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Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le mardi 31 mai 1994 - Vol. 33 N° 21

Consultation générale sur le régime des décrets de convention collective ainsi que sur le rapport du Comité interministériel sur les décrets de convention collective de février 1994


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Table des matières

Auditions


Intervenants
Mme Pierrette Cardinal, présidente
M. Paul-André Forget, président suppléant
M. Jean A. Joly, président suppléant
Mme Madeleine Bleau, présidente suppléante
M. Serge Marcil
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Serge Ménard
M. Jean-Guy St-Roch
M. Denis Perron
M. Sam L. Elkas
*M. Gaston Charland, AMQ
*M. Louis Paquette, idem
*Mme Louise Dubé, idem
*M. Marc C. Gravel, Gestiparc inc.
*M. André Thivierge, idem
*M. Côme Poulin, ACAPA
*Mme Lise Raymond, idem
*M. Gilles Caissie, Association des entrepreneurs en services d'édifices
Québec inc. et Union des employé-e-s de service (local 800 - FTQ)
*M. Rhéal Martin, idem
*M. Réal Paré, idem
*M. Roger Gauthier, idem
*M. René Lafontaine, ACQ
*M. Michel Paré, idem
*M. Gérard Proulx, idem
*M. François Morissette, idem
*M. Ezio Brignoli, idem
*M. Omer Beaudoin Rousseau, APCHQ
*M. Michel Lessard, idem
*M. François Bernier, idem
*M. Serge Crochetière, idem
*M. Éric Bédard, Comité national des jeunes du Parti québécois
*M. Sylvain Gaudreault, idem
*M. Hugo Saint-Pierre, idem
*M. Jean-Louis Bonneville, AIPFQ
*M. Normand Faffard, idem
*M. Gilles Morissette, idem
*M. Pierre Beauchesne, idem
*M. Jean Tremblay, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission
________________

Journal des débats


(Dix heures quatorze minutes)

La Présidente (Mme Cardinal): Bonjour, messieurs dames. Permettez-moi de rappeler le mandat de la commission. Je rappelle que le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale sur le régime des décrets de convention collective ainsi que sur le rapport du Comité interministériel sur les décrets de convention collective de février 1994.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui. M. Audet (Beauce-Nord) est remplacé par Mme Bleau (Groulx); M. Benoit (Orford) est remplacé par M. MacMillan (Papineau); M. Fradet (Vimont) est remplacé par Mme Loiselle (Saint-Henri); M. Lemire (Saint-Maurice) est remplacé par M. Hamel (Sherbrooke); M. Poulin (Chauveau) est remplacé par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet); M. Claveau (Ungava) est remplacé par M. Perron (Duplessis).

La Présidente (Mme Cardinal): Merci, Mme la secrétaire. Maintenant, je vais vous donner la lecture de l'ordre du jour. À 10 heures, l'Association des manufacturiers du Québec, à 11 heures, Gestiparc inc. et, à 11 h 30, l'Association des centres d'accueil privés autofinancés inc. À midi, il y a un groupe qui n'a pu assister, Labrex: Je regrette de vous informer que Me Yvon LaBrecque et le soussigné ne pourront être présents, n'étant pas disponibles avant le 2 juin 1994. Je vous prie de nous excuser de ce contretemps tout en espérant que l'on considère quand même les recommandations dans le mémoire que vous avez en main.

Alors, ça devrait se terminer à midi.

M. Jolivet: Avant de débuter, madame, est-ce que vous me permettriez, au nom de la commission, de souhaiter nos condoléances à notre secrétaire, dont le père est décédé, Mme Brouard, qui n'est pas ici ce matin.

La Présidente (Mme Cardinal): D'accord. On transmettra nos condoléances.

Alors, maintenant, si vous voulez, nous allons procéder aux remarques préliminaires. Non? Excusez-moi. Dès maintenant, oui? Il n'y a pas de remarques préliminaires. Ah! je m'excuse, c'est parce qu'à l'autre...


Auditions

Alors, s'il vous plaît, on demanderait à l'Association des manufacturiers du Québec de s'approcher.

Bonjour, messieurs dames. Je vous demanderais, s'il vous plaît, de vous identifier pour les fins du Journal des débats , et d'identifier les personnes qui vous accompagnent aussi.


Association des manufacturiers du Québec (AMQ)

M. Charland (Gaston): Mme la Présidente, mon nom est Gaston Charland, vice-président de l'Association des manufacturiers du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, de Me Louise Dubé, de Heenan Blaikie, et, à ma gauche, de M. Louis Paquette, président de Jalon mode.

La Présidente (Mme Cardinal): Merci, M. le président. Si vous voulez procéder. Je peux vous rappeler que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Il y aura un échange de 40 minutes entre le groupe ministériel et l'Opposition officielle.

M. Charland (Gaston): Merci, Mme la Présidente. L'Association des manufacturiers du Québec ayant pris connaissance du rapport du Comité interministériel sur les décrets de convention collective doit reconnaître la valeur du travail accompli pas ses auteurs au terme de leur vaste entreprise de consultation.

Dans le cadre de ce processus consultatif, l'AMQ a fait valoir sa position devant le Comité interministériel sur les décrets de convention collective. Un an après les représentations que notre association a faites devant ce Comité, nous favorisons toujours l'abrogation pure et simple de la Loi sur les décrets de convention collective. Cette position tient au fait que l'AMQ accorde une importance cruciale aux critères d'ordre économique, lesquels ont été résumés par le Comité interministériel aux pages 40 à 42 de son rapport.

Dans un premier temps, en partie I du présent mémoire, nous indiquerons à la commission les principales raisons qui nous incitent à privilégier la solution de l'abrogation. Par ailleurs, il faut reconnaître que la solution avancée par le Comité interministériel consistant en une révision en profondeur du régime des décrets pourrait constituer une avenue intéressante grâce aux divers mécanismes suggérés pour accroître la flexibilité du régime et mieux tenir compte des exigences fluctuantes de notre économie. C'est pourquoi, dans un second temps, partie II du présent mémoire, nous indiquerons à la commission en quoi la réforme, telle que préconisée par le Comité interministériel, nous semble une solution de rechange acceptable. L'une et l'autre de ces options devront ultimement faire l'objet d'un analyse coûts-bénéfices. Le gouvernement devra adopter la solution la plus avantageuse pour la société québécoise, eu égard au degré d'interventionnisme étatique souhaité et au niveau d'investissement exigé par la solution retenue.

Depuis l'adoption de la Loi sur les décrets de convention collective, il y a une soixantaine d'années, le Québec a subi de profondes transformations économiques, sociales et politiques. Plus particulièrement, les rapports de travail ont connu une évolution telle que le régime d'extension des conventions collectives est devenu un véhicule désuet. Et pour cause: les objectifs visés à l'origine de la mise en place du régime ont, depuis longtemps, été atteints. Non seulement le régime d'extension des conventions collectives ne correspond-il plus à un besoin réel, mais, ce qui est le plus grave, il constitue un frein considérable au développement économique du Québec.

Le régime actuel des décrets de convention collective procède d'un objectif qui date du début des années trente. Il s'agissait alors d'assurer aux travailleurs des conditions de travail minimales décentes, à une époque où seules les forces du marché déterminaient leurs conditions de travail en l'absence de mécanismes efficaces de réglementation des rapports de travail. Dans ce contexte où les travailleurs étaient profondément vulnérables, il importait de protéger ceux-ci des effets de la concurrence que se livraient alors les entreprises au niveau des prix et des coûts de production. Puisque, à cette époque, la concurrence était surtout d'origine domestique, les leviers économiques provinciaux suffisaient amplement pour faire face au problème.

(10 h 20)

Le législateur québécois a, depuis lors, mis en place deux institutions majeures afin d'assurer aux salariés une protection minimale contre les aléas du marché. D'une part, le législateur a fourni le cadre nécessaire à la détermination collective des conditions de travail en adaptant la Loi des relations ouvrières, puis le Code du travail. D'autre part, il a progressivement mis en place une série de normes minimales plus que décentes dont profite l'ensemble des travailleurs québécois. En effet, depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur le salaire minimum, diverses dispositions législatives assurant des normes de travail plus que suffisantes ont été adoptées: congés, vacances, heures de travail, préavis de licenciement, protection à l'encontre de congédiements injustes.

L'internationalisation des échanges a grandement modifié le marché du travail québécois, tout comme celui des biens et services. Le gouvernement québécois ne saurait ignorer ce fait dans son élaboration d'une stratégie de développement économique. Alors qu'au moment de l'adoption de la Loi sur les décrets de convention collective la concurrence était domestique, les entrepreneurs doivent aujourd'hui faire face à la mondialisation des marchés. Dans un contexte de libre-échange économique, il y a maintenant des secteurs d'activité complets, tels le vêtement, le meuble, le bois ouvré et la menuiserie métallique, qui sont sérieusement menacés par des entreprises étrangères dont les coûts de production sont extrêmement compétitifs.

Le régime d'extension juridique des conventions collectives, autrefois destiné à régler des problèmes internes dans une économie de marché fermée, ne correspond plus aujourd'hui à la réalité qui est imposée aux entreprises dans un contexte de libre-échange. Nos entreprises doivent faire preuve d'une performance hors pair afin de suivre le rythme d'évolution imposé par la concurrence étrangère. Pour survivre dans ce milieu, les entrepreneurs doivent démontrer un sens de l'innovation et une compétitivité exceptionnels, que ce soit au niveau de la recherche et du développement de produits innovateurs, de l'identification du développement de nouveaux marchés ou encore de la mise en marché de produits et services de haute qualité, le tout à des prix fortement concurrentiels. La rigidité qui caractérise le régime d'extension juridique des conventions collective constitue un obstacle de taille aux entreprises qui y sont assujetties. Les contraintes qu'impose ce régime ne leur permettent pas de s'adapter aux nouveaux besoins du marché.

L'absence de souplesse de ce régime se manifeste à bien des égards. Au-delà de la question des salaires, dont les décrets fixent des niveaux nettement supérieurs à ceux des pays concurrents, c'est bien plus une question de flexibilité opérationnelle qui est en cause. Les entrepreneurs assujettis à cette institution unique en Amérique du Nord ont à vivre quotidiennement les frustrations de ne pouvoir suivre le rythme du marché à cause de la discordance entre les conditions de travail établies par décret et les besoins changeants de l'entreprise.

Le système rigide de classification des emplois constitue un exemple flagrant de conditions de travail qui restreignent sensiblement la marge de manoeuvre des entreprises. Le système actuel favorise la stagnation des salariés au sein d'une même classification, puisque toute mobilité des salariés entre les diverses classifications entraîne pour l'entreprise des prix de revient exagérés. En effet, les coûts de production demeurent élevés, peu importent les prix de vente auxquels sont soumis les produits. Dans de telles circonstances, l'entrepreneur régi par décret subit de fortes pressions pour diminuer la qualité de ses produits ou pour restreindre sa production aux produits bas de gamme. Ce mode hermétique de classification des emplois affecte grandement le niveau de qualification des salariés couverts par décret. Puisqu'il est onéreux pour les entreprises d'affecter des salariés d'une classification à une autre en raison des règles établies au décret, le régime actuel décourage la formation d'une main-d'oeuvre polyvalente. Tôt ou tard, ce sont les travailleurs eux-mêmes qui font les frais d'une telle limitation de leurs compétences professionnelles, le tout dans une conjoncture où les licenciements et le chômage abondent. Il y a lieu de douter de la pertinence de maintenir un tel système.

Le régime d'extension des conventions collectives nuit au développement industriel, puisqu'il impose aux entrepreneurs des limites importantes en termes de gestion des ressources humaines. Le gestionnaire doit s'accommoder de conditions de travail imposées par décret plutôt que d'aménagements négociés par les parties elles-mêmes en fonction de leurs propres besoins. Dans ce contexte, les entreprises assujetties doivent souvent se résigner à maintenir une gamme de produits traditionnels, mieux adaptés aux exigences imposées par décret, mais éloignés des besoins exprimés par les consommateurs. Il arrive même qu'un entrepreneur renonce à l'adoption d'une nouvelle conception de produits, d'un nouveau design qui correspondraient mieux aux besoins du marché. Les conditions inflexibles prévues au décret, notamment la rigidité du système de classification évoqué plus haut, découragent de telles initiatives.

Cette rigidité inhérente au régime des décrets place l'entrepreneur devant une alternative fort problématique: il peut refuser de suivre le rythme d'évolution imposé par le marché, poursuivant ses activités conformément à des règles souvent archaïques établies par décret. Il renoncera alors à l'expansion, à l'innovation et à la diversification de ses produits, puisque le régime d'extension des conventions collectives rendrait trop périlleuses de telles avenues de développement. L'entrepreneur plus dynamique favorisera une autre solution. Il pourra choisir de morceler son entreprise, laissant à l'application du régime des décrets les seules activités traditionnelles, celles qui peuvent encore fonctionner dans un cadre vieillissant. Par contre, des activités nouvelles, innovatrices, spécialisées, celles qui nécessitent l'apport de technologies et de qualifications nouvelles, celles qui sont incompatibles avec le régime des décrets seront dissociées de l'entreprise et éventuellement canalisées vers d'autres structures, le plus souvent en dehors du Québec. Les avenues qui s'offrent à ces entrepreneurs innovateurs sont nombreuses: mise sur pied d'une nouvelle entité juridique à l'extérieur de la province, octroi de contrats de sous-traitance, approvisionnement par importation plutôt que par intégration verticale, autant de solutions qui permettent à l'entreprise assujettie de survivre de façon efficace sans sacrifier de nouveaux marchés. Le problème est de taille.

Soulignons que le régime des décrets constitue également un frein au développement de nouvelles entreprises québécoises. En effet, si un décret ne peut s'adapter avec succès à l'évolution des entreprises assujetties, il en va certainement de même en ce qui concerne les entreprises qui ne font pas encore partie des secteurs visés par un décret. Le présent régime de décrets ne prévoit aucun mécanisme pouvant tenir compte de la réalité que vivent les entreprises cherchant à faire une percée dans une industrie assujettie. Il s'ensuit qu'on dissuade, même involontairement, les entrants potentiels à s'engager dans un secteur d'activité, ce qui, par le fait même, favorise son vieillissement.

Enfin, ajoutons que les conditions de travail prévues dans les conventions extensionnées sont souvent conçues en fonction d'entreprises à vocation générale. Pourtant, la tendance actuelle est à la spécialisation des marchés, et ce, même dans les secteurs traditionnels comme le vêtement. Force est de conclure, à la lumière de ce qui précède, que les segments plus dynamiques des industries assujetties sont naturellement attirés vers l'extérieur de la province. Paradoxalement, en raison du régime des décrets qui les protège à outrance, de nombreuses entreprises sont soustraites à une saine concurrence domestique, laquelle aurait pour effet de les obliger à réviser leur mode de gestion pour mieux affronter la compétition autant locale qu'internationale.

L'Association des manufacturiers du Québec favorise, pour les raisons qui précèdent, le démantèlement d'un régime qui impose autant de contraintes aux entrepreneurs québécois. À l'ère de la mondialisation des marchés, le Québec ne peut plus se payer le luxe de cautionner un régime qui freine son expansion économique.

À l'heure actuelle, le régime d'extension des conventions collectives comporte de nombreuses failles, lesquelles ne sauraient être corrigées sans mettre en place de nombreuses mesures de contrôle et d'application. Outre les problèmes spécifiques liés à la gestion des comités paritaires et à la détermination des champs d'application appropriés – double assujettissement et conflit de compétences – la principale faiblesse du régime tient au fait de l'absence de flexibilité qui lui est inhérente.

Dans les secteurs assujettis au régime des décrets, l'on note généralement une discordance entre les conditions de travail extensionnées et la réalité vécue dans l'entreprise. Le régime des décrets est peu propice à une adaptation des conditions de travail aux besoins propres à chaque milieu. Ce phénomène tient à diverses causes. Un facteur qui explique cette mésadaptation est le manque de représentativité des parties requérantes à un décret. En effet, il n'existe aucun mécanisme juridique pour garantir qu'on tiendra compte des autres intervenants du même secteur d'activité lors d'une demande visant à extensionner une convention collective. À la limite, il peut même arriver qu'une entreprise cherche à étendre, au moyen d'un décret, des conditions de travail onéreuses en vue d'éliminer ses concurrents. Dans un tel système, des conditions de travail peuvent donc être imposées à un ensemble d'entreprises, sans égard au fait qu'elles constituent une entrave sérieuse à leur essor économique.

Une autre cause de cette dichotomie entre les conditions générales extensionnées et les besoins spécifiques des entreprises assujetties réside dans l'absence de consultation des tiers. Or, il faudrait que les entreprises et les salariés éventuellement assujettis puissent faire valoir leur point de vue en début de processus ainsi qu'à tout moment lorsque l'évolution du marché nécessite une adaptation des conditions de travail. Il ne s'agit sûrement pas là de problèmes insurmontables. Toutefois, la résolution passe par la mise sur pied de mécanismes bien articulés.

Dans cette veine, la solution envisagée par le Comité interministériel offre une avenue intéressante, quoique complexe et, surtout, coûteuse. C'est pourquoi l'AMQ préconise l'abrogation pure et simple de la Loi sur les décrets de convention collective, ce qui laissera libre cours aux forces du marché, sans pour autant constituer un recul pour les salariés présentement assujettis au décret, vu la protection dont ceux-ci bénéficient en raison de l'encadrement juridique des rapports de travail, tant sur le plan individuel que collectif.

(10 h 30)

L'adaptation de la loi. Advenant un scénario de maintien du régime existant, l'Association des manufacturiers exige sa révision en profondeur, tel que préconisé par le Comité interministériel sur les décrets de convention collective. Cette solution, qui constitue à notre avis un second choix, devrait permettre au régime actuel d'atteindre une flexibilité accrue, indispensable à l'essor des secteurs assujettis.

Notre position à l'égard de cette solution subsidiaire est fondée sur les deux constats suivants. D'une part, notre analyse du rapport présenté par le Comité révèle que les principaux problèmes découlant du régime actuel des décrets ont été sérieusement abordés. Nos préoccupations majeures, telles que la compétitivité des entreprises, leur capacité d'adaptation aux besoins du marché, la flexibilité des modes de gestion, ont trouvé écho dans les recommandations qui mettent en place un processus de consultation adapté aux entreprises. Dans la mesure où les mécanismes suggérés par le Comité seraient implantés de façon intégrale, le régime des décrets pourrait peut-être acquérir la flexibilité nécessaire à l'épanouissement de certaines entreprises assujetties. D'autre part, le Comité interministériel propose une solution de rechange intéressante à l'abrogation de la loi, pourvu qu'on adopte le raisonnement lié à l'ensemble de ces propositions. Les 35 recommandations forment, en effet, un système cohérent et indivisible.

À ce titre, il y a lieu de souligner l'interdépendance qui caractérise diverses recommandations. Par exemple, en vue de pallier les effets négatifs des décrets sur la viabilité des entreprises, le Comité a prévu des mesures variées: il s'est attardé à la qualité des requérants, à la suffisance des informations contenues dans la requête, au caractère approprié du champ d'application et à la nécessaire représentativité des conditions de travail. Ces recommandations convergent toutes vers un même objectif, soit la prise en considération du milieu spécifique auquel s'appliquent les décrets. Négliger la mise en application d'une seule de ces mesures risquerait de compromettre l'atteinte du but visé.

Une analyse poussée du rapport permet d'identifier plusieurs séries de mesures tendant respectivement vers des objectifs précis, tels la stabilité des conditions de travail, la paix industrielle ou encore le développement économique des secteurs touchés. Les divers stades de processus d'évaluation, depuis l'analyse de la recevabilité d'une requête initiale en extension jusqu'à l'étude au fond d'une requête en révision des conditions de travail, ont été ponctués de mesures concrètes visant à atteindre ces buts précis. Dans ces circonstances, vu la cohésion qui émane du rapport à l'étude, il serait périlleux d'évaluer l'opportunité de chaque recommandation sur une base individuelle, ce qui diluerait l'impact de la réforme proposée. Pour nous en convaincre, nous avons scruté le rapport du Comité en fonction de l'objectif que nous devons atteindre, soit le développement économique des entreprises assujetties.

À défaut de laisser libre cours aux lois du marché en abolissant complètement le régime des décrets, il nous semble approprié d'assortir le régime existant de mécanismes permettant d'y incorporer la flexibilité requise pour assurer la viabilité économique des entreprises assujetties. Envisagées dans leur ensemble, les propositions mises de l'avant par le comité constituent une alternative qui doit permettre d'adapter le régime des décrets aux exigences changeantes de notre économie. Dans cette veine, nous ne pouvons qu'approuver le commentaire suivant du Comité interministériel: «Le maintien d'un régime d'extension juridique, qui repose finalement sur une intervention coercitive de l'État au-delà des normes minimales jugées socialement acceptables, nécessite que les décisions gouvernementales soient transparentes et, surtout, qu'elles ne bouleversent pas le fonctionnement des marchés en cause.» J'insiste aussi sur l'autre point: «...il nous apparaît qu'il s'agit là du prix à payer pour assurer, d'une part, que les requêtes transmises reflètent une volonté majoritaire des intervenants patronaux et la réalité des conditions de travail généralement observées dans le marché visé et, d'autre part, que l'État joue pleinement son rôle, eu égard à la viabilité des entreprises et au maintien des emplois.»

L'interventionnisme accru de l'administration dans le régime d'extension des conventions collectives, selon les modalités fixées par le Comité, constitue un moyen incontournable pour mieux cerner la réalité vécue par les entreprises assujetties. Cette approche nécessite la mise en place d'un processus ouvert à la consultation permanente de tous les intervenants – employeurs, associations de salariés et tiers – qui permettrait effectivement au régime des décrets d'acquérir la flexibilité essentielle à la survie des secteurs assujettis dans une économie de marché qui dépasse les frontières du Québec.

Une étude approfondie du rapport permet d'identifier plusieurs recommandations qui sont liées à la préoccupation d'adapter le régime des décrets aux réalités économiques des entreprises assujetties. Remettre en question l'une ou l'autre de ces recommandations risquerait, à notre avis, de compromettre l'objectif visé. Nous n'insisterons ici que sur les recommandations qui nous semblent les plus étroitement associées à cet objectif.

Les exigences quant au statut des parties contractantes et de la convention collective extensionnée permettraient certes d'améliorer le régime des décrets avec celui des rapports collectifs de travail. Elles auraient également l'avantage d'assurer qu'à l'origine les conditions de travail extensionnées auront déjà satisfait aux critères qu'impose le Code du travail avant l'adoption des conditions de travail...

La Présidente (Mme Cardinal): Excusez-moi, M. Charland, il vous reste quelques minutes, si vous voulez continuer.

M. Charland (Gaston): Oui. Je vais passer, si vous me le permettez, à la conclusion.

La Présidente (Mme Cardinal): Oui, quelques secondes, s'il vous plaît.

M. Charland (Gaston): Le texte était un petit peu plus long que prévu.

La conclusion: Le gouvernement québécois est aujourd'hui confronté à une décision majeure dont les conséquences seront déterminantes pour un grand nombre d'entreprises assujetties au régime d'extension des conventions collectives. À notre avis, une seule alternative, composée des deux options ci-haut décrites, s'offre à lui. L'abrogation pure et simple du régime des décrets constitue certes la solution répondant le plus aux objectifs économiques de notre société. De l'aveu même des auteurs du rapport du Comité sous étude: «Sur le plan du fonctionnement de l'économie dans son ensemble, on peut aussi estimer que l'abrogation de la loi créerait globalement, selon toute vraisemblance, des conditions plus favorables au développement de l'emploi.»

Et, pour conclure avec le dernier point que je veux vous apporter: Les manufacturiers demeurent, pour leur part, convaincus qu'il faut privilégier, dans l'état actuel de l'économie, le maintien et la création d'emplois. À la lumière des recommandations qui nous ont été apportées, l'AMQ se doit d'exiger l'abrogation pure et simple de la Loi sur les décrets de convention collective. Le gouvernement se doit de respecter la volonté des intervenants du secteur manufacturier. L'application de toute autre solution comporte des coûts additionnels pour l'entreprise et elle ne doit pas faire l'objet de marchandage sur l'ensemble des dispositions prévues.

La Présidente (Mme Cardinal): Merci, M. Charland. M. le ministre.

M. Marcil: Merci beaucoup. Bienvenue à cette commission. On a eu la chance, déjà, d'échanger sur le rapport interministériel, lors d'une rencontre au bureau du ministre.

Vous dites que la loi... Dans le fond, ce qu'il faudrait peut-être essayer de clarifier, votre position première, c'est l'abrogation de la loi pure et simple. Donc, laisser libre cours au marché. Et, si jamais on allait vers une modernisation de la loi, ce serait adopter intégralement toutes les recommandations qu'on retrouve dans le rapport, sans en oublier une, c'est-à-dire sans en changer une. C'est bien ça? Elles sont toutes indissociables, elles sont...

M. Charland (Gaston): Mme la Présidente, sur chacune des 35 mesures qui sont recommandées, on perçoit que c'est un système cohérent et intégré et, dans ce sens-là, il faudrait que le ministre nous explique de quelle façon il compte changer certaines dispositions puisque, de la façon dont le rapport est rédigé, la lecture que nous en faisons est à l'effet que, pour apporter des modifications à la Loi sur les décrets de convention collective, il faut y aller avec toutes les recommandations.

M. Marcil: La question à savoir si la représentativité des... Les recommandations 9 et 18, où on exige la majorité des employeurs – vous en faites mention dans votre mémoire, évidemment – les groupes qui vous ont précédés la semaine dernière ont tous remis en question ces deux recommandations, nous signifiant qu'il y a des secteurs, des comités paritaires où une minorité d'employeurs représente 60 %, 65 % du marché, parce qu'il y a beaucoup de petites entreprises, ce qui voudrait dire, si je le prends dans le sens inverse, que 51 % des employeurs voulant amender, ça pourrait représenter à peine 20 % du marché ou 20 % du nombre, si vous voulez, d'employés. Est-ce que vous ne trouvez pas les recommandations 9 et 18, à ce moment-là, presque inapplicables? Ma deuxième question: Est-ce que, si elles sont maintenues telles quelles, ça voudrait tout simplement dire l'abrogation de la loi comme telle, puisque aucun comité paritaire ne pourrait résister à ces deux éléments?

M. Charland (Gaston): Mme la Présidente, les points qu'on m'apporte, à savoir les recommandations 9 et 18, M. le ministre émet le commentaire à l'effet que très peu d'organismes ou de décrets pourraient continuer d'exister si on demandait l'application intégrale de ces deux recommandations-là. Et ce n'est pas moi qui affirme ça, c'est M. le ministre qui affirme ce point de vue là. À ce moment-là, écoutez, moi, je vous dis que si vous avez un comité, un groupe interministériel formé de hauts fonctionnaires qui a siégé, qui a écouté toutes les organisations et qui en est venu à la conclusion que ça prenait ces deux recommandations-là... Ces deux recommandations-là sont précises. D'une part, ils se posent la question... Je vous lis la 9: «Que, du côté patronal, toute requête déposée au ministère de l'Emploi ait préalablement reçu l'assentiment d'une majorité absolue d'employeurs évoluant dans le champ d'application visé, industriel ou professionnel, et territorial.» Et la 18: «Que les conditions de travail, dont les parties requérantes demandent l'étendue, soient déjà octroyées ou acceptées, conditionnellement ou non à leur extension, par les employeurs d'une majorité des salariés dans le champ d'application visé.» Je pense que c'est clair, ce qui veut être obtenu là.

(10 h 40)

Maintenant, il y a peut-être un problème d'administration. Ça, j'en conviens mais, écoutez, moi, je me base sur l'étude qui a été faite par le Comité interministériel.

M. Marcil: Vous analysez ça. C'est que, autant on reproche aux comités paritaires, présentement – plusieurs intervenants l'ont bien spécifié – que certains comités paritaires soient contrôlés par une minorité, autant l'application des recommandations 9 et 18 pourrait permettre également que certains comités paritaires pourraient être contrôlés par certaines minorités, compte tenu que l'argumentation qui a été amenée par les gens qui vous ont précédés prévoit qu'une majorité d'employeurs, qui engagerait une minorité d'employés qui occuperaient une petite partie du marché, pourrait, par le fait même, avoir l'effet contraire de ce qu'on a présentement. C'est-à-dire l'effet contraire qui se ressemble dans un sens, c'est qu'on changerait quatre trente-sous pour une piastre.

M. Charland (Gaston): M. le Président, moi, j'attirais l'attention du ministre sur le point 18 où on parle bien d'une majorité de salariés dans le champ d'application visé. Ça fait que l'exemple qui m'est fourni présentement n'est pas applicable parce qu'on parle d'une majorité de salariés, puis on parle d'une majorité d'employeurs. Évidemment, je suis conscient que c'est des limites qu'on pose, là. Je pense qu'il faut comprendre le point de vue qui nous est exprimé là-dessus. Mais, justement, c'est ça qui... On vous laisse le choix. Et c'est ça qui fait que notre analyse dit: Écoutez, si vous voulez appliquer ces 35 recommandations-là, vous allez vous apercevoir que vous vous embarquez dans un système qui va demander énormément de contrôle administratif et qui va comporter des coûts.

Par contre, si vous faites le choix social et politique de le faire, bien on dit: Écoutez, c'est votre position, ce n'est pas la nôtre. Par contre, on va la respecter, mais respectez ce que les membres du Comité recommandent. Assurez-vous que c'est la majorité des salariés puis assurez-vous que c'est la majorité des employeurs.

M. Marcil: Si on appliquait votre recommandation principale à l'effet qu'on abroge la loi sur les décrets – par hypothèse on applique ça. On sait qu'il y a à peu près 25 % à 26 % des employés régis par la loi des décrets qui sont protégés par des conventions collectives, des contrats de travail. Donc, la différence, 75 % des employés sont régis par la loi des décrets, par extension des conventions collectives. Si on retenait votre proposition à l'effet qu'on abroge de façon pure et simple la loi – et il y a 100 000, 125 000 travailleurs et travailleuses, plus souvent ce sont des travailleuses – par quoi on pourrait remplacer ça? Comment on pourrait, dans un sens aussi, faire en sorte de s'assurer que les conditions minimales de travail prescrites par la loi sur les décrets soient maintenues? Ceux et celles qui sont régis par des conventions collectives, il n'y a pas de problème. Puis on peut, dans des grandes entreprises, s'accréditer plus facilement que dans des petites entreprises. L'inquiétude qui ressort de cette proposition-là, par les groupes qui vous ont précédés, c'est que vous avez à peu près 75 % des travailleurs et travailleuses qui, demain matin, verraient leurs conditions de travail diminuer de façon radicale. J'aimerais vous entendre sur ça.

M. Charland (Gaston) M. le Président, je pense que le point apporté par M. le ministre est fort à propos et je pense qu'il y a lieu qu'on vous apporte notre façon de voir sur ce sujet-là.

En premier, je dois ajouter au rapport que je vous ai mentionné qu'il est présent à notre esprit qu'une période de transition pourrait être applicable. On ne demande pas, demain matin, de tout chambarder; on pense que ça doit se faire d'une façon conséquente.

Deuxième point, sur le fait de gens qui se retrouveraient sans protection, présentement, d'après nos informations, c'est 27 % des travailleurs qui sont syndiqués et couverts par décrets de convention collective. La moyenne, dans l'ensemble de l'industrie, est autour de 30 % à 33 %, peut-être un peu plus élevée dans le secteur manufacturier. Mais je dois vous dire que, lorsqu'on parle du libre marché, ça vaut autant pour la main-d'oeuvre que pour notre capacité de vendre des produits. Si une entreprise n'est pas capable d'offrir des conditions de travail qui lui permettent de garder sa main-d'oeuvre, je vais vous dire qu'il y a un coût à ça. Si vous n'offrez pas un salaire suffisant, et que l'employé quitte votre entreprise, vous êtes obligé de procéder à une période d'entraînement pour une nouvelle personne et, pendant que la personne s'entraîne – ça peut prendre une couple de semaines, une couple de mois, dépendamment des métiers – la personne va être moins productive. Le temps qu'elle va être moins productive, ça va entraîner des coûts. Il y a un délai de temps aussi pour trouver cette personne-là. Et, ensuite, il y a le facteur humain. Écoutez, ça ne veut pas dire que la personne va s'intégrer à votre équipe de travail, à votre culture d'entreprise et, à ce moment-là, bien, si la personne n'est pas capable de le faire, vous allez être obligé de remercier cette personne-là. Et je n'ai pas insisté sur la difficulté, dans certains travaux ou postes, d'aller chercher des gens sur le marché, parce qu'il y a une certaine rareté. C'est la loi de l'offre et de la demande sur le marché qui joue à ce moment-là. Ça fait que l'inquiétude que vous avez à l'effet que les conditions de travail, vous devez les protéger par un régime qui est très élaboré, je vous dis que votre inquiétude, compte tenu qu'il y a maintenant le Code du travail, la loi sur les normes minimales de travail, nous ne pouvons pas la partager, parce que nous croyons que les entreprises ont des réflexes qui sont différents, présentement. C'est plutôt de garder sa main-d'oeuvre, d'investir dans la main-d'oeuvre pour être capable de développer notre compétitivité au niveau international. C'est le raisonnement qu'on retrouve le plus souvent au niveau des manufacturiers. Je ne vous dis pas qu'il n'y aura pas des cas d'exception. Mais là, si on essaie de prévoir, par une loi générale, des cas d'exception, vous allez être d'accord avec moi qu'on a beaucoup de travail à faire.

M. Marcil: Je pense qu'on est d'accord sur le fait que beaucoup d'irritants apparaissent par le biais des comités paritaires, plus particulièrement dans le secteur manufacturier, ce qui peut rendre nos entreprises moins compétitives par rapport à d'autres régions. Par contre, on se ramasse avec des commentaires ou même des affirmations de grosses entreprises au Québec qui sont même membres, probablement, de votre Association ou membres du Conseil du patronat également. Et on a vécu l'expérience, lorsque fut le temps, disons, de décider de l'avenir du comité paritaire du bois ouvré. Et on s'est aperçu, après consultation des gens, questionnaires à la main et ainsi de suite, que de grosses entreprises sont en contradiction l'une par rapport à l'autre. C'est presque moitié-moitié, ce qui représente à peu près le même nombre d'employés, puis de grosses entreprises qui sont en compétition l'une par rapport à l'autre. Donc, pour ne pas les nommer, là, je pense que c'est Bonneville, dans le domaine du bois ouvré, qui est pour l'abrogation, et vous avez Flamand, qui est une aussi grosse entreprise, qui est pour le maintien du comité paritaire. Est-ce qu'il y a des raisons à ça? Moi, j'aimerais vous entendre. Comment se fait-il que, dans un même secteur, de grosses entreprises soient en contradiction? Puis, pourtant, elles doivent se battre pour aller chercher un marché, également, là.

M. Charland (Gaston): M. le Président, la question qui est adressée concerne le bois ouvré. Si vous permettez, j'aimerais laisser la parole à M. Louis Paquette, président de Jalon mode, qui va répondre. Il est dans le domaine du vêtement, mais je pense que M. le ministre peut y trouver là une explication des questions qu'il se pose.

M. Paquette (Louis): D'abord, pour situer Jalon mode, ce n'est pas une très grosse entreprise, c'est une toute petite entreprise. Une des raisons qui, à mon sens, peuvent justifier les différences de positions vient essentiellement du type de produit ou du type de services qu'on offre. Une entreprise qui offre essentiellement le même produit à l'année longue peut se permettre des conditions de travail beaucoup plus généreuses parce que la ségrégation qu'elle doit faire à l'embauche de ses employés va être moins critique. Les gens vont devenir compétents malgré eux.

Dans une entreprise qui offre une gamme de produits assez large, les gens doivent être polyvalents. À ce moment-là, l'embauche du personnel joue un rôle critique, surtout si on est contraint de respecter des conditions qui sont fixées par un décret. On sait que deux personnes différentes n'ont pas des rendements identiques. Lorsque vient le temps d'embaucher une personne, il y a des gens qui pourraient se qualifier à 80 % des exigences que le décret du vêtement nous offre pour être rentable. En ce sens que, on ne se contera pas de peur, là, les tarifs qui sont prescrits par le comité paritaire du vêtement, dans notre cas, on les reflète directement dans le coût de nos produits. Et puis les gens qui doivent fabriquer nos vêtements par la suite doivent rencontrer des quotas. Quand on parle d'un maintien de conditions de travail décentes, il y a déjà une élimination qui se fait actuellement sous le régime des décrets. Et les conversations qui se font par les gens qui sont régis par les décrets de vêtements pour dames, c'est qu'à la sélection du personnel il faut être extrêmement exigeant. Donc, on ne protège pas plus d'emplois. Il est évident, par contre, que l'entreprise qui va offrir toujours, toujours le même produit en série n'aura pas ce problème-là, mais c'est de moins en moins le cas dans l'industrie du vêtement. Les gens doivent offrir des gammes beaucoup plus larges.

(10 h 50)

M. Marcil: Lorsqu'on parle d'abrogation, faites-vous la distinction entre le secteur manufacturier et le secteur des services?

M. Charland (Gaston): M. le Président, cette question-là, on se l'est posée lorsqu'on a comparu devant le groupe, le Comité interministériel. Maintenant, on se doit de réfléchir avec les instruments qui nous sont donnés, et le document qui nous a été déposé ne faisait pas de distinction entre le secteur manufacturier et les autres secteurs. Ça fait que notre compréhension, c'est que le raisonnement, les gens ont analysé la situation des différents secteurs et se sont dit: Bien, écoutez, il faut que ce soit une solution qui s'applique à l'ensemble des secteurs. Et, dans ce sens-là, nous nous prononçons sur ce qui nous est déposé.

M. Marcil: Est-ce que c'est la loi comme telle qui pose problème ou si c'est l'organisation des comités paritaires? Parce que, par expérience, on s'aperçoit qu'il faudrait quasiment faire du cas par cas, parce que les comités paritaires, même si c'est un régime identique, au niveau du fonctionnement, n'ont pas l'air d'avoir le même fonctionnement.

M. Charland (Gaston): M. le Président, j'aimerais peut-être laisser la parole à Me Louise Dubé, de Heenan Blaikie, là-dessus.

Le Président (M. Forget): Mme Dubé.

Mme Dubé (Louise): Quant à la dernière question posée sur la source du problème, à savoir si ça réside dans la loi elle-même ou son application dans les différents comités, je pense que, premièrement, c'est le régime à la base qui est contesté par l'Association. Donc, c'est le régime mis en place par la loi, c'est dans la loi qu'on prévoit l'obligation d'extension, la mécanique y est. Et puis, tant qu'on ne visera pas ce problème-là en premier lieu, on n'aura pas vraiment fait une profonde réflexion, que mérite vraiment la société québécoise à cet égard-là, à l'heure actuelle. La question fondamentale est: Est-ce qu'on doit maintenir une pièce de législation de la sorte pour protéger moins de 5,5 % de la main-d'oeuvre du Québec? Et là, dans le 5,5 %, il y a un tiers qui est déjà syndiqué. Donc, on tombe en bas de 4 %. La question est: Est-ce que l'État québécois veut continuer à subventionner un régime de la sorte pour espérer, peut-être, maintenir certains avantages pour une portion marginale de la population en emploi? C'est ça, la question. La question, elle découle de la loi, parce que c'est elle qui institue le régime, et elle découle de l'application qui a été vécue au cours des 60 dernières années.

M. Marcil: Merci beaucoup. Je vais laisser la parole à mon collègue.

Le Président (M. Forget): Alors, M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Ménard: Je peux peut-être commencer par donner une réponse: Oui, ça vaut la peine. Notre impression, je vais vous dire franchement, après l'étude de l'ensemble des rapports qu'on a devant nous, c'est que la loi a une place entre les salariés dont la seule protection serait la Loi sur les normes du travail et ceux où le rapport de force peut jouer, et où va s'appliquer le Code du travail. Il y a une place pour les industries où, à cause du très grand nombre de petites entreprises difficilement syndicables, ce type d'activités ne pourrait être protégé que par la Loi sur les normes du travail. On aura, plus tard dans la journée, un exemple frappant que le régime en question, le régime que nous avons, ne nuit pas à l'efficacité quand il est bien appliqué, c'est celui du nettoyage des édifices publics où les salariés ont le double de ce qui est accordé par la Loi sur les normes du travail, sans que cela ne rende les entreprises moins compétitives, puisque, effectivement, ça coûte moins cher de faire nettoyer un édifice public à Montréal qu'à Toronto, où il n'y a pas une pareille loi. Mais ça maintient une qualité de compétence remarquable.

Alors, je pense bien qu'on est à peu près tous vendus à l'idée que... Mais, ce que nous démontrent les rapports et le vôtre parmi d'autres, et ce que je retiens des critiques les plus importantes que vous nous faites et, je suis convaincu, avec raison, c'est la rigidité qui s'est instaurée dans certains comités paritaires. Et, si on compare les plaintes dans les secteurs où ça va bien, où il n'y a pas de plaintes par rapport à ceux qui en ont, elles proviennent, beaucoup plus que sur l'obligation de maintenir les salaires élevés, elles proviennent sur la rigidité, la lenteur absolument épouvantable avec laquelle le ministère donne ses approbations.

Donc, je ne sais pas, c'est peut-être juste 5,5 % de la main-d'oeuvre, mais je trouve remarquable que ce soit 5,5 % de la main-d'oeuvre qui va chercher simplement 2,7 % de la masse salariale au Québec. Donc, c'est des gens dont on est convaincus que, si on leur enlevait la protection des décrets, on retrouverait toute l'industrie rapidement sur la Loi sur les normes du travail.

D'ailleurs, est-ce que ce n'est pas votre impression? J'enlève la rigidité parce que ça, là-dessus, je vous suis entièrement et, lorsque la rigidité s'installe dans un comité paritaire, il faut trouver des moyens de l'enlever, et ils ne sont pas faciles. Mais vous reconnaissez vous-même que, si vous voulez l'abolition de la Loi sur les décrets de convention collective, c'est pour affronter la compétition internationale et, quand vous parlez de la compétition internationale, vous pensez à la compétition internationale des bas salaires.

Jusqu'où doit-on accepter de baisser ces salaires-là pour compétitionner les salaires qu'on va avoir en Taïwan, ou en Amérique du Sud, ou en Afrique, où les gens travaillent pour une fraction infime des salaires qui sont reconnus ici? Est-ce que la compétition ne devrait pas plutôt s'installer au niveau de l'instauration de nouvelles technologies, avec une main-d'oeuvre qualifiée, intéressée, qui reçoit des bons salaires, et qui va développer un bon marché pour nos produits ici aussi?

M. Charland (Gaston): M. le Président, plusieurs points ont été apportés. On a comparé... Entre autres, on a apporté le cas de la loi sur les décrets dans les services publics, je crois, si j'ai bien compris.

M. Ménard: Le nettoyage des édifices publics.

M. Charland (Gaston): Le nettoyage des édifices publics, je m'excuse. Je pense que, là-dessus, on n'a pas l'expertise pour juger de ce secteur-là, mais il faut toujours prendre pour acquis que vous limitez, jusqu'à un certain point, l'entrée de nouveaux compétiteurs dans ce marché-là. C'est ça, toute l'idée de la compétition. C'est que vous évitez que des gens, autant des employeurs que des employés, puissent entrer dans un marché et, encore là, je répète que je ne connais pas toutes les circonstances de ce marché-là, mais je vous dis la règle générale, en permettant que des gens offrent des prix un peu plus compétitifs. Les prix compétitifs se reflètent dans les coûts que les employeurs, les entreprises vont devoir assumer, qui sont habituellement des frais généraux. Les frais généraux sont répartis ensuite sur nos prix de revient. Nos prix de revient sont la base à partir de laquelle on fixe les prix de vente de nos produits. Et j'ai un peu de misère avec ce raisonnement-là. Je vous avoue qu'il faut voir tout l'effet, l'impact qui se produit d'un secteur à l'autre.

(11 heures)

Maintenant, il y a un autre point, une autre question que, au niveau des manufacturiers, on a regardé d'une façon un peu plus précise. Comment se fait-il qu'on soit le seul endroit en Amérique du Nord qui se retrouve avec la Loi sur les décrets de convention collective? Est-ce que vous êtes en train de me dire qu'aux États-Unis tout le monde se fait exploiter parce qu'ils ne sont pas couverts par une loi sur les décrets de convention collective? Est-ce que c'est le cas? Probablement que non. Vous ne me direz pas ça parce qu'ils ont l'occasion de se syndiquer, de négocier des conditions de travail, si l'employeur n'offre pas des conditions qui sont comparables à ce qui s'offre sur le marché. C'est ça, la base du raisonnement. Et lorsqu'on parle de se mettre en état de compétitivité, bien, évidemment, les manufacturiers vont devoir tenir compte de ce qui se fait sur le marché; autant pour vendre leurs produits, autant pour garder leur main-d'oeuvre, il faut qu'ils s'ajustent.

La flexibilité est peut-être un point sur lequel je veux attirer votre attention. Je ne veux pas embarquer dans toute la mécanique des décrets, mais on s'aperçoit que l'industrie évolue, surtout dans le manufacturier, et qu'il y a une production de produits qui peut varier relativement rapidement. L'entreprise doit s'ajuster, et, à ce moment-là, il y a certaines conditions et normes qui font qu'il est difficile de pouvoir dire: Bien, écoutez, on va organiser notre travail d'une façon différente, sans avoir de contraintes, et on va être capables d'offrir un produit pour être compétitifs sur le marché. Six mois ou un an plus tard, il faut se revirer de côté et commencer à dire: Bon, bien, là, il faut changer notre segment de marché, notre créneau auquel on s'attaque et développer un autre produit et l'organiser d'une façon différente. On va chercher une main-d'oeuvre différente, donc on peut utiliser la main-d'oeuvre qu'on a présentement et on peut la transférer. Et si vous arrivez avec tout un système de classification – nous autres, on vous a dit clairement qu'on avait besoin de la polyvalence – bien, à ce moment-là, écoutez, vous ne protégez pas la personne et on n'exploite pas le travailleur. Ce qui arrive, c'est qu'on limite, on empêche le travailleur de garder son emploi ou l'entreprise de garder son marché, ce qui permettrait au travailleur de garder son emploi. C'est ça, le point de vue qu'on défend.

