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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 18 février 1992 - Vol. 31 N° 98

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le statut de l'autonome dans l'industrie de la construction dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 185, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction


Journal des débats

 

(Quatorze heures quatorze minutes)

Le Président (M. Gauvin): Je déclare la séance de la commission de l'économie et du travail ouverte. J'aimerais inviter les participants, les visiteurs ou les observateurs à prendre place, s'il vous plaît, dans des fauteuils autant que possible. Merci.

Je rappelle que le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale sur le statut de l'autonome dans l'industrie de la construction dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 185, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.

M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Audet (Beauce-Nord) est remplacé par M. Kehoe (Chapleau), M. Bélanger (Laval-des-Rapides) est remplacé par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet) et M. Lemire (Saint-Maurice) est remplacé par M. MacMillan (Papineau).

Le Président (M. Gauvin): Merci.

J'aimerais vous rappeler... Je pense qu'on devrait revoir ensemble l'ordre du jour. Nos travaux devaient commencer à 14 heures. Nous avons quelques minutes de retard qu'on va tenter de reprendre à la fin de la séance de cet après-midi, avec votre consentement.

Le premier groupe, c'est le groupe de la Commission de la construction du Québec. Le deuxième groupe invité est la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. Le suivant, c'est la Centrale des syndicats démocratiques et le Syndicat des travailleurs de la construction du Québec. C'est ce qui complète les travaux prévus pour la séance de cet après-midi.

Je vais inviter M. le ministre à des commentaires d'ouverture s'il y a lieu. M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. Chers collègues, mesdames et messieurs, bonjour. La commission de l'économie et du travail est réunie aujourd'hui pour procéder à une consultation générale avec auditions publiques sur le statut de l'autonome dans l'industrie de la construction, et ce, dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 185, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.

Tout d'abord, je tiens à rappeler que depuis son dépôt à l'Assemblée nationale, le 14 novembre, et à l'occasion des consultations particulières que nous avons tenues le 6 décembre, le projet de loi 185 a fait l'objet de discussions entre les parties patronales elles-mêmes. Devant la confusion entourant la question du travailleur autonome, j'ai décidé, comme ministre du Travail responsable de ce projet, de tenir cette consultation.

À ce stade-ci, M. le Président, je me dois d'apporter des clarifications à certaines affirmations qui ont été véhiculées lors de la dernière commission parlementaire, à l'effet que le projet de loi 185 oblige un autonome à se faire accompagner d'un salarié pour effectuer des travaux de réparation, d'entretien et de rénovation. Nous avons même entendu sur les ondes certaines énormités telles que pour changer un fusible, il fallait dorénavant être deux et que le consommateur allait payer la facture.

Pour le bénéfice des membres de cette commission, je répète que le projet de loi 185 ne modifie en rien le champ d'application en ce qui touche les travaux de réparation, d'entretien et de rénovation. Ainsi, tous les travaux de réparation, d'entretien et de rénovation exécutés pour un consommateur, pour un logement qu'il habite, sont exclus du champ d'application de la loi présentement et le demeureront avec le projet de loi 185. Quant au secteur commercial et industriel, la loi actuelle prévoit que les travaux de réparation, d'entretien et de rénovation mineurs peuvent être exécutés par un travailleur autonome, et le projet de loi 185 maintient la même réalité.

Une telle mise au point, M. le Président, était nécessaire et j'espère que cet exercice, approuvé par un ordre de l'Assemblée nationale le 12 décembre, permettra d'approfondir la notion du travailleur autonome par l'audition des groupes concernés.

Je rappelle également qu'en proposant les changements inscrits au projet de loi 185 l'intention du législateur est de rétablir la notion de travailleur autonome, de lutter contre le travail au noir, de permettre la mise en place d'un fonds de formation pour le perfectionnement et le recyclage et de préciser les pouvoirs corporatifs de la Commission de la construction du Québec. De plus, il étend à tout entrepreneur de la construction la responsabilité, solidaire avec ses sous-traitants, du paiement des salaires dus

par ces derniers à leurs salariés et précise le droit applicable aux représentants d'une corporation ou d'une société oeuvrant sur les chantiers de construction. Enfin, le projet de loi 185 supprime l'obligation de publier dans les journaux la convention collective conclue par les parties et la requête demandant son extension juridique et il permet au gouvernement de déterminer les cas prévus par la loi où des frais, droits ou honoraires peuvent être exigés.

En terminant, M. le Président, je tiens ici à réitérer la volonté et la détermination du gouvernement de trouver des solutions acceptables pour l'ensemble de l'industrie de la construction et, plus particulièrement, sur le travailleur autonome. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Toujours, au niveau des déclarations d'ouverture, j'inviterais la représente de l'Opposition, Mme la députée de Chicoutiml, pour un maximum de 15 minutes.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, je voudrais d'abord remercier ceux et celles qui auront et qui ont accepté de venir témoigner devant cette commission pour la patience et la retenue dont ils font preuve depuis quelques semaines, pour ne pas dire quelques années. Malheureusement, l'impression qui se dégage de ce projet de loi est qu'encore une fois le gouvernement libéral n'a pas su ou voulu respecter les engagements pris à l'endroit des gens de la construction, tant les entrepreneurs que les employés.

Le ministre n'a pas écouté les revendications du milieu de la construction qui, après plusieurs débats, commissions, à la suite du rapport Sexton-Picard et de la multitude de mémoires qui ont suivi, n'a pas encore su répondre à l'industrie de la construction. Cette industrie, si rien n'est fait pour la relancer ou, à tout le moins, la redresser, deviendra moribonde, compte tenu du manque de cohésion des politiques gouvernementales. Je pense, en particulier, aux politiques fiscales et tarifaires sauvages, à la mauvaise coordination entre les ministères, au cancer qui ronge cette industrie: le travail au noir.

Le travail au noir, c'est une plaie qui fait perdre des milliers d'emplois par des illégaux, c'est-à-dire dont les heures sont déclarées ou les revenus déclarés et, par le fait même, prive le Trésor public, que ce soit la CSST, le système de santé, de revenus qui, par les temps qui courent, tendent à diminuer dangereusement. Je dis toujours que les problèmes de caisses qu'on connaît au Québec sont dus au chômage, au nombre trop élevé d'assistés sociaux et au travail au noir. On a 30 % de la population qui ne contribue plus à la caisse. Le travail au noir représente - il est important de le rappeler - selon une estimation sérieuse, pour les vrais travailleurs de la construction, un manque à gagner évalué, estimé à un montant entre 600 000 000 $ et 800 000 000 $. Ça représente un manque à gagner pour l'État de 300 000 000 $ à 400 000 000 $ annuellement.

Mais avant d'élaborer plus à fond sur la loi 185, j'aimerais faire une mise au point. Avant les fêtes, avant la fin de la session de décembre dernier, il y avait eu une entente de prise respectivement entre les leaders de l'Opposition et du gouvernement, le ministre et moi-même, à l'effet que l'adoption de la loi 185 était une priorité parce que la loi 186, c'était la loi 53 révisée, et 53 attendait sur les tablettes depuis juin 1985. Il n'y avait pas urgence en la matière si on se fiait à l'attitude du gouvernement face à cette loi depuis son élection. À la dernière minute, le ministre a décidé que c'était 186 qui passait et non pas 185. Alors, je voudrais bien qu'on soit clair là-dessus: l'Opposition n'a rien eu à faire là-dedans. J'aurai peut-être l'occasion d'y revenir.

Le projet de loi 186 est venu modifier 53 qui avait fait un large consensus, tant chez les entrepreneurs que chez les travailleurs de la construction. Pourtant, on aura pris sept ans à l'appliquer parce qu'elle va entrer en vigueur. Elle vient d'entrer en vigueur en janvier dernier, pas janvier mais février, si ma mémoire est fidèle, alors qu'elle avait fait un large consensus. Le projet de loi 185, nous sommes en train d'en disposer.

Le projet de loi 185. Le mandat de la commission, c'est de procéder à une consultation générale et tenir des audiences publiques sur le statut de l'autonome dans l'industrie de la construction. On est obligé de constater que le débat est polarisé. Ce qu'on entend dans les médias et les représentations qui nous sont faites dans nos bureaux, c'est soit que l'entrepreneur autonome est une victime, soit qu'il est responsable. Je dirais qu'ils sont probablement et l'un et l'autre. Victime, parce qu'on est en train de faire repasser sur le dos des entrepreneurs autonomes l'unique responsabilité du travail au noir, quand on sait que le travail au noir a toutes sortes de formes. Il revêt toutes sortes de manières de s'exprimer. C'est autant le fait du syndiqué qui travaille au noir, de l'ouvrier, d'une entreprise qui travaille au noir en fin de semaine sur la construction que du gros entrepreneur. Là, on a des cas précis, à savoir qui fait du travail au noir. Alors, ce n'est pas le fait - parce que ce serait facile à régler si c'était ça, la situation, le ministre le sait - exclusivement des entrepreneurs autonomes. Donc, à cet égard, ils sont un peu victimes.

Mais je dirais: Ils sont un peu responsables parce qu'ils ont permis que circule une certaine perception, quant à leur travail, qui est fausse.

Le ministre en a rappelé une. On venait dans mon bureau en me disant: Écoutez, pour changer un robinet, il va falloir qu'ils soient deux. J'ai dit... Et c'est soumis au décret. C'est pour ça que ça nous coûte cher. Alors, je disais: Écoutez, ce n'est pas vrai, y compris chez nous.

Je me permets de le rappeler, parce que Guy Chevrette, qui connaît particulièrement bien le dossier la construction, me disait: Je viens de faire construire une garde-robe, changer un mur de place. Ça m'a coûté 3000 $. Ça n'a pas de bon sens. Ça coûte trop cher, le décret. J'ai dit: Guy, ce n'est pas le décret. Alors ça, c'est une des choses qui est véhiculée qu'il est important de ramener. Et ça, là, je me dis: On n'a jamais intérêt à laisser circuler ce genre d'information. Ça n'a pas vraiment servi la cause, je me dois de le dire, des entrepreneurs autonomes.

À présent, est-ce qu'il associe exclusivement le travail au noir aux entrepreneurs? C'est court et c'est faire de la diversion. Mais comment expliquer la croissance phénoménale du travail au noir? Les charges fiscales et sociales imposées aveuglément sans considération pour le revenu expliquent en bonne partie le recours au travail au noir: impôt, taxes, tarifications de toutes sortes. Il y a celles que le contribuable ne peut éviter: l'essence - à moins d'être proche des lignes pour aller faire faire le plein au Nouveau-Brunswick ou aux États-Unis, vous ne pouvez pas y échapper - le vêtement, les couches de bébé, les meubles, les appareils électroménagers, la tarification d'Hydro-Québec, le permis de conduire, le permis d'immatriculation des voitures, les frais de scolarité, les taxes scolaires, municipales, l'alcool, le tabac, à moins d'avoir vos entrées... Ha, ha, ha! Bon.

Alors, voilà de nouvelles taxes, de nouvelles tarifications auxquelles aucun contribuable ne peut échapper. Il n'en reste qu'une à laquelle il peut échapper: c'est toutes les tarifications sociales reliées à l'exercice d'un emploi, dans la construction en particulier, et l'impôt. L'impôt direct, tous ceux qui sont perçus à la source, pas de problème, on paie, on ne dit pas un mot, on n'a pas le choix. Donc, ces personnes paient - on ne sait pas, je n'ai pas l'estimation - 5 %, 10 %, 15 % de plus que ce qu'elles devraient payer si tout le monde payait. Mais l'explication du travail au noir trouve sa source dans une fiscalité, une tarification sauvage qui a atteint tout le monde, indépendamment du revenu, et qui réussit à appauvrir tout le monde. Alors, aussi longtemps que le gouvernement n'aura pas compris qu'il faut revoir la fiscalité en fonction d'une fiscalité plus progressiste, on aura le problème du recours au travail au noir. Il est anormal qu'on paie des taxes sur des bottines au même titre qu'on les paie si on achète des chaussures de luxe, qu'on paie des taxes sur les produits de première nécessité. J'estime que le savon est parmi les produits de première nécessité au même titre que si on achète des produits de toilette extrêmement luxueux. Il y a quelque chose d'anormal dans ce système. Si on veut contrer le travail au noir, il va falloir qu'il y ait une certaine incitation à participer tous et chacun à la caisse.

Par ailleurs, le travail au noir est devenu accepté socialement et ça, c'est dangereux, c'est en train d'entrer dans nos moeurs. Il y a peu de temps, peu de personnes auraient accepté de dire: On me paie en dessous de la table et je ne paierai pas d'impôt. On se serait tous plus ou moins sentis coupables. C'est en train de devenir quasiment la norme; tu as l'air d'un innocent si tu fais comme j'ai fait. J'ai fait exécuter des travaux chez nous. Je les ai déclarés, c'est-à-dire que je les ai déclarés, je suis passée par toute la procédure légale et normale et on m'a dit: Écoute, tu es niaiseuse parce que ça se fait de moins en moins. (14 h 30)

Si on ne trouve pas le moyen de rétablir... Et là, je vois des députés qui rient pour la même raison. Je suis certaine qu'il y a de mes collègues qui acceptent le travail au noir. Je suis certaine qu'il y en a de l'autre côté aussi. On ferait le tour un peu et ça m'étonnerait qu'on n'en trouve pas. Quand on est en train de faire ce genre d'exercice, il m'apparaît important de comprendre que le travail au noir au Québec est devenu socialement acceptable. Et ça, là... Ne nous étonnons pas que ceux qui paient des impôts vont finir par en payer de façon à être complètement étouffés et ça explique un peu ce qu'on appelle la colère des contribuables.

L'entrepreneur autonome, qui fait l'objet de la présente session, est-il victime ou responsable? Je pense qu'il est un peu les deux. Il n'est pas plus responsable que d'autres secteurs d'activité du travail au noir et il est un peu victime de cette espèce de propagande qu'on a entreprise autour de sa pratique. Cependant, il est aussi responsable parce que - je pense qu'il faut le dire à l'ouverture de cette commission - à ma connaissance et à la connaissance que j'ai de la loi 31, elle prévoyait réserver des champs de compétence très précis au travailleur autonome: rénovation, réparation et entretien dans le domiciliaire et dans le commercial. La loi ne prévoyait pas qu'ils entreraient sur les chantiers de construction.

Par ailleurs, ce qu'il faut également dire, c'est que certaines personnes ont l'impression que de travailler, de demander des travaux à des entrepreneurs qui embauchent des employés qui sont soumis au décret, ça coûte énormément plus cher. Vous n'avez qu'à faire le test. Si vous allez chercher un petit entrepreneur et un grand entrepreneur, si les deux déclarent les heures travaillées, ils vous chargent sensiblement la même chose, y compris dans les travaux domiciliaires de rénovation et de réparation. Alors, moi, je me dis: II y a comme un peu de mythe qu'il va falloir laisser tomber.

À présent, les questions qui se posent et sur lesquelles il serait intéressant que nous puissions faire la lumière au cours de la présente commission: Le législateur a-t-il l'intention de rendre la définition du travailleur autonome conforme aux intentions du législateur à l'occasion de l'adoption du projet de loi 31? Seul le ministre le sait. Le législateur a-t-il l'intention de changer d'avis et d'élargir le champ de compétence des entrepreneurs autonomes de la construction tet qu'il est demandé par certains entrepreneurs autonomes? La réponse appartient au ministre.

Quelles mesures concrètes le ministre entend-il prendre pour limiter la pratique au noir dans l'industrie de la construction? Par exemple, est-ce qu'il exigera des municipalités que les informations touchant le nombre d'heures requises pour exécuter des travaux de construction soient données au moment de l'émission des permis de construire? Ça permettrait d'aller chercher des informations, de faire ce que j'appellerais des vérifications ponctuelles quant aux heures déclarées et aux heures effectivement contenues dans les contrats. Est-ce que le ministre a l'intention de confier à la Commission de la construction du Québec, tel que ça a été déjà le cas, le pouvoir d'intenter des poursuites pénales de manière à réduire les délais entre le constat de l'infraction et l'imposition de pénalités ou d'amendes?

Le ministre a-t-il l'intention d'examiner la possibilité de déduire du revenu d'un particulier les frais reliés aux heures, au travail, au salaire d'un ouvrier qui effectue des travaux, soit de construction, de rénovation ou de réparation dans le domiciliaire? On sait que dans le commercial industriel, ça ne pose pas de problème; ça l'est déjà. Mais dans le domiciliaire, est-ce qu'il envisage la déduction d'impôt? Quant aux dispositions touchant la constitution d'un fonds de formation de la main-d'oeuvre en construction, le ministre a-t-il l'intention de conserver cette disposition dans le projet de loi 185? Le ministre a-t-il l'intention de faire adopter cette loi au cours de la présente session ou prendra-t-il prétexte des travaux parlementaires nombreux et prioritaires tels le discours du trône - pour ceux qui ne sont pas vraiment familiers avec les procédures, vous savez ce que ça veut dire; ça prend une partie du temps de l'Assemblée nationale - le discours du budget, les modifications possibles, envisagées, envisageables ou hypothétiques à la loi sur les référendums ou à la loi 150?

Est-ce qu'l prendra prétexte de tous ces travaux pour laisser dormir la loi? Je ne le sais pas. Je l'ignore. Seul le ministre saurait nous le dire. Mais ceux et celles qui pensent que l'Opposition officielle seule peut obliger le gouvernement à adopter une position contre son gré s'illusionnent. Il y a longtemps que j'ai perdu cette illusion. Tout au plus, l'Opposition sert de prétexte pour reporter une loi quand ça fait l'affaire du gouvernement. Dans le projet de loi 185, il y a cependant pour nous un élément capital sans lequel nous ne pourrions donner notre consentement. C'est la création d'un fonds de formation pour la main-d'oeuvre en construction.

Je voudrais terminer sur une note plus personnelle. Je ne suis pas de celles qui pensent que la relance économique passe par l'appauvrissement des travailleurs et plus particulièrement des travailleurs de la construction. Si on nie aux travailleurs de la construction des conditions décentes de travail, on nie leur droit à la propriété et on diminue leur capacité de consommer. Il faut se rappeler que dans les coûts horaires d'un travailleur de la construction, ce qu'il met effectivement dans ses poches représente environ 60 % de ce que ça coûte effectivement à l'employeur parce que vous avez toute une série de tarifications - et on en a ajouté avec 186 - qui viennent augmenter les coûts de la construction et ça n'enrichit pas davantage le travailleur.

Là-dessus, je termine et nous entendrons avec plaisir les commentaires, avis et propositions des organismes qui se présenteront devant nous. Je vous remercie.

Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la députée. J'inviterais le premier groupe à prendre place - et je pense que c'est déjà fait - le groupe de la Commission de la construction du Québec, représenté par Me Alcide Fournier, président-directeur général. Avant de l'inviter à nous présenter ses collaborateurs, j'aimerais vous rappeler que vous avez 30 minutes pour présenter votre argumentation, votre mémoire ici, aux membres de cette commission; le ministre et ses collègues ont 30 minutes et l'Opposition a aussi 30 minutes pour échanger avec vous, pour un bloc de 1 heure et 30 minutes. Donc, j'invite Me Fournier à nous présenter ses collaborateurs et, après coup, à nous présenter son mémoire.

Auditions Commission de la construction du Québec

M. Fournier (Alcide): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je voudrais vous présenter, à mon extrême gauche, Me Jean Ménard, directeur du contentieux, et M. Jean-Luc Pilon, directeur de la recherche; à ma droite, M. Claude Boivin, conseiller responsable de l'application du décret, et M. Michel Hamelin, qui est directeur du service du décret et des services opérationnels à la Commission.

Étant donné le rôle central qu'occupe la Commission de la construction du Québec dans l'application de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'?uvre dans l'industrie de la cons-

truction, permettez-moi, en guise de préambule, de vous présenter brièvement cet organisme.

Créé le 1er janvier 1987 afin de favoriser une meilleure représentation des gens du milieu de la construction, la Commission de la construction du Québec remplace l'Office de la construction du Québec. Par son conseil d'administration qui compte 13 membres, la CCQ regroupe les représentants des différentes associations de salariés et d'employeurs, facilitant l'établissement d'un climat de travail favorable dans l'industrie. La présence de représentants du gouvernement du Québec au sein de son conseil d'administration fait de la CCQ un lieu de rencontre privilégié où les gens du milieu peuvent contribuer à définir des politiques favorables au développement de leur industrie. Soulignons que le financement de la CCQ est totalement assuré par les salariés et les employeurs de la construction.

J'aimerais également vous rappeler les principaux mandats que le législateur a confiés à la CCQ. Premièrement, la Commission doit veiller à l'application de la convention collective ou du décret régissant les conditions de travail dans l'industrie de la construction. Ce mandat, dont l'origine remonte aux années trente, constitue la principale activité de la Commission. Il implique le maintien de 13 bureaux régionaux pour desservir adéquatement l'ensemble du territoire québécois, le maintien d'un service de vérification de livres, d'inspection de chantiers et d'un service à la clientèle, l'exercice de tous les recours qui naissent du décret en faveur des salariés, la perception des cotisations patronales versées à l'association des employeurs et des cotisations syndicales versées aux associations représentatives, la perception et la remise biannuelle d'indemnités de paie de vacances, l'administration d'un fonds spécial d'indemnisation protégeant les salariés contre toute perte du revenu résultant d'une faillite de leur employeur.

Deuxièmement, la Commission doit administrer les régimes complémentaires d'avantages sociaux. Ce mandat implique l'administration des régimes d'assurance-vie, d'assurance-salaire et d'assurance-maladie pour plus de 80 000 salariés de la construction, l'administration d'un régime de retraite qui compte 350 000 participants actifs, 35 000 retraités et dont l'actif, géré conjointement avec la Caisse de dépôt et placement du Québec, s'élève à plus de 3 300 000 000 $, la signature d'ententes de réciprocité avec d'autres régimes canadiens ou américains.

Troisièmement, la Commission doit veiller à l'application de la loi et des règlements se rapportant à la gestion de la main-d'oeuvre, dont le contrôle de la compétence des travailleurs oeuvrant sur les chantiers de construction. Ce mandat implique la délivrance et le renouvellement des certificats de compétence à près de 145 000 travailleurs et employeurs. Pour être plus précis, c'est 152 400. La surveillance du respect des critères de priorité d'embauché, l'émission de licences aux agences syndicales de placement ainsi que le contrôle de leur respect du code d'éthique, le maintien d'un service de références des salariés disponible aux employeurs.

Quatrièmement, la Commission doit veiller à l'application des mesures et programmes relatifs à la formation professionnelle de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Ce mandat, confié à la Commission en janvier 1987, implique l'élaboration et la mise en oeuvre d'un système intégré de formation et de qualification professionnelle en collaboration avec les représentants des parties syndicale et patronale, l'évaluation annuelle des besoins quantitatifs et qualitatifs de la main-d'oeuvre de l'industrie de la construction.

Cinquièmement, la Commission doit organiser périodiquement le vote d'adhésion syndicale. Ce vote détermine le degré de représentativité des associations syndicales. Il est l'une des caractéristiques fondamentales du pluralisme syndical qui prévaut dans le régime de relations de travail de l'industrie québécoise de la construction. Finalement, la Commission doit effectuer l'inspection concernant la vérification des licences des entrepreneurs en construction.

Ayant précisé le rôle de la CCQ, je voudrais maintenant vous entretenir de deux sujets particuliers, soit le statut d'entrepreneur autonome et l'institution des poursuites pénales pour les infractions à la loi R-20. Notre présentation ne portera pas sur les aspects politiques du projet de loi 185, mais plutôt sur ses aspects administratifs.

Le projet de loi 31, adopté le 15 juin 1988, avait pour objet, tel que spécifié dans les notes explicatives, de déréglementer certains travaux dans l'industrie de la construction, d'introduire la notion d'entrepreneur autonome en précisant les travaux qu'il peut exécuter, de ne plus retenir la notion d'artisan, d'octroyer à la Commission de la construction du Québec des pouvoirs accrus pour assurer l'exécution de son mandat et d'augmenter le montant des amendes.

Cette déréglementation et l'introduction de l'entrepreneur autonome en le limitant à certains travaux modifiaient le champ d'application de la loi comme suit. Alors, là, on vous présente un tableau pour essayer de présenter de façon graphique ce qui est assujetti à la loi, ce qui n'est pas assujetti à la loi et qui peut faire quoi. Si vous me permettez, je vous proposerais d'abord d'étudier la ligne d'en haut et la ligne d'en bas, pour revenir ensuite à la ligne du milieu.

À la ligne d'en haut, il s'agit des travaux de réparation, d'entretien, de rénovation, de modification et de construction d'un garage ou d'une remise. Si ces travaux sont faits dans le secteur résidentiel pour une personne qui y habite, ils ne sont pas assujettis à la loi, depuis

l'adoption du projet de loi 31. Pour ce qui est de la construction neuve, qu'elle soit résidentielle, commerciale, Industrielle, institutionnelle ou de génie civil, elle est assujettie à la loi et elle doit être exécutée par un employeur ayant des salariés ou, exceptionnellement, par un entrepreneur autonome, c'est-à-dire l'entrepreneur autonome en machinerie lourde. C'est la seule exception. (14 h 45)

Pour ce qui est de la section centrale du graphique, vous avez les travaux de réparation, d'entretien, de rénovation mineurs, de rénovation, de modification et de démolition. S'il s'agit de travaux effectués dans le résidentiel, c'est-à-dire autrement que pour une personne qui y habite, par exemple, immeuble à logements multiples, dans le secteur commercial ou le secteur industriel, institutionnel et de génie, les employeurs et les salariés de l'industrie de la construction sont autorisés à faire ces travaux-là, également, l'entrepreneur autonome en machinerie lourde et, pour l'entrepreneur autonome, il peut faire les travaux de réparation, d'entretien et de rénovation mineurs dans ces secteurs-là.

Alors, si je résume rapidement, réparation, entretien, rénovation, modification et construction d'un garage ou d'une remise attenante à la résidence d'une personne qui y habite, ces travaux-là ne sont pas assujettis à la loi. Pour les travaux de construction neuve, que ce soit dans le résidentiel, le commercial, l'industriel, l'institutionnel, le génie, ces travaux sont assujettis à la loi et l'entrepreneur autonome en machinerie lourde peut également y participer. Pour la réparation, l'entretien et la rénovation dans le secteur résidentiel à un immeuble à logements multiples, l'entrepreneur autonome peut faire ces travaux-là. Par contre, il ne peut pas faire les travaux de rénovation, modification, démolition dans le commercial, l'industriel, l'institutionnel, le génie civil. Alors, je ne sais pas si tout est clair. De toute façon, on pourra y revenir lors de la période de questions et le texte qui suit dans le mémoire continue d'expliquer un peu la situation de l'entrepreneur autonome.

Ainsi, la loi reconnaissait le contexte particulier de l'industrie de la construction et réservait, sauf exception, aux employeurs et aux salariés le secteur de la construction neuve. Par ailleurs, elle permettait aussi à l'individu qui agissait avant comme artisan de continuer d'oeuvrer à l'intérieur de l'industrie de la construction à titre d'entrepreneur autonome en le limitant toutefois à certains travaux. Il faut aussi souligner que ce statut n'est pas définitif. En effet, l'entrepreneur autonome pouvait ultérieurement choisir le statut d'employeur ou de salarié.

D'autre part, en déréglementant certains travaux, la loi donnait à l'ex-artisan la pos- sibilité d'exercer sa spécialité dans le secteur nouvellement exclu du champ d'application de la loi. Par exemple, pour effectuer la rénovation de sa salle de bain, le consommateur n'avait plus l'obligation de confier ce genre de travail à une entreprise ou à une personne soumise au décret de la construction. Car en excluant du champ d'application de la loi les travaux d'entretien, de réparation, de rénovation et de modification d'un logement habité par une personne physique pour qui les travaux sont effectués, la loi ouvrait un vaste secteur d'activité pouvant ainsi être occupé par les artisans.

Soulignons que les travaux de rénovation et de réparation confiés à contrat par les propriétaires occupants sont évalués par Statistique Canada à 1 800 000 000 $ au Québec en 1989. Cependant, une fois les modifications législatives en vigueur, la Commission s'est heurtée dans leur application à des difficultés sur le plan juridique. En fait, la définition de l'entrepreneur autonome est très stricte. Elle se lit comme suit: «Un entrepreneur titulaire d'une licence d'entrepreneur spécialisé délivrée en vertu de la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs de construction, qui exécute lui-même, pour autrui et sans l'aide de salariés: "i. des travaux de construction visés à la présente loi, si cette licence est relative aux sous-catégories «Entrepreneurs de machineries lourdes» ou «Entrepreneurs en excavation et terrassement»; "il. des travaux d'entretien, de réparation et de rénovation mineure visés à la présente loi, si cette licence est relative à toute autre sous catégorie».

Ainsi, un individu travaillant seul à son propre compte peut ne pas correspondre à la définition d'entrepreneur autonome ni à celle d'employeur ou de salarié. Il tombe alors dans un vide juridique et n'est soumis à aucune disposition de la loi. Ces difficultés proviennent surtout des différents types d'entité juridique (personne physique, société ou compagnie) qu'une entreprise peut adopter pour oeuvrer sur les chantiers de construction. Dépendamment du choix d'entité juridique, l'entreprise peut se soustraire à l'application de la loi. Il me paraît important de souligner ici certaines considérations qui semblent fondamentales dans l'application de la loi.

D'abord, il faut mentionner que la loi s'applique aux employeurs et aux salariés de l'industrie de la construction et que tout le fondement de cette loi se retrouve dans cette relation entre l'employeur et le salarié. La seule exception à cette relation toujours présente est l'entrepreneur autonome, quoique la loi lui confère expressément le statut d'employeur pour les fins d'application de certaines responsabilités et obligations.

Par conséquent, la loi telle que rédigée, en se limitant à la relation employeur-salarié, omet la notion d'entrepreneur spécialisé sans salariés

qui n'est pas un entrepreneur autonome ou, si vous voulez, qui ne correspond pas strictement à la définition de l'entrepreneur autonome. Du seul fait qu'une personne seule s'incorpore ou qu'un groupe d'individus s'organise en compagnie ou en société pour effectuer, sans l'aide de salariés, les travaux de construction, permet à chacune de ces personnes physique, par l'intermédiaire de leur entité juridique, de se soustraire à l'application de la loi et de ses règlements.

La Direction des affaires pénales du ministère de la Justice et le service juridique de la CCQ n'ont pas tardé à soulever ces vides juridiques dans l'application de la loi. La Direction des affaires pénales, pour sa part, a émis plusieurs avis juridiques à cet effet. Elle a retourné à la CCQ fa majorité des plaintes pénales relatives au régime de l'entrepreneur autonome sous le motif que l'entreprise, de par son entité juridique, n'était pas assujettie à la loi et ne pouvait donc être poursuivie, si bien que la Commission ne peut plus, dans les faits, émettre de constats d'infraction à l'égard de ces entrepreneurs.

D'ailleurs, dès la mise en vigueur du projet de loi 31, nous avons assisté à la transformation des entités juridiques des artisans. Ceux-ci étant généralement des personnes physiques travaillant à leur propre compte, ils n'ont pas hésité à s'incorporer pour se soustraire à l'application de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Également, des individus, se regroupant en compagnie ou en société afin de faire affaire ensemble, se sont soustraits à la loi; ils ont ainsi soumis les employeurs de l'industrie de la construction à une concurrence déloyale.

Cette situation semble discordante avec les objectifs que visait le projet de loi 31. Si ces lacunes ne sont pas corrigées, elles continueront à favoriser le travail au noir chez les employeurs assujettis, étant donné la concurrence difficile entre ceux qui, d'un côté, sont soumis aux règles régissant l'industrie de la construction et, de l'autre, les entrepreneurs sans salariés qui se servent d'une charte ou d'un contrat de société pour se soustraire à ces mêmes règles, car ils ne sont pas, par omission, couverts par la loi.

Les modifications proposées dans le projet de loi 185 à l'égard de la notion d'entrepreneur autonome et sur le représentant désigné d'un employeur au sein de l'entreprise viennent corriger les situations ambiguës et les vides juridiques qu'on retrouve dans l'application de la loi. En effet, en établissant clairement le principe que les sociétaires d'une société et les administrateurs d'une compagnie seront considérés soit comme entrepreneurs autonomes, soit comme salariés lorsqu'ils travailleront sur un chantier de construction assujetti, tout en permettant à un représentant désigné d'agir comme employeur, on oblige l'entreprise à respecter les règles de l'industrie de la construction.

À titre d'exemple, si trois administrateurs d'une compagnie décident d'effectuer des travaux de construction sans l'aide de salariés, ils devront se conformer aux dispositions de la loi et un seul de ces derniers aura le statut d'employeur. Plus précisément, ils devront, entre autres, respecter les conditions du décret, d'où la concurrence sur une même base pour les autres employeurs. Les modifications apportées par le projet de loi 185 viennent clarifier le statut de l'entrepreneur autonome et permettre une meilleure compréhension des différents statuts des personnes assujetties.

J'entends maintenant exposer la problématique de l'institution des poursuites pénales pour les infractions constatées à rencontre de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Cette problématique tient compte de l'expérience vécue depuis qu'une modification à cette loi accordait au Procureur général le mandat exclusif d'intenter ces poursuites, et aussi de deux résolutions unanimes des membres du conseil d'administration de la Commission en faveur du retour à la Commission du droit de poursuite.

La situation sera analysée en trois volets: d'abord, sur le plan des principes qui sous-tendent le droit de poursuite, puis sur celui des conséquences économiques et, enfin, quant aux aspects pratiques et fonctionnels reliés à la gestion des plaintes pénales.

Concernant les principes qui sous-tendent le droit de poursuite, tant le droit criminel canadien que le droit pénal québécois adoptent le principe que tout justiciable peut intenter une poursuite. Ce principe était clairement énoncé à la Loi sur les poursuites sommaires et il a été repris dans le nouveau Code de procédure pénale.

Suit ce texte, une longue citation et je vous amène maintenant à la page 16 pour vous dire que, dans les faits, plusieurs organismes assument présentement, à la satisfaction des intéressés, le port des poursuites pénales relevant de leur champ d'activité. Dans le domaine professionnel et dans celui des relations du travail, on peut citer les corporations professionnelles: la Corporation des maîtres électriciens du Québec, la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie, les comités paritaires. Dans d'autres domaines, signalons aussi le pouvoir de la CSST d'intenter des poursuites pour les infractions à la Loi sur la santé et la sécurité du travail et à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Concernant les considérations économiques, soulignons que l'industrie de la construction, tant par ses employeurs que par ses salariés, assume présentement entièrement le coût relatif à l'inspection et aux enquêtes menant à l'institution de poursuites pénales intentées en vertu de la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre

dans l'industrie de la construction.

