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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le lundi 14 juin 1993 - Vol. 32 N° 62

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions des parties quant aux raisons motivant l'impossibilité d'une entente relativement aux modifications à apporter au décret de la construction


Journal des débats

 

(Onze heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Gobé): Mesdames, messieurs, si vous voulez bien prendre place, la commission de réconomie et du travail va maintenant entreprendre ses travaux. S'il vous plaît!

Alors, bonjour, mesdames et messieurs, il me fait plaisir de vous accueillir dans cette salle de l'Hôtel du Parlement. Je déclare donc maintenant, le quorum étant constaté, cette séance ouverte.

Organisation des travaux

Je rappellerai, avant de faire lecture de notre mandat, à toutes les personnes qui sont présentes dans cette salle, qu'il est de tradition, dans ce parlement et dans cette salle, que le public n'intervienne pas ou évite des manifestations d'acquiescement ou de réprobation, ceci pour permettre la bonne marche des débats et de respecter le droit à la parole de chaque intervenant, qu'il soit député ou qu'il soit invité à comparaître et à exposer son point de vue devant cette commission.

Nous allons sans plus tarder, maintenant, faire lecture du mandat de cette commission, aujourd'hui, et nous pourrons par la suite commencer. Alors, la commission de l'économie et du travail est maintenant réunie aujourd'hui, conformément à l'article 51 de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, pour entendre le Syndicat de la construction de la Côte-Nord de Sept-îles inc., la Centrale des syndicats démocratiques, la CSN-construction, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international), la FTQ-construction et l'Association des entrepreneurs en construction du Québec quant aux raisons motivant l'impossibilité de parvenir à une entente relativement aux modifications à apporter au décret de la construction.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais informer les membres que j'ai reçu une lettre du Syndicat de la construction de la Côte-Nord, qui s'intitule... «Monsieur, notre organisme ne pourra être présent à la commission de l'économie et du travail convoquée aujourd'hui, le 14 juin. Je vous prie d'agréer, monsieur, l'expression de nos sentiments les meilleurs.» Et c'est signé par Sylvain Faucher, représentant SCCN. (11 h 20)

Donc, ceci mettra peut-être quelques changements à notre horaire de la journée. Nous commencerons donc par entendre les représentants de la CSD et, par la suite, les représentants de la Confédération des syndicats nationaux, CSN-construction. Par la suite, à 15 heures, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international); à 16 heures, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, FTQ-construction, et, de 17 heures à 18 heures environ, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Est-ce qu'il y a consentement des membres de la commission pour déroger — oui — à cet ordre du jour, vu que le Syndicat n'est pas là? Donc, il y a consentement. Donc, nous y dérogeons, et la lecture que je viens de faire devient le nouvel ordre officiel des travaux de cette commission.

M. le secrétaire, avez-vous des remplacements à annoncer aujourd'hui?

Le Secrétaire: Oui. M. Bélanger (Laval-des-Rapides) est remplacé par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet); M. Charbonneau (Saint-Jean) est remplacé par M. Richard (Nicolet-Yamaska); M. Blais (Masson) est remplacé par M. Dufour (Jonquière); M. Chevrette (Joliette) est remplacé par M. Morin (Dubuc) et M. Jolivet (Laviolette) est remplacé par M. Garon (Lévis).

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, M. le secrétaire. Je demanderais aux membres de bien vouloir conserver, peut-être, le silence, le temps qu'on fasse un peu la mise en place de nos travaux. Il n'est pas prévu à notre horaire de déclarations ou de remarques préliminaires. Par contre, si quelques membres, d'un côté ou de l'autre, désirent prendre 2 ou 3 minutes afin d'ouvrir cette commission, la présidence y consentirait. Alors, M. le ministre, M. le critique officiel de l'Opposition, est-ce que vous avez 2, 3 minutes à prendre chacun? Oui. Alors, donc, par consentement et pour, peut-être, faciliter l'ouverture du débat, M. le ministre, pour 2 ou 3 minutes.

Remarques préliminaires M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. D'abord, bien rapidement, comme j'ai l'habitude de le faire dans les travaux de cette commission, en vertu de l'article 51 de la loi, nous avons, comme vous l'avez souligné, M. le Président, l'obligation d'entendre les parties pour qu'elles viennent nous expliquer ce qui s'est passé dans la prolongation de 45 jours que nous avons mise à leur disposition. Nous avons mis à leur disposition, également, durant la même période, les services d'un conciliateur auxquels se sont ajoutés les services du sous-ministre adjoint, responsable du dossier de la construction au ministère du Travail. Donc, il est important que cette commission

entende ce qui s'est déroulé et en quoi consiste l'état de la situation au moment où on se parle, et qu'ils nous fassent part de l'impasse, avec les raisons qui les amènent devant nous, encore une fois, ce matin, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre. M. le critique de l'Opposition officielle, vous avez maintenant la parole pour 2 ou 3 minutes, vous aussi.

M. Francis Dufour

M. Dufour: M. le Président, le prévisible est arrivé. En fait, lors de la dernière séance d'audiences, qui a résulté en une prolongation du décret de 45 jours, c'était prévisible dans le sens qu'on s'est bien rendu compte, nous, et la plupart des intervenants, que 45 jours étaient insuffisants pour arriver à une solution négociée. Le ministre a eu beau invoquer tous les patrons du ciel, tous les saints patrons, pour que le miracle se produise, il ne s'est pas produit et il ne se produira pas, même aujourd'hui. Donc, il est important de se rappeler que les problèmes sont connus. Mais, même si les problèmes sont connus, les solutions sont difficiles à appliquer, surtout de la part du gouvernement qui ne manifeste pas une volonté très, très forte de s'impliquer dans d'autres domaines que ceux qu'il choisit, c'est-à-dire la langue où, là, il est prêt à aller de l'avant, et dans certaines formules de taxation où il frappe sur le contribuable.

Quant au domaine des relations ouvrières, bien, on n'a qu'à constater et à regarder autour de soi pour voir qu'il n'y a pas une grande évolution et que les relations ouvrières ont tendance à se détériorer. Et ce n'est pas avec la venue ou l'imposition d'un décret qu'on va améliorer ces relations de travail. Donc, le gouvernement demeure avec ses problèmes. Nous, on va les subir comme les travailleurs, mais il demeure que, même après l'entente des mémoires, c'est prévisible, aujourd'hui, que, de un, on n'aura pas de solution, deux, on ne fera que repousser les solutions aux problèmes qui confrontent le monde de la construction.

Donc, là-dessus, bien sûr, comme Opposition, on va être disposés à écouter les groupes attentivement, et à se faire une opinion, même si, d'avance, on peut prévoir qu'il y aura, à la fin de la journée, une imposition d'un décret. De quelle durée? C'est peut-être la seule inconnue qu'on a, mais, pour nous, on sent bien que la durée va être assez longue, parce que je ne crois pas que la volonté est là de régler le problème.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le porte-parole de l'Opposition officielle.

Ceci, donc, nous permet maintenant de pouvoir commencer les auditions. Les représentants de la CSD sont déjà arrivés, ils sont en avant. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire valoir, présenter votre position et, par la suite, de part et d'autre de cette commission, 20 minutes seront allouées à chacun des représentants. S'il advenait qu'un député indépendant vienne, nous verrions à réaménager le temps pour lui laisser une petite plage de quelques minutes pour faire valoir, lui aussi, ses opinions.

Alors, messieurs, si vous voulez vous présenter et aussi présenter les gens qui vous accompagnent.

Auditions Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Fournier (Michel): Merci, M. le Président. Eh bien, M. le Président, MM., Mmes les députés, M. le ministre du Travail, je vais tout d'abord vous présenter les gens qui m'accompagnent. En commençant, à ma gauche, Martin Ouellet, conseiller syndical à la construction à la CSD; ici, j'ai Louis Tremblay, du Service de recherche CSD; à mon extrême droite, c'est Jean-Guy Lévesque, conseiller syndical à la construction, ainsi que Daniel Simard, aussi conseiller à la construction.

Eh bien, je n'ai pas l'intention de faire une présentation exhaustive; je vais plutôt vous faire un bref résumé des recommandations que nous avons déposées au Groupe de travail sur l'industrie de la construction, le 27 mai dernier, recommandations qui se retrouvent dans un mémoire dont vous avez eu copie, ainsi que le critique de l'Opposition.

Les négociations se sont terminées sans qu'aucune entente ne soit possible. Les positions des parties représentées à la table de négociation étant trop éloignées pour espérer une entente, nous nous retrouvons encore dans une impasse, impasse que nous avions d'ailleurs prévue lors de la commission parlementaire tenue le 30 avril dernier. Le Groupe de travail sur l'industrie de la construction a déposé son rapport le 8 juin 1993. Ce rapport renferme des propositions intéressantes pour améliorer plusieurs aspects de l'industrie de la construction. Cependant, le groupe de travail détruit le mérite de certaines propositions en demandant d'exclure du décret de la construction le secteur résidentiel. Il admet lui-même, par ailleurs, que cette mesure n'apportera pas de solution au travail au noir puisqu'il propose de faire des études sur les impacts économiques et budgétaires des mesures fiscales afin d'inciter le donneur d'ouvrage à faire effectuer des travaux dans la légalité. La CSD est aussi en total désaccord avec les recommandations du Groupe concernant le régime de santé et de sécurité du travail. L'approche adoptée par le Groupe fait subir à la travailleuse et au travailleur les effets de l'absence de prévention sur les chantiers et de l'insécurité d'emploi qui y régnent.

Face à l'impasse des négociations, et pour permettre une réflexion qui doit amener des changements importants au processus actuel de négociation dans l'industrie de la construction, la CSD recommande que le gouvernement du Québec prolonge le décret de la construction pour une période de 12 mois. Cette période doit être productive et permettre au gouvernement et aux représentants patronaux et syndicaux de l'industrie de la

construction d'adopter de nouvelles orientations qui traceront la toile de fond pour un avenir meilleur. La CSD croit que cet avenir passe par la modernisation des relations de travail dans l'industrie de la construction, l'accroissement de la flexibilité et la démocratisation de l'industrie.

Dès septembre, le gouvernement du Québec doit déposer un projet de réforme de l'industrie de la construction et un avant-projet de loi. Ils doivent contenir, notamment, une modification du régime de négociation afin que toutes les parties soient impliquées dans le processus de négociation, la reconnaissance de l'ancienneté des travailleurs et des travailleuses par l'employeur, l'établissement d'un système de placement centralisé, ainsi que la reconnaissance du pluralisme syndical.

Ce projet de réforme ferait l'objet d'une commission parlementaire publique à l'automne, suivie par le dépôt et l'adoption, avant Noël, d'un projet de loi réformant le régime de négociation. Les parties patronale et syndicale auraient ensuite 6 mois pour conclure une convention. Ce délai doit permettre soit une entente des parties, ou bien l'application du droit de grève ou de lock-out si la recommandation de la commission de médiation est rejetée par l'une ou l'autre des parties. Cette période de 1 année est donc cruciale pour permettre une réforme en profondeur de l'industrie de la construction et mettre fin à l'intervention systématique du gouvernement dans l'arbitrage des conflits de travail de ce secteur important de l'économie. (11 h 30)

Vous avez en annexe du document qu'on vous a déposé, les recommandations qu'on a faites au Groupe de travail sur l'industrie de la construction. Je vais vous lire les plus importantes, c'est-à-dire en commençant par la page 6: L'emploi dans la construction. La CSD recommande que la rénovation ainsi que l'installation d'équipement de production soient réintégrées dans le champ d'application du décret, sauf pour celles effectuées par les salariés permanents réguliers des entreprises, pour le cas des secteurs industriel, commercial et institutionnel. On sait qu'en 1991 il s'est dépensé plus d'argent en rénovation qu'en construction neuve, c'est-à-dire 4 300 000 000 $ pour la rénovation, contre 3 800 000 000 $ pour la construction neuve.

La CSD recommande aussi que l'accès et la protection des emplois soient les objectifs prioritaires du prochain décret. Le décret doit contenir des dispositions assurant une véritable sécurité d'emploi.

La CSD recommande l'établissement d'un système de placement centralisé avec priorité régionale par lequel les travailleuses et les travailleurs seraient placés en fonction de leurs qualifications et de leur ancienneté.

La CSD recommande que, dans le but de stabiliser l'emploi, l'État respecte et divulgue un calendrier de réalisation des grands travaux publics.

Enfin, la CSD recommande que l'industrie soit organisée pour qu'elle réponde favorablement au défi de la nouvelle main-d'oeuvre et des changements technolo- giques, notamment en branchant le régime d'apprentissage sur la réalité de l'industrie.

Je vous propose ensuite d'aller à la page 7, au point 2.2: Le placement centralisé. Qu'est-ce qu'on entend par le placement centralisé? Donc, la CSD recommande que la loi soit amendée pour confier en exclusivité le placement des travailleuses et des travailleurs, en tenant compte de la liste de rappel de l'employeur, à un organisme central, neutre et indépendant. À l'épuisement de la liste de rappel de l'employeur, les règles fondamentales seraient la priorité régionale et l'ancienneté de disponibilité, c'est-à-dire offrir l'emploi disponible à la travailleuse ou au travailleur enregistré en chômage depuis le plus longtemps.

Je vous invite à aller à la page 12: Le régime de négociation. La CSD recommande que la loi soit amendée pour démocratiser le processus de négociation. Pour ce faire, on doit garantir la constitution d'une table de négociation unique et centrale, garantir la participation de toutes les associations représentatives au processus de négociation.

Pour ce qui est du processus de négociation, la CSD recommande d'amender la loi pour constituer une commission de négociation formée de 3 personnes compétentes dans le domaine des relations de travail. Après une période de 60 jours de négociation, une des alternatives suivantes serait choisie: la conclusion d'une entente à soumettre aux travailleuses, aux travailleurs et aux employeurs ou le recours à la commission, qui se transforme alors en commission de médiation. Elle aurait 30 jours pour tenter une entente. À défaut de quoi, la commission de médiation soumettrait aux parties un projet d'entente devant faire l'objet d'un scrutin postal auprès de tous les travailleurs, travailleuses et entrepreneurs, tenu avec le maximum de garanties possible d'efficacité et d'intégrité sous la responsabilité d'un président neutre. Le rapport du scrutin postal serait produit dans les 30 jours suivant le rapport de la commission. Pour chacune des parties, la majorité absolue de ceux et celles qui auraient voté serait requise pour l'acceptation ou le rejet du rapport. Suivant le résultat, l'exercice du droit de grève ou de lock-out suivrait son cours.

Donc, c'est la fin de notre présentation, M. le ministre, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Très bien, M. Fournier, je vous remercie beaucoup. Nous allons donc maintenant passer à la période de débat. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Cherry: Merci, M. le Président. D'abord, si mes informations sont exactes, la CSD, vous ouvrez votre congrès aujourd'hui, à 14 heures. Donc, je pense que vous avez beaucoup de mérite d'avoir accepté, au pied levé, comme ça, de vous présenter devant nous.

Je reconnais que le but de l'exercice d'aujourd'hui, c'est, bien sûr, de nous expliquer ce qui s'est passé dans le délai additionnel de 45 jours, qui fait

qu'on n'a pas été capables de convenir du résultat de la négociation. Comme vous n'êtes pas partie — d'ailleurs, vous le soulignez là-dedans — il est difficile pour vous d'expliquer ce qui s'est passé dans ce délai de 45 jours. Vous profitez plutôt de l'occasion qui vous est offerte de venir nous faire certaines propositions. Vous parlez des travaux qui ont été faits par un groupe de députés concernant tout l'aspect de la construction. Ça rend votre contribution à un exercice comme celui de ce matin, par rapport au but premier, un peu plus difficile, mais quand même, je pense que vous...

Dans la page 1, là, vous dites: «Le groupe de travail détruit le mérite de certaines propositions en demandant d'exclure du décret de la construction le secteur résidentiel.» J'aimerais ça vous entendre là-dessus, là. Pourquoi vous prenez une position aussi ferme que celle-là, en disant qu'en excluant... J'aimerais vous entendre, dans un premier temps.

M. Founder: O.K. On dit que, avec la recommandation du groupe de députés d'exclure le résidentiel du décret, on court à, si vous voulez, la fin de l'industrie de la construction telle qu'on la connaît. Exclure le résidentiel du décret ferait en sorte que les entrepreneurs seraient dans un libre marché. Ils emploieraient pratiquement n'importe qui, à des salaires qui seraient probablement plus près du salaire minimum que du salaire du décret. La santé et sécurité, telle qu'on la connaît aujourd'hui, malgré ses failles, il n'y en aurait plus du tout. Et de 130 000 travailleurs de la construction, présentement, que l'on connaît aujourd'hui, on se retrouverait probablement avec 300 000 dans pas grand temps: tout le monde s'improviserait travailleur de la construction. Je ne sais pas pourquoi on voudrait que le secteur de la construction soit ouvert à n'importe qui, quand on sait qu'un travailleur qui va faire application chez Alcan ou chez Pratt & Whitney, il attend son tour. Pourquoi, dans la construction, il devrait rentrer et que la porte devrait être grande ouverte? Si on sort le résidentiel du décret, c'est ça qui va arriver: tout le monde va entrer dans l'industrie de la construction. Ça va être la jungle!

Le Président (M. Gobé): M. le ministre.

M. Cherry: O.K. Évidemment, là, de la façon dont vous l'avez commenté, vous n'avez pas fait la distinction que le groupe de travail, là, présuppose: que les gens qui travailleraient dans la construction maintiendraient de la formation et de la compétence. De la façon dont vous l'exprimez, c'est comme si tout le monde pouvait le faire. Je ne pense pas que ce soit ça qui fait l'objet du rapport, mais enfin, là, dans un premier temps.

Également, vous avez fait référence aux 130 000. Je pense que c'est ça, le chiffre que vous avez utilisé: 130 000 travailleurs dans l'industrie de la construction; le chiffre qui est véhiculé le plus fréquemment est 120 000, il me semble, là. Bon, O.K. Est-ce que le chiffre de 120 000 est celui qui est utilisé en fonction du nombre de cartes émises, par rapport à ceux qui exercent de façon régulière leur activité? Est-ce que vous êtes capable d'en faire la compartimentation, là? Parce que, souvent, le chiffre véhiculé, c'est: il y a 120 000 travailleurs dans l'industrie de la construction. Quels sont ceux qui, effectivement, parce qu'ils ont une carte, là, exercent de façon régulière sur l'ensemble des 120 000? On sait qu'il y en a qui possèdent plus qu'une carte, parce qu'ils ont de l'habileté dans plus un métier ou d'un corps d'occupation. Mais, est-ce qu'il y en a, et, si vous le savez, quel est le nombre de ceux qui possèdent une carte, soit pour continuer à utiliser leur activité au service de commissions scolaires, de municipalités ou d'entreprises, mais dont l'objectif, et, année après année, ne rapporte pas d'activité dans le secteur proprement dit de la construction? Est-ce que vous avez ces chiffres-là?

M. Fournier: C'est évident que, quand on parle de 120 000 ou de 130 000 cartes en circulation dans l'industrie de la construction, ce n'est pas, justement, 130 000 individus qui exercent un emploi dans la construction. Il y a bien des gens, comme vous le dites, qui ont un dépanneur ou un taxi et qui ont leur carte de construction. Et il y a aussi les gens qui travaillent dans les hôpitaux ou dans les écoles, ou un petit peu partout, qui conservent leur carte de construction. Sauf que vous savez, aussi, qu'en mars 1992 la CCQ nous disait qu'il y avait 34 000 personnes qui n'avaient pas fait 1 heure dans l'année 1991-1992, et on récidive, en mars 1993, en disant qu'il y en a 38 000 qui n'ont pas fait 1 heure en 1992, 38 000 travailleurs qui n'ont pas fait 1 heure en 1992. Ce n'est pas seulement parce qu'ils ont un taxi ou un dépanneur; c'est simplement parce que les heures ont beaucoup diminué, aussi. (11 h 40)

J'aimerais aussi répondre à une question à laquelle vous avez fait allusion, en premier lieu, en disant qu'on n'était pas aptes à répondre du pourquoi il n'y avait pas eu entente dans les 45 derniers jours.

Il est évident, — M. le ministre, de par votre passé, vous connaissez c'est quoi, un petit peu, négocier une convention collective — que, si on ne s'est pas entendus, depuis 10 ou 12 ans, ce ne sera pas 45 jours qui vont faire la différence. Et c'est pourquoi on vous demande de faire une réforme en profondeur du processus de négociation actuel.

M. Cherry: O.K. Vous dites que, selon les derniers chiffres, bien sûr, il y a 38 000 personnes qui détiennent une carte, qui n'ont pas rapporté 1 heure, et, bien sûr, il y a une bonne partie de ça qui est à cause de la diminution de l'activité économique. Vous référez à 38 000. Si on se réfère, en comparaison, aux années précédentes, il y en a combien de ces gens-là qui, bon an, mal an, même quand l'activité était comparativement meilleure que la dernière fois, année après année, possédaient une carte, mais ne rapportaient pas d'activité, par

apport aux 38 000 que vous avez cités?

M. Founder: Malheureusement, je ne peux pas /ous répondre. Je n'ai pas la donnée officielle, mais je situerais ça environ autour de 15 000, peut-être, qui ont in emploi connexe, qui sont pompiers, qui sont policiers, qui ont un dépanneur ou un taxi, comme on disait tout à l'heure, qui possèdent une carte, mais qui n'en profitent pas pour travailler. Et dans un boom économique comme dans le temps du Stade olympique ou de la Baie James, ces gens-là, probablement, travaillaient dans l'industrie.

M. Cherry: O.K. Et vous avez également référé que ça fait 10, 12 ans que le système, tel qu'on le connaît, a obligé les gouvernements qui se sont succédé à décréter dans l'industrie de la construction. J'aimerais vous entendre sur le pourquoi, indépendamment des gouvernements en place, il a toujours fallu que le gouvernement intervienne.

M. Founder: Pourquoi? Probablement à cause du système de négociation qui ne répond pas aux besoins de l'industrie. Présentement, de la partie syndicale, il y a 2 syndicats qui se font entendre; de la partie patronale, il y a 7 patrons et il y en a une, entre autres, qui représente les 7 autres, qui est l'AECQ. Et on a vu, tout le long des négociations, que l'APCHQ, entre autres, s'est ingérée dans les négociations via les médias. Veux, veux pas, elle a participé aux négociations en sensibilisant l'opinion publique sur le fait qu'il fallait déréglementer. Donc, si l'APCHQ avait été à la table de négociation, probablement qu'elle aurait fait valoir ces points à la table de négociation, des points que l'AECQ a dit ouvertement qu'elle ne partageait pas. Donc, encore là, je vous dis que, s'ils ne se sont pas entendus depuis les 10, 12 dernières années, c'est que le régime de négociation n'est pas adéquat.

M. Cherry: Vous avez fait allusion aux recommandations du groupe de travail des députés. Parmi les choses qui sont mises de l'avant dans ce document de travail, il est question de tenir un sommet ou un forum — appelons-le comme... le titre — à l'automne, qui élargirait l'ensemble des intervenants, plutôt que de se limiter uniquement à la partie traditionnelle, en vertu de la loi syndicale et patronale, qui élargirait le débat. Comment vous réagissez à ça, et auriez-vous l'intention d'y participer? Comment vous réagissez à cette proposition-là du groupe de travail?

M. Founder: II est bien évident qu'un sommet ou un forum, appelez-le comme vous voulez, qui se tiendrait avec des partenaires qui auraient vraiment la volonté de venir s'exprimer, puis pas seulement s'exprimer pour chialer, mais vraiment, en arrivant là avec des correctifs, on pourrait sûrement sortir des bonnes idées d'un forum semblable. Ça serait même souhaitable. Probablement que la réforme des négociations que l'on propose en ce moment ressortirait aussi dans un sommet comme ça. Faire valoir tous les bons côtés de la chose.

M. Cherry: O.K. Est-ce que vous...

M. Founder: Si vous permettez...

M. Cherry: Oui.

M. Founder: ...Louis voudrait intervenir.

M. Tremblay (Louis): Pour compléter, M. le ministre, il y a eu passablement de rapports et d'études sur l'industrie de la construction. Je pense qu'il faut faire une mise au jeu, à l'automne, avec un projet de réforme, quitte à ce que vous l'amendiez par la suite. Mais il faut qu'il y ait une mise au jeu, avec un projet de réforme sur la table. Et ça pourrait être suivi d'un forum, sommet ou commission parlementaire publique, élargie afin que tous les partenaires viennent. Mais il faut qu'il y ait un projet sur la table pour qu'on aboutisse enfin à quelque chose.

M. Cherry: D'autres s'exprimeront plus tard aujourd'hui, mais il y a des gens qui souhaitent que le sommet de la construction qui est souhaité par des parties soit élargi aux représentations traditionnelles, tant patronales que syndicales. Et M. Founder, qui s'exprimait tantôt, faisait allusion au comportement d'une des associations patronales dans le présent décret. Donc, ne croyez-vous pas qu'il serait utile que, plutôt que chacun tente de faire des interventions par le biais des médias, on ait un forum avec l'ensemble des intervenants non seulement en fonction des relations de travail, mais sur l'ensemble de l'activité économique du secteur de la construction? Quelle est votre réaction par rapport à un forum de cette nature-là? Croyez-vous que ça pourrait avoir des effets bénéfiques? Accepteriez-vous d'y participer?

M. Founder: Je vous disais tout à l'heure que c'est évident que ça aurait des effets positifs. Il y aurait peut-être des choses qui sortiraient dans un forum comme ça, qui ne se sont jamais dites ou qu'on ne pense pas qu'elles puissent se dire, parce qu'il y a tellement de choses cachées dans notre industrie, que ça ferait vraiment du bien. Mais, comme le disait Louis tout à l'heure, il est important qu'on amorce, par un projet de loi, une réforme du processus de négociation dans l'industrie de la construction. Écoutez, il ne faut pas se le cacher, historiquement, les Québécois, ils n'aiment pas ça, le changement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Founder: Donc, historiquement, les Québécois n'aiment pas le changement. Le changement dans l'industrie de la construction ou, si vous préférez, le progrès dans l'industrie de la construction, il s'est arrêté

quelque part au milieu des années soixante-dix. Ça n'a pas avancé depuis ce temps-là. C'est lourd à porter, le dossier de la construction, c'est sale, mais il va falloir qu'un jour quelqu'un se salisse les mains. C'est important.

M. Cherry: II faut dire aussi, si je me permets, et c'est peut-être mon dernier commentaire, M. le Président, pour compléter ma période... Parce qu'il me semble que c'est facile de décrier le système qu'on a au Québec, mais, quand on compare au point de vue des arrêts de travail, de la qualité de la production, et tout ça, il faut quand même dire qu'au Québec notre record dans ce domaine-là se compare avantageusement à d'autres provinces au Canada. Donc, il n'y a pas que des défauts. C'est important, parce que, autrement, on peut facilement laisser courir que tout ce qu'on a, ce n'est pas bon complètement. C'est un système qui avait son utilité; on se souvient comment il a été amélioré. Et là, ce qui serait proposé, — et ça fait partie du groupe de travail des députés, et c'est pour ça que j'ai voulu vous entendre là-dessus — c'est un forum élargi, pour l'ensemble de l'activité économique du secteur de la construction, et je reprends vos paroles: Pour permettre de dire en public des choses qui trop souvent sont dites en privé, mais qui auraient là, à l'intérieur de ce forum-là, l'occasion de pouvoir être dites publiquement, dans le but d'améliorer ce qu'on a déjà et de corriger des choses qui se devraient d'être corrigées.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre. Il n'y a pas d'autres membres de votre côté qui veulent poser des questions, intervenir? Non. Très bien, merci. Nous allons maintenant passer la parole à l'Opposition officielle. M. le député, vous avez la parole.

M. Dufour: Oui, merci, M. le Président. Dans votre mémoire, vous dites: «Les négociations sont terminées sans qu'aucune entente ne soit possible.» Et, vous nous dites, dans le même souffle: On l'avait prévu. Est-ce que, réellement, vous lancez le gant ce matin et vous dites: II n'y a pas de solution, il nous reste juste une alternative, c'est le décret? Est-ce que vous croyez que c'est vraiment le cas? Est-ce que vous êtes heureux du résultat, actuellement? En supposant qu'on en serait venus à une entente, qu'est-ce qui aurait été, pour vous autres, le prix d'une entente à partir du décret ou de la prolongation du décret de 45 jours?

M. Founder: Dire qu'on est contents du résultat, ce n'est pas vrai; on n'est pas contents du résultat. Mais, comme le disait tout à l'heure le ministre du Travail, le système qu'on a actuellement, il est vieux de plusieurs années, il a été testé et retesté. Malheureusement, ça ne fonctionne pas; c'est le temps de le changer, et l'on croit fermement que, si on assoyait à une table toutes les parties concernées, il y aurait sûrement moyen... Il y aurait sûrement des «scrapes» là. Tu ne peux pas asseoir une gang de monde comme ça, qui a des intérêts un petit peu divergents ou différents, sans que ça fasse des étincelles, c'est évident. Mais il va falloir, à un moment donné, se parler, tous les gens de l'industrie, pour en venir à une entente. Tant que ça va être toujours des groupuscules, si on peut dire, qui vont être assis à une table et qui vont essayer de régler les problèmes de l'industrie au complet, on n'y arrivera pas. Et surtout pas en diluant le produit, comme on le fait présentement, c'est-à-dire qu'on fait 19, 20, 25 tables de négociation, on parle d'un métier, on parle d'un autre métier, il y a de la surenchère; on n'arrivera jamais à s'entendre de cette façon. Jamais! (11 h 50)

M. Dufour: Vous parlez de la prolongation d'un décret de 1 an. Entre-temps, vous donnez aussi certaines suggestions pour un nouveau projet de loi, pour un projet de loi qui pourrait prévoir d'autres mécanismes. Un an de prolongation de décret, est-ce que vous le voyez avec des changements ou pas? Parce que, lorsqu'il y a prolongation de décret, il pourrait y avoir des changements d'apportés par le gouvernement. Est-ce que vous croyez... ce n'est pas dit, j'imagine que c'est implicite, j'aimerais vous l'entendre dire: Le décret, est-ce qu'il y a modification ou pas? C'est quoi? Si vous le prolongiez de 1 an et que le gouvernement décidait de faire quelques petites modifications à l'interne, qu'est-ce que vous penseriez de ça? Parce que ce n'est pas clair, clair dans votre mémoire que c'est une prolongation de 1 mois, de 1 an, sans qu'il y ait modification quelconque.

M. Fournier: Je crois que d'émettre des modifications majeures dans le décret actuel, si on n'a pas été consultés, les travailleurs dans le champ, on est aussi bien de ne pas en faire. Parce que, moi, je les vois, je les côtoie, les gens, dans le champ, comme on dit. Les travailleurs de la construction sont prêts à beaucoup de choses. Ils sont prêts peut-être à une diminution de salaire. Peut-être, si on leur donne une garantie qu'ils vont travailler. Un gars qui gagne 22 $ de l'heure et qui travaille 400 heures par année, il ne fait pas un salaire; il est mieux sur l'aide sociale. C'est évident qu'on ne peut pas prolonger le décret actuel en effectuant des modifications majeures, mais plutôt prolonger le décret dans l'espérance que le monde va s'asseoir, qu'il va penser à un projet de loi, une réforme qui nous amènerait vers un contrat social. Le mot est à la mode ces temps-ci: un contrat social, c'est-à-dire tous les intervenants assis à la table. On discute de quelque chose et on règle quelque chose. Pas régler quelque chose en prolongeant et en apportant des modifications qui ne serviraient à rien, entre autres.

M. Dufour: Quand vous parlez de contrat social, venant de votre bouche, moi, ça me surprend un peu. Parce qu'un contrat social, ça se fait entre des parties qui sont en vie, pas des parties à moitié mortes. Il n'y a

)as de travail. Un contrat social dans des conditions îomme ça, c'est difficile à faire. Un contrat social, c'est in échange entre des parties qui sont vigoureuses, qui 3nt des choses à négocier et des choses à échanger. Mais, dans votre cas, à mon point de vue, il n'y a pas de monnaie d'échange. La preuve, c'est que tout le monde est essoufflé. Ils ont la langue tirée. Le contrat social, si je peux travailler à n'importe quel prix; c'est un peu ça, le travail au noir. Et vous le dites, puis vous le dénoncez. Ça, ça me semble clair.

M. Fournier: Si vous me permettez, comment voulez-vous que les parties en place aillent chercher les vitamines nécessaires pour se revigorer et discuter quand on est dans un contexte d'immobilisme où même les gouvernements ne bougent pas? C'est malheureux, mais je ne pense pas que personne va avoir la vigueur pour discuter dans ce contexte-là.

M. Dufour: Je pense que votre constat de la dernière phrase est plus juste que le premier. Parce que, pour moi, un contrat social, il faut qu'il y ait des choses qui se produisent. Sans ça, on n'assistera jamais à ça. Ça sera, soit une imposition, soit... Parce qu'il n'y a plus moyen de rien faire.

Est-ce que vous croyez réellement... Par exemple, avec une prolongation de 1 an, en supposant qu'on suive vos recommandations, que le gouvernement ait le goût de suivre vos recommandations, avec tout ce qui se passe depuis toujours, et les 6 mois où vous dites: «Ce délai doit permettre soit une entente des parties, ou bien l'application du droit de grève ou de lock-out si la recommandation de la commission de médiation est rejetée par l'une ou l'autre des parties», est-ce que vous croyez que ça ne serait pas dangereux qu'il se produise des événements à travers ces temps-là? Est-ce que c'est réaliste, votre suggestion, selon votre point de vue?

M. Fournier: C'est évident qu'il pourrait se produire des choses, comme il s'en est produit par le passé et comme il s'en produit aussi dans le secteur privé. Mais il faut prendre des risques. Si on change le système de négociation et si on demande aux gens de se prononcer par un vote postal sur les demandes qui seront sur la table, soit des demandes négociées ou des demandes recommandées par la commission de médiation, probablement que c'est eux autres, les gars, les filles de la construction, les vrais travailleurs de la construction, qui pourraient nous donner la réponse. Comme je vous disais, tout à l'heure, souvent, les gars dans le champ ne sont pas consultés.

M. Dufour: Est-ce que, selon votre expérience, 1 an, c'est suffisant pour permettre de faire une rénovation profonde des relations de travail qu'on connaît dans le domaine de la construction? Dans le peu de temps, moi, que je regarde le dossier d'une façon plus directe et plus précise, tout le monde nous dit: Vous connaissez les problèmes qu'on vit; vous savez quelle en est la nature, de ces problèmes-là; vous avez tout ça dans des mémoires et dans des représentations qu'on a faites, et malgré tout, on n'arrive pas à des conclusions. Est-ce que vous croyez qu'au cours de 1 an, même en suivant vos recommandations telles que vous les proposez, il est possible de croire, là, que ça peut se faire dans une période si courte? Parce que vous avez dit, tout à l'heure, aussi, et ça, je l'ai retenu: Les Québécois, ils sont un peu allergiques au changement.

M. Fournier: Nous croyons, nous autres — et on le dit, d'ailleurs, en page 2 de notre document — que, si cette période était productive, avec la volonté des gens, avec un projet de loi sur la table qui serait peut-être la vitamine qui entraînerait les gens à débloquer, si vous voulez, après un forum, comme le suggère le ministre du Travail, où tous les éléments seraient sur la table, probablement qu'en dedans de 1 an, on serait capables d'en venir à une entente qui serait de beaucoup supérieure, je pense, à ce qu'on a aujourd'hui, qui serait adaptée aux réalités d'aujourd'hui. C'est le temps d'encadrer l'industrie de la construction; c'est le temps de la mettre à l'ère de l'an 2000. Comme je vous le disais tout à l'heure, on est arrêtés dans les années soixante-dix.

M. Dufour: Oui, mais la mettre à l'an 2000, et vous nous dites, en même temps: Ça prend plus de parties. Ça veut dire que c'est un changement majeur que vous proposez. Vous proposez, d'abord... Moi, je pense que le forum qu'on a ici, à l'Assemblée nationale, c'est bon, mais il faut être avancés plus que ce qu'on est là pour un échange, là, plus concret entre les parties. Vous proposez qu'il y ait plus de parties assises à la même table, tant de la part des ouvriers que de la part des employés, quand il y a beaucoup de temps.

