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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mercredi 24 février 1993 - Vol. 32 N° 30

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de plan de développement 1993-1995 d'Hydro-Québec


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous plaît. Je déclare la séance de la commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous rappelle le mandat de notre commission, qui est de procéder à une consultation générale sur la proposition de développement 1993 à 1995 d'Hydro-Québec. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bélanger (Laval-des-Rapides) par M. Lafrance (Iberville); M. Charbonneau (Saint-Jean) par M. Kehoe (Chapleau); M. Leclerc (Taschereau) par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet); M. Parent (Sauvé) par M. Fradet (Vimont).

Le Président (M. Audet): Merci. Alors, les membres de la commission ont pris connaissance de l'ordre du jour. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Audet): Adopté. Je vous rappelle brièvement nos travaux pour ce matin. À 10 heures, nous recevons l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie. Ensuite, suivra le Forum québécois pour l'examen public du complexe Grande-Baleine, et nous terminerons à 12 heures avec l'Association des industries forestières du Québec. J'invite immédiatement l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie à prendre place, s'il vous plaît.

M. Chevrette: M. le Président, s'il n'y a pas de TV aujourd'hui, est-ce qu'il y a moyen de baisser les fanaux un peu?

Le Président (M. Audet): Oui, on pourra vérifier ça.

Je veux souhaiter la plus cordiale bienvenue à l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie. Je vous rappelle brièvement la façon dont se dérouleront nos travaux. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire l'exposé de votre mémoire. Ensuite, suivra une période d'échanges d'une quarantaine de minutes. Avant de procéder à la présentation de votre mémoire, je vous invite à vous présenter dans l'intérêt des membres de la commission et pour la transcription du Journal des débats.

Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie (AQME)

M. Fournelle (Christian): J'aimerais commencer par remercier la commission de nous avoir invités à présenter un mémoire. J'ai à côté de moi Vincent Da- vid, qui est membre du conseil d'administration de l'AQME et conseiller pour la firme Primex, qui se spécialise en planification énergétique, particulièrement dans le domaine de l'électricité, aux niveaux national et international. Je suis Christian Fournelle, membre du conseil d'administration et du comité exécutif de l'Association et conseiller technico-commercial chez Asea Brown Boveri, ABB.

Le Président (M. Audet): D'accord, on vous écoute.

M. Fournelle: Merci. J'aimerais excuser la présidente, qui n'a pas pu se libérer aujourd'hui pour être présente, et je vais vous faire la lecture du mémoire. Je vais commencer par une courte présentation de l'AQME. L'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie regroupe plus de 600 membres qui se recrutent parmi les fournisseurs et les grands consommateurs d'énergie, tant des secteurs privé que public et para-public, ainsi que les fournisseurs de produits et services en efficacité énergétique. Avant tout carrefour d'échanges, l'AQME s'est donné une triple mission: favoriser les transferts technologiques, diffuser toute l'information pertinente et promouvoir les intérêts de ses membres.

Les membres de l'AQME partagent un intérêt commun pour la maîtrise de l'énergie au Québec, c'est-à-dire la gestion efficace et réfléchie du développement, de la production, du transport, de la distribution, de l'utilisation et de la récupération de l'énergie sous toutes ses formes, classiques ou nouvelles^ et ce, dans le plus grand respect de l'environnement. A ce titre, ils s'intéressent tout particulièrement à la question de l'efficacité énergétique.

Participation de l'AQME au processus de consultation d'Hydro-Québec. En novembre 1991, HydroQuébec a entrepris un vaste processus de consultation en vue d'élaborer sa proposition de plan de développement 1993-1995. Quatre thèmes de discussion ont alors été soumis aux groupes intéressés: les exportations d'électricité; l'efficacité énergétique; les moyens de production; les industries à forte consommation d'électricité. Compte tenu de son mandat, l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie a choisi d'intervenir principalement sur la question de l'efficacité énergétique. Cependant, étant donné la croissance prévue de la demande, l'AQME s'est également intéressée à la question des moyens de production. En mai 1992, au terme du processus de consultation, l'AQME a présenté à HydroQuébec un mémoire faisant état de sa position sur les deux volets ci-haut mentionnés. Le présent mémoire reprend essentiellement les préoccupations exprimées dans celui de mai 1992, reformulées à la lumière de la proposition de plan de développement déposée par Hydro-Québec le 2 novembre dernier.

Rôle et orientations d'Hydro-Québec. Avant d'examiner en détail le volet efficacité énergétique de la proposition de plan de développement d'Hydro-Québec, l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie tient à exprimer son appui à l'orientation générale de la société d'État à cet égard. Cette orientation nous apparaît d'autant plus louable et essentielle qu'Hydro-Québec, en raison, justement, de son statut de société d'État, se doit d'assumer une responsabilité beaucoup plus large que celle de simple fournisseur d'électricité. Tout en visant une saine gestion financière, Hydro-Québec doit en effet promouvoir les objectifs nationaux, non seulement en matière énergétique, mais également sur le plan du développement économique. C'est dans cet esprit qu'ont été rédigés les commentaires qui suivent. l'efficacité énergétique: orientation et objectif. l'efficacité énergétique est un élément essentiel d'une saine gestion de l'énergie au québec et doit, à ce titre, être pleinement intégrée aux plans et stratégies d'hydro-québec. la proposition de plan de développement répond à cette préoccupation. par ailleurs, l'efficacité énergétique contribue à améliorer la capacité concurrentielle de l'industrie québécoise, participe à la rationalisation des dépenses des secteurs public et parapublic et, enfin, est un élément clé de la protection de l'environnement. pour apporter une contribution significative à ces objectifs, on doit donc viser la plus grande économie d'énergie réalisable. bien que notre choix demeure l'objectif le plus élevé parmi ceux envisagés, soit celui de 10,2 twh, l'objectif de 9,3 twh retenu par hydro-québec nous semble un pas dans la bonne direction. par conséquent, l'aqme appuie l'orientation générale d'hydro-québec en ce qui a trait à l'efficacité énergétique et recommande qu'hydro-québec vise des économies d'énergie de 10,2 twh, conformément au scénario basé sur les coûts d'équipement évités plus 30 %.

Stratégie et programmes. Hydro-Québec envisage cinq stratégies pour atteindre ses objectifs d'efficacité énergétique: la sensibilisation; le soutien commercial et le développement technologique; les contributions financières directes; la tarification; et la réglementation. Le choix de ces stratégies nous semble adéquat en ce qu'il couvre virtuellement tous les champs d'intervention possibles. En outre, leur combinaison judicieuse est de nature à accroître le taux d'adoption des mesures proposées.

Hydro-Québec a choisi d'investir dans des mesures d'efficacité énergétique qui exigent, dans bien des cas, des investissements majeurs pour la clientèle. Prenons, par exemple, les moteurs à haut rendement. À notre avis, la société devrait aussi considérer d'autres mesures exigeant moins d'investissements et qui représentent pourtant un potentiel d'économie d'énergie non négligeable. Cela suppose des efforts accrus au chapitre de la sensibilisation afin de changer les habitudes de consommation de la clientèle.

Enfin, tout en reconnaissant qu'un plan de développement n'est pas un plan d'action, nous aurions souhaité voir dans le document d'Hydro-Québec davantage de précisions quant aux mesures que la société entend mettre de l'avant pour réaliser ses objectifs. Hydro-Québec devrait notamment s'engager à mettre sur pied un programme de communication visant à diffuser les résultats obtenus ainsi que les données recueillies dans le cadre du programme d'efficacité énergétique.

Par conséquent, l'AQME recommande qu'Hydro-Québec adopte une approche client afin de mieux connaître les besoins de la clientèle et de susciter sa participation, dans un esprit de partenariat; multiplie ses efforts d'information et de promotion de l'efficacité énergétique auprès de la clientèle afin de tirer profit de tout le potentiel des mesures dites douces; mesure régulièrement et rigoureusement l'impact de ses activités en regard des objectifs poursuivis, afin de pousser au maximum les programmes les plus efficaces et, le cas échéant, de réévaluer la pertinence de ceux qui ne donnent pas les résultats escomptés; et diffuse les résultats de ses programmes auprès du public.

Engagement à long terme. Bien que le plan de développement d'Hydro-Québec ne couvre qu'une période de trois ans, il nous apparaît essentiel que toutes les actions posées en matière d'efficacité énergétique le soient dans une optique de développement à long terme. En d'autres mots, les sommes consenties à ce chapitre représentent un investissement considérable, puisé à même les deniers publics. Il faut donc veiller à ce que l'investissement soit rentable, non seulement en regard des objectifs envisagés, mais également sur le plan des retombées à long terme pour l'ensemble de l'industrie québécoise.

S'ils sont judicieusement planifiés et ciblés, les efforts consentis par Hydro-Québec peuvent mener, à terme, à l'éclosion d'une véritable industrie québécoise de l'efficacité énergétique bien structurée et disposant d'une expertise exportable. Cela suppose qu'Hydro-Québec s'engage dans un véritable partenariat avec les ressources existantes et qu'elle favorise la formation et l'innovation technologique. Nous aimerions revenir, à la fin de la lecture du mémoire, pour élaborer sur ce sujet.

Par conséquent, l'AQME recommande qu'Hydro-Québec participe activement à l'organisation de l'industrie naissante de l'efficacité énergétique, par le biais du partenariat, de façon à tirer parti de l'expertise disponible et à consolider la structure de l'industrie; poursuive ses investissements dans la formation, tant dans le milieu de l'enseignement qu'en entreprise, afin de développer une expertise québécoise de haut niveau et de favoriser le maintien des acquis à long terme; et appuie les efforts de recherche et d'innovation technologique afin de permettre à l'industrie québécoise de se positionner favorablement sur le marché international. (10 h 20)

Les moyens de production: diversification énergétique. Malgré tous les efforts consentis au chapitre de l'efficacité énergétique, efforts auxquels l'AQME souscrit pleinement, la demande d'électricité devrait conti-

nuer d'augmenter dans l'avenir. Il est donc essentiel de planifier avec rigueur l'accroissement des moyens de production nécessaires pour y faire face. Aussi, nous apparaît-il important, dans le cadre d'une planification intégrée des ressources énergétiques, d'évaluer non seulement l'hydroélectricité, mais également les autres sources possibles d'énergie. Il est clair qu'Hydro-Qué-bec, dont la production est à plus de 95 % d'origine hydroélectrique, privilégie nettement cette source d'énergie. Nous souhaitons néanmoins qu'elle se livre à une évaluation plus poussée des avantages et inconvénients des autres sources d'énergie en leur appliquant les critères de pondération appropriés quant aux risques environnementaux.

Par conséquent, l'AQME recommande qu'Hydro-Québec poursuive et amplifie ses efforts de recherche-développement dans le champ des énergies nouvelles, que ce soit éolienne, solaire, biomasse, etc., afin de pouvoir en tirer parti dans tous les cas où ces technologies sont applicables; et évalue systématiquement les avantages et inconvénients des différentes combinaisons de sources d'énergie susceptibles de répondre à la demande énergétique du Québec, et ce, tant sur le plan économique que technique et environnemental.

Développement technologique et économique. Avec la réalisation de ses grands complexes hydroélectriques sur la Côte-Nord et à la Baie James, HydroQuébec s'est acquis une réputation mondiale d'excellence dans le domaine de l'hydroélectricité. La société poursuit par ailleurs d'importants travaux de recherche-développement touchant la production, le transport, la distribution et l'utilisation de l'électricité. Dans la planification de ses moyens de production, Hydro-Québec doit chercher à maintenir cette avance technologique et à en maximiser les retombées pour l'ensemble de l'économie québécoise, que ce soit sous forme de partenariats, de transferts technologiques ou autres.

D'autre part, la réalisation de nouvelles installations peut avoir des retombées importantes dans les secteurs clés que sont la conception, l'ingénierie, la construction et la gestion de grands projets. Il est souhaitable qu'Hydro-Québec fasse tout en son pouvoir pour favoriser de telles retombées au Québec, notamment à l'échelle régionale.

Par conséquent, l'AQME recommande qu'Hydro-Québec poursuive ses efforts de recherche-développement afin de maintenir la position concurrentielle du Québec à l'échelle internationale; et s'efforce de maximiser le contenu québécois et les retombées régionales de ses projets de développement.

Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: Alors, M. Fournelle et M. David, en vous souhaitant la bienvenue je vous remercie de votre contribution à ce processus de la planification et développement électrique et énergétique du Québec. Je pense que vous savez que votre apport et votre soutien au projet d'efficacité énergétique d'Hydro-Québec sont évidemment appréciés et que votre avis et vos bon conseils sont toujours pris en considération, parce que vous avez une vision à long terme. Vous l'indiquez vous-même, vous aimeriez qu'Hydro-Québec en ait davantage. Je pense que c'est ensemble qu'on va trouver des moyens de production ou de diversification énergétique et faire en sorte d'avoir davantage de développement technologique.

Je remarque que vous avez assisté aux consultations publiques d'Hydro-Québec et que vous avez participé à cette consultation publique. Est-ce que vous croyez que c'est un exercice qui a été utile? Et est-ce que ça a vraiment influencé le plan d'action d'Hydro-Québec, son plan de développement?

M. Fournelle: On croit que oui. Je pense que le fait de faire une consultation amène sur la table des idées qui ne peuvent pas nécessairement toutes être couvertes lorsqu'on travaille, je ne dirais pas à huis clos, mais lorsqu'on travaille à l'intérieur d'une organisation. Ce qui m'amène, puis c'est ce que j'ai souligné dans la lecture tantôt... C'est qu'on aimerait qu'ils aillent un peu plus loin dans leur partenariat. L'AQME, qui regroupe à peu près tous les intervenants au Québec et qui est souvent citée en exemple comme étant un des leaders dans le domaine de l'efficacité énergétique est peu consultée par Hydro-Québec dans l'évolution de son programme, dans la réalisation de son programme. Et on souhaiterait avoir une position un peu plus privilégiée, disons, qu'on reconnaisse le pouvoir, du moins la représentation de l'AQME à l'intérieur des décisions des implantations. Et je pense que le fait de bénéficier des relations que l'AQME s'est faites au fil des années pourrait permettre à Hydro-Québec d'élargir sa vision de ce que devrait être un bon programme d'efficacité énergétique.

Mme Bacon: dans votre mémoire, vous recommandez qu'hydro-québec vise des économies d'énergie de 10,2 twh, conformément au scénario basé sur les coûts d'équipement évités, plus de 30 %. il s'agit évidemment de l'option c) qui a été rejetée par hydroquébec pour plusieurs raisons. je pense qu'elle ne procurerait que 0,9 twh d'économie d'énergie supplémentaire à l'horizon 2000. elle impliquerait aussi une hausse des coûts de fourniture qui se traduirait par un niveau supérieur de tarifs de 1 % en moyenne pour l'ensemble de la clientèle sur une période de 1996 à 2010. et hydro-québec croit qu'une telle action serait prématurée, qu'il serait plus avantageux de concentrer ses efforts sur l'important bassin de mesures dont la rentabilité est assurée et que, à l'heure actuelle, rien ne nous permet de penser que sa clientèle soit disposée à choisir cette voie. pour quelle raison croyez-vous qu'hydro-québec devrait aller de l'avant avec une telle

option, et ce, malgré, je pense, certains impacts négatifs sur les tarifs qu'elle implique et aussi l'incertitude actuelle quant au taux d'adhésion de la clientèle au programme? Parce que ça existe, en ce moment, cette incertitude.

M. David (Vincent): Merci. Mme la ministre, nous avons, en groupe, retenu cette hypothèse de 10,2 TWh moins pour ce qu'elle représente comme ensemble de décisions et d'impacts sur la consommation que comme visant un objectif supérieur à 9,6 TWh. Nous aurions aimé avoir, comme outil de travail — parce que nous ne sommes pas équipés pour travailler et étudier précisément chacune des hypothèses — une courbe qui nous indique, en fonction de l'implication d'Hydro-Québec, quels étaient les potentiels et leur évolution. Ça nous aurait permis peut-être de pouvoir apprécier comment évoluaient, effectivement, les potentiels en fonction de l'implication d'Hydro-Québec.

Je ne pense pas que nous avons adopté effectivement le 10,2 TWh avec tous les problèmes qu'Hydro-Québec a identifiés. Nous sommes convaincus qu'il y a un potentiel significatif encore d'économie d'énergie à faire au Québec, malgré ce qui s'est fait depuis quinze ans et qui apparaît dans les rapports aussi bien du gouvernement que d'Hydro-Québec. C'est un peu dans ce sens que l'Association a voulu faire un point, enfin, mettre l'emphase sur aller chercher le potentiel, le maximum. Nous faisons tout à fait confiance, bien sûr, aux études détaillées qu'Hydro-Québec a pu faire, mais nous ne sommes pas tout à fait équipés pour discuter les tenants et aboutissants de chacun des éléments qu'elle a identifiés derrière les chiffres qu'elle nous a remis.

Mme Bacon: Vous recommandez également qu'Hydro-Québec mesure régulièrement et rigoureusement l'impact de ses activités, en regard des objectifs poursuivis en matière d'économie d'énergie, pour pousser au maximum les programmes les plus efficaces, et, je pense, le cas échéant, de réévaluer aussi, si j'ai bien compris, la pertinence de ceux qui ne donnent pas les résultats escomptés. Et on a eu un questionnement hier à ce sujet-là. Vous recommandez également qu'Hydro-Québec diffuse les résultats de ses programmes auprès du public. À ma connaissance, Hydro-Québec s'est efforcée de mesurer les impacts de ses programmes, s'est efforcée aussi de diffuser les résultats auprès du public, notamment par l'entremise du magazine Hydro. Mais, dans le cadre de la stratégie québécoise de l'efficacité énergétique du gouvernement, un observatoire de l'efficacité sera créé et aura notamment pour mandat d'effectuer un suivi serré des efforts, des résultats, en matière d'efficacité énergétique, incluant évidemment les programmes d'Hydro-Québec. Cet observatoire va avoir également comme mandat de diffuser les résultats recueillis. La mesure des résultats faite par Hydro-Québec à l'heure actuelle, est-ce qu'elle vous apparaît insuffisante? Et, compte tenu du rôle de l'observatoire de l'efficacité énergétique que nous mettrons en marche bientôt, quels sont les autres moyens de diffusion de résultats auprès du public que vous pourriez préconiser? (10 h 30)

M. David: Nous nous plaçons du point de vue de ce que nous prétendons représenter, l'industrie des économies d'énergie. Nous regroupons des gens qui, tant au niveau de la consultation qu'au niveau de la fourniture d'équipement qu'au niveau même de la consommation d'énergie, sont préoccupés d'efficacité énergétique. Et c'est un sentiment général qu'ont nos partenaires, nos membres, de ne pas disposer d'une information qui leur est transmise de façon utilisable. Nous connaissons les publications d'Hydro. Ce n'est pas toujours présenté... Enfin, c'est une question probablement de communication beaucoup plus qu'une question de politique interne à Hydro. Parce que nous sommes fournisseurs du marché des économies d'énergie, nous souhaiterions qu'il y ait peut-être un pas de plus fait dans le sens d'une documentation de ce qu'est le marché des économies d'énergie pour pouvoir répondre davantage et de façon plus ciblée, plus efficace aux besoins du marché.

Nous sommes extrêmement contents de voir que le gouvernement a inscrit dans son programme l'idée de cet observatoire d'efficacité énergétique. Nous espérons bien pouvoir y participer, parce que nous croyons que c'est un outil qui ne sera véritablement opérationnel que quand toute l'industrie que nous représentons sera directement impliquée dans ce projet-là. Nous pensons qu'il y a matière à amélioration dans ce domaine-là pour pouvoir précisément définir les objectifs, la structure du marché et nous aider peut-être aussi à fournir à nos membres une information plus structurée sur ce qu'ils ont à faire et comment ils pourraient le faire, et que ça aille dans le sens des politiques à la fois d'Hydro-Québec et du gouvernement.

Mme Bacon: On me rappelle que mon temps est presque terminé. J'aimerais quand même vous demander: En tant qu'experts en matière d'efficacité énergétique et de maîtrise de l'énergie, compte tenu que votre Association regroupe plus de 600 membres qui, vous le dites vous-mêmes, se recrutent parmi des fournisseurs de produits et de services en efficacité énergétique et parmi les grands consommateurs d'énergie, vous connaissez bien le secteur de l'activité économique québécoise. Est-ce que vous pourriez nous dresser un portrait sommaire de l'industrie de l'efficacité énergétique au Québec à l'heure actuelle et faire état de votre prospective dans ce domaine-là? Il faudrait le faire rapidement, je m'excuse, parce qu'on me dit qu'il ne me reste pas beaucoup de temps. M. Chevrette est vraiment anxieux de vous demander des questions.

Le Président (M. Audet): Allez-y, brièvement, s'il vous plaît.

M. Fournelle: Ce qu on peut vous dresser comme portrait, c'est le suivant. C'est qu'il y a beaucoup d'attentes. Les craintes sont à l'effet que... Les gens souhaiteraient voir s'établir une vraie industrie. On est convaincu que tout ça doit passer par l'éducation, par la formation des gens et on souhaiterait qu'il y ait un genre de coordination à travers tous les intervenants, justement pour que chacun puisse aller piger sa part d'information, de connaissances et pouvoir générer ses propres commentaires à l'intérieur de ce qui se réalise. C'est plutôt ça. Les gens sont très motivés, sont très intéressés, mais on voit Hydro-Québec un peu faire cavalier seul et on aimerait pouvoir se rapprocher de leurs activités en matière d'efficacité énergétique.

Mme Bacon: Merci.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Joliette.

M. Chevrette: M. le Président, d'abord je partage beaucoup de points de vue que vous avez. Sur la diffusion, moi, je considère qu'il n'y a pas grand-chose. Sur l'évaluation, aux dires mêmes des consultations qu'on fait à l'interne à Hydro-Québec, les mesures sont rares puis les moyens de mesurer sont aussi rares. Donc, je partage passablement vos points de vue. Vous dites cependant qu'Hydro-Québec aurait pu miser sur des mesures d'efficacité énergétique moins coûteuses et vous ne donnez aucun exemple. J'apprécierais que vous m'en donniez.

M. Fournelle: Un des exemples qu'on donne... Pour expliquer l'exemple qu'on amène lorsqu'on parle de moteurs à haut rendement, on sait que ça demande des investissements un peu supérieurs de la part des clients. On est convaincus que tout ça doit s'établir sur une conscientisation en matière d'efficacité énergétique. L'exemple que je peux vous apporter, qui me vient à l'esprit, c'est celui où... Si je plaçais le compteur que vous avez à la maison dans votre cuisine et que l'hiver vous voyiez votre compteur tourner à la vitesse qu'il tourne en réalité, ça vous amènerait peut-être à penser ou à réfléchir sur ce que vous consommez comme énergie. Ce qu'on perçoit comme consommation, c'est toujours deux, trois mois plus tard lorsque la facture arrive, puis là on se dit: Je pense que j'aurais pu faire mieux ça. C'est là qu'il y a des gestes qui peuvent être posés, et ça ne coûte pas nécessairement cher d'avoir un indicateur dans la maison qui vous indique vraiment ce que vous consommez. Ce sont de petits gestes et ce sont des mesures qu'on appelle douces qui amènent les gens à une conscientisation. Par après, les gens verront quelle méthode employer pour réduire leur facture. Mais il faut commencer, je pense, par cette base-là.

M. Chevrette: Je voudrais revenir sur une question que Mme la ministre vous posait. Quand vous dites préférer le scénario d'économie d'énergie 10,2, alors qu'Hydro-Québec, elle, prétend que ce scénario de 10,2 aurait un moins bon taux de pénétration, est-ce que ce vous partagez ce point de vue d'Hydro?

M. Fournelle: II est très difficile de commenter sur cet aspect-là. C'est une recommandation que l'on fait qui est plus idéologique lorsqu'on dit qu'on vise 10,2 versus 9,3, tout simplement parce qu'on encourage toutes les économies d'énergie possibles et potentielles. Ça fait qu'il est tout à fait naturel chez nous de pouvoir vous dire qu'on s'oriente vers un objectif un peu plus élevé.

M. Chevrette: Là, je viens de comprendre. En fait, vous dites, 9,3, ce n'est pas assez, comme objectif d'économie d'énergie. Vous devriez aller plus haut que ça.

M. Fournelle: Ils ont été jusqu'à 27. Ils identifient 27 TWh comme marché potentiel, puis on ne l'a pas choisi, parce qu'on s'est dit: II ne faut tout de même pas aller se casser le nez. Mais, dans la mesure où on identifie 9,3 et 10,2, on est très, très proches. Puis, il est tout à fait naturel chez nous de dire: Bien, écoutez, si c'est si proche que ça, pourquoi ne pas avoir pris l'autre?

M. Chevrette: O.K. Mais vous n'étiez pas ici hier soir. Vous n'avez pas entendu M. Bolduc, d'Hy-dro-Québec, nous dire que... Ces programmes d'efficacité énergétique, je leur ai fait la démonstration que, dans leur propre plan de développement, ils étaient passés de 5 à 3,9 à 2,9, et ça allait toujours en dégradant. Mais ils ont maintenu l'objectif de 5 TWh d'économie d'énergie en 1996, ce qui les obligeraient, entre 1995 et 1996, d'aller chercher exactement le même montant qu'ils auraient économisé entre 1991 et 1995. Je lui ai dit: II n'y a rien de trop sûr dans votre affaire. Il m'a répondu que ça pouvait changer aux deux mois. Est-ce qu'on vous a consultés sur ce genre de programme là? Est-ce qu'on vous a dit, durant les consultations auxquelles vous vous êtes prêtés, que, en termes de programme d'économie d'énergie, on pouvait avoir n'importe quel objectif mais qu'aux deux mois ça pouvait changer?

M. Fournelle: On a mentionné, à la lecture, qu'on n'est pas consultés régulièrement sur les positions qu'Hydro-Québec prend à ce chapitre et que nous ne sommes pas équipés, non plus, pour évaluer toutes les justifications. Ça fait que c'est très difficile pour nous de répondre à une telle question.

M. Chevrette: Mais est-ce qu'ils ont justifié leur objectif? Moi, à partir même des données qu'Hydro-Québec présente dans les écrits, je suppose que vous, étant donné que vous avez été consultés plus longuement

et qu'on a sans doute pu vous expliquer... Est-ce qu'on vous a expliqué, par exemple, les volte-faces dans les objectifs ou bien comment ils entendaient atteindre les objectifs d'économie d'énergie? Est-ce qu'on a pris la peine de vous les expliquer?

M. Fournelle: Pas de façon officielle. On prend connaissance des études qu'ils font, des modèles qu'ils utilisent, mais il est très difficile pour nous d'évaluer ce processus-là. Tout ce qu'on est en mesure de pouvoir faire, c'est recommander à Hydro-Québec une approche peut-être plus, sans dire rigoureuse, mais... Lorsqu'on définit une approche client, entre autres, c'est vraiment d'aller sonder les besoins des gens en matière d'efficacité énergétique. C'est pour ça qu'on donne les exemples et on dit: Bon, il y en a des mesures douces. Il y a de l'éducation à faire qui va générer ces choses-là. Tant qu'on n'aura pas fait cette consultation-là, il va peut-être être difficile de déterminer les impacts ou l'évolution en matière de rendement d'efficacité énergétique.

M. Chevrette: Est-ce qu'on vous a parlé des outils de contrôle qu'ils avaient pour mesurer l'efficacité de leurs programmes ou les résultats de leurs programmes durant les consultations? (10 h 40)

M. David: Honnêtement, je pourrais difficilement vous répondre parce que je n'ai pas nécessairement participé à toutes les séances de consultation comme telles. Il y a quand même, il faut le reconnaître, derrière les chiffres d'Hydro-Québec une force de l'analyse, une crédibilité de la qualité des travaux que nous ne remettons pas en doute, c'est évident. Par contre, ce à quoi nous aimerions participer, ce que nous aimerions dire ici, puisque nous sommes invités à le faire, c'est que partant d'un autre objectif, ou d'une autre problématique, ou d'une autre approche, il est possible que toute la méthodologie ait été un peu différente. Nous sommes fidèles, nous sommes relativement fidèles à cette hypothèse de coûts évités, enfin, cette base fondamentale du calcul d'Hydro-Québec. De là découle essentiellement toute leur stratégie. Est-ce qu'elle change tous les deux mois? Peut-être que les coûts changent tous les deux mois. Je ne commenterai pas davantage là-dessus, mais il y a quand même une certaine force dans l'analyse.

Ce qui nous a un peu manqué, nous qui avions le sentiment d'être un peu spectateurs dans l'opération, c'est justement la quantité d'information qu'il y a derrière les chiffres et à laquelle nous n'avions pas accès pour des questions de temps disponible. Tout ce que nous faisons, au niveau de l'Association, nous le faisons à titre de promoteurs d'une idée et à nos frais, à toutes fins pratiques. Donc, ce sentiment de spectateur, quand on s'intéresse un peu à l'analyse qu'il y a derrière, est un peu frustrant. C'est un peu ce que je disais tout à l'heure quand je disais qu'on aurait aimé avoir des courbes qui nous disent, selon différentes hypothèses d'intervention d'Hydro-Québec, le niveau d'interven- tion, quel est le potentiel d'économie. Là, on aurait pu discuter de jusqu'où on peut aller. Par contre, là, on a des scénarios. Us sont beaux, les scénarios, mais ils sont un peu rigides. On est pris avec ça. On est déjà contents que ça se fasse, on est très heureux d'être ici aujourd'hui pour pouvoir en discuter et pouvoir participer, mais je pense que, là, il y a peut-être un pas additionnel à faire.

M. Chevrette: un petit dernier point. vous soulignez également qu'hydro-québec a restreint le débat à l'électricité, en termes d'économie d'énergie, en termes d'efficacité énergétique. vous lui reprochez de ne pas avoir étudié les filières, et je pense que c'est tout à fait juste. j'aurais préféré, moi aussi, un débat sur tout le débat énergétique québécois, parce qu'on est à 40 % au niveau de l'électricité, 60 % au niveau du gaz et du pétrole, de sorte qu'on aurait pu voir, si on voulait véritablement s'occuper d'énergie globalement, à ne pas laisser porter exclusivement l'odieux par les consommateurs d'électricité en termes d'efficacité énergétique. on aurait pu penser au transport en commun, l'étalement urbain, etc. ce sont tous des points qui aideraient également à créer cette mentalité, cette volonté, pour ne pas dire cette phobie d'économie d'énergie à l'ensemble du secteur énergétique et non pas seulement à l'électricité. je vous remercie de votre apport.

M. David: Puis-je ajouter un bref commentaire, M. Chevrette?

Le Président (M. Audet): Allez-y, brièvement.

M. David: Très brièvement. Je pense que ce que l'on voulait dire peut-être dans le texte, c'est qu'à Hydro-Québec il y a peut-être des formes alternatives pour produire de l'électricité. C'était plus dans ce sens-là qu'était notre remarque. Deuxièmement, vous avez tout à fait raison. Le problème de politique énergétique est important. Nous avons eu l'occasion, à l'invitation de Mme la ministre, de discuter de stratégies d'efficacité énergétique. Nous avons donc eu l'occasion de contribuer à ce niveau-là. Peut-être qu'il y a besoin d'autres consultations, mais l'AQME comme telle a déjà eu à participer à ces exercices-là.

