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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le jeudi 18 mars 1993 - Vol. 32 N° 41

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de plan de développement 1993-1995 d'Hydro-Québec


Journal des débats

 

(Neuf heures six minutes)

Le Président (M. Bordeleau): À Tordre, s'il vous plaît!

Je déclare la séance de la commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale sur la proposition de plan de développement 1993-1995 d'Hydro-Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui. Dans un premier temps, il y a des modifications à la composition de la commission. M. Christian Claveau, député d'Ungava, remplace Mme Luce Dupuis, et Mme Louise Harel, députée de Hoche-laga-Maisonneuve, remplace Mme Jeanne Blackburn.

Maintenant, pour ce qui est des remplacements pour la journée, M. Bélanger (Laval-des-Rapides) par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Charbonneau (Saint-Jean) par M. Fradet (Vimont) et M. Claveau (Ungava) par Mme Marois (Taillon).

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le secrétaire.

L'ordre du jour de cette journée: à 9 heures, nous allons recevoir l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité; à 10 heures, l'Université de Montréal; à 11 heures, Norton Céramiques avancées du Canada inc. Cet après-midi, à 15 heures, nous recevrons l'Association des consommateurs du Canada inc.; à 16 heures, TransCanada Pipelines Ltd; à 17 heures, le Groupe de recherche en éthique environnementale. À la séance de ce soir, le Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentides, à 20 heures, et, à 21 heures, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec.

Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

M. St-Roch: Adopté. M. Jolivet: Adopté.

Le Président (M. Bordeleau): Parfait. Déjà, les représentants de l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité ont pris place à la table. J'aimerais tout simplement vous rappeler le temps qui est alloué. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire; ensuite, il y aura une période de questions — 20 minutes, 20 minutes — qui sera partagée entre le parti ministériel et l'Opposition officielle. Je vous demanderais, M. Mazzarello... C'est ça?

M. Mazzarello (Michael): Oui. C'est M. Boisvert qui va commencer.

Le Président (M. Bordeleau): M. Boisvert. Alors, je vais vous demander, avant de commencer votre présentation de 20 minutes, de faire la présentation des personnes qui vous accompagnent. On demande aussi, si les personnes interviennent, qu'elles se nomment avant d'intervenir, de façon à faciliter la transcription des débats. M. Boisvert.

Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité (AQCIE)

M. Boisvert (René): Bonjour. Mon nom est René Boisvert, de la compagnie SKW Canada. Je suis un des directeurs de l'AQCIE, l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité; à ma gauche, le président actuel de l'Association, Mike Mazzarello, de la compagnie ICI, et, à ma droite, le président sortant de l'Association, Jules Bouchard, de la compagnie Dow, à Varennes.

M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, madame, et messieurs, bonjour. Je veux, tout d'abord, vous remercier de cette opportunité d'exprimer nos commentaires sur le plan de développement d'Hydro-Québec. Quelques graphiques et tableaux vous ont été distribués avant la séance, auxquels nous nous référerons pendant notre présentation.

Tout d'abord, ce qu'est l'AQCIE. C'est une association fondée en 1981, qui comprend actuellement 30 membres qui sont tous de grands utilisateurs d'électricité dans différents domaines au Québec. Environ 16 % de l'énergie totale vendue par Hydro-Québec est vendue à nos membres et la facture globale annuelle de ces 30 membres est de 600 000 000 $. Le rôle de l'AQCIE est de favoriser l'échange d'informations sur l'utilisation et la consommation d'électricité, et d'assurer à ses membres qu'Hydro-Québec offre des programmes industriels compatibles à leurs besoins et des règlements tarifaires justes et équitables.

L'Association est reconnue par Hydro-Québec comme un intervenant majeur et une source d'information utile à ses prises de décisions. (9 h 10)

Ce document, présenté à la commission de l'économie et du travail, se veut un reflet des préoccupations des utilisateurs industriels d'électricité face à la proposition de plan de développement d'Hydro-Québec. Certains des points soulevés vont toutefois au-delà des seuls intérêts de l'industrie et concernent tous les consommateurs québécois. Les orientations tarifaires à long terme, décrites à l'annexe 7 de la proposition de plan de déve-

loppement, ont soulevé la plupart des questions de la part des industries et les points suivants ont été retenus pour présentation. En premier lieu, nous parlerons du coût de l'électricité, puis de la qualité du service et des coûts de fourniture.

Les programmes d'efficacité énergétique et le développement des marchés ont également retenu notre attention, et notre position sur ces sujets rejoint celle d'Hydro-Québec. Dans le cas de la cogénération, plus d'emphase doit être mise sur ce programme afin de permettre à plus d'industries d'en tirer profit et de se battre à armes égales avec la compétition nord-américaine. l'objectif d'hydro-québec est de maintenir les hausses de tarifs selon ses prévisions de l'inflation pour les prochaines années: 2,3 % en 1993 et 2,7 % en 1994. pour la majorité des industriels québécois, la position concurrentielle d'hydro-québec continuera de se dégrader avec ces hausses, car la compétition fait mieux actuellement. je vous inviterais, à ce sujet, à prendre le document qu'on vous a distribué, à la page 2. c'est le document qui est intitulé «coût de l'électricité». on parle d'une industrie de 20 mw, 12 000 mwh par mois. ça représente une industrie de taille moyenne parmi nos membres, parmi la grande industrie. c'est une usine qui utilise cette demande de 20 mw à environ 82 % d'utilisation. sur le graphique, à gauche, l'échelle est en cents par kilowattheure, et vous avez les données depuis 1986 jusqu'à 1992. ces données ont été compilées par l'équivalent de l'aqcie en ontario, qui est l'association des manufacturiers en ontario. on peut voir sur ce graphique qu'hydro-québec, qui est la ligne foncée, la ligne plus large, occupait la troisième place parmi les producteurs d'électricité canadiens en 1986. l'écart entre hydro-québec et le manitoba, qui était à ce moment-là le producteur avec les coûts les plus bas, était d'environ 10 %. en 1992, hydro-québec est maintenant en quatrième place et se rapproche dangereusement de la cinquième et de la sixième position. on voit que la colombie-britannique, au cours de 1989, en raison du contrôle des coûts, a réussi à maintenir ses tarifs et est maintenant en troisième position. on peut également ajouter qu'en plus de cette quatrième place, sur 9 producteurs canadiens, un de nos membres, qui exploite 23 usines à travers l'amérique du nord, classe présentement hydroquébec en quatorzième position pour ce qui est des tarifs d'électricité.

À la page 3 du document, vous trouvez également un graphique où on présente l'indice des prix de vente pour l'électricité vendue au-dessus de 5000 kW, ce qui représente le tarif L ou l'écart entre les grands utilisateurs d'électricité et les autres. Sur ce graphique, l'année 1986 a été choisie comme base et est équivalente à 100 sur l'échelle. On peut voir que, depuis 1986, Hydro-Québec est la deuxième pire compagnie au Canada pour ce qui est des hausses de tarifs, après l'Ontario. Je ne crois pas avoir besoin de vous expliquer la situation actuelle en Ontario. On a tous vu dans les journaux les différentes mesures qui devront être prises en Ontario pour rétablir la situation. Un gel des tarifs a déjà été déclaré pour 1994, et il est évident que les entreprises en Ontario ont pressé le bouton panique pour ce qui est des hausses de tarifs.

La situation au Québec n'est pas aussi pire, n'est pas encore à ce stade, mais on peut voir sur ce graphique dans quelle direction les hausses actuelles nous conduisent. On peut voir également que la Colombie-Britannique, qui est un autre réseau d'hydroélectrique dont les caractéristiques se rapprochent le plus du réseau d'Hydro-Québec, a réussi à maintenir ses hausses de tarifs à moins de 5 % depuis 1986, alors que, dans le cas d'Hydro-Québec, ces hausses ont été d'environ 37 %. Ces données ont été recueillies dans un document de Statistique Canada de 1992.

De plus, l'AQCIE est actuellement très sceptique quant à la capacité d'Hydro-Québec de reprendre le contrôle de ses coûts et d'appliquer les mesures drastiques qui s'imposent. De 1986 à 1992, les charges d'exploitation ont augmenté de plus de 70 % alors que les ventes totales demeuraient au même niveau.

À cet effet, je vous inviterais à prendre la page 4 du document, où on voit les charges d'exploitation et les ventes totales d'Hydro-Québec à tous les marchés. Encore là, l'année 1986 a été choisie comme base et est équivalente à 100. On peut voir qu'après une légère hausse en 1987 il y a eu des baisses dans les ventes en volume en 1988, 1989 et 1990, une légère hausse en 1991 et en 1992, mais le niveau des ventes actuelles d'Hydro-Québec est au même point qu'en 1986, alors que les charges d'exploitation ont augmenté de plus de 700 000 000 $. La faible hydraulicité des dernières années peut expliquer une partie des augmentations, mais, étant donné le caractère temporaire et ponctuel des dépenses occasionnées par cette situation, les charges devraient maintenant diminuer avec le retour à la normale des niveaux de réservoir. à la page 5 du document qu'on a distribué, on a également des statistiques sur la productivité d'hydro-québec pour la période 1986 à 1992. ces données ont été compilées à partir des rapports annuels d'hydro-québec. l'échelle est en millions de kilowattheures vendus par employé permanent. on peut voir qu'un maximum a été atteint en 1987 et que, depuis ce temps, la productivité d'hydro-québec est à la baisse. nous désirons également rappeler qu'hydro-québec a actuellement plus de 21 000 employés permanents et que le nombre d'employés temporaires n'a cessé d'augmenter depuis 1986 et atteint maintenant plus de 6000 employés. avec plus de 27 000 employés, dont 22 % temporaires, on est bien loin de l'époque des 12 012.

Hydro-Québec espère être perçue comme la meilleure entreprise d'électricité au Canada d'ici l'an 2000, mais, pour ce faire, des gestes très significatifs devront être posés, et nous demandons un gel des tarifs pour les 5 prochaines années, ce qui correspond au temps requis par Hydro-Québec pour retourner à sa position de première compagnie au niveau des tarifs au Canada.

Au sujet de la qualité du service, nous devons admettre que les efforts déployés par Hydro-Québec afin

de régler les cas problèmes ont porté fruit et qu'une nette diminution de la quantité et de la longueur des interruptions a été enregistrée. Hydro-Québec part cependant de très loin dans ce domaine car l'objectif de 4 heures d'arrêt par an et client se compare difficilement aux résultats actuels de 10 minutes par an et client de certains producteurs américains. La formule de «rapport de l'événement» par les industries touchées par une panne est un bon outil, mais un communiqué régulier par Hydro-Québec à ses quelque 200 clients industriels des dernières statistiques disponibles sur les pannes, micro-coupures ou autres nouvelles les concernant plus particulièrement serait très apprécié.

Il ne faut pas oublier également que la qualité du service est un concept beaucoup plus vaste que la qualité de l'onde électrique seulement. Une grande part des critiques sur la qualité du service porte sur des items tels le système téléphonique, la facturation et la connaissance des programmes offerts par Hydro-Québec à l'industrie. (9 h 20)

Nous avons fait également, dernièrement, un relevé des 27 objectifs du Défi performance d'Hydro-Québec qui seront étudiés plus tard, je crois, en commission parlementaire. Nous voulons rappeler que, sur ces 27 objectifs, il n'y en a qu'un seul qui est spécifique à l'industrie, l'objectif 14, et que, dans plusieurs autres cas, les données des 200 clients du secteur industriel sont noyées au travers des données de plus de 3 000 000 d'abonnements domestiques. Nous aimerions qu'une compilation séparée de certains de ces objectifs soit faite afin que les industries au Québec puissent avoir les données les concernant.

À ce sujet, on pourrait également ajouter d'autres objectifs qui nous tiennent à coeur, soit le nombre d'erreurs dans la facturation et le délai avant de régler les erreurs de facturation. Nous voulons également rappeler qu'une microcoupure pour le domestique ne veut dire que remettre les pendules à l'heure, mais, pour une industrie, dans plusieurs cas, afin d'avoir un arrêt et une mise en marche sécuritaire, un arrêt de seulement une microseconde peut représenter 24 heures d'arrêt.

Dans l'introduction à l'annexe 7 du projet de plan de développement «Orientations tarifaires à long terme», on retrouve l'énoncé suivant: «Cette proposition d'orientation vise à assurer un meilleur reflet des coûts de fourniture et à donner un signal plus adéquat en faveur d'une utilisation rationnelle de l'électricité, ce qui devrait permettre à long terme de réduire la croissance des coûts de fourniture et des tarifs d'électricité.»

On ne peut qu'être d'accord avec cet objectif, mais, selon l'AQCIE, la méthode utilisée ne reflète pas fidèlement les coûts de fourniture. À ce sujet, on peut prendre le document à la page 6, qui est intitulé «Les coûts moyens de fourniture de l'électricité». On peut voir la portion du graphique qui est en noir, qui représente les coûts de production et de transport. On peut voir qu'à ce chapitre, selon les calculs actuels, la différence dans les coûts de production entre la grande puissance haute tension et le tarif domestique est de moins de 10 %. Selon nous, cet écart devrait être beaucoup plus grand. on se réfère ensuite à la page 7 de notre document où on a la courbe des puissances classées. en termes clairs, cela signifie la quantité d'équipements requis pour alimenter chacune des catégories de clients pendant les 8760 heures de l'année. on peut voir que, pour le tarif d, le tarif domestique, la charge pendant les heures creuses de l'été peut atteindre un minimum d'environ 1000 mw et que cette charge, lors des heures de pointe de l'hiver, est 11 fois plus élevée, à 11 000 mw, ce qui amène l'utilisation, pendant moins de 1500 heures, d'équipements intermédiaires, 2510 mw d'équipements dont le coût est évalué à 0,065 $ du kilowattheure. on voit également l'utilisation d'équipements de pointe pendant moins de 300 heures pour 1065 mw à 0,447 $ du kilowattheure. on peut voir que, dans le cas du tarif industriel, le facteur d'utilisation des industries au québec est d'environ 85 % et que la quantité d'équipements requis pendant moins de 1500 heures pendant l'année est très faible à 203 mw. c'est ce profil de charge qui nous amène à croire que l'écart entre les coûts de production et transport pour le domestique et la grande puissance devrait être de plus de 50 %.

La pénétration de l'électricité pour le chauffage des locaux au Québec n'a pas d'égal à travers le monde et cette énergie est vendue à perte. La méthode utilisée pour le calcul des coûts de production et transport doit être changée afin de montrer les vrais coûts de fourniture et permettre un réel débat sur l'interfinancement entre les catégories de clients.

Le tarif saisonnier obligatoire pour la clientèle industrielle est basé sur la méthode actuelle des coûts de fourniture et est, selon nous, complètement illogique car la charge industrielle n'a pas un comportement saisonnier. Un tel tarif ne peut entraîner que des pertes d'emplois dans l'industrie et des pertes de revenus pour Hydro-Québec. L'objectif très restreint d'un déplacement de 50 MW de charge de l'hiver à l'été est un aveu dès le départ d'Hydro-Québec que cette mesure n'aura presque aucun effet bénéfique sur une baisse des coûts de fourniture. En effet, 50 MW représentent moins de 1 % de la demande d'Hydro-Québec pendant la période de pointe. Ce n'est pas un déplacement de kilowattheures d'hiver en été auquel nous assisterons dans le cas d'un tarif saisonnier obligatoire, mais à un déplacement de ces kilowattheures sous des cieux plus cléments. la très grande différence de consommation d'électricité du québec entre l'hiver et l'été a également un autre effet très important et coûteux pour tous les clients. en effet, pour respecter ce profil de charge, plusieurs centrales existantes ont été suréquipées et les futures centrales de base, sur les planches à dessin actuellement, auront un facteur d'utilisaton de 60 % contre 80 % pour la phase i de la baie james, avant suréquipement, et les projets antérieurs. en termes clairs, cela veut dire un investissement en équipement de 33 % supérieur, 4 turbines au lieu de 3 pour le même barrage et l'accélération du programme de construction

sans qu'un seul kilowattheure supplémentaire soit produit.

Le Président (M. Bordeleau): Si vous voulez conclure, M. Boisvert, votre temps est...

M. Boisvert: C'est bien, j'en ai seulement pour 1 minute.

Le Président (M. Bordeleau): Parfait.

M. Boisvert: II faut absolument qu'une ou des alternatives viables au chauffage électrique domestique soient offertes et que le coût réel du chauffage à l'électricité se reflète dans les tarifs au plus tôt. La mode du «tout à l'électricité» fait en sorte que cette situation se détériore constamment et que le prix élevé à payer pour des équipements utilisés une faible partie du temps deviendra très vite exorbitant pour tous les consommateurs.

La bonne santé financière d'Hydro-Québec, qui n'a pas d'égal au Canada, ainsi qu'une reprise sous contrôle des charges d'exploitation et de la croissance de la demande peuvent faire d'Hydro-Québec le meilleur producteur d'électricité au monde. Le premier geste significatif qui doit être posé est un gel des tarifs pour les 5 prochaines années. Une revue en profondeur de la méthode de calcul des coûts de fourniture doit également être effectuée afin de clairement démontrer l'effet néfaste du profil de charge actuel et l'ampleur de l'interfi-nancement entre les catégories de clients. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Boisvert. Je laisse maintenant la parole à Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources pour la période de questions.

Mme Bacon: Messieurs, je voudrais vous remercier d'être venus ici rencontrer les membres de la commission et d'avoir fait avec nous cette période de réflexion, et je vous encourage à continuer dans le même sens. Vous affirmez, dans votre mémoire, en bas de la page 2, que le programme d'Hydro-Québec sur la cogé-nération «doit être amélioré afin de permettre à plus d'industries d'en tirer profit et de se battre à armes égales avec la compétition nord-américaine». Est-ce que vous pouvez nous indiquer comment ce programme de cogénération pourrait être modifié pour permettre d'en faire bénéficier plus d'industries?

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Mazzarel-lo.

M. Mazzarello: Je pourrais répondre à ça, oui. Actuellement, je pense qu'Hydro-Québec est en train de négocier avec des compagnies un total de 1200 MW. Je pense que c'est important que tous les...

Mme Bacon: On peut régler pour 760? Elles négocient avec plus pour avoir 760, c'est ça?

M. Mazzarello: oui, c'est ça. et le point qu'on voudrait faire, c'est que tous les 1200 qu'ils négocient, je pense que c'est des industries pour qui la «cogen», c'est important. vous allez le voir dans le dernier tableau, à la page 9. ça, c'est un exemple d'un des projets qui est déjà en négociations, c'est le projet de tran-salta à bécancour. un des bénéficiaires de ce projet, c'est la compagnie, ici, dont je fais partie, qui est une compagnie de chlore alcali. actuellement, nous compéti-tionnons avec toutes les compagnies que vous voyez dans cette page. ces compagnies combinées ont une capacité de 60 % de tout le chlore produit en amérique du nord. alors, 60 % de notre compétition a déjà une «cogen». et c'est important que, nous autres, notre projet soit accepté aussi, on fait partie de ça. le point qu'on essaie de faire, c'est qu'hydro-québec s'est déjà lancée dans la «cogen», elle a bien fait, et c'est très important que tous les projets possibles soient acceptés.

Mme Bacon: Mais allez-vous jusqu'à dire que tous les projets qui ont été soumis devraient être acceptés? Je pense qu'ils doivent être analysés au départ.

M. Mazzarello: Oui. Il y a déjà eu plusieurs analyses depuis presque 1 an. On avait commencé avec 8000, on est descendu de 8000 à 5000, de 5000 à 2750. Je pense que la plus grande part des projets qui restent — c'est à peu près 1200 — ont tous une bonne base financière et économique. J'encouragerais de plus en plus que, disons, des décisions soient prises là-dessus et que le plus possible de ces projets puissent être acceptés. (9 h 30)

Mme Bacon: Est-ce que la notion du coût évité vous apparaît une bonne base?

M. Mazzarello: Oui.

Mme Bacon: Vous êtes d'accord avec ça?

M. Mazzarello: Oui, parce que je ne pense pas qu'Hydro-Québec devrait payer, pour la «cogen», un prix plus élevé. Alors, le prix évité, je pense que c'est une bonne base là-dessus.

Mme Bacon: Ça limite quand même. M. Mazzarello: Je suis d'accord. Mme Bacon: Ça amène une limite. M. Mazzarello: Oui.

Mme Bacon: Je demandais tantôt quelle sorte de mesures... Il n'y a pas d'autres mesures que vous proposeriez que d'accepter davantage de mégawatts. C'est ça?

M. Mazzarello: C'est ça. Une des choses qui nous embêtent peut-être un peu, c'est qu'on est en train

de négocier et la position d'Hydro-Québec, c'est qu'elle voudrait signer un contrat, mais elle voudrait avoir une clause pour qu'elle soit capable, plus tard, disons, de se retirer du contrat. Ce qu'on essaie de proposer, c'est que, si elle décide d'embarquer là-dessus, il n'y a pas besoin de cette clause.

Mme Bacon: Vous voulez un contrat fermé? M. Mazzarello: Exact.

Mme Bacon: Vous ne négocierez pas avec nous ce matin, votre message passe bien. Vous recommandez un gel tarifaire d'une durée de 5 ans comme un geste significatif à être posé par Hydro-Québec pour devenir non seulement la meilleure entreprise d'électricité au Canada, mais la meilleure au monde. Et, selon des évaluations préliminaires, un gel de 5 ans entraînerait un manque à gagner de plus de 1 000 000 000 $, en 1997. Je pense que c'est un manque à gagner qui devrait être compensé par une réduction des charges d'exploitation, pour ne pas porter atteinte à la santé financière d'Hydro-Québec. la réduction requise pourrait être aussi de l'ordre de 900 000 000 $ en valeur d'aujourd'hui, en 1993; c'est une réduction de 45 % des frais d'exploitation et d'entretien sur 5 ans. est-ce que votre association considère possible de rationaliser les dépenses d'hydro-québec au point de réduire de 45 % les frais d'exploitation sur 5 ans pour hydro-québec sans mettre en danger son fonctionnement normal? c'est beaucoup, ça, 45 %.

M. Boisvert: Je peux peut-être répondre à cette question. René Boisvert. On ne croit pas que toute la différence entre la situation actuelle et obtenir, justement, un gel des tarifs pour 5 ans peut venir d'un contrôle des charges d'exploitation. On a vu, cependant, que, depuis 1986, avec des ventes qui n'ont pas augmenté, les charges d'exploitation ont augmenté de plus de 700 000 000 $. Donc, nous sommes convaincus qu'il y a en ce domaine une certaine marge de manoeuvre. Nous croyons aussi qu'une partie de ce problème a été créée par la faible hydraulicité, mais nous pensons qu'avec un changement dans cette situation — car il est fort possible que cette situation change assez rapidement — il est fort possible qu'Hydro-Québec ait beaucoup plus d'électricité à vendre et des revenus beaucoup plus importants sans qu'une hausse de tarifs soit nécessaire.

Mme Bacon: Vous savez comme moi que, l'hydraulicité, on ne contrôle pas ça.

M. Boisvert: Non, mais, sans s'engager immédiatement pour 5 ans, on peut en faire un objectif, contrairement à l'objectif présent qui est d'avoir des hausses selon, je dis bien, la prévision de l'inflation et non l'historique de l'inflation de l'année précédente.

Mme Bacon: Mais, si on recommençait la période de sécheresse qu'on a connue pendant 5 ans, 6 ans, 7 ans, on ferait quoi avec ça?

M. Boisvert: Je pense qu'à ce moment-là c'est évident qu'on a un problème, et on ne pourrait pas se permettre une chose comme ça, parce qu'on est convaincus que toute la réduction ne peut pas se faire dans les charges d'exploitation. On croit, cependant, qu'il y a énormément d'argent qui peut être récupéré de cette façon.

Mme Bacon: Vous mentionnez, en page 4 de votre mémoire, que les efforts déployés par HydroQuébec pour réduire les pannes «ont porté fruit et qu'une nette diminution de la quantité et de la longueur des interruptions a été enregistrée». Vous estimez qu'Hydro-Québec part de très loin dans ce domaine de la qualité du service, parce que vous dites que son objectif de 4 heures par an et client «se compare difficilement au résultat actuel de 10 minutes par an et client de certains producteurs américains». Est-ce que vous pouvez nous indiquer les utilités publiques qui auraient réussi ce tour de force? Moi, je m'interroge beaucoup là-dessus. Est-ce que vous croyez possible, pour HydroQuébec, d'offrir à un prix acceptable cette même qualité de service, compte tenu de la longueur de ses lignes de transport et des conditions climatiques qui sont particulières au Québec, qu'on ne retrouve pas dans certains États américains?

M. Boisvert: À cette question, je peux répondre qu'il y a une compagnie, à l'heure actuelle, en Amérique du Nord, qui est à peu près de taille comparable à Hydro-Québec et qui est exploitée de façon un peu comparable, qui est la Tennessee Valley Authority, qui est une agence gouvernementale américaine; son résultat actuel est de 10 minutes par an et client. On peut également dire: On ne se fait pas d'illusions. La moyenne de 4 heures par an et client est supérieure à la moyenne canadienne, et la plupart des autres industries canadiennes ont également les même problèmes qu'Hydro-Québec. On sait très bien qu'un objectif de 10 minutes est probablement irréaliste, avec les conditions actuelles, sans des investissements majeurs, étant donné que les centres de production sont très éloignés. Cependant, dans Défi performance, l'objectif 14 a trait aux pertes de production pour les différentes usines du Québec. Ce chiffre était, en 1991, de plus de 500 pertes de production. Avec les efforts qui ont été faits pour les industries où il y avait réellement de très graves problèmes, où on avait 40 ou 50 arrêts par année, on a réussi à ramener ce chiffre à 320 en 1992. Cependant, l'objectif pour 1995 est de 270 pannes de production. Nous trouvons que cet objectif est encore trop élevé.

Mme Bacon: C'est terminé?

Le Président (M. Bordeleau): Oui. Je laisse maintenant la parole au député de Joliette.

Mme Bacon: Excusez-moi, je reviendrai.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Vous allez m'expliquer où est-ce que vous avez pris vos renseignements pour affirmer, dans votre texte, que le chauffage à l'hydroélectricité constitue une perte pour HydroQuébec.

M. Boisvert: Selon la méthode actuelle de calcul d'Hydro-Québec, en général, pour le tarif domestique, les revenus excèdent les coûts d'environ 7 % ou 8 %. Cependant, ce chiffre, c'est, globalement, sur le tarif domestique. On sait très bien qu'il y a une part, une très grande part de cette consommation qui est pour le chauffage. On pense également que la méthode actuelle des coûts de fourniture doit être changée. La méthode actuelle des coûts de fourniture ne reflète pas cette situation-là. Nous croyons que la méthode actuelle ne reflète pas comme il faut le profil de charge qu'on a à la page 7 de notre document, qui vient directement des données d'Hydro-Québec et qui représente la grande part de turbines et de centrales qui doivent être utilisées pendant un nombre d'heures très restreint pendant l'année.

M. Chevrette: Et, pour les coûts de fourniture, la méthode de calcul des coûts de fourniture que vous contestez, c'est quand même la même méthode, que ce soit pour le tarif D, que ce soit pour le tarif de la moyenne et petite entreprise ou de la grande, tarif L?

M. Boisvert: Oui, sauf que...

M. Chevrette: Bon. À supposer qu'ils se trompent dans leur méthode de calcul des coûts de fourniture, ça se reflète sur l'ensemble des tarifs. Et, à ce moment-là, comment vous pouvez affirmer qu'elle produit à perte dans un secteur seulement, alors qu'Hydro-Qué-bec, à mon point de vue... J'espère qu'elle va en faire la démonstration, en tout cas, parce que M. Couture a affirmé la même affaire que vous, le vice-président, le nouveau président. Il a affirmé la même affaire que vous. Puis, moi, je pense que vous êtes dans les carottes tous les 2, parce que, quand on regarde les tableaux d'Hydro-Québec, je ne saurais vous dire le chiffre précis, mais c'est plus de 100 000 000 $ de bénéfices que le tarif D occasionne. Moi, je veux bien qu'on charrie sur une chose en vue de légitimer un changement, mais qu'on donne au moins les chiffres. Ce n'est pas à perte. C'est peut-être à faible profit, mais ce n'est pas à perte.

M. Boisvert: Je vous inviterais, à ce sujet-là, à peut-être reprendre la page 6 du document qu'on a passé. Si vous regardez les coûts de répartition et de distribution, la méthode actuelle qui est utilisée pour calculer les coûts de fourniture, vous voyez qu'au tarif domestique la répartition et la distribution représentent 0,0116$ du kilowattheure, alors que, pour la grande puissance haute tension, on parle de 0,19 $ par kilowatt- heure. La méthode utilisée pour calculer les coûts de répartition et de distribution utilise la charge maximale de cette catégorie de clients pour évaluer leur contribution en équipement, alors que la méthode qui est utilisée pour les coûts de production et transport ne tient pas compte de la charge maximale de ces clients.

L'écart, dans le cas de la production et transport, est beaucoup moindre parce que, en plus de ce fait, l'industrie n'utilise pas une grande partie des lignes qui sont utilisées pour le domestique, mais il y a tout de même un écart plus important que ce qui est montré ici.

(9 h 40)

M. Chevrette: Mais je souhaite qu'Hydro-Qué-bec, dans sa réplique de 1 heure qu'elle aura mardi là-dessus, explique sa méthode de calcul des coûts de fourniture, parce que c'est contesté, ça. Et vous êtes les seuls à la contester actuellement. Vous avez demandé une table spéciale et un comité spécial. J'ai vu des échanges épistolaires. Moi, je m'excuse, mais je voudrais tout de suite dire à la ministre que j'aimerais, si on accorde un comité spécial pour la grande entreprise, si on veut véritablement que ce soit bénéfique pour l'ensemble des catégories, que tout le monde assiste à ça. Ce n'est pas une seule catégorie qui va décider de changer les coûts de fourniture, l'évaluation ou l'analyse des coûts de fourniture. Il faut faire bénéficier tout le monde de participer à un même comité et non pas seulement les grandes entreprises. Parce que, automatiquement, si on vous donnait raison sur un petit comité restreint à vous, qui paierait la facture? C'est eux autres. Il faut au moins les faire cheminer sur un mode de calcul uniforme, où chacun aura son mot à dire. Et ça, ça m'inquiète un petit peu.

M. Boisvert: Pour répondre à ça, ce que je peux dire, c'est que le comité actuel, qui désire être formé par Hydro-Québec avec l'AQCIE...

M. Chevrette: À votre demande. J'ai lu votre courrier.

M. Boisvert: ...à notre demande, avec l'AMQ et avec l'Association des industries forestières, ça répond également à un besoin de relation fournisseur-client.

Hydro-Québec a présentement un problème et voudrait le régler avec un tarif saisonnier obligatoire. On ne croit pas que ce soit la solution au problème, mais on veut s'asseoir avec Hydro-Québec pour voir s'il n'y a pas d'autres solutions possibles et pour mieux comprendre sa façon de calculer les coûts de fourniture afin d'en arriver à une meilleure formule.

M. Chevrette: Je comprends mais, pour la santé... Vous comprenez ce que je veux dire, moi aussi.

M. Boisvert: Je ne peux vraiment pas répondre à votre autre question.

M. Chevrette: Non, mais, si vous cheminez seulement avec un groupe et que vous en arrivez... À

supposer qu'Hydro vous donne raison — c'est possible, ça; moi, je ne suis pas un expert, je ne suis pas un ingénieur, je ne suis pas un économiste pour le calculer — à partir de là, si vous ne faites pas cheminer l'ensemble des catégories, qu'est-ce que vous pensez qu'il va arriver?

M. Boisvert: Je peux vous dire que, dans le passé, il y a déjà eu des comités de cet ordre-là qui ont été formés, entre autres pour la puissance interruptible, où il y a eu beaucoup de discussions entre Hydro-Québec et l'industrie, et on en est arrivé à une formule qui est profitable à l'ensemble des Québécois, parce qu'il y a plus de 1500 MW de puissance interruptible actuellement et ça profite à tout le monde. C'est 1500 MW de construction nouvelle qui a été évitée par ce moyen.

M. Chevrette: Je souhaite, en tout cas, qu'Hydro l'explique, elle, sa perception, puis qu'on puisse parler de ce qui s'en vient, en tout cas, parce qu'elle ne semble pas rejeter la création d'un comité. Vous avez raison, je l'ai vu, mais j'aurai des suggestions à faire là-dessus pour ne pas qu'il y ait nécessairement de confrontation, mais de la concertation pour cheminer dans un même sens. Tout le monde a le droit d'avoir la même informatipn de base, je pense, et ça, vous acceptez ça.

M. Mazzarello: Je voudrais peut-être ajouter quelque chose là-dessus.

Le Président (M. Bordeleau): M. Mazzarello?

M. Mazzarello: Oui, Mike Mazzarello. La raison pourquoi on avait demandé un comité, c'est que, actuellement, Hydro-Québec a un certain problème avec l'heure de pointe, et ils sont venus à l'industrie pour essayer d'aider là-dessus avec les tarifs saisonniers. Les tarifs saisonniers, c'est quelque chose où n'était pas impliqué le domestique, mais l'industriel. Et ce qu'on voudrait faire, c'est discuter avec eux autres. Ce n'est pas nous autres qui causons l'heure de pointe, mais Hydro-Québec voudrait que ce soit nous autres qui trouvions la solution. Et qu'est-ce qu'on voudrait faire? On voudrait essayer d'explorer différentes autres avenues que le tarif saisonnier, surtout que ce n'est pas nous autres qui avons causé le problème là-dessus.

M. Chevrette: Mais, entre vous et moi, est-ce que c'est vraiment exclusivement le chauffage domestique?

M. Mazzarello: Je pense que oui.

M. Chevrette: Bon. Je ne suis pas sûr. Mais, en tout cas, si vous dites que vous pensez que c'est ça, on va demander à Hydro-Québec très clairement qu'est-ce qui crée le problème de pointe. Ils vont nous le dire, si c'est seulement le chauffage ou pas.

M. Mazzarello: Si vous permettez, je voudrais montrer une acétate là-dessus.

M. Chevrette: Oui.

M. Mazzarello: La chose que je voudrais montrer, c'est la répartition des logements, forme d'énergie et de chauffage. Ça, c'est de 1971 jusqu'à 1990. La chose que je veux vous indiquer, c'est le chauffage à l'électricité. Vous allez noter que ça a commencé très bas et c'est en croissance; tous les nouveaux logements qui commencent à être construits, c'est tout à l'électricité. Quand on sait que, pour le chauffage, c'est surtout à peu près 300 heures pendant l'hiver, c'est un problème qui commence à être de plus en plus grand. Ça, c'est les faits. On voit que les autres formes d'énergie sont à la baisse, et c'est l'électricité qui a pris la plus grande part du marché.

M. Chevrette: Ça, vous n'êtes pas les seuls à le dire aussi, il y a eu beaucoup de comparaisons avec Gaz Métropolitain, en particulier, les producteurs, les distributeurs de mazout, d'huile à chauffage, etc.

Cinq ans sans augmentation de tarif. Je voudrais reprendre un peu ce que la ministre vous demandait. Vous ne trouvez pas que vous créez une pression épouvantable, à ce moment-là? À supposer qu'il y ait une reprise économique, avec un 5 ans de gel, pour la santé financière même d'Hydro-Québec, vous ne pensez pas que ça n'a aucun sens?

M. Boisvert: Comme on a dit tantôt, c'est certain que ces 5 ans de gel, c'est conditionnel à ce qu'on ne revive pas les 5 dernières années qu'on a connues avec une faible hydraulicité. Mais...

M. Chevrette: Mais pourquoi vous parlez de faible hydraulicité, M. Boisvert, et que vous ne faites aucune allusion, même pas l'ombre d'une allusion aux grands contrats des alumineries?

M. Boisvert: Ça peut être assez facile à expliquer. Je peux vous dire que, sur les 30 membres de l'AQCIE, il y a 6 membres qui ont des contrats à partage de risques et bénéfices. Il faut bien rajouter le mot «bénéfices».

M. Chevrette: Avec la clause de confidentialité ou...

M. Boisvert: Si vous voulez me laisser continuer. M. Chevrette: Je m'essaie. M. Boisvert: Ces contrats-là...

Le Président (M. Bordeleau): Rapidement, s'il vous plaît, M. Boisvert.

M. Boisvert: Excusez?

Le Président (M. Bordeleau): Si vous pouvez conclure rapidement, c'est parce que le temps de l'Opposition. ..

M. Boisvert: Oui. C'est des contrats d'une durée de 20 à 25 ans. Actuellement, le prix de l'aluminium, comme le prix d'à peu près tous les métaux, est très bas. On sait très bien que, dans les contrats actuellement, les risques, c'est Hydro-Québec qui les prend, mais c'est des contrats à partage de risques et de bénéfices. C'est des contrats qui font aussi partie d'une relation fournisseur-client. C'est des choses qui se pratiquent ailleurs dans le monde, dans toutes sortes de domaines. Et notre position face à cela, c'est que c'est certain qu'à l'heure actuelle, avec la situation des prix, Hydro-Québec ne peut en accepter d'autres, mais, à long terme, ces contrats-là vont être profitables à tout le monde. Il faut également se rappeler le contexte dans lequel ces contrats-là ont débuté à être négociés, un contexte où Hydro avait des surplus d'énergie. Et, si ça n'avait été de la faible hydraulicité des dernières années, Hydro-Québec aurait eu des surplus.

M. Chevrette: Ce n'est pas vrai, ça.

Le Président (M. Bordeleau): Je laisse la parole maintenant à Mme la ministre pour 5 minutes.

Mme Bacon: Je voudrais juste revenir sur la comparaison que vous avez faite entre Tennessee Valley Authority et Hydro-Québec — ça me fatigue un peu, je voudrais revenir là-dessus — par rapport à la qualité de service. En fait, vous savez qu'à la Tennessee Valley Authority il y a du thermique, il y a du nucléaire, c'est plus près de la population, le climat n'est pas le même non plus que le climat que nous avons chez nous, et ce n'est pas que de l'hydroélectricité. Je pense que c'est difficile de comparer l'un avec l'autre, là. Moi, il me semble que ça fait un petit peu boiteux.

Il y a aussi Hydro-Québec qui nous dit dans ses dossiers, dans son engagement de performance: Pour 1995, nous maintenons l'objectif énoncé dans le plan de développement 1990-1992, soit 4 heures, à raison de 3,5 heures en distribution et 0,5 en transport et répartition. C'est un objectif, nous dit Hydro-Québec, qui est comparable à la moyenne de l'Association canadienne de l'électricité et qui correspond à la durée réelle d'arrêt de service pour les clients. Je pense que c'est un objectif qui est à atteindre, là, et qui est quand même valable pour le Canada, quand on compare avec ce qui est comparable. En tout cas, il me semble que ça se compare mieux qu'avec Tennessee Valley Authority.

Par contre, vous mentionniez tantôt, évidemment, que la plupart des gens se chauffent à l'électricité. Si on n'utilisait que le chauffage au gaz, est-ce que vous nous demanderiez encore d'enlever l'interfinancement? Si, disons, tout le monde était chauffé au gaz, est-ce que vous feriez les même demandes par rapport à F interfinancement?

M. Boisvert: Je pense qu'il y a 2 façons, finalement, de régler ce problème-là: diminuer la pointe et augmenter l'utilisation pendant les heures creuses. À l'heure actuelle, les mesures d'augmentation de l'utilisation pendant les heures creuses n'ont pas pu être utilisées parce que Hydro-Québec avait des problèmes au point de vue énergie, mais cette situation-là ne devrait pas durer éternellement. L'autre point, c'est qu'on a un programme actuellement au point de vue biénergie, mais la formulation ou son utilisation pourrait être changée afin de permettre un meilleur mélange des différentes formes d'énergie disponibles pour fournir le chauffage électrique. On peut rappeler à ce sujet-là que le Québec est peut-être le seul endroit au monde où 40 % de toute l'énergie utilisée est de l'énergie électrique, et la grosse différence: entre autres au Canada, la moyenne, c'est d'environ 20 %. (9 h 50)

Mme Bacon: Oui, mais vous savez, M. Boisvert, qu'il y a quand même un potentiel hydroélectrique au Québec...

M. Boisvert: Oui.

Mme Bacon: ...qu'on ne retrouve pas dans certains pays européens ou ailleurs.

M. Boisvert: Sauf que ce qu'on veut dire, c'est que l'installation de turbines qui vont fonctionner seulement moins de 1000 heures par année n'est pas une solution viable à long terme, parce que ce problème-là va aller constamment en augmentant. Si on regarde, au cours des dernières années, les investissements majeurs qui ont été faits, c'est environ 3000 MW de surcapacité dans des barrages existants. Cette surcapacité-là ne produira pas un seul kilowattheure supplémentaire parce qu'on a encore les mêmes barrages et on a encore la même quantité d'eau en arrière des barrages, mais on a ajouté des turbines à un coût élevé pour rencontrer la demande de pointe.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Joliette.

M. Chevrette: À la question que je vous posais, vous avez dit que les contrats à partage de risques avaient été signés dans un contexte de surplus énergétique. Avec tout le respect que je vous dois, c'est en 1982 qu'il y a eu un contrat de signé avec Bécancour; à Bé-cancour, on a un surplus, mais pas dans les derniers. Au contraire même. Si, aujourd'hui, Hydro-Québec semble craintive pour ses réserves, c'est justement à cause de cela. Et vous vous rappellerez qu'il n'y avait aucune limite, il n'y avait pas de moratoire. Elle a été obligée de décréter un moratoire immédiatement après avoir signé un contrat, et elle se garde un 180 MW parce que c'était prévu au moment de la signature des contrats qu'il y aurait expansion à Alouette, sinon...

Vous le savez très, très bien. Non, mais c'est parce que la vérité a ses droits, là. Je veux bien que

vous affirmiez des choses, mais, pour les contrats secrets, vous devriez admettre... Moi, ce qui me fâche un petit peu, c'est que vous n'admettez pas qu'il y a des consommateurs qui paient pour ça. Les consommateurs, c'est les autres à qui vous demandez dans l'effacement de l'interfinancement d'assumer une autre facture additionnelle pour tout le monde. Franchement, la gourmandise...

M. Boisvert: Moi, ce que je peux rappeler, c'est que ces contrats-là, c'est des contrats de 20 à 25 ans. Ce n'est pas des contrats de 1 ou 2 ans; c'est des contrats à très long terme. C'est des contrats qui sont basés sur le tarif L au moment où ils ont été signés, donc, qui sont basés sur le même tarif dont toutes les autres industries bénéficient, et c'est des contrats qui, à long terme, vont être profitables pour Hydro-Québec. On est d'accord que, présentement, il y a un problème à cause du prix, mais ça va changer.

L'autre point que je veux faire, c'est qu'au cours des dernières années la quantité d'énergie à l'exportation a beaucoup diminué, et ce n'est pas seulement parce que Hydro-Québec avait moins d'énergie disponible, c'est aussi parce que le marché n'était plus là pour toute cette énergie à l'exportation.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez demandé à Hydro-Québec de vous fournir ses propes courbes de projection dans le domaine des alumineries? Est-ce qu'ils vous ont dit que, d'ici 2010, à peu près à la fin du contrat, il n'y a aucune possibilité d'atteindre même le tarif L et que la perte sera de plus de 4 000 000 000 $? Au net, avec les ventes, c'est 2 000 000 000 $. Ça va être une perte nette de 2 000 000 000 $ et quelques. Est-ce que vous savez ça?

M. Boisvert: Ça c'est une affirmation que vous faites. Je n'ai jamais vu ces chiffres-là.

M. Chevrette: Je vous les montrerai, moi, personnellement.

M. Boisvert: Je ne peux pas, donc, les vérifier. M. Chevrette: Je vous les montrerai.

M. Boisvert: Mais ce que je voulais ajouter, c'est que, quand ces contrats-là ont été négociés, on ne parlait pas encore de faible hydraulicité et le marché extérieur au Québec n'était plus là d'une façon ou d'une autre. Si on avait traversé des périodes d'hydraulicité normale, ces industries-là auraient été requises pour absorber l'énergie; sinon, il y aurait eu des déversements. C'est assez facile à vérifier. Depuis 1987, il n'y a à peu près plus de marché pour Hydro-Québec à l'extérieur.

Cette énergie-là, il faut la vendre quelque part; sinon, c'est une perte sèche. Il faut se rappeler que, quand ces contrats-là ont été négociés, on ne parlait pas de faible hydraulicité. Il n'y a personne qui pouvait le prévoir.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je vous avouerai que, d'ici à demain 13 heures, personnellement, je suis entré dans une zone de turbulence avancée devant les mémoires que nous aurons à discuter. J'aimerais rappeler aux porte-parole de l'industrie ou des associations qui viendront d'ici à demain principalement que nous vivons, en 1993, dans un monde de globalité. Moi, je veux bien qu'on fasse des grandes assertions, je veux bien qu'on donne 5 ans sans augmentation de tarifs, mais il faut se rappeler une chose: on ne peut pas demander de la main droite et de la main gauche. À un moment donné, il va falloir qu'on arrive à une solution, puis il va falloir équilibrer.

Lorsqu'on parle énormément de chauffe en utilisation de l'électricité, il faut se rappeler aussi qu'ici, au Québec... Là, je me remets toujours dans un système global où le Canada a signé une entente aussi pour la diminution, au niveau de 1990, de toutes les composantes qui ont un effet de serre. Si, demain matin, on transfère trop au niveau des industries fossiles, on aura de la difficulté. Et ça se tranférera nécessairement sur l'industrie qui aura à voir à baisser aussi d'une façon beaucoup plus significative chacune de ses composantes pour être capable de rencontrer ces normes-là. Alors, au lieu d'avoir des coûts en hydroélectricité, vous aurez peut-être des coûts au niveau de la dépollution, au niveau des équipements à assumer.

Aussi, il faut se rappeler que l'industrie et les associations dans leur ensemble demandent au gouvernement du Québec présentement d'assumer des responsabilités qu'elles ont abdiquées dans les années passées, et j'en étais un qui était de l'autre côté jusqu'en 1985. Or, au niveau de la formation professionnelle, on nous demande maintenant d'investir massivement dans la formation et le recyclage. On nous demande d'investir dans toutes sortes de domaines au niveau de l'éducation; alors, il va falloir équilibrer à quelque part et il va falloir, je pense, commencer à regarder l'ensemble, dans les coûts globaux.

Lorsqu'on nous dit qu'il faut transférer aux consommateurs, j'ai vu, moi, à une époque qui n'est pas très éloignée, qu'on demandait aussi à l'État québécois de diminuer la fiscalité pour être concurrentiels parce que, à ce moment-là, ce n'étaient pas les taux d'électricité qui nous empêchaient de l'être; c'étaient nos taux de fiscalité qui nous en empêchaient. Alors, on vit dans un monde qui est turbulent et il va falloir apprendre, j'ai l'impression, moi, tous ensemble, à être capables de dégager les manoeuvres pour qu'on puisse équilibrer et être capables de garder notre prospérité économique et notre climat social pour les jeunes qui s'en viennent.

Ceci étant dit, j'aurai juste une brève question, M. le Président. Dans votre mémoire, vous avez parlé de faible hydraulicité. Dans les documents d'Hydro-Qué-bec, on prévoit, à partir de 1992, dans le plan qu'on

étudie présentement, une exportation de 2 TWh, de 5 TWh et de 9 TWh, qui font 16 TWh d'ici les 3 prochaines années à cause de ce regain d'hydraulicité. J'aurais espéré, moi, retrouver dans votre mémoire que vous auriez supporté la recommandation qu'Hydro-Québec nous fait, soit l'autorisation d'un fonds de stabilisation qui nous permettrait de rencontrer un de vos grands objectifs qui est d'essayer de maintenir le plus bas possible les prix et d'une façon la plus uniforme — ça, je peux le comprendre aussi, en tant qu'ex-industriel — pour être capables d'assurer des coûts de production et surtout de prendre des engagements à long terme envers ceux qui consomment nos produits.

