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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 29 mai 1996 - Vol. 35 N° 14

Étude détaillée du projet de loi n° 26 - Loi sur le ministère du Travail


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Table des matières

Remarques préliminaires

Organisation des travaux

Étude détaillée


Autres intervenants
M. François Beaulne, président
M. Christos Sirros, président suppléant
M. André Pelletier
M. Daniel Paillé
M. Jacques Baril
M. Michel Côté
M. Bernard Brodeur
M. Réal Gauvin
M. Régent L. Beaudet
* M. Jacques Henry, ministère du Travail
* M. Pierre-Yves Vachon, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Beaulne): Alors, chers collègues, nous allons débuter nos travaux. La commission de l'économie et du travail est convoquée pour procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 26, Loi sur le ministère du Travail.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplaçants?

La Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun remplaçant.


Remarques préliminaires

Le Président (M. Beaulne): Alors, dans les circonstances, je demanderais au ministre et au représentant de l'opposition officielle s'ils ont des remarques préliminaires à faire. Alors, M. le ministre, pour des remarques préliminaires.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: Oui, M. le Président. Nous entreprenons aujourd'hui l'étude d'un projet de loi quand même important, c'est la loi créant le ministère du Travail. Avant d'entreprendre les travaux, j'aimerais indiquer à cette commission que les motifs qui nous ont guidés dans la rédaction de ce projet de loi, c'est principalement de permettre à tout le monde de bien saisir que le gouvernement a une fonction importante à assumer et que, pour ça, il faut se doter d'un ministère du Travail dont le rôle, justement, c'est de voir les choses changer et évoluer en matière de relations de travail. Depuis 1994, la mission était comprise dans le vaste univers que constituait le ministère de l'Emploi. En instituant un ministère du Travail, le gouvernement souhaite répondre aux attentes des parties patronale et syndicale, qui ont exprimé à plusieurs reprises le voeu qu'il y ait un ministère dédié à la réalisation de cette mission stratégique de l'État que constitue le domaine des rapports collectifs de travail.

Ensuite, il nous est apparu nécessaire, dans le contexte social et économique actuel, de rédiger un texte de loi qui soit adapté au phénomène qui émane justement de cette nouvelle réalité sociale et économique qu'on connaît au Québec, au Canada et en Amérique du Nord. Ainsi, on retrouve dans le projet de loi – on va l'examiner tout à l'heure – la plupart des fonctions qui incombaient auparavant à la ministre de l'Emploi comme responsable des conditions, des questions de travail. On pourra aussi constater que ces fonctions ont été remodelées, réorganisées, et je veux ainsi en souligner quelques éléments.

Nous avons voulu une loi que je qualifierais d'évolutive, c'est ça qui est important, dans le sens qu'elle doit donner au ministre du Travail les outils et les moyens nécessaires pour lui permettre d'agir sur l'ensemble des composantes qui sont susceptibles d'affecter le monde du travail. Les relations du travail ne peuvent plus aujourd'hui être considérées isolément des autres facteurs qui conditionnent le fonctionnement d'une entreprise. Elles font en quelque sorte partie intégrante de la gestion des ressources humaines. D'ailleurs, c'est un ensemble de facteurs complexes, reliés entre eux, qui sont susceptibles d'affecter la compétitivité des entreprises.

M. le Président, on ne peut plus, en 1996, penser les relations de travail de la même façon qu'il y a 15 ans ou qu'il y a 20 ans. Il faut complètement remettre en question ces théories qu'on pensait stables et installées pour l'éternité. C'est fini, ça. Le projet de loi n° 26 décrit les fonctions et les attributions du ministère et détermine le champ d'action et les activités du ministère du Travail. Il faut que ce soit cadré; il faut que ce soit bien balisé et clairement défini.

Évidemment, parmi les fonctions confiées au ministre du Travail, celle qui consiste à favoriser l'établissement et le maintien de relations de travail harmonieuses entre les employeurs et les salariés, et les syndicats qui les représentent, demeure toujours d'actualité. On a des syndicats devant nous, on a des employeurs devant nous, et la mission du ministère, ce n'est pas de dire: On travaille pour les syndicats, ou: On travaille pour les employeurs. On travaille pour les deux. Les pratiques de relations de travail qui se veulent évolutives, ce sont des pratiques axées sur la concertation et, aussi, faire en sorte que les parties patronale et syndicale se respectent, se parlent et se comprennent.

Comme ces relations sont tributaires d'une série de facteurs internes et externes à l'entreprise, il nous a semblé opportun d'étendre le champ d'action du ministère du Travail de façon à ce que son intervention soit fonction de l'évolution du marché du travail de même que des conditions économiques à l'intérieur desquelles évoluent les entreprises et les personnes. Il faut tenir compte de ça. On ne peut pas travailler en disant: On s'isole du reste du monde. Mais non. La vie économique, la vie sociale, politique, c'est des composantes de la société avec lesquelles un ministère comme le nôtre doit composer.

D'ailleurs, M. le Président, j'ai eu l'occasion de le mentionner la semaine dernière, lors de l'adoption du principe du projet de loi, on reconnaît l'étroite relation qui existe entre l'état des rapports de travail, la productivité et la rentabilité des entreprises. Je disais récemment, lors de ma rencontre avec les manufacturiers québécois: On n'ira pas tuer les créateurs de richesse, on n'ira pas faire en sorte que les lois du travail assomment les entreprises. Dans un État moderne, démocratique, si l'on veut redistribuer de la richesse, il faut permettre aux entreprises de la créer. Si l'on veut que le contexte économique actuel aide les entreprises à survivre et à croître, il importe que l'État puisse fournir l'encadrement législatif qui permette l'adaptation des régimes de relations de travail et facilite la gestion de la main-d'oeuvre. Le projet de loi n° 26 confirme donc le rôle proactif du ministère dans l'établissement de rapports de travail susceptibles de stimuler la compétitivité des entreprises. Le projet de loi attribue aussi au ministère un rôle important quant à la protection des acquis sociaux et le respect des droits des travailleurs, qu'ils soient syndiqués ou pas.

(10 h 20)

M. le Président, la nouveauté, au fond, du projet de loi par rapport aux lois passées qui encadraient les fonctions du ministère, c'est qu'il situe l'action de ce ministère-là suivant une approche qui tend à concilier les intérêts des entreprises – donc, essentiellement d'ordre économique – avec ceux des travailleurs et des travailleuses, soit la création et le maintien de l'emploi ainsi que le droit d'améliorer les conditions de travail des personnes, dans un environnement respectueux de leur santé et de leur intégrité physique. Ça aussi, c'est la responsabilité de l'État, de faire en sorte que les gens, dans les entreprises, puissent travailler dans un cadre organisationnel qui soit respectueux de la santé, qui soit respectueux de l'intégrité des personnes. On est des fervents de santé publique, au Québec; bien, il faudrait aussi être des fervents de santé à l'intérieur des entreprises et des organisations.

Plusieurs gouvernements à travers le monde sont tentés par la voie du libéralisme à tous crins et d'essayer de minimiser l'importance de la qualité de vie au travail, l'importance de la rémunération, l'importance... de laisser primer la notion de profit au détriment des employeurs et au détriment des travailleurs. On a l'exemple de l'Ontario qui est devant nous, qu'on examine avec beaucoup d'attention. Ce n'est pas l'intention du gouvernement du Québec de suivre l'Ontario sur cette voie et ce n'est pas non plus son intention de sabrer dans les lois du travail, mais de procéder véritablement à une modernisation des lois. Le caractère distinctif de la société québécoise en ce qui a trait à la concertation patronale-syndicale comme agent de changement social milite en faveur d'une approche un peu différente de ce qui se produit chez nos voisins ontariens.

Comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises depuis que je suis en fonction, il y a certes place, dans nos législations, pour l'assouplissement et l'allégement de certaines contraintes, puis, ça, je l'ai dit à plusieurs reprises et je le répète aujourd'hui. Cependant, je tiens, avant toute chose, à préserver le climat social qui prévaut au Québec et je ne suis pas prêt à payer le prix d'une déréglementation du travail à tous crins. Ça, je n'ai pas ce goût-là. La paix sociale, c'est important pour le climat des investissements. La paix sociale, c'est important pour la santé économique d'un pays.

Je ne suis pas de ceux qui croient que la croissance des entreprises passe uniquement et nécessairement par une diminution des conditions de travail et de la protection accordée aux travailleurs. Ce n'est pas vrai, ça. La Loi sur le ministère du Travail attribue au ministère les pouvoirs d'agir sur l'ensemble des composantes qui peuvent influencer le climat de travail au sein des entreprises. Le projet de loi confie au ministre titulaire le rôle de conseiller le gouvernement sur les actions à prendre, de façon à développer un encadrement législatif propice aux objectifs de relance économique et de création d'emplois. Ça, là-dessus, tout le monde s'entend. Tout le monde s'entend. Moi, j'écoute le discours de l'opposition officielle: ils sont d'accord avec la création d'emplois, ils sont d'accord avec la relance économique, ils sont d'accord avec le progrès de la société québécoise. Le ministère s'inscrit dans la foulée de cette réflexion-là qui a commencé au Québec il y a 10 ans. Le contenu du projet de loi fera en sorte que le ministère du Travail pourra participer activement aux changements de la société.

Dans le contexte socioéconomique actuel, la contribution d'un ministère comme celui du Travail est plus que jamais nécessaire, et le défi qui se pose à nous, et à ses représentants, c'est un défi qui est extrêmement stimulant. Très stimulant. Je suis particulièrement fier de la disposition du projet de loi qui confie au ministre le mandat de faire la promotion de l'implantation des moyens propres à réorganiser le travail dans les entreprises et que ce soit fonction de la réalité du marché et de l'économie ainsi que des besoins des personnes. Il ne faut pas seulement travailler pour l'entreprise, il faut travailler pour les personnes qui y travaillent. Ce qui fait la prospérité d'une entreprise, c'est la qualité de sa main-d'oeuvre. Et, quand on respecte ce monde-là, ça va bien. Les employeurs qui respectent leurs travailleurs, c'est ceux qui ont les gains de productivité les plus élevés. Ceux qui créent la guerre dans leur boîte connaissent des difficultés énormes.

Cette disposition, en plus de guider l'action gouvernementale au cours des prochaines années, va permettre de faire la promotion de l'établissement, au sein des entreprises, de modes de gestion qui font appel à la coopération patronale-syndicale ou qui mettent à contribution, dans les milieux non syndiqués, les employés, quels qu'ils soient. Dans les milieux syndiqués, les représentants du ministère se sentiront davantage supportés dans leurs démarches auprès des parties impliquées dans des processus devant conduire au renouvellement de leurs pratiques de relations de travail. Et Dieu sait si le ministère a fait des efforts, au cours des dernières années, pour améliorer toutes les techniques susceptibles d'améliorer les relations entre les personnes, dénouer les conflits. On a mis au point des stratégies, des techniques qui sont absolument admirables.

Donc, il faut adapter le régime des relations de travail et les normes du travail suivant l'évolution de la situation économique. Cela suppose une réflexion en profondeur des législations du travail telles qu'on les connaît aujourd'hui. C'est la tâche à laquelle j'entends m'employer, et ce, dans les meilleurs délais. Vous savez, on va discuter, probablement aujourd'hui, de l'arbitrage chez les pompiers et policiers. C'est un autre exemple qui illustre bien la nécessité d'évoluer. Les municipalités nous poussent dans le dos depuis longtemps; les associations syndicales revendiquent depuis des années qu'on regarde un petit peu comment l'arbitrage se fait dans les municipalités. Bien, on va le faire, ça.

M. le Président, j'attends les propositions de l'opposition visant à bonifier le projet de loi. On va essayer d'en discuter calmement et faire en sorte qu'on ait une loi constitutive du ministère du Travail qui s'inscrive dans un processus d'évolution et non de recul des relations de travail au Québec. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Maintenant, j'inviterais le porte-parole de l'opposition officielle et député de LaFontaine à nous livrer ses remarques préliminaires.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de saluer les gens qui accompagnent le ministre ainsi que tous les collègues du gouvernement qui sont là avec nous aujourd'hui et le personnel de la commission, bien sûr.

Alors, en effet, le projet de loi n° 26 est un projet de loi qui est assez important pour le ministre parce que c'est le projet de loi qui va créer son ministère. S'il n'y a pas de projet de loi n° 26 adopté, je ne pense pas qu'il pourra rester ministre du Travail assez longtemps. Donc, on commence par le A du programme du ministre en créant son ministère, et on se rend compte très rapidement à sa lecture – et j'ai eu l'occasion de le mentionner lors des remarques... pas préliminaires, du premier discours qu'on a fait en deuxième lecture en Chambre – que ce ministère est certainement un retour, peut-être, à ce qui existait il y a deux ans moins quelque chose.

Il y a deux ans, en effet, on avait créé un ministère du Travail qui réunissait la Main-d'oeuvre et le Travail. Pourquoi avait-on jugé utile de faire ça? Parce qu'il semblait évident – et le ministre en a fait un peu la démonstration dans son énoncé, là, maintenant – que, devant les nouvelles contraintes, les nouvelles réalités économiques, industrielles et sociales, il fallait avoir dans un ministère l'ensemble des outils nécessaires pour s'ajuster à cette conjoncture, qu'elle soit réglementaire ou qu'elle soit aussi qualitative, de formation.

Malheureusement, je regrette que nous ayons aujourd'hui un projet de loi qui soit les deux tiers de ce qu'il devrait être. Je trouve ça dommage et je déplore que, malgré les visions du ministre, qui sont, ma foi, somme toute assez généreuses et assez progressives, on ne lui ait pas donné les moyens, dans son ministère, d'avoir l'ensemble des outils. Il va devoir intervenir régulièrement auprès de sa collègue de la Main-d'oeuvre dans différents secteurs, et cela, bon, avec tout ce que ça amène comme dédoublements, comme pertes de temps, comme retards dans l'élaboration des projets.

Alors, c'est peut-être la première constatation qu'on veut faire, d'autant plus qu'on se souviendra que, lorsqu'il y a eu les élections – et on fait un petit retour en arrière non pas pour dire ce qui a été dans le passé, mais ce qui devait arriver – il était écrit dans le programme du gouvernement actuel que, dans les 100 jours de son élection, il y aurait une loi qui serait passée afin d'assurer le plein-emploi. Alors, non seulement les 100 jours sont passés, on a démantelé le ministère du Travail tel qu'il était avec le côté Main-d'oeuvre, mais, en plus de ça, on attend toujours, nous sommes toujours en attente de cette loi promise qui devait assurer le plein- emploi et qui était dans le programme électoral du gouvernement. Alors, certainement que le ministre aurait peut-être souhaité avoir ces outils pour pouvoir faire cela. Malheureusement, on se rend compte qu'il n'est pas dedans.

(10 h 30)

En ce qui concerne, maintenant, les relations syndicales-patronales, il est vrai qu'il y a un besoin d'une certaine modernisation de nos législations actuelles non seulement pour s'ajuster à la concurrence internationale, à la conjoncture... Le libre-échange a amené des modifications très importantes. Il est vrai que des entreprises produisant les mêmes biens peuvent les produire maintenant d'un bout à l'autre ou presque du continent, en n'ayant pas les mêmes réglementations, les mêmes contraintes, les mêmes obligations, donc les mêmes coûts, et c'est là un défi à relever pour notre société, pour nos entreprises en particulier et, bien sûr, pour nos travailleurs.

Alors, c'est évident que, dans les prochaines semaines, les prochains mois, le ministre va être constamment interpellé par l'actualité, dans l'actualité, ou par les intervenants soit patronaux ou syndicaux, parce que les situations qui découlent de cette libre concurrence vont de plus en plus amener des remises en question, certainement, de nos législations ou de notre manière de faire, notre manière d'organiser le travail et les relations entre les employés et leurs patrons. Alors, je pense que, de ce côté-là, il est intéressant de voir que le ministre va pouvoir se consacrer entièrement à cela, et c'est un des points que je trouve positifs dans ce projet de loi.

Le ministre a évoqué rapidement le côté santé et sécurité. C'est évident qu'un des grands acquis du Québec et des législations du travail, c'est la santé et la sécurité des travailleurs, qui est au Québec quelque chose de particulier – pas beaucoup de pays dans le monde donnent à leurs travailleurs une protection comme celle que nous leur donnons – et il va falloir faire en sorte que cela continue. On sait que le ministre a créé un comité, un comité indépendant d'études sur la CSST.

Alors, un certain nombre de questions ont été posées par les travailleurs et par les patrons. C'est évident que ça ne concorde pas forcément dans la même direction, mais il semble qu'il y ait des inquiétudes du côté patronal, parce qu'il souhaiterait avoir peut-être plus d'ouverture, plus de latitude, moins d'obligations, et des inquiétudes aussi du côté syndical et des travailleurs particulièrement, qui, eux, craignent de se retrouver avec, dans la CSST, moins de protection et peut-être plus de conséquences des dangers et des accidents qu'ils peuvent avoir dans l'exercice de leur travail, de leur profession.

Alors, je pense que c'est un des dossiers importants, le ministre l'a mentionné, et je crois que ça va être une des choses auxquelles il va devoir s'atteler rapidement pour clarifier ça. On ne peut pas laisser encore comme ça jusqu'à l'automne les travailleurs et les entrepreneurs dans l'inquiétude ou dans l'abstrait en ce qui concerne ce dossier.

Alors, le ministre parle de concertation aussi avec les syndicats. On se rend compte qu'actuellement ce n'est pas ce qu'il y a de plus facile. Peut-être qu'il n'a pas pris la bonne voie, je ne sais pas, mais, lorsqu'on lit les revues de presse régulières, on se rend compte que, d'un côté, les patrons émettent de sérieux doutes sur la manière de fonctionner du ministre – on le voit au niveau de l'APCHQ, c'est les patrons – et on voit que certains mouvements syndicaux remettent, eux aussi, en question peut-être la philosophie ou la manière de fonctionner du ministre.

Alors, je pense que le ministre va devoir faire preuve de leadership et il va devoir se situer au-dessus de tout ça. Je souhaite que la création de ce ministère lui donne des moyens de le faire et qu'il puisse assumer ce rôle important, car, en effet, nous sommes d'accord du côté de l'opposition pour penser que la prospérité dépend pour une grande partie de la paix sociale et aussi de relations harmonieuses, au sein de notre société industrielle et commerciale, entre les patrons et les travailleurs. Alors, pour nous, c'est important.

Je pense aussi que le ministre, avec ce projet de loi là, va pouvoir donner le coup d'envoi à d'autres projets. Il a parlé du projet de loi n° 27 – on y reviendra un peu plus tard, tout à l'heure – et du projet de loi n° 31. Je pense qu'il y a d'autres législations. Vous avez parlé du Code du travail. Enfin, il y a différents projets qui sont dans sa tête ou, si ce n'est pas dans sa tête, sur les tablettes de son ministère, et j'espère qu'il les regardera et qu'il pourra en faire profiter les collègues et les députés qui font partie de l'opposition, pour bonifier ça et arranger tout ça.

Alors, c'est un projet de loi, pour le reste, qui est assez technique. Nous déplorons, je le répète, comme je le dis, qu'on revienne à la case départ qui prévalait avant, moins un tiers... Dire qu'on a un ministère du Travail amputé de la Main-d'oeuvre et de la Formation! On trouve ça déplorable. Je pense aussi que ça a créé déjà, ces changements-là, des coûts qui n'étaient peut-être pas nécessaires puis que ça va créer d'autres coûts qui auraient peut-être pu être évités. On sait que, dans une situation comme celle que nous connaissons actuellement où on est amenés comme gouvernants à faire des ponctions importantes dans l'administration, qu'elles soient au niveau de la santé, au niveau social... On voit que le ministre – on reviendra sur la loi n° 31 – va chercher des ponctions sociales chez les travailleurs et chez les patrons, encore une fois. Pendant ce temps-là, on dépense des coûts pour défaire et recréer des ministères. Alors, c'est malheureusement un peu le constat qu'on fait.

Pour le reste, eh bien, on va le voir article par article. C'est un projet technique pour certaines parties, puis, sur le reste, des choses assez importantes. S'il y a à le bonifier, il nous fera plaisir d'y collaborer. Alors, voilà l'essentiel de mes remarques pour l'instant.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. Est-ce que d'autres parlementaires voudraient se prévaloir de leur privilège de livrer des remarques préliminaires? M. le député de Roberval.


M. Benoît Laprise

M. Laprise: Je suis très heureux de voir ce projet de loi et je souhaite qu'il atteigne vraiment ses objectifs, surtout, entre autres, au niveau de la réforme de l'arbitrage. Parce que, au retrait du gouvernement de dire... Et on répond aux municipalités qu'on ne veut pas redonner le droit de grève, qu'on veut préserver la paix sociale, mais c'est sous ce même prétexte aussi qu'on fait face aujourd'hui à des escalades de coûts qui ont dépassé vraiment une mesure raisonnable en regard de ce qui se passe dans l'économie de chacune de nos régions. Et je crois que l'arbitrage des policiers et des pompiers, entre autres, a fait qu'il a déséquilibré, je pense, la masse salariale des municipalités, à qui on reproche aujourd'hui de payer à leurs fonctionnaires des salaires de 20 % à 25 % plus élevés que dans la fonction publique ou encore que dans l'entreprise privée.

Alors, par expérience au niveau des arbitrages... Il y a des arbitrages qui ont coûté excessivement cher aux municipalités, et les arbitres n'ont pas tenu compte, en aucun moment, des témoignages et des preuves à l'appui que les municipalités avaient. Alors, c'est pourquoi, aujourd'hui, les municipalités sont très réticentes aux arbitrages. J'espère que le projet de loi va nous permettre de baliser les arbitrages afin qu'on tienne compte de ce qui se passe sur l'économie dans chacune de nos régions.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député, de vos commentaires, d'autant plus que votre expérience est parfaitement pertinente à l'étude de ce projet de loi.

M. Laprise: Je vais surveiller de près.

Le Président (M. Beaulne): Alors, puisque nous avons terminé les remarques préliminaires, j'appellerais maintenant l'article 1 du projet de loi. M. le ministre, pour la présentation de cet article.


Organisation des travaux

M. Rioux: Oui. M. le Président, je pense qu'on pourrait essayer de se donner une méthodologie, au plan pédagogie, au niveau du travail. Vous avez remarqué que, dans ce projet de loi là, les articles 1 à 16, ça touche véritablement le ministère du Travail. De 1 à 9 et jusqu'à 16, c'est vraiment à caractère technique, c'est sûr, c'est sûr. De 10 à 16, c'est l'essentiel du projet, c'est les pouvoirs, les attributions du ministre. Vous avez remarqué ça dans le document.

Également, il y a des amendements qu'on doit apporter à d'autres lois, vous savez, quand on remanie tout ça. De 17 à 22, vous allez découvrir que ça touche le CCTM. De 23 à 28, c'est la formation et la qualification, parce que vous savez que le ministère du Travail est responsable de la formation et de la qualification de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. De 29 à 35, c'est l'emploi; la SQDM, 36 et 37; les amérindiens, à 38; et...

Une voix: D'autres lois.

M. Rioux: ...d'autres lois, de 43 à 46.

Au fond, 1 à 9, c'est d'une assez grande simplicité, et le coeur de ce projet de loi, c'est de 10 à 16, c'est là qu'est... Alors, moi, ce que je proposerais à nos collègues de la commission parlementaire, c'est qu'on examine en bloc 1 à 9, qu'on puisse les voter, puis, ensuite, aborder 10 à 16 comme étant ce que j'appelle le plat de résistance. Voilà, M. le Président, pour la méthodologie.

Le Président (M. Beaulne): M. le député porte-parole de l'opposition, avez-vous des commentaires sur cette proposition du ministre?

M. Gobé: Bien, oui, je trouve que le ministre amène une méthodologie assez pratique pour fonctionner rapidement. Sauf que, peut-être, au lieu de les adopter en bloc, on peut les prendre les uns après les autres rapidement, d'accord? Au moins en faire lecture, parce qu'il se peut qu'il y ait des parlementaires qui... J'ai remarqué, moi, en 11 ans de vie politique, que, en lisant les articles, en les regardant, des parlementaires de chacun des deux côtés peuvent être amenés, à l'occasion, à amener des réflexions, alors que le fait de les adopter en bloc ferait en sorte qu'on les évacuerait, puis peut-être qu'une ou deux questions pourraient se greffer mais sans pour autant, là... Il facilite la journée, mais, ça non plus...

M. Rioux: M. le Président.

(10 h 40)

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le ministre.

M. Rioux: Je me rallie à la proposition du député de LaFontaine. Le sous-ministre va lire le texte du projet, j'apporterai quelques explications et, si, techniquement, on a besoin d'aller plus loin dans la réflexion, j'ai à mes côtés M. Pierre-Yves Vachon qui pourra nous donner un coup de main. Puis que les gens soient bien à l'aise.

Le Président (M. Beaulne): Je comprends vos interventions des deux côtés. Je pense qu'on a bien saisi que la première partie est plutôt technique. Alors, ça vaut quand même la peine, comme vous l'avez souligné, M. le député, d'y aller article par article, en les lisant, pour les adopter, et on procédera de cette manière en sachant très bien que la discussion portera davantage sur les articles 10 à 16, qui constituent le coeur du projet.


Étude détaillée


Organisation du ministère

Alors, allez-y, M. le ministre.

M. Rioux: L'article 1, M. le Président, c'est simple. Cet article prévoit que le ministère du Travail est dirigé par le ministre du Travail. Je ne pense pas que ça pose tant de problèmes.

L'article 2. Cet article prévoit la nomination d'un sous-ministre du Travail. C'est assez normal que, dans le fonctionnement d'un ministère, il y ait un sous-ministre en titre, en rappelant, bien sûr, à mes collègues députés qu'au Travail il y a aussi des sous-ministres adjoints, un responsable des relations de travail et un autre surtout rattaché à ce que j'appelle l'industrie de la construction et d'autres lois connexes.

M. Gobé: ...

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le député.

M. Gobé: Est-ce qu'on peut y aller ad lib dans ce bloc-là?

Le Président (M. Beaulne): Oui, oui.

M. Gobé: Vous parlez des sous-ministres rattachés à différents secteurs. Si je me souviens bien, dans le rapport Sexton-Picard, auquel avait été donnée une suite par le gouvernement précédent, il y avait la nomination d'un sous-ministre à la construction, un sous-ministre adjoint, bien sûr, à la construction. Est-ce que vous entendez continuer dans votre ministère cette même fonction comme telle...

M. Rioux: Oui.

M. Gobé: ...ou si ça va être une tâche parmi d'autres à un sous-ministre?

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: Dans les tâches importantes qu'occupe Jacques Henry, ici – il est sous-ministre adjoint – toute la question de l'industrie de la construction relève de lui, et ça fait l'objet d'une attention et, je dirais, d'une surveillance particulières.

M. Gobé: Maintenant, si je me souviens bien, sous l'ancien système, c'était un sous-ministre à la construction.

M. Henry (Jacques): Adjoint.

M. Rioux: Adjoint.

M. Gobé: Adjoint, c'est ça.

M. Henry (Jacques): Toujours été adjoint.

M. Gobé: Et est-ce qu'il avait cette seule responsabilité là? Est-ce que vous entendez continuer à donner...

M. Rioux: Oui. Dans le cas de M. Henry, qui est sous-ministre responsable de l'industrie de la construction, il y a aussi la question de la recherche. La recherche relève de lui. On a une institution qui s'appelle l'IRIR, l'Institut de recherche sur la rémunération, et on a aussi, à l'intérieur du ministère, un organisme qui s'occupe de recherche. Alors, Jacques Henry a la responsabilité de superviser les travaux qui se font dans ces deux institutions, de sorte que les employeurs et les syndicats aient accès à des sources d'information qui soient dignes de bonne foi puis au-dessus de tout soupçon.

M. Gobé: D'accord, je ne mets pas ça en doute, mais pourquoi est-ce qu'il n'est pas confirmé comme tel, comme dans l'ancien système, dans la loi? Est-ce qu'on ne dit pas: Un sous-ministre à la construction sera nommé?