Vous avez parlé d'étalement urbain. Nous tentons, à l'AQME, d'être actifs dans ce domaine-là, et nous organisons, au mois de juin prochain, une réunion, justement, sur l'aménagement urbain, les villes d'économie d'énergie. Nous essayons d'être des promoteurs, des partenaires actifs dans ce domaine-là. Alors, je crois que c'est important de le mentionner ici.

Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. À la page 10 de votre mémoire, à votre deuxième recommanda-

tion, vous marquez: «poursuive ses investissements dans la formation, tant dans le milieu de l'enseignement qu'en entreprise». Est-ce que vous pourriez élaborer un peu plus sur ce que vous entendez par cette recommandation-là? Parce qu'Hydro-Québec nous a dit, hier, au niveau de la recherche, au niveau du développement, au niveau de la formation, on nous a surtout parlé, au niveau de la formation de la main-d'oeuvre, qu'il y avait 4 % de la masse salariale qui était dépensé à l'intérieur de l'entreprise. Est-ce que c'est ça que vous voulez couvrir ou si c'est beaucoup plus large que ça?

M. David: Notre hypothèse fondamentale, à l'AQME, est double. À terme, nous sommes convaincus de la nécessité qu'il y ait, dans toutes les entreprises, qu'elles soient administrateurs d'immeubles, productions industrielles ou autres, des gens spécialisés dans la gestion de l'énergie, ce qui n'existe pas encore aujourd'hui. C'est un premier point. Ces gens-là, il faut les former, et les former au niveau académique. Avant que les programmes de formation au niveau académique ne soient opérationnels, ce qui n'est peut-être pas encore tout à fait le cas — il y a des efforts dans ce sens-là, je tiens à le préciser — entre-temps, il y a des mesures intérimaires. Il faut perfectionner ceux qui interviennent déjà dans le milieu, et ce sont, en particulier, ceux qui sont très importants dans le mécanisme de la politique d'économie d'énergie, les ingénieurs-conseils. HydroQuébec travaille actuellement à définir des cours de perfectionnement dans ce domaine-là. Mais ce sont aussi tous les ingénieurs. Hydro-Québec et le gouvernement, en association avec l'Ordre des ingénieurs du Québec, sont en train de mettre sur pied des programmes de formation de perfectionnement. Tout ça, pour nous, c'est fondamental. On espère que, dans 10 ans au plus tard, il y aura partout des gens qui seront en mesure de payer leur salaire deux, trois, quatre fois sur les économies d'énergie. Transformer des gaspillages énergétiques en salaires, ça nous apparaît tout à fait valable comme hypothèse de travail. Mais il faut aller dans ce sens-là. C'est enclenché. Nous appuyons très fortement cette méthode de faire.

M. St-Roch: Dans un autre ordre d'idées, nous entendrons bientôt un autre organisme qui va nous faire une recommandation de créer une commission de l'énergie qui serait complètement indépendante, qui déterminerait, un peu dans la foulée de ce que M. le député de Joliette a mentionné, les besoins énergétiques, mais, dans l'ensemble, en utilisant toutes les problématiques. Est-ce que votre organisme s'est déjà penché sur la nécessité au Québec d'avoir cette commission de l'énergie?

M. Fournelle: Non, on n'a pas eu, je pense, à évaluer l'impact pour ces choses-là. Par contre, ce qu'on recommandait à l'intérieur, c'est justement de centraliser l'information, de permettre une meilleure diffusion de l'information, d'essayer de construire quelque chose de permanent avec les actions qui sont posées en matière d'efficacité énergétique pour que ça dure, que ce soit durable. Ça fait que, dans la mesure où il y a une concertation beaucoup plus générale des intervenants dans le secteur, on ne peut pas être contre cette vision-là.

M. St-Roch: Une autre question. À la page 11 de votre mémoire—j'y souscris pleinement— qu'Hydro-Québec devrait accentuer, poursuivre et amplifier ses efforts de recherche et de développement. Vous mentionnez l'éolienne, le soleil et la biomasse, et vous ne parlez pas de l'hydrogène. Est-ce que c'est parce que c'est plus à long terme ou plus général?

M. Fournelle: Non, on a tout simplement donné quelques exemples. Ça inclut aussi bien le gaz naturel, le nucléaire. On encourage à avoir une vision globale des différentes sources et non pas d'être plus discriminatoire. C'est de donner une chance un peu à toutes les sources d'énergie. C'est beaucoup plus dans cette optique-là.

M. St-Roch: Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps, M. le Président?

Le Président (M. Audet): Une minute, environ.

M. St-Roch: La dernière question. Je vais revenir à la question des mesures d'économie d'énergie douces. Vous en avez probablement pris connaissance, à la page 33 des présentations d'Hydro-Québec, dans leur document sur l'efficacité énergétique. Dans les économies qu'on peut faire, il y a 38,6 % qui viennent du résidentiel, 32,3 % du commercial et 29,1 % qui viennent de l'industriel. Puis on dit, pour souscrire à ça, on va mettre 2 000 000 000 $ d'investissements sur cet horizon-là. Est-ce que cette répartition-là vous apparaît logique ainsi que les composantes? Parce que, après ça, on dit que, du côté résidentiel, ce sera des économies surtout au niveau du chauffage et de l'eau qui représentent la grande proportion. Est-ce que vous avez eu la chance de regarder ces répartitions-là et est-ce qu'elles vous apparaissent comme réalisables?

M. Fournelle: On les a regardées. On a mentionné qu'on n'avait pas toutes les données pour pouvoir évaluer ou être en mesure de porter un jugement sur la valeur des figures qui sont présentées, mais, à prime abord, je pense que cette information-là nous apparaît réaliste.

M. David: Peut-être qu'Hydro-Québec vous a dit la quantité d'études qu'elle faisait faire. Nous participons personnellement. Je participe actuellement à des travaux d'Hydro-Québec, des études dans certains domaines où j'ai déjà participé. Il y a donc une montagne

phénoménale d'information sur la consommation d'énergie au Québec aujourd'hui. C'est un peu ce qu'on disait quand on espérait qu'elle publierait, mais de façon un peu articulée, cette information, parce que les études de marché sont faites puis dans les plus petits détails.

Il nous est bien difficile, à nous qui travaillons, non pas tant comme fournisseurs d'Hydro-Québec, ce n'est pas le problème, mais qui avons des métiers, des activités professionnelles à exercer... Nous n'avons pas le temps de nous pencher sur le détail de l'analyse qui a été faite. Nous faisons l'hypothèse que l'étude de marché qui a été faite et dont les résultats auxquels vous faites allusion sont issus... Nous pouvons difficilement les contester. C'est un peu, encore là, ce qu'on disait tout à l'heure. Nous sommes un peu devant le fait accompli. C'est une chose naturelle dans la mesure où ces données sont le résultat de travaux considérables. Je ne sais pas si on peut en faire davantage.

M. St-Roch: D'où la nécessité de mesurer. (10 h 50)

Le Président (M. Audet): Je vais maintenant reconnaître M. le député des Îles-de-la-Madeleine. M. le député.

M. Farrah: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Vous affirmez qu'Hydro-Québec a choisi d'investir dans des mesures d'efficacité énergétique qui exigent, dans bien des cas, des investissements majeurs pour la clientèle, par exemple, les moteurs à haut rendement. À votre avis, la société devrait aussi considérer d'autres mesures exigeant moins d'investissements et qui représentent un potentiel d'économie d'énergie non négligeable et qui supposent des efforts accrus au chapitre de la sensibilisation afin de changer les habitudes de consommation de la clientèle. Or, dans le cadre de la consultation publique, on peut constater qu'Hydro-Québec prévoit essentiellement trois phases pour son projet d'efficacité énergétique. La première phase consiste, justement, tout d'abord à sensibiliser et informer sa clientèle afin d'exploiter les mesures moins coûteuses et plus facilement réalisables, telles que la modification des habitudes de consommation, et à soutenir la deuxième phase, constituée d'interventions plus lourdes. La troisième phase en est une de consolidation et de réajustement par rapport aux deux premières.

Alors, ma question, c'est la suivante: Est-ce à dire, si je comprends bien votre recommandation, que vous pensez qu'Hydro-Québec n'a pas assez appuyé ses efforts durant la première phase d'intervention? Et, si oui, que préconisez-vous de plus pour cet aspect du projet d'Hydro-Québec?

M. Fournelle: O.K. On a connu des campagnes de publicité à la télévision, il y a une conscientisation qui s'est faite, mais on est persuadé que ça doit se faire d'une façon beaucoup plus longue, pour amener les gens à changer de mentalité, à avoir une vision peut-être plus orientée sur l'aspect efficacité énergétique. Et tout ça, bien... On se répète peut-être un peu lorsqu'on dit qu'il doit y avoir de la formation chez les gens. Lorsque arrive le temps d'acheter un moteur, une entreprise va magasiner le moteur le moins dispendieux, et probablement celui qu'elle va avoir, c'est peut-être celui qui est le moins performant. C'est encore présent aujourd'hui et ça risque de l'être jusqu'à temps qu'il y ait un changement de compétence chez les décideurs, où, lorsqu'ils vont faire le choix d'acheter un moteur, ils vont regarder pas juste le coût de l'acquisition, mais le coût de l'opération de ce moteur-là. Et ça passe, veut, veut pas, par la formation. Il faut que ces gens-là soient formés à le faire pour les amener à avoir une approche plus soutenue. Indirectement, oui, ils ont fait une sensibilisation, mais il ne faut pas le voir comme étant une phase, c'est terminé et on passe à autre chose. Il faut que ça continue, ces choses-là.

M. Farrah: Alors, la mentalité, il faut qu'elle change à l'interne, au niveau d'Hydro-Québec, parce que souvent ce sont les soumissions les plus basses qui sont acceptées au détriment, peut-être, de l'opération, comme vous dites. Ce n'est pas encore cultivé, cette mentalité-là, à l'intérieur de l'entreprise, vous dites.

M. Fournelle: C'est en plein ça. Le seul outil que l'on voit pour corriger ce phénomène-là, c'est par la formation des gens. Il y a deux volets: II y a une formation à long terme qui doit se faire au niveau de l'enseignement et une formation au niveau des artisans, des intervenants. Et je pense que, là-dessus, on devrait avoir une concertation peut-être plus soutenue, une coordination à travers les intervenants de façon beaucoup plus soutenue.

M. Farrah: Merci. Une autre question, M. le Président. En tant qu'expert en matière d'efficacité énergétique et de maîtrise de l'énergie et compte tenu que votre association regroupe plus de 600 membres — c'est quand même important — un peu, dans la même foulée que le député de Joliette, tantôt, pourriez-vous, pour le bénéfice des membres de la commission, nous dresser un bilan sommaire de l'industrie de l'efficacité énergétique en général au Québec?

M. David: Très brièvement, je dirais que l'industrie est un peu à la remorque — elle l'est depuis 15 ans — de ce qui s'est d'abord fait au ministère de l'Énergie avec la création du BEE et depuis trois ans maintenant avec Hydro-Québec, qui dispose, bien sûr, des financements maximums. L'industrie est composée de bureaux d'ingénieurs qui sont très spécialisés, qui ont développé des produits de gestion de l'énergie, des compétences dans ce domaine-là. Elle est composée d'une industrie manufacturière qui a des produits à l'intérieur de sa production standard qui sont plus per-

formants qu'ils ne l'étaient.

Est-ce qu'il existe une industrie des économies d'énergie? Il existe des compétences particulières au niveau de l'analyse, de la planification, de la gestion de l'énergie. Mais les produits, finalement, font partie — je pense que mon collègue ici avec ABB vous le précisera davantage — de la stratégie industrielle de chacun des fournisseurs d'équipement. Donc, nous sommes une espèce de groupe qui est assez convaincu qu'il y a de quoi occuper, de faire pas mal d'emploi dans ce domaine-là: entrepreneurs, conseillers, consultants, ingénieurs. Nous essayons de regrouper des architectes également qui sont avec nous, des partenaires importants. Nous avons bien sûr la contribution, la participation d'organismes publics, en particulier le ministère de l'Énergie, c'est évident, et Hydro-Québec. Mais le coeur de l'industrie, c'est, pour l'instant, une espèce de groupe d'ingénieurs et de planificateurs qui s'intéressent à la maîtrise de l'énergie et autour desquels gravitent des consommateurs.

L'Association, je dirais, est véritablement une association. Nous avons des consommateurs, nous avons Hydro-Québec, nous avons des ingénieurs-conseils, nous avons des planificateurs. C'est un groupe qui peut paraître hétérogène, hétéroclite, même, à la limite, mais qui convient qu'il y a lieu de travailler dans ce domaine-là, parce que l'environnement en dépend en grande partie. On sait que l'énergie est importante dans ce domaine. Il y a des emplois dans ce domaine-là. Transformer certaines consommations d'énergie en emploi, ça nous apparaît un excellent objectif économique pour le Québec.

Donc, on en est là, et ce qu'on disait, c'est qu'il y a lieu, par une concertation, un mariage plus serré avec les partenaires importants, le ministère de l'Énergie et Hydro-Québec, de créer une industrie, de la structurer. Il y a eu des tentatives, mais je pense qu'il y a encore du travail à faire dans ce domaine-là. Nous sommes vulnérables, nous dépendons du prix de l'énergie, nous dépendons de ce qui s'est dit à Rio. Tout d'un coup on se rend compte que l'énergie et l'environnement, ça ne fait pratiquement qu'un, mais tout ça, c'est peut-être un peu conjoncturel. Il y a lieu de structurer ça davantage. Nous y travaillons et nous espérons avoir la contribution de nos partenaires qui ont les moyens de nous aider.

Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président. Je voudrais simplement vous poser une question sur les moyens de production. Il y a une section complète, dans le plan de développement d'Hydro-Québec, qui porte sur les moyens de production. Vous dites, quelque part dans votre mémoire, qu'Hydro-Québec n'est pas allée assez loin dans des filières. Elle élabore évidemment très à fond l'hydroélectricité, mais il y a d'autres filières de production d'énergie. Est-ce que vous pourriez élaborer davantage là-dessus?

M. Fournelle: c'est qu'on encourage hydroquébec à vraiment toutes les regarder. la tentation peut être forte, étant donné que 95 % de sa production est hydroélectrique et qu'elle maîtrise très bien cette filière-là, de couper court. et on se dit: bien, donnez une chance à toutes les sources d'énergie d'être évaluées à chaque fois que c'est possible. et on ne peut pas être plus vertueux, je pense, en disant ça.

M. Léonard: Mais, vous, vous avez des idées sur d'autres filières. Vous en avez?

M. Fournelle: C'est que l'Association fait la promotion de toutes les sources d'énergie, en reconnaissant que chacune d'entre elles a sa place dans des endroits bien spécifiques. Et on encourage Hydro-Québec à avoir cette approche-là.

M. David: Je vais prendre la parole. Écoutez... M. Léonard: Allez-y, je n'ai pas d'objection. M. David: Vous n'avez pas d'objection, merci. M. Léonard: Ha, ha, ha!

M. David: Je voudrais lui rendre la parole parce que lui vient d'une entreprise qui fabriquait un système solaire particulièrement performant. Et, pour des raisons malheureuses de stratégies industrielles probablement erronées, ce système a disparu. Il a été récupéré, non pas par des amateurs, mais par Elf Aquitaine en France. Il y avait de la place pour faire le développement du chauffage solaire, le préchauffage de l'eau domestique, des choses comme ça.

M. Léonard: Ça, c'est... (11 heures)

M. David: Ça paraît élémentaire. C'est toujours le problème que nous avons, c'est qu'on est trivial dans nos histoires. On parle de chauffage de l'eau domestique, ça manque un peu de «glamour», excusez-moi le mot. Mais ça marchait, ce truc-là, ça marchait de façon fantastique et si on s'y était attaché, à cette technologie-là, on avait quelque chose... Et, moi, j'étais prêt à l'exporter au Mexique, au Pérou, au Gabon et ailleurs, mais ça a disparu, c'est reparti. Il faut remettre la main dessus. Il faut aller la rechercher. Mais on a perdu ça. Il ne faut pas que ça arrive encore, ça. Je ne dis pas que c'est un drame, mais, enfin, c'est dommage.

M. Léonard: Bien. Moi, je posais aussi la question en relation avec nos habitudes incontrôlables, je dirais, d'étalement urbain qui coûtent sûrement très cher à Hydro-Québec. Est-ce que vous avez fait des relations quelconques entre...

M. David: Nous sommes en train d'organiser...

M. Léonard: ...les coûts, disons, l'économie d'énergie puis de nouvelles filières? Moi, je pense...

M. David: Nous parlons là d'un sujet qui est en voie de développement, à toutes fins pratiques, au Québec. C'est un sujet que nous allons aborder en juin avec la réunion que nous organisons sur les villes et l'efficacité énergétique, en association, avec la collaboration de France-Québec, dans le cadre de l'Association France-Québec. Il y aura une réunion le 17 mars du Québec-Solaire qui organise la question sur le même thème. Ce que j'ai constaté en essayant de mobiliser des chercheurs, des gens intéressés au domaine, c'est qu'on n'a pas d'outils de calcul. Ce à quoi vous faites allusion, il n'y en a pas encore, mais tout le monde s'entend pour dire qu'il est grand temps de le faire. On va s'organiser pour le faire. Non, je ne peux pas vous dire que ça existe aujourd'hui, mais je peux vous dire une chose, c'est qu'on est intéressés à ce que ça existe vite, parce que les municipalités sont, pour nous, des partenaires très importants. Elles sont proches de leur public. Elles sont proches de leur clientèle. Elles n'ont aucun outil.

La seule étude que je connaisse actuellement — je ne sais pas, il y en a probablement d'autres — c'est ici, à Montréal, dans le cadre du projet Faubourg Québec. L'équipe de Faubourg Québec a procédé à l'étude — à ma connaissance, c'est peut-être la première, une des premières, en tout cas — de ce que pourrait être l'approvisionnement énergétique d'une communauté de 3000 logements à peu près, 2000 logements, qui va être construite ici pas loin, derrière la brasserie Molson. C'est la première fois qu'on fait ça au Québec. On a regardé le choix entre l'électricité, tout électrique, donc on bloque le système pendant les 30 prochaines années, pas de système alternatif possible; la deuxième option, le gaz, donc un système central; la troisième option, vapeur, avec un réseau urbain, peut-être à partir de Windsor. Je ne sais pas le détail de l'analyse. On se rend compte d'une chose, c'est qu'à terme le gaz, enfin, le système central coûte moins cher peut-être que le système tout électrique. Ça coûte un peu plus cher quand on fait du mesurage individuel des logements.

Tout ça pour vous dire qu'on commence à explorer le terrain. Les gens sont prêts à en parler maintenant. Mais si vous êtes prêt, vous, à en faire un cheval de bataille, nous, on est disponibles, parce qu'on sait qu'il y a du travail à faire là-dedans, mais je vous dis qu'on démarre.

Le Président (M. Audet): Merci. Alors, M. Fournelle, M. David, on vous remercie sincèrement de votre présentation, au nom des membres de la commission. Ça termine cet entretien.

J'invite maintenant le Forum québécois pour l'examen public du complexe Grande-Baleine à s'avancer et à prendre place. Nous allons suspendre quelques instants pour permettre à nos invités de s'avancer. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 3)

(Reprise à 11 h 7)

Le Président (M. Audet): Je souhaite la bienvenue au Forum québécois pour l'examen public du complexe Grande-Baleine. Messieurs, bonjour.

Des voix: Bonjour.

Le Président (M. Audet): Je vous rappelle brièvement le déroulement de nos travaux. Vous avez une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire. Je vous demanderais aussi de vous identifier, de présenter les gens qui sont ici, et, ensuite, suivra une période d'échanges d'environ une quarantaine de minutes. Messieurs, vous avez la parole.

Forum québécois pour l'examen public du complexe Grande-Baleine

M. Cliche (David): M. le président de la commission, cher Beauceron, Mme la vice-première ministre et première ministre par intérim et M. le critique officiel de l'Opposition en matière d'énergie, MM. les députés. Mon nom est David Cliche. Je suis président du Forum Grande-Baleine. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Serge Quenneville, qui représente la CSN, la Confédération des syndicats nationaux, et de M. Paul F. Cha-rest, qui représente le groupe d'études inuit et circumpolaire de l'Université Laval.

Vous le savez peut-être, je vous le rappelle, le Forum Grande-Baleine est une association d'organismes et de groupes qui s'est formée il y a deux ans et qui vise essentiellement un examen public et crédible du complexe Grande-Baleine et qui veut s'assurer que l'ensemble des questions relatives au complexe Grande-Baleine soit évalué correctement. Sont membres du Forum Grande-Baleine les organismes suivants: le groupe d'études inuit et circumpolaire de l'Université Laval, la Fédération québécoise de la faune, l'Union québécoise pour la conservation de la nature, le MIREQ, le Mouvement pour l'instauration de la réglementation de l'électricité au Québec, l'Association des biologistes du Québec, l'Union des producteurs agricoles, la Confédération des syndicats nationaux, la Fédération des ACEF, les associations coopératives d'économie familiale, et le dernier et non le moindre, l'Assemblée des évêques du Québec.

Nous sommes présentement absorbés par des études qui devraient nous permettre de participer pleinement à l'examen public du complexe Grande-Baleine qui devrait avoir lieu dans les prochains mois. Nos études portent en ce moment sur le concept, la méthodologie de

planification, la planification intégrée des ressources — «Integrated Resources Planning» pour les Américains — de même que les concepts d'externalité qui doivent être internalises dans le coût et les avantages, dans les analyses comparatives des projets. Et comme le projet d'Hydro-Québec, le plan de développement d'Hy-dro-Québec fait état de ces concepts, nous avons jugé important de venir vous entretenir aujourd'hui des conclusions préliminaires de nos recherches.

J'ai amené avec moi ici, pour ceux que ça intéresserait, le document qui est le résultat de la recherche préliminaire de la planification intégrée des ressources, c'est-à-dire ce qui se fait aux États-Unis, et je vous signale que j'aurai le plaisir, à partir de dimanche, de continuer et de terminer cette recherche dans les États américains des États-Unis d'Amérique qui sont les plus avancés en planification intégrée des ressources, et c'est à l'invitation du gouvernement américain que je m'y rendrai pour rencontrer les experts en cette matière. (11 h 10)

La planification intégrée des ressources, rapidement, est la méthodologie qui permet d'identifier, de qualifier, de quantifier et d'intégrer éventuellement les différents critères techniques, économiques, sociaux et environnementaux dans le processus de justification d'un projet de développement et de comparer ce projet de développement à ses alternatives. Nous sommes en accord avec plusieurs déclarations qui nous apparaissent très importantes dans le plan de développement d'Hydro-Québec, et je vais en citer quelques-unes avec lesquelles nous sommes pleinement d'accord. Nous croyons, comme Hydro-Québec, et je cite, que «les grandes décisions sur l'avenir de l'électricité au Québec sont d'une importance fondamentale pour l'ensemble de la société», et, comme Hydro-Québec, nous croyons, et je cite, qu'«il importe qu'elles soient prises en pleine connaissance de cause à partir de l'information la plus pertinente». De même, comme Hydro-Québec, nous croyons que nous devrions, et je cite, «passer en revue chacun des moyens mis à notre disposition en utilisant trois notions fondamentales, l'optimisation économique des moyens, le coût marginal et les externalités».

Là où nous divergeons avec Hydro-Québec, c'est lorsqu'ils affirment dans leur document qu'il faut remettre à plus tard l'utilisation de ces concepts qui nous apparaissent fondamentaux et qui limitent en ce moment l'analyse qu'on retrouve dans ce document aux critères uniquement technico-économiques.

Nous pensons qu'Hydro-Québec, et nous avons beaucoup de respect pour Hydro-Québec avec qui nous avons pleinement participé au plan de consultation d'Hy-dro-Québec, qui a été très profitable, très enrichissant pour tout le monde, nous avons confiance qu'Hydro-Québec a les moyens et les compétences de s'attaquer immédiatement à ce besoin d'intégrer les questions sociales et environnementales, les impacts sociaux et environnementaux dans l'analyse comparative des options, de leurs options. De toute façon, ils ont à le faire.

Je vous rappelle que les directives de Grande-Baleine qui ont été émises en septembre de l'an dernier spécifiquement demandent au promoteur de, et je cite, début de la citation: «Le promoteur devra présenter un ensemble de tableaux comparant les incidences de chacune des sources visées aux paragraphes 223 à 251 — ceci, ce sont les alternatives au complexe Grande-Baleine; comparer les incidences de chacune des sources — sur chaque external ité favorable et défavorable. Dans toute la mesure du possible — je continue la citation — le promoteur présentera ces comparaisons sous une forme monétaire ou quantitative; dans le cas des incidences difficiles à quantifier, les comparaisons pourront être qualitatives.»

Or, malheureusement, lorsqu'on regarde le plan de développement d'Hydro-Québec, on doit constater que les tableaux 3 et 4, qui sont l'essentiel, à notre point de vue, des présentations de ce document, les pages 50 et 51... alors que le tableau 3, à notre point de vue, présente une belle comparaison des critères technico-économiques, le tableau 4 en page 51 nous semble insuffisant dans la mesure où c'est tout simplement une description des enjeux sans aucune forme de qualification, quantification et classement qui nous permettraient de juger des options. De sorte que quelqu'un de rationnel, comme vous êtes tous, qui veut prendre les meilleures décisions pour l'ensemble de la société, vous êtes laissés essentiellement à vos propres choix, à vos propres analyses, et ça donne, à ce moment-là, à ceux, par exemple, dont la phobie, c'est l'effet de serre et qui ont peur de mourir grillés le prochain été... ils vont «focusser» sur l'effet de serre, alors que les autochtones qui sont contre le développement des rivières du Nord vont «focusser» sur les rivières du Nord.

Voici une liste exhaustive à laquelle nous sommes arrivés en consultation, en concertation naturellement avec les membres du Forum Grande-Baleine, sur les externalités sociales et environnementales qui devraient être qualifiées et quantifiées pour amener une classification des différentes options. Je vais passer rapidement pour pouvoir répondre aux questions.

D'abord, la disparition des habitats terrestres et des rivières. On peut quantifier ces objets.

La modification de l'utilisation du territoire. Tous les coûts et les avantages que la modification, l'ouverture du territoire amène.

La question de la qualification et possiblement la quantification des impacts sociaux reliés aux options des plans de développement d'Hydro-Québec, et mon collègue Paul Charest pourra répondre à des questions à cet effet.

Les coûts liés à la pollution. Ceci est amplement étudié et ceci est amplement documenté, les externalités reliées à la pollution.

Et les impacts économiques des choix technologiques. J'entendais le groupe qui nous précédait signaler le retard important que le Québec avait pris dans certains domaines technologiques dans la conservation de

l'énergie, et ceci est un aspect très important que nous devrions évaluer: Quel est l'impact du non-investissement, ou du sous-investissement, ou du pauvre investissement d'Hydro-Québec dans des filières comme l'éo-lienne, la cogénération et d'autres filières de développement qui sont, de l'avis de tous, des projets exportateurs en potentiel important?

De même, la cogénération devrait être évaluée dans une perspective, disons-le carrément, d'aide à l'entreprise qui, quelquefois, est en difficulté. Il y a des secteurs importants, les papetières et les scieries, qui sont en difficulté.

De même, la chauffe au gaz. On sait très bien que, contrairement à l'électricité, le coût marginal de la chauffe au gaz est inférieur au coût de production, alors que le coût marginal de la chauffe à l'électricité est de loin supérieur au coût moyen de production, et je vous cite les travaux du professeur Yves Rabeau qui arrive à des conclusions similaires.

En ce qui concerne nos recommandations à Hydro-Québec, nous aimerions qu'Hydro-Québec approfondisse le tableau 4 et fasse un effort de qualifier et de classer les options qu'ils nous soumettent par rapport aux impacts sociaux, environnementaux et technologiques. Nous convenons qu'il est difficile de qualifier et de quantifier ces externalités, et nous l'avons vécu dans la consultation avec Hydro-Québec, où nous arrivons constamment à des conclusions à l'effet que l'importance à donner aux impacts... Par exemple, quelle est la valeur d'une rivière dans le Nord du Québec pour les Québécois? Est-ce qu'on accorde une valeur à ça? Et, si oui, quel est le coût, quelle est la valeur, même, monétaire d'une rivière sauvage dans le Nord du Québec? On arrive constamment à des conclusions que ceci, ce sont des choix de société.

Nous convenons avec Hydro-Québec qu'il est difficile de quantifier, d'identifier les externalités, mais c'est un débat que nous devons avoir, et, tant et aussi longtemps qu'on piétinera et que le gouvernement, pour des raisons que j'ignore, évitera d'avoir ce débat sur l'énergie, d'autres le tiendront à notre place. Parce que le contexte international qui nous entoure a énormément modifié. Je vous rappelle que les États qui nous avoisi-nent, et possiblement les États qui seraient intéressés à éventuellement importer d'autre électricité en provenance de nos centrales de production, sont des États qui ont tous utilisé, qui utilisent maintenant la planification intégrée des ressources, et je parle du Mass., du New Hampshire, du Vermont, du Maine, New York State, Rhode Island et compagnie.

Dans le marché économique nord-américain, dans une perspective d'accord de libre-échange nord-américain, nous devons réaliser que les questions environnementales, que la façon dont les États planifient leurs projets de développement... seront scrutées à la loupe et seront un élément important dans nos relations avec nos voisins du Sud. Il appert que les questions environnementales et la façon dont les questions environnementa- les et sociales sont considérées par des promoteurs et par des organismes de planification pourraient être des mesures ultimement invoquées comme des barrières de protection. Je vous rappelle, à titre d'exemple, quoique ce n'est pas une décision gouvernementale, la malheureuse décision du Dartmouth College, de Hanover, New Hampshire, qui a décidé de désinvestir les sommes d'argent qu'ils avaient investies dans les obligations d'Hydro-Québec.

Nous croyons que l'avenir énergétique du Québec passe par la mise en place d'une commission indépendante de l'énergie qui analyse l'ensemble des propositions, incluant celles d'Hydro-Québec, mais qui ferait d'Hydro-Québec un producteur d'énergie au même titre que Gaz Métro est un producteur d'énergie et au même titre, à ce moment-là, que les autres organismes qui ont aussi un impact très important dans la planification de l'énergie, comme les schémas d'aménagement et les villes. Tant que nous nous obstinerons, à titre de société, à refuser ce débat public et structuré qui pourrait nous permettre — excusez-moi l'expression — de «québéquiser» la planification intégrée des ressources, qui est maintenant la méthodologie moderne utilisée dans les États modernes, tant qu'on fera ça, d'autres feront le débat, et nous serons inévitablement face à des problèmes où... à Sainte-Marguerite, on a un débat sur la justification des projets hydroélectriques; à Grande-Baleine, ça va être le même débat à venir sur la justification des projets hydroélectriques par rapport à d'autres formes d'énergie. Et ce débat-là devrait se tenir, de sorte que les études environnementales à chacun des projets seraient ce qu'on appelle du «siting».

La commission de l'énergie serait une commission permanente, indépendante, qui donnerait sans doute, qui serait en mesure de donner des avis aux députés et au gouvernement qui sont les décideurs. Vous êtes tous des personnes compétentes dans votre domaine. Cependant, le domaine de l'énergie et de l'analyse, de la planification intégrée des ressources, croyez-moi, est un domaine très complexe. Ça fait 15 ans que j'oeuvre dans le domaine de l'énergie, de l'environnement et des questions autochtones, et j'en apprends encore à tous les jours. Une telle commission vous permettrait, je pense, de vous donner le portrait d'ensemble et de vous aider à prendre les meilleures décisions pour l'ensemble de la société.