Alors, j'aimerais vous entendre, moi, brièvement, parce qu'on a très peu de temps. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce fonds de stabilisation pour essayer de maintenir une stabilité de prix?

M. Boîsvert: Je peux vous dire que le fonds de stabilisation tarifaire, selon l'opinion qu'on a recueillie de nos membres, c'est une très bonne initiative d'Hy-dro-Québec, et on l'appuie à 100 %.

Je peux peut-être également revenir sur la première partie de votre énoncé. C'est qu'on ne prône pas nécessairement un retour au mazout ou un retour au gaz naturel. Ce qu'on dit, c'est qu'on a besoin d'un débat sur les coûts de fourniture afin de montrer le coût réel du chauffage électrique et le coût réel d'installation des surcapacités qui ont été faites au cours des dernières années. Si l'ensemble du Québec décide qu'on doit continuer, que la PME et la grande industrie doivent continuer de financer le chauffage électrique, ce sera un débat de société à faire, mais je ne crois pas qu'on ait présentement les chiffres réels pour réellement faire un débat à ce sujet-là. On pense que la situation, au niveau de l'interfinancement, est bien pire que les chiffres qui sont montrés actuellement. On ne prône pas nécessairement un retour au gaz naturel ou au mazout, on veut qu'un débat se fasse et qu'une décision soit prise.

M. St-Roch: Merci.

Le Président (M. Audet): Merci. Je crois que c'est terminé. Alors, messieurs, au nom des membres de la commission, je vous remercie de votre présentation.

Nous allons suspendre deux minutes afin de permettre à l'Université de Montréal de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 10 heures)

(Reprise à 10 h 3)

Le Président (M. Audet): Nous recevons maintenant l'Université de Montréal. Alors, madame, messieurs, au nom des membres de la commission, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Je vous rappelle brièvement nos règles de procédure. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre exposé. Au préalable, vous vous identifiez. C'est important pour le Journal des débats. Ensuite, suivra une période d'échanges d'une quarantaine de minutes. M. le député de Joliette, M. Chevrette, devrait se joindre à nous dans les prochaines minutes. Alors, vous pouvez débuter votre présentation. On vous écoute.

Université de Montréal (UDEM)

M. Simard (René): Merci, M. le Président. M. le Président, Mme la ministre et MM. les membres de la commission, mon nom est René Simard. Je suis vice-recteur à l'enseignement et à la recherche à l'Université de Montréal. À ma droite, je vous présente Mme Irène Cinq-Mars, qui est vice-rectrice adjointe à l'enseignement, et, à ma gauche, M. Jean-Claude Panisset, qui est directeur du Département d'hygiène du milieu à l'Université de Montréal.

Je voudrais, d'abord, vous préciser le contexte de notre présentation. Nous avons eu très peu de temps pour faire cette présentation, étant donné que nous n'avons pris connaissance du plan de développement d'Hydro-Québec que très récemment. Nous ne sommes pas des experts en ingénierie et, pour tout ce qui a trait à l'ingénierie, nous endossons entièrement la présentation et le mémoire qui vous ont été soumis par l'École polytechnique qui avait formé un comité d'étude à cet effet. Nous pensons que son mémoire est très bien fait et nous l'endossons entièrement.

Cependant, comme on a tous pu le constater depuis un certain nombre d'années, depuis 1 an ou 2, il existe des campagnes systématiques de désinformation plus ou moins mensongères concernant la performance d'Hydro-Québec dans le domaine de l'environnement. Nous pensions qu'il était important de faire une étude beaucoup plus approfondie sur la section environnement du plan de développement d'Hydro-Québec, ne fût-ce que pour contrer cette campagne de désinformation qui, parfois, outrepasse même les limites du gros bon sens. Nous avons donc formé un groupe d'experts pour regarder sans complaisance le plan de développement d'Hydro-Québec, surtout en ce qui concerne l'environnement.

M. Jean-Claude Panisset, qui est ici à ma gauche, est un expert en toxicologie écoindustrielle. C'est un expert en analyse du risque environnemental, surtout en ce qui a trait à la santé, et il est président du comité de coordination en enseignement et en recherche pour tout ce qui a trait à l'environnement, à l'Université de Montréal. Donc, ce comité de coordination regroupe des experts de différentes disciplines. Un deuxième membre de ce comité d'experts qui a examiné le volet environnement du plan de développement d'Hydro-Québec est M. Peter Foggin qui devait être avec nous aujourd'hui. Malheureusement, il a eu un malaise cardiaque, hier, donc il n'a pas pu nous accompagner. Ce n'est pas très grave. Il est directeur du Département de géographie et il est responsable de tout le volet enseignement et recherche dans le domaine des aspects environnementaux, de l'aménagement urbain et des régions nordiques. À

ma droite, Mme Irène Cinq-Mars est professeure au Département d'architecture du paysage. Elle a une expertise en aménagement du territoire et du paysage et elle a coordonné les travaux de ce groupe d'experts. C'est elle qui va vous faire la présentation du mémoire de l'Université de Montréal. Mme Cinq-Mars.

Mme Cinq-Mars (Irène): Merci. Comme vient de le dire M. Simard, nous nous sommes attardés principalement à examiner les principes qui sous-tendent le positionnement d'Hydro-Québec en ce qui a trait à la prise en compte de l'environnement dans ses études d'impact en particulier, et c'est beaucoup ça dont il est question dans le rapport. Nous pensions qu'il était important de réagir pour 4 raisons principales, comme on le dit ici, à la première page.

D'abord, c'est une première proposition de développement triennal et, à ce titre, il nous apparaissait important de manifester notre intérêt et d'encourager l'entreprise d'État dans ce sens-là parce que, étant de taille, ce projet engage aussi le développement économique. Il y a plusieurs gens qui sont venus se présenter devant vous et qui en ont longuement parlé, discuté et ont argumenté. Par ailleurs, les impacts de ce plan de développement sur les plans sociaux et environnementaux étant donc d'une grande importance, ce que nous apprécions — et c'est la deuxième raison pour laquelle nous venons — c'est que l'entreprise, dans ses orientations, on sent qu'elle va au-delà du cercle de la production-consommation. On sent que c'est une entreprise qui se voit aussi comme un développeur, j'allais dire. On va parler un peu plus loin de développement régional. Et elle le fait, à notre avis, de façon responsable. Ses préoccupations — en tout cas, concernant la préservation, la conservation de l'environnement, les impacts sociaux dans les milieux où elle s'implante, où elle implante ses installations — nous paraissent donc importantes. Et elle adhère, justement pour répondre à ces préoccupations-là, au principe du développement durable. C'est un principe, comme on le dit un peu plus loin, que nous avons retenu également à l'Université de Montréal, et nous expliquerons tout à l'heure dans quel sens. Alors, on trouvait important de souligner que la réflexion d'Hydro-Québec, à cette étape-ci, en tout cas, de son implication dans le plan de développement, était, à tout le moins, responsable et démontrait qu'elle voulait se donner les outils pour bien réaliser ses objectifs.

Donc, dans un premier temps, j'aimerais simplement rappeler pourquoi l'Université de Montréal s'intéresse au développement durable et, dans cette perspective-là, ensuite commenter un peu plus en détail sur le petit rapport dont on parlait tout à l'heure. En fait, ce n'est pas écrit ici, dans le texte, mais, depuis 1972, l'Université de Montréal a créé plusieurs comités pour regarder de quelle façon elle pourrait mieux coordonner et mieux développer également des enseignements en environnement, mais des enseignements qui ne se bornaient pas uniquement à comprendre les milieux biophysiques, mais qui le faisaient aussi avec le sens d'une responsabilité sociale, si je peux dire, qu'on essaie de développer chez les étudiants, si on peut appeler ça une conscience environnementale. Petit à petit, nous avons cheminé depuis 20 ans, si bien que, l'année dernière, l'Assemblée universitaire et le Conseil de l'université ont adopté un cadre d'orientation et d'action en matière de formation et de recherche en environnement. (10 h 10)

Suite à de nombreuses analyses et à des consultations également du milieu, mais d'experts de l'extérieur — nous avons fait venir des gens de l'industrie, du secteur privé tout autant que du secteur public — nous avons établi un cadre qui reflète la position institutionnelle. On trouve, dans ce cadre-là, la définition suivante, enfin, la prise de position suivante, plutôt: l'environnement, pour l'Université de Montréal, constitue un enjeu majeur de la société et aussi un champ d'études et d'intervention de toute première importance, un axe majeur de recherche. Nous voulons nous préoccuper de cet axe-là et du développement d'activités d'enseignement et de recherche, mieux les coordonner, mieux les consolider. Ça se donnait de façon parcellaire ou éparpillée. Maintenant, il s'agit de les regrouper. M. Panis-set, d'ailleurs, est le président de ce comité de coordination.

Alors, nous avons compris la nécessité de trouver des solutions adéquates et concrètes pour gérer l'environnement dans tout projet de développement, et ce, à toutes les étapes de la conception, de l'implantation d'un projet, quelles que soient la nature et l'envergure, ainsi que lors de l'exploitation des installations de ces projets. Là, c'est une phase générale, mais ça s'applique dans le cas d'Hydro-Québec également.

Alors, dans ce contexte, un plan de développement tel que celui présenté par l'entreprise de services publics du Québec qu'est Hydro mérite que l'on s'attarde aux 4 orientations proposées. Hydro-Québec propose d'intégrer au processus de planification des préoccupations environnementales, et je pense qu'il faut être aveugle pour ne pas le constater lorsqu'on regarde son processus méthodologique. Au-delà même des documents, quand on examine certains de ses rapports méthodologiques, je pense que c'est assez évident. Une autre orientation, c'est la gestion des impacts associés à l'implantation des équipements de production et de transport; la gestion des impacts associés à la distribution, cette fois, et à l'exploitation des équipements et, enfin, l'évaluation de la performance environnementale.

Donc, il nous apparaît que ce plan de développement et les aspects environnementaux tels que pris en considération constituent un événement majeur pour les Québécois, dans ce sens que, manifestement, en tout cas, il nous semblait — vous avez peut-être d'autres informations — que c'est la première fois qu'une grande entreprise de cette envergure-là se positionne de façon si explicite par rapport au développement durable et à la prise en compte de l'environnement. Il émet des options de développement à long terme, donc qui s'inspirent d'une vision à 2 volets.

Le premier volet, on s'y attend, place la qualité des services auprès de la clientèle et la gestion optimale

des coûts à l'avant-plan de ses préoccupations. C'est normal. Je pense qu'on s'attend à ça d'un service public. Il démontre, dans son document, de quelle façon il veut aussi se préoccuper de la santé, de la sécurité du public et de la protection du cadre de vie. Mais ce qui nous intéresse plus particulièrement, c'est, bien sûr, le deuxième volet, c'est-à-dire son engagement et sa volonté d'intégrer les enjeux sociaux et environnementaux à la planification stratégique de l'entreprise. Il faut connaître un peu l'histoire interne d'Hydro-Québec pour voir de quelle façon cela s'est graduellement implanté au sein de l'entrepise, et ça fait maintenant partie de la planification stratégique. Ce n'est pas, justement, seulement dans la politique de l'environnement d'Hydro-Québec qu'il y a un principe qui en parle et qu'on retrouve ça, mais également dans la planification stratégique.

Alors, encore une fois, les orientations comme l'amélioration du réseau existant, la promotion de l'économie d'énergie, le choix de la filière hydroélectrique, le recours à la cogénération et aux centrales moyennes comme filières d'appoint, le développement de marchés, mais à la condition que ce soit bien ciblé, la participation au développement régional nous apparaissent intéressantes à cet égard. Encore une fois, pourquoi ça nous apparaît intéressant? Parce que ça s'inscrit de façon non équivoque dans la perspective du développement durable.

Nous pensons aussi — et je résume la page 4 — que le plan de développement, surtout quand on regarde cet aspect environnemental, s'appuie sur des acquis d'une expérience. Ce n'est pas parce que c'est à la mode qu'Hydro-Québec parle de développement durable ou se préoccupe d'environnement. Je pense que c'est venu progressivement, mais c'est venu progressivement aussi par des expériences d'essai-erreur sur le plan méthodologique. Encore une fois, pour ses études d'impact, la méthode s'est raffinée. Bien sûr, ils sont obligés de répondre à des directives gouvernementales, mais ils le font avec sérieux, de façon substantielle et ils font appel à des scientifiques et à des professionnels de plusieurs, je dirais, horizons de spécialisation. On en nomme certains ici: sciences de la terre, santé, aménagement, etc., ce qui démontre qu'il y a une ouverture aussi dans la façon de faire scientifique qui, justement, fait appel à la concertation, à la collaboration du milieu académique, mais aussi des milieux, je veux dire, de la clientèle, des populations. C'est ce qu'on trouve au dernier paragraphe, l'aspect consultation est intéressant. Malheureusement, on trouve que, là, Hydro-Québec aurait avantage à le démontrer mieux, à le faire valoir mieux, parce qu'elle est victime, comme le disait M. Simard au départ, de campagnes qui, dans le fond, détruisent la perception très positive qu'on pourrait avoir si on était, si le public était mieux informé des façons de faire d'Hydro-Québec.

Un autre aspect intéressant aussi dans l'annexe environnement, c'est la prise en compte des aspects sociaux, des aspects humains, culturels dans les évaluations environnementales. On trouve que ces aspects-là mériteraient d'être développés davantage, en ce sens qu'on a une bonne connaissance des méthodes, théories, etc., pour caractériser les milieux biophysiques. On commence à acquérir un savoir-faire aussi et un savoir sur les dimensions humaines et culturelles, mais on souhaiterait qu'Hydro-Québec le développe davantage. Ici, ils pourraient bénéficier — ils le font déjà, remarquez, et on leur demande de le faire encore plus — de l'expertise des universitaires dans le domaine. Je pense que nous avons des ressources qui pourraient être mises à contribution, là-dessus.

Donc, rapidement, pour conclure, nous trouvons que le plan de développement témoigne d'une réflexion sérieuse sur les enjeux environnementaux — ils sont tous identifiés, à tout le moins — en plus d'être axé sur la qualité des services, et ça, on s'y attend. On pense qu'à l'intérieur du mandat qui lui est confié — parce que, Hydro-Québec, ce n'est quand même pas le gouvernement du Québec, ce n'est quand même pas toute l'entreprise qui doit développer le territoire et avoir cette responsabilité-là — c'est un modèle qui s'acquitte très bien de sa part de responsabilités dans le développement et en voulant atteindre sa performance environnementale. Conséquemment, comme elle n'est pas la seule à qui doit revenir cette responsabilité-là, en troisième paragraphe, nous pensons que le gouvernement pourrait examiner et peut-être cibler le rôle d'Hydro-Québec comme agent de relance et de développement économique, rôle qu'il doit partager avec d'autres, et reconnaître de cette façon que la société ne peut pas, à elle seule, prendre position sur toutes les questions d'ordre stratégique et de développement économique et régional. Alors, en gros, ce sont les idées principales de notre mémoire.

Le Président (M. Audet): Merci. Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: J'aimerais d'abord vous remercier, madame, messieurs, de votre participation à cette commission. Vous avez mentionné que «la recherche-développement constitue un lieu de maillage entre les universités et les entreprises». Je crois que de telles relations de partenariat sont profitables autant pour les universités que pour les entreprises.

Il y a un domaine particulier de la recherche environnementale dont on a beaucoup entendu parler lors de nos travaux de la commission, c'est le domaine de la gestion intégrée des ressources et la prise en compte des «external ités». On mentionne souvent que plusieurs États américains calculent déjà les «externalités» dans le coût de leurs projets. Est-ce que vous voulez nous donner votre opinion sur le degré d'avancement de ces méthodologies et est-ce que vous jugez qu'elles sont prêtes à être utilisées immédiatement dans le processus réel d'évaluation des projets hydroélectriques? (10 h 20)

Mme Cinq-Mars: Je ne pourrais pas répondre de façon précise à l'état d'avancement. Je ne suis pas une experte en économie et je pense qu'il faut l'être pour

être en mesure d'évaluer sérieusement cette approche-là. Par contre, pour avoir pris connaissance de l'état de la situation à Hydro-Québec concernant la prise en compte des «externalités», je peux dire qu'il y a un effort, une préoccupation très sérieuse, un état d'avancement moyen parce qu'on en est encore à se demander quelle est la meilleure méthode. Il y a plusieurs méthodes pour tenir compte des «externalités». Ce qui semble difficile, c'est de prendre en compte les aspects qualitatifs parce que, veux veux pas, les impacts ne portent pas seulement sur ce qui est quantifiable, ça peut porter aussi sur des perceptions. M. Panisset peut nous parler de la perception que peuvent avoir les gens du risque, mais il y a aussi des perceptions de ce qui peut être non pas une disqualification, mais une qualité moindre suite à l'implantation d'une installation. Et ça, ça peut, selon les cas, représenter des coûts différents. Alors, je pense que, sur l'aspect qualitatif, Hydro-Québec aurait intérêt à poursuivre sa réflexion, mais je sais qu'ils en tiennent compte, que c'est une préoccupation sérieuse et c'est à encourager.

Je réponds partiellement à votre question, j'en suis consciente, mais je ne suis pas économiste.

Mme Bacon: Non, non. Ça va. Je ne sais pas si M. Panisset... Est-ce que vous voulez compléter, M. Panisset ou M. Simard?

M. Panisset (Jean-Claude): Sur l'aspect perception du risque qui a été mentionné par Mme Cinq-Mars, je pense que ce qu'on peut regretter, c'est que, des fois, Hydro-Québec ne montre pas suffisamment toutes les actions qu'elle a prises pour montrer la qualité de ses travaux. Je pense que, dans les campagnes actuelles de désinformation, ça nous a profondément desservis comme Québécois et, personnellement, ça m'inquiète beaucoup. Alors, je pense qu'il y a beaucoup d'efforts à mettre dans cet aspect de perception du risque, d'analyse du risque, mais également dans cette partie de l'analyse du risque qui est l'analyse de la perception.

Mme Bacon: D'accord. Vous demandez au gouvernement de réexaminer le rôle d'Hydro-Québec comme agent de relance et de développement économique. Évidemment, les actions d'Hydro-Québec sont orientées de façon à maximiser les retombées économiques qui en découlent. Est-ce que vous pourriez nous faire part, peut-être plus précisément, de ce que vous souhaiteriez à cet égard-là de la part du gouvernement et aussi de la part d'Hydro-Québec?

Mme Cinq-Mars: Ce qu'on souhaite de la part du gouvernement... On peut se placer à plusieurs points de vue. Si on se place, par exemple, du point de vue du rôle que le gouvernement semble donner — du moins, la perception qu'on a — à Hydro-Québec, compte tenu que les installations d'Hydro-Québec ont, étant donné leur envergure, un gros impact sur l'environnement dans les régions où elle s'installe, Hydro-Québec elle-même a pris conscience qu'elle était un développeur, un agent de développement régional. Je pense que c'est une entreprise qui fait de son mieux pour mettre en place des mécanismes de consultation, par sa politique de mise en valeur et de redonner aux gens une compensation, si on peut dire, pour les impacts qu'il a pu y avoir, etc. Elle fait déjà beaucoup.

Ce qu'on veut dire par là, c'est qu'il serait peut-être important qu'en matière de développement, d'aménagement du territoire, il y ait une planification ou, du moins, une orientation, une stratégie plus explicite de la part du gouvernement, là-dessus. Par exemple, HydroQuébec est en train de développer le Grand-Nord québécois, à toutes fins pratiques. Est-ce qu'on sait où on s'en va avec ça? Est-ce qu'on sait où on veut aller avec ça, à part le fait qu'on met en valeur une ressource et qu'on utilise cette ressource-là pour les autres régions du Québec? Mais il y a une autre dimension beaucoup plus large et on n'est pas sûrs qu'Hydro-Québec soit équipée pour faire cette réflexion-là toute seule. C'est dans cette perspective-là qu'on s'exprime. Donc, Hydro-Québec a un rôle à jouer, le gouvernement peut continuer à la traiter comme un agent de développement régional, mais ce n'est pas Hydro-Québec qui doit être la seule à le faire.

Mme Bacon: Est-ce que...

Mme Cinq-Mars: Elle doit travailler peut-être à l'intérieur de certaines orientations, c'est ça, elle a besoin d'un cadre.

Mme Bacon: Et c'est le gouvernement qui doit le donner.

Mme Cinq-Mars: À mon avis, c'est le gouvernement. Maintenant, comment le donner? Bien, là, il y a des processus, je veux dire, il y a des consultations qui peuvent se faire...

Mme Bacon: II y a des communications qui se font.

Mme Cinq-Mars: ...un débat, etc.

Mme Bacon: Est-ce que vous auriez des suggestions particulières qui seraient de nature à améliorer le partenariat université-entreprise? Et est-ce que vous identifiez malgré cela des embûches qui limitent un partenariat? Ou est-ce qu'il y a des limites vraiment?

M. Simard: Je n'ai pas compris la dernière partie de la question.

Mme Bacon: Est-ce qu'il y a des embûches qui pourraient limiter le partenariat université-entreprise?

M. Simard: Oui, il y a des enjeux qui limitent éventuellement... La mission des universités en matière de recherche est quand même le développement général des connaissances, et j'entends par là le développement

des connaissances fondamentales pour accumuler des banques de connaissances ou des capitaux qui puissent être, éventuellement, utilisés. enfin, ce sont des banques de connaissances qui vieillissent vite et qui doivent être constamment renouvelées. par conséquent, il y a quand même une limite dans les activités de recherche appliquée qu'il est possible aux universités de faire. je vous donne un exemple. par exemple, il y a 5 ans, à l'université de montréal, 2 % des fonds de recherche provenaient des entreprises à but lucratif, des industries, 2 % seulement. l'an dernier, c'était 25 %. jusqu'où on va aller? il y a une balance à tenir, là, il y a une balance d'expertise, bien sûr, dont on doit encourager l'implication dans la recherche de type appliqué, de type industriel. mais il y a une certaine limite qu'on ne doit pas dépasser parce que je pense que ce serait dangereux de le faire. je pense qu'à ce moment-là les universités ne garderaient plus la distance qu'elles doivent garder vis-à-vis des entreprises. mais, en fait, on a beaucoup encouragé ça, et je peux vous dire que la moyenne canadienne est à peu près actuellement de 12 % des fonds de recherche des universités canadiennes qui viennent de contrats d'entreprises à but lucratif. ça m'inquiète un peu de voir qu'à l'université de montréal on est rendus à 25 %. il y a une limite. je ne sais pas quelle est la limite, il n'y a pas de chiffre magique, là, mais il y a quand même une limite sur laquelle ont doit réfléchir. je pense que c'est la disponibilité des ressources et des expertises qui fait en sorte qu'à un moment donné, on doit faire attention.

Mme Bacon: Merci.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci. Bonjour, M. Simard, Mme Cinq-Mars, M. Panisset. J'ai lu votre mémoire, je le trouve, disons, très positif, pour ne pas dire, à un certain point, peut-être complaisant envers le projet d'Hy-dro-Québec. Ça m'amène à vous poser une question, parce que vous prenez l'environnement, donc la perspective à long terme, et je pense que c'est ça qu'on relève avec un souci de définir un développement intégré sous toutes ses facettes. Mais, dans le programme de développement d'Hydro-Québec et les mémoires que nous avons vus ici en commission, il y a aussi beaucoup de critiques qui ressortent, et c'est un peu l'objet de nos travaux. Hydro-Québec nous présente un projet, un plan de développement de 3 ans avec des perspectives aussi à plus long terme ultérieurement. Moi, la question que je me pose: De votre point de vue, quel est le principal défaut de ce plan de développement? Lequel voyez-vous? Il n'y a personne de parfait sur la terre; je comprends qu'Hydro-Québec, c'est très bien, mais au-delà de ça?

M. Simard: Je pense que j'ai bien précisé le contexte de notre intervention. Les campagnes de désinformation ont dépassé les bornes.

M. Léonard: Oui.

M. Simard: Je vous signale 3 exemples. On a porté à mon attention des articles apparaissant dans Asahi Shimbun, de Tokyo, où on affirmait qu'Hydro-Québec utilisait des chars d'assaut pour écraser la forêt et ceux qui vivent dedans. Je pense que c'est un peu fort. C'est le genre de campagne... Mais n'oubliez pas que c'est quand même des campagnes qui apparaissent dans le principal journal de Tokyo. Il n'est pas tiré, comme La Presse, à 100 000 exemplaires, il est tiré à 6 000 000 d'exemplaires; donc, ça peut faire mal à l'image du Québec et du Canada. Premier exemple de désinformation. (10 h 30)

Deuxième exemple de désinformation: l'été dernier, vous avez tous lu ça, il y avait des moines bouddhistes qui marchaient depuis New York, pieds nus et tout ça, et qui venaient protester contre les politiques environnementales d'Hydro-Québec. Je me demande ce qu'ils connaissent dans l'environnement de type nordique dans lequel nous vivons. En tout cas, on peut remettre en question ce genre de campagne. On peut se demander qui est derrière ça.

Troisième campagne de désinformation, et ça, c'est un secteur que je connais bien, on dit que les lignes électriques, à cause des forces électromagnétiques, causent toutes sortes de maladies aux animaux, aux gens, l'hypertension, le cancer et tout ça. Il existe de très bonnes études épidémiologiques qui ont été faites dans les années soixante-dix, auxquelles personnellement j'ai participé, qui démontrent exactement le contraire. Ça fait qu'il n'y a pas d'effet «documentable» valable. Je ne dis pas qu'il n'y en aura pas éventuellement parce qu'il faudrait faire toutes les maladies. Il y a toujours des choses que l'on ne connaît pas dans ces domaines-là. Mais l'affirmer péremptoirement, je trouve ça un peu fort. C'est le genre de campagne de désinformation qui, d'après moi, devait être contrée par une institution qui a des préoccupations en matière environnementale. Je n'ai pas répondu à votre question. Peut-être que Mme Cinq-Mars...

Mme Cinq-Mars: Je vais enchaîner, mais je vais répondre. Il y a une fragilité, je dirais, dans le plan de développement. De là à dire que c'est une faiblesse, je le laisse à votre jugement. Mais, avant de parler de ça, je voudrais dire que ces campagnes-là nous discréditent tous, discréditent les scientifiques qui ont travaillé avec Hydro-Québec. Justement, s'il y a un point fort dans le plan de développement, à notre avis, c'est la prise en compte de la problématique environnementale, et ce n'est pas juste des mots. Ça s'appuie sur des études, O.K.? Ça s'appuie sur la contribution de scientifiques qui ont travaillé avec Hydro-Québec à développer les dossiers d'inventaires, les dossiers d'analyse, les dossiers de synthèse, les méthodologies de façon très sérieuse. C'est tout ce monde-là, donc, qui est incompétent, au Québec, si on croit ces campagnes-là.

Ceci étant dit, la fragilité, c'est peut-être le fait

qu'Hydro-Québec mise surtout, pas seulement mais surtout, bien sûr, sur l'hydroélectricité. Et là, le mémoire de Polytechnique en a parlé; on a regardé son document et nous trouvons que l'argumentaire a de l'allure. Il y a peut-être là un élément de fragilité. De là à endosser le nucléaire — on pourrait embarquer là-dessus — comme le suggère le mémoire, on mettrait des bémols là-dessus. Encore une fois, on n'est pas des experts en engineering. Il y a des pour et des contre le nucléaire. Comme citoyenne, mettons, je peux dire qu'il y a des inquiétudes parce que je n'ai jamais vu des analyses de contre-expertise qui me confirment qu'il faut abandonner ça. Mais je n'ai pas vu, non plus, le contraire. Alors, personnellement, je ne me positionne pas là-dessus et je pense que le comité qui a regardé le document, non plus. Mais, sur le fait qu'il n'y a pas assez de diversité, ce n'est pas assez développé, c'est peut-être l'élément fragile du plan de développement.

M. Léonard: Oui, très bien. Mais, autre élément, Hydro-Québec prévoit des économies d'énergie, a tout un programme d'économies d'énergie. Est-ce que vous trouvez qu'ils vont assez loin? Est-ce que vous trouvez que c'est réaliste? Est-ce que vous trouvez qu'ils devraient aller plus loin, quitte à mettre les bouchées doubles? Sur ce plan-là, en termes environnementaux, je pense que ça a des répercussions considérables...

Mme Cinq-Mars: Oui.

M. Léonard: ...étant donné que vous voulez porter l'éclairage surtout là-dessus.

Mme Cinq-Mars: Vous parlez de l'efficacité énergétique et de ces histoires-là?

M. Léonard: Oui.

Mme Cinq-Mars: Effectivement, il y a un programme. Il y a des prévisions là-dedans, il y a des orientations, des objectifs qu'on endosse. Est-ce qu'ils vont assez loin? Il y a un élément sur lequel ils essaient d'agir, bien sûr, c'est le contrôle de la demande, de la consommation; du point de vue de la demande, ils essaient d'agir là-dessus et il y a différentes stratégies proposées. C'est déjà beaucoup. Peut-être qu'on est réaliste au lieu d'être idéaliste. C'est déjà beaucoup. C'est difficile de contrôler la demande parce qu'il y a des habitudes à changer. Ce qui est intéressant, c'est de voir comment, à Hydro-Québec, ils se préoccupent de ce qu'ils appellent l'éducation, la sensibilisation autant de leurs employés que du consommateur. Ils vont même dans les écoles. On sait qu'Hydro-Québec travaille dans les écoles primaires à développer, j'ai vu, des outils didactiques. Aussi dans les — pas les foires — expositions, les congrès, les trucs, Hydro-Québec est présente pour essayer de sensibiliser les gens à réduire leur consommation. Alors, je pense qu'il y a des efforts méritoires.

M. Léonard: Si je reviens à... Mme Cinq-Mars: Est-ce que... M. Léonard: Oui.

M. Panisset: J'aimerais ajouter quelque chose sur ce que vient de dire Mme Cinq-Mars. Moi, je trouve qu'il y a des efforts intéressants, louables sur les économies d'énergie, mais demander à une entreprise de prêcher contre sa production, je pense que c'est un peu... Il y a quelque chose qui est un peu... Vous savez, c'est comme la contraception, ici.

M. Léonard: C'est masochiste.

M. Panisset: Bien, c'est se tirer dans le pied. Alors, je pense qu'il y a peut-être d'autres instances qui doivent s'occuper de cet aspect-là. Avant tout, si HydroQuébec est une entreprise, elle est là pour produire au meilleur coût, etc. L'éducation de la population, je pense que c'est très bien de prêcher l'économie, mais je pense que c'est une mission qui est difficile.

M. Léonard: En termes environnementaux, est-ce que vous partagez l'avis qui a été émis, à un moment donné, ici qu'un grand barrage a moins d'effets négatifs que plusieurs petits barrages, en tout cas, plusieurs barrages de taille moyenne?

Mme Cinq-Mars: Je ne peux pas me prononcer là-dessus.

M. Léonard: Non?

Mme Cinq-Mars: Non. J'aime autant ne rien dire que de dire des choses inexactes.

M. Léonard: C'est parce qu'il peut y avoir peut-être une relation entre cela et le développement régional.

Mme Cinq-Mars: Ce n'est pas évident. Il faudrait nous démontrer... D'abord, dépendant de la localisation de ces petits barrages-là, de la population qui est affectée, il peut y avoir un effet multiplicateur. Est-ce que les effets cumulatifs d'une multiplication de petits barrages sont moindres que l'impact d'un gros barrage? Je veux dire, il y a beaucoup de facteurs. On ne peut pas répondre. Moi, en tout cas, aujourd'hui, je ne peux pas vous répondre oui ou non là-dessus. C'est une question qui est très pertinente, par ailleurs. Mais je ne peux pas vous répondre là-dessus.

M. Simard: Ce sont des études à faire.

Le Président (M. Audet): Je vous remercie. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Léonard: Merci beaucoup.

M. Farrah: Oui. Merci, M. le Président. Alors, madame et messieurs, bonjour, à mon tour. Pour continuer dans la même veine que mon collègue de Labelle, au niveau de l'efficacité énergétique, vous avez dit que ce n'est peut-être pas nécessairement le rôle d'Hydro ou, en tout cas, que c'est paradoxal un peu comme situation. Est-ce qu'il se fait de la recherche universitaire au niveau de l'efficacité énergétique? Ce serait peut-être un peu le rôle aussi.

Mme Cinq-Mars: Oui. À ma connaissance — peut-être que M. Panisset pourra compléter ou M. Simard — ce n'est pas un thème de recherche comme tel, identifié comme tel. Par contre, c'est sûr que, du côté, par exemple, des ingénieurs, de l'École polytechnique, il y a certainement des travaux qui se font quand on pense à la biénergie, comment organiser les systèmes. Il y a des études techniques qui se font sur les différentes formes d'énergie, les différentes formes de combustible, comment on organise ça dans les systèmes, les impacts que ça peut donner, etc. Donc, sur le point technique — je pense à l'École polytechnique — je répondrais oui. À l'Université de Montréal, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de...

M. Simard: Non. Tout notre secteur de sciences appliquées dépend vraiment de notre école affiliée qui est l'École polytechnique, et ce sont eux qui pourraient vous répondre à cette question-là.

Mme Cinq-Mars: Dans ce domaine-là. Par contre, un autre domaine dont on parle peu, même dans vos questions, c'est tout l'aspect perceptuel et de la qualité visuelle des paysages, par exemple. Ça, c'est important et on en tient très peu compte. Pourtant, c'est ce qui touche aussi les gens. Le sentiment de vivre dans un environnement déplaisant, ça les touche beaucoup, maintenant. Et ça, oui, il y a de plus en plus d'études qui se font là-dedans.

M. Farrah: O.K. Depuis le début des travaux de la commission, certains intervenants ont mentionné qu'Hydro-Québec accaparait la majorité des experts privés en environnement. Ces intervenants soutenaient qu'il était impossible de contre-expertiser Hydro-Québec. Alors, voulez-vous nous donner votre opinion à ce sujet-là?

M. Simard: Écoutez, je pense qu'en toute bonne foi, quand on a vu le plan de développement, on s'est adressés à un groupe d'experts indépendants, absolument libres de toute attache, et on leur a demandé d'examiner sans complaisance le plan de développement d'Hydro-Québec. Je pense que nous avons suffisamment de ressources indépendantes pour pouvoir donner une opinion nuancée, mais objective, quant à nous. Enfin, c'est la meilleure expertise possible. C'est sûr que les préoccupations environnementales au Québec, dans les entreprises, c'est quelque chose de très récent. C'est pour ça que le «rapport» dit ici: On est très heureux qu'Hydro-Québec s'en préoccupe et s'en préoccupe apparemment sérieusement quant au principe. Quant à l'état d'avancement des travaux, quant à la performance environnementale, c'est peut-être une autre chose qu'il faudrait évaluer, mais, enfin, les préoccupations sont là. Les problèmes sont, d'après nous, relativement bien posés. (10 h 40)

M. Farrah: Vous mentionnez l'importance de la recherche environnementale et sociale, notamment en ce qui a trait aux mesures d'évaluation d'impact lors de la réalisation de projets, ainsi que pendant leur exploitation. Selon vous, quels sont les aspects de la recherche pure et appliquée dans les domaines environnemental et social sur lesquels Hydro-Québec aurait le plus avantage à investir au cours des prochaines années?

M. Panisset: Du côté de la santé-environnement, il y a sûrement des études fondamentales à approfondir dans le domaine de la toxicité à long terme de faibles concentrations de mercure que l'on retrouve, par exemple, dans certains poissons. Alors, il y a des études de ce côté-là qui sont amorcées, mais dont les résultats ne viendront pas avant 3 ou 4 ans. De ce côté-là, il y a des études fondamentales qui doivent être continuées. Du côté social, je dirais que ça a vraiment trait à des questions, encore une fois, de perception du risque. Il y a sûrement des travaux à faire en psychologie. Maintenant, ce n'est pas mon domaine, mais c'est un champ de l'analyse du risque qui est en train de se développer, toute la question de la perception du risque. On le connaît un petit peu plus avec le risque représenté, par exemple, par les médicaments. On commence à l'évaluer pour ce qui est du risque environnemental. Il y a beaucoup de travaux qui sont à faire de ce côté-là. J'espère que ça répond à votre question.

M. Farrah: Oui. Au niveau du développement régional, vous en avez parlé un peu, Hydro-Québec est un agent important. Vous dites que ça ne doit pas être le seul, non plus. Paradoxalement à tout ça, c'est sûr qu'Hydro-Québec a un rôle social à jouer aussi, qui peut peut-être affecter un peu, je dirais, son fonctionnement normal, entre guillemets, dans le sens que, dans une libre concurrence, on ferait peut-être abstraction du rôle social d'Hydro-Québec. Par exemple, on a vu les décisions d'Hydro au niveau des coupures dans les bureaux régionaux et tout ça. Ça a fait un tollé de protestation. Ce n'est pas nécessairement le rôle d'Hydro-Québec de créer de l'emploi pour créer de l'emploi. Son but premier, c'est de fournir de l'électricité à tout le monde à un prix unitaire. Alors, quelle serait la limite du rôle social d'Hydro-Québec? Je sais que c'est une question qui n'est peut-être pas facile. Quelle serait la limite du rôle social? Par ailleurs, on exige d'Hydro-Québec, au niveau financier, de maintenir ses ratios, d'avoir une économie saine à l'intérieur de son entreprise, etc. Alors, comment pallier les deux?

Mme Cinq-Mars: Par rôle social, vous voulez

dire comme agent de développement d'emplois? C'est ça, les limites?

M. Farrah: Oui.

Mme Cinq-Mars: Je ne sais pas quoi vous répondre. Je m'excuse, là. Il faudrait que j'y réfléchisse. Je ne sais pas si mes collègues ont une réponse là-dessus, les limites du rôle. Est-ce que vous en voyez, vous?

M. Farrah: Moi, je pense que oui, dans un certain sens, parce que, par ailleurs, Hydro-Québec doit gérer de façon saine. Par ailleurs, il y a une importance au niveau des régions. Moi, je viens d'une région éloignée, les Îles-de-la-Madeleine. Hydro-Québec est un employeur important chez nous.

Mme Cinq-Mars: Aux Îles-de-la-Madeleine? M. Farrah: Oui, aux Îles-de-la-Madeleine.

Mme Cinq-Mars: Vous allez avoir des parcs d'éoliennes.

Une voix: II aime le bruit.

M. Farrah: Peut-être. En tout cas, il y aura l'impact environnemental à regarder.

Mme Cinq-Mars: Oui, effectivement.

M. Farrah: Mais ce n'est pas seulement investir pour investir, faire un développement régional; il faut qu'il y ait des justifications à tout ça également. Ce n'est pas de maintenir de l'emploi pour juste maintenir de l'emploi. Il doit y avoir des justifications à tout ça. Par ailleurs, il y a des pressions populaires ou publiques, compte tenu que c'est une organisation gouvernementale.

Mme Cinq-Mars: Mais est-ce que votre question ne revient pas à ce qu'on disait tout à l'heure sur le fait que le gouvernement, entendons-nous quand on dit gouvernement... La responsabilité première du développement régional, elle est là. Est-ce que ça revient un peu à ça? Quand vous dites que le rôle d'Hydro-Québec est limité, est-ce que c'est à ça que vous faites référence, vous aussi?

M. Farrah: Moi, oui. Mme Cinq-Mars: O.K.

M. Farrah: Oui, comme agent de développement régional.

Mme Cinq-Mars: C'est ça. Alors, la limite, elle est là où commence la responsabilité du gouvernement, c'est-à-dire que ce n'est pas Hydro-Québec... HydroQuébec a besoin de se situer à l'intérieur de grandes orientations. Pour le moment, il n'y en a pas et elle le fait là où elle s'installe, dans le fond. Je ne sais pas si ça répond un peu à vos préoccupations.

M. Farrah: Ça va.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Oui, merci. Je voudrais revenir au rôle de partenariat université—Hydro-Québec, et en fonction du rôle d'Hydro-Québec en termes de développement économique. Hydro-Québec produit de l'électricité. Au début, il y a 25 ans, il y a 30 ans maintenant, lorsqu'on l'a nationalisée, on lui a aussi assigné des fonctions de développement économique au Québec, et on s'attendait à ce qu'il y ait beaucoup de retombées en termes de sous-traitance. Je dirais que la question se pose. Elle a été soulevée à certaines occasions aussi ici. La question se pose encore, de plus en plus, à mon sens, parce que, lorsqu'on parle de recherche-développement et de concurrence internationale, je pense qu'on doit s'interroger sur l'avance qu'on peut avoir ici ou qu'on a eue, mais qu'on a encore, je pense, sous plusieurs aspects, en hydroélectricité, mais aussi en développement de l'utilisation de l'électricité.

Quel est le rôle que vous verriez ou qu'est-ce que vous souhaiteriez qu'il y ait comme osmose entre Hydro-Québec et le monde unversitaire pour, disons, avancer sur le plan économique?

M. Simard: C'est une question qui n'est pas simple, M. Léonard.

M. Léonard: Non. Non, non. Je pense que non.

M. Simard: C'est une question qui n'est pas simple. Nous avons terminé...

M. Léonard: Mais est-ce que vous trouvez, d'abord, que c'est suffisant, à l'heure actuelle, ou si vous voudriez qu'il y en ait plus?

M. Simard: Oui. Nous avons terminé notre mandat en suggérant que le gouvernement examine encore, une nouvelle fois, le rôle d'Hydro-Québec comme agent de relance et de développement économique. On pense que le gouvernement a un rôle à jouer là-dedans et qu'Hydro-Québec ne doit pas être la seule à examiner ce...

M. Léonard: M. Simard, je trouve que, oui, le gouvernement a un rôle à jouer, mais je dirais que l'université, à mon sens, a un rôle à jouer. Les milieux de recherche-développement ont un rôle à jouer, donc l'université.

M. Simard: II y a quand même relativement beaucoup de contacts entre Hydro-Québec et le monde universitaire. C'est donné sous forme de contrats, c'est

lancé sous forme de chaires. On souhaiterait, bien sûr, qu'il y en ait un peu plus. On leur a proposé, nous, un certain nombre d'expertises, allant de l'écologie écoin-dustrielle dans les secteurs santé jusqu'à l'astrophysique, des études sur les taches solaires qui sont des causes de pannes, de pannes sérieuses. À un moment donné, on a vécu ça au cours des années. D'ailleurs, ils ont choisi, dans le cadre de ce qui les intéressait, plutôt, avec nous des études de toxicologie.

M. Léonard: Disons que...

M. Simard: Est-ce qu'il y en a assez? Est-ce qu'il y en a trop?

M. Léonard: C'est ça. Hydro-Québec prévoit 2 % de son volume d'affaires en recherche-développement. la question qu'on se pose, c'est: est-ce que c'est suffisant? pourquoi ça ne pourrait pas être, par exemple, 10 %? c'est un chiffre que je lance comme ça.

Mme Cinq-Mars: Pourquoi pas 25 % ou 50 %? Je veux dire...

M. Léonard: 50 %, ça me paraît très gros. Ce que je veux dire...

Mme Cinq-Mars: Non, mais, M. Léonard... M. Léonard: Oui, je veux dire...

Mme Cinq-Mars: ...est-ce que qu'il ne faudrait pas d'abord identifier sur quoi il faut faire de la recherche? Parce que lancer un chiffre pour un chiffre, c'est un peu arbitraire. Je suis d'accord avec vous, 2 %, 3 %, 5 %, c'est vrai. alors, peut-être que... nous, on souhaiterait, les universités souhaiteraient, bien sûr, qu'il y ait davantage de relations en recherche-développement, davantage de projets. on ne peut pas prendre une décision comme ça. je pense qu'il faudrait regarder quels seraient les axes de développement, quels seraient les axes de recherche. ça en vient à la question de monsieur des îles-de-la-madeleine, tantôt.

M. Léonard: Je suis d'accord. Mais, si, comme société, on vise 2 % du PIB en recherche-développement alors qu'une des sociétés motrices, comme HydroQuébec, n'y consacre que 2 %, où est-ce qu'on va? Moi, je trouvais que, sur ce plan-là... Je comprends qu'on ne peut pas dire 10 %, 15 % — c'est un chiffre que je lance pour les fins de la discussion — mais qu'il doit y avoir un effort beaucoup plus grand qu'il n'y a dans le plan, là-dessus.

Mme Cinq-Mars: Oui, vous avez raison. (10 h 50)

M. Panisset: Écoutez, d'abord, 2 %, pour moi, je ne me représente pas, en termes de dollars, à quoi ça correspond. Moi, ce qui m'importe, c'est de savoir, dans une industrie qui fabrique de l'électricité, qu'est-ce que ce 2 % peut représenter par rapport à une autre? ça, c'est la première question que je me pose parce que 2 % pour l'électricité... vous pouvez avoir 15 %, par exemple, dans l'industrie pharmaceutique, parce que, dans toute l'industrie pharmaceutique, il y a un chiffre qui est entre 15 % à 20 % qui est consacré à la recherche.

Alors, je ne sais pas. Je ne peux vous répondre à quoi ça correspond parce que je n'ai pas de base de comparaison.

M. Simard: Est-ce que le 2 %, M. Léonard, inclut les activités de l'IREQ...

M. Léonard: Oui.

M. Simard: ...ou si c'est simplement la recherche contractuelle?

M. Léonard: Non, non. Ça comprend l'IREQ. M. Simard: Ça comprend? Ça ne comprend pas?

M. Léonard: II me semble que oui. Oui, c'est le même budget.

M. Simard: C'est le même budget. M. Léonard: Oui, oui.

Mme Cinq-Mars: Je ne penserais pas, moi. Mais il y a une chose à Hydro-Québec qu'il faut constater: il y a là une banque impressionnante de données colligées dans différents domaines. On parlait tantôt des études qui se font sur le mercure, tout ça. Il y a une technologie très avancée sur le plan de l'informatique en matière de simulation visuelle, enfin, tout un tas d'éléments comme ça, d'instruments intéressants dont le milieu universitaire pourrait profiter si c'était davantage accessible. Il y quelque chose là qu'on pourrait regarder pour le bien de la société québécoise. Ça, c'est un aspect dont on ne parle pas, mais il y a là vraiment une technologie et de la connaissance, aussi, qu'il y aurait intérêt à diffuser de façon beaucoup plus généreuse quand on n'est pas pris par la question de la confidentialité. On peut comprendre qu'en cours de projet, des fois, on ne peut pas toujours diffuser ce qu'on trouve, mais il vient un moment où on peut le faire et, là, moi, je souhaiterais qu'Hydro-Québec s'y mette.

M. Simard: J'ajouterais que, juste à côté de l'IREQ existe l'INRS-Énergie qui est financé entièrement par le gouvernement, où, là, il y a un projet qui porte sur l'énergie, enfin, le projet Tokamak. Et là, il y a aussi des investissements importants qui ne font peut-être pas partie d'Hydro-Québec, mais je sais que les experts d'Hydro-Québec travaillent en collaboration très, très étroite avec les chercheurs de l'INRS-Énergie. En fait, c'est normal et ce sont les objectifs de recherche de l'INRS-Énergie, ce sont des installations assez impres-

sionnantes.

Le Président (M. Audet): Très brièvement, M. le député, votre temps est presque écoulé.

M. Léonard: Très brièvement, M. le Président, vous allez comprendre tout de suite. Je veux simplement féliciter M. Simard qui sera le prochain recteur de l'Université de Montréal à compter du 1er juin.

M. Simard: Merci.

M. Chevrette: Ça, ça ne coûte pas cher et c'est bon. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Audet): M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, M. Simard, je souscris entièrememt à une de vos préoccupations du début, dans votre exposé, où vous mentionnez qu'il faut qu'il y ait une accumulation de savoir au niveau de la recherche pure. C'est peut-être une des manières dont Hydro-Québec pourrait, en regard de ses grandes priorités et en regardant le futur, peut-être parrainer davantage, quant à moi, de la recherche, un peu pour accumuler cette banque de savoir.