M. Rioux: C'est la décision...

M. Gobé: Le rapport Sexton-Picard recommandait ça.

M. Rioux: Oui, je sais.

M. Gobé: Il avait des raisons de le recommander, hein.

M. Rioux: Je sais, mais, compte tenu de l'ampleur des tâches, je pense qu'on ne peut pas confier à un sous-ministre talentueux comme Jacques Henry seulement la construction. On profite de son expertise aussi. C'est un scientifique de formation. Alors, on abuse un peu de lui en lui confiant tout l'aspect recherche et l'aspect statistique, l'aspect économique également, de par sa formation. Parce qu'il est préparé à ça, il est allé à l'école pour ça. Donc, on l'utilise.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Roberval.

M. Laprise: Est-ce que ça rajoute une personne à votre ministère ou si vous donnez une responsabilité supplémentaire à une personne que vous avez déjà?

M. Rioux: Ça ne nous ajoute pas de ressource supplémentaire.

M. Laprise: O.K.

Le Président (M. Beaulne): Alors, ça va?

M. Gobé: Ça va. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Poursuivez, M. le ministre.

M. Rioux: L'article 3. Cet article détermine le rôle général du sous-ministre du Travail puis son exercice sous la direction du ministre.

À l'article 4...

M. Gobé: Excusez.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: «Il exerce, en outre, toute autre fonction que lui assigne le gouvernement ou le ministre.» Ça pourrait être quoi «toute autre fonction»?

M. Rioux: Le sous-ministre?

M. Gobé: Oui. «Sous la direction du ministre, le sous-ministre administre le ministère.» Avec tout ce que ça comprend dans le ministère, on présume?

M. Rioux: Oui, oui.

M. Gobé: Puis, après ça: Il assume toute autre fonction que lui assigne le gouvernement. Ça pourrait être des fonctions en dehors du ministère?

M. Rioux: Le sous-ministre est le gestionnaire, l'administrateur principal du ministère. Il travaille sous la direction du ministre. L'appareil du ministère est au service du ministre, c'est clair, pour les responsabilités qui incombent au ministre. Cependant, un sous-ministre, c'est un grand commis de l'État, c'est un administrateur d'État qui peut assumer aussi d'autres fonctions. Mais, généralement, c'est exceptionnel. C'est exceptionnel qu'un sous-ministre en titre se voie attribuer d'autres fonctions que celles pour lesquelles il a été nommé. Mais il arrive qu'il y ait des sous-ministres, compte tenu de leur expertise, de leur compétence, qui se font confier par le gouvernement, avec l'accord du ministre, des mandats particuliers.

Moi, je peux vous dire que, dans le cas, par exemple, de M. Boily, compte tenu de sa formation, c'est un homme qui peut en mener large. Il peut être affecté à des fonctions ou à des tâches ponctuelles pour le gouvernement. Mais, généralement, le sous-ministre, on l'utilise pour nos fins propres et nos objectifs qu'on poursuit en matière de relations de travail, d'autant plus que c'est un spécialiste en relations de travail.

M. Gobé: O.K. Merci.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier: M. le Président, je voudrais juste revenir sur l'article 2, sur la nomination du sous-ministre. Est-ce qu'on doit en déduire que le projet de loi ne prévoit pas de nominations de sous-ministres adjoints?

M. Rioux: Ce n'est pas nécessaire.

M. Pelletier: O.K.

M. Rioux: Ce n'est pas nécessaire.

M. Pelletier: Le sous-ministre sera nommé par...

M. Rioux: Ça relève de...

M. Pelletier: Du ministre?

M. Rioux: ...l'Exécutif.

M. Gobé: Ça relève de l'Exécutif.

M. Rioux: De l'Exécutif, et c'est nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique.

Une voix: C'est rare que les lois mettent les sous-ministres adjoints.

M. Gobé: Ça arrive, par exemple.

M. Rioux: C'est très rare.

M. Pelletier: Peut-être que j'aurai ma réponse à l'article 5.

M. Gobé: Ah! sous-ministres associés.

Une voix: Oui, c'est parce qu'ils ont...

M. Gobé: C'est bon, la question. Il a réveillé...

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, avez-vous des commentaires additionnels?

M. Rioux: Oui, c'est que, si on introduit, par exemple, à l'article 2 que le gouvernement nomme, conformément à la Loi sur la fonction publique, une personne au titre de sous-ministre du Travail, c'est précisément parce qu'un ministère doit être administré, donc ça prend un gestionnaire principal qui, dans l'exercice de ses fonctions, selon la volonté de l'Exécutif, du gouvernement... Il peut lui attribuer dans l'exercice de sa tâche des adjoints ou des sous-ministres associés, des sous-ministres qui remplissent des fonctions plus particulières au sein de l'organisation. Mais il faut que ce soit introduit par la loi.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Prévost.

M. Paillé: Oui, c'est juste pour ajouter à ce que le ministre a dit puis peut-être apporter un éclairage, étant donné que j'ai eu un bon 15 ans dans la fonction publique. Le sous-ministre, c'est le chef. Il a le statut de chef et sous-chef, en fait. Le ministre est chef, un peu comme le président du conseil d'administration – ça, c'est le ministre – alors que le sous-ministre a le statut de sous-chef du ministère, c'est comme le président-directeur général. Et c'est pour ça qu'on doit le retrouver dans la loi, alors qu'un sous-ministre adjoint, la différence, je dirais, juridique ou légale, est très importante. Aussi, il y a le fait que le sous-ministre est nommé par le Conseil des ministres sur proposition du premier ministre, évidemment en collaboration avec le ministre, mais c'est une nomination, une recommandation du premier ministre, alors que les sous-ministres adjoints, c'est des recommandations du ministre et toujours nommés par le Conseil des ministres.

Et c'est là qu'il est important de noter, par exemple, dans des décrets ministériels, lorsque l'on nomme les ministres, de savoir qui a... Comme ici, on voit très bien à l'article 4 que le sous-ministre a l'autorité du ministre, en fait, pour l'exercice de ses fonctions, et qui a autorité sur le sous-ministre. Et, dans ce cas-ci, le ministre a bien dit que le sous-ministre travaille sous la direction du ministre du Travail, dans ce cas-ci, mais il arrive dans certains cas que... C'est le cas typiquement des ministres délégués où le sous-ministre relève du ministre d'État et non du ministre délégué. C'est la subtilité que d'aucuns doivent comprendre rapidement en certaines occasions.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de Prévost, de ces précisions. Alors, nous poursuivons.

M. Gobé: M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Justement, alors, à ce moment-là, dans ce cadre-là, pourquoi ne pas continuer à donner suite au rapport Picard-Sexton en mettant un sous-ministre associé responsable de la construction et en le nommant directement? Je pense que l'industrie de la construction est assez importante, assez névralgique au Québec. Si eux avaient pris la peine de le recommander, peut-être, pas comme sous-ministre...

M. Rioux: Vous savez qu'à une époque...

M. Gobé: Vous pourriez le faire. Sous-ministre associé, ce serait bien; ils seraient contents, les gens, aussi bien la partie patronale que syndicale.

(10 h 50)

M. Rioux: Je me souviens, avant l'époque de Sexton-Picard, qu'il y avait des gens dans l'industrie de la construction qui voulaient que le gouvernement nomme un ministre rattaché à l'industrie – ça a été dans l'air pendant des années – et le gouvernement n'a jamais répondu à ça. Quels qu'aient été les gouvernements qui étaient au pouvoir, ils n'ont jamais jugé bon de nommer un ministre pour l'industrie de la construction, alors que le monde de l'industrie disait: Ça se justifie largement. Mais il faut quand même dire que c'est un secteur industriel important. Mais, quand même. Quant à la nomination d'un sous-ministre affecté directement et exclusivement à la construction, moi, je pense que ça ne se justifie pas, ce n'est pas nécessaire. Je pense qu'on est bien organisés comme ça puis je pense qu'on est capables d'assumer nos responsabilités, organisés comme nous le sommes.

À l'article 5, M. le Président?

Le Président (M. Beaulne): Oui, allez-y, M. le ministre.

M. Rioux: Ça permet donc au sous-ministre de déléguer l'exercice de ses ou de certaines de ses fonctions à un autre membre du personnel du ministère et de pourvoir à la possibilité de subdéléguer certaines d'entre elles. Alors, c'est un petit peu le débat qu'on vient d'avoir.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier: Mais ça veut bien dire, en vertu de l'article 5, que le sous-ministre pourrait ou le ministre pourrait nommer un sous-ministre associé, en vertu de cet article-là?

M. Rioux: Oui.

Une voix: Pas sous-ministre...

M. Pelletier: Un sous-ministre... En vertu de l'article 5, ma question, et je veux bien comprendre... En vertu de l'article 5, le ministre peut, ou le sous-ministre – vous m'indiquerez lequel des deux a le pouvoir – il pourrait se nommer un sous-ministre associé.

M. Rioux: Non. Non. Si le sous-ministre, par exemple, Jean-Marc Boily, quitte pour toutes sortes de raisons, pas pour la Martinique ou la République dominicaine, comme on l'a évoqué à quelques reprises, mais qu'il décide... soit qu'il est malade ou il décide de partir en vacances, il peut nommer, pour le remplacer, Jacques Henry, qui est un sous-ministre associé. Ça, il peut le faire d'autorité. Pas de problème. Il n'a pas besoin de passer par le premier ministre ou le ministre.

M. Pelletier: Non, mais le projet de loi prévoit la nomination d'un sous-ministre.

M. Rioux: D'un sous-ministre.

M. Pelletier: Mais, à l'article 5, on dit: Le sous-ministre peut...

M. Rioux: Oui, il peut le faire.

M. Pelletier: ...déléguer.

M. Rioux: Oui, oui.

Une voix: Pas nommer, déléguer.

M. Rioux: Déléguer.

M. Pelletier: Mais ma question, c'est que le projet de loi permet à quelque part, quand même, de nommer un sous-ministre associé...

M. Rioux: C'est la Loi sur la fonction publique, ça.

M. Pelletier: ...ou un sous-ministre adjoint.

M. Rioux: Oui.

M. Pelletier: Ce n'est pas par ce projet de loi là.

M. Rioux: Le député de Prévost expliquait tout à l'heure...

Une voix: C'est l'Exécutif qui...

M. Rioux: C'est assez simple, hein. Le premier ministre a la responsabilité de nommer les sous-ministres.

M. Pelletier: O.K.

M. Rioux: O.K. Lorsqu'ils sont nommés, les sous-ministres, dans l'exercice de l'ensemble de leur job, parce que c'est eux autres... C'est le président-directeur général du ministère, ça, qui travaille sous l'autorité du ministre. On décide que, dans le secteur de la construction, il y aurait un sous-ministre associé. Aux relations de travail, qui est une fonction importante du ministère, il y a un sous-ministre associé. Ou encore, dans d'autres domaines qu'on juge opportuns, on peut nommer un sous-ministre associé ou un sous-ministre adjoint. Ce n'est pas le premier ministre qui le nomme, celui-là. Mais, cependant, ça passe au Conseil des ministres pareil.

M. Pelletier: O.K.

M. Rioux: O.K.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Est-ce qu'il ne serait pas peut-être sage de prévoir que «le sous-ministre peut, par écrit et dans la mesure qu'il indique, déléguer à un fonctionnaire ou au titulaire d'un emploi l'exercice de ses fonctions visées par la présente loi», de prévoir «après en avoir avisé le ministre»? Parce qu'il se pourrait qu'il existe entre le sous-ministre et le ministre, à un moment donné, une distorsion ou quelque chose, une vision différente. Je pense qu'il serait sage que l'on prévoie ce qui imputerait la responsabilité au ministre.

M. Rioux: Oui, mais, M. le député...

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, oui.

M. Rioux: ...«sous la direction du ministre, le sous-ministre administre le ministère». Je pense que tout est là.

Une voix: L'article 3.

M. Rioux: Le ministre, il est responsable politiquement devant le gouvernement, devant la population, et c'est lui qui a l'autorité. Mais, cependant, le sous-ministre exerce ses fonctions sous la responsabilité et la direction du ministre, qui, lui, est choisi par le gouvernement et est élu par le peuple. O.K.?

Le Président (M. Beaulne): On poursuit avec l'article 6?

M. Rioux: Oui. Ça prévoit, ça, la nomination et la rémunération de même que la détermination des devoirs des membres du personnel du ministère.

Une voix: Y compris les sous-ministres adjoints.

M. Rioux: Y compris les sous-ministres adjoints. Y compris les sous-ministres adjoints. C'est implicite là, mais c'est bon de l'ajouter.

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Ça va faire combien d'employés en tout, ce ministère-là? Combien de sous-ministres adjoints, associés? Combien d'employés?

M. Rioux: Actuellement, il y a un sous-ministre en titre et trois sous-ministres adjoints.

M. Gobé: O.K. Puis au niveau du personnel?

M. Rioux: On est 300.

M. Gobé: Trois cents?

M. Rioux: Trois cents employés.

M. Gobé: Qui viennent d'où, ces employés-là? Du ministère actuellement de la Main-d'oeuvre?

M. Rioux: Il y a le ministère du Travail, actuellement... Parce que le ministère de la Main-d'oeuvre, écoutez, ça, c'est...

M. Gobé: Pardon, excusez, de l'Emploi, oui, oui.

M. Rioux: ...la SQDM, l'Emploi.

M. Gobé: Le ministère de l'Emploi.

M. Rioux: C'est Mme Harel. Je ne sais pas, il y a peut-être 4 000...

Une voix: C'est 4 500.

M. Rioux: Il y a 4 500 personnes. Au ministère du Travail, on est environ 300, 350.

Une voix: Mais 5 000 dans les organismes.

M. Rioux: Mais 5 000 dans les organismes, évidemment. Là, si on pense à la CSST, à la Commission des normes, à la Régie du bâtiment...

M. Gobé: Commissaire général du travail?

M. Rioux: Commissaire général du travail.

Une voix: Il est dans le ministère, lui.

M. Gobé: Il est dans le ministère, le Commissaire?

M. Rioux: Il est dans le ministère. Lui, il est calculé dans le ministère.

M. Gobé: Oui. Le projet de loi n'est pas passé encore, mais, avec la loi n° 31, il va être payé par la Commission des normes, il ne sera plus payé... ou en partie.

M. Rioux: Ça, c'est un débat qu'on va faire quand on aura le projet de loi n° 31 sur la table.

M. Gobé: Est-ce qu'il va être encore considéré comme un employé du ministère?

M. Rioux: Bien oui.

M. Gobé: Ou comme une... Mais il ne sera plus payé par le ministère.

M. Rioux: Mais pourquoi il ne le serait pas? Ça relève du ministère. C'est un organisme qui relève du ministère.

(Consultation)

M. Rioux: C'est ça, c'est le ministre qui est payé par la Commission. C'est ça. Le ministre est remboursé pour les travaux qui sont effectués par le BCGT. Mais on va en reparler au moment du projet de loi n° 31.

M. Gobé: Oui, on en reparlera.

Le Président (M. Beaulne): L'article 7.

M. Rioux: Alors, cet article, ça confère autorité aux documents signés par le ministre, par le sous-ministre et par tout autre membre du personnel du ministère qui serait identifié par décret du gouvernement. La signature du ministre, du sous-ministre donne autorité à tout document.

M. Gobé: Pas de problème.

Le Président (M. Beaulne): L'article 8.

M. Rioux: L'article 8, je pense que ça ne pose pas de problème non plus.

Le Président (M. Beaulne): L'article 9.

M. Rioux: L'article 9, ça confère, sous réserve de la signature appropriée, un caractère d'authenticité aux documents puis aux copies de documents.

Le Président (M. Beaulne): Alors, s'il n'y a pas d'autres questions ou interventions sur ce premier bloc, est-ce que les articles 1 à 9 inclusivement du projet de loi n° 26 sont adoptés?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Nous allons passer...

M. Gobé: Sur division, hein.

Le Président (M. Beaulne): Sur division? Sur division.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rioux: Encore?


Fonctions et pouvoirs du ministre

Le Président (M. Beaulne): Nous allons passer à l'étude du second bloc, des articles 10 à 16 inclusivement. Comme il s'agit du coeur du projet, comme vous l'avez mentionné, M. le ministre, on peut bien procéder par discussion en bloc également, mais, avant d'y aller de cette manière-là, est-ce que vous avez des amendements ici à présenter dans ce bloc?

M. Rioux: Nous avons d'abord, dans un premier temps, fait un exercice important pour bien définir ce qu'étaient les fonctions, la mission, les pouvoirs, les attributions du ministère du Travail, le ministère responsable de gérer les lois du travail. Avant, ce ministère-là était intégré à l'Emploi. Donc, il y avait des dispositions de la loi qui étaient évidemment propres à l'emploi, la formation de la main-d'oeuvre, etc., la qualification.

Ce qu'on a essayé de faire là-dedans, surtout aux articles 10, 11 et 13, c'est de bien préciser les pouvoirs et les attributions, bien préciser également les moyens que se donne le ministre pour réaliser ses objectifs et comment il entend les exercer. Alors, c'est des articles importants qui font que le gouvernement restitue véritablement au ministère du Travail ses fonctions, sa mission et les pouvoirs pour l'exercer puis les moyens pour atteindre ses objectifs.

Alors, c'est pour ça qu'on a voulu, par exemple, à l'article 10, déterminer de façon générale les domaines de compétence du ministre. L'article 11, ça confère au ministre les responsabilités d'élaborer, de proposer, de voir à la mise en oeuvre de politiques, de mesures dans des domaines de sa compétence et en fonction, notamment, des objectifs qui sont énoncés. Et ça, c'est très important.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, si vous ne voyez pas d'inconvénients, puisqu'il s'agit du coeur du projet, je pense que nous allons procéder à l'adoption article par article dans ce bloc. Alors, l'article 10, M. le ministre.

M. Gobé: Oui, M. le Président, mais je souhaiterais, par exemple, que la discussion puisse se faire, peut-être, comme on l'a fait maintenant, ad lib, sans être obligé d'y avoir un rigorisme qu'on peut connaître dans certains projets où il y a plus d'opposition.

Le Président (M. Beaulne): Oui, mais...

(11 heures)

M. Gobé: Ou 20 minutes chacun, puis je pense que chacun est d'accord pour intervenir comme ça.

Le Président (M. Beaulne): Oui, tout en...

M. Gobé: C'est productif.

Le Président (M. Beaulne): ...continuant dans le même esprit où on a débuté. Je pense quand même que, par mesure de précision et comme il s'agit d'articles importants, il se pourrait que de part et d'autre on veuille apporter des modifications, des amendements. Alors, je pense que c'est plus sage de procéder article par article. Alors, M. le ministre, l'article 10.

M. Rioux: Oui, c'est ça. Il s'agit de bien camper, à l'article 10, les fonctions du ministre du Travail dans les domaines de sa compétence, qui sont les relations de travail, les normes du travail, la gestion des conditions de travail, la santé et sécurité au travail, ainsi que la sécurité des bâtiments, des équipements, des installations destinées à l'usage du public.

Par exemple, il y a des gens qui se posent la question: Comment il se fait que le ministre du Travail est responsable de la Régie du bâtiment? Pourquoi? C'est bien simple, c'est que le gouvernement confie au ministère du Travail le soin d'assurer la sécurité des personnes qui vont acheter des maisons ou qui vont faire construire des édifices publics, de sorte que les critères de construction, les normes, dans cette industrie-là, soient convenablement respectés.

Ça va plus loin que ça. Non seulement la Régie du bâtiment va donner la licence à un entrepreneur avant d'entreprendre pour être convaincue que c'est un entrepreneur qualifié, mais on s'assure aussi que la main-d'oeuvre est qualifiée. Par le biais de la Commission de la construction du Québec, on s'assure que les travailleurs qui sont là, c'est des gens qui ont des cartes de compétence et que les entrepreneurs sont des gens qui sont dignes d'avoir une licence. De sorte que ce qui est bâti, ce que le client achète, ce que les Québécois, les Québécoises achètent soient des produits qui soient de qualité et répondent à des standards. Le ministre, c'est sa responsabilité.

Même chose pour les normes du travail. La santé et sécurité au travail, c'est une responsabilité de l'État confiée au ministère du Travail, parce qu'on est dans la filière du travail et des relations du travail. Ça, c'est la fonction. C'est large.

Mais, comme le disait le député tout à l'heure, M. le Président, si on a voulu confier à un seul ministre toutes ces fonctions-là, c'est parce que c'est considérable, et, si on ajoute l'emploi là-dedans, les premiers qui vont être portés à critiquer le ministre, c'est pour dire: Il a trop d'ouvrage. Qu'on fasse donc en sorte – et, ça, le député était d'accord tout à l'heure – qu'on lui confie une véritable mission de travail, de relations de travail, de gestion des relations de travail, de sorte que la fonction qu'il occupe soit une fonction à temps plein et que l'emploi, qui est dans le domaine économique et que le gouvernement a jugé bon de confier à un autre ministère...

C'est parce qu'on lui apporte une priorité, à l'emploi. On dit: Il y a un ministère qui va s'occuper de ça, ça va être le ministère de l'Emploi et de la Solidarité. De sorte qu'on libère le travail de l'emploi pour restituer convenablement la fonction et donner à ce ministère-là l'autorité et aussi les tâches précises qui lui incombent.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce qu'il y a des commentaires?

M. Gobé: Oui.

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Bon. Tout d'abord, de ce côté-ci, nous avons des réserves sur la séparation des deux. On pense que le travail et la formation devraient aller ensemble. Maintenant, chacun peut avoir sa manière de le voir. Il est souhaitable, dès que le gouvernement a décidé d'aller dans cette direction-là, que ça soit un succès et non pas que dans quelques années nous nous rendions compte, encore une fois, qu'il faille rechanger la structure et les responsabilités du ministère.

Ça s'est fait en 1994. Ça s'est refait en 1995 ou 1994, après les élections. Deux fois en 1994: en avril et ça s'est refait, je pense, en septembre ou octobre, il y a eu un nouveau ministère. Et là on est en 1996, on le refait encore une fois. Alors, on va souhaiter, dans l'intérêt des travailleurs et des travailleuses, des gens qui ont besoin, justement, de voir maximiser les efforts du gouvernement pour leur donner des chances d'acquérir une formation, d'acquérir un emploi, que ça fonctionne.

Dans l'article 10, on parle, en particulier, de la sécurité des bâtiments. Le ministre disait que, dans tout ce qui se construisait, le ministère était responsable, bien sûr, du côté sécuritaire. C'est un point. Je pense que ça peut paraître un peu bizarre. Je pense qu'un parc d'amusement avec des manèges dessus doit être sous la compétence du ministre en termes de sécurité.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: Tout ce qui est construction...

M. Gobé: «Installations destinés à l'usage du public», c'est dans ce sens-là. Parce que je vois «Installations destinés à l'usage du public».

M. Rioux: Oui, oui, oui.

M. Gobé: Un parc pour les enfants, c'est construit par une municipalité.

M. Rioux: Oui.

M. Gobé: Avec des manèges. Est-ce que le ministre en est responsable?

M. Rioux: S'il y a des bâtiments.

M. Gobé: Bien, écoutez, on parle d'installations, c'est assez large.

M. Rioux: Mais voulez-vous savoir si le ministre...

M. Gobé: D'équipements. Des bâtiments, voyez-vous? C'est marqué «des bâtiments».

M. Rioux: Voulez-vous savoir si le ministre doit se mettre le nez dans l'installation des balançoires?

M. Gobé: Non, non, ce que je veux dire, c'est les normes de sécurité. Parce que là on est assez large: «...des bâtiments et d'équipements et installations destinés à l'usage du public». On va plus loin que de simples bâtiments: d'installations et d'équipements. Est-ce que c'est tous les équipements destinés à l'usage du public? C'est très vaste.

M. Rioux: Ça peut comprendre, moi, ce que j'appelle les équipements mécanisés, dans les parcs, qui demandent des normes quant à leur installation. Oui, on doit voir à ça. C'est sûr.

M. Gobé: Tous les équipements.

M. Rioux: Oui. Mes collègues ici, avez-vous des remarques à faire? Monsieur?

M. Gobé: Dans le sens large du terme.

M. Rioux: Au sens large du terme.

M. Gobé: Ce n'est pas une question piège, c'est parce que c'est important de le clarifier.

Une voix: Par exemple, Expo-Québec.

M. Gobé: Dans le projet de loi, vous avez pris la peine de la mentionner, la différence. Ce n'est pas tous les bâtiments, c'est: installations, équipements.

M. Rioux: C'est: «...équipements et installations destinés à l'usage du public». C'est ça.

Le Président (M. Beaulne): M. Vachon.

M. Vachon (Pierre-Yves): Au fait, j'attire votre attention sur le libellé de l'article 10.

M. Gobé: Oui, c'est ça.

M. Vachon (Pierre-Yves): «La sécurité des bâtiments» et non pas des équipements et installations, mais «et d'équipements et installations destinés à l'usage du public». Il y a une différence de libellé qui vise à illustrer que le ministre est responsable de la sécurité de tous les bâtiments, mais qu'il n'est pas responsable de la sécurité de tout équipement ou installation destiné à l'usage du public. Il faut aller voir dans les lois particulières pour comprendre la portée de ça.

À titre illustratif, quand on va voir dans la Loi sur le bâtiment, l'article 2 de la loi dit que la Loi sur le bâtiment s'applique à un bâtiment, deuxièmement, à un équipement destiné à l'usage du public et, troisièmement, aux installations suivantes qui ne sont pas rattachées à un bâtiment. Et là il y a une énumération. Donc, la Loi sur le bâtiment ne s'applique pas à toutes les installations, mais uniquement à certains types d'installations qui sont énumérés.

L'article 10 de la Loi sur le ministère, ici, ne vise pas à changer quoi que ce soit là-dedans, on prend les choses telles qu'elles sont. On dit: Le ministre, il agit en fonction des lois qui lui donnent des responsabilités, et une de ses responsabilités, c'est de voir à la sécurité des bâtiments, mais non pas de tous les équipements et installations, mais de certains équipements et installations destinés à l'usage du public.

M. Gobé: Alors, prenons l'exemple d'une garderie. Est-ce que le ministre est responsable de la sécurité des installations à l'intérieur du bâtiment et d'équipements... C'est quoi les équipements, là? Est-ce que c'est les choses qui sont rattachées, au point de vue d'une garderie... J'en ai visité une, il n'y a pas longtemps, pas dans le comté de l'ancien ministre, mais pas loin, pour y envoyer mon petit garçon, et j'ai vu dans cette garderie des modules qui étaient vissés dans le bâtiment, dans le béton – vous savez, il y a des grosses vis – donc faisant partie du bâtiment, construits par le même constructeur, probablement. Alors, est-ce que c'est pour viser ça que vous dites «des bâtiments et d'équipements»? Est-ce que c'est des équipements qui se rattachent à un bâtiment?

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: Le bâtiment doit répondre aux normes de la construction, tel qu'on le prévoit dans les règlements de la Régie. Cependant, pour les garderies, l'Office des services de garde, lui, intervient pour déterminer ce qui est convenable pour garder des enfants à l'intérieur d'un établissement. L'Office des services de garde a ses critères. Avant d'octroyer un permis permettant à des personnes d'exploiter une garderie, elles doivent répondre à des critères. Maintenant, est-ce que ces critères-là sont supervisés par la Régie du bâtiment?

(11 h 10)

M. Gobé: C'est ça. À vérifier, oui.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, ici, oui, effectivement, ils le sont, si je peux vous donner une réponse avec ce que j'ai vécu, moi, dans mon propre comté, concernant justement une garderie. Il y avait un édifice commercial, et, au deuxième étage de cet édifice commercial, on avait logé une garderie. La Régie du bâtiment a envoyé des inspecteurs. Les inspecteurs ont jugé que c'était non conforme parce que, enfin, les matériaux qui séparaient la garderie, le plafond ou les murs, je ne sais pas trop, n'étaient pas complètement à l'épreuve du feu ou suffisamment à l'épreuve du feu, selon les normes de la Régie du bâtiment. La Régie du bâtiment en a avisé la municipalité qui, elle, a émis des restrictions contre les propriétaires, qui ont dû réaménager leurs murs en fonction du Code.