Une commission indépendante de l'énergie serait, selon nous, un meilleur outil permanent d'évaluation. Elle permettrait une meilleure évaluation de l'utilisation des autres formes d'énergie: le gaz naturel, la biomasse, l'éolien, le solaire passif, la «cogen», la cogénération... l'utilisation du gaz naturel, l'importance qu'on devrait donner aux efficacités d'énergie. Elle permettrait aussi une plus grande transparence, et ceci est un caractère fondamental des commissions de l'énergie: elles permettent une plus grande transparence. (11 h 20)

Celle-ci permettrait également l'application de la

politique d'énergie aux autres organismes qui ont des impacts majeurs sur l'utilisation de l'énergie dans notre société. Par exemple, on pense aux urbanistes, aux MRC. De même, nous pensons qu'une commission de l'énergie vous permettrait de prendre ultimement des meilleures décisions pour l'ensemble de la société.

C'est essentiellement le fond des propos que j'aimais apporter à votre attention. J'espère, cher Beauceron, que je n'ai pas dépassé les 20 minutes.

Le Président (M. Audet): Pas du tout, je crois même qu'il vous reste du temps.

M. Cliche: Alors, ça me fera plaisir de répondre à vos questions, et mes collègues, et échanger avec vous sur cette perspective purement professionnelle très technique. Je rappelle que j'ai trois copies pour ceux qui veulent savoir où on en est dans les Etats américains. La planification intégrée des ressources, l'expérience américaine, ce n'est pas complet. Je répète, je compléterai cette recherche dans les deux mois à venir, et elle sera aussi disponible aux membres de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. Alors, je vais maintenant reconnaître Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: Oui. M. Cliche, M. Quenneville et M. Charest, je voudrais vous remercier de l'intervention que vous faites ce matin et du document que vous nous avez fait parvenir — je pense que ça démontre aussi votre participation importante à la commission parlementaire — et vos commentaires intéressants sur la planification intégrée, surtout, des ressources. Dans votre document, vous dites que le plan de développement d'Hydro-Québec donne seulement une description des principaux impacts et enjeux environnementaux sans aucune forme d'analyse, si j'ai bien compris votre document. Et vous dites, par ailleurs, qu'il est possible de quantifier les différents types d'external ités. Peut-on dire que l'usage est relativement variable selon les juridictions qui emploient cette méthodologie?

M. Cliche: Oui, il y a un usage extrêmement variable. Pour vous donner une idée, Mme la ministre, par exemple, les États qui ont évalué les impacts environnementaux de la production d'électricité à partir des centrales au charbon, les coûts reliés à la pollution, que l'on ajoute aux coûts directs de production de kilowatts, si ma mémoire est bonne, selon ma recherche, varient entre 0,05 $ le kilowattheure et 0,04 $ le kilowattheure. Dans les 25 États américains qui ont fait l'exercice de définir quelles étaient les externalités sociales et environnementales qu'on devait intégrer dans les analyses coûts-avantages et les analyses comparatives entre les filières de production, ça varie énormément. Et ceci m'amène, nous amène à dire que les externalités sociales et environnementales, et l'importance, et la quantification qu'on leur donne dépendent énormément de choix de société et de l'importance donnée à la population pour ces facteurs.

Inévitablement, je vous le dis, la planification intégrée des ressources fait en sorte qu'on ajoute habituellement... ça a fait en sorte, en pratique, qu'on ajoute, qu'on augmente le coût de la filière de production de nouveaux kilowatts. On se trouve ipso facto à favoriser l'économie d'énergie, parce qu'à ce moment-là, si on ajoute... Prenons un chiffre purement théorique: si, à Grande-Baleine, en intégrant l'ensemble des externalités sociales et environnementales, des coûts environnementaux et sociaux, on ajoutait 0,02 $ le kilowattheure, ce sont des chiffres, des images que j'utilise parce qu'on n'a pas encore complété nos études, inévitablement, on se trouve ipso facto à favoriser des économies d'énergie.

Mais vous avez raison, Mme la ministre, ça varie énormément d'un État à l'autre, et les États ne se le cachent pas. Ça amène même des distorsions dans les États, un par rapport à l'autre, et la nouvelle administration a essentiellement sonné la fin de la récréation. Il y a eu récemment une lettre du ministère de l'Énergie, «Department of Energy», de Washington, qui visait à ce qu'il y ait une harmonisation de l'utilisation des externalités à l'ensemble des États américains pour éviter qu'il y ait des distorsions majeures entre les États qui s'avoi-sinent. Et souvent des producteurs privés vendent de l'électricité dans plusieurs États et ça amène des difficultés de planification.

Mme Bacon: Vous parlez du choix de société, M. Cliche. Mais vous ne pensez pas qu'il revient au gouvernement ou à l'ensemble des élus de la population de faire des arbitrages que supposent nécessairement la planification intégrée des ressources?

M. Cliche: Oui...

Mme Bacon: Parce qu'ils ont des comptes à rendre.

M. Cliche: Mme la ministre, vous avez raison. Ce sont les politiciens, le gouvernement qui, ultimement, doit décider. Et je suis très mal à l'aise... j'ai eu l'occasion de rencontrer des présidents de PUCs, de Public Utility Commissions américaines, qui ont tous les pouvoirs en ce qui concerne l'électricité, l'eau, le transport et d'autres services publics et dont les décisions peuvent uniquement être renversées par les tribunaux en autant que quelqu'un qui conteste la décision puisse faire la preuve que la planification intégrée des ressources a été mal appliquée.

Ceci étant dit, on doit avoir le débat public, et vous conviendrez avec moi, Mme la ministre, qu'un débat public encadré et bien structuré est la meilleure façon de s'assurer une transparence quant aux décisions, quant aux choix de société et certainement quant à générer un consensus autour des choix de société. Il est sans

doute terminé, le temps où un ministre pouvait partir avec sa valise et aller vendre des alumineries dans des pays du monde et revenir en criant: Hourra! Hourra! je vais créer des emplois et implanter des alumineries dans la vallée du Saint-Laurent. Il est sans doute terminé, ce temps-là, et les gens veulent participer au débat et les gens exigent une transparence quant aux choix importants pour la société en matière d'énergie. Mais, ultime-ment, Mme la ministre, je suis d'accord avec vous, ça revient au gouvernement de prendre les décisions ultimes, parce que, avec un gouvernement et les politiciens, le plaisir qu'on a, c'est de les défaire ou de les élire à tous les quatre ans.

Mme Bacon: Et il y en a qui y aspirent. Alors, même si...

M. Cliche: Est-ce qu'il y a quelqu'un dans la salle?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Bacon: Ne cherchez pas, M. Cliche! Ne cherchez pas! Toujours dans le cadre d'un choix de société, vous qui voyagez beaucoup, il me semble, quels sont d'après vous, et ça ne regarde pas tout à fait le plan de développement, les sentiments ou les motifs profonds qui animent les groupes de pression américains comme Greenpeace, comme Natural Resources Defense Council, dans leur lutte contre l'hydroélectricité québécoise? Qu'est-ce que c'est, le motif profond?

M. Cliche: M. le Président de la commission, est-ce que vous acceptez que je sorte du propos de ma présentation ce matin? Quelle est la pratique en commission parlementaire?

Le Président (M. Audet): Non, il n'y a pas de problème.

Mme Bacon: C'est assez vaste, parce que le député de Joliette, hier, est sorti même du cadre. Alors...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Bacon: II va me permettre cette petite question-là.

M. Chevrette: On dirait que ça dépend bien plus du toupet que peut avoir une personne.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cliche: Comme mon toupet tombe, je prendrai le toupet de...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: II ne t'en reste pas bien, bien.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Audet): Allez-y.

M. Cliche: Comme mon toupet tombe, je prendrai le toupet de répondre à la question. Il y a deux éléments à ma réponse. Effectivement, j'ai été en mesure de constater et je suis en contact de plus en plus fréquent avec les Américains sur ces questions, il y a deux éléments à ma réponse. Je pense que, fondamentalement, il y a des groupes environnementaux qui sont convaincus qu'ils doivent sauver le Nord et sauver les autochtones, et ça, je pense qu'ils en sont fondamentalement convaincus et ils le croient, qu'ils ont une mission de sauver le Nord et les autochtones, et ils doutent fortement que nous ayons le pouvoir décisionnel ou la capacité de prendre les décisions qui permettent la protection et la pérennité des systèmes environnementaux, d'une part.

D'autre part, il est évident que cette campagne contre la Baie James — excusez-moi, parce que, là, j'ai des bouts en anglais dans ma tête — contre la phase II de la Baie James fait en sorte que ça favorise les producteurs d'électricité domestique américains qui ont maintenant des surplus de gaz importants, les producteurs d'électricité, donc à partir de turbines à cycle combiné, de producteurs d'électricité de cogénération et, effectivement aussi, ça favorise l'autre marché de l'électricité qui est l'efficacité de l'énergie, le «demandside-management», qui est rendu une énorme entreprise aux États-Unis et qui permet aux entrepreneurs en électricité et aux entrepreneurs en construction de faire de bonnes affaires en ces années difficiles. Il y a donc un mouvement de fond qui est vraiment vécu par les gens que je rencontre et ils viennent vraiment émus, les larmes aux yeux, lorsqu'ils me parlent de leur volonté de sauver la Baie James et les autochtones du Nord.

Ceci étant dit, en commission devant le Sénat, il y a aussi des gens des syndicats qui viennent rappeler que la non-importation d'électricité en provenance du Nord permet de créer plus de jobs aux États-Unis et permet de trouver un débouché aux ressources ou aux capacités importantes de gaz naturel. Donc, c'est la réponse que j'avais à vous donner.

Mme Bacon: Merci. Ça va.

Le Président (M. Audet): II vous reste encore un peu de temps, mais vous pourrez y revenir tantôt. M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Tout d'abord, ayant lu Le Devoir de ce matin, je voudrais vous souhaiter la bienvenue dans le salon de l'incompétence.

Des voix: Ha, ha, ha!

(11 h 30)

M. Chevrette: Blague à part, je voudrais aborder deux points. Tout d'abord, la commission de l'énergie dont vous parlez. Ne croyez-vous pas que ce que vous suggérez dans la conjoncture, dans le système actuel où on a un office national, on vit dans un régime fédéral, puis ici, au Québec, on a le BAPE qui a une mission bien spécifique sur la dimension environnementale, etc., est-ce que vous ne croyez pas que ça vient empiéter sur des structures, pour ne pas dire dédoubler certaines structures? Comment vous voyez ça de façon cohérente à ce moment-là, sans faire disparaître des structures existantes?

M. Cliche: M. le critique officiel de l'Opposition en matière d'énergie, vous avez oublié la Régie du gaz aussi...

M. Chevrette: En plus, oui.

M. Cliche: ...qui est un autre organisme très important.

M. Chevrette: Exact.

M. Cliche: L'ONE a uniquement juridiction sur les exportations d'électricité; il n'a pas de juridiction sur les moyens domestiques utilisés pour générer de l'énergie que nous exporterions, d'une part. Donc, une commission québécoise de l'énergie n'empiéterait pas sur l'ONE jusqu'à nouvel ordre, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il y ait des changements au statut politique du Québec, ce que certains d'entre nous espérons.

Au niveau domestique, il faut comprendre que le problème en ce moment, c'est que, lorsque le promoteur Hydro-Québec, et ce n'est pas facile pour Hydro-Québec, à chaque fois qu'Hydro-Québec se présente devant le BAPE pour un projet spécifique, inévitablement, ça dégénère, entre guillemets, en audience générique sur la justification du projet, sur la place de l'hydroélectricité par rapport aux autres filières, sur la place de l'hydroélectricité par rapport à l'économie d'énergie. Si nous avions une commission de l'énergie qui règle ces questions-là, de la politique énergétique au Québec, qui permet de situer l'hydroélectricité par rapport aux autres filières, par rapport aux «demands-side-managements», par rapport à l'économie d'énergie — et c'est cette filière que les gens veulent tous promouvoir — une fois qu'on aurait ça, le BAPE, à ce moment-là, entendrait Hydro-Québec sur des projets spécifiques, mais qui seraient encadrés par une politique générale qui aurait généré un consensus, de sorte que les travaux du BAPE seraient beaucoup plus des travaux visant l'insertion de projets dans leur milieu et visant à déterminer des mesures d'atténuation propres à l'insertion de projets dans le milieu.

Les États américains se sont donné des commis- sions d'énergie qui fonctionnent de la façon suivante. Il y a la commission de l'énergie qui détermine la politique énergie, il y a ensuite des commissions environnementales qui font ce qu'eux appellent du «siting», qui, essentiellement, visent à déterminer les mesures d'insertion et les mesures d'atténuation propres à chacun des projets. Mais la justification de ce projet par rapport à l'ensemble de la politique énergétique est, à ce moment-là, déterminée par la commission de l'énergie.

M. Chevrette: Mais quel serait le rôle... Ce qui m'embête dans tout ça, c'est quel serait le rôle du politique, avec un grand P, au moment où tu as une commission qui, elle, définit les grandes lignes stratégiques du développement énergétique?

M. Cliche: Ça varie, ça varie. Je peux vous référer d'expérience. Il y a des commissions, comme je vous dis, et je pense à la Commission du Wisconsin qui, je pense, est celle qui a le plus de pouvoirs; le président ou la présidente est nommé pour huit ans, et ils ont plein pouvoir décisionnel sur les aspects de l'électricité, de l'eau, du gaz, etc. Donc, le politique, essentiellement, n'a pas de pouvoirs.

Je pense que la société québécoise tient — et, là-dessus, je suis d'accord avec Mme la vice-première ministre et première ministre par intérim — nous tenons à ce que les politiciens, ultimement, aient le pouvoir décisionnel. Donc, je pense qu'une commission de l'énergie qui serait crédible, qui serait indépendante — et là je m'avance un peu parce qu'on n'est pas allés dans le détail de ça, mais j'essaie de refléter un peu les discussions que j'ai eues avec les membres de mon Forum — pourrait faire des recommandations au gouvernement ou à cette commission qui, elle, déciderait.

Le point que je veux faire, et je veux revenir sur ma citation dans Le Devoir ce matin, et j'ai été cité correctement, je ne fais pas encore partie du club des mal cités, pas encore... Les questions d'énergie sont rendues très complexes. Vous êtes toutes des personnes compétentes dans votre domaine, mais je pense que vous auriez énormément d'avantages et vous apprécieriez énormément pouvoir compter sur l'appui d'une commission technique qui pourrait vous faire la part des choses. C'est quoi, l'éolien, en ce moment? Tout le monde a peur de discuter de l'éolien. Je suis celui qui a lancé le débat; je me suis fait traiter de «pelleteux» de nuages, de M. Plein-de-Vent, etc. C'est ce genre de choses techniques qu'il faut discuter et qu'une commission de l'énergie permettrait de discuter dans un vaste débat public encadré. La crédibilité de cette commission ferait en sorte qu'il serait possiblement très difficile pour des politiciens et ultimes décideurs d'aller à rencontre de recommandations d'une commission de l'énergie, mais ça permettrait aux politiciens de réaliser, de prendre les meilleures décisions pour l'ensemble de la société. Hydro-Québec, à ce moment-là, serait traitée comme un

producteur d'énergie au même titre que Gaz Métro, au même titre que les producteurs indépendants d'hydroélectricité, au même titre maintenant que les producteurs d'électricité en «cogen», en cogénération, et ça permettrait d'avoir une bien meilleure perspective et de briser... Et, pour Hydro-Québec, ce n'est pas facile, en ce moment. Hydro-Québec...

M. Chevrette: Je reconnais, moi, qu'on a un problème. C'est qu'Hydro-Québec se présente ici, et ils sont les seuls à avoir l'expertise globale totale en matière énergétique, effectivement. Au Québec, contester Hydro-Québec, ça devient difficile pour n'importe quel groupe, y compris pour les politiciens en général, parce que même le ministère n'a pas les ressources financières, les ressources humaines et techniques pour aller aussi loin, avec des budgets quasi illimités, au niveau de l'expertise. Donc, c'est difficile de contester et, effectivement, moi, je reconnais qu'on a un malaise là. Ceci dit, je ne voudrais pas, non plus, qu'on crée des structures pour le plaisir de créer des structures. Il faudrait regarder ça, parce que, même dans le Grand-Nord, ce n'est même pas le BAPE qui s'en occupe. C'est la Convention de la Baie James qui régit tout le processus d'analyse. Mais j'en arrive à deux autres points. Il faut que je fasse vite parce qu'il me reste trois, quatre minutes.

Vous n'avez aucune limite dans la cogénération, aucune crainte, si j'interprète bien votre mémoire. Ça a l'air beau, bon, on n'a pas de problème, et également face au gaz naturel; vous ne parlez même pas de pollution plus forte, par exemple, du gaz naturel par rapport à l'hydroélectricité. Ça me surprend, d'un forum comme le vôtre, que vous n'ayez pas des interrogations face à l'énergie, par exemple, que représente le gaz naturel et à l'aspect pollution par rapport à l'hydroélectricité. Ça me surprend également que vous n'ayez pas des interrogations minimales vis-à-vis de la cogénération, parce qu'on sait qu'il peut arriver toutes sortes de choses par la suite. Par exemple, un employeur pourrait aussi bien décider que c'est plus payant de vendre de l'électricité que de continuer au niveau industriel dans tel ou tel secteur. J'aimerais vous entendre sur ces deux points-là, parce qu'il ne me reste plus de temps.

M. Cliche: Oui, on a des questions. On a essayé de camper la façon dont on devrait répondre aux questions, et les pistes des réponses aux questions sont les suivantes. On se retrouve dans une situation où HydroQuébec est allée en appel d'offres, et ils ont reçu, si ma mémoire est bonne, 8000 MW sur la table. Ils en ont retenu 714, je pense.

M. Chevrette: 760.

M. Cliche: 760. M. le critique officiel de l'Opposition connaît bien ses dossiers.

M. Chevrette: Voyez-vous comme je suis compétent ce matin?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cliche: Ce sont des chiffres que Mme la ministre, aussi, sait, j'en suis sûr. On se retrouve dans une situation où on entend juste: Ce n'est pas de la vraie cogénération; d'un côté de la «shop», ils vont acheter de l'électricité au tarif industriel et, de l'autre côté, ils vont la vendre au tarif Grande-Baleine. Ils vont l'acheter à 0,029 $ et ils vont la revendre à 0,046 $.

M. Chevrette: 0,043 $.

M. Cliche: Donc, ce que je vous dis, c'est que, oui, il y a lieu de se poser des questions, il y a des limites à la cogénération. Mais ce que je vous dis, c'est qu'on ne peut plus laisser Hydro-Québec dans une situation où Hydro-Québec soit à la fois juge et partie. C'est Hydro-Québec qui décide de la place de ses concurrents dans le marché de l'électricité, d'une part.

D'autre part, le CO2. C'est vrai que toute combustion libère du CO2, mais, dans une perspective globale d'économie d'énergie et de politique énergétique, je vous rappellerai que la majorité du CO2, du SO2 et des NOx sont libérés par le voiturage, le matin, entre la banlieue et le centre-ville, de sorte qu'une politique globale de l'énergie pourrait favoriser les transports en commun mus à l'électricité en réduisant énormément les émissions de CO2 et SO2 du parc automobile, quitte à ce qu'on augmente un peu l'émission de CO2 à partir du gaz naturel et de la cogénération. On pourrait viser, néanmoins, à baisser le bilan total de production de CO2 au Québec, tout en favorisant le gaz naturel, et la chauffe devient de plus en plus préoccupante pour Hydro-Québec. Dans leur plan de développement, ils font état d'un coût marginal de 0,092 $ le kilowattheure. Chaque fois qu'Hydro-Québec branche une maison au chauffage électrique à 0,092 $ le kilowattheure, ipso facto, ils sont un peu dans un cul-de-sac parce que ce coût-là, le coût marginal dépasse énormément le prix de vente, alors que le coût marginal du gaz, si je me fie aux données de Gaz Métro — encore là, une commission permettrait de le voir — le coût marginal de la chauffe au gaz est inférieur au coût de production.

Oui, nous sommes conscients de ces choses-là. Ce qu'on voulait venir vous dire, on voulait vous camper la façon dont on pense qu'on devrait répondre à ces questions de fond, ces questions très, très, très fondamentales, et, malheureusement, je pense qu'au bout de ces jours il va y avoir beaucoup de questions auxquelles on n'aura pas eu de réponse, ces jours de votre commission parlementaire, et une commission spécialisée vous serait certainement un outil pour vous alimenter dans votre décision souveraine.

Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Drummond. (11 h 40)

M. St-Roch: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je vous dirai qu'hier, dans mes remarques préliminaires, j'avais mentionné que j'abordais cette commission avec beaucoup d'humilité, ne pensant pas tout savoir et tout connaître parce que je suis un élu. Je vais vous dire que j'aime le ton de votre mémoire et que cette recommandation d'une commission de l'énergie m'apparaît quelque chose de valable comme outil décisionnel. Est-ce qu'elle devrait avoir un pouvoir décisionnel ou est-ce qu'elle devrait être strictement au niveau consultatif? Moi, je pense que, dans un premier temps, avec nos mentalités aussi, et nos moyens de vie au Québec, et nos habitudes de parlementaires, peut-être que commencer, dans un premier temps, comme étant une bonne commission d'information, de recommandation au niveau d'une commission de l'économie ou du gouvernement, je vous dirais, au Québec, ce serait valable. Je ne veux pas rentrer trop, trop dans les détails, mais juste au niveau de la nomination de ces membres-là, est-ce que ce serait une commission qui serait permanente? Est-ce que ce seraient des nominations gouvernementales, ou à partir du milieu universitaire, ou à partir du milieu énergétique?

M. Cliche: Écoutez, je pense qu'on est trop loin dans le détail. Je peux juste vous signaler que ça varie d'un État à l'autre. Ça va de la nomination politique à l'élection ou à la nomination par soit le Sénat ou le Congrès. Ça varie.

M. St-Roch: O.K.

M. Cliche: Je pense qu'aujourd'hui je ne suis certainement pas en mesure de m'avancer sur ce terrain des nominations...

M. St-Roch: Ça me va.

M. Cliche: ...ou de créer, de suggérer une nouvelle commission Cliche de l'énergie.

M. St-Roch: À la page 4 de votre mémoire... Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Audet): Allez-y, M. le député de Drummond.

M. St-Roch: À la page 4 de votre mémoire, vous mentionnez que «Hydro-Québec reporte à plus tard l'utilisation de la PIR tout en reconnaissant que son utilisation est courante dans le monde...» Quels sont les motifs, d'après vous, qui pourraient retarder... Est-ce que, en utilisation de la planification intégrée, on retarde les projets, on accroît les délais, ou...

M. Cliche: On n'accroît pas les délais, on ne retarde pas les projets, sauf qu'il y a un temps minimum de quelques mois. Si nous amorcions demain matin et si Mme la ministre de l'Énergie, demain matin, enclenchait le débat sur l'énergie avec une commission ad hoc qui pourrait éventuellement se métamorphoser en commission permanente, il faut prévoir un délai de 18 mois. Mais, au bout de ces 18 mois, nous aurions déterminé certainement le cadre général de la politique énergétique du Québec et les enjeux environnementaux et sociaux que l'on doit intégrer, et comment classifier les options.

Pourquoi Hydro-Québec refuse-t-elle? Je l'ignore. Il faudrait lui demander. Je l'ignore. Il y a peut-être un changement de planification; peut-être que ça modifie énormément la place des vice-présidences, la situation des vice-présidences. Peut-être que Mme la ministre de l'Énergie est plus en mesure de répondre à cette question. Mais je l'ignore.

Le Président (M. Audet): Ça va, M. le député? Je vais maintenant reconnaître M. le député de Vimont.

M. Fradet: Merci, M. le Président. M. Quenne-ville, M. Charest, M. Cliche, bonjour. Il me fait plaisir de vous revoir aujourd'hui, M. Cliche, entre autres. Juste un petit aparté. Vous avez parlé de commission Cliche de l'énergie. Je vous dirais que, depuis ce matin, vous pouvez avoir un partenaire, encore une fois, qui est Brian Mulroney, il est maintenant rendu disponible.

M. Cliche: Ah oui! Il vient de démissionner?

M. Fradet: II vient de démissionner. Alors, je sais qu'il a déjà siégé sur une commission Cliche. Alors, si vous avez besoin de ses services... Pardon?

M. Cliche: Bien, on pourrait refaire une commission de l'énergie ensemble.

M. Fradet: Une commission Cliche avec Brian Mulroney.

M. Cliche: Ça me ferait plaisir, je suis toujours en excellente relation avec M. Mulroney.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fradet: Je vous dirais, M. Cliche, que ça me fait plaisir qu'on se voie...

M. Cliche: Puis Chevrette aussi. On pourrait inviter Guy. Ha, ha, ha!

M. Fradet: Peut-être que Lucien Bouchard serait intéressé aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cliche: Oui, il pourrait être le procureur. Bien oui, ce serait une bonne équipe. Ha, ha, ha!

Une voix: Excusez-nous si on vous dérange.

Le Président (M. Audet): Je vous ramène à l'ordre.

M. Cliche: Oui, oui, excusez-nous.

Le Président (M. Audet): M. le député de Vimont, allez-y avec vos questions.

M. Fradet: Ça me fait plaisir de se revoir aujourd'hui en tant que collaborateurs dans ce débat public, parce que je crois effectivement que c'est un débat public qu'on entame aujourd'hui jusqu'à la fin de mars. J'ai lu avec un petit peu de stupéfaction l'article auquel vous faisiez allusion tout à l'heure, où vous disiez que vous réclamez depuis belle lurette la tenue d'un véritable débat public sur les politiques énergétiques du Québec et que vous doutiez que vos amis parlementaires aient le temps, et dans certains cas les compétences, pour mener ce débat. Dans ma tête à moi, on entame déjà un débat public. Je sais que vous réclamez, comme vous le dites, depuis belle lurette, un débat public sur l'énergie, que vous avez aussi l'habitude, dans d'autres activités, de réclamer des débats depuis longtemps. Mais je crois aujourd'hui qu'on entame un débat, comme on l'a fait à d'autres moments, sur l'énergie au Québec, sur Hydro-Québec aussi. Nous ne sommes peut-être pas des experts en tant que parlementaires, mais nous sommes les élus du peuple, choisis pour administrer le gouvernement, la société québécoise. Je crois que, dans un débat comme celui qu'on entame aujourd'hui, on est à même, en tant que décideurs, de rencontrer des experts comme vous et comme d'autres qui viendront jusqu'à la fin du mois de mars pour ainsi influencer les politiques énergétiques.

Vous disiez tout à l'heure qu'à votre commission — parce que, moi aussi, j'ai peut-être quelques petites questions face à ça — il pourrait y avoir un président nommé ou élu pour huit ans de mandat. Je vous rappellerais que nous sommes imputables à la population à tous les quatre ans. Et vous savez pertinemment, étant impliqué depuis longtemps dans le domaine environnemental et aussi avec les Cris de la Baie James, que des groupes de pression font effectivement beaucoup de démarches auprès des gouvernements, qui portent fruit de plus en plus. En tout cas, c'est ce que je constate depuis que je suis député. Alors, je me pose de sérieuses questions. Est-ce qu'on doit, surtout dans un contexte de rationalisation des dépenses, aujourd'hui, de fiscalité provinciale, créer une nouvelle structure, une nouvelle société? À mon avis, ça pourrait aller à rencontre de notre vision, puisque je considère que les commissions parlementaires rendent un très bon service. Et je vous dirais peut-être juste une petite farce,

M. Cliche: Lorsque vous mentionnez dans votre article que les parlementaires n'ont pas le temps de participer à un débat comme celui-là, est-ce à dire que ceux et celles qui participent à un débat n'ont pas le temps d'être parlementaires?

M. Cliche: Je laisserai M. Quenneville, qui représente la CSN et qui, naturellement... Le texte que vous avez devant vous, du Forum Grande-Baleine, naturellement, est partagé par les membres du Forum, et je laisserai M. Quenneville, de la CSN — parce que je sais que la CSN a pris position déjà amplement dans ce dossier-là — peut-être revenir sur le rôle de la commission, sa perspective là-dessus.

Le Président (M. Audet): M. Quenneville.

M. Quenneville (Serge): Bonjour. Bien, je pense qu'on ne peut pas être en désaccord avec ce que vous venez de dire, mais je pense qu'il y a certains bémols à mettre là-dessus. Ça fait plusieurs années que la CSN a participé, et je pense qu'on va venir la semaine prochaine présenter aussi à proprement parler notre mémoire sur la question, mais il y a une chose dans ce que vous dites... il y a plusieurs choses, en fait. Je pense qu'une commission de l'énergie, ça ne vient pas se substituer à une commission parlementaire. La forme de la commission de l'énergie... On a des pratiques dans la plupart des ministères québécois de créer des commissions, que ce soit la CSST ou d'autres types de commissions. Je pense qu'il y a lieu d'approfondir cette question-là et de voir quel type de relation il pourrait y avoir entre une commission de l'énergie et une commission parlementaire où siègent des députés responsables de la question énergétique.

L'autre élément que je voulais soulever dans votre intervention, c'est quand vous dites qu'on n'a pas les moyens de créer une nouvelle structure au Québec. Je doute de cet argument-là, parce que, actuellement, aujourd'hui, on parle d'un plan de développement de quelque 50 000 000 000 $. Si on se pose beaucoup de questions, d'une part, sur la disponibilité de ce montant, actuellement, et, d'autre part, sur notre capacité comme société de supporter un tel endettement, donc si on est prêt à mettre 50 000 000 000 $, ce n'est pas quelques millions... qui permettraient à une commission de travailler et l'empêcheraient de prendre des décisions qui nous apparaîtraient peut-être un peu plus éclairées plutôt que de discuter du plan de développement d'Hydro-Québec.

Ce qu'il faut dire aussi, c'est que les groupes du Forum ont participé à la consultation d'Hydro-Québec, qui a duré un an et demi. Le plan de développement, pour plusieurs groupes, ne reflète pas le contenu de la consultation et du travail qui ont été faits. Entre autres, sur la question des prévisions de la demande et des scénarios qui sont présentés, vous discutez de trois types de scénarios qui sont proposés par Hydro-Québec. Celui

qui est retenu, c'est le scénario moyen de prévisions de la demande, mais on parle de deux autres scénarios — fort et faible — qui nous amèneraient en 2010 avec une gestion de l'incertitude — je pense que c'est important de le souligner. On parle de 50 TWh de différence entre le scénario fort et le scénario faible. Mais ce qu'il faut dire aussi dans ce document-là, c'est qu'il y a des scénarios qui n'ont pas été intégrés, je pense, là-dedans, qui étaient discutés lors de la consultation. On ne dit pas que, par exemple, le scénario de croissance zéro au niveau de la demande d'électricité au Québec, c'est le scénario à implanter au Québec, mais on dit qu'on peut en discuter, par exemple, en commission parlementaire. Et peut-être qu'une commission de l'énergie pourrait permettre de faire cette espèce de filtre entre la commission parlementaire et Hydro-Québec comme promoteur d'un plan de développement au Québec. C'est un peu dans cet esprit-là qu'on l'a suggérée, la commission.

