa propre décision à elle-même, d'aller dans ce sens-là. Maintenant, j'aimerais savoir de votre part si vous avez déjà eu des contacts avec Hydro-Québec ou si le fait de venir à la commission parlementaire aujourd'hui, c'est votre premier contact avec la commission, la ministre, pour aller ensuite vers Hydro-Québec? Si vous en avez eu, quels ont été les résultats jusqu'à maintenant?

M. Séguin (Pierre): Je vais demander à Daniel de répondre.

M. Leblanc: On n'a pas eu réellement de contact avec Hydro-Québec. On a plutôt reçu de l'information d'Hydro-Québec, par exemple, sur des projets. Plutôt avec le ministère de l'Énergie et des Ressources, je pense que c'est le Centre de valorisation de la biomasse...

M. Jolivet: Oui.

M. Leblanc: ...ou quelque chose du genre. On a reçu de l'information d'eux de nos consultants, de notre consultant plutôt. Puis, avec ces données on est partis, on a fait notre étude. Mais pour avoir un contact réel avec HydroQuébec, non. On aimait mieux pas trop mettre la chose à jour tout de suite.

M. Jolivet: Donc, le premier contact que vous avez de façon plus directe avec les gens de la commission, c'est un message que vous lancez de dire: Aidez-nous à finaliser l'étude; si l'étude, au bout de la course, en plus de ça, nous permet de valoriser à la fois la forêt publique et la forêt privée, tant mieux, on aura eu deux buts en en cherchant un seul. Je comprends ça de même.

M. Leblanc: Moi, je voulais juste préciser quelque chose à Mme la ministre. Quand vous parliez de cogénération au niveau des entreprises, les approches qu'on aurait peut-être faites avec des entreprises, il y a un gros problème qui risque d'arriver avec ces grosses entreprises-là justement. C'est que l'avantage qu'elles ont de faire de la cogénération ou d'utiliser les résidus de bois, c'est surtout pour disposer de leurs déchets. La forêt privée en question risque de ne pas nécessairement avoir sa part dans ce jeu-là. Je voulais juste préciser ça.

Le Président (M. St-Roch): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: En ce qui me concerne, je suis tout à fait d'avis avec mon collègue de Laviolet-te qu'il s'agit d'une piste que l'on doit explorer en termes d'utilisation des résidus forestiers. Le problème des résidus forestiers, il est vrai à la grandeur du Québec. Il est peut-être plus crucial chez vous dans la mesure où, entre autres, le copeau de feuillu n'est pas encore vraiment à la mode dans la fabrication des pâtes diverses. On aime mieux les copeaux de résineux. Dans ce sens-là, il y a plus de déchets aussi, de pertes avec les branches et, enfin, la grosseur des troncs, tout ça, ce qui entraîne un certain nombre de pertes supplémentaires.

Là où, je pense, on aura vraiment à travailler tout le monde ensemble pour arriver à déterminer une vraie politique, c'est dans la mesure où, finalement, au moment où on se parle, quand on regarde la rentabilité strictement par rapport à l'investissement, les données sont unanimes à peu près partout, ce n'est pas rentable. A tel point même que Cascades, dans les Cantons de l'Est, fait de la cogénération, mais n'utilise même pas ses propres résidus pour le faire. Elle le fait avec du gaz naturel et elle alimente ses usines de pâte avec de la vapeur à basse pression qui sort de ses turbines. Mais ces mêmes turbines-là, elles marchent au gaz naturel, elles ne marchent pas avec des résidus forestiers, parce que c'est encore moins cher de le faire au gaz naturel où elle réussit à le faire pour à peu près 0,04 $ le kilowattheure, alors que ça vous prend autour de 0,08 $ le kilowattheure, au minimum, avec les résidus forestiers.

Mais ceci étant dit, je pense qu'il ne faut pas s'arrêter là. Et vous avez tout à fait raison de pousser et de voir à ce qu'on étudie ça d'une façon beaucoup plus sérieuse parce qu'il n'y a rien qui dit que, parce que aujourd'hui ça ne coûte pas cher, l'hydroélectricité, ce n'est pas rentable de le faire. Mais il n'y a rien qui dit que, dans dix ans, ça ne sera peut-être pas une des alternatives que l'on aimerait bien avoir sous la main, ne connaissant pas de quelle façon, non plus, vont évoluer les prix de l'hydroélectricité au cours des prochaines années. Dans ce sens-là, je pense, en tout cas, avec vous, qu'il serait tout à fait intéressant de regarder quelque chose de ce genre-là à titre de projet expérimental, de projet pilote et de complément, finalement, de l'industrie forestière. Oui, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?

M. Séguin (Pierre): Non, non, c'est parfait.

Le Président (M. St-Roch): Alors, en conclusion, M. le député d'Ungava, pour remercier nos invités.

M. Claveau: Je vous remercie donc de votre présentation. Je m'excuse d'avoir été un peu long, mais il me semble que c'était intéressant de voir à quel point vous vous intéressez à cette situation-là et de faire la connotation de l'importance de l'intégration de la production de l'hydroélectricité à travers d'autres activités économiques. On n'est pas uniquement des consommateurs inconditionnels, mais on peut aussi avoir des activités de production d'électricité qui soient tout à fait complémentaires à celle de l'hydroélectricité et, éventuellement, à des coûts moindres. Entre autres, si on regarde le coût de la production de pointe à HydroQuébec, ce n'est pas évident qu'elle coûte uniquement 0,02 $ le kilowattheure, quand on parle de la technologie pour répondre à la demande de pointe. Et dans ces cas-là, on aurait peut-être avantage à regarder plus précisément des compléments comme les vôtres. Alors, merci de votre présentation.

Le Président (M. St-Roch): Merci, M. le député d'Ungava. Mme la ministre.

Mme Bacon: M. le Président, je pense que vous avez réussi à sensibiliser davantage les membres de la commission sur votre dossier de la biomasse. On n'en a pas entendu parler beaucoup quand même depuis le début de cette commission parlementaire. C'est important que vous l'ayez fait.

Maintenant, je pourrais peut-être vous informer qu'il y a un programme au ministère de l'Énergie et des Ressources qui donne des subventions pour des études de faisabilité. Il y a des gens du ministère qui sont ici avec moi qui vont vous rencontrer après. Déjà, c'est un début de sensibilité qu'on peut avoir à votre problème. Mais je pense qu'il y a des possibilités de faire des études de faisabilité chez vous qui seraient à même un programme de subventions de notre ministère. Alors, c'est un début. Merci.

Le Président (M. St-Roch): Merci, Mme la ministre. Je tiens à remercier les porte-parole du Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentides pour leur apport aux travaux de cette commission. Sur ce, la commission va suspendre ses travaux jusqu'à 19 h 30, en rappelant aux membres de la commission que nous procéderons, à ce moment-là, à l'étude des crédits du ministère du Tourisme.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

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