M. Rioux: Donc, c'est rassurant, ça veut dire que notre texte, à l'article 10, couvre la sécurité des bâtiments, quels qu'ils soient.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier: Est-ce que, par l'article 10, on doit comprendre qu'ici on fait une distinction entre une usine puis un édifice public? Dans une usine, le bâtiment, au niveau sécurité, il tombe sous la responsabilité du ministre, mais non l'équipement qui est dans l'usine. Alors que, dans un édifice public, c'est l'édifice public et l'équipement qui tombent sous la responsabilité du ministre. Est-ce que l'article 10 fait une différence entre une usine et un édifice public?

Le Président (M. Beaulne): M. Vachon.

M. Vachon (Pierre-Yves): Oui. Dans les deux cas, les équipements dont vous parlez seraient assujettis aux dispositions de la Loi sur le bâtiment et de la réglementation. La Loi sur le bâtiment s'applique aux bâtiments, sans qu'il soit nécessaire que ce soient des bâtiments destinés à l'usage du public. Elle s'applique à tous types de bâtiments, y compris des bâtiments industriels.

Elle s'applique aussi à toutes les installations et équipements d'un tel bâtiment, qu'il s'agisse d'un bâtiment industriel ou d'un bâtiment qui est destiné à l'usage du public ou d'un bâtiment privé, d'une maison. La Loi sur le bâtiment s'applique à tous les équipements et installations de ce bâtiment. Elle ne s'applique toutefois pas à tous les types d'installations hors bâtiment. C'est ça qu'il faut comprendre.

M. Gobé: À l'extérieur?

M. Vachon (Pierre-Yves): À l'extérieur d'un bâtiment, mais juste à une série d'installations qui sont énumérées dans la loi.

M. Gobé: Dans la garderie, les exemples du président et de moi-même, des modules construits à l'intérieur, seraient couverts par la Régie du bâtiment?

M. Rioux: Ça veut dire que l'Office...

M. Gobé: La glissade puis la maison, là...

M. Rioux: L'Office des services de garde doit se conformer aux directives de la Régie dans la construction et la mise en place d'une garderie. C'est ce que je comprends.

M. Gobé: Et des équipements intérieurs.

Le Président (M. Beaulne): Mais ça va même plus loin que ça. Il y a des spécifications de la Régie du bâtiment concernant la vocation de certains établissements, dont les garderies, en particulier. On exige certaines protections additionnelles.

M. Gobé: Un escalier roulant dans un grand magasin?

M. Vachon (Pierre-Yves): C'est assujetti.

M. Gobé: C'est assujetti. Bien.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'article 10?

M. Rioux: Moi, ça termine, en ce qui me concerne, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce que l'article 10 est adopté?

M. Gobé: Juste un petit... d'accord?

Le Président (M. Beaulne): Oui. Allez-y, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Quand on dit qu'il exerce ses fonctions dans les domaines des relations de travail, des normes du travail, la latitude de ses fonctions – là, je pense que c'est très important, on a parlé de sécurité, ça touchait du matériel puis la vie des gens – c'est jusqu'où, ses fonctions? Jusqu'où le ministre... Prenons un exemple, un conflit comme le conflit chez Peerless, actuellement, d'accord? On voit là qu'il y a une situation assez particulière: ça tiraille d'un bord, ça tiraille de l'autre bord, les gens se crient des noms, font du piquetage devant les magasins de La Baie. Le ministre exerce ses fonctions dans le domaine des relations de travail. Vous faites quoi, dans un cas comme ça? Vos fonctions, c'est quoi?

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: On dit, un petit peu plus loin, dans les fonctions et pouvoirs, qu'il est également chargé de l'application des lois qui relèvent de lui et exerce toute autre fonction que lui attribue le gouvernement. Évidemment, c'est l'application du Code du travail. Dans le cas de Peerless, c'est un cas particulier qui est très important. Bon. Il y en a qui contestent, par exemple, la validité du syndicat qui est là. C'est un syndicat que les gens de la FTQ qualifient de dominé par l'employeur. Il faut regarder ça à la lumière des dispositions du Code. L'employeur, lui, trouve que le syndicat qui est là, c'est un syndicat qui est voulu par les salariés, donc qui est correct.

Moi, je n'ai pas à porter un jugement là-dessus, j'ai juste à essayer de vérifier si ce syndicat-là est crédible. Est-ce qu'il est véritablement dominé par l'employeur ou pas? Nous avons là un problème, par exemple, de multiethnicité à l'intérieur d'une entreprise. Est-ce que c'est la fonction du ministre du Travail d'aller arbitrer le différend qui existe entre un groupe qui voudrait une reconnaissance syndicale au sens du Code, un autre groupe qui s'accommode majoritairement d'un syndicat qui est là, qui est un syndicat indépendant?

Moi, j'agis lorsqu'une plainte est déposée et qu'on essaie de me faire la démonstration que le syndicat est dominé par l'employeur, au sens du Code du travail, ce qui n'a pas été fait jusqu'à maintenant.

M. Gobé: Oui. M. le Président...

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le député.

M. Gobé: ...sans vouloir faire un débat ici – il y a d'autres forums – c'est parce que dans les notes explicatives du projet de loi il est écrit, en parlant du ministre: «Il prévoit ainsi l'élaboration et la mise en oeuvre, sous la responsabilité du ministre et après consultation [...] de politiques et mesures destinées à favoriser l'évolution de ces divers objets – on parle des relations de travail – en fonction, notamment, des besoins des personnes, du marché du travail et de l'économie.»

Et là la question est simple. Le ministre, lui-même, dans son discours d'ouverture, nous dit qu'il veut donner une nouvelle dimension aux relations de travail, une nouvelle concertation, en tenant compte des nouveaux contextes économiques et autres. Et là je souscris à cette vision et à cette mission qu'il se donne, qu'il veut avoir et qu'il croit qu'il doit relever.

Mais on a là l'article 10. On rentre dedans, là: «Le ministre exerce ses fonctions dans les domaines des relations du travail». Ça, c'est son mandat principal. Un exemple clé, là, c'est ce cas-là. De quelle manière il peut exercer... à part appliquer les lois? Mais, à ce moment-là, je veux dire, si c'est juste pour appliquer des lois, on n'a pas besoin d'un...

M. Rioux: Alors...

M. Gobé: Excusez, je n'ai pas fini. Si c'est juste pour appliquer les lois, on n'a pas besoin de créer un ministère encore nouveau, avec un ministre à plein temps. On aurait pu laisser ça à l'ancien ministère, puis qu'un sous-ministre associé prenne les décisions de faire respecter les lois et regarde s'il y a des plaintes pour les transmettre au Commissaire du travail ou pas, là.

Le ministre nous dit qu'il crée un ministère pour faire de la concertation, pour donner un nouvel élan aux relations de travail. Il y a un cas particulier, c'est même un cas type qui peut arriver maintenant dans beaucoup d'autres entreprises: l'hôtellerie, le textile, l'habillement, dans beaucoup d'autres. Il y a beaucoup d'entreprises, maintenant, qui ont ce genre d'employés. On fait quoi? Vous exercez vos fonctions, là, dans ce domaine-là en particulier. À part faire respecter le règlement, là, comme un agent de police...

M. Rioux: Bon.

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le ministre, allez-y.

M. Rioux: M. le Président, l'article 10 décrit. L'article 10 décrit les fonctions du ministre, O.K.? Ça, c'est très clair. C'est descriptif, l'article 10. Si vous voulez voir, maintenant, les attributions, ce qui est attributif au ministre, c'est les articles 11, 12 et 13. Alors, on va les examiner, puis on va trouver réponse aux questions du député très, très simplement.

M. Gobé: O.K.

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce que l'article 10 est adopté?

M. Gobé: Sur division, bien sûr.

Le Président (M. Beaulne): Sur division. Bon. Alors, l'article 11. Allez-y, M. le ministre.

M. Rioux: Il ne sera jamais d'accord sur aucun article? La journée va être longue!

Le Président (M. Beaulne): Oui, mais mettons que ça se déroule très, très bien. C'est la prérogative de l'opposition de collaborer, mais d'indiquer sa dissidence.

M. Rioux: Mais ma remarque est en tout respect.

Le Président (M. Beaulne): Oui, oui. On se comprend bien.

M. Rioux: Je n'ai pas de problème avec ça.

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. le ministre, allez-y donc, là, pour les explications.

M. Rioux: Oui. Alors, l'article 11. Cet article confère au ministre – bon, là, on arrive véritablement dans la réponse à la question du député – la responsabilité – écoutez bien ça – d'élaborer, de proposer, de voir à la mise en oeuvre de politiques et mesures dans ses domaines de compétence. Les domaines de compétence dont on vient de parler tout à l'heure. O.K.? Des mesures, donc, la mise en oeuvre de politiques et de mesures dans des domaines de sa compétence – dont on vient de parler – et ce, en fonction, notamment, des objectifs qui y sont énoncés. O.K.?

Au fond, le ministre élabore puis propose au gouvernement des politiques. Ça se trouve à être le conseiller en relations de travail du gouvernement, le ministre, dans ses fonctions; comme le ministre de la Justice est son procureur.

(11 h 20)

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier: Le ministre pourrait peut-être me confirmer un exemple. Dans le domaine municipal, ça serait de votre ressort de proposer un meilleur système d'arbitrage, par exemple. Ça pourrait être ça?

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre?

M. Rioux: Oui. La question que soulève le député est intéressante. Par exemple, on sait que les municipalités du Québec criaient, depuis des années, qu'il fallait changer le mécanisme d'arbitrage chez les pompiers et policiers, parce que ça a amené des augmentations de salaires considérables, puis les municipalités voyaient là-dedans, voyaient dans l'arbitrage l'instrument qui venait à peu près vider leurs poches ou les déséquilibrer dangereusement.

Là, le ministre, après avoir fait faire une étude, examine ça et dit: Voici, ce rapport-là, ça fait mon affaire. Le rapport Boivin, qui a fait une enquête, une étude sérieuse, qui a consulté tout le monde, remet ça au ministre du Travail qui, lui, traduit ça, suggère au gouvernement de traduire ça dans un projet de loi, puis il dit: Voici dans quelle direction on devrait s'en aller au cours des prochaines années.

Bon. Le ministre amène ça au Conseil et dit: Voici ce que je vous propose. Le gouvernement dit oui ou dit non. Dans le cas présent, il a dit: Parfait, on y va avec ça. Alors, c'est ça, la fonction. Quand viendra le moment d'amender l'article 45 du Code, qui, comprenez-vous, intéresse toutes gens au Québec, surtout l'opposition, bien, ça va être la même procédure: le ministre va regarder ça et va juger, lui, selon sa grille d'analyse, ce qu'on fait avec ça, et ça va se traduire par des recommandations au gouvernement, et ça va aboutir à l'Assemblée nationale pour débat. Parce que les législateurs, c'est des députés. C'est eux autres qui, en bout de ligne, décident, et, ça, ça devient la loi.

Il y a bien d'autres secteurs. Par exemple, pour donner un exemple revendiqué par les syndicats: l'accréditation multipatronale. Aïe! il y a pas mal de gouvernements qui ont brassé ça, là, depuis 20 ans. Ça fait 20 ans qu'on parle d'accréditation multipatronale au Québec. Ça ne s'est jamais fait. Les gouvernements, pour toutes sortes d'excellentes raisons, ont décidé qu'ils ne bougeaient pas là-dessus. On va jeter un coup d'oeil. On va voir ça se répercute comment – c'est quoi, l'incidence sur l'économie du Québec, c'est quoi, l'incidence sur la vie et la survie des entreprises – l'accréditation multipatronale. Pour certains, c'est une révolution; pour d'autres, ça serait la normalité. Savez-vous que tout le monde ne voit pas ça de la même façon? Ça dépend, pour utiliser une expression qu'on me colle actuellement, de notre culture des relations de travail. Ça dépend de quel côté on a été élevé. Mais voilà un sujet important, sur lequel on devra se pencher.

C'est pour ça que je ne veux pas caricaturer, là, puis je ne veux pas non plus élaborer davantage. Mais, en matière de relations de travail, en matière de normes, en matière de sécurité, le ministre est le conseiller du gouvernement, qui lui propose des moyens pour atteindre des objectifs dans tous les domaines qui ont été décrits à l'article 10.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine...

M. Gobé: Oui.

Le Président (M. Beaulne): ...pour vos commentaires là-dessus.

M. Gobé: Oui, merci, M. le Président. En effet, le ministre a raison, on rentre maintenant, avec l'article 11, là, peut-être plus précisément dans l'élaboration de ses responsabilités.

Il nous a parlé de l'accréditation multipatronale. On sait que c'est dans le programme du gouvernement, bien, du parti qui a amené le gouvernement au pouvoir, page 204 du programme du Parti québécois, qui dit que le gouvernement mettra en application, entre autres, dans les relations de travail, l'accréditation multipatronale. Le ministre, certainement, fait valoir, à juste titre, les différents points de vue qu'il peut y avoir dans notre société concernant cette manière d'organisation des travailleurs vis-à-vis de l'entreprise et du patronat.

Devant l'importance de ce dossier et devant aussi quasiment l'obligation morale de donner suite à un programme politique, du moins de tenter d'y donner suite, est-ce que le ministre entend créer ou a-t-il dans ses idées de créer bientôt une commission ou un comité qui serait chargé d'étudier ça? Parce qu'il nous disait précédemment qu'il va falloir voir les incidences sur l'entreprise et sur les relations patronales. Est-ce qu'il est dans votre intention, dès que le ministère sera créé, et même si vous pouviez le faire avant, maintenant que le ministère va être créé, de donner rapidement suite à cet engagement de votre parti, ne serait-ce qu'en ayant étudié les incidences avec une commission?

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: Merci, M. le Président. C'est vrai que c'est au programme du Parti, mais vous avez remarqué qu'il n'y avait pas d'échéance là-dessus. Il n'y a pas de date. On n'a pas mis de date. On n'a pas dit: L'accréditation multipatronale, on va essayer de régler ça en 1996 ou fin de 1995 ou début de 1997. Ce n'est écrit nulle part. Mais il y a des instances qu'on a intérêt à consulter, c'est le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, dont l'expertise est considérable et qui peut donner des avis là-dessus. On a le devoir aussi... lorsqu'on décidera de procéder à une réflexion, une étude ou une analyse de la question, on aura l'obligation d'écouter les grands syndicats et les employeurs.

Je me souviens, moi, M. le Président, que – et le député de LaFontaine va être réjoui que je lui annonce ça – à une époque, au Québec, quand on parlait de négociations sectorielles, les gens faisaient de l'urticaire. Ça n'a pas de bon sens qu'on puisse envisager un jour de négocier dans un secteur industriel au complet. Ça venait jeter par terre toute la théorie de l'accréditation par entreprise, par employeur, etc. On pensait que ce n'était pas possible.

Aujourd'hui, on vit la négociation sectorielle. Il n'y a personne de mort et ça a fait évoluer les choses. Ça a permis à des industries de se réorganiser, de revoir leurs pratiques, réorganiser leur fonctionnement. Moi, je me dis: Un jour, est-ce qu'on y arrivera? Ce que je peux dire au député, c'est que ça serait gênant, après le discours que je viens de faire comme introduction à l'étude de ce projet de loi de dire: Non, non, on est fermé à ça. Non, ça se regarde, ça, mais ça ne se regarde pas en cowboy. Ça se regarde très sérieusement. Il s'agit là d'un aspect, la vie des rapports collectifs de travail, éminemment important, et les syndicats que j'ai rencontrés... La demande est surtout en provenance de la FTQ. J'ai dit: Oui, oui, oui, le moment venu, on va s'y attarder.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier: Sans vouloir ouvrir une grande discussion, on est liés avec des ententes commerciales avec nos voisins.

M. Rioux: Pardon?

M. Pelletier: On est liés avec nos voisins par des ententes de libre-échange, par des ententes commerciales – je pense à l'ALENA – avec l'Ontario, avec le Mexique, et ainsi de suite. On est déjà liés par des ententes. Comment nos lois du travail peuvent être bien différentes de celles de nos voisins? Tout en voulant respecter ces lois-là, ces ententes-là, et demeurer compétitif... Comment le Québec pourrait avoir des lois très différentes des États-Unis au niveau du travail?

(11 h 30)

M. Rioux: Bien, je ne veux pas épiloguer longtemps là-dessus. Je ne veux pas soulever non plus un débat très long, mais c'est sûr que, quand on vit en Amérique du Nord et qu'on fait du commerce avec l'Amérique et qu'on a des ententes de libre-échange, de commerce avec eux, c'est clair qu'on doit tenir compte non seulement du contexte économique et social qui existe dans les pays environnants comme le Canada et les États-Unis, on doit tenir compte aussi du modèle qui existe dans l'organisation du travail et l'organisation des relations de travail. On ne peut pas vivre isolé des autres, c'est évident, surtout que, dans l'industrie de la construction, par exemple, on a des ententes avec l'Ontario. Monsieur, ici, est responsable au ministère de gérer ce genre d'ententes pour et au nom du ministre. Alors, en matière de relations de travail comme dans bien d'autres secteurs de la vie collective, on ne peut pas vivre isolé du reste du monde.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. C'est sûr, c'est une question très d'actualité que le député d'Abitibi a apportée, mais il n'en reste pas moins que c'est quand même assez important, je pense, en termes d'organisation de relations de travail, ce que le ministre et moi avons quand même abordé précédemment. C'est fondamental. C'est toute une remise en question, là, d'un pan tout entier de la représentation des travailleurs et de leur organisation, et des rapports entre le patron et le travailleur.

Le ministre me dit qu'il va y venir. Il dit: On n'a pas mis d'échéance. C'est vrai. Il n'en reste pas moins que, quand même, lorsque l'on fait un programme dans une formation politique majeure comme celle qui est la vôtre, comme celle qui est la nôtre, les gens se penchent généralement, avant d'écrire dans ce programme, sur des objectifs précis, sur un certain nombre d'études, un certain nombre de consultations afin de crédibiliser ce programme, aussi afin d'attirer des clientèles ou de répondre à des demandes de certaines clientèles.

Bon. Sans vouloir dire que le ministre devrait avoir la réponse à tout ce que je lui demande, il me semble quand même un peu particulier qu'il me dise: Bien, on verra; peut-être; on n'a pas donné de date. Est-ce qu'il est en train de me dire qu'en ce qui le concerne il recule ou il n'a pas l'intention d'appliquer cette recommandation de son parti, à la dernière élection, et qui a certainement servi à obtenir des votes auprès des centrales syndicales, particulièrement de la FTQ, comme vous l'avez dit? Est-ce que je dois comprendre ça?

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, le Parti québécois a un défaut, c'est qu'il tient ses promesses. On a dit qu'on voterait une loi sur l'équité salariale – ce n'est pas rien – on va la voter. On a dit qu'on procéderait à l'examen d'études sérieuses sur l'article 45 du Code, on va le faire. On a dit qu'on réglerait la question des pompiers-policiers, on va le faire. Les promesses non tenues, le député de LaFontaine sait sûrement ce que ça veut dire.

Mais ce que je lui réponds très sérieusement – et, là-dessus, je ne veux pas qu'il y ait méprise dans mes propos – quand on parle de l'accréditation multipatronale – puis le député y a fait allusion tout à l'heure – on doit analyser de multiples facteurs, multiples et complexes. Il ne s'agit pas de s'aventurer dans un nouveau modèle d'organisation syndicale-patronale dont les effets seraient catastrophiques ou encore ne donnant absolument aucun résultat. Et ça va se faire, cette analyse-là, cette recherche-là, en partenariat avec les groupes. Je l'ai dit tout à l'heure: On va le faire en partenariat avec les syndicats et le patronat. Ça, ça fait partie de ma façon de travailler. Lorsque des gens ont des intérêts, c'est facile de les attabler.

Le Président (M. Beaulne): M. le député.

M. Gobé: Oui. Alors, je ne veux pas...

M. Rioux: D'ailleurs, M. le Président, à l'article 12, vous avez exactement ce que je viens de dire. L'article 12 vous donne un petit peu la philosophie qui m'habite.

M. Gobé: On va y arriver.

Le Président (M. Beaulne): Oui. Allez-y, M. le député, toujours sur l'article 11.

M. Gobé: Oui. De toute façon, regardez, M. le Président, vu qu'on parle en assez bonne collaboration, des fois on peut parler plus fort, plus longtemps sur un article, quitte à, si on a à toucher un peu le sujet, aller plus rapidement sur l'autre, comme on l'a fait dans le premier bloc. Je pense que c'est mieux pour l'intérêt de la commission, puis je pense que la discussion est d'un bon ton et très intéressante.

Le Président (M. Beaulne): Oui. Et c'est moins aride pour tout le monde aussi.

M. Gobé: Absolument. Je pense que c'est le rôle et le travail d'une commission. On devrait fonctionner de cette manière-là, lorsque c'est possible. Lorsque c'est possible.

Le Président (M. Beaulne): Oui, oui. Alors, vous avez la parole.

M. Gobé: Il est vrai, M. le ministre, que, nos programmes politiques, on ne les met pas toujours en application, pour des questions de temps, pour des questions de conjonctures. Je peux comprendre ça. Sauf que, le ministre, il nous dit: De multiples facteurs qui pourraient avoir des effets complexes, catastrophiques ou autres. Je comprends qu'il peut avoir comme crainte que, si on allait sur l'accréditation multipatronale, il pourrait y avoir ces facteurs-là. Par contre, il nous dit qu'il va faire un comité pour aller étudier tout ça, pour aller de l'avant. Moi, je trouve ça très sage.

Qu'il prenne l'engagement de son parti et qu'il dise: Maintenant, écoutez, ça peut créer des problèmes, ça peut avoir des effets... Question de notre collègue le député de l'Abitibi, qui dit: Attention! on n'est pas dans une île déserte, au milieu de l'océan, on est dans le grand monde, dans le libre-échange et le GATT et les autres choses, donc on doit compétitionner. Est-ce que le ministre, à ce moment-là, a l'intention d'agir rapidement avec une commission? Il parlait du Conseil consultatif du travail, tout à l'heure, mais est-ce qu'il ne serait pas plutôt intéressant d'avoir quelque chose de plus large que ça? Je ne sais pas, il me semble qu'il y a eu des états généraux sur l'éducation, enfin... Alors, est-ce qu'il ne serait pas souhaitable que le gouvernement...

On sait que ça prend du temps à mettre en place, à fonctionner, puis que les consensus sont longs à obtenir. Est-ce qu'il ne devrait pas, s'il veut donner suite à cet engagement très important envers les travailleurs, particulièrement de la FTQ, mettre en place rapidement quelque chose? Ou alors dire: Bien, écoutez, on n'en parle pas pendant 10 ans ou cinq ans, ou on reporte ça au prochain mandat. Parce que, des deux côtés, ça crée... pas de l'anxiété, mais ça crée un peu des questionnements, aussi des questionnements au niveau peut-être de certains investisseurs, ou certains promoteurs, ou entrepreneurs, ou industriels, qui, partant des projets, ou hésitent peut-être à les partir ou aimeraient peut-être être éclairés sur ça. C'est comme une interrogation qui plane.

Le ministre nous dit: Oui, en effet, on va le faire, mais pas tout de suite. Alors, est-ce qu'on ne serait pas mieux, plutôt, de clarifier? Le «pas tout de suite», c'est quand? «C'est-u» un an, deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans? Et puis, si c'est moins que cinq ans ou x années, est-ce qu'il ne serait pas mieux de tout de suite mettre en place cette espèce de grande consultation ou comité de travail sur ce dossier-là?

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, pour vos commentaires.

M. Rioux: M. le Président, je vais conclure ce débat en disant au député de LaFontaine – et je pense que ça va le satisfaire – que, lorsque j'ai rencontré le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, l'autre jour, on a parlé de beaucoup de choses et on s'est proposé de se revoir sur ce qu'on appelle globalement une sorte de révision du Code du travail. Et je leur ai dit que, lorsqu'on se reverrait, on essaierait de mettre de l'avant un certain nombre de pistes de réflexion.

Le Code du travail, on peut bien chialer contre le Code du travail, c'est une des législations ouvrières les plus modernes qui existent. Mais, compte tenu de notre contexte québécois et de nos pratiques, il y en a qui prétendent – puis je pense qu'ils ont raison – qu'il y a certaines dispositions qui sont à revoir. Et, moi, je ne suis pas fermé à ça, je l'ai dit dans mon discours tout à l'heure.

(11 h 40)

Et on pourrait intégrer plusieurs éléments, y compris ce dont on parle. Mais il faut que ce soit fait avec un sérieux incroyable. Il faut que ce soit fait avec un sérieux incroyable, une recherche empreinte d'un réalisme extraordinaire, mais aussi le courage qu'il faut lorsqu'il s'agit d'effectuer des changements dans une législation incroyablement stratégique, surtout présentement, avec les changements énormes qui se produisent dans l'économie de la société québécoise, nos relations avec nos partenaires commerciaux, aussi la réalité industrielle du Québec. On ne peut pas penser à des changements aussi importants sans tenir compte de la structure industrielle du Québec, qui est une structure de PME et non d'immenses et de grandes entreprises. Alors, tout cela doit entrer en ligne de compte et j'en reparle bientôt avec le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Roberval.

M. Gobé: Excusez-moi.

M. Laprise: Merci, M. le Président. M. le ministre, je pense que les intentions du projet de loi, les principes qu'il dégage sont très, très louables et j'ai confiance qu'on arrive à des ententes. Mais croyez-vous que le climat actuel, tant de la partie syndicale que de la partie patronale, peut nous permettre d'atteindre des objectifs vraiment qui vont rejoindre... Parce qu'il n'y a pas seulement un côté qui va avancer. Est-ce que c'est possible de croire que les deux côtés sont prêts à faire des compromis acceptables? Ce qu'on n'a pas vu dans les années antérieures. On prenait tout ce qu'il y avait dans le Code du travail puis on allait chercher la balance avec la convention.

M. Rioux: J'aimerais dire au député de Roberval...

Le Président (M. Beaulne): Le climat est-il favorable? À vous la réponse.

M. Rioux: Pour répondre de façon correcte au député de Roberval, je dois lui dire: Il y a peu de coins dans le monde où on a développé le paritarisme comme au Québec. Il y a peu d'endroits dans le monde où on est rendu aussi loin dans le paritarisme. La gestion de la CSST – une grosse organisation, la CSST – c'est géré paritairement par les syndicats et les employeurs. Ils se parlent puis, croyez-le ou non, ils se comprennent. Pourquoi, croyez-vous? Parce qu'ils ont des intérêts à se comprendre, à s'écouter puis à se respecter.

Au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, qui est un forum, je le répète, important que j'ai l'intention d'utiliser abondamment pour nourrir mes réflexions, il y a là un paritarisme extraordinaire. À la Commission des normes du travail, vous avez des salariés, vous avez des gens d'organismes populaires, vous avez des employeurs qui se parlent. Dans les relations du travail au Québec, depuis 10 ans, on a fait un progrès énorme. Écoutez le discours des centrales syndicales et du patronat, ce n'est plus le discours des années soixante-dix. Il y a des choses qui ont changé. Heureusement, d'ailleurs.

Pourquoi? C'est qu'on s'ajuste, M. le député, M. le Président, aux réalités sociales et économiques, et le monde changeant dans lequel on vit. On ne peut pas rester sclérosé en matière de relations de travail puis de voir les pans de la société évoluer à un rythme incroyable. Je pense que c'est une question de compréhension et d'analyse, aussi, factuelle de la réalité.

Et, ça, là-dessus, en terminant, je peux dire que, moi, mon intention est bien arrêtée, c'est d'essayer de faire en sorte que les lois et les règlements qui les accompagnent soient les plus adaptés possible et faire en sorte aussi que les employeurs y trouvent leur compte et que les travailleurs y trouvent leur compte. Puis il y a une mentalité, au Québec, qui dit: Bien, ce n'est jamais possible, ces affaires-là! Moi, je dis: Oui, c'est possible. C'est possible. Puis qu'est-ce qui nous a amenés là, M. le député? C'est la voie royale de la négociation. Ça reste encore l'outil privilégié entre les mains des syndicats et des employeurs pour régler leurs problèmes.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Roberval.

M. Laprise: Mais, dans la négociation, M. le ministre, il y a quand même le travailleur, il y a l'employeur, mais il y a le citoyen, bien souvent, dans certains secteurs, le citoyen qui est coincé entre les deux. Alors, je voudrais que, dans cette démarche-là, on tienne compte également de cette dimension-là. Et, ça, ça peut être un aspect qui peut faire avancer des choses au niveau des deux parties, parce qu'elles vont constater qu'il n'y a pas seulement leur intérêt qui est en cause, il y a l'intérêt du citoyen, qui est l'intérêt de la majorité.

