L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 5 décembre 1996 - Vol. 35 N° 29

Consultations particulières sur le projet de loi n° 50 - Loi sur la Régie de l'énergie


Étude détaillée du projet de loi n° 74 - Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Consultations particulières sur le projet de loi n° 50 – Loi sur la Régie de l'énergie

Étude détaillée du projet de loi n° 74 – Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail


Autres intervenants
M. Michel Létourneau, président
M. Christos Sirros, président suppléant
M. François Beaulne, président suppléant
M. Jacques Baril, président suppléant
M. Michel Côté
M. Régent L. Beaudet
Mme Cécile Vermette
M. Rémy Désilets
M. Benoît Laprise
M. Yvon Charbonneau
* M. Jean-François Turmel, UQCN
* M. François Tanguay, Greenpeace Québec
* M. Jacques Bourque, ACIG
* M. Guy Sarault, idem
* M. Guy Pratte, idem
* M. Serge Bergeron, AQCIE
* M. Jules Bouchard, idem
* M. Jean Morency, idem
* Mme Louise Ouellet, APPHQ
* M. Henri-Paul Martel, idem
* M. Philippe Jünger, idem
* M. Alain Robert, FNACQ
* Mme Marie Vallée, idem
*Mme Louise Rozon, ACEF-Centre
* M. Jacques St-Amant, idem
* M. Sidney Ribaux, idem
* M. Pierre Shedleur, CSST
* M. Clément Harvey, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures vingt-sept minutes)


Consultations particulières sur le projet de loi n° 50

Le Président (M. Létourneau): Mesdames et messieurs, je déclare la séance de la commission de l'économie et du travail ouverte. Je rappelle le mandat de la commission, qui est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 50, Loi sur la Régie de l'énergie.

Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Désilets (Maskinongé) remplace M. Kieffer (Groulx); M. Gendron (Abitibi-Ouest) remplace M. St-André (L'Assomption); et M. Lafrenière (Gatineau) remplace Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François).


Auditions

Le Président (M. Létourneau): Merci. J'inviterais les membres de l'Union québécoise pour la conservation de la nature et Greenpeace Québec a bien vouloir prendre place. Je vous invite également à présenter les membres de votre délégation. Je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire, et, à tour de rôle, les deux partis auront 15 minutes aussi pour échanger avec vous. Alors, monsieur.


Union québécoise pour la conservation de la nature (UQCN) et Greenpeace Québec

M. Turmel (Jean-François): Merci. M. le ministre, MM. et Mmes les députés, mon nom est Jean-François Turmel, je suis chargé du dossier de l'énergie à l'Union québécoise pour la conservation de la nature. Je suis accompagné de M. Denis Bergeron, à ma gauche, qui est directeur des programmes à l'Union québécoise pour la conservation de la nature.

D'abord, je tiens à remercier le ministère des Ressources naturelles pour son invitation à venir apporter notre témoignage devant cette commission parlementaire. À l'UQCN, nous estimons que l'examen du projet de loi qui crée la Régie de l'énergie a besoin d'un cadre cohérent et intelligent pour procéder d'une manière optimale dans un contexte de développement durable qu'on recherche – c'est l'objectif de la politique de l'énergie – et aussi avec le souci de l'intérêt public.

Le premier point sur lequel j'aimerais attirer votre attention, c'est le fait que les prévisions d'usage d'énergie du ministère des Ressources naturelles sont de l'ordre de 1,2 % par an, en moyenne annuelle, d'ici à 2011. Et je vous dirige vers le graphique de la page 5 de notre mémoire, où on voit l'évolution de la demande d'énergie au Québec, en kilowatts per capita, toutes sources d'énergie confondues.

(11 h 30)

Alors, en A, on a les prévisions du ministère des Ressources naturelles; en B, on a le modèle de développement durable proposé par Goldemberg et autres; en C, on a le modèle de développement durable proposé par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement; et en D, on a le modèle de développement durable proposé par John P. Holdren, de l'Université de Californie. Ce qu'il faut voir là, c'est la divergence importante qu'il y a entre les prévisions du ministère des Ressources naturelles et différents modèles de développement durable qui sont tous respectés à l'échelle internationale. Alors, la question se pose de savoir pourquoi une telle divergence.

J'aimerais attirer votre attention sur le fait que le monde de l'assurance aussi nous fait savoir, nous informe que les dommages matériels liés aux catastrophes naturelles sont en augmentation exponentielle, à l'heure actuelle, tant dans le monde qu'aux États-Unis, au Canada ou au Québec. Alors, évidemment, on ne peut pas savoir s'il y a un lien causal définitif avec l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Mais, pour nous, la divergence entre les prévisions du ministère des Ressources naturelles et ce que le monde des assurances nous dit, ce qui est important dans ça, c'est de savoir comment on pourrait éventuellement mettre en place, si vous voulez, les mesures qu'il faut si on faisait face à un retournement de situation, si jamais la question des gaz à effet de serre devenait si primordiale qu'on doive vraiment planifier la baisse de l'usage d'énergie. Donc, on appelle ça, nous, un plan de contingences. Le Québec, à l'heure actuelle, n'a pas un tel plan de contingences. Nous croyons absolument essentiel d'en élaborer un et de l'adopter.

J'aimerais aussi mentionner brièvement que, même si le document de politique prétend mettre sur le même pied les différentes filières d'énergie et également l'efficacité énergétique, on ne le fait pas d'une manière totale. Je vous inviterais à lire, au bas de la page 6, un extrait du document de la politique, de la page 48, qui concerne la filière éolienne. On veut accorder certains avantages à la filière éolienne qu'on n'accorde pas à l'efficacité énergétique.

Brièvement, j'aimerais aussi attirer votre attention sur les études étrangères qui sont faites concernant le potentiel d'efficacité énergétique, que ce soit dans le domaine du bâtiment ou dans le domaine industriel. Entre autres, il y a la société Pacific Gas & Electric, de Californie, qui est une société qui ressemble beaucoup à Hydro-Québec, et qui a lancé un projet en 1989. Ce projet dure donc depuis sept ans. Ils ont investi 25 000 000 $ dans ça, quasi exclusivement pour le secteur des bâtiments. Ils arrivent à la conclusion que le potentiel d'efficacité énergétique des bâtiments est en moyenne de plus de 60 %.

Par ailleurs, le département de l'énergie des États-Unis a fait faire des études sectorielles poussées sur le potentiel d'efficacité énergétique de l'industrie, en particulier des industries énergivores, et arrive à la conclusion que, dans toutes les industries, le potentiel d'efficacité énergétique varie... enfin est d'au moins 40 %, mais atteint jusqu'à 50 %.

Alors, si on fait le total de ce que pourrait signifier l'implantation au Québec ou, si voulez, la mise à profit de ce potentiel d'efficacité énergétique, on arrive, en équivalent électrique, à 28 500 MW – au bas de la page 8, le dernier paragraphe – de capacité et 146 TWh en énergie, toutes sources confondues, en équivalent électrique, donc. En d'autres mots, au rythme actuel de hausse de la demande, soit 1,2 % en moyenne annuelle selon le ministère des Ressources naturelles, ce potentiel d'efficacité énergétique peut nous assurer la croissance énergétique zéro pendant 60 ans.

Alors, on revient au plan de contingences. Nous estimons que ce plan est absolument essentiel. Vous voyez que les Pays-Bas ont adopté, dans une récente mise à jour de leur politique énergétique, un objectif d'amélioration de leur efficacité énergétique de 33 % d'ici à 2020. Et, si on se demande ce que peut donner concrètement l'application de l'efficacité énergétique maximale, on n'a qu'à regarder le cas de l'Allemagne, qui connaît de facto la décroissance énergétique, puisque l'usage de l'énergie en Allemagne a décru de 3,52 %, depuis 1984.

Alors, nous allons passer maintenant au projet de loi et à ses différents articles, à la page 10. L'article 5 introduit la notion d'intérêt public, mais ne la définit pas. Nous croirions qu'il serait important que le projet de loi donne une brève définition de l'intérêt public. On peut y voir là un certain nombre de sujets, par exemple l'air et sa qualité, les rivières dans leur état naturel, les paysages ayant une valeur esthétique, qui sont des biens publics affectés par l'énergie. D'autres sujets sont aussi d'intérêt public. Mentionnons le niveau d'endettement d'Hydro-Québec, le sous-développement relatif de l'industrie et de l'efficacité énergétique, etc. Donc, nous soulignons l'importance d'insérer dans le projet de loi une brève définition de l'intérêt public.

L'article 7. Vu l'objectif de la politique, qui consiste à adapter le secteur de l'énergie aux exigences du développement durable, l'UQCN propose au gouvernement que le président et le vice-président de la Régie soient issus des milieux de l'efficacité énergétique et des énergies nouvelles et renouvelables, puisque le défi concerne d'abord ces deux filières. De plus, l'UQCN propose aussi que deux des cinq autres régisseurs soient issus du milieu de l'efficacité énergétique.

L'article 16. Vu l'objectif de la politique et l'importance cruciale des causes impliquant les plans de ressources, la vérification de la justification des projets et leur autorisation, les tarifs et toutes les questions connexes, l'UQCN propose que les trois régisseurs étudiant ces causes comptent toujours au moins un membre issu du milieu de l'efficacité énergétique.

L'article 25. L'UQCN déplore le fait que l'article 25 ne prévoie pas que la Régie doive tenir une audience publique sur les plans de ressources des producteurs, la justification et l'approbation de leurs projets de production d'énergie. Dans sa formulation actuelle, le projet de loi stipule que la Régie peut convoquer une audience publique sur toute question qui relève de sa compétence. Si la Régie n'est pas tenue de convoquer une audience publique sur les plans de ressources des producteurs, la justification et l'approbation des projets, cela signifie que l'ouverture et la transparence désirées par le gouvernement et soulignées dans nos remerciements ne se matérialiseront pas complètement. L'UQCN suggère donc de modifier l'alinéa 1° de l'article 25 pour qu'il se lise comme suit: lorsqu'elle procède à l'étude d'une demande faite en vertu des articles 48, 65, 71, 72, 73, 77 et 79.

L'article 72 mentionne explicitement que la Régie doit tenir compte de la justification des besoins énergétiques dans ses décisions d'autoriser ou non les producteurs distributeurs d'énergie à aller de l'avant avec des projets de production nouvelle d'énergie. Il ne peut y avoir de véritable transparence si la population ne peut intervenir au niveau de l'étude des plans de ressources et des projets spécifiques. L'UQCN croit tout aussi essentiel de soumettre les projets d'exportation aux audiences publiques pour nous assurer entre autres qu'ils ne mineront pas les possibilités en efficacité énergétique, que ce soit au Québec ou chez nos partenaires.

Vu la divergence importante dans les interprétations des implications du développement durable, comme je vous ai mentionné plus tôt, l'UQCN propose que l'article 25 se termine par l'ajout du paragraphe suivant, auquel nous accordons beaucoup d'importance: Dans les trois mois de l'entrée en vigueur de l'article 4, la Régie doit tenir des audiences publiques sur les implications du concept de développement durable et l'opportunité de l'élaboration et de l'adoption d'un plan de contingences.

Un tel plan aurait pour but d'indiquer succinctement mais clairement les voies principales que le Québec pourrait emprunter pour réduire de 10 % jusqu'à 20 % par décade ses émissions de gaz à effet de serre, si la communauté internationale arrivait à la conclusion qu'une telle réduction est essentielle dans les pays avancés.

Article 31. L'UQCN est d'avis que l'alinéa 3° est insuffisant. Il se lit ainsi: «La Régie a compétence exclusive pour [...] approuver le plan de ressources d'Hydro-Québec et de tout distributeur de gaz naturel.» Il serait préférable d'élargir cette compétence à tous les projets de production d'énergie. De plus, approuver le plan de ressources peut signifier que la Régie n'a pas l'obligation de l'analyser, de le modifier ou de le faire modifier, de l'enrichir si elle le juge à propos. L'UQCN propose donc la formulation suivante: Analyser, juger, au besoin modifier ou exiger du demandeur de modifier et enfin approuver son plan de ressources.

Dans cet exercice, la Régie examinera individuellement tous les projets qui font partie du plan de ressources pour s'assurer de la cohérence du plan de ressources et de la synergie entre ses divers éléments. La Régie peut rejeter un plan de ressources ou toute partie d'un plan de ressources. L'UQCN comprend bien que l'article 72 peut être interprété comme suffisant pour satisfaire cette préoccupation, mais nous croyons préférable de modifier l'article 31 comme suggéré parce que, si les plans de ressources couvrent une période de temps assez longue, il se peut que les conditions changent entre l'examen d'un projet dans le plan de ressources et son examen juste au moment où il devient nécessaire, ce qui pourrait être trois ans ou même plus après sa présentation première dans un plan de ressources. Le projet hydroélectrique de Grande-Baleine fut à un moment jugé essentiel par Hydro-Québec et le précédent gouvernement; ce n'est plus le cas aujourd'hui. Cet exemple devrait suffire à convaincre les parlementaires de la justesse de notre argument.

(11 h 40)

Article 49. Il se termine par la possibilité offerte à la Régie de fixer un tarif pouvant financer les économies d'énergie rentables pour le consommateur. Au lieu d'offrir à la Régie cette possibilité, nous croyons qu'il serait mieux que le projet de loi impose à la Régie de fixer un tel tarif, s'il est demandé par les usagers.

Article 71. Dans son document de politique, le gouvernement indique bien son intention de présenter un projet de loi dans les prochains mois pour créer l'Agence de l'efficacité énergétique. Mais, lorsque cette Agence sera mise en place, il pourrait y avoir une sorte d'incohérence entre les programmes d'efficacité énergétique proposés par les producteurs et ceux proposés par l'Agence. Pour éviter une telle incohérence, il faut clarifier la situation et dire qu'il faut une disposition indiquant clairement que la partie traitant de l'efficacité énergétique dans le plan de ressources des producteurs-distributeurs d'énergie sera subordonnée aux plans de l'Agence de l'efficacité énergétique.

Article 72. Les commentaires de l'UQCN sont consignés dans nos commentaires sur l'article 25.

Article 73. Les projets d'exportation doivent être soumis à la Régie. Nous y reviendrons plus loin, à l'article 164.

Article 77. L'UQCN propose que toute extension du réseau de gaz naturel ne puisse se faire sans l'élaboration et l'approbation par la Régie d'un plan montrant comment on réduira, dans l'économie du Québec, les émissions de gaz à effet de serre d'une quantité au moins égale à celle découlant des ventes prévues par l'extension du réseau qui fait l'objet d'une demande. Cette proposition de l'UQCN est raisonnable considérant que, en ce moment, le Québec ne prévoit pas pouvoir rencontrer ses objectifs en matière de contrôle des émissions de gaz à effet de serre, comme il s'est engagé à le faire. Il ne faut donc pas créer de situation qui aurait automatiquement l'effet d'empirer une situation qu'on ne contrôle pas déjà.

Article 164. Dans sa formulation actuelle, cet article pose plusieurs problèmes en ce qui a trait à la production. D'abord, il est si général qu'on ne peut savoir si l'avis demandé par le gouvernement à la Régie concerne toute la production d'électricité ou simplement celle destinée à l'exportation. L'insistance du document de politique sur le mandat de la Régie dans les domaines de la justification des projets, de l'approbation des plans de ressources et des projets spécifiques suggère qu'en aucun cas les projets de production planifiés uniquement pour les besoins du Québec ne seraient soustraits à la compétence de la Régie. Toutefois, il faut être explicite à ce sujet, sinon on risque de créer la confusion.

Il y a une raison fondamentale pour laquelle la production destinée au Québec ne devrait pas échapper à l'analyse de la Régie. Si elle lui échappait, les producteurs auraient tout intérêt à créer des surplus plus ou moins permanents. Ce faisant, ils auraient l'assurance qu'ils contribueraient à bloquer la production commerciale de l'efficacité énergétique. Or, comme l'efficacité énergétique est la filière principale pour assurer le développement durable, le progrès du Québec vers le développement durable risquerait de s'en trouver sérieusement ralenti si la production échappait à l'analyse de la Régie. Et on peut faire un argument un peu similaire en ce qui concerne la production destinée à l'exportation. Je vous laisserai le soin de lire nos commentaires qui suivent concernant l'article 164.

En ce qui concerne le délai demandé à la Régie, nous croyons qu'il devrait être de 18 mois au lieu de six. La question qui se pose, c'est: Où est l'urgence? Ça fait des années qu'aux États-Unis on étudie cette question-là avec des moyens analytiques beaucoup plus importants que les nôtres, que ce soit dans les États importants comme la Californie ou au gouvernement fédéral, et on n'est pas encore parvenu à créer l'unanimité sur le bénéfice de la déréglementation. Et, si déréglementation il y a, elle sera certainement assortie d'un ensemble de contrôles, ce qu'on ne dit généralement pas ici, au Québec, lorsque les producteurs font l'apologie de la déréglementation. Alors, nous proposons que le premier paragraphe de l'article 164 soit modifié pour se lire comme suit: La Régie doit, dans les 18 mois de l'entrée en vigueur de l'article 4, donner son avis au gouvernement sur l'opportunité de déréglementer en tout ou en partie la production d'électricité et sur la meilleure voie pour le Québec parmi les modèles de déréglementation.

Autre considération – et je termine là-dessus – il est essentiel d'aborder la question de la gestion des surplus d'énergie. Comme vous le savez, les écarts d'hydraulicité peuvent signifier un apport d'eau non prévu équivalent à 40 TWh ou plus dans une année donnée. Il faut donc prévoir, à notre avis, dans le projet de loi, comment la Régie pourra éliminer ces surplus. Je vous rappelle que, historiquement, ces dernières années, les surplus ont été éliminés en partie sur le dos de l'efficacité énergétique. En effet, Hydro-Québec a ralenti les programmes d'efficacité énergétique qu'elle avait déjà prévus ou elle en a éliminé d'autres. Nous croyons que c'est la plus mauvaise façon d'éliminer les surplus et que les surplus devraient en tout temps être éliminés en remplaçant des combustibles fossiles ou par l'exportation sur une base de court terme.

Le Président (M. Sirros): Est-ce que je peux vous demander de conclure?

M. Turmel (Jean-François): Oui. Alors, il y a une deuxième situation de surplus potentiels. Évidemment, si on poursuit une politique agressive en ce qui concerne l'efficacité énergétique, le fait que l'essentiel de notre production d'électricité soit assuré par la filière hydraulique fait qu'il y aurait, à terme, des surplus qui seraient générés au niveau de l'électricité et qui ne seraient pas, à ce moment-là, des surplus conjoncturels, mais des surplus structurels. Il faut donc prévoir un mécanisme éventuellement pour qu'Hydro-Québec puisse éliminer ses surplus, encore une fois, en remplaçant des combustibles fossiles. Je vous remercie.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Alors nous entamerons donc la période d'échange avec...

M. Chevrette: Non, c'est Greenpeace avant, Greenpeace tout de suite. Ils sont jumelés, les deux groupes.

Le Président (M. Sirros): O.K. Je m'excuse, je pensais que ça faisait partie de l'ensemble. Alors, M. Tanguay.

M. Tanguay (François): Ce n'est pas que je ne veux pas être associé à l'UQCN, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tanguay (François): ...on a notre opinion, vous vous en douterez.

M. Chevrette: Et on la respecte.

M. Tanguay (François): Alors, bonjour à tous et à toutes. Je me suis payé une bonne partie de la session d'hier pour essayer de prendre le pouls de la situation, de voir un peu comment ça marche. Et, même si j'ai aujourd'hui le chapeau de Greenpeace, plusieurs d'entre vous savent que j'étais aussi à la Table de consultation qui a donné le rapport, qui a accouché de la politique qui nous mène à la discussion sur la loi n° 50. Ça fait que je suis un peu divisé entre les deux parce que, comme disait mon copain Julos Beaucarne: Sur dix personnes qui parlent de moi, il y en a neuf qui disent du mal, et la seule qui dit du bien, eh bien, elle le dit mal. Mais ç'a été démenti hier parce que j'ai été absolument touché personnellement de voir à quel point les intervenants, ici, sont revenus souvent sur le rapport de la Table. Ce n'est pas souvent que je me pète les bretelles en public, mais ça a été, le ministre peut en témoigner et M. le président aussi, un exercice qui va se terminer avec ce qu'on fait là, avec la politique, deux ans après qu'il a été commencé. Donc, c'est un exercice long, exhaustif, qui nous a permis d'entendre à peu près tout ce qui pouvait se dire sur le sujet de l'énergie.

Mais le paradoxe, c'est qu'on s'est retrouvé avec cinq jours pour accoucher d'un mémoire pour venir vous voir aujourd'hui. Pour moi, c'était carrément impossible. Alors, j'ai pris quelques notes, souligné quelques points importants. Je vais vous en épargner la lecture. Puisque j'ai déjà siégé de l'autre bord comme commissaire, je sais ce que c'est, vous n'avez pas besoin de m'entendre lire, le nez dans mon texte, ce qui est écrit. Je voudrais souligner quand même une certaine quantité de points qui me paraissent absolument majeurs. Et je suis d'autant plus content de les souligner, ces points-là, que je ne les ai encore entendus dans aucune des représentations. Tout le monde tourne autour, mais je n'ai pas vu ces choses-là. Je vais vous éviter l'énumération, non pas que je pense que ce n'est pas bien, ce qu'ils ont fait puis ce que tous les autres ont fait. Mais j'ai l'impression d'être au bingo depuis hier, à entendre des «164» puis des «73». À un moment donné, tu n'entends plus rien. Alors, je vais plutôt m'en tenir à quelques grands principes de base – quitte à ce qu'après ça on s'amuse un peu dans les détails – puis essayer d'être au moins original puis de ne pas vous ennuyer.

Première chose. Je suis un grand, un grand... Je me considère comme le disciple d'un bonhomme qui s'appelait Buckminster Fuller, grand architecte. Et Bucky Fuller disait: C'est l'outil qui fait la différence. Si tu ne donnes pas aux gens les bons outils, tu ne vas rien obtenir. Si tu veux agir sur le comportement des personnes, il faut que tu changes le cadre physique dans lequel ils fonctionnent. C'est pour ça, par exemple, que, face à la pollution des fosses septiques et puis des lacs du Québec, j'ai travaillé pendant dix ans à la mise au point d'une toilette à compost qui marche, qui ne pue pas puis qui s'applique dans des endroits où même des fosses septiques ne pourraient pas marcher. Il fallait trouver une solution, donc j'ai travaillé à ça.

Quand je regarde la loi n° 50 telle qu'elle nous est proposée, il y a des choses qui me frappent, qui vont faire que peut-être cet outil-là, malgré toute la bonne volonté du ministre, n'aura pas le mordant nécessaire pour être efficace. Puis je vais vous donner un exemple que j'ai pris la peine de souligner de façon particulière dans mon texte, c'est la nomination des commissaires.

Vous serez conscients des batailles qu'on a eues au BAPE, dans les dernières années, par rapport à toutes sortes d'audiences. On est même allé discuter de cogénération, de toutes sortes de patentes inimaginables, au BAPE, qui n'avaient pas d'affaire là. Ce n'était pas au BAPE de décider de la justification du projet de Sainte-Marguerite ou bien de l'usine Polski, à Québec. Et pourtant les environnementalistes – et croyez-moi, on avait d'autres chats à fouetter, il y a suffisamment de pollution sur la terre pour qu'on n'ait pas à se battre sur des usines thermiques devant les audiences du BAPE – on est allés se battre là pour un principe fondamental: c'est que tu ne peux pas créer une demande en passant par la bande.

(11 h 50)

Et le problème de la cogénération en était un où, supposément parce qu'une usine se modernisait, elle transformait sa chaudière «bunker C» en gaz naturel – parfait – mais surdimensionnait le projet pour, après ça, signer un «deal» de 25 ans avec Hydro-Québec, avec les tarifs que l'on a connus et qui amenaient à des injustices totales. Résultat: aujourd'hui, le gouvernement est en train de faire des pieds puis de mains pour sortir de ces contrats-là. Puis on connaît les millions qui se sont payés pour en sortir. Pourquoi? Parce que ce n'était pas l'outil pour faire la job.