M. Fradet: Je conviens avec vous que quelques millions de dollars par rapport à 50 000 000 000 $, ce n'est pas grand-chose. Par contre, quelques millions de dollars par rapport au processus de débat public que nous entamons aujourd'hui en commission parlementaire, ça, c'est un surplus. (11 h 50)

Je vous poserais une autre question. M. Cliche, tout à l'heure, vous avez fait allusion au débat sur le gaz naturel. Hier, à Hydro-Québec, on a posé effectivement cette question, et il est évident que nous devons en tant que parlementaires être le lien entre Gaz Métro, comme vous l'appelez, et Hydro-Québec. Et ils nous disaient qu'ils n'interviennent pas positivement ni négativement, mais ils présentent habituellement aux entreprises, entre autres, les deux scénarios, gaz naturel et hydroélectricité. Est-ce que, lorsque vous parlez de gaz naturel, vous incluez dans votre coût les fluctuations éventuelles du prix et la disponibilité, peut-être, du gaz naturel? Est-ce que, dans vos études ou dans les études qui seront à faire, parce que vous mentionnez dans votre mémoire que vous suggérez une étude, en tout cas, entre autres sur... Est-ce que vous prendrez en considération, effectivement, les problèmes environnementaux, mais aussi les fluctuations sur le marché du gaz naturel ainsi qu'éventuellement sa disponibilité?

M. Cliche: Bon, en ce moment il y a un débat entre Hydro-Québec et Gaz Métro sur cette dite fluctuation des prix du gaz dans un avenir. On se retrouve dans une situation où deux promoteurs directement intéressés s'envoient des chiffres et on n'a pas d'outils, on n'a pas de commission, on n'a pas d'experts indépendants qui soient en mesure de nous donner l'heure la plus juste possible, de là le besoin d'une commission. Également, je pense — même si les gens de Gaz Métro sont assis derrière moi et qu'ils n'apprécieront pas — qu'une faiblesse du gaz naturel, c'est les coûts environnementaux reliés aux émissions de CO2. Comme j'ai dit, si on permettait la chauffe au gaz, mais que, dans une politique d'énergie, on favorisait... L'électricité qui est libérée, on l'utiliserait pour des transports en commun dans la grande région métropolitaine et, par le fait même, on réduirait le parc automobile, on pourrait réduire encore de beaucoup plus les émissions de CO2 et de SO2, et on pourrait réduire plus le SO2 de l'automobile, quitte à laisser monter un peu le CO2 de la chauffe, et on aura un bilan encore plus propre, si je peux m'ex-primer ainsi. C'est justement le genre de chose qu'une commission de l'énergie devrait et devra regarder.

On voulait tout simplement, M. le député de Vimont, dont les propos sont très pertinents, le comté de Vimont ayant cette faculté de générer des politiciens avec des propos pertinents, c'est justement ce qu'on voulait vous camper ce matin, c'est la façon de regarder les grandes questions auxquelles on doit répondre, vous suggérer un outil corporatif et la méthodologie que l'outil corporatif devrait utiliser. Ça existe ailleurs. Et, tout simplement, on devrait «québéquiser» cette méthodologie qui, malgré les avantages et les désavantages, et mon étude fait état amplement des avantages et des désavantages... Tous ceux qui participent à la planification intégrée des ressources, qui ont des commissions dites indépendantes, ils sont unanimes à dire que ceci fait de meilleures décisions pour l'ensemble de la société, et ça enlève énormément de poids du dos des pauvres promoteurs, au lieu de se retrouver inévitablement projet par projet avec des discussions d'ordre générique sur l'ensemble de la politique énergétique — et pour Hydro-Québec, ce n'est pas facile en ce moment — ça permet de meilleures décisions. Et la prochaine question, s'il y en a une...

M. Fradet: Malheureusement, mon temps est déjà écoulé, M. Cliche. Je vous remercie, ainsi que vos collaborateurs. Et je suis convaincu que durant la prochaine année, d'ici la prochaine campagne électorale, nous aurons sûrement à répondre à quelques questions entre nous deux, et ce sera l'occasion de continuer ce débat. Merci.

Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Oui. Merci, M. le Président. Je reviens à la commission parce que je m'aperçois qu'il y a là quelque chose d'intéressant, en particulier pour cette vision globale qu'on doit avoir au niveau de l'utilisation des sources énergétiques, ou de la complémentarité entre diverses sources énergétiques. Et ça me frappe toujours, on fait toujours le choix entre deux choses, et, bien souvent, c'est le facteur économique qui décide au détriment de certaines combinaisons qui pourraient être fort utiles dans certains cas.

Vous demandez un débat énergétique au Québec.

moi, je suis d'accord avec vous. ça fait longtemps qu'on le demande également, nous. mais pourriez-vous nous dire comment vous percevriez ça, compte tenu qu'il n'y a pas de structure, là, qui... ça devrait être le ministère comme tel, à mon point de vue, qui est le seul habilité dans les circonstances pour faire un débat plus global sur le plan énergétique, parce qu'hydro... hydroélectrique, c'est clair que c'est l'électricité, et on se rend compte que, même si sa mission à l'article 22 de la loi sur hydro-québec lui commande de voir ça d'une façon plus globale, c'est particulièrement ou presque exclusivement axé sur l'hydroélectricité, alors qu'on se doit comme société d'avoir une vision beaucoup plus globale, parce qu'on est à 60 %... on est seulement à 40 % en hydroélectricité au québec, et 60 %, c'est d'autres sources énergétiques. comment vous verriez ce débat-là s'enclencher?

M. Cliche: Alors, je vois, en premier lieu, une conférence de presse de Mme la ministre de l'Énergie qui annonce la création d'une commission ad hoc de l'énergie qui devrait faire rapport au plus tard dans les 18 mois qui suivent sa mise en place. Cette commission pourrait être formée certainement de personnes qui ont de l'expérience dans la planification énergétique; possiblement, il pourrait y avoir des élus aussi qui puissent se joindre. Une commission mixte, ad hoc, qui aurait pour objet de faire rapport au gouvernement sur la politique énergétique du Québec, les grandes filières énergétiques que nous devrions privilégier, les raisons pour lesquelles on devrait le faire, et qui devrait entendre les producteurs, qui devrait entendre aussi les utilisateurs et ceux dont les décisions... je pense aux aména-gistes, aux urbanistes, aux MRC, les transports en commun, le ministère des Transports, et tous les gens dont les décisions ont des implications majeures sur l'énergie.

Et cette commission-là pourrait faire rapport au gouvernement dans X mois —j'ai dit 18 mois, au pif, parce que je ne pensais pas aller si loin, ce matin, dans le détail de ça, d'une commission permanente de l'énergie — sur le pouvoir décisionnel de cette commission permanente de l'énergie, sur la politique d'énergie que le Québec devrait adopter et, suite à ça, cette commission permanente de l'énergie devrait faire le suivi de la politique et devrait s'assurer que tous les promoteurs reviennent pour faire accepter le cadre dans lequel leurs projets spécifiques... comment ils s'encadrent dans la politique énergétique du Québec. Une fois que ceci est approuvé — c'est comme ça que ça se passe dans les États américains — les promoteurs s'en vont, à ce moment-là, devant le BAPE pour faire du «siting», pour faire de l'insertion environnementale et sociale de leurs projets, mais qui s'insèrent dans une politique globale. Mais c'est matière aussi à votre réflexion et, ce matin, je ne voulais pas aller trop loin.

Et ce serait peut-être intéressant d'entendre la ministre de l'Énergie sur la façon dont elle voit...

J'ignore vraiment les raisons et, plus j'approfondis cette question, plus je suis convaincu des avantages pour le gouvernement d'avoir un tel débat et de régler ces questions de fond là, des filières énergétiques, avec la participation du public pour générer un consensus. Je dois vous faire part de mon profond désarroi face à la volonté actuelle du gouvernement de refuser un tel débat, Mme la ministre, et je pense que vous auriez sincèrement avantage, au nom des intérêts supérieurs du Québec et au nom de la comparaison qu'un tel débat nous permettrait d'avoir avec nos voisins du Sud qui nous regardent et qui, malheureusement, quelquefois — et vous savez les positions quelquefois fermes que j'ai envers des groupes américains — mais qui, néanmoins, ont le droit de dire que notre processus de planification de notre politique énergétique tarde un peu, si je peux m'exprimer ainsi.

M. Chevrette: Vous avez à côtoyer plusieurs groupes environnementaux et autres. Est-ce que ce désir d'un débat plus global est partagé par bon nombre ou si c'est l'apanage dit des écolos?

M. Cliche: Paul, veux-tu répondre à ça?

M. Charest (Paul F.): Je pourrais peut-être faire un commentaire sur cette question-là puisque, pendant de nombreuses années, j'ai travaillé avec un groupe autochtone, l'association autochtone qui s'appelle le Conseil des Atikamekw et des Montagnais, et avec d'autres éléments, d'autres organismes. Le CAM avait appuyé pendant longtemps... on a participé à des colloques parallèles ou des conférences parallèles pour discuter de cette question-là parce que, justement, comme vous le mentionniez, Hydro-Québec n'a pratiquement qu'un seul choix à nous offrir et ce choix-là, de plus en plus, est en territoire autochtone. Si on regarde tous les futurs projets de développement hydroélectrique, ils sont tous en territoire autochtone, et là je pense que c'est beaucoup mettre ses oeufs dans le même panier face, disons, à de plus en plus d'opposition, de résistance de la part des autochtones. Est-ce que leur territoire, progressivement, et bientôt au total, va disparaître, en partie en tout cas, sous les eaux, donc, soit affecté globalement? Il y a toute une série d'impacts cumulatifs dont il faut tenir compte si on construit encore 10 000, 15 000, 20 000 MW sur les territoires autochtones, et non pas seulement au Québec, il y a le Labrador aussi qui est une option possible.

Donc, les autochtones aimeraient aussi avoir un débat où on considérerait l'ensemble des sources de production, y compris aussi les politiques d'économie d'énergie qui auraient comme conséquence de ménager leur territoire, de leur permettre de conserver des parties importantes de territoire, des bassins de rivière, de façon non touchée, pour non seulement la pratique et la récolte, mais aussi comme rapport social et rapport, disons, spirituel au territoire.

II y a toute la question des impacts sociaux dont on n'a pas parlé et qui est une préoccupation fondamentale des autochtones dans ces questions-là, l'intégration ou la «malintégration» des impacts sociaux actuellement dans le processus d'analyse et de la décision en ce qui concerne les développements énergétiques. Je pense qu'on s'entend tous au Québec, ceux qui travaillent sur la question, pour dire que cette question-là, disons, a très peu avancé. Elle a avancé, récemment, mais elle a peu avancé et il y a beaucoup de chemin à faire pour intégrer ces aspects qualitatifs dans la décision énergétique. C'est sûr qu'il n'y a pas de méthode très sûre, il n'y a pas de méthode sur laquelle des gens vont tomber d'accord, mais l'aspect qualitatif doit être pris en compte autant que l'aspect quantitatif, de mesurer les coûts de production en termes de sous du kilowattheure sans intégrer, disons, toutes sortes d'impacts qui concernent la santé, qui concernent les utilisateurs du territoire. (12 heures)

Récemment — je vais vous mentionner un impact indésiré, mais qui est très important — j'ai participé aux audiences sur la Sainte-Marguerite, et on sait que la bande de Uashat est séparée, disons, presque en deux sur cette question-là. Même avant que le projet soit réalisé, s'il se réalise, la bande de Uashat a des affrontements majeurs à l'intérieur d'elle-même en ce qui concerne, disons, les choix à faire vis-à-vis ce projet-là. Donc, ça, c'en est de façon très concrète des impacts sociaux et culturels majeurs dont on ne tient jamais suffisamment compte. Est-ce qu'un projet doit se réaliser même si on prévoit que des communautés vont éclater ou qu'il va y avoir des impacts sociaux, pathologiques, de différentes natures: violence, etc., éclatement des familles, migration? Est-ce que ce secteur-là peut entrer finalement dans la prise en compte, dans la prise de décision? Nous croyons que oui s'il y a des impacts vraiment majeurs prévus face à l'accélération, par exemple, du changement social. C'est un thème sur lequel je consacre des recherches actuellement dans le cadre du financement pour le projet Grande-Baleine. Et il y a une thèse, et les Cris souscrivent à cette thèse-là, qui dit qu'à un moment donné il y a une rupture dans le rythme de changement qui amène, disons, une destruction du tissu social. Alors, jusqu'à quel point on doit poursuivre des développements? Est-ce qu'on doit aller jusqu'à la rupture de ce tissu social là? C'est des questions fondamentales qu'il faut intégrer dans la prise de décision.

M. Cliche: Mais... Une voix: Merci.

M. Cliche: ...je ne suis pas un écolo; les groupes, les membres de mon Forum ne sont pas des écolos. Je vous rappellerai la coalition qui avait vécu il y a deux ans... Si ma mémoire est bonne, il y avait 70 organismes qui avaient exigé le débat public sur l'énergie et qui avaient, à ce moment-là, expliqué les besoins de ce débat public sur l'énergie. Et cette coalition de l'époque représentait l'ensemble des différents intervenants dans la société, de sorte que je pense que c'est largement appuyé dans la population.

Le Président (M. Audet): Alors... Oui, M. Quenneville, brièvement.

M. Quenneville: Oui, très rapidement. C'est juste pour compléter. C'est que, de mémoire, je pense que l'idée du débat public est survenue lors de la phase 1 de la Baie James, en 1980, à l'époque même... À la fin des années soixante-dix, quand Guy Joron était ministre de l'Énergie, quand M. Bérubé a été ministre de l'Énergie lors du gouvernement péquiste, il y avait eu beaucoup de demandes et actuellement, à ma connaissance, les contacts que j'ai eus avec les groupes lors de la consultation d'Hydro-Québec, que ce soient les syndicats, que ce soient des associations de consommateurs ou les groupes écologiques, la plupart de ces groupes-là étaient en faveur de l'idée d'un débat public. Je me demande même si l'association manufacturière ne l'est pas.

Le Président (M. Audet): D'accord. Alors, M. Cliche, M. Charest, M. Quenneville, merci de votre présentation. Bonne fin de journée. Alors, nous allons suspendre quelques minutes pour permettre à l'Association des industries forestières du Québec ltée de prendre place.

(Suspension de la séance à 12 h 4)

(Reprise à 12 h 7)

Le Président (M. Audet): La commission reprend ses travaux. Je vais d'abord souhaiter la bienvenue à l'Association des industries forestières du Québec ltée. Je vous rappelle brièvement nos règles de procédure. Alors, vous avez 20 minutes pour faire l'exposé de votre mémoire; ensuite, suivra une période de questions d'environ une quarantaine de minutes. Alors, M. Du-chesne, je vous cède la parole et je vous inviterais, avant de procéder à votre présentation, à présenter les gens qui vous accompagnent.

Association des industries forestières du Québec ltée (AIFQ)

M. Duchesne (André): Merci, M. le Président. Mon nom est André Duchesne; je suis le président et directeur général de l'Association des industries forestières du Québec. J'ai à ma droite M. Louison Olivier, qui est vice-président du conseil d'administration de l'Association et, dans ses moments libres, président et chef d'exploitation de Stone Consolidated à Montréal; à ma gauche, M. Laurent Cusson, qui est le président du

comité de l'énergie de l'Association et qui est directeur général des achats pour Produits forestiers Canadien Pacifique.

M. le Président, Mme la ministre, puisque je suppose que c'est le chapeau que vous portez ce matin, mesdames et messieurs de la commission, c'est avec un très grand intérêt que les membres de l'Association des industries forestières du Québec ont pris connaissance des documents très volumineux qui ont été déposés par Hydro-Québec concernant son plan de développement. Vous savez que la fabrication des pâtes et papiers, c'est un procédé qui est énergivore. Les quelque 60 usines papetières environ du Québec consomment 10 % de l'énergie vendue par Hydro-Québec et fournissent environ 400 000 000 $ en revenus à la société, soit à peu près 40 % des revenus qui sont associés au tarif L, tarif grande puissance. Vous le savez aussi, notre industrie vit une période très difficile. En 1992, les pertes financières accumulées consolidées sont de l'ordre de 600 000 000 $. C'est mieux qu'en 1991 où c'était plus de 800 000 000 $, mais ce n'est pas encore la situation qu'on voudrait voir. Vous avez eu connaissance certainement de plusieurs rapports au cours de la dernière année qui indiquent clairement que ces pertes-là sont en grande partie attribuables au fait que les coûts de production des fabriques québécoises des pâtes et papiers sont supérieurs à ceux de leurs compétiteurs. Parmi ces coûts-là, évidemment, celui de l'énergie est un des plus importants. (12 h 10)

Le principal point donc qu'on veut transmettre aux membres de la commission aujourd'hui, M. le Président, c'est que, pour Hydro-Québec, la préoccupation tarifaire doit être prioritaire. C'est sûr qu'Hydro-Québec, comme moteur de développement économique, c'est très important. Les interventions dans le domaine sont caractérisées par des investissements d'une dizaine de milliards pour les grands projets hydroélectriques puis le transport d'énergie, mais cette conception du développement économique, qu'on justifie en termes d'investissements, d'emplois qui sont malheureusement souvent temporaires, puis d'impôts qui sont reliés à ça, est incomplète et dangereuse, à notre avis, parce qu'elle passe sous silence l'effet de ces ajouts massifs d'immobilisation sur la hausse des tarifs, et, par conséquent, sur la rentabilité de la clientèle industrielle et commerciale.

La construction de la phase I de la Baie James a entraîné, entre 1976 et 1982, des hausses de tarifs qui ont varié de 10 % à 18 % par année. Elle a donc plus que doublé en sept ans. La direction d'Hydro-Québec reconnaît que les projets de Grande-Baleine et NBR vont encore coûter plus cher, soit 0,044 $ et 0,046 $ du kWh respectivement en dollars de 1991. Ça, c'est un tiers de plus que le coût moyen actuel du parc d'équipement. À long terme, les hausses cumulatives de tarifs ont des effets catastrophiques.

Dans un document publié il y a quelques mois sur l'industrie québécoise des pâtes et papiers, le ministère des Forêts a écrit: Même l'abondance de nos ressources hydroélectriques n'est plus considérée comme un avantage comparatif pour le Québec, car les hausses répétées de tarifs ont fait pratiquement disparaître l'écart qui nous favorisait à ce chapitre.

Depuis une dizaine d'années, Hydro-Québec a ajouté, à l'instigation de son actionnaire, évidemment, un deuxième volet à sa mission de développement économique, celui du développement industriel. Pour attirer des investissements, la société d'État a utilisé le levier de la tarification. On parle évidemment des contrats à partage de risques et bénéfices. Ces contrats stipulent des formules tarifaires qui ont résulté jusqu'à présent en des rabais importants. On a estimé que les contrats en question ont constitué un manque à gagner pour HydroQuébec de quelque 240 000 000 $ en 1991 et 300 000 000 $ en 1992.

Si le gouvernement avait assumé le risque que ces contrats ont imposé à la société d'État, celle-ci aurait sans doute pu geler ses tarifs en 1991 et 1992. Malheureusement, l'approche tarifaire pratiquée par HydroQuébec, c'est celle d'augmentations continues et ça, ça affaiblit la structure industrielle du Québec, puis ça dissimule, en fait, les coûts réels de la politique gouvernementale.

On en vient donc à la conclusion qu'au long des ans la société d'État a négligé sa mission première qui est de fournir à l'ensemble de ses clients québécois de l'électricité fiable et propre au plus bas coût possible. Le développement économique durable du Québec passe par des tarifs d'électricité bas qui aident à maintenir compétitives les entreprises existantes et à en attirer des nouvelles, évidemment, et ça, avant la construction ponctuelle de grands projets ou même l'implantation d'industries qu'on attire artificiellement. Le rôle fondamental d'Hydro-Québec doit absolument être confirmé dans ce sens-là. D'ailleurs, le gouvernement l'a reconnu implicitement en utilisant l'outil de tarification dans les contrats à partage de risques.

M. le Président, les membres de l'AIFQ ne contestent pas le droit et la responsabilité du gouvernement du Québec de pratiquer des interventions économiques qu'il juge appropriées. Tout ce qu'on dit, c'est que, si le gouvernement décide d'intervenir par le biais d'Hydro-Québec, tant pour favoriser le développement que pour financer des projets qui n'ont vraiment aucun lien direct avec la société d'État, le consommateur, le client ne doit pas s'en trouver pénalisé. C'est à l'ensemble des contribuables de supporter le poids des interventions et, éventuellement, de juger de leur bien-fondé.

Dans ces conditions-là, l'industrie forestière estime qu'il devient essentiel de développer un mécanisme qui va permettre de rendre la conduite des affaires d'Hydro-Québec plus transparente. Hydro-Québec, c'est un monopole d'électricité au Québec et c'est une situation que l'on ne peut tolérer que dans la mesure où la société d'État poursuit une orientation qui va dans le même sens que les meilleurs intérêts de l'ensemble de

ses clients.

Actuellement, Hydro-Québec est en mesure de moduler ses tarifs de façon à assurer sa rentabilité, voire à assurer des surplus. Les clients sont essentiellement impuissants face à ce pouvoir de tarification. On est d'avis, nous, que l'intérêt du consommateur est loin d'être servi comme il devrait l'être puisqu'il n'est que par défaut confié au jugement d'Hydro-Québec et de la commission parlementaire.

On en est donc venu à la conclusion qu'un mécanisme d'intervention indépendant réellement et du pouvoir politique et d'Hydro-Québec devait être mis sur pied. Il est nécessaire parce que les commissions parlementaires successives n'ont pas permis de distinguer clairement les objectifs de la société d'État de ceux de l'actionnaire, de dégager la situation financière réelle de l'entreprise ni de vérifier l'équité de la tarification. On n'en fait pas une panacée, mais on pense que c'est une mesure qui, à ce moment-ci, est essentielle pour remettre l'économie sur la voie de la prospérité.

En ce qui concerne la demande d'électricité, c'est clair que l'importante différence entre la charge de base et les demandes intermédiaires et de pointe, c'est l'un des problèmes majeurs d'Hydro-Québec dans sa gestion de réseau. On a mis en place, au cours des années, des nouveaux équipements, mais, en même temps, le taux d'utilisation de ces équipements-là a eu une tendance à la baisse.

L'AIFQ estime qu'il faut absolument qu'Hydro-Québec vise une réduction de la demande de pointe et de la demande intermédiaire et que, dans cette voie-là, se trouve un potentiel très important d'économie en dollars, le coût marginal de fourniture, évidemment, étant beaucoup plus élevé que le coût de base. Ça ne veut pas dire que l'efficacité énergétique, nous n'y croyons pas, au contraire. L'industrie papetière québécoise fait preuve de leadership dans ce dossier-là. On est en train de compléter une campagne de vérification énergétique de 43 des usines qui est réalisée avec la collaboration du Bureau de l'efficacité énergétique du ministère de l'Énergie et des Ressources. C'est une campagne qui permet d'établir un bilan complet de la consommation et de la distribution de l'énergie dans chaque usine et qui permet d'identifier des projets qui permettront de réduire la facture énergétique globale. On n'a pas tous les résultats, à ce moment-ci, mais la campagne semble démontrer que les économies potentielles qui sont reliées à ces projets-là sont importantes, mais qu'elles ne sont pas comparables. Elles ne permettent pas de compenser pour les augmentations de tarif. Pour regagner l'avantage du coût traditionnel qu'on a eu, on ne peut pas se fier simplement sur l'efficacité énergétique.

L'AIFQ approuve l'option qu'Hydro-Québec retient dans son plan de développement en matière d'efficacité énergétique concernant le pourcentage des coûts qui vont être assumés pour les mesures qui sont inscrites au programme. Ça va avoir un impact impor- tant et ça va permettre aux entreprises d'accélérer la mise en place des mesures et de réduire leur consommation d'électricité. On tient, cependant, Mme la ministre, à s'assurer que, dans le cas où l'option retenue comme critère serait le retour à l'investissement de deux ans, bien, il va falloir que les sommes tiennent compte de la partie fixe de la facture, du tarif de grande puissance.

Dans un autre dossier, les membres de l'AIFQ contestent la méthode d'attribution des coûts de fourniture d'Hydro-Québec. La société d'État calcule son coût moyen au prorata de l'énergie consommée dans chaque tranche de production. Pourtant, chaque catégorie de clients contribue de façon fort différente à la demande de pointe qui est la plus coûteuse à satisfaire. Or, les membres de l'AIFQ souhaitent qu'Hydro-Québec fasse une étude approfondie de l'impact d'une méthode d'allocation des coûts qui tiendrait compte de la puissance appelée et de la variation de la puissance appelée dans l'année. Hydro-Québec, tout récemment, avant-hier, M. le Président, vient d'ailleurs de nous offrir, à nous et à d'autres organismes, de mettre sur pied un comité pour examiner cette question-là. Elle semble donc reconnaître la pertinence de réévaluer le système actuel.

En ce qui a trait à la production d'énergie, les membres de l'AIFQ sont d'avis qu'Hydro-Québec doit privilégier le moyen de production le plus économique disponible plutôt que de recourir prioritairement, systématiquement à l'hydroélectricité. Le gouvernement doit donc permettre aux producteurs privés de compétition-ner la société d'État pour combler les besoins énergétiques du Québec plutôt que de leur confier un rôle d'appoint mineur. (12 h 20) là, évidemment, je vous amène, m. le président, à la cogénération. l'exemple américain est tellement révélateur que vous me permettrez d'en parler deux minutes. il y a un bon nombre d'études qui témoignent de l'effet de la cogénération et du rôle que l'industrie papetière américaine a eu à cet effet-là dans la production autonome d'électricité. c'est relié à une législation, la public utility regulatory policies act, qu'on appelle généralement purpa, qui vise à encourager la conservation et l'utilisation efficace des ressources énergétiques. les dispositions de purpa ont fortement incité les papetières américaines à revoir leur procédé de cogénération de façon à disposer de surplus d'électricité que les services publics sont tenus d'acheter à un prix équivalent à leur coût évité. et les résultats sont probants. j'ai des chiffres encore plus récents que ceux du mémoire, m. le président. de 1982 à 1990, l'industrie papetière américaine a augmenté sa production en usine de 53 %, dans la même période, 64 % plus d'électricité cogénérée, puis les ventes aux services publics, c'a grimpé de 892 %.

Avec la cogénération, l'industrie papetière des États-Unis satisfait, en moyenne, 60 % de ses besoins, ce qui la met en tête de file. Au Québec, le portrait est pas mal différent. D'une part, Hydro-Québec contrôle la

presque totalité du marché et aucune législation n'oblige à acheter l'électricité qui serait disponible d'un producteur. Hydro-Québec, dans ses récents appels d'offres pour acheter de l'électricité issue de producteurs privés, a imposé un critère de performance énergétique très élevé. Ce critère-là fait en sorte qu'une usine de cogéné-ration au Québec doit, d'abord et avant tout, être conçue pour satisfaire des besoins de vapeur reliée à la production. On ne peut pas, à ce moment-là, reléguer au second plan un objectif de faire des économies au niveau de la production d'énergie. Et c'est pourquoi les centrales de cogénération qui sont proposées au Québec sont beaucoup plus petites et plus coûteuses que celles qui sont monnaie courante aux États-Unis. Ça affecte évidemment directement la rentabilité des projets.

En plus de ça, Hydro-Québec a calculé son coût évité sur la base de Grande-Baleine et de la livraison à Montréal. Alors, ça donne un résultat de 0,044 $ le kilowatt. Et ça, ça ne comprend pas les taxes évidemment versées au gouvernement.

Industrie, Sciences et Technologie Canada vient de faire une étude dans laquelle il souligne que le coût marginal des services publics canadiens devrait inclure ce coût marginal de taxation au Canada par rapport aux États-Unis. Et ça permettrait, à ce moment-là, de com-pétitionner — pour les producteurs privés qui en paient, des taxes — sur une base égale, tant à la société d'État qu'aux producteurs américains.

C'est évident que les baisses de tarifs, parce qu'il y en a eu de documentées, chez les services publics américains, plus la poussée de la cogénération là-bas, ça a fait perdre à l'industrie papetière québécoise son avantage coût historique en termes d'énergie. C'est essentiel, M. le Président, que le Québec développe une approche équivalente à celle adoptée aux États-Unis en termes de bénéfices concurrentiels. C'est essentiel que le gouvernement et Hydro-Québec donnent un appui sérieux à la cogénération. sur le point majeur des tarifs, m. le président, évidemment, c'est notre principale préoccupation. entre 1982 et 1992, au québec, le tarif l, c'est passé d'à peu près 0,02 $ à environ 0,035 $ le kilowatt. aux états-unis, pour la même période, c'a baissé de 0,05 $ à 0,048 $. hydro-québec nous propose, dans son plan de développement, que la moyenne de ses tarifs, pour les sept prochaines années, n'excède pas l'inflation. elle nous dit qu'elle va limiter ses frais d'exploitation à un rythme annuel de 0,8 % et que ça va lui permettre de contenir l'ensemble de ses coûts, à ce moment-là, à ce qu'elle prévoit comme inflation, 3,5 %. on vient tout juste, la semaine dernière, d'entendre parler des hausses de tarifs pour 1993 et 1994: 2,3 % et 2,7 % pour le tarif industriel. pendant la même période, la banque du canada nous dit que son objectif, c'est moins de 1 %.

Hydro-Québec se dit incapable de comprimer ses autres coûts, ses charges et intérêts essentiellement, et elle nous dit donc, automatiquement, que son programme d'immobilisation de 53 000 000 000 $, c'est soit tellement engagé qu'on ne peut plus le changer, soit qu'on ne veut pas le changer. Ces charges-là vont continuer d'augmenter et elles vont annuler complètement tous les gains de productivité qu'on peut faire sur les charges d'exploitation. Puisque ses frais d'investissement vont augmenter de 4,3 % selon Hydro-Québec, l'augmentation des charges, une simple règle de trois nous amène à 0,054 $ en l'an 2000. C'est une hausse qui est nettement supérieure au taux d'inflation. C'est 10 % de plus que le niveau actuel. C'est, sur les 127 TWh consommés en 1991, 400 000 000 $. Et les membres de l'AIFQ, M. le Président, sont d'avis que c'est une perspective intolérable qui doit faire l'objet d'une révision sérieuse.

Le Président (M. Audet): En conclusion, M. Duchesne, s'il vous plaît.

M. Duchesne: Ce que nous demandons, M. le Président, à cet effet-là, c'est une baisse des tarifs, à partir des tarifs actuels, de 1 % par année pour les cinq prochaines années. On a aussi déjà signifié à HydroQuébec, M. le Président, que le tarif saisonnier n'aurait pas d'effet et que, par conséquent, on y était opposé. Et je veux vous réitérer, en terminant, que pour plusieurs clients industriels, dont le secteur papetier, le coût de l'électricité, c'est un élément critique de la capacité concurrentielle. Notre industrie tente de survivre présentement dans un marché mondial qui est extrêmement compétitif. Elle doit composer avec des prix qui sont plus faibles que jamais, plus de concurrents et des investissements massifs qu'il faut réaliser. La plupart de nos fournisseurs ont accepté de baisser leurs coûts pour permettre le maintien d'une activité économique essentielle. Ils comptent y gagner à long terme, évidemment. Et l'industrie a la même attente envers Hydro-Québec, M. le Président. Repenser la place d'Hydro-Québec dans le développement économique nous apparaît essentiel. Il faut faire fonctionner la machine et, si on ne le fait pas, on va directement vers l'exploitation de richesses naturelles non transformées et on considère, M. le Président, que ce serait un cul-de-sac.

Le Président (M. Audet): Merci, M. Duchesne. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: Alors, M. Duchesne, M. Cusson et M. Olivier, je tiens à vous remercier d'être venus énoncer les préoccupations de vos membres. Et vous nous dites que ces membres vivent présentement un cycle économique difficile. Je pense qu'on a démontré que nous étions aussi préoccupés par cette situation et il y a des gestes qui ont déjà été posés.