M. Rioux: Bien.

Le Président (M. Beaulne): Très bon commentaire, pertinent. M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Moi, je trouve que ce que le député de Roberval dit est tout à fait exact et d'actualité quand, de plus en plus, on voit des citoyens qui ne sont pas contents des décisions de leurs élus. Prenons un certain niveau de palier de gouvernement que je ne citerai pas, mais ça nous amène à une réflexion, ça, un peu particulière. C'est la suivante: Nous constatons de plus en plus que les gens qui sont élus à certains paliers ne représentent peut-être plus vraiment l'aspiration des gens qui les élisent. Et, ça, c'est toute une réflexion à faire à ce moment-là.

Est-ce qu'on va devoir nommer des représentants des citoyens pour aller surveiller les élus qui sont censés être leurs représentants ou pour faire valoir leurs points de vue alors que leurs élus ne les respecteraient pas, alors que les élus sont censés être les représentants des citoyens, donc d'amener leur volonté? C'est tout un débat d'actualité, vous avez raison. Il y a une déviation qui s'est faite là, depuis un certain nombre d'années, dans certaines instances électives, au nom de l'intérêt général. Ces instances, prenant les décisions, ne correspondent peut-être pas à un intérêt particulier de groupes ou même de citoyens. Moi, je trouve que c'est tout à fait pertinent.

Maintenant, dans l'article 11, on remarque, M. le Président, M. le ministre, que, si on prend chacun des alinéas, il y a beaucoup d'intentions: 1° de favoriser l'établissement ou le maintien de relations harmonieuses; 2° d'adapter les régimes de relations du travail et les normes du travail à l'évolution; 3° de faciliter la gestion de la main-d'oeuvre; 4° de promouvoir l'évolution des modes d'organisation; 5° de favoriser la protection de la santé; 6° de favoriser la qualité des travaux. Je pense que, là, c'est vraiment le rôle que le ministre veut se donner. Ça, c'est des intentions, mais, dans le concret, pour chacun... Là, on voit, sur les normes du travail, qu'il les fait évoluer avec le projet de loi n° 31.

La gestion de la main-d'oeuvre et des conditions de travail, c'est quoi, vos intentions, M. le ministre, là-dedans? Vous n'avez pas mis ça dans ce projet de loi. Vous avez certainement collaboré à l'écriture avec les fonctionnaires. C'est quoi, votre plan de match à vous, en dehors des mots du projet de loi, pour que le citoyen comprenne? Le ministre veut faire quoi avec tout ça?

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, j'ai dit trop brièvement peut-être, lorsque j'ai fait mon petit discours d'ouverture... Je n'ai peut-être pas assez développé les modes alternatifs de résolution des conflits, qui favorisent le dialogue fondé sur une sorte de reconnaissance de la légitimité de l'autre. Ça, le ministère du Travail du Québec... Moi, je défie qu'il y en ait un au Canada qui fasse mieux que ça. Tout ce qui a été fait, par exemple, sur la médiation préventive au Québec, c'est un travail colossal, où on s'attaque à travailler sur le climat de travail, à faire en sorte de créer un climat propice à la résolution des conflits puis des problèmes.

La médiation préarbitrale, dont on parle très peu, M. le Président, et qui donne des résultats admirables. Ça explique peut-être en partie – je dis «peut-être» parce qu'il ne faut pas charrier non plus – que plus de 90 % des conventions collectives se signent sans conflit au Québec, la médiation arbitrale des griefs qui permet aux parties de régler, autrement que par l'intervention d'un tiers, un tas de problèmes à l'intérieur des entreprises.

Les séminaires en relations de travail qui sont organisés par le ministère pour amener les parties... On les convoque à un séminaire, à un week-end – des gens qui, à la table de négociation, veulent se dévorer – organisé à cette fin, avec un encadrement et les spécialistes qu'il faut. Bien, il y a des entrepreneurs, des employeurs et des travailleurs qui trouvent les pistes qui leur permettent de régler.

La médiation raisonnée, ça commence à donner des résultats intéressants, chiffres à l'appui. On me montrait ça l'autre jour. M. Lecourt, avec qui j'ai passé plusieurs heures, avec ses collègues, est venu m'expliquer jusqu'où ce genre d'approche souple, fine, respectueuse, pouvait donner de bons résultats.

(11 h 50)

Avant de faire trancher les choses par un autre, de plus en plus d'employeurs et de syndicats se disent: Oui, si on essayait de faire ça nous-mêmes. Ça découle du vieil adage qui dit que les règlements hors cours, c'est souvent préférable à n'importe quelle décision de tribunal ou de juge. Bien, c'est ça.

Moi, je vous le dis, quand on prône, au ministère du Travail... et qu'on réfléchit et qu'on veut promouvoir les nouveaux modes d'organisation du travail, ça se répercute dans les centrales syndicales, qui ont fait de bonnes réflexions et publié d'excellents documents. La CSN, en particulier, a fait un travail admirable du côté de l'organisation du travail, un des meilleurs papiers publiés au Québec au cours des trois dernières années.

Alors, je ne sais pas si ça satisfait le député de LaFontaine, mais c'est ça, promouvoir l'évolution des modes d'organisation et faciliter les choses pour les syndicats et les employeurs. Bien conscient que le ministère du Travail est un ministère compromis avec personne. Ce n'est pas le ministère des travailleurs et ce n'est pas le ministère des employeurs, c'est le ministère des deux, pour les aider. On peut taxer le ministre de n'importe quoi, ça me coule sur le dos comme de l'eau sur le dos d'un canard. Ce n'est pas ça. Quand on a une expérience pratique et une conscience aiguisée de ce que ça veut dire, les relations de travail fondées sur un minimum de jugement, c'est de dire: On est au service des parties. C'est ça, la fonction du ministère: au service des parties.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Roberval.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Moi, j'ai beaucoup confiance d'ailleurs que le ministre, avec ses talents de communicateur, puisse vraiment rassembler les parties autour de ça. Mais je reviens toujours sur cette toile de fond, M. le ministre, qu'est le citoyen, surtout au niveau des organismes publics. Je pense que c'est important d'en tenir compte. Ce n'est pas parce que j'ai quelque chose contre les travailleurs, j'en suis moi-même un, travailleur, j'ai gagné ma vie comme ça. Mais je crois que, comme élus, on se doit de tenir compte des citoyens, qui sont assez souvent coincés entre les deux.

Le Président (M. Beaulne): Oui. Merci, M. le député. Je pense que votre point de vue reflète les préoccupations de l'ensemble des parlementaires.

M. Rioux: Je n'ai pas répondu au député de LaFontaine à mon goût.

Le Président (M. Beaulne): Ah! bien, allez-y.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rioux: Il faut que je lui dise d'autres choses.

M. Gobé: Consentement.

Le Président (M. Beaulne): Oui, allez-y.

M. Rioux: Il faut que je lui dise d'autres choses. Le projet de loi n° 26 est une illustration de la question qu'il soulève. Le projet de loi n° 31 en est une autre, et ça répond à l'alinéa 2° de l'article 11. La même chose pour la tarification à la CSST, projet de loi important sur la déjudiciarisation et une nouvelle méthode de fonctionner pour la CSST. La Loi sur les décrets de convention collective, qu'on va modifier. Le comité Mireault sur l'article 45. Ce sont là des éléments qui prouvent hors de tout doute que, dans ce ministère-là, ça bouge, et c'est pour ça qu'on a besoin d'une loi constitutive pour encadrer notre action.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Merci, M. le Président. J'écoute les réponses du ministre. Sur certains points, on ne peut qu'être d'accord, c'est de très bonnes intentions. On ne peut pas être contre des voeux pieux. Mais il y a au moins un point sur lequel je ne suis pas d'accord, et pas du tout – de notre côté, nous ne le sommes pas – c'est lorsqu'il dit que le ministère du Travail n'est pas le ministère des travailleurs. En ce qui nous concerne, c'est le ministère des travailleurs.

Qui, dans notre société, a le plus besoin de l'attention des gouvernements pour protéger leurs droits, pour établir ces bonnes relations, ce rapport de force avec un côté super-organisé et bien souvent super-riche qu'est le patronat, avec tout le positif qu'il peut apporter aussi? C'est les travailleurs, et particulièrement les travailleurs non syndiqués, les travailleurs qui sont soumis seulement aux normes minimales. À cet effet-là, le ministère est le ministère des travailleurs. Il doit avoir naturellement, en ce qui me concerne et en ce qui concerne notre formation, un préjugé favorable aux travailleurs.

Et, là-dessus, je ne suis pas d'accord et je ne peux pas accepter lorsque le ministre nous dit qu'il n'est le ministre ni des travailleurs ni des patrons, mais qu'il est une partie au milieu. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas un arbitre. On est en politique pas pour arbitrer, on est en politique parce qu'on a des idées, parce qu'on croit à des choses. Et une des choses auxquelles on doit croire et que son parti croit... Et c'est dans le programme de son parti, en plus, qui dit qu'il a un penchant – dans le programme du Parti québécois, page 203, celle-là – le parti social-démocrate, un penchant favorable pour les travailleurs. Bien, nous, ce n'est pas écrit dans notre programme, c'est dans la réalité. Et je tiens donc à me mettre en faux contre cette déclaration du ministre.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, pour préciser votre pensée, oui.

M. Rioux: M. le Président, c'est bien connu, les libéraux ne peuvent pas écrire ça dans un programme, ils ne sont pas capables. Ils ne peuvent pas écrire dans un programme politique qu'ils ont un préjugé favorable aux travailleurs. S'il fallait qu'ils fassent ça, ce serait l'anathème. Ils viendraient de s'aliéner un paquet de monde, qui sont de leurs amis, qu'il serait préjudiciable pour eux de perdre. Je voudrais...

Le Président (M. Beaulne): Oui... Toujours pour...

M. Rioux: Oui, oui, je réponds au député. Je réponds au député. Quand je dis que le ministère du Travail, le ministre du Travail, dans sa fonction d'administrer les lois du travail – je vais attendre qu'il revienne – dans sa fonction d'administrateur des lois du travail n'a pas à dire: Je suis pro-travailleur ou je suis pro-employeur. Il est là pour administrer les lois. Puis n'oubliez jamais qu'à l'intérieur du gouvernement il y a un ministre du Travail qui, aussi, a l'oeil sur le bien commun de la population, les intérêts de la population. Il faut quand même se mettre ça dans la tête aussi.

Et c'est sûr que, notre parti, qui est un parti social-démocrate, on a toujours dit que, bon, ce parti-là avait un préjugé favorable aux travailleurs. Soit! Ce qui n'empêche pas le ministre, dans l'exercice de ses fonctions et dans l'administration des lois, lui, de faire en sorte que ces lois-là s'appliquent selon la lettre et selon l'esprit. Ça, c'est important.

Quant à notre discours public pour faire évoluer les choses, là, je rejoins le député de LaFontaine et je lui dis: Bien sûr qu'on doit protéger les plus faibles de la société. On doit faire en sorte que ceux qui n'ont pas la protection syndicale reçoivent l'attention de l'État et du ministère. On l'a toujours fait. C'est nous qui avons créé la CSST. Il ne faut pas se le cacher. La loi sur les normes minimales de travail, c'est la même chose. Alors, vous comprendrez bien qu'en soi je rejoins le député de LaFontaine dans ses nouvelles préoccupations. Je l'ai dit l'autre jour: C'est à peu près le seul social-démocrate de ce parti-là. Je suis très heureux qu'au moins il y en ait un.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Le ministre peut peut-être railler, M. le Président, il n'en reste pas moins que, sans vouloir faire de débat historique, la grande majorité, peut-être même l'ensemble des lois sociales qui régissent le Québec actuellement, en passant par l'aide juridique, les petites créances, les femmes battues, enfin, toutes sortes de lois, les lois sur la CSST, les lois du Travail ont été créées sous les gouvernements libéraux – et personne ne peut le nier, à cet effet-là, d'accord? – à une époque où le ministre vilipendait ce gouvernement dans ses fonctions syndicales. Il a le droit aujourd'hui de ne plus penser tout à fait la même chose, mais il n'en reste pas moins que c'est une réalité incontournable, et que l'ensemble des Québécois reconnaissent, que ces lois sociales ont été créées dans les années soixante-dix, alors que le gouvernement était le gouvernement de Robert Bourassa.

Alors, je n'admets pas que le ministre dise que les libéraux sont des gens qui n'ont aucune conscience sociale du travailleur. Bien au contraire. Et je pourrais, moi aussi, m'amuser à citer des décisions anti-travailleurs prises par l'ancien gouvernement, particulièrement les coupures dans la fonction publique, de 20 %, après le référendum, et d'autres affaires comme ça. Je ne pense pas que ce soit le but de cette discussion ici. Je pense qu'on n'est pas là pour faire ces choses-là.

(12 heures)

Simplement, je me porte en faux, donc, envers le ministre parce qu'il dit que le ministère n'est pas le ministère des travailleurs. Je dis que oui, le ministère du Travail a été, au début, créé justement pour faire des législations qui allaient dans l'intérêt des travailleurs. Ceci ne veut pas dire non plus qu'on ne doit pas tenir compte de l'impact que ces décisions, qui ont pour but de favoriser ou de rendre justice aux travailleurs... On se rappelle qu'on vient de loin au Québec, on se rappelle de la condition ouvrière dans les années cinquante, cinquante-cinq, soixante. Ça ne veut pas dire qu'on doit non plus, maintenant, ne pas équilibrer en fonction de l'intérêt des entreprises et des entrepreneurs. Ça, c'est la première des choses.

Alors, moi, je dis que le ministre, s'il pense vraiment qu'il n'est pas la partie des travailleurs mais qu'il est là pour appliquer des lois et faire de l'arbitrage, bien, ce n'est pas tout à fait son rôle. La population et les travailleurs s'attendraient, au contraire, à ce qu'il soit là pour être... surtout ceux qui ne sont pas syndiqués, qui n'ont aucun rapport de force dans la société, qui n'ont comme protection que celle des élus à l'Assemblée nationale, par leur ministère, par le ministre, on s'attendrait à ce qu'il soit leur ministre et qu'il le dise clairement: Je suis leur ministre. Laissons le ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie peut-être être le ministre de l'industrie, de l'économie et des finances et l'équilibre sera peut-être ainsi mieux réparti.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Abitibi-Est, sur le même sujet.

M. Pelletier: Je veux juste faire un commentaire suite à mon collègue de LaFontaine parce que je ne suis pas convaincu qu'on interprète l'article 11 de la même manière. Moi, M. le ministre, l'article 11 et son texte, je les comprends comme une volonté écrite dans une loi de rapprocher les deux parties, c'est-à-dire travailleurs et employeurs. Donc, pour moi, ce n'est pas une loi qui est juste pour l'employeur ou juste pour le travailleur. Tout l'article 11 et tous ses sous-titres, ça rapproche les deux parties.

Quand je lis ça, et c'est un peu ma question... C'est qu'en lisant l'article 11, pour le futur, je vois le ministre ne proposer que de la législation ou de la réglementation qui rapprocherait les parties, et je ne verrais jamais une législation qui ferait le contraire. Donc, il y a deux parties. On ne peut pas penser à la loi juste pour une partie. Et est-ce que je comprends bien que, dans le futur, en vertu de cet article-là entre autres, tout ce qui pourrait nous être déposé, en tant que législateurs, sur la table, ce sera toujours quelque chose qui visera non seulement à protéger une partie – parce que, ça, je pense qu'on l'a fait beaucoup depuis les 20 dernières années – mais à rapprocher les parties? C'est de même que j'interprète l'article 11 tel qu'il est écrit. Le but ultime, c'est de toujours faire des choses en fonction d'un rapprochement. Donc, un rapprochement, ça prend deux parties. Je ne peux pas rapprocher juste une partie toute seule.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, pour réagir aux commentaires des deux députés précédents.

M. Rioux: À l'article 11, paragraphes 1° et 2°, c'est une fonction du ministre qui lui demande objectivité et qui lui demande de jouer son rôle sans parti pris pour personne. Le parti pris qu'on doit avoir, c'est que les choses se règlent dans les meilleures conditions possible.

Quant aux autres articles, de faciliter, de favoriser et de promouvoir, etc., ça, ça fait partie de la dynamique d'un ministre avec son ministère, un dynamisme dont il doit faire preuve pour faire évoluer les choses. Et là, là-dessus, évidemment, l'opposition puis le parti au pouvoir peuvent être en désaccord sur les façons de fonctionner, sur les méthodes proposées, la conception qu'on a de l'évolution du système économique québécois puis des relations de travail.

Il y a des syndicats qui sont en demande sur un tas de choses en matière de relations de travail. Il y a des employeurs qui nous disent: Essayez donc d'alléger ça un peu, essayez donc de faire en sorte que les lois, les règlements, ce soit moins contraignant pour nos petites entreprises, organisez-vous donc pour ne pas nous étouffer avec toute la réglementation gouvernementale qu'on a tellement de difficultés à comprendre et à gérer.

Au fond, c'est des demandes qui sont formulées par les employeurs, puis il y a des demandes qui sont formulées par les syndicats. Il faut les écouter puis il faut les respecter, puis, à un moment donné, il faut que ça se traduise par des projets. C'est ça que l'article 11 veut dire. Il y a un aspect où le représentant de l'État, où le ministre du Travail doit faire preuve d'une grande objectivité, de rigueur dans l'application pour maintenir des relations de travail harmonieuses, je veux dire, c'est très important, puis d'adapter... Alors, M. le Président, c'est mes derniers commentaires sur l'article 11.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Moi, j'aurais peut-être un autre petit commentaire sur la qualité des travaux, pas une question mais avant de poser ma question. M. le ministre, vous employez souvent «les employeurs et le syndicat». C'est vrai, c'est une partie importante de notre société, deux parties très organisées. Mais il y a presque 1 000 000 et quelques autres travailleurs officiels, sans compter les jeunes travailleurs d'en bas de 16 ans, qui, eux, n'ont ni syndicat ni, bien sûr, les moyens de pression des patrons. Et c'est particulièrement dans ce sens-là que je m'attends à ce que vous soyez, que le ministère soit le ministère des travailleurs. Parce que, eux, ils ne se réunissent pas dans un grand building sur le boulevard Métropolitain avec des moyens de pression possibles, quand ils sortiront de leur réunion, s'ils n'ont pas eu ce qu'ils veulent de l'un ou de l'autre. Et ces gens-là ont besoin de toute l'attention et de toute la protection, et donc d'un préjugé favorable. Plus que d'être un arbitre, ces gens-là ont besoin qu'on soit leurs défenseurs, leurs représentants, parce qu'ils n'en ont pas d'autres que nous.

Mais ce n'est pas ça... Ma question, je pensais que le ministre l'avait comprise. Lorsque le ministre parle de favoriser, dans le 6°... C'est écrit: «favoriser la qualité des travaux de construction des bâtiments et d'équipements et installations destinés à l'usage du public ainsi que la sécurité des personnes qui y ont accès». Pourquoi favoriser la qualité des travaux de construction? Favoriser, c'est une intention, dans la langue française. Est-ce que, dans un cas comme celui-là, il ne serait pas mieux de libeller d'une manière beaucoup plus impérative? Favoriser, est-ce que ce ne serait pas de... Le ministre doit voir à la qualité des travaux de construction et des équipements et des installations destinés... Favoriser, c'est un voeu, on va favoriser. Mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de bouger ce mot-là?

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, pour vos commentaires.

M. Rioux: M. le Président, quant à l'article 11, on dit qu'on doit proposer, le ministre doit proposer au gouvernement des politiques et des mesures relatives au domaine de sa compétence. Étant donné qu'on a dit tout à l'heure que des bâtiments, des équipements d'usage public, ça relève de nous autres, il faut favoriser, évidemment autant que possible, la qualité des travaux de construction. C'est une logique, ça. C'est un moyen, l'article 6°, pour atteindre l'objectif qu'on décrit dans la mission du ministère. C'est pour ça que le ministère du Travail est très attentif face à la Régie du bâtiment quant à la gestion de cette partie-là de sa fonction. Alors, quand on utilise l'expression «faciliter», on trouve que c'est une expression correcte. Ça ne nous donne rien de mettre «forcer». On ne forcera pas. On favorise ça puis il faut que ça se fasse. Il faut que ça se fasse, la loi le prévoit, alors on applique la loi.

M. Gobé: À ce moment-là, est-ce qu'il ne serait pas mieux de marquer le mot «assurer» la protection, la santé et la sécurité? «Forcer» n'est pas forcément le vrai mot, on ne peut pas forcer, mais «assurer». En tout cas, «favoriser», écoutez, on favorise, mais ça ne veut pas dire qu'on l'assure.

M. Rioux: M. le Président...

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le ministre.

M. Rioux: ...dans notre régime, lorsqu'une norme est édictée, elle devient impérative.

M. Gobé: On ne peut pas changer...

M. Rioux: M. le Président, lorsqu'une norme est édictée, elle devient impérative, donc on l'applique. Alors, je pense que ça devrait répondre, à mon avis...

(12 h 10)

M. Gobé: Non, mais, M. le Président, je pense que le ministre, dans un esprit d'ouverture, devrait juste écrire en haut du projet de loi, lui-même, à la place de «favoriser», «assurer» la protection, la santé et la sécurité. Il va voir lui-même que c'est important, la sécurité... dans un esprit de... plus impératif, ça colle mieux à la réalité. Je ne sais pas si vous l'avez fait sur le projet comme tel, juste l'écrire au-dessus, vous allez voir.

M. Rioux: M. le Président...

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le ministre.

M. Rioux: ...je préfère utiliser la formule qui est là, parce que, de toute façon, comme je l'ai dit et je me répète, lorsqu'une norme a été édictée, elle devient impérative puis on l'applique.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le député, c'est toujours votre privilège d'en faire un amendement, si vous voulez.

M. Gobé: Oui, mais peut-être puis-je le convaincre sans cela. C'est vrai qu'une norme peut être édictée, M. le ministre, mais elle peut être édictée pour favoriser et elle peut être édictée pour assurer. Et je crois, en toute bonne foi, sans vouloir perdre du temps, mais, en toute bonne foi, qu'entre une norme qui favorise et une norme qui assure, il y a, dans la langue française, d'après moi, une nuance de grade, de degré, et c'est dans cet esprit-là que je souhaiterais que peut-être vous remplaciez «favoriser» par «assurer». Je peux toujours faire un amendement. C'est sûr qu'il y a plus de membres de l'autre côté que du nôtre, mais je pense qu'on est capables, depuis le début à dialoguer, de s'entendre sur ce mot-là. Si on prend la peine d'en parler quelques minutes, je suis certain qu'on pourrait être d'accord.

M. Rioux: M. le Président...

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le ministre.

M. Rioux: ...lorsqu'une norme est édictée, elle est édictée pour être appliquée. Il me semble que ça doit répondre...

M. Gobé: ...pour assurer.

M. Rioux: ...ça doit répondre à l'interrogation et à la préoccupation du député de LaFontaine. Il n'y a pas moyen, il me semble que c'est clair.

Le Président (M. Beaulne): Bon. M. le député, je pense que... enfin, moi, ma compréhension de la discussion sur ce point précis, c'est qu'il n'y a pas de volonté du côté du ministre de modifier la formulation du sixième paragraphe ici, du sixième alinéa. Alors, moi, ce que je peux vous suggérer, c'est que, ou bien vous laissez tomber tout en reconnaissant que votre point de vue a été bien expliqué, ou bien vous pouvez en faire une proposition formelle et on va la mettre au vote.

M. Gobé: Oui. Alors, pour ce faire, je pourrais peut-être demander trois, quatre minutes de suspension pour pouvoir rédiger avec mon vis-à-vis...

M. Rioux: Peut-être une explication supplémentaire avant.

Le Président (M. Beaulne): Oui, attendez, peut-être que M. Vachon voudrait ajouter quelque chose.

M. Vachon (Pierre-Yves): M. le Président, je comprends tout à fait l'objectif que poursuit le député puis ça me semble tout à fait sain. Mais je veux toutefois lui indiquer qu'il est éminemment difficile d'exiger, au niveau d'une orientation, c'est-à-dire d'une politique, d'une mesure, qu'elle assure de façon absolue quelque chose comme la qualité complète et parfaite de tous travaux et la sécurité en toutes circonstances et de toutes façons des personnes. Ce que je veux vous souligner, c'est que cette fonction-là, qui est prévue dans l'article 11, ici, elle est destinée à refléter des responsabilités qui sont accordées au ministre par plusieurs autres lois dont on retrouve l'énumération à l'article 43, des lois qui concernent le bâtiment, ou les installations de tuyauterie, ou les installations de... ou de machines fixes, en fait, toute une série de lois dont les dispositions ne sont pas homogènes, c'est-à-dire qui n'interviennent pas toujours de la même façon sur les mêmes sujets.

Alors, il nous est apparu, au niveau du libellé de l'article 11, que, pour refléter, dans le fond, les responsabilités du ministre dans le domaine du bâtiment et de tout ce qui tourne autour, la notion de favoriser la qualité puis de favoriser la sécurité était plus réaliste et plus conforme, plus compatible avec le texte des lois concernées. En fait, c'est l'explication que je voulais vous fournir.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Vachon.

M. Vachon (Pierre-Yves): Mais ça n'empêche pas toutefois... un objectif différent.

Le Président (M. Beaulne): M. le député, voulez-vous réagir?

M. Gobé: Oui. Je comprends, M. le sous-ministre, puis je trouve votre explication très, très exacte, mais il me semble quand même, dans un domaine très important qui est la qualité des bâtiments, qui est la sécurité du public, que, nous, comme législateurs, nous devrions être plus exigeants que favoriser. Alors, il pourrait arriver un incident quelque part: un stade, une construction temporaire pour recevoir une exposition, une estrade. On a vu ça dans certains pays en Europe, une espèce de stade où ça s'est écroulé. Je ne voudrais pas qu'on puisse se retrouver, à ce moment-là, avec des gens qui plaideraient, qui diraient: Nous avons favorisé, nous avons pris les mesures pour favoriser la protection.

Le Président (M. Beaulne): Vous voulez être plus proactif.

M. Gobé: Moi, je crois que, comme législateurs, nous devons être clairs: On «veut-u» l'assurer ou on ne veut pas l'assurer? Moi, je dis qu'on devrait l'assurer, et je souhaiterais qu'on puisse s'entendre et trouver un terrain d'entente là-dessus sans être obligé de faire un amendement.

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, c'est qu'on a des moyens pour atteindre des objectifs dont parle le député de LaFontaine. On a un système d'inspection, on a tout ce qu'il faut. Mais, cependant, s'il y a un amendement à formuler, qu'il le fasse, et on va voter là-dessus.

Le Président (M. Beaulne): Bon. Alors, M. le député, allez-y avec votre proposition d'amendement.

M. Gobé: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais apporter un amendement à l'article 11 du projet de loi, qui serait modifié de la façon suivante...

Le Président (M. Beaulne): À l'alinéa 6°.

M. Gobé: ...à l'alinéa 6°, par le remplacement des mots «de favoriser» par les mots «d'assurer».

Le Président (M. Beaulne): Alors, l'alinéa 6° se lirait: «d'assurer la qualité des travaux de construction des bâtiments et d'équipements et installations destinés à l'usage du public ainsi que la sécurité des personnes qui y ont accès».

M. Gobé: C'est cela, oui.

Le Président (M. Beaulne): Bon. Bien, votre amendement est recevable. Il est reçu. Est-ce qu'il y a des commentaires sur l'amendement?

M. Rioux: Je pense que le débat a été fait, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Alors, on va mettre l'amendement au vote. Est-ce que l'amendement est accepté, est adopté?

M. Rioux: Non.

Le Président (M. Beaulne): Sur division, ou voulez-vous... pas d'appel nominal?

M. Gobé: Vous pouvez demander un vote nominal, si vous voulez, M. le Président, je n'y vois pas d'inconvénient.

Le Président (M. Beaulne): Bon. Alors, je constate que l'amendement est refusé.

M. Gobé: Non, mais vote nominal.

Le Président (M. Beaulne): Ah! vous voulez un vote nominal?