Le Président (M. Forget): Alors, M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Ménard: Bon, j'espère que ça ne sera pas un dialogue de sourds. Peut-être que nos échanges devraient être plus courts, mais je vous suis tant que vous me parlez de la rigidité et de ce que ça coûte en frais généraux, je vous suis entièrement, et je suis particulièrement préoccupé des façons d'imposer à nos comités paritaires une attitude souple, une attitude qui permet de réviser les définitions d'emplois rapidement quand c'est nécessaire, etc.

Mais on est convaincus que, dans certains domaines qui sont établis et qui sont stables, pour vous donner un exemple, la boulangerie – ça peut changer, mais ça fait des siècles qu'il y en a – ou le nettoyage des édifices publics, ou des activités bien précises, mais qui sont difficilement syndicables parce qu'il y a un paquet de petites entreprises, la Loi sur les décrets de convention collective permet d'enlever la rémunération de la lutte pour la compétitivité en maintenant une rémunération qui est supérieure au minimum, et c'est l'industrie qui l'établit. Donc, c'est quelque chose de beaucoup plus souple que de l'imposer de l'État. Mon impression, c'est que, si on enlève la Loi sur les décrets de convention collective, on va être obligés d'intervenir beaucoup plus souvent par la Loi sur les normes du travail dans ces secteurs qui ne sont pas protégés.

C'est ça que je veux vous dire. Je suis convaincu que vous êtes assez responsables pour ne pas nous dire que vous voulez bénéficier du niveau salarial dont bénéficient vos compétiteurs asiatiques pour produire des produits qui ne sont pas d'une très haute technologie, ou même d'une haute technologie. Mais vous ne pouvez quand même pas payer, dans l'informatique, les salaires qu'on paye en Chine, actuellement, ou ailleurs.

M. Charland (Gaston): M. le Président, soyez assuré qu'on ne fait pas sourde oreille à vos propos, et on comprend vos préoccupations. Ça, c'est clair. Il est évident que, au niveau des différents marchés, si vous vous comparez avec des marchés d'autres pays, il y a certains créneaux qu'ils compétionnent, et ce n'est pas nécessairement de cette façon-là qu'on va réussir à rentrer sur le marché, en essayant de compétitionner dans ces créneaux-là. On va plutôt prendre d'autres créneaux. C'est pour ça qu'on vous parle de mobilité qui est nécessaire.

Permettez-moi de revenir rapidement sur votre inquiétude, là, que les travailleurs ne profitent pas de conditions décentes de travail s'il y a juste la Loi sur les normes du travail. Laissez-moi vous dire que toute la logique des relations de travail est basée sur le fait qu'un certain pourcentage de syndicalisation oblige les employeurs à s'adapter aux conditions du marché, ou, à défaut, ces entreprises-là vont devoir négocier avec un syndicat. C'est ça, la logique des relations de travail au Québec, et, dans ce sens-là, les gens offrent des conditions qui sont suffisantes, à moins que l'employeur décide: Bien, écoute, moi, je préfère négocier avec un syndicat.

M. Ménard: Ce n'est pas dans le secteur de votre voisin de gauche, puis je pense qu'il sait très bien que s'il donne des salaires décents et que d'autres peuvent donner des salaires qui ne le sont pas, ceux qui peuvent donner des salaires qui ne le sont pas, par le biais de la sous-traitance, vont rapidement l'éliminer du marché, alors que, actuellement, le système des décrets protège les employeurs responsables qui donnent des salaires décents. Est-ce que ce n'est pas l'expérience que vous avez dans votre domaine? Ce à quoi vous en avez, je le sais, c'est à la rigidité, à la mobilité, que vous voulez changer. Mais sur les salaires, n'est-ce pas, dans votre entreprise, si vous êtes un employeur responsable puis qu'on enlève les décrets, vous allez vite perdre votre entreprise, qui va être compétitionnée par ceux qui donnent des salaires minimums.

M. Paquette (Louis): Je pense que, malgré les décrets, il y a énormément de travail qui se fait dans les sous-sols, et, moi, j'ai à vivre cette concurrence-là. Les décrets ne sont pas en mesure de contrôler Mme Unetelle qui coud chez elle, là. Actuellement, il n'y a pas un décret, à mon... pas dans le vêtement, en tout cas. Dans le vêtement, ce n'est pas possible.

En plus de ça, actuellement, ce qu'on fait, nous, on doit administrer la production qui est faite pour des produits régis par le décret et celle qui n'est pas régie par le décret. Ces frais d'administration viennent nuire à notre compétitivité. Puis toute cette démarche-là qui est artificielle, qui ne crée rien... Parce qu'on ne protège pas plus les employés avec les décrets, on les élimine à la source. Tous ceux qui ne rencontrent pas les quotas sont éliminés à la source. Donc, qu'on ne pense pas qu'on protège les emplois de cette façon-là. Ceux qui sont assez compétents, il n'y a pas de problème, les employeurs vont vouloir les garder, de toute façon, puis je ne pense pas que, demain matin, on va éliminer des bons employés.

Le Président (M. Forget): M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Ménard: Une dernière. Notre préoccupation est la même que M. le ministre. C'est peut-être parce qu'elle est mal rédigée, remarquez, mais vous réalisez, à la recommandation 9, que la majorité absolue des employeurs, ça peut représenter une minorité de l'industrie, l'industrie étant définie par – l'expression qui me vient, c'est en anglais – le «output», n'est-ce pas, la production, l'ensemble. Donc, si on pense à des majorités ou des pourcentages, il faudrait au moins penser en termes de pourcentage d'heures travaillées ou d'employés, ce qui est peut-être plus simple à compter que de...

Mais, indépendamment de ça, je veux être bien sûr que vous réalisez ce que vous dites quand vous nous dites que c'est un ensemble absolument cohérent, donc qu'il faut le garder dans l'entier. On nous a démontré de façon absolument convaincante qu'une pareille exigence équivaut à abroger la Loi sur les décrets de convention collective, parce que, en fait, il n'y a pas un décret actuel qui va être capable de rencontrer la majorité des employeurs.

M. Charland (Gaston): M. le Président, ce n'est pas moi qui le dis, là. C'est M. le député qui admet ce point-là, qu'appliquer intégralement les décrets, ça va mener à l'abrogation de...

M. Jolivet: Non, non. Ce n'est pas ça qu'il a dit.

M. Ménard: Non, non. Appliquer intégralement les recommandations, ça va...

M. Charland (Gaston): Les recommandations...

M. Ménard: Y compris 9 et 18.

M. Charland (Gaston): Oui, oui, c'est ça que je comprends. Appliquer les recommandations qui ont été soumises par le groupe interministériel qui s'est penché plusieurs mois sur ce dossier-là, appliquer intégralement les recommandations du groupe, ça va conduire à l'élimination progressive et éventuelle des décrets de convention collective, et de là notre raisonnement. Bien, écoutez, vous avez les manufacturiers qui vous disent qu'on est pour l'abrogation pure et simple. Vous avez un groupe de travail de gens de différents ministères, des spécialistes qui se sont penchés sur la situation, qui ont rencontré des gens et qui sont arrivés au point de vue qu'ils devaient mettre des conditions d'application. Ça fait que, à ce moment-là, laissez-moi vous dire que si c'est leur point de vue, qu'on doit percevoir par le fait qu'ils aient mis 35 recommandations, bien, vous êtes obligés d'admettre qu'ils appuient la recommandation de l'Association des manufacturiers du Québec, sauf qu'ils ne le font pas de la même façon que nous autres. Nous autres, on vous le dit d'une façon claire et simple: C'est l'abrogation pure et simple.

Le Président (M. Forget): Alors, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: C'est pour ça qu'on est contre les deux. Parce que c'est ça. Le problème de l'article 9, ça veut dire que, si on l'appliquait tel quel, il n'y aura jamais de possibilité d'entente, donc il n'y aura jamais de possibilité de décret. Vous allez convenir que, même s'il y a des changements qui se sont effectués entre 1935 et aujourd'hui... Et on le vit au niveau de la Commission de la construction du Québec, où on a déréglementé. Allez voir les salaires qui ont baissé. C'est parce que les gens sont venus nous dire: Non, non, les salaires ne baisseront pas, ils vont être meilleurs. Ce n'est pas vrai. Moi, je ne suis pas d'accord avec ça. Je ne le crois pas.

(11 h 10)

Vous parlez de la compétition, actuellement, des gens de sous-sol. Je les connais chez nous, puis je ne suis pas sûr que, demain matin, abrogation ou pas abrogation, là, on va le régler. Le problème du travail au noir, ce n'est pas de même qu'on va le régler. C'est dans ce sens-là qu'il ne faut pas, parce qu'il y a du travail au noir ou parce qu'il y a des gens qui, en termes de flexibilité ou d'inflexibilité, si on peut l'appeler comme tel, au niveau des comités paritaires... Il ne faut pas penser qu'on va le régler en faisant tout sauter. Moi, je pense qu'il faut qu'il y ait une loi des décrets de convention collective permettant, à ce moment-là, à des gens d'avoir mieux que le salaire minimum, dans bien des cas, ou des normes minimales de travail par rapport à ceux qui sont syndiqués, qui ont des conditions réglées par négociations.

Il y a donc entre les deux une marge dans laquelle il me semble qu'il doit exister... Même si on parle de 4,5 % ou 5 %, moi, je pense que ces gens-là doivent être protégés par une formule qui sera plus flexible que celle qu'on connaît actuellement. Puis il y a des comités paritaires qui fonctionnent très bien, où employeurs et employés se sont entendus pour faire fonctionner l'ensemble de ce système. Ce n'est pas parce qu'il y en a d'autres qui ont mal fonctionné qu'il faudrait tout faire tomber.

Je pense que, dans le contexte actuel, on ne peut pas accepter toutes les recommandations. Il faut donc, à partir des discussions qu'on a avec les gens, regarder celles qu'on peut retenir, mais il y a une chose qui est certaine: Tout le monde cherche à ce qu'il y ait plus de flexibilité vous permettant de vous retourner plus rapidement par l'intermédiaire des comités paritaires. Et, moi, je pense que vouloir aller autrement dans le contexte actuel, ça serait vouloir faire accroire au monde que, parce qu'il n'y aura plus aucune norme qui les régira autrement que les normes minimales, leur salaire va augmenter, leurs conditions vont augmenter ou, du moins, ils vont rester au statu quo. Je ne le crois pas. Vous allez me permettre de penser comme tel, et c'est dans ce sens-là qu'on fera des recommandations au moment où le ministre prendra des décisions.

M. Charland (Gaston): Alors, M. le Président, là-dessus, je veux juste attirer votre attention. Je comprends votre point de vue et je le respecte. Je veux juste attirer votre attention sur le phénomène de la sous-traitance. Nous autres, on a une optique d'emploi, là. Ce qu'on essaie de faire, c'est de mettre les meilleures conditions possible pour que les entreprises soient intéressées à se développer au Québec.

Ce qu'on essaie de vous communiquer... Je comprends vos hésitations, je les respecte aussi, sauf que ce que je vous dis, c'est qu'on essaie, par un système d'ordre administratif lourd et bureaucratique, de maintenir quelque chose que, dans le fond, par les règles du jeu, on est capable de régler. Vous n'êtes pas convaincu de ce point-là, mais dans un point de vue de l'emploi, si on veut créer de l'emploi et attirer des gens chez nous pour créer de l'emploi, puis on leur dit: Écoutez, vous entrez dans tel secteur et il y a telle et telle et telle règle à rencontrer, bien, je vous dis: Les gens ne viendront pas, ou les gens vont développer leur industrie à l'extérieur des frontières du Québec.

Au niveau des manufacturiers, ce n'est pas ça qu'on veut. Si vous me dites que, dans les gens qui sont couverts par la Loi sur les décrets de convention collective, dans certains secteurs, il y a eu des augmentations importantes, je vais peut-être être obligé de réviser ce que je vous dis là, mais je n'ai pas l'impression que c'est le cas. Au contraire, c'est le phénomène inverse qui se produit présentement.

Le Président (M. Forget): Alors, M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Ménard: Très rapidement. On reste quand même très sensible au fait que la structure des comités paritaires, actuellement, a donné lieu, dans certains cas – et c'est là où ça marche mal – au fait qu'une petite partie de l'industrie s'empare du comité paritaire et ensuite impose sa loi au restant de l'industrie, qui, elle, veut être beaucoup plus compétitive, beaucoup plus imaginative, beaucoup plus à l'écoute des consommateurs et voudrait donner des services aux consommateurs, que le consommateur attend, à meilleur coût, mais est incapable de le faire par des comités paritaires.

Et, là-dessus, c'est certain qu'on est très, très préoccupé par cette question-là et on aurait aimé, au fond, de ceux qui croient dans la Loi sur les décrets de convention collective, des suggestions pour améliorer la représentativité de ceux qui ne sont pas à l'origine, très souvent, du comité paritaire – et c'est ça dont vous souffrez le plus – et qui reçoivent sa loi.

Je reconnais aussi que les comités paritaires peuvent poser plus de problèmes dans le domaine des manufacturiers que dans le domaine des services, qui sont assez stables, quoique ça peut évoluer, ça aussi, dans le futur. Mais, tout ça, je pense que la loi serait assez large si on y avait cru et qu'on l'avait appliquée.

Le Président (M. Forget): Alors, M. le député de... Alors, je...

M. Charland (Gaston): M. le Président, évidemment, si vous me dites que vous êtes prêt à l'abroger dans le secteur manufacturier, je ne vous dirai pas que je suis en désaccord avec ce point de vue là. Mais je vais vous ramener quand même au rapport Scowen, en 1986, qui disait déjà qu'il y a de la réduction ou de la compétitivité dans les secteurs exposés au commerce extérieur qui se traduit par une diminution de l'emploi. Et, ça, je pense que c'est quelque chose qui est connu et reconnu et il faut en tenir compte. Ce n'est pas strictement l'avis de l'Association des manufacturiers du Québec aujourd'hui. Il y a quand même eu des études sérieuses qui ont été faites, puis je suis sûr que vous êtes conscient de ça.

Le Président (M. Forget): Alors, M. le ministre.

M. Marcil: Alors, on convient sur ça, dans le secteur manufacturier, des problèmes majeurs au niveau de l'application de décrets, la rigidité, mobilité des travailleurs. Il y a plusieurs éléments qui sont ressortis dans votre mémoire et dans d'autres, aussi, qui vous ont précédés. Ça, je pense qu'on en convient et il faut trouver une façon de rendre nos entreprises beaucoup plus compétitives. Si on abrogeait la loi des décrets et que, par le biais de la Commission des normes du travail, on intervenait par ordonnance sectorielle pour protéger des conditions de travail dans des secteurs déjà régis par le décret, à titre d'exemple les salaires, comment vous recevriez ça?

M. Charland (Gaston): Toute intervention qui serait en dehors de l'intervention d'une entreprise donnée, notre position est claire et nette: On pense que ça doit rester la responsabilité de l'entreprise. Et des interventions extérieures, on est, en principe, en désaccord avec des formes d'intervention extérieure, si je comprends bien votre point de vue.

M. Marcil: Donc, vous êtes en désaccord avec le fait qu'il y ait une loi des normes minimales du travail aussi?

M. Charland (Gaston): C'est-à-dire qu'une loi sur les normes minimales du travail, il faut s'entendre, là. Vous ne parlez pas de la même chose. Vous parlez d'une loi qui couvre l'ensemble des salariés du Québec et une loi qui date de multiples années et qui est la Loi sur le salaire minimum du travail. Mais, à cette époque-là, il n'y avait pas le code des relations ouvrières, qui est apparu autour de 1944. Après ça, il y a eu le Code du travail, qui a été développé en 1964, si ma mémoire est bonne. Et ça change les règles du jeu. C'est ça qu'on essaie de vous communiquer, aussi. Il faut être prudent là-dessus.

Le Président (M. Forget): M. le ministre, c'est tout le temps qui est alloué. Alors, quelques minutes pour le député de Drummond.

M. St-Roch: Oui, merci, M. le Président. D'entrée de jeu, oui, il y a un problème avec les décrets, pas avec la loi des décrets, mais avec le mécanisme qui s'est développé à travers les années. Moi, je vais faire la synthèse, si vous me permettez, M. le Président, d'à peu près une semaine d'auditions jusqu'ici.

Premier problème, c'est la polyvalence des travailleurs à l'intérieur d'une industrie – et, là, je vais rester concentré sur le secteur manufacturier où se concentre la plupart de votre mémoire – la rigidité, qui fait en sorte qu'on ne peut pas avoir la polyvalence ou l'organisation modulaire par secteur d'activité.

Deuxième problème majeur de la plupart de ceux qui sont venus ici, à partir de l'automobile à aller jusqu'au vêtement, et on y reviendra: la non-représentativité de certains pans de secteurs au niveau des comités, qui fait énormément de frustration. Alors, là, vous avez les deux pierres d'achoppement.

Quand on parle de salaires – moi, je me suis attaché à le demander à chacun des intervenants, ici, et même les plus virulents contre les décrets – il n'y a personne qui a objecté que les salaires étaient trop élevés. Et ce n'était pas là qu'était le problème. Le problème, c'est la non-représentativité, la non-polyvalence de formation, d'éducation et d'organisation de la tâche de travail. Ça, c'est les problèmes majeurs. Alors, il faut arriver, avec un nouveau décret, à cette polyvalence-là.

Et je vais aller plus loin que ça, parce que, ici, il y a un avantage, en commission parlementaire, les paroles ne s'envolent pas, elles demeurent pour la postérité. Et lorsque j'ai exprimé des craintes, moi, qu'enlever la loi des décrets, ça voudrait dire niveler par la base et il y aurait automatiquement une baisse de salaires... L'Institut des manufacturiers de vêtements du Québec, vêtements pour dames, lorsqu'on a posé la question ici, on a demandé au porte-parole la question suivante: Si le gouvernement fédéral abolissait simplement les frais douaniers sur l'importation des tissus non fabriqués ici au Canada, qu'est-ce que ça ferait? Il a dit: On ne serait même pas ici, ce soir, pour discuter du décret. Alors, qui insiste, à un moment donné, qu'il y a un problème de compétitivité? Et, dans tout le secteur du textile – et c'est un domaine que je connais un petit peu – si on ôte les décrets demain matin, je vous assure que ça ne prendra pas deux ans que les associations des modes enfantines ou d'hommes ou de femmes vont supplier le législateur de mettre un encadrement, parce que ça va être la loi de la jungle.

J'aimerais rajouter, aussi, que ce qui fait l'avantage de quelqu'un qui va investir – puis, ça, c'est la base de la règle de l'art et je pense qu'on va être d'accord là-dessus – c'est une stabilité de l'investissement dont on est capable de prévoir les règles du jeu. Et sans décret, moi, j'aimerais trouver le manufacturier de vêtements qui va investir une couple de millions de dollars avec l'automation et avec l'informatique et avec l'image, aujourd'hui, dont on a besoin pour faire des vêtements. Parce qu'il ne connaîtra pas... Parce que ça va se faire dans les fonds de cour, à la mitaine, de plus en plus.

(11 h 20)

Alors, je pense, moi, qu'il faut disséminer ça. Est-ce que c'est une loi qu'il va falloir? Parce que vous savez, moi, je vais... Et ça sera ma question, parce que c'est la seule qu'on va m'autoriser. Il y a un problème qu'on peut tout régler avec ça, faire sauter les décrets, et le législateur peut se retirer. Il peut juste demander la loi des décrets ou la loi du Code du travail, puis dire: À partir de telle date, au Québec, il y aura une négociation sectorielle dans tous les champs d'activité. Les employeurs, vous vous regrouperez, puis vous, les travailleurs, vous vous regrouperez, négociation sectorielle obligatoire. Est-ce que vous seriez d'accord qu'on suggère une négociation sectorielle, par secteur d'activité, pour remplacer la loi des décrets?

Le Président (M. Forget): M. Charland.

M. St-Roch: Alors, vous auriez votre libre entreprise.

Le Président (M. Forget): M. Charland, très brève, s'il vous plaît.

M. Charland (Gaston): Oui, rapidement. Vous posez la question sur la négociation sectorielle. Je vous ai exprimé notre point de vue que ce n'est pas dans les vues de l'Association des manufacturiers du Québec. J'attire, par contre, votre attention... Vous avez mentionné, aussi, les problèmes de polyvalence, de non-représentativité. Je vous invite à regarder le conflit de compétences, le double assujettissement. Il y en a un paquet d'autres problèmes, aussi, qu'il faut regarder. Et je vous dis, côté compétitivité, pensez au secteur manufacturier. Je suis conscient que vous avez une certaine position, mais les secteurs manufacturiers devraient être traités d'une façon qui leur permette d'être compétitifs au niveau international. C'est excessivement important pour conserver des emplois au Québec.

M. St-Roch: Vous ne m'avez pas répondu oui ou non à la négociation sectorielle.

Le Président (M. Forget): M. le député de Drummond, votre temps est écoulé.

M. Charland (Gaston): Je vous ai répondu là-dessus.

Le Président (M. Forget): Alors, M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Marcil: Tout simplement pour vous remercier. À force de discuter et d'échanger sur ce dossier, on va sûrement arriver à prendre une décision pour l'avantage de l'industrie. Merci beaucoup.

Le Président (M. Forget): M. le député de Laval-des-Rapides, pour la fin de...

M. Ménard: Très rapidement. Vous ne nous avez pas fait changer d'opinion, mais j'avais lu votre rapport, quand même, avec attention. Je comprends votre point de vue, mais il me semble que, si on avait mis ses culottes plus souvent, l'article 21 de la loi, qui permet d'abroger des règlements des comités paritaires, etc., vous ne souffririez peut-être pas des situations que vous nous avez décrites et que je comprends parfaitement. Puis vous aviez raison de nous rappeler les dernières choses, mais on y a pensé aussi. Le double assujettissement, c'est une abomination.

Le Président (M. Forget): Alors, je voudrais remercier l'Association des manufacturiers du Québec et tous les participants. Alors, j'inviterais Gestiparc inc. à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Je voudrais quand même établir, au début, la façon de fonctionnement. Alors, vous avez 10 minutes pour votre présentation, 10 minutes d'échanges avec le ministre et 10 minutes d'échanges avec le député de Laval-des-Rapides. Et j'aimerais demander au président s'il veut bien présenter les personnes qui l'accompagnent.


Gestiparc inc.

M. Gravel (Marc C.): Écoutez, moi, je suis Marc Gravel. Je suis du bureau Kronstrm Desjardins. Je suis procureur de la compagnie Gestiparc inc. Alors, vous avez avec moi le président et le vice-président de la compagnie, M. André Thivierge, à ma droite, qui est président, et M. Jean-François Caron, à ma gauche, qui est vice-président de Gestiparc.

Le Président (M. Forget): Alors, vous allez expliquer pendant 10 minutes votre document, ce que vous avez en main, ou bien non vous y allez verbalement, comme vous l'entendez.

M. Gravel (Marc C.): Voilà. Écoutez, on ne vous fera pas une lecture, évidemment, du document que vous avez déjà reçu, qui est relativement bref et qui se voulait comme tel, on veut simplement vous présenter la position d'ensemble de Gestiparc par rapport aux amendements éventuels qu'on pourrait apporter à la Loi sur les décrets de convention collective.

Gestiparc intervient devant la commission essentiellement pour soutenir l'une des principales recommandations contenues dans le rapport du Comité interministériel, et c'est la recommandation 17, qui porte sur la question de ce qu'on appelle l'extension horizontale des décrets ou, en tout cas, sur l'un des aspects de ce qu'on appelle l'extension horizontale des décrets.

La recommandation 17, M. le Président, est la suivante. On recommande que les notions d'«employeur» et d'«employeur professionnel», telles qu'elles sont définies actuellement dans la loi sur les décrets, soient revues afin de préciser que seuls des employeurs en concurrence directe sont compris dans le champ d'application du décret. Alors, c'est donc en support à cette recommandation-là que Gestiparc intervient et c'est également sur la base d'une expérience, je dirais, vécue qui nous apparaît mettre en relief certains effets non voulus, pensons-nous, au départ, de la loi sur les décrets de convention, qu'on vous fait des représentations.

D'abord, M. le Président, il serait peut-être bon de vous dire qui est Gestiparc, ce que fait cette entreprise. C'est une entreprise qui est spécialisée dans l'industrie du stationnement. Les activités de Gestiparc se divisent en deux volets principaux. Vous avez d'abord le volet conseil, qui couvre la question de l'implantation, de l'aménagement, la gestion, les opérations de parcs de stationnement, comme on en voit partout dans les villes ou les cités urbaines du Québec. Vous avez également le volet qui couvre l'administration et la gestion des parcs de stationnement. C'est le travail sur le terrain en quelque sorte, où, par des mandats qu'on reçoit de propriétaires généralement, des demandes qu'on reçoit de propriétaires de parcs de stationnement, on opère des parcs de stationnement. Et, pour ce faire, on embauche du personnel, généralement des préposés aux guérites dont le travail va consister principalement, et tout le monde en a rencontré bien sûr, à percevoir l'argent des usagers des parcs de stationnement.

Alors, quelle est la position de Gestiparc par rapport au projet d'amendements qui est proposé ou aux recommandations du Comité interministériel? D'abord, il y a lieu de préciser que Gestiparc ne s'oppose pas comme tel au maintien de la Loi sur les décrets de convention collective, mais, si la loi doit subsister, Gestiparc dit qu'on doit faire en sorte de confiner les décrets aux seuls secteurs visés à l'origine par les décrets. Donc, les décrets ne doivent pas sortir de leur champ d'application industriel ou de leur champ d'application naturel. Autrement dit, les décrets doivent viser des employeurs qui sont en concurrence véritable, comme le précise l'article ou la recommandation 17 du rapport, des employeurs qui oeuvrent directement et principalement dans le champ industriel visé par le décret.

Pourquoi en arrivons-nous à cette position? C'est simplement pour éviter les abus et les débordements que peut engendrer l'application des décrets par certains comités paritaires. À titre d'exemple, Gestiparc vous présente la situation suivante, qu'elle n'entend pas régler devant vous ce matin, mais qu'elle entend simplement faire valoir à titre d'exemple, ce qui vous permettra de mieux saisir notre propos.

Alors, vous avez compris que Gestiparc opère des parcs de stationnement et engage généralement, pour les fins des opérations, des préposés aux guérites. Alors, le Comité paritaire des agents de sécurité, qui est un comité paritaire provincial, a jugé que les préposés aux guérites faisaient du travail de sécurité et que Gestiparc était en conséquence une agence de sécurité assujettie aux conditions du décret et a tenté, en conséquence, de l'assujettir. Ça a donné lieu à des procédures judiciaires, bien sûr, et, actuellement, Gestiparc fait face à des procédures de plus de 750 000 $, ce qui, bien sûr, pourrait compromettre la survie d'une entreprise québécoise qui est innovatrice dans son domaine, et c'est particulièrement préoccupant.

(11 h 30)

Alors, le même décret par ailleurs, pour votre information, a couvert, suite à une décision de la Cour d'appel du Québec, les activités des commissions scolaires ou, plus précisément, les activités des brigadiers scolaires. On a dit que les brigadiers scolaires faisaient du travail de sécurité et que, en conséquence, les commissions scolaires étaient des agences de sécurité au sens du décret et, en conséquence, étaient assujetties au même décret. Il nous semble que c'est une aberration, au départ, de penser qu'une industrie associée ou limitée, spécialisée dans le domaine du stationnement, puisse être assimilée à une agence de sécurité et qu'on cherche ainsi à l'assujettir à un décret qui lui est complètement étranger, comme d'ailleurs c'était le cas également pour les commissions scolaires avec leurs brigadiers scolaires. Alors, ce que l'on veut, c'est éviter la deuxième forme d'extension horizontale qui est dénoncée dans le rapport du Comité interministériel, aux pages 79 et 80. Ce qu'on nous dit dans le rapport – et vous me permettrez de le citer – on dit: «La seconde forme d'extension horizontale s'avère tout autant inacceptable. Il s'agit, lorsque cela se produit, d'obtenir un élargissement à des métiers périphériques au champ d'application original et ainsi d'assujettir des entreprises dont les activités n'entretiennent pas de relation avec l'aire initialement visée.»

On nous donne un exemple, ensuite, en ce qui concerne ce qu'on appelle les «jockeys», les salariés qui font le... des chasseurs de véhicules, en français. Et on finit en disant: «Au surplus, pareille décision gouvernementale risque de perturber, dans bon nombre d'entreprises, la structure interne des salaires. Elle consacre, enfin – on parle toujours de l'application horizontale sous sa deuxième forme – une tendance à une réglementation abusive et, pour tout dire, à l'extension de l'extension juridique.»

Alors, c'est à ça qu'on s'oppose, nous. C'est à l'extension de l'extension juridique à des entreprises qui ne sont pas dans un champ d'activité initialement visé par un décret donné. Alors, pour éviter que ça ne se produise, nous pensons qu'effectivement, comme le propose le Comité interministériel, selon sa recommandation 17, à partir des définitions des termes «employeur» et «employeur professionnel», il y a lieu de confiner l'application de tout décret qui pourra subsister aux véritables employeurs visés initialement par la portée intentionnelle d'un décret. Ça permettrait également d'éviter une certaine forme de concurrence que l'on juge déloyale, c'est-à-dire la concurrence qui nous vient d'entreprises qui ne sont pas dans une sphère d'activité donnée, mais qui, par la bande, par la bande de leur décret, finissent par venir établir les conditions de travail dans un domaine ou dans un secteur qui n'est pas le leur, de façon à mieux l'occuper ensuite, de façon à mieux faire concurrence aux entreprises qui, elles, sont dans leur champ naturel d'opération. Alors, c'est l'essence du mémoire de Gestiparc.

Le Président (M. Forget): Merci beaucoup, Me Gravel. Alors, M. le ministre, vous avez 10 minutes.

M. Marcil: Merci beaucoup. Donc, l'extension horizontale, ça pose un réel problème chez vous.

M. Gravel (Marc C.): Oui.

M. Marcil: Le fait d'être assujetti, ça pose des problèmes pour vous. Pourriez-vous m'indiquer, me signaler, quel genre de problèmes concrets ça vous pose, le fait d'être assujetti au décret sur la sécurité, les agents de sécurité?

M. Gravel (Marc C.): Actuellement, M. le ministre, Gestiparc n'est toujours pas assujettie. C'est en instance.

M. Marcil: Oui, oui.

M. Gravel (Marc C.): Et le premier impact, c'est que Gestiparc, qui opérait depuis quelques années, n'avait jamais entendu parler du décret. On pense qu'on est d'ailleurs la première entreprise dans l'industrie du stationnement qu'on tente d'assujettir. Alors, le premier impact, ça se traduit par des poursuites de 750 000 $ pour une entreprise qui a vu le jour en 1988. Le premier inconvénient est là. Nos conditions de travail n'étaient pas établies en fonction de la loi sur les décrets ou du décret sur les agents de sécurité. Elles étaient établies à partir, bien sûr, de la Loi sur les normes du travail avec des bonifications qu'on avait apportées sur plusieurs conditions de travail. Alors, le premier inconvénient vient de là. C'est qu'on essaie d'établir des conditions de travail qui ne sont pas celles de notre industrie.

Vous avez également, lorsque ça se produit, des contrats qui sont en vigueur pour des périodes déterminées – ça peut être un an, ça peut être deux ans, ça peut être trois ans – qui établissent généralement qu'ils sont... dont nous avons convenu sur la base des conditions de travail que nous avions établies à l'interne et que nous nous devons de respecter. Demain matin, ça nous met dans une situation où, virtuellement, on n'est plus en mesure d'opérer à profit et ça peut nous acculer à la faillite ou à des difficultés financières certaines. Je passe, évidemment, par-dessus le fardeau administratif que toute la question de l'administration des décrets engendre.

M. Marcil: Quels sont les écarts entre ce que vous donnez comme conditions de travail à vos employés par rapport à ceux décrétés par le comité paritaire des agents de sécurité? Au niveau salarial, est-ce qu'il y a de gros écarts?

M. Gravel (Marc C.): Ça joue autour de 3 $.

M. Thivierge (André): Oui. C'est à peu près aux alentours de ça. Au niveau des conditions, je dirais, normatives, les congés, etc., c'est peut-être... La différence est beaucoup moindre, à ce niveau-là. Nous aussi, on a des systèmes qui nous empêchent de faire de la mobilité. Les gens qui travaillent dans les guérites sont les seuls, actuellement, qu'on voudrait assujettir parce que les valets, eux, ils ne les considèrent pas comme faisant de la sécurité. Alors, nous, on a souvent des personnes qui sont mobiles, c'est-à-dire qu'elles peuvent être dans une guérite pendant quelque temps, puis elles vont faire du valet service si le besoin est là. Elles peuvent aussi voir à s'occuper un petit peu à l'entretien des équipements, peut-être faire du décompte de véhicules. En tout cas, nous, actuellement, les personnes qu'on engage ont des tâches un peu diversifiées, tandis que la sécurité se dirige juste vers un des postes que nous occupons dans le marché.

M. Marcil: En vertu de quels critères les agents de sécurité, leur comité paritaire, relient, si vous voulez, la fonction de caissière ou de caissier à la notion d'agent de sécurité?

M. Gravel (Marc C.): C'est une question de définition, M. le ministre. À une certaine époque, le Décret sur les agents de sécurité était fonction de la notion d'agence de sécurité au sens de la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité. Il me semble, en tout cas, que c'est comme ça que ça fonctionnait. Et, à une certaine époque, en 1988 ou 1989, on a changé la définition de ce qu'est la sécurité au sens du décret. Et, là, ce n'était plus en référence au fait qu'on était une agence ou non de sécurité qui devait obtenir des permis en vertu de la loi et embaucher des agents de sécurité, mais, là, tout travail de surveillance, de garde – il y a quatre vocables, en tout cas, utilisés dans la loi – faisait, en quelque sorte, que ceux qui faisaient la garde, la surveillance de biens ou de personnes faisaient de la sécurité au sens du décret. On a, par ailleurs, annexé à notre mémoire le mémoire qui avait été produit au ministère du Travail et dans lequel on fait valoir qu'il y a lieu d'apporter, pour régler notre problème plus vite... Parce que les tribunaux, pour nous, c'est une question de quelques années, et c'est trop lent comme processus. On a demandé au ministère du Travail d'apporter un amendement au décret actuel pour exclure expressément tous les employés travaillant à l'exploitation de parcs de stationnement. À ce moment-là, on a fait valoir quels étaient les arguments qu'on utilisait ou qu'on tirait du décret actuel et qui nous laissent conclure que, si on le plaide, on va le gagner. Sauf que c'est un processus de quelques années, et on ne peut pas se permettre ce luxe-là, et on doit régler notre problème différemment, d'où la recherche d'un amendement législatif pour y arriver.

Le Président (M. Forget): Alors, M. le ministre.

M. Marcil: Merci. Je reviendrai à la fin.

Le Président (M. Forget): M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Ménard: Si je comprends bien votre problème, vous opérez des stationnements. Vous engagez du personnel, pendant que vous faites ça; vous le payez, vous le rémunérez, pendant même quelques années, comme font d'autres gestionnaires de stationnement. Et les premières nouvelles que vous avez, à un moment donné, que vous êtes peut-être soumis à un décret, c'est que vous recevez pour 750 000 $ de poursuite.

M. Gravel (Marc C.): Ça a été en deux étapes, mais c'est ça, oui.

M. Ménard: C'est-à-dire qu'on vous avertit que si vous ne donnez pas... On vous a au moins averti que si vous ne respectiez pas...

M. Gravel (Marc C.): Ça a commencé par une poursuite de 253 000 $.

M. Ménard: Alors, vous êtes absolument convaincus que... Et cette définition-là, que vous êtes couverts par le décret, elle n'est pas prévue par la loi, elle est prévue par la définition que le comité paritaire a fait mettre dans son décret...

M. Gravel (Marc C.): Voilà.

M. Ménard: ...lequel a été approuvé par le ministère du Travail.

M. Gravel (Marc C.): Voilà. Et on a dû juger, j'imagine, que cette définition d'«employeur» était conforme aux définitions contenues dans la loi. Nous, on pense que c'est la loi-cadre qui devrait baliser ça.

M. Ménard: Là, on vous rejoint par l'expression des employés qui s'occupent de garde parce que, de toute évidence, vos employés s'occupent de la garde des véhicules. On ne va pas les stationner chez vous pour se les faire voler. Ha, ha, ha! Ce n'est pas tellement... Ce n'est pas comme un agent de sécurité qu'on engage, qui est en uniforme, qui doit avoir un permis du ministère de la Justice et qu'il y a une vérification qu'il n'a pas de dossier judiciaire, et patati et patata. Bon. Ce qui m'étonne beaucoup, c'est qu'il n'y a pas une façon moins judiciaire, moins... Parce que, là, si je comprends bien, le problème continue. C'est que, bien que vous soyez convaincus que vous avez raison, pendant que vous débattez ça au judiciaire, vous avez à répondre aux questions de vos comptables à la fin de l'année: Est-ce que vous avez des poursuites contre vous?

(11 h 40)

M. Gravel (Marc C.): Voilà.

M. Ménard: Vous êtes obligés de déclarer que vous en avez. Évidemment, votre comptable lit ça et, là, vous êtes obligés de lui donner un cours de droit sur les décrets de convention collective pour convaincre votre banquier que cette poursuite de 750 000 $ plus les 20 % que vous seriez obligés de... Je comprends parfaitement votre problème. Je trouve ça inadmissible, effectivement, qu'il n'y ait pas une façon plus intelligente de régler la question de savoir si un employeur est soumis au décret ou n'est pas soumis au décret.

M. Gravel (Marc C.): On peut, M. Ménard, essayer de trouver effectivement des solutions, comme vous dites, plus intelligentes et dans le sens de plus rapides également. Mais, en ce qui nous concerne, la solution directe pour ce genre de problème, pas juste pour nous, mais pour tout employeur qui pourrait se retrouver dans les mêmes situations que nous, c'est en balisant les définitions d'«employeur» et d'«employeur professionnel». Il faut que ce soient des employeurs du milieu qu'on veut viser réellement qu'on va assujettir à un décret.

M. Ménard: Oui, mais la question est de savoir... Dans votre cas, c'est que, par le fait qu'on vous confie la garde d'automobiles, est-ce que vous correspondez à la définition qu'il y a dans le décret, définition à laquelle, évidemment, vous n'avez jamais été appelés à collaborer?

M. Gravel (Marc C.): C'est ça. Notre prétention, c'est qu'on ne nous confie pas la garde... Je vais vous donner un exemple. Le CHUL, tout le monde connaît ça, à Québec...

M. Ménard: C'est ça. Vous nous louez un espace.

M. Gravel (Marc C.): C'est Gestiparc. Alors, le CHUL, c'est Gestiparc qui opère le stationnement. Ce que vous faites quand vous allez visiter quelqu'un à l'hôpital, vous prenez un billet au départ et, en sortant, vous payez 2 $, 4 $, 5 $, selon la durée de votre séjour. La personne qui est dans la guérite ne fait pas la garde de votre véhicule que vous placez peut-être hors de portée ou hors de vue de cette personne-là. La personne qui est dans la guérite est là pratiquement à la journée longue pour surveiller surtout les sorties. L'entrée, c'est automatique. Même à ce niveau-là, la notion de garde n'est pas évidente.

M. Ménard: C'est un dépôt rémunéré. Vous avez quand même...

M. Gravel (Marc C.): On ne débattra pas l'aspect juridique de la question, mais on est à l'aise avec ça, M. Ménard...

M. Ménard: Non, non. C'est correct. Mais je ne vous vois pas comme...

M. Gravel (Marc C.): ...Me Ménard.

M. Ménard: ...agents de sécurité, effectivement.

M. Gravel (Marc C.): Vous savez, il y a beaucoup d'entreprises avec lesquelles Gestiparc fait affaire – par exemple, le CHUL – qui vont donner des contrats de sécurité à de vraies agences de sécurité et qui vont faire de la sécurité partout, y compris dans les stationnements où, nous, on opère. Alors, c'est courant.

Le Président (M. Forget): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Moi, j'ai peut-être une question. Vous êtes une sorte d'exemple qu'on est en train de vouloir faire, si je comprends bien. Avez-vous d'autres cas comme le vôtre, à votre connaissance, qui ont été demandés d'être soumis... ils ont reçu des poursuites? Est-ce que vous êtes les seuls?

M. Gravel (Marc C.): À notre connaissance, il n'y en a pas d'autres. Et, lorsqu'on a soulevé la question en audition devant le ministère du Travail, on nous a répondu que, évidemment, le caractère confidentiel des dossiers empêchait de répondre à ça.

M. Jolivet: Oui.

M. Gravel (Marc C.): Mais on pense qu'on est le «test case», entre parenthèses.

M. Jolivet: C'est ce que j'ai cru comprendre.

Le Président (M. Forget): Avez-vous d'autres questions...

M. Jolivet: Non.

Le Président (M. Forget): ...M. le député de Laval-des-Rapides? M. le ministre, il vous reste quatre minutes et demie.

M. Marcil: Je trouve que c'est assez clair, votre rapport. Je suis bien au courant de la démarche que vous avez faite auprès du ministère du Travail. Je sais qu'il y a des... Le processus est enclenché. Vous avez eu des discussions. On va tenir compte, naturellement, de votre proposition. Merci beaucoup de vous être prêtés à ce travail.

M. Thivierge (André): Merci beaucoup.

Le Président (M. Forget): Alors, les membres de la compagnie Gestiparc inc., je voudrais vous remercier de votre participation. On vous souhaite un bon retour. Merci beaucoup.

M. Gravel (Marc C.): On vous remercie de votre bonne attention.

Le Président (M. Forget): Alors, j'invite l'Association des centres d'accueil privés autofinancés inc. à bien vouloir prendre place à la table, s'il vous plaît.

Alors, je vous rappelle que le temps alloué pour la période de présentation de votre mémoire est de 10 minutes, et l'échange avec les deux intervenants est de 20 minutes: 10 minutes pour le ministre et 10 minutes pour les gens de l'Opposition. Si vous voulez vous présenter et les gens qui vous accompagnent.


Association des centres d'accueil privés autofinancés inc. (ACAPA)

M. Poulin (Côme): Alors, Mme Suzanne Gaudet, qui est présidente de l'Association des centres d'accueil privés autofinancés du Québec; Mme Lise Raymond, qui est directrice générale de la même association. Mon nom est Côme Poulin, avocat. Je suis porte-parole, aujourd'hui.

L'Association des centres d'accueil privés autofinancés, comme le dit bien son nom, il s'agit de centres d'accueil qui peuvent avoir de 10 lits à 300 lits, mais c'est strictement autofinancé, donc qui ne bénéficient d'aucune aide gouvernementale à quelque niveau que ce soit. Donc, chez nous, c'est le bénéficiaire qui paie intégralement. On fait face à une clientèle dont les revenus n'augmentent pas tellement parce que, chez les personnes âgées qui ont des revenus de placement, depuis trois ou quatre ans les placements, ce n'est pas mirobolant. Par contre, cette même clientèle est de plus en plus en perte d'autonomie; il y a un alourdissement de la clientèle et une augmentation en services de soins qu'on doit dispenser.

Le décret auquel on s'en prend aujourd'hui, c'est le décret sur le personnel d'entretien d'édifices publics de la région de Montréal parce que plusieurs de nos centres d'accueil sont situés dans l'ouest de la province. Par des poursuites qui sont arrivées à un moment donné, certaines personnes ont compris qu'elles étaient régies par ce décret-là. Le décret, je l'appellerais le décret de l'entretien ménager comme on l'appelait autrefois, c'est un décret qui, à la base, a été adopté suite à une convention collective intervenue entre les professionnels de l'entretien ménager pour autrui et le syndicat regroupant leurs employés. Lorsque le décret a été adopté, on est parti encore à l'horizontale et on est allé chercher à peu près tout ce qui existait de bâtisses dans la province de Québec. D'ailleurs, c'est drôle parce qu'il y a une page complète, dans le décret, où on dit c'est quoi, un édifice public. Et on commence par une école, un collège ou une université. Pourtant, dans les écoles, les collèges et les universités, ce n'est que des conventions provinciales, là-dedans. Qu'est-ce que le décret vient faire là? Je dis bien qu'on a un décret des professionnels de l'entretien ménager dont on a extensionné l'application à l'horizontale – je ne reprendrai pas tout ce que mes collègues ont dit, ceux qui ont précédé tout à l'heure, pour Gestiparc – mais c'est là qu'on en est. Donc, les centres d'accueil, pour parler des centres d'accueil privés, se font imposer des conditions de travail pour leur personnel d'entretien ménager sans avoir eu un seul mot à dire à ce niveau-là, au niveau de l'adoption du décret. On n'est pas partie contractante, puis on ne pourrait même pas l'être. Au surplus, les conventions collectives entre les centres d'accueil privés autofinancés et leur syndicat prévoient pour le personnel d'entretien ménager des salaires inférieurs au décret. Alors, la prépondérance du décret au niveau des centres d'accueil, il faut se poser un peu des questions. Donc, on est en présence d'un décret qui a été fait par des professionnels de l'entretien ménager pour des professionnels de l'entretien ménager et qu'on essaie d'imposer à Pierre, Jean, Jacques, tout le tour.

L'impact monétaire de ce décret-là au niveau des centres d'accueil privés autofinancés, j'aimerais laisser peut-être Mme Raymond en dire quelques mots parce que ce sera plus précis que ce que, moi, je peux vous dire, mais je peux vous dire que cet impact monétaire là a été établi suite à une enquête du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Le Président (M. Forget): Mme Raymond.

