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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le vendredi 3 mai 1996 - Vol. 35 N° 11

Interpellation : Les relations du travail au Québec


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Président (M. Brouillet): Je déclare ouverte la séance de la commission de l'économie et du travail. Le mandat de la commission pour cette séance est de procéder à l'interpellation adressée à M. le ministre du Travail par M. le député de LaFontaine sur le sujet suivant: Les relations du travail au Québec.

Je me permets de vous rappeler brièvement le déroulement d'une séance d'interpellation. Dans un premier temps, l'interpellant, M. le député de LaFontaine, aura un temps de parole de 10 minutes, suivi de M. le ministre pour également 10 minutes. Par la suite, des périodes de cinq minutes seront allouées selon la séquence suivante: un député de l'opposition officielle; M. le ministre, après chaque intervenant, peut prendre un cinq minutes s'il juge à propos de le faire; et après nous passons à un député de l'autre groupe ministériel. Vingt minutes avant midi, donc les 20 dernières minutes, j'accorderai 10 minutes de conclusion à M. le ministre et un temps de réplique égal de 10 minutes à M. le député de LaFontaine. De plus, si un intervenant n'utilise pas entièrement le temps qui lui est alloué, ceci ne réduit pas pour autant la durée de l'interpellation.

Alors, nous avons deux heures. Sur ce, M. le député de LaFontaine, vous avez la parole pour 10 minutes.


Exposé du sujet


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais saluer et souhaiter la bienvenue au ministre et à ses collaborateurs ainsi qu'aux collègues députés qui sont ici, ce matin. Aujourd'hui, en effet, nous abordons un dossier très important et très vaste, qui est le dossier des relations de travail qui sont, au Québec comme ailleurs, bien entendu, la pierre angulaire du climat social de la société. La paix industrielle est une des facettes et un élément très important de la vie économique et de son développement. C'est pourquoi il faut, je crois, que le ministre du Travail y accorde toute son énergie, toute son attention, à chaque jour, aux relations de travail et aux situations qui se présentent quotidiennement. Il doit, bien sûr, jouer un rôle moteur, assumer un leadership dans l'évolution des mentalités et prendre soin des rapports qui existent entre les principaux acteurs du monde du travail.

Mais tous les projets qu'il entretient – et dernièrement on a pu le voir dans les journaux – dont la philosophie rappelle un peu un ésotérisme expérimental, toutes les intentions qu'il manifeste pour modifier le Code du travail, la Loi sur les normes, les négociations dans les municipalités, le régime des décrets de convention collective, une loi sur l'équité salariale, une loi sur les licenciements collectifs, etc., sans parler, bien sûr, de l'article 45 du Code du travail, tous ces projets ne doivent pas l'éloigner de sa responsabilité première, celle de s'occuper des dossiers urgents qu'il a devant lui.

Nous avons entendu, mercredi dernier, le premier ministre du Québec dire en cette Chambre que les relations de travail se faisaient dans un cadre législatif qui est, dans l'ensemble, extrêmement satisfaisant, allant là à l'encontre des prétentions du ministre de vouloir tout chambarder. Comment le ministre va-t-il faire pour réaliser tout ce qu'il veut? Comme le mentionnait dernièrement, le 1er mai, un article du Devoir , s'il n'en tient qu'au ministre du Travail, nous assisterons, au cours du mandat actuel du gouvernement, à un véritable chambardement des structures et des règles régissant le monde du travail au Québec.

La dernière fois que le gouvernement du Parti québécois a légiféré, on s'en souvient, il a adopté, en 1995 – en janvier 1995, plus précisément, dans la nuit – sous la pression des forces syndicales du secteur de la construction, à la veille des commissions régionales sur la souveraineté, la loi 46. Cette loi, qui devait régler tous les problèmes dans l'industrie de la construction, en a créés de nouveaux. Et on se souviendra, de triste mémoire, il n'y a pas si longtemps, les manifestations qui ont eu lieu au mois de mars dernier, à Montréal, à Trois-Rivières, à Sherbrooke et à Québec. On se souviendra aussi des nombreuses questions très légitimes que la population s'est posées à ce moment-là. Et on se rappellera aussi que ces manifestations ont dégénéré, dans plusieurs cas, en violence sur la voie publique.

Qui a voté pour cette grève? Dans quelles circonstances? Du côté des employeurs, qui a voté pour le lock-out? Et dans quelles circonstances? Est-il normal qu'une personne au chômage vote en faveur d'une grève au nom d'une autre qui travaille? Est-il normal que des travailleurs qui n'ont rien à voir avec le secteur résidentiel votent pour un arrêt de travail dans ce secteur et que d'autres travailleurs, actifs dans ce secteur, ne soient même pas convoqués pour assister aux assemblées?

Qu'est-ce que le ministre du Travail a l'intention de faire avec la cinquantaine de plaintes, à ma connaissance, qu'il a reçues, à date, en vertu de l'article 105 de la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction? Comment se fait-il que le ministre du Travail n'ait pas réussi à rapprocher les parties dans le secteur résidentiel de la construction avant le déclenchement des hostilités en mars dernier? Pourquoi n'est-il pas intervenu au moment opportun pour aider les partenaires à résoudre leurs différends? Pourquoi n'a-t-il pas utilisé tout son poids moral et politique pour favoriser une négociation historique dans l'industrie de la construction autrement que par le recours aux moyens de pression traditionnels qui, comme je le disais précédemment, a débouché sur des actes de violence et de non-respect de la paix civile?

Pourtant, M. le Président, le premier ministre a aussi dit, et je cite: «Le gouvernement ne va pas attendre que les conflits naissent, le gouvernement croit qu'il faut les prévenir et qu'il faut travailler avec les parties pour s'assurer, dans toute la mesure du possible, que les relations patronales-syndicales ne débouchent pas sur des conflits.» Pourquoi le ministre du Travail n'a-t-il pas agi avec doigté, fermeté et respect envers les partenaires pour prévenir cet événement? Est-ce que le ministre du Travail peut nous dire ce qu'il a fait, à date, pour éviter la reprise des moyens de pression dans les secteurs? Il n'y a aucune clause de négociée encore aujourd'hui, et le décret de la construction est échu depuis décembre 1994. Est-ce que ça l'inquiète?

Le premier ministre a dit aussi: «L'important, c'est que les statistiques – je ne les ai pas à la main – montrent que, au Québec, nous avons, à toutes fins pratiques, réalisé la paix sociale». Or, nous savons tous très bien que, avec la crise économique que nous connaissons et la baisse du nombre d'entreprises, nous aurions pu nous retrouver avec moins de conflits sociaux que nous n'en avons. Et, au Québec, M. le Président, nous avons 900 000 travailleurs et travailleuses syndiqués, nous avons autour de 8 000 conventions collectives en vigueur, et chaque année tout près de 2 000 conventions se renouvellent. Il n'y a pas si longtemps, près de 90 % des renouvellements de convention se faisaient sans recours aux moyens de pression traditionnels. Le ministre peut certainement nous dire si ce taux de paix industrielle est encore aussi élevé aujourd'hui et si l'impression que nous avons qu'il est en train de baisser est une fausse impression. Autrement dit, nous croyons que les conflits sont à la hausse et on veut que le ministre du Travail nous dise ce qu'il fait pour faire en sorte pour que la situation s'améliore au lieu de se détériorer. L'une des meilleures années à cet égard a été l'année 1994, avec 104 conflits déclenchés dans l'année, 12 907 travailleurs touchés et près de 319 000 jours-personnes perdus. C'est encore beaucoup trop élevé pour une économie dont la croissance est fragile et timide.

Un autre indicateur que le ministre a à sa disposition de façon quotidienne, il s'agit de la liste de grèves du ministère, et je souhaiterais qu'il la fasse parvenir régulièrement aux membres de l'opposition, à moi en particulier, pour que je puisse avoir ces informations, car, malgré des demandes, je n'ai pas encore pu l'obtenir. Et cette liste, ça permet certainement de suivre l'évolution mais peut-être de voir les actions, aussi, qui sont prises pour prévenir ces problèmes-là.

(10 h 10)

Le sous-ministre doit être au service du ministre et non pas le contraire. C'est, je crois, le ministre qui doit diriger son sous-ministre en concertation et en collaboration, et le ministre doit se garder la possibilité d'agir selon son jugement à lui. À date, nous savons que le ministre parle très souvent à son sous-ministre. Chaque fois que nous l'avons questionné, il a dit: J'en ai parlé à mon sous-ministre. Mais nous avons hâte que le ministre agisse dans les dossiers qui le concernent.

Est-ce que le ministre peut nous dire aujourd'hui combien il y a de conflits sur sa liste, combien d'entreprises et de travailleurs sont impliqués, combien de grèves sévissent au Québec et combien de lock-out sont déclenchés en ce moment? Est-ce qu'il prévoit des dossiers plus difficiles cette année? Que fait-il dans le dossier du Casino de Montréal, dans le dossier des ambulanciers, dans le dossier des policiers municipaux, dans le dossier des Scobus, dans le dossier de Sorel, qui prive plusieurs parents et enfants de leur transport scolaire, dans le dossier de Peerless et dans le dossier des cols bleus de Montréal? C'est quoi, sa façon d'opérer? Est-ce que le ministre du Travail croit qu'il a un rôle à jouer dans la vraie vie, sur le terrain, à la hauteur des marguerites, ou est-ce que le ministre va continuer ses grandes envolées philosophiques? Est-ce que le ministre du Travail croit qu'il a un rôle à jouer dans la résolution de situations qui peuvent avoir des effets négatifs sur l'emploi et l'économie d'une région, d'une municipalité ou d'un village? Comment le ministre entend-il favoriser le recours aux nouvelles approches en matière de relations de travail? Comment espère-t-il augmenter le nombre de conventions collectives qui s'inspirent de ces nouvelles approches? Comment le ministre a-t-il l'intention de participer aux changements d'attitude et de mentalité quant à l'emploi, au partage et à l'aménagement du temps de travail? Est-ce que le ministre a l'intention de convaincre, mobiliser, inciter ou s'il préfère toujours légiférer pour imposer les solutions qu'il juge appropriées?

On le voit, M. le Président, le milieu du travail a un énorme mandat. Ses déclarations intempestives, son discours philosophique, ésotérique, sa philosophie à l'égard des institutions qu'il a sous sa responsabilité, à l'égard de ses projets de chambardements législatifs dans les lois dont il est le gardien risquent de perturber le climat, de braquer les parties dans une sorte d'immobilisme. On attend des modifications législatives plutôt que de responsabiliser les partenaires et de les rapprocher davantage vers un meilleur partenariat et une réelle concertation.

C'est pour ces raisons, M. le Président, que l'opposition a demandé que nous ayons un échange, ce matin, avec le ministre du Travail. Nous voulons clarifier certaines choses avec le ministre pour le bénéfice des citoyens et des travailleurs du Québec qui nous écoutent ce matin et qui attendent de nous des actions dans les situations difficiles que nous connaissons actuellement. Aussi, ce n'est pas négligeable dans l'intérêt aussi des entreprises et des entrepreneurs qui, eux aussi, attendent des mouvements, des changements et des décisions gouvernementales, de même que des partenaires, telles les municipalités, comme on a pu le voir hier lors de l'Union des municipalités du Québec où le premier ministre, dans le discours d'ouverture, a fait le constat d'un certain nombre de situations sans s'engager fermement autrement que sur le rapport de médiation des policiers et des pompiers. Et nous pourrons y revenir, peut-être, un peu plus tard parce que les relations de travail, M. le Président, ça ne concerne pas seulement les syndicats au Québec, les mouvements syndicaux, ça concerne l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

Et aussi, M. le Président, il est responsable – le ministre bien entendu – des rapports individuels du travail qui sont régis non pas par le Code du travail mais par la Loi sur les normes du travail. Là aussi, le ministre nous annonce, sans aucune précision, une révision en profondeur de cette loi qui est en quelque sorte la convention collective de base de tous les travailleurs et de toutes les travailleuses du Québec. Est-ce qu'il a l'intention d'y changer les règles du jeu sans en parler à personne? Qui parle pour les entreprises, qui parle pour les travailleurs dans son gouvernement?

Enfin, les relations de travail sont aujourd'hui confrontées à de nouvelles réalités, et je pense à la multiplication récente de ce qu'on appelle les travailleurs autonomes, les entrepreneurs autonomes, et, sous ce nouveau vocable, se cachent des milliers de personnes qui tentent de gagner leur vie en dehors des règles habituelles de relations employeur-employé. Et, là, il faut encore que le ministre se penche là-dessus. Et, M. le Président, dans un article du Devoir , le ministre disait définir ce qu'est un employeur, car il y a une passoire qui est une invitation à l'exploitation, au travail au noir et au «cheap labor». Le ministre doit aussi, dans ce contexte-là, examiner le contexte et le phénomène qui est relié au travail autonome et clarifier le statut de salarié qu'on retrouve dans la plupart de nos lois sociales.

Et, en terminant, M. le Président, je sais que le ministre, à l'occasion, nous reproche de parler de licenciements, de congédiements et de fermetures et de, peut-être, mélanger cela, mais j'aimerais rappeler au ministre que, dans le dictionnaire des relations de travail de M. Gérard Dion, aux pages 211, 90 et 163, il pourra trouver les définitions de tout cela.

Alors, la question qui nous intéresse, M. le Président, est très simple, en terminant: Est-ce que le ministre du Travail a l'intention d'attendre huit mois ou de perdre du temps, encore, comme dans certains dossiers, pour intervenir – on l'a vu dans le dossier de la Kenworth – ou a-t-il l'intention de prendre les responsabilités qui sont les siennes et que la population attend qu'il assume?