M. Gobé: Je suis d'accord avec vous. Vous avez demandé si je voulais un vote nominal, j'ai dit: Je n'y vois pas d'inconvénient.

Le Président (M. Beaulne): Bon. Alors, allons-y pour le vote nominal.

M. Gobé: Je vais vous donner raison pour une fois, à vous aussi.

Le Président (M. Beaulne): Allons-y pour le vote nominal.

La Secrétaire: M. Rioux (Matane)?

M. Rioux: Contre.

La Secrétaire: M. Baril (Arthabaska)?

M. Baril (Arthabaska): Contre.

La Secrétaire: M. Beaulne (Marguerite-D'Youville)?

Le Président (M. Beaulne): Contre.

La Secrétaire: M. Côté (La Peltrie)?

M. Côté: Contre.

La Secrétaire: M. Laprise (Roberval)?

M. Laprise: Contre.

La Secrétaire: M. Pelletier (Abitibi-Est)?

M. Pelletier: Contre.

La Secrétaire: M. Gobé (LaFontaine)?

M. Gobé: Pour.

La Secrétaire: 6 contre, 1 pour.

Le Président (M. Beaulne): Alors, malheureusement, M. le député, l'amendement est rejeté. Alors, nous revenons à la formulation principale.

M. Rioux: M. le Président, je demanderais le vote maintenant sur l'article 11.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 11 est adopté?

Des voix: Adopté.

M. Rioux: Adopté.

M. Gobé: Contre.

Le Président (M. Beaulne): Sur division?

M. Gobé: Disons que, celui-là, je suis contre.

Le Président (M. Beaulne): Alors, l'article 12, allez-y, mais je pense qu'on en a discuté pas mal. Mais allez-y pareil.

M. Rioux: Oui, M. le Président, c'est ce que j'allais vous faire remarquer. Je pense qu'on en a discuté abondamment, donc on pourrait passer au vote.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 12 est adopté?

M. Gobé: Non, non, non.

M. Rioux: Adopté.

M. Gobé: Non, non, non, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Vous avez des commentaires?

M. Gobé: Oui, j'ai un certain nombre de questions.

Le Président (M. Beaulne): Bon, bien, allez-y, M. le député.

M. Gobé: Alors, l'article 12, en effet, se lit de la manière suivante: «Le ministre doit favoriser la participation des représentants des employeurs et des...» Ah! le ministre s'en va, on va attendre.

Le Président (M. Beaulne): Nous allons suspendre pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 19)

(Reprise à 12 h 21)

Le Président (M. Beaulne): On recommence. Alors, M. le député de LaFontaine, vous aviez des commentaires sur l'article 12.

M. Gobé: Oui. Alors, l'article 12, d'après ce qu'on peut comprendre, a pour but de faire en sorte que les représentants des employeurs et des travailleurs participent à l'élaboration des politiques puis des mesures qui vont les concerner et avec lesquelles ils vont devoir vivre. J'aimerais ça que le ministre nous explique... Moi, j'ai dans le cahier, ici, rapidement, en deux, trois lignes, mais je pense que, pour les besoins de la transcription puis des gens qui, peut-être, nous écoutent ailleurs, qu'il nous explique comment il entend faire ça, par quels moyens. Quels sont les systèmes, ou les forums, ou les comités, ou les organisations qu'il entend prendre pour réaliser ce qui est écrit dans l'article 12, qui dit: «Le ministre doit favoriser la participation des représentants des employeurs et des travailleurs à l'élaboration des politiques et mesures qui les concernent dans les domaines de sa compétence.»

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, d'abord, il y a une première remarque, c'est qu'à l'article 12, c'est «doit favoriser», donc c'est assez impératif. Ça enjoint le ministre à favoriser la participation des intéressés à l'élaboration des politiques qui les concernent. Ça, c'est très important, c'est majeur.

D'autre part, c'est un article qui manifeste de l'ouverture quant à la participation des personnes. La preuve, c'est que, quand on a voulu, par exemple, amender la Loi sur les décrets de convention collective, on a demandé au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, qui l'a fait de bonne grâce et qui, en plus, a jugé bon d'élargir la représentation du Conseil consultatif de la main-d'oeuvre, vous le savez, qui est constitué des représentants du patronat... Le Conseil du patronat, qui est en situation de monopole au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, le Conseil du patronat amène les employeurs qu'il veut bien amener autour de la table, et il y a le pluralisme syndical de l'autre côté, il y a la FTQ, la CSN et la CEQ.

Alors, dans l'élargissement qu'on a voulu faire dans les consultations sur l'aménagement du temps de travail, la Loi sur les décrets de convention collective, la loi sur les licenciements collectifs, on a élargi la représentation à la CSD, on a élargi la commission à l'Association des manufacturiers du Québec de même qu'aux chambres de commerce, de sorte qu'on a eu autour de la table un bel échantillonnage de ce qu'on appelle le monde patronal et syndical et ça a permis des débats très intéressants. Et, ça, cette souplesse-là, ça nous a permis, M. le Président, de dégager, sur des lois aussi importantes, des consensus, ce qui n'est pas rien, des consensus sur la Loi sur les décrets de convention collective et sur d'autres législations importantes.

Alors, forts de cette pratique, on a dit: En constituant le ministère du Travail, on va faire en sorte que ces mécanismes-là deviennent des mécanismes permanents, et le ministre doit travailler avec et, quand c'est pertinent, doit travailler avec sur une base élargie. Alors, cette obligation oblige le ministre à assumer, par la consultation du Conseil, la consultation la plus large possible.

J'ajoute, parce qu'on aura l'occasion peut-être, je pense que c'est à l'article 29 du projet de loi... J'ajoute pour l'information du député et des députés de toute la commission, que le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre sera désormais ouvert à tous les ministères qui ont le goût d'examiner un problème de travail ou d'emploi. Que ce soit Industrie et Commerce, que ce soit Emploi et Solidarité ou un autre ministère qui a le goût d'avoir une évaluation, un jugement ou une opinion, ils auront accès au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, mais ce sera coordonné par le Travail parce que ça relève de ce ministère-là.

Alors, il y a de l'ouverture, là. C'est ça qu'il faut comprendre, c'est une disposition d'ouverture qui, à mon avis, est plaisante pour à peu près tous les partenaires et souhaitée aussi par les partenaires. Donc, on a été proactif là-dessus. Alors, voilà, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, M. le Président. Bon, je pense que le ministre nous explique qu'il veut faire affaire avec le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et je trouvais intéressant de l'entendre dire qu'il avait élargi à la CSD, à l'AMQ, l'Association des manufacturiers du Québec, ainsi qu'aux chambres de commerce. Ma foi, c'est là des intervenants qui ont certainement des choses à dire en ce qui concerne les relations de travail et en ce qui concerne les domaines dans lesquels le ministre a fonction de faire changer les lois, les règlements aussi.

Mais je ne vois pas comment le ministre, à ce moment-là, va consulter le 1 000 000 et quelques travailleurs qui ne sont ni syndiqués ni représentés par des chambres de commerce. En d'autres termes, comment allez-vous rejoindre ces petits travailleurs là ou travailleuses là? Est-ce que vous ne pourriez pas – je vous donne une solution peut-être – rentrer le groupe Au Bas de l'échelle dans votre élargissement? C'est beau, les chambres de commerce, je n'ai rien contre les chambres de commerce, j'y ai moi-même été membre lorsque j'avais une petite entreprise. L'AMQ, c'est bien, mais il y a déjà le Conseil du patronat, puis je ne vois pas ces gens-là aller, peut-être, représenter les petits travailleurs de la base. Alors, on sait qu'il siège à la Commission des normes du travail, le groupe Au Bas de l'échelle, si mes renseignements sont exacts. Alors, si ça se fait à la Commission des normes, est-ce que vous ne pourriez pas, dans votre volonté d'ouvrir, peut-être appeler Mme Esther Paquet et lui offrir un siège sur le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre?

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, ce qui est soulevé par le député de LaFontaine a fait l'objet d'une réflexion à l'intérieur de notre organisation et c'est pertinent. Mais, vous savez, on ne change pas les méthodes et les pratiques d'un organisme de conseil consultatif facilement. Mais, moi, j'accepte de m'y attarder. Ça mérite réflexion. On n'intégrera pas ça dans la loi, mais ça mérite réflexion.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre.

M. Gobé: M. le ministre...

Le Président (M. Beaulne): M. le député.

M. Gobé: ...est-ce que l'on ne pourrait pas rajouter, à ce moment-là, à l'article 12, «ainsi que des représentants de travailleurs non syndiqués»?

Le Président (M. Beaulne): Vous voulez dire, vous proposeriez un amendement ou un ajout?

M. Gobé: Oui, parce que, voyez-vous, l'article se lit: «Le ministre doit favoriser la participation des représentants des employeurs et des travailleurs à l'élaboration des politiques et mesures qui les concernent dans les domaines de sa compétence.» Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de... Parce que là il parle seulement d'un organisme qui a juste les syndicats, qui a juste les patrons, en gros, les groupes organisés. Je sais qu'on est habitué à travailler avec ces gens-là. Mais il n'en reste pas moins qu'il y a un grand nombre de gens qui ne sont pas dans ces groupes organisés puis qui sont bien souvent les laissés-pour-compte du système, qui ne ramassent que les miettes. Et je crois que, lorsqu'on fait une nouvelle législation, on crée un nouveau ministère, il y a là l'occasion en or de reconnaître ces gens-là et de leur donner au moins un statut d'être écoutés dans les domaines qui vont les concerner. Parce que ce comité-là va faire au ministre des recommandations qui vont concerner ces gens-là alors qu'ils ne seront pas représentés, et je pense que de notre responsabilité de parlementaires qui...

(12 h 30)

On est leur seule voix. L'autre voix qu'ils ont, c'est les journaux. Parce qu'ils ont souvent l'impression que même nous, les élus, nous ne les entendons pas. Alors, on a une occasion en or, là, peut-être d'y voir. À moins que le ministre nous dise maintenant qu'il entend rapidement faire en sorte que le Conseil consultatif puisse les accueillir.

Le Président (M. Beaulne): Mais, avant de passer la parole au ministre, moi, j'aurais une question, comme parlementaire, d'éclaircissement là-dedans. Peut-être que les autres collègues également sont intéressés. Je perçois bien votre souci de voir ces travailleurs non organisés avoir une voix au chapitre, surtout lorsqu'on décide de lois et de réglementations qui les concernent. Justement, comme ils ne sont pas organisés, qui serait délégué par ces gens-là pour les représenter? Et d'où cette personne-là tirerait son mandat? C'est la question que je me pose, d'ailleurs, pas simplement en fonction du point que vous soulevez, qui est tout à fait valable, mais de façon générale. Chaque fois qu'on aborde cette question-là, c'est la question que je me pose. Et puis, M. le ministre, vous pouvez peut-être répondre à la fois aux commentaires du député de LaFontaine puis à ma question.

M. Rioux: M. le Président, dans l'article 12, si vous lisez bien, on parle des travailleurs. On ne parle pas seulement des travailleurs syndiqués, on parle des travailleurs. C'est bien intentionnellement que ça a été mis comme ça.

D'autre part, quand on parle du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, je n'ai jamais dit que la consultation serait exclusive à cet organisme-là. Et puis il est loisible au ministre d'organiser d'autres forums de consultation, ad hoc ou autres, qu'il pourra créer, ou encore écouter d'autres groupes qui se manifestent et qui veulent se faire entendre. Ça peut être des travailleurs non syndiqués, ça peut être n'importe qui.

J'ajouterai que les travailleurs non organisés sont assez bien représentés au conseil d'administration de la Commission des normes. Et ils sont là pour faire valoir un point de vue. Ils ont une loi pour eux, une loi qui a connu une belle évolution au cours des dernières années, et qui n'a pas fini d'évoluer, d'ailleurs. Alors, moi, je pense que ça devrait être satisfaisant et ça devrait répondre, en tout cas, aux interrogations des collègues autour de la table.

Le Président (M. Beaulne): M. le député.

M. Gobé: Oui. Merci, M. le Président. Et je pense que votre interrogation était fort légitime aussi. Mais le ministre dit que les travailleurs non organisés sont très bien représentés. Il nous parle toujours du Conseil consultatif du travail. Je comprends que c'est un organisme qui fonctionne assez bien, qui est assez représentatif du milieu, mais il y a ce point-là. Moi, je souhaiterais... Le ministre est de bonne foi. Lui, certainement, il dit: On va aller consulter. Mais peut-être que demain ou après-demain il ne sera plus ministre. Peut-être qu'il va être au Tourisme, je ne sais pas, ou aux Affaires internationales. On ne sait pas ce qui arrive dans un gouvernement. On l'a vu, là, il y a eu, dernièrement, des changements assez drastiques. Et on en a vu chez nous aussi, dans le temps.

Alors, qu'est-ce qui nous dit que le prochain ministre aura la même expérience d'une quarantaine d'années dans les affaires publiques que le ministre actuel, connaissant le milieu, connaissant un peu plus la base et qu'il aura la même ouverture ou démontrera la même ouverture que semble vouloir démontrer le ministre actuel dans la consultation de ces groupes-là? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, il me semble, de baliser ou de faire en sorte que le prochain ministre soit tenu de consulter ces gens-là, de tenir compte de ces gens-là?

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: Alors, M. le Président, j'ai manifesté tout à l'heure une ouverture à la proposition du député de LaFontaine et, en plus de ça, j'ai fait valoir le point de vue que le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre n'était pas un organisme exclusif qui peut être consulté par le ministre. À mon avis, ça donne satisfaction, je pense, à l'essentiel de ses interrogations. Sans qu'il soit totalement d'accord, je pense qu'on en est arrivé à quelque chose d'intéressant.

Le Président (M. Beaulne): M. le député, voulez-vous réagir aux commentaires du ministre? Je retiens des commentaires du ministre qu'il ne souhaite pas, à cette étape-ci, modifier le libellé de l'article 12. Vous avez toujours la prérogative, comme tout à l'heure, de proposer un amendement.

M. Gobé: Oui, j'aimerais avoir une minute ou deux de suspension pour pouvoir écrire un amendement qui préciserait peut-être ces choses-là.

M. Rioux: M. Vachon aurait peut-être une précision à apporter.

Le Président (M. Beaulne): Un point d'information. Allez-y, M. Vachon.

M. Vachon (Pierre-Yves): Il est encore un petit peu d'ordre technique, il a trait au vocabulaire qui est utilisé dans l'article 12 par rapport à l'article 11. Allez voir l'article 11, le paragraphe 1°. Quand on parle de «maintien de relations harmonieuses entre employeurs...», on ne dit pas «entre employeurs et travailleurs», on dit «entre employeurs et salariés». «Salariés», c'est une notion qui est utilisée dans les lois de relations de travail, c'est-à-dire de cadre normatif du travail. On trouve ça dans le Code du travail particulièrement, et ça réfère généralement à des travailleurs qui sont organisés, qui sont représentés par des associations.

Quand on va voir dans la loi du CCTM, du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, on voit qu'une partie des membres du CCTM est nommée par le gouvernement après consultation des associations de salariés les plus représentatives. Encore une fois, c'est une notion de salariés organisés. Alors, il y a, pour les salariés organisés, un processus de consultation qui est déjà prévu dans une loi, qui s'appelle la Loi sur le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

Ici, ce qui est proposé par l'article 12, tout en tenant compte du fait qu'il existe une loi sur le CCTM, où les salariés organisés ont voix au chapitre dans un processus de consultation mené par le ministre du Travail, c'est d'ajouter, dans la loi sur le ministère, une indication à l'effet que, le ministre, il va consulter les gens, maintenant, qui sont concernés par des politiques ou des mesures qu'il entend prendre, et il ne consultera pas nécessairement juste, du côté des salariés, les salariés qui sont regroupés en associations reconnues.

L'article 12 est libellé de façon plus ouverte. Il fait obligation de consulter tous les employeurs ou tous les travailleurs et non pas les salariés qui pourraient être concernés par une mesure ou une politique. Et, en plus de ça, il ne va pas encarcaner ces employeurs-là et ces travailleurs-là par une forme d'organisation qui pourrait peut-être être bonne au moment où on se parle, dire: Consultez telle association en particulier, mais, si cette association-là n'existe plus dans six mois, qu'est-ce qu'on fait? Parce que c'est peut-être le propre, justement, des travailleurs qui ne sont pas organisés d'avoir des structures, bon... L'article a été libellé de façon ouverte pour permettre ça.

M. Rioux: Voilà.

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Merci, M. le Président. Merci, M. le sous-ministre. C'est ça? Non?

M. Vachon (Pierre-Yves): Non, je suis avocat pour le ministère.

M. Gobé: Excusez-moi, maître. Je pensais que vous étiez sous-ministre associé de monsieur. Écoutez, oui, je suis d'accord avec vous sur un point, si vous permettez, M. le Président...

Le Président (M. Beaulne): Allez-y.

M. Gobé: ...c'est lorsque vous parlez de consultation. Là-dessus, je partage tout à fait votre opinion. Mais, dans le libellé du projet de loi, on parle de participation. Je pense qu'entre le mot «consultation» et le mot «participation», il y a là deux intentions qui peuvent être différentes. Alors, si on lit le projet de loi, l'article est très court: «Le ministre doit favoriser la participation...» Ce n'est pas écrit: le ministre doit favoriser la consultation des représentants et des employeurs, mais «la participation des représentants des employeurs et des travailleurs à l'élaboration...» Alors, «participation à l'élaboration», ça veut dire que les gens qui vont être là vont participer à élaborer. Ça, c'est plus fort que consulter, hein?

Moi, je crois que ce serait dommage, alors qu'on invite des groupes de travailleurs qui sont organisés, qui ont les structures pour le faire, qui ont des intérêts particuliers, bien souvent, de leur propre secteur, de leur propre domaine, à participer à élaborer des politiques qui les concernent, qu'un groupe de travailleurs quasiment aussi nombreux et peut-être plus, qui, lui, n'est malheureusement pas organisé, parce que le milieu dans lequel il est ne le permet pas ou parce que, bon, l'accréditation multipatronale n'existe pas, enfin, comme le ministre le mentionnait précédemment, ne puisse pas y participer. On les maintient... C'est comme des travailleurs de deuxième zone: il y a ceux qui sont organisés, puis il y a les autres. Alors, moi, je souhaiterais qu'on aille plus loin là-dedans.

(12 h 40)

Le ministre devrait se mettre à la place d'un petit travailleur qui travaille dans une entreprise sans être représenté par personne et qui apprend, à un moment donné, qu'on a changé telle ou telle réglementation qui le concerne. Puis là on lui dit: Bien, ça a été fait par les travailleurs. Là, il dit: C'est qui, les travailleurs, c'est quoi? Ça me touche, vous ne m'avez pas écouté.

On est encore en train de fonctionner comme on a fonctionné depuis 20 ans, avec la grosse machine, les grosses locomotives. C'est beau, ça a des bons avantages, mais ça a le désavantage de laisser pour compte un certain nombre de personnes à chaque fois. Et, moi, je pense que, dans un souci d'équité, un souci de justice sociale, le ministère devrait tenir compte, le ministre devrait tenir compte de ces représentants et le mentionner clairement dans la loi.

Pourquoi dire: Bien oui, on a quelque chose au ministère, puis on travaille à ça, on regarde ça, on a un comité, on va y penser? Ça, c'est beau, c'est des bons voeux pieux. Je suis certain que le ministre, quand il dit ça, il croit ce qu'il dit. Je ne mets pas en doute son intention personnelle. Mais, dans la réalité, on peut être assuré qu'il n'y aura rien qui va sortir, parce que, si ça avait voulu sortir, bien, ça serait déjà écrit. Et là on donne l'occasion en or au ministre de pouvoir dire à ces travailleurs-là: Nous allons tenir compte de votre existence. Vous existez, vous êtes des travailleurs importants dans la société.

N'oublions pas une chose, en plus: ces travailleurs-là, bien souvent, c'est des travailleurs qui sont – pour faire un anglicisme; on ne devrait pas en faire – «borderline» entre le travail et l'aide sociale, des gens qui sont à la limite de rester à travailler ou de se décourager. Donc, on devrait avoir une attention encore plus particulière pour eux. Ils ont peut-être des besoins, ils ont certainement des besoins et des nécessités que d'autres travailleurs mieux représentés par des syndicats ou autres n'ont pas. Et leur voix devrait être impérativement entendue, plus que sur de la consultation, ils devraient participer.

Maintenant, votre avocat, à côté, a soulevé un point particulier, puis, je pense, le président aussi, tout à l'heure, c'est le cas de la représentativité de ces gens-là. Bon. C'est évident qu'on ne peut pas écrire dans un projet de loi: Tel groupe devrait être entendu plutôt que tel autre. Mais on devrait probablement écrire dans le projet de loi... le changer ou faire en sorte qu'on dise: Des représentants des employeurs et des travailleurs organisés ou non participent à l'élaboration. Quelque chose qui verrait à le faire. Et, après ça, il appartiendra au ministre de prendre les décisions, comme ça se fait dans beaucoup d'autres comités consultatifs ou même de participation à la Commission des normes du travail.

Vous avez réussi à en nommer un ou deux. Il y a combien de représentants des travailleurs non syndiqués à la Commission des normes du travail? Peut-être que le sous-ministre peut nous...

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: Ils sont à peu près tous non syndiqués.

M. Gobé: Non, mais je veux dire représentant les groupes non organisés?

M. Rioux: Il y a Au Bas de l'échelle qui est là, il y a des représentants des groupes ethniques...

M. Gobé: Bon. Voilà, voilà.

M. Rioux: ...des communautés ethniques. Il y en a au moins quatre ou cinq, oui.

M. Gobé: Et je pense que là on a un exemple parfait, et je suis content que le ministre vienne de nous les nommer. Je ne parle pas pour faire traîner le temps, parce qu'on n'a pas de raison, on n'est pas dans un «filibuster».

M. Rioux: Je ne suis pas si certain que ça.

M. Gobé: Je pense que vous venez de nommer, M. le ministre, des groupes importants. On a le groupe Au Bas de l'échelle; ça représente des travailleurs vraiment en bas. Vous avez parlé des commissions ethniques; là encore, on a un groupe de travailleurs très particulier, très vulnérable, avec des problèmes différents. Ça, c'est deux exemples.

Moi, je suggère qu'on puisse, dans le projet de loi, faire en sorte que ces gens-là puissent avoir droit au chapitre. Pour une fois, on leur donne droit au chapitre. On leur a donné à la Commission des normes. Ça a été fait il y a combien de temps, à la Commission des normes, M. le sous-ministre, peut-être, que ces gens-là siègent sur la Commission des normes du travail, les non-organisés?

M. Henry (Jacques): Un an et demi.

M. Gobé: En quelle année ça a été fait?

M. Henry (Jacques): Au début de l'année 1995.

M. Gobé: Ça fonctionne bien?

M. Rioux: Relativement bien.

M. Gobé: Alors, pourquoi ne pas l'étendre à cet autre... Il y a un article de loi qui y voit. Ce n'est pas juste une déclaration du ministre qui dit: Je vais favoriser la participation, c'est un article de loi. Il le dit, ça devient une obligation. Alors, pourquoi ne pas les inclure là-dedans, ces gens-là?

M. Rioux: M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, pour votre réponse.

M. Rioux: Oui. J'aimerais souligner très clairement que la participation dont on parle ici, la participation des travailleurs et des employeurs à l'élaboration des politiques, cette participation-là, bien sûr, peut prendre plusieurs formes. Ça peut prendre plusieurs formes, il n'y a rien d'exclu. Le mot «travailleurs», ici, recouvre toutes les catégories de travailleurs. Alors, si le député de LaFontaine n'est pas satisfait de ça, il peut toujours proposer un amendement, mais, moi, j'estime que, le débat, on l'a fait. Je lui ai manifesté toute l'ouverture dont je suis capable, alors j'interprète qu'on est prêt à voter.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine, voulez-vous soumettre un amendement?

M. Gobé: Oui, je vais en soumettre un, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Allez-y.

M. Gobé: J'aurais souhaité ne pas être obligé de le faire, parce que ça me semblait assez simple et couler assez de source, mais je vais le faire. Alors, sur l'article 12. L'article 12 est modifié par l'ajout, à la fin, du paragraphe suivant:

«Dans l'exercice de cette responsabilité le ministre du Travail porte une attention particulière à la participation des porte-parole du monde non organisé du travail, dans les domaines qui les concernent.»

Le Président (M. Beaulne): Ce serait un ajout après le mot «compétence»?

M. Gobé: C'est cela, oui, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): C'est ça.

M. Gobé: Un deuxième paragraphe; un et deux. Alinéa 1, c'est ça.

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce que les députés ont compris l'amendement? Je vais le relire pour le bénéfice de tout le monde. Alors, on ajouterait un deuxième alinéa à l'article 12, qui se lirait comme suit:

«Dans l'exercice de cette responsabilité le ministre du Travail porte une attention particulière à la participation des porte-parole du monde non organisé du travail, dans les domaines qui les concernent.»

Ce serait le deuxième alinéa. Alors, on va mettre l'amendement au vote.

M. Gobé: Non, M. le Président. Je pense que, selon le règlement, on peut en débattre. C'est 40 minutes pour le proposeur? Ou 20 minutes?

Le Président (M. Beaulne): On peut bien... Oui, mais...

M. Rioux: M. le Président, j'annonce tout de suite que, de ce côté-ci, on n'a pas d'intervention particulière à faire.

Le Président (M. Beaulne): Oui. M. le député, vous avez raison, effectivement, mais je pense que, dans l'esprit de collaboration des travaux qui viennent de se dérouler, si on veut, pour la suite des discussions sur le projet de loi, être un peu plus flexible ou même peut-être, à l'occasion, suspendre quelques minutes pour vous permettre de rédiger des règlements... Je pense que, effectivement, on a eu l'occasion de faire le tour de la question et vous avez très bien expliqué votre point de vue.

D'ailleurs, je pense que différents collègues sont intervenus. J'ai moi-même posé des questions de clarification au ministre. Vous pouvez, bien sûr, vous prévaloir de votre droit de parole, mais je pense que, dans l'esprit de collaboration, pour la suite de l'étude du projet de loi, vous pouvez toujours élaborer davantage, mais je pense qu'on serait prêt à passer au vote.

M. Gobé: Non, j'aimerais élaborer un peu plus, M. le Président. M. le Président, le but de proposer cet ajout, comme je le disais précédemment, découle de l'importance que l'on doit donner à la représentation de ce groupe de travailleurs, et qui vont devenir de plus en plus nombreux dans notre société avec les bouleversements qui s'en viennent en termes d'organisation du travail.

D'autres pays connaissent cela. On se rend compte que de plus en plus le travail devient précaire, que de plus en plus les entreprises vont avoir recours à des travailleurs temporaires afin de les soustraire à la protection sociale et à la protection du travail qu'ils ont actuellement. Il suffit de regarder à travers le monde ce qui se passe. Il y a des pays où il fait bon, à l'occasion, pour le gouvernement, aller prendre avis. On parle souvent de la France. Une grande partie des ministres de ce gouvernement ne se cachent pas d'être influencés à l'occasion par ce qui s'y passe. On l'a vu dernièrement en termes de sous-traitance, où le ministre des Affaires municipales avait dit que ce qui se passait dans le Lot, en France, était un exemple.

Moi, je souhaiterais que l'on regarde, au ministère du Travail, ce qui s'y passe actuellement sur la condition des travailleurs, où, de plus en plus, justement, les travailleurs sont hors des protections et des filets qui ont été tissés pendant 20, 30, 40 ans. Et je crois qu'il est temps que, dans une société comme la nôtre, au Québec, nous nous penchions sur ce problème-là. Il commence à nous toucher, il commence à nous interpeller et il va ne faire que grandir. On le voit.

(12 h 50)

Prenez l'exemple des travailleurs du Méridien. Il y a là un groupe de travailleurs qui étaient organisés, qui avaient une protection et qui, maintenant, n'en ont plus. Ah! certes, ils vont engager 80 %, disent-ils, mais 80 % dans quelles conditions? Dans des conditions de sous-traitance. Ces gens-là deviennent désorganisés. C'est un exemple.