Et, quand on sait, par exemple, tous les efforts — moi, je pourrais les qualifier, même, d'inutiles — qui sont faits depuis de nombreuses années pour améliorer le système ou l'industrie, on sent bien qu'il y a quelque chose qui ne marche pas. Et puis, le forum que vous proposez, est-ce qu'il pourrait être efficace ou pas? Encore là, moi, je n'ai pas de réponse à ça. Je me dis: II va falloir que quelqu'un se montre un peu plus vigoureux à quelque part. Ce n'est pas vrai que ça tombe, ça, comme la pluie, là. S'il n'y a aucun effort de fait, là, pour arranger le problème, on ne pourra pas... Et on ne sent pas cette volonté-là. Moi, je ne la sens pas; je ne sais si, vous autres, vous la sentez; moi, je ne sens pas de volonté de régler les problèmes. Donc, on reste dans l'expectative. Et cette année-là, que vous proposez, est-ce que vous croyez qu'elle va être utile ou bien si elle va être perdue complètement? C'est repousser toujours le problème en avant.

M. Fournier: Je vous trouve, personnellement, démotivé et démotivant. C'est évident qu'avec ce qu'on vit présentement, c'est démotivant. Et, quand tu sais que tu as 45 jours ou que tu as si peu de temps pour t'entendre, c'est évident que tu laisses border les choses et que,

plutôt que de t'asseoir à la table et de refuser des choses, tu n'y es plus, à la table, tu n'y vas plus, à la table. C'est pour ça qu'on recommande que le ministre dépose tout de suite un projet de loi, s'entende sur quelque chose. S'il dépose un projet de loi ou un avant-projet de loi concernant les modifications au régime de négociation — plus de monde, plus d'intervenants autour de la table, plus de gens qui pourraient peut-être changer les discussions actuelles — probablement qu'il y aurait moyen de s'entendre en dedans de 1 an, mais toujours en ayant la volonté de régler les problèmes.

M. Dufour: Est-ce que vous croyez qu'il y a... Le décret couvre, actuellement, l'ensemble de l'industrie. Il y a un décret. Est-ce que vous croyez que sortir du décret le domaine de la construction résidentielle — je parle de la petite, là, 4 logements et plus: ça devrait demeurer dans le plus élevé — ça serait une partie de la solution aux problèmes que vous vivez? (12 heures)

M. Fournier: au contraire, sortir le résidentiel du secteur de la construction, tout ça a été orchestré pour une question d'argent, c'est évident: l'incapacité de payer des gens. je vais vous donner un exemple d'un menuisier qui travaille à la construction de maisons. il gagne présentement autour de 22 $ de l'heure. c'est le gars qui va faire du solage, qui va faire des «truss», qui va faire des armoires de cuisine, qui va faire des escaliers. c'est lui, l'artiste. ce n'est pas le gars qui est sur les chantiers, à la baie james, puis qui fait du coffrage. puis, là, on propose de couper son salaire de 50 %, tout d'un coup, ou de 20 %, selon l'aecq, à cause de l'incapacité de payer. il y a sûrement moyen de s'arranger autrement que ça. quand on regarde le ratio compagnons-apprentis, pour les menuisiers, c'est 5 compagnons pour 1 apprenti. seulement par le fait de changer le ratio de 2 compagnons pour 1 apprenti, exemple, au lieu de 6 personnes, dans une maison, qui seraient 5 compagnons et 1 apprenti, on se ramasse avec ou 3 ou 4 compagnons pour 2 apprentis. ça coupe le prix de la maison, ça. c'est un exemple d'entente qui pourrait être faite, qui, je ne pense pas, chambarderait l'industrie. on dit que, pour installer une hotte de poêle, ça prend 5 corps de métiers. quand on parle de flexibilité, pourquoi, dans des travaux mineurs comme ça, on ne laisserait pas les corps de métiers un petit peu plus libres? ça couperait les coûts, aussi, plutôt que de faire venir un ferblantier pour la poser, la hotte de poêle.

Donc, quand je vous dis qu'il y a des arrangements possibles autour de soit un forum ou une table élargie, il y a sûrement des arrangements possibles qui ne pénaliseraient pas les travailleurs et qui couperaient le prix de revient.

M. Dufour: Vous nous dites qu'on pourrait être plus flexible. Vous autres, vous êtes prêts à le faire. Elles nous répondront peut-être durant la journée, mais est-ce que vous croyez que les autres centrales sont prêtes à cette flexibilité?

M. Fournier: Je n'ai pas à répondre pour elles. Elles vont passer après nous autres. Puis on a, comme je vous le disais tout à l'heure, des idées d'avant-garde. J'espère que les autres le seront autant.

M. Tremblay (Louis): M. Dufour, pour revenir sur la construction résidentielle, un des problèmes de la construction résidentielle, c'est la capacité de payer des consommateurs, largement taxés, directement et indirectement. Ça, ça nuit à la construction résidentielle. Aussi, les dettes des gouvernements; les taux d'intérêt sont plus élevés parce que nos gouvernements sont endettés. Les consommateurs, ça leur nuit, autant pour rénover que pour construire de nouvelles résidences. Il y a moyen de faire un bout de chemin, là-dessus.

M. Founder: Et pour ajouter à cela, si on allait directement avec la recommandation de l'APCHQ de couper le salaire de 50 % dans le résidentiel, notre fameux menuisier de tout à l'heure, il tomberait à 12 $ de l'heure. Qui c'est qui va les acheter, les maisons? À 12 $ de l'heure, quand même tu travaillerais 2000 heures par année, tu vas gagner 24 000 $ comme salaire. Qui c'est qui va les acheter, les maisons? Là, ça va bien, à 12 $ de l'heure en dessous de la table. Mais, quand le résidentiel va être sorti du décret, ça ne sera plus 12 $ de l'heure en dessous de la table; ça va être 12 $, peut-être 15 $, mais déclarés, avec toutes les taxes que ça impose. On ne réglera pas le problème du travail au noir avec ça.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Labelle, vous avez demandé la parole.

M. Léonard: Oui. Merci. D'abord, j'aurais une question, parce que, quand vous proposez de reporter de 1 an, je me pose la question de savoir ce qui va se passer durant cette année-là. Vous dites: II faut qu'il y ait un projet de loi qui soit déposé, un avant-projet de loi, à tout le moins. J'ai l'impression que vous donnez la partie facile au ministre en disant un avant-projet de loi, ce qui ne commet pas trop le gouvernement, alors qu'il devrait y avoir quelque chose de plus solide que ça sur la table, à mon sens, compte tenu des discussions qu'on a depuis longtemps là-dessus. Mais il va se passer aussi autre chose. D'ici 1 an, il y aura des élections, puis je pense que ce gouvernement-là arrive à son mandat. De toute façon, c'est 1 an et 3 mois, parce que ça fera 5 ans le 25 septembre. Est-ce que vous pensez que le gouvernement va continuer à travailler à pleine vapeur durant ce temps-là ou est-ce que vous ne lui laissez pas l'occasion de se défiler par rapport à de véritables engagements, si vous dites: Dans 1 an, on en reparlera?

M. Fournier: Comme je vous disais tout à l'heure, le décret de la construction, on a des problèmes avec ça depuis 10 ou 12 ans. Avant M. Cherry, il y avait d'autres ministres du Travail; on était dans la même impasse. C'est évident: s'il y a une volonté politique de

égler le problème dans l'industrie de la construction, i'il y a une volonté politique de récupérer les 500 000 000 $ à 800 000 000 $ qui se font en travail au loir, qui ne viennent pas en taxes au gouvernement, s'il f a une volonté politique de régler le problème, ça peut îe régler, qu'il y ait des élections qui s'en viennent ou qui ne s'en viennent pas. même qu'il aurait plutôt intérêt à le régler, le problème, s'il y a des élections qui s'en viennent.

M. Léonard: Ah, moi, je ne vous le fais pas dire, vous êtes en bien meilleure position de négociation à ce moment-là. Mais je voudrais ajouter, par rapport à celui qui est intervenu à votre gauche, qu'effectivement il y a des déficits, il y a eu une avalanche de taxes, et les questions que l'on soulève, c'est justement que les taxes et les impôts ont été augmentés parce qu'il y a de plus en plus d'évasion fiscale. Il y a de la contrebande sur le tabac, et de tout ce qu'on veut, mais, en particulier, assez souvent, parce que c'est le coin le plus spectaculaire, on mentionne le travail au noir dans la construction. Ça, à mon sens, c'est d'une urgence capitale, parce que, durant ce temps-là, c'est un cercle vicieux. Si on ne règle pas cette affaire, finalement, on est obligé, par ailleurs, d'augmenter les taxes, etc., ce qui fait que, finalement, celui qui investit, retarde tout le temps et, de plus en plus, parfois, ne fait même pas ses travaux.

Pour moi, je trouve que, là-dessus, il devrait y avoir des propositions très concrètes, très claires, sur la question du travail au noir. Parce que, dans l'économie gouvernementale, pour moi, c'est comme une gangrène, un cancer: plus vous le laissez, pire ça devient. Tiens, je vais vous donner juste un exemple. En fin de semaine, quelqu'un me parlait: dans une municipalité, il y a eu 26 constructions résidentielles, maisons neuves. Il y en a eu 23, me disait un contracteur, faites illégalement; ils en ont fait 3 seulement à 2 contracteurs. Ils n'ont pas fait grand-chose dans l'année, mais ça vous donne l'ampleur et, quand vous mentionnez 500 000 000 $, 600 000 000 $, 700 000 000 $ de travail au noir, je ne suis pas sûr que c'est ça. Je pense que ça peut être pas mal plus que ça aussi. Je ne sais pas comment vous réagissez à ça, mais, moi, je trouve que c'est urgent. Et même d'attendre 1 an, ça veut dire — je vais reprendre l'expression que j'ai utilisée lors du dernier discours sur le budget: On fait payer les gens honnêtes pour ceux qui travaillent dans l'illégalité. Ça, c'est urgent de régler ça.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Labelle.

Ceci met fin...

Une voix: II n'y a pas de réponse?

Le Président (M. Gobé): Vous avez une petite réponse à faire? Je vous en prie, allez-y.

M. Tremblay (Louis): Je vais essayer d'être court. C'est justement pourquoi on veut retourner la rénovation domiciliaire dans le décret et faire respecter le décret. Si le décret est respecté et si on se donne des mesures fiscales pour aider les consommateurs, il y a moyen de réduire le travail au noir et de faire travailler les travailleurs de la construction légalement; entre autres, par des mesures sur le placement, la reconnaissance de l'ancienneté. Du moment qu'on va se donner des règles d'ancienneté sur les chantiers par employeurs, avec un placement régional, les travailleurs de la construction, ils ne courront pas pour leur survie. Ils vont avoir une garantie qu'ils vont être rappelés. Ils ne chercheront pas à se couper le cou. Ils vont avoir des garanties de travailler et, avec une activité économique plus forte aussi, les gens vont travailler.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. Ceci met fin à votre intervention. Au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Vous allez pouvoir vous retirer.

J'inviterai les représentants du groupe suivant, soit ceux de la CSN-construction, à bien vouloir se présenter en avant et, pour ce faire, je vais suspendre les travaux 2 minutes. La commission est suspendue.

(Suspension de la séance à 12 h 9)

(Reprise à 12 h 11)

Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, s'il vous plaît, je vous prierais de bien vouloir regagner vos places et, s'il y en a qui ont des meetings à faire, de les faire à l'extérieur de la salle. À l'ordre, s'il vous plaît!

Bonjour! Il me fait plaisir de saluer les représentants de la CSN-construction. Avant de vous inviter à prendre la parole, je viens de recevoir votre mémoire; les membres de la commission ne l'ont pas, donc, nous allons en faire faire la distribution. Je demanderais donc au Secrétariat de la commission de bien vouloir distribuer à chacun des membres une copie de votre petit mémoire. Alors, sans plus tarder, le porte-parole peut maintenant se présenter et présenter les gens qui l'accompagnent, et vous pourrez commencer presque aussitôt votre présentation. Vous avez la parole, monsieur.

Confédération des syndicats nationaux (CSN-construction)

M. Lemieux (Olivier): Olivier Lemieux, président de la CSN-construction; André Paquin, trésorier de la fédération; Roger Trépanier, notre responsable négo aux dossiers provinciaux; Jean-Luc Cloutier, v.-p., région du centre; Gilles Tardif, région de l'ouest; à droite, Jacques Thuot, coordonnateur de la CSN-construction; Edouard Duchesne, vice-président de la fédération pour la région de l'est.

Le Président (M. Gobé): Alors, messieurs, bonjour. Vous avez maintenant 20 minutes pour faire votre présentation.

M. Lemieux (Olivier): M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, la CSN-construction se représente de nouveau devant la commission parlementaire de l'économie et du travail pour faire valoir les points de vue qu'elle a déjà exposés en bonne partie, le 30 avril dernier, en ajoutant des aspects touchant le contenu du décret que nous n'avions pas abordés lors de cette présentation. Nous tenons cependant à exprimer l'exaspération de nos membres face aux interventions répétitives du gouvernement qui, depuis plusieurs années, multiplie les comités et les consultations qui ne font que tourner en rond puisque peu des suggestions, malgré le sérieux que nous mettons dans ces travaux, ont jusqu'à maintenant eu de suite. À titre d'exemple, depuis 1984, l'industrie demande de récupérer dans le champ d'application de la loi l'ensemble des travaux de construction et de rénovation, à l'exclusion de l'entretien et des réparations.

Pour nous, il est essentiel que les travailleuses et les travailleurs de la construction recouvrent leur droit de négocier leurs conditions de travail avec les employeurs, en l'occurrence l'AECQ. Cela nous semble indispensable et nécessaire, plus particulièrement à l'heure actuelle, dans le secteur de la construction résidentielle où le gouvernement a inclus dans le décret une définition et des dispositions qui, depuis plusieurs années, ne s'y retrouvaient qu'à titre expérimental. Les conditions de travail dans le secteur de la construction d'immeubles de 8 logements ou moins, dont 75 % de la superficie est occupée à des fins d'habitation, doivent absolument faire l'objet d'une négociation entre les parties afin d'obtenir une entente qui ne soit pas imposée par un tiers.

Nous répétons encore une fois le message que nous avons adressé à la commission en avril, à savoir que nous sommes opposés à toute nouvelle déréglementation. Nous invitons le gouvernement à respecter l'engagement qu'il avait pris en 1988 de réserver la construction neuve aux vrais travailleurs de la construction. Nous sommes donc consternés par la première recommandation du groupe de députés libéraux qui vient de proposer de donner accès à tous les chantiers aux entrepreneurs autonomes, et ce, à peine quelques mois après que le gouvernement eut adopté la loi 185. On s'interroge sur le sérieux des travaux de ce comité qui veut soustraire au décret toute la construction résidentielle. Cela ne réglera pas les problèmes du travail au noir et ne sera pas profitable aux consommateurs, tout en privant l'État de revenus fiscaux dont il a actuellement besoin.

Selon les données de la Commission de la construction du Québec, on évalue que le nombre d'heures non déclarées dans la construction résidentielle neuve est passé de 40 % en 1988 à 60 % en 1991. Une partie de cette augmentation est certes le propre des propriétaires occupants, mais il y a quand même une bonne part qui est imputable au travail au noir. Advenant que le gouvernement choisisse de prolonger le décret, il serait essentiel, à notre avis, de le modifier sur les clauses concernant le régime d'assurance, le fonds d'indemnisation, le fonds de perfectionnement et de recyclage, le comité de classification, l'ancienneté et la protection du pouvoir d'achat des travailleuses et des travailleurs de la construction. nous voulons également rappeler à la commission, comme nous le soulignions en avril, que les hausses des coûts de construction, que plusieurs imputent aux coûts de main-d'oeuvre pour réclamer des baisses de salaires, sont, en fait, dues à d'autres raisons. selon une étude menée par le service de recherche de la csn à partir des données de statistique canada, la main-d'oeuvre ne représente que 22 % du coût d'une maison neuve. le gouvernement devrait veiller à ce que le pouvoir d'achat des travailleurs de la construction soit maintenu par rapport à la hausse du coût de la vie, d'autant plus que leurs revenus ont été drastiquement abaissés par la diminution du nombre d'heures travaillées.

Il faut garantir la solvabilité du régime d'assurance en renouvelant le certificat actuariel. Selon le rapport des actuaires, le régime était déficitaire de 26 000 000 $ au 31 décembre 1992, à cause de la réduction du nombre d'heures travaillées. Pour maintenir le régime d'assurance actuel, il faudrait y investir 0,35 $ de plus de l'heure travaillée. Le gouvernement devrait donc prendre les mesures nécessaires pour que les employeurs épongent les déficits et maintiennent les bénéfices. En 1991, le nombre de travailleurs ayant fait au moins 1 heure de travail s'élevait à 105 729, dont 91 824 étaient assurés, ce qui laisse, grosso modo, 14 000 personnes qui doivent subir une imposition d'impôt sans être éligibles aux bénéfices d'assurance. Cette proportion de cotisants volontaires est passée de 6 % à 16 % entre 1989 et 1993. Plusieurs travailleurs sont donc pénalisés par les dispositions du dernier budget de M. Levesque, puisqu'une partie des contributions payées par l'employeur pour 1993 sera considérée comme du revenu imposable, alors qu'ils ne seront éligibles aux bénéfices qu'en janvier 1994 ou même ne le seront jamais. Une fois de plus, les travailleurs de la construction se trouvent brimés par des mesures législatives qui ne tiennent pas compte des particularités de l'industrie. Nous croyons qu'il y a là une injustice qui doit être corrigée.

Suite à une entente entre la Commission de la construction du Québec et la Régie des rentes du Québec, il a été convenu d'étaler sur 6 années l'application de l'article 60 de la loi 116. Le coût de cette mesure — 0,20 $, selon le rapport actuariel — a été étalé sur une période débutant le 1er mai 1993 et se terminant le 1er mai 1999. Le gouvernement devrait donc adapter le décret en fonction de cette résolution du conseil d'administration de la Commission de la construction du Québec, en date du 26 novembre 1992.

Le décret devrait également être modifié afin de

tenir compte de la décision du conseil d'administration de la Commission de la construction, qui stipule que les heures apparaissant au rapport mensuel remis à la Commission de la construction du Québec pour un travail effectué dans la période de référence ne soient pas présumées faire partie d'une banque d'heures aux fins d'application des dispositions du décret relatives aux banques d'heures, à moins que le contraire puisse être démontré, auquel cas, le conseil devra être saisi de chaque dossier.

Les mandats du comité paritaire constitué pour étudier et administrer le plan de formation par le perfectionnement et le recyclage des travailleurs de la construction devraient aussi être révisés afin que les dispositions du décret soient conformes à la loi sur les relations de travail. La Cour supérieure a été saisie d'une requête de l'APCHQ, suite au décret 1883-92, qui vise à ordonner à la Commission de la construction de cesser de percevoir des employeurs toutes sommes dues en vertu de ce décret et de ne pas disposer ou se départir des sommes déjà prélevées.

Pour faciliter l'insertion des nouveaux assujettis, nous demandons qu'un comité composé de la partie patronale et de toutes les associations syndicales représentatives des travailleurs de la construction soit créé pour définir les classifications de ces nouveaux assujettis à la loi, afin qu'elles soient mieux appropriées à leur situation particulière.

Comme nous l'avons souligné devant cette commission en avril, il est primordial que les travailleurs de la construction obtiennent une forme d'ancienneté par chantier suivant le principe du premier embauché, dernier mis à pied.

Par ailleurs, nous voulons également rappeler qu'il faut que le gouvernement élabore une politique de relance de l'industrie de la construction. Nous avons déjà suggéré l'instauration de crédits d'impôt pour les consommateurs qui ont recours à des entrepreneurs enregistrés à la Commission de la construction du Québec et à des vrais travailleurs de la construction. Nous avons aussi proposé la construction de logements sociaux, particulièrement dans la région de Montréal. Le dernier budget ne prévoyait aucune mesure de relance de l'emploi et les projets de construction institutionnels et le développement et la réfection du réseau routier ne semblent pas figurer parmi les priorités gouvernementales. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, M. Lemieux. Maintenant, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Je crois qu'il faut dire également, dans votre cas, et ça, c'est pour la première fois, que, à cause de la représentativité, vous n'êtes pas partie à la table, comme telle, de négociation. Donc, le but de l'exercice d'aujourd'hui, comme je le disais à ceux qui vont ont précédés, n'étant pas... N'ayant pas participé à la table, aux rencontres, durant ces 45 jours de prolongation, il est injuste de tenter de vous poser des questions par rapport à l'activité comme telle de la table, mais je vois que, quand même, vous continuez à suivre le dossier de très près. D'ailleurs, les appels fréquents que vous faites à nos bureaux nous indiquent le souci que vous avez là-dedans. (12 h 20)

Vous parlez de coûts, par exemple, du fonds d'indemnisation, de perfectionnement, en page... Vous ne les avez pas numérotées. Quand vous arrivez au niveau de l'assurance, vous parlez de 0,35 $ l'heure. Dans la même page, au dernier paragraphe, «Régime supplémentaire de rentes», vous parlez de 0,20 $ additionnels. On est rendus à 0,55 $ additionnels de l'heure. Et là, ensuite, dans les mêmes paragraphes, vous parlez de la partie qui serait imposable d'après le nouveau budget. J'aimerais ça que vous alliez plus loin là-dessus, sur les montants actuels et les nouveaux que vous ajoutez. Quand vous ajoutez une contribution de 0,20 $ additionnels, quand vous ajoutez une contribution de 0,35 $ de l'heure additionnels, ça fait quoi, là? Ça aurait quoi, comme impact, et par rapport à la taxation, maintenant? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Lemieux (Olivier): En tout cas, si on commence par le point assurance, le dernier budget Leves-que a inclus une mesure disant que le régime d'assurance incluait le régime salarial. Les primes d'assurance payées par ton entrepreneur ou ton boss devenaient une prime qui se rajoute à ton salaire. Ce qu'on constate pour la construction, comme je le dis dans le document, il y en a 14 000 qui vont payer des primes d'environ 0,40 $ de l'heure, parce que, dans la construction, c'est 0,70 $ de l'heure pour le régime d'assurance, mais il y en a une partie qui va pour l'assurance-salaire. Le 0,40 $ sera imposable. Je veux dire que les 14 000 qui vont faire 1 heure dans la construction, un exemple, vont être taxés sur le 0,40 $ de cette heure-là par-dessus leur salaire et, au gouvernement, ils vont payer une partie d'impôt là-dessus. On pense que c'est complètement injuste qu'une partie des travailleurs de la construction paie pour une assurance s'ils n'ont même pas droit aux bénéfices. Et même parmi ceux qui pourraient se qualifier pour être assurés, s'ils se qualifient en fin d'année, s'ils se qualifient fin 1993, ils vont payer les primes sur le surplus; ils ne seront pas assurés en 1993, ils vont être assurés à partir du 1er janvier 1994, et ils vont être taxés pour cette partie-là. On trouve que, là-dessus, si vous décidiez de prolonger le décret, il devrait y avoir une mesure pour exclure ces gens-là, parce qu'ils sont doublement pénalisés. Ils vont payer pour un service qu'ils n'ont pas. Donc, on pense que le ministre se doit de prévoir une mesure pour que ces gens-là ne paient pas pour un service qu'ils n'auront pas.

Au niveau des régimes complémentaires de rentes, si on fait un peu d'histoire, on se rappelle que l'industrie voulait être soustraite à la loi 116, mais le gouvernement a dit: La construction, c'est tout le monde

embarque dans le régime! Mais ça occasionne un surplus au Régime de rentes qui coûte 0,20 $. On dit: Comme c'est le gouvernement qui nous impose une mesure, s'il décide de la prolonger, qu'il trouve les façons pour qu'on ne soit pas pénalisés parce qu'on subit une mesure gouvernementale.

Au niveau du fonds d'indemnisation, à l'heure actuelle, on sait qu'en crise économique, comme je vous représente au C.A. de la CCQ, à chaque conseil d'administration, on a une pile de faillites à peu près tous les mois, et le fonds, à l'heure actuelle, a un gros problème de liquidités. On pense que, si vous décidez de prolonger, dans votre sagesse vous devriez prévoir que le fonds, qui garantit la paix pour les travailleurs qui ont des chèques NSF, ou des primes non payées, ne fasse pas faillite, entre guillemets. On pense que c'est fondamental.

En tout cas, c'était les 3 gros points qu'on voulait cibler si jamais vous décidiez de prolonger, parce que, au niveau du régime d'assurance il ne sera plus solvable, et ça a pris 20-25 ans à construire un régime qu'on pense adéquat pour l'industrie de la construction. À cause d'une crise économique, le régime pourrait être non solvable dans quelques mois. Il nous reste jusqu'à la fin de septembre pour trouver des solutions. On pense que le gouvernement, en agissant comme bon citoyen, devrait prévoir, si vous décidez de prolonger, des mesures.

M. Cherry: M. le Président...

Le Président (M. Gobé): M. le ministre.

M. Cherry: ...vous venez de dire qu'il n'y a que quelques mois à la suite desquels il faudra que des décisions soient prises. Prenons pour possibilité... Vu que vous siégez là, au niveau de la gestion de ces avantages-là, c'est quoi le scénario le plus probable? Qu'est-ce qui arriverait si, disons, par exemple, au mois d'octobre ou au mois de novembre, vos actuaires vous disaient, par rapport aux bénéfices à payer, par rapport aux entrées de fonds... C'est quoi la phase suivante sans de nouvelles injections? Comment ça se passerait?

M. Lemieux (Oliver): Disons qu'on va être sur une mer très houleuse. J'ai l'impression que l'industrie a fait preuve de maturité jusqu'à maintenant, et j'ai l'impression — en tout cas, dépendamment du rapport des actuaires — qu'on aura à s'asseoir au conseil d'administration de la CCQ et à regarder les éventuelles portes qui nous restent. Tu sais, il y a plusieurs choses qui peuvent être faites, mais, en même temps, c'est certain qu'à l'heure actuelle c'est toujours le petit qui est pris pour payer et assumer.

Je trouverais très malheureux d'être obligé d'arriver devant les membres et de leur expliquer, en novembre ou en décembre, que les frais dentaires ne sont plus payés ou, exemple, que les chiros, c'est fini. Tu sais, c'est des mesures, en fait, pour diminuer les prestations.

Je pense que, au moment où on se parle, en période de crise économique, ce serait bien malvenu de «chopper», eh bien, «chopper», d'enlever des bénéfices appartenant aux travailleurs, qu'ils ont depuis, mettons, 10, 15 ans, et de leur dire: À partir de maintenant, c'est fini! Je pense qu'on peut faire un bout pour l'industrie, mais, en même temps, je pense que le gouvernement doit faire son bout aussi.

M. Cherry: Quels sont les coûts de ces avantages-là et quelles sont leurs répartitions, l'employeur et la contribution des employés, pour maintenir les avantages de la protection que vous avez actuellement? C'est quoi les coûts?

M. Lemieux (Olivier): Au moment où on se parle, la partie payée par les entrepreneurs est de 0,70 $, dont environ 0,20 $ qui vont pour la partie assurance-salaire.

M. Cherry: 0,70 $ de l'heure. M. Lemieux (Olivier): De l'heure.

M. Cherry: De l'heure. Et vous suggérez d'y ajouter...

M. Lemieux (Olivier): Ce qu'on dit — et c'est pour que le régime demeure solvable et qu'on puisse indexer les bénéfices qui s'y rattachent — ce serait un coût d'environ 0,35 $ de l'heure.

M. Cherry: Donc, ce que vous suggérez, c'est pour maintenir les services, la gestion, tel que ça se fait dans le moment, pour reprendre votre expression, sans «chopper» les bénéfices, sans diminution des bénéfices. Je pense que c'est ça, le mot que vous cherchiez. Ça veut dire que vous suggérez qu'il faudrait ajouter, pour le maintien des mêmes avantages, 0,35 $ additionnels l'heure.

M. Lemieux (Olivier): Oui.

M. Cherry: Faire passer ça de 0,70 $ à 1,05 $, ce qui équivaudrait à 50 % d'augmentation pour le maintien des mêmes avantages à l'heure actuelle. C'est ça?

M. Lemieux (Olivier): Oui, c'est ça, selon les actuaires, là. Donc, je ne suis pas actuaire, mais selon les données qu'on possède.

M. Cherry: O.K. Vous avez également, M. Lemieux, référé tantôt... Vous siégez sur le comité qui traite des faillites pour assurer la protection des gens qui ont des heures travaillées. De quelle façon vous traitez ça quand vous découvrez qu'il y a de ces salariés-là qui réclament une partie de leur argent qui aurait pu être comptabilisé en banque d'heures? Est-ce que vous avez

une procédure pour ça?

M. Lemieux (Olivier): En fait, lors d'un des derniers C.A., on s'est aperçu... Et la résolution qui a été prise par le conseil d'administration, c'a été de dire: Quand les heures sont entrées sur le «payroll» de l'entreprise ou du contracteur comme des heures travaillées, nos travailleurs n'ont pas à être pénalisés, donc, devaient être payés par le fonds d'indemnisation. Si c'est complètement au noir, entre guillemets, le fonds ne paie pas. On n'a jamais payé pour le travail au noir. Mais, quand on s'aperçoit qu'il y en a, disons, qui ont raffiné le système et que les heures sont dans les livres de l'entrepreneur et que ce n'est pas de la fraude, puis que c'est nos gens qui sont pénalisés, bien, à ce moment-là, le fonds paie. C'est dans ce sens-là.

M. Cherry: O.K. Même si les banques d'heures, d'aucune façon, ne sont reconnues dans le décret de la construction, vous reconnaissez que, lors de la vérification des livres, si certaines de ces heures-là ont été effectuées, rapportées, et ont pu être comptabilisées, comme vous dites, de façon raffinée, même si c'est illégal, vous voulez qu'au niveau de l'indemnisation le travailleur ne soit pas pénalisé, mais qu'il soit bien compensé pour ces heures-là, même si les banques d'heures, c'est illégal. C'est ce que vous dites?

M. Lemieux (Olivier): Oui, mais c'est parce que, en même temps, les régimes ont eu leur part comme le gouvernement a eu sa part d'impôt, le Régime de rentes, la CCQ. Tout a été payé, excepté que l'entrepreneur fait un chèque NSF avec des déductions. Si le fonds paie, tous les gens vont être payés, autant le gouvernement que la Commission de la construction qui vit une période un peu austère de ce temps-là. On connaît le déficit de la CSST. Donc, on pense que, pour toute l'industrie de la construction le régime s'en trouve bonifié. Donc, on pense qu'on devrait prendre des dispositions pour que le fonds ne fasse pas faillite dans les mois qui viennent ou soit solvable. (12 h 30)

M. Cherry: O.K. J'en ai parlé à vos prédécesseurs et je vous réfère la même question. Par le groupe de travail des députés, il est proposé qu'il se tienne — ils ont utilisé les 2 mots — un forum ou un sommet. Personnellement, je préfère «sommet». S'il y avait à l'automne un sommet de la construction où les partenaires seraient élargis, au lieu de restreindre ça uniquement à ceux qui sont impliqués dans le décret de la construction, à savoir l'association patronale, l'AECQ et les associations syndicales, mais un élargissement de l'ensemble des intervenants dans le secteur de la construction, est-ce que vous accepteriez de participer à un forum de cette nature-là?

M. Lemieux (Olivier): Si c'était un forum qui inclurait les intervenants dans l'industrie, même si ce n'est pas directement...

M. Cherry: Donnez-nous des exemples.

M. Lemieux (Olivier): exemple: s'il y avait des participants du gouvernement fédéral, je ne sais pas, moi; des gens du fédéral qui n'ont aucun rapport de près ou de loin à l'industrie, qui étaient là. moi, je pense qu'ils n'ont aucune raison d'être sur un forum de cette nature-là. mais, si c'est des gens, par exemple, peut-être, des donneurs d'ouvrage, style hydro-québec par la bande, hydro, via la baie james ou sm3, peut-être, qui va être annoncée un jour... ce n'est pas un intervenant direct, mais, quand ça va bien, c'est 20 % à 25 % de nos travailleurs de la construction qui travaillent pour hydro-québec. donc, on pense qu'hydro pourrait être un intervenant. c'est dans ce style-là.

Si c'est des gens qui n'ont aucun rapport à l'industrie comme telle — je vais donner un exemple — comme les villes, les maires... De ce temps-là, il y a des secteurs au Québec où les maires ont l'air à aimer le dossier de la construction. Eh bien, je pense que les maires... À l'heure actuelle, la plupart des travaux qui se font dans les municipalités, à moins que vous décidiez que c'est autre chose, ne sont pas directement liés aux travaux de la construction. Donc, eux, ils se font entendre beaucoup de ce temps-là. Je ne suis pas sûr que ce soit des intervenants valables à ce forum-là, parce que c'est comme des tiers, disons, éloignés. Je ne sais pas si vous comprenez.

M. Cherry: Mais j'aimerais avoir votre réaction sur un élargissement. À l'heure actuelle, quand on parle de construction, on ramène toujours ça à la notion des relations de travail: 1 association patronale reconnue par la loi et les 5 associations syndicales. Est-ce que vous croyez qu'il y aurait du mérite, des avantages à ce qu'il y ait un forum élargi, qu'on déborde de uniquement ces 5 ou 6 intervenants-là et qu'on fasse un vrai forum public sur l'ensemble de l'activité économique du secteur de la construction au Québec?

M. Lemieux (Olivier): Oui. Je pense qu'il y aurait certainement des avantages si on avait comme donnée de base: l'industrie de la construction, c'est tout ce qui est fait à pied d'oeuvre. On part de là et, moi, je pense qu'on peut faire un forum, et ça devrait être constructif et on participerait; il n'y a aucun problème là-dessus. Moi, je pense que, si on s'entend et que toutes les parties autour de la table se disent: O.K., on fait un forum, et, en bout de ligne, on essaie d'atterrir... Parce que je sais que, dernièrement, il y a une province où, eux autres, pour définir la construction, c'est: tous travaux faits à pied d'oeuvre. Si on part de là, je n'ai aucun problème. Mais, si on fait un forum et qu'en bout de ligne on s'aperçoit qu'on perd une autre partie de l'économie qui est faite en construction, eh bien, je me questionnerais. Construction, ça veut dire des travaux faits à pied d'oeuvre. Si on part de là, je n'ai pas de problème parce que je pense que c'est fondamental. C'est vrai que c'est un marché captif, la construction.

Quand tu fais un édifice, ce n'est pas pour l'amener à Chicago le lendemain. Mais, si on partait d'une base comme ça, je n'ai aucun problème de participer à un tel forum.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre. Je passerai donc maintenant la parole au représentant officiel de l'Opposition, ou au représentant de l'Opposition officielle, plutôt. Pardon! Vous avez la parole, M. le député.

M. Dufour: M. le Président, moi, il y a quelque chose qui m'intrigue. Il n'y a pas un groupe qui passe devant nous sans qu'il fasse allusion au travail au noir. «C'est-u» un mot magique, ça, le travail au noir, pour exclure toute discussion ou bien si, dans les faits, ça existe vraiment? Ou c'est un mal nécessaire ou c'est un mal qu'on ne peut pas extirper? Tout le monde parle du travail au noir. Tout le monde est au courant qu'il y a du travail au noir. Tout le monde sait qu'il y a de la contrebande. Tout le monde sait qu'il y a des choses qui ne sont pas correctes. Ça continue à se passer au vu et au su de tout le monde. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Mais, vous, dans votre expérience, est-ce que c'est...

Même le groupe libéral qui a été mis sur pied, dans son étude — je l'ai lue — dit: II y a du travail au noir. Ils donnent certaines recommandations. Mais, à un moment donné, ils disent: On n'applique pas les lois. Vous autres, est-ce que c'est juste une formule pour se donner bonne conscience ou bien si le travail au noir, ça peut se régler? Si ça ne se règle pas, on va arrêter d'en parler; si ça peut se régler, parlons-en pour vrai.

M. Lemieux (Olivier): En tout cas, moi, je suis profondément convaincu que, s'il y avait une volonté politique de régler le travail au noir, on pourrait le faire. Dans une des recommandations du groupe des 7, on dit: On devrait mettre en application la 186. Ce que je trouve bizarre, c'est le gouvernement libéral qui a mis en place la 186, c'est lui qui légifère et c'est lui qui est maître de ses lois. Pourquoi elle ne s'applique pas? Puis c'est une des recommandations du groupe des 7. J'ai parlé à certains députés et je leur ai posé la question: Pourquoi vous avez fait une recommandation comme ça? C'est vous autres qui décidez quand ça s'applique. Pourquoi qu'elle ne s'applique pas? Une des recommandations, c'est l'application de la 186. On trouve ça aberrant un peu, là.

