L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 5 juin 1996 - Vol. 35 N° 17

Étude détaillée du projet de loi n° 27 - Loi modifiant le Code du travail


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Étude détaillée


Intervenants
M. François Beaulne, président
M. Matthias Rioux
M. Jean-Claude Gobé
M. Yvon Charbonneau
M. Régent L. Beaudet
M. Bernard Brodeur
M. Michel Côté
M. Benoît Laprise
M. Daniel Paillé
M. André Pelletier
Mme Cécile Vermette
*M. Jean-Marc Boily, ministère du Travail
*Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures vingt et une minutes)

Le Président (M. Beaulne): Chers collègues, je déclare ouverte notre séance d'aujourd'hui de la commission de l'économie et du travail pour procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 27, Loi modifiant le Code du travail.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, M. Charbonneau (Bourassa) remplace M. Cherry (Saint-Laurent) et M. Maciocia (Viger) remplace M. Sirros (Laurier-Dorion).


Étude détaillée


Du règlement des différends et des griefs


Des policiers et des pompiers (suite)

Le Président (M. Beaulne): Merci. Pour la bonne continuation du fonctionnement de nos travaux, je vous rappellerai que, lorsque nous avons ajourné, nous en étions à débattre la motion d'amendement proposée par le député de Bourassa qui se lisait comme suit: L'article 3 du projet de loi est modifié par le remplacement à l'article 96 des mots «et celles faisant l'objet d'un différend» par «ainsi que leurs positions respectives sur celles faisant encore l'objet d'un différend». Je vous rappellerai également le temps de parole qui restait: le député de LaFontaine avait encore trois minutes d'intervention, le député de Montmagny-L'Islet 16 minutes et le proposeur, le député de Bourassa, cinq minutes.

Alors, je ne sais pas lequel des collègues de l'opposition veut commencer? Oui, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, M. le Président. Je pense que l'amendement par lui-même était assez bien expliqué et je pense que le ministre devrait se rendre à l'évidence et constater que les arguments qui ont été développés tant par le député de Montmagny-L'Islet que par le proposeur et par moi-même plaident pour une meilleure application du projet de loi et de l'article de loi, en particulier. Nous disions que, quand il n'y a pas de besoin de faire des changements ou qu'on fait des changements juste cosmétiques et qui n'ont pas d'effet, vraiment, sur une loi, on est mieux de rester à ce qui était auparavant, et je crois que ça prévaut encore aujourd'hui, malgré cette suspension d'une journée de nos travaux. Notre opinion n'a pas changé de ce côté-ci, et nous pensons que l'article 96, qui est modifié à l'article 3, devrait être amendé et revenir comme il était précédemment.

Alors, je ne peux pas présumer du vote qui va être pris par la suite, mais, simplement, j'aimerais, à titre de porte-parole et dans le cadre de mon temps de parole, vous informer que mon collègue a aussi quelques remarques à faire encore là-dessus et que peut-être les députés qui sont présents auront des remarques à faire sur cet amendement qui a été proposé pour essayer de faire valoir le point, à moins que le ministre nous indique que, en effet, il accepte ou qu'il propose quelque chose d'autre, à ce moment-là, qu'on pourrait regarder, ça pourrait mettre fin, peut-être, à la tentative de le convaincre du bien-fondé de l'amendement proposé par le député de Bourassa. Alors, voilà, M. le Président, je pense que je n'abuserai pas de mon trois minutes, je vais maintenant laisser la parole à un autre intervenant que vous voudrez bien reconnaître.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de LaFontaine. Le ministre a le loisir de faire des commentaires s'il le souhaite.

M. Rioux: Oui. Lorsqu'on s'est quittés à minuit, l'autre soir, j'ai dit que l'amendement n'était pas pertinent, que ça venait dénaturer le processus de médiation qu'on veut mettre en place. Donc, je n'ai pas plus de commentaires à faire que tout ce que j'ai dit l'autre soir abondamment.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. M. le député de Bourassa, en vous rappelant qu'il vous reste cinq minutes.

M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président, moi, j'ai pour principe de ne pas changer d'articles au Code du travail lorsque ce n'est pas absolument nécessaire et qu'on n'a pas de preuve substantielle qu'il faut un changement, et, ici, quand je compare le nouveau texte avec le texte actuel, c'est-à-dire le texte de la loi, je ne vois pas le bon sens ou l'apport de cette nouvelle formulation. Je trouve que ça nous mène à un processus qui devient plus froid et, je dirais, moins aidant pour les parties ou pour le reste du processus. Dans le texte actuel, le médiateur doit faire son rapport en indiquant les matières qui font l'objet d'un accord. Évidemment, ça, c'est vite fait: Voici tel article, tel article, énumération, on est d'accord. Si les parties sont d'accord, il n'y a rien à dire. Pour les objets où il y a un différend, le nouveau texte nous dit: On va faire rapport, on va les identifier. Telle, telle et telle question, objet de différend; rien d'autre, désaccord.

Dans l'ancien texte, c'est-à-dire le texte actuel qui prévaut jusqu'à maintenant, obligation est faite au médiateur d'ajouter quelles sont les positions respectives. Bon. Alors, si la différence entre la demande et l'offre, pour telle catégorie de salariés, est de 0,10 $ l'heure, bien, il y a un désaccord, mais, si les parties, en négociations et face au médiateur, se sont rapprochées jusqu'à 0,02 $, là, le médiateur ne fait pas de rapport là-dessus, il dit: Objection. Ils sont en désaccord, puis la marge a l'air de 0,10 $. Je prends un exemple, puis ça pourrait être des jours de maladie, ça pourrait être des dispositions du régime de retraite, ça pourrait être n'importe quoi, il est obligé de faire rapport des accords. Pas d'explication, pas de contexte.

À mon avis, ça n'avance pas, ça n'éclaire en rien les étapes suivantes. Ça oblige le médiateur-arbitre, si tel est le choix de l'une des parties, ou l'arbitre, si c'est le choix des deux parties, l'étape suivante qui est prévue, là, à reprendre le travail, à requestionner le patient, à requestionner les parties, à se refaire une idée non seulement des positions formelles, donc l'écart officiel, mais il va devoir travailler encore pour voir si, en effet, à travers les discussions et la médiation, les parties s'étaient un peu plus rapprochées. Pas de contexte. Le rapport est froid: accord, désaccord.

Moi, je dis, dans une philosophie des relations de travail, on doit toujours responsabiliser les parties. Quand elles ont négocié puis qu'elles se sont rapprochées, puis qu'elles ont lié, souvent, des objets, quatre, cinq objets, à la fin, ensemble, pour un «package deal», une entente globale à la fin, quand elles se sont approchées, elles doivent vivre avec le rapprochement qu'elles ont fait, puis ça doit être dans le rapport du médiateur, sinon on ouvre la cage, puis les oiseaux s'envolent, M. le Président, puis il faut recommencer. En tout cas, on ouvre la porte à ça. On ouvre la porte à des lenteurs additionnelles puis des lourdeurs additionnelles, tandis que, si le rapport du médiateur comporte les positions respectives, les oiseaux, ils ne pourront pas se remplumer, partir et aller faire une promenade qui va coûter cher aux contribuables et qui va prendre du temps de tout le monde. Ils ne pourront pas parce que ça va être écrit. Le médiateur va dire: Ils étaient rendus là, sinon...

Alors, moi, c'est dans un esprit d'essayer de préserver la responsabilisation des parties le plus longtemps possible. Bien assez que ce système-là aboutit à l'arbitrage, finalement, si les affaires ne marchent pas. Ça veut dire que c'est un tiers qui intervient. Alors, comme tout le monde le sait, qu'il y a un tiers au bout du tunnel, le plus longtemps on peut maintenir la pression sur les parties pour qu'elles soient conséquentes avec leurs positions, meilleur le bénéfice est, à mon avis.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de Bourassa. M. le ministre, voulez-vous répliquer?

M. Rioux: Je n'ai pas de commentaires.

(11 h 30)

Le Président (M. Beaulne): Merci. Y a-t-il d'autres interventions sur l'amendement? M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Oui, M. le Président, je comprends que le ministre a manifesté sa position hier, à des heures tardives, comme il l'a dit, avec une abondance de mots, mais il aurait dû y ajouter une abondance d'idées. À ce moment-là, on aurait pu comprendre que les interventions de l'opposition avaient porté fruit, que le ministre avait compris l'importance que l'on prête à cet amendement qui, dans notre esprit, en tout cas, éclaire la position ou le texte de l'article 96. Le ministre s'impose de recommencer à zéro avec les différents négociateurs parce que, dans le texte, ce ne sera pas mentionné quels sont les éléments différents et où on était rendu dans ces négociations qui, souvent, sont très longues, s'éternisent sur des semaines, des mois et où les éléments se perdent, alors que le médiateur aura comme responsabilité de remettre dans son rapport les éléments pertinents au ministre et de lui laisser savoir où ils sont rendus dans leurs négociations.