Est-ce que vous pensez que c'est un cas isolé? Est-ce qu'on pense qu'il y a juste un cas du Méridien ici, au Québec? Il va y en avoir des dizaines dans les prochaines années. Ce qui veut dire que le groupe, actuellement, de travailleurs non organisés, qui est peut-être de 1 000 000, 1 200 000 peut-être – je ne sais pas, on peut me reprendre sur les chiffres exacts – ne va faire que grossir, que s'amplifier.

Prenons le cas aussi des travailleurs autonomes, qui, eux, ne sont pas représentés, bien sûr, non plus. De plus en plus, on voit des entreprises qui donnent à contrat. Je me souviens, il y a quelques années, le cas de Métro-Richelieu, qui est situé dans ma circonscription électorale, où les chauffeurs se sont fait dire un beau matin: Vous ne travaillez plus pour Métro maintenant; vous achetez votre camion et on vous donne le contrat. Résultat, les gens ont perdu l'ensemble de leur protection sociale et ils se retrouvent à faire des heures incroyables pour essayer non seulement de payer leur véhicule, mais de gagner leur croûte, de gagner leur pain. Ça, c'est un autre cas particulier. On va en avoir, M. le Président, constamment.

Et là on nous dit dans le projet de loi que le ministre... Ça part d'une bonne idée. Qu'on va favoriser... Que «le ministre doit – même pas «on va» – favoriser la participation des représentants des employeurs et des travailleurs à l'élaboration des politiques et mesures qui les concernent dans les domaines de sa compétence.»

Lorsque je questionne le ministre, il me répond de toute bonne foi, et je ne mets pas en doute sa bonne foi, qu'il entend le faire par l'intermédiaire du Conseil consultatif du travail. Et tout le monde sait ici – et, si on ne le savait pas, le ministre nous l'a confirmé – qu'il n'y a pas de représentation de ces travailleurs-là au sein du Conseil consultatif.

Alors, deux choses: ou on fait comme le ministre dit et on laisse cela comme ça, on écoute ses voeux pieux, faisant en sorte d'oublier et de ne pas tenir compte de 1 000 000 et quelques travailleurs québécois et québécoises, parmi les plus bas, dont une des organisations qui les représentent s'appellent même Au Bas de l'échelle... C'est vrai qu'ils y sont, au bas de l'échelle. On fait fi aussi de travailleurs autonomes, qui, eux aussi, sont pris avec, justement, des difficultés particulières.

Et, moi, je ne peux pas accepter ça. Je ne peux pas accepter ça parce que, dans une société comme celle du Québec, qui a connu une émulsion très importante pour favoriser les droits des travailleurs et les droits des Québécois dans tous les domaines, là on recommence à faire deux groupes: le groupe des organisés, le groupe qui est dans la grosse machine, et le groupe qui est dans la petite machine. Mais on revient 50 ans en arrière. On revient à l'époque où il y avait la petite classe des gens, et la classe moyenne, et la grande classe.

Dans certains pays, à certaines époques, ça a créé des révolutions. On a connu les jacqueries dans certaines époques. Le ministre, qui est probablement féru d'histoire, doit savoir de quoi je parle. Eh bien, moi, je dis qu'il est temps que l'on donne à ces travailleurs une représentation dans les domaines qui les concernent, et c'est ce que le projet de loi demande. On ne demande pas au ministre qu'il leur donne un siège à son ministère. Je ne lui demande pas de faire la syndicalisation multipatronale, comme c'est écrit dans son programme politique. Il nous a dit qu'il n'y avait pas de date limite et que, peut-être, un jour, il y viendra. Peut-être qu'il ferait, justement avec le Conseil consultatif du travail, on y revient encore une fois, une étude et des consultations, je ne sais pas, ou il lui donnerait un mandat, il n'a pas précisé exactement.

Alors, je pense qu'il serait temps qu'on aille de la parole à l'acte. Si, dans le programme du ministre, il est dit que, pour protéger ces travailleurs, il devrait avoir l'accréditation multipatronale, s'il ne peut pas la mettre en application, comme il nous le dit, parce que ça pourrait avoir des effets catastrophiques – c'est ses mots, là – ça pourrait avoir des effets économiques problématiques... Bon, soit, comprenons. En d'autres termes, ce qu'il nous dit, c'est qu'il est lié: ses ministres économiques ne lui permettent pas d'aller là. Sinon, il l'aurait fait, je présume. Quand on connaît le préjugé favorable du ministre pour les travailleurs, tel qu'il le dit, s'il pouvait mettre en application cet article de son programme, il le ferait. S'il ne le fait pas, c'est parce qu'il y a des gens qui ne veulent pas qu'il le fasse.

D'ailleurs, il le disait lui-même dans son intervention ce matin. Il a dit: Si vous saviez les oppositions que ça génère lorsqu'on parle de ça. Si je me fie à mes petites notes que j'ai bien prises, là. On pourrait aller vérifier dans les «transcripts». Donc, le ministre reconnaît qu'il n'est pas capable de le faire, qu'il y a de l'opposition. Pourtant, c'était jugé utile, avant l'élection, de le faire, puisqu'on l'a inscrit dans un parti... dans un programme.

Et là on se retrouve devant un article de loi, pas une proposition, pas une conférence de presse, pas un communiqué du bureau du ministre, un article de projet de loi qui permettrait de donner une voix à ces travailleurs, une voix dans les domaines qui les concernent. Pas dans les domaines du voisin; dans les domaines qui les concernent. Puis là on dit: Non! Par contre, on donne une voix, dans les domaines qui vont concerner ces gens-là, à d'autres groupes organisés. Là, vous comprenez, M. le Président, mon étonnement devant cette contradiction.

Puis, en plus, je vois le ministre qui dit: Le débat a été fait. Bien, moi, le débat n'a pas été fait, je trouve. Le débat n'a pas été fait. Est-ce que le ministre pense qu'en nous répondant, en me répondant il a fait le débat? Est-ce qu'il nous a donné des raisons pourquoi ces travailleurs-là ne seraient pas représentés, 1 000 000 et quelques travailleurs, quelque 1 200 000 qui sont devenus des travailleurs autonomes, peut-être 1 600 000? C'est un chiffre qui va grossir, je le disais précédemment.

Je voyais un reportage, à une station de télévision, qui montrait des travailleurs dans une usine Sony en banlieue parisienne, près de Pontoise, Cergy, à 45 km de Paris. L'usine Sony, qui fait des téléviseurs, engage des travailleurs pour quatre mois. Après quatre mois, elle les licencie. Trois semaines après, elle les réengage pour quatre mois, puis elle les relicencie. Et la raison très simple et avouée par le directeur d'usine était de dire: Ça nous permet de ne pas appliquer la législation du travail dans son intégralité, de ne pas leur donner les congés payés, de ne pas leur donner les assurances. C'est ça, la nouvelle réalité du monde du travail, du petit monde du travail. C'est ça, la vraie réalité qui nous interpelle maintenant.

Et là on crée un ministère du Travail. D'abord, le ministre nous dit: Ce n'est pas le ministère pour les travailleurs, premièrement. Maintenant, on lui demande de bien vouloir faire en sorte que des travailleurs parmi les plus bas, parmi les moins organisés, puissent avoir un droit à la parole. Là, rapidement, il expédie, trouvant le temps rapide. Quand je lui dis que je ne ferai pas un «filibuster», il dit: Ça a l'air de ça. Non, ça n'a pas l'air de ça, M. le ministre. Ce n'est pas un «filibuster». C'est simplement que, comme opposition et comme députés aussi, lorsque nous faisons des législations, nous devons avoir une attention particulière aux plus fragiles et aux plus démunis de notre société. Et c'est là notre responsabilité. Et ne pas le faire, c'est exposer ces gens à connaître des difficultés, mais exposer aussi la société entière à connaître des explosions tout à l'heure. Et je pense que c'est une réalité qui nous attend si on n'y voit pas, M. le ministre.

(13 heures)

Alors, comment faire pour vous convaincre? Je ne le sais pas, parce que, dès le départ, avant que j'aie commencé à parler, vous avez dit que ça ne changerait rien. Moi, j'aurais souhaité que vous puissiez, M. le ministre, faire preuve d'ouverture et dire: Bien, écoutez, oui, je suis prêt à collaborer avec ça, quitte à... L'amendement que je veux proposer, on aurait pu le travailler ensemble. Moi, j'ai émis un projet d'amendement, un amendement qui peut devenir tranquillement, facilement travaillable. On aurait pu prendre le temps, dire: On suspend, puis on se revoit à 14 heures, pour voir si on ne pourrait pas trouver un moyen de l'amener.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine, je vous interromps, parce que le temps qui est normalement imparti...

M. Gobé: O.K.

Le Président (M. Beaulne): ...pour l'ordre du jour de ce matin est épuisé. Alors, nous reprendrons la discussion sur cette base, et j'ajourne les travaux de la commission de l'économie et du travail sine die.

M. Gobé: Sine die?

Le Président (M. Beaulne): Bien, justement, c'est pour ça que c'est sine die. Il va falloir qu'on attende les ordres de la Chambre.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 16 h 22)

Le Président (M. Beaulne): On a le quorum, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui.

Le Président (M. Beaulne): Alors, on va commencer. Chers collègues, nous allons poursuivre les travaux de la commission de l'économie et du travail sur l'étude détaillée du projet de loi n° 26.

Pour un peu nous remettre dans l'esprit de nos travaux de ce matin, je vous rappellerai que nous étions à discuter d'un amendement à l'article 12, proposé par le député de LaFontaine et porte-parole de l'opposition, que je vous lis ainsi. Alors, il s'agirait d'ajouter une phrase à la suite du paragraphe tel qu'il existe, d'introduire un second alinéa qui se lirait comme suit:

«Dans l'exercice de cette responsabilité le ministre du Travail porte une attention particulière à la participation des porte-parole du monde non organisé du travail, dans les domaines qui les concernent.»

Le député de LaFontaine avait commencé à expliquer son amendement. Si on prend en considération notre tradition qui veut qu'un député ait un temps d'intervention de 20 minutes, M. le député de LaFontaine, il vous resterait 7 min 25 s pour épuiser votre temps de parole de présentation de votre amendement. Alors, vous avez la parole.

M. Gobé: Merci, M. le Président. Alors, en effet, comme je l'ai mentionné ce matin, il nous semble, à nous, de l'opposition, très important que l'article 12, qui dit que la participation des représentants des employeurs et des travailleurs organisés doit se faire quant à l'élaboration des politiques et des mesures qui les concernent, soit adopté. Pour nous, c'est très intéressant. Mais nous avons, ce matin, suggéré au ministre, en effet, un amendement parce que nous croyons qu'il manque une partie importante des travailleurs dans la manière dont l'article est formulé, car le ministre nous a assurés que ça se ferait par le Conseil consultatif du travail, cette consultation... pardon, cette participation – ce n'était pas une consultation, et nous pensons que cela aurait pour but d'évacuer et de faire en sorte qu'une partie des travailleurs non syndiqués et non organisés ne soient pas impliqués.

Et, comme je le disais ce matin, on sait qu'un grand nombre, maintenant, de postes de travail deviennent des emplois précaires, des emplois saisonniers, des emplois à temps partiel, des contrats à durée déterminée ou indéterminée. Donc, je pense qu'il serait important que l'on commence rapidement à reconnaître le statut de ces gens-là et je pense qu'un des premiers pas serait au moins de les inclure, de les reconnaître, en profitant, justement, de la formation du ministère, du projet de loi qui forme le ministère, et plus particulièrement de l'article 12, qui fait une certaine ouverture pour une partie des travailleurs.

Ce matin, j'ai parlé des emplois précaires. Il y a aussi une catégorie de travailleurs, même si, des fois, on ne les appelle pas des travailleurs, mais des salariés, disons, qui pourraient être concernés là-dedans, c'est tous les cadres. On sait qu'au Québec les cadres n'ont pas d'association à statut légal comme telle. Ils ont une association, ils sont reconnus, mais ils n'ont pas de statut comme un syndicat peut l'avoir, par exemple. Ils ne sont pas dans ce qu'on appelle le monde organisé du travail. Alors, je crois que, pour les cadres – et on parle de peut-être 300 000 cadres à peu près au Québec, quelque chose comme ça, un nombre très important – il serait important et souhaitable qu'ils soient aussi impliqués là-dedans.

De quelle manière le faire? Est-ce qu'on prendra la Confédération nationale des cadres du Québec, qui est une organisation qui existe sans statut vraiment juridique tel un syndicat? Ça pourrait peut-être être ça. Je ne veux pas suggérer au ministre la manière de fonctionner dans son ministère, mais je pense qu'il y a là aussi une importance pour eux d'être présents, d'autant plus que c'est des gens... Prenez tous les gens qui sont dans les travailleurs non organisés. S'il y en a qui connaissent les problèmes auxquels les travailleurs sont confrontés dans cette catégorie-là, c'est bien eux.

Alors, pourquoi ne pas les inclure dans la participation à l'élaboration, comme dit le projet, c'est des grands mots, mais de leur propre réglementation? Pourquoi faire faire ça par d'autres, hein? Pourquoi demander à d'autres, qui ne connaissent pas leurs problèmes, qui ne connaissent pas leurs besoins, qui ne connaissent pas leurs difficultés, de venir élaborer des normes, des politiques et des règlements concernant un autre groupe de travailleurs? Alors, ça, c'est un des premiers points.

L'autre point, bien sûr, bien, c'est pour les cadres. Pourquoi demander à des représentants des employeurs et des travailleurs syndiqués de participer à l'élaboration des politiques du travail au Québec alors que ceux qui ont un grand rôle à jouer, c'est les cadres? Et ce n'est pas forcément des patrons, les cadres; ce sont des travailleurs. Eh bien, on ne demande pas aux cadres. Il n'y a pas de place pour eux. Bien, il me semble que c'est se priver de l'expertise très importante d'une grande partie de travailleurs québécois qui s'appellent des cadres, que sont les travailleurs.

Alors, c'est ces raisons-là qui m'amènent à faire en sorte d'amener cet amendement. Je souhaiterais, moi, j'aurais souhaité beaucoup que le ministre le voit, que, lorsqu'on parle des travailleurs, il voit l'ensemble de tous les travailleurs du Québec, pas seulement une catégorie. Je comprends qu'il a un passé syndicaliste qui l'amène à considérer un travailleur comme étant quelqu'un, en termes de vocabulaire, qui oeuvre dans une entreprise ou un gouvernement, une administration, et qui fait partie d'un syndicat. Je comprends que c'est plus facile de consulter les présidents de centrales que des gens qui ne sont peut-être pas organisés.

Je l'implore encore d'y penser. Il se priverait, il priverait son successeur futur, un jour, de la richesse d'avoir ces gens-là pour l'aider à élaborer des politiques. Alors, qu'est-ce qu'on fait? Qu'est-ce qu'on peut faire pour essayer de le convaincre? Au tout début de mon intervention, il a dit: Non, M. le Président, en ce qui nous concerne, la décision est prise, le débat a assez duré. J'ai cru comprendre que c'était là... Peut-être que je me suis trompé, remarquez bien. Peut-être va-t-il nous revenir après puis dire: Vous avez raison, M. le député de LaFontaine. Mais j'avais cru comprendre que c'était une fin de non-recevoir catégorique.

Moi, je pense que les collègues aussi de l'autre côté doivent partager cette vision, ou cette possibilité de voir non seulement sur des comités que le ministre entend former pour élaborer, participer à élaborer des politiques puis des règlements... qu'eux aussi pensent qu'il serait logique et légitime d'y avoir des travailleurs non organisés, des représentants du monde du travail qui ne sont pas dans les grandes organisations syndicales.

Alors, qui pourrait-il... La question était un peu, puis c'est peut-être celle-là aussi, de la part du ministre: Comment faire pour trouver ces travailleurs-là? Qui va représenter qui? Bien, je pense qu'il y a quand même des gens qui sont, depuis nombre d'années, regroupés et qui oeuvrent pour défendre les droits ou, des fois... les abus dont ces travailleurs non organisés, non syndiqués peuvent être l'objet, et aussi pour faire valoir des positions, telles l'augmentation du salaire minimum ou des choses comme ça. Alors, je pense que le ministre a là un bassin assez important de gens dans lesquels il pourrait trouver des représentants.

(16 h 30)

Aussi, il y a la Commission des normes du travail, qui, elle, a démontré – le ministre l'a reconnu ce matin – qu'il était possible d'avoir des travailleurs qui ne sont pas dans les cadres des grandes centrales syndicales pour siéger sur des commissions. Bon. On sait que l'organisme Au Bas de l'échelle, par exemple, siège sur la Commission des normes du travail. Parfait. Excellent. Pourquoi pas, à ce moment-là, faire appel à l'organisme Au Bas de l'échelle? C'est très facile. S'ils sont sur la Commission des normes du travail, il n'y a pas de raison qu'ils ne pourraient pas participer à l'élaboration envisagée par le ministre.

Le Président (M. Sirros): M. le député, on m'informe que votre temps est terminé.

M. Gobé: Oui, peut-être en conclusion rapide, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Oui.

M. Gobé: Alors, en conclusion, M. le ministre, je souhaiterais, je vous demanderais de vouloir reconnaître ces travailleurs-là, de reconnaître les cadres aussi qui ne sont pas prévus dans votre projet de loi et que vous révisiez votre décision d'avant mon amendement pour que nous puissions l'adopter et rendre justice à ces gens-là et bonifier aussi le travail qui va être fait par ce comité.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Rioux: Alors, je voudrais juste prendre quelques secondes pour bien expliquer que l'article 12 est un article qui a été rédigé dans une perspective d'ouverture. Quand on dit que «le ministre doit», c'est impératif, il doit le faire. Quand on pense à la participation des représentants des travailleurs et des employeurs à l'élaboration des politiques, j'ai bien précisé que ça pouvait prendre plusieurs formes, la participation. Ça peut être des consultations. Ça peut prendre beaucoup de formes.

La notion de travailleur. La notion de travailleur a été volontairement utilisée pour bien couvrir les travailleurs syndiqués organisés, les travailleurs non organisés, le personnel d'encadrement, etc. De plus, j'ai bien dit que cette obligation pourrait notamment – notamment – être assumée par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, bien sûr, mais ça peut aussi être d'autres forums qui peuvent se présenter à nous, qu'on peut créer ou encore à qui on peut demander de venir témoigner et avec lesquels on peut collaborer pour favoriser la participation de tout le monde à l'élaboration des politiques.

Alors, on a un texte qui est bien rédigé, qui couvre absolument toutes les préoccupations du député, et, moi, je me demande bien pourquoi on ajouterait un amendement, qui serait redondant, à un texte de loi. Ce serait un petit peu... Je pense que le député a très bien compris, mais, étant donné qu'il a le goût de s'exprimer là-dessus, on ne peut pas l'empêcher et c'est son droit strict. Mais je lui répète qu'il y a là toutes les ouvertures, parce que j'ai eu l'occasion d'en débattre avec plusieurs, il y a toutes les ouvertures qui lui donnent satisfaction. Et, là-dessus, j'aimerais bien qu'on dispose de l'article 12 pour qu'on puisse s'attaquer à l'article 13.

Le Président (M. Sirros): Mais, avant qu'on puisse en disposer, il y a d'autres députés qui ont exprimé leur droit de se faire entendre. M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Oui. Merci, M. le Président. J'ai bien écouté mon collègue le député de LaFontaine de même que le ministre, et je dois vous dire que je suis un peu déçu de la réponse que je viens d'entendre du ministre du Travail, lui qu'on a toujours reconnu comme un grand démocrate, une personne à l'esprit large – je ne dirai pas à l'esprit libéral, mais à l'esprit large – et qui a toujours favorisé, j'imagine, et j'en suis certain, la plus grande concertation possible. On connaît le passé syndical du ministre, et c'est très bien, c'est une belle expérience. Sauf que, quand on arrive dans un gouvernement et particulièrement comme ministre et particulièrement comme ministre du Travail, il faut, premièrement, rendre compte des objectifs et du but visé par une loi.

Naturellement, le gouvernement ne devient pas seulement le gouvernement des groupes organisés, des syndicats ou des autres groupes de cette société qui ont su se monter une structure afin d'intervenir auprès du ministre, mais on doit aussi faire en sorte que tous les travailleurs, toutes les travailleuses – et on doit être clair là-dessus parce que c'est le rôle du gouvernement – puissent se faire entendre en haut lieu, puissent se faire entendre, parce que... On sait, dans le milieu syndical... Et je vois le député d'Arthabaska ici, même, aussi, en agriculture, il y a un groupe syndical. Et on prend les groupes organisés syndicaux, les travailleurs de la CSN, de la FTQ, etc., ces gens-là représentent dignement les travailleurs, mais ils peuvent aussi véhiculer une idée qui est parfois différente d'autres travailleurs mais qui peut être aussi bien exprimée par des gens non organisés.

En passant, il y a combien de travailleurs au Québec qui ne sont pas syndiqués, qui n'ont pas une structure organisationnelle? Dans l'ensemble? Est-ce que c'est la moitié des travailleurs, le quart des travailleurs qui ne sont pas organisés?

M. Rioux: 40 % des travailleurs sont syndiqués.

M. Brodeur: Donc, on peut dire qu'il y en a 60 %...

M. Rioux: En gros.

M. Brodeur: ...qui ne possèdent pas une structure, une structure adéquate pour se faire entendre, particulièrement dans les niveaux gouvernementaux.

Le ministre nous a bien expliqué sa vision de l'article 12. Moi, j'ai la mienne, et, naturellement, comme juriste, on doit faire en sorte que ces articles-là soient le plus clairs possible. Le ministre vient de nous dire que, oui, ça comprend les groupes non organisés, mais, moi, je n'en suis pas certain. Et c'est notre devoir de parlementaires, notre premier devoir de parlementaires de faire des lois qui sont claires puis des lois qui ont comme objectif, comme je le disais tantôt, de viser toute la population du Québec, tous les travailleurs et toutes les travailleuses.

C'est pourquoi, M. le Président, moi, je crois que ça ne nous coûte rien à nous, l'article 12 n'en serait que plus clair, viserait les objectifs autant exprimés par le député de LaFontaine que par le ministre, d'ajouter, justement, d'accepter l'amendement du député de LaFontaine, qui ferait en sorte que tous les groupes de travailleurs sans distinction... Même si le ministre nous dit qu'ils sont visés quand même, ce serait d'autant plus clair de l'ajouter à l'article 12.

M. le Président, moi, j'ai reçu, à mon bureau, des lettres, principalement de cadres du Québec – M. le député de LaFontaine nous en a parlé tantôt – des gens qui désirent être reconnus justement comme représentants pour établir ces politiques-là. Et on doit bien préciser que le but de l'article est pour l'élaboration de politiques, donc ce n'est pas pour prendre des décisions collectivement mais pour tout simplement suggérer ou élaborer des politiques. Et je ne vois pas en quoi l'amendement suggéré par le député de LaFontaine pourrait entraver le bon fonctionnement de ces suggestions-là ou l'élaboration de ces politiques-là.

Parce qu'une politique, en soi, c'est une idée qui est lancée pour peut-être, éventuellement, rédiger des règlements ou des lois qui vont satisfaire l'ensemble des travailleurs et des travailleuses du Québec, et je ne vois pas pourquoi on pourrait risquer de se passer d'idées qui pourraient servir d'éclairage pour la rédaction de ces éventuels règlements ou de ces éventuelles lois. Et, malgré que l'article 12 nous parle des représentants des employeurs et des travailleurs, rien ne nous dit... Et, d'ailleurs, je crois qu'il faut qu'il soient du Conseil consultatif du travail, et les groupes non organisés ne font pas partie de ce Conseil-là.

Et je pense que c'est très important, on pourrait immédiatement... Puis je sollicite l'accord du ministre et je sollicite l'appui des députés ministériels pour tout simplement remplir notre devoir dans les règles de l'art, c'est-à-dire que les articles, les lois qu'on adopte soient le plus clairs possible et soient à la portée de la population. Parce qu'on ne fait pas seulement des lois pour nos tribunaux, pour nos juristes, mais il faut aussi que tous les travailleurs et travailleuses du Québec, lesquels sont visés par cette loi-là, puissent lire cette loi-là et la comprendre. Puis je pense que c'est notre principal travail de faire en sorte que les lois soient comprises. Depuis déjà trop longtemps, les parlementaires ont eu tendance, surtout par la lecture des lois qu'on en fait, à être plus ou moins clairs, puis on a une chance ici aujourd'hui...

Je pense que l'amendement du député de LaFontaine n'a rien du jeu politique du tout, c'est un amendement, je crois, qui est recevable. J'ai cru percevoir une légère ouverture du ministre tantôt, qui disait: Oui, je veux reconnaître les groupes non organisés, c'est déjà marqué là-dedans. Mais, à la lecture même de l'article, moi, je ne suis pas convaincu que ça les englobe. Pourquoi ne pas tout simplement accepter l'amendement du député de LaFontaine et puis, tout simplement, on arriverait à un article qui serait clair?

(16 h 40)

Et puis il n'y a pas seulement nous qui pensons ça. Je disais tantôt que j'avais reçu de la correspondance de groupes non organisés. Le député de LaFontaine, tantôt, nous a parlé d'associations de cadres ou des cadres qui ne sont pas reconnus par le libellé de l'article 12. Donc, si ces gens-là se sont donné la peine d'écrire à leur député, et possiblement qu'il y a d'autres députés ici qui ont reçu ces lettres-là, si ces gens-là se sont donné la peine de nous écrire et de soulever ce point-là, c'est que, l'article 12, il n'y a pas seulement nous qui ne le trouvons pas clair. Il y a aussi d'autres groupes non organisés de la société qui demandent qu'on fasse notre travail et qui demandent aussi au gouvernement d'élaborer cette loi de façon que ces gens-là soient reconnus clairement. On dit «reconnus clairement», et, pour qu'ils soient reconnus clairement, naturellement, il faut que la loi soit claire.

Il n'y a pas seulement ces gens-là qui ne sont pas inclus dans cet article-là, il y a tous ces groupes non syndiqués, les groupes autonomes, les groupes qui ont des emplois précaires. Il serait intéressant aussi d'écouter des gens qui sont travailleurs à temps partiel, par exemple, afin d'établir des politiques pour l'élaboration des lois qui pourraient souvent toucher ces gens-là.

Donc, M. le Président, moi, je réitère l'invitation de bonne foi – puis l'opposition est de bonne foi ici – pour qu'on clarifie tout simplement l'article 12. Je crois que ce n'est pas trop demander. On ne voudrait pas abuser de nos talents d'orateurs pour réexpliquer et expliquer à nouveau au ministre qu'il n'y a jamais rien de trop clair. Malheureusement, on est souvent accusés comme politiciens de ne pas être clairs. On a la chance de l'être aujourd'hui. On a la chance tout simplement de mettre l'article 12 à la portée des travailleurs et des travailleuses du Québec. On sait que l'article 12 est peut-être à la portée des juristes et des tribunaux, mais, l'important, c'est que nos travailleurs et nos travailleuses, lorsqu'ils prennent un projet de loi ou un texte de loi, puissent le comprendre et qu'ils se reconnaissent dans ce projet de loi là. Et là on laisse à penser que les travailleurs non organisés, qui représentent, comme disait le ministre tantôt, tout près de 60 % de la population des travailleurs et des travailleuses du Québec... Ces gens-là pourraient penser que ce projet de loi là ne les concerne pas.

Donc, je réitère encore, puis je sollicite les députés du parti ministériel, j'aimerais entendre leurs opinions là-dessus... Je réitère tout simplement mon appui à la modification proposée par le député de LaFontaine, en espérant que le ministre puisse corroborer au moins les buts et les objectifs visés par les travailleurs et les travailleuses du Québec, de tous les travailleurs et de toutes les travailleuses du Québec, soit ceux qui sont organisés soit ceux qui ne le sont pas, qu'ils soient cadres ou simples employés ou autres.

Donc, M. le Président, je sollicite le ministre, peut-être, de répondre à mes propos.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député. Il y a le député d'Arthabaska qui a exprimé le voeu de se faire entendre, ainsi que le député de Marguerite-D'Youville.