Puis un des problèmes qu'il y a eu au BAPE, en passant, vous le savez, c'est qu'il y a eu des nominations qui ont été loin de faire l'unanimité. Tout le monde s'est mis à chialer: Un tel est ci, une telle est ça; lui c'est un ci, lui c'est un ça, il est aligné à tel parti. Bon. La neutralité du BAPE a été remise en question, puis Dieu sait si c'est un objet précieux. Ma job, à Greenpeace, me permet de voyager partout dans le monde. J'arrive de l'Amérique du Sud, j'ai été à bien des endroits. Le BAPE, c'est un joyau, et il faudrait que la Régie qu'on se donne soit de cet ordre-là. Or, je crains que comment on s'y prend pour nommer des commissaires mine sérieusement le reste. Que le gouvernement, à travers le ministre, décide de nommer le président et le vice-président, point à la ligne, me cause deux problèmes.

Le premier, c'est: Pourquoi il ne nomme pas tous les commissaires? Le deuxième – je vous ramène au rapport de la Table, il était très clair, vous vous en souvenez, M. le ministre, sur ce point-là: on a suggéré que ça soit à l'assentiment de l'Assemblée nationale que ça se fasse, qu'il y ait un «short list» pour le président, puis un «long list» pour les commissaires, les régisseurs. Ça n'a pas besoin d'être débattu de l'autre bord, mais qu'au moins il y ait un assentiment que les personnes qu'on va nommer là, tout le monde est d'accord avec. C'est clair, on ne va pas revenir sur le fait qu'ils doivent être compétents, représenter différents milieux, un avocat – bon, ce que vous voulez – quelqu'un du milieu environnemental; peu importe, chacun fera sa petite guerre pour nommer son monde. Mais, au bout du compte, il faut que ça soit irréprochable. Et la façon dont c'est présenté dans la proposition, ça ne peut pas ne pas prêter flan à exactement l'effet contraire.

Alors, je vous demande, M. le ministre, puis je vous le demande à vous tous, membres de la commission, de faire bien attention à ce point-là, parce que j'estime que, si on manque le bateau, tous les autres articles ne deviennent quasiment plus pertinents. Parce que c'est là que ça se joue. C'est la qualité du personnel, c'est l'intégrité des commissaires qui va faire que, quand ces décisions seront prises, ça sera respecté. Donc, je ne vais pas m'attarder trop sur ce point-là, mais je tenais à le souligner d'une façon particulière, parce que, selon moi, si on manque le bateau là-dessus, il y a bien d'autres choses qui ne se passeront pas qui devraient se passer.

Évidemment, comme tout le monde, j'en ai un peu à dire sur certains articles. Je pense aussi que le plan de ressources devrait être étudié par la Régie. Je pense que les exportations, sans aucune forme d'exception, je pense que la production privée, sans aucune forme d'exception... Tout ce qui s'appelle ajout d'énergie, exportation d'énergie agit sur le bilan énergétique du Québec, point à la ligne. Ça agit parce que ça va créer une demande, parce que ça remplit une demande, parce que ça va ajouter une source d'énergie, parce qu'on va utiliser une rivière. Que ça soit 5 MW, 20 MW ou 1 000 MW, le débat est le même.

Je rejoins le propos du ministre, hier, quand il disait: Dans le fond, on a mis une barrière à 20 MW ou 50 MW. Ce n'est pas bien grave, Hydro-Québec n'en a pas fait bien, bien, des barrages de 18 MW. Ce n'est pas là, la game. Mais le fait demeure qu'un barrage c'est un barrage, qu'une centrale thermique c'est une centrale thermique. Est-ce que, par exemple, nos amis de Polski ne vont pas signer un contrat avec le Vermont pour vendre leur électricité excédentaire? Alors, nous, on se ramasse avec la pollution puis, eux autres, ils se ramassent avec l'électricité. C'est ce genre de chose là qu'il faut avoir...

Alors, il ne faut qu'aucun projet contourne la Régie. Il faut absolument que la Régie regarde tout ce qui s'est proposé. Je veux dire, on se donne une politique énergétique pour s'assurer qu'on va savoir ce qu'on va faire. On ne peut pas se retrouver dans une situation où certaines des décisions, certains des projets vont être contournés.

Par exemple, M. le ministre, hier, vous disiez: Oui, le BAPE est là puis le BAPE va jouer son rôle dans le cas d'une petite centrale sur une rivière, ce que vous voulez, mais le ministère de l'Environnement aussi veut jouer son rôle là-dessus. Mais ils ne sont pas là pour évaluer la justification d'un projet, ce n'est pas leur job. Si tu rajoutes de l'énergie, il faut que ça passe quelque part par la Régie, il faut que la Régie ait le rôle de regarder ça avec les directives du gouvernement. Il y a trop souvent, dans le texte de loi – en ce qui me concerne, j'ai noté au moins trois, quatre articles – où on dit «peut». L'article 36: «Lorsque l'intérêt public le justifie, la Régie peut...»; article 112, article 113. Ce n'est pas «peut» qu'il faudrait marquer, c'est «doit». Il faut que, la Régie, on sente qu'elle a des pouvoirs, il faut qu'elle puisse intervenir. On ne peut pas lui donner un mandat tellement flou que ça va être contournable, ce mandat-là.

Donc, c'est dans ce sens-là que je prêche, moi, aujourd'hui. Je veux dire, je ne suis pas ici pour vendre l'agenda de Greenpeace par rapport à ça, pas plus que je l'étais quand j'étais aux débats sur l'énergie. Ce n'est pas important, l'agenda de Greenpeace, à ce stade-ci, ce n'est pas ça qui est important; c'est l'outil qu'on est en train de se donner collectivement, c'est la loi n° 50 qu'on va se donner. Il y a des choses qu'on ne peut pas se permettre de faire, dans cette loi-là, qui m'inquiètent beaucoup. Moi, je pense que la Régie, pour le moment, est mal habillée pour faire le voyage. Elle n'a pas assez de dents. Les commissaires ne sont pas nommés, à mon avis, d'une façon adéquate. La Régie n'a pas assez de pouvoirs. Il y a plein de choses qui contournent la Régie, comme vous l'avez entendu 100 fois. Et, quand on va se retrouver avec la déréglementation, on va se retrouver à comparer 0,035 $US charbon versus 0,035 $US hydroélectrique Québec. Et il faut absolument être en mesure d'avoir un «level playing field». On n'aura pas un «level playing field» avec la Régie, telle qu'on est en train de la mettre en place présentement. Les énergies ne peuvent pas être comparées, pour une couple de raisons.

En passant, je vous signale que le ministère de l'Environnement a été absolument lamentable, cette année, dans la politique des gaz à effet de serre, en épousant le plan de volontariat canadien, qui est une catastrophe. C'est dans les journaux depuis quelques jours. Le Canada va être le pire pays occidental au niveau du respect de la réduction des gaz à effet de serre, alors qu'on devrait être le fer de lance, puis le Québec encore plus. Mais le Canada fait ça, et qu'est-ce que...

Ça ne m'arrive pas souvent d'être terriblement choqué, mais je ne vous cache pas que le jour où le ministre Cliche a annoncé la politique de volontariat, le programme du ministère, j'étais carrément furieux parce que je trouve que c'est indécent qu'on n'ait pas une politique sur les gaz à effet de serre, ici. Je sais que ça se travaille au ministère des Ressources naturelles, puis qu'on approche cette échéance-là. Puis, si ce n'est pas le ministère de l'Environnement qui le fait, j'espère, M. le ministre, que ça sera le vôtre qui le fera. Parce qu'on va se retrouver avec l'Ouest, l'Alberta puis les États-Unis qui vont nous mettre un standard sur les gaz à effet de serre, puis, croyez-moi, il va être pas mal plus haut que celui que, nous, on se donnerait. L'avantage d'avoir de l'hydroélectricité va disparaître parce que le standard sera trop haut puis que, nous, on n'aura pas mis notre barrière.

En ne faisant pas de la Régie l'organe qu'elle doit être, tout ça va nous passer en dessous du nez. On va se retrouver dans une situation où tout le monde va pouvoir abuser de notre faiblesse. On a un avantage considérable, au Québec, au point de vue de nos ressources énergétiques. On a des surplus. Moi, la game des surplus, là, je veux dire, c'est «up and down», il ne faut pas se faire d'illusions, ça dépend quand il mouille puis quand il ne mouille pas.

C'est un peu comme l'interfinancement. Deux cent quatre-vingts mémoires puis des mois d'audiences ne m'ont jamais convaincu, du tout, du tout, qu'il y avait un interfinancement. Comment peut-on parler d'interfinancement quand, à Bécancour, on leur bâtit des routes, des ponts, des aménagements, on leur donne des infrastructures, des tarifs préférentiels sur l'hydroélectricité, des millions de dollars de subventions? Puis, après ça, on parle d'interfinancement. Moi, l'interfinancement, là, tu sais, je veux dire, il faudra que...

Je veux dire, c'est pour ça que la planification intégrée des ressources est fondamentale et ne doit pas être perdante. C'est pour ça qu'elle doit faire partie de ce que la Régie regarde, parce que, sans ça, si on n'a pas toutes les cartes sur la table... Et je peux vous assurer que les membres de la Table ont eu de longues discussions à propos de l'interfinancement; c'est un des sujets dont on a le plus discuté. La seule façon d'avoir l'heure juste sur l'interfinancement – je vais conclure là-dessus, M. le Président – c'est d'avoir toutes les cartes sur la table et d'avoir les outils pour s'en occuper.

La proposition de la loi n° 50 présentement n'est pas assez claire, n'a pas assez de dents, ne donne pas d'outils nécessaires pour nous assurer qu'on va pouvoir se protéger à ce point-là. Puis finalement, six mois, c'est beaucoup trop court, beaucoup, beaucoup trop court. Vous l'avez entendu bien des fois: «What's the rush?» Le feu est peut-être pris à la grange aux États-Unis, mais ici on est dans l'eau. Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Tanguay. Et, donc, maintenant on pourrait passer à la période d'échange de 30 minutes que nous allons répartir entre les deux formations. Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, je vais juste partir de la table de l'énergie pour... À la page 36 du rapport, dans la colonne de gauche: «Pour les membres de la Table – on l'a déjà souligné – il importe que ces enjeux soient rapidement analysés, que l'on fasse référence à la question de réciprocité dans le cadre des ententes commerciales nord-américaines, au transit d'électricité à travers le territoire...» Comment conciliez-vous ça avec l'idée de prendre son temps?

(12 heures)

M. Tanguay (François): Oui. Alors, on pourrait deviser longtemps, à savoir... Bon, je sais qu'Hydro-Québec, elle, trouve que c'est bien trop long, puis il y en a d'autres qui réclament 18 mois, un an. Les chiffres s'en vont dans toutes les directions. Ce n'est pas facile à concilier ça. Mais, compte tenu de ce qu'on essaie de mettre en place... Premièrement, il faut la former, la Régie, il faut l'équiper, il faut la mettre en... Ça ne se fera pas demain matin, ça, tu sais, ça va aller après les Fêtes. La Régie va avoir beaucoup de chats à fouetter dans les premiers temps. Et ce mandat-là est un mandat qu'il me paraît très difficile que la Régie règle dans ce très, très court laps de temps, compte tenu de la difficulté puis de la complexité des choses.

On a un avantage, par contre, M. le ministre, c'est que, grâce au débat qu'il y a eu autour de la Table, on connaît l'adresse des experts. Je veux dire, les membres de la Table sont allés rencontrer les législateurs californiens, qui s'arrachaient les cheveux de la tête puis qui nous disaient: «Take it easy», ne paniquez pas. Vous l'avez entendu hier de la part de M. Dunsky, qui continue à garder des contacts avec ces gens-là: tout le monde en Californie est en train de «freaker» totalement parce que, finalement... Bon, c'est difficile, on ne peut pas comparer les deux marchés, je suis d'accord, mais le fait est qu'ils ont foncé là-dedans à 100 milles à l'heure pour corriger des erreurs du passé. Nous, on n'a pas d'erreurs du passé à corriger comme les Américains.

Je sais qu'il y a des contraintes considérables de la part des États-Unis si on veut vendre. Je suis conscient du fait que le «spot market» a sauvé le «bottom line» d'Hydro-Québec encore une fois. Je suis conscient de tout ça. Mais, à ma connaissance – je ne le sais pas, peut-être que M. le ministre pourra me renseigner – je ne pense pas qu'à très, très court terme, dans les mois qui viennent, le «spot market» va être affecté par la FERC. C'est-à-dire que c'est un marché qui peut bénéficier d'un certain temps, bon, on s'entend là-dessus. Et, comme c'est ça les exportations d'Hydro-Québec, le reste, il me semble qu'on peut se donner une couple de mois de plus. Moi, je ne le sais pas si c'est neuf mois, 12 mois, 15 mois, mais je sais que six mois, pour le mois de juin, c'est très, très court, parce qu'il faut regarder très large. Puis je sais que, compte tenu de la situation qui se passe au Québec...

Vous avez entendu ce qui s'est passé en Colombie-Britannique, ils ont pris beaucoup de temps puis ils ont même décidé de ne pas y aller. Moi, c'est ce qui m'agace dans l'article 164, c'est qu'on donne un mandat à la Régie puis on lui dit: Tu vas faire ça, tu vas mettre en place, tu vas nous dire ce qu'il faut faire pour déréglementer puis t'enlever des responsabilités. Moi, je ne suis pas d'accord avec ce texte-là. Ce n'est pas ça qu'elle devrait faire. Il faudrait que la Régie nous avise sur: Est-ce que, oui, on devrait le faire? Si oui, comment on devrait le faire?

M. Chevrette: Pour la composition de la Régie, je suis sensible à vos arguments, dans le sens suivant. C'est qu'étant donné que toutes les filières énergétiques se retrouveraient chapeautées par une Régie, définitivement il va falloir au moins donner des balises si on veut avoir des connaisseurs ou des experts dans les différentes filières. Et ça, le comité de sélection peut être épaté par des connaissances générales, effectivement, alors que les ressources doivent être très pointues, ou un amalgame, un ensemble de ressources pour faire face à l'ensemble des situations potentielles, que ce soit en matière d'efficacité énergétique, que ce soit en matière de pétrole ou de gaz ou en matière d'hydroélectricité. Je suis sensible. Je ne sais pas si c'est le canal, par exemple, de l'Assemblée nationale, ou je ne sais pas quel canal, mais je vais regarder ça, cet argumentaire que vous faites pour voir, s'assurer... Ce qui est important, c'est d'avoir les compétences nécessaires. Ça, c'est évident.

M. Tanguay (François): Oui. Plus que ça... Bon, ça, c'est évident, puis qu'elles soient assez diversifiées. L'expérience de la Table a démontré que c'est bon d'avoir du monde qui n'est pas nécessairement du même domaine. Puis je rejoins... J'ai jeté un coup d'oeil sur le mémoire d'Hydro, je pense que ce n'est pas une mauvaise idée non plus que, j'insiste, les sept commissaires soient nommés, non pas que le président et seulement le vice-président. Ce serait, il me semble, beaucoup plus simple de les nommer tous les sept et que, pour le premier mandat – puis, après, ce serait récurrent – ils ne soient pas tous nommés pour la même durée, de façon à ce qu'on ne remplace pas la Régie d'un bloc à toutes les x années; tu sais, qu'on en ait deux ans, trois ans, cinq ans, puis, après ça, la rotation, tout le monde est nommé pour cinq ans.

Là, si on ajoute ça au fait que tous ces gens-là sont nommés avec l'assentiment des deux bords de l'Assemblée, je pense qu'on évite un écueil considérable. Il me semble que ce n'est pas un «move» politique très dangereux à faire. Je vois la réaction du député de Saint-Laurent, je pense que vous n'allez pas vous opposer à ça, vous autres non plus.

M. Chevrette: Une autre question, c'est: Avez-vous des suggestions de modifications à l'actuel projet de loi qui pourraient nous permettre une prise en compte plus systématique par la Régie des enjeux environnementaux liés au secteur énergétique?

M. Tanguay (François): Dans les discussions qu'on a eues à la Table, on a beaucoup parlé de ce sujet-là, puis une des choses qui nous avait frappés, c'est qu'il fallait faire en sorte que le mandat de la Régie soit tellement clair que, quand un projet arriverait à la Régie, on saurait exactement à quoi s'en tenir. Je donnais l'exemple du BAPE tout à l'heure, puis il y a des choses qui ne devraient pas aboutir au BAPE, des discussions sur les filières énergétiques. Mais, comme on n'avait pas de politique énergétique assez claire là-dessus, et c'était aussi très, très, très indéfini, si on se donne, à travers la Régie puis à travers l'efficacité énergétique, l'Agence de l'efficacité énergétique, des critères – caractérisation des filières, qui, je sais, sera un des premiers mandats de la Régie – avant même qu'un projet soit déposé pour considération dans la politique énergétique, déjà elle va savoir à quoi s'en tenir. Par exemple, je ne pense pas que les gens du nucléaire vont venir cogner à la porte souvent, tu sais. Bon.

Mais, à part ça, il y a aussi tous les critères environnementaux. Sauf que, si on a un promoteur X qui veut aller sur une rivière puis qui ne franchit pas les critères environnementaux, il n'aboutira même pas à la Régie. Moi, je pense que c'est surtout important de diviser les deux d'une façon claire et nette et d'établir ce que la Régie va juger, d'un point de vue énergétique, d'un point de vue demande, justification. Je ne pense pas, moi, que c'est le rôle de la Régie de discuter des bienfaits ou des méfaits de la construction du barrage X sur telle rivière. Par contre, c'est le rôle de la Régie de faire la classification des rivières.

Puis, là-dessus, moi, j'ai déjà fait des commentaires puis j'aimerais prendre l'occasion pour dire qu'essentiellement je suis d'accord avec ce que vous avancez dans la politique, à un détail près, c'est que j'aimerais plus de dirigisme d'en haut. Ma crainte, c'est que, si ça descend tout de suite aux régions – il y a des rivières qui traversent plus qu'une région, il y a des bassins versants qui traversent plus qu'un CRD, etc. – on risque de se retrouver avec un CRD qui va dire: Hé! nous autres, on veut ci, nous autres, on veut... On n'arrivera jamais à classer une rivière.

Alors, il me semble qu'on pourrait faire l'exercice à moitié à l'envers, se dire... Le gouvernement devrait dire: Voici une liste de rivières, voici une certaine quantité de rivières: Pas touche! D'autres rivières: On y touche un peu. Ça, c'est le «framework». Puis, après ça, on envoie ça aux régions – puis, d'ailleurs, c'était le sens des discussions à la Table – puis là, les régions, à partir de ça, savent: Bien, écoute, la Moisie, quand même qu'on voudrait faire des barrages dessus, le gouvernement a été clair. Donc, c'est dans ce sens-là, moi, que mes propos ont été faits la semaine dernière.

Donc, si on règle ce problème-là, il y a déjà des projets qui ne se rendront même pas à la Régie. Donc, je pense que c'est surtout une question de délimiter clairement qui va faire quoi.

Le Président (M. Sirros): Oui, un complément de réponse.

M. Turmel (Jean-François): Oui. J'aimerais insister sur l'utilité d'un plan de contingences, tel que suggéré par l'UQCN, dans l'optique de minimiser les impacts environnementaux, comme soulevé par M. le ministre. J'aimerais attirer votre attention sur le fait que, si on préparait un tel plan de contingences, on verrait rapidement que ce ne serait pas difficile pour le Québec d'avoir la croissance énergétique zéro, même d'avoir la décroissance énergétique.

Évidemment, dans un contexte de croissance énergétique zéro ou de décroissance énergétique, la question des impacts environnementaux se pose d'une manière complètement différente que lorsqu'on fait face à l'obligation de construire des nouveaux projets parce que la demande d'énergie augmente. Dans un contexte de croissance énergétique zéro ou de décroissance énergétique, il pourrait encore y avoir des nouveaux projets, mais ce seraient des projets conçus en fonction de... par exemple, si vous voulez remplacer les combustibles fossiles, s'il faut accélérer les efforts de ce côté-là. Par le fait même, ça veut dire que ça éliminerait certaines filières, hein; on ne pense pas à la cogénération au gaz naturel, on ne pense pas aux turbines à gaz. Ça nous dirigerait automatiquement soit vers la biomasse, les projets d'éoliennes ou des projets de nature hydraulique.

Et là il faudrait aussi choisir, dans le cadre d'un tel plan de contingences, si on privilégie des filières, par exemple, irréversibles ou réversibles. Un barrage, disons à l'échelle de temps dans laquelle on se situe, on le considère comme un ouvrage plus ou moins irréversible, sauf si on parle de petites turbines au fil de l'eau, comme les nouvelles turbines que certaines firmes québécoises ont mises au point ces dernières années. Et donc, par le fait même, vous voyez qu'on se dirigerait automatiquement, dans le cadre d'un tel plan de contingences, vers des filières dont les impacts environnementaux sont beaucoup moindres, voire virtuellement quasi nuls.

Alors, la question des impacts environnementaux est évidemment actuellement capitale, mais elle a, si vous voulez, une connotation totalement différente selon qu'on ne se préoccupe pas tellement des implications puis des exigences du développement durable ou selon qu'on s'en préoccupe, avec un plan de contingences qui nous montrerait qu'il faut plutôt se préparer à aller dans une direction précise.

Le Président (M. Sirros): Merci.

M. Chevrette: Mais, parlant... Il me «reste-tu»...

Le Président (M. Sirros): Oui, M. le ministre.

(12 h 10)

M. Chevrette: Parlant de deux systèmes, là, vous savez très, très bien, par exemple, que la justification énergétique des projets sera examinée par la Régie et que la procédure d'évaluation environnementale, elle, va continuer de s'appliquer sur ces mêmes projets. Donc, ces deux aspects pourront être débattus en audiences publiques. Mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez, moi, de cette procédure d'examen et d'évaluation qui permet de couvrir tous les aspects, mais par deux organismes différents. Je veux savoir ce que vous en pensez. Quelle est votre réaction?

Le Président (M. Sirros): Oui, M. Turmel.

M. Turmel (Jean-François): Si on se place du point de vue d'un producteur d'énergie – ce que nous ne sommes pas, heureusement peut-être, mais enfin – j'imagine que le genre de critique qu'il ferait là-dessus, c'est le fait que c'est un système beaucoup trop lourd. Déjà, une audience publique, ils aimeraient mieux l'éviter, mais, si on leur en impose deux, ils vont dire: Ça n'a pas de bon sens! Alors, dans ce cas-là, si on veut simplifier les choses, ce n'est pas d'éviter une audience qu'il faut faire, à notre avis, mais peut-être penser à un mécanisme où il y aurait une audience conjointe Régie-BAPE et où on ferait l'examen du projet dans un seul cadre, mais par les deux organismes. Et là, bon, il faudrait prévoir... Si, par exemple, il y a une divergence d'opinions entre les membres de la Régie puis le BAPE sur les recommandations face à ce projet-là, bien, il faudrait prévoir un mécanisme qui fasse en sorte qu'on ne se retrouve pas devant une situation paralysée. Mais, de toute façon, cette situation paralysée, elle est susceptible d'exister si on a deux processus d'audience publique, un avec la Régie puis un autre séparé, avec le BAPE. La question d'une audience conjointe ne vise qu'à simplifier les choses à la fois pour, bon, les producteurs, mais aussi les autres intervenants, les groupes environnementaux, les groupes sociaux, etc.

M. Chevrette: ...

Le Président (M. Sirros): Je pense que M. Tanguay avait indiqué qu'il voulait compléter un peu la réponse.