En effet, ce sont uniquement les inspecteurs à l'emploi de la CCQ qui sont chargés de surveiller les chantiers de construction, d'inspecter les livres des employeurs et de faire enquête à la suite des plaintes. Ce sont eux qui rédigent les rapports de chantier, qui signent les constats d'infraction et qui témoignent devant le tribunal. La CCQ assume d'autres coûts administratifs importants à cet égard, tant sur le plan du personnel clérical qu'en coûts de développement et de traitement informatique.

C'est ainsi que, pour l'année 1990, l'inspection des chantiers a coûté à la CCQ la somme de 8 300 000 $. La majeure partie de ce montant est imputable aux constats d'infractions pénales. Durant la même période, l'inspection de livres a coûté à la CCQ la somme de 12 800 000 $. Si la majeure partie est imputable aux réclamations civiles, une part est attribuable aux plaintes pénales. Ces sommes sont entièrement financées par l'industrie.

Au chapitre précédent, nous avons fourni des exemples d'organismes habilités à intenter des poursuites pénales. Les lois pertinentes précisent qu'en pareil cas, l'amende revient à l'organisme poursuivant. On peut d'ailleurs déceler une tendance générale, pour le législateur québécois, de faire bénéficier l'organisme qui assume la charge d'appliquer une loi du montant des amendes perçues pour les infractions à cette loi. C'est ainsi que le nouveau Code de la sécurité routière permet maintenant le transfert aux municipalités de la totalité des amendes imposées en la matière, alors qu'auparavant, celles-ci n'avaient droit qu'aux amendes relatives à certaines infractions. Cette loi permet même à une municipalité de recevoir une partie des amendes lorsqu'elle choisit de ne pas intenter elle-même les poursuites qu'elle a constatées sur son territoire.

Pour l'année 1990, la CCQ a transmis au Procureur général du Québec 24 000 recommandations de poursuites pénales pour infractions à la Loi sur les relations de travail. En tenant compte d'un montant d'amende moyen de 350 $, en tenant compte également d'un certain pourcentage d'acquittements ou de plaintes ne donnant pas lieu à la perception d'amendes pour d'autres raisons, soit retrait, dossier refusé, etc., on peut arbitrairement fixer une moyenne de revenu d'amendes à 200 $ par dossier.

C'est donc dire qu'un montant total de 4 800 000 $ aura été perçu en amendes pour l'année 1990 pour des infractions à la loi. Ce montant représente 9,4 % des dépenses totales de la Commission pour l'année 1990, lesquelles se chiffraient à la somme de 51 000 000 $. Le montant des amendes étant entièrement versé à l'État, on peut donc conclure que c'est l'industrie de la construction qui est appelée à supporter seule, pour un montant équivalent, le coût de sa discipline professionnelle, il s'agit donc de la seule industrie à assumer entièrement ses coûts sans avoir le bénéfice des amendes.

En ce qui concerne les aspects pratiques et fonctionnels, il n'est pas question ici de faire le procès des procureurs de la couronne chargés, depuis 1987, de plaider les poursuites pénales intentées en vertu de la loi. Les responsables de la CCQ entretiennent d'excellentes relations avec la Direction de affaires pénales et cette dernière manifeste un souci de mener à bien la mission de gérer les poursuites pénales relatives à la construction. (15 heures)

Force nous est toutefois de constater que le fait que les poursuites pénales ne soient pas intentées par la CCQ a entraîné, sur les plans pratique et fonctionnel, des conséquences fâcheuses tant pour l'industrie que pour l'application efficace de la loi, nuisant à la lutte contre le travail au noir. Il n'entre pas dans le cadre de notre présentation de mettre le doigt sur les causes de cet état de fait; il s'agit plutôt de dresser un bilan succinct à la lumière de l'expérience vécue jusqu'ici.

Commençons par le champ d'application de la loi. Selon l'article 21 de la loi, le commissaire de la construction a la juridiction exclusive de trancher toute difficulté d'interprétation ou d'application du champ d'application de la loi. La nécessité de recourir au commissaire ne fait pas l'unanimité chez les procureurs; de plus, l'opportunité de référer un dossier particulier ne paraît pas toujours évidente. Il s'ensuit que la question de l'assujettissement est parfois tranchée par le juge pénal. L'expérience a démontré que cette façon de procéder entraîne une érosion du champ d'application de la loi par le jeu du bénéfice du doute accordé libéralement à l'accusé.

De plus, les procureurs de la couronne ne plaident pas devant le commissaire de la construction. Il s'ensuit qu'un même dossier sera plaidé par deux avocats différents, soit celui de la CCQ devant le commissaire et le procureur de la couronne devant la Cour du Québec. Il va de soi que cette manière de procéder entraîne des délais inévitables ainsi qu'une complication administrative source d'inconvénients. Dans le même ordre d'idées, il serait également souhaitable qu'il n'y ait qu'un seul forum, à savoir un tribunal spécialisé pour la construction. Cette disposition rendrait l'application de la loi plus uniforme.

La lutte contre le travail au noir constitue un objectif auquel tous les milieux se rallient. Les moyens judiciaires qui peuvent être mis en oeuvre pour atteindre cet objectif sont de deux ordres: on a, d'une part, les recours civils, qu'il s'agisse de réclamations de salaire ou de recours en injonction; on peut, d'autre part, intenter des poursuites pénales contre ceux qui ont commis une infraction à la loi, à ses règlements ou au décret.

Le fait de confier au même organisme la

responsabilité de ces deux instruments judiciaires ne peut que résulter en une meilleure coordination des recours et, par conséquent, favoriser une plus grande efficacité dans la lutte contre le travail au noir. À titre d'exemple, si la Commission de la construction du Québec était de nouveau habilitée à intenter les poursuites pénales pour les infractions à la loi, elle serait en mesure d'assurer une plus grande rapidité d'intervention sur les chantiers problèmes, en orchestrant les recours pénaux en même temps que les poursuites civiles.

Finalement, le retour du droit de poursuite pénale à la Commission permettrait de combler certaines lacunes au niveau du suivi des poursuites intentées. Présentement, la CCQ reçoit peu d'information sur les poursuites pénales intentées soit en matière de qualification professionnelle, soit en matière de respect de la convention collective ou du décret, soit sur toute autre matière pouvant faire l'objet d'une poursuite pénale en vertu de la loi R-20. Cette absence de feedback amène comme conséquence une baisse de motivation parmi les inspecteurs chargés de faire respecter la loi. De plus, cette carence n'aide pas les gestionnaires dans leurs prises de décisions en rapport avec les actions à mener pour une application efficace de la loi. Il va de soi que si c'était la CCQ qui était le poursuivant, elle disposerait rapidement de toutes les informations pertinentes.

Conclusion. Concernant le statut d'entrepreneur autonome, il nous semble évident que la définition de l'entrepreneur autonome, par ses omissions, amène des difficultés dans l'application de la loi entraînant, en conséquence, des effets indésirables sur la concurrence dans l'industrie de la construction. Le projet de loi 185 clarifie la définition de l'entrepreneur autonome, permet une meilleure compréhension des différents statuts des personnes oeuvrant dans l'industrie de la construction assujettie et donne à la Commission des balises pour appliquer la loi.

Quant à l'institution des poursuites pénales pour les infractions à la loi R-20, nous considérons qu'aucun argument de principe ne peut aujourd'hui justifier le refus d'accorder à la CCQ le pouvoir d'intenter ces poursuites. Cette absence du droit de poursuite entraîne, pour l'industrie de la construction, une charge financière importante et injuste par rapport aux autres industries, en plus d'avoir pour conséquence des lacunes dans l'application de la loi. Le conseil d'administration de la CCQ demande donc au gouvernement de corriger cette situation et d'introduire une modification législative conséquente.

Merci de votre attention.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Four-nier, président-directeur général. M. le ministre du Travail, nous sommes à la période de questions pour 30 minutes que vous pouvez prendre de façon consécutive ou alterner, selon l'entente...

M. Cherry: M. le président, pour permettre de bien préciser la partie de votre mémoire. C'est votre organisme qui est chargé d'appliquer la loi de l'industrie de la construction et le décret qui s'y rapporte.

M. Fournier (Alcide): Oui.

M. Cherry: C'est ça, votre responsabilité. Par rapport à l'application de la notion d'entrepreneur autonome dans l'industrie de la construction, comment vous pouvez contrôler ça ou mieux contrôler ça, vu que c'est votre responsabilité? Si on suivait ce que vous nous demandez de faire, ce serait quoi?

M. Fournier (Alcide): Au niveau de la loi actuelle ou de la loi modifiée, 185? Parce que, au niveau de la loi actuelle, il n'y a pas grand-chose qu'on peut faire compte tenu des avis juridiques qu'on a reçus, en particulier des affaires pénales, puisqu'il n'y a pas de sanctions de prévues dans la loi; si une personne devient incorporée, je n'ai aucune sanction à lui appliquer. Mais, comme le prévoit, à la loi 185, l'amendement, je pense que ce serait relativement facilement applicable parce que, lorsqu'on visite les entreprises sur les chantiers, on les identifie.

Deuxièmement, je pense que l'autre élément qui est très intéressant dans la proposition de la loi, c'est la désignation d'une personne qui est considérée comme l'employeur et les autres personnes considérées comme des salariés dans l'entreprise. C'est une clarification très importante parce que, actuellement, la difficulté, c'est de savoir qui on considère comme salarié et qui on considère comme étant l'entreprise. Vous savez qu'une compagnie peut avoir 12, 15 ou 25 administrateurs. Donc, ces personnes-là, disons, ces 25 charpentiers-menuisiers qui sont ensemble dans une compagnie, est-ce que ce sont tous des employeurs? Est-ce que ce sont tous des salariés? Je pense que la loi 185 a le mérite de préciser le statut. Une personne sera considérée comme l'employeur; les autres personnes seront considérées comme des salariés. Je pense qu'à partir de ce moment-là, on va pouvoir vérifier, tant au niveau de la Régie des entreprises qu'au niveau des chantiers de construction, la détention de la licence, la déclaration de la personne qui est considérée comme l'employeur et les autres personnes qui sont considérées comme des salariés.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Cherry: O. K. Vous venez de parler de la Régie. Je voudrais qu'on se reporte en décembre dernier. Il y en a plusieurs qui, en commission,

ont souligné l'écart entre le nombre de détenteurs de licence que la Régie des entreprises émet et le nombre de ces mêmes entrepreneurs qui font des déclarations à votre organisme. On disait que, globalement, la différence entre les deux peut se situer entre 8000 à 10 000 qui seraient des détenteurs de licence mais qui ne feraient pas de rapport chez vous pour des heures travaillées. C'est quoi, les facteurs et les éléments qui font qu'il y a un écart aussi grand que ça? Parce que, sur quoi? 28 000 licences, s'il y en a 10 000 qui ne font pas de rapport, ça semble énorme.

M. Fournier (Alcide): D'abord, si vous me permettez, j'ai les chiffres. Le nombre de licences actives à la Régie, il y en a 28 177 et le nombre de licences à la Régie avec correspondance à la Commission, il y en a 20 839. Il faut d'abord préciser que le champ d'application de la loi de la Régie du bâtiment et de la loi des relations du travail n'est pas tout à fait le même. Le secteur de rénovation est toujours assujetti à la loi de la Régie du bâtiment, mais n'est plus assujetti à la loi des relations du travail dans l'industrie de la construction. Il y a également toutes les personnes qui peuvent être considérées comme des entrepreneurs autonomes qu'on n'a pas continué d'identifier sur les chantiers de construction étant donné que le Procureur général nous avait dit qu'il était impossible de les poursuivre. Alors, on a arrêté de faire le travail. Donc, il y a un autre nombre de détenteurs de licence qui peuvent être dans cette catégorie-là. C'est à peu près les deux facteurs, je pense, la correspondance du champ d'application d'une loi vis-à-vis de l'autre et aussi le nombre d'entreprises qu'on peut considérer comme des entrepreneurs autonomes en vertu de la loi actuelle, qui peuvent faire la différence.

M. Cherry: Donc, ceux qui sont dans la catégorie de l'entretien, de la rénovation et des réparations mineures, ces gens-là, selon la loi, n'ayant pas à rapporter à votre organisme...

M. Fournier (Alcide): Non.

M. Cherry: C'est ça?

M. Fournier (Alcide): C'est ça.

M. Cherry: Avez-vous une évaluation, même approximative, par rapport à ceux qui ont un permis et qui ne font pas de rapport? Il y en a combien qui oeuvrent exclusivement dans le champ qu'on vient de décrire, et les autres, évidemment?

M. Fournier (Alcide): On n'a pas de chiffres concernant le secteur de la rénovation. Évidemment, depuis que c'est non assujetti au décret, c'est un secteur qu'on ne surveille plus. Donc, je ne pourrais pas vous dire combien il y a d'entrepreneurs spécialisés détenteurs de licence qui oeuvrent dans ce secteur-là. Je n'ai aucun chiffre. Le secteur de la rénovation n'étant pas assujetti, je n'ai pas de chiffres.

M. Cherry: O.K. Une dernière question... Des voix:...

M. Cherry: Est-ce qu'il y en a d'autres qui possèdent des informations?

Une voix: Non.

M. Cherry: Non? Ça va.

M. Fournier (Alcide): Non, c'est que...

M. Cherry: C'est parce que je vous voyais vous pencher et je me suis dit que, peut-être quelqu'un...

M. Fournier (Alcide): Oui, c'est ça, je vérifiais. Effectivement, sur tout ce qui n'est pas assujetti ou qu'on ne peut assujettir, on n'a pas de chiffres. Nous, on a des chiffres sur ceux qu'on a assujettis.

M. Cherry: O.K. Une dernière question pour cette ronde-ci et d'autres souhaiteraient peut-être en poser. Il nous a déjà été suggéré, et c'est une discussion qu'on a eue au mois de décembre et que j'aimerais reprendre pour voir votre réaction là-dessus, d'examiner l'hypothèse qu'un entrepreneur puisse travailler seul sur son chantier en autant qu'il y ait au moins un salarié déjà inscrit dans ses livres même s'H n'est pas, au moment de la visite de l'inspecteur, avec lui sur le chantier. C'est quoi, selon vous, les avantages et les inconvénients d'une approche comme celle-là?

Le Président (M. Gauvin): M. Fournier.

M. Fournier (Alcide): C'est assez difficile à dire. D'abord, je dois préciser qu'il y a beaucoup de confusion au niveau de la notion. J'entendais d'ailleurs, à la dernière commission parlementaire, quelqu'un dire qu'il était un entrepreneur autonome, mais qu'il avait un salarié rapporté à la Commission durant toute l'année. Donc, il y a comme une impossibilité d'être à la fois un entrepreneur autonome et un employeur.

Il y a l'autre problème aussi qui nous est rapporté, l'employeur qui travaille lui-même au début et à la fin de son contrat. Je pense que c'est à analyser. Si je me souviens bien, également en commission parlementaire, le représentant de l'AECQ faisait mention de ce problème-là et il disait que si, au niveau de la rédaction, c'était pour avoir des conséquences aussi néfas-

tes que la loi 31 a eues sur l'industrie de la construction, il préférait la rédaction actuelle. C'est un peu la même réaction que j'ai. C'est difficile de dire, en un instant ou en trois minutes, quelles conséquences ça pourrait apporter. Lorsqu'on a vécu l'application de la loi 31 et qu'on a vu les conséquences que ça a apportées, on devient un peu plus prudent sur des modifications éventuelles. En tout cas, je pense que ce serait difficile de tenter d'énumérer toutes les conséquences que ça peut avoir.

Il est bien évident qu'un employeur n'est pas toujours avec son salarié sur le chantier et que son salarié n'est pas toujours avec lui sur son chantier. Je pense que, règle générale, il y a des employeurs qui ont quatre ou cinq salariés, deux ou trois salariés qui, à l'occasion, se retrouvent seuls sur leur chantier. Quant à nous, ça ne change pas leur statut d'employeur. On considère qu'il demeure employeur, que son statut ne varie pas d'une journée à l'autre, etc. Il faut se rendre compte aussi qu'administrative-ment, si, à toutes les semaines, je dois vérifier tous les entrepreneurs autonomes qui sont devenus des salariés ou tous les salariés qui sont devenus des entrepreneurs autonomes, ou de ces deux-là qui sont devenus des employeurs, et que je change ma référence pour la semaine suivante, même avec l'informatique, ce ne sera pas possible de le faire. Donc, c'est sûr qu'il doit y avoir une certaine continuité dans le statut. Ce n'est pas un statut, cependant, qui est immuable, c'est-à-dire que celui qui est autonome pourrait devenir éventuellement un employeur, c'est-à-dire une personne qui a des salariés, et pourrait devenir un salarié aussi. Mais je pense que nous, le statut qu'on considère, c'est que, de façon générale, un employeur, c'est celui qui, généralement, a des salariés. Donc, votre demande, c'est un peu ça. Nous, de façon générale, on considère qu'une entreprise qui a régulièrement des salariés, il s'agit bien d'un employeur avec des salariés et non pas d'un entrepreneur autonome occasionnel.

M. Cherry: Donc - et là je vais terminer avec ça, simplement pour préciser la dernière réponse que vous venez de me donner - vous dites que, lors de la dernière commission parlementaire, il y a des gens qui se décrivaient comme des entrepreneurs autonomes, mais qui disaient en même temps: J'ai quelqu'un qui travaille pour moi.

M. Fournier (Alcide): Oui.

M. Cherry: Et, si j'ai bien interprété ce que vous avez dit, selon votre définition, tu ne peux pas être un entrepreneur autonome s'il y a quelqu'un qui travaille pour toi. J'ai bien compris, là.

M. Fournier (Alcide): Non, c'est un em- ployeur.

M. Cherry: Donc, c'est un employeur.

M. Fournier (Alcide): C'est ça. (15 h 15)

M. Cherry: Et, à partir du moment où c'est un employeur, il peut faire des travaux. Donc, ça revient à la question que je pose, c'est ça que je vous ai dit: Même s'il est un entrepreneur, il a un ou des salariés, mais s'ils ne sont pas sur le chantier immédiatement avec lui, mais il en a et ils les a inscrits aux livres, et votre organisme pourrait vérifier... Votre perception à vous, vous avez dit: On le considère généralement, parce qu'on ne peut pas le suivre à la semaine, on le considère comme un entrepreneur.

M. Fournier (Alcide): Comme un employeur. M. Cherry: Comme un employeur.

M. Fournier (Alcide): Oui. De façon générale, on reçoit, je ne sais pas, 15 000, 20 000 rapports mensuels. L'employeur peut varier son nombre de salariés de 1 à 5. Un mois, il n'a pas de rapport: il n'y a pas d'activités, il n'y avait pas de contrat, j'imagine; alors, il fait un rapport «nil». Quant à nous, dans son statut, il demeure un employeur. Un mois, il n'y a pas eu de travaux, il n'a pas eu de salariés, etc. Le mois suivant, il nous refait un nouveau rapport; il a des salariés, il continue d'être employeur.

M. Cherry: Et si le mois où il ne vous fait pas de rapport, c'est possible, parce qu'il a eu des salariés, mais ils ont travaillé dans l'entretien, dans la rénovation et dans la réparation, donc des heures n'étant pas assujetties.

M. Fournier (Alcide): C'est possible. C'est possible effectivement.

M. Cherry: O.K. Merci.

Le Président (M. Gauvin): Avec la formule d'alternance...

Mme Blackburn: Oui, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Gauvin): ...j'aimerais revenir à Mme la députée de Chicoutimi pour, ensuite, permettre au député de l'Acadie.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Me Fournier, messieurs, bonjour. Je vais me permettre d'aller un petit peu dans le prolongement de la question du ministre, juste pour une question d'éclaircissement. Ensuite, je voudrais revenir sur une question, parce que j'en ai plusieurs, vous vous en doutez bien, puisqu'on a demandé que vous soyez là.

Dans le prolongement de la question du ministre, quel est le statut de l'employeur - parce que là, vous nous avez bien expliqué que c'était antinomique, «entrepreneur autonome» et «salarié à son service»... Ou il est entrepreneur autonome, donc ça signifie qu'il est seul, ou il est employeur et là, il a des employés à son service. Prenons l'hypothèse qui a été avancée par le ministre: un employeur, donc pas un entrepreneur autonome, qui a un employé à son service ou quelques-uns, mais qui se retrouve, lui, comme employeur, sur le chantier. Est-ce que c'est possible et, si oui, quel est son statut? Est-ce qu'il est soumis au décret?

M. Hamelin (Michel): C'est un employeur au décret, c'est en vertu de 18. 02 du décret où il est prévu là-dedans qu'il doit déclarer ses heures et faire des rapports lorsqu'il travaille lui-même sur le chantier de construction.

Mme Blackburn: D'accord. Il devient l'équivalent d'un salarié.

M. Hamelin: Exactement.

Mme Blackburn: Au titre... Ça va. C'est ce que j'avais compris.

Je vais aller peut-être à la question parce que, vous savez, dans ce genre d'exercice, si on ne passe pas les questions les plus importantes en premier, on risque de ne pas avoir le temps de les poser.

A la page 11 de votre mémoire, vous semblez croire que la correction de la loi 31 pour resserrer la définition du travailleur autonome pourrait efficacement contrer le travail au noir. Et je vous relis là, au dernier paragraphe: «Cette situation semble discordante avec les objectifs que visait le projet de loi 31. » Là-dessus, nous sommes tous d'accord. «Si ces lacunes ne sont pas corrigées, elles continueront de favoriser le travail au noir chez les employeurs assujettis, étant donné la concurrence difficile entre ceux qui, d'un côté, sont soumis aux règles régissant l'industrie de la construction et, de l'autre, les entrepreneurs sans salarié qui se servent d'une charte ou d'un contrat de société pour se soustraire à ces mêmes règles car ils ne sont pas, par omission, couverts par la loi. »

Dans quelle mesure êtes-vous capables de nous dire ici et de dire à cette commission que du moment où on corrige la loi, tel que prévu à 185, ça aura un effet direct de contrer le travail au noir dans une proportion qui dépasse, j'allais dire, qui dépasse l'activité des entrepreneurs autonomes eux-mêmes? Parce que là, vous êtes en train de me dire que ça peut avoir des effets importants, alors que moi, ce qu'on me dit comme écho, c'est que le travail au noir, c'est aussi le fait des grosses entreprises, des gros entrepreneurs.

M. Fournier (Alcide): C'est-à-dire que ce n'est pas nécessairement des grosses entreprises, mais c'est le fait, je pense, des entreprises qui sont en compétition avec ces entreprises-là. Dans la plupart des cas, pour obtenir un contrat, il faut être le plus bas soumissionnaire. Si c'est une entreprise qui n'est pas assujettie à des règles, il peut mettre le prix qu'il veut. Si l'autre entreprise à côté est assujettie à un certain nombre de règles, il ne peut pas mettre le prix qu'il veut. S'il veut avoir le contrat, il est obligé de faire un choix.

Mme Blackburn: J'ai bien compris. Ce n'était pas sous cet angle-là parce que j'ai... Je comprends le jeu de la concurrence. Mais où j'ai plus de difficultés, quand on parle du travail au noir, ce n'est pas juste des entrepreneurs autonomes.

M. Fournier (Alcide): Non, non, non.

Mme Blackburn: C'est aussi l'entrepreneur plus important qui déclare la moitié des heures travaillées.

M. Fournier (Alcide): Oui, oui, oui. Il y en a plusieurs sortes de travail au noir, effectivement.

Mme Blackburn: O. K. Alors, c'est ça. C'est pourquoi je vous dis: Est-ce que vous avez évalué? Parce que là, vous semblez faire comme un absolu et je dois dire que ça me dérange, parce que si c'est aussi simple que ça, moi, je vais dire: Bravo! on sort de la commission et c'est fait. Ça veut dire que tous les entrepreneurs vont voir leurs cotisations à la CSST baisser parce que, évidemment, si tout le monde payait, ça baisserait...

M. Fournier (Alcide): Oui.

Mme Blackburn:... et toutes les autres charges sociales. Mais revenons. Alors, vous semblez évaluer que ça aurait un effet important. L'avez-vous mesuré? Quand on sait que le travail au noir a pris toutes les formes.

M. Fournier (Alcide): Comme je le disais tout à l'heure, c'est très difficile à mesurer, d'abord parce qu'il est... La première chose qu'on doit mesurer, c'est le nombre d'entrepreneurs autonomes qui font des travaux dans la construction neuve et qui échappent à l'application de la loi actuellement. C'est la première difficulté. La deuxième qui vient avec ça, c'est ces entreprises-là qui peuvent soumettre des prix plus intéressants que les autres, elles sont en compétition avec combien d'autres? Est-ce que chaque entrepreneur autonome compétitionne avec 2 ou 3? Si c'est avec 2 ou 3, s'il y a 3000 entrepreneurs autonomes, il y en a 3000 autres qui peuvent

être tentés, un jour ou l'autre, de prendre une décision de ne pas respecter le décret. Donc, vous voyez déjà l'effet d'entraînement que ça peut avoir. Je pense que, si on peut mieux contrôler le travailleur autonome, ça va replacer tous les autres dans une situation concurrentielle, je dirais, normale, où la compétition va se faire sur leur know-how et non pas uniquement sur les salaires versés.

Mme Blackburn: Moi, je comprends. Je voulais juste mesurer l'importance...

M. Fournier (Alcide): C'est très difficile.

Mme Blackburn:... quelle poignée ça nous donnait.

M. Fournier (Alcide): Oui.

Mme Blackburn: Et vous me dites: On ne peut pas vraiment l'évaluer, sauf qu'on sait qu'actuellement ça entraîne... Il y a un facteur d'entraînement à la baisse dans les soumissions, donc un recours au travail au noir. On évalue qu'en 1989 il s'effectuait environ 1 800 000 000 $ de travaux reliés à la rénovation, réparation et entretien. J'ai trouvé ça dans un mémoire, ce n'est pas sorti de moi. C'est une évaluation.

M. Fournier (Alcide): Oui, dans notre mémoire.

Mme Blackburn: C'est peut-être la vôtre. M. Fournier (Alcide): Oui.

Mme Blackburn: Oui. D'accord. Et tout ça, ça échappe à toute forme de contrôle ou à peu près. Est-ce que je me trompe?

M. Fournier (Alcide): C'est-à-dire que c'est le secteur qui n'est plus assujetti à la loi des relations du travail depuis la loi 31 de 1988. C'est le secteur qui a été désassujetti à ce moment-là et, comme on voulait le souligner, dans le fond, c'est un secteur quand même important. Parce qu'à l'époque, si vous vous souvenez des discussions au niveau de l'adoption de cette loi-là, il était question, effectivement, de pouvoir offrir au consommateur aussi un choix. Alors, le secteur de la rénovation avait été exclu et le statut de l'entrepreneur autonome avait été défini, avec des champs d'application bien précis, etc.

Mme Blackburn: Parce que la loi a été adoptée en 1988 où on a désassujetti les travaux reliés à la réparation, la rénovation et l'entretien, est-ce qu'on a constaté que ça avait eu un effet sur la diminution de la facture chargée au consommateur? Ça, je ne sais pas, ce n'est peut-être pas vous qui allez me dire ça, mais il me semble que c'est une question qui se pose.

M. Fournier (Alcide): Je ne pourrais pas dire si ça a eu un impact positif ou négatif. Je n'ai pas de renseignements là-dessus.

Mme Blackburn: Quelques organismes suggéraient et, chez les entrepreneurs autonomes, on suggérait qu'ils ne voyaient pas, me dit-on, d'objection à faire rapport à la Commission du nombre d'heures travaillées, par exemple; autrement dit, permettre à la Commission... Même si elle n'a pas juridiction sur les travaux de réparation, de rénovation et d'entretien, ils ne voyaient pas d'inconvénient à faire rapport à la Commission. Comment réagissez-vous?

M. Fournier (Alcide): Si je comprends bien, les entreprises qui feraient des travaux de rénovation continueraient de faire rapport à la Commission.

Mme Blackburn: Oui.

Une voix: Ce n'est pas impossible.

M. Fournier (Alcide): Je n'ai pas d'objection comme telle, mais je ne peux pas voir quel serait leur intérêt à le faire si ce n'est que de maintenir, par exemple, les assurances pour leurs employés ou des choses comme ça. Mais, pour l'entreprise, il n'y a pas vraiment d'intérêt à faire ça, parce que, s'ils ne sont pas obligés de produire des rapports, je ne vois pourquoi ils s'assujettiraient eux-mêmes à produire des rapports.

Mme Blackburn: En fait, ce qu'ils avancent comme idée, c'est...

M. Fournier (Alcide): Ce n'est pas naturel pour une entreprise.

Mme Blackburn: Non, je le sais, puis quand tu n'es pas obligé de faire des rapports...

M. Fournier (Alcide): On n'en fait pas.

Mme Blackburn:... tu ne te forces pas pour en faire. Dieu sait qu'il y en a déjà pas mal. La suggestion qu'ils faisaient, c'était dans le but d'avoir un minimum de contrôle pour l'État, pour un autre organisme, de vous donner des moyens de vérifier le nombre d'heures déclaré avec le nombre d'heures réalisées, quoique je suis comme vous, je pense qu'ils n'en déclareront pas plus qu'ils vont en déclarer. Ils n'en déclareraient pas plus à la la CCQ qu'ils en déclareraient au fisc. C'est dans ce sens-là...

M. Fournier (Alcide): Non. Je serais déjà heureux d'avoir les rapports de tous ceux qui font de la construction neuve.

Mme Blackburn: Oui. D'accord. Avez-vous déjà estimé quel pourcentage de ces rapports-là, c'est-à-dire des heures travaillées dans la construction neuve qui ne se rendent pas? On estime à 25 % le nombre d'heures de travail au noir. Est-ce que ça vous semble réaliste?

M. Fournier (Alcide): Là-dessus, je vais laisser la parole à Jean-Luc Pilon, qui est le directeur de la recherche, qui a peut-être des choses intéressantes.

Le Président (M. Gauvin): M. Pilon.

M. Pilon (Jean-Luc): Merci. Il y a eu plusieurs études qui ont été faites dans le passé. Particulièrement vers les années 1983-1984, il y en a eu deux qui ont été faites pour le compte de l'AECQ, à l'époque. Il y en a eu une aussi par des professeurs de l'Université Laval et il y en a eu une aussi dans le cadre des travaux de la Commission Picard-Sexton. La plupart de ces études-là comparaient des séries, arrivaient à trouver des différences entre les deux et arrivaient plus ou moins autour de 20 000 000, 25 000 000 d'heures de travail non déclarées. Et ça peut dépendre aussi, je pense, de la période. Quand vous êtes en période de récession, c'est évident que la délinquance est plus forte, alors qu'en période d'expansion les gens ont tendance à plus respecter les lois, probablement. Récemment, un phénomène qui nous a paru quand même relativement important en 1991, quand on regarde le nombre d'heures enregistré dans le secteur résidentiel neuf à la Commission et le nombre de mises en chantier, on s'aperçoit que l'écart grandit énormément en 1991. Si vous prenez les mises en chantier, par exemple, elles ont baissé de 7 % l'année passée et les heures enregistrées chez nous ont baissé de 24 % dans ce secteur. Si bien qu'une mise en chantier qui, en 1988, 1989, 1990, rapportait à la Commission - je ne sais pas si elles étaient toutes rapportées - en moyenne 450 heures, maintenant c'est rendu à 325, ce qui fait quand même un écart considérable qu'on ne peut expliquer par une modification dans les structures. On a essayé de tenir compte de ces facteurs-là et ça ne peut expliquer un tel écart.

Mme Blackburn: Ce n'est pas dû à la technologie plus avancée ou à la productivité?

M. Pilon: Bien, ça ne peut pas dans une seule année. Les phénomènes technologiques ont cette tendance, il est vrai, mais ce sont des phénomènes de long terme qui s'implantent graduellement. Ce n'est pas dans une seule année qu'on a des brisures de ce type-là. Je pense qu'il faut mettre ça plus sur le dos d'une forme de délinquance qui s'installe ou de choses comme ça.

Mme Blackburn: Là, ce que vous me dites, c'est 325, en moyenne...

M. Pilon: Heures par mise... Mme Blackburn: ...heures par unité... M. Pilon: Par unité mise en chantier. Mme Blackburn: ...domiciliaire. M. Pilon: Domiciliaire, oui.

Mme Blackburn: Pourtant, les personnes à qui j'en ai parlé estiment que ça prend à peu près 800 heures, partout.

M. Fournier (Alcide): C'est ça.

Mme Blackburn: C'est généralement, et là je parle aux entrepreneurs...

M. Pilon: 820 heures, dépendamment...

Mme Blackburn: Et personne n'est allé en deçà. Est-ce qu'il y a moyen... Il y avait une hypothèse qui était avancée, c'est qu'au moment où une municipalité émet un permis de construction, elle devrait en même temps exiger de l'entrepreneur ou du donneur d'ouvrage qu'il indique le nombre d'heures requises pour effectuer les travaux, de manière à avoir la possibilité pour votre Commission, par exemple, d'établir un rapport entre le nombre d'heures déclaré et les travaux effectués. Est-ce que ça pourrait être d'une utilité quelconque? (15 h 30)

M. Fournier (Alcide): C'est sûr qu'avoir pour chaque chantier au moins un estimé global des heures qui vont y être travaillées serait intéressant pour la Commission de la construction. D'ailleurs, nous, on est à travailler actuellement sur ce qu'on appelle une méthode proactive d'inspection qui consiste tout simplement à prévoir le chantier, la date d'ouverture, avant la date d'ouverture d'avoir eu du donneur d'ouvrage l'entrepreneur général, les sous-traitants, etc., pour avoir toute l'information dès que la première pelletée de terre est enlevée, pour pouvoir suivre l'évolution du chantier. Et ça, on va le faire en regroupant ou en recoupant l'information qu'on peut détenir de différentes sources. Il est sûr que, pour une municipalité, il est peut-être difficile de lui demander d'estimer le nombre d'heures sur chacun des chantiers. Il y a des méthodes qui existent pour l'estimation des heures. Si j'ai, par exemple, un projet de pétrochimie de 4 000 000 $, bien, il y a des méthodes pour déterminer l'estimé d'heures en plomberie, en électricité, etc. Ça existe déjà pour plusieurs genres de chantiers. C'est sûr que c'est une information importante et très intéressante pour nous. Est-ce que les municipalités seraient disposées à fournir toute cette information-là? Actuellement, ce qu'on fait, c'est qu'on obtient quand même les permis de construction des

différentes municipalités, qui nous donnent déjà un bon aperçu du nombre d'heures. Comme vous le disiez tantôt, si j'ai une maison de 125 000 $ qui est en construction, j'ai une bonne idée du nombre d'heures à travailler dans cette maison-là. Alors, on a déjà...