M. Baril (Arthabaska): Oui, M. le Président, je vous remercie. De prime abord, l'amendement du député de LaFontaine, je dois vous dire qu'il me plaisait. J'étais plutôt favorable, j'ai dit: C'est un bel effort de voir à représenter un groupe de la société qui n'est souvent pas... qui n'est pas représenté. Et je me souviens d'avoir, à plusieurs reprises, défendu ces groupes-là, surtout dans mon coin, il y a beaucoup de manufactures de couture, de vêtements, bon. Et, avec les fameux comités paritaires, imaginez-vous que, ça, ça crée un sérieux problème. Parce que, sur le comité paritaire, je me souviens, pour avoir été bien impliqué pour défendre ces gens-là, le représentant de tous les travailleurs et travailleuses – surtout les travailleuses – non syndiqués, non organisés, comme vous les nommez, c'était un ancien permanent qui travaillait pour le décret – je ne sais pas si c'était de la robe ou pour hommes, parce que vous savez comme il y en a une multitude, de décrets, de vêtements pour hommes, femmes, enfants, jeans, je ne sais plus combien il y en a. Bon. Ça fait que c'est un ancien permanent, qui était à sa retraite, qui représentait les non-syndiqués. Je vais vous dire qu'il ne jasait pas fort, selon les informations que j'avais eues.

Le problème de ces personnes-là, c'est justement de s'organiser et de se déléguer un représentant. C'est pour ça que je dis que l'effort du député de LaFontaine est louable. Mais comment être capable, je ne dirais pas de regrouper, mais comment être capable, pour ces personnes-là, de se déléguer quelqu'un? Moi, je les invitais à envoyer quelqu'un, et tout ça. Bien, ils ne se parlent pas entre eux autres, parce qu'ils ne sont justement pas organisés.

Avec les explications que le ministre m'a fournies, parce que j'ai relu l'article 12, je pense que l'article tel qu'il est stipulé présentement est plus clair que l'amendement que vous voulez apporter. Puis je vous le dis de bonne foi, l'article – je ne veux absolument pas vous blâmer là-dessus, au contraire – je vous le dis, j'y étais favorable au début. Mais là, dans l'article 12, on ne parle pas de syndiqués, puis de non-syndiqués, puis de cadres, on parle des travailleurs en général puis des employeurs, comprenez-vous? Et, si on ajoute...

Admettons qu'on adopterait votre amendement. Selon moi, la loi serait davantage, en tout cas, elle serait plus imprécise que précise parce qu'il faudrait ajouter les syndiqués, organisés et non organisés. Parce que là on parle juste des travailleurs. Il faudrait dire: Les travailleurs syndiqués, les travailleurs non syndiqués, les travailleurs organisés et non organisés. Il faudrait les définir. Remarquez que je n'ai aucune formation en droit, mais on me dit que, dans un règlement ou dans un article de règlement ou de loi, ce qui n'est pas inclus n'est pas exclu. Donc, du fait qu'on ne parle pas de travailleurs organisés puis qu'on ne parle pas de travailleurs syndiqués, automatiquement ces gens-là ne sont pas exclus de la loi présentement.

Donc, je pense, et je le répète, que votre amendement est louable, mais, si on votait pour, je pense qu'il rendrait la loi plus imprécise. La loi serait plus difficile à appliquer, parce qu'il y aurait d'autres groupes qui viendraient possiblement revendiquer puis diraient: Bien, comment ça se fait que vous ne nous avez pas inclus? Comment ça se fait que vous n'avez pas défini notre volonté d'être présents? Tandis que là on laisse toute la possibilité au ministre, on dit: «doit favoriser la participation des représentants des employeurs et des travailleurs». Bien, que tu sois organisé ou pas organisé, que tu sois syndiqué ou pas syndiqué, bien, tu es un travailleur, donc la porte est ouverte.

Et j'espère que le ministre ou les ministres futurs, de n'importe quel gouvernement, profiteront de l'occasion, tel que la loi est stipulée présentement, est écrite présentement, pour dire: On va donner la chance à tout le monde de faire valoir leurs intérêts à l'intérieur de différents comités dans l'élaboration de différentes politiques qui se feront à l'intérieur du ministère du Travail.

Le Président (M. Sirros): M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, j'aimerais souligner que, dans l'amendement, il y a un aspect antinomique qui est assez important, quand on parle de porter «une attention particulière à la participation des porte-parole du monde non organisé du travail. Les porte-parole d'un monde non organisé, il y a un député qui l'a souligné tout à l'heure, c'est difficile à trouver. Et, si on introduit ça dans la loi, alors qu'avoir bien pris soin tout à l'heure d'expliquer pourquoi l'article 12 avait été rédigé comme ça, c'est parce qu'on ne voulait exclure personne, sans tomber dans une sorte d'écriture répétitive. Alors, si on porte une attention particulière au monde non organisé, il va falloir écrire aussi, pour les travailleurs organisés et les employeurs organisés, qu'il y a une disposition qui permet au ministre de leur accorder une attention particulière à eux aussi.

Alors, pour la clarté des choses et pour faire en sorte que le texte soit cohérent, c'est pour ça qu'on a utilisé une rédaction simple mais, cependant, qui couvre tout. Il faut faire attention. Quand on introduit des particularités comme celle-là, bien, la porte est ouverte pour que les cadres se fassent entendre, je veux dire, les femmes vont se faire entendre, tous, les personnes handicapées qui veulent retourner sur le marché du travail, tout le monde va vouloir avoir une attention particulière du ministre dans les cas qui les préoccupent. Là, maintenant, tout le monde est là avec l'écriture de l'article 12. Alors, n'allons pas modifier ça pour la complexifier davantage.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le ministre. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Je pense que les députés de l'opposition ont tous eu la chance d'avoir des commentaires de la part des groupes de chacune de nos régions, qu'on transmet à notre collègue le député de LaFontaine qui est ici responsable de la préparation, de la défense de ce projet de loi, comme critique au nom de l'opposition.

(16 h 50)

M. le ministre vient de nous dire ou tente de nous expliquer – et je pense que c'est louable, l'effort qu'il fait pour nous l'expliquer, et c'est son rôle, justement – que l'article 12 lui apparaît complet dans sa forme actuelle. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas clarifier, s'assurer que certains groupes de travailleurs non organisés de chacune des régions au Québec, et en particulier des secteurs particuliers qu'on retrouve dans les régions, soient convaincus, à la lecture du projet de loi, qu'ils se retrouvent comme groupes, que le ministre est en mesure de les inviter à faire partie de la consultation, justement, et qu'ils pourront se faire entendre et expliquer les problèmes qu'ils vivent, qu'ils ont vécus, pour améliorer les conditions de travail. Il faut s'assurer d'une chose, je pense, c'est que le ministre du Travail est le ministre de tous les travailleurs et travailleuses du Québec.

On a souvent entendu, dans des débats ici, en commission parlementaire, à la rédaction de projets de loi, ou dans des débats sur des projets de loi présentés, que les textes employés sont suffisamment clairs, qu'on ne doit pas ajouter pour ne pas apporter des nuances et que, parfois, plus on en met – on nous le dit souvent – ça devient des imprécisions. Comme le ministre le mentionnait, on pense qu'on retrouve des groupes exclus quand on en ajoute trop. Mais dites-vous une chose – ça, c'est bon pour les juristes, comme mon collègue l'a mentionné – que d'adapter des formules standard où on vient mentionner, comme le projet de loi, l'article 12 le mentionne, et vous avez raison, le ministre doit favoriser la participation des représentants d'employeurs et de travailleurs... C'est très général.

Mais ces gens-là ne sont pas habitués, les groupes non organisés n'ont pas l'habitude d'être sur la liste des gens invités en consultation. Et il y a toujours cette inquiétude-là, à l'occasion d'un projet de loi présenté, celui que le ministre présente aujourd'hui, qui lui donne ces pouvoirs-là, additionnels, il vient clarifier ces pouvoirs-là...

L'intervention de notre collègue de LaFontaine, et de moi-même et des autres députés de l'opposition, est à l'effet de dire: Pourquoi ne pas définir plus clairement que ces groupes-là se retrouvent sur la liste du ministre, que le ministre est susceptible de les inviter en consultation, d'une part? Il y a des secteurs – et on n'entrera pas là-dedans – très particuliers en région – parce que je connais mieux les régions et, vous allez me dire, il y en a sûrement dans les grands centres aussi – et ces secteurs-là aimeraient être capables, en consultation, c'est-à-dire, ces travailleurs-là aimeraient être capables, en consultation, de venir écouter l'argumentation, justement, des groupes organisés et de pouvoir comparer s'il y a des choses qui s'adaptent justement – oui, M. le Président – ...

Le Président (M. Sirros): Je m'excuse.

M. Gauvin: ...qui s'adaptent à leur secteur donné, d'une part. Comme je le mentionnais, je pense que c'est une belle démonstration que le ministre pourrait faire, démontrer qu'il est le ministre de tous les travailleurs et travailleuses au Québec, et même ceux qui n'ont pas l'habitude d'être consultés, dans ce cas-là, ils pourraient l'être.

M. le ministre mentionne – je pense qu'il l'a fait à deux reprises – que l'article 12 lui apparaît complet et couvre tout le monde. Et je reviens là-dessus. C'est évident pour ceux et celles qui ont l'habitude de rédiger les projets de loi, qui les comparent à d'autres projets de loi qui ont servi les citoyens dans le passé... On a souvent eu des problèmes d'interprétation. Pour un certain nombre de la population, ils doivent carrément aller vérifier auprès des juristes. Mais là on vous parle des travailleurs, des groupes non organisés, et ça peut être des individus, qui pourraient, à la lecture du projet de loi, déjà, facilement reconnaître qu'ils sont concernés par l'article 12.

Je pense, M. le ministre, que vous avez toutes les raisons de porter une attention à l'amendement qui est présenté aujourd'hui et de faire la démonstration, justement, de cette ouverture, parce que, et je me répète, il y a certains groupes de travailleurs qui ont l'impression que la consultation, pour le ministre du Travail, le gouvernement du Québec et d'autres secteurs, c'est uniquement pour les groupes de travailleurs organisés. Ça, c'est une réaction naturelle. Parce que, ces gens-là, ils sont structurés, ils sont habitués d'aller faire de la revendication, des groupes de pressions, d'une part, et ils montent des dossiers, ils sont en mesure de les défendre.

Donc, l'amendement vient préciser que le ministre doit apporter une attention particulière à ces groupes-là, tout comme vous le mentionnez dans l'article 12 tel qu'on le connaît. Ça peut apparaître une répétition, comme vous l'avez mentionné, d'une part, ou ça peut apporter une nuance qui pourrait inquiéter justement, à l'interprétation et à la lecture. Probablement que notre collègue de LaFontaine serait en mesure d'accepter certaines expressions différentes, à l'occasion, et je ne l'ai pas consulté. Mais je dis: À condition que, je pense, le projet de loi vienne couvrir ce qu'il voudrait couvrir, sécuriser ces groupes de travailleurs. Et, M. le ministre, croyez-moi, je pense qu'on aurait tous, comme parlementaires, à y gagner si on avait la chance de préciser ces choses-là davantage. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Oui, très brièvement. Mes propos iront un peu dans le sens de ceux de mon collègue d'Arthabaska. Sur le principe, sur le fond de l'amendement, moi, je suis entièrement d'accord avec le besoin de faire un effort, surtout dans un contexte où on s'achemine de plus en plus vers du travail autonome.

Mais la question que je me pose, c'est au niveau de l'application. Je vous dis bien sincèrement comment je le pense, c'est qu'il y a le principe qu'on peut énoncer, qui ne s'appliquerait pas seulement à ce projet de loi ci, à d'autres projets de loi également, mais on serait en train d'introduire dans des projets de loi, dont celui-ci, par le biais de l'amendement, un principe dont on connaît mal l'application, dont on ne connaît pas du tout la manière de l'appliquer.

Ce qui me rend un peu hésitant à l'insérer à ce moment-ci, de la façon dont vous le proposez, c'est un peu la façon dont sont constitués les conseils d'administration des CRD, des conseils régionaux de développement. Vous avez des gens qui sont élus par collège électoral, donc qui représentent en quelque sorte certains secteurs, et puis il y a une catégorie «autres». Mais les autres, qui correspondent à peu près à tous les travailleurs non syndiqués, les autres, au fond, dans les délibérations de ces conseils-là, ne représentent qu'eux-mêmes. Et ce qui me rend hésitant également, c'est qu'au niveau de l'application du principe vous avez autant de gens qui se représentent eux-mêmes, puisqu'ils sont tous autonomes les uns par rapport aux autres. Alors, sur quelle base irait-on sélectionner ou consulterait-on davantage certains par rapport aux autres et jusqu'à quel point cette consultation-là serait représentative de l'ensemble des travailleurs?

Alors, c'est l'hésitation, moi, que j'ai par rapport à cet amendement-là. J'aurais vu davantage l'introduction d'un amendement comme celui-ci après avoir fait une réflexion sur les mécanismes d'application, aussi bien au niveau des consultations que de la rétroaction de ces groupes-là.

Le Président (M. Sirros): Il y avait aussi le député de Roberval qui m'avait demandé la parole.

M. Laprise: Oui. Moi, c'est un peu dans le même sens, et je me dis, quand on parle des employeurs et des travailleurs, je pense qu'il n'y a pas d'exclusion dans ces phrases-là. On pourrait peut-être ajouter des choses, mais, d'après moi, ça ouvre la porte à tout le monde. Et vous savez que, si les conventions collectives sont devenues aussi sophistiquées, c'est qu'on a voulu écrire dans les conventions collectives tout ce qui pouvait se passer. Alors, on est rendu avec des catalogues qui ne sont pas applicables parce qu'on a essayé de tout prévoir et qu'on n'a pas tout prévu. On est mieux de se garder une marge, faire ça général afin d'avoir de la souplesse, qui permet de la souplesse, tandis que, quand on essaie de tout prévoir dans les plus petits détails, j'ai l'impression que c'est là qu'on se met des enfarges, qu'on se met des blocages dans l'application des conventions collectives.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député. M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier: M. le Président, moi, je me questionne sur la volonté de clarté du texte que l'opposition soulève depuis déjà un bon bout de temps. Je me questionne sur leurs intentions, leurs raisons réelles en arrière de toute la démarche. Dans le moment, depuis le temps que vous êtes sur cette proposition de changer le texte, je me demande si vous ne cherchez pas tout simplement à retarder l'adoption de ce projet-là.

Je termine. M. le député de LaFontaine, la semaine passée, on avait un texte superbement clair sur l'avenir du Québec, bien plus clair que ce que vous essayez de faire aujourd'hui, et vous avez voté contre. Donc, là, toute votre démarche pour essayer d'amender un texte clair, j'en prends et j'en laisse.

(17 heures)

Le Président (M. Sirros): Avec cette expression, il y a aussi le député de Shefford qui, je pense, veut revenir.

M. Brodeur: Oui. Merci, M. le Président. J'ai écouté tout le monde attentivement. On arrive presque à l'unanimité, on a le même but. Vous nous avez écouté, M. le Président, les deux côtés de la table, ici. On vise exactement la même chose. On a écouté le ministre, qui nous a dit que le but ultime, c'est que tout le monde soit représenté, justement, dans l'élaboration de ces politiques-là. Le député d'Arthabaska et le député de Marguerite-D'Youville, le député de Roberval, le député de Montmagny-L'Islet, le député de LaFontaine et moi-même, on a tous répété la même chose. Et, M. le Président, je pense que la plupart d'entre nous, plusieurs d'entre nous ont déjà siégé sur des conseils d'administration soit communautaires soit d'affaires. Et, si nos discussions avaient été dirigées de cette façon lorsqu'on avait l'unanimité, on ne serait jamais arrivé nulle part. Ça n'a pas de bon sens.

Donc, des deux côtés, je pense qu'il n'y a personne qui peut dire qu'on n'est pas de bonne foi, presque personne. Moi, je pense qu'à la lumière des conversations qu'on a présentement – en tout cas, c'est une suggestion, et je vais laisser la parole au député de LaFontaine après – étant donné qu'on a tous le même objectif, on a tous le même but, pourquoi, si le gouvernement, le parti ministériel ne veut pas accepter cet amendement-là, on ne s'assoirait pas cinq minutes, on ne suspendrait pas et on regarderait ce qu'on peut faire, un article qui conviendrait à tout le monde, parce qu'on a le même but.

On n'est pas ici pour faire un «filibuster» ou étirer le temps; ce n'est pas mon intention, ce n'est pas l'intention du député de LaFontaine, ce n'est pas l'intention de l'opposition. C'est d'avoir le projet de loi le plus clair possible, un projet de loi qui va satisfaire tous les travailleurs et travailleuses du Québec, organisés, pas organisés, employeurs, travailleurs, femmes, hommes, etc.; et c'est le but, des deux côtés de cette Assemblée-là.

Donc, je pense, en tout cas – je ne sais pas si je peux suggérer ça, suggérer au ministre peut-être qu'il le propose, qu'on s'assoie vraiment dans un forum, hors les micros – qu'on pourrait s'entendre sur cet amendement-là, plutôt que de dire, à tour de rôle, tout le monde, pendant 15, 20 minutes, qu'on a tous le même objectif, qu'on a tous le même but, qu'on veut tous que l'article soit le plus clair possible. Mais c'est certain qu'on peut faire ça dans le cadre parlementaire, toute la journée, toute la semaine, toute l'année, sauf qu'on peut s'entendre plus rapidement que ça. Et je pense que ça serait le gros bon sens, peut-être, de fermer les micros, de suspendre quelques instants – en tout cas, je propose ça au ministre, peut-être qu'il pourrait le proposer lui-même – et on regarderait un article qui pourrait satisfaire tout le monde.

Le Président (M. Sirros): Est-ce que c'est une proposition que vous faites au ministre ou à la commission, formellement? Vous faites une motion de suspension?

M. Brodeur: Oui, oui, je fais la proposition de suspension, formellement.

Le Président (M. Sirros): Des travaux de la commission.

M. Brodeur: Je pense qu'on pourrait juste suspendre pour quelques minutes, peut-être, pour discuter avec le ministre...

Le Président (M. Sirros): C'est une suggestion que vous avez faite au ministre...

M. Brodeur: C'est une suggestion...

Le Président (M. Sirros): ...et non pas une motion. D'accord.

M. Brodeur: Disons que je fais la suggestion au ministre. Je ne sais pas ce qu'il en pense.

Le Président (M. Sirros): Alors, si vous avez terminé. On pourrait...

M. Brodeur: Oui, j'ai terminé.

Le Président (M. Sirros): ...demander au ministre de répliquer ou de répondre.

M. Rioux: M. le Président, je répète que l'article 12 est clair, limpide. Et ce qu'a voulu introduire le député de LaFontaine, malgré toute la bonne foi, c'est des éléments antinomiques et redondants. Je n'ai pas le droit de laisser passer ça. Il faut ramener les choses à la cohérence et faire en sorte que les articles de loi soient des articles clairs et faciles à interpréter, comme le disait le député de Shefford tout à l'heure. On n'a pas à suspendre les travaux. On n'a pas à redéfinir ou à réécrire l'article 12, il est clair. Il n'y a personne d'exclu dans l'article 12; les syndiqués, les non-syndiqués, le personnel-cadre, il n'y en a pas, de problème. Et, si on introduit l'élément que le ministre attache une importance particulière à un groupe, il va falloir qu'on rédige un article où j'accorde une attention particulière à tous les groupes. Alors, on en arrive à quoi? Ça devient un article qui n'est plus négociable, plus interprétable et qui ne rend service à peu près à personne.

J'ai même dit, tout à l'heure, M. le Président, pensant que le député de LaFontaine pouvait se rallier à ça, j'ai dit: Dans mon esprit, quand je veux faire participer les travailleurs et les employeurs à l'élaboration des lois, à l'élaboration de la législation et des politiques du gouvernement, il n'y a pas seulement le Conseil consultatif du travail et la main-d'oeuvre. Si je décide un jour qu'on modifie la Loi sur les normes du travail, qui rejoint les travailleurs non organisés, comme le disait le député tout à l'heure, on ne mobilisera pas l'ensemble des structures syndicales et patronales qui sont régies par des conventions collectives, on va s'organiser pour rejoindre les gens qui sont capables de nous aider à réfléchir pour améliorer la Loi sur les normes du travail. Donc, il n'y a rien d'exclu. Je ne sais pas pourquoi le député de LaFontaine veut torturer des textes déjà limpides et clairs. Donc, à la proposition du député de Shefford, moi, je dis: Bien non, on en a un, article, votons sur l'amendement et disposons de la proposition principale.

Le Président (M. Sirros): Alors, M. le député, je pense que votre temps de parole est complètement épuisé. Question de...

M. Gobé: Directive.

Le Président (M. Sirros): De directive, oui.

M. Gobé: M. le Président, faisant suite à ce qui a été amené par le député de Shefford, qui suggérait à M. le ministre une courte suspension afin que nous puissions discuter de tout ça, étant donné que le ministre ne semble pas encore avoir décidé de faire ça, je suggérerais, en vertu de l'article 135, une suspension. Je ferais motion, en vertu de l'article 135 de notre règlement...

Le Président (M. Sirros): Vous ne pouvez pas...

M. Gobé: ...pour une suspension des travaux afin que nous puissions revenir...

Le Président (M. Sirros): M. le député, je dois vous interrompre. Vous ne pouvez pas, en vertu du règlement, faire cette proposition-là, étant donné que votre temps de parole est déjà écoulé. Alors, je ne sais pas si la commission est prête à passer à la considération de l'amendement. Mais vous ne pouvez pas faire cette motion-là en vertu du règlement...

M. Gobé: Je la ferai après.

Le Président (M. Sirros): ...étant donné que vous n'avez pas de droit de parole. Alors, je suis dans l'obligation de demander s'il y a d'autres intervenants qui veulent parler ou de soumettre l'amendement...

M. Rioux: M. le Président, je voudrais juste avoir...

Le Président (M. Sirros): M. le ministre.

M. Rioux: Question de clarification de votre part. Si les députés libéraux veulent se consulter entre eux sur l'attitude qu'ils doivent avoir vis-à-vis de l'amendement ou de l'article 12, moi, je n'ai pas d'objection à ce qu'ils se consultent, je n'ai pas de problème avec ça. Vous pouvez vous parler entre vous cinq à 10 minutes, puis on reviendra. Moi, je suis d'accord avec eux pour qu'ils se consultent.

Le Président (M. Sirros): En suspendant les travaux? C'est ce que vous proposez?

M. Rioux: Ah oui! s'ils ont... Mais de là à s'asseoir pour rédiger un nouvel article, ça, c'est autre chose, il n'en est pas question.

Le Président (M. Sirros): Bien, là, j'aimerais qu'on se comprenne. Est-ce que, M. le ministre, vous suggérez qu'on suspende les travaux cinq minutes?

M. Rioux: Cinq minutes, parce que les libéraux veulent se parler.

Le Président (M. Sirros): Alors, je suspends les travaux de la commission pendant cinq minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 8)

(Reprise à 17 h 21)

Le Président (M. Beaulne): Alors, nous recommençons nos travaux. Et je céderais la parole au député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, merci, M. le Président. Alors, je tiens à remercier le ministre de nous avoir accordé quelques minutes pour nous rencontrer et discuter. Mais, suite aux discussions que nous avons eues avec les collègues et membres de cette commission, malheureusement, nous considérons qu'il est très important pour nous qu'il soit précisé dans ce projet de loi la participation ou l'attention du ministre vis-à-vis des différents groupes qui ont fait certaines recommandations, le CANO, entre autres, et le Front de défense des non-syndiqué-e-s. Alors, nous pensons importante cette discussion-là. Alors, nos autres collègues auront peut-être encore à essayer de convaincre le ministre et d'influencer les autres collègues sur le bien-fondé de la demande de ces groupes. D'aucune façon il n'est question que nous retardions indûment le travail, et, pour nous, c'est important.

Une voix: M. le Président, question de règlement...

Le Président (M. Beaulne): M. le député, M. le ministre a demandé la parole. Alors, allez-y, M. le ministre.

M. Rioux: Oui, moi, j'aimerais dire à nos collègues députés libéraux que ce qui m'a guidé dans ma réflexion en rédigeant l'article 12... C'est un article qu'on a soupesé, hein, je vous prie de me croire, parce que je savais qu'il y aurait des gens qui auraient tendance à me reprocher d'oublier les travailleurs et les employeurs dans l'élaboration de nos législations et l'élaboration de nos politiques. Moi, j'ai toujours pensé que c'était normal. Je suis un adepte de la concertation, de la participation et du partenariat. C'est un peu l'histoire de ma vie. Je me suis inspiré, bien sûr, d'une directive du premier ministre du Québec, qui, lorsque j'ai été nommé ministre, a bien pris soin de me dire: Dans tes responsabilités, il faut favoriser la participation des représentants des employeurs et des travailleurs. O.K.?

Deuxièmement, celui qui m'a le plus influencé, c'est le ministre Marcil. Il était ministre de l'Emploi dans le gouvernement précédent. Et M. Marcil avait mis dans sa loi sur l'emploi, à l'article 14... Il voulait favoriser la participation des représentants des employeurs et des travailleurs à l'élaboration des politiques et mesures relatives à l'emploi, à la main-d'oeuvre, à la formation, à la qualification, etc. Donc, ce qu'on a fait, nous autres, c'est qu'on a pris un des alinéas, un des paragraphes de l'article du projet de loi de M. Marcil et on a décidé d'en faire un article en soi, dans la loi créant le ministère, parce que, moi, j'ai trouvé là des éléments qui faisaient parfaitement mon affaire. On a pris l'article, l'alinéa 5 du projet de loi du ministre Marcil et, nous, on a décidé d'en faire l'article 12. Et on pense couvrir et réalistement, là...

J'espère qu'on va se comprendre une fois pour toutes. On couvre tout, avec cette rédaction-là: syndiqués, non-syndiqués, travailleurs à pourboire, domestiques, tout le monde est couvert, et les travailleurs et les employeurs non organisés sont intégrés parfaitement à cet article, tant et si bien... C'est un article de portée générale où tout le monde est concerné. Alors, moi, je ne voudrais pas être en contradiction non plus avec un ancien ministre libéral qui m'a énormément influencé dans ma démarche.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier: Oui, M. le Président, c'est tout à fait normal que l'opposition puisse déposer des amendements, qu'elle veuille expliquer ses amendements et les débattre, mais, dans le cas précis, sur un article assez clair, je pense que ça fait au moins deux heures... On a eu deux heures de débat sur cet amendement-là. À ce moment-ci, est-ce qu'en vertu des règlements je pourrais demander le vote sur l'amendement?

Le Président (M. Beaulne): M. le député, en fonction de nos règlements, les membres de la commission peuvent s'exprimer sur la motion d'amendement pour une période de 20 minutes chacun. Le député de LaFontaine a épuisé son temps de parole sur cet amendement. Par contre, les autres députés ont encore du temps de parole. Je dois me conformer à nos règlements, alors je céderais la parole au prochain intervenant sur la motion d'amendement. M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. On a eu l'occasion de discuter durant quelques minutes, de l'autre côté, avec les collègues de ce côté-ci de la Chambre. Il faut bien dire, puis je pense que le ministre doit le reconnaître, qu'on a un rôle, dans l'opposition, et qu'on doit remplir ce rôle-là. Si le député de LaFontaine a déposé cet amendement-là, c'est parce qu'il y a des groupes de la société qui ont fait état que l'article 12, en tous cas, posait problème ou posait question. Le député de LaFontaine, qui est porte-parole en matière de travail pour l'opposition, pense la même chose. Il a convaincu aussi les députés de l'opposition de la justesse de ses propos. Même, tantôt, j'écoutais certains députés ministériels et j'ai même entendu le député de Marguerite-D'Youville – justement vous, M. le Président – qui se disait hésitant, de la façon dont c'est proposé. Donc, on montre une certaine ouverture. Le député d'Arthabaska a dit la même chose. Donc, je pense qu'on fait tout simplement notre travail de représenter ces gens-là.

Et puis l'article 12 est justement questionnable, à ce sujet-là, lorsqu'on pense que 60 % des travailleurs et des travailleuses du Québec ne font pas partie d'un groupe organisé. Je pense que, même si le ministre ne veut pas accepter l'amendement du député de LaFontaine – là, je ne l'ai pas consulté là-dessus – il y aurait sûrement un aménagement possible à cet article-là qui pourrait satisfaire autant le ministre, autant les députés ministériels, autant le gouvernement...