M. Simard: Et regarder les problèmes de formation d'expertise et d'investissement dans les jeunes pour développer des expertises dont ils auront éventuellement besoin.

M. St-Roch: Un jour. Mme Cinq-Mars, vous avez raison, aussi, de dire que... Je l'avais souligné, d'ailleurs, en 1990, lorsqu'on avait regardé le plan de 1990-1992 d'Hydro-Québec. Ce qui m'avait étonné et estomaqué, à ce moment-là, c'était la somme de connaissances qui étaient accumulées par Hydro-Québec au niveau environnemental, au niveau de la fabrication, du transport, au niveau de la connaissance des milieux nordiques. On avait mis en garde, à ce moment-là, Hydro-Québec de faire des programmes pour diffuser le plus rapidement possible ces connaissances-là. D'ailleurs, vous y touchez avec raison, à la page 4. Ce qui m'inquiète, moi, personnellement, et vous y avez touché aussi, c'est que, de plus en plus, certains milieux associent qu'Hydro-Québec a la mainmise sur toutes les connaissances, ici, au Québec et qu'il n'y a plus personne d'indépendant qui est capable d'en faire la critique, ce qui est complètement faux.

Ceci étant dit, j'ai énormément apprécié votre mémoire, mais il y a une chose que j'aimerais vérifier avec vous dans cette grande perspective de développement d'Hydro-Québec. Il reste, quand on regarde plusieurs mémoires qui nous ont été présentés ici, qu'on devrait harnacher à peu près tout ce qui existe de rivières et ce qui est un potentiel au Québec. Or, à ce moment-ci, moi, il m'apparaît qu'on demande à HydroQuébec d'être un producteur d'électricité à faible coût, mais ça sous-entend aussi un peu ce que vous disiez tout à l'heure, se tirer dans le pied, au niveau de l'efficacité énergétique de dire: Je vais harnacher tout ce qui est possible. Ne croyez-vous pas que quelqu'un... Est-ce que ça pourrait être un organisme gouvernemental?

Je pense que, oui, on devrait commencer à identifier quelques rivières qu'on conserverait dans le patrimoine québécois non harnachées, et qu'une priorité devrait être mise sur Hydro-Québec d'aller compléter le développement de ce qui est déjà harnaché, comme la Saint-François, la Saint-Maurice, la Péribonka, et, bien, là, de se servir de ces nouveaux investissements pour corriger les problèmes qu'à cause du manque de connaissances on a laissés s'accentuer dans le passé. Ça, ce serait une des premières choses, là, afin de revaloriser une crédibilité, une image d'Hydro-Québec et du Québec sur une scène un peu internationale, en disant: Bien, voici, maintenant, on a commencé à mettre des balises, il y a des rivières qu'on va regarder.

Mme Cinq-Mars: Vous parlez de cibler, dans le fond, le développement de l'hydroélectricité davantage. Je pense que c'est plein de bon sens, mais ça doit s'inscrire peut-être aussi dans un plan stratégique de développement où on cherche à regarder aussi d'autres sources d'énergie probablement. On parlait de diversité, tantôt. Solutionner le problème d'Hydro-Québec, ça ne solutionnerait peut-être pas le problème à très, très long terme de l'ensemble du Québec. On a souvent évoqué la nécessité de réfléchir sur le développement énergétique du Québec. Ce serait peut-être le temps de le faire.

Mme Bacon: Vous allez faire plaisir à M. Chevrette.

Mme Cinq-Mars: Oui?

Le Président (M. Audet): Brièvement.

M. St-Roch: Oui. Vous y avez touché, Mme Cinq-Mars, tout à l'heure; on a pris connaissance aussi du mémoire de Polytechnique au niveau de l'énergie nucléaire, où est-ce qu'on allait un peu alentour de 3200 MW, à ce moment-là, si ma mémoire est fidèle. Mais ne croyez-vous pas que, dans le but de garder nos acquis et de garder ce réservoir-là de compétences qu'on a déjà accumulé ici au Québec et au Canada, de donner la chance aussi à d'autres jeunes de garder leurs connaissances, au milieu universitaire de continuer le développement au niveau de la recherche pure, Hydro-Québec devrait au moins inclure une unité — là, on parle aujourd'hui modérément d'à peu près 600 MW, pas plus que ça — pour être capable de garder ce savoir-faire-là en prévision des années du XXIe siècle, 2010, 2015, au cas où on en aurait besoin, dans un premier temps? Dans un deuxième temps, aussi...

Mme Cinq-Mars: Vous parlez de celle qui existe actuellement à Gentilly?

M. St-Roch: Non, de nouvelles... Mme Cinq-Mars: Une autre? Ah, O.K.

M. St-Roch: ...une autre nouvelle, une neuve de 600 MW pour garder ce réservoir-là. Parce qu'il y aurait un corollaire aussi, moi, qui m'apparaît de plus en plus important avec certains pays où ils n'ont pas d'autre choix que d'avoir le nucléaire. Moi, j'aimerais ça qu'au Québec on ait une certaine expertise dans le cas de difficultés dans d'autres pays, qu'on ait un savoir-faire ici, qu'on soit capables d'aller les dépanner, parce que, tôt ou tard, la pollution n'a pas de frontières, on aura des retombées. On pourrait s'en servir à ce moment-là pour garder ce vaste réservoir-là.

Mme Cinq-Mars: Comme on le disait, tout à l'heure, l'École polytechnique, dans son mémoire, elle suggère, je pense, d'ajouter une... Sauf que l'envergure est plus large que ce que vous proposez, c'est ça. Alors, sur le nucléaire, encore une fois, je pense qu'on n'a pas analysé cette question-là. Ce serait dommage de donner une opinion basée simplement sur un avis de citoyen, j'allais dire de simple citoyen, dans une commission comme ici. On a des craintes, comme simples citoyens, concernant le nucléaire, mais, comme scientifiques, il faudrait peut-être y réfléchir. Je préfère ne pas dire oui ou non, donner une réponse affirmative ou négative pour le moment.

Le Président (M. Audet): Brièvement, M. Si-mard.

M. Simard: Oui. Je voudrais répondre un peu à cette préoccupation. Moi, j'ai un peu peur du nucléaire. Je le reconnais volontiers. Je fais partie d'un groupe des Nations unies, le Centre international de recherche sur le cancer de Lyon, qui étudie les effets de Tchernobyl, et je dois vous avouer que ça me fait peur un peu à cause des nombreuses centrales qui existent dans le monde et qui ne sont pas sécuritaires. Je vous jure que ce n'est pas drôle. Les effets, on les connaît à court terme maintenant, parce que ça ne fait pas longtemps. À long terme, on ne les connaît pas. Ça a été une pollution massive dans un endroit fort peuplé où il y a des naissances de monstres, littéralement, qui suivent 3 ou 4 ans après. C'est une pollution beaucoup plus grande encore que les bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki. Les répercussions sur le plan santé, sur le plan de l'environnement, sur le plan de la flore, sur le plan de la faune, on ne les connaît pas. Moi, je veux bien le nucléaire, mais avant tout, pour tout le monde, je voudrais que ce soit à 100 % sécuritaire. Et ça m'inquiète un peu quand je vois ces études sur Tchernobyl. Inquiétant.

Le Président (M. Audet): Merci. Alors, malheureusement, c'est déjà tout. Au nom des membres de la commission, madame, messieurs, je vous remercie de votre présentation. M. Simard, on vous souhaite la meilleure des chances dans ces nouvelles fonctions qui vous attendent.

Nous allons suspendre nos travaux 2 minutes afin de permettre à Norton céramiques avancées du Canada de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 heures)

(Reprise à 11 h 3)

Le Président (M. Audet): S'il vous plaît! Si vous voulez prendre place, nous allons reprendre nos travaux. Nous recevons maintenant Norton Céramiques avancées du Canada inc. Si vous voulez prendre place, s'il vous plaît. Alors, madame, messieurs, je vous souhaite, au nom des membres de la commission, la plus cordiale bienvenue. Je vous rappelle brièvement nos règles de procédure. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre exposé. Au préalable, il faudra vous identifier, toutefois, et vous présenter aux fins de la transcription du Journal des débats. Ensuite, suivra une période d'échanges d'une quarantaine de minutes. Vous pouvez débuter, vous avez la parole.

Norton Céramiques avancées du Canada inc.

M. Courtemanche (Roland): C'est bien. Alors, dans un premier temps, je vous remercie beaucoup de l'opportunité que vous nous offrez de nous exprimer ici devant cette commission. Alors, M. le Président, Mme la vice-première ministre, MM. les députés, je vous présente, à ma droite, Mme Johanne-Louise Giroux, qui est directrice des services administratifs chez Norton; à ma gauche, M. René Béland, qui est président du syndicat des employés de l'usine; M. Benoît Capistran, qui est — un petit correctif — président de la Fédération de la métallurgie à la CSN; et puis M. Philippe Tremblay, qui, lui, est directeur des services, Fédération de la métallurgie à la CSN. Alors, moi-même, Roland Courtemanche, je suis le directeur de l'usine.

Je dois vous avouer que c'est la première fois que je me présente à une commission parlementaire. Alors, si je fais des choses qui ne sont pas conformes, je vous invite à passer l'éponge, s'il vous plaît.

Le Président (M. Audet): Allez-y!

M. Courtemanche: Je vais le faire assez simplement, le plus simplement que je peux le faire. Alors, dans un premier temps, je voudrais dire que MM. Tremblay et Capistran sont ici pour nous épauler et nous appuyer dans notre démarche, dans le sens qu'ils ont été un élément déclencheur dans notre programme de qualité totale qui est en vigueur depuis environ 1 an à l'usine de Shawinigan. J'ignore si j'ai fait circuler un complément au mémoire, qui va vous donner un petit peu plus d'explications. Oui, vous l'avez? Alors, cette démarche, pour nous, c'est une démarche qui s'appelle une démarche de survie de l'usine à Shawinigan. Nous sommes venus ici devant cette commission vous exposer notre

problématique et sonder les intentions des pouvoirs publics.

Qui on est? Eh bien, c'est expliqué à travers le mémoire. Finalement, on est une usine qui fabrique un produit qui, à notre sens, rejoint tout ce qu'il y a d'élec-trochimique. Alors, je représente les employés de Sha-winigan et à la fois mon patron qui est la compagnie Saint-Gobain dont le siège social est à Paris. Nous sommes de très gros consommateurs dans le domaine de l'électrochimie. Au Québec, ici, on est sûrement parmi les plus gros consommateurs en termes de kilowattheures par kilo de produit. Vous allez retrouver ça sur la dernière page du dernier document qui est le complément qui vient du ministère de l'Industrie et du Commerce.

Ce qu'on veut tenter de vous démontrer, c'est que, depuis 1 an ou 2 ans même, on a fait, nous, du côté de Shawinigan, les employés, beaucoup d'efforts pour contrer la compétition et les baisses successives de nos prix de vente du produit fini. Alors, on a adhéré à un programme de qualité totale qui est actuellement toujours en vigueur; il y a beaucoup d'efforts qui sont mis là-dedans. On a, dans le complément, spécifié quelque chose; du côté de la progression des coûts par tonne, on a identifié les matières premières où est-ce qu'on a, par rapport à 1991, 14 $ la tonne en moins. Alors, ça nous a coûté 14 $ par une meilleure gestion, et beaucoup — pour parler de nos fournisseurs — de matières premières qui sont essentiellement le sable de silice qui vient de Saint-Donat, tout près de Montréal, et puis le coke de pétrole, qui est un charbon qui vient des États-Unis.

Alors, du côté de la main-d'oeuvre, on a augmenté notre efficacité considérablement. En coût par tonne, on a eu une réduction de 24 $ la tonne, c'est substantiel pour nous. Du côté des fournitures pour les opérations et l'entretien, encore là par une gestion serrée de nos approvisionnements, on a eu un bénéfice de 5 $ la tonne. Plus spécifiquement du côté électricité, on a épongé un tant soit peu les bénéfices qu'on a eus; la tarification étant ce qu'elle est, on a eu une majoration de 20 $ la tonne. Alors, ça a détruit l'impact de tous les efforts ou pratiquement tous les efforts qu'on a mis à notre usine de façon à demeurer, à devenir plutôt, je dirais, le plus compétitifs possible sur le marché du produit qu'on fabrique.

La page suivante indique la productivité en termes de livres de produits générées par heure-homme. On voit qu'entre 1991 et 1992 on a eu une augmentation d'efficacité de 36 %, ce qui est tout à l'honneur des employés qui travaillent à cette usine. Donc, il y a eu quand même un gros changement. La page suivante indique l'efficacité de nos fours. Alors, en kilowattheure par livre de produit, le SiC étant le carbure de silicium, on voit notamment qu'avec les années on a augmenté l'efficacité de nos fours par de légers ajustements. Malgré que, de 1991 à 1992, on note une baisse de consommation par livre de produit, ça coûte plus cher la tonne. Donc, on est ébranlé par cette tarification qui nous détruit. (11 h 10) alors, plus loin, on démontre le sérieux de notre travail du côté de la sécurité. le taux de fréquence, chez nous, des accidents en sécurité du travail, substantiellement, on s'est ajusté à un niveau... vous pouvez voir en page... qu'on est passés d'un taux de fréquence de 26,8 % à 13,1 % et, cette année, on est à 5,1 %; donc, beaucoup d'efforts, beaucoup, beaucoup d'efforts.

Étant donné le milieu fort agressif de notre domaine — c'est une fonderie, ça ressemble à une fonderie, du moins — on a demandé à des gens qui viennent de l'extérieur, le DSC... J'ai greffé à ça la lettre qu'ils nous ont envoyée tout récemment, où ils notent justement un effort soutenu de la part des employés et des dirigeants concernant l'amélioration de l'hygiène en milieu de travail et tout ce qui concerne le côté environnemental de notre produit.

Et puis, tout en dernier, quelque chose dont j'ai parlé tantôt, on voit que, dans le domaine de l'électrochimie, pour ce qui est d'une production québécoise, il y a quand même une différence substantielle entre le carbure de silicium, qui est à 8,4 kWh par kilo de produit et on voit les autres fabricants dans d'autres domaines qui sont légèrement, même beaucoup plus bas en termes de consommation. Donc, on est une industrie énergivore.

Je note dans le mémoire, à certains endroits, qu'on rappelle que la composante de l'électricité, chez nous, c'est 40 % de nos coûts variables. Je pense qu'il n'y a pas beaucoup d'industries au Québec qui peuvent admettre cette chose-là. Quand on pense que les papetiè-res sont de l'ordre de 10 % à 20 %, sans en nommer d'autres, il y a les alumineries, je crois, qui ont une composante qui est encore plus basse, compte tenu, disons, des taux quand même assez favorables pour leur électricité.

Alors, ça, ce sont les efforts que, nous, les employés de Shawinigan, on a mis, disons, à soutenir cette industrie-là dans notre région. Maintenant, on a rencontré, depuis 1 an et demi, 2 ans même, plusieurs intervenants du milieu du côté hydroélectricité. On a parlé à des gens du pouvoir public. On nous a assurés d'une certaine compréhension. Par contre, on voit, nous, un manque de clarté; on a vu que ça traîne en longueur, un petit peu, notre dossier, il n'y a rien qui se passe, finalement, sauf cette commission-ci qui, je pense, va être le point tournant de nos décisions quant à l'avenir de l'usine à Shawinigan, sans vouloir mettre toute la pression, tout simplement, tout bonnement pour amener la chose telle qu'elle est.

Alors, nous, on se pose des questions, les employés; la direction se pose des questions vis-à-vis de l'équité, de la façon dont on est traités, nous, en tant qu'industriels à Shawinigan. Sauf respect aux gens d'Hydro-Québec et aux pouvoirs publics, on dit: On existe depuis 1916 à Shawinigan pour des raisons qui sont évidentes. C'était un besoin, on était installés dans ce qu'on appelle la ville lumière. Oui! On pense qu'on a un traitement différent, nous, une vieille installation d'une nouvelle installation. On ne voudrait pas ramener trop sur la table l'idée qu'on a entendu dire qu'il y avait

des contrats particuliers qui étaient nettement avantageux.

On se questionne sur l'idée: Est-ce qu'une région comme Bécancour n'a pas bénéficié, au cours des années, de tarification beaucoup plus intéressante que notre usine? Si on pense au ferrosilicium qui est installé à Bécancour depuis un certain nombre d'années, on a vu dans La Presse, et ça n'a pas été démenti, qu'ils bénéficiaient d'un taux nettement avantageux du côté de la tarification. Il faut comprendre que le ferrosilicium est un compétiteur, nous, dans notre produit de bas de gamme. Alors, on n'a pas crié fort, mais on est conscients, il faut prendre conscience de cette chose-là.

Tout dernièrement, chose qui nous a chatouillés... J'en profite pour en parler parce que je pense qu'il y a peut-être des aménagements à l'intérieur des contrats d'Hydro-Québec qui pourraient être faits. On sait qu'on n'est pas les seuls probablement. C'est qu'on a été traités d'une façon assez marginale l'an passé, vers la fin de l'année passée. On paie 750 000 $ par mois. Nos facturations, on les respecte, nos dates de facturation sont respectées et puis, bien souvent, on paie avant terme. Alors, 1 fois en 16 ans, on s'est trompés de 1 journée. On a payé 1 journée en retard. On a eu la désagréable nouvelle qu'on se devait de payer 8300 $ d'amende pour cette journée. Alors, est-ce qu'il n'y a pas une politique pour les bons payeurs à l'intérieur d'Hydro-Québec? Nous, en tant qu'industriels, je pense que c'est très cavalier de nous... Si on traitait nos clients de cette façon-là, on en perdrait plusieurs. Je voulais juste souligner le fait. Ça m'a piqué.

Un autre exemple, et celui-là je pense que c'est une réflexion. Je trouve que peut-être il y aurait moyen avec les gens d'Hydro-Québec... C'est une chose que je n'ai pas discutée à fond avec les représentants — j'ai un rôle qui est de diriger une usine et non pas de dire à Hydro-Québec quoi faire — du côté de la recherche et du développement. Alors, l'an passé, avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, on a mené une étude pour produire du graphite synthétique à Shawinigan. Vous savez, la tarification d'Hydro-Québec, il y a une très grande inflexibilité du règlement. J'ai fait venir les dirigeants, j'ai discuté avec les gens d'Hydro-Québec. J'ai dit: Coudon, je me «trompe-tu»? Je regarde ça, puis je ne suis pas capable de faire de la recherche et du développement, je ne suis pas capable de produire avec un four. On sait que, pour la recherche et développement, on ne peut pas produire égal pendant un mois de temps. On fait un essai avec un four. On reproduit du graphite synthétique. Bon, ça dure 48 heures et, après ça... On crée un «peak», on crée une pointe qu'on paie pour le mois. Inflexibles. Pas capables de dire: O.K., pour la recherche et développement. Bien, on s'est en allés en Norvège. Le marché est nord-américain pour cette chose-là, mais on s'est en allés en Norvège, à notre usine de Norvège où, eux, permettent cette chose-là. J'ai trouvé ça aberrant. Aberrant parce que c'était au Québec que ça appartenait, cette idée-là, et puis il n'y a pas eu moyen de négocier quoi que ce soit de ce côté-là. Je pense qu'il faudrait peut-être y repenser un peu dans ce sens-là si on veut vraiment axer sur la recherche et développement ici au Québec pour les usines qui sont consommatrices d'électricité.

Un dernier point que je voulais souligner ici. C'est que, depuis 1990, il y a un caractère dégressif au volume qui a été éliminé dans la tarification d'Hydro-Québec. Il faut prendre conscience qu'un client qui consomme 5 MW à 80 % de FU, de facteur d'utilisation, c'est-à-dire 80 % du temps à 5 MW, ça lui coûte à l'unité, au kilowattheure, la même chose qu'un client qui consomme 100 MW. Alors, on se pose des questions. Est-ce que, effectivement, les coûts d'alimentation pour 20 clients de 5 MW, c'est la même chose que les coûts d'alimentation pour 1 client de 100 MW? De ce côté-là, on va dire, pour faire une image, qu'on achète une boîte de céréales ou qu'on en achète 1000 boîtes; je pense que 1000 boîtes devraient coûter moins cher qu'une boîte. Mais, dans ce cas-là, ça coûte la même chose. Je remets en question cette chose-là dans la tarification. (11 h 20)

Finalement, je voudrais amener les gens ici à penser qu'il y a un caractère d'urgence. Nous autres, l'industrie Saint-Gobain, notre compagnie mère, est quand même une compagnie importante, internationale, avec 100 000 employés; elle a beaucoup d'applications différentes à travers le monde: dans les papetières, dans le verre, etc. Si le milieu est favorable économiquement ici au Québec et même plus précisément à Shawinigan, nous, on dit qu'il ne fait pas de doute, à notre idée, que ces gens-là s'axent beaucoup sur la valeur ajoutée. J'ai amené des pamphlets avec moi qui sont peut-être disponibles pour consultation. Ils construisent des usines, ils sont partout internationalement. C'est bien connu, je pense, dans le milieu, dont le ministère de l'Industrie et du Commerce, etc. Mais si on leur démontre... Ils sont déjà ici, par le fait même, à Shawinigan depuis 2 ans, ils ont acquis les installations de la compagnie Norton, qui appartenaient à Carborundum. Je pense qu'on doit les encourager dans ce sens-là à rester ici au Québec, puis, nous, ce qu'on vient chercher, c'est des appuis politiques, puis des appuis de tous côtés. On cogne à toutes les portes, puis ce qu'on veut, nous, c'est conserver nos emplois au Québec et la façon d'en générer davantage, je pense que c'est de prouver à ces gens-là qu'on est compétitifs du côté de la tarification électrique, parce qu'on est des gros consommateurs. C'est ce qui gouverne les décisions actuellement dans le domaine où on est.

Il y a beaucoup de produits à valeur ajoutée qui se greffent à notre produit. C'est un produit que même Hydro-Québec pourrait employer dans ses échangeurs de chaleur. C'est un produit qui est très performant du côté des hautes températures. C'est pour ça qu'on l'appelle «céramique avancée». Donc, on avance des céramiques effectivement qui peuvent être employées dans... Si on pense au bouclier du Challenger aux États-Unis, il a été enduit du...

Le Président (M. Audet): Si vous voulez conclure, s'il vous plaît!

M. Courtemanche: Pardon?

Le Président (M. Audet): Si vous voulez conclure, s'il vous plaît!

M. Courtemanche: Je vais conclure. J'aimerais conclure en disant que, nous, les employés à Shawini-gan, on a fait nos devoirs, on va continuer dans le même sens. Maintenant, tout ce qui va être décisionnel, va s'appuyer sur ce qu'est le milieu économique, quelle est la tarification qu'on peut nous offrir au Québec pour devenir et demeurer compétitifs dans ce marché-là. J'aimerais peut-être passer la parole à M. Capistran, s'il m'est permis.

Le Président (M. Audet): Brièvement. Il resterait peu de temps.

M. Courtemanche: Brièvement.

M. Capistran (Benoît): Je vous remercie de nous entendre. C'est une première expérience pour nous, mais le bout sur lequel je voulais quand même attirer votre attention m'apparaît très important. On sait que, depuis quelques années, le rôle des syndicats de s'impliquer dans le sauvetage d'entreprises est devenu je ne dirais pas une pratique courante, mais une implication importante pour tenter ces sauvetages-là. Or, nous avons ici, cet avant-midi, un cas type en Norton qui a travaillé très fort au niveau des programmes de qualité totale et on voit les résultats qui nous ont été démontrés. Face à ça, évidemment, si on veut être capables de sauver l'entreprise, il va falloir avoir l'appui à la fois du gouvernement et d'Hydro-Québec. Or, pour nous, c'est important. On a, d'ailleurs, fait des débats où on a appuyé des programmes d'Hydro, surtout si on parle au niveau du projet de Grande-Baleine. Ce qu'on souhaiterait voir et qui nous apparaît très important, c'est qu'on puisse être capables de continuer à développer des réseaux énergétiques, mais que ça puisse aussi servir à la création d'emplois.

Or, si les travailleurs et la direction de l'entreprise ont fait ces efforts-là, il serait important que le gouvernement et Hydro-Québec puissent comprendre la nécessité d'aider l'entreprise à passer au travers. On est souvent comparés... Surtout dans le milieu syndical, on dit: La main-d'oeuvre est très élevée au Québec; les salaires sont très bons. On nous compare des fois à des pays en voie de développement où les salaires sont peut-être de l'ordre de 2 $ l'heure. Ici, on pourrait avoir un levier économique important pour relancer l'industrie, qui serait Hydro-Québec, qui pourrait justement, lorsqu'on a des programmes de qualité mis de l'avant, être un levier économique important pour aider l'industrie à être compétitrice au niveau mondial.

Le Président (M. Audet): Merci. Je dois vous interrompre, le temps est terminé. Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: Je vous remercie de votre intervention à cette commission et je vous encourage à continuer cette réflexion. Si on revenait à la proposition de plan de développement d'Hydro-Québec que nous étudions à cette commission, cette proposition-là nous propose un vaste programme d'efficacité énergétique auquel, évidemment, sont conviées toutes les clientèles d'Hydro-Québec, y compris le secteur industriel. Et ce programme vise, entre autres choses, à utiliser l'électricité de façon plus efficace.

Est-ce que vous souscrivez aux objectifs poursuivis par Hydro-Québec et est-ce que vous en avez profité ou si vous avez l'intention d'en profiter? Qu'est-ce que ça peut apporter à une industrie comme la vôtre?

M. Courtemanche: O.K. Effectivement, depuis 1 an, on a travaillé beaucoup avec les représentants d'Hydro-Québec. On est allés visiter. On a souscrit au programme en tant que tel. Même, on est sur le point de conclure une entente avec Hydro-Québec. On peut réduire substantiellement, de l'ordre de 16 %, notre consommation par livre de produit, en termes de kilowattheures. C'est substantiel. C'est un investissement qui est évalué aux alentours de 5 500 000 $ où on a l'aide justement d'Hydro-Québec. On est allés visiter des usines en Norvège, les 2 nôtres qui sont actuellement là. On est allés en Allemagne. On est allés voir des compétiteurs. On a identifié justement les points à corriger chez nous pour ramener l'efficacité énergétique au plus haut point dans notre usine.

Maintenant, ce qui arrive, c'est qu'après cette identification-là on a dit: O.K., on va calculer pour voir qu'est-ce que ça va nous sauver, ça, en termes de coût la tonne. Alors, dans le mémoire, vous allez rencontrer, à un moment donné, en bas d'un tableau, qu'on va chercher 30 $ la tonne. Vous savez, sur un investissement de cet ordre-là, pour nous, c'est quand même significatif; 30 $ la tonne, c'est intéressant, c'est plus qu'intéressant. Mais il faut penser aussi qu'en 1 an, avec la tarification qu'on a subie, on est venus nous chercher 20 $ la tonne, juste par une augmentation tarifaire à Hydro-Québec. Écoutez, il nous en reste 10 $. Alors, on se demande si ça vaut le coup. Si on n'est pas capables de contrôler mieux que ça notre tarification, il n'y a pas d'issue même si on investissait beaucoup. Avec cet investissement-là, nous, on pourrait faire autre chose, et c'est ce que la compagnie mère regarde, dans le sens qu'ils contrôlent très bien leurs capitaux et ils veulent les dépenser adéquatement. Mais on pense qu'on souscrit à cette chose-là, avec des garanties de tarification à moyen et à long terme. On ne s'en ira pas dans un investissement semblable, de cette importance-là, si on vient nous chercher 20 $ la tonne qu'on prend et qu'on peut avoir comme bénéfices.

Mme Bacon: Le coeur de votre mémoire, évidemment, ça porte surtout, et vous venez d'en reparler,

sur la tarification. Au Québec, les tarifs d'électricité réguliers sont quand même parmi les moins chers au monde. Il est vrai, comme vous le mentionnez, que certains pays accordent des tarifs plus bas qu'au Québec, en certaines occasions, mais, à long terme, on doit constater que les tarifs pratiqués au Québec depuis plusieurs décennies sont quand même demeurés en dessous des niveaux observés dans l'ensemble des autres pays. Et votre mémoire illustre aussi une comparaison entre les prix pratiqués au Québec et dans certains pays comme les États-Unis, par exemple, le Venezuela, vous parlez du Brésil, de la Norvège.

Est-ce que vous croyez que le prix actuel de l'électricité au Québec n'est plus compétitif du point de vue international? Est-ce que c'est ça que vous voulez nous dire ce matin? Et quelles sont, à votre avis, les conditions, si c'est ça, qu'il faudrait rencontrer pour répondre aux besoins des industriels en cette matière? (11 h 30)

M. Courtemanche: Je ne voudrais pas parler des industriels en général. Je voudrais parler pour une usine énergivore comme la nôtre. Il y a un caractère quand même particulier que je voudrais souligner. En fait, je voudrais en faire un point... Des usines comme la nôtre, il n'en existe pas beaucoup au monde, du moins dans les pays industrialisés qu'on connaît. Il y en a en Norvège, il y en a en Allemagne, il y en a en Hollande, il y en a aux États-Unis. Il y en a une aux États-Unis. Nous, on compétitionne. Notre marché est nettement autour des Grands Lacs, donc aux États-Unis; 98 % de notre produit va pour le marché automobile, les réfractaires, va aux États-Unis réellement. On doit compétitionner avec une compagnie qui est établie en Illinois. On connaît très bien leurs taux. On a des entretiens avec eux, même. Oui, les taux sont plus favorables pour ces industries-là. Définitivement, on ne peut pas avoir une rentabilité comme ils ont. La preuve étant que, eux, ils ont grossi depuis les 3 dernières années et, nous, on a nettement perdu du volume, compte tenu, disons, de l'effondrement un tant soit peu du marché. Alors, comme Saint-Gobain veut être le leader mondial, disons, dans ce domaine-là, il ne fait pas de doute qu'ils sont à la recherche, disons, de l'endroit, du pays qui va offrir les meilleures possibilités au point de vue tarification, compte tenu que c'est la composante majeure de notre produit.

Mme Bacon: Toujours en relation avec les tarifs, les clients industriels de votre importance ont ou ont eu accès à un ensemble de programmes qui vont du tarif de rodage à la stabilisation tarifaire, en passant par la puissance interruptible. Ces programmes poursuivent des buts qui sont différents, mais je pense qu'ils ont tous pour effet d'affecter positivement la facture globale des clients industriels, moyennant, de la part de ces clients-là, une contribution qui avantage Hydro-Québec en contrepartie. Est-ce que vous avez des suggestions de programmes que vous souhaiteriez qu'Hydro-Québec développe pour aider le secteur industriel et quels seraient les grands paramètres de ces programmes-là?

Parce que vous voulez qu'ils inventent d'autres programmes, si je vous comprends bien.

M. Courtemanche: Moi, je considère HydroQuébec comme un fournisseur. Alors, oui, on a des idées, c'est bien sûr. On peut les partager avec HydroQuébec. On peut jouer ce rôle-là. Comme ce serait malvenu d'aller dire à notre fournisseur de sable comment fabriquer son sable et comment nous l'exporter au meilleur prix, je pense que, nous, on serait malvenus de dire à Hydro-Québec: Bien, écoutez, c'est comme ça que vous devriez faire parce qu'on sauverait... On est un peu mal placés de ce côté-là. On fait confiance à la créativité d'Hydro-Québec. Alors, la créativité vient, des fois, quand on a une...

Mme Bacon: Elle vient avec de l'aide aussi, M. Courtemanche.

M. Courtemanche: Oui. On est prêts... On a soumis des choses. On a discuté avec les représentants d'Hydro-Québec. On pense en termes, disons, de choses qui pourraient être faites, en termes peut-être d'achat de blocs de kilowattheures particuliers, une foule de choses qui pourraient nous aider, qu'on vit à travers nos usines ailleurs, à travers les pays. Au point de vue international, on en a au Brésil, on en a en Italie, en Espagne. On en a un peu partout, des usines. Alors, on a justement rapatrié tous les contrats existant internationalement dans nos usines et on en a fait une étude l'an passé pour voir où, vraiment, on devrait maintenir des opérations, où on devait travailler justement au point de vue de la tarification. Et, oui, on est ouverts à toutes les discussions possibles. Je ne sais pas si devant cette commission, ici, c'est bon, disons, d'amener tous les éléments, mais j'aimerais plus, je pense... Je fais confiance aux gens d'Hydro pour leur créativité. Mais, actuellement, il semble qu'au niveau où je parle les gens veulent bien nous aider. Ils sont très coopératifs. Je dois le mentionner.

Mme Bacon: Au niveau régional, ça, M. Courtemanche.

M. Courtemanche: Au niveau régional bien particulièrement. Quand on arrive, disons, dans le bloc au centre-ville de Montréal, ça devient un petit peu plus impersonnel. Je dois l'avouer, les gens d'Hydro-Québec qui veulent nous aider sont comme dans une petite boîte, bien fermée, et ils ont de la misère à opérer. Ils ont de la misère vraiment et, juste au-dessus de ça, je pense qu'il va falloir peut-être faire des aménagements pour faciliter à ces gens-là de prendre des décisions ou d'être créatifs. Je pense que leur créativité est nettement tuée. Moi, je parle du point de vue d'un directeur d'usine où on opère, une usine où on fait preuve de créativité au maximum.

Mme Bacon: Vous voudriez qu'ils en fassent autant.

M. Courtemanche: Je respecte quand même... Je suis fier d'Hydro-Québec, je dois le dire, en tant que citoyen. J'ai eu l'honneur de visiter les installations de la Baie James. Ça m'a épaté. C'est une fierté sans condition. Il n'en demeure pas moins peut-être qu'au point de vue...

Mme Bacon: Vous voulez payer moins cher.

M. Courtemanche: On veut payer moins cher. Voilà!

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Vous êtes fier d'Hydro-Québec, nous autres aussi, et je pense que le monde peut être fier, mais, de là à dire que vous avez un résultat concret dans votre secteur, il y a un problème. Je dois faire remarquer à Mme la ministre et aux gens d'Hydro-Québec qui sont ici que c'est la deuxième fois en 2 semaines qu'un groupe de notre région vient conjointement ensemble avec des gens, employeurs et employés. Je pense que je vais vous féliciter parce que ça démontre que les 2 groupes ont un souci important de protéger l'emploi. Je pense que ce que vous venez de faire, ce matin, c'est un cri du coeur en disant: Si vous ne nous aidez pas, on crève. Je le prends aussi clair que ça. C'est ce que je comprends.

M. Courtemanche: C'est absolument ça.

M. Jolivet: Quand je regarde votre mémoire, vous dites: On a fait tous les efforts au niveau de notre matière première, on a fait des efforts au niveau des employés, on a fait des efforts au niveau d'un travail de qualité, etc., de telle sorte que tout cet effort-là — et vous n'êtes pas les seuls à le dire comme tel — est anéanti par l'augmentation des tarifs.

M. Courtemanche: Voilà!

M. Jolivet: Vous parliez de 24 par rapport à 20. Là, on le voit, il n'y a plus rien. Vous parliez de 30 par rapport à 20 tout à l'heure. On s'aperçoit qu'il y a un problème là. Si on peut essayer de dire: C'est le plus bas taux au monde, bien, moi, je peux vous dire que, juste à côté de chez vous, Stone Consolidated, qui a une usine à Grand-Mère, à Shawinigan et à Trois-Rivières, se retrouve avec une usine aux États-Unis où l'électricité de la Baie James va se rendre par l'intermédiaire des contrats américains, et elle paie moins cher à l'usine des États-Unis qu'à Grand-Mère et à Shawinigan. Il y a un problème là. On a beau avoir le plus beau taux, le meilleur taux, c'est rendu là-bas qu'on s'aperçoit que ce n'est pas vrai. Alors, c'est dans ce sens-là, je pense, que vous avez fait des efforts.

Moi, je dis que vous avez regardé ça au niveau régional avec les gens d'Hydro-Québec. Vous dites: Rendu à la grosse bâtisse à Montréal, on a des difficul- tés. Quelles sont toutes les démarches que vous avez faites? Parce que vous n'avez pas parlé juste d'Hydro-Québec tout à l'heure. Vous avez dit: On a rencontré les pouvoirs publics. Qui avez-vous rencontré? Quelles sont les démarches que vous avez faites et quelles sont les oreilles qui vous ont écoutés? Quels sont les résultats que ça a donnés?

M. Courtemanche: Disons qu'on a fait des démarches, ne sachant pas trop à quelle porte cogner. Effectivement, depuis 2 ans, je dirais, on a cogné à plusieurs portes. Maladroitement ou adroitement, j'ai voulu sensibiliser les gens — je vais les nommer tantôt — à l'urgence et surtout démontrer que ce n'est pas du bluff. Ce n'est pas...

M. Jolivet: Du chantage.

M. Courtemanche: ...du chantage. Alors, on a cogné à la porte, dans un premier temps, de M. Gérald Tremblay, qui est ministre de l'Industrie et du Commerce. Il a accueilli favorablement notre demande avec des résultats qui sont toujours attendus. On a cogné aussi à la porte du premier ministre Bourassa qui a bien daigné nous recevoir en compagnie de M. Lemire qui a fait le lien. On nageait, à ce moment-là, avec la crise d'une certaine compagnie de magnésium de Bécancour. Donc, il y avait de l'incertitude dans le langage qui était employé par MM. Bourassa et Tremblay. On ne voudrait pas payer la note pour ça nécessairement, mais ils ont accueilli encore favorablement notre démarche.

On a fait des démarches aussi au niveau de... On est montés jusqu'au niveau de M. Bolduc à Hydro-Québec. Il nous reste juste M. Drouin à rencontrer. On a rencontré Mme Bacon aussi, dans un court laps de temps, juste avant le référendum. Elle a bien voulu nous accorder... Je lui porte toute ma gratitude là-dessus. J'ai fait venir des gens de Saint-Gobain, de la maison mère, pour exprimer l'urgence, pour exprimer ce que ça représentait, pour nous, la tarification d'Hydro-Québec. Il y a beaucoup de phrases là-dedans que j'ai tout simplement copiées de leur texte, c'est bien sûr. (11 h 40)

M. Jolivet: Mais, malgré toutes ces rencontres-là, il n'y a pas de résultat encore, au moment où on se parle?

M. Courtemanche: Bien, c'est ça que je disais tantôt dans mon document. Ça traîne un peu en longueur. Puis, moi, en tant que directeur d'usine, avec les connaissances que j'ai et puis la vitesse à laquelle Saint-Gobain, une compagnie internationale aussi grosse évolue normalement, je dirais qu'on doit agir rapidement. Maintenant, ça fait 2 ans que je les traîne. Je dois dire aussi que j'ai amené des gens d'Hydro-Québec, qui se sont déplacés, qui sont venus au siège social à Paris, qui sont venus expliquer le programme énergétique. Les messieurs de Saint-Gobain, ils étaient très, très intéressés. Et même ces gens-là, qui tentent de nous aider au maximum, font des appels réguliers à la maison mère

pour les maintenir en vie dans le sens: Écoutez, soyez patients, soyez patients! On va vous aider. Il faut que ça se développe.

M. Jdlivet: L'élastique va casser!

M. Courtemanche: Mais il va venir un temps où la patience va céder à d'autre chose.

M. Jolivet: Mais juste pour reprendre une des affirmations que vous avez faites tout à l'heure, entretemps, quand vous êtes montés au niveau de M. Bol-duc...

M. Courtemanche: Oui.

M. Jolivet: ...vous n'avez pas parlé des fameux 8000$ de...

M. Courtemanche: Non, non, c'est arrivé par la suite, ça. C'est quelque chose qui...

M. Jolivet: Non? Non, mais ça n'a pas de bon sens.

M. Courtemanche: À mon sens, soit dit en passant, ils ont tout tenté, eux autres. Ils ont dit: Les règles ont été appliquées avec rigueur, puis, bon, O.K., il n'y avait rien à faire. Finalement, je leur ai envoyé une lettre. Actuellement, ils sont en train de penser là-dessus. En passant, il y a, disons, 2 000 000 de personnes qui sont des bons payeurs peut-être au Québec et elles n'ont pas de frais d'administration lorsqu'elles dépassent de 1 mois ou à peu près.

M. Jolivet: Non mais ça n'aide pas...

M. Courtemanche: Je veux dire qu'on s'est sentis un petit peu maltraités dans cette façon un petit peu cavalière.

M. Jolivet: Vous n'avez pas pensé, à un moment donné... D'abord, là, vous faites ça quasiment publiquement, votre négociation. Vous venez de dire: On a eu des problèmes, on vient vous le dire, puis on espère que ça va se régler. Hydro-Québec vous écoute. La ministre vous écoute. On espère que oui. Mais vous n'avez pas pensé, à un moment donné, d'aller négocier secrètement, puis de n'en parler à personne, de faire un contrat secret?

M. Courtemanche: On essaie d'être aussi...

M. Jolivet: Non, non, je ne vous ai pas posé la question. Je voulais juste vous...

M. Courtemanche: ...transparents que possible.

M. Jolivet: C'est parce que ce qui est important, c'est que vous dites: On a fait tous les efforts.

M. Courtemanche: Oui.

M. Jolivet: On demande de la part d'Hydro-Québec un effort. Maintenant, quelle forme d'effort peut être fait par Hydro-Québec? Parce que, si Hydro-Québec, pour la même puissance, a le même tarif, pourquoi, vous autres, vous auriez par rapport à d'autres...

M. Courtemanche: O.K.

M. Jolivet: Quelles sont les raisons primordiales qui feraient que vous auriez un traitement de faveur, si je peux prendre l'expression?

M. Courtemanche: O.K. Je pense que, disons, la réponse est pratiquement dans la présentation d'hier à Shawinigan où on a présenté au cégep une volonté de la part du gouvernement, disons, d'axer sur les électrochi-mies... Nous, on est à la tête des consommateurs dans les électrochimies. Et puis je me dis: «C'est-u» en ligne avec ce qu'on pense, au gouvernement, de favoriser ce secteur-là en particulier? C'est des questions qu'on se pose pour lesquelles on n'a pas eu de réponses encore, à savoir: Est-ce que vous allez favoriser à l'avenir...

On m'a dit: Les alumineries, on en a assez, on n'en veut plus. On veut avoir d'autres choses. C'est quoi que vous voudriez avoir au point de vue gouvernement? Qu'est-ce qu'on veut avoir au point de vue population, je dirais? Est-ce qu'on veut continuer à consommer de l'énergie, faire fonctionner des usines au Québec qui vont être énergivores ou est-ce qu'on n'en veut pas de celles-là? Ce n'est pas clair pour nous. Le message n'est pas clair.

M. Jolivet: Ce que vous dites, d'une certaine façon: II faut passer de la parole à l'acte. Mais, entretemps, vous autres, combien de temps ça peut durer, ça, là?

M. Courtemanche: Moi, je leur ai promis qu'à la fin du mois j'aurais une réponse. C'est clair comme ça!

M. Jolivet: Vous êtes là depuis 1916. Donc, vous avez vécu 1'electrification de la région, Shawinigan étant le berceau à ce niveau-là, dans la mesure où plus on était proche du barrage, moins ça coûtait cher. Mais c'a été changé par la nationalisation.

M. Courtemanche: Et voilà!

M. Jolivet: Est-ce que vous voulez demander quelque chose comme ça, vous?

M. Courtemanche: Oui, peut-être bien. Pourquoi pas? Mais je pense que c'était plus parce qu'il y avait des problèmes de transport d'énergie sur de longues distances, si je ne me trompe pas, qu'on voulait s'installer près des barrages, effectivement. Aussi Shawinigan est excessivement bien desservie par le chemin de fer. Il y a quand même beaucoup d'accès. C'est pour nous un

gros avantage. C'est sûr que notre compétiteur, en Illinois, il est aussi bien situé par rapport au milieu américain.

Actuellement, on dit que, oui, il est possible d'amener de nouveaux investissements, même à Shawi-nigan, des usines à valeur ajoutée qui vont se greffer à la nôtre. On peut même travailler de concert avec les ferroalliages, actuellement, qui nous ont approchés; notre produit serait incorporé dans leurs produits pour fabriquer du silicium métal, un exemple, qui est une valeur ajoutée.

Alors, on pense faire partie de ce que le ministre Tremblay appelle les grappes industrielles et puis je pense qu'on a été assez bien identifiés de ce côté-là; on pense qu'on peut ajouter notre produit à l'aluminium qui est en grosse partie ici. Vous savez, actuellement, ce qui est ajouté à Jonquière dans ce qu'on appelle le Duralcan vient de Norvège. Il est produit en Norvège. C'est le même produit qu'on produit, nous autres. Il est produit là-bas pour de bonnes raisons, parce qu'on n'a pas les installations pour le produire. Eventuellement, ce marché-là va être développé. Bon Dieu! c'est le marché nord-américain, ce n'est pas le marché européen. Et puis, si, nous, on disparaît de la carte, c'est effectif, c'est très vrai que ça va venir d'ailleurs, tout ça.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Saint-Maurice.

M. Lemire: Merci, M. le Président. Je voudrais, tout d'abord, M. Courtemanche, vous féliciter. J'ai toujours été très sensibilisé à la démarche de Norton. Votre prédécesseur m'avait déjà confié un dossier. Je pense qu'avec la CSST on avait eu des problèmes parce que vous aviez un tarif très élevé. C'est certain que c'est un domaine qui est assez spécial. Je veux aussi féliciter le président du syndicat, M. Béland, parce que, comme le disait le député de Laviolette tantôt, il y a une harmonisation qui se fait à Shawinigan et c'est vrai qu'il y a eu beaucoup de changements, surtout dans les 5 dernières années. Quand on voit la démarche que vous avez entreprise avec tout le personnel, toute la main-d'oeuvre pour en arriver à appliquer une qualité totale, il faut le faire.

Maintenant, moi, je suis très sensible à votre démarche, surtout depuis quelques années, surtout avec les problèmes de tarification que vous avez rencontrés. Moi, j'aurais une question. C'est certain que, là, on regarde le plan de développement d'Hydro-Québec, puis, en matière de tarification, Hydro-Québec propose comme orientation à long terme d'aligner la hausse tarifaire sur le taux d'inflation d'ici l'an 2000. Pensez-vous qu'à long terme, si on parlait de taux d'inflation, ça pourrait arranger quelque chose dans votre demande? Qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Courtemanche: Ce que je pense de ça, c'est que c'est tout à fait inacceptable, tout à fait inacceptable. Je pense que la créativité peut être inventée dans le sens de peut-être se donner des moyens. La créativité est inventée à partir du fait où on se donne des buts, des objectifs qui sont difficiles à réaliser.

Nous, si on visait l'inflation, je pense qu'il n'y a pas une industrie au Québec, actuellement, qui vise à ne pas baisser ses coûts de production bien en bas de l'inflation. J'avais des confrères qui me disaient: La compagnie nous demande de baisser de 10 % notre coût de production en dépit de l'inflation. Nous, on nous demande de baisser de 15 %, 20 % en bas du coût de l'inflation. Bien, je ne pense pas que la société d'État soit enlignée trop, trop sur la philosophie qui prime actuellement dans les industries au Québec. Ce qu'on recherche, c'est vraiment à baisser pour devenir compétitifs sur le plan international et on n'a pas bien loin à chercher. Aux États-Unis, nos produits, en 1984, se vendaient autour de 808 $ la tonne et l'échange monétaire était de l'ordre de 0,75 $ pour le dollar américain. On peut penser qu'aujourd'hui on vend, livré à Niagara Falls, New York, un exemple, à 600 $ la tonne. Bien, depuis 1984, il y a sûrement eu des efforts de faits pour combler le déficit et, effectivement, pour nous, il faudrait qu'on parte d'un petit peu plus bas pour accepter une augmentation tarifaire semblable qui vise l'inflation. (11 h 50)

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Je ne veux pas être désagréable envers mon collègue de Saint-Maurice — si je peux l'appeler encore «collègue» — mais je vous dis simplement une chose: Ça n'a pas de bon sens de poser des questions comme celle-là. Votre message, ce que vous venez de nous dire, c'est: On est au désespoir, on est à la veille de fermer si on n'a pas une aide. Ce n'est certainement pas de demander l'inflation. Ça n'a pas de maudit bon sens. C'est ce que je comprends de votre message.