M. Chevrette: Oui. Excusez.

M. Tanguay (François): Oui. Ça va un petit peu dans ce sens-là. Mais on a discuté beaucoup, à la Table, de ça, de la notion d'audience conjointe. Il nous apparaissait que ça serait intéressant de tenir une audience conjointe BAPE-Régie pour ce qu'on pourrait appeler des génériques, caractérisation des rivières, classification des rivières, caractérisation des filières, des choses comme ça, de façon à ce que, une fois que ce travail-là est fait, on n'ait pas besoin effectivement d'aller s'enliser... Moi, je sympathise avec un promoteur, je veux dire, qui veut mettre de l'argent dans quelque chose puis qui se ramasse avec des mois et des mois d'audiences. Puis, en plus de ça, c'est les payeurs de taxes, en quelque part, qui enfouissent 200 000 $, 300 000 $, 400 000 $, 500 000 $ dans une audience. On est tous d'accord là-dessus. Puis je ne pense pas avoir dit, en aucun moment dans mes quatre ans et demi à Greenpeace, qu'on était pour le «red tape» au point de faire chier les promoteurs. Ça, c'est clair.

Cela dit, la raison pour laquelle on s'est souvent battus, c'est qu'il n'y avait pas de cadre. on ne savait pas où on s'en allait puis il n'y avait pas de normes établies. Donc, c'est pour ça que ça vaut la peine de se donner le trouble de faire un générique peut-être sur la classification des rivières, certainement sur la caractérisation des filières. Puis, mon opinion, c'est que, une fois qu'on aura fait ça, il y a un maudit paquet d'affaires qu'on n'aura plus besoin de faire parce que les règles seront claires. Combien de fois, nous autres, dans les batailles environnementales, par exemple par rapport à l'environnement vis-à-vis le MEF, on s'est pris avec des pollueurs qui engagent des avocats à 100 000 $ par année pour trouver des trous dans la loi puis qui profitent de ça? Pourquoi? Parce que ce n'est pas clair.

Mais, si c'est clair... Puis, je veux dire, on l'a entendu de tous les bords de la clôture durant la commission, tout le monde nous disait: Faites ce que vous voulez, mais dites-nous ce que ça va être, qu'on sache où on s'en va... Puis je pense que c'est le meilleur signal qu'on pourra envoyer à tout le monde, c'est de mettre des règles claires: Une rivière, c'est ça. Ce n'est pas, comme disait un cynique un jour: Une rivière, c'est un endroit, selon Hydro-Québec, où il manque un barrage. Tu sais, il faudrait arriver à définir un peu ces choses-là d'une façon assez claire.

Le Président (M. Sirros): Alors, on a le temps pour une dernière courte question du côté ministériel avec une brève réponse, puis on passera par la suite à l'opposition. M. le député de La Peltrie.

M. Côté: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse à M. Tanguay particulièrement. Si l'autre groupe veut ajouter, libre à lui. Alors, c'est concernant le surplus qui est produit. Puis vous dites dans votre rapport, à la page 9, au niveau... qu'on ne devrait pas permettre, au fond, d'exporter de la surproduction. Puis j'y vais à titre d'exemple. Supposons qu'une entreprise dans le domaine du papier, par exemple, produit sa propre énergie puis qu'elle a deux ou trois entreprises dans les différentes régions du Québec. Est-ce que, si elle a une surproduction dans un endroit, vous pourriez lui permettre... est-ce que vous seriez d'accord pour lui permettre de transférer ce surplus-là à une autre de ses usines au Québec, par exemple?

M. Tanguay (François): Ça, la proposition du gouvernement est claire là-dessus. C'est le «willing» d'avoir un producteur X, qui pourrait être une usine, qui fait un surplus de production, de dire: Moi, j'ai un surplus puis je le vends à l'entreprise X à Matane ou ailleurs. Bon, le principe du «willing». Sur ce fond-là, on n'est pas en désaccord, sur le principe. Mais le danger est le suivant. C'est que, quand on autorise le projet, si c'est une modernisation d'entreprise... La Table a été claire là-dessus: la cogénération, qui est le remplacement des vieilles chaudières par du gaz, doit être d'abord et avant tout une modernisation pour diminuer la pollution. Si on se retrouve après ça avec, disons, une usine à papier qui a besoin de 100 MW puis qui dit: Nous autres, on va faire 145 MW; le 45 MW, on va le vendre à l'usine machin truc à telle place... Mais le 45 MW, c'est du thermique qu'on vient de rajouter au bilan énergétique du Québec. Je ne suis pas sûr que c'est la meilleure voie à prendre. Si cette usine-là justifie la surproduction par du thermique, moi, je dis: Ce n'est pas quelque chose qu'on devrait permettre.

M. Côté: Mais, par exemple, si c'est...

Le Président (M. Sirros): Je dois malheureusement vous arrêter. Honnêtement, on commence à dépasser de beaucoup le temps que nous avons à notre disposition. Alors, M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Comme on est à notre troisième journée d'audiences, on a développé un mécanisme puis on va directement à des choses bien précises. Alors, aux gens qui viennent de l'Union québécoise, en page 11, j'aimerais ça que vous... Au sujet des commentaires que vous faites sur l'article 31, c'est quoi vos véritables inquiétudes? Puis j'aimerais ça que vous élaboriez un peu là-dessus. Quand vous dites qu'il faut approuver les ressources d'Hydro-Québec et de tout distributeur de gaz naturel, et vous ajoutez: «Il serait préférable d'élargir cette compétence à tous les projets de production d'énergie», qu'est-ce qui vous inquiète dans la façon dont c'est rédigé présentement?

M. Turmel (Jean-François): Bien, c'est que l'alinéa 3 parle de plan de ressources. Donc, on peut présumer, à tort ou à raison, qu'à ce moment-là la Régie se prononcerait sur le plan des ressources dans son ensemble et non au niveau de chacun de ses éléments constitutifs.

M. Cherry: O.K.

M. Turmel (Jean-François): C'est clair entre nous? Bon. Nous croyons qu'il faut absolument aller au-delà de l'approbation du plan dans son ensemble et approuver aussi chacun de ses éléments pour s'assurer qu'il y a une cohérence interne et que les projets ont une certaine forme de synergie, si vous voulez, les uns avec les autres. Il faut, en somme, s'assurer que le tout est plus que la somme de ses parties. Bon. Et, si on ne fait que regarder le plan de ressources dans son ensemble... par exemple, on dit: On a besoin, hypothétiquement, de 2 000 MW de plus dans les 10 années qui viennent et de 10 TWh, le plan de ressources nous donne ça, eh bien, c'est suffisant. Non, il faut regarder le 2 000 MW de capacité, il est composé comment, et les 10 TWh aussi, pour s'assurer que c'est une combinaison optimale.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: O.K. Concernant l'article... oui, c'est ça, aux pages 14 et 15 de votre rapport, le premier paragraphe complet, vous faites des commentaires, vous souhaitez que ça soit 18 mois. À chaque fois qu'on a eu à soulever ça... Même à une occasion, le ministre nous a dit... Hydro-Québec, par exemple, disait: Voyons donc, six mois, ça n'a pas de bon sens, puis il faut profiter des opportunités du marché, il faut y aller, puis bon... Ra, ra, ra! On a vu là que c'était ça qui était la couverture médiatique aussi: Allons-y en choeur, il y a là des milliards de potentiel, puis sautons là-dedans à pieds joints.

Par contre, à chaque fois qu'on questionnait des gens sur cet aspect-là, il y en a qui disaient: Écoutez, n'allez pas trop vite là-dedans, il y a des endroits aux États-Unis, même si la situation énergétique n'est pas la même dans les territoires... Des gens disaient: À certains endroits aux États-Unis, ça a pris jusqu'à trois à cinq ans avant de s'installer. On a entendu hier soir des commentaires concernant la Colombie-Britannique, dont le territoire puis l'utilisation énergétique ressemblent en bonne partie à ce qui est au Québec. Mais là on s'est fait dire qu'il y a même des règlements qui pourraient être publiés dans les mois qui viennent. Même pas six. Apparemment, on est prêt à fonctionner, puis allons-y gaiement.

Si c'est ça... Puis là, je vous pose la question, d'abord à l'Union québécoise puis, après ça, je reviendrai à M. Tanguay. Je veux vous entendre là-dessus: C'est quoi, vos préoccupations et le fouillage que vous avez fait quand ça s'est fait ailleurs? C'est quoi, les difficultés qu'ils ont rencontrées? Et qu'est-ce que vous craignez qui arriverait si on procédait de la façon rapide: Go, go, go? En même temps, de l'autre côté, ils disent: À chaque fois qu'on donne un délai plus long, ils ont toujours tendance à y aller à l'extrême puis même à en prendre un peu plus, puis: Il faut profiter des occasions – il semble que c'est ça, là, même, je reprends l'expression de M. Tanguay – il semble qu'il faut tellement y aller rapidement que, même si on est mal organisé puis mal habillé, il faut y aller pareil. Mais les conséquences de ça, elles sont inverses. Donc, d'abord, je veux vous entendre là-dessus.

(12 h 20)

M. Turmel (Jean-François): Ça ne m'étonne pas qu'Hydro-Québec dise que six mois, c'est trop long, qu'il faut y aller tout de suite, etc. Et c'est très inquiétant, hein. À notre avis, c'est le signe qu'Hydro-Québec n'a pas encore, si vous voulez, terminé la mise à jour de sa culture d'entreprise. Elle ne voit des opportunités que du côté de la production et de la distribution de l'électricité plutôt que de se voir, de plein droit, si vous voulez, de plein gré, comme une entreprise productrice et distributrice de services énergétiques au sens large, hein, où il peut y avoir de la production et de la distribution d'électricité, il peut y avoir du transit, il peut y avoir... bon, enfin, toutes sortes d'actions reliées à ces éléments-là, dans un contexte réglementé ou déréglementé.

Mais il y a aussi toutes les initiatives du côté de l'efficacité énergétique: Hydro-Québec n'a aucune stratégie à l'heure actuelle, quelle qu'elle soit, pour entrer de plain-pied dans les marchés de l'efficacité énergétique. Faites la comparaison entre les pourcentages annuels de développement du côté de l'efficacité énergétique et les pourcentages annuels de hausse de la demande d'électricité et, si vous voulez, les opportunités d'Hydro-Québec aux États-Unis en déréglementation. Si on fait la comparaison entre les deux, c'est dérisoire d'affirmer qu'Hydro-Québec va trouver son pain puis son beurre d'une manière exceptionnelle avec la déréglementation au sud de la frontière. Le plus qu'elle peut aller chercher, c'est potentiellement quelques centaines de millions de ventes additionnelles, alors que, si elle décidait de mettre vraiment ses deux pieds, sa tête, son coeur, enfin toutes ses ressources, du côté des services énergétiques, et donc de développer sa présence dans le créneau de l'efficacité énergétique, premièrement, elle ne serait pas limitée géographiquement aux quelques États qui sont au sud de la Nouvelle-Angleterre et de New York, mais elle pourrait agir en efficacité énergétique en Europe, au Japon, en Chine, en Amérique du Sud, en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique, partout, partout. Il n'y a aucune limite géographique. Il suffit qu'elle identifie des technologies clés puis qu'elle prenne une position avec des partenaires dans ces technologies-là. Et, si vous faites la comparaison entre les pourcentages annuels de hausse du côté de l'efficacité énergétique et de ce que la déréglementation pourrait donner à Hydro-Québec, vraiment, c'est le jour et la nuit, hein. On ne parle pas du tout de la même chose, là. Le filon, aujourd'hui, il est du côté de l'efficacité énergétique, et, quand Hydro-Québec dit: Vite, vite, vite, il faut aller à la déréglementation! à notre avis, elle fait une erreur stratégique capitale et fondamentale.

Le Président (M. Sirros): Je dois vous rappeler qu'on a peu de temps à notre disposition. Alors, si les questions puis les réponses peuvent essayer de circonscrire... M. Tanguay va compléter, je pense.

M. Cherry: Oui, M. Tanguay.

M. Tanguay (François): Je vais essayer d'être le plus bref possible, ha, ha, ha! parce que je pourrais faire une conférence de trois heures sur le sujet, ça ne serait pas difficile.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Tanguay (François): Quand on a décidé de faire La Grande, on a mis les moyens, les milliards, puis on est allé dans le Grand Nord puis on a créé de l'énergie. On a créé de l'énergie pendant deux décades sans regarder en arrière, sans s'imaginer qu'il y avait une fin à ça. On est arrivé à un moment donné avec des surplus, des surplus qui nous ont coûté très cher historiquement, puisqu'on est obligé de les vendre à bas prix. Ajourd'hui, on est face à une situation très, très différente: la demande est stagnante, le marché est mature, les parts de marché sont très établies.

La seule chance qu'a Hydro de se sortir la tête de l'eau, c'est, comme vient de le dire Jean-François de façon très claire, de diversifier: c'est Hydro-Québec International, c'est toutes sortes de choses de ce genre-là. Mais c'est aussi et surtout l'efficacité énergétique. Je n'ai pas entendu souvent le mot «mégawatt», moi, ici, puis pourtant, du temps que je faisais des maisons – j'ai été constructeur de maisons pendant un certain nombre d'années, des maisons et solages – je disais toujours aux gens: L'énergie la moins chère, c'est l'énergie dont tu ne crées pas le besoin; c'est la piastre la mieux dépensée de ta vie, celle-là, parce qu'elle ne te coûte rien puis elle te rapporte tout le temps.

Au Québec, on a tout le know-how pour développer cette capacité d'efficacité énergétique, sauf que, comme ce n'est pas un barrage, comme ce n'est pas spectaculaire, on a de la misère à le voir, hein. C'est moins gros. Mais, encore à ce jour, je veux dire, tu prends l'autoroute, tu sors de Montréal, par Repentigny, puis qu'est-ce que tu vois? Des développements avec des noms poétiques au dernier degré. Puis c'est quoi? C'est des bungalows enlignés franc nord, la toilette puis la cuisine côté sud, les lumières allumées à quatre heures de l'après-midi parce que ce n'est pas orienté pour deux sous. C'est le gaspillage installé à vie. On crée de la demande qui s'appelle du gaspillage, puis, après ça, on se revire de bord en tant que société puis on dit: Bon, là, c'est quoi qu'on devrait faire? Il faudrait ouvrir les marchés, puis aller chercher des parts de marché ailleurs, puis utiliser l'énergie intelligemment. Mais on se donne des infrastructures qui sont carrément inefficaces, tu sais. Moi, c'est ça, mon problème.

Alors, toute la notion de la libéralisation du marché, en ce qui me concerne, pour le moment, c'est un faux problème. Hydro-Québec, effectivement, pourra vendre, bon an, mal an, sa petite part sur le marché «spot» aux États-Unis, mais ce n'est pas là la vraie «game». Je veux dire, ils ne sont pas en Pennsylvanie, ses clients, à Hydro-Québec. Ils sont dans son intelligence, dans sa matière grise. Il me semble que c'est quelque chose dont on s'est toujours donné une fierté. Puis là on est en train de continuer avec cette mentalité passéiste de dire: On va ajouter de l'énergie, mais on va la vendre plus intelligemment. On n'est pas en train de la gérer plus intelligemment. Puis on n'est pas en train de créer des infrastructures. On va faire quoi, au Saguenay? Rebâtir des bungalows de plastique sur le bord des rivières, qui vont repartir, ou bien donc des maisons intelligentes qui vont être efficaces? C'est ça, le problème. Quand on aura cette attitude-là, après ça on pourra «dealer» avec les marchés américains.

La raison pour laquelle, nous, on insiste pour ne pas se presser pour rentrer dans l'histoire de la libéralisation des marchés, c'est que ce n'est pas urgent, point, à la ligne. «Where's the fire?»

Le Président (M. Sirros): Alors, M. le...

M. Cherry: O.K. Il me reste à me... M. Tanguay, vous y avez touché, j'avais pris une note pour vous questionner, je veux juste dire que je souscris aux commentaires que vous faites, que la classification des rivières, si on laisse ça à chacune des régions... si la même rivière traverse plusieurs régions et que chacune n'a pas la même optique, on va réussir à la traiter comment? Donc, il faut que ça devienne une responsabilité d'un organisme au Québec qui va décider: Qu'est-ce qu'on fait avec celle-là? On y «touche-tu»? Et, si oui, comment? Autrement, si on laisse ça à chacune des régions, la même rivière pourrait être utilisée de façon aussi différente qu'elle passe à travers des MRC.

M. Tanguay (François): Mais entendez-moi, hein? Je ne suis pas contre le fait que les régions s'impliquent. Ce que je dis, c'est que si, au départ, le signal n'est pas clair, on pourrait se retrouver avec des rivières où les régions vont faire une job puis qui ne concordera pas avec...

M. Cherry: C'est ça.

M. Tanguay (François): Je veux dire, les rivières, c'est un bien national. Ce n'est pas un bien régional, tu sais.

M. Cherry: C'est ça.

M. Tanguay (François): Donc, c'est ça, le propos, je pense. Ça fait que, si on se donne un «ballpark figure» sur les rivières, après le monde saura un peu plus dans quelle direction s'en aller. À la norvégienne, comme on avait fait suggestion à la Table: des rivières, pas touche; des rivières où on peut faire un peu d'aménagement; mais il y a aussi du tourisme, puis de l'écotourisme à faire; puis d'autres rivières, comme la Péribonca, où il y a déjà une série de barrages dessus, un de plus ou un de moins, ça ne change rien.

M. Cherry: Ha, ha, ha!

M. Tanguay (François): Mais, si le monde le sait, ça, après ils pourront s'amuser dans les régions à classer ça selon leurs besoins.

M. Beaudet: M. le Président...

Le Président (M. Sirros): Oui. J'espérais avoir un... En tout cas, allez-y, M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci. Je vous ai devancé. Tantôt, à la question de mon confrère, vous avez mentionné, pour la vente d'électricité d'une entreprise... vous n'avez pas spécifié si c'était à l'intérieur de la même entreprise. Exemple, Donohue produit, puis il y a un autre plant de Donohue l'autre bord de la rue: Est-ce qu'il pourrait vendre son surplus de l'un à l'autre? Est-ce que c'est quelque chose qui vous... Rapidement, là.

M. Tanguay (François): Je répète encore, je vais essayer d'être encore plus clair là-dessus. On a présentement de l'hydroélectricité tant qu'on peut en produire, puis on peut en rajouter. Ça, ça devrait être notre priorité. On a aussi des entreprises qui ont besoin d'énergie. Il y a un article, moi, qui m'est apparu important – je ne me rappelle plus c'est quel, je pense que c'est 60 – qui dit essentiellement: Un producteur peut produire son électricité. C'est nouveau, ça. Avant, il y avait un monopole là. Bon. Ça, ça ouvre une porte. C'est important. Moi, je suis pour cet article-là. Parfait. Donc, ça veut dire que le plant X, il peut faire son énergie puis, s'il peut arriver à dire: J'en produis plus, mais j'ai un acheteur à côté... lui, en échange, il va fermer une bouilloire, il va diminuer sa pollution puis la production qu'on va faire va compenser les deux usines, soit en énergie ou en vapeur, pas de problème. Mais ce qu'il faut éviter, c'est un surdimensionnement gratuit, qui crée de l'électricité thermique... Même si elle est exportée aux États-Unis, ce n'est pas là, la question. C'est même pire si elle est exportée aux États-Unis.

M. Beaudet: Merci. Ça répond à ce qu'on recherchait comme réponse tantôt. Dans le contexte, vous avez parlé des régisseurs tantôt, puis, brièvement, les régisseurs, vous voudriez qu'on les nomme, deux pour deux ans, deux pour trois ans, deux pour quatre ans, puis, à un moment donné, après ça...

M. Tanguay (François): Une rotation.

M. Beaudet: ...on les renomme aux cinq ans. Et, dans ce pattern-là...

M. Tanguay (François): Dans le style. S'assurer qu'il y ait une rotation.

M. Beaudet: Ça vous irait. O.K.

M. Turmel, brièvement. Vous mentionnez au tableau à la page 5 que l'évaluation qu'on a faite, nous, au ministère des Ressources, de la consommation d'énergie, elle est complètement disparate et va complètement à l'encontre de ce que les autres pays prévoient. Qu'est-ce qu'on a utilisé comme normes pour arriver à des prévisions aussi écartées? Quand je regarde le tableau à la page 5...

M. Turmel (Jean-François): Oui, oui, oui, oui, oui.

M. Beaudet: A, c'est vraiment... Tout est à la baisse, mais, nous, on est à la hausse...

M. Turmel (Jean-François): Voilà.

M. Beaudet: ...jusqu'en 2011.

M. Turmel (Jean-François): Oui.

M. Beaudet: Qu'est-ce qu'on a utilisé comme critères pour arriver à ces chiffres-là qui sont si différents de ce que les autres peuvent...

(12 h 30)

M. Turmel (Jean-François): Bien, écoutez, c'est un peu la fuite en avant, hein. Le ministère des Ressources naturelles dit: Il y aura une demande, il faut la satisfaire, et on va la satisfaire par la hausse de la production d'énergie plutôt que par l'efficacité énergétique. Je veux dire, ça ne s'explique pas d'une autre façon que ça, et on ne se préoccupe pas de savoir si ceci peut contribuer à nous mettre dans une impasse. Je vous mentionnerais – vous allez le lire, là – que le Conseil mondial de l'énergie prétend que l'organisation actuelle des marchés peut amener le monde dans une impasse. Ce n'est pas l'UQCN qui le dit, c'est le Conseil mondial de l'énergie, qui n'est pas une organisation environnementale. Et nous croyons que le graphique 1 démontre bien que la divergence fait en sorte qu'on peut se retrouver, demain ou après-demain, enfin dans quelques années, dans une situation où on aurait haussé notre demande d'énergie, et il faudrait par la suite l'abaisser de manière très importante et rapidement, possiblement.

Alors, il faut éviter une situation comme celle-là. C'est la raison pour laquelle on propose que le premier mandat qui soit donné à la Régie soit l'élaboration d'un plan de contingences. Il ne s'agit pas de savoir qui a raison. Il s'agit de savoir – si, par exemple, les gens qui sont en B, C et D, sur le graphique, avaient raison, si on arrivait dans les années suivantes à trouver que c'est eux qui ont raison – ce qu'on peut faire dès maintenant pour faire en sorte qu'on puisse rejoindre éventuellement ce qu'eux préconisent comme une gestion prudente du secteur de l'énergie. Vous voyez?

M. Tanguay (François): Je voudrais vous signaler que le mémoire de Greenpeace est probablement le seul que vous aurez qui a été imprimé 100 % sur du papier postconsommation.

Le Président (M. Sirros): Alors, merci pour cette précision. Je dois malheureusement mettre fin à cet échange. J'aurais eu également des questions, et je suis certain que d'autres pareil, mais merci beaucoup pour votre présentation et vos réponses. On suspend pour trois minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 12 h 34)

Le Président (M. Sirros): À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous invite à reprendre place, la commission va reprendre ses travaux. J'invite donc l'Association des consommateurs industriels de gaz et l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité à prendre place, à se présenter, en rappelant aux membres de la commission que nous avons un retard dans l'exercice de nos travaux, qui sont normalement prévus pour se terminer à 13 heures. Alors, on pourrait peut-être, par consentement, dépasser ça quelque peu pour terminer, si tout le monde est d'accord.

Des voix: Oui.

Le Président (M. Sirros): D'accord. Alors, je vous invite à vous présenter et à procéder, donc, à la présentation de vos mémoires.


Association des consommateurs industriels de gaz (ACIG) et Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité (AQCIE)

M. Bourque (Jacques): D'accord, M. le Président. M. le ministre, Mmes les députées, MM. les députés, mon nom est Jacques Bourque, administrateur de l'Association des consommateurs industriels du gaz. J'ai à ma droite Me Guy Sarault, procureur de l'ACIG, qui nous représente à la Régie du gaz naturel; à ma gauche, Me Guy Pratte, procureur de l'ACIG, qui nous représente à la Commission de l'énergie de l'Ontario, à l'Office national de l'énergie et au Manitoba Public Utilities Board. Je travaille pour Kronos Canada, un grand consommateur de gaz naturel depuis 1962. Et avec nous se trouvent dans cette chambre M. Gordon Merrett, d'Alcan; Mme Josée Latreille, de Domtar; M. Jean-Paul Schaack, de Sidbec-Dosco (Ispat); et M. Daniel Brière, de Stone-Consolidated.