Mais, avant d'aborder votre mémoire, j'aimerais quand même apporter certaines précisions, du moins deux précisions sur le communiqué de presse que l'Association a publié hier. Tout d'abord vous indiquez

qu'Hydro-Québec calcule son coût moyen sur la base de l'énergie consommée. Moi, je tiens à préciser que la méthode d'allocation des coûts tient également compte de la puissance consommée par les clients durant l'année. Vous indiquez ensuite qu'Hydro-Québec reconnaît la pertinence de réévaluer le système actuel d'allocation des coûts qui, selon vous, est inéquitable. Mais, après vérification auprès de la société d'État, il s'avère qu'elle est prête à vous expliquer la méthode d'allocation des coûts et non à réévaluer ladite méthode.

J'ai pensé qu'il fallait peut-être faire le point sur ces deux sujets. Et, quant à la méthode d'évaluation et de fourniture, l'Electric Power Research Institute a recensé 29 méthodes d'allocation de coûts de fourniture en application en Amérique du Nord. Ces méthodes ne sont pas à l'abri de la critique et, d'ailleurs, certains jugent que beaucoup trop de coûts sont imputés en puissance, pénalisant ainsi injustement les clientèles plus présentes à la pointe. Mais, dans une démarche de remise en question de la méthode d'allocation, on ne peut présumer à l'avance des résultats finaux. Cependant, si l'exercice proposé devait se traduire par une hausse des coûts de fourniture au secteur industriel, l'Association est-elle prête à faire face à un ajustement tarifaire? (12 h 30)

M. Duchesne: M. le Président, le principe d'allocation des coûts à l'heure actuelle, à laquelle réfère Mme la ministre, tient compte de la présence des différentes classes tarifaires dans les différents secteurs de distribution de l'année en termes de pointe, puissance intermédiaire et puissance de base. Et l'argument que l'on développe et que l'on va discuter, Mme la ministre, avec Hydro-Québec — comme je vous mentionnais tantôt, elle vient de nous confirmer par écrit qu'elle est prête à en discuter — est à l'effet que, quand on regarde la distribution de la consommation dans l'année des tarifs industriels et commerciaux, la puissance appelée est à peu près constante. Donc, les tarifs industriels et commerciaux ont un impact nul sur la demande de pointe d'Hydro-Québec. Pourtant, on leur demande de payer la puissance de pointe à des tarifs qui sont les tarifs marginaux d'Hydro-Québec et ça, ça se reflète dans le tarif moyen payé. Et le résultat, Mme la ministre, d'une revue qui tiendrait compte de ce facteur-là ne peut pas, à notre avis, faire monter le coût des clients qui sont là régulièrement, qui sont les clients de base d'Hydro-Québec. Il y a peut-être une confusion dans la phraséologie du communiqué, je ne le sais pas, je croyais que c'était clair.

Mme Bacon: II faudrait peut-être la revoir, M. Duchesne.

M. Duchesne: Mais la façon dont je vous l'explique, là, c'est, je crois, la façon dont on le comprend.

Mme Bacon: Je serais tentée de dire: Joignez le club des mal cités, là, mais disons que je vais continuer. Le gouvernement, en acceptant un rendement global inférieur sur l'avoir d'un actionnaire, considère qu'il ne refile pas aux autres consommateurs les manques à gagner qui sont associés aux contrats à partage de risques et bénéfices. Sur quoi vous basez-vous pour prétendre le contraire?

M. Duchesne: M. le Président, les résultats financiers, tels qu'on les voit chez Hydro-Québec, démontrent encore que les transferts de différentes natures de frais entre Hydro-Québec et le gouvernement persistent. Ça varie en fonction des circonstances économiques, mais les chiffres existent toujours. Et, si je prends les chiffres cités par Hydro-Québec, on parle de 594 000 000 $ en 1992. C'est sûr que ça a une influence directe sur la tarification et, nous, on croit qu'il serait préférable pour l'économie du Québec d'avoir des tarifs qui soient plus bas et qui permettent le développement et le maintien d'industries qui vont générer de l'emploi que de faire une ponction à la source et de se retrouver, justement, avec une difficulté de compéti-tionner. Alors, c'est toute une philosophie qui est en cause et qui s'applique au cas particulier, Mme la ministre, des contrats que vous mentionnez, mais qui est juste un cas particulier. On a repris là-dessus les chiffres d'Hydro-Québec et les revenus supplémentaires générés par les augmentations de tarifs, et on dit clairement dans le mémoire qu'on ne veut pas commencer à faire une polémique interminable sur ce point-là en particulier, c'est la philosophie qui nous préoccupe.

Mme Bacon: Mais est-ce que je comprends, M. Duchesne, que vous voudriez qu'Hydro-Québec ne paie plus de taxes foncières ou de taxe sur le capital?

M. Duchesne: M. le Président, les taxes municipales, d'après les chiffres d'Hydro-Québec, c'est une partie infime du montant total. Il y a beaucoup d'autres choses là-dedans.

Mme Bacon: Mais c'est pas mal plus qu'infime, là, M. Duchesne, vous parlez de 594 000 000 $.

M. Duchesne: M. le Président, les chiffres d'Hydro-Québec d'hier, si je ne m'abuse, sont de l'ordre de 36 000 000 $ en taxes municipales sur les 594 000 000 $. Alors, Mme la ministre, ce n'est pas la partie principale.

Mme Bacon: Non mais la taxe sur le capital?

M. Duchesne: II y a la taxe sur le capital, il y a les frais de garantie, il y a les taxes sur le revenu et il y a, évidemment, la partie qui est le risque assumé par Hydro-Québec en notre nom à tous, j'en conviens, pour faire le développement par le biais des contrats à partage de risques.

Mme Bacon: Mais en 1992...

M. Duchesne: Mais c'est un point...

Mme Bacon: ...on parle de 176 000 000 $, là, en taxes foncières, «en lieu» de taxes, c'est ça, 176 000 000 $, un impôt de 3 % sur le revenu brut. C'est plus de 36 000 000 $; ça fait partie de votre 594 000 000 $, ça ne fait pas 36 000 000 $, ça.

M. Duchesne: M. le Président, je pense qu'on est exactement dans le genre de discussion technique...

Mme Bacon: Non. Mais non!

M. Duchesne: ...qu'il nous apparaît nécessaire de faire, à un moment donné.

Mme Bacon: II faut donner les bons chiffres, M. Duchesne. Ce n'est pas technique, là, mais il faut donner les bons chiffres. Je vais revenir. Ce n'est pas le lieu, je pense, on pourrait parler des chiffres ensemble une autre fois. Le rapport du groupe d'action sur l'avenir de l'industrie des produits forestiers indiquait un avantage au plan de l'énergie de 2 $ la tonne métrique pour les papetières de l'Est du Canada comparativement à celles du Sud des États-Unis. Cette comparaison découlait d'un taux de change du dollar canadien à 0,88 $ US. Dans le contexte actuel où la devise canadienne se transige, encore une fois, sous la barre de 0,80 $ US, à combien estimiez-vous l'écart?

M. Duchesne: S'il n'y avait pas de changement dans le taux de change, M. le Président, l'écart serait à notre désavantage à ce moment-ci, parce que les tarifs, au Québec, ont continué d'augmenter. Mme la ministre, vous citez des chiffres de 1991 dans le rapport. Alors, les tarifs ont continué d'augmenter au Québec et ont continué de diminuer aux États-Unis. Donc, sur la base des tarifs et d'un taux de change fixe, l'avantage n'est certainement plus de 2 $ la tonne. On est désavantagé probablement de quelque chose qui est de l'ordre de 5 $. Et là, après ça, vous pouvez apporter votre correction, Mme la ministre, du taux de change, mais je vous répète là-dessus ce qu'on a dit à plusieurs reprises: Si on doit se fier sur le taux de change pour être concurrentiel, le danger est fort grand qu'on ne le soit pas.

Mme Bacon: Mais ça fait partie d'un tout, ça, M. Duchesne.

M. Duchesne: Ça fait partie d'un tout.

Mme Bacon: II n'y a pas juste le taux de l'énergie. Ça aussi...

M. Duchesne: Ça fait partie d'un tout...

Mme Bacon: Ce n'est pas dans l'ordre de 6 $ et 7 $, en ce moment?

M. Duchesne: À peu près.

Le Président (M. Audet): D'accord. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Merci, M. Duchesne, M. Oliver et M. Cusson d'être présents ici ce matin. vous connaissez ma façon habituelle de poser des questions en tenant compte souvent de la façon dont les gens vous voient comme industrie et, à partir de ça, essayer de teinter vos réponses et les questions à ça. on dit des industries forestières, et là je parle en particulier des papetières, mais on oublie souvent l'autre partie qui est en partie de votre ressort, les industries de sciage: ils ont pillé les forêts. à côté de ça, on dit: ils s'ajustent difficilement, au niveau des papetières, avec les nouvelles normes environnementales. ils demandent des délais et tout ça, et là on dit maintenant: voilà-t-il pas qu'ils s'en viennent nous demander de baisser en raison de 1 % par année les tarifs hydroélectriques. alors, là, les gens disent: voilà les quêteux qui sont devant nous autres, là. alors, je vous pose la question bien directement: vous demandez une diminution des tarifs de 1 % à chaque année pour les cinq prochaines années. vous l'avez dit tout à l'heure: hydro-québec, au niveau industriel, a déterminé pour les deux prochaines années les pourcentages d'augmentation, 2,3 %, 2,7 %, et ça va avoir, bien entendu, des répercussions sur l'ensemble justement de votre compétitivité, comme vous le disiez si bien, avec les autres au niveau international et les états-unis, en particulier. alors, je vous pose la question: comment jugez-vous les hausses actuelles, et, deuxièmement, quelles seraient, si elles sont adoptées, parce qu'il semblerait que là, entre le gouvernement et hydro-québec, ce serait quasiment accepté... on va avoir à discuter de ça à la fin de notre commission parlementaire à la fin du mois qui vient, là, les dernières séances seront sur les tarifs... alors, je vous pose la question: vous autres, là, comme industrie papetière, les impacts sur la vente de votre marchandise. (12 h 40)

M. Duchesne: M. le Président, je pense que M. le député connaît les réponses aux questions sur la forêt. Si lui ne les connaît pas, on a des problèmes. Je vais donc sauter celle-là. au niveau de l'environnement, l'industrie, depuis les 10 dernières années, s'est mise en branle très sérieusement et, avec la nouvelle réglementation, on investit présentement à peu près 20 % du total des investissements pour rencontrer les nouvelles normes. donc, là encore le travail est en train de se faire parce que les investissements, m. le député, demeurent massifs, vous le savez, malgré la récession.

M. Jolivet: Mais vous savez, M. Duchesne, que vous ne me parlez pas à moi, vous parlez à ceux qui vont vous lire, et c'est pour ça que j'ai posé la question.

M. Duchesne: II reste que, si on demande une réduction des tarifs, c'est parce qu'on pense que c'est possible et c'est nécessaire, et pas seulement pour l'industrie forestière du Québec. C'est nécessaire pour l'ensemble du développement économique du Québec. A priori, ça a peut-être l'air impossible à faire, mais peut-être... Si vous me permettez, M. le Président, je demanderais à M. Olivier de vous dire s'il croyait possible de réduire ses coûts d'exploitation il y a trois ans et de combien il a pu les réduire depuis ce temps-là pour faire face à la crise économique.

Le Président (M. Audet): Allez-y, monsieur.

M. Olivier (Louison): Je pense que, quand on regarde ou on parle du coût de l'énergie au Québec, il faut regarder quand même le contexte. Ce qui a amené l'industrie papetière au Québec, c'est le coût de la fibre et le coût de l'énergie. C'était la base qui a amené l'industrie au Québec. Depuis quelques années, on a perdu ces avantages-là, et je pense que le coût de l'énergie est fondamentalement un des seuls, sinon le seul avantage majeur qu'on peut avoir dans l'industrie forestière du Québec actuellement. Bien sûr, on a une qualité de fibre qui est à développer aussi et on a une qualité de main-d'oeuvre qui est en place sur lesquelles il faut bâtir, mais il faut développer ces trois avantages-là. Et, actuellement, on a perdu complètement l'avantage énergétique qu'on avait voilà... Et on peut reculer 20 ans ou 30 ans, ça dépend du moment, mais on peut reculer à des avantages de 50 $ la tonne à un moment donné. ce qui est désolant actuellement, c'est que, depuis quelques années — on regarde l'industrie des pâtes et papiers qui a des problèmes — on a réduit quand même nos coûts. je comparais des chiffres, moi, entre 1991, nos coûts de production 1990-1991, et nos coûts de 1993, nos budgets 1993, et on a globalement, en dollars constants, baissé nos coûts de production. on a baissé, par exemple, nos coûts de main-d'oeuvre... c'est-à-dire, notre main-d'oeuvre a baissé de 24 % entre décembre 1990 et décembre 1992.

M. Jolivet: On a vu ça.

M. Olivier: Et, malgré tout, on continue à être capable d'opérer nos usines. Donc, la question qu'on se pose: Le seul élément qui n'a pas baissé pendant cette période-là, c'est le coût de l'énergie. En fait, le coût de l'énergie a continué à monter. Et quand M. Duchesne parlait de politique énergétique, c'est là qu'on revient en disant qu'il faut regarder l'ensemble des coûts pour les papetières et la possibilité des coûts de l'énergie dans une politique globale. C'est un des éléments, un des avantages du Québec d'avoir la chance d'avoir beaucoup d'énergie et d'avoir de l'énergie qui devrait normalement être concurrentielle avec les États-Unis en particulier.

M. Jolivet:mais vous proposez la diminution de 1 % par année pour les cinq prochaines années et on vous offre une augmentation. ça va avoir quoi comme effet?

M. Olivier: Je pense que l'effet pour les papetières... C'est bien sûr que si le contexte québécois dans les différents coûts qui entrent dans la fabrication d'une tonne de papier ne change pas, et ça inclut l'énergie qui est quand même 20 % au moins de nos coûts de production, si c'est vraiment la direction qu'on veut prendre de continuer à augmenter les coûts et qu'on ne peut pas entrevoir la possibilité, à travers une politique énergétique certainement modifiée, de revenir à avoir un avantage sérieux au niveau de l'énergie, moi, je pense que l'industrie des pâtes et papiers au Québec, ça va être quelque chose du passé, pas demain matin c'est bien sûr, mais c'est quelque chose... Qu'est-ce qui va nous encourager à investir au Québec si on n'a plus les avantages québécois? Chaque contrée ou chaque pays a des avantages lorsque c'est le temps de produire. Maintenant, nos avantages, on sait qu'on est plus loin des marchés, on sait que notre fibre, l'hiver, pousse moins vite, etc. On avait et on a encore un avantage au moins potentiel dans l'énergie électrique et si cet avantage-là disparaît, à long terme, on va certainement se poser, comme papetières, beaucoup de questions avant de réinvestir. Ça c'est clair.

M. Jolivet: Vous faites mention, donc, d'une diminution de 1 % que vous demandez pour les cinq prochaines années, puis, en contrepartie, vous parlez d'un programme de cogénération. Il est évident que vous ne demandez pas une usine de cogénération pour chaque usine de pâtes et papiers au Québec parce qu'il y a des places, si je prends Grand-Mère en particulier, où ce n'est pas possible, à ma connaissance, de mettre une usine de cogénération à côté par rapport à d'autres. Donc, ce n'est pas à chaque usine de pâtes et papiers que vous demandez ça. Mais Hydro-Québec nous indique, dans les discussions qu'on a avec elle et dans les documents qu'elle nous donne, que la cogénération, dans le contexte québécois, en termes de coûts, d'abord, d'achat du gaz, deuxièmement, du coût de la vapeur fabriquée, parce que, dans bien des cas, ce n'est pas l'usine qui est là qui a l'usine de cogénération, c'est une autre... Alors, ça se vend l'un à l'autre. À ce moment-là, les difficultés à venir seraient que la cogénération coûterait plus cher à long terme et ne serait pas avantageuse. Est-ce que vous êtes de cet avis-là?

M. Olivier: Pour la question de cogénération, on est bien conscient que l'avantage de la cogénération peut être différent au Québec comparativement, par exemple,

à nos compétiteurs aux États-Unis. Mais il y a encore actuellement un avantage et cet avantage-là pourrait s'améliorer. Quand M. Duchesne parlait, une fois, d'être capable d'analyser les coûts évités à Hydro-Québec ou de comprendre un peu mieux ces coûts évités là, dépendant du coût évité d'Hydro-Québec, c'est bien sûr que l'avantage pour la cogénération peut augmenter. Mais, même avec les coûts dont on parle actuellement, il y a un avantage. D'ailleurs, on a des papetières au Québec qui vont de l'avant avec des programmes de cogénération et j'assume que c'est parce que c'est rentable, mais on prétend que cette rentabilité-là pourrait, à moyen terme et assez rapidement, être améliorée, justement parce que les coûts évités... Du moins, on se pose des questions. Je ne doute pas des coûts évités, des coûts qui nous ont été donnés par Hydro-Québec, mais on aimerait bien avoir de l'explication sur ces coûts-là, parce qu'on prétend et d'autres personnes aussi compétentes prétendent que ça pourrait être un petit peu plus élevé que ça. Si ces coûts-là augmentent, ça devient très rentable, la cogénération dans une industrie de pâtes et papiers.

M. Joli vet: Je posais la question hier par rapport à ce qu'on avait dans l'esprit depuis longtemps que l'hydroélectricité devrait se tenir entre le gaz naturel, qui était plus bas, et le mazout, qui était plus élevé. Il ne semble pas que ce soit ça qui serait dans l'esprit de bien des gens actuellement, dans la mesure où l'augmentation du gaz naturel pourrait avoir un effet sur le coût de la fabrication de la vapeur, laquelle vapeur après ça vous coûterait plus cher. À ce moment-là, ce que l'on dit et ce qu'on prétend dans certains milieux, c'est que la cogénération au Québec, et d'ailleurs vous le dites à un moment donné dans votre mémoire concernant la cogénération que... J'essaie de voir: Le programme québécois impose des critères élevés de performance énergétique, ce qui le rend moins attrayant, car plus coûteux. Alors, je veux savoir. Vous dites: La cogénération, c'est un des moyens, d'abord, de ne pas avoir de problème quant à la vente de notre marchandise au coûtant en disant qu'on a des bénéfices comme les contrats secrets dont on a parlé et que, d'autre part, ça pourrait vous rendre plus compétitive comme industrie. Est-ce que j'ai raison?

M. Duchesne: M. Cusson, M. le Président.

M. Cusson (Laurent): Oui, si je peux vous répondre. À cet effet-là, l'avantage concurrentiel qu'on pourrait en retirer avec les coûts évités actuels à HydroQuébec de 0,043 $, on regarde l'ordre de 20 $ à 30 $ la tonne de produits fabriqués. Au niveau des contrats d'approvisionnement de gaz, au niveau des prix, les contrats de gaz sont entrés pour une période de 15 ans et les prix sont indexés. Donc, le risque de perdre ces avantages-là au cours des années n'est pas là en réalité. Ce qu'on dit, essentiellement, c'est qu'à cause des programmes de cogénération on utilise l'énergie d'une façon plus efficace. Donc, ça nous permet de rentabiliser les projets. Si les coûts évités étaient plus élevés, donc, les projets seraient plus rentables, mais, selon les coûts actuels, c'est de l'ordre de 20 $ à 30 $ la tonne.

M. Jolivet: Parce que, dans des rencontres qu'on a eues avec Hydro-Québec, on nous a parlé de cette partie-là, du fait que pour eux autres, dans leur esprit, la cogénération n'est pas si intéressante qu'elle en a l'air. Et, dans les négociations qu'ils ont actuellement avec des entreprises, parce qu'on parlait d'un maximum de mégawatts au Québec, dans cette braquette-là il y en a plus déjà d'octroyés en termes d'études et de contrats à négocier que ce qu'ils veulent réellement atteindre. Dans ce sens-là, je voudrais savoir si ça a des effets sur les gens qui vont lâcher en cours de route. Est-ce que c'est votre cas, à vous autres? Est-ce que, d'après les renseignements que vous avez de vos industries qui vont l'utiliser ou qui négocient actuellement avec HydroQuébec, ça donne cette impression-là? (12 h 50)

M. Cusson: C'est un phénomène général, je crois, même aux États-Unis. Les gens choisissent, les utilités publiques ont choisi un certain pourcentage ou le double de projets plus élevés pour rencontrer leur objectif parce qu'il y en a en cours de route qui vont tomber pour des raisons financières ou d'autres raisons. Au Québec, les marges ne sont pas les marges qu'on a aux États-Unis, par exemple. Donc, les projets sont attrayants, mais c'est plus délicat financièrement de les rentabiliser. Ça dépend des situations aux usines mêmes. On ne peut pas généraliser que tous les projets de cogénération au Québec pourraient être rentables. Ça dépend des particularités à l'usine.

Le Président (M. Audet): Brièvement, en conclusion, M. le député.

M. Jolivet: Oui, je vais terminer par celle-là. Vous dites qu'Hydro-Québec doit privilégier le moyen de production le plus économique possible plutôt que de recourir prioritairement à l'hydroélectricité. Vous savez les autres possibilités — laissons tomber la cogénération qui est un exemple — il y a tout l'exemple du thermique ou du nucléaire. Qu'est-ce que vous donnez comme réponse à ça? Est-ce que vous croyez que ces énergies nouvelles, pas nouvelles mais utilisées différemment que celles de l'hydroélectricité, ce n'est pas quelque chose de plus polluant, de plus dispendieux?

M. Duchesne: Mais, M. le Président, ce n'est pas nécessairement la plus économique. On n'a pas décidé a priori de ce qui constituait la source la plus économique. On a tout simplement demandé que ce soit la règle utilisée, puis là il faut examiner en fonction de l'évolution de la demande, en fonction de la façon dont il est possible de satisfaire cette demande-là, de choisir la

solution la plus économique. Alors, votre question est excellente, mais on n'a pas répondu.

M. Jolivet: O.K.

Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. M. Duches-ne, bienvenue à cette commission. Vous avez mentionné que vous aviez reçu une invitation de participer — est-ce que j'ai bien entendu — à un comité de tarification?

M. Duchesne: M. le Président, c'est que dans les travaux du comité qui existe depuis au-dessus d'un an maintenant, à la demande de Mme la ministre, on a eu l'occasion de discuter tarification et de discuter le genre d'arguments que je développais tantôt en réponse à Mme la ministre. Le résultat de ça, je pense, c'est qu'Hydro-Québec, après y avoir pensé et après avoir vraisemblablement lu notre mémoire a dit: Ça vaut la peine d'en discuter, et on nous propose effectivement une extension des discussions qu'on a déjà eues sur l'ensemble du dossier tarification pour examiner spécifiquement l'allocation des coûts de fourniture en fonction des différents tarifs. Donc, je pense que c'est positif comme annonce.

M. St-Roch: La raison de mon interrogation, c'est parce qu'à la page 28 du mémoire il avait été mentionné qu'un groupe de travail avait été également formé avec les grandes entreprises pour regarder tout le processus de tarification. Alors, ce sera un sous-groupe de ce groupe-là?

M. Duchesne: Ça ressemble à ça, oui.

M. St-Roch: Ma deuxième question, au niveau des programmes d'efficacité énergétique, dans la proposition d'Hydro-Québec, on mentionne la possibilité, d'ici l'horizon 2000, d'épargner 1,1 TWh. Est-ce que d'après vous, ça, c'est en marche, les négociations ont eu lieu avec l'industrie des pâtes et papiers et c'est un objectif qui est réalisable? On retrouve ça à la page 33 du... Hydro-Québec nous a présenté, dans ses économies d'énergie, que l'ensemble du marché industriel était de 2,7 TWh, mais, dans la section pâtes et papiers, on prévoyait des économies de 1,1.

M. Cusson: M. le Président, je n'ai pas les chiffres au niveau térawattheure, sauf qu'on les a quantifiés au niveau de la réduction des coûts à la tonne de produits. Pour l'ensemble de l'industrie forestière au Québec, c'est de l'ordre de 7 $ la tonne de réduction de coût avec des programmes d'efficacité énergétique.

M. St-Roch: J'ai bien saisi la remarque de M. Duchesne que, ça, ça ne serait pas suffisant pour com- penser l'accroissement des coûts. Mais, d'une façon un peu plus globale, je regarde les propositions qu'Hydro nous fait. On nous dit que, dans le secteur des pâtes et papiers, l'horizon 92, l'an 2010, il y aura un accroissement de la demande de 7,1 TWh. d'un autre côté, avec justesse, vous montrez, dans votre mémoire, en utilisant les graphiques d'hydro-québec, qu'une des raisons de l'accroissement de la tarification d'hydro-québec n'est pas nécessairement les coûts d'exploitation, parce que, si hydro maintient le 0,8 qu'elle nous a dit, ça devrait être légèrement en bas de l'inflation de 1 % que vous prévoyez, mais que cet accroissement des coûts est au niveau de toute cette méthode de financement. c'était une de mes inquiétudes, hier, que j'avais soulignées avec hydro-québec, soit ce financement-là. on prévoit l'accroissement de 1 000 000 000 $. là, je vais remettre ça avec votre demande de réduire les coûts de tarification de 1 % sur 5 ans, et si j'ai bien lu votre mémoire — corrigez-moi si je ne suis pas correct — vous avez dit: toutes les clientèles. il y a une chose qui va arriver avec ces accroissements de coût, c'est les bénéfices d'hydro-québec à la fin — la ligne du bas, profits ou pertes — qui vont baisser si on s'en va avec votre recommandation, avec tout l'impact que ça peut avoir sur les ratios. alors, ne croyez-vous pas que, si on s'en va avec une proposition de cette nature-là, on se court un peu après la queue et que les investisseurs, lorsqu'ils regarderont les grands équilibres, accroîtront davantage le taux d'intérêt demandé à hydro-québec pour financer ces projets-là et pour financer aussi la demande de l'industrie qui aurait besoin de 7,1?

M. Duchesne: M. le président, nous ne croyons pas que ce soit la seule avenue qu'on vient de nous décrire. si vous regardez dans notre mémoire, à la page 11, on s'aperçoit que l'utilisation de la capacité installée d'hydro-québec est très faible et a tendance même à baisser. on parle d'utilisation de la capacité qui est à peine supérieure à 50 %. ça veut dire que pour les 76 % qui sont la base d'investissement et, justement, des taux d'intérêt à payer pour les emprunts et ainsi de suite, donc, c'est la grosse partie des dépenses d'hydro-québec... on investit cet argent-là et on se sert de la production la moitié du temps. on se trouve, à toutes fins pratiques, à doubler le coût fixe, le coût relié à l'immobilisation. nous, on est convaincus que, si on parvenait à améliorer le facteur d'utilisation des investissements d'hydro-québec, on aurait une voie énorme pour réduire les tarifs tout en maintenant la rentabilité. on ne pense pas que ça puisse se faire du jour au lendemain, mais, quand on parle de revoir la politique en ce sens-là, c'est exactement ce chemin que l'on recommande de prendre plutôt que de tomber dans les difficultés que vous venez de nous décrire.

Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Saint-Maurice.

M. Lemire: M. le Président, j'aurais plusieurs questions, mais, comme le temps file assez rapidement, j'en ai une qui me préoccupe le plus. Lors de votre dernier congrès de l'Association des industries forestières, l'industrie a annoncé qu'elle prévoyait faire des profits en 1993. Est-ce véridique?

M. Duchesne: M. le Président, comme j'ai été celui qui l'a annoncé, je ne veux pas dire que j'ai été mal cité, mais j'ai dit précisément qu'on prévoyait arriver à la fin de l'année dans une situation où on ne ferait plus de déficit, donc retrouver un équilibre financier d'ici à la fin de l'année, ce qui veut dire, comme on continue à en perdre présentement, qu'on devrait en faire vers la fin de l'année, mais le bilan annuel à peu près équilibré. C'était ça.

M. Lemire: Ça va me sécuriser un peu parce que, chez nous, on a des investissements importants de Stone Consolidated. Maintenant, j'aurais une autre petite question avant de terminer peut-être. Je me souviens, lors de la commission parlementaire de 1990, que votre Association avait exprimé ses préoccupations. Vous vous souvenez de la fiabilité du réseau, c'est-à-dire la fiabilité de l'énergie électrique. On a connu des problèmes de fiabilité du réseau. Pourriez-vous me dire maintenant, après ces quelques années de préoccupations, si vous êtes encore préoccupés par la fiabilité du réseau? (13 heures)

M. Duchesne: M. le Président, des fois, il y a des bonnes nouvelles aussi. On vient ici demander des choses, mais je peux aussi vous annoncer des bonnes nouvelles. Hydro, effectivement, a collaboré avec l'ensemble du secteur industriel pour améliorer la fiabilité. Et je pense qu'on a fait d'importants progrès pour trouver le point d'équilibre entre des coûts supplémentaires à Hydro pour améliorer sa fiabilité et puis la qualité du service dont on a besoin. Je ne sais pas si... Ça va? Je pense que ce problème, M. le Président, on peut dire qu'il est essentiellement sous contrôle et grâce à la collaboration d'Hydro-Québec, je le dis très ouvertement.

M. Lemire: Comme milieu, je reconnais les efforts que vous avez faits de rationalisation depuis quelques années. Mais il faut reconnaître aussi qu'Hy-dro-Québec a commencé une certaine rationalisation, et je voudrais aussi mentionner que, depuis trois ans, il y a eu des sondages qui ont été faits par des maisons privées, puis des firmes privées. Et c'est important de le dire. Hydro-Québec a augmenté son taux de satisfaction de près du double. Le taux de satisfaction d'Hydro-Québec, lors du dernier sondage, était de 88 %. C'est ce que je voulais vous mentionner. Maintenant, c'est sûr qu'il y a encore énormément d'ouvrage et de travail à faire, et j'espère que vos rencontres que vous avez avec les représentants d'Hydro-Québec vous donnent certains avantages, parce qu'Hydro-Québec met à votre disposi- tion des représentants pour essayer d'améliorer autant la fiabilité que la qualité et le prix. C'est ce que j'avais, en finale, à vous dire.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député. Vous avez des commentaires à ajouter, M. Duchesne, brièvement?

M. Duchesne: On n'a pas contesté ça, M. le Président. Je pense qu'Hydro-Québec fait preuve d'ouverture à cet effet-là. Le seul problème, c'est qu'on a discuté, à la demande de Mme la ministre, de tarification. Et la prémisse, c'était que ça ne devait pas avoir d'effets sur les entrées de fonds d'Hydro-Québec. Alors, c'est évident que ça n'a pas donné des taux améliorés pour l'industrie.

Le Président (M. Audet): D'accord. Alors, messieurs de l'Association des industries forestières du Québec, merci de votre présentation. Bonne fin d'après-midi. Alors, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 13 h 3)

(Reprise à 20 h 6)

Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale sur la proposition de plan de développement 1993 à 1995 d'Hydro-Québec. Ce soir, nous recevons en premier lieu le Club d'électricité du Québec, et suivra ensuite l'Association de la recherche industrielle du Québec.

Puisque les gens du Club d'électricité du Québec sont arrivés, on leur souhaite la bienvenue. Je vous rappelle brièvement le déroulement de nos travaux. Vous disposez de 20 minutes pour exposer votre mémoire; ensuite suivra une période de questions d'environ 40 minutes. D'abord, avant de nous faire votre présentation, j'inviterais le ou la responsable à présenter les gens qui l'accompagnent. Alors, vous avez la parole.