Mme Blackburn: Moi, je ne pensais pas que c'était la municipalité qui devait évaluer le nombre d'heures. Ça m'apparait là leur passer des responsabilités. Quand on sait les effets qu'a eus la réforme fiscale sur les municipalités, évidemment, elles ne voudront pas prendre un peu plus de responsabilités avec pas de sous. Je me disais. Au moment où elles émettent un permis de construction, est-ce qu'on peut envisager que le donneur d'ouvrage, soit l'entrepreneur, celui qui fait la demande du permis de construction, indique le contrat qui est intervenu entre lui et le contracteur et indique le nombre d'heures évalué pour réaliser les travaux? On peut dire: Ça vaut tant la maison et on pense que ça prendra 800, 900, 650... Et là, évidemment, ce n'est pas la municipalité qui le ferait, c'est la municipalité qui exigerait que l'information lui soit fournie par celui qui fait la demande de permis.

M. Fournier (Alcide): De façon générale, avec les pouvoirs qu'on a dans la loi, on peut demander un certain nombre d'informations au donneur d'ouvrage. On ne le fait pas systématiquement dans toutes les municipalités, mais on peut le faire. Également, je dois mentionner que, dans les suites au rapport Picard-Sexton, il y a une partie qui traite de cette cueillette d'information pour l'industrie de la construction. Il est prévu qu'on puisse rencontrer les municipalités pour pouvoir discuter de ces aspects-là, avoir l'information à partir du permis de construction municipal.

Mme Blackburn: Avez-vous déjà évalué ce que ça représenterait comme diminution des charges sociales, pour l'entrepreneur qui paie, qui déclare, donc, le nombre d'heures travaillées, si tout le monde le déclarait? Là, vous nous dites que, dans le domiciliaire, l'écart est énorme; plutôt que 800 en moyenne, on déclare 325, m'avez-vous dit? Alors, ça fait plus de 50 % de moins. Est-ce que vous avez déjà évalué l'effet que ça aurait à la baisse des charges sociales, CSST...

M. Fournier (Alcide): Non. On n'a pas fait ce genre de calcul, non.

Mme Blackburn: Si vous me permettez, je pourrais continuer, mais on peut aussi alterner.

Le Président (M. Gauvin): Bien, c'est selon l'entente que j'avais cru qu'il y aurait...

Mme Blackburn: Alors, allez-y.

Le Président (M. Gauvin): Oui, alternance. Avant de reconnaître M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Pour une meilleure sécurité pour cette salle, j'aimerais inviter les gens qui sont debout près de la porte à tenter de prendre place le long des murs. Je m'excuse, on n'a pas de fauteuils pour tout le monde. Si vous voulez, s'il vous plaît, libérer la porte autant que possible. Merci de votre collaboration. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Merci, M. le Président. Alors, M. Fournier, bienvenue, ainsi qu'à tous les membres de la Commission. À la lecture de votre mémoire, honnêtement, M. Fournier, je suis un peu déçu. Je pense que c'est des bonnes intentions, ça a été fait légitimement, j'en conviens. Je vous considère quand même comme des experts dans ce domaine-là et vous l'êtes sûrement, vous et votre équipe, compte tenu que vous occupez ces fonctions et que vous appliquez la loi. Cependant, j'aurais préféré avoir davantage d'alternatives ou des choses plus concrètes. Par exemple, quand on parle des maisons, entre autres, où on dit que le nombre d'heures moyen pour construire une maison, c'est 800, et que les entrepreneurs en rapportent 300, bon, là vous dites: Est-ce que les municipalités seraient d'accord si on allait voir sur les permis? À ce moment-là, la loi vous permet de pouvoir collaborer ou de les consulter. Je trouve ça un peu drôle - je vous le dis bien honnêtement - que ça n'ait pas été fait. Pour quelle raison ça n'a pas été fait? D'une part.

Deuxièmement, lorsqu'on parle de l'entrepreneur autonome sans employé, de l'entrepreneur autonome seul, le projet de loi voudrait le soustraire des chantiers de construction. On s'entend là-dessus? On veut le soustraire des chantiers de construction. Selon votre expérience, est-ce que ce serait possible de contrôler le nombre d'heures travaillées - parce que ça, il faut trouver une solution au travail au noir -sans exclure ces gens-là des chantiers de construction? Avec votre expérience, le vécu que vous avez là-dedans, est-ce possible d'inclure ces gens-là sur les chantiers de construction tout en pouvant les contrôler au niveau du nombre d'heures? Parce qu'il y aurait des alternatives dans ce sens-là.

Des petits entrepreneurs viennent me voir, dans un milieu comme chez nous qui est plus petit et où la construction est plus difficile, et, à l'époque des libertés individuelles, on dit: Bon, bien là, on veut m'imposer d'embaucher quelqu'un... Et je ne vous dis pas que le projet de loi n'est pas correct. Il y a des gens qui viennent me dire: Écoute, moi, je suis un petit entrepreneur - en électricité, par exemple - j'ai fait un choix, je veux travailler seul; c'est mon choix; je suis limité au niveau de mon travail

parce que je travaille seul, mais je l'ai choisi; maintenant, à l'époque des libertés individuelles, disons, là on veut m'imposer, moi, d'embaucher quelqu'un obligatoirement pour entrer sur les chantiers de construction. Par ailleurs, je sais très bien que ces gens-là, pour une bonne majorité des cas, travaillent sous la table également. Il faut parler juste, là. Ils ne rapportent pas le nombre d'heures requis et ce n'est pas correct non plus. Ça, j'en conviens. Mais est-ce qu'il y aurait une formule? Avez-vous des hypothèses ou des alternatives qui feraient en sorte qu'on pourrait donner accès à ces gens-là sur des chantiers de construction tout en pouvant les contrôler davantage?

Le Président (M. Gauvin): M. Fournier.

M. Fournier (Alcide): D'abord, votre première partie. Au niveau de l'information qu'on utilise des municipalités, je peux vous dire qu'on le fait depuis de nombreuses années. On ne le fait pas comme Mme Blackburn me l'avait demandé, c'est-à-dire recevoir d'avance de la municipalité l'estimation des heures sur chacun des permis de construction. Mais, lorsqu'on en a besoin, on va aux municipalités et on prend l'information relative aux permis de construction.

Votre autre question. Moi, personnellement, je suis dans l'industrie de la construction depuis 1969. On a tenté plusieurs formules pour contrôler, comme vous dites, la personne qui fait des choix et qui veut de temps en temps être assujettie, de temps en temps ne pas être assujettie, de temps en temps respecter la loi et de temps en temps ne pas la respecter. Ça, malheureusement, une formule qui va permettre à quelqu'un de ne pas respecter la loi et de respecter la loi, je ne pense pas qu'il en existe. On n'en a pas trouvé en tout cas. Je me souviens qu'on a mis dans le décret de 1973 des dispositions concernant l'artisan. Il devait afficher son contrat, il devait déclarer ses heures, il devait faire ci, il devait faire ça. Ça n'a pas été fait. Toutes les possibilités, je pense, ont pratiquement été explorées. Et là, s'il y en a qui ont plus d'imagination que moi et qui peuvent en trouver, tant mieux, mais je ne pense pas qu'on puisse contrôler quelqu'un si on ne l'assujettit pas d'abord à la loi, tant et aussi longtemps qu'il ne sera pas assujetti à la loi. Vous savez que, lorsqu'une loi n'a pas de sanction, c'est une loi qui est inapplicable. Or, dans son cas, il n'y a pas de sanction, donc la loi est inapplicable. Je pense qu'il n'y a pas d'autre solution que de, d'abord, l'assujettir. Peut-être lui donner des conditions particulières, des choses comme ça, je pense qu'il n'y a personne qui a d'objection là-dessus. Mais je pense que la première démarche, c'est d'abord de l'assujettir à la loi pour qu'il respecte des conditions semblables à ceux avec qui il est en compétition. Je pense que c'est la première démarche, et c'est ce que la loi propose, dans le fond.

Le Président (M. Gauvin): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Alors, est-il possible de l'assujettir à la loi sans obligation du nombre d'employés?

M. Fournier (Alcide): Bien, dans le fond, si...

M. Farrah: C'est ça que je vous demande.

M. Fournier (Alcide): Oui, mais ce serait le retour au statut d'artisan qui existait avant 1979.

M. Farrah: Moi, je ne vous dis pas qu'il faut le faire. Ce n'est pas ça que je veux dire. Sauf que, bon, il y a des opinions diverses là-dessus, c'est pour ça que je vous pose la question, si c'est possible de le faire.

M. Fournier (Alcide): Si on regarde au niveau de l'évolution de cette notion-là, de salarié, d'employeur et d'artisan ou de celui qui est entre deux un peu, depuis 1970 cette notion-là a évolué. Différentes alternatives ont été essayées; ça a plus ou moins marché. Il y a eu des modifications qui ont été apportées par la suite, etc., pour essayer de colmater un certain nombre de problèmes ou de brèches, etc. Et c'est ce qui a été fait aussi en 1988. En 1988, si vous vous rappelez du débat, il y avait aussi toute la question de la rénovation, de la réparation des maisons unifamiliales, etc., où cet artisan-là prétendait pouvoir faire ça comme travail. Le législateur en a convenu, il a dit: C'est correct, tu vas faire ça comme travail; mais il y a l'autre contrepartie: là, tu as le secteur de la rénovation; le secteur de la construction neuve, ça va être des employeurs et ça va être des salariés qui vont faire ça, sauf l'autonome en machinerie lourde. C'est ce qui a été convenu en 1988. Cette solution-là n'a pas vraiment été appliquée à cause du vide juridique, c'est-à-dire que si la personne est incorporée elle échappe à l'application de la loi. Donc, la dernière solution qui avait été trouvée par le législateur n'a pas vraiment été appliquée parce qu'l n'y avait pas de sanction; elle était devenue Inapplicable à cause d'un vide juridique. C'est uniquement ça. Ce que propose le projet de loi 185, dans le fond, c'est de dire: On va faire l'essai de cette solution-là.

M. Farrah: Une dernière question en ce qui me concerne, M. le Président. Est-ce que ce serait une solution d'identifier ou d'imposer au préalable un nombre d'heures? Si on sait qu'une maison, ça prend 800 heures, 700 heures ou 600 heures, dans la mesure où on peut contrôler qui la construit - ça, je pense que c'est impor-

tant - à partir de ce moment-là, est-ce qu'on pourrait imposer un nombre d'heures? Je ne sais pas ce que vous pensez de ça. Un moyen? Je ne sais pas.

M. Fournier (Alcide): On pourrait penser à 1000 heures, je ne sais pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Ça varie trop d'une maison à l'autre.

M. Fournier (Alcide): Non, mais si vous me permettez...

M. Farrah: Excusez. Le nombre d'heures qui serait rapporté, je veux dire.

M. Fournier (Alcide): Oui, oui, oui, mais... Peut-être qu'il faudrait l'étudier plus à fond. De prime abord, je pourrais dire que le nombre d'heures varie par chantier. Je ne sais pas, si j'ai le contrat d'électricité d'une maison préfabriquée, là j'ai juste à aller faire les connexions qui n'ont pas pu être faites en usine parce qu'elle n'était pas sur place, ou si j'ai le contrat d'électricité d'un centre commercial, le nombre d'heures varie énormément. Je ne sais pas sur quelle base je pourrais lui imposer un nombre d'heures ou un nombre minimal d'heures par année. Je ne sais pas. En tout cas...

Le Président (M. Gauvin): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Oui, je voudrais juste poser une question en rapport avec le nombre d'heures que vous avez détecté ou calculé pour cette année, 1991, je suppose. 325 heures, c'est 1991.

M. Pilon: 1991, oui. M. Léonard: 1991.

M. Pilon: C'était dans le secteur résidentiel neuf, c'était par maison.

M. Léonard: Oui, résidentiel neuf, et, l'année précédente, c'était 425 ou 430?

M. Pilon: 450 et quelques. Une voix: 431. M. Pilon: 431.

M. Léonard: 431. O. K. Donc, c'est une diminution de 25 %...

M. Pilon: À peu près.

M. Léonard: A peu près du quart, 25 %.

M. Pilon: Oui, 24 %.

M. Léonard: Est-ce que vous avez vérifié si la taille des maisons ou la valeur des maisons était substantiellement la même? Deuxièmement, est-ce qu'on peut expliquer le fait qu'il y ait une baisse d'heures par les entrepreneurs, comme cela, par le fait que les gens aient fait plus eux-mêmes, que les propriétaires aient travaillé beaucoup plus sur leur maison, donc ils ont demandé que l'on fasse strictement l'essentiel pour les laisser finir eux-mêmes? En fait, ils se sont trouvé des talents de castor bricoleur un peu plus aigus.

M. Pilon: Disons que, pour la taille, on a essayé d'en tenir compte. Il y a eu une diminution de la taille des unifamiliales. Par contre...

M. Léonard: Une diminution de la taille.

M. Pilon: II y a eu une diminution de la taille des unifamiliales. Par contre, il y avait plus d'unifamiliales que de multifamiliales l'année d'avant, si bien que ça compensait en partie la diminution de la taille, pas totalement mais en partie. La question des castors bricoleurs, non, je n'ai pas pu vérifier s'il y en a eu plus de ce type-là. Bon, il y en a potentiellement eu plus.

M. Léonard: II faudrait, il me semble, qu'on compare des choses pareilles, en quelque sorte.

M. Pilon: Oui, je comprends.

M. Léonard: Si on prend une unifamiliale, est-ce que la maison est pareille? En gros, si elle est pareille, est-ce que vraiment le nombre d'heures a diminué et quel en est le facteur essentiel?

M. Pilon: Oui, mais ce qu'on voulait souligner, c'est que, dans une seule année, la chute est quand même relativement forte par rapport à la baisse des mises en chantier, ce qui nous apparaissait à la fois anormal, d'une certaine façon. D'autre part, on n'est pas sans savoir que le nombre d'infractions augmente et que la délinquance est plus forte même si on n'a pas de chiffres à l'appui totalement. Donc, il y aurait quand même une présomption que ce soit ce phénomène-là, même si on a essayé d'analyser d'autres facteurs.

M. Léonard: O. K. Très bien. Merci. (15 h 45)

M. Fournier (Alcide): Juste pour compléter. Jean-Luc parlait du nombre d'infractions. Effectivement, si on regarde dans l'industrie de la construction en 1991, on a constaté près de 48 090 infractions pour 125 000 salariés ou 130 000 salariés. C'est quand même énorme. Si vous demandez au Procureur général quelles sont

les industries qui ont le plus d'infractions, on est les premiers.

Le Président (M. Gauvin): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. En fait, c'est tout simplement pour avoir des clarifications encore sur des questions qui ont été posées sur le problème du nombre d'heures. Vous avez mentionné tout à l'heure, dans les chiffres que vous avez déposés, une moyenne théorique de 800 heures par construction unifa-mNiale. Comparé aux 324 ou 354 heures qui étaient déclarées, on a fait référence à l'hypothèse qu'on pouvait s'attendre à ce que construire une maison prenne à peu près 800 heures, en moyenne. Est-ce que c'est exact?

M. Pilon: Ça, c'est le chiffre que Mme

Blackburn a avancé, je crois, qui était de 800 heures. On parle aussi de 1000 heures. Ça dépend, évidemment, du type de maison qu'on construit.

M. Bordeleau: O.K. Au fond, si je comprends bien, M. Fournier, tout à l'heure, vous faisiez référence que même pour des constructions de même valeur, ce serait difficile d'établir un nombre d'heures théorique qu'on s'attend qui sort déclaré parce qu'une maison peut arriver fabriquée aux trois quarts et il y a juste les liens à faire. En fait, ce que je comprends, c'est qu'il n'y a pas de possibilité d'avoir une espèce de grille avec le nombre d'heures total, divisé pour la plomberie, l'électricité, etc. Est-ce que c'est exact?

M. Fournier (Alcide): Non. C'est-à-dire que c'est toujours possible d'avoir un estimé. Même dans le résidentiel, vous avez des maisons dont les parois arrivent complètement préfabriquées. Vous avez des maisons avec mezzanine dont la construction, disons, est plus sophistiquée; donc, ça prend plus d'heures, etc., mais pour le même pied carré de maison, etc. Donc, ça varie énormément. Nous, ce qu'on est en train de mettre sur pied, ce qu'on appelle l'inspection proactive, c'est de ramasser le plus d'informations relatives à ces maisons-là et, éventuellement, on va avoir un portrait: tel type de maison, c'est, en estimé, tant de pourcentage d'heures. Mais ça n'empêchera pas, évidemment, l'entrepreneur d'utiliser de nouvelles techniques qui vont avoir pour effet de diminuer les heures. Vous vous souvenez qu'à une époque, par exemple, les solages, c'était fait sur place avec des madriers et des planches. Aujourd'hui, ce n'est plus fait comme ça. Pourquoi? Pour accélérer le processus, avoir moins d'heures, etc. Donc, les entrepreneurs sont toujours innovateurs à ce niveau-là. Il est difficile de dire, pour une maison de 128 000 $, qu'H y a 723 heures là-dedans. Ça va toujours demeurer très difficile. Mais je pense qu'avec l'expérience on peut avoir un estimé. De là à dire que la municipalité va fixer ou va nous dire le nombre d'heures, je pense qu'elle aussi serait mal placée un peu pour faire cet estime-là. On est peut-être mieux de procéder un peu comme on le fait actuellement, c'est-à-dire aller voir les permis municipaux de construction. Là, on a quel genre de construction. On va vérifier le chantier, l'entrepreneur, la valeur totale du contrat, etc. Ça nous donne quand même une bonne idée.

M. Bordeleau: Une question au niveau de la construction unifamlliale. Est-ce qu'une personne seule dans une construction assez typique, unrfamiliale, peut faire l'électricité ou la plomberie, ou si ça prend nécessairement plus d'une personne pour réaliser ces travaux-là?

M. Fournier (Alcide): À mon avis, habituellement ils sont deux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: Pour l'électricité et la plomberie?

M. Fournier (Alcide): II y a certains travaux... Pour changer une ampoule électrique, je n'ai pas besoin d'être deux.

M. Bordeleau: Non, ce n'est pas une ampoule électrique, l'électricité.

M. Fournier (Alcide): Pour faire le filage complet d'une maison, en tout cas c'est l'expérience que j'en ai, ils sont rarement seuls pour faire ça.

M. Bordeleau: Je vous remercie.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Fournier, je voudrais corriger à nouveau. Je ne pense pas que c'est à la municipalité à faire l'estimé. Je pense que c'est une exigence d'information que devrait fournir le contracteur. Comprenez-vous?

M. Fournier (Alcide): Ah oui! O.K.

Mme Blackburn: II me semble que c'est lui qui est capable de faire l'estimé, capable de traduire en nombre d'heures le coût au pied carré pour poser le tapis, la moquette, faire la peinture. C'est dans ce sens-là que je le suggérais. Ça devient une exigence posée au contracteur, et les informations qu'il devrait fournir à la municipalité, et ça évite toute cette question de l'estimé approximatif fait par la Commission, par exemple.

M. Fournier (Alcide): Oui, et, dans ce cas-là, je pense que la loi 185 nous offre déjà une piste au niveau du cautionnement pour garantir les salaires. La Commission pourrait établir les modalités de ce cautionnement-là et, dans ces modalités-là, on pourrait avoir une disposition qui nous dirait: Fournissez-nous un estimé des heures dès le départ pour que le cautionnement soit de x ou y valeur, etc. Or, dans la loi 185, ça pourrait être possible.

Mme Blackburn: Je vous suggère d'aller dans cette direction-là, il me semble que ça évite l'estimé approximatif. Est-ce que vous avez le tableau des heures déclarées? Là, vous nous dites qu'en 1990, c'était 431 en moyenne dans le domiciliaire et, en 1991, c'est 325. Est-ce que vous avez un tableau qui nous amènerait, par exemple, de 1985 à 1991? Est-ce que vous avez ça? Est-ce que vous pourriez...

M. Pilon: J'ai 1988 seulement. Avant 1988, les heures n'étaient pas déclarées par secteur à la Commission. Je ne peux pas savoir où étaient les heures.

Mme Blackburn: Alors, en 1989, c'était quoi? Est-ce que vous l'avez?

M. Fournier (Alcide): En 1988, on avait 453 heures; en 1989, 458; en 1990, 431; en 1991, 326.

Mme Blackburn: D'accord. Une voix: Puis 400, c'est la moitié.

Mme Blackburn: Oui, oui, c'est toujours la moitié. C'est toujours la moitié. Ça veut dire que, probablement, le propriétaire fait beaucoup de travaux.

M. Pilon: C'est ça.

M. Léonard: C'est ça, des castors bricoleurs.

Mme Blackburn: II fait beaucoup de travaux.

M. Fournier (Alcide): Avec beaucoup de bénévoles probablement.

Mme Blackburn: II a beaucoup de frères, de beaux-frères et...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: À la page 2 de votre mémoire, je reviens là-dessus, vous dites, en rappelant le rôle de la CCQ: Le maintien de 13 bureaux régionaux. J'ai eu écho que... Est-ce que ça comprend toujours celui de Gaspé?

M. Fournier (Alcide): Oui, il est toujours là. Si vous voulez parler des mêmes échos que j'ai eus, effectivement, on est à regarder l'ensemble de nos dépenses de l'année. D'ailleurs, j'ai apporté quelques chiffres et ce n'est pas pour rien que la chemise est rouge, on est en déficit.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: Nous, on pense que c'est... Ha, ha, ha! On est d'accord avec vous.

M. Fournier (Alcide): On est dans le rouge. Effectivement, le climat économique dans l'industrie de la construction n'est pas très favorable. On prévoyait au départ, lorsqu'on a préparé le budget l'automne dernier, qu'il se réaliserait à peu près 96 000 000 d'heures dans l'industrie de la construction, et là, selon nos dernières estimations de recherche, c'est plutôt 85 000 000 d'heures, ce qui veut dire que ça va nous procurer un déficit d'au-delà de 8 000 000 pour l'an prochain, déficit qu'évidemment on n'est pas capable de financer. Partant de là, on se penche actuellement sur un ensemble de mesures qui vont nous permettre de réduire nos dépenses et, dans cette réflexion, évidemment, on se pose la question sur le maintien de l'ensemble des bureaux régionaux de la Commission; Est-ce qu'on a suffisamment d'argent pour le faire ou non? Le conseil d'administration va être saisi de ces problèmes financiers à notre prochaine assemblée, les 11 et 12 mars.

Mme Blackburn: Combien de bureaux pensez-vous, dans votre hypothèse, fermer?

M. Fournier (Alcide): C'est-à-dire qu'on n'a pas d'hypothèse définitive encore. On en considère deux principalement.

Mme Blackburn: En fait, vous voudriez faire plus d'inspection et vous allez fermer des bureaux. Il y a comme un problème là. Deuxième question: Si on vous donnait la possibilité de poursuivre et de recueillir les amendes, est-ce que ça pourrait compenser en partie pour le manque à gagner?

M. Fournier (Alcide): Ça me tente de faire plaisir un peu à mes membres du conseil d'administration en disant à la commission que la Commission de la construction, depuis 1988, demande le remboursement des mandats dits publics qui ont été confiés à la Commission et, malgré un accord de principe du ministre en 1988, de son successeur, M. Séguin, et de son successeur, M. Cherry, on n'a pas eu de financement. Donc, la Commission doit débourser de l'argent pour la formation professionnelle, alors que, dans les autres secteurs économiques, les autres secteurs n'ont pas à débourser cet argent-là puisque c'est le MMSR qui fait le travail. Alors, ça constitue, selon les gens de la construction, une double taxation pour l'industrie.

Évidemment, lorsqu'on dépense 5 000 000 $ pour la formation, 5 000 000 $ pour la qualification et qu'on n'est pas remboursé, il n'est pas surprenant qu'à un moment donné on arrive à un déficit, parce que c'est uniquement la contribution des salariés et des employeurs qui finance toutes les activités de la Commission, y compris les constats d'infractions sur chantier pour obtenir des amendes dont le bénéfice s'en va au gouvernement.

Mme Blackburn: Je voudrais juste brièvement... Dans le prolongement de la question qui a été posée par le député des Îles-de-la-Madeleine tantôt, je comprends à la fois sa préoccupation. Il dit: L'entrepreneur autonome - c'est-à-dire la personne seule - qui veut travailler sur un chantier de construction, est-ce qu'il y aurait moyen de contrôler? Ce qu'il faut rappeler, c'est que l'entrepreneur autonome sur un chantier de construction, s'il garde le statut, n'est pas soumis au décret. Donc, il pourrait travailler à 10 $ l'heure, pour donner un exemple. Mais, en même temps, ce qu'ils font actuellement, c'est qu'Us y vont à 10 ou 20; alors, là, on a comme un problème. Il y a une suggestion qui a été faite par un groupe, je ne me rappelle plus lequel. Je dois vous dire que j'ai lu les mémoires, mais je ne suis pas en mesure de faire toutes les références. Il suggérait qu'on pourrait peut-être accepter sur un chantier neuf un travailleur autonome à la fois. Comment vous...

M. Fournier (Alcide): C'est ça ... Une voix: Comment le vérifier?

M. Foumier (Alcide): Un à la fois, c'est difficile.

Mme Blackburn: Ça m'apparaît difficilement gérable.

M. Fournier (Alcide): Mais un chantier, aussi, ça fonctionne par étapes. Ça fait qu'ils vont toujours être un à la fois et l'ensemble du chantier va avoir été réalisé. Mais un à la fois...

Mme Blackburn: Ils pourraient quasiment faire tout le chantier pareil. Une autre question. Vous nous annoncez, en page 6, que «notre présentation ne portera pas sur les aspects politiques du projet de loi 185, mais plutôt sur les aspects administratifs.» Que nous auriez-vous dit si ça avait porté sur les aspects politiques?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: C'est l'occasion, là.

M. Fournier (Alcide): Je pense que la réponse politique, Mme Blackburn, je vais la laisser aux associations, je pense qu'elles vont vous faire ça. Non, nous, ce qui nous intéressait, c'était de tenter d'enlever la confusion qu'il y a au niveau de la notion d'entrepreneur autonome. On a l'impression que c'est l'ensemble de l'industrie de la construction qui va disparaître si on adopte la loi, alors que ce n'est pas ça du tout. Deuxièmement, on a l'impression que ces gens-là n'auront plus de travail du tout, alors qu'au contraire il y a un montant de 1 800 000 000 $ qui leur est réservé quasiment en exclusivité. Donc, comme on dit, ils ne crèveront pas de faim non plus. Troisièmement, il y a même à l'intérieur du champ d'application de la loi un certain nombre de travaux qu'il peut faire. L'entrepreneur autonome en machinerie lourde peut en faire et l'autre entrepreneur autonome peut faire des rénovations et réparations mineures dans le résidentiel, dans le commercial, etc., des travaux mineurs. Donc, il y a quand même une grande partie de travaux qui lui restent, qu'H peut faire, et l'autre partie, la construction neuve, est plutôt réservée aux employeurs et aux salariés de la construction. Alors, c'était un peu ça, le but de notre intervention.

Le Président (M. Gauvin): M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir à la page 21 de votre mémoire où vous décrivez un peu l'application de la loi dans des mots que je qualifierai de «diplomatiques», disant qu'on a énormément de problèmes, à l'heure actuelle, avec l'application procureur de la couronne versus le commissaire, versus les tribunaux. Vous mentionnez même qu'on dilue, à ce moment-là, le champ d'application de la loi R-20. J'aimerais vous entendre davantage sur cette création d'un tribunal spécialisé pour la construction. Est-ce que ça éliminerait, premièrement, le commissaire? Est-ce qu'on retrouverait un tribunal, pour prendre quelque chose peut-être de comparatif, du genre qu'on a au niveau de la CSST, la CALP? Est-ce que c'est le genre de tribunal que vous envisagez et, si oui, quelles seraient les modalités de fonctionnement? Vous avez mentionné 13 régions, je crois en déduire que vous voulez rationaliser. Alors, vous voyez quoi, comme application et comme structure, avec ce tribunal spécialisé?

M. Fournier (Alcide): En fait, comme la commission devait se pencher plus spécifiquement sur l'entrepreneur autonome, on n'a pas élaboré sur le tribunal spécialisé. Dans le fond, ce que l'industrie souhaite, et depuis fort longtemps d'ailleurs, c'est l'institution... Ça pourrait être une branche, si on peut dire, ou une section du Tribunal du travail, où toutes les causes de l'industrie de la construction, tant pénales que civiles, seraient référées. Le Conseil d'arbitrage sur les conflits de juridictions de métiers

relèverait de ce tribunal-là ou serait le tribunal. Le Commissariat à la construction, également, disparaîtrait et serait regroupé au niveau de ce tribunal-là. En fait, c'est le tribunal de la construction que l'industrie a toujours demandé.

Nous, on pense que, premièrement, il y aurait plus de rapidité et plus d'efficacité dans l'application de la loi. Je ne veux pas faire la critique des juges au niveau de la Cour du Québec, mais je pense que les juges de la Cour du Québec sont là pour faire du droit criminel et ils appliquent, même si on est en droit statutaire, la notion de doute raisonnable qui n'existe pas dans le droit statutaire. Ça existe dans le droit criminel, mais, dans le droit statutaire, ça n'existe pas. C'est-à-dire que, dans le droit statutaire, est-ce qu'on a fait l'action, oui ou non? Si on l'a faite, on est coupable; si on ne l'a pas faite, on n'est pas coupable. Donc, il n'y a pas de... Mais, je dirais, par habitude ou par premier mandat, les juges utilisent quand même cette notion-là très largement. Alors, ils acquittent des gens pour des raisons humanitaires, ce qui fait en sorte que l'application de la loi est de moins en moins respectée.

Deuxièmement, au niveau du champ d'application, le juge ne veut pas considérer la juridiction du commissaire de la construction et il peut décider, un beau matin, que telle chose n'est plus assujettie. Alors, là, lorsqu'on arrive à une cause semblable au civil, l'avocat de la défense, évidemment, nous sort la jurisprudence pour nous dire: Bien, écoute, il y a tel juge qui nous a dit que ce n'était pas assujetti. Même si, nous, on sait dans quelles circonstances et pourquoi le juge n'a pas condamné l'individu en question, l'autre juge, lui, ne le sait pas nécessairement et peut tomber d'accord avec le premier juge. Donc, il y a une érosion, entre autres, du champ d'application qui se fait à ce niveau-là et qui rétrécit, si on peut dire, les possibilités d'emploi avec l'horaire de la construction. Plus on réduit les possibilités d'emploi, plus le nombre de travailleurs va diminuer. Donc, c'est dans ce cadre-là qu'un tribunal de la construction, quant à nous, serait beaucoup plus expéditif, mais, dans un premier temps, on demandait simplement le retour des amendes. Ça ferait déjà un pas en avant.

M. St-Roch: Mais ne croyez-vous pas - si on crée un tribunal, il va y avoir des coûts à assumer - que ce serait normal que les amendes recueillies paient les frais, à ce moment-là, le coût du tribunal?

M. Fournier (Alcide): Oui, mais il y a déjà des frais judiciaires qui sont chargés pour chaque cause pour l'administration de la justice. Lorsque vous inscrivez une cause à la cour, vous avez des timbres à payer ou des frais judiciaires, etc., qui servent, justement, à l'administration. Les autres montants, les amendes, je dirais, c'est du surplus, ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier (Alcide): C'est en plus.

M. St-Roch: Je dois conclure qu'avec les 99 000 causes il y aura assez de timbres pour payer les tribunaux administratifs. C'est ce que vous dites.

M. Fournier (Alcide): J'imagine.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de Verchères, pour une minute qu'il nous reste.

Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Le Président (M. Gauvin): Brièvement.

Mme Dupuis: Ce que j'ai pu retenir, moi, des travailleurs syndiqués lorsqu'ils nous ont tous visités, des deux côtés, que ce soient les travailleurs autonomes ou les syndiqués, c'est qu'il y avait deux points sur lesquels tout le monde était d'accord. C'était d'éliminer le travail au noir. Moi, c'est sur la méthode que j'aurais peut-être certaines réticences. Les travailleurs syndiqués nous disent qu'il faut protéger les vrais travailleurs avec les cartes de compétence. Êtes-vous en mesure d'infirmer ou d'affirmer si c'est exact que ça peut amener 10 000 entreprises, ou entrepreneurs, ou travailleurs, si vous voulez, qu'ils soient autonomes ou non, licenciés et possédant leur certificat, leurs cartes de compétence, à perdre leur emploi?

M. Fournier (Alcide): Perdre leur emploi? Non.

Mme Dupuis: En fait, ce sont de vrais travailleurs. Les électriciens ou quel que soit leur corps de métier, ce sont des gens qui ont des cartes de compétence, ça.

M. Fournier (Alcide): Oui, oui.

Le Président (M. Gauvin): M. Fournier.

M. Fournier (Alcide): J'essaie juste de comprendre. Si on applique la loi 185, vous nous dites qu'on vous a affirmé qu'il y a 10 000 personnes qui perdraient leur emploi?

Mme Dupuis: Que ça pourrait amener 10 000 pertes d'emplois de travailleurs autonomes.

