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Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le mercredi 1 juin 1994 - Vol. 33 N° 22

Étude détaillée du projet de loi n° 23, Loi sur la Société du tourisme du Québec


Consultation générale sur le régime des décrets de convention collective ainsi que sur le rapport du Comité interministériel sur les décrets de convention collective de février 1994


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Table des matières

Consultation générale sur le régime des décrets de convention collective ainsi que sur le rapport du Comité

Projet de loi 23 – Loi sur la Société du tourisme du Québec


Autres intervenants
M. Jean A. Joly, président
Mme Madeleine Bleau, présidente suppléante
M. Robert LeSage, président suppléant
M. Denis Perron
M. Russell Williams
Mme France Dionne
*M. Patrick de Niverville, Comité paritaire des agents de sécurité
*M. Jean-Pierre Boursier, idem
*M. Bernard Desjardins, idem
*M. Claude Gingras, CSD
*M. Jean Roy, idem
* M. Rodrigue Brillant, Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec
*M. Pierre-Paul Morissette, idem
* M. Jean-Guy Laberge, Comité paritaire du camionnage du district de Québec
*M. John White, idem
*M. Philippe Trudel, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission
________________

Journal des débats


(Onze heures quatorze minutes)

Le Président (M. Joly): Alors, bonjour. Il me fait plaisir de vous accueillir à cette commission. Je déclare donc la séance de la commission de l'économie et du travail ouverte et je vous rappelle que le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale sur le régime des décrets de convention collective ainsi que sur le rapport du Comité interministériel sur les décrets de convention collective de février 1994.

Mme la secrétaire, je remarque que nous avons des remplacements.

La Secrétaire: Oui. M. Audet (Beauce-Nord) est remplacé par Mme Bleau (Groulx); M. Benoit (Orford) est remplacé par M. MacMillan (Papineau); M. Fradet (Vimont) est remplacé par Mme Loiselle (Saint-Henri); M. Claveau (Ungava) est remplacé par M. Perron (Duplessis).


Consultation générale sur le régime des décrets de convention collective ainsi que sur le rapport du Comité


Organisation des travaux

Le Président (M. Joly): Je vous remercie. Alors, je fais la lecture de l'ordre du jour. D'entrée de jeu, nous avons avec nous le Comité paritaire des agents de sécurité, suivi de la Centrale des syndicats démocratiques et, cet après-midi, nous aurons la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec, pour finaliser avec le Comité paritaire du camionnage du district de Québec.

Hier, M. le député de Laval-des-Rapides avait demandé un document à l'APCHQ. Alors, il me fait plaisir de vous dire, M. le député, que nous avons déjà reçu ledit document, lequel sera reproduit pour le bénéfice des membres de cette commission. Et il y a M. le député de Drummond qui m'a demandé la parole.

M. St-Roch: Oui. M. le Président. Concernant l'ordre du jour qui a été déposé ce matin, je remarque que, lorsque nous arriverons à 16 heures, nous aurons le Comité paritaire du camionnage et, à 17 heures, l'ajournement, ce qui signifie qu'il n'y a aucune place prévue, tel que l'ordre du jour est libellé à ce moment-ci, pour des remarques de conclusion. Alors, est-ce qu'on prévoit, à partir de 17 heures, avoir cette chance-là?

Le Président (M. Joly): M. le député de Drummond, vous connaissez ma façon de procéder. Normalement, je permets à tous les parlementaires de s'exprimer en autant que faire se peut, et ceci dans le cadre de la tradition. Alors, comme j'ai toujours accepté que les parlementaires puissent, d'une façon quelconque, faire quelques remarques de clôture, il me fera plaisir de respecter la tradition. Et, normalement, je reconnais que M. le ministre a des choses à dire en conclusion, je reconnais que le porte-parole de l'Opposition officielle a des choses aussi à dire en conclusion et je reconnais aussi que certains parlementaires veulent s'exprimer. Donc, je donne toute la latitude possible.

M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Marcil: Tout simplement, M. le Président, pour informer mon collègue de Drummond que ça n'existe pas au règlement, des remarques finales, sauf qu'on peut...

Le Président (M. Joly): Toujours dans la tradition.

M. Marcil: ...permettre à tous ceux et celles qui veulent intervenir d'intervenir. Moi, en ce qui me concerne, je vais en faire, ça fait que...

Le Président (M. Joly): Alors, c'est pour ça que j'ai dit que c'était une tradition que j'avais tendance à vouloir continuer.

M. le député de Duplessis.

M. Perron: Oui, M. le Président. Si vous vous rappelez, hier soir, à 20 heures, nous étions supposés...

M. Marcil: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Joly): C'est une question de règlement.

M. Marcil: Juste une seconde. Est-ce qu'on pourrait suspendre une petite minute, s'il vous plaît. Je voudrais jaser avec M. le député de Duplessis.

Le Président (M. Joly): Parfait. Alors, la commission suspend ses travaux quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 17)

(Reprise à 11 h 18)

Le Président (M. Joly): La commission poursuit ses travaux, et je sais qu'il y a un responsable pour le Comité paritaire des agents de sécurité qui va prendre la parole, j'imagine. J'apprécierais s'il pouvait s'identifier et aussi nous introduire les gens qui l'accompagnent.

M. Perron: M. le Président, je m'excuse...

Le Président (M. Joly): Oh! Est-ce que votre question... Ah bon! O.K. Parfait! Je m'excuse.

M. Perron: ...je n'avais pas terminé tout à l'heure. Je m'excuse auprès des...

Le Président (M. Joly): Je vous reviens dans deux petites secondes. M. le député de Duplessis.

M. Perron: M. le Président, vous vous rappelez qu'hier il était question que les membres du Comité paritaire se présentent devant les membres de la commission, et j'aurais une question à vous poser à vous ainsi qu'au ministre. C'est la même question, en fait. Est-ce que vous, de votre côté, vous avez eu des nouvelles des membres du Comité paritaire de l'industrie du verre plat? Et est-ce que le ministre aurait eu des nouvelles depuis hier concernant les représentants du Comité paritaire de l'industrie du verre plat?

Le Président (M. Joly): Moi, en tant que président de cette commission, je puis vous certifier que je n'ai eu aucune approche qui a été faite à mon intention, concernant la non-présence des gens représentant le Comité paritaire de l'industrie du verre plat. M. le ministre.

M. Marcil: Quant à moi, M. le Président, la demande devait être dirigée vers le président de la commission et vers le Secrétariat. Donc, je n'ai pas eu de nouvelles non plus.

Le Président (M. Joly): Ça vous convient, M. le député de Duplessis?

M. Perron: Ça va, M. le Président.


Auditions (suite)


Comité paritaire des agents de sécurité

Le Président (M. Joly): Merci. Alors, le Comité paritaire des agents de sécurité est bel et bien ici ce matin, et il semble bien disposé à nous livrer le fruit de son mémoire. Alors, je vous explique que vous avez une vingtaine de minutes pour nous exprimer ce que votre mémoire contient, lequel mémoire a déjà été analysé, et qu'après ces 20 minutes-là les deux formations politiques auront le loisir, et M. le député de Drummond aussi, de vous poser quelques questions.

Alors, la personne responsable, s'il vous plaît, c'est monsieur...

M. de Niverville (Patrick): Me Patrick de Niverville, pour le Comité paritaire des agents de sécurité.

Le Président (M. Joly): Parfait. Et les gens qui vous accompagnent?

M. de Niverville (Patrick): Oui. À ma gauche, M. Bernard Desjardins, directeur général, M. Jean J. Côté, de l'Union des agents de sécurité, et M. Bernard Paul, des Métallurgistes unis d'Amérique, local 8922; à ma droite, vous avez M. Pierre C. Ricard, qui est le président du Comité paritaire ainsi que le président de l'Association des agences de sécurité et d'investigation de l'Est du Québec, ainsi que M. Jean-Pierre Boursier, de la CASIQ, du Conseil des agences de sécurité et d'investigation du Québec. Voici, M. le Président, M. le ministre et Mmes et MM. les députés.

(11 h 20)

Quant aux différentes recommandations du Comité interministériel, et plus particulièrement à la première, c'est-à-dire celle qui porte sur l'harmonisation de la Loi sur les décrets eu égard aux différentes lois du travail, quant au fait qu'on pourrait annexer au décret les autres conditions de travail prévues par la Loi sur les normes, le Comité paritaire n'a aucune objection. Au contraire, il favorise une telle modification.

Quant au fait qu'on pourrait modifier l'article 30 qui prévoit qu'en cas de congédiement illégal suite à une plainte d'un salarié celui-ci peut obtenir trois mois de salaire à titre de dommages et intérêts, nous sommes également en accord avec le fait qu'on pourrait prévoir un certain pouvoir de réintégration pour le juge en faveur du salarié.

Quant aux autres aspects de la modernisation de la Loi sur les décrets, entre autres quant aux articles 14 et 14.1 de la Loi sur les décrets, nous sommes en faveur de les rendre conformes aux articles 95 à 97 de la Loi sur les normes du travail.

Quant à l'ajout de différentes dispositions semblables aux articles 102 et suivants de la Loi sur les normes, nous avons quand même certaines réserves, compte tenu, entre autres, que, si on compare l'article 102 de la Loi sur les normes à l'article 24 de la Loi sur les décrets, celui-ci prévoit déjà que le comité paritaire a l'obligation de considérer toute plainte d'un salarié ou d'un employeur. Donc, quant à nous, l'ajout n'est pas nécessairement utile dans les circonstances. C'est un peu la même chose pour l'article 103 de la Loi sur les normes, compte tenu que l'article 42 de la Loi sur les décrets prévoit déjà un mécanisme semblable, c'est-à-dire que la confidentialité est assurée au dénonciateur ou au plaignant.

Quant à l'ajout de l'article 104 ou d'une disposition semblable à l'article 104 de la Loi sur les normes, c'est au même effet; l'article 24 de la Loi sur les décrets prévoit déjà une disposition semblable.

On a également suggéré qu'une disposition semblable à l'article 105 de la Loi sur les normes soit ajoutée. Or, vous avez l'article 22a de la Loi sur les décrets qui prévoit déjà que le comité paritaire peut exercer tous les recours qui naissent du décret et de la loi en faveur des salariés. Donc, quant à nous, l'ajout d'une telle disposition n'est pas nécessaire et vraiment utile.

Quant à l'ajout des dispositions semblables aux articles 106, 107 et 107.1, c'est-à-dire que le comité paritaire aurait l'obligation d'informer les salariés du déroulement de leurs plaintes, il y aurait lieu de faire une distinction entre les plaintes que je qualifierais d'individuelles et les plaintes collectives. C'est-à-dire que, comme, par exemple, dans le cas du comité paritaire, il arrive qu'on traite le dossier de 700 ou 800 salariés, c'est un peu plus compliqué de les tenir informés que dans le cas d'un seul monsieur ou d'une seule dame qui porte une plainte. Donc, il devrait y avoir des mécanismes qui pourraient différencier si la plainte est individuelle ou collective.

Quant aux recommandations qui portaient sur la qualité des requérants pour l'adoption d'un décret, nous sommes d'accord avec le fait que le syndicat devrait être un syndicat dûment accrédité au sens du Code du travail.

Quant à la partie patronale, il est question, dans les recommandations du Comité interministériel, qu'il y ait une majorité absolue, c'est-à-dire 50 % plus un, des employeurs. Or, dans le cas de l'industrie de la sécurité, une telle recommandation est tout à fait inapplicable. Par exemple, vous avez les associations patronales qui représentent 23 % des employeurs mais qui emploient 76 % des salariés. Or, est-ce qu'une agence qui emploie deux ou trois salariés, ou, disons, plusieurs agences qui représenteraient deux ou trois salariés ou une centaine de salariés, par rapport à d'autres associations patronales qui peuvent en représenter 10 000 ou 12 000, salariés, pourrait, dans notre cas, bloquer l'adoption d'un décret, alors que celui-ci serait souhaité par l'ensemble de l'industrie? Donc, pour nous, on devrait plutôt recommander une disposition qui viserait à obtenir l'assentiment d'une ou plusieurs associations patronales qui, elles, représenteraient une majorité ou emploieraient une majorité de salariés dans l'industrie.

Vous avez également la recommandation 10 à l'effet que les associations patronales devraient démontrer une certaine vie associative. En principe, nous sommes d'accord avec une telle modification. Cependant, nous aimerions que des critères, que des paramètres soient bien établis, soit par règlement, soit dans la loi, pour nous permettre de les rencontrer. C'est-à-dire, qu'est-ce qu'une vie associative? Est-ce qu'il suffit d'avoir une ou deux réunions par année? Est-ce qu'il faut avoir un nombre x de membres? Est-ce qu'il faut avoir tel genre de budget? Est-ce qu'il faut avoir une permanence, et ainsi de suite? Il devrait y avoir des critères d'établis dans la loi quant à cette recommandation.

Quant à la qualité des documents, il est évident que nous sommes d'accord avec le fait qu'il devrait s'agir d'une vraie convention collective au sens du Code du travail, que les parties devraient également avoir l'obligation de transmettre, avec la requête en extension, tous les renseignements nécessaires pour permettre au ministère de prendre une décision éclairée. Cependant, ces renseignements ou documents devraient être déterminés par règlement, précisément dans le but de permettre aux comités paritaires, aux parties contractantes de connaître leurs obligations suivant la loi et les règlements.

Quant à la vérification de la légalité des différentes dispositions qui pourraient être proposées par un décret, oui, nous sommes d'accord avec cette proposition, cette recommandation, dans la mesure où cette vérification s'effectue dans un délai raisonnable. C'est-à-dire qu'on ne voudrait pas que, d'une certaine façon, ça puisse bloquer l'adoption des conditions de travail pour les salariés. D'autre part, il faudrait peut-être songer à qui cette vérification serait donnée. Est-ce que ça serait au service des décrets? Est-ce que ça serait à la Commission des normes du travail, au contentieux de la Commission des normes, et ainsi de suite? À mon avis, il devrait s'agir d'un organisme spécialisé.

Quant aux autres recommandations touchant ou interdisant le double assujettissement, dans sa forme actuelle, nous ne sommes pas d'accord avec cette recommandation sauf dans la mesure où, évidemment, il y aurait des critères précis quant à la définition du double assujettissement.

Quant à la recommandation qui porte sur une forme d'arbitrage spécialisé, nous sommes d'accord dans la mesure où celui-ci ne porte pas sur l'activité principale de l'employeur, mais uniquement sur le genre de travail effectué. Par exemple, vous pourriez avoir une compagnie qui a une ou plusieurs spécialités. Admettons une compagnie qui produit deux biens différents. Le premier bien, disons le bien a, produit environ 80 % du profit brut et le bien b produit 20 % du profit brut. Cependant, un examen des états financiers vous démontre que le premier produit qui est manufacturé à 80 % rapporte uniquement 20 % des profits nets, et c'est le produit qui est manufacturé à seulement 20 % de l'activité principale de la compagnie qui, lui, rapporte la majorité des profits nets de la compagnie. Donc, si c'est fondé uniquement sur l'activité principale, vous pouvez avoir un problème. De la même façon, vous pourriez avoir une compagnie qui a trois sortes d'activités: 30 %, disons, dans le domaine de la sécurité, 30 % dans le domaine de l'entretien d'édifices publics et 30 % dans la construction, disons. Or, cette compagnie ne serait visée par aucun décret si on appliquait une telle disposition.

Quant à la représentativité des conditions de travail, dans l'ensemble, nous sommes d'accord avec le fait que les conditions de travail devraient être acceptées par une majorité d'employeurs et de salariés, mais tel que nous l'avons défini précédemment. C'est-à-dire que, dans le cadre de l'industrie de la sécurité, nous avons un problème, c'est que la majorité des associations patronales qui... Bon, disons que 23 % des employeurs représentent à eux seuls 76 % des salariés.

(11 h 30)

Quant à la nature des conditions de travail, c'est-à-dire que, suivant la recommandation 19 du Comité interministériel, il devrait y avoir une étude de l'impact économique avant que le décret ne soit extensionné. Nous sommes d'accord avec une telle recommandation. Cependant, qui va assumer les frais d'une telle étude? Vous pouvez avoir une étude économique qui va vous coûter environ 10 000 $, comme vous pouvez en avoir une de 100 000 $, comme vous pouvez en avoir une qui porte uniquement sur les provinces canadiennes, d'autres qui vont porter sur l'Amérique du Nord au complet, et ainsi de suite. Il devra évidemment y avoir des critères d'établis dans la loi.

Quant à la question des heures d'ouverture ou de fermeture, quant à l'industrie de la sécurité, ceci n'a pas d'impact compte tenu que la sécurité s'effectue 24 heures sur 24, sept jours par semaine.

Quant, également, aux recommandations 22, 23 et 24 concernant les hausses de salaire, est-ce que certaines hausses de salaire devraient être interdites ou permises, ceci n'a aucune application non plus dans le domaine de la sécurité.

Quant à la classification des emplois qui devrait être plus souple suivant le Comité interministériel, nous sommes d'accord avec cette recommandation. D'ailleurs, le Comité paritaire, déjà, dans sa nouvelle requête en modification, a tenté d'assouplir les différentes classifications d'emploi.

Quant à la composition et aux activités du comité paritaire, c'est-à-dire les recommandations 26 et 27 du Comité interministériel, je vous souligne que l'article 17 de la Loi sur les décrets prévoit déjà un pouvoir de nomination de membres adjoints. Quant aux comités paritaires, on pourrait les qualifier d'observateurs ou même de membres à part entière, et ce serait peut-être une façon d'accorder au public une vision directe ou un accès direct aux comités paritaires, ce qui améliorerait la transparence des différents comités paritaires. On est entièrement d'accord avec ça.

Quant au pouvoir de tutelle et d'administration provisoire qui est suggéré par la recommandation 28 du Comité interministériel, nous sommes également entièrement d'accord avec cette recommandation, évidemment sujet à certains critères: que la loi ou qu'une réglementation établisse dans quelles circonstances, suivant quel cas précis et à quelle condition le ministre peut décréter une administration provisoire.

Quant à l'accès aux documents pour le ministre, qui est suggéré par la recommandation 29, oui, nous sommes d'accord. Cependant, l'article 23 de la Loi sur les décrets prévoit déjà que le ministre, par le biais des inspecteurs, peut obtenir copie de tous les documents qu'il désire puisque les inspecteurs du ministère possèdent les mêmes pouvoirs que les inspecteurs du comité paritaire, suivant l'article 22e. Donc, à notre avis, la loi est suffisante sur ce sujet. Cependant, on est ouvert à des modifications si le législateur le jugeait nécessaire.

Quant à la recommandation 30 du Comité interministériel, qui porte sur l'organisation de cours pour les nouveaux administrateurs, évidemment, nous sommes aussi en accord dans la mesure où les différents comités paritaires peuvent collaborer à la mise en place de ces cours.

Finalement, quant aux conditions de travail susceptibles d'être étendues ou extensionnées, le Comité interministériel, à la recommandation 31, recommandait l'extension de toutes les conditions de travail. Nous sommes en désaccord avec cette recommandation compte tenu que ça va un peu à l'encontre de l'historique de la Loi sur les décrets où ça a toujours été certaines conditions de travail, chacun ayant son rôle, qu'il s'agisse du syndicat, de la Loi sur les normes ou du comité paritaire.

Quant à la date d'expiration à laquelle réfère la recommandation 32 du Comité interministériel, nous suggérons plutôt le statu quo, c'est-à-dire que les délais, déjà, sont suffisamment longs au moment de l'extension, et il serait peut-être malvenu d'imposer, comme tel, un délai spécifique.

Quant au fait de prévoir des dispositions transitoires ou des mesures transitoires pour la nouvelle loi, nous sommes entièrement en accord avec le fait que ces dispositions transitoires pourraient accorder un délai de 18 mois, ou même plus dans certaines circonstances, au comité paritaire pour s'ajuster aux nouvelles dispositions qui seraient éventuellement adoptées.

Quant à la traduction des décrets ou des requêtes, également, je pense qu'il est normal, dans la situation économique du Québec, que ces frais soient à la charge des comités paritaires.

C'était notre présentation. J'attends vos questions, s'il y a des questions.

Le Président (M. Joly): Alors, je vous remercie, M. de Niverville. M. le député de Nelligan et adjoint au ministre, M. Williams, s'il vous plaît, à vous la parole.

M. Williams: Merci, M. le Président, et merci beaucoup pour la présentation, ce matin, par le Comité paritaire des agents de sécurité. J'ai apprécié votre mémoire beaucoup. J'ai trouvé ça tellement clair, direct; j'ai juste quelques questions pour essayer de clarifier, pour moi, un peu plus, et je sais qu'il y a plusieurs de mes collègues qui veulent aussi demander quelques questions.

Je voudrais retourner à votre mémoire, à la dernière page, qui a juste un paragraphe, où vous avez écrit: «Par contre, l'abolition de la loi entraînerait la perte de nombreux emplois, directs et indirects.» Avec ça, vous avez affirmé clairement que l'abrogation de la Loi sur les décrets de convention collective, dans votre opinion, va causer des pertes d'emplois. Est-ce que vous pouvez expliquer cette ligne de pensée? De les perdre, mais aussi...

M. de Niverville (Patrick): Oui. Peut-être, en...

M. Williams: Excusez. Les perdre pourquoi? Et quel type d'emplois?

M. de Niverville (Patrick): Peut-être plutôt au niveau de la perte des emplois indirects, c'est-à-dire qu'à l'heure actuelle, par exemple, dans le domaine de la sécurité, les agents de sécurité gagnent 9,80 $ l'heure. Dans l'hypothèse où la loi est abolie, ou le décret, ou certains décrets, c'est que tout le monde, ou à peu près, va tomber au salaire minimum, c'est-à-dire que ces personnes-là vont investir dans l'économie des sommes beaucoup moindres. C'est évident qu'une personne qui fait 300 $, 400 $ ou 500 $ par semaine peut évidemment consommer plus et créer plus d'emplois en bout de piste. C'est que, si on s'enligne sur des salaires équivalents à ceux du Mexique, bien, ça va entraîner le reste également aussi.

De toute façon, au niveau de l'abolition de la loi, si j'ai bien compris, le ministre Marcil a bien expliqué qu'il s'agissait plutôt de modifications que d'abolition, comme telle, du système des décrets.

M. Williams: Merci. À la page 6 de votre mémoire, je pense que c'est la recommandation 9, il me semble que vous êtes en désaccord avec les modalités proposées par le Comité interministériel afin d'évaluer la représentativité des employeurs. Vous avez proposé votre amendement à la fin de la page 6, mais aussi plus tard, je pense, dans la même page de ce mémoire, vous avez précisé que, dans votre secteur d'activité, les associations d'employeurs regroupent 23 % des employeurs, mais lesquels embauchent 76 % des salariés. Est-ce que vous voyez des assouplissements dans votre suggestion afin d'éviter qu'on favorise juste les grandes entreprises au détriment des petites entreprises?

M. de Niverville (Patrick): Je dois vous mentionner, M. le député de Nelligan, qu'il s'agit effectivement uniquement d'une suggestion. On n'a pas la prétention de régler tous les problèmes, et encore moins ceux qui, peut-être, affectent d'autres domaines que les

agences de sécurité. Mais, comme tel, il s'agit uniquement d'une suggestion. Nous sommes ouverts à toute autre forme de proposition qui tiendrait compte du domaine particulier de la sécurité où, malheureusement – ou heureusement – vous avez d'un côté, effectivement, des très grandes entreprises qui peuvent engager 800, 900, 1000, 1200 employés et d'autres qui sont plutôt familiales avec deux, trois, quatre, cinq ou une dizaine d'employés.

Cependant, en toute justice pour tout le monde, si on embauche 76 % des salariés d'une industrie, je pense que notre droit de vote devrait être considéré peut-être à un titre différent, compte tenu qu'on a peut-être plus accès à ce que les gens veulent réellement.

M. Boursier (Jean-Pierre): Moi, je voudrais rajouter quelque chose là-dessus. Remarquez bien, nos deux associations, autant CASIQ que l'ASIEQ, regroupent également des propriétaires de plus petites agences. Nos associations sont ouvertes sans égard à la grosseur des agences. Au CASIQ, un membre a un droit de vote égal, qu'il ait 2000 employés ou un employé, il est membre, il a un droit de vote égal, puis nos associations sont ouvertes. On fait des sollicitations pour avoir les gens, puis tout le monde est bienvenu. Ce n'est pas des associations fermées, puis ce n'est pas difficile d'y rentrer. Au CASIQ, la cotisation annuelle est de 100 $. C'est du bénévolat des gens, partout, ça fait qu'on n'empêche aucune agence d'y rentrer à cause de la cotisation. Les gens sont bienvenus d'y rentrer.

Mais les gens semblent satisfaits. Remarquez bien, on négocie la convention collective maîtresse et puis les gens ont à la subir. On ouvre les portes, on leur dit: Si vous voulez avoir votre mot à dire, rentrez, et les gens semblent satisfaits de ce qu'on négocie. Mais, quand ils ont à souffrir un décret puis à le vivre, bien, dans ce temps-là, c'est moins facile. Il y a une certaine discipline à mettre. La nature humaine étant ce qu'elle est, une fois que c'est passé, les gens sont moins contents. Mais, par contre, nos associations sont ouvertes. Pour votre question, on peut représenter les gros comme les petits.

(11 h 40)

M. Williams: Merci beaucoup. Je prends note de tout votre mémoire, des suggestions, et je l'ai lu. On n'étudie pas article par article une loi, là. Je ne veux pas questionner les mots que vous avez utilisés, je voudrais juste savoir si nous avons vraiment pensé à la façon de protéger toutes les entreprises dans ce secteur.

Dernière question avant que je passe la parole à mon collègue. J'ai vu dans votre mémoire, page 13, que vous avez exprimé une réticence devant les dispositions qu'on peut introduire dans la Loi sur les décrets de convention collective pour permettre au ministère d'obtenir sur demande tout renseignement nécessaire afin d'assurer le degré de vitalité des comités paritaires et la qualité de leur gestion. À la page 13 de votre mémoire, on lit que, selon vous, le ministère a déjà tous les pouvoirs nécessaires pour faire les demandes, alors que la loi ne lui donne, dans les faits, que le pouvoir d'exiger un rapport annuel, les prévisions budgétaires et un bilan annuel de ses activités. Toutes autres informations devront être recueillies via une inspection formelle.

Est-ce que vous pouvez peut-être élargir un peu votre opinion sur cette question? Parce que je pense que tout le monde cherche le même but, et je voudrais juste avoir plus d'information sur cette recommandation que vous trouvez à la page 13 de votre mémoire.

M. de Niverville (Patrick): Je vous répondrai, M. le député, qu'au niveau de l'extension des conditions de travail, de mémoire, c'est les articles 6 à 9 de la Loi sur les décrets qui sont, à notre avis, suffisamment larges, mais il y a également une question de philosophie. C'est que, si nous incluons dans les décrets toutes les conditions de travail... On est à la page 13, si j'ai bien compris, à la recommandation 31?

Une voix: Vingt-neuf.

M. de Niverville (Patrick): Excusez. Pour l'accès aux documents, oui. C'est qu'actuellement dans la loi, à l'article 23 – excusez-moi, M. le député – on prétend que le ministre peut retenir les services d'un enquêteur ou inspecteur qui a les mêmes pouvoirs que ceux à 22e. Or, 22e a été aussi jugé constitutionnel, comme vous le savez, par la Cour suprême, le 27 janvier de cette année. À notre avis, c'est entièrement suffisant. Si l'Assemblée nationale décrétait que ces pouvoirs ne sont pas suffisants et qu'il serait justifié de mettre des pouvoirs d'enquête plus extensionnés, je ne pense pas que les parties contractantes, ni le comité paritaire, ni même d'autres comités auraient d'objection à ça. Ça pourrait être précisé, mais, dans le cadre actuel de la loi, il y a déjà de très grands pouvoirs qui sont accordés en vertu de 22e et 23.

M. Williams: Merci beaucoup. Je passe la parole.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député. Mme la députée de Groulx, s'il vous plaît.

Mme Bleau: Oui, monsieur. Dans votre mémoire, vous affirmez que les problèmes de double assujettissement ne doivent pas être tranchés en fonction de l'activité principale de l'entreprise mais plutôt suivant le genre de travail visé au décret. Bon. Quand on pense à votre groupe, vous êtes séparés: agents de sécurité, entretien de bâtiments, bon. Vous pouvez avoir plusieurs opérations, puis c'est plus facilement distinct les uns des autres. Mais, quand on pense aux critères dont on devra se servir, justement, pour toutes les autres industries qui sont soumises à du double assujettissement... Je regarde un peu ce qui se passe chez nous, là, l'industrie des portes et fenêtres, où ils sont soumis, souvent, à un syndicat et à deux comités paritaires. Bon, on ne pourra pas définir s'ils font plus de vitre que de bois, que de PVC, ou autre. Qu'est-ce que vous suggérez qu'on prenne en compte pour définir les critères, à ce moment-là, s'ils ont a faire un choix entre un comité paritaire ou un autre?

M. de Niverville (Patrick): Je pense que ces critères-là devraient être définis par règlement et après une consultation des comités paritaires, des associations syndicales, des associations patronales, et ainsi de suite, dans chacun des secteurs de l'industrie. Parce que chaque industrie est totalement différente. Je peux vous répondre pour ce que je connais, l'industrie de la sécurité, mais dans d'autres domaines, effectivement, vous ne pourrez pas, à mon avis, à mon humble avis, mettre dans la loi des critères qui pourraient s'appliquer à chacun des secteurs d'activité économique que l'on connaît. Mais on pourrait peut-être faire référence aux activités principales, quitte à le définir par règlement. Mais, quant à nous, ça sera un travail très ardu et très compliqué parce que chaque secteur, effectivement, est différent.

Mme Bleau: Et, pour vous, est-ce que le double assujettissement, c'est un problème dans l'industrie ou si ce n'est pas un problème?

M. de Niverville (Patrick): À ma connaissance, ce n'est pas un problème. M. Desjardins.

M. Desjardins (Bernard): Dans notre industrie, ce n'est effectivement pas un problème. Par contre, si vous me permettez un commentaire, quand vous parlez de double assujettissement et d'activité principale, il faudrait peut-être penser aussi à la flexibilité de cette activité principale. Si vous assujettissez un employeur sur son activité principale, il n'y a rien qui nous dit que, dans six mois, elle n'aura pas changé. Il y a des secteurs, peut-être comme dans le vêtement, où c'est peut-être plus facile, mais, dans portes et fenêtres, c'est plus statu quo, peut-être. Mais, dans le vêtement, un employeur qui fait de la robe peut peut-être, dans trois mois, faire des jeans. Alors, il y a un danger, là, sur l'activité principale.

Mme Bleau: Merci, monsieur.

Le Président (M. Joly): Ça va, Mme la députée? Merci. M. le député de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

M. Ménard: Oui. Votre rapport est précis sur un tas de points, et je pense qu'il va être très utile pour qui voudra, à un moment donné, apporter les amendements législatifs ou réglementaires qui doivent être apportés. Vous provenez d'un type d'activité ou c'est évident que le décret est fort utile. Vous ne le dites pas beaucoup là-dedans, mais je pense que c'est évident que, s'il n'y avait pas de décret, les agents de sécurité seraient probablement au salaire minimum, comme ils l'ont d'ailleurs déjà été, je crois, avant votre existence, et qu'on n'aurait pas la qualité de surveillance fournie. Je pense que c'est un bel exemple de l'utilité de la loi. C'est pourquoi je vais me permettre de vous demander quelques questions plus difficiles, peut-être, à répondre. Ce n'est pas parce que, moi, je mets en doute l'utilité de la loi, mais pour bien m'aider à la défendre à l'égard des gens qui la mettent en doute.

La première chose que je remarque, vous vous plaignez à quelques occasions – et de façon fort discrète, mais d'autres le font plus souvent que vous – des délais que vous avez à subir lorsque vous vous adressez au ministère pour obtenir des décisions. Est-ce que c'est exact, selon votre expérience, que les délais sont trop longs?

M. de Niverville (Patrick): Bien, pour les délais, il faudrait que je demande à M. Desjardins, n'ayant pas vécu la question des délais personnellement mais au niveau du Comité paritaire.

Le Président (M. Joly): M. Desjardins, s'il vous plaît.

M. Desjardins (Bernard): Si vous me permettez, en quelques circonstances, le décret sur les agents de sécurité a demandé certaines modifications, à des périodes différentes. Dans chacune des situations, les délais n'ont jamais été les mêmes. Nous avons déjà obtenu un décret, une deuxième publication, à l'intérieur d'une période de quatre mois et demi, et dans d'autres cas ça a pris beaucoup plus de temps. Le dernier exemple: nous avons soumis une requête de modification le 19 novembre, elle vient d'être prépubliée le 18 mai, donc six mois presque jour pour jour pour la prépublication. J'ai...

M. Ménard: Est-ce qu'il y a une relation entre le délai et la difficulté du problème que vous posez...

M. Desjardins (Bernard): Voilà!

M. Ménard: ...ou si c'est d'autres choses?

M. Desjardins (Bernard): Non.

M. Ménard: Ça n'a rien à voir?

M. Desjardins (Bernard): La problématique sur ce sujet, si vous me permettez, c'est que... J'ai assisté hier à quelques réunions de la commission, et vous avez soulevé ce point, et vous avez demandé aux personnes quelle serait la solution. Je pense que, d'abord, avant de pouvoir émettre une possibilité de solution, il faudrait, pour nous, connaître d'une façon totale le système interne du ministère. C'est-à-dire que, quand on pose des questions, on nous dit: Bon, c'est rendu sur le bureau du sous-ministre, c'est au Bureau des règlements, c'est au juridique, c'est à la traduction, sans vraiment connaître d'une façon précise et officielle la systématique de la chose à partir du jour où on dépose une requête. En connaissance de cause, peut-être qu'on pourrait faire une suggestion pour améliorer la période des délais, mais, sans cette connaissance de cause, pour nous, c'est difficile, je pense, de vous soumettre des solutions.

La seule chose qu'on peut faire, c'est d'espérer que ça ne bloquera pas à la traduction, ou au juridique, ou au département des règlements, ou sur le bureau du sous-ministre, ou sur le bureau du ministre.

M. Ménard: Vous n'avez pas l'impression que, depuis quelques années, tout le monde attend un peu l'abolition de la Loi sur les décrets, puis, au fond, qu'il n'y a pas vraiment un arbitre, quelque part au ministère, qui pourrait arbitrer rapidement et efficacement les problèmes que pose la Loi sur les décrets de convention collective? Qu'elle va toujours causer, d'ailleurs, parce qu'il y aura toujours des problèmes d'arbitrage entre différents décrets, entre des problèmes d'extension horizontale, dont je voudrais vous parler tout à l'heure, d'ailleurs, aussi...

M. Desjardins (Bernard): Oui.

M. Ménard: ...et suite... C'est une loi qui demande, je dirais, pour reprendre un mot que j'ai entendu souvent ici, de l'autre côté, une attitude proactive de la part, n'est-ce pas, du gouvernement.

M. Desjardins (Bernard): Oui. Vous soulevez un point qui est important. Par contre, si vous me permettez une opinion personnelle, ce n'est pas tant la loi qui est si complexe. Je pense qu'on a constaté, depuis le début de cette commission, qu'à l'intérieur des décrets il y a beaucoup plus d'irritants que dans la loi même. Je pense que peut-être que quelques modifications à la loi pourraient survenir, à la réalité, dans les faits, mais, si chacun des secteurs analysait son propre contenu de décret, on pourrait régler sûrement beaucoup d'autres problèmes qui sont soulevés ici par l'entremise des gens qui en ont contre, et qui sont aussi, souvent, admis dans certains cas par les gens qui sont pour.

M. Ménard: O.K. Je vais maintenant vous demander une question vraiment difficile, mais j'aimerais avoir vos suggestions là-dessus. Vous réalisez que le problème de l'extension horizontale peut être à la fois d'une importance capitale pour bien couvrir l'activité que l'on veut qui soit couverte par les décrets. Par exemple, une question préliminaire que je voudrais vous demander: Si la Place Ville-Marie décide de se faire un corps de sécurité – parce qu'ils sont assez gros pour ça, pour avoir leurs propres agents de sécurité; ça va être évidemment très accessoire par rapport à l'ensemble de leurs opérations, et je ne crois pas qu'ils en tirent le maximum de profits non plus, hein – alors est-ce qu'actuellement ces agents de sécurité engagés par la Place Ville-Marie sont couverts par le décret?

M. Desjardins (Bernard): Si vous me permettez, M. le ministre...

M. Ménard: Non, non, je suis du côté de l'Opposition.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Vous avez vu les sondages. Merci!

(11 h 50)

M. Desjardins (Bernard): Ah! excusez-moi...

Le Président (M. Joly): C'est le député de Laval-des-Rapides.

M. Desjardins (Bernard): Je m'excuse de ce lapsus. Pardonnez-moi.

Le Président (M. Joly): Je m'excuse, on n'a pas le droit, ici, de créer des attentes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Desjardins (Bernard): M. le député, si vous me permettez, à l'article 203, cinquième paragraphe de notre décret, ce genre de situation est déjà exclu. Toute personne qui s'attribue ses propres services de gardiennage est exclue de notre décret.

M. de Niverville (Patrick): Il n'y a jamais eu d'extension horizontale dans le décret.

M. Desjardins (Bernard): Et il n'y en aura pas.

M. Ménard: C'est parce que, moi, personnellement, je verrais plus le corps de gardien de sécurité de Place Ville-Marie relever de votre décret que les caissiers dans un stationnement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Nous les... Oui, allez-y.

M. Boursier (Jean-Pierre): Alors, là-dessus, remarquez bien – vous ouvrez la porte pour les caissiers – historiquement, pour les caissiers et caissières dans les terrains de stationnement, dans les demandes de soumissions des grands employeurs, les hôpitaux, les places publiques, c'est des demandes qui ont été toujours faites à des agences de sécurité. C'est qu'un agent de sécurité, par ses fonctions également, dans ses fonctions, était à la guérite, voyant à la surveillance. C'est une fonction qui est bien claire au décret des agents de sécurité. Puis, ça, c'est la base même. On voit certains employeurs, il y en a qui sont plus smart que d'autres. Il y a des employeurs... On a la loi des décrets, puis on dit: Un agent de sécurité peut être appelé à avoir la fonction de caissier dans une guérite, en plus de surveiller.

Ce n'est pas parce que les gens vont s'appeler fournisseurs ou qu'ils fournissent des services à un tiers qu'ils vont s'exclure. Là, on fausse complètement la base même de l'extension d'un décret, parce que la fonction... Vous parlez de la fonction de caissier et caissière; c'est une fonction qui est au décret et qui a toujours été là pour les agents de sécurité. Ça a été demandé à des agences de sécurité de fournir un agent de sécurité qui agira en tant que caissier. Puis, ça, c'est les demandes de...

M. Ménard: Écoutez, je ne veux pas qu'on règle ce cas-là ici...

M. Boursier (Jean-Pierre) Non, non, mais vous en parlez...

M. Ménard: ...je comprends qu'il y a des arguments pour et qu'il y a des arguments contre. Mais, ce que je voudrais de vous, la question plus fondamentale... Parce que je peux vous dire que, dans d'autres industries, c'est très important que l'extension horizontale couvre un grand employeur, et je sais que, dans le nettoyage, entre autres, c'est extrêmement important que l'extension horizontale aille à une activité de nettoyage dans un grand édifice, même si c'est le locateur de l'édifice qui décide de la créer. Mais il y a quand même un problème d'extension horizontale. Il y a des problèmes d'extension horizontale qui vont se poser. Des fois, ils sont justifiables; des fois, ils le sont moins. Il y a des arguments des deux parties qui peuvent être présentés.

La façon dont ces problèmes-là sont réglés actuellement, c'est que, le comité paritaire qui prétend que telle activité est couverte par le décret, à l'égard d'un employeur qui prétend que non, il n'y a pas d'autre moyen de régler ça, d'après ce que je comprends, que de prendre des poursuites judiciaires contre lui. Puis, là, ça s'accumule pendant des longs délais avant qu'on ait une décision des tribunaux. Puis, pendant que ça s'accumule, il y a une partie, qui est de bonne foi, qui dit: Non, je ne suis pas couverte par le décret. Puis il y a un comité paritaire, qui est de bonne foi, qui dit: Oui, vous êtes couverte par le décret. Puis les poursuites s'accumulent, puis les montants s'accumulent, puis, là, tout le monde prend le risque de la décision judiciaire qui va éventuellement être rendue dans un, deux, trois, quatre, cinq ans. Il n'y aurait pas un moyen de régler ces problèmes où les deux parties sont de bonne foi comme ça, sur l'extension horizontale, d'une meilleure façon, sans que les gens prennent des risques épouvantables?

M. de Niverville (Patrick): Bien, voici, Me Ménard, pour nous, c'est précisément la raison pour laquelle on est d'accord avec le fait qu'il devrait y avoir une forme d'arbitrage spécialisé. À ce moment-là, il faudrait également peut-être extensionner les délais de prescription, ou il faudrait peut-être prévoir que, durant l'arbitrage, la prescription ne court pas. Ça pourrait être ça, tout simplement, et on le ferait trancher par un arbitre spécialisé qui viendrait déterminer si, par exemple – pour ne pas les nommer – les stationnements sont couverts ou non, et ainsi de suite. Mais, à ce moment-là, la prescription serait suspendue, et possiblement, un peu comme dans d'autres formes d'arbitrage, que la décision pourrait être finale et sans appel, et les deux parties devraient vivre avec cette décision, à ce moment-là.

M. Ménard: Bien, c'est une excellente suggestion. Je passe la parole.

M. St-Roch: Oui...

M. Ménard: C'est aussi précis que tout votre rapport, puis c'est très bien. Merci.

Le Président (M. Joly): M. le député de Drummond, s'il vous plaît.

M. St-Roch: Oui, M. le Président. Je vais étonner M. Boursier, j'ai lu le mémoire... Je pense qu'on connaît ma position sur le maintien et la modernisation de la loi, et surtout le côté public. Alors, j'ai apprécié la lecture de votre mémoire. Et M. Boursier va être étonné, je n'ai pas de question, M. Boursier.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): M. le ministre, aimeriez-vous rajouter quelque chose, s'il vous plaît?

M. Marcil: Je n'ai pas écouté les questions du début, là, mais au cas, des fois, où on ne vous l'aurait pas posée: Seriez-vous en faveur pour que le régime des décrets de convention collective soit administré par un organisme gouvernemental?

M. de Niverville (Patrick): Bien, si je comprends actuellement le système des comités paritaires et des décrets avec la Commission des normes du travail, si j'étais salarié, personnellement, j'aimerais mieux être soumis au décret qu'à la Loi sur les normes du travail. C'est-à-dire que la Commission des normes du travail, malgré toute sa bonne volonté, est actuellement, à mon avis, déjà très débordée et ne traite pas les dossiers de la même façon qu'un comité paritaire peut le faire. C'est-à-dire qu'on va traiter les dossiers suivant qu'il y a une plainte ou non d'un salarié. On va enquêter pour M. X. Même s'il y a 700 ou 800 personnes qui sont dans le même cas dans l'entreprise, on va se limiter à étudier un seul cas, ce qui est différent dans le domaine des comités paritaires; on essaie de régler les problèmes et, évidemment, d'assurer à tous et chacun des conditions normales de travail, et adéquates.

M. Marcil: Même s'il y avait, au niveau de la loi des normes du travail, des chapitres, des ordonnances sectorielles avec des tarifs, des conditions de travail différentes de celles, pour les normes minimales, qui s'appliquent actuellement? C'est seulement à titre d'information, là. Je veux seulement connaître votre opinion.

M. de Niverville (Patrick): Si, par exemple, on prévoyait par ordonnance ou par règlement, dans la Loi sur les normes, des tarifs horaires, ça, c'est une chose. À ce moment-là, l'employeur ou l'employé aurait à consulter une seule loi ou un seul règlement pour savoir à combien il a droit pour son taux horaire ou le temps supplémentaire, ainsi de suite. Mais l'application quotidienne du décret, des autres conditions puis des réclamations de salaires, à mon avis, devrait continuer d'être confiée aux différents comités paritaires, lesquels aussi, au cours des années, ont, à mon avis – en tout cas, à mon humble avis – réussi et démontré leur spécialité dans le domaine, contrairement où, là, on verrait à confier des secteurs très spécialisés à des avocats ou des administrateurs qui n'ont pas connaissance de ces domaines spécialisés.

M. Marcil: Bon. Je vous remercie beaucoup.

(12 heures)

M. de Niverville (Patrick): Merci, M. le ministre.

M. Ménard: Est-ce que je peux...

Le Président (M. Joly): Oui, sûrement, M. le député de Laval-des-Rapides. Sûrement.

M. Ménard: Puisqu'on a du temps, il y a une autre question générale que j'aimerais vous poser. J'ai remarqué qu'à plusieurs moments, dans votre rapport, vous nous dites: Le critère n'est pas assez précis. Il faudrait le baliser de façon plus précise. Bon. Vous n'êtes pas les seuls à nous dire ça. Ma peur, c'est que, en balisant de façon trop précise, au moment où on balise...

Une voix: On exclut...