Pour le travail au noir, à l'heure actuelle, on évalue, disons, pour donner les mêmes données, que 25 000 000 $ à 30 000 000 $ par année d'heures sont soustraites au fisc. On a donné, à plusieurs reprises, des choses qui ne seraient pas bien, bien... On ne virerait pas le monde à l'envers. Le pouvoir aux représentants syndicaux de vérifier les cartes sur les chantiers, on ne l'a même pas. Ça se fait, mais, disons que, dans la loi, ça n'y est pas. Le pouvoir de fermer certains chantiers où c'est évident... La CCQ a passé, les inspecteurs de la

CCQ ont constaté que les travaux étaient faits au noir, mais les travaux continuent. Il y a une amende d'émise et les travaux continuent. Et tous ces petits détails-là font que les gens de l'industrie, les travailleurs de la construction, s'aperçoivent de ça.

Il y a des vrais sur le chantier et il y a les autres. Les vrais nous appellent le soir. Il y a un gros chantier en banlieue sud de Montréal qui se fait présentement. Samedi, dimanche, aucune heure de temps supplémentaire. Et c'est un gros chantier du gouvernement, en plus. Plusieurs millions qui ont été annoncés. J'ai eu plein d'appels en fin de semaine, disant: Olivier, dis au monde de passer. Les heures sont comptabilisées pour le samedi. Je suis sûr que tout le monde dans la salle ici est au courant et sait quel chantier. Et c'est un des gros chantiers; c'est un des plus gros de la région de Montréal, à l'heure actuelle. Et, le samedi, les heures ne sont pas dans les livres. Et c'est des vrais travailleurs. C'est des travaux financés par le gouvernement. Il y a des gens qui sont venus me voir, chez moi, parce que ça se trouve dans la banlieue sud et je demeure là. Et c'est camouflé!

Donc, c'en est un, exemple. C'en est une des mesures qui ne renverseraient pas le monde à l'envers. Le pouvoir aux représentants syndicaux de vérifier les cartes, le pouvoir aux inspecteurs de la CCQ de fermer les jobs quand ils réalisent que, réellement, c'est vrai. Ça pourrait être au niveau de la CSST, lorsqu'il y a des manquements à la sécurité. On a un de nos travailleurs qui est mort au lac Robertson, samedi matin, tué sur la Côte-Nord. Il n'y avait pas encore de représentant en prévention. S'il y avait eu quelqu'un chargé d'appliquer le code de sécurité — je déborde un peu — peut-être que notre gars serait encore vivant aujourd'hui, au moment où on se parle. On dirait que les lois sont là, les règlements sont là — on a un beau code de la sécurité, on a un beau décret — mais c'est dans l'application. Et quand tu laisses couler des petites choses, là, le système s'installe. Celui, qui est au noir, il dit: Tu es niaiseux d'être dans les livres. Moi, écoute, je fais 600 $ par semaine. À ce moment-là, tu es obligé d'instaurer un ticket modérateur. L'argent ne rentre plus. Tu es obligé de faire payer les frais aux étudiants. Tout le système est en train de dégringoler à cause de ça. Et ça ne prendrait pas des mesures astronomiques; on l'avait compté une fois. Si tu calcules tous les représentants syndicaux, c'est autour de 250, 300, autant que les inspecteurs de la CCQ, mais il n'y a pas de pouvoir. Tu constates et la seule façon de les sortir, tu arrives avec une gang de bras et tu te ramasses sur la première page dans les journaux. Et là, c'est l'industrie comme telle qui est discréditée. Et ça ne serait pas des mesures qui renverseraient la terre entière, là; des petites mesures concrètes. Et tu fais des gains à tous les jours. Et le système serait avantagé. Quand les dûs seraient payés à l'État, la CCQ, peut-être qu'elle serait moins dans le trouble, peut-être que la CSST serait moins dans le déficit.

M. Dufour: Moi, je retiens ce que vous dites

concernant le travail au noir. Et je partage, en grande partie, ce que vous dites, dans le sens que le travail au noir, la contrebande de cigarettes... Un paquet de cigarettes, ça peut se cacher facilement, ou un carton de cigarettes, ce n'est pas gros, gros. Mais quelqu'un qui mettrait sa maison sur sa fesse, ça serait un peu plus compliqué à transporter et à cacher. Ça se voit, des constructions, un peu partout, ça ne se cache pas facilement. Et tout le monde le sait! Et on se l'est fait dire, voilà 45 jours ou voilà 44 jours: c'est 700 heures de travail, à peu près, une maison résidentielle, et ils en déclarent 300. Il y en a 400 quelque part qui sont parties dans le paysage. (12 h 40)

Donc, moi, je retiens ça; sans ça, on parle pour parler. Tout le monde parle de travail au noir, comme si c'était un mal nécessaire qu'on ne peut pas contourner. Si c'est ça, et que tout le monde est d'accord que c'est le système dans lequel on veut vivre, on n'en parle plus, on vient de fermer un livre. Arrêtons de nous conter des histoires et des blagues, là! Le travail au noir, si c'est une calamité, ça peut se corriger. Et, moi, je pense que ça peut se corriger, mais à la condition qu'il y ait une volonté politique de le faire, en appliquant les lois, en se servant de ce qui existe pour le contrer et essayer de trouver des mécanismes qui existent déjà. On n'inventera pas la roue, ça existe déjà; qu'on applique les lois, puis qu'on arrête d'en parler et qu'on passe à autre chose.

Vous nous dites, en même temps, que vous voyez une prolongation de décret. Vous la voyez combien longue, cette prolongation de décret? Combien vous la voyez longtemps?

M. Lemieux (Olivier): Bien, suite à l'article, je suis obligé de dire 1 an. Ha, ha, ha! Non, je pense que c'est un minimum de 1 an et, en même temps, M. le ministre disait tantôt un forum. Nous autres, on pensait peut-être à des états généraux de la construction ou à une place, peu importe le nom; on va dire un forum parce que M. le ministre l'a dit tantôt. Mais je ne suis pas entièrement convaincu que si on prend l'ensemble des problèmes, on peut réaliser... Je pense qu'on peut faire des bouts si on cible, disons, les 5 principaux irritants ou les 3 principaux irritants, si on dit qu'on veut parler du travail au noir, peut-être de la formation, de l'entrée des jeunes, il y a bien des choses. Si on poigne toutes les choses de front, je pense qu'on va avoir de la misère à atterrir. Mais, si le forum avait des cibles, si on dit le travail au noir au début, on essaie de trouver des solutions qui satisfont tout le monde, la formation professionnelle, la compétence des travailleurs de la construction, moi, je pense qu'on peut cibler les principaux irritants. Et je pense qu'en bout de ligne ce serait bon pour l'industrie et qu'on arriverait à des résultats, en ayant des cibles. Un forum «at large», on peut déborder. Moi, je pense que, si on a les principaux intervenants économiques et qu'on se dit: Bon, O.K., disons, la relance de la construction... On est à peu près au plus bas qu'on n'a jamais été.

M. Dufour: Bien, là, vous êtes en frais de nous amener Alice au pays des merveilles, si vous parlez de la relance de la construction. On ne l'a pas à nulle part.

M. Lemieux (Olivier): Non, mais il pourrait y avoir des mesures incitatives.

M. Dufour: Des relances depuis les 7 dernières années, je n'en ai pas vu beaucoup, moi. J'ai vu beaucoup plus de...

M. Lemieux (Olivier): Non, moi, j'ai l'impression, M. Dufour, que, si on trouve des façons de contrer une partie du travail au noir... Une des autres recommandations aussi qu'on avait à l'époque, que nos amis les entrepreneurs n'aimeront pas, on disait: O.K., un entrepreneur qui se fait poigner 2 ou 3 fois à faire effectuer des travaux au noir par des travailleurs, sa licence pourrait être suspendue. Moi, je pense que ce serait une mesure incitative, mais pas nécessairement la première fois, parce qu'on passerait pour des gros méchants. Mais si, mettons, après 2 récidives, ton permis est suspendu, moi, je pense que ça pourrait être une chose.

Je pense aussi qu'au niveau de la relance une mesure de crédit d'impôt... L'année prochaine, c'est une année électorale. Moi, je pense que le gouvernement serait bienvenu de dire: O.K., on relance l'industrie par une formule de crédit d'impôt, peut-être pas du style Corvée-habitation où on est payé durant 1 an et demi, 0,12$ de l'heure et, en bout de ligne, on a réussi à faire entrer nos vrais après. Mais je pense que, s'il y a une formule de crédit d'impôt, et que les gens de l'industrie participent à l'élaboration... Ça pourrait être régi aussi peut-être par... Je parlais des maires tantôt... On pourrait donner un incitatif pour que les villes nous donnent des permis qui sont octroyés. Quand tu fais une construction, ça te prend un permis de ta ville, et c'est une façon de se financer pour les municipalités. Donc, ça pourrait être assorti, peut-être... J?uis, je laisse le soin au législateur de trouver les formules, mais en passant par les villes. Là, on aurait tous les chantiers du Québec, et ils n'auraient pas le choix, s'il n'y a pas de permis de construction, ils n'auraient pas de crédit d'impôt. Donc, je pense que ça pourrait être une mesure incitative.

Des mesures sur le noir, ça donne de l'argent pour des crédits d'impôt, et tu pourrais y aller d'une relance de l'industrie, mais effectuée par des vrais entrepreneurs et des vrais travailleurs de l'industrie de la construction. Mais pas une formule biaisée où on s'apercevra au bout de 1 an que nos gens ne travaillent pas et que c'est fait par n'importe qui. Après 18 mois de Corvée-habitation, on a réussi un peu à assainir, en tout cas, à faire travailler nos vrais, même si on payait 0,12$ de l'heure. Mais je pense, moi, qu'il y a des façons. Là, il y a des rumeurs qui circulent pour SM3, je ne sais pas quelle est l'idée du gouvernement, mais

j'ai l'impression que si tu pars la roue c'est une question, ça, de crédibilité ou de confiance.

Les consommateurs actuels ne consomment pas, mais, comme on le disait tantôt, c'est toujours les mêmes qui payent les taxes, et là la seule façon pour la construction de survivre, c'est les taxes sur les matériaux de construction dans la petite construction. Mais il faut se rappeler aussi qu'on en a sorti de la construction. Toute la rénovation, la hotte de poêle dont on parlait tantôt, le bras de galerie, ce n'est pas régi par le décret. Je ne comprends pas pourquoi on en parle encore. Ce n'est plus assujetti, mais c'est vrai que, dans la population, ce n'est pas clair pour tout le monde que la rénovation pour un propriétaire occupant, ce n'est plus de la construction. Mais beaucoup de gens encore confondent les 2.

M. Dufour: Vous avez dit tout à l'heure que le travail au noir, c'était une question d'appliquer les règlements. Puis, là, vous êtes prêts à attendre 1 an, au bout du décret, pour essayer de trouver des formules. Suis-je correct ou pas correct, là, parce que j'essaie de trouver où on peut se retrouver? C'est que, si c'est la non-application des lois qui fait qu'il y a du travail au noir, bien, appliquons-les! On n'a pas besoin de sommet pour ça. On pourrait peut-être, quelque part dans le temps, trouver d'autres formules, mais on devrait commencer par le commencement. On a des lois. Tout à l'heure, vous avez dit: Si on les appliquait, on pourrait contrer une bonne partie du travail au noir, sinon au complet. Donc, est-ce que vous persistez à dire que ça prend votre sommet en plus pour le régler ou pas?

M. Lemieux (Olivier): À l'heure actuelle, si on prend la loi 186, l'essentiel de la loi, c'a été de doubler ou de tripler les amendes. Quand nos travailleurs... Je vais vous donner un exemple: Saint-Jérôme. Il y avait 300 cas, un matin, faits par des travailleurs illégaux; le juge a passé un cas, mais il a absous le monsieur qui était un père de famille. Il a dit: Je ne suis pas pour condamner quelqu'un qui essaie de gagner sa vie. Mais, dans la région des Laurentides, à l'heure actuelle, ça s'est su, ça a fait boule de neige. Bien, ils ont dit: On se fait poigner, on ne paie même pas; tu passes devant le juge, puis il t'absout.

Moi je pense qu'au niveau des législations... Puis, je comprends le juge aussi. La personne qui est en avant de lui a 2 ou 3 enfants; elle s'est fait pincer à travailler de façon illégale. Aller la condamner par-dessus ça! Je pense que, peut-être, on a fait fausse route, mais il faut rajuster le tir. Ce n'est pas au niveau des amendes, je pense. Moi, c'est de donner à l'industrie des moyens pour le contrer, le fameux travail au noir. Qu'il nous donne le pouvoir à nous autres de vérifier, aux inspecteurs de la CCQ aussi, aux inspecteurs de la CSST aussi, puis ceux qui seront pinces, les entrepreneurs qui embauchent des travailleurs au noir, après la deuxième récidive, la licence est suspendue puis, je pense que ça ne serait pas long qu'on pourrait régler un paquet de problèmes, mais il faut que ça se fasse.

M. Dufour: Est-ce que vous croyez que 1 an... Vous parliez de décret, tout à l'heure. Pour quel temps vous placez ça, là? Un an? «C'est-u» à peu près ça? Rien que oui ou non et je vais enchaîner avec ma question. Quand vous voyez une prolongation de décret, c'est pour combien de temps?

M. Lemieux (Olivier): Parce que je réalise, et je retiens l'introduction du ministre tout à l'heure, que c'est vrai que nous ne sommes pas à la table des négociations, mais il y a quand même des affaires qu'on sait.

M. Dufour: Oh, vous les vivez.

M. Lemieux (Olivier): Dans la construction tout est secret, mais, en même temps, tout se sait. Disons qu'il n'y a pas eu de progrès substantiels, à ce qu'on me dit. Puis, je ne suis pas sûr que de donner 3 mois ou 6 mois, il pourrait y avoir d'autres progrès substantiels. Mais, si on se donnait 1 an avec une mesure — là, on disait un forum; que ce soit un forum ou des états généraux, peu importe le titre — puis que le ministre, disons, prolonge, il met en place une structure, puis on dit: O.K., on se revoit telle date et là tout le monde est intervenu, on a trouvé une espèce de consensus...

Et puis, en même temps, je ne voudrais pas que ce soient des tiers qui décident pour les gens de l'industrie. Puis, on est là aujourd'hui, parce que c'est un peu ça. On s'est entendus, lors du dépôt de la loi 185; on s'est fait entendre dans la même salle où patrons et syndicats étaient d'accord sur le champ d'application. Et ce n'est pas encore en place. Donc, les gens de l'industrie commencent à perdre confiance dans les gouvernements. On s'entend, patrons et syndicats sur quelque chose, puis la loi passe et ce n'est pas ça. Puis, ça, c'était unanime. C'est rare qu'on fait l'unanimité patrons et syndicats. Pour une fois, on était unanimes, on s'entend, les projets sont passés, puis ce n'est pas ça. Permettez-moi de douter un peu. (12 h 50)

Mais je pense qu'on a fait la réflexion, puis on est prêts à donner... Parce qu'on n'a pas le choix. Si on veut que l'industrie survive, il faut absolument s'asseoir, cibler les vrais problèmes de l'industrie, les plus irritants, quitte à prendre 2 ans, 3 ans pour les autres choses après. Mais, au moins, les 3 ou 4 plus gros irritants, les régler, puis continuer ou changer le mode de négo, peut-être, mais trouver des façons pour que chacun y trouve son compte et que l'industrie survive à la crise qu'on passe actuellement. Sans cela, tout le monde va être perdant, autant les gouvernements, les travailleurs de l'industrie et les entrepreneurs de l'industrie. Personne ne va être gagnant, là-dedans.

M. Dufour: Si je regarde votre mémoire aussi concernant la prolongation du décret, vous semblez nous

iire: Bah! c'est pressé, mais vous pensez qu'un décret le 1 an, ça ne serait pas de trop pour mettre un peu d'ordre dans le processus. Et vous dites: «Advenant que le gouvernement choisisse de prolonger le décret, il serait essentiel, à notre avis, de le modifier sur les clauses concernant le régime d'assurance, le fonds d'indemnisation, le fonds de perfectionnement et de recyclage, le comité de classification, l'ancienneté et la protection du pouvoir d'achat des travailleuses et des travailleurs de la construction.»

Donc, qu'est-ce qui vous permet de croire que le gouvernement va toucher à tout ça, puis qu'il ne vous fera pas mal, qu'il va juste toucher pour améliorer les travailleurs, qu'il ne touchera pas ailleurs? Ça ne vous inquiète pas un peu? Moi, je veux bien croire en votre confiance, mais, si, vous autres, vous prétendez ou vous demandez un certain nombre de modifications au décret, il y en a d'autres, par contre, aussi, qui ont les mêmes visées et les mêmes ambitions. Vous allez jusqu'à dire: Protéger le pouvoir d'achat des travailleuses et des travailleurs. Ça veut dire rajouter un petit peu d'argent dans les salaires, si je comprends bien. Ça veut dire ça, un peu. Mais, qu'est-ce qui vous permet de croire que le gouvernement pourrait aller dans le sens de vos revendications?

M. Lemieux (Olivier): Moi, je pense que le gouvernement a un devoir, c'est de s'organiser pour que le régime actuel, même si on le critique, fonctionne quand même. L'industrie comme telle, on s'est donné un régime d'assurance, si je prends celui-là; là, il est en danger à cause d'une période de récession économique. Moi, je pense que le gouvernement, dans sa sagesse, se doit, s'il décide de prolonger, d'au moins préserver un minimum pour qu'une partie de la société... Surtout que les travailleuses et les travailleurs de la construction, à l'heure actuelle, sont très frappés par la récession; qu'au moins leur régime d'assurance ne soit pas touché par la crise qui est vécue actuellement. On sait que c'est temporaire. Probablement, et je l'espère en tout cas, que, d'ici quelques années, l'industrie va avoir repris, mais on pense que c'est un irritant fondamental à l'heure actuelle. Les gens vont effectuer peut-être une moyenne de 500 à 600 heures, cette année; peut-être qu'ils ne seront même pas couverts par le régime. Et, en plus, il y a la fameuse taxe que je disais tantôt du dernier budget Levesque. Ils vont être doublement taxés.

Mais il y a aussi dans ma recommandation, ce que je dis... Pour nous autres, ce qui est le plus gros irritant, c'est la partie déréglementation, si jamais le ministre ouvrait la porte à une certaine déréglementation du secteur résidentiel. Parce que, en période de récession économique, on peut dire que, grosso modo, dans l'ensemble des régions du Québec, ce qui fonctionne, c'est le secteur résidentiel: autour de 60 %. Quand il y a de grands travaux, disons que c'est différent, mais, à l'heure actuelle, et pour une partie de l'année prochaine aussi, selon les données qu'on possède, le résidentiel est l'essentiel quasiment de la construction. Donc, ce qu'on dit, c'est de ne pas toucher à ça, là.

M. Dufour: Vous n'avez aucune assurance.

M. Lemieux (Olivier): Je n'ai aucune assurance?

M. Dufour: Bien, aucune assurance dans le sens que... Écoutez un peu, vous êtes en négociations. La négociation sur la construction, ça dure depuis combien de temps?

M. Lemieux (Olivier): Là, disons que, officiellement, depuis janvier jusqu'à maintenant.

M. Dufour: Bien, ça, ça ressemble à 6 mois. Et il n'y a eu aucune entente, vous le dites: Ce n'est pas possible d'avoir d'entente. Vous demandez une prolongation. Avec un gouvernement qui n'a pas bougé trop, trop, est-ce que vous pensez que vous avez des chances d'obtenir ce que vous demandez?

M. Lemieux (Olivier): Bien, moi, j'ai l'impression que le gouvernement se doit de trouver une façon de débloquer le dossier et je pense que ça pourrait être une des façons de débloquer le dossier si jamais le ministre prolongeait en maintenant, disons, le régime d'assurance et les choses qu'on a mentionnées dans notre «rapport», et en créant le forum dont il parlait tantôt, avec une solution en bout de ligne, si tous les intervenants sont là. Moi, je pense qu'il faut donner une chance à l'industrie; on ne peut pas se permettre de continuer et de mettre en danger l'industrie de la construction comme telle. C'est fondamental et, même si ça va mal cette année, ça va être 17 000 000 000 $ ou 18 000 000 000 $, l'industrie de la construction. Dans les bonnes années, ça peut aller jusqu'à 25 000 000 000 $, 26 000 000 000 $, 27 000 000 000 $.

Moi, je pense que c'est essentiel à l'économie du Québec et on ne peut pas se permettre qu'un secteur essentiel comme la construction... Parce qu'on dit: «Quand le bâtiment va, tout va.» C'est encore vrai aujourd'hui, mais il faut qu'il aille de la bonne façon. Si tout est fait au noir, ça veut dire que tout ce qui est relié indirectement à l'industrie de la construction, bien, ça vient d'arrêter. Parce qu'on dit que 1 emploi dans la construction égale 7 emplois ailleurs. Et je pense que c'est encore vrai.

M. Dufour: Ma dernière question, parce qu'il n'y a pas beaucoup de temps...

Le Président (M. Gobé): C'est ça, M. le député de Jonquière. Allez-y rapidement.

M. Dufour: Oui.

Le Président (M. Gobé): Le temps est écoulé, mais...

M. Dufour: Est-ce que vous croyez... Parce que, là, on vient de trouver une clé aujourd'hui. Si on faisait un sommet, seriez-vous contents, seriez-vous prêts à y participer? Il y a 2 intervenants: Oui, oui, on embarque. Est-ce que vous croyez que cette solution-là aurait pu arriver bien avant ça? Parce que ça fait quelques années qu'on a quelques petits problèmes, et ça fait quelques années qu'on légifère. Est-ce que vous croyez en cette formule-là, vraiment? Est-ce que vous êtes vraiment convaincus que c'est pour amener à régler des problèmes, des solutions?

M. Lemieux (Olivier): Moi, j'ai l'impression qu'on est rendus à une étape où on n'a pas le choix. Je pense qu'on va être condamnés — une façon de parler, ce n'est pas dans le sens péjoratif — à trouver des solutions, autant de la partie syndicale que de la partie patronale, si on veut sauver l'industrie. Et c'est pour ça que je pense que, à ce moment-ci, disons, le climat est favorable à une telle approche. Je pense que c'est une des dernières chances qu'on a. Sans ça, on va se ramasser comme à New York et ça va être le «free for all», et, autant l'État que les partenaires de l'industrie, on est faits.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Viger, rapidement, une petite question. Allez-y, allez-y, je vous en prie. Allez-y, allez-y, vous avez la parole.

M. Maciocia: Merci, M. le Président. À propos du travail au noir, vous admettez avec moi, M. Lemieux, que des membres, même de votre syndicat, comme d'autres syndicats, font du travail au noir. Ça, c'est clair. D'après vous, quelle est la raison pour laquelle ces gens-là, même membres d'un syndicat, font du travail au noir? Quelles sont les raisons?

Deuxièmement, pourquoi ils le font? Et qu'est-ce que vous faites pour essayer de contrer cette possibilité-là, qui est tellement réelle, de vos membres qui font aussi du travail au noir? Et quelles sont les pénalités, au cas où vous en prenez quelques-uns, sur les chantiers, qui font du travail au noir?

M. Lemieux (Olivier): C'est vrai qu'on est conscients que, parmi nos membres, il y a des gens qui cèdent aux pressions. Je pense que le principal phénomène qui cause ce problème: aucune protection de l'emploi, aucune garantie. Si, minimalement, quand, moi, je m'en vais travailler pour toi, il y avait un minimum de régime d'ancienneté: tu commences à travailler, O.K., tu es le premier embauché, tu sais que tu vas être le dernier sorti. Donc, tu as plus intérêt à faire respecter le décret et le code de sécurité, parce que tu as une certaine protection. À l'heure actuelle, comme tu n'as pas de protection et qu'il n'y a pas de perspectives... Quand il y a beaucoup d'emplois, disons que c'est moins évident le travail au noir, mais quand l'individu regarde et qu'il n'y a aucune perspective, qu'il n'y a pas de projets de relance... Avant ça, on disait: Bon, la Baie James s'en vient, la Côte-Nord s'en vient; mais, à l'heure actuelle, il n'y a pas de gros projets d'annoncés. Nos gens, à l'heure actuelle, ce qu'ils essaient, c'est de survivre. Et, comme je le répétais à une autre commission parlementaire, les gens de l'industrie sont très fiers. Ils aiment mieux faire du travail au noir que recevoir de l'aide sociale. Je le répète et c'est... On en a tous les jours qui passent à nos bureaux et, pour eux, retirer de l'aide sociale, c'est comme, entre guillemets — je ne sais pas si ça va être mal interprété, mais, eux, ils sont fiers — être sous-évalués ou perdre leur notion de compétence. Ils aiment mieux travailler et, au moins, faire vivre leur famille, aussi. S'il y avait beaucoup de travail, on ne vivrait pas le phénomène de la même façon. Il faut dire, aussi, qu'en période de récession économique, s'ils n'ont pas d'emploi sur les gros chantiers, eh bien, ils sont pris pour aller faire de la rénovation.

M. Maciocia: Oui, mais qu'est-ce que vous faites pour essayer d'enrayer ça ou de contrer ça? Parce que c'est un problème; si c'est un problème, il faut essayer de le régler. Et, s'il y a des membres de votre syndicat qui font du travail au noir, il faudrait quand même que vous essayiez de les empêcher, j'imagine. Quelles sont les pénalités que vous allez donner à ces gens-là, en cas que vous les preniez sur les chantiers de construction?

M. Lemieux (Olivier): À l'heure actuelle, moi, je me sentirais très mal placé pour pénaliser des gens qui veulent gagner leur vie dans une industrie, et ils n'en ont pas la possibilité.

M. Maciocia: Alors, vous allez prendre seulement les autres?

M. Lemieux (Olivier): Non, chez nous, nous autres, ce qu'on dit: Pour travailler au noir, il faut que tu aies un employeur. Moi, je pense que, si on serre la vis aux entrepreneurs, on est prêts à faire notre bout, du côté syndical. Mais, à l'heure actuelle, il faut qu'il y ait sur papier, je pense, des mesures incitatives. Je serais prêt, moi. Exemple, comme une des recommandations de Picard-Sexton, si la licence est suspendue pour l'entrepreneur qui embauche des gars au noir, on pourrait peut-être regarder des choses de notre côté, aussi, en disant: O.K., si tu travailles au noir — et c'est connu que le gouvernement a une volonté réelle d'enrayer le travail au noir — l'entrepreneur perd sa carte et, le travailleur, son permis pourrait être suspendu pour x temps. Moi, je pense qu'on pourrait regarder des affaires. Mais il faut absolument que l'industrie sache qu'il y a une volonté réelle. Si vous, comme entrepreneur, vous savez que vous perdez votre permis si vous allez en deçà des lois et si, pour les gens qui travaillent pour vous, c'est la même chose, eh bien, j'ai l'impression que, en dedans de 3, 4 mois, on va enrayer au moins

jo % à 40 % du travail au noir.

M. Maciocia: Ce ne sont pas seulement des entrepreneurs...

Le Président (M. Gobé): M. le député de Viger, malheureusement, j'avais une question de la part de M. le député de Nicolet-Yamaska et je vous ai passé sur l'excédent de temps, et je me dois de lui passer la parole. M. le député de Nicolet-Yamaska, vous avez la parole. Je vous demanderais de répondre assez rapidement et on va terminer la séance par la suite. M. le député. (13 heures)

M. Richard: Merci, M. le Président. Tout à l'heure, vous avez mentionné que vous aviez une tendance favorable vers un forum ou l'équivalent, et vous avez émis des doutes sur l'élargissement des partenaires. Entre autres, vous avez dit: Le monde municipal, exemple, je ne suis pas certain que ça devrait faire partie de cette discussion-là. Mais, quand on arrive au travail au noir et quand on arrive au contrôle, parce que vous avez bien mentionné qu'il y avait un problème de contrôle, à un moment donné, le monde municipal, effectivement, qui émet les permis, pourrait devenir un partenaire, inévitablement, dans une nouvelle formule de contrôle. Parce qu'il est l'émetteur de permis, il pourrait avoir un contrôle dès le départ. C'est parce qu'à ce moment-là, en étant questionné, vous avez un peu identifié le partenaire, entre autres.

M. Lemieux (Olivier): Non, non, mais s'il y avait un échange. C'est comme un peu dans les suites de Picard-Sexton. On voulait, entre guillemets, les gens qui ont produit le rapport, donner une place aux municipalités. Mais, à ce qu'on me dit, depuis, il y a une grosse réticence à collaborer avec l'industrie de la construction comme telle. Mais, s'il y avait moyen de resserrer, moi, je pense que tout est relatif. S'ils veulent collaborer, bien, on est prêts à le faire. Mais, à ce qu'on me dit, à l'heure actuelle, ils trouvent que c'est de la paperasse de plus, puis c'est d'autres irritants pour eux. Mais, si jamais on trouvait une façon de les intégrer ou de collaborer plus étroitement, je n'ai aucun problème.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Lemieux. Avant de suspendre les travaux, j'aimerais informer les participants que nous reprendrons cet après-midi à 15 heures. Nous entendrons le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction; ensuite, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Il y a un décalage de 1 heure en avance. C'est pour ça que je me permets de le rappeler maintenant.

Ceci met fin à nos travaux pour ce matin. Je tiens à vous remercier de votre participation et je suspends les travaux à 15 heures, cet après-midi, en cette salle.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

(Reprise à 15 h 6)

Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et messieurs, la commission de l'économie et du travail va maintenant entreprendre ses travaux et, avant de procéder à la première audition, j'aimerais rappeler les règles qui vont régir nos travaux de cet après-midi. Alors, tout d'abord, je rappellerai aux nombreux auditeurs ou aux nombreux participants qui sont dans les tribunes que les règles non écrites, mais de courtoisie des commissions parlementaires font que, lorsqu'il y a audiences publiques, le public ou les assistants, en général, essaient de s'abstenir de toute intervention, approbation ou désapprobation envers les gens qui témoignent ou qui font une présentation, ceci afin de respecter au maximum la liberté d'expression des gens et aussi le temps imparti qui est quand même assez restreint dans quelques cas.

Le temps imparti, maintenant, pour chaque intervenant, sera de 20 minutes pour faire sa présentation; durée maximale de 20 minutes, ça peut être moins. Et, par la suite, les représentants du côté gouvernemental autant que de l'Opposition ont, eux aussi, chacun une période de 20 minutes. La présidence peut... Pardon! C'était 20 minutes ce matin, mais je vois que nous avons avec nous le député indépendant de Drummond et, lorsqu'il y a un député indépendant, il peut avoir une période de 5 minutes dans les débats, qui est aménagée à l'intérieur de l'enveloppe de chacun des 2 partis.

Alors, voilà, ce sont, en gros, les règles qui régissent ces travaux de commission parlementaire. Nous sommes là pour écouter les gens — nous sommes des parlementaires — qui ont des choses à dire, des messages à nous communiquer, des positions à faire valoir, et pour en débattre avec eux; ceci dans le meilleur intérêt de l'administration de l'État et de l'appareil législatif. Alors, nous sommes là pour travailler ensemble et non pas pour nous confronter. Nous sommes là pour essayer d'écouter les gens, pour dégager des consensus et essayer de trouver des solutions, ce qui est généralement le rôle des parlementaires. Les commissions parlementaires ont été créées à cet effet-là et les audiences publiques, pour renforcer, justement, ce rôle du parlementaire en permettant à toutes les parties d'une société de pouvoir s'exprimer librement, dans le respect de la démocratie et de la liberté.

Alors, sans plus attendre, je demanderai maintenant au représentant du premier groupe, soit le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, section internationale, de bien vouloir se présenter. Je connais le président, M. Pouliot. Alors, je dirai: M. Pouliot, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et, par la suite, vous pourrez commencer votre présentation.

Conseil provincial du Québec

des métiers de la construction

(international)

M. Pouliot (Maurice): Sûrement M. le Président,

M. le ministre du Travail, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, pour débuter, je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent. À mon extrême gauche, le confrère Yvan Bertrand, qui est le secrétaire-archiviste du conseil provincial et aussi représentant syndical, locaux 1929 et 929, tireurs de joints et finisseurs de ciment; le confrère Maurice Mongeon, qui est gérant d'affaires du local charpentiers-menuisiers, 134; le confrère Gérard Cyr, gérant d'affaires du local 144; le confrère Pierre Labelle, qui est directeur général, adjoint au président du conseil provincial; et le confrère Jules Gagné, qui est gérant d'affaires du local des chaudronniers et «boilermakers». (15 h 10)

II nous fait plaisir de participer à la présente commission parlementaire. Je voudrais aussi vous mentionner que le conseil provincial fait partie de la coalition syndicale, avec la FTQ-construction, qui va sûrement se faire entendre par la suite, donc, on a un certain rôle qu'on a joué lors des différentes rencontres depuis le mois de février 1993. Le conseil provincial représente 31,7 % des travailleuses et travailleurs de l'industrie de la construction, soit plus de 45 000 travailleurs, et est composé de 32 locaux qui lui sont affiliés, dont 13 métiers qui sont majoritaires, où on a une majorité absolue. Et ces métiers-là ne sont pas exclusivement ou uniquement dans ce qu'on appelle l'industrie lourde de la construction au Québec. Ce degré de représentativité a été obtenu suite à l'adoption du projet de loi 185. Le conseil provincial a obtenu 935 nouveaux syndiqués, et on a la comparaison avec les autres centrales syndicales. Donc, je pense que, de loin, on est la centrale syndicale qui a obtenu le plus d'allégeances syndicales des travailleurs. ïl faut aussi mentionner, je pense, que le projet de loi 185 a eu comme conséquence de retarder l'avancement dans les régimes de négociation, qui devaient débuter en octobre, par un maraudage. On n'est pas contre un maraudage, mais on aurait pu le tenir, peut-être, dans un autre temps que celui-là. Je pense que la période pour débuter les négociations, qui était octobre, avant la date d'expiration du décret, quant à nous, est effectivement une meilleure date que février, lorsqu'on n'a simplement que quelques mois pour négocier le renouvellement de la convention collective.

Je pense que, malgré l'enjeu du renouvellement de notre convention collective, on ne peut pas nécessairement dire qu'il y a eu une négociation. Quant à nous, il n'y a pas eu réellement de négociation; il y a eu des discussions, il y a eu des échanges, il y a eu, ce que certains de mes confrères qualifient de «meubler le temps». On a «meublé le temps» on n'a pas négocié, on étirait, on attendait, disons. De la part de l'AECQ, ils attendaient simplement le 14 juin pour se retrouver, encore une fois, en commission parlementaire.

Qu'il me soit permis de vous mentionner ce que, lors des différentes discussions qu'on avait eues, bon, bien, on disait: Ça, c'est 1 refus, c'est 1 suspens, et on va remettre ça à un peu plus tard. Le même scénario s'est fait aux tables particulières, parce que, dans le protocole d'entente, on s'était entendus verbalement. Il y avait effectivement une table centrale et des tables de métiers ou spécialités ou occupations qui négociaient. Depuis le mois de février, il y a eu 6 petits articles, et c'est des articles très mineurs, qui n'ont absolument rien à faire avec le monétaire. À titre d'exemple, à l'intérieur du décret, actuellement, il y a un oubli, si on veut. On parle, à l'article 5.03, des matériaux nouveaux. Donc, on dit: S'il y a des matériaux nouveaux, ça ne change pas les juridictions de métiers, spécialités ou occupations. Le mot «spécialités» n'était pas là, donc; il a fallu discuter pratiquement 1 journée pour avoir un accord — et je vois le sous-ministre qui sourit — avoir un accord sur une chose aussi stupide que ça. Donc, c'est le genre de discussions qu'on a eues à vivre, effectivement, lors de la présente ronde de négociations.

On a tenté par différents moyens... L'AECQ croyait qu'elle pouvait régler les problèmes de l'industrie de la construction dans la présente négociation. L'intention du conseil provincial était de négocier une convention collective, pas de régler les problèmes généraux de l'industrie. Il y a plusieurs problèmes qui relèvent de différentes législations; on en a entendu parler ce matin en abondance: la loi 185, la loi 186, différents rapports de comités et ainsi de suite. Et on pense qu'on ne pouvait pas régler ça. Si on avait pu simplement s'entendre sur une convention collective, pour nous, ça aurait été une bonne chose. d'un autre côté, l'aecq exigeait d'avoir des coupures; il fallait rationaliser le décret de la construction, il fallait aussi couper les salaires des travailleurs de la construction. elle parlait de 20 % dans le domiciliaire, 5 % dans l'industriel. l'apchq, un peu plus vicieuse, elle, disait: bien, on va couper ça à 50 %, les salaires. il va y avoir un salaire minimum, et ça peut aller en haut; et le fonds de formation professionnelle, bien, effectivement, comme vous le savez, elle conteste ça. c'est à la cour. donc, on pense qu'il n'y a pas de logique dans la question du régime de négociation, et, lorsqu'on en voit une — tout de même, il faut le reconnaître, l'apchq, ça représente assez de travailleurs — qui exigeait une coupure, en gros, de 50 %, il nous apparaissait totalement impossible de conclure une convention collective. je pense qu'il faut le mentionner, qu'il faut mettre en relief la faillite totale du régime de négociation, tel que nous le connaissons actuellement. nous l'avons déjà dénoncé à plusieurs occasions, m. le président, et nous continuons de dire que le régime de négociation dans l'industrie de la construction est drôlement malade.