Le ministre se prive d'un élément important d'information. Le ministre va se priver de toutes les démarches essentielles qui ont été avancées durant ces négociations et que le médiateur se fera non seulement un plaisir, mais une obligation – parce que ce sera dans le texte de loi – de lui transmettre. Alors, non seulement le ministre se prive de ces informations, mais il va se priver aussi de temps parce qu'il va être obligé de recommencer à échanger avec les négociateurs, parce que, son rôle, comme ministre, évidemment, ce n'est pas d'être le négociateur, sauf que, quand on est rendu à un mur et que les deux parties n'avancent plus, le rôle du ministre, évidemment, c'est d'essayer de voir à ce que la négociation progresse. Puis il l'a très bien dit l'autre jour, d'ailleurs, en Chambre, que, son rôle, c'est de voir à ce que les gens se rencontrent. Ce n'est pas à lui de légiférer, c'est à lui de voir à ce que les gens puissent continuer à progresser. Mais, quand il n'y a plus d'issue, qu'ils ont frappé le mur, il va falloir qu'il s'implique en quelque part. Pourquoi veut-il recommencer à zéro à chaque fois?

Alors, il se prive d'information importante puis aussi – puis je sais que, le ministre, il y tient beaucoup – d'économiser du temps. Quand on a des informations puis qu'on ne recommence pas à zéro, on économise du temps. C'est la même chose, s'il acceptait les informations qu'on lui donne sur l'article 96, il sauverait du temps, on lui en remettrait du temps – on l'accepte; fini, on passe à l'autre – mais il se bute à ne pas vouloir écouter avec ouverture les arguments qu'on lui présente puis, en plus, il se prive d'un éclairage additionnel que le médiateur aurait l'obligation de lui transmettre dans son rapport, et je pense que c'est triste de voir la position ferme et dure qu'adopte le ministre dans cet élément. Le rôle du ministre, M. le Président, c'est vraiment de simplifier la négociation qui se passe entre les intervenants, et, là, à un moment où le ministre a la possibilité de simplifier, bien, il dit: Non, écoutez, là, ça pourrait être plus simple si j'avais toutes les informations, mais ça m'importe peu, je ne veux pas que ce soit simple. Il faut que ce soit complexe, il faut que je recommence encore à zéro.

Alors, au lieu de simplifier la démarche que le ministre devra entreprendre avec les négociateurs ou les deux parties, il la complique. Au lieu de se faciliter l'approche qu'il devra prendre avec les deux parties en ayant en main des éléments qui vont lui avoir été fournis par le médiateur qui va dire: Écoute, nous autres, on avait négocié là-dessus, on était rendus là, le ministre dit: Non, non, non, ce serait trop facile si je savais que vous étiez rendus à 0,02 $, j'aime mieux savoir que vous êtes à 0,10 $ encore. Alors, il recommence dans un élément difficile, et, au lieu de se faciliter la tâche, il se garde des éléments difficiles. Aussi, au lieu d'accélérer le dossier, bien, il le ralentit. Alors, je ne voudrais pas que, encore une fois, ce soit un autre Kenworth où, en ne s'impliquant pas rapidement dans le dossier, on arrive à un élément de solution qui sera la perte d'emplois, parce que le propriétaire, l'entrepreneur, l'investisseur va décider: Aïe, j'en ai assez! On va passer à autre chose.

Alors, on veut lui fournir tout en main, lui donner les outils. C'est ça, hein, le ministre du Travail, on veut lui donner son coffre d'outils, on veut lui donner des éléments capables d'aller vraiment aider, dans un conflit, à trouver la solution. Mais, lorsque les gens ont déjà pilé sur le sentier, déjà tracé la voie, pourquoi doit-il aller se perdre dans la forêt pour retrouver son sentier deux puis trois semaines plus tard? Le sentier est tracé, M. le ministre. Prenez-le, on vous l'offre, on veut que les gens aient l'obligation de vous présenter une trace, des pistes de solution. Vous ne pouvez pas refuser les pistes de solution qui sont offertes à vous. Prenez-les.

Mais, si on ne vous les a pas présentées, si on ne vous les a pas offertes par la voie du médiateur – parce que je comprends que vous êtes un homme occupé, vous êtes un ministre, vous ne pouvez pas participer à toutes les négociations, vous ne pouvez pas être présent à toutes les négociations. Vous avez tellement de choses à lire que vous ne pouvez pas, non plus, avoir tous les comptes rendus des négociations – alors, demandez au médiateur: Aïe! donne-moi les pistes qui ont été explorées, je veux les savoir, les différends qui persistent. Au moins, je vais avoir un point de départ.

Puis le ministre s'acharne à refuser cette solution qu'on lui présente qui nous apparaît tout à fait légitime puis tout à fait correcte dans le sens du projet de loi, parce que, notre rôle, dans l'opposition, c'est de s'assurer que la vie du ministre va être plus facile, pas plus compliquée. On veut lui rendre la vie plus facile, et il ne semble pas comprendre ça. Pour moi, hier – la journée a été longue, hier, il a fini tard – il n'a probablement pas compris ce qu'on lui offrait. Peut-être que, ce matin, comme il est frais et dispos, bien, il va comprendre puis il va accepter les arguments qu'on lui fournit dans le sens... Ah bien, peut-être que... Le député dit qu'il ne le sait pas. Mais, là, je ne le sais pas, si le ministre a bien dormi ou pas, il faudrait qu'il nous le spécifie, mais j'espère que, ce matin, il est mieux disposé à accueillir les arguments qu'on lui présente pour essayer de voir la position claire.

On veut éclairer le point de l'article 96, on veut le rendre simple, mais aussi fertile. Fertile, parce qu'on ne peut pas faire un article de loi juste pour faire un article de loi, on le fait pour que ça donne quelque chose. Mais, si c'est pour donner quelque chose, qu'il s'arrange pour en retirer quelque chose, pas pour juste savoir les bons coups qui se passent parce que, si jamais ils sont réglés, ça lui donne quoi de les savoir? Ils ne sont pas importants. Quand les deux parties se sont entendues sur différents litiges puis qu'elles les ont réglés, ils n'ont plus d'importance pour le ministre, ça ne l'intéresse même plus de le savoir. Ce qui l'intéresse, c'est de savoir quels sont les points qui font que les travailleurs ne retournent pas travailler, que les travailleurs sont encore en conflit, puis, quand il va savoir les points puis les éléments, les pistes de solution qui ont été ouvertes, bien, j'espère qu'il va rentrer dans le sentier. Alors, on lui présente des sentiers, puis il dit: Non. Je veux aller dans la brousse, moi, les yeux fermés, puis on s'en va là-dedans. Envoye le bulldozer, on part! Ça ne peut pas marcher comme ça, M. le Président, vous le savez très bien.

(11 h 40)

Quand on fait du vélo de montagne, qu'on rentre dans le bois puis qu'il n'y a pas de sentier, on mange une maudite volée, je vous le dis. On reçoit des branches dans le front, dans le visage, dans les yeux, on se fait accrocher les bras, c'est l'enfer. C'est ça qu'il veut faire. Je ne sais pas si le ministre a déjà fait du vélo de montagne, il aurait avantage à aller essayer ça. Il aurait vraiment avantage à aller essayer, puis il en arracherait. Sa coiffure, elle en prendrait pour son rhume. Alors, c'est pourquoi on fait des sentiers, c'est pour ça qu'il y a des sentiers de ski de fond. On ouvre le terrain aux gens, on leur facilite le chemin. Alors, nous, ce matin, on dit au ministre: On veut vous faciliter la voie, on veut que vous preniez les sentiers qui ont déjà été explorés et où il y avait des débuts d'entente, des débuts de solution, mais où on ne s'est pas rendu jusqu'au bout, où il y a encore 0,02 $ de différence, ou 0,03 $, ou 5 $ sur le plan de pension, ou je ne sais quoi.

Il y a des pistes qui ont été explorées, ne recommençons pas chaque fois à zéro. Le ministre, son temps est bien trop précieux pour accepter de recommencer à zéro à chaque fois, ça n'a pas de maudit bon sens, M. le Président! Le ministre doit tenir bien plus à son temps que ça, il me semble. Alors, s'il veut avoir un peu de temps pour se reposer puis aller à Matane pour aider les gens à défendre les intérêts des hôpitaux, bien, je pense qu'il faut qu'il prenne les pistes de solution qui ont déjà été amorcées. Les pistes de solution qui ont été avancées, M. le ministre, il faut que vous les preniez. Alors, je ne comprends pas son acharnement, puis je suis sûr que, dans son bon sens – le ministre a du bons sens, puis je lui ai déjà dit, d'ailleurs, puis, je lui répète à nouveau, j'ai confiance dans le ministre – il ne trahira pas la confiance que j'ai en lui puis il va se rendre à l'évidence du bon sens de l'amendement qu'on soumet. Je suis sûr qu'il ne peut pas refuser cet amendement-là, le ministre a trop de bon sens pour s'objecter à ce que le médiateur lui ouvre les portes de certaines solutions qui ont été amorcées. Il ne peut pas refuser ça parce qu'il a trop d'allure, qu'il a du bon sens, j'ai confiance en lui. Puis, en plus, il tient à sauver du temps puis il tient à retourner les gens au travail le plus rapidement possible. Alors, quand on a tous ces éléments-là ensemble, M. le Président, il y a juste une solution, c'est d'accepter l'amendement qu'on lui soumet, de l'accepter de bonne foi, de la même façon que, nous, on le soumet. On le soumet de bonne foi, on le soumet parce qu'on pense que ça va faciliter son travail. Ça va faire partie de son coffre d'outils, ça va faire partie des éléments de solutions aux problèmes qu'on aura.