Une voix: ...

M. Brodeur: ...complètement le gouvernement, autant l'opposition et autant ces groupes-là. Parce que, en fin de compte, c'est basé sur de la correspondance que nous avons reçue et qui, on doit le dire, porte sur des faits et des éléments relatifs à l'article 12, qui se tiennent. Donc, on comprend ces gens-là et on doit se faire porte-parole de ces gens-là pour soulever ce point-là. C'est pour ça que le but ultime de l'intervention sur l'article 12, c'est d'arriver à un libellé.

Même, de la façon dont nous l'explique le ministre, on trouve l'explication satisfaisante sur le but visé. Mais, nous, lorsqu'on lit l'article, et pas seulement nous, ces groupes-là, les correspondances qu'on a reçues, et, d'ailleurs, le député de LaFontaine nous en a exhibé copie tantôt... Ce qu'on veut tout simplement, là, c'est être non pas rassurés, mais avoir la certitude, la certitude complète que les groupes non organisés feront partie de l'élaboration de ces politiques-là ou, du moins, que leurs idées feront partie de l'ensemble des idées qui auront été déposées pour l'élaboration des politiques. Donc, je ne veux pas m'étendre plus amplement là-dessus et laisser la parole peut-être à d'autres députés pour qu'ils s'expriment là-dessus.

(17 h 30)

Mais c'est tout simplement le but qu'on a ici, dans l'opposition, d'avoir un article qui est clair, qui répond aux objectifs, qui répond au but visé, c'est-à-dire que nos projets de loi, que nous légiférons pour l'ensemble de la population du Québec et, dans ce cas-ci, l'ensemble des travailleurs et travailleuses, les employeurs, organisés ou pas. Donc, c'est le but de mon intervention puis c'est le but de la modification demandée par le député de LaFontaine.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, juste pour une question d'éclaircissement. Ça fait une couple de fois qu'on mentionne que le député d'Arthabaska est favorable à la motion. Le député d'Arthabaska n'a pas dit qu'il était favorable. J'ai dit que l'effort était louable de la part du député de LaFontaine de présenter un... Ah! il y a une différence. J'ai dit que l'effort était louable d'inscrire ou de vouloir définir un groupe de travailleurs, mais je veux quand même expliquer les...

Une voix: ...

M. Baril (Arthabaska): Non, je veux quand même expliquer pourquoi, parce que tous ceux et celles qui vont se donner la peine de relire nos débats vont dire: Comment ça se fait que le député d'Arthabaska était favorable et qu'il a voté contre? Ça fait que c'est juste pour dire qu'entre favorable et louable... C'est une chose bien différente.

Et, je le répète, parce que le député d'Argenteuil va probablement parler et je veux simplement le lui rappeler – parce que, tout à l'heure il était sans doute occupé à d'autres travaux dans d'autres commissions – que l'article, tel qu'il est stipulé actuellement dans le projet de loi, on le dit bien, n'exclut personne. On parle des travailleurs et des employeurs, tout le monde est inclus là-dedans. Que tu sois syndiqué ou non, tu es un travailleur, tu es une travailleuse, et, en droit – je le répète, en droit – ce qui n'est pas inclus n'est pas exclu.

Donc, il n'y a rien d'inclus là, il n'y a pas de définition, il n'y pas a de syndiqués, non-syndiqués, organisés, pas organisés, c'est tous les travailleurs. Ça fait que toute personne qui se considère comme un travailleur, normalement, aura le droit... Si le ministre oublie de les consulter ou de les appeler pour référence sur l'élaboration d'une politique, ils pourront dire: Aïe! Aïe! nous autres, on a le droit d'être là et puis on n'est pas là. Tandis qu'avec votre amendement vous allez forcer les gens à être exclus, parce que le ministre pourra s'asseoir et dire: Ah! c'est marqué juste les travailleurs non organisés, donc, les travailleurs syndiqués, vous n'êtes pas là, ce n'est pas marqué «travailleurs syndiqués».

Donc, tu crées des problèmes, tu rends la loi imprécise, au lieu de vouloir la préciser davantage. C'était juste ça, M. le Président, que je voulais clarifier. Et il me semble que c'est facile à comprendre, tel que l'article est écrit présentement. Je vois l'heure passer, là, ça fait que ça ne donne rien de parler chacun 20 minutes là-dessus, je pense que les positions sont claires. Et, aussitôt que les gens auront fini de parler, parce que je ne veux pas brimer le droit de personne, moi, je vais être prêt à voter.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le ministre, vous aviez demandé la parole.

M. Rioux: Oui. L'article 12, si vous regardez bien ce qui a été fait dans le passé, va plus loin que le texte de 1994 de M. Marcil, en ce qu'il transforme en devoir ce qui était, en 1994, un pouvoir de favoriser: «pouvait» favoriser les choses, alors que, là, c'est «doit» le faire. Et, quand le député de Shefford disait tout à l'heure: Il faudrait que ce soit un engagement solennel, y a-t-il quelque chose de plus solennel qu'une loi? Entre nous autres, là, y a-t-il quelque chose de plus solennel, comme engagement, que des dispositions d'une loi? Alors, on a transformé ça, donc, en devoir. Ce n'est pas rien.

On extensionne également les questions susceptibles de faire l'objet de consultations à toutes les politiques, à toutes les mesures – attention, hein, à toutes les mesures – concernant les employeurs et les travailleurs, dans les domaines de compétence du ministre du Travail. En 1994, on était plus limitatif, on parlait de gestion des ressources humaines, on parlait de relations de travail, on parlait de santé et sécurité, bon, etc. Alors, ce qu'on a voulu faire, je l'ai peut-être dit trop rapidement au départ et le député de LaFontaine a mal saisi le sens de ma réflexion... J'ai dit: L'article 12, c'est un article d'ouverture, et c'est de même qu'on doit l'accueillir et c'est de même que j'aimerais qu'on le vote.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Oui, M. le Président, je vais reprendre avec, justement, les derniers mots de M. le ministre. L'article 12 est un article d'ouverture. M. le ministre nous le présente comme ça. Puisqu'il est un article d'ouverture, le député de LaFontaine a cru bon, pour répondre à l'inquiétude, aux commentaires de ses collègues, à l'information reçue par certains groupes, de tenter par un amendement – je dis bien tenter, c'est ce qu'on est en train de faire – d'encadrer le pouvoir, le «doit» du ministre, de l'encadrer, le «doit», «le ministre doit favoriser». Et, si le ministre veut créer l'ouverture nécessaire, je pense que nous serons en mesure de faire une belle démonstration que le ministre, le ministre du Travail, est le ministre qui est à la défense de tous les travailleurs et travailleuses du Québec.

Et je m'explique. Mon collègue l'a mentionné, au-delà de 60 % ou environ 60 % des travailleurs ne sont pas des travailleurs syndiqués, soit organisés. Donc, dans le texte de l'article 12, si – c'était pour ça, tantôt, la proposition de suspendre et de permettre au ministre d'échanger avec ses collègues et avec le porte-parole de l'opposition officielle – dans le texte de l'amendement présenté, M. le ministre, vous croyez que ça peut dénaturer, si, en ajoutant trop de précision, automatiquement – je pense que c'est ce que vous avez mentionné – on risque de trop nuancer le projet de loi, essayons de travailler sur l'expression «de l'employeur et des travailleurs». Et je sais que vos conseillers pourraient être en mesure de vous aider à définir travailleurs organisés ou non organisés, ou d'autres expressions qui sont compatibles avec un texte de loi, et le proposer à notre collègue. Et c'est évident que probablement que ça répondrait, comme vos conseillers vous le disent, mieux au texte de loi normalement utilisé dans des circonstances semblables.

Et je vous permets d'y réfléchir pour revenir à un autre point d'inquiétude que nous avons et que nous sommes en droit d'avoir. Parce que le ministre dit lui-même que cette obligation pourrait être assumée par la consultation du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

M. Rioux: Notamment.

M. Gauvin: Oui, notamment. Quand on revient avec ça, on se retrouve dans la coutume où c'est des groupes de travailleurs organisés qui sont invités par le Conseil consultatif parce que, comme je le mentionnais tantôt, ces gens-là sont structurés. Ils ont l'habitude de défendre les dossiers des travailleurs parce que ça devient leur travail, leur mandat. Et ces gens-là vont normalement plus loin; c'est eux autres qui placent des commandes au ministère du Travail et aux gouvernements respectifs.

Là, nous parlons des groupes non organisés qui se questionnent: Où est notre rôle? À quel endroit, nous, on va pouvoir participer? À quel moment serons-nous invités? Vous nous dites: L'article 12 est très clair, il couvre tout le monde. Il couvre tout le monde à la lecture du projet de loi par ceux et celles qui ont l'habitude d'en faire l'analyse et de définir, justement, les projets de loi. De quelle façon doit-on décoder ou doit-on lire un projet de loi et retrouver ce que voulait dire le législateur? Ce n'est pas nécessairement vrai pour tout le monde.

Donc, M. le ministre, je reviens. Je sais très bien que vous êtes en mesure de définir à votre façon l'expression «travailleurs» qu'on retrouve dans l'article 12. Donc, si vous ajoutez ce qui serait souhaitable pour définir justement le terme «travailleurs» et que ces gens-là, les gens non organisés, toujours le 60 % de la population des travailleurs et des travailleuses du Québec qui ne sont pas structurés, se retrouvent facilement dans le projet de loi et dans l'obligation du ministre de favoriser, d'avoir la participation de représentants, je pense que ça pourrait être relativement facile, pour ce qui dépend de notre collègue, d'une part.

(17 h 40)

Mais il faut toujours se rappeler que, dans le passé... Ici, on s'exprime au nom d'un certain nombre de Québécois et de Québécoises qui, dans le passé, ont eu de la misère à se faire entendre dans des circonstances qui pouvaient être semblables ou à peu près semblables ou identiques, d'une part, que ce soit au ministère du Travail ou, dans d'autres circonstances, que ce soit au niveau des groupes organisés, dans le commerce, dans l'industrie, au niveau de l'employeur. On peut vraiment sortir de ce secteur-là et amener des exemples qui ne sont pas couverts par des codes ou des choses comme ça, à cause, justement, que la réglementation n'était pas précise. Pourquoi on met le temps nécessaire pour amener la commission à vraiment... C'est au nom de ces travailleurs-là, de ces groupes de travailleurs là ou de ces individus-là.

M. le ministre, je me garde quelques minutes pour pouvoir revenir, au cas où vous auriez la chance de nous faire une proposition sur la définition de «travailleurs» dans l'article 12 et que je doive apporter à nouveau ma participation. Donc, M. le Président, pour le moment, je suis convaincu que le ministre va prendre quelques minutes pour réfléchir pendant que d'autres parlementaires auront peut-être la chance d'ajouter à ce que les députés de l'opposition ici ont présenté comme argumentation pour clarifier cet article-là et passer à d'autres articles.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, j'aimerais savoir du porte-parole, le député de LaFontaine, le nombre d'organismes, la liste des organismes qui font des pressions sur lui pour inclure dans l'article 12 son amendement.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Rioux: Est-ce qu'on peut les déposer?

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, nos règlements prévoient que, dans une commission parlementaire, les députés ne sont pas obligés de déposer des documents, mais le président peut inviter les députés à le faire, s'il juge que ça peut éclairer le débat. Alors, sous les réserves que je viens d'indiquer, si les députés qui ont reçu de la documentation écrite – puisqu'il s'agit de déposer des lettres ou quoi que ce soit – souhaitent le faire, eh bien, je les inviterais à le faire. Ça pourrait peut-être éclairer la réflexion des autres députés du gouvernement, puisqu'il semblerait que les autres n'ont pas reçu de représentations à cet effet.

M. Pelletier: On aimerait ça, voir la pile, oui.

Le Président (M. Beaulne): Comme je vous l'ai dit, le président ne peut pas obliger un député, qu'il soit ministériel ou de l'opposition, à déposer quelque document que ce soit, mais je peux inviter les députés qui ont reçu des représentations et qui jugent que ces représentations pourraient convaincre un peu plus les députés ministériels d'aller dans le sens de leur argumentation, s'ils le souhaitent, à bien vouloir le faire.

M. Gobé: Alors, M. le Président, je crois comprendre que c'est là une invitation à répondre à la question du ministre. Le ministre, d'ailleurs, l'a très bien déclaré en Chambre, en réponse, à une période de questions il y a une semaine ou deux. Il disait que le député de LaFontaine était renseigné, qu'il parlait à des groupes. Oui, en effet, le député de LaFontaine parle à des groupes et ses collègues reçoivent des représentations de groupes. Probablement que, si le ministre regardait son courrier, il verrait aussi, dans les piles de lettres qu'il reçoit non seulement des gens de la CSST, mais des groupes, des recommandations ou des interrogations quant à certains projets de loi. Le député de LaFontaine parle aussi beaucoup par téléphone avec les gens et en rencontre quelques-uns.

Alors, je n'ai pas l'intention de commencer à faire une liste exhaustive auprès du ministre des gens avec qui je parle. Je pense qu'il peut très bien avoir à son ministère ou à son cabinet copie des lettres qui lui sont envoyées, aussi bien à Montréal, à la tour de la Bourse – on me dit qu'actuellement il en reçoit à peu près 200 par jour – qu'à son cabinet, ici, à Québec.

Alors, oui, sur tous les projets de loi qui sont présentés par le ministre, j'ai des consultations et des discussions avec différents groupes. Et ceux que je n'ai pas, les groupes se chargent – je ne les connais pas tous et il y en a un certain nombre – de m'écrire et ils me... Je souhaite que ces discussions que j'ai avec ces groupes restent discrètes parce que ces groupes-là le font dans un climat de confiance avec le député de LaFontaine. Et, lorsqu'ils m'autorisent à mentionner leur nom sur certains projets de loi, comme ça va venir, il me fait plaisir de le faire. En attendant, je peux assurer le ministre qu'en effet j'ai des représentations de groupes en ce qui concerne les projets de loi, et leurs représentations en particulier sur le fait qu'on tienne compte de leur existence dans les législations.

Alors, c'est tout à fait le cas à l'article 12, et c'est pour ça que j'amène cela. Et je peux assurer le ministre que, si je n'avais pas vu d'intérêt pour ces groupes-là à amener cet amendement, je ne l'aurais pas amené, parce que ce n'est pas un projet de loi qui, à part quelques changements, serait un projet de loi pour faire un «filibuster», comme on dit. On n'est pas dans cette période-là non plus. C'est une question de principe, mon collègue l'a bien mentionné, mon collègue de Montmagny-L'Islet. Les travailleurs ont été, par le passé, trop souvent ignorés parce que non organisés...

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine, je vous rappellerai que votre temps de parole est épuisé.

M. Gobé: Je m'excuse. C'est vrai. Excusez-moi, d'accord. Correct. J'ai terminé.

Le Président (M. Beaulne): Par souci de contribuer positivement...

M. Gobé: Oui, oui.

Le Président (M. Beaulne): ...à nos travaux, je vous ai donné le droit de parole en réponse à une question du ministre. M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier: M. le Président, il est 17 h 45. L'amendement qu'a déposé cet avant-midi le député de LaFontaine – on a changé de demi-journée depuis ce temps-là – concernant les travailleurs non organisés... L'amendement visait les travailleurs non organisés. Lorsqu'on lui demande de nous donner une liste ou de la correspondance des représentations dont il nous parle à toutes les dix minutes, il ne peut en citer aucun, il ne peut déposer aucune correspondance.

Tantôt, je vous ai dit que, pour des raisons que je ne connaissais pas, il jouait au jeu du «filibuster» et je ne peux pas comprendre la raison profonde de son geste. C'est évident que le député de LaFontaine veut avoir un amendement pour un amendement. L'opposition est même rendue à demander au ministre... Bien, on n'est pas trop précis sur le texte de l'amendement, ils demandent au ministre de proposer un texte d'amendement. C'est assez bizarre. On veut un amendement, puis on demande même au ministre de proposer un texte d'amendement. Donc, tu sais, c'est aller pas mal loin dans une démarche pour retarder un projet de loi qui, somme toute, est tout à fait simple.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. M. le député de Montmagny-L'Islet, votre collègue le député de Shefford avait demandé la parole.

M. Brodeur: Je peux lui céder ma place...

M. Gauvin: Non, non. Je veux juste intervenir... La proposition que j'ai faite au ministre, c'est une proposition d'ouverture. Tout simplement, je l'ai invité à profiter de ses conseillers pour échanger avec notre collègue de LaFontaine pour adapter probablement – c'était son souhait – l'amendement à un texte qui serait plus convenable pour le ministère du Travail. Il faut rétablir ces faits-là. Nous, nous ne sommes pas à court d'imagination. Mais, étant donné que le ministre travaille avec des conseillers dans le secteur du travail, probablement qu'il a des moyens que nous n'avons pas.

Le Président (M. Beaulne): Vos préoccupations sont bien notées. Alors, M. le député de Shefford, voulez-vous maintenir votre...

M. Brodeur: Oui, brièvement.

Le Président (M. Beaulne): En vous rappelant qu'il vous reste trois minutes d'intervention sur l'amendement.

M. Brodeur: Oui. Juste pour prendre une partie de ces trois minutes-là, M. le Président, tout simplement pour rappeler au ministre – je l'ai dit, puis je l'ai répété à plusieurs reprises, tantôt – qu'un projet de loi doit être clair, nous donner des informations certaines, éloigner l'arbitraire, peut-être, à l'occasion, du pouvoir judiciaire. Parce que ce qu'on a de particulier, ici, au Québec, contrairement aux autres provinces canadiennes et au États-Unis, on a un régime de droit civil. Le régime de droit civil est basé justement sur les lois. Ces lois-là doivent être claires et faire en sorte qu'on ne laisse pas trop d'interprétation aux tribunaux. Parce que, si la population élit des députés et fait et défait les gouvernements, c'est pour que nous puissions faire des lois pour eux et non pas laisser libre interprétation aux tribunaux, ce qui ferait en sorte qu'on pourrait peut-être, à un moment donné, sur cet article-là, dériver de l'objectif visé des deux côtés de cette Chambre.

Donc, c'est tout simplement un éclaircissement qui va faire en sorte qu'on ne laisse pas libre cours à un juge, à un moment donné, d'interpréter cet article-là d'une autre façon. C'est tout simplement pour ça qu'on a déposé cet amendement-là. On serait peut-être aussi ouvert à prendre un autre amendement qui pourrait satisfaire les deux côtés. Tout simplement, c'est ça que je voulais dire, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. M. le ministre.

(17 h 50)

M. Rioux: M. le Président, les nombreuses pétitions dont parlent les députés de l'opposition, qui leur arrivent à leur bureau, ça n'a rien à voir avec ce qu'on discute présentement. Je sais à quoi ils font référence. Ils font référence aux groupes qui veulent se manifester devant le groupe de travail qu'on a constitué pour étudier l'indemnisation des travailleurs accidentés du travail. Vous le savez, c'est une volonté qui a été exprimée non seulement par les libéraux, mais également par les péquistes, à l'effet qu'on doit étudier ça. Et on a formé un groupe de travail, de spécialistes, là-dessus, des actuaires. Et c'est à ça que font référence les députés de l'opposition, qui, à mon avis, utilisent ça comme tactique.

Ce n'est pas très, très édifiant. On travaille sur un projet de loi visant à créer un ministère. On a expliqué tout à l'heure les fonctions, à l'article 10. On a expliqué les objectifs, à l'article 11. On a expliqué ad nauseam la participation des travailleurs et la consultation de ces derniers. Et là, maintenant, on devrait aboutir à l'article 13 sur les moyens. Il me semble que ça devrait être ça, l'attitude qu'on devrait tenir.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Argenteuil, vous aviez demandé la parole.

M. Beaudet: Oui, M. le Président, je vous remercie beaucoup de me donner la parole. Vous remarquerez qu'il ne me reste plus beaucoup de temps avant la fin des audiences. J'aurais aimé, dans le peu de temps que j'ai, essayer de convaincre le ministre d'introduire l'amendement que nous avons proposé, de l'importance que nous y prêtons. On m'a fait sortir d'une commission pour laquelle, vous le comprendrez, j'ai beaucoup d'intérêt, siégeant sur l'assurance-médicaments, pour venir m'entretenir avec vous de ce qui nous tient à coeur vraiment. Et on a manifesté au ministre plusieurs aspects, dont que 60 % des travailleurs au Québec font partie de groupes non organisés. Et ces groupes non organisés, c'est près de ou plus de 1 500 000 travailleurs au Québec.

Tout en reconnaissant la bonne foi du ministre, parce que je lui prête toutes les qualités du monde, je voudrais bien qu'il sache qu'il y en a une qu'il n'a pas, il n'est pas éternel. Et avec toute la confiance que je peux lui transmettre et toute la bonne volonté qu'il peut mettre à son travail, il ne peut pas m'assurer aujourd'hui que le futur ministre du Travail aura la même condescendance à l'égard de tous les travailleurs que lui semble nous manifester ouvertement aujourd'hui. Et je le crois sincère. Je le crois sincère. Et, si le ministre trouve que c'est vraiment simple, que c'est inclusif, la notion de l'article 12, eh bien, ce serait tellement banal... Comme le mentionnait le député tantôt, au lieu d'avoir discuté depuis ce matin, ce serait déjà terminé. On avait juste à accepter une définition beaucoup plus détaillée, plus claire de ce que veut dire «et des travailleurs».

Par ailleurs, je suis conscient aussi que, lorsque l'on met un élément de détail, plus on va dans le détail, plus c'est contraignant. C'est contraignant, mais ça l'est aussi pour le ministre. C'est non seulement contraignant pour les gens, le détail qu'on y met, mais c'est aussi contraignant pour le ministre. Et, comme je l'ai mentionné, M. le Président, le ministre n'étant pas éternel, il est loin d'être assuré que le prochain ministre, qui aura une tâche difficile à faire, évidemment, parce qu'il prendra la place du ministre actuel, il va avoir des grandes chaussures à chausser... Je pense que je ne peux pas me fier à la bonne foi du futur ministre ou de l'autre qui suivra. Je pense que c'est dans cet esprit-là qu'il faut mettre l'article 12 très clair, par lequel le ministre devra voir, dans ses consultations, des gens qui font partie des groupes non organisés. Et, ça, ça m'apparaît essentiel.

Les groupes non organisés n'ont pas la capacité financière, organisationnelle et de support que les groupes syndiqués ont. Alors, lorsque viendra le moment de faire des représentations, il seront, comme on les retrouve souvent, dans l'ombre et absents. Et c'est dans cet esprit-là qu'on demande au ministre de les inclure spécifiquement. Alors, l'amendement le spécifie. Il est bien long, l'amendement. Mais, si M. le ministre décidait d'ajouter, après le mot «travailleurs», «organisés et non organisés» ou «syndiqués et non syndiqués», le problème n'existerait même plus, on ne se parlerait plus, ce serait réglé depuis ce matin. J'aurais pu continuer à la commission des affaires sociales.

Une voix: ...

M. Beaudet: Non, non, mais... Bien, parce qu'on y tient à ce projet-là, on tient à protéger ce groupe de travailleurs qui est important. C'est plus de 55 % à 60 % des travailleurs au Québec qui ne sont pas organisés. Alors, je pense que c'est important de manifester au ministre l'importance que ce groupe-là revêt dans notre société et qu'il ne peut pas se fier à la simple bonne foi des gens. Alors, on ne peut pas se fier à la... Puis je le répète à nouveau, j'ai toute confiance dans le ministre en ce qui a trait à cet aspect-là, mais je ne peux pas dire la même chose du futur ministre, je ne le connais pas. Alors, je veux lui mettre une certaine contrainte. Oui, je veux lui mettre une contrainte, je veux m'assurer qu'il va les consulter. Et je suis convaincu que le ministre actuel les consulterait, mais je ne le sais pas pour le futur. Et c'est dans cette démarche-là qu'on veut absolument introduire un amendement qui va contraindre les futurs ministres à au moins se plier à cette démarche-là, où ils devront aller consulter ces groupes de travailleurs et de travailleuses non organisés.

Tantôt, on nous a mentionné qu'il avait bien lu l'article du projet antérieur, sous le gouvernement libéral, qui avait été préparé par le ministre Marcil et qu'il s'en était inspiré. Je voudrais juste lui laisser savoir qu'aujourd'hui... M. le ministre, dans le temps, on était de ce côté-là. Aujourd'hui, on est de ce côté-ci, probablement parce qu'on a fait des choses pas toutes correctes. Alors, notre rôle, aujourd'hui, c'est d'essayer de vous les faire faire correctement, pas pour vous garder là plus longtemps, mais pour vous remplacer au plus sacrant! Dans cette démarche-là, c'est ça qu'on veut. Si le projet de loi avait été si bon, on serait encore là, M. le ministre, parce que ce n'est pas le seul projet de loi qu'on nous reproche. Alors, que vous vous inspiriez de M. Marcil, j'en conviens, il a sûrement fait des bonnes choses.

Une voix: ...allé chez les jésuites.

M. Beaudet: Mais, aujourd'hui, on est de ce bord-ci de la table, et notre rôle, c'est de voir à la protection de tous les groupes de citoyens. Non, je ne suis pas allé chez les Jésuites, malheureusement, mais j'ai bien appris. Alors, on essaie de vous transmettre l'inquiétude que l'on a qu'il y a une grande proportion, c'est 60 % des travailleurs du Québec, des travailleurs qui n'auront pas la certitude d'être entendus par le futur ministre. Et, ça, c'est inquiétant pour moi. C'est inquiétant. Et, si j'ai la parole du ministre actuel, rien ne m'assure que le prochain ministre fera la même démarche que le ministre actuel. Alors, quelle est l'objection que l'on a à introduire ça dans l'article 12, à marquer les groupes syndiqués et non syndiqués ou organisés et non organisés? Moi, je ne comprends pas, je ne comprends vraiment pas qu'on ne puisse pas introduire un élément aussi simple. Et, comme disait tantôt le député, depuis le matin que vous parlez de ça, ce serait déjà réglé. Ce serait déjà réglé, on serait déjà parti. C'est vraiment... Je suis renversé de voir qu'on n'a pas réussi à s'entendre là-dessus.

Une voix: ...

M. Beaudet: Tantôt, on parlait des gens qui nous ont téléphoné. Oui, j'en ai eu, des téléphones. Oui, on m'a parlé des indemnisations, à moi aussi. Mais on introduisait toujours aussi – pas toujours, plusieurs fois – l'inquiétude de voir que ce n'est pas sûr qu'eux autres vont être consultés par le ministre, ce n'est pas sûr que le ministre va les entendre. Et, dans cette démarche-là, un certain nombre nous parlait des indemnisations, mais aussi, lors des conversations qu'on a eues avec eux, ils nous introduisaient la notion que: Est-ce que le ministre va nous entendre à coup sûr? Et, avec l'article 12, le seul élément que je pouvais leur dire: Bien, c'est bien possible, le ministre actuel a beaucoup d'intérêt pour le groupe des non-syndiqués, des non- organisés, mais je ne peux pas vous le garantir dans l'avenir parce que je ne le connais pas, le prochain ministre, je ne connais pas le futur, puis je ne peux pas me fier à sa nomination. Ça va probablement être un libéral, mais, même à ça, M. le Président, tous les libéraux n'ont pas nécessairement les mêmes affaires. Alors, il faut prendre des mesures pour se protéger et surtout protéger les travailleurs non organisés. Ça, ça m'apparaît crucial.

Et pourtant l'amendement est tellement simple, tellement banal. Il ne change rien au projet de loi, M. le ministre. Avec votre bonne foi, votre bonne foi, votre compréhension du milieu, je ne peux pas comprendre que vous ayez assisté toute la journée à écouter des balivernes, alors que vous auriez pu accepter...

(18 heures)

Des voix: ...

M. Beaudet: Des balivernes de votre bord. Vous auriez pu accepter d'introduire un élément très simple pour changer votre article 12, et on aurait fini. On accepte ça...

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Argenteuil, votre temps d'intervention sur l'amendement n'est pas terminé, mais le temps alloué à la séance de cet après-midi est épuisé.

Alors, sur ce, j'ajourne nos travaux à demain matin, 10 heures, à la salle 1.38b.

(Fin de la séance à 18 h 1)


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