Une voix: Vous en avez fermé cinq, vous autres.

M. Jolivet: À partir de ça, j'aimerais savoir, de votre part à vous autres, comment vous voyez l'avenir. Si, après la rencontre de ce matin, il n'y a rien qui débouche, qu'est-ce qui va arriver?

M. Courtemanche: Je serais très mal placé pour le dire actuellement parce que les décisions se font bien au-dessus de moi, mais, si on lit bien le mémoire vers les dernières pages, on mentionne très bien que ça peut être difficile de maintenir nos opérations au Québec. C'est assez clair comme message.

M. Jolivet: Donc, le cri au secours que vous faites ce matin, moi, tout ce que je peux dire et je n'ajouterai pas davantage, c'est qu'on vous écoute, non seulement qu'on vous écoute, mais qu'on vous comprenne et qu'on trouve une solution. Et vous êtes prêts, avec ce que j'ai vu dans le mémoire, à faire l'effort nécessaire puisque vous l'avez fait dans d'autres. Autrement dit, si le passé peut exprimer le futur, c'est que vous l'avez fait et vous dites: On est prêts encore à le

faire, mais à condition qu'il y ait quelqu'un quelque part qui ait la responsabilité de venir trouver une solution avec nous autres. C'est ce que je comprends dans votre mémoire.

M. Courtemanche: Absolument. M. Jolivet: Merci.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. J'aurais le goût de vous dire au départ que vous faites peut-être partie des grappes, mais j'ai l'impression que, dans votre cas, le raisin est drôlement vert.

M. Courtemanche: Je disais sec, moi, mais...

M. St-Roch: Je vais vous poser une première question, parce que, moi, ça me chicote, celle-là, parce que ce qui est le fondement même des industries de demain, c'est la recherche et le développement. J'ai été drôlement surpris de vous entendre, M. Courtemanche, mentionner que, lorsque vous voulez faire un essai pour développer un nouveau produit qui pourrait accentuer vos chances de survie, Hydro-Québec vous dit: Non, tu paies au tarif de pointe et que vous êtes obligés de transférer ça. Est-ce que ça s'est passé durant les 2 dernières années pendant que vous êtes en négociations avec toutes les rencontres que vous avez mentionnées, ça?

M. Courtemanche: Oui, à travers ça, définitivement. Ça s'est passé plus précisément l'an passé.

M. St-Roch: Parce que, si c'est le cas, là, dans mon livre à moi, c'est inadmissible, parce que ça fait partie du partenariat qu'Hydro-Québec devrait avoir avec les industries, qui devrait permettre cette recherche-développement-là, parce que ça fait partie de la mission, ça fait partie aussi des électrotechnologies qu'on veut développer. On aura la chance de revenir à partir de mardi prochain avec Hydro sur cet aspect-là. Mais, d'une façon encore un petit peu plus globale — et je sympathise avec vous parce que, lorsqu'on est assis sur un siège au niveau d'un complexe et que la direction est à l'extérieur, ça demande des bonnes télécommandes — de votre perception des choses, s'il y avait une bonne compréhension, une bonne discussion et une bonne orientation, est-ce qu'il serait possible, dans une philosophie des grappes, là, en y mettant un petit peu plus de soleil pour les faire mûrir un petit peu plus, les faire rougir plus rapidement, d'être capable d'arriver avec votre organisation mère et de dire: Voici, dans un contexte d'un contrat —j'imagine que vous regardez au moins 10 ans — où on pourrait déterminer les prix, il serait possible d'arriver avec votre direction mère à un programme de valeur ajoutée et de dire: On prend l'usine qui est là, on s'en va là-dedans et, pour un pro- gramme de x années, on fait de la recherche — c'est ce que vous avez mentionné, d'ailleurs — avec Alcan sur ces genres de produits là pour en arriver avec une valeur ajoutée et un accroissement des effectifs? Est-ce que, dans votre perception des choses, c'est possible de faire, ça, s'il y avait une concertation, et de dire: Oui, on maintient cette usine-là — pour employer votre terme — qui est énergivore? C'est la direction où on s'en va et on est prêts, de notre part, moyennant ces concessions-là, à vous livrer ça, vous, les Québécois et les Québécoises?

M. Courtemanche: La réponse, c'est oui. La réponse est oui.

M. St-Roch: Qu'est-ce que ça prend pour faire rougir ça, cette grappe-là?

M. Courtemanche: Je pense que ça prend quand même... C'est ça, quand même...

M. St-Roch: On va demander à mon collègue de Saint-Maurice d'écouter la réponse.

M. Courtemanche: Oui, effectivement, il y a moyen, disons, si on regarde... J'ai amené des pamphlets avec moi, comme je le mentionnais tantôt, que j'ai montrés, d'ailleurs, ce matin. C'est tout nouveau, là. Ça fait qu'il est au courant. Il est très au courant. Oui, définitivement. Saint-Gobain, c'est un développeur, disons, une science actuellement, en recherche et développement que nul autre n'a dans ce domaine-là. Ils sont en train de construire aux États-Unis actuellement une usine justement axée sur la valeur ajoutée. Ils n'ont que ça, la valeur ajoutée, dans la bouche. Alors, actuellement, on me presse, mon patron m'appelle souvent d'Europe — encore au début de la semaine — pour me dire: On a tenté de produire un produit de plus haute teneur dans nos fours. On appelle ça le grade; au lieu d'être noir, notre produit, il devient vert, une plus belle couleur.

M. St-Roch: II va avec les grappes.

M. Courtemanche: Oui, peut-être. Mais il n'en demeure pas moins que, oui, on tente... C'est un produit qui existe actuellement sur le marché nord-américain. Croyez-le ou non, il est fabriqué en Norvège, il est expédié par bateau de ce bord-ci et on dessert le marché nord-américain avec ça. Et puis, nous, on leur a prouvé qu'en le produisant ici on sauvait des coûts de transport énormes. Ils sont à notre écoute et ils ont dit: Écoutez, prouvez-nous que vous êtes capables de le faire. C'est ce qu'on est en train de démontrer avec l'aide de nos employés, actuellement, dans notre usine. Alors, ça répond... Oui, la valeur ajoutée, les produits, tout est là. Toujours est-il que, si le milieu économique, si l'environnement économique le permettent, je crois que c'est peut-être plus facile d'attirer une industrie comme ça qu'une industrie de textile qui vient de Chine,

je suppose.

Le Président (M. Audet): Merci. Alors, c'est...

M. St-Roch: Brièvement, M. le Président. Je peux vous promettre que, lorsqu'on va faire les crédits, bientôt, on va s'occuper d'interroger le ministre de l'Industrie et du Commerce sur cette philosophie de développement.

Le Président (M. Audet): C'est terminé. Alors, messieurs, madame, au nom des membres de la commission, je vous remercie de votre présentation. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'après les affaires courantes.

(Suspension de la séance à 11 h 57)

(Reprise à 15 h 35)

Le Président (M. Audet): S'il vous plaît! Alors, j'ai besoin du consentement des membres de la commission pour que nous puissions continuer nos consultations étant donné que l'ordre de la Chambre n'a pas été donné encore.

M. St-Roch: M. le Président, c'est avec plaisir que nous allons vous donner notre consentement.

Le Président (M. Audet): Alors, merci, messieurs. Nous allons commencer. Je déclare la séance de la commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous rappelle brièvement le mandat de la commission, qui est de procéder à une consultation générale sur la proposition de plan de développement 1993-1995 d'Hy-dro-Québec.

Alors, cet après-midi, nous recevons, en commençant, l'Association des consommateurs du Canada; suivront ensuite TransCanada Pipelines Ltd et le Groupe de recherche en éthique environnementale.

Alors, les gens de l'Association des consommateurs du Canada inc. ont déjà pris place. Messieurs, au nom des membres de la commission, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Je vous rappelle brièvement nos règles de procédure. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre exposé. Préalablement, je vous inviterais à vous identifier aux fins de transcription du Journal des débats. Ensuite, suivra une période d'échanges d'une quarantaine de minutes. Vous pouvez y aller, vous avez la parole.

Association des consommateurs du Canada (Québec) inc. (ACC)

M. Desjardins (Roma): Je me présente, je suis Roma Desjardins, le vice-président de l'Association des consommateurs et, à ma gauche, Me Jean Carouzet, notre président. M. Léo Lacombe, notre directeur, était supposé être présent, mais il a été dans l'impossibilité de se rendre ici.

Nous représentons l'Association des consommateurs du Canada inc., section du Québec, et nous comptons tout près de 10 000 membres. Les membres du conseil d'administration, un fait à noter, sont tous des bénévoles et ne reçoivent aucun salaire. Nous sommes aussi affiliés à l'Association des consommateurs du Canada, les sections de toutes les provinces, qui regroupent entre 125 000 et 150 000 membres. Nos membres cotisants s'identifient comme consommateurs avertis puisqu'ils sont tous des lecteurs et lectrices de la revue Le consommateur canadien et plusieurs sont aussi des lecteurs de Protégez-vous, la revue publiée par l'Office de la protection du consommateur.

Nous avons participé avec grand intérêt à la consultation sur le plan de développement d'Hydro-Québec depuis le début, soit depuis novembre 1991. Puis, dans le cadre de cette consultation, nous avons procédé à un grand sondage auprès de nos membres, consommateurs et consommatrices. Les réponses ont été reçues par courrier de la part de plus de 1200 membres répartis aux 4 coins de la province. Nous avons reçu des réponses incomplètes à nos questionnaires; on les a laissées de côté. Nous avions envoyé 3500 envois sélectionnés pour représenter le mieux possible l'opinion des membres consommateurs répartis dans la province. Notre président vous fera part, tout à l'heure, des résultats de ce sondage. Contrairement à plusieurs autres groupes, nous nous faisons les porte-parole d'un grand nombre de consommatrices et de consommateurs québécois que nous avons réellement consultés.

Les consommateurs du Québec furent très offusqués de la campagne insidieuse contre Hydro-Québec, menée particulièrement par la multinationale Greenpeace et d'autres groupes d'environnementalistes virulents, allant jusqu'à publier une page entière dans le New York Times, au nom de tout un monde qu'ils n'ont même pas consulté. Même la succursale québécoise de Greenpeace s'en est révoltée publiquement, en dénonçant les nombreuses inexactitudes et les demi-vérités. Les producteurs d'électricité de la Nouvelle-Angleterre, selon notre avis, mériteraient bien plus de reproches qu'Hydro-Québec dans le domaine écologique. Ils crachent, en effet, une immense quantité de pluies acides dans le ciel nord-américain, qui retombent jusqu'au Québec et qui semblent bien plus dommageables que les inconvénients découlant du harnachement de grandes rivières.

En conclusion, on peut affirmer que les consommateurs et consommatrices du Québec sont très satisfaits et fiers de leur Hydro-Québec. Il est faux de prétendre qu'ils souhaitent que le gouvernement leur impose un changement d'attitude.

Je laisse la parole à notre président, Me Jean Carouzet, et, ensuite, on aura quelques suggestions à apporter dans l'élaboration du plan de développement et surtout un peu sur le côté de la politique tarifaire. Donc, M. Carouzet.

Le Président (M. Audet): Allez-y, monsieur.

M. Carouzet (Jean): Merci. C'est avec un grand intérêt que nous présentons ici un bref mémoire qui illustre les principales préoccupations et les commentaires des consommateurs et consommatrices du Québec concernant la présentation du plan de développement d'Hydro-Québec. Nous avons bien apprécié d'être consultés lors de la préparation de cet important plan de développement. Nous ne nous sommes pas sentis mis devant un fait accompli, mais on a vraiment la sensation d'être consultés avant le fait, de pouvoir exprimer ainsi nos opinions et nos suggestions. (15 h 40)

Alors, sondage auprès des consommateurs. C'est dans le cadre de la consultation sur le plan de développement d'Hydro-Québec que l'Association des consommateurs du Canada, section Québec, a convenu de consulter par sondage un échantillon représentatif de ses quelque 10 000 membres répartis dans tout le Québec, de la Gaspésie jusqu'en Abitibi.

Les nombreux répondants, tous clients d'Hydro-Québec, ont signalé leurs opinions selon leur propre degré de connaissance des faits, y compris les influences qu'ils ont pu recevoir par la campagne insidieuse de dénigrement des Cris contre Hydro-Québec menée à grands frais par la multinationale Greenpeace et largement supportée par les environnemental istes, écolos de tout acabit, de même que par certains journalistes à sensation.

Alors, ici, je voudrais donc énoncer les 5 grands principes qui découlent des sondages que nous avons effectués. Je voudrais insister sur le fait que nous avons quand même pris soin d'essayer de consulter un échantillon représentatif de nos membres et, donc, les principes que nous allons dégager, nous ne les tirons pas de notre chapeau, mais nous les tirons de l'opinion de nos membres, donc de l'opinion de consommateurs, de gens qui sont des vrais consommateurs d'Hydro-Québec et, donc, un échantillon de la population elle-même.

Alors, le premier principe qui se dégage de ce sondage, c'est que l'électricité est un besoin essentiel dont on ne peut pas se passer. C'est une forme d'énergie pratique, propre et qui satisfait l'environnement, et les Québécois ne sont pas prêts à s'en passer. Le deuxième principe, c'est qu'Hydro-Québec...

Le Président (M. Audet): Excusez-moi, monsieur. Nous devons suspendre nos travaux. Nous sommes appelés pour un vote à l'Assemblée. Alors, nous allons suspendre nos travaux le temps du vote et on vous revient dans quelques minutes.

M. Carouzet: On va vous attendre. Merci. (Suspension de la séance à 15 h 42)

(Reprise à 16 h 2)

Le Président (M. Audet): La commission reprend ses travaux. Monsieur, je vous redonne la parole, parce qu'il vous reste encore du temps pour votre présentation. Allez-y.

M. Carouzet: Merci. Alors, on était rendus à la page 3 de notre mémoire concernant les 5 grands principes que nous avons tirés du sondage que nous avons effectué. Le deuxième grand principe, c'est qu'Hydro-Québec doit faire l'impossible pour continuer à bien nous alimenter et à rentabiliser l'entreprise au profit de tous les Québécois. Je vous soumets que l'une des préoccupations principales des consommateurs, c'est d'obtenir l'électricité à un prix acceptable et à un prix qui ne soit pas trop élevé, parce que l'électricité est un bien de consommation nécessaire pour tous les Québécois, plus particulièrement pour ceux qui sont démunis, qui, actuellement, sont des fois en chômage et sont même, des fois sur le bien-être social. Donc, l'électricité doit rester une denrée bon marché pour tout le monde, pour tous les Québécois. Ça, c'est une préoccupation essentielle des consommateurs.

Le troisième principe, c'est qu'Hydro-Québec doit toujours protéger notre environnement. Ici, l'Association des consommateurs endosse complètement les rapports du groupe GRAME, de Pierre Dansereau et Pierre Bourque qui, à notre avis, sont des écologistes éminents et à qui on peut faire confiance.

Le quatrième point, c'est qu'Hydro-Québec doit nous protéger contre les méfaits des pluies acides (usines thermiques) et de l'énergie nucléaire. À tort ou à raison, les consommateurs ont toujours plus ou moins un préjugé contre l'énergie nucléaire à cause des retombées, à cause des résidus qui peuvent rester. Peut-être qu'ils ont tort sur ce point-là, mais, enfin, les sondages ont révélé qu'il y a une certaine méfiance qui s'exerce à ce point de vue là.

Enfin, le cinquième principe, c'est qu'Hydro-Québec doit préserver les territoires de chasse et de pêche des communautés amérindiennes. Hydro-Québec doit donc respecter tous les individus, tous les Québécois, y compris les autochtones qui vivent sur notre territoire. Donc, les barrages et les autres constructions ne doivent pas s'ériger au détriment du mode de vie de certains habitants de notre province.

Alors, les faits saillants. Il est évident que les consommateurs font confiance à Hydro-Québec et s'attendent que celle-ci continue à bien les alimenter, tout en protégeant l'environnement et en s'en souciant. En autant que possible, les droits de tous les Québécois, y compris les Amérindiens, doivent être respectés.

Les tarifs d'électricité. Ici, c'est très important pour les consommateurs. Les consommateurs se sont fortement prononcés pour limiter les augmentations de tarifs à la croissance naturelle du taux d'inflation et pas plus. Les consommateurs, en particulier, ne pensent pas pouvoir supporter seuls les coûts d'investissement pour les barrages qui doivent être construits par Hydro-Québec. Ça devrait plutôt être rentabilisé par des emprunts qui devraient se payer par la plus-value qui est apportée par les barrages. Les consommateurs tiennent à conserver les tarifs avantageux de biénergie, mais s'opposent à

l'implantation de tarifs supplémentaires pour les plus gros consommateurs résidentiels. Des mesures incitatives devraient plutôt amener ceux-ci à réduire leur consommation d'énergie.

Le chauffage à l'électricité. Les sondages montrent que les consommateurs québécois tiennent fortement à continuer de bénéficier de tous les avantages du chauffage à l'électricité. À ce point de vue là, ils révèlent notamment qu'il y a très peu de Québécois qui envisagent de retourner à des modes de chauffage autres que l'électricité, notamment le mazout, le gaz naturel, le propane, le bois ou le charbon. Il y a certains modes d'énergie qui, comme le gaz naturel, par exemple, ont une certaine défaveur parce qu'ils évoquent certains dangers comme les explosions de gaz naturel, à tort ou à raison, parce qu'il y aurait peut-être moyen d'améliorer cette image auprès du public. Mais c'est un fait que tant le nucléaire que le gaz naturel ont une certaine défaveur vis-à-vis du public. Les consommateurs ont déjà abandonné ces sources d'énergie. Très peu de consommateurs qui ont adopté l'électricité pensent à retourner à un autre mode de chauffage. Il y en a très peu qui se chauffent à l'électricité et qui pensent à retourner au bois, au mazout, au propane ou à un autre mode de chauffage.

Il y a une seule exception à ce principe, c'est le chauffage biénergie qui retrouverait des adhérents dans la mesure où cette solution s'avérerait indispensable au confinement des coûteuses pointes de réseau d'hiver. Alors, on sait, évidemment, qu'Hydro-Québec, quand il fait très froid, est soumise à une forte demande et qu'elle doit se procurer de l'énergie et de l'électricité à un fort coût de revient. À ce moment-là, le mode biénergie devient très populaire, surtout compte tenu des économies qu'il peut rapporter au consommateur.

L'efficacité énergétique. Considérant les résultats positifs obtenus par les divers programmes d'efficacité énergétique, les consommateurs souhaitent le maintien et surtout le développement accéléré de toutes les initiatives de ce genre. Les consommateurs désirent qu'Hydro-Québec s'implique davantage dans les programmes de certification des appareils et habitations efficaces afin de fournir une fiabilité rassurante.

La génération d'électricité. Les consommateurs se sont fortement prononcés en faveur de la construction de nouvelles centales hydroélectriques, y compris le projet de Grande-Baleine. La construction de nouvelles centrales thermiques ou nucléaires est contestée. Tout ça, ça résulte des sondages qu'on a effectués. L'association d'Hydro-Québec avec des producteurs privés est souhaitable pour l'implantation de programmes de cogénéra-tion afin de suffire à la croissance des besoins énergétiques du Québec. Alors, ici, la construction de nouvelles centrales peut se heurter à des groupes écologiques — évidemment, les Cris, etc. — mais on pense que toutes ces critiques sont fortement exagérées. Je pense que le respect de l'environnement doit faire l'objet, pour chaque ouvrage, d'une étude spéciale, pour chaque barrage. Il y a des barrages même qui peuvent améliorer l'environnement au lieu de le diminuer, dans certains cas. Alors, tout ça, c'est des cas d'espèce. (16 h 10)

On ne peut pas faire, comme le font les Cris ou d'autres écologistes, une critique générale des projets d'implantation d'Hydro-Québec. Il faut vérifier dans chaque cas, faire une étude dans chaque cas et là ça devient sérieux. Autrement, notre association pense que ces critiques ne sont pas sérieuses et ne sont même pas logiques.

Les exportations d'électricité. Les consommateurs se sont massivement prononcés en faveur de la poursuite de la politique de ventes à l'exportation d'Hydro-Québec et aux échanges imports-exports d'électricité. Ils croient aux bénéfices de telles entreprises pour tout le Québec.

Les grandes entreprises. Les consommateurs croient que l'économie du Québec est grandement favorisée par l'implantation d'industries à forte consommation d'électricité. Ils souhaitent, d'ailleurs, que ce mouvement soit soutenu, surtout si elles sont à la fois créatrices d'emplois et propres pour l'environnement. Par contre, les consommateurs ne trouvent pas équitable la politique de tarifs préférentiels pour les plus gros clients industriels. Les consommateurs, surtout les clients résidentiels, trouvent exagérée la politique d'Hydro-Québec de donner l'électricité à taux très faible aux alumineries ou aux grosses industries, alors qu'eux paient plus cher pour l'électricité. Ils pensent qu'ils devraient obtenir le même tarif que les autres clients et non pas des tarifs plus élevés.

En conclusion, les consommateurs tiennent à ne pas devenir, conjointement avec Hydro-Québec, les victimes des rivalités de monopoles politico-énergétiques de l'Amérique du Nord. Les consommateurs souhaitent qu'Hydro-Québec, appuyée par les gouvernements concernés, parvienne, conjointement avec les autres grands producteurs, fournisseurs et distributeurs d'énergie, à solutionner les problèmes d'alimentation d'énergie nécessaire au développement du Québec. Ils désirent également qu'Hydro-Québec demeure ferme dans ses positions de négociation.

L'Association des consommateurs du Canada tient pour acquis qu'Hydro-Québec intègre la dimension environnementale aux considérations économiques et techniques par la voie d'études d'impact sur chaque projet. C'est ce que nous disions plus haut. Cette approche devra aussi servir à déterminer les mesures d'atténuation appropriées à son plan de développement.

Alors, ici, je voudrais donc faire un résumé de ce que j'ai dit. Je pense que je n'ai pas été trop long, mais enfin, ha, ha, ha! ça sera assez court. Alors, donc, je voudrais faire le résumé suivant de la position de notre association. L'Association des consommateurs du Canada (Québec) inc. fut heureuse de participer à la consultation sur le plan de développement d'Hydro-Québec et veut que ce processus de consultation soit maintenu dans l'avenir. L'Association a réalisé un sondage auprès de ses 10 000 membres avant de présenter les propositions et commentaires suivants: 1° Les consommateurs souhaitent qu'Hydro-Québec continue à bien les alimenter, tout en protégeant

l'environnement et les droits de tous les Québécois, y compris les Amérindiens. 2° Les tarifs résidentiels ne devraient pas dépasser les taux d'inflation. Alors, ça, c'est très important. C'est une des préoccupations principales de notre Association, que les taux de l'électricité devraient rester raisonnables, vu qu'il y a beaucoup de gens qui ont de faibles revenus, au Québec, actuellement, à cause de la récession. 3° Le chauffage à l'électricité devrait conserver la préférence sur les autres sources. 4° L'efficacité énergétique et l'économie de l'énergie doivent être supportées par des programmes incitatifs et contributifs. 5° La génération d'électricité doit continuer à être planifiée selon les règles de rentabilité et d'appui au développement économique du Québec. 6° Les exportations d'électricité doivent être maintenues et développées en poursuivant la politique de vente d'Hydro-Québec. 7° Les grandes entreprises à forte consommation d'électricité doivent continuer à être supportées et développées afin de valoriser l'économie, et favoriser la création d'emplois et de PME.

Nous remercions la commission de nous fournir l'occasion d'exprimer l'opinion des consommateurs et consommatrices du Québec. Merci.

Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: Alors, M. Carouzet et M. Desjardins, je vous remercie d'être venus ici au nom de l'Association des consommateurs du Canada (Québec) et de participer à ce processus de consultation, qui est fort important dans notre système parlementaire.

Pour revenir à votre mémoire, vous affirmez, en page 5 du mémoire, que les consommateurs québécois tiennent fortement au chauffage électrique. Est-ce que, selon vous, il y a des raisons spéciales pour que le chauffage au gaz s'avère si peu populaire auprès des consommateurs? Est-ce qu'il y a des raisons spéciales pour que les gens choisissent encore l'électricité pour le chauffage?

M. Carouzet: Bien, il y a une raison spéciale. En ce qui concerne le gaz, c'est que, quand il y a des accidents avec le gaz, évidemment, les médias font une grosse propagande pour ces choses-là, même si, finalement, le nombre de victimes n'est pas plus élevé qu'avec les accidents électriques. Bien, c'est beaucoup plus spectaculaire et, à tort ou à raison, les gens ont des préjugés contre le gaz. Moi, je sais que, personnellement, mon épouse, je ne peux pas lui parler du gaz, ce n'est pas la peine. Les gens ont des préjugés contre le gaz.

Mme Bacon: C'est la peur de ce combustible...

M. Carouzet: La peur du danger, oui.

Mme Bacon: ...qui ferait en sorte qu'ils choisiraient l'électricité.

M. Carouzet: Oui. Il y a la peur du gaz qui joue beaucoup là-dedans et, peut-être, d'autres raisons. Peut-être parce que, aussi, c'est un peu plus cher que l'électricité, si on applique la biénergie, notamment. La bié-nergie, je pense, revient un peu moins cher que le gaz.

Mme Bacon: Est-ce qu'il n'y a pas aussi tout l'appareillage? Est-ce que les gens vous mentionnent ça?

M. Carouzet: Pas tellement.

Mme Bacon: Par rapport aux appareils?

M. Carouzet: Quoique c'est vrai que l'appareillage est plus cher que pour l'électricité, mais non.

Mme Bacon: Mais ce n'est pas des raisons majeures. C'est ça.

M. Carouzet: Bien, ce n'est pas les raisons que les gens invoquent beaucoup.

Mme Bacon: Pour différentes raisons — résistance au changement, des coûts — évidemment, il n'est pas possible de traduire la totalité du potentiel théorique d'économies d'énergie en économies véritables. Votre implication dans le domaine de la consommation vous a sans doute amenés à bien connaître les consommateurs et ce à quoi ils sont le plus réceptifs. Dans ces circonstances, est-ce que vous avez des idées ou des suggestions sur ce qu'on pourrait faire pour amener les consommateurs à participer en grand nombre aux différents programmes d'économie d'énergie, à participer davantage?

M. Carouzet: Bien, oui. Il faudrait les informer beaucoup plus, notamment, des économies qu'ils pourraient faire. Il y a déjà un programme à Hydro-Québec. Évidemment, avec le programme de biénergie, elle a déjà fait un gros effort, mais cette nouvelle forme de chauffage, qui est très intéressante, n'a peut-être pas — comment je vais dire? — fait l'objet d'assez de publicité auprès du public.

Mme Bacon: Au niveau des économies d'énergie, est-ce qu'ÉCOKILO, par exemple, vous en avez entendu parler chez vos membres?

M. Carouzet: Oui, certainement, oui. Ça, c'est une bonne chose aussi. C'est une très bonne chose. Il y a aussi le point de vue efficacité énergétique; c'est très bon, également.

Mme Bacon: M. Desjardins, vous vouliez ajouter là-dessus?

M. Desjardins; Oui. Disons que la biénergie se manifeste très efficace. Actuellement, Hydro-Québec compte environ 90 000 clients qui bénéficient du tarif d'été qui favorise la biénergie. C'est incitatif, surtout lorsqu'on se souvient que, dans la première phase, il y avait à peu près 140 000 clients qui avaient obtenu une subvention et, lorsqu'on a offert le tarif d'été, qui est plus favorable, on a découvert qu'il y avait à peu près 40 000 à 50 000 clients qui avaient abandonné la biénergie parce qu'ils ne voyaient pas de mouvement incitatif, puis d'économie substantielle à en soutirer. En plus, la façon dont ça avait été amené, disons, on ajoutait un chauffe-air dans la canalisation d'air qui créait des inconvénients parce que les canalisations n'étaient pas nécessairement tout à fait sécuritaires. Ça surchauffait les solives de plancher, et on ajoutait ça à une fournaise au mazout qui était vieillotte. Puis, quand arrivait le temps de changer, bien, là, les consommateurs étaient orientés vers la transformation, évidemment, à l'électricité, qui contient toutes les vertus souhaitables. (16 h 20)

Nous croyons que l'objectif principal de la biénergie, dans le résidentiel comme dans l'industriel, c'est de minimiser l'appel de puissance en période de pointe, dans les périodes de grands froids. Nous déplorons peut-être, de ce côté-là, qu'on permette d'installer, dans la biénergie, une puissance totale qui peut subsister, fournir toute l'énergie, le chauffage électrique, même s'il fait bien froid. En somme, si la température de permutation, qui est actuellement -12° C ou -15° C, qui est à peu près 10° F, où le transfert se fait, si la puissance du chauffage électrique installé dans la biénergie se limitait au besoin de chauffage à ces températures-là, ça forcerait, forcément, si la température baisse davantage, le client à avoir recours à un combustible d'appoint, qui est le mazout ou le gaz ou le propane.

Nous croyons aussi que, pour avantager davantage le programme de biénergie, comme, je crois, M. Martel, des pétrolières, le demandait, il faudrait hausser la température de transfert. Nous autres, à l'Association, on a analysé les coûts de chauffage et on croit que monter la température de transfert de -12° C à entre -9° C et -6° C... S'il y avait une pompe à chaleur, de toute façon, il faut transférer à -6°, parce qu'une pompe à chaleur ne peut pas fournir assez d'énergie quand il fait -12° C; c'est trop froid pour le calibre bien spécifié d'une pompe à chaleur. Donc, en montant la température à -9° ou à -6°, ça soulagerait davantage la pointe d'appel de puissance du réseau en période bien froide.

En même temps, en limitant la puissance à ces besoins-là, ça favoriserait la coopération et l'intérêt des pétrolières à se lier avec Hydro-Québec pour partager le programme de biénergie. Dans le moment, on le coupe tellement que ça ne devient plus intéressant pour les pétrolières de fournir 150 $ d'huile à chauffage, quand ils en vendaient pour 700 $. Donc, ils deviendraient plus coopératifs, plus intéressés. Le fait, surtout, de limiter la puissance forcerait, forcément, les consommateurs à avoir recours à l'appoint qui est une autre source d'énergie. Ils ne seraient pas portés à abandonner la biénergie, comme dans les premières phases où ça a été quasiment une subvention déguisée pour se transformer à tout électrique.

Mme Bacon: Au niveau du quotidien, quand on veut faire des économies d'énergie, vous en entendez parler par vos membres. Que ce soit à l'heure du lavage...

M. Desjardins: C'est ça.

Mme Bacon: ...que ce soit le lave-vaisselle, que ce soit le grille-pain, c'est des gestes quotidiens qui sont posés, et ce n'est pas toujours une préoccupation constante des gens de dire: Je vais les utiliser à telle heure; je vais manger des petits-fours ou je vais manger des muffins, le matin, au lieu de me faire une rôtie dans le grille-pain, parce que ça fait une pointe, à un moment donné, quand tout le monde...

M. Desjardins: C'est ça.

Mme Bacon: ...dans la même heure, veut le petit déjeuner. Mais est-ce que vos gens vous en parlent de ça...

M. Desjardins: Oui.

Mme Bacon: ...vos membres?

M. Desjardins: Ils en ont parlé, puis surtout...

Mme Bacon: Est-ce qu'ils font des efforts au niveau de l'économie d'énergie, dans ce sens-là?

M. Desjardins: Plusieurs ont manifesté le désir, le souhait d'avoir, eux aussi, le bénéfice d'un tarif d'été, même s'ils ne chauffent pas à l'électricité. Ils seraient prêts à accepter le délestage, à la même température, disons -6e F ou -9° F, quand il fait bien froid. Le chauffe-eau, le chauffage d'appoint électrique et la sécheuse, automatiquement, seraient délestés dans les périodes de grands froids...

M. Gautrin: Une combinaison de...

M. Desjardins: ...quitte à avoir un interrupteur manuel; si le froid persiste trop longtemps, puis qu'on a besoin de prendre une douche, on pourrait, avec un interrupteur...

Mme Bacon: Augmenter...

M. Desjardins: ...temporiser pour une demi-heure, faire chauffer de l'eau pour prendre un bain. Puis, on pense, dans notre analyse, qu'il y aurait de 400 000 à 500 000 consommateurs qui seraient prêts à adhérer à ça. L'incitatif, ça serait un tarif semblable à celui d'été. Ça veut dire qu'en période de grands froids on paierait le même tarif que les New-Yorkais. Ils ont

ça de nous autres, ils paient 3 fois plus cher que nous autres. Ça fait que ça ferait penser et, avec la petite lumière rouge qui annonce, les gens deviennent assujettis à ça et ils sont bien intéressés à faire leur part.

Mme Bacon: Êtes-vous d'accord avec des tarifs élevés comme moyen incitatif...

M. Desjardins: D'économiser l'énergie? Mme Bacon: ...d'économiser l'énergie? M. Desjardins: Non. On ne pense pas. Mme Bacon: Ça ne semble pas ça?

M. Desjardins: Du tout. Mais on accepterait que le tarif élevé incite les gens à modérer leur consommation dans les périodes de pointe, quitte à bénéficier d'un tarif plus bas dans les périodes où...

Mme Bacon: Ça serait un tarif modulé, là?

M. Desjardins: C'est ça. Ça fait qu'ils seraient grandement intéressés à ça et ils auraient l'impression qu'il n'y a pas seulement ceux qui chauffent avec la biénergie qui seraient privilégiés vis-à-vis Hydro-Québec, parce qu'ils sont capables de faire les sacrifices qui... Le chauffe-eau, la sécheuse et le chauffage d'appoint, des fois, tirent autant de puissance que le chauffage-

Le Président {M. Audet): Merci. Mme Bacon: Merci.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui. Merci d'être venus nous parler des préoccupations de vos membres. J'essaie de voir, dans votre demande... Vous dites de conserver, pour Funifamilial, le résidentiel, un taux égal à l'inflation et, quand je regarde à la page 6, vous parlez des grandes entreprises: «Les consommateurs croient que l'économie du Québec est grandement favorisée par l'implantation d'industries à forte consommation d'électricité. Ils souhaitent d'ailleurs que ce mouvement soit soutenu surtout si elles sont à la fois créatrices d'emplois et propres pour l'environnement.» Puis, il y en a plusieurs qui sont venus ici, devant la commission, et qui nous ont dit tellement l'inverse, d'autant plus que, là, je fais mention des contrats secrets. Il va falloir qu'on paie quelque part. Il y a quelqu'un qui paie ça, là. Mais, quand on va parler des contrats secrets de 1 500 000 000 $, c'est le consommateur qui le paie, ça.

M. Desjardins: Oui, mais ils sont conscients de la chose. Justement, nous autres, qu'est-ce qu'on rapporte? On a consulté nos membres. On a un échantillonnage de membres. On n'a pas pris pour acquis de parler en leur nom selon nos tendances personnelles. Par exemple, ils s'opposent... Une des dernières choses qu'on dit, à la page 7...

M. Jolivet: Oui.

M. Desjardins: ...on dit: «Par contre, les consommateurs ne trouvent pas équitable la politique de tarifs préférentiels pour les plus gros clients industriels.» On ajoute: «La complexité de ces dossiers compromet la compréhension souhaitable des faits par les consommateurs.» Les consommateurs sont incités à penser qu'Hy-dro-Québec fait cadeau d'électricité à bon marché et tout ça, mais ils ne réalisent pas la complexité. Si vous achetez de l'électricité à 300 000 V ou à 750 000 V, et que vous l'achetez à 120 V, il y a un coût de transformation et de distribution que les gens ne peuvent pas imaginer. Alors, quand on dit que le kilowattheure est bon marché, si vous l'achetez à très haute tension, c'est un service pas mal différent. Si vous êtes obligés de vous équiper de transformateurs, vous allez vous apercevoir que ça vaut la peine de l'avoir à...

M. Jolivet: Oui, mais les grandes entreprises, puis l'exportation... Je donne un exemple: chez moi...

M. Desjardins: Oui.

M. Jolivet: ...il y a une entreprise, qui s'appelle Stone Consol, à Grand-Mère...

M. Desjardins: Oui.

M. Jolivet: ...qui a une usine aux États-Unis et qui reçoit aux États-Unis, par l'intermédiaire de l'exportation, la même électricité que moi, à Grand-Mère. Puis, à Grand-Mère, je paie plus cher qu'à l'usine américaine. Il y a un problème quelque part. Ça veut dire que, moi, je paie, comme citoyen, pour l'exportation, quoi?

M. Desjardins: Je ne pense pas que c'est tout à fait exact, parce que l'usine américaine va recevoir du courant qui, pour la majorité, est au moins de 160 000 V. À la maison, vous recevez du courant tout frais, prêt à servir, à 120 V; il est distribué diminué, etc.

M. Jolivet: Oui, mais à Grand-Mère, l'usine de Grand-Mère, Stone Consol reçoit la même forme d'électricité qu'aux États-Unis, non?

M. Desjardins: Euh! Pas tout à fait. Il y en a qui sont des anciennes usines, alimentées à 25 000 V. Ça demande de la transformation. Ça dépend de leur contrat, puis de leur disponibilité.

M. Jolivet: En tout cas, je ne vous poserai pas la question à vous. Mais ce que je vous dis, c'est les gens de Consol qui sont venus nous dire ça par l'intermé-

diaire de l'Association des industries forestières du Québec.

M. Desjardins: Oui, oui.

M. Jolivet: Ils disent que, pour la même comparaison qu'ils ont faite... On va leur demander les chiffres, d'une façon ou d'une autre, mais ils nous ont expliqué que, pour l'électricité, à Grand-Mère, ça leur coûte plus cher que l'électricité payée aux États-Unis pour la même sorte de voltage.

M. Desjardins: Bon, bien, sur ce point-là, moi-même, je suis consultant en efficacité énergétique et je crois que le dossier devrait être analysé de plus près, parce qu'il y a des instances qui ne concordent pas avec ce qu'on croit être la réalité.

M. Jolivet: Quand vous parlez justement de cette partie-là, de l'efficacité énergétique et de la biénergie, si on parle des 2 à la fois, vous dites, à la page 5, qu'«une seule exception subsiste: le chauffage biénergie retrouverait des adhérents dans la mesure où cette solution s'avérerait indispensable au confinement des coûteuses pointes de réseau d'hiver.» Est-ce que c'est seulement dans ce cas-là ou s'il y aurait d'autres cas où la biénergie serait utile?

M. Desjardins: Disons qu'il y en a qui adhéreraient parce que ça leur donnerait une chance d'économiser dans les coûts de chauffage et d'énergie, parce que ça se combine à tous les besoins de chauffage. Mais ils sont disposés, d'après les réponses, à faire confiance et à faire leur effort pour ménager les besoins de construire des centrales juste pour suffire à des pointes. Mais, dans l'ensemble, ils aiment bien ça. Ils ont été élevés avec les avantages du chauffage électrique qui est propre, sécuritaire, flexible, etc. Ils sont vendus à ça. (16 h 30)

En Ontario, les régions qui ont le gaz naturel n'ont pas le droit de participer au programme de chauffage électrique, parce que, en Ontario, leur électricité est trop dispendieuse et ils veulent forcer les gens à se tourner vers le gaz naturel.

M. Jolivet: Mais quels sont les moyens donc, au Québec, justement, pour arriver à ça, à l'efficacité d'utilisation et tout? Quels sont les moyens que l'on a pour inviter les gens à aller vers une biénergie pétrole, mélangée un peu?

M. Desjardins: Ou autre forme d'énergie. M. Jolivet: Oui.

M. Desjardins: Bon, là, dans le moment, ce sont les coûts de l'énergie. Le gaz naturel pourrait, en somme, se vendre meilleur marché qu'il ne l'est, mais ils ajustent leurs coûts. C'est du marketing. Ils ne sont pas pour donner... Us mettent leurs coûts en proportion de la compétition. Aussi, c'est que, comme Mme Bacon le disak tout à l'heure — c'est un argument qui viendrait en second lieu, qui ne nous a pas été mentionné trop — sachant fort bien qu'un générateur de chauffage, une fournaise à gaz domestique va coûter 3000 $, tandis qu'une fournaise électrique va coûter 1200 $ et qu'une fournaise à l'huile va coûter 1800 $, donc, ça aide un peu à l'investissement. Même si ça devenait réellement meilleur marché avec une fournaise à gaz à 3000 $, les clients n'ont pas la capitalisation. Quand on a un retour d'investissement trop long, ils ne sont pas intéressés. D'ailleurs, dans le commerce, quand il y a un retour d'investissement, il faut que ça soit en 2 ou 3 ans; sans ça, ils n'embarquent pas.

M. Jolivet: Là, on parle de l'énergie électrique, l'électricité.

M. Desjardins: C'est ça.

M. Jolivet: Mais, dans un contexte où des gens sont venus ici pour le gaz naturel, d'autres pour le mazout, il y en a, sur le gaz naturel, qui parlaient justement de formules d'aide pour l'achat de ces équipements plus dispendieux, permettant à l'individu de ne pas avoir à payer trop longtemps le coût de l'investissement. Dans ce contexte-là, est-ce qu'Hydro-Québec devrait y participer ou si ça serait le vendeur de gaz naturel qui devrait participer?

M. Desjardins: Je crois que ça deviendrait un problème à régler avec le ministère de l'Énergie qui transige avec les pétrolières, les fabricants de gaz propane, tout comme avec l'électricité. Le gouvernement encourage Hydro-Québec à subventionner les systèmes qui peuvent avantager le réseau, la consommation, l'efficacité énergétique. La même chose, il y a des groupes, ici, qui veulent qu'Hydro-Québec fasse appel, s'appuie sur l'efficacité énergétique pour baisser les demandes et les besoins d'augmentation, en se basant sur les résultats supposés être obtenus aux États-Unis. Mais j'ai déjà parlé avec des gens du marketing aux États-Unis, dans la région de Washington et tout ça, mais en réalité la baisse de consommation en Nouvelle-Angleterre est bien plus imputable à la récession qu'au programme d'efficacité énergétique qu'ils ont mis de l'avant.

M. Jolivet: Ça serait la même chose au niveau du Québec?

M. Desjardins: Mais ils aiment ça, pour faire plaisir aux politiciens, leur dire que c'est l'efficacité énergétique qui a réduit la consommation, parce qu'ils n'aiment pas leur dire qu'on est en récession.

M. Jolivet: Mais est-ce qu'on pourrait dire que c'est la même chose, parce qu'il y a une récession au Québec aussi? Ça peut être la même chose, en termes d'argumentation, si je transpose.

M. Desjardins: D'ailleurs, Hydro-Québec, dans son plan de développement, prévoit diminuer de 9,3 TWh la consommation, ce qui est un chiffre assez raisonnable. Les adeptes de la vertu voudraient qu'Hy-dro-Québec se tourne vers 15 et 20 TWh. Ce n'est pas réaliste, parce que les économies d'énergie et l'efficacité énergétique sont sûrement un bon apport, mais on ne peut pas se baser juste là-dessus pour compenser les besoins.

M. Jolivet: D'ailleurs, elle ne les a jamais atteints, ses objectifs, ça fait que, à ce niveau-là...

M. Carouzet: Mais je pense que, quand même, vu que le Québec produit beaucoup d'électricité et ne produit pas de gaz naturel, il est plus logique que les Québécois se tournent vers l'électricité qui est une ressource locale, plutôt que vers le gaz naturel qui n'est pas produit au Québec.

M. Jolivet: Mais l'électricité, dans ce contexte-là, si on part du principe... Parce qu'on a eu, à l'époque: «On est 12 012» et «C'est propre, propre, propre», et allez-y. Ça a fait qu'aujourd'hui il y a des gens qui ont enlevé tout le système de ventilation de la fournaise à l'huile. On est revenu avec des gens qui ont des systèmes juste électriques. Ce n'est plus «revenable» en arrière bien, bien, ça. D'autant plus qu'en même temps ça occasionne une demande d'équipement, juste pour les pointes, très dispendieux. Alors, on aurait tendance plutôt à faire diminuer la consommation électrique par d'autres moyens.

M. Desjardins: II y a le système biénergie.

M. Carouzet: C'est ça. Biénergie, c'est la réponse exacte à ça.

M. Desjardins: La biénergie va atténuer les demandes excessives dans les pointes de grandes périodes de froid. C'est là qu'arrive l'équilibre.

M. Carouzet: Oui.

M. Desjardins: D'ailleurs, si on se tourne et qu'on analyse la mise en marché d'Hydro-Québec, ils ont suscité, ils ont toujours vanté l'efficacité énergétique, même avec les maisons Novelec, qui étaient les maisons «Medallion» en Ontario ou autre. Ils n'ont jamais dit: Gaspillez l'électricité. Ils disaient que l'électricité était valable, tellement que la Société canadienne d'hypothèques et de logement, dans les normes de construction, les normes résidentielles, établissait que, si vous chauffiez à l'électricité, vous deviez isoler votre maison — l'enveloppe thermique — mieux. Avec une meilleure isolation, en chauffant à l'électricité, ça ne vous coûtait pas plus cher que si vous chauffiez à l'huile. Mais, dans ce temps-là, l'huile se vendait 0,19 $ le gallon. Aujourd'hui, bien, elle est à 0,29 $ le litre.

M. Carouzet: Oui, mais il faut aussi mentionner que les brûleurs à l'huile ont maintenant une meilleure efficacité que dans le temps. C'est comme pour les automobiles, ça. Avec le même gallon d'huile, on va beaucoup plus loin. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de...

M. Gobé: Est-ce que quelqu'un veut... Est-ce que j'ai le temps, sur le temps de la ministre?

Le Président (M. Audet): Brève, brève question.

M. Gobé: Oui, M. le Président. Merci. Excusez-moi, M. Desjardins, M. Carouzet, c'est avec un grand plaisir que j'ai écouté votre présentation, mais j'ai plutôt une interrogation pour mon collègue, le député en face. Vous avez mentionné, M. le député, qu'il était possible ou que c'était une réalité que l'usine Stone Consol de Grand-Mère paie à Hydro-Québec l'électricité plus cher qu'Hydro la vendrait à une usine semblable aux États-Unis. Est-ce que c'est bien ça?

M. Jolivet: Ce n'est pas Hydro. Hydro vend l'électricité à une compagnie américaine qui, elle, la revend à l'usine. C'est ça qu'ils ont dit. Ils l'ont dit ici. Vous n'étiez pas présent, vous.

M. Gobé: Non, d'habitude... Est-ce que vous voulez dire par là qu'Hydro, donc, vendrait d'une manière détournée, moins cher l'électricité aux...? Est-ce que c'est ça que vous dites, là?

M. Jolivet: Pourquoi est-ce qu'il me pose une question à moi, là?

M. Gobé: Parce que ça m'intéresse beaucoup. Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: C'est bon.

Le Président (M. Audet): M. le député de Drummond.

M. Gobé: Excusez-moi, M. le Président. J'aimerais que si c'est...

M. Jolivet: Ah! C'est à eux autres que tu poses les questions. Tu poseras les questions ailleurs.

Le Président (M. Audet): Non. En vertu du règlement, M. le député, vous pouvez poser une question à un député, mais il faut que le député accepte d'y répondre.

M. Gobé: Non, bien, en terminant, je vais vous dire que je ne lui poserai pas de question, mais j'aurais aimé qu'il dépose les papiers et des chiffres à cet effet-

là, parce que c'est important pour l'économie québécoise et la crédibilité...

Le Président (M. Audet): D'accord.

M. Gobé: ...d'Hydro qu'on puisse vérifier ses allégations.

Le Président (M. Audet): D'accord. Merci.