Mme Raymond (Lise): C'est à partir du rapport annuel, que les établissements doivent maintenant compléter, que ce rapport-là a été fait, et il représente 65 établissements. D'ailleurs, vous en avez une copie à la page 6. Alors, ça vous permet de voir que les salaires du personnel d'entretien se situent autour de 7 $, le personnel préposé aux bénéficiaires, 7,50 $, les infirmières auxiliaires 10 $, et 13 $ pour le personnel infirmier. Si on regardait l'impact du décret, ce à quoi on s'attend, c'est que, s'il y a un décret puis qu'on monte le personnel d'entretien à 11,56 $, on sait que ça va tout débalancer la structure salariale parce que tout le monde va vouloir un réajustement salarial. Alors, ce que ça veut dire... Ça fait une augmentation. Grosso modo, les préposés, le personnel d'entretien devient à 11,56 $, 12 $ pour le personnel préposé, 13 $ pour le personnel infirmier auxiliaire et 15 $ l'heure pour le personnel infirmier. Alors, ce que ça dit... ça fait une augmentation de la masse salariale de 56 % pour les 65 établissements qu'on avait, à partir desquels on a pu faire les calculs. Ce montant-là est réparti. Ça fait un montant de 8 000 000 $ qu'on devra répartir à travers 2456 personnes âgées parce que, il faut se le rappeler, on a parlé d'autofinancement des établissements. On ne reçoit aucune subvention du ministère. Alors, qu'est-ce qu'on doit faire? On doit nécessairement aller chercher dans les poches des usagers et les citoyens devront payer 271,88 $ de plus.

Nous ne sommes pas les seuls. Il existe des regroupements de résidences. Il y a l'ARPAQ, l'Association des résidences pour personnes âgées du Québec, qui représente 1500 lits qui seraient dans la même situation. Et, même, je dirais que ce serait plus déplorable dans leur cas parce que le citoyen qui va dans des résidences pour personnes âgées autonomes a souvent un tarif qui est moindre que dans les centres d'hébergement, où on va offrir des services de soins infirmiers, etc. Alors, l'augmentation que le citoyen devrait payer serait beaucoup plus grande. Alors, il y a l'ARPAQ qui représente 1500 lits; on a aussi le Regroupement des résidences et services aux retraités du Québec qui nous appuie également dans cette démarche-là. Il n'a pas présenté de mémoire, mais il représente aussi à peu près 1500 lits. Alors, ça vous donne une idée de l'ampleur du problème. On ne connaissait pas le décret, jusqu'à il n'y a pas longtemps, et puis on s'est rendu compte qu'on a des gens, maintenant, qui sont assujettis et ça nous cause de sérieux problèmes.

(11 h 50)

Le Président (M. Forget): Merci, madame.

M. Poulin (Côme): Alors, en conclusion, l'Association des centres d'accueil privés autofinancés, qui regroupe ce qu'on appelle les parents pauvres du service de la santé mais qui est indispensable parce que les bénéficiaires qu'on a chez nous, le système public n'est pas capable de les prendre, se voit donc avec une épée de Damoclès d'une loi qui date de 1934. Et je pense que la seule façon de faire disparaître l'épée de Damoclès, c'est de faire disparaître la loi dans son état actuel; on dit bien la loi telle qu'elle est actuellement et qui permet, par un décret d'entretien d'édifices publics, d'aller couvrir le travail d'entretien ménager que font les entreprises, mais, à titre accessoire, les écoles, les hôpitaux, les hôtels et nous, les centres d'accueil. Pour nous, l'entretien ménager, c'est à titre accessoire; notre vocation principale, ce n'est pas de l'entretien ménager, alors que ceux qui ont obtenu ce décret-là, eux, leur vocation première, c'est de faire de l'entretien ménager pour les autres. Donc, nous concluons, en conséquence, à l'abrogation de la loi actuelle, dans le contexte où on vous en parle. Par contre, si on regarde les recommandations du Comité interministériel, notamment les recommandations 14 à 19 – je n'élimine pas les autres pour autant, mais je parle particulièrement de celles-là – où, à toutes fins pratiques, on va avoir un champ d'activité professionnelle plus défini ou plus déterminé pour les décrets, où il y aura des vérifications sérieuses pour savoir si, vraiment, il y a prépondérance ou pas, et pour savoir également s'il y aura acceptation ou non de la majorité ou des personnes représentatives de l'industrie, il est bien évident qu'on n'est pas contre la modification substantielle de la loi. Qu'on remplace la loi actuelle par quelque chose de substantiellement modifié, qui tiendrait compte plus particulièrement des recommandations 14 à 19 du rapport du Comité. C'est ce que nous avons à vous exposer.

Le Président (M. Forget): Merci beaucoup, Me Poulin. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Ménard: ...

M. Marcil: Pardon?

M. Ménard: C'est à vous à agir, dans ce cas-ci.

M. Marcil: Agir. Oui, disons que... Il y a deux décrets: il y en a un pour la région de Québec, auquel les centres d'accueil privés ne sont pas assujettis, et un dans la région de Montréal auquel les centres d'accueil privés seraient assujettis. Je sais qu'en novembre 1973 vous avez saisi le ministre d'une requête, à l'époque, justement pour que les centres d'accueil privés soient exclus du décret sur le personnel d'entretien d'édifices publics de la région de Montréal et des employés d'entretien des centres d'accueil privés autofinancés. Je sais que le ministre a donné suite positivement à cette requête par la publication, dans la Gazette officielle justement... la prépublication d'un décret dans la Gazette officielle du 20 avril 1994; je crois que les opposants ont jusqu'au 4 juin 1994, c'est-à-dire samedi de cette semaine, pour se manifester. Et, en date du 18 mai, naturellement, 1994 ou même, je dirais, en date d'aujourd'hui... Donc, on va attendre la fin du processus de prépublication.

De façon très, très spécifique, votre présentation met en relief les problèmes de gestion, au niveau des centres d'accueil, avec l'application du décret pour vous. De façon très spécifique, donc, votre demande qui est faite par le biais du mémoire, c'est d'être exclus du décret de l'entretien ménager pour la région de Montréal. C'est ça?

M. Poulin (Côme): C'est d'être exclus du décret et avoir un minimum de certitude qu'on ne viendra pas nous réintégrer dans le même décret dans deux ans. C'est pour ça, quand on parle de modification à la loi. La loi, telle qu'elle est actuellement, permet une extension horizontale illimitée.

M. Marcil: Oui, c'est un des sujets qui sont discutés par le biais de cette consultation-là.

M. Poulin (Côme): C'est exact. Alors, ce qu'on dit, nous, c'est que des amendements seront sûrement apportés à la loi. Je pense que les consultations qui ont eu lieu par le Comité interministériel et par la commission parlementaire vont sûrement entraîner ça. Dans la mesure où, nous, on dit: Ces amendements-là vont limiter l'extension horizontale – je parlais des recommandations, tantôt, 14 à 19, et il y en a d'autres – ça nous satisfait pleinement, mais, pour l'instant... On sait que, dans l'immédiat, vous avez raison là-dessus, M. le ministre, il y a une urgence, c'est qu'on en sorte.

M. Marcil: O.K. Moi, j'ai pris note de vos recommandations et nous allons continuer nos discussions.

Le Président (M. Forget): Alors, merci, M. le ministre. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Ménard: Prenez votre crayon; je vais avoir quelque chose à vous faire noter. Notez que vous pourriez vous procurer, au secrétariat de cette commission, le mémoire 33M, dont je vais vous lire quelques extraits. Je le lis d'autant plus à l'aise qu'à mon avis il est l'exemple du comité paritaire probablement le plus responsable, le mieux géré de ceux qui se sont présentés devant nous, et qui démontre le plus clairement son utilité. Mais, justement, quand... Il parle de vous, dedans, indirectement, j'ai remarqué ça, et particulièrement à la page 29. Mais je sais que ça commence... Leur raisonnement, qui est le mien depuis le début, remarquez – et c'est indépendamment de... je ne l'avais pas lu dedans – c'est que la Loi sur les décrets de convention collective a vraiment sa place dans nos législations du travail, mais il y a certains... C'est vrai qu'il y a certains problèmes qui peuvent être posés, et le vôtre en est une illustration, comme Gestiparc qu'on vient de voir, là, tout à l'heure, qui a exactement, d'ailleurs, le même type de problème.

Alors, à la page 22, on commence par dire: «Le seul irritant concret de l'extension horizontale telle que vécue dans le décret de l'entretien d'édifices publics de Montréal porte sur les structures internes de salaire des entreprises qui embauchent leurs propres ouvriers d'entretien – ça commence à vous ressembler. Certains employeurs, particulièrement les très petites organisations, peuvent avoir des problèmes de cet ordre.» Ça continue plus loin. Je ne peux pas lire tout ce que j'ai souligné, mais... On dit, à la page 27: «Notre décret comprend les exclusions judicieuses qui pouvaient être faites sans en compromettre la raison d'être.» Ensuite, on nous dit qu'il y a des solutions dans la loi actuelle et, entre autres, à la page 29, vers la fin des solutions, on nous dit que l'exclusion en est une. On commence à la page 28, et on nous dit: «Une telle demande est d'ailleurs présentement devant...» Ah! oui, là... «Lorsqu'un problème se pose pour un secteur d'activité en particulier, il est loisible pour ce secteur de demander au ministre de l'Emploi de l'exclure de l'application du décret. Dans le passé, de telles demandes ont été faites avec succès dans le cas du travail d'entretien dans les chambres d'hôtel, du concierge résident d'un édifice à logements et du travail d'entretien de l'aire de production dans une usine. Une telle demande est d'ailleurs présentement devant le ministre, visant à exclure le travail d'entretien dans les centres d'accueil. Le ministre devra évaluer cette demande au mérite.» Ha, ha, ha! C'est pour ça que je vous disais: Vous, vous avez à agir, M. le ministre. Mais je trouve votre rapport bien fait. Les conclusions écrites m'apparaissent responsables. Vous vous êtes peut-être fait emporter dans votre présentation orale; j'avais l'impression que vous vouliez amender ou qu'on abolisse la loi. Mais votre conclusion écrite, c'est: «Nous concluons donc à l'abolition pure et simple de ce décret.» Ça va peut-être un peu loin. En fait, vous devriez conclure à l'exclusion du décret.

Je trouve aussi que votre raisonnement est un peu charrié, à la page 7, mais, enfin, je le comprends. Vous dites que, si on est obligé de passer de 7 $ à 11,56 $ pour notre personnel d'entretien, notre infirmière, elle, elle va recevoir juste 1,44 $ de plus que le préposé à l'entretien. Elle n'acceptera pas ça. Ha, ha, ha! Elle va vouloir se faire augmenter à 15 $. Bon. Parce que, au fond, le coût du décret... Strictement, c'est le coût de 7 $ à 11,56 $ pour le personnel d'entretien. Mais je comprends votre raisonnement, qui est valable, que, à ce moment-là, vous allez probablement être obligé d'augmenter les autres, et, là, vous perdez votre clientèle. Ça va. Votre chose est bien faite, mais, je vais vous dire franchement, je suis plus curieux de connaître les solutions pour sauver la loi, qui m'apparaît importante, de ceux qui ont cherché à vous couvrir, et de prévoir, justement, des mécanismes, comment on peut prévoir dans la loi des mécanismes qui feraient que des gens qui, vraiment de bonne foi, croient qu'ils ne sont pas couverts par un décret, qui basent toute leur structure salariale en fonction de ça, toute l'organisation d'entreprise est faite comme ça, de bonne foi et, à un moment donné, ils découvrent tout d'un coup, par une extension horizontale, là... Je ne dis pas, si vous aviez un décret sur les centres d'accueil privés autofinancés, bien, là, évidemment, vous ne pourriez pas ignorer ça.

M. Poulin (Côme): On est dans le même secteur...

M. Ménard: C'est ça.

M. Poulin (Côme): ...vraiment, à ce moment-là, si on est juste...

M. Ménard: Alors, comme les gens de Gestiparc...

M. Poulin (Côme): Exact.

M. Ménard: ...qui... Eux autres, ils disent: Nous autres, on loue une place de stationnement.

(12 heures)

M. Poulin (Côme): Oui.

M. Ménard: On a peut-être des responsabilités légales de la garder en bon état pour que l'auto ne soit pas volée ou ne soit pas endommagée, mais, enfin, on n'est pas des gardiens de sécurité, dans notre esprit. Nous autres, on loue une place de stationnement et on collecte à la fin. On n'a jamais considéré qu'on pouvait être des agents de sécurité. Alors, comment est-ce qu'on peut faire une extension horizontale qui soit civilisée, en somme, dans les cas frontières? Ça, c'est le grand problème qu'on se pose. Vous, vous n'avez pas de solution. La solution, pour vous, c'est l'exclusion.

M. Poulin (Côme): Bien, écoutez, dans le contexte actuel, c'est l'exclusion à court terme. Je pense que c'est la solution. À long terme, on se dit: Bien, écoutez, pourquoi c'est moi qui devrais demander d'être exclu d'un décret? On devrait peut-être me demander la permission avant de m'inclure. Et ça, ça fait un peu partie des recommandations du Comité interministériel, où on dit qu'il faut consulter les intervenants du secteur parce que...

M. Ménard: Et ça, ce qu'on nous dit, c'est que c'est impossible de consulter les intervenants du secteur. Prenez, par exemple, dans le domaine de la couture, qu'est-ce que vous voulez, les entreprises, ça naît comme des champignons et ça meurt comme des champignons. Alors, à un moment donné... comme Mme Benetton. Mme Benetton a commencé ça dans sa cave; aujourd'hui, elle serait soumise... C'est maman Benetton et ses fils, mais ils ont commencé... À un moment donné, ils disent: Bon, on a fait le costume de bain de la voisine et elle l'a bien aimé; puis, là, on va faire le mien. Puis, là, je me mets à faire des costumes de bain et j'ai deux employés, puis, là, c'est juste dans la famille, puis ça passe à quatre, à cinq et à 10... Bien, coudon, il y en a, un décret. Ceux-là, je veux dire, je pense qu'ils doivent être couverts, s'il y a un décret qui couvre la couture.

M. Poulin (Côme): C'est la même industrie, mais je pense qu'une des solutions possibles, justement, c'est que, lorsqu'on adopte un décret... Prenons celui de l'entretien ménager à Montréal: les parties contractantes, ce sont des professionnels de l'entretien ménager pour autrui. Si on limite le champ d'application là, on n'en a plus, de problème, sauf que, dans le décret même, on prend la peine de mettre une page d'énumération d'édifices où ça s'applique et où les gens qui font déjà leur propre entretien ménager dans ces édifices-là sont, pour la plupart, déjà syndiqués, mais ne sont pas partie contractante au décret. Alors, c'est aussi cocasse que ça. Je négocie une convention avec mes employés et avec un syndicat accrédité, normalement, mon salaire d'entretien ménager est à 7,50 $ l'heure. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que, dans un petit centre d'accueil, la personne qui fait du travail d'entretien ménager à 7,50 $, elle en fait peut-être juste huit heures par semaine. Les 30 heures qui restent ou les 35 heures qui restent, elle va être préposée aux bénéficiaires à 9,50 $, 10 $ l'heure et, un dans l'autre, bien des fois, elle va avoir un salaire qui est plus élevé que celui de l'entretien ménager. Sauf que mon salaire à l'entretien ménager, il est important lorsque je prends du personnel à temps partiel, par exemple, qui ne fait que de l'entretien ménager chez moi. Mais je pense que le problème qu'on a sur l'extension horizontale, c'est au niveau de la description du champ d'application dès le départ. Si on se colle aux activités réelles de ceux qui formulent la demande des parties contractantes, on n'aura pas ce problème-là.

M. Ménard: Ici, on est bon parce qu'on voit les deux points de vue, mais la difficulté, si vous définissez ça pour autrui, c'est que les grands locateurs d'immeubles vont partir leur entreprise de nettoyage... En fait, ils ne la partiront pas vraiment, ils vont trouver un courtier en entreprise qui va leur fournir tout le personnel qui va tout l'opérer. Alors, la grande difficulté, c'est la définition.

M. Poulin (Côme): Oui. D'accord.

M. Ménard: Elle est là. Vous nous faites une suggestion, comme ça, à brûle-pourpoint. Si vous étiez conscient de l'autre problème, peut-être que vous l'ajusteriez autrement.

M. Poulin (Côme): Oui.

M. Ménard: Mais je comprends votre problème, et c'est au ministre de le régler, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Parce que vous lui avez fait la bonne demande.

Le Président (M. Forget): Alors, merci, M. le député de Laval-des-Rapides. M. le ministre.

M. Marcil: C'est un problème de définition, naturellement. C'est à peu près le même phénomène qu'on a vécu avec les décrets des garages qui s'appliquent autant à un Provi-Soir où la demoiselle ou le monsieur est au comptoir pour vendre toutes sortes de produits, puis, en plus, c'est un libre-service, ça fait qu'il est assujetti au décret des garages. Il y a beaucoup de... Il y a un ménage à faire, ça, je pense que tout le monde en est conscient, sauf que, lorsqu'il n'y a personne qui s'en occupe, les gens pensent que ça va bien, donc il n'y a pas de problème. Il y a des exagérations. Il est bien important de bien définir les champs d'application. Il est bien important, lorsqu'on accepte le principe d'extension horizontale... on l'accepte dans quel secteur. Il y a tout ça, je pense, qu'il va falloir voir. Nous, dans le fond, l'exercice, c'est que... On a fait un premier exercice. Ça a été fait par notre Comité interministériel; il y a eu des rencontres, il y a eu des mémoires. On a colligé tout ça. On est arrivé avec un rapport qui a été rendu public, puis on demande aux gens... On avait le choix de préparer tout de suite un projet de loi et puis on va en commission parlementaire, on entend les parties sur le projet de loi. C'est beaucoup plus difficile de travailler par la suite au niveau d'un projet de loi et de l'amender de façon radicale.

Moi, je pense que la législation, c'est important. Si on a à déposer un projet de loi, il faut qu'il corresponde à quelque chose et il ne faut pas que, lors d'un exercice, on vienne... C'est-à-dire qu'il faut savoir où on va. Puis, lorsqu'on adopte une loi en Chambre, il ne faut pas adopter une loi qui va faire en sorte qu'elle pose plus de problèmes que de bons côtés et, deuxièmement, qu'on soit obligé de l'amender quelques mois après. Donc, moi, j'ai préféré aller vers un deuxième exercice de consultation à partir de ce rapport. On l'a publié. On demande aux gens: Comment réagissez-vous face à ça? Est-ce que c'est applicable intégralement, en partie ou pas du tout? Est-ce qu'on abroge la loi – je sais bien, il y a une partie, à un moment donné, où on a réellement réfléchi à la possibilité d'abroger la loi – ou bien si on la modernise? C'est en vous écoutant qu'on va trouver des solutions. On veut profiter de l'occasion pour demander aux gens s'ils ont des suggestions ou si on peut innover dans le domaine de la loi sur les décrets. Parce qu'il y a une grosse différence... c'est-à-dire qu'il y a un pas important, à mon sens, à franchir entre la moderniser puis l'abroger. Mais le pas, pour certains, il pourrait être très court puis, pour d'autres, il pourrait être très grand. J'ai pris une position, au départ, à l'effet qu'on veut moderniser la loi, sauf que... Il faut la moderniser. Ça ne veut pas dire qu'on va maintenir tous les comités paritaires. On veut moderniser la loi. Ça, c'est bien différent. Est-ce qu'on va travailler au niveau de regrouper davantage des secteurs ensemble? Ça, je ne le sais pas. Ce sera suite aux consultations que nous faisons. La première semaine, c'était assez catégorique. On avait des employeurs, dans certains domaines, qui, eux, étaient tous contre les décrets. Puis les représentants des comités paritaires, eux, étaient tous pour.

On va avoir à se poser des questions, à faire une bonne analyse. C'est ça, le but de l'exercice. Donc, clarifier des choses, clarifier les définitions, établir, peut-être, un modèle de comité paritaire avec un genre de processus administratif à suivre, des procédures à suivre, codes d'éthique et ainsi de suite. Il y a beaucoup de choses que nous allons analyser ensemble avant de déposer un projet de loi et revenir en commission parlementaire pour pouvoir l'étudier article par article. Je vous remercie beaucoup.

M. Poulin (Côme): On vous remercie.

Le Président (M. Forget): Alors, je voudrais vous remercier de votre participation, et c'est drôlement important. Je voudrais remercier les membres de la commission. Les travaux sont reportés à 15 heures cet après-midi. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 8)

(Reprise à 15 h 22)

Le Président (M. Joly): Bonjour. Il me fait plaisir de déclarer la séance ouverte et il me fait aussi plaisir de vous accueillir à cette commission. Je vous fais la lecture de l'ordre du jour, à savoir les intervenants cet après-midi et ce soir. Nous entendrons tout d'abord l'Association des entrepreneurs en services d'édifices Québec inc. et Union des employé-e-s de service (local 800 - FTQ); nous entendrons aussi l'Association de la construction du Québec, suivie par l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec inc. et, ce soir, ce sera le Comité paritaire de l'industrie du verre plat, suivi de l'Association des industries de portes et fenêtres du Québec, pour terminer avec le Comité national des jeunes du Parti québécois.

Alors, je remarque que les gens qui représentent l'Association des entrepreneurs en services d'édifices Québec ont déjà pris place. J'apprécierais si M. Paré, qui est le président de l'Association, nous introduisait les gens qui l'accompagnent. S'il vous plaît.


Association des entrepreneurs en services d'édifices Québec inc. et Union des employé-e-s de service (local 800 - FTQ)

M. Caissie (Gilles): M. le Président, M. le ministre de l'Emploi, M. le député de Laval-des-Rapides, porte-parole de l'Opposition officielle, Mme, MM. les députés. Je m'appelle Gilles Caissie, je suis entrepreneur en entretien ménager et membre du conseil d'administration de l'Association des entrepreneurs en services d'édifices Québec inc. M. Rhéal Martin, à ma gauche, est le président de l'Union des employé-e-s de service (local 800) affiliée à la FTQ. Il est accompagné de Mme Sylvie Maheu, conseillère juridique du syndicat. Le président de l'Association, M. Réal Paré, entrepreneur, est à ma droite et M. Roger Gauthier, directeur général du comité paritaire, nous accompagne.

Le Président (M. Joly): Merci. Si je comprends bien, M. Caissie, c'est vous qui serez le porte-parole, mais tout le monde a le droit d'intervenir.

M. Caissie (Gilles): Exactement, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Alors, vous avez une vingtaine de minutes, M. Caissie, pour nous livrer le fruit de votre mémoire. Par après, les parlementaires auront le plaisir d'échanger avec vous.

M. Caissie (Gilles): Merci beaucoup.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.

M. Caissie (Gilles): Nous tenons à vous remercier de l'occasion qui nous est offerte de vous présenter le point de vue du secteur de l'entretien sur les modifications proposées à la Loi sur les décrets de convention collective.

MM. Martin et Paré vont tour à tour exprimer les préoccupations majeures de la partie qu'ils représentent. Bien sûr, les raisons pour lesquelles le syndicat et l'Association estiment le décret nécessaire sont différentes, mais les parties partagent une vision commune des conséquences d'une décision qui abolirait le décret ou le rendrait, à toutes fins pratiques, inapplicable. C'est pourquoi celles-ci ont convenu de déposer un mémoire conjoint afin de souligner l'apport primordial du décret à la santé de l'industrie, à la défense des conditions d'emploi des travailleurs et travailleuses et à la paix industrielle.

Notre démarche conjointe est représentative du climat qui caractérise les relations entre l'Association des entrepreneurs et le syndicat dans le secteur de l'entretien d'édifices publics. Nous avons fait la preuve, au cours des années, que des personnes responsables, capables d'identifier et d'appliquer des solutions communes à leurs préoccupations respectives dans un esprit de partenariat, peuvent assurer l'essor d'un secteur de l'activité économique québécoise tout en garantissant la paix industrielle et des conditions salariales décentes.

Nous avons su, lorsque des difficultés se sont présentées, adapter les dispositions de notre décret à la réalité vécue sur le terrain. L'évolution du champ d'application de notre décret est l'exemple d'une attitude constructive, où les parties se sont appliquées à régler les irritants qui pouvaient survenir à chaque fois qu'il était possible de le faire tout en respectant les objectifs de la loi qui lui sert de cadre.

Nous nous réjouissons de la position adoptée par le Comité interministériel, à l'effet de maintenir la Loi sur les décrets de convention collective tout en y apportant des modifications législatives appropriées. Nous avons noté avec satisfaction que cette position est endossée par les députés de la commission, des deux côtés de la Chambre. La plupart des 35 recommandations qui accompagnent le rapport du Comité nous apparaissent constructives et applicables dans la pratique. Toutefois, nous avons des réserves et des inquiétudes sérieuses quant aux conséquences de l'application éventuelle des recommandations qui portent sur la notion d'extension horizontale ainsi que sur les conditions de représentativité requises pour obtenir un décret. Ces recommandations, si elles étaient adoptées, auraient des effets très graves que le Comité interministériel n'a probablement pas envisagés, puisqu'elles rendraient la loi inopérante dans notre secteur. Notre inquiétude à l'endroit des recommandations portant sur la représentativité a été soulagée par le fait que les députés de la commission ont compris les enjeux de cette question.

Le secteur de l'entretien des édifices publics, et plus particulièrement le secteur de la région de Montréal, s'est efficacement accommodé du cadre légal dans lequel il évolue depuis 1975. Les changements qui pourraient être apportés aux règles concernant l'extension horizontale se traduiront, dans le concret, par des pertes d'emplois pour les employés syndiqués, la détérioration des conditions de travail de l'ensemble des salariés du secteur et une extrême vulnérabilité des entreprises à la concurrence d'employeurs non syndiqués. Il n'est sûrement pas dans l'intention du législateur d'éliminer indirectement notre décret et de compromettre ainsi la survie d'entrepreneurs responsables ni de mettre en danger les emplois de milliers d'employés syndiqués. Pourtant, les recommandations formulées par le Comité interministériel sur l'extension horizontale auraient cet effet. Il ne faut pas que la loi comporte des échappatoires qui ne profiteraient, en fin de compte, qu'aux seuls employeurs qui choisiraient de recourir à des stratégies d'évitement au détriment des employeurs responsables et de leurs employés. En ce sens, le problème de l'extension horizontale est au coeur de la problématique du décret de l'entretien d'édifices publics.

Dans les minutes qui vont suivre, vous aurez l'occasion d'entendre les parties patronale et syndicale vous communiquer leurs préoccupations à l'égard des recommandations 14 et 17 du Comité interministériel portant sur l'extension horizontale. On vous proposera des moyens raisonnables de régler les quelques irritants tout en préservant les principes qui permettront au décret sur le personnel d'entretien d'édifices publics de continuer de jouer son rôle de façon équitable et efficace.

M. Martin va maintenant vous exposer le point de vue syndical sur cette question.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.

M. Martin (Rhéal): Bonjour. L'Union des employé-e-s de service représente l'ensemble des salariés syndiqués dans le secteur de l'entretien d'édifices publics dans les régions couvertes par le décret de Montréal et une part importante des salariés du même secteur dans les régions couvertes par le décret de Québec. Il s'agit d'une institution syndicale à forte tradition démocratique affiliée à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je tiens d'ailleurs à souligner que la FTQ, et vous avez eu l'occasion de le constater la semaine dernière, appuie entièrement notre position sur la nécessité du maintien de l'extension horizontale dans les décrets d'entretien ménager.

La section locale qui porte aujourd'hui le numéro 800 de l'Union des employé-e-s de service est née en avril 1946 du regroupement de 12 salariés aux ascenseurs d'origines grecque, italienne et portugaise. Au cours des années qui ont suivi, ce sont surtout les salariés d'entretien d'immeubles qui sont venus grossir les rangs de notre section. L'entretien ménager est donc un secteur que nous connaissons fort bien. Nous étions là avant l'avènement des décrets, celui de Québec en 1969, celui de Montréal en 1975, qui a été extensionné à la région de l'Outaouais en 1991. Nous savons ce que cela signifie, l'absence de décret dans ce secteur. À cette époque, déjà, l'entretien ménager comptait une très forte proportion, voire une majorité, de travailleurs et travailleuses immigrants. Ce sont des gens qui, peu importe leur occupation dans leur pays d'origine, finissent par se trouver du travail dans les emplois qui ne nécessitent pas de qualifications particulières ni même de connaissances de la langue et qui sont, en conséquence, vulnérables à une forte exploitation de la part de leur employeur.

Cette situation est aggravée du fait de la nature même du travail d'entretien ménager, qui favorise la dispersion, et donc l'isolement, des salariés. Parmi les facteurs qui permettent cette constatation, il y a notamment la nature des tâches, qui ne nécessitent pas le travail en équipe, la multiplicité des lieux de travail, les périodes et horaires de travail différents, le plus souvent de soir et de nuit, le travail à temps partiel et l'accès limité aux lieux de travail pour des raisons de sécurité.

(15 h 30)

Dans un tel contexte, la syndicalisation des travailleurs et travailleuses était pour le moins difficile et toujours précaire. En effet, lorsque nous réussissions à syndiquer un groupe de salariés et à négocier pour eux des conditions de travail plus avantageuses, leur employeur perdait rapidement son contrat et les travailleurs et travailleuses se retrouvaient sans emploi.

La plupart des difficultés liées à la syndicalisation des travailleurs du secteur sont d'ailleurs énumérées au tableau 1 qui vous a été remis avec notre texte. Ce qu'il importe de savoir, c'est qu'avant l'avènement des décrets l'accès à la syndicalisation était très ardue pour les salariés de l'entretien ménager. De plus, lorsqu'ils parvenaient à se syndiquer, cela équivalait le plus souvent à tuer leur employeur et à se suicider ensuite. Sans les décrets, et nous insistons là-dessus, il n'y a pas de véritable accès à la syndicalisation dans l'entretien ménager.

La disparition de la loi des décrets ou l'inefficacité des décrets dans l'entretien ménager nous ramènerait rapidement à la situation qui existait auparavant, et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, les caractéristiques de la main-d'oeuvre n'ont pas beaucoup changé ni la nature de l'industrie. Ainsi, en 1982, dans la région de Montréal, 54 % des salariés étaient des travailleurs et travailleuses immigrants, surtout d'origines grecque, portugaise, italienne, latino-américaine, haïtienne, et de différentes ethnies anglophones. En fait, les groupes ethniques arrivent dans l'entretien ménager selon les vagues d'immigration au Québec. À la même époque, 38 % de la main-d'oeuvre était, par ailleurs, composée de femmes. Les salariés demeurent isolés dans de très nombreux lieux de travail: 80 % y travaillent seuls ou dans des groupes inférieurs à 10 personnes. Il y a abondance de main-d'oeuvre, peu de qualifications requises, le travail se fait surtout la nuit et le soir. Les lieux de travail sont peu accessibles pour des raisons de sécurité, surtout quand il s'agit d'édifices à bureaux.

Tous ces facteurs font que, même avec l'existence des décrets, il n'est pas facile pour de nouveaux groupes de se syndiquer. Les quelque 200 salariés de la compagnie Ogden Allied en vivent présentement l'expérience. Mais l'existence des décrets a brisé le cercle infernal dans lequel les salariés étaient autrefois enfermés: se contenter de conditions de travail peu enviables ou se syndiquer et perdre son emploi, ce qui était encore le cas pour les salariés de l'Outaouais avant l'extension à cette région du décret de la région de Montréal en 1991. Aujourd'hui, les travailleurs syndiqués ou non ont obtenu des conditions de travail décentes, et la concurrence entre les entreprises se fait sur d'autres critères que les salaires, telles la qualité des services offerts et la productivité. Cette concurrence demeure vive puisque, dans la seule région de Montréal, il existe quelque 500 employeurs, dont 400 employeurs embauchent moins de 10 salariés.

Sur 8000 salariés qui travaillent dans le secteur de l'entretien ménager dans la région de Montréal, environ 70 % sont membres de notre syndicat. C'est ce qui nous a permis de développer les services dont ils profitent, notamment la traduction des conventions collectives maîtresses en plusieurs langues; cela nous a également permis d'offrir à nos membres allophones des cours de francisation et des cours de formation syndicale. Nous nous réjouissons donc de la volonté qui a été clairement exprimée en faveur du maintien de la loi par les membres de cette commission.

Malheureusement, les recommandations du Comité interministériel, qui suggère une modification des définitions législatives d'«employeur» et d'«employeur professionnel» pour éviter l'extension horizontale, si elles étaient adoptées, auraient pour conséquence de vider les décrets de tous leurs effets et de ramener, à toutes fins pratiques, une concurrence sauvage au détriment des conditions de travail de tous les salariés du secteur. Le syndicat a besoin d'un décret et de l'extension horizontale pour protéger les emplois, les acquis des salariés syndiqués, permettre la syndicalisation d'une main-d'oeuvre largement féminine, multiethnique et particulièrement vulnérable et pour que soient maintenues des conditions de travail raisonnables pour tous les travailleurs du secteur.

Selon les définitions actuelles de la loi, tous les employeurs qui ont habituellement à leur emploi des salariés qui font de l'entretien doivent respecter les conditions du décret et la réglementation applicable. Il faut absolument que la loi maintienne une juridiction de principe sur tout le travail d'entretien, quelle que soit la forme d'organisation ou la personnalité juridique de l'employeur. Permettre que seuls les employeurs qui offrent du service d'entretien sur une base externe – essentiellement les entrepreneurs en entretien ménager où se retrouve la quasi-totalité de nos membres – soient assujettis au décret et tenus de payer les salaires qui y sont prévus serait catastrophique pour les salariés compte tenu de la précarité des contrats octroyés.

Il faut en effet comprendre que les contrats d'entretien d'édifices publics peuvent être annulés sur simple avis de 30 jours de la part des clients. Si ces clients peuvent retenir les services de salariés au salaire minimum pour faire effectuer leur entretien, il est prévisible que tous les travailleurs au service des entrepreneurs perdront leur emploi et devront se replacer en acceptant des conditions de travail inférieures qui n'auront pas fait l'objet d'une négociation collective. Compte tenu de la difficulté de recruter ces travailleurs en vertu des dispositions actuelles du Code du travail, le libre accès de ceux-ci à l'exercice de leur droit d'association et à la syndicalisation serait compromis.

Ce danger est réel, et, à titre d'exemple, nous vous référons à certains mécanismes auxquels un propriétaire d'édifice a déjà eu recours pour éluder l'application du Code du travail et les dispositions antibriseurs de grève. Il s'agit du propriétaire de Place Ville-Marie, dont les salariés employés d'entretien avaient exercé une grève légale, et qui a cessé d'offrir les services d'entretien avec la location du local. Ce propriétaire a diminué les loyers des baux existants et demandé aux locataires de retenir eux-mêmes les services de salariés ou d'entrepreneurs pour l'exécution de ces travaux. Des échappatoires au décret, si l'extension horizontale disparaissait, donneraient lieu à une prolifération d'initiatives de ce genre.

Ce scénario qu'entraîneraient les recommandations du Comité n'est cependant pas nécessaire. Dans le secteur de l'entretien ménager, l'extension à l'horizontale ne pose ni conflits de compétences ni problèmes de double assujettissement, puisque ceux-ci sont réglés dès qu'ils surviennent par voie d'exclusion contenue au décret. Le seul irritant, donc, qui soit soulevé a trait à l'impact de l'extension horizontale sur la structure interne de salaires de petites entreprises qui embauchent leurs propres ouvriers d'entretien. Mentionnons à cet égard que le décret ne s'applique pas au travail d'un employé dont la tâche principale est autre que l'entretien et qui effectue des tâches d'entretien de façon accessoire. Cela limite grandement l'impact appréhendé de l'extension horizontale. Bref, grâce au décret et à l'extension horizontale, le syndicat a pu organiser un secteur à syndicalisation difficile et obtenir des conditions de travail convenables. Nous vous mettons en garde d'adopter des définitions qui auraient pour effet d'abolir indirectement le décret ou encore de le restreindre à une catégorie d'entreprises, créant ainsi une concurrence déloyale au détriment des conditions de travail des employés du secteur. Que les concurrents soient qualifiés de directs ou indirects, selon les définitions proposées par le Comité, n'apportera aucun réconfort aux employés qui perdront leur emploi parce que leur employeur aura perdu ou n'aura pas obtenu un contrat pour l'unique raison qu'il est couvert par un décret et qu'un autre n'est pas couvert. Je vous remercie de votre attention.

Une voix: Merci, M. Martin.

Le Président (M. Joly): Merci. M. Caissie.

M. Caissie (Gilles): J'aimerais céder la parole à M. Réal Paré, de l'Association.

M. Paré (Réal): Bonjour.

Le Président (M. Joly): M. Paré.

M. Paré (Réal): L'Association des entrepreneurs en services d'édifices Québec, au nom de laquelle je m'adresse à vous aujourd'hui, a été fondée en 1967 et regroupe plus d'une trentaine de compagnies membres, employant au-delà de 60 % de la main-d'oeuvre du secteur de l'entretien ménager de la région de Montréal. Parmi ses membres se trouvent des entreprises syndiquées et non syndiquées, et les compagnies représentées au conseil d'administration comptent, dans certains cas, moins de 50 employés et, dans d'autres, plus de 1000 employés.

Le mémoire déposé l'an dernier par notre Association au Comité interministériel sur les décrets de convention collective était basé sur une étude économique approfondie, qui démontrait que le décret de l'entretien ménager de Montréal a eu des conséquences positives sur la performance économique de ce secteur et sur la qualité de concurrence qui s'y exerce. Notre expérience de relations patronales-syndicales a été marquée par la collaboration et la concertation pendant cette période. Ce que nous cherchons, c'est à continuer de bien servir nos clients et l'économie du Québec tout en nous comportant en employeurs responsables, comme ces dernières années.

Je vous ferai un bref rappel des caractéristiques et effets du décret de l'entretien de la région de Montréal, après quoi je brosserai un tableau des conséquences de l'abolition de l'extension horizontale. Je terminerai ma présentation en faisant part des orientations que notre Association suggère pour éliminer les irritants que pourrait poser l'application du décret.

Le décret de l'entretien de la région de Montréal a été adopté pour la première fois en 1975. L'expérience vécue depuis ce temps démontre que le décret a permis d'assurer la paix industrielle et la concertation sectorielle, produisant une amélioration sensible de la productivité et de la qualité des services. Ces résultats remarquables ont été rendus possibles parce que la juridiction du décret couvre le travail dont la nature est l'entretien d'édifices publics, que celui-ci soit accompli pour des employeurs professionnels ou pour d'autres employeurs, mis à part quelques exclusions raisonnables convenues au fil des ans. Les données que nous avons déjà déposées confirment que les salaires prévus au décret sont comparables aux salaires versés pour des emplois semblables au Québec autant dans le secteur public que dans le secteur privé.

Le tableau 2 qui vous a été remis confirme cette affirmation. Le décret de l'entretien n'a pas eu non plus l'effet de gonfler les salaires au-delà de ce que les forces de la négociation libre auraient donné en l'absence de décret. L'effet premier du décret a été de réduire la différence entre les conditions consenties aux syndiqués et aux non-syndiqués. Ce n'est pas surprenant si on considère qu'un des objectifs de la loi est justement de compenser pour les obstacles particulièrement difficiles à la syndicalisation qui existent dans certains secteurs. Le tableau 3 montre comment l'évolution des salaires de l'entretien a été équilibrée et réaliste dans le passé.

(15 h 40)

Le secteur de l'entretien ménager est un secteur à très forte concurrence. Les clients de l'industrie en bénéficient aux plans des prix et de la qualité du service. D'ailleurs, malgré des taux de salaire inférieurs à ceux versés à Montréal, des édifices de Toronto présentent des coûts d'entretien supérieurs. Le tableau 4 compense ces coûts. Vous serez intéressés d'y trouver aussi des données concernant certaines métropoles américaines. L'économie montréalaise ne souffre pas du décret. D'ailleurs, le nombre élevé d'ouvertures et de fermetures d'entreprises dans notre secteur prouve qu'il n'y a pas de barrière à l'entrée et que la concurrence s'y fait tout à fait librement. Ce que le décret a permis avant tout, c'est d'empêcher que la concurrence ne se fasse principalement par les seules conditions salariales. Les entreprises ont orienté leurs efforts sur la qualité, la productivité, le service à la clientèle et l'amélioration de la gestion. Le système actuel fait en sorte que les entreprises qui survivent sont celles qui arrivent à se distinguer sur cet ensemble de facteurs, qui, avouons-le, sont nettement plus positifs que la réduction des salaires. L'amélioration des salaires grâce au décret a eu des répercussions extrêmement positives sur le climat de travail et la paix industrielle dans le secteur. Il en est résulté une baisse du taux de roulement et une plus grande satisfaction au travail chez les travailleurs et travailleuses, ainsi que des relations de travail axées sur la recherche conjointe de solutions.

Avec un bilan aussi positif, on ne se surprendra pas de voir notre Association favoriser une approche prudente devant les changements législatifs proposés. Non pas que nous nous opposions à des améliorations de la loi. Nous estimons souhaitable, au contraire, que l'encadrement légal réponde aux besoins et réalités d'aujourd'hui. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille retourner à la situation qui prévalait avant l'avènement du décret. La concurrence sauvage, la piètre qualité du service et la pratique du «cheap labour» étaient alors les principales caractéristiques de notre secteur. La réforme de la loi doit nous mener vers le progrès et non pas nous ramener à une époque dont on préfère ne pas se rappeler. C'est pourtant le danger qui nous guette présentement avec la proposition d'éliminer l'extension horizontale.

Voyons plus en détail en quoi elle consiste et quels en sont les enjeux et conséquences. Avant que nous traitions des aspects plus techniques de cette question, laissez-moi vous décrire un scénario que l'abolition de l'extension horizontale rendrait possible. Le lendemain de l'abolition de l'extension horizontale, un consultant en gestion ou un expert en entretien d'édifices publics communique avec le propriétaire d'un immeuble à bureaux du centre-ville pour lui offrir ses services. Il assurera personnellement la supervision des employés affectés à l'entretien ménager. Ses employés peuvent être légalement à l'emploi du propriétaire de l'édifice ou d'une autre entreprise non spécialisée dans l'entretien. Le consultant ou l'expert n'est pas un employeur, puisqu'il supervise des personnes qui sont légalement à l'emploi d'un autre employeur. L'offre de notre expert en entretien est très avantageuse, puisque, les employés étant à l'emploi du propriétaire, ils ne sont pas assujettis au décret. Il n'y a pas de concurrence directe, en effet. Le propriétaire de l'édifice s'empresse d'accepter l'offre de services à un taux plus bas et il annule, avec un préavis de 30 jours, le contrat de l'entrepreneur. Celui-ci doit faire des mises à pied et couper ses frais généraux pour survivre. Quelques coups semblables, et il n'est plus en affaires. Il s'agit d'une situation où l'entrepreneur est en concurrence indirecte avec une entreprise non assujettie au décret. Ce scénario n'est qu'un exemple des échappatoires possibles en vertu des recommandations formulées par le Comité interministériel.

Le Comité interministériel recommande que le champ d'application d'un décret ne s'applique qu'aux seuls employeurs qui sont en concurrence directe entre eux. Suivant cette définition, il existe une forte probabilité que seuls les entrepreneurs en entretien ménager se qualifient comme étant des entreprises mutuellement en concurrence ou en concurrence directe. En étant les seules assujetties au décret, elles subiraient un désavantage concurrentiel fatal à l'égard d'autres types d'entreprises qui peuvent offrir le même service sans être en concurrence directe. Les conséquences immédiates du non-assujettissement des concurrents indirects ne pourraient être évitées: la perte de contrats par les entrepreneurs en entretien ménager, la faillite de certains d'entre eux, la mise à pied de nombreux salariés, principalement les salariés syndiqués, et la dégradation de leurs conditions de travail et de vie, avec leur impact social et familial. À terme, le décret ne survivrait pas non plus. Il est important de souligner que l'extension horizontale ne consiste pas à assujettir des employeurs dont certains employés ne travaillent pas dans le champ d'application d'un décret. Elle consiste plutôt à définir le champ d'application d'un décret sur la base de la nature du travail plutôt que du genre d'entreprise de l'employeur. C'est la seule façon d'éviter que les employeurs cherchent des stratagèmes pour avoir le droit d'accomplir hors décret un travail qui lui serait normalement assujetti.

Il faut se méfier des grands principes dans la définition des champs d'application. Il faut plutôt jauger les conséquences de l'adoption d'un champ d'application donné pour l'économie québécoise, les entreprises et les travailleurs. Ça ne peut être fait qu'au jugement, cas par cas. Il serait, à notre avis, judicieux et prudent de s'inspirer de l'expérience du décret de l'entretien de Montréal pour rechercher une forme acceptable d'extension horizontale pour notre secteur. Ce décret comprend des définitions plus restrictives que celles de la loi, ce qui élimine la plupart des irritants invoqués à l'encontre de l'extension horizontale. Soulignons, à titre d'exemple, la définition d'«employeur professionnel» qui ne couvre que le travail effectué pour autrui. Notre décret ne couvre pas non plus les artisans, ce qui permet plus de souplesse aux petites entreprises.

Le Président (M. Joly): M. Paré, s'il vous plaît, je vous inviterais à...

M. Paré (Réal): Oui, il me reste... Je m'excuse. La jurisprudence et la pratique ont démontré que l'application de l'extension horizontale faite dans le décret de l'entretien de la région de Montréal permettait le règlement ponctuel des problèmes rencontrés.

Je vais passer aux conclusions tout de suite, si vous permettez, M. le Président.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, oui.

M. Paré (Réal): Je vais conclure en vous rappelant les éléments les plus importants de mon intervention. Premièrement, les membres de notre Association se définissent comme des employeurs responsables envers leurs clients, leurs employés et les lois et règlements qui s'appliquent à eux; ils sont et veulent demeurer de bons citoyens corporatifs. Deuxièmement, la survie des employeurs responsables est aussi liée à ce que tous les employeurs soient sujets aux mêmes conditions. Troisièmement, il faut conserver la nature du travail comme base d'extension de la convention collective. Quatrièmement, il faut exclure de la législation toute disposition donnant la possibilité d'échapper à l'application du décret par des manoeuvres d'évitement et, cinquièmement, il faut s'assurer qu'un employeur syndiqué ne subisse aucun désavantage concurrentiel du fait de sa syndicalisation. Abolir l'extension horizontale irait à l'encontre de ces éléments. Les entreprises syndiquées et les autres entreprises responsables n'y survivraient pas. Merci de m'avoir écouté.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup, M. Paré. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Marcil: Oui. On a des décrets qui sont des décrets sectoriels et même applicables dans une région. On les spécifie, comme le décret du pain qui s'applique uniquement sur l'île de Montréal, le décret de la coiffure qui s'applique uniquement dans l'Outaouais. Vous avez un comité paritaire de la région de Montréal, un comité paritaire de la région de Québec. Vous vous êtes divisé le territoire, et les deux comités paritaires n'avaient pas nécessairement les mêmes champs d'application. Ce ne sont pas nécessairement les mêmes règles qui s'appliquent à Québec que celles qui s'appliquent dans la région de Montréal.