L'Association des consommateurs industriels de gaz, créée en 1973, a pour mandat de représenter les intérêts importants des consommateurs de gaz naturel établis au Québec, en Ontario et au Manitoba. L'Association compte présentement 54 membres, dont 28 sont situés au Québec. Dans l'ensemble, les membres du Québec consomment environ 63 Bcf, soit 1 800 000 000 m³ de gaz naturel par année, ce qui représente environ 50 % de la consommation industrielle et 30 % de la consommation totale du gaz naturel au Québec.

J'aimerais laisser la parole à Me Guy Sarault pour résumer notre mémoire à la commission.

M. Sarault (Guy): Alors, merci, M. Bourque. Évidemment, nous vous avons présenté ce matin un mémoire écrit qui relate en détail nos commentaires sur le projet de loi. Pour les fins de la présentation orale, je crois qu'il est opportun d'insister simplement sur ce qui nous préoccupe le plus.

Alors, d'entrée de jeu, je pense que nous désirons saluer la décision du gouvernement de donner suite à la principale recommandation de la Table de consultation, qui était de créer une régie de l'énergie qui a une juridiction non seulement sur les tarifs de gaz naturel, mais également sur les tarifs d'électricité. Je pense que l'ACIG, à l'instar de la plupart des intervenants, souhaitait ardemment l'établissement de ce qu'on appelle un «level playing field» au niveau du traitement tarifaire des deux grands monopoles énergétiques – en fait des trois, parce qu'il y en a un petit dans la région de Gatineau – en fait des monopoles de transport et distribution d'énergie au Québec.

Cependant, et contrairement à une certaine croyance populaire qui prévaut encore aujourd'hui, nous ne croyons pas, à l'ACIG, que nous avons encore au Québec un marché qui est totalement déréglementé pour le gaz naturel. Et je m'explique. En 1985, il y a eu un accord qui a été conclu entre diverses provinces canadiennes à l'effet de déréglementer la marchandise gaz, et des mécanismes ont été établis pour permettre aux consommateurs de gaz d'avoir accès à des producteurs et des fournisseurs de leur choix. C'est une initiative qui a permis de créer une pression graduelle à la baisse sur les prix du gaz naturel. Et l'Association que je représente a toujours été et est encore très favorable à cette déréglementation.

Cependant, les monopoles de transport et distribution, comme par exemple Gaz Métropolitain, ont encore un rôle actif à jouer dans la marchandise gaz, qui est censée faire l'objet d'une déréglementation depuis bien des années. Et ce rôle actif dans la marchandise gaz, vous le retrouvez toujours dans l'article 76 du projet de loi, qui prévoit, et je cite, qu'«un distributeur de gaz naturel est tenu de fournir – j'insiste sur le mot «fournir» – et de livrer le gaz naturel à toute personne qui le demande dans le territoire desservi par son réseau de distribution». C'est donc dire que les obligations des compagnies de distribution de gaz, qui sont avant tout des transporteurs, ne sont pas limitées à leur monopole naturel, mais elles s'étendent également à la fourniture de la marchandise qui, elle, est censée être déréglementée depuis bien des années.

(12 h 40)

Nous, nous croyons que cette obligation, qui est remise en question dans d'autres juridictions, comme en Ontario et au Manitoba – et mon collègue Guy Pratte en parlera – devrait purement et simplement être abolie et que l'élément marchandise gaz devrait désormais être assujetti à un véritable marché libre. Quelle est la raison pour laquelle nous vous demandons ça? Nous en parlons à la page 8 de notre mémoire, à l'item 10, à l'avant-dernier paragraphe. Essentiellement, ce qui est prévu dans la loi, et ce n'est pas nouveau, c'est que les tarifs de fourniture de la marchandise gaz – je ne parle pas du transport, ni de la distribution – qui sont offerts par les distributeurs gaziers, comme par exemple Gaz Métropolitain, reflètent les coûts d'acquisition seulement. C'est un «pass-on» pur de ce qui a été payé par les entreprises de distribution. Or, nous, ce qu'on soumet, c'est que ce prix-là, le tarif de fourniture qui est affiché, ne comprend pas les dépenses encourues par les distributeurs pour la vente et la mise en marché de la marchandise, contrairement aux prix qui sont affichés par leurs concurrents sur le marché.

Par exemple, s'il y avait une entreprise Jacques Bourque service de gaz inc., bien, Jacques Bourque, lui, dans son prix du gaz, serait obligé de mettre le prix de la marchandise, mais aussi tout son «over-head», toutes ses dépenses, pour mettre en marché le gaz, alors que, pour les distributeurs gaziers, le tarif de fourniture, c'est des coûts d'acquisition purs, et toutes les autres dépenses qui sont encourues pour vendre et mettre en marché le gaz sont imputées aux tarifs de transport et distribution, qui sont payés non seulement par le monde qui achète leur gaz, mais aussi par les gros clients qui achètent leur gaz de vendeurs de leur choix.

C'est donc dire qu'au Québec un consommateur industriel qui achète son gaz d'un producteur dans l'Ouest, qui n'est pas Gaz Métro, paie deux fois pour les dépenses de mise en marché et de vente de la marchandise. Il paie à son vendeur puis il paie à Gaz Métro via les tarifs de transport et de distribution. Et nous croyons que ça crée un déséquilibre, que ça envoie des faux signaux sur le marché et qu'il devrait y avoir une séparation complète entre les activités de transport et de distribution de Gaz Métropolitain et ses activités de vente et de mise en marché du gaz.

Soit dit en passant, on ne s'attend pas du jour au lendemain à ce que Gaz Métro disparaisse nécessairement de la vente et de la mise en marché du gaz. Il n'y a rien qui les empêche d'incorporer une compagnie séparée qui va continuer à s'occuper de ça, mais sur un pied d'égalité avec les autres vendeurs et fournisseurs dans le marché. Et, pour atteindre cet objectif-là, nous vous relatons dans notre mémoire, à la page 10, trois conditions qui pourraient être remplies par des filiales de Gaz Métro, qui pourraient s'occuper de la vente et de la mise en marché du gaz dans un contexte véritablement déréglementé. C'est-à-dire qu'il faudrait que ce soit une entité corporative distincte, avec un conseil d'administration et des employés qui sont séparés; deuxièmement, l'entreprise devrait être située dans des locaux distincts et ne devrait avoir aucun partage de ressources humaines ou financières; et, enfin, ni l'entreprise de distribution et transport ni celle de vente et de mise en marché ne devraient avoir l'obligation légale de fournir la marchandise.

Et, si le gouvernement a des préoccupations quant à la transition entre le régime actuel et un régime totalement déréglementé, il n'y a rien qui empêche de laisser cela à la discrétion de la Régie, qui s'occupera de faire des mesures transitoires. Mais, pour l'instant, ce qui nous préoccupe, c'est qu'il y a un obstacle législatif qui, à notre avis, devrait disparaître.

Alors, je vais laisser immédiatement la parole à Guy Pratte pour vous relater ce qui se produit dans les autres provinces et ailleurs au niveau de la séparation de ces fonctions. Merci beaucoup.

Le Président (M. Sirros): Merci. Alors, M. Pratte.

M. Pratte (Guy): Merci. Certains d'entre vous seront peut-être étonnés d'apprendre qu'en fait le projet de séparation est plus avancé au Manitoba et en Ontario qu'au Québec. J'entends évidemment la séparation des deux rôles de distributeur et de vendeur. J'ai simplement deux points que je voudrais porter à votre attention. Premièrement, je voudrais relater l'état du marché dans ces deux provinces en particulier et, dans un deuxième temps, parler très brièvement justement de l'analyse de ce problème ou de cette problématique de la séparation des rôles.

Mon collègue a fait allusion au fait que la déréglementation de la marchandise gaz a débuté vraiment en 1985-1986. Et, quand on regarde – c'est le premier volet de ma présentation – l'état du marché en Ontario, par exemple, on découvre que, dans certaines franchises, par exemple celle de Sentra, en Ontario, environ 80 % des volumes sont achetés sur le marché libre. Ils sont transportés, évidemment, distribués par un distributeur réglementé, mais la marchandise n'est pas acquise du distributeur. Et donc, l'état du marché est tel, en Ontario et au Manitoba, qu'il est devenu très efficace, et la concurrence est très vive.

La problématique qui se pose est la suivante: Est-ce que maintenant on peut laisser au marché libre complet la tâche de fournir le gaz pour tout le monde? Certains croient qu'il est temps qu'on aboutisse à ce résultat-là, mais que la présence du distributeur, qui combine les deux rôles, présente une entrave, si vous voulez, à cause de l'avantage incontournable du distributeur vis-à-vis ses clients. C'est pour ça qu'on s'est posé la question: Est-ce qu'il ne serait pas mieux de procéder, par exemple, à la solution à laquelle mon collègue a fait allusion, de laisser un distributeur incorporer une filiale, mais qui soit séparée, pour qu'on puisse voir si ça pourrait fonctionner?

Alors, j'arrive à mon deuxième volet. On a étudié cette question-là dans deux provinces au moins. Au Manitoba, des audiences ont été tenues, très poussées, cet été, sur cette question-là, et, en Ontario, un processus où il y a une table consultative où tous les participants de l'industrie, y inclus les gens qui font la réglementation, participent, qui aboutira, on pense, au mois de juin, à une audience générique sur cette question. Dans le cadre de ces deux processus, on étudie les obstacles législatifs – qui incluent, en Ontario par exemple, une obligation de fournir, comme elle est répétée dans votre projet de loi – parce qu'on considère qu'une telle disposition est un obstacle puisqu'elle impose une obligation au distributeur de fournir.

Alors, je conclus mes remarques en disant ceci: c'est qu'au moins le projet de loi que vous étudiez ne devrait pas empêcher l'étude de cette question. Parce que, lorsqu'il oblige le distributeur à être fournisseur, il en découle logiquement qu'on ne peut plus étudier, la nouvelle Régie n'aura pas l'opportunité, ni la discrétion, ni le pouvoir d'étudier s'il serait opportun de séparer les rôles. Alors, nous, nous croyons qu'avant de créer l'obligation il faudrait décider, à la suite d'une étude poussée, s'il serait loisible et opportun de séparer les rôles, ce qui n'empêche pas évidemment la conclusion de l'étude, que, dans sa discrétion, la Régie décide que, oui, le distributeur devrait garder un rôle, ou que non. Alors, c'est essentiellement la présentation que j'avais à vous faire. Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Sirros): Nous vous remercions également, puis je pense qu'on passera au deuxième groupe, qui est à la table également.

M. Bergeron (Serge): Oui. Mon nom est Serge Bergeron, président de l'AQCIE. À ma droite vous avez l'ancien président, le président sortant, Jean Morency, et, à ma gauche, le directeur exécutif de l'Association. Je vais vous faire une brève introduction, qui sera suivie de la présentation, par notre directeur exécutif, des neuf points que nous avons à déposer devant la commission.

Nous remercions la commission parlementaire de nous donner l'occasion, à l'AQCIE, l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité, de présenter nos principales recommandations. L'AQCIE représente une trentaine d'entreprises consommatrices d'électricité qui payent une facture globale de près de trois quarts de milliards de dollars d'électricité par année. Nous avons une puissance souscrite d'environ 3 000 MW et nous regroupons, nous représentons des secteurs tels que l'aluminerie, la métallurgie, la pétrochimie, l'électrochimie, les papetières et d'autres entreprises de secteurs...

(12 h 50)

Ensuite, le rôle de l'AQCIE est d'assurer à ses membres des conditions de fourniture d'électricité compatibles à leurs besoins et aussi des tarifs justes et équitables favorisant la compétitivité de ces industries qui sont créatrices d'emplois. Quand on parle de création d'emplois, ces entreprises formant l'Association regroupent quelque 40 000 emplois directs au Québec.

L'Association a présenté, dans les dernières années, trois rapports à diverses commissions, une étant la commission parlementaire élargie de l'économie et du travail sur le dernier plan de développement d'Hydro-Québec de 1996. Également, l'AQCIE a présenté ses recommandations quant à la proposition tarifaire déposée par Hydro-Québec au printemps dernier et finalement un rapport qui a été déposé à la Table de consultation du débat public sur l'énergie, dont la loi 50 a été la conclusion. Vous trouverez également en annexe A à notre document le mémoire qu'on avait présenté à la Table de consultation.

L'AQCIE, de façon générale, est assez satisfaite de la principale recommandation du rapport de la Table de consultation, qui crée la Régie de l'énergie regroupant le gaz naturel et l'électricité. Cette Régie permettra, nous l'espérons, l'uniformisation du traitement réglementaire des secteurs de l'électricité et du gaz naturel. Et l'AQCIE souhaite que l'intervention de cette nouvelle Régie permettra aux entreprises consommatrices d'électricité et de gaz d'offrir des tarifs reflétant fidèlement le coût de service et ainsi de réduire progressivement l'interfinancement entre les classes tarifaires, qui profite aux clients résidentiels aux dépens d'autres catégories de clients. Maintenant, je cède la parole au directeur exécutif pour la présentation des neuf points du projet de loi n° 50.

M. Bouchard (Jules): Merci, Serge. Alors, le point 1 de nos commentaires, ça a rapport au siège social de la Régie. On a une préférence pour que les audiences soient tenues à Montréal, parce que, de façon pratique, le siège social d'Hydro-Québec, de Gaz Métropolitain et puis la majeure partie de nos membres sont aussi situés à Montréal.

Au point 2, au niveau du choix des régisseurs, l'AQCIE croit que sa participation aux travaux du comité de sélection pourrait apporter une contribution positive au processus de nomination des régisseurs.

Au point 3, qui réfère au remboursement des frais, l'AQCIE supporte l'article 36 concernant le remboursement en tout ou en partie des frais encourus par les intervenants.

Au point 4, dans la mesure où il est bel et bien de l'intention du gouvernement de déréglementer l'industrie de l'électricité, l'AQCIE s'interroge sur la formulation qui a été employée à l'article 48 du projet de loi pour définir la juridiction de la Régie en matière de tarification de l'électricité. Ainsi, alors que, pour le gaz naturel, on précise que les tarifs à être fixés ou modifiés par la Régie seront ceux auxquels le gaz naturel est transporté, livré ou fourni, on se contente de prévoir, dans le cas de l'électricité, que les tarifs assujettis à la juridiction de la Régie seront seulement ceux auxquels l'électricité est fournie par Hydro-Québec.

De l'avis de l'AQCIE, cette différence de formulation pourrait être interprétée comme signifiant que, dans le cas d'Hydro-Québec, les tarifs à être établis seraient du type regroupé, incluant tout ce qui est nécessaire pour acheminer l'énergie électrique du point de production jusqu'à l'usager, c'est-à-dire production, transport et distribution. Cette interprétation pourrait d'ailleurs s'appuyer par le fait que les définitions contenues à l'article 2 du projet de loi font une distinction nette entre la production, le transport et la distribution d'électricité.

Ceci étant dit, l'AQCIE soumet qu'une tarification de type regroupé semble incompatible avec la volonté du gouvernement de déréglementer l'industrie, puisque, selon l'interprétation suggérée ci-dessus, le consommateur qui désirerait s'approvisionner auprès d'un fournisseur autre qu'Hydro-Québec ne pourrait connaître les composantes transport et distribution qui lui sont facturées par le distributeur pour acheminer l'électricité jusqu'à ses installations. L'AQCIE soumet que, dans un contexte de déréglementation de l'industrie, la juridiction de la Régie en matière de tarification devrait lui permettre de fixer des tarifs éclatés indiquant séparément tout ce qui est requis pour acheminer l'électricité jusqu'aux installations du consommateur, c'est-à-dire production, transport et distribution.

À notre point 5, toujours dans le contexte de la déréglementation de l'industrie et de l'électricité, l'AQCIE ne comprend pas pourquoi l'article 48 prévoit que c'est seulement sur demande d'Hydro-Québec que la Régie aura le pouvoir de fixer ou de modifier les tarifs et les conditions auxquels l'électricité est transportée. L'AQCIE croit en effet que l'établissement d'un tarif de transit général et accessible à tous est essentiel au processus de déréglementation et que la juridiction de la Régie pour fixer ce tarif devrait pouvoir être exercée sur demande d'une personne intéressée ou de sa propre initiative, tout comme cela est déjà prévu pour d'autres formes de tarification.

Notre point 6. L'AQCIE a remarqué que l'article 75 du projet de loi n'impose pas à Hydro-Québec l'équivalent de l'obligation suivante qui est imposée aux distributeurs de gaz en vertu du second alinéa de l'article 76. On se souviendra que cette disposition, qui est la même que celle que l'on retrouve à l'article 52.2 de l'actuelle Loi sur la Régie de gaz naturel, a été introduite en 1988 précisément pour donner effet à la déréglementation de la marchandise gaz, qui remonte à l'accord de l'Ouest d'octobre 1985. Sans cette disposition, les consommateurs de gaz naturel du Québec ne pourraient exiger que les monopoles de distribution leur livrent le gaz naturel qu'ils ont acquis d'un fournisseur de leur choix à des prix et conditions librement négociés.

Comme question de fait, l'AQCIE n'a retrouvé dans le projet de loi aucune disposition pouvant être interprétée comme permettant au consommateur d'acquérir son électricité d'un fournisseur autre qu'Hydro-Québec ou des autres entités mentionnées à l'article 75, c'est-à-dire «les distributeurs opérant un système municipal d'électricité et la Coopérative régionale d'électricité de Saint-Jean-Baptiste de Rouville». De l'avis de l'AQCIE, cette obligation légale imposée aux consommateurs d'acheter la totalité de leur électricité d'Hydro-Québec est incompatible avec les concepts d'ouverture de marché et de déréglementation dont on fait état dans la nouvelle politique de l'énergie.

Au point 7, l'AQCIE a aussi pris bonne note de l'article 119 modifiant l'article 6.1 de la Loi sur l'exportation de l'électricité: «Tout contrat de transport d'électricité hors du Québec doit être soumis à l'autorisation du gouvernement aux conditions et dans les cas qu'il détermine.» Si, comme mentionné ci-dessus, la loi doit être interprétée comme maintenant l'exclusivité d'Hydro-Québec sur le marché québécois, il est à prévoir que la totalité de l'électricité produite par des producteurs autres qu'Hydro-Québec devra obligatoirement être ou bien revendue à la société d'État ou bien transportée hors du Québec via les lignes de transmission d'Hydro-Québec. Si tel est bien le cas, l'AQCIE a de la difficulté à concilier avec les concepts de déréglementation et d'ouverture des marchés le droit qu'entend se réserver le seul actionnaire d'Hydro-Québec d'autoriser tous ses contrats de transport «aux conditions et dans les cas qu'il détermine».

Au point 8, l'AQCIE a aussi pris note de l'article 122 modifiant comme suit l'article 22.0.1 de la Loi sur Hydro-Québec, pour lire: «Les tarifs et les conditions auxquels l'énergie est fournie sont fixés par la Régie.» Bien que l'AQCIE reconnaisse qu'il serait tout à fait inopportun de remettre en question les contrats spéciaux qui ont été signés par le passé par le gouvernement avec certaines industries dans le cadre de sa stratégie d'accueil des industries grandes consommatrices d'électricité, il ne faut pas perdre de vue que tout déficit de rendement encouru par Hydro-Québec en raison de ses tarifs préférentiels doit nécessairement être supporté par les autres usagers.

Ainsi, tout en reconnaissant les retombées économiques positives qui ont pu être occasionnées par les contrats spéciaux qui ont par le passé été consentis à certaines industries fortes consommatrices d'électricité, il y a lieu de se demander si la généralisation de cette pratique pour l'avenir ne pourrait avoir pour effet de causer de la discrimination entre les usagers et de neutraliser les efforts qui pourraient être déployés par la nouvelle Régie de l'énergie à l'effet d'établir des tarifs justes, raisonnables et accessibles à tous et fondés sur les coûts réels encourus pour desservir chaque catégorie de clients.

(13 heures)

À notre point 9 – et c'est le dernier – l'AQCIE a aussi pris bonne note de l'article 164 prévoyant que la Régie doit, dans les six mois de sa constitution, donner son avis au gouvernement sur les façons de déréglementer ou de soustraire de sa compétence en tout ou en partie la production d'électricité. L'AQCIE se réjouit évidemment de l'intention apparente du gouvernement de déréglementer cette composante importante de l'industrie de l'électricité et souhaite ardemment que cette tendance se poursuive à l'égard de tous les autres volets de l'industrie à l'égard desquels un marché concurrentiel est en voie de s'installer en Amérique du Nord. Pour les consommateurs, l'existence de marchés libres leur permettant de négocier librement leur prix et conditions d'approvisionnement avec un fournisseur de leur choix et constitue la meilleure garantie d'accès aux meilleurs prix et conditions disponibles dans l'industrie.

À titre d'exemple des orientations qui pourraient être prises dans cette direction, l'AQCIE souscrit à plusieurs des recommandations contenues dans l'excellent rapport intitulé «Un cadre pour la concurrence», présenté en mai 1996 par le Comité consultatif présidé par l'honorable Donald Macdonald sur la concurrence au sein de l'industrie de l'électricité de l'Ontario à la ministre de l'Environnement et de l'Énergie de l'Ontario. Il va sans dire que l'AQCIE ne s'attend pas à ce qu'une réforme de cette envergure soit réalisée du jour au lendemain ou encore à ce que certaines des solutions envisagées par d'autres juridictions soient nécessairement retenues par le gouvernement du Québec. Cependant, et comme le gouvernement le souligne lui-même à la page 16 du document intitulé «L'énergie au service du Québec» décrivant sa nouvelle politique énergétique, la déréglementation du secteur américain de l'électricité s'ajoutant à celle du gaz naturel a déjà eu des effets à la baisse sur les tarifs, tout au moins sur les prix de l'électricité vendue aux entreprises et aux grands consommateurs, alors qu'à l'inverse les tarifs de l'électricité québécoise n'ont cessé d'augmenter au cours des 25 dernières années.

L'AQCIE croit que l'une des façons de freiner l'effritement de l'avantage concurrentiel dont bénéficient les industries du Québec au niveau de leurs coûts d'électricité serait de restructurer ce secteur de façon à graduellement permettre aux consommateurs d'avoir accès aux fournisseurs de leur choix. L'AQCIE ne croit pas qu'une telle restructuration aurait pour effet de nuire aux intérêts d'Hydro-Québec, pour les motifs relatés à la page 16 du document de politique énergétique et qui dit: «...l'avantage dont nous disposions a diminué. La remise en cause des structures traditionnelles du marché de l'électricité apparaît ainsi comme un moyen de restaurer cet atout...» De l'avis de l'AQCIE, il est illusoire d'espérer avoir un accès accru aux marchés d'exportation sans par ailleurs permettre aux concurrents d'Hydro-Québec d'avoir accès au marché québécois, à tout le moins dans le secteur industriel.

En conclusion, d'une manière générale l'AQCIE est très satisfaite de la décision du gouvernement de créer une régie de l'énergie. Celle-ci devrait permettre au gouvernement d'atteindre efficacement les objectifs de transparence, d'équité et d'ouverture à la déréglementation qu'il s'est fixés dans sa nouvelle politique énergétique. L'AQCIE croit cependant que le projet de loi tel que soumis comporte, hélas, trop d'exceptions et de régimes particuliers qui, lorsque considérés dans leur ensemble, pourraient avoir pour effet de limiter la déréglementation de l'industrie de l'électricité ainsi que la juridiction de la nouvelle Régie sur les tarifs industriels d'électricité.