M. Jolivet: Bien, s'ils écoutent, c'est l'Association des industries forestières qui l'a dit.

Le Président (M. Audet): Merci.

M. Gobé: Pourriez-vous leur demander qu'ils envoient...

M. Jolivet: Bien, c'est ça, il n'était pas présent. Ils étaient là, ils l'ont dit. Il doit avoir le mémoire.

Le Président (M. Audet): M. le député de Drummond, vous avez la parole.

Une voix: Je ne l'ai pas entendu, moi, ça. M. St-Roch: Merci. Merci, M. le Président. Une voix: Je ne l'ai pas entendu.

M. St-Roch: J'aurais 2 questions, une au niveau d'essayer d'éliminer ces fameuses pointes qui demandent énormément d'investissements à Hydro-Québec. Vous mentionniez, à juste titre, la biénergie qui pourrait être une solution. Lorsqu'on regarde le plan de développement d'Hydro, on prévoit un accroissement des logements chauffés à l'électricité jusqu'à la hauteur de 82 %, 83 %, vers horizon 2002. Or, dans le but de faciliter cette biénergie, est-ce que vous croyez que, dans les logements nouveaux — on dit qu'il s'en ajoute à peu près 40 000 par année, puis qu'on va avoir une perte — et dans ceux qui subiront une rénovation intense, on pourrait y aller avec 2 compteurs? S'ils utilisent strictement des plinthes, on aurait un compteur pour le chauffage; on pourrait peut-être mettre le chauffe-eau et la sécheuse sur ce système. Puis, on dirait: Bien, à partir d'aujourd'hui, pour les maisons neuves, celles qui seront strictement avec des plinthes, il y aura un taux de chauffage qui représentera les coûts réels d'Hydro-Qué-bec. Est-ce que ce serait envisageable de penser à une alternative comme celle-là pour inciter les gens à utiliser la biénergie?

M. Desjardins: Ça revient à une question qu'on a posée: Est-ce que vous seriez d'accord qu'on ait des tarifs pénalisants pour quelqu'un qui consomme beaucoup d'électricité? Par exemple, si vous chauffez tout à l'électricité, bien, là, vous tirez beaucoup de courant, donc, on va vous taxer plus fort. Bon, bien, à 97 %, les consommateurs ont dit non. Ils ont dit: Qu'on incite les consommateurs à utiliser plus efficacement, puis à économiser l'énergie, plutôt que d'aller policer. Vous avez la solution. les cigarettes se vendent — quand vous les achetez légalement, là — 6 $ le paquet. les fumeurs, ils n'ont pas cessé de fumer; ils paient leurs 6 $. ils rouspètent, puis ils paient. ce n'est pas l'augmentation du coût des cigarettes qui fait arrêter de fumer. bon, bien... c'est que les gens s'habituent aux coûts, comme, la même chose, les programmes d'efficacité énergétique, dont la biénergie première phase, ont prouvé qu'un bon pourcentage — au-dessus de 30 % — ont abandonné le système parce qu'il n'y avait pas un tarif incitatif pour les encourager à le maintenir. ils ne voyaient pas d'économie là-dessus, ça fait qu'ils ont laissé aller ça. mais, si vous avez un tarif incitatif, avec la petite lumière rouge, comme ça ici, qui s'allume, puis qui vous signale que vous payez plus cher, bien, vous devenez conscient et vous participez. puis, vous êtes prêt à souffrir des inconvénients. (16 h 40)

À Hydro-Québec, on avait déjà fait des représentations à propos de la puissance à installer. On croit que les spécialistes qui s'occupent de faire les installations ne sont pas tout à fait bien entraînés. On leur donne une journée d'entraînement pour leur expliquer l'aspect commercial de toute l'affaire et, au point de vue technique et efficacité, on s'en remet à leur compétence. On dit: On ne veut pas interférer chez les maîtres électriciens et les maîtres en chauffage, et tout ça. Mais ces gens-là n'ont pas été éduqués dans ce sens-là; eux autres, ils marchent pour la piastre. Ils n'en donnent pas plus que le client en demande.

C'est là que les consommateurs se sont manifestés avec assez d'importance, demandant qu'Hydro-Québec ou le Bureau des économies d'énergie certifie les systèmes, qu'il dise quels systèmes sont bons ou moins bons, pas comme l'étiquette ÉnerGuide, que vous trouvez sur les appareils électroménagers. Les gens prennent pour acquis que, l'étiquette ÉnerGuide, ça veut dire que c'est efficace et que c'est économique. Ce n'est pas vrai pantoute; ça dit, cette étiquette-là, combien de kilowattheures par mois ça prend, pour que vous puissiez choisir l'appareil qui est le plus efficace. Mais la consommation d'énergie d'un appareil électroménager arrive en quatrième lieu. Le premier choix qui guide l'achat d'un électroménager, c'est la couleur. Si vous avez une cuisinière blanche, vous n'achèterez pas un réfrigérateur vert et ainsi de suite. Ensuite, c'est la commodité, etc. Puis, la consommation, bien, ils disent: Ça consomme... puis ils voient ÉnerGuide, alors c'est bon.

M. Carouzet: Mais je pense que...

M. St-Roch: Je m'excuse, c'est parce qu'on me fait signe que mon temps est terminé, et j'ai une brève question. À la lecture de votre mémoire, ça m'a étonné, dans un premier temps, parce que, dans le plan de développement d'Hydro-Québec, il est question aussi des mauvaises créances et des recouvrements. Vous

n'avez aucune mention dans votre mémoire sur les politiques ou les méthodes de recouvrement d'Hydro-Québec.

M. Desjardins: Bien...

M. St-Roch: Est-ce que c'est parce que vous êtes satisfaits et qu'il n'y a rien à rajouter?

M. Desjardins: Non, non, on a 2 points là-dessus, dans les points d'argumentation qu'on a conclus. Entre autres, par exemple, on a eu plusieurs appels de gens qui demandaient si on les appuyait dans la revendication d'un boni de 300 $ pour bon payeur, comme les...

Une voix: Les Mohawks.

M. Desjardins: ...Amérindiens avaient obtenu. On ne les a tout simplement pas approuvés, mais encouragés à oublier ça. On croit que la prime de 300 $ qui a été octroyée aux bons payeurs amérindiens, c'était une erreur de politique commerciale. On croit plutôt que, probablement, Hydro-Québec, peut-être sous l'influence du gouvernement, a acheté la paix. Ceux qui insistaient, on leur suggérait même de se porter volontaires pour aller les collecter, les Amérindiens, s'ils pensent qu'on devrait leur forcer la main.

M. St-Roch: Ce n'était pas vraiment ça, ma question...

Le Président (M. Audet): Merci, merci.

M. St-Roch: ...c'était plutôt dans les 61 000 000$...

Le Président (M. Audet): Terminé, M. le député.

M. St-Roch: ...à recouvrer, là, des mauvaises créances.

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Audet): Alors, messieurs, au nom des membres de la commission, je vous remercie de votre participation. Nous allons suspendre nos travaux 2 minutes afin de permettre à TransCanada Pipelines Ltd de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 43)

(Reprise à 16 h 45)

Le Président (M. Audet): Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant TransCanada Pipelines Ltd.

M. Archambault, au nom des membres de la commission, je vous souhaite la bienvenue. Je vous rappelle brièvement nos règles de procédure. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre exposé. Au préalable, vous vous identifiez. Ensuite, suivra une période d'échanges de pas tout à fait 40 minutes, parce qu'on est en retard, et, à 18 heures, certains ont des rendez-vous à l'extérieur.

Alors, je vous invite à nous faire part de votre présentation.

TransCanada Pipelines Ltd (TCPL)

M. Archambault (John): Merci. Mon nom est John Archambault. Je suis un des vice-présidents de TransCanada Pipelines.

Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources, M. le Président de la commission, membres de la commission, mesdames et messieurs, je veux, tout d'abord, vous remercier de cette occasion qui nous est offerte de faire valoir notre point de vue et nos commentaires sur le plan de développement 1993 d'Hydro-Québec. En donnant ouverture à certaines considérations sur le gaz naturel, la proposition d'Hydro-Québec nous permet d'informer les décideurs que vous êtes du rôle important que cette forme d'énergie pourrait jouer dans l'économie québécoise. La société québécoise a choisi de privilégier le développement hydroélectrique. Elle est aussi engagée dans la poursuite de l'efficacité énergétique et doit, pour ce faire, tenir compte du contexte global dans lequel évoluent les demandes pour les différentes sortes d'énergie.

L'orientation d'efficacité énergétique d'Hydro-Québec l'amène à considérer diverses options disponibles, dont certaines sont en pleine expansion en Amérique du Nord. Il s'agit de la production d'électricité par voie de cogénération ou par cycle combiné. TransCanada Pipelines désire, par son intervention, faire savoir son vif intérêt pour ces nouvelles filières. Nous estimons être particulièrement en mesure de participer au développement de ces nouvelles avenues par notre expertise comme principal transporteur et fournisseur de gaz au Québec, et comme gestionnaire de centrales de production d'électricité à cycle combiné.

L'implication de TransCanada au Québec est toujours allée en s'accroissant. TransCanada a conçu un gazoduc reliant 1'Alberta et le Québec, dans les années cinquante, et a continué de développer son réseau en Ontario et au Québec, dans les années soixante-dix. Au début des années quatre-vingt, TransCanada a poursuivi l'extension de son réseau gazier au Québec par l'intermédiaire de son affiliée, Gazoduc Trans Québec & Maritimes. À partir de 1989, la compagnie a développé le secteur de la mise en marché et du transport du gaz avec le plus vaste programme d'extension de capacité de son histoire. Ainsi peut-elle dorénavant répondre adéquatement aux besoins des marchés qu'elle dessert au Canada, et principalement au Québec, avec un réseau de pipelines de 12 000 km.

Pour ce qui est de la génération de vapeur et

d'électricité, TransCanada Pipelines fait appel aux meilleures technologies disponibles, qu'il s'agisse de projets de cogénération ou de cycle combiné. Sur le plan environnemental, notre souci de protéger notre écosystème s'est toujours manifesté par l'utilisation du combustible fossile le plus sûr, le gaz naturel. Parmi nos réalisations, pour n'en citer que quelques-unes, d'ailleurs bien connues d'Hydro-Québec, mentionnons la centrale électrique à cycle combiné d'Océan State Power au Rhode Island et, plus près de nous, la centrale électrique à cycle combiné de Nipigon Power en Ontario. (16 h 50)

La centrale électrique d'Océan State est régulièrement citée en exemple comme concept de centrale thermique à haute technologie; il s'agit d'une centrale électrique de 500 MW. Pour les fins de production d'énergie, le procédé employé par TransCanada Pipelines fait appel à des turbines alimentées au gaz naturel en provenance de l'Alberta. Des systèmes de récupération de vapeur permettent de réintroduire cette vapeur dans le même cycle, toujours à des fins de production électrique exclusivement, d'où l'appellation cycle combiné. Cette centrale a justifié un investissement de 500 000 000 $ et procure depuis 1991 de nombreux emplois directs et indirects.

La centrale électrique de Nipigon, en Ontario, est une centrale électrique de 40 MW, fonctionnant également à cycle combiné, selon le même procédé que celui d'Océan State. La production d'énergie est entièrement vendue à Hydro Ontario, et ce, pour une période de 20 ans à compter de mars 1992. Le programme de développement de TransCanada Pipelines comprend actuellement, en plus des 2 déjà mentionnés, les projets suivants: une centrale électrique de 160 MW près de North Bay, Ontario, et une centrale électrique de 160 MW près de Kapuskasing, également en Ontario.

Nous reconnaissons que le réseau hydroélectrique d'Hydro-Québec jouit d'une réputation enviable mondialement. En faisant l'apport de sa compétence dans le domaine de la production d'électricité, TransCanada n'a aucune intention de concurrencer la société d'État sur ce plan énergétique, mais cherche plutôt à contribuer à ses avantages, en lui offrant une source d'énergie et une technologie complémentaires aux filières qu'elle utilise actuellement. C'est donc un partenariat que nous envisageons où, par une mise en commun des forces de chacun, nous serons amenés chacun à optimiser notre contribution respective à la société québécoise.

L'élément clé de l'apport de TransCanada Pipelines tient à sa flexibilité dans l'alimentation d'une centrale de production d'électricité, quel qu'en soit le cycle. Les surplus de gaz présentement disponibles au Canada et les ramifications de son réseau existant permettant de conclure des ententes à long terme, rapides et fructueuses, ainsi Hydro-Québec serait en tout temps en mesure de choisir à quelle source d'énergie elle entend s'approvisionner pour maximiser sa flexibilité et son efficacité.

Les centrales au gaz naturel peuvent être programmables au besoin. Elles permettraient à Hydro-Québec de préférer, selon les circonstances, la meilleure solu- tion pour la production d'électricité du point de vue du coût global. Qu'il s'agisse d'une pénurie d'hydraulicité ou de puissance supplémentaire à fournir en période de pointe, la centrale électrique à cycle combiné se présente comme une police d'assurance, une deuxième source fiable, quoi.

Si le développement hydroélectrique au Québec est un choix de société qui, depuis plus de 20 ans, lui permet de se positionner à Favant-garde des autres sociétés en matière environnementale, on convient de plus en plus aujourd'hui que même des ressources renouvelables méritent d'être comptabilisées. Il y a toujours un coût économique et environnemental à l'utilisation de ces ressources. Un manque de planification équivaut à du gaspillage susceptible de coûter très cher. Face au phénomène grandissant de la globalisation des marchés, il nous faut pouvoir répondre à la demande énergétique à des prix compétitifs. La combinaison de plusieurs options énergétiques s'inscrit dans ce nouvel horizon, faisant de l'efficacité accrue un moteur de développement économique plus avantageux.

L'expertise accrue qui en découle met en perspective d'autres avantages. Les retombées économiques associées directement à ces projets, ainsi que le développement d'une main-d'oeuvre hautement spécialisée garantiront le maintien ici d'emplois à long terme et même l'exportation d'un savoir-faire.

Si nous savons profiter de l'expérience d'autres sociétés aux prises avec des choix énergétiques plus complexes et, forcément, beaucoup plus coûteux, parce qu'ils sont souvent captifs des exigences du marché, nous saurons maximiser notre potentiel énergétique en le rendant plus complet, plus flexible et, dès lors, plus performant.

TransCanada Pipelines est, en 1993, une compagnie clairement engagée envers une croissance profitable en offrant à ses clients les nombreux avantages du gaz naturel. Il faut noter que près de 20 % de ses livraisons canadiennes de gaz vont au marché québécois par le truchement des deux distributeurs québécois: Gazifère et Gaz Métropolitain. Nous avons, d'ailleurs, suivi avec grand intérêt la présentation devant cette même commission du mémoire de Gaz Métropolitain.

Nous nous permettons aujourd'hui de renchérir sur certains points qui font l'objet de questionnements répétés quant aux qualités réelles du gaz naturel. TransCanada effectue régulièrement des études sur cette question. Le gaz naturel au Canada et au Québec est, sans aucun doute, une forme d'énergie abondante, fiable, économique, concurrentielle et avantageuse au plan environnemental. Les approvisionnements disponibles permettront de satisfaire à la demande canadienne bien au-delà de 20 ans. D'ailleurs, avec les nouvelles techniques d'exploration, de forage et de production, ces estimations sont constamment révisées à la hausse depuis plus d'une vingtaine d'années. À titre d'indication, on note que la production actuelle canadienne est de l'ordre de 3 Tcf et que la plus récente étude porte à plus de 300 Tcf les réserves ultimes provenant du bassin sédi-mentaire de l'Ouest canadien.

La grande fiabilité du réseau gazier est bien connue. Les approvisionnements gaziers peuvent être contractés, actuellement, sur une base ferme, à long terme. Le réseau est en mesure de répondre plus rapidement à des demandes de capacité supplémentaire. Quant aux prix du gaz naturel, nous sommes d'avis qu'ils demeureront stables et hautement compétitifs. L'état actuel des réserves, les connaissances acquises pour mieux les mesurer, l'efficacité des nouvelles technologies d'exploitation et d'exploration nous permettent d'avancer qu'on devrait s'attendre, pour la prochaine décennie, à une stabilité relative du prix du gaz naturel.

Enfin, la propreté du gaz naturel fait de cette forme d'énergie celle qui est la plus performante au plan environnemental parmi les combustibles fossiles. Il s'agit, entre autres, de la source qui contribue le moins à l'effet de serre. Sur le plan de la génération d'électricité, les turbines à gaz, comme celles d'Océan State ou de Nipigon, actuellement installées dans les nouvelles usines à cycle combiné, ramènent les émissions d'oxyde d'azote et de dioxyde de carbone bien en deçà des normes prescrites par toutes les autorités compétentes aux États-Unis, y compris celles de la Californie qui applique actuellement les normes les plus sévères en Amérique du Nord.

En tenant compte des avantages indéniables que procure le gaz naturel, nous croyons qu'il serait socialement avantageux de lui faire une part plus large et une plus large place dans le bilan énergétique du Québec. Dans certains marchés, comme ceux de la chauffe, aux secteurs commercial et institutionnel, une part accrue du gaz naturel permettrait de réaliser des économies appréciables, des économies qui se refléteraient positivement sur le pouvoir d'achat des Québécois, sur le coût de service dans les organisations des secteurs commercial et institutionnel, ainsi que sur la compétitivité des entreprises québécoises. (17 heures) à notre avis, la seule façon d'être compétitif et concurrentiel sur le plan international, c'est de bénéficier des avantages que procurent la production privée, les énergies nouvelles ou la combinaison de plusieurs options. dans un tel scénario, la cogénération et le cycle combiné du gaz naturel se présentent comme des sources complémentaires de production d'électricité qui méritent d'être examinées sérieusement. ces deux filières sont appelées à jouer un rôle accru dans le développement et la compétitivité des entreprises canadiennes et québécoises. le marché américain y a recours depuis quelques années et le nombre d'entreprises qui s'y abonnent augmente régulièrement. la compétitivité recherchée est étroitement liée à l'atteinte d'une consommation énergétique plus efficace et moins coûteuse, notamment dans les secteurs institutionnel et commercial. l'efficacité thermique des nouvelles technologies à cycle combiné se situe entre 46 % et 55 %, ce qui en fait dorénavant des alternatives de choix pour la production thermique d'électricité.

TransCanada Pipelines est davantage spécialisée dans des installations de ce type. Celles-ci peuvent être utilisées comme centrales de base pour desservir les usages courants, telle l'usine d'Océan State Power, ou comme unités d'appoint pour répondre aux besoins de pointe ou aux insuffisances ponctuelles de la production hydraulique. La combinaison de 2 options, l'hydroélectricité et le cycle combiné ou la cogénération, correspond entièrement aux critères d'optimisation du bilan énergétique que la société québécoise devrait rechercher.

Pour TransCanada — et nous désirons insister sur ce point — cette solution ne devrait être envisagée que si elle s'appuie sur un partenariat avec Hydro-Québec et/ou avec d'autres investisseurs privés. C'est ainsi que nous avons procédé dans tous les projets que nous avons initiés jusqu'à présent. TransCanada est persuadée qu'en acceptant de s'engager dans des partenariats pour la réalisation de centrales à cycle combiné Hydro-Québec pourra mieux optimiser la gestion de son réseau. Elle améliorera, par le fait même, la qualité et la continuité de son service à la clientèle.

En aménageant au Québec, tout comme ailleurs au Canada, des centrales à cycle combiné, on sera en mesure de réaliser ici des projets qui consommeront le gaz naturel produit au Canada. Les emplois, le savoir-faire et les retombées fiscales liés à la conception, au montage financier, à la construction et à l'exploitation de ces centrales demeureront au Québec et au Canada. En diversifiant les sources de production d'électricité, cela permettrait éventuellement d'envisager des exportations d'électricité de base à long terme dans des conditions qui ne seront pas restreintes par des variations saisonnières ou ponctuelles des niveaux d'hydraulicité. Le gouvernement du Québec verra, pour sa part, la sécurité de ses approvisionnements gaziers augmenter du même volume que celui contracté à long terme exclusivement pour le Québec et pour la centrale à cycle combiné. Il s'agit d'un atout non négligeable sur le plan de la sécurité et de la diversité des sources d'approvisionnement énergétiques.

TransCanada estime que ces nouvelles avenues devraient recevoir une attention toute particulière de la part du gouvernement du Québec. Ceci s'avère particulièrement important au moment où l'optimisation des coûts énergétiques des sociétés et le resserrement des rapports concurrentiels entre les économies nationales vont devenir de plus en plus incontournables.

Ceci termine mon allocution de présentation, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Audet): Merci, monsieur. Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: M. Archambault, je voudrais vous remercier de votre participation aux travaux de notre commission et particulièrement du traitement que vous faites du sujet relatif au transport et à l'utilisation du gaz naturel.

Justement, à la page 3 de votre mémoire, vous rappelez le rôle prépondérant joué par TCPL «dans la promotion et la réalisation du projet Iroquois Gas Transmission System qui dessert aujourd'hui en gaz naturel

les marchés du Nord-Est américain». Et, comme on le sait, le pipeline Iroquois n'est pas le seul gazoduc qui alimente les marchés du Nord-Est américain en gaz naturel. Afin de permettre peut-être à la commission de bien comprendre l'impact de la réalisation du projet Iroquois sur nos exportations d'électricité dans le Nord-Est américain, auriez-vous l'obligeance de nous dire quelle est l'importance relative de ce projet par rapport à l'ensemble du marché du gaz naturel du Nord-Est américain et de nous expliquer comment cette région, aurait pu s'approvisionner en gaz naturel si le projet Iroquois n'avait pas vu le jour?

M. Archambault: Je vais commencer par vous parler, au lieu de l'électricité, du gaz parce que TransCanada Pipelines, c'est le gaz et non l'électricité, en premier lieu. Le gaz naturel, comme j'ai dit, est abondant dans le bassin de 1'Alberta, et les sociétés américaines veulent contracter des réserves à long terme pour des projets, telles les centrales que j'ai mentionnées. Il n'y a aucun problème. Nous, notre marchandise, c'est la marchandise du gaz. Je reconnais que le gaz naturel de F Alberta se trouve à passer par nos tuyaux et, ensuite, avec le projet Iroquois, et ça alimente des usines et ça fait de l'électricité.

Il y a une autre façon de le faire aussi, c'est d'augmenter la quantité de gaz naturel ici, au Québec; la transformation se ferait au Québec, puis il y aurait une exportation aux États-Unis. Mais le gaz va toujours trouver son chemin. On ne peut pas concevoir des réserves, des réserves que j'appellerais libres, pour très longtemps, parce que, finalement, on est un continent intégré au point de vue énergétique.

Mme Bacon: Je pense que vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question. J'aimerais savoir comment la région du Nord-Est américain aurait pu s'approvisionner en gaz naturel si le projet Iroquois n'avait pas vu le jour.

M. Archambault: S'il n'y avait pas eu le projet Iroquois, il y aurait eu un autre projet, parce qu'il y avait des attentes de gaz dans cette région-là, puis ça n'aurait peut-être pas été nous qui l'aurions fait, mais...

Mme Bacon: II y en aurait eu d'autres? M. Archambault: Oui, bien sûr.

Mme Bacon: Dans votre mémoire, vous proposez à Hydro-Québec d'être partenaire pour développer des projets d'envergure dans la filière des centrales à turbines à gaz à cycle combiné pour apporter une réponse intéressante aux variations de Fhydraulicité et diversifier aussi les sources d'approvisionnement énergétiques. Quelle structure de partenariat, par exemple, entre TCPL et Hydro-QuébeC serait idéale pour mener à terme les projets que vous proposez?

M. Archambault: Dans notre mémoire, on indi- que ce que vous avez dit. Notre mémoire est au niveau des principes. On n'a pas parlé à Hydro-Québec d'une façon précise ou d'une façon formelle. Ce qu'on veut faire, c'est qu'on aimerait faire ces turbines-là, et c'est dans une étape prochaine, peut-être, qu'on pourra le faire. Mais, pour le faire, on aimerait avoir l'appui d'investisseurs québécois et on voudrait avoir, je dirais, peut-être plus l'appui d'Hydro-Québec, parce que Hydro-Québec englobe facilement TransCanada Pipelines avec une seule usine au Québec.

Mme Bacon: C'est une offre de service, M. Archambault, que vous faites à Hydro-Québec?

M. Archambault: Ha, ha, ha!

M. Jolivet: En partenariat. (17 h 10)

M. Archambault: C'est ça.

Mme Bacon: Oui, oui, c'est ça, en partenaire. À la page 13 de votre mémoire, vous avancez que, «dans le seul secteur des activités d'exploration et de cueillette de gaz dans l'Ouest canadien, chaque dollar investi procure 0,13 $ aux entreprises québécoises». Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment vous êtes arrivés à un tel résultat? Comment sont générées ces retombées économiques et quel genre d'entreprise québécoise peut bénéficier de ces retombées-là?

M. Archambault: Je ne pourrai pas vous dire tout aujourd'hui, mais...

Mme Bacon: Ce que vous pouvez me dire, M. Archambault.

M. Archambault: La source est Petroleum Resources Communications Foundation. Ça me ferait plaisir de vous en faire parvenir quelques exemplaires.

Mme Bacon: S'il vous plaît.

M. Archambault: Et ce n'était pas seulement, enfin, les 0,13 $ du Québec. Il y a 0,29 $ en Alberta, il y a 0,42 $ en Ontario. Je m'engage à vous fournir ça.

Mme Bacon: Merci. Au niveau du transport du gaz naturel au Québec, votre mémoire indique aussi que TCPL dispose de capacité de transport du gaz naturel pour couvrir tant les besoins des projets de cogénération que les besoins de chauffage des bâtiments, des procédés industriels, que pour alimenter les centrales à turbines à gaz à cycle combiné. Moi, je suis certaine que les membres de la commission sont curieux de connaître les possibilités de TCPL à s'adapter à des situations les plus mouvantes possible. Quel est l'impact de l'abandon par Hydro Ontario de son programme de cogénération de 3000 MW sur les projets d'expansion du réseau TCPL?

M. Archambault: Pouvez-vous... J'ai mal...

Mme Bacon: II y a un impact certainement sur TCPL de l'abandon par Hydro Ontario de 3000 MW sur le programme de cogénération. Ça a un impact sur TCPL, certainement.

M. Arehambault: Bien, c'est-à-dire que le programme de cogénération en Ontario a été plus ou moins arrêté, vu la situation d'Hydro Ontario. Nous espérons avoir des nouvelles en mai pour savoir si les échéanciers vont être retardés. Mais l'histoire d'Hydro Ontario, c'est grave.

Mme Bacon: Oui, oui.

M. Arehambault: C'est très grave. Alors, moi, je n'ai pas les solutions...

Mme Bacon: Mais ça a un impact sur TCPL?

M. Arehambault: Ce n'est pas sur TCPL. Mais, par contre, on veut construire deux génératrices à 160 MW, alors on a un intérêt. Mais il faut attendre au mois de mai...

Mme Bacon: Des décisions.

M. Arehambault: ...pour la décision, oui.

Mme Bacon: Dans le chapitre 3 de votre mémoire, vous avancez que «le gaz naturel est aussi la forme d'énergie la plus propre de tous les combustibles fossiles» et, à la page 11 de votre mémoire, vous présentez les performances environnementales du gaz naturel en termes d'émission de dioxyde de soufre, le SO2, de CO2 et aussi d'oxyde d'azote.

M. Arehambault: Oui.

Mme Bacon: Par contre, nulle part ailleurs dans votre mémoire vous ne mentionnez les émissions de méthane qui sont issues de la production, du transport et de la consommation du gaz naturel. Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage à ce sujet-là?

M. Arehambault: Oui. Je sais qu'on a un pourcentage, c'est très infime, c'est-à-dire que c'est du méthane qui s'échappe dans l'air. Mais je pourrai vous donner ça aussi. Je ne l'ai pas devant moi.

Mme Bacon: D'accord. Merci.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Laviolette.

M. Joli vet: Merci. Je vais continuer dans la même veine que Mme la ministre. Au plan environnemental, justement, à la page 13, vous dites, et je pense que c'est à juste titre, que le gaz naturel constitue une source d'énergie moins polluante que le pétrole et le mazout. Je pense bien qu'on ne va avoir aucune diffi- culté à le prouver. Vous dites aussi qu'en encourageant le recours au gaz naturel on diminue, à ce moment-là, l'utilisation du pétrole et du mazout — puis d'autres viennent dire d'autre chose, chacun vante ses produits — qui causent davantage du tort à l'environnement. Ça, on ne peut pas nier ça, comme je le disais.

Cependant, quand on regarde Hydro-Québec, parce que vous voulez agir en partenaire avec HydroQuébec, Hydro-Québec utilise aussi une argumentation pour mousser sa filière hydroélectrique; elle dit qu'elle est moins dommageable pour l'environnement que le gaz naturel. Qu'est-ce que vous avez à dire de ça? En fait, si vous avez à vendre votre produit, eux autres, ils veulent vendre le leur, et vous voulez agir en partenariat. Vous dites: Le gaz naturel est moins polluant — oui, ça, je pense que c'est exact — que le mazout et le pétrole. Mais, d'un autre côté, Hydro-Québec dit qu'elle est encore moins polluante que vous autres.

M. Arehambault: Bien, ça, c'est certain. Il n'y a pas d'émanations de gaz dans un barrage. Enfin, j'espère que non.

M. Jolivet: Oui, je sais, je comprends ce que vous me dites, mais il y a des gens qui prétendent qu'on n'a pas tout vu encore sur les effets de l'hydroélectricité, les lignes de transmission, les dangers pour ceux qui vivent autour, les animaux qui sont là.

M. Arehambault: Notre société n'a pas fait d'études sur ce genre d'environnement.

M. Jolivet: O.K. Vous estimez que le gaz naturel, en dollars constants de 1991, sera de 2,50 $ le gigajoule en 2010 et vous dites, aux pages 9 et 10: De plus, rien ne peut laisser entrevoir une augmentation importante des prix du gaz naturel à long terme. Sur quoi vous vous basez pour affirmer ça, à ce moment-ci? Parce qu'on voit des fluctuations qui existent un peu partout.

M. Arehambault: Bien, évidemment, il y a toujours des fluctuations, mais laissez-moi vous dire... Le pétrole est roi; le gaz naturel passe après. En Amérique du Nord — parlons des États-Unis, d'abord — il n'y a pas eu une seule période, sauf pendant la guerre, où il y a eu des restrictions sur le coût ou la part du pétrole. Les pétrolières pouvaient vendre leur pétrole au coût ou avec un profit, c'était libre. Ça a été totalement libre. Au Canada, c'était la même chose, sauf pour la période de 1985 à 19... Pour le pétrole, je ne me souviens pas. Vous vous rappelez, il y avait un gel...

M. Jolivet: Un gel, oui.

M. Arehambault: ...en 1985.

M. Jolivet:. Au Canada.

M. Arehambault: C'était la loi sur l'administration du pétrole.

M. Jolivet: Au Canada.

M. Archambault: Ça, c'était au Canada. Maintenant, aux États-Unis, le gaz naturel n'était pas réglementé. Je parle de la production.

M. Jolivet: C'est ça.

M. Archambault: Je ne parle pas du transport. Alors, il n'a pas été réglementé jusqu'à la fin des années quarante ou au début des années cinquante, alors que la Cour suprême des États-Unis a décidé que le coût du méthane s'intégrait au coût de transport. Alors, ça s'est passé, comme je l'ai dit, à la fin des années cinquante ou en 1961. Il y avait une réglementation. Donc, il y avait une réglementation jusqu'à ce que M. Carter arrive, et il a levé le bouclier, puis ça a pris 10 ans pour être totalement déréglementé. Alors, aujourd'hui, aux États-Unis, le gaz naturel se transige. On peut l'acheter à bon prix si on en trouve; on peut le vendre très cher si on trouve un acheteur. Pour le Canada, c'est la même chose à partir de 1985.

M. Jolivet: Vous parliez, tout à l'heure, qu'il y avait des stocks en Alberta. Est-ce que vous êtes capable de me dire à ce moment-ci, dans vos prévisions, jusqu'en quelle année on peut avoir de ça? Est-ce que c'est des centaines d'années? C'est quoi? (17 h 20)

M. Archambault: Des centaines d'années... Je ne ferais jamais une prédiction de 100 ans, c'est certain, mais dans un horizon de l'ordre de 10 ans et pourvu que les sociétés respectent les échanges libres.

M. Jolivet: C'est parce que moi, j'ai cru entendre, de Gaz Métro, qu'on parlait d'une possibilité de 115 ans sur ce qui est déjà trouvé et du potentiel à venir en termes de possibilités. C'est parce que, les gens, il y en a qui prétendent que c'est moins que ça. Alors, à partir de ça, vous savez très bien que, moins il va y en avoir, plus les prix vont augmenter. Alors, c'est pour ça que j'essaie de savoir. Je suis un citoyen, on me parle de biénergie et on me dit: Va-t'en au gaz naturel. Je sais bien que, moi, je serais intéressé s'il se rendait jusque chez moi, mais il ne vient pas là. Et, dans ce contexte-là, je me dis: Est-ce que j'en ai pour de nombreuses années? Est-ce que mon investissement que je vais mettre — ma fournaise coûte plus cher — va me profiter? Est-ce que, dans ce contexte-là, je peux dire que le prix pourrait être assez stable pour un laps de temps prévisible? Vous parlez de 10 ans. C'est ça?

M. Archambault: Pour 10 ans?

M. Jolivet: Non, mais c'est ce que vous dites?

M. Archambault: Bien, moi, j'ai dit pour 10 ans parce que c'est plus facile à calculer, 10 ans, que 99 années; à la fin, ça n'a presque plus d'allure. Mais certainement sur une période 10 ans et plus parce qu'on a la certitude qu'on a du gaz qui est prêt à sortir de la terre pour 20 ans.

M. Jolivet: Pour 20 ans, O.K. C'est ça.

M. Archambault: Et on a 300 Tcf, mais il faut faire de la recherche et tout ça.

M. Jolivet: O.K. Donc, ça veut dire...

M. Archambault: Alors, pour vous répondre, si j'étais un assureur, je donnerais une assurance de 20 ans.

M. Jolivet: 20 ans. Ça veut dire que, si quelqu'un a un investissement à faire et que c'est intéressant dans le contexte de la biénergie, si on veut utiliser d'autres ressources que seulement l'hydroélectricité, en partenariat avec vous autres, ce serait intéressant de s'installer au gaz naturel.

M. Archambault: Oui.

M. Jolivet: Est-ce qu'il y a des programmes que vous avez par vos vendeurs ou par d'autres formules, je ne sais pas comment, pour aider des gens à acheter les appareils nécessaires ou si, en partenariat avec HydroQuébec, ça pourrait être possible?

M. Archambault: Bien, on n'est pas dans la distribution.

M. Jolivet: Oui, je sais bien.

M. Archambault: Alors, c'est...

M. Jolivet: Je sais que vous n'êtes pas dans la...

M. Archambault: Je ne peux pas vous répondre à ça.

M. Jolivet: O.K. Mis à part le marché de la chauffe, du chauffage, quels sont les autres marchés qui, selon vous, auraient avantage à se tourner vers le gaz naturel? Est-ce qu'il y a d'autres secteurs qui pourraient être intéressés?

M. Archambault: Bien, il y a ce secteur névralgique où, comme disait M. Caillé, tout le monde perd de l'argent. J'entendais les 2 personnes ici, et ça me paraît que le marketing est plus fort que la logique.

M. Jolivet: Ça veut dire que plus je vais être capable de mettre auprès des gens quelque chose qui les intéresse...

M. Archambault: Bien, c'est-à-dire que, dans certains créneaux, c'est sûr que la consommation de gaz naturel serait moins chère, mais le consommateur, lui, préfère l'électricité.

M. Jolivet: II y a ça et il y a aussi le fait que les gens ont une mauvaise connaissance du gaz naturel.

M. Archambault: Oui.

M. Jolivet: J'en ai fait mention à un moment donné: ma grand-mère, à Montréal, a vécu toute sa vie au gaz naturel, il n'y a pas de problème.

M. Archambault: Oui.

M. Jolivet: Mais il y a des gens qui ont peur de ça parce que, si ce n'est pas du marketing, c'est de la sensation: une explosion est plus forte qu'un feu causé par l'électricité. Je vous remercie.

M. Archambault: Merci.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. M. Archambault, plusieurs personnes sont venues témoigner ici en nous disant qu'il y a toujours la création d'emplois, aussi, associée à l'hydroélectricité, puis qu'il y avait aussi des retombées technologiques importantes pour le Québec, que ce soit au niveau de l'industrie ou au niveau universitaire, au niveau de nos chercheurs, ces gens-là. Lorsqu'on nous parle de gaz et lorsqu'on nous parle de cogénération, on nous dit toujours: Attention! une mise en garde, parce que c'est tout de l'équipement qui est importé ici au Québec, alors il y a très peu d'impacts, de retombées technologiques et, par conséquent, très peu de création d'emplois. Qu'est-ce que vous avez à répondre à ces assertions-là qu'elles sont venues nous faire ici?

M. Archambault: Je n'ai, malheureusement, pas lu leur mémoire. Encore une fois, je vais devoir vous fournir un précis là-dessus parce que je n'ai pas ça en main.

M. St-Roch: Ma dernière question, M. le Président. Je suis un de ceux qui pensent encore qu'il y a énormément de réserves de gaz au Québec.

M. Archambault: Ah!

M. St-Roch: On sait qu'il se fait encore de l'exploration d'une façon poussée au moment où on se parle, à l'heure actuelle, avec toutes sortes de technologies qui ont été importées ici, au Québec. Quel serait l'impact? Est-ce que vous ne pensez pas que, s'il y avait une découverte importante de gaz au Québec, ça pourrait relancer toute cette dynamique-là et remettre le gaz naturel en place et dans une bonne position concurrentielle surtout au niveau de l'industrie, de l'institutionnel et du commercial? Est-ce que ça affecterait une organisation comme la vôtre au niveau du transport, à ce moment-là?

M. Archambault: Bien, c'est-à-dire qu'à ce moment-là il y aurait le bassin de 1'Alberta et il y aurait un bassin plus ou moins grand au Québec. Certainement, il y aurait des changements. Vous auriez probablement à faire un pipeline vers le sud, vous-mêmes, à ce moment-là.

M. St-Roch: Ça coûterait meilleur marché aussi au niveau des approvisionnements. Dernière question — puis je m'excuse de mon ignorance; j'ai déjà dit, de toute façon, au début de nos travaux, dans les remarques préliminaires, que j'étais un grand livre avec des pages vierges, que j'étais ici aussi pour m'instruire: À votre connaissance, est-ce qu'il y a déjà eu des subventions dans votre projet Iroquois, des subventions gouvernementales?

M. Archambault: Non.

M. St-Roch: Aucune subvention de quelque nature que ce soit.

M. Archambault: Non. M. St-Roch: Merci.

Le Président (M. Audet): Merci. M. Archambault, au nom des membres de la commission, je vous remercie de votre présentation. Nous allons maintenant suspendre 2 minutes afin de permettre au Groupe de recherche en éthique environnementale de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 27)

(Reprise à 17 h 30)

Le Président (M. Bordeleau): Nous avons présentement le Groupe de recherche en éthique environnementale. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et, ensuite, on divisera le temps entre l'Opposition et le parti ministériel pour essayer de terminer vers 18 heures.

Alors, si vous voulez vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne, on vous laisse la parole.

Groupe de recherche en éthique environnementale (GREE)

M. Prades (José A.): Il s'agit du docteur Robert Tessier, de notre groupe. Mon nom est José Prades. Mesdames, messieurs, je vous prie, d'abord, d'excuser l'absence de 2 de nos collègues, le professeur Jean-Guy Vaillancourt, de l'Université de Montréal, et le professeur Alejendro Rada-Donath, de l'Université du Québec à Chicoutimi, qui n'ont pas pu se libérer pour participer à cet échange comme ils l'auraient souhaité.

Le GREE est une équipe universitaire de chercheurs, subventionné par le FCAR de Québec et l'Insti-

tut de recherche d'Ottawa. Ses membres ont publié de nombreux articles scientifiques et 3 ouvrages collectifs, le dernier est en préparation. Il a participé régulièrement à la consultation sur le plan de développement d'Hydro-Québec. Nous avons soumis à l'entreprise un bref argumentaire, lors des journées des 28 et 29 mai 1992. C'est, pour l'essentiel, cet argumentaire que nous comptons résumer ici. Il comprend 4 parties: des considérations préliminaires, une brève analyse empirique des faits, des éléments d'évaluation et de jugement et une suggestion pratique.

Considérations préliminaires. Un examen attentif de l'ensemble des documents qui ont été fournis et discutés tout au long du processus de consultation démontre la pertinence de cette démarche de consultation, une opération excellente, exemplaire et particulièrement juste sur le plan éthique, dans la mesure où elle permet à la société de participer de façon responsable à modeler son avenir sur une question aussi cruciale que le développement énergétique.

Il est clair, en effet, que, dans les sociétés démocratiques modernes, l'hypercomplexité et la multidimen-sionnalité des enjeux en ce qui concerne, notamment, l'interface économie, énergie et environnement posent aux décideurs une exigence toute nouvelle: se doter des moyens nécessaires pour rompre l'isolationnisme et pour accroître les forces de concertation et de synergie afin de pouvoir être socialement efficaces à moyen et à long terme. L'évolution des outils et de la méthodologie de planification et de gestion ne cesse donc ainsi de s'accroître et de se diversifier.

C'est dans ce contexte et à partir de notre expertise en matière d'éthique de société que nous proposons ci-dessous notre propre point de vue. Ce point de vue se veut fondamental et spécialisé. Il s'en tient à l'examen des valeurs morales et sociales qui sous-tendent la méthodologie de la planification du développement énergétique que pratique la société d'État. Il s'agit, dans cette brève présentation, de proposer un ensemble de propositions qui devraient être précisées et développées, évidemment, en détail. Mais, maintenant, ici, nous nous en tenons à une sorte de schéma pour montrer l'ensemble de notre argumentation.

Brève analyse empirique des faits. Selon nous, et ce serait, en fait, notre hypothèse principale, la méthodologie que pratique la société d'Etat comprend 3 éléments essentiels: un système de valeurs ou une philosophie de base qui est cohérente, un ensemble de techniques de planification et un système d'intervenants aux plans cognitif et décisionnel. Nous nous concentrons ici sur la philosophie de base qui fonde la méthodologie et les grands choix de planification de la société d'État. Selon nous, cette philosophie de base se fonde sur 2 ensembles de valeurs, morales et sociales, des valeurs que nous appelons des valeurs prioritaires et des valeurs que l'on pourrait considérer comme des valeurs secondaires.

Les valeurs prioritaires que nous avons décelées dans tout le processus et la méthodologie de planification d'Hydro-Québec sont donc: d'abord, la croissance et la rentabilité économiques selon les critères théoriques définis par la science économique dite néo-classique; deuxièmement, la rationalité propre à l'expertise technoscientifique; troisièmement, le caractère intra-organi-sationnel du processus entièrement contrôlé par l'organisation responsable elle-même. Voilà les valeurs que nous avons décelées comme étant des valeurs prioritaires.

Ensuite, les valeurs secondaires. Il s'agit aussi de tenir compte, autant que nécessaire et autant que possible, de certains ajustements conjoncturels de caractère économique, financier, fiscal et tarifaire, du progrès des règles juridiques concernant, notamment, la protection de l'environnement dans une perspective de développement durable, de l'octroi de compensations à ceux qui se considèrent lésés aux plans environnemental, économique ou social, et de l'intérêt des échanges ou des consultations auprès d'autres organisations possédant d'autres expertises, d'autres hypothèses, d'autres philosophies de base. Ceci est dans le cadre de l'analyse des faits.

Maintenant, nous apportons les éléments d'évaluation et de jugement que voici. Je répète qu'il s'agit de propositions à préciser, à développer. Les points forts de la méthodologie de la planification utilisée par la société d'État sont nombreux et importants. Nous vous entretiendrons surtout de 2: d'un côté, la cohérence interne du système et, d'un autre côté, sa capacité de conférer à l'organisation qu'elle anime un grand degré de responsabilité et d'efficacité dans la conception et la réalisation de ses objectifs matériels concrets, en correspondance avec le mandat reçu, ainsi qu'une réelle ouverture d'esprit lui permettant des échanges fructueux avec d'autres organisations qui partagent ou qui ne partagent pas la même philosophie de base.

Mais, à côté de ces points forts qui sont nombreux et importants, nous avons aussi relevé des points faibles qui se trouvent surtout dans la très grande difficulté qu'éprouve l'entreprise à dépasser et à enrichir 2 de ces 3 valeurs prioritaires qu'on a mentionnées à la page précédente. En particulier, sur le plan de l'éthique économique, la position généralement défendue par l'entreprise nous semble trop exclusivement néo-classique, et il y a l'absence de confrontation avec les positions de type postclassique. Ça, il faudra peut-être, à un moment donné, expliquer ça. C'est sur le plan de l'éthique économique. Sur le plan de l'éthique sociale, une position trop exclusivement intra-organisationnelle, c'est-à-dire une absence de collaboration que nous appelons transorganisationnelle. Dans cette terminologie, nous appelons collaboration transorganisationnelle la collaboration avec d'autres organisations qui ont d'autres philosophies de base, et la collaboration intra-organisationnelle, c'est la collaboration avec des organisations qui ont la même philosophie de base, et sur le plan de l'éthique économique et sur le plan de l'éthique sociale.

Cette difficulté et ces points faibles doivent être bien compris, parce que, d'abord, cette difficulté et ces points faibles sont tout naturels. Il est évident que toute

organisation, pour être efficace, doit compter sur une ligne de conduite cohérente. Il n'est pas, non plus, possible de paralyser l'action pour entrer dans des discussions philosophiques interminables. C'est tout naturel. Deuxièmement, cette difficulté et ces faiblesses sont générales. Ce n'est pas une difficulté propre à HydroQuébec. L'économisme et l'individualisme, pour faire bref, sont 2 traits majeurs qui caractérisent l'ensemble des structures dominantes de la civilisation industrielle moderne. Troisièmement — évidemment, il y a une gradation — cette difficulté et ces faiblesses ont cependant des conséquences très graves. Le fait de ne pas investir les sommes nécessaires pour vérifier d'importantes hypothèses de travail considérées décisives par d'autres philosophies de base permet d'accentuer le déséquilibre structurel dont souffre énormément notre société.

Quatrièmement, cette difficulté et ces faiblesses sont aussi, dans un sens, stimulantes. L'évolution du monde moderne et la gravité de ses problèmes devenus planétaires soumettent les planificateurs et les décideurs au besoin de gérer l'hypercomplexité. Ce type de gestion doit se fonder sur une axiomatique extrêmement ouverte, capable d'intégrer, raisonnablement, la multiplicité des ressources et des intérêts en cause, pour ne pas aller ni dans la maximisation du déséquilibre ni, disons, dans la maximisation de la crise.