Est-ce que vous préconisez la fusion des deux décrets, qu'il y ait une règle commune sur tout le territoire du Québec ou bien si vous voulez maintenir les deux comités paritaires?

Le Président (M. Joly): M. Gauthier.

M. Gauthier (Roger): M. le ministre, la question de la fusion du comité paritaire de l'entretien d'édifices publics de la région de Québec et celui de Montréal a effectivement déjà été invoquée depuis une quinzaine d'années. Pour le moment, suite à la résistance, à des résistances que je qualifierais du style Nordiques-Canadiens, on a plutôt résolu de s'acclimater les uns les autres, de se connaître. Il y a des échanges qui se font actuellement entre les différentes parties, premièrement.

Deuxièmement, à chaque renouvellement de décret, avec le service des décrets, il y a un rapprochement qui se fait au niveau des textes. Lors des deux derniers renouvellements de Québec et des deux derniers de Montréal, les textes se rapprochaient beaucoup, ce qui fait que, en pratique, les textes des décrets sont presque les mêmes, au moment où on se parle.

M. Marcil: Moi, j'aimerais que vous me parliez de l'extension horizontale; ça semble être l'élément majeur de votre mémoire. On parle de champ d'application, on parle... l'extension horizontale. On a l'impression que le fait d'extensionner horizontalement le plus possible – comment je pourrais dire ça – c'est comme si on voulait, dans le fond, développer comme un style d'association, de corporation de travailleurs du même domaine, un petit peu comme nos corporations professionnelles. C'est quoi, la difficulté? Pourquoi, dans la région de Québec, horizontalement parlant, les règles ne s'appliquent pas dans certains champs, dans certains domaines et qu'à Montréal elles s'appliquent? Ça serait quoi, pour vous autres... Comment vous définiriez extension horizontale? Qu'est-ce que vous voudriez englober par le décret du...

(15 h 50)

M. Gauthier (Roger): M. le ministre, au niveau de l'extension horizontale, le décret de Québec et le décret de Montréal, en gros, se ressemblent, en ce sens que le décret s'applique à tout travail d'entretien d'édifices publics.

M. Marcil: Sauf les centres d'accueil. Ce matin, on avait...

M. Gauthier (Roger): Bon, exactement. Ce à quoi vous faites référence, ce sont les exclusions. La liste des exclusions, à Québec, est un peu différente, mais elle l'est de moins en moins. Je pense à la notion d'«artisan», où il y a eu un arrimage dernièrement. Ça, c'est les exclusions. Sur le million de sortes d'édifices ou d'employeurs qui peuvent exister dans la province de Québec, il y a deux, trois exclusions à Québec; il y en a deux, trois autres à Montréal. Et, effectivement, les centres d'accueil, sûrement pour des raisons historiques il y a au moins une dizaine d'années, sont exclus du décret de Québec, j'imagine, suite à une demande qui avait été présentée au service des décrets, alors qu'à Montréal on n'avait jamais eu, jusqu'à présent, cette demande ou ce problème.

M. Marcil: Mais j'aimerais que vous expliquiez davantage l'extension horizontale. J'aimerais vous entendre davantage sur ça.

M. Caissie (Gilles): L'extension horizontale, dans notre secteur, ce que ça veut dire simplement... Moi, personnellement, je suis un petit entrepreneur en entretien ménager. Le volume de chiffre d'affaires que j'ai provient de démarches contractuelles auprès de clients. Je suis régi par une convention collective dans certains secteurs de la province; dans d'autres, je ne le suis pas. Je suis régi par décret dans la région de Montréal et dans d'autres, dans la région de Québec. Tous mes contrats sont à 30, 60 jours de cancellation. Si je suis le seul à respecter ma convention collective ou je suis le seul soumis à des contraintes de travail, le lendemain matin, si ce n'est pas du travail au noir, ça va être d'autres entrepreneurs qui vont venir au taux du salaire minimum me couper les pieds. Je cesse d'exister. Les pressions viennent du milieu.

Pour vous donner un exemple, la Société immobilière du Québec, qui est le propriétaire foncier des édifices – peut-être à l'exclusion de celui-ci – a, dans ses clauses contractuelles avec les entrepreneurs, une clause de majoration de contrats qui est liée au taux de variation des décrets publiés pour la région de Montréal ou pour la région de Québec. Il y a une clause, toutefois, qui dit: À défaut d'existence du décret, c'est le salaire minimum qui va s'appliquer. Alors, déjà, le gouvernement, de sa main gauche, nous annonce que, si jamais la loi sur les décrets disparaît ou les décrets cessent d'exister, c'est le salaire minimum qui va s'appliquer dans ce secteur-là. Et l'application horizontale, c'est ça. C'est des travailleurs qui ont des conditions décentes maintenant qui, la journée où la loi n'existera plus ou le décret d'entretien n'existera plus à Montréal ou Québec, les entrepreneurs qui sont de ce côté-ci de la table et les syndicats qui sont de ce côté-là de la table, dans notre secteur, n'y seront plus. Ce sera d'autres entrepreneurs, peut-être les mêmes avec d'autres noms corporatifs. On va retourner en 1973, dans la région de Montréal, où on n'avait pas de décret.

En 1973, en tant qu'employeur, j'ai payé 208 000 $ de salaires. Le taux de salaire horaire était de 2,50 $ l'heure, ce qui donne 5200 $ par employé. Faites une conversion. Vous avez 40 emplois permanents; pour 40 emplois permanents, j'ai dû émettre 270 T4. J'ai des T4 de 4,80 $, j'en ai d'autres de 8,80 $. J'en ai de 700 $. Si vous considérez le volume de salaires, 208 000 $, par le nombre de T4, ce qui donne une moyenne de 700 $ par individu annuellement... L'exportation des bâtiments pour les faire nettoyer en Asie, ça n'existe pas au Québec. L'extension horizontale, c'est ce que ça veut dire: retourner avant, retourner à des négociations sauvages, où on se succédait, en tant qu'entrepreneurs dans les bâtisses, un derrière l'autre, parce que le client nous mettait dehors dès qu'on était syndiqués.

M. Marcil: En Ontario, si je prends votre tableau que vous avez, les coûts sont plus élevés pour l'entretien de bâtiments, n'est-ce pas?

M. Caissie (Gilles): Oui.

M. Marcil: Comment fonctionnent-ils? Ils ne fonctionnent pas par décret.

M. Caissie (Gilles): Je suis très bien placé...

M. Marcil: Parce que vous avez sûrement du travail là aussi.

M. Caissie (Gilles): C'est ça, effectivement. Je suis un des plus petits entrepreneurs. Je travaille de Windsor, Ontario, au Havre-Saint-Pierre. En Ontario, la situation conflictuelle est complètement différente. Les marchés sont vraiment où on était en 1973, sauf qu'au Toronto-Dominion Centre, downtown Toronto, il y a eu des accréditations, séquences d'accréditation d'entrepreneurs. Alors, l'entrepreneur est foutu dehors avec une compagnie qui s'appelait Cadillac Fairview. Alors, ça roule. C'est la séquence d'entrepreneurs pendant une période de deux ans. Le gouvernement qui s'est pointé a décidé de changer les règles parce qu'il s'est dit: Ça n'a pas d'allure que des employés immigrants, nouvellement arrivés au pays – comme dans notre situation montréalaise – disparaissent dans leur emploi de façon successive sur une base mensuelle. Ce qu'ils ont décidé, c'est d'établir une loi, qui s'appelle le bill 40, qui garantit aux employés leurs conditions de travail, quel que soit l'entrepreneur. C'est 45, vertical et horizontal, mur à mur. Tout ce qui se produit dans les bâtisses à bureaux, les centres d'achats, dans ces secteurs-là, qui étaient les secteurs où il y avait énormément de rotation – le centre de Toronto comporte énormément de ce type d'édifices – ces employés-là ont maintenu leurs conditions de travail, peu importe le certificat d'accréditation. Il suivait d'un entrepreneur à l'autre. Et là, actuellement, la seule chose qui est incertaine, c'est le statut de l'employeur qui est là, parce que, si jamais le propriétaire reprend l'entretien, il est coincé encore avec la convention collective, avec l'étau. Et, même plus loin que ça, les emplois sont assurés, le nombre de têtes. Alors, il y a des cas assez aberrants maintenant, dans le centre de Toronto, où il y a des édifices qui se vident et les taux de ménage ne baissent pas. Ça, c'est des choses qui se passent actuellement.

Dans les autres secteurs, c'est la compétition sauvage. Dans le secteur industriel, ça rentre, ça sort; énormément d'entreprises utilisent des immigrants et des immigrantes pour effectuer ces travaux avec des compagnies qui arrivent sur le marché et qui disparaissent au jour le jour.

M. Marcil: Donc, la loi 40, c'est un petit peu un mélange de la loi sur les normes minimales et de l'article 45 du Code du travail.

M. Caissie (Gilles): La loi 40 s'applique dans les normes minimales d'emploi et elle s'applique aussi au Code du travail, en Ontario.

M. Marcil: Donc...

M. Caissie (Gilles): Dans les deux cas.

M. Marcil: S'il y avait une loi semblable ici, au Québec, est-ce qu'une loi semblable au Québec pourrait être bien reçue?

M. Caissie (Gilles): Je ne pense pas, pour une raison simple. En Ontario, ils sont en train de la vivre. Et, actuellement, on a des problèmes sur une base journalière pour les vivre. La raison est très simple: ce ne sont pas les parties qui interviennent pour s'entendre sur un contrat, qui, ensuite, est extensionné, c'est une imposition directe d'en haut, qui assure des conditions qui n'ont rien à voir avec l'économie. C'est qu'on a décidé, en Ontario, de prendre une ballon de protection sociale et de dire: S'ils gagnent 0,05 $, ils vont avoir ces 0,05 $ dans 20 ans et ils vont grimper tout le temps.

Ce n'est pas une condition similaire à celle qu'on vit, où, nous, on est en concertation, je pense. Lorsqu'on vient à la période de négociations, à ma connaissance, et j'y suis depuis très longtemps, dans l'industrie, on n'a jamais réussi à négocier une convention collective sans aller en conciliation au ministère. Ce n'est pas compliqué, on n'y arrive pas. Ça nous prend toujours quelqu'un pour venir nous dire: Tasse-toi, laisses-en un peu, prends-en un peu, mais c'est comme ça qu'on se ramasse avec les tableaux qui vous ont été présentés, où, même si vous regardez l'inflation depuis 1983, nos conditions de salaires sont carrément décentes pour nos employés et tiennent compte des conditions économiques du Québec et de notre région.

M. Marcil: Avez-vous beaucoup de plaintes au comité paritaire de vos...

M. Gauthier (Roger): Oui.

M. Marcil: Oui?

M. Gauthier (Roger): Oui, c'est un secteur...

M. Marcil: Plaignant?

M. Gauthier (Roger): ...plaignant. Il faut dire aussi que le comité paritaire fait passablement d'information. On a beaucoup de littérature qui est envoyée aux salariés, on a des annonces qui sont faites dans les journaux régulièrement, dans toutes les régions, pour informer les salariés et les employeurs de l'existence du décret. Donc, ça, ça génère beaucoup de demandes d'information et de plaintes de la part de salariés.

(16 heures)

M. Marcil: Mais de plaintes aussi de la part des employeurs sur l'attitude – au lieu de dire «de l'inspecteur» – sur la façon dont les gens font l'inspection. Avez-vous des plaintes sur ça?

M. Gauthier (Roger): Vous dire non, ce ne serait sûrement pas vraisemblable. Oui, on a des plaintes, mais je peux vous dire que, personnellement, je pense que nous avons un excellent système d'inspection. Et les directives que, moi, je donne à mes inspecteurs et inspectrices, c'est certainement de faire une inspection, mais aussi d'être des conseillers. On vous disait tantôt que 400 entreprises sur 500 sont de toutes petites entreprises. Quand l'inspecteur ou l'inspectrice se présente chez ces gens-là, c'est toujours à leur maison privée. Ils n'ont pas de siège social. Et on va les aider à faire leur tenue de livres. Lorsqu'il y a un changement au décret, on va leur expliquer comment faire, comment remplir la paperasse. Les inspecteurs sont aux services des employeurs à ce niveau-là. Et souvent, moi, je dis à des employeurs: Vous n'avez pas besoin nécessairement de retenir les services d'un comptable en ce qui concerne notre paperasse; nos services sont gratuits, on va vous aider.

La semaine dernière, j'ai une inspectrice qui est allée passer une soirée avec un couple de sourds et muets parce qu'on ne peut pas communiquer avec eux au téléphone. Elle a passé une soirée avec eux pour leur expliquer comment compléter le rapport mensuel et elle est revenue avec les rapports. C'est le genre de service qu'on rend.

M. Marcil: Comment vous recrutez vos inspecteurs ou inspectrices?

M. Gauthier (Roger): La plupart viennent de l'industrie.

M. Marcil: De l'industrie.

M. Gauthier (Roger): J'ai des anciens employés, j'ai des anciens employeurs. C'est sûr qu'au niveau des employeurs j'insiste pour qu'ils aient un aspect social plus développé, là, mais la plupart viennent de l'industrie même, donc connaissent le métier.

M. Marcil: Vous en avez combien?

M. Gauthier (Roger): Il y a sept inspecteurs.

M. Marcil: Sept inspecteurs.

M. Gauthier (Roger): Inspecteurs et inspectrices au comité paritaire. Si je pouvais en avoir 14, je les embaucherais.

M. Marcil: C'est parce que vous n'avez pas les fonds nécessaires pour le faire?

M. Gauthier (Roger): C'est sûr.

M. Marcil: Ah! c'est seulement pour ça.

M. Gauthier (Roger): Ha, ha, ha!

M. Marcil: Je pensais que c'était parce que vous aviez de la difficulté dans le recrutement.

M. Gauthier (Roger): Non, non, c'est une question de budget. On ressemble au gouvernement.

M. Marcil: On dirait qu'à la CCQ ils n'ont pas ce problème-là.

M. Gauthier (Roger): Je pourrais peut-être recruter dans leur bassin. Ils ont des gens.

M. Marcil: Donc, si je résume un peu votre mémoire, c'est que, un, vous êtes d'accord avec le maintien de la loi, naturellement, vous êtes favorable au maintien de la loi avec une adaptation de la loi. Pour le secteur qui vous occupe, qui vous préoccupe, l'adaptation, c'est quoi?

M. Gauthier (Roger): L'adaptation, c'est... Bon. En général, on est d'accord avec les recommandations du Comité, donc l'intégration des autres lois, de la loi des normes, des aspects du Code du travail; toute la question de la transparence, on est très ouvert à ça.

M. Marcil: La transparence, vous êtes d'accord avec ça.

M. Gauthier (Roger): Si vous voulez nous déléguer des gens au conseil d'administration, ils vont être les bienvenus. Si vous voulez venir vérifier nos livres, vous allez être les bienvenus. Tout ce qui concerne ma tranche. On est très conscient que la loi des décrets, c'est essentiellement appliquer des conditions de travail à des tiers.

M. Marcil: Oui.

M. Gauthier (Roger): Bon. On est conscient de ça, et on est prêt à vraiment collaborer avec ces gens-là pour être le plus transparent possible.

M. Marcil: Bon. Donc, les recommandations 14 et 17 vous préoccupent beaucoup, de l'extension horizontale?

M. Gauthier (Roger): Oui, parce que ça signifierait la fin du décret.

M. Marcil: O.K. Je reviendrai peut-être dire un petit bonjour à la fin.

Le Président (M. Joly): M. le député de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

M. Ménard: Merci. Je comprends très bien votre point de vue sur l'extension horizontale. C'est qu'au fond, à partir du moment où ce n'est pas permis, vous avez une foule d'entreprises qui vont se mettre à faire exactement la même chose que vous faites, par un biais ou par un autre, et qui vont occuper le marché que vous occupez actuellement. Mais, justement, vous avez réalisé depuis qu'on... D'ailleurs, je voudrais vous dire au départ que c'est un excellent rapport que vous nous avez soumis. Et, enfin, je suis heureux de voir un comité paritaire qui fonctionne bien au lieu d'entendre parler des comités paritaires qui ont des histoires d'horreur à nous raconter et dont les activités discréditent tellement les comités paritaires qu'elles mettent en danger la survie de la Loi sur les décrets de convention collective. Parce que je trouve que la façon dont vos comités paritaires fonctionnent est un bon exemple des buts poursuivis par la loi de donner dans des domaines difficilement syndicables une possibilité aux employés d'avoir une rémunération au-dessus de ce que sont les normes du travail, une rémunération qui est fixée par l'industrie elle-même, qui n'est pas imposée par le gouvernement, de discipliner la concurrence et de l'amener à sortir la rémunération de la compétition, la compétition s'exerçant ailleurs, ce qui semble donner de bons résultats pour les consommateurs de vos services.

Ça, c'est exactement, je pense, ce qu'on espérerait que les décrets de convention collective donnent dans d'autres domaines. Malheureusement, s'ils ne le donnent pas dans d'autres domaines, vous voyez, je m'aperçois qu'ils rejoignent... C'est parce qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas vis-à-vis, très souvent, de l'extension horizontale. Je comprends votre point de vue dans votre cas, puis, même, ça pourrait s'appliquer à d'autres industries. Mais vous avez assisté à plusieurs mémoires qui ont été présentés ici, vous avez constaté que l'extension horizontale, ailleurs, sert à des comités paritaires à vouloir absolument étendre leur empire et leur réglementation sur des activités voisines qui sont de plus en plus éloignées du corps principal. Et, très souvent, ils le font d'autant plus facilement que, là, vraiment, le problème qui se pose, c'est la représentativité des gens à qui on étend, et c'est pour ça que je serais... J'attends, au fond, vos suggestions pour savoir comment résoudre ce dilemme épouvantable dans lequel on est, où on comprend que l'extension horizontale est nécessaire pour empêcher que l'industrie ne soit vidée de ses travailleurs, puis de ses entrepreneurs responsables, mais comment, par contre, empêcher que les comités paritaires soient une façon d'aller bâtir un empire qu'on ne voulait pas au début?

M. Caissie (Gilles): Dans notre secteur, on a vécu plusieurs négociations, et la dernière, BOMA, qui est une association de propriétaires d'édifices, ils ont participé à titre d'invités lors d'une séance de négociation. La négociation précédente, nous avions accepté une entente avec BOMA à l'effet qu'ils participent à titre d'observateurs à notre négociation. Il faut comprendre que le processus d'extension des conventions collectives... Nous, on a des certificats d'accréditation entreprise à entreprise. On négocie, on donne un mandat à l'Association des entrepreneurs qui négocie avec le même syndicat la convention collective qui vient s'appliquer à tout le monde. Alors, ça fait une table de négociation d'une quarantaine de personnes, ça: 20 d'un côté et 20 de l'autre.

M. Ménard: C'est pratiquement de la négociation sectorielle.

M. Caissie (Gilles): C'est presque de la négociation sectorielle, avec une exclusion majeure, c'est que c'est propre à notre secteur, très près. On a des entreprises qui sont régies par décret, qui ont des conventions collectives avec d'autres groupes. Le danger et là où ça devient un risque, c'est: si vous avez une dizaine de syndicats et une dizaine d'associations, bien, vous vous ramassez avec les problèmes que vous avez vécus dans d'autres secteurs – sans les nommer.

On a fait une négociation, qui, ensuite, a été extensionnée en décret. Et, lors de celle-là, BOMA était, à titre d'observateur, présent à tous les délibérés. On s'est ramassé en conciliation à la toute fin où, là, on était en situation de grève dans deux minutes. On était appuyés, accotés au mur. Les représentants de BOMA, qui étaient trois sur notre comité, pour 0,05 $ l'heure ont dit: Vous sortez. C'est nos clients, BOMA, c'est le donneur d'ouvrage, c'est le propriétaire d'édifices. On a dit: Monsieur, c'est nos conventions collectives, on prend nos culottes et on les donne, les 0,05 $. Coupez-le sur nos contrats si vous voulez mais, nous, on n'a pas le choix, on pense qu'on doit régler notre convention collective avec ça, puis on la règle.

Ils sont intervenus. On ne peut pas leur permettre le droit de négocier notre convention pour nous. C'est une extension de nos conventions, qui sont multiples. Ce n'est pas une convention qui groupe tous les entrepreneurs. On a des particularités d'une entreprise à l'autre. Il y a des ententes locales qui varient. Il y a des grosses entreprises, des petites entreprises. Si on crée une structure génératrice d'emplois, peut-être en termes de surveillance, on ne crée rien de productivité. On s'entend très bien en termes industriels pour maintenir nos positions. On n'a pas les mêmes intérêts à gauche qu'à droite. Et nos clients, quand ils ne sont pas satisfaits de nos services, ils nous mettent dehors puis ils en engagent d'autres.

M. Ménard: Ça ne m'éclaire pas beaucoup. Le problème qui me préoccupe, c'est comment l'appliquer aux autres industries, mais je comprends que ça va être à nous de trouver les solutions.

(16 h 10)

Le Président (M. Joly): M. Gauthier.

M. Gauthier (Roger): Pour avoir suivi les travaux de la commission depuis le début, une des questions majeures qui est débattue par les deux côtés de la Chambre, c'est: Est-ce que le ministre intervient ou est-ce que le ministre n'intervient pas? Souvent, M. le ministre, vous avez dit: Comment je fais pour intervenir le moins possible? Bon. On peut être sympathique à cette approche-là, mais je pense qu'à un moment donné il doit y avoir un arbitre. Je pense que la seule réponse à votre question, M. Ménard, c'est: Il doit y avoir un certain arbitrage, et la seule personne qui peut faire cet arbitrage, c'est le ministre, cas par cas, regarder un décret. Est-ce que, de l'avis du ministre, ça, ça constitue du corporatisme, de l'extension d'un empire ou non? Est-ce que, comme nous le croyons dans l'entretien ménager, c'est vraiment un métier qui peut s'exercer de façon directe ou indirecte ou est-ce qu'on cherche, comme le soulignait le Comité interministériel, d'ailleurs, un type d'horizontalité qui est d'appliquer le décret à un métier mais qui est dans un tout autre domaine que celui qui était visé au départ? Je pense que c'est la seule réponse qu'on peut apporter à cette question-là.

M. Ménard: Autre chose. Vous n'êtes pas pour l'extension horizontale jusqu'à ce que ça donne le double assujettissement où le même travailleur... Bon. À ce moment-là, êtes-vous d'accord avec les recommandations qui sont faites pour les cas de double assujettissement, comment les régler, c'est-à-dire un arbitrage spécialisé?

M. Gauthier (Roger): Oui.

M. Ménard: Je comprends aussi que vous avez vos hésitations quant à l'obligation d'obtenir la majorité absolue des employeurs lors d'une extension horizontale. Ce n'est pas possible, ça, c'est tuer le décret.

M. Paré (Réal): C'est absolument ça.

M. Ménard: C'est tuer le décret de convention collective.

M. Gauthier (Roger): Si on fait le décompte chez nous, on va vous regrouper 400 employeurs qui vont regrouper 20 % de la main-d'oeuvre. Alors, c'est officiel, 400 sur 500 qui vont regrouper 20 % de la main-d'oeuvre, alors, c'est absolument impossible à vivre. On ne peut pas vivre avec ça.

M. Ménard: Mais, même si on le définissait autrement, que l'extension ne devrait avoir lieu que si on réussissait à ramasser des employeurs représentant 50 % du domaine qu'on veut couvrir...

M. Paré (Réal): À l'heure actuelle...

M. Ménard: ...ça aussi, ça le tuerait.

M. Paré (Réal): ...les membres de l'Association représentent 60 % de la main-d'oeuvre.

M. Ménard: Une dernière petite question, mais je vois que j'ai quasiment la réponse. Je me demandais, vos statistiques, d'où elles provenaient. Vous nous avez dit: Source 1992, BOMA. BOMA, c'est quoi au juste?

M. Paré (Réal): Building Owners and Managers Association International. C'est l'association des propriétaires des édifices, qui est internationle. Et, à chaque année, ils émettent un rapport sur les coûts d'opération et les coûts de location dans les édifices publics.

M. Ménard: Où peut-on se procurer ca?

M. Paré (Réal): À Washington. Je vous donnerai l'adresse, M. le député.

M. Ménard: Pourquoi vous ne nous en envoyez pas une copie?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paré (Réal): Ha, ha, ha! Je vous en enverrai une copie, M. le député.

M. Ménard: Celui que vous citez ici, parce que...

M. Paré (Réal): Non, je vous enverrai les feuilles, parce que c'est tout de même...

M. Ménard: ...c'est peut-être une manie, mais j'aime bien vérifier les sources.

M. Paré (Réal): Je m'excuse, M. le député. Je vous enverrai... Non, je vous enverrai une copie.

M. Ménard: Merci. Je vais laisser le reste du temps au député de Drummond.

Le Président (M. Joly): M. le député de Drummond, s'il vous plaît.

M. St-Roch: Oui, M. le Président, très brièvement. Moi, ce qui me plaît dans votre mémoire, c'est parce qu'on a entendu beaucoup de gens qui étaient contre le décret nous dire que l'abolition des décrets ferait en sorte qu'on aurait une entreprise qui serait beaucoup plus concurrentielle puis ça ferait un effet sur les prix. Alors, votre annexe 3, je pense, parle par elle-même et je n'ai pas l'intention d'y revenir.

J'aurais juste une brève question, M. le Président, dans la foulée du questionnement de mon collègue de Laval-des-Rapides, lorsqu'il dit: Comment est-ce qu'on peut gérer ça? Moi, je suis un des partisans qui est peut-être... On est rendu en 1994, une période où il va falloir penser qu'une loi qui est unique, mur à mur pour la grandeur du Québec, elle va créer des problèmes dans certaines parties. Alors, ne croyez-vous pas qu'à l'intérieur de la remodernisation de la loi des décrets le législateur devrait faire deux parties, une partie qui couvre le secteur manufacturier et une autre partie qui couvre le secteur des services?

Quand je regarde l'extension horizontale, en exemple, bien, si on fait une partie qui regroupe le secteur des services, on pourrait dire: Bon, bien, là, il y a une partie, telle que vous nous l'avez décrite, avec les dangers que, si on s'en va comme les recommandations, elle va faire en sorte qu'on vous met en danger. C'est-à-dire, là, on peut être un peu plus généreux, si je peux me permettre ce terme-là. Et, dans le cas des emplois manufacturiers, peut-être de dire: Là, il faut le baliser encore davantage et restreindre encore davantage cette extension horizontale, qui est une loi qui est permissible, qui s'adresse aux réalités, finalement, de la vie.

Et, finalement, il faudrait peut-être penser que les lois qu'on passe ici, à l'Assemblée nationale, c'est des lois qu'il faut qu'elles collent à la réalité du terrain. Ce n'est pas des lois pour faire en sorte que le législateur soit moins préoccupé, ou qu'il soit moins impliqué ou qu'il n'ait pas à trancher. C'est sa job, le législateur, à un moment donné, de trancher. J'étais pour utiliser un autre terme.

Alors, est-ce que vous pensez qu'une loi de cette nature-là... Je vais avoir deux questions et je vais les poser tout de suite; ça, c'est la première question. Est-ce que, là, on serait mieux en mesure de faire une loi qui collerait à la réalité des terrains et baliser pour certains secteurs d'activité? Puis, deuxièmement, qu'il y ait un comité? Parce qu'on va l'élaborer, ce projet de loi là. Alors, pour être sûr et certain que la loi va coller à la réalité, est-ce que vous ne croyez pas qu'il devrait y avoir un comité consultatif créé par M. le ministre et son équipe pour faire en sorte que les différents secteurs de l'industrie aient la chance de regarder le rapport au niveau de la confection du projet de loi qui, un jour, sera déposé devant l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Joly): M. Martin.

M. Martin (Rhéal): M. le député, j'étais ici avec l'Association des comités paritaires la semaine dernière, et celle-ci, dans son mémoire, faisait la remarque que nous étions prêts à mettre un comité de travail qui pourrait travailler sur une harmonisation de la loi des décrets de convention collective. Alors, vous pouvez être certain qu'au mois de novembre 1993 nous avons eu une assemblée de tous les comités paritaires de la province de Québec, et tous les comités paritaires de la province de Québec sauf un nous ont donné mandat à cet effet-là. Donc, on peut vous affirmer qu'il n'y a aucun doute que nous sommes prêts à nous asseoir et à travailler sur un mandat en ce sens-là.

À savoir si on doit avoir une législation différente pour les décrets de services et les décrets manufacturiers, c'est assez compliqué pour moi de vous répondre là-dessus parce qu'on n'est pas des experts du côté manufacturier. Ce qu'on pense, c'est que la loi des décrets sait extensionner les conditions de travail. Et je peux vous mentionner que, dans le bois ouvré, à ce qu'on m'explique, dans le bois ouvré, c'est un décret qui fonctionne dans le sens que c'est une entreprise qui est à l'avant-garde dû au fait qu'eux se servent de la loi des décrets pour faire de la formation. Alors, eux ont beaucoup plus besoin, dans le secteur manufacturier, de formation que nous dans l'entretien ménager. Donc, les diversités sont vraiment différentes. Mais c'est un dossier qui pourrait être transféré au comité ad hoc de travail sur la loi des décrets.

M. St-Roch: Pour vulgariser ça davantage, un tronc commun?

M. Martin (Rhéal): Un tronc commun.

M. St-Roch: Avec des extensions, des «externalités» qui s'adressent à chacune des particularités.

M. Gauthier (Roger): M. le député, je ne crois pas que la solution soit d'avoir deux lois ou une loi qui sépare le secteur industriel et le secteur services. Il y a une recommandation du rapport interministériel qui demande que la loi ou que le ministre se penche sur la question de concurrence pour voir si les données économiques d'une demande d'extension sont viables ou non. Je pense que ça va avoir une application beaucoup plus concrète dans le domaine industriel et que ça répond tout à fait à la spécificité de ce qu'est une demande d'extension dans le domaine industriel parce que, essentiellement, c'est la même chose, c'est de permettre à des travailleurs et à des travailleuses, dans des secteurs difficilement syndicables, d'avoir des conditions de travail décentes, et, ça, on va retrouver la même chose, autant dans le secteur industriel que dans le secteur des services.

M. St-Roch: Parce que vous savez, je vais conclure...

Le Président (M. Joly): M. le député, s'il vous plaît.

M. St-Roch: Oui. J'ai mes craintes parce que le Comité interministériel est arrivé avec des recommandations, et vous m'avez dit: N'appliquez pas ça. Si vous appliquez ça, nous, c'est notre survie qui est mise en danger. Par contre, l'autre groupe nous dit...

M. Gauthier (Roger): Sur l'application horizontale.

Une voix: Sur l'application...

M. St-Roch: ...nous autres, on serait capables de vivre avec.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. M. le ministre, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Marcil: Les entreprises syndiquées, est-ce qu'elles sont syndiquées uniquement à la FTQ? Non? Quel autre syndicat vous avez?

Une voix: CSN.

M. Paré (Réal): Il y a la CSN qui est représentée dans l'industrie aussi.

M. Marcil: C'est quoi, le pourcentage, entre la FTQ et la CSN?

M. Paré (Réal): La FTQ a le plus fort du marché, je ne pourrais pas dire le pourcentage.

M. Gauthier (Roger): C'est 95,5 %.

M. Paré (Réal): Oui, 95,5 %?

M. Gauthier (Roger): Ah! oui. C'est très, très... La CSN est très peu présente.

M. Marcil: La CSD n'est pas dans le secteur?

M. Gauthier (Roger): Non.

M. Marcil: Merci beaucoup.

M. Paré (Réal): Il y a les teamsters aussi. Je m'excuse, M. le ministre, il y a les teamsters.

M. Marcil: Je vous remercie beaucoup de votre présentation.

(16 h 20)

Le Président (M. Joly): Au nom des membres de la commission, à mon tour de vous remercier. J'apprécierais si les gens représentant l'Association de la construction du Québec voulaient bien s'avancer assez rapidement, s'il vous plaît.

Alors, bonjour. Il me fait plaisir de vous accueillir à cette commission. Je vois que vous êtes bien représentés. Alors, j'apprécierais que M. Lafontaine, le président, puisse identifier et aussi nous introduire les gens qui l'accompagnent.


Association de la construction du Québec (ACQ)

M. Lafontaine (René): Merci, M. le Président...

Le Président (M. Joly): Vous êtes déjà familier avec les règles, d'ailleurs. On vous connaît.

M. Lafontaine (René): Merci, M. le Président. À mon extrême gauche, Me François Morissette, avocat à l'ACQ, à ma gauche, M. Ezio Brignoli, président de Metofab international, à mon extrême droite, M. Gérard Proulx, administrateur au Comité conjoint des matériaux de construction, et à ma droite, Me Michel Paré, secrétaire général de l'ACQ.

Le Président (M. Joly): Parfait. Alors, vous êtes conscients que déjà le mémoire a été lu et analysé. Alors, je vous inviterais à nous livrer ça d'une façon peut-être la plus concise possible, mais on vous accorde quand même une vingtaine de minutes pour après échanger avec les parlementaires pour la balance du temps qui nous est imparti. Alors, à vous la parole, M. Lafontaine.

M. Lafontaine (René): Merci, M. le Président. L'ACQ remercie les membres de la commission de l'économie et du travail de lui permettre de vous présenter ses commentaires sur le rapport du Comité interministériel de février 1994 concernant les décrets de convention collective.

Nous prenons pour acquis que les membres de cette commission ont eu l'opportunité de prendre connaissance du mémoire de l'ACQ déposé au début du mois de sorte que nous ne ferons pas une lecture du document. Nous nous limiterons à vous souligner ce que nous considérons comme étant les principales recommandations. Mais, auparavant, vous nous permettrez, M. le Président, de déposer une déclaration conjointe issue d'une coalition patronale-syndicale.

Le Président (M. Joly): Oui, s'il vous plaît.

M. Lafontaine (René): Comme porteur de cette déclaration conjointe, l'ACQ, pour une deuxième année consécutive, a développé cette coalition patronale-syndicale regroupant l'Association québécoise des fabricants de tuyaux de béton, l'Association des entrepreneurs pétroliers du Québec, le Syndicat des métallos, FTQ, l'Union des carreleurs et métiers connexes, local 1, FTQ, la Fédération de la métallurgie, CSN, et la Centrale des syndicats démocratiques.

Cette déclaration conjointe, M. le Président, demande principalement la modernisation et la bonification de la Loi sur les décrets de convention collective, son harmonisation avec les autres lois du travail et le maintien du principe de paritarisme. Plusieurs ignorent que l'ACQ fut dans les années trente l'une des premières associations patronales à négocier un décret en vertu de la Loi sur les décrets de convention collective. Encore aujourd'hui, l'ACQ est le négociateur patronal pour les employeurs assujettis aux décrets visant les secteurs de la fabrication comme la menuiserie métallique, les produits du marbre et les blocs et tuyaux de béton. L'ACQ représente aussi les employeurs assujettis au décret sur l'installation d'équipements pétroliers. L'ACQ siège évidemment au comité paritaire connu sous le nom de Comité conjoint des matériaux de construction.

Ces manufacturiers fabriquent des matériaux qui servent en majeure partie à des fins de construction sur les chantiers québécois. Ces entreprises oeuvrent dans la construction pour des projets des secteurs résidentiel, commercial, industriel et institutionnel. Sans tambour ni trompette, l'ACQ, avec ses partenaires, concluait récemment deux conventions collectives pour une période de trois ans pour les secteurs de produits de béton et de la menuiserie métallique.

D'autre part, en matière de formation de la main-d'oeuvre, l'ACQ, avec le Syndicat des métallos, la commission scolaire Jérôme-Le Royer et le Comité conjoint des matériaux de construction, paraphait une entente concernant la formation et le recyclage de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la menuiserie métallique. Malgré les difficultés engendrées par les conflits de juridiction fédérale-provinciale en matière de formation professionnelle, trois cours de recyclage furent mis sur pied et suivis par près de 150 travailleurs étudiants en moins d'un an. Nous avons donc une certaine expérience, et notre intérêt au présent débat n'est pas soudain. L'ACQ, à maintes reprises, a conclu des accords et obtenu des résultats concrets et positifs. Notre présence à cette commission s'inscrit dans une continuité de dialogue entrepris l'an dernier lors de notre audition devant le Comité interministériel.

Vous aurez remarqué que nous avons annexé à notre mémoire, qui vous a été remis au début du mois, celui que l'ACQ a présenté en avril 1993 au Comité interministériel dont le rapport fait l'objet de la présente consultation. Nous considérons que ce rapport reprend l'essentiel des principales recommandations de l'ACQ présentées l'an dernier, lors des travaux du Comité formé de représentants du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et du ministère du Travail, de sorte que nous sommes à l'aise avec les orientations du rapport.

Cela ne signifie pas pour autant que nous entérinons toutes et chacune des 35 recommandations sans réserve. Nos recommandations ont pour objectif d'en bonifier la teneur à la lumière de notre expérience. Et, à ce point, je demanderais à Me Michel Paré de continuer, s'il vous plaît.

Le Président (M. Joly): M. Paré, s'il vous plaît.

M. Paré (Michel): Alors, M. le Président, merci. C'est un survol des recommandations de l'ACQ. En fait, si on regarde les sept premières recommandations du Comité, le bloc des sept premières recommandations ajoute au mandat du comité paritaire de nouvelles responsabilités en matière administrative. On veut simplement vous souligner qu'il faudra permettre aux parties d'ajuster en conséquence leurs besoins financiers en leur accordant le droit de prélever les sommes requises. Cependant, on voudrait attirer votre attention à la recommandation no 3, laquelle vise deux réalités distinctes qu'il ne faut pas confondre.

D'abord, l'aliénation d'une entreprise. L'ACQ est d'avis que la notion d'aliénation de l'entreprise devrait être définie selon les nouvelles dispositions du Code civil. Mais, quant à la deuxième réalité visée par la recommandation no 3, c'est celle qui concerne la responsabilité d'un sous-entrepreneur dans le cas d'obligation pécuniaire. L'ACQ, tout en étant d'accord avec le principe, doit vous soulever un problème pratique, que les entreprises de la construction vivent avec l'article 54 de la loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction, qui vise le même objectif, soit la responsabilité solidaire de l'entrepreneur général envers ses sous-traitants. Pour des raisons administratives invoquées par la Commission de la construction du Québec, les sous-traitants reçoivent un certificat de conformité ne pouvant jamais être à jour. De plus, la CCQ inscrit la mention «sous toutes réserves» sur le certificat, ce qui a comme conséquence qu'il n'a aucune valeur. Alors, pour ces raisons, les entrepreneurs généraux, vu leur responsabilité solidaire, ne peuvent verser la totalité des sommes d'argent du contrat à leurs sous-traitants, et ceux-ci, n'ayant pas l'argent nécessaire, ne peuvent faire leurs remises.

Cette responsabilité est importante puisqu'elle peut amener l'entrepreneur général à payer les salaires et les avantages sociaux des salariés de ses sous-traitants, pour lesquels il ne possède aucun pouvoir de contrôle, aucun pouvoir de vérification, aucun pouvoir de surveillance ou autre. Il faut également mentionner que cette responsabilité entraîne des retards dans les paiements puisque la Commission de la construction du Québec, dans ces cas-là, peut réclamer ces sommes dans les deux ans de sa connaissance de l'infraction ou du manquement à la loi. Ainsi, un entrepreneur général peut recevoir une réclamation cinq ans, 10 ans après la fin des travaux. Cette obligation entraîne des répercussions sérieuses sur la situation financière des entrepreneurs généraux et des sous-traitants et est à la source d'un climat contractuel malsain entre ces partenaires.

Alors, vous comprendrez qu'avec cette expérience de nos membres il nous est difficile, dans ce contexte, de donner notre accord à cette partie de la recommandation no 3. Pour que ce principe soit efficace et n'ait pas comme conséquence de retarder indûment le paiement des sommes d'argent dues aux entrepreneurs, aux entreprises de fabrication que nous représentons, le comité paritaire chargé de l'application de cette mesure devra au préalable avoir à sa disposition les effectifs nécessaires pour répondre à cette nouvelle obligation.

(16 h 30)

Au chapitre de la formation, nous appuyons évidemment la notion d'un guichet unique avec le développement d'une approche sectorielle. Par contre, lorsque l'on regarde la recommandation 7, dans la perspective de la recommandation 25, à moins d'une mauvaise compréhension de notre part, il nous apparaît difficile de concilier l'abrogation de la formation professionnelle tout en exigeant des parties contractantes la classification de leur main-d'oeuvre. La classification de la main-d'oeuvre, à notre avis, doit se faire en fonction des besoins de l'industrie et de la formation du travailleur. Si notre compréhension s'avère exacte, il devient essentiel d'accorder, contrairement à la recommandation 24, la possibilité d'avoir un taux de salaire moyen dans un décret comme avantage de faciliter le service d'inspection du comité paritaire, et ça a aussi l'avantage de permettre une plus grande flexibilité dans la gestion de la main-d'oeuvre pour l'employeur.

Nous sommes d'avis que, malgré que le taux de salaire moyen ne constitue pas une condition de travail pour un salarié, il est une condition pour les employeurs. Nous vous avons mentionné que plusieurs des entreprises que nous représentons ont moins de cinq salariés et que, dans ce contexte, la mobilité de la main-d'oeuvre et du travail à effectuer est très importante pour ces entreprises. La présence d'un taux de salaire moyen dans un décret devient donc un facteur de compétitivité des entreprises et d'une certaine polyvalence des fonctions à l'intérieur de l'atelier. Pour ces raisons, nous croyons que la présence d'un taux de salaire moyen dans un décret devrait être permise.

Pour ce qui est de la recommandation 9, nous attirons votre attention sur la pratique développée par l'ACQ. Notre processus de consultation, contrairement à la croyance populaire, ne se limite pas uniquement aux entrepreneurs membres de l'ACQ. Nous invitons tous les entrepreneurs visés par le décret aux séances de consultation. Avec cette expérience, nous sommes en mesure d'affirmer, compte tenu du taux de participation, que la recommandation 9, avec sa notion de majorité absolue, nous entraîne dans une impossibilité mathématique ou dans une impossibilité démocratique. Cela équivaut à calculer les absents comme étant un vote négatif. Nous avons mis dans un même bloc les recommandations 11, 12, 13 avec 18 et 19, et nous considérons qu'il faudrait mettre en application les recommandations produites par l'étude sur le cheminement d'une requête et le Comité des délais, qui avait été présentée au ministre du Travail il y a trois ans, soit en 1991.

Quant aux recommandations 14, 15, 16 et 17, les responsabilités reliées à ce bloc pourraient relever du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, lequel devrait voir son mandat élargi pour y intégrer, entre autres, la responsabilité des conflits de juridiction entre décrets et décider si le travail est assujetti ou non.

En ce qui concerne le bloc des recommandations 26 à 30, ces recommandations ne posent aucun problème. Nous voulons simplement vous souligner que le fait que le gouvernement se donne le pouvoir de suivre, de façon régulière, les activités et l'administration d'un comité paritaire ne nous effraie pas, ne nous dérange pas, au contraire. Les portes du Comité conjoint des matériaux de construction ont toujours été ouvertes pour les représentants du gouvernement du Québec ainsi que pour les personnes qui désirent obtenir des informations sur l'application et la gestion de nos décrets. L'ACQ n'a jamais refusé d'aider ou d'informer un employeur potentiellement assujetti à un décret, au motif qu'il n'était pas membre de notre Association. Au contraire, dans un souci de transparence, l'ACQ a toujours donné les conseils, les informations à ses employeurs, et, même plus, on les consulte.

À la recommandation 31, l'on devrait permettre aux parties d'inclure dans un décret les dispositions autres que de la nature d'une convention collective qui pourraient favoriser l'ensemble du secteur. Quant aux recommandations 32 et 33, la seule difficulté, à notre avis, provient du gouvernement lui-même, qui peut prendre jusqu'à deux ans pour promulguer un décret. On a des exemples à l'effet que... La menuiserie métallique, ça a pris jusqu'à deux ans; le marbre, 18 mois; le béton, uniquement en ce qui concerne la suppression du prélèvement, ça a pris six mois. Et, lorsque est venu le temps, au niveau du régime des assurances, d'augmenter la contribution, bien, ça a pris 18 mois, de sorte que, pendant le délai, il a fallu diminuer les bénéfices aux travailleurs, étant donné l'incapacité d'augmenter les prélèvements afin de répondre aux exigences actuarielles. La recommandation 34 est déjà une pratique du Comité conjoint des matériaux de construction dans un but d'accélérer le processus de promulgation, avec les résultats qu'on a évidemment. Alors, si on veut transférer ce coût aux parties, on doit également leur accorder un pouvoir de financement. Enfin, nous terminerons là-dessus, M. le Président, nous devrions prévoir un mécanisme de modification d'un décret pendant sa période de validité afin de répondre à des réalités qui peuvent frapper les parties de plein fouet.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. Paré. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Marcil: Merci beaucoup. Je vous souhaite la bienvenue. Ça fait drôle de vous voir dans cette commission parlementaire. Habituellement, on a l'habitude de se rencontrer lorsqu'on touche aux dossiers de la construction: CCQ, loi 142 et toutes les autres.

Vous suggérez de réduire les délais, la bureaucratie. De quelle façon? Quelles seraient vos propositions à cet effet? Puis quel serait le rôle du ministre?

M. Paré (Michel): Avant, je vais transmettre la question à M. Proulx, mais une question en réponse à cette question-là: Qu'est-ce qui fait que ça peut prendre autant de temps à promulguer des choses que les parties ont demandées? Y compris même le prélèvement patronal ou même l'augmentation des contributions pour les assurances. Mais, M. Proulx, s'il y a autre chose...

M. Marcil: Si vous prenez juste là...

M. Proulx (Gérard): C'est quasiment une question suicide quand on doit parler en présence du sous-ministre responsable.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Proulx (Gérard): Ce n'est pas aussi... Non, mais il faut être dans le milieu, M. le ministre.