Le Président (M. Brouillet): M. le député, votre temps est écoulé. Vous aurez le temps de revenir. Vous en avez pour une heure et demie, encore, deux heures. Alors, je cède la parole à M. le ministre.


Réponse du ministre


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, vous me permettrez d'abord de présenter les gens qui m'accompagnent, les deux sous-ministres au travail et deux présidents d'organisme, M. Shedleur, M. Ménard, aussi le personnel politique qui travaille avec moi et mes deux collègues députés, le député de Groulx et le député de Roberval.

M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention le député de LaFontaine, et, s'il fallait conclure dans les termes qui sont les siens, on aurait l'impression qu'on vit l'apocalypse au Québec et que le Québec est sens dessus dessous. La réalité est tout autre. La situation qui prévaut actuellement au Québec, on peut la qualifier de relativement calme. Il règne actuellement, au Québec, un bon climat qu'on juge, d'ailleurs, par le nombre d'arrêts de travail qu'a connus le Québec en 1995. En effet, selon les statistiques publiées – ça, ça va intéresser le député de LaFontaine – par le Centre de recherche et de statistiques sur le marché du travail, 96 % des conventions collectives ont été renouvelées en 1995 – 96 % – et l'ont été sans arrêt de travail. Je me suis même demandé la pertinence de l'interpellation de ce matin. Ça ne va pas si mal que ça, cela constitue l'une des meilleures performances des 10 dernières années. On va mettre ça dans nos cahiers de notes pour s'en souvenir une fois pour toutes. De plus, les dernières données disponibles démontrent que, par rapport à l'Ontario... Bien, imaginez-vous donc qu'il y a eu 463 000 jours de perdus en Ontario et 240 500 au Québec. Je sais qu'on n'aime pas toujours faire des comparaisons avec l'Ontario, mais quand ça fait notre affaire, pourquoi pas?

M. le Président, nul ne peut ignorer aujourd'hui à quel point la situation économique influence et conditionne la vie des personnes qui ont des responsabilités en matière de relations de travail. D'ailleurs, le ministère est un témoin privilégié des bouleversements que connaissent les entreprises et de toutes les difficultés qu'elles rencontrent, et Dieu sait comment ce n'est pas facile à gérer. La mondialisation des marchés, l'obsession de la compétitivité, les représentants du ministère sont à même de le constater tous les jours en termes de réorganisation du travail, en termes de développement de nouvelles pratiques de relations de travail. C'est un ministère qui a fait des efforts considérables au cours des dernières années, et il faut lui rendre hommage. En effet, les syndicats ont été contraints, avec ces nouvelles réalités, de modifier leur langage, de modifier leurs pratiques, et les employeurs ont également été obligés de partager avec les syndicats de nombreux objectifs, ce qui amène les directions d'entreprises à revoir leur vocabulaire eux aussi et à revoir leurs pratiques.

Ainsi, le ministère a intégré une approche préventive dans ses interventions auprès des parties lors du renouvellement des conventions collectives. Des efforts ont été déployés pour assurer une formation pertinente aux intervenants et aux intervenantes au ministère de façon à ce qu'ils puissent soutenir les parties patronales et syndicales dans des dossiers d'une complexité incroyable. Les relations de travail, ce n'est plus ce que c'était. Ce n'est plus un rapport de force classique, ce n'est plus l'affrontement comme c'était auparavant. Ça existe encore, certes, mais il y a du monde qui a fait un bout de chemin, et il faut s'en réjouir. Le ministère a également développé de nouveaux créneaux d'intervention auprès des parties. En plus, des supports de mieux en mieux adaptés constituent maintenant la panoplie de services de conciliation, de médiation préventive qu'on offre aux parties patronales et syndicales, de même que la médiation préarbitrale des griefs. Et ils peuvent également obtenir sur demande des séminaires en relations de travail, etc. Le ministère du Travail, ce n'est pas le ministère des syndicats puis le ministère des employeurs, c'est le ministère des deux parties. C'est ça qu'on doit prendre en note et essayer de garder en mémoire lorsqu'on essaie de lancer des blâmes ou des accusations soit au ministre, soit au ministère.

(10 h 20)

Enfin, les intervenants du ministère participent, à la demande des parties, à des démarches de négociation raisonnées. Ça aussi, c'est intéressant et, ça aussi, ça donne des fruits. Le député de LaFontaine devrait fouiller aussi dans nos papiers. On peut vous en fournir à la tonne de l'information qui va vous permettre d'être à jour là-dessus. Il n'y a rien qui me fera plus plaisir que de collaborer avec l'opposition pour lui fournir la littérature dont elle a besoin, de sorte que le discours soit un peu plus centré sur les vraies affaires. Plutôt que de se lancer dans l'accessoire, on pourrait focusser sur l'essentiel. Comme vous pouvez le constater, M. le Président, il s'agit d'activités qui contribuent à sensibiliser les parties à leurs responsabilités à l'égard du développement et du maintien d'un climat de travail propice à la prospérité de l'entreprise, au développement de la main-d'oeuvre et au maintien des emplois.

Comme ministre du Travail, je me suis donné comme mandat de participer activement au changement de la société québécoise dans ce secteur et de susciter le goût de la modernité en matière de relations du travail et de gestion des ressources humaines. C'est pourquoi j'entends saisir prochainement l'Assemblée nationale du projet de loi qui va créer le ministère du Travail. Ce projet de loi, dont l'annonce a été faite par le premier ministre en janvier dernier, confirmera le rôle proactif du ministère et du ministre et établira les pouvoirs et attributions de ce ministère de façon à favoriser l'établissement de rapports de travail susceptibles de stimuler la compétitivité des entreprises dans un environnement législatif qui respecte les droits des travailleurs et des travailleuses et leur assure des conditions de travail adéquates et sécuritaires. Une fois que la loi créant le ministère sera bien établie, j'ai l'intention de revoir les législations du travail dont j'ai la responsabilité. Pas tout jeter par-dessus bord, comme le chef de l'opposition officielle le faisait démagogiquement à l'Assemblée nationale, mercredi, en mon absence, d'ailleurs. Pas ce charriage absolument intempestif. Il interpellait le premier ministre pour savoir si j'allais tout jeter par-dessus bord. Après 30 ans dans la gestion des ressources humaines et les relations de travail, un pragmatisme de bon aloi s'est installé dans mon esprit depuis longtemps.

Cependant, il y a des choses à changer, et on va le faire. M. le Président, j'ai l'intention, à titre de ministre du Travail, de faire la promotion de l'implantation de modes de gestion qui font appel à la coopération patronale-syndicale et qui mettent à contribution, dans les milieux non syndiqués, toutes les formes d'action qui nous permettent d'avoir des relations patronales-syndicales, ou patrons-employés, décentes. Je souhaite aussi inviter les partenaires syndicaux et patronaux à innover dans leurs pratiques de relations du travail, pratiques que je souhaite axées sur la transparence et l'implication des travailleurs et des travailleuses.

On a dit que le Code du travail serait modifié, il le sera. Le monde économique évolue, les économies se mondialisent. Le Code du travail a été adopté en 1964, l'heure est venue de remettre un certain nombre de choses en question. Les dispositions du projet de loi feront en sorte de conférer aux ressources humaines une importance réelle dans les entreprises.

La contribution du ministère du Travail s'inscrit également dans la recherche d'un certain équilibre entre les parties où celles-ci, tout en défendant leurs objectifs respectifs, identifient les lieux communs qui permettront que chacune des parties y trouve son compte. Il s'agit sans doute, M. le Président, d'un objectif ambitieux mais qui traduit un autre caractère distinctif de la société québécoise. On a des pratiques, ici, qu'on ne retrouve pas en Amérique du Nord ni en Europe. Alors, on a une culture des relations de travail qui nous est propre, et c'est fort de ces expériences-là qu'on va pouvoir bâtir pour l'avenir.

Il y a, certes, un lien entre le niveau de syndicalisation, aussi, au Québec et les pratiques que nous avons. Très fort taux de syndicalisation si on se compare à l'Europe et si on se compare aux États-Unis, et le syndicalisme est un apport précieux au Québec et sur lequel on doit tabler. Et, d'ailleurs, les rapports entre les syndicats et les patrons au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et dans tous les organismes paritaires sont un exemple éloquent que ces gens-là peuvent discuter. Même s'ils ont des intérêts parfois divergents, ils peuvent s'entendre sur des objectifs communs.

La création, en 1984, du Fonds de solidarité témoigne éloquemment de l'intérêt du syndicalisme de s'impliquer dans le maintien et la création d'emplois. Ce n'est pas fréquent qu'on retrouve des exemples comme ceux-ci en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde. La mondialisation des marchés et la recherche effrénée de la compétitivité ne doivent pas non plus nous faire oublier qu'à l'intérieur des entreprises il y a des humains, il y a des personnes intelligentes qui sont capables de discuter et de s'entendre. Je mise là-dessus, et ce n'est pas de la naïveté. Ça tient compte de ce que nous sommes, ça tient compte de nos pratiques, ça tient compte de notre culture syndicale et patronale et de ce qu'on a développé comme culture de relations de travail au Québec.

M. le Président, je termine en vous disant, comme on peut tous le constater...

Le Président (M. Brouillet): Rapidement, M. le ministre.

M. Rioux: ...que les dossiers importants que nous avons à traiter, nous allons le faire en toute transparence, en toute lucidité, mais en étant bien conscients que, pour faire évoluer une société, les relations de travail sont au coeur de cela parce que c'est un élément stratégique de notre développement économique et du développement de nos ressources humaines.

Le Président (M. Brouillet): Merci bien, M. le ministre. Pour les prochaines interventions, le temps maximum est de cinq minutes. Alors, je cède la parole à M. le député de LaFontaine.


Argumentation


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. Le ministre a semblé mettre en doute la pertinence d'une interpellation. Il nous a fait encore valoir son point de vue philosophique, et c'est très bien. On va passer aux choses un peu plus concrètes maintenant.

Nous avons, depuis 1994, un conflit qui perdure, qui s'envenime, qui ressurgit régulièrement dans l'actualité, qui est le conflit des cols bleus de la ville de Montréal. De rencontre avec le ministre du gouvernement et la prédécesseure de ce ministre-là, avec lui-même aussi, en rencontre, en commission parlementaire, tous les délais ont été donnés aux parties pour qu'elles en viennent à une entente. Force est de constater que ce n'est pas encore le cas. Alors, moi, j'avais des questions à poser au ministre parce que la population montréalaise s'inquiète. Les Montréalais commencent à se poser des questions, si, cet été, en pleine saison touristique ou en pleine saison des festivals – et on sait que la saison des festivals est très importante pour l'économie, pour les travailleurs saisonniers autonomes – les parties en conflit ne viendront pas envenimer le débat, si on ne se retrouvera pas à Montréal avec des ordures non ramassées ou avec des services de nettoyage ou d'entretien qui seront interrompus comme moyens de pression. On ne le sait pas, d'autant plus qu'on sait que certaines de ces choses que je viens de mentionner ne sont pas comprises dans les services essentiels; à titre d'exemple, le ramassage des ordures.

Alors, le ministre, je souhaiterais, moi, qu'il nous explique ce qu'il a fait dans ce dossier et ce qu'il y fait actuellement. Est-ce qu'il y a des gens qui se rencontrent? Est-ce qu'il y a un représentant de son ministère qui est impliqué? Lui-même, a-t-il rencontré les parties? Y a-t-il un échéancier? Que va-t-il arriver si, dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois, il n'y a rien qui bouge? S'il y a un conflit, est-ce qu'il a un plan, un plan A, un plan B? À date, le plan A, qui était le plan du gouvernement de faire traîner les choses en espérant qu'il y ait, par miracle, quelque règlement que ce soit, semble ne pas avoir fonctionné. Alors, c'est quoi son plan B? Ça, j'aimerais ça que le ministre puisse nous en informer, pas seulement moi mais l'ensemble des citoyens, des Montréalais, qui paient beaucoup de taxes.

Hier, j'écoutais le premier ministre qui disait, dans son discours, justement, à l'UMQ, que les employés des municipalités de plus de 25 000 habitants sont rémunérés 27,5 % de plus que les gens des secteurs public et parapublic provinciaux. Alors, imaginez avec les gens du secteur privé. Et il disait: «Quelles que soient les causes, il est difficilement justifiable que des contribuables soient amenés à rémunérer des employés de leur ville à un niveau nettement plus élevé que le marché alors qu'eux-mêmes, en tant que travailleurs, sont aux prises avec des difficultés économiques importantes.» C'est dans le discours du premier ministre, hier, devant l'Union des municipalités du Québec.

Je partage l'opinion du premier ministre, je suis d'accord avec lui comme Montréalais, comme député, comme citoyen aussi. Il faut que ça cesse, il faut régler cette situation qui devient de plus en plus injuste, premièrement, et, deuxièmement, difficilement tolérable sur le fardeau financier des budgets de nos concitoyens. Et ça touche le conflit des cols bleus de la ville de Montréal. La ville doit faire face à des pressions très fortes d'augmentation de certaines dépenses, doit faire face aussi à la pression des citoyens en ce qui concerne la baisse de leur compte de taxes et elle ne peut le faire, car elle est prise dans un carcan qui l'empêche de pouvoir passer à l'action. Et, au lieu de l'aider, de voir à ce que cette situation se règle, on fait traîner le dossier, on fait perdurer cette affaire-là au grand désespoir des Montréalais qui, de plus en plus, deviennent désabusés.