Club d'électricité du Québec inc.

M. Beaulieu (Bertrand R.): Bonsoir, mesdames et messieurs. Mon nom est Bertrand Beaulieu. Je suis président du Club d'électricité du Québec. À mon extrême gauche, vous avez M. Guy Beaulieu — aucune parenté — membre délégué, et Mme Sylvie Archam-bault, vice-présidente du Club d'électricité du Québec; à mon extrême droite, au bout, Mme Denyse D'Amours, secrétaire générale du Club d'électricité; et, à ma droite, M. Gilles Girard, président ex officio.

Sans plus tarder, j'aimerais tout d'abord vous remercier de nous permettre de pouvoir exprimer notre

point de vue sur la proposition de plan de développement d'Hydro-Québec 1993-1995. Avant de commencer, laissez-moi vous présenter les... Je recommençais. Excusez-moi. C'est donc avec grand plaisir que je vais vous présenter, au cours des prochaines minutes, les points saillants du mémoire que le Club d'électricité du Québec a déposé devant la commission de l'économie et du travail, le 27 janvier dernier.

Tout d'abord, qui est le Club d'électricité du Québec et quelle est sa mission? Depuis sa fondation en 1916, le Club d'électricité du Québec, organisme à but non lucratif, a toujours été le carrefour de l'industrie électrique au Québec, donc, le porte-parole de celle-ci. Au Club d'électricité, on retrouve les grands fabricants, les fournisseurs de gros équipements électriques, les fournisseurs d'équipements connexes à l'industrie électrique, des firmes d'ingénieurs-conseils, des entrepreneurs en construction, des producteurs d'énergie, des universités, des firmes de droit, des banques ainsi que divers manufacturiers associés au transport, à la distribution et aux économies d'énergie. Tous nos membres possèdent une expertise, une expérience reconnue, non seulement au Québec, mais également au niveau national et international.

Au Québec, l'industrie de l'électricité, représentée par les membres du Club d'électricité du Québec, crée directement et indirectement plus de 500 000 emplois, sans compter les emplois qui sont associés à la construction de barrages. L'activité économique qui en découle dépasse les 20 000 000 000 $ annuellement. C'est pourquoi le Club d'électricité du Québec tient à faire connaître son opinion sur la proposition du plan de développement d'Hydro-Québec 1993-1995.

Dans un premier temps, voici l'approche globale du Club d'électricité du Québec en regard du développement des ressources électriques du Québec. Le Club d'électricité du Québec tient à orienter la réflexion de décideurs sur la vie du développement économique comme étant une orientation progressiste pour le mieux-être du Québec en général. Il est certain que le Club d'électricité du Québec est un promoteur de l'énergie électrique de par sa mission et du fait qu'il regroupe des entreprises dont la vocation première est liée au développement d'énergie. (20 h 10)

Dans cette perspective, nous tenons à ce que les changements qui nous conduisent vers un mieux-être collectif se fassent dans la continuité du développement de l'électricité tout en intégrant des solutions réalistes aux problèmes environnementaux soulevés. Pour nous, il est primordial de planifier avec soin l'avenir de la société québécoise face à la demande d'énergie électrique et ainsi nous assurer que nos moyens de production soient disponibles en quantité suffisante et au moment opportun pour contribuer adéquatement à notre développement économique et social. Il est donc de notre devoir de faire valoir les retombées extrêmement positives que représente pour le Québec le développement de l'hy- droélectricité, soit au niveau de l'emploi, au niveau de la recherche et du développement, au niveau de l'exportation du savoir-faire québécois, au niveau de la qualité de vie des Québécois et Québécoises.

Quelle est maintenant la position du Club d'électricité du Québec face à la proposition de plan de développement 1993-1995 d'Hydro-Québec en ce qui a trait aux quatre volets suivants, soit l'industrie à forte consommation, les exportations d'électricité, l'efficacité énergétique et les moyens de production?

Tout d'abord, les industries à forte consommation. C'est en cherchant à optimiser l'avantage comparatif que constitue l'hydroélectricité pour le Québec qu'Hydro-Québec doit continuer à favoriser l'implantation au Québec d'industries à forte consommation d'électricité. Grâce à cet avantage économique, de telles industries ont généralement accès à des marchés mondiaux. Cet avantage économique possède également un caractère de pérennité, car le coût de l'hydroélectricité est en général à l'abri des fluctuations de prix, offrant ainsi de meilleures garanties d'approvisionnement à long terme.

Au cours des trois dernières décennies, toutes les administrations politiques du Québec ont reconnu l'avantage de favoriser l'utilisation de l'hydroélectricité pour renforcer et développer la position industrielle du Québec. Les entreprises à forte consommation d'électricité s'avèrent fortement rentables dans des contextes favorables, offrant de ce fait de meilleures garanties d'emploi à nos travailleurs et des revenus plus stables à nos administrations publiques. De plus, elle s'intègrent généralement dans une trame de développement régional tant désirée par l'État. Favoriser l'implantation de telles industries est une valorisation de nos richesses naturelles au profit du mieux-être collectif.

La fourniture d'électricité à ces industries constitue pour le Québec un engagement moral à long terme qui doit comporter un certain nombre de conditions visant à garantir les emplois, les revenus de l'État et la protection de notre environnement. C'est ainsi que le Club d'électricité soutient les critères suivants: un potentiel de croissance à long terme, un rapport à notre diversification économique et industrielle, une bonne efficacité énergétique, un apport possible à l'industrie de transformation et, finalement, le respect de l'environnement.

Les scénarios développés par Hydro-Québec sont éloquents. Option 1: 180 MW, 20 000 emplois soutenus par les investissements, recettes fiscales additionnelles de 200 000 000 $. Option 2: 540 MW, 38 000 emplois de nature semblable, recettes fiscales additionnelles de 465 000 000 $. Bien que l'option 2, 540 MW, présente un potentiel d'emploi nettement plus favorable, nous ne pouvons endosser une telle option non rentable sans trahir un principe fondamental qui régit la saine gestion de toutes nos entreprises.

Nous recommandons donc de trouver le moyen d'atteindre les objectifs de l'option 2 ou d'en approcher au moins jusqu'à la rentabilité zéro. C'est là, croyons-

nous, le cheminement le plus progressif que peut entreprendre notre société d'État pour contribuer à l'essor économique du Québec par la valorisation de notre patrimoine national.

Les exportations d'électricité. Le ralentissement économique et le succès des programmes d'efficacité énergétique américains ont facilité le succès de la propagande, souvent mensongère, auprès des acheteurs d'énergie hors Québec. Ainsi donc, nous croyons important de rétablir les faits auprès de nos acheteurs potentiels en prévision d'une conjoncture économique meilleure. Nous devons mettre nos efforts à convaincre tous nos partenaires des avantages que de telles ventes pourraient apporter à tous les Québécois.

Pour cette raison, dans un contexte plus favorable, l'objectif de 1500 MW aux environs de l'année 2004 nous paraît peu ambitieux. 2500 MW, ça nous semble plus réaliste. Les effets bénéfiques des exportations d'électricité nous paraissent toujours aussi souhaitables pour le Québec pour les raisons suivantes: obtention de revenus importants et rentables; incitatifs à la recherche et au développement pour toute l'industrie électrique québécoise; devancement de deux à sept ans des grands projets, ce qui a pour effet de réduire le coût initial du projet et génère plus rapidement des emplois rémunérateurs; diminution de la pollution atmosphérique occasionnée par les centrales thermiques américaines; accroissement de la fiabilité de notre propre réseau par des interconnections hors Québec.

Le potentiel d'exportation d'électricité au Canada et aux États-Unis est très élevé. Et ce potentiel évoluera en fonction de la situation économique et des résultats des programmes d'efficacité énergétique. Considérant que le prix de l'hydroélectricité des nouvelles centrales demeure concurrentiel, nous pouvons entrevoir des bénéfices importants pour le Québec découlant de ces ventes d'électricité.

Efficacité énergétique. L'objectif de 9,3 TWh d'économie d'énergie en l'an 2000 nous paraît réalisable selon les critères soumis et compte tenu des programmes incitatifs proposés. Nous partageons l'avis que les programmes d'efficacité énergétique ont pour effet de limiter l'augmentation des prix de l'énergie et de rendre nos entreprises plus efficaces et concurrentielles.

Les investissements annuels doivent prioritairement demeurer rentables, autant pour Hydro-Québec que pour le client. Nous favorisons une accélération des programmes si les résultats d'évaluation s'avèrent positifs à la fois pour les entreprises, pour Hydro-Québec et pour l'économie québécoise. Hydro-Québec doit progressivement introduire dans ses programmes des moyens qui visent spécifiquement à assurer la pérennité des mesures, tant sur le plan des habitudes de consommateurs qu'au niveau de la rentabilité de la reconduction des mesures. Si l'on considère qu'en milieu industriel l'exemple de la réussite constitue le meilleur moyen de diffuser rapidement et largement des concepts nouveaux, Hydro-Québec doit favoriser la démonstration de projets jugés valables pour de larges segments de l'industrie et investir dans des moyens de communication efficaces pour atteindre tous les décideurs concernés.

Enfin, on doit éviter de favoriser le remplacement de l'électricité par d'autres sources d'énergie et, avant d'inciter les Québécois à remplacer l'électricité par d'autres sources d'énergie, mazout ou gaz naturel, Hydro-Québec a le devoir d'établir un bilan d'une telle action, en prenant en considération tous les facteurs économiques et environnementaux.

Finalement, les moyens de production. Souplesse et prévoyance. Une reprise des activités économiques en Amérique du nord implique nécessairement une demande d'énergie accrue de même que la croissance des industries à forte consommation d'énergie, et ces deux secteurs d'activité représentent des perspectives d'affaires pour lesquelles une entreprise comme Hydro-Québec doit se préparer. Nous favorisons donc la préqualifica-tîon des sites pour réduire les délais de réalisation et la multiplicité des études qui résultent de l'abandon et de la reprise ultérieure de certains projets. (20 h 20)

Le scénario que nous préconisons est prioritairement axé sur l'hydroélectricité. Par ailleurs, la cogéné-ration présente un certain intérêt, à la condition d'en limiter la portée en termes de puissance et d'orienter le concept vers des secteurs industriels privilégiés tels que les pâtes et papiers. Dans les deux cas précités, nous n'excluons pas le recours à la production privée d'électricité. Cependant, la prudence est de mise devant le risque du défaut de produire qui, en période de pointe surtout, pourrait s'avérer préjudiciable pour la clientèle d'Hydro-Québec. Les producteurs privés d'électricité doivent être soumis, également, à certaines politiques d'Hydro-Québec en termes de contenu québécois et de retombées sur l'ensemble de l'industrie électrique du Québec.

Modifier la procédure de planification. Nous favorisons la création d'un permis de droit. C'est un nouveau terme. Ce permis de droit, je le répète, signifierait l'accord des autorités à réaliser certains projets stratégiques sur différents sites donnés, d'une puissance établie et qui soit préalable à l'émission d'un permis de construction. Ces permis de droit resteraient valides jusqu'à leur révocation par l'autorité compétente. Le permis de construction serait accordé à son tour suite à la démonstration du besoin d'accroissement des moyens de production. Compte tenu des délais nécessaires à la réalisation des projets, ceci assurerait une marge de manoeuvre stratégique dans le contexte d'une reprise accélérée de l'économie.

Promouvoir davantage les intérêts économiques environnementaux et sociaux des projets hydroélectriques. La baisse de popularité qu'ont connue au cours des dernières années les projets hydroélectriques est largement attribuable à un déséquilibre argumentaire entre les factions adverses du débat de l'hydroélectricité. Le débat de l'énergie est devenu hautement politique et

rattaché à d'autres impératifs économiques et sociaux. Nous incitons donc Hydro-Québec à renforcer son dossier argumentaire sur les avantages de ses projets pour tous les groupes concernés et de tenter d'isoler les discussions concernant l'énergie de celles qui leur sont étrangères.

Conserver l'option nucléaire. Nous désirons souligner que l'industrie nucléaire canadienne a atteint un niveau d'excellence inégalé qui fait de cette industrie un fleuron du génie et du savoir-faire canadien. L'expertise acquise par Hydro-Québec dans ce domaine, la crédibilité qu'elle a obtenue auprès d'une majorité de la population et de notre industrie justifient cette position. À cet égard, elle doit maintenir son savoir-faire.

Conserver la rigueur économique et environnementale. D'une manière générale, nous nous déclarons satisfaits de la rigueur économique et environnementale avec laquelle Hydro-Québec conduit les évaluations de projets. Nous souhaitons néanmoins que soient intégrés aux évaluations certains coûts indirects, quantifiables et raisonnables afin que la comparaison des options ou des scénarios se fasse sur leurs aspects les plus globaux.

Finalement, assurer la fiabilité de l'approvisionnement en électricité. L'autonomie énergétique doit demeurer une préoccupation constante pour garantir un approvisionnement en électricité suffisant et fiable à long terme. Dans cette perspective, Hydro-Québec doit gérer avec le plus grand soin le vieillissement de ses installations de production.

En conclusion, essentiellement, le Club d'électricité prend position en faveur du développement de nos richesses naturelles, car le bilan des retombées économiques et sociales d'un tel développement est extrêmement positif pour l'ensemble des Québécois et Québécoises. Les 500 000 emplois de qualité et les quelque 20 000 000 000 $ d'activité économique qu'à eux seuls les membres du Club d'électricité génèrent en témoignent avec éloquence. Ces emplois se retrouvent non seulement sur les marchés québécois et canadien, mais aussi sur la majorité des marchés internationaux. Les mises en garde que font certains groupes de pression sur les conséquences négatives du développement de cette richesse nationale ne renversent pas le bilan. Au contraire, ces mises en garde rapprochent davantage l'option que nous endossons d'un véritable projet de développement durable auquel nous souscrivons, finalement.

C'est ainsi que nous en arrivons à encourager l'implantation d'industries à forte consommation quand elles répondent à des critères économiques et environnementaux favorables et rigoureux. Quant aux exportations d'électricité, nous jugeons illusoire de promouvoir dans l'immédiat la vente hors Québec de notre électricité dans le contexte actuel, car nous devrions la vendre à rabais et encourir des risques inutiles. Ceci ne doit pas nous paralyser et nous faire abandonner les objectifs à long terme de ventes rentables.

Le projet d'efficacité énergétique proposé est ambitieux mais nécessaire. Nous endossons le scénario fort de 9,3 TWh en insistant pour assortir toutes les activités d'efficacité énergétique d'un critère de rentabilité indiscutable et d'un sens de pérennité.

La recherche et le développement devraient être orientés vers des technologies répondant aux besoins du milieu et offrant de bonnes perspectives à l'exportation. Enfin, souplesse et prévoyance sont les mots clés que le Club d'électricité préconise en matière de développement des moyens de production. L'hydroélectricité demeure en tête de liste des moyens de production privilégiés. Nous recommandons de développer le concept d'un permis de droit qui constituerait une préqualification de certains sites stratégiques afin d'éviter, d'une part, les évaluations hâtives en période de croissance de la demande et, d'autre part, les mises de côté improductives en période de récession.

Parallèlement, nous assumons qu'il faut désormais mettre l'accent sur la promotion des avantages économiques environnementaux et sociaux du développement de notre hydroélectricité comme étant la clé de voûte de tout développement réel dans un avenir prévisible. À cet égard, le Club d'électricité du Québec se veut le partenaire d'une telle option, conscient qu'au-delà des intérêts propres que cette option dessert on y retrouve, pour l'ensemble des citoyens du Québec, les éléments d'un enrichissement et d'un mieux-être collectif.

Merci.

Le Président (M. Audet): Merci, M. Beaulieu. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: Alors, M. Beaulieu, mesdames et messieurs, c'est évidemment avec intérêt que je constate que le Club d'électricité du Québec représente principalement une diversité de corporations publiques et privées impliquées dans le domaine de l'électricité. Je vous remercie d'avoir pris le temps de préparer votre mémoire et d'être venus rencontrer la commission parlementaire.

Évidemment, c'est varié comme mémoire. Je vais essayer de prendre certains éléments qui me semblent, en tout cas, importants, disons, en relation avec les implantations d'industries, des industries à forte consommation d'électricité. Il y a plusieurs intervenants qui argumentent que ces projets génèrent une activité conjoncturelle, une activité économique, mais que leurs effets ne durent pas et, évidemment, s'estompent après la construction de ces industries. Dans votre cas, vous avez mentionné tantôt les industries à forte consommation d'électricité. Quelle importance vous attachez à la présence de grandes industries comme ça au Québec?

M. Beaulieu (Bertrand R.): Vous me permettez, madame. Nous accordons beaucoup d'importance à ces grandes industries parce que nous considérons que toutes les industries secondaires qui s'y rattachent font en sorte qu'on a un développement permanent au Québec

de sous-traitance qui est voulu depuis longue date. Nous assumons que, avec ce développement conditionnel à ce que le tout soit calculé de façon à ce que ça soit également rentable ou à rentabilité zéro pour le gouvernement et pour Hydro-Québec, on en retire un bienfait au point de vue emplois, de bons emplois, des emplois qui, en termes de récession, demeurent et, surtout, en sous-traitance, où le Québec devient un grand spécialiste. (20 h 30)

Mme Bacon: Vous avez aussi mentionné, dans votre mémoire, les exportations. Vous qualifiez l'objectif de 1500 MW en l'an 2004 de peu ambitieux, mais vous favorisez plutôt un objectif de 2500 MW. Évidemment, comme vous le savez, les exportations d'électricité sont conditionnelles à l'existence d'une demande extérieure qui est elle-même, cette demande, influencée par le prix des énergies concurrentes. Quels sont les éléments qui vous permettent de croire que l'électricité québécoise peut devenir attrayante d'ici l'an 2000 pour nos voisins tant au Canada que nos voisins du Sud?

M. Beaulieu (Bertrand R.): Étant mêlé de près à toute l'industrie de l'électricité, étant des manufacturiers, des ingénieurs-conseils et des fournisseurs de toutes sortes, nous savons que, présentement, l'énergie que les États-Unis préconisent, c'est la gaz, pour se défaire du nucléaire, se défaire du thermique surtout. Puis, nous savons qu'éventuellement, après cette source d'énergie, il faut avoir une autre source d'énergie pour combler les besoins qui, lorsque l'économie va reprendre aux États-Unis, on le sait, vont nécessiter des sources propres d'énergie. Alors, cette source propre d'énergie, il n'y en a, d'après nous, que deux: il y a le gaz, qui part de 1'Alberta et s'en va jusqu'à Boston; il y a également nous qui, du côté de New York, Boston et toutes ces villes importantes, fournissons de l'énergie électrique. Mais, pour mieux vous expliquer, je pense que je demanderais à M. Beaulieu, ici, de répondre adéquatement à cette question.

Le Président (M. Audet): M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Guy): Oui, disons que c'est évident que le potentiel de vente d'électricité aux États-Unis dépend beaucoup de la conjoncture. La conjoncture actuelle, le ralentissement économique et ainsi de suite font que les besoins en énergie électrique nouvelle, de production nouvelle sont considérablement réduits, mais on croit qu'avec une reprise économique le potentiel de vente aux États-Unis, malgré la présence d'énergie concurrente, demeure.

Il ne faut pas oublier que le prix du gaz a fluctué beaucoup dans les huit dernières années, puis il peut encore fluctuer beaucoup, alors que l'électricité a une inertie dans les coûts d'énergie qui, à mon avis promet, en tout cas, certaines percées à des moments plus propices. Il ne faut pas oublier que l'aspect politique, la résistance politique qui s'est développée aux États-Unis a été favorisée par la conjoncture économique et qu'à notre avis, on aurait intérêt à neutraliser certaines propagandes qui ont été faites, qui étaient souvent assez inexactes et qui ont nui beaucoup à Hydro-Québec. Je pense qu'il y a déjà des efforts qui sont faits dans ce sens-là et je pense que, d'ici quelques années, on aura facilement neutralisé ça.

C'est facile de dire: On n'a pas besoin de votre énergie quand on n'en a pas besoin ou qu'on ne peut pas l'acheter quand on n'en a pas besoin, mais, au moment où on en aura besoin et qu'on aura comme alternative le nucléaire, de réactiver Shoreham ou d'autres centrales nucléaires, je pense qu'à ce moment-là ça sera facile. Ce qu'on dit, c'est que ça nous paraît dangereux de conclure hâtivement qu'il n'y a pas de potentiel. Je pense qu'on est habitués, comme industriels, de souvent faire face à des marchés qui, tout à coup, deviennent moins faciles à pénétrer, mais il ne faut pas retirer nos vendeurs. Il faut continuer à défendre nos positions pour le moment où la situation sera meilleure.

On n'encourage pas Hydro à vendre à rabais aux États-Unis, absolument pas, mais on sait que les marges de profit qu'ils avaient sur les contrats aux États-Unis étaient très élevées et, donc, il y a beaucoup de marge de manoeuvre. C'est pour ça qu'on pense que, par rapport aux objectifs de 3500 MW qui ont été donnés, la coupure est un peu raide.

Mme Bacon: Les 1500 ne vous semblent pas suffisants.

M. Beaulieu (Guy): Non.

Mme Bacon: Comme troisième thème, vous avez abordé l'efficacité énergétique. Vous endossez l'option du 9,3 TWh d'économie d'énergie en l'an 2000, toujours. Évidemment, ce programme-là est ambitieux. Le gouvernement est conscient de l'enjeu stratégique qu'il représente dans la planification des moyens de production. Est-ce que vous pouvez nous expliquer les raisons qui supportent votre option?

M. Beaulieu (Bertrand R.): Madame, étant dans l'industrie de l'électricité et du génie-conseil en général et de la production, nous savons que le seul moyen de nous pousser à découvrir des nouvelles sources, c'est en prévoyant des programmes aussi audacieux que celui-là. La preuve est là, c'est que vous avez des petites choses qui ont été promues par Hydro-Québec, qui ont été ridiculisées dans les journaux, à un moment donné. Mais, si on pense à la pérennité des choses qui ont été mises là, c'est que c'a été le meilleur équipement à long terme pour éliminer tous les autres équipements de moindre valeur.

Nous croyons à cette chose-là. Nous croyons à des moteurs à haut rendement qui vont faire en sorte que notre industrie locale va devenir un spécialiste de ces moteurs et même du nouvel enroulement de ces

moteurs... Nous croyons également aux programmes de système de PVC, qu'ils appellent, de pression, compression et de ventilation, qui viennent de sortir, parce que nous savons que, dans l'industrie du papier, il y a énormément de perte d'énergie. Alors, il faudrait peut-être commencer à sauver l'énergie au lieu de la leur vendre au rabais.

Nous pensons également que, dans l'industrie pétrochimique, nous pouvons faire un grand bout dans ce domaine-là et nous savons, étant des gens qui fournissons de l'équipement, étant des gens qui «désignons», nous avons également des idées que l'électrotechnologie promue par FHydro-Québec, ça va faire un grand bout et on va y retrouver notre profit. Nous avons plein d'idées là-dessus, et puis le génie en général, au Québec, au point de vue manufacturier, au point de vue génie-conseil et autre, croit être capable de s'en sortir de ce côté-là. Nous endossons parce que nous croyons que l'exportation de ces méthodes va être très rentable pour le Québec.

Le Président (M. Audet): Merci.

M. Beaulieu (Bertrand R.): Un instant.

Une voix : Je voulais ajouter, brièvement...

M. Girard (Gilles): Si vous permettez... Ceci pourrait être réalisé seulement en partenariat, O.K.? Donc, Hydro-Québec doit trouver une façon de travailler en étroit partenariat avec tout le monde: avec ses fabricants, ses ingénieurs-conseils et ses consommateurs. C'est la seule et unique façon, comme programme d'efficacité énergétique, qui va réellement devenir efficace. Or, Hydro-Québec a quand même débuté ce processus-là. On l'encourage fortement à le continuer.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président. M. Beau-lieu, mesdames et messieurs, je vous remercie de votre mémoire. Il prête à discussion et apporte des idées qui me surprennent un peu parce que, moi, je n'étais pas habitué d'entendre dire qu'il fallait favoriser des entreprises grandes consommatrices d'énergie. C'est un peu surprenant parce que je pensais que jusqu'à un certain point on avait fait le plein au Québec de ces grandes entreprises, notamment les alumineries, puis, bon, les papetières aussi. Mais les alumineries, dans les dernières années surtout, qui se sont installées au Québec, il y en a un bon nombre.

Vous dites qu'il y a des retombées majeures des grandes entreprises. Alors, la première question qui me vient: Est-ce qu'il y en a beaucoup qui sont susceptibles de venir ici? Et, lorsqu'on compare les retombées des PME utilisatrices d'énergie et les grandes entreprises, quand on fait la comparaison pour un même volume d'électricité, lesquelles apportent le plus de retombées?

M. Beaulieu (Bertrand R.): Si vous me permettez. Dès le départ, les grandes entreprises qui utilisent beaucoup d'énergie électrique, on comprend que c'est un sacrifice qui est fait de façon à promouvoir les petites entreprises autour qui ne vont probablement pas consommer beaucoup d'énergie, mais, par contre, qui vont nous donner un champ d'activité sur l'Amérique du Nord qui est très intéressant. Si vous parlez des alumineries de Bécancour, de Norsk Hydro ou quoi que ce soit, de prime abord, c'est très difficile à établir, la rentabilité de ces gens-là.

Mais, d'un autre côté, vous avez une classe de sous-traitants qui se fait autour, et de Québécois. Ce n'est pas des multinationales. C'est des gens débrouillards qui vont trouver un produit, qui vont faire le produit et qui vont l'exporter. Puis, de plus en plus, nous avons le marché international qui s'ouvre. Ce marché international, c'est toute l'Amérique, c'est le Mexique et ainsi de suite. Alors, nous trouvons que c'est important de développer cette sous-traitance et c'est pour ça que nous recommandons ce point-là. Je demanderais à mon confrère, M. Beaulieu, de compléter.

Le Président (M. Farrah): Allez-y. (20 h 40)

M. Beaulieu (Guy): Je vais juste ajouter un exemple un peu personnel au niveau de Norsk Hydro. Nous avons eu l'occasion de fournir des équipements pour Norsk Hydro, de développer des équipements pour Norsk Hydro, et je peux vous dire qu'à la suite des succès qu'on a eus avec les fournitures qu'on a faites on a été placés sur la liste de fournitures de Norsk Hydro à travers le monde, et tous les projets, y compris ceux en Malaisie, au Honduras, en Amérique du Sud nous sont maintenant ouverts comme un nouveau marché.

Mais un autre aspect que je voudrais souligner, je suis bien conscient qu'il y a une limite au nombre d'industries à grande consommation d'énergie qu'on peut attirer, mais je veux dire qu'ils ont eu quand même un apport positif à la stabilisation de l'économie du Québec. Parce que c'est le genre d'industries qui, une fois installées, étant donné l'importance des investissements qu'elles font, ne peuvent pas partir facilement. Alors, ils ont, même dans des périodes de conjoncture économique négative, un effet stabilisateur. Je veux dire Alcan, ils ont passé, comme toutes les alumineries, des périodes difficiles depuis deux ou trois ans, mais il n'y en a aucune qui a fermé ses portes, qui a réduit ses effectifs de façon importante.

Donc, on croit que c'est un facteur de stabilisation dans l'économie. Je ne dirais pas qu'on devrait baser tout notre développement là-dessus, mais c'est un facteur de stabilisation important.

M. Léonard: Oui, mais disons que je ne nierais

pas qu'elles ont, par exemple, les alumineries, pour prendre ce cas-là... Je n'en vise aucune, là. On en discute en principe. Je ne nierais pas l'effet stabilisateur, mais c'est mince par rapport à ce qui avait été prévu à l'origine parce que ce qui avait été prévu, c'est qu'il y ait beaucoup de retombées en aval de l'installation d'alu-mineries. Or, la transformation ne se fait pas ici. Ce qu'on dit, finalement, c'est que ces grandes entreprises-là, grosses consommatrices d'énergie, exportent de l'électricité en lingots, point à la ligne.

Puis, quand vous achetez de l'aluminium, à l'heure actuelle, il vient très souvent même des États-Unis ou de l'extérieur parce qu'il n'y en a pas de transformation ici. Moi, je pense que c'est là qu'il y a des retombées significatives et c'est là que la PME, en particulier, serait beaucoup plus active, mais ça ne se fait pas. Quelles sont les garanties qu'à l'avenir elles vont en avoir?

Une voix: Vas-y.

M. Beaulieu (Guy): Bien, moi, je pense à ceux qui ont négocié ou qui négocieront les ententes avec ces alumineries, de mettre les conditions pour s'assurer qu'il y a une partie importante de la transformation qui puisse se faire ici, malgré qu'il y ait certainement des limites économiques à ça, étant donné que la transformation se fait normalement près des marchés et que les marchés ne sont pas toujours ici. Mais je pense qu'on doit essayer autant que possible d'obtenir des garanties dans ce sens-là.

M. Léonard: Mais il y a encore beaucoup de place pour de grandes entreprises grosses consommatrices comme ça au Québec? Ça veut dire qu'on ferait des barrages partout.

M. Girard: Oui, on est réellement convaincus qu'il y a de la place sans nécessairement avoir à faire des barrages un peu partout. Vous avez touché un point qui est quand même très important. Vous avez parlé, tout à l'heure, de transformation. O.K.? Dans notre mémoire, on touche quelques points. Aujourd'hui, on est dans un marché où la globalisation est extrêmement importante. O.K.? Donc, on se doit, dans la recherche de ces industries-là, de trouver des industries qui ont un potentiel de croissance. Je pense que ça devrait être un critère primordial.

Le deuxième critère, c'est réellement que ces industries-là doivent apporter pour nous autres une diversification économique et industrielle. C'est bien beau de dire qu'on fait du raffinement ou du raffinage de l'aluminium; il faut aller beaucoup plus loin que ça. Il faut s'assurer qu'à travers ce raffinement-là ou ce raffinage-là on y rattache justement les fameuses grappes industrielles dont on parle beaucoup de ce temps-ci. Il faut s'assurer que ces industries-là, même si c'est des industries à forte consommation, qui ont quand même un programme d'efficacité énergétique, l'énergie, quand même, il faut qu'elle soit utilisée, mais utilisée sciemment et efficacement.

Et puis, encore une fois, en terminant, le point important que vous avez soulevé vous-même, c'est le fait qu'on doit trouver une façon de rattacher à cette industrie-là une industrie de transformation. Je vous avouerai quand même que c'est assez difficile de rattacher peut-être à l'aluminium certaines parties de l'industrie de transformation comme, par exemple, des cannet-tes de liqueur. Pour les transporter à Vancouver, ça coûte méchamment plus cher de les transporter en can-nettes que de les transporter en lingots. Donc, il faut avoir une certaine rationalisation, un peu quand même, à travers cette industrie de transformation qu'on veut y rattacher.

Mais le point important, c'est qu'on est dans un marché mondial, dans un marché de globalisation, et on doit retrouver ces industries qui n'y prêtent et qui ont réellement les caractéristiques d'un marché global.

M. Léonard: mais hydro-québec nous disait, hier, que la marge sur les tarifs, elle, donc, qui va à la grande entreprise, est très mince, entre 4 % et 10 %. disons en bas de 10 %, alors que, dès qu'on tombe dans le commerce, qu'on tombe dans la pme, la marge est de 30 %, 35 %; 31 %, 34 %, qu'on a mentionné hier. alors, vous voyez tout de suite que... finalement, quel est l'intérêt d'hydro-québec d'aller vers la grande entreprise, à laquelle elle est obligée de donner le tarif l plutôt que le tarif commercial ou pme?