Le traitement de cette difficulté aussi, c'est une chose qui est en chantier à l'échelle mondiale. C'est aussi très réjouissant ou très stimulant de savoir que les initiatives se multiplient un peu partout — on pourrait donner beaucoup d'exemples, ou quelques exemples en tout cas — au niveau des organisations politiques, comme à celui des organisations économiques et sociales, en vue de mettre sur pied de nouvelles méthodes de planification fondées sur la gestion intégrée des ressources et sur la collaboration, la concertation des différentes philosophies de base au niveau transorganisationnel. (17 h 40)

À partir de ces considérations de type, si vous voulez, empirique et de type évaluatif, nous arrivons à une sorte de suggestion pratique. À la suite des éléments d'évaluation qui précèdent, nous suggérons donc aux intances responsables de la planification de la société d'État, en collaboration avec d'autres instances sociéta-les, d'ouvrir un temps de réflexion fondamentale sur les besoins au Québec d'institutions durables chargées d'étudier en laboratoire 2 éléments qui nous font énormément défaut. Premièrement, l'évolution des valeurs sociétales qui sont à la base des méthodologies de planification à grande échelle. Nous n'avons pas au Québec les mécanismes pour pouvoir étudier cet élément-là. Deuxième élément fondamental à étudier, ne fût-ce qu'en laboratoire ou d'abord en laboratoire: la validité pratique des méthodologies de planification fondées sur le principe de la planification de la gestion intégrée des ressources dans une perspective de collaboration transor-ganisationnelle et de développement durable. Par exemple, on pourrait citer les programmes tout récents de l'UNESCO, le programme MOST, Management of social transformation. Ça, c'est vraiment à l'ordre du jour dans la communauté mondiale de trouver des nouvelles formes pour pouvoir affronter les crises qui sont croissantes dans notre société, et nous ne pouvons pas affronter ces crises, disons, sans étude qui porte directement à cet effet-là. C'est un peu le type d'approche que nous présentons, c'est la suggestion pratique que nous faisons. ce type d'étude apporterait des informations et des analyses essentielles pour le planificateur, un inventaire permanent de l'évolution des valeurs de base. par exemple, on vient d'apprendre, et c'est une chose peut-être très étonnante dans l'évolution des valeurs de base... en europe, on a fait des enquêtes très récentes dans la communauté européenne pour voir, sur la question environnementale, quelles sont les parties de la population qui sont les plus fiables pour l'ensemble de la population. résultat étonnant: l'emportent de loin les groupes environnementalistes, 36 %. c'est assez extraordinaire. mais, ça, c'est l'évolution des valeurs sociales de notre société. nous pensons qu'il faut absolument connaître ces données-là et les analyser pour le québec, et d'une manière durable. 36 % de la population croient que les gens les plus fiables sont les écologistes. maintenant, si on demande quel est le pourcentage de gens qui pensent que les gens les plus fiables sont les politiciens, 1 %. alors, là, évidemment, il y a...

Mme Bacon: Ça, il y a longtemps que nous ie savons, M. Prades.

M. Prades: Mais, ça, nous n'y pouvons rien, c'est la population qui pense ça. Alors, pour nous autres, ça veut dire que c'est un élément essentiel qui doit être connu par un planificateur.

Alors, inventaire permanent de l'évolution des valeurs de base sur les plans économique, environnemental et social des forces vives de notre société québécoise, tout en comprenant les influences les plus marquantes venues de l'extérieur de nos frontières; deuxièmement, interprétation approfondie des capacités de concertation entre les principales philosophies de base qui comptent aujourd'hui et de la cohérence interne de chacune d'entre elles; troisièmement, un examen critique des conditions de viabilité des grandes hypothèses contradictoires véhiculées par ces philosophies en vue de déterminer cette viabilité de façon informée et objective.

La maîtrise de cet ensemble de données qu'il faut cibler régulièrement offre l'occasion au planificateur de faire le point sur l'évolution des grandes controverses du jour, grandes controverses dont nous savons tous comment elles sont présentes dans notre société et comment elles sont souvent paralysantes; de pouvoir ajuster régulièrement ses vues selon ses besoins et selon ses priorités; de se tenir au courant en profondeur des grandes tendances de la demande sociale; de préserver et, au besoin, d'améliorer son image, en quelque sorte, en temps réel, auprès des différents publics, tant au plan national qu'au plan international.

Voilà. Dans le domaine de la planification à grande échelle qui est ici en question, l'avantage de l'étude en laboratoire est indubitable. Elle permet de distinguer entièrement 2 fonctions en soi tout à fait séparables: la fonction cognitive (que se passe-t-il si?) et la fonction décisionnelle (que faut-il faire ici et maintenant?). Cette étude en laboratoire permet aux instances décisionnelles de prendre le temps nécessaire pour tester et pour préparer leurs choix.

Une proposition qui a été faite souvent dans les journaux. Hier, dans l'éditorial, par exemple, du Devoir, il y avait la suggestion: II faut un mécanisme d'étude public, indépendant du gouvernement et indépendant d'Hydro-Québec. Ça, c'est au niveau que j'appelle politique. Maintenant, nous — ce serait peut-être une bonne idée à discuter — ce que nous proposons surtout, c'est le besoin de faire ces analyses en laboratoire. En laboratoire, ça veut dire que c'est sans engagement. C'est juste pour savoir: Qu'est-ce qui se passe? Quelle est l'évolution des valeurs? Qu'est-ce que c'est, l'information, les choix des uns et des autres quand il y a des philosophies de base qui sont contradictoires? Et quelles sont, par la communication interactive, les possibilités de concertation et de consensus pour pouvoir faire des progrès? Alors, nous, notre suggestion, c'est de commencer, au Québec, pour prendre au sérieux ce problème éthique, en laboratoire. Un ou plusieurs laboratoires même, dans lesquels on pourrait donc travailler ça, disons, tranquillement.

Là, j'ai une formule qu'on a discutée chez nous souvent, une formule que nous aimons beaucoup. Notre formule, c'est: 10 personnes, 10 ans, 1 problème. Ça, c'est, disons, la méthodologie, à mon avis, de l'avenir: 10 personnes vont étudier à fond, pendant 10 ans, 1 question. Étudier en profondeur, ça veut dire en étudiant toutes les réactions du public à cette question-là et les différentes philosophies de base, en voyant quels sont les éléments de consensus et quels sont les éléments de discussion et en essayant de rationaliser par une méthode qui existe actuellement, en cherchant toujours le viable, le durable, le raisonnable, et, alors, à favoriser de cette façon-là la compréhension des choses pour que les décideurs puissent savoir.

Évidemment, c'est une utopie dans un certain sens. C'est une utopie. Mais ce n'est pas une utopie parce que c'est comme ça que tout le monde travaille. Tout le monde travaille comme ça. On ne fait pas des moteurs d'avion autrement que de cette façon-là. On met 10 personnes pendant 10 ans pour étudier, par exemple, la pile électrique, pour savoir si on va mettre... Il n'y a pas moyen de faire autrement. Pour trouver des piles électriques efficaces, il faut cela: 10 personnes, 10 ans, 1 question. Et, pour autre chose, pour la médecine, pour le sida, pour tous les grands problèmes de notre monde. Dans ce laboratoire, 10 personnes, 10 ans, 1 question.

Nous, on travaille souvent d'une manière totalement différente. On travaille en disant: Bon, mettons, 10 personnes, 2 heures, 30 questions. Comme ça, on ne fait pas des moteurs. Comme ça, on ne fait pas des technologies. Il n'y a rien qui se fait dans ce système-là. Alors, nous, quand il s'agit de problèmes d'éthique des sociétés, souvent, notre technologie de travail, c'est dans ce schéma-là: 30 personnes, 1 heure, 40 questions. Alors, là, évidemment, bon... Et, alors, les journaux, tout le monde va jouer, et là c'est la crise permanente dans laquelle nous vivons, qui est une crise éthique permanente dans les questions économiques et dans les questions politiques.

Alors, c'est pour ça que nous pensons que l'étude en laboratoire dans le cas...

Le Président (M. Bordeleau): Le temps alloué étant terminé, je vous demanderais, maintenant, de conclure.

M. Prades: Oui, je termine. Il va de soi que cette suggestion que nous faisons ici ne se veut pas exclusive, elle est complémentaire même des autres systèmes, et que le développement des connaissances ne peut qu'accroître les synergies et les complémentarités collaboratives avec tous les autres niveaux d'analyse et d'exécution. Nous invitons ainsi la société Hydro-Québec, les groupes consultés et les autorités gouvernementales compétentes à réagir critiquement à ce bref argumentaire, et nous les en remercions d'avance.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Prades. Étant donné qu'il nous reste 10 minutes, je vais demander le consentement, peut-être, des membres de la commission pour poursuivre. Alors, je suggère qu'on donne 10 minutes de chaque côté et 5 minutes au député de Drummond.

Mme Bacon: Ça va. Oui.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, ça va?

M. Jolivet: Ça va.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, avec le consentement, on procède maintenant à la période des questions. Je vais laisser la ministre de l'Énergie et des Ressources vous interroger. (17 h 50)

Mme Bacon: M. Prades, M. Tessier, je vous remercie d'être venus nous rencontrer et nous donner le témoignage, fort intéressant d'ailleurs, que nous venons d'entendre. Je note aussi l'intérêt que porte votre groupe de recherche à la planification intégrée des ressources. Évidemment, comme ministre de l'Énergie et des Ressources, je partage cet intérêt et j'ai même demandé à un groupe-conseil que j'ai formé, un groupe-conseil en énergie, de me faire rapport sur cette question-là. Ce groupe-conseil poursuit sa réflexion sur le concept de la planification intégrée des ressources et sur l'expérience d'application de cet outil-là. Par ailleurs, le gouvernement a publié récemment «La stratégie québécoise d'efficacité énergétique» pour essayer d'améliorer l'utilisation de l'ensemble des formes d'énergie. Je pense que

c'est un des éléments d'application de cette philosophie.

Est-ce que vous croyez que la planification intégrée des ressources devrait être appliquée, dans un premier temps, au sein des entreprises réglementées seulement?

M. Prades: Là, madame, je vais vous répondre, évidemment, à partir de notre vision des choses. Ce que nous pensons, c'est que la question de la planification intégrée des ressources est une question extrêmement complexe dans laquelle interviennent 4 ou 5 grands facteurs. Je vais m'en tenir à un des facteurs. Un des facteurs, c'est ce que les Américains, qui sont les inventeurs de ce système-là, appellent la «public consultation». Alors, la «public consultation», c'est un thème majeur de la planification intégrée des ressources, parce qu'il s'agit d'intégrer les ressources matérielles et les ressources sociales, c'est-à-dire l'ensemble des forces vives de la société qui doivent être intégrées pour résoudre les problèmes et pour planifier.

Pour planifier selon l'esprit de la PIR, de la planification intégrée des ressources, et en vertu de la consultation du public, il y a 2 grandes techniques: il y a la technique de la consultation et il y a la technique de la concertation. Alors, que ce soit l'une ou que ce soit l'autre, nous sommes dans 2 mondes assez différents. La technique de la consultation est une technique dans laquelle les intervenants participent quelques heures par année pour donner leur avis, et ça, c'est une technique qui, si on la mettait dans la construction de barrages, serait un désastre; les barrages couleraient. On ne fait pas un barrage en demandant aux gens pendant 3 heures et en se préparant pendant 10 heures s'ils feraient le barrage de cette façon ou d'une autre.

Alors, la consultation — évidemment, il y a toute une littérature, enfin — c'est beaucoup mieux que rien, mais ce n'est qu'un début. On constate tout de suite qu'on ne prend pas les décisions et qu'on n'éclaire pas les décideurs, voilà l'idée, avec des miettes de... Il y a 40 personnes qui vont répondre à la consultation, et on ne sait pas très bien comment ça peut se marier ensemble, etc. Ce procédé-là, Mme la ministre, est un procédé que j'appellerais minimaliste.

Si on veut procéder avec un procédé d'échanges, il faut s'en aller dans la véritable technique. J'ai ici un exemple à vous donner de planification intégrée des ressources, un exemple qui m'apparaît très intéressant et qui est, d'ailleurs, un exemple canadien, qui n'est pas un exemple nord-américain ou étatsunien, c'est le «collaborative process» de la British Columbia Hydro. Là, je vais vous citer un témoignage. Là, c'est un système de planification intégrée des ressources qui ne se base pas sur l'idée de la consultation, mais sur l'idée de la concertation. Et la concertation suppose — et ça, ça va paraître une espèce d'hérésie, d'utopie, de chose impossible, mais c'est une chose qui se fait — que différentes philosophies de base se sont mises autour d'une table pendant 1 an ou 2 ans pour discuter, pour donner, chacune, ses informations et pour avoir, ensemble, un consensus. Autrement dit, c'est une méthodolo- gie, si vous permettez le mot, pour le dire en un mot, sérieuse, une méthodologie que j'appellerais presque scientifique.

Du point de vue éthique, c'est évident que la complexité de la planification exige que les différentes philosophies de base... Parlons, par exemple, pour ne pas citer des problèmes actuels, de la philosophie autochtone et de la philosophie, disons, autre. Bon. Comment ces philosophies-là sont différentes? Ces philoso-phies-là se basent sur quels présupposés? Quelle est la valeur des arguments des uns et des autres? On comprend très facilement que, autour d'une table et avec sérieux, l'analyse de ces informations, l'analyse de l'interactivité de ces informations, de la «raisonnabilité» et du poids de chacun des arguments, ça peut prendre facilement 1 an. Et ça, ça risque de mettre notre société... Regardez comment, sur le plan éthique, c'est important; voilà les mots qui, je crois, sont les mots clés: on crée une nouvelle manière de faire de notre société. C'est une manière de faire qui dépasse le système, disons, un peu brutal de rapport de force pour entrer dans un système, si vous voulez, plus démocratique, plus civilisé, à partir de l'échange et de l'analyse critique des informations qu'apportent les uns et les autres.

Alors, dans le «collaborative process» qu'ont créé les «British» Colombiens, j'ai ici la liste, ils ont réuni une cinquantaine d'organisations avec des philosophies de base différentes. Les organisations ont choisi, par champ, un certain nombre de représentants. Alors, il y a des représentants de «commercial and business interests», des représentants de «environmental interests», «industrial interests», «local governments», «Native peoples», «residential», etc. Alors, il y a une dizaine de représentants de ces intérêts-là.

Là, je vous cite, pour terminer, le témoignage de celui qui était le «environmental advocate». Ce qu'il a dit, c'est assez amusant et c'est formidable — excusez mon anglais, j'espère que vous allez le comprendre, mais c'est un anglais très, très approximatif: «The fact that this pursuit is being led by a shared decision-making process holds promise for the future of society.» Voilà quelque chose qui est une réalité, qui est en train de se faire.

Alors, pour terminer, nous autres, au Québec — et voilà une idée qui me semble très importante pour nous dans tout le débat actuel — nous sommes assez grands pour pouvoir prendre un leadership dans notre planification des ressources et pour donner un bon exemple. S'il y a des gens qui le font, nous pouvons le faire aussi bien qu'eux. Alors, cessons de nous limiter à une tactique défensive. On nous attaque de l'extérieur, on ne nous aime pas, alors il faut se défendre. Ce n'est pas une question de se défendre, c'est une question de prendre les devants. Et, alors, prenons les devants carrément, faisons les choses comme... Introduisons institutionnellement la problématique éthique dans notre façon de planifier les choses et le monde entier va nous applaudir.

Mme Bacon: Où se situerait le niveau de décision

de tous ces éléments?

M. Prades: Oui. Dans notre idée, la décision...

Le Président (M. Bordeleau): Une brève réponse, M. Prades.

M. Prades: Oui, une brève réponse. Dans notre idée, il y a la décision et l'aspect cognitif.

Mme Bacon: C'est ça.

M. Prades: Nous, ce que nous voudrions faire, c'est des laboratoires cognitifs dans lesquels on étudie les affaires. Mais c'est les «decision-makers» qui vont prendre les décisions. Donc, les politiciens, les industriels, les syndicalistes, les environnementalistes, chacun va prendre sa décision. Nous, ce que nous proposons, c'est des organismes cognitifs.

Mme Bacon: Merci. M. Prades: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Laviolette.

M. Joli vet: Merci. C'est parce que je suis en train de dire à la ministre: Ça peut être la même personne qui connaît et qui a de la difficulté à décider aussi, ou l'inverse. J'essaie de voir ça aussi en termes de propositions que vous faites, parce que vous dites: Espérons que les gens pourront regarder le travail que nous avons fait et dans quelle direction on va pouvoir s'installer. D'autant plus que ce qu'on propose, dans le fond... Prenons Hydro-Québec, c'est le sujet de notre discussion, qui a une nouvelle culture à connaître. Parce que, en termes d'organisation, on a eu, la semaine passée, des gens de ma région — il y en a eu d'autres aussi du Saguenay—Lac-Saint-Jean — qui sont venus nous dire que, dans certains cas, ils perçoivent Hydro-Québec comme quelqu'un qui vient les diviser plutôt que les unir. Vous parlez de concertation, vous parlez de connaître le problème, puis, une fois qu'on l'a connu, de décider pour arriver à une solution qui soit convenable à tout le monde et, pour ça, il faut, à ce moment-là, avoir de la concertation. Alors, ce que vous voulez proposer, dans le fond, c'est une partie de la réponse à la question.

M. Prades: C'est ça. Commencer par le commencement; alors, étudier sérieusement quels sont les arguments de chacun et quelle est la valeur des arguments. Disons, devant un forum multiple, qu'on puisse, par analyse et par communication interactive, parvenir à voir quelles sont les propositions qui seraient consensuelles. Ces propositions consensuelles, bien analysées, seraient transmises aux décideurs pour qu'ils connaissent mieux le problème. Ça prendra 3 ans, 4 ans pour commencer à avoir des outils pour ce qu'on appelait dans le temps l'aide à la décision, mais ce sont des outils que le Québec ne peut plus ignorer. Évidemment, nous sommes dans le bain. Qui, au Québec, s'occupe d'éthique de société? Quels sont les groupes? Bien, on est là, on est dans un début. Mais il fallait absolument que les autorités et que les différentes forces vives de notre société considèrent — c'est ça, notre objectif, notre argumentaire — l'intérêt de parvenir à créer des institutions durables. (18 heures)

Une autre chose, par exemple, la consultation qu'on fait à Hydro-Québec pour la planification intégrée des ressources, c'est une consultation qui va durer quelques mois et, après, c'est fini, etc. Nous, on prône des...

Ah, peut-être, si vous le permettez, je vais vous dire quelque chose qui me paraissait complémentaire et intéressant. Cette idée-là de 10 personnes, évidemment, je vois que, pour les planificateurs, il y a tellement de choses à planifier que ce serait impossible, mais je parle maintenant de la planification énergétique au Québec. Je parle de ça. Alors, je parle encore de l'éthique. Pour l'éthique de la planification énergétique au Québec, 10 personnes, 10 ans, pour cette question-là, qu'est-ce que ça coûte? Alors, là, je fais le calcul tout de suite et je dis: 10 personnes, d'après mes barèmes et, évidemment, en comptant qu'il y a beaucoup de professeurs d'université là-dedans qui sont déjà payés, ça coûte 500 000 $. Alors, ça coûte, c'est-à-dire, 500 000 $ pendant 10 ans, donc 5 000 000 $. Alors, ça coûterait 5 000 000 $ pendant 10 ans, je m'excuse. Pendant 10 ans, ça coûterait 5 000 000 $. On devrait voter ça. Il faudrait, évidemment, faire des appels d'offres, voir qui sont les gens qui pourraient faire des choses intéressantes, prendre du temps, etc., mais ça coûte 5 000 000$, pour 10 ans. Bon.

Un chiffre à côté, vous savez tous combien coûte annuellement la planification d'Hydro-Québec; c'est de l'ordre de 15 000 000 $ annuels. Évidemment, ça a l'air démagogique, je m'en excuse, mais c'est juste pour donner des chiffres, pour avoir un ordre de grandeur. Alors, la planification d'Hydro-Québec coûte aux Québécois 15 000 000 $ par an, selon les chiffres donnés par Hydro-Québec elle-même. Là, ce que nous proposons, ça coûterait infiniment moins cher, mais, à notre humble avis, il s'agirait de tester la capacité qu'ont les spécialistes québécois de pouvoir travailler sérieusement la question de l'éthique économique et de l'éthique sociétale.

Encore une parenthèse, le fondateur des études d'éthique économique ou peut-être le plus grand auteur qui a travaillé ça, c'est, comme vous le savez tous, Max Weber. Max Weber a commencé les études d'éthique économique en 1904; donc, déjà, on a une certaine tradition. Alors, c'est lui qui a étudié, comme vous le savez, les grandes études de l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme. Voilà.

M. Jolivet: Vous avez probablement participé à la consultation d'Hydro-Québec.

M. Prades: Oui, oui, oui.

M. Jolivet: Quelle a été, dans vos discussions que vous avez eues avec les groupes et avec Hydro-Québec elle-même, la rétention de votre idée? Et comment vous pouvez nous dire s'ils ont retenu votre idée? Avez-vous eu des contacts...

M. Prades: Est-ce que je peux dire que je n'ai pas envie de répondre à cette question-là? Ha, ha, ha!

M. Jolivet: Vous avez le droit. Non, c'est parce que, moi, j'essaie...

M. Prades: Si je vous répondais à cette question, c'est vraiment...

M. Jolivet: C'est politique? M. Prades: C'est spécial, oui. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Bacon: II ne faut pas qualifier, M. le Président.

M. Prades: C'est très spécial, oui.

M. Jolivet: En fait, ce que je veux dire, c'est qu'il y a eu des consultations, si je comprends bien.

M. Prades: Oui.

M. Jolivet: Vous nous dites: On peut en avoir amplement, des consultations comme celle-là, sur bien des sujets, mais ça ne rapporte pas grand-chose. Vous parliez de 40 sujets.

M. Prades: C'est ça. C'est un premier pas. Je veux dire, c'est infiniment plus que rien. C'est un premier pas. Nous nous sommes rencontrés. Us nous ont vus. Nous avons parlé. C'est énorme dans ce sens-là, parce que, moi, je vois ça avec le temps. C'est un très grand événement. La consultation d'Hydro-Québec, c'est un très grand événement que nous, les éthiciens, apprécions beaucoup, et c'est le début. Nous l'apprécions énormément et nous pensons qu'Hydro-Québec est capable d'aller beaucoup plus loin.

M. Jolivet: O.K. Comme je vous dis, je vous donne des exemples qu'on a chez nous, le long de la rivière Saint-Maurice, et on peut en avoir dans le bout de l'Ashuapmushuan; on voit des fois des gens arriver et mettre un peu de piquant en mettant les gens les uns contre les autres plutôt que de faire une concertation. Ce que vous proposez, dans le fond, c'est une nouvelle culture de concertation pour Hydro-Québec avec la population.

M. Prades: Si vous le voulez, en un mot, c'est de mettre ensemble science, technique et éthique.

M. Tessier (Robert): Avant la concertation, il y a des analyses à faire pour savoir à quoi les gens sont sensibles, quelles valeurs ils ont, pourquoi ils accrochent à ces discours-là qui sont plus ou moins fondés et qui les crinquent les uns contre les autres. Il y a des analyses sociologiques à faire avant. Ensuite, on se concerte parce qu'on connaît le paysage. Je veux dire, c'est de la technologie humaine.

M. Jolivet: Oui, je le sais. Regardez, je vais vous donner un exemple, et, encore une fois, je vais le prendre chez moi, d'une concertation qui n'a jamais existé chez nous. Les autochtones qui sont les Attikameks chez nous, les gens de la Haute-Mauricie, les gens du centre, les gens du bas, l'ensemble de la région de la Mauricie se sont unis pour défendre un projet devant HydroQuébec. Ce qu'on a vu, à un moment donné, en cours de route, c'est qu'on disait des choses à des gens en haut; à ceux d'en bas, on disait d'autres choses. Finalement, tout le monde se chicanait au lieu de se concerter. Mais les gens ont tenu bon et, aujourd'hui, on est rendus à un contexte où il me semble que la nouvelle culture d'Hydro-Québec devrait comprendre ça.

Une voix: Surtout quand c'est dit par l'université. Mme Bacon: J'ai besoin de l'aide de l'UQAM. Des voix: Ha, ha, ha! M. Jolivet: O.K. Merci.

Le Président (M. Bordeieau): M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Oui. Merci, M. le Président. J'aurais le goût de dire à mon collègue: Oui, il y a un grand résultat, parce que, on l'a vu ici, ils sont tous en diable après Hydro.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-Roch: Mais j'aurais le goût de vous dire, en boutade aussi, lorsque vous mentionnez de mettre 30 personnes ensemble pour 1 heure avec 40 questions et que vous mettez ça en doute: Ça, c'est exactement un caucus politique et on en sort un politicien au bout de ça.

M. Jolivet:. Mais, toi, tu es chanceux, tu es tout seul avec ton caucus.

M. St-Roch: Oui, on a l'harmonie. Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-Roch: Ceci étant dit, si je regarde, moi, depuis que je suis associé avec la commission de l'éco-

nomie et du travail, et on y a touché un peu ce matin avec de vos collègues de l'université de montréal, hydro-québec est strictement passée d'un processus d'information à une consultation qu'on a là, mais il va falloir arriver à la vraie concertation. moi, je souscris aux principes que vous avez donnés, parce qu'il m'appa-raît de plus en plus qu'on est en train de fragmenter le consensus. puis, lorsqu'on arrive, vous savez, avec 20 %, 25 % d'un groupe qui est majoritaire, je me dis toujours: bien, il y en a 75 % d'autres, il va falloir les rallier, parce que, avec cette fragilité-là, il va devenir de plus en plus difficile d'avoir des grands acquis ou d'avoir une vision globale de la société qu'on veut bâtir. ceci étant dit, à votre avis, vous mentionnez 500 000 $. j'ai même dit ce matin qu'on devrait mettre davantage à hydro-québec au niveau de la recherche et développement. vous avez vu le plan de développement. j'ai même dit qu'il y en a une grande partie qui devrait être dans la recherche pure et aller au niveau sociologique, ce dont on parle aujourd'hui. mais, si on était capables, nous, ici, en tant qu'hommes politiques, d'influencer hydro-québec à aller dans cette direction-là, qui devrait être le maître d'oeuvre? est-ce que c'est hydro qui décide de mettre ces 10 penseurs-là pendant les 10 ans ou si ça devrait être de dire: non, on va le mettre complètement à part au niveau d'une université ou d'un consortium d'universités? comment est-ce que vous voyez ça?

M. Prades: Non, non, non. La formule, c'est la formule classique. On travaille par appels d'offres. C'est-à-dire que, nous, on ne verrait pas que ce soit, non plus, Hydro. On verrait Hydro et peut-être le gouvernement et peut-être d'autres. La vision est une vision sociétale. C'est la vision de l'énergie au Québec. Dans un sens, c'est plus qu'Hydro. Mais on procède par appels d'offres, c'est-à-dire que, disons, la ministre de l'Energie et des Ressources, elle, mettrait autour de la table la personne qu'elle concevrait comme importante, avec ses consultants, et alors on prépare un appel d'offres. Cet appel d'offres peut durer 1 an, et alors on dit: Voilà les besoins a, b, c, d, universitaires nord-américains, voici notre appel d'offres. Et là, il y aurait le groupe ou le spécialiste qui formulerait, disons, des plans de travail, etc., et alors il y aurait toujours une première concertation entre les décideurs et, disons, la fonction décisionnelle et la fonction cognitive. Alors, les décideurs donnent les règles du jeu, vont en appel d'offres; les spécialistes du cognitif répondent à cet appel d'offres, et c'est toujours les décideurs qui décident qui engager, dans quelles conditions, 1 groupe, 2 groupes, etc. (18 h 10)

M. St-Roch: C'est parce que j'ai une allergie profonde, qui se développe d'année en année, avec les appels d'offres. C'est parce qu'il m'apparaît de plus en plus, surtout au niveau que je n'ai pas connu, du côté privé, lorsqu'on voit les appels d'offres, que c'est un nivelage par le bas, à mon humble avis, parce qu'on prend toujours la plus basse soumission conforme. Et, souvent, pour quelques sous, on aurait avantage à...

M. Prades: Oui et non. À mon avis, il faut faire confiance aux décideurs. Les décideurs savent bien qu'on est dans une grosse crise, savent bien que les problèmes, en réalité, sont en augmentation constante. Si vous avez les chiffres de l'évolution dans notre monde, par exemple, en «R and D», recherche et développement, vous savez combien on fait de recherche et développement dans les pays pauvres et dans les pays riches. Et, tous les 10 ans, le décalage entre les pays, ça double. Le décalage double. Actuellement, c'est de l'ordre de 400 000 000 000 $, la différence qu'il y a entre la recherche et développement des pays riches et la recherche et développement des pays pauvres. Alors, on est dans un monde, globalement, avec de graves crises et c'est évident que, nous, on a besoin de créer des institutions nouvelles, comme nos ancêtres ont fait des institutions nouvelles.

Regardez cette maison. Cette maison, c'est une merveille. C'est marqué ici 1289, «The House of Commons». Voilà une réussite institutionnelle extraordinaire. On invente une institution pour mettre ensemble les gens du commun et, avec la Chambre «of Lords», pour qu'on puisse négocier ensemble et d'une manière consensuelle l'organisation de la politique. Nos ancêtres, de très loin, ont inventé des institutions formidables. C'est à nous autres, à la fin de ce XXe siècle, d'innover, de créer des institutions durables de concertation politiciens, gouvernements, États, entreprises, scientifiques, universitaires, groupes, représentants de la population; créons des institutions de haute technologie éthique. Et ça, c'est une affaire possible et qui est peut-être porteuse d'avenir.

M. St-Roch: Je suis d'accord avec vous...

Le Président (M. Bordeleau): Monsieur, je m'excuse...

M. St-Roch: ...en évitant le soumissionnaire le plus bas conforme.

M. Prades: D'accord, d'accord.

Le Président (M. Bordeleau): M. Prades, M. Tessier, nous vous remercions de votre présentation...

M. Prades: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bordeleau): ...qui était fort intéressante. La commission de l'économie et du travail suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 13)

(Reprise à 20 h 2)

Le Président (M. Audet): Je déclare la séance de

la commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous rappelle le mandat de la commission, qui est de procéder à une consultation générale sur la proposition de plan de développement 1993-1995 d'Hydro-Québec.

Ce soir, nous recevons le Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentides. Suivra ensuite l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec.

Alors, messieurs, je vous souhaite, au nom des membres de la commission, une cordiale bienvenue. Les autres membres se joindront à nous possiblement dans les quelques minutes qui vont suivre. Je vous rappelle brièvement nos règles de procédure. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre exposé. Au préalable, ce qui est important, c'est de vous identifier, de vous présenter. Ensuite, suivra un échange avec les membres, d'une quarantaine de minutes. Vous avez la parole pour une vingtaine de minutes.

Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentides

M. Séguin (Pierre): Bonsoir. Je vais vous présenter, à ma droite, Daniel Leblanc, Alain Brazeau. Nous sommes membres du Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentides et nous voulons vous faire part du mémoire que nous vous avons présenté. Je vais débuter la lecture et Daniel va poursuivre. Je vais commencer à F avant-propos. Je ne sais pas si on vous en a remis une copie.

Le Président (M. Audet): Vous, c'est M. Séguin ou M. Vallières?

M. Séguin: Moi, c'est Pierre Séguin.

Le Président (M. Audet): M. Séguin, ça va.

M. Séguin: Je m'excuse.

Le Président (M. Audet): Ça va.

M. Séguin: Est-ce que vous en avez eu une copie?

Le Président (M. Audet): Oui.

M. Séguin: Oui, vous avez une copie. O.K. Ce document pourrait être interprété comme un plaidoyer à la diversification de notre production d'énergie et à l'utilisation de nos forces vives nationales. Si l'hydroélectricité reste notre plus importante source d'énergie, la forêt, dans sa mesure, offre un potentiel important dans le bilan énergétique global de la province et une possibilité supplémentaire à l'essor économique régional. Cette ressource renouvelable, malgré qu'elle soit cantonnée depuis longtemps dans des secteurs très conservateurs (bois de sciage, bois de pâtes et de chauffage) pourrait jouir d'autres avenues qui ne feraient qu'absorber son réel potentiel de production.

L'Outaouais-Laurentides jouit d'un environnement forestier plus que favorable à une utilisation non conventionnelle de sa biomasse forestière: la possibilité forestière adéquate, une main-d'oeuvre disponible et la dynamique nécessaire.

La forêt: une source d'énergie renouvelable à redécouvrir. Au Québec, nous avons pratiquement tous les outils pour nous arroger une place de choix dans la mondialisation des marchés. Au niveau énergétique, nous pouvons compter sur un parc de production déjà important et qui pourrait être soutenu par d'autres types de productions tout aussi soucieux de l'environnement.

Il faut néanmoins considérer que le développement durable milite pour une utilisation rationnelle de ce bilan énergétique. C'est, d'ailleurs, ce qui alimente le discours de l'efficacité énergétique. Il est légitime, en tant que population, d'être sensible à une hypothèque de l'environnement issue d'un développement mal planifié. Par conséquent, tous les secteurs de l'économie devraient s'impliquer dans une rationalisation de leur consommation.

D'une autre manière, il faudrait penser à réduire notre dépendance face à l'utilisation de centrales polluantes du type alimenté par des carburants fossiles et trouver des alternatives satisfaisantes sur les plans économique et social.

Hydro-Québec, par son plan de développement, semble avoir pris les orientations adéquates. Il ne faudrait maintenant qu'y intégrer plus vivement la contribution de la biomasse forestière à la production d'électricité. Quoi qu'on en dise, les «externalités» avantageuses de cette vision méritent d'être abordées sérieusement, au même titre qu'une utilisation de ces résidus dans la production d'alcool substituant aux carburants fossiles. Quoi qu'en pense Hydro-Québec, elle a l'obligation morale de refléter les intérêts de la population québécoise. Par conséquent, elle doit considérer, tout comme nos gouvernements, les retombées de chaque orientation qu'elle prendra et aussi s'assurer d'un bilan positif à la fin du processus.

M. Leblanc (Daniel): La forêt québécoise: vision nouvelle. À maints égards, la forêt québécoise offre d'énormes potentiels comme source d'énergie. Que l'on ne traite que de sa forme de combustible, elle vient au troisième rang dans le bilan énergétique du secteur résidentiel et gagne un rang dans le cadre d'une politique d'efficacité énergétique. Dans les autres secteurs, cette statistique est plus difficilement identifiable. Par contre, avec l'avènement d'une nouvelle industrie de transformation, le bois pourrait tout aussi bien remplacer une partie des combustibles fossiles, mazout ou gaz naturel, et accroître substantiellement son importance au niveau du bilan énergétique global.

La cogénération à partir de la biomasse forestière ou l'ajout d'éthanol ou de méthanol aux carburants existants pourrait s'avérer un tournant majeur quant à son importance à tous les niveaux: économique, environnemental, social, etc.

Il est bien évident que notre discours peut paraître

partisan; nous ne pouvons pas nous détacher des problèmes vécus dans l'industrie du bois en général et des difficultés qui nous touchent plus directement. Nous possédons une forêt qui nécessite un aménagement intense, qui subit les affres d'une taxation et d'une réglementation éhontées, et qui, de surcroît, doit subir les aléas du peu de diversification des produits issus de ses usages. Par conséquent, dans ces conditions, il est difficile d'envisager un aménagement soutenu de cette forme de matière première.

Étant donné qu'environ le tiers de notre possibilité forestière, soit près de 350 000 m3, ne trouve pas preneur sur nos marchés traditionnels, il nous faut envisager d'autres débouchés. Un de ceux que nous prônons avec acharnement est celui de la cogénération à partir de la biomasse forestière. Nous croyons qu'il s'agit là d'une forme de production qui, en plus de diversifier nos marchés, pourrait diminuer la pression actuelle qui leur est imposée. En résultante, il y aurait moins de frictions entre les différentes sources d'approvisionnement chez les mêmes utilisateurs.

Au Québec, considérant le prix très bas de l'électricité, nous convenons qu'à l'instar des États-Unis nous ne pouvons voir la cogénération comme un simple investissement financier profitable. Il nous faut y déceler les avantages qui en découlent, tels que l'utilisation optimale de notre forêt et la promotion de son aménagement. Bien entendu, cette forme d'utilisation permet aussi de favoriser une énergie renouvelable, de créer des emplois, de réduire l'accumulation des déchets industriels, de réaffirmer notre indépendance énergétique et, enfin, de diminuer ou de retarder l'hypothèque du Nord québécois.

Comparativement à d'autres moyens de production, un complexe de cogénération peut, dans un délai de moins de 2 ans (sans compter les délais liés aux différentes permissions) être fonctionnel. La proximité possible de telles usines des réels consommateurs (industries et/ou résidences) permet de limiter l'érection de lignes de transport. On ne peut en dire autant pour d'autres projets d'envergure similaires ou plus imposants, soit à cause des réels délais de construction ou par l'émoi qu'ils provoquent chez les communautés affectées ou impliquées. (20 h 10)

II est particulièrement abrutissant de toujours faire référence aux États-Unis pour se convaincre du bien-fondé de la cogénération. Il faut comprendre que les impératifs liés à l'environnement y sont sujets à des critiques beaucoup plus sévères qu'au Québec — exemple, la Californie — et que, tout compte fait, les avantages priment sur les inconvénients. Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer cette vague environ-nementaliste. On ne perçoit, actuellement, qu'une pointe de l'iceberg, au Québec.

En Outaouais, les tenants du discours environnemental se sont prononcés favorables à l'idée de la cogénération à partir de la biomasse forestière lors d'un forum environnemental tenu en 1991. Cette position était conditionnelle à ce qu'une politique de gestion des terres boisées soit appliquée. Actuellement, une consultation est en cours au sujet d'un guide de modalités d'intervention en forêt privée, qui devrait prendre plutôt la forme d'un guide de saines pratiques forestières, une forme de code d'éthique du producteur forestier. En fait, tous les intervenants du milieu (socio-économiques et politiques) auront à se prononcer sur la politique à adopter.

Toujours sur le plan environnemental, il faut ajouter que nos voisins du Sud sont particulièrement pointilleux. Il n'est donc pas surprenant d'y voir des normes sur les rejets atmosphériques beaucoup plus sévères que chez nous. Il semble bien que la cogénération à base de biomasse forestière bénéficie d'un statut de choix comme procédé de production, car certaines lois obligent même les réseaux à acheter l'électricité ainsi produite et, dans plusieurs États, cette forme de cogénération joue un rôle prépondérant dans le bilan énergétique global.

Nous avons déjà présenté, en commission parlementaire, un mémoire traitant des potentiels de notre région en matière de production de bioélectricité. Ce document, issu d'une étude préliminaire de faisabilité, quoique incomplet, «suscitait» l'importance des «externalités» d'un tel projet. Aussi, on y précisait que le seul véritable obstacle à ce procédé de production était le prix actuel de l'électricité. Sans avoir examiné totalement la filière du domaine de la cogénération à partir de biomasse, il n'en demeure pas moins qu'on peut affirmer que la cogénération procure plus d'avantages que la simple production d'électricité et de vapeur. Par conséquent, il ne peut s'agir que de la meilleure option sur le plan socio-économique.

Dans notre région, l'industrie des pâtes et papiers et du sciage joue un rôle de premier plan dans l'économie. Étant une industrie énergivore et productrice de déchets, ces consommateurs verraient certainement d'un bon oeil le couplage de leur industrie avec le procédé de cogénération. Ainsi donc, le maillage de l'industrie et d'Hydro-Québec serait particulièrement intéressant.

À Gatineau, l'usine de Produits forestiers Canadien Pacifique ltée a déposé un projet de cogénération il y a un peu plus de 1 an et il semble bien que le projet aura l'aval des décideurs. Les travaux, dans une certaine mesure, sont déjà avancés. Le projet offre certainement plusieurs avantages aux niveaux financier et environnemental; par contre, la production d'électricité sera grandement issue de gaz naturel et/ou de mazout, complé-mentée par la vapeur produite par les rejets de la nouvelle usine de désencrage, et possiblement d'écorces et de résidus du même acabit. Dans ce cas, les possibilités pour la biomasse forestière restent très partielles et pratiquement monopolisées par un seul fournisseur. Considérant le coût du projet (environ 120 000 000 $), la production anticipée (180 MW) et le nombre d'emplois permanents créés, soit 20 emplois directs, ce type de complexe n'offre pas autant d'avantages sur le plan social que l'utilisation de la biomasse de façon plus importante. Par contre, on se doute bien que le résultat financier est intéressant.

II est important de faire une distinction entre les différents types de cogénération en fonction du combustible utilisé. Si le gaz naturel offre certains avantages au niveau de sa manutention, il faut considérer qu'il s'agit, encore là, d'un combustible d'importation qui ne favorise en rien notre prise en charge sociale. Avec la biomasse forestière, il est intéressant de constater que, pour chaque mégawatt produit, 3 Québécois auront participé directement au fonctionnement de l'usine, sans compter les emplois qui seront générés par effet indirect et ceux nécessaires à la construction des installations.

Tout comme l'indique le document d'Hydro-Qué-bec, la cogénération mériterait le statut de filière d'appoint idéale. Malgré que, sur le plan financier, ses retombées soient inférieures à un projet hydroélectrique, il n'en demeure pas moins que son impact sur le développement des principaux secteurs industriels provinciaux est positif. Cette voie devrait être privilégiée contre toute autre et servir de palliatif aux usines consommatrices de mazout. Il faudrait néanmoins présenter la biomasse comme le carburant ultime à la cogénération et reporter le gaz naturel à un rang plus secondaire. Il s'agit, bien entendu, d'une politique qui ne peut qu'être moussée par les gouvernements et, dans une certaine mesure, par la population. Étant donné notre effectif de producteurs, nous pouvons déjà répondre de l'avis d'une partie de la population, soit plus de 13 000 producteurs de bois. Cette politique énergétique pourrait prendre des formes diverses et même s'affirmer dans une politique forestière et environnementale.

Conclusion et discussion. On peut affirmer sans hésitation que l'hydroélectricité est un bien collectif auquel il faut appliquer les rigueurs du développement durable. Par conséquent, l'efficacité énergétique doit jouer un rôle primordial dans la réduction de la croissance des besoins énergétiques. Il semble néanmoins que cette simple mesure soit insuffisante pour combler les futurs besoins de notre développement collectif. Ainsi, il faut établir les futures bases de ce plan de développement. Hydro-Québec, dans son dessein, montre des signes de mûrissement. En ouvrant les yeux sur d'autres formes de production d'électricité, elle adopte un vocabulaire et des positions qui tentent de privilégier la cogénération et l'abandon de centrales au mazout. Une notion, par contre, manque à ce vocabulaire nouveau. En effet, chaque région, dorénavant, devrait participer à l'autosuffisance énergétique régionale pour combler l'accroissement de la demande à venir. Il est essentiel qu'une telle philosophie s'applique en fonction des ressources régionales, que ce soit la matière ligneuse, les rivières, le vent, etc., afin que la région profite des retombées économiques de chaque projet.

La région de l'Outaouais-Laurentides, à l'instar d'autres, offre d'énormes potentiels de production en matière ligneuse. La possibilité forestière est sous-utili-sée et de beaucoup. La forêt publique et la forêt privée se battent sur des marchés rapidement saturés, ce qui limite l'essor de l'aménagement forestier. Les marchés traditionnels sont insuffisants, à un point tel que nous devons exporter nos bois ronds vers l'Ontario et les

États-Unis.

Nous verrions d'un bon oeil l'essor de la cogénération à partir de la biomasse forestière. En plus d'être un outil fort valable à l'aménagement forestier et à une récupération des bois non commerciaux (diamètre et/ou essence) issus des coupes, un complexe à base de biomasse forestière permettrait à la région d'être impliquée dans son développement économique et d'offrir une autre raison au maintien des ruralités.

Quoi qu'on en dise, un tel complexe de production, par million de dollars investis, produirait plus de 10 emplois, directs et indirects, de façon permanente, sans compter la période de construction. De plus, en comptant sur un combustible local plutôt qu'importé, nous favoriserions la prise de conscience de nos actions sur l'environnement. Par ailleurs, les rejets atmosphériques de tels complexes sont bien en deçà des normes provinciales et nationales établies. Les cendres produites peuvent servir dans les composés d'engrais et, de plus, la biomasse (écorces et déchets de scieries et papetiè-res), qui est actuellement source de menace environnementale, pourrait s'attribuer une vocation beaucoup plus constructive.

Recommandation. Nous estimons qu'il est nécessaire que le gouvernement décrypte dans les technologies existantes une politique énergétique qui mobiliserait les potentiels régionaux et que, par conséquent, l'utilisation de la biomasse forestière tienne une place de choix dans cette stratégie pour répondre aux futurs besoins provinciaux.

Le Président (M. Audet): Ça va? C'est terminé? M. Leblanc: Oui.

Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: Bonjour, messieurs. Je voudrais vous remercier d'être venus nous exposer votre appréciation du plan de développement proposé par HydroQuébec et nous faire profiter, en même temps, de votre expérience, spécialement en matière de biomasse. Vous semblez suggérer qu'Hydro-Québec aille au-delà de ses coûts évités pour encourager le recours à la cogénération à partir de la biomasse forestière, de telle sorte qu'Hydro-Québec puisse constituer un outil d'aménagement forestier, si je vous ai bien compris. Comment pouvez-vous justifier une implication d'Hydro-Québec dans un domaine qui peut paraître aussi éloigné de sa mission première? Parce qu'on a parlé beaucoup de la mission d'Hydro-Québec au cours de cette commission parlementaire. Et ça me semble loin du domaine forestier.

M. Séguin: Oui, mais c'est Hydro-Québec qui est responsable des tarifs, disons, qui sont approuvés par le gouvernement. Puis, pour être compétitive, il faudrait qu'Hydro-Québec se compare avec d'autres utilités qui sont nos voisins dans le Sud, puis qu'on regarde ce qui

se fait dans ces coins-là. La production d'électricité est encouragée et supportée par les utilités aux États-Unis. On se pose la question: Pourquoi Hydro-Québec et notre gouvernement ne prendraient pas les mesures nécessaires pour encourager ce développement-là? Ça n'aidera pas seulement les producteurs dans les boisés privés et en forêt; ça pourrait aider aussi nos industries papetières au niveau énergétique, parce qu'on croit qu'elles aussi ont des problèmes énergétiques. Hydro-Québec a un rôle à jouer, je pense, qui est un peu plus grand que seulement produire de l'électricité. (20 h 20)

Mme Bacon; En fait, les papetières, leur problème énergétique, c'est 20 % de tous leurs problèmes, ce n'est pas l'ensemble du problème.

M. Séguin: Non, mais c'est un gros morceau.

Mme Bacon: Ça dépend où on le prend. Le ministère de l'Énergie et des Ressources participe, depuis plusieurs années maintenant, au financement des travaux qui sont menés par le Centre de recherche en sylvichi-mie de l'Outaouais sur d'autres usages potentiels de la biomasse forestière, dont la production d'alcool carburant. Croyez-vous que ces travaux sont susceptibles de constituer prochainement des voies de solution intéressantes et quels seraient les obstacles à surmonter?

M. Séguin: le premier obstacle qui existe présentement, c'est une question de réglementation. est-ce que les compagnies pétrolières vont accepter que l'alcool soit utilisé en remplacement de l'essence? parce qu'on sait qu'au niveau technique on peut mélanger 10 % ou 15 % d'alcool pur avec l'essence et on n'a besoin de faire aucune modification à la question mécanique. ça prendrait un support ou une réglementation pour favoriser l'utilisation de l'alcool. nous, on pense que c'est une alternative qui est vraiment très intéressante que de regarder le potentiel alcool, mais ça va prendre des efforts. ce n'est pas des organismes comme nous... je crois que le gouvernement ou les organismes vont être obligés de s'impliquer à ce niveau-là pour favoriser l'utilisation ou... je ne sais pas si on peut l'imposer, je crois que ce ne serait pas la bonne façon de faire...

Mme Bacon: On est en démocratie.

M. Séguin: ...mais je pense qu'il faudrait avoir un programme pour l'encourager. Là, c'est phénoménal, les volumes de biomasse qui existent, et je crois que tout le monde est sensible au niveau de l'emploi et de l'impact que ça aurait dans l'aménagement forestier. On a des surplus phénoménaux de matière ligneuse. Même en allant seulement en cogénération, on aurait encore des surplus qui dépassent l'imagination. L'alcool, vraiment, serait une solution qui serait probablement une des meilleures, mais il y a beaucoup...

Mme Bacon: Comment se compare le coût de la biomasse chez vous par rapport à la biomasse forestière qu'on retrouve dans d'autres régions? Comment peut-on comparer? Est-ce que ce sont des prix qui sont similaires ou s'ils sont différents les uns des autres, suivant les régions?