(10 h 30)

Alors, au ministre je répète mes questions: Où en est la situation? Qu'est-ce qu'il a fait? Y a-t-il mis un groupe, des médiateurs, des gens? Est-ce qu'ils se sont rencontrés? Est-ce qu'ils se rencontrent dans les prochains jours? Et puis, s'il y a mis un délai, qu'est-ce qui arrive après le délai si les gens ne se sont pas entendus? Et je pense que, même s'il reste 30 secondes, vous prermettrez au ministre de répondre parce que, prendre le temps pour le prendre, ça ne donne rien. Je pense que c'est important comme dossier.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le député de LaFontaine. M. le ministre du Travail.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, étant donné que le bien ne fait pas de bruit, on va être obligé d'en faire un peu plus aujourd'hui pour expliquer au député de LaFontaine ce qui se fait. Je voudrais revenir à un élément dans son discours d'ouverture. Je vous donne juste un petit exemple. Dans le cas, par exemple, de Firestone, on a réglé ce conflit-là, et le député de LaFontaine ne s'est pas levé en Chambre pour féliciter le ministre du Travail. Mais il aurait dû. Vous auriez dû voir, M. le Président, le travail efficace qui a été fait pour régler le conflit de Firestone. Et le gouvernement n'a ménagé aucun effort, et le ministre au premier titre.

Je voudrais rappeler au député de LaFontaine, lorsqu'il se lève et qu'il évoque, encore comme il l'a fait ce matin, les pertes d'emplois considérables engendrées par les fermetures d'entreprises, que, en 1992, alors qu'ils étaient au pouvoir, les Magasins M ont fermé: 1 500 jobs perdues. Même M. Bertrand, chef de cabinet de M. Bourassa, n'a pas pu arrêter l'hémorragie. Générale Électrique du Canada: 600 employés. Il n'y a personne dans le gouvernement libéral de l'époque qui a fait de dépression nerveuse là-dessus. Fromages Crescent, Asea Brown Boveri: 425 jobs. Beloit Canada: 250 jobs. Hyundai, à Bromont: 850 emplois perdus. Woolworth, les magasins Wise, et que sais-je encore? Il s'est perdu 15 000 emplois, et le gouvernement libéral de l'époque a laissé passer ça comme si de rien n'était. Je trouve ça dramatique quand le député de LaFontaine, les sanglots dans la voix, nous dit que, nous, on ne prend pas nos responsabilités.

Dans le cas de Kenworth, l'entreprise a été rencontrée deux fois. Le député de Groulx m'accompagnait, de même que le ministre de l'Économie et des Finances du Québec, et on tente, par tous les moyens, de sauver l'entreprise. Il faut faire attention lorsqu'on dit qu'on se traîne les pieds et qu'on ne fait rien, c'est-à-dire que le style du ministre du Travail, c'est de ne pas faire trop de bruit mais d'être efficace. Ça a été ça, moi, ma culture des relations de travail.

Je voudrais vous parler des cols bleus parce que la question est importante. Certainement que ça préoccupe les Montréalais et que ça préoccupe tout le monde. Quand je suis arrivé au ministère, le dossier était à peu près mort. Qu'est-ce qu'on a fait? J'ai rencontré le maire de Montréal, j'ai rencontré la direction du syndicat, j'ai rencontré la direction de la FTQ, et on a essayé de voir ce qu'il était possible de faire. On les a retournés à la table de négociation, jamais le député de LaFontaine ne s'est levé pour avoir des nouvelles sur ce qui se passait entre la ville de Montréal et ses cols bleus. Ils ont fait un bout, la négociation s'est interrompue.

Il y a un mois, j'ai rencontré la FTQ, le président de la FTQ, les dirigeants syndicaux et j'ai rencontré Mme Eloyan qui est présidente du comité exécutif de la ville de Montréal. Et j'ai mis sur pied une équipe très simple, un représentant du côté de la FTQ, Henri Massé, et un représentant du côté de la ville, leur meilleur négociateur, et on tente une formule sous la surveillance et les habiles conseils du sous-ministre en titre au ministère, M. Jean-Marc Boily. À ce jour, on a au moins établi un cadre de discussion, et je peux vous dire qu'il y a de l'espoir. Il y a eu une commission parlementaire, vous vous souvenez? Il y a eu une commission parlementaire sur le conflit des cols bleus, j'ai pris acte de ça et j'ai essayé d'y donner suite. Le député de LaFontaine ne s'est jamais levé en Chambre pour avoir des nouvelles sur les cols bleus. C'était sa dernière préoccupation, et aujourd'hui il a peur que les ordures ménagères ne soient pas ramassées pendant la période estivale. C'est tout à son honneur, je suis content. Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire, puis le dossier des cols bleus est entre des mains expertes, et ce qu'on espère, c'est de faire un bout de chemin avec ça.

Je terminerai en vous disant que tous les conflits potentiels font l'objet d'une étude, d'une analyse attentive des spécialistes du ministère. Toute intervention de médiation, de conciliation est offerte et prise en charge par nos officiers du ministère, et, quand ça demande des interventions plus musclées, les sous-ministres sont toujours disposés à collaborer. Et, quand ils demandent la collaboration du ministre, je suis toujours là pour les écouter.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. Vous pourrez revenir plus tard si vous... Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le député de Groulx. M. le député, vous avez cinq minutes.


M. Robert Kieffer

M. Kieffer: Alors, M. le Président, je veux aussi, à mon tour, rassurer le député de LaFontaine quant à ses angoisses, que je qualifierais presque de métaphysiques, vis-à-vis du nombre de conflits de travail qui, d'après ses dires, sont en hausse au Québec depuis ces derniers 18 mois. Écoutez, le Québec a enregistré une diminution, en fait, par rapport à 1994, de 27 % du nombre d'arrêts de travail déclenchés pendant l'année, soit 76 conflits par rapport à 104 pour l'année précédente. Donc, n'ayez aucune crainte, M. le député, nos relations de travail se portent plutôt bien. Évidemment, l'idéal, ce serait de n'avoir aucun conflit. Nous y travaillons. La durée moyenne des conflits a également diminué de 10 % par rapport à 1994. Enfin, si on examine la période comprise entre 1991 et 1996, on constate effectivement que le Québec a connu une baisse de 44 % du nombre des conflits de travail.

Certes, M. le Président, la situation économique peut expliquer ces statistiques, puisqu'elle a amené les syndicats à revoir leurs stratégies de négociation. Cependant, on doit aussi constater un changement d'attitude de la part des partenaires syndicaux et patronaux à l'égard de la dynamique qui les unit. Autrefois perçue diamétralement et nécessairement opposée, cette dynamique se transforme peu à peu. On assiste, de plus en plus, à une prise de conscience des intérêts que les parties peuvent avoir en commun, notamment de la nécessaire prospérité de l'entreprise pour maintenir et, souhaitons-le, pour créer de l'emploi. Le défi qui se pose ensuite aux parties, dans la mesure, naturellement, où l'entreprise réalise des gains de productivité, est de définir un mode de partage des gains afin que puisse se maintenir un climat harmonieux de relations de travail dans l'entreprise.

Le rôle du gouvernement consiste donc à supporter et à encourager les efforts des partenaires impliqués dans ces démarches de modernisation d'entreprises pour qu'elles soient respectueuses des personnes qui y travaillent de façon à ce que les exemples se multiplient et contribuent à maintenir la performance enviable du Québec sur le plan économique par rapport aux autres provinces canadiennes. M. le Président, la meilleure façon d'accompagner les partenaires patronaux et syndicaux dans leur démarche de modernité, c'est d'offrir le cadre législatif approprié. Le ministre du Travail a fait état, dans son allocution d'ouverture, des mesures législatives que le gouvernement du Parti québécois a adoptées dans le passé et qui ont contribué à assainir le climat des relations de travail au Québec. Le ministre a aussi annoncé son intention de revoir les législations du travail de façon, justement, à ce qu'elles soient davantage adaptées à la conjoncture socioéconomique actuelle et à l'évolution du marché du travail.

Le gouvernement mise sur la concertation des partenaires syndicaux et patronaux pour relancer l'économie du Québec, et les lois du travail doivent fournir le cadre propice à cette concertation. Et, là, j'utiliserai encore une fois, comme l'a fait le ministre, l'exemple de la Kenworth où, malgré la dureté du conflit, grâce à l'intervention non seulement ponctuelle du gouvernement, mais grâce à l'intervention du gouvernement pour rapprocher les parties au niveau ministériel, la porte n'est pas close alors que, il y a deux semaines, c'était une fermeture définitive.

M. le Président, une des caractéristiques de la société québécoise, c'est son niveau de syndicalisation. Malheureusement, à l'instar de la situation qui prévaut ailleurs au Canada et aux États-Unis, on constate encore cette année une diminution de la syndicalisation au Québec. Le niveau global de syndicalisation au Québec s'est situé, en 1995, à 41,9 %, alors qu'il était, en 1994, à 43,8 %. Certains peuvent se réjouir de cette baisse. J'aimerais tout simplement, en conclusion, vous dire que, pour parvenir à un contrat social de collaboration entre les travailleurs et les entreprises, il nous faut une structure qui va permettre cette négociation du contrat social, et, à ce que je sache, à date, seuls les syndicats ont pu, à toutes fins pratiques, représenter de façon efficace les travailleurs. Merci.

(10 h 40)

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le député de Groulx. Je vais maintenant laisser la parole à M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Avant d'aborder le bloc suivant, j'aimerais quand même répondre rapidement à ce que M. le ministre a fait comme commentaire dans le dossier des cols bleus. Tout d'abord, je dois dire que, moi, personnellement, comme député, membre de la commission parlementaire qui a suivi ce conflit, j'ai été constamment à l'écoute et j'ai participé à toutes les actions qui ont pu être faites du côté de l'opposition. Mais, je dois dire, quelque chose qui m'inquiète beaucoup, c'est lorsque le ministre nous parle de son comité, son comité qu'il a nommé: un représentant de la FTQ, un représentant de la ville de Montréal et les mains expertes de son sous-ministre. C'étaient ses mots. Je m'inquiète à savoir que, selon les informations que j'ai, il y aurait eu une entente pour fixer au 13 mai la fin du mandat de ce comité, dans une semaine, alors qu'il n'y a toujours aucun résultat et que, en plus de cela, et cela, ça devient choquant, il y a, ce matin, une réunion alors que ces mains expertes, chargées de conseiller les gens, se font bronzer en République dominicaine, car le sous-ministre, selon mes informations, serait parti en vacances la semaine dernière.

Alors, je pense que le ministre, si ces informations sont bonnes, ne nous donne pas tout à fait toutes les informations, et je trouve ça tout à fait inadmissible. Si ces informations sont vraies, que le comité a un mandat jusqu'au 13 mai, s'il est vrai que le sous-ministre est en vacances alors que le comité se réunit, je ne vois pas comment on va être capable d'arriver à quelque chose de sérieux pour les gens de la ville de Montréal. Voilà ce que je voulais répondre à cela. Je trouve ça totalement particulier.

En plus – vous aurez votre cinq minutes, vous aussi, pour répondre, je pense, après – je trouve, M. le Président, que, dans le dossier des cols bleus, c'est comme dans le dossier de la décentralisation. Le maire de la ville de Laval, président de l'Association des municipalités du Québec, disait, hier encore, qu'il ne pourrait y avoir de décentralisation sans modification au Code du travail, et la modification du Code du travail qu'il demande, bien sûr, c'est, en particulier, des changements à l'article 45. On sait aussi que, de l'autre côté, les centrales syndicales sont en demande pour que l'article 45 du Code du travail soit restauré dans son application d'avant le jugement de la Cour suprême où on modifiait son application à certains égards. On sait aussi que la ministre de la Culture, elle, sans consulter probablement son collègue parce qu'il semblait ne pas être d'accord avec elle, a menacé de fermer Radio-Québec si les gens ne renonçaient pas à leur convention collective, donc à l'application de l'article 45, et que la CEQ et les syndicats sont en demande, justement, pour éviter qu'il soit encore plus édulcoré.

On se rend compte que c'est peut-être, dans ce que le ministre disait, les modifications à apporter en tenant compte des nouvelles réalités. Mais ça va être quoi, la nouvelle réalité? Est-ce qu'on va s'orienter du côté des demandes de perception syndicales, de modification de l'article 45 ou est-ce qu'on va s'orienter du côté des municipalités et du patronat en particulier? Ça, le ministre ne nous le dit pas. Il se contente de phrases, de souhaits, de philosophie, d'interpeller le député de LaFontaine qui essaie d'avoir des réponses que le ministre ne lui donne pas. Il parle beaucoup, mais il n'y a pas grand réponses qui sont là-dedans.

Alors, ce que j'aimerais savoir, c'est: Le ministre, qui va nous dire qu'il a formé un comité pour s'occuper de ça, quelle est sa position à lui? En a-t-il une d'abord? Puis c'est quoi les délais dans lesquels il entend procéder pour donner suite à ce que l'Union des municipalités du Québec demande ou alors donner suite à ce que la partie syndicale demande? Parce que c'est très important. Le premier ministre disait ici, encore hier, au Congrès de l'Union des municipalités du Québec, qu'un des moyens de baisser le coût dans les villes passait par la décentralisation, par les SEM – et il l'a mentionné lui-même, d'ailleurs – les sociétés d'économie mixte, et les élus municipaux disent oui, mais, pour le faire, il faut abolir tout au moins l'article 45. L'ancien ministre des Affaires municipales, le député de Joliette, avait dit devant la chambre de commerce de Montréal: L'article 45 crée problème, il faut le changer. Alors, c'est quoi la position du gouvernement? Est-ce que c'est selon le programme du Parti québécois, qui propose une société sociale-démocrate, syndicaliste, à la page 103, et qui dit, en plus de ça, que...

Le Président (M. Brouillet): Je vous inviterais, M. le député, à conclure.