M. Fournier (Alcide): Non. Moi, en tout cas, je ne peux pas partager cette opinion-là. D'abord, le chiffre de 10 000, en tout cas, il est peut-être pris de la différence entre les chiffres de la Régie et les chiffres de la Commission au niveau de la détention des licences et, encore,

c'est déjà beaucoup. Deuxièmement, il y a une partie des entrepreneurs autonomes dont il est question qui vont continuer à oeuvrer dans le secteur de la rénovation. Donc, ils ne disparaissent pas. Ça va faire en sorte que ceux qui, actuellement, oeuvrent dans la construction neuve vont, à partir de l'application de la loi, déclarer leurs heures. C'est le seul changement. Ils vont être obligés de déclarer les heures qu'ils ne déclarent pas actuellement. Alors, je ne vois pas qui va perdre son emploi parce qu'au niveau des mises en chantier, à moins que le contexte économique ne le fasse baisser, ça va être le même nombre. Le travail va se faire.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Four-nier. Pour une minute, M. le ministre.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Simplement, M. Fournier, vous avez parlé de votre association avec l'industrie de la construction qui remonte à 1969. Vous avez parlé de législations de 1973, de 1978, et il y en a eu au début des années quatre-vingt. Vous avez parlé de 1988. Vous avez dit: On a tenté d'une façon, à un moment donné, de l'identifier, de cerner le problème. Ça a réapparu d'une autre façon. Je pense que votre présence et celle de vos collègues aujourd'hui témoignent d'une chose, c'est que ce n'est pas un problème facile à cerner, à bien identifier, même par des gens qui ont votre compétence puis votre expérience dans ce domaine. C'est une chose d'identifier le problème, mais ça en est une autre d'y trouver les solutions appropriées et c'est ça, le but de l'exercice des trois jours. Donc, vous êtes les premiers. Je vous remercie de votre présence et de votre collaboration.

M. Fournier (Alcide): C'est moi qui vous remercie, M. le ministre.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de Chicoutimi qui sollicite une période de...

Mme Blackburn: Oui, simplement pour vous remercier d'être venus ici, à la commission, et pour rappeler que c'est à la demande de l'Opposition. Il m'apparaissait indispensable que nous entendions l'organisme qui a le plus d'expérience et de connaissances dans le dossier. Je suis heureuse de vous avoir entendus. Je dois vous dire que je ne suis pas intervenue sur l'idée de permettre à la Commission de la construction de poursuivre, de porter plainte, parce que vous aurez compris que j'étais d'accord avec cette disposition, cette proposition. Je voudrais vous remercier de votre présence ici, MM. Fournier, Ferron, Hamelin, Ménard et Pilon. Votre présentation aura permis d'éclairer le débat.

Le Président (M. Gauvin): M. Fournier, nous vous...

M. Fournier (Alcide): Juste un dernier commentaire. Je ne voudrais pas décevoir Mme Blackburn, mais le conseil d'administration avait décidé, déjà le 20 janvier, de faire une présentation à la commission avant...

Mme Blackburn: Sauf que le ministre...

Le Président (M. Gauvin): À l'ordre! On devra dorénavant éviter ces échanges de dernière minute quand tout s'est bien déroulé.

M. Fournier, nous vous remercions. Les membres de la commission vous remercient pour votre présentation. On va suspendre une minute, pour permettre au groupe de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 8)

(Reprise à 16 h 11)

Le Président (M. Gauvin): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission va reprendre ses travaux. J'invite les gens à regagner leur fauteuil, les membres de la commission aussi. J'aimerais, par la même occasion, inviter ceux et celles qui ont moins d'intérêt à cette présentation-là... permettre aux membres de la Corporation des maîtres mécaniciens de prendre place dans cette salle. On me dit qu'H y a près d'une quarantaine de personnes qui souhaiteraient prendre place dans cette salle. Vous savez que, pour la sécurité de cette salle, on ne peut accueillir plus de personnes qu'il n'y a de fauteuils et quelques personnes près des murs. Évidemment, l'invitation n'est pas de dire à ceux qui sont ici de se retirer, mais ceux qui peuvent le faire, ça pourra permettre à certains membres de prendre place. Merci.

Nous accueillons la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, comme je vous l'avais mentionné, représentée par M. Fernand Lavallée, son président, qui saura nous présenter ses collaborateurs. Avant, j'aimerais vous rappeler que vous avez 30 minutes pour votre présentation; 30 autres sont allouées à M. le ministre et aux membres de cette commission qui forment le gouvernement et 30 autres minutes pour les membres de l'Opposition. M. Lavallée, vous nous présentez vos collaborateurs.

Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec

M. Lavallée (Fernand): Bonjour, M. le Président. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, mesdames et messieurs qui formez cette commission.

Vous avez devant vous les représentants de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. J'ai, à ma droite, M. Jean

Brière, membre du conseil provincial d'administration; à ses côtés, M. Jean Morin, aviseur légal; à ma gauche, M. Michel Favre, directeur général de la Corporation, et moi-même, M. Fernand Lavallée, président.

En débutant, nous désirons vous remercier de nous réentendre à cette commission. Votre décision nous indique que vous considérez qu'il y a effectivement un malaise dans le projet de loi 185 et qu'il est essentiel de consulter davantage afin de solutionner le travail au noir car, ne l'oublions pas, nous sommes tous ici réunis, M. le Président, dans un but commun, soit celui d'éliminer le travail au noir, et ce, au plus grand bénéfice de toute l'industrie.

Il serait inutile de vous rappeler la raison d'être de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, mais nous tenons à vous préciser que l'élimination du travail au noir a toujours été une préoccupation de premier ordre pour notre Corporation. Soulignons qu'en 1991 plusieurs centaines de dossiers relatifs à des personnes exécutant des travaux en tuyauterie sans être membres de la Corporation des maîtres mécaniciens ont été traités. C'est pourquoi les impacts du projet de loi 185 font partie de nos préoccupations majeures. Nos revendications sont à ce point fondées que, quelles qu'en soient la forme, l'intensité et toutes les bonnes intentions avec lesquelles nous vous les présenterons, nous ne serons jamais en mesure de vous faire partager le sentiment d'injustice et de mépris ressenti par plusieurs centaines d'entrepreneurs et que l'on identifie comme les causes d'un problème dont ils ne sont pas responsables.

Toute l'industrie semble favorable à éliminer le travail au noir, sauf que tous ne s'entendent pas sur les causes du travail au noir et sur les solutions à y apporter. Ce que je remarque depuis plusieurs années, c'est que certains intervenants de l'industrie défendent des intérêts qui leur sont propres, et ce, souvent au détriment des droits des entrepreneurs. Il est grand temps qu'on arrête de tirer la couverture chacun de son bord. Il est temps qu'ensemble nous arrêtions le vrai travailleur au noir, celui qui fait mal à nous tous.

Il faut également cesser d'emprunter le prétexte du travail au noir pour servir ses propres intérêts. Il faudrait peut-être aussi s'arrêter et penser aux sommes d'argent et aux énergies dépensées par tout le milieu pour défendre ou pour contrer un projet de loi qui aurait des conséquences des plus néfastes s'il était adopté. C'est ce que nous avons décrit dans nos mémoires. Si on revient au but commun que chacun des intervenants devrait défendre, on comprend mal qu'une telle énergie soit dépensée à des fins autres que celle qui nous préoccupe vraiment: le travail au noir.

Pendant que de telles sommes sont déboursées, qui est mort de rire, M. le Président? C'est le vrai travailleur au noir, celui qui ne paie pas d'impôt, celui qui ne passe pas de certificat de compétence, qui travaille le soir et les fins de semaine. Celui-là encore, il est en train de dire que le milieu de la construction passe à côté du bateau et à son grand plaisir. Encore une fois, l'illégalité le protège. Sa seule préoccupation est probablement le risque de l'augmentation d'une concurrence plus forte si la loi 185 était adoptée. Pendant ce temps-là, des entrepreneurs, savez-vous comment ils se sentent quand on leur dit en pleine face qu'ils ne sont pas de vrais entrepreneurs, qu'ils sont des plaies dans l'industrie? Alors que ces gens-là, M. le Président, détiennent des certificats de compétence appropriés, les licences de la Régie et de la Corporation des maîtres mécaniciens, ils déposent leur bilan, ils ont pignon sur rue, ils ont un camion identifié, ils paient leurs impôts, ils détiennent les assurances-responsabilité, ils lèvent des permis et quoi encore! Avez-vous pensé à l'insécurité qu'ils vivent présentement? Parce qu'ils ne savent pas ce qui va se passer après le projet de loi 185. La question qu'ils se posent, c'est: Est-ce que je vais avoir le droit de gagner ma vie en toute légalité ou est-ce qu'on va me forcer à travailler dans l'illégalité, M. le Président? Ces gens-là ne sont pas intéressés à travailler dans l'illégalité parce qu'ils l'auraient fait bien avant aujourd'hui. Mais, quand il s'agit de survivre, de nourrir sa famille - et c'est cela dont il s'agit - ils se disent: Même si je respecte les lois, rien ne me protège. Ces gens-là ne veulent pas devenir des tricheurs. La preuve, c'est qu'ils se battent pour que le projet de loi ne passe pas.

M. le Président, le ministre a reçu des milliers de lettres provenant d'entrepreneurs qui refusent de travailler dans l'illégalité. Certains lui ont fait parvenir des lettres écrites avec leurs tripes. Si vous le permettez, j'en lirai quelques passages pour le bénéfice des membres de cette commission qui n'ont pas eu l'occasion d'en prendre connaissance. Alors, j'ai une lettre ici, M. le Président, qui nous provient d'un entrepreneur de Luceville. Ça s'intitule «Qui suis-je?» «Le but de ma requête est de vous faire part de mon désaccord concernant l'adoption du projet de loi 185 en vous signalant les raisons qui motivent le rejet du projet de loi. Suis-je un travailleur autonome? Non. Je suis un entrepreneur incorporé avec tous les permis et les compétences nécessaires pour effectuer des travaux spécialisés avec les garanties qui s'imposent. Je suis une ressource dans mon milieu tout comme mon milieu est une ressource pour mon entreprise. En effet, mon entreprise exige le travail de toute une équipe: une téléphoniste-réceptionniste pour recevoir les appels des clients, un service personnalisé sept jours par semaine afin de répondre aux urgences, un grossiste qui m'approvisionne les matériaux pour exécuter mes travaux, un garagiste qui assure

l'entretien de mon camion, un comptable qui établit mensuellement les états financiers, un courtier en assurance afin de protéger ma clientèle, qui assure ma solvabilité ainsi que les biens de mon entreprise. Un achat de permis est effectué au ministre du Travail chaque fois que j'exécute des travaux. Je suis passible d'amende si les travaux exécutés ne sont pas conformes et s'Hs sont effectués sans permis. Le fait de travailler seul sur un chantier de construction ne fait perdre aucun emploi. Le fait de travailler seul sur un chantier de construction ne fait pas de moi un travailleur au noir. Contrairement au travailleur au noir, Je ne retire pas de prestations de bien-être social ou d'assurance-chômage. Tous mes revenus sont déclarés pour fins d'impôt. M'obliger à engager un salarié serait une atteinte à la libre entreprise puisque je n'aurais tout simplement pas les moyens de le payer et, par conséquent, je devrais fermer mes portes. «M. le ministre, passer un tel projet de loi n'aura pas pour conséquence de diminuer le travail au noir, mais fera de moi un hors-la-loi.» Et c'est signé: Un entrepreneur de Lucevil-le, M. Deschênes.

J'ai également un extrait, M. le Président, d'une deuxième lettre d'un entrepreneur qui est de la région de Québec. Voici ce qu'il dit: «Je voudrais attirer votre attention au sujet du projet de loi 185. Je suis plombier depuis 32 ans, dont 11 ans comme travailleur autonome, membre de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, 600 $ par année, membre de la Régie des entreprises en construction du Québec, 250 $ par année, membre de l'Association en construction du Québec, 200 $ par année, membre de la Commission de la construction, 200 $ par année, en plus de 0,05 $ par heure travaillée dans l'Industrie. De plus, je paie la TPS, l'impôt provincial, l'impôt fédéral et, en tant que travailleur autonome, je paie des cotisations à sept paliers. Je dois avouer que je gagne ma vie raisonnablement bien, mais, avec votre projet de loi, il est officiel que je devrai abandonner car je ne serai pas capable d'engager un plombier à l'année, travail ou pas. Je serai dans l'obligation de me trouver un employeur, faire le minimum de semaines pour avoir de l'assurance-chômage et travailler au noir, aucune licence à payer, aucune assurance non plus, à mon tour de siphonner la société. Je crois que c'est là le voeu de notre cher ministre.» Je m'excuse, je ne voulais pas vous faire la lecture de cette dernière phrase. Et c'était signé: Un entrepreneur de Québec, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier (Alcide): J'ai également une lettre, M. le ministre, d'un entrepreneur de la Gaspésie. Je vais vous lire un extrait de cette lettre. «Le travail au noir va tripler au lieu de diminuer. Nous n'aurons pas le choix. Ce projet de loi sera des plus malhonnêtes envers les citoyens de la province de Québec et le plus destructeur des petites entreprises de la province qu'elle n'aura jamais connu auparavant et il déclarera la guerre sur les chantiers de construction.» C'est un entrepreneur de la Gaspésie, M. le Président.

Alors, j'ai voulu, à la lecture de ces lettres... En plus de ces lettres, j'ai devant moi des pétitions de personnes qui sont dérangées par ce projet de loi. Il y a 10 000 signatures ici, dans ces pétitions, et nous en recevons d'autres, à raison de 1000 par jour. Alors, j'aimerais déposer, M. le Président... Pour l'instant, c'est 10 000 signatures. Par contre, d'autres vont suivre prochainement.

M. Brière (Jean): C'est clair, M. le Président, que ces entrepreneurs ne comprennent pas pourquoi ils sont attaqués, pas plus que ceux qui seront obligés d'être accompagnés d'un salarié pour exécuter leurs travaux. Eux aussi se demandent comment Is vont faire pour survivre et pourquoi on menace la survie de leur entreprise. 11 ne faut pas se le cacher, 8 y a 85 % des entreprises en construction qui ont cinq employés et moins. On s'attaque à la force économique du Québec que sont les PME. On demande à des entreprises d'embaucher un salarié, même si le travail ne requiert pas plus d'une personne. On demande aussi aux entrepreneurs d'être accompagnés d'un salarié pour travailler. On impose des structures dans lesquelles le patron lui-même est exclu des activités de sa propre entreprise.

Il est fréquent qu'un patron doive exécuter lui-même ces travaux, soit pour respecter un échéancier ou tout simplement pour la survie de son entreprise. M. le Président, ceci s'appelle simplement s'occuper de ses affaires. Ça s'appelle se prendre en main. Le projet de loi 185, quant à lui, propose d'embaucher, récession ou pas, besoin ou pas. C'est un non-sens. Qui sont les travailleurs au noir? Sont-ils vraiment des entrepreneurs? En tournée, des membres ont affirmé que, par exemple, sur 20 bungalows construits, les entrepreneurs avaient effectué des travaux de tuyauterie seulement dans deux d'entre eux. Ceux qui échappent au système, M. le Président, sont les 18 autres. Même les lois actuelles facilitent le travail au noir. Par exemple, le fait qu'un propriétaire puisse effectuer ses propres travaux de plomberie. Ceci paralyse le système. En effet, plusieurs propriétaires cachent des travailleurs au noir. C'est une situation tellement fréquente.

À Rouyn-Noranda, suite à une demande d'enquête que la Corporation avait faite, un inspecteur de la DGBRI nous a informés que, pour 9 maisons neuves sur 13 sur la même rue, les travaux de tuyauterie avaient été exécutés par leur propriétaire. Dans 9 de ces cas-là, 9 cas sur 13. C'est ce que les inspecteurs se font répondre. Le dossier est clos. Est-ce que 9

spécialistes en plomberie se sont fait construire une maison côte à côte sur la même rue? Il ne faudrait quand même pas charrier. Le truc est connu, c'est encore ceux-là qui vous échappent.

Il y aurait certainement lieu d'intensifier le service d'inspection, mais il ne faudrait pas penser qu'il s'agit de la seule solution au travail au noir. Pensez-vous sincèrement, M. le ministre, qu'avec le projet de loi 185 vous allez éliminer le travail au noir? Pensez-vous réellement qu'un entrepreneur autonome ou celui qui a des salariés n'iront plus sur les chantiers de construction quand on attaque le droit de gagner leur vie? Non, ils vont tout simplement sortir du système. Plusieurs d'entre eux nous ont affirmé, en tournée, qu'ils iraient travailler au noir et que ce serait beaucoup plus payant.

Le projet de loi 185 va inciter des entrepreneurs désireux de respecter les lois à devenir des travailleurs au noir. Le projet de loi 185 va avoir un effet contraire à celui escompté. Pis encore, le projet de loi 185 aura comme effet de priver les uns sans rien apporter aux autres. Comment peut-on restreindre, M. le Président, le champ d'activité d'un entrepreneur autonome sous le prétexte d'éliminer le travail au noir? Pourquoi faire dépendre la compétence d'un individu en fonction de la présence d'un salarié dans l'entreprise? Pouvez-vous m'expliquer en quoi cette solution va éliminer le travail au noir? Comment peut-on prétendre contrer le travail au noir en présumant qu'un administrateur ou un actionnaire d'une entreprise est un salarié? Comment peut-on discriminer l'entrepreneur au point de lui dire qu'il n'a pas le droit de travailler au même titre qu'un salarié? Voilà l'un des effets du projet de loi, M. le Président, il propose qu'un certificat de compétence détenu par un entrepreneur n'aura pas la même étendue que s'il était détenu par un salarié. C'est insensé. En plus, l'entrepreneur qui détient un certificat de compétence compagnon sera, dorénavant, obligé d'être accompagné d'un salarié pour travailler, M. le Président. Un salarié pourra travailler sans son patron, mais le patron ne pourra travailler sans son salarié. N'est-ce pas le monde à l'envers, M. le Président? Est-ce qu'on espère vraiment contrer le travail au noir avec une mesure semblable? À moins qu'il ne s'agisse d'un moyen détourné pour empêcher l'entrepreneur de travailler.

Dans les faits, ce que vous croyez donner aux autres, vous le donnerez carrément au travailleur au noir. On veut aussi imposer à l'entrepreneur l'obligation de fournir un cautionnement, garantissant le salaire à ses salariés, et ce, malgré l'existence d'un fonds prévu à cette fin. L'analyse de la situation nous permet d'affirmer que la balance des inconvénients penche, encore une fois, sur le côté des entrepreneurs. Permettez-moi encore d'ajouter: Comment cette mesure pourra-t-elle contrer le travail au noir?

Les solutions proposées sont illogiques. Nous ne voyons pas comment elles peuvent contrer le travail au noir. Ces solutions peuvent être interprétées comme une punition, la punition d'avoir librement choisi d'être entrepreneur et de se prendre en main. C'est trop facile de s'acharner sur des entrepreneurs répertoriés au lieu de s'attaquer aux vrais travailleurs au noir, ceux qui vous échappent, peut-être, mais ce n'est pas une raison d'attaquer ceux qui ne sont pas la cause. Au lieu de perdre notre temps et notre argent à nous entredéchirer, pourquoi ne pas nous attaquer aux vrais problèmes ensemble avant qu'il ne soit trop tard? Cela ne veut surtout pas dire de déposséder les uns pour les remettre aux autres. Penser de cette façon n'amènera qu'injustice et frustration.

Permettez-moi, en terminant, de vous redire que nous sommes d'opinion que le projet de loi 185 est une manière certaine d'augmenter le travail au noir. Nous soutenons que c'est ensemble que nous solutionnerons le problème du travail au noir. Chaque intervenant doit, de bonne foi, en faire une priorité absolue, sans quoi nous nous retrouverons vite dans un cul-de-sac et le problème deviendra insoluble. Si vraiment le projet de loi 185 a pour but de contrer le travail au noir, M. le Président, nous sommes alors convaincus qu'il sera modifié de façon à reconnaître l'entrepreneur licencié et répertorié comme un actif important au sein de l'industrie.

M. Lavallée: Merci, Jean. Il est certes facile de convenir que le projet de loi 185 n'est pas une solution au travail au noir et qu'au contraire il l'augmentera. Le travail au noir est une plaie sociale, c'est un problème courant dans les sociétés industrialisées lorsque les charges fiscales et sociales sont importantes.

Pour régler certains problèmes dénoncés par les différents entrepreneurs ou les intervenants de cette commission, nous suggérons ce qui suit. S'il est vrai qu'il y a des abus dans l'emploi ou l'usage des travailleurs autonomes par certains employeurs généraux ou donneurs d'ordres, pourquoi ne pas songer à limiter le nombre d'entrepreneurs autonomes par spécialités qui peuvent oeuvrer sur un même chantier de construction? Ainsi, sur un même chantier, on ne pourra pas trouver 50 entrepreneurs autonomes dans la même spécialité. On n'en retrouvera que le nombre permis par spécialité. S'il est vrai qu'un travailleur autonome, parfois, bénéficie d'avantages sociaux semblables à ceux dont bénéficient les employeurs et les autres travailleurs de la construction sans avoir contribué adéquatement aux charges inhérentes, nous suggérons qu'il soit prévu qu'en tout temps les bénéfices qu'ils peuvent retirer des avantages sociaux prévus ne soient que proportionnels à leur contribution. (16 h 30)

Afin d'avoir plus de chances de mettre la

main sur le vrai travailleur au noir, celui qui nous échappe, nous suggérons qu'il soit obligatoire pour un entrepreneur demandant un permis de construction de déclarer aux autorités compétentes le nom de tous et chacun des entrepreneurs qui effectueront les travaux, et ce, dans toutes les spécialités. Les travaux ne pourraient débuter sans qu'une telle déclaration soit faite. Ainsi, tout inspecteur pourrait, sans même se déplacer, faire certaines vérifications quant à l'exactitude d'une telle déclaration. Il est évident que cet incitatif n'aura pas l'effet escompté si les municipalités n'ont pas un rôle plus déterminant, quant au contrôle des permis, que celui prévu dans la Loi sur le bâtiment.

Aussi, nous suggérons qu'il soit obligatoire non seulement d'afficher le permis de construction sur le chantier lui-même, mais encore que soit affichée la déclaration du donneur d'ouvrage quant au nom des entrepreneurs qui effectueront les travaux dans les spécialités, sur ce chantier. Ainsi, le travailleur de la construction, voyant la fausseté, le cas échéant, de la déclaration affichée, pourra venir et le dénoncer. L'entrepreneur faisant une fausse déclaration pourra être poursuivi pour déclaration fautive.

Les dispositions des articles 16, 17 et 18 de la Loi sur le bâtiment, quant à l'attestation de conformité, sont un début de solution, mais nous proposons que les assureurs, les créanciers hypothécaires, etc., soient incités à exiger de leurs clients des déclarations à l'effet que les travaux de leur immeuble ont été effectués par des entrepreneurs licenciés. Même les notaires pourraient être incités à faire déclarer par les vendeurs, dans les actes de vente, que les travaux de l'immeuble qu'ils vendent ont été effectués par des entrepreneurs licenciés.

Il devrait être interdit à un constructeur propriétaire de réaliser ses propres travaux d'installation de tuyauterie. Il est contraire aux normes élémentaires d'hygiène et aux règles visant à préserver la santé publique de permettre à un propriétaire d'exécuter lui-même ce genre de travaux. Cela aussi, de toute manière, ne se réalise pas généralement à cause de la complexité de ces travaux. Ces travaux, dans les faits, sont réalisés par des travailleurs au noir et non par le propriétaire lui-même. Il est déjà interdit, particulièrement dans plusieurs municipalités de la région de Montréal, à un propriétaire de réaliser lui-même des travaux d'installation de tuyauterie. C'est déjà interdit pour plus d'un tiers de la population du Québec. Pourquoi ne pas étendre l'interdiction à toute la province?

Ce qui est absolument aberrant, M. le Président, c'est que non seulement actuellement, dans certaines municipalités, un propriétaire peut réaliser lui-même des travaux d'installation de tuyauterie avec tous les dangers que cela comporte, mais, en plus, il peut le faire sans même avoir l'obligation de demander un permis, de telle sorte que les travaux réalisés par lui ne sont pas inspectés alors que les travaux réalisés par un entrepreneur qualifié le sont. Nous suggérons, de plus, que le propriétaire qui confie des travaux à un travailleur au noir soit poursuivi en justice et ait à payer des amendes sévères.

La disposition du projet de loi 185, article 17, ayant trait à la possibilité de la supension de la licence d'un entrepreneur et même d'un certificat de compétence d'un travailleur qui viole les lois, serait un début de solution également. Les autorités gouvernementales qui, évidemment, avec l'ensemble de la collectivité québécoise et canadienne, sont les victimes des activités des travailleurs au noir, pourraient faire des campagnes de sensibilisation et les publicises invitant la population à cesser de faire affaire avec des travailleurs au noir. Il pourrait être dit à l'ensemble de la population que leurs contributions aux régimes d'avantages, aux régimes sociaux, à la sécurité sociale et aux dépenses de l'État, seront de plus en plus élevées si les payeurs sont moins nombreux à cause de la prolifération du travail au noir.

Plus informée, plus éduquée, la population pourrait comprendre qu'elle se pénalise en confiant des travaux aux travailleurs au noir. Il faudrait susciter cette fierté à avoir un comportement honnête et à faire en sorte de ne pas encourager la malhonnêteté. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Laval-lée, M. le président. Je pense que vous aviez un document que vous vouliez déposer.

M. Lavallée: Au début de la réunion, M. le Président, nous avons déposé les solutions que nous avons apportées...

Le Président (M. Gauvin): Oui.

M. Lavallée: ...que j'ai énumérées. Dans notre mémoire, il y a également des solutions qui ont été apportées, mais nous en avons déposé d'autres lors de cette audition.

Le Président (M. Gauvin): Ça va. J'aimerais entendre M. le ministre, si vous avez des...

M. Cherry: Oui.

Le Président (M. Gauvin): ...pour la période de questions de 30 minutes qui est allouée à votre groupe.

M. Cherry: Merci, M. Lavallée et ceux qui vous accompagnent, de votre présence. Dans la présentation de votre mémoire, vous nous avez fait, à un moment donné, la lecture de lettres de gens qui avaient adressé des lettres et vous avez dit: C'est le signe de leurs tripes. Je pense que c'est le terme que vous avez employé, vous avez dit ça. Évidemment, ça dépend de la façon dont

ils ont été informés des intentions du projet de loi 185.

Dans mes remarques préliminaires, j'invoquais que, durant le mois de décembre, dans les journées qui ont précédé la journée du 6, j'avais entendu à la télévision une autre corporation que la vôtre, quelqu'un qui avait posé la question suivante: Est-ce que ça veut dire que, maintenant, il faudra être deux pour aller changer un fusible? J'ai devant moi une déclaration de quelqu'un qui est membre de votre organisme et qui demandait, et c'est cité dans un article du Nouvelliste du mardi 11 février qui dit: Est-ce qu'on va charger le temps de deux hommes à un client pour aller changer une rondelle dans un robinet? Évidemment, si c'est comme ça qu'ils ont été informés des intentions de la loi, ça les justifie de faire des déclarations comme ça, mais quiconque a le moindrement - et je peux reconnaître des raisons de s'objecter à certains aspects de la loi... Mais permettre à des gens bien intentionnés, comme ce M. Jean Gélinas, de véhiculer que, pour lui, aller changer une rondelle de robinet, il faudra qu'il soit accompagné de quelqu'un, quand ça, ça fait partie de l'entretien, de la réparation et de la rénovation, logez-le à l'enseigne que vous voudrez... Et ça, ça a été réglé en 1988 et, en 1992, on véhicule ça encore, permettez-moi de vous dire que ça n'aide aucunement la cause que vous tentez de défendre. Ce n'est pas correct de dire ça. Qu'on identifie des choses que vous souhaitez qui doivent être corrigées, parce qu'il y a certaines formules et vous en suggérez certaines, mais que des gens véhiculent des choses comme ça, vous servez mal votre cause. Comme je suis à la disposition des parties à la recherche de solutions - et ma collègue l'a dit dans ses remarques préliminaires - le plus vite on en arrivera à parler des vrais problèmes pour la vraie recherche de solutions, on va mutuellement s'aider. Mais, des choses comme celle-là, ça fait déjà au moins quatre ans que ce n'est plus vrai, ou presque. Pourtant, je la retrouve dans les journaux quotidiennement. Espérons que c'est quelqu'un dont la bonne information ne s'est par rendue et qu'après l'audition d'aujourd'hui il y aura des gens, chez vous, qui se chargeront de le faire.

À la page 10 de votre mémoire, le premier, non pas celui que vous nous avez indiqué aujourd'hui, c'est dit... Avant d'aller là, vous aurez compris que je vous ai également un peu répondu avec mes tripes. Vous avez compris ça, que je vous ai également répondu un peu avec mes tripes?

Une voix: Oui, j'ai compris ça, M. le ministre.

M. Cherry: O. K. «Si le projet de loi 185 était adopté - c'est en page 10 de votre mémoire - nous risquons plutôt de voir l'entre- preneur autonome disparaître - comme si le 1 900 000 000 $ de travaux d'entretien et de rénovation disparaissait aussi - dans la clandestinité et opérer de la même façon que plusieurs employés syndiqués qui entreprennent des travaux après leurs heures de travail à l'insu de leur employeur. Est-ce que la société québécoise gagnera à faire en sorte que tous les entrepreneurs autonomes - tous, pas de distinction - deviennent des clandestins et ne soient plus "répertoriés"?»

Première question pour l'associer à ça, pour ramener à l'autonome - ce n'est pas conséquent sur autre chose - pourriez-vous m'expliquer c'est quoi, pour un entrepreneur, d'entrer dans la clandestinité, vu que ce sont des mots utilisés dans votre mémoire?

M. Lavallée: J'aimerais vous référer aux lettres des trois entrepreneurs, M. le Président, qui ont très bien précisé ce que c'était, pour eux, de venir dans la clandestinité. C'était de travailler sans être répertorié, sans prendre de permis, sans déclarer les travaux qu'ils vont exécuter, sans les faire inspecter, sans payer d'impôt, sans déposer de bilan. En fait, c'est de fermer leur entreprise et de continuer à servir leur clientèle sans avoir une structure commerciale.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Cherry: Je vais poursuivre ma question sur le mot «clandestinité» parce que ça me semble fort. Vous venez de dire: Ils ne paieront plus de permis. Ils vont continuer à faire ça. Une fois qu'ils seraient dans la clandestinité, est-ce que vous faites une distinction dans la nature des travaux qu'ils font ou si je dois comprendre qu'ils vont continuer à faire exactement le même type de travail qu'ils faisaient avant, mais que, là, ils ne feraient simplement plus rapporter rien? Je ne veux pas vous mettre de paroles dans la bouche, je veux tenter de comprendre ce que vous affirmez par votre mémoire.

M. Lavallée: Est-ce que vous pouvez me préciser davantage votre question, M. le ministre?

M. Cherry: Dans le mémoire, vous avez dit: Ils vont aller en clandestinité.

M. Lavallée: C'est ça.

M. Cherry: Moi, je dis: Une fois qu'ils seraient dans la clandestinité...

M. Lavallée: Oui.

M. Cherry:... je présume ça, là, est-ce qu'ils continueraient à faire le même genre de travaux

qu'ils faisaient avant ou est-ce qu'il y aurait pour eux une distinction et des façons plus faciles d'être clandestins et de mieux gagner leur vie ou si ça serait «business as usual», excepté qu'on ne rapporte plus rien à partir de maintenant?

Le Président (M. Gauvin): M. Lavallée.

M. Lavallée: J'inviterais M. Favre à répondre à cette question.

Le Président (M. Gauvin): M. Favre.

M. Favre ((Michel): L'entrepreneur va certainement y songer deux fols avant de renouveler sa licence de la Régie, par exemple, avant de lever des permis. S'il est moins vulnérable parce qu'il n'est pas enregistré, s'il n'est pas répertorié, il va faire en sorte de pouvoir continuer d'exercer sa profession de façon clandestine. Il va s'en aller au noir. Il va faire payer «cash» ses clients: Je peux te faire un «deal». Paie-moi «cash». Écoute, on ne rapporte rien. Je vais te les faire, tes travaux de construction. C'est ça, la clandestinité. C'est ça dont les gens ont peur. C'est dans ça qu'ils ne veulent pas embarquer. On ne peut pas empêcher le monde de vivre. Des gens qui font ça depuis 20 ou 25 ans ne veulent pas se voir contraints dans leurs démarches futures, dans l'évolution et la bonification de leur entreprise, se voir contraints par des lois et leur empêcher dorénavant d'annoncer dans les journaux qu'ils ne peuvent plus servir leur clientèle. Afficher au garage du coin, au fleuriste et à tous les commerces dans une ville qu'ils ne pourront plus. Ils sont déclarés Incompétents. C'est ça, M. le ministre.

M. Cherry: Là, je suis obligé de reprendre mon intervention originale. Je veux dire, l'entretien, la réparation, la rénovation, votre annonce chez votre client, chez votre fleuriste comme quoi vous ne pourrez plus ...Je ne sais pas où vous prenez ça. Ça, ça peut continuer. Comment en arrivez-vous à la conclusion, celle que vous venez d'exprimer? Il y a des chiffres qui ont été soulevés. On a parlé de tout près de 2 000 000 000 $ de travaux qui sont reconnus comme de l'entretien, de la réparation et de la rénovation. Pour celui - on s'entend bien, là - qui choisit d'être un autonome. Il dit: Moi, je ne travaille pour personne. Je veux que personne ne travaille pour moi. C'est mon choix et c'est comme ça que je vais exécuter. À celui-là, le projet de loi, tel qu'il est devant nous, dit: Si c'est comme ça que tu veux exercer ta profession. On ne dit pas: On va faire autre chose. Si c'est comme ça que tu veux exercer ta profession, ton champ d'activité, il est dans celui que je viens de décrire plus des réparations mineures dans les autres secteurs. On parlait du résidentiel, dans un premier temps. Comment pouvez-vous en arriver à la conclusion qu'il ne pourrait plus continuer à servir ses clients comme avant? C'est ça que vous venez de dire. Vous avez dit: II va falloir qu'il informe son fleuriste qu'H ne pourra plus aller entretenir ses frigidaires s'il lui arrivait quelque chose. Comment découlez-vous... l'interprétation, vous arrivez comment et à partir de quel article de loi?

M. Favre: Comme exemple, vous avez souvent ce qu'on appelle des petits «strips» commerciaux ou tu as une «slappe» de ciment. Il reste les locaux à faire. Vous voulez me dire que c'est de la rénovation, ça? L'entrepreneur autonome dans la ville qui fait un petit centre d'achats dans lequel H y a cinq ou six commerces. Qui va les faire s'il ne les fait plus? Il ne pourra plus faire ça, lui.

M. Cherry: Voulez-vous répéter votre explication?

M. Favre: C'est sur le bord de la construction.

M. Cherry: Voulez-vous nous expliquer ça?

M. Favre: La construction d'un petit centre d'achats...

M. Cherry: Un petit centre d'achats... M. Favre: Oui.

M. Cherry: ...de quoi? D'une dizaine de petits commerces?

M. Favre: Est-ce que c'est de la construction? Est-ce que c'est de la construction ou si ce n'est pas de la construction? Je vous pose la question.