Alors, je pense que, devant une situation comme ça, le ministre va sûrement accepter puis accéder à notre demande et, de bonne foi, transmettre aux gens un amendement que l'on croit favorable à la législation, qu'on croit capable d'améliorer le statut du rôle que le médiateur va jouer. Il va devenir une personne intelligente. Il ne transmettra pas juste des oui et des non, il va dire: Ça, ç'a été exploré, ça, ç'a été exploré. Ç'a bien été, ça, puis ça, ça va moins bien. Utilisez cette piste-là, M. le ministre, c'est ça qu'il va lui transmettre. Alors, avec toute la confiance que j'ai dans le ministre, avec tout son bon sens, je suis sûr qu'il va condescendre, M. le Président, à accepter l'amendement que nous soumettons de bonne foi. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le ministre avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Rioux: Oui. D'abord, je suis content de la confiance que le député met en moi, et ça va me permettre, d'ailleurs, de lui redire ce que j'ai tenté d'expliquer l'autre soir, que c'est vrai que l'article 96 est au coeur du projet de loi. C'est très vrai. La raison en est fort simple, c'est que tous ceux qui ont été entendus lors des travaux du comité Boivin – municipalités comme syndicats – ont tous dit à l'unanimité: Nous voulons un nouveau système, repenser le système pour responsabiliser les parties et dire ce qu'elles veulent. Alors, c'est pour ça qu'on enlève le caractère obligatoire de la médiation pour la mettre facultative, consensuelle. La médiation étant voulue par les parties, le médiateur, qui est choisi pour sa compétence et la confiance qu'on met en lui, reçoit, bien sûr, la position de la partie syndicale, la position de la partie patronale et essaie, dans sa démarche, de faire cheminer les parties vers un règlement. Ça, c'est le sens de la médiation facultative.

Le degré de confiance qu'ils ont dans le médiateur est un facteur important qu'il faut bien saisir parce que l'article 96 n'a pas pour objectif de valoriser l'arbitrage; l'article 96 est là pour valoriser la médiation et la négociation et, préférablement, en arriver à un règlement sans arbitrage. L'arbitre, lui, il ne fait pas le travail du médiateur. L'arbitre, il tranche, il doit décider d'un différend non pas à partir de ce que pensent les parties, il examine ce qui est présenté devant lui, les éléments de preuve, et, après ça, il décide.

Nous autres, ce que nous voulons, c'est un système modernisé qui fait appel à la responsabilité des parties, qui fait appel, aussi, à un degré de confiance qu'on n'a pas connu dans le passé. Et pourquoi on pense que le médiateur ne doit pas écrire tout l'argumentaire qui explique le différend ou encore donner la position respective des parties, c'est précisément parce que dans la démarche on s'en va vers la médiation-arbitrage, et c'est la même personne qui va faire le continuum. Et, si on décide d'aller vers un arbitrage ordinaire, classique, imaginez vous donc que ça deviendrait extrêmement délicat, que le médiateur ait fait connaître soit publiquement, soit aux parties, ou à l'arbitre toutes les tractations qui ont eu lieu entre lui et les parties syndicale et patronale.

Le danger, même – et ça, le député va très bien comprendre ça – c'est que, si le rapport du médiateur, qui indique les objets de différend et les objets d'accord, allait ajouter les commentaires et la position des parties, on les antagoniserait davantage. Et c'est là qu'est le problème, et c'est ça que le député devrait bien saisir, on les antagoniserait davantage parce que c'est un processus axé sur la confiance que l'on met entre nous, comme partie syndicale, et les deux parties dans le médiateur. C'est un mécanisme, et c'est difficile pour les libéraux de penser autrement, ils ont été habitués avec un mécanisme classique où la médiation était obligatoire. La médiation étant obligatoire, le médiateur rendait son rapport public afin de mettre de la pression sur les parties. La pression qu'il voulait mettre sur les parties en disant: Attendez que je rende ça public, c'était essayer de provoquer le règlement, et ça antagonisait davantage les parties avant d'en arriver, bien sûr, à l'arbitrage.

M. le Président, en tout respect pour le député, je tiens à lui dire que, ce qu'on avance ici comme nouveau moyen qu'on met entre les mains des pompiers et policiers du Québec, des municipalités et des syndicats, c'est un mécanisme empreint d'un des éléments, je dirais, ce qu'il y a de plus fondamental dans le Code, la bonne foi et le désir véritable de négocier et de s'entendre. Rien n'est exclu là-dedans, au contraire, on retrouve toutes les préoccupations du député et de l'opposition et, en plus, on bonifie le mécanisme et on améliore le sort des gens qui demandent, depuis des années, qu'on vienne leur donner un coup de main. Alors, le coup de main, il est là.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Y a-t-il d'autres interventions sur l'amendement? M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Oui, M. le Président, brièvement. D'abord, nous avons le regret d'apprendre que le ministre a trahi le député d'Argenteuil en qui il remettait toute sa confiance, et je me joins aux propos du député d'Argenteuil, aux propos aussi du député de Bourassa qui a amorcé le débat ce matin, et tout simplement pour ajouter, et je me fie, là-dessus, au député de Bourassa, comme nous le savons tous, qui a connu tous genres de péripéties dans les négociations syndicales et qui possède de l'expérience, j'imagine autant que le ministre qui a bien connu, aussi, le député de Bourassa à l'époque...

M. Gobé: Son organisateur.

(11 h 50)

M. Brodeur: ...dans toutes les médiations auxquelles ont participé ces deux personnes-là.

Je viens d'écouter le ministre attentivement alors qu'il nous disait que le système favorisait l'antagonisme entre les parties. On doit aussi regarder le système sous un autre angle. Ce que le système favorisait aussi, c'était l'information, particulièrement l'information du ministre. On sait, par exemple, pour donner une image, que, à son cahier de briefing, lors de la période de questions, il est important que le ministre, ainsi que son ministère, ainsi que les personnes qui gravitent autour du ministère du Travail soient bien informés. Donc, pour moi, ce n'est pas nécessairement vrai qu'information égale antagonisme. C'est certain que l'information peut être contradictoire – chacune des parties a des intérêts différents à défendre – sauf que l'information circule, ce qui contribue à éclaircir les négociations et à faire en sorte que le ministre puisse au moins juger des moyens employés, de la validité des informations qu'il reçoit de chacun des côtés et, ensuite de ça, au moins, prendre une décision qui pourrait, éventuellement, venir, parce qu'on ne parle pas nécessairement, toujours, de petits conflits. Il peut y avoir des conflits pour lesquels le gouvernement soit dans l'obligation d'intervenir. Dans ce sens-là, l'information est de première importance.

Ensuite de ça, M. le Président, j'ai regardé attentivement tout ça, et puis ça me fait penser un peu à une comparaison. On parle beaucoup de santé présentement. C'est comme si on prenait un dossier – vous avez un dossier à l'hôpital, M. le Président, et on sait que vous êtes atteint de telle maladie – qu'on l'envoyait dans un autre hôpital et qu'on était obligé de recommencer les tests pour savoir pourquoi on est arrivé à telle conclusion ou à telle constatation sur votre état de santé. Donc, l'état actuel des choses fait en sorte que je crois que le système est plus limpide. Nous avons plus d'informations sur les revendications des parties, ce qui permet, en fin de compte, au ministre lui-même d'être plus au fait des choses et d'intervenir plus rapidement lorsque le besoin s'en fait sentir. À ce moment-là, c'est certain qu'on valorise la négociation, c'est-à-dire l'interaction entre les parties, mais ce n'est peut-être pas nécessairement ce qu'il faut faire lorsqu'on veut en arriver à un règlement de conflit qui oblige l'intervention du ministre. Et je dois dire que ce ne sont pas tous les conflits qui obligent l'intervention du ministre, c'est pourquoi je crois que l'information, tout simplement, qui peut être véhiculée par la loi qui est toujours en vigueur, présentement, valorise tout simplement une chose, l'information et l'éclairage de tout conflit qui peut être en marche présentement.

Question de temps, aussi, M. le Président, j'ai entendu, à quelques reprises, mon collègue d'Argenteuil dire que le ministre était très occupé. Naturellement, le ministère, le cabinet en particulier, se doit d'être informé le plus rapidement possible, et le système actuel permet tout simplement au cabinet d'être à l'affût de tout problème qui peut survenir, au moins d'être au courant des raisons et des faits, en fin de compte, qui font en sorte que chacune des parties en vienne à un dilemme et qui pourraient être, au moins, étudiés dans les plus brefs délais par le ministère. Donc, j'imagine – puis on a tous eu des rapports – que, inévitablement, le rapport froid, comme nous dit le député de Bourassa, n'est pas informatif. Donc, les rapports qui sont exigés présentement sont beaucoup plus d'ordre informatif, ce qui permet, comme je le disais, de pouvoir intervenir le plus rapidement possible, le cas échéant.