M. Gobé: ... – oui, je termine, d'accord – il faudrait aller à la reconnaissance de l'accréditation multipatronale? Alors, c'est quoi la position du ministre?

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le député de LaFontaine. Merci. Alors, je vais céder la parole à M. le ministre.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: Étant donné que le député de LaFontaine est un fervent des relations de travail, on va essayer de répondre clairement à ses questions. D'ailleurs, je ferais remarquer au député de LaFontaine que j'essaie toujours d'être limpide dans ce que je dis, d'être transparent. On se connaît depuis des années, il le sait. Le sous-ministre du travail, actuellement en vacances, est remplacé par des mains non moins expertes, M. Normand Gauthier, qui a 30 ans d'expérience en relations de travail. Si, pour le député de LaFontaine ce n'est pas suffisant, moi, connaissant un peu le milieu, ça me va, et il fait de la suppléance efficace, je dirais. Et, quant à M. Brousseau, de la ville de Montréal, c'est un vieux routier des relations de travail aussi, et avec Henri Massé ça fait un trio que je trouve intéressant et que je trouve sécurisant à certains égards.

Un petit mot sur Radio-Québec juste pour informer le député de LaFontaine du travail qu'on fait dans le silence. C'est que, dans ce conflit-là entre Radio-Québec et les producteurs privés, puisque c'est de ça qu'il est question, j'ai eu des conversations, vous vous en doutez bien, avec la présidente de la CEQ et avec le syndicat. On a parlé à la direction aussi, avec le président, Michel Pagé, et, aujourd'hui, ce que je peux dire au député de LaFontaine, c'est que le syndicat abdique à utiliser l'article 45, à s'en prévaloir ad nauseam, afin de faire en sorte que les employés qui étaient là puissent être embauchés par les producteurs privés.

Il y a une chose sur laquelle on s'entend, parce que je suis un ancien de Radio-Québec, figurez-vous donc, et j'ai toujours pensé que cette télévision-là ne pouvait pas être éternellement une télévision de production. Mais elle devait surtout être une télévision de programmes, et le virage du gouvernement, ça a été ça. Lorsqu'on a décidé de couper les budgets de Radio-Québec il y a quelques mois, c'était de faire en sorte que Radio-Québec s'oriente vers une production de plus en plus privée, avec des producteurs régionaux, et de faire en sorte aussi qu'on stimule la production régionale pour que Radio-Québec, on puisse se reconnaître dedans. Alors, voilà pour cet aspect-là.

Je voudrais aussi signaler au député de LaFontaine qu'il y a un groupe de travail qui est présidé par M. Mireault, ancien sous-ministre aux relations de travail, qui a été également président de la Régie du bâtiment, et on fait une étude approfondie des dispositions de l'article 45 du Code afin de, éventuellement, l'amender. On n'ira pas se lancer dans des réformes du Code du travail à l'aveuglette et de façon improvisée, et je pense que le premier qui nous blâmerait, c'est le député de LaFontaine. Alors, on essaie, là, comme dans d'autres choses, de travailler sérieusement.

(10 h 50)

Je voudrais aussi, pour son édification personnelle, lui parler de la conciliation préventive qui est toute nouvelle. Je pense qu'on est peut-être les seuls en Amérique à le faire. C'est que le ministère du Travail et le ministre ont entrepris une démarche de conciliation préventive dans différents secteurs pour, justement, tenter d'éviter ce dont le député de LaFontaine parlait tout à l'heure, les secteurs où le tonnerre pouvait nous tomber sur la tête. Dans des secteurs industriels aussi importants que l'hôtellerie, l'industrie hôtelière, 50 établissements, 10 000 travailleurs, vont entreprendre une démarche de conciliation préventive. Dans les caisses populaires, 50 établissements, d'ici l'automne, vont vivre cette expérience: 2 000 travailleurs impliqués. Dans les municipalités – ce qui semble intéresser beaucoup le député – 30 municipalités vont vivre cette merveilleuse expérience où on va explorer des avenues nouvelles, aussi originales qu'inédites. Les intervenants du ministère rencontrent les représentants patronaux et syndicaux pour les inviter à participer et leur dire qu'il y va de leur intérêt.

Et je terminerai sur la négociation des pompiers et policiers dans les municipalités. Le projet de loi a été déposé au Conseil des ministres, étudié, et, M. le député de LaFontaine, je dois l'informer de la beauté de ce projet de loi. Ce n'est peut-être pas le plus grand projet de loi qui aura été voté au Québec au cours des 15 dernières années, mais c'est le projet de loi le plus attendu de la part des municipalités. On va mettre l'accent, M. le député, sur l'arbitrage consenti par les parties. On va mettre l'accent sur une médiation acceptée par les parties, pas obligatoire, et on va tenter, là-dedans, de redonner à la négociation sa véritable chance et on va encadrer les décisions arbitrales à partir de critères qui prévalent dans le domaine municipal et aussi de critères économiques qui prévalent dans l'ensemble du Québec.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. Merci bien. Alors, je vais céder la parole maintenant à M. le député de Roberval.


M. Benoît Laprise

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Vous savez, si le départ des glaces annonce le réchauffement de la température, je crois que le sujet que j'ai à traiter, le licenciement collectif, annonce trop souvent la fermeture d'entreprises, à laquelle sont reliés des drames familiaux, parce que, pour ceux qui ont à vivre la fermeture d'une entreprise – je pense, au niveau des travailleurs – c'est un drame qui peut être, jusqu'à un certain point, collectif, et ça attaque directement la qualité de vie de nos familles.

Alors, M. le Président, notre législation sur les licenciements collectifs est contenue dans une loi qui n'a pas été changée depuis 20 ans, quasiment invisible pour l'ensemble des entreprises, soit la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre, une loi qui, au cours des années, a subi des ponctions importantes. En fait, notre législation se résume aux quelques dispositions de l'article 45 de cette loi et du Règlement sur l'avis de licenciement collectif. Cet ensemble législatif tient en deux pages, plus précisément en quelque 650 mots. Bon nombre de travaux de qualité proposant des modifications à cette législation ont été effectués depuis le milieu des années quatre-vingt jusqu'à aujourd'hui. Beaucoup de constats restent les mêmes, beaucoup de questions se reposent à chaque fois et beaucoup d'hypothèses de changement n'ont rien perdu de leur valeur. Ce qui compte aujourd'hui, c'est de passer à l'action.

Les principaux paramètres qui ont servi à interroger la législation actuelle sont les suivants: les législations semblables dans les autres provinces ou dans d'autres pays qui offrent des bases de comparaison raisonnable, afin de protéger, justement, ceux qui sont touchés par les licenciements collectifs; la caractéristique inhérente aux licenciements collectifs et aux comités de reclassement au cours des dernières années; l'évolution de l'économie québécoise et mondiale depuis l'adoption de la loi 5 en 1969; et, finalement, un contexte encore difficilement quantifiable, mais combien présent dans notre économie, les transformations de plus en plus radicales qui surviennent dans l'organisation du travail et qui acculent les entreprises de toute sorte, de toute taille, au mur de la compétitivité. C'est pourquoi, M. le Président, les organisations patronales doivent se remettre en question dans cette démarche. Les organisations syndicales, également, doivent se réinventer à nouveau, non pas dans une force d'affrontement, mais dans une force de consensus qu'aujourd'hui on pourrait appeler une force de paix sociale à laquelle on doit s'engager.

M. le Président, les objectifs fondamentaux de cette importante révision collective sont les suivants: premièrement, restaurer la place des licenciements collectifs dans la législation québécoise, tant sur le plan du contenu que sur le plan du contenant. Un des changements majeurs serait d'intégrer les nouvelles dispositions dans la Loi sur les normes du travail, comme c'est d'ailleurs le cas dans les autres provinces ou dans d'autres pays. Cette loi est bien connue des entreprises, et les risques d'infraction seront beaucoup moins grands. Et on dit souvent que nul n'est censé ignorer la loi. Donc, nous nous assurons ainsi que les dispositions sur les licenciements collectifs bénéficient de toute la visibilité requise.

Deuxièmement, responsabiliser davantage les employeurs en utilisant des moyens plus incitatifs que correctifs. Essentiellement, nous les incitons à planifier davantage la gestion de leurs effectifs, à informer les autorités concernées en temps voulu lorsqu'ils anticipent des licenciements collectifs et à participer, dans la mesure du possible, au financement des activités de reclassement auxquelles le personnel doit être associé. Depuis les 25 dernières années, les différents programmes québécois destinés aux personnes licenciées collectivement ont su évoluer au rythme des réalités changeantes du marché du travail, mais ce n'est pas du tout le cas pour les dispositions législatives en vigueur depuis 1969.

M. le Président, au cours des derniers mois, ce dossier a été mené de concert avec les deux organismes concernés, soit la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre et la Commission des normes du travail. La législation actuelle ne correspond plus ni à la réalité des licenciements collectifs au Québec ni à la compétitivité qu'elle doit posséder par rapport aux législations canadiennes et américaines. Il est donc essentiel d'actualiser ces dispositions et de leur redonner leur place et leur visibilité dans notre législation du travail, c'est-à-dire dans la Loi sur les normes du travail, comme c'est le cas dans d'autres provinces canadiennes. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Roberval. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Juste avant d'aborder le bloc suivant, peut-être une réaction rapide aux derniers propos du ministre en ce qui concerne les cols bleus de la ville de Montréal. Bon, c'est vrai qu'il a fait ce comité. Les mains expertes sont en vacances, son sous-ministre, M. Boily, il nous dit qu'il l'a remplacé par M. Gauthier qui, lui, est assis ici, alors qu'aujourd'hui il y a une réunion à Montréal entre les parties. Et l'expert, qui devrait être là pour faciliter un règlement de ce conflit, alors qu'il y a une date d'échéance, le 13 mai, l'expert en chef est en République dominicaine. Ce conflit n'est pas assez important, la situation n'est pas assez importante: Je pars en vacances.

Il nous dit qu'il a délégué un autre négociateur, mais il est ici, il est assis en arrière de lui. Moi, je trouve que, sa place, ça serait d'être assis où est l'action, pas d'écouter la philosophie du ministre. Il la connaît, il doit le voir dans le cabinet puis il doit lui parler à longueur de journée. Mais où l'action est, où les besoins sont, c'est là qu'il devrait être. Il n'est pas là, et je le déplore, puis je pense que les Montréalais doivent le déplorer aussi. Ou alors on a décidé, au ministère, que ce n'était pas un dossier important, ou le ministre n'a pas conscience des problèmes qui peuvent survenir, encore une fois, à Montréal mais aussi du ridicule de la situation qui perdure depuis maintenant deux ans. On rit du ministère, on rit du ministre dans ce dossier-là. La crédibilité de l'État et sa responsabilité envers les citoyens sont traînées dans la poussière, sont bafouées.

La question au ministre: Que va-t-il arriver, le 14 mai, si son nième comité – je répète au ministre pour qu'il m'écoute – le 14 mai, que va-t-il arriver si votre nième comité qui a été mis en place n'a pas fonctionné, comme tout semble l'indiquer, selon les informations que l'on peut avoir? Que va-t-il faire? Va-t-il laisser la situation perdurer, faire un autre comité d'un autre comité? Qu'est-ce qu'il va faire? C'est ça qu'on voulait savoir, c'est ça que les Montréalais veulent savoir, c'est ça que les payeurs de taxes, à Montréal, veulent savoir. Il faut que le ministre prenne ses responsabilités, il représente l'État.

Un autre dossier, M. le Président, un autre bloc qui va bientôt, lui aussi, certainement, entrer sur la scène publique, c'est le dossier des négociations dans la construction. Les principaux secteurs, industriel, commercial, voirie, ont terminé les mandats de médiation. Ils sont terminés depuis deux, trois semaines. Les rapports devraient peut-être, s'il y a rapports, être sur le bureau du ministre. On sait qu'ils pourront, très bientôt, dans les quelques jours, les quelques semaines qui viennent, entamer les moyens de pression traditionnels: la grève, le lock-out. On sait aussi que le comité de médiation qui avait été mis sur pied, lors de la crise de la construction, il y a maintenant un mois et demi, deux mois, par le ministre, lors des manifestations et de la violence, doit remettre son rapport le 15 mai.

(11 heures)

Là encore, dans les secteurs industriel, commercial et voirie, aucune clause n'a été paraphée. Rien, à moins que cela ne se soit fait entre hier soir et ce matin. Tout laisse prévoir que nous nous dirigeons vers un affrontement. Dans le dossier résidentiel, nous assistons au même scénario. Le fossé est très large. Ce que j'aimerais savoir du ministre, c'est ce qu'il entend faire rapidement pour faire en sorte que ces dossiers-là ne débouchent pas – je dis bien, ne débouchent pas – sur des moyens de pression qui vont encore perturber l'économie, perturber le climat social, alors qu'il y a une faible reprise dans l'industrie résidentielle et que les constructeurs et les travailleurs dans les autres secteurs ont des difficultés par manque de chantiers. Qu'est-ce qu'il entend faire pour qu'on ne retrouve pas, au mois de mai et durant une partie du mois de juin, je ne sais pas, encore une paralysie de ces activités importantes pour l'économie du Québec, pour les travailleurs? Et Dieu sait si les gens ont besoin de travailler et si on n'a pas besoin de ces situations-là. Alors, c'est quoi son échéancier? Qu'il informe la population aujourd'hui. Qu'on en profite, les caméras sont là, les gens sont là. M. le ministre, c'est une impasse actuellement. Vous faites quoi pour la dénouer?

Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de LaFontaine. M. le ministre.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, je voudrais quand même préciser deux, trois petites choses parce que, le député de LaFontaine, je ne sais pas s'il est blagueur, ou s'il est cynique, ou s'il est sérieux, mais vous savez que la négociation, surtout à ce niveau-là, se déroule au plus haut niveau, tant au niveau syndical que patronal, avec l'intervention d'un observateur intéressé qui s'appelle le sous-ministre du travail. Dans une stratégie de négociation que je qualifierais presque de confidentielle, le député va comprendre qu'on ne peut pas mettre nos viscères sur la table, ici, aujourd'hui.

Je voudrais l'informer que ce cadre de travail que j'ai défini et que les parties ont accepté... Je ne sais pas, si le député de LaFontaine m'écoute un peu, il va comprendre une chose, c'est que, dans des négociations difficiles comme celles qu'on connaît à la ville de Montréal et avec ses cols bleus, juste le fait d'amener les parties à la table, c'est déjà un exploit. Nous avons réussi à les asseoir dans un cadre non traditionnel. Le ministre du Travail doit inventer des choses, parfois, pour atteindre un objectif, c'est-à-dire la signature d'une convention collective. Donc, ces efforts-là sont considérables, et c'est sûr qu'il y a une date butoir, le député a raison. Mais pensez-vous qu'on ne donnera pas la chance à ces acteurs-là de faire avancer ce dossier-là et, possiblement, de le régler?

Il y a eu un cadre de règlement intéressant à la Communauté urbaine de Montréal, vous le savez, et, deuxièmement, on essaie de voir maintenant s'il est possible, dans une négociation formelle bien faite, bien encadrée, d'en arriver à un règlement. Les parties semblent décidées à se parler. On a saisi la balle au bond et on a réussi à les asseoir. Moi, je trouve que c'est une victoire. Quant à la suite des choses, on verra.

Pour l'industrie de la construction, il est également vrai que les rapports de médiation ne me sont pas parvenus à l'heure où on se parle. Je recevrai les rapports de médiation le 15, ils seront examinés. Mais je ne perdrai pas la chance de dire au député de LaFontaine que, n'eût été de l'action du ministre du Travail, on aurait eu un bingo à Montréal l'autre jour. Alors qu'il s'égosillait publiquement pour dénoncer ce qui se passait à Montréal, et qu'on privait les gens d'une circulation normale, et qu'il y avait des gens qui souhaitaient une législation au plus vite, on a fait mieux que ça: on a ramené les parties à la table, encore là, dans un pattern de négociation assez intéressant. Donc, le résidentiel a décidé de s'asseoir et de négocier, et les trois autres secteurs également.

Nous, M. le Président, ce qui nous distingue des libéraux, c'est qu'on essaie de trouver des solutions. Un péquiste, ça pense, comme disait l'ancien président du Parti libéral du Québec, le notaire Desrosiers, à l'époque où le Parti libéral avait quelques idées derrière la tête, il disait: Un libéral, ça pense. Bien, je peux dire au député de LaFontaine: Les péquistes, on pense, puis parfois on trouve. Et il y a des cas évidents où on doit mettre sur la table des solutions intéressantes. Encore une fois, les négociations sont en marche. Il y a eu un encadrement de médiation, les négociations vont bon train, j'aime à le dire au député de LaFontaine. Les résultats, normalement, on les attend pour le 15 mai.

Je ne voudrais pas terminer ce petit exposé sans rappeler au député de LaFontaine, sur les grèves légales au Québec, qu'il y a 1 534 personnes en grève, qu'il y en a 579 en lock-out, pour un total de 2 113. Le nombre de conflits, M. le Président: il y a, au Québec, 11 grèves légales, sept lock-out, pour un total de 18. Où est l'apocalypse? Où est le désordre social dont parle le député de LaFontaine? Pour moi, on ne vit pas dans la même province, il doit vivre au Canada.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Groulx.


M. Robert Kieffer

M. Kieffer: M. le Président, j'ai été un peu surpris de voir que le député de LaFontaine abordait la question de la construction mais sans toucher au fléau du travail au noir, qui occasionne des manques à gagner énormes. Et, là, je dis pour l'État québécois, pour la société québécoise, ce n'est pas uniquement un malheur pour le gouvernement en place, c'est un malheur pour l'ensemble de la société. C'est par centaines de millions de dollars que l'on compte les manques à gagner, et ça a pour effet, évidemment, que nous sommes obligés de couper dans les services tout à fait essentiels, que ce soit au niveau de l'éducation, que ce soit au niveau de la santé, du soutien au revenu, etc.

M. le Président, je voudrais vous indiquer clairement, et au député de LaFontaine, les actions qui ont été entreprises par mon gouvernement, ces derniers mois, pour tenter d'endiguer le travail au noir. Alors, nous avons pris un certain nombre d'engagements à l'effet d'apporter des modifications législatives visant à dissuader les contrevenants dans ce secteur d'activité, et je pense plus spécifiquement au secteur de la construction.

Je vous rappelle quelques mesures adoptées par notre gouvernement, par exemple la suspension de travaux de construction par la Commission de la construction du Québec, la suspension de licences des entrepreneurs par la Régie du bâtiment du Québec, le non-octroi de contrats gouvernementaux à des entreprises délinquantes, bref des mesures de contrôle pour démontrer notre volonté de ne plus tolérer l'exercice d'activités illégales.

L'industrie de la construction, M. le Président, bon an mal an, génère plus de 16 000 000 000 $ d'investissements, c'est énorme. Plus de 100 000 salariés et plus de 18 000 employeurs, par les activités qu'ils exercent, sont assujettis à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. C'est la Commission de la construction du Québec, la CCQ, qui est chargée d'assurer le respect de cette loi et des divers règlements qui en découlent. La CCQ travaille étroitement avec d'autres organismes qui ont un rôle à jouer directement ou indirectement dans cette industrie afin d'assurer le respect non pas seulement des lois et règlements qu'elle applique, mais aussi des lois fiscales québécoises pour lesquelles elle doit collaborer avec le ministère du Revenu.

M. le Président, notre gouvernement a posé un certain nombre de principes et de choix d'actions qui devraient lui permettre d'endiguer ce fléau. Je pourrais en discuter pendant des heures. Évidemment, il ne me reste que trois minutes, je vais donc vous indiquer les principaux principes qui nous permettront de contrôler la question du travail au noir.

Le premier veut qu'on règle le problème à sa source, c'est-à-dire au moment où les contrats sont octroyés. Ainsi, un entrepreneur, par exemple, qui aurait été condamné pour avoir exercé du travail au noir au cours des deux années précédentes se verra refuser tout contrat gouvernemental pour les deux prochaines années. Je pense que ce sera un incitatif majeur pour encourager les entrepreneurs à travailler au blanc.

(11 h 10)

Le second élément, essentiel en vue de supprimer le travail au noir, consiste à établir une collaboration étroite entre les organismes de réglementation et ceux qui donnent les contrats. Et, là, nous avons toute une série de ministères, que ce soit celui des Finances, du Revenu, de la Sécurité du revenu, des Affaires municipales, que ce soit la Commission de la santé et de la sécurité du travail, qui vont collaborer ensemble afin de s'assurer que le travail se fasse au blanc. Ensemble, ils participent au développement de mécanismes de collaboration visant à diriger, notamment, l'information sur les activités vers la construction du Québec.

Le troisième principe, c'est celui qui a guidé le choix des actions proposées et qui repose sur l'utilisation de tous les recours prévus par la loi. En d'autres mots, nous allons utiliser la loi, et la CCQ a reçu deux pouvoirs supplémentaires très forts pour empêcher le travail au noir. Et c'est celui de la suspension des travaux de construction ainsi que la possibilité de faire des réclamations sur la base d'expertises lorsqu'il sera vu qu'il y a du travail au noir.

Le quatrième principe, c'est celui qui consiste, pour la CCQ, à se donner les moyens de connaître l'activité de construction et de la valider en regard de l'activité déclarée.

Et, finalement, M. le Président – j'accélère – le cinquième élément, et le dernier, est celui qui vise à contrôler le travail au noir dans l'industrie de la construction en donnant une beaucoup plus grande visibilité à la CCQ, et c'est pourquoi le gouvernement a fait passer le nombre d'inspecteurs de 45, qu'il était en 1994, à plus de 100, maintenant. Par ces moyens-là, nous espérons amener les gens à arrêter le travail au noir, mais je retiens finalement qu'il faudra que tous et chacun d'entre nous, en tant que citoyens, y mettions la volonté. Merci.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le député de Groulx. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. En effet, je pense que le point qui a été soulevé par le député de Groulx est un point tout à fait intéressant, et il est important qu'il soit abordé aujourd'hui. Je dois dire que, personnellement, je l'en félicite, car c'est, en effet, une situation qui non seulement – il a abordé le terme fiscal – cause des pertes énormes au gouvernement, mais qui détruit aussi, un peu comme, dans le temps, la contrebande des cigarettes, la moralité publique. Ça fait en sorte que des gens se sentent dans une impunité totale de pouvoir fonctionner en dehors des lois, et ce n'est jamais bon pour la cohésion d'une société. Et je partage son opinion, bien sûr, aussi, sur le côté fiscal et les sommes importantes qui sont perdues.

Mais il a amené des points pour pallier à ça. Il y aurait peut-être d'autres points que je pourrais amener, pour avoir rencontré différentes personnes dans ce secteur-là, aussi bien au niveau des entrepreneurs que des travailleurs, des milieux syndicaux, et des associations patronales. Pourquoi le ministre ne revient-il pas à la redéfinition du secteur résidentiel unifamilial quant à sa déréglementation? Nous sommes actuellement à six étages et moins, et vous savez qu'on peut faire, avec six étages et moins, 200 unités. Vous savez qu'un entrepreneur qui construit un quadruplex ou des maisons individuelles a les mêmes charges et les mêmes pressions fiscales, financières et réglementaires qu'un autre qui fait des travaux plus importants. Et ça l'amène à avoir des coûts tellement forts que, bien souvent, pour pouvoir vendre une maison à des consommateurs de plus en plus regardants à cause de la condition économique sur les prix, ça l'amène très souvent à défier le système.

C'est un peu comme la contrebande de cigarettes. Les gens étaient prêts à payer la taxe sur les cigarettes, mais, quand elle a commencé à devenir trop chère, trop élevée, ils ont trouvé un autre système, et il a fallu que le gouvernement baisse la taxe pour qu'on revienne à l'habitude et à l'acquiescement par les citoyens de payer quelque chose qu'ils trouvent raisonnable ou dans leurs moyens. C'est un peu le même principe dans la construction. Je pense que le ministre devrait, sans tarder, se pencher là-dessus parce que c'est important, et je suis certain, moi, qu'il va trouver, dans l'ensemble de l'industrie, des oreilles attentives à cela. Et je crois qu'on réglerait là, très rapidement, une partie du travail au noir.

Un autre côté. L'industrie de la construction avait demandé – et c'était au sommet de la construction – qu'on accélère la mise en place d'un plan de garantie pour les maisons. Il y a eu prépublication d'un projet au mois de janvier dernier. Le 2 mars dernier, le délai de 45 jours étant échu, on s'attendait à voir des choses, mais, là, on apprend que le ministre a décidé de tout annuler le travail qui a été fait par sa prédécesseure, la ministre de l'Emploi, et de recommencer. Là, on perd du temps encore si c'est vrai. Peut-être qu'il va pouvoir nous le dire. Peut-être n'est-ce pas vrai, peut-être que mes informations ne sont pas exactes.

Mais je m'inquiète, là encore, du retard que l'on prend, car, là aussi, avec un plan de garantie, ça aiderait à régler le travail au noir, parce que les gens, pour obtenir le plan de garantie, ils ne voudraient pas faire construire leur maison par des gens qui ne sont pas certifiés puis qui ne sont pas enregistrés parce qu'ils ne pourraient pas faire valoir le plan de garantie, un peu comme quelqu'un qui irait faire réparer sa carrosserie de voiture au travail au noir et qui voudrait collecter le chèque à l'assurance. Ça ne marche pas comme ça. L'assurance fait le chèque, généralement, pour réparer au nom du carrossier et au nom du citoyen. Alors, c'est là une autre avenue. C'est des outils que le ministre a entre les mains, pourquoi il ne le fait pas? Pourquoi il ne révise pas le résidentiel en termes de nombre d'unités? Et pourquoi? Pour le déréglementer complètement. Et pourquoi il ne le met pas en application tout de suite, le plan de garantie?

Alors, ça, c'est des choses, voyez-vous, concrètes, pas du parlage, pas du placotage, comme disait M. Péladeau il y a deux, trois jours, en disant qu'il n'irait plus au sommet économique, qu'il y avait trop de placotage. Bien, c'est vrai qu'on placote. Le premier ministre l'avait dit dans son discours inaugural: Fini le temps des discussions et de parler – quelque chose comme ça – il faut passer à l'action. Le ministre, lui, il me dit: Je pense. On pense. Un péquiste, ça pense. Mais, moi, ce que, les citoyens, ils veulent, ce n'est pas un péquiste qui pense, c'est un gouvernement qui agit, qui prend ses responsabilités, qui règle les problèmes. C'est ça que, les gens, ils veulent, pas des penseux. Ça fait 20 ans que vous pensez, mettez-le donc en application.

Le Président (M. Brouillet): Alors, très bien. Merci, M. le député de LaFontaine, je cède la parole à M. le ministre.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, j'aimerais dire au député de LaFontaine que la définition des secteurs, c'est dans la loi 46. Et vous croyez que ce serait pertinent, intelligent de modifier une loi en pleine négociation? Je trouve que ce serait un geste tout à fait irresponsable. Moi, lorsque – je n'étais pas en politique à l'époque – j'ai demandé de réassujettir le résidentiel, c'est parce que je voyais là une chance inouïe de permettre à l'industrie de se responsabiliser. Le député de LaFontaine évoquait le sommet de la construction de 1993. Qu'est-ce que les intervenants du monde syndical et patronal dans l'industrie demandaient au gouvernement? S'il vous plaît, sortez du champ de la négociation qui oblige le gouvernement à nous imposer les conditions de travail. Laissez-nous régler nos affaires. On est du grand monde, on a une pratique, on a évolué depuis 20 ans. On est capable de négocier nos conventions collectives, on est capables de s'entendre entre grandes personnes. S'il vous plaît, le gouvernement, foutez-nous la paix.