D'ailleurs, on peut se rappeler que le prédécesseur de M. Cherry, M. Séguin, avait admis en commission parlementaire, en 1990, que c'était fini, l'imposition du décret, qu'il était pour modifier la loi, le régime de relations de travail dans l'industrie de la construction, dans sa forme actuelle. Mais, malheureusement, on sait ce qui est survenu: M. Séguin a quitté, et on se retrouve, encore une fois, dans 2 commissions parlementaires,

1 au mois d'avril et puis 1 au mois de juin. Donc, ça devient, effectivement, quant à nous, un problème substantiel, le régime de négociation.

Il y a eu, depuis l'adoption du projet de loi 290 en 1968, pas moins de 19 modifications majeures à la loi. Et l'une d'entre elles, bon, évidemment, c'est le projet de loi 201, adopté par l'ex-ministre du Travail, M. Jean Cournoyer, en 1974, qui a introduit la notion que le ministre du pouvoir... Peu importe de quel gouvernement on parle, ça a toujours été pareil. Cet article-là, bien, est là, et on ne peut pas laisser le vide juridique: le ministre est obligé d'intervenir. Lorsque ça va bien, ça va bien, il faut continuer pour que ça aille bien. Lorsqu'on est en récession, on nous dit: Écoutez, on est en récession. Effectivement, on ne peut pas laisser le vide juridique.

C'est ce qu'on vous demande, M. le ministre, surtout, d'enlever l'article 51 de la loi et de laisser le rapport de force s'exercer dans l'industrie de la construction. Ou bien donc vous nous dites très clairement: Les petits gars et les petites filles de l'industrie de la construction, vous n'avez plus le droit de négocier. C'est fini, cette affaire-là. Le ministre du Travail a le pouvoir et il a une épée de Damoclès en haut de sa tête, et chaque fois, effectivement, que ça arrive, il va nous rentrer l'épée, soit sur un côté ou sur l'autre. Donc, nous, on commence à être tannés de ça. La dernière convention collective qui a été conclue entre les parties dans la construction remonte à 1980 et, à ce moment-là, il y avait eu effectivement un vide juridique. Il y avait eu aussi une autre convention collective qui avait été conclue en décembre 1976, à la création de l'AECQ. Encore là, il y avait eu un vide juridique.

Donc, lorsqu'on veut nous parler que le gouvernement est toujours dans l'obligation d'imposer les conditions de travail, je pense que ce n'est pas le cas. On a déposé des demandes normatives à l'AECQ, au mois de juin. On a dit: On ne parlera pas de monétaire; on va parler d'un gel, et on va essayer de discuter sur les clauses normatives. L'AECQ, il semblerait qu'elle a été insultée des propositions qui étaient tout de même des propositions syndicales pas coulées dans le béton pour faire avancer le dossier. C'est à la demande du conciliateur, M. Dufresne, qu'effectivement on a dit: Écoutez, on va faire un bout. On va laisser le droit de gérance aux patrons, puis on va avoir des clauses...

Le décret, il y a des choses là-dedans qui sont totalement inacceptables. J'écoutais les autres intervenants parler du travail au noir. Je pense que, si on change des choses là-dedans, on peut peut-être freiner une partie du travail au noir, mais ce n'est pas en voulant tout changer à l'intérieur du décret de la construction. Il y a des clauses à changer. On était ouverts, je pense, le conseil provincial et la FTQ, pour regarder les choses ensemble, pour essayer de conclure une convention collective, mais pas avec des intentions qui ne sont pas de notre compétence. Ce qui est de la compétence des parties syndicales, c'est, effectivement, de renouve- ler la convention collective qui peut, éventuellement, devenir un décret si on demande l'extension juridique de notre convention collective.

Je pense que c'est une chose qui est drôlement à clarifier et on pense, encore une fois, que, si le ministre du Travail laisse le décret de la construction mourir ce soir, à minuit, il y a des articles dans la convention collective, entre autres, l'article 32.04, qui prévoient le maintien des conditions de travail. Il n'y aura pas, effectivement, de grève demain matin dans l'industrie de la construction. Par contre, l'AECQ va être obligée de s'asseoir avec nous et de négocier réellement une convention collective.

On a demandé à plusieurs occasions au ministre du Travail de faire des déclarations, le 30 avril, qu'il n'était plus pour intervenir. Encore une fois, on pense que le ministre a l'intention d'intervenir. Donc, on ne pense pas que la déréglementation va créer des emplois dans l'industrie de la construction. Donc, évidemment, nous, on sait que, lorsque la loi 31 a été adoptée, je ne pense pas que ça ait créé aucun emploi, loin de là. Il y a, évidemment, la question des avantages sociaux qu'on a, en tout cas... (15 h 20)

Vous avez, à la page 16 de notre mémoire, les heures qui étaient travaillées. On va chercher ça. En 1966, il se travaillait, dans l'industrie de la construction au Québec, 196 000 000 d'heures. On se rend compte, 10 ans après, qu'on diminue à 136 000 000 d'heures; en 1986, 87 900 000 heures, et, avec le résidentiel dans le décret, la Commission de la construction du Québec prévoit environ 67 000 000 d'heures. Et on sait qu'ils se trompent toujours un petit peu; donc, ça peut être 66 000 000 ou 65 000 000 d'heures. Et il y a toujours le même bassin de travailleurs de la construction: 120 000 travailleurs qui ont des cartes de compétence de la CCQ: occupation ou apprenti ou compagnon. Donc, ça diminue toujours, la question des heures dans l'industrie de la construction. et, lorsqu'on nous parle de réduire les coûts dans le résidentiel de 20 % ou de 50 %, je pense qu'il faudrait comprendre que la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction représente, dans une maison unifami-liale, environ 22 % du coût général de la maison. l'augmentation du coût du bois, qu'on vient de subir, les consommateurs du québec, y est pour beaucoup plus qu'une diminution sur les salaires des travailleurs et travailleuses de l'industrie de la construction, tant sur les travaux résidentiels et aussi d'entretien sur l'industrie lourde.

Si on compare le prix d'une maison entre Montréal, Toronto ou Hamilton, et les autres provinces, on va se rendre compte qu'au Québec ce n'est effectivement pas nous autres qui avons la main-d'oeuvre la plus dispendieuse. D'ailleurs, effectivement, on a un rapport qui nous le dit, c'est clair, de M. Baril, qui nous vient du ministère du Travail, qui fait une comparaison des différents salaires un peu partout. Le Québec n'est pas

en haut, il est juste un petit peu en bas de la moyenne des salaires payés à travers le Canada.

Et, quant à nous, c'est totalement inacceptable, encore une fois, lorsqu'on voit l'APCHQ, alors que, d'un côté, on pourrait voir, disons, améliorer la main-d'oeuvre au Québec avec le fonds de formation professionnelle... On se rappelle qu'on a eu des problèmes à l'obtenir. Là, on l'obtient pour avoir une main-d'oeuvre meilleure, plus compétente, plus recyclée: Première chose qu'on sait, des procédures sont entamées par l'APCHQ pour faire objection à l'intention des parties qui ont signé le fonds de formation professionnelle. Et ça, ça nous laisse, à un moment donné, un petit goût amer concernant l'APCHQ. Je pense que, à un moment donné, lorsqu'il y a eu des discussions, encore une fois, je me répète, il n'y a pas eu, à mon avis, réellement de négociation.

En terminant, je voudrais simplement vous mentionner que, dans l'annexe qu'on a, on se rend compte, au niveau du déficit sur les avantages sociaux, qu'il y a 5000 employeurs qui participent volontairement aux régimes d'avantages sociaux, si on parle du régime d'assurance-santé, salaire, maladie, sur une base volontaire. Ce n'est pas bien, bien compliqué pour eux. Ils ont le crayon, ils marquent les heures qu'ils veulent, ils envoient ça à la Commission de la construction du Québec, et la CCQ est obligée d'enregistrer les heures. Et, lorsqu'un employeur paie dans notre régime 1 $, il en collecte 2 $. C'est de là qu'on se retrouve avec un déficit de 26 000 000 $ au 31 décembre, et que le déficit va aller en augmentant à 75 000 000 $, selon les actuaires, si, effectivement, il n'y a pas d'argent additionnel de mis là-dedans. Donc, je pense qu'il va falloir qu'on regarde ça très sérieusement.

Quant à nous, on pense que vous aviez, M. le ministre, fait des déclarations nous mentionnant très clairement que l'industrie de la construction s'en allait vers la qualité totale. Si vous aviez suivi les recommandations du rapport Picard-Sexton, probablement qu'on serait vers une qualité totale, mais, malheureusement, il y a beaucoup de recommandations qui n'ont pas été suivies et, au terme des négociations, c'est 0, c'est un échec lamentable. Je pense qu'une modification à la loi s'applique. Nous, on a des formules à suggérer au ministre du Travail; une, c'est une négociation par métier, spécialité, occupation de a à z, un peu comme cela s'applique partout sur le continent nord-américain. Ça, c'est une formule: Ou on pourrait trouver une formule de négociation par différents secteurs d'activité, qui peuvent être le résidentiel, l'institutionnel, l'industriel et le commercial, et l'autre secteur pourrait être le génie civil. Je pense qu'il y a des choses qui peuvent être faites ou qui doivent être faites au niveau du régime de relations de travail. Mais, pour l'instant, notre demande au ministre du Travail est de ne pas légiférer, et de laisser le décret dans un vide juridique. Et là, on va s'asseoir et là on va régler les problèmes de l'industrie de la construction, relativement, encore une fois, au renouvellement de notre convention collective. On ne pourra pas régler le problème d'impôt, et le problème de la CSST, et tous ces problèmes-là, c'est faux. Mais peut-être qu'on peut régler ce problème-là. Donc, je vais terminer là-dessus, et je suis prêt à répondre aux questions.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Pou-liot. Vos 20 minutes sont, en effet, maintenant écoulées.

Avant de passer la parole à M. le ministre, j'aimerais poser une question à M. le député de Drummond, à savoir si vous avez l'intention d'intervenir, car je dois répartir le temps entre les 2 groupes, et je... de...

M. St-Roch: Là, on verra, M. le Président, à mesure...

Le Président (M. Gobé): Bien, je voudrais le savoir maintenant...

M. St-Roch: ...que nos travaux se dérouleront.

Le Président (M. Gobé): Parce que ça va être 20 minutes, 20 minutes; sinon, ça va être 17 et 17.

M. St-Roch: Alors, si je n'interviens pas, M. le Président, à la fin, chacun des partis aura 2 minutes et demie.

Le Président (M. Gobé): Très bien, M. le député. Alors, M. le ministre, vous avez la parole pour 20 minutes.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Vous l'avez répété en dernier, mais j'ai pris, au commencement, que vous avez dit: La négociation, dans sa forme actuelle, c'est une faillite totale. Ce que vous préconisez, c'est de laisser s'exercer le rapport de force. Pouvez-vous nous expliquer de quelle façon s'exercerait le rapport de force, selon votre entendement, et quelle sorte d'impact ça aurait sur la relation de la négociation?

M. Pouliot: Bien, la relation, évidemment... L'article du décret, M. le Président, prévoit le maintien des conditions de travail à l'expiration du décret, à l'article 32.04, qui a été conclu entre les parties. Donc, l'impact serait: ceux qui travaillent sur les chantiers de construction et qui respectent le décret de la construction ou la convention collective qui continue à s'appliquer pourraient continuer à travailler sur les chantiers de construction. Il pourrait survenir, effectivement, des moyens de pression à gauche ou à droite, comme il en existe dans tout secteur d'activité. Par contre, là, ça, ça nous amènerait à dire qu'effectivement les parties vont être obligées de s'asseoir et là, à ce moment-là, on va commencer à négocier. Parce que, encore une fois, je pense, M. !e Président, qu'il n'y a pas eu de négociation: il y a eu des échanges, il y a eu des discussions, il y a eu des caucus, il y a eu des suspens, il y a eu en

masse de refus, et on n'avait même pas parlé du monétaire. Donc, l'impact serait, à mon avis, qu'on pourrait s'entendre sur la conclusion d'une convention collective.

M. Cherry: O.K. Vous venez de le dire, mais, dans la prolongation de 45 jours, il y a quand même eu 23 rencontres de métiers et occupations, vous avez eu 8 rencontres à la table centrale, vous avez eu 4 rencontres ex parte, et, évidemment, on s'est rencontrés, là, jusqu'à tôt samedi matin ou tard vendredi soir, entre nous. Mais, durant ces rencontres-là, les 23 rencontres de métiers, là, il s'est passé quoi, durant ces périodes-là?

M. Pouliot: II s'est passé, M. le ministre, qu'on a meublé le temps. C'est ça? Bon. Meubler le temps; c'est ça. Un moment donné, c'est un caucus à gauche, un caucus à droite; on est dans le corridor, on attend, et là, souvent, bien, l'AECQ nous revenait: Refus, refus! sur des affaires très insignifiantes dans le décret, qui n'ont pratiquement pas de conséquences. Vous l'avez, il y a 6 articles qui ont été paraphés. On ne s'entendait même pas sur la période des vacances de la construction. Les 2 dernières semaines complètes de juillet, habituellement, c'est les vacances de la construction; et, en hiver, c'est la même chose. Là, on ne savait pas si c'était le 19 décembre, ou bien donc le 23 ou le 24 décembre. On a passé du temps, là-dessus, inutilement.

Donc, si vous voulez savoir ce qu'on a fait, encore une fois, on a pas fait grand-chose. Il y a eu un boycottage systématique pour le renouvellement de la convention collective, et, à notre avis, tant et aussi longtemps que le ministre ne dira pas, là: Les petits gars, vous allez vous asseoir et régler vos problèmes, que toujours, avec en haut de la tête l'épée, il va nous dire: Si vous ne vous entendez pas, moi, je vais encore intervenir... N'allez pas nous prolonger le décret encore pour un autre 45 jours, c'est une perte de temps, à notre avis, inutile! (15 h 30)

M. Cherry: O.K. Vous avez entendu, ce matin — je sais que vous étiez présent lors des groupes qui vous ont précédé — la possibilité que se tiendrait, dans quelque temps, à l'automne, un sommet sur l'industrie de la construction, avec une contribution élargie, si vous voulez sortir des relations traditionnelles, uniquement l'AECQ, d'un côté, et les associations syndicales, de l'autre, mais vraiment, une contribution de tous ceux pour qui l'industrie, l'activité économique du secteur de la construction est extrêmement importante. J'aimerais connaître votre réaction à ça, dans un premier temps, et dans le sens... Est-ce que c'est quelque chpse à quoi vous souhaiteriez participer?

M. Pouliot: M. le Président, nous souhaitons participer certainement à cette commission qui fait suite, je pense, à l'excellent rapport Picard-Sexton: qu'il y ait un genre de sommet ou un forum élargi. Et, quant à nous, on voudrait avoir plus que l'association patronale et les associations syndicales. Je pense que le ministre de l'Industrie et du Commerce a peut-être quelque rôle à jouer là-dedans. Si on veut parler d'étalement des travaux, la planification des travaux dans l'industrie de la construction, il y a beaucoup de choses à faire là-dedans, et, quant à nous, on n'exclut pas, non plus, la participation du fédéral, parce qu'ils ont peut-être un mot à dire là-dedans, sur différents projets au Québec, tant qu'on va être dans le régime actuel.

Donc, quant à nous, on est effectivement d'accord qu'il y ait une table de concertation, un forum ou un séminaire — appelez ça comme vous voulez, ça veut dire la même chose — puis qu'on regarde très sérieusement les problèmes de l'industrie de la construction. Il est totalement inacceptable qu'on ait, à un moment donné, un rôle cyclique comme celui qu'on a, actuellement, dans l'industrie de la construction. Le règlement, le certificat de délivrance, n'a pas réglé le problème dans l'industrie de la construction. Mais, pour répondre à votre question, effectivement, on est d'accord avec ça et que les 2 corporations, aussi plombiers, électriciens, quand on parle des associations traditionnelles, participent à ce forum-là, sûrement. Même, on vous le demande.

M. Cherry: Ha, ha, ha! Merci. Une des choses, au début de la présente ronde de négociations, qui semblait, du moins, au niveau du langage, faire l'unanimité des intervenants actuels de la construction, que ce soit l'association patronale ou les associations syndicales, c'était le fléau du travail au noir. Est-ce que, durant les 3 mois de négociation, plus la prolongation de 45 jours, ce sont des sujets que vous avez abordés? Est-ce qu'il y a eu des solutions de mises de l'avant? Et est-ce que vous souhaiteriez nous entretenir... En tout cas, moi, ça m'intéresserait de savoir qu'est-ce que, vous autres, vous discutez. C'est votre industrie, c'est votre pain, puis votre beurre, c'est votre quotidien. Comment est-ce que, vous autres, vous voyez ça?

M. Pouliot: Écoutez, pour répondre à votre question, oui, effectivement, le travail au noir, il en a été question abondamment, et c'est là qu'est un des échecs concernant les négociations. L'AECQ croyait pouvoir régler tous les problèmes, entre autres, du travail au noir par le truchement de la négociation. On nous est arrivé avec un document des intentions de l'AECQ relativement à l'élimination ou pour essayer de freiner le travail au noir. Nous, on voit ça d'une certaine façon. Je pense que, si on veut freiner ou éliminer le travail au noir, la première chose que ça prend, ce sont des jobs. Il faut créer des emplois, au Québec. Il faut qu'il y ait des investissements, au Québec. Ça, c'est le facteur no 1. On ne peut peut-être pas régler ça, ici, en commission parlementaire, mais tant et aussi longtemps que les gros chantiers de construction, au Québec, ne débutent pas, ça a comme conséquence, évidemment, d'inciter le travail au noir. Ça, c'est 1.

Qu'on donne des pouvoirs aux représentants syndicaux, qu'ils aient le droit, comme l'ont mentionné

certains de mes confrères ce matin, de vérifier les cartes, pas juste la CCQ, qu'on ait un tribunal de la construction — c'est une vieille demande qu'ils formulent depuis de nombreuses années — sous la responsabilité du ministre du travail; qu'on ait toutes les clauses pénales qui, actuellement, relèvent du ministère de la Justice, qu'elles reviennent à la Commission de la construction du Québec, comme c'était avant l'adoption de la loi 119, la loi, en 1986, de M. Paradis, qui nous a enlevé les amendes et le pouvoir de loger des plaintes. Mais, par contre, les amendes s'en vont, effectivement, au Conseil du trésor. Ce qu'on redemande, c'est l'argent, et qu'on puisse poursuivre les travailleurs. Et aussi, un des reproches, je pense, c'est que le ministre devrait mettre en application ses projets de loi ou ses lois 185 et 186, qu'il y ait des ententes avec les municipalités pour freiner le travail au noir. Les permis de construction et tout ça, ça doit travailler ensemble. La Régie du bâtiment; vous savez, il n'y a pas eu grand rencontre, à venir jusqu'à date, avec la Régie du bâtiment, puis les parties, suite à l'adoption de la loi 186. Je pense que des mesures...

On pourrait sûrement donner suite, aussi, au rapport Poulin, qui a été adopté en 1991. Je pense que c'est un rapport de certains députés du Parti libéral, ça, qui disaient: Pour freiner, à un moment donné, arrêter un peu le travail au noir, donnez des crédits d'impôt, donnez des pouvoirs à la CCQ. Ça existe, ça, ces rapports-là et la partie qui peut nous intéresser, c'est en décembre 1991. Bon. Ça, ça en est, des formules.

Mais il est évident, M. le ministre, qu'on ne peut pas, par le truchement d'une négociation, régler tous ces problèmes-là. Mais, lorsqu'on a parlé de clauses de préavis, c'est-à-dire de mises à pied permanentes, de mises à pied temporaires, c'est quoi, une mise à pied? L'AECQ était insultée qu'on demande ça, qu'on demande une sécurité d'emploi. Vous savez, le rapport de la commission Cliche, en 1974-1975, parlait d'une sécurité d'emploi et de revenu dans l'industrie de la construction. Ça, on ne peut pas parler de ça en 1993. On peut parler de couper les salaires, de ne pas respecter le représentant en prévention. Ça, ce n'est pas important.

Les travailleurs se font tuer à toutes les semaines sur les chantiers de construction. Ce n'est pas grave! Un policier se fait tuer; ça, c'est grave! Ça, ça fait les premières pages des journaux. Mais le travailleur de la construction, lui, il passe dans les derniers. Ça, quant à nous, c'est inacceptable. Si vous me posez la question: Oui, il y a eu des discussions, mais, quant à nous, ça sort de notre compétence. On veut essayer de régler, encore une fois, la convention collective pour les travailleurs de l'industrie de la construction. C'est notre intention.

Il peut y avoir d'autres rencontres. Il y a un comité de travail qui existe avec l'AECQ, la FTQ, la CSN, le conseil provincial. Mais, les premières discussions: II faut couper les salaires. Ce n'est pas en coupant les salaires qu'on va créer des emplois; pas à notre avis. On peut faire des formules d'accommodement, que ce soit sur la polyvalence, sur le ratio, sur les clauses non productives; il y a des choses qu'on était prêts à regarder. Mais, tout de suite, on nous dit: Non, il faut couper moins 20 % — ça, c'est l'AECQ — et l'APCHQ, c'est moins 50 %. Là, on a un problème.

M. Cherry: O. K. Sur un autre sujet — vous y avez passé rapidement—j'aimerais vous entendre de façon un peu plus explicite sur les avantages sociaux et la situation du fonds. Vous avez parlé de la nécessité d'un montant qui serait ajouté. Il en a été question ce matin avec les intervenants qui vous ont précédé. J'aimerais vous entendre à ce sujet-là. C'est quoi, les montants? C'est quoi, le type de couverture? Qu'est-ce que vous souhaitez protéger?

M. Pouliot: Écoutez, si on parle du régime d'assurance, vous avez, en annexe de notre mémoire, le rapport des actuaires de la Commission de la construction du Québec. Donc, ce qu'on nous dit, c'est effectivement 0, 178 $ pour la première année, qu'il faudrait mettre là-dedans. Mais tout dépend si on parle d'une convention collective de 1 an, 2 ans ou 3 ans. Parce que, au rythme où ça va, là, le déficit estimé est de 75 000 000 $. Vous avez ça dans l'annexe, le rapport MLH + A.

Donc, on parle, un peu plus loin, qu'il faut avoir 0, 178 $; je ne sais pas si les membres de la commission me suivent, " là. Ça, c'est simplement pour combler le déficit au niveau de l'assurance-santé, salaire et maladie, au niveau du régime de la carte MEDIC. Donc, nous, on dit que, sur une base de 3 ans, parce qu'il faut aussi relier ça à la loi 116, qui nous impose, à un moment donné, qu'il faut rajouter des cents de l'heure, si jamais le ministre... On parle de 0, 28 $ de l'heure, sur une base d'un certain nombre d'années. Mais, si, effectivement, on nous parle de 1 an, il faut mettre au moins, un minimum, 0, 20 $ de l'heure pour le déficit, pour l'assurance, juste pour maintenir ce qui en est, et 0, 09 $ de l'heure pour couvrir simplement les articles de la loi 116. Je ne vous parlerai pas, effectivement, de la loi 146 qui a eu des implications au niveau administratif de notre régime, la loi sur le patrimoine familial, là.

Vous avez aussi, en annexe, la lettre de M. Lemire, adressée au conseil provincial, le 18 mai 1993. On vous dit qu'effectivement il y a 5000 employeurs qui participent aux régimes. Donc, il y a un problème, mais les actuaires, de la Commission de la construction du Québec pensentde signer la solvabilité du régime. Ça prend là-dessus. Il y a, à certains points, des contrôles qu'on va exercer; le conseil d'administration de la CCQ des membres du comité mixte vont essayer d'exercer certains contrôles au niveau de la participation volontaire. Mais, ce que vous mentionnait aussi le représentant de la CSN ce matin, le budget de M. Le-vesque a eu comme conséquence d'imposer une taxe additionnelle aux travailleurs sur les 0, 40 $ de l'heure qui sont payés entièrement par les patrons. Il y a 0, 70 $

de l'heure pour le régime d'assurance, mais il y a 0,40 $ qui vont être imposables, environ, selon la CCQ. Donc, c'est une double taxation. Donc, pour le déficit, c'est les chiffres qu'entrevoit la Commission de la construction du Québec. (15 h 40)

M. Cherry: O.K. Vos 0,17 $ de l'heure additionnels, en totalité, on parle de quoi? 14 000 000 $, 15 000 000 $? De quoi vous parlez de plus?

M. Pouliot: Non, non. C'est 0,178 $ de l'heure, ça, c'est basé sur 67 000 000 d'heures. La Commission de la construction, les actuaires prennent leurs chiffres des prévisions d'heures. Et 0,178 $ ne comble pas le déficit accumulé, actuellement, de 32 000 000 $, parce que, au 31 décembre, il y avait un déficit de quelque 26 600 000$...

M. Cherry: Oui.

M. Pouliot: ...26 601000$. Mais, aujourd'hui, c'est plus gros que ça, parce qu'à tous les mois le déficit s'élargit et l'argent n'entre pas pour les raisons, bon... Il y a tout le désengagement de l'État. Lorsque l'État décide de ne plus payer les lunettes ou les soins dentaires, bien, automatiquement, on pellette ça dans la cour de la Commission de la construction du Québec. Et beaucoup de choses semblables sont survenues: certains médicaments, qui étaient payés avant, ne le sont plus, les soins dentaires, l'hôpital à l'extérieur du Québec. Et ça a eu comme conséquence, encore, de siphonner le régime d'assurance des travailleurs de la construction.

M. Cherry: O.K. Je pense que ce montant...

Le Président (M. Gobé): II vous reste 4 minutes, M. le ministre.

M. Cherry: Quatre minutes? O.K., ça va. Donc, dans votre présentation initiale, vous avez fait référence à 5000 employeurs qui sont membres de la CCQ. Vous avez dit: C'est eux qui contrôlent. Ils rapportent les heures qu'ils veulent et, après ça, si je vous cite bien, vous avez dit: Ils perçoivent 2 $ pour chacun qui contribue. Est-ce que je vous cite bien?

M. Pouliot: Oui, oui, vous me citez très bien.

M. Cherry: O.K. Et là vous avez dit: La CCQ est obligée de les prendre. Comme j'ai eu des informations qui disaient que, par règlement, la CCQ pourrait ne pas être obligée de les prendre, puis, vu que, vous, vous siégez là, j'aimerais ça que vous m'expliquiez pourquoi vous avez utilisé le mot «obligation». On m'a informé que, possiblement, ça pourrait être autrement.

M. Pouliot: Oui, mais, M. le ministre, ça fait 3 commissions parlementaires qu'on me dit «possiblement».

Donc, à savoir si c'est la CCQ, bien, il y a une chose qui est sûre, c'est que c'est le ministre du Travail qui doit publier toutes les modifications au règlement 14. Ça, c'est de la compétence du ministre. À cette heure, est-ce que c'est le ministre du Travail? Il y a un comité qui travaille, actuellement, à la CCQ, le comité des avantages sociaux, il y a le comité mixte dont font partie le confrère Cyr et le confrère Mongepn, chez nous, qui regarde ça, pour essayer de fermer un peu les robinets pour ne pas que tout le monde puisse «bypasser» le régime. Mais ça, ça ne sera pas suffisant. Reste à savoir lorsque le travailleur a un droit acquis — il a déjà contribué — et décide de devenir un employeur, il peut continuer à participer au régime sur une base volontaire. Et c'est là qu'est le problème. C'est lui qui a le crayon et c'est lui qui marque le nombre d'heures qu'il veut. Et je fais référence, simplement, à la lettre de M. Lemire, encore une fois, qui est dans l'annexe, juste après les avantages sociaux, la lettre du 18 mai 1993, qui nous dit, à la deuxième page: Les employeurs participants. Et ça ne sera pas suffisant pour, effectivement, freiner, en tout cas, couvrir le déficit de l'assurance.

M. Cherry: Ça ne sera pas suffisant.

M. Pouliot: Ça ne sera pas suffisant, non. Ça va exercer certains contrôles, mais... Je ne dis pas qu'il n'y en a pas. Il y en a déjà eu, mais il y a tellement, vous savez... Vous fermez une porte et il y en a 2 autres qui s'ouvrent. Donc, c'est un peu ça, le régime, à la CCQ, qui existe actuellement.

M. Cherry: O.K. Mais je reviens à ma question et je termine avec ça, M. le Président: Est-ce que, effectivement, la CCQ peut, d'autorité, décider de ne pas les inclure? Ou est-ce que, d'après vous, elle en a l'obligation, vu qu'ils ont déjà été travailleurs et qu'ils deviennent, maintenant, employeurs? Vu que vous siégez là, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, là.

M. Pouliot: La CCQ, à mon avis, peut, par voie de règlement, arrêter ça avec l'autorisation du ministre du Travail. Modifier le règlement, ça doit se faire, comme je vous l'ai expliqué, par le truchement du comité mixte et du conseil d'administration de la Commission qui dépose une requête au ministre du Travail qui, lui, par la suite, décide s'il y donne suite, oui ou non. Et je pense que ça pourrait se faire et ça pourrait régler une partie du travail. D'ailleurs, c'est pour ça que ça fait 5 à 6 mois qu'on travaille là-dessus, pour essayer de fermer les robinets à ceux qui peuvent contribuer sur une base volontaire et, en termes clairs, exploiter le système d'assurance des travailleurs de l'industrie de la construction.

M. Cherry: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre.

Merci, M. Pouliot. Maintenant, M. le député de Jonquière, vous avez la parole pour une période de 20 minutes.

M. Dufour: Merci, M. le Président. Vous nous dites, par un communiqué de presse: «Une seule solution: le vide juridique.» En supposant que le ministre ne bouge pas, bon, il y a un vide juridique, qu'est-ce qui arrive?

M. Pouliot: Bien, si le ministre ne bouge pas, M. le Président, il y a un vide juridique. Je l'ai expliqué, je pense, assez clairement. On va s'asseoir, les parties, et on va continuer ou on va débuter les négociations. Je ne devrais pas dire «continuer». Là, on va débuter les négociations pour le vrai et là on a des fortes chances de s'entendre^ Et l'AECQ ne pourra plus jouer à la cachette, dire: Écoutez, on va avoir encore le ministre. Le ministre, il a retiré ça, ce n'est plus dans ses mains. C'est dans les mains des parties. Le conseil provincial international et la FTQ construction vont être obligés de s'asseoir, puis de négocier comme on l'a toujours fait, et aussi l'AECQ. Elle ne pourra plus se cacher en arrière de l'écran du ministre, puis dire: Ton article 51, sers-toi-en encore pour un autre 30 jours, pour un autre 45 jours. On vous l'a dit, le 30 avril, ça ne donne rien, une prolongation. Laissez le vide juridique, laissez les parties... Ou bien donc dites-nous très clairement: Les travailleurs de la construction, oubliez ça, votre droit à la négociation. Votre droit à la grève, vous n'avez plus le droit à ça. Le droit de lock-out, vous n'avez plus le droit à ça. Ce qu'on a dit au mois de février, on le répète au mois de juin: on n'a pas changé de langage. Par contre, l'AECQ est en train de dire: M. le ministre — par des pétitions — imposez-nous un décret, rationalisez le décret, coupez les salaires, M. le ministre. On n'a jamais dit ça, nous autres! On demande au ministre de se mêler de ses affaires, en termes clairs!

Le Président (M. Gobé): Alors, je rappellerai aux membres qui assistent de bien vouloir garder le calme et le contrôle, car il y a des gens qui ont la parole, actuellement et, pour parler, il faut avoir le droit de s'adresser aux parlementaires, venant de la présidence. Donc, je souhaite que ça continue dans une bonne ambiance comme celle-ci, mais dans le respect des paroles autorisées.

M. Dufour: Ce matin, on a reçu 2 groupes de vos collègues, qui ne sont pas de la même allégeance, mais qui font partie des négociations. Sinon, au moins, si ce n'est pas des négociations, ils sont obligés de vivre avec ce qui est négocié sur la table. Ils ont semblé nous dire, eux, qu'ils avaient besoin... Ils avaient plutôt l'air de nous dire: On a besoin d'un décret pour continuer plutôt que de dire: On n'en a pas besoin. C'est quoi, votre perception par rapport à ça? Parce que vous avez entendu, ce matin, les 2 groupes qui sont venus nous parler, la CSD, puis la Confédération, la CSN. Ils sont venus nous dire, eux autres, qu'ils croyaient que la seule façon, c'était d'abord par un décret, une prolongation de décret.

M. Pouliot: Oui. Effectivement, c'est ce qu'ont demandé la CSN, puis la CSD, et, si c'est la formule la pire qui peut être envisagée, nous aussi, on dit au ministre: Prolongez le décret de 1 an, à condition de changer le régime de relations de travail dans l'industrie de la construction, qui est malade. Le régime, au Québec, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, il est drôlement malade. Et, chaque fois qu'on revient en commission parlementaire, c'est toujours dans la même salle; les ministres, les personnages changent, mais on vous explique toujours le même «record». Donc, il faut changer le régime.

Si le ministre prend un engagement de modifier le régime de relations de travail dans l'industrie de la construction, de mettre un peu d'argent pour les avantages sociaux pour combler le déficit qui existe actuellement, prend l'engagement de retirer l'article 51 de la loi, encore une fois, le beau cadeau que nous a donné M. Jean Cournoyer le 24 décembre 1974... C'était une belle boucle, puis un beau cadeau: il nous donnait 0,85 $ de l'heure, mais il nous enlevait notre droit à la négociation. Donc, si le ministre peut prendre des engagements là-dessus, on n'a aucun problème de vivre 1 an avec des commissions de travail et d'essayer de modifier la loi. Mais, en s'assurant que la loi va être modifiée pour que la loi soit vivable, que les représentants syndicaux, dans l'industrie de la construction, soient d'autre chose que des percepteurs de cotisations, qu'on puisse faire respecter notre convention collective, il m'apparaît que ce n'est pas une chose qui est exagérée.

Vous savez, lorsqu'on compare notre convention collective aux conventions collectives des gens de différents organismes, comme la ville de Montréal, si on veut, ou Imperial Tobacco, ils ont des conditions drôlement supérieures à nous autres: les vêtements sont fournis, les clauses d'ancienneté, les clauses de sécurité d'emploi. Dans l'industrie de la construction, on a 0. Et, pourtant, encore une fois, c'est une des recommandations du rapport Picard-Sexton et du rapport de la commission Cliche. Mais ceux-là, ce n'était pas important. C'était plus important de mettre des locaux en tutelle, c'était plus important de créer l'AECQ. Ils ne se sont même pas entendus entre eux autres pour la création de l'AECQ; c'est le gouvernement du Québec qui a été obligé de les unir par la loi 192. Ça, c'était important. Mais la sécurité d'emploi pour les travailleurs de la construction, même s'il s'en tuait 75 par année, 50, pouah! ça change quoi? On est encore dans ce régime-là, n'oubliez pas ça. Ça fait 20 et quelques années et on vit encore de même.

Alors, quant à nous, si le ministre veut prolonger le décret et régler le problème des avantages sociaux, avec des arguments, à un moment donné, des engagements, on est d'accord là-dessus, il n'y a aucun problème. On a même suggéré ça au ministre du Travail: II

faut changer la structure de négociation. Mais, ce qu'on préfère, le conseil provincial, c'est un vide juridique et on pense, encore une fois, qu'on peut s'entendre lorsque, à un moment donné, on va débuter pour vrai les négociations avec la coalition et l'AECQ. (15 h 50)

M. Dufour: Mais, pour vous qui avez une expérience assez grande de négociation ou de visites parlementaires, comme vous dites — vous allez peut-être avoir le droit de nommer un sénateur un jour; on ne sait jamais — qu'est-ce qui vous dit qu'aujourd'hui...