M. le Président, je ne prendrai pas plus de votre temps, malheureusement ou heureusement, j'ai des gens de mon comté dans mon bureau, qui m'attendent depuis quelques minutes, mais je voulais quand même intervenir à ce sujet-là, tout simplement pour donner mon appui au député de LaFontaine et joindre ma voix aux députés de Bourassa et d'Argenteuil...

M. Gobé: Tu vas revenir?

M. Brodeur: ... – oui, je vais revenir – pour, en fin de compte, bonifier ce projet de loi qui peut être bonifié dans les plus brefs délais, naturellement, si le ministre veut bien nous entendre. Et j'imagine que, le député d'Argenteuil, il lui reste encore un peu de confiance, on n'a pas terminé le débat, et nous espérons toujours que le ministre pourra changer d'idée d'ici la fin de la journée. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député, en vous souhaitant une bonne rencontre avec vos commettants. M. le ministre, avez-vous des commentaires?

M. Rioux: Non. On serait prêt à passer au vote.

Le Président (M. Beaulne): Non? Y a-t-il d'autres interventions sur l'amendement? M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Oui, M. le Président, merci de me passer la parole. Je voudrais raccrocher un peu les commentaires que j'ai faits tantôt au ministre – par votre intermédiaire, il va sans dire – aux propos du député de Shefford. Le ministre sait que, lui comme moi, à tous les jours, on ne rajeunit pas, on vieillit, et que ça s'ajoute, et, dans cette démarche-là, le ministre de la Santé chemine actuellement pour essayer d'avoir un dossier commun, de sorte que ce dossier-là va suivre les gens, pour être capable de transmettre les informations le plus vite possible et que les intervenants médicaux puissent avoir les informations pour agir le plus rapidement possible lorsqu'un individu se présente à l'hôpital. Alors, je ne pense pas que, parce qu'il y a un intervenant qui veut avoir les informations puis qu'il y a le patient, de l'autre bord, qui les vit, ils soient en conflit parce que un sait ce que l'autre a.

Alors, comment le ministre peut-il me dire maintenant qu'il y a un conflit parce que le médiateur va savoir ce qui a été discuté. C'est comme si le médiateur, la journée où il sort de la chambre dans laquelle il a négocié, il avait tout oublié, parce qu'il ne l'a pas mis sur le papier, ça n'existe plus. Quand elle va s'en aller faire le médiateur-arbitre ou référer à un arbitre, elle n'aura pas tout oublié cette personne-là – à moins qu'elle souffre d'une maladie grave dont j'oublie le nom – elle garde ses connaissances, elle demeure en possession de ses moyens. Elle va être capable d'utiliser ce qui a été discuté au moment de la négociation. Alors, pourquoi, si elle est capable, avec sa mémoire, de repartir à une position avantageuse, ces éléments-là ne pourraient pas être transmis au ministre? Pourquoi le ministre va-t-il se priver de ces connaissances-là? Parce que le ministre, par sa position avantageuse, est toujours bien placé par rapport à d'autres. Il est mieux placé, en tout cas, que d'autres, alors il est dans une position avantageuse, il est dans une position d'intervenir.

Et le ministre, quand il y a un conflit, puis qu'il y a une mésentente, puis qu'on a frappé le mur, il peut très bien prendre le téléphone et dire à un tel: Écoute, là, je sais que vous avez négocié ça, pourquoi tu n'acceptes pas ça pour telle, telle et telle raison? Parce que, lui, il a des informations que d'autres n'ont pas. Lui, il a des informations, en tant que ministre, que les négociateurs n'ont pas. Lui, il a des informations, en tant que ministre, que les parties n'ont pas, et, comme il est informé par le rapport du médiateur de ces éléments-là, il peut le prendre, le téléphone, et puis dire: Écoute, Ti-Coune, là, ton affaire de 0,02 $, tu n'aurais pas pu... Mais, s'il ne le sait pas que c'est 0,02 $, M. le Président, il ne pourra pas intervenir, puis le conflit va encore perdurer puis se prolonger, puis, à l'occasion, finir comme Kenworth. Ça a commencé par une grève puis ça a fini par une fermeture.

Et, souvent, comme on dit en anglais: «Time is of the essence». Le temps joue, et, si le temps joue, il peut jouer en faveur des parties, mais il peut aussi jouer contre les parties, et c'est là l'importance de cette situation que le ministre se refuse à accepter. Je ne comprends vraiment pas comment un ministre peut refuser d'avoir plus d'information. Comment peut-il refuser d'être dans une meilleure position pour aider des parties à s'entendre? Comment peut-il refuser ça? Je ne sais pas. Je ne comprends pas, puis ça ébranle, je vous le dis, la confiance que j'ai dans le ministre, parce que je ne peux pas comprendre qu'il veuille se priver d'éléments de solution qu'on lui offre. Il dit: Non, je n'en veux pas de vos affaires, je vais en savoir trop. Mais c'est peut-être... Ah! bien, c'est ça, M. le Président. C'est probablement ça, le filon, je viens de le trouver: le ministre a peur d'en savoir trop parce que, en en sachant trop, il va être obligé d'aider les parties, puis c'est ça qu'il ne veut pas faire.

Ça ne se peut pas, M. le ministre, que vous essayiez d'utiliser cette position-là. Moi, je me dis que, si l'arbitre va prendre une décision, il va trancher, bien, laissons donc les éléments de discussion qui ont eu lieu entre les parties être connus du ministre, de sorte que lui, à cause de son rôle privilégié, de son rôle important puisse intervenir et apporter une solution avant qu'on se retrouve dans des positions de trancher où l'un est cambré, là, puis l'autre est là, puis: Je ne te parle pas, puis tu ne me parles pas, puis ça finit là. Son rôle, c'est de s'assurer non pas que les gens s'entendent – ça, c'est le moyen – son rôle et son devoir – parce qu'il a parlé de devoir l'autre jour; non seulement on peut, mais on doit – c'est que non seulement il peut, mais il doit s'assurer que les gens travaillent. C'est ça son devoir, au ministre, et on essaie de lui fournir les éléments pour qu'il puisse travailler. Alors, c'est son devoir de voir à ce que les gens travaillent, et j'espère, M. le Président, en terminant, que le ministre, avec son bon sens et la confiance que j'ai en lui, va accepter les éléments de travail, les outils qu'on veut mettre dans son coffre pour trouver des solutions aux conflits de travail. Merci.

(12 heures)

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Rioux: M. le Président, le médiateur, il est nommé par le ministre. Le problème qui nous confronte, ce n'est pas de savoir. Ce n'est pas ça, le problème, c'est la divulgation. C'est ça qu'il faut que vous compreniez. Le ministre peut toujours savoir ce qui s'est passé dans une négociation ou dans une médiation, c'est lui qui nomme. Le pouvoir du ministre, dans le scénario qui est le nôtre, c'est que, moi, je pourrai déférer le conflit à l'arbitrage, ça, c'est mon rôle. Si je vois que la médiation n'a pas donné les résultats escomptés, si la médiation n'a pas réussi à rapprocher les parties et qu'il n'y a pas d'entente possible, le devoir du ministre, c'est d'être vigilant et d'envoyer le différend à l'arbitrage. Ce n'est pas le ministre qui fait l'arbitrage. Tu sais, quand le député dit qu'il faut que le ministre ait toutes les informations, qu'il faut qu'il ait tout en main, qu'il faut qu'il aide les parties, moi, je dis oui, mais à l'intérieur des cadres prévus par la loi.

Deuxièmement, un ministre qui veut savoir ce qui se passe dans une médiation, bien, son médiateur, il peut toujours lui parler, ce n'est pas utile d'avoir un rapport circonstancié qui explique tout et qui va être rendu qu'il va avoir un caractère public ou qu'il va antagoniser les parties au lieu de les rapprocher quant à la perspective de s'en aller un jour en arbitrage. Nous autres, on est des gens favorables à la négociation, on veut tout mettre en oeuvre pour que les gens règlent, et on organise – puis, là, on va le voir plus loin dans le projet de loi – on balise tellement le travail de l'arbitre, qu'on dit aux parties: Écoutez, les amis, vous avez probablement une chance extraordinaire qui vous est fournie, c'est de vous entendre en médiation. Puis on fait mieux que ça – on va l'examiner à un autre article – on peut même nommer un médiateur-arbitre.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Y a-t-il d'autres collègues qui veulent intervenir sur cet amendement?

M. Rioux: M. le Président, évidemment, il y a des aspects techniques, là-dedans, qui ne sont peut-être pas faciles à saisir, il y a des subtilités, mais ce qu'il faut bien comprendre, c'est que, ce qu'il y a dans le projet de loi n° 27, ça traduit le voeu exprimé haut et fort par les municipalités du Québec et les syndicats de pompiers et de policiers municipaux. C'est ça. On ne trahit personne, on ne manipule personne, tout ce que fait le gouvernement et ce qu'essaie de faire le législateur, c'est de répondre à des voeux exprimés avec force par le monde municipal et les syndicats.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Alors, le temps de parole des députés de l'opposition étant écoulé et ne constatant pas de désir d'intervention de la part des députés ministériels, je vais mettre au vote l'amendement proposé par le député de Bourassa qui se lit comme suit: L'article 3 du projet de loi est modifié par le remplacement à l'article 96 des mots «et celles faisant encore l'objet d'un différend» par «ainsi que leurs positions respectives sur celles faisant encore l'objet d'un différend». Alors, Mme la Secrétaire, voulez-vous appeler les députés, s'il vous plaît.