C'est ce que le gouvernement a fait. Le gouvernement a décidé de réassujettir le résidentiel comme les trois autres secteurs et de donner la chance aux parties de faire leurs preuves. Le député de LaFontaine me demande aujourd'hui de désassujettir le résidentiel, mais ce n'est pas réaliste. Alors que lui-même est contre le travail au noir, on sait que, le fait de désassujettir le résidentiel, ça génère le travail au noir. Vous voyez, dans l'industrie, à ce moment-là, entrer des personnes qui n'ont pas de carte de compétence, des entrepreneurs qui n'ont pas la licence de la Régie du bâtiment. C'est ça que le député de LaFontaine désire? Ça, c'est retourner à l'anarchie. Nous autres, on agit. On pense, mais on a une autre qualité, c'est qu'on agit aussi.

(11 h 20)

Un petit mot sur le plan de garantie. Dans un sens, je trouve que le député de LaFontaine est bien informé. Ses sources sont sûres, c'est même intéressant de constater que ses informations sont solides. Mais je vais vous dire, M. le Président, pourquoi j'ai stoppé la mise en application du plan de garantie. Un jour, je m'en allais à Matane et j'ai décidé de le lire et de le décortiquer, le plan de garantie. J'ai dit: Je vais toujours bien savoir ce qu'il y a là-dedans avant de le signer. Je l'ai annoté et, revenu à Québec, j'ai dit à mes collaborateurs et au sous-ministre: Écoutez, on va faire un petit exercice, là, pas de jésuite, mais un exercice sérieux pour voir si ça répond à l'objectif premier d'un plan de garantie qui est là pour protéger le consommateur.

J'ai regardé ça et, je dois le dire au député de LaFontaine, j'ai eu de la misère à retrouver le consommateur là-dedans. Alors, étant donné qu'un plan de garantie, quand le ministre l'a signé, ce n'est plus lui qui le gère, j'ai dit: Essayons au moins de le revoir, de le baliser un peu mieux de sorte qu'on puisse donner au consommateur un plan de garantie, parce que vous savez que le consommateur, l'acheteur de maison met 1 000 $ dans le plan de garantie, que l'entrepreneur en construction, en moyenne, peut mettre jusqu'à 700 $ pour se prévaloir d'un plan de garantie. Moi, je me dis, tant qu'à en signer un, je vais en signer un bon. Alors, on a décidé de se réunir avec la Régie du bâtiment et puis quelques experts, des gens aussi de l'Office de la protection du consommateur, et de faire en sorte que, le plan de garantie, le consommateur y trouve son compte. Ça, c'est ce que j'appelle être proactif. Je n'avais pas le goût de m'en faire passer une petite vite, et on a décidé de prendre nos responsabilités, là comme ailleurs.

Je voudrais, en terminant, dire au député de LaFontaine, au sujet de l'article 45: Ça fait six ans, là, que les partenaires réclament des modifications à l'article 45 du Code. Alors, j'ai un comité d'experts qui travaille là-dessus. Il y a eu une première étape qui a été faite avec le rapport Boivin, qui donne le projet de loi dont on a parlé tout à l'heure – et qui vous rend heureux, je le vois, votre sourire est éloquent – et le deuxième volet va être présidé par M. Mireault, et des recommandations me seront faites, et ce seront des recommandations qui, je l'espère, vont donner satisfaction à l'opposition, mais aussi et surtout aux partenaires syndicaux et patronaux qui poussent dans le dos du ministère depuis six ans. Alors, nous, on a décidé d'agir.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. Alors, je vais maintenant céder la parole à M. député de Roberval.


M. Benoît Laprise

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, comme mot d'entrée, j'informerai mes collègues d'en face que, si la situation, au niveau des relations de travail dans le secteur municipal et en particulier des policiers, que je connais bien pour y avoir vécu de façon très intense... Je tiendrais à les informer que, dans les années 1986-1987, il y a un livre blanc qui avait été présenté, à ce moment-là, au gouvernement, au Congrès de l'Union des municipalités du Québec, et le ministre en question – je ne le nommerai pas parce qu'il n'est pas ici présent – avait annoncé qu'il était prêt à appliquer, de façon assez intégrale, à la grande satisfaction de l'ensemble des municipalités présentes, les recommandations du livre blanc. Et, quelques semaines après, le ministre en question a été tout simplement retiré de sa fonction, un peu comme l'a été M. Marc-Yvan Côté lorsqu'il a voulu faire sa réforme du virage ambulatoire. On lui a tiré tout simplement le tapis sous les pieds.

Alors, c'est pourquoi, depuis ce temps-là, la situation s'est aggravée d'année en année, de convention en convention. Les municipalités ont dépensé des sommes catastrophiques. Personnellement, chez nous, ça nous a coûté 150 000 $ pour notre dernier arbitrage, et l'arbitre nous a donné 11 % d'augmentation en 1993, alors que la situation économique était catastrophique au niveau du chômage dans la région. C'est là qu'on était rendu.

Alors, le ministère du Travail et le ministre du Travail ne se limitent pas, loin de là, à tenter de satisfaire tel ou tel partenaire; ils se doivent, au contraire, d'améliorer les rapports entre les parties, de les rendre acceptables, de faire des consensus, de permettre justement aux parties de se rencontrer dans un esprit de négociation véritable et non pas d'affrontement et de blocage, comme on a connu au niveau des conventions de travail municipales et au niveau des conventions de travail, surtout, des policiers et pompiers qui mettaient le barème de l'ensemble des employés municipaux. Vous savez, quand un policier a un T4 de 70 000 $ puis que le directeur général en gagne 65 000 $, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.

Alors, les correctifs qui seront proposés, qui seront mis sur la table avec ce projet de loi en consultation dans l'ensemble des municipalités du Québec, c'est le rétablissement du caractère volontaire de la médiation préalable. On sait très bien que, la médiation, c'était une étape qui était obligatoire et qui servait uniquement à en gagner le plus possible. Après ça, pour la balance, on allait en arbitrage. Alors, ça se limitait là.

L'obligation faite aux arbitres de tenir compte des critères décisionnels actuellement incrits dans la loi, dont celui des conditions de travail applicables aux autres salariés municipaux. Alors, quand on traitera des policiers et pompiers, on considérera également ce qui se donne chez les cols bleus et chez les autres employés.

L'introduction également d'un nouveau critère décisionnel obligatoire à saveur économique, celui de la situation et des perspectives économiques salariales du Québec, et aussi, en particulier, de la région, de la municipalité dans lesquelles la convention se traite.

Quant à l'autre sujet, l'application des articles 45 et 46 du Code du travail, vous conviendrez aisément, M. le Président, que les médias, particulièrement électroniques, se sont fait un devoir de nous rappeler, au cours des derniers jours, combien il s'agit d'un sujet délicat. Et c'est vrai, comme pour l'arbitrage chez les policiers et pompiers, et davantage encore en raison de la portée universelle des dispositions ainsi concernées. La réflexion que mon collègue du travail a demandé à un groupe d'experts, sous la direction de M. Réal Mireault, de mener sera précédée d'une large consultation des divers acteurs d'ici le début de l'été.

Sur la base de ces représentations et de ces observations, le groupe de travail a pour mandat de faire rapport au ministre, dès l'automne, de ses recommandations relativement à l'opportunité d'adapter des dispositions protectrices des droits syndicaux adoptés dans le contexte du Québec des années soixante aux nouvelles réalités que ces consultations auront fait ressortir. Au contraire, toutefois, dans les dispositions du code sur l'arbitrage chez les policiers et pompiers municipaux, les municipalités ne sont pas les seules concernées par l'application des articles 45 et 46. C'est pourquoi, tout en reconnaissant que ces mesures législatives soulèvent davantage de passion en ce milieu, nous nous devrons d'être très attentifs aux effets pervers d'une modification hâtive visant à satisfaire aux besoins ponctuels. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Roberval. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. C'est le dernier cinq minutes, je pense? Alors, j'aurai deux blocs, deux dossiers particuliers à parler au ministre. J'en avais d'autres que j'aurais aimés, mais peut-être que nous pourrons nous revoir à un moment donné. Le dossier de la formation professionnelle dans l'industrie de la construction. Vous savez que, en vertu du rapport Sexton-Picard, un décret a été passé il y a quelques années, en 1993, à l'effet qu'un certain montant serait perçu pour faire un fonds de formation, sauf qu'un conflit entre les parties impliquées fait en sorte que le fonds est gelé. Alors, je vous donne, si vous ne le saviez pas, M. le ministre l'information – je vois que le sous-ministre vous parle, là – le fonds est gelé. On parle de 37 000 000 $ qui sont dédiés, normalement, à la formation des jeunes et au recyclage des moins jeunes dans l'industrie de la construction. On sait qu'actuellement tout le monde se bat pour rapatrier les fonds de formation professionnelle auprès d'Ottawa, et on fait toutes sortes de déclarations, toutes sortes de sparages dans les journaux avec ça. Mais, là, on a 37 000 000 $ qui appartiennent aux Québécois. C'est à nous autres, c'est aux travailleurs de la construction.

Vous allez me dire que c'est en cours. C'est vrai que c'est en cours, mais, moi, à ce que je sache, il n'y a jamais personne qui interdit, avant qu'un dossier soit jugé, que les parties s'entendent puis fassent un règlement hors cours. Devant l'urgence de faire de la formation pour les jeunes, particulièrement dans le domaine de la construction où, de moins en moins, on peut trouver des gens qualifiés dans certains domaines, moi, je m'interroge à savoir pourquoi le ministre n'a pas agi comme médiateur, n'a pas dit: J'ai un 37 000 000 $ qui dort, là, et il y a de quoi à faire avec ça, et pourquoi il n'a pas rencontré les parties et essayé de les faire évoluer et de leur dire: Écoutez, là, on va arrêter d'attendre que la justice tranche et on va le décider, nous autres. On va s'entendre entre nous, entre Québécois, entre partenaires. Parce que c'est l'argent des travailleurs, c'est de l'argent pour les travailleurs. Et on en a besoin, et vous en avez besoin aussi. Tout le monde en a besoin.

Et ma déception, c'est d'abord pourquoi le ministre ne l'a pas fait. C'est ma question et ma déception en même temps. Moi, je pense que ça serait un des dossiers prioritaires auxquels le ministre devrait, encore là, s'attaquer pour agir et au moins essayer d'en faire une entente. S'il n'essaie pas, il ne pourra certainement pas le réaliser, et c'est des demandes qui viennent de ce milieu-là. Ils aimeraient ça que ça se règle rapidement.

Autre chose. Le ministre nous a dit rapidement qu'il avait remodelé ou repris le plan de garantie des maisons parce qu'il ne correspondait pas à ce qu'il pensait. Moi, je rappellerai que ça a quand même été prépublié par sa collègue, la ministre. Est-ce qu'il est en train de nous laisser entendre qu'elle n'a pas fait une bonne job?

Le Président (M. Brouillet): Est-ce que vous avez terminé?

M. Gobé: Non, je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Brouillet): Excusez-moi.

M. Gobé: Il me reste quelques minutes encore, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): D'accord.

(11 h 30)

M. Gobé: Suite à cette question-là, un autre dossier, les travailleurs autonomes. Un des dossiers dans lesquels il va falloir que le ministre s'implique rapidement et où il n'y a rien qui se fait, c'est le dossier des travailleurs autonomes. On sait que, de plus en plus, des entreprises licencient leur personnel pour les engager à contrat, sauvant ainsi des coûts sociaux et faisant, des fois, faire un peu plus d'argent aux travailleurs, c'est vrai. Mais il arrive quand même que cet arrangement idyllique ait des ratés. Lorsqu'un travailleur devient malade ou a des accidents, il n'a pas de protection sociale. Ça, c'est le drame dans les familles lorsqu'un travailleur autonome, accidenté ou malade, ne peut plus travailler.

Le ministre, j'aimerais ça qu'il nous dise, vu que c'est dans le dernier bloc, ce qu'il attend pour faire quelque chose avec ça pour les travailleurs autonomes. De plus en plus, ça va être la règle du travail. On le voit en forêt. Il y a des drames en forêt, où des gens perdent un bras, perdent une main ou sont accidentés gravement et se retrouvent sur la Côte-Nord, dans le coin du ministre, probablement aussi, sans aucune protection pour continuer d'assurer la subsistance de leur famille et la leur aussi, d'ailleurs, en même temps. Alors, je crois que c'est un des dossiers prioritaires et j'aimerais ça qu'il nous dise maintenant si c'est dans son objectif et dans quel délai. Moi, je dis que ça devrait être à très court terme.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le député de LaFontaine. Il reste huit minutes avant d'aborder les 20 minutes de conclusion. Alors, il y a encore M. le ministre et M. le député de Groulx qui peuvent intervenir. Vous pouvez partager ça à parts égales si vous le voulez. Chacun quatre minutes.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: Très rapidement, M. le Président, j'aimerais dire à mon collègue, le député de LaFontaine, que c'est vrai que, le fonds de formation, c'est un problème. Les parties veulent régler ça entre elles. Les parties veulent vraiment régler cela entre elles, je vous l'assure. Étant donné que c'est devant les tribunaux, je n'ai pas trop le goût de m'étendre là-dessus, mais il reste que, oui, on a l'oeil ouvert, mais je ne voudrais pas remplacer les parties dans leur responsabilité sur un sujet de cette importance-là. D'ailleurs, le président de la CCQ va déposer, à son conseil d'administration, la semaine prochaine, un rapport qui, semble-t-il, pourrait ouvrir la voie à une solution. Moi, ce que je souhaite, c'est que ce soit un règlement hors cour autant que possible, si c'était possible. Mais, si ça doit se rendre jusqu'au bout, évidemment, la procédure est là, et on va la suivre.