M. Marcil: Non, mais je vais répondre à sa question.

M. Proulx (Gérard): O.K. Allez.

M. Marcil: C'est important, il m'a posé la question. C'est: Pourquoi les délais sont si longs? D'abord, il y a toujours le délai de consultation, c'est au moins 45 jours. Vous avez les délais d'analyse, des fois c'est quatre à cinq mois. Ensuite, vous avez toute la prépublication, la publication. Là, vous laissez la chance aux parties de se pointer puis de donner leur point de vue, ça fait qu'il y a encore, je dirais, une autre forme... un genre de consultation qui se fait. C'est tout ça qui fait que c'est très, très rare – du moins, les mécanismes actuels ne le permettent pas – à moins que le ministre décide, de son propre chef, qu'il prenne toutes les responsabilités, sans consulter personne. La minute qu'une des parties contractantes demande au ministre d'intervenir, soit d'extensionner ou de réduire les cotisations, ou de son propre chef décide de faire la publication: Bonjour, merci. Puis, ça, ça peut aller assez vite, mais je ne pense pas que les parties recevraient cette façon de procéder, du moins, l'applaudiraient, parce que j'ai l'impression que les gens veulent intervenir, veulent être consultés, puis il y a deux côtés à la médaille tout le temps, parce qu'il y a toujours deux parties. Là, c'est au comité paritaire, la partie des employeurs et des employés, des représentants des travailleurs, puis souvent vous avez aussi le comité paritaire et les parties qui ne sont pas parties contractantes au comité paritaire, mais qui sont assujetties au décret. Donc, c'est pour ça que les délais sont assez longs. Mais on essaie de les réduire. Mais qu'est-ce que vous proposeriez pour réduire ces délais-là?

M. Paré (Michel): Il y a eu une étude en 1989 sur les délais, le Comité des délais, le comité des requêtes, qui a produit un rapport dont, malheureusement, on n'a pas copie, et il semblerait que ce rapport-là faisait des recommandations qui avaient pour effet d'accélérer quand même le processus, qui ont été soumises en 1991, semble-t-il. Et il y aurait lieu de regarder à l'intérieur de ce rapport-là le travail qui a été fait et les recommandations.

M. Marcil: Mais, déjà, suite à ce rapport-là, les délais ont déjà été diminués, il y a une accélération au niveau du processus, mais il reste toujours qu'il y a des règles à suivre encore. C'est probablement encore trop long; ça, je pense que je suis le premier à l'admettre.

M. Paré (Michel): Mais on est ici pour les ajuster ces règles-là.

M. Marcil: Mais, moi, je voudrais que vous nous proposiez aussi des choses dans ce sens-là.

Une voix: Allez-y, allez-y.

(16 h 40)

M. Proulx (Gérard): J'ai retrouvé quand même mon équilibre. Ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile avec des vieux mots d'expliquer à des employeurs qui ont d'autres choses à faire que de s'occuper du légalisme et d'expliquer aux syndicats que la requête n'a pas été publiée, ou ça va l'être ou ça ne le sera pas, et ça revient à tous les mois, ça. Moi, évidemment, je parle bien personnellement. Je ne sais pas, il y aurait moyen, d'après moi, au ministère du travail de se donner des structures qui seraient reliées directement au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. À ce moment-là, il y aurait certainement moyen de se donner une espèce de comité qui regarderait l'arrivée des requêtes et, d'après moi, pourrait aider le ministre là-dedans. Moi, je le maintiens encore, je n'ai pas la formule, mais je vous dis que c'est triste d'expliquer à des employeurs qui sont directement en concurrence avec des employeurs non syndiqués, quand ils voient que la requête retarde d'un an, des fois six mois, et qu'on n'a plus d'explications à donner... J'ai l'impression que, ce bout-là, le ministre pourrait, d'après moi, demander l'aide de, je ne sais pas, je pense au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

M. Marcil: Comment réagiriez-vous si on proposait, justement, d'éliminer complètement l'intervention du ministre? On a proposé ça, la semaine dernière, on avait mis ça sur la table, proposé ça au commissaire général du travail, que ça serait l'intervenant, dans les dossiers, pour régler les conflits arbitrés.

M. Paré (Michel): Nous, on a référé au comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

M. Marcil: Mais, le comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, c'est un grand comité, ça, là.

M. Paré (Michel): Nous sommes ouverts à des...

M. Marcil: Et ça ne prend pas de décision.

M. Paré (Michel): C'est ça. Alors...

M. Proulx (Gérard): Vous savez, M. le ministre, dernière remarque, c'est parce que, souvent, on a blâmé les employés du service des...

M. Marcil: Excusez. Je ne dis pas que ce n'est pas une bonne idée. Je vous dis que la mission de la commission consultative sur la main-d'oeuvre, c'est une mission de consultation. Le ministre demande des avis, va consulter ce comité sur certains dossiers qui touchent le travail.

Une voix: C'est que...

M. Proulx (Gérard): Ceux qui ont failli payer la facture dans le passé, ça a été les employés mêmes du service des décrets qui, évidemment, ne trouvaient plus de réponses, eux autres non plus, au délai. Et, ça, il faudrait au moins s'assurer que ça a été effacé.

M. Paré (Michel): O.K. Lorsqu'on parlait du comité consultatif, on réfère également, évidemment, à l'élargissement du mandat du comité consultatif. Ça peut être une autre instance. Un peu à l'instar du commissaire de la construction, dans l'industrie, où il y a un commissaire qui décide, par exemple, au niveau des assujettissements, si c'est assujetti ou pas, des doubles juridictions, etc. Ça prend une instance. On a parlé également, dans le passé, d'un comité spécifique au niveau des décrets. Là-dessus, je voudrais référer, peut-être, à Me Morissette, qui va...

M. Morissette (François): À cet effet-là, M. le ministre, on se rappellera qu'en 1989, lors de la dernière... il y avait eu une audition au même titre qu'aujourd'hui. Ils en étaient venus à la conclusion de créer, justement, un comité pour regarder les problèmes de juridiction, pour regarder les délais engendrés par le traitement d'une requête, pour regarder aussi tout le cheminement d'une requête. Or, vous mentionniez, tout à l'heure, que, ce rapport-là, il a déjà des applications. Je pense qu'il y a quand même des améliorations qui peuvent être... Le contenu et l'ensemble de la démarche qui avait été faite, dans ce rapport, visaient à avoir une uniformisation, premièrement, de la présentation d'une requête et, deuxièmement, suite aux rencontres qu'il y avait eu avec la Direction des décrets et les différentes parties contractantes, à les réduire, ces délais. Or, je ne crois pas que, au moment où on se parle, on peut réellement dire qu'il y a eu une réduction de délais.

Alors, au moment où on se parle, vous parlez de trouver des solutions. Il y en a peut-être une. Lorsqu'on présente une requête qui vise à changer seulement des salaires, je ne crois pas qu'il y ait une utilité de l'envoyer à l'Office de la langue française. Il y a des étapes qui pourraient être éliminées, et c'était dans cet objectif-là que l'ACQ avait participé et c'était dans cet objectif-là que la Direction des décrets vous avait présenté le cheminement d'une requête et, aussi, les différentes situations où pourraient être réduits les délais. Et c'est pour ça que vous retrouverez dans notre mémoire, à plusieurs endroits, des mentions à l'effet qu'on désire que ce soit mis en vigueur.

M. Marcil: C'est sûr et certain que, tant et aussi longtemps qu'on doit référer les dossiers au ministère du travail et au Conseil des ministres, on est attaché par des procédures, par des règles, mais il y a des choses...

Vous parlez de la langue française, on n'a pas le choix, il faut passer au niveau du comité de la réglementation, on est obligé de faire ça. Donc, c'est des délais par-dessus délais. Puis, on en convient avec vous, c'est trop long, on en convient avec vous. Sauf que des groupes nous disent: Il faut que le ministre intervienne. Puis d'autres groupes nous disent: Bien, il faudrait peut-être trouver un mécanisme. Si on avait un mécanisme d'arbitrage pour des conflits, moi, je préférerais, dans le fond... parce que c'est de l'entreprise privée, aussi. Il faut toujours penser qu'on n'est pas dans la fonction publique, on est dans le privé comme tel. Est-ce que du fait de référer – je vous donne un exemple – au commissaire général du travail les délais seraient, par le fait même, plus courts? Parce qu'il n'est pas réglementé par l'Exécutif comme tel, c'est dans ce sens-là. Mais, vous, auriez-vous objection à une forme de proposition comme celle-là?

M. Paré (Michel): C'est une idée intéressante avec laquelle on peut vivre. Il faudrait la...

M. Marcil: Parce que...

M. Paré (Michel): Pardon? Il manque de gaz dans la machine.

C'est une idée intéressante avec laquelle on peut vivre. On peut la regarder. Ce sur quoi on s'entend tous, c'est que les délais actuels, pour toutes sortes de bonnes raisons, font en sorte que... À plusieurs égards, ils annulent, à toutes fins pratiques, les retombées positives de ce qui était prévu pour soit les travailleurs, soit les ajustements salariaux, soit encore les années où on a suspendu le prélèvement. Alors, les effets se font sentir trop tard, à une période où ce n'est plus nécessaire.

M. Marcil: Parce que, le but ultime, c'est de créer un environnement, un cadre qui permet aux parties d'être continuellement en action – je pourrais même dire proactives – de les responsabiliser et qui permet au ministre ou au gouvernement d'intervenir en cas de besoin, mais pas d'intervenir de façon systématique comme la loi l'oblige présentement. C'est tout simplement ça. C'est que, au moment où on demande au gouvernement d'intervenir de façon systématique, bien, là, qu'est-ce que vous voulez, on est pris avec la mécanique qui sous-tend tout ça.

Vous demandez d'accroître le maximum de prélèvements. La Commission des normes du travail, je pense que c'est à 0,08 %; le décret, à 1 %; CCQ, actuellement, c'est 2 %, je crois. D'abord, je pense que vous êtes le seul groupe qui demandez ça.

M. Paré (Michel): On demande simplement, s'il y a des mandats additionnels, de faire en sorte qu'on ait les pouvoirs additionnels pour pourvoir au financement. C'est ça qu'on demande.

M. Marcil: C'est ça que vous demandez. Ça, c'est une taxe supplémentaire. C'est une taxe supplémentaire à la masse salariale.

M. Paré (Michel): On ne voudrait pas vivre l'expérience d'autres secteurs.

M. Marcil: O.K. Donc, vous êtes dans le domaine de la construction aussi. Pour vous, vous êtes pour le maintien de la loi, avec des modifications. Et, naturellement, vous avez un bon mémoire. On a pris ça en note. Vous avez fait des bonnes recommandations également. Nous allons entendre, tantôt, un autre groupe, qui est l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec qui, lui, va nous proposer l'abrogation de la loi. C'est assez particulier de voir des gens qui sont un peu dans le même domaine, aussi, avoir une vision différente des choses. Ce n'est pas nécessairement méchant, là, d'avoir une vision différente des choses.

M. Paré (Michel): M. le Président, l'ACQ négocie et est partie prenante aux négociations de trois décrets.

M. Marcil: De trois décrets.

M. Paré (Michel): On représente des entreprises dans quatre décrets, mais on en négocie trois. Et les gens, avec le comité paritaire qui l'administre et les entreprises que l'on consulte et, également, la partie syndicale, ça fait deux fois en moins de deux ans qu'on fait une coalition patronale et syndicale avec les organismes, dont l'Association québécoise des fabricants de tuyaux de béton, l'Association des entrepreneurs pétroliers du Québec, etc. Et les entreprises – et M. Brignoli pourra l'indiquer, il est un entrepreneur de l'un des secteurs – nous disent que, s'il y avait l'abolition de la Loi sur les décrets de convention collective, ça aurait pour effet de désorganiser la gestion de leur main-d'oeuvre, de leurs ressources humaines.

(16 h 50)

C'est, en général, des petites entreprises de moins de cinq employés où ils n'auraient pas les moyens et les outils nécessaires pour administrer toute la mécanique de paperasse administrative. Et, à ce chapitre-là, le Comité conjoint des matériaux de construction donne une aide exceptionnelle aux entreprises, les conseille, les soustrait, les libère d'une multitude de tracasseries administratives. Les gens se sont donné au fil des ans des outils au niveau des avantages sociaux et ils auraient de la difficulté, à ce qu'ils nous disent, à administrer. Ils sont libérés de toutes ces tracasseries-là. Il y a des réclamations, c'est le Comité conjoint des matériaux de construction qui les prend en charge. Et il y a également – et là-dessus, si vous me permettez, je demanderais à M. Proulx de vous expliquer – tout le problème de l'imposition des régimes, des avantages sociaux et également des rentes que ç'a amené aux petites entreprises. Et ils ont référé leurs problèmes au Comité parce qu'ils étaient incapables, individuellement, de faire face à cette musique-là.

M. Proulx (Gérard): Il ouvre une grande porte, mais il... Alors, non, c'est officiel que c'est un peu à part, ce qui se passe au CCMC parce qu'ils se sont donné des régimes. D'abord, la loi des décrets, d'après moi, a des limites, là, le travail que tu peux faire avec ça. Excepté que les employeurs, évidemment, en rajoutent, et je n'ai rien contre ça. Alors, c'est sûr qu'on administre le régime d'assurances pour trois groupes, un régime de rentes pour un groupe, un régime simplifié comme le gouvernement essaie de mettre en vigueur. Et, quand, évidemment, le gouvernement décide d'imposer certains bénéfices marginaux, bien, c'est sûr que les employeurs nous demandent: Voulez-vous, s'il vous plaît, aviser tous nos employeurs pour dire quels montants ils doivent charger aux salariés. Alors, c'est un fardeau de plus. Quand le fédéral dit: Bon, maintenant, les régimes d'assurance-vie de moins de 25 000 $, ça devient imposable, bien, le mécanisme se met en marche. C'est nous autres, évidemment, qui complétons tout ça pour les PME.

Du côté assurances, les PME ne s'inquiètent d'aucune façon du traitement de leurs dossiers, parce que le salarié est habitué de venir chez nous, d'appeler, de nous envoyer sa réclamation. Et, si jamais il y a des difficultés, il y a des montants qui ne sont pas payés, bien, c'est soumis aux sous-comités qu'ils se sont donnés. Et, eux autres, ils ont le tour de parler aux agents d'assurances, parce que les réclamations refusées deviennent acceptées assez vite. Alors, c'est tout ça qu'on administre.

Et, dernière intervention que je voulais vous dire, c'est qu'en vertu de la loi des rentes du Québec, quand il y a des divorces, il faut calculer la rente du gars à partir de la journée du divorce. Alors, je ne vois pas une PME faire le calcul ou engager un actuaire à 300 $ le dossier pour régler ces problèmes-là.

M. Marcil: Là, c'est plus... Là, vous êtes en train de me dire que c'est plus une compagnie de gestion...

M. Proulx (Gérard): C'est plus que ça, M. le ministre.

M. Marcil: ...qu'un comité paritaire.

M. Proulx (Gérard): Je vous dirais: Je n'ai jamais pris note, là, du nombre de téléphones que les employés chez nous reçoivent et auxquels ils doivent répondre. Mais je suis le seul, je pense, qui administre quatre comités paritaires, quatre décrets.

M. Marcil: Quatre décrets?

M. Proulx (Gérard): Oui. Si j'en avais rien qu'un, ce serait pas pire. Mais j'ai le béton, les métaux, le pétrole, ça en fait trois, ça, puis le marbre. Ça fait quatre.

M. Paré (Michel): M. Brignoli est dans une entreprise directement impliquée dans le secteur. Peut-être qu'il aurait un témoignage à vous formuler.

M. Brignoli (Ezio): M. le Président, ça fait 25 ans, 26 ans que je suis en affaires, et je siège sur le Comité conjoint des matériaux de construction depuis 22 ans. Et je peux vous dire que, si demain matin les décrets tombaient, ce serait l'enfer dans l'industrie de la menuiserie métallique du bâtiment. La particularité de l'entreprise de menuiserie métallique du bâtiment, c'est que n'importe qui peut partir en affaires demain matin. Il prend une machine à souder dans sa voiture et il va sur les chantiers, il est en affaires. Sauf que, avec les décrets qui sont actuellement en vigueur, ça maintient la stabilité, l'harmonie dans l'industrie. Même que des fois, si nous devons avoir des employés supplémentaires, on est obligé d'aller les acheter ailleurs.

Donc, le décret, pour nous, c'est une base de salaire minimum. Parce que, quand on a de bons employés, on ne s'occupe pas du décret comme tel, on les paye et on les surpaye. Entre parenthèses, surpayer veut dire qu'on les paye le prix qu'ils valent, ces gens-là. Mais, le décret, c'est un prix minimum. Il est évident qu'il y a beaucoup d'entreprises qui essaient de passer à côté. C'est comme dans la vie de tous les jours. Il y en a qui passent à côté de la loi, ils se font attraper par la police. C'est normal. Mais c'est quand même une loi qui régit notre métier d'une façon équitable. Et disons que depuis les années 1970, 1972, depuis que je suis sur le Comité conjoint des matériaux de construction, il y a une très bonne relation entre les syndicats et le patronat. Ce qui nous paraît de plus en plus difficile à comprendre, c'est, chaque fois qu'une convention collective est négociée – et, évidemment, le décret découle d'une convention collective – le temps énorme que ça prend pour faire valoir le décret. C'est-à-dire que les entreprises qui sont syndiquées viennent de négocier un contrat avec de nouveaux salaires, qu'elles sont obligées de respecter immédiatement. Là, il se crée, jusqu'au moment de l'approbation, des délais énormes. Alors, les compagnies qui ne sont pas syndiquées, qui sont sous le décret, sont encore en loi en appliquant les anciens taux.

M. Marcil: Je comprends ça.

Le Président (M. Joly): Très brièvement, M. le ministre.

M. Marcil: Ce n'est pas nécessairement une opinion personnelle, ce sont des commentaires qui nous ont été apportés, autant par l'Association des manufacturiers du Québec... Je vous donne un exemple. Votre fils, demain matin, ou votre fille, demain matin, déciderait, par son expérience acquise en travaillant pour votre entreprise, de partir sa propre entreprise. Ce n'est pas nécessairement pour vous faire concurrence à vous, mais elle pourrait décider de partir une entreprise semblable à la vôtre dans une autre région. Donc, elle, automatiquement, qu'elle ait 25 ans, 26 ans, ou que votre fils ait 25 ans, 26 ans, qu'il ait un peu de cash pour démarrer sa propre entreprise, vous l'obligez, la loi des décrets ou le décret ou le comité paritaire l'oblige, au départ, à donner un salaire, à titre d'exemple, de 18 $ l'heure. Elle ne peut pas ou il ne pourrait pas démarrer sa propre entreprise avec un salaire, exemple, à 9 $ l'heure, prendre l'expérience et l'augmenter par la suite? Parce qu'elle aurait plus de volume pour être capable d'augmenter les conditions de travail de ses employés.

C'est l'exemple qu'on nous a donné. Dans plusieurs...

M. Brignoli (Ezio): Oui, mais...

M. Marcil: ...comités paritaires, les salaires sont assez élevés.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M. le ministre, on pourrait peut-être revenir...

M. Brignoli (Ezio): M. le ministre, je vous arrête tout de suite...

Le Président (M. Joly): ...à la toute fin.

M. Brignoli (Ezio): C'est ce qui arrive à toutes les petites entreprises. C'est qu'en tant que sous-traitant une entreprise doit donner des prix à un entrepreneur général. Elle donne des prix à un entrepreneur général. Donc, les prix de ma fille ou de mon fils vont être nettement inférieurs à ceux que, moi, je vais pouvoir donner compte tenu de l'environnement que j'ai autour, de la machinerie, de mes coûts de production et tout. Jusque-là, on s'entend. Évidemment, le soleil se lève pour tout le monde. Sauf que, l'entrepreneur, lui, regarde seulement le prix. Il va donner le contrat à mon fils ou à ma fille, sauf que...

Le Président (M. Joly): M. Brignoli, peut-être que vous pourriez prendre ça sur le temps, peut-être, de l'autre formation tantôt, au niveau de la balance des explications.

M. Ménard: Ça m'intéresse.

Le Président (M. Joly): À moins, à moins...

M. Ménard: Continuez, ça m'intéresse.

Le Président (M. Joly): Bon, parfait. Alors, on aura convenu...

M. Ménard: C'est un problème...

M. Marcil: Un vrai problème.

Une voix: Technique.

M. Ménard: ...qui préoccupe tout le monde.

M. Brignoli (Ezio): L'entrepreneur général, lui, ce qu'il regarde: Tu as ça à faire, tu as ça à faire, le prix, c'est tant, ça m'intéresse, tu as le meilleur prix. Il ne se demande pas, lui, l'entrepreneur général, s'il est membre de ci, membre de ça, l'association de ci, l'association de ça, la santé et sécurité au travail; sur tout, tout, il s'en fout. Le prix, il signe le contrat. Il commence la job. Il fait 10 %, 20 % de la job: Aïe, tu es en retard, tu es ceci, tu es ça, etc., dehors – lettre d'avocat – j'en prends un autre. Un autre soumissionne, on resoumissionne tous dessus. C'est le meilleur prix, il le donne. Il ne va pas chercher à savoir... C'est le meilleur prix qui compte. Alors, l'entreprise, elle, qui a 20 ans d'expérience, ou 10 ans ou 15 ans, peu importe, qui est, comment dirais-je, compétente en la matière, elle ne peut plus arriver parce qu'elle se bat contre quoi? Pas contre de la qualité, elle se bat contre un prix. On ne peut pas donner ce qu'on n'a pas, parce que, en affaires, vous avez trois choses: achat de matériaux, main-d'oeuvre, administration. C'est tout.

Alors, les achats de matériaux, on ne peut pas aller plus bas qu'un certain montant. L'administration, on ne peut pas la baisser. On baisse le reste où? Dans les salaires. Voilà où on va aller chercher les affaires.

Alors, qui c'est qui va perdre? Ce n'est pas l'entrepreneur, c'est les employés. On va couper chez les employés. On va essayer de rester en affaires, mais où on va couper? Chez les employés, c'est tout.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Brignoli. M. le député Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

M. Brignoli (Ezio): Non, non, c'est comme ça.

M. Ménard: Bien oui, c'est comme ça dans la construction.

M. Brignoli (Ezio): Hein?

M. Ménard: C'est comme ça dans la construction.

M. Brignoli (Ezio): Ça a toujours été comme ça.

M. Ménard: On a bien compris, O.K. Il y a des choses sur lesquelles...

M. Marcil: ...comme ça!

M. Paré (Michel): Nous sommes sur la loi des décrets de convention collective, M. le ministre.

Une voix: Pourtant! Pourtant!

(17 heures)

M. Ménard: Bien non, mais c'est les matériaux, l'administration et la main-d'oeuvre, alors... Finalement, quand on coupe la main-d'oeuvre, c'est toujours celui qui travaille qui se fait couper, de toute façon.

Bon. Il y a des choses sur lesquelles je voudrais que vous élaboriez. J'étais bien heureux de votre rapport. Comme il nous reste peu de temps... Dès le début, à la page 9, vous nous dites essentiellement que, si on abroge la loi, l'une des conséquences, c'est qu'on perd notre marché québécois aux mains des Américains. C'est drôle, parce que la majorité des gens qui sont venus ici nous ont dit exactement le contraire: Pour ne pas perdre nos entreprises aux mains des Américains, pour ne pas qu'elles aillent s'installer ailleurs, il faut abolir les décrets. Pourriez-vous nous expliquer le mécanisme par lequel vous passez? «L'abrogation de la loi aurait comme conséquence immédiate de laisser ces entreprises dans un état de désorganisation, permettant à des entreprises étrangères de nos secteurs où la concurrence est plus vive de profiter de cette situation pour prendre une plus grande part du marché québécois.»

M. Paré (Michel): En fait, à ce niveau-là, notre inquiétude, et ce que les gens nous disent, c'est un peu ce que j'ai mentionné tout à l'heure, on provoquerait une désorganisation, une déstabilisation des petites entreprises, de sorte que, pendant cette désorganisation-là, ce chaos social, si l'on veut, on devient encore plus fragile à la compétition. Et c'est à ce niveau-là qu'il y a une grande inquiétude. Il faut savoir également que les entreprises que l'on représente, plusieurs d'entre elles sont sur le marché extérieur, en Ontario, aux États-Unis et ailleurs. Alors, c'est l'inquiétude que les gens nous ont manifestée, l'état de désorganisation, le chaos social qui pourrait être provoqué au niveau de leur gestion de main-d'oeuvre.

M. Ménard: O.K. Je vais passer aux délais. À la page 18 de votre rapport, je remarque que vous donnez une réponse à la question que le ministre vous avait posée, puis que vous n'osiez pas lui donner tout à l'heure. Quand vous dites qu'il faudrait aussi donner plus de moyens et de personnel pour répondre aux besoins des parties, c'est au ministère, ça.

M. Paré (Michel): Oui.

M. Ménard: Alors, vous avez l'impression que les délais ne sont pas imposés uniquement par la loi ou par les exigences légales, mais par le fait qu'il n'y a pas assez de monde au ministère pour traiter les demandes assez rapidement.

M. Brignoli (Ezio): Peut-être qu'il y en a trop.

M. Ménard: Pardon?

M. Brignoli (Ezio): Peut-être qu'il y en a trop.

M. Ménard: Il y en a trop ou il n'y en a pas assez?

M. Brignoli (Ezio): Je ne sais pas, ça prend du temps, c'est ça.

M. Paré (Michel): Notre perception, c'est que les ressources...

Une voix: ...

M. Paré (Michel): Non, non. Notre perception...

M. Marcil: On va s'engager du monde.

M. Paré (Michel): ...est à l'effet que les ressources sont plutôt réduites. On comprend les mécanismes de consultation, mais on a aussi une perception à l'effet que les outils sont plutôt réduits.

M. Ménard: Vous n'avez pas la perception non plus que, ces dernières années, tout le monde attendait que la loi soit abolie? Alors, il n'y a personne qui croyait vraiment qu'ils allaient la faire fonctionner. Au fond, si je vous comprends bien, quelle que soit l'autorité, que ce soit le ministère, ou un commissaire, ou un organisme quelconque, il faudrait, pour faire fonctionner le décret paritaire correctement, qu'il y ait quelqu'un qui arbitre les conflits rapidement et qui croie en la loi et en l'utilité de la loi.

M. Paré (Michel): C'est tout à fait ça.

M. Lafontaine (René): Parce que, si on croit en la nécessité de garder la loi sur les décrets, il faut croire aussi à donner les moyens et prendre les dispositions pour que ce soit appliqué rapidement.

M. Ménard: Chez vous, avez-vous des problèmes de double assujettissement, c'est-à-dire d'employés qui, à un moment donné, le matin, travaillent sous un décret puis, l'après-midi, travaillent sous un autre?

M. Proulx (Gérard): Je peux répondre.

M. Ménard: Oui?

M. Proulx (Gérard): Le CCMC a toujours évité de compliquer la vie. On est des employeurs qui siégeaient au CCMC. Même si, des fois...

M. Ménard: C'est quoi, le CCMC?

M. Proulx (Gérard): C'est le Comité conjoint des matériaux de construction. C'est ça?

M. Lafontaine (René): Le Comité conjoint des matériaux de construction.

M. Ménard: CCMC, oui.

M. Proulx (Gérard): Alors, même s'il y avait des travaux qui étaient faits, disons, ou accomplis par un autre secteur régi par un décret, il n'intervenait pas. Tout simplement, dès qu'il y avait un décret... Sauf dernièrement, on a eu un problème qu'on est après régler avec le service des décrets. Maintenant, au niveau du pétrole, évidemment, un autre comité paritaire – il n'y a personne ici, par exemple – c'est sûr qu'eux autres ont un problème bien plus particulier qu'ils essaient de régler eux autres aussi.

M. Paré (Michel): Le problème que l'on peut vivre, ce n'est pas nécessairement dans le secteur manufacturier que l'on représente, mais lorsque ces manufacturiers-là se rendent sur le chantier de construction puis, là, ils sont assujettis à de nouvelles règles. Alors, le même travailleur, dans l'exercice de ses fonctions, a des conditions de travail différentes, et ça devient peut-être un petit peu difficile à gérer, et ça provoque également des conflits de juridiction. Mais, ça, c'est entre le manufacturier et l'industrie de la construction.

M. Ménard: O.K. C'est probablement ce qui vous a amenés, à la page 20, à faire la suggestion qu'un comité soit créé pour étudier l'ensemble des décrets où il peut y avoir conflit de juridiction avec d'autres décrets. Est-ce que c'est la première fois que vous faites cette recommandation-là? Moi, je suis un jeune député, j'ai été élu en décembre.

M. Paré (Michel): En fonction de la Loi sur les décrets de convention collective, c'est la deuxième fois en deux ans et, en fonction d'autres interventions de l'organisation sur d'autres projets de loi, c'est: Plusieurs fois, remettez sur le métier.

M. Ménard: O.K. Je vous remercie, ça confirme mon impression. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. le député de Laval-des-Rapides. M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Oui, brièvement, M. le Président. Alors, vous êtes en faveur de la modernisation de la loi, mais il y a juste une question que j'aurais. Vous avez mentionné qu'il y avait un rapport qui avait été produit en 1989 concernant les délais puis que vous n'avez pas eu copie de ce rapport-là.

M. Proulx (Gérard): Il ne l'avait pas ici. Il l'a eu mais il ne l'avait pas ici. On ne l'a pas apporté, mais on l'a eu.

M. Paré (Michel): L'ACQ ne l'a pas. On ne l'a pas.

M. St-Roch: Alors, ma question, M. le Président, bien brève, va s'adresser à M. le ministre. Dans l'intérêt des parlementaires ici et pour nous donner une vision globale de cette problématique-là, avant demain, il serait peut-être valable que les membres de la commission parlementaire aient copie de ces recommandations-là qui ont été faites en 1989. Ça nous permettrait peut-être de mieux apprécier les revendications de certains groupes puis...

Une voix: En 1991.

M. St-Roch: En 1991? Donc, d'apprécier certaines recommandations en vertu des recommandations.

Le Président (M. Joly): Moi, je ne peux pas garantir que nous aurons ça demain matin...

M. St-Roch: J'ai posé une question à M. le ministre.

Le Président (M. Joly): ...mais, M. le ministre...

M. St-Roch: Il peut nous répondre oui ou non.

M. Marcil: Pourquoi, là?

M. St-Roch: Est-ce qu'il serait possible que le ministère fasse parvenir avant demain, avant qu'on ne termine nos travaux, une copie de ce rapport-là qui avait été fait en 1991, sur les moyens à prendre pour...

M. Marcil: D'abord, je vais le trouver. Je vais vous dire si c'est encore d'actualité. S'il n'a pas été appliqué ou en partie appliqué, probablement que la raison était à cause de l'étude du rapport du Comité interministériel qui était en action, qui consultait les gens. C'est probablement à cause de ça. Je verrai si c'est possible.

Le Président (M. Joly): Si possible.

M. St-Roch: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Alors, j'apprécie beaucoup, M. le ministre. Avez-vous une note en conclusion, M. le ministre?

M. Marcil: Alors, moi, c'est pour vous remercier de vous être prêtés à cet exercice. C'est assez particulier, les recommandations qui sont là, mais on en prend note et on va en tenir compte lors de la rédaction du projet de loi.

Le Président (M. Joly): Merci. À mon tour de vous remercier. Alors, comme on est un petit peu serrés dans le temps, j'apprécierais si l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec inc. pouvait s'approcher s'il vous plaît.

(17 h 10)

Alors, la commission reprend ses travaux pour accueillir l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec qu'il me fait plaisir d'accueillir et de lui souhaiter la bienvenue. M. Rousseau, que nous avons souvent vu ici; alors, vous êtes chez vous. Encore une fois, je vois que vous vous sentez très à l'aise. Alors, j'apprécierais si vous pouviez nous introduire les deux personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.


Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec inc. (APCHQ)

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Oui. Alors, évidemment, à ma gauche, il s'agit de M. Serge Crochetière, qui est le conseiller juridique; à ma droite, M. Michel Lessard, qui est conseiller en relations de travail; et, à l'extrême droite, M. François Bernier, qui est directeur des services de recherche économique.

Le Président (M. Joly): Parfait. Alors, je vous rappelle brièvement que vous avez une vingtaine de minutes pour nous livrer le fruit de votre mémoire. Moi, j'avise tout le monde qu'à 18 heures précises je dois terminer ici parce que la salle est requise pour un caucus pour la formation ministérielle. Alors...

M. Rousseau (Omer Beaudoin): À 18 heures, nous allons avoir terminé, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Parfait.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Alors, M. le ministre et membres de cette commission, simplement, je pense qu'il serait superflu de faire quelques commentaires sur l'organisation que je représente ou que nous représentons, l'APCHQ, sauf vous dire que, depuis l'avènement du projet de loi 142, il y a quelque chose de nouveau, c'est que le gouvernement a reconnu, en vertu de la loi 142, que l'APCHQ soit partie contractante pour et exclusivement pour la convention collective du secteur de l'habitation de huit logements et plus.

Donc, notre intervention, aujourd'hui, va s'inscrire dans le prolongement de la loi 142, à savoir qu'il y a certains effets que nous avons connus dernièrement, suite justement au comité du verre plat qui a tenté d'envahir un peu le secteur de la construction des assujettis. Alors, c'est sur cette crainte, effectivement, que nous allons porter nos commentaires et, en même temps, vous laisser savoir qu'en faisant sauter le décret de la construction ce n'est le chaos social à nulle part. Alors, je laisserais Michel Lessard y aller de ses commentaires et, après ça, François.

M. Lessard (Michel): Je vais d'abord vous entretenir rapidement de la représentativité de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations en ce qui a trait au secteur manufacturier. D'une part, l'Association provinciale regroupe 10 000 entrepreneurs dans l'industrie de la construction, mais aussi plus de 500 membres manufacturiers. Ces deux groupes, entrepreneurs et manufacturiers, sont touchés à des degrés divers par le régime des décrets de convention collective, particulièrement au niveau de trois décrets: le décret du bois ouvré, le décret de la menuiserie métallique et le décret du verre plat.

Par exemple et à titre informatif, nous regroupons actuellement près de 25 % des vitreries et installateurs de produits verriers assujettis au décret du verre plat. Toujours à titre informatif, l'APCHQ n'est une partie contractante dans aucun des décrets existant sous le régime des décrets de convention collective. Nous sommes un groupe indirectement impliqué dans le régime. Les membres que nous représentons sont le plus souvent des tiers assujettis qui ne sont pas affiliés à des associations patronales impliquées directement et dont les entreprises sont de petite taille et, évidemment, la capacité de payer est moindre.

À titre informatif, les trois décrets qui nous touchent, bois ouvré, verre plat et menuiserie métallique, selon les données du ministère de l'Emploi, en 1993, par exemple au niveau du bois ouvré, on retrouve actuellement 7303 salariés et seulement 1367 employeurs ou artisans, ce qui donne une moyenne de 5,34 travailleurs par entreprise. Au niveau du verre plat, le même exercice nous dit qu'il y a 3,74 travailleurs par entreprise et, au niveau de la menuiserie métallique, 2,9 travailleurs par entreprise.

Le côté patronal, au niveau de la menuiserie métallique, est représenté par l'Association de la construction du Québec, nos amis qui étaient présents tout à l'heure. J'aimerais quand même souligner une chose qui est très, très importante au niveau de la démocratie patronale. C'est qu'on retrouve 185 employeurs et artisans, au niveau de la menuiserie métallique, mais seulement 28, selon les données recueillies à travers les rapports du ministère de l'Emploi, sont membres de cette association. Qu'on nous dise qu'il y a consultation, qu'il y a démocratie, ça, c'est une chose, mais la réalité est bien autre, puis c'est important que les tiers aient leur mot à dire dans toute cette histoire, puis l'APCHQ se considère comme étant le représentant de tiers qui sont assujettis sans être membres d'associations patronales.

Ce n'est pas notre intention d'analyser les recommandations du Comité interministériel telles quelles, mais plutôt de commenter la logique qui a conduit à la recommandation de ne pas abroger la loi. Pour l'APCHQ, il n'y a rien qui milite en faveur du maintien de la loi. Le Comité interministériel a évalué le régime des décrets à partir de divers critères: social, économique, politique, qu'on retrouve en page 43 du rapport du Comité. Les résultats, si je peux me permettre, rapidement, sont les suivants: au niveau économique, neuf points ont été analysés, et on retrouve clairement, en page 108 du rapport, que les considérations, au seul plan économique, mèneraient plutôt à l'abrogation de la loi. Le Comité venait ainsi confirmer ce qui avait été fait, ou la tendance ou la vision avec laquelle le rapport Scowen avait analysé la loi en 1986, une vision qui était économique, pour arriver aux mêmes conclusions, l'abrogation de la loi.

Au niveau du second aspect, au niveau politique, le questionnement du Comité a porté sur un aspect, qui est l'intervention de l'État dans la détermination des conditions de travail. Il n'y a aucune conclusion du Comité sur ce sujet qui nous conduise au besoin de conserver le régime. Au contraire, on y dit que l'abrogation s'inscrirait dans un courant occidental de déréglementation et de réduction du rôle de l'État. Nous devons donc conclure que les critères économiques et les critères politiques qui ont été analysés par le Comité ne militent aucunement pour le maintien de la loi.

Il reste l'aspect social. Le Comité a retenu trois critères, soit les conditions de travail, la paix industrielle et l'exercice du droit d'association. Au niveau de la paix industrielle, au dire du Comité lui-même, en page 46 du rapport, il ne prévoit pas d'impacts négatifs majeurs en ce qui a trait à la paix industrielle. Il reste deux critères: les conditions de travail et l'exercice du droit d'association, et c'est un peu là qu'est la pierre d'achoppement. Au niveau des conditions de travail, il est expliqué que la disparition des décrets entraînerait une évolution défavorable des conditions de travail. Le Comité explique que des entreprises auraient tendance à modifier à la baisse les conditions de travail, en prenant comme référence la loi sur les normes. Au niveau de l'exercice du droit d'association, on nous spécifie que le Comité évalue que les entreprises syndiquées devraient revoir à la baisse les conditions de travail pour demeurer en concurrence, qu'il pourrait y avoir ouverture des conventions collectives.

Ainsi, nous devons conclure que c'est pour des raisons d'ordre social, plus particulièrement par crainte au niveau des changements dans les conditions de travail, que le Comité ne recommande pas l'abrogation de la loi. En page 107, le Comité conclut que l'appréciation de ces critères d'ordre social milite davantage en faveur du maintien de la loi. Nous croyons que cette appréciation du Comité mérite d'être revue à la lumière de la loi 142. Comment réagit le marché du travail suite à l'abrogation d'un décret? Nous croyons que l'expérience que nous avons vécue dans l'industrie de la construction peut être indicative de notre futur possible s'il y a abrogation de la loi des décrets.

Il faut se rappeler que, de 1934 à 1968, l'industrie de la construction a été soumise au régime des décrets de convention collective. Tant le décret de la construction que ceux de la Loi sur les décrets de convention collective fixent la rémunération dans un secteur donné. Celui de la construction est cependant plus coûteux et rigide face à l'organisation du travail en ce qui a trait aux ratios, aux juridictions de métiers.

Nous aimerions vous présenter les résultats de deux enquêtes salariales récentes faisant suite à l'abrogation du décret de la construction. Et, sur ce, je vais laisser M. François Bernier, de la recherche économique, vous parler des données.

Le Président (M. Joly): M. Bernier, s'il vous plaît.

M. Bernier (François): J'ai distribué un document, une simple page, qui mérite beaucoup de commentaires. Le premier, c'est évidemment qu'il s'agit d'une enquête de nature, au fond, interne, une enquête maison, qui est l'outil qu'on s'est donné simplement pour se renseigner sur l'évolution des conditions de travail à ce moment-ci. Et, dans cette mesure-là, évidemment, puisque ça émane de chez nous, il n'y a que cet instrument-là, et je vous demande de considérer qu'il a été fait de manière quand même adéquate pour mesurer les conditions de travail dans le marché. Et, aussi longtemps qu'on n'aura pas, au fond, quelque chose qui émanera d'un organisme tout à fait indépendant, je crois que ce sont les seules données qui sont disponibles sur une base de sondage pour discuter.

Or, nous avons eu l'occasion de faire une première enquête, en mars. Il s'agissait de quelque chose de postal, où les gens étaient invités à répondre simplement aux questions, et vous voyez donc les résultats. À cette époque-là, donc, on a pu avoir des réponses de la part d'environ 360 entreprises au Québec.

(17 h 20)

Dans la deuxième enquête postale, qui date de tout récemment, en fait, qui est encore en cours, qui est encore sur le terrain, il y a environ 160 entreprises qui ont pu nous transmettre des résultats. Donc, c'est partiel, c'est maison, mais on commence quand même à voir une tendance, on commence à avoir quand même une image de ce qui est en train de se produire.

Donc, au niveau de la rémunération moyenne, il faut signaler que, encore sur nos chantiers, ce qu'on a appris dès la première enquête, et ce qui est encore bien présent aujourd'hui, c'est que, presque exclusivement, bien entendu, on travaille toujours avec les mêmes travailleurs qu'on avait avant la déréglementation, des travailleurs qui, ordinairement, avaient des cartes. Donc, ce sont ces travailleurs-là qui composent encore énormément les entreprises de construction, et c'est un constat de notre enquête. Quant aux données, vous les voyez. En termes de salaires, on s'aligne, pour un salarié de la construction qui est toujours celui qui était là avant puis celui qui est toujours là maintenant, autour de 18 $ à 19 $ selon la région au Québec. C'est encore la norme salariale qui est là.

Donc, sur la base de cette information-là, nous, on retire, en tout cas, qu'il y a transition harmonieuse, qu'il n'y a pas chaos qui s'installe, qu'il n'y a pas tendance, évidemment, au lendemain de l'abolition de conditions préétablies, à voir le marché s'aligner directement sur les normes minimales du travail. Au contraire, il y a plutôt, je pense, le respect de conditions de travail, en termes de taux horaire, en tout cas, qui semblent décentes. C'était notre attente, et ça semble se confirmer. On souhaitera qu'un organisme indépendant, finalement le ministère de l'Emploi, confirme ces choses-là par ses propres moyens, ses propres enquêtes.

Il y a une réalité, aussi, derrière ça. C'est que la présence d'une grande variance salariale, qui était exclue, qui était illégale avant, est maintenant présente dans la structure de rémunération. Donc, il y aura toujours des cas d'individus qui se trouvent, au fond, rémunérés à des salaires plus bas et d'autres rémunérés à des salaires plus hauts. Donc, la gamme complète est maintenant présente et la gamme est exploitée de plus en plus.

Ce portrait-là, il faut également préciser qu'il se dessine dans un contexte économique extrêmement difficile. Personne ne va dire que c'est le Bonanza dans le secteur de l'habitation à ce moment-ci. Les mises en chantier reprennent à peine une tendance à la hausse à ce moment-ci. Ce portrait-là nous arrive aussi, quand même... Il est comparable à d'autres réalités. Le salaire moyen, au Québec, la dernière fois qu'on a regardé, c'était encore 13 $, 14 $ l'heure. Donc, c'est nettement supérieur à la moyenne au Québec. Et, en règle générale, les emplois, dans le secteur de l'habitation, sont décernés à des individus dont on présume la compétence, et qui se méritent donc un salaire tout à fait décent. Ce sont donc nos observations, au lendemain, qui sont tout à fait pratico-pratiques sur le terrain.

Il y a peut-être une remarque – je préfère la faire tout de suite, m'avancer là-dessus – sur le prix des maisons. Les gens ont voulu beaucoup savoir qu'est-ce qui était pour arriver sur le prix des maisons. Les données là-dessus indiquent clairement que le prix des maisons est tout à fait stable par rapport à ce qu'il était l'année dernière au premier trimestre. Et ceux qui analysent ces données-là expliqueront à tous, simplement, qu'il y a eu un jeu à double effet. Alors que, dans l'ensemble, le coût de la main-d'oeuvre... Alors qu'on s'est débarrassés de certaines choses inutiles, il y a eu des économies possibles au niveau de la main-d'oeuvre qui commencent à se dessiner. Des économies modestes, mais qui sont là, qui se dessinent au niveau de la main-d'oeuvre. Ces économies-là sont tout simplement compensées par l'effet du prix du bois qui, comme matière première, évidemment, a augmenté de façon tout à fait équivalente pendant la période. Alors, c'est pour ça qu'on constate, sur le marché, des prix de maisons tout à fait semblables à ce qu'ils étaient l'année dernière. On pourra apporter des précisions si les gens veulent des commentaires additionnels. Alors, ce sont mes remarques.

Le Président (M. Joly): Vous aimeriez ajouter quelque chose, M. Lessard.

M. Lessard (Michel): Oui. Étant donné que le temps court, j'aimerais terminer avec une dernière remarque. C'est une remarque qui touche nos membres constructeurs au niveau des travaux d'installation, en chantier, de produits qui sont manufacturés sous décret tels que des portes, des portes patio, des fenêtres, des armoires de cuisines, des balcons, des boiseries, etc.

On sait que, en 1988 et en 1993, le gouvernement avait des objectifs avec les lois 35 et 142. Puis on trouve qu'il serait difficile d'admettre qu'on puisse les contourner par l'utilisation du régime des décrets de convention collective. Actuellement, nous craignons les agissements des comités paritaires dont les champs d'application sont contigus à celui de l'industrie de la construction. Déjà, le comité paritaire de l'industrie du verre plat a tenté d'assujettir, dès le début de l'année, dès l'entrée en vigueur de la loi 142, certains de nos membres qui n'étaient plus régis par la Commission de la construction du Québec. Et se substituait ainsi le décret du verre plat à celui de la construction et le rôle de chacun des comités paritaires. Nous croyons peut-être que, afin de s'assurer qu'aucun conflit ne survienne quant à l'assujettissement des travaux d'installation dans ce nouveau champ libre, aucune référence à l'installation d'un produit qui est manufacturé sous décret ne puisse se retrouver dans le champ d'application d'un décret afin de préserver vraiment l'esprit du législateur. Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): C'est le point le plus important, je pense, pour l'avenir, parce qu'on ne peut pas laisser à des comités paritaires de déterminer leur champ de juridiction. Ils vont tout prendre effectivement ce que vous avez désassujetti avec la loi 142.

Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Marcil: Donc, c'est l'élément majeur de votre présentation?

Une voix: Oui.