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gobé (LaFontaine)?

M. Gobé: Pour.

La Secrétaire: M. Beaudet (Argenteuil)?

M. Beaudet: Je suis pour.

La Secrétaire: M. Rioux (Matane)?

M. Rioux: Contre.

La Secrétaire: M. Côté (La Peltrie)?

M. Côté: Contre.

La Secrétaire: M. Laprise (Roberval)?

M. Laprise: Contre.

La Secrétaire: M. Paillé (Prévost)?

M. Paillé: J'ai confiance au ministre. Contre.

La Secrétaire: M. Pelletier (Abitibi-Est)?

M. Pelletier: Contre. Pour. Non, contre. M. le Président, le député d'Argenteuil m'a distrait.

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît, pour que la secrétaire puisse prendre les votes en bonne et due forme. Allez-y, continuez, Mme la secrétaire.

La Secrétaire: Mme Vermette (Marie-Victorin)?

Mme Vermette: Contre.

La Secrétaire: Et M. Beaulne (Marguerite-D'Youville)?

Le Président (M. Beaulne): Abstention. L'amendement est donc rejeté. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'article 96?

M. Gobé: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Alors, M. le Président, on se rend compte, à l'article 96, que, bon, le ministre n'a pas jugé bon, pour les raisons qu'il a expliquées, qui sont siennes, de faire en sorte que le médiateur puisse remettre dans son rapport...

Le Président (M. Beaulne): S'il vous plaît, nous souhaiterions entendre le député de LaFontaine. Allez-y.

M. Gobé: Merci, M. le Président. On n'a pas jugé utile d'inclure cette obligation. Maintenant, en écoutant attentivement le ministre, il nous dit: Le ministre peut toujours savoir ce qui s'est passé. C'était vrai dans l'ancien projet de loi, car, en effet, nous pouvions lire dans l'ancien article du projet de loi: «À défaut d'entente à l'expiration de la période de médiation, le médiateur remet aux parties un rapport – bon, ça, ça ne marche pas, maintenant – dans lequel il indique les matières qui ont fait l'objet d'un accord ainsi que leurs positions respectives sur celles faisant encore l'objet d'un différend.» Ça, ça ne marche plus, l'amendement a été battu. Mais, par la suite, on pouvait lire: «Le médiateur remet en même temps une copie du rapport au ministre avec ses commentaires», et ce que je trouve intéressant, moi, c'est le mot «commentaires», et, dans le nouveau projet de loi, on lit maintenant: «À défaut d'entente à l'expiration de la période de médiation, le médiateur remet aux parties et au ministre un rapport dans lequel il indique les matières qui ont fait l'objet d'un accord et celles faisant encore l'objet d'un différend», et, là, on ne retrouve plus «avec ses commentaires». Alors, je trouve que, quand le ministre nous explique que, pour pouvoir assurer la confidentialité, la confiance, il ne juge pas opportun que le médiateur mette, dans son rapport, les raisons et les problèmes qui ont achoppé, le stade auquel ils sont rendus... Il dit, par contre: Moi, je pourrais parler. Moi, je suis au courant, je peux toujours savoir. Alors, pourquoi, à ce moment-là, enlever les mots «avec ses commentaires», en ce qui concerne le rapport? M. le Président, j'aimerais ça entendre le ministre là-dessus parce que, je pense, c'est important.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, je voudrais revenir un petit peu sur ce dont j'ai parlé tout à l'heure, la différence qu'il y a entre l'arbitre et le médiateur: l'arbitre est là pour trancher. Si on a rédigé le projet de loi de cette façon-là et l'article 96 de cette façon-là, c'est précisément parce que, le rapport qui est remis au ministre et aux parties, il ne faut pas qu'il soit accompagné de commentaires ou d'analyses qui pourraient jouer à l'encontre d'une ou l'autre des parties devant l'arbitre. L'arbitre juge à partir d'une preuve qui est faite devant lui. La médiation est terminée, la volonté de rapprocher les parties, cette étape-là est terminée, et c'est pour ça qu'il est important que le rapport ne soit pas accompagné des positions respectives des parties, de ce qui a fait l'objet de négociations, de discussions, où les gens se sont confiés. Si on rend tout ça public ou à la disposition de l'arbitre, on ne sert pas la cause des parties, elles se sentent trahies. Ce qu'elles veulent, c'est qu'il se dise: Le différend est déféré à l'arbitrage, on va attendre la sentence, on va attendre la décision de l'arbitre, l'aspect médiation volontaire étant terminé.

(12 h 10)

Cependant, M. le Président, ce qu'il faut ajouter, c'est que, dans toute cette démarche de volonté des parties de régler, après la période dite de médiation, les parties, si c'est là leur volonté, peuvent faire évoluer le dossier vers la médiation-arbitrage. Le médiateur continue d'agir – c'est la même personne – et, lorsqu'il arrive au bout d'un débat sur des dispositions, là, il peut se muter en arbitre et décider. Il y a des gens qui adorent cette formule-là, ça a été expérimenté au Québec et ça a donné d'excellents résultats. Alors, ce ne nous est pas venu du ciel, c'est parce que ce sont des pratiques qui ont été longtemps expérimentées au Québec, et on juge que, surtout dans des dossiers comme celui des pompiers et policiers qui n'ont pas le droit à la grève, on doit mettre toutes les chances de leur côté. Et il ne faudrait jamais qu'un rapport inclue des commentaires qui seraient susceptibles d'influencer l'arbitre, ce n'est pas ça la philosophie qui doit habiter ceux qui réfléchissent en termes de processus à remettre aux syndicats et aux municipalités pour régler leurs différends avec leurs pompiers et leurs policiers.

Ce qu'on a voulu, c'est quelque chose d'un peu nouveau. Il faut innover en relations de travail, si on n'a pas cette force-là, si on n'a pas cette volonté-là, on va toujours vivre dans le même sillage, avec les mêmes patterns, les mêmes préjugés, aussi, tenaces qui finissent par s'installer au cours des années, et, moi, je pense que la modernité, ça a sa place là-dedans comme ailleurs. Alors, c'est ça qu'on tente de faire, et j'estime que, si c'était une levée de boucliers de la part des municipalités et des syndicats de policiers et pompiers, on ne serait pas en voiture, mais je pense que, ça, ça va tenir la route et que ça va aider tout le monde.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. M. le député de LaFontaine, toujours sur l'article 96?

M. Gobé: Oui, M. le Président. Alors, étant donné que, de ce côté-ci, nous pensons qu'il serait important que le ministre, comme sous l'emprise de l'ancienne loi, la loi 74, puisse recevoir les commentaires du médiateur et vu que ce n'est pas dans le projet de loi, alors, dans le but de bonifier le projet de loi et de faire en sorte de donner le maximum d'outils, tout le temps, d'instruments au ministre, j'aimerais introduire, à ce stade-ci, un amendement qui se lirait de la façon suivante. Alors, article 3: L'article 3 est modifié en ajoutant à l'article 96, après le mot «ministre», les mots «avec ses commentaires».

Le Président (M. Beaulne): Pouvez-vous déposer...

M. Gobé: Oui, M. le Président. J'aimerais peut-être qu'il soit distribué aux collègues autour de la table...

Le Président (M. Beaulne): Oui, nous allons en faire...

M. Gobé: ...pour que nous puissions en prendre connaissance.

Le Président (M. Beaulne): ...connaissance.

M. Gobé: Oui, oui, ils vont en faire une photocopie.

Le Président (M. Beaulne): Je vais suspendre deux minutes pour permettre de faire des copies de l'amendement pour le bénéfice de tous les collègues.

(Suspension de la séance à 12 h 13)

(Reprise à 12 h 15)

Le Président (M. Beaulne): La présidence a proposé une reformulation de l'amendement qui se lirait de façon plus précise.

Bon, alors on suspend encore pour une minute.

(Suspension de la séance à 12 h 16)

(Reprise à 12 h 24)

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît, nous allons recommencer nos travaux. Je vais vous lire l'amendement et je vous rappelle que chaque intervenant, y compris le proposeur, a un droit d'intervention de 20 minutes. L'amendement proposé par le député de LaFontaine se lirait comme suit: L'article 3 du projet de loi est modifié en remplaçant l'article 96 par le suivant: «À défaut d'entente à l'expiration de la période de médiation, le médiateur remet aux parties, et au ministre un rapport avec ses commentaires, dans lequel il indique les matières qui ont fait l'objet d'un accord et celles faisant encore l'objet d'un différend.»

Alors, M. le député, je déclare votre amendement recevable, et vous avez 20 minutes pour en exposer la teneur.