M. Beaulieu (Bertrand R.): Moi, je vous réponds encore comme je suis parti. J'ai l'impression que, pour les PME d'aujourd'hui, il va falloir se rattacher à des grandes entreprises comme ça afin de découvrir tout le potentiel qu'il y a autour d'une grande entreprise. Je suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas prendre n'importe laquelle. Il faut, par contre, établir dès le départ ce dont a besoin et quel effort on va faire pour la sous-traitance autour de cette entreprise-là. Les cannettes, c'est un bon exemple. Ce n'est pas offert, et il y d'autres sous-traitances qu'on peut faire. Alors, c'est une question de jugement, c'est une question de jugement, et puis on dit, bon, souvent, le jugement, on ne doit pas perdre d'argent, mais, par contre, on ne doit pas perdre ces chances-là qu'on a, avec l'électricité qu'on a, au prix qu'on l'a, de façon à promouvoir la PME au Québec et de multiplier les jobs qu'on a, et on pense que c'est une bonne solution.

M. Léonard: J'avais une autre...

Le Président (M. Audet): Brièvement, si vous voulez, là...

M. Léonard: Brièvement, j'aurais une autre question. Un des points que vous soulignez, un concept

un peu neuf, à mon sens, le permis de droit sur les sites: Je me demande comment on peut réaliser une telle conception parce que, finalement, vous nous accorderiez des droits avant même que le projet ne soit autorisé, pour le devancer, mais ça me paraît difficilement conci-liable même avec les dispositions du Code civil. Je ne vois pas.

M. Beaulieu (Bertrand R.): Alors, ce qu'on dit, tout simplement, c'est que, lorsqu'il y a des études à faire sur des sites, lorsqu'il y a une rentabilité à produire sur un site, lorsqu'il y a une étude environnementale à produire sur un site, il faut retrouver, parmi toutes les études, toutes ces choses-là qu'on a à faire, des potentiels qui vont faire en sorte que le plus rentable va être choisi d'avance, les permis vont être quasi acceptés d'avance de façon à ce que, s'il y a une demande économique d'électricité, on soit prêt. La journée qu'il y a la demande ou presque, il faut qu'on soit prêt. On appelle ça un permis de droit.

M. Léonard: Si vous avez un empêchement majeur en termes d'environnement, qu'est-ce que vous faites?

M. Beaulieu (Bertrand R.): On va à l'autre projet parce que, là, on a le temps d'aller à l'autre projet, parce que, l'empêchement majeur, on y a vu avant le temps.

M. Léonard: Alors, c'est d'une banque de projets dont vous parlez?

Le Président (M. Audet): Merci. M. Beaulieu (Bertrand R.): Oui.

Le Président (M. Audet): Alors, M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Oui, merci, M. le Président. Sur le même sujet, M. Beaulieu, mesdames et messieurs, après avoir lu votre mémoire et avoir passé 1200 heures-personnes à vous préparer pour cette commission-là, je tiendrais à vous remercier de votre rapport. Et, dans la foulée de mon collègue, avec ce nouveau concept de permis de droit, si je mets ça en perspective, HydroQuébec, à l'heure actuelle, va faire des projets jusqu'à 25 MW qu'elle va confier à l'entreprise privée. Elle va se garder une banque entre 25... ce qu'elle appelle des moyennes puissances, là, 25 MW, aller aux alentours de 100, 140 MW, quelque chose comme ça. Après ça, bien, on tombe dans les mégaprojets.

Dans le nouveau principe que vous élaborez, ici, de permis de droit, est-ce que ça s'adresse aux moyennes installations, aux mégaprojets, à l'ensemble ou à une mixture de toutes ces catégories-là? (20 h 50)

M. Beaulieu (Bertrand R.): Nous, nous croyons que ça... surtout les moyens et grands projets. Les petits projets peuvent certainement être faits par des entreprises privées, si elles veulent, et je pense qu'Hydro-Qué-bec est déjà ouverte à ça. D'un autre côté, l'Hydro fait déjà l'évaluation des petits projets, des minicentrales, qu'on appelle aujourd'hui, de 0 à 25; ils ont entrepris depuis quelques années ce dossier-là. Les remettre à l'industrie privée lorsqu'elles sont non rentables pour eux, c'est une chose de prise. Mais nous, pour les permis de droit, nous pensons à de nouveaux sites, nous pensons à des réhabilitations de sites, si vous voulez. Nous pensons aussi à des grands projets également, de façon à ce que ces grands projets là soient étudiés d'avance pour leur rentabilité, et de voir à ce que cette rentabilité-là soit positive pour le Québec au point de vue environnement et développement durable. Et puis, pour ce faire, on parle de tous les sites, là, excepté peut-être de 0 à 25 MW.

M. St-Roch: L'autre question. À la page 13 de votre mémoire, vous avez un exposé sur assurer la fiabilité de l'approvisionnement en électricité. Je pense que vous exprimez une préoccupation qui est réelle, qu'il ne faut pas pelleter sur les générations à venir l'entretien qu'on fait. Dans les documents qu'Hydro-Québec nous a donnés, à la page 55 de l'engagement de performance, on nous dit faire... J'imagine que vous faites référence à la réfection des centrales existantes; alors, Hydro-Québec prévoit dépenser les 950 000 000 $ d'ici l'an 2003. Est-ce que je dois interpréter votre recommandation comme en étant une qui voudrait qu'Hydro-Québec redevance ces investissements-là qui s'étendent sur 10 ans?

M. Beaulieu (Bertrand R.): Nous croyons que, oui, c'est à peu près exact. On aimerait qu'Hydro-Qué-bec redevance aussi parce qu'il y a moins d'effets environnementaux, mais, d'un autre côté, nous pensons qu'il devrait y avoir une présence accrue sur les barrages existants, c'est-à-dire une vérification de tout ce qui existe de façon à se protéger, éventuellement, et de voir à ce que la production ne cesse en aucun temps.

M. St-Roch: Une autre question. Dans votre mémoire, à la page 12... puis je partage vos préoccupations lorsque vous dites que les grands débats alentour des constructions ou des réfections majeures sont souvent influencés par d'autres considérations. Alors, ce que je voudrais vérifier avec vous, ne croyez-vous pas, si on avait en place au Québec une commission de l'énergie indépendante qui pourrait faire l'analyse de ces grands projets là, avec tout l'appareillage scientifique et technique qu'on nous connaît, avec toutes les manières de planification et d'évaluer les impacts, que ce soit au niveau économique, au niveau social ou au niveau environnemental, que cette commission permanente pourrait éviter ces prises de position, lorsqu'on voit arriver le

grand promoteur très équipé, avec des collectivités locales? Alors, la création, en d'autres mots, d'une commission indépendante concernant l'énergie, est-ce que c'est souhaitable, oui ou non?

M. Girard: Avant de répondre à cette question-là, j'aimerais peut-être revenir une petite affaire en arrière sur la première question que vous avez posée ou l'avant-dernière question que vous avez posée concercant justement le programme de modernisation des centrales. Il y aurait peut-être une parenthèse que j'aimerais ouvrir ici qui est une parenthèse de mise en garde un petit peu justement. Oui, on favorise quand même une certaine accélération de ce programme-là, mais il faut quand même faire attention quant à la disponibilité des manufacturiers.

Donc, encore une fois, je parlais de partenariat, un petit peu plus tôt, ce soir. Ce genre de réfection de centrales doit être fait en partenariat, en partenariat avec l'ingénierie-conseil, en partenariat avec les manufacturiers de telle façon qu'on puisse réellement s'assurer les moyens de fabrication et s'assurer qu'on puisse livrer les équipements à temps.

En ce qui a trait à la création d'une entité séparée, peut-être le commentaire que je voudrais faire, avant de repasser la parole à M. Beaulieu, ici, c'est que je crois qu'Hydro-Québec a réellement les expertises qu'il lui faut pour être capable d'analyser sciemment, justement, ce genre de choses là. Ce à quoi il faut faire attention, dans les débats qu'on a eus à venir jusqu'à date, ou les prises de position dont on parlait dans notre mémoire, quelquefois mensongères, c'est qu'Hydro-Québec est dans une position un petit peu difficile. C'est David et Goliath. David, il peut se permettre de lancer des cailloux à Goliath. S'il manque Goliath, ce n'est pas grave. David, il peut toujours tirer un deuxième caillou. Lorsque Goliath descend son épée, il est mieux de ne pas manquer David.

Donc, Hydro-Québec est dans une position où elle doit réétablir sa crédibilité. Je pense qu'il y a des bons programmes qui sont en marche présentement pour qu'Hydro-Québec puisse le faire, mais elle doit définitivement mettre beaucoup plus d'emphase au rétablissement de cette crédibilité-là de telle façon qu'elle puisse passer les bons messages à tout le monde, à tous ses partenaires. Tous ses partenaires, ce n'est pas juste les partenaires au Québec, c'est les partenaires à l'étranger, également, pour lui dire que l'hydroélectricité ou l'électricité qui vient du Québec, c'est une énergie propre, une énergie durable, une énergie qui a des retombées pour tout le monde.

Le Président (M. Audet): Merci. Vous voulez ajouter quelque chose, M. Beaulieu? Rapidement. On a des contraintes de temps. C'est un peu déplaisant, là.

M. Beaulieu (Bertrand R.): Oui, rapidement.

Le Président (M. Audet): Très rapidement, s'il vous plaît.

M. Beaulieu (Bertrand R.): Oui, ça va être rapide. Le Club d'électricité se veut la voix de l'électricité au Québec. M. le député, si le gouvernement veut former une commission comme celle-là, le Club d'électricité s'offre pour analyser avec tous ses experts les retombées possibles et, de façon bénévole, parce que nous sommes là avec tous nos techniciens et nous l'offrons au gouvernement de façon à ce que vous trouviez d'une façon transparente tous les experts que vous pourrez trouver dans la province de Québec.

Le Président (M. Audet): Merci. M. Beaulieu. On prend bonne note. Je vais maintenant reconnaître M. le député de l'Acadie. Vous avez environ quatre minutes, M. le député. Questions et réponses.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je veux d'abord vous remercier, M. Beaulieu, et les personnes qui vous accompagnent pour votre présentation. Comme le temps passe rapidement, il y a quelques questions que j'aimerais vous poser.

Tout d'abord, à la page 9 de votre mémoire, qui touche l'efficacité énergétique, on fait référence au programme d'efficacité énergétique et on vise, à ce moment-là, l'amélioration du rendement énergétique des différents appareils qui sont utilisés par les consommateurs de façon quotidienne. On fait aussi référence au besoin d'accroître l'efficience énergétique pour les producteurs de biens et de services. Dans ce sens-là, Hydro-Québec est disposée à offrir de l'aide à travers son plan d'économie d'énergie. Mais il est sous-entendu aussi que ce plan-là, éventuellement, va avoir une fin. Et ici, ce que vous suggérez, au fond, c'est qu'il y ait une certaine pérennité des mesures.

La question que je voudrais vous poser, c'est comment on peut réconcilier, au fond, cette suggestion-là, avec le fait qu'il est plus facile et plus rentable probablement d'économiser de l'énergie au début que d'arriver à la fin, en termes de coûts, d'aller économiser, à ce moment-là, de l'énergie dans quelques années où, là, ça va devenir beaucoup plus difficile et ça va peut-être coûter plus cher pour économiser... les économies qu'on peut faire à ce niveau-là, dans quelques années, avec votre suggestion d'avoir une pérennité des mesures?

M. Beaulieu (Bertrand R.): Bien, nous, ce qu'on pense, c'est une question de marché. Alors, si vous prenez le programme de moteurs à haut rendement, à l'heure actuelle, Hydro-Québec a fait en sorte qu'elle a mis un programme de moteurs à haut rendement avec subvention. Regardez le marché, actuellement. Le marché, qu'est-ce qui arrive, c'est que, sur les tablettes, il n'y a plus d'autres sortes de moteurs que des moteurs à haut rendement. Le rebobinage se fait pour des moteurs à haut rendement. Alors, vous éliminez une partie du

marché qui existait, ce qu'on peut appeler, dans les termes très techniques, «cheap»; ces moteurs-là ne sont plus là.

Pourquoi? C'est que le consommateur, il vient de voir que le moteur qu'il avait dans le moulin à papier ou ailleurs était tellement énergivore qu'il a tout intérêt, lui, à avoir le même moteur, la même cage, la même chose pour une réduction de 24 % à 25 % d'énergie. Ce moteur-là, d'une façon ou d'une autre, une fois installé, il est là pour dix ans et, lorsque ça va être le temps de le refaire, de le rebobiner ou de le reprendre, le marché de l'autre moteur, si Hydro peut garder son programme pour cinq ans et plus, va être éliminé. Puis ça, je crois que c'est une belle tactique d'Hydro-Québec de faire dans les moteurs. Ils l'ont fait dans d'autres choses, et je crois que c'est le seul moyen d'assurer une pérennité du projet.

M. Bordeleau: O.K. L'autre question que je voulais vous poser aussi, au niveau des exportations d'énergie, bien, on connaît les problèmes et la conjoncture économique actuelle. Comme vous le mentionnez, disons qu'il ne serait pas opportun, actuellement, de mettre des efforts sur l'exportation, mais plutôt, étant donné le contexte économique, de mettre des efforts à convaincre les partenaires des avantages. Ça implique aussi toute la démarche au niveau, par exemple, du marché américain.

Est-ce qu'il y a des mesures que vous voyez que le gouvernement pourrait mettre en place, au fond, pour essayer de convaincre le marché américain? Je pense surtout en collaboration avec les partenaires que vous représentez et qui auraient un rôle important à jouer, à ce moment-là aussi, de préparer le terrain au moment où la situation économique va s'améliorer, que le message soit déjà passé du côté américain. Est-ce qu'il y a des mesures que vous voyez que le gouvernement peut mettre en place en collaboration avec les partenaires directement impliqués, comme vous l'êtes, votre organisme?

M. Beaulieu (Bertrand R.): Certainement. Je peux vous donner un exemple. Hydro-Québec a placé un vice-président... je crois que c'est... pas à Genève, mais à Bruxelles. Et puis le vice-président me disait qu'il a étalé devant l'industrie électrique de ce coin-là tout ce que le Québec faisait au point de vue études environnementales et tout ce que le Québec voulait pour ne pas handicaper les générations à venir. Et puis, le monsieur me disait dernièrement que ces gens-là lui disent: Ne viens pas étaler tous les efforts que vous faites ici parce que, nous, on n'est pas rendus là. (21 heures)

Alors, si eux, en Europe, ne sont pas rendus au point où le Québec est rendu, je crois qu'on devrait faire la même chose au point de vue gouvernemental et aller à New York, à Boston et à tous ces endroits-là, près de nous, et étaler ce qu'on fait, l'étaler d'une façon très objective et dire exactement ce qui est fait au Québec au point de vue environnement, au point de vue autochtone, au point de vue de toutes les dépenses qu'on l'on produit et ce qu'on veut faire au point de vue environnement et développement durable. Peut-être que c'est une question de relation, mais nous sommes prêts en tant que manufacturiers, ingénieurs-conseils et Club d'électricité à aider dans cette démarche. Nous allons sûrement vous appuyer à travers un comité du Club pour le faire avec toutes les connaissances que nous avons.

Le Président (M. Audet): Merci. Alors, je veux remercier le Club d'électricité du Québec inc. Malheureusement, c'est déjà tout. Alors, mesdames et messieurs, merci beaucoup.

Afin de permettre à l'Association de la recherche industrielle du Québec de prendre place, nous allons suspendre nos travaux pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 1)

(Reprise à 21 h 5)

Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Nous recevons maintenant l'Association de la recherche industrielle du Québec. Alors, messieurs, au nom de la commission, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue.

Je vous rappelle brièvement nos règles de procédure. Vous avez environ 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire; ensuite suivra une période de questions d'une quarantaine de minutes. Avant de nous présenter votre exposé, je vous invite à vous présenter afin de permettre la transcription du Journal des débats. Alors, allez-y, vous avez la parole.

Association de la recherche industrielle du Québec (ADRIQ)

M. Rousseau (Jean-Marc): Bonsoir. Mon nom est Jean-Marc Rousseau, je suis le président de l'Association de la recherche industrielle du Québec. Je vous présente, à ma gauche, Jean-Marc Proulx, qui en est le vice-président. Jean-Marc Proulx est également le vice-président en recherche et développement chez DMR. À ma droite, Claude Demers, qui est le directeur général de notre association. Moi-même, j'occupe le poste de vice-président en recherche et développement d'une firme qui s'appelle Les entreprises GRO, qui est une société en informatique.

Le Président (M. Audet): D'accord.

M. Rousseau: Je voudrais vous présenter rapidement aussi l'ADRIQ. L'ADRIQ est une association qui

a été créée en 1978. Elle a pour mission essentiellement de susciter la croissance, l'efficacité et l'excellence des activités de recherche-développement industrielle au Québec en vue d'augmenter la capacité des entreprises en innovation technologique afin qu'elles assurent mieux leur compétitivité au niveau international.

L'ADRIQ regroupe aujourd'hui plus de 180 directeurs et directrices des principaux centres, instituts, laboratoires, divisions, départements ou services de recherche-développement représentant les principales entreprises, industries et organisations du secteur privé et parapublic du Québec engagées en recherche-développement industrielle. L'ADRIQ est aujourd'hui le principal organisme à représenter et à faire la promotion de la RDI au Québec.

J'ai, en introduction à nos recommandations, à vous donner un certain nombre de remarques. D'abord, nous avons participé, en 1992, au vaste processus de consultation publique entrepris par Hydro-Québec auprès de plus d'une centaine de groupes. L'ADRIQ a également reçu et considéré l'ensemble de la documentation produite par Hydro-Québec relative à son plan 1993-1995. Ainsi l'ADRIQ a pu mesurer l'ampleur du travail et de l'effort de planification accomplis par Hydro-Québec pour en arriver à la proposition de plan soumise. De plus, les membres et invités de l'ADRIQ ont reçu, le 12 janvier dernier, le vice-président technologie de IREQ, M. Alain Brosseau, qui leur a exposé le plan stratégique de la R-D technologique et le plan de valorisation de la technologie développé par son groupe pour mettre en oeuvre certaines des propositions contenues dans le plan général 1993-1995.

Vous comprendrez que nos commentaires se concentreront ici à notre champ d'intérêt particulier, c'est-à-dire celui de promouvoir l'innovation technologique dans les entreprises québécoises, y compris une entreprise telle Hydro-Québec. Dans ce contexte où la santé de l'industrie québécoise est étroitement liée bien davantage à l'innovation technologique qu'à l'exploitation traditionnelle de nos ressources naturelles, c'est dans ce contexte-là que l'ADRIQ a considéré la proposition du plan de développement soumise par HydroQuébec.

L'ADRIQ a aussi pris en compte le caractère public d'Hydro-Québec, une entreprise créée et mandatée par le gouvernement québécois pour assurer l'approvisionnement en électricité et, par là, contribuer au développement économique de toute la société québécoise. Hydro-Québec fait beaucoup pour bien s'acquitter de sa mission première, la fourniture d'électricité. Loin de l'en détourner, l'ADRIQ veut, dans les propos qui suivent, inviter Hydro-Québec à voir plus large et plus loin, au-delà d'une conception trop étroite de sa mission première, et surtout à faire autrement, en particulier pour profiter de l'expertise externe existante ou en émergence au Québec, notamment dans de nouvelles technologies ou créneaux industriels.

L'ADRIQ veut enfin insister sur l'effet structurant de l'action d'Hydro-Québec et sur son rôle de levier dans l'émergence de nouvelles industries et technologies québécoises au diapason des standards internationaux et éminemment exportables. Là aussi, les industriels sont d'avis qu'il faut voir plus loin et faire autrement.

Vous connaissez tous le contexte international qui confronte l'industrie québécoise. Pour assurer leur survie et leur croissance, les entreprises industrielles doivent axer leur effort sur deux plans: les normes internationales de qualité et l'innovation technologique. Les entreprises doivent augmenter la qualité intrinsèque de leurs produits et services au niveau des normes internationales. Les standards internationaux deviennent de plus en plus incontournables pour les entreprises d'ici, même simplement pour satisfaire le marché québécois.

D'autre part, au niveau de l'innovation technologique, les entreprises doivent développer dans leur marché respectif des avantages concurrentiels ou des niches technologiques qui leur assureront un accès et une participation aux marchés nationaux et internationaux. Tous reconnaissent le rôle essentiel de l'innovation technologique, de la créativité, de la recherche-développement et des transferts de technologie que prône l'ADRIQ déjà depuis de nombreuses années pour appuyer la stratégie industrielle du Québec.

Dans cette optique, l'ADRIQ veut inviter HydroQuébec à accentuer sa contribution à la réalisation de cette stratégie industrielle du Québec et à jouer pleinement son rôle de levier dans la consolidation d'une industrie québécoise de calibre international, d'abord dans son domaine propre, mais aussi, par effet d'entraînement, dans plusieurs autres domaines de la haute technologie. C'est en fait cette recommandation que nous voulons expliciter dans la suite de notre présentation.

L'ADRIQ tient d'abord à féliciter Hydro-Québec pour la qualité, la rigueur, l'ampleur et la cohérence de son plan 1993-1995. Ce plan témoigne, chez HydroQuébec, d'une compréhension approfondie des multiples facettes de sa mission première. Le plan proposé témoigne d'un souci d'excellence et d'efficacité dans la réalisation de sa mission première et d'une excellente saisie des enjeux à venir au tournant du siècle.

Les industriels de l'ADRIQ notent cependant un écart important entre le discours véhiculé par le plan et par la haute direction d'Hydro-Québec et la pratique courante observée au niveau des opérations de cette entreprise colossale à l'échelle du Québec. La mise en oeuvre de ce discours requerra une transformation vigoureuse et en profondeur des modes de pensée et de fonctionnement de la culture d'entreprise d'Hydro-Québec. (21 h 10)

Selon la perception générale des industriels, Hydro-Québec demeure aujourd'hui une entreprise encore trop centrée sur elle-même et plutôt fermée par rapport aux contributions venant de l'externe. Sa taille et son domaine exclusif d'activités en ont fait une entreprise

affligée de pratiques et de modes de fonctionnement bureaucratiques avec laquelle il est difficile de traiter. Dans ses rapports avec l'externe, Hydro-Québec se montre plutôt largement satisfaite de ses propres ressources et réalisations et beaucoup moins convaincue de l'opportunité stratégique des suggestions, apports, innovations et expertises externes.

Dans ses contrats de collaboration avec l'externe, Hydro-Québec se réserve tous les droits de gérance et confine souvent ses collaborateurs à des rôles d'exécution sans responsabilités véritables sur les orientations, les moyens à prendre, les innovations potentielles. En s'ouvrant à ce que l'externe peut lui apporter, HydroQuébec pourrait bien davantage profiter du potentiel d'initiative et d'innovation existante dans les entreprises professionnelles et de haute technologie au Québec.

Pour faire un pas significatif dans ce sens et envoyer un clair message d'ouverture au milieu industriel québécois, l'ADRIQ invite Hydro-Québec à énoncer une politique et des règles de fonctionnement d'un bureau chargé d'accueillir, de considérer et, si opportun, d'assurer la mise en oeuvre des propositions «spontanées» venant de l'externe, de nature technologique ou administrative.

On va plutôt élaborer sur le rôle de levier qu'on veut voir jouer à Hydro-Québec pour le contexte de l'industrie québécoise. En raison de sa mission, de sa taille et de son impact sur l'économie québécoise, Hydro-Québec occupe une place stratégique pratiquement unique dans le développement de notre richesse collective.

Dans son domaine propre, la fourniture d'électricité, elle vise à satisfaire aux standards internationaux de qualité dans ses produits et services électriques. À cet égard, on ne peut que féliciter Hydro-Québec sur l'ampleur de ses efforts.

Les industriels de l'ADRIQ sont d'avis qu'Hydro-Québec, trop concentrée sur ses missions premières, oublie de considérer à leur juste valeur des technologies nouvelles et porteuses d'avenir situées en périphérie de sa mission première, la traditionnelle fourniture d'électricité.

Associées à la fourniture d'électricité mais à un autre niveau de considération, ces technologies nouvelles ou en émergence sont en voie de devenir stratégiques dans plusieurs secteurs industriels en forte croissance, sans compter leur utilité immédiate comme moyen d'optimiser la fourniture d'électricité. Nous voulons en particulier attirer l'attention d'Hydro-Québec sur des domaines que sa programmation actuelle ne met pas suffisamment en évidence, comme le génie logiciel, la géo-matique, le génie environnemental, l'échange électronique de données, la formation technologique.

Pour assurer une plus juste considération de ses nouveaux domaines, l'ADRIQ invite Hydro-Québec à inclure plus explicitement, dans sa programmation de recherche-développement et dans sa valorisation de la technologie, des programmes et projets davantage axés sur le développement de ces nouvelles technologies et sur l'émergence de nouvelles entreprises pour en assurer la commercialisation et l'exportation éventuelle.

Dans chacun de ces domaines en émergence et non exclusivement associés à la fourniture d'électricité, l'ADRIQ est d'avis qu'Hydro-Québec a tout intérêt à faire appel et à développer l'expertise externe plutôt que de chercher à bâtir ses propres compétences et expertises à l'interne. Au-delà des pratiques usuelles de contrats de services et de sous-traitance, c'est à des pratiques d'impartition ou d'«out-sourcing» que l'ADRIQ convie Hydro-Québec. Ces nouvelles pratiques de recours et d'ouverture à l'expertise externe s'appuient sur une véritable délégation de responsabilités et de moyens à l'endroit des fournisseurs en se basant sur des objectifs de performance convenus au départ et qui débordent la seule conformité aux technologies courantes.

Dans son secteur industriel propre, Hydro-Québec développe de nouvelles technologies surtout par ses propres efforts de recherche-développement. HydroQuébec a déjà compris le rôle qu'elle peut jouer et l'impact qu'elle peut avoir sur l'émergence d'une industrie québécoise greffée sur l'hydroélectricité. Certaines initiatives d'Hydro-Québec en ce sens ont déjà porté des fruits et nous comptons déjà des réalisations éloquentes et des réussites commerciales intéressantes, ce qui nous incite à inviter Hydro-Québec à faire davantage dans cette direction.

L'émergence de nouvelles entreprises pour réussir doit pouvoir compter sur des conditions favorables. Dans cette optique, Hydro-Québec peut y contribuer de plusieurs façons. On en mentionne trois: l'octroi d'un premier contrat structurant qui sert de premier marché local pour l'entreprise, qui assure sa rentabilité et qui sert de point de référence essentiel pour percer les marchés d'exportation; fournir un appui technique de banc d'essai, de bonification des caractéristiques techniques, de mise à échelle, d'ajustements, etc.; et, enfin, offrir une vitrine technologique pour assurer leur visibilité et leur crédibilité.

L'ADRIQ invite Hydro-Québec à mettre en oeuvre les conditions favorables énumérées ci-haut en vue de favoriser davantage l'émergence de nouvelles entreprises de haute technologie par des collaborations et des partenariats avec des entreprises privées susceptibles de commercialiser et d'exporter éventuellement les produits innovateurs qui découlent des travaux de R-D qu'elle entreprend et pilote.

Nous avons également une remarque à faire au niveau de la propriété intellectuelle. Les industriels qui font affaire avec Hydro-Québec estiment que celle-ci devrait adopter la politique qui prévaut, entre autres, auprès du gouvernement fédéral américain à l'effet de laisser aux fournisseurs la propriété intellectuelle de tout ce qu'ils développent dans le cadre de leurs contrats, et de pouvoir ainsi en assurer la commercialisation partout dans le monde.

En général, dans les autres secteurs industriels, le rôle de levier, l'effet d'entraînement d'une entreprise à caractère public aussi importante qu'Hydro-Québec ne se limite pas à son seul champ d'activité, loin de là. Hydro-Québec, à l'instar des autres grandes entreprises et institutions publiques, constitue un marché public local considérable à l'égard des fournisseurs québécois de biens et de services qui ne sont pas reliés nécessairement directement à la fourniture d'électricité.

À l'égard de ces fournisseurs, Hydro-Québec peut servir de fer de lance à l'innovation technologique en multipliant à bon droit ses exigences de qualité et de performance en les ajustant aux standards internationaux. Nous aimerions, enfin aussi, qu'une telle politique soit adoptée par l'ensemble du secteur public québécois. En effet, l'ADRIQ est depuis longtemps convaincue que la survie et la croissance de nos entreprises industrielles passent par une quête incessante de performance en regard de standards de qualité les plus élevés possible.

Au niveau des appels d'offres, sans remettre en cause le principe de l'achat au meilleur coût, c'est dans une perspective de rapport prix-performance technique, qui englobe tout le cycle de vie d'un produit, que l'ADRIQ invite tous les acheteurs québécois à hausser progressivement leurs exigences et spécifications techniques au niveau des standards internationaux. C'est là, assurément, le meilleur service à rendre aux entreprises d'ici dans le contexte de la mondialisation des marchés.

En ce domaine, Hydro-Québec peut certes prendre des initiatives qui serviront de ferment pour le développement d'une industrie québécoise viable et performante. À cet égard, l'ADRIQ invite Hydro-Québec à modifier en profondeur sa pratique usuelle d'appel d'offres basée sur le principe du plus bas soumissionnaire conforme pour y introduire les deux concepts essentiels de la performance technique et du cycle de vie des produits et services.

De plus, l'ADRIQ invite Hydro-Québec à abandonner progressivement sa politique d'achat préférentielle de 10 % en fonction du contenu québécois pour la remplacer par une politique préférentielle axée sur l'innovation technologique et la performance technique des produits et services. De l'avis de l'ADRIQ, il faut, au Québec, cesser de payer une prime de 10 % pour une même qualité et commencer plutôt à payer une prime pour une performance technique nettement supérieure.

En conclusion, au moment où les entreprises québécoises sont plus que jamais confrontées à des exigences d'innovation technologique d'excellence et de qualité totale, de nombreux incitatifs peuvent être mis en oeuvre pour aider le développement et l'intégration des nouvelles technologies dans les entreprises industrielles et favoriser leur excellence technologique.

Les membres de l'ADRIQ sont unanimes à se réjouir de la contribution importante d'Hydro-Québec, de ses infrastructures, de ses expertises et des réseaux d'entreprises et de spécialistes qui y sont associés dans un secteur industriel reconnu comme stratégique pour le développement du Québec et de ses régions. Les recommandations contenues dans le présent mémoire se veulent un encouragement pour Hydro-Québec et une invitation à faire davantage, et parfois autrement. Nous sommes convaincus que l'intérêt du Québec en sera davantage assuré à long terme. Merci.

Le Président (M. Audet): Merci, M. Rousseau. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: Merci. Je voudrais d'abord, M. le président, vous remercier, l'association que vous représentez, pour l'apport que vous avez aux travaux de la présente commission parlementaire. Je pense que je pourrais vous dire, au nom de mes collègues: Vous pouvez être assuré que nous partageons vos préoccupations relativement à l'importance de la recherche et du développement pour l'avenir économique du Québec; je pense que tous, autour de cette table, sont bien préoccupés par cette donnée que vous nous apportez de nouveau aujourd'hui. (21 h 20)

Un des aspects les plus délicats de la problématique du financement de la recherche et développement au Canada, c'est la participation relativement faible du secteur privé. Votre association compte plusieurs représentants de la recherche industrielle privée. Quelles sont les perspectives que le monde industriel, comme vous demandez à Hydro-Québec de le faire, accentue ses propres efforts de recherche et développement pour prendre le tournant technologique qui est vraiment indispensable dans un contexte de mondialisation des marchés? Est-ce qu'on peut compter que le secteur privé peut faire davantage?