M. Cherry: La construction d'un centre d'achats, vous demandez si c'est de la construction?

M. Favre: Oui. Je vous le demande, M. le ministre: Est-ce que c'est de la construction, oui ou non? Vous semblez douter que ce ne soit pas de la construction.

M. Cherry: Ça en est, H me semble, de la... Vous me demandez si, la construction d'un centre d'achats, c'est de la construction?

M. Favre: Oui.

M. Cherry: Je suis obligé de vous dire que le premier mot de votre question m'indique que ça en est.

M. Favre: O.K. Alors, qu'est-ce que vous ne

comprenez pas? (16 h 45)

M. Cherry: Là, je...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Favre: On vous dit que l'entrepreneur autonome ne pourrait plus agir dans ce style d'intervention. C'est ça qu'on vous dit.

M. Cherry: Mais pourquoi est-ce que ça ne peut pas être fait par des travailleurs de la construction avec un entrepreneur? Pourquoi est-ce que ça doit être quelqu'un d'autonome pour qui le champ, d'après la loi, on veut délimiter que c'est de l'entretien, de la réparation et de la rénovation? Pourquoi est-ce qu'il faut qu'il aille là aussi? Il veut jouer sur les deux en même temps? C'est ça que je veux savoir, votre question. J'ai besoin de votre interprétation parce que vous êtes les experts là-dedans.

M. Favre: Je ne comprends pas. Ce n'est pas que ce n'est pas permis aux autres. Ce qu'on ne comprend pas, c'est pourquoi est-ce que ça lui est exclu? C'est ça qu'on ne comprend pas.

M. Cherry: De la même façon que des travailleurs et des entrepreneurs avec des salariés ne comprennent pas non plus que, dans certains types de travaux, on arrive sur un chantier, on ne retrouve que des autonomes et pas de salariés.

Une voix: M. le ministre.

M. Cherry: Ça, eux autres aussi, ils ont de la difficulté à comprendre ça.

Une voix: Là-dessus, on est d'accord avec vous, M. le ministre.

Une voix: M. le ministre...

M. Cherry: Vous êtes d'accord avec moi?

M. Lavallée: On vous propose dans notre mémoire, M. le ministre, de limiter le nombre de ces entrepreneurs sur le chantier, par spécialité. Si c'est un malaise, on est d'accord qu'il y a de l'abus dans certains domaines, alors limitez le nombre de ces entrepreneurs par chantier. Limitez le nombre.

M. Cherry: Juste pour continuer la réponse, vous dites: Si ça semble être un malaise. Vous autres, qui êtes des quotidiens de la construction...

M. Lavallée: Chez nous, dans la plomberie, M. le ministre...

M. Cherry: ...est-ce que ça vous semble être un malaise, une situation comme celle-là ou on pourrait retrouver, sur un chantier de construction, notre petit centre d'achats, 10, 12 ou 15 personnes qui y travaillent, tous des autonomes et pas un travailleur? Est-ce que, ça, vous autres, ça vous semble un malaise?

M. Favre: Oui.

M. Cherry: Merci beaucoup. Nous autres aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gauvin): Écoutez, je demanderais à nos...

Une voix: Visiteurs.

Le Président (M. Gauvin): ...à nos visiteurs, aux gens qui sont présents ici, dans cette salle, d'éviter de manifester. On reçoit un groupe qui a droit de parole et qui veut échanger avec les membres de la commission. Donc, je vous demande votre collaboration. M. le ministre.

M. Cherry: En terminant, avant de passer la parole à notre collègue, j'aimerais vous dire que j'apprécie l'évolution de votre mémoire entre décembre et maintenant. Vous m'aviez dit: Donnez-moi un peu de temps et on vous proposera des suggestions. Vous avez tenu parole et ça nous permettra de cheminer dans le dossier. Ça termine mon intervention.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le Président, avant d'aborder la période de questions, on pourrait peut-être demander s'il n'y aurait pas lieu, si c'était possible, de tenir les séances au salon rouge, de manière à ce que les gens puissent trouver place...

M. Cherry: Je vais demander à...

Mme Blackburn: On en a pour trois jours, alors ça vaudrait peut-être la peine.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de Chicoutimi, justement, on déplore le fait qu'on manque de fauteuils dans cette salle. On va tenter de vérifier, d'une part, pourquoi le salon rouge n'était pas disponible. On nous dit qu'il n'était pas disponible et c'est à vérifier. Merci.

Mme Blackburn: D'accord. Merci. M. le président, M. le directeur général, messieurs, bonjour. J'ai lu attentivement les mémoires. Je vais passer directement aux questions. Vous avez une série de propositions qui sont intéressantes.

J'ai eu l'occasion de vous le dire, je me permets de le rappeler, et je vais insister sur certaines d'entre elles. Mais, avant d'aborder le fond de la question, je voudrais qu'on puisse, à la commission, être en mesure d'évaluer les impacts réels sur le travailleur autonome, et ça, j'ai beaucoup de difficultés; peut-être que ça a été fait et peut-être que ça ne l'a pas été.

Le projet de loi 185 vient enlever de la pratique du travailleur autonome la construction neuve. Tout le reste demeure. Donc, c'est la construction neuve. Pour évaluer l'impact réel sur l'entrepreneur autonome, est-ce qu'on a évalué le pourcentage de travaux dans la construction neuve, dans votre champ de compétence? Je ne vous demande pas de faire ça pour tous les autres corps de métier, mais chez vous, les maîtres tuyauteurs, le pourcentage de travaux réalisés par les entrepreneurs autonomes sur les chantiers de construction et le pourcentage de travaux, d'entretien, de réparation et de rénovation réalisé par les entrepreneurs autonomes, si on avait ça, on saurait exactement l'inconvénient que ça pose pour ce genre d'entrepreneur. Est-ce que vous avez des données là-dessus?

Le Président (M. Gauvirt): M. Lavallée.

M. Lavallée: Je vous remercie de votre question, Mme Blackburn. J'aimerais apporter aussi la distinction entre des travaux de construction et des travaux d'ajout. Nos 800 membres qui sont présentement touchés par ce projet de foi, fa majorité d'entre eux font des travaux d'entretien. Alors, on n'est pas brimé dans le domaine de l'entretien ou de la réparation mineure. Il faut s'entendre sur le terme «mineure». On a eu des réflexions, on s'est penché sur le terme «mineure» pour définir que, des ajouts à des résidences existantes, par exemple ajouter un appartement à une maison ou finir un sous-sol..Pour vous, des travaux mineurs, est-ce que c'est des travaux de construction? N'est-ce pas entreprendre des travaux de construction lorsqu'on ajoute ou on agrandit une résidence? Alors, nos 800 membres qui sont touchés par le projet de loi 185 prétendent que non seulement les chantiers de construction vont leur être interdits, mais que, des travaux d'ajout de la nature que je viens de vous définir, ils n'y auront plus accès.

M. Favre: Si je peux me permettre de complementer, Mme Blackburn.

Le Président (M. Gauvin): M. Favre.

M. Favre: II y a une longue tradition dans révolution des entreprises de services qui sont là à l'année, quant au service d'entretien, par exemple, ou quant au service d'installation de tuyauterie. La majorité des entrepreneurs en tuyauterie ont ce qu'on appelle un marché diversifié. Et ça, ça existait bien avant 1988 et les entrepreneurs artisans étaient là et... Eux, leur part du marché qu'il y avait là, ils l'ont perdue en 1988.

Mais les entreprises, je pense à celle de Fernand ou de Jean Brière, qui ont un secteur diversifié d'entretien, de réparation, c'est dissocié du décret maintenant. Ce n'est plus assujetti au décret, mais ils ne font jamais la différence en moindre quant aux salaires versés, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu d'impact quant aux travailleurs qui sont des plombiers dûment qualifiés. Que tu l'envoies sur une petite réparation d'une rondelle, M. le ministre, ou que tu l'envoies sur la construction d'un centre d'achats, tu le paies le même salaire avec les mêmes avantages, avec les 30 % de charges sociales et il fait ça. Ça ne se fait pas, dans la vie, de dire à quelqu'un: Je te paie moins cher parce que, cet avant-midi, tu as travaillé sur des petites réparations, mais, cet après-midi, tu me fais de la grosse construction et je vais te payer plus cher. C'est ça qu'il est important de reconnaître quant à cette facette de ce style d'entreprise.

Mme Blackburn: Bien. Alors, ce que vous nous dites, en gros, c'est que, contrairement à l'impression générale - je pense que je demanderais ça à mes collègues et ils partageraient mon avis là-dessus - l'impression qu'on a si on fait affaire avec un entrepreneur autonome, c'est que c'est supposé nous coûter moins cher.

M. Favre: Ce n'est pas évident.

Mme Blackburn: Bon. C'est ça. Ça, au moins, c'est clair. Parce que c'est un peu ça qui court, c'est que ça coûte moins cher d'avoir affaire à un entrepreneur autonome. Ce qui coûte moins cher, c'est de faire affaire avec un travailleur au noir. Ce n'est pas pareil, ça. Ça coûte moins cher, en tout cas, non pas à l'État, mais probablement à celui qui fait faire les travaux.

Donc, vous confirmez ce que je disais. Ce n'est pas parce que j'appelle un entrepreneur autonome pour faire changer la rondelle de caoutchouc dans mon robinet d'eau chaude - parce que c'est toujours celle-là qui manque -que ça va me coûter moins cher. Alors, ça, ça va. Moi, là-dessus, j'avais déjà vérifié et...

À présent, les travaux mineurs, ça n'a pas été défini. Est-ce que c'est 10 000 $, 20 000 $? À ma connaissance, ça n'a pas été... Je sais qu'il y a eu des propositions à l'effet de limiter ça à 10 000 $. On a dit: Ça, c'est des travaux mineurs. Au-delà de ça, ça pourrait ne pas être mineur. Mais je vois tout de suite ce que ça va donner. Vous avez des travaux de 13 000 $ à la maison et un petit peu à la galerie et un petit peu à l'ajout, est-ce que je sais, de gouttières et, là, vous séparez votre contrat en deux, puis

ça fait des travaux mineurs pareil. Moi, je sais que c'est comme ça que ça va se faire. Donc, travaux mineurs, ça n'a pas encore été défini dans la loi, pas plus que l'ajout d'une salle de bains. C'est un peu l'exemple que vous apportiez.

Êtes-vous en train de nous dire que si, ça, c'était mieux défini et que l'ajout d'une salle de bains, par exemple, la finition d'un sous-sol, si c'était compris dans «réparation, rénovation et entretien», vous seriez assez d'accord?

M. Lavallée: Pas tout à fait, Mme Blackburn. J'inviterais Me Jean Morin à nous donner de l'information là-dessus puisqu'on a de la jurisprudence, je pense, Me Morin, là-dessus.

Le Président (M. Gauvin): Me Morin.

M. Morin (Jean): Oui. Alors, bien respectueusement, il me semble qu'est oublié ici le dernier paragraphe de l'article 19 de la loi dont il est question, la Loi sur les relations du travail. Tout à l'heure, j'entendais, lors des interventions d'Alcide Fournier, Mme Blackburn dire: Le travailleur autonome, il peut charger 10 $, 12 $, s'il le veut, lorsqu'il effectue des travaux de construction. Or, c'est interdit. L'entrepreneur autonome a l'obligation de charger a son client une rémunération suffisante pour se payer les mêmes avantages que ceux mentionnés dans le décret. Ce n'est pas vrai qu'il peut travailler à 10 $ l'heure. C'est interdit par la loi. S'il le fait, il commet une infraction. Il ne faut oublier... Tout à l'heure, M. le ministre... C'est 19 $. Je l'ai devant les yeux, je peux vous le lire. C'est noir sur blanc. L'entrepreneur autonome doit exiger une rémunération au moins égale sur une base horaire à la rémunération en monnaie courante et aux indemnités et avantages ayant une valeur pécuniaire prévue dans la loi.

Tout à l'heure, M. le ministre disait: Trouvez-vous normal que, sur un petit centre d'achats, on ne retrouve que des entrepreneurs autonomes, pas de travailleurs? L'entrepreneur autonome, c'est un travailleur. Ce n'est pas un employeur, ce n'est pas un salarié syndiqué, mais c'est un travailleur. Il faut faire attention. Ils ne comprennent pas lorsqu'on leur dit qu'ils ne sont pas des travailleurs. C'est un type qui est licencié et qui a l'obligation de charger à ses clients une rémunération suffisante pour se payer les avantages mentionnés dans le décret.

Au mois de décembre, lorsqu'on vous a parlé de quelqu'un qui finit son sous-sol, vous avez paru étonnés, plusieurs membres de cette commission... le fait que vous vous êtes dit: Ce sont des travaux de modification. «Modification» dans le dictionnaire, ce n'est pas construction, ce n'est pas nouvelle installation. Modifier une installation de tuyauterie, c'est la changer d'endroit, mais ajouter une salle de bains... Tant mieux si vous pensez que modification, c'est une modification aux structures, c'est une modification... La Commission de la construction pense la même chose que vous. Elle a émis une directive où elle définit le mot «modification»: Travaux exécutés dans le but d'apporter des modifications aux structures de l'immeuble en fonction d'une nouvelle utilisation qui en sera faite, par exemple, une école qui serait transformée en bureaux administratifs. C'est de toute beauté, mais ça ne repose sur rien. Ce n'est pas sûr que les juges vont suivre ça. Une directive de la CCQ, ce n'est pas... Tant mieux, mais j'aimerais mieux, comme juriste, si vous me permettez, que vous mettiez ça un peu plus clair que de dire qu'une modification, c'est simplement une modification aux structures ou c'est transformer une école en locaux administratifs, si c'est ça que vous avez en tête.

Mais, à date, il faut que vous sachiez que sont poursuivis des entrepreneurs autonomes qui ont installé des nouvelles salles de bains dans des résidences, ils sont poursuivis parce qu'ils ont fait des travaux de construction, selon les procureurs qui les poursuivent. Il n'y a pas de jugement encore, on conteste ça à l'heure actuelle.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Je rappelle ma question première. Avez-vous évalué le pourcentage de travaux réalisés par les entrepreneurs autonomes respectivement dans la construction neuve et dans les travaux de réparation, de rénovation et d'entretien, de vos 800 entrepreneurs autonomes?

M. Favre: On n'a aucune statistique quant aux travaux ou au profil de travail par spécialité, s'ils travaillent dans le résidentiel, le commercial ou l'industriel. On n'a pas ces données.

Mme Blackburn: Donc, quand on avance des chiffres absolument catastrophiques quant aux effets sur l'entrepreneur autonome, c'est plus une impression générale que des données précises?

M. Favre: Oui.

Mme Blackburn: O.K., ça va. Moi, je veux être en mesure d'évaluer ce que ça veut dire puis je ne suis pas en mesure de le faire, je vous le dis. Vous ne me donnez pas les informations qui me permettent de le faire. En ce qui a trait à la définition de «travaux mineurs», ce que je veux comprendre de votre intervention, c'est qu'il y aurait intérêt à ce qu'une réglementation les définisse. On est d'accord avec ça?

M. Favre: Oui.

Mme Blackburn: J'aimerais revenir un peu à

vos propositions. À la première page de vos propositions, vous dites: «Pourquoi ne pas songer à limiter le nombre d'entrepreneurs autonomes par spécialité qui peuvent oeuvrer sur un même chantier de construction? Ainsi, sur un même chantier, on ne pourra retrouver que 50 entrepreneurs». J'imagine qu'on ne pourra pas retrouver 50 entrepreneurs. J'ai pensé que c'était une faute de frappe. Il n'y a pas de problème. Mais, telle que libellée, votre proposition, je pourrais faire construire ma maison avec tous les travailleurs autonomes. (17 heures)

M. Lavallée: On parle d'une résidence?

Mme Blackburn: Oui, une résidence, ma maison; une résidence.

M. Lavallée: Vous pourriez construire une maison avec un plombier puisqu'un plombier...

Mme Blackburn: Un plombier...

M. Lavallée: ...peut faire la plomberie d'une maison...

Mme Blackburn: ...un électricien, un peintre, un menuisier, un coffreur... on appelle ça un tireur de joints, mais je sais qu'il y a un autre nom, le terme, ce n'est pas un «plastreur», un plâtrier?

M. Lavallée: Pourquoi pas? Si vous construisez votre maison et que vous engagez des entrepreneurs autonomes dans chacune des spécialités, pourquoi pas?

Mme Blackburn: Alors, c'est l'équivalent...

M. Lavallée: Un par spécialité.

Mme Blackburn: ...de dire: La construction domiciliaire devrait échapper au décret, votre hypothèse.

M. Lavallée: II y a différents projets domiciliaires. Si un entrepreneur entreprend de construire...

Mme Blackburn: Domiciliaire.

M. Lavallée: ...10 maisons... On vous décrivait tantôt une situation où...

Mme Blackburn: Oui.

M. Lavallée: ...sur 13 bungalows sur la même rue, deux entrepreneurs en plomberie ont exécuté les travaux; les 11 autres ont été effectués par...

Mme Blackburn: Les 11 autres, oui.

M. Lavallée: ...les propriétaires eux-mêmes. Alors, il y a un malaise là. On vous dit que la plomberie, effectivement, a été faite par des plombiers - nos salariés, sans doute - les fins de semaine ou le soir. Alors, on vous dit: Contrôlons...

Mme Blackburn: Bien.

M. Lavallée: ...ça. Empêchons le propriétaire de faire ses travaux lui-même et de les faire exécuter par un travailleur au noir, un vrai travailleur au noir, celui-là.

Mme Blackburn: Votre deuxième proposition, comment elle pourrait se traduire dans les faits? Parce que je veux comprendre un peu. Tantôt, on va travailler sur le projet de loi. «S'il est vrai qu'un travailleur autonome - dites-vous, parfois - bénéficie d'avantages sociaux semblables à ceux dont bénéficient les employeurs et les autres travailleurs de la construction sans avoir contribué adéquatement aux charges inhérentes, nous suggérons qu'il soit prévu qu'en tout temps les bénéfices qu'ils peuvent retirer des avantages sociaux prévus ne soient que proportionnels à leur contribution.» Comment calculerait-on ça, là?

M. Lavallée: Je demanderais à M. Favre de répondre à cette question.

M. Favre: Encore là, le point 1 et le point 2, ce sont des choses qui avaient été soulevées le 6 décembre dernier, c'est-à-dire qu'il semble qu'il y ait des gens qui profitent de façon indue du système. On n'est pas actuaires, mais c'est possible, il me semble, de calculer une façon de redonner un montant équivalent ou proportionnel, mais en fonction de la contribution. S'il y a déclaration d'heures, par exemple, d'un entrepreneur autonome à la CCQ, s'il choisit de déclarer pour en recevoir ou en percevoir les avantages sociaux, il devrait avoir un minimum d'heures ou un montant, je ne le sais pas, qui ferait en sorte qu'il n'abuse pas, lui, du système.

Mme Blackburn: L'entrepreneur autonome n'est pas tenu de déclarer ses heures à la CCQ; c'est l'employeur qui est tenu de le faire.

M. Favre: Oui. Mais il y a des entrepreneurs autonomes qui...

Mme Blackburn: Non. L'entrepreneur, s'il a un employé, il devient employeur, à ce moment-là.

M. Favre: Oui.

Mme Blackburn: C'est parce que, tout à l'heure, je pense que la distinction a été claire là-dessus.

Vous savez, ce qu'on invoque souvent chez mes collègues, c'est: Laissons plus de place à l'entrepreneur autonome, ça va coûter moins cher au consommateur. Là, on vient de me dire que ce n'est pas vrai parce qu'il a l'obligation de charger un taux horaire qui lui permette de se payer tous les avantages. Bon! Dans mon milieu, c'est beaucoup ce qu'on défend. On dit: Prends l'entrepreneur autonome, il coûte moins cher. Ce qui coûte moins cher, je le rappelle, c'est le travailleur au noir, mais ce n'est pas vraiment l'entrepreneur autonome. Alors, ça me permettait juste de clarifier cette partie-là.

Vous avez une proposition qui est intéressante aussi, c'est l'idée d'afficher la liste des entrepreneurs qui contribuent aux travaux de construction. Vous pensez également que la municipalité pourrait avoir la responsabilité: «Ainsi, nous suggérons qu'il soit obligatoire non seulement d'afficher le permis de construction sur le chantier lui-même...»; et vous me disiez que ça se faisait déjà, antérieurement.

M. Lavallée: Oui, ça se fait à Montréal, disons.

Mme Blackburn: D'accord. Mais ce n'est pas obligatoire?

M. Lavallée: Ce n'est pas uniforme.

Mme Blackburn: C'est facultatif; c'est selon les municipalités.

M. Lavallée: C'est ça.

Mme Blackburn: D'accord. Mais encore, que soit affichée la déclaration du donneur d'ouvrage quant aux noms des entrepreneurs qui effectuent les travaux de toutes les spécialités sur le chantier, ce serait quoi, l'avantage? Je trouve ça intéressant, mais ce serait quoi, l'avantage concret?

M. Lavallée: Un inspecteur de la CCQ qui irait visiter ces chantiers-là pourrait voir les entrepreneurs qui ont été déclarés travailler sur le chantier et pourrait...

Mme Blackburn: Et faire des recoupages.

M. Lavallée: ...du fait même, faire le joint si cet entrepreneur-là a effectivement effectué les travaux.

Mme Blackburn: Mais la CCQ...

M. Lavallée: Ça évitera, justement, d'avoir des salariés, des employés ou des ouvriers sur le chantier qui ne sont pas accrédités pour le faire, qui ne sont pas des entrepreneurs autonomes.

M. Favre: Ce serait une manière très visuelle.

Mme Blackburn: Vous savez que dans l'hypothèse que vous défendez, l'entrepreneur autonome n'est pas assujetti à la CCQ.

M. Lavallée: Mais on a aussi identifié, Mme Blackburn, que sur beaucoup de ces chantiers-là il y a des travailleurs qui ne sont pas des travailleurs autonomes dans le sens que nous, nous l'interprétons. Ce sont des travailleurs au noir, des gens qui travaillent cash, là.

Mme Blackburn: Oui, oui. Donc, ça permettrait de contrôler le travail au noir. D'accord.

M. Lavallée: C'est ça. On dit: Pour nous, le vrai travail au noir c'est celui qui se fait par des gens qui ne paient pas d'impôt, qui ne prennent pas de permis et qui font ça les fins de semaine et le soir.

Mme Blackburn: Oui, c'est une bonne proposition. Et l'attestation de conformité, vous dites que c'est un pas dans la bonne direction. Mais, à votre recommandation 5, vous dites, en parlant des travaux qui sont réalisés par des gens qui n'ont pas la compétence dans les travaux de plomberie: «Est-ce que les certificats de conformité prévus à 186 ne devraient pas prévoir précisément que les travaux de plomberie devraient être réalisés par des spécialistes?»

M. Lavallée: Je vais demander à M. Favre de répondre à cette question.

Mme Blackburn: II me semble que tous les travaux de construction devraient être réalisés par ceux qui ont la compétence, sinon ils n'auront pas de certificat de conformité, il me semble.

M. Favre: Bien, dans les cas où la loi prévoit que le constructeur propriétaire peut faire sa propre plomberie, il ne sera pas tenu de s'émettre un certificat de conformité à lui-même parce que la loi permet au propriétaire de faire sa propre plomberie. Donc, il y a un problème. Comment le propriétaire va-t-il s'émettre un certificat de conformité?

Mme Blackburn: Mais il n'y aura pas de certificat de conformité. Alors, ce que vous nous dites, c'est qu'il y aurait comme un trou, là. Est-ce qu'à ce moment-là, une fois les travaux terminés, la maison serait estimée conforme? Un certificat de conformité... J'imagine que ça serait indiqué que tous les travaux, à l'exception de la plomberie, s'ils n'ont pas été effectués par quelqu'un qui a la compétence, ne pourraient pas être conformes. Il me semble qu'il y a quelque chose. Mais quand même, vous soulevez quelque chose d'intéressant. C'est quel pourcentage? Là,

vous me dites: II y a neuf maisons sur treize. M. Lavallée: Sur la même rue. Mme Blackburn: Neuf sur treize.

M. Favre: Mme Blackburn, sur - je ne sais pas - peut-être un millier de dossiers potentiels traltables, on est capable d'en activer environ 300 par année. Il y a énormément de perte d'énergie à cet égard. Il y a énormément de travail au noir qui se fait dans la plomberie, partout au Québec. Quand je vous donnais l'exemple des 20 maisons, il y en a deux qui sont faites par des entrepreneurs - c'est dans le comté de Kamouraska où les entrepreneurs me donnaient un exemple - mais qui les fait, les 18 autres?

Pour revenir à l'interdiction aux propriétaires de faire les travaux de plomberie, à Montréal seulement, sur les 14 municipalités qui appliquent un code distinct, H y en a 9 au moins, dont les plus grosses - on pense à Verdun, Montréal-Nord, Montréal, Saint-Laurent, Westmount, et tout ça - où c'est interdit. Puis ça marche. Pourquoi? Pour bien des raisons: pour la contamination, pour la vermine, pour toutes sortes de raisons. Et Dieu sait que ça aiderait grandement, M. le ministre, dans le travail que nous faisons, que vous nous demandez d'exécuter quant à la poursuite du travail au noir, ça nous aiderait grandement dans cette démarche. Je ne vois pas comment ça nuirait tellement; ça ne léserait personne puisque c'est déjà fait pour au-dessus d'un tiers de la population du Québec. Et on sait très bien que, de toute façon, c'est une occasion pour les propriétaires d'engager au noir. Parce qu'il n'y en a pas gros qui ont ce grand talent-là, de faire la plomberie, de toute façon. C'est toujours un cousin ou un beau-frère ou quelqu'un qui finit par le faire, de toute façon.

Mme Blackburn: Bien. Dans votre recommandation 6, vous suggérez que le propriétaire qui confie des travaux à un travailleur au noir soit poursuivi en justice et ait à payer des amendes sévères. Il me semble que ça serait difficile. J'essaie...

M. Lavallée: Oui.

Mme Blackburn: ...de voir comment on pourrait gérer une telle disposition. Je veux dire, n'importe quand, le propriétaire va vous dire: Moi, je ne le savais pas.

M. Lavallée: J'inviterais Jean Morin à nous parler sur cette suggestion.

M. Morin (Jean): Oui, ce serait difficile. Le Président (M. Gauvin): Me Morin.

M. Morin (Jean): M. le Président, effectivement, ça serait difficile mais, au moins, ça serait incitatif. Très difficile. Encore faudrait-il prouver l'infraction. Mais, au moins, ce serait un pas en avant. Le propriétaire qui serait pris à confier des travaux à quelqu'un, au noir, devrait être partie à une infraction et devrait être poursuivi. Possiblement que ça pourrait inviter les gens à faire un peu plus attention.

Mme Blackburn: Quand vous parlez de propriétaire, c'est quelqu'un qui fait construire sa maison, par exemple.

M. Morin (Jean): Quelqu'un qui fait construire sa maison ou un entrepreneur général, n'importe qui donnant des travaux à un travailleur au noir, à un travailleur non licencié, etc.. alors il pourrait être poursuivi. Évidemment, c'est difficile. C'est bien certain. C'est une suggestion parmi tant d'autres.

Mme Blackburn: En ce qui a trait aux exigences qui pourraient être faites aux municipalités de demander au donneur d'ouvrage, à celui qui demande le permis de construction, de recueillir les informations sur le nombre d'heures requises pour effectuer les travaux, est-ce que vous avez vérifié si c'était réaliste, faisable?

M. Lavallée: Ce n'est pas notre recommandation. Nous recommandons que la municipalité qui émet le permis de construction demande au donneur d'ouvrage d'identifier les sous-traitants qui vont travailler à la réalisation des travaux. On ne demandera pas à la municipalité de contrôler le nombre d'heures travaillées sur le chantier. Ce n'est pas notre proposition, Mme Blackburn.

Mme Blackburn: Ah! D'accord, ça va. Vous, c'est seulement la liste des entrepreneurs qui seront chargés de la réalisation des travaux.

M. Lavallée: S'assurer que les travaux sont réalisés par des entrepreneurs qui sont dûment qualifiés pour le faire et non pas par des travailleurs au noir.

Mme Blackburn: Ça irait pour le moment, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): J'aimerais informer les membres de cette commission qu'après avoir vérifié, évidemment, le salon rouge n'est pas disponible, et c'est l'explication... Donc, encore une fois, je...

Mme Blackburn: Demain, ça va aller?

Le Président (M. Gauvin): II n'est pas disponible pour les prochains jours parce qu'il y a déjà une autre commission qui siège, la

commission spéciale sur la souveraineté. Une voix: Elle est finie.

Le Président (M. Gauvin): Donc, je passe maintenant la parole à Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.

Mme Dionne: Merci, M. le Président. J'ai quelques questions ou, à tout le moins, des commentaires à faire; ça ne s'adresse pas nécessairement à votre Corporation mais à tout ce que j'ai entendu depuis le début. Tout à l'heure, c'était la Commission de la construction; maintenant, c'est les maîtres en tuyauterie; on va rencontrer les syndicats tout à l'heure mais, avant toute chose - j'ai l'impression qu'on l'oublie ou, en tout cas, on n'en a pas parlé jusqu'à maintenant - j'espère entendre les autres là-dessus, sur celui qui fait faire les travaux, qui est le consommateur.

S'il y a du travail au noir qui se fait... Je regarde dans mon comté, dans Kamouraska-Témiscouata, ce n'est pas le comté le plus riche de la province, mais j'ai l'impression que les gens vont au moindre coût possible en prenant des risques sur la qualité, dans bien des cas. Ils ont des frères, justement, ou un cousin qui est menuisier, qui a sa carte de la construction. Il est en chômage pendant l'hiver; ils vont lui faire faire des travaux. Des fois, c'est un membre de la famille, un retraité - ça arrive, ces choses-là - qui va donner un coup de main; il va faire une partie de la construction domiciliaire, les armoires, et tout ça.

Quand je regarde ce dont on parle dans le moment, je trouve qu'on a oublié une chose, c'est le coût. Et j'ai l'impression que la cause fondamentale du travail au noir dans le moment au Québec, c'est vraiment le coût de la construction. Si des gens gagnent 10 $ l'heure dans une scierie, ils ont de la misère à payer un menuisier à 20 $ l'heure. C'est quand même beaucoup plus cher que ce qu'ils ont comme salaire. J'aimerais ça, en tout cas, à un certain moment donné, parmi tous ceux qui vont venir, si on pouvait aborder ce problème-là parce qu'il est là, il est réel. On ne cherche pas le moindre coût quand on a les moyens financiers de payer. Parce que là je dis que tout le monde est compétent, tous ceux qui ont des cartes, toutes les corporations ont des membres compétents, mais au-delà de ça, il y a une question financière qui est, je pense, le fondement même du problème.

On regarde - je ne toucherai pas à la construction industrielle et commerciale - la construction domiciliaire. Tout à l'heure, la Commission de la construction nous a dit qu'effectivement, c'est à peu près 800 heures pour construire une maison. Et si les municipalités demandaient à l'entrepreneur d'inscrire le nombre d'heures que ça doit prendre, on devrait se retrouver, au lieu d'environ 300 heures qui sont normalement déclarées cette année, avec une augmentation du nombre d'heures. Sauf qu'effectivement, si je décide de me faire construire une maison, que j'ai justement des gens autour de moi qui sont prêts à m'aider, à moindre coût, ça ne sera pas 800 heures qui vont être déclarées à la Commission, ça va peut-être être 600 heures ou peut-être 500 heures parce que je ne ferai pas tout faire par un entrepreneur général. Je vais faire faire ce que je ne suis pas capable de faire, le carré de la maison, à tout le moins, tout ça, et le reste... Je pense que c'est une réalité dans chacune de nos municipalités, que les gens en chômage vont se faire aider. Ils vont faire un bon bout de chemin par eux-mêmes, et surtout les jeunes couples qui en sont à leur première maison, avec des enfants, avec une auto et des meubles à payer. (17 h 15)

Alors, là, j'aimerais savoir, d'après vous, est-ce qu'il y a des moyens de résoudre ce problème-là? Est-ce qu'au niveau de la plomberie... Il y a des plombiers qui vont dire: Bien, moi, je suis prêt à faire ce travail-là pour tant. Même si je suis un maître plombier, je vais te le faire à moins cher que la Corporation parce qu'il y a une compétition qui est féroce et qu'il n'y a pas beaucoup de travail.

M. Lavallée: Vous êtes en train d'identifier, je pense, un travailleur qui est soit sur l'as-surance-chômage ou sur le bien-être social, qui est aux crochets de la société et qui travaille à 10 $ l'heure, peut-être. C'est ça que vous êtes en train d'identifier.

Mme Dionne: Le consommateur, lui, il va chercher le meilleur prix. C'est ça que je veux dire, là. Je parle toujours du consommateur qui cherche le meilleur prix possible parce qu'il n'a pas beaucoup d'argent pour se faire construire une maison. Comment on va faire? Quelles sont vos suggestions, vos propositions pour qu'à un certain moment donné... Il s'en fait, du travail au noir, dans ça, là.

M. Lavallée: Oui.

Mme Dionne: C'est une question d'argent, là.

M. Lavallée: C'est ça.

Mme Dionne: Est-ce que vous avez des solutions à apporter?

M. Lavallée: Je vais demander à M. Favre de nous parler là-dessus.

M. Favre: II y a déjà des initiatives que le gouvernement a prises. Mon taux, mon toit, par exemple, c'est des choses à encourager. Inciter

les gens à faire l'acquisition d'une maison neuve à un taux moindre, c'est un très grand stimulant pour l'industrie. Quant au nombre d'heures moyen de construction d'une maison, je ne sais pas. C'est toujours fonction de la grosseur de la maison. La maison moyenne, c'est...

Mme Dionne: Tout de même, au départ, il y a Mon taux, mon toit; oui, c'est vrai, c'en est une, possibilité.

M. Favre: Ce genre d'initiatives, il faut les poursuivre, il faut les bonifier, il faut encourager les gens à avoir accès à la propriété au meilleur coût possible.

Mme Dionne: O.K.

M. Favre: L'hypothèque est déjà le coût le plus élevé qu'on doit subir et entretenir après.

Mme Dionne: Mais les recommandations que vous proposez, même de poursuivre un propriétaire qui confie ses travaux à un travailleur au noir... On a beau réglementer, on aura beau mettre toutes les dispositions possibles dans la loi et dans les règlements, je n'ai pas l'impression que ça va vraiment régler le problème de base qui est de chercher le moindre coût possible. Il y a bien des gens qui n'ont pas les moyens de payer les salaires des décrets et qui se servent de gens comme ça, qui sont en chômage pendant l'hiver.