Quant à l'autre sujet, les emplois autonomes, le travail précaire, j'ai presque le goût de dire au député de LaFontaine: Voilà un sujet sur lequel on pourrait travailler ensemble. Moi, je n'ai pas les réponses à toutes les questions. Vous soulevez un problème d'une importance capitale, comme vous avez fait l'autre jour lorsque vous avez soulevé le travail des jeunes. Je me dis, étant donné qu'on se connaît un peu, la vie a fait qu'on s'est connu: Voilà un travail où l'opposition et le gouvernement pourraient s'asseoir et essayer d'élaborer des solutions à des problèmes comme ceux-là. C'est vrai qu'il y a du monde, là-dedans, des humains qui se font brasser parce qu'ils n'ont pas de protection. Et c'est important, puis on doit en tenir compte et on va réfléchir là-dessus très certainement. Mais je vous dis en plus qu'on s'en va vers une forme d'économie sociale, qu'on le veuille ou non, hein? On se dirige vers ça, c'est presque inexorable. Il faut que, en même temps qu'on pense à développer une économie sociale, on pense aussi au sort des personnes qui auront à vivre et à évoluer dans cette nouvelle forme d'économie, et, moi, là-dessus, je dis au député de LaFontaine: Je suis prêt à m'asseoir avec vous puis à réfléchir là-dessus. Sans hésitation.

Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Vous reviendrez pour vos 10 minutes de conclusion bientôt. Alors, M. le député de Groulx, vous avez quatre, cinq minutes. Maximum cinq.


M. Robert Kieffer

M. Kieffer: Merci, M. le Président. À titre de dernière intervention, je veux insister sur le travail des jeunes. Je sais que ça préoccupe énormément le député de LaFontaine, ça me préoccupe, moi aussi, à titre d'ex-enseignant qui a oeuvré pendant, mon Dieu, la plus grande partie de sa vie auprès des jeunes. Le travail des jeunes est une préoccupation, je pense, universelle. Les grands organismes internationaux, que ce soit l'ONU, que ce soit l'Organisation internationale du travail, ont soit signé des traités, soit rédigé des conventions qui déterminent, qui limitent et qui balisent le travail des jeunes. C'est un phénomène qu'on retrouve énormément, évidemment, dans le tiers-monde où, là, on exploite systématiquement les enfants par leur travail, sauf que les pays développés ne sont pas non plus exempts de cette réalité-là, non pas au niveau de l'exploitation, mais au niveau du travail des jeunes eux-mêmes.

Nous avons un certain nombre de lois qui excluent les jeunes de certains travaux, et l'âge de passage, c'est à peu près 16 ans. Bon, par exemple, on sait que, certains métiers, les jeunes ne peuvent pas les pratiquer avant l'âge de 16 ans. On sait aussi que le jeune ne peut quitter l'école avant l'âge de 16 ans. Ce sont des normes et ce sont des balises qui nous permettent d'identifier et d'encadrer l'âge à partir duquel le jeune peut s'intégrer au marché du travail.

Le ministre a créé un comité interministériel qui a déjà fait le bilan de cette situation et présenté des recommandations, surtout en ce qui a trait au travail de nuit et au travail à temps partiel chez les jeunes. C'est intéressant de voir les recommandations du comité, il n'a pas pu établir de lien entre un fort taux d'activités de travail et le pourcentage élevé de décrochage scolaire. Il considère qu'il s'agit d'une problématique différente. Cependant, il lui est apparu que le travail à temps partiel chez les jeunes d'âge scolaire constitue un phénomène socioéconomique incontournable, légitimé par un certain consensus social et différent de celui de l'exploitation économique des enfants répandue dans les pays du tiers-monde.

Donc, nous sommes pris avec cette réalité que, effectivement, le consensus social semble reconnaître le droit des jeunes au travail, mais, en même temps, il nous faut le baliser. Est-ce qu'on doit y aller à partir de procédures législatives, de lois qui diraient, par exemple, que plus de 20 heures de travail par semaine est interdit, etc.? Je pense que ça va être impraticable. Je pense que, ce qu'il nous faut faire à titre de gouvernement et à titre de société, c'est des campagnes d'information qui permettront aux différents groupes sociaux, que ce soient les entrepreneurs privés, que ce soient les institutions gouvernementales, d'indiquer quelles devraient être les balises nécessaires pour permettre au jeune à la fois de s'intégrer au marché du travail, mais aussi de continuer à poursuivre ses études.

Et je ramène cet exemple que le député de Prévost avait déjà amené à l'Assemblée nationale, celui de la commission scolaire de Saint-Jérôme, qui, je pense, fait office et fait oeuvre d'exemple à ce niveau-là. Elle a signé une espèce d'entente avec des entrepreneurs locaux leur disant: Écoutez, jusqu'à 15 heures par semaine non seulement ce n'est pas inutile, mais ça aide le jeune à s'intégrer. Mais, en haut de 15 heures, ça commence à poser un problème sérieux. Et tous les entrepreneurs de la région de Saint-Jérôme ont conclu cette espèce de concordat avec la commission scolaire, et les résultats, depuis deux ans, M. le Président, sont très significatifs, dans la mesure où on a vu une amélioration très nette des résultats des élèves de cette commission scolaire.

Alors, je pense que c'est un débat de société et je pense que la population québécoise devra faire preuve de vigilance, tout en permettant aux jeunes de s'intégrer au milieu du travail. Voilà, je vous remercie.

Le Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Groulx. Je vais céder la parole à M. le ministre pour sa conclusion, d'une durée de 10 minutes.


Conclusions


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, je ne voudrais pas qu'on se quitte sans parler d'un sujet qu'a évoqué presque indirectement – mais j'ai bien saisi son message – le député de LaFontaine quant aux accidentés du travail, ces victimes, innocentes parfois, qui vivent des moments extrêmement difficiles. Je suis heureux de dire au député qu'on s'engage dans un vaste processus de déjudiciarisation à la CSST. Le musée des horreurs à travers lequel devait passer le travailleur avant d'obtenir justice, nous allons le simplifier singulièrement. Nous allons faire en sorte que, la CSST, qui, d'ailleurs, depuis trois ou quatre ans, a connu un virage spectaculaire... C'est devenu une société dont l'image est passablement meilleure. Elle est bien gérée, elle affiche des surplus, ce n'est plus la catastrophe, comme on a connu antérieurement.

Et nous allons déposer un projet de loi qui vise à déjudiciariser et à rendre justice aux travailleurs et faire en sorte que, lorsqu'ils arrivent dans ce terrible processus, ils obtiennent réparation et qu'on puisse, avec eux, faire la démarche de la réinsertion sociale et de la réinsertion sur le marché du travail. Nous allons simplifier cette structure, l'alléger et faire en sorte qu'elle soit moins coûteuse et plus performante. Le président de la CSST, avec qui j'ai eu plusieurs rencontres à ce jour... On a eu à débattre ensemble des orientations, et le projet de loi qu'on va déposer va faire plaisir non seulement au gouvernement, mais aussi à l'opposition officielle.

(11 h 40)

J'aimerais, en conclusion, M. le Président, évoquer brièvement des objectifs qu'entend poursuivre le ministre du Travail ainsi que les principaux chantiers qui sont actuellement en cours. Je tiens d'abord à préciser que les objectifs du ministère sont de deux ordres. J'aimerais qu'on les retienne. Certains tiennent à la nature spécifique de la mission ministérielle tandis que d'autres découlent d'orientations gouvernementales plus larges auxquelles nous venons de nous inscrire en complémentarité et en concertation avec l'action de plusieurs autres ministères.

Le premier objectif renvoie à la mission première et irréductible de l'État, et, là-dessus, je pense qu'on va s'entendre, le député et moi: assurer le maintien des acquis sociaux fondamentaux qui ont permis à la société québécoise d'accéder à la modernité et de se développer sur des assises démocratiques essentielles en toute volonté de justice sociale. Le jour où on va passer à côté de ça, on va manquer le bateau, et ça va être un dérapage épouvantable. Si on veut tenir la route comme société démocratique, on n'a pas le choix de s'orienter dans ce sens-là.

On va contrer – et, ça, ça va faire plaisir à l'opposition aussi – la polarisation des groupes sociaux, la rupture progressive de nos solidarités de base et la désintégration conséquente du tissu social et économique. On va regarder ça et, surtout, on va essayer d'agir dans cette direction-là. Le ministère du Travail ne saurait se soustraire ou échapper à cette mission. Ça, là, c'est un engagement ferme, mais je n'aimerais pas que ma pensée soit tordue de ce côté-là et qu'on l'utilise dans l'opposition pour faire de la démagogie.

Contribuer de façon dynamique à l'établissement et à la consolidation de partenariats proactifs entre le gouvernement et les milieux du travail en misant sur la responsabilité des parties. On est prêt à ça au Québec. On ne l'était pas il y a 10 ans, là, nous le sommes. Après les avoir rencontrés tous et toutes, on peut se permettre de dire ça aujourd'hui. Ça aurait été complètement déconnecté du réel il y a cinq ou 10 ans.

On va accréditer, aussi, et promouvoir davantage l'idée d'un nivellement par le haut des normes nationales du travail auprès des partenaires commerciaux du Québec. Les pressions constantes sur la réduction des coûts du travail conduisent à la paupérisation et sont contradictoires avec toute perspective d'amélioration de la compétitivité des économies nationales. Là-dessus, ça fait partie de mon discours depuis de nombreuses années. À long terme, on ne peut qu'encourir de lourdes pertes à vouloir tirer partie des inégalités entre les pays qui sont nos partenaires commerciaux. Je suis contre la pensée unique dans le domaine économique qui pense que la croissance vient des coupures dans les industries – rationalisations, congédiements, mises à la porte – afin de maximiser les profits.

Adapter la législation du travail aux nouvelles réalités économiques et sociales en favorisant l'atteinte de consensus sociaux, l'équilibre entre les forces du marché et le développement de l'emploi afin d'assurer un rôle d'arbitre lorsque les parties en présence ne peuvent parvenir à des solutions qui soient cohérentes et dans l'intérêt public. La protection des acquis sociaux, n'ayez crainte, le ministère est là pour veiller à ça.

Promouvoir un climat stable et harmonieux de relations de travail qui soient fondées sur la concertation – j'en ai parlé dans mon discours d'ouverture – qui favorise une approche préventive et qui soutienne la compétitivité des entreprises et de la main-d'oeuvre ainsi que le développement de l'emploi. On est préoccupé par l'emploi. On est préoccupé aussi par le maintien de l'emploi, de là notre action lorsqu'on sent que les feux sont pour s'allumer ou encore que les crises sont pour éclater.

Supporter les entreprises et la main-d'oeuvre dans l'implantation de nouvelles formes d'organisation du travail. On a une réflexion magistrale de faite à ce niveau et, le moment venu, on va la rendre publique. Les nouvelles formes d'organisation du travail, on ne doit pas être fermé à ça, au contraire, et ainsi contribuer, dans la mesure de nos responsabilités, à favoriser la mobilité, l'adaptabilité et le développement des compétences des travailleurs et des travailleuses. Les entreprises qui vont réussir, ce sont celles qui vont investir dans le développement de la main-d'oeuvre et de la formation professionnelle.

Tous ces objectifs, M. le Président, le ministère et le ministre ne pourront les réaliser seuls, je compte donc sur mes partenaires socioéconomiques, je compte sur l'opposition officielle.

Pour conclure, M. le Président, permettez-moi de rappeler les grands chantiers législatifs qui sont devant nous et que j'entends piloter au cours des prochaines semaines. Évidemment, il faut commencer par la loi créant le ministère du Travail. Je déposerai, d'ici quelques semaines, un projet de loi créant ce ministère. On va définir la mission de ce ministère et le situer à la croisée des grands enjeux économiques et sociaux, c'est-à-dire à des points de rencontre névralgiques pour toutes les sociétés modernes, ceux où l'activité humaine et la production de la richesse doivent converger vers l'amélioration constante de notre existence en tant qu'individus et en tant que collectivité. Mon message aux syndicats, je leur dis: Il ne faut pas tuer les créateurs de richesses. Et aux employeurs, je leur dis aussi: Ne voyez pas venir un syndicat comme un désastre pour votre entreprise. Si l'État veut redistribuer la richesse, il faut qu'il mette en place les conditions propices à la créer afin de mieux la redistribuer.

C'est dans le cadre de cette mission dorénavant bien campée dans une loi constitutive que nous procéderons aux actions législatives et, permettez-moi de le dire, à la création d'un ministère qui se veut proactif et sensible au développement du Québec. On va réviser le Code du travail. J'informe le député de LaFontaine que, l'article 45 et l'arbitrage sur les pompiers et policiers, on va le régler. La modernisation sur les décrets de convention collective, je pensais vraiment que le député de LaFontaine me permettrait d'en parler. C'est une pièce législative maîtresse qui va être déposée, et vous allez certainement vous rendre compte qu'une vieille loi de 1932 va être modifiée de fond en comble et que ça va certainement faire l'affaire de bien du monde.