M. Pouliot: Ou un député. Ha, ha, ha!

M. Dufour: ...un engagement, quel qu'il soit, serait plus valable à vos yeux que tout ce qui s'est passé dans les dernières années? Il ne faut toujours pas se cacher; moi, je ne ferai pas l'autruche. Vous avez dit: Les gens changent. C'est vrai, j'étais ici la dernière fois, au mois d'avril, mais, avant ça, ce n'était pas moi, et il y en a beaucoup ici qui n'étaient pas là. Les acteurs changent, mais c'est toujours à peu près les mêmes décisions. Donc, ceci veut dire qu'il y a quelque chose de faux à quelque part. Ce n'est pas possible qu'on soit toujours dans la même roue et qu'on avance quand on fait du surplace ou qu'on va à reculons; on n'avance pas.

Donc, par rapport à ça, qu'est-ce qui me garantit ou qu'est-ce qui peut vous garantir, vous laisser croire, comme les 2 intervenants de ce matin qui l'ont sorti d'un chapeau disant: On va faire un sommet... Tout le monde est de bonne humeur. Mais qu'est-ce qui vous garantit ça? La parole du ministre? Est-ce que ça engage vraiment le gouvernement? Parce que le rapport Picard-Sexton, ça a été nommé par le gouvernement. Il n'est pas en application. Le comité spécial, bon, il est sur table ça ne fait pas longtemps, il n'est pas en force. À ce que je sache, il y a beaucoup de commissions parlementaires, à moins qu'on fasse juste une parodie. Moi, j'ai dit qu'on actait, que c'était répétitif. Juste acter pour le plaisir de le faire, je n'aime pas ça, faire de la répétition. J'aime mieux des répétitions générales, les vraies, mais juste des petites répétitions, ça ne marche pas.

Qu'est-ce qui vous garantit, vous, comme groupe, que ce qu'on dit aujourd'hui, ça pourrait être beaucoup plus valable et ce serait correct, ça répondrait à vos besoins?

M. Pouliot: II n'y a absolument rien qui me prouve que ça va être ça qui va être mis en application. Vous savez, je peux parler du rapport Cliche, on peut parler du rapport Sexton-L'Heureux-Frenette, on peut parler de la table de travail qu'avait mise sur pied l'ex-ministre du Travail, on peut parler du rapport Scowen, on peut parler du rapport Poulin, on peut parler du rapport Picard-Sexton, on peut parler du rapport des 7 députés, il y a plein de rapports qui sont là, qui sont déjà sur la table, il y a beaucoup de choses qui ont été faites. Moi, je n'ai pas d'engagement du ministre du

Travail qui m'a dit qu'effectivement il était pour donner suite à la requête du conseil provincial, si c'est la volonté du gouvernement. Et, dans le gouvernement, il n'y a peut-être pas juste le parti actuellement en poste, qui est au pouvoir; il y a aussi le parti de l'Opposition, il y a peut-être aussi un autre parti.

Donc, s'il y a une volonté de la part du gouvernement qu'il y ait un engagement de modifier le régime de relations de travail, de négociation dans la construction, bien, nous, écoutez, il peut nous arriver le même truc qui est arrivé en 1990. Si c'est ça votre question, oui, on peut se faire encore avoir. Mais, je pense que c'est nuisible à l'industrie de la construction et, encore une fois, on a une industrie qui est malade; donc, il faut essayer de la soigner. Moi, je ne suis pas un médecin général. Je connais un peu l'industrie de la construction et je pense qu'il faut être aveugle ou naïf pour dire que le régime de relations de travail dans la construction... Ça ne fonctionne pas! Ça fonctionne très mal, c'est échec par-dessus échec. Donc, il faut changer ça, essayer de guérir le malade. Je n'ai pas plus de promesses que ça.

M. Dufour: Dans un sommet, tel que proposé, est-ce que vous croyez que tout peut être remis en question?

M. Pouliot: Oui. Quant à moi, tout peut être remis en question, sûrement. Et, si on parle de déréglementation, quant à nous, si on veut déréglementer, on peut tout déréglementer et on va revenir sur le Code du travail avec une formule d'accréditation. Ça, on est ouverts à ça. Si vous voulez parler de déréglementation, on va en parler, mais ce n'est pas le fait d'avoir déréglementé l'industrie de la construction, avec la loi 31, qui a éliminé le travail au noir; c'est ça qui a amplifié le travail au noir. Les 2 corporations et l'APCHQ continuent de charger les mêmes taux de salaire aux consommateurs, même si ces taux de salaire là ne s'appliquent pas dans l'industrie de la construction. Logez des appels, appelez les corporations des électriciens et des plombiers, demandez leur — vous avez une «switch» à faire réparer ou une toilette — comment est-ce qu'il faut charger, elles vont vous dire: 50 $, 55 $ de l'heure. Pourtant, ce n'est pas assujetti au décret. Donc, le fait d'avoir déréglementé, à notre avis, a comme conséquence d'augmenter le travail au noir; pas le freiner, l'inverse.

M. Dufour: En supposant que le décret soit prolongé, est-ce que vous êtes d'avis que certains acquis doivent être protégés spécifiquement et améliorés? Par exemple, ce matin, on a eu le mémoire qui parlait de régime supplémentaire de retraite, de certains irritants qui sont causés par le dépôt du budget du gouvernement actuel, parce que, là, on va sur une vision un peu plus large. Comment vous voyez ça, vous autres?

M. Pouliot: Bien, écoutez, ce qu'on a demandé

pour l'instant, je pense qu'il faut... Il est évident, si on... On ne peut pas négocier, je pense, avec le ministre du Travail, la question de 1 an. Il est impossible avec l'AECQ de s'entendre. D'ailleurs, le ministre l'a bien mentionné, vendredi, on s'est quittés sur les petites heures, samedi matin. Donc, il n'y a pas eu d'entente possible; donc, il pourrait y avoir une prolongation de 1 an. Ce n'est pas ce qu'on lui recommande, mais, au pis-aller, c'est la formule mitoyenne, et de mettre un peu d'argent, relativement aux avantages sociaux. Il y a un problème sérieux sur le régime des avantages sociaux. Si on veut embarquer, donner des pouvoirs aux représentants syndicaux sur les définitions de préavis de mises à pied temporaires, permanentes ou ces choses-là, bien, là, on va embarquer encore une fois dans une autre négociation qui va se terminer nulle part. Donc, quant à nous, on pense que le régime de négociation doit être changé dans l'industrie de la construction et que, si le ministre intervient — ce qui n'est pas, encore une fois, notre volonté — à ce moment-là, il devrait tenir compte du besoin du régime d'assurance-santé, salaire, maladie des travailleurs de la construction, et de la loi qu'a adoptée le gouvernement, la loi 116.

M. Dufour: À ce moment-ci, vous parlez du vide juridique — on en a parlé amplement — vous nous dites: Oui, au pis-aller, on pourrait peut-être accepter 1 an, mais il faut qu'il se produise quelque chose. Et, le quelque chose c'est que, moi, je vois, par exemple, une situation qui est déplorée par tous les intervenants: le travail au noir. Est-ce que vous croyez qu'il y a moyen, dans le régime actuel, avec les lois qui vous régissent, est-ce que c'est possible de contrer le travail au noir?

M. Pouliot: Oui, il est possible de contrer, dans un fort pourcentage, le travail au noir dans l'industrie de la construction. Un, le rapport Poulin donnez-y suite! Ça, c'est votre rapport du gouvernement. Deuxièmement, donnez des pouvoirs, à un moment donné, aux représentants syndicaux, des pouvoirs à la Commission de la construction du Québec. Et, ce qui est encore en haut de tout ça, c'est que le ministre de l'Industrie et du Commerce est ici: qu'il crée des jobs, qu'il amène du travail sur les chantiers de construction.

Vous savez, c'est bien plus avantageux, encore aujourd'hui, de travailler au blanc que de travailler au noir, même si les impôts sont élevés, et on sait tout ça. Il devrait y avoir une campagne de sensibilisation, qu'on a débutée avec les centrales syndicales, et l'AECQ a commencé à dire: Écoute, si tu n'es pas au courant, quand tu travailles au noir, tu n'as rien dans ton Régime de rentes, tu n'as rien qui va, aussi, sur ta paie de vacances, dans ton régime d'assurance. En tout cas, il y a beaucoup de choses où il faudrait donner les informations sur les avantages du travail au blanc, mais on entend juste parler du travail au noir. Et je pense qu'il y a des choses... Comme je l'ai mentionné au ministre du Travail, sur la loi 186, qu'il ait des relations avec la

Régie du bâtiment, la Commission de la construction du Québec. Et le ministère de la Justice, qu'il redonne à la CCQ le pouvoir de poursuite. Je pense qu'il y a beaucoup de choses à faire, mais je ne suis pas... Je n'irai pas vous dire que ça va éliminer le travail au noir à 100 %, mais je peux vous dire qu'on peut faire un grand bout, qu'on peut en éliminer beaucoup de travail au noir dans la construction. (16 heures)

M. Dufour: Actuellement, on voit des petits feux, quelques petits feux. Ça ne veut pas dire qu'il y a une situation terrible, là, au Québec, qui se produit. Selon votre expérience, avec la prolongation du décret actuel, avec quelques accommodements, par exemple, concernant les irritants qu'on voit, concernant le dépôt du budget Levesque, le dernier budget, est-ce que vous croyez qu'on pourrait arriver à une paix sociale, là, relative, pour la prochaine année? En supposant, bien sûr, que le ministre s'engage à faire un sommet, qu'il s'engage à donner suite à des recommandations, etc., est-ce que vous croyez qu'on pourrait avoir une certaine paix sociale, d'ici à ce temps-là?

M. Pouliot: Bien, écoutez, je pense... Si vous me parlez des petits feux, là, je ne sais pas exactement de quoi vous me parlez, de quels petits feux vous me parlez, mais, de toute évidence, je pense que si...

M. Dufour: Eh là, M. Pouliot, moi, je ne veux pas vous le cacher. À un moment donné, il se fait des... Il y a des gens qui vont sur les chantiers de construction, ils vont voir si les gens ont leur carte de compétence. Chez nous, il y a eu un camion qui a viré à l'envers. C'est un accident. Il a probablement viré tout seul, mais il a viré.

M. Pouliot: Non.

M. Dufour: On entend parler, à quelque part, qu'il y a eu un petit quelque chose sur un chantier. Moi, je ne veux pas dramatiser, là.

M. Pouliot: Non, non.

M. Dufour: Je suis un travailleur moi-même. Je connais ça un peu, là. Je ne suis pas un travailleur de la construction, mais je suis un travailleur. Ça arrive, de temps en temps. Et ça, c'est... Je ne veux pas... Je n'exagère pas. Je dis: Si, demain matin... Parce que, avant les 45 jours, ça ne s'est pas produit, ces cas-là; dans les 45 jours du décret, là, depuis qu'elle est imposée, la prolongation, il s'est produit des petites affaires. Je vous dis: Selon votre compréhension, votre connaissance — ce n'est pas plus grave que ça, c'est une opinion que je vous demande; vous n'êtes pas obligé de me la donner — est-ce que vous croyez que prolonger de 1 an, ça permettrait de continuer à pouvoir «operationaliser», là, ce qui se passe sur les chantiers, un peu partout?

M. Cyr (Gérard): Oui, je pense qu'on peut, quand même, confirmer, ici, qu'il peut y avoir une paix sociale dans l'industrie avec une prolongation, tout en tenant compte des demandes qu'on a proposées au ministre du Travail avec un forum pour venir à bout d'étudier les modalités des prochaines structures de négociation. Mais, quand il y a des petits feux, qu'on parle de petits feux, là, il faut quand même regarder que la coupe Stanley a été gagnée et 10 000 000 $... Et ils ont gagné. Et, nous autres, on est en train de tout perdre. Il ne faut pas, quand même, nous demander toujours de maintenir la paix et fouiller dans les poches des travailleurs, et qu'il ne se passe jamais rien. On dit: Oui, éventuellement, il peut y avoir une possibilité qu'on ait une paix sociale, en autant qu'on ait des garanties pour modifier les structures de négociation dans l'industrie de la construction. Je pense que oui.

M. Pouliot: Ce qu'on peut faire, on peut prendre l'engagement que, si le ministre donne suite à notre deuxième recommandation, on va recommander à nos membres, à nos 45 000 membres, de respecter le décret de la construction et de s'assurer, finalement, qu'il y ait une paix sociale. Mais on n'a pas le contrôle absolu sur nos 45 000 membres. Mais, nous, on va prendre l'engagement de parler à nos membres. Moi, je parle pour le conseil provincial, je ne peux pas parler pour les autres.

M. Dufour: Moi, je vois que le ministre est bien content, là. L'idée du sommet, probablement, lui sourit bien fort, là. Mais, pour une garantie de succès de ce sommet-là, comment vous verriez l'encadrement de ça? Là, le ministre dit: On pourrait faire un sommet. On va mettre du monde ensemble et, bon, on va essayer de trouver quelque chose, là, pour les négociations, et telle chose pour les avantages sociaux, bon. «C'est-y» bon de déréglementer? On «devrait-y» avoir 2 sortes de décrets: un pour le résidentiel, un autre pour... C'est un peu ça. Mais, vous autres, est-ce que vous voyez juste le ministère, le ministre s'engager dans un sommet, dans la tenue d'un sommet? Est-ce que vous êtes partie prenante avec d'autres partenaires de votre groupe?

M. Pouliot: Nous, ce qu'on voit, c'est un engagement du ministre de modifier le régime de négociation dans l'industrie de la construction. Ça peut être différent de ce que vous pensez.

M. Dufour: On ne le sait pas.

M. Pouliot: Nous, on dit que, le régime de négociation, il est malade et il faut soigner le malade. Ça, ce n'est pas nécessairement la politique du gouvernement, là, l'étalement des travaux, et, encore, je reviens sur différents rapports, Picard-Sexton, etc. Donc, quant à nous, c'est le régime. Il y a des choses à participer à un sommet économique. Il y en a eu beaucoup, des som- mets économiques. Corvée-habitation, entre autres, ça découle, ça, du sommet économique. Ça nous a coûté 27 000 000 $ de notre argent, ça, aux travailleurs de la construction, pour une relance dans l'industrie de la construction en 1982. Donc, il y a beaucoup de choses, là-dedans.

Mais, moi, c'est un engagement du ministre qu'il va modifier le régime de relations de travail dans l'industrie de la construction. Il reste à savoir c'est quoi, la construction résidentielle. Est-ce que c'est un condominium? Est-ce.que c'est un triplex, un duplex, un semi-détaché? Il y a beaucoup de questions qui peuvent amener là. Mais, que le ministre du Travail dise: Moi, là, indépendamment du sommet... Là, on va participer au sommet. Mais ce qu'on veut du ministre, c'est un engagement qu'il va modifier le régime de négociation. Ça, c'est notre condition, notre prémisse.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Pouliot. Merci. Ceci met donc fin à cette audience. Vous pouvez vous retirer, M. Pouliot, ainsi que les gens qui vous accompagnent. Et je demanderais aux intervenants suivants, soit les représentants de la FTQ-construction, de bien vouloir venir.

Mesdames et messieurs, si vous voulez bien prendre place. La commission de l'économie et du travail va maintenant reprendre ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de la FTQ-construction, qui vont témoigner devant nous pour une période de 1 heure. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour vous adresser aux membres de la commission et, par la suite, chacun des côtés aura, lui aussi, 20 minutes afin de discuter, dialoguer ou échanger avec vous.

Avant de commencer, j'aimerais demander à votre porte-parole de bien vouloir se présenter, et de présenter aussi les gens qui l'accompagnent.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ-construction)

M. Lavallée (Jean): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de cette commission, ça me fait plaisir de vous présenter les personnes qui m'accompagnent à la FTQ-construction, soit, à mon extrême gauche, Roger Poirier, du local des briqueteurs, local 100; Jean-Marc Thouin, des opérateurs de machinerie lourde, local 791; à mon extrême droite, Ludger Synnett, du local AMI, des manoeuvres; Gérard Bédard, directeur général adjoint de la FTQ-construction; et Yves Paré, directeur général de la FTQ-construction.

Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour, messieurs. Avant de vous donner la parole, je demanderais au Secrétariat de bien vouloir faire distribuer votre mémoire, qui vient de nous parvenir, et qu'il soit numéroté comme pièce déposée à cette commission. Alors, sans plus attendre, vous pouvez donc, maintenant, commencer votre exposé, les membres de la

commission étant en train de prendre connaissance de votre mémoire.

M. Lavallée: Nous voilà, encore une fois, devant cette vénérable commission parlementaire afin de donner au ministre les raisons motivant l'impossibilité de parvenir à une entente relativement aux modifications à apporter au décret. (16 h 10)

Nous ne savons plus quoi dire au ministre. Nous avons l'impression d'avoir tout dit. Nous avons l'impression d'avoir tout dit. Nous avons l'impression de répéter année après année les mêmes rengaines concernant la structure de négociation. Nous avons l'impression d'être entendus, mais non écoutés. Nous avons l'impression de jouer un jeu politique pour donner l'impression de justice et de démocratie.

Comment faire, M. le ministre, pour convaincre cette auguste assemblée du bien-fondé de nos démarches afin de trouver des solutions raisonnables pour régler les problèmes de l'industrie de la construction? Comment peut-on espérer être écoutés par l'ensemble des membres présents à cette commission parlementaire alors qu'avant même d'entendre les parties les décisions sont déjà prises?

Nous avons à maintes et maintes reprises étalé de long en large tous les problèmes du processus de négociation dans l'industrie de la construction. À tour de rôle, les gouvernements se sont donné comme mission de régler les problèmes de relations de travail à coups de décrets et d'impositions de conditions de travail contre la volonté des parties, ou du moins contre la volonté de la partie syndicale.

Nous faisons face à une association patronale unique créée par une loi spéciale pour garantir la puissance des entrepreneurs. Or, cette association patronale a réussi à faire l'unanimité contre ses positions tant du côté syndical que de la part des autres associations d'entrepreneurs dites traditionnelles. Plus personne ne veut faire confiance à cette association d'entrepreneurs qui, de toute manière, n'a aucun respect pour les structures existantes tant patronales que syndicales. L'AECQ, c'est la suprématie. L'AECQ, c'est le symbole de l'affrontement. L'AECQ, c'est l'arrogance crasse d'individus qui se croient supérieurs. À plusieurs reprises au cours de commissions parlementaires, nous avons demandé au gouvernement le démantèlement de l'AECQ et le retour d'une structure de négociation avec les associations patronales dites traditionnelles.

La preuve est maintenant faite: il ne peut y avoir de conclusion d'une convention collective dans le système actuel de relations de travail dans l'industrie de la construction. Nous ne savons plus combien de commissions d'enquête il faudra encore pour convaincre le gouvernement qu'il est temps de mettre en place un système de négociation. Il y a eu par le passé bon nombre de comités d'étude, commissions d'enquête, etc., sur le régime de négociation, qui ont tous abouti sur les tablet- tes. Dans presque la totalité des recommandations de ces comités, les personnes tant patronales, sauf l'AECQ, que les représentants syndicaux recommandaient une structure qui permettrait aux associations patronales traditionnelles d'être présentes aux tables de négociation et d'avoir le droit de discuter des conditions de travail qui les régissent. L'AECQ n'a jamais accepté ce processus de négociation, gardant jalousement son monopole que la loi lui donnait. L'Association des entrepreneurs en construction du Québec n'a pas une attitude arrogante uniquement envers les associations syndicales représentant les travailleurs, mais aussi envers quelques associations patronales dans l'industrie de la construction.

Nous savons aussi qu'il est impossible de conclure une convention collective avec l'AECQ puisque cette Association devra aller devant ses membres pour faire accepter une telle entente. Or, connaissant la compétition entre certaines associations patronales, il est fort probable que l'entente serait refusée. Donc, il est plus facile pour l'AECQ de se faire imposer les conditions de travail par le gouvernement que d'affronter, comme en 1982, la gang de l'APCHQ d'Orner Rousseau. C'est pourquoi, depuis cette date, il n'y a jamais eu de convention collective négociée. Il y a eu 2 prolongations de 1 année et 3 impositions du gouvernement, soit 1 imposition de 2 ans en 1984 et des impositions de 3 ans en 1986 et 1990.

M. Paré (Yves): Alors, il est bien clair dans notre esprit que l'AECQ va dire à la commission parlementaire que les associations syndicales ne veulent pas négocier, ne veulent pas accepter de réduire leurs conditions de travail, etc., etc. Nous pouvons affirmer que nous avons tenté toutes sortes de propositions pour en arriver à faire ouvrir un dialogue autre que celui tenu devant les caméras de télévision. L'AECQ, avant même que ne débute toute forme de négociation, a imposé des prémisses inacceptables aux associations syndicales, rendant presque impossible quelque entente que ce soit. L'AECQ, en exigeant que les associations syndicales reconnaissent le bien-fondé de leurs exigences de réduire les salaires de 20 % dans le secteur résidentiel et de 5 % dans les autres secteurs, venait d'annoncer clairement qu'il n'y aurait pas d'entente.

Tout de même, nous avons accepté, par l'entremise du conciliateur, Pierre N. Dufresne, en présence du sous-ministre adjoint, Jacques Henry, de négocier en mettant de côté les exigences de l'AECQ. De notre part, nous n'avions aucune contrainte quant aux sujets à être discutés, que ce soit des clauses normatives ou monétaires. Nous avons répondu à toutes et chacune des demandes du conciliateur. Nous avons été présents, nous avons échangé. Nous avons été les seuls, le côté syndical, à déposer des contre-propositions écrites sur des sujets discutés préalablement. Si, pour l'AECQ, ne pas accepter ses exigences constitue un refus de négocier, nous avons refusé de négocier. Cependant, pour nous, le fait d'exiger de la partie syndicale d'accepter les coupures

e conditions de travail avant que ne débutent les négo-iations constitue un refus de négocier de la part de AECQ.

Afin de comprendre les véritables intentions de AECQ, il faut revenir en arrière de quelques semaines our savoir qu'ils demandaient au gouvernement d'im-ioser un décret, tout en s'assurant des coupures qu'eux roulaient voir au décret. Comment, maintenant, peu-rent-ils faire croire qu'ils avaient l'intention de négocier ine convention collective, sachant à nouveau que le gouvernement interviendrait afin d'imposer des condi-ions de travail au secteur de la construction? Malheu-eusement, c'est justement ce que vous faites présente-nent!

Comment peut-on encore croire à la structure actuelle? Comment peut-on envisager une nouvelle extension du décret sans qu'il y ait des modifications d'apportées au système de négociation, à quelque part dans le temps? Le problème que nous vivons, c'est l'incompréhension de l'industrie. Le système de négociation va mal; alors, il faut déréglementer non pas le système de négociation, mais le champ d'application. Ça n'a aucun sens! Pour pallier à une mauvaise structure de négociation, certains députés proposent d'exclure la construction résidentielle et une foule d'autres déréglementations, alors que le malaise n'est pas celui qu'on veut guérir.

Nous profitons de cette commission parlementaire pour répondre au rapport des députés ministériels sur la réglementation dans l'industrie de la construction. Nous ne pouvons que déplorer cette prise de position de la part d'élus qui n'ont pas pris le temps d'évaluer, même sommairement, les impacts de leurs recommandations. Nous n'entrerons pas dans les détails de chacune des recommandations, mais nous serions heureux, si le groupe de travail le demande, d'échanger sur ces recommandations.

Il y a toutefois un point sur lequel nous insistons, à l'item 6 du rapport, concernant la Commission de la santé et de la sécurité du travail, CSST. Au deuxième paragraphe, il est écrit et je cite: «Notre groupe de travail a reçu à cet effet l'aval de l'ensemble des intervenants pour envisager une éventuelle participation financière de l'employé.» Nous tenons à préciser que, lors de notre rencontre du groupe, il n'a même pas été question de ce sujet. Nous ne connaissons pas les prises de position des autres intervenants, mais quant à nous, il n'est pas question d'une participation financière de l'employé. Quant à l'ensemble du rapport, nous pouvons affirmer que c'est un rapport incolore, inodore et insipide.

Concernant le dossier du travail au noir, beaucoup de gens en parlent, mais très peu agissent concrètement pour stopper ce cancer qui ruine complètement l'industrie. La loi 185 a apporté quelques outils pour aider à contrer le travail au noir eh augmentant les amendes, allant jusqu'à la perte de la carte de compétence d'un travailleur reconnu coupable de travailler au noir. Nous attendons toujours le pendant patronal. La loi 186 tarde à être mise en application par la Régie du bâtiment. Il y a donc 2 poids, 2 mesures, dans cette industrie.

Nous avons, encore une fois, tenté de mettre sur pied une table de concertation patronale-syndicale pour contrer le travail au noir. L'orientation patronale tournait toujours vers le punitif envers les travailleurs, mais ceux qui l'encouragent ou qui forcent le travail au noir sont toujours représentés devant les tribunaux par la même association qui accuse les syndicats de tous les maux de la terre, soit encore l'AECQ.

Nous voulons, honnêtement et sincèrement, travailler en profondeur afin de régler les problèmes de l'industrie de la construction, mais nous n'accepterons pas de réduire l'actif humain au rang d'esclaves pour entrepreneurs véreux et malhonnêtes. Nous sommes à votre entière disposition pour répondre à toutes les questions que vous jugerez utile de nous poser.

Un fait qu'on aimerait apporter. Plusieurs questions sont posées. Comment il se fait qu'il ne peut pas y avoir d'entente? Il est clair qu'à chaque mois, ou 2 mois précédant l'expiration du décret il y a toujours comme un «build-up» qui se fait dans l'atmosphère autour de cet honorable édifice, à l'effet que les parties doivent, avant l'expiration de la convention collective de travail, s'entendre, ou le ministre va être «obligé» d'intervenir. Et c'est le mot obligé qu'on ne comprend pas. Le ministre peut, par la loi, intervenir, mais il n'y a pas une obligation automatique que le ministre doit imposer des conditions de travail.

Et, à chaque fois que, ça, ça commence à être perçu, que le ministre va imposer des conditions de travail, trouvez-moi une seule raison valable pour que l'association des entrepreneurs essaie de trouver des solutions. Il n'y a pas à se forcer. Ça va être plus simple de se les faire imposer, et on le dit. Parce qu'il faut admettre une chose: à la dernière négociation, on aurait accepté des coupures, pas du taux horaire, mais des coupures dans des primes, des coupures dans différentes conditions de travail, bon, les frais de déplacement, que l'AECQ n'aurait pas pu signer l'entente. Même si on avait accepté des reculs sur plusieurs points, ils n'auraient pas pu, à moins d'une diminution importante du taux horaire à l'AECQ; ils savent très bien qu'ils se feraient ramasser dans leur assemblée par l'APCHQ. (16 h 20)

Je veux dire, on peut bien se conter toutes sortes d'histoires, mais dans la vraie vie, la vraie façon dont ça procéderait, ça serait comme ça. Alors, l'AECQ préfère dire au ministre: Impose-le-nous — ils n'ont pas à affronter qui que ce soit — pour dire: Bien, ce n'est pas de notre faute, les conditions nous ont été imposées. Et c'est là, le problème qu'on a; c'est l'intervention du ministre, ou la possible intervention du ministre. Et vous remarquerez, avant l'expiration, 1 semaine avant le 30 avril, les associations patronales demandaient au gouvernement, au ministre, d'imposer. Là, à 3, 4 jours de l'expiration des 45 jours, qu'est-ce qu'on entend? Les associations d'employeurs disent au ministre: Impose, mais surtout n'oublie pas de couper.

Alors, c'est ça, le problème qu'on vit. On laisse au ministre la responsabilité unique de l'Association des employeurs en construction, l'AECQ, celle de s'occuper des relations de travail. On tasse de côté notre responsabilité, et on dit au ministre: Fais-la donc à notre place. Et c'est ce qui se fait depuis 1982, la dernière fois qu'il y a eu une entente où la partie patronale s'est fait revirer de bord. Il n'y a jamais eu d'entente depuis ce temps-là, toujours des impositions. Pourquoi? Alors, on vient de vous l'expliquer, le pourquoi; c'est plus facile de dire: Ce n'est pas de notre faute, c'est le ministre, que d'affronter nos membres; parce que les associations des employeurs ne sont pas habituées à affronter des membres. Nous autres, on est habitués.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup.

M. Lavallée: Et, nous aussi, on recommande au ministre le vide juridique, comme le conseil provincial l'a mentionné.

Le Président (M. Gobé): Merci. M. le ministre, vous avez maintenant la parole pour une période de 20 minutes.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Comme vous étiez présents, je ne vous répéterai pas les mêmes questions que j'ai posées à vos prédécesseurs: Qu'est-ce qui a fait que, pendant les 23 rencontres de métiers et d'occupations dans les derniers 45 jours, il y en a eu 8 à la table centrale, bon, où ça n'a pas marché? En lisant votre mémoire, vous dites: Ça ne marchera jamais tant que vous ne changerez pas la structure. Et, là, j'espère avoir compris, vous dites: Ça ne sert à rien. Il y a même un endroit, là, j'ai pris une note... En tout cas, là, vous êtes bien, bien clairs là-dedans. Vous demandez de laisser s'exercer le rapport de force. Vous demandez le vide juridique. Vous autres, qui avez passablement d'expérience là-dedans, à quelle occasion y a-t-il eu un vide juridique qui a été laissé par les gouvernements et, les fois où ça a été fait, ça s'est conclu combien de fois par entente et combien de fois par loi spéciale?

M. Paré (Yves): D'abord, le mot «vide juridique» fait peur à beaucoup de monde, hein. Je veux dire, l'impression qu'on a, de la part du gouvernement, quand on parle d'un vide juridique, c'est comme si on tombait dans les limbes, là, demain matin. On ne tombera pas dans les limbes, demain matin, là, s'il n'y a plus, par législation, de décret de la construction. Quand la convention collective de General Motors expire le 31 décembre, le 1er janvier, ce n'est pas la mort de tout le monde. Alors, pour nous autres, laisser aller l'expiration de la convention de travail, ce n'est pas pire que n'importe quelle autre convention collective de travail. La différence, c'est que, là, ça touche beaucoup de monde. Ce qui est important, pour nous autres, le rapport de force, ce n'est pas de dire: Demain matin, on s'en va et on sort tout le monde sur les chantiers de construction. En 1979, il y avait eu une extension de 3 mois par le ministre Pierre Marc Johnson. Il avait ex-tensionné le décret: il finissait le 31 juillet 1979 et, le 31 juillet 1979, il n'est pas réintervenu. Le décret a fini, point, à la ligne. Les gens ont continué à travailler, les employeurs ont continué à contracter, ça a très bien été. Et je vais vous dire une chose, je vais vous affirmer une chose: Jamais le décret, la convention collective de travail n'a été aussi respectée; il n'y a pas un employeur qui osait ne pas payer les conditions de travail, parce qu'il savait que, lui, on pouvait l'arrêter de travailler, alors qu'on aurait laissé les autres travailler.

Aujourd'hui, tout le monde — excusez l'expression — fourre le système. Pourquoi? Parce que personne ne peut rien leur faire. On peut aller sur le chantier et dire à l'employeur: Eh, là, tu ne paies pas le temps supplémentaire. Savez-vous ce qu'il nous répond? Veux-tu bien aller chez le diable! Faites, prenez des poursuites, on va prendre des poursuites: ça vaut 0.

Donc, en 1979, il y a eu, 8 mois de temps ou 9 mois de temps, pas de convention collective de travail. Ça a négocié, on a conclu une convention collective de travail et, pour la première fois dans l'histoire, il y a eu une rétroactivité de 12 jours dans l'industrie de la construction. Ça ne s'était jamais vu. Et on a eu une entente avec une rétroactivité de 12 jours.

En 1976, il y a eu ce qu'on appelle et que vous appelez «vide juridique». Il y a eu expiration de la convention collective de travail, il y a eu négociation entre le 1er août... et, vers le 15 décembre, il y a eu conclusion d'une convention collective de travail que les parties ont acceptée.

Les autres fois, il y a toujours eu la menace d'une imposition du ministre, et, depuis la création de l'AECQ et depuis, surtout, 1982, le refus des employeurs d'accepter l'entente — vous rappelez-vous de 10-10? — l'AECQ n'a jamais voulu accepter une convention collective de travail parce qu'elle se savait oppressée par en arrière, d'autres associations lui poussent dans le derrière.

Alors, il peut y avoir expiration de la convention comme de n'importe quelle autre convention collective de travail, puis ça finira là. Demain matin, la terre n'arrêtera pas de tourner parce que le décret est expiré. On va, je pense, donner aux parties leurs responsabilités. L'AECQ ne pourra pas dire: Bien, le ministre va nous imposer un gel. Ou, nous autres, le ministre va donner 2 % ou 3 % et on va dire: Là, c'est notre bébé. À un moment donné, il va falloir qu'on s'entende. Si ce n'est pas le 15 juillet, ça va être au moins le 1er octobre; sinon, ça va être le 1er janvier. Mais il va falloir qu'on s'entende. Et c'est ça qu'on souhaite, qu'on nous laisse aller, puis qu'on fasse... Quand on parle d'exercer des moyens de pression, ça va de 1 employeur à 2 employeurs, et je peux vous assurer qu'on va régler peut-être 50 % du problème du travail au noir juste avec cette position-là. Parce que les employeurs n'essaieront pas de fourrer le système.

M. Cherry: Et combien de fois, durant les pério-les auxquelles vous avez référé, les gouvernements, lépendamment de celui qui était là, ont été obligés l'avoir recours à des lois spéciales pour mettre fin à des situations?

M. Paré (Yves): II y a eu aussi un vide juridique în 1986 et on a fait 9 jours de grève. Pas 9 jours :onsécutifs, là. On ne rentrait pas le vendredi ou, des fois, on ne rentrait pas le lundi. Alors, pendant 8, 9 semaines, on a eu 8 jours ou 9 jours de grève et là le ministre du Travail, au nom de la sécurité publique, alors qu'il n'y avait rien eu, a imposé les conditions de travail pour 3 ans: On vous donne 2 mois pour vous entendre; si vous ne vous êtes pas entendus, vous avez le même décret pendant 3 ans de temps. Alors, c'est clair, on a réglé quelques petites patentes, puis, bonjour, 3 ans de convention.

M. Cherry: O.K. Dans un autre ordre d'idées, vous avez entendu le souhait qui est exprimé par ceux qui vous ont précédés, par celui qui vous parle, de la tenue, à l'automne, d'un sommet économique de la construction, un sommet élargi, pour qu'on cesse uniquement de parler de construction en fonction des relations de travail, mais bien qu'on élargisse le débat à ceux pour qui l'industrie de la construction est importante. Vous avez fait référence à quelques associations, plus tôt, qui parlent toujours à l'extérieur. Pourquoi ne pas créer un véritable débat où ces gens-là pourraient participer, où on pourrait, comme collectivité québécoise, avoir une meilleure idée de ce qu'il en retourne? C'est quoi, votre réaction à ça? Et, si oui, est-ce que c'est un genre d'activité auquel vous accepteriez de participer?

M. Lavallée: C'est clair, M. le ministre, que c'est une activité à laquelle on accepterait de participer. On ne veut pas un sommet, par exemple, où on va inviter l'Association des consommateurs, puis, etc., etc., les «oiseauxlogues», puis nommez-les! Mais on veut un vrai sommet des représentants de l'industrie. J'aimerais avoir M. Tremblay assis à ce sommet-là, le ministre de l'Industrie et du Commerce sur les grappes industrielles et tout ça, pour qu'on puisse parler de nos problèmes. J'aimerais avoir le ministre des Finances, assis là; j'aimerais avoir les municipalités, assises là. J'aimerais qu'on puisse en faire une vraie discussion pour, une fois pour toutes, vider le sujet de la négociation — j'aimerais avoir le ministre du Travail aussi, comme de raison, assis là — puis embarquer dans ce qu'on peut faire pour le travail au noir. On ne pourra peut-être pas le régler au complet dans l'immédiat, mais on pourrait faire un maudit bout. Ça serait facile! Il y a les recommandations, dans Picard-Sexton, qui ont fait état de comment on pourrait régler le travail au noir. Tu as le rapport Poulin, qui est à peu près les mêmes intervenants du rapport des 7, qui, malheureusement, nous ont produit un rapport qu'on a décrit dans notre mémoire, que je ne qualifierai pas à nouveau. On serait capables de faire un travail constructif. Dernièrement, on parlait du décret, puis j'ai la déclaration du ministre, M. Tremblay, qui était allé à Vancouver, justement, dans un colloque concernant les barrières tarifaires ainsi que les mouvements de main-d'oeuvre. Puis il déclarait, dans ça, que le décret, c'est peut-être les autres provinces qui devraient s'ajuster, avoir des meilleures conditions qui pourraient se marier avec les nôtres quand on a des choses qui fonctionnent. La loi, on la critique, on ne dit pas de la jeter par-dessus bord.