M. Lavallée: Alors, il ne faut pas encourager ça!

Mme Dionne: Non. Ce n'est pas à encourager mais c'est parce que les propositions de sévir, je ne suis pas convaincue que ce soit les meilleures. Peut-être; je ne suis pas spécialiste du domaine de la construction.

M. Lavallée: M. Brière, pourrait peut-être nous parler là-dessus.

M. Brière: Des entrepreneurs qui opèrent... Vous pariez d'un problème qui est social. C'est bien évident de ce temps-ci qu'on comprend tous ça. Mais il y a des lois, il y a des règlements. On a appris notre métier, on doit suivre des réglementations. Ce qu'on dit, c'est qu'on veut conserver pour l'entrepreneur autonome le fait de pouvoir faire une maison. Peut-être que, lui, pourra vous faire un prix. On dit aussi dans notre mémoire... Ce qu'on veut de l'entrepreneur autonome - c'est ce que j'ai dit la dernière fois; je ne suis pas un entrepreneur autonome. Je ne m'y connais pas tellement au point de vue de l'entrepreneur autonome comme tel - ce que, moi, je veux, ce qu'on veut à la Corporation, c'est que cet entrepreneur-là soit dans une position où si, demain matin, il a de l'ouvrage à faire faire et qu'il a plus d'ouvrage qu'il n'est capable d'en faire avec ses deux bras et ses deux mains, qu'il engage quelqu'un. On veut qu'il soit considéré comme un entrepreneur. On veut qu'il y ait un entrepreneur puis un salarié, un travailleur.

C'est bien évident que dans ma conception des choses, il faut que cet entrepreneur-là puisse vous donner un prix. Possiblement qu'il pourra vous donner un très bon prix. Je ne le sais pas. Il va vous faire un prix global, un prix forfaitaire qui va faire qu'il va exécuter votre travail. Si, à partir de là, il y en a plusieurs à faire, en autant que je suis concerné, il engagera un travailleur pour continuer à faire son travail. Mais il demeure qu'il doit pouvoir continuer à faire de la construction qui, j'imagine, doit représenter aux alentours de peut-être 20 % ou 30 % de son chiffre d'affaires. Si vous lui enlevez 20 % ou 30 % de son chiffre d'affaires - et on ne parie quand même pas de Place Ville-Marie ou des choses semblables - ça va certainement faire mal. Je vous jure que, de ce temps-là, ça doit faire mal parce que les 20 % ou 30 %, il ne doit pas les avoir.

Vous réglez votre problème en vous faisant aider par mon oncle ou ma tante? Je le sais bien, mais je vous avoue franchement que je ne l'ai pas, la solution. C'est un problème social qu'on va devoir tous regarder ensemble et voir. Il y a une différence entre se faire aider pour faire une réparation, déboucher votre évier, par exemple, et construire une maison. Je pense que si on légifère... Demain matin, moi, je n'ai pas le droit de partir en avion, je ne connais pas ça. Je vais tomber, je vais me casser la boîte, mais il faudrait peut-être le respecter. Il y a peut-être des incitations au point de vue - je ne sais pas - de l'impôt, peut-être, qui pourraient faire que ces gens-là pourraient ...Je ne sais pas, je vous avoue franchement que je ne peux pas vous répondre sur: Comment on va régler le problème aujourd'hui, avec les oncles et les tantes; je ne le sais pas. Mais ce n'est certainement pas avec la loi 185. Ce n'est pas en empêchant l'entrepreneur autonome qui, lui, demeure à côté de chez vous de soumissionner sur votre maison qu'on va régler le problème.

Le Président (M. Gauvin): M. le député de Labelle.

M. Léonard: C'est peut-être une question qui a déjà sa réponse, mais je la pose. Les certificats de compétence sont détenus par des personnes qui ont passé des examens, alors que les permis peuvent être donnés à des entreprises qui sont soit enregistrées, soit incorporées. Vous avez dit que vous aviez 800 membres, à peu près, 800 entreprises. Combien sont incorporées et combien enregistrées? Est-ce que vous le savez, à peu près?

M. Favre: La proportion, c'est environ 500 enregistrées et à peu près...

M. Léonard: 300 incorporées.

M. Favre: 350 ou 400, mais là, quand je dis 800, c'est peut-être un peu plus.

M. Léonard: O. K. C'est un ordre de grandeur que je voulais.

M. Favre: Oui.

M. Léonard: Dans le cas des incorporations, le certificat de compétence est donné à des personnes physiques, alors que les permis et la loi des permis, je suppose, s'adressent aux entreprises. Même le travailleur autonome qui est incorporé, c'est une entreprise, donc une personne morale. Nos lois font une grande distinction entre les deux. Même si la personne physique possède 100 % des actions de la personne morale, c'est vraiment considéré comme deux...

M. Favre: Deux entités.

M. Léonard: C'est deux entités complètement séparées. J'ai été étonné de ne pas voir soulevé ce point dans le mémoire parce que, à mon sens, d'un point de vue, on peut pousser loin les conséquences de cette distinction.

M. Brière: Je ne vous saisis pas.

M. Léonard: En d'autres termes, éventuellement, vous pourriez aller jusqu'à contester, peut-être, ou à soulever le point devant la Charte des droits et libertés quant à l'individu. Mais, par ailleurs, dans le fondement même de nos lois, une personne morale est très différente de celui qui a le certificat de compétence et qui l'exerce.

M. Brière: Mais...

M. Léonard: Alors, on interdit à une personne morale de soumissionner, par exemple, dans des contrats de construction.

M. Brière: C'est ça.

M. Léonard: C'est la loi elle-même qui est comme ça.

Le Président (M. Gauvin): M. Brière.

M. Brière: Si je peux me permettre, c'est que lorsque vous levez un permis, vous devez être détenteur d'une licence de la Régie.

M. Léonard: Oui.

M. Brière: Or, cette licence-là, dans le cas d'un entrepreneur autonome, a été passée par lui; on l'a qualifié en administration; une qualification de son métier a été faite par la Corporation et en sécurité. À partir de là, c'est dans ce sens-là. C'est bien sûr que je ne suis pas un juriste et que je ne peux pas commencer à jouer avec la différence de ça, mais il est bien évident que c'est la personne qui a passé ces licences-là qui, elle, peut lever un permis. D'ailleurs, dans plusieurs municipalités - et ça devrait être la norme, aussi - on exige ce numéro de la Régie pour vous émettre un permis.

M. Léonard: Oui, mais l'entreprise, si elle est incorporée, peut quand même faire des soumissions, par exemple, sur un contrat de construction de maisons neuves.

M. Brière: Oui.

M. Léonard: Même si elle n'a qu'un seul employé, lequel est en même temps employeur, si on veut; mais ce n'est pas lui, l'employeur, c'est la personne morale et non pas celle qui a la compétence. Alors, moi, je trouve qu'il y a une grande distinction; ce n'est pas soulevé.

M. Brière: Je vous avoue que, quand on commence à jouer là-dedans...

M. Léonard: Oui, peut-être là, mais je pense que...

M. Brière: J'ai bien assez de jouer avec mes tuyaux, moi, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brière: J'ai déjà des problèmes avec mes tuyaux.

M. Léonard: C'est parce que c'est deux personnes différentes, même si vous avez un seul...

M. Brière: Oui, je comprends ça. Je comprends que c'est deux personnes différentes, mais d'aller jouer avec l'employeur, l'employé... Quand on vous parle... Les gens qui...

M. Léonard: L'employeur, c'est la compagnie.

M. Brière: Oui.

M. Léonard: L'employé, ça peut être le propriétaire, mais c'est l'employé de la compagnie. C'est deux personnes complètement différentes.

M. Brière: Oui.

Le Président (M. Gauvin): Excusez. M. le député des îles-de...

M. Cherry: C'est quelque chose qui devrait vous intéresser.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Morin (Jean): Ça dépend.

M. Cherry: Vous êtes procureur de formation. Aidez-nous un peu, là. Votre silence m'inquiète.

M. Morin (Jean): Ça m'intéresse, mais les distinctions entre une compagnie et une personne physique vont probablement nous permettre d'essayer de contester la loi 185 si elle devient loi. C'est bien certain qu'à partir du moment où vous empêchez quelqu'un qui a les certificats de compétence requis de travailler tout simplement parce qu'il n'est pas un syndiqué, alors que, déjà, la loi dit qu'il ne fait pas de la concurrence déloyale parce qu'il est obligé de charger, quand il fait des travaux de construction, la même chose que ce qu'un employeur doit payer à ses employés, c'est bien certain qu'on arrive là à une iniquité incompréhensible.

Alors, vous parliez de la Charte et vous parliez de la distinction entre une corporation et un employé. Ce n'est pas exactement ce que vous visiez. Mais comment expliquer à un juge, M. le ministre - vous me regardez avec des yeux méchants - que le législateur, dans sa sagesse, a déclaré qu'un entrepreneur autonome, dorénavant, ne peut pas travailler dans une maison neuve, tout simplement parce qu'il n'a pas de , salariés. Pas parce qu'il n'est pas compétent et pas parce qu'il charge moins cher, parce qu'il charge suffisamment. Il est obligé de charger un taux suffisant pour se payer la rémunération prévue dans le décret. Comment allez-vous expliquer à un juge qu'il s'agit d'une législation qui est équitable? Moi, en tout cas, je serai là, probablement, pour écouter vos procureurs essayer de convaincre le tribunal que, effectivement, cette législation-là n'est pas attaquable.

M. Brière: M. le ministre, vous pourriez être bon garçon et nous éviter toutes ces dépenses-là.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Cherry: Ça m'intéresse; n'étant pas juriste de formation, ça m'intéressait. Il y a quelqu'un qui est là qui nous a dit tantôt: Je suis avocat de profession. Donc, je pensais qu'il pouvait éclairer mon collègue. Comme je n'irai pas plaider devant les tribunaux, lui, serait là. Dans un premier temps, ça fait deux fois que vous invoquez le fait qu'il doit charger des taux équivalents. J'ai de la difficulté à voir comment ça devient intéressant, à ce moment-là, d'en avoir 20 autonomes plutôt que 20 salariés dans l'autre sens, s'ils doivent charger le même prix.

Mais pour votre réflexion et pour mon édification, j'aimerais ça que vous m'expliquiez la distinction entre la personne physique puis la personne morale; comment la personne morale peut-elle planter des clous?

M. Morin (Jean): Bien, regardez...

M. Cherry: Parce que, d'après moi, c'est la personne physique qui plante les clous.

M. Morin (Jean): Oui, c'est la personne physique qui plante des clous, mais la personne morale, c'est elle qui a la licence. Qu'est-ce que vous voulez? Les lois, actuellement, permettent à une compagnie d'avoir une licence, mais la compagnie, évidemment, pour obtenir une licence, il faut qu'elle ait comme actionnaires ou administrateurs des personnes physiques. C'est la loi, là, actuellement, hein. Un employeur est incorporé ou il n'est pas incorporé. Un employeur n'est pas nécessairement incorporé. Moi, je peux avoir des employés sans être incorporé. Je peux être incorporé. C'est la même chose pour l'entrepreneur autonome. Mais c'est la législation qui le permet. Un avocat ne peut pas s'incorporer, un entrepreneur peut s'incorporer. Moi, je ne peux pas pratiquer ma profession en étant incorporé. L'entrepreneur peut pratiquer sa profession en étant incorporé. Moi, je pense que c'est correct; c'est la législation qui est comme ça, tant pour l'entrepreneur autonome que pour l'employeur. Tout entrepreneur. C'est la législation qui est comme ça. Vous pouvez la changer, si vous voulez.

Mme Blackburn: Si vous permettez...

M. Léonard: Mais c'est un point de droit important, à mon sens, parce que peut-être que le fond du litige, c'est que les gens... Oui?

Le Président (M. Gauvin): Excusez. Oui, est-ce que vous êtes en voie de répondre ou de poser une question, M. le député de Labelle?

M. Léonard: Bien, j'avais posé une question sur la distinction entre les deux. Je n'ai pas participé souvent à cette commission. Ce qui me surprend, c'est qu'une entreprise engage un employé, lequel est le propriétaire, mais ça n'a aucune espèce de relation. Et le fondement même de la Loi sur les compagnies, ça porte justement sur la question de la non-responsabilité personnelle des gens, tandis que, là, on fait un lien de type personnel entre le propriétaire et l'employé. Je n'ai jamais vu ça.

Une voix: Aberrant.

Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie. C'était le temps qui_ était alloué à l'Opposition. Je reviens au député des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Blackburn: Peut-être pour éclairer le débat, si vous reprenez un paragraphe du mémoire de la Commission de la construction du Québec, il explique précisément pourquoi ça a été fait. Alors, vous avez le premier paragraphe de la page 11.

Le Président (M. Gauvin): Je reconnais le député des Îles-de-la-Madeleine. (17 h 30)

M. Farrah: Merci, M. le Président. Moi, j'ai senti une ouverture d'esprit au niveau des grands chantiers de construction, puis ça va en prendre une très grande, ouverture d'esprit, parce que je veux juste amener le commentaire suivant: Chez nous, présentement, il y a des grands travaux. Ils font la construction d'un hôpital et la construction d'une centrale thermique d'Hydro-Québec puis, entre autres, qu'est-ce qu'on vit présentement avec les travailleurs autonomes? C'est qu'on a des travailleurs autonomes qui travaillent chez nous, sur nos^ chantiers, qui proviennent de l'extérieur des îles. Je n'ai rien contre le fait que les gens de l'extérieur des îles viennent travailler chez nous, sauf qu'on se ramasse avec plusieurs travailleurs autonomes sur le même chantier, puis on a nos gens, nous, chez nous, qui sont syndiqués, qui ont leur carte de compétence, leur carte de la construction, puis ils sont chez eux. Alors, c'est un non-sens total, ça.

Alors, pour la clientèle chez nous et pour les gens de la place, c'est totalement inacceptable de dire: On a des gens de Montréal, Québec, Trois-Rivières, peu importe, puis bravo! Sauf que le système n'est pas correct de dire que ces gens-là viennent. On a 25 travailleurs autonomes sur un même chantier puis on a des gens compétents de la place qui ont leur carte de compétence et leur permis de travail puis ils sont chez eux à ne rien faire.

Alors, je pense que, dans ce sens-là, il va falloir avoir une très grande ouverture d'esprit pour essayer de régler ce problème.

M. Lavallée: Nous sommes d'accord avec votre principe et nous vous disons, en réponse à cette question, de limiter le nombre d'entrepreneurs autonomes par spécialité et par chantier. À ce moment-là, vous venez de régler votre problème.

M. Farrah: Vous pensez? M. Lavallée: Bien oui.

Le Président (M. Gauvin): M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Dans la même foulée que mon collègue des Îles-de-la-Madeleine, à lire vos deux mémoires, celui qui a été donné tout à l'heure et à vous écouter, c'est toujours la construction unifamiliale ou résidentielle qui revient sur le sujet comme construction neuve et qui semble être votre préoccupation. Dans le but d'éclairer peut-être le député de Drummond, pourquoi ne serait-on pas capable de dire: Bon. On va reconnaître un travailleur autonome dans le résidentiel, mais lorsqu'on parle de commercial, d'institutionnel ou d'industriel, à ce moment-là, les emplois vont être réservés aux travailleurs de la construction. Puis au lieu d'essayer de quantifier un, deux ou x travailleurs autonomes par corps de métier, dire: Ça, c'est de la grosse construction.

Alors, je reprends votre mémoire. Comme M. le ministre le soulignait, à la page 10, le travailleur de la construction qui voudra redevenir un jour entrepreneur pourra le faire à partir de tout le système qui est déjà décrit de rénovation, d'entretien, de construction résidentielle. Le «résidentiel», on parle, à mon idée, d'un logement, deux logements au maximum, puis, à ce moment-là, dire: La grande construction, ce sera réservé, à ce moment-là, aux travailleurs de la construction puis aux salariés.

M. Lavallée: M. le Président, nous sommes contre le principe d'avoir des catégories d'entrepreneurs. Nos entrepreneurs sont qualifiés pour faire tous les travaux de plomberie. Ils ont les certificats de compétence pour les faire. Alors, pourquoi limiter leur champ d'application? Ils sont des entrepreneurs et on n'a pas à leur interdire certains travaux. Ils sont qualifiés pour faire tous les travaux, non uniquement dans le résidentiel, mais dans le commercial et l'industriel et ceux que vous avez décrits. Alors, pourquoi cet entrepreneur autonome qui a un certificat de compétence, qui a passé des examens, lorsqu'il voudra aller travailler sur un chantier industriel, on lui interdira l'accès au chantier alors qu'il a les capacités physiques et intellectuelles pour le faire?

M. St-Roch: Bien, regardez, il y a aussi un aspect. Je pense qu'on vit dans un monde concurrentiel, on vit à l'échelle de la globalisation, on vit à l'échelle mondiale. Je pense qu'on a tous entendu parler de ça.

M. Lavallée: On a identifié le problème social.

M. St-Roch: Lorsqu'on arrive dans la grande construction, si on veut être compétitif, vous ne pensez pas qu'il va falloir, à un moment donné, penser avec une qualité qui est globale? Lorsque je regarde un grand chantier de construction, que ce soit la Place Ville-Marie ou une industrie, à ce moment-là, l'entrepreneur qui va soumissionner sur le chantier, si on veut être compétitifs aussi en tant que collectivité, il va falloir qu'il soit un gestionnaire. Il va falloir qu'il s'assure aussi que la qualité de la main-d'oeuvre est là.

Alors, si on se ramasse sur un chantier tel qu'on le voit à l'heure actuelle, où 50 entrepreneurs qui sont membres de votre Corporation vont exécuter les travaux, le maître d'oeuvre à l'autre bout, en haut de ça, pour coordonner, pour s'assurer que la qualité est là, pour s'assurer de la performance, II n'y a personne qui est là. Les délais de construction aussi affectent les coûts, ce qui va faire en sorte peut-être qu'un jour un commerce ou une industrie ne sera pas concurrentielle.

Vous ne pensez pas qu'H serait souhaitable de dire: Lorsqu'on va jouer dans cette grande construction, notre entrepreneur, il va commencer au début puis il va graduer dans l'échelle. Puis lorsqu'on arrive dans ce type de construction, il sera là, lui, en tant que gestionnaire. Et c'est son choix. Il pourra dire: Moi, je ne suis plus capable de prendre la pression; demain matin, je vais me contenter d'être un travailleur autonome, mais, trois ou quatre ans après, si j'ai le goût du défi, j'ai le goût du risque, je vais aller soumissionner sur un contrat, parce qu'on construit une nouvelle Place Ville-Marie. Alors, à ce moment-là, je vais m'engager des travailleurs de la construction puis ce genre de travail là va être laissé. Puis celui qui va être le maître d'oeuvre ou le propriétaire de cette bâtisse-là, ou l'investisseur, va être assuré qu'il aura des travaux qui vont être supervisés avec le maximum de compétence par un professionnel qui est membre de votre Corporation, qui est compétent, puis le travail sera fait par des travailleurs compétents aussi.

Vous ne pensez pas qu'on serait gagnants en tant que collectivité et qu'on commencerait à régler une partie de nos problèmes en y allant de cette façon-là?

Le Président (M. Gauvin): M. Brière.

M. Brière: Je suis bien d'accord avec ce que vous dites, et c'est la ligne de conduite qu'on vous soumet. Quand on dit qu'un entrepreneur autonome, qu'il ait le droit de faire de la construction... On a toujours dit qu'il avait deux bras, deux mains. J'ai dit tantôt, il y a 15 minutes, que s'il avait du travail pour plus que ça... On est contre le fait qu'il y ait une prolifération d'entrepreneurs autonomes ensemble sur un chantier. On vous dit de limiter ce nombre. À partir de là, quand on parle de grands chantiers, il est bien évident... On a dit tantôt de le préparer, qu'il soit membre partout, qu'il cotise partout où il doit cotiser de façon à ce que ce soit juste et équitable. À partir de là, quand il aura des travaux qui seront plus grands, il engagera des employés, il fera comme tout le monde fait. C'est comme ça qu'on va bâtir une industrie forte. C'est à discuter ensemble, mais il faut...

Le principe qu'on veut préserver, c'est que cette personne-là puisse opérer. Il n'y a pas juste le fait, non plus, qu'il parte d'autonome et qu'il demeure là. Il y a celui - si on lit la façon dont c'était dit, dont la loi le dit - qui a trois employés et pour qui, demain, ça devient tranquille; est-ce qu'il doit changer sa clientèle parce que c'est devenu soudainement tranquille? Ce n'est pas ça qu'on veut. On veut assurer une continuité. Quand vous partez une entreprise, vous y mettez assez d'efforts que vous ne voulez pas tout perdre ça du jour au lendemain parce que, soudainement, il n'y a plus de travail. Vous voulez respecter vos clients, continuer à les servir. C'est comme ça que je vois ça.

M. St-Roch: Je reviens à votre idée. Oui, si ça devient tranquille demain matin, l'entrepreneur qui avait - on va prendre un exemple -cinq travailleurs salariés, oui, H va être seul; mais si, demain matin, H y a un contrat qui se donne chez mon collègue Georges, aux Îles-de-la-Madeleine, qu'il se construit à ce moment-là et qu'on a besoin de 40 travailleurs tuyauteurs, bien, vous ne pensez pas qu'à ce moment-là notre entrepreneur dira: Je vais grossir ma clientèle; la «business» est revenue, puis je vais prendre des travailleurs qui sont chez eux. sur le carreau, parce qu'on a engagé 50 entrepreneurs autonomes pour faire le travail à la place des 40 autres? À ce moment-là, on pourrait y aller. Votre entrepreneur autonome deviendra un gros contracteur, mais il va aller donner de l'ouvrage aux gars qui sont en chômage à l'heure actuelle.

M. Lavallée: On vous répète que nous sommes contre cela. Nous vous disons: Limitons le nombre d'entrepreneurs spécialisés par chantier. Ça vient de régler votre problème.

M. Brière: Alors, ce que vous dites, c'est ça. En fait, c'est comme on le dit. L'entrepreneur va se donner les hommes dont il a besoin, c'est bien évident. Si vous regardez le décret, un employeur va être bien plus porté à prendre les gens du coin que les gens de Montréal ou les gens de Hull, s'il travaille aux Îles-de-la-Madeleine.

M. St-Roch: Juste en conclusion, M. le Président. Moi, ce que je vous dis, j'élimine complètement l'entrepreneur autonome sur la construction...

M. Lavallée: On est contre ça.

Le Président (M. Gauvin): Brièvement, s'il vous plaît.

M. St-Roch: Vous êtes juste pour limiter, mais vous êtes...

M. Lavallée: Nous vous disons de ne pas faire des catégories d'entrepreneurs.

Le Président (M. Gauvin): En conclusion.

M. Lavallée: Nous sommes des entrepreneurs qui avons les capacités, les licences, les permis pour effectuer des travaux de toutes natures. Ne commençons pas à faire des catégories d'entrepreneurs.

Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie.

M. Lavallée: Les entrepreneurs sont tous égaux.

Le Président (M. Gauvin): Merci. Maintenant, M. le ministre et ses collègues permettent à Mme la députée de Verchères une petite question d'une minute.

Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Pour être sûrs qu'on s'entend bien et qu'on parle de la même chose, si je pense à la menuiserie, par exemple, je peux avoir un entrepreneur qui a sa carte d'entrepreneur, mais il n'est pas qualifié, il n'a pas sa carte de compétence. On s'entend, là, il y a deux cartes. Est-ce que c'est la même chose pour vous autres? Par exemple, un entrepreneur peut avoir sa carte d'entrepreneur, mais ce n'est pas les mêmes examens, ce n'est pas les mêmes compétences que celles d'une carte de compétence.

M. Favre: La Loi sur la qualification des entrepreneurs permet de qualifier une entreprise, une société, par des personnes qui n'ont pas nécessairement le certificat de compétence dans la spécialité.

Mme Dupuis: Voilà!

M. Favre: Un ingénieur, par exemple, serait admissible en tant que maître mécanicien en tuyauterie, même s'il n'a pas le certificat de compétence.

Une voix: À ce moment-là, il ne serait pas autonome.

Mme Dupuis: Comprenons-nous bien. Est-ce qu'on défend la même chose? La carte de l'entrepreneur ou la carte de compétence du travailleur qui a passé tous ses examens? Ce n'est pas la même chose, là.

M. Favre: Pour être admissible sur un chantier, pour travailler avec tes outils, ça te prend ton certificat de compétence.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Favre, merci, Mme la députée de Verchères. C'était tout le temps qui nous était alloué. M. le ministre, en conclusion.

M. Cherry: M. le Président, je vais profiter de la courte minute qu'il me reste simplement pour dire aux gens qui sont devant nous, pour corriger cette perception-là comme quoi l'expression qui a été utilisée «ils ont deux bras et deux jambes et ils veulent travailler» - c'est ça que vous avez dit - bien, comme autonomes, ils peuvent le faire dans un champ qui est délimité. Et s'ils veulent continuer à aller plus loin, ils peuvent toujours le faire comme salariés. Il n'y a rien qui les empêche de continuer à travailler. Il n'y a rien qui empêche de faire ça.

Entendons-nous bien, là. Il faut mettre ça clair. Celui qui a deux bras et deux jambes, qui veut travailler, quand il est dans la rénovation, dans l'entretien et dans la réparation, il peut le faire comme autonome. Mais s'il décide d'aller dans le neuf et qu'il veut continuer à travailler, il peut continuer à le faire comme salarié, comme ouvrier, et il a toutes les compétences requises pour le faire. Donc, il ne s'agit pas de créer la perception qu'on veut l'empêcher de gagner sa vie.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Chicoutimi, en conclusion.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Voyez-vous, quand on a planifié les travaux de cette commission, je me suis dit: Une heure et demie, c'est peut-être un peu long. Et là je constate à l'usage que c'est même peut-être un peu court. Le débat est passionnant et je dois vous dire que j'attendais que le ministre réponde à la demande que vous lui faisiez à l'effet d'exiger, pour tout le Québec, que ceux qui réalisent des travaux de tuyauterie aient la compétence. On comprend les exigences reliées à ce métier en particulier, parce que ça a des effets sur la santé publique de façon générale et, moi, je trouvais que ce n'était pas complètement... j'avais même l'impression que ça faisait partie des règles dans toutes les municipalités. Il ne vous a pas répondu. Je me chargerai de le lui rappeler.

Ça m'a fait plaisir de vous recevoir. Et comme vous pouvez le constater, la proposition que vous faisiez à l'effet de tenir des assises qui réuniraient les principaux intervenants de l'industrie de la construction pour essayer d'en venir à une entente, ce n'est peut-être, finalement, pas si fou. Je vous remercie.

Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Avant de remercier les membres de cette commission, j'aimerais rappeler que vous aviez une pétition que vous avez portée à l'attention de la commission. Est-ce que c'est l'intention de la déposer ici, à cette commission? Oui.

Une voix: À l'Assemblée nationale?

M. Lavallée: Nous vouions la déposer, en autant que vous nous promettiez que vous allez la prendre en considération, M. le Président. Donc, nous allons la déposer à l'Assemblée nationale.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gauvin): Donc, ça clarifie un point. Je vous remercie, M. Lavallée, et tout votre groupe d'avoir présenté ce mémoire à la commission, d'une part, et au nom de tous les membres de la commission, on vous remercie de votre présence. Nous allons suspendre quelques minutes pour permettre à la Centrale des syndicats démocratiques de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 43)

(Reprise à 17 h 47)

Le Président (M. Gauvin): J'invite les membres de la commission à prendre place. Les travaux vont recommencer.

Nous accueillons à cette commission la Centrale des syndicats démocratiques et Syndicat des travailleurs de la construction du Québec représentée par M. Claude Gingras, président de la CSD. M. Gingras, vous avez 30 minutes pour présenter votre mémoire. Comme je le mentionnais tantôt, le groupe de députés de l'aile parlementaire ministérielle a aussi 30 minutes et le groupe de députés de l'Opposition, 30 minutes pour poser des questions. Je vous invite à nous présenter vos collaborateurs, M. le président.

Centrale des syndicats démocratiques et

Syndicat des travailleurs de la

construction du Québec

M. Gingras (Claude): Merci, M. le Président. Je voudrais sans plus tarder répondre à vos exigences. Je veux vous présenter ceux qui m'accompagnent: À mon extrême gauche, M. Lawrence Laroche, qui est le trésorier du Syndicat des travailleurs de la construction du Québec CSD, et celui qui le suit est M. Martin OueHet, qui en est le secrétaire. J'ai aussi, à ma gauche Immédiate, M. Michel Fournier, qui est le président du syndicat qui regroupe les travailleurs affiliés à la CSD. À ma droite, M. Pierre-Yvon Ouellet, qui est le directeur professionnel et, à mon extrême droite, M. Laval Goulet, vieux routier du monde syndical de la construction et qui est représentant syndical dans la région de Québec.

Le Président (M. Gauvin): La parole est à vous, M. Gingras, pour 30 minutes.

M. Gingras: Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, Mme la représentante de l'Opposition, membres de la commission parlementaire, c'est la deuxième fois qu'on se rencontre en ce qui a trait au projet de loi 185. La consultation à la présente commission parlementaire porte principalement sur le statut du travailleur autonome. Je veux vous indiquer, dès le départ, qu'il s'agit quand même d'une des grandes préoccupations actuelles du monde du travail dans le secteur de la construction.

Ce projet de loi 185 a été accueilli, en fait. avec beaucoup de soulagement par la plupart des travailleurs dans l'industrie de la construction, qui saluaient ce geste comme étant un geste qui visait à remettre un petit peu d'ordre dans cette industrie qui en a grandement besoin. Le sentiment général de nos membres, M. le Président, membres de la commission parlementaire, c'est celui qu'il y a une importance primordiale d'agir et non seulement une importance primordiale d'agir, mais une urgence d'agir énergiquement face au travail au noir qui est actuellement le lot de l'industrie de la construction.

Vous savez, je pense que ce n'est plus une cachette pour personne, l'industrie de la construction traverse une période de grande difficulté, probablement l'une des pires de son existence. Il y a de graves problèmes de chômage, des problèmes de chômage qui sont nettement amplifiés par la situation progressive du travail au noir qui se développe dans cette industrie-là. Bien sûr, c'est complètement inacceptable qu'on puisse tolérer ou continuer de tolérer qu'on bafoue systématiquement le droit au travail des véritables travailleurs de cette industrie, qu'on bafoue également les règles que se donnent les parties, à un moment donné, pour régir les relations de travail dans une industrie aussi vitale et importante que celle de la construction.

Or, le grave problème de chômage dont je vous faisais état, je pense que ce n'est une cachette pour personne. La majorité des travailleurs de l'industrie de la construction qui ont un statut, qui ont acquis une certaine reconnaissance pour y oeuvrer sont actuellement en chômage dans cette industrie. On s'aperçoit de plus en plus que certains autres travailleurs qui ont des statuts un peu bizarres s'approprient le travail disponible au détriment de ceux qui ont, justement, depuis des années, exercé cette tâche et qui le faisaient quand même avec toutes les règles qui régissent ou entourent, si vous voulez, l'évolution de leur statut dans le cadre de l'industrie de la construction. Vous savez, il y a quand même un régime d'apprentissage qui est là. Il y a des règles qui s'appliquent au niveau des conditions salariales, des conditions de travail. En fait, il existe des responsabilités inhérentes au fait qu'on exerce la profession dans une industrie comme celle-là.

Cependant, on s'aperçoit que tout ça, ça peut-être facilement échangé contre du travail au noir et une concurrence qui s'avère nettement

insupportable pour les travailleurs qui évoluent ou qui travaillent dans le cadre des règles que se sont données les parties, entre autres, les conditions de travail qui prévalent dans l'industrie et la structure générale d'octroi des contrats dans l'industrie de la construction.

D'autant plus que ces graves problèmes de chômage créent forcément dans l'industrie une espèce de concurrence pour le travail. Alors, les travailleurs qui ont le statut, qui prétendent, à un moment donné, pouvoir bénéficier du travail que pourraient leur accorder leurs employeurs habituels se voient nettement délogés au profit de ce qu'on appelle souvent le «travailleur autonome», le «travailleur artisan». On l'a qualifiée de toutes sortes de noms, la personne qui travaille de façon autonome. Par toutes sortes de subterfuges on fait en sorte de morceler l'industrie de la construction, d'en faire une industrie qu'on peut ajuster au besoin pour privilégier le non-respect des règles, privilégier le travail qu'on qualifie de «cheap labor», parce qu'à un moment donné, ceux qui veulent s'approprier le travail doivent le faire aux conditions que veulent bien les employeurs de l'industrie.

Il ne faut pas oublier que le travailleur autonome - ce qui est un peu aberrant - ce n'est pas nécessairement, comme on pourrait l'entendre, la personne qui va prendre des contrats pour un client en particulier. Bien souvent, c'est la personne qui va aller prendre des contrats pour un employeur qui, lui, a pris le contrat du client. Or, ça, c'est pour le moins un peu aberrant. Ce n'est plus nécessairement ce qu'on appelle un travailleur autonome. C'est un travailleur qui vient, à un moment donné, se substituer à une main-d'oeuvre qui devrait évoluer dans un contexte différent de celui du travailleur autonome; donc, il s'en vient en concurrence directe avec ce qu'on appelle le travailleur qui évolue selon les règles de l'industrie.

Or, il est clair que dans notre constat il y a peut-être de la place pour certains travailleurs autonomes dans l'industrie de la construction, mais ils ne doivent pas nécessairement être placés dans une situation concurrentielle avec la main-d'oeuvre qui respecte de façon habituelle l'ensemble des normes qui régissent l'industrie de la construction, c'est-à-dire la qualification, le statut de salarié d'un employeur et, bien sûr, le fait qu'il exécute des travaux sous la gouverne d'un contractant, une personne qui a, à toutes fins pratiques, pris un contrat dans l'industrie.

Il n'est pas dans mon intention de vous présenter de façon générale l'ensemble de notre mémoire, mais je pense qu'il est important ici, dans le cadre - je pense que vous avez eu le temps d'en prendre connaissance - de cette réflexion de vous soumettre quand même qu'à la CSD, bien sûr, nous n'avons pas nécessairement comme orientation ou comme projet de nier à qui que ce soit le droit d'oeuvrer dans cette indus- trie-là s'il a la qualité de le faire.