M. Gobé: Merci, M. le Président. Alors, comme je l'ai mentionné rapidement avant de déposer l'amendement, le but cet amendement serait de faire en sorte que le ministre soit informé des raisons et des causes qui ont fait que la médiation a échoué. C'est une attaque? C'est les policiers, c'est la Sûreté du Québec! Ha, ha, ha! C'est bizarre, hein, un avion comme ça ici.

M. Pelletier: Non, c'est l'ancien ministre Ryan qui s'en vient nous conseiller.

Le Président (M. Beaulne): Allez-y, poursuivez, monsieur.

M. Gobé: Oui, merci, M. le Président. Alors, d'autant plus que le ministre lui-même, dans les commentaires qu'il a faits précédemment, a dit à quelques reprises que, le ministre, lui, savait, que le ministre devait savoir et que c'était important qu'il sache parce que, en plus, c'est lui qui nomme les arbitres. Alors, je pense que c'était aussi dans l'ancienne loi, la loi 74, ça a été mis dedans, et je pense que, si le législateur, à l'époque, l'avait adoptée, les gens du ministère, les gens, aussi, qui sont en face de nous, là, ils devaient être en faveur. Ça devait être quelque chose d'important pour la négociation, sinon ils ne l'auraient pas mis. Ils auraient dit au ministre: Ne mets pas ça, ça ne marchera pas. Ce n'est pas bon, ça enlève la confidentialité, ça crée problème. Or, je présume que, si les savants employés de l'État qui ont collaboré et qui sont les mêmes qu'aujourd'hui – à 95 % peut-être, M. le sous-ministre n'est pas le même qu'à l'époque, mais...

Une voix: Oui.

M. Gobé: C'était vous qui étiez là pour la loi 74? Ce n'était pas vous?

Une voix: ...

M. Gobé: Non, il était, je pense, à la Sécurité publique, si je me souviens bien. C'est ça, oui. Mais, disons, à part le sous-ministre en titre, les autres, je pense, les figures que je vois derrière, étaient déjà là, pour certaines. Alors, je pense que le ministre aurait intérêt à être informé, à savoir pourquoi, pour éviter que ça aille plus loin, pour éviter qu'on recommence à zéro, que ça recrée des délais, que ça recoûte des argents. Il pourrait très bien dire: Moi, je sais les raisons pour lesquelles ça ne fonctionne pas. Je sais, par le rapport, où c'est rendu, ce qui n'a pas fonctionné, c'est pour telle, telle et telle raison, et donner un mandat plus clair et plus direct à son arbitre en disant: Voilà ce qu'est la situation, et vous devez donc agir dans cette direction-là parce que c'est là qu'il y a blocage.

Puis je crois qu'un arbitre qui, au lieu de tout recommencer, de tout repartir à zéro, bien, aurait ces informations-là venant du ministre, ça lui permettrait certainement de pouvoir avancer plus rapidement. Et il y a aussi, bien souvent, qu'il arrive des interventions spéciales de la part du ministre dans certains secteurs. Je me souviens, moi, dans le temps, je pense que c'était en 1975, quand je travaillais avec l'ancien ministre Choquette qui était responsable de la Sûreté du Québec, qu'il y avait eu une grève, et les gens s'étaient réunis à Drummondville, au motel Universel, et ça ne marchait pas. Et, là, le ministre est allé les rencontrer. Les policiers n'étaient pas heureux, il les a rencontrés, il avait l'état de la situation, et ça lui a permis de s'adresser, d'abord, aux militants qui étaient là, aux policiers qui étaient là, mais, par la suite, à leur exécutif et aux négociateurs, et ça a eu un effet de déblocage. Je ne sais pas si vous vous souvenez de ça, M. Boily, dans le temps? Il y a longtemps, hein.

M. Boily (Jean-Marc): Je m'en souviens très, très bien.

M. Gobé: Vous vous en souvenez, M. Boily?

M. Boily (Jean-Marc): Oui, certain.

M. Gobé: Bon. Pourquoi avait-il été capable de faire cela? Si mes souvenirs sont exacts, c'est loin, là, hein, mais je pense qu'il avait l'information du blocage. Il savait pourquoi, il savait les problèmes qui bloquaient, mais pas seulement venant des parties, il l'avait eu des rapports, probablement, de médiation aussi ou de ses fonctionnaires qui, eux, l'avaient eu, d'où l'importance, je crois, que le ministre soit toujours informé de ce qui crée échec dans une négociation, ne serait-ce que pour cette raison ultime qui pourrait permettre, dans un cas de crise, au ministre d'intervenir, d'autant plus que ça ne remet absolument pas en cause la confidentialité des parties.

Il n'est pas obligé, s'il ne le juge pas utile, de le communiquer. Il n'est pas obligé de l'utiliser, ça serait à son discernement. S'il se rendait compte, en connaissant les causes qui ont fait que ça n'a pas fonctionné, que c'était minime, il pourrait très bien décider de l'utiliser et de dire: Il y a juste ça qui manque, là, il manque 5 cm pour faire la boucle, comme il pourrait très bien décider de ne pas le dire si c'était vraiment trop important et non utile qu'il le révèle. Sa discrétion ministérielle l'assure aussi de ne pas être obligé de révéler publiquement ce qu'il juge contraire à l'intérêt public. C'est, je pense, une règle pour l'ensemble des ministres.

Donc, qu'on ne remette pas dans le rapport des parties les commentaires, qu'on ne remette pas les raisons, à la limite, le ministre, il a débattu notre amendement, puis on va vivre avec, mais je crois qu'il devrait se garder, lui, la chance de pouvoir être informé. Puis, quand même qu'il dit que le médiateur pourrait lui parler, ce n'est pas évident, ce n'est pas prévu dans la loi. Il peut très bien ne pas faire de commentaires, juste remettre son rapport comme il fait là, puis dire: Moi, mon rôle est là, mon statut me dit de faire ça, alors que, si c'était dans la loi, comme dans 74, bien, il serait tenu, dans un rapport séparé de celui qu'il remet aux parties, d'avoir une page, deux pages, trois pages de commentaires.

(12 h 30)

Alors, c'est malheureusement des choses importantes, il y a des informations additionnelles qui doivent être, d'après moi, conservées, qui ne peuvent pas être oubliées parce qu'il n'y a pas eu entente. Ce n'est pas vrai. Je vous parlais, l'autre jour, du cas de ce couple, à la veille de faire une entente à l'amiable dans une cause, et, là, qu'est-ce qui est arrivé? À la fin, ils ne s'entendaient plus sur une petite affaire. Résultat: la plaignante est venue me voir, et ils se sont retrouvés en cour, alors qu'ils étaient tout près d'une entente. Ça a coûté 10 000 $ d'avocat pour en finir avec le déchirement que ça a amené, les délais, le conflit, alors que, si on avait pu faire en sorte que cette proposition, cette entente, qui était presque faite à l'amiable entre les parties, puisse être déposée devant la cour, un juge aurait pris, peut-être, 15 minutes, ou une demi-heure, ou une heure pour régler ça, mais il l'aurait réglé en tenant compte de ce qui faisait déjà consensus chez les gens, de ce avec quoi ils étaient déjà prêts à vivre. Puis c'est important, ça aussi, parce que, quand même qu'on réglerait, là, régler pour régler, on peut toujours régler, il y a des lois spéciales qui règlent, qui imposent aux parties, mais il faut que les gens puissent vivre avec. Si les gens ne vivent pas avec, s'ils ne sont pas à l'aise...

(Consultation)

M. Gobé: Alors, si les gens ne peuvent pas vivre avec, si, une fois que c'est imposé, ils disent: Non, on n'était pas content, qu'est-ce qui va arriver? Moyens de pression, traînage de pieds, griefs, conflits par-ci, conflits par-là, problèmes. On a vu, il n'y a pas longtemps, des agents de police qui s'occupaient d'élections municipales dans une municipalité, et je pense qu'il y en a qui se présentaient – j'ai vu ça dans un journal, je n'ai pas vérifié, là – et d'autres qui faisaient campagne pour d'autres candidats. On voit ce qui peut arriver lorsqu'une partie n'est pas contente.

Aussi, on devrait prendre le maximum de chances pour que le ministre puisse avoir toutes les informations, qu'il le sache. Puis, en plus, il y a la sécurité publique. S'il arrive un problème au niveau de la sécurité publique, parce que ça ne fonctionne pas puis que les gens ne sont pas contents, le ministre va être capable, au moins, de justifier pourquoi: Évidemment, je le sais, je l'ai vu le rapport. Ils m'en ont fait rapport, puis ça n'a pas de bon sens d'un bord ou de l'autre. Ça a manqué de bonne foi, les gars étaient de bonne foi d'un côté, puis ils ne l'étaient pas de l'autre. Mais, au moins, il va le savoir, il va être capable de le justifier en Chambre lorsqu'il va se faire questionner, s'il le juge utile et pour l'intérêt public, mais au moins il va être capable de donner des instructions à ses fonctionnaires en tenant compte de l'état des lieux, en tenant compte de la situation. Il va pouvoir cibler plus pointu le secteur où ça ne travaille pas, où ça ne fonctionne pas, puis chercher à trouver des correctifs, puis ça va se faire pour une convention, mais il y en a d'autres qui viennent après, ça déboule en avalanche, après, en cascade.