M. Ménard: ...on pense aux problèmes actuels, et, quand il s'en pose d'autres plus tard, auxquels on n'avait pas pensé, on s'est imposés des limites qui sont contraires à l'esprit, au fond, des principes qu'on voulait avoir. Moi, je suis prêt à... J'ai l'impression que, pour faire vivre une loi comme celle-là, ça prend un ministre qui y croit, que ce soit un ministre, ou un commissaire, ou n'importe qui, mais que la personne qui doit poser les arbitrages rapidement, approuver les décrets, mette fin aux décrets qui ne sont plus utiles – parce que, à un moment donné, c'est une loi qui est vivante, ça – et ainsi de suite, ça demande quelqu'un qui y croit, à qui le législateur doit donner les balises générales, les principes. Vous n'avez pas peur qu'en établissant des principes, des balises trop précises vous tuiez l'adaptabilité de la loi, sa souplesse? Et je suis convaincu que quelqu'un qui n'y croit pas à cette loi-là, il ne la fait pas marcher.

M. de Niverville (Patrick): Oui. Voici, Me Ménard, comme juriste, vous connaissez parfaitement les différents mécanismes qui sont prévus et les différentes façons d'exercer le pouvoir réglementaire. C'est que, dans la loi, on pourrait avoir des définitions d'ordre général, par exemple, si on parle de doubles assujettissements, d'activités principales, etc., et il n'est pas dit aussi que, par le biais du pouvoir réglementaire, on ne pourrait pas avoir un règlement d'ordre général, qui s'appliquerait à tous les comités paritaires, qui serait les grands principes, et d'autres règlements qui seraient adaptés à chacun des secteurs. Ce qui se fait, entre autres, à ma connaissance, dans le domaine des professions, par exemple, où vous avez un article dans le Code des professions qui dit: Chaque corporation doit avoir un code de déontologie suivant quatre ou cinq grands critères, et chaque corporation l'adopte ou l'adapte suivant la spécificité de sa profession.

Le Président (M. Joly): Ça va, M. le député?

M. Ménard: Merci.

Le Président (M. Joly): Oui? Alors, à mon tour, au nom des membres de la commission, il me fait plaisir de vous dire merci d'avoir été présents. Et je demanderais maintenant aux gens qui représentent la Centrale des syndicats démocratiques de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.

(Consultation)

Le Président (M. Joly): Alors, la commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir de vous accueillir, messieurs de la Centrale des syndicats démocratiques.

Je demanderais à M. Gingras de bien vouloir nous introduire les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.


Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Gingras (Claude): Merci, M. le Président. Alors, je voudrais vous présenter François Vaudreuil qui est le vice-président de la CSD, qui est à ma gauche immédiate; François Hamel, à l'extrême gauche, qui est de la Fédération des syndicats du textile et du vêtement, en tant que président; à ma droite immédiate, Jean Roy, président de la Fédération démocratique de la métallurgie, des mines et produits chimiques à la CSD, mais également président du syndicat des garages de la région de Québec, et, à mon extrême droite, Louis Tremblay qui est responsable du service de recherche à la CSD.

Le Président (M. Joly): Alors, pour la forme, parce que je sais que vous connaissez déjà la procédure et les règles qui la composent, je vous souligne que vous avez une vingtaine de minutes pour nous livrer votre mémoire et que, par après, les parlementaires des deux formations, plus le parlementaire de Drummond, auront le loisir d'échanger avec vous. S'il vous plaît.

M. Gingras (Claude): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, M. le ministre, M. le critique officiel de l'Opposition, membres de la commission parlementaire de l'économie et du travail, la CSD accueille avec intérêt l'opportunité que lui procure cette nouvelle consultation de faire connaître sa position quant à la Loi sur les décrets de convention collective et, bien sûr, le rapport du Comité interministériel qui a été chargé d'en faire l'étude.

Il est acquis que la loi actuelle ne permet plus aux partenaires de résoudre les problèmes de concurrence déloyale et ceux de la survie et du développement, particulièrement dans le secteur manufacturier. L'apprentissage et la compétitivité des industries sont deux volets qui nécessitent la contribution d'organismes tels les comités paritaires pour assurer leur succès dans le cadre de la loi modifiée.

Le principal problème de la loi ne réside pas dans les difficultés d'application, mais plutôt dans l'immobilisme du gouvernement du Québec à la modifier et à décider rapidement des questions qui lui incombent. Celui-ci n'a pas su saisir l'occasion d'appliquer les solutions et les recommandations contenues dans de multiples consultations et rapports sur la loi des décrets. Il est urgent que des modifications soient enfin apportées à cette loi.

Quoi qu'en disent certains dénigreurs de la loi, les coûts de main-d'oeuvre constituent un faux problème. Dans les secteurs manufacturiers assujettis par un décret, ils représentent, dans la majorité des cas, moins de 20 % de la valeur de la production. De plus, comme a pu le constater le comité, on observe une croissance plus élevée des salaires en Ontario par rapport au Québec dans les secteurs assujettis par un décret. C'est assez indicateur. Il en est de même pour les coûts unitaires de main-d'oeuvre.

La CSD estime que la loi doit être modifiée pour améliorer la définition de la prépondérance, clarifier l'application de l'extension juridique, faire une place à la qualification et à l'apprentissage et, également, modifier le financement des comités paritaires.

La Centrale des syndicats démocratiques et ses affiliés considèrent essentiel le maintien d'un régime d'extension des conditions de travail prépondérantes pour un secteur d'activité qui désire s'en prévaloir, tant à l'échelle du Québec que pour une région.

Après 60 années d'attente, il est temps d'inscrire cette loi dans la modernité pour lui permettre un nouvel élan et de jouer également pleinement son rôle. Ce forum de concertation des partenaires, pour contribuer au développement d'une économie saine, doit être doté des moyens nécessaires à l'atteinte des objectifs souhaités.

Les recommandations de la commission doivent s'inscrire dans la volonté de fournir aux partenaires des milieux de travail un outil privilégié qui peut s'adapter aux nouvelles règles du jeu en clarifiant les zones grises de la concurrence et des enjeux de la croissance.

(12 h 10)

Cette loi vieillotte qui, en dépit de nombreuses études, colloques de toutes sortes, représentations diverses, etc., n'a subi que de très timides modifications au cours de ses 60 années d'histoire, ne jouit que d'un intérêt mitigé. Il y a des facteurs, bien sûr.

Lors de sa sanction, en avril 1934, elle se voulait un encouragement à la négociation et l'extension de conventions collectives sectorielles et régionales, au lendemain d'une période de crise intense qui a fortement secoué les entreprises et le monde du travail. Cette loi s'inscrivait dans la nouvelle philosophie sociale que les gouvernements ont adoptée dans leurs interventions pour assurer le bon fonctionnement de la société après la crise de 1929. Elle devenait ainsi l'instrument des parties et misait sur l'instauration d'une collaboration patronale-syndicale afin de: s'entendre sur des conditions de travail qui, après avoir reçu l'approbation des autorités politiques, seraient rendues obligatoires aux travailleuses, travailleurs et aux employeurs dans une juridiction déterminée; réduire également la concurrence déloyale entre les entreprises; établir un équilibre économique dans les secteurs industriels et, enfin, améliorer les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs.

Cependant, la loi dans sa forme actuelle ne permet plus aux parties de l'entrevoir comme un outil valable pour résoudre les problèmes de concurrence déloyale, de survie et de développement, particulièrement dans le secteur manufacturier. À ce titre, deux aspects doivent être développés en concertation et ne peuvent plus l'être dans le cadre actuel. Il s'agit, bien sûr, de la qualification et de la compétitivité de l'industrie.

Les comités paritaires, après avoir été un instrument privilégié des parties pour régir l'apprentissage et la formation pour répondre aux besoins quantitatifs et qualitatifs de la main-d'oeuvre dans plusieurs secteurs d'activités, se sont vu retirer ce rôle par l'adoption de la loi sur la formation et la qualification professionnelles. Depuis, les comités paritaires constitués en vertu de cette loi ont vu leur rôle réduit à celui d'appliquer les modalités existantes qui sont devenues, pour la plupart, désuètes.

Au moment où le ministère de l'Emploi veut relancer l'apprentissage – et je pense que c'est un objectif de société – les comités paritaires sont des forums à privilégier pour assurer cette relance dans les secteurs où l'apprentissage et la qualification sont à développer. La CSD a d'ailleurs fait connaître au ministère sa position sur ce sujet. L'exemple du Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile doit être repris dans d'autres secteurs. Les représentants des employeurs et des travailleurs, on le sait, dans ce secteur, se sont entendus sur un programme d'apprentissage ou un régime d'apprentissage à développer.

Cette loi, dans sa forme actuelle, sans une réforme en profondeur, ne peut également être considérée comme un instrument privilégié de concertation, de participation et de responsabilisation des partenaires. Cependant, le paritarisme vécu dans les décrets est un bel exemple de concertation, et ça, il faut se le dire et il faut également le reconnaître. Gérard Hébert, qui est un observateur, je pense, averti de la scène des relations de travail, disait: «Le régime exige également une dose importante de concertation et de participation de la part de tous les intéressés, y compris les autorités gouvernementales.» Et ça, c'est important, et j'insiste là-dessus. «Comme l'histoire du régime en témoigne, plusieurs décrets sont tombés parce que l'une ou l'autre des parties intéressées, quasiment à tour de rôle, n'a pas apporté, au renouvellement du décret et à la solution des problèmes, la collaboration et la volonté requise de sa part. Le régime suppose, pour exister, le concours de tous les intéressés; l'ensemble des intervenants doit y oeuvrer avec une volonté de participation réelle, en acceptant les avantages et les inconvénients que le régime comporte, faute de quoi celui-ci disparaîtra, au moins pour le secteur concerné.»

Et: «Dans une loi rénovée, le comité paritaire ne pourrait-il pas, graduellement et progressivement, devenir le moteur, la source d'inspiration, le coeur de l'industrie qu'il représente? C'est le forum tout désigné où les acteurs peuvent se rencontrer pour faire progresser le secteur à leur propre avantage, mais tout autant au bénéfice de la société tout entière.» Et ça, il terminait, il concluait de cette façon-là.

Or, cette vision est également partagée par le comité de travail de la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec, qui affirmait: «...la loi a déjà fait ses preuves à plusieurs reprises en matière de concertation, mais elle est actuellement reléguée aux oubliettes. Le comité croit qu'elle pourrait, avec certaines modifications, appuyer la stratégie des grappes industrielles proposée par le ministre Gérald Tremblay. En ce sens, le mandat des comités paritaires pourrait être élargi. En plus de vérifier l'application du décret, ces derniers pourraient tenir lieu de forum d'information et de discussions entre les syndicats et employeurs de même industrie quant à l'avenir de l'industrie ou quant à l'élaboration de stratégies industrielles. Cette loi peut devenir un moyen supplémentaire pour développer plus encore la concertation parmi les syndicats, parmi les employeurs, de même qu'entre employeurs et syndicats de la même industrie ou grappe industrielle.»

Alors, l'élargissement du mandat des comités paritaires pour leur permettre de développer des stratégies industrielles a également été l'objet de recommandations dans le cas de l'industrie du bois ouvré et de l'industrie du vêtement.

Le comité sectoriel de l'industrie du meuble, entre autres, préconise l'élargissement de la mission du comité paritaire afin qu'il réalise conjointement la stratégie sectorielle convenue par les partenaires pour accroître la compétitivité dans cette industrie. Alors, la CSD, bien sûr, appuie cette initiative. Au moment où la compétitivité est un enjeu majeur pour la survie des industries et que de nombreux intervenants souhaitent voir apparaître des lieux de concertation patronale-syndicale, il serait pour le moins indécent et aberrant de faire disparaître les comités paritaires.

L'immobilisme du gouvernement – j'en traitais un peu tout à l'heure – cautionne tacitement la position des abolitionnistes, puisque, en l'absence de solution des problèmes d'application de la loi, ceux-ci se multiplient, rendant la situation intolérable pour les entreprises et créant un climat d'incertitude pour tous. Ce climat d'incertitude est nuisible pour assurer la pérennité des entreprises du Québec dans un contexte de mondialisation. Or, le gouvernement doit agir dans le meilleur intérêt des partenaires et des milieux de travail.

Alors, c'est cette forme d'arbitrage que cette association tripartite n'a pas pu régler au cours des dernières années et qui, pourtant, au début, a apporté tellement de soutien aux différentes industries qui étaient assujetties à des comités paritaires. Mais on ne peut pas dire qu'au cours des quelque 10 ou 15 dernières années, le gouvernement est venu appuyer les partenaires dans ce sens-là.

Les coûts de la main-d'oeuvre sont invoqués pour faire obstacle à la Loi sur les décrets de convention collective. Selon certains, les coûts élevés de la main-d'oeuvre sont la cause de tous les problèmes. Alors, pour apporter un éclairage sur les coûts de la main-d'oeuvre, nous vous produisons un tableau qui vous indique, en fait, en pourcentage, ce qu'ils représentent par rapport à l'ensemble des produits livrés. Alors, ce tableau-là démontre éloquemment qu'on ne peut considérer les coûts de la main-d'oeuvre élevés lorsqu'ils sont inférieurs à 20 % dans la plupart des secteurs.

Pour sa part, la CSD ne croit pas que l'amélioration de la compétitivité réside dans la diminution des salaires ou encore dans l'abrogation de la loi. Nos expériences dans les entreprises manufacturières et des services nous montrent que leur succès dépend souvent de la concertation entre patron et syndicat pour l'amélioration de la productivité, de la qualité, des relations de travail, de la santé et de la sécurité au travail et, par conséquent, de la compétitivité de l'entreprise. Se priver du savoir-faire et de la participation des travailleuses et travailleurs, c'est, pour l'entreprise, se priver de sa force principale.

Nous croyons que l'avenir de la loi repose sur une seule solution: des changements importants, et nous vous soumettons, dans notre mémoire, des propositions concrètes à cet effet, des pages 20 à 31 de ce même mémoire.

Pour aborder la question du rapport interministériel de façon plus précise, la CSD exprime son accord sur les recommandations 3, 6, 10, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 21, 27, 28, 29 et 33. Cependant, plusieurs recommandations nécessitent que nous nous attardions sur leur contenu et leurs effets néfastes.

En ce qui a trait à la première recommandation, nous sommes en accord avec le sens et l'orientation de cette recommandation. Elle évitera, pour les travailleuses et les travailleurs, des confusions qui existent actuellement quant à l'organisme responsable de la défense de leurs droits. Cependant, les employeurs ne doivent pas être tenus de contribuer financièrement à la fois au comité paritaire et à la Commission des normes du travail, dans une telle orientation. Alors, comme on intègre les dispositions, on devra également faire en sorte qu'il y ait un seul prélèvement pour les employeurs qui sont assujettis au décret.

Dans le cas de la deuxième recommandation, nous sommes en accord avec cette recommandation. La CSD recommande qu'une travailleuse ou un travailleur non syndiqué puisse se faire représenter par une association de salariés au sens du Code du travail, ou un regroupement de telles associations, de son choix, pour toute réclamation visant les conditions de travail. Celle-ci se voit rembourser les frais encourus par le comité paritaire, selon des conditions à définir. Alors, il s'agit d'élargir la possibilité de choix des personnes pour pouvoir faire appliquer leurs droits en fonction de ces différents décrets qui pourraient être édictés.

(12 h 20)

Quant à la recommandation 4, c'est une recommandation très importante et, à notre avis, qui est au coeur de ce rapport, parce que, appliquée comme telle, elle signifierait la disparition de beaucoup de décrets. Telle que libellée, cette recommandation exclurait la CSD, les fédérations et les secteurs réunis comme partie contractante. Il faudrait donc ajouter, après les mots «Code du travail», les mots «ou un regroupement représentant des associations accréditées au sens du Code du travail». À titre d'exemple, une fédération, un secteur réuni, ou une centrale syndicale.

Nous sommes en désaccord également avec la recommandation 5, puisque, tel que mentionné dans notre commentaire précédent, la CSD, les fédérations et les secteurs réunis ne pourraient être partie contractante habilitée à négocier la convention donnant lieu à un décret.

La CSD croit que la convention de base au décret peut être constituée de deux types d'ententes: un premier type qui repose sur une entente entre une association accréditée au sens du Code du travail, ou un regroupement de telles associations, et une association représentant des employeurs qui s'engagent sur des conditions de travail prépondérantes qui feront l'objet de l'extension juridique et qui sont déjà, pour la plupart, appliquées à une majorité de travailleuses et de travailleurs. Ça, c'est, en fait, extensionner des conditions existantes.

Une deuxième forme d'entente pourrait être convenue entre une association accréditée au sens du Code du travail, ou un regroupement de telles associations, et une association d'employeurs embauchant la majorité des travailleuses et des travailleurs dans la juridiction. Une telle convention convenue deviendrait applicable si son extension est décrétée. Le fait que les conditions de travail convenues s'appliqueraient à la majorité des travailleuses et des travailleurs leur donnerait, bien sûr, un caractère prépondérant.

Or, la CSD est en désaccord avec l'exigence qu'une majorité absolue d'employeurs évoluant dans le champ de juridiction donne son assentiment à la requête. Pour des secteurs comme les garages – on pourrait en citer d'autres, même le bois ouvré ou le meuble, c'est la même chose – qui comptent un grand nombre d'employeurs ou d'indépendants qui n'ont pas individuellement la même importance économique que les concessionnaires automobiles, dans le cas de l'automobile, ou d'autres grosses entreprises de fabrication de produits, cette exigence est impossible à rencontrer et inéquitable. Le régime actuel de décrets dans le secteur des garages permet de limiter la concurrence déloyale en sanctionnant l'extension de conditions de travail prépondérantes au secteur. Malgré la présence du décret, dans plusieurs cas, le salaire horaire est inférieur à celui du décret, c'est-à-dire à celui des conventions collectives dans plusieurs de ces conventions collectives.

Or, le processus proposé par la CSD, permettant l'extension juridique, serait le suivant: Il faut créer un organisme externe et impartial qui a comme mission de recueillir l'information relative aux conditions de travail négociées, l'information sur l'environnement économique et financier de l'industrie et de publier le résultat de son étude à tous les trois ans.

Le même organisme pourrait statuer sur les conditions de travail qui ont acquis une signification prépondérante pour les employeurs, les travailleuses et les travailleurs d'un secteur et d'une région déterminés. Les parties contractantes au décret négocieraient une convention de base. La convention de base serait étudiée par un tribunal d'arbitrage qui recevrait les représentations des parties au décret, ainsi que la représentation des tiers, tout en tenant compte de l'étude de l'organisme externe dont on parlait précédemment. L'arbitre du tribunal d'arbitrage rendrait sa décision sur le contenu du décret en choisissant la position de l'une ou l'autre des parties sans pouvoir la modifier. C'est dans le but de responsabiliser, bien sûr, les deux parties.

Alors, dans le cas où les parties contractantes ne pourraient s'entendre sur une convention de base, chacune aurait la possibilité de faire des représentations au tribunal d'arbitrage et s'engagerait à accepter la décision de l'arbitre. Enfin, si l'une des parties n'accepte pas d'aller à l'arbitrage, elle peut demander l'abrogation du décret. Ça signifierait qu'elle ne veut plus jouer les règles du jeu, tout simplement. Alors, le ministre de l'Emploi procéderait, par la suite, à l'extension juridique de la décision de l'arbitre. Toute condition de travail rendue obligatoire devrait prévoir, pour les parties accréditées, la possibilité de conclure des conditions de travail différentes dans la mesure où elles sont aussi avantageuses ou supérieures.

Quant aux secteurs non couverts, on propose à peu près le même processus. Cependant, ça se ferait dans des secteurs où on définirait les activités générales et la nature du travail accompli, les techniques et l'outillage utilisés, ainsi que la nature et la destination des produits ou services.

Quant à son mandat, il serait celui prévu précédemment avec les ajustements requis, et l'organisme externe et impartial d'étude serait financé par les comités paritaires, sauf pour les secteurs non couverts par les décrets où c'est le gouvernement du Québec qui subventionnerait l'étude initiale, pour ceux qui désirent se prévaloir du droit d'avoir un décret. Dans les cas où un décret serait effectivement mis en place à la suite du processus, le coût de l'étude serait alors remboursé par le comité paritaire en question au gouvernement du Québec.

Quant à la recommandation 7 qui vise les pouvoirs réglementaires en matière de qualification, nous sommes en accord. Cependant, la CSD recommande, là où c'est possible, que le règlement de qualification adopté par le ministre de l'Emploi soit administré par le comité paritaire. Il faut donc que le gouvernement amende la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre et la loi des décrets de convention collective, afin de permettre que les comités paritaires administrent un règlement provincial de qualification. Les conditions du règlement doivent être rendues obligatoires là où la santé et la sécurité du public peuvent être mises en cause. Les comités paritaires sont des organismes à privilégier pour définir les besoins de formation des secteurs, établir le contenu des emplois et les normes d'apprentissage.

Quant à la recommandation 8, nous vous référons à notre commentaire sur la recommandation 4. Sur la recommandation 9 également cette exigence est impossible à rencontrer et inéquitable. Or, en ce qui nous concerne, nous vous référons à notre commentaire sur la recommandation 5, qui en fait état, concernant l'assentiment de la majorité absolue des employeurs. Alors, c'est tout à fait impossible et irréalisable dans le contexte d'un décret.

Quant à la recommandation 11, c'est le même commentaire. Nous vous référons à notre commentaire sur la recommandation 5. Sur la recommandation 19 du rapport interministériel, d'abord, il faut vérifier, avant de le faire, la prépondérance des conditions de travail. Telle que formulée, la recommandation, selon ce que nous vous soumettons dans le cadre de la recommandation 5, pour nous autres, c'est trop vague, ça ouvre la porte à toutes sortes de possibilités de refus d'une modification ou d'adoption d'un nouveau décret.

Quant à la recommandation 20, la CSD est en désaccord avec cette recommandation sur l'abrogation des heures d'ouverture, en fait que soit abrogée toute disposition sur les heures d'ouverture et de fermeture. Les parties contractantes doivent avoir la possibilité de négocier toute disposition sur les heures d'ouverture et de fermeture des établissements, ainsi que celle qui porte sur les heures ouvrables. Déjà, la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux délimite les possibilités pour les commerces, laissant aux parties la possibilité de négocier l'utilisation qu'elles en feront.

Quant aux recommandations 22, 23 et 24, ces recommandations posent un problème pour plusieurs décrets actuels. Elles posent le problème particulièrement là où la vaste majorité des entreprises utilisent des systèmes de rémunération au rendement. Et ça, on veut le soulever parce que c'est essentiel et important qu'on comprenne la dynamique de ce qui se passe dans les modes de rémunération. Et ça, c'est appelé à évoluer aussi. Ça va changer, les modes de rémunération. On ne peut pas uniquement se référer à des salaires de base.

Dans ce contexte, les minima du décret servent de plancher au système. Par contre, la rémunération véritable des travailleuses et des travailleurs est la résultante de l'application des systèmes au rendement et des taux de base établis en fonction d'un rendement à 100 % pour certains et, sur d'autres régimes, à un autre pourcentage. Les taux effectivement payés par les employeurs en vertu des systèmes au rendement qu'ils appliquent sont nécessairement situés à des niveaux différents en raison même des systèmes qu'ils appliquent et de toutes sortes d'autres facteurs qui ont une influence sur les taux de salaires qu'ils paient.

À date, lors de la négociation de la convention collective de base, dans plusieurs champs de juridiction, les parties ont toujours convenu d'augmentations de taux s'appliquant sur les salaires effectivement payés. Ça se fait pour assurer, bien sûr, la poursuite de ce type d'entente, et nous soutenons qu'on doit poursuivre l'application de ce type d'entente dans l'intérêt de l'industrie et des travailleuses et travailleurs. Cette possibilité doit demeurer, en fait. La loi doit laisser aux parties le soin de fixer les conditions de travail et quelle sera la nature de leur application. Et, si l'objectif de rétablir une compétition loyale existe, il faut permettre ça, parce que c'est l'unique façon de le faire.

(12 h 30)

Quant à la recommandation 25, nous vous formulons le commentaire suivant: La CSD est en accord avec cette recommandation, dans la mesure où les travailleuses et les travailleurs détiennent la qualification professionnelle requise pour les métiers qualifiés ou la formation professionnelle requise pour les autres emplois, qui permet d'assurer que le travail sera effectué en respect de la sécurité et de la santé publique, de l'environnement et de la santé et de la sécurité au travail.

Quant à la recommandation 26, nous sommes en accord. Cependant, il faut que ces personnes, sur la nomination de personnes externes, aient un intérêt pour le secteur concerné. Ce serait le minimum à exiger.

Quant à la recommandation 30, la formation d'un ou d'une représentante d'une association accréditée au sens du Code du travail, ou d'un regroupement de telles associations, est une responsabilité syndicale. L'association accréditée ou le regroupement a la responsabilité de former ses représentants. Alors, le comité paritaire verra, bien sûr, à fournir, peut-être, une assistance financière aux associations en question pour les fins de cette formation.

Concernant la recommandation 31, la possibilité d'introduire dans un décret des dispositions autres que celles déjà prévues pose un problème majeur d'appréciation. Par exemple, est-il préférable de convenir de clauses de mouvement de personnel apparentées à une organisation de travail de type tayloriste ou apparentées à une organisation de travail de type sociotechnique? Ce type de clause ne peut pas être l'objet de négociation à l'échelle d'un champ de juridiction, mais plutôt l'objet de négociation au niveau de l'entreprise, pour que les partenaires prévoient le degré de flexibilité et les particularités reliées à leur situation. En un mot, on ne peut pas extensionner l'ensemble des conditions d'une convention collective. Ce serait de rêver, parce que ce serait de nier la réalité de la différence des entreprises les unes par rapport aux autres.

Quant à la recommandation 32, la CSD recommande de réduire cette période de 18 à 12 mois. Ce serait suffisant. Par concordance avec notre commentaire à la recommandation 5, la CSD recommande également de remplacer «la convention collective à la base» par «la convention collective de base», pour respecter le principe qu'on vous énonçait tout à l'heure, de la possibilité de négocier une convention de base.

Quant à la recommandation 34, nous recommandons que les frais soient, bien sûr, à la charge du comité paritaire, au nom des assujettis. Quand vous voulez nous refiler les frais, aux parties, c'est que les tiers seraient dispensés de payer pour l'impression des décrets, alors qu'ils demandent d'en avoir des copies eux-mêmes. Alors, ce serait normal que l'ensemble de la cotisation perçue par les comités paritaires serve à ces fins.

Quant à la recommandation 35, nous vous soumettons que notre premier choix est que le règlement de qualification soit administré par le comité paritaire. Dans le cas où ce ne serait pas possible, il faut prévoir, dans les mesures de transition, une période de temps pour permettre aux parties d'inclure, dans les conventions collectives, les règles de classification contenues dans les décrets.

En conclusion, M. le Président – je vais aller rapidement – la Centrale des syndicats démocratiques et ses affiliés considèrent essentiel le maintien du régime d'extension des conditions de travail prépondérantes dans un secteur d'activité ou dans une région pour ceux qui désirent s'en prévaloir. Après 60 années d'attente, il est temps d'inscrire cette loi dans la modernité pour lui permettre un nouvel élan et de jouer pleinement son rôle. Ce forum de concertation des partenaires pour contribuer au développement d'une économie saine doit être doté des moyens nécessaires pour y arriver.

Les recommandations de la commission que vous présidez doivent, bien sûr, s'inscrire dans la volonté de fournir aux partenaires des milieux de travail un outil privilégié qui peut s'adapter aux nouvelles règles du jeu en clarifiant les zones grises de la concurrence et les enjeux de la croissance. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie, M. Gingras. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Marcil: Merci beaucoup, M. le Président. Moi, je tiens à vous remercier de votre présentation. Je pense que, jusqu'à maintenant, dans tous les mémoires qui nous ont été proposés, qui nous ont été déposés et expliqués, vous êtes le seul groupe qui, à ma connaissance, fait des propositions très concrètes. Donc, vous ne posez pas uniquement une critique négative de la loi des décrets actuelle. Vous êtes conscients qu'elle doit être modernisée et vous avancez des choses, vous nous proposez des choses, comment la moderniser pour qu'elle puisse être applicable dans à peu près tous les secteurs qui sont régis déjà par les décrets, par la loi des décrets.

Vous proposez pas mal de choses, pas mal de choses. Je vous reconnais, parce que je me souviens, au comité de la construction, vous étiez venus également et vous aviez proposé des bonnes choses, au niveau de la formation, surtout, et de l'apprentissage. Je retrouve à peu près des messages similaires dans votre mémoire. Parce que ça a l'air, du moins chez vous, d'avoir une importante capitale, la formation, les systèmes d'apprentissage. Ça, je crois qu'on s'entend sur ça, on se rejoint pas mal. Pour moi, c'est la base, si vous voulez, du développement économique du Québec, de tous les secteurs industriels. Ce n'est pas uniquement le taux de salaire et le taux de production, mais tout est basé sur la qualification de la main-d'oeuvre, la compétence de notre main-d'oeuvre, de permettre à des gens d'être capables de s'adapter continuellement à de nouveaux modes de production et, en même temps, de garantir leur emploi.

Parce que la façon de garantir nos emplois, c'est par le biais... C'est pour ça qu'on est arrivés avec une foule de mesures par le biais de notre plan de relance de la création d'emplois, où on intervient auprès de petites PME, au niveau de coordonnateurs en ressources humaines, au niveau de systèmes d'apprentissage en entreprise avec des crédits d'impôt, justement pour développer cette conscience des entrepreneurs, que leur profit net, ce n'est pas uniquement ça qui doit être considéré dans une entreprise, c'est que la garantie de l'avenir de l'entreprise, c'est d'abord et avant tout d'investir dans le capital humain qui compose l'entreprise.

J'aurais beaucoup de questions à vous poser. Ça en fait pas mal. Je pense qu'il va falloir qu'on se rencontre de nouveau pour ça, parce que ça en fait pas mal et on a peu de temps pour le faire.

Lorsque vous parlez... On parle naturellement d'une convention de base. Je vais essayer d'être le plus précis possible. Vous dites, dans votre mémoire, que les parties contractantes et les parties non syndiquées devraient être représentées au comité paritaire. On leur laisserait au moins un siège. Vous dites également, aussi, que vous proposez, lorsqu'on parle de cotisations, que ceux qui ne sont pas syndiqués devraient payer plus que ceux qui sont syndiqués, parce que vous affirmez que les non-syndiqués utilisent davantage les services du comité paritaire que les syndiqués.

Dans la mesure où le comité paritaire détermine à quoi serviront les cotisations, naturellement, des employés, ne croyez-vous pas que la représentativité, à ce moment-là, lorsqu'on exige une participation financière plus importante des non-syndiqués que les syndiqués, devrait être proportionnelle également au comité paritaire?

M. Gingras (Claude): Sur ça, M. le ministre, je comprends ce que vous voulez dire, mais, souvent, dans les comités paritaires, il faut avoir les moyens de notre participation. Quand on va siéger dans un comité paritaire, on ne peut pas être un individu isolé, pas préparé et démuni de tout outil de participation et de toute préparation pour la participation et y apporter une contribution valable. Or, notre expérience dans les comités paritaires nous prouve qu'actuellement, si on n'agit pas avec beaucoup de discernement dans la nomination des personnes, c'est que ça contribue à faire des alliances, souvent, qui frustrent les véritables partenaires des milieux de travail. Et je pense qu'il ne faut pas arriver à ce résultat-là, parce que, si on arrive à ce résultat-là, on va arriver à un résultat qui va détruire l'esprit qui doit animer les décisions des comités paritaires.

Alors, dans ce sens, je pense que l'intérêt est pour les parties qui oeuvrent dans un secteur et qui ont à faire prévaloir des conditions prépondérantes. C'est pour elles, ces parties-là, qui sont les principaux partenaires. C'est à elles de gérer, avec les moyens de la participation, cette extension juridique, parce qu'ils ont les moyens de la participation. Mais des individus isolés, qui, souvent, ne réfléchissent pas de la même façon à toutes les questions, et tout ça, n'ont pas la même préparation et n'ont pas le même intérêt à le faire. Or, dans ce sens-là, ça viendrait un peu dénaturer la responsabilisation des véritables partenaires des milieux de travail, ceux qui sont responsables de l'évolution des relations de travail et des conditions de travail dans un milieu.

Alors, c'est notre opinion. Nous avons une position pour les faire payer un peu plus cher, vous comprendrez pourquoi. On le dit, et c'est sincère: Nous autres, les syndicats et les travailleurs représentés par les syndicats, on ne se replie pas sur le comité paritaire, la plupart du temps, pour faire appliquer nos conditions de travail; on le fait par le biais de notre convention collective. Et, souvent, on va en arbitrage pour aller chercher les conditions de travail auxquelles on peut prétendre. Alors, le comité n'a pas à oeuvrer pour le faire à notre place, on le fait, on l'assume, cette obligation, et on paie pour, alors que, pour les tiers, le comité paritaire, c'est leur seule ressource. Alors, c'est différent.

(12 h 40)

Alors, c'est pour ça que, nous autres, on demande moins au comité paritaire en termes de services, mais les tiers sont plus exigeants en termes de services. Bien sûr, les travailleurs qui oeuvrent et qui sont syndiqués paient à la fois une cotisation syndicale mais paient un prélèvement aussi au comité paritaire. Vous le savez fort bien. Donc, il y a une double taxation; malgré qu'ils assument leurs obligations, il y a une double taxation. C'est un peu inéquitable.

M. Marcil: Je comprends ça, là. Je comprends bien la problématique. J'aimerais peut-être que vous expliquiez, pour les fins du Journal des débats et de ceux qui vont nous lire, et peut-être de ceux, ici, dans la salle... Lorsqu'on décide de former un comité paritaire, bien souvent le comité paritaire est formé d'abord à partir d'une accréditation, dans une entreprise, d'une négociation d'un contrat de travail, et on demande, à ce moment-là, au ministre de l'extensionner dans le secteur concerné. Au moment où on compose le comité paritaire, le conseil d'administration, on procède comment?

Parce que, là, dans un secteur... Exemple, ça pourrait être dans l'industrie de l'automobile – M. Roy, l'autre jour, est venu nous en parler – ou bien dans l'industrie du vêtement ou dans le verre plat – je sais que vous êtes représentés également – on retrouve souvent la FTQ, la CSN et la CSD, et des locaux également de l'Internationale, et souvent on a l'impression qu'un comité paritaire... On retrouve la partie patronale naturellement, puis la partie des travailleurs, les représentants des travailleurs, mais presque uniquement des représentants de travailleurs syndiqués. Vous le mentionnez aussi dans votre rapport, puis vous dites même qu'il devrait avoir une place au conseil d'administration et que ça soit un automatisme, que le secteur non syndiqué soit aussi représenté à la table de négociation, autant de la partie patronale que syndicale, c'est-à-dire travailleurs ou employeurs.

Est-ce qu'on peut retrouver – vous pourrez toujours répondre à cette question-là – dans un comité paritaire, à la table, au conseil d'administration – parce que souvent, dans un secteur, les trois centrales syndicales sont présentes dans le secteur – dans les représentants des travailleurs, un de la FTQ, un de la CSN puis un de la CSD, ou si c'est, dans certains comités paritaires, exclusivement de la FTQ, dans un autre comité paritaire, ça peut être exclusivement de la CSN – je parle au conseil d'administration, là – et, dans un autre, exclusivement, admettons, de la CSD ou de l'Internationale?

M. Gingras (Claude): C'est exact. Ce que vous dites, c'est effectivement ce qui est le portrait actuel de la situation. Dans certains comités paritaires, il y a une seule partie contractante qui est représentée au comité paritaire, et il n'y en a pas d'autres qui sont appelés à oeuvrer au niveau de ce comité paritaire là. Dans d'autres, c'est un partage.

M. Marcil: Comment on y arrive?

M. Gingras (Claude): Bien, écoutez, c'est arrivé par des décisions du gouvernement. Je pense que les comités paritaires, après qu'ils ont convenu une convention de base qui donne lieu à une extension juridique... Mais, contrairement à ce que vous disiez tout à l'heure, ce n'est pas une convention d'entreprise qu'on vise à extensionner, puis la plupart des décrets, ça a été ça. Prenez dans le secteur du meuble, là. Nous autres, on signe 52 conventions chez des employeurs différents, conventions collectives différentes. On n'en prend pas une de celles-là pour dire: On va la déposer pour extension juridique. Ce qu'on fait, on fait une évaluation des conditions prépondérantes dans le secteur, puis on s'entend sur ce qu'on appelle les conditions prépondérantes qui prévalent à peu près chez tous les employeurs, puis on s'entend sur un taux de salaire qui respecte le salaire environ qui se paie, puis, là, on convient d'une convention de base avec une association d'employeurs dans le secteur. C'est comme ça que ça se fait. Et c'est ça qui devient la convention de base, ce n'est pas la convention d'une entreprise.

M. Marcil: Non, non, je comprends là, c'est parce qu'on débute. Par la suite...

M. Gingras (Claude): Oui, c'est ça, vous aviez commencé avec ça...

M. Marcil: Oui, oui.

M. Gingras (Claude): ...mais c'est parce que ce n'est pas tout à fait comme...

M. Marcil: Je me suis mal exprimé, là.

M. Gingras (Claude): Oui. Alors, ce qu'on fait après, quand on a demandé l'extension juridique, c'est qu'on adresse une demande, et c'est élémentaire que ceux qui sont signataires de l'entente, ceux qui ont signé l'entente de la convention de base pour laquelle on demande une extension juridique, il est élémentaire que ces parties contractantes là vont être au comité paritaire. Donc, si l'entente de base a été signée à la fois par la CSN, la FTQ et la CSD, normalement il devrait y avoir des représentants des trois qui vont être au comité paritaire. Mais, si l'entente est signée par une seule partie contractante, même si elle assujettit des travailleurs de la CSD et qu'elle est signée par quelqu'un de la FTQ, ce n'est pas évident qu'on va avoir un siège. Et, souvent, on va être obligés de rencontrer des officiers du service de la loi des décrets pour dire: Bien, écoutez, on est concernés par ce décret-là, nous autres. On ne l'a pas signée, c'est correct, la demande d'extension, mais on tient à être présents au comité paritaire, et on fait des représentations dans ce sens-là, lors de la publication du décret et à différentes occasions où il nous est permis de le faire, et on exige d'être présents dans l'application du décret.

M. Marcil: C'est la convention de base, la première convention de base qui devient la convention du comité paritaire. Lorsqu'elle est instaurée dans l'ensemble du secteur, il se négocie, dans chacune des entreprises, avec leurs employés syndiqués, des conventions collectives qui sont supérieures à la convention de base.

M. Gingras (Claude): Absolument.

M. Marcil: Mais ce que je veux dire, c'est que la première convention de base, ce n'est pas une négociation intersyndicale avec plusieurs employeurs différents, c'est souvent, au départ...

M. Gingras (Claude): Une seule.

M. Marcil: ...une seule et la conséquence de la représentation de cette unité syndicale là au conseil d'administration vient dans la négociation de cette première convention.

M. Gingras (Claude): Exact.

M. Marcil: Je vais me laisser un petit peu de temps, je reviendrai à la fin, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Parfait, merci. Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Moi, je voudrais avoir des précisions sur votre position que les décrets de convention collective puissent contenir les dispositions pour les heures d'ouverture et les jours ouvrables, et tout ça, là. Qu'est-ce qui vous a amenés à avoir cette position-là?

M. Gingras (Claude): Écoutez, il y a toutes sortes d'objectifs importants qui sous-tendent dans des secteurs où, actuellement, il y a beaucoup plus de préoccupations pour ce qu'on appelle des politiques qui soient compatibles avec les objectifs de la famille; entre autres, déterminer des plages de travail qui permettent d'assumer à la fois les obligations familiales et les obligations professionnelles. Vous savez que, si on se met à libéraliser ces choses-là, puis qu'on ne permet pas aux parties de déterminer des plages sur lesquelles il va y avoir des heures qui vont être des heures régulières, puis d'autres heures qui vont être des heures considérées non régulières, c'est qu'à ce moment-là on empêche la réalisation de ce genre d'objectif sectoriel, sur lequel on peut s'entendre quand même, les parties. Mais là, vous diriez: C'est défendu, d'avance. On ne pourrait même plus s'entendre.

Alors, vous comprenez que c'est antisocial, on croit que c'est antisocial, puis ça ne permet pas également, pour une autre raison, de vraiment juguler la compétition déloyale entre les entreprises. Dans certains cas, ça va provoquer, à un moment donné, que... Si les plages sont ouvertes complètement, c'est qu'il va se faire des abus, en terme de conditions de travail, qui vont devenir incontrôlables par l'organisme chargé de contrôler, aussi, la compétition déloyale, parce qu'il va avoir une plage trop large à couvrir, à l'occasion, à un moment donné, sur l'application des conditions de travail décrétées.

Et ça, ça pose des problèmes, qu'on le veuille ou non. Ceux qui n'admettent pas ça... Moi, j'ai un peu d'expérience dans le secteur des décrets, puis je suis à même de vous dire que les décrets qui ont des plages de zéro à 24 heures de travail, ceux qui vont me dire qu'ils sont en mesure de faire leur travail et de bien suivre l'ensemble des entreprises qui oeuvrent sur des créneaux comme ceux-là et qu'ils peuvent faire adéquatement leur travail, c'est avec beaucoup de difficulté qu'ils réussissent à le faire.

Mme Bleau: Merci beaucoup.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, Mme la députée de Groulx. M. le député de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

(12 h 50)

M. Ménard: Merci, M. le Président. M. Gingras, et les autres qui l'accompagnent, j'ai beaucoup, effectivement, apprécié votre rapport, moi aussi. Il exprime largement une vision de cette loi, contrairement à d'autres qui ne l'avaient pas, qui ne souffraient que des mauvaises applications de certains décrets, lesquelles, je pense, auraient pu être réglées depuis longtemps si, au ministère, on avait un peu plus cru à l'utilité de cette loi. Je remarque aussi que votre première critique, et celle qui rejoint bien des observations qui ont été faites ici, tient à l'immobilisme du gouvernement. Et ça, je veux dire, c'est une démonstration, probablement, que, pendant un certain temps, je ne sais trop pourquoi, il semble que, au ministère du Travail, on ait cru que la Loi sur les normes du travail et le Code du travail étaient essentiellement suffisants pour réglementer tout le secteur du travail, puis que, au fond, la loi était désuète parce que vieille. Bien au contraire, je pense que ce qui nous a été démontré pendant cette commission, c'est que la loi n'est pas désuète, avec quelques changements, quelques modernisations, et votre rapport donne d'excellentes suggestions.

Je vais commencer par vous poser les questions faciles. Et c'est parce que vraiment je l'apprécie que j'ai quelques questions difficiles à vous poser. D'abord...

M. Gingras (Claude): Si vous me permettez, juste une petite réponse sur votre introduction.

M. Ménard: Oui.

M. Gingras (Claude): Écoutez, on a parlé de l'immobilisme du gouvernement, puis je vous dis... On constate que la loi des décrets, c'est une espèce de forme d'association de trois partenaires: le partenaire employeur, le partenaire travailleur, également le partenaire gouvernemental. Souvent, les deux ont un peu besoin d'une certaine forme d'arbitrage, et, dans l'histoire, cet arbitrage-là a existé. Dans la loi des décrets, quand le gouvernement prenait ses responsabilités, après consultation, il arbitrait les choses. Bon. On avait des règles claires, on savait à quoi s'en tenir, puis, si on ne faisait pas les bons débats et on ne faisait pas les bonnes ententes, on risquait d'avoir une entente qui nous «désatisfaisait» tout le monde. Alors, ça forçait un peu les partenaires à faire les bonnes ententes.

Mais, depuis quelques années, on a assisté à une détérioration, pour vous dire, depuis l'apparition du rapport Scowen, entre autres, qui a été suivi, après, de l'intervention de M. Paradis, et, bien sûr, on a eu un petit regain d'espoir quand M. Séguin est arrivé. Il nous avait annoncé son intention de faire les choses différemment, puis on avait repris confiance. Cependant, il est parti, dans les conditions que vous savez, il a été remplacé, et, depuis ce temps-là, c'est revenu un peu à l'état latent. On se demande encore ce qu'on va faire avec cette loi, et ça, pendant ce temps-là, on ne prend pas beaucoup de décisions pour arbitrer les situations difficiles, puis ça, ça pose des problèmes d'application, à tel point qu'il y a des gens qui disent: Si c'est pour être ça, la loi des décrets, débarrassons-nous-en. Bon. Ça, c'est le sentiment qui s'exprime, puis je trouve ça désolant parce que c'est un bel outil, s'il est bien utilisé, s'il rend les services pour lesquels il est créé. Je vous assure qu'il y a beaucoup de gens qui souhaiteraient pouvoir l'utiliser dans ce cadre-là.

Et, là-dessus, j'ai un collègue ici qui brûle d'impatience de vous en parler aussi, parce que cette question-là est fondamentale, elle est importante.

Le Président (M. Joly): Ce qui est important, justement... On est serrés dans l'enveloppe, là.

M. Gingras (Claude): Je pense qu'il va être assez court, mon confrère Roy.

Le Président (M. Joly): Si je comprends bien, vous lui suggérez.

M. Gingras (Claude): Oui.

Le Président (M. Joly): Parfait. Merci. M. Roy, s'il vous plaît.

M. Roy (Jean): Je vais être très court, mais je vais tenter également d'être précis par des faits qui sont exacts et qui font qu'aujourd'hui on vit les conséquences qu'on voit dans cette honorable enceinte aujourd'hui. Vous savez, M. Gingras parlait de la commission Beaudry, du rapport Scowen, du ministre Paradis, puis de toute la gang qui est passée, avec chacun son enquête sur les décrets. Vous savez, quand une décision ne se prend pas ou qu'on tente de retarder les décisions, ça met sur la table nécessairement, en même temps, la contestation. C'est ce qu'on vit au niveau de votre décret.