Dans notre philosophie, il ne s'agit pas, quand même, d'utiliser la violence pour régler le problème. Je pense que ce n'est pas de cette façon-là qu'on va régler le problème, mais c'est bien plus par une responsabilisation de tous les intervenants, responsabilisation, bien sûr, des autorités politiques qui doivent agir et trouver les solutions. Il ne faut pas attendre que le climat se dégrade au point où on doive lutter sur les chantiers et, à un moment donné, entre travailleurs qui veulent oeuvrer dans cette industrie-là, lutter pour essayer de s'approprier un travail qui devient disponible, parce qu'il n'y a pas d'intervenant qui tente actuellement de réglementer le fonctionnement de cette industrie-là de façon compatible avec ce qu'on retrouve comme problématique dans l'industrie de la construction. Il est anormal, surtout dans des périodes de chômage comme celle qu'on vit, que les règles de cette industrie-là soient bafouées éternellement et que le droit au travail des véritables travailleurs qui peuvent y prétendre soit bafoué sans qu'on réclame, un jour ou l'autre, justice de la part de tous ceux qui tolèrent cette situation et qui font en sorte que cette situation perdure dans l'industrie de la construction.

Alors, nous vous avons, bien sûr, soumis un mémoire - la CSD - qui contient cinq recommandations majeures. La première de ces recommandations, bien sûr, vise à ce que le travailleur autonome ne puisse agir que comme unique sous-contractant par catégorie de métier. Qu'est-ce qu'on veut dire par là? Il est clair pour nous qu'un des graves problèmes qui affectent actuellement le fonctionnement dans l'industrie, c'est le fait qu'on puisse morceler des contrats et les donner à autant de travailleurs autonomes qu'il peut s'en présenter sur un chantier pour accomplir des travaux. Or, vous comprendrez que, dans cette situation-là, avec un tel processus, on vient d'établir une nouvelle catégorie de travailleurs qu'on appelle des travailleurs autonomes. Au lieu d'être des travailleurs embauchés par un employeur, ces travailleurs offrent leurs services aux conditions qu'ils veulent bien. Je le précise parce que, souvent, pour aller enlever le travail aux véritables travailleurs, ils sont obligés de le faire à des conditions moindres que celles qui sont prévues par le Décret qui régit les relations du travail dans l'industrie de la construction. Ils sont aussi obligés de le faire probablement en diminuant le nombre d'heures qu'ils vont prendre pour réaliser le projet, et ça, d'une façon fictive parce que probablement qu'ils vont investir beaucoup plus d'heures qu'ils ne vont en collecter pour, justement, pouvoir effectuer ou obtenir le droit d'effectuer un contrat.

On voit, de façon générale, ce qui se passe. Dans une industrie, sur un chantier - on me rapporte, parce que je n'y oeuvre plus personnellement comme j'y ai déjà oeuvré d'une façon

très régulière pendant un bout de temps - ce qui se passe actuellement, c'est qu'il y a des gros chantiers, des chantiers d'envergure où, à un moment donné, on peut avoir des centaines de milliers de pieds de gyproc à poser. Je vous sers un exemple, et on peut l'appliquer dans plusieurs métiers de l'industrie. Alors, on a plusieurs centaines de milliers de pieds; on en donne peut-être 10 000 à chacun des travailleurs et on en entre peut-être une dizaine ou une quinzaine sur un chantier. On fait un chantier d'envergure de cette façon-là, avec des petits contrats où on fait travailler en équipe plusieurs travailleurs autonomes. Entre ça et un employeur qui a ses propres salariés, savez-vous qu'H n'y a pas une grosse différence, sauf qu'il y en a qui travaillent à rabais puis qui travaillent en faisant dire le contraire aux règles de fonctionnement qu'on s'est données ensemble dans l'industrie de la construction. (18 heures)

Quand on a reconnu le statut de travailleur autonome dans cette industrie, quand on a reconnu à un moment donné qu'il pouvait y avoir des artisans dans cette industrie-là, on a reconnu qu'il pouvait y avoir des travailleurs qui offraient directement leurs services à des clients et qui pouvaient, à un moment donné, à la fois contracter et exécuter des travaux, pas nécessairement travailler ou prendre des sous-contrats pour des entreprises qui devraient normalement embaucher des salariés, pas nécessairement redistribuer à des travailleurs autonomes des contrats.

Je pense qu'on est en train de dénaturer de façon très claire ce qu'on appelle le rôle du travailleur autonome tel que l'a toujours entendu dans la tradition l'industrie de la construction. Je ne pense pas qu'il s'agit de le bannir, mais il s'agit de l'encadrer justement pour qu'on le ramène à sa véritable perspective, et ça, je pense que c'est le geste important à poser pour les autorités politiques dans le cadre d'un projet de loi qui serait très strict et qui encadrerait ce travail-là de façon très claire et précise.

Alors, nous autres, on croit que si on limite à un seul travailleur autonome le fait de pouvoir faire un sous-contrat - on va prendre un exemple, si c'est la pose de gyproc dans un établissement - c'est qu'H y en ait un seul qui le fasse, mais pour des raisons d'efficacité, je vous dis une chose, c'est que pour les gros travaux d'envergure, il est certain qu'on n'embauchera pas un seul salarié à un moment donné pour faire un travail qui nécessite peut-être 10 ou 15 travailleurs autonomes pour réussir à livrer la marchandise dans les délais voulus. Or, déjà, on aurait probablement réglé une partie du problème en limitant, si vous voulez, l'octroi des sous-traitants par catégories de métiers. Ça, je pense que d'une façon claire - il faut préciser que ce serait un des moyens d'encadrer le fonctionnement - c'est qu'on ne puisse pas avoir plus d'un travailleur autonome par métier ou par catégorie d'emploi dans l'industrie de la construction.

Deuxièmement, bien sûr, parmi les mesures qu'on propose qui sont importantes, c'est que toutes les rénovations mineures qui échappent actuellement au contrôle de l'industrie de la construction, c'est un peu aberrant qu'on continue d'accepter ça. Alors, pour nous, il est essentiel que l'industrie de la construction puisse rapatrier toutes les rénovations qu'on qualifie de mineures parce que c'est, de façon générale, un échappatoire qui fait que, de façon générale l'ensemble de ces travaux-là sont exécutés et c'est une source pour constituer, si vous voulez, tout le bassin des travailleurs autonomes.

Plus on tolérera de travaux qui échappent à l'industrie de la construction, bien, plus on mettra les conditions en place pour que, justement, évolue dans le champ une catégorie de salariés qui est autre que celle qui est habituellement utilisée dans l'industrie de la construction. Alors, on crée des conditions favorables pour faire en sorte qu'on développe, dans le secteur des rénovations mineures, des travailleurs autonomes qui, par la suite, quand il y a des ralentissements dans les rénovations, se retrouvent sur les chantiers de construction à l'emploi des employeurs de l'industrie de la construction de façon habituelle.

En fait, pour compléter cette mesure importante, bien, nous proposons que le statut de l'entrepreneur autonome soit limité à ceux de la machinerie lourde et ceux de l'excavation et du terrassement qui, bien sûr, ne peuvent pas travailler avec deux machines. De façon habituelle, c'est beaucoup plus facilement contrôlable. Or, dans ce sens-là, si on devait en tolérer, c'est qu'on devrait les tolérer dans ces secteurs-là où un travailleur avec son outillage et son équipement qu'il a acquis quand même, peut effectuer certains travaux qui nécessitent qu'à un moment donné, avec l'investissement qu'il a fait, il soit capable d'oeuvrer de façon habituelle Deuxièmement, c'est qu'il a une espèce de contrainte parce qu'il a un équipement quand même assez dispendieux et il est affecté à des travaux qui, habituellement sont quand même saisonniers et qui peuvent ne pas nécessairement avoir des effets sur l'ensemble de l'industrie.

Alors, c'est pour ça qu'on dit: Le statut d'entrepreneur autonome doit être limité à sa plus stricte expression de façon à ce qu'on puisse mieux contrôler les éléments qui sont dans l'industrie et qui viennent, à un moment donné, un peu fourvoyer l'ensemble de ce qu'on appelle la structure de cette industrie-là.

Je voudrais, pour la suite des positions qu'on a exprimées, transmettre la parole à Pierre-Yvon Ouellet, qui m'accompagne, qui est le directeur professionnel du secteur. Il va vous expliquer, en gros, sur le plan technique, les préoccupations qui, actuellement, militent en

faveur des réformes qu'on propose.

Le Président (M. Gauvin): M. Ouellet.

M. Ouellet (Pierre-Yvon): Merci. Rapidement. Nous, on a analysé un peu qu'est-ce qui est arrivé à l'artisan depuis que le législateur a permis, en 1979, qu'il existe un statut qui s'appelle artisan dans la construction. Dans le fond, ce qu'on constate, c'est que depuis plus de 10 ans, les gens ont abusé de l'intention du législateur. Comme le disait M. Gingras, alors que l'artisan avait été pensé pour transiger avec le consommateur-client, il a commencé à transiger comme sous-traitant avec un autre entrepreneur. 11 y a eu suffisamment d'entrepreneurs en construction qui ont abusé de l'intention du législateur pour nous faire dire, en quelque sorte, qu'ils ont tué leur poule aux oeufs d'or.

Le résultat qu'on constate - vous l'avez à la page 12 de notre mémoire - c'est qu'on a mis en parallèle le nombre de détenteurs de licences de la Régie des entreprises de construction avec le nombre d'employeurs actifs enregistrés à la CCQ, depuis 1978, par périodes de quatre ans. Ce qu'on constate, c'est qu'en 1990, par exemple, il y avait 28 000 licences et 18 000 employeurs. Pour être qualifié d'employeur, il faut avoir au moins un employé. Sans ça, on n'est pas employeur; on est artisan ou entrepreneur autonome.

Alors, ça veut dire quoi? Ça veut dire que, dans le fond, il y a un détenteur de licence sur trois qui n'a aucun employé à son emploi, aucun salarié à son emploi. Un sur trois. L'industrie est rendue au point que sur trois détenteurs de licence, il y en a deux qui ont des employés et il y en a un qui n'en a pas. Le pire avait été atteint en 1986 avant que le législateur n'intervienne pour transformer l'artisan en entrepreneur autonome. En 1986, il y avait un détenteur de licence sur deux qui n'était pas un employeur, donc, qui était... dans le langage, on appelle ça un «chaudron». Ce n'est pas possible qu'à peu près 14 000 détenteurs de licence transigent avec des consommateurs-clients. Ce n'est pas vrai. Ils étaient sous-traitants d'autres entrepreneurs. Alors, nous, ce qu'on dit aux entrepreneurs, c'est: Messieurs, mesdames, parce qu'il y en a aussi des deux sexes là-dedans, vous avez tué votre poule aux oeufs d'or. Le mémoire de la CSD s'attaque davantage aux abus qui ont été faits plutôt qu'à la noble intention du législateur depuis 11 ans.

Les deux points qu'on a identifiés comme sources d'abus, c'est la question de la rénovation, réparation mineure. Ce qu'on constate, c'est... Prenons l'exemple d'un édifice commercial dans lequel il y a 200 cadres de portes à réparer. La loi dit: Tu peux confier ça à un entrepreneur autonome si c'est mineur. Bien, 200 portes, ce n'est pas mineur. Alors, ce qu'on fait, c'est qu'on va morceler artificiellement en disant: C'est 200 contrats mineurs. Donc, je vais embaucher 200 sous-traitants qui vont être des entrepreneurs autonomes. C'est incroyable de voir le génie des entrepreneurs pour trouver des trucs juridiques pour contourner la loi.

Alors, la conclusion à laquelle on arrive à la page 15, c'est de limiter le champ d'action de l'entrepreneur autonome uniquement à la machinerie lourde et à l'excavation et au terrassement. Parce que si on maintient dans la loi une expression comme «travaux mineurs» qui est basée sur la bonne foi du monde, on va se faire avoir. Ils vont prendre un travail d'ordre de grandeur majeur et ils vont le morceler artificiellement, et ils vont dire: Ce n'est pas un contrat majeur; c'est 50 000 contrats mineurs. Ce qui fait que quand nos représentants font les visites de chantiers, ils serrent à peu près 200 mains, 195 mains d'entrepreneurs autonomes et 5 mains de travailleurs salariés en règle. C'est ça qui arrive.

L'autre constatation qu'on fait, c'est que la sous-traitance est une source majeure de travail au noir et d'abus. Alors, ce qu'on propose à la page 17, c'est d'abord que la loi, dans la définition, chapitre 1, article 1, qu'on donne une définition de la sous-traitance claire et nette, comme on le voit dans les conventions collectives d'usines ou dans certaines lois dans d'autres secteurs, et qu'à l'article 19 de la loi on précise qu'un seul contrat de sous-traitance par catégorie de métier ne soit permis sur un chantier.

Sans ça, je vous donne un exemple qu'on voit souvent. Disons qu'un entrepreneur prend un contrat d'une valeur de 100 000 000 $ ou 100 000 $. Il va garder 10 000 000 $ puis il va en donner 90 000 000 $ en sous-traitance. Celui qui reçoit les 90 000 000 $, il va en garder 10 000 000 $ puis il va en redonner 80 000 000 $ en sous-traitance. 80 000 000 $, 70 000 000 $ et ainsi de suite jusqu'à 10 000 000 $. Ça fait que tu te retrouves avec une sous-traitance verticale, c'est-à-dire que tu en as 10 qui ont 10 000 000 $ en sous-traitance. C'est tous des entrepreneurs autonomes puis il n'y en a pas un qui a un salarié à son emploi.

Finalement, les trois recommandations complémentaires qu'on vous propose... D'abord, la question du champ d'application à la page 21. Ce qu'on vous demande, c'est de revoir les recommandations de la commission d'étude qu'on trouve beaucoup plus proche de la solution que ce qui était proposé à l'origine.

En passant, je vous signale qu'on appuie entièrement la recommandation de la CCQ concernant les problèmes de causes devant le commissaire de la construction, parce que ce que vise la CCQ de manière très froide, sans parti pris, c'est au moins de donner le bénéfice du doute au champ d'application et de donner le fardeau de la preuve à ceux qui prétendent ne

pas être dans le champ d'application, ce qui serait un peu l'inverse de la situation actuelle où tu dois prouver... c'est-à-dire ceux qui ont à faire une preuve, c'est pour être dans le champ d'application. C'est comme si on donnait le bénéfice du doute à l'exclusion, ce qui n'est pas tout à fait logique.

Il y a deux choses qu'on reconnaît au niveau de la mentalité du milieu sur le travailleur autonome. Un travailleur autonome, c'est quoi? Il faut admettre... parce qu'on a des travailleurs qui ont chevauché entre les deux statuts dans leur vie active. On a des gens qui sont des salariés de la construction puis quand tu leur demandes ce qu'ils faisaient il y a 10 ans, ils disent qu'ils étaient entrepreneurs autonomes. Je veux dire, un individu chemine dans une certaine carrière professionnelle puis il part... Là, on lui demande: Pourquoi tu étais entrepreneur autonome? Pourquoi tu as travaillé comme «chaudron»?

En fait, les deux motifs qu'il faut reconnaître que ces gens nous disent... Le premier motif, c'est qu'ils disent: à cause de la situation économique. J'étais prêt à offrir mes services à bas prix, en bas du décret plutôt que de me retrouver sur le chômage. Ce qu'on vous recommande comme solution à ça, ce n'est pas de maintenir le statut de l'entrepreneur autonome, c'est de moderniser le processus de négociation pour permettre à la négociation d'aller véritablement chercher les priorités des salariés de la construction. Ce n'est pas en permettant les entrepreneurs autonomes qu'on va régler les problèmes de pauvreté dans la construction.

L'autre motif que les gens nous donnent à la question: Pourquoi tu étais artisan? c'est de dire: Quand j'étais artisan, ça me permettait d'être polyvalent dans mon métier. Je suivais un cours de lecture de plans puis là, je pouvais, par exemple, comme menuisier, faire de la finition, de l'escalier, du «rough», etc. Ça, on en a une solution dans la construction. C'est le nouveau régime de formation professionnelle dont un des objectifs, c'est la polyvalence à l'intérieur du métier.

Alors, la recommandation quant au régime de négociation, on l'avait déjà exprimée, lors de la dernière commission parlementaire, à la page 23. C'est de moderniser le régime de négociation pour permettre un ajustement plus souple des conditions de travail aux besoins de l'industrie et de continuer, concernant la formation professionnelle, à mettre de l'avant, à la page 25, le régime de formation professionnelle tout en maintenant aux structures existantes, c'est-à-dire le comité prévu à l'article 18.1 de la loi, la responsabilité de gérer, en quelque sorte, le nouveau régime, comme c'est le cas actuellement, c'est-à-dire de ne pas créer de structures parallèles au régime actuel. Je ne sais pas si...

M. Gingras: Alors, de façon générale, je pense que ça constitue ta présentation qu'on voulait vous faire. Vous avez probablement eu l'occasion de prendre connaissance des éléments de notre mémoire. Alors, on est à votre disposition pour répondre aux questions que vous pourriez avoir relativement aux positions qu'on vous transmet relativement au travailleur autonome.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre. (18 h 15)

M. Cherry: Merci, M. le Président. On l'a demandé à ceux qui vous ont précédés, puis on va revenir à la même question. On s'est fait expliquer, tantôt, que quelqu'un qui exerce sa profession d'autonome doit charger des coûts, l'équivalent, là, de ce que ça coûterait s'il avait engagé un salarié. On s'est fait dire, tantôt, qu'il n'y avait pas d'économie. C'est ce qu'on s'est fait expliquer, qu'il n'y avait pas d'économie.

Donc, s'il n'y a pas d'économie entre engager sur un chantier dix autonomes ou un entrepreneur avec dix salariés, il est où l'avantage d'engager dix autonomes? Je n'ai pas eu la réponse tantôt. Je vous la repose à vous autres, qui avez des gens qui faites des tournées de chantiers. Ce qu'on ne nous a pas dit ou ce qu'on ne saisit pas, c'est la distinction entre ce qui est supposé être des taux équivalents. Il est où, l'avantage? Est-ce que c'est parce que, même si la job doit prendre 40 heures à faire, je vais les prendre et je vais en charger 30, même si j'en travaille 40? Il est où l'avantage, là, d'engager des autonomes plutôt que d'engager des salariés, le même type de personne pour faire le même type de travail?

Le Président (M. Gauvin): M. Gingras.

M. Gingras: M. le ministre, écoutez, je dois vous dire, dès le départ, que ceux qui ont tenté de vous faire croire qu'il n'y a pas d'économie à embaucher des travailleurs autonomes comparativement à un travailleur qu'on est obligé de traiter selon les conditions du décret, c'est un peu des fieffés menteurs. Je dois vous dire, par expérience, que ces gens-là, c'est des gens qui, probablement, contournent, de façon très très habituelle, la fiscalité, contournent à peu près tous les éléments, à un moment donné, des structures qu'on peut se donner pour essayer de donner un minimum de crédibilité à tout le système des soumissions, au système d'octroi des contrats, etc. Il y a des gens qui triturent très facilement les choses parce que...

Écoutez, notre sentiment, actuellement, il est clair, c'est que les employeurs dans l'industrie de la construction voudraient à la fois ne pas subir la compétition de ceux qu'on appelle les entrepreneurs autonomes, ne voudraient pas avoir à compétitionner avec les entrepreneurs autonomes, mais cependant, ils voudraient continuer de s'abreuver à l'abreuvoir des coûts

moins importants de conditions de travail en les embauchant.

Écoutez, je pense qu'il y a une situation qui est tout à fait aberrante. On vit une situation qui est tout à fait aberrante. Premièrement, les entrepreneurs dans l'industrie de la construction ne devraient pas ou qui que ce soit qui agit comme intermédiaire dans l'industrie de la construction ne devrait pas avoir le droit d'embaucher d'autre chose que des salariés pour exécuter ou faire exécuter des travaux dans l'industrie de la construction. Un travailleur autonome devrait être astreint à respecter certaines règles, à un moment donné, et il devrait pouvoir exécuter entièrement le travail pour lequel il a décidé d'offrir ses services. Ça ne devrait pas être un travailleur qui est à la fois un salarié puis à la fois un employeur et qui joue sur tous les tableaux.

C'est là qu'on en perd son latin et c'est là qu'on en arrive à des situations aussi absurdes à un moment donné. Certaines expériences m'ont été racontées, on en arrive à des résultats comme suit: C'est que, normalement, pour exécuter certains travaux, ça prend 300 heures de travail. On en arrive à des contrats où on offre simplement des contrats de service, les matériaux étant payés et tout ça. Lui, il offre uniquement les services de main-d'oeuvre, le travailleur autonome, et il va à la moitié du prix. Comment peut-il arriver à exécuter des travaux dans cette industrie-là, en respectant les normes du décret que vous mentionnez, qui sont supposées s'appliquer aussi bien au travailleur autonome qu'au salarié, comment peut-il effectuer ça pour la moitié du coût que peut représenter le travail exécuté? Ça veut dire qu'il y a des heures qui sont cachées. Probablement qu'il met le bon salaire, mais il ne met peut-être pas le bon nombre d'heures qu'il a exécutées pour le faire, le travail. Puis qui est capable de contrôler ça? Qui est capable de contrôler ça?

Or, plus on élargit cette zone grise des personnes qui sont habilitées à agir comme personnes habilitées à prendre des contrats tout en exécutant les travaux qui en dépendent, plus on élargit cette zone-là, plus on permet aux employeurs d'utiliser cette catégorie de salariés là, plus on met sur le carreau les travailleurs qu'on a formés ou qu'on a, à un moment donné, préparés pour être, si vous voulez, la main-d'oeuvre de certaines entreprises dans l'industrie de la construction, selon des règles qu'on s'est données.

Plus on tolère cette catégorie-là, plus on met de côté les véritables salariés de l'industrie et plus on est en train de causer un problème majeur qui se traduit de la façon suivante: Quand le travailleur qui respecte les règles voit ces choses-là se passer, qu'il voit que c'est la façon de faire pour travailler dans l'industrie, le seul recours qu'il lui reste, c'est de dire: Si c'est la seule façon, si eux autres, ils ont le droit de se substituer à mon statut de salarié et être à la fois des entrepreneurs et des exécutants, et de se mettre en «gang», à 10, pour faire un contrat à ma place comme salarié, si c'est ça la recette, il ne me reste qu'à prendre le même chemin.

Alors, demain matin, est-ce qu'on aura uniquement des travailleurs autonomes qui seront obligés de cacher la moitié des heures de travail dans l'industrie de la construction? Est-ce que c'est ça la main-d'oeuvre qu'on souhaite dans l'industrie de la construction? Est-ce que c'est ça, l'économie qu'on souhaite au Québec dans l'industrie de la construction? Est-ce que c'est comme ça que le gouvernement prétend qu'il va aller chercher ses redevances et tout ça pour payer les services sociaux?

Alors, il y a toute une zone grise, là, O.K. Il y a toute une problématique d'évacuation des heures réelles de travail qui se passe actuellement dans l'industrie pour prétendre qu'on respecte les règles ou qu'on prétende qu'on respecte les minima dans l'industrie de la construction qui sont prévus par le décret, mais ce n'est pas aussi vrai que certains le prétendent, et ça, je vous défie, dans n'importe quelle enquête, d'aller vérifier ça et vous allez vous apercevoir que c'est grave, ce qu'on vit actuellement dans l'industrie de la construction. Plus on tolère que ça continue à se multiplier, plus on tolère cette situation-là sans la régler. Je vous dis: On est en train d'aggraver le problème et ça ne sera pas le problème de 40 % de l'industrie qu'on aura à régler dans quelques années; ça sera 60 % ou 65 % du problème de l'industrie.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Cherry: O.K. Dans votre présentation, tantôt, vous avez dit que vous iriez sur la voie de permettre au travailleur autonome... de le limiter par métiers...

Une voix: Un sous-traitant.

M. Gingras: Par catégories de travail, c'est-à-dire: Écoutez, dans le gyproc, il ne pourrait pas prendre un contrat qu'il ne pourrait pas exécuter seul. Disons qu'on ne pourrait pas morceler les contrats par catégories d'emploi. Alors, s'il n'est pas capable de le faire, il n'est pas là.

M. Cherry: Comme on nous a expliqué aussi qu'il n'y avait pas nécessairement d'économie - et c'est ça que j'ai tenté de vous faire préciser - si vous êtes l'entrepreneur général qui avez obtenu l'ensemble des travaux à exécuter par soumission. Une fois que vous les avez obtenus, vous décidez de les distribuer à des autonomes. O.K. Ça ne diminue pas le coût que, comme entrepreneur général, vous allez charger à votre client.

M. Gingras: Absolument pas.

M. Cherry: La différence, là, donc, ce n'est pas le consommateur qui va en bénéficier.

M. Gingras: Écoutez, mol, je veux mettre un petit bémol là-dessus. De façon habituelle, vous avez raison parce que, habituellement, le con-tracteur, quand U a fait sa soumission, il ne peut pas présumer, dès le départ, qu'il va avoir suffisamment de travailleurs autonomes à sa disposition pour compter uniquement sur cette main-d'?uvre pour exécuter ses travaux. Est-ce qu'il prend la chance de faire une soumission à rabais pour aller s'approprier le contrat en présumant qu'il va bénéficier de cet avantage-là? Il est très peu probable qu'un employeur, en tout cas, qui a l'intention d'être là encore demain matin, va prendre ce risque-là.

Donc, de façon habituelle, on peut dire qu'il va charger au client le coût que, normalement, un client devrait encourir pour aller faire exécuter des travaux dans un cadre normal. Ça, c'est la normalité. Mais pour accroître sa marge de profit, H va redistribuer ça après au lieu d'embaucher des salariés; il va le redistribuer, il va essayer de favoriser ce qu'on appelle le tarvail à rabais. Ce que ça entraîne, c'est qu'il y a des travailleurs, qu'on qualifie de travailleurs autonomes, qui s'approprient ces travaux-là, et pour faire la démonstration que l'office respecte les conditions, H ne met pas tout à fait le bon nombre d'heures et il arrange ça pour que ça soit compatible avec les exigences, mais il prend la chance qu'il n'y ait pas eu un inspecteur pendant toute la durée où il a été sur le chantier et qu'y a compté ses heures. Il prend la chance que personne n'ait pu compter et vérifier ça et qu'il n'y ait personne qui soit capable d'en faire la preuve. Ça, il prend cette chance-là. Alors, ça, c'est ce qu'on connaît.

Or, il y a quelques exemples. Je vais demander à Laval Goulet, qui fait quelques chantiers à l'occasion, de vous en ajouter peut-être un petit peu sur ce qu'y constate qui se passe comme différents événements. Alors, Laval.

M. Goulet (Laval): Bon, M. le Président, moi, comme M. Gingras, notre président, vient de vous le dire, je fais les chantiers. À tous les jours, je vois des gars qui travaillent «à la job», qu'on appelle ou à forfait, appelez ça comme vous voulez. La méthode qu'ils emploient, ces gens-là, c'est qu'ils travaillent à contrat. Puis le perdant... Tantôt, vous avez demandé si le consommateur était gagnant dans ça, si ça coûtait meilleur marché. Ce n'est pas là qu'est le perdant. Le perdant, je vais vous dire que ce sont les gouvernements, l'État, c'est tout.

À un moment donné, ces gens-là, ils travaillent à contrat. À la fin du contrat, Hs sont payés selon les contrats; s'ils travaillent au pied, selon les pieds qui ont été établis. Ensuite, ils les paient de la façon suivante. Ils disent: Cette semaine, tu as 30 heures, 32 heures, 35 heures. Le reste, on va te le donner en frais de déplacement. Ce qui arrive à la fin de l'année, ces gens-là qui ont des licences d'entrepreneurs autonomes, Hs vont se rentrer des heures un petit peu à l'Office de la construction pour bénéficier des avantages sociaux des gars de la construction qui vont se faire payer par les gens qui travaillent dans la construction quand ils travaillent à l'heure. En plus, quand arrive le temps des impôts, ils vont essayer de sauver des transports pour équilibrer leur salaire. Ce qui fait que c'est l'État qui est perdant dans ça. Les avantages sociaux qui se paient régulièrement à l'office quand ils ont les assurances, puis tout ça, c'est le reste des travailleurs réguliers de la construction qui paient pour eux autres. C'est là le jeu qui se fait. Ces gars-là jouent sur deux tableaux: un bout à l'heure et un bout «à la job».

M. Cherry: Juste pour bien saisir ce que vous venez d'expliquer, vous dites que le nombre d'heures qu'ils enregistrent, c'est ce qui leur permet de se qualifier pour présenter des réclamations assez secures?

M. Goulet: Oui, monsieur.

M. Cherry: C'est ça, là?

M. Goulet: Régulièrement, on voit ça.

M. Cherry: Les avantages sociaux. Ils enregistrent suffisamment d'heures pour leur permettre de se qualifier pour pouvoir présenter des réclamations.

M. Goulet: Oui.

M. Cherry: Mais le reste, ils ne le déclarent pas. C'est ce que...

M. Goulet: Oui.

M. Cherry: Ou Hs le présentent de façon différente, là. Vous avez parlé de frais de transport. Est-ce que je peux...

M. Goulet: La différence... Normalement, dans la construction, vous devez savoir que les gars de la construction, on fait normalement 40 heures par semaine. Puis moi, ce que je vois le plus souvent, c'est des gars à 32 heures. Le pourquoi des 32 heures? C'est parce qu'l y a toujours une journée qui est payée en frais de transport parce que ces gars-là, Hs travaillent «à la job». Dans le livre du contracteur, ils sont payés 32 heures au taux du salaire. Les heures qui sont rapportées à l'Office viennent le qualifier pour qu'H bénéficie des avantages sociaux des gars de la construction. Quand ils font leur

rapport vu qu'ils ont une licence d'entrepreneur autonome, là, ils se déclarent comme employeurs. Ils vont aller chercher leur transport et leur ci et leur ça. Disons qu'à un moment donné, ils vont bénéficier des deux côtés. Un coup, ils bénéficient des avantages sociaux que les gars de la construction...

M. Cherry: Ils sont ingénieux!

M. Goulet: ...se paient à la Commission de la construction et ensuite, quand ils font leur rapport d'impôt, ils vont aller chercher leurs frais de transport. Ils vont diminuer tout leur transport et un tas d'affaires. Ils chargent les dépenses comme employeur.

M. Gingras: Comme employeur.

M. Cherry: Parce qu'ils ne pourraient pas les déduire comme travailleur, mais comme entrepreneur, c'est là qu'ils peuvent le déduire?

M. Goulet: C'est exact, oui, monsieur. Le perdant c'est la finance, c'est le gouvernement du Québec.

M. Cherry: C'est l'ensemble de la collectivité québécoise.

M. Goulet: C'est ça. Quand je parle du gouvernement, ça comprend l'ensemble de la collectivité.

M. Gingras: Quand, par toutes sortes de stratagèmes, on évacue, en fait, les responsabilités sociales qu'on peut avoir, c'est qu'on en arrive à des résultats que ceux qui respectent les règles sont taxés doublement. C'est un peu ce qu'on vit actuellement. L'exemple de la l'industrie de la construction est un exemple actuellement qui fait que, probablement, la plupart des citoyens du Québec doivent payer des impôts plus élevés parce que justement, il y a une partie de la masse salariale qui devrait normalement apporter des revenus au gouvernement qui est évacuée. Or, le travail au noir pullule dans l'industrie de la construction. Ce n'est pas une cachette pour personne.

Je pense que ça fait plusieurs années que le mouvement syndical le dénonce, dénonce la situation. Le travailleur autonome, au cours des années, en 1977, quand on est parti du statut d'artisan, qui était une personne qui offrait ses services à un client, a évolué. On l'a élargi, on lui a donné plus de possibilités d'oeuvrer pour en arriver au résultat qu'on connaît aujourd'hui. Plus on va élargir le rôle, plus on va lui en donner, plus on va continuer d'en donner et permettre justement qu'on évacue les véritables travailleurs de l'industrie de la construction, plus on va créer ce qu'on appelle les conditions favorables à un moment donné, pour qu'on développe une économie au noir dans l'industrie de la construction, et on va faire en sorte de créer un double impact. C'est que les travailleurs qui voient tout ça se passer impunément, sans espoir de retour, ils vont tout à l'heure dire: Bon, bien, écoutez, si la manne est là, on va en profiter nous autres aussi et je pense qu'on s'en va vers quelque chose de grave. C'est ça, la situation. (18 h 30)

M. Cherry: O.K. Une dernière question. On nous a présenté le travailleur autonome qui était précédemment décrit. La législation le présente comme un artisan. Je n'étais pas en politique à l'époque. Le milieu de la construction n'était pas celui avec lequel j'étais le plus familier, mais un argument qui m'est fréquemment présenté, on disait: L'artisan, c'est celui dont le citoyen a besoin pour réparer tantôt son bras de galerie, tantôt sa marche d'escalier, tu sais, celui qui faisait presque les menus travaux qui, dans l'esprit du citoyen, ne nécessitaient pas quelqu'un avec l'ensemble des tarifs et des avantages.

Et là, si j'ai bien entendu votre voisin de droite, lui, il a dit: On est passés du statut de l'artisan, tel que je viens de le décrire, à quelqu'un qui, sous l'enseigne de l'autonome, est maintenant devenu un sous-traitant.

Une voix: C'est ça. D'accord.

M. Cherry: Si j'ai bien compris, là, allez-y plus là-dedans. Il me semble qu'on commence à cerner l'évolution et avec les résultats, c'est ça que je veux entendre.

M. Gingras: Alors, ce que vous venez de mentionner, c'est exactement ce qui s'est passé. L'artisan - et ça, écoutez, j'en ai quand même connu quelques-uns, des artisans dans l'industrie de la construction - c'était une personne qui offrait directement ses services a un client. O.K.? Il disait: Bon, il y a une petite réparation mineure à faire, comme je vous ai expliqué, et tout ça, je suis en mesure de le faire. Ça ne nécessite pas qu'on embauche des salariés en nombre important pour faire ça. Il y a un travail précis à faire et je suis capable de le faire seul. Je n'ai pas besoin de main-d'oeuvre additionnelle et je suis en mesure d'exécuter le travail sans nécessairement que ce soit un travail obligatoirement exécuté par un employeur qui embauche des salariés avec toute une organisation importante.