D'ailleurs, à cet effet-là, j'aimerais ça peut-être que, par la suite, quand j'aurai fini, peut-être, sur la motion... Mais on me disait que 95 % des conventions s'étaient réglées sans arbitrage et que seulement 5 % s'étaient réglées avec arbitrage dans les dernières années. Est-ce que c'est vrai? Si c'est vrai, ça démontre que, actuellement, la loi fonctionne quand même assez bien, une loi qui permet à des gens de s'entendre sans aller devant l'arbitrage. Alors, les chiffres sont peut-être un peu différents – je souhaiterais plus tard, peut-être, que le ministre nous le dise, ou M. Boily, je suis certain qu'ils pourront nous informer – mais, si c'est vrai, s'il s'avérait qu'il y a un très haut taux, actuellement, d'ententes avant arbitrage, alors il faut tenir compte du fait que la loi 74, telle qu'elle est actuellement, permet ça.

Alors, pourquoi la rechanger, à ce moment-là, fondamentalement? Qu'on réintroduise des choses nouvelles, parfait. Mais pourquoi, là, aller enlever au ministre des instruments qui, ma foi, ont dû faire leur effet? Parce que, s'il est vrai que ça a réglé dans ces proportions-là – ou une proportion assez élevée – il doit y avoir des raisons. Je ne pense pas que les gens aient décidé comme ça de ne pas aller en arbitrage, à moins d'y trouver un intérêt. Je pense que, l'intérêt, c'était justement d'aller en médiation, et je pense que le fait qu'ils sachent que le ministre aura les commentaires du médiateur... Vous deviez certainement faire savoir aux parties qu'elles ne pouvaient pas sortir de là n'importe comment, sur n'importe quel échec, pour n'importe quelle raison non sérieuse, parce qu'il y avait quelqu'un, quelque part, qui le savait, alors que, là, c'est le black-out: le ministre, terminé, ni les parties ni le ministre.

Le médiateur, il fait un rapport, et qu'est-ce qu'il dit là-dessus? Il dit: Il y en a 10 qui ont marché puis il y en a cinq qui ont achoppé. C'est tout. Les raisons? Pas important, pas le droit de les mettre. Le ministre ne peut probablement même pas lui poser les questions parce que ce n'est pas prévu. Le médiateur peut bien dire: Moi, excusez-moi, mais, de par la loi, je n'ai pas à vous répondre. Ou une des parties peut dire au médiateur: Un instant, tu n'as pas à faire des commentaires au ministre, ce n'est pas dans la loi, ne serait-ce que pour cacher une mauvaise foi ou pour cacher une stratégie. Là, avec ça, ça limite la stratégie, ça la limite un petit peu parce que ça va se voir, ça va être connu, et le ministre peut intervenir. Il y a un pouvoir moral, aussi, du ministre là-dedans, mais, pour qu'il puisse l'exercer, encore faut-il qu'il ait toutes les informations.

Alors, M. le Président, je souhaiterais que le ministre puisse regarder cela puis qu'il puisse nous expliquer pourquoi il tient absolument à se priver de tout l'éclairage dont il a besoin et qu'il pourrait recevoir en le mentionnant. Et puis, comme je le disais, il n'est pas obligé de le publier, il n'est pas obligé de faire un dépôt en Chambre ou un dépôt aux parties, mais ça peut lui permettre, avant même de décider d'aller à l'arbitrage, de dire: Un instant, vous êtes en médiation, là, puis vous êtes tout près de vous entendre, bien, continuez, on fait un comité de médiation, comme on en a fait un dans la construction. Il en a fait un spécial, là, de médiation, dans la construction, pourquoi on ne ferait pas ça, à ce moment-là, dans ces choses-là? C'est-à-dire que le médiateur arrive, fait le rapport, dépose le rapport devant les parties, dépose son rapport au ministre avec un addendum, une annexe avec ses commentaires, là, le ministre découvre, dans les rapports de commentaires du médiateur, qu'il y a place à l'entente. Bien, il peut prendre des mesures, il n'est pas obligé d'aller en arbitrage, de réimposer tout. On repart sur la base de ce qui a déjà été entendu, et puis il donne un nouveau mandat. Il a voulu le faire avec la construction, je le disais précédemment – un comité spécial de médiation – pourquoi on ne fait pas ça? À la discrétion du ministre.

(12 h 40)

Et peut-être que ça permettrait de régler d'une manière plus facile, plus acceptée par les parties, parce que, ce qui est important, ce n'est pas de donner à l'un un levier pour planter l'autre ou vice versa, c'est de faire en sorte que les parties fassent une entente négociée entre elles, avec laquelle elles vont vivre pendant quatre, cinq, trois ans, un nombre d'années, d'accord, et qui doit être librement consentie, avec laquelle elles doivent être à l'aise si on ne veut pas avoir des griefs à n'en plus finir, si on ne veut pas avoir des contestations, si on ne veut pas avoir des gars qui se promènent en jeans dans les voitures, si on ne veut pas avoir des déclarations dans les journaux qu'un va se présenter aux élections et que l'autre va travailler contre. Ça doit être accepté, la situation doit être la plus consensuelle possible.

Puis l'arbitrage, ce n'est pas consensuel, l'arbitrage, il tranche. Tu as un penalty, le but est dedans ou le but n'est pas dedans. Puis on voit bien souvent, pour les gens qui suivent les matchs de football ou de hockey, que, l'arbitre, on le conteste, qu'on n'est pas d'accord, que, des fois, on a même le goût de le battre, pour vous dire la frustration qu'il peut y avoir de la part de certaines personnes lorsqu'une décision est prise qu'elles jugent pas juste pour elles. La différence, c'est que, quand la partie est sifflée, le monde rentre chez lui, et puis, là, il a d'autres problèmes à s'occuper que du but qui a été, selon lui, mal attribué par l'arbitre ou de la pénalité qui a été mal attribuée. D'autres problèmes les ramènent. La différence, c'est que ces gens-là vont vivre avec pendant un certain nombre d'années, ça fait que, à chaque fois que ça va accrocher, ça va ressortir, ça va revenir.

Alors, on voit, par exemple, au Casino de Montréal, l'arbitrage, hein? Vous avez des salaires qui étaient dans les meilleurs du secteur, et, là, l'arbitre n'a même pas voulu regarder ce qui se passait chez Loto-Québec. C'est ça, là, si je comprends bien? Alors, les gens se retrouvent avec des augmentations salariales plus élevées que d'autres employés qui sont pour le même employeur, à bien y penser, parce que Loto-Québec et le Casino, c'est des filiales. Bien, est-ce qu'il n'aurait pas pu, le ministre, à ce moment-là, s'il avait toute l'information, s'il était au courant de tout ça, peut-être avoir une intervention préventive?

Puis, ç'a un avantage aussi, c'est que ça va stopper la mauvaise foi. Personne ne pourra être de mauvaise foi devant la médiation. Pourquoi? Parce que, comme je le disais précédemment, ça va sortir, les commentaires du médiateur vont le sortir, et je pense que ça négocie mieux lorsque l'on sait que, si on est de mauvaise foi, ça ne restera pas un secret, là, ça ne restera pas perdu pour toujours, et ça empêche les parties de se jeter à droite et à gauche: C'est de sa faute, c'est la faute de l'autre. La bonne foi – le ministre en parlait tout à l'heure – qui doit être présumée par les parties serait, encore là, mieux assurée, d'après moi.

Mais je pense que, pour l'instant, je vais, M. le Président, céder la parole au ministre pour qu'il me réponde sur ça. Peut-être que ce n'est pas compliqué, puis peut-être qu'on peut s'entendre rapidement là-dessus puis procéder, par la suite, à l'étude des autres articles du projet de loi.

Le Président (M. Beaulne): Oui, merci, M. le député. Alors, M. le ministre, vous avez 20 minutes pour nous livrer vos réactions à ce nouvel amendement.

M. Rioux: M. le Président, je regarde, avec beaucoup d'attention, la proposition d'amendement, et la proposition d'amendement a pour effet de porter un jugement de valeur sur la position respective des parties. Alors, si les parties connaissent l'opinion du médiateur, il faut quand même savoir ce que ça peut avoir comme conséquences. Comme l'amendement vise exactement le même objectif que l'amendement précédent, vous comprendrez bien que mes commentaires vont être assez simples, c'est que l'arbitre n'a pas à savoir le contenu des transactions qui se sont faites en médiation. Je vais demander au député de LaFontaine d'écouter, là, ce que j'ai à dire pour ne pas qu'il y ait de quiproquo entre nous. O.K.? L'arbitre n'a pas à savoir le contenu des transactions qui se passent en médiation. Le rapport de médiation ne doit servir qu'à une seule fin, c'est d'éviter les remises en cause lors de l'arbitrage, des remises en cause sur des objets qui ont fait l'objet d'ententes pendant la période dite de médiation.