Je peux vous donner un exemple qui, je pense, à mon avis à moi, est frappant, pour employer un terme raisonnable: ce qu'on a vécu dans l'automobile. Vous allez dire: Encore l'automobile! Oui. Dans l'automobile, il y a un décret dont les taux de salaire datent de 1981-1982, soit un taux pour un compagnon A, qui a une carte normalement après sept ans, de 11,17 $ l'heure. C'est à peu près partout, au Québec, pareil dans les régions. Dans la région de Québec, au moment où on se parle, un compagnon A syndiqué gagne 21,50 $ l'heure. Il y a un écart épouvantable. Donc, durant tout le débat qui a précédé ce dont je vais vous parler, il y a eu toutes sortes de prétextes qui ont été invoqués...

Le Président (M. Joly): Je m'excuse, M. Roy, mais déjà, déjà on a empiété. Alors, allez à votre point directement, s'il vous plaît.

M. Roy (Jean): Dans tous les débats qui ont été faits, on a eu des rencontres avec des dignitaires, des gens au niveau du gouvernement, et on s'était entendus avec eux, et ils étaient d'accord avec nous autres et la Corporation pour avoir un taux raisonnable dans la région de Québec pour tenir compte de ce qui se payait selon le taux moyen. Ils étaient d'accord avec ça. Lorsqu'on l'a présenté, on a prolongé le décret purement et simplement. C'est ce qui a fait qu'une des parties, qui s'appelle la Corporation, maintenant, demande de l'abolir.

Le Président (M. Joly): Parfait. Merci. M. le député de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

M. Ménard: Bon. Ça m'a pris un certain temps avant de comprendre votre suggestion quant à la recommandation 4, mais je pense la comprendre bien, actuellement, et ça va avec la recommandation 8, aussi. Évidemment, normalement, dans l'application des décrets de convention collective, il y a d'abord une première convention collective qui est ensuite étendue par décret. Après un certain temps, ce que vous suggérez, je pense avec raison, c'est que l'on puisse négocier entre un groupe d'employeurs et un groupe de syndicats, au fond, d'associations accréditées. Vous êtes les premiers à faire cette suggestion-là, à ma connaissance, mais je pense que c'est une excellente suggestion.

Il y a certainement un problème. C'est que les conventions collectives ne finissent peut-être pas toutes en même temps. Il y a moyen de régler ça? Vous allez vous arranger pour qu'elles finissent en même temps, ou c'est-à-dire que ça va être la convention de base qui va servir de décret?

M. Gingras (Claude): C'est la convention de base qui va servir de décret.

M. Ménard: O.K.

M. Gingras (Claude): Nous autres, ce qu'on veut, c'est... On préconise qu'une convention de base puisse être encore négociable entre les partenaires dans un secteur, puis cette convention de base là serait issue, bien sûr, de l'information qu'on aurait de la part de l'organisme externe qu'on propose, là, qui ferait une analyse des conditions environnementales, qui ferait un examen également de la compétition, si c'est un secteur qui est en compétition avec la mondialisation, entre autres, et tout ça, en tout cas qui regarderait toute la question de la situation du secteur et qui nous transmettrait les informations. Et, à ce moment-là, les parties pourraient se gouverner dans une entente de base.

M. Ménard: O.K. Donc, j'ai bien compris. Je veux juste passer à autre chose, aussi, pour être sûr que j'ai aussi bien compris votre position. Le grave problème du double assujettissement, si je comprends bien, il serait réglé par ce mécanisme d'arbitrage assez élaboré que vous nous suggérez. Donc, je pense que, aussi, c'est une...

M. Gingras (Claude): Exact.

M. Ménard: Il y en a peut-être qui vont nous dire que c'est lourd et coûteux, mais j'ai l'impression que c'est moins coûteux que le conflit qu'il y a actuellement.

M. Gingras (Claude): Absolument. Puis c'est moins coûteux que les tribunaux qui ont à entendre toutes ces causes-là qui s'accumulent devant ces instances-là et qui ne trouvent jamais de solution.

M. Ménard: Et ça réglerait aussi les problèmes ouvrant... De bonne foi, un employeur dit – ce n'est pas votre domaine à vous, mais vous l'avez entendu ce matin: Coudon! moi, j'opère des stationnements, je loue des places de stationnement. Ce n'est pas de la sécurité que je fais, c'est autre chose. Ça pourrait se régler autrement que de prendre des poursuites. Ça serait le même tribunal d'arbitrage.

M. Gingras (Claude): D'ailleurs, on est contre l'extension horizontale – on vous le dit, là – des décrets, puis on est d'accord avec la philosophie que ça doit s'appliquer à des gens qui sont en compétition.

M. Ménard: Oui. Mais, regardez, des fois, vous ne trouvez pas que c'est un petit peu contradictoire, les deux positions? Regardez, dans le nettoyage public, comme on nous disait, si quelqu'un décide, un grand locateur, de partir son entreprise de nettoyage pour nettoyer son édifice, mais qu'en fait c'est pour échapper au décret, il faut pouvoir le rejoindre par la nature du travail qu'il fait, donc par une forme d'extension horizontale.

M. Gingras (Claude): Nous autres, écoutez, contrairement à ce que d'autres soutiennent, on croit que c'est un irritant, ça, puis que ça fait en sorte d'ajouter des assujettis à un décret qui, à mon avis, ne sont pas concernés. Une entreprise...

M. Ménard: Mais vous ne pensez pas, justement, comme on nous dit, que très rapidement – je m'excuse de vous interrompre, c'est parce que j'ai quand même d'autres questions à vous poser... Ce qu'on nous a dit, c'est que, très rapidement, vous allez avoir quelqu'un qui va se présenter comme, je ne sais pas, courtier ou encore à une agence de placement en nettoyage, puis il va redonner à Place Ville-Marie, par exemple, les mêmes nettoyeurs qu'il y avait avant, sauf que, comme maintenant Place Ville-Marie ne sera pas soumise au décret, elle va pouvoir payer un salaire qui est inférieur au décret pour les gens qui font la job qu'ils faisaient faire avant par quelqu'un d'autre autour du décret. Vous n'avez pas peur de ça, vous?

M. Gingras (Claude): Non, on n'a pas peur de ça. On en représente, actuellement, nous autres, des employés qui sont des gardiens dans des établissements, puis ils sont couverts par une convention collective, puis ils ont un salaire supérieur à celui du décret, puis on est capable de négocier, pour ces travailleurs-là, des conditions de travail plus avantageuses. Et ça existe aussi dans le domaine hospitalier, ça existe dans d'autres secteurs où on a ses propres gardiens.

(13 heures)

Ce qu'on vous dit, nous autres, c'est que, si on a un décret qui assujettit des entreprises de gardiennage qui en font leur commerce, puis qui vont garder dans plusieurs endroits, puis qui sont en compétition avec d'autres entreprises de gardiennage, ce n'est pas parce que quelqu'un met sur pied son propre service, pour ses propres fins, qu'il est en compétition avec eux. Lui, il le fait, O.K.? Il ne fait pas appel à un service externe. Et, dans ce cadre-là, pour nous autres, ça crée des problèmes, ça, quand on tente...

Regardez, on a eu l'exemple, dans l'extension horizontale, du verre, O.K.? Le décret du verre en est un bel exemple. À un moment donné, moi, j'ai eu à participer à des débats, à l'occasion, parce qu'il y avait une vitre, dans un avion, et on voulait aller couvrir la fabrication de la vitre qui rentrait dans l'avion. Écoutez, je trouve que ce n'est pas ça, la compétition. Ce n'est pas des entreprises en compétition, quand on arrive là. Ce n'est pas parce qu'il y a un miroir après un meuble que, demain matin, il y a une partie des salariés qui doivent être assujettis au décret du verre puis l'autre, au décret du meuble. Il y a des aberrations comme ça qu'on ne doit pas permettre.

M. Ménard: Il y a deux sujets que je voudrais attaquer.

Le Président (M. Joly): Je m'excuse, M. le député. J'ai besoin du consentement des deux parties, ici, afin qu'on puisse déborder quelques minutes, compte tenu qu'il est...

M. St-Roch: Consentement, M. le Président.

M. Marcil: Moi, M. le Président, je suis entièrement d'accord parce que c'est un groupe tellement intéressant, à ce niveau-là.

Le Président (M. Joly): Moi, je n'ai pas d'objection.

M. Marcil: Est-ce qu'on pourrait s'entendre pour aller jusqu'à 13 h 15?

Le Président (M. Joly): Moi, je n'ai pas d'objection si... Moi, je veux administrer les ententes qui se prennent ici.

M. Marcil: Parce que le député de Drummond... Puis, moi, j'aurais une dernière question à lui poser à la fin.

Le Président (M. Joly): Bon. Alors, M. le député de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

M. Ménard: Il y a deux sujets qui me préoccupent. Dans le fond, c'est la fin du décret, puis j'ai l'impression, parfois, que, dans certaines entreprises, une partie de l'industrie profite d'un comité paritaire pour imposer ses façons d'agir au reste de l'industrie de façon injuste.

D'abord, la fin du décret. Dans votre esprit, M. Gingras, est-ce que, une fois qu'il y a un décret de convention collective quelque part puis un comité paritaire d'installé, il l'est pour toujours, ou bien, si, à un moment donné, il n'est plus nécessaire?

M. Gingras (Claude): Bien, il est nécessaire tant et aussi longtemps que les parties jugent qu'il a une utilité et qu'il a encore raison d'être. Surtout avec la philosophie qu'on recommande, que son mandat soit élargi pour s'occuper de la compétitivité du secteur et peut-être des tâches relatives à la main-d'oeuvre, la formation et la qualification, alors, dans ce cadre-là, vous comprendrez que... Écoutez, si les parties n'en veulent plus puis qu'elles veulent faire d'autres choses, elles feront d'autres choses. Mais, tant qu'elles vont vouloir utiliser ce mécanisme-là, ça devrait pouvoir être permis. Je ne pense pas qu'il y ait, en fonction de ces grands objectifs là, de raison de croire qu'ils ne deviendraient plus nécessaires, au contraire.

M. Ménard: Parfait. Je comprends que, pour vous, c'est la volonté des parties.

M. Gingras (Claude): Absolument.

M. Ménard: Comment définissez-vous les parties, une fois que le décret est en application?

M. Gingras (Claude): Bon. Les parties, quand le décret est en application, ça dépend de ce qu'on entend. Il y a des assujettis, mais il y a des parties. Les parties sont ceux qui composent essentiellement les principaux partenaires, qui représentent tant les travailleurs que les employeurs dans un secteur d'activité, qui représentent d'une façon significative les travailleurs et les employeurs dans un secteur d'activité, et qui peuvent prétendre, aux termes de leur représentativité, pouvoir engager leurs membres. Alors, dans ce sens-là, ça, c'est ce qu'on appelle les parties.

M. Ménard: Et les assujettis, eux, ils n'ont rien à dire?

M. Gingras (Claude): Les assujettis, bien, c'est les tiers qui, isolément, ne font pas partie des associations patronales dans ce secteur-là. Ça, ils décident qu'ils ne sont pas membres de l'association patronale, donc ils deviennent un tiers pour les employeurs. Et, pour les travailleurs, bien, c'est ceux qui ne sont pas membres des associations syndicales.

M. Ménard: Ce sont des tiers assujettis.

M. Gingras (Claude): C'est des tiers assujettis.

M. Ménard: Alors, pour vous, la fin d'un comité paritaire devrait être déterminée par les parties qui ne sont pas les tiers assujettis.

M. Gingras (Claude): C'est exact.

M. Ménard: Bon. Vous ne pensez pas qu'on devrait consulter, une fois de temps en temps, les tiers assujettis...

M. Gingras (Claude): Oui. D'ailleurs, on le propose...

M. Ménard: ...sur la poursuite du comité paritaire?

M. Gingras (Claude): ...dans notre mécanisme, si vous avez bien vu. On le propose dans notre mécanisme. Ce qu'on demande, c'est que, justement, l'organisme externe qu'on met sur pied ou même le tribunal d'arbitrage qu'on propose pour arbitrer les litiges s'il y a lieu, il puisse entendre les tiers, qu'il puisse entendre les représentations des tiers et favoriser, justement, leur expression.

M. Ménard: O.K. Quand vous parlez des tiers, dans votre rapport, vous parlez des tiers assujettis toujours, là, hein? O.K., c'est correct. C'est parce que le tiers, ça peut être la clientèle.

M. Gingras (Claude): Bien oui, ça peut être la clientèle.

M. Ménard: Mais ce n'est pas ça.

Le Président (M. Joly): Une dernière question, s'il vous plaît, M. le député.

M. Ménard: L'autre question qui me préoccupe beaucoup... Je vais vous dire franchement, j'aimerais, un de ces jours, peut-être, qu'on puisse s'en parler en privé, comme le ministre, d'ailleurs, l'a dit. Je ne vous donnerai pas un exemple tiré de vos comités. J'ai remarqué que, dans vos comités, on a du meilleur et là où on a le plus de plaintes... Mais je vais vous donner un exemple qui m'a vraiment frappé, moi qui suis de l'extérieur, la distribution du pain, où des gens viennent ici nous dire: Nous, on fabrique du pain sans agent de conservation – c'est de plus en plus dans le goût du public – et on voudrait bien pouvoir le distribuer sept jours par semaine parce qu'on a le droit de le vendre sept jours par semaine. Et les gens qui ont pris le contrôle du comité paritaire, eux a utres, ils fabriquent du pain avec des agents de conservation. Ça fait qu'ils sont bien intéressés à ce qu'on ne le distribue pas le samedi puis le dimanche, parce que le monde qui va aller acheter le pain le samedi puis le dimanche...

M. Marcil: Le dimanche et le lundi.

M. Gingras (Claude): Le lundi.

M. Ménard: Le dimanche et le lundi, c'est ça? Bon. Parce que, là, les gens vont aller acheter leur pain avec des agents de conservation. Ça, je trouve que c'est un des risques des comités paritaires, que, à un moment donné, justement à cause de cette structure-là, ce que vous appelez les parties qui ne sont pas les tiers assujettis mais qui peuvent, des fois, représenter une portion très importante de l'industrie, et parfois même majoritaire, se voient imposer des règles qui sont à l'avantage des parties mais pas à l'avantage de l'ensemble de l'industrie et qui ne tiennent plus compte des modifications des besoins des consommateurs. Comment résoudre ça, M. Gingras? Je sais que c'est...

M. Gingras (Claude): Bien, écoutez, il n'y a pas de solution magique à l'unanimité, vous le savez fort bien.

M. Ménard: Oui.

M. Gingras (Claude): Alors, nous autres, on est un peu aux prises avec le même problème.

M. Ménard: Oui.

M. Gingras (Claude): Même à l'intérieur de nos assemblées générales, c'est rare qu'on est capable d'atteindre un consensus total et absolu et une entente entre l'ensemble de nos membres sur des questions. Écoutez, c'est bien sûr que, dans un processus comme celui-là, si vous me parlez de cas d'exception... Moi, je pense que des parties qui se responsabilisent dans un secteur, puis qui déterminent qu'on est capable de vivre avec certaines conditions de travail, ce n'est quand même pas des parties qui veulent contribuer à leur perte, là. Elles sont en mesure de poser un jugement.

M. Ménard: Ah non! Dans ce cas-là, ils travaillent surtout à leur intérêt.

M. Gingras (Claude): Oui, ils travaillent à leur intérêt, mais ce n'est pas évident que cet intérêt-là, là, il est divergent de celui dont vous faites état.

M. Ménard: Non, c'est dans les cas où c'est divergent, c'est ça qui me préoccupe.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît. En conclusion, s'il vous plaît.

M. Ménard: C'est ça qui me préoccupe.

M. Gingras (Claude): Alors, en conclusion, ce que je veux vous dire c'est que, moi, je pense que l'intervenant patronal, qui est notre vis-à-vis quand on négocie la convention de base, il prend soin des intérêts de l'ensemble. Et, quand ça arrive que, pour un cas d'exception, à un moment donné, on se rend compte qu'il y a peut-être un problème particulier, on n'a pas intérêt à éviter, justement, de régler ce problème-là si ce problème-là est un problème important dont on doit tenir compte. S'il y a des personnes qui produisent du pain sans agent de conservation, je suis certain que, demain matin, toutes les entreprises de boulangerie vont en avoir de ce genre de pain là, parce qu'ils sont en compétition et ils doivent livrer ce même produit là, parce que demain matin ils vont perdre des clients s'ils n'en ont pas.

Alors, écoutez, c'est pour ça que je vous dis, la compétition étant ce qu'elle est, que ce n'est pas évident que les entreprises ont intérêt à procéder dans le sens que vous le dites. Alors, qu'il y ait des effets à l'occasion...

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît. Merci. Merci beaucoup. M. le député de Drummond, s'il vous plaît.

M. St-Roch: Oui, merci, M. le Président. Alors, moi, j'ai adoré votre mémoire parce qu'il est innovateur, surtout à partir de la page 30, là, jusqu'à la page 32. Alors, ma question va être celle-ci. Parce que les grands dénigreurs des décrets, ceux qui disent qu'on devrait les abolir, bien, l'exemple avec lequel ils nous reviennent tout le temps, un groupe peut dire: Bon, bien, le décret va fixer, en exemple, un taux horaire avec le fameux temps et demi le samedi et le dimanche. Alors, quand j'essaie de négocier avec ma partie syndicale, j'ai une entente, mais j'arrive avec l'application du décret, puis j'ai perdu 40 000 000 $ de chiffre d'affaires. Un autre groupe va nous dire, lui, que ce ne serait pas le côté monétaire, mais ce serait toute la nouvelle dynamique d'organisation du travail au niveau soit cellulaire ou modulaire, parce qu'on emploie les deux termes aujourd'hui, et va dire: Chez moi, je suis syndiqué, on s'entend entre nous. Lorsque j'arrive au niveau de l'application du décret, on me dit: Non, c'est impossible à organiser. Ça fait que je perds de l'emploi, je ne suis pas créateur d'emplois.

Alors, comment est-ce que vous feriez, là, pour avoir cette dynamique-là qu'on étend, comme je viens de dire, de 30 à 32, là, pour tenir compte des cas particuliers, là, puis de la mondialisation? Comment est-ce qu'on pourrait acquérir cette flexibilité-là à l'intérieur d'une convention collective et négocier avec les parties, puis à l'intérieur, d'un autre côté, de l'application des décrets?

M. Gingras (Claude): Je crois que vous devez référer peut-être au cas qui a fait l'objet un peu de publicité, autour du cas du bois ouvré, entre autres, là, qui voulait avoir plus de flexibilité dans les heures, ça faisait perdre des emplois. C'est arrivé à l'occasion, ce genre de problème là, mais je dois vous indiquer que, dans le décret du bois ouvré en question, ceux qui sont venus faire des représentations ici, là, à cet effet-là, et qui ont fait tout un tollé dans le journal Les Affaires à ce sujet-là, ils ne nous ont même pas consultés pour nous demander voir si on ne pouvait pas consentir une certaine marge de manoeuvre concernant la flexibilité dont vous faites état. Alors, vous comprendrez que, dans... Parce que eux autres sont des tenants de l'abolition, actuellement.

Et ça, c'est l'exemple frappant, là. Quand on nous parle de ces problèmes-là et qu'on peut s'asseoir et les regarder, la flexibilité... Et ça, on l'a offert publiquement à cette association-là depuis, là. On lui a offert publiquement de venir s'asseoir et de le régler, le problème, qu'on était prêts à le régler, nous autres, pour favoriser la création d'emplois. On était prêts à le régler, et puis, non, ils ne sont pas venus.

(13 h 10)

Le Président (M. Joly): Très brièvement, s'il vous plaît, M. le député.

M. St-Roch: Oui. On a l'autre problématique, qui est surtout dans le secteur du vêtement, là, c'est les entrepreneurs en couture qui ont à peu près une même dynamique, là, qui est au niveau de l'organisation puis de la flexibilité, au niveau de la description des tâches et ces choses-là. Alors, il est possible, à l'heure actuelle, d'avoir des mécanismes où l'employeur peut avoir cette flexibilité-là, même si le décret disait autre chose? D'après vous, il est possible de s'asseoir et d'avoir une entente pour faire du cas par cas? Parce que c'est le monde d'aujourd'hui, ça. Suivant les créneaux auxquels les employeurs vont s'adresser, il y aura peut-être des conditions particulières?

M. Gingras (Claude): Moi, je suis convaincu que oui, puis, pour l'assurer, moi, je confierais même le mandat, s'il y a des litiges là-dessus, à l'arbitrage, pour que le gouvernement puisse se dégager de cet appareil-là. Dans le cadre de la proposition qu'on fait, c'est que le tribunal d'arbitrage pourrait arbitrer ça, et, si, socialement et économiquement, pour le secteur, ça devient un élément important, c'est que, à ce moment-là, il pourra rendre une décision qui sera applicable aux parties.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Merci. Longue question, longue réponse. Alors, malheureusement, le temps file, que voulez-vous. Alors, M. le ministre, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Marcil: Oui. D'abord, pour répondre aussi aux commentaires du début, lorsqu'on parle d'immobilisme gouvernemental – les premiers groupes nous en ont fait part – autant de l'ancien gouvernement que du gouvernement actuel, tout simplement, c'est que, le gouvernement, voulant se retirer davantage des comités paritaires, laisse davantage de temps et de place à la consultation et à la concertation. Parce que les gouvernements qui nous ont précédés, le gouvernement actuel ou, du moins, ceux qui m'ont précédé au poste que j'occupe, si des gens avaient eu réellement l'intention, s'ils avaient voulu réellement prendre les vraies décisions, il n'y aurait plus de comités paritaires à nulle part. Donc, comme ils ne voulaient pas nécessairement abroger la loi, il fallait faire participer davantage les parties, et c'est aussi simple que ça. Autant dans l'automobile, demain matin, on pourrait dire: On abroge le décret, il n'y a pas d'entente, on ne sent pas une vie associative, autant on pourrait dire la même chose dans le pain, on pourrait dire la même chose dans le verre plat, on pourrait tous les abroger, et je ne pense pas que ce serait la bonne solution, à mon sens. Et ce que vous proposez, ça a de l'allure. Je pense qu'on devrait aller davantage dans cette ligne-là.

Je vais vous poser la question suivante: Au moment où on a une entente de base pour l'ensemble d'un secteur et que, à l'intérieur des entreprises, on négocie des conventions collectives – exemple, CSD avec l'employeur en question – on a des conventions collectives beaucoup plus attrayantes que les conditions de base du décret, ne penseriez-vous pas que ces conventions collectives là, au moment où il y a un contrat entre deux parties, ne peuvent pas permettre un peu ce que le député de Drummond a dit tantôt, permettre à des entreprises... J'en connais, des entreprises dans le vêtement syndiquées, CSD: entente avec le syndicat de la boîte pour modifier des choses, mais le comité paritaire, c'est trop long, trop rigide, on ne peut pas y arriver. Le bois ouvré, c'est un autre exemple.

Ne penseriez-vous pas que, au moment où il y a une convention collective qui est bonifiée par rapport aux conventions de base, elle devrait avoir préséance sur le décret, sur les conditions de base du décret, pour permettre à l'entreprise, en concertation employés-employeur, d'aller plus loin, de modifier des choses au niveau de l'organisation du travail dans l'entreprise, sans nécessairement toujours référer aux conditions, aux règles de base du comité paritaire?

Le Président (M. Joly): M. Gingras, s'il vous plaît.

M. Gingras (Claude): On est totalement d'accord avec ce que vous venez de dire, puis, d'ailleurs, on l'a énoncé dans notre mémoire. Ce qu'on veut dire, c'est que des conditions au moins aussi avantageuses et plus avantageuses doivent être permises par dérogation au décret en tout temps. Ça, ce n'est pas compliqué, c'est notre position. Les conditions aussi avantageuses et plus avantageuses doivent toujours être permises.

Le Président (M. Joly): C'est ça.

M. Gingras (Claude): Ce qu'on doit faire, également, c'est que, quand il y a des conditions qui prévalent qui diffèrent dans les conventions collectives, habituellement, elles font l'objet d'une entente. Mais je pense que les comités paritaires doivent respecter au moins ces ententes-là, si les conditions sont aussi avantageuses. Alors, c'est pour ça que, pour nous autres, ça ne doit pas être des impératifs. On ne doit pas, par un décret – et ça, on y tient, là – imposer un système de fonds de pension ou un système d'assurance-groupe qui empêche les partenaires de négocier mieux.

M. Marcil: L'organisation de l'horaire de travail, s'il y a consentement à l'intérieur de l'entreprise, aussi.

M. Gingras (Claude): Ça, s'il y a des ententes réalisées à l'intérieur...

M. Marcil: Des ententes négociées.

M. Gingras (Claude): Oui. S'il y a des ententes réalisées à l'intérieur des entreprises, et que le comité en est avisé, et que le comité est saisi que c'est une entente, à mon avis, ça devrait être acceptable.

M. Marcil: Merci.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. le ministre.

M. Marcil: C'est tout. Moi, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Joly): À vous aussi, de la CSD, merci beaucoup. Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, dans ce même salon. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 16)

(Reprise à 15 h 14)

Le Président (M. Joly): Bonjour, il me fait plaisir de vous accueillir à cette commission. Il me fait plaisir aussi de constater que les gens de la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec ont déjà pris place à la tribune. J'apprécierais que la personne responsable puisse s'identifier et aussi nous introduire les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.


Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec

M. Brillant (Rodrigue): Mon nom est Rodrigue Brillant. Je suis président de la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles. Je suis accompagné du directeur général, Florent Francoeur, d'un membre du bureau des administrateurs, Kevin Charron, et d'un membre de la Corporation, Pierre-Paul Morissette, les deux derniers étant des spécialistes de la Loi sur les décrets.

Le Président (M. Joly): Alors, j'imagine, M. Brillant, que c'est vous qui allez être le porte-parole. Mais je vous souligne que les autres membres ont le droit aussi d'intervenir. Alors, vous avez une vingtaine de minutes pour nous livrer le fruit de votre mémoire, et, par après, les parlementaires auront le plaisir d'échanger avec vous. Alors, s'il vous plaît, M. Brillant.

M. Brillant (Rodrigue): M. le ministre, MM. et Mmes les députés, mesdames, messieurs. Permettez-moi d'abord de vous remercier pour l'opportunité que vous nous offrez aujourd'hui de vous parler d'un sujet qui préoccupe grandement les différents intervenants dans le domaine des relations industrielles au Québec: les décrets de convention collective.

Comme vous le savez fort probablement, la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec compte actuellement 1200 membres en règle, dont le champ de pratique couvre un vaste domaine, soit les relations du travail, la gestion des ressources humaines, la formation et la santé et sécurité au travail. Son mandat est, notamment, d'assurer au public l'excellence des services offerts par les conseillers en relations industrielles, de favoriser les échanges entre les divers agents des milieux syndical, patronal, gouvernemental et universitaire et de faire connaître au public les implications humaines, sociales, économiques et politiques des relations industrielles.

La Corporation se caractérise par la diversité de ses membres en provenance du monde syndical, patronal ou universitaire et travaillant dans les secteurs public, parapublic et privé. Elle présente donc, en ce sens, un point de vue tout à fait unique, puisqu'il se veut un consensus de positions souvent diamétralement opposées. Dans le cas présent, des membres de toute provenance se sont donc penchés sur le problème avec un seul objectif prédominant: l'harmonie dans les relations de travail, celle-ci étant un facteur important pour la compétitivité de nos entreprises et la prospérité économique.

Les bouleversements qu'a connus l'économie québécoise depuis le début des années quatre-vingt nous ont permis de comprendre combien les modes traditionnels de relations de travail ne répondent plus aux exigences d'un environnement turbulent et concurrentiel. La mondialisation des marchés a accéléré ces bouleversements, et nous ne pouvons maintenant que constater la très grande fragilité des nombreux secteurs industriels du Québec. Il est donc important d'effectuer rapidement une transition, passant de standards peu exigeants qui caractérisent les économies protégées à ceux élevés des marchés mondiaux.

La Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec considère la main-d'oeuvre québécoise comme la ressource primordiale à mettre à contribution dans le cadre de la restructuration de l'économie québécoise. Elle considère également que la réussite de la collectivité québécoise passe par la transition rapide d'une économie de production de masse à une économie de valeur ajoutée. Consciente de l'importance de s'impliquer rapidement et activement dans le processus de renouvellement des relations du travail au Québec, la Corporation a publié un rapport sur le renouvellement des relations de travail intitulé «Relations du travail: nouvelles pratiques». En avant-propos de ce rapport, on note que la Corporation favorise l'émergence d'une plus grande concertation entre les intervenants du monde du travail, de façon à satisfaire les exigences des stratégies de développement économique du Québec.

C'est dans cet esprit que la Corporation considère approprié de procéder à une réévaluation du rôle et de la pertinence de la Loi sur les décrets de convention collective. Pour cette raison, la Corporation a soumis, l'an dernier, un mémoire au Comité interministériel chargé d'étudier cette loi. Voici, brièvement, le contenu de ce mémoire, nous ne passerons, rapidement, que sur les grandes têtes de chapitres.

En ce qui a trait à la fusion des décrets, lorsque le législateur croit qu'il est dans l'intérêt d'un secteur économique de procéder à des fusions de décrets, celui-ci devrait être habilité à procéder à de telles fusions. Des mécanismes d'audition et de conciliation, ainsi que des mesures transitoires devraient préalablement avoir été instaurés.

La concurrence. Nous croyons nécessaire qu'il soit mentionné expressément dans la Loi sur les décrets de convention collective qu'il serait loisible, en tout temps, au législateur, après avoir permis au comité paritaire intéressé d'être entendu, de modifier un décret qui, s'il était maintenu, causerait des inconvénients graves résultant de la concurrence des pays étrangers ou des autres provinces. On rappelle la dimension sociale de la Loi sur les décrets de convention collective.

La déjudiciarisation du décret. Tout décret devrait prévoir une clause d'arbitrage des mésententes. Nous avons signalé que, en vertu des articles 36f et 37f du Code des professions, les membres de la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles, nous sommes particulièrement bien habilités à régler des différents de cet ordre.

L'association bona fide comme requérant. Nous proposons que l'article 3 de la loi soit modifié pour indiquer que, pour se porter requérante, une association de salariés doit être accréditée au sens du Code du travail du Québec. Cette modification aurait pour effet de ne plus faire reconnaître par le législateur l'association bona fide comme partie contractante.

(15 h 20)

La durée du décret. La Corporation propose que le Code du travail permette, à l'instar du Code canadien du travail, que les parties ne soient soumises à aucune contrainte par rapport à la durée de la convention collective. Ainsi, nous croyons qu'il n'y a nullement lieu de limiter la durée des décrets. Nous attirions l'attention du Comité interministériel sur l'importance de privilégier la voie du contrat social.

Le rôle du comité paritaire. Nous croyons que des dispositions devraient être ajoutées afin de renforcer l'objectif de représentativité du comité paritaire. Il y aurait lieu d'indiquer que le comité paritaire doit être constitué de membres représentatifs des employeurs et des employés du secteur concerné par le décret. Le ministre devrait approuver la nomination des membres du comité paritaire et nommer des représentants qui ne sont pas visés par la convention collective selon le mécanisme déjà prévu à l'article 17 de la loi. De plus, les comités paritaires devraient bénéficier de l'autonomie et de la marge de manoeuvre nécessaire pour accomplir leur mandat.

L'exercice de réclamation. Le processus de réclamation devant les tribunaux civils devrait être remplacé par un mécanisme d'arbitrage des mésententes. Nous proposons que la section Exercice des réclamations de la loi soit modifiée par l'ajout d'une disposition permettant d'appliquer par analogie les dispositions du Code du travail en matière d'arbitrage. Ceci viserait les réclamations, l'interprétation et l'application d'un décret.

Les dispositions générales. Nous croyons important d'introduire, par analogie à l'article 15 du Code du travail, une disposition permettant la réintégration d'un salarié congédié en violation de l'article 30.

En février dernier, le Comité interministériel présentait donc son rapport sur les diverses questions posées par la Loi sur les décrets de convention collective. Après examen de ce rapport, la Corporation désire émettre quelques commentaires complémentaires. Bien entendu, comme auparavant, la Corporation, qui a, je le rappelle, pour fonction principale la protection du public et qui regroupe de ce fait des professionnels de tous les milieux universitaires, patronaux, syndicaux du Québec, ne saurait prendre position en faveur d'une partie plus que d'une autre ni insister sur le maintien ou l'abolition d'une institution québécoise des décrets de convention collective.

Toutefois, elle soulignait dans son mémoire initial que l'institution pouvait représenter un outil valable pour favoriser le développement économique du Québec. Cette réalisation ne nous paraît pourtant possible qu'en apportant à la loi des décrets des changements importants qui visent deux objectifs principaux: la modernisation de la loi en harmonie avec les autres lois du travail, l'attribution de moyens accrus au comité paritaire dans le domaine de la recherche et de la formation en vue d'élargir les horizons du secteur d'activité en cause, en favorisant l'ouverture sur les marchés internationaux et la concertation entre les milieux patronaux et syndicaux.

Les présents commentaires portent sur six éléments importants sur lesquels la Corporation diverge d'opinions en tout ou en partie avec le Comité interministériel, à savoir la question du caractère représentatif des employés requérants, la notion de marché concurrentiel comme limite à la région ou à l'industrie visée par un décret, la nature juridique de l'entente qui sert de base au décret, la durée des décrets, l'arbitrage des conflits de compétence et la formation. Voici donc, sur chacun des sujets, nos recommandations, que nous avons pris soin d'étayer d'arguments appropriés.

La question du caractère représentatif des employeurs requérants. Tout d'abord, il est de notoriété publique que les décrets de convention collective n'ont pas toujours été administrés ni établis par un groupe d'employeurs ou de syndicats représentant une proportion significative du marché réglementé. Il est entendu que telle situation peut, dans certains cas, ouvrir la voie à certaines critiques quant au bien-fondé de l'instrument juridique. Pour apporter une solution à ce problème, le Comité interministériel propose, à la recommandation 9 de son rapport, d'exiger que la majorité absolue des employeurs donne son assentiment à la requête du ministère de l'Emploi.

Pour sa part, la Corporation est d'opinion qu'une telle solution pose des problèmes pratiques majeurs dans plusieurs industries, là où le nombre d'employeurs est très élevé et là où il fluctue rapidement. Par ailleurs, la notion de majorité absolue n'est pas parfaite, puisque le nombre d'employeurs peut augmenter ou diminuer substantiellement durant la période d'application d'un décret. Au surplus, certaines industries présentement régies par un décret s'accommodent très bien d'une représentation inférieure à la majorité.

Conséquemment, pour apporter une solution plus souple au problème de la représentation, nous suggérons que le facteur de représentativité soit ajouté aux critères dont doit tenir compte le ministre lorsqu'il accorde la requête, mais sans faire de la majorité absolue une condition mathématique. Ainsi, le paragraphe suivant pourrait être ajouté à l'article 6 de la loi actuelle: «Dans sa décision quant à l'approbation d'un décret, le ministre doit tenir compte du caractère représentatif des parties contractantes par rapport aux groupes d'employeurs et d'employés visés.»

De cette manière, il nous apparaît que l'une des imperfections du régime actuel serait corrigée, tout en conférant au ministre l'autorité suffisante pour agir avec souplesse.

La notion de marché concurrentiel comme limite à la région ou à l'industrie visée par un décret. Dans la réalisation de ses objectifs, la Corporation est soucieuse de prévenir l'émergence répétée de litiges pouvant faire obstruction à la pleine réalisation de la loi. Une telle situation est susceptible de se produire lorsqu'un texte de loi fait appel à des notions fluctuantes qui prêtent un peu trop large part à l'interprétation. Selon les intervenants consultés par la Corporation, cette notion est tellement vague qu'elle entraînera des interprétations divergentes et conduira à des litiges pouvant faire obstruction à la loi.

Pour pallier à ces problèmes, il convient de définir la juridiction d'un décret par l'activité et par la région visées, et ceci avec la précision nécessaire pour assurer l'efficacité du régime. Ainsi, dans le cas de dédoublements entre les activités régies par deux décrets, il est préférable de formuler une exclusion expresse dans un des décrets en cause. De cette manière, des litiges importants pourront être évités, et ce, à l'avantage de la majorité des assujettis.

La nature juridique de l'entente qui sert de base au décret. Les intervenants consultés lors de la préparation originelle du rapport étaient tous d'accord pour exclure du bénéfice de l'extension juridique tout contrat négocié dans un contexte autre qu'une convention collective de travail, au sens où l'entend le Code du travail. Toutefois, il serait trop rigoureux, dans le cas d'une industrie qui compte plusieurs conventions collectives, de limiter le droit des parties négociantes, surtout dans le cas d'un renouvellement de leur décret, de puiser la règle dans une seule convention collective. Ainsi, la Corporation propose de modifier la recommandation 11 pour qu'elle se lise comme suit: «Que la requête en extension ou en modification soit puisée dans une ou plusieurs véritables conventions collectives, au sens du Code du travail.»

La durée du décret. Dans sa proposition de février 1994, le Comité interministériel recommande de limiter la durée d'un décret à un maximum de 18 mois de plus que celle de la convention collective à la base de la requête. Cette proposition suppose que le ministre serait toujours disposé à renouveler un décret dans un délai compatible avec cet objectif. Les conseillers en relations industrielles craignent que l'obligation de renouveler dans les 18 mois le décret ne cause des problèmes de vide juridique dans le cas où les parties à la convention collective n'ont pas réussi, pour une raison ou pour une autre, à renouveler rapidement leur convention collective.

D'autre part, la loi des décrets met sur pied un comité paritaire et une structure de consultation régulière qui devraient assurer la saine gestion d'un décret, fusse-t-il de longue durée. Au surplus, avec les amendements apportés au Code du travail par le projet de loi 116 déposé en 1993, les conventions collectives pourront dorénavant être en vigueur plus de trois ans et même être d'une durée indéfinie. En conséquence, la Corporation est d'avis que la loi ne devrait pas contenir de limite à la durée d'un décret de convention collective, le régime actuel n'ayant pas relevé de difficultés majeures à ce sujet dans le passé.

L'arbitrage des conflits de compétence. La Corporation ne peut qu'accueillir favorablement la recommandation 16 du rapport dans laquelle il est proposé d'avoir recours à l'arbitre pour solutionner des mésententes concernant la double juridiction ou les conflits de compétence. Nous suggérons, à ce sujet, d'ajouter à la compétence des arbitres la mésentente concernant l'assujettissement des employeurs à la juridiction d'un décret. Une description des pouvoirs, de la procédure et des règles de décision de ces arbitres pourrait être souhaitée en s'inspirant, au besoin, de celle du Code du travail.

La formation. À quelques reprises dans son rapport, le Comité a fait référence aux règles et aux programmes de formation que peuvent comporter certains décrets à titre de règles pour l'accès à un emploi ou à une catégorie d'emploi. En ce qui concerne ces règles, la Corporation s'en remet aux recommandations du Comité selon lesquelles elles devraient être établies et gérées par le ministère de l'Emploi en encourageant la participation des parties impliquées.

Toutefois, selon la Corporation, les comités paritaires devraient eux-mêmes être dotés de moyens nécessaires pour accroître et gérer la main-d'oeuvre de l'industrie qu'ils représentent. Ils devraient avoir recours pour ce faire à la recherche, aux échanges internationaux et à la formation axée sur le développement, l'exploitation et l'accroissement des marchés.

(15 h 30)

La Corporation croit que le développement économique passe par la compétence de sa main-d'oeuvre. Par contre, nous ne pouvons que constater la difficulté qu'ont les pouvoirs publics à s'adapter et à répondre à la demande en matière de formation de la main-d'oeuvre. Il faudra donc revoir l'implication et le rôle de chacun des intervenants pour s'assurer d'une intervention efficace dans ce domaine.

En conclusion, je vous cite un extrait du rapport du comité de travail de la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec sur le renouvellement des relations du travail au Québec. On lit: Les lois du travail ne seront certes pas la source du changement d'attitude des parties. Les modifications apportées n'ont pas pour objet de créer une révolution dans la philosophie des relations de travail. Les lois peuvent cependant, si elles sont bien adaptées au contexte actuel et si des changements dans le climat et la culture des relations de travail se trouvent entamés, favoriser et encadrer le développement de la concertation.

Il nous semble pertinent de donner de nouveaux outils aux différents acteurs du monde du travail afin de soutenir les innovations se déroulant dans les milieux de travail et de développer des mécanismes et des occasions de concertation.

L'adaptation au changement, la diffusion de nouvelles valeurs et de nouveaux standards de comportement ainsi que le partage et la diffusion d'expériences novatrices ne peuvent que contribuer au redressement de l'économie québécoise. L'idée d'amorcer une réflexion sur la Loi sur les décrets de convention collective est déjà un pas dans la bonne direction. Elle témoigne de la volonté du législateur de s'assurer que les assises juridiques sur lesquelles reposent nos rapports collectifs et individuels du travail correspondent au contexte économique dans lequel évoluent nos entreprises. Nous ne pouvons qu'encourager de telles initiatives et vous assurer, M. le ministre, de notre support dans votre recherche de véritables outils de concertation, dans un esprit, comme vous l'avez si bien dit, de moderniser, dans un esprit de déréglementation. Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup, M. Brillant. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Marcil: Merci beaucoup. C'est rafraîchissant d'entendre, d'écouter ou de prendre connaissance d'une analyse du rapport interministériel faite par un groupe qui n'est pas nécessairement partie prenante de la Loi sur les décrets. Je sais que, M. Morissette, vous avez déjà été directeur de la Direction des décrets, ici, au ministère du Travail. Alors, vous avez innové également dans ce sens-là. On vous souhaite la bienvenue.

J'aimerais que vous me parliez, parce que j'ai mal compris au début, dans votre présentation... Nous n'avions pas tout le texte de ce que vous avez présenté aujourd'hui?

M. Brillant (Rodrigue): En partie. Il y a eu quelques modifications.

M. Marcil: L'association bona fide, pourriez-vous élaborer un peu sur ça? Je voudrais essayer de comprendre ce que vous vouliez dire.

Le Président (M. Joly): M. Brillant.

M. Brillant (Rodrigue): Ce qu'on disait, c'est qu'on demandait que les gens qui étaient requérants soient d'une association accréditée au sens du Code du travail. Donc, ce qu'on pourrait qualifier de non-associations ou de syndicats de boutique ou peu importe... C'est des associations reconnues comme telles par le Code du travail.

M. Marcil: Pourriez-vous expliquer davantage?

M. Brillant (Rodrigue): C'est-à-dire qu'on se réfère exclusivement, pratiquement, aux syndicats.

M. Marcil: Donc, comme partie requérante.

M. Brillant (Rodrigue): Oui.

M. Marcil: Par contre, un décret pourrait toucher un secteur dans lequel on aurait des parties non syndiquées.

M. Brillant (Rodrigue): Est-ce qu'il y en a beaucoup? C'est ça, le...

M. Marcil: Bien, ça dépend des secteurs. Il y a des secteurs où... On nous dit que, dans l'ensemble des travailleurs et travailleuses régis par la Loi sur les décrets, à peine 26 % de ces travailleurs et travailleuses là sont syndiqués, syndiqués au sens du Code du travail probablement, affiliés à des centrales syndicales: FTQ, CSN. Donc, c'est comme si on excluait presque 75 % des travailleurs et travailleuses du droit de parole, quasiment. Est-ce que je comprends bien, lorsque vous dites ça, que le décret devrait englober uniquement des parties contractantes, c'est-à-dire uniquement des parties syndiquées au vrai sens du mot?

M. Brillant (Rodrigue): Oui. Dans le sens du mot, mais pas nécessairement des centrales syndicales parce qu'on peut avoir des syndicats indépendants. Mais uniquement des parties syndiquées pour s'assurer d'une conformité de la base du décret.

M. Marcil: Bon. Est-ce que vous voulez dire, à cet effet, que les boîtes, les entreprises où il n'y a pas de syndicalisation ne seraient pas assujetties au décret?

M. Brillant (Rodrigue): Je ne crois pas.

M. Marcil: J'aimerais ça que vous m'expliquiez.

M. Brillant (Rodrigue): Peut-être que M. Morissette pourrait...

M. Morissette (Pierre-Paul): M. le ministre, peut-être qu'il faudrait faire la distinction dans le mécanisme d'enclenchement de l'extension juridique. C'est-à-dire que les associations qui pourraient être requérantes, au départ, pour la demande d'extension devraient être des associations accréditées en vertu du Code. Mais une fois que le mécanisme, une fois que...

M. Marcil: Est en place.

M. Morissette (Pierre-Paul): ...le moteur est mis en marche, il peut s'ajouter d'autres associations. Il peut s'ajouter aussi d'autres employeurs. Mais, le point de départ, ce serait une association accréditée...

M. Marcil: O.K.

M. Morissette (Pierre-Paul): ...avec... Il y aurait probablement aussi plusieurs conventions collectives qui pourraient intervenir à un moment donné.

M. Marcil: O.K. Mais, lorsque vous dites «il pourrait s'ajouter», est-ce que ce serait une obligation? C'est tout le sens des mots, là. C'est différent, lorsque... Je comprends, là – c'est un petit peu ce qu'on a dit avec notre dernier groupe ce matin – que l'enclenchement du mécanisme se fait habituellement par des parties syndiquées. C'est très rare qu'on ait créé un décret sans que ça ait été d'abord initié par des parties syndiquées. Sauf qu'après on est allé à l'extension, à extensionner par rapport à un secteur donné. Mais on a obligé des parties à faire partie du comité paritaire.