Nous vous remercions de l'opportunité que vous nous avez donnée d'exprimer notre point de vue et puis surtout de nous avoir écoutés. Les personnes qui représentent l'AQCIE sont prêtes à répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci, et je suis certain que les parlementaires sont prêts à les poser. Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Oui. Je veux être bref parce que j'ai d'autres obligations, mais je vais laisser du temps à mes collègues. Le problème: on a des horaires corsés, nous autres aussi, puis, quand on déborde, on est...

Je voudrais aller direct à une question concernant l'article 76, et la question est la suivante: En supposant qu'on apporte des modifications à cet article qui limiteraient le rôle du distributeur à la distribution, je voudrais savoir quelle serait sa responsabilité dans le cas où un fournisseur de gaz naturel, et tout particulièrement un fournisseur sur le marché captif, faisait défaut.

M. Sarault (Guy): Je pense que, si c'est véritablement déréglementé... On pourrait prendre l'exemple de l'huile à chauffage. Si votre fournisseur d'huile à chauffage ne vous livre pas votre huile, M. le ministre, vous allez en choisir un autre. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Et je pense que c'est ça, un marché libre et déréglementé. Ce qui est important au niveau du service essentiel de la part de Gaz Métro, c'est de brancher les clients. C'est ça qui est le monopole, c'est un monopole de transport-distribution. La molécule de marchandise, le gaz lui-même, il peut y avoir 50 compagnies sur le marché, et ceux qui ne remplissent pas leurs obligations envers leurs clients pourront disparaître de par les lois du marché libre, tout comme cela se fait présentement avec l'huile à chauffage.

M. Pratte (Guy): Si je peux me permettre, M. le ministre...

M. Chevrette: Oui, j'écoute, mais vous seriez mieux d'ajouter à votre argumentaire. Le gaz qui part de l'Alberta, là...

M. Pratte (Guy): J'ai juste deux commentaires. La question – parce que cet aspect-là du problème est sous étude en Ontario et au Manitoba – la même question que vous avez posée est étudiée dans ces ressorts-là, et il faut noter deux choses. Pemièrement, depuis la déréglementation, je ne crois pas qu'il y ait eu vraiment de courtiers dans ces provinces-là qui aient failli à leurs obligations, alors le problème est, dans une certaine mesure, un peu théorique. Deuxièmement, il y a des façons d'accommoder, au point de vue législatif, un rôle d'urgence, si on peut le décrire ainsi, qui n'équivaudrait pas nécessairement à un rôle régulier de fournir à tout le monde. Ça pourrait être un rôle vraiment d'urgence. Et il y a des façons d'accommoder un tel rôle dans un cadre législatif, et c'est sous étude dans ces deux ressorts.

M. Bourque (Jacques): Ça s'est passé dernièrement dans l'industrie peut-être institutionnelle et commerciale. Il y a un fournisseur de gaz dans l'Ouest canadien qui a fait défaut de livrer. Je connais plusieurs industries qui se sont tournées de bord et ont acheté d'autres fournisseurs. Dans certains autres cas, il y a des gens qui se sont fiés à Gaz Métropolitain pour livrer, mais ils auraient pu faire comme les autres, appeler d'autres fournisseurs, d'autres vendeurs de gaz et s'approvisionner.

M. Sarault (Guy): Si vous me permettez, j'aimerais ajouter quelque chose. Il y a deux des recommandations que nous formulons dans notre mémoire qui pourraient permettre d'adoucir un peu, si vous voulez, la transition. La première, évidemment, c'est de laisser toute cette matière-là à la discrétion de la Régie, qui pourra, elle, s'occuper de décréter des mesures transitoires, si on devait en avoir. Deuxièmement, c'est celle de permettre aux distributeurs, via des compagnies affiliées, de conserver une présence dans la vente et la mise en marché du gaz. Il n'y a rien qui empêcherait, par exemple, Gaz Métropolitain d'incorporer une compagnie filiale qui, elle, s'occuperait de continuer à vendre du gaz aux clients qui en font la demande. Tout ce qu'on demande, c'est que ce soit complètement étanche de façon à corriger les déséquilibres que nous connaissons aujourd'hui.

M. Chevrette: Question à l'autre groupe. Vous avez bien compris que ce qui est déréglementé ou en voie de déréglementation, c'est plutôt le marché de l'exportation d'électricité. Le marché interne – vous vous posez des questions, mais c'est évident, il n'y a pas de cachette dans la loi – n'est pas déréglementé. Pour quelles raisons? Il faudrait peut-être analyser à court terme. Il y a eu beaucoup de sous de payés par les Québécois pour les immobilisations qu'ils se sont données et il y a des engagements à long terme à payer, et, si on y allait trop rapidement, je pense qu'on ferait payer par une certaine minorité d'une certaine façon des immobilisations prises par l'ensemble des Québécois au moment où ça s'est pris. Je ne sais pas comment vous voyez ça. Est-ce qu'on devrait avoir un système compensatoire, supposons que vous voulez changer, pour permettre à tout le monde, à tous les usagers de payer leur quote-part des engagements préalables?

M. Morency (Jean): Si je peux répondre à cette question-là. Nous, nous faisons la promotion de la déréglementation dans le sens qu'on veut créer une compétitivité... une compétition avec Hydro-Québec. À notre point de vue, à l'Association, on est convaincu que la structure d'Hydro-Québec, avec une ressource naturelle qui est l'eau, devrait être capable d'avoir un des plus bas taux dans le monde, pour ne pas dire presque dans le monde entier. On a de la misère à comprendre pourquoi ce n'est pas le cas. Puis on croirait définitivement qu'en créant une compétition Hydro-Québec deviendrait beaucoup plus efficace et pourrait réduire ses coûts et offrir des taux très compétitifs.

M. Chevrette: Est-ce que vous considérez qu'à court terme... C'est parce que vous vous inscrivez dans un créneau complètement différent de ce qu'on vient d'entendre préalablement. Il y a deux groupes qui ont passé devant nous et qui ont dit: Bon, bien, vous allez même trop vite sur le marché de la déréglementation, même à l'externe; vous devriez faire attention même sur les contrats... ça devrait être seulement des contrats d'énergie fermes. Et vous nous arrivez, vous autres, puis vous dites: Déréglementez au boutte, puis tout de suite, immédiatement. Vous allez venir vous asseoir quelques minutes ici et vous allez nous dire ce que vous feriez.

(13 h 10)

M. Bergeron (Serge): Ce qu'il faut faire, c'est d'établir les coûts de distribution, les vrais coûts qu'on paie de distribution, de transport. Si on veut aller vendre notre électricité, il faut être en mesure d'offrir des tarifs pour que les Américains puissent venir vendre leur énergie ici. Alors, il faut démontrer qu'on est capable d'être compétitif et que nos coûts de transport font en sorte qu'on est capable d'exporter notre énergie et de la vendre puis que les Américains, à cause de leurs coûts de production qui sont supposément plus élevés que les nôtres, ne sont pas capables de rentrer ici.

Le Président (M. Sirros): M. le ministre, vous permettez...

M. Chevrette: Oui, mais la question...

Le Président (M. Sirros): Si vous permettez, M. le ministre, juste une sous-question.

M. Chevrette: Oui, oui.

Le Président (M. Sirros): Est-ce que, si je vous comprends bien, ça voudrait dire que, si, nous, on déréglemente puis on vend aux États-Unis, à des clients aux États-Unis, vous, comme consommateur d'électricité, vous serez à faire des pressions finalement pour que l'inverse puisse être vrai si jamais il y avait des Américains qui disaient qu'ils peuvent vendre de l'électricité à vos usines à plus bas prix qu'Hydro-Québec? Donc, en d'autres termes, si on l'envoie de l'autre côté, vous, comme consommateur, allez-vous revenir ici puis dire: Bien, écoutez, nous, on a des offres de l'autre côté d'acheter moins cher, permettez aux Américains de venir vendre ici comme, nous, on leur vend à eux? Ça «serait-u» une position logique de votre part?

M. Bergeron (Serge): Exactement. Nous, on veut payer pour l'énergie la moins chère possible parce qu'on est en concurrence avec des entreprises qui sont aux États-Unis. Il y a des entreprises qui paient des tarifs moins élevés que certaines entreprises qui sont installées au Québec. Ça fait qu'on veut bénéficier de ces avantages-là que la libre concurrence ou le «power willing» va nous offrir. S'il y a des entreprises qui vendent en bas de leurs coûts puis qui font en sorte que le coût de transport est tellement élevé aux États-Unis qu'elles ne peuvent pas se rendre ici, nous autres, on veut être en mesure de... et puis, si Hydro-Québec a des coûts de transport qui sont très peu élevés puis qu'elle est capable de vendre aux États-Unis, donc il y a des États, probablement la Nouvelle-Angleterre, qui vont être capables de faire la même chose, de rentrer ici. Ça fait que le libre-échange, c'est sur les deux côtés, hein.

M. Chevrette: Oui, mais, si on dit que l'électricité, c'est le plus bas prix au monde – je ne sais pas, s'il y en a un de vous qui a affirmé ça tantôt, je ne sais pas si c'était avec de l'humour ou bien si c'était réel – mais en supposant que c'est le coût le plus bas au monde, il peut y avoir effectivement certaines filières pour un marché «spot», qui peut être moins cher à court terme. Mais, dans le type de besoin que vous avez, c'est des contrats fermes dont vous avez besoin. Vous n'achèterez toujours pas ça exclusivement sur le marché «spot».

M. Morency (Jean): Bien, je pense qu'on a... Aux États-Unis, il y a des contrats fermes, mais il y a des grosses parties où c'est des contrats «spot». Puis, si on regarde Hydro-Québec dans la direction où elle s'en va dans le moment avec la TTR, la tarification en temps réel, c'est du marché «spot», ou presque; dans la partie au-dessus de la référence, on peut utiliser ça. Mais je pense que l'industrie est prête à aller dans ce sens-là aussi. C'est l'indication qu'on a. C'est l'indication que l'industrie américaine – je parle de l'industrie de production de produits, pas d'électricité – s'en va dans ce sens-là. Dans ma compagnie, on a une usine aux États-Unis, et puis 50 % de leur charge est ferme, 50 % est «spot», puis ils achètent ça à l'heure. Pourquoi on n'aurait pas la même chose ici si c'est pour nous permettre d'obtenir des prix d'électricité qui sont compétitifs? C'est dans ce sens-là qu'on est prêt à aller. Si on a besoin de production, bien, on produit avec les taux qu'on a. Mais, si on peut se permettre certaines variations, bien, à ce moment-là, on le produit avec le prix, on fait un choix, ça nous donne un choix. Dans tout notre document, ce qu'on demande, c'est d'avoir un choix.

M. Chevrette: Mais est-ce que vous avez entendu certains groupes qui sont venus nous dire: Oui à la concurrence, c'est vrai, je pense que c'est sain, sauf qu'on «peut-u» avoir des choix de société? C'est un peu ce que j'ai compris, en tout cas, des expressions: choix sociétal. On «peut-u» avoir des choix de société qui nous disent qu'on favorise les énergies les moins polluantes et qu'au contraire on devrait avoir des tarifs dissuasifs vis-à-vis les sources énergétiques qui sont très polluantes? Comment vous réagissez à ça? Est-ce que vous croyez qu'une société a le droit de se donner ce genre de contrainte?

M. Bergeron (Serge): Moi, je crois personnellement qu'une société doit s'ajuster en fonction des pressions qui sont internationales. Si la société veut se doter d'une maison sans fenêtres, sans regarder à l'extérieur, elle peut bien faire ce qu'elle veut à l'intérieur. Mais, si la société dans laquelle on vit veut s'ouvrir vers l'extérieur, bien, elle doit privilégier – en autant que sa structure économique ou ses besoins économiques font en sorte qu'elle doit s'en aller vers les énergies qu'elle est capable de s'offrir... Elle peut aller vers l'éolien, mais, si ça augmente la facture des produits qu'elle fabrique, qu'elle manufacture ici, de façon à ne plus être en compétition sur les marchés internationaux, bien, je pense qu'elle n'a pas fait le bon choix.

M. Chevrette: Mais comment vous réagissez aux directives ou encore aux obligations qu'on crée à la Régie sur le fait que ça s'inscrive dans le cadre d'un développement durable, toute la politique énergétique, et même les décisions de la Régie doivent s'inscrire dans ce sens-là? C'est parce que j'ai vu des aberrations, j'ai entendu des... Je n'ai pas tout relevé ce qui s'est dit ici, moi, parce que...

Ce qui me fâche beaucoup souvent, c'est les contradictions monumentales à l'intérieur même de certains mémoires. Je vous donne un exemple. Je ne me souviens pas quel groupe qui nous a dit qu'il se promène sur le marché américain pour dire que c'est épouvantable d'y aller par d'immenses bassins hydroélectriques puis qui déplore le fait que le Québec ne respecte pas l'environnement, puis qui est prêt à faire de l'importation, par exemple, d'électricité produit au charbon. On a entendu ça ici, dans cette salle-là. Je «peux-tu» vous dire que, moi, ça ne m'étouffe pas trop, trop, ça?

Vous autres, reconnaissez-vous, même comme industriels, qu'on peut tenir compte, dans toute l'élaboration d'une politique puis dans toutes les décisions... qu'on prenne en compte un peu le projet – pas rien qu'un peu, beaucoup – environnemental dans d'autres dimensions, dans nos décisions à prendre, ou si c'est seulement la valeur exclusive sur le plan monétaire?

M. Morency (Jean): Je pense qu'on ne peut pas... En tant qu'industriels, je pense qu'on est pleinement d'accord avec un développement durable. Je pense que c'est important pour nous d'avoir, en tant qu'industriels... On est installés ici, on a investi beaucoup d'argent, puis on est ici pour longtemps. On essaie de faire de la planification à long terme. Puis je pense que vous pourrez voir à la longue. On fait partie d'autres associations dans lesquelles on parle de gestion responsable. J'entendais un peu plus tôt quelqu'un qui parlait qu'ils se contrôlaient eux autres mêmes. Bien, on a commencé à se contrôler nous autres mêmes. Puis on est aussi intéressés au point de vue environnemental, que ce soit... On veut un développement durable. Mais il faut avoir des alternatives.

L'industriel, nous, on le regarde en regardant toutes les alternatives possibles puis on choisit celle qui est la meilleure, au meilleur coût possible. Mais il faut vivre dans un contexte mondial – parce qu'on vit dans un contexte mondial – il faut toujours respecter ça dans l'ensemble de l'économie. Puis je pense que c'est important au point de vue de développement économique. Puis, au point de vue de la production de l'électricité, en utilisant l'eau qu'on a comme ressource naturelle, au point de vue environnemental, c'est probablement la meilleure solution si on veut produire de l'énergie.

M. Chevrette: Je vous remercie beaucoup. Je m'excuse, je dois quitter. Mais je vous remercie d'avoir présenté vos mémoires respectifs.

Le Président (M. Sirros): Le temps dévolu à l'opposition est presque terminé. Il y a à peu près 30 secondes qui restent. M. le député de La Peltrie, si vous pouvez rapidement...

M. Côté: Question rapide. Je crois que vous êtes les deux premiers organismes qui se prononcent concernant l'article 6, à l'effet que le siège social de la Régie devrait être situé à Montréal. En tout cas, sous toutes réserves, je pense que vous êtes les deux premiers. Et puis, à lire vos commentaires, je pense qu'on s'imaginerait que c'est la même personne qui a préparé le texte, c'est exactement la même composition. Et, que vous apportiez comme argument que, bon, ça devrait être à Montréal parce que le siège social de Gaz Métropolitain et celui d'Hydro-Québec sont situés à Montréal puis que la nette majorité des membres de vos associations respectives sont à Montréal ainsi que les procureurs de plusieurs intervenants ont aussi leur bureau à Montréal... Alors, lorsqu'on considère que Québec est la capitale, que c'est le siège du gouvernement puis que, habituellement et règle générale, dans tous les États ou tous les pays, les organismes se greffent autour du siège où est le gouvernement, c'est-à-dire la capitale... Alors, est-ce que vous avez d'autres arguments que ceux qui sont mentionnés ici relativement à l'article 6? Parce que ça ne me convainc pas, moi, là. C'est vrai que je suis de la région de Québec, par exemple.

(13 h 20)

Le Président (M. Sirros): J'allais dire: On reconnaît là l'intérêt d'un député de la région de Québec.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Sirros): Alors, rapidement, s'il vous plaît.

M. Bergeron (Serge): O.K. Nous, on n'a pas recommandé que le siège social soit à Montréal. Ce qu'on a demandé, c'est que les délibérations se fassent à Montréal au point de vue rendement énergétique. On ne veut pas dépenser inutilement du carburant pour se rendre à...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bergeron (Serge): Mais le siège social, on n'a pas d'objection à ce qu'il se tienne à Québec. C'est simplement pour considérations énergétiques qu'on a demandé que ce soit à Montréal.

Le Président (M. Sirros): Merci. Alors, si...

M. Cherry: À part du fait que ça soit pratique, logique, économique, avez-vous d'autres raisons?

Une voix: C'est parce que c'est déjà pas mal.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cherry: Parce que, dans le fond, c'est là que ça se passe, tu sais.

Une voix: C'est ça.

M. Cherry: On peut mettre une adresse dans la capitale, mais le genre d'activité économique, vos clients, vos affaires, les gens, c'est là que ça se passe. Il me semble que... et je veux juste indiquer à mon...

M. Côté: ...se fait en région...

M. Cherry: Je veux juste, M. le Président...

Le Président (M. Sirros): Je veux essayer de garder l'ordre, s'il vous plaît. Ha, ha, ha!

M. Cherry: Juste, M. le Président, dire que vous n'êtes pas le premier groupe qui souligne ça. Avant-hier, dans le mémoire déposé par l'AQME, également, eux autres, ils ont fait valoir le même argument pour les mêmes raisons.

Le Président (M. Sirros): Merci. Alors, M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Je tiens à vous remercier d'être venus partager ces remarques avec nous. Je dois vous dire, M. Sarault, que j'ai un petit peu de problèmes à comprendre la démarche que vous nous proposez. Je peux comprendre pour Bell Canada, qui est obligée d'ouvrir ses lignes à d'autres entreprises de la téléphonie. Ils n'ont pas à importer le téléphone de l'Alberta, etc. Alors, lorsqu'on a un importateur de gaz unique, un gazoduc unique, comment est-ce qu'on peut arriver à faire fonctionner ça, ayant des distributeurs multiples? Expliquez-moi un peu plus, là. Je ne suis pas compétent là-dedans, moi, mais...

M. Sarault (Guy): C'est vrai, M. le député, qu'il y a un seul transporteur en ce moment au Canada, qui est TransCanada Pipelines, et qu'il y a un seul distributeur sur la majeure partie du territoire québécois...

M. Beaudet: Au Québec.

M. Sarault (Guy): ...qui est Gaz Métropolitain. Il y a cependant un très, très grand nombre de fournisseurs, et, en ce moment, il est déjà possible aux consommateurs industriels... et 80 % du gaz naturel qui est acheté au Québec est acheté de cette façon-là. Alors, tous les acheteurs ont accès à des producteurs de leur choix. Il y en a un grand nombre: beaucoup en Alberta, il y en a en Saskatchewan, il y en a même ailleurs. Ce qu'on veut, c'est que ce n'est pas parce que la marchandise se promène sur un réseau qui est un monopole que la transaction d'achat de la marchandise, de la commodité elle-même, ne peut pas faire l'objet d'une transaction libre. Ce qu'on dit: Ce qui est essentiel pour les consommateurs du Québec au niveau du service monopolistique, c'est d'être branchés. Mais, une fois que le consommateur est branché, nous avons confiance que l'action libre du marché va l'approvisionner en gaz, il n'y a aucun problème.

M. Pratte (Guy): Je voudrais ajouter un commentaire, très rapidement, M. le député. Exemple pratique: en 1985, TransCanada Pipelines, le transporteur transcanadien, pancanadien, achetait et vendait le gaz. Il n'avait pas de marché libre interprovincial. Maintenant, il n'achète plus de gaz.

M. Beaudet: Ils transporte.

M. Pratte (Guy): Il n'est qu'uniquement transporteur, premièrement.

M. Cherry: Juste la ligne, O.K.

M. Pratte (Guy): Deuxièmement, le plus gros distributeur au Canada, Westcoast Energy, qui est propriétaire de plusieurs franchises en Ontario et au Manitoba, eux, ils veulent se sortir... Ils veulent garder une entreprise de distribution, mais ils veulent se sortir complètement de la vente et de l'achat du gaz à titre de distributeur. Ils veulent avoir une filiale indépendante, et c'est leur plan stratégique, eux autres, à titre de distributeur. Quand ils ont témoigné au Manitoba cet été, ils disaient: Nous autres, on ne voit aucun problème pratique qui soit insurmontable d'avoir une structure comme proposée par l'ACIG – et on l'a déjà vu, en 1985 et suivantes, au niveau national.

M. Beaudet: Tantôt, vous mentionniez, le groupe de l'AQCIE, que les tarifs au Québec sont peut-être un peu élevés, mais on reste quand même une des sociétés où l'électricité est quand même à un taux relativement bas. Si jamais on en vient à ouvrir les marchés dans le programme de déréglementation et d'échange, est-ce que, pour vous, il vous apparaîtrait normal qu'on vende de l'électricité produite avec des produits fossiles, du charbon ou du pétrole, et que, parce que le producteur peut la vendre moins cher qu'Hydro-Québec, on lui donne plus d'argent, puis qu'en même temps on ait l'imposition comme société de corriger le problème créé à l'environnement pour corriger, je ne sais pas, moi, la pollution ou je ne sais pas quoi? Est-ce que ça vous apparaît correct? Je ne sais pas si je m'exprime clairement.

M. Morency (Jean): Juste la dernière partie, quand vous parlez qu'il paierait plus cher au point de vue... C'est ça que j'ai de la misère à comprendre.

M. Beaudet: C'est-à-dire que, s'il nous vend l'électricité, je ne sais pas, moi, à 0,03 $ le kilowatt – je ne suis pas un expert là-dedans – et que Hydro-Québec peut la vendre seulement à 0,0325 $, ou je ne sais pas quoi, lui, il le vend moins cher. Alors, on favorise l'utilisation de ce type d'énergie. Sauf qu'en même temps c'est une énergie polluante qui va avoir un coût éventuellement, si ce n'est déjà, pour la société, et on devra payer en tant que société pour corriger les dommages à notre environnement. Est-ce que ça vous apparaît correct que l'entreprise dise: Bon, on va prendre celle à 0,03 $ le kilowatt parce que l'autre est à 0,0325 $; puis elle coûte moins cher, donc je vais prendre la moins chère – mais elle est plus polluante puis elle va finalement me coûter plus cher éventuellement?

M. Bergeron (Serge): Bien, actuellement le problème on le vit puis on subit les conséquences, parce que c'est des entreprises qui vont s'installer aux États-Unis qui profitent des bas tarifs des centrales au charbon puis qui nous envoient la fumée puis les pluies acides au Québec. Ça fait qu'on a déjà les désavantages. Si le marché était ouvert et faisait en sorte qu'on irait acheter ce type d'électricité là, je ne vois pas ce que ça peut faire de différence; la pollution est déjà là puis elle traverse nos frontières par les nuages. Ça fait que, que ce soit nous autres qui la consommions ou des industries installées aux États-Unis, c'est toujours en bout de ligne les pressions du marché qui établissent...

M. Beaudet: Je comprends ça. M. le Président, juste une dernière question. C'est vrai, ça, j'accepte ça, que de toute façon on reçoit la pollution par la fumée. Est-ce qu'on doit contribuer à en faire encore plus en en achetant encore plus chez eux? Je comprends qu'il y a un coût, mais il y a un coût de l'autre bord. À un moment donné, on va aller vous voir en tant qu'entreprise et vous dire: Écoute, là, on met une taxe de plus – on en a assez eu depuis six mois, là – on vous en met une autre, parce qu'on a des problèmes d'environnement puis on... Alors, finalement, votre coût, vous allez l'avoir. C'est une question de temps. On va vous le redonner, là. Je comprends l'aspect économique. Vous dites: Ça me coûte moins cher, puis mon compétiteur, il produit à moins cher. Donc, mon produit est plus cher, je ne suis pas capable de l'écouler, mon marché est plus limité. J'accepte ça. Mais, à un moment donné, en tant que société et en tant qu'entreprise, le coût va vous être refilé.