Et j'aimerais aussi préciser pour les collègues que, dans notre droit du travail puis dans nos législations, le ministre n'a pas à aller siffler à l'arbitre ce qu'il doit écrire dans sa sentence. Ce serait assez outrageant et ce serait assez grave, il n'a pas le droit de faire ça. Le député de LaFontaine dit: Le ministre doit faire ci puis le ministre doit faire ça. Il est loisible au ministre de faire des choses, bien sûr, puis on le fait tous les jours, mais, quand on rédige une loi de cette importance-là, qui a fait l'objet de tellement de débats, de recherches, d'enquêtes, de travaux, de réflexions et de publications, moi, je dis que ce n'est pas le ministre qui doit se donner des moyens de se substituer aux arbitres qu'il doit respecter comme ce n'est pas possible.

Puis j'ajouterai, pour l'information de nos collègues députés, que, si les parties sont prêtes à des compromis, elles ont juste à le faire au moment de l'audition devant l'arbitre. Ça reste encore une bien bonne place pour le faire, il n'y a rien qui les empêche de le faire, au contraire. Mais, si un rapport de médiateur vient dire à l'arbitre: Aïe! le syndicat n'était pas d'accord là-dessus, ou si on dit à l'arbitre: La partie patronale, là-dessus, là, il y a des ouvertures, tu peux y aller... C'est ça que ça veut dire des rapports de médiation avec des commentaires. Non, l'arbitre doit décider à partir de la preuve qui est devant lui, il faut lui laisser toute sa liberté, et, s'il y en a un qui sait ça, c'est bien le député de Bourassa. Je comprends que le député de LaFontaine ne connaissse pas ça, mais, lui, il connaît ça, il le sait qu'un ministre n'a pas le droit d'aller se mettre le nez dans le processus d'arbitrage, et c'est pour ça qu'on a rédigé de cette façon l'article 96 du projet de loi n° 27, et je répète ce que je disais l'autre nuit, qui est au coeur du projet.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, je retiens de l'intervention du ministre qu'il n'a pas rejeté notre amendement. Il l'a commenté en des termes peu encourageants pour nous, mais il ne l'a pas rejeté encore, il y a donc place au débat. S'il l'avait accepté, on aurait sauvé du temps puis on pourrait passer au sujet suivant. Ne l'ayant pas vraiment accepté mais l'ayant commenté, je comprends qu'il nous invite à en parler encore, et, puisqu'il a interpellé le député de Bourassa, je ne vois pas pourquoi je lui refuserais la conversation, hein? Jamais je ne pourrais refuser ça au député de Matane, ministre du Travail, de répondre à ses interpellations.

Il y a une certaine confusion dans l'interprétation donnée par le ministre à la portée de notre amendement, et j'écoutais les propos non enregistrés, mais dont il faut tenir compte de temps en temps, là, et il y a aussi de la confusion...

M. Rioux: Et non moins réels.

M. Charbonneau (Bourassa): ... – non moins réels – et je voudrais replacer les affaires, là, pour dire ce que nous recherchons. Nous avons renvoyé le ministre au texte actuel, c'est ça qui est notre inspiration pour l'amendement. Donc, il ne faut pas chercher à côté de ça. Le texte actuel, c'est: «Le médiateur remet en même temps une copie du rapport au ministre avec ses commentaires.» Donc, ce n'est pas le rapport aux parties qui est en cause, c'est le rapport au ministre. C'est ça qu'on a essayé d'écrire, et il ne faut pas essayer de nous faire dire que le rapport aux parties va comprendre les commentaires du médiateur. Il y aura un rapport aux parties, virgule, et au ministre avec des commentaires...

Une voix: C'est ça.

M. Charbonneau (Bourassa): ...c'est ça qui est dit, là.

Mme Vermette: Ce n'est pas clair.

(12 h 50)

M. Charbonneau (Bourassa): Bien, ce n'est pas clair, écoutez, faites des interventions, là, officielles, puis on va clarifier. Moi, je vous dis que c'est ça, l'intention, puis je vous dis d'où ça part. Je vous dis que c'est l'ancien texte. Regardez-le, le texte actuel, lui, il est clair, mais c'était plus facile de l'écrire parce qu'ils ont fait deux phrases avec, tandis que, là, dans leur nouveau texte, il y a une seule phrase qui englobe le rapport aux parties et le rapport au ministre. Alors, il fallait tenir compte de cette nouvelle formulation pour introduire notre intention.

Moi, j'inviterais, M. le Président, les personnes qui veulent contribuer au débat, de la part de la formation gouvernementale, à s'inscrire, et puis on va pouvoir discuter plus à l'aise que de se faire interrompre, parce que, s'il y a de la confusion, moi, je vous dis: Voici l'intention, regardez l'ancien texte. Puis on a fait un effort pour retenir la charpente du nouveau texte pour introduire ça dedans, avec la virgule avant: «, et au ministre un rapport avec ses commentaires,». Ça circonscrit, le plus qu'on a pu, l'idée que, les commentaires, c'est dans la version du rapport qui va au ministre et non pas aux parties. Si vous êtes capables de l'écrire autrement... Mais ne dénaturez pas l'intention. L'intention est très précise: «,et au ministre un rapport avec commentaires,». Alors, pourquoi? Parce qu'on est sensible à ces arguments-là, et je partage le point de vue du ministre, si le rapport aux parties comprenait les commentaires du médiateur... Ce n'est pas ça qu'on vise, ce n'est pas ça qu'on a écrit, puis ce n'est pas ça qu'on recherche parce que ça n'aurait pas de bon sens. Alors, le rapport, c'est la version adressée au ministre qui contient les commentaires du médiateur.

M. Rioux: M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, oui.

M. Rioux: Je reconnais...

M. Charbonneau (Bourassa): L'effort.

M. Rioux: ...l'effort et, surtout, la démarche jésuitique du député de Bourassa, ce qui ne me déplaît pas soit dit en passant. Je suis de l'école des jésuites, alors je n'ai pas de problèmes avec ça. Je vais demander une petite suspension de deux minutes parce que je n'avais pas lu ce que vous dites, c'est ça le problème. Alors, comme on dit en langage de hockey, «time out».

Le Président (M. Beaulne): Oui, suspension de deux minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 51)

(Reprise à 13 heures)

Le Président (M. Beaulne): D'abord, premièrement, est-ce que je puis avoir le consentement des collègues pour déroger de quelques minutes à nos travaux? Bon, consentement. Alors, voici un projet d'amendement rédigé ou proposé par le ministre. Je vous le lis simplement à titre d'information pour le bon déroulement de la suite des événements. Alors, l'amendement proposé par le ministre à l'article 3, article 96, se lirait comme suit: Dans l'article 96 du Code du travail, édicté par l'article 3 du projet de loi:

1° supprimer, dans la deuxième ligne, les mots «et au ministre»;

2° ajouter à la fin l'alinéa suivant:

«Le médiateur remet en même temps une copie du rapport au ministre avec ses commentaires.»

Alors, si cela vous convient, M. le porte-parole, je vous proposerais de retirer votre amendement. Est-ce que vous retirez votre amendement?

M. Gobé: Oui, M. le Président, on va retirer l'amendement que nous avions mis.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, M. le ministre, vous pouvez faire la proposition de votre amendement.

M. Rioux: Alors, «à défaut d'entente à l'expiration de la période de médiation, le médiateur remet aux parties un rapport dans lequel il indique les matières qui font l'objet d'un accord et faisant également l'objet d'un différend».

Et la dernière partie, c'est que «le médiateur remet en même temps une copie du rapport au ministre avec ses commentaires», ce qui répond... Alors, vous voyez ce que c'est, la souplesse gouvernementale.

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce qu'il y a des commentaires sur l'amendement proposé par le ministre?

M. Gobé: Ça correspond à ce que nous demandions, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député.

M. Gobé: Alors, sur l'amendement, on va voter pour.

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce que l'amendement est adopté?

M. Gobé: Adopté.

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Adopté. Est-ce que l'article 96, tel qu'amendé, est adopté?

M. Charbonneau (Bourassa): L'article 96 au complet?

M. Gobé: Regardez, M. le Président, on va revenir, de toute façon, sur l'article 96, qu'on l'adopte maintenant ou pas. Je pense qu'on est mieux de suspendre maintenant et, quand on va rentrer vendredi, on pourra passer toutes ces choses-là.

Le Président (M. Beaulne): Donc, nous nous limitons à l'adoption...

M. Gobé: De l'amendement.

Le Président (M. Beaulne): ...exclusivement. Oui, Mme la députée de Marie-Victorin?

M. Gobé: Bien, si vous voulez, vu qu'on a quand même débloqué quelque chose, on va le régler, l'article 96, puis on prendra l'article 97 vendredi. D'accord?

Mme Vermette: Voilà.

Le Président (M. Beaulne): Moi, je vous ferais cette proposition.

M. Gobé: Allez-y, oui. Oui, bien oui.

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce qu'il y a d'autres commentaires ou interventions sur l'article 96?

M. Gobé: Non, non, c'est correct.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 96, tel qu'amendé, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Alors, merci, en soulignant que c'est un excellent exemple de médiation, et je suspends nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 13 h 4)

Document(s) associé(s) à la séance