Au moment où on se parle, on oblige des gens. On les a obligés, malgré leur volonté. Ils ont souvent appris par la Gazette officielle du Québec qu'ils étaient maintenant régis par un décret. Donc, c'est pour ça que, lorsque vous utilisez les mots «pourrait s'ajouter», est-ce que ce serait sur une base volontaire?

M. Morissette (Pierre-Paul): M. le ministre, on pourrait... Là, ça touche toute la question du caractère représentatif. Comment évalue-t-on maintenant? Une fois que les associations ont mis en marche le mécanisme, le Code du travail donne une reconnaissance des associations, mais, après que la demande d'extension est obtenue, la loi de l'extension juridique, la Loi sur les décrets oublie un petit peu les parties pour s'attacher davantage au contenu de la convention collective. Et, là, il y a des suggestions sur le caractère représentatif auquel touche la recommandation 9 et qui rejoint aussi les recommandations 18 et 19, parce que ça touche toute la prépondérance des conditions de travail.

M. Marcil: Sauf que, dans votre recommandation, à la page 5, dans la lecture qu'on fait, vous voudriez apporter des modifications à l'article 18 où on exige une majorité absolue. Vous dites: «Dans sa décision quant à l'approbation d'un décret, le ministre doit tenir compte du caractère représentatif des parties contractantes, par rapport aux groupes d'employeurs et d'employés visés.»

M. Brillant (Rodrigue): C'est exact.

M. Marcil: Comme vous ne précisez pas les critères sur lesquels le ministre devrait s'appuyer afin d'évaluer la représentativité des parties contractantes, moi, j'aimerais connaître vos suggestions. Sur quels critères le ministre devrait-il justement se baser pour reconnaître?

M. Brillant (Rodrigue): On a six critères. Je pourrais peut-être les énumérer.

M. Marcil: Oui.

M. Brillant (Rodrigue): La première des choses, c'est que ce qu'on voulait dire dans cette recommandation, c'est qu'un chiffre absolu de 51 % plus un, c'est extrêmement mathématique et extrêmement relatif; c'est extrêmement difficile à administrer et ça peut probablement créer plus d'injustice que de justice. Donc, on dit: Qu'on laisse à la discrétion du ministre cette administration-là.

(15 h 40)

Pour les six critères, on avait l'effectif, on a le taux de syndicalisation dans le groupe, on a les conditions de travail qui prévalent dans l'industrie, les conditions de travail qui prévalent dans la région, les conditions économiques de différentes régions du Québec et la concurrence internationale. Ça, c'est des critères qui peuvent être pondérés, qui peuvent facilement être analysés. Donc, on parle, globalement, de l'industrie qui se compare, de la région qui se compare, de la région qui se compare avec les autres régions et de la région ou de l'industrie qui se compare avec le marché mondial, pour être bien sûr... Parce que souvent, dans les entreprises, ce qu'on peut voir, c'est que la comparaison est difficile au niveau local et qu'il faut y aller au niveau international. Qu'on parle de constructeurs d'avions, de bateaux ou d'autobus, c'est extrêmement compliqué de se comparer dans la région. Donc, il faut aller absolument à l'extérieur du pays au moins, et même du continent.

M. Marcil: Feriez-vous une distinction, au niveau de la Loi sur les décrets, entre le secteur des services et le secteur manufacturier qui est en compétition souvent et où on est, pas nécessairement un contre l'autre sur le territoire du Québec, mais un contre l'autre par rapport au territoire extérieur?

M. Morissette (Pierre-Paul): Peut-être au niveau de la concurrence. On peut dire, par exemple, pour illustrer, qu'il peut arriver qu'un fabricant d'autobus n'ait pas de concurrent dans le Québec, dans le secteur manufacturier. Prenons l'exemple de Prévost Car. Ils ont peut-être un concurrent uniquement à Winnipeg, puis l'autre à Détroit. Alors, le secteur manufacturier, sur la concurrence internationale ou interprovinciale, n'a peut-être pas du tout la même appréciation à la requête à faire. Dans les services, c'est plus confiné au secteur ou à une région donné. Ça ne déborde pas nécessairement sur le plan international.

M. Marcil: Je vous pose ça comme ça. Je les pose comme elles viennent, là, malgré que, des fois, il n'y ait peut-être pas de cohérence entre les questions, l'une par rapport à l'autre. Pourquoi une entreprise qui a 50 employés et plus syndiqués avec une centrale, FTQ, CSN, CSD ou l'Internationale, avec des conditions de travail négociées supérieures à tout ce qui peut exister au niveau de la convention de base régie par le décret, pourquoi cette entreprise-là serait-elle régie par un décret? Est-ce qu'elle pourrait, à ce moment-là, se détacher et être régie, comme toutes les autres entreprises, au même titre que GM, au même titre que Dominion Textile, ou ainsi de suite... Pourquoi on serait régi par un décret et non pas par le Code du travail?

M. Morissette (Pierre-Paul): Je pourrais peut-être expliquer. C'est que le régime des décrets ne s'applique pas à l'ensemble des entreprises. La grande entreprise n'a peut-être pas intérêt à invoquer ou à utiliser la Loi sur les décrets. Mais, dans les secteurs où il y a une forte concurrence, où la concurrence peut se faire au niveau des salaires, je pense que le syndicat peut avoir avantage à négocier certaines conditions de travail dans la mesure où la compétition va être à peu près nivelée vers un niveau acceptable. Alors, il y a un avantage syndical.

M. Marcil: Je vais vous donner un exemple. On a une trentaine de décrets, 28, je pense, pour être plus précis. Moi, chez nous, j'ai des petites entreprises en mécanique de 30 employés, 52 employés qui ne sont régis par un aucun décret. Ils sont syndiqués FTQ par les métallos. Ils ne sont pas régis par un décret. Des petites boîtes, 35 employés, ils sont syndiqués, ils ne sont pas régis par un décret.

Donc, lorsque vous arrivez dans des entreprises comme hier... Je prends Arcon Canada, Arcon dans le verre plat, ils sont au-delà de 500 employés; c'est un marché international. Je suis allé visiter l'usine vendredi dernier. Ils sont en train de produire même pour l'Europe, présentement. Hier, on a rencontré M. Bonneville également qui, au moment où on se parle, fabrique des fenêtres pour le marché russe. L'année dernière par rapport à cette année, il y a une progression de 200 %. Il s'attend à un gros marché dans les années à venir.

Une entreprise qui a 200, 300 ou 400 employés syndiqués, CSN ou FTQ, etc., pourquoi cette entreprise-là ne serait-elle pas régie en fonction du Code du travail, au même titre que notre petite entreprise qui a 52 employés? Mais on n'a jamais pensé développer un décret pour eux autres et garder, peut-être, le secteur régi par la loi des décrets pour un secteur peut-être plus mou, un secteur peut-être plus fragile, le vêtement peut-être? Je ne sais pas, je pose ça comme ça, sans arrière-pensée. Je me pose la question comme ça: 300, 400 emplois dans une entreprise, syndiqués, convention collective de beaucoup supérieure à ce que le décret peut proposer, parce que, le décret, ce sont les minimums au niveau des salaires et conditions de travail, et elle est quand même régie. Souvent, ces entreprises-là, par le biais de leur force, dans le fond, contrôlent les comités paritaires. C'est comme si on jouait dans une ligue où vous allez avoir les Rangers de New York, les Canucks de Vancouver, avec Cornwall et peut-être deux ou trois équipes de la Ligue de hockey junior majeur du Québec, avec une équipe de «peewees» ou une équipe de «bantams». On les retrouve tous dans la même ligue et on leur demande d'être régis par les mêmes règlements, le même système d'arbitrage, la même grandeur de patinoire, mêmes règles, là, même temps, et ainsi de suite. Je pose ça comme ça, là.

M. Morissette (Pierre-Paul): Bien, il faut dire que c'est un régime volontaire. C'est à la demande des parties qu'il y a une requête en extension juridique. C'est l'extension d'une convention. Il y a des secteurs qui ont abandonné le régime des décrets. Il y avait 103 décrets, il y a quelques années; il y en a beaucoup moins, maintenant.

M. Marcil: Le «peewee» ne l'a pas demandé, lui; il est obligé d'embarquer dans la ligue. Il n'a pas l'âge pour embarquer dans la ligue, mais il est obligé d'embarquer dans la ligue.

M. Morissette (Pierre-Paul): Sauf qu'il y a eu une appréciation de la prépondérance des conditions de travail à l'époque de l'extension. Mais, dans l'hypothèse où le régime devient trop contraignant, il y a toujours une clause de dénonciation du décret. S'il y a des associations qui trouvent, comme on dit, les règles de la ligue trop sévères ou trop contraignantes, elles peuvent y mettre fin, à l'entente.

M. Marcil: M. Morissette, vous avez une expérience, vous en connaissez beaucoup plus que moi dans ce domaine-là. Vous savez bien que ce n'est pas si facile que ça.

M. Morissette (Pierre-Paul): Non, j'en conviens.

M. Marcil: On est d'accord. Théoriquement parlant, vous avez raison, mais, en pratique, c'est assez difficile. Je ne critique pas ce que vous venez de dire. Vous avez entièrement raison, oui, il y a des possibilités. J'en ai, dans le moment. Je pourrais bien décider, demain matin, que j'abroge. C'est facile, ça, pour un ministre. Je regarde ça, j'abroge. Je le prépublie, on fait une consultation et ma décision est prise, je l'abroge. Je ne devrais même pas les consulter, dans le fond. J'ai décidé d'abroger le décret; je ne devrais pas les consulter. Ce serait bien moins de trouble de ne pas les consulter parce que, là, si je les consulte, ils vont venir me dire: Ne faites pas ça, M. le ministre, ça n'a pas d'allure, vous allez créer de la concurrence déloyale, les conditions de travail vont baisser, et ainsi de suite.

C'est pour ça que c'est vrai qu'on a le pouvoir de le faire, que le ministre a le pouvoir de le faire, mais ce n'est pas si facile que ça. Il y a tellement d'éléments, de facteurs qu'on doit évaluer avant de prendre une décision. Souvent, c'est des conditions de travail d'employés qui sont moins bien protégés, qui seraient moins bien protégés, qui sont en cause, là.

M. Morissette (Pierre-Paul): Moi, je veux juste souligner que le régime a peut-être mal vieilli, c'est-à-dire que la loi a été un peu coincée entre le Code et la Loi sur le salaire minimum, les normes minimales. Si on avait eu un peu l'expérience comme en Europe... La loi a peut-être évolué plus facilement. Ce qui pourrait peut-être permettre au ministre de mieux apprécier, c'est un peu un système comme il existe en France, c'est-à-dire une commission consultative sur le régime de l'extension qui peut donner un avis sur l'opportunité de maintenir, de modifier ou d'abroger un décret. Et ça, ça donne peut-être un petit peu la marge de manoeuvre au ministre. Les choses étant ce qu'elles sont, le régime n'a pas évolué, ici. La loi a mal vieilli.

M. Marcil: Une autre petite question: Croyez-vous qu'on peut raccourcir le délai, disons, de quatre mois et moins? Pensez-vous que c'est possible?

M. Morissette (Pierre-Paul): Le délai administratif?

M. Marcil: Oui.

M. Morissette (Pierre-Paul): Entre quatre et six mois?

M. Marcil: Oui.

M. Morissette (Pierre-Paul): Je pense qu'on pourrait, oui.

M. Marcil: On pourrait.

M. Morissette (Pierre-Paul): Évidemment, dépendant aussi de la nature des objections et de l'étude économique à faire sur...

M. Marcil: C'est ça.

M. Morissette (Pierre-Paul): Mais c'est un délai assez court, quatre à six mois.

M. Marcil: Merci. Si j'ai un peu de temps à la fin, je reviendrai.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le député de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

M. Ménard: Votre rapport est court. Ce n'est pas pour ça qu'il n'est pas bon. Mais la seule chose que j'aimerais, c'est que... Vous nous avez fait un certain nombre de suggestions. Vous aviez même des critères écrits devant vous. J'aimerais ça si vous pouviez nous envoyer ça par écrit. On a reçu beaucoup de mémoires ici, puis notre mémoire ne les prend pas tous dans sa mémoire. Mais ça nous permet de vous poser des questions très précises, étant donné aussi, effectivement, la position que vous avez.

Je remarque d'abord que votre nom n'a pas encore rejoint votre compétence. Vous devriez peut-être vous appeler «les conseillers en relations du travail». Vous avez débordé, je pense, le domaine industriel depuis longtemps.

M. Brillant (Rodrigue): Bonne suggestion à laquelle on réfléchit présentement.

(15 h 50)

M. Ménard: Je ne dois pas être le premier qui la fais. Mais vous aimez ça, vous faire appeler des CRI. Ha, ha, ha!

Je vais vous poser quelques questions pointues, justement, étant donné votre compétence. À la partie C de votre rapport, «La nature juridique de l'entente qui sert de base aux décrets», la CSD nous a fait des remarques qui rejoignent la vôtre, mais elle a ajouté une suggestion supplémentaire: Une fois que la première convention collective est étendue par décret – alors, tout le monde est d'accord pour que la première convention collective soit avec une association accréditée de travailleurs, maintenant, pas une association de bonne foi; les associations de bonne foi, c'est bon pour les patrons; maintenant, je veux dire, dans ce contexte-ci – et qu'il y a plusieurs syndicats dans l'entreprise qui sont soumis au décret, est-ce que ce n'est pas plus utile que, pour les décrets futurs, il y ait une négociation entre un regroupement d'associations accréditées et un regroupement d'employeurs?

M. Morissette (Pierre-Paul): Moi, je pourrais peut-être un petit peu traiter cette question-là. C'est que, dans la loi actuelle, il y a déjà un dispositif qui permet d'ajouter des parties contractantes. À l'article 10, paragraphe 2, on dit: «Le décret peut ordonner que certaines personnes ou associations soient traitées comme parties contractantes.» Et on l'a vu, peut-être que ça a été illustré davantage dans le mémoire des parties contractantes au décret du vêtement pour homme, il y a plusieurs parties, à un moment donné, qui, à l'origine, avaient initié le décret, au tout début de la loi, mais il s'est ajouté des assujettissements en cours de route, entre autres l'assujettissement du jeans, où les manufacturiers n'étaient pas nécessairement tous d'accord sur le régime de l'extension juridique. Alors, en vertu de cette disposition-là, le gouvernement pouvait ajouter une partie contractante au décret et, là, la concertation a joué vraiment dans l'administration du comité paritaire après que fut ajoutée cette partie-là.

Mais, assez souvent, il y a des associations qui n'ont pas de convention collective. Je sais qu'une association dans la couture a été plusieurs années sans avoir aucune convention collective. Alors, comment...

M. Ménard: Ce n'est pas de ça que je parle tellement. Tout le monde semble d'accord pour que la première convention collective soit une véritable convention collective. Mais, une fois que le décret est en marche, le comité paritaire est en marche... Si vous regardez les recommandations, principalement la recommandation 4, du Comité interministériel, même en relation avec la recommandation 11 que vous analysez à C, dans votre rapport, la recommandation 4 dit: «Que la partie contractante représentant les salariés, qui participe à la négociation et à la conclusion d'une convention collective à l'origine d'un décret, soit obligatoirement une association accréditée au sens du Code du travail.» Et puis 11: «Que la requête en extension [...] soit fondée sur une véritable convention collective au sens du Code du travail.» «Une véritable convention collective», c'est une convention collective signée entre deux parties dans une entreprise.

Une voix: C'est ça.

M. Ménard: Bon. Mais est-ce qu'on ne devrait pas ajouter quelque part que la requête en extension pourrait être fondée sur une convention signée entre plusieurs associations accréditées et plusieurs patrons, soit réunis sous une association, soit même plusieurs associations de patrons?

M. Brillant (Rodrigue): C'est une alternative, mais, nous, on a analysé la...

M. Ménard: On pourrait laisser ça aux parties.

M. Brillant (Rodrigue): On a analysé la loi en fonction d'une certaine harmonisation et d'une certaine logique d'analyse parce qu'on s'est dit que, si on pouvait utiliser une ou plusieurs conventions collectives, ça permettrait à l'ensemble des parties régies par les décrets d'avoir un champ assez large pour pouvoir travailler correctement. Ce qu'on dit: Est-ce qu'on doit rajouter des parties, des ententes non négociées ou non conventionnées au sens de la loi?

M. Ménard: Je ne sais pas si on parle de la même chose. Je vais vous dire comment je comprends ça. Parce que, moi, je suis neuf là-dedans. Il y a trois semaines, je ne connaissais rien à ça, sinon que j'avais des associés qui étaient avocats de comités paritaires, mais comme c'étaient mes associés, c'étaient eux qui s'en occupaient, moi, je ne m'en occupais pas. Mais, si je comprends bien, disons qu'on aurait un décret de convention collective dans le domaine du commerce au détail parce que, chez Eaton, on aurait un syndicat qui aurait négocié une convention collective avec Eaton, et ils l'appliquent, par décret, après ça, à La Baie, et à tout le monde dans la convention collective. Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir, pour la reconduction de cette entente, une négociation entre le syndicat de chez Eaton, qui pourrait être la CSN, le syndicat à La Baie, qui pourrait être la FTQ, la CSD qui pourrait être ailleurs, qui formeraient un regroupement d'associations accréditées et qui négocieraient avec un regroupement de patrons la convention qui va être la base du décret? Est-ce que ce n'est pas justement dans la logique des décrets de convention collective?

M. Morissette (Pierre-Paul): C'est exact.

M. Ménard: Bon. D'accord.

M. Morissette (Pierre-Paul): Dans la proposition C, c'est ce que la suggestion de la corporation établit. En regard de la recommandation 11, on dit: «Que la requête en extension ou en modification soit puisée dans une ou plusieurs véritables conventions».

M. Ménard: Oui.

M. Morissette (Pierre-Paul): Alors, c'est un regroupement de conventions collectives.

M. Ménard: Oui, mais puisée par qui?

M. Morissette (Pierre-Paul): Par les associations requérantes qui seraient des syndicats, évidemment, reconnus...

M. Ménard: Ah! O.K.

M. Morissette (Pierre-Paul): ...au sens du Code.

M. Ménard: Si vous le voyez comme ça, c'est correct. C'est parce que je pensais que c'était imposé d'autorité, moi, après...

M. Morissette (Pierre-Paul): Non, non, non. C'est toujours dans la mécanique...

M. Ménard: ...que c'était puisé dans les... O.K.

M. Morissette (Pierre-Paul): C'est dans la mécanique d'extension, dans la demande.

M. Ménard: O.K. Donc, pour vous, en tout cas, c'est bon que le renouvellement des conventions se fasse à la suite d'entente avec...

M. Morissette (Pierre-Paul): Exactement.

M. Ménard: ...le plus large éventail d'associations accréditées...

M. Morissette (Pierre-Paul): Voilà!

M. Ménard: ...d'une part, et l'association patronale. Ça, on s'entend.

Maintenant, si on passe à l'arbitrage des conflits de compétence, j'ai remarqué que c'est un des sujets les plus litigieux, les plus difficiles qu'on ait eu à traiter, et qui découle de l'extension horizontale. Bien, il y en a certains qui m'ont frappé. Je ne dis pas que j'ai raison, mais, par contre, par exemple, ça m'a frappé de voir les agents de sécurité qui veulent englober les gardiens de stationnement. Ça ne m'apparaît pas évident.

Je peux comprendre que les gens qui gèrent des stationnements disent: Nous autres, on n'a pas à engager... On serait bien prêts à soumettre un décret de gardiens de stationnement ou une chose semblable, mais ce n'est pas un agent de sécurité qu'on fait. Bon. Les agents de sécurité ont des arguments pour nous dire, aussi, que ça devrait être couvert. En attendant, la seule façon de négocier, entre guillemets, ce genre de chose, c'est qu'ils se poursuivent; c'est-à-dire, ils poursuivent. Or, moi, je trouve que les gestionnaires de terrains de stationnement sont de bonne foi, dans ce cas-là. Ils ont un point valable à faire valoir. Mais, pendant que les tribunaux attendent et décident, les poursuites s'accumulent, et s'accumulent, et s'accumulent, et ça, je trouve ça terriblement injuste, même s'ils ont tort, parce que, franchement, je les trouve de bonne foi. Est-ce que, pendant ces arbitrages de conflits, on ne pourrait pas ajouter que... Ce genre de conflits là, dans votre optique, serait réglé par arbitrage, n'est-ce pas?

M. Brillant (Rodrigue): Oui.

M. Ménard: Pendant ce temps-là, est-ce qu'on ne pourrait pas ajouter un moratoire des poursuites, pendant que l'arbitrage a lieu?

M. Brillant (Rodrigue): Ce qu'on a privilégié à la base, nous, c'est qu'on a dit que les parties devaient faire tous les efforts nécessaires pour s'entendre. C'est ce qu'on privilégie à la base, que les parties s'entendent, donc qu'il y ait des efforts, quitte à ce qu'on donne un soutien, etc.

Par la suite, un tribunal spécialisé, quant à nous, qui est l'arbitrage, pourrait régler beaucoup plus facilement, à moindre coût et plus rapidement tous ces conflits-là, s'il avait le pouvoir de les régler, en laissant toujours une porte de sortie pour les instances supérieures, mais qu'un tribunal spécialisé, qualifié serait un élément qui serait un «facilitateur» et qui pourrait régler facilement, en tout cas rapidement, du moins, ce genre de difficultés, ce qui éviterait les moratoires, etc.

M. Ménard: Bien, ce qui éviterait les moratoires, comment?

M. Brillant (Rodrigue): C'est que vous...

M. Ménard: Pendant que le tribunal d'arbitrage est saisi, est-ce qu'ils vont continuer à poursuivre pour avoir 20 % de la différence qui est payée avec le décret, et ainsi de suite, et que les dettes vont continuer à s'accumuler? Si l'arbitre prend six mois à rendre sa décision, pendant ce temps-là, il faut que la partie, qui, de bonne foi, a demandé l'arbitrage, qui pensait avoir raison, et qui l'avait peut-être, coure le risque financier de payer un 20 % de pénalité pendant les six mois que l'arbitre prend à rendre sa décision?

M. Morissette (Pierre-Paul): Moi, je crois qu'il faut voir...

M. Ménard: Vous me comprenez, M. Morissette?

M. Morissette (Pierre-Paul): Oui.

M. Ménard: Bon.

M. Morissette (Pierre-Paul): Il faut voir un petit peu l'arbitrage comme une espèce de processus continu. À un moment donné, il y a un problème que les parties doivent examiner, c'est-à-dire que les comités paritaires doivent tenter, par la concertation, de le régler.

M. Ménard: Ça, on est tous d'accord.

M. Morissette (Pierre-Paul): Bon. On a épuisé... Il n'y a pas de recours, il n'y a pas d'entente possible.

M. Ménard: Donc, il y a arbitrage.

M. Morissette (Pierre-Paul): Alors, le ministère, évidemment, peut donner une forme d'assistance technique.

M. Ménard: En tout cas...

M. Morissette (Pierre-Paul): Il y a un arbitrage, mais il faudrait que l'arbitrage soit dans un processus pour faire amender le décret, parce que, dans l'arbitrage spécialisé, vous intervenez sur les tiers.

M. Ménard: Ah!

M. Morissette (Pierre-Paul): Là, l'autre étape, ce serait: Bien, les parties, vous devez amender votre décret dans tel sens, pour éviter que les situations se perpétuent. Dans l'entre-temps, on peut convenir d'un moratoire, surtout sur les questions de pénalité, sur le 20 % de pénalité, mais ce serait dans une espèce de processus.

(16 heures)

M. Ménard: Ça, j'ai compris que la chose la plus claire, c'est qu'évidemment le décret le dise, que telle chose est exclue. Mais il y a des domaines, quand on parle d'extension horizontale, où le comité paritaire, pendant des années, ne considère pas telle activité comme étant couverte et, à un moment donné, il décide: Non, ça, on va le couvrir. Et puis, en plus de ça, c'est eux qui ont écrit les définitions, le comité paritaire, et qui décident s'ils vont le couvrir ou s'ils ne le couvriront pas. Elles sont approuvées par le ministre, mais c'est eux qui ont commencé par les écrire. Puis, des fois, quand on les approuve, on ne voit pas toutes les conséquences que ça a, c'est inévitable. Ce monde-là, je comprends que la meilleure solution, c'est de les exclure, mais il faut que quelqu'un décide, à un moment donné, qu'ils sont exclus. Puis, entre-temps, si le comité paritaire a raison, qu'ils sont couverts, ils peuvent les... Moi, ce que je vous suggère, c'est que, à partir du moment où il y a un arbitrage, il y ait un moratoire de poursuite.

M. Morissette (Pierre-Paul): Je pense que ça va de soi, et...

M. Ménard: O.K. On est d'accord.

M. Morissette (Pierre-Paul): ...il y a peut-être aussi le rôle de la commission consultative dont on parlait tantôt, la commission d'extension qui pourrait aider à éclairer le ministre sur une précision du champ de juridiction.

M. Ménard: Ça, c'est une très bonne suggestion que j'ai retenue, tout à l'heure, quand vous avez fait réponse au ministre...

M. Morissette (Pierre-Paul): Maintenant, je pourrais vous parler de l'expérience Bell...

M. Ménard: Évidemment, les ennemis de cette loi vont nous dire que tout ça coûte cher et que ça va ajouter au coût.

M. Marcil: C'est le délai. Une commission consultative, ça ne peut se faire en une semaine. Non, mais c'est bon, l'idée.

M. Morissette (Pierre-Paul): Maintenant, je dois dire qu'il y a l'expérience Bell qui est intéressante dans ce domaine des conflits de compétence. Ils ont six critères pour établir une exclusion ou une inclusion dans un décret ou un autre. Et ça se fait à l'intérieur des processus administratifs. Et, à ma connaissance, dans des secteurs comme le vêtement, on ne s'est jamais rendus au sixième critère, c'est-à-dire qu'on a réglé la situation avec les partenaires, et le ministre a pu, après ça, statuer sur les modifications des précisions. C'est une autre formule qui, évidemment, a aussi son efficacité, mais je pense que l'arbitrage se situe dans le temps, puis il faut arriver à préciser les textes parce que les litiges vont se multiplier.

M. Ménard: Bon. La formation maintenant. Est-ce que votre suggestion est en opposition... ou quelle est la frontière que vous voyez ou la collaboration que vous voyez – dites-le comme vous voulez – entre les comités paritaires, en matière de formation, puis la SQDM?

M. Brillant (Rodrigue): À la base, nous croyons qu'il doit y avoir collaboration, sauf qu'on sait, dans la pratique, que les comités paritaires sont plus près d'une réalité de besoins que la SQDM, ou peu importe le nom que ça avait à travers le temps, ou la Commission de formation professionnelle dans le passé. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait sensibiliser les comités paritaires et leur donner des instruments pour qu'ils puissent développer les programmes dont ils ont besoin.

M. Ménard: En collaboration avec la SQDM?

M. Brillant (Rodrigue): En collaboration avec la SQDM ou avec d'autres intervenants. Ça peut être les universités...

M. Ménard: Parce qu'on se bat pour un guichet unique, puis, là, on en donne deux. Ha, ha, ha!

M. Brillant (Rodrigue): En tout cas, on peut parler de la valeur du guichet unique aussi, là.

M. Ménard: Non, mais, vous voyez, je veux dire, à force d'être pour le bien partout, on finit par le diffuser tellement que...

M. Morissette (Pierre-Paul): Moi, je voudrais peut-être juste ajouter que, sur le plan historique, les centres d'apprentissage, c'est un petit peu la fille des comités paritaires qui a mal tourné, ça. Dans le sens qu'au début les comités paritaires subventionnaient l'implantation des centres d'apprentissage, avec l'ancienne loi, l'aide à l'apprentissage. Et, là, est arrivée en 1969, je crois, une révolution, supposément, dans le domaine de la formation professionnelle, on a évacué les comités paritaires et on a mis des dispositions transitoires. Alors, il y a des secteurs qui ont à coeur l'apprentissage. Et je dois vous dire que, pour quelques secteurs, ça a été un peu l'âme ou le coeur de l'industrie ou du métier. Ce qui fait la fierté d'un coiffeur ou d'une coiffeuse, c'est les règles d'apprentissage, le rôle du maître. Puis c'est un peu l'orgueil du secteur. Et, lorsque vous reconnaissez le secteur professionnel, vous venez de régler en même temps une multitude de problèmes de relations de travail.

Ils ont à coeur le progrès de la profession, ils ont à coeur la reconnaissance de la profession, ce qui fait que c'est important, pour certains secteurs, qu'ils aient la réglementation concernant la qualification. Et, historiquement, il y avait des écoles d'apprentissage qui étaient subventionnées par les comités paritaires, qui ont été mises en place par les structures, avec l'ancienne loi de l'aide à l'apprentissage, et tout ça leur a échappé, à un moment donné. Alors, ils ont l'impression qu'ils ont mis l'enfant au monde, ils l'ont éduqué jusqu'à l'adolescence, puis, là, à un moment donné, l'enfant est parti, les a déjoués. Alors, il y a un peu de ressentiment dans ce sens-là. Puis, là, il y a certains secteurs où le métier a beaucoup évolué. Et les dispositions transitoires dans la loi, depuis au-delà de 20 ans, ont créé des contraintes énormes au niveau des définitions de métiers, des règles d'apprentissage, de la reconnaissance de certaines compétences, ce qui fait, je pense, qu'il y a certains secteurs à qui il tient beaucoup à coeur à revoir cette juridiction-là.

M. Ménard: O.K. Une dernière question. Dans votre esprit, la Loi sur les décrets de convention collective a une place utile entre la loi sur les normes minimales du travail puis le Code du travail, et, effectivement, ça a permis au début, la Loi sur les décrets de convention collective, de favoriser la syndicalisation, puis, quand ça a été bien implanté, les décrets sont devenus inutiles et ça a relevé du Code du travail, n'est-ce pas, largement. Donc, si je comprends bien, c'est normal, il y a des décrets qui, je pense, étant donné la nature de l'industrie, comme le nettoyage des édifices publics ou même la sécurité, seront probablement très longs, auront une vie très longue et dont on ne voit pas la fin, aujourd'hui, dans le système actuel, mais il y en a d'autres qui devraient normalement se terminer, parce que l'industrie est assez bien syndiquée, les ouvriers sont assez bien protégés.

À partir de quel moment on doit commencer à penser qu'un décret est inutile et aviser son abolition? Parce que, vous savez, surtout si vous lui donnez la formation en plus, quand vous donnez un pouvoir à quelqu'un, il ne s'en détache pas facilement, puis il a tendance à le garder, son pouvoir. D'autant plus qu'ils ont certains avantages, les dirigeants, à l'exercer, ce pouvoir, puis ils perçoivent des cotisations, puis ça fait un fonds sur lequel ils ont un contrôle. Mais il faudrait quand même qu'il y ait des critères. Est-ce que c'est à ce genre, peut-être, de commission qu'il y a en France et en Belgique que vous pensez?

M. Morissette (Pierre-Paul): Mais il y a des critères quand même, si on regarde l'historique de la loi. Si on lit Marie-Louis Beaulieu, il nous disait qu'il fallait qu'il y ait des tiers. C'est une vérité de La Palice; il y a un minimum de tiers, c'est-à-dire un minimum de caractères représentatifs, qu'on vous a indiqué, selon certains critères, qui est toujours un petit peu difficile à apprécier, mais il y a aussi un maximum. C'est-à-dire que, si vous arrivez à un taux de syndicalisation – prenons l'hypothèse – de 100 %, là, vous fermez le marché. Une seule convention peut régir l'accès ou la possibilité de s'implanter dans le milieu. Il faut que tu sois conventionné.

Il y a quelques années, il y a eu un secteur comme ça qui, n'ayant plus de tiers, a été abrogé sous l'autorité du ministre, c'est le secteur du transport des valeurs. C'était surtout la Brinks qui était là. Alors, c'est certain que, d'abord, le premier critère: il faut qu'il y ait des tiers, et il faut qu'il y ait un minimum et il faut qu'il y ait aussi un maximum. Alors, un des critères, une fois que tu as atteint un certain niveau de syndicalisation où la convention collective assume une bonne protection aux travailleurs, je pense qu'on devrait requestionner ces décrets-là.

Bien, évidemment, il y a l'autre possibilité que l'une ou l'autre des parties y mette fin. Exemple, dans le secteur du meuble, dans l'industrie du meuble, au début des années quatre-vingt, on a demandé l'abrogation du décret; on a vécu pendant 10 mois avec le décret, et, là, on a demandé au gouvernement de réinstaurer un nouveau décret, parce que c'était devenu invivable.

Le Président (M. Joly): Parfait.

M. Morissette (Pierre-Paul): Alors, ce sont les parties qui, après une expérience, ont décidé que c'était bénéfique pour l'industrie.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Morissette. M. le député de Drummond, s'il vous plaît.

M. St-Roch: Oui, merci, M. le Président. Alors la question va être brève. J'ai apprécié votre mémoire et vos commentaires. Ce matin, on a commencé à échanger... Parce qu'une des problématiques qu'on voit avec les décrets c'est la rigidité que ça peut apporter devant soit l'organisation du travail ou l'extension des cédules de travail ou ces choses-là. Puis un des groupes avant vous nous a suggéré que, lorsqu'on avait un décret, lorsqu'on avait un milieu qui était syndiqué, la convention collective ou l'entente entre les parties syndiquées devrait primer sur leur décret.

Est-ce que vous seriez d'accord avec ça, qu'il y ait une modification de la loi qui permette de donner de la flexibilité au niveau de l'organisation d'un poste de travail ou de l'extension d'une semaine de travail de cinq jours à sept jours?

M. Morissette (Pierre-Paul): Je pense que la loi est claire là-dessus, c'est que, dès que c'est décret, c'est d'ordre public et ça prime sur toute autre entente particulière ou personnelle. Je pense que...

M. St-Roch: À l'heure actuelle.

M. Morissette (Pierre-Paul): Oui.

M. St-Roch: Mais est-ce que vous seriez pour une modification? C'est ça que je veux entendre, pour profiter de votre expertise.

(16 h 10)

M. Morissette (Pierre-Paul): Bien, écoutez, moi, je pense que les mécanismes prévus au Code continuent toujours à s'appliquer pour la convention particulière, entre autres les questions d'arbitrage de griefs. Le travailleur qui est protégé en vertu de son syndicat, par sa convention particulière, a des avantages que ne lui donne pas le décret, entre autres, la clause sur l'arbitrage des griefs. Il y a aussi des clauses de sécurité syndicale qui ne sont pas actuellement «extensionnables». C'est le syndicat qui négocie la formule Rand, les cotisations syndicales. Alors, le décret est une entente qui se situe entre la convention particulière, qui ne donne pas tous les avantages, mais qui donne plus que la norme minimale, et c'est un petit peu la loi du secteur. Et, à côté, interviennent les tiers qui viennent, sur le plan économique, ramener un petit peu à la réalité les demandes des parties contractantes. Et ça, ça joue, cette dynamique, dans la mesure où on respecte les tiers, où on respecte les besoins de l'industrie, puis où on donne une responsabilisation aux partenaires. Et, lorsqu'ils ont ce mécanisme-là entre les mains, habituellement, la dynamique interne joue.

Le Président (M. Joly): Est-ce que ça va, M. le député?

M. St-Roch: Non.

Le Président (M. Joly): Non? Allez, je vous permets une courte question.

M. St-Roch: Je vais être plus spécifique dans l'exemple que ce qui nous a été donné ici. Un décret peut dire, un exemple: Le samedi, tu paies temps et demi; le dimanche, tu paies temps double. Une composante de ce secteur d'activité régi par un décret est syndiquée. Ils s'entendent pour avoir une opération sur 168 heures avec les mêmes mécanismes qu'on a, ce qui fait qu'il n'y a pas de temps et demi et de temps double le samedi et le dimanche. Alors, si ce groupe-là a cette entente dans cette boîte, ils ne sont pas capables de l'appliquer, parce qu'ils sont matière à poursuite. Alors, moi, ce que je vous suggère, c'est: Est-ce qu'il serait possible, si on amende la loi, de dire que, dans une situation de cette nature, lorsque les parties s'entendent sur quelque chose qui n'est pas inférieur au décret puis qui facilite la compétition devant la mondialisation puis l'accroissement des emplois, cette convention collective, dans un sujet comme celui-là, ait la priorité sur le décret? En d'autres mots, le patron n'est pas obligé de payer temps et demi et temps double le samedi et le dimanche.

Le Président (M. Joly): Brièvement, M. Morissette, s'il vous plaît.

M. Morissette (Pierre-Paul): Ça, je pense qu'on peut le prévoir dans le dispositif du décret. On le met dans le contenu du décret. On le met dans le contenu du décret, il est extensionné, il est déjà, à ce moment-là, connu. C'est possible de le mettre, dans le contenu du décret, qu'il y a seulement qu'une prime de 0,10 $ ou 0,15 $, qu'il n'y a pas de temps supplémentaire, puis de temps double. On peut prévoir un dispositif concernant la durée du travail.

M. St-Roch: Si vous me permettez, en conclusion, M. le Président. Si on laisse une partie au décret – vous avez énormément d'expérience – on règle quelque chose, tout va bien, que, dans six mois, dans un an, les conditions changent, puis on a besoin de quelque chose, puis on ne l'a pas prévu, puis, là, c'est d'essayer d'avoir l'entente, alors, à ce moment-là, est-ce qu'on ne devrait pas avoir, dans la loi, des mécanismes qui nous permettent de faire face?

Le Président (M. Joly): Je m'excuse, M. le député. C'est une conclusion, mais une question en même temps. Alors, à ce moment-là...

M. Morissette (Pierre-Paul): Pour répondre à votre question...

Le Président (M. Joly): Brièvement, s'il vous plaît, M. Morissette.

M. Morissette (Pierre-Paul): ...je crois qu'il y a toujours un pouvoir – très rapidement, là – de modification qui est prévu à la loi, qui, à la demande des parties, pourrait être initié par le ministre, après consultation des parties. Les articles 6 et 8 prévoient ce genre de situation.

Le Président (M. Joly): Merci.

M. Morissette (Pierre-Paul): On peut modifier, à la demande de l'une ou l'autre des parties...

Le Président (M. Joly): Merci.

M. Morissette (Pierre-Paul): ...le décret.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Morissette. M. le ministre, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Marcil: Merci beaucoup, M. le Président. Moi, je tiens à vous remercier. Pour nous, ça nous donne, je dirais, une ouverture différente, une analyse différente de celle qui nous a été présentée, faite par des gens ayant des professions également différentes, n'ayant pas nécessairement les mêmes intérêts. Je pense que c'est très positif comme approche, et on va tenir compte de vos recommandations également dans la poursuite de nos travaux. Merci beaucoup.

Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de cette commission, à mon tour de vous remercier.

J'apprécierais si les gens qui représentent le Comité paritaire du camionnage du district de Québec voulaient bien prendre place, s'il vous plaît.

(Consultation)

La Présidente (Mme Bleau): Bien. Nous recevons avec plaisir les gens du Comité paritaire du camionnage du district de Québec, représenté, je pense, par M. Laberge. Est-ce que, M. Laberge...


Comité paritaire du camionnage du district de Québec

M. Laberge (Jean-Guy): Bonjour, madame.

La Présidente (Mme Bleau): ...votre porte-parole...

Une voix: C'est moi.

M. White (John): Mme la Présidente, mon nom est John White.

La Présidente (Mme Bleau): Bien. Est-ce que vous voulez nous présenter...

M. White (John): Je vais présenter les gens qui sont avec moi. Alors, M. Jean-Guy Laberge est directeur général de l'Association des entrepreneurs de services en environnement du Québec; c'est une des parties contractantes au décret. À côté de moi également, M. Philippe Trudel est directeur général du Comité paritaire du camionnage et M. Léo-Paul Marois représente la partie syndicale, le local 69 des Teamsters du Québec.

La Présidente (Mme Bleau): Si vous voulez nous présenter un petit résumé de...

M. White (John): Oui.

La Présidente (Mme Bleau): ...votre mémoire et, ensuite, nous passerons à la période de questions.

M. White (John): Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, simplement, premièrement, nous sommes les parties contractantes au Comité paritaire du camionnage du district de Québec. Le Comité paritaire du camionnage du district de Québec regroupe trois parties contractantes, soit l'Association du camionnage du Québec, l'Association des entrepreneurs de services en environnement du Québec et les Teamsters du Québec, local 69.

Dans les faits, le Comité paritaire administre deux décrets, c'est-à-dire que nous avons deux parties au décret; il n'y a qu'un seul texte, mais il y a deux parties. La première partie concerne le transport général, c'est-à-dire l'industrie du camionnage général, et la deuxième partie concerne le transport des déchets.

Alors, il y a, au niveau du camionnage général, environ 200 employeurs assujettis pour approximativement 650 employés assujettis. Pour ce qui est de la partie du transport des déchets, il y a environ une soixantaine d'employeurs assujettis pour environ 250 employés assujettis.

Dans le secteur des déchets également, il est bon de noter que le décret, maintenant, s'applique sur la Rive-Sud de Québec et se rend jusqu'à Rimouski, grosso modo. Pour ce qui est du secteur du camionnage, c'est dans les régions 03 et 12, au niveau des régions administratives du Québec, que le décret s'applique.

Pour le Comité et les parties contractantes, la situation actuelle du Comité, je vous dirais que tout est calme sur le front de l'ouest. Le comité n'entend pas de mécontents; il n'y a pas de mouvement de mécontentement envers le décret, de mouvement généralisé. On ne veut pas dire par là qu'il n'en existe pas. C'est sûr que, si vous allez voir une entreprise et que vous leur dites qu'ils sont maintenant assujettis, il y a de bonnes chances que les gens aient un certain mécontentement. Mais, en guise d'exemple, au niveau de l'absence, enfin présumée, de mécontentement, c'est qu'au cours des quatre dernières années le Comité paritaire n'a eu aucune plainte pénale à déposer et les réclamations de salaire qui ont été faites, dans l'ensemble, se sont toutes réglées autrement que par la voie d'un litige devant les tribunaux.

Nous avons, au Comité paritaire du camionnage, tenté de privilégier une approche de règlement, de médiation, d'entente avec les gens, plutôt qu'une approche de confrontation et une approche qui ferait en sorte que nous rentrions comme une police, si je peux prendre cette expression, pour aller saisir tous les documents. Nous avons une approche beaucoup plus, pas gentille, mais beaucoup plus calme et nous essayons de convaincre les gens, d'abord, que la loi s'applique à eux et, deuxièmement, qu'il n'y a que des avantages.

Il est évident qu'on ne peut pas toujours y réussir et il est évident qu'on a des situations qui sont toujours conflictuelles. Mais je dois vous dire également, parce que, en tant que procureur du Comité, j'assiste aux réunions du Comité tous les mois depuis maintenant presque 10 ans, que c'est un comité où la majorité, ce n'est pas seulement la majorité, les décisions sont vraiment prises à l'unanimité. Il n'y a pas non plus de problème entre les parties. Je pense que c'est important de vous le souligner. C'est peut-être moins rafraîchissant, M. le ministre, si vous me permettez, mais c'est quand même, je pense, important de vous le souligner. C'est un comité qui existe depuis 1952 et où les débats, il y en a, des débats, mais les débats sont quand même des débats très sains, où les problèmes existent, c'est sûr, mais où on les règle normalement assez bien, où les employeurs et les syndiqués ont trouvé vraiment une formule de concertation qui leur convient.

(16 h 20)

Également, vous me permettrez, avant d'entrer sur les recommandations en tant que telles, de vous dire que nous essayons toujours, que les parties essaient toujours, parce que c'est les parties qui sont devant vous d'abord et avant tout, de s'ajuster le plus possible. Et, pour vous donner un exemple d'ajustement que l'on a fait, vous savez que la Loi sur les normes de travail a été modifiée pour permettre, entre autres, les banques d'heures. Nous avons, aussi rapidement que possible, déposé des modifications à la partie II du décret, pour justement permettre les banques d'heures, mais permettre également que les banques d'heures puissent être contrôlées, afin d'assurer qu'effectivement les employés qui demanderaient des banques d'heures, la création de banques d'heures, en accord avec leur employeur, puissent en profiter, mais que, également, les employés ne se retrouvent pas dans une situation où ils n'auraient pas droit de recevoir ce à quoi ils ont droit, en vertu du décret et en vertu également de la Loi sur les normes. Sauf que le plus grand reproche que nous pouvons faire, c'est que nous avions déposé une requête au mois de juillet 1992 et la publication du décret a été faite à la fin juillet 1993.

Je dois avouer que ce n'est pas la première fois que cela arrive. Nous sommes très conciliants. Nous comprenons les impératifs de tout le monde et les problèmes que toutes les personnes peuvent avoir, mais permettez-nous de vous souligner qu'un délai d'un an, pour une requête qui n'a pas été contestée – il n'y a pas eu d'audition publique, il n'y a pas eu d'opposition – il nous semble que c'est un peu exagéré, malgré toutes les contraintes que peut représenter la mise en marche de la machine gouvernementale. Ça fait en sorte également que les parties se demandent parfois qu'est-ce que ça donne, quand est-ce qu'on va finir par l'avoir, et ça fait en sorte effectivement que les parties s'interrogent probablement, à voir parfois la façon avec laquelle cela va, à savoir si ça vaut encore la peine d'avoir un décret.