M. Marcil: C'est que, présentement, l'industrie du verre plat, le fabricant, comme tel, souvent l'installe aussi. Ce n'est pas donné nécessairement en sous-contrat. Je donne l'exemple d'Arcon Canada, qui fabrique et a ses propres installateurs. Donc, dans l'installation, ils sont déjà assujettis par le décret. Vous, ce que vous dites, c'est: Nous, les menuisiers et charpentiers ou les entrepreneurs en construction de maisons, souvent on bâtit la maison et on installe nous-mêmes les fenêtres et les portes patio. Donc, vous ne voulez pas que ce soit assujetti. Avez-vous des poursuites, présentement?

M. Lessard (Michel): Oui, nous avons eu des poursuites.

M. Marcil: Est-ce qu'elles sont réglées? Non?

M. Lessard (Michel): Apparemment, sous toutes réserves, aux dernières nouvelles, elles auraient été retirées. Et le comité paritaire s'engage à écrire aux gens et à l'ensemble des installateurs qui sont couverts par le régime pour leur dire que ce ne serait pas obligatoire, l'assujettissement.

M. Marcil: Les seules poursuites que vous avez eues, c'est du comité du verre plat?

M. Lessard (Michel): Le comité paritaire du verre plat.

M. Marcil: Vous n'en avez pas eu d'autres comités paritaires comme du bois ouvré ou des choses comme ça?

M. Lessard (Michel): Non. Dans le bois ouvré, on en a eu une, mais ça n'a aucun lien comme tel avec la loi 142 et la déréglementation. Parce que le champ d'application comme tel du verre plat, pour l'instant, est le seul qui fait référence à l'installation directement.

M. Marcil: Mais comment on peut faire la distinction, par exemple, dans l'aspect pratique des choses... J'essaie de comprendre. Souvent, lorsqu'on construit une maison, du moins dans le résidentiel comme tel – je ne parle pas dans les grands travaux, là, c'est bien différent – le développeur comme tel, là – exemple, Grilli – lorsqu'il décide d'acheter des terrains puis de vendre du terrain, souvent le constructeur de la maison, l'acheteur du terrain, c'est lui qui «deal» sa propre construction. Moi, je m'achète un terrain, je veux me construire une maison pour ma famille, je décide de faire appel à un entrepreneur, un constructeur de maisons. Mais, souvent, c'est moi qui vais... Parce que là, si je dis au gars: Tu me construis tel type de maison, il va aller au plus bas prix, souvent, lui, dans la qualité des matériaux. Souvent, l'acheteur de la maison ou le propriétaire va aller magasiner lui-même ses propres fenêtres parce qu'il va vouloir avoir une qualité de portes et fenêtres. Il va magasiner également ses armoires. Ça ne vient pas là dans... Donc, c'est souvent le propriétaire de la maison qui... Je ne parle pas du carré de maison, là. Il va bien déterminer qu'il veut avoir de la brique ou un recouvrement d'aluminium ou de vinyle, ça, je comprends ça, mais il va aussi déterminer quel genre de fenêtres il veut avoir. Est-ce que c'est des fenêtres en bois ou en aluminium ou les nouveaux matériaux de plastique...

M. Ménard: Le PVC.

M. Marcil: C'est ça, le PVC. Donc, si, moi, j'achète mes propres fenêtres chez Arcon Canada, à titre d'exemple, eux viennent les installer. Ils sont assujettis par un décret. Comment je peux, moi, en toute logique, faire que... Un installateur est assujetti par le décret du comité paritaire puis l'entrepreneur qui construit la maison, lui, qui aura à installer la fenêtre, lui, ne sera pas assujetti. Comment on peut faire la part des choses, là? Je veux dire, de quelle façon on pourrait le faire?

M. Lessard (Michel): Bien, moi, à mon sens, dans le huit-logements et moins en matière d'installation sur des chantiers, l'objectif était clair, c'était une déréglementation...

M. Marcil: Non. Là, ce que vous me demandez, là, c'est...

M. Lessard (Michel): Maintenant, à mon sens, ce serait au champ d'application du comité de s'adapter.

M. Marcil: O.K. Donc, ce que vous me demandez, dans le fond, c'est que les comités paritaires ne s'appliquent que pour le huit-logements, que l'installation de fenêtres...

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Ce n'est pas ça. On dit: Dans le huit-logements et moins, dès qu'un matériau sort de la manufacture, quand ça arrive sur le chantier, c'est les conditions qui prévalent sur le chantier. Compte tenu qu'il n'y a pas de décret, il n'y a pas de décret.

(17 h 30)

M. Marcil: Merci. Je comprends tout ça.

Le Président (M. Joly): M. Crochetière, vous vouliez rajouter quelque chose?

M. Crochetière (Serge): Non. C'était la même précision au niveau de l'installation en chantier.

Le Président (M. Joly): Bon, parfait, merci. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Ménard: Rapidement.

Le Président (M. Joly): Pour aller avec votre comté... Laval-des-Rapides! Vous dites «rapidement». Ha, ha, ha!

M. Ménard: C'est ça. C'est très rapide. Vous dites, à la page 6, complètement en bas de la page: «La formule des décrets encourage la présence de l'État et son interventionnisme.» J'aimerais que vous m'expliquiez ça, parce qu'on aurait plutôt pensé qu'en l'absence de décret la seule protection qui est accordée aux travailleurs, c'est la Loi sur les normes du travail. Il me semble que c'est là que ça devient le contrôle de l'État, tandis que les comités paritaires permettent, justement, à des comités qui sont issus du milieu même, donc qui ont une meilleure connaissance du milieu qu'ils réglementent, d'en arriver, sauf quelques exceptions notables, dont une dont vous souffrez beaucoup – on en reparlera – le verre plat, mais...

M. Lessard (Michel): C'est simplement que notre expérience à nous, en matière de paritarisme, fait en sorte que ces lieux-là, que certains prétendaient être des lieux de concertation, sont plutôt des lieux – en tout cas, le plus souvent – de confrontation. Il y a toujours des antagonismes et il y a toujours des positions qui sont opposées. Ce ne sont pas les endroits les plus prolifiques pour faire évoluer ou faire avancer une industrie. C'est dans ce sens-là. On a vécu l'expérience au sein du comité paritaire de l'industrie de la construction, la CCQ, où, finalement, c'est le gouvernement qui doit trancher parce que les parties ne s'entendent pas. Ça favorise l'intervention de l'État, et c'est un paritarisme qui, en soi, est stérile et coûteux. On pourrait, en tout cas...

M. Ménard: Vous voulez dire que, quand les parties ne s'entendent pas, ça favorise une intervention de l'État?

M. Lessard (Michel): Le comité paritaire, à la base, est là pour les relations de travail. C'est son essence même. Quand on essaie de lui donner d'autres mandats, on éprouve toujours des difficultés, en tout cas, à partir de l'expérience qu'on a pu vivre.

M. Ménard: Vous avez vécu votre expérience avec quel comité paritaire?

M. Lessard (Michel): Nous prenons, par exemple, le comité paritaire de l'industrie de la construction. C'est du paritarisme.

M. Ménard: Mais il n'y en a plus?

M. Lessard (Michel): Il y a encore un comité paritaire dans l'industrie de la construction.

M. Ménard: Oui, mais il n'est pas prévu par la Loi sur les décrets de convention collective.

M. Lessard (Michel): Le genre de débat stérile et coûteux qu'on peut, en tout cas, apercevoir dans ce genre de comité, par exemple, peut tourner autour de la formation où, effectivement, les parties sont là pour tenter de s'entendre, mais ne réussissent pas toujours, où on ne peut pas régler des problèmes comme les ratios, les juridictions de métiers, etc...

M. Ménard: Je vous comprends bien.

M. Lessard (Michel): ...où il y a des liens, directement, avec les relations de travail.

M. Ménard: Dans ces cas-là, vous préférez que l'État, d'autorité, réglemente?

M. Lessard (Michel): Absolument, et les parties peuvent être consultées quand même.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Si on va vers l'abolition d'un décret... Normalement, un décret, ça présuppose une convention collective. Là, évidemment, compte tenu que les parties sont assurées d'un décret... Enfin, vous voyez ce qu'on a vu dans l'industrie de la construction. Les parties s'assoient sur la convention collective, et elles attendent, évidemment, l'intervention du gouvernement. C'est facile pour elles. Si on abolit les décrets, on oblige, évidemment, la dynamique entre le monde patronal et le monde syndical pour arriver, dans le fond, à des conditions de travail. Mais, entre salariés et employeurs, et non pas dans le cadre d'une convention collective. C'est tout.

M. Ménard: Vous nous dites aussi que la moyenne des employés dans vos entreprises, c'est de cinq et quelque.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Oui. Donc, ce n'est pas un problème. Laisser effectivement...

M. Ménard: Vous pensez que c'est facilement syndicable, des entreprises de cinq...

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Non, on ne prétend pas ça, mais c'est syndicable. Sauf que, les relations, actuellement, dans l'industrie de la construction, au niveau de l'habitation, la partie qui n'est pas assujettie, l'employeur s'entend avec le salarié sans aucun problème. Ce n'est pas le chaos. D'ailleurs, les conditions de travail que l'on vous a données, ici, tout à l'heure, sont évidemment supérieures à ce qui se donne dans le décret du verre plat et d'autres décrets. Alors, je pense que, dans ce cadre-là, les conditions de travail sont valables.

M. Ménard: Là, on est parti d'un certain niveau et on commence à descendre la côte.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Ah bien, non!

M. Ménard: Mais, on descend.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Non, non. Il ne faut pas se leurrer, c'est à peu près, dans le fond...

M. Ménard: Non?

M. Crochetière (Serge): Ça correspond à ce qui se payait véritablement avant. C'est justement pour ça qu'on a été désassujettis, parce que c'était le chaos total. Il n'y a personne qui respectait le décret. On l'a toujours dit en commission parlementaire, mais personne ne voulait agir de façon à régulariser ce qui se faisait pour vrai sur les chantiers résidentiels.

M. Ménard: C'est ça.

M. Crochetière (Serge): Alors, ça correspond à ce qui se payait et à ce qui continue à se payer.

M. Ménard: Quand c'est imposé par l'État, c'est mauvais.

M. Crochetière (Serge): Pardon?

M. Ménard: Quand c'est imposé par l'État, c'est mauvais.

M. Crochetière (Serge): Si c'est uniquement l'État qui joue le rôle de l'arbitre et que les parties se fient sur l'intervention, oui, ça devient mauvais, parce que c'est fausser l'objectif même. C'est juste ça qu'on dit.

M. Lessard (Michel): Par rapport à l'aspect que vous soulevez sur la syndicalisation possible ou difficile de ces petites compagnies là, nous, on a toujours prétendu – par exemple, dans le cadre de la loi 142 – que la Loi sur les normes du travail et le Code du travail pouvaient devenir l'encadrement. À ce que je sache, à l'heure actuelle, il y a des accréditations qui ont été déposées, et les employeurs vont devoir vivre avec ça. Donc, le Code du travail peut s'appliquer.

M. Ménard: Oui, il va s'appliquer dans les entreprises qui vont avoir au moins 20 employés, puis encore...

Une voix: C'est ça.

M. Lessard (Michel): Je m'excuse. Il y a beaucoup de petites entreprises, à l'heure actuelle, qui sont touchées.

M. Ménard: Avec cinq personnes?

M. Lessard (Michel): Oui, oui.

M. Ménard: Il y a des syndicats de cinq personnes?

M. Lessard (Michel): Oui, oui.

M. Ménard: Président, vice-président, secrétaire?

M. Marcil: La question, dans le fond, M. le député de Laval-des-Rapides, qu'il faut se poser... Lorsqu'on repose toujours la question, en voulant dire que – puis, ça, ce n'est pas nécessairement une impression ou mon opinion personnelle – c'est comme s'il y avait une obligation de syndicalisation pour que les employés aient de bonnes conditions de travail. C'est un petit peu ça, le paradoxe, dans le sens que...

M. Ménard: Ou bien menacent de.

M. Marcil: Il faut que tout le monde soit syndiqué, parce que, sans ça, ils ne peuvent pas avoir de bonnes conditions de travail.

M. Ménard: Bien, c'est pas mal...

M. Marcil: Je ne dis pas que ce n'est pas une bonne chose d'être syndiqué, mais ce n'est pas nécessairement une obligation de l'être. Selon les informations que nous avons, il y a beaucoup d'entreprises qui n'ont pas de syndicat, et elles ont des conditions de travail supérieures aux entreprises syndiquées, avec convention collective.

M. Ménard: C'est le cas des bureaux d'avocat, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marcil: Je ne voulais pas le dire.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Je pense, quand même, que vous devez convenir que, dans l'industrie de l'habitation, les huit-logements et moins qui sont déjà désassujettis... À l'heure actuelle, le climat, il est très bon. Les employeurs s'entendent...

M. Ménard: Ha, ha, ha! Ce n'est pas les échos qu'on a!

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Non? Pardon?

M. Ménard: Ce n'est pas les échos qu'on a.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Bien, écoutez, est-ce que vous voyez quelque chose? Est-ce que vous lisez quelque chose? Est-ce que vous voyez quelque chose aux nouvelles qui va contre ce que je viens de vous dire? Vous pouvez...

M. Ménard: Certainement. Quand on est...

M. Rousseau (Omer Beaudoin): ...peut-être vous créer des histoires.

M. Ménard: ...dans notre comté, on se fait aborder régulièrement par des travailleurs de la construction, qui nous disent: Qu'est-ce que vous allez faire avec la loi 142?

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Ah, oui!

M. Ménard: Et ainsi de suite.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Ça, je suis d'accord avec vous, que le monde syndical...

M. Ménard: Alors...

M. Rousseau (Omer Beaudoin): ...veut bien...

M. Ménard: Dans le porte-à-porte aussi. Je veux dire, ce n'est pas...

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Je suis d'accord avec vous, dans le sens suivant, que le monde syndical veut bien... D'ailleurs, on a même des chefs syndicaux qui disent... On a même des lettres du Parti québécois, que, demain matin, on va virer la loi 142 à l'envers, le lendemain, lorsqu'on va être élu. Mais, si c'est ça qu'ils veulent, c'est vrai. Sauf que, sur les chantiers de construction... Je ne sais pas si vous y allez, sur les chantiers de construction. Est-ce que vous êtes allé sur les chantiers de construction pour savoir que, dans le fond, tout se passe dans l'ordre?

M. Ménard: Non, non. Je ne vais pas sur les chantiers de construction. On est assez occupé ici, puis...

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Bien, moi, je suis ici...

M. Ménard: ...dans notre comté.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): ...pour défendre une industrie. Je vous dis que, dans le fond, les qu'en-dira-t-on, en arrière, ce n'est pas bien dans l'industrie de la construction. C'est faux.

M. Ménard: Alors, ce que les gens nous disent, chez eux, ce n'est pas vrai. En tout cas...

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Bien, écoutez. C'est clair. Nous, on le saurait...

M. Ménard: Je le sais bien, qu'il faut...

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Comme entrepreneurs de la construction, on le saurait. Ce qui se passe sur les chantiers de construction, on le sait. Puis, effectivement, ça se passe bien.

M. Ménard: Je crois qu'il faut vous croire sur parole sur un certain nombre de choses. Je verrai ça tout à l'heure...

Je voudrais passer, maintenant, à la page 10. Vous parlez de l'abolition des trois décrets qui vous affectent le plus: la fenestration, les produits verriers, puis les... Dans ces industries-là, est-ce que vous avez des syndicats?

M. Lessard (Michel): Est-ce que nous avons des syndicats?

M. Ménard: Oui, est-ce que ces industries-là sont syndiquées?

M. Lessard (Michel): Oui, il y a des syndicats dans ces secteurs-là.

M. Ménard: Donc, c'est syndicable.

M. Lessard (Michel): Oui, c'est syndicable.

M. Ménard: Dans ces cas-là, ce n'est peut-être pas utile de continuer les décrets. Les décrets, il y en a déjà eu beaucoup plus qu'il n'y en a maintenant. La Loi sur les décrets de convention collective vient effectivement occuper un champ qui est inoccupable par le Code du travail, et qu'on voudrait voir détacher naturellement, avec l'accord des gens de l'industrie, de la Loi sur les normes du travail. Donc, ce qui vous fait le plus mal, puis je comprends... Remarquez que, d'après tous les échos qu'on a, vous n'avez pas frappé le meilleur avec celui du verre plat.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Au juste, qu'est-ce que vous voulez dire par là? On n'a pas...

M. Ménard: Vous souffrez probablement d'avoir à vos trousses le syndicat contre lequel on a le plus de plaintes. Ce n'est pas compliqué. Pas le syndicat, le comité paritaire contre lequel on a le plus de plaintes. C'est difficile de juger, de l'industrie, ces choses-là. C'est dommage que vous n'ayez pas à faire nettoyer, parce que, si vous aviez à faire nettoyer des édifices, vous verriez l'autre extrême. C'est-à-dire un qui fonctionne très bien et qui donne de meilleurs résultats que dans d'autres villes, au Canada, où ces décrets-là ne s'appliquent pas.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Ça, c'est l'autre partie, évidemment. On ne traite pas, nous autres, de la question du service.

M. Ménard: Alors, votre expérience, elle est faite avec le syndicat.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Bien, en fait, c'est avec eux autres...

M. Ménard: Ce comité paritaire.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): ...que l'on vit, et que l'on vit un peu des conflits de juridiction. On risque d'avoir des conflits, dans le temps, avec eux autres. Notre industrie est plus importante que celle des services.

M. Ménard: J'aime bien qu'on m'envoie des chiffres, mais j'aime bien connaître les sources et pouvoir vérifier. Il me semble que tout le monde le fait quand il donne des chiffres. Vous nous avez éclairés un petit peu en nous disant que c'était une enquête postale, que vous aviez reçu 360 réponses. J'aimerais savoir: sur combien d'envois?

(17 h 40)

M. Bernier (François): Évidemment, on essaie toujours de chercher le juste milieu entre la tonne de détails méthodologiques et la présentation brève des choses. Vous me pardonnerez d'avoir choisi, peut-être, quelque chose d'extrêmement simple. Ça me ferait bien plaisir d'ajouter un ensemble de réponses à votre première question: 2500 envois.

M. Ménard: Alors, vous avez un taux de réponse de 360 sur 2500.

M. Bernier (François): C'est un bon taux de réponse dans le domaine postal...

M. Ménard: O.K.

M. Bernier (François): ...si vous pouvez apprécier.

M. Ménard: Maintenant, pour me permettre de mieux apprécier l'enquête, est-ce qu'il serait possible que vous nous envoyiez une copie du questionnaire que vous avez envoyé?

M. Bernier (François): Oui, absolument.

M. Ménard: Ainsi que les résultats aux questions qui ont été posées?

M. Bernier (François): Oui.

M. Ménard: J'imagine que vous avez ça, compilé, facilement.

M. Bernier (François): Oui, oui.

M. Ménard: Que vous pouvez facilement nous faire parvenir ça.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): D'ailleurs, on vous l'a dit, que c'est une enquête maison qu'on a faite, qu'elle n'a pas les caractéristiques d'une enquête officielle faite par quelqu'un de l'extérieur ou une firme extérieure, mais que, si jamais l'exercice s'y prêtait, tant mieux.

M. Ménard: Bien, c'est ça. Vous nous dites: Il y a là quelque chose qui n'a peut-être pas la rigueur scientifique que l'on aimerait y mettre, mais, pour qu'on puisse apprécier la valeur des données qui sont recueillies, on aimerait pouvoir suivre la démarche que vous avez suivie.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Oui, oui.

M. Ménard: J'imagine que vous n'avez pas d'objection.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Absolument pas, je veux dire, on en convient.

Le Président (M. Joly): M. Rousseau, autant que M. Bernier, si vous avez des documents à faire parvenir, nous les faire parvenir via le secrétariat.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Oui, oui, demain matin.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, de façon qu'on puisse les...

Une voix: Demain matin.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Demain matin, à la première heure.

Le Président (M. Joly): ...distribuer aux parlementaires.

M. Bernier (François): Si vous me permettez de préciser tout de suite...

Le Président (M. Joly): Allez, M. Bernier, oui.

M. Bernier (François): Évidemment, l'aspect postal a l'avantage... En tout cas, notre présomption était que, pour ces exercices-là, il était préférable de faire une enquête postale, plutôt qu'une enquête téléphonique qui aurait peut-être été aussi possible. Mais, l'aspect confidentialité, on a essayé de le mettre en évidence au maximum dans ce questionnaire-là. Vous noterez, sans doute, la façon dont ça a été présenté. C'était le gros enjeu pour nous, l'aspect confidentialité, que les gens nous soumettent des réponses claires, en ayant confiance qu'on ne cherchait pas, au fond, à documenter leur cas individuel.

M. Ménard: Maintenant, vous nous donnez aussi des chiffres sur le coût des maisons, et vous nous dites que ça n'a pas augmenté. On reçoit ici votre Information construction , puis on note une augmentation de 3,7 %...

M. Bernier (François): Oui.

M. Ménard: ...que vous donnez. Alors, pouvez-vous concilier vos réponses?

M. Bernier (François): Il s'agit du prix moyen des maisons au Québec. Vous noterez, dans le paragraphe noirci un peu plus haut, qu'on a fait un exercice portant sur des maisons de dimensions semblables: la même Toyota Tercel, deux années de suite! Alors, elle se vend strictement le même prix. La maison type qu'on a essayé de cibler se vend strictement le même prix que l'année dernière.

M. Ménard: Mais, comment voulez-vous que... Je ne suis quand même pas pour juger l'ensemble de l'industrie automobile par la Toyota Tercel. Là, vous nous donnez...

M. Bernier (François): Non, mais c'est...

M. Ménard: C'est des prix moyens, superficie moyenne des maisons par région. D'abord, je présume que, si vous parlez de maisons, c'est en bas de huit logements?

M. Bernier (François): Il s'agit, bien entendu, d'un bungalow, de la maison de type bungalow. Mais, dans le tableau du bas – vous notez bien – il s'agit du prix moyen des maisons au Québec. Toutes sortes de maisons, toutes mélangées.

M. Ménard: C'est ça.

M. Bernier (François): L'année d'après, on ne produit pas nécessairement les mêmes modèles que l'année d'avant. Alors, il est toujours difficile de comparer des pommes avec des pommes. C'est pourquoi...

M. Ménard: Bien non. Moi, je ne pense pas.

M. Bernier (François): C'est pourquoi on produit l'indice bâtiprix, le petit encadré, un petit peu plus haut, qui tente, autant que possible, comme Statistique Canada essaie de le faire aussi, d'identifier des pommes avec des pommes, de mettre une maison standard en observation, dans le temps. Alors, cette maison standard qui fait partie de l'indice bâtiprix, vous notez, dans l'encadré noirci, que son prix n'a pas évolué, qu'il a même diminué de manière tout à fait légère – 0,3 % – dans le temps.

M. Ménard: Ça, c'est un type de maison.

M. Bernier (François): C'est un type de maison qu'on tente de cerner.

M. Ménard: Mais, sur l'ensemble des maisons construites...

M. Bernier (François): Sur l'ensemble des maisons construites...

M. Ménard: ...il y a une augmentation moyenne de 3,7 % à travers la province.

M. Bernier (François): Oui.

M. Ménard: Avec des écarts remarquables. Comme une augmentation de 23,3 % dans le Sud-Ouest, de 12,4 % à Québec. Est-ce que c'est parce que le prix du bois est plus élevé dans ce coin-là?

M. Bernier (François): Les données sont peut-être... Je vous recommanderais de moins porter attention aux données régionales, qui sont décevantes un peu...

M. Ménard: Alors, c'est pour ça que je prends un ensemble.

M. Bernier (François): ...qui sont décevantes. Prenez-le au niveau du Québec. Là, on a plus d'informations. Une source d'explication – peut-être que vous trouverez d'autres détails dans le texte aussi – c'est évidemment que la superficie moyenne des maisons, entre l'année dernière et cette année, a augmenté. Alors, si le prix augmente, mais que les maisons grandissent, il y a peut-être une relation tout à fait logique.

M. Crochetière (Serge): Ça implique tout simplement que les gens choisissent d'acheter des maisons qui sont plus chères, qui offrent plus de superficie ou plus de gadgets. Mais, pour la même maison, c'est le même prix.

M. Bernier (François): C'est pour ça mon exemple bébête de la Toyota Tercel.

M. Ménard: C'est-à-dire que, pour un type de maison, c'est la stabilité.

M. Crochetière (Serge): C'est-à-dire que les gens sont peut-être un peu plus riches, en moyenne. Ils ont choisi peut-être d'être plus confiants et d'acheter des maisons un peu plus chères. Mais, celui qui veut acheter la même maison, il ne la paie pas plus cher.

M. Bernier (François): Donc, comme je vous l'expliquais, pour un prix tout à fait stable dans le temps, on note qu'il y a deux composantes seulement qui ont bougé, à savoir: le prix de la main-d'oeuvre, légèrement vers le bas; le prix des matériaux, légèrement vers le haut. Ceci explique l'effet nul. C'est un petit peu tout ce qu'il y a à dire comme évolution des prix dans le domaine de l'habitation.

M. Ménard: Une autre chose qui m'intrigue. Vous nous avez parlé – je ne me souviens plus, je ne retrouve plus la référence – du plan de garantie des maisons neuves, que vous avez... Je ne sais pas ce que vous vouliez nous montrer par là, que...

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Ah! C'est dans la présentation de l'organisation, je crois. C'est là que vous avez pris cette note.

M. Ménard: Pourquoi on ne peut pas avoir les chiffres, à savoir combien vous avez reçu avec le plan de garantie des maisons neuves, et combien vous avez dépensé, combien vous avez donné aux...

M. Rousseau (Omer Beaudoin): M. Ménard...

M. Ménard: ...consommateurs, sur les plaintes qui ont été reprises?

M. Rousseau (Omer Beaudoin): M. Ménard, je vais vous répondre. J'ai dit à qui voulait l'entendre, même en commission parlementaire et même à des journalistes... Je les ai donnés, mes chiffres. N'importe quel temps, vous voulez voir nos chiffres, vous pouvez venir chez nous. On va vous les montrer, les chiffres. Même, je l'ai dit à M. Jean-Claude Riendeau, qui est le président de la Régie du bâtiment. M. Marcil était présent au conseil d'administration. Je leur ai dit: N'importe quel temps, vous voulez mettre des programmes de garantie en opération, vous voulez avoir de l'expérience, venez chez nous, on va tout vous montrer, de a jusqu'à z. On va le faire, d'autant plus qu'on l'a fait dans le passé, même avec le Parti québécois, dans le temps de M. Tardif, où il a rendu obligatoire le plan de garantie de l'APCHQ, en 1982, en vertu de Corvée-habitation. Il a fait faire une étude actuarielle à partir de notre programme de garantie. Évidemment, le gouvernement a le dépôt de l'étude actuarielle faite par le gouvernement. Alors, nos chiffres sont ouverts, on est comme un livre ouvert. Il n'y a pas de problème.

M. Ménard: Oui. Vous voulez me faire marcher beaucoup!

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Non, je ne vous fais pas marcher.

M. Ménard: Vous voulez que j'aille sur tous les chantiers de construction, aller questionner les ouvriers, plutôt que de faire ma job de député. Vous voulez que...

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Vous me posez une question, je vous réponds.

M. Ménard: Vous voulez que j'aille voir vos chiffres chez vous, mais pourquoi vous ne faites pas comme... Au fond, ce que vous avez instauré, c'est un système d'assurance, n'est-ce pas?

M. Crochetière (Serge): Non, c'est un cautionnement.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): En tout cas... Allons-y, on parle, mettons, peut-être le même langage, là-dessus.

M. Ménard: Oui. En tout cas, oui. Bien, ce n'est pas loin du commerce d'assurance, qui serait inimaginable sans que les données ne soient publiques et puissent être vérifiées par un surintendant.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Nos données sont vérifiées par un actuaire, annuellement. Le rapport...

M. Ménard: Oui, mais elles ne sont pas publiques.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Elles sont...

M. Ménard: Pourquoi elles ne sont pas publiques?

M. Rousseau (Omer Beaudoin): J'ai dit...

M. Ménard: Pourquoi elles ne sont pas publiées?

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Vous les avez. Le gouvernement, avec le Parti québécois, est venu chez nous. Ils ont eu nos données, et ils les ont soumises à un actuaire qui les a regardées. Ils ont fait un rapport au Conseil des ministres, là-dessus. C'est de même qu'ils ont dit: Très bien, le programme est solvable, on le rend obligatoire. On a dit à M. Riendeau: Venez chez nous, n'importe quel temps, pour voir nos données. D'ailleurs, on a entré, dernièrement, les cotations au niveau de la Régie du bâtiment. On est ouvert sur la question du programme de garantie. N'importe quel temps, vous pouvez... En fait, la Régie du bâtiment peut venir chez nous pour regarder nos données.

Les journalistes nous ont posé des questions, à savoir: Combien vous avez payé, l'année passée? 3 000 000 $ qu'on a payé, l'année passée. Combien vous avez en réserve? 16 000 000 $ en réserve.

M. Ménard: Alors, je comprends. Ça fait deux fois que je vous pose la question pourquoi vous ne publiez pas, puis vous dites: On est ouvert, puis venez chez nous.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Je n'ai pas à publier...

M. Ménard: C'est correct. Alors, ne pas...

M. Rousseau (Omer Beaudoin): ...comme ça, pour tout le beau monde.

M. Ménard: Merci. Ne pas répondre, c'est une réponse, n'est-ce pas?

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Je vous ai répondu, monsieur.

M. Ménard: Oui, oui.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Vous les avez, les données. Vous les avez eues, les données.

M. Ménard: Je ne les ai pas.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Les voulez-vous, les données?

M. Ménard: Oui.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): On va vous les envoyer. C'est bien plus simple, comme question.

Le Président (M. Joly): Alors...

M. Ménard: Merci. Alors, vous allez envoyer ça au secrétariat.

Le Président (M. Joly): Oui...

M. Ménard: Je vous remercie.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Je m'excuse. Vous m'avez dit que vous voulez avoir les données, je vais vous envoyer les données.

M. Ménard: Bien, c'est évident que je veux les avoir. C'est pour ça que je vous les demande.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Ce n'est pas au secrétariat que je vais envoyer ça, c'est à vous.

M. Ménard: Je vous demande pourquoi elles ne sont pas publiées. Ici, tout passe par le secrétariat.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Bien écoutez, je veux juste savoir pourquoi...

M. Ménard: Enfin... Dernière...

Le Président (M. Joly): Je vous demanderais...

M. Rousseau (Omer Beaudoin): ...les programmes de garantie ont trait à la question, puis sur la table.

M. Ménard: Dernière question.

Une voix: C'est juste.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Non, non, mais... répondez-moi.

M. Ménard: Pardon?

M. Rousseau (Omer): Pourquoi, dans le fond, la question des programmes de garantie a trait...

Le Président (M. Joly): M. le député...

M. Rousseau (Omer): ...à la question des décrets?

M. Ménard: Parce que vous l'avez soulevée, vous-même!

Le Président (M. Joly): Le temps est déjà écoulé. Compte tenu que j'ai l'engagement...

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Aïe! Aïe!

Le Président (M. Joly): ...qu'on nous fera parvenir les documents, que nous distribuerons, je vais reconnaître M. le député de Drummond. Très brièvement, M. le député.

M. St-Roch: Oui, merci, M. le Président. Je dois admettre que...

Le Président (M. Joly): Vous avez un sourire inquiétant, M. le député de Drummond!

(17 h 50)

M. St-Roch: Je dois admettre que, si l'APCHQ était arrivée avec une position contraire à celle qu'elle exprime, j'aurais exigé une heure de questionnement personnel pour essayer de comprendre le revirement, parce qu'elle s'en va dans la foulée de la loi 142. Je ne les blâme pas, c'est leur position. Ils ont à défendre leurs gens.

J'aurai très peu de commentaires, strictement au niveau de la publication de ce cycle d'enquêtes maison. Ma première réaction, c'est à peu près la même chose que si on envoyait une enquête à tous les conjoints d'une maison, et qu'on demandait: Est-ce que vous avez déjà trompé votre épouse? Je peux vous assurer que les réponses arriveraient par la malle, et 95 % diraient: Non, je n'ai jamais osé faire ça.

Vous avez 10 000 entreprises et vous en avez envoyé à 2500. Les premières statistiques, dans la région de Montréal et dans la région de Québec, 360 répondants sur 1000. Alors, c'est à peu près le tiers. Lorsque je regarde celles du mois de mai, vous combinez ensemble les «figures». À un moment donné, elles laissent supposer... Si elles avaient été sur Montréal et par région, est-ce qu'elles auraient été différentes? Il y a 160 entreprises seulement sur 1000. Alors, c'est 16 %.

Là, je vais vous rejoindre, parce que j'ai toujours dit, moi, qu'au niveau du législateur on devrait s'assurer qu'on a une continuité dans les législations qu'on fait. J'admets que ce n'est peut-être pas l'APCHQ qui est le meilleur intervenant pour faire l'analyse des évolutions. J'espère, moi, M. le Président, que, dans la foulée de cette commission parlementaire... Parce que ça s'en va, aussi, dans la foulée, je pense, d'une nouvelle vision de la législation, que les législateurs soient capables d'avoir les résultats de leurs actes et les résultats de leurs décisions.

J'espère, moi, qu'à brève échéance le ministère de l'Emploi, maintenant, pourra, à partir d'une enquête faite sur le terrain, s'adresser aux travailleurs et dire: Montre-moi ton chèque de paie. Une enquête bien faite, scientifique. On sera capable de voir s'il y a eu une évolution ou non. Je dois admettre, moi – je le répète, puis je vais me fermer là-dessus, M. le Président – que si on demande à tous les mâles s'ils ont trompé leur épouse, par la malle, la réponse va être non. Pourtant, les statistiques faites individuellement, si on en croit certains experts – je ne suis pas un expert d'enquêtes dans ce domaine privilégié; je ne fais que répéter ce que je lis – bien, on arriverait avec un taux qui serait probablement plus bas. Alors, je le prends avec des grains de sel.

Le dernier commentaire. Dans la foulée de l'échange avec mon collègue de Laval-des-Rapides, concernant les statistiques que vous avez données sur le coût des maisons, si ma mémoire est fidèle, à la commission parlementaire qui a étudié la loi 142, l'APCHQ, sur une maison moyenne, prévoyait une baisse du prix des maisons de près de 3000 $.

M. Bernier (François): Vous voyez, on est... Bien oui. Des pommes avec des pommes, c'est dur à dire et redire...

M. St-Roch: La même maison... La Toyota Tercel aurait dû baisser de 3000 $.

M. Bernier (François): La même maison... Si le prix des pneus n'augmente pas, on n'a pas de problème. Mais, là, le prix des pneus vient d'augmenter, ce n'est pas de ma faute.

M. St-Roch: Je suis prêt à m'asseoir avec vous. On fera ça ensemble – parce que je suis capable de faire ça aussi – on regardera le prix du bois qui entre dans une maison, et on comparera ça avec la baisse de 3000 $ qu'on était censé avoir.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Je pense que ce serait un très bon exercice, et on pourrait le faire n'importe quel temps. Mais je reviens à votre remarque. Nous avons pris soin, tout à l'heure, en faisant une présentation sur les données compilées, de dire que c'était effectivement «fait maison». On aimerait, on aurait préféré être capable de déposer un document émanant du ministère de l'Emploi ou d'un autre organisme extérieur. Écoutez, on vous a donné ce qu'on avait.

Le Président (M. Joly): Alors, M. le député, en conclusion, s'il vous plaît.

M. St-Roch: M. Rousseau, pour une fois, on est d'accord tous les deux!

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Great!

Le Président (M. Joly): Merci. Alors, rien de mieux que l'harmonie. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Marcil: Alors, moi, je voudrais vous remercier de votre présentation. Nous allons prendre note de vos recommandations. On verra dans le cheminement de nos réflexions comment le projet de loi va se développer.

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Ce qu'il ne faut surtout pas, c'est de laisser les parties en présence – au niveau du décret du verre plat – définir leurs champs de juridiction.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Donc, au nom des membres de la commission et en mon nom personnel, il me fait plaisir de vous remercier. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures, dans ce même salon. Merci et bon appétit!

(Suspension de la séance à 17 h 54)

(Reprise à 20 h 23)

Le Président (M. Joly): Bonsoir. Il me fait plaisir de vous accueillir à cette commission. Je déclare la séance ouverte. Les premiers à comparaître sont les gens qui représentent le Comité paritaire de l'industrie du verre plat, que j'inviterais à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Alors, on constate tous avec les mêmes yeux que ces gens ne se sont point présentés. On a ouï dire qu'il y avait un empêchement qui les forçait à ne pas être présents ce soir. Je vois que M. le député de Duplessis demande la parole. M. le député.

M. Perron: Oui, M. le Président, ça fait maintenant plus de 17 ans et demi que je suis à l'Assemblée nationale, et à toutes les commissions parlementaires où j'ai eu l'honneur de participer – je ne parle pas des autres commissions où je n'étais pas là – c'est la première fois que je vois un organisme qui dit qu'il va être présent puis qui n'est pas là, qui a présenté un mémoire avec un résumé, puis, toujours, les membres de cet organisme ne sont pas là. Et je ne me cache pas de vous dire que, pour moi, ça représente du jamais vu. Je n'accepte pas ça, et je crois que les membres du Comité qui étaient supposés d'être ici sont des gens extrêmement arrogants. Ils se foutent éperdument des membres de la commission, d'un côté comme de l'autre de la Chambre.

M. le Président, je sais que ces membres-là ont demandé le report de leur présence en commission à demain, et ce fut négatif à cause que, justement, nous devons coordonner nos travaux au sein de la commission. Il est clair qu'on a du travail à faire, puis que ce travail-là doit être cédulé et qu'on ne doit pas, non plus, bafouer les autres organismes, les autres personnes qui sont membres d'organismes qui ont aussi été cédulés devant cette commission.

Comme on veut la transparence, je ne crois pas que ces gens-là se sont montrés vraiment transparents face aux membres de la commission. Parce qu'on aurait eu beaucoup de questions à leur poser en rapport avec leur mémoire. Il est clair dans mon esprit, et je le répète puis encore plus, que ces gens-là ne respectent pas les membres de la commission, ne respectent pas les membres d'un Parlement, et, pour moi, c'est de la pure indécence qui ne démontre aucune transparence de la part de ces gens-là. Et c'est inacceptable. M. le Président, on commence à réaliser, ce soir, à qui nous allons maintenant avoir affaire.

J'aurais une question à vous poser, M. le Président. Compte tenu que ces gens-là ne sont pas ici, est-ce que, à l'intérieur de notre règlement ou de notre loi de l'Assemblée nationale qui gère nos commissions, nous avons des moyens appropriés pour que toutes ces personnes qui sont sur la liste et que nous devions entendre à 20 heures ce soir, est-ce qu'il y a des moyens, des avenues pour les amener devant la commission parlementaire?

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député de Duplessis. Au départ, je tiens à vous souligner que c'est un mandat de l'Assemblée nationale que nous avons reçu, qui était celui de recevoir des mémoires, et les organismes étaient libres de les soumettre ou pas. Dans le cas du Comité paritaire de l'industrie du verre plat, ils se sont prévalus de notre offre et ont présenté un mémoire. Ils étaient aussi libres d'accepter l'invitation, laquelle invitation avait été acceptée, qui, normalement, est respectée.

Dans le cas actuel, votre question est: Est-ce qu'on a un moyen, ici, à l'Assemblée nationale, de forcer ces gens-là à comparaître? Nécessairement, dans la loi de l'Assemblée, si on réfère à l'article 51, on nous dit: «L'Assemblée ou une commission peut assigner et contraindre toute personne à comparaître devant elle, soit pour répondre aux questions qui lui seront posées, soit pour y produire toute pièce qu'elle juge nécessaire à ses actes, enquêtes ou délibérations.»

Effectivement, au niveau de la loi, nous avons ici un article qui le fait, mais, de mémoire, je n'ai rien vu, moi, à date, qui nous ait amenés à contraindre un organisme, dans le cadre d'un mandat de l'Assemblée nationale, à venir d'une façon forcée répondre à des questions comme tel. Alors, j'imagine que M. le ministre aura sûrement un échange d'écriture, pour ne pas dire de correspondance, avec les gens du verre plat, ou même de correspondance téléphonique, qui amènera ces gens-là à réaliser l'impair que ça a créé.

Mais, à leur crédit, je dois aussi dire qu'ils ont effectivement demandé à être déplacés à demain, ce qui ne nous accommodait pas, d'aucune façon. La réponse était non, à la différence qu'on n'a jamais pu leur communiquer le non, on n'a jamais pu leur dire qu'on ne pouvait pas les recevoir demain, mais que l'offre de les recevoir et de les entendre était toujours maintenue pour 18 heures, parce que, à aller jusqu'à 17 heures, on a essayé de les rejoindre au numéro qui était enregistré et on n'a jamais pu leur dire qu'on ne pouvait pas déplacer... Même après 17 heures, on a essayé; le secrétariat me fait mention qu'on a essayé à moult reprises de communiquer avec eux.

Donc, vous pouvez vous référer, toujours, vous-même, M. le député, à l'article 51, et, à ce moment-là, si vous pensez que, pour les besoins futurs, on puisse avoir un peu plus de poigne quant aux garanties qu'on aura, disons, d'écouter ou d'entendre les gens, ce sera libre à vous de faire un pas de plus dans ce sens-là.


Demande de directive quant à l'application de l'article 51 de la Loi sur l'Assemblée nationale

M. Perron: Alors, M. le Président, est-ce que vous pourriez nous dire quelles sont les orientations qu'un membre de la commission peut prendre en vue d'appliquer l'article 51, que vous venez de mentionner?

Le Président (M. Joly): Moi, je ne suis pas familier, dû au fait que je n'ai pas de jurisprudence devant moi, ici, mais je pourrai toujours prendre en délibéré votre question et je pourrai toujours vous revenir. Comme demain est encore journée où nous entendrons des organismes, il me fera plaisir de vous communiquer...

M. Marcil: M. le Président...

Le Président (M. Joly): ...une orientation appropriée.

M. Marcil: M. le Président...

Le Président (M. Joly): M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Marcil: Disons qu'il ne faut pas faire, non plus, un drame avec ça, là. Il y a un organisme, la semaine dernière, qui s'est désisté, également, qui s'était prévalu du droit de participer à la commission, et l'organisme s'est désisté. Donc, moi, je pense qu'il faudrait être positif, prendre les gens qui sont déjà prêts à se faire entendre, donc les inviter immédiatement et procéder.

Le Président (M. Joly): Oui. Alors, je pense... Ça conclut, M. le député de Duplessis? Ça donne...

M. Perron: Juste une question par rapport à ce que vient de dire le ministre du Travail. L'organisme, la semaine dernière, qui s'est désisté – je n'étais pas présent à la commission – est-ce que cet organisme-là a informé les membres de la commission ou la présidence à l'effet qu'il se désistait?

M. Marcil: Je pense que oui, là. Sous toutes réserves, je pense que, la semaine dernière, l'organisme nous a informés qu'il ne serait pas présent. Donc, on a procédé à un autre groupe.

M. Perron: Au moins, les représentants...

M. Marcil: Oui, oui, d'accord.

M. Perron: ...ou représentantes d'organismes ont été polis, à ce moment-là.

M. Marcil: Oui, oui. Ça, disons que, sur cette procédure-là, vous avez entièrement raison...

M. Perron: O.K.

M. Marcil: ...sauf que, moi, je ne voudrais pas qu'on en fasse un drame, là.

M. Perron: Non, non, d'accord, on peut procéder à l'autre mémoire.

M. Marcil: Qu'on procède tout de suite. Il y a un groupe de prêt, on pourrait tout de suite les inviter.

Le Président (M. Joly): Avec la permission des membres de cette commission, nous allons inverser l'horaire pour demander aux gens qui représentent le Comité national des jeunes du Parti québécois de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(20 h 30)

Alors, il me fait plaisir de vous accueillir à cette commission. Je demanderais à M. Éric Bédard, qui est le président du Comité, de bien vouloir s'identifier et, aussi, nous introduire les gens qui l'accompagnent.


Comité national des jeunes du Parti québécois

M. Bédard (Éric): Bon. Alors, voilà, mon nom est Éric Bédard, président du Comité national des jeunes du Parti québécois. À ma gauche, j'ai Hugo Saint-Pierre, qui est notre conseiller, on peut dire, au Comité national des jeunes, en matière de relations de travail, et, à ma droite, j'ai Sylvain Gaudreault, qui est vice-président aux affaires politiques, au contenu, au Comité national des jeunes.

Moi, dans un premier temps, je vais expliquer...

Le Président (M. Joly): Je m'excuse.

M. Bédard (Éric): Oui.

Le Président (M. Joly): Je vous explique brièvement la procédure.

M. Bédard (Éric): Excusez-moi.

Le Président (M. Joly): Vous avez 10 minutes pour nous faire un très bref résumé de votre mémoire, et, par après, les parlementaires échangeront avec vous pour 10 minutes, formation ministérielle, et 10 minutes, côté de l'Opposition.

M. Bédard (Éric): Aucun problème.

Le Président (M. Joly): C'est correct?

M. Bédard (Éric): Alors, dans un premier temps, je vais expliquer très brièvement pourquoi on est ici, parce que je pense qu'il faudrait le dire, pourquoi le Comité des jeunes s'intéresse à cette question-là. Dans un deuxième temps, Sylvain va expliquer en gros, là, le sens du mémoire qu'on a présenté à la commission.

D'abord, le Comité national des jeunes s'intéresse beaucoup à toute la question de l'organisation du travail et les relations de travail, une question qui évidemment touche beaucoup les jeunes, parce qu'on juge que le marché a énormément évolué. L'évolution du marché a beaucoup changé. Les jeunes, on le constate, occupent de plus en plus des emplois précaires. Des statistiques intéressantes, là, c'est qu'on s'aperçoit que, de 1983 à 1987, 34 % des emplois créés sont des emplois à statut précaire. De 1975 à 1988, la proportion d'emplois à temps partiel est passée de 7 % à 14 %. Donc, on constate que cette évolution-là, vers le temps partiel, semble assez forte. Et on sait tous que ce sont les jeunes qui, dans la plupart, la grande majorité des cas, ont les emplois à statut précaire, à temps partiel. Donc, ça, c'est une première préoccupation pour nous qu'on ressent.