M. Bergeron (Serge): Oui, mais...

M. Beaudet: Puis est-ce qu'on doit composer le problème encore plus en allant les encourager à produire de l'énergie polluante?

M. Bergeron (Serge): Mais le problème fondamental, c'est un problème de coût. Que ce soit un consommateur sur le bord nord de la frontière du Québec qui consomme ou un consommateur de l'autre bord de la frontière sud du Québec, le producteur, il va en produire. Il va soit livrer à des entreprises, il va aller s'installer en Nouvelle-Angleterre, ou soit qu'il va traverser la frontière et il va venir la livrer à des compagnies québécoises. Le problème, il est entier.

M. Beaudet: Ah! je suis conscient de ça.

M. Bergeron (Serge): C'est toujours, au bout de la ligne, un problème de coût. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'Hydro-Québec est capable de concurrencer ces entreprises-là. Qu'elle baisse ses tarifs. À chaque fois qu'il y a des propositions tarifaires qui sont déposées, on recommande ça puis on amène toujours des preuves comme quoi il y a des entreprises américaines puis il y a des entreprises européennes qui ont des tarifs industriels plus bas que les nôtres, puis c'est contre ces entreprises-là qu'on doit se battre, c'est la concurrence internationale.

M. Beaudet: Compétitionner.

M. Bergeron (Serge): Ce qu'on demande, c'est d'avoir les meilleurs tarifs, puis on sait qu'Hydro-Québec est capable d'offrir ces tarifs-là parce qu'elle a un avantage: elle a une énergie qui est durable, qui est renouvelable...

M. Beaudet: Renouvelable.

M. Bergeron (Serge): ...et qui est non polluante. C'est une question de temps. Mais, entre-temps, on veut profiter du fait qu'on est au Québec et qu'on est capable d'avoir des «business» au Québec et ne pas envoyer nos entreprises à l'extérieur.

M. Beaudet: On prend bonne note de vos remarques. Je pense que c'est important de les mentionner lors du débat en Chambre, en commission, sur le projet de loi. Merci.

Le Président (M. Sirros): Alors, MM. de l'Association des consommateurs industriels de gaz et de l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité, je vous remercie d'être venus présenter votre mémoire. Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 29)

(Reprise à 15 h 21)

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous avons pris un certain retard par rapport à l'horaire qui nous est imparti, alors je vous demanderais d'être assez disciplinés pour la fin de nos audiences.

Alors, j'inviterais l'Association des producteurs privés d'hydroélectricité du Québec à prendre place à la table de la commission.

Mme Ouellet (Louise): Ils devraient être là dans quelques instants.

Le Président (M. Beaulne): Ah! Ils sont en retard, eux autres aussi.


Association des producteurs privés d'hydroélectricité du Québec (APPHQ)

Mme Ouellet (Louise): Mon nom est Louise Ouellet. Je suis au conseil de l'Association.

Le Président (M. Beaulne): Alors, le ministre revient incessamment. Est-ce qu'il y a un mémoire? Avez-vous un document?

M. Martel (Henri-Paul): Oui. Ils sont en train de terminer les photocopies.

Le Président (M. Beaulne): C'est ça. Donc, dès que vous l'aurez, on le fera distribuer. Pour les fins de la transcription, je vous demanderais de vous identifier, s'il vous plaît.

M. Martel (Henri-Paul): Mon nom est Henri-Paul Martel, je suis vice-président du Groupe Axor et président de l'Association des producteurs privés d'hydroélectricité du Québec.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Et les personnes qui vous accompagnent aussi.

Mme Ouellet (Louise): Oui. Louise Ouellet, je suis de chez Lapointe, Rosenstein et je suis sur le conseil de l'Association.

M. Jünger (Philippe): Philippe Jünger. Je suis consultant pour l'Association. Alors, je suis consultant autonome en énergie et en environnement.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, je vous rappelle que vous avez un maximum de 15 minutes pour votre présentation. Et, par la suite, les deux formations politiques pourront vous interroger 10 minutes chacune. Alors, M. Martel, vous pouvez commencer. Allez-y, on vous écoute.

M. Martel (Henri-Paul): Merci, M. le Président. Créée en 1991 suite au lancement des programmes d'achat d'électricité produite par les producteurs privés, l'APPHQ s'est donné pour mission principale de promouvoir la nouvelle industrie ainsi créée et de représenter ses membres auprès des pouvoirs publics, Hydro-Québec et dans tous les forums et débats concernant le développement du secteur énergétique au Québec. L'Association regroupe 21 producteurs et promoteurs de projets de centrales hydroélectriques et environ 50 sociétés oeuvrant dans le secteur de la construction, de la fourniture d'équipement et dans le domaine des services reliés à l'implantation des entreprises de production.

Je vais passer immédiatement aux commentaires généraux concernant le projet de loi n° 50. L'APPHQ tient avant tout à saluer l'initiative du ministre des Ressources naturelles de créer la Régie de l'énergie. L'APPHQ a toujours été favorable à la création d'un organisme indépendant qui veillerait à ce que le service énergétique au meilleur coût possible soit fourni dans le respect de l'équilibre environnemental, en assurant l'équité et la transparence des décisions dans le domaine énergétique.

La création de la Régie de l'énergie constitue une étape importante dans l'évolution de l'industrie énergétique au Québec, en ce qu'elle constitue un des éléments marquants de la nouvelle politique énergétique en vue de prendre acte des changements en cours et de préparer l'avenir. L'exercice menant à la formation de ce nouvel organisme réglementaire doit, à notre avis, être basé sur une réflexion mûre déjà entreprise au cours du débat public sur l'énergie et refléter les grandes lignes de la politique énergétique et surtout ne pas être réalisé de façon précipitée.

En raison du court délai de préparation de ce mémoire pour les auditions publiques sur le projet de loi, l'APPHQ voudrait se réserver le droit de produire des commentaires additionnels par écrit à la commission dans les prochains jours.

Résolument tourné vers l'avenir, l'objectif global de la politique consiste à s'adapter aux changements en cours et à en tirer partie en prenant en considération les nouvelles réalités. Ceci implique la restructuration et la déréglementation du marché de l'énergie dans le cadre d'une ouverture des marchés. Selon l'APPHQ, ce projet de loi sur la Régie de l'énergie semblerait constituer un cadre réglementaire qui, en plus de remplacer celui de la Régie du gaz naturel, ajoutera à l'encadrement réglementaire et normatif actuel.

Il y a lieu de se demander si le projet de loi, tel qu'il est proposé, est conforme aux objectifs et orientations de la politique énergétique dont le Québec vient de se doter. En effet, de nombreux articles du projet de loi semblent aller à l'encontre de la réglementation et chercheraient plutôt à assurer l'exclusivité de certaines activités spécifiquement à Hydro-Québec tout en compliquant l'accès à une ouverture des marchés pour les producteurs privés. L'APPHQ s'inquiète de la place qui, dans les faits et au moyen des tarifs, sera réservée aux producteurs privés pour le transport de l'électricité produite sur le réseau d'Hydro-Québec.

Ainsi, le projet de loi attribue un droit exclusif de distribution sur l'ensemble du territoire québécois à Hydro-Québec et restreint le droit exclusif de distribution des distributeurs opérant un système municipal au réseau existant. L'APPHQ se questionne sur la pertinence de l'attribution de ces droits exclusifs dans le contexte de restructuration justement lorsque l'ouverture des marchés réclame l'élimination des droits d'exclusivité.

L'APPHQ s'inquiète du statut qu'aura la Régie de l'énergie, à savoir si elle sera réellement un organisme quasi judiciaire. Ainsi, le projet de loi, contrairement à la Loi sur la Régie du gaz naturel, ne fait aucunement référence à la Régie comme organisme quasi judiciaire ou comme tribunal administratif. D'autre part, les termes utilisés dans les dispositions énonçant les fonctions et la compétence sous-tendent une interprétation en faveur de l'équité procédurale seulement, excluant l'obligation de respecter toutes les règles de justice naturelle, comme doit le faire un tribunal administratif en vertu de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Dans le cadre de l'ALENA, la Régie pourra-t-elle satisfaire les exigences pour voir sa compétence reconnue par les États-Unis et notamment la FERC, la Federal Energy Regulatory Commission?

La production d'énergie sera-t-elle réglementée par la Régie? Du point de vue de l'APPHQ, cette question est fondamentale à l'ensemble du projet de loi sur la Régie de l'énergie. En effet, tel que proposé, le projet de loi s'adresse principalement à la distribution et au transport d'électricité. L'APPHQ croit qu'une audience publique devra être menée afin que les personnes intéressées puissent faire valoir leur point de vue quant à l'assujettissement de la production d'électricité à la Régie de l'énergie et aux façons de déréglementer ce secteur. L'avis de la Régie tiendrait compte ensuite de l'ensemble des attentes et des préoccupations.

(15 h 30)

Alors, nous avons exprimé trois commentaires de nature générale sur le projet de loi et nous avons, dans ce qui suit, des commentaires spécifiques à certains articles du projet de loi.

L'article 6 concernant le siège social de la Régie. De l'avis de l'APPHQ, le siège de la Régie devrait être situé à Montréal, car il représente un lieu central où se concentrent les principaux besoins de consommation. Les sièges sociaux de la majorité des grandes entreprises oeuvrant dans le domaine de l'énergie sont également concentrés dans la région métropolitaine de Montréal. Dans une période de rationalisation des dépenses et d'efficacité des institutions et organismes institués par le gouvernement, il apparaît essentiel de situer la Régie à proximité des principaux intervenants.

L'article 8 qui concerne la formation de la Régie. Alors, il est essentiel que la Régie, dès le début, soit dotée des mécanismes qui assurent sa transparence et sa compétence. Le projet de loi devra inclure un article prévoyant dès son adoption l'établissement d'une procédure de sélection et la création d'un comité de sélection pour la nomination des régisseurs. Parallèlement, des critères de compétence devraient être déterminés pour la sélection des régisseurs, avec une importance particulière accordée évidemment à la compétence en énergie. Dans un souci de représentativité et d'impartialité, l'APPHQ tient à être représentée au sein de ce comité de sélection.

Article 18. L'APPHQ considère qu'il y aurait lieu d'ajouter que les décisions de la Régie ne pourraient être appliquées rétroactivement.

L'article 25, qui concerne les audiences publiques, à la section IV. L'obligation de la Régie de donner son avis au gouvernement sur les façons de déréglementer ou de soustraire de sa compétence en tout ou en partie la production d'électricité devrait se baser sur une démarche de consultation en audiences publiques. Selon l'APPHQ, cela devrait être reflété dans l'article 25, qui devrait inclure un quatrième point à cet effet.

L'article 26, toujours dans la même section. La politique énergétique a répété la volonté de voir la Régie jouer un rôle quasi judiciaire. D'ailleurs, le document de la politique avait un texte aussi élaboré sur ce sujet. Alors, l'article 4 n'ajoute aucune précision sur le statut qu'aura la Régie, organisme, tribunal ou autre. L'APPHQ s'inquiète sur le libellé du deuxième alinéa de l'article 26, qui n'assure pas le déroulement entier de l'audience en public et ne garantit pas l'application des règles de justice naturelle ni l'application de la garantie de l'article 23 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

À l'article 31, sous la section «Compétence». Dans un premier temps, il est primordial que les tarifs et conditions de transport d'électricité sur le réseau d'Hydro-Québec reflètent les coûts réels du transport d'énergie tels qu'encourus par Hydro-Québec directement. L'APPHQ s'inquiète de la place que pourrait prendre la production privée dans le plan des ressources d'Hydro-Québec, car elle entre en concurrence, dans certains cas, avec la production d'Hydro-Québec. L'APPHQ propose qu'une attention particulière soit apportée au plan des ressources d'Hydro-Québec afin que la production privée ait sa juste place dans la satisfaction de la demande énergétique.

À l'article 44, sous la section II, «Inspection et enquêtes», l'APPHQ tient à apporter une mise en garde quant à l'application de cet article et la protection de la confidentialité, particulièrement en ce qui a trait aux informations de nature à affecter la compétitivité commerciale.

L'article 48, sous le chapitre IV, «Tarification». L'APPHQ considère que toute personne intéressée devrait pouvoir faire la demande à la Régie de fixer ou de modifier les tarifs et les conditions auxquels l'électricité est transportée, et non Hydro-Québec seulement. On parle du deuxième paragraphe de l'article 48.

À l'article 61, sous le chapitre de l'attribution d'un droit exclusif de distribution, l'APPHQ questionne la pertinence d'un article de loi, dans le cadre du projet de loi sur la Régie de l'énergie, qui accorde un droit exclusif de distribution d'électricité à Hydro-Québec, droit qui n'existait pas auparavant. Cet élément semble aller à l'encontre de la réciprocité requise en vertu de l'ALENA, dans le cadre de l'ouverture des marchés.

À l'article 71, «Obligations des distributeurs», dans la même lignée que le commentaire apporté à l'article 31, le plan des ressources proposant des stratégies pour réaliser l'équilibre entre l'offre et la demande que devrait produire Hydro-Québec semblerait lui conférer le rôle de celui qui fixe les règles du jeu tout en agissant comme compétiteur avec la production privée afin de répondre à la demande. L'APPHQ est d'avis que des conditions dictées par la Régie de l'énergie devraient encadrer la place que pourrait prendre la production privée dans le plan des ressources d'Hydro-Québec.

À l'article 111, sous la section «Règlements», l'APPHQ souhaiterait que le gouvernement propose rapidement, dès l'adoption du présent projet de loi, un règlement couvrant principalement le point 1°, la procédure de sélection des régisseurs et la constitution d'un comité de sélection. Ce souhait se réfère également au commentaire fait à l'article 8 précédemment.

À l'article 113, l'APPHQ s'inquiète du pouvoir de normalisation technique que le projet de loi confère à la Régie et considère que cela représente un alourdissement inutile de l'encadrement réglementaire. L'APPHQ propose donc que les critères techniques fassent plutôt l'objet d'ordonnances édictées par la Régie. Afin d'éviter d'allonger inutilement les délais, l'APPHQ suggère que la procédure d'adoption par le gouvernement soit omise du présent article.

L'article 119, qui concerne une modification à la Loi sur l'exportation d'électricité. Alors, la modification de l'article 6.1 élargit l'encadrement réglementaire gouvernemental dans le transport d'électricité hors Québec. D'autre part, le libellé de cet article devrait préciser ce que l'on entend par «contrat de transport d'électricité hors du Québec», alors qu'on parlait auparavant de contrat d'exportation d'électricité. L'APPHQ considère que cet article ne pourrait représenter une exigence additionnelle qui aurait des ramifications potentiellement restrictives et alourdirait les obligations pour la production privée. Ainsi, l'APPHQ se questionne sur la volonté réelle de permettre l'accès éventuel au réseau pour la production privée aux fins d'exportation.

À l'article 133, qui est une modification sur la Loi sur les systèmes municipaux et les systèmes privés d'électricité, l'APPHQ s'interroge sur la pertinence de cet article comme une confirmation du rôle du distributeur exclusif conféré à Hydro-Québec et sur un processus alourdi inutilement pour les municipalités. De plus, cet article ne s'inscrit pas dans l'objectif de la déréglementation. L'APPHQ souhaite que cet article modifiant l'article 16 de la Loi sur les systèmes municipaux et les systèmes privés d'électricité soit abandonné.

L'article 164... Alors, je termine dans deux minutes, M. le Président, il me reste deux petits paragraphes.

Le Président (M. Beaulne): Oui, parce que votre temps est normalement terminé. Je vous demanderais de conclure assez rapidement.

M. Martel (Henri-Paul): Alors, pour ce qui est de l'article 164, on s'inquiète des conséquences que pourrait avoir cet article sur les activités de la production d'électricité, leur développement, leur concurrence et leur intégration aux activités réglementées par la Régie. L'APPHQ souhaite que les activités de production pour une clientèle hors Québec ne soient pas soumises à la Régie de l'énergie. Nous considérons que la Régie devrait instituer une audience publique afin de fonder son avis sur les attentes, intérêts et objectifs des personnes intéressées en ce qui a trait à la déréglementation de la production d'électricité et aux compétences de la Régie de l'énergie dans ce domaine. Finalement, nous nous inquiétons vivement des coûts pour les producteurs privés que pourrait représenter l'assujettissement de la production d'électricité à la Régie de l'énergie.

(15 h 40)

Alors, ceci termine notre mémoire, M. le Président. Pour nous, il n'était pas question de remettre en question le projet de loi. Nous voulions simplement soulever des inquiétudes que nous avions, à une première lecture.

Le Président (M. Beaulne): Je vous remercie, je pense que vous avez bien illustré vos inquiétudes. Je cède la parole au ministre des Ressources naturelles pour échanger avec vous.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Merci, madame, messieurs. Tout d'abord, je vais aller direct à des questions rapides, pour vous permettre d'en recevoir le plus possible.

Dans vos commentaires sur l'article 25 tout d'abord, est-ce que je dois comprendre que vous seriez favorables à une déréglementation de la production de l'électricité, puis, si oui, quelle serait la façon d'y parvenir, d'après vous?

M. Martel (Henri-Paul): Ce que nous disons, M. le ministre, c'est que, pour ce qui est de la production pour une livraison au Québec, nous n'avons pas d'objection à être soumis à la Régie. Par contre, pour ce qui est de la production qui serait soumise à l'exportation, à ce moment-là, ces moyens de production là ne devraient pas être soumis à la Régie de l'énergie.

M. Chevrette: Et, à l'article 31, vous évoquez la notion de «juste place» de la production privée. Pouvez-vous m'expliciter ce que ça veut dire, ça, une juste place? Il y en a pour qui ça en prend bien large pour croire à la justice.

M. Martel (Henri-Paul): M. le ministre, on n'a pas l'intention du tout de déplacer Hydro-Québec. La production privée hydroélectrique représente moins de 1 % de la production d'Hydro-Québec. On n'a pas l'intention de demander d'en avoir 25 % ou 50 %. Tout ce qu'on demande, c'est... On a bâti une compétence, on a bâti des sociétés depuis 1991, depuis la mise en place du programme par le ministère de l'Énergie et des Ressources en 1991. Et, au lieu d'être obligés, comme on le fait aujourd'hui, d'exporter nos compétences à l'extérieur, on voudrait être capables d'utiliser nos compétences ici, au Québec, où c'est évidemment certainement plus facile de travailler, malgré ce qu'on peut dire de la réglementation.

C'est dans ce sens-là que l'on demande une juste place. C'est tout simplement que, comme industries, on pense qu'on a prouvé qu'on était capables de faire des choses qui se tiennent, des choses qui... Malgré tout ce qui peut s'être dit ou écrit depuis deux ans, la production privée a montré qu'elle était une industrie sérieuse, compétente, et c'est dans ce sens-là que l'on voudrait continuer et avoir une place dans cette direction-là. Et on pense d'ailleurs que l'ouverture à de la production privée jusqu'à 50 MW est un pas dans cette direction-là.

M. Chevrette: Mais vous savez très bien que, dans une situation de surplus énergétique sur le marché québécois, alors qu'il y a un potentiel énorme sur la planète – je pense que c'est quelque 50 000 000 000 $ de travaux potentiels – il n'y a rien de honteux à aller exporter son expertise, puis ses connaissances, son savoir-faire à l'extérieur...

M. Martel (Henri-Paul): Pas du tout, M. le ministre. D'ailleurs, nous...

M. Chevrette: ...plutôt que d'engorger un marché qui est déjà saturé, qui est déjà, en tout cas, en surplus.

M. Martel (Henri-Paul): Il n'y a certainement pas de honte. Et d'ailleurs je pense que vous avez quand même beaucoup de sociétés du Québec qui le font actuellement. On a déjà fait une présentation à ce sujet-là, il y a quelques mois, où on a donné une liste de sociétés et de projets qui se font à l'étranger, et majoritairement ce sont des entreprises qui ont bâti une expertise de projets avec financement type BOT, entre guillemets, qui a été acquise au Québec et que l'on exporte maintenant en Amérique du Sud, en Asie et aux Philippines. Alors, il n'y a aucune honte, et on le fait avec grande efficacité, avec fierté, mais on le fait aussi parce qu'on a pu bâtir une expertise au Québec. Et on est capable de dire, à l'étranger: On le fait chez nous, ça fonctionne et on pense qu'on est capable d'exporter ce produit-là de façon efficace et de façon viable.

M. Chevrette: À moins que je ne me trompe, vous êtes les seuls à proposer d'être assujettis à la Régie pour le marché interne et d'accepter de jouer sur le marché externe. Je vous pose la question: Croyez-vous que le marché interne est capable présentement d'ouvrir à la production privée, avec 3 500 MW de trop dans le monopole qu'est Hydro-Québec?

M. Martel (Henri-Paul): Bien, quand on parle de 3 500 MW, je pense qu'il faudra quand même, à un moment donné, faire la différence entre ce qui est vraiment requis et ce qui est vraiment des surplus. Parce que, 3 500 MW, possiblement qu'il y a un surplus au niveau de la puissance, mais pas nécessairement au niveau de l'énergie, compte tenu des problèmes d'hydrologie qu'on a connus dans les dernières années. Et toute production qui peut venir de l'extérieur du système de production d'Hydro-Québec et qui est destinée au réseau aide Hydro-Québec, elle, à maintenir de l'eau dans ses réservoirs pour être capable d'en avoir le plus possible lors des demandes de pointe, où l'énergie est définitivement la plus dispendieuse.

Et je dois vous dire aussi que, si je me fie au document de la politique énergétique, on parle de 1,5 % d'augmentation par année. 1,5 % d'augmentation de la demande par année, c'est quand même encore 450 MW. Donc, ça ne prendra pas tellement de temps avant qu'il y ait de nouveaux besoins qui se fassent sentir. Alors, dans ce sens-là, il y a certainement une place encore. Je ne vous dis pas que c'est demain matin qu'on veut construire de nouvelles centrales. Jusqu'à ce que les systèmes soient mis en place, que la réglementation, que la Régie soient mises en place, on pourrait, dans un premier temps d'abord, lever peut-être le moratoire sur les centrales qui y sont sujettes depuis deux ans, je pense, et ensuite planifier la nouvelle possibilité de production par l'industrie privée.

M. Chevrette: Vous dites que l'article 61 est contraire à l'ALENA. Pensez-vous que le législateur...

M. Martel (Henri-Paul): On s'inquiète de cet aspect-là, M. le ministre.

M. Chevrette: ...oserait faire ça? Sur quoi vous vous basez pour affirmer ça?

M. Martel (Henri-Paul): Parce que l'article 61 donne un droit exclusif de distribution d'électricité sur l'ensemble du territoire du Québec. Notre interprétation, elle est quand même restrictive, on n'est pas des spécialistes de l'ALENA, mais on se demande si la FERC et, par conséquent, l'ALENA, ou vice versa, qui demandent une réciprocité de part et d'autre, vont accepter cette restriction-là. C'est une question que l'on soulève, M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, mais j'ai l'impression que, si on l'a rédigé de même, c'est parce que, quand on a embarqué dans l'ALENA, Hydro-Québec était là, puis c'est un monopole, puis il assure tout. L'ALENA ne nous oblige pas nécessairement à changer... Si on suivait la logique puis si c'était contraire au traité de l'ALENA, on serait obligé de vendre une partie des actifs d'Hydro-Québec. J'ai plutôt l'impression, moi, que la FERC a décidé de faire des comptabilités distinctes pour connaître la vérité des coûts réels, et c'est ça qui serait peut-être contraire à la déréglementation nord-américaine, mais ce n'est pas l'ALENA qui joue...