Or, ça, c'était ce qu'on connaissait dans la tradition. L'artisan, la personne qui prenait directement un contrat, qui était enregistrée à cet effet-là, qui s'engageait à respecter les règles quand même, qui était embauchée directement par un client pour effectuer des travaux, mais qui était limitée parce que quand on parle de l'artisan, il faut penser qu'à l'époque, les travailleurs artisans, on les retrouvait surtout

dans la profession de charpentier-menuisier. En dehors de ce métier-là, il n'en existait pas de travailleurs artisans. C'étaient surtout des charpentiers-menuisiers.

Alors, là, on en retrouve à peu près partout. C'est devenu la plaie d'Egypte. Là, c'est tous les métiers. C'est devenu le canal pour aller chercher les contrats et aller chercher ce qu'on appelle les heures de travail disponibles. C'est la voie. Alors, c'est devenu la voie. Plutôt que d'attendre qu'un employeur m'offre du travail, bien, je vais aller me chercher un statut de travailleur autonome ou d'employeur autonome puis je vais m'arranger pour aller voir les employeurs pour faire des offres de services et je vais leur dire que je vais leur arranger ça à la mode. Tu sais, c'est un peu ça ce qui se passe. On passe des messages clairs puis là, on est en train de créer ce qu'on appelle un réseau de main-d'oeuvre parallèle parce que c'est devenu de la main-d'oeuvre. Il ne faut pas se conter d'histoires. Ce n'est plus le gars qui agit pour un client. C'est le gars qui va offrir ses services à l'employeur qui, lui, agit pour un client.

On est rendus qu'on a dénaturé complètement le statut de travailleur artisan. On en a fait une personne qui est devenue une autre catégorie de salarié. On est en train de créer une nouvelle catégorie de salariés qui, pour nous autres, est une catégorie de salariés qu'on qualifie de «cheap labor» dans l'industrie, de salariés à rabais qui, pour justement se substituer à la main-d'oeuvre habituelle, doivent consentir des réductions de conditions de travail. Ça, c'est clair.

Michel Fournier, le président du syndicat, aurait peut-être un petit commentaire à formuler en ajout

Le Président (M. Gauvin): M. Fournier.

M. Fournier (Michel): Oui. Un petit commentaire court pour donner un exemple concret. Vous savez que la mode, ces temps-ci, est aux condominiums et on parie de l'entrepreneur autonome comme étant un gars qui est capable de travailler tout seul. Un plombier autonome voit qu'il y a un contrat qui va se donner pour des condominiums, mettons cinq condominiums dans un bâtiment. Il dit: Moi, je vais aller soumissionner pour poser les bains. Je suis un entrepreneur autonome, je me dois de travailler seul normalement. Donc, il va soumissionner pour poser les bains. En connaissez-vous beaucoup de plombiers qui sont capables de poser un bain tout seuls? Donc, il soumissionne en fonction qu'ils vont être deux autonomes, peut-être, à un taux qui va être le salaire de deux compagnons. La personne va décrocher le contrat. Il va aller chercher, quand il va être prêt à poser le bain, deux jeunes qui sont à la taverne du coin, qui vont l'aider à poser le bain. Et bingo! celui qui s'enrichit, c'est l'autonome. On en voit tous les jours des exemples concrets comme ça.

Le Président (M. Gauvin): Merci. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Messieurs, bonsoir. J'ai suivi attentivement les débats. C'est particulièrement intéressant votre façon de développer l'évolution du statut du travailleur, ce qu'on appelle actuellement, pariant de l'artisan à l'entrepreneur autonome. Ça éclaire le débat. Moi, j'aurais besoin de mieux comprendre certaines de vos recommandations. Je vais commencer par la recommandation 2, à la page 17. Vous dites: «Nous recommandons en outre... parce que vous dites que c'est la sous-traitance qui est devenue la plaie. Vous dites: «Nous recommandons en outre d'ajouter un alinéa à l'article 19 pour faire en sorte qu'un seul contrat de sous-traitance par sous-catégorie de licence ne soit permis par chantier.» Ça, ça ne touche pas l'entrepreneur autonome puisque l'entrepreneur autonome, selon la loi 185, y ne peut plus rentrer sur un chantier s'H n'est pas employeur. C'est ça, si on veut utiliser les mêmes termes et se comprendre. Alors, à quoi sert votre recommandation?

M. Gingras: Bon, écoutez, quand on demande, nous autres, de faire en sorte qu'un seul contrat de sous-traitance puisse se donner par catégorie de licence, ça veut dire que, pour la plomberie dans un édifice, c'est qu'il devrait y avoir un seul contrat, O.K., pas deux ou trois.

Mme Blackburn: Oui, ça, je suis d'accord. Mais comme la loi 185 prévoit déjà... Parce que tout l'échange a porté sur l'entrepreneur autonome - et c'est d'ailleurs l'objet de la présente commission - 185 prévoit qu'un entrepreneur autonome ne peut rentrer sur un chantier de construction, domiciliaire ou autre, que s'H est employeur, c'est-à-dire qu'il a au moins un employé. Vous dites: En dépit de tout ça, il faudrait quand même qu'on ait une obligation dans la loi, pour poser le gypse, par exemple, qu'un seul entrepreneur, pour faire la plomberie, qu'un seul entrepreneur...

M. Gingras: Oui. En fait, ce qui est l'élément de cette proposition-là...

Mme Blackburn: Qu'un seul sous-traitant.

M. Gingras: ...c'est que je comprends, moi, qu'un employeur peut le faire, O.K. et c'est comme ça que la loi le prévoit. Mais il faut aller plus loin que ça. Il faut empêcher cet employeur-là de redistribuer en sous-traitance le contrat sur lequel il a fait une offre de service. Ça, c'est ça qu'on veut dire, là. Or, je pense que c'est important qu'on clarifie la loi et qu'on ne fasse pas uniquement un geste pour dire: Bien,

il va y avoir une soumission par catégorie d'emploi, mais c'est qu'on fasse en sorte, par la suite, de s'assurer que les travaux vont être exécutés selon la soumission qui a été formulée et pas distribués, après ça, en parties de contrats. Or, ça, je pense que c'est important.

Une voix: Je peux...

Mme Blackburn: Mais vous, savez que, fondamentalement, ça va aller à rencontre de toutes les règles établies. Lorsque vous avez un contrat, du moment où vous embauchez les personnes compétentes ou un sous-traitant compétent, évidemment, ça fait partie des règles. Vous pouvez lui passer, moyennant une petite commission de 3 %, 4 %, 5 %, et vous passez ça à votre «chum». La règle est... Je pense bien ne pas me tromper en vous disant ça. Ça, ce que vous proposez me semble aller loin. Je voulais juste mesurer ce que ça voulait pouvoir dire.

M. Gingras: Alors, je vais demander à mon collègue, Pierre-Yvon Ouellet, de vous apporter un élément de réponse là-dessus.

Le Président (M. Gauvin): M. Ouellet.

M. Ouellet: O.K., merci. D'abord, au niveau du pourquoi de cette recommandation-là, je vais vous donner un exemple, je pense, qui va être assez simple. Disons que sur un chantier, vous avez, dans une catégorie de métier donné, exemple, charpentier-menuisier, 50 personnes. O.K. Si vous ne contrôlez pas la sous-traitance, vous allez retrouver, dans les 50 personnes, 25 employeurs et 25 salariés, c'est-à-dire l'obligation d'avoir au moins un salarié à son emploi. Si vous contrôlez la sous-traitance à un seul, vous allez avoir 1 employeur et 49 salariés. Elle est là la différence. Nous, ce qu'on a constaté, c'est que lorsque vous avez sur un chantier 25 employeurs et 25 salariés, cela crée sur les 25 salariés une pression incontrôlable sur leurs conditions de travail qui fait que ces gens-là, pour garder l'emploi, sont pratiquement tenus, même si c'est des règles non écrites, de violer le décret, c'est-à-dire d'accepter des banques d'heures, de fermer les yeux sur les frais de transport, de fermer les yeux sur le temps supplémentaire, l'échange de banques d'heures, de fermer les yeux sur le chevauchement dans les métiers, faire la job du métier d'à côté, etc.

Quand vous dites que vous trouvez ça sévère de contrôler la sous-traitance, bon, nous, le constat de base qu'on fait, c'est que, depuis 15 ans, le législateur avait fait confiance à l'éthique en disant: II existe un phénomène culturel dans la construction qui s'appelle le goût de l'indépendance, le goût d'être seul dans ses affaires. Puis, depuis 15 ans, le législateur a dû constater qu'on avait abusé de cette réalité-là. Donc, c'est comme dans n'importe quel problème de société. Quand on abuse d'un droit, on doit le contrôler. De la même façon qu'on retrouve sous le code du travail un nombre croissant de conventions collectives où la sous-traitance est régimentée et contrôlée, on demande ni plus ni moins la même chose.

Mme Blackburn: O.K. Moi, ça va. Je voulais juste voir, parce que l'importance de bien comprendre vos propositions, c'est qu'on va travailler avec quand la commission va être terminée. Moi, je voudrais être en mesure de mieux évaluer la portée et les conséquences d'une telle proposition. Vous proposez... Vous dites: La rénovation, la réparation et l'entretien exclus, c'est-à-dire soumis au décret. C'est bien ce que j'ai compris? Mais par ailleurs, vous dites: On pourrait accepter - j'ai cru comprendre, mais je n'étais pas certaine - un entrepreneur autonome par spécialité sur des chantiers de construction. Est-ce que c'est ça que vous avez dit?

M. Gingras: Pouvez-vous répéter votre question pour que je la saisisse?

Mme Blackburn: Un entrepreneur autonome par spécialité sur un chantier de construction, c'était l'ouverture que vous avez faite dès le début, ça.

M. Gingras: C'est-à-dire que le travailleur autonome ne puisse pas partager le travail d'une catégorie d'emploi avec d'autres travailleurs autonomes.

Mme Blackburn: Je vais recommencer. En début, vous avez dit l'entrepreneur autonome. Je m'excuse, je reviens. L'entrepreneur autonome, nous pourrions accepter qu'il y en ait un par spécialité sur les chantiers. Est-ce que c'est ça que vous avez dit?

M. Gingras: Par sous-traitance. C'est qu'il devrait y avoir un contrat de sous-traitance. Il ne devrait pas y avoir plus qu'un contrat de sous-traitance dedans.

Mme Blackburn: Non, ce n'est pas ça. Au début... Je ne reviens pas à la page 17. Quand vous avez ouvert votre présentation, vous avez dit: On serait prêts à accepter l'idée d'un entrepreneur autonome par spécialité sur les chantiers de construction. J'ai été étonnée. Je dois vous dire que je me suis dit que j'ai mal compris, mais ma collègue a bien compris.

M. Gingras: En fait, ce à quoi on se référait, c'est qu'il pourrait y avoir un sous-traitant qui est un employeur autonome. O.K.?

Mme Blackburn: O.K., oui. Allons-y, un sous-traitant entrepreneur autonome. S'il est

entrepreneur autonome, il n'y a pas d'employés. M. Gingras: Absolument pas. Mme Blackburn: O. K. Alors, il est seul.

M. Gingras: II ne peut redistribuer dans sa catégorie de métier.

Mme Blackburn: Non, ça va bien. Ça veut dire que pour construire une résidence unifami-liale, vous en embauchez sept, un par spécialité. Je ne vous les énumérerai pas. Vous êtes encore plus capable que moi de le faire. Ça veut dire que je peux faire construire toute ma maison avec des entrepreneurs autonomes. Avec votre hypothèse, c'est ça que je me suis dit.

M. Gingras: Oui, mais...

Mme Blackburn: Parce que j'ai trouvé curieux que vous nous proposiez ça puis, après ça, vous dites: On va les sortir de la rénovation. Je vous dis: Je suis un peu...

M. Gingras: Non, non, il y a peut-être un problème d'interprétation. Ce qu'on veut, d'une part, premièrement, c'est qu'à la limite une personne soit rétablie dans son rôle de personne qui prend pour un client particulier une partie d'un travail dans une catégorie d'emploi en particulier. Mais ce qu'on dit aussi... Ça, c'est quand on veut le ramener dans ce qu'on appelle le véritable artisan ou le travailleur autonome qui devrait exister. Il ne devrait pas sortir de ça normalement.

Mais ce qu'on vous dit en plus, c'est qu'il y a une difficulté même de contrôler ça. Actuellement, c'est une source et toutes les rénovations, la partie des travaux mineurs et tout ça, c'est une source qui alimente la production de travailleurs autonomes. Alors, ce qu'on dit, nous autres, c'est qu'éventuellement il faut en arriver à mieux contrôler encore. Il faut aller plus loin que ça et il faut se résoudre à dire: On va les limiter à des catégories d'emploi particulières...

Mme Blackburn: Je suis d'accord avec vous.

M. Gingras:... dans la machinerie lourde, dans l'excavation, dans le terrassement. (18 h 45)

Mme Blackburn: Oui. Alors, vous dites: On les exclut, sauf que l'interprétation est la seule interprétation, et je pourrais vérifier avec les ministres, mes collègues, parce que c'est la réaction qu'on a tous eue tantôt. Ou moment où vous avancez l'idée qu'on peut avoir sur la construction un entrepreneur autonome par spécialité... Moi, je suis entrepreneur général et je fais faire ma maison par des entrepreneurs autonomes. Je veux juste vous dire ça. Je voulais juste vous dire ce que ça pouvait représenter. Je ne veux pas m'en aller plus loin que ça... Une voix: Oui.

Mme Blackburn:... et peut-être que d'autres auront la possibilité un peu de clarifier la question.

À présent, autant je l'ai dit, je l'ai répété et je vais le répéter encore, H me semble que les entrepreneurs autonomes ont travesti les intentions du législateur avec la loi 31. C'est évident. Ils sont allés trop loin. Je leur ai dit que ça ne les servait pas non plus parce qu'ils ont tenu un discours qui, des fois, avait un peu tendance à s'écarter de la vérité. Cependant, dans votre affirmation, vous dites, à la première page. «Exploitée par les entrepreneurs autonomes, la sous-traitance est devenue synonyme de travail au noir et de clandestinité économique. »

D'abord, comme la loi n'est pas claire, ce n'est pas du travail au noir. C'est tannant, mais ce n'est pas du travail au noir. La Commission de la construction est venue nous le dire: Ce n'est pas du travail au noir parce qu'il y avait un trou dans la loi et ils ne peuvent pas gérer ça, mais ça, c'est une autre question. Je ne vous dis pas que c'est légitime pour autant. C'est une autre affaire, ça. Cependant, quand je lis vos données, en page 12, c'est pour ça... Moi, je me dis: Ça ne peut pas être tout blanc et tout noir.

Il y a des affaires... Là-dessus, je n'aime pas quand on charrie. Alors, autant vous le dire tout de suite. Il y a, vous savez, 25 % de travail au noir. On reconnaît ça et je pense que ça fait un consensus, ça: 25 % des heures travaillées sont travaillées au noir. On a à peu près 10 000 entrepreneurs autonomes. Ils ne peuvent toujours pas réaliser 25 % de travail au noir. J'ai un problème.

Le Président (M. Gauvin): Monsieur...

M. Gingras: Alors, Pierre-Yvon Ouellet va vous apporter une réponse.

Le Président (M. Gauvin): M. Ouellet.

M. Ouellet: Écoutez, d'abord, je veux bien vous expliquer que, pour nous, le travail au noir, c'est le non-respect du décret. O. K. Il y a aussi la partie fiscalité, O. K., c'est-à-dire quelqu'un qui ne paie pas ses taxes...

Mme Blackburn: Oui, oui, je suis d'accord avec vous, là.

M. Ouellet:... qui ne respecte pas le décret. Il y a plusieurs façons. La première, c'est ceux qui ne détiennent pas le certificat requis pour exécuter une tâche. O. K. Donc, les non-détenteurs de certificat, ça peut être notamment des artisans. Mais I y a aussi une deuxième catégorie, et on doit l'admettre, c'est qu'il y a des

gens qui possèdent leur certificat de compétence, que ce soit occupation, compagnon ou apprenti, et qui sont amenés dans des situations pour ne pas respecter certaines clauses du décret. C'est une autre sorte de travail au noir et ce qu'on vous dit dans...

En tout cas, nous, les témoignages des travailleurs qu'on a, c'est que tant qu'il n'y aura pas une clause d'ancienneté pour protéger le travailleur qui va vouloir se prévaloir de ses droits, il va être obligé d'accepter, à un moment donné, pour garder son emploi, de ne pas respecter certaines clauses du décret, même s'il est un détenteur en règle d'un certificat de compétence, par exemple, les banques d'heures, le temps supplémentaire, la prime de transport, etc.

Mme Blackburn: Moi, ce que je veux clarifier un peu ici, tant pour ceux qui nous écoutent que pour les membres de la commission, c'est qu'il apparaît qu'il y a eu un abus quant à l'interprétation de la loi 31. On reconnaît ça, mais ça serait exagéré de prétendre qu'à eux seuls 10 000 entrepreneurs autonomes puissent être responsables de 25 %... Selon vos chiffres, en 1990, il y avait 114 263 salariés actifs à la CCQ et environ 10 000 entrepreneurs autonomes. Ça ne fait pas 10 %. Ils ne peuvent pas être responsables de 25 % du travail au noir. Ça, je pense qu'il faut être clair là-dessus. Cependant, je rejoins un peu la CCQ là-dessus; c'est ça que je ne suis pas capable d'évaluer, c'est que ça a un facteur d'entraînement.

Vous dites: Ça donne des mauvais exemples aux autres travailleurs qui finissent par dire: Si je veux travailler, je vais aussi être obligé, moi, de commencer à être un peu moins conforme au décret, accepter d'être payé en effets, d'avoir une motoneige, des matériaux pour mon chalet, etc. On a tout vu. En tout cas, j'ai tout entendu, quoiqu'on ne m'ait pas tout le temps apporté les preuves à l'appui. Mais je me dis: On ne peut pas tenir ce discours-là et être parfaitement crédible. Je veux juste vous le dire parce que ça ne résiste pas longtemps à l'analyse.

À présent, vous avez...

M. Gingras: Est-ce que je peux commenter un petit peu?

Mme Blackburn: Oui, allez-y.

M. Gingras: Écoutez, vous dites: Ce n'est pas crédible, mais je vous invite à aller vraiment vérifier ce qui se passe parce que vous n'avez pas l'air de vous rendre compte du drame qu'on est en train de vivre dans l'industrie de la construction.

Mme Blackburn: M. Gingras...

M. Gingras: Alors, quand vous parlez de 10 % de travailleurs au noir qui créent 25 % de travail au noir dans l'industrie de la construction, je vais vous dire une chose. Nous autres, on prétend - et je pense qu'on a raison de prétendre - que la pression qui est exercée par les travailleurs artisans dans l'industrie, actuellement, la pression pour l'emploi qui est exercée dans l'industrie de la construction par les travailleurs artisans enclenche une compétition à l'effet que le travailleur qui veut rester dans les règles a énormément de difficultés à se dénicher un emploi. Or, qu'est-ce qu'il est obligé de faire pour offrir à son employeur de compétitionner le travailleur autonome? Souvent, il est obligé de lui dire: Aïe! Écoute, moi aussi, je suis capable de sacrifier une journée de salaire par semaine...

Mme Blackburn: Oui, là-dessus...

M. Gingras: ...pour éviter que tu n'embauches des travailleurs artisans. Or, là, on est en train de faire des choses qui, parce qu'on tolère à un moment donné un élément qui s'appelle le travailleur autonome, ont un effet d'entraînement sur d'autres. On est en train de dégénérer dans une situation où, actuellement, le travail au noir est en train de se développer.

Mme Blackburn: Oui...

M. Gingras: Plus on laisse ça aller, plus on laisse ça sans encadrement et sans règle, plus on va l'accroître et je pense que la compétition étant ce qu'elle est, lorsque les travailleurs sont à la recherche d'emplois, on aura tout à l'heure à vivre un drame qui sera encore beaucoup plus grave que celui qu'on vit actuellement parce que, si c'est la seule façon pour les travailleurs d'obtenir des emplois, eh bien, vous allez voir tout à l'heure qu'ils sont débrouillards.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: On dit la même chose, M. le Président. On dit que ça a pu avoir un facteur d'entraînement. Je pense que ça, on n'est pas en mesure de l'évaluer. Si vous avez vraiment raison, ça veut dire que la loi 185 adoptée devrait, d'ici les six mois, mettons, faire disparaître le travail au noir. Alors, il y a des ministres qui seraient contents s'ils étaient ici; c'est le ministre des Finances et celui du Revenu. Évidemment, ça aura un effet net pour faire accroître les revenus.

Mais c'est curieux que vous n'abordiez pas, tous les intervenants... et j'ai lu les mémoires aussi. Aucun des intervenants n'impute le recours au travail au noir, le recours à l'économie souterraine, le trafic des cigarettes, d'alcool et tout ça à la surtaxation. Il n'y a plus personne; tous ceux qui sont capables d'y échapper travaillent pour y échapper. Là, on parle de la cons-

truction. Vous avez raison, et c'est un manque à gagner énorme pour la société. Ça explique une partie de nos problèmes de caisse. Mais tout à coup, c'est vrai dans tout ce que les gens peuvent aller acheter aux États-Unis. Même quand ils installent la douane et qu'ils resserrent, Rs vont y aller pareil. C'est vrai pour les cigarettes, c'est vrai pour le tabac, c'est vrai pour l'alcool, et il me semble qu'on va tenter de régler, et je pense qu'il faut le faire.

Je suis de celles qui pensent qu'il faut travailler pour contrer le travail au noir, mais, actuellement, des citoyens en colère me disent dans mon comté que l'appétit absolument vorace des États en matière de taxation, de tarification et d'impôt fait en sorte que tout le monde qui peut essaie d'y échapper, et ça, on n'a pas évalué l'importance de ce facteur sur une pratique qui est en train de devenir généralisée chez nous. Malheureusement, je le dis pour le déplorer, c'est en train d'entrer dans nos moeurs, et les cigarettes... Moi, je suis loin des douanes américaines à Chicoutimi, et pourtant, on s'en fait offrir. Comme je ne fume pas, pas de problème. Je me demande si je ne serais pas tentée si je fumais.

Une voix:...

Mme Blackburn: Mais ça, c'est autre chose. J'aimerais que vous me disiez...

M. Leclerc: Vous êtes loin des douanes, mais près des réserves.

De* voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: Ah oui! Je ne sais pas si celle-là, elle en fait beaucoup, par exemple. Ce n'est pa6 cette réserve-là.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée...

Mme Blackburn: Le pire, c'est que c'est plus des Blancs... j'allais dire des Blancs qui font le trafic actuellement, qui prennent la relève, devrais-je dire.

M. Gingras: C'est-à-dire qu'ils servent d'intermédiaire peut-être pour d'autres.

Mme Blackburn: Oui, ils prennent le relais. Vous avez tantôt amené un exemple-Une voix: Ils font de la sous-traitance.

Mme Blackburn: Ils font de la sous-traitance. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Vous avez amené l'exemple tantôt d'un entrepreneur qui, pour poser du gypse, avait utilise 30 entrepreneurs autonomes. Dans le fond, ce que je souhaiterais qu'on puisse avoir à cette commission, ce sont des exemples comme le vôtre, mais qu'on puisse un peu vérifier parce que le problème... Moi, j'ai tout entendu, là. J'ai à peu près tout entendu, y compris dans mon comté puis un peu ici, sauf que des vraies affaires qui me disent: Sur un chantier de construction, au petit centre d'achats quelque part à Sainte-Anne-de-Bellevue, il y avait 30 entrepreneurs autonomes là-dessus. Je vais dire que ça, je l'ai entendu, mais je n'ai rien dit.

M. Gingras: Le problème avec lequel on est obligé de composer, vous comprendrez, Mme Blackburn, que ce n'est pas toujours facile. Je lève mon chapeau souvent à la CCQ qui essaie de jouer un rôle là-dedans pour contrôler un peu les choses. Mais de la façon que c'est organisé, souvent on leur rend la tâche très difficile. Quand ils s'acharnent sur un chantier, à un moment donné, pour essayer de vérifier les preuves exactes, ce que vous mentionnez là, O.K... Écoutez, ceux qui oeuvrent dans l'industrie de la construction n'ont même plus besoin d'avoir des preuves de ce qui se passe. Ils les ont sous les yeux quotidiennement. Ils n'ont plus besoin de se faire prouver rien là-dedans. Ça, je vous prie de me croire!

Quand on en discute avec des travailleurs, quand on en discute même avec les employeurs, ils admettent, à huis clos bien sûr, qu'on est dans une situation viciée. Mais quand on vient à les prendre, on vient essayer de vérifier des situations exactes, comme vous dites, puis d'avoir des preuves tangibles, là, si on s'acharne à vérifier un chantier, à le surveiller et à surveiller des personnes en particulier et qu'elles s'en aperçoivent le moindrement, bien, qu'est-ce qu'elles vont faire? Elles vont crier «holà», crier au harcèlement et puis elles vont se plaindre d'être prises à partie par un organisme qui les présume coupables avant même qu'elles aient posé des gestes. Non, mais c'est vrai! On est un peu dans une société comme celle-là.

Mme Blackburn: Vous avez raison.

M. Gingras: On a des problèmes constamment à régulariser ces situations-là parce qu'on voit de plus en plus de connivence. Combien de fois j'ai vu des réclamations prouvées envers et contre tout le monde, qu'on a dû prouver à un moment donné parce qu'il y avait de la collusion entre un travailleur autonome et l'employeur pour réaliser des affaires, mais tu réussis à le prouver. Ça pouvait être un travailleur artisan, à l'époque, et on a réussi à le prouver. On réclamait des sommes d'argent et on poussait l'orgie jusqu'à endosser le chèque et le remettre à l'employeur parce que c'était la condition pour

avoir d'autre travail dans l'industrie de la construction. Ça, on a vu ça aussi. Alors, quand on voit ces choses-là se passer, vous comprendrez, Mme Blackburn, qu'on est en train d'ériger ça en système comme situation. On ne peut pas tolérer ça sans dire: Bien, il faut prendre les moyens, il faut prendre les dispositions pour régler cette situation-là.

Mme Blackburn: Vous avez raison. Je ne demanderai pas davantage de preuves que celle qui a été fournie par la Commission de la construction, tout à l'heure, qui nous rappelle qu'entre 1990 et 1991 le nombre d'heures moyen pour une construction domiciliaire est passé de 431 à 325; 326 pour être plus précise. Évidemment, c'est assez clair. Non, ça va. Je vous remercie.

Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la députée de Ver-chères.

Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Je pense que vous avez très bien cerné le problème. Je vous en félicite. Il y a une chose qui ressort, et de toute évidence: le problème, il est sur les chantiers de construction. Je me trompe ou je ne me trompe pas?

M. Gingras: II est sur les chantiers, évidemment.

Mme Dupuis: Mais ce que je trouve navrant, c'est que vous vous en prenez... Tu sais, on cible mal, d'après moi. On s'en prend aux travailleurs autonomes ou aux entrepreneurs autonomes, appelez-les comme vous voudrez, alors que c'est le gros contracteur qui fait en sorte que les corps de métiers, les travailleurs, qu'ils soient autonomes ou syndiqués, se tirent les uns sur les autres.

L'autre problème, c'est la taxation. C'est là que je trouve ça navrant - et je l'ai dit ici aux travailleurs - que ce soit des électriciens ou tout ça. C'est le contracteur qui fait en sorte - le gros contracteur ou appelez-le comme vous voudrez - qu'il claire ses syndiqués et va en chercher d'autres, bon! Là, il semblerait que vous vouliez remettre à leur place, entre guillemets, les travailleurs autonomes ou les petits contrac-teurs, si vous voulez, là! D'accord? Mais ce n'est pas en les tuant que vous allez les remettre à leur place. Ce n'est pas en vous tirant les uns sur les autres. On peut vouloir remettre quelqu'un à sa place et lui dire de revenir à sa fonction première. Peut-être qu'ils abusent et qu'ils sucent le suçon des deux bouts. Mais là, avec le projet de loi tel que formulé, vous n'essayez pas de les remettre à leur place, vous êtes en train de les tuer, même rendus chez eux, là! C'est peut-être là que moi, je pense qu'il y aurait lieu de réviser ça et de trouver le vrai coupable. Si j'étais vous autres, moi, j'essaierais de faire des propositions et de viser le vrai coupable qui est peut-être le contracteur. Vous l'avez dit vous-même, monsieur, tantôt, en disant: C'est du «cheap labour». Ils vous enlèvent le travail et ils le donnent à d'autres qu'ils paient mal. C'est du «cheap labour». Donc, qui est exploité là-dedans? L'autonome et le syndiqué. Au profit de qui?

J'ai peut-être très mal perçu les choses, mais à la lumière de ce que vous avez fait, je pense que je vise assez juste. Je me trompe? Je me trompe?

M. Gingras: Non, non. Vous ne vous trompez pas. Je suis entièrement d'accord avec ce que vous venez de dire, à savoir que l'employeur, actuellement, exploite ce filon-là de façon importante. Je vais vous dire que s'il le fait, c'est parce qu'on lui rend la tâche possible pour le faire. On a compris, nous autres, que le projet de loi 185 visait à restreindre la possibilité pour un employeur justement de continuer d'utiliser ce chemin-là pour continuer de favoriser une situation qui est complètement inacceptable.

Mme Dupuis: C'est ça. Moi, je pense...

M. Gingras: Si le projet de loi 185, ce n'est pas un projet de loi qui vise à restreindre les employeurs dans l'utilisation des travailleurs autonomes, bien moi, je me demande qu'est-ce que c'est, si ce n'est pas ça. J'ai compris, moi, en tout cas, à la lecture du projet de loi, c'est qu'on vise à encadrer l'exercice du travail des travailleurs autonomes et on vise à régir l'utilisation de ces travailleurs-là par des employeurs. Or, si ce n'est pas ça, bien, qu'on me le dise immédiatement. J'ai compris que c'était ça.

Je crois que le projet de loi 185 vise justement les vrais coupables. C'est pour ça qu'on le soutient et qu'on est d'accord avec le projet de loi 185, parce qu'on pense que c'est un projet qui est dans la bonne voie pour régler une partie du problème. On ajoute et on vous dit: II faut aller plus loin que ça encore. On n'a pas peur pour les travailleurs autonomes. Ne vous fatiguez pas avec ça. Quand ils n'auront plus la possibilité ou qu'ils ne seront plus obligés par la pression, justement, des gros que vous mentionnez de fournir leur travail à rabais, ils redeviendront des salariés au sens de la loi et ils profiteront des conditions qui sont prévues pour l'exercice de leur profession, et c'est ça qu'on recherche. Ne vous méprenez pas, ce n'est pas autre chose. On ne vise pas à tuer ces travailleurs-là et on ne vise pas à les écarter. On vise tout simplement à ramener l'ordre dans une industrie qui en a grandement besoin.

Le Président (M. Gauvin): M. Gingras, merci. J'aurais besoin, moi, pour pouvoir continuer, du consentement des membres de cette

commission, étant donné que le mandat de la commission était jusqu'à 19 heures. Est-ce qu'on se donne...

M. Cherry: Moi, je suis rendu à la conclusion.

Mme Blackburn: Moi, j'aurais comme terminé. Oui, c'est ça. Moi, j'étais rendue à la conclusion.

Le Président (M. Gauvin): ...deux minutes de chaque bord?

M. Cherry: Deux minutes de chaque côté? Oui, O.K.

Le Président (M. Gauvin): Excusez-moi. Merci. Donc, je reconnais M. le ministre pour une minute ou deux et la même chose pour la représentante de l'Opposition. M. le ministre.

M. Cherry: Merci, M. le Président. D'abord, merci d'avoir accepté et d'avoir évolué depuis le mémoire de décembre par rapport à maintenant. Je pense qu'il est important de repréciser que la volonté de ce projet de loi là est bien claire: c'est de permettre de délimiter le champ d'activité du travailleur autonome qui est rénovation, réparation, entretien dans le résidentiel, les réparations mineures dans les autres secteurs. S'H veut continuer à oeuvrer - et il a le droit de le faire comme individu - s'il veut continuer à le faire dans le neuf, ce qu'on lui dit de faire, s'il ne veut pas devenir un entrepreneur, qu'il devienne un salarié et qu'il continue à travailler dans le neuf.

Il est important, à mon avis, dès la première journée, de bien véhiculer l'intention. Ce n'est pas de priver quiconque de son droit de travailler, mais c'est la façon dont il doit l'exercer. Quand H fait de l'entretien, de la réparation, de la rénovation, il peut le faire comme autonome. Quand il fait du travail de construction dans le neuf, s'il veut continuer à le faire, il peut le faire comme salarié. S'il ne veut pas, qu'il engage des gens à son service. Merci.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Si je prends le ministre au pied de la lettre, on pourrait dire aux prochains intervenants qu'ils n'ont pas besoin de se présenter. La cause me semble entendue.

Une voix:...

Mme Blackburn: Ha, ha, ha! Alors, écoutez, de façon plus pertinente, je voudrais vous remercier de votre présentation. La façon dont vous avez décrit l'évolution de l'artisan vers le statut de travailleur autonome, tel qu'il se pratique aujourd'hui, était fort intéressante et extrêmement pertinente.

En ce qui a trait aux travaux de sous-traitance, un par spécialité, il faudrait voir ce que ça implique selon la taille des travaux. Je me dis que, pour de très grands travaux, il me semble qu'on va éprouver quelques difficultés; pour des travaux de résidence domiciliaire ou de petits commerces, probablement que ça pourrait toujours se faire. Mais ça. c'est le ministre qui pourra faire ce type d'analyse là, mais à l'occasion, je saurai lui rappeler un peu cette proposition. Je vous remercie de votre participation aux travaux de cette commission.

M. Gingras: Merci. Si vous permettez, juste un petit point de clarification. Écoutez, il y a peut-être moyen de permettre de redistribuer des contrats à l'intérieur d'un métier, à un moment donné, sur un gros contrat. Mais ça ne pose pas de problème, pour des employeurs qui embauchent des salariés, mais redistribuer à des travailleurs autonomes, c'est ça qu'on ne veut pas qu'il se fasse.

Le Président (M. Gauvin): Merci. D'abord, au nom des membres de cette commission, j'aimerais remercier la Centrale des syndicats démocratiques et le Syndicat des travailleurs de la construction du Québec pour leur présentation.

Pour le bénéfice des membres de cette commission, il y a des démarches qui sont entreprises pour pouvoir avoir à notre disposition le salon rouge, demain. Cela ne nous est pas confirmé ce soir. Ça le sera avant l'ouverture de la prochaine séance.

Une voix: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Donc, j'ajourne les travaux à demain, mercredi, 9 h 30.

(Fin de la séance à 19 h 7)

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