Alors donc, c'est à titre de remarques préliminaires. Si vous permettez, j'irai maintenant sur quelques-unes des recommandations, les recommandations dont nous avons traité dans le mémoire qui sont, si vous me permettez, malheureusement les recommandations avec lesquelles on est en désaccord. Il y a des recommandations avec lesquelles évidemment les parties sont d'accord. D'obliger la réintégration d'un salarié qui aurait fait une plainte, écoutez, nous sommes entièrement en accord avec ça. Alors, que la convention collective de base soit une véritable convention de travail, en vertu du Code du travail, négociée par une association syndicale dûment accréditée, là encore nous sommes d'accord avec ça.

Mais, ce sur quoi nous ne sommes pas d'accord, c'est principalement la recommandation 9 qui concerne la majorité des employeurs. De ce que j'ai entendu de ce qui aurait, semble-t-il, été dit à la commission à venir jusqu'à maintenant, nous ne serions pas les seuls. J'ai également pris connaissance de certains mémoires qui ont été déposés par d'autres groupes et, dans l'ensemble, il nous semble, et il semble à d'autres groupes également, que ce n'est pas la façon de le faire.

Et, l'exemple que nous donnons dans le texte du mémoire au niveau d'un nombre d'employeurs, de deux employeurs qui auraient une majorité de travailleurs, c'est à peu près ce que nous vivons pour la partie II du décret. C'est-à-dire qu'il y a deux gros employeurs dans le secteur des déchets dans la région de Québec. Sur environ 250 employés, ces deux gros entrepreneurs là, ils ont la majorité des salariés, ou à peu près. Évidemment, ça dépend toujours des contrats que l'on a, mais ils ont en moyenne la majorité des salariés. Et il y a, en face d'eux, environ 58 autres employeurs – je vous ai dit qu'il y avait à peu près une soixantaine d'employeurs sur la partie II. Si on applique la règle de la majorité telle que requise, telle que proposée par la recommandation 9 du Comité interministériel, les employeurs en question, qui sont évidemment, soit dit en passant, des employeurs syndiqués, bien, ils vont se retrouver sans décret et donc, avec un problème de concurrence loyale parce que eux devront payer les taux de la convention collective...

M. Ménard: Ne perdez pas votre temps là-dessus. Et le ministre, et moi-même, et tout le monde, ici, sommes convaincus que la recommandation 9, je pense, a été mal écrite.

M. White (John): Très bien. Mais, si vous permettez, dans le mémoire, cependant... Je vous remercie, M. le député, mais...

M. Ménard: Non, je vous le dis. On est convaincus.

M. White (John): ...si vous me permettez, je pense qu'il faut vraiment aller à la prépondérance. Et, à la page 6 du mémoire... Vous l'avez demandé, tout à l'heure, à la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles – il faudrait peut-être dire du travail, comme on l'a souligné – et on vous a suggéré un ensemble de facteurs dont on pourrait peut-être tenir compte pour établir la prépondérance.

Dans ceux qui ont été nommés par, également, les représentants de la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles, il y en a également qui peuvent, qui pourraient servir. Mais n'oubliez pas, lorsqu'on regarde ceux qu'on vous a donnés, les conditions de travail au niveau mondial, peut-être que, dans le secteur manufacturier, ça a un sens, mais, dans le secteur des services, qui est le secteur dans lequel oeuvrent les parties contractantes au décret sur l'industrie du camionnage de Québec, bien, ça n'a pas d'importance. Ça ne devrait pas être un des facteurs qui devraient entrer en ligne de compte.

Alors, on vous suggère donc de maintenir la règle de la prépondérance, d'essayer, évidemment, de la rendre un peu plus claire parce que, également, écoutez, quand même, j'agis pour les parties contractantes à deux décrets depuis au-delà de 10 ans et je dois vous dire que ça n'a pas toujours été très clair ce que c'était la prépondérance. Ça a varié. Je ne sais pas encore, au moment où on se parle, ce que c'est exactement et ce qu'il faut faire exactement pour la démontrer, mais je pense qu'en établissant certaines règles peut-être un peu plus précises, à partir des facteurs qu'on vous suggère, bien, ça pourrait peut-être éclaircir les choses.

Les recommandations 14 à 17, maintenant. Le mémoire parle de ces recommandations parce que, selon nous, c'est une question primordiale, le mutuellement en concurrence, la concurrence directe et l'activité principale de l'employeur. Il est évident que ça touche de grande façon toutes les entreprises sous décret. Mais, dans le mémoire, on vous a donné l'exemple de la récupération. Je vais vous le donner autrement, l'exemple de la récupération dans le domaine des déchets. Vous savez comme moi... Moi, en tout cas, chez moi, dans la région de Québec, il y avait de la cueillette de déchets qui se faisait deux fois par semaine. Nos sacs verts, c'était deux fois par semaine. Aujourd'hui, ce n'est plus deux fois par semaine. Mon sac vert, ce n'est plus deux fois par semaine, ce n'est qu'une fois par semaine. Mais le lundi, maintenant, c'est mon bac bleu, c'est mes vidanges propres. Parce qu'il faut que je lave mes vidanges. Pour pouvoir les mettre à la récupération, il faut que je les lave. Mais, au bout de la ligne, c'est la même chose. C'est, dans le fond, quelque chose dont je me débarrasse en tant que citoyen. Ça va peut-être servir à d'autres fins. Ce ne sera pas brûlé, ce ne sera pas enfoui. Ça va peut-être servir de matière première en tant que telle pour faire autre chose, mais, dans le fond, l'opération demeure la même, c'est-à-dire qu'on ramasse les mêmes vidanges.

Si on me dit: Parce qu'on appelle ça, maintenant, de la récupération qui amène un tri et un recyclage, ce n'est pas la même chose, bien, vous allez m'excuser. Parce qu'on ne serait pas, normalement, mutuellement en concurrence, ce n'est pas une concurrence directe. Mais, excusez-moi, nous sommes mutuellement en concurrence. Les gens qui font le transport des déchets, ils font la même chose que les gens qui font de la récupération, du ramassage de matières recyclables.

(16 h 30)

Or, dans ce sens-là, il faut faire extrêmement attention lorsqu'on veut définir des champs d'activité en partant d'une notion de mutuellement en concurrence ou de concurrence directe. Parfois, on peut penser que ce n'est pas nécessairement de la concurrence directe, mais, quand on regarde dans les faits, la situation est fort différente. Et j'insiste un peu sur la récupération, mais la situation auparavant était différente, parce que ce que faisaient les entreprises de récupération, c'était d'acheter la matière première. Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, par exemple, à l'Alcan, une entreprise de recyclage disait à l'Alcan: Je vous achète votre papier tant la livre. O.K.? Mais, maintenant, ce n'est plus ça qu'il y a dans le domaine. Les villes, comme pour le transport des déchets, donnent des contrats pour ramasser et pour faire la récupération à des entreprises qui sont, dans le fond, des entreprises de collecte de déchets. Alors, il faut donc, si vous permettez, dans ce sens-là, faire attention à toutes ces notions-là et ne pas dire que quelque chose n'est pas nécessairement assujetti à un décret parce que ça ne serait pas en concurrence directe ou que ça ne couvrirait pas l'activité principale de l'entreprise.

Dans le domaine de la construction – si vous me permettez, et je sais ce qui est arrivé avec le projet de loi 142 – tout est dans l'activité principale de l'entreprise. Vous savez comme nous, je pense, que les décisions des tribunaux, pour la CTCUM entre autres, ont dit que la CTCUM était un employeur de l'industrie de la construction quand elle faisait des travaux de construction. Et c'est dans le sens, justement, d'assurer une concurrence loyale aux entreprises de construction, qui, elles, ont des coûts à supporter, et pour leur permettre, aussi, d'avoir des contrats. Alors, donc, ça fait le tour de ces recommandations-là.

La recommandation 25 concerne, entre autres, la définition des classifications. Il est évident – oui, je termine – qu'il est extrêmement important d'avoir de la souplesse, mais je pense que les parties en sont conscientes. En tout cas, chez nous, les parties en sont conscientes. Et, également, je pense qu'au niveau du ministère, certainement, lorsqu'on vérifie les projets de requête à être prépubliés, on pourrait peut-être nous poser des questions si, vraiment, au ministère, c'est d'une grande importance.

Enfin, si vous me permettez, les deux décrets du camionnage à Québec, les deux parties du décret comportent un emploi qui s'appelle «mécanicien». Nous avons des mécaniciens qui sont assujettis au décret du camionnage. Nous savons que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre tente, depuis maintenant un an, de former un comité sectoriel pour la formation et la qualification professionnelle des métiers de l'automobile. Mais vous serez d'accord avec nous que les mécaniciens qui ont à travailler sur des camions qui roulent plusieurs centaines de milliers de kilomètres pendant leur durée de vie utile se doivent d'être formés de façon adéquate et d'être qualifiés.

Nous vous demandons donc, à tout le moins au niveau du comité sectoriel – et on en profite parce que, évidemment, on n'est pas à l'intérieur de la structure telle qu'elle existe présentement – pour les entreprises qui ont des mécaniciens mais qui ne sont pas assujetties à un décret de l'automobile, d'avoir peut-être une petite place à ce comité sectoriel ou d'avoir peut-être un sous-comité qui concernerait l'équipement motorisé autre qu'un véhicule automobile. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bleau): Je vous remercie, M. White. Je passerais maintenant la parole à M. le ministre.

M. Marcil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue à cette commission. J'ai pris connaissance avec intérêt de votre mémoire et j'aurais quelques questions d'information, d'abord, à vous poser.

Il y a deux décrets, c'est-à-dire que vous avez un décret du camionnage à Québec qui comprend deux parties: le transport et, naturellement, les déchets. Dans la région de Montréal, il existe également un seul décret, et on a aussi un troisième décret qui s'appelle le décret des déchets solides, dans la région de Montréal. Et, vous, je sais que vous couvrez, pour la partie I de votre décret, le transport, la région 03 et la région 12. Et, pour les déchets, vous couvrez les régions 01, 02, 03, 12, également. La région de Montréal couvre, naturellement, une partie de la région, mais elle ne couvre pas la totalité. Ce que je veux dire et où je veux en venir, c'est que les décrets du camionnage, il y en a deux au Québec, mais qui ne touchent qu'une partie du territoire. Comment les autres, qui n'ont pas de décret, font pour opérer, la région de Sherbrooke, Drummundville, Trois-Rivières, Saint-Hyacinthe?

M. White (John): M. le ministre, comment les autres font pour opérer? Ils opèrent comme n'importe quelle autre entreprise qui n'est pas sous décret. S'il y a une convention collective qui s'applique, c'est la convention collective qui va s'appliquer. Mais c'est un des problèmes qu'on peut dire qu'on a au niveau du camionnage, parce que, évidemment, ce n'est pas exactement la même chose, le décret du camionnage que, par exemple, le décret de l'entretien des édifices publics. Le décret de l'entretien des édifices publics, c'est l'édifice qui est situé à tel endroit. Le camionnage, c'est des camions qui roulent. Alors, le champ d'application de la partie I du décret du camionnage de Québec, c'est les entreprises qui ont leur siège social, leur principale place d'affaires, leur principal établissement ou qui exploitent leur entreprise à l'intérieur du champ d'application. Vous savez, l'entreprise qui part de Montréal puis qui s'en va à Sept-Îles, je n'ai pas d'inspecteur au début de la zone et à la fin de la zone pour savoir s'il a exploité son entreprise. Il faut quand même être logique.

M. Marcil: Je comprends, là. C'est ce que j'essaie de...

M. White (John): Mais c'est un problème qu'on a justement.

M. Marcil: Oui.

M. White (John): Mais, les entreprises qui sont entre les deux, Montréal et Québec, je vais vous dire, d'une certaine façon, elles ont un avantage.

M. Marcil: Là, entre les deux, aussi, vous avez toute la région de l'Outaouais, l'Abitibi-Témiscamingue...

M. White (John): Oui, oui.

M. Marcil: ...toutes les grandes régions, sauf des régions très, très particulières. Ce qui veut dire qu'une... Vous incluez dans ça le transport routier, là. C'est ça?

M. White (John): Quand je parle du camionnage du Québec, ça inclut le transport général, là...

M. Marcil: O.K., les grandes...

M. White (John): ...ce qui est couvert par les permis émis par la Commission des transports du Québec, lorsque c'est fait pour autrui, évidemment.

M. Marcil: Donc, moi, si j'ai une entreprise en transport présentement, je suis à Napierville et j'ai une très grosse entreprise de transport général, je ne suis régi par aucun décret?

M. White (John): C'est fort possible, effectivement.

M. Marcil: Et, si je vais à Montréal pour faire un transport, là, il faut que je sois régi par le décret?

M. White (John): À Montréal, c'est comme ça que ça se déroule, effectivement.

M. Marcil: C'est comme ça que ça se déroule.

M. White (John): Et à Québec aussi, au niveau du général.

M. Marcil: C'est la même chose?

M. White (John): Oui, oui.

M. Marcil: O.K.

M. White (John): C'est les mêmes principes de base qui ont été appliqués de l'un à l'autre.

M. Marcil: Combien vous avez... Je sais que vous avez à peu près aux alentours de 249, 250... Je regarde ici, dans la partie I...

M. White (John): Employeurs?

M. Marcil: ...dans la région de Québec, 187 employeurs et, partie II, 53. C'est à peu près ça?

M. White (John): C'est à peu près ça.

M. Marcil: Dans les...

M. White (John): Les chiffres, je les ai donnés au début, mais c'est à peu près les chiffres dont on a...

M. Marcil: Oui, oui, O.K. Et votre pourcentage de syndicalisation de 23 %, 20 % dans la partie I, et 45 % dans la partie 2?

M. White (John): C'est ça. Dans la partie I, le taux de syndicalisation est très bas, mais, si vous me permettez, M. le ministre...

M. Marcil: Oui.

M. White (John): ...ça s'explique peut-être justement historiquement, aussi. Parce que, vous savez, lorsque vous avez un décret qui existe depuis 1952 et que vous avez des entreprises et des gens qui ont l'habitude d'être sous décret, d'avoir la protection d'un décret, parce que c'est une protection pour les salariés... Vous savez, les entreprises, elles viennent, elles meurent, elles se remplacent. Il y a peut-être des entreprises et des employés qui se disent: De toute façon, le décret s'applique à moi. Pourquoi j'aurais besoin, en surplus, d'un syndicat?

M. Marcil: Oui, oui, je comprends. Ça, je comprends ça.

M. White (John): Alors, il faut quand même le regarder dans le contexte historique dans lequel ça s'est fait aussi, au niveau de la syndicalisation.

M. Marcil: Est-ce qu'une compagnie comme Laidlaw, lorsqu'elle pratique à Québec, est régie par le décret?

M. White (John): Oui.

M. Marcil: Même si, souvent, ils sont syndiqués...

M. White (John): Oui.

M. Marcil: ...et que leurs avantages sont supérieurs au décret de base. Donc, ce que j'essaie de voir, c'est que c'est un décret de région et non pas un décret de secteur. Il est sectoriel, mais il est régional aussi.

M. White (John): Exact.

M. Marcil: Donc, la grande majorité du territoire du Québec n'est pas régie par un décret du camionnage, sauf deux régions: Montréal et Québec.

M. White (John): Exact.

M. Marcil: O.K. En termes d'expansion horizontale, est-ce que vous avez déjà fait des démarches pour inclure d'autres types de transport dans le camionnage...

M. White (John): Non.

M. Marcil: ...comme le camionnage en vrac, à titre d'exemple, même s'il y a une association?

M. White (John): Si vous me permettez, je vais faire de l'historique également. En 1973, je n'étais pas là...

M. Marcil: Oui. Bien, je l'espère. Ha, ha, ha!

M. White (John): ...mais M. Trudel, qui était là... Je vais avoir 40 ans. J'aurais peut-être pu être là. Ha, ha, ha!

M. Marcil: Oui.

M. White (John): Mais, en 1973, on nous a demandé de ne plus assujettir les artisans. Le ministère nous a demandé de ne plus assujettir les artisans, et c'est ce que nous avons fait.

M. Marcil: Puis, par contre, dans le camionnage, le camionnage de Montréal, eux, ils ont 203 artisans.

M. White (John): Nous, on a répondu à la demande vers l'année 1973 et nous avons répondu affirmativement à la demande qui était faite. Mais faites attention, là, des artisans, là. Il y en a qui ont des salariés dans ça, là, quand on parle d'artisans...

M. Ménard: Oui, oui, oui.

M. White (John): ...ou il y en a également qui le font sous une forme corporative. Chez nous, au niveau corporatif, ça donnerait exactement le même résultat, effectivement.

La Présidente (Mme Bleau): M. White, si vous désirez qu'un de vos proches puisse répondre. La prochaine réponse...

M. White (John): M. Trudel, allez-y.

La Présidente (Mme Bleau): Alors, M. Trudel.

M. Trudel (Philippe): Alors, oui, ça existe chez nous aussi. Mais, ce qu'on appelle des artisans, c'est souvent, ça, c'est des gens qui vont transporter du vrac, puis ils sont considérés comme des artisans. Ils font partie de l'ANCAI, l'Association nationale des camionneurs artisans indépendants. Mais, s'ils sont des employeurs, ils sont assujettis chez nous. Alors, peut-être qu'un type qui fait partie de l'Association va avoir deux, trois camions. Il ne peut pas les conduire les trois. Il conduit le sien et il va avoir trois chauffeurs. Alors, les trois chauffeurs sont assujettis chez nous à ce moment-là...

M. Marcil: Si toutes...

(16 h 40)

M. Trudel (Philippe): ...puis ce sont des artisans.

M. Marcil: Si toutes les compagnies de transport, comme c'est arrivé... Parce que j'imagine que, si on retourne dans les années antérieures, il y avait beaucoup plus de décrets de camionnage? Non? Il y en a seulement eu deux tout le temps?

M. Trudel (Philippe): Oui.

M. Marcil: Bon. Il y a eu une, comment je pourrais dire donc... Il y a eu plusieurs entreprises de transport dont le siège social était soit à Québec ou à Montréal et qui ont décidé, avec le temps, d'aller en région pour ne pas être assujetties au décret. La question que je vous pose, elle est purement hypothétique: Si, demain matin, toutes les compagnies de transport de Québec – je donne un exemple, je vais prendre Québec, O.K.? – décidaient de sortir de la zone 03 et de la zone 12, le décret n'existerait plus?

M. White (John): Si vous me permettez, c'est tout à fait hypothétique, premièrement. Deuxièmement, le texte du champ d'application...

M. Marcil: C'est ce qu'on répond, nous aussi, aux questions hypothétiques.

M. White (John): Non, non. Mais, le texte, si vous me permettez, du champ d'application professionnel du décret, ce n'est pas seulement «résidant ou ayant leur principal place d'affaires», mais «exploitant leur entreprise».

M. Marcil: Oui.

M. White (John): Alors, comme je vous ai dit, à la limite, ce qu'on pourrait faire...

M. Marcil: Ce serait une douane.

M. White (John): Et voilà!

M. Marcil: Ha, ha, ha!

M. White (John): Évidemment, vous allez comprendre que ce n'est pas ça qu'on espère être obligés de faire...

M. Marcil: Non, non, non, mais, là, c'est...

M. White (John): ...mais à la limite...

M. Marcil: Je voulais pousser ça au plus loin possible, là.

M. White (John): Bien oui! Mais je pense que vous comprenez également...

M. Marcil: Oui, oui.

M. White (John): ...qu'au niveau économique ce n'est pas nécessairement évident que ça pourrait être intéressant pour les entreprises en question.

M. Marcil: Là, à ce moment-là, on pourrait favoriser le Comité paritaire des agents de sécurité...

M. White (John): Oui, mais c'est...

M. Marcil: ...ça fait qu'on pourrait installer des guérites, là, puis on extensionnerait notre affaire.

M. White (John): C'est ça. Mais peut-être qu'on ferait un débat de juridiction, nous autres aussi. On voudrait peut-être les avoir sous décret, avec vous.

La Présidente (Mme Bleau): Monsieur...

M. Marcil: Donc, ce que je retiens chez vous...

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre, M. Laberge aurait un mot à ajouter.

M. Marcil: Oui.

La Présidente (Mme Bleau): M. Laberge.

M. Laberge (Jean-Guy): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, tantôt vous avez parlé de zone grise entre Montréal et Québec pour la partie II ou les éboueurs. Il faut comprendre que la majorité de ces entreprises-là travaille dans l'un ou l'autre des décrets. Et, si on prend le cas du décret de Montréal, pour les éboueurs, la grosse majorité des éboueurs qui viennent travailler à Montréal provient de l'extérieur de Montréal. Alors, c'est pour ça qu'ils sont assujettis au décret, à ce moment-là, qui couvre tout le territoire. Même chose à Québec.

M. Marcil: Mais ce sont des zones protégées. Lorsque... Non, non, mais c'est...

M. Laberge (Jean-Guy): Si vous voulez nous donner un comité paritaire provincial, on ne dira pas non. Ha, ha, ha!

M. Marcil: Non, non, non, ce n'est pas ça. Non, c'est que, dans l'application, j'essaie de voir, là, notre application de ce décret-là. C'est qu'il pourrait n'y avoir aucune entreprise de ramassage de déchets sur l'île de Montréal, toutes à l'extérieur, régies par leurs propres conditions, là, négociées entre les parties. Sauf qu'au moment où vous allez sur l'île vous êtes régis par un décret. C'est des zones, ça.

M. Laberge (Jean-Guy): Oui, mais c'est un petit peu plus vaste que ça.

M. Marcil: Dans les faits, c'est ça. O.K. Ce que je retiens dans vos commentaires qui portent essentiellement sur des recommandations jugées pour vous autres discutables ou d'autres même inacceptables, c'est qu'elles portent surtout sur la représentativité de la partie patronale. C'est ça?

M. White (John): C'est-à-dire, pas la représentativité de la partie patronale, mais... Bien, oui, la recommandation 9...

M. Marcil: La recommandation 9, c'est ça.

M. White (John): C'est bien ça, oui.

M. Marcil: La représentativité qu'elle demande et les conditions de travail.

M. White (John): Je pense que ça rentre tout dans la notion de prépondérance.

M. Marcil: Prépondérance. Les conflits de compétence et le double assujettissement.

M. White (John): Ça, c'est surtout la question du mutuellement en concurrence et de la concurrence directe. Que vous vouliez déférer ça à une commission consultative...

M. Marcil: Oui.

M. White (John): ...ça, là-dessus, on n'a aucun problème.

M. Marcil: Aucun problème.

M. White (John): Mais il faut faire très attention, comme je vous le disais tout à l'heure, pour bien saisir ces notions. Et ce n'est pas clair, dans les recommandations, ce qu'on entend vraiment par mutuellement en concurrence et concurrence directe, et ça peut créer des problèmes aux entreprises assujetties. Alors, c'est dans ce sens-là.

M. Marcil: Et la durée des décrets.

M. White (John): Oui. Ça, je n'en ai pas parlé, mais la durée des décrets, effectivement, de mettre un terme au bout de 18 mois, alors que le projet de loi 116 a été adopté et qu'il ne prévoit plus, maintenant, de plafond à une convention collective, en tout cas, on vous soumet que ce n'est pas approprié. Vous avez le pouvoir, de toute façon, M. le ministre. Je comprends que ce n'est peut-être pas très agréable, parfois, de le faire, mais vous avez le pouvoir, vous pouvez l'abroger en tout temps, le décret.

M. Marcil: Ce que ça veut dire, c'est que, quand un décret a une date de fin, on lui donne une extension de 18 mois pour le renouveler. Donc, c'est...

M. White (John): Oui, oui. On a bien compris...

M. Marcil: Mais votre décret pourrait avoir...

M. White (John): On a bien compris. Le problème dans ça, cependant, c'est, je pense, que la formule actuelle du renouvellement automatique, à moins d'un avis d'une partie contractante, elle est là. C'est une formule qui ne crée pas véritablement de problème, et, de toute façon, M. le ministre, vous avez le pouvoir de l'abroger en tout temps, le décret.

M. Marcil: Ah! j'ai beaucoup de pouvoirs. Je vous remercie beaucoup.

M. White (John): Ha, ha, ha! Merci. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bleau): Je passerai la parole, maintenant, au député de Laval-des-Rapides. M. le député.

M. Ménard: J'en ai moins. Ha, ha, ha! J'ai beaucoup aimé votre rapport. Après avoir écouté votre procureur, je pense que c'est lui qui l'a écrit. Ça se «peut-u»? Ha, ha, ha! Non? Aussi? Mais je suis certain que vous l'avez inspiré. J'espère, en tout cas, que vous l'avez inspiré. Je tenais à le signaler, j'ai trouvé une des plus belles phrases dans tous les mémoires qu'on a reçus, au sommet de la page 2, quand vous dites: «C'est beaucoup plus en pensant à améliorer les conditions de travail dans les pays de nos principaux concurrents qu'en diminuant les nôtres que l'on réussira à véritablement réduire les écarts et à assurer une plus grande justice sociale.» J'espère que, dans un contexte de mondialisation, les entrepreneurs commenceront à penser que ça aussi, ça doit être. C'est vrai que c'est un grand idéal, que je partage entièrement, que je ne sais pas trop comment réaliser, mais auquel je pense aussi que les grandes centrales syndicales devront penser. C'est ça. Il y a des limites à introduire ici les conditions de travail qu'il y a à Hong-kong, en Asie, au Viêt-nam ou en Chine. Dieu merci, le coût de la main-d'oeuvre n'est plus qu'une partie du coût de fabrication.

Maintenant, je vais vous poser des questions pointues qui peuvent être difficiles, justement parce que j'ai beaucoup de respect pour le travail que vous avez fait et que je vous estime en mesure d'y répondre. Croyez-moi, ce n'est pas parce que je mets en doute, moi non plus, l'utilité de la Loi sur les décrets de convention collective, mais parce que j'aime bien avoir l'opinion de ceux qui sont en faveur quand j'ai des objections de la part des autres qui sont contre, c'est-à-dire qui sont pour leur abolition.

À la page 3, lorsque vous parlez des recommandations 2 et 3, en fait, le dernier paragraphe de cette page, à peu près à la cinquième ligne, vous dites: «D'autres recommandations, entre autres celle portant sur la nécessité qu'il y ait une vie associative des parties, nous apparaissent évidemment tout à fait raisonnables et légitimes.» À moi aussi, mais j'ai remarqué une chose qui est difficile à cerner dans les décrets de convention collective, c'est la représentativité de ce qu'on appelle les tiers. Mais je comprends que ce sont les tiers assujettis, c'est-à-dire ceux qui n'étaient pas partie à la convention collective, ceux qui ne participent pas.

Alors, s'il y a une chose qui justifie les décrets de convention collective, où c'est utile, c'est justement dans les secteurs difficilement syndicables, pour permettre à ces gens-là de bénéficier d'autre chose que de la Loi sur les normes du travail, minimum, puis d'avoir quelque chose que l'industrie elle-même établit. Mais justement, si c'est difficilement syndicable, ces gens-là, ils peuvent difficilement se faire représenter. C'est aussi le cas des petits entrepreneurs qui sont tous tournés entièrement vers la gestion de leur entreprise, et non seulement la gestion, mais, généralement, ils y travaillent eux-mêmes. Alors, je comprends que c'est dans la nature même des choses que ces gens-là ne participent pas à des associations. Alors, ils souffrent le décret, ou enfin, non, ils ne le souffrent pas, mais ils subissent le décret comme ils subissent les taxes, comme ils subissent la réglementation.

(16 h 50)

Dans votre cas, je pense que ça ne se présente pas, mais j'ai vu, dans d'autres comités paritaires, où les gens qui sont les parties et qui peuvent représenter, dans certains cas, une minorité de l'industrie vont créer des règles qui sont à leur avantage par rapport à cet ensemble de tiers assujettis qui forment parfois la majorité de l'industrie. Je ne sais pas si vous avez des idées. Je vois que c'est le ministre, au fond, qui est le protecteur des droits de ces gens-là. Je ne sais pas si vous avez une meilleure idée sur qui devrait représenter ces gens qui, par définition même, dans la nature même des choses, sont difficilement regroupables en association.

La Présidente (Mme Bleau): M. Laberge.

M. Laberge (Jean-Guy): Merci, Mme la Présidente. On a une idée qui existe depuis très longtemps. Les associations, le «membership», c'est volontaire. On a beau faire des campagnes de recrutement, on a beau leur envoyer des lettres d'information... Ce n'est pas parce que la cotisation est trop élevée, parce que, pour une PME – je parle pour la partie II du décret, pour les éboueurs – c'est 250 $ par année. C'est encore moins que ce qu'un syndiqué paie à son syndicat. Et je ne crois pas qu'il soit pénalisé parce qu'il ne vient pas chercher les ressources de son industrie via son association, parce que, dans le fond, il est bien fier que d'autres fassent le travail pour lui. Il va chercher tout cuit ce que l'association débat. Alors, finalement, c'est une espèce de bénévolat qui se fait parmi les membres pour prendre soin de l'industrie.

Il y a une solution à ça. On a des corporations professionnelles, que l'Assemblée nationale permet. Il y a aussi des corporations privées, comme les mécaniciens, les électriciens. Bien, si on pouvait avoir une corporation privée pour notre industrie, ça réglerait beaucoup, beaucoup de problèmes, croyez-moi. Malgré qu'on ait une centaine de membres, on représente quand même 85 % de l'industrie. Mais c'est vrai que c'est le petit, la petite, petite PME qui ne vient pas, et c'est le décret qui les protège, celles-là. S'il n'y avait pas de décret, il n'y aurait plus, dans notre industrie propre à nous, de petites, petites PME. Je ne sais pas si ça répond à la question de M. le député.

M. Ménard: Oui. Je ne suis pas sûr que je suis d'accord avec votre conclusion, mais je dirais que ça a relativement peu d'importance, parce que, je vais vous dire franchement, s'il n'y avait pas de décret de convention collective, j'ai peur, au contraire, que ce serait la multiplication des petites entreprise et qu'elles seraient très mal prises. Ce serait vraiment un minimum. Mais, en tout cas, peu importe sur la conclusion.

M. White (John): Mais, si vous me permettez, pas nécessairement. Ce ne serait peut-être pas nécessairement une multiplication de petites, petites entreprises. Si ce n'est que votre coût de main-d'oeuvre qui vous permet de faire de la concurrence, à un moment donné, là, ça peut être très difficile d'obtenir des contrats. Ce n'est pas si évident que ça, là, c'est sûr. Vous savez, dans l'industrie du camionnage général, la déréglementation a apporté du bon, mais je pense qu'elle n'a aussi pas nécessairement apporté du très bon. Vous savez, des entreprises qui meurent ou des entreprises qui sont en train de toutes se monopoliser, se mettre ensemble, faire des grands conglomérats, ce n'est pas nécessairement aussi une bonne chose. Alors, il faut le voir dans les deux sens aussi.

Mais, si vous me permettez, M. le député, c'est extrêmement difficile, effectivement, de demander à quelqu'un – même si le ministre a le pouvoir de nommer des membres adjoints en vertu de la loi, actuellement – de venir s'asseoir à un comité paritaire, c'est extrêmement compliqué. D'abord, comment le ministre fait pour la connaître, cette personne-là? Et, deuxièmement, cette personne-là est-elle vraiment intéressée? Parce que, effectivement, c'est peut-être un ou deux soirs à un moment donné. C'est très difficile, très, très, très difficile. Écoutez, c'est même difficile à l'intérieur des parties, parfois, chez certaines parties, d'avoir tout leur effectif. Alors, donc, ce n'est pas facile; il n'y a pas de solution facile là-dedans, c'est sûr.

M. Ménard: O.K. Sur un autre sujet, à la page 4, vous suggérez, au tout début, que vous aimeriez en somme qu'il y ait une modulation des augmentations de salaire et donc possibilité d'avoir certains écarts entre la rémunération prévue au décret et la rémunération qu'on pourrait donner. Est-ce que vous allez jusqu'à... Est-ce qu'on pourrait donner moins que ce que prévoit le décret?

M. White (John): Ce n'est pas ça. Ce qu'on veut dire, au début de la page 4, c'est que, si on prend comme base que c'est la convention collective de base qu'on ne fait qu'extensionner et que c'est donc l'application intégrale de la convention collective de base, bien, non, il faut permettre peut-être des modulations. Parce que, vous savez, quand ça prend un an, quand ça prend deux ans avant que la requête soit traitée, M. le député, et que, tout d'un coup, on leur dit: Maintenant, vous augmentez de 2 $ l'heure – j'exagère, ce n'est pas ça qui se passe dans notre domaine, mais on va faire de l'exagération – du jour au lendemain. Le décret a été pendant deux ans à, mettons, 8 $ l'heure et, du jour au lendemain, il doit devenir à 10 $ pour respecter la convention collective de base, là, ça risque d'être un peu compliqué. Donc, il faut prévoir, il faut qu'il y ait une certaine modulation. Il ne faut donc pas toujours se coller totalement à la convention collective. C'est ça qu'on a voulu dire.

La convention collective de base, c'est une base, mais il me semble qu'au niveau du ministère on se doit, et, d'ailleurs, le ministre a le pouvoir, dans ses recommandations auprès du Conseil des ministres, et le Conseil des ministres également a le pouvoir... Il va extensionner ce qui lui semble avoir, excusez, mais du gros bon sens. Les parties à une convention collective peuvent bien dire: Notre salaire est rendu à 10 $ l'heure; celui du décret est à 8 $, donc on veut tout de suite qu'il soit à 10 $... Mais savez-vous que ça peut faire tout un changement, du jour au lendemain, dans une entreprise. Alors, c'est pour ça qu'on parle de modulation. C'est dans ce sens-là. Ce n'est pas une modulation vers le bas, pas du tout. C'est de ne pas simplement dire: On applique intégralement et de façon aveugle la convention collective de base. C'est ça qu'on a voulu dire, M. le député.

M. Ménard: Parce que ça peut vouloir dire deux choses, modulation. Ça peut vouloir dire, pour reprendre l'exemple que vous avez donné: La convention collective est de 10 $, mais le décret antérieur était de 8 $, donc les gens payaient 8 $.

M. White (John): Je comprends.

M. Ménard: Alors, quand c'est appliqué, bien, ce sera 10 $ dans deux ans, avec, par étapes, 8,50 $, 9 $, 9,50 $, 10 $. Bon. Il y avait cette possibilité-là. Mais, quand vous parliez aussi d'écart...

M. White (John): Non. Mais, si vous me permettez, c'est cette possibilité-là.

M. Ménard: O.K.

M. White (John): Il n'est pas question que le décret ou que la Loi sur les décrets permette qu'une convention collective qui serait intervenue à un taux de salaire moindre... Non, non, c'est le décret qui est vraiment le minimum.

M. Ménard: C'est ça que je pense.

M. White (John): Le décret est le minimum. Quand on parle de modulation, c'est vraiment une question pour le décret versus la convention collective de base.

M. Ménard: Oui, mais la convention collective, c'est le minimum. C'est l'objectif minimum, en tout cas.

M. White (John): C'est l'objectif, mais le décret peut être peut-être plus bas que la convention collective de base. De toute façon, M. le député, dans les faits, très honnêtement, dans plusieurs secteurs, c'est ça, de toute façon.

(17 heures)

M. Ménard: O.K. J'aimerais avoir votre opinion aussi sur une question que le ministre soulevait avec une autre partie et que j'ai trouvée très bonne.

Une voix: ...

M. Ménard: Non, mais je vais vous la poser. C'est parce que je comprends, un peu comme tout le monde qui est en faveur de cette loi, que cette loi occupe une place utile entre la loi sur les normes minimales de travail et le Code du travail. Mais il est un petit peu de l'essence de cette loi, dans certains cas, d'avoir une vie, d'avoir des décrets qui ne sont pas éternels. C'est-à-dire qu'au fond, quand quelque chose va être atteint, les décrets seront inutiles, parce que les forces du travail en présence sont capables d'assurer des conditions de vie adéquates, comme pour l'ensemble des ouvriers syndiqués. Mais c'est difficile de déterminer quand arrive cette période. D'autant plus que, quand on a créé n'importe quel organisme, ce n'est pas facilement qu'il se saborde lui-même.

Mais la question plus précise du ministre, c'est: Est-ce que, dans une entreprise qui est syndiquée et dont la convention collective prévoit des conditions salariales et des conditions de travail qui sont meilleures que celles du décret, il n'est pas temps de permettre à cette entreprise d'échapper au décret?

M. White (John): C'est tout le problème, encore une fois, de la concurrence directe et de mutuellement en concurrence, si vous me permettez. C'est bien beau de dire ça, mais, encore une fois, il y a de bonnes chances que cette convention collective là, qui est meilleure, justement, ce soit la convention collective de base. Et, si on ne l'a plus, cette convention collective de base, qu'est-ce que le ministre va nous dire? Il va nous dire: Vous n'avez plus de raison d'exister parce que vous n'avez plus de convention collective de base. Il faut faire attention.

M. Ménard: Ah non! Je pense que, dans l'idée du ministre, les parties vous informent qu'elles désirent échapper au décret parce que, maintenant, elles assurent des conditions de travail supérieures à celles du décret, elles ont pris des ententes entre elles qui les satisfont.

M. White (John): Mais, écoutez...

M. Ménard: Non?

M. White (John): ...dans les faits, on en a, des gens qui ont des conventions collectives avec des conditions meilleures. Ils sont assujettis au décret, puis, à ce que je sache, à moins que les gens qui sont avec moi ne nous disent le contraire, il n'y a personne qui nous a demandé de ne pas être assujetti. Je trouve que la question est vraiment hypothétique dans ce sens-là.

M. Ménard: Ah! vous autres, non, mais je peux vous dire, par exemple, que... Je vais vous donner un exemple qui est venu ici, là, très clair...

M. White (John): Oui, bien...

M. Ménard: ...puis vous allez comprendre. Canadian Tire vient nous voir, puis il nous dit: Écoutez, chez nous, c'est syndiqué. Chez nous, on a négocié avec les petits gars, puis laissez-moi vous dire qu'ils négocient dur, puis ils ont des conditions de travail qui sont meilleures que ce qui est prévu par le décret. Sauf que le décret nous impose des affaires épouvantables, comme de payer l'employé qui va placer de la cire à automobile sur les étagères à un tarif tel, alors que l'employé qui est au sport, qui, lui, dépose des raquettes de tennis, puis des balles de tennis, puis des skis, n'a pas la même chose. Ou encore, nous, on est ouvert le samedi, notre garage fonctionne à plein, on a des jeunes qui rentrent ici jeudi, vendredi et samedi. Ils sont contents, autrement on ne les engagerait pas. Mais on est obligé de les payer en temps supplémentaire, même si ces gens-là ne travaillent pas le lundi, le mardi et le mercredi. Puis, le temps supplémentaire, ce n'est pas le temps et demi du décret, c'est notre temps et demi.

Bon. Comprenez-vous qu'à ce moment-là ces gens-là disent: Bien, coudon, nous autres, on est syndiqués, on assure plus que les conditions minimales de travail du décret, on a trouvé des moyens de mieux servir la clientèle que ce que veut nous imposer le décret indirectement, alors laissez-nous donc quitter le décret.

M. White (John): Oui. La question que vous posez, c'est toute la question de la concurrence loyale.

M. Ménard: Voilà!

M. White (John): Et, dans le domaine, je peux vous parler de Canadian Tire parce que, je vais vous le dire, je suis procureur du Comité conjoint sur les services automobiles de la région de Québec.

M. Ménard: Ah bon!

M. White (John): Bon. J'agis pour deux comités paritaires. Et je peux vous dire que le problème de Canadian Tire, O.K., il est vécu différemment au Québec, parce qu'à Québec le décret de l'automobile permet des deuxièmes et des troisièmes équipes et pas de paiement de temps supplémentaire mais le paiement d'une prime, peut-être, de 10 %.

M. Ménard: Bon.

M. White (John): Alors, vous voyez, c'est une question d'adaptation. Et encore faut-il que les parties... Puis je pense également que c'est le rôle, justement, du service des décrets puis du ministère de nous dire: Écoutez, il y a ça comme problème; quelle est la solution que vous envisagez? Ce n'est pas, selon moi, de désassujettir parce que, supposément, il y a une meilleure convention collective. Pourquoi, à ce moment-là, ne pas désassujettir de la Loi sur les normes du travail tous les gens qui ont une convention collective de travail? À ce que je sache, la Loi sur les normes est d'ordre public et va trouver application malgré tout.

M. Ménard: Ce n'est pas tout à fait pareil, mais, en tout cas, si je comprends bien, c'est que le ministre exerce la juridiction que la loi lui donne.

M. White (John): Voilà!

M. Ménard: Ce n'est pas la première fois que j'entends ça. Merci.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député. Je passe maintenant la parole à M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Très brièvement, Mme la Présidente, strictement pour remercier les gens de la qualité du mémoire qu'ils nous ont présenté.

La Présidente (Mme Bleau): Alors, peut-être une dernière remarque avant de partir. Est-ce que vous, M. le ministre... Alors, au nom du ministre et au nom de la commission, je vous remercie, messieurs, de votre mémoire et de votre présence ici aujourd'hui. Nous allons passer maintenant aux remarques de fin de séance et peut-être prendre une petite suspension de cinq minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 6)

(Reprise à 17 h 8)

La Présidente (Mme Bleau): Je donnerai maintenant la parole pour des remarques de clôture. S'il vous plaît, M. le député de Drummond.


Remarques finales


M. Jean-Guy St-Roch

M. St-Roch: Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, si j'avais à refaire mes remarques préliminaires, elles seraient identiques, sauf avec l'ajout de ceci: Je pense qu'il est apparu clairement, au niveau de toutes les auditions publiques, que ce qui avait été dit confidentiellement, ce qui avait été dit antérieurement, entre quatre murs, soit au ministère ou soit lors des échanges avec des intervenants, s'est avéré exact.

La problématique à laquelle nous faisons face, c'est une loi qui est vieille mais qui a encore ses fondements et qui a encore son application. Mais, avec les années, il s'était introduit un virus que j'appelle le virus de l'attentisme, parce que ça ne... Et ça, Mme la Présidente, je ne veux pas que ce soit interprété comme étant des remarques de blâme envers M. le ministre actuel de l'Emploi. Il est tout nouveau, il est tout rose, il n'est pas encore usé; il n'est pas responsable. Je veux faire cette remarque-là immédiatement. Mais, à travers les années, et plusieurs années en arrière aussi, on a donné le signal que les décrets étaient pour être abolis au Québec et on a fini avec le rapport Scowen qui était le dernier virus anesthésiant, qui a donné l'impression à tout le monde que les décrets s'en allaient. Et ça a fait qu'au niveau du ministère du Travail, et c'est la perception que j'en ai, on a été dans un attentisme en attendant, ce qui est le rôle, d'ailleurs, de la haute fonction publique, le signal de l'homme et de la femme politique pour être capable de prendre une direction, de sorte qu'aujourd'hui on a laissé créer des ententes et on essaie de nous dire que les décrets ne sont pas bons.

Alors, ma conclusion, Mme la Présidente, c'est qu'il faut maintenir les décrets. Mais il m'apparaît clairement qu'il va falloir trouver un moyen d'être capable d'avoir un tronc commun, mais avec des modalités qui s'appliqueront versus le secteur manufacturier et versus le secteur des services. Il va falloir trouver aussi, à l'intérieur de cette nouvelle remodernisation de la loi, une méthode pour faire en sorte que l'organisation du travail soit beaucoup plus flexible pour faire face à la mondialisation. Il va falloir en trouver aussi versus les nouvelles attitudes, qu'elles soient modulaires ou cellulaires, et on verra ce que le langage de la relation de travail adoptera comme terme final, et regarder aussi au niveau de la formation et du recyclage professionnels. J'aimerais, d'ores et déjà, suggérer à M. le ministre qu'il y a quand même des principes qui sont adoptés, tel que le CAMO qui pourrait être utilisé dans un premier temps, et ce qui nous a été fait comme remarque aujourd'hui, dans le rapport de la CSD, la primauté des conventions collectives lorsqu'il s'agit de déterminer des conditions de travail particulières ou des champs d'application un peu plus différents.

(17 h 10)

Il est apparu clairement aussi, Mme la Présidente, qu'il va falloir trouver une formule pour avoir seulement un décret par secteur d'activité, ce que j'appelle, moi, chacune des places ou milieux de travail. Il va falloir aussi trouver une solution pour permettre une meilleure représentativité à l'intérieur de chacun des secteurs du décret. Je pense que, lorsque je regarde les concessionnaires versus les garages, on a eu l'exemple ici, lors des dépositions des différents intervenants, qu'il y a des gens aujourd'hui qui se sentent exclus du processus de décision. Je pense que c'est aussi une des grandes sources de frustration qu'on aura pu remarquer.

En ce qui concerne les extensions horizontales, il va falloir qu'elles soient balisées. Mais, encore là, à l'écoute de nos intervenants, je pense que l'entretien mérite un traitement spécial et, je dirais, à ce moment-ci, un statu quo d'application à cause du milieu et des conditions qui sont très particulières à ce secteur de l'entretien.

En ce qui concerne le programme de formation et de recyclage de la main-d'oeuvre, il va falloir le regarder, et peut-être ce que M. Morissette est venu nous dire, que, à un moment donné, lorsqu'on regarde l'historique, le fonctionnement, à un moment donné, de la formation professionnelle, il est arrivé, encore là, un décloisonnement, une période d'incertitude. Ça a peut-être amené qu'on a jeté, Mme la Présidente, le bébé avec l'eau du bain. Alors, il va falloir le regarder, et regarder aussi dans certains secteurs. Puis je pense que M. le ministre en a été conscient lorsqu'on a eu tout particulièrement le secteur de la coiffure. Il va falloir trouver un moyen de revaloriser nos coiffeurs, nos coiffeuses à l'intérieur d'un programme de formation professionnelle et, surtout, ce qui va être plus important, trouver un mécanisme de surveillance pour s'assurer qu'on redonne la dignité à ces hommes, à ces femmes qui oeuvrent dans ce secteur, qui ont à coeur de développer un milieu de travail qui est favorisé.