M. Séguin: Est-ce qu'on parle seulement du Québec ou si on parle de nos voisins proches?

Mme Bacon: Bien, les régions du Québec, on va commencer par les régions du Québec.

M. Séguin: C'est un marché global et, présentement, la demande pour la biomasse est très faible; il n'y a pas vraiment de marché. Il y a un utilisateur dans la région de l'Outaouais, qui est PFCP, qui utilise des quantités très appréciables.

Mme Bacon: La biomasse forestière régionale. M. Séguin: Oui.

Mme Bacon: II ne prend pas ça dans d'autres régions.

M. Séguin: Non, non. On croit, pour ces utilisateurs-là, que présentement ils ont une marge de manoeuvre qui est très intéressante pour eux et on ne pense pas que... Le gaz naturel, on sait qu'il est disponible en grande quantité, mais...

Mme Bacon: Mais vous savez que préférence a été donnée en cogénération aux projets qui sont faits avec de la biomasse par rapport au gaz.

M. Séguin: Oui, mais, dans la région de l'Outaouais, on sait que les projets qui sont favorisés présentement... Un des plus gros projets qui vont être construits à Hull va opérer presque exclusivement au gaz naturel.

Mme Bacon: Ce n'est pas à la biomasse?

M. Séguin: Ce n'est pas à la biomasse. Celui de PFCP va opérer en grande partie à la biomasse.

Mme Bacon: Ça dépend peut-être du nombre de mégawatts. Est-ce que c'est suivant le nombre de mégawatts?

M. Séguin: Ah! Celui de Hull, si je me souviens bien, c'est un des gros, presque 200 MW, 180 ou 200.

Mme Bacon: Les autres projets que vous avez sont plus petits.

M. Séguin: Celui de PFCP, je crois qu'il est dans les 100, 120 MW.

Mme Bacon: Oui, mais vous en avez 2 autres, je pense, qui sont de beaucoup moindre importance.

M. Séguin: Oui, mais, nous, on pense qu'il y a un potentiel.

Mme Bacon: Oui, oui.

M. Séguin: On pense peut-être à Masson; on a une papetière à Masson, on en a une autre à Thurso.

Mme Bacon: Est-ce qu'ils ont présenté des projets à Hydro-Québec, ces gens-là?

M. Séguin: Ils ont des difficultés, ces gens; tout le monde a des problèmes ces temps-ci et, nous, on essaie de...

Mme Bacon: Vous suggérez fortement.

M. Séguin: On essaie de suggérer. Je crois que votre question concernant l'alcool mériterait que ce soit exploré d'une façon très approfondie, et on apprécie grandement que vous ayez donné un support au centre de sylvichimie. Ils font un bon travail et je crois qu'il y a beaucoup de choses à faire...

Mme Bacon: Ça vous aide.

M. Séguin: ...dans ce domaine-là.

Mme Bacon: Vous mentionnez, à la page 3 de votre mémoire, que le tiers de votre possibilité forestière, et vous mentionnez 350 000 m3, ne trouve pas preneur actuellement. Quelles sont les possibilités de développer des usages non énergétiques pour cette biomasse-là? Est-ce qu'il y en a des usages qui ne sont pas des usages nécessairement énergétiques? Est-ce qu'il est concevable d'envisager la construction d'un moulin qui utiliserait la biomasse excédentaire et celle qui pourrait peut-être provenir de la reconversion des forêts dégradées?

M. Séguin: Présentement, nos papetières ont des difficultés à écouler leurs produits parce qu'elles sont non compétitives. Ce n'est pas en leur fournissant encore plus de matière première qu'on va les aider; le marché mondial ne prend pas... Il y a une surproduction de papier kraft et de papier journal. Je crois qu'il faut trouver un autre débouché pour cette matière première.

Mme Bacon: De quelle façon votre syndicat s'est-il impliqué par rapport à la cogénération? Est-ce que vous pouvez élaborer davantage?

M. Séguin: Oui. On a eu des rencontres avec les différentes papetières, on les a rencontrées, on a discuté; au niveau politique régional, on a discuté, on a participé à différentes rencontres.

Mme Bacon: Pour soulever l'intérêt des papetières.

M. Séguin: Nous, c'est à peu près le rôle qu'on peut jouer, d'essayer de mousser l'idée, de vendre l'idée ou de trouver des promoteurs. On croit que c'est un projet ou des concepts qui devraient être développés un peu plus.

Mme Bacon: La rentabilité des projets de cogénération repose évidemment dans une grande mesure sur la possibilité d'écouler à bon prix la vapeur qui est produite par l'usine thermique. Moi, j'aimerais savoir si vous êtes en mesure de préciser quel pourrait être le potentiel de votre région. Avez-vous fait une révision de ça, par raport au potentiel?

M. Séguin: Je vais laisser Daniel répondre à ça.

M. Leblanc: Dans notre première étude qu'on avait faite, ça tournait autour d'une vingtaine de mégawatts, en fait, ce n'est pas de la production à 180 MW.

Mme Bacon: Mais il y a quand même une révision de tout ça qui a été faite.

M. Leblanc: Oui, oui, mais c'est parce qu'il y a aussi les autres territoires de syndicats qui sont au pourtour du nôtre. Ça, à la première étude, on les considérait aussi, mais dans une mesure moindre.

Mme Bacon: Vous avez des échanges d'information entre syndicats?

M. Leblanc: Ah oui, il y avait des échanges d'information, oui.

Le Président (M, Audet): Merci. M. le député de Laviolette.

M. Joli vet: Merci. Premièrement, avant de commencer, je voudrais avoir une information. Vous dites, à la page 2 de votre mémoire: «Nous possédons une forêt qui nécessite un aménagement intense, qui subit les affres d'une taxation et d'une réglementation éhontées», etc. Expliquez donc un petit peu davantage, parce que ça, ça va avoir un effet sur le reste.

M. Leblanc: Peux-tu me rappeler la page?

M. Jolivet: Oui, la page 2, dernier paragraphe: «Nous possédons une forêt qui nécessite un aménagement intense — donc, ça veut dire qu'elle ne l'est pas aménagée — qui subit les affres d'une taxation — donc, plus tu l'aménages plus tu paies cher — et d'une réglementation éhontées.» Je veux savoir c'est quoi que vous voulez dire dans tout ça. Est-ce que j'ai bien interprété vos affaires?

M. Leblanc: Simplement, au niveau de la taxation municipale, ce n'est pas bien, bien difficile à deviner. Depuis la démarche Ryan et le transfert du fardeau aux municipalités, les comptes de taxes ont augmenté drama-

tiquement, je pourrais dire; en partant, c'est une des affirmations qui est là. Ce qu'on peut dire, c'est qu'au niveau provincial, si on compte la superficie forestière qu'on a régionalement, on mériterait certainement plus en fait de budget gouvernemental au niveau de l'aménagement forestier; on a à peu près la moitié de ce à quoi on pourrait s'attendre au niveau même de la mise en marché qu'on a. Donc, à ce niveau-là, si tu produis beaucoup, tu ne fais pas beaucoup d'aménagement, tu dégrades ta forêt lentement. Si, en plus, tu as une taxation éhontée ou en croissance... (20 h 30)

M. Jolivet: Disons que je vais reprendre ma question en l'expliquant davantage, connaissant le dossier. C'est que ça nécessite un aménagement intense. J'ai cru comprendre que, par la biomasse que vous proposez, ça va vous permettre de faire une intervention davantage dans la forêt. Si je comprends la façon dont ça fonctionne, plus tu aménages ta forêt, plus tu es taxé. La forêt privée, ce que je veux dire, c'est que, si tu la coupes à blanc, admettons, tu as moins de taxes à payer, j'ai l'impression, hein?

M. Leblanc: C'est ça.

M. Brazeau (Alain): C'est ça. Actuellement, la forêt est taxée non pas sur la capacité de production, mais sur le volume sur pied. Si tu as une belle forêt, tu es taxé; si tu la coupes à blanc, tu ne l'es plus.

M. Jolivet: Et, après ça, tu demandes de l'aide pour la rebâtir.

M. Brazeau: Hum! C'est des possibilités. Mais, au niveau de la taxation, si on regarde en agriculture pour comparer, tu as une superficie agricole qui n'est plus capable de produire tant de tonnes à l'acre, elle est taxée sur sa capacité de production, tandis que la forêt n'est pas taxée sur la capacité de production, elle est taxée sur la valeur sur pied du bois. Si la forêt est une belle forêt aménagée, tu vas être taxé plus cher. Ça t'oblige à la liquider pour diminuer ton taux de taxes.

M. Jolivet: C'est pour ça que je te posais la question maintenant à l'inverse. C'est parce que je me dis: Si vous faites un aménagement intense, c'est que vous avez coupé du bois, soit le bois qui est pour la biomasse, du bois à palettes ou du bois à pâte; et là, tu nettoies ta forêt, tu l'aménages davantage. Comme tu l'aménages, tes arbres grossissent plus, bon, ceux qui restent, de telle sorte qu'au bout de la course tu vas être plus taxé. Il n'y a pas un danger à proposer l'utilisation de la biomasse, justement? C'est pour ça que je veux arriver à cette question-là.

M. Brazeau: Non. La solution est de taxer la forêt non pas sur sa valeur sur pied, mais sur sa capacité de production.

M. Jolivet: Donc, il faudrait changer la formule de taxation...

M. Brazeau: La formule de taxation.

M. Jolivet: ...qui vous permettrait de mieux aménager votre forêt et d'utiliser les résidus.

M. Brazeau: Oui, sans être pénalisés, d'aménager notre forêt.

M. Jolivet: O.K. À partir de ce moment-là, maintenant, vous avez assisté aux rencontres avec HydroQuébec lors des consultations qu'ils ont eues? Est-ce qu'ils vous ont dit que, dans leur esprit, pour la cogéné-ration dans le Québec — c'est ce qu'ils nous ont dit à nous; alors, je veux savoir s'ils vous ont dit la même chose — il y avait une tendance, parce que vous mettez ça en parallèle avec celle aux États-Unis, à y avoir un coût qui serait moins rentable à long terme, de telle sorte qu'ils la favorisent, mais ils ne la favorisent pas beaucoup? Est-ce que je peux comprendre que c'est une inquiétude que vous avez?

M. Séguin: Lors des rencontres auxquelles on a assisté, nous, il y avait un débat qui était assez sensible dans notre coin; c'était sur la question de l'usine qui est projetée pour être construite à Hull. Il y avait un débat assez mouvementé à ce sujet-là. Tout est centré pas mal sur le gaz naturel et les gens d'Hydro ne semblaient pas trop sensibles à l'idée de la biomasse comme telle. Et même, lorsqu'ils font leurs comparaisons, ils sont plutôt portés à comparer avec l'hydroélectricité. Quand ils font une comparaison, ils vont relier les coûts de production avec l'hydroélectricité. On ne peut pas se comparer avec l'hydroélectricité, c'est sûr, mais, si on se compare au nucléaire ou avec le mazout, je crois que la biomasse peut être très compétitive.

M. Jolivet: Parce que de la façon dont HydroQuébec a parlé, dans le fond, elle disait: J'ai accepté plus de projets pour à peu près une hypothèse de x kilowatts dans la mesure où je sais qu'ils ne marcheront pas. Comme ils ne marcheront pas, ça veut donc dire... On a posé la question: Quelles sont les raisons pour lesquelles... Il y a des compagnies de papier, chez nous, qui ont essayé de partir ça. Si elles y vont avec le gaz naturel, elles ne contrôlent pas le prix du gaz naturel. Comme la compagnie qui est formée pour faire la vapeur qui va suivre pour l'usine, ce n'est pas l'usine de pâte qui l'a, c'est une autre compagnie, elle ne contrôle pas encore la sortie et, en plus, elle vend à Hydro-Québec l'électricité. Alors, ils disent: Pour la compagnie de pâte et papier, ce n'est pas sûr qu'à long terme ça soit si rentable. Dans ce contexte-là, ils ne se sentent pas poussés davantage sur la biénergie. Est-ce que vous avez saisi ça, ce message-là? Est-ce qu'ils vous ont dit ça de même ou bien si c'est juste la question de la biomasse versus le gaz naturel?

M. Séguin: Je ne peux pas dire que j'ai saisi le

message de cette façon-là.

M. Jolivet: O.K. Toujours à la page 2, vous dites: «La forêt québécoise: vision nouvelle.» Est-ce que je dois comprendre que votre intervention au niveau de la biomasse ne s'intégrerait pas — et là, je pose la question comme on la pose de temps en temps, et souvent même — dans une politique qui aurait comme but de regarder non pas seulement l'énergie hydroélectrique produite, mais toutes les formes d'énergie dont celle dont vous parlez?

Est-ce que vous croyez qu'une commission indépendante qui aurait à étudier ça serait mieux placée qu'Hydro-Québec qui, elle, a à vendre son électricité, que les gens du gaz naturel qui vendent leur gaz naturel et que les gars du mazout qui vendent leur mazout? Est-ce que vous croyez qu'une commission indépendante, que le gouvernement décréterait et à qui il demanderait d'aller voir à travers le Québec les bons et les mauvais côtés de chacune des énergies qui sont là, nouvelles... Moi, j'ai toujours tendance à dire: Pas nouvelles, mais réutilisées, parce qu'on vous a laissé tomber dans le temps. Est-ce que vous croyez qu'une commission d'enquête indépendante serait mieux?

M. Séguin: Disons, en étant de l'entreprise privée, que je me poserais la question pour voir si une nouvelle commission va être utile. Je ne sais pas s'il n'y en a pas assez qui peuvent répondre à cette question-là ou qui pourraient résoudre le problème. Votre idée est bonne, c'est certain qu'il ne faut pas laisser un organisme tout diriger. Est-ce que présentement, en place... Moi, je ne connais pas assez tout votre système de procédure pour vous le dire, mais je vous lance la balle. Il n'y a pas un organisme, il n'y a pas quelqu'un qui existe, en place, qui peut faire ce rôle-là?

M. Jolivet: La commission parlementaire qui est ici actuellement n'étudie qu'une chose, elle étudie le plan qu'Hydro-Québec nous propose, et c'est un seul item: hydroélectrique. À côté de ça, il y a d'autres choses que l'hydroélectricité.

M. Séguin: Parce que j'ai une crainte bleue, moi, des comités, puis des organismes. Présentement, on en a par-dessus la tête, de toutes ces affaires-là. Je suis bien d'accord qu'on trouve une solution, mais il faudrait que ce soit simple, puis que ce soit rentable, puis que ce soit productif. Parce que, comme c'est là, on se fait manger la laine sur le dos par tout le monde. Il faut trouver un moyen, puis, nous, on pense que, ce moyen-là, il faut qu'il soit développé. C'est pour ça qu'on essaie de le mousser.

M. Jolivet: Bon. Vous autres, vous proposez, comme gens qui vivez de la forêt, qu'on utilise vos résidus pour en faire de l'électricité. Je comprends là?

M. Séguin: Oui.

M. Jolivet: À partir de ça, vous êtes une des possibilités. Si Hydro-Québec, qui achète votre électricité, dans le plan d'aménagement qu'elle vous propose actuellement, ne vous donne pas toutes les chances, où est-ce que vous allez avoir le droit de le dire, à part ici, mais dans un contexte de l'ensemble de l'énergie au Québec?

M. Séguin: Nous, on croyait que ça relevait du ministère de l'Énergie et des Ressources, puis que c'était le ministère de l'Énergie et des Ressources qui avait la haute main sur cette question-là.

M. Jolivet: Est-ce que, au niveau de la cogénéra-tion, comme vous la présentez là, vous croyez que votre présentation aujourd'hui aurait des effets sur HydroQuébec qui, à ce moment-ci, sur la cogénération, propose davantage la partie gaz naturel que biomasse?

M. Séguin: Moi, je crois qu'ils ne l'ont pas étudiée de façon sérieuse. Ils ne comprennent pas et je crois qu'ils auraient avantage à aller visiter pour voir ce qui se passe aux États-Unis, à aller voir tous les petits «plants» qui ont été construits, de 5, 10, 20, puis 30 MW, au Maine ou dans différents États, il y en a une peste. Si c'est bon pour les Américains, je ne sais pas là, peut-être que quelqu'un pourrait regarder ça. S'ils peuvent le rentabiliser, ça devrait être bon pour nous autres aussi. Moi, je dis qu'il n'y a peut-être pas eu un effort assez sérieux de certaines gens pour voir si ça peut être vraiment utilisable, puis d'une façon qui est rentable. Nous, on le pense, que c'est rentable, mais c'est certain qu'on n'a pas les moyens, on ne dispose pas des moyens pour pouvoir l'implanter.

Le Président (M. Audet): Merci, c'est déjà terminé.

M. le député de Taschereau.

M. Leclerc: Oui. M. le Président, je vous remercie. J'aurais une couple de questions. Mais, avant ma première question, vous me permettrez 2 ou 3 commentaires, d'abord, pour dire que, contrairement au député de Laviolette, je crois que beaucoup d'organismes sont venus ici, devant nous, depuis les débuts de la commission, et il y en aura d'autres jusqu'à la fin, pour nous parler du nucléaire, pour nous parler du mazout, pour nous parler de toutes sortes d'énergies alternatives ou moins alternatives, connues ou moins connues, et que, donc, c'est un forum qui est offert à tout le monde.

Avant de passer à mes 2 questions, vous avez, en réponse au député de Laviolette, dit que vous croyiez qu'Hydro-Québec n'avait pas étudié de façon sérieuse la cogénération que vous proposez. Est-ce que c'est une impression que vous avez? Est-ce que c'est une certitude? Qu'est-ce qui vous fait dire ça?

M. Séguin: On regarde les faits, on regarde les projets qui vont être mis en place. La majorité des projets présentement en cogénération sont tous reliés au

gaz naturel. Est-ce que le lobbying du gaz naturel est plus puissant que le lobbying de la forêt? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a fait mieux sa job qu'un autre? Moi, je ne fais que regarder les résultats. C'est la seule façon, avec les moyens qu'on a. Puis, si je me trompe, éclairez-moi.

(20 h 40)

M. Leclerc: Non, non. Écoutez, je veux savoir le fond de votre pensée. Est-ce que le gaz naturel, puisque vous dites que c'est lui qui a remporté la palme à date, n'a pas des avantages comparatifs actuellement sur ce que vous proposez? Je ne veux pas les défendre là — et même, vous êtes davantage expert que moi là-dedans — mais est-ce qu'Hydro-Québec n'aurait pas pu l'étudier sérieusement et arriver à des conclusions qui puissent être un peu différentes des vôtres?

M. Séguin: mais, moi, je me pose des questions au point de vue emplois pour la province de québec. on sait que toute l'instrumentation, toute la technologie, la majorité de l'équipement provient de l'extérieur du québec, n'est pas manufacturé ici, au québec. on sait que, si on va en cogénération, pour ce qui est la matière ligneuse, il y a beaucoup de techniques, puis de manufacturiers qui sont au québec. nous, la question emplois, on y attache beaucoup d'importance, puis je ne vois pas où, avec la filière du gaz naturel, on va être avantagés. à ce que je sache, on n'a pas trouvé de grands dépôts dans la province de québec. des forêts, on en a à perte de vue. elles ne sont pas productives, nos forêts, puis elles ne sont pas aménagées. il y a eu beaucoup d'amélioration, il y a beaucoup de choses qui se sont faites, on en a encore beaucoup à faire, mais ce serait un outil supplémentaire qu'on aurait si on avait un marché, que ça soit en cogénération, que ça soit en production d'alcool. ça serait un outil supplémentaire qu'on aurait. *

M. Leclerc: Oui?

M. Leblanc: Je peux peut-être rajouter 1 ou 2 mots. Dans le fond, ce qu'on dit, là, c'est au niveau des objectifs d'Hydro-Québec. C'est ça, le point tournant, là. C'est qu'avec la cogénération l'aspect financier ne primerait pas nécessairement sur d'autres aspects. C'est le poids qu'on va donner un peu à chacun de ces niveaux-là qui va déterminer, dans le fond, c'est quoi la meilleure chose. Nous, on prétend qu'au niveau social, dans le fond, c'est là qu'il faut mettre le poids. C'est ça. C'est tout simplement ça.

M. Leclerc: O.K. Donc, vous admettez avec moi que, sur le plan financier, Hydro-Québec aurait possiblement fait ses devoirs comme il faut, mais vous considérez qu'elle devrait analyser le problème avec d'autres éléments qui feraient en sorte que, là, votre position...

M. Séguin: On aimerait bien s'asseoir avec eux et regarder le dossier de proche, mais, à date, dans les rencontres qu'on a eues, quand on en a discuté, on n'a pas pu être sensibles à voir si, vraiment, sur ces aspects-là, toutes les questions du niveau ont été soulevées.

M. Leclerc: Mme la ministre me souffle justement qu'il y a un projet de 25 MW à Chapais.

Une voix: En discussion pour la biomasse. Mme Bacon: Signé avec la biomasse. Une voix: Signé?

Mme Bacon: Oui, il y a des commencements partout.

M. Séguin: Oui, oui. On ne prétend pas que ça va se faire demain, mais, si on s'en va dans la bonne direction, je crois qu'on va tous en bénéficier.

M. Leclerc: Donc, j'imagine que vous allez suivre attentivement ce qui se passe à Chapais dans les prochaines semaines.

M. Séguin: Ah oui, oui. On est très intéressés à ce sujet-là.

M. Leclerc: Très bien. Je vous remercie.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui. Je reviens en me permettant aussi quelques commentaires sur les propos du député de Taschereau, en disant, M. le Président, qu'il m'a mal interprété. Je n'ai jamais dit que les gens du mazout n'étaient pas venus ici, je n'ai jamais dit que les gens du gaz naturel ne sont pas venus ici. J'ai dit: Ce n'est peut-être pas le meilleur forum. C'est évident, nous sommes en train de discuter le plan de développement d'Hydro-Québec. Il y a d'autres possibilités quant à d'autres formes d'énergie. Ils sont venus nous dire — puis cet après-midi, on en parle avec d'autres — le gaz naturel: On est moins polluants que le mazout, puis le pétrole. Puis Hydro-Québec dit: On est encore moins polluants qu'eux autres. Ils prennent l'argumentation inverse. Finalement, qui est mieux placé pour dire à chacun ce que, comme État, on veut avoir comme bilan énergétique au Québec, comme politique énergétique au Québec? Et c'est dans ce sens-là que je suis intervenu tout à l'heure et que je posais la question.

Je comprends vos réticences, puis je n'ai pas de crainte avec ça. La seule chose que je dis, c'est qu'à ce moment-ci, si vos négociations sont avec Hydro-Québec, qu'on ait une étude plus approfondie par une commission indépendante qui étudierait l'ensemble de l'énergie au Québec, peut-être que vous auriez moins de difficultés à faire comprendre votre point de vue à Hydro-Québec. Parce que Hydro-Québec, c'est un monopole, ils vont acheter votre électricité s'ils le veulent

bien. Mais, s'il n'y a personne qui les y oblige, ils ne l'achèteront pas. Ça prend donc une direction pour savoir ce qu'on veut faire avec l'énergie au Québec. C'est dans ce sens-là que je suis intervenu tout à l'heure. Je pense que vous m'avez compris, d'ailleurs, dans ce sens-là.

Je prends une page de votre mémoire, je vais aller à la page 7. Vous dites: «En effet, chaque région dorénavant devrait participer à l'autosuffisance énergétique régionale pour combler l'accroissement de la demande à venir.» J'aimerais vous entendre davantage parler, là, sur comment ça peut être possible, parce que toutes les régions au Québec n'ont pas le même potentiel au niveau des ressources. Comment chacune devrait devenir autosuffisante au niveau énergique, au niveau régional? Comment devrait-elle le faire? C'est ça.

M. Séguin: Moi, je ne connais pas toutes les régions du Québec, mais j'en connais plusieurs, puis ça s'est adonné hier, par affaires, que j'étais en Gaspésie. Je parlais avec d'autres industriels, puis ils me faisaient part de leurs problèmes de non-utilisation de volumes de biomasse phénoménaux. Je ne parle pas de 1000 ou 2000 tonnes; je parle de 50 000, 100 000 tonnes de pâte qui ne trouvent pas preneur, qu'ils sont obligés de laisser sur les parterres de coupe. Je ne prétends pas que c'est pareil partout, dans toutes les régions, mais disons que j'en connais plusieurs régions. L'Outaouais, c'est une des grandes régions. Si on monte dans les Laurentides, si on monte à Mont-Laurier, tout ce grand secteur-là, ça commence à en faire un grand bout. Puis, dans la région de Trois-Rivières, eux autres aussi, ils ont ces problèmes-là. Ça fait que peut-être qu'une politique à ce niveau-là, nous on pense...

Puis on en a discuté avec d'autres syndicats. On est une quinzaine de syndicats de bois à travers la province; c'est un sujet qu'on a discuté, puis ils semblent avoir à peu près les mêmes ennuis qu'on peut avoir. Ça fait que c'est pour ça qu'on se dit que toutes les régions pourraient en bénéficier. Je ne dis pas que toutes les régions en bénéficieraient sur un même pied d'égalité, mais je crois que tout le monde aurait une certaine...

M. Jolivet: Ce que vous dites, dans le fond, c'est qu'on devrait viser au maximum de l'autosuffisance, mais en ne disant pas qu'ils vont être nécessairement autosuffisants. C'est ça que je comprends.

M. Séguin: Ah non!

M. Jolivet: Pour revenir au sujet qui nous concerne, la biomasse, je vais juste vous conter — c'est pourquoi je vous dis que, des fois, il faut avoir des moyens pour forcer Hydro-Québec à faire des choses — ce que j'ai vécu moi-même dans le réseau non relié que vous connaissez très bien, le secteur de Parent, dans le nord de chez vous. On avait demandé, à ce moment-là, à Hydro-Québec de relier tout le village, qui était au gros mazout avec le groupe électrogène, par le réseau de la Baie James qui arrivait au parc de La Vérendrye, au poste de La Vérendrye. La réponse a été un non catégorique: II n'en est pas question, c'est trop cher, c'est trop dispendieux. Quand on a commencé à étudier, justement, une usine thermique avec tous les résidus du parterre de coupe de Parent, les feuilles des arbres, les racines, puis tout, puis qu'on avait déjà mis en place, avec Nouveler, toute la possibilité d'une usine thermique, la réponse n'a pas été longue d'Hydro-Québec; ils nous ont reliés directement au réseau auquel ils ne voulaient pas nous relier 2 ans avant. Pourquoi? Parce qu'on avait une possibilité de monopole.

Dans ce sens-là, je dis: Justement, vous avez un dossier qui est intéressant dans la mesure où il y a des gens qui vont prendre la responsabilité de le décider: est-ce que c'est Hydro-Québec ou autre chose? C'est là que je vous laisse simplement réfléchir. Mais, moi, je dis que ce n'est peut-être pas juste là que ça doit être pris comme décision. Même si on nous dit qu'on favorise dans certains cas des choses, l'impression qui nous est restée d'une rencontre qu'on a eue avec HydroQuébec, comme membres d'un caucus, c'est qu'ils nous ont dit que l'énergie produite par cogénération, dans un laps de temps de peu, va être tellement dispendieuse comparativement à celle qu'il y a aux États-Unis qu'elle ne sera pas nécessaire au Québec. Et, moi, ça m'inquiète quand on me dit ça comme ça. Alors, moi, je vous fais simplement une réflexion, et je termine mon intervention par ça. Si vous avez des commentaires, vous avez le droit de le dire.

M. Séguin: Je ne ferais que me répéter, ça fait que...

M. Jolivet: Parfait.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Oui. Merci, M. le Président. Je regardais votre mémoire. Lorsque vous parlez de métha-nol, pour être un secteur que je connais un peu, à moins que les prix aient drôlement changé, pour avoir été partie d'un processus qui a mené à la construction d'une usine à l'échelle mondiale de capacité... Puis l'Arabie Saoudite avait fait la même chose, parce qu'on part du méthane pour faire le méthanol. Les prix ont besoin d'avoir drôlement changé. Là, je vous donne des «figures» de 1985. On parlait de 0,82 $ à peu près le litre; le prix du litre était de 0,82 $ avant d'être capable de rejoindre 10 % à 15 % de méthanol, puis d'être capable d'être compétitif.

Ceci étant dit, moi, il y a 2 aspects quand je regarde ce phénomène de biomasse là qui est disponible, qui est là, un paquet de résidus. On a eu quelqu'un qui est venu nous présenter un mémoire, ici, où on utilise des granules de bois. On en fait la «compaction», puis on les utilise pour le chauffage. Ça m'apparaît une avenue qui est drôlement intéressante; on nous a même dit qu'il y avait des manques de capacité. Mais je vais déborder pour aller un peu plus large, parce qu'on vit à

l'heure de la globalisation. Lorsque je saute, moi, puis que je regarde certains pays et certains continents, à l'heure actuelle, qui ont un problème majeur de combustible, dont le bois, la matière ligneuse a toujours été une source d'approvisionnement, puis ils n'ont pas de pétrole, ils n'ont pas de gaz, comment ça se fait qu'on n'est pas capables de développer un marché, pas en bois debout ou en bois rond, mais au moins avec cette technologie-là, de granules, d'utiliser ça, puis de transporter, de développer ce marché-là à l'étranger? (20 h 50)

M. Séguin: Savez-vous ce qui est notre plus grand problème pour venir à bout de vendre ce produit-là? Présentez-vous avec 500 000 tonnes de bois dans un port dans la province de Québec, puis vérifiez seulement les taux de transbordage, puis vous allez voir que vous allez avoir votre réponse. C'est 3 fois plus cher, le coût de manipulation dans les ports du Québec, que dans n'importe quel port au monde. C'est une des raisons pour lesquelles on ne peut pas vendre notre produit sur le marché international. Écoutez, il y a beaucoup de gens qui l'ont regardé et vous parlez à des gens qui l'ont étudié de très près. On ne peut pas le manipuler, c'est nos ports qui nous coûtent trop cher. Ce n'est pas le transport par bateau, parce qu'on vient à bout de sortir des prix qui sont très compétitifs à ce niveau-là; c'est le transbordage qui nous tue. Je crois qu'il va y avoir une solution à ça, mais c'est un des grands problèmes.

M. St-Roch: J'imagine, oui, parce que, dans un cadre de politique globale de développement régional, je pense, moi, qu'il y aurait quelque chose à regarder là.

Une deuxième chose. Mon collègue de Laviolette y a touché, à la page 7 de votre mémoire, concernant cette problématique d'autosuffisance au niveau régional. Encore là, lorsque je regarde des régions, lorsque je regarde le phénomène de pointe qu'Hydro-Québec nous a expliqué, qui est drôlement important, parce que c'est ça qui, durant 300 heures par année, coûte énormément cher, que je regarde des régions comme les vôtres, que je regarde des villes aussi à proximité, moi, je me pose la question: Pourquoi on ne pense pas aujourd'hui à développer un système où on pourrait faire de la cogé-nération avec l'aide de la biomasse pour produire de l'électricité? S'il y a une ville alentour, on pourrait l'utiliser.

Et la vapeur, même s'il n'y a pas d'industrie... Je regarde, vous mentionnez Hull; à chaque fois que je vais là, avec les bâtisses qui sont là, au lieu d'installer une fournaise sur chacune de ces bâtisses-là pour chauffer, pourquoi on ne serait pas capable de faire de l'approvisionnement de vapeur urbaine? Est-ce que c'est quelque chose qui serait utopique ou si c'est pensable qu'un jour on pourrait approcher cette problématique-là de cette façon-là qui vous permettrait aussi d'aller vers une suffisance et une matière...

M. Séguin: Ça pourrait être une possibilité, mais, au point de vue financier et rendement, c'est toujours préférable d'avoir un gros utilisateur qui peut utiliser un gros potentiel de vapeur près, lorsqu'on parle de cogé-nération. Les chauffages urbains sont en opération, normalement, de 3 à 4 mois par année, et vous allez avoir une période où vous allez avoir des gros problèmes.

J'aimerais revenir sur un sujet. Vous avez soulevé la question du coût de la production de l'alcool. Je ne suis pas un spécialiste dans ça, mais je sais qu'il y a des centres de recherche à Ottawa qui travaillent sur le projet et qu'il se fait des choses sur les nouvelles technologies de production d'alcool. Je ne vais pas soulever des coûts, mais je crois que la technologie est rendue en bas de 0,80 $ le litre.

M. St-Roch: Qui serait avantageuse comparée au méthane parce que votre compétiteur pour la matière première est le gaz naturel.

M. Séguin: Oui, oui, je suis d'accord. Je sais qu'au centre de sylvichimie ils ont un projet présentement à ce niveau-là et Forintek aussi, ils sont en train de faire des développements avec NRC sur ce sujet-là. Moi, je crois qu'il faut continuer à fournir les efforts nécessaires et on ose espérer qu'on approche de la solution.

M. St-Roch: Je suis d'accord avec vous, parce que la recherche et le développement, c'est le futur.

Le Président (M. Audet): Merci, c'est terminé, malheureusement. C'est déjà tout, M. le député.

M. St-Roch: J'avais...

Le Président (M. Audet): Non, non, ça fait plusieurs fois. C'est déjà tout, M. le député.

M. St-Roch: ...juste une petite question.

Le Président (M. Audet): Alors, messieurs, au nom des membres de la commission, je vous remercie de votre présentation.

Nous allons suspendre 2 minutes...

M. Séguin: C'est nous qui vous remercions.

Le Président (M. Audet): ...afin de permettre à l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 20 h 54)

(Reprise à 20 h 56)

Le Président (M. Bordeleau): Nous avons présentement l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Alors, je vous rappelle les règles: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et ensuite il y aura une période de questions parta-

gée également entre l'Opposition et le parti ministériel, et le député de Drummond, s'il veut exercer son droit. Je vous demanderais de faire la présentation des personnes qui vous accompagnent et de procéder à la présentation de votre mémoire.

Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ)

M. Richard (Gabriel): Alors, merci, M. le Président. Mme la ministre, MM. les députés, il me fait plaisir de vous présenter, à ma droite, M. Bernard Brassard, qui est le président du conseil d'administration de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec et directeur général de la Compagnie asphalte Itée. À ma gauche, M. Richard Gagné, qui est vice-président du conseil d'administration de notre association et vice-président d'Entreprises Bon Conseil Itée. Et je suis Gabriel Richard, le directeur général de l'Association.

Notre Association, que vous connaissez probablement, existe depuis près de 50 ans. En fait, nous fêterons notre 50e anniversaire l'an prochain. Nous regroupons sur une base volontaire quelque 600 entrepreneurs du domaine de la construction et des fournisseurs de biens et services qui oeuvrent dans le domaine des travaux de génie civil, de voirie et de transport de l'énergie, dont ils exécutent environ 90 % du volume total octroyé à l'entreprise privée.

Les membres de l'ACRGTQ exécutent la plupart des travaux du plan de développement d'Hydro-Québec et oeuvrent pour le compte de la Société d'énergie de la Baie James. Ils ont acquis une solide expérience relative aux travaux d'aménagement hydroélectrique lors de la réalisation de la phase I de la Baie James et participent à l'exécution des projets actuels de la phase II. Ces mêmes entrepreneurs seront appelés à mettre en oeuvre les moyens de production d'électricité qui seront choisis par Hydro-Québec dans le cadre de son prochain plan de développement, que ces moyens comportent des centrales hydroélectriques, nucléaires ou thermiques. Les activités et les orientations d'Hydro-Québec concernent donc directement les entreprises de construction que notre association regroupe, et nous vous remercions pour nous avoir accordé le privilège de vous présenter notre point de vue.

La proposition de plan de développement 1993-1995 d'Hydro-Québec comprend une multitude d'études, de considérations et de propositions visant à fournir aux Québécois l'énergie électrique qui leur sera nécessaire, dans l'intérêt public. Nous nous limiterons à traiter des sujets qui nous semblent essentiels pour l'acceptation de ce plan. Nos premiers commentaires porteront sur les besoins d'électricité du Québec. Nous poursuivrons en exprimant notre point de vue sur les moyens les mieux appropriés pour satisfaire ces besoins. Nous ferons valoir les retombées économiques de nos choix, dans l'intérêt supérieur des Québécois, et nous aborderons brièvement l'environnement et les études d'impact.

Le chapitre 6 du plan de développement 1993 d'Hydro-Québec porte sur la prévision de la demande d'électricité, qui est basée sur les perspectives démographiques, économiques et énergétiques. Les perspectives sont abondamment exposées et motivées. Elles constituent des éléments déterminants de l'évolution prévisible de la demande d'électricité au Québec. Dans son évaluation Hydro-Québec a considéré particulièrement 3 facteurs qui nous semblent fort appropriés.

Premièrement, les perspectives sont souvent des hypothèses et Hydro-Québec en avait fait dans son plan de développement 1990. L'expérience des 3 dernières années lui a permis de les améliorer et de leur conférer beaucoup plus de crédibilité.

Deuxièmement, Hydro-Québec propose de reconduire son objectif de 9,3 TWh d'économie d'énergie à l'horizon 2000, selon le tableau 6.18.

Troisièmement, les besoins prioritaires sont modifiés à peu près selon la même tendance que les ventes d'électricité régulière. Le tableau 4.12 présente la comparaison avec le plan 1990-1992. (21 heures)

Même si ces facteurs confèrent énormément plus de crédibilité aux prévisions, il subsiste des incertitudes et c'est pourquoi Hydro-Québec a élaboré 3 scénarios: le scénario moyen et ceux d'encadrement, le fort et le faible, rapportés aux tableaux 6.15 à 6.25.

Nous soumettons respectueusement qu'il faut tenir compte des incertitudes pour adopter le scénario qui permettra à Hydro-Québec de répondre aux besoins d'électricité des Québécois. Les principales incertitudes sont les suivantes: premièrement, l'évolution des taux d'intérêt; deuxièmement, le taux de croissance annuelle du produit intérieur brut québécois; troisièmement, l'efficacité du programme d'économie d'énergie; les prix du gaz et du pétrole; la rigueur de nos prochains hivers; les catastrophes ou les avaries aux équipements actuels de production dont plusieurs sont âgés et d'autres douteux. si la prudence devenait l'élément prédominant du choix, il faudrait opter pour le scénario fort. cependant, le scénario moyen nous apparaît suffisamment fondé, au moins durant les 3 prochaines années, pour en suggérer l'adoption. et, en conséquence, selon les données du tableau 6.19, nous recommandons que les besoins prioritaires, après interventions, soient prévus à 32 480 mw en 1995, 35 760 mw en l'an 2000 et 38 190 en l'an 2005. ces prévisions signifient une croissance annuelle moyenne de 2,08 % entre 1992 et 2005. selon les prévisions du ministère de l'énergie et des ressources, la croissance annuelle moyenne devrait être de 2,3 % entre 1991 et 2001 ou encore de 1,6 % entre 1991 et 2011, tel qu'annexé en 2 de notre mémoire. alors, vous voyez que les prévisions du ministère de l'énergie sont, en moyenne, près du 2,08 % du scénario moyen d'hydro-québec.

Quels sont les moyens de production? En 1992, la puissance nominale du parc d'équipement hydraulique d'Hydro-Québec s'élevait à 26 080 MW. S'ajoutent l'achat de la majeure partie de la production de la centrale de Churchill Falls, soit 4300 MW, la part de la

centrale nucléaire de Gentilly pour 685 MW et de centrales de turbines à gaz produisant 1071 MW. En 1992, Hydro-Québec pouvait donc répondre à des besoins totaux de quelque 32 136 MW. Au cours des prochaines années, Hydro-Québec ajoutera à son parc d'équipements les centrales de LG 1, LA 1, LA 2, Brisay et EM 1, pour une puissance additionnelle de 3265 MW. Il devient donc évident, selon le scénario moyen, qu'Hy-dro-Québec sera en mesure, avec l'ajout d'environ 300 MW en moyens divers additionnels, de répondre aux besoins électriques des Québécois jusqu'à l'an 2000 qui, comme on le disait tout à l'heure, sont de l'ordre de 35 760 MW.

L'objet actuel de nos préoccupations dans le cadre du plan de développement 1993 devient donc la satisfaction de la demande prévue au cours des 5 années suivantes à l'an 2000 qui augmentera successivement pour atteindre 38 190 MW en 2005. Compte tenu des délais de 8 à 10 ans pour la mise en oeuvre des équipements de production, il est donc nécessaire de prévoir prochainement le démarrage de nouveaux moyens et quels sont les ajouts de moyens de production que nous pouvons préconiser.

Dans son plan de développement 1993, HydroQuébec rapporte ses nombreuses consultations auprès de 75 groupes et de 5 communautés autochtones. Une dizaine de scénarios ont alors été élaborés par HydroQuébec en vue de planifier l'orientation stratégique de l'entreprise de l'an 2000. Compte tenu des réactions suscitées lors des consultations, Hydro-Québec a retenu 5 options et en commente 5 combinaisons, tel qu'annexé en 3 de notre mémoire. Nous croyons que la combinaison optimale d'options est la suivante: économies d'énergie, 9,3 TWh en l'an 2000; ajout de cogénération, 440 MW; filière hydroélectrique, ajout à partir de l'an 2000, et filière éolienne, 500 MW en l'an 2000.

L'option de la cogénération est réalisable compte tenu des nombreux projets déjà identifiés par HydroQuébec pour répondre à des besoins à moyen terme et dont le prix de revient est inférieur à 0,052 $ du kilowattheure, en dollars de 1992. Il faudra cependant construire des centrales qui éviteront de polluer l'air, selon différents articles dans les journaux et annexés en 4 de notre mémoire.

La filière éolienne doit être développée puisqu'elle n'entraîne aucune pollution qui puisse diminuer la qualité de l'air, de l'eau ou du sol. Les éoliennes ont cependant des limitations quant à leur utilisation et à la constance de leur production d'énergie électrique, dépendant, bien sûr, de la force du vent. Il est nécessaire de leur ajouter une source d'appoint pour garantir l'approvisionnement. Un tandem éolien-hydraulique est alors envisageable pour un prix de revient de l'ordre de 0,057 $ du kilowattheure.

Quant aux centrales nucléaires et thermiques, nous partageons l'avis de la plupart des groupes consultés. Nous croyons, dans le cadre du présent plan de développement 1993, qu'il n'est pas opportun de privilégier ces filières. Les centrales nucléaires ont été choisies par Hydro Ontario qui se retrouve aujourd'hui dans une situation déplorable, selon de nombreux reportages dans les journaux annexés en 5 de notre mémoire.

Les motifs invoqués par Hydro-Québec au chapitre 3 sont abondants et suffisants, de sorte que la filière hydraulique est nettement plus avantageuse tant du point de vue environnemental qu'économique. Étant donné la grande intégration de l'hydroélectricité dans la structure économique du Québec et ses avantages marqués sur les autres filières, nous sommes persuadés que cette option doit être retenue.

Les centrales hydroélectriques sont réparties en fonction de leur taille en 3 catégories: de grande envergure lorsque la puissance excède 100 MW, de moyenne envergure lorsque de 25 MW à 100 MW et de petite envergure lorsque de moins de 25 MW. Selon HydroQuébec, il apparaît qu'une faible proportion du potentiel techniquement réalisable des centrales de petite envergure, qui est évalué au total à 1500 MW, pourra être aménagée de façon économique. Les centrales hydroélectriques de moyenne envergure pourraient constituer un complément à celles de grande envergure, en raison, entre autres, des courts délais de construction, environ 4 ans. Toutefois, Hydro-Québec n'envisage pas de mettre en service la plupart de ces centrales avant l'an 2 000, étant donné l'état d'avancement des études et le temps requis pour la consultation des populations touchées et l'obtention des autorisations gouvernementales.

Il ne reste donc que les centrales de grande envergure pour répondre à l'augmentation de quelque 2000 MW des besoins des Québécois des années 2001 à 2005, en tenant compte de l'apport des éoliennes, comme nous en discutions précédemment. Et il faudra, très rapidement, démarrer le projet de Grande-Baleine ou ceux du Haut-Saint-Maurice, de Sainte-Marguerite et d'Ashuapmushuan, selon le tableau 10, à l'annexe 6 de notre mémoire.

Les conclusions de notre étude sur les moyens de production nous portent donc à partager essentiellement celles d'Hydro-Québec que l'on retrouve aux pages 82, 83 et 84 de sa proposition de plan de développement, jointes à l'annexe 7 de notre mémoire. Enfin, pour compléter ce chapitre, soulignons que nous n'avons pas tenu compte du potentiel d'exportation qui, pourtant, servirait l'intérêt supérieur des Québécois. Nous traiterons de ce sujet dans la prochaine partie.

Le chapitre 4 du plan de développement porte sur la contribution au développement économique du Québec. D'autres données sur les retombées économiques sont rapportées au chapitre 3 sur les moyens de production. En annexe 8 de notre mémoire, nous incluons les tableaux les plus pertinents pour prévoir les conséquences du plan de développement d'Hydro-Québec dans l'économie québécoise. Il est bien évident que la production hydroélectrique est une activité bien intégrée à la structure économique québécoise, requérant d'importantes ressources humaines et matérielles. Il est bien évident que l'option de l'hydroélectricité est celle qui offre le plus d'avantages économiques aux Québécois.

Nous avons particulièrement étudié le projet de Grande-Baleine dont le coût de revient, incluant le

réseau de lignes de transport d'énergie, est estimé à 13 100 000 000 $, en dollars de 1992. Les emplois directs totaliseront 26 000 personnes-année, dont 14 600 sur les chantiers. À ceux-ci s'ajouteront plus de 22 000 personnes-année en emplois indirects. À la pointe des travaux, près de 5000 hommes et femmes seront à l'oeuvre sur les sites des travaux, soit 5 % de l'ensemble des travailleurs de l'industrie de la construction, en nous basant sur les 100 000 enregistrés à la Commission de la construction. C'est beaucoup plus en pourcentage si on tient compte des 70 000 qui sont actuellement en activité. (21 h 10)

La masse salariale des ouvriers, pour Grande-Baleine toujours, sera de l'ordre de 4 000 000 000 $. Les achats au Québec de matériel, de matériaux et d'équipements totaliseront probablement le même montant. Encore plus, tout dollar investi dans la construction entraîne 0,85 $ dans l'industrie connexe: transport, hôtellerie, restauration, vêtements, meubles, habitation, etc. Enfin, les salaires versés et les taxes de vente perçues sur les biens et services procurent à nos instances gouvernementales des recettes fiscales essentielles pour répondre aux besoins des Québécois et des autochtones. Nous estimons que ces recettes correspondent au moins à 33 % des investissements. Pour Grande-Baleine seulement, le tiers de 8 000 000 000 $, c'est 2 700 000 000 $. Pouvons-nous nous en passer quand nous avons tant de déficit? Pouvons-nous nous priver de ce que nous avons les moyens de payer avec nos factures d'électricité, les moins chères en Amérique du Nord?

Nous vous soumettons respectueusement que le projet de Grande-Baleine doit être lancé de toute urgence. D'abord, nous en avons besoin pour répondre aux besoins d'électricité des Québécois de l'an 2000. Nous en avons besoin pour permettre à nos entrepreneurs et à nos firmes d'ingénieurs-conseils de maintenir leurs activités à un niveau convenable tout en procurant de l'emploi aux Québécois. Ces entreprises pourront alors poursuivre le développement de leur expertise et de leur savoir-faire dans le domaine hydroélectrique. Nous en avons besoin pour le développement économique du Québec et du Canada. Nous en avons besoin pour avoir les moyens de satisfaire les autochtones et pour avoir les moyens de protéger notre environnement.