C'est parce que ça m'arrive d'essayer de faire mon avocat, moi aussi. Mais, point pour point, je pense que ce n'est sûrement pas contraire à l'ALENA, parce qu'on aurait forcé, lors de la signature de l'ALENA... il y aurait eu des clauses spécifiques, en disant: Les structures existantes dans vos pays réciproques devront être modifiées en conséquence avec un délai x. S'ils ne l'ont pas fait, c'est parce que ça se tolérait. Mais, par contre, quand on entreprend une ronde de déréglementation, pour connaître les coûts réels dans chacune des activités, là je pense...

Au début, vous vous rappellerez, c'est Mme Muller, je crois, qui est présidente de ça, elle voulait qu'on crée des filiales, filiale production, filiale distribution, filiale transport, tous des indépendants. Mais la pression des forces du marché a dit: Écoute, les comptabilités distinctes vont suffire. Et c'est ça qui aurait été accepté comme valable. Et c'est ce qui fait qu'Hydro-Québec, depuis quelques mois, a commencé à séparer ses comptabilités pour être capable de se présenter devant une Régie avec les coûts réels pour chacune des activités. C'est une occasion que vous m'offrez de dire ce qui se passe à Hydro de bien. Quand on est capable de la critiquer, on est capable de la vanter.

M. Martel (Henri-Paul): Il n'y a pas de quoi, M. le ministre. Ha, ha, ha!

(15 h 50)

M. Chevrette: Une dernière petite question – si je peux me retrouver, là – c'est qu'il devrait y avoir des audiences publiques – j'ai entendu ça – sur la caractérisation des filières énergétiques. J'aimerais ça, vous entendre, moi. Comment vous envisagez... Quels seraient les critères les plus significatifs qui devraient nous guider dans le choix des filières? Ou encore, comment le gouvernement devrait-il procéder à la sélection des critères pour le choix des filières?

M. Martel (Henri-Paul): On parle des critères pour les moyens de production?

M. Chevrette: Pour les filières énergétiques, éolien... Les filières de production, oui.

M. Martel (Henri-Paul): Évidemment, il y a plusieurs éléments: il y a l'élément coût, mais je pense qu'il y a aussi l'élément de la planification intégrée des ressources, qui doit certainement être pris en considération de façon importante dans la mise en place de critères pour définir les différents moyens de production. Et aussi évidemment il y a quand même toute la question des connaissances au Québec, l'aspect coût, l'aspect possibilité, l'aspect environnemental, évidemment, qui doit être pris en considération lui-même par la PIR, mais dans un sens plus large, et l'aspect environnemental des projets eux-mêmes aussi qui doit être pris en considération.

M. Chevrette: Merci beaucoup.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, le fait que, quand vous êtes entrés, votre mémoire était quasi sous impression indique que le délai qui vous a été accordé pour venir devant nous était un peu court par rapport... Mais, comme nous sommes rendus, comme comité, au 27e mémoire qui nous est présenté, je veux vous assurer qu'il y a des choses qui, pour vous, sont dedans, mais qui, pour nous, ont été soulevées à plusieurs reprises.

Il y a une série de commentaires que vous faites sur certains articles du projet de loi, qu'on a retrouvés dans tous les mémoires, par exemple les commentaires que vous faites sur l'importance de la sélection des régisseurs. Parce que c'est à partir de la qualité de la composition de ces gens-là... Un, dans un premier temps, donc, nous assurer que les compétences y sont bien représentées, que ce n'est pas politisé; dans un deuxième temps, c'est quoi, l'ensemble des outils mis à leur disposition? Parce qu'une fois qu'on a des gens compétents et bien équipés c'est important de voir comment, ça, ça va fonctionner.

Les commentaires que vous faites, par exemple, sur l'article 71, on les a retrouvés presque dans tous les mémoires, 72 et, bien sûr, l64. Alors, juste pour vous assurer que vos commentaires s'ajouteront à ceux qu'on a déjà eus. C'est très rare que vous ayez soulevé dans votre mémoire des points pour lesquels vous êtes les premiers. Règle générale, ça s'ajoute à des commentaires...

Il y en a un sur lequel vous avez – en tout cas, il ne me semble pas, là – retenu des commentaires et je souhaiterais vous entendre. En tout cas, on a entendu de nombreux groupes s'inquiéter du court délai de six mois pour le fonctionnement de la Régie. Est-ce que vous vous sentirez à l'aise? Six mois, c'est suffisant pour que la Régie puisse être opérationnelle de façon quantitative et qualitative?

M. Martel (Henri-Paul): Écoutez, c'est un délai rapide effectivement, mais, compte tenu de l'importance que la Régie va avoir sur tout ce qui touche l'énergie au Québec, il est aussi essentiel qu'elle soit en place le plus rapidement possible. Six mois, oui, ça va peut-être apporter des contraintes, mais on croit que, si un système ou une procédure est mise en place avec une certaine efficience, il y a définitivement possibilité d'avoir au moins un organisme qui sera capable de fonctionner, peut-être pas à 100 %, mais au moins de commencer à mettre en place les outils dont il va avoir besoin pour toucher à tous les éléments du domaine de l'énergie au Québec. Parce qu'on ne peut pas attendre deux ans avant qu'elle ne soit en place. Maintenant, il y a trop de choses qui touchent à la formation de cette Régie-là. Alors, oui, c'est rapide, mais il est essentiel qu'elle soit en place le plus rapidement possible.

M. Cherry: Évidemment, ce n'est pas à vous que je vais apprendre qu'à chaque fois qu'on veut procéder rapidement, même si on part du principe qu'on est déjà en retard, si c'était le cas, les conséquences peuvent être très lourdes, si on se hâte trop rapidement – si je peux me permettre cette expression-là – dans un domaine où... Par exemple, on a entendu des gens qui occupaient les mêmes postes que vous, depuis les jours qui ont précédé, même ce matin, qui disaient qu'il y a d'autres endroits où les créations de régies ont pris passablement plus de temps que ça. Et ils nous ont même fait part de difficultés qui ont été rencontrées lors de la création de régies. Et, basé sur ces expériences-là, aucune des personnes qui a eu ce souci d'aller voir comment ça s'est fait ailleurs n'est venue nous dire que six mois étaient suffisants.

Je comprends votre réaction. Vous dites: Il y a tellement de choses qui se passent, ça s'en vient tellement rapidement. Hydro-Québec est venue nous dire: Il y a tellement un potentiel là, il faut profiter du marché qui peut s'ouvrir, allons-y. Mais, en même temps, on est obligé de dire qu'Hydro-Québec ça nous appartient tous puis on n'a pas le droit de se hâter puis d'y aller juste au nom de... sans nous assurer qu'on protège tout ce qu'on a. Et, dans ce sens-là, je comprends ce que vous me dites. Puis mon collègue a peut-être une question ou deux plus pointues sur votre mémoire. Mais je veux vous entendre.

M. Martel (Henri-Paul): Bien, j'aimerais peut-être ajouter d'abord qu'on ne part pas de zéro. On a quand même une régie du gaz qui est déjà en opération, qui a déjà des modes de fonctionnement. Donc, j'imagine qu'enfin... du moins ce qu'elle fait déjà va servir de noyau à la nouvelle Régie, qui va quand même comprendre et l'électricité et le gaz.

Dans un deuxième temps, oui, c'est rapide, et je dis encore: Oui, il faut qu'elle soit en place rapidement. Mais, dans notre mémoire, on souligne quand même qu'il faudra être prudent dans la mise en place surtout, par exemple, du personnel, des régisseurs, du président et des... Et une tâche qui doit être faite rapidement, évidemment, c'est d'établir des critères de sélection de ces gens-là, des critères de compétence et de sélection des gens qui vont être les régisseurs. Parce que de leur efficacité va dépendre beaucoup évidemment ce qui va suivre. Alors, le premier noyau va être d'une importance considérable. Et on a certainement des compétences pour faire face à ce défi-là.

M. Cherry: O.K. Merci. On n'en doute pas. O.K.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Oui, merci, M. le Président. Madame, messieurs, merci d'être venus partager avec nous vos inquiétudes quant au projet de loi n° 50. Comme le mentionnait mon collègue de Saint-Laurent tantôt, la majorité des points ont été touchés. Il y en a un qui m'a frappé particulièrement et qui rejoint un peu l'article 164, parce que vous avez mentionné que vous aimeriez que la production d'énergie pour fins d'exportation ne soit pas soumise à la Régie.

Moi, j'ai deux inquiétudes quant à ça. On peut se ramasser avec un surplus énergétique effarant, à un moment, parce que, s'il n'y a plus de contrôle, il n'y a plus de contrôle. C'est un. Et le deuxième, c'est qu'il peut y avoir un essor fantastique qui va être donné à la production d'énergie par des moyens polluants, que ce soit par les combustibles fossiles ou autres. Et j'aimerais ça que vous m'éclairiez un peu sur cette notion d'enlever le contrôle de la production d'énergie pour exportation. Mais la production se fera sur le territoire québécois. Alors, le territoire québécois pourra éventuellement, si ce n'est pas soumis à la Régie, en subir les contrecoups pour fins d'exportation dans un autre pays ou une autre province, puis je suis un petit peu mal à l'aise là-dessus.

M. Martel (Henri-Paul): Je vais essayer de vous rassurer.

M. Beaudet: Merci.

M. Martel (Henri-Paul): D'abord, je pense que, quand vous parlez de surplus, de moyens de production où il pourrait y avoir... oui, il y a cette possibilité-là. Mais ce risque-là appartient au promoteur parce que, si un moyen de production est pour exportation et n'est pas soumis à la Régie, c'est son risque. Il prend le risque de produire, de signer un contrat ou de faire une entente de «willing» de transport d'électricité avec Hydro-Québec et de le vendre ailleurs, hors du Québec.

M. Beaudet: O.K.

M. Martel (Henri-Paul): Pour ce qui est de l'implantation de moyens de production qui pourraient être polluants, on ne dit pas qu'on veut voir une implantation sauvage de moyens de production au Québec, tous azimuts. La Régie est une chose, mais il reste quand même encore des lois et des règlements qui s'appliquent aux moyens de production. Vous avez quand même encore un ministère de l'Environnement qui est là. Ces moyens de production là devront quand même être soumis aux études et aux évaluations environnementales, comme tous les projets le sont actuellement.

Alors, dans ce sens-là, ces gens-là devront... Et le ministère de l'Environnement pourra, je ne dis pas se substituer à la Régie, loin de là, parce qu'on ne veut pas remplacer une chose par une autre, mais il devra quand même tenir compte évidemment des aspects environnementaux qui pourraient suivre suite à la demande d'implantation d'un moyen de production quelconque. Alors, on ne dit pas qu'on veut voir, qu'on préconise une implantation sauvage, loin de nous.

(16 heures)

M. Beaudet: J'apprécie le dernier point, où il va quand même y avoir un contrôle à cause de l'environnement. Le ministère de l'Environnement va continuer à jouer son rôle.

En ce qui a trait aux surplus d'énergie, je conviens que ça deviendra le rôle ou la charge... à la charge du promoteur. Mais vous savez et nous savons que, souvent, les charges des promoteurs qui sont «faillants» finissent par être notre charge. Quand il y a des entreprises qui vont tellement mal, ça finit par être soit le gouvernement ou la société qui finit pas être prise pour en payer le coût. C'est un petit peu dans ce sens-là que je ne voudrais pas que ce soit complètement hors Régie pour permettre cette production d'énergie tous azimuts sans aucun contrôle. Ça, ça m'inquiète un peu. Je rejoins que c'est le rôle et le risque du promoteur, mais c'est eux qui vont payer le coût après si le promoteur fait faillite ou ne peut pas délivrer son électricité ailleurs; puis ça deviendra le coût de la société parce que nos rivières auront été canalisées, etc., de telle façon qu'il y ait une production d'énergie. Mais là, c'est nous qui avons à subir les contrecoups.

M. Martel (Henri-Paul): Non, vous avez raison. Je pense que tout le monde pourrait citer l'exemple d'entreprises qui ont été implantées au Québec et qui, pour des besoins internes ou externes, ont fait faillite et que, pour toutes sortes de raisons, finalement...

M. Beaudet: On les ramasse.

M. Martel (Henri-Paul): ...à un moment donné, un organisme quelconque de la société a dû en prendre charge. Mais je pense qu'il faut quand même aller, sans aller dans un capitalisme à outrance, vers les forces du marché, dans un premier temps. Deuxièmement, je pense que les promoteurs aussi, qui auront, par exemple, à passer à travers une procédure d'évaluation environnementale, doivent quand même prouver, dans l'évaluation environnementale, le besoin pour leurs projets. Ce n'est pas une panacée à tous les problèmes, mais ça peut quand même être déjà au moins une mise en garde aux promoteurs.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Martel. C'est malheureusement tout le temps que nous avons pour échanger avec votre groupe. Alors, je vous remercie au nom de la commission.

Je demanderais aux représentants de l'Association coopérative d'économie familiale du Centre de Montréal et de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec de prendre place à la table de la commission.

On va suspendre pour quelques minutes en attendant que le ministre revienne, parce que je pense que c'est important qu'il entende votre présentation.

(Suspension de la séance à 16 h 6)

(Reprise à 16 h 14)

Le Président (M. Beaulne): Alors, messieurs, mesdames, il nous fait plaisir de vous accueillir. Vous aurez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, et, par la suite, chacune des formations parlementaires disposera de 15 minutes pour vous poser des questions.

Ceci étant dit, vous nous excuserez d'avoir interrompu un peu nos travaux, mais j'ai préféré suspendre pour que le ministre soit ici ainsi que l'ensemble des autres collègues, puisque, sur les 28 présentations que nous avons eues, vous êtes les seuls qui représentez véritablement les consommateurs. Tous les autres groupes qui sont venus ici se sont préoccupés du sort des consommateurs, mais je pense qu'on attendait avec impatience et grand intérêt ce que, vous, vous avez à nous dire directement. Alors, on vous cède la parole pour votre présentation.


Association coopérative d'économie familiale du Centre de Montréal (ACEF-Centre) et Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec (FNACQ)

M. Robert (Alain): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mme, MM. les députés, je voudrais d'abord présenter tout le monde ici. Il y a Marie Vallée, qui est de la FNACQ, de la Fédération nationale des associations de consommateurs. Bien sûr, on dira toujours FNACQ maintenant. Moi, je suis Alain Robert, de l'ACEF de l'Estrie, membre de la FNACQ. Avec moi, les gens de l'ACEF-Centre: il y a Louise Rozon, Jacques St-Amant et Sidney Ribaux.

Alors, nous sommes bien sûr heureux d'avoir l'occasion de vous faire part de nos préoccupations à l'endroit du projet de loi sur la Régie de l'énergie. Depuis longtemps, nos organismes souhaitent l'établissement d'une régie de l'énergie au Québec pour le bénéfice des consommateurs que nous représentons. Nous sommes donc satisfaits, au plan du principe, de l'initiative gouvernementale. Il est cependant important de s'assurer que l'outil dont on veut se doter permette d'atteindre les fins recherchées, et nos observations visent essentiellement à bonifier le projet présenté par le gouvernement. Bien sûr, nous déplorons le peu de temps dont nous avons disposé pour analyser ce projet et pour consulter plusieurs partenaires, comme nous aurions aimé pouvoir le faire, sur des questions d'une grande importance pour la société québécoise.

L'ACEF-Centre et la FNACQ s'intéressent activement et depuis leur constitution aux questions reliées à la facture d'électricité. Nous intervenons régulièrement auprès d'Hydro-Québec et d'autres distributeurs régionaux ou locaux pour faciliter la conclusion d'ententes relatives au règlement de comptes en souffrance. Nous avons participé depuis quelques années à quelques processus consultatifs, par exemple, à la Table précarité et pauvreté d'Hydro-Québec, aux consultations menées relativement aux plans de développement de l'entreprise, de même qu'au débat public sur l'énergie. La FNACQ intervient depuis quelques années sur la fixation des tarifs d'électricité, et l'ACEF-Centre réalise actuellement un projet-pilote visant à mettre en place des programmes d'économie d'énergie ciblés auprès d'une clientèle à faibles revenus, et ce, en collaboration, bien sûr, avec Hydro-Québec.

Avant de vous faire part de nos principales observations sur le projet de loi, nous tenons d'abord à vous souligner quelques principes importants qui vont guider nos réflexions. Alors, pour nous, c'est très clair que les services énergétiques sont essentiels. On parle, bien sûr, toujours, nous, de clientèle domestique. Ces derniers services doivent être accessibles à l'ensemble de la population aux plans géographique et économique. La planification intégrée des ressources énergétiques québécoises doit s'effectuer dans la perspective du développement durable. L'efficacité énergétique est une option à privilégier pour le bénéfice des consommateurs et pour protéger l'environnement. Nous partageons les orientations dégagées dans le rapport de la table de consultation sur l'énergie ainsi que celles de l'énoncé de politique gouvernementale sur l'efficacité énergétique, qui accordent une place importante aux préoccupations économiques, sociales et environnementales. Il faut s'assurer qu'elles auront un impact réel sur la substance des décisions de la Régie.

Comme nous l'avons déjà souligné, la création d'une régie s'impose pour plusieurs raisons. Elle permettra d'établir un forum où les questions reliées aux tarifs d'électricité et aux orientations prises par l'industrie de l'énergie pourront faire l'objet d'un débat éclairé, d'autant plus que la restructuration de l'industrie de l'électricité pourrait entraîner des bouleversements assez considérables.

Tel que l'établit le projet, la Régie ne paraît pas cependant disposer de toute la panoplie des outils dont elle aura besoin pour assurer à la fois la planification intégrée de l'utilisation des ressources énergétiques et l'accessibilité universelle aux services énergétiques de base. Nous sommes d'avis que certaines modifications au projet permettraient de la doter du cadre et des moyens qui lui permettraient de s'acquitter utilement de la tâche qu'on veut lui confier. Et, dans ce domaine de la restructuration de l'industrie de l'électricité, nous sommes d'avis que les questions reliées à la production sont au coeur du débat. Les consommateurs québécois à faibles et modestes revenus ont peu à gagner d'une restructuration de l'industrie qui pourrait compliquer une planification intégrée des ressources, réduire diverses formes d'interfinancement réel ou appréhendé et résulter en des hausses de tarifs.

Des enjeux importants entourent les investissements dans les installations de production, alors que la Régie est dotée de peu de prise sur les choix de production et sur les tarifs fixés par les producteurs. Nous recommandons que le gouvernement exige de l'ensemble des distributeurs et des producteurs de déposer des plans de ressources à la Régie qui seraient débattus publiquement et de confier à la Régie le mandat de surveiller les prix pratiqués par tous les intervenants dans la chaîne de production et de distribution de l'électricité et du gaz.

(16 h 20)

Quant aux distributeurs municipaux, le projet de loi soustrait de la compétence de la Régie la fixation des tarifs appliqués par les distributeurs d'électricité autres qu'Hydro-Québec. Pour plusieurs motifs, nous sommes d'avis qu'il serait préférable d'unifier la réglementation du marché de la distribution d'électricité au Québec, à tout le moins à l'égard des tarifs et des modalités de service. Parmi ces motifs, bien sûr, la politique gouvernementale gagnerait en cohérence, les débats entourant la fixation des tarifs s'effectueraient avec plus de transparence et de rigueur, tous les intervenants seraient chargés de favoriser la satisfaction des besoins énergétiques dans une perspective de développement durable. Et il importe évidemment d'assurer l'équité entre tous les consommateurs sans égard au territoire qu'ils habitent.

Nous recommandons que le projet soit modifié de façon à attribuer à la Régie une juridiction sur l'ensemble des activités des distributeurs d'électricité et de gaz. Je laisse ma collègue continuer.

Mme Rozon (Louise): Merci beaucoup. Alors, le projet de loi oriente le mandat de la Régie à son article 5 et revêt pour nous une importance considérable. Nous appuyons donc la direction qui est proposée à cet article. Il nous paraît toutefois qu'elle gagnerait à être précisée et qu'elle devrait engager fermement la Régie et fonder toutes ses décisions.

Les citoyens trouveraient intérêt à ce que les grands axes de la politique énergétique du gouvernement qui a été déposée dernièrement soient inscrits dans la loi; par exemple, l'importance de l'efficacité énergétique, la place faite aux régions et aux nations autochtones, le développement durable et l'universalité d'accès au service de base sans égard à la géographie et au revenu. Ces valeurs ont fait l'objet d'un large consensus dans le cadre des travaux de la Table de consultation et devraient par conséquent, à notre avis, être inscrites dans la loi, et la loi devrait également prévoir l'obligation à la Régie d'exercer ses pouvoirs de manière à mettre en oeuvre cet énoncé de politique. Nous recommandons donc que l'article 5 du projet de loi soit modifié de façon à préciser les termes de la politique énergétique que la Régie doit mettre en oeuvre.

Concernant les services, l'article 75 du projet impose une obligation de desservir aux distributeurs assujettis à la compétence de la Régie, et il y a tout lieu de s'en féliciter. On énonce également un principe qui contribuera, à notre avis, à renforcer l'universalité géographique et économique de l'accès aux services énergétiques essentiels.

Le projet confère à la Régie une grande part des pouvoirs dont elle aura besoin pour s'acquitter de cette mission. Il est cependant possible de parfaire certaines dispositions et d'en ajouter d'autres afin que la Régie puisse avoir toute la latitude nécessaire pour assurer la protection des usagers résidentiels les moins favorisés. Nos organismes sont au fait que des dizaines de milliers de consommateurs à faibles revenus ont peine actuellement à payer leur facture d'électricité et de gaz. On ne prévoit pas non plus à court terme d'amélioration notable à ce sujet. À titre d'exemple, Hydro-Québec procède annuellement à plus de 30 000 suspensions d'alimentation d'électricité dans le secteur résidentiel. En 1995-1996, c'est 421 interruptions qui ont été effectuées entre les mois de décembre et mars, alors que plus de 7 200 interruptions ont été effectuées au mois de novembre 1995 de même qu'au mois d'avril 1996. C'est un problème important, et nous jugeons que la Régie devrait disposer des pouvoirs nécessaires afin, éventuellement, d'intervenir utilement à ce sujet.

Nous proposons donc l'ajout d'une nouvelle disposition au projet afin d'accorder à la Régie le pouvoir de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif primordial qu'est l'accès universel au service de base, et ce, à un prix abordable. Nous recommandons également l'ajout d'une autre disposition de façon à interdire la possibilité de suspendre l'alimentation d'électricité ou de gaz chez les clients résidentiels, et ce, entre le 1er novembre et le 30 avril inclusivement, pour les défauts de paiement.

L'article 164 du projet de loi, et nous avons aussi des commentaires à formuler concernant cet article, constitue à maints égards une source d'inquiétude importante pour nos organismes. Il incarne la pointe de l'iceberg de la déréglementation en imposant un cadre qui ne saurait permettre que ce débat se fasse avec la sérénité et la rigueur requises. Cette question inquiète les consommateurs d'électricité au Québec. Quel impact aura-t-elle sur les prix, sur l'évolution d'un distributeur intégré comme Hydro-Québec, sur la construction de centrales et sur l'environnement? On ne voit pas pourquoi on devrait envisager une déréglementation de ces activités qui pourront avoir des impacts économiques et environnementaux importants. Il faudrait peut-être plutôt envisager une réglementation différente.

Il est par ailleurs impossible d'exiger de la Régie qu'elle s'adonne dans les six mois à cet exercice. Elle devra d'abord se roder, mesurer sa tâche, se doter de règles de procédure, déterminer comment elle traitera les plans de ressources, établir éventuellement, à brève échéance, la base de tarification des distributeurs assujettis à sa compétence, commencer à exercer la surveillance des prix de la vapeur et des produits pétroliers, régler les plaintes des usagers, et j'en passe.