Il m'apparaît évident aussi, puis M. le ministre va sourire, Mme la Présidente, et vous de même, qu'à l'intérieur de cette remodernisation, de ce nouveau projet de loi là... qu'il devra contenir une clause crépusculaire. Puis je dirais, vu la complexité de ce décret-là, que, trois ans après la promulgation de cette loi, on devrait se rasseoir, nous, les parlementaires, et aller de l'avant.

Et il me reste juste deux autres remarques, Mme la Présidente. Il y en a une, c'est la création d'un organisme. M. le ministre, depuis le début, a été à la recherche en disant: Est-ce qu'il y a un moyen quelconque pour me dégager de toujours avoir à intervenir dans ces secteurs de décrets là? Je pense que, M. le ministre, à partir de la page 29 à la page 32 de la CSD aujourd'hui, on peut dégager un comité extérieur; ce qui est emballant, c'est qu'il aurait un pouvoir d'arbitrage qui accélérerait le processus de décision, quant à moi. Et aussi la recommandation qui est faite à l'intérieur de ce comité-là, c'est qu'il soit capable d'évaluer chacun des secteurs d'activité et, surtout, capable aussi de permettre à certains autres organismes qui ne sont pas régis par des décrets, c'est-à-dire des secteurs d'activité, de l'être.

Et, finalement, je vais vous faire cette recommandation-là aussi; elle est un peu en aparté. Vous auriez raison, M. le ministre, de dire: Mais oui, mais elle ne touche pas, quand même, la loi des décrets. Mais, une chose qui est apparue importante dans le secteur de la mode qui est le secteur des vêtements pour dames, le secteur de la mode enfantine et le secteur pour hommes, c'est qu'il y ait quelque chose... Et je vous prierais de faire la remarque à notre collègue, le député d'Outremont, ministre responsable de l'Industrie et du Commerce, qu'il est apparu évident ici, à partir des intervenants, qu'une des grandes choses que cette commission parlementaire pourrait dégager, c'est de demander à notre collègue, le ministre de l'Industrie et du Commerce, et aussi responsable des relations intergouvernementales, de faire pression à Ottawa pour faire en sorte que, lorsqu'un matériel utilisé dans ce secteur d'activité n'est pas produit au Québec, il soit exempt de tarification douanière. Puis, ça, on nous a dit que, si on avait juste ça comme conclusion dans ce grand secteur qui est la mode et le vêtement, on aurait fait des grands pas pour régler les problèmes parce qu'on redonnerait une «concurrentialité». Et aussi, ce qui est sorti dans les interrogations que j'avais eues avec les gens de la mode, c'est d'être capable d'avoir, à l'intérieur de nos politiques, une revalorisation du secteur de la sous-traitance et de le voir mieux adapté.

Et, finalement, j'espère, M. le ministre, l'échéancier de la vie politique étant ce qu'il est, étant aussi pragmatique et réaliste, que quelque part, pas durant la période de l'été parce qu'on sera convié, probablement à la fin de l'été, à un grand rendez-vous qui sera la fin des vacances des députés pour aller passer un examen que nous aurons tous à passer... Mais je pense qu'à l'automne, quel que soit le gouvernement qui sera en place, on sera à la croisée des chemins pour avoir une consultation générale, pour regarder le Code du travail versus la loi des normes du travail et camper une position d'une nouvelle loi rajeunie des décrets, pour être capable de l'harmoniser et de faire en sorte, M. le ministre, qu'on sera probablement capable de dégager une certaine formule qui, dans le temps, fera en sorte que les décrets, parce qu'ils sont arrivés à une maturité, parce qu'ils ont refavorisé un regroupement des travailleurs et des employeurs, pourront voler de leurs propres ailes sans affecter ce qui est la clause, pas simplement économique, pas simplement politique, mais sociale.

Alors, je termine en vous remerciant, Mme la Présidente, de m'avoir donné la chance de faire ces remarques et aussi en remerciant tous ceux et celles qui sont venus et qui ont osé venir défendre leur champ d'activité, mais aussi promouvoir de nouvelles idées pour régler des problèmes de la collectivité québécoise.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député de Drummond. Je cède maintenant la parole à M. le député de Laval-des-Rapides.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Bon. J'avais mes doutes, au début de cette commission parlementaire, sur son utilité. Je dois reconnaître, à la fin de cette commission, qu'elle m'a été très utile, et ça a été évident dans tout le courant de la commission. Cependant, j'apporterais un bémol. Elle m'a été très utile parce que j'arrive neuf dans un dossier que je ne connaissais pas avant, mais j'ai quand même constaté qu'il y a eu deux grandes consultations auparavant et j'ai l'impression, à lire les résultats, à tout le moins de la première – j'ai lu le rapport Beaudry – qu'une bonne partie des problèmes qui nous ont été soulevés au cours de cette commission avaient été prévus par la commission Beaudry et que les solutions avaient été élaborées.

Mais je reprendrai les paroles du député de Drummond, surtout dans l'atmosphère de collaboration qui règne dans cette commission, qu'on n'a pas à blâmer le ministre qui est actuellement en titre. Et puis je pense bien aussi être pas mal convaincu que, peu importe à quel gouvernement les ministres ont appartenu, il semble bien que le défaut d'intervention et de croyance dans la survie de cette loi ait été partagé par des représentants des deux partis.

Mais ayons un esprit positif et regardons vers l'avenir. Je pense qu'il est évident, et nous sommes tous d'accord, que cette loi, qui est originale en Amérique – nous sommes le seul territoire à l'avoir – mais qui n'est pas originale dans le monde – il y en a, paraît-il, en Australie, en Allemagne, dans plusieurs pays européens – mais a véritablement sa place entre la loi sur les normes minimales de travail et le Code du travail. Elle a sa place pour assurer que, dans des milieux où la syndicalisation est plus difficile, notamment à cause du petit nombre des unités, du petit nombre de travailleurs dans plusieurs unités dispersées, ces milieux puissent décoller du plancher que représentent les normes minimales du travail, mais décoller en étant près des capacités de l'industrie elle-même d'assurer ce décollage et de permettre à ces travailleurs une rémunération meilleure. Cela va certainement dans la philosophie de redistribution des richesses par le travail, qui, j'en suis convaincu, est à la base des philosophies politiques des partis qui s'affrontent, même si nous avons tendance parfois à être plus libéral d'un côté, plus social de l'autre. Mais, au fond, le côté libéral est aussi social, puis le côté social n'ignore pas les bienfaits d'une économie libérale. Donc, nous sommes convaincus qu'elle a sa place.

Nous nous sommes, je pense, graduellement convaincus aussi que, si elle avait été appliquée par des hommes qui y croyaient et qui ne s'étaient pas retenus, d'une certaine façon, d'exercer les pouvoirs que leur conférait déjà la loi, il est fort probable que la majorité des irritants qui nous ont été signalés auraient été évités. Même, prenons la situation telle qu'elle est aujourd'hui, il faut voir comment l'améliorer.

(17 h 20)

Il y a certaines choses qui, je pense, font l'unanimité rapidement. Le double assujettissement est un problème qu'il faut régler le plus rapidement possible, et les suggestions faites dans le Comité interministériel semblent emporter l'adhésion par un arbitrage spécialisé. Mais c'est certain que c'est là un irritant majeur dans les entreprises dynamiques où les modes de production sont changeants et où, par conséquent, il faut redéfinir les emplois, et la formation des travailleurs suit, d'ailleurs, cette nouvelle définition. Il faut, à ce moment-là, que les règles juridiques et les règles des décrets suivent aussi rapidement que les transformations technologiques, dans l'intérêt de tous.

L'extension horizontale, c'est-à-dire le fait qu'une convention faite pour régir une certaine branche de l'industrie puisse effectivement s'étendre graduellement à des modes d'activité qui sont de la même nature que ce qui est couvert par l'industrie, je pense, est à la fois une nécessité mais une source d'ennuis. J'ai remarqué que, dans certains cas, l'extension horizontale était justifiable, mais c'est évident que, des fois, cela dépend de la conception qu'on a de cette extension-là. Ou s'il faut la capacité d'arbitrage rapide, je pense que, si ces arbitrages rapides avaient lieu, ils devraient s'accompagner d'un moratoire des poursuites. Le fait de procéder par des poursuites qui seront décidées ensuite... Et, particulièrement, je le signale, je pense que c'est encore le cas, je crois que c'est décidé par la Cour provinciale du Québec et non par le Tribunal du travail. Il me semble que, ça aussi, ça pourrait être une amélioration. Le Tribunal du travail, pour décider de ces poursuites, me semblerait un tribunal plus compétent que la Cour du Québec, que je vous dis, parce que j'ai tellement pratiqué devant elle, la Cour du Québec, division pénale, que ça embête beaucoup, ils ne comprennent pas cette notion des décrets, tandis que le Tribunal du travail risquerait d'être plus adéquat.

Je pense qu'il est évident aussi qu'il faut exercer... Et, là-dessus, peut-être que la commission dont on a parlé, dont M. Morissette a parlé, à laquelle a fait allusion le député de Drummond, cette idée d'avoir une commission qui surveille les décrets, surtout si le ministre trouve que c'est beaucoup demander à un ministre d'arbitrer ces conflits et qu'au fond il voudrait une partie plus indépendante, mieux placée pour prendre les décisions difficiles qui devront être prises, et qui aurait le temps à y consacrer, qui serait plus permanente et qui aurait une meilleure expertise, ça me semble être aussi une suggestion à examiner, qui n'est pas dans le Comité interministériel, parce que ça développerait une certaine expertise et ça aurait l'avantage qu'on pourrait donner à une commission semblable, comme d'ailleurs au ministre qui voudrait vraiment exercer les pouvoirs que la loi lui donne, des indications, dans la loi, d'ordre général.

Beaucoup de gens ont fait allusion au fait que les mots «prépondérance», «concurrence déloyale» sont difficiles à cerner. Je rappellerais que toutes les grandes notions sont des notions difficiles à cerner, et pourtant elles sont réelles: la vérité, la justice, la bonté sont toutes des notions difficiles à cerner. La loyauté, la concurrence sont toutes des notions difficiles à cerner aux extrémités. Pourtant, il y a des situations qui sont évidemment justes, d'autres qui sont évidemment injustes; entre les deux, parfois, on a de la difficulté. Si on voulait définir la justice, par exemple, par des balises précises, je suis convaincu que nous risquerions de vider de son sens la richesse du concept. Certes, il s'agit de concepts, évidemment, moins riches que des notions comme celles auxquelles je réfère, mais elles sont, à mon avis, à l'essence même de la loi

On l'a tout de suite réalisé, la prépondérance, ce n'est pas la majorité absolue. La majorité absolue, c'est une façon déguisée d'abolir les décrets, à cause même de la nature des industries que visent les décrets de convention collective. Mais la prépondérance est une notion réelle; il ne faut pas la vider de son contenu. La concurrence déloyale aussi m'apparaît être une notion qu'il ne faut pas vider de son contenu en essayant de la baliser. Si on donne ces indications dans la loi à une commission indépendante, permanente, spécialisée, qui peut agir vite dans les cas d'arbitrage, je pense que c'est assez. Elle établira sa jurisprudence, et le législateur pourra intervenir s'il n'est pas d'accord avec l'évolution de la jurisprudence à ce moment-là; ou encore, on la confiera à un ministre qui veut l'appliquer et ce sera lui qui déterminera, à partir de ces notions générales.

Cette commission pourrait avoir, et je pense que c'est important, comme le ministre qui l'appliquerait, des préoccupations économiques autant que sociales. C'est évident que ce qui nous dirige d'abord, c'est le social, mais on sait bien que l'économique, on ne peut pas l'éviter. Les règles de l'économie sont largement des règles qui sont dans la nature même des choses. C'est un peu comme la sociologie. Je pense bien que, s'il y a une chose que l'écroulement des pays communistes nous a apprise, c'est qu'on ne peut pas planifier d'en haut l'économie. L'économie a une vie qui lui est propre. Elle a des règles que nous avons découvertes, comme on découvre les règles de la psychologie. Donc, il faut avoir des préoccupations économiques, et ça varie avec le temps, ça varie avec la compétition dans laquelle on est. Mais c'est évident que notre première préoccupation, c'est une préoccupation sociale. La grande préoccupation, c'est de redistribuer les profits de la richesse collective par le travail, graduellement.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député, est-ce qu'on pourrait vous demander de conclure, s'il vous plaît?

M. Ménard: Je conclus, oui. Il y a deux autres choses qu'il faudrait. Il est évident aussi qu'il faut surveiller mieux les comités paritaires qui ont tendance à s'étendre trop et, ça, je pense que tout le monde est d'accord sur le principe. Il s'agit de savoir, des fois, s'ils se sont étendus trop ou pas assez, mais on s'entend sur le principe qu'il va falloir avoir une surveillance pour ces groupes qui voudraient s'emparer du comité paritaire pour imposer à toute l'industrie des conditions qui ne sont à l'avantage que de leur groupe et non pas à l'avantage du reste de l'industrie. Et le problème de la représentativité des tiers assujettis – parce que je pense qu'il faut toujours parler des tiers assujettis, c'est moins confondant, on décrit mieux – me préoccupe encore beaucoup. Je ne sais pas quelle solution présenter...

La Présidente (Mme Bleau): M. le député de Laval-des-Rapides, le temps était déjà terminé. Je vous ai donné une petite chance de conclure.

M. Ménard: Je vous remercie. Ça va.

La Présidente (Mme Bleau): Avez-vous une dernière phrase pour conclure, pour le Journal des débats , peut-être, mais une phrase qui résumerait votre pensée?

M. Ménard: Cette commission m'a été très utile, et j'ai beaucoup apprécié l'atmosphère et la collaboration que nous y avons trouvées. Je pense que ça a été très constructif pour l'avenir de cette loi. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député. Je passe maintenant la parole à M. le ministre.


M. Serge Marcil

M. Marcil: Oui, Mme la Présidente. J'aimerais d'abord remercier chaleureusement tous les participants, les employeurs, les syndicats, les comités paritaires et les diverses associations qui ont participé aux travaux de la commission. J'aimerais également souligner la qualité des mémoires qui ont été déposés de même que des présentations qui ont été faites devant la commission. Grâce à la participation de chacun, cette consultation s'est révélée être à la fois extrêmement utile et enrichissante.

En ce qui me concerne, Mme la Présidente, non seulement cette consultation m'a permis de mieux cerner les positions de chacun des intervenants concernés, mais elle me permettra également d'orienter les travaux à venir et d'identifier les mesures qu'il convient de prendre à court et à moyen terme afin de solutionner les problèmes actuels à la satisfaction des personnes concernées.

Je peux annoncer dès maintenant que j'ai l'intention de recommander le maintien de la Loi sur les décrets de convention collective. En effet, j'estime que le régime des décrets conserve son utilité et que son abolition risquerait, dans certains cas et pour certaines catégories de travailleurs, d'entraîner une dégradation des conditions de travail.

Je suis sensible cependant aux problèmes auxquels les entreprises sont parfois confrontées dans le cadre du régime de décrets, spécialement lorsque ces problèmes nuisent à l'expansion de leur entreprise et au développement de l'emploi. Il m'apparaît essentiel que ces problèmes soient résolus dans les plus brefs délais. Dans la conjoncture économique actuelle, on ne peut tolérer plus longtemps que certaines restrictions artificielles ou certaines lourdeurs bureaucratiques aient pour effet de nuire à la création d'emplois et au maintien des emplois existants.

Je prends bonne note également des critiques qui ont été formulées concernant la composition et le fonctionnement des comités paritaires. Je suis personnellement convaincu que l'avenir du régime de décrets dépend largement de la confiance que les personnes concernées mettront dans les institutions chargées d'administrer les décrets de convention collective. J'ai donc l'intention d'apporter les correctifs nécessaires et je compte sur l'appui et la collaboration des comités paritaires.

Avant que les travaux de la commission ne débutent, j'ai exprimé jusqu'à quel point mes attentes étaient grandes. J'espérais que cette consultation me permette non seulement de connaître les réactions qu'avait suscitées le rapport du comité Henri, mais également de recueillir de nouvelles propositions. Je n'ai pas été déçu, Mme la Présidente. J'ai eu d'abord l'occasion de constater qu'une grande partie des recommandations formulées par le Comité interministériel ont été assez bien reçues, du moins par ceux qui favorisent le maintien de la Loi sur les décrets de convention collective. Certaines, par contre, sont très controversées. C'est le cas notamment de celles qui établissent des critères afin d'évaluer la représentativité des employeurs requérant un décret de convention collective ou appuyant une telle requête, de même que la représentativité des conditions de travail dont on demande l'extension, et les recommandations qui visent à encadrer la détermination du champ d'application des décrets de convention collective.

(17 h 30)

Cependant, plusieurs participants ont formulé des contrepropositions extrêmement intéressantes concernant certains de ces aspects. Toutes les solutions proposées seront analysées de près. Déjà, il est possible d'affirmer que, même si ces propositions sont, dans certains cas, très différentes les unes des autres, on peut en dégager certaines constantes à partir desquelles j'ai bon espoir que nous pourrons identifier les solutions les plus appropriées.

Mme la Présidente, j'aimerais informer la commission parlementaire que j'ai demandé au ministère de l'Emploi d'entreprendre dès maintenant les travaux nécessaires à la préparation d'un projet de loi qui tienne compte des travaux de la présente commission et des pistes de solution qui ont été identifiées.

Par ailleurs, dans les secteurs d'activité où le contenu des décrets en vigueur ou même l'existence des décrets est très controversée, j'envisage de prendre certaines mesures ponctuelles afin de régler les problèmes les plus urgents, de manière à ce que les entreprises et les salariés qui sont présentement aux prises avec des difficultés majeures n'aient pas à attendre l'adoption d'un projet de loi pour que leurs problèmes soient enfin solutionnés, lorsqu'il est possible, et, par ailleurs, d'y remédier dans le cadre actuel de la loi. En d'autres mots, entre autres, des modifications à certains décrets pourront être envisagées si ces décrets ne répondent plus à un besoin réel et que leur existence ne s'appuie plus sur une volonté du milieu.

Je tiens à souligner que, même si je suis intimement convaincu que l'abolition du régime des décrets priverait certaines catégories de travailleurs d'une protection qui leur est absolument nécessaire afin de garantir le maintien de leurs conditions de travail, je crois également que le maintien des décrets n'est pas nécessaire dans tous les cas. Par ailleurs, il arrive qu'on ait à choisir entre le maintien des conditions de travail existantes et le maintien des emplois en cause. En pareilles circonstances, il y a lieu de procéder à un arbitrage serré et d'apporter les modifications qui s'imposent afin de rétablir l'équilibre. Dans certains cas, le maintien des emplois doit passer avant le maintien des conditions de travail. Dans notre culture où les relations du travail sont souvent basées sur la confrontation, on oublie parfois que l'intérêt des salariés et l'intérêt des entreprises pour lesquelles ils travaillent sont interdépendants. Cette consultation nous aura fourni de nombreux exemples de situations où cette interdépendance est manifeste. En ce sens, il est souhaitable que le paritarisme sur lequel repose le régime des décrets de convention collective se développe davantage et que le dialogue se poursuive dans le respect des uns et des autres.

Sur ce, Mme la Présidente, j'aimerais conclure en réitérant mes remerciements à toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin à ces audiences publiques. Je suis conscient du temps et de l'énergie que les participants ont dû consacrer à la préparation de leur mémoire de même qu'à la présentation de leur mémoire devant la commission. Je tiens à leur faire part de mon appréciation et leur offrir l'assurance que cet exercice n'aura pas été vain. Et je tiens également à remercier tous mes collaborateurs, les membres de cette commission, les députés membres de cette commission, de même que les personnes du secrétariat de la commission et vous également, Mme la Présidente, et votre président aussi, pour tout le travail qui a été accompli et surtout pour la collaboration franche et honnête qui s'est dégagée durant toute cette commission parlementaire. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Bleau): Alors, merci, M. le ministre. La commission ayant complété son mandat suspend ses travaux jusqu'à 20 heures pour entreprendre un nouveau mandat.

(Suspension de la séance à 17 h 33)

(Reprise à 20 h 9)

Le Président (M. LeSage): Le quorum étant constaté, je déclare ouverte la séance de la commission de l'économie et du travail. Je vous rappelle le mandat de la commission, qui est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 23, soit la Loi sur la Société du tourisme du Québec.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, il y a des remplacements. M. Audet (Beauce-Nord) est remplacé par M. LeSage (Hull); M. Benoit (Orford) est remplacé par M. MacMillan (Papineau); M. Fradet (Vimont) est remplacé par M. Brodeur (Shefford); M. Joly (Fabre) est remplacé par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet); M. Lemire (Saint-Maurice) est remplacé par M. Gobé (LaFontaine); M. Chevrette (Joliette) est remplacé par M. Bertrand (Portneuf); M. Claveau (Ungava) est remplacé par M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles) et Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve) est remplacée par Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière).


Projet de loi 23

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la secrétaire. Alors, pour des remarques préliminaires, j'invite M. le ministre à prendre la parole.


Remarques préliminaires


M. Georges Farrah

M. Farrah: Alors, merci, M. le Président. Je veux saluer l'ensemble des collègues de cette commission, suite à l'étude article par article du projet de loi 23.

Alors, en guise d'introduction et très brièvement, M. le Président, le projet de loi 23, essentiellement, crée ou va créer la nouvelle Société du tourisme du Québec. Comme vous le savez, suite au remaniement ministériel de janvier dernier, le nombre de ministères est passé de 30 à 21 et, par conséquent, il y a eu une réorganisation au niveau de l'appareil administratif. Comme vous le savez, il y a eu des fusions de ministères, et, en ce qui concerne le ministère du Tourisme, ce qui a été identifié de faire, c'est de créer une nouvelle société québécoise du tourisme qui ferait en sorte de réaliser essentiellement le même rôle que le ministère jouait, mais davantage en partenariat avec le secteur privé. Ce n'est pas quelque chose qui est tombé du ciel par hasard, c'est suite à une recherche qui a été faite au ministère, chez nous, il y a quelques mois, pour justement trouver ou analyser l'opportunité d'ériger une nouvelle structure, M. le Président.

(20 h 10)

Alors, on a regardé un peu ce qui se faisait dans les pays qui étaient très performants au niveau touristique, au niveau mondial, notamment l'Angleterre, la France, l'Australie et les États-Unis. On s'est rendu compte que ces sociétés-là, qui sont très, très performantes au niveau touristique, avaient des sociétés semblables au niveau du tourisme, où le partenariat avec le secteur privé était très intense et, par conséquent, donnait des résultats très probants. Alors, c'est la raison pour laquelle nous avons décidé, et que le gouvernement a décidé, le premier ministre a décidé d'ériger une telle société au Québec, compte tenu de l'importance de l'activité touristique au Québec. Parce que, comme vous le savez, M. le Président, l'industrie touristique, c'est 253 000 personnes qui y oeuvrent chaque année, 21 000 entreprises et également des recettes touristiques de l'ordre de 4 800 000 000 $ annuellement. Donc, c'est une industrie qui est très prospère, et, par conséquent, il fallait en arriver avec une nouvelle société, établir un partenariat très serré avec l'industrie pour faire en sorte que cette industrie-là soit davantage prospère pour les années à venir.

L'objectif de la Société, M. le Président, c'est évidemment de renforcer le partenariat avec le secteur privé, comme je l'ai mentionné, de consolider le financement, d'améliorer l'efficacité des actions et de renforcer la compétitivité de l'industrie. Ce qui est intéressant aussi, au niveau du modèle que nous proposons à cette commission et à cette Assemblée, M. le Président, c'est que l'objectif, pour moi, est de m'assurer aussi qu'il y ait une représentation au niveau des régions et que les régions soient protégées au niveau du développement touristique, compte tenu de l'importance qu'a le développement touristique au niveau de l'ensemble des régions du Québec. Alors, par conséquent, au niveau du conseil d'administration, nous nous assurons que quatre postes sur le conseil proviennent des régions autres que Montréal et Québec pour s'assurer qu'il y ait une représentation au niveau des régions. Ça m'apparaît très important.

Et, par ailleurs, également, c'est que, au niveau de la protection des régions du Québec, les ATR, les associations touristiques régionales du Québec, sont les seuls organismes qui sont protégés à l'intérieur de la Société. Parce que, comme vous le savez, au niveau du tourisme, les ATR ont toujours été les interlocuteurs privilégiés du ministère en région, et nous voulons que ça continue ainsi. Alors, c'est la raison pour laquelle nous avons voulu le camper pour s'assurer que les ATR continuent à jouer un rôle prédominant au niveau du tourisme en région.

Alors, essentiellement, et ce, très brièvement, M. le Président, c'est l'objectif, c'est la mission que nous proposons au niveau de la création de cette nouvelle Société. J'espère que l'ensemble des collègues agiront pour le meilleur de l'industrie, c'est très important, et, par conséquent, je suis prêt à entendre d'autres remarques préliminaires, M. le Président. Alors, je vous remercie pour l'instant.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. Alors, je cède maintenant la parole au porte-parole de l'Opposition, M. le député de Masson.


M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Nous nous objectons à ce projet de loi, surtout sur le fond et sur sa technicalité, et je crois que le nombre d'intervenants, de notre côté, qui sont ici et la qualité aussi des intervenants qui m'accompagnent prouvent que nous avons des objections majeures.

Il ne faudrait tout de même pas confondre ceci: Nous n'avons, en principe, aucune objection à la fusion de ministères. Il faut faire toute la différence du monde entre la loi 8 et la loi 23. C'est le propre d'un gouvernement, fût-il provisoire, comme celui actuel, ou fût-il nouvellement élu, de déterminer le nombre de ministres que le premier ministre désigne et le nombre de ministères qu'il veut. Si la population a les mêmes services, c'est une politique interne d'un gouvernement élu, et ça, je le respecte. Donc, rien contre la fusion de ministères.

Cependant, on arrive ici et on démantèle le ministère du Tourisme de façon totale, à peu près, à peu près totale, avec la création de la Société du tourisme du Québec. Là, en principe encore, s'il y avait eu une longue préparation, s'il y avait eu une longue consultation, s'il y avait eu des documents de produits, eh bien, on aurait regardé, mais de la façon dont on nous le présente, il n'y a aucune justification rationnelle pour les changements demandés. Il n'y a aucun document qui a été déposé pour nous prouver que, au lieu du ministère actuel du Tourisme, avec ses employés, qui donne des services à la population, la Société donnerait des meilleurs services à meilleurs coûts.

Ce qui est très loufoque dans la présentation du principe de ce projet de loi, exposée par le porte-parole du gouvernement lui-même, c'est qu'il ne cite à peu près que pendant 30 ou 40 secondes ce qu'est la Société, et en dit le nom, et prend tous ses laïus et tous ses discours, y compris ses confrères, pour nous dire c'est quoi, le ministère du Tourisme. Vous savez, vous avez encore dit, dans votre laïus: il y a 253 000 employés, il y a 21 000 entreprises, c'est 4 800 000 000 $ du produit intérieur, c'est 3 % du PIB, etc.

Mais que ce soit la Maison du tourisme, ou la Société du tourisme, ou le ministère, les données sont là. Ce n'est pas parce qu'on créerait la Société du tourisme du Québec qu'il va tomber, demain matin, 200 000 emplois nouveaux, qu'on va être à 6,9 % de milliards de revenus. Non. Je ne comprends pas pourquoi, même dans l'exposé même du ministre, il ne nous dit pas les raisons. Et il compare ça à la France, il compare ça à l'Angleterre, il compare ça aux États-Unis, dans certains cas, quelques mots, quelques bribes, mais il ne donne aucune justification de principe pour le changement qu'il veut opérer et qui est majeur. Il dit: Comme la France. Bien, la France, ils ont 70 employés, en France, à la Maison du tourisme. Ils n'ont pas aboli le ministère du Tourisme. Ils ont 70 employés pour 52 000 000 d'habitants. Ils ont 200 représentants à l'extérieur, mais, ça, c'est une autre chose.

Il faut tout de même qu'on appelle les oeufs des oeufs et un jaune un jaune. Et, quand on a une discussion, il faut avoir une tête à un jaune et non à deux jaunes. Il faut absolument, quand on veut faire une loi, qu'on justifie pourquoi on veut faire cuire son oeuf. Il n'y a aucune justification de présentée qui pourrait techniquement nous laisser croire, autant à nous qu'au milieu, qu'aux fonctionnaires, que c'est une amélioration qu'on apporte. Il n'y a rien, aucune étude valable, rationnelle qui est mise sur la table.

Deuxièmement, il n'y a eu aucune consultation, quoi que l'on dise. Le document de rencontre – je suis allé à une – s'intitule – je veux prendre le mot à mot, ça va prendre une seconde, M. le Président, pour que je le trouve mot à mot: «La Société du tourisme du Québec: un nouvel organisme au service de l'industrie», Entre guillemets, c'est marqué, entre parenthèses: «Document de consultation». Et ça commence immédiatement: «Pourquoi la mise en place d'une société?» Et j'y ai assisté, on a dit aux gens qui étaient là: J'ai été nommé ministre le 11 et on m'a dit immédiatement de créer une société. J'ai été très vite, je m'en félicite et je félicite ceux qui étaient autour de moi d'avoir immédiatement été prêts à entrer en jeu. Il n'y a pas eu de consultation.

Le ministre peut me dire: Les gens dans la salle n'ont pas protesté de façon véhémente. Je lui dirai: Vous avez raison. Il y avait surtout des gens des ATR, etc. Ils sont venus vous demander: Comment fait-on pour entrer dans le conseil d'administration? C'était la question. Comment peut-on être nommé sur le conseil d'administration? C'était leur réaction. C'était mis sur la table comme une chose, point, pas une consultation, comme un fait accompli.

(20 h 20)

Donc, la consultation, elle est inexistante, et je ne crois pas que les autorités gouvernementales aient rencontré les fonctionnaires pour leur expliquer le projet non plus, à ce que je sache. Personne n'a été renseigné. C'est un fait accompli. C'est à prendre, point. Alors, aucun principe de justification pour le changement, si ce n'est des choses qu'on n'avoue pas. C'est qu'on veut minimiser le nombre de personnes, qu'on veut couper, qu'on veut minimiser l'impact touristique. Dans les pays nordiques, on a toujours le déficit touristique qui est de 1 000 000 000 $, 1 200 000 000 $. On veut le tenir là, puis, s'il vient à 1 400 000 000 $, ce n'est pas grave. Ça dépend, là. À moins qu'il y ait des choses cachées qu'on ne nous dit pas.

Ensuite, la faiblesse du projet de loi 23 lui-même dans son essence, dans son verbatim prouve une improvisation presque scandalisante. Il y a une inconsistance et une faiblesse du contenu du projet de loi lui-même, ne fût-ce que par la nomination d'un conseil de 10 nommés directement par le gouvernement, ce qui est une aberration. Et les associations sur le terrain sont contre le projet de loi, même si le ministre a des documents pour dire qu'elles sont pour. Elles sont pour, à condition que ce soit elles qui soient dans le conseil d'administration, mais, dès qu'elles ne sont pas dans le conseil d'administration, elles sont contre. Les ATR, c'est la même chose. Elles veulent avoir 35 personnes, 18 ATR pour être majoritaire, et des gens pris dans les milieux sociaux et ailleurs. Il y a même des chicanes entre les différents intervenants du milieu.

Il n'y a aucune consultation valable, défendable, rationnelle à mettre sur la table, pour dire qu'il y a une consultation. On bouscule sur une fin de mandat. Et, dans la loi, on dit que la Société pourra avoir des bureaux régionaux. Il n'y a aucune certitude que les ATR demeureront en place, il n'y a aucune certitude. Bien sûr que, juste avant une élection, le ministre doit dire: Les ATR resteront en place. Mais, dans la loi, ce n'est pas inscrit, c'est inscrit que la Société québécoise pourra avoir des bureaux dans différentes régions, selon son bon vouloir. Ils n'ont plus aucune garantie pour les employés de l'État, aucune. C'est même dit que, avec la permission du gouvernement, ils pourront resigner des ententes collectives avec leurs employés. C'est écrit dans la loi. Ce n'est pas rassurant, là. On les transfère et, après, c'est selon le voeu du gouvernement, si le gouvernement le permet. Mais, quand on met ça, c'est parce qu'on veut peut-être le permettre, que le nouvel organisme pourra signer des conventions collectives avec ses employés. C'est facile de comprendre qu'on a beaucoup de lettres de gens disant: Ça fait 14 ans que je suis là, je me sens «insécure», etc. Ça arrive à la pochetée à mon bureau, et le ministre en reçoit copie, c'est adressé à lui d'abord.

Ensuite, il n'y a aucun plan opérationnel. Quand ils ont créé la Maison de la France, ils avaient d'abord des institutions régionales très lourdes et très fortes. Ils ont décidé de créer la Maison de la France. Bien, ils ont fait des plans avec les agents du milieu, avec les représentants régionaux, ils ont fait des plans, ils ont regardé avec leurs employés: Si on créait cette Maison, est-ce que ce serait plus productif? L'ensemble a répondu oui, parce qu'ils ne démantelaient pas le ministère. Ils ne démantelaient pas le ministère, ils voulaient s'occuper surtout de marketing à l'extérieur. Il n'y a que 70 employés de la Maison en France, 200 à l'extérieur. C'était une nouvelle facette du ministère du Tourisme que cette Maison, ce n'était pas un organisme qui venait s'accaparer de ce que le ministère était dans son essence et de façon intrinsèque. Il faut qu'on compare des pommes avec des pommes. On veut comparer avec la Maison de la France. Il n'y a aucune commune mesure avec l'ébauche, le brouillon, l'improvisation de projet que nous avons devant nous.

Et ce qui peut être pire encore, en septième position, c'est que ça arrive de façon inopportune et intempestive. On n'arrive pas, à la fin d'un mandat, pour chambarder un ministère de cette façon-là. Je crois que, moralement, on n'en a pas l'autorité. On n'a pas l'autorité morale de faire ça. Au début d'un mandat, ça va, mais à la fin! À la fin! Si j'étais persuadé que le même gouvernement serait reporté au pouvoir, je dirais: Tant mieux, il réparera les pots cassés. Mais nous savons pertinemment depuis trois ans, si les sondages veulent dire quelque chose, que les chances que le gouvernement actuel soit reporté au pouvoir sont infinitésimales. Et nous ne voulons pas ramasser ces pots cassés et tous ces problèmes que ça va nous causer, à moins que le gouvernement ne mette ce projet de loi devant nous à la toute fin, sans plus d'explication, de façon improvisée et surtout intempestive, juste pour amuser la galerie. Il y a tellement longtemps que l'immobilisme est sien que, en bougeant un petit peu, fût-ce dans la boue ou sur un endroit où on ne doit pas mettre les pieds, dans la fange, eh bien, fût-ce là, au moins, on dit: Ah! il a bougé. Il a bougé. J'ai l'impression que c'est peut-être ça, donner l'impression qu'on veut bouger, indépendamment des conséquences et disant: Si on est reporté au pouvoir, d'ici à ce qu'on ait des élections, on ne l'appliquera pas; si on entre, on décidera qu'on ne le fait peut-être pas. Ça ne sera pas la première fois qu'on voit une chose comme ça.

Bien, si c'est ça, c'est un manque de respect en plus envers la députation, autant la vôtre que la nôtre. Parce que, nous, nous nous appliquons à regarder ce projet et à vous prouver qu'il est irrecevable, autant dans le milieu, autant par la députation puis autant pour conserver ce que nous avons déjà d'acquis du côté touristique. Autant. C'est vrai que c'est un projet qui n'a pas de bon sens. Je me fais souffler par quelqu'un de l'autre côté qu'il n'a pas de bon sens. C'est vrai que le projet n'a pas de bon sens.

Une voix: C'est vous...

M. Blais: M. le Président, si madame a quelque chose à dire, je lui prierais de le dire, je l'écouterai.

Le Président (M. LeSage): Alors, M. le député, M. le porte-parole de l'Opposition, vous avez la parole, et je pense que les membres de cette commission respecteront ce droit qui est le vôtre. Alors, je vous cède la parole.

M. Blais: Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Léonard: Au lieu de rire, faites donc des élections.

Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blais: M. le Président, vous voyez bien que nous sommes... Et ça doit être un peu convaincant, ce que je viens de dire, parce qu'il y a déjà... On n'a pas commencé encore et on en a pour jusqu'à amen alléluia à être ici, là, je vous le jure. Jusqu'à amen alléluia! Ça, là, c'est sûr, je vous ai avisés, j'ai fait mon heure en Chambre, je vous ai parlé des principes qui me disaient que je ne devais pas accepter ce projet, et nous ne voulons pas l'accepter. Quoique, s'il était techniquement bien présenté et que ça faisait un certain laps de temps qu'on nous aurait démontré qu'on respectait les ATR, les gens du ministère, que, créant cette Société, elle viendrait donner une plus-value au ministère lui-même, eh bien, je suis persuadé que l'ensemble de la députation, y compris nous, aurions acquiescé à cette demande. Mais ce n'est pas ça. On met la faucille dans le ministère, on coupe, on sort le marteau en plus pour dire que, même cette année, on va être coupé de 1 500 000 000 $, etc., et on s'en va gaiement. Et vogue la galère!

Bien, M. le Président, je tiens à vous dire – et je pense que j'ai été assez direct – que nous allons nous battre jusqu'à la lie afin que ce projet-là ne passe que contre la volonté de l'Opposition. Et je vous remercie.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député de Masson. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants qui veulent faire des remarques préliminaires?

M. Jolivet: Est-ce que c'est l'alternance, M. le Président, là? Parce que, avant de demander la parole...

Le Président (M. LeSage): Alors, M. le député de Laviolette, la parole est à vous.

M. Jolivet: Comme ça il n'y a personne de l'autre côté qui parle, là? Je peux y aller? C'est l'alternance? Non?

M. Léonard: Ils n'ont rien à dire sur le tourisme.

(20 h 30)

Des voix: ...


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: M. le Président, j'entends, de l'autre côté, des choses qui ne sont pas l'idéal que l'on recherche, parce que, quand on veut défendre des points de vue, il faut les exprimer. Si je comprends bien, c'est que les gens de l'autre côté sont d'accord. Alors, à partir de ça, qu'ils ne nous empêchent pas de dire ce qu'on a à dire sur la création d'une société comme celle-là pour laquelle nous sommes en désaccord. D'autant plus que, quand je regarde les actions qui sont posées, comme celle-ci, à la dernière minute, je pourrais vous rappeler, juste comme exemple, que de l'argent a été gaspillé pour des raisons totalement inopportunes, à mon avis.

Je vous donne juste un exemple, M. le Président, pour bien situer le contexte de la discussion que nous allons avoir ici. Il y avait, en 1986, une grosse discussion qui avait pour but de faire une nouvelle loi, la Loi sur les forêts. Mais il y avait, à cette époque-là, un ministre délégué aux Forêts. Ce monsieur-là, à un moment donné, avait décidé de devenir ministre en titre, pour toutes sortes de raisons. Et on a créé, dans les années subséquentes, en 1990, plutôt 1991 finalement, un ministère des Forêts. Le ministère des Forêts a coûté à peu près 30 000 000 $. Pendant ce temps-là, dans votre milieu comme dans le milieu des gens qui sont en face, parce qu'il y a des gens qui sont dans le secteur forestier, les gens criaient pour avoir plus d'argent pour être capables de mieux cerner le travail dans la forêt privée; 30 000 000 $ qui auraient pu servir à de telles actions dans le milieu; 30 000 000 $ qui auraient pu permettre à des gens de travailler plutôt que d'être sur l'aide sociale ou sur l'assurance-chômage.

Qu'est-ce qu'on a fait au mois de janvier dernier? Par une décision d'un gouvernement en sursis, mais qui, en même temps, a un premier ministre désigné, on a décidé de remettre dans l'ancien ministère qu'on avait et qu'on connaissait à l'époque, qui était le ministère de l'Énergie et des Ressources, le ministère des Forêts. Mais, là, pour ne pas que ça paraisse trop mal aux yeux des gens, on l'a appelé le ministère des Ressources naturelles. Mais, quand on regarde bien comme il faut, c'est l'ancien ministère qu'on connaissait. Ça, c'est un exemple d'utilisation des deniers publics pour l'orgueil personnel d'une personne. Je l'ai dit, je le répète, puis je n'ai pas peur de le répéter, parce que la même personne qui avait demandé, trois ans avant, la création du ministère des Forêts, cette même personne-là, avant de quitter votre barge avant qu'elle coule, a décidé de dire qu'elle était d'accord avec la mise en place d'un ministère des ressources renouvelables. Il a pris le terme de ce qu'on a fait comme consultation, au lieu de dire «ressources naturelles»; c'est ce que le premier ministre avait désigné. Il était d'accord. Imaginez-vous, c'est celui qui, au départ, disait: Je veux un ministère des Forêts, qui, avant de quitter la barge, décide de dire qu'il est d'accord avec la position du premier ministre qui est à l'effet de reprendre le ministère puis de le retourner dans le ministère initial, mais en n'ayant plus maintenant de ministre en titre ou de ministre délégué, mais d'avoir un ministre qui couvre tout ça maintenant.

Bien, imaginez-vous que, quand on regarde le ministère du Tourisme... Moi, je l'ai connu – je suis là depuis 1976 – les premières années, quand je suis arrivé, ça s'appelait le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. On disait toujours que la chasse, la pêche faisaient en sorte qu'on attirait du tourisme extérieur. Il y a des gens qui ont dit: Oui, c'est beau, mais ce n'est pas juste la chasse et la pêche qui attirent le tourisme. Il y a d'autres choses que ça. Il y a des activités dans les milieux. Et c'est pour ça qu'on a commencé à mettre un ministère délégué, un ministre délégué au Tourisme spécifiquement attitré à ça. Vous savez ce que c'est qu'un ministre délégué. Un ministre délégué n'est pas responsable en titre, il y a quelqu'un au-dessus de lui, mais il a une responsabilité bien précise. Et j'ai eu l'occasion, moi, comme ministre délégué aux Forêts, d'être comme ça. J'avais deux mandats. Je n'avais pas le mandat de créer un ministère. J'avais le mandat de préparer une politique forestière, qui est devenue loi quelques années après par un autre ministre d'un autre gouvernement, et tant mieux, le travail a été fait, puis, deuxièmement, de mettre en place une politique de reboisement de 300 000 000 de plants, ce qu'on a fait.

Entre-temps, il y a un ministre qui avait été nommé ministre délégué au Tourisme, mais lui avait le mandat de créer le ministère du Tourisme. Il l'a fait. Marcel Léger, à l'époque, il l'a fait, puis il l'a bien fait. Madame crie, de l'autre bord, qu'il voulait acheter une île. Puis, si on l'avait fait, madame, on ne paierait pas 0,30 $ dans la piastre pour aller aux États-Unis, on irait dans notre île au même titre, au pair. À ce moment-là, peut-être que ça aurait été la meilleure idée pareil, hein?

M. Farrah: Non. Ce n'est pas ça qui va régler le problème.

M. Jolivet: Ça, c'est de vos affaires. Vous n'avez pas d'affaire à m'interrompre, je le donne comme tel.

M. Farrah: Voyageons au Québec, on va régler le problème.

Une voix: Venez en Gaspésie.

Le Président (M. LeSage): Alors, s'il vous plaît. J'aimerais également vous faire remarquer, M. le député de Laviolette, que, lorsque vous vous adressez à cette commission, vous devez le faire à la présidence.

M. Jolivet: On m'a interrompu. Simplement, M. le Président, par exemple, quand ils me disent ça, puis en regardant la face de certains ministres et députés de l'autre côté, qui arrivent avec leur teint bronzé, ils n'ont pas pris ça en Gaspésie, certain, durant l'hiver. Donc, qu'on ne vienne pas me barber ici.

Une voix: Il est agressif.

M. Jolivet: Deuxièmement, donc, il a créé le ministère du Tourisme. Et il a bien fait. D'autant plus, M. le Président, qu'au niveau des gens qui ont été dans la formation des associations touristiques régionales ils ont fait énormément de travail dans l'ensemble du Québec, justement pour ce slogan: Voyageons au Québec. J'en suis conscient et j'en suis fort aise. Mais ils ont passé l'étape, qu'on connaissait à l'époque dans ma propre région, du tourisme d'affaires.

Le golf de Grand-Mère, l'Auberge de Grand-Mère, ce sont des choses qui ont existé parce qu'il y avait une compagnie de papier. Beaucoup de gens qui ont vécu dans les clubs privés de l'époque le savent très bien, c'est parce que des entreprises amenaient leurs clients, les faisaient visiter le Québec, les faisaient pêcher au Québec, leur donnaient des choses comme celles-là; ça s'appelait du tourisme d'affaires. Mais, quand ces gens-là ont décidé de se débarrasser de ça, pour toutes sortes de raisons, quand Stone-Consolidated, chez nous, avec l'arrivée de M. Stone des États-Unis, a décidé de vendre ou, du moins, de louer le golf de Grand-Mère, il l'a vendu à des intérêts privés, Michaud, Marcotte et Chrétien, que vous connaissez tous bien, qui l'ont acheté avec l'Auberge, soit en location d'une partie ou en achat complet de l'autre. Qu'est-ce que ça a fait? Ça a fait en sorte que, dans l'ensemble du Québec, on est passé du tourisme d'affaires à du tourisme que, moi, je me suis amusé à appeler du tourisme de tourisme.