La modification de certaines dispositions de la Loi sur les normes du travail. M. le Président, la Loi sur les normes du travail et la Commission accompagnaient tous ceux qui avaient des griefs, qui avaient des différends, et, lorsque arrivait le moment du congédiement, de la mise à la porte, la loi ne s'appliquait plus pour eux. On va modifier la Loi sur les normes du travail à son article 124 pour faire en sorte que la Commission puisse accompagner le travailleur qui est licencié jusqu'à l'arbitrage final, afin qu'il obtienne justice. On va réviser, donc, en profondeur cette législation de même que les licenciements collectifs dont mon collègue député a parlé tout à l'heure.

Pour tous ces chantiers, M. le Président, il faut retenir que la consultation des partenaires a été au coeur de nos préoccupations. On travaille avec nos partenaires syndicaux, patronaux, les groupes socioéconomiques. Il faut se parler si on veut se comprendre un jour. C'est dans cet esprit de concertation et de dialogue que nous entendons poursuivre nos efforts et nous engager résolument dans une dynamique de développement fondée sur la réciprocité entre l'économique et le social, et c'est possible, je pense. Lorsqu'on veut et que la volonté politique est là, nous pouvons faire des changements extraordinaires sans jeter le désordre dans la société, ni le chaos, mais évoluer sereinement, mais aussi déterminé à le faire. Le député de LaFontaine disait: Les mots, c'est bien beau, c'est l'action que je veux. Bien, il va l'avoir. Merci.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. Alors, nous allons céder la parole, pour les 10 dernières minutes, à M. le député de LaFontaine.

(11 h 50)


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. Le ministre, c'est vrai, a mentionné que je n'avais pas évoqué le régime des décrets de convention collective. Malheureusement, le temps le permettait moins, mais je vais me permettre, peut-être, avant de faire la conclusion, d'en parler un petit peu et de l'aborder sur un point. C'est parce que, lorsqu'on lit le programme de son parti, le Parti québécois, aux pages 203 et 204, on dit qu'on s'engage à modifier le Code du travail pour permettre l'accréditation multipatronale et, en même temps, de maintenir le régime des décrets en attendant l'adoption de l'accréditation multipatronale. Alors, ce serait peut-être intéressant que le ministre fasse son lit et dise publiquement s'il veut modifier le Code du travail pour permettre l'accréditation multipatronale – que ce soit clair – ou alors s'il veut conserver le régime des décrets. Il y a un avant-projet de loi qui a été déposé, ça circule depuis quelques mois. Ça serait important, là, qu'on le sache. Alors, est-ce que, oui, on respecte le programme du Parti québécois ou on ne le respecte pas? Les gens ont besoin de le savoir. On a un programme politique, je pense que c'est pour le respecter.

On a vu, en fin de semaine, des militants du parti du ministre qui semblaient rabrouer le premier ministre qui semblait vouloir prendre des libertés avec le programme du parti en ce qui concernait l'affichage. Bien, moi, j'aimerais que le ministre nous dise, à un moment donné – maintenant, il est trop tard – s'il entend appliquer le programme du Parti québécois et permettre l'accréditation multipatronale, oui ou non. Ça touche 126 000 travailleurs, à peu près. Très important, là aussi.

Alors, peut-être que, dans le futur proche, j'aurai l'occasion de le requestionner et de le voir pour peut-être clarifier cette position qui est très importante parce qu'on ne parle pas de la même chose du tout, là. Deux choses totalement différentes. Je comprends que les bons sentiments du ministre et sa philosophie de la société sont généreux et sont ouverts, mais il n'en reste pas moins que, dans la dure réalité quotidienne, les décisions qui doivent être prises demandent, des fois, un peu plus de courage de la part des gouvernants que le simple fait d'énoncer leurs idées politiques ou philosophiques.

En ce qui concerne la conclusion de cette interpellation – il reste sept, huit minutes – je dois dire que je suis déçu un peu parce qu'il y a un certain nombre de questions très importantes, des questions de l'heure, auxquelles on n'a pas répondu. On n'en sait pas plus aujourd'hui que nous n'en savions hier sur le conflit des cols bleus. Le 14 mai, à l'expiration du mandat qui a été donné au comité que le ministre nous a annoncé... Moi, je n'étais pas au courant qu'il y avait ce comité, mais je savais qu'il y avait des choses qui se faisaient. Il nous l'a confirmé qu'il y avait un comité, et on me dit que, c'est le 13 mai, la date butoir. Il l'a confirmé qu'il y avait une date butoir, en effet. S'ils ne se sont pas entendus – et ça n'a pas l'air qu'ils vont s'entendre – qu'est-ce qu'on fait? C'est quoi la solution? On laisse perdurer? On laisse durer ça comme ça? Ça fait deux ans et demi que ça dure. Ça n'a plus de bon sens. Les gens ne respectent pas les lois. Les gens défient l'autorité publique. L'ensemble des autres travailleurs de cette même municipalité se sont entendus, ont signé des conventions à l'amiable, ont réglé sans débrayage. Un groupe s'y refuse.

Est-ce que l'imputabilité des élus municipaux n'est pas assez forte, par leur élection, leur légitimité comme élus au suffrage universel par le peuple, particulièrement dans les grandes villes, pour que le législateur accède à leurs demandes, pour pouvoir gérer leurs propres affaires, pour pouvoir faire ce que le premier ministre disait hier: réduire le fardeau de la fiscalité et satisfaire les citoyens qui sont fatigués de payer ou qui sont exsangues de payer à des employés des montants plus chers qu'eux-mêmes peuvent recevoir?

Est-ce qu'il n'y a pas là un débat dans les grandes philosophies du ministre qui devrait être fait? Est-ce qu'il ne devrait pas se rendre compte que, si, nous, nous sommes élus à l'Assemblée nationale par les citoyens, d'autres aussi sont élus par les citoyens, et qu'il faut leur faire confiance, et qu'ils sont imputables devant leur population et que nous n'avons pas à nous mettre en censeurs, et que nous n'avons pas, ne sachant où aller, à gauche ou à droite, pour ne pas déplaire à un côté ou l'autre, à prendre des mesures qui sont des mesures dilatoires, qui retardent, qui laissent pourrir le dossier, qui renvoient un très mauvais exemple à la population?

Jaurais aimé ça, moi, l'entendre, le ministre, et qu'il dise le fond de sa pensée là-dessus. Sans qu'il ait à trancher d'un côté ou de l'autre, qu'on donne les moyens. Lorsque sa collègue de la Culture a été prise, il y a deux, trois semaines, avec le problème des travailleurs de Radio-Québec, sans aller sur le fond du dossier, qu'a-t-elle fait, la ministre? Elle a dit: Moi, j'ai le pouvoir de fermer la place si vous persistez à appliquer un article du Code du travail, qui est une loi d'intérêt public. Si vous ne renoncez pas à ça, moi, je ferme la place. Bien, il n'y a pas un élu municipal qui, pour les mêmes raisons que la ministre, les coûts, les budgets, les coupures, est capable, aujourd'hui, de dire: Moi, là, je ne suis plus capable de vous payer parce que les citoyens sont rendus au bout. Si vous continuez à respecter votre convention collective, bien, je ferme la place. Bien, la ministre est capable.

Alors, le ministre est d'accord ou pas d'accord? Je ne le sais pas. À l'entendre, il n'était pas forcément d'accord avec la ministre, mais son gouvernement était d'accord pour que le ministre invoque cet argument-là, puis on refuse de regarder avec les municipalités la possibilité de leur donner des outils supplémentaires qu'ils demandent. L'Union des municipalités du Québec le demande, pas juste la ville de Montréal. L'Union des municipalités du Québec demande qu'on lui donne les outils supplémentaires pour rétablir le rapport de force qu'elle a perdu, au cours des années, avec ses employés, à tort ou à raison. Mais c'est la situation d'aujourd'hui qu'il faut gérer, pas celle d'avant, et, ça, le ministre ne nous le dit pas, et c'est ça qui est déplorable. Et je pense que les Montréalais vont s'en souvenir longtemps de cette indécision parce que ce sont ceux qui paient la note.

Dans le dossier de la construction, le ministre a dit que c'était confidentiel, qu'il ne pouvait pas le dire, mais il ne peut pas nier que les médiations sont terminées, qu'il y a des dates à partir desquelles les gens vont aller en grève. Et il ne peut pas nier, il ne peut pas ne pas savoir – parce que, s'il ne le sait pas, c'est grave – qu'il n'y a pas eu d'entente, qu'il n'y a pas une clause qui a été paraphée. Même dans le tronc commun, il n'y a rien qui a débloqué là-dedans. Il y a eu trois ou quatre rencontres de trois heures, en totalité. Il n'y a rien qui a bougé. Ça nous mène où, ça? Ça nous mène à un affrontement à court terme, dans les prochaines semaines, avec toutes les répercussions sociales et économiques que ça va amener. Est-ce que notre société a les moyens, actuellement, de se payer ce genre de situation? Moi, je dis que non, puis les gens disent que non. Alors, qu'attend-il, à part invoquer la confidentialité? Ce qui va arriver, je vais vous le dire, un beau jour, le ministre va se retrouver dans une situation où il va dire: Ça me tombe dessus comme une avalanche, alors que c'est prévisible.

Puis je ne reviendrai pas sur la Kenworth. Mon collègue de Groulx, là, qui est député, le connaît trop bien, et sa collègue, la députée, avait déploré, elle aussi, l'inaction du gouvernement dans ce dossier-là. Tout le monde le sait. Par la suite, vous avez bougé, mais avant vous n'avez rien fait. Et je ne reviendrai pas là-dessus, mais c'est encore un cas semblable qui va nous arriver.

Autre côté, l'article 45. Le ministre dit: Je vais agir, je vais bouger. Oui? Comment vous allez bouger? Est-ce qu'on va bouger pour répondre aux attentes légitimes selon les nouveaux mandats qu'on donne aux municipalités ou est-ce qu'on va bouger selon les demandes de la partie syndicale qui sont diamétralement opposées? Il va falloir qu'il tranche, le ministre, là. Il ne l'a pas indiqué, et son indécision ou le manque d'éclaircissement de sa position et de celle de son gouvernement crée certainement, par l'immobilisme que ça peut causer dans les parties, un certain nombre de problèmes, encore, et de choses qui n'avancent pas, alors qu'on a besoin d'avancer. Les situations sont difficiles pour les municipalités, elles ont besoin de décentraliser, elles ont besoin de ces outils-là. Il ne nous l'a pas dit.

Bon, pour les autres dossiers que nous avons invoqués, un certain nombre de réponses ont pu être données. Je prends bonne note, avec satisfaction, que, les travailleurs autonomes, le ministre est tout à fait ouvert à ça. C'est pareil en ce qui concerne le travail des jeunes. Nous aurons l'occasion d'y revenir, on en a déjà parlé. Je trouve ça très, très, très bon. Mais, malheureusement, je dois dire que je suis totalement déçu et désolé que nous n'ayons pas, ce matin, eu l'indication claire des volontés du ministre dans les dossiers principaux qui sont actuellement très, très problématiques, le dossier des cols bleus de Montréal, le dossier de la construction et aussi le dossier très important de la loi 45.

Et, en terminant, M. le ministre, vu que je suis votre vis-à-vis au Travail, il y a des gens qui m'envoient toutes sortes de choses, et des gens qui sont inquiets. J'aimerais ça que vous fassiez un peu comme moi...

Le Président (M. Brouillet): Écoutez, quelques secondes, hein? Quelques secondes. Très bien.

M. Gobé: Oui, en terminant, monsieur, parce que c'est important – et je pense que le ministre va être d'accord pour un petit consentement d'une minute – que, à son bureau, son ministère, lorsque des usines ou des entrepreneurs envoient des lettres dans lesquelles ils crient au secours ou ils demandent de l'aide pour pouvoir continuer leurs opérations sans licencier de personnel pour des raisons économiques, sociales, syndicales, de formation ou autres, il mette une personne qui puisse s'occuper de ces dossiers-là, quitte à les ventiler dans les ministères appropriés.

(12 heures)

Alors, j'en ai reçu une des Usines Huntingdon, à Huntingdon, où le propriétaire m'écrit que, si son entreprise n'arrive pas à obtenir un certain nombre d'aides gouvernementales, d'investissements – on parle du plus gros manufacturier de peluche au Canada – eh bien, il se pourrait que, les obtenant ailleurs pour pouvoir prendre de l'expansion, il soit obligé de déplacer son entreprise à l'extérieur du Québec. Et, malheureusement, il ne voudrait pas le faire.

Le Président (M. Brouillet): M. le député, je regrette, c'est parce que...

M. Gobé: Or, je tenais à le mentionner, puisque ce sont des emplois très importants dans cette région-là, M. le Président, et je pense que, 15 secondes de plus devant la caméra, pour ces travailleurs-là et ces gens-là, ce n'est pas un mauvais service qu'on enlève à la démocratie en parlant un peu plus. Alors, je souhaiterais que le ministre mette un service à son bureau ou à son cabinet, qui aurait pour but de voir ça. Ça permettrait peut-être de prévenir des situations comme la Kenworth.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, monsieur...

M. Gobé: Alors, en terminant, c'est ça que je voulais dire, et je tiens à remercier tous les gens qu'il y a autour de lui, mon collègue aussi, le député de Groulx, et je veux assurer le ministre que je vais continuer à le suivre et à le questionner quotidiennement sur tout ce qui touche les fermetures, les travailleurs et les conditions de travail dans notre société.

Le Président (M. Brouillet): Merci bien, M. le député de LaFontaine. Alors, je remercie, moi aussi, tous les participants à cette séance d'interpellation, et, étant donné que la commission de l'économie et du travail a accompli son mandat, conséquemment, nous ajournons ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 1)


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