C'est sûr que si on veut revenir avec l'accréditation traditionnelle puis déréglementer, comme Maurice le disait tout à l'heure, qu'on se revire de bord, qu'on déchire la loi, puis qu'on retourne dans le champ comme auparavant, avec nos conventions collectives, qu'on aille accréditer, puis tout ça. Mais je pense que ce n'est peut-être pas ça, le but visé. On a une loi qui a amené à faire un équilibre dans la province, à faire des conditions de travail uniformes; on a vécu ça. Moi, je me rappelle, quand on a réussi à aller chercher l'équité salariale, la parité salariale, les Îles-de-la-Madeleine allaient chercher 1$ de l'heure, 1,50 $, 1,60 $ de l'heure d'augmentation par année, quasiment; puis, à Montréal, on avait 0,25 $ par année, sur 3 ans. (16 h 30)

Le décret, la loi a fait que, au fil des ans, on a acquis une paix sociale. Malheureusement, le hic qu'il y a dedans encore est, la partie qu'il faut modifier, c'est la structure de négociation. C'est clair et net là-dessus. Mais on est d'accord à participer; on a de quoi à dire, on va avoir les experts nécessaires, et soyez assurés qu'on y tient beaucoup.

On en a discuté, on voulait faire une espèce de petite affaire de 2 jours qui n'a pas de conséquence. Rappelez-vous, le sommet, quand on a sorti Corvée-habitation; il y en a qui ont l'air à l'oublier. Voilà 10 ans, on était des sauveurs, des libérateurs, c'était effrayant, avec Corvée-habitation, on venait d'injecter 1 800 000 000 $, de créer 35 000 jobs, on a construit 33 000 maisons sur Corvée-habitation. On a pris 27 000 000 $ de notre régime de retraite, on était bons dans l'habitation, là, c'était correct. Maintenant, dans l'habitation, on n'est plus bons, il faudrait désyndiquer, il faudrait enlever ça complètement. Je veux dire que, quand c'est bon, on nous félicite, et, dès que l'économie va mal, on dit que ça dépend des salaires et que c'est les travailleurs de la construction, dans l'habitation, qui pourraient faire la différence.

J'espère qu'on va avoir l'occasion d'en reparler de ça. Ce n'est pas le fait de réduire les conditions de travail et les salaires dans la construction qui va faire vendre 1 maison de plus. Si on était capable de nous démontrer, que de réduire nos salaires, ça créerait 20 000 jobs demain matin, on va embarquer. Qu'on nous démontre que ça va créer seulement 1 job, on va embarquer aussi. Mais, ce n'est pas le cas. On n'est pas capable de nous le démontrer. Je pense qu'on aurait beaucoup plus de temps pour pouvoir développer ces

différentes thèses-là dans un sommet, et pas un petit sommet de 2 jours, un sommet qui devrait avoir des suivis et des recommandations à apporter.

M. Paré (Yves): Un sommet — si vous permettez — qui permettrait une meilleure connaissance de l'industrie de la construction, c'est clair qu'on va embarquer là-dedans. Mais, si c'est un sommet dans le but de déréglementer, c'est-à-dire d'utiliser un peu ce moyen-là pour pouvoir faire ce que certains recommandent, par exemple, sortir le résidentiel, non! Si c'est un sommet ou une rencontre, des états généraux, dans le but de connaître plus à fond l'industrie de la construction, d'avoir les meilleurs procédés de construction, d'avoir de meilleures relations de travail sur la construction, on dit oui, sans aucune hésitation. Et on espère qu'il n'y a pas d'arrière-pensée de dire: On va utiliser ce moyen, tantôt, pour exclure.

Parce que ce que le président disait, ce que Jean disait: Oui, Corvée-habitation, les travailleurs de l'industrie de la construction se sont impliqués monétaire-ment là-dedans, et, aujourd'hui, en plus d'avoir mis 27 000 000 $ de leur argent, les 12 000 000 $ de surplus ont été pris par le gouvernement pour permettre encore à des entrepreneurs d'aller construire d'autres maisons à des meilleurs taux d'intérêt — et, très souvent, au noir — qui ne paient pas leur impôt au gouvernement. Et là, comme conséquence de tout ça, maintenant, sortons tout le résidentiel. Ils ont assez payé, ces caves-là; et ces caves-là, c'est les travailleurs!

Tantôt on a eu une question du député de Chicou-timi ou de Jonquière...

M. Dufour: Jonquière.

M. Paré (Yves): ...à l'effet: Est-ce qu'il y a une paix sociale? Je peux vous dire une chose: Les travailleurs sont rendus essoufflés. Les travailleurs, quand ils voient des gens travailler 60 heures par semaine, quand ils pourraient être sur le bien-être social dans 1 mois, ils vont se battre. Que qui que ce soit décide des règlements qu'il voudra, quand vous enlevez le pain de la bouche d'un travailleur, vous le rendez agressif. Ça, c'est clair!

M. Cherry: O.K. Vous étiez présents quand il a été... Vous faites référence à ceux qui vous ont précédés, sur la situation des avantages sociaux. On en a parlé vendredi soir ensemble; votre mémoire n'y fait pas référence de façon particulière. J'aimerais ça vous entendre sur la situation et peut-être profiter de l'occasion aussi... Vous avez entendu vos prédécesseurs aussi qui disaient que la Commission de la construction du Québec est obligée de retenir, parmi ses contributeurs, les employeurs; j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Vous siégez, vous autres, à la CCQ, et j'ai des raisons de croire ce qu'on me dit, que, par règlement, la Commission de la construction du Québec pourrait décider d'exclure ces gens-là comme contributeurs.

M. Paré (Yves): Sur le premier volet de votre question, à l'effet: Est-ce qu'on a un besoin dans les avantages sociaux? si on se ramasse pas de convention collective de travail demain matin, on pourra régler notre affaire. Donc, on ne demande pas au ministre de nous donner quoi que ce soit, parce qu'on demande que, demain matin, il n'y ait plus de décret, qu'on puisse s'occuper de nos affaires.

Quant à une possible modification aux règlements à l'intérieur de la Commission de la construction, on nous dit que oui. Depuis au moins 1 an, on essaie d'avoir la véritable interprétation. Est-ce qu'on peut, légalement... On nous dit, aussi: Un instant, là! Vous n'avez pas nécessairement le droit, parce que, par la charte des droits et libertés, vous ne pouvez pas donner un droit à une personne et l'enlever à l'autre dans un même règlement. Alors, on nous dit: Ce n'est pas sûr qu'on a le droit de le faire.

Alors, l'autre point, c'est que le ministre du Travail devra entériner le règlement, mais, au départ, on dit que le règlement peut être facilement contestable. Parce qu'on ne pourra pas dire que Jean Lavallée a le droit de mettre 1 $ de l'heure et que Yves Paré, il n'aura pas le droit de mettre 0,01 $. Alors, ça, la loi, ils nous disent que ça n'est pas clair. Il faut qu'on regarde ça plus à fond, et c'est ce qu'on étudie, à la Commission de la construction. Mais, soyez assuré que, si on a comme information que, oui, on peut le faire, on va vous soumettre un règlement qui va faire en sorte que les illégaux et les profiteurs ne viendront pas — je vais dire comme Maurice dit — sucer notre régime.

M. Cherry: O.K. Si vous aviez le choix, donnez-moi donc, par ordre de priorité, de quelle façon vous vous attaqueriez, vous autres, au travail au noir. Parce que, s'il y a un sujet qui fait l'unanimité, et des entrepreneurs et des associations, c'est bien de s'attaquer au travail au noir. J'aimerais ça vous entendre. Si vous aviez à travailler, là, par priorité, quelles seraient les premières façons avec lesquelles vous vous attaqueriez à ce fléau-là?

M. Paré (Yves): Je veux dire, donner plus de pouvoirs aux intervenants dans l'industrie de la construction; la première chose à faire, c'est celle-là. Plus de pouvoirs concrets. Pas le pouvoir de tickets, là. Du côté des travailleurs, le gouvernement, par la loi 185, a dit: Par obligation, un travailleur qui serait pris à travailler illégalement au noir pourrait, à une deuxième ou une troisième infraction, perdre sa carte de compétence pour une durée de 2 mois ou 3 mois. D'accord? Mais le gars qui l'engage, là, l'employeur, là, qui, lui, le fait travailler au noir, ne perd pas sa licence. On nous a dit: Par 186, il va y avoir un système de démérite qui va être mis en application. Sauf que ça fait 1 an de ça et on n'en entend pas parler, de ça. Et là, le travail au noir prolifère.

Alors, l'employeur, là, moi, je veux bien trouver des solutions. On a accepté ces pénalités-là envers les

ravailleurs. Il faudrait que les employeurs qui travail-ent dans ce sens-là soient aussi pénalisés. Et ça, c'est irgent! Parce que dénoncer le travailleur et laisser vivre 'autre qui l'incite, — parce que le receleur est aussi )ire que le voleur, là — nous autres, notre problème, il «t là. Oui, on en a parlé et, je ne sais pas à combien de reprises, on a dit au gouvernement du Québec: Vous perdez 800 000 000 $.

Et, avant vous, votre prédécesseur était aussi ministre du Revenu. On ne comprenait pas que le gouvernement — le ministre du Revenu, qui était ministre du Travail — acceptait de se faire frauder pour 500 000000$ à 600 000 000 $ par année sans dire un mot. Et on ne le comprend pas encore. Parce que, en parler, c'est beau. On dit: Tout le monde en parle. Mais, comment réagir? Et je vais référer aux paroles que le président avait déjà employées devant le ministre et devant le premier ministre: Prenez les boubous ma-coutes, faites juste annoncer que vous allez les mettre dans les livres des entrepreneurs et vous allez couper de 50 % le travail au noir. Parce que, là, excusez l'expression, la chienne va les prendre, et ils vont dire: Won! il ne faut pas que je me fasse pincer, moi. alors, commençons par ça. commençons par faire respecter les lois. donnons des pouvoirs et admettons qu'on règle 75 %, d'ici 6 mois, du travail au noir. la balance, à force d'usure, à force de discussions et de persuasion, on va aller chercher les autres 20 % ou 25 %. on n'aura jamais 100 % de travail au blanc, mais, si on est capables de régler 95 % du travail au noir, ça va être déjà assez bien, et c'est ce qu'on pense qu'on peut faire. mais il faut que tout le monde tire dans le même sens parce que trouver des solutions, là, pour punir les travailleurs et laisser faire ceux qui les encouragent, c'est-à-dire les entrepreneurs qui embauchent des travailleurs, bien, on a un problème.

M. Lavallée: juste un point. il faudrait, aussi, dénoncer les entrepreneurs fautifs. ça, c'est clair lorsqu'on voit dans les journaux, tout dernièrement, qu'il y a un entrepreneur, à laval, qui est poursuivi par la commission, et il est accusé d'avoir incité ses travailleurs à se parjurer. et ça, on a les preuves de ça. et, comme yves le mentionnait, qu'on fasse simplement certaines déclarations et que le ministre du revenu et le premier ministre disent: c'est fini, les folies, au québec! on va aller vérifier les livres des employeurs, c'est clair qu'on va être capable. en partant, 50 % vont décider d'en déclarer, des heures. il va falloir agir énergiquement.

De notre côté, là — et ce n'est pas drôle de dire ça en pleine commission parlementaire — lorsqu'on prend des travailleurs, c'est rendu qu'on les dénonce. On les dénonce au Revenu, on les dénonce à la CSST, on les dénonce à l'assurance-chômage; on dénonce l'employeur aussi. On est rendus qu'on fait ça. On a contacté des personnes pour savoir à qui faire les plaintes, parce qu'un travailleur qui travaille au noir, il est en train de tuer son confrère. Il faudrait faire de la publicité, aussi sur les avantages qu'on perd à travailler au noir et les avantages qu'on gagne à travailler au blanc. (16 h 40)

On les a, les idées. On est capables de fonctionner, mais on a besoin du pouvoir politique pour nous aider dans ce domaine-là. Vous avez tout en main, les lois 185 et 186, on n'a tout simplement qu'à forcer la réglementation et à mettre les inspecteurs de la Régie au travail, et à mieux protéger les inspecteurs de la Commission. Il y a un rapport que je vais vous déposer, que je vous donnerai, M. le ministre, concernant des points qui se passent dans l'Outaouais. Les inspecteurs de la Commission sont menacés de mort, sont attaqués par des «pitbulls», des vrais «pitbulls», des petits chiens «pitbulls», j'ai les preuves, j'ai les noms. La police est en présence des inspecteurs de la Commission pour aller faire respecter le décret, puis ils disent: Vous êtes mieux de vous en aller à cause que ça va revirer mal, ici. On en a parlé au comité des 7. Les gens sont au courant de ce qui se passe dans l'Outaouais.

M. Paré (Yves): Vous savez, dans le cas du... Juste, si vous permettez, 2 petites secondes. Je dois admettre une chose, c'est que la partie patronale, depuis 7 ou 8 mois, en a trouvé une solution pour contrer le travail au noir: couper les salaires des travailleurs. Ça, c'est la seule solution, je pense, c'est la sauce à tous les maux qui existent. Alors, ça ne va pas bien, les relations de travail: Sortons le résidentiel! Ça ne va pas bien, de telle façon, le travail au noir: Coupons les salaires! Ça va tout régler, ça. On pense que non; il y a d'autres choses à faire que ça, et ce n'est pas en coupant les conditions de travail qu'on va régler le problème du travail au noir. et, le vrai problème fondamental du travail au noir, il y en a 2 principaux. d'abord, il y a la fiscalité; ça, je pense que tout le monde va admettre que, quand il te reste 50 % de ta paie, si ton salaire est de 25 $ et que le boss t'en offre 15 $ en dessous de la table, c'est encore plus payant de travailler à 15 $. alors, il y a la fiscalité qui est un problème au niveau du travail au noir. l'autre problème, c'est aussi le manque d'emplois. alors, quand il n'y a pas d'ouvrage, c'est sûr que c'est au plus offrant ou au moins offrant, ou au moins demandant. l'employeur qui a besoin d'un charpentier-menuisier, quand il en a 5 qui vont se présenter pour l'emploi, bien, il est clair qu'il négocie les conditions de travail. et, si tu n'es pas content de ça, tu restes chez toi.

Et, je veux dire, ce matin, il y a eu une manifestation sur un chantier, ici, à Québec, parce qu'il y avait un type, un travailleur, un peintre, qui avait été mis dehors vendredi passé, parce qu'il refusait, justement, d'être payé en dessous de la table et de ne pas avoir le taux du décret. On l'a sacré dehors! Ce n'est pas plus compliqué que ça: Tu n'es pas d'accord avec ça, va-t'en! Il y en a 25 qui la veulent, ta job. Alors, ils sont allés 50 gars sur la job ce matin, et, heureusement, ils

ont réussi à le faire réengager.

Mais, c'est ça, le problème qu'on vit. Si tu n'acceptes pas ces conditions-là, reste chez toi! On a beau dire n'importe quoi, bon, la vraie solution, c'est qu'il va falloir qu'on mette la hache dans la façon dont la fraude se fait. Ce n'est pas vrai que c'est en coupant les salaires qu'on va réussir à régler des problèmes de même; c'est en rentrant dans les bureaux et dans les livres des entrepreneurs.

M. Lavallée: Juste un point, aussi, un point très important. C'est rendu que les entrepreneurs refusent l'accès aux livres des inspecteurs de la CCQ, qu'on est obligés de prendre une injonction pour aller vérifier les livres. Je vous dis que j'aimerais ça voir le ministre du Revenu, avec ses inspecteurs, se voir refuser l'accès aux livres. Ça irait assez vite, les procédures. On est rendus qu'on cache les livres; on a 2 «sets» de livres. On est obligé de prendre des injonctions. J'ai un dossier qu'on va vous faire parvenir là-dessus, aussi, où la Commission de la construction a été obligée d'en prendre dans le cas de chocs électriques.

M. Cherry: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): C'est là tout le temps qui vous était imparti, M. le ministre. M. le député de Jonquière, vous avez la parole.

M. Dufour: Merci, M. le Président. Je pense que vous avez fait une démonstration assez claire que le travail au noir il peut être contré, il peut être diminué, à la condition qu'il y ait une volonté politique. Et les raisons du malaise sont bien identifiables et identifiées: il manque de travail et la fiscalité est difficile à vivre. Donc, je pense que, de ce côté-là, on pourrait peut-être échanger beaucoup, beaucoup, beaucoup. Mais, s'il n'y a pas de volonté politique, à quelque part, le problème va demeurer.

On se rend bien compte même qu'on est rendus au 14 juin 1993; la fin du décret, c'est à minuit, ce soir. Qu'est-ce que vous croyez qui va se passer à minuit?

M. Paré (Yves): On souhaite qu'il ne se passe rien, que la lune soit claire et que, demain matin, il fasse soleil. Qu'est-ce que vous espérez qu'on souhaite? Surtout pas l'intervention du ministre! Mais, c'est cette crainte-là; on dirait, et je l'ai dit tout à l'heure, que le monde va arrêter de tourner à minuit s'il n'y a pas un autre décret qui est en vigueur. Mais, pas du tout, ça ne changera rien. Demain matin, le charpentier-menuisier qui est en train de travailler à 212, 3e Avenue, il va se présenter à sa job et il va travailler à 212, 3e Avenue. Il n'y a personne qui va aller lui casser la gueule. Le décret va continuer de s'appliquer, la convention va continuer de s'appliquer, et, je peux vous assurer que, d'ici 2 jours, 3 jours, on va informer les entrepreneurs qu'on espère qu'ils vont respecter le décret et qu'ils vont payer toutes les conditions du décret. Et je peux vous assurer que du travail au noir, il va en diminuer un maudit paquet, parce qu'il va avoir peur que, quand on va le poigner, on va avoir le droit de l'arrêter. C'est ça, la maudite différence!

C'est qu'à partir de demain matin, à minuit, ce soir, un entrepreneur qui ne respecte pas les conditions de travail, on a le droit de grève avec lui. On «pourrait-u» dire: Bon, bien, demain matin, toi, tu es 1 semaine à ne pas travailler parce que tu travailles en dessous de la table, puis tu paies au noir? Peut-être qu'au bout de 1 semaine il va dire: Vous avez raison, les gars, je vais respecter le décret. Puis, il recommencera à travailler. C'est juste ça que je veux dire. Il n'y aura pas de claques sur la gueule, il n'y aura pas de coups de poing, puis il n'y aura pas de feux. Je pense que la convention collective va être mieux respectée qu'en temps légal du décret de la construction.

Parce que, là, ils ne le respectent pas, ils le bafouent, puis ils savent que personne ne peut rien leur faire. Poursuis un employeur... Bon, il a employé 3 gars, pas de carte. Les 3 gars, ça va leur coûter chacun 200 $ ou 300 $ d'amende. Lui, ça va lui coûter 500 $ d'amende dans 1 an et demi, 2 ans. Il «est-u» mort de rire? Il se sacre bien de la Commission de la construction, de la FTQ, du Conseil, de la CSN, puis du ministre. Il y en a qui sont venus le dire, ici, en commission parlementaire, l'automne passé: Faites les lois que vous voudrez, on va s'ajuster. Et il y en a qui s'ajustent. Il n'y aura pas de morts, puis il n'y a personne qui va se faire tuer à minuit et une minute.

M. Dufour: Mais, indépendamment du point de vue que vous venez d'exprimer, qui est un point de vue, tout de même, qui est basé sur des situations qui se sont déjà produites dans le passé, selon votre expérience, selon les rencontres que vous avez eues durant les dernières années, selon les échanges que vous avez eus, est-ce que vous croyez 5 minutes qu'il pourrait ne pas y avoir décret à minuit?

M. Paré (Yves): Non, parce que si, le ministre, son intention était de ne pas prolonger le décret, il n'aurait pas fait tout ce travail-là en commission parlementaire. Je le souhaite encore. J'espère que son idée, contrairement à ce que j'ai écrit... Parce que j'ai écrit que son idée devait être faite, là. Si ce n'est pas vrai, je vais vous dire une affaire: Je vais m'en excuser publiquement. Et je souhaite que le ministre — encore, là, il a jusqu'à minuit ce soir pour prendre sa décision — il fasse l'essai de dire: II n'y a pas de décret. Je ne m'en mêle pas, les petits gars, là; mettez vos culottes longues, maintenant, puis allez régler vos conditions de travail. Je souhaiterais qu'il fasse ça, puis je lui dis, en tant que ministre du Travail, s'il a encore cette possibilité-là, s'il a ce mandat-là du Conseil des ministres puis du gouvernement, bravo, parce que c'est ce qu'on lui demande de nous faire.

Puis il n'y a rien qui va empêcher, à part ça, qu'il prépare son sommet pareil. On va y assister, même si

an est en négociations, là. Ça n'empêchera pas l'autre, là. Parce qu'on est capables de faire la part des choses, nous autres, contrairement à certaines associations où, si tu n'acceptes pas une affaire, ils ne vont pas dans l'autre. Nous autres, on est capables de faire la part des choses. On est capables, nous autres, de faire 2 choses à la fois: marcher, puis mâcher de la gomme. Il y en a qui ne sont pas capables de faire ça.

M. Dufour: On va dans le sens qu'il y a un sommet de convoqué. Tout à l'heure, j'ai posé la question à ceux qui vous ont précédés, là: Est-ce que tout peut être remis en cause lors du sommet? Vous avez semblé dire que non. Je ne sais pas, là.

M. Paré (Yves): Non. Ce que j'ai dit, c'est s'il y avait une idée préconçue d'avance, si le but de ce sommet-là, c'est la déréglementation, on a dit que c'est clair qu'on... Mais, si le but c'est réellement de regarder, — et je ne mets rien de côté — d'étudier, puis d'écouter les parties, puis les intervenants de l'industrie, qu'il n'y a pas d'idée préconçue, on est ouverts à toutes les discussions.

M. Dufour: Je ne sais pas s'il y a juste moi qui avais mal compris, mais il me semblait que...

M. Paré (Yves): Peut-être que j'avais mal exprimé mon affaire, mais...

M. Dufour: Bien, moi, en tout cas, j'avais mal compris.

M. Paré (Yves): Je m'en excuse.

M. Dufour: Ça éclaircit que tout peut être remis en question. On peut échanger, écouter; ça ne veut pas dire qu'on est obligé d'acheter.

M. Paré (Yves): Non, c'est vrai.

M. Dufour: C'est comme quelqu'un qui marchande, ça, en fait.

M. Paré (Yves): C'est ça.

M. Dufour: Puis je comprends exactement ce que vous voulez nous dire, mais après le questionnement. Qu'est-ce qui vous laisse penser que, cette fois-ci, ce serait la bonne? Parce que, s'il y a un sommet, on ne déplace pas du monde, on ne prépare pas quelque chose s'il ne se produit rien. Dans le passé, les expériences que vous avez eues, il y a déjà eu des rencontres patronales, gouvernementales, puis... Bon. Qu'est-ce qui vous fait penser que ça pourrait être la bonne, puis qu'il pourrait se produire quelque chose suite à ce sommet-là?

M. Lavallée: Je pense que les échecs du passé vont amener à modifier le régime. Ça fait 20 ans que ce régime-là existe. Il a apporté des bonnes choses, mais il est temps, maintenant, de remodeler certaines situations dans ce propre régime-là. Nous, on a proposé une façon de pouvoir modifier le système en divisant la négociation par secteurs et en donnant des pouvoirs aux associations traditionnelles du secteur d'être assises à la table de négociation. Ça a déjà été discuté aussi dans un rapport qui avait été le rapport de la table de travail sur le régime de négociation. Ça avait été discuté là.

Je pense que ça fait tellement d'années, à chaque commission parlementaire qu'on vient, on dit que le système, le régime de négociation, de la façon dont il est établi, ne favorise pas la conclusion d'une convention collective. Je pense que le temps est venu, et je crois fermement que, lors de ce sommet-là, on va conclure qu'il faut changer notre régime. C'est ça qui nous amène à penser que c'est le temps de le faire. Ça fait 20 ans que le régime existe et il est temps d'y apporter des modifications importantes. (16 h 50)

M. Paré (Yves): Si vous pensez, si vous avez envie de faire plaisir aux associations syndicales, donnez-nous le pouvoir de négocier nos conventions collectives de travail selon nos structures, une convention par métier. En Ontario, les charpentiers-menuisiers négocient leur convention, les plombiers négocient leur convention, les manoeuvres négocient leur convention collective. Si vous voulez nous faire plaisir, c'est ce qu'on souhaiterait avoir, c'est ce qu'on souhaiterait.

Maintenant, il reste que: Est-ce que ça va être le sommet qui va le déterminer? Je ne le sais pas, mais c'en est une façon de négocier. Il y en a d'autres, mais celle-là, c'est la plus belle et c'est celle qu'on souhaiterait. Maintenant, il appartient au gouvernement de nous le donner, ce pouvoir-là. Mais, au pis-aller, une négociation par secteur, on est prêts à embarquer, mais il faut embarquer le monde là-dedans, parce que le monopole patronal contre une division syndicale... Ça, c'était le juge Cliche qui avait dit ça en 1975. Le juge Cliche n'avait pas dit juste ça. Le problème, c'est que les gouvernements n'ont appliqué que ce qui faisait l'affaire des entrepreneurs: mise en tutelle des syndicats, ça, ça a été fait, ça n'a pas été long, tiens, 12 jours après le rapport, clac, 4, 5 syndicats mis en tutelle, O.K.; la création d'une association patronale unique, parce que les syndicats étaient trop forts. Alors, là, les gouvernements ont réussi à affaiblir tellement les syndicats. Mais, là, l'association patronale unique, c'était assorti d'autres choses, ça, parce que Cliche avait fait, je pense, 50 ou 60 recommandations. Il y en avait toujours bien une qui disait: Donner, par exemple, en contrepartie aux travailleurs une sécurité d'emploi et une sécurité de revenu. Sur celle-là, on n'a jamais été capables de faire bouger qui que ce soit et on est traités de toutes sortes de mots quand on prononce les mots «sécurité d'emploi». Savez-vous qu'un travailleur de la construction qui travaille pour Alfred Construction depuis 18 ans, quand il le met à pied, lui, il a 48 heures d'avis à lui donner? Pas 12 semaines de paie, 48 heures d'avis:

Va-t'en chez toi! Alors, c'est ça le problème dans l'industrie de la construction: aucune sécurité d'emploi.

Alors, la sécurité d'emploi, c'est la sécurité physique, aussi, des travailleurs. On en a parlé tantôt. On n'est pas capables d'en arriver à des ententes de mise en application de certaines lois qui doivent exister au Québec parce que le secteur de la construction est toujours exclu. Et Maurice parlait, cet après-midi, de décès, de morts dans l'industrie de la construction: 117 morts en 5 ans dans l'industrie de la construction, 117, messieurs, là. Ce n'est pas 14 policiers en 20 ans; c'est 117 travailleurs en 5 ans. Mais, c'est des hommes, des êtres humains, aussi. Mais, ça, on se sacre bien de ça. Le représentant en prévention — Maurice l'a dit, aussi — ce n'est pas grave ça. Des travailleurs, il y en a en masse: un autre. L'échafaud tombe, dépêchez-vous à le remonter; il y en a 3 de morts, ce n'est pas grave, on va les remplacer. C'est ça qui se passe dans l'industrie de la construction.

Et, si le sommet peut permettre qu'on aille démontrer à la population que les travailleurs de la construction, ce ne sont pas des gras dur, et dire aux élus et au ministère qu'on n'est pas des sauvages... Ils n'ont pas d'inquiétude, ils n'ont pas besoin de venir nous rencontrer avec une «pole» de 25 pieds, comme on en entendait parler: La construction, ne touche pas à ça. Aïe! c'est dangereux, c'est une gang de sauvages. Ce n'est pas vrai. On est des êtres humains, on veut gagner notre vie, on veut la gagner honorablement et on ne veut pas baiser le cul de personne pour être obligés de travailler. Et c'est ce que l'APCHQ suggère, des salaires entre 12 $ et 25 $. Alors, si tu as la langue longue de même, tu vas avoir 25 $; si tu as une petite langue, tu vas avoir 12 $. C'est ça le problème que l'APCHQ veut avoir!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paré (Yves): Le problème de l'APCHQ, c'est qu'elle a une oreille trop attentive, ici, parmi des élus. Et ça, ça nous désappointe, une association qui montre aux gens comment frauder le système parlementaire, les lois et les règlements. Et, quand ils viennent rencontrer des gens, ils ont l'air d'être applaudis, ces gens-là, parce que le rapport qui a été présenté des 7, Omer Rousseau l'aurait écrit, et il n'aurait pas pu en mettre autant que ça. Il aurait été trop gêné d'en mettre. Et ça, on va se réserver le droit de leur dire à ce comité-là. On espère qu'ils vont nous appeler.

M. Dufour: Oui, je pense bien que, lorsque vous nous dénoncez la situation du travail au point de vue des dangers, santé et sécurité, moi, j'achète ça facilement. D'ailleurs, je n'ai jamais compris qu'il y en a pour qui une mort à un autre endroit que sur un chantier de construction, c'est presque un drame. C'est la même vie humaine, que ce soit un policier, que ce soit un pompier, quelqu'un veut gagner sa vie. D'ailleurs, le métier le plus dangereux, si je ne me trompe pas, je pense que c'est travailleur agricole, parce qu'il travaille dans des conditions... C'est à cause de la nature du métier qu'il exerce. C'est presque impensable que ça devienne vraiment sécuritaire. C'est vraiment des conditions extrêmes.

Ceci étant dit, je pense que j'achète ça facilement. Moi, en tout cas, je partage votre point de vue. Une mort accidentelle, c'est une mort de trop. Je pense qu'il y a moyen d'améliorer, et ça, ça demandera un effort continu de pas mal de monde, pas juste des travailleurs, mais de l'employeur, des gouvernements. Quand on va ailleurs, on ne se surprend pas de voir des mesures de sécurité pas mal plus fortes qu'ici. Quelqu'un qui voyage le moindrement et voit des travaux de construction en Europe, par exemple, vous allez voir qu'ils annoncent longtemps d'avance qu'il y a un chantier de construction. Vous commencez à vous en rendre compte plusieurs kilomètres avant d'arriver sur les lieux, qu'il y a des travaux routiers qui sont en train de s'effectuer. Donc, ils attachent de l'importance à ça. Nous autres, on devra probablement faire notre examen de conscience. Ça coûte cher, ça, à une société aussi. Ce n'est pas juste la mort comme telle. C'est aussi qu'économiquement parlant on a des raisons d'être prudents et de mettre des efforts là-dessus. Je pense que, là-dessus, on est prêts à acheter ça facilement.

Lorsque vous parlez du sommet ou qu'on parle d'un sommet élargi — le ministre tout à l'heure en a parlé, mais on n'est pas ici pour questionner le ministre — vous voyez qui, à ce sommet?

M. Lavallée: Comme je le mentionnais tout à l'heure, j'aimerais voir le ministre de l'Industrie et du Commerce. On a besoin de parler avec lui. On a besoin de parler avec le ministre du Travail.

M. Dufour: II n'est pas chanceux de ce temps-ci.

M. Lavallée: On a besoin de parler avec le Revenu, avec les municipalités. C'est ce genre de personnes qu'on aimerait voir. On aimerait voir les associations patronales traditionnelles assises là, pas uniquement l'AECQ. On veut parler de nos problèmes de l'industrie. On veut essayer de convaincre des gens. Les municipalités, c'est un gros donneur d'ouvrage. Il y a des recommandations dans Poulin et il y a des recommandations dans Picard-Sexton, qui sont très claires concernant les municipalités. On voudrait leur dire, on voudrait leur expliquer, essayer de les convaincre. On a des places où on a des bonnes ententes avec les municipalités. Je peux vous dire qu'avec le syndicat des cols bleus de la ville de Montréal, de plus en plus, on travaille ensemble et en équipe pour éviter le travail au noir. Mais on veut avoir ces gens-là alentour de la table pour qu'on puisse en discuter beaucoup plus profondément.

M. Dufour: Est-ce que vous accepteriez que d'autres représentants syndicaux aussi soient là?

M. Lavallée: Dans quel sens?

M. Dufour: D'abord, je veux dire la CSN, la CSD...

M. Lavallée: Certainement, certainement. Les centrales syndicales, les associations patronales traditionnelles, l'AECQ, les autres groupements que je vous ai mentionnés. Je veux dire que ça n'exclut pas, non plus, comme le mentionnait Maurice, le fédéral, advenant le cas où il y aurait de quoi à aller chercher là et qu'on aurait des possibilités par rapport qu'il y a certains contrats qui sont sous sa juridiction. On est ouverts. On veut avoir une place pour pouvoir discuter de nos problèmes et on veut avoir les personnes qui sont en autorité pour pouvoir nous donner des réponses.

M. Dufour: Donc, vous pourriez avoir jusque des représentants des entrepreneurs indépendants.

M. Lavallée: Non, ça, là, les entrepreneurs... M. Dufour: Non? Pas si loin que ça. M. Lavallée: Les illégaux, non.

M. Paré (Yves): Les entrepreneurs indépendants...

M. Lavallée: II ne faut pas être masochistes, on n'est pas rendus à ce point-là.

M. Paré (Yves): C'est quoi, les entrepreneurs indépendants?

M. Dufour: Quelqu'un qui... On a le problème de la double allégeance; quand il est entrepreneur, il n'est pas... Il n'y a pas beaucoup de monde.

M. Lavallée: Ce n'est pas des entrepreneurs indépendants. C'est la Corporation des maîtres électriciens, c'est la corporation des maîtres plombiers. Ils viendront l'expliquer.

M. Paré (Yves): Ce sont des entrepreneurs qui font partie d'associations d'entrepreneurs. Le problème qu'on a... La loi 185 est très mal perçue par des personnes qui ne sont pas habituées là-dedans. Elle est très simple, la loi 185. Elle dit à Yves Paré: Tu as un choix: ou bien tu es un entrepreneur ou bien tu es un salarié. Tu as le choix. Si tu es un entrepreneur, tu es un entrepreneur; tu engages du monde. Tu peux travailler avec lui. Tu as le droit de travailler, mais tu engages du monde.

Le problème qui survient de ces entrepreneurs, c'est eux autres qui veulent avoir le double. Ils veulent le droit d'être l'employeur, donc d'aller travailler seuls sur le chantier de construction, et le droit d'avoir les mêmes conditions. Mais ça, c'est lui qui se les paie. Or, il va déclarer l'impôt qu'il veut. Il déclare les heures qu'il veut. Il fait ce qu'il veut. Alors, si chaque citoyen pouvait s'incorporer comme ça, comme vous le faites dans la loi 185, je serais mort de rire. Si je pouvais m'appeler Yves Paré incorporée demain matin et payer juste 31 % d'impôt, je serais mort de rire et je dirais: Je suis d'accord avec ça!

C'est ce que vous faites avec ces entrepreneurs autonomes là? C'est cette classe de salariés-entrepreneurs qui vont contracter sur le chantier de construction, qui se mettent 2, 3, 4, 5 ensemble, qui compétitionnent les vrais entrepreneurs qui ont 10, 12, 15 employés. C'est ça que la loi 185 leur a permis de faire. Tout ce qu'ils ont à faire, c'est d'utiliser la loi, et là, je vais répéter encore le même mot que j'ai employé tout à l'heure: Ils fourrent le système! Ils sont des entrepreneurs salariés. Ils se paient les salaires qu'ils veulent, les conditions qu'ils veulent, et déclarent les impôts qu'ils veulent. Il met son char, lui, sur le compte de dépenses. Donc, il a droit à une allocation d'automobile. Il prend une partie de sa maison comme déduction d'impôt, son téléphone, ainsi de suite. Alors, c'est un salarié qui a une petite coche de plus que les autres, qui peut s'en mettre un petit peu plus dans les poches. C'est ça, la différence.