Quand je le dis comme tel, c'est que ça veut dire que les gens du milieu doivent vendre leur région, les gens du milieu doivent prendre les moyens de vendre leur région. Ça a développé énormément l'instinct de défense dans notre milieu. Un exemple typique de ça, c'est toute la rivière Saint-Maurice, du nord jusqu'au sud, du barrage Gouin jusqu'au fleuve Saint-Laurent, une chose que les gens auraient développée voilà longtemps, que, malheureusement, notre région n'a pas développée parce qu'on avait du tourisme qui arrivait, comme je le dis, par affaires; ça arrivait par affaires, chez nous. Il y avait des clubs privés de chasse et pêche que des gens qui travaillaient à l'usine ne pouvaient même pas aller voir. Puis, quand on a ouvert, à l'époque, ça a permis à des gens de vraiment le vivre. Et, aujourd'hui, allez voir les zones d'exploitation contrôlée, les gens qui travaillent dans le milieu, comme bénévoles, à l'organisation de ces activités-là qui attirent du monde de l'extérieur comme des gens de l'intérieur.

Ça, ça veut dire que ça a amené chez les gens une forme de responsabilité, puis, quand on a chez nous un organisme qui s'appelle la Corporation de gestion du développement du bassin de la rivière Saint-Maurice, bien, ce sont des gens qui ont décidé de faire en sorte que la rivière Saint-Maurice ne serve plus seulement à faire de l'électricité ou à descendre des pitounes, comme on les appelle chez nous et que vous connaissez très bien, des billots de quatre pieds. Puis, on a décidé, on a commencé à se mettre dans la tête qu'on pouvait investir dans la rivière Saint-Maurice.

Mais qu'est-ce qu'on a aujourd'hui? On a le bateau qui s'appelle Franc-Nord, des gens qui, actuellement, au niveau de l'ensemble du territoire, patrouillent entre Grand-Mère et maintenant vers la Tuque, presque, dans leur cas, jusqu'à la Matawin. Ça, ça a amené des gens à développer un autre attrait touristique où, d'année en année, maintenant, des autobus arrivent de France, parce qu'on veut la voir, la rivière Saint-Maurice. Simplement pour vous dire que ça a eu des effets sur les gens qui travaillent dans le milieu, par des gens du milieu. Allez voir la rivière Saint-Maurice! Maintenant, on a des soupers sur le bateau; on a, à Grandes-Piles, des gens qui nous amènent des activités théâtrales, de musique ou autres, au Château Crête; vous avez, à Grand-Mère, des gens qui peuvent faire escale. Vous avez donc une activité qui s'est faite dans la rivière Saint-Maurice et qui avait pour but d'amener le monde à visiter le Québec. Ça, ça a été l'objet des gens du milieu, ça a été aussi l'objet des associations touristiques régionales.

(20 h 40)

Voilà à peu près trois semaines, j'étais à La Tuque. Si je me souviens bien, c'était au début du mois de mai, il y a maintenant quatre semaines presque, on est rendus au mois de juin. On lançait la Semaine du tourisme à travers le Québec. C'était à La Tuque cette fois-ci. C'est rare, dans une région comme la mienne, de déplacer tous les journalistes du bas du comté vers le haut du comté ou du bas de la région de Trois-Rivières pour les amener à La Tuque, mais on avait amené aussi les agents touristiques de l'ensemble du territoire, de Drummondville, Victoriaville en montant, jusqu'à La Tuque. Ça a eu des effets bénéfiques; des gens ont découvert des parties de territoires qui n'existaient pas. Ça a amené quoi? Ça a amené l'association touristique Centre-Mauricie à demander aux gens du milieu d'investir dans la visite des guides touristiques, des personnes qui vendent des voyages.

Qu'est-ce que ça a eu pour effet, M. le Président? Ça a eu pour effet que des gens qui viennent de Montréal, d'un peu partout, de Québec, de Chicoutimi ou d'ailleurs, ont reconnu qu'on n'était pas encore assez vendeurs de notre région parce qu'ils l'ont trouvée très belle, puis ils ont l'intention d'y revenir. Que vous ayez, à Trois-Rivières, le Vieux-Port; que vous ayez, à Shawinigan, le Centre d'interprétation de l'industrie, dans le secteur aluminium, papier et hydroélectricité; que vous ayez, dans la région de Grand-Mère, le Village d'Émilie ou le «Village des téléséries», comme on l'appelle maintenant; que vous ayez, en montant à Grandes-Piles, toutes les activités des draveurs, des gens qui sont dans l'ancienne maison du roi de la Mauricie, qui s'appelait Crête, et qui s'appelle le Château Crête; que vous ayez, en montant vers La Tuque, toutes les activités de loisir avec le beau secteur du camping de La Tuque; que vous montiez plus haut, M. le Président, pas tellement loin d'ici, de l'autre bord de la montagne des Laurentides, puisque, si le chemin était par Charlesbourg, ce serait dans Charlesbourg, mais il n'y a pas de chemin puis ça débouche vers La Tuque, le Lac-Édouard avec le club Triton, des gens de toutes les régions du Québec viennent là. Et dans un contexte où les gens se sont développés, se sont pris en main. Ça s'est fait comment? Parce que quelqu'un a donné un idéal un jour de faire quelque chose avec le Québec. Puis Marcel Léger, à ce niveau-là, il faut le dire, c'était un maudit bon vendeur. Puis, dans ce contexte-là, il n'y a personne au Québec qui ne dira pas que Marcel Léger a été un actif important dans la détermination des activités touristiques au Québec.

Dans ce contexte-là, M. le Président, je suis toujours surpris de voir ça à la sauvette maintenant, en fin de mandat, dans un contexte où on va, j'espère, disparaître de la carte au niveau de cette formation politique, au niveau du gouvernement, puis c'est d'autres qui les remplaceront et ce sera nous, je l'espère, j'en suis sûr, M. le Président, je dois vous dire que je trouve ça drôle.

J'ai eu l'occasion, comme simple député – et vous savez que nos budgets de comté ne sont pas gros comme les budgets de ministre – de faire une tournée d'à peu près un an et demi à travers le Québec sur un dossier qui est la forêt au Québec. Qu'est-ce que j'ai fait? Je n'ai pas décidé de faire ça moi-même dans mon bureau, puis de partir, puis de dire: Maintenant, voilà ce qu'est la politique, voilà le projet de loi. Je n'ai pas demandé à des légistes de me mettre ça dans des termes de légistes. J'ai pris sur moi de rencontrer chacun des organismes dans les forêts, les associations forestières, que ce soient les industries forestières, les regroupements qui s'appellent les OGC, les RESAM, que ce soient la Fédération des producteurs de bois, tout le monde, l'Association des manufacturiers de bois de sciage. Je les ai rencontrés un par un pour mettre ensemble des points de discussion qui feraient l'affaire de tout le monde et qui pourraient comprendre l'ensemble de l'éventail. Une fois que j'ai fait ça, j'ai refait un nouveau document que j'ai envoyé à tous les gens à travers le Québec. J'ai fait le tour du Québec, dans 11 villes, toujours avec le budget de mon comté.

M. le Président, quand je parle, je ne dérange personne autrement que de vouloir vous dire des choses au niveau de ce que je pense, mais non pas par des paroles tonitruantes. M. le Président, ce que j'essaie de dire, c'est que, dans l'ensemble des régions que j'ai faites, ces 11 régions – si le ministre veut bien comprendre; quand on parle de 11 villes – toujours avec le budget de comté, pas avec un budget de ministre qui a la capacité d'avoir plus de choses, un budget de comté... Une fois que j'ai fait ces rencontres-là où on a eu 50 mémoires, on a eu 600 personnes dans chacune des régions qui sont venues nous voir, nous dire ce qu'elles en pensaient, on a repris le document, on est repartis avec ça, on a revérifié auprès des organismes, puis, après ça, on a fait un colloque. On a convoqué ça ici, à Québec, on a convoqué tout le monde, tous les organismes, puis on leur a dit: Maintenant, est-ce que vous êtes d'accord avec ça? Et, finalement, on a déposé une politique qui devient, qui est devenue en cours de route la décision de notre parti politique dans le programme du parti.

Ça, on l'a fait parce qu'on a pris le temps de le faire, puis on a essayé de répondre à ce que les gens croyaient que devait être un développement régional à partir de la forêt. Depuis ce temps, j'ai eu l'occasion d'aller un peu partout à travers le Québec, d'aller rejaser de ça avec les gens en leur disant: Voilà ce qu'on est capables de faire à la condition que vous vous preniez en main.

Et, M. le Président, on nous arrive avec un projet de loi. Le ministre veut bien que son nom soit inscrit sur la liste des gens qui ont présenté des projets de loi, avoir la chance d'en présenter un avant de ne plus jamais être là, mais, moi, je n'accepte pas ça, M. le Président. Je ne peux pas accepter ça. D'autant plus que la consultation bidon qui a été faite, là, ce n'est pas une consultation correcte, réelle.

Ce n'est pas de même, je pense, qu'un projet de loi doit sa naissance, à partir d'une consultation qui a été faite à la sauvette et qui donne les résultats, justement, d'une consultation à la sauvette. Pourquoi? Parce que, eux autres, ils ont juste une idée. On a connu ça par le rapport Scowen, on a connu ça par le rapport Gobeil, on en a connu des choses qu'ils ont dites et qu'ils n'ont pas faites, et on a connu aussi comment ils ont utilisé des sociétés.

Et, là, j'arrive à deux autres sociétés qui ont été créées tout dernièrement, M. le Président, la Société de protection des forêts contre le feu et la Société de protection des forêts contre les insectes et les maladies, SOPFEU et SOPFIM. Et, là, je pourrais vous dire qu'à partir de ça, maintenant, de la façon qu'on a utilisé les sociétés, pour y nommer des amis du parti, du régime, moi, je ne suis pas d'accord avec ça, et je ne serai jamais d'accord avec ça. Et que des gens soient nommés présidents d'une société... On aura beau me dire que, dans la société, il avait le droit d'être consultant avant pour mettre en place toute la société, mais que ce gars-là soit en même temps président, je me pose de sérieuses questions. Je me pose de sérieuses questions quant aux gens qu'on nomme politiquement dans ces conseils d'administration là. Et je ne pense pas que la mise en place d'une telle société, pour être capables de pouvoir nommer des gens du régime, des amis du régime, c'est quelque chose qui doit être acceptable.

Nous aurons l'occasion, en cours de route, je ne sais pas à quel moment donné, d'ici quelque temps... On ne siégera pas, pour les raisons que vous connaissez, demain. Nous allons siéger fort probablement après la période des questions de lundi prochain. Nous allons avoir à siéger longtemps. Mais est-ce qu'on aura le temps, d'ici le 23 juin? Ça me surprendrait, parce que, ce que l'on entend, de l'autre côté, semble nous indiquer qu'on a hâte de partir d'ici. Je ne suis pas sûr qu'on soit capables même de l'adopter, le projet de loi. Le seul moyen que le gouvernement aura de le faire, ce sera, comme disait mon collègue, de nous le passer dans la gorge. Ce sera de prendre une décision, de dire: Nous, on a l'intention de la créer. Nous, on a l'intention de le faire, ce projet de loi, de le passer. Il s'agira, à ce moment-là, de prendre les moyens qui s'imposent en vertu du règlement, mais je trouverais malheureux, vraiment malheureux que l'on décide de faire une telle chose.

Or, comme je n'y crois pas, comme je pense que le ministre voudrait que son projet de loi soit le plus parfait possible, mais que, nous, on juge qu'il n'est non seulement pas parfait, mais même pas correct, peut-être qu'à ce moment-là le ministre jugera plus essentiel de nous dire: Écoutez, je retire le projet de loi, et on va recommencer nos travaux, notre travail, notre devoir.

Il y a une chose qui est certaine, soyez assuré que, quand j'ai parlé à des gens de mon coin – M. Morissette, de l'Association touristique régionale du Coeur-du-Québec, qui représente les associations touristiques de l'ensemble du territoire de Victoriaville, Drummond, Trois-Rivières, Shawinigan en montant, jusqu'à La Tuque, qui me disait, par téléphone, qu'il voulait parler à notre porte-parole parce qu'il n'était pas d'accord avec un tel projet de loi – la crainte qu'ils avaient était fondée. On ne donne aucune garantie à l'effet que les associations touristiques qui ont été utiles dans l'ensemble du Québec auront une reconnaissance qui sera inscrite dans le projet de loi, une reconnaissance qui permettrait à ces gens-là d'être sûrs de ne pas avoir à subir les affres de la décision gouvernementale qui se répercutera sur l'ensemble des employés.

J'aurai l'occasion, M. le Président, de revenir en cours de route et de vous dire, à d'autres occasions, qui, de ceux qu'on a rencontrés, sont contre le projet de loi et demandent à l'Opposition de tout faire en son pouvoir, au point de vue de nos institutions politiques à l'intérieur du Parlement, nos institutions parlementaires, pour empêcher la passation d'un tel projet de loi bâclé à la vapeur et à la sauvette. Merci, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député de Laviolette. M. le ministre, vous voulez intervenir?


M. Georges Farrah

M. Farrah: Oui, un bref commentaire, M. le Président. Si le député de Laviolette s'est targué d'avoir fait une consultation à l'époque qu'il était aux Forêts et que c'était bon pour lui...

M. Jolivet: Je m'excuse, M. le Président, je veux juste rappeler au...

Le Président (M. LeSage): M. le député de Laviolette, vous avez revendiqué, il y a quelque temps...

M. Jolivet: Non, je veux juste demander une question au...

Le Président (M. LeSage): ...le droit de parole. Je pense que vous devez également céder le droit de parole au ministre lorsqu'il le demande.

M. Farrah: C'était le premier à dire... C'est ça, c'est ça.

M. Jolivet: Non, je le sais, mais c'est parce que je ne veux pas que le ministre commence mal. Je veux juste poser une question.

Le Président (M. LeSage): Très bien, allez-y, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Quand j'ai parlé de ma tournée sur les forêts, c'est comme député d'Opposition. Parce que vous commencez en disant que c'était comme ministre. Ce n'était pas comme ministre.

M. Farrah: C'est correct, ça. Une tournée au niveau des forêts, peu importe.

M. Jolivet: C'est bien différent.

(20 h 50)

M. Farrah: Parce que, si c'était bon pour vous – vous avez dit que vous avez fait une tournée, vous avez été dans 11 villes, ou quoi que ce soit – moi, je peux vous dire que j'ai fait 16 régions. Des centaines et des centaines d'intervenants ont été rencontrés entre le 16 février et le 15 avril, et c'était tout à fait normal de le faire, parce que, évidemment, lorsque tu amènes un projet de loi de la sorte, c'est quand même un changement important, au niveau de transformer un ministère en une société, il est tout à fait normal de faire ça. Et ça a été fait, et ça a été fait, et ça a été fait. Et, lorsque le député de Masson dit: Ce n'est pas une consultation, vous avez un document, et les gens discutent à partir d'un document, et il ne s'est rien dit – parce qu'il y a un consensus, sinon une unanimité, au niveau de cette création-là – ça, ça veut dire que, si vous dites que les gens se sont fait imposer ça, vous manquez de respect envers ces gens-là, parce que c'est des gens qui sont très intelligents, qui sont très performants, qui sont très impliqués au niveau touristique et, lorsque ces gens-là ont quelque chose à dire, ils vous le disent. Ils vous le disent en toute connaissance de cause. Et, durant toute cette tournée-là, il y avait des périodes de questions, des micros, j'ai eu des rencontres à différents niveaux, et les gens avaient le droit de parole.

On l'a bonifié, nous, le projet de loi, en cours de route, parce qu'il y a des gens qui avaient des revendications, notamment au niveau des ATR, notamment au niveau du nombre de membres au niveau du conseil d'administration. Le siège social, aussi, on a eu des revendications de la région de Québec. Le député de Bertrand va être content d'apprendre ça.

M. Bertrand: Portneuf.

M. Farrah: Il va être content, il va être ici, à Québec, le siège social de la Société.

Alors, je trouve absolument bizarres les propos du député de Laviolette, alors qu'il y a eu une consultation, 16 régions ont été visitées, des centaines d'intervenants ont été rencontrés, de façon très limpide, très claire, très, très claire. Et, lorsque, aussi, le député de Masson disait, bon, que le débat, c'était sur le conseil d'administration, on n'a pas caché nos cartes, nous, on n'a pas dit qu'il allait y avoir 40, 50, 60 membres au niveau du conseil d'administration. On a toujours été très clairs en disant: Si on veut que ce soit une société efficace, il faut avoir un nombre de membres, au niveau du conseil, qui soit restreint. Et la majorité des intervenants ont accepté cela parce qu'ils se sont rendu compte qu'effectivement tout le monde ne peut pas être représenté là-dessus, compte tenu du nombre d'organismes qu'il y a à l'intérieur de l'industrie touristique, comme dans tout autre secteur d'activité.

Alors, je trouve que c'est un manque de respect envers les intervenants de dire qu'on leur a rentré ça dans la bouche et qu'ils l'ont accepté. Voyons donc! Il y a des gens très intelligents là-dedans. La plupart le sont. Ils nous l'auraient dit, s'ils n'avaient pas été d'accord avec le projet de loi. Avez-vous eu des déclarations? En avez-vous vu, des déclarations? Durant les consultations, vous étiez là, M. le député de Masson. Est-ce que vous avez vu des déclarations très négatives à l'égard de cela?

M. Blais: Je «peux-tu« répondre? Bien, il me demande une question.

M. Farrah: Alors, M. le Président, je trouve qu'il faut mettre les choses dans leur contexte, c'est très important. Quand on dit, également... Ce n'est pas un désengagement de l'État, de créer cette Société-là. D'une part, il y aura toujours un ministre responsable de cette Société-là, et c'est tout à fait normal, parce que l'intervention, au niveau touristique, nécessite souvent l'intervention de différents ministères. Il faut qu'il y ait un genre de corrélation entre tout ça. Quand on parle de développement touristique, ça touche aussi Environnement et Faune, au niveau des grands espaces, des pourvoiries, etc., ça touche le Transport, au niveau de la signalisation touristique, entre autres, les traversiers, les routes. Ça touche également les Affaires municipales, au niveau de l'aménagement du territoire, etc. Alors, c'est pour ça que c'est important qu'il y ait toujours un ministre responsable de cette Société-là pour faire le lien entre les différents ministres et ministères, pour s'assurer qu'il y ait une coordination au niveau de l'action.

Deuxièmement, ce n'est pas un désengagement de l'État, non plus, parce que le gouvernement s'engage toujours à donner le budget, à émettre le budget au niveau de la Société. Donc, ce n'est pas un désengagement de l'État. En plus, M. le Président, on vient d'annoncer un plan triennal au niveau de l'aide à l'industrie touristique, 102 600 000 $ ces trois prochaines années, en plus du budget régulier du ministère. Ce n'est pas un désengagement. Au niveau de la mise en marché, c'est le plus gros budget au Canada. Alors, c'est s'assurer au niveau de l'action... Et c'est ça que les gens du secteur privé, au niveau touristique, disent. Ils veulent être davantage partie prenante de l'action et de la décision au niveau touristique parce qu'ils sont les premiers concernés. Et, par conséquent, en étant membres au niveau du conseil d'administration, bien, c'est bien évident qu'ils vont être davantage partie prenante des décisions qui vont affecter la mission et les orientations, parce qu'ils vont être partie prenante de la Société.

Alors, qu'est-ce que je comprends, c'est que c'est une question philosophique, parce que, pour vous autres, s'il n'y a pas de ministère, ce n'est pas efficace. Alors, c'est une question philosophique, tout simplement, M. le Président. Bien, je pense qu'il va de soi de mettre les choses dans leur contexte. Avec la consultation qu'il y a eu, le nombre d'intervenants qui ont été rencontrés, je pense qu'il est tout à fait légitime de dire que, sinon unanimité, il y a un très, très large consensus sur ce projet-là, compte tenu des efforts qui ont été consentis au cours des derniers mois et des rencontres qui ont été effectuées.

Un dernier point, au niveau des employés. Au niveau des employés, c'est une situation qui m'a préoccupé, moi, suite à ma nomination et, un des premiers gestes que j'ai posés suite à ma nomination, ça a été de rencontrer les employés du ministère. C'est tout à fait normal, quand tu arrives dans un ministère, tu rencontres les employés. Bon. Et je comprenais aussi, d'ailleurs, peut-être, l'insécurité qui pouvait subsister compte tenu que, bon, ils apprenaient qu'on créait une société. C'est un phénomène tout à fait humain de dire: Qu'est-ce qui va m'arriver? C'est des gens qui ont la sécurité d'emploi, c'est des gens aussi qui ont des familles, qui ont des obligations. C'est tout à fait normal aussi que ces gens-là soient inquiets, compte tenu qu'une nouvelle formule s'implantait, un remplacement du ministère par la Société. Et j'ai toujours dit que cet aspect-là me préoccupait au plus haut point.

Moi, je peux vous dire que les éléments touchant les employés, parce que c'est un élément que vous avez évoqué à plusieurs reprises, à l'intérieur du projet de loi, font en sorte que les droits acquis des employés du ministère actuel, qui, éventuellement, si l'Assemblée nationale accepte le projet de loi, deviendra une société, sont préservés. C'est avec beaucoup de fierté que je le dis. Et ça n'a pas été facile non plus de pouvoir les préserver en tout point, parce qu'il y a eu des batailles à faire au Conseil du trésor pour les inclure au niveau du projet de loi, ces garanties-là au niveau des employés. Et ça me fait plaisir de pouvoir vous le dire parce que c'est l'engagement que j'avais pris, au niveau des employés que, dans la nouvelle Société, les employés puissent conserver leurs droits acquis, comme les employés des autres sociétés d'État les ont conservés. Et je pense que c'était normal de le faire en toute équité, et c'est fait. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. Je cède la parole maintenant au député de Pointe-aux-Trembles.


M. Michel Bourdon

M. Bourdon: Alors, M. le Président, j'ai étudié attentivement le projet de loi. J'écoute parler le ministre et les questions que ça soulève dans mon esprit sont assez simples, c'est: Pourquoi? Pour qui? Puis le projet de loi nous dit comment. Quand on lit les documents, c'est sûr que c'est relativement simple de dire: Il s'agit d'une industrie de près de 5 000 000 000 $; elle compte près de 250 000 employés; il y a 21 000 entreprises qui oeuvrent dans ce secteur-là. On est tous d'accord avec ça. Mais quel objectif le gouvernement poursuit-il exactement en amenant ce projet de loi ci à ce moment-ci? Qui l'a demandé? Dans quelles instances? Pour quels motifs? Quel est le plan de match du gouvernement? Parce qu'une industrie aussi importante, on aurait le droit de savoir où le gouvernement veut aller.

Là, dans le projet de loi, on a l'établissement d'une société, des normes de fonctionnement. L'État ne se désengage pas complètement, vu que c'est lui qui fournit l'argent. Et les questions que ça pose, on a été élus pour les poser. Après quatre ans et trois quarts, quelle est l'urgence, ce printemps, cette année, d'abolir le ministère? Pourquoi maintenant? Pourquoi avec ce projet de loi ci? Et le ministre dit qu'il y a un concert d'éloges phénoménal dans l'industrie. Je lis un titre récent du Journal de Québec qui dit: «L'industrie réclame une société du tourisme sans attaches politiques». Je ne l'ai pas lu dans un journal du New Hampshire ou du Vermont, j'ai lu ça dans un journal qui est publié au Québec.

(21 heures)

Et, M. le Président, nous avons tous, ici, été élus pour représenter les gens qu'on représente puis pour parler. Moi, je ne me sens pas élu pour ricaner et, quand les ministériels se décideront à parler, je m'engage à les écouter. C'est un projet de loi qui a des conséquences importantes. L'industrie se préoccupe de certains des aspects de ce projet de loi là, et je pense que ce n'est pas faire de la partisanerie que de dire qu'il nous est présenté par un gouvernement qui, à moins d'un coup d'État, va devoir aller en élection cette année. C'est dans la Constitution; aux cinq ans, quels que soient les sondages, un gouvernement doit se décider à retourner voir ses mandataires, qui sont les contribuables, pour savoir si les mandataires veulent encore le garder. Et ce projet de loi s'inscrit dans une logique où, pour meubler la session, le gouvernement nous amène des paquets de projets de loi pour dire que tel ministère est fusionné avec tel autre ministère, vu que, dorénavant, il n'y a pas deux ministres, il y en a juste un; ça occupe. Mais, là, en l'occurrence, on a devant nous un projet de loi qui dit: Il n'y en aura plus, de ministère. Et j'ai lu attentivement les documents, j'écoute avec attention le ministre, je ne ricane pas, j'écoute quand il parle, et j'essaie de savoir où, au juste, le gouvernement veut aller, avec qui, comment et pourquoi, et c'est loin d'être évident.

Le ministre nous dit: J'ai consulté. Il n'est pas le premier. Son prédécesseur, on ne le voyait presque jamais en Chambre, mais il faisait le tour du Québec; je ne sais pas combien de fois qu'il l'a fait. Il a consulté. Maintenant, mon collègue de Masson décrit une des consultations auxquelles il a eu l'occasion d'assister. Et l'autre élément qu'on note sur les consultations, c'est un document où Dieu le Père annonçait aux enfants qu'il y aura dorénavant une société de tourisme. Aime ça, aime pas ça, elle va être là! Il y a eu des débats, mais le ministre ne nous indique pas très précisément, à part la survivance des ATR, qu'est-ce que ç'a donné, la consultation. Et je me permets de lui demander: Est-ce que ça serait antidémocratique de consulter avant plutôt qu'après?

Dans cette Chambre, on a fait une consultation il y a à peu près sept, huit mois sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. On a commencé par entendre une quarantaine d'organismes sur ce que ça devrait être; après ça, on a soumis aux mêmes organismes un projet de loi; après ça, on les a entendus; après ça, le gouvernement, avec le concours de l'Opposition, a accepté de modifier le projet de loi; après ça, on a soumis le produit final au débat, à la discussion publique.

Là, en fin de mandat, en fin de course, sur les derniers milles, dans la cinquième année, dans, disons, la troisième partie de la cinquième année – pour être précis, à peu près dans le 56e mois – le ministre nous dit: Moi, là, avant l'appel au peuple – parce que, à moins d'un coup d'État, il va y en avoir un cette année, on est tous sûrs de ça, c'est dans la Constitution – eh bien, le ministère va faire place à la Société du tourisme. Bon. Pourquoi? C'était quoi les points faibles de l'ancien ministère? C'était quoi les points forts de l'ancien ministère? Qu'est-ce qu'il faisait bien? Qu'est-ce qu'il faisait croche? Qu'est-ce qu'il faisait mal? Et qu'est-ce que voulaient les intervenants pour développer l'industrie? Quelle sorte de partenariat ils souhaitaient? On ne sait pas.

Ce qu'on sait, c'est que le gouvernement veut créer une société du tourisme. Et le projet de loi nous dit qu'elle va être formée de 11 personnes nommées par le gouvernement. Alors, c'est quoi, l'idée? Ce gouvernement est rendu à 300 nominations partisanes. Est-ce que l'objectif du projet de loi c'était de se rendre rapidement à 310? Parce que le gouvernement, dans le projet de loi, il s'engage à rien d'autre qu'à nommer des personnes qui connaissent l'industrie touristique. Bon. Marcel Côté, de SECOR, doit connaître l'industrie touristique parce que, de son propre aveu, il connaît tout, alors on peut supposer qu'il est spécialiste en tout, y compris en tourisme.

Mais ça pose des questions, M. le Président, qui portent à conséquence. Le ministre a parlé un peu du sort des employés. C'est vrai que, au plan humain, un changement aussi radical ça soulève des interrogations chez ceux qui faisaient la job avant. Est-ce qu'ils la faisaient si mal que ça? Qu'est-ce qu'il y avait qui était de travers dans ça?

En plus, M. le Président, on peut comparer le ministère du Tourisme à d'autres. Par exemple, le ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles – parce qu'il faut avoir du souffle, à cette heure, pour parler d'un ministère; le titre est long – il comporte en son sein – c'est mon parti qui l'a créé – le Conseil des communautés culturelles, qui avise le ministre sur les fonctions du ministère. Est-ce que ç'a été envisagé de peut-être créer, pour une troisième fois, au sein de l'ancien ministère, un conseil du tourisme pour développer un partenariat, pour entendre les intéressés? On ne le sait pas. Ce qu'on sait, c'est que le ministre avait la commande d'abolir le ministère et de le remplacer par une société.

Maintenant, le projet de loi dit que les membres du conseil d'administration devront connaître le milieu, devront provenir de l'industrie, et on ne peut pas être en désaccord avec ça. Maintenant, se pourrait-il que le gouvernement eût pu envisager de nommer un des 250 000 employés de l'industrie touristique? C'est pas mal de monde, 250 000! Supposons qu'il y en aurait une ou un qui pourrait amener un avis autorisé sur ce que devrait être la Société du tourisme, le gouvernement n'a pas pensé que, peut-être, ce serait utile?

Maintenant, le tourisme, c'est une industrie considérable, répandue sur tout le territoire, mais qui met, comme toute industrie, en présence le consommateur et le producteur. Qui, au juste, dans le projet de loi, pourrait représenter les touristes? On ne le sait pas. Et, à cet égard-là, M. le Président, l'exercice qu'on fait, nous, ce soir – parce qu'on a été élu pour ça – c'est de dire: Pour qui? Pourquoi? Comment? Quels sont les axes de développement que le ministre – je ne dis plus le ministère, parce que, là, il n'y en a presque plus – voit pour le développement de l'industrie touristique au Québec? Autrement dit, on a un contenu dans le projet de loi, mais c'est quoi, l'objectif? C'est quoi, le contenant? Vers où on va?

Parce que, ce qu'on sait tous autour de la table, c'est qu'on va vers une élection. Bon. Cela étant établi, où va le gouvernement sortant en matière de tourisme? J'ai lu un peu les expériences étrangères auxquelles réfère le gouvernement. Et, mes collègues l'ont dit avant moi, il y a des nuances à faire, notamment, parce que, aux États-Unis et en Grande-Bretagne, entre autres, les organismes qui pourraient s'y comparer font surtout du marketing à l'étranger, et idem pour la France. Mais, dans le fond, la question qui se pose, c'est: Qui l'a demandé, le projet de loi? Au départ, là, je ne dis pas que le gouvernement n'y a pas pensé. Ça, d'évidence, ils y ont pensé, et, sur le tard, vers la fin, ils veulent nous le voir adopter. Mais c'est pour qui? Quelle était la principale force, quelle était la principale faiblesse de l'ancien ministère? Parce qu'il y a déjà eu un ministère, et je suppose que, comme n'importe quelle organisation humaine, il avait ses forces et ses faiblesses. Mais on ne le sait pas.

Ce qui descend de Dieu le Père, qui est à Québec, c'est que, dorénavant, ça va s'appeler la Société du tourisme et que ça va comporter un cénacle de 11 personnes nommées par le gouvernement avant de partir. Et, à cet égard-là, les questions qui se posent auraient pu se poser en commission parlementaire, et on aurait pu, sans déchoir, entendre l'industrie avant de faire un projet de loi. Parce que, quand le projet de loi et le ministre débarquent, les citoyens se disent: Ils ont fait leur lit, c'est vers ça qu'ils vont. Bon, bien, on va essayer de vivre avec ça. Et, donc, M. le Président, le ministre devrait nous parler et nous dire exactement quel est l'objectif du projet de loi, en dehors de la structure.

Et, l'autre question qu'on peut se poser, M. le Président – parce qu'il est question de gestion de deniers publics – c'est que, si je comprends bien le projet de loi, les employés de l'ancien ministère ne seront pas obligés d'aller pour la Société. Alors, s'ils ne vont pas pour la Société, ils vont aller où? Et, si certains vont à la Société pendant un certain temps, le projet de loi nous dit qu'à la fin de leur convention collective, ils n'auront plus de conditions de travail. Et l'expérience – j'ai un peu d'expérience dans ce domaine-là – me dit que les syndicats qui ont des conventions collectives veulent généralement les renouveler. Et je dis, M. le Président, que, ce qui m'apparaît évident, pas juste dans ce projet de loi là, c'est que la loi de la fonction publique comporte des contraintes. Les lois et règlements pour acquérir des biens et services, ça contient des contraintes, mais une société qu'on crée a un cadre moins contraignant.

(21 h 10)

Par exemple, je n'ai pas souvenir d'une commission parlementaire qui aurait interrogé Nouveler sur la création de M3i. C'est loin de nous, ça! Où est l'imputabilité de ceux qui vont dépenser des deniers publics dans le projet de loi? Parce que les contribuables, eux autres, ce qu'ils savent, c'est qu'ils payaient avant et ils vont continuer de payer après. Alors, pour faire quoi? Pour embaucher comment? Pour donner des contrats à qui? Pour faire des gestes pourquoi?

Autrement dit, je me permets de demander au ministre si on peut connaître la couleur du projet de loi, parce que, actuellement, c'est une couleur assez grisâtre, et on craint, parce que l'automne va finir par arriver, que, comme les feuilles, ça devienne de plus en plus rouge avant de tomber. Mais, dans le fond, ce sont des questions qu'en gestionnaires de fonds publics, que sont tous les parlementaires, on se doit de poser.

Sur les moyens, sur les mesures pour relancer, pour aider, pour appuyer l'industrie touristique québécoise, tout le monde va se trouver d'accord. Ce n'est pas nécessairement en ouvrant 11 casinos qu'on va donner un souffle, qu'on va aider l'industrie touristique. On en a un, l'Outaouais en veut un, Charlevoix en aura un; j'espère qu'on n'en donnera pas à tous ceux qui n'auront pas leur projet de cogénération, mais, en tout cas, ça circule.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourdon: Parce qu'il y avait beaucoup de projets de cogénération, et, un trop grand nombre de casinos, ça peut finir par nuire.

Mais, M. le Président, dans le fond, la question, moi, que je pose, c'est: Cette industrie-là est importante par le nombre d'entreprises qu'elle comporte, par le chiffre d'affaires qu'elle réalise et par sa répartition sur le territoire. Et l'industrie en question, les milieux de vie en question, en quoi est-ce que le projet de loi va les aider? En quoi va-t-il permettre de coordonner? Il y a un mot à la mode, c'est le mot «synergie». Il y a des employés du ministère – ah! ce n'est pas grand-chose – mais des employés du ministère, des contribuables, des gens qui travaillent pour l'État qui posent la question de l'arrimage dans ce qu'a déjà été le ministère du Tourisme avec les autres ministères du gouvernement. Parce que, mon collègue le soulignait, le nouveau ministère des Ressources naturelles avec le ministère de l'Environnement et de la Faune, ça comporte un peu de tourisme. Et, dans le projet de loi, je ne vois nulle part, dans le conseil d'administration, le gouvernement, à part du ministre – s'il en reste un – ou de l'adjoint parlementaire, ou de je ne sais pas quoi. Mais, à part le ministre – mettons, soyons optimistes, qu'il y aurait un ministre responsable de – qui va représenter l'État dans le conseil d'administration? Pas grand monde. Parce qu'il y a des contrôles, on les connaît: ça prend un rapport annuel, ça prend des états financiers. Mais, la synergie entre les divers agents de l'État, qui va la faire? Comment va-t-elle se faire?

M. le Président, je trouve que le projet de loi soulève des questions graves, importantes. On dit: On abolit un ministère, on le remplace par une société. On nous dit: On va nommer, à la Société, 11 personnes. Quand, ça? Qui, ça? De quelle couleur? De quelle manière? Le projet de loi dit: Des gens qui connaissent l'industrie. O.K. Mais, des nominations partisanes, on est rendu à 300; 311, le chiffre est vite arrivé, et la saison est jeune.

Alors, M. le Président, je trouve que, si le ministre avait consulté avant, s'il avait consulté avec le projet de loi, et si on était en train de consulter après, on saurait peut-être un peu mieux ce que le monde veut. Ça, les Québécois et les Québécoises dans les régions savent qu'un gouvernement ça peut adopter une loi. Bon. Le gouvernement dit: Je vous consulte, j'ai décidé d'adopter un projet de loi et je vais nommer un conseil d'administration. Sentez-vous bien à l'aise. Aimez-vous ça? Si vous n'aimez pas ça, on va le passer pareil. Je ne dis pas que le ministre a utilisé ces termes-là, mais, quand on arrive avec un projet aussi structuré puis qu'on dit: C'est par là qu'on s'en va, on a beau être dans sa cinquième année, les gens pensent qu'un gouvernement ça peut faire ça.

Donc, M. le Président, je me permets, en terminant, de donner au ministre l'exemple de la loi 68, où on a consulté avant le projet de loi, après ça on a consulté avec le projet de loi, puis, après, on a fini nos devoirs après avoir entendu le monde sur le projet de loi. Donc, M. le Président, je résume ça par une question pointue au ministre, en terminant: Pour qui? Pourquoi le projet de loi? Comment? Qu'est-ce que ça va faire moins bien? Qu'est-ce que ça va faire mieux? Où est-ce qu'il s'en va?

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Je cède maintenant la parole au député... Vous voulez intervenir, M. le ministre? M. le ministre, c'est à vous.


M. Georges Farrah

M. Farrah: Merci, M. le Président. Je suis surpris quelque peu de la défense soudaine du député des employés du gouvernement. Lui, en 1982, qui a déchiré sa carte du PQ, suite aux coupures de 20 %. Et vous aussi, qui, à l'époque... 20 %, c'est important! Mais ce qu'il y avait de pire, en plus, c'était de dénigrer les employés de la fonction publique, en disant qu'ils étaient très peu productifs. Il a déchiré sa carte du PQ en 1982. Le grand syndicaliste était parti en peur. Je n'ai pas de leçons à recevoir du respect des employés de votre part; je n'ai pas de leçons à recevoir. Mais ça me préoccupe, quand même, de m'assurer qu'à l'intérieur du projet de loi leurs acquis soient préservés. Et c'est le cas. Bien, ça nous préoccupe et ça me préoccupe.

Pour qui le projet de loi? Pour l'industrie, pour le bien de l'industrie. Et, en ce qui concerne les membres du conseil d'administration, est-ce que vous nous demandez qu'on les cite à l'intérieur du projet de loi, les 10 membres du conseil d'administration? C'est ça que vous voulez avoir?

L'avantage de la création de la Société... Puis vous parliez de synergie, à un moment donné, un mot populaire, mais un mot important, également. Et, dans le secteur touristique, ce dont on se rend compte, souvent, c'est que les intervenants travaillent en vase clos. Il est très important qu'on développe l'industrie avec tous les partenaires, que ce soient les compagnies aériennes, les aéroports, aussi, ADM à Montréal, très important, les hôteliers, les restaurateurs, au niveau du produit, le ski, le golf, pourvoiries, nature. Et on se rend compte que cette concertation-là n'existe pas à son plein potentiel. Et nous croyons que la création d'une telle société, parce que, ces secteurs-là, le secteur privé va être davantage partie prenante, cela va favoriser une meilleure synergie et, par conséquent, dynamiser davantage l'industrie touristique. L'objectif ultime, ce n'est pas pour vous autres, ce n'est pas pour nous autres, c'est pas partisan; c'est pour le bien-être de l'industrie touristique. Et nous croyons fermement que la réalisation de cette agence va faire en sorte de dynamiser davantage l'industrie.

Une voix: Bravo!

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Labelle. M. le député de Labelle.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Est-ce qu'il n'y a aucun député de la formation ministérielle qui veut prendre la parole?

Le Président (M. LeSage): M. le député de Labelle, vous avez demandé la parole, elle est à vous.

M. Léonard: C'est bien. Non, mais, en termes de l'alternance, ce n'est pas joué, là.

Le Président (M. LeSage): Je pense qu'il y a eu alternance avec le ministre et certains députés de l'Opposition. Vous avez demandé la parole, vous l'avez, M. le député, et, si d'autres députés veulent demander la parole, ça va me faire plaisir de la leur céder. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Non, mais c'est parce que, après, il ne faudrait pas qu'il y en ait trois en ligne qui interviennent, parce qu'ils n'ont pas joué l'alternance. C'est juste ça que je veux souligner.

(21 h 20)

M. le Président, je viens d'entendre le ministre, un peu en réplique à mon collègue de Pointe-aux-Trembles, et, d'avoir à rappeler des choses d'il y a 12 ans, ça me paraît faible de n'avoir que ça à dire, pratiquement, en réplique à ce qu'il a dit. D'autant plus... Non, ça ne fait absolument pas mal. J'étais au gouvernement, j'assume mes responsabilités, et, si nous n'avions pas fait ce que nous avons fait, il y aurait des problèmes, aujourd'hui, pas mal plus grands que ceux que vous connaissez, et dans lesquels, vous-mêmes, vous vous êtes enferrés drôlement.

Alors, M. le Président...

Une voix: ...

Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous plaît! La parole est au député de Labelle. On vous écoute, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Que le ministre n'interprète pas. Il pourra me faire des procès d'intention, c'est peut-être son habitude, mais revenons au sujet que nous avons ici.

Je pense que le premier point, la première question que nous avons à nous poser, c'est le contexte dans lequel ce projet de loi est amené et qui fait qu'il y a un doute qui subsiste quant au bien-fondé de la réforme, au moment où nous nous parlons. Cela pose la question de l'opportunité ou du moment où ce projet de loi est amené. En ce qui concerne la justice, il faut que justice soit rendue, mais que, aussi, on se préoccupe de l'apparence de justice. Et, s'il y a un fondement quelconque à ce projet de loi, à l'heure actuelle, il est important qu'il soit amené dans un contexte où les esprits doivent le prendre pour ce qu'il est, non seulement ici, autour de la table, mais ailleurs, aussi, dans le public, pour le public québécois.

Or, tout le monde, depuis qu'il y a eu changement de premier ministre, pose la question de la légitimité de l'actuel gouvernement, du mandat qu'il détient en vertu des dernières élections. Et l'on voit très bien qu'il y a, dans la mesure où le premier ministre désigné et son cabinet veulent se démarquer de l'ancienne administration, un problème quant à la légitimité du gouvernement, parce que ce n'est pas le sujet ou les sujets qui ont été débattus au cours de la dernière élection. Et, donc, toute la démarche est douteuse, c'est la conclusion à laquelle nous devons en arriver. Et je pense que, là-dessus, jamais l'actuel gouvernement ne pourra s'en sortir. L'actuel gouvernement désigné ne peut s'en sortir; il n'a pas été élu, il n'a pas débattu de ces questions en campagne électorale. Et, si l'on croit à la démocratie, il faut tenir compte de ce que je dis là.

M. le Président, quel est l'objectif du gouvernement, finalement? Parce que, dans ce contexte, on peut en déceler, je crois, au moins deux. Peut-être qu'on peut discuter du développement touristique, de sa conception du développement touristique. Encore une fois, il faudrait qu'il en débatte lui-même avec son propre parti, avec son propre électorat, donc en campagne électorale. Et, l'autre objectif, je pense bien, étant donné les circonstances, c'est qu'il prépare une campagne électorale. Au fond, on tourne toujours autour de la campagne électorale. Quelle est l'approche qui va être suivie?

Mais cela nous amène, cependant, à dénier à l'actuel gouvernement le droit de procéder jusqu'au bout avec son projet de loi, de l'adopter en troisième lecture. Non, il n'a pas cette légitimité-là à l'heure actuelle, je regrette, il ne l'a pas. Ils peuvent toujours le faire, mais je pense que des conclusions pourront être tirées.

Au mois de janvier dernier, il y a eu une fusion ministérielle, disait-on. On s'est vanté, pété les bretelles, que le nombre de ministres était réduit de 30 à 21. Grosse vantardise! Mais, en réalité, cela, cependant, a comporté des mauvaises nouvelles. Par exemple, mon collègue de Laviolette parlait du Loisir, Chasse et Pêche, dont la fonction a disparu, a été fractionnée entre plusieurs ministères. Ça, ça n'a pas été un gain, ça n'a pas été une bonne nouvelle pour beaucoup de comtés et de régions dans le Québec. Non. La faune est allée à l'Environnement, des éléments sont allés au ministère des Affaires municipales, le Tourisme est allé à Industrie et Commerce et puis d'autres affaires sont restées une patte en l'air; on ne sait pas au juste où c'est. La fonction elle-même a été tordue, fractionnée, et on ne s'y retrouve plus en termes de ministères, en termes de clarté, de là où doivent se situer les responsabilités.

Une des questions que cela pose aussi, c'est qu'en ce qui concerne le tourisme cela vise un certain nombre d'activités. Le volume financier qui l'exprime, en termes de chiffres, c'est 4 800 000 000 $. On dit: la troisième industrie du commerce. C'est considérable! Mais, cela cache aussi une réalité très diversifiée. Quand on parle du tourisme, il y a différents éléments.

Il y a le tourisme international, qui vient ici, toute une clientèle d'étrangers qui débarque, qui passe des séjours plus ou moins longs, qui est curieuse de ce que nous avons, qui est souvent attirée par des choses qui n'attirent pas les Québécois, parce qu'ils viennent d'autres milieux. La clientèle touristique internationale, c'est une clientèle importante, et qui est, en quelque sorte, le pendant de nous, quand nous allons à l'étranger: on visite des ruines, on visite des sites naturels, etc., on visite des villes. C'en est une.

Il y a aussi, dans toute cette question touristique, le tourisme de villégiature, les gens qui transitent de la ville à la campagne les fins de semaine, et surtout l'été. C'est une grosse clientèle. Beaucoup de Québécois font des voyages, font des activités touristiques, l'été, les fins de semaine. Vous avez, là-dedans, des millions, des centaines de millions, des milliards aussi. Il y a beaucoup de gens. Ça représente une grande activité économique.