Que se passe-t-il dans l'environnement social et territorial de la Bosnie et de nombreux pays d'Afrique? Le Québécois doivent exploiter leurs richesses naturelles comme le font les citoyens des autres provinces et des autres pays. Ils ne peuvent, cependant, agir à l'encontre de l'intérêt ou au détriment d'une partie de la population qui pourrait en subir les inconvénients. Grâce à l'expérience acquise depuis le début de la phase I de la Baie James, nous sommes persuadés qu'Hydro-Québec et les entrepreneurs possèdent les connaissances et les solutions pour minimiser les impacts sur l'environnement des aménagements hydroélectriques, de même que pour minimiser les impacts sociaux, culturels et économiques chez les autochtones qui résident sur le territoire immédiat et voisin des aménagements. Dans bien des cas, des améliorations en ont résulté et peuvent en résulter.

Enfin et à titre de conclusion à ce chapitre, il y a lieu de considérer la prospérité technologique et économique du Québec qui, via l'exploitation de notre ressource naturelle, l'hydroélectricité, nécessite l'exportation. Dans l'intérêt supérieur des Québécois, nous vous recommandons d'ajouter au plan de développement d'Hydro-Québec un objectif ou une sous-option d'exportation de 1500 MW qui représentent environ 4 % de la production de notre société d'État.

L'aménagement hydroélectrique du Nord du Québec a débuté il y a près de 20 ans avec la phase I de la Baie James. La plupart des impacts environnementaux et sociaux sont donc connus, de même que des moyens éprouvés pour en atténuer les conséquences nuisibles sur les populations autochtones, la faune et la flore. 11 est bien évident que de solides études d'impact devront être effectuées afin que les conséquences néfastes soient réduites au plus strict minimum et que les conséquences heureuses soient améliorées. Pour cela, nous recommandons que les prochaines études d'impact reposent sur celles qui ont été faites depuis la phase I de la Baie James et sur l'observation des réalités environnementales des aménagements actuellement en voie de construction. Elles devront, de plus, être libérées des considérations hypothétiques et des «externalités» lointaines; autrement, leur pertinence sera ultérieurement contestée en période de crise économique et des décisions seront prises sans que ces études d'impact soient requises. Ainsi, ies décisions sur l'avenir du Québec s'appuieront sur des faits et des expériences vécues au lieu de considérations hypothétiques.

En conclusion, nous avons d'abord établi que les besoins prioritaires des Québécois, après les interventions, doivent être prévus à 32 480 MW en 1995, 35 760 MW en l'an 2000 et 38 190 en l'an 2005. Pour répondre à ces besoins, nous proposons une combinaison optimale d'options comportant des économies d'énergie de 9,3 TWh en l'an 2000, l'ajout de cogénéra-tion pour 440 MW, la filière éolienne pour 500 MW, la filière hydroélectrique via l'ajout, à partir de l'an 2000. du projet de Grande-Baleine ou encore de ceux du Haut-Saint-Maurice, de Sainte-Marguerite et d'Ashuapmus-huan ensemble.

Au chapitre III, nous nous sommes appliqués à justifier économiquement notre choix d'options en nous inspirant de Grande-Baleine. Et, en proposant un volet d'exportations de 1500 MW, nous nous croyons bien fondés de proposer la mise en oeuvre de ce projet dans les plus brefs délais.

Enfin, touchant l'environnement, nous recommandons que les prochaines études d'impact reposent sur des faits et des expériences vécues au lieu de considérations hypothétiques et d'«externalités» lointaines. Nous vous remercions.

Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: Je voudrais vous souhaiter la bienvenue à notre commission parlementaire et vous remercier de vous être présentés devant nous, de nous présenter votre mémoire et d'accepter de répondre à toutes les questions.

Votre association a participé à toutes les consultations organisées par Hydro-Québec et on a eu certains commentaires, ici, au niveau de cette commission. Moi, j'aimerais savoir si vous avez trouvé satisfaisant ce genre de consultation qui a été faite par Hydro-Québec. Est-ce que c'est concluant, d'après vous?

M. Richard (Gabriel): Oui, Mme la ministre. Premièrement, nous avons trouvé qu'Hydro-Québec s'était vraiment comportée comme une entreprise à l'écoute de toutes les opinions des Québécois. Il y avait quelque 75 organismes qui ont participé à ces consultations-là. Chacun des représentants avait l'opportunité de présenter son point de vue, d'expliquer tout ce qui l'inquiétait ou tout ce qu'il voulait. Et Hydro-Québec a fait tout son possible, je pense, pour tenir compte de tous ces points de vue là. C'est comme ça qu'elle est arrivée à proposer divers scénarios, 5, et d'autres options, en tenant compte des opinions de tous les intervenants.

Mme Bacon: Vous les retrouvez dans le plan de développement.

M. Richard (Gabriel): On en retrouve dans le plan de développement. Quand on pense à la filière éolienne, à la cogénération, aux observations des gens sur le nucléaire ou les turbines à gaz, on s'aperçoit qu'Hydro-Québec en a tenu compte.

Mme Bacon: La plupart des travaux de construction prévus au plan de développement d'Hydro-Québec seront exécutés, évidemment, par des membres de votre association, et votre mémoire mentionne aussi que ce serait également le cas pour des centrales nucléaires ou thermiques. L'éloignement des centrales hydroélectriques nécessite, évidemment, des lignes de transport qui ne sont pas requises pour des équipements thermiques de puissance comparable. Cette différence-là mise à part, les retombées économiques des équipements hydroélectriques, est-ce qu'elles sont plus importantes que celles des autres filières de production pour les membres de votre association?

M. Richard (Gabriel): Pas uniquement pour les membres de notre association, mais pour tous les Québécois. La filière hydroélectrique occasionne des achats au Québec de l'ordre de 85 % de tous les investissements, tandis que la filière nucléaire occasionne des achats à l'extérieur du Québec. Il faut aussi penser que, si on allait du côté du nucléaire, durant l'exploitation, après ça, il faut acheter de l'eau lourde qu'on n'a pas au Québec. Il faut acheter l'uranium qui ne provient pas du Québec, non plus. Alors, ça voudrait dire qu'avec nos factures d'électricité nous aiderions les autres provinces à prospérer économiquement, un peu comme c'est le cas du gaz.

Maintenant, je voulais vous souligner aussi que nous avons, bien intentionnellement, indiqué que les membres de l'Association les construiraient, les centrales, qu'elles soient nucléaires, thermiques ou hydroélectriques, pour vous indiquer que nous n'avons pas de parti pris là-dedans. Ce que nous vous indiquons, c'est ce que nous croyons être l'intérêt supérieur des Québécois. Si nous avions un parti pris, nous vous suggérerions de construire des centrales thermiques ou nucléaires, entre Montréal et Québec, le long du Saint-Laurent. Ce serait beaucoup plus agréable que d'aller travailler à Grande-Baleine.

Mme Bacon: C'est moins froid que le Grand-Nord. À votre connaissance, est-ce que les exigences imposées par Hydro-Québec aux entrepreneurs en matière de protection de l'environnement, c'est une pratique courante de la part de vos autres clients et est-ce que ça s'applique aussi dans d'autres provinces canadiennes? Par l'association des contracteurs, est-ce que vous pouvez le savoir? (21 h 20)

M. Gagné (Richard): Je pourrais peut-être répondre. Ma compagnie est personnellement impliquée beaucoup dans les travaux de développement hydroélectrique sur le territoire de la Baie James. Moi, je peux dire qu'autant Hydro-Québec que la Société d'énergie de la Baie James sont, à mon esprit, très à Pavant-garde au niveau des exigences environnementales. Probablement que les expériences passées, l'implication de beaucoup de groupes autochtones forcent des études d'impact plus poussées. On travaille dans plusieurs domaines. Notre compagnie fait à peu près tous les genres de travaux et à peu près n'importe où au Québec, puis je peux témoigner qu'effectivement il y a une différence marquée. Je pense que, sur le territoire de la Baie James, on exige des entrepreneurs... On met des critères très importants au niveau du respect de l'environnement au niveau des développements. Je donne juste un exemple au niveau des bancs d'emprunt. La société d'énergie fixe des paramètres pour qu'un entrepreneur aille à des endroits très précis pour les bancs d'emprunt et n'en développe pas n'importe où. On ne peut pas se servir de sites d'enfouissement n'importe où. Les métaux, les huiles usées, etc., doivent être sortis du territoire. Autant de mesures qui font qu'on pense que l'environnement est extrêmement bien respecté de ce côté-là.

À l'extérieur du Québec, bien, je ne suis pas en mesure de répondre puisque je n'y vais pas. Je ne sais pas si...

M. Richard (Gabriel): Moi, je peux... Mme Bacon: Oui, allez.

M. Richard (Gabriel): ...vous répondre parce que nous avions participé au projet de Revelstoke, en Colombie-Britannique, qui était un projet de

400 000 000 $, et il n'y a pas de différence en ce qui concerne les exigences sur l'environnement.

Mme Bacon: C'est la même chose, c'est les mêmes exigences.

L'Association est tout à fait en faveur, évidemment, de la filière hydroélectrique en raison de ses retombées économiques et particulièrement à cause de son intégration à toute notre structure industrielle. Vous proposez aussi, toutefois, de recourir à la filière éolien-ne jusqu'à concurrence de 500 MW en l'an 2000, suivant votre mémoire. Est-ce que vous considérez cette proposition-là comme une expérience à réaliser ou plutôt s'il s'agit là d'une filière qui doit vraiment être développée au Québec? La voyez-vous sous forme d'expérience, quand vous parlez de vos 500 MW, ou s'il faut vraiment y aller, à l'éolienne?

M. Richard (Gabriel): Nous pensons qu'il faut vraiment y aller parce que des expériences ont été faites. Il y a eu des expériences faites en Californie où il y a beaucoup d'éoliennes qui sont en opération. Il y a d'autres expériences qui ont été faites sur l'île d'Anticosti et, comme nous vous le disons dans notre mémoire, les éoliennes n'affectent pas la qualité de l'air, de l'eau ou du sol. Alors, où il y a des régions...

Mme Bacon: Elles polluent la vue. M. Richard (Gabriel): Pardon? Mme Bacon: Elles polluent la vue.

M. Richard (Gabriel): Elles polluent la vue. Justement ce que j'allais vous dire.

Mme Bacon: II y a des gens qui nous ont fait faire une sous-fluviale, si vous vous rappelez...

Des voix: Ha, ha. ha!

Mme Bacon: ...parce qu'ils ne veulent pas avoir une vision polluée par des tours.

M. Richard (Gabriel): II y a des régions où ça ne fait rien parce qu'il n'y a pas de personnes dans le voisinage. Alors, dans ces régions-là qui n'ont pas de personnes...

Mme Bacon: Vous verriez ça dans les régions spéciales, pas partout, vous ne voyez pas ça sur tout le territoire.

M. Richard (Gabriel): Non, non, pas partout. Ça prend des régions où il n'y a pas de riverains et ça prend des régions où le vent est fort et constant le plus possible.

Mme Bacon: Vous pouvez en nommer, monsieur?

M. Richard (Gabriel): Près de l'île d'Anticosti, sur la Côte-Nord ou près des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Bacon: II y en a déjà une aux Îles-de-la-Madeleine.

M. Richard (Gabriel): Oui.

Mme Bacon: Votre mémoire souligne qu'il faut tenir compte des incertitudes pour retenir un scénario qui pourrait permettre à Hydro-Québec de répondre aux futurs besoins en électricité. Est-ce que vous pourriez élaborer davantage sur ce terme d'incertitude, vous en parlez dans votre mémoire, ou peut-être préciser votre vision sur l'évolution de certains facteurs qui aura un impact sur la demande d'électricité? Parce que vous parlez d'incertitudes dans votre mémoire.

M. Richard (Gabriel): D'accord, Mme la ministre. Ce que nous voyons — et nous en avons déjà parlé à la commission parlementaire précédente, en 1990 — quand on parle de l'évolution des taux d'intérêt, c'est une incertitude importante. Bien, imaginez pour l'instant que les taux d'intérêt demeurent bas, baissent à 5 % et que ça y demeure encore pendant 5 ans. Alors, qu'est-ce que ça va faire si les taux d'intérêt deviennent si bas? Ça va éventuellement encourager les gens à acheter de nouvelles maisons et plus il y aura de nouvelles maisons de construites, plus il y aura de demande d'électricité à Hydro-Québec. De la même façon, si les taux d'intérêt augmentaient, bien, ce serait l'effet contraire et ça pourrait diminuer la force de...

Mme Bacon: De la demande.

M. Richard (Gabriel): ...de la demande. Le taux de croissance du PIB, c'est la même chose. Si, pour une raison — et on espère que ça va arriver rapidement parce que ça fait trop longtemps que la récession dure — la récession arrête et qu'il y a une reprise économique, comme on pense que ça va arriver au Québec et au Canada d'ici l'an 2000, c'est possible que le PIB...

Mme Bacon: J'espère avant, M. Richard.

M. Richard (Gabriel): D'ici l'an 2000, Mme la ministre.

Mme Bacon: La récession, j'espère que ça va finir avant.

Le Président (M. Audet): Merci...

M. Richard (Gabriel): Si le PIB augmente, bien sûr, ça va occasionner, encore là, différentes dépenses de maisons, de commerces, d'industries, etc.

Mme Bacon: Et avec l'immigration aussi. L'immigration amène la construction de nouvelles maisons. On prévoit 350 000 nouvelles maisons à cause de l'im-

migration, dans les années qui viennent.

M. Richard (Gabriel): Bien oui. Alors, c'est une autre incertitude. L'efficacité du programme d'économie d'énergie... Il est fort, le programme d'économie d'énergie d'Hydro-Québec, à 9,3 TWh. C'est vrai qu'on bénéficie...

Mme Bacon: Vous le trouvez ambitieux, M. Richard?

M. Richard (Gabriel): Je le trouve ambitieux. C'est vrai qu'on bénéficie d'un peu d'expérience au cours des 3 dernières années, mais il faut vraiment avoir beaucoup confiance pour croire qu'il y aura 9,3 TWh d'économie d'énergie. Je pense que ça se peut que les gens deviennent fatigués des petits pommeaux de douche et d'utiliser des petites lampes et qu'ils décident de revenir ou de se dire: Pourquoi travaillons-nous, ne serait-ce que pour avoir un peu de confort et d'agrément chez soi?

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci d'être présents à cette commission. Vous avez dit que vous n'aviez pas de parti pris quant à la sorte d'énergie à utiliser, nucléaire ou autre, mais il y en a au moins un parti pris que vous avez, c'est sur le fait que vous voulez avoir des travaux. Je peux vous dire ça.

M. Richard (Gabriel): Absolument, monsieur, mais...

M. Jolivet: Non, je ne veux pas vous en blâmer. Je voulais juste faire une petite farce en passant. Mais il y a une chose qui m'a fait sursauter, tout à l'heure. Vous me permettrez de le noter dès le départ. C'est à la page 19. Vous dites: Nous en avons besoin pour permettre à nos entrepreneurs, etc., de travailler. «Nous en avons besoin pour avoir les moyens de satisfaire les autochtones et protéger notre environnement. Que se passe-t-il dans l'environnement social et territorial de la Bosnie et de nombreux pays d'Afrique?» Je n'ai pas compris votre allusion. Je peux l'imaginer, mais je ne la comprends pas, dans le texte. J'aime autant vous le dire comme je le pense.

M. Richard (Gabriel): Bien, j'aime ça avoir des questions claires. Je vais essayer de vous l'expliquer dans d'autres mots. Ce que nous croyons, parce que nous sommes, je crois, de bons Québécois... Nous aimons notre province de Québec et nous aimons notre environnement. Nous voulons protéger notre environnement et l'améliorer, mais nous sommes réalistes. Nous savons que, pour protéger notre environnement et l'améliorer, il faut en avoir les moyens. Si on continue, année après année, à accumuler les déficits comme nous le faisons, nous n'aurons plus les moyens de penser à notre environnement. Nous allons être préoccupés par les demandes des gens en éducation, en santé, en bien-être social, etc., et nous allons négliger notre environnement. Si nous continuons à accumuler déficit par-dessus déficit, on va arrêter de prospérer et nous allons devenir aigris, nous allons devenir malheureux. La moindre petite chose pourra provoquer des chicanes, même allant plus loin que ça. Alors, quand on sera rendus là, l'environnement, ce sera comme celui-là de la Bosnie. Quand on sera rendus pauvres, l'environnement, ce sera comme celui-là des pays d'Afrique. Ici, au Québec, rappelez-vous qu'on s'est déjà fait dire, il y a quelques années, qu'on était une république de bananes parce que notre réseau routier était en piteux état. Si...

M. Jolivet: II n'est pas mieux, non plus, encore.

M. Richard (Gabriel): II s'améliore, mais ajoutez à cela qu'on manque d'électricité et qu'il y a toutes sortes d'autres problèmes, on va en être vraiment une république de bananes, si on continue à accumuler des déficits. C'est à ça qu'on veut vous faire penser, qu'il faut prospérer économiquement pour sortir de ces grands déficits-là.

M. Jolivet: Et vous croyez qu'à ce moment-là un des moyens, c'est de construire... Je prends, à la page 24, votre conclusion, mais c'est un peu partout, disant — et vous avez terminé par ça — que vous ne vous fiez pas sur les économies d'énergie à cause de la fatigue que pourraient avoir les Québécois, etc. Mais il y a beaucoup de gens qui sont venus nous dire que l'objectif, justement, qu'Hydro-Québec s'est mis, elle l'a réduit, l'a réduit, l'a réduit, là, mais qu'il y aurait certainement moyen... Et il y a des groupes qui sont venus du Saguenay—Lac-Saint-Jean, la région qu'ils disent pilote au niveau de l'économie d'énergie, nous dire qu'il y a beaucoup de choses qui pourraient être faites qu'on ne fait pas parce que, dans le fond, on ne regarde qu'une source d'énergie qui représente 40 % des sources d'énergie qui est l'hydroélectricité. Dans ce contexte-là, si on avait à regarder l'ensemble de toutes les autres sources d'énergie et les économies d'énergie qu'on pourrait faire, fort probablement qu'on utiliserait moins de kilowatts au Québec et, dans ce contexte-là, on n'aurait peut-être pas besoin d'en construire, comme vous le dites, en termes de mégawatts en l'an 1995 ou en l'an 2000 ou en l'an 2005. Est-ce que vous croyez que c'est peine perdue que de se fier sur l'économie d'énergie pour diminuer nos besoins, parce que les gens disent que même Hydro-Québec souffle les besoins hydroélectriques à venir? (21 h 30)

M. Richard (Gabriel): Nous sommes loin de croire que c'est une cause perdue. Nous vous disons, dans notre mémoire, que nous acceptons 9,3 TWh d'économie d'énergie.

M. Jolivet: Mais vous savez qu'Hydro-Québec ne l'atteint jamais, puis elle le recule d'année en année.

M. Richard (Gabriel): Nous disons simplement qu'il y a une incertitude quant à cet objectif-là de 9,3 TWh. C'est ambitieux. Il faut faire attention quand on fait des prévisions parce que la décision qu'on n'aura pas prise il y a 10 ans, il va être trop tard, après, pour la prendre, puis ce qui va se produire, c'est qu'on va en manquer, d'électricité, au Québec.

Maintenant, pour votre question quant aux formes d'énergie, ça n'a pas rapport aux kilowattheures ou aux térawattheures.

M. Jolivet: Non, mais, si j'utilise d'autres formes d'énergie, je n'utiliserai pas, à ce moment-là, de l'électricité, si je transforme ma maison avec du gaz naturel, du mazout ou des choses semblables. Vous savez, quand on a fait le programme d'électrifier sa maison, ça a fait en sorte qu'il y a des gens qui ont tout enlevé leur système de «ducts», comme on dit, de transmission de la chaleur par ces couloirs-là qui venaient de la fournaise, puis il n'y a plus rien, aujourd'hui. Alors, beaucoup de gens sont venus nous dire qu'il va falloir qu'on pense davantage à la nouvelle maison. Vous parlez de nouvelles gens qui vont pouvoir acheter parce qu'ils vont travailler davantage si la récession se termine. Les immigrants qui arrivent, ils vont devoir acheter une maison et la tendance serait à le faire à une énergie double, triple même, dans certains cas, plutôt que d'avoir juste l'électricité. Alors, est-ce que, à ce moment-là, ces utilisations de ces autres énergies empêcheraient l'augmentation que vous prévoyez comme étant de 38 190 MW en l'an 2005?

M. Richard (Gabriel): Non. Ça n'a aucune...

M. Jolivet: Vous croyez que, malgré tout ça, ils vont en avoir besoin.

M. Richard (Gabriel): Ah! Ils vont en avoir besoin. On a dit qu'il manquerait 2000 MW à partir de l'an 2000. Que l'énergie provienne du nucléaire, du gaz ou de l'hydroélectricité, il va toujours en manquer 2000 MW. Il va en manquer 1500 de plus si on veut faire de l'exportation, puis il va en manquer plus si on s'est trompé dans nos prévisions. Mais ce que nous vous disons, c'est que, dans l'intérêt supérieur des Québécois, il ne faut pas préconiser des formes d'énergie qui font en sorte qu'avec nos factures d'électricité on envoie notre argent en Alberta ou en Arabie Saoudite. On va aider les autres provinces, les autres pays à se sortir de la récession économique, puis, nous, on va rester Gros-Jean comme devant. On vous dit: Si on veut que l'argent reste au Québec, bien, préconisons l'énergie hydroélectrique.

M. Jolivet: Fermons le pipeline de gaz naturel.

M. Richard (Gabriel): Ah! J'irais jusqu'à dire ça, mais on n'a pas besoin de dire ça parce que, actuellement, l'équilibre est bon. Alors, quand l'équilibre est bon, gardons-le comme ça. Mais, dorénavant, conti- nuons à préconiser l'énergie hydroélectrique dans l'intérêt des Québécois.

M. Jolivet: Vous parlez, à la page 15 et à la page 20, de l'exportation en disant, à la page 15: «Enfin, pour compléter ce chapitre, soulignons que nous n'avons pas tenu compte du potentiel d'exportation qui, pourtant, servirait l'intérêt supérieur des Québécois.» Et, si vous allez à la page 20: «Enfin, et à titre de conclusion à ce chapitre, il y a lieu de considérer la prospérité technologique et économique du Québec qui, via l'exploitation de notre ressource naturelle l'hydroélectricité, nécessite l'exportation.»

Là, je vais répondre en même temps à une question qui a été posée cet après-midi parce que, la semaine passée, il y a un groupe qui est venu, avec le maire LeBlanc qui représente tout le bassin de la rivière Saint-Maurice et disait ceci: Je vous donnerai juste un exemple. Le président de Stone Consol nous disait dernièrement: On a une usine, entre autres, dans un des États limitrophes du Canada, aux États-Unis, et on paie l'électricité moins cher là, alors qu'Hydro-Québec vend de l'électricité à cet État de la Nouvelle-Angleterre, que l'on paie au Québec. Donc, il dit: Faites-vous une idée. Nous, on veut continuer à travailler ici, mais il faudrait se faire une idée, au Québec. Est-ce qu'on va continuer à investir ici alors que, nous, on produit de l'électricité et que nos compagnies multinationales la paient moins cher dans le pays voisin, à partir de notre propre hydroélectricité?

Donc, est-ce que vous êtes sûrs... Parce que, là, moi, j'ai posé la question et j'attends les réponses avec des exemples bien typiques, justement pour répondre au député de LaFontaine, cet après-midi, de l'Association des industries forestières du Québec qui va nous donner des exemples d'industries au Québec, puis d'industries dans les États limitrophes américains, qui reçoivent notre électricité venant de la Baie James et qui paient moins cher leur électricité aux États-Unis que notre propre électricité vendue à Grand-Mère ou à Shawini-gan. Est-ce que vous avez été mis au courant de ça? Est-ce que vous pensez que c'est réel de dire que l'exportation, c'est notre panacée?

M. Richard (Gabriel): M. le député, j'ai participé à toutes les tables de consultation d'Hydro-Québec, comme Mme la ministre vous l'a dit tout à l'heure. Alors, on en a entendu de toutes sortes. Hydro-Québec a dit et redit à maintes reprises qu'elle ne vendait pas l'électricité moins cher aux États-Unis qu'au Québec. Il y a des cas particuliers. Je ne pourrais pas vous répondre d'un cas particulier. Le prix peut vouloir dire quelque chose dans ce cas-là parce qu'il est assorti à d'autres conditions. Alors, quand les gens, ça fait leur affaire de dire quelque chose, ils le disent à leur manière. Mais, en général, Hydro-Québec exporte l'électricité et la vend à un prix meilleur que celui-là au Québec.

Quand nous disons que c'est dans l'intérêt supérieur des Québécois d'exporter notre richesse naturelle, nous parlons comme les gens de toutes les autres pro-

vinces et de tous les autres pays. Je n'en connais pas qui n'exploitent pas leurs richesses naturelles. J'arrive de San Francisco ou de la région. Je suis allé dans Napa Valley, puis je vous jure que le vin qui est produit là, il n'est pas tout consommé en Californie, il est exporté. On prend du café... Vous le savez mieux que moi, tous les pays essaient de profiter de leurs richesses naturelles pour prospérer économiquement. Alors, pourquoi, au Québec, on ne le ferait pas? Il faudrait que quelqu'un m'explique ça.

M. Jolivet: Prenons l'exemple, d'abord... Parce que, là, vous parlez de choses qu'on consomme en les buvant, le vin. Prenez l'exemple de l'aluminium, avec les contrats secrets qu'on a faits, ici, au Québec, avec les 1 500 000 000 $ dont on parle, qui seront la perte dans les contrats qui ont été signés. Dans ce contexte-là, on n'a demandé à aucune compagnie de faire de la deuxième transformation, de la troisième transformation au Québec. À quelle place pensez-vous qu'on envoie notre énergie? On fabrique ça avec notre électricité, on envoie ça aux États-Unis, ils nous retournent le chaudron. Êtes-vous capables d'expliquer ça, vous?

M. Richard (Gabriel): Encore une fois, c'est un cas particulier. Je ne les connais pas, les cas particuliers. Si vous les connaissez, bien, il faudrait le dire à Hydro-Québec, puis l'empêcher de faire des choses comme ça.

M. Jolivet: Mais je vous pose la question.

M. Richard (Gabriel): Je vous dis qu'en principe... Est-ce que j'ai tort, en principe, de dire que c'est à notre avantage d'exploiter notre richesse naturelle?

M. Jolivet: Ce n'est pas ça que vous dites. Vous dites: exporter.

Le Président (M. Audet): C'est terminé.

M. Richard (Gabriel): Exporter. Exploiter pour exporter.

M. Jolivet: Ah bien, c'est une autre question. On y reviendra.

M. Richard (Gabriel): O.K.? C'est ça que je dis, que c'est dans notre intérêt de faire ça.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. J'aurais quelques questions qui concernent le chapitre IV sur l'environnement et les études d'impact. Alors, l'Association est d'avis que l'expérience qui a été acquise avec l'aménagement de la phase I de la Baie James permet maintenant de minimiser les impacts environnementaux, ainsi que les impacts sociaux chez les autochtones. Vous dites, par ailleurs, à la page 23, à la fin du chapitre, dans votre mémoire, que les études d'impact à venir devraient «être libérées des considérations hypothétiques et des «externalités» lointaines, autrement leur pertinence sera ultérieurement contestée en période de crise économique». La question que j'aimerais vous poser, c'est: Est-ce que l'Association pourrait préciser ce qu'elle entend par des considérations hypothétiques ou des «externalités» lointaines?

M. Richard (Gabriel): Oui, je peux vous en donner quelques exemples. Quand je parle d'«externalités» lointaines, c'est que, dans le projet de directives d'études d'impact sur Grande-Baleine, on demande à Hydro-Québec de produire toutes sortes de comparaisons avec ce qui se passe jusqu'en Colombie-Britannique. On demande, dans un autre cas, d'établir les impacts de la réalisation du projet de Grande-Baleine sur les familles des travailleurs québécois qui résident à Montréal, à Québec, à Chicoutimi, etc., sur les travailleurs mêmes. On parle de vérifier la migration des oiseaux aux États-Unis. On le sait bien que la migration des oiseaux aux États-Unis... Depuis que la phase I de la Baie James est faite qu'on les voit se promener, les oiseaux. On n'a pas besoin de refaire une nouvelle étude pour savoir ça. On parle d'étudier le réchauffement de la planète. Tout le monde sait que les centrales hydroélectriques ne réchauffent pas la planète.

Alors, c'est ces choses exagérées là qu'on vous dit dont les études d'impact devraient être débarrassées pour qu'elles deviennent sérieuses et crédibles. Autrement, les gens vont en avoir assez, puis ils n'en feront plus, d'études d'impact. Ce ne sera pas moi qui vais prendre cette décision-là, ce sera ceux qui vont nous suivre. Mais il faut que les études d'impact soient réalistes. Puis on vous dit: II y en a des projets qui ont été construits lors de la phase I de la Baie James, il y en d'autres qui sont en construction maintenant. Bien, regardons ce qu'il y a là.

C'est rare qu'on a un projet à faire, puis qu'on bénéficie d'un autre projet à côté. D'habitude, c'est toujours des projets nouveaux, puis on ne sait pas s'il va se produire une certaine sorte de pollution, etc. Nous sommes obligés d'analyser des hypothèses. Là, il n'y en a plus, d'hypothèses; les projets sont là, ils sont visibles. On peut même vérifier le comportement ou les conséquences de ces projets-là sur la vie humaine, la faune, la flore. On sait qu'il y a des cours d'eau qui sont inondés, qu'il y a une pollution au mercure. On sait comment faire pour contrôler cette pollution-là et faire en sorte que, dans 20 ans, les effets néfastes n'existent plus. (21 h 40)

Alors, c'est ça qu'on vous dit: Profitons de l'expérience que nous avons, profitons du savoir-faire qu'on a amélioré au cours de ces années. N'oubliez pas qu'à la Baie James il y en a eu, des visiteurs des autres pays, des visiteurs de marque qui ont rendu hommage au génie créatif des Québécois et au savoir-faire des Québécois. Alors, si on sait tout ça et qu'on mérite tant de

reconnaissance de gens des autres pays, servons-nous-en et inspirons-nous de ça pour préparer et planifier les prochains contrats.

M. Bordeleau: Mais, dans votre mémoire, toujours à la page 23, vous faites un lien avec les périodes de crise économique. Est-ce que l'Association veut dire, au fond, à ce niveau-là, qu'il est moins approprié ou qu'il n'est pas approprié de faire des études d'impact trop détaillées en période de crise économique? Si ce n'était pas une période de crise économique, ce serait différent?

M. Richard (Gabriel): Ce que je veux vous dire, c'est que là nous avons le temps. On vous a dit dans notre mémoire qu'Hydro-Québec est en train de réaliser ce qu'il faut pour répondre aux besoins des Québécois jusqu'à l'an 2000. Ce qui nous préoccupe, c'est de 2000 à 2005. Alors, nous avons le temps de faire de bonnes études d'impact dépouillées d'«externalités» ou d'hypothèses farfelues, etc., comme la migration des petits oiseaux aux États-Unis. Mais, si on n'en profite pas pour faire des études d'impact qui ont de l'allure, eh bien, ça va faire en sorte que les projets ne se feront pas et tout à l'heure — ce tout à l'heure là, ça va être en l'an 2000 — on va manquer d'électricité, au Québec. Quand on manquera d'électricité au Québec, moi, ma crainte, c'est qu'on se dise: On est pressés et on n'en fait plus, d'études d'impact. Ou encore, si ces études d'impact là sont trop exigeantes, trop exorbitantes, on ne s'en servira plus et on ne sera pas plus avancés.

M. Bordeleau: Ce n'est pas le sens de ma question. Je reviens à la fin du paragraphe où vous dites: «Autrement, leur pertinence sera ultérieurement contestée en période de crise économique». En quoi c'est relié, le problème des études d'impact et les périodes de crise économique? Ce que vous me dites là, c'est votre point de vue et, à mon avis, vous pourriez le dire dans une période de prospérité de la même façon. Pourquoi vous reliez ça à des périodes de crise économique où on mettrait la pertinence des études d'impact en cause surtout dans des périodes de crise économique?

C'est comme si, en période de crise économique, je ne sais pas, c'était différent et là il faudrait voir les études d'impact d'une autre façon.

M. Richard (Gabriel): Je vais me reprendre. C'est parce qu'en période de crise économique nous sommes pressés de trouver des solutions pour contrer la crise économique, pour relancer l'économie. Quand on est pressés, on ne prend plus le temps de faire de longues études d'impact. C'est ça. Actuellement, on ne peut pas dire que ça va très bien, au Québec. Dans les journaux, encore aujourd'hui, on parle que c'est douteux, les besoins de main-d'oeuvre au Québec, etc. Alors, on est encore en difficulté. Nous disons: Pour relancer l'économie, profitons de la réalisation de projets dont on a besoin, comme Grande-Baleine, et on pourrait dire aussi comme le train rapide Québec-Wind- sor, qui serait un merveilleux projet pour relancer l'économie. Mais, si on ne les fait pas, notre situation va s'empirer et, quand notre situation économique sera pire, je pense que les gens qui auront à décider vont se ficher pas mal des études d'impact.

Le Président (M. Audet): Merci. Une voix: Terminé.

Le Président (M. Audet): M. le député de Lavio-lette.

M. Jolivet: Vous savez, quand on parle de protéger l'environnement et de se donner des bases de référence, on parle d'un parc faunique, on parle, au niveau environnemental, de réserves écologiques. Est-ce que vous croyez que, dans l'ensemble du Québec, toutes les rivières harnachables doivent l'être dans un avenir prévisible? Autrement dit, est-ce qu'on doit, au Québec, considérer que toutes les possibilités devront être utilisées un jour ou l'autre ou si on ne devrait pas — ce qu'on a dit — conserver des rivières patrimoniales ou, au moins, savoir ce que c'était, une rivière avec des chutes, des rapides et des choses semblables, la beauté? Est-ce que vous pensez qu'on doit harnacher tout ce qui est harnachable au Québec?

M. Richard (Gabriel): Absolument pas. Ce que nous avons dit dans le mémoire, c'est que, comme nous allons actuellement, nous savons qu'Hydro-Québec pourra répondre aux besoins des Québécois de l'an 2000. Nous avons dit dans notre mémoire que nous sommes préoccupés par les besoins des Québécois des 5 années suivant l'an 2000. Pour 1996, nous n'en avons pas parlé. Nous avons le temps. Alors, si on veut réellement faire une bonne étude du réseau des rivières au Québec pour déterminer lesquelles ont devra harnacher ou qu'on ne devrait pas harnacher dans le souci du respect de notre environnement, nous avons le temps de faire ça. Commençons par le plus pressant, faisons Grande-Baleine; de même, on s'assure que nous serons capables de répondre aux besoins des Québécois et, pendant ce temps-là, bien, créons un comité d'experts, si vous voulez. Je pense, Mme la ministre, qu'on avait déjà écrit à ce sujet, pour suggérer une sorte de comité d'experts qui pourraient conseiller le gouvernement sur une éventuelle stratégie de développement hydroélectrique du Québec.

M. Jolivet: O.K. Ce pour quoi je vous ai posé la question, c'est parce que... Si on prend la rivière Saint-Maurice, je pense qu'il n'y a pas un chat, dans le coin, qui ne semble pas dire qu'elle devrait, maintenant qu'elle a été harnachée, être réharnachée s'il y a des places où des barrages devront être refaits ou des choses semblables. Je vous pose la question parce qu'on a reçu ici des gens du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Il y a une discussion chez eux sur l'Ashuapmushuan; des gens disent: Elle devrait être considérée comme rivière patri-

moniale. On n'en a pas beaucoup. Est-ce que, au lieu de l'Ashuapmushuan, dans la proposition qu'Hydro-Québec fait et que vous semblez appuyer, il ne serait pas possible d'imaginer qu'une rivière à côté, la Péribonka, qui a déjà été harnachée, qui pourrait l'être encore, à un certain niveau, devrait être plutôt faite en priorité par rapport à l'Ashuapmushuan qui, elle, même dans son cas à elle, d'après ce qu'on a entendu des gens qui sont venus, n'est qu'en réserve de possibilité? Dans le sens suivant, c'est qu'à ce moment-ci — c'est ce que j'ai compris, en tout cas, dans les discussions qu'il y a eu — on ferait actuellement l'analyse environnementale de cette rivière-là, advenant le jour où on en aura peut-être besoin dans 20 ans. Ils disent: Dans 20 ans, ce sera peut-être différent. Alors, pourquoi ne gardons-nous pas une des rivières, qui est dans le coin, l'Ashuapmushuan, qu'il pourrait être possible de considérer comme patrimoniale, pour, plutôt, aller vers Péribonka? Est-ce que vous avez une objection à regarder plutôt Péribonka qu ' Ashuapmushuan?

M. Richard (Gabriel): Je vais le demander à M. Brassard, qui est justement de la région. Peut-être, Bernard, que vous...

M. Brassard (Bernard): Quand on parle de l'Ashuapmushuan, d'abord, je pense qu'il y a... Le contexte régional, c'est que, justement, il y a la Péribonka et il y a 2 gangs qui tirent. Probablement qu'on pourrait dire qu'il y a peut-être un petit peu de politique dans ça, quoique je ne sois pas tellement au courant du dossier. Maintenant, moi, quand je regarde l'Ashuapmushuan, on en parle depuis à peu près 1 an. Tu entends les écologistes et il n'y aura plus rien, tout va disparaître et ça va être la catastrophe totale. Quand des gens sérieux et même le président et le fondateur du Zoo de Saint-Félicien, M. Gagnon, qui est quand même un type, je pense, responsable et qui a, j'imagine, regardé le dossier, se prononcent en faveur d'un tel projet, c'est bien dur, pour moi, de dire: L'Ashuapmushuan, est-ce qu'elle va être patrimoniale encore et qu'elle va être belle, etc.? Mais j'imagine qu'avec les pressions qui se font Hydro-Québec ne pourra pas faire ce qu'elle veut, qu'elle va être obligée de le faire d'une façon, comment je dirais, éduquée. C'est mon point de vue.

Alors, est-ce qu'il y a une possibilité sur cette rivière-là? Moi, personnellement, je préconiserais l'Ashuapmushuan avant Grande-Baleine parce que je dis qu'à Grande-Baleine on est bloqués. Partons 4 ou 5 gros projets de 1 000 000 000 $ — parce que je pense que c'est 1 000 000 000 $, l'Ashuapmushuan, si je ne me trompe pas — partons-en 4 ou 5 gros comme ça, comprends-tu, au moins pour faire marcher l'économie du Québec, en attendant de régler l'autre problème, là. Maintenant, le dossier, comment je dirais bien, il est plus que de l'environnement, à mon point de vue. Je pense que, vous autres, les politiciens, vous êtes bien plus au courant que nous autres de ce qui se passe.

Mme Bacon: On en a entendu parler.

M. Jolivet: On en entend de toutes les sortes. Aussi bien les gens qui sont d'accord ou encore d'autres qui, sans se prononcer nécessairement, disent: Si jamais vous le faites, vous allez le faire en tenant compte de notre région et on veut que les emplois soient chez nous, puis on veut ci, on veut ça, les municipalités en particulier.

M. Brassard (Bernard): Ce qu'on dit: Vous allez laisser quelque chose chez nous en passant. Ça, je suis d'accord.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Bacon: Ils sont du même point de vue.

M. Jolivet: Dernière question, M. le Président.

M. Brassard (Bernard): Ou bien on va mettre des compteurs et on va vous charger une taxe.

M. Jolivet: Oui, merci.

M. Brassard (Bernard): Vous savez qu'on a une région qui est fermée et on a nos petites idées.

M. Jolivet: À la page 18, comme dernière question — on me dit que c'est ma dernière question, je vais la prendre comme telle — vous dites: «D'abord, nous en avons besoin pour répondre aux besoins d'électricité des Québécois de l'an 2000.» Il y a des gens qui ne disent pas ça du tout. Et je reviens à ça. Il y a des gens qui sont venus ici et qui ont dit: Hydro-Québec nous avait dit: Ça prend absolument Grande-Baleine à telle date; sinon, ça ne marchera pas. Puis, là, peut-être que c'est la récession qui fait que les contrats n'ont pas marché, ils en ont moins besoin qu'avant. Il y a une chose qui est certaine, c'est qu'on n'en a pas besoin. Là, les gens disent: Quelle est la certitude des besoins, à HydroQuébec? C'est pour ça que je reviens à une des premières questions sur la certitude des besoins à venir dans le futur. Vous, vous dites: On en a absolument besoin, de Grande-Baleine, il faut que ce soit lancé de toute urgence parce qu'il faut que ça réponde aux besoins de l'an 2000. Puis, là, vous dites: Si jamais ça ne marche pas, au moins on a des possibilités de réserves. Je vous pose la question: Est-ce qu'on en a vraiment besoin? (21 h 50)

M. Richard (Gabriel): Je pensais que, dans notre mémoire, nous avions démontré que nous avons besoin de 2000 MW, à partir de l'an 2000. Alors, on a dit, dans le mémoire: II faudra faire ou Grande-Baleine ou les 3 rivières: Haut-Saint-Maurice, Sainte-Marguerite, Ashuapmushuan. Alors, pour nous, c'est clair, on va en avoir besoin de 2000 MW. On a dit: Si le gouvernement du Québec décidait, dans l'intérêt supérieur des Québécois, de favoriser l'exportation pour 1500 MW, ça fait 3500 MW. Et ça, c'est Grande-Baleine, et faisons-les au

plus sacrant. Ça presse.

Maintenant, on vous a dit qu'il y avait des incertitudes dans les prévisions d'économie d'Hydro-Québec et dans les prévisions de consommation aussi. Et on vous a donné des paramètres pour montrer ces incertitudes. Mais, si jamais il arrivait qu'en l'an 2000 on ait 2000 MW de trop parce qu'on s'est tous trompés, tout le monde, de bonne foi, bon Dieu, on les vendra ailleurs, ces 2000 MW. Ce sera le pire dommage qu'on aura eu. Mais ça va être bien mieux que de manquer de 2000 MW d'électricité. Ça, pour vous donner une idée, c'est l'électricité dont on a besoin pour la ville de Québec. Et imaginez-vous, vous privez la ville de Québec d'électricité pendant 2 jours, dans le mois de février. Je n'aimerais probablement pas être un de ces Québécois-là et, deuxièmement, je n'aimerais pas être sur les ondes pour expliquer comment on n'a pas été assez bon père de famille pour prévoir les besoins des Québécois de l'an 2000.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. À la lecture de tous les documents d'Hydro-Québec et de tous les mémoires jusqu'ici, moi, il y a une chose qui m'apparaît pour la première fois. C'est à la page 6 de votre mémoire, lorsque vous marquez: «Les catastrophes ou les avaries aux équipements actuels de production dont plusieurs sont âgés et d'autres douteux». Je n'ai pas vu ça, moi... J'ai vu qu'on était pour investir quelque chose comme 4 000 000 000 $ pour la réfection de ces ouvrages-là. Mais vous semblez être plus alarmistes dans votre mémoire que ce que j'ai vu dans tous les documents d'Hydro-Québec.

M. Richard (Gabriel): D'abord, je pense que c'est connu de tous que la centrale de Gentilly est une centrale nucléaire. On vous dit qu'il y a une partie... C'est 700 MW ou de l'ordre de 700 MW que cette centrale produit actuellement. Puis, vous savez très bien qu'avec les centrales nucléaires tout peut arriver. Et demain matin on peut être obligés d'arrêter sa production. Et 700 MW, c'est beaucoup de mégawatts. Il y a d'autres barrages que, je pense, on connaît, comme Beauharnois, Outardes, etc., qui sont de vieux barrages et de vieilles centrales hydroélectriques. Les turbines peuvent bien subir des avaries qu'on n'a pas prévues. Dans ce temps-là, il faut couper le courant. Alors, vous savez très bien qu'à Manicouagan il y a eu certains problèmes. On pense qu'on les a réglés. Mais peut-être qu'il peut y avoir d'autre chose qui survient plus tard. On vous dit simplement: C'est une incertitude. Mais il faut en tenir compte, de cette incertitude-là, quand on a la tâche et le désir de protéger l'intérêt des Québécois. Il ne faut pas gérer Hydro-Québec sur la corde raide de façon que tout soit bien serré et, s'il arrive quelque chose, c'est le drame. Je pense qu'il faut avoir une marge de manoeuvre.

M. St-Roch: On va vérifier ça avec Hydro-Québec parce que, à ma connaissance, il y avait un comité d'experts qui avait tout évalué et on avait tout sondé et on avait des marges de manoeuvre.

Il y a autre chose. Vous avez mentionné aussi, dans des réponses à mes collègues, toute cette philosophie qui vous imprégnait de favoriser l'hydroélectricité avant d'aller dans le gaz, l'énergie nucléaire, parce que, ça, ça sortait des revenus du Québec. Moi, à vous écouter, je fais un corollaire avec I'interfinancement. Je n'ai pas vu ça dans votre mémoire. Hydro-Québec veut se rapprocher et veut charger, au niveau du résidentiel, les vrais coûts de production. Si on s'en va avec I'interfinancement pour rapprocher et faire payer directement les maisons résidentielles pour le coût, en tant que consommateurs ça va peut-être être plus avantageux d'acheter du gaz, à ce moment-là, ou du bois ou du pétrole, nommez-le, du blé d'Inde. Est-ce que ça ne sous-entendrait pas, votre concept, qu'à ce moment-là, il faudrait maintenir I'interfinancement au niveau où il est à l'heure actuelle et non charger davantage au niveau du résidentiel?

M. Richard (Gabriel): Je pense qu'il y a 2 ou 3 réponses qu'on peut donner. Votre question demande 2 ou 3 réponses.

M. St-Roch: J'ai juste 5 minutes, ça fait que j'en profite.

M. Richard (Gabriel): Ce que nous disons, dans un premier temps, c'est que nous préconisons, dans l'intérêt du Québec, que l'argent de nos factures d'électricité demeure au Québec. Nous disons que le meilleur moyen pour ça, c'est de préconiser l'énergie hydroélectrique. Autrement, le paiement de nos factures d'électricité va aller en Alberta ou en Arabie.

M. St-Roch: J'achète ça. Je n'ai pas de problème avec ça.

M. Richard (Gabriel): Ça, ça regarde le Québec même. Maintenant, l'autre, ce que vous appelez I'interfinancement, Hydro-Québec facture selon son coût moyen ou à peu près, ce que, je pense, on appelle le taux marginal. Alors, ça veut dire que, si on construisait une nouvelle centrale hydroélectrique qui coûte 0,05 $ le kilowattheure que le coût moyen d'Hydro-Québec est de 0,03 $, bien, on facture le résidentiel 0,03 $ du kilowattheure, le coût moyen.

M. St-Roch: ce n'est plus ça qu'ils veulent faire. ils disent: ii y a 12 % de différentiel, là; on va augmenter la facture du résidentiel de 12 %.

M. Richard (Gabriel): II va falloir bien réfléchir avant de faire ça.

M. St-Roch: Mais c'est ça qu'ils nous disent.

M. Richard (Gabriel): Je pense que le taux moyen, c'est ça qui est dans l'intérêt des Québécois, le taux marginal. Si Hydro-Québec a pris une bonne décision, en 1971, en lançant la phase I de la Baie James, bien, cette bonne décision-là a fait en sorte qu'aujourd'hui on peut payer l'électricité moins cher. Alors, c'est une autre bonne décision comme ça qu'on veut qui soit prise maintenant pour lancer Grande-Baleine, pour faire en sorte qu'en l'an 2000 notre coût moyen d'électricité soit moins cher, que notre coût demeure le coût le plus bas en Amérique du Nord. C'est ça qu'on veut.

Le Président (M. Audet): Merci.

M. Richard (Gabriel): Alors, si on fait payer aux nouvelles maisons le nouveau coût, bien, là, on va décourager l'hydroélectricité.

M. St-Roch: C'est ce qu'ils nous disent.

Le Président (M. Audet): Alors, messieurs, au nom des membres de la commission, je vous remercie de votre présentation. Sur ce, nous allons ajourner nos travaux à demain, 9 heures, où nous reprendrons à la salle du Conseil législatif.

(Fin de la séance à 21 h 57)

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