Puis, quand il va travailler pour Jos Bleau Construction, là, lui, il paie 40 heures, admettons, à 20 $ de l'heure, il prend un chèque de 800 $, puis il lui donne. Un chèque clair de 800 $. Puis, là, lui, vu qu'il est incorporé, bien, il déclare ce qu'il veut. Le travailleur, quand il va travailler pour Jos Bleau Construction, puis qu'il gagne 800 $, bien, il reçoit un chèque de 400 $, c'est ça qu'il reçoit. Tandis que l'entrepreneur incorporé, lui, il reçoit 800 $, puis il déclare ce qu'il veut. Alors, c'est ça, le problème. Et, si on veut faire une classe sociale au Québec comme ça, moi, j'embarque avec ça, mais tout le monde, pas rien que les entrepreneurs en contraction, là: les représentants syndicaux, les voyageurs de commerce, tout le monde devrait avoir le droit de faire ça, juste s'incorporer, puis on paie les impôts qu'on veut. On embarque là-dedans 100 milles à l'heure. Mais, arrêtons de protéger cette classe de monde là qui joue sur 2 tableaux pour pouvoir fourrer les 2 systèmes. (17 heures)

M. Dufour: Quand la loi 185 a été adoptée, est-ce que vous aviez vu ce problème-là?

M. Paré (Yves): Oui, on l'avait vu, ce problème-là.

M. Dufour: Est-ce que vous aviez été aussi... M. Paré (Yves): Certainement.

M. Dufour: Je m'excuse. Vous excuserez mon ignorance, là, moi, je...

M. Paré (Yves): Oui. Puis, on avait demandé au ministre, tel que ça avait été convenu en 1988 alors qu'il y avait eu entente pour exclure les rénovations

domiciliaires du décret de la construction... Il devait y avoir 2 catégories de personnes sur les chantiers de construction: des entrepreneurs, puis des travailleurs. On n'a jamais pu obtenir ça. Il y a toujours eu des entrepreneurs, puis, entre les 2, là, des entrepreneurs-travailleurs, là, qui venaient fourrer le système. Une secousse, ça s'appelait les artisans. Ils ont dit: Parfait, il n'y en aura plus d'artisans. Là, ils les ont appelés les entrepreneurs autonomes. C'est la même maudite affaire, sauf que le nom change! Alors, là, il y a encore des entrepreneurs autonomes qui viennent, puis ils jouent un peu. De temps en temps, ils se déclarent comme salariés; de temps en temps, ils se déclarent comme entrepreneurs, puis, envoie par là! Puis, quand il travaille pour un entrepreneur, il se fait payer sous son nom de compagnie. Il devient un sous-traitant. Alors, paie-moi au nom de ma compagnie, puis, là, je vais mettre ma maison, mon bureau, je vais mettre mon char, mon gaz sur mes dépenses, puis il ne paie presque pas d'impôt. Puis, là, il se déclare 25 heures à la CCQ par semaine. Puis, là, il va chercher «full pin» d'assurance. C'est ça, le problème!

Alors, ce qu'il y a de malheureux, c'est que, sans connaître trop, trop le système, il y en a qui le défendent. C'est donc de valeur, ce pauvre gars, il a double allégeance. Bien, oui, c'est parce qu'il en veut de la double allégeance. Puis, là, il dit: Laissez-moi la double allégeance, mais forcez-moi pas à payer du syndicat. C'est ça, son problème. C'est rien qu'à cause qu'il paie du syndicat que ça le fâche.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup.

M. Paré (Yves): Enlevez-lui ça, puis, il va être bien content avec le système qu'il y a là. Excusez!

Le Président (M. Gobé): Je vous en prie. Vous pouvez terminer.

M. Paré (Yves): Non. J'ai terminé.

Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé? Alors, ceci met donc fin à votre présentation. Au nom des membres de la commission, je tiens à vous remercier, ainsi que les gens qui vous accompagnent. Vous allez pouvoir vous retirer. J'appelle maintenant les membres de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec.

(Suspension de la séance à 17 h 5)

(Reprise à 17 h 6)

Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si vous voulez bien regagner vos places, la commission va maintenant reprendre ses travaux.

Alors, je vous remercie. Nous allons procéder maintenant à l'audition des représentants de l'Associa- tion des entrepreneurs en construction du Québec, et j'ai reçu leur mémoire. Je demanderai donc au Secrétariat de bien vouloir en faire la distribution à chacun des membres de cette commission et, pendant ce temps, je demanderai à son porte-parole de bien vouloir se présenter et de présenter les gens qui l'accompagnent.

Association des entrepreneurs en construction du Québec (AECQ)

M. Couillard (Reynald): M. le Président, je me présente, je suis Reynald Couillard, président de l'AECQ. M. le Président, M. le ministre du Travail... Je vais les présenter après. M. le ministre de l'Industrie et du Commerce, MM. et Mmes les membres de la commission, j'aimerais vous présenter les gens qui sont assis avec moi, à la table. Il y a M. René Malo, qui est un entrepreneur et trésorier de l'Association; Pierre Dion, directeur général adjoint; Robert Brown, directeur général; et Mario Olivier, premier vice-président, qui est un entrepreneur.

Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour, messieurs. Il me fait donc plaisir de vous accueillir à cette commission.

M. le député de Drummond, vous avez un point à mettre à l'ordre du jour ou quelque chose, là?

M. St-Roch: Oui, M. le Président. Vous aviser que je vais prendre mes 5 minutes, à la suite de mon collègue de Jonquière.

Le Président (M. Gobé): Bon. Alors, M. le député de Drummond, la présidence verra à accorder du temps pour que vous puissiez poser des questions, suite à l'intervention du représentant de l'Opposition.

Alors, ceci étant réglé, je vous passe maintenant la parole, vous pouvez commencer votre présentation.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Tel que promis il y a 45 jours, nous sommes présents à la deuxième commission parlementaire que vous convoquez dans le cadre de la présente négociation de la convention collective. Selon les rumeurs, informations officielles à la radio à 15 heures, cet après-midi, nous reviendrons une troisième fois, mais dans 6 mois seulement.

Le bateau est plein de trous, mais il faut continuer à naviguer encore 6 mois, jusqu'à ce qu'on trouve quelqu'un pour le réparer. Normalement, selon l'article 51 de la loi sur les relations de travail dans notre industrie, toujours en vigueur à notre connaissance, nous devrions, à l'occasion de cette commission parlementaire, vous exposer, et je cite l'article 51: les «raisons motivant l'impossibilité de parvenir à une entente relativement aux modifications à apporter au décret».

Il y a 45 jours, nous vous avons expliqué les enjeux de la négociation et les motifs pour lesquels nous n'avons pu parvenir à une entente. Pour diverses

onsidérations, dont certaines externes au processus de légociation, le gouvernement a prolongé le décret de 45 ours. aujourd'hui, on revient devant vous et nous nous etrouvons dans le même cul-de-sac, et ce, malgré tous es efforts déployés avec l'aide du conciliateur et du ;ous-ministre adjoint pour débloquer les négociations. '•jous n'avons pas été capables d'avancer d'un seul cran, ^u contraire, la coalition syndicale a affiché encore plus dairement son refus inconditionnel à toute forme de rationalisation. pendant ce temps, l'industrie continue de j'effriter: le travail au noir est en pleine effervescence, le taux de chômage varie de 40 % à 60 % selon les métiers, la situation financière des entreprises est des plus précaires, la coalition syndicale pose des actes de vandalisme et d'intimidation, comme dans le bon vieux temps.

Des membres du Parlement élaborent des recommandations sur des sujets qui nous concernent et les employeurs demeurent sans réponse quant à leur demande de rationalisation. L'absence d'une entente prévoyant une rationalisation des conditions de travail pénalise les consommateurs de nos services: le gouvernement, les travailleurs et les employeurs de la construction, sauf les associations syndicales qui, à chaque jour, gagnent du statu quo. Voilà un constat assez déplorable. (17 h 10)

Alors qu'un groupe de députés du gouvernement recommande une réduction des coûts pour le secteur résidentiel, que divers employeurs hors construction indiquent clairement devant le comité Laberge-Lavallée que les coûts du décret sont trop élevés pour les consommateurs et que les quelque 18 000 employeurs de l'industrie vous disent qu'il faut réduire les coûts, on parle, dans les corridors du parlement, de reporter l'échéance du décret de 6 mois, ainsi qu'à la radio. Nous sommes laissés dans des tergiversations et des jeux politiques qui entourent la négociation de notre convention collective. Le processus de négociation, tel qu'établi, nous place dans une situation d'impuissance. Nous sommes tributaires du gouvernement, car la seule autre option serait de s'entendre avec la coalition syndicale qui ne veut rien savoir.

Nous sommes conscients de l'envergure des problèmes qui rongent notre industrie. Nous arrêtons de confondre qualification des entrepreneurs, ratio, déficit de la CSST, juridiction de métiers avec les dossiers de la négociation de la convention collective. Employeurs et travailleurs sont en attente depuis janvier dernier; une prolongation de 6 mois signifie un embarras pour nous, nous plonge dans l'incertitude, et une mobilisation accentuée des associations syndicales vers la violence. L'intérêt public exige l'imposition d'un décret rationalisé, aujourd'hui même.

Pour le lendemain, nous souhaitons la mise sur pied d'états généraux sur l'industrie de la construction. Il y a 45 jours, nous vous avons indiqué notre ouverture à discuter, avec tous les intervenants concernés, des problèmes qui nous touchent, et ce, dans un cadre qui nous permettrait d'atteindre un consensus et des solutions durables. Pour nous, les états généraux s'imposent. Maintenant, M. Robert Brown, directeur général, va vous entretenir sur la négociation qu'on a eue.

M. Brown (Robert): M. le Président, je pense qu'on nous a donné, tantôt, beaucoup plus d'importance qu'on n'en mérite. Et là, je fais référence aux propos des gens qui nous ont précédés; et, chose certaine, on ne va certainement pas accepter la paternité de tous les maux qu'on nous a imputés. La seule chose dont on ne nous a pas tenus responsables, c'est de la mauvaise température de l'été dernier. Et, si vous leur aviez donné un petit peu plus de temps, probablement qu'ils auraient trouvé le moyen de nous donner cette responsabilité-là également.

Le 30 avril dernier, on vous avait indiqué assez clairement dans le mémoire — et, d'ailleurs, le mémoire qu'on vous a déposé est le même que nous avions déposé le 30 avril dernier, avec un addendum qui apparaît à la première partie du document — qu'il était absolument inutile de poursuivre la négociation parce qu'il n'y avait pas possibilité de s'entendre. On reviendra aux motifs tantôt. On vous avait aussi indiqué, à cette époque-là, que tout ce qu'on faisait, c'était reporter l'échéancier d'une commission parlementaire, et c'est ce qu'on vient faire aujourd'hui. On nous donne raison. Et, si ce qu'on entend à la radio est, malheureusement, le cas, il semblerait qu'on va revenir vous voir quelque part au mois de décembre, avec une nouvelle commission parlementaire, pour disposer du décret.

Malgré notre grande insatisfaction par rapport à la prolongation du décret, l'AECQ a été de bonne foi, a négocié de bonne foi. On a répondu à l'invitation du conciliateur; plus encore, on s'est plies — et j'insiste, on s'est plies — à l'insistance, à la demande de la coalition syndicale de négocier non seulement à une table centrale, mais également à des tables de métier, parce que, selon ce qu'elle nous dit: On est structurés de même. D'ailleurs, la FTQ-construction, qui nous a précédés, a dit: M. le ministre, si vous voulez nous faire plaisir, imposez, dans le mécanisme, la négociation par métier. Je ne suis pas convaincu que la CSD serait d'accord avec ça, je ne suis pas convaincu que la CSN serait d'accord avec ça et je ne suis pas convaincu, non plus, que l'AECQ soit d'accord avec ça, parce que je présume qu'on est en droit, nous aussi, de demander de négocier selon notre structure interne. Mais, ça a l'air que ça ne compte pas, et on l'a laissé de côté, ce principe-là. On a dit: M. le conciliateur, si ça peut faire avancer la négociation, on embarque!

Effectivement, il y a eu au moins 1 rencontre à chacune des tables de métier. Il y a quelques métiers qui ont été rencontrés à 2 occasions et, évidemment, le scénario était prévisible. Il était prévisible, parce qu'on a un mandat très clair de notre «membership», et je vais y revenir souvent, parce que c'est important dans l'appréciation des événements qui nous ont conduits en commission parlementaire aujourd'hui. On a beau parler de l'article 51, on a beau parler de l'intervention du

ministre sous quelque forme que ce soit, mais il y a une chose qu'il faut retenir, c'est qu'on travaille avec un mandat.

On a beau nous traiter d'élitistes, on a beau prétendre qu'on se situe au-dessus de tout le monde, mais ce qu'on doit faire, et on en est fiers, c'est de respecter intégralement le mandat de nos membres. Parce que, entre se faire donner des coups de pied dans les fesses par la FTQ et le conseil provincial, parce qu'on ose négocier le mandat de nos membres, et se faire donner des coups de pied dans les fesses par nos membres, par notre assemblée générale, croyez-moi, le choix est très facile.

Alors, ce qu'on a fait aux tables particulières, c'est tenter de faire des échanges avec les métiers. C'est impossible, pour la raison bien simple: si on demande de rationaliser le coût de main-d'oeuvre, nos membres ne nous donnent pas la possibilité d'échanger 1 piastre pour 4 trente-sous; ce n'est pas le mandat qu'on avait. Alors que, il faut savoir — et, si vous avez lu le mémoire déposé au 30 avril dernier, vous l'avez constaté — que la partie syndicale est en demande sur un nombre important de clauses normatives, mais également monétaires, parce que ça va bien dans la construction. Et la solution qu'il faut apporter à nos problèmes dans la construction, c'est qu'on va augmenter les coûts de main-d'oeuvre: II y a une certaine logique, mais — je ne suis pas fort, fort en mathématiques —j'ai beaucoup de difficulté à assimiler cet élément-là.

Donc, ce qu'on a tenté de faire, avec la partie syndicale, à des tables de métier, c'est de dire: Nous aussi, on est en demande. Comment réagissez-vous à nos demandes? Et il y avait 2 réactions: la première: On ne veut rien savoir; la deuxième, et c'était la porte de sortie facile pour avoir l'air de bonne foi: Bien, nous autres, on veut que ce soit la table centrale qui traite de cette question-là. Si bien qu'il n'y a eu aucun consensus aux tables particulières, et, compte tenu du mandat qu'on avait — et on le dit bien ouvertement — je dois vous dire qu'il n'y avait pas grand place pour manoeuvrer.

Au niveau de la table centrale, le ministre a mentionné 8 rencontres formelles, tantôt, aux journalistes; j'étais derrière lui, j'ai tout entendu. Je ne contredirai pas ce chiffre-là, sauf pour vous dire qu'il y a eu 10 rencontres avec le conciliateur; et ceux qui nous ont précédés avaient raison de dire que, finalement, le dossier n'a pas avancé. Là, il faut être imbécile pour prétendre que 6 ou 7 consensus sur des clauses normatives qui n'ont aucune espèce d'incidence comme solution à nos problèmes... Ce n'est rien pour être fier. Et, effectivement, il n'y a pas eu possibilité d'avancement à la table centrale.

Notre objectif, à nous — je vous le répète et c'est un mandat clair — c'est de rationaliser les coûts de main-d'oeuvre. Évidemment, ça fait sursauter les gens: Comment est-ce que des employeurs peuvent oser demander de réduire des coûts de main-d'oeuvre? Surtout quand vous pensez au concept traditionnel des grands traités de relations de travail, sur la notion des droits acquis: Vous, comment osez-vous, les employeurs, demander des coupures? Bien, c'est la force du marché, et, si c'est bon dans l'ensemble des secteurs économiques, je présume bien humblement que ça doit également être bon dans le secteur de la construction. Nous avons osé demander de la rationalisation et, malgré les déclarations que j'ai entendues ici de la part de la partie syndicale — je vise la coalition — malgré les belles paroles qu'on a entendues dans les médias, transmises par les porte-parole de la partie syndicale, malgré les belles paroles prononcées par les membres de la coalition devant le comité des députés, je dois vous dire qu'entre dire des choses et faire des choses, il y a une marge.

À partir du moment où, avant même la prolongation du décret, un porte-parole syndical nous dit: Ça fait 25 ans qu'on se bat pour faire des gains et il n'est pas question de toucher à ces gains-là, qu'on vienne nous dire qu'on est de mauvaise foi, soit; mais je ne suis pas convaincu que c'est l'évaluation qu'en font nos membres. Qu'on nous dise qu'on ne veut pas négocier, soit; mais ce n'est pas tout à fait l'interprétation qu'on fait du mandat qu'on a exécuté à la table centrale et à la table particulière. Ce qui s'est fait, contrairement à ce que les gens qui nous ont précédés ont dit, c'est qu'ils ont, pour employer leur expression, «meublé le temps». Évidemment, ça va vous faire curieux, et je vais vous dire qu'on n'est même pas fiers de tenir des discours contradictoires, un peu comme des enfants, là: Mon père est plus fort que le tien; non, c'est le mien.

J'ai l'impression que c'est un peu comme ça qu'on peut avoir l'air devant vous autres, et c'est une industrie qu'on tente de rehausser. On veut améliorer l'image de l'industrie de la construction, qui est mal perçue dans le public, qui est mal perçue, également, parmi vous autres. C'est l'establishment qui s'organise comme il le veut bien au conseil d'administration de la CCQ, peut-être au conseil d'administration de la CSST. C'est des gens qui font semblant qu'ils s'engueulent et, après qu'ils se sont engueulés, ils vont prendre une bière ensemble. Mais ce n'est pas une image qu'on veut cultiver. L'image qu'on veut cultiver, c'est une industrie qui veut se prendre en main, et, pour ce faire, il faut faire des choix, et c'est ce que notre «membership» a décidé de faire.

Alors, quand la partie syndicale a dit qu'elle voulait négocier, je m'excuse, elle ne voulait pas négocier. Est-ce qu'ils ont fait, comme nous, le constat que... Et je suis un petit peu tanné de toujours revenir au même secteur d'activité. C'est comme si c'était dans celui-là seulement qu'il y avait des problèmes, ce qui n'est pas le cas. Tout le monde accepte le fait qu'il y a des problèmes au niveau résidentiel; on n'a pas besoin d'en faire une grande description. (17 h 20)

Est-ce que vous savez, ou est-ce que vous vous rappelez, si vous avez lu notre document, notre mémoire, que la partie syndicale a demandé une définition plus

estrictive de la notion de construction résidentielle? ça /a mal. leur solution, à eux, c'est qu'on va restreindre a définition, si bien que la règle particulière qui s'appli-juait au niveau de l'horaire de travail va s'appliquer à moins de travaux dans le résidentiel. je vous le répète: le ne suis pas fort, fort intellectuellement, mais ce que j'ai compris, moi, c'est qu'il y avait une différence entre ce qu'ils expriment publiquement et ce qu'on retrouve dans le cahier de demandes.

Il y a une règle particulière, également, qui existe pour certains petits travaux industriels et commerciaux. Ils ont demandé de l'éliminer. Ça aussi, c'est probablement une méthode très originale de régler notre problème de travail au noir et notre problème de marché. Parce que le marché ne peut plus payer les services d'employeurs et de travailleurs professionnels. C'est la raison pour laquelle on a des problèmes au niveau du champ d'application.

Alors, pour faire une longue histoire courte, compte tenu de l'immobilisme à la table de négociation... Et je ne reprocherai jamais à la partie syndicale de ne pas vouloir faire des concessions si elle n'en a pas le mandat, mais qu'on ne nous reproche pas d'être de mauvaise foi et qu'on se cache derrière l'article 51 de la loi. On va y revenir tantôt. C'est l'AECQ, madame, messieurs, qui a cassé la table de négociation. On ne voulait certainement pas que le conciliateur fasse rapport qu'il y a utilité de prolonger encore une fois le décret de la construction pour une période quelconque parce que les gars se parlent. Oui, oui, on s'est parlé, on s'est parlé de toutes sortes de choses, mais on n'a absolument rien réglé. Alors, l'AECQ a décidé de se retirer de la table de négociation il y a une dizaine de jours.

Qu'est-ce qui a fait échec à cette négociation-là? Contrairement à leurs prétentions — et c'est la partie à laquelle je faisais allusion tantôt: Mon père est plus fort que le tien — ils nous accusent de vouloir nous cacher derrière le ministre, est-ce que je peux suggérer que l'inverse peut être également vrai? Est-ce que je peux vous suggérer que, pour la partie syndicale, ce qu'ils ont fait, c'est le pari suivant: ils savaient très bien que, pour signer une convention collective avec nous autres, il fallait qu'ils laissent de l'argent sur la table. Alors, le pari qu'ils ont pris, c'est que le ministre du Travail n'aurait pas le courage de sabrer dans nos conditions de travail dans le cas d'un décret imposé; donc, on peut s'en sauver, au pire, entre guillemets, avec le statu quo, alors que, si on s'entend avec l'AECQ, là, on va devoir laisser de l'argent sur la table. Évidemment, ce n'est pas le discours qu'ils vont tenir; c'est normal, c'est de bonne guerre. Mais la situation, madame, messieurs, c'est celle-là.

Pourquoi est-ce qu'on n'a pas été capables de s'entendre? C'est peut-être parce que — et ça, je ne suis pas capable d'en faire la démonstration, mais on est capables de le percevoir à la table de négociation — il y a des moments où on voyait qu'il y avait une certaine contradiction au niveau du discours de la coalition syndicale qui était constituée de 2 organisations. D'un côté, il y a une association syndicale qui dit: II n'est pas question de faire une seule coupure. Et, 30 secondes après, l'autre centrale: Bien, peut-être qu'on peut regarder s'il y aurait moyen de régler des questions de travail au noir, etc. Alors, où avance-t-on avec ça? Sur la seule définition de «construction résidentielle», nous avons eu, lors de la même discussion, 6 interprétations différentes du texte que la partie syndicale nous déposait. Alors, essayez de comprendre, essayez de vous démerder avec ça.

Pourquoi, également, est-ce qu'il n'y a pas eu d'entente? Et, selon moi, c'est l'aspect le plus important, et j'apprécierais que vous preniez note de ça: ce sont nos mandats respectifs. Je vous le disais tantôt, la partie syndicale est en demande sur du normatif et également sur à peu près toutes les clauses monétaires. Nous sommes en demande de rationalisation. Alors, ce n'est pas, là, un syndicat qui demande S, puis qu'on offre 2; c'est le syndicat qui demande x et, nous autres, on demande moins x. Alors, indépendamment qu'il y ait l'article 51 ou pas dans la loi, dans le cadre de la présente négociation, il n'y aurait aucune chance d'arriver à une entente. Et, à ce que je sache, ça fait partie normalement de notre processus de négociation.

J'aimerais relever peut-être 3 commentaires que la partie syndicale a faits tantôt pour qualifier un peu son attitude à la table de négociation. Je pense que c'est la FTQ-construction — et, si je me trompe d'intervenant, je m'en excuse — en réponse à une question du député du Parti québécois, à savoir: Est-ce que vous allez vous présenter au forum si, effectivement, il y a convocation? Et une des réponses, ça a été de dire: Si c'est pour déréglementer, il n'en est pas question; si c'est pour faire des aménagements, peut-être. L'attitude de la partie syndicale à la table de négociation, c'est: Si ça fait notre affaire, c'est un bon processus, puis, quand ça ne fait pas notre affaire, c'est un mauvais processus.

Il y a aussi, je pense, une certaine contradiction de la pensée syndicale au niveau du résidentiel. Us nous ont dit, ils vous ont dit ici tantôt, puis j'ai lu dans les journaux des déclarations assez évidentes, puis qui s'imposaient d'elles-mêmes, qu'ils s'opposent à la proposition du groupe de travail des députés à l'effet de désassujettir le résidentiel. Mais rappelez-vous ce que je vous ai dit tantôt: Ils veulent réduire l'application de la clause existante. On a un maudit problème avec ça! Comme association, l'AECQ, qui représente les 18 000 employeurs, n'est pas d'accord non plus à désassujettir le résidentiel, probablement pour des raisons différentes ou certaines raisons différentes de la partie syndicale. Mais, là, on fait quoi, avec ça? Ils n'acceptent pas de réduire les coûts de main-d'oeuvre pour le résidentiel et, de l'autre côté, ils veulent que le résidentiel reste dans le décret. Avec cette attitude-là aussi, on a un sérieux problème.

Et, dernier élément qui m'a fait un peu sourire — il ne faut pas se surprendre, ils le font à chaque négociation — la coalition demande que le mandat de négociation soit retiré des mains de l'AECQ ou bien qu'on le partage avec les associations traditionnelles. On

comprend pourquoi ils le demandent et, si on était à leur place, nous aussi, on le demanderait. J'ai déjà entendu — peut-être que ça a été mentionné ici: Ah, nous, les syndicats, on serait capables de s'entendre avec les associations traditionnelles, elles sont raisonnables. Mais il me semble avoir entendu tantôt certains commentaires à l'égard de l'APCHQ, et il semble qu'à certains égards l'harmonie ne soit pas aussi évidente.

On a demandé, le 30 avril dernier, que le gouvernement impose un décret qui tienne compte de nos demandes, de nos revendications; nous le demandons encore. Pourquoi le demande-t-on? Il y a un problème de chômage, et on ne va pas aller dans le détail, vous l'avez dans notre mémoire. La situation financière des entreprises est très précaire et j'espère qu'il y en a, quelque part, qui ont un peu d'intérêt pour la situation de nos entreprises au Québec, et je ne parle pas juste des entreprises de construction. Le travail au noir, je n'ai pas besoin d'en dire davantage.

Alors, pourquoi le gouvernement doit-il rationaliser les conditions de travail dans un décret? Je fais référence à l'article 51, qui, des fois, peut être utilisé à bon escient, et je le cite: «Le gouvernement peut aussi, sur la recommandation du ministre, prolonger, abroger ou modifier le décret sans le consentement de l'association d'employeurs ou des associations de salariés quand il est d'avis que dans l'intérêt public, cette solution est la seule qui puisse remédier à la situation existante.» Par expérience, il y a eu intervention du gouvernement lorsque la situation économique des entreprises le justifiait, lorsqu'il y avait des pressions de donneurs d'ouvrage qui voulaient que leur usine soit prête à temps pour s'attaquer à leur production; en tout cas, ça a été jugé suffisant. Dans certains cas, c'était parce qu'il y avait des problèmes sur des chantiers. Quelqu'un a fait allusion tantôt — je pense que c'est la FTQ — aux 9 jours de grève. Est-ce que je peux vous rappeler qu'on a fait également 3 jours de lock-out, et c'est suite à l'exercice du droit de grève et de lock-out que le gouvernement, le ministre Paradis, est venu nous enlever ces droits-là? Alors, ce que je dis, c'est que l'article 51 a été utilisé à plusieurs sauces. Si, à votre avis, la situation économique de l'industrie, qui n'est pas à la veille de se relever, selon les estimations de l'activité économique de la construction pour les 3 prochaines années, ce n'est pas suffisant pour que le gouvernement assume la responsabilité que les parties — et je le dis très ouvertement — n'ont pas été capables d'assumer elles-mêmes, là, je ne sais pas ce que l'article 51 fait là.

Ce qu'on vous demande, M. le ministre, c'est d'intervenir, d'imposer un décret de 3 ans. Pourquoi 3 ans? Bien, il faut au moins que l'ensemble de l'industrie soit capable de planifier. Si, effectivement, la proposition que vous soumettrez à votre Conseil des ministres, c'est une extension pour 6 mois, je ne sais pas exactement où ça va nous conduire, mais, si on veut chercher l'harmonie, si on veut chercher un minimum de planification dans le travail de nos entreprises, la même planification chez les donneurs d'ouvrage, je pense qu'on peut avoir un petit problème.

Entre-temps, depuis la prolongation de votre décret, M. le ministre, il y a 2 rapports qui ont été déposés, et ils sont très significatifs. Je vais y aller rapidement. Le rapport du groupe de travail Laberge-Lavallée sur le champ d'application... Et, je vous rappelle que Laberge, c'est Louis Laberge, l'ancien président de la FTQ. Ce qui est intéressant dans ce rapport-là, c'est qu'ils indiquent très clairement que les différents intervenants, même industriels, ceux qui ont la capacité de payer — on ne parle pas du consommateur résidentiel — ces gens-là ont dit qu'ils trouvaient le décret trop dispendieux et que ça avait un effet sur leurs coûts de construction et de production. Donc, les produits qu'ils vendent sont trop dispendieux. Ce n'est pas nous qui le disons, ce sont les donneurs d'ouvrage. Si c'est le cas, on va devant le comité pour tenter de sauver notre champ d'application. Si on n'est même pas capables de le faire, est-ce que vous pensez qu'on va être capables de rapatrier certaines parties du champ d'application qu'on a perdues en cours de route, incluant celui que le gouvernement nous a enlevé?

Les intervenants, devant le même comité, ont fait référence aux contraintes du règlement de placement. Ils ont fait référence à la rigidité des définitions de métiers. J'entendrais Maurice Pouliot dire: Brown, ce n'est pas à la table de négociation qu'on va régler ça. Mais, ça fait partie d'un tout et, dans votre question que vous allez poser sur les états généraux, on peut supposer que c'est le genre de discussion qui ferait partie des états généraux.

Je me permets de citer un petit passage du comité Laberge-Lavallée, qui veut dire beaucoup: «II nous a bien fallu faire une constatation importante, que les gens de la construction devront faire un jour eux aussi — et il y a une partie des 2 qui ne l'a pas encore faite — le domaine de la construction a beaucoup changé, mais les structures de l'industrie, ses règles de fonctionnement ne semblent pas avoir évolué au même rythme (...) Il ne s'agit évidemment pas de lancer la pierre à qui que ce soit, mais plutôt de sonner l'alarme, car il nous semble que le temps presse.» C'est l'alarme, également, que nous sonnons. (17 h 30)

II y a eu un deuxième rapport, et celui-là a fait brouiller les eaux un peu, c'est le rapport du groupe de travail des députés sur les irritants de la législation dans l'industrie de la construction. Il y a eu une réaction immédiate de la partie syndicale: N'osez pas toucher au secteur résidentiel! Ce n'est pas grave si les conditions de travail sont trop dispendieuses, vous n'avez pas le droit, au nom de je ne sais trop quoi, d'y toucher. Ce que je peux vous dire, c'est que, pour nous, si on ne partage pas l'ensemble des solutions à l'intérieur du cahier — et même le groupe de travail a dit avoir peu d'expérience; donc, ils intervenaient avec une certaine réserve — je le répète, si on n'est pas d'accord avec toutes les propositions, je dois vous dire qu'on est drôlement d'accord avec les objectifs. Et les objectifs, c'est

le faire en sorte que notre réglementation colle à la éalité des années quatre-vingt-dix et, également, que 'ensemble des coûts, les coûts directs de notre décret et es coûts indirects imposés par notre réglementation, soit compatible avec la capacité de payer. Moi, je vous dis out de suite qu'on est ouverts à une discussion dans le groupe, soit dans le cadre du forum proposé par le comité de députés... Je dois vous dire que, le 30 avril, nous avions nous-mêmes signalé notre intention de provoquer de tels états généraux, si c'était nécessaire.

Ce qu'on retient de ça, c'est que le Parti libéral, qui est au pouvoir, est d'accord avec une formule de rationalisation. Prenons pour acquis que les consommateurs, ceux qui paient les services, les employeurs, les travailleurs professionnels, sont eux aussi d'accord avec une formule de rationalisation; ils ne sont pas masochistes. Est-ce que je peux vous dire qu'il y a un certain nombre de travailleurs qui sont aussi d'accord avec une formule de rationalisation, quelle qu'elle soit? Et je pense que ça a été mentionné, ce matin, par des intervenants syndicaux, et c'est aussi ce que certains sondages nous indiquent.

Alors, la question qu'on se pose: Qu'est-ce qui empêche le ministre du Travail d'imposer un décret qui tient compte de la volonté d'une majorité d'intervenants? Maintenant, si, effectivement, M. le ministre, votre intention, c'est de prolonger le décret pour une période de 6 mois, inévitablement le diagnostic qu'on a fait le 30 avril est celui qu'on va faire, je ne sais pas, le 14 ou 15 décembre. On n'a pas été capables de s'entendre avec la coalition — et ça, ils le reconnaissent — au cours des 4 premiers mois de la négociation, on n'a pas été capables de s'entendre au cours des 45 jours d'extension du décret. Compte tenu que ce sont les mêmes parties, compte tenu que ce sont les mêmes règles de négociation, compte tenu que nos employeurs, qu'on a rencontrés la semaine dernière, nous ont dit: II n'est pas question de modifier une virgule de notre mandat, qu'est-ce qui vous ferait dire qu'on serait capables d'arriver à une entente?

Alors, je termine parce que vous m'avez alloué plus de temps que ce à quoi je pense, j'ai droit, M. le Président. Je vous en remercie. Je reviens à une proposition qu'on a faite le 30 avril qui est celle des états généraux. Il est important, d'abord, qu'on fasse une distinction des dossiers. Au tout début, le comité de députés, à mon avis, a mêlé un certain nombre de dossiers. On mêlait les problèmes de contingentement, de cartes de compétence, de règlement de placement avec la négociation; ce sont 2 choses complètement différentes. Et, d'ailleurs, probablement qu'on aurait été capables de s'entendre sur plusieurs modalités, n'eût été qu'on avait le décret dans les jambes. Et c'est une des raisons pour laquelle on vous demande, M. le Président, d'imposer un décret.

Mettons-le de côté et vous allez voir qu'à partir du moment où, de part et d'autre, on n'aura pas à répondre à notre «membership» sur des conditions de travail, on n'aura strictement qu'à concentrer nos efforts sur l'ensemble de la réglementation qui va nécessiter, même, beaucoup plus d'énergie qu'on en a mis dans la négociation. On pense que, dans le cadre des états généraux où il y aurait d'autres intervenants que les intervenants traditionnels, à savoir les centrales syndicales, les associations patronales traditionnelles et l'AECQ, il n'y a pas de restrictions à ce niveau-là, sauf celle selon laquelle, je suppose, on devrait faire intervenir dans un dossier une partie qui est intéressée. Je verrais très mal — je vais vous donner un exemple un peu farfelu — l'association des propriétaires d'immeubles à logements venir intervenir à une table qui va traiter du processus de négociation. Je ne pense pas que ce soit utile et je ne pense pas que ce soit l'intention de qui que ce soit qui voudrait proposer des états généraux.

Mais, chose certaine, nous devons passer par cette étape-là parce que notre régime, comme Maurice Pou-liot l'a mentionné, est malade. Il n'est pas malade parce que la partie syndicale n'est pas capable d'avoir de vide juridique, il n'est pas malade parce que la partie syndicale ne peut pas exercer son droit de grève ou son droit de tordage de bras sur les chantiers. Il y a au moins 2 personnes de la commission qui ont demandé à M. Pouliot: Comment vous exerceriez votre droit de vide juridique? J'attends encore la réponse, je ne l'ai pas entendue. Peut-être que c'était un petit peu gênant d'y répondre.

Alors, M. le ministre, je conclus en vous disant, au nom du bien de l'industrie, pas celui des employeurs, pas celui des travailleurs, pas celui des consommateurs, celui de l'ensemble de l'industrie: S'il vous plaît, servez-vous de l'article 51 qui a été prévu pas juste pour donner de la rétroactivité de 0,85 $ pour finir des travaux des chantiers olympiques, qui a été, je suppose aussi, inclus pour régler des problèmes comme ceux qu'on connaît présentement. Les 2 parties ne seront jamais en mesure de s'entendre, dans le cadre de la présente négociation, en raison des mandats. Et, dans ce contexte-là, nous vous soumettons très humblement, M. le ministre, qu'il serait utile et nécessaire que vous interveniez dans le sens que nous l'avons mentionné.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie. En effet, on vous a laissé terminer votre présentation, et ceci, d'un commun accord entre les 2 partis.

Aussi, je vous aviserai qu'il vous reste, M. le ministre, 15 minutes, le porte-parole de l'Opposition officielle aussi, et M. le député de Drummond, 3 minutes. Alors, M. le ministre, vous avez la parole. Le temps tourne.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Nous avons convenu de vous laisser excéder vos 20 minutes parce qu'on pense que, bien sûr, le fait qu'il y a eu 4 associations syndicales qui sont intervenues et 1 association patronale — il semble en tout cas, à celui qui vous parle — c'est une façon un peu d'équilibrer les choses et de vous permettre d'aller plus loin là-dedans.

S'il y a une chose qui faisait consensus — en tout

cas, la perception que j'en avais et que j'en ai toujours à vous entendre, une autre journée comme celle d'aujourd'hui — s'il y avait un point où l'ensemble des intervenants dans le secteur de la construction avait un but commun, c'était celui du travail au noir dans l'industrie. Celui-là, ça me semblait d'une unanimité, là... J'ai dit: Bon, s'ils ne peuvent pas s'entendre — parce que, bien sûr, j'aurais souhaité que les 45 jours vous permettent de vous entendre sur plusieurs choses — il me semble qu'au moins sur ce qui constitue la plus grande menace à votre industrie comme entrepreneurs et comme travailleurs, au moins sur celle-là, vous auriez pu, vous auriez dû — c'est l'espoir que j'entretenais — profiter de ces 45 jours-là pour, au moins, identifier ensemble des pistes de solution.