M. Rousseau: Je pense que les entreprises qui sont membres de notre association sont des converties de la recherche-développement et elles font des efforts importants et, je pense, de plus en plus considérables dans ce domaine-là. Ce qu'il faut étendre aussi ou prêcher, c'est à celles qui ne sont pas encore converties au fait que la recherche-développement et innovation technologique est à peu près la seule voie de survie dans le monde futur, qui nous attend, ou présent. Vous pouvez compter certainement sur la collaboration des entreprises qui sont membres chez nous pour investir en recherche-développement de plus en plus. Elles le font de façon assez importante à ce niveau-là, mais les autres ont besoin peut-être... II y a les encouragements fiscaux, mais il y a une mise à niveau, jusqu'à un certain point, sur certaines petites et moyennes entreprises. Quand ces entreprises n'ont même pas un scientifique ou un ingénieur à leur service, elles ne peuvent pas envisager, elles ne peuvent pas parler ou communiquer avec le réseau spécialiste du Québec. Et il y a un gros retard à rattraper de ce côté-là.

Mme Bacon: La firme Marcon, qui est membre du groupe-conseil Miratech, a réalisé une étude comparative sur les stratégies et politiques de R & D des principales entreprises d'électricité au Canada, en Europe et au Japon. L'étude Marcon souligne, entre autres, que les intervenants industriels nationaux ne sont généralement pas aptes à collaborer ou même à bénéficier des retombées de la R & D des entreprises canadiennes d'électricité, que lorsque celles-ci débouchent sur une innovation technologique, comme pour les piles ACEP, par exemple, il faut alors recourir à des entreprises étrangères pour trouver des partenaires industriels adéquats.

Est-ce que vous partagez cette opinion de l'étude qui a été faite par la firme Marcon et est-ce qu'on pourrait faire quelque chose ou davantage pour remédier à une telle situation? Est-ce qu'il y a quand même des solutions?

M. Rousseau: Bon, je vous donne une opinion personnelle.

Mme Bacon: Bien, c'est ce que je vous demande.

M. Rousseau: C'est tout ce que je peux vous dire. Je pense qu'il faut reconnaître, au Québec, qu'on est une relative petite société et un petit joueur dans le monde, dans la compétitivité internationale. Les entreprises qui ont souvent le plus de succès, ou les PME québécoises qui ont le plus de succès se sont concentrées dans des niches technologiques relativement étroites et elles peuvent, à ce moment-là, percer au niveau international. D'aller sur le marché des piles, ça prend des capitaux considérables pour pouvoir percer, et les joueurs, les compétiteurs potentiels sont souvent trop gros. Je ne pense pas qu'au Québec on doive se lancer dans des domaines qui attirent les géants; on n'a aucune chance. Il faut se concentrer dans des domaines spécifiques, dans des niches technologiques pointues et développer dans ces domaines-là une expertise telle que personne n'ait envie de nous compétitionner, parce que ce qu'on va chercher, c'est des miettes au niveau international, mais, ça nous fait bien vivre. Peut-être que Jean-Marc Proulx a autre chose à ajouter.

M. Proulx (Jean-Marc): Je crois que cette question est primordiale. Si on n'est pas capable de commercialiser la recherche qu'on fait ici ou qu'on trouve ici, on a des problèmes importants. Mais, à cet égard-là, je crois que notre mémoire vous donne quelques recommandations à cet effet. La recherche et développement, ce n'est pas une course de vitesse, c'est une course de fond. Il y a souvent beaucoup trop de pionniers essoufflés dans l'industrie. Et il y a plusieurs études. Je vous réfère, par exemple, aux études du professeur Miller, qui est le titulaire de la chaire Hydro-Québec à l'Université du Québec à Montréal. Et ce sont les conclusions de son étude sur la recherche et développement. Il peut donner des exemples où de très grandes entreprises ont investi, ont manqué de fonds et n'ont pas pu continuer sur une filière technologique.

Alors, qu'est-ce qu'on fait pour les petites entreprises à cet égard-là? Qu'est-ce que l'ADRIQ recommande? L'ADRIQ recommande qu'Hydro-Québec puisse aider ces coureurs de fond par des contrats structurants. Un seul contrat ne procurera pas à cette entreprise-là l'accélération nécessaire — ça va lui donner de la vitesse mais pas d'accélération — pour se mettre sur une trajectoire. Alors, de là notre recommandation à l'«out-sourcing», à l'impartition. Si Hydro-Québec peut donner un contrat qui, non seulement demande des moyens, un produit, mais demande à la firme de développer un processus, alors elle peut avoir le temps d'engager une course de fond et de découvrir une filière technologique.

Je crois que c'est difficile, à cet égard, de demander à une entreprise québécoise de commercialiser, par exemple, une recherche qui aurait été faite, elle n'est pas déjà sur la trajectoire. Vous vous adressez surtout alors à ses moyens financiers.

Nous, nos recommandations sont plutôt par rapport à la possibilité d'augmenter la recherche industrielle dans le secteur privé en faisant en sorte qu'Hydro-Québec puisse considérer aussi de la recherche sur ses moyens de production et des moyens différents de production, comme on a mentionné. On mentionnait le génie logiciel, la géomatique, l'échange électronique de données. Ce ne sont pas des technologies qu'on voit dans le plan de développement d'Hydro-Québec et ce sont des technologies très importantes maintenant, et qui vont le devenir de plus en plus. Dans la facture d'électricité, il y a de plus en plus d'informations, comme dans toutes les factures de toutes les industries aujourd'hui.

Mme Bacon: Le plan de la technologie d'Hydro-Québec anticipe une progression très importante des revenus provenant de la commercialisation de sa technologie et de son savoir-faire. Au moment même où on peut espérer un retour sur les énormes investissements qui sont consentis en recherche et développement, vous proposez qu'Hydro-Québec abandonne la propriété intellectuelle des innovations technologiques aux firmes qui l'ont développée pour elle et qui peuvent en assurer la commercialisation. Quels profits Hydro-Québec et l'économie québécoise pourraient retirer de votre proposition et en sortir gagnantes?

M. Rousseau: Je voudrais peut-être la qualifier un petit peu, la proposition, dans le sens où on pourrait certainement mettre une clause conditionnelle à ce que l'exploitation de ces droits de propriété intellectuelle se fasse au Québec, comme il y a, par exemple, je sais, dans les contrats de recherche-développement que donne le ministère des Transports, une clause où elle laisse la propriété intellectuelle aux entreprises à condition que

les résultats soient exploités au Québec; on pourrait mettre une clause de cette nature-là. C'est clair que, ici, je m'adresse à l'habitude qu'a Hydro-Québec dans tous ses contrats avec ses fournisseurs de dire que, quand il y a un produit développé, la propriété reste à HydroQuébec. Ça complique énormément la commercialisation des produits par l'entreprise qui doit négocier des contrats qui peuvent être relativement complexes avec Hydro-Québec, à ce moment-là. Et c'est dans ce sens, dans un sens de simplification et de dire: Si c'est l'entreprise qui développe un produit, qui l'applique à Hydro-Québec, l'entreprise québécoise qui a développé ce produit-là est certainement souvent la mieux placée pour l'exploiter. Bien, qu'Hydro-Québec ne cherche pas à récupérer quelques centaines de milliers de dollars au bout de la ligne, qu'elle se contente de dire: On a fait un bon coup, puis l'entreprise est profitable pour le Québec, et c'est comme ça! Étant moi-même à la tête d'une petite entreprise, la négociation de ce genre de contrat avec les grandes entreprises est très pénible, je vous assure.

Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Labelle. (21 h 30)

M. Léonard: Merci. M. le président et ceux qui l'accompagnez, je voudrais vous féliciter pour votre mémoire, parce que c'en est un qui, en quelques pages, résume beaucoup de choses et va au fond d'une question qui est primordiale pour le Québec.

Je vois que vous avez une préoccupation d'abord d'élever la production québécoise aux standards internationaux; ça me paraît majeur. Je crois que c'est la première chose à faire si on veut être compétitifs sur le plan international. Ce que vous semblez déplorer, c'est que, finalement, Hydro-Québec ne se soit pas montrée sensible à cet aspect de la question. En tout cas, ça n'est pas très explicite dans ses documents. Je comprends que vous vouliez le faire. À mon sens, tout votre mémoire va dans ce sens-là en termes de recherche-développement, notamment.

Je voudrais d'abord revenir sur cette question de la propriété intellectuelle. Si on parle de standards internationaux, il y a une relation entre les brevets, les innovations. Vous avez répondu à une question de Mme la ministre, mais est-ce qu'actuellement c'est vraiment si contraignant que cela? Si l'on cède la propriété intellectuelle aux fournisseurs de façon définitive, est-ce qu'on n'est pas amené — parce que vous avez d'autres éléments dans votre mémoire qui font que vous ouvrez «at large» toutes les soumissions à tout le monde — à subventionner ou, en tout cas, à favoriser de la recherche-développement ailleurs qu'ici au Québec? Remarquez que ça peut être une bonne chose, mais, il n'y a pas un effet de glissement important qui peut se produire?

M. Rousseau: Bon. Toute cette suggestion-là, au niveau de la propriété intellectuelle, peut se faire éven- tuellement de différentes façons.

M. Léonard: Oui, en partnership.

M. Rousseau: C'est la négociation des redevances qui devient toujours extrêmement complexe dans ces produits-là. Si Hydro-Québec veut, par souci légal, éventuellement en garder la propriété mais en donner l'accès librement aux fournisseurs dans le contexte d'une exploitation au Québec, ça peut être quelque chose d'aussi acceptable pour nous. Plusieurs de mes collègues aussi négocient, pas juste avec Hydro-Québec, mais avec de grandes entreprises qui ont de plus en plus cette tendance-là. Je vous assure que ça devient pénible et compliqué, surtout quand on fait appel... Bon, quand on fait appel à une patente, à un brevet, c'est peut-être plus simple, mais, quand on fait appel à des produits qui évoluent comme des logiciels, je vous jure que ce n'est pas facile et que ça met des contraintes importantes.

M. Léonard: Ce que vous proposez, est-ce que vous avez un modèle en tête? Par exemple, le modèle japonais ou bien un autre?

M. Rousseau: En général, le gouvernement américain laisse les brevets aux gens qui développent les produits, tout simplement. Ils sont gros et, normalement, ça reste chez eux.

M. Léonard: Mais c'est comme ça que les transistors se sont retrouvés au Japon!

M. Rousseau: Ouais! mais... Une voix: Les Japonais...

M. Rousseau: Ils se seraient retrouvés au Japon de toute façon! Ha, ha, ha!

M. Léonard: Ha, ha, ha!

M. Proulx: Je crois que votre question est importante. Je ne crois pas que c'est en baissant le niveau de qualité...

M. Léonard: Non, je suis d'accord.

M. Proulx: ...qu'on va faire que la recherche va se faire au Québec et que ce sont les entreprises du Québec qui vont profiter des contrats. Je crois que c'est en montant le niveau de qualité que les entrepreneurs locaux, qui sont plus près d'Hydro-Québec, qui la comprennent mieux que les entrepreneurs d'ailleurs... À ce moment-là, ça les favorise — c'est paradoxal, mais ça les favorise — à développer une expertise qui à ce moment-là sera exportable.

En ce qui concerne la propriété intellectuelle, on a parlé beaucoup de libre-échange dans les dernières

années et des barrières tarifaires. C'est une barrière tarifaire subtile des Américains que d'accorder une telle propriété intellectuelle à leurs contracteurs. On peut vous donner des exemples de logiciels qui sont maintenant commercialisés à travers le monde par des entreprises américaines et qui ont été développés à l'occasion d'un contrat avec le «Department of Defense» des États-Unis.

M. Léonard: Bon. Sur les soumissions, je trouvais la suggestion des recommandations 7 et 8... Alors, je pense que c'est assez clair, ce n'est plus le plus bas soumissionnaire conforme, mais les soumissions doivent être évaluées selon l'innovation technologique et la performance technique. Je comprends que le montant au bas d'une soumission, c'est un montant absolument objectif compte tenu des conditions, etc. Comment ferez-vous pour évaluer l'innovation technologique et la performance technique? Comment vous allez évaluer ça? Parce que là on s'écarte d'un chiffre qui est un critère qui peut être bête et méchant, mais qui en est un, et très objectif.

M. Rousseau: Le critère, effectivement, je pense qu'on n'a pas le choix. On ne peut plus se permettre au Québec de toujours acheter, comme je l'ai souvent dit, la plus vieille technologie au plus bas prix possible; il faut trouver des moyens dans les soumissions, au niveau de l'évaluation de la qualité... C'est sûr que ça peut être subjectif. Peut être qu'il faut donner cette marge de 10 % ou de 15 % en faveur d'un produit qui est plus innovateur ou plus performant, mais il faut arrêter, il y a trop de... il y a un découragement, une absence d'encouragement à l'innovation ou à fournir des produits d'innovation. quand on demande, on achète au plus bas soumissionnaire, c'est certain que le produit qui est innovatif n'est pas le plus bas, peut ne pas être le plus... 11 peut être le plus performant et avoir le meilleur ratio qualité-prix sur une longue période, mais le critère qu'on a souvent dans les ministères, de mettre une note à 70 %... donc, pour gagner, il faut viser juste 70 %, de telle sorte que ça coûte le moins cher possible. c'est un mauvais calcul. il faut, au contraire, qu'on relève — c'est la bataille qu'on veut faire sur les marchés publics en général et pas seulement pour hydro-québec — la barre technologique des produits qu'on consomme au québec pour que nos entreprises locales, parce. qu'elles vont avoir un accès privilégié à cette information-là, développent des produits technologiques de meilleure qualité qui sont les seuls qui vont pouvoir être exportés par la suite.

M. Léonard: C'est ça qui servirait de critère pour des contrats structurants, comme vous les appelez?

M. Rousseau: Oui, des produits plus performants, qui peuvent être exportés par la suite, mais qui sont en haut de la barre, en haut des normes internationales, s'il le faut. C'est la seule façon que notre marché... On n'a pas de grand marché au Québec. Notre grand marché, c'est le marché public. C'est la seule façon qu'on se développe ou qu'on fasse développer l'entrepreneurship pour des produits innovateurs au Québec par ce biais-là; dans le contexte de libre-échange, c'est parfaitement légal de mettre la barre plus élevée, et ça donne effectivement un avantage à nos entreprises locales parce qu'elles sont mieux informées de cette barre.

M. Léonard: O.K. Je reviendrai.

Le Président (M. Audet): D'accord? Je vais maintenant reconnaître M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Oui. Moi, je souscris, et c'est une douce musique, à vos recommandations 7 et 8, parce que je pense que la théorie du plus bas soumissionnaire conforme, ses origines, voilà quelques décennies passées, on sait pourquoi elle a été instituée. Vous avez doublement raison de dire que si on veut s'ouvrir, et j'ajouterais peut-être, moi, s'ouvrir et accroître notre qualité, ce n'est pas en nivelant par le bas, c'est en élevant les standards. Je mettrais peut-être aussi au numéro 8, comme un autre critère, le contenu en recherche et développement aussi qui est parallèle un peu avec l'innovation.

J'ai très peu de temps. J'aimerais revenir à la page 6 de votre mémoire. Vous avez énuméré une série de catégories où vous n'aviez rien trouvé d'inclus au niveau du plan de développement. Il y a le dernier critère, lorsque vous parlez de la formation technologique et du ressourcement du personnel. Il y a deux problématiques. Il y a celle qu'on a vue au niveau, par exemple, du développement des technologies et de l'expertise québécoise, au niveau de l'efficacité énergétique à partir de nos maisons anciennement... on semble avoir un vacuum. Alors, est-ce que c'est à ça que vous vous adressez ou si vous vous adressez plutôt au personnel d'Hydro-Québec, lorsqu'on parle de formation technologique et de ressourcement? (21 h 40)

M. Rousseau: On s'adresse au personnel d'Hydro-Québec.

Veux-tu ajouter quelque chose?

M. Proulx: Oui. Cette recommandation-là est à l'effet qu'il y a plusieurs de nos membres qui sont dans le transfert technologique et qui ont une capacité de formation technologique et de prendre du personnel et de le ressourcer. Ils aimeraient obtenir des contrats structurants pour pouvoir faire ce genre d'affaires avec Hydro-Québec. Si Hydro-Québec a une transformation des capacités de son personnel à faire, elle peut recourir à une formation interne, se doter elle-même de moyens. Nous, nous recommandons qu'Hydro regarde plutôt à l'extérieur pour pouvoir se procurer ces moyens de formation.

M. St-Roch: autre question. au niveau de l'efficacité énergétique, est-ce que vous avez eu une chance de regarder le travail de recommandations d'hydroquébec? parce qu'il y a deux avenues, là. lorsque je regarde, moi, au niveau de l'efficience, il y en a beaucoup qui vont faire appel à m. et mme tout-le-monde, surtout dans le secteur domestique. il y a deux catégories, là-dedans, qui sont la domotique et l'immotique. est-ce que vous pensez que c'est une avenue où on devrait accélérer davantage pour s'assurer qu'on a cette garantie-là qu'on va rencontrer nos objectifs au niveau des économies d'énergie dans ces deux secteurs-là, qui sont commercial et résidentiel, et qui représentent quand même 60 % des économies globales prévues par hydroquébec? est-ce qu'on a l'expertise, puis est-ce que c'est un champ, d'après vous, avec votre expertise de recherche, qu'on devrait accélérer?

M. Rousseau: Je pense que c'est un champ qui est très intéressant à développer ou à faire développer au Québec. Le problème, certainement, au Québec, c'est que l'énergie est très bon marché comparé au niveau international. Et c'est clair que, les Japonais, ils ont développé des climatiseurs très petits et très efficaces énergétiquement parce que ça coûtait énormément cher chez eux; donc, le marché était là naturellement. Le marché, chez nous, n'est pas là naturellement pour les économies d'énergie parce que l'énergie ne coûte pas cher. Je pense que, oui, il faut faire des efforts pour économiser l'énergie et tout ça, mais le marché ne se développera pas tout seul, tant qu'on n'élèvera pas le coût de l'énergie à un niveau beaucoup plus élevé, ce qui, politiquement, bon, est probablement difficile à faire. Mais les autres, ceux qui paient l'énergie cher, sont psychologiquement ou matériellement mieux placés pour développer ces technologies-là. Donc, on va avoir de la concurrence sur le plan international.

M. St-Roch: Oui, au niveau de l'équipement, mais, par contre, en regardant... Parce que, avec cette commission, on peut regarder différents ministères aussi. Mais au niveau des contrôles... Puis, là, je fais appel à la maison dite intelligente, avec toute l'informatique qu'on prévoit; il me semble qu'à l'heure actuelle on n'a rien à envier, au Québec, au niveau de cette recherche-là. Il y aurait peut-être une opportunité en or, combinée avec les sommes... Parce qu'Hydro-Québec aura quand même 2 000 000 000 $ à investir. Il y aurait peut-être un créneau, là. Puis je souscris à votre thèse de dire: Bien, allons nous trouver une petite niche quelque part puis devenons le grand poisson mondial dans cette petite niche-là. Dans ce sens, est-ce que vous ne croyez pas qu'on devrait profiter de ce qui m'apparaît, à l'heure actuelle, un avantage pour pousser puis accélérer dans un contexte, aussi, de développement durable?

M. Proulx: Bien moi, je pense que, voilà, ce serait peut-être un bon exemple qu'un entrepreneur puisse faire une proposition à Hydro-Québec pour développer ce genre d'expertise de technologie.

Le Président (M. Audet): Ça va? M. le député d'Iberville.

M. Lafrance: Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais joindre ma voix à celle de mes collègues pour remercier l'Association de la recherche industrielle du Québec pour la qualité du mémoire que vous nous avez présenté. Je vous remercie aussi, MM. Rousseau, Proulx et Demers, de votre présence ici ce soir. Nul doute que votre présence ainsi que votre mémoire vont nous aider dans l'accomplissement de nos travaux. Soyez assurés, aussi, que je partage entièrement l'importance que vous donnez à la recherche et au développement pour le Québec.

J'aimerais, si vous me le permettez, peut-être m'arrêter sur deux points. Tout d'abord, en page 5 de votre mémoire, vous dites, et c'est des propos qui m'ont frappé, ça, que, «selon la perception générale des industriels, Hydro-Québec demeure aujourd'hui une entreprise encore trop centrée sur elle-même, et plutôt fermée par rapport aux contributions venant de l'externe. Sa taille et son domaine exclusif d'activité en font une entreprise affligée de pratiques et de modes de fonctionnement bureaucratiques, avec laquelle il est difficile de traiter». Et vous continuez en disant: «Dans ses rapports avec l'externe, Hydro-Québec se montre plutôt largement satisfaite de ses propres ressources et réalisations, et beaucoup moins convaincue de l'opportunité stratégique des suggestions, apports, innovations et expertises externes.»

Or, depuis 1989, comme on le sait, Hydro-Québec a réorganisé en profondeur, justement, ses activités de recherche et de développement. Et ma question est la suivante: Est-ce que votre association, précisément, a été consultée et mise à contribution lors de l'élaboration des deux plans de la technologie produits par HydroQuébec depuis 1989?

M. Rousseau: Nous avons participé, comme je vous l'ai mentionné, aux consultations du plan de développement pour le dernier plan; pour celui d'avant, nous sommes intervenus en commission parlementaire, mais nous n'avions pas participé aux activités. Notre intervention, à ce niveau-là, ne touche pas du tout, comme on dit, le discours, la haute direction et la planification, elle touche beaucoup plus le vécu quotidien dans une grande entreprise qui est fait d'une multitude de comportements individuels. Et ça, on réalise aussi bien que n'importe qui qu'il est long de changer une culture d'entreprise.

Et ce qu'on mentionne aujourd'hui, c'est que ce n'est pas encore fait. Quand on a fait une table ronde de discussions d'industriels sur la préparation de ce mémoire-là, il est sorti un tas d'exemples que je ne veux pas mentionner, mais qui révélaient tous le même fonde-

ment de difficultés d'autosuffisance d'Hydro-Québec, et ce n'était pas des contacts avec la haute direction, c'étaient des contacts dans une division, dans une autre division, etc. Dans ce sens, il y a peut-être des messages clairs, il y a un changement de culture à effectuer, qui, je pense, est en train de s'effectuer, mais qui prend énormément de temps, et on voulait insister là-dessus. La perception était tellement uniforme au niveau des personnes qui ont participé à la discussion qu'on s'est dit qu'il fallait quand même transporter ce message-là, cette perception qu'ont les industriels quand ils traitent avec Hydro-Québec. Je ne sais pas si Jean-Marc a quelque chose à ajouter.

M. Proulx: Je voudrais simplement ajouter que nos membres constatent une certaine résistance au niveau des structures intermédiaires au discours, à l'implantation du discours officiel, du discours de la haute direction, pour répondre précisément à votre question.

M. Rousseau: Et ce n'est pas au niveau uniquement de la R & D, c'est un peu à tous les niveaux. Nos entreprises ne traitent pas avec Hydro-Québec uniquement au niveau de la R & D, elles traitent en termes de fournisseurs dans des domaines particuliers.

M. Lafrance: Vous avez remarqué quand même que dans l'élaboration du deuxième plan il y a eu une amélioration, si j'ai bien compris.

M. Rousseau: Oui, dans les plans, le processus de consultation a été extrêmement intéressant. Nous maintenons d'excellentes relations avec les directions technologiques d'Hydro-Québec. Nous avons des membres de cette direction-là qui siègent sur notre conseil d'administration et tout. Je veux dire, la volonté y est, mais il y a une implantation ou un changement de mentalité à effectuer un peu à tous les niveaux. Je pense que la direction actuelle va dans cette direction-là, mais on pense qu'il y a des changements à effectuer dans ce sens-là pour qu'il y ait moins d'autosuffisance et beaucoup plus d'ouverture vers l'extérieur.

M. Lafrance: Merci. Maintenant, en page 7, vous mentionnez... En fait, vous louangez énormément l'activité de la R & D d'Hydro-Québec puisque vous dites qu'elle «constitue un élément clé du développement de la capacité technologique future des entreprises québécoises du même secteur — et vous continuez en disant principalement — de leur capacité à exploiter, à développer, à intégrer les technologies actuelles et nouvelles dans de nouveaux produits et services de grande qualité, hautement compétitifs et exportables».

Or, dans son plan de développement, HydroQuébec propose de consacrer, je pense, 2 % de son chiffre d'affaires à la recherche et au développement à l'horizon des années 2000. Quelle est votre perception de l'importance, justement, attribuée par Hydro-Québec à la recherche et au développement? Est-ce que vous pensez que c'est suffisant, selon vous? (21 h 50)

M. Rousseau: on aimerait toujours un peu plus, mais je pense que l'effort qu'hydro-québec va consacrer à la recherche-développement est important. est-ce qu'elle pourrait faire plus? je ne le sais pas. mais on n'a pas voulu se prononcer sur cet aspect-là ou dire: bon. il faut 2,5 % ou il faut 3 %. je pense que, si hydro-québec consacre 2 %, elle sera un des leaders industriels, dépendamment des secteurs, surtout avec l'ampleur de ses revenus. j'aimerais bien que tous les ministères du gouvernement dépensent 2 % en recherche-développement; on serait très, très, très contents. donc, de ce niveau-là, on est satisfaits. je pense qu'il faut se consacrer sur l'aspect de bien dépenser ces sous-là. je veux dire que, à partir d'un certain niveau, bien dépenser vaut aussi bien que dépenser plus. je pense que le niveau est correct, et on en est satisfaits.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci. Je voudrais revenir à des remarques que vous avez faites à l'effet qu'Hydro-Québec s'est bureaucratisée avec le temps, qu'il y a une routine qui s'est instaurée, plus ou moins. À la page 7, vous parlez des politiques de faire-faire et des pratiques d'impartition, de ce que vous traduisez par «outsourcing». J'imagine que cela signifie qu'on ferait beaucoup plus appel à de la sous-traitance. Tout à l'heure, on parlait de la question de la propriété intellectuelle, qui est centrale là-dedans. Vous pensez que ça devrait être fait sur une très grande échelle à Hydro-Québec actuellement. Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples et expliciter davantage?

M. Rousseau: Oui, je vais demander à mon collègue...

M. Léonard: Parce que ça me paraît quand même un peu la tendance générale de votre mémoire de dire: Secouez-vous, sortez de vos bureaux, soyez réceptifs à ce qui se dit à l'extérieur.

M. Rousseau: Avant de passer la parole à mon collègue, il y a différentes façons de faire un projet avec du personnel à l'externe. On peut aller chercher la personne à l'externe pour faire une partie très technique, pour laquelle on n'a pas l'expertise interne, et se garder à l'interne un peu la poutine, le travail qu'on est capable de faire à l'interne. Au bout de la ligne, on a un produit qui est probablement bon pour Hydro-Québec, sauf que ce produit-là, comme il est fait de deux morceaux séparés, ni Hydro-Québec, ni l'entreprise n'ont la connaissance complète du produit pour l'exporter, pour le faire évoluer. Alors que, même si ça avait coûté peut-être à Hydro-Québec un petit peu plus cher de tout confier à

l'entreprise, elle aurait développé l'expertise totale de ce produit-là, la maîtrise totale, et elle aurait pu envisager de l'exporter ailleurs.

Aux États-Unis, il y a 200 compagnies d'électricité sérieuses et plus; c'est un marché important. Ces entreprises-là ne sont pas toutes plus petites qu'Hydro-Québec; il y en a plusieurs qui sont plus grandes qu'Hy-dro-Québec, mais elles ont souvent besoin de technologies qui peuvent avoir été développées ici. Mais si on ne les développe pas de façon concertée, avec un produit, un «package» sous la maîtrise d'un contracteur qui peut l'exporter, on manque notre but. On en a fait un petit peu à sous-contrat et on en a fait un peu à l'interne pour satisfaire tout le monde, mais le produit n'est pas complet, n'est pas viable à l'exportation. C'est des exemples que je connais qui se sont passés comme ça. Jean-Marc en a peut-être d'autres.

M. Proulx: Oui. Notre recommandation, dans le fond, dit à Hydro-Québec qu'il y a possibilité de créer plus de valeur à l'intérieur du Québec en créant la même production, en faisant autrement sur les moyens de production. C'est ça qui est important. C'est cette valeur-là que des entreprises pourront aller chercher et exporter, en créant la même production au même coût, en faisant autrement.

Par exemple, il est maintenant reconnu dans plusieurs autres industries qu'il est très profitable pour une grande entreprise de se concentrer sur sa mission et que toutes ces missions périphériques, tous ces moyens périphériques puissent être donnés à l'extérieur; ce qui empêche la bureaucratie de s'installer, ce qui empêche — comme on dit chez nous un peu — l'entropie de se propager à l'intérieur de l'entreprise. C'est ça qu'on dit à Hydro-Québec: En faisant autrement sur ses moyens, en confiant à une firme, par exemple, quelque chose qui est mesurable, une partie des moyens qui est mesurable, et en exigeant des critères de qualité, il y a moyen de créer plus de valeur.

Je peux revenir sur le 2 % que vous mentionniez tout à l'heure. Je ne sais pas si... Vous savez, 2 %, c'est plus haut que la moyenne canadienne...

M. Léonard: Oui, mais c'est pas mal plus bas que...

M. Proulx: ...mais c'est moins élevé que la moyenne européenne.

M. Léonard: Oui.

M. Proulx: C'est moins élevé qu'en France, où c'est 3 %; c'est moins élevé qu'en Allemagne, où c'est 5 % ; et là on parle de toutes les entreprises, pas uniquement des entreprises... de toute l'industrie. Et nous, à l'ADRIQ, on serait très contents aussi si les entreprises québécoises consacraient 2 % de leur chiffre d'affaires. C'est un de nos objectifs, nous, à l'ADRIQ, de favori- ser, de faire en sorte que les entreprises puissent consacrer plus à la recherche et développement.

M. Léonard: ii y a un chercheur de l'université laval qui avait démontré que les coûts d'administration de la recherche étaient de 0,7 %, à peu près; sur le 2 %, il y en a 0,7 % qui va à l'administration. c'est sûr que lorsque vous dépassez, lorsque vous atteignez 3 %, la part résiduelle, c'est 2,3 %, et non pas 1,8 %, si vous êtes à 2,5 %. alors, ça, qu'hydro-québec dise qu'en l'an 2000 ils vont atteindre 2 %, ce n'est pas encore les gros chars. c'est, je pense, un minimum. je le dis comme je le pense.

Je voudrais encore une fois, moi, en terminant, vous féliciter pour votre mémoire parce que, moi, ça me renseigne; ça m'instruit beaucoup, d'abord, ça me renseigne, et je pense aussi que la ministre peut en faire non seulement son profit, mais ses délices.

Mme Bacon: Ha, ha, ha! C'était tout aussi délicieux de les entendre.

Le Président (M. Audet): Messieurs, au nom des membres de la commission de l'économie et du travail, je vous remercie de votre présentation. Nous avons pris bonne note de vos recommandations.

Ça met fin à nos travaux pour cette journée et cette semaine. Alors, je vais suspendre nos travaux jusqu'au mardi 2 mars, à 10 heures. Merci, bonsoir.

(Fin de la séance à 21 h 58)

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