Deuxième élément, c'est qu'on constate aussi que les lois qui concernent tout le domaine du travail, les lois actuelles, bien, elles ne répondent plus vraiment aux réalités actuelles des jeunes travailleurs. Les lois, à l'heure actuelle, ne tiennent pas vraiment compte de tout ce qui concerne l'augmentation du travail à temps partiel, justement. Je pense que là il y aurait lieu de réviser toutes les lois, toutes les normes du travail dans ce domaine-là, tout ce qui est contrat à durée déterminée. Pour ce qui est du travail à temps partiel, on s'aperçoit que dans bien des cas – et d'ailleurs on a envoyé un communiqué là-dessus lorsqu'on a vu la modification au Code du travail de la Saskatchewan – au Québec, par exemple, les gens qui travaillent à temps partiel n'ont pas les mêmes bénéfices, ne jouissent pas des mêmes bénéfices que comme c'est le cas maintenant en Saskatchewan. Ils ont révisé leurs lois dans ce domaine-là. Donc, il y a des problèmes à cet égard-là.

Donc, les jeunes travailleurs, en quelque sorte, n'ont pas vraiment... Tenant compte de ces prémisses-là, statut précaire, précarité, des jeunes qui n'ont pas vraiment de prise sur le monde du travail, on juge qu'il n'y a pas beaucoup de forums où les jeunes travailleurs peuvent avoir leur place. Et le Comité national des jeunes, on veut, nous, s'intéresser à cette question-là, parce qu'on constate aussi que, dans bien des cas, les syndicats négligent ou, enfin, ne tiennent pas vraiment compte de cette réalité des jeunes travailleurs. Les syndicats, de plus en plus, ont une espèce de connivence un peu alarmante dans mon esprit, une connivence avec plusieurs employeurs qui provoque les conventions collectives à deux vitesses, les clauses orphelin et, donc, les clauses qu'on appelle les clauses à double... toutes les clauses salariales à double échelle, la double échelle salariale plutôt, dans les conventions collectives. Donc, on constate que, peut-être, à ce moment-là, les syndicats ne sont plus de bons porte-parole pour les jeunes travailleurs. C'est dans cet esprit-là qu'on juge que, s'il faut réformer la loi sur les décrets, s'il faut faire quelque chose dans ce domaine-là, ce n'est pas reculer, ce n'est pas abroger, ce n'est pas déréglementer, mais, au contraire, c'est être encore plus présent, réviser l'ensemble de la loi, l'ensemble des lois concernant les relations de travail pour s'assurer qu'il y ait une plus grande équité.

Cet après-midi, avant l'ajournement, j'écoutais une association qui expliquait les trois volets qui avaient intéressé le Comité interministériel: volets politique, économique et social. Évidemment, nous, on n'est pas ici pour parler des deux premiers volets, mais d'abord du volet social, le volet social, évidemment, avec l'angle des jeunes. Parce que, s'il y a une façon de repenser toutes les lois dans le domaine des relations du travail, c'est bien sûr dans un renforcement pour protéger ces gens-là qui ont une précarité, ces gens-là qui n'ont pas vraiment de défense, la plupart du temps.

Je vais laisser, maintenant, la parole à Sylvain. Donc, ça explique, en gros, pourquoi on est ici, pourquoi la question nous intéresse, et Sylvain va expliquer notre position un peu plus en détail.

M. Gaudreault (Sylvain): Oui, merci beaucoup. Comme vient de le dire mon ami Éric, la grave situation du chômage chez les jeunes nous force, au Comité national des jeunes, à ne pas rester silencieux face à cette situation-là. Donc, on s'est senti forcés, obligés de se prononcer sur la question des décrets de convention collective.

En ce sens, M. le Président, nous avons constaté, tout d'abord, que, malheureusement, à l'heure actuelle, il faut faire le constat que l'État refuse catégoriquement de se pencher sérieusement sur la triste situation des jeunes travailleurs. En ce sens, on a décidé qu'il fallait sérieusement, comme société, qu'on commence à réfléchir à une meilleure répartition de la richesse. Et dans cet objectif global là, qui est une meilleure répartition de la richesse, nous croyons que la Loi sur les décrets de convention collective est un outil intéressant. Puisque c'est un outil intéressant, eh bien, nous croyons qu'il ne faut pas l'abolir, ça serait une grave erreur. On ne peut pas non plus la maintenir dans la situation actuelle parce que, évidemment, comme Éric vient de bien l'illustrer, on considère qu'elle est mésadaptée à la situation actuelle, donc le maintien serait inacceptable.

Ce qu'on propose, c'est de la bonifier, de l'améliorer, en tenant compte de toute la situation. Parce que, pour nous, bonifier ou améliorer ou adapter la Loi sur les décrets de convention collective, ce n'est pas le faire avec des oeillères, ce n'est pas le faire dans une vision obtuse, il faut le considérer dans son ensemble, avec toutes les législations en matière de droit du travail, c'est-à-dire en considérant aussi tout ce qui concerne le Code du travail, les lois sur les normes, etc. Donc, il ne faut pas considérer uniquement la Loi sur les décrets de convention collective comme un seul petit élément, il faut voir l'ensemble.

Dans ce sens-là, M. le Président, ce que l'on souhaite – on pourra détailler plus à la période de questions – c'est que la bonification de la Loi sur les décrets de convention collective, ou plutôt son adaptation, soit faite dans le sens d'adoucir les effets qu'on considère négatifs de la mondialisation des marchés, entre autres, sur la situation des jeunes travailleurs parce que ça crée pour eux des emplois de plus en plus précaires.

Donc, pour conclure, nous constatons qu'on a fait des acquis importants au niveau de nombreuses législations sociales dans l'histoire du Québec, dont la Loi sur les décrets de convention collective est une part importante. Et en considérant ces acquis-là, qui sont importants, le Comité national des jeunes souhaite que l'État puisse réorienter ses politiques en matière de droit du travail en faveur, notamment, des jeunes travailleurs dont la situation est de plus en plus précaire, compte tenu de toute la mondialisation, de toutes les nouvelles situations du travail. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Gaudreault et M. Bédard. Alors, M. le ministre...

M. Marcil: Oui, peut-être, d'entrée de jeu...

Le Président (M. Joly): ...je vous cède la parole.

M. Marcil: ...d'abord, vous remercier de vous être présentés à cette commission parlementaire. Nous savons tous, justement, qu'un des problèmes majeurs sur le marché du travail, c'est la place des jeunes sur le marché du travail. Ce que je trouve un petit peu... Dans votre mémoire, dans le fond, ce que vous dites, c'est qu'il ne faut pas abroger la loi, il faut la modifier, il faut l'améliorer, la bonifier, mais j'aurais aimé, par exemple, que vous nous suggéreriez des choses, dans quel sens.

On dit souvent que réglementer, c'est souvent discriminer une classe de gens. Ça peut être les femmes, ça peut être les plus jeunes, ça peut être les hommes. Au moment où on réglemente le secteur du travail, s'il y a des ententes entre des syndicats et des employeurs, lorsqu'il y a des conventions collectives, en principe, dans les faits, on retrouve toujours la clause d'ancienneté, ce qui fait que c'est toujours les personnes qui ont le plus d'expérience, plus d'années d'ancienneté sur le marché du travail qui sont protégées.

(20 h 40)

Je vais vous donner un exemple. Les cartes de compétence au niveau de la construction, vous avez vécu ça, comme jeunes. C'était assez difficile pour un jeune de pouvoir accéder au marché de la construction, même pendant la période de l'été, où il y a le plus de travaux, le plus d'activité économique au niveau de la construction, parce qu'on exigeait d'avoir un carnet d'apprenti, on exigeait d'avoir une carte de journalier, une carte de compagnon, ainsi de suite. La déréglementation dans les huit-logements et moins permet, sauf pour les électriciens ou les maîtres plombiers, à toutes les personnes, qu'elles soient jeunes ou moins jeunes, femmes ou hommes, d'accéder au marché de la construction. Il s'agit de vous trouver un employeur qui va vous engager. Ça, vous n'êtes pas réglementé dans le sens qu'on ne vous oblige pas d'avoir accumulé 150 heures ou, pour la première carte, d'avoir accumulé 1500 heures et, ensuite, d'avoir un carnet d'apprenti, vous trouver une job, et ainsi de suite, et payer un montant d'argent pour avoir votre carte.

Vous, vous dites: Il ne faut pas abroger la loi sur les décrets; par contre, il faudrait la bonifier. Je comprends, dans le sens que vous amenez votre argumentation, que c'est la bonifier pour permettre, également, que les jeunes aient des places, aussi, sur le marché du travail. C'est dans ce sens-là que vous allez.

J'aimerais que vous nous suggériez un peu quel genre de modification on pourrait y apporter pour permettre, sans que ce soit inscrit dans une loi, qu'il y ait peut-être un pourcentage des postes qui doit être réservé, admettons, pour une classe de travailleurs de 18 à 25 ans et un autre pourcentage pour une autre classe de gens. Il ne faut pas être discriminatoire, non plus. Moi, j'aimerais que vous nous suggériez des choses. La première chose qu'on devrait faire, d'après vous, au niveau de l'amendement à apporter à cette loi-là, ce serait quoi?

Le Président (M. Joly): M. Gaudreault? M. Saint-Pierre?

M. Saint-Pierre (Hugo): Oui.

Le Président (M. Joly): M. Saint-Pierre, s'il vous plaît.

M. Saint-Pierre (Hugo): La Loi sur les décrets de convention collective, c'est une loi qui n'est pas jeune, mais nous croyons que c'est une loi qui a son importance. La forme des relations de travail, sous la loi des décrets, permet à des poches d'emplois ou des secteurs d'emplois d'être mieux représentés, sauf que la loi, actuellement, j'ai des exemples où les gens sont très fortement représentés, où les conditions de travail des jeunes sont vraiment... les jeunes vivent une précarité très grande. Je parle, ici, d'un secteur d'emploi où ils sont exclus de la Loi sur les normes du travail, c'est les camps de vacances.

J'ai, à l'occasion, rencontré des personnes qui travaillaient dans ce type de milieu là, et les conditions de travail offertes dans les camps de vacances – ils ne sont pas régis par la loi des normes – ne rencontrent pas ce qu'on pourrait appeler la décence. Ils travaillent habituellement plus que 40 heures. Souvent, ils sont obligés de contribuer, travailler, des fois, la fin de semaine. Les conditions hygiéniques des camps de vacances sont souvent à déplorer. Donc, les camps de vacances, ça serait, selon moi, un secteur où le gouvernement devrait réglementer. Si on regarde bien la loi, c'est presque impossible, parce que le milieu n'est probablement pas favorable à ce type de réglementation, sauf qu'il faudrait une volonté politique, une volonté ferme pour, justement, réglementer ce secteur.

Donc, comme modification à la loi, ce serait probablement de permettre aux autorités compétentes de réglementer un secteur de leur propre chef et, ensuite, les acteurs suivraient les règles. C'est peut-être révolutionnaire, mais je crois que c'est important pour les jeunes qui travaillent parfois 50, 60, 70 heures, et ils sont à peine payés 200 $, 250 $ par semaine. C'est loin en bas du salaire minimum.

M. Marcil: Merci.

Le Président (M. Joly): Merci. M. le député de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

M. Marcil: Je vais permettre à mon collègue de faire ses commentaires, et je reviendrai à la fin.

Le Président (M. Joly): M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Ménard: Je vous remercie d'être venus. Vous savez que vous êtes le seul groupe de jeunes que nous ayons entendu ici. Votre seule présence, je veux dire, nous rappelle un élément de la force du travail que nous oublions trop souvent et qui est celui aux dépens duquel, finalement, à cause de la peine, au fond, que nous font les mesures difficiles qu'on est obligés de prendre dans le domaine de la récession à l'égard des gens qui ont déjà des droits acquis et qui, dans notre esprit, supportent des familles... C'est toujours par l'attrition, c'est toujours en préservant les privilèges acquis, et c'est toujours mon impression que, quand nous le faisons, nous le faisons aux dépens des plus jeunes qui entrent sur le marché du travail et qui ne sont jamais présents et, deuxièmement, qui ne peuvent pas connaître – c'est l'essence même – aussi bien le fonctionnement des institutions, des lois existantes qui pourraient les protéger ou dont ils pourraient tirer avantage.

Donc, je suis heureux que vous soyez venus pour nous exprimer au moins les problèmes. On va essayer de trouver... Je pense que c'est notre responsabilité d'essayer de trouver les solutions aux problèmes que vous nous présentez.

Je voudrais, par contre, vous poser certaines questions précises. D'abord, une très précise. Les clauses orphelin, c'est peut-être la première fois que j'entends cette expression, mais je comprends que c'est le synonyme des clauses dont j'ai toujours entendu parler, les clauses cendrillon. Vous parliez aussi de la double échelle, c'est-à-dire ces clauses dans les conventions collectives où, pour les nouveaux employés, on prévoit un régime moins avantageux que ce dont bénéficient les employés qui restent dans l'entreprise. C'est ce dont vous parlez...

M. Bédard (Éric): Exactement.

M. Ménard: ...quand vous parlez des clauses orphelin?

M. Bédard (Éric): Exactement.

M. Ménard: La seule dont j'ai eu connaissance, c'est dans St-Hubert B.B.Q., qui avait une pareille clause. Est-ce que vous en connaissez d'autres? Est-ce que ça existe encore? Je sais que vos collègues de l'autre parti, les jeunes du Parti libéral, l'avaient soulevé, ça aussi, il y a quelques années. Donc, c'est vraiment un sujet qui est propre à tous les jeunes. Est-ce que vous en connaissez d'autres? Est-ce que vous pourriez nous en nommer plusieurs? Je ne veux faire pointer personne du doigt, mais est-ce que c'est vraiment un problème qui existe encore?

M. Saint-Pierre (Hugo): Les clauses à double échelle salariale ou à double palier... Premièrement, avant tout, il existe plusieurs formes de clauses, je dirais, à multiples paliers ou à double palier. Il y a des clauses à double échelle permanentes et des clauses à double échelle non permanentes ou temporaires. Certaines conventions collectives, pour sauver certains montants en coûts de masse salariale pour les nouveaux travailleurs qui entrent dans l'unité d'accréditation, parce que c'est bien des travailleurs dans un milieu syndiqué, en ayant les clauses dites temporaires, le temps ou la période pour atteindre la normalité ou le taux de salaire du poste peut varier de trois à cinq ans. La première année, exemple, il y a moins 15 %; la deuxième, 10 %; la troisième, 5 %; et, à la quatrième année, il parvient au taux de salaire normal. Mais il existe, dans une proportion assez importante, des clauses à double échelle dites permanentes.

J'ai ici un document, c'est la revue Le Marché du travail , qui a publié, en novembre 1992, une étude assez intéressante sur le sujet. Ils ont fait un genre de sondage sur la question. La proportion, selon eux, sur environ 400 conventions collectives, ils ont vu une moyenne de 7 % à 10 % de présence de clauses à double palier. Ce n'est peut-être pas beaucoup, mais, pour les jeunes, c'est très frustrant de rentrer dans une entreprise et de se faire dire: Tu as moins que moi, mais tu fais la même chose. J'ai vu certains cas... C'est très frustrant, et, question de ressources humaines, ce n'est pas très... J'étudie en ressources humaines et on sait très bien que de dévaloriser quelqu'un par rapport à un autre, ce n'est pas très motivant pour le travailleur en question parce qu'il se sent discriminé, il se sent exclu.

M. Ménard: O.K. J'ai l'impression, par les exemples que vous nous donnez et aussi par la qualité de l'expression que vous avez, que vous êtes probablement des étudiants et que vous travaillez l'été. Mais il y a quand même des gens de votre âge qui cherchent, qui occupent les emplois les moins rémunérés.

Je ne suis pas sûr que vous ayez une notion très juste de ce qu'est la Loi sur les décrets de convention collective. La Loi sur les décrets de convention collective permet d'étendre une convention collective déjà signée dans un domaine de l'industrie. Dans les colonies de vacances, je n'en connais pas, de convention collective qui ait été signée.

M. Saint-Pierre (Hugo): Je comprends le problème. Je comprends le problème parce que ce n'est pas un secteur dit syndicable. Parce que, probablement, le Code du travail...

(20 h 50)

M. Ménard: Donc, vous seriez mieux protégés par la Loi sur les normes du travail?

M. Saint-Pierre (Hugo): La Loi sur les normes du travail, je ne me rappelle plus quel article exactement exclut... Certaines parties de la loi excluent, je crois, le taux du salaire minimum et la durée, je crois. Elles excluent les travailleurs de camps de vacances. Je veux dire, le salaire minimum actuellement est à 5,85 $, et, pour un jeune qui étudie, il se fait imposer une hausse des cotisations, des frais d'université, il se fait imposer des hausses pour le transport en commun. C'était le cas il y a deux ou trois ans. Les frais de scolarité ont augmenté d'au-dessus de 100 %; l'autobus sur la rive sud, je pense que c'est une affaire de 40 %. Pour nous, les jeunes, c'est difficile à avaler. Je comprends que ça crée des problèmes, mais je crois que, avec une certaine volonté, il y aurait lieu de trouver une formule pour les jeunes de camps de vacances.

M. Ménard: Ça va. Vous êtes aussi probablement victimes du fait qu'on pense que, dans les camps de vacances, au fond, vous êtes en vacances, vous aussi, et que votre activité se partage entre le loisir et le travail, puis vous bénéficiez probablement de la meilleure installation sur le camp de vacances lui-même par rapport aux campeurs.

M. Saint-Pierre (Hugo): Aucun des trois membres, ici, ne travaille dans des camps de vacances.

M. Ménard: Il y a quand même un sujet plus grave sur lequel je voudrais vous rejoindre, c'est les jeunes qui n'ont pas votre éducation et qui occupent certains secteurs. Ce que je comprends... Par exemple, dans la restauration, que ce soient les chaînes, les grandes chaînes, l'hôtellerie, ce sont des domaines dans lesquels il n'y a pas de décrets de convention collective. Est-ce que vous croyez que c'est un... Parce que c'est ça... L'originalité des décrets de convention collective, c'est de pouvoir l'appliquer lorsqu'on en a besoin, l'abandonner lorsqu'on n'en a plus besoin, parce que, là, les forces sont égales entre le travail et le capital et c'est le Code du travail qui s'applique. C'est un peu comme ça que ça a été conçu en 1934, pour amener la syndicalisation, la favoriser, puis ensuite la laisser voler de ses propres ailes. Puis ensuite, plus tard, on a créé la Loi sur les normes du travail pour protéger le secteur qui ne sera jamais syndicable.

Mais, là, on a un secteur entre les deux, là, qui permet de décoller de la Loi sur les normes du travail jusqu'à temps qu'il soit prêt à voler de ses propres ailes. Le secteur de la restauration m'apparaît être de ce domaine-là. Est-ce que, effectivement, vous avez, dans votre milieu, des plaintes, ou est-ce que ça pourrait servir à des gens de votre âge que vous connaissez, dont vous entendez les revendications? Effectivement, justement, St-Hubert, il y a eu une convention, donc on aurait pu l'étendre, celle-là, par décret.

M. Bédard (Éric): Oui, moi, je pense que ça serait tout à fait pertinent. Dans le domaine de la restauration, en effet, les gens souvent ont des statuts, on parle de statuts précaires, mais des salaires minimums, en plus. Le salaire minimum de la restauration, c'est un salaire très bas, mais je pense qu'il y aurait moyen aussi d'étendre ce genre de convention là à d'autres... Je trouve que, oui, ce serait tout à fait pertinent, mais je vais laisser compléter...

Le Président (M. Joly): Très brièvement, s'il vous plaît, parce que vous êtes sur le temps de cette formation-là. Il reste quatre minutes ici, puis j'ai M. le député de Drummond, aussi, qui souhaite intervenir. Alors, s'il vous plaît, très brièvement donner...

M. Saint-Pierre (Hugo): Brièvement, la formule que je verrais la mieux adaptée pour certaines classes d'emplois – ça fait peur à certains, je vous avertis – c'est l'accréditation multipatronale. C'est revendiqué par beaucoup de groupes populaires qui travaillent avec des gens touchés par le problème. L'accréditation multipatronale permettrait justement à certaines classes d'emplois de se syndiquer en vertu d'un nouveau Code du travail amélioré. Selon moi, c'est la formule idéale, mais il y a beaucoup de personnes qui n'aiment pas cette formule-là. Mais je crois que ça serait la réponse.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Saint-Pierre. M. le député de Robert-Baldwin, s'il vous plaît.

M. Elkas: J'étais intéressé à savoir que vous étiez un étudiant en ressources humaines. Vous avez étudié les ressources...

M. Saint-Pierre (Hugo): J'étudie encore.

M. Elkas: Good for you. Je suis intéressé à savoir, au niveau de la mobilité des employés, des nouveaux arrivés, que ce soit des nouveaux ou des anciens, ce qu'on peut faire, dans votre esprit, pour essayer de motiver les gens à se transférer d'un centre à l'autre. On peut se souvenir, dans les années cinquante, qu'il y a des échelles salariales qui différaient d'un centre à l'autre, c'est-à-dire Sherbrooke, Trois-Rivières... Elles étaient différentes à Montréal et elles étaient différentes à Québec. Là, aujourd'hui, on a de sérieux problèmes. J'aimerais avoir votre opinion ou votre suggestion sur comment on pourrait corriger le problème.

À Sherbrooke, comme exemple, c'est tellement un beau coin où vivre que les gens ont quasiment 18 ans de service – je parle de la fonction publique. Personne ne veut se déplacer de ces endroits-là, et, lorsqu'on leur donne un poste similaire à Montréal, ils disent: Pourquoi? Pourquoi je vais aller à Montréal? Je suis payé le même salaire, je vais me rendre à Montréal, ça va me coûter deux fois plus cher, la maison est plus chère, le transport est plus cher, le coût de vie est plus élevé. Comment je fais pour détruire ce qu'on a monté et la protection qu'on a donnée à ces employés, soit au secteur privé ou au public?

Le Président (M. Joly): M. Saint-Pierre? M. Gaudreault?

M. Saint-Pierre (Hugo): Bien, moi, personnellement, la réponse à ça, c'est d'une entreprise, parce que... Exemple, dans une grande entreprise qui a plusieurs succursales, c'est de favoriser, donner une aide, un soutien à la mobilité. Je sais qu'au gouvernement fédéral, lorsqu'un travailleur ou un employé d'un service quitte sa région pour aller travailler ailleurs, il est compensé pour le déménagement et pour plusieurs dépenses, les coûts occasionnés par la mobilité. C'est probablement la solution. Ça coûte un certain montant, mais pour favoriser...

M. Elkas: Oui, mais les frais de déplacement, ça ne donne pas grand-chose à l'individu. Si on veut, en effet, développer l'individu, dire: Bon, O.K., pour le bien de l'individu, pour le bien de la compagnie qui l'emploie, ce serait bien de le développer, de l'envoyer dans d'autres secteurs pour qu'il apprenne au moins quelque chose... C'est ça qui est l'importance de la mobilité. Puis je me demandais, dans votre cas, quand vous prenez position, si vous seriez prêts à recommander qu'il y ait des différences de salaire entre le même emploi, différences de salaire entre une région comme Sherbrooke, Trois-Rivières – bon, Sherbrooke, Trois-Rivières étant les mêmes – mais mettons qu'on met Trois-Rivières, Sherbrooke...

Mme Bleau: Sam.

M. Elkas: Excuse.

Le Président (M. Joly): Conclusion, s'il vous plaît, M. le député.

M. Elkas: Et Montréal et Toronto pourraient être dans une autre, la plus élevée.

M. Saint-Pierre (Hugo): Mais, je crois, dans le contexte syndiqué, dans la fonction publique, c'est quelque chose assez complexe à instituer, parce que la mécanique dit que tel travailleur effectue un emploi et un autre effectue la même chose ailleurs, ils font le même travail, effectuent la même quantité d'ouvrage, et, dans le fond, ils devraient avoir, selon la mécanique ou la logique, le même salaire.

M. Jolivet: On le fait pour les médecins, sauf que les médecins aiment mieux rester à Montréal, même s'il y a une différence de salaire.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M. le député.

M. Jolivet: Non, mais c'est juste pour répondre, je pense que c'est important. Je m'excuse.

Le Président (M. Joly): J'apprécierais que vous vous adressiez ici, à la présidence, et je pourrai, à ce moment-là, permettre des interventions. Alors, merci beaucoup, M. le député de Robert-Baldwin. M. le député de Drummond, s'il vous plaît.

M. St-Roch: Oui, merci, M. le Président, en vous remerciant de votre intervention, ce soir, pour revenir retaper sur le clou de la problématique de la jeunesse. Mais j'aimerais rappeler, M. le Président, qu'on récolte dans la vie ce que l'on sème. On a laissé abandonnés au Québec des secteurs – puis, ça, c'est les 25 dernières années – on a laissé abandonnés des secteurs dits traditionnels et mous, qui étaient le textile, le vêtement, la chaussure et le meuble. On a laissé dévaloriser ça – c'était source d'emplois – puis on a eu le culot de combiner ça avec une dévalorisation de l'enseignement du secteur professionnel, faisant croire à nos jeunes que, si on n'allait pas à l'université, on était pratiquement un paria de la société québécoise.

Alors, aujourd'hui, on se ramasse avec une personne sur quatre qui n'est plus capable de consommer et, dans bien des cas, ce sont des jeunes qui sont là, puis on a oublié que l'économie nord-américaine, ce qui a fait le monde libre, était basée sur une société de consommation. Puis il n'y a aucune société qui sera jamais assez riche pour être capable de prendre sous son aile, sous son égide, une personne sur quatre.

(21 heures)

Le Président (M. Joly): Question, s'il vous plaît.

M. St-Roch: Alors, moi, je vous remercie de votre mémoire, et je pense, moi, qu'on est à l'orée de reprendre, avec ce qu'on entend ici, à partir des décrets, mais surtout avec une politique qui va faire de la création d'emplois dans ces secteurs mous, là, on sera capable, à chaque fois qu'on crée 10 emplois de production et un poste d'encadrement, qui sont des jeunes qui sont allés un peu plus haut... C'est dans cette avenue, je pense, qu'il va falloir se diriger.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député de Drummond. Merci beaucoup. M. le ministre, en conclusion.

M. Marcil: En conclusion, je voudrais d'abord vous remercier de votre présence à cette commission parlementaire, et vous dire également que vous avez une position similaire, sinon identique, aux jeunes libéraux. Donc, c'est un problème de jeunes. On le ressent, on le voit, il apparaît. Je sais qu'il y a des recommandations qui ont été faites au Conseil général, c'est-à-dire au dernier congrès également. Je sais aussi que le ministre Cherry avait fait une demande au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre sur les fameuses clauses orphelin qui touchaient davantage les jeunes. Vous savez que ce Conseil regroupe autant la FTQ, la CSN que la partie patronale, le CPQ. Donc, c'était particulier aux jeunes. Il y a eu une étude du centre, justement, qui a été faite, et les résultats, les conclusions sont à l'effet que ce phénomène est en régression, pas rapide, mais en régression. Les parties, au CCTM, se sont engagées, dans les nouvelles conventions, dans les nouvelles négociations collectives, à faire disparaître ces clauses orphelin. Le travail que vous faites, les tribunes que vous choisissez pour intervenir continuellement commencent à porter fruit, et c'est tout en votre honneur. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, au nom des membres de cette commission, c'est à mon tour de vous remercier et de vous souhaiter bon retour. Je demanderais maintenant aux gens qui représentent l'Association des industries de portes et fenêtres du Québec de bien vouloir s'avancer.


Décision du président sur la demande de directive

Entre-temps, M. le député de Duplessis, concernant la question que vous m'avez posée tantôt, je tiens à vous souligner qu'il n'y a pas de jurisprudence, et que c'est toujours à caractère volontaire que les gens soumettent des mémoires et se présentent ici en commission.

Alors, si vous exprimez un voeu un peu plus forcé, à savoir que vous aimeriez en faire une obligation, il faudrait vous attarder à changer les règlements et... je vous souhaite bonne chance!

M. Perron: Donc, j'ai compris qu'il fallait changer les règlements si on voulait les obliger à venir en commission, parce que c'étaient...

Le Président (M. Joly): Ce n'est pas une commission d'enquête.

M. Perron: ...des voeux exprimés.

Le Président (M. Joly): Ce n'est pas une commission d'enquête, c'est vraiment à caractère volontaire.

Alors, j'apprécie la coopération des gens qui représentent l'Association des industries de portes et fenêtres du Québec, qui ont déjà pris place. Je demanderais aux gens qui sont déjà en place de bien vouloir se présenter, s'il vous plaît, en commençant par le porte-parole de l'organisation. S'il vous plaît!


Association des industries de portes et fenêtres du Québec (AIPFQ)

M. Bonneville (Jean-Louis): Mon nom est Jean-Louis Bonneville, président de Bonneville portes et fenêtres, division du Groupe Bocenor. Je représente un groupe de 625 employés, et je trafique avec un volume de ventes de 45 000 000 $, vendu environ à 50 % au Québec, 30 % en Ontario et 20 % dans les Maritimes. À ma gauche, M. Normand Faffard.

M. Faffard (Normand): Je suis président d'Arcon Canada inc. Nous sommes manufacturiers de portes et fenêtres en aluminium. Nous avons environ 425 employés à cette période-ci de l'année, avec une moyenne annuelle de 350. Nous avons un chiffre d'affaires de 35 000 000 $, dont 90 % au Québec, 5 % à l'extérieur, dans les autres provinces canadiennes, puis 5 % à l'extérieur du Canada.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Faffard.

M. Bonneville (Jean-Louis): À mon extrême droite, M. Gilles Morissette.

M. Morissette (Gilles): Bonsoir. Je suis Gilles Morissette, de la compagnie Robert & Robert ltée. On a de l'industrie dans la région de Sherbrooke, puis une à Drummondville. On a actuellement 200 employés. On a un volume d'affaires d'à peu près 13 000 000 $, dont 50 % en dehors de la province de Québec.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.

M. Bonneville (Jean-Louis): Suivant, Pierre Beauchesne.

M. Beauchesne (Pierre): Pierre Beauchesne, président de Fénergic et président aussi de Supervision. On a trois usines au Québec: une dans la région de Saint-Hyacinthe; les deux autres, dans la région des Bois-Francs. On emploie à peu près 350 employés. Un chiffre d'affaires entre 30 000 000 $ et 35 000 000 $. On exporte à l'extérieur du Québec 40 % de nos produits, dont 10 % aux États-Unis.

Le Président (M. Joly): Merci. Alors, s'il vous plaît, qui prend la parole pour...

M. Bonneville (Jean-Louis): À ma droite immédiate, M. Tremblay.

Le Président (M. Joly): Ah bon, excusez.

M. Tremblay (Jean): Alors, je suis un permanent de l'Association des industries de portes et fenêtres du Québec. Je présume, M. le Président et les membres, Mme et MM. les députés, qu'après plusieurs jours de consultation vous êtes maintenant familiers avec les décrets. Dans l'industrie, chez nous, il y en a officiellement deux. Il y a le décret du verre plat... J'ouvre une parenthèse: On en a entendu beaucoup parler aujourd'hui. Mettons que je ne suis qu'administrateur, et que je suis le seul du groupe qui est administrateur au...

Le Président (M. Joly): Je m'excuse. Je me devrai de vous expliquer les règles.

M. Tremblay (Jean): Oui.

Le Président (M. Joly): Vous avez 20 minutes pour...

M. Tremblay (Jean): Oui.

Le Président (M. Joly): ...nous livrer votre mémoire. Par après, tous les autres commentaires devraient peut-être s'imbriquer dans le mémoire comme tel. Si vous prenez quatre, cinq minutes, moi, après ça, ça débalance un peu ma cédule de temps. Alors...

M. Tremblay (Jean): Je suis dans mon 20 minutes, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Ah! Si vous êtes dans votre 20 minutes, je vous reconnais. Vous pouvez dire à peu près n'importe quoi!

M. Tremblay (Jean): Je vais essayer de dire rien que des choses correctes.

Le Président (M. Joly): Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Jean): Alors, on fabrique, nous, des portes et des fenêtres. L'exemple le plus facile, c'est celui des fenêtres, où le décret du verre plat régit la fabrication du vitrage des fenêtres d'aluminium et possiblement, dans certains cas, des fenêtres de PVC. Il régit également les moustiquaires de fenêtres. Curieusement, il n'y a que deux entreprises, au Québec, qui fabriquent des moustiquaires. Les moustiquaires sont en aluminium. Donc, elles sont régies par le verre plat. Les moustiquaires sont vendues aux fabricants de fenêtres de bois, parce que des moustiquaires en bois, vous n'en achetez pas. On n'en fabrique pas parce qu'on n'en vendrait pas. Ces gens-là sont régis par le verre plat et vendent leurs moustiquaires à des gens qui sont régis par le décret du bois ouvré. Donc, il y a un écart entre les deux décrets. Le décret du bois ouvré, c'est évidemment les fenêtres et les portes de bois et de PVC. Ça inclut aussi l'ébénisterie, la menuiserie architecturale et ainsi de suite.

Je vous ai écoutés et j'ai attentivement lu le rapport de M. Henry – plusieurs fois, d'ailleurs. Je voudrais vous dire qu'en ce qui nous concerne – on ne veut pas plaider pour l'automobile, ni les Canadian Tire, ni personne – d'avoir un décret, c'est un désavantage. La loi, jusqu'à maintenant... J'espère que, si vous ne l'abolissez pas, vous allez la modifier pour que ceux qui en veulent en aient une qui permette au comité paritaire d'avoir un rôle qui ne soit pas que négatif, ce qui est le cas, ce qui nous apparaît le cas, aujourd'hui. C'est d'exercer dans les entreprises de la surveillance inutile. C'est absolument improductif, en quoi que ce soit. C'est injuste pour les travailleurs et les patrons. Si on avait pu avoir une table de 40 sièges, on aurait pu vous donner des exemples de chacun de ces cas-là.

Mais, à travers les questions que vous poserez tantôt, vous pourrez réaliser qu'il y a des ententes patronales-syndicales qui se sont faites, et que les décrets ne peuvent reconnaître. Donc, ces ententes tombent mortes. C'est des emplois perdus et ainsi de suite. Ça soustrait au partenariat qui est nécessaire aujourd'hui, en 1994, dans chaque entreprise. Le plan d'affaires d'une entreprise n'est pas celui d'un secteur industriel et n'est pas celui d'un décret. Il n'y a personne de vous qui achetez des habits par la poste, des «one size fits all»! Des choses comme ça, ça ne marche pour personne. Surtout, vous, comme ministre de l'Emploi, M. le ministre, les décrets sont un empêchement à la création de nouvelles entreprises. Pour ceux qui sont dans des comtés ailleurs que dans les centres-villes, et même dans les centres-villes, il se crée très peu d'entreprises, parce que les taux sont inabordables pour des petites entreprises qui voudraient débuter. On n'a pas le droit de commencer. Il faut s'attaquer immédiatement aux majeurs de l'industrie, qui ont des capacités de payer et des masses qui ne sont pas celles des petites entreprises. On est pris avec un problème depuis 1986, et on négocie avec des fournisseurs, avec des compétiteurs, avec des partenaires, avec des gens qu'on aime et des gens qu'on n'aime pas... et des fonctionnaires, des plus hauts et des plus bas.

(21 h 10)

J'entendais cette semaine l'Association des comités paritaires du Québec. Aïe, il faut le faire! Si je me souviens bien, cette association de comités, qu'on juge non productifs, a, à un palier supérieur, réfléchi pour vous demander de former un comité aviseur sur les recommandations qui, après des années et des années, après 60 ans de régime qu'on évalue mauvais... Là, je ne critique pas l'histoire. Si ça a été bon en 1934, tant mieux. Moi, je n'y étais pas, en 1944, mais, en 1954, j'arrivais. Puis, en 1994, pour nous, ce n'est plus bon. On a négocié en 1986. On a négocié en 1987, en 1989, en 1990, en 1991, en 1992 – il ne manque pas beaucoup d'années – en 1993, puis on est encore, en 1994, à vous présenter des documents. J'imagine qu'on n'a pas été suffisamment convaincants. J'imagine qu'on n'a pas subi suffisamment de poursuites des comités paritaires. J'imagine que les patrons n'ont pas payé assez d'amendes, et que les employés n'ont pas subi suffisamment de contraintes malgré les ententes qu'ils avaient réalisées.

On se retrouve donc, aujourd'hui encore, avec une situation qu'on déplore. Je vous disais tout à l'heure qu'un décret, ça nous apparaît complètement inutile au sens de la production. Vous me permettrez d'ouvrir une parenthèse. Le directeur général du comité paritaire du bois ouvré, il est ici. Si on a lu des reproches, ça ne s'adresse sûrement pas à tous les autres comités paritaires. Au bois ouvré où je siège, où M. Bonneville siège, ça ne s'adresse surtout pas à ce comité-là, qui est géré de façon très honnête par du bien bon monde, bien travaillant, mais ça ne donne rien à l'industrie. Le pire, c'est quand on a des problèmes d'exclusivité de champ d'application. On se ramasse là avec des problèmes invivables. Quand M. Henry et les auteurs du rapport disent que c'est là un prix à payer ou que ce n'est pas grave... Vous disiez, M. Ménard, cette semaine, que c'est le choix de l'entreprise. Je regrette. Non seulement ce n'est pas le choix de l'entreprise... Ne pensez pas que c'est plus vivable pour les employés que ça ne l'est pour l'entreprise. Probablement que c'est encore pire pour l'entreprise. On y reviendra.

Les décrets empêchent l'intégration verticale et l'intégration horizontale de la production. Qu'on se comprenne bien. Connaissez-vous des gens qui ont des boutiques de vêtements pour hommes, de laine seulement? Moi, je n'en connais pas. Le gars qui vend des habits ou la boutique qui vend des habits... L'hiver, c'est des habits de laine; l'été, c'est des habits de coton, des T-shirts, puis des ci puis des ça. Pourquoi? Parce qu'on a un client. Ce qui est la raison d'être des entreprises, c'est d'avoir des clients. Quand les clients veulent des fenêtres de bois, on fait des fenêtres de bois. Quand le même client, pour un autre contrat, veut des fenêtres d'aluminium, il faudrait pouvoir lui livrer des fenêtres d'aluminium. De temps en temps, il les veut soit en PVC, soit en bois recouvert d'aluminium. Des fois, en bois recouvert de PVC. Tout ça pour vous dire que ce qui était la réalité dans les années soixante n'est absolument plus pertinent aujourd'hui, en 1994. Alors qu'on a pris des années pour négocier la juridiction du PVC, demain, ce seront des portes en fibre de verre, des parties de fenêtres en Kevlar, ou je ne sais pas quoi... On devra se rasseoir pour encore étudier des juridictions, encore négocier. Peut-être que ce ne sera plus avec le verre plat, à ce moment-là. Peut-être que ce sera avec la serrurerie métallique. Je ne sais pas avec qui, mais on va encore s'asseoir. On va encore faire des demandes au lieu de faire des fenêtres.

Nous autres, ce n'est pas des études qu'on fait, c'est des fenêtres qu'on fabrique, pour les vendre. Je vous disais que ça empêche l'intégration verticale, c'est-à-dire qu'une usine de fenêtres ne peut pas fabriquer ses unités de vitrage scellées au même prix que ce que les travailleurs gagnent quand ils font des fenêtres de bois... que s'ils faisaient des unités scellées. Ça prend cinq personnes qui font des unités scellées pour une centaine qui font des fenêtres. Il faut les faire ailleurs ou il faut les acheter de quelqu'un d'autre. Il faut donc soumettre notre approvisionnement à une autre entreprise, alors qu'on parle de cinq travailleurs. C'est impossible à gérer, parce que cinq travailleurs qui gagnent 30 % de plus pour un travail – mettons-le équivalent – bien, ça ne se justifie pas. C'est donc injuste, tant pour eux autres que pour l'entreprise. C'est impossible de travailler dans une situation comme celle-là.

J'en viens maintenant immédiatement au rapport. Pour un rapport de 100 – je ne me rappelle plus – et quelques pages, il y a 15 pages qui, finalement, sont le noeud de toute la problématique. On prend 12 pages pour parler de l'abrogation de la loi, puis on en prend 40 pour justifier son adaptation. Les observations générales et les recommandations, c'est quatre pages. Les pages les plus importantes, vous allez les retrouver de 73 à 85. C'est là où on nous parle des critères de recevabilité. J'aimerais qu'on y vienne immédiatement, et je cite: Il appartient à l'État de s'assurer de la qualité des requérants, de procéder à des vérifications sur la généralisation et la légalité des conditions de travail... – je mets trois points de suspension parce que j'en saute un bout – et, surtout, d'évaluer les effets économiques de la requête sur la viabilité des entreprises.

Je regrette. Les employés, au service des décrets, sont des personnes travaillantes, honnêtes, intègres et tous les qualificatifs qu'on veut, mais je pense qu'ils n'ont pas la compétence pour faire cette évaluation-là. Quant à l'association patronale, elle n'en a tout simplement pas les moyens. On ne pourra pas commencer à mandater Samson Bélair, RCMP et d'autres pour dire: Faites-moi une évaluation de ça, faites-moi une vérification. Il faut que je prouve que ça ne nuira pas à la concurrence. La concurrence, aujourd'hui... Il n'y a pas bien, bien des années, la concurrence de Saint-Hyacinthe, elle se passait à Montréal puis sur la Rive-Sud. La concurrence de la Beauce, elle se faisait dans la Beauce. Mais, aujourd'hui, la concurrence, elle vient de partout. Alors, il entre des portes de je ne sais pas où... De toute façon, on en vend, des portes et des fenêtres, dans des coins reculés. Ces gens-là, ils doivent se demander qui on est puis d'où on vient. Alors, la concurrence, on ne peut plus la mesurer. On dit qu'il faudra une étude approfondie après la publication du projet. Qui va faire ça? Encore une étude! Le champ d'application pour régler tous les problèmes de double assujettissement. Qu'est-ce qu'on a imaginé? Les auteurs auraient dû avoir le courage de dire: Voilà une situation inextricable. Après des années et des années de négociations, on doit faire le constat que c'est impossible. C'est impossible, pour les gens du bois ouvré, aujourd'hui, dans les fenêtres, de demander un seul petit membre aux gens du verre plat, quand ce membre-là, disent-ils, s'appelle le coeur. Ça va bien, de donner un bras puis une main, mais on ne peut pas donner le coeur à quelqu'un d'autre, parce que, là, on n'est plus là. Pour eux, si on veut les unités scellées, c'est le coeur qu'on leur demande. Ce que les auteurs ont trouvé, c'est de parler d'un tribunal d'arbitrage. En voilà une belle! Ça prenait neuf mois quand on présentait une requête pas compliquée. Il va falloir donner des mandats à des consultants, faire des études économiques... Ça ne finira plus, ça va prendre du temps. Quand on ne s'entendra pas, on va, en plus, se payer des avocats, se payer un avocat qui deviendra un juge-arbitre, et on va se taper des procédures. On va mettre dans les mains de quelqu'un, dans le fond, quelque chose qui, entre le moment où ça va commencer et le moment où ça va finir, va peut-être être disparu, tout simplement. On va se taper de la procédure. Depuis quand les entreprises... Depuis quand les commerçants vont à des tribunaux d'arbitrage pour savoir... Est-ce que Provigo va aller devant un tribunal d'arbitrage pour ajouter à son épicerie une poissonnerie? Il me semble que ça n'a ni queue ni tête. Mais, c'est écrit.

Quand on nous dit que, le double assujettissement, il n'y en aura plus, parce que les champs d'application vont être exclusifs, c'est impossible. C'est possible aujourd'hui, et ça va durer peut-être 10 minutes, peut-être deux ans et peut-être cinq ans. Mais, quand le PVC est arrivé, les gens qui faisaient des fenêtres d'aluminium, les gens qui faisaient des fenêtres de bois, qu'est-ce qu'ils ont fait devant le vide juridique, entre guillemets, des fenêtres de PVC? Qui assujettit les fenêtres de PVC? Alors, M. Faffard, qui fait des fenêtres d'aluminium, payait – je ne sais pas – 12 $ l'heure. Puis, Pierre Beauchesne, payait 10 $ l'heure. Il n'a pas envie de faire de la compétition avec quelqu'un qui va payer 9 $, et il n'a pas envie de les faire à 12 $, quand il a déjà 300 travailleurs qui travaillent à 9 $. On parlait de ça il y a cinq ans.

Donc, tout le monde s'est créé des entités différentes, des usines différentes. Il y en a qui les ont faites en Ontario. Il y en a qui les ont aux États-Unis, et il y en a qui les avaient tout simplement dans deux villages, ou séparées par trois, quatre villages. Ça a été le cas pour les unités scellées, quand les gens étaient un peu plus raides, si vous me passez l'expression. Mais, dans le cas du PVC: tout le monde. On a donc empêché l'extension, l'intégration horizontale. On a confiné des gens à rester nécessairement dans la production d'un seul produit. Alors, vous avez une carte pour faire des habits de laine, vous ne faites que des habits de laine. Point final! C'est ça, l'expérience qu'on a. Je pense qu'en ce sens-là le rapport démontre une incompréhension du problème.

Au chapitre 6, on dit qu'il y a trois façons d'évaluer, et dans tout le document on évalue toujours de trois façons.

(21 h 20)

La Présidente (Mme Bleau): M. Tremblay...

M. Tremblay (Jean): Oui.

La Présidente (Mme Bleau): ...je m'excuse, mais votre temps est écoulé pour la présentation de votre mémoire. Si vous voulez, par nos questions, on pourra peut-être vous amener à parler de ce que vous vouliez dire immédiatement. Sinon, personne n'aura le temps de poser des questions.

M. Tremblay (Jean): Je n'ai pas d'objection. De toute façon, j'étais contre le reste aussi.

La Présidente (Mme Bleau): Voulez-vous faire une conclusion, par exemple?