Alors, ma question: Est-ce que vous en avez discuté? Si oui, est-ce qu'il y a eu des pistes de solution d'identifiées? «C'est-u» le problème à l'intérieur de la négociation? Qu'est-ce qui fait que les gens dont le pain et le beurre sont menacés quotidiennement par un fléau qui s'appelle le travail au noir ne sont pas capables de s'asseoir puis de profiter d'une occasion comme celle-là, avec la présence d'un conciliateur, avec la présence d'un sous-ministre adjoint, et dégager des pistes de solution pour protéger ce qui est leur gagne-pain? J'ai besoin de vous entendre là-dessus. Ça m'aiderait.

M. Brown: M. le ministre, on a indiqué, au moment où on a justifié notre cahier de demandes, que nos demandes de rationalisation auraient un effet direct sur le travail au noir. Ce qu'on avait indiqué très clairement, d'autre part, et on l'a répété pour éviter qu'on soit l'objet de discours démagogiques — ce que ça n'a pas empêché — c'est que ce n'était pas «la» solution pour combattre le travail au noir; c'est une des solutions.

Évidemment, là où ça a constitué un problème, c'est à partir du moment où on s'est retrouvés en négociations. Alors qu'à notre table de concertation sur le travail au noir avec la FTQ, le conseil provincial et la CSN-construction, on discutait de ça, on a l'emmerde de la table de négociation dans les jambes, dans le sens suivant et je pense que Yves Paré l'a mentionné tantôt. C'est évident qu'à partir du moment où vous retenez une prémisse selon laquelle le coût de main-d'oeuvre a une incidence sur le travail au noir, c'était en tout point compatible avec notre cahier de demandes. Et la partie syndicale a dit, et c'était de bonne guerre à cette époque-là parce qu'on commençait de s'asseoir à la table de négociation: Bien, écoutez, si vous nous obligez à accepter cette hypothèse-là, là, on a un problème. On a dit, pour ne pas faire casser la table de concertation: O.K., on va la tasser de côté, on va la suspendre, on va finaliser le dossier de la négociation et on reviendra. Parce que, M. le ministre, on s'entend sur un très grand nombre de mesures. Parce qu'à l'intérieur des propositions que nous avons faites ou que la partie syndicale a faites il y a des mesures administratives, il y des mesures d'application réglementaires, il y a des mesures qui font intervenir les municipalités, différentes organisations qui interviennent dans le milieu, etc.

Je vous disais que le seul obstacle qu'on a dans la discussion qu'on a tenue jusqu'à date, c'était le concept selon lequel les conditions de travail ont une incidence quelconque sur le travail au noir. Et, plus encore, à la table de négociation, la partie syndicale nous a dit très clairement — et je ne fais pas d'interprétation, c'est presque le mot à mot: Selon nous, la partie syndicale, le coût du décret n'intervient d'aucune espèce de façon dans le travail au noir. C'est évident qu'on a un sérieux problème. Mais, si on isole cet élément-là, il n'y a aucun doute dans notre esprit qu'on est capables de faire un maudit grand bout. Et ça pourrait... Je ne vous dirai pas que ce serait suffisant pour enrayer le travail au noir, mais ce serait suffisant pour porter échec au travail au noir. Mais on a un problème avec ça, M. le ministre. (17 h 40)

On ne peut pas, d'un côté, prévoir des mesures coercitives, des mesures policières, et je ne sais trop quoi, pour supporter un décret qui, à notre avis, est trop dispendieux. Pour la partie syndicale, c'était emmerdant d'accepter le concept ou la prémisse avant d'aller à la table de négociation. Je dois vous dire qu'on a le même maudit problème. Parce que, si la partie syndicale s'attend à ce qu'on embarque dans des mesures coercitives — tu sais, les visites sur les chantiers, là, moi, j'appelle ça, que ça leur fasse plaisir ou pas, des jobs de bras — c'est évident, M. le ministre, qu'on ne sera pas d'accord. D'abord, par principe, on n'est pas d'accord avec de telles mesures, et, si c'est pour faire appliquer artificiellement un décret qui est cliniquement mort, là, on a un problème. Mais il reste suffisamment de mesures qui ne sont pas directement reliées au décret pour nous permettre de faire un très grand bout.

Moi, je prends pour acquis, si on recommence à se parler, si on est capables de se parler d'une façon civilisée et de se traiter d'une façon civilisée, peut-être qu'au lendemain de je ne sais trop quoi, d'une entente —j'essaie de le dire sans rire — ou de l'imposition d'un décret, on va revenir à la table et on va, pour une fois, se comporter comme des parties sérieuses, et non pas des gens qui agissent strictement selon des intérêts corporatistes.

M. Cherry: O.K. Concernant le sommet qui fait l'objet de... Tous les gens ont été consultés là-dessus, et vous en avez tantôt dit: C'est nous qui avions suggéré quelque chose de cette nature-là. Je crois que vous souhaitiez peut-être, comme organisme, l'AECQ, en tenir un entre vous. Évidemment, ce que je propose, c'est vraiment un sommet de la construction élargi, où il n'y aurait pas uniquement les gens qui sont à la table de négociation, mais bien d'autres intervenants pour qui le secteur d'activité de la construction est extrêmement important. Évidemment, ça aurait aussi, il me semble, l'avantage... Là, je vous incite à réagir là-dessus. Les propositions... Vous dites: On serait capables de s'entendre sur les aspects du travail au noir. Évidemment, un sommet, ça se fait en public, ça. Il ne s'agit pas

avoir un langage quand la porte est fermée, entre >us, et un deuxième. Un sommet, tout ça, se passera s façon publique. Donc, le comportement des uns et « autres pourra être suivi par les médias et évalué issi par l'ensemble de la population.

Mais, comme il nous reste peu de temps, vous nez déclaré, M. Brown, le 21 mai, je crois, la journée u congé, de la fête de Dollard ou de la reine Victoria, épendamment: Nous allons débuter des négociations de icon sérieuse. Nous avons l'intention de déposer des repositions. Qu'est-ce qui s'est passé entre le 21 et la emaine dernière où vous avez décidé de quitter la table e négociation? Effectivement, est-ce que vous avez 'Oursuivi, selon la déclaration que vous aviez faite le '4... C'est bien ça, le 24?

M. Brown: Je pense que c'est le 24, oui.

M. Cherry: Vous aviez déclaré que vous com-nenciez à négocier sérieusement. Vous aviez l'intention ie faire des propositions. Est-ce que, effectivement, ces gestes-là ont été posés? Et, par la suite, qu'est-ce qui vous a amenés, presque 10 jours plus tard, à vous retirer de la table?

M. Brown: Je vais qualifier, si vous me permettez, M. le ministre, ma déclaration. Ce que j'avais indiqué à ce moment-là, c'est qu'on allait s'attaquer, à partir de cette semaine — c'était, je pense, le mardi — au vrai problème de notre décret, c'est-à-dire tout l'aspect directement et indirectement à incidence monétaire. Parce que tout ce qu'on avait fait depuis la reprise des négociations, le 6 mai dernier, en présence du conciliateur, c'est tenter de développer une certaine relation entre les 2 parties. Si bien que ce qu'on faisait, selon l'expression qu'on utilisait à la table, on discutait de normatif léger.

Mais, vous savez, à partir du moment où vous ne pouvez même pas vous entendre sur une définition à inclure dans le décret, qui serait en tout point conforme à la définition prévue dans votre loi-cadre, on a un maudit problème. Et ça, on en a rencontré tout le long. Alors, ce qu'on ne voulait pas, c'est perdre du temps à la table de négociation. On ne voulait pas qu'on nous fasse meubler du temps à la table de négociation. Alors, ce que j'ai dit le 24, c'est que notre intention était de nous attaquer aux clauses sérieuses du décret. C'est dans ce sens-là que je l'ai mentionné, M. le ministre. Et, effectivement, avec l'intervention du conciliateur, nous avons commencé à discuter de vrais dossiers, en commençant par la section 21, si je me rappelle bien, la section des horaires de travail, où nous sommes en demande et ce, d'une façon assez substantielle.

Et, sur toutes nos demandes, on a essuyé des refus catégoriques. Ça nous donnait déjà une indication qu'on pressentait bien avant même.le début de la négociation, à savoir que la partie syndicale — je vais être poli quand je vais dire ça; ils vont probablement m'en remercier — probablement n'avait pas le mandat de discuter de nos demandes de rationalisation.

On a fait cet exercice-là pendant quelques jours. Puis, je vous donne un peu l'événement, là, qui a conduit à la rupture de la table; il y a une déclaration d'un porte-parole syndical qui dit: Si vous pouviez nous proposer des mesures pour enrayer le travail au noir qui s'adresseraient aux employeurs... En d'autres mots, qu'est-ce que vous allez faire, vous autres, contre les employeurs qui vont travailler au noir? 11 dit: Peut-être qu'on serait ouverts. Alors, on convoque un exécutif le lendemain matin, on fait accepter ou adopter un certain nombre de mesures. Ce n'était même pas limitatif; on était disposés à en déposer davantage. On les indique verbalement à la partie syndicale, et M. Yves Paré a même dit que c'était positif. Compte tenu de son langage, je dois vous dire que, probablement que, si on ne l'avait pas retenu de chaque côté de la chaise, il serait tombé en bas de sa chaise. C'était probablement très, très positif. Alors, on s'attendait, nous, à ce qu'il y ait ouverture. Et, la coalition a dit: Oui, on pressentait que vous alliez ouvrir, on est disposés à vous présenter une contre-proposition, à laquelle les gens ont fait allusion tantôt. Permettez-moi d'avoir une opinion différente sur le contenu de la contre-proposition.

Je vais vous donner un exemple, juste pour illustrer un peu notre prétention. Nous étions en demande pour qu'il y ait une période de probation de 5 jours pour l'employeur. En d'autres mots, parce que vous n'embauchez pas qui vous voulez, vous avez des règles de contingentement, vous avez des règles de placement, et, dans certains cas, vous avez même des bureaux, des agences syndicales de placement qui vont vous obliger à embaucher Pierre, Jean ou Jacques, et, à ce moment-là, vous êtes pris avec un travailleur et vous n'avez pas l'opportunité de vérifier s'il est en mesure de faire le travail pour lequel vous l'avez embauché. Ce qu'on demandait, et on ne considérait pas que c'était déraisonnable, c'est que l'employeur dispose d'une période de 5 jours pour une période de probation.

Alors, la partie syndicale, quand on a présenté la demande la première fois, a dit: Non, il n'en est pas question. Et ils sont revenus avec une contre-proposition. Ils ont dit: On est prêts à accepter une période de probation de 5 jours en autant que vous acceptiez notre demande — je m'excuse, j'ai un blanc de mémoire — sur le régime d'ancienneté. Alors, je ne sais pas si vous connaissez un peu les relations de travail. Vous avez une idée? Seriez-vous prêts à échanger un régime d'ancienneté contre une période de probation de 5 jours? Contrairement à ce que les gens qui nous ont précédés nous ont indiqué, est-ce que vous pensez à un régime d'ancienneté dans l'industrie de la construction où l'employeur embauche selon la durée du chantier, où il n'a même pas, bien souvent, le choix de sa main-d'oeuvre? D'autre part, pour avoir droit à une période de probation de 5 jours, vous allez devoir accepter le concept d'une règle comme celle que je viens de vous décrire. Et je vous fais grâce des autres contre-propositions ou des autres échanges que la partie syndicale était prête à

faire. Je dois vous dire qu'au moment où on a décidé de suspendre pour étudier plus à fond la contre-proposition les porte-parole syndicaux avaient de la difficulté à garder leur sérieux.

Alors, on a analysé, M. le ministre, la contre-proposition. On devait les rencontrer le jeudi, à 15 heures. On devait étudier la contre-proposition, ce que nous avons fait. Notre comité de négociation a évalué l'ensemble de la situation et nous avons décidé qu'il était inopportun de faire accroire au ministre du Travail, aux membres de cette commission, que, si on restait à la table de négociation, même si on n'échangeait rien, avec le temps ou par épuisement, on arriverait à une entente. Ce que nous avons fait, c'est qu'on s'est retirés de la table parce qu'il n'y avait rien à faire. De la même façon, M. le ministre, qu'on vous indique, aujourd'hui, avec toutes les pressions possibles qui pourraient nous être opposées, malgré tous les leviers qui pourraient être utilisés contre nous, qu'il n'y a rien à faire parce que nos mandats respectifs sont trop distants l'un de l'autre. Alors, c'est la raison pour laquelle on est sortis de la table.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. C'est là tout le temps qui vous était imparti, M. le ministre. Je passerai donc maintenant la parole à M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Oui, merci, M. le Président. Je vous ai écouté attentivement concernant le travail au noir. Vous avez dénoncé certaines pratiques, certaines façons de procéder, mais, tout à l'heure, on entendait le pronostic des intervenants précédents qui, d'une part, dit: Pour nous, le travail au noir, ça découle d'abord, 1, d'un manque de travail évident sur le terrain; deuxièmement, de la fiscalité qui est imposée. Est-ce que vous croyez que la fiscalité qu'on connaît actuellement, qui est imposée à l'ensemble des travailleurs, ça a de l'influence sur le travail au noir ou bien si ça ne rentre pas là? (17 h 50)

M. Brown: Je ne suis pas économiste, M. le député. Je ne vais que répéter ou faire part du contenu d'un sondage qu'on a effectué auprès d'employeurs, et d'un sondage indépendant qu'on a fait effectuer également par des firmes extérieures auprès de travailleurs. Et, dans les 2 cas, les 2 groupes ont identifié 2 sources à peu près au même rang. La marge est tellement infime que, finalement, on les situe les 2 au même rang comme étant catalyseurs du travail au noir. Il y avait le coût des taxes et des impôts et il y avait les taux de salaires. Et ça, je vous rappelle que c'est ce qui est sorti du sondage qu'on a effectué auprès des travailleurs.

À partir du moment — puis, c'est ce que les économistes prétendent — où vous vous retrouvez avec un écart très important entre le taux au blanc et le taux au noir, inévitablement, vous allez avoir une augmentation du travail au noir. Et plus vous réduisez — et c'est notre théorie — l'écart entre le taux au blanc et le taux au noir, plus vous êtes susceptible de récupérer des heures qui sont effectuées au noir, parce que les professionnels de la construction, à savoir les travailleurs à l'emploi d'employeurs professionnels, en tout cas, je dis sans gêne qu'ils vont faire des travaux d'une meilleure qualité que n'importe quel Jos Bleau.

M. Dufour: Est-ce que vous croyez que l'application des lois telles qu'on les connaît, pas juste avoir des lois... Vous avez dit tout à l'heure qu'il y avait une différence entre le langage et le faire. Mais, je veux dire, il y a une différence entre une loi, puis l'application de la loi. Avec l'application des lois qu'on connaît et des règlements qui régissent le système de construction, est-ce que vous croyez qu'il est possible de diminuer le travail au noir?

M. Brown: Fort probablement. Évidemment, le règlement de placement que votre parti a introduit — de mémoire, je pense que c'est en 1977 ou 1978 — évidemment, on se rappelle sa raison d'être: c'était pour garantir les emplois aux vrais travailleurs de la construction. Mais, évidemment, si l'intention était bonne, il y a certaines applications qui sont emmerdantes, parce que ça fait en sorte que l'employeur, dans certains cas, ne peut pas donner du travail à un salarié parce qu'il ne correspond pas à la définition prévue dans le règlement, qui est celle du salarié permanent. Alors, c'est un règlement qui est censé régler un problème et, finalement, qui en cause un autre. Si vous parlez des définitions de métiers, les définitions de métiers sont très compartimentées. Ça fait obstacle à toute forme de polyvalence. Dans bien des cas, vous êtes obligé de mettre à pied un salarié parce que, techniquement, il ne possède pas la qualification, la carte — je ne dis pas la compétence — pour faire le travail.

Quand vous parlez des ratios compagnons-apprentis qui n'ont pas été modifiés depuis une vingtaine d'années, si ce n'est pas plus, évidemment, à partir du moment où vous voulez introduire des nouveaux salariés dans la construction — parce que vous voulez, éventuellement, remplacer votre main-d'oeuvre vieillissante — et que vous avez l'obstacle réglementaire des ratios compagnons-apprentis, bien ça, c'est une autre indication de cas où les règlements, probablement au moment où ils ont été introduits, c'était de bonne foi, puis c'était pour régler des problèmes, mais on ne peut pas toujours prévoir les nouveaux problèmes qui vont découler de cette réglementation. C'est dans ce sens-là que les états généraux sont extrêmement importants. Il faut non seulement accoler notre décret à la réalité des années quatre-vingt-dix, mais c'est aussi vrai pour certaines dispositions de la loi.

Mais ceci dit, M. le député, on ne prétend pas, nous, qu'il faut renverser tout le système. On ne prétend pas que toutes nos lois, puis tous nos règlements ne fonctionnent plus, mais il y a des dispositions, à l'intérieur de ça, qu'il faut carrément revoir. Et il faut surtout éviter de faire du «patchage», et éviter, ce que les gouvernements qui se sont succédé ont eu, malheureusement, l'idée de

faire, qui est de réagir en catastrophe. Ce qu'il faut faire, c'est une planification un peu plus longue, et c'est pourquoi la proposition du groupe de députés de prévoir des états généraux pour une période de 6 mois, à notre avis, c'est nettement insuffisant. Ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est peut-être 1 an, c'est peut-être même 18 mois. Écoutez, juste les définitions de métiers, ça n'a pas été modifié, sauf des amendements mineurs, depuis 1969 ou 1970. Il y a des problèmes du côté syndical à s'entendre sur de nouvelles définitions. Il y a des problèmes, également, du côté patronal, pour s'entendre sur de nouvelles définitions. Si quelqu'un prétend que ça peut se faire en 6 mois, bonne chance! Mais, moi, je n'y crois absolument pas.

M. Dufour: Comment vous vivriez ça, un vide juridique qui a été proposé par des groupes d'intervenants? Ils ont dit: Laissez faire les règles du jeu. Comment vous vivriez ça, vous autres?

M. Brown: Laisser faire les règles du jeu, ça veut dire qu'ils acquièrent le droit de grève, qu'on acquiert notre droit de lock-out. Je dois vous dire que, dans la présente négociation, on a fait l'évaluation chez nous par rapport à notre droit de lock-out, comme, je suppose, la partie syndicale l'a faite pour le vote de grève. Notre lecture à nous, pour notre groupe, le groupe qu'on représente, c'est que le peu d'employeurs qui ont la chance ou la malchance d'avoir des contrats — parce que les contrats se donnent à des prix assez bas, je vous remercie — ceux qui ont cette chance ou cette malchance n'auraient peut-être pas le goût de se sacrifier au nom de la collectivité. Je peux présumer, M. le député, que le même concept, la même appréciation peut se faire à l'égard des travailleurs qui ont la chance de travailler.

Donc, est-ce qu'effectivement, de part et d'autre, on pourrait exercer notre droit de lock-out ou de grève? Je ne suis pas certain. Mais, évidemment, il y a une question... Deux fois, je l'ai dit tantôt, vous avez posé la question, de part et d'autre à M. Pouliot: Ça voudrait dire quoi, dans les faits, vivre le vide juridique? Je n'ai pas entendu la vraie réponse qui est celle de dire: Convaincre les employeurs de faire des concessions qu'ils n'ont pas le goût de faire. Je n'ai pas besoin de qualifier la façon de le faire, là, ça ne serait pas honnête de ma part. Mais c'est ça, le vide juridique: l'exercice du droit de grève et du droit de lock-out et, selon la culture de notre industrie, convaincre des gens de faire des choses qu'ils n'ont pas le goût de faire.

M. Dufour: Est-ce que vous croyez que...

M. Couillard: Au-delà du vide juridique, M. le député...

M. Dufour: Oui.

M. Couillard: ...il faut aussi comprendre qu'on a négocié depuis quand même le mois de février, le 8 février de cette année, en aucune façon, la partie syndicale n'a fait de mouvement quelconque pour négocier à la table de négociation. Elle n'a que meublé le temps. Elle se refuse totalement à la rationalisation dans l'industrie de la construction, bien que l'ensemble de l'économie du Québec y voie un avantage énorme. Au-delà du vide juridique, ça n'apporterait rien.

M. Dufour: Mais, est-ce que... Bon, en fait, on pourrait peut-être épiloguer assez longtemps là-dessus, puis on pourrait rester avec chacun des opinions contraires. Mais, pour moi, c'est surtout d'avoir vos prises de position à vous autres, je pense, qui est intéressant, comme je l'ai fait avec d'autres intervenants. Vous, est-ce que vous croyez sincèrement que c'est réaliste, à quelque part, de demander que ce décret soit imposé pour une durée de 3 ans avec un recul sur beaucoup de clauses qui concernent les syndiqués? Est-ce que vous croyez que le gouvernement qu'on a en face de nous, après tout ce qu'on a vu, pourrait faire ça? Et, deuxièmement, est-ce que vous pensez que les employés...

Une voix: C'est souhaitable.

M. Dufour: II pourrait peut-être le souhaiter, mais je pense que ça prend d'autre chose que ça. Est-ce que vous croyez que vous pourriez, d'une façon quelconque, avoir un certain... que ça serait vivable sur les chantiers si, ça, c'était accepté? Peut-être que ce serait lancer un peu la perche au ministre pour le sauver un peu, mais je pose la question bien franchement, bien honnêtement, parce que c'est une question de fond, là, que je pose.

M. Brown: D'abord, à votre première question, je vous dirais qu'il n'y a personne de mieux placé que vous pour répondre à ça, parce que vous avez vécu une expérience de couper les salaires de la fonction publique. Et, à ce que je sache, les gouvernements qui vous ont suivi ont pris bonne note de votre expérience, et, surtout, des conséquences politiques du geste que vous avez posé. Je ne le qualifie pas, là, je fais juste répondre de cette façon-là.

Moi, je vous dirais que ce n'est peut-être pas la tradition, ce n'est peut-être pas politiquement — et je ne suis pas politicien — la chose à faire. Mais, vous savez — puis c'est facile pour nous de le dire, là, c'est pour ça que je qualifie ma réponse; je ne veux pas avoir l'air du type qui connaît tout, là — à partir du moment où un gouvernement est obligé d'assumer des responsabilités, assumer des responsabilités, ça veut dire, des fois, poser des gestes que tu n'as pas le goût de faire politiquement, mais, si tu t'es donné la peine de te faire élire, c'est peut-être parce que tu as le goût de changer des choses. Et le présent gouvernement a une belle opportunité d'assumer une responsabilité — et, je le répète, je l'ai mentionné tantôt — ce que les parties n'ont pas eu le courage, n'ont pas été capables de faire.

Ça, il faut le reconnaître quand même. Et c'est malheureux qu'on doive s'adresser au ministre du Travail pour dire: Fais la job à notre place! Mais, chose certaine, vu la situation économique, la situation des entreprises, la situation des salariés, la situation des consommateurs, dites-moi qui est contre.

Et je vais m'introduire dans votre deuxième question, quand vous dites: Qu'est-ce qui arriverait sur les chantiers? Écoutez, là, ce n'est pas de gaieté de coeur qu'on demande de couper les conditions de travail des travailleurs de la construction. Évidemment, il y a des gens qui aimeraient nous dépeindre comme étant des ogres, des gens qui sont antisalariés, antisyndicaux. Puis, je ne vous vise pas quand je dis ça; je vois votre réaction, là. Je ne pense pas qu'on puisse nous prêter de telles intentions. Je dois vous dire que les employeurs paient la note également, au moment où on se parle. Est-ce qu'il va y avoir des problèmes sur les chantiers? On ne s'attend pas à ce que les travailleurs disent: Merci, gouvernement, ou merci, AECQ, d'avoir réduit nos conditions de travail! Mais, si on est honnête intellectuellement, il faut avoir le courage, il faut avoir une vision, si on est chef syndical, pour faire ça. Peut-être qu'on est capables de faire la démonstration qu'on va échanger une rationalisation des coûts de main-d'oeuvre pour une récupération d'heures au noir, pour une récupération d'heures qui sont effectuées légalement en dehors du champ d'application. Probablement qu'on va être capables de récupérer un certain nombre d'heures et faire en sorte qu'on va augmenter le nombre d'heures, ce qui pourrait largement compenser la baisse de rémunération.

Et je vais aller plus loin, M. le député, et je termine là-dessus. Ce ne sont pas tous les travailleurs qui sont en désaccord avec une rationalisation. Je ne prétends pas que la majorité des travailleurs viendrait nous donner une tape dans le dos. Ce n'est pas ce que je vous dis. Mais, écoutez, à partir du moment où on décide d'assumer une responsabilité, il faut aller jusqu'au bout, il faut avoir le courage de ses convictions. Mais, je vous répète: C'est facile pour moi de faire cette réflexion-là, je suis assis de ce côté-ci de la table.

M. Dufour: Si je continuais à échanger avec vous, je vous demanderais, parce que je veux juste aller sur votre hypothèse: Est-ce que vous seriez prêts à ouvrir tous vos livres aux syndiqués?

M. Brown: Dans quel sens vous posez la question?

M. Dufour: C'est parce que, en fait, on peut contrôler le salaire d'un employé.

M. Brown: Oui.

(18 heures)

M. Dufour: Moi, je ne peux pas contrôler les profits d'un employeur. Donc, dans un échange normal, en supposant que ça pourrait se suivre et cheminer, est-ce que vous ne croyez pas que les employés pourraient demander d'aller un petit peu plus loin dans la démarche, à savoir: Est-ce que, moi, j'ai le droit d'être partenaire, ou si je dois juste subir, ou si je dois vivre avec des décisions qui seraient prises?

M. Brown: Je vais vous répondre de la façon suivante. C'est une question que plusieurs journalistes nous ont posée. Est-ce que ça ne se fait pas, cette rationalisation, sur le dos des travailleurs? Évidemment, s'il n'y avait aucune forme de compensation, comme celle que je viens de vous décrire, bien, là, il y aurait un problème, ce qui ne serait pas le cas. Je dois vous dire qu'il y a un ticket modérateur implicite ou intrinsèque dans la construction. Y a-t-il une industrie ou un secteur économique, dans la province de Québec, où il y a autant de compétiteurs que dans l'industrie de la construction? Ma prémisse est fausse parce que ce n'est pas tout le monde, tous les employeurs qui ont la compétence, la technologie, je m'excuse, ou même l'envergure pour soumissionner sur n'importe quel projet.

Mais, comment pensez-vous qu'un employeur peut — je vais charrier, juste pour illustrer mon point de vue — prévoir un profit de 10 % aujourd'hui, qu'il va garder dans sa poche et espérer obtenir un contrat? C'est irréaliste, ça ne tient pas debout. Dans ce sens-là, M. le député, le ticket modérateur qui s'applique quotidiennement, dans l'industrie de la construction, c'est le phénomène de la compétition. Et celui qui pense être capable de faire des profits sur le dos des travailleurs, il n'aura pas l'opportunité de le faire parce que, pour y arriver, il faut avoir un contrat, et il n'obtiendra pas de contrat.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. M. le député, cela met fin au temps. M. le député de Drummond, il vous reste 3 minutes.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. Alors, vous allez comprendre, M. le Président, que ma première réaction sera une réflexion suite à la parole de M. Brown, lorsqu'il disait: Ton père est plus fort que moi. Moi, j'ai l'impression, à observer depuis 3 ans, que l'orchestre joue, les passagers s'amusent et le bateau est en train de couler. Je pense que c'est la façon dont je décrirais plus précisément votre situation dans l'industrie de la construction.

J'ai été un de ceux, en 1990, qui ont fait la promotion, avec le ministre du Travail du temps, d'une commission parlementaire élargie itinérante. Lorsqu'on s'est réunis ici, au mois d'avril, on a juste à regarder mes remarques de conclusion et mes remarques d'ouverture... Aujourd'hui, on l'appelle un sommet au lieu d'une commission parlementaire itinérante. Moi, je ne m'enfargerai pas avec les mots, je vais accepter le sommet.

Faire un vide juridique, par contre... Je retiens ce que M. Pouliot et les dirigeants, aussi M. Paré de la FTQ, ont mentionné, que, si on était assurés, pendant une certaine période de temps, qu'on pourrait avoir un

«ret... Et, à mon avis, je vais mettre cartes sur table unédiatement, M. le ministre, pas plus de 6 mois, rec obligation de résultat cette fois-ci. Je ne vous crois is, M. Brown, lorsque vous affirmez qu'on ne peut pas igler, revoir les paramètres de la construction en 6 lois. Bon Dieu! si on a été capables de nous proposer harlottetown en moins de six mois, si on a été capa-les de faire de grandes négociations, dans quelque îcteur d'activité que ce soit, moi, je crois que des ommes et des femmes de bonne volonté, qui vont 'asseoir dans un sommet et regarder tous les paramè-res...

Parce que je pense que les problèmes, on les onnaît. Il y a un problème au niveau des négociations les conventions collectives. Il y a un problème, aussi, lui est le vieillissement de la population, et j'ai eu 'occasion de tabler là-dessus au mois d'avril. Qu'on le feuille ou qu'on ne le veuille pas, il va falloir réaliser lu'avec le vieillissement de la population, avec la masse les «baby boomers» qui se déplacent, le secteur de la ;onstruction, au niveau locatif, sera en reprise seulement yers l'an 2000, et celui du bungalow s'en va en dépérissant à partir de 1995 jusqu'à dépassé 2000. Alors, c'est beaucoup plus que les 3 ans dont on parle. Alors, on a besoin de regarder une négociation et une approche fondamentale de gestion intégrée.

J'avais dit aussi, au mois d'avril, qu'il serait normal que la Société d'habitation du Québec, qui est un des grands donneurs d'ouvrage ici, au niveau de la construction, que les municipalités... Il y a aussi des grands travaux au niveau du gouvernement provincial, au niveau des institutions et, aussi, je pense qu'il y a moyen d'inclure, au niveau des grands paramètres de la grande construction industrielle, une gestion et une planification intégrées. Tant qu'on ne regardera pas ça, on sera encore assis ici.

Moi, ça fait 3 ans, depuis 1990, que je suis membre de cette commission; on a fait décret après décret. Alors, M. le ministre, je pense, moi, que de reconduire le décret pour 3 ans, ce serait prolonger, puis projeter en avant les problèmes qu'on n'aurait pas réussi à résoudre. Alors, moi, j'espère que la conclusion de cette commission-là va être, au maximum, au maximum, un décret de 6 mois, avec obligation de notre part, en tant que parlementaires — et je l'ai dit au mois d'avril, et je le répète — d'arriver au mois de décembre — jusqu'au 17 décembre — avec tout le pouvoir législatif que le législateur a ici, pour être capables de régler et d'apporter les mécanismes ou solutions.

Et aussi, en passant, M. Brown, je regarde votre problématique et, en tant qu'ex-employeur, ayant toujours cru, moi, à l'implication au niveau de la santé et sécurité au travail, je pense, moi, lorsque je regarde les taux qui sont payés aujourd'hui au niveau de la construction, qu'il y aurait avantage aux partenaires de s'asseoir et de regarder l'approche prévention des accidents. On serait capables peut-être de dégager des marges de manoeuvre, au niveau des primes du 100$, qui seraient drôlement intéressantes au niveau du consommateur que nous sommes pour garder les prix bas.

Puis, il y a tout le phénomène aussi de la formation professionnelle et du recyclage. Tous les intervenants ont été d'accord à participer, puis ils voulaient avoir le ministre de l'Industrie et du Commerce, le ministre du Travail, puis le ministre du Revenu, puis le ministre des Finances. Je vais vous rajouter qu'on devrait avoir le ministre de l'Éducation, aussi, présent. Parce que, tôt ou tard, il va falloir réaliser les guerres qui se passent au niveau des régions pour avoir toutes les options professionnelles au niveau de chacune des commissions scolaires. Avec ça, on va continuer, quand je regarde les 10 prochaines années au niveau de la construction, à former des gens qui vont simplement grossir la masse de ceux qui ne seront pas employables ou employés parce qu'il n'y en aura pas d'ouvrage. Ne nous leurrons pas, appelons une pomme, une pomme. Alors, il va falloir qu'au niveau des régions, aussi, avec le ministre de l'Éducation, on prenne conscience qu'on est peut-être mieux de commencer à contingenter, même si ça affecte un peu le prestige de chacune des commissions scolaires qui ne pourront pas donner toute la vaste gamme des programmes de formation. Alors, ceci étant dit...

Le Président (M. Gobé): M. le député de Drummond.

M. St-Roch: ...M. le Président, je vais vous demander de conclure, avec votre grande générosité de 3 minutes...

Le Président (M. Gobé): Vous avez eu 3 minutes et demie déjà.

M. St-Roch: Je vais conclure en disant, M. le ministre, que j'espère, moi, qu'avant la fin de 1993 on sera capables de s'asseoir, d'avoir dégagé un vaste consensus sur chacun des paramètres. Puis, ceux qui sont plus intéressés, ils auront juste à regarder mes remarques de conclusion et d'ouverture d'avril, puis vous allez voir la position. Alors, si on veut aller dans un sommet élargi pour apporter une solution, vous aurez toujours le support du député de Drummond, M. le ministre.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Drummond. M. le député de Jonquière, un mot de la fin, rapidement, 1 minute en terminant.

Remarques finales M. Francis Dufour

M. Dufour: Oui, je pense bien que ce qu'on avait prévu il y a 45 jours, ça se produit. Le ministre trouve une voie d'évitement jusqu'à un certain point, mais qui est difficile à ne pas prendre: c'est qu'il doit y avoir un sommet. Moi, ce que je souhaiterais, c'est que le ministre, pour une fois, se mouille un peu. C'est qu'il nous

dise, qu'il publie un livre blanc, s'il le faut, qu'il donne un peu des indications de quelle façon il veut y aller. À ce moment-là, on se met en consultation, puis, là, il y a des chances qu'on aboutisse à quelque part. Si on laisse ça, un «free for all», où tout le monde a son mot à dire, puis personne ne fait quelque chose, personne ne s'engage, moi, je pense que c'est du laisser-faire, et on ne peut pas accepter aujourd'hui qu'une prolongation de décret ne soit là que pour gagner du temps. Il faut qu'il y ait un aboutissement. L'aboutissement, il me semble qu'on se l'est fait dire... Ça ne fait pas longtemps que j'ai ce dossier-là, moi. Si je continue, je vais dire que c'est un dossier pourri qui n'est pas vivable, qui n'est pas acceptable par qui que ce soit. On sent bien qu'il y a des malaises. Mais, des malaises, d'habitude, on essaie de les régler. Et, si on prend cette décision-là de les régler, bien, poussons notre réflexion jusqu'au bout, puis notre volonté de régler le problème une fois pour toutes.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Jonquière. M. le ministre, en terminant.

M. Normand Cherry

M. Cherry: Alors, M. le Président, l'exercice d'aujourd'hui, même si le fait de le convoquer est quand même décevant, dans le sens que notre premier but a toujours été le même, que les parties puissent en venir à un accord... Je pense qu'aujourd'hui ils sont venus nous faire la démonstration que dans le contexte dans lequel c'est... Puis, tout le monde a invoqué ses raisons, mais je pense que c'est M. Brown qui l'a le mieux défini; il a dit: À cause de nos mandats respectifs, il n'y avait aucune possibilité qu'on puisse s'entendre. À mon avis, le contexte économique est le grand responsable de ça. Ceux qui les ont précédés nous ont décrit de quelle façon le mode de négociation, ils prétendent, ne peut pas leur être juste, leur rendre ça de façon équitable.

La responsabilité de celui qui vous parle dans ce dossier-là, dans un premier temps, c'est, bien sûr, avant que la journée se termine, de faire les recommandations au Conseil des ministres, à savoir quel est le chemin à suivre. Et ce qui a fait l'unanimité aujourd'hui, ça a été quand même la tenue d'un sommet, d'un sommet élargi, d'un sommet de façon publique pour assurer que l'ensemble de la collectivité québécoise va pouvoir avoir l'ensemble des messages de ceux qui souhaitent faire de cette industrie-là quelque chose de valable. Le président ne l'a pas dit aujourd'hui — je parle du président de l'AECQ — mais, dans les rencontres qu'on a eues fréquemment ensemble, il souhaitait toujours pouvoir revaloriser l'image de l'industrie de la construction, l'image des entrepreneurs, l'image des travailleurs. Alors, il me semble que le sommet est la première étape d'une démarche comme celle-là. Je pense que, comme collectivité québécoise, on a besoin de ça.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. le ministre, au nom de tous les membres de cette commission, je tiens à remercier les représentants de la csn, de h csd, de la ftq et de l'aecq. ceci, donc, met fin i nos travaux. je remercie aussi le secrétariat de la commission et tous les gens qui ont participé. la commission est ajournée sine die.

(Fin de la séance à 18 h 10)

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