Il y en a aussi un autre qui est le tourisme sportif, en quelque sorte, qui ressemble un peu, sous certains angles, au tourisme de villégiature. Je prends, dans mon coin, il y a du ski, comme il y a dans Charlevoix. C'est une clientèle très importante. Il y a des volumes économiques majeurs, mais c'est aussi lié à la récréation des gens, au fait qu'ils reprennent leur souffle, qu'ils se refont des forces physiques. Donc, du tourisme sportif qui fait aussi partie du tourisme. Le ski, ça en est, mais il y en a aussi beaucoup d'autres, beaucoup d'autres activités.

Il y a le tourisme de plein air, d'aventure. Et ça, même le tourisme d'aventure, ça recoupe aussi la clientèle internationale, en quelque sorte. Les gens sont attirés par nos parcs et réserves. Et puis, on voit, dans ce contexte, que les parcs et réserves constituent une activité qui est branchée, présentement, au ministère... on ne sait pas trop, je pense que c'est l'Environnement qui a reçu les parcs et réserves, en même temps que les Affaires municipales ne peuvent pas en être indifférents. Mais, les parcs et réserves, ça aussi, ça fait partie de l'activité touristique, etc.

Par ailleurs, il y a différentes façons d'aborder les choses, mais, en particulier, un des éléments de l'activité touristique, c'est l'hébergement. L'hébergement est une activité majeure, très sensible, qui touche autant les régions éloignées que les villes, que la ville de Montréal, où l'hébergement, l'hôtellerie en particulier, la restauration aussi, constituent des activités très, très importantes, très rentables aussi pour le gouvernement, mais aussi importantes pour le milieu touristique.

(21 h 30)

Donc, une activité économique multiple. Lorsqu'on se défait d'un ministère du Tourisme comme celui qu'il y avait, on revient en arrière, on revient, en quelque sorte, à 1960 et avant, alors qu'il n'y avait pas de ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Et je rappellerai – je crois bien que c'est un fait – que le premier ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche a été l'ancien député de Terrebonne, M. Lionel Bertrand, ministre libéral. C'est lui qui l'a créé, à la suite d'une très grande pression de tout le milieu qui exigeait la création d'un tel ministère.

Aujourd'hui, on revient avec une proposition où, là, on est à se redemander: Est-ce qu'il faut un ministère ou une société? Parce que c'est ça. C'est ça que le gouvernement pose comme question. Un ministère ou une société?

Un ministère, c'est, en quelque sorte, un organisme de l'Exécutif. Je veux dire, ça relève du gouvernement, branché au plus haut niveau du gouvernement qui élabore des politiques, qui a une vue d'ensemble, une vue générale et qui prend toutes les questions, qui essaie, en tout cas, de les prendre sous tous leurs aspects, de les prendre aussi en fonction du reste de l'activité gouvernementale parce que, lorsqu'il y a un ministre au Conseil des ministres, il parle à égalité avec ses collègues du sujet dont il est responsable et il fait valoir les points de vue, alors que, si nous avons une société, c'est une toute autre dynamique. C'est une dynamique beaucoup plus administrative qui est centrée sur des objectifs très précis dont on ne peut pas se départir facilement parce que ces objectifs sont inscrits dans la loi constitutive de la société, mais sous une tutelle ministérielle.

Il y a une différence de niveau qui indique une différence de perception, d'objectif, de politique. Quoi qu'en dise le ministre, le fait que l'activité touristique ne soit plus de la responsabilité directe d'un ministre mais de celle d'une société indique immédiatement que le niveau d'intérêt, la conception même du gouvernement vient de changer par rapport à l'activité. Moi, je pense que c'est une question très importante. Quand on parle de la troisième activité économique au gouvernement et qu'on dit que, là, ça ne vaut plus un ministère, cela est très indicateur de l'importance qu'un tel gouvernement accorde à cette activité économique. Très indicateur.

J'ai noté au passage aussi une chose, c'est que, dans la littérature, on dit: Oui, là-dedans, il y a des emplois qui peuvent être créés rapidement et à faible coût; ces emplois sont facilement accessibles à la main-d'oeuvre. Je dirai que c'est un fait actuellement, mais il y a aussi un autre aspect. Je crois que, si le tourisme doit avoir un avenir au Québec, ça doit être un tourisme de grande qualité, de très grande qualité. Si notre tourisme – prenez-le sous ses différentes facettes – n'est pas un tourisme de qualité, d'abord, nous allons perdre les touristes québécois au profit de l'étranger. Les touristes internationaux vont aller ailleurs.

Et nous devons nous poser cette question parce que, nonobstant les situations pénibles où des Québécois peuvent se retrouver – parce qu'ils peuvent y trouver facilement de l'emploi – en termes d'avenir, s'il n'y a pas d'investissements en termes de formation de main-d'oeuvre, en termes d'équipement qui fassent que nous serons concurrentiels au tourisme international, je crois que nous faisons fausse route. Et de dire, parce que ça peut être créé rapidement: Envoyons ça dans une société, on les verra moins – c'est à peu près ce que ça veut dire – on se décharge de sa responsabilité fondamentale. Et vous voyez le glissement de la perception elle-même de l'importance de l'industrie par rapport à celle qu'on accorde, en termes de responsabilité, au gouvernement. On la descend d'une responsabilité ministérielle à une société.

Je sais, je sais, je sais, l'ex-ministre redevenu député pourrait...

M. MacMillan: Il n'a pas lâché.

M. Léonard: Non, non...

M. Farrah: Lui, il n'a pas lâché.

M. Léonard: Ça jaspine, en face, là. C'est ça, la pression monte. Je sais que cette question est posée dans un contexte de privatisation. Le dogme de la privatisation à outrance qu'on retrouve ici, mais qui fait qu'on n'a rien réglé en faisant ça, au contraire, on a simplement envoyé la poussière sous le tapis parce qu'on ne peut pas régler les problèmes qu'on n'a pas le courage de régler correctement, c'est ça qui se passe actuellement pour bien des domaines, et on voit ce qui arrive aussi dans le domaine touristique.

Nous reviendrons. J'aurai l'occasion de revenir sur d'autres aspects. Je voudrais simplement aborder cette question du financement, parce que c'est abordé aussi. On fait montre, là-dedans, qu'on économise 1 500 000 $. Budget de 35 000 000 $ plus 1 500 000 $ quelque part, et un autre 22 000 000 $ de création d'emplois temporaires. Je dirai que les vraies questions économiques, financières, par rapport au tourisme, se posent par rapport... En ce qui concerne l'importance de l'industrie, on parle de 4 800 000 000 $. Qu'est-ce qu'un budget de 35 000 000 $ par rapport à 4 800 000 000 $, n'est-ce pas? Qu'est-ce qu'est ce budget?

Et l'autre question aussi qu'on doit se poser, c'est celle du déficit de la balance touristique. Ça, c'est important. Et je pense que c'est une des données de fond qui concernent le tourisme international: les recettes que nous recevons des touristes qui viennent de l'étranger par rapport aux déboursés que nos citoyens font, lorsqu'ils vont à l'étranger. Nous avions, nous, comme objectif, d'avoir une balance touristique au moins équilibrée. Je sais que, vers le début des années quatre-vingt, à un moment donné, nous avions réalisé, à la suite de différentes études, que nous étions en déficit de l'ordre de 200 000 000 $, 100 000 000 $ ou 200 000 000 $, quelque chose de cet ordre, et cela avait sonné l'alerte, en ce qui concerne notre gouvernement, à l'effet qu'il fallait absolument rééquilibrer cette balance touristique, et nous avons mis beaucoup d'efforts. Cela, d'ailleurs, nous avait conduit à la création du ministère du Tourisme. Or, ça vient de disparaître. Ça n'est plus important. Le déficit de la balance touristique, à mon sens, est une donnée économique, centrale, qui nous permet de juger de notre propre capacité concurrentielle.

Là, le gouvernement s'amène avec une dotation de 35 000 000 $ par année. Il commence comme ça. Je n'ai pas besoin de vous dire que, dans d'autres circonstances, après les élections, 35 000 000 $, ce sera peut-être trop si ce gouvernement, par hypothèse, était reporté au pouvoir. Donc, il a l'intention de le rogner, c'est évident. Et il va se poser la question du financement de la société de développement touristique, si jamais elle voyait le jour. Quelles sont les modalités d'autofinancement? C'est évident que, dans le contexte de la privatisation, le gouvernement a un objectif ou aurait un objectif, à terme, d'autofinancer les activités de la Société. Quelles sont les intentions du gouvernement là-dessus? Le ministre doit répondre à ça. À partir de quelles activités il financerait la société de développement touristique? Quelles activités? Moi, je pense que c'est une question à laquelle le ministre doit répondre parce que lui-même ne peut jamais garantir que sa société aura 35 000 000 $ par année. On l'a vu dans d'autres programmes où le gouvernement s'est mis à rogner. Et, compte tenu de son approche de privatisation, il est évident que tôt ou tard il y viendra.

Je souligne aussi qu'en termes de financement une des données majeures, c'est le fait que, dans le dernier budget, le gouvernement a rehaussé la taxe sur les services, la taxe d'hébergement de 4 % à 6,5 %. Et ça, c'en est une autre donnée. De sorte que, moi, je trouve que les données financières qu'il y a là-dedans sont absolument ridiculement parcellaires, ne donnent pas du tout l'ensemble de la situation.

Enfin, M. le Président, vous me dites qu'il me reste une minute. Une société, en général, dans un État, constitue plutôt un écran qu'un élément de transparence parce que c'est le ministre lui-même qui a accès, mais que l'ensemble des députés a difficilement accès aux données de la société, qu'elle ne paraît que très rarement en commission parlementaire. On l'a vu très bien, par suite de la réforme parlementaire, comment c'était difficile d'amener des organismes d'État ici. Donc, c'est exactement ce qui va se produire: la Société du tourisme du Québec va constituer un écran pour les parlementaires et, donc, pour le public.

(21 h 40)

Alors, je sais que mes collègues ont soulevé qu'il y aurait quelques amis qui seront sûrement intéressés à cette Société. C'est le lot de ce gouvernement. On le voit très bien. Il y en a qui pantouflent assez facilement par les temps qui courent et qui se cherchent des planques avant que le feu électoral ne purifie quelque peu le climat, l'atmosphère et les équipes qui sont là, en place.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député de Labelle. Alors, toujours en remarques préliminaires, je cède la parole au député de Papineau.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Je n'étais pas pour intervenir. On m'a demandé, tantôt, d'assister aux remarques du député de Labelle. J'ai écouté, tantôt, parler de ruines, de villes, de campagnes, de clubs sportifs. J'ai écouté aussi parler de gens qui s'occupent de leur comté. Je ferai remarquer, avant qu'on aille plus loin, M. le Président, que, pour demeurer dans un comté de tourisme, il faut demeurer là à temps plein, pas demeurer à Montréal et s'occuper d'un comté à temps partiel.

La Société du tourisme du Québec, je pense que, pour nous dans la région de l'Outaouais, c'est un élément très important. C'est un élément... Quand on regarde le nombre d'emplois que ça peut créer dans tout le Québec, 256 000 emplois, 21 000 établissements, et qu'on écoute ces gens-là, un mercredi soir, ici, juste vouloir passer le temps, c'est malheureux d'écouter ces gens-là s'asseoir ici et juste nous dire n'importe quoi, nous dire que – et c'est vrai – il n'y a probablement peut-être même pas de perte d'emplois, mais un changement de philosophie au point de vue du tourisme, si tu veux, au point de vue du Québec. Ces gens-là, il y a des gens qui leur donnent des arguments, dans la salle. On peut accepter ça. C'est bien...

M. Farrah: La démocratie.

M. MacMillan: C'est la démocratie, c'est vrai. Merci, M. le ministre. Mais, quand on parle vraiment de tourisme, et quand on parle d'argent qui est injecté dans la région, dans les régions du Québec, et qu'on veut juste nous garder ici jusqu'à minuit ce soir et dire que 35 000 000 $ et 4 000 000 000 $... C'est ces gens-là, de l'autre côté, qui nous parlent de séparation, qui nous parlent de, je ne sais pas, tout donner à tout le monde parce qu'on est en temps électoral. On les écoute dans les périodes des questions et, à chaque fois...

M. Blais: Dans ce cas-là, on ne veut pas de séparation, on veut que ça reste au tourisme.

M. MacMillan: Bien oui, j'espère! Et, là, à chaque fois qu'on parle d'un dossier ou qu'on parle d'un ministère, qu'on parle de changement, ces gens-là sont prêts à tout donner à tout le monde; aux employés, pour commencer. Ils sont prêts à faire ça. Ils sont prêts à augmenter les déficits sur tous les bords et à faire une société par eux autres mêmes, à faire un nouveau pays. On ne nous dit pas vraiment combien ça peut coûter, toutes ces affaires-là.

Nous, on a pris la responsabilité, on a pris vraiment la responsabilité de changer, par exemple, la Société du tourisme du Québec, de pouvoir donner la chance aux gens des régions de décider exactement ce qui se passe dans le tourisme dans chacune des régions. Et ça, c'est important. Ce n'est pas ici, à Québec, qu'on devrait prendre toutes ces décisions-là, c'est dans chacune de nos régions. C'est important, ça.

On parle de décentralisation. On l'a prouvé dans chacune de nos régions avec le Conseil régional de développement, par exemple, dans l'Outaouais, M. le Président, et vous êtes témoin de ça, que les décisions qui ont été prises chez nous ont créé, dans 30 jours, 156 emplois, avec 730 000 $ d'investissements. Alors, la Société du tourisme du Québec, qui va avoir des représentants, probablement, de chacune des régions, les ATR... C'est eux qui connaissent vraiment les problèmes dans chacune des régions. Ce n'est pas la personne qui est assise à Québec qui peut prendre vraiment les décisions du tourisme dans chacune de nos régions. Il n'y a personne qui peut vraiment me dire ou me prouver le contraire, même. Je pense qu'il est important de laisser chacune de nos régions créer ses propres sociétés.

Les ATR, c'est l'exemple suprême. Chez nous, ces gens-là ont fait beaucoup de travail pour améliorer et attirer... Il y a même une maison de tourisme à Hull, dans votre comté, M. le Président, qui a eu des investissements du CRD, avec la ville de Hull, la région. Ce n'est pas le gouvernement. Une partie. Et ça va très, très bien. Même, on me dit qu'un des représentants de notre région va siéger et peut-être qu'il sera le président de la Société. J'espère.

Une voix: ...

M. MacMillan: Non, bien, peut-être. Mais, quand on vient nous dire tous ces beaux mots, 35 000 000 $, on va mettre de l'argent sur la table... J'écoutais le député de Labelle. À un moment donné, il faut continuer à additionner combien ça peut coûter. C'est le critique aux Finances, notre député de Labelle. C'est lui qui dit à tout le monde qu'on va faire un nouveau pays. C'est lui qui, en 1984, avec le «beau risque», n'était pas satisfait, puis qui s'est en allé chez eux. Tantôt, il parlait de l'ex-ministre Sam Elkas...

M. Léonard: Qu'est-ce que ça a donné?

M. MacMillan: Non, tu es revenu. Malheureusement pour nous autres. Mais Sam, quand même, le ministre, il a dit tantôt: L'ex-ministre, il n'a pas lâché, lui; malgré qu'on a fait des coupures, il est ici, il est présent. Il est même à l'Assemblée nationale régulièrement. Ça, ce n'est pas un lâcheux. En anglais, on dit: «You are not a quitter, Sam». C'est important, ça. Mais il y en a comme toi qui ont décidé, en 1984, pour le «beau risque»...

M. Jolivet: M. le Président...

Le Président (M. LeSage): À l'ordre! Un instant, s'il vous plaît! Un instant, s'il vous plaît!

M. Léonard: Moi, au moins, j'ai des idées.

Le Président (M. LeSage): Un instant! Un instant! M. le député de Papineau, j'aimerais vous faire remarquer que, lorsque vous faites allusion à un membre de l'Assemblée nationale qui siège à cette commission, vous devez, d'abord, non pas l'appeler par son prénom, mais par le nom du comté qu'il représente. Alors, le Sam en question, c'était bel et bien le député de Robert-Baldwin.

M. MacMillan: Ah oui! Je m'excuse, je ne suis pas habitué.

Le Président (M. LeSage): Dans un autre ordre d'idées, j'aimerais vous rappeler, à vous et à tous les membres de cette commission, que vous ne devez en aucun temps vous adresser à un autre membre de cette commission, mais bel et bien à la présidence.

M. MacMillan: Il me fait surtout plaisir de m'adresser à vous, M. le Président, comme à la présidence, surtout que vous faites partie du caucus de l'Outaouais. Je m'excuse. Ce n'est pas parce que je suis nouveau, c'est nouveau pour moi d'intervenir dans un commission, étant whip adjoint, mais je ne pouvais laisser passer, ce soir, la chance de répliquer à la suite de, je ne dirai pas, comme notre leader dit, mon bon ami le leader, je ne peux pas dire ça, mais mon collègue de Labelle qui est ici juste pour mettre des bâtons dans les roues. C'est juste pour garder tout le monde ici jusqu'à minuit ce soir, même les employés du Tourisme, tous ces gens-là qui sont en arrière, les gens du cabinet, nos députés qui voudraient être à Montréal ce soir, à minuit.

M. Jolivet: M. le Président, il y a une solution: qu'il ajourne. Ajournez.

Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. MacMillan: Non. On va continuer parce que c'est intéressant qu'on puisse, nous autres aussi, passer nos messages, M. le député de Laviolette. C'est comme ça, M. le Président, qu'on doit dire ça?

Le Président (M. LeSage): C'est ça.

M. MacMillan: Merci. Je vais revenir. On a parlé tantôt que eux voyagaient pour aller visiter les ruines en Europe, mais, nous autres, on voyage au Québec.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. MacMillan: On voyage au Québec. Je vais même dans le comté de Labelle assister à plusieurs rencontres. Je vais au Mont-Tremblant qui touche...

M. Blais: Viens-tu au Patriote?

M. MacMillan: Non, je n'ai pas eu le temps encore. Je vais y aller bientôt. Tout l'argent qui est dépensé par notre gouvernement – la route 117 – c'est terrible. Puis qu'on vienne nous dire que la Société du tourisme du Québec, ce n'est pas important pour nos régions! Est-ce qu'il y a un endroit au Québec, exemple, comme Charlevoix, qui a eu autant d'argent de dépensé comme dans le comté de Labelle, du député de Labelle? Le Mont-Tremblant, les investissements des gens d'Intrawest, si je ne me trompe pas, la compagnie, c'est ça, les investissements de l'Ouest. Est-ce que vous avez eu la chance, M. le Président, de lire le livre «Québec inc.»? Je vous pose la question. Est-ce que j'ai le droit de vous poser une question?

M. Léonard: C'est de l'argent qui se dépensait.

M. Bourdon: Moi, je suis en train de lire «Le Tricheur».

M. MacMillan: Oui, «Le Tricheur». Vous avez regardé, M. le député de Pointe-aux-Trembles, à TVA, la semaine passée, quand ils ont dit que, le titre, ça aurait dû être «Stratège» au lieu de «Tricheur»? Vous l'avez regardé, j'espère?

M. Bourdon: Adressez-vous au président.

(21 h 50)

M. MacMillan: J'espère que vous l'avez regardé, M. le Président, au député de Pointe-aux-Trembles.

Pour terminer, M. le Président, j'aimerais mentionner juste une affaire. Il est important de dire aux gens du Québec que c'est très facile de s'asseoir de leur côté, puis de dire qu'ils vont tout donner aux gens. Ils vont tout donner. On abolit les ministères qu'on dit... Mais je vais dire juste une affaire qui est importante, c'est que les gestes qui sont posés dans le tourisme, par le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce et responsable du Tourisme, il est très important de vous dire que c'est les régions qui vont prendre les décisions dans chacune de nos régions. Je pense que c'est le but principal de cette loi-là, et c'est important de dire que, pour nous, du côté du gouvernement et des gens qui sont ici, c'est plutôt par des gens des régions, et c'est important que ce soit fait comme ça. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député de Papineau. Toujours en remarques préliminaires, je cède la parole, maintenant, au député de Portneuf.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand: Merci, M. le Président. Quand on s'intéresse à ce projet de loi et à ses différents articles, ce qu'on en déduit, après des lectures attentives de même qu'en consultant également les documents qui ont été produits à gauche et à droite et, notamment, le mémoire présenté au Conseil des ministres, c'est qu'on est manifestement devant un gouvernement qui veut donner l'illusion de bouger.

Et on peut le comprendre parce que, depuis 1989, on a été devant un gouvernement qui, carrément, a été, si vous me permettez l'expression, assis sur le commutateur – pour ne pas employer un terme anglais – et qui se réveille après quatre ans. Puis, là, on se retrouve à peu près au mois de décembre dernier ou au mois de janvier, plus de quatre ans, avec des sommets de chômage, des sommets d'aide sociale en termes de nombre de prestataires, des sommets quant au fardeau fiscal, une économie qui piétine toujours. Puis, là, un nouveau premier ministre désigné dit: Bon, bien, maintenant, là, les gens, il faut vraiment donner à la population l'impression qu'on est devant un nouveau gouvernement. Même si on est là depuis 10 ans, presque, depuis neuf ans, même si on a été partie à tout ce qui n'a pas été fait depuis, notamment, quatre ans, depuis que la récession est commencée, il faudrait bien illustrer ou donner l'illusion aux gens qu'on bouge, qu'on est une nouvelle équipe, qu'on est prêts même à renier à peu près tout ce qui s'est fait depuis huit ans, depuis neuf ans.

Alors, on y va avec un certain nombre d'ajustements parfois assez substantiels, en termes d'énergie à consacrer à la structure gouvernementale. On fusionne des ministères, on crée des sociétés d'État, on en privatise d'autres. Tout bouge, tout revole, entendez-vous, à quelques instants d'une grande échéance, tout ceci pour cacher, justement, l'incapacité du gouvernement à rencontrer ses propres objectifs, ce pour quoi, finalement, il s'était fait élire il y a déjà maintenant presque cinq ans, notamment en ce qui regarde l'emploi. Et on se retrouve, quatre ans après, avec ce que vous savez.

Alors, nous sommes devant un projet de loi qui est la plus totale, parfaite illustration de cette espèce d'exercice, au fond, un peu creux, où on essaie, en bâtissant des structures, de donner l'illusion à la population qu'on est devant un gouvernement qui, enfin, a commencé à bouger. On brasse la cabane. On bouge pour bouger. C'est vrai, par exemple, dans le cas d'autres projets de loi: même chose en ce qui concerne le projet de loi 3, qui concerne le ministère du Travail; même chose en ce qui concerne un autre projet qui a été discuté au cours des derniers jours, le projet de loi 10 sur toute la question des services gouvernementaux.

Alors, qu'est-ce qu'une société – on se le demande, en ce qui regarde le présent projet de loi – apportera de plus que ce que le ministère faisait déjà? Bien, là, on cherche, puis on cherche longtemps. Une société au service de l'industrie, premièrement, nous dit-on. Alors, on se pose naturellement la question suivante: Pourquoi pas au service du tourisme? Parce que l'industrie est certes une partie importante de nos préoccupations en matière de tourisme au Québec, mais c'est loin d'être la totalité du secteur couvert. Il y a beaucoup d'autres rôles qui doivent être joués par un gouvernement à l'égard du secteur du tourisme que simplement constituer une société qui va se mettre totalement, à toutes fins pratiques, au service de l'industrie, d'après les termes mêmes employés par le ministre pour présenter son projet de loi et le défendre.

Une société qui arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, M. le Président. On l'a souligné dans différents documents, notamment dans le mémoire qui a été préparé par des employés du ministère du Tourisme, une initiative qui n'est liée à aucune, je dirais, base un tant soit peu méthodologique, qui arrive vraiment comme une totale surprise, qui vient de nulle part ou qui vient, à toutes fins pratiques, peut-être d'une pâle imitation ou d'une imitation malhabile de dispositions qu'on rencontre dans certains pays. Mais, encore là, d'un pays à l'autre, il semblerait qu'il n'y ait aucune corrélation démontrable entre la performance de pays qui ont de telles sociétés, d'ailleurs dont la composition du mandat est certes fort différente de ce qu'on a ici, en règle générale, et d'autres pays où il n'existe pas de telles sociétés. En termes de rendement, sur le plan économique, au niveau de l'industrie touristique, qu'est-ce qui fait la différence entre un pays où on retrouve une telle société et un autre pays où on ne retrouve pas de telle société? Absolument rien, M. le Président.

Alors, on copie pour copier. On copie pour donner l'impression de bouger. On l'a déjà fait dans d'autres secteurs. Imaginez qu'après à peu près six ans de réflexion, de discussion, au Québec, sur comment on pourrait réorganiser le secteur de la santé et des services sociaux, il y avait encore des gens qui disaient: Bien oui, mais est-ce qu'on ne pourrait pas essayer l'expérience de nos voisins britanniques, par exemple, en ce qui regarde l'organisation des services de première ligne dans le domaine de la santé? Bon. Au lieu de s'appuyer sur nos forces, sur la sagesse d'un processus qui avait permis, effectivement, de faire ressortir d'excellentes suggestions quant à la réorganisation de ce secteur-là au Québec, on avait cette espèce de drôle de réaction de dire: Bien, regardons de l'autre côté, dans le champ, l'herbe a l'air d'être plus verte. Ça devrait marcher mieux que ce qu'on a déjà tout réfléchi ensemble. Bon.

C'est un peu la même chose. Je veux dire, devant l'absence manifeste d'idées et de perspectives quant à la façon de relancer le Québec, notamment dans le domaine touristique, on dit: Allons-y par les moyens, par les structures. Modelons les mêmes choses, mais de façon différente, avec des étiquettes différentes et, également, avec des pilotes différents. Bon. Alors, selon nous, M. le Président, il n'y a rien qui nous prouve que cette Société et la proposition qui est contenue au projet de loi feraient en sorte qu'on pourra mieux fonctionner et qu'on pourra générer des rendements plus intéressants que ce que nos structures déjà pouvaient produire.

Quoi de plus, dans ce projet de loi? Qu'est-ce que nous amènera véritablement ce qui est proposé actuellement? Même mission, à toutes fins pratiques. Mêmes champs d'intervention, exactement les mêmes ou à peu près, des champs, d'ailleurs, très bien couverts par les structures actuelles et les compétences qu'on retrouve au ministère du Tourisme actuellement. Risque de mise en veilleuse de certains aspects du rôle que les structures actuelles assument, par exemple, eu égard à la promotion des actifs publics en matière touristique, eu égard, également, à l'importance de la formation, de l'information, de la recherche même en ce qui regarde le tourisme au Québec. Risque également de perte de contrôle sur le secteur et sur la qualité des produits. Bref, on se demande vraiment, quand on regarde le projet de loi, qu'est-ce qu'on y gagne et on peut s'interroger sérieusement sur les risques qu'on prend, en termes de pertes concrètes, pour même l'industrie touristique à elle seule, par la présente initiative, M. le Président.

(22 heures)

Il faut comprendre que c'est un peu comme en recherche-développement ou en technologie. Ce qu'on investit comme efforts dans certains secteurs aujourd'hui, en améliorant l'information, en améliorant les perspectives, c'est les emplois de demain qui se préparent. C'est l'économie de demain qu'on façonne et qu'on modèle. Comment la Société, telle qu'elle sera constituée et telle qu'elle sera pilotée également, sera-t-elle en mesure de nous assurer que, sur ce plan-là, on retrouve ne serait-ce qu'un semblant de la performance sur laquelle nous pouvons déjà compter pour le bénéfice du secteur touristique québécois?

Questionnement, également, à l'égard de la composition, j'oserais dire, douteuse du conseil d'administration ou peut-être, si le mot est trop fort...

M. Farrah: Question de règlement, là. On présume des intentions.

M. Bertrand: ...peut-être, si le mot est trop fort, obscure, obscure, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Un instant! Un instant! M. le député de Portneuf, un instant!

M. Farrah: On prête des motifs, là. On prête des motifs. Ce n'est pas...

M. Bertrand: J'ai hésité, effectivement...

Le Président (M. LeSage): Un instant! M. le ministre, vous avez un point d'ordre, un point de règlement?

M. Farrah: Bien, écoutez, là! C'est qu'on prête des motifs et, à mon point de vue, c'est antiparlementaire, M. le Président. Je demanderais au député de Portneuf peut-être de rectifier...

Une voix: De retirer.

M. Farrah: ...de retirer ses paroles.

M. Bertrand: Absolument pas! Enfin douteuse, disons obscure...

M. Farrah: Oui.

M. Bertrand: ...la composition, parce que tout ce qu'on dit là-dedans, c'est que, essentiellement, le conseil d'administration sera formé d'un certain nombre de...

Le Président (M. LeSage): Bon. M. le député de Portneuf, si vous voulez bien faire attention de ne pas blesser qui que ce soit et de n'utiliser que des propos parlementaires. Et je vous cède à nouveau la parole.

M. Bertrand: Oui, M. le Président. Remarquez, je n'ai pas encore réussi à comprendre en quoi le mot «douteux» pouvait être antiparlementaire, M. le Président. Je veux dire, si...

Le Président (M. LeSage): Vous pouvez poursuivre, M. le député de Portneuf.

M. Bertrand: Bien sûr, M. le Président, mais, je veux dire, si le gouvernement a des intentions douteuses, c'est son problème, ce n'est pas le nôtre. Mais tout ce que je veux dire là-dedans, c'est que la composition est pour le moins bizarre, disons. O.K.? Tout ce qu'on dit, c'est que le conseil d'administration est formé d'un certain nombre de personnes, et on apprend dans le mémoire du ministre qu'essentiellement on nommera des gens du secteur privé là-dessus pour assumer une bonne partie, là, des fonctions qui, normalement, relèvent d'un État normalement constitué, justement. Alors, composition pour le moins bizarre du conseil d'administration, surprenante, certes.

L'industrie, imaginez, M. le Président, décidera elle-même de ses propres normes – parce que c'est devant ça qu'on est – l'industrie décidera elle-même de ses propres contraintes, à toutes fins pratiques, des critères d'attribution de l'aide financière ou sera en mesure d'influencer largement les critères d'attribution qu'adoptera éventuellement, par exemple, un Conseil du trésor sur recommandation du ministre. Mais ce qu'il faut comprendre, M. le Président, c'est qu'on retrouve, dans ce cas-là, exactement – et j'aimerais que le ministre écoute bien – le même genre de phénomène qu'en ce qui regarde la mode de la privatisation des services informatiques. À vouloir se départir de fonctions aussi importantes que celles-là, on se prive également de l'expertise et d'une capacité de mieux connaître le secteur et on devient inévitablement à la merci de ceux qui, désormais, posséderont cette connaissance.

Comment le gouvernement, à ce moment-là, peut-il intervenir adéquatement et en toute connaissance de cause, par rapport à un secteur aussi important que celui de l'industrie touristique, M. le Président? Ça m'apparaît très important. Et les bilans commencent à sortir, là, sur la privatisation, et ce qu'on y apprend, c'est ceci, pour beaucoup: en cédant des activités de cette façon-là directement ou indirectement au secteur privé, ce qui arrive, c'est qu'on perd contact, en termes de connaissances, avec le secteur, on se retrouve devant un État plus ignorant de ce qui se passe et non moins contraignant, parce qu'il va chercher à réglementer davantage, de toute façon, mais un gouvernement plus aveugle dans le secteur. C'est ça qui se passe, en réalité, et c'est ce vers quoi de telles suggestions et de telles perspectives nous amèneront inévitablement.

M. le Président, avec ce qui est proposé, toujours, comme composition du conseil d'administration, et ces derniers propos là s'inspirent largement de ce que les employés eux-mêmes ont mis sur la table dans leur mémoire... Peut-être que certains députés ministériels trouvent ça bien drôle, mais ceux-là mêmes qui connaissent le secteur vous posent ces questions actuellement, M. le Président, leur posent ces questions-là. On peut trouver ça hilarant, mais ces gens-là ne sont pas des gens incompétents dans le domaine, et, quand vous riez de cette façon-là, quand les ministériels rient de cette façon-là, c'est de ceux-là mêmes qui savent de quoi ils parlent dont on parle. Combien de chicanes de clocher, M. le Président, se préparent actuellement?

M. Bourdon: M. le Président, le règlement... Est-ce qu'il y aurait moyen que les ministériels qui s'ennuient ou qui sont hilares aillent jouer ailleurs? Nous autres, on pensait qu'on pouvait se faire entendre, ici.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Je pense que vous apportez un point très important. Il est très désagréable pour une personne qui a la parole à cette commission d'entendre des voix et, même, je ne qualifierai pas les propos, je ne veux pas non plus porter de jugement, mais j'aimerais, j'apprécierais beaucoup, la présidence apprécierait beaucoup la collaboration de tous et chacun, qu'on laisse le droit de parole à la personne qui a ce droit de parole et qu'on respecte ce droit de parole pour le bien de nos travaux et la compréhension de nos travaux. M. le député de Portneuf, la parole est à vous.

M. Bertrand: Je vous remercie, M. le Président. Dernière question sur cet élément relié, finalement, à la composition éventuelle du conseil d'administration. Qu'adviendra-t-il de l'équilibre du développement des régions en matière touristique? Est-ce que, telle que constituée, parce que loin, je dirais, des préoccupations de l'État, une telle structure ne fera pas en sorte qu'on se retrouvera devant un débalancement, éventuellement, dans l'équilibre du développement touristique au Québec?

Il faut comprendre que, quand on met des personnes en situation de conflit de rôles – je n'emploie pas le terme «conflit d'intérêts», juste pour ne pas avoir l'air d'exagérer – ça peut impliquer, à un moment donné, qu'on induise un certain nombre de biais dans les décisions, même inconsciemment, qui feraient en sorte que certaines régions feraient les frais d'une structure pour le moins bancale, telle qu'on veut l'instaurer par les propositions contenues au projet de loi.

Conflit, également, potentiel dans les priorités d'affectation des fonds et dans l'arbitrage, un arbitrage qui va se faire désormais largement par l'industrie, certes, peut-être un peu balisé par des normes, des programmations budgétaires ou je ne sais pas trop quoi, par des décrets, éventuellement, mais une marge de manoeuvre beaucoup plus large, qui ferait en sorte qu'on peut s'interroger sur l'affectation des priorités.

On se demande également ce qu'une société peut faire de plus ou de mieux en formation et en sensibilisation, en recherche sur le tourisme, etc. On nous parle de partenariat entre le gouvernement et l'industrie. Est-ce qu'il n'existait pas déjà, ce partenariat, avec un ministère qui, constamment, était en relation avec ses différents partenaires, autant gouvernementaux que du secteur privé, autant du secteur public que du secteur privé? Est-ce qu'il va exister davantage, ce partenariat, avec la formule qui est proposée et qui implique, entre autres, encore une fois, qu'au niveau du conseil d'administration on retrouvera essentiellement les gens de l'industrie? Ce n'est pas que les gens de l'industrie ne peuvent pas être utiles dans le domaine, au contraire, mais ils ne doivent pas être les seuls, il me semble. Encore là, est-ce que le gouvernement ne se prépare pas, à plus ou moins brève échéance, à brader ses actifs et à perdre sa capacité de connaître, de reconnaître les problèmes et d'intervenir éventuellement?

M. le Président, j'en viens également à la question de l'exclusion de la Société du tourisme de l'application de la Loi sur la fonction publique. Pour quelle raison? Pour quelle raison refuse-t-on la possibilité que, comme dans d'autres sociétés d'État qui sont dans des activités certes pas les mêmes, mais au moins apparentées... Pourquoi ne serait-il pas possible, tout simplement, de faire en sorte, justement, que la loi de la fonction publique s'applique à cet organisme également? On a connu des exemples, comme la Société de l'assurance automobile du Québec, la CSST également, et ça n'empêche pas ces organismes-là de fonctionner adéquatement. Si, au moins, on avait une démonstration de l'opportunité, éventuellement, de se soustraire à une telle loi, dans les documents qui ont été portés à notre attention, une démonstration. Mais absolument pas. On part d'une espèce de voeu vague ou de croyance quelconque à l'effet qu'en se soustrayant à une telle loi on pourrait probablement fonctionner de façon plus efficace et plus harmonieuse, avec plus de souplesse. Bon. Mais pourquoi ne pas se donner, à l'intérieur même, éventuellement, du cadre de la loi de la fonction publique, la flexibilité nécessaire? Pourquoi en serait-il mieux autrement, M. le Président?

(22 h 10)

Et, d'ailleurs, j'attire l'attention du ministre sur le fait que, selon les informations que nous avons pu obtenir pas plus tard que le 10 mars dernier, sa collègue, présidente du Conseil du trésor, indiquait, lors d'une rencontre ou d'échanges avec le président et la présidente respectivement du SPGQ et du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, donc, qu'elle n'avait pas d'objection à ce que les employés transférés à la Société du tourisme continuent éventuellement d'être assujettis à la Loi sur la fonction publique. Alors, M. le Président, je pense que voici un exemple d'information qui nous rend encore plus, je dirais, sceptiques quant à l'opportunité non seulement du projet de loi, mais aussi de certains éléments importants à l'intérieur de ce projet de loi là.

Alors, M. le Président, je pense que nous sommes manifestement – et je dois conclure, si je comprends bien – devant des devoirs qui ont été mal faits, des objectifs qui ne sont pas clairs, des moyens qu'on met sur la table qui feront certainement l'objet d'interrogations et de questionnements. Moi, je comprends que le ministre, en définitive, a eu une commande, puis qu'il s'est exécuté, à toutes fins pratiques. Je pense que le devoir a été mal fait, et, pour avoir souvent conseillé des ministres dans une profession précédente, si on avait présenté un devoir de même, je ne suis pas sûr qu'on aurait été encore longtemps au travail, parce que ce qu'on voit là m'apparaît être effectivement quelque chose de bâclé, et je n'en tiens pas rigueur au ministre, mais plutôt probablement au genre de commande pressante qu'il aura eue de son patron.

Je termine, M. le Président, en mentionnant que, en ce qui regarde la consultation, je pense qu'une consultation veut dire beaucoup plus que simplement quelques échanges entre le ministre et certains intervenants soi-disant représentant différents milieux, que, si on veut parler de véritable consultation, on doit se permettre d'entendre ceux et celles qui souhaitent être entendus par le ministre et, éventuellement, par le Parlement via la commission parlementaire. C'est la raison pour laquelle, en terminant, je fais motion...

Le Président (M. LeSage): En conclusion, M. le député de Portneuf.

M. Bertrand: Je fais motion, M. le Président, qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la commission permanente de l'économie et du travail tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 23, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende le SPGQ.

Le Président (M. LeSage): Un instant, un instant!

M. Bertrand: Voilà!

Le Président (M. LeSage): Avant de procéder avec une telle motion, je dois demander s'il y a d'autres remarques préliminaires de la part d'autres ministériels, que ce soit de quelque formation politique que ce soit.

M. Léonard: Exact, vous avez raison.

M. Jolivet: M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Oui, monsieur...

M. Jolivet: Cependant, nous vous indiquons que, lorsque toutes les remarques préliminaires auront été faites et que le ministre aura répliqué, nous pourrions, à ce moment-là, passer à l'étape des motions préliminaires. Donc, s'il reste encore, de l'autre côté, des gens à parler, c'est possible qu'il y en ait aussi de notre côté, on verra, mais mon collègue vous annonce dès maintenant qu'il aura une motion préliminaire à faire.

Le Président (M. LeSage): Alors, c'est noté. Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires de la part des députés ministériels ou de l'Opposition? M. le ministre, vous voulez intervenir?


M. Georges Farrah

M. Farrah: En réponse au député de Portneuf, il y avait quelques éléments, et ça, je pense que c'est important, parce qu'il faisait allusion aux employés du ministère qui sont très compétents, et nous sommes convaincus qu'ils vont faire un excellent job également à l'intérieur de la Société. Mais, quand vous parliez que c'était peut-être mal préparé ou qu'on ne connaissait peut-être pas nos dossiers, je pense que vous devriez faire attention parce que, en ce qui concerne les dispositions du projet de loi concernant la loi de la fonction publique, ce que nous appliquons comme modèle au niveau du transfert des employés à la Société, c'est la politique gouvernementale qui existe depuis 1983. Et ça débutait avec la création de la Société immobilière du Québec, en 1983.

M. Bertrand: Ah!

Une voix: Il se réveille, là.

M. Farrah: Non, non, écoutez, et, là...

Le Président (M. LeSage): Un instant, s'il vous plaît! M. le député de Portneuf, le ministre a la parole.

M. Farrah: C'est ça, on l'a laissé parler. Alors, on applique une politique qui existe depuis au-delà de 11 ans. Onze ans.

Une voix: Elle a fait ses preuves.

M. Farrah: Et, là, maintenant, tout d'un coup: Non, ce n'est pas correct, là. C'est vous-même qui l'avez impliquée. Alors, quand vous prêtez des motifs à l'effet qu'on devrait peut-être regarder nos dossiers, vous pourriez peut-être regarder les vôtres aussi. Quand vous affirmez des choses, assurez-vous que vous avez bien étudié votre dossier, parce que nous appliquons la même politique gouvernementale qui s'applique depuis 1983, M. le Président. Et je pense que c'est bien important de le spécifier, très important de le spécifier.

M. Bertrand: M. le Président.

M. Jolivet: M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Oui, merci, M. le ministre. Alors, M. le député de Portneuf, vous avez une...

M. Jolivet: Avant, M. le Président... Avant...

Le Président (M. LeSage): Vous avez une motion?

M. Jolivet: Avant ça, M. le Président...

M. Bertrand: Tout juste, M. le Président, pour rectifier...

Le Président (M. LeSage): Écoutez, un instant! Un instant, là! Les remarques préliminaires...

M. Bertrand: Pour rectifier, M. le Président...

M. Jolivet: Non, non, question...

Le Président (M. LeSage): ...s'il n'y a pas d'autres intervenants, sont terminées.

M. Jolivet: Un instant, un instant!

Le Président (M. LeSage): Vous m'avez indiqué, monsieur...

M. Jolivet: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Allez-y.

M. Jolivet: Parce que, si vous laissez parler mon collègue, vous allez comprendre. En vertu du règlement, il a le droit de rectifier...

M. Farrah: Non, non.

M. Jolivet: Je m'excuse, laissez-moi finir! Je connais assez le règlement pour... Il prendra la décision, ce n'est pas vous autres qui allez la prendre.

Mon collègue a été mal interprété. En vertu du règlement... Il a le droit d'utiliser le règlement... Je m'excuse, madame, je connais assez le règlement pour dire que j'ai raison. Mon collègue veut vous demander, en vertu du règlement...

M. Farrah: Ce n'est pas le règlement, M. le Président.

M. Jolivet: M. le Président, mon collègue veut vous demander, en vertu du règlement, de corriger ce que le ministre a interprété comme étant sa pensée. Il a le droit de corriger cette question-là. Vérifiez et prenez votre décision. Mais je peux vous garantir qu'en vertu du règlement mon collègue a été mal interprété par le ministre. Il a le droit de le corriger tout de suite, dès le moment où ça s'est produit.

M. Léonard: C'est vrai.

Le Président (M. LeSage): Alors, M. le député de Portneuf, je ne ferai pas de «procédurite». On va vous donner le bénéfice du doute. Moi, ce que je veux, c'est la transparence, qu'elle soit respectée de tous et chacun. Je vous cède la parole, mais brièvement.

M. Jolivet: M. le Président, je m'excuse, question de règlement.

Le Président (M. LeSage): Allez-y.

M. Jolivet: Vous n'avez pas le droit de dire ça comme ça, en disant: Je vous donne le bénéfice du doute. Moi, je ne veux pas avoir le bénéfice du doute, je veux avoir le règlement. Le règlement prévoit qu'une personne qui a prononcé un discours, si quelqu'un, suite à son discours, l'a mal interprété, a le droit de corriger.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Laviolette, j'ai cédé le droit parole au député de Portneuf.

M. Jolivet: Non, mais, je sais, mais...

Le Président (M. LeSage): M. le député de Portneuf, vous avez la parole.

M. Jolivet: Je sais qu'il a le droit.

M. Bertrand: M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Allez-y, M. le député de Portneuf.

M. Bertrand: Tout simplement pour mentionner que, par rapport à ce qu'avait compris le ministre, ma remarque s'appliquait à l'économie d'ensemble du projet de loi. Il peut très bien arriver que certains articles puissent avoir une valeur plus élevée que d'autres, mais l'ensemble du projet de loi m'apparaît être, pour le moins, moyen, M. le Président. Cote moyenne.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député de Portneuf. Alors, nous procédons maintenant aux... Vous avez une motion à présenter, M. le député de Portneuf?

M. Bertrand: Oui, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Allez-y.


Motion proposant d'entendre le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec

M. Bertrand: Il est donc proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la commission permanente de l'économie et du travail tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 23, Loi sur la Société du tourisme du Québec, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec.

Mme Dionne: M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.


Motion d'ajournement des travaux

Mme Dionne: Oui, M. le Président. Avant que le député de Portneuf prenne la parole et fasse son temps sur la motion, j'aimerais faire une motion également, conformément à l'article 165 de notre règlement, pour que la commission ajourne ses travaux.

M. Jolivet: Adopté.

Mme Dionne: Vous avez l'air content, terriblement.


Mise aux voix

Le Président (M. LeSage): Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Jolivet: Adopté.

Le Président (M. LeSage): Alors, j'ajourne les travaux de cette commission sine die.

(Fin de la séance à 22 h 18)