M. Tremblay (Jean): Je vous dirais, en conclusion, madame, quant au chapitre 6, qu'on évalue l'aspect social, qu'on évalue l'aspect économique et qu'on évalue l'aspect politique. Deux fois, on conclut à l'abrogation du décret. Au seul chapitre de l'aspect social, on dit: Il y aura plus d'entreprises nouvelles qui seront créées, parce qu'il y aura des salaires plus bas. Bien, parce qu'il y aura des salaires plus bas, moi, je vous dis qu'il y en aura plus. On dit: Ça va créer une pression sur les entreprises syndiquées... et je termine là-dessus. Les entreprises syndiquées ont des conventions et ce n'est pas facile à déchirer. La perte des régimes d'avantages sociaux. Notre Association a un régime qu'on propose et qui est volontaire. C'est drôle, on a presque 1500 personnes qui, actuellement, sont couvertes par notre régime d'avantages sociaux. Les gens en sont très satisfaits.

En conclusion, je vous dis: S'il vous plaît, au moins pour le secteur manufacturier, si vous ne voulez pas l'abroger totalement... Si vous ne l'abrogez pas pour le secteur manufacturier, au moins pour nous autres qui avons, dans les délais prescrits par la loi, demandé de ne plus être assujettis comme quelqu'un qui est partie à un contrat. M. le ministre, vous me disiez cette semaine: J'en ai 50 % d'un bord, 50 % de l'autre, comment voulez-vous que j'arbitre ça? Moi, je vous dis: Est-ce qu'il y a des juges qui refusent le divorce parce qu'il n'y a qu'une des deux parties qui le demande? Il me semble que c'est suffisant.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. Tremblay. Je passe maintenant la parole à M. le ministre.

M. Marcil: D'abord, je voudrais vous souhaiter la bienvenue, puis aller tout de suite aux questions. Pour le bien de la galerie, pour tout le monde, bois ouvré et décret du verre plat... On sait que le bois ouvré, puis le verre plat... Le verre plat, j'aimerais savoir comment ça a commencé, le décret. Est-ce que c'était uniquement pour les fabricants de verre, au départ?

M. Tremblay (Jean): Non, si...

M. Marcil: Puis, le bois ouvré, est-ce que c'était uniquement pour les fabricants du cadre de la fenêtre?

M. Tremblay (Jean): O.K. Un bref historique. C'est au moment où vous avez la construction de Place Ville-Marie, à Montréal. Il y a des travailleurs qui s'amènent sur des chantiers – Normand, peut-être que tu pourras me corriger, mais... – avec des façades de panneaux de verre qui doivent être encadrés d'aluminium et ainsi de suite. Les menuisiers qui étaient habitués de poser des fenêtres, en 1959, ne connaissaient pas ça et n'étaient pas capables de poser ça. Les gens du verre plat disent: Ça prend nous autres, les spécialistes qui les fabriquons, pour les installer. Les gens de la construction disent: Quand on est sur un chantier, il faut être assujetti au décret. Il y a un bras de fer qui se termine, en disant: O.K. On va se soumettre à un décret, mais ça va être notre décret, les fenêtres d'aluminium et le verre. Il s'est appelé le décret du verre plat.

Une quinzaine d'années plus tard, en 1973, la partie syndicale avait atteint presque la plénitude de son potentiel de «membership» auprès des entreprises de verre plat. Elle a donc commencé à déborder chez les gens qui lui ressemblaient le plus, les fenêtres de bois, à l'époque. C'est de bonne guerre d'augmenter son marché. Alors, des gens disaient: Bien, venez vous syndiquer avec nous autres, puis vous allez être dans notre décret. Nous autres, on gagne 30 %, 40 % plus cher que vous autres. C'est à ce moment qu'il y a une coalition au niveau du bois ouvré qui dit: Pour se protéger du verre plat, on va demander un décret du bois ouvré. Des patrons et la CSD, à l'époque, se sont mis ensemble et ont demandé le décret du bois ouvré. Le décret du bois ouvré est à peu près 30 % plus bas que le décret du verre plat, qui est à peu près, lui, 30 % plus bas que le décret de la construction. Il y a beaucoup de similitudes, parce que la moitié des travailleurs du verre plat sont des travailleurs de chantier, et l'autre moitié sont des travailleurs d'usine. Chez nous, au bois ouvré, il n'y en a pas, de travailleurs de chantier, ce ne sont que des travailleurs d'usine.

M. Marcil: Si je prends l'exemple des maisons usinées, où on fabrique en usine des maisons, on sait que ce n'est pas assujetti au décret de la construction. C'est vrai que, maintenant, avec les huit-logements et moins, ça ne le serait plus, d'une façon ou d'une autre. Par contre, on fabriquait des maisons, on usinait des maisons. Donc, on est une usine de fabrication. Pour la maison qu'on construisait sur un terrain, on montait la charpente... La «footing», le solage, la charpente, on faisait tout ça... C'était assujetti au décret de la construction. D'où est venu, parce que, là, il y a toujours un historique... À un moment donné, on part d'un point A, on passe par le point B, et on arrive au point Y. On se demande comment ça se fait qu'on est arrivé au point Y. Tu sais, avec l'évolution, tout le monde en veut un peu plus. Qu'est-ce qui fait... Pourquoi il y a un décret dans le verre plat, puis un décret dans le bois ouvré lorsque vous fabriquez, et que c'est le même décret qui existe lorsque vous installez? Pourquoi il n'y a pas une séparation entre les deux, entre l'installation et la fabrication?

M. Tremblay (Jean): Nous autres, on n'installe pas, monsieur.

M. Marcil: Bien, si je prends Arcon Canada, je pense qu'eux installent.

M. Tremblay (Jean): O.K.

M. Faffard (Normand): Nous autres, on installe et on fait partie du même décret, le décret du verre plat, autant pour les employés à l'intérieur que les employés extérieurs.

M. Marcil: Même si vous ne touchez pas à une vitre? Si vous fabriquez de la moustiquaire, vous êtes aussi assujettis au décret du verre plat?

M. Faffard (Normand): Oui.

M. Marcil: Même s'il n'y a pas de verre dans ça, puis qu'il n'y a pas de bois non plus?

M. Faffard (Normand): Même si on fabriquait des fenêtres de PVC, chez nous, on serait régi par le décret du verre plat aussi.

M. Marcil: Donc, dans le bois ouvré, on retrouve presque exclusivement la CSD?

M. Tremblay (Jean): Ah non, je ne dirais pas ça. Vous avez la CSN chez Gilles; la CSN chez Donat Flamand; la FTQ chez Richard Laflamme, je pense?

Une voix: Les Métallos.

M. Tremblay (Jean): Les Métallos? Il y a de tout.

M. Marcil: Dans le verre plat, c'est le Conseil provincial, en plus gros?

M. Faffard (Normand): Local 1135.

M. Marcil: Le 1135, qui relève du Conseil provincial... non, de l'international.

M. Tremblay (Jean): L'international.

M. Marcil: Pourquoi, dans le domaine de la construction – je reviens toujours à ça, parce qu'il y a toujours un parallèle qu'on peut faire – avant la déréglementation, puis même avec le décret actuel, un fabricant d'armoires de cuisine, de modules pour mettre dans une cuisine, lorsqu'il va installer ça dans des condos ou dans un bloc d'appartements de huit logements et plus, ça lui prend sa carte de la CCQ pour pouvoir l'installer? Mais, pour les fabriquer, ça ne lui prend pas de carte. C'est ça?

M. Tremblay (Jean): C'est les incohérences du système. C'est bien gentil de nous poser la question, mais on aurait envie de vous dire: Pourquoi?

M. Marcil: Non, non, mais... C'est parce que j'essaie de...

M. Tremblay (Jean): Qu'est-ce qu'on a fait, nous autres?

M. Marcil: Oui, oui. Si on abolissait le décret...

M. Tremblay (Jean): Oui.

M. Marcil: C'est hypothétique, là. Ce n'est pas...

M. Tremblay (Jean): Ah!

M. Marcil: Ha, ha, ha! Ne prenez pas ça pour acquis.

M. Tremblay (Jean): Lequel?

M. Marcil: Je sais bien que vous aimeriez peut-être bien dormir ce soir et rêver... Mais, juste par hypothèse, si on abolissait le décret du verre plat, la logique voudrait qu'on abolisse aussi le décret du... Je vais prendre votre cas. Si on abolissait le décret du bois ouvré, il y a des gens qui voudraient qu'on abolisse également le décret du verre plat. C'est la même chose, dans le fond. Il y en a un qui fabrique des fenêtres avec un cadrage d'aluminium, et il y a de la vitre dedans. L'autre, il fabrique des fenêtres avec un cadrage de bois, et il y a de la vitre là-dedans. La seule différence qu'il y a entre les deux, c'est le matériau de construction qu'on utilise pour encadrer le verre, dans le fond. C'est un petit peu ça. Donc, deux décrets différents et 30 % de salaire différent. Pourtant, c'est la même maudite job qu'on fait dedans. Faire un cadre, c'est un cadre. Puis, installer la vitre, c'est la même affaire.

Si on abolissait les décrets du verre plat et du bois ouvré, pour les raisons que vous avez énumérées, quelles mesures pourraient prendre les entrepreneurs que vous représentez – parce que, ça, c'est bien important – afin d'améliorer la compétitivité entre les entreprises? Quelles mesures vous prendriez, qui, en même temps, seraient... Le fait de les abolir, il faudrait maintenir cette compétition entre les entreprises également, parce qu'il y a des marchés à couvrir. Est-ce que ce serait une compétition... Vous n'auriez pas peur d'une compétition déloyale par rapport à la protection que vous avez présentement par le biais du décret?

M. Bonneville (Jean-Louis): M. Beauchesne accepte de répondre à votre question.

M. Beauchesne (Pierre): Je vais y répondre assez précisément. Si jamais il y avait abolition des deux décrets – on s'entend bien sur la question... D'une part, l'industrie du verre plat est syndiquée à peu près à 80 %. Vous avez des études qui vous le démontrent, de toute façon.

M. Marcil: Oui, oui.

(21 h 30)

M. Beauchesne (Pierre): Donc, pour ces gens-là, il n'y a pas beaucoup de changements. Ce qui voudrait dire qu'il y aurait probablement des négociations qui pourraient intervenir entre les fabricants qui sont liés par ces conventions et leur syndicat, qui est le local 1135. Il y aurait des négociations, il y aurait des choses qui pourraient arriver. Nous, dans notre industrie, on est syndiqués à peu près... Dans l'industrie du bois ouvré, on est syndiqués peut-être à 50 %. La majorité des gros, pour ne pas vous dire presque 100 % des gros fabricants, sont tous syndiqués: nous, on l'est; chez Robert & Robert, on l'est; chez Bocenor, on est syndiqué. On ne croit pas, demain matin, si le décret du bois ouvré est aboli, que notre syndicat va aussi s'en aller.

M. Marcil: Non, non, non.

M. Beauchesne (Pierre): On croit qu'on vit avec notre syndicat.

M. Marcil: Je comprends ça. D'une façon ou d'une autre, vous n'avez pas le choix, vous allez vivre avec.

M. Beauchesne (Pierre): On va vivre avec.

M. Marcil: Vous avez une convention collective...

M. Beauchesne (Pierre): On va composer avec.

M. Marcil: ...vous êtes accrédités. Mais sauf qu'en abrogeant le décret du bois ouvré...

M. Beauchesne (Pierre): Oui.

M. Marcil: ...il y a des entreprises qui ne sont pas syndiquées.

M. Beauchesne (Pierre): C'est là que je voulais en venir: ceux qui ne sont pas syndiqués. La majorité des gens qui ne sont pas syndiqués sont des petites entreprises. Moi, j'ai travaillé beaucoup dans le mouvement des chambres de commerce et j'ai travaillé pour essayer de stimuler la création d'emplois et essayer de travailler pour créer des emplois et peut-être aider les entreprises à partir. Moi, je ne crois pas que l'entreprise qui voudrait faire un démarrage dans une région donnée et qui voudrait le faire sur le dos de ses employés... Quand je dis «sur le dos de ses employés», c'est que négocier avec ses employés et payer 5 $ l'heure, 6 $ l'heure, et les employés seraient d'accord à l'accepter, je ne crois pas que ces gens-là vont venir affecter soit Bocenor ou Donat Flamand – pour ne pas les nommer – ou Fenergic ou Supervision, parce que, de toute façon, il y a des économies d'échelle qu'on peut rencontrer, aujourd'hui, par notre taille, par notre volume, par nos responsabilités et aussi par notre organisation, qui font que ces petites entreprises là, je ne crois pas qu'elles viendraient nous déranger. Au moment où il pourrait y avoir un dérangement... En d'autres mots, la petite PME, rendue à 50 employés... On voit ça en Europe, aussitôt qu'elles atteignent un niveau, 50 employés, je crois, elles sont régies par des décrets ou elles sont régies par une convention collective. C'est probablement ce qui va se faire naturellement.

De l'autre côté, si c'est ce qui permet la création d'emplois au Québec et si c'est ce qui permet à nos régions éloignées de peut-être redémarrer et de donner un bon coup de pouce à notre industrie, moi, je suis bien d'accord avec ça, mais je voudrais qu'on y pense deux minutes. Souvent, on a tendance à penser qu'on devrait tous faire des portes et fenêtres parce que, à un moment donné, on croit que c'est facile. Pourquoi ces entreprises-là, qui pourraient démarrer, ne deviendraient pas nos sous-traitants, un peu comme Bombardier à Valcourt avec ses sous-traitants tout autour, et qui seraient capables d'arriver et d'opérer et de vivre au crochet des plus grandes entreprises? Plutôt que de vouloir tous fabriquer des fenêtres, je vous donne un exemple, les types pourraient, dans une région donnée, à Saint-Hyacinthe, fabriquer des moustiquaires, peut-être payer un salaire moyen de 8 $, 9 $ ou 10 $ l'heure. Moi, j'en paie 13,50 $ à 14 $ dans mon usine. Il y a donc un avantage concurrentiel de le fabriquer en spécialisation dans une PME, créer cinq jobs, créer sept jobs. Les employés, quand même, l'acceptent peut-être à 10 $ l'heure, et, moi, ça me permet peut-être de pouvoir continuer à grandir et ces gens-là m'aident à grandir.

Ça fait qu'il faut oublier que, demain matin, s'il n'y a plus de décret, il va y avoir 50 nouvelles PME qui vont partir et qui vont se garrocher dans la fabrication de fenêtres en payant 5 $ l'heure. Ce n'est pas possible. Ça ne prend pas juste de la main-d'oeuvre; ce n'est pas juste la main-d'oeuvre qu'il faut régir, c'est des réseaux à développer, c'est de la qualité à assurer, c'est des investissements dont on a besoin pour créer tout ça. Donc, ça ne se fait pas juste sur le dos des employés.

C'est pour ça que, si on pouvait abroger les deux décrets... Je vous donne un exemple que j'ai vécu dernièrement. J'ai négocié avec mes employés – on avait des grosses commandes aux États-Unis – on voulait travailler le samedi et le dimanche. Je rencontre la CSN, on fait une bonne discussion. On sort après une journée de travail, on s'est entendu: on bonifiait le travail du samedi et du dimanche à raison de six heures de travail payées pour les 36 heures travaillées. Donc, c'était quand même une bonne bonification. Vous allez dire: Ce n'était pas assez. Ce n'est pas important: la partie syndicale a accepté, la partie patronale a accepté, donc il y a eu un commun accord, on l'exploite. On n'a pas pu le faire parce que, quand on est arrivés au comité paritaire, on s'est fait répondre: Écoutez, il y a déjà des règlements qui sont là; si vous travaillez le samedi, M. Beauchesne, vous devez payer temps et demi, si vous travaillez le dimanche, vous devez payer temps double. Où est mon avantage concurrentiel d'exploiter aux États-Unis si, actuellement, même si les taux sont à 40 %... Nos taux de salaires sont autour de 12 $ à 14 $ l'heure; aux États-Unis, ils sont peut-être 8 $. S'il faut que je paie deux fois 14 $, ce qui fait 28 $, je n'ai plus d'avantage concurrentiel. On a tout cancellé ça et on a dit: Bien, écoutez, on attendra une autre année pour les créer, les jobs: 40 emplois de perdus. La CSN, quand je la rencontre, je lui dis: Qu'est-ce que vous en pensez, de l'aventure qu'on vient de vivre ensemble? Oui, on est bien d'accord avec le fait qui est arrivé, mais je pense qu'on devrait renégocier le comité paritaire et ça devrait être nous autres qui soient à la table et non pas la CSD. Donc, je dis: Il y a conflit parce que ce qu'on veut, c'est peut-être plutôt tirer profit encore d'une situation. Ça ne fait pas notre affaire.

On parlait, tantôt, des gens qui fabriquaient des unités scellées. Dans l'opération... Dans une fenêtre, 30 % à 35 %, c'est du vitrage. On vend des fenêtres, mais c'est du vitrage qu'on va vendre. Quand on vient pour fabriquer nos unités scellées, avec les différences de salaires, on peut payer 30 % plus cher. Mais comment expliquer ça aux 100 Noirs, que j'appelle mes Noirs parce que je trouve que, eux, ils sont exploités, qui gagnent 30 % moins cher que mes cinq Blancs, eux autres, qui gagnent 30 % plus cher? Je ne suis pas capable. Je suis peut-être le plus grand syndicaliste dans ma boîte, quand je vois cette injustice-là, et ce que je fais, c'est que je dis: O.K. On va encore le cacher. Ça fait qu'on les a produites à Drummondville pendant quatre, cinq ans...

M. Marcil: Mais est-ce que c'est...

M. Beauchesne (Pierre): ...et, là, on se promène d'une ville à l'autre avec notre usine de thermos.

M. Marcil: Est-ce que c'est la loi qui pose problème ou si c'est le comité paritaire qui pose problème? Est-ce que la loi pourrait permettre une autre organisation du travail par le biais d'un comité paritaire? Est-ce que c'est la rigidité du comité paritaire, l'inflexibilité, la réglementation que les gens s'imposent? Si, en bonifiant la loi, on pouvait, par le fait même, établir un encadrement qui empêcherait ou qui permettrait – au lieu d'être négatif, on va être positif – aux entreprises cette latitude... Et c'est tout à fait normal qu'une entreprise ait un partenariat qui se développe au niveau d'une shop, qu'employés, travailleurs syndiqués ou pas syndiqués décident ensemble de réorganiser le travail pour atteindre un but supplémentaire, un but de productivité, aller chercher du marché, créer des jobs. Ce serait tout à fait normal qu'il y ait... Écoute, une entreprise, c'est une entreprise. Les gens, il faut qu'ils aient la possibilité de réorganiser leur travail sans être obligés d'aller demander la permission ou l'autorisation. Ça, je pense qu'on est d'accord sur ça.

En amendant la loi, qui pourrait, justement, permettre cette flexibilité, enrayer cette rigidité qui existe, faire en sorte qu'il y ait plus de transparence au niveau de l'administration des comités paritaires, à l'effet qu'il y ait plus de représentativité de l'ensemble des partenaires régis par le décret, pensez-vous qu'on pourrait ainsi atteindre ce but-là sans nécessairement abroger le comité paritaire tel quel?

M. Beauchesne (Pierre): Je vais essayer de répondre rapidement. On a essayé de regarder – parce que je me suis prêté à l'exercice, depuis 1986 que je travaille dans le dossier – l'exercice en disant: Qu'est-ce qu'on devrait modifier pour s'assurer que les deux parties en tirent profit et qu'il n'y ait pas de chicane pour qu'on puisse continuer à vivre avec nos deux décrets?

Le problème, c'est qu'on touche un problème profond. L'industrie du verre tourne autour du thermos. Ils ne peuvent pas laisser aller le thermos, c'est leur industrie. C'est ce que Me Tremblay disait tout à l'heure. Si vous me dites que vous allez changer la loi, c'est comme si vous me disiez qu'il n'y en aurait plus, de décret. Parce que, si vous la changez, vous enlevez, à ces gens-là, leur coeur. Eux, ils ne veulent pas perdre leur coeur, c'est bien certain, c'est leur industrie. Mais on vit un système un peu à l'inverse. Normalement, la sous-traitance devrait être faite avec des avantages concurrentiels, peut-être plus bas que les grandes entreprises, pour permettre aux plus grandes de continuer à s'exploiter, à se développer et aux petites aussi d'en profiter et de grandir ensemble. C'est l'inverse. C'est nos sous-traitants qui nous refilent les augmentations. Sur le dos de qui? De la masse des 90 % de travailleurs qui sont dans les usines de fenêtres de bois. C'est là, moi, que je trouve qu'il y a une grande injustice. Et puis c'est là que le débat revient toujours. Qu'est-ce qu'on doit faire? On est arrivé à la conclusion, on croit qu'on doit le faire sauter pour peut-être, éventuellement, revenir avec quelque chose de nouveau ou d'adapté. Mais ça ne sera pas possible de l'adapter, actuellement.

Et je vous réponds encore: La majorité de notre industrie, elle est syndiquée. Parce que le décret a eu du bon, ça a donné le ton à... Souvenez-vous – je vais dire comme mon père dit: Dans mon temps, c'était plein de petites boutiques partout. Les décrets, ce que ça a amené de bon, c'est que ça a donné le ton à tout le monde. Tout le monde avait au moins à payer les mêmes salaires, dans le temps où nos grosses entreprises se sont créées. Ça n'existait pas, des entreprises de 350 employés et 400 employés, à l'époque, dans les portes et fenêtres. Je regarde, quand même, on est sept ou huit au Québec. C'est une de nos richesses. On vend 40 % hors Québec des produits de fenestration.

Pour répondre à une question de M. St-Roch, tout à l'heure, l'industrie du meuble, qui, elle, à un moment donné, vivait aussi avec des décrets assez élevés, a vu – parce que je viens de la région des Bois-Francs – toute l'industrie disparaître. Il n'y a plus d'usines de meubles dans la région des Bois-Francs. Pourquoi? Parce que les gens, ils avaient une trop grande rigidité, de par la loi, et puis les usines se sont transférées aux États-Unis, et, aujourd'hui, nos meubles viennent, la majorité, des États-Unis. Ça a été déplorable. Nous, on ne veut pas perdre ça, les portes et fenêtres. On dit que c'est une de nos richesses et on veut continuer et que le Québec soit reconnu comme un bon fabricant de portes et fenêtres, parce qu'il fait froid.

(21 h 40)

M. Marcil: Oui, mais ce n'est pas nécessairement la loi sur les décrets qui est trop rigide, c'est la réglementation du comité paritaire comme tel. Et, ça, cette réglementation-là, cette négociation qui se fait, elle se fait entre les parties. Ce n'est pas la loi qui exige du comité paritaire d'être rigide. Ce n'est pas la loi qui exige du comité paritaire d'avoir des taux différents. Ce n'est pas la loi qui exige du comité paritaire du verre plat d'avoir un salaire plus élevé que le comité paritaire du bois ouvré et ce n'est pas la loi sur les décrets qui oblige l'employeur, comme votre entreprise, de... Ce n'est pas la loi sur les décrets qui vous refuse de réorganiser votre travail pour les fins de semaine, c'est votre comité paritaire.

M. Beauchesne (Pierre): Pour répondre rapidement, M. le ministre...

M. Marcil: C'est le contenu du décret, ça.

M. Beauchesne (Pierre): ...imaginez-vous si vous avez un comité paritaire qui serait plus flexible, qui offrirait des flexibilités. Reprenons mon exemple avec des employés où on peut travailler le samedi et le dimanche et que le comité paritaire décide que, pour cette entreprise-là, on va l'accepter. Pourquoi à Fenergic ou Supervision on accepte ça et qu'on ne l'accepte pas à un autre? C'est ce qu'on a découvert à l'industrie du verre plat. Il y avait plein d'exceptions. M. Faffard peut vous en nommer, des exceptions: il était tellement souple que, là, ça devenait injuste. Si c'est injuste, pourquoi on le conserve?

M. Tremblay (Jean): Si je peux me permettre, M. le ministre...

Le Président (M. Joly): M. Tremblay.

M. Tremblay (Jean): ...vous parlez de la loi, vous parlez des négociations, donc du décret que les parties se donnent, et vous parlez de l'administration du comité paritaire. La loi, c'est vous, les parlementaires, qui la faites et ça a pris 60 ans pour retravailler celle-là. Est-ce qu'on peut gager que ça peut prendre, 10, 15, 20 ans avant de travailler la prochaine, s'il y en a encore une tantôt?

Les comités paritaires ne font que gérer ce que les parties ont négocié. Alors, ce n'est pas la faute d'Augustin Richer si Pierre Beauchesne ne peut pas. Ça n'a pas été négocié. Mais, la dernière fois qu'on a négocié, c'était en 1989. Quand bien même – c'était en 1990 ou 1991 – ça aurait été en 1993... En 1992, en 1993, on était en récession, Pierre avait de la misère à faire travailler la moitié de son monde, il ne pensait pas travailler le samedi et le dimanche. Quand les contrats sont passés, il aurait fallu s'asseoir et négocier. Mais vous le savez, vous faites ça, vous autres: vous allez commencer jour et nuit à partir de demain.

On ne peut pas s'asseoir à toutes les minutes que quelqu'un a un problème et on n'est pas capable de prévoir les problèmes. C'est quoi, la force des PME au Québec et partout dans le monde? C'est que c'est des entrepreneurs qui ont bien plus de front des fois qu'ils n'ont d'argent, qui sont dynamiques, novateurs, créatifs. Je veux dire, c'est des gens qui retroussent leurs manches et qui foncent. Puis amenez-en, des problèmes; on en a, des solutions. Mais ces solutions-là, c'est des solutions de commerce, c'est des solutions de gens de la Beauce ou de gens d'ailleurs qui disent: C'est quoi, le problème? Crime! O.K., on recommence, on revire de bord, soude-le à l'envers. On ne peut pas faire ça avec une partie syndicale. Actuellement, on a la CSD comme partie syndicale. Quand vous allez avoir fini de mettre en application les recommandations – et j'espère que, si vous ne l'abolissez pas, vous allez les mettre intégralement, les 35 – nous autres, on n'aura plus la CSD, on va avoir tous les syndicats qu'on a nommés tantôt. Ça va prendre une concertation de trois, quatre, cinq parties syndicales, et, là, on va dire à un: Nous autres, ce qu'on veut, c'est de travailler la fin de semaine au prix de la semaine. Lui, il va dire: Moi, je peux, mais lui ne peut pas. On n'en finira jamais.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, monsieur.

M. Tremblay (Jean): Nous autres, on fait des fenêtres; vous autres, vous faites des lois.

Le Président (M. Joly): Monsieur... M. le député de Laval-des-Rapides, vous pourrez toujours continuer à passer votre message à travers le temps du membre de l'Opposition. S'il vous plaît, M. le député.

M. Ménard: Je voudrais, au cas où il devrait y avoir une suite de plus de six mois à ces discussions, que vous soyez conscient des positions qu'on tient. C'est la deuxième fois, M. Tremblay, que vous me citez mal. Je m'exprime peut-être fort mal, avec beaucoup de naïveté au début. Quand je vous ai dit... Je ne crois pas vous avoir dit que c'est le choix de l'industrie. J'ai plutôt l'impression que ce que je vous ai dit, c'est que ce sont... L'avantage que je vois à la Loi sur les décrets de convention collective, c'est que les règles qui sont établies le sont non pas par une organisation centrale bureaucratique, comme ça l'est nécessairement sous la Loi sur les normes du travail, qui vient de Québec, mais par l'industrie, représentée à la fois par les travailleurs et par les entrepreneurs dans un comité paritaire.

Maintenant, je suis parfaitement conscient des problèmes que soulèvent les comités paritaires. Dès qu'on délègue un pouvoir de l'État à un groupe, ils ont tendance à le grandir, et le comité du verre plat en est l'exemple le plus frappant, je pense, dans l'ensemble des décrets de convention collective, qui ne sont quand même qu'une trentaine au Québec.

M. Tremblay (Jean): Bien oui!

M. Ménard: Mais il reste que la seule inquiétude qu'on a, c'est justement de garder, par la Loi sur les décrets de convention collective, une certaine souplesse dans nos relations du travail, souplesse qui permet quelque part, entre ce qui n'est pas syndicable – et je vois que vous en êtes conscients parce que ça fait plusieurs fois que vous nous dites: Notre industrie, elle est syndiquée en majorité... Puis un des arguments qui m'a le plus impressionné, M. Beauchesne, c'est quand vous me dites: La petite entreprise, elle va arriver à 50 employés. Nous autres, jusqu'à 50 employés, on a des avantages, sur eux, d'économie d'échelle. Et, quand ils arrivent à 50 employés, ils vont se syndiquer et, là, ils vont nous rejoindre. Donc, au fond, vous nous démontrez qu'ils n'ont pas besoin de la loi des décrets de convention collective.

Dans l'application de la loi sur laquelle nous avons un contrôle, le décret est annulé et vous continuez tout seuls. Mais vous me rajoutez par contre – ça, ça m'inquiète: Avec la sous-traitance, je peux garder des salaires plus bas. Ce qui fait notre préoccupation comme politiciens, puis... On n'écarte pas les données économiques. Vous savez, l'économique, c'est des règles comme les lois de la physique, qu'on ne peut pas éviter. Sauf que notre préoccupation comme politiciens, c'est évident, nous autres, c'est des votes. Je peux vous dire que, si je n'avais à penser qu'aux intérêts économiques, je ne serais pas ici, je serais en train de faire du droit dans mon bureau. C'est l'aspect social qui nous préoccupe. Et c'est normal et c'est ça dont vous bénéficiez quand vous vivez dans la société où on est ici, sans les poches de misère qu'ils ont aux États-Unis.

En tout cas, peu importe, ce qui est important, c'est que... Vous comprenez bien que, pour nous, les décrets... Ce n'est pas un absolu, les décrets de convention collective, mais ça peut occuper une place utile. Et, au fond, tout ce que vous tentez de nous dire, c'est que, dans votre cas, cette place utile a été complètement évacuée, et, pour le moment, la rigidité que ça donne, c'est inutile. Et, pour moi, la solution, c'est simple, c'est que vous n'en avez plus besoin, des décrets. Parce que, aussi, je suis garanti, sur le plan social, que vous allez encore traiter adéquatement vos employés parce que les forces du travail versus le capital vont encore jouer.

Mais j'aimerais quand même, parce que... Bon, il y a des absents, ici. Je comprends pourquoi ils ne sont pas ici, là, mais, quand même, ils nous donnent des chiffres, puis, pour me faire une idée, j'aimerais bien savoir ce que vous en pensez. On nous dit que, dans la fabrication des portes et fenêtres, les manufacturiers québécois ont vu leur part de marché gagner 10 points de pourcentage depuis 1981. On nous a dit aussi que... et là je lis ça, je vous dis, dans le rapport qui était censé nous être lu avant vous par le Comité paritaire de l'industrie du verre plat. C'est la seule partie qui m'a vraiment impressionné dans leur rapport, pour nous démontrer que, au fond, les décrets n'avaient pas nui à la compétitivité de l'entreprise québécoise. Je voudrais que vous puissiez m'expliquer comment ces chiffres-là... On me dit que, selon Statistique Canada, la valeur des livraisons des fabricants québécois s'est élevée, en 1988, à 800 000 000 $, soit le double du niveau atteint en 1981; que, durant cette période, la part du marché canadien détenu par les manufacturiers québécois est passée de 27 % à 37 % pour les portes et fenêtres en bois, et de 21 % à 30 % pour les portes et fenêtres en métal. Est-ce que c'est vrai que, malgré les décrets aussi embêtants... Puis remarquez que je comprends que les décrets, dans votre cas, je pense que c'est votre industrie qui nous donne les meilleurs exemples des méfaits de l'extension horizontale, l'extension au-delà des extrémités acceptables. Est-ce que c'est vrai que, effectivement, vous avez grossi votre part du marché, que vous êtes, par rapport au reste du Canada, par rapport... ou bien si c'est de la poudre aux yeux qu'on nous envoie? J'avoue que les statistiques qui nous viennent de ce groupe-là, vous savez, je les mets en doute. Mais je veux avoir votre opinion.

(21 h 50)

M. Bonneville (Jean-Louis): M. Ménard, si vous me permettez, vous avez parlé de souplesse tantôt, puis là vous posez une question maintenant. Peut-être que vous nous parlez d'une augmentation de 27 % à 37 %, mais, si on avait eu le libre marché qui nous aurait permis d'exploser, on serait peut-être rendus sur le marché américain au lieu d'en être contenus, pour plusieurs de nous autres, à ne pas pouvoir y aller. On serait peut-être plus forts qu'on est dans les Maritimes, on serait plus forts qu'on est en Ontario... par le surplus de salaire qu'on a eu ou par les inconvénients que nous incombent l'administration de deux décrets en même temps. Je dis «deux décrets» parce que, pour ma part, à moi, personnellement, je travaille sur trois facettes: je travaille sur le bois, l'aluminium et le PVC. Alors, pour d'autres, ils vont travailler seulement sur l'aluminium; pour d'autres, c'est bois et PVC. Mais, pour l'ensemble des facettes sur lesquelles on a à travailler, on est accroché sur des barrières: ou par le décret du bois ouvré ou par le décret du verre plat. Alors, aujourd'hui – vous parliez de souplesse tantôt – quand on finit de traverser... Les entreprises en général au Québec, au Canada, on sort d'une récession, et ceux qui ont réussi à en sortir pour être capables de venir s'asseoir devant vous autres puis vous parler, on a peut-être essuyé pas mal notre part de misère. Quand vous nous parliez de souplesse tantôt, on est obligé aujourd'hui de faire beaucoup de modifications du côté des méthodes administratives, des méthodes de gestion qu'on a connues dans les années 1981 puis dans les années 1987 dont vous parliez tantôt, et il faut, aujourd'hui, venir avec l'instigation de programmes d'amélioration continue, il faut embarquer avec ce que les gouvernements, tant provincial que fédéral, nous suggèrent au niveau de l'implantation de plans CAMO, qu'on doit implanter dans l'organisation afin de faire partager les syndicats, les syndiqués et les employés, qui sont des fois syndiqués, des fois non syndiqués. Alors, il faut avoir cette souplesse-là et la flexibilité de pouvoir s'adapter dans les besoins de ces plans CAMO là ou de ces programmes d'amélioration continue. Alors, tantôt M. Beauchesne nous faisait part d'un problème qu'il a eu avec son syndicat, au moment où il avait une acceptation de son syndicat, puis on ne pouvait plus passer par rapport à des barrières. Alors, quand on veut modifier nos formules de production, peut-être s'en aller sur la production cellulaire, on n'est pas capable d'avancer parce qu'on est accroché à des classifications qui sont dans un décret de bois ouvré ou de verre plat. Quand ce n'est pas une classification, c'est une barrière salariale, quand ce n'est pas ci, c'est ça.

Alors, on a dit tantôt que la plupart des entreprises majeures au Québec sont maintenant syndiquées, et, quand les petites entreprises de deux, trois, quatre, cinq ne sont pas syndiquées, quand elles progressent à 10, 12, 15, les syndicats s'en occupent. Ils n'attendent pas, des fois, qu'elles soient rendues à 50. J'en ai une à Montréal, moi, à cinq employés, ils me l'ont syndiquée. Le 1135 est venu puis il me l'a syndiquée; il y avait cinq employés dedans. À Montréal... puis c'est au 12301, boulevard Métropolitain, à Montréal. Alors, à cinq employés, le 1135 me l'a syndiquée; ils n'ont pas attendu à 50. Ça veut dire que la syndicalisation qu'on a, on a assez à gérer des conditions de travail qu'on a dans les conventions collectives sans essayer de faire du «matching». Les banques, elles peuvent faire du «matching» de leurs prêts, avec les prêts consentis puis les placements, mais, nous autres, il ne faut pas faire ça, on n'a pas le temps de faire ça si on veut sortir, parce qu'on vit, aujourd'hui, dans un programme de mondialisation des marchés, et vendre en Asie et vendre au Japon, ça va devenir possible, mais il faut pouvoir produire chez nous, alors il ne faut pas travailler devant des barrières.

M. Ménard: Remarquez que tout ce qui est rigidité, je vous comprends parfaitement puis je suis parfaitement d'accord, mais, à mon avis, la solution, depuis longtemps, était sur le bureau du ministère. Parce que la loi des conventions collectives, si vous la lisez comme il faut, c'est une loi qui se voulait très souple, mais qui demandait un arbitre très attentif, qui était conçu, en 1934, comme étant le ministère du Travail; puis je constate qu'aujourd'hui il ne veut plus arbitrer. Il n'a plus le goût de le faire...

Une voix: ...

M. Ménard: Oui, c'est certain. Mais c'est peut-être que gouverner, c'est ça. Gouverner, à un moment donné, c'est de décider entre deux parties.

M. Bonneville (Jean-Louis): M. Ménard...

M. Ménard: Je voudrais savoir, pour les derniers chiffres, qui m'impressionnent, sur lesquels je veux avoir votre opinion... Je n'ai pas eu votre opinion sur les premiers, mais, dans ce temps-là, je me satisfais de cette réponse-là. On dit que, dans la fabrication de vitrage scellé, les prix de vente sont plus bas au Québec qu'en Ontario ou aux États-Unis. Par exemple, le prix d'un double vitrage de 3 mm, clair, à simple étanchéité était, au début de 1992, de 1,75 $ le pied carré au Québec contre 1,90 $ en Ontario et entre 1,75 $ US et 1,90 $ US aux États-Unis. Est-ce que c'est vrai qu'effectivement, malgré les difficultés que vous avez puis que je comprends, le coût de fabrication de ce type de vitrage, puisque ça s'applique aux autres types de vitrage, est moins grand au Québec que chez nos voisins?

M. Bonneville (Jean-Louis): M. Ménard, vous me demandez, en tant que délégué du bois ouvré, de vous expliquer le mémoire du verre plat, mais vous comprenez que, dans les usines qu'on opère, je suis capable de vous en parler quand même. Alors, aujourd'hui, la mécanisation... Parce qu'on est devant de la syndicalisation, on est devant une amélioration de nos taux de main-d'oeuvre, qu'on parle de planer du bois, ou qu'on parle de polir du bois ou qu'on parle d'assembler du bois, tantôt on assemble du verre dans nos cadres de bois... Alors, qu'on parle de «manufacturing» précisément dans les usines ou qu'on parle de «manufacturing» au niveau du verre, la mécanisation d'aujourd'hui permet de diminuer les coûts. Alors, si les fabricants de verre, en 1990-1991-1992, nous les vendaient le même prix qu'ils étaient capables de nous les vendre en 1975-1976, bien, le consommateur en a bénéficié, et c'est parce qu'ils se sont mécanisés. Alors, nous autres, si on est capables de vendre des produits bien meilleurs que ceux qu'on fabriquait en 1975-1976, pour des prix abordables, c'est encore le consommateur qui en bénéficie parce qu'on s'est mécanisés puis on a grandi.

M. Ménard: Je vais laisser mon confrère de Drummond, mais j'ai l'air de bien mal m'exprimer, parce que ce n'est pas du tout la question que je vous posais. La question que je vous posais, c'est: Est-ce que c'est vrai que c'est moins cher que chez nos voisins, qui doivent avoir les mêmes avantages de fabrication en série et de mécanisation qu'au Québec? Comment ça se fait que ça coûte moins cher au Québec qu'ailleurs?

Le Président (M. Joly): M. Morissette, vous aimeriez rajouter quelque chose?

M. Beauchesne (Pierre): Oui. Je pourrais ajouter... M. Ménard, je vais répondre à la question d'une façon, j'espère, plus précise. Ce n'est pas les coûts, effectivement. Les prix qu'on paie sont très compétitifs. Le problème, c'est que le marché s'est déplacé depuis les cinq ou six dernières années. La moitié de notre marché, c'est de la rénovation. On n'a pas le choix, sinon... La construction – vous avez les chiffres comme moi – il n'y en a plus. Ça veut donc dire qu'on doit produire des fenêtres de forme irrégulière, non standard. Puis, quand j'envoie ma «van» à Toronto ou à Windsor, Ontario, et qu'il y a une unité scellée qui vient de casser d'une fenêtre non standard pour mon client là-bas, et je l'appelle et je lui dis: Moi, je ne fabrique pas mes unités scellées, monsieur. On vient de briser la fenêtre, il faut que j'attende deux semaines, mon fournisseur va me l'envoyer... Un bon fournisseur, par contre, peut peut-être le faire en trois jours, mais ma «van» est partie; ça prend trois jours pour se rendre là-bas. Ça fait que j'ai l'air d'un bel épais. C'est ça qui se produit. On a l'air des maudits colons, puis ça n'a rien à voir avec les coûts, c'est une question de commodité. Et puis on devrait laisser aux entreprises le choix de les fabriquer, leurs unités, ou de ne pas les fabriquer. Si une entreprise ne fabrique que des fenêtres de forme régulière ou de forme standard, elle peut les stocker. Quand il y en a une qui est brisée, ils en prennent une autre. Mais, quelqu'un qui est dans la rénovation, qui doit faire ses unités scellées, il ne peut pas attendre son fournisseur dans trois jours; la «van» est partie pour Toronto.

M. Ménard: En tout cas, encore une fois, ce n'est pas la question que je vous posais. Je m'exprime peut-être bien mal, mais je vous répète par contre, une fois de plus, que... Enfin, je vous dis bien franchement: Nous aurions 75 % du marché des États-Unis, je serais l'homme le plus heureux du monde ici et je ne veux pas que des règles bureaucratiques vous empêchent de progresser. La seule chose dont on se préoccupe, c'est que, sur la rémunération... c'est que la rémunération fasse moins l'objet de la compétition. C'est ça, le seul but du décret des conventions collectives.

M. Tremblay (Jean): À votre question, je vais en tenter une, hypothèse, et je vous garantis que c'est une hypothèse.

M. Ménard: Ma question, c'est: Comment expliquez-vous qu'on fait mieux au Québec qu'ailleurs?

M. Tremblay (Jean): Effectivement, les prix sont moins chers ici...

M. Ménard: Bon, voilà. C'est ça que je pose.

M. Tremblay (Jean): ...qu'ailleurs, et l'hypothèse qu'on émet, c'est que ça fait quelques années qu'on fait une bataille tellement forte contre ce qu'on a appelé un racket de protection que ce sont les fournisseurs, les fabricants de matières premières qui acceptent de les vendre aux gens ici moins cher, qui ont des usines de transformation où ils sont bien équipés, et ces gens-là acceptent de les faire à moindre profit que les autres le font. À cause d'un débat de juridiction qu'on a, ils veulent s'assurer de maintenir une exclusivité qui n'est absolument pas correcte pour un législateur, quand on parle de matières commerciales.

Et je vous demanderais de réfléchir à ce qu'il y a d'injuste et de répréhensible pour une caissière dans un dépanneur qui gagne 6 $ l'heure, alors qu'une caissière dans un Provigo gagne 25 000 $ par année. Quelqu'un pourra peut-être me faire la conversion, là, mais ça doit être au moins 12 $, 13 $, 15 $ l'heure. C'est drôle que personne ne s'offusque de ça. Et je vais aller plus loin que ça, s'il y avait un décret des caissières en alimentation, Provigo probablement vous dirait: Ça fait mon affaire, parce que ça oblige les petits dépanneurs... Je sais que ça ne crée pas d'emplois, mais, vous, comme législateurs, vous protégeriez des jobs à 15 $ l'heure et vous empêcheriez la création de jobs à 6 $, 7 $ l'heure. Dans la vie, comment ça se passe? À 17 ans, on lâche l'école parce qu'on veut être caissier ou caissière. On le fait pendant trois, quatre ans à 6 $, 7 $ l'heure, on applique chez Provigo ou un autre, puis, trois, quatre ans après, on décroche une job de caissier ou caissière à 20 000 $ par année puis on est content. Personne ne s'offusque de ça, personne ne dit que c'est immoral.

Et, chez nous, vous refusez de créer des emplois, vous en exportez en Ontario et aux États-Unis. Tous les gens qui sont ici ont des petites usines à l'extérieur pour se soustraire non pas à la loi sur les normes, non pas à la Loi sur les impôts, non pas à la TPS, non pas à la syndicalisation: à la loi sur les décrets. Ça fait vivre... Je ne sais pas comment tu appelles ça, Gilbert, en Ontario, le petit village qui écrit aux manufacturiers: Venez-vous-en chez nous, il n'y a pas de décret. C'est la municipalité qui dit ça.

M. Ménard: Puis au décret du verre plat.

M. Tremblay (Jean): Puis au décret du verre plat. Je ne voulais pas en rajouter, mais, enfin, parlons-en.

M. Ménard: C'est celui-là.

M. Tremblay (Jean): Bien, c'est celui-là.

M. Ménard: On enlève celui-là, puis...

M. Tremblay (Jean): Mais...

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît!

M. Tremblay (Jean): Celui-là, c'est vraiment le...

M. Ménard: Ça a de l'air qu'on va s'en occuper, là.

M. Tremblay (Jean): Bien, en tout cas, c'est... Il y en a qui ont fait tout ce qu'ils pouvaient; la balle est dans votre camp.

M. Ménard: Bien, voilà!

M. Bonneville (Jean-Louis): Si vous vous occupez du décret du verre plat, ne nous oubliez pas.

M. Ménard: Non, certain.

(22 heures)

M. Bonneville (Jean-Louis): Nous autres, c'est le bois ouvré.

M. Ménard: Non, non. Comprenez bien...

Le Président (M. Joly): Merci. M. le député de Drummond...

M. Ménard: ...qu'on peut s'entendre.

Le Président (M. Joly): ...s'il vous plaît, brièvement.

M. St-Roch: Aucune question, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. le député de Drummond. M. le ministre, en conclusion.

M. Marcil: Effectivement, M. le Président, ça a été des échanges très, très, très positifs. Je pense que mon collègue de l'Opposition qui, dans sa déclaration d'ouverture, trouvait peut-être l'exercice inutile, bien, aujourd'hui, il s'aperçoit qu'il fallait le faire. Il fallait le faire, il fallait écouter les gens, il le dit lui-même, il l'avoue lui-même. C'est important d'écouter les gens. Je peux vous dire que l'exercice de cette commission parlementaire, je pense que c'est un des exercices majeurs qu'on aura faits sur l'avenir de la loi sur les décrets et on va tenir compte de vos recommandations.

Le Président (M. Joly): Merci. Alors, au nom des membres de cette commission, il me fait plaisir aussi de remercier les membres de l'Association des industries de portes et fenêtres du Québec.

Nous ajournons nos travaux à demain matin, après les affaires courantes, vers 11 heures. Merci.

(Fin de la séance à 22 h 2)