Avant de trancher le débat épineux quant à l'évolution de l'industrie électrique, il faut laisser à la société québécoise le temps de mener les débats qui s'imposent avec toute la transparence qui est requise et qui constitue le coeur du projet de créer une Régie. À cet effet, nous recommandons au gouvernement qu'il pourrait signifier à la Régie le souhait d'obtenir un avis, dans les plus brefs délais, compatible avec la tenue d'un débat éclairé.

Le projet de loi a pour effet de mettre fin aux activités du Commissaire aux plaintes des clients des distributeurs d'électricité et de confier à la Régie le soin d'examiner les plaintes des usagers. Certains effets de cette réforme comportent un intérêt, mais il ne faudrait pas occasionner des effets imprévus et indésirables qui réduiraient l'efficacité recherchée.

On demande à la Régie d'exercer un pouvoir quasi judiciaire et elle devra se comporter en ces cas en respectant les règles de justice naturelle et agir avec impartialité. L'application stricte des règles de justice naturelle en matière d'examen des plaintes peut, à notre avis, alourdir le processus, alors que les commissaires aux plaintes ont souvent recours à une procédure inquisitoire qui favorise l'usager sans pour autant respecter à la lettre les règles de justice naturelle. On sait que certaines plaintes revêtent un caractère d'urgence extrême, notamment lorsque les consommateurs viennent de recevoir un avis d'interruption de service. La Régie, exerçant un pouvoir quasi judiciaire, pourra-t-elle intervenir aussi rapidement que le fait ou que peut le faire un commissaire aux plaintes?

On sait par ailleurs que le régime actuel a fait l'objet de plusieurs critiques. Il n'est certes pas parfait. La solution est peut-être de l'améliorer et de s'assurer qu'on ne le remplace pas par un mécanisme qui, en raison de contraintes légales légitimes liées à l'exercice de ses pouvoirs, pourrait s'avérer moins efficace, occasionnerait des lourdeurs administratives et priverait les consommateurs de recours rapides, simples et moins coûteux. Nous recommandons donc que soit maintenu le Commissaire aux plaintes des clients des distributeurs en étendant son mandat à l'ensemble des distributeurs visés par le projet et en accordant à la Régie le pouvoir de rendre exécutoire une recommandation formulée par le Commissaire, le cas échéant.

Concernant les ordonnances de frais. Afin d'assurer la plus grande accessibilité des citoyens aux audiences de la Régie, il serait fort utile pour les associations sans but lucratif que l'on accorde à la Régie le pouvoir d'émettre des ordonnances provisoires de frais incluant des montants destinés à verser des honoraires. Les associations ne disposent pas en effet des liquidités qui leur permettraient d'investir des dizaines de milliers de dollars pendant la préparation des audiences puis d'attendre le versement des frais par les distributeurs plusieurs mois plus tard. Il faut souligner que les associations sans but lucratif qui interviennent dans le cadre de ce genre d'audience doivent engager des frais importants pour être en mesure de faire des représentations qui soient efficaces et crédibles. Il est donc essentiel que la Régie puisse financer la participation de ces associations à ces audiences.

Concernant l'appel, actuellement le projet de loi ne constitue aucun droit d'appel des décisions qui vont être rendues. Il s'agit d'une question fort complexe, on en convient. Nous suggérons d'accorder au gouvernement, sur requête d'une partie à une instance, le pouvoir d'ordonner à la Régie de réviser la décision qu'elle aurait rendue. Ce faisant, le gouvernement ne s'immiscerait pas indûment dans le champ de compétence de la Régie. Il ne pourrait pas, par exemple, tout simplement autoriser la réalisation d'un investissement que la Régie aurait jugé inopportun, mais plutôt ordonner à la Régie de se pencher à nouveau sur la question. Nous suggérons également d'accorder aux parties à une instance le droit d'en appeler d'une décision à la Cour d'appel sur le seul fondement de question de droit et sous réserve de l'obtention d'une autorisation d'en appeler.

Dans le cadre de notre mémoire, nous avons apporté beaucoup plus de précisions par rapport à chacun des points qu'on a soulevés et nous avons aussi abordé d'autres questions concernant la surveillance du marché hydrocarbure et concernant la composition et l'organisation de la Régie. Alors, vous aurez sûrement l'occasion d'en prendre connaissance.

Sans plus tarder, je vous remercie de votre attention, et nous sommes disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Je tiens à souligner l'excellence de votre mémoire, surtout dans les délais très courts qui vous ont été impartis. M. le ministre des Ressources naturelles, vous avez la parole.

(16 h 30)

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Vous m'avez, comme on dit communément en anglais, «scoopé». Je considère qu'on a fait un excellent choix. Je ne sais pas qui l'a fait, mais, comme dernier mémoire de groupe, c'est un excellent mémoire, pour le temps que vous avez eu effectivement. Je considère votre mémoire également très constructif et je vous en félicite.

Vous avez quand même des recommandations qui permettent de vous questionner. On sait très, très bien que la majorité des gens qui sont intervenus ici sont intervenus contre l'article 164 tel que rédigé. En particulier, je commencerai par lui. En d'autres mots, vous demandez des audiences publiques et vous souhaitez un certain élargissement du mandat, dans votre texte, lorsqu'on lit votre texte, par rapport à votre feuille-synthèse, vos principales recommandations. Moi, j'aimerais savoir, quand vous parlez des modalités les plus appropriées à la réglementation, est-ce que vous avez des points précis ou si vous voulez tout simplement que ce travail de la Régie soit confié à des audiences publiques ouvertes?

M. St-Amant (Jacques): Faut-il le rappeler, on a eu peu de temps pour se pencher sur les questions dont vous connaissez mieux que nous la complexité.

M. Chevrette: Pas mieux que vous, mais c'est dur, c'est vrai.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-Amant (Jacques): Vous êtes en tout cas mieux outillé pour trouver des réponses, a priori, en termes de personnel notamment. Et donc, je ne pense pas qu'on se hasarderait cet après-midi à formuler des recommandations précises. Mais, de façon plus générale, si nous l'avons bien lu, le projet de loi vise essentiellement à réglementer la distribution d'électricité. Il donne, dans le fond, peu de prise à la Régie sur les questions liées directement à la production. Il ne faudrait pas faire en sorte que les débats qui devront entourer les questions posées autour de l'article 164 mènent à une conclusion, par exemple qu'il faut effectivement réglementer ou surveiller certaines activités, alors qu'on n'aurait pas donné au point de départ à la Régie les outils pour parvenir à le faire. Et là il y a un équilibre à trouver effectivement.

Le gouvernement s'est engagé dans une politique qui mène potentiellement à une restructuration, à une déréglementation au moins partielle. La politique énergétique elle-même, qui a été déposée la semaine dernière, n'a pas fait l'objet des vastes débats qu'elle mériterait peut-être. Il nous paraît important que tout ça soit discuté, tant au plan des principes qu'au plan des modalités d'application, dans un débat public que la Régie pourrait mener, mais en s'assurant toujours que la Régie, en bout de ligne, aura les moyens qu'il faudra pour intervenir, si on conclut qu'une intervention est requise.

M. Chevrette: On parle beaucoup d'interfinancement. Il y en a qui prévoient même des catastrophes, suite à l'étude de l'interfinancement; ils disent qu'il y aura sans doute une hausse tarifaire importante. Le ministère ou le gouvernement s'est gardé un pouvoir de directive, vous l'aurez remarqué, dans la politique énergétique, y compris dans la loi, pour éviter les chocs tarifaires.

Mais considérez-vous que le fait maintenant qu'il y ait une Régie – et vous vous prononcez carrément en faveur de la création de la Régie – n'avantage pas, en tout cas en termes de défense ou de pouvoir de défense, les consommateurs, contrairement à auparavant, où il y avait cette table – j'allais dire ronde, mais plutôt ovale – cette table ovale qui décidait des tarifs, avec un petit 13 heures de contre-expertise d'une société d'État qui compte 24 000 employés et qui a une batterie d'avocats, je ne sais pas combien de milliers d'ingénieurs, je ne sais pas combien de comptables spécialistes, des avocats à la tonne? Il y en a même quatre devant la commission Doyon, juste pour écouter ce qu'Hydro-Québec pourrait s'entendre dire sur elle. Est-ce que vous considérez que la Régie va donner un plus grand accès au droit de parole des consommateurs?

M. Robert (Alain): Il y a deux aspects dans la réponse à ça, M. le ministre. Vous parlez spécifiquement des tarifs; ça, c'est une chose. Oui, je vous dirais qu'a priori... On l'a demandé depuis longtemps, la création d'une régie. Sauf que ma réponse est conditionnelle. Si la Régie prend vraiment le temps d'avoir les audiences qu'il faut et que ça se passe en transparence, et tout – on parle de frais, et tout ça – et qu'on a le temps de bien préparer nos réactions, on pense que ça pourrait fort certainement aider à ce que le point de vue des consommateurs ressorte bien, lorsqu'il est question de hausser les tarifs.

L'autre aspect, c'est quant à la protection des consommateurs à faibles et moyens revenus, et ça, c'est une réalité quotidienne pour nous. Et la réalité actuelle... Je parle du Commissaire aux plaintes, qui ne nous satisfait pas vraiment dans sa façon de fonctionner actuellement – enfin, moi, pour un – puisqu'il n'a pas juridiction sur Hydro-Sherbrooke, sur les petits distributeurs, ce qui pourtant était prévu à l'origine...

M. Chevrette: Ni Hydro-Joliette.

M. Robert (Alain): Bien, voilà.

M. Chevrette: On est deux pareils.

M. Robert (Alain): Bien voilà. Alors, c'est évident que ça pose un problème. Nous, c'est très clair qu'on souhaiterait, demain matin, que le Commissaire aux plaintes ait juridiction sur tous les distributeurs. On aimerait bien que ça se fasse et on pense que ça aurait dû être fait il y a longtemps. Sauf que, entre la réalité actuelle – le Commissaire aux plaintes – et le peu qu'on retrouve dans le projet actuel, si on avait à choisir, oui, bien sûr, on choisirait la réalité actuelle bonifiée.

Alors, par rapport à la protection du consommateur, actuellement c'est inquiétant, puisqu'il y a cette obligation faite aux distributeurs de prévoir un processus d'examen des plaintes, mais il n'y a aucun délai, on n'est pas sûr non plus qu'il y aura, je dirais une certaine uniformisation. Parce que, là, vous changez de région, les gens ne savent pas nécessairement qu'ils changent de distributeur, donc automatiquement de processus. On a vu des cas quasiment comiques, à un moment donné, là-dessus – comiques, quand ça ne nous arrive pas à nous.

On souhaiterait bien sûr, donc, que ce soit très uniforme, mais uniforme non pas à l'encontre de la souplesse. Et ça, d'ailleurs, aussi... Vous connaissez sûrement le rapport du Commissaire aux plaintes: il y a beaucoup de souplesse qui manque dans tout ça. Et on pense que le Commissaire aux plaintes, avec un processus à la Régie, pourrait bonifier tout ça.

Mme Vallée (Marie): Si je peux me permettre... Comme je suis la représentante de la FNACQ sur les questions de télécommunications, mon expérience d'un tribunal administratif est quand même assez grande depuis six ans. Effectivement, le fait d'avoir une régie, donc un tribunal administratif, permet à tout le moins une meilleure prise de parole, permet aussi de produire des contre-expertises. C'est évident qu'on ne sera jamais sur le même pied qu'une corporation comme Hydro-Québec, mais, à tout le moins, en tout cas, les règles de justice peuvent s'exercer, les temps de parole peuvent devenir équivalents et, à ce moment-là, on peut être mieux écouté, mieux entendu. Et les décisions sont rendues sur des bases factuelles, et ça risque de plaider en notre faveur.

M. St-Amant (Jacques): J'ajouterais qu'il y a trois éléments qui doivent être assurés. Il faut s'assurer que l'organisme qui a à rendre des décisions – la Régie, dans ce cas-ci – a effectivement la capacité d'agir sur toutes les variables importantes. Si on lui confie seulement un petit bout de la tarte et que tout le reste lui échappe, la Régie va être prisonnière de ce qui se passe sur le marché.

Il faut que les associations de consommateurs disposent des ressources requises pour faire le travail qu'on attend d'elles et qui est considérable. Et il faut bien voir que la création d'une régie n'est pas magique; elle va prendre des décisions en fonction des critères de l'encadrement qui lui est donné. Le projet de loi, par exemple, stipule qu'elle devra tenir compte des préoccupations économiques, sociales et environnementales que peut lui indiquer le gouvernement. Si, par malheur, le gouvernement décide de n'en indiquer aucune, la Régie va faire son possible. Et c'est pour cette raison, entre autres, qu'il nous paraît important qu'il y ait des balises fixes et qui soient fixées précisément dans la loi, à l'égard d'un certain nombre de questions essentielles qui sont ressorties, notamment du rapport de la Table de consultation du débat public sur l'énergie.

M. Chevrette: Merci. Vous recommandez que le gouvernement ne soit pas doté du pouvoir de fixer les modalités de certains contrats de grande puissance. Vous aurez remarqué que, dans la politique, on est assez clair là-dessus, on a dit que les contrats secrets avec les compagnies énergivores qui investissent 1 000 000 $, mais dont le ratio emploi-investissement est de 1 000 000 $ par emploi, on voulait carrément se soustraire de cela et plutôt aller dans la transformation seconde, où le ratio investissement-emploi est beaucoup plus élevé, mais ça, en toute transparence, connu du public. Est-ce que vous demeurez quand même contre le fait que ce pouvoir-là... Par exemple, au sommet économique, Hydro-Québec a annoncé un bloc de 500 MW qui pourrait être l'objet de tarifs particuliers pour générer de l'emploi dans la seconde transformation. Est-ce que vous êtes contre ça?

M. St-Amant (Jacques): Je pense qu'il faut tenir compte d'un certain nombre de facteurs. D'une part, nous présumons, bien sûr, de la bonne foi du gouvernement, de ses prédécesseurs et de ses successeurs, mais... Bon. D'autre part...

M. Chevrette: Ah ça, vous pouvez douter de temps en temps!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-Amant (Jacques): Je ne le ferai pas dans un lieu aussi auguste.

M. Chevrette: Juste de temps en temps, là. C'est parce que j'ai mes amis d'en face, puis j'aimerais que vous doutiez un peu.

(16 h 40)

M. St-Amant (Jacques): Il faut peut-être faire attention: à soustraire de la compétence de la Régie, dans le fond, de sa capacité d'intervenir, un paquet de petits morceaux de la toile énergétique du Québec, on va se retrouver en bout de ligne avec un gruyère, avec ceci qu'elle ne peut pas réglementer, avec cela où le gouvernement intervient. Il va devenir très difficile pour la Régie d'avoir une vision d'ensemble du bilan énergétique québécois et d'organiser une planification intégrée des ressources. Est-ce qu'il est absolument nécessaire de demander au gouvernement et non pas à la Régie, par une procédure accélérée ou allégée peut-être, de se prononcer sur des contrats comme ceux-là? A priori, ça ne nous paraît pas évident.

Mme Vallée (Marie): Il faut par ailleurs préciser. La Régie doit réglementer Hydro-Québec sur le principe base tarifaire-taux de rendement. Si on veut fixer la base tarifaire des abonnés résidentiels, entre autres, en vertu d'accorder un taux de rendement global à l'entreprise, il faut prendre en compte tous les aspects de la distribution, et de la distribution aux grosses entreprises aussi. Et, si Hydro-Québec et d'autres prétendent qu'il y a un interfinancement envers les abonnés résidentiels, dans ce cas-là, on se retrouverait avec un interfinancement au profit de grandes corporations. À tout le moins, il faut que ce soit traité à la Régie plutôt que dans les officines gouvernementales, qui quelquefois sont sujettes à, mettons, des pressions plus occultes que la Régie ne le serait.

M. Chevrette: Je vais vous posez une question directe, je vais vous essayer un petit peu: Êtes-vous prêt à payer plus cher pour la qualité de l'environnement?

Mme Vallée (Marie): Pourquoi payer plus cher...

M. Chevrette: Êtes-vous prêt à payer plus cher votre énergie pour la qualité de l'environnement?

M. Ribaux (Sidney) Je crois que la façon dont on envisage la question du coût de l'énergie et dont on l'envisage depuis quelque temps, c'est davantage au niveau du coût de la facture. La majorité des consommateurs se foutent un peu du coût au kilowattheure. Les gens que, nous, on rencontre ne savent pas c'est quoi, un kilowattheure, mais, dans le fond, ce qui les préoccupe, c'est le chiffre, en bas de la facture, qu'ils doivent payer. Et donc, on croit que, dans le cadre d'une planification intégrée des ressources, on pourrait arriver à des solutions qui, dans certains cas, pourraient augmenter même le coût au kilowattheure, en s'assurant que le coût total de la facture reste pareil ou même diminue, notamment en utilisant des mesures d'efficacité énergétique, tel qu'il est prévu dans la politique gouvernementale.

M. Chevrette: Une dernière question avant de donner la parole aux autres. Vous demandez qu'il n'y ait pas d'interruption d'alimentation, chez les clients résidentiels, du 1er novembre au 30 avril. C'est quoi, présentement?

Mme Rozon (Louise): À l'heure actuelle, il y a une directive, au sein d'Hydro-Québec, qui interdit l'interruption du service, mais c'est du mois de décembre au mois de mars. Puis il arrive que, pendant cette période, il y ait quand même des interruptions de service. Et la grande majorité des interruptions de service sont effectuées soit au mois de novembre ou au moins d'avril, alors qu'on juge qu'au mois de novembre il peut y avoir des températures quand même très froides. Ce n'est pas la même chose, une directive, qu'une disposition claire dans le projet de loi, qui toucherait tous les distributeurs d'électricité et de gaz. Parce qu'à l'heure actuelle Gaz Métropolitain n'est pas touché par une telle directive. Tout récemment, Hydro-Sherbrooke a accepté de ne pas interrompre le service pendant la période hivernale. Mais on juge que, pour que tous les citoyens soient traités de la même façon, ça prendrait une disposition législative claire à cet effet-là, au moins pendant la période d'hiver, incluant le mois de novembre et le mois d'avril.

M. Chevrette: Mais, depuis qu'il y a eu une directive, quel est le pourcentage de plaintes réelles quant au... le pourcentage d'interruptions? Est-ce que vous avez des chiffres?

M. Ribaux (Sidney): C'est-à-dire que, depuis qu'il y a eu la directive, si on regarde la période du 1er novembre au 30 avril, le nombre d'interruptions pendant cette période-là n'a pas réellement diminué, il est resté à peu près pareil. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a augmenté les interruptions au mois de novembre et on a augmenté les interruptions au mois d'avril, des mois pendant lesquels la température moyenne est parfois d'environ O °C. Et les gens, dans un logement très mal isolé, doivent quand même se chauffer.

Mme Rozon (Louise): C'est plus de 7 600 interruptions de service résidentiel qui sont effectuées du 1er novembre au 30 avril.

M. Chevrette: Mais vous ne croyez pas que, si on mettait... Quand bien même on mettrait le 15 octobre ou on mettrait le 15 novembre puis le 15 avril, il y aurait des gens qui se rendraient pareil à la date ultime, vous ne pensez pas? Parce qu'il y a des spécialistes de la découverte des failles, autant dans une loi que dans les directives; ce n'est pas à vous que je vais apprendre ça. Je travaille avec les ACEF, moi, chez nous. On s'appelle puis on dit: Qu'est-ce qu'on fait? Regarde, à Saint-Ambroise-de-Kildare, dans le rang 5, là, il n'a pas payé son compte, puis la date arrive. Vous savez comment ça marche, bien plus que moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Mais on essaie de travailler: des pressions, de la compréhension, de la recherche, bien souvent, d'un montant d'argent, soit par la Saint-Vincent-de-Paul, soit par n'importe quoi, ça arrive très souvent. Vous ne pensez pas que c'est plus une question de... Que ce soit dans une loi, que ce soit dans un règlement ou que ce soit dans une directive, que ce soit n'importe où, on va avoir notre groupe spécialiste qui va se rendre à la dernière limite, à la dernière mesure, non? Je «charrie-tu»? Pas trop? Si peu que pas? À peine?

M. Robert (Alain): C'est possible que ça arrive. Mais, nous, sur le terrain, ce qu'on s'est... Tantôt, on disait: En novembre, les températures autour de zéro... Je ne sais pas ici, à Québec, mais à Sherbrooke, on a eu des moins 10° pendant plusieurs jours, en novembre. Et on pourrait faire la...

M. Chevrette: Vous restez où, vous?

M. Robert (Alain): Pardon?

M. Chevrette: C'est donc bien loin, ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Robert (Alain): Et pourtant, c'est au sud. Et j'ai vu passer des cas relativement pénibles – je ne voudrais pas faire du misérabilisme ici – des gens qui sortent de l'hôpital et qui se rendent compte que l'électricité est coupée, il fait moins 10°, et tout ça. Alors, moi, je vous dirais que c'est possible, qu'il va toujours probablement y avoir quelques cas, mais c'est très minoritaire. Et ça aussi, le Commissaire aux plaintes le reconnaît. L'immense majorité des gens sont de bonne foi, sauf que c'est très clair aussi qu'il y a un problème de pauvreté important. Et, quand on dit à ces gens-là, qu'on soit en novembre, en décembre, peu importe: Bien, là, écoutez, c'est 300 $ qu'il faut remettre, sinon ils ne rebranchent pas, on a un sérieux problème. On reste convaincu qu'au moins en empêchant qu'il y ait des coupures en plein hiver – et, pour nous, novembre cette année le prouve bien que ça peut être l'hiver – on évite le pire. Et le pire, c'est des gens pas de chauffage qui ne peuvent plus se cuisiner des choses comme il faut, et tout ça. Ça ne veut pas dire que ce n'est pas désagréable, le reste de l'année, qu'il y ait des coupures – les gens qui perdent des contenus de frigo, de congélateur, et tout ça – mais je dirais que l'aspect minimum d'humanisme est d'empêcher que les gens aient carrément froid. C'est pour ça qu'on souhaite, comme le Commissaire, d'ailleurs ça fait trois ans qu'il le recommande – cette année, est-ce que ça sera son dernier rapport? on souhaite que non – qu'il y ait effectivement une loi qui clarifierait que l'hiver, au Québec, oui, ça peut commencer en novembre.

Mme Rozon (Louise): Je pense qu'il y a des mesures qui peuvent être prises pour intervenir dans le cas de fraudes. Si, par exemple, on se rend compte qu'un cas ce n'est pas un cas où la personne rencontre des difficultés de paiement, mais veut vraiment frauder l'entreprise, à ce moment-là l'interruption de service pourrait être autorisée après un processus adéquat. C'est une façon peut-être de pallier ces abus qui pourraient survenir.

M. Chevrette: Merci. Puis, merci beaucoup pour le travail que vous faites sur le terrain.

M. St-Amant (Jacques): Si je peux me permettre, simplement deux petites choses, là-dessus. Il y a quand même une quinzaine d'années que des gens recommandent au Québec qu'on légifère dans ce domaine-là, et ça aurait une double utilité: d'une part, d'assujettir tous les distributeurs, parce que, actuellement, ça relève strictement du bon vouloir de l'un ou de l'autre; et, d'autre part, ça a une valeur symbolique. Les salariés, les gens au recouvrement des différentes entreprises, par exemple, sentiraient beaucoup plus qu'ils ne peuvent pas faire n'importe quoi.

Il est intéressant de noter que plusieurs États, aux États-Unis, où il y a actuellement des dispositions qui interdisent les coupures hivernales, qu'il s'agisse de dispositions législatives ou de décisions rendues par les équivalents de la Régie de l'énergie – je pense, entre autres, à l'État de New York, notre voisin immédiat, je pense à l'État de Washington, à l'Arkansas, au Minnesota... Alors, il y a des précédents qu'il serait peut-être intéressant d'examiner. Il y a peut-être des modalités à voir: Est-ce qu'on fixe des dates? Est-ce qu'on tient compte de températures? Ça se discute, mais je pense que le principe est important.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. St-Amant. Je donne la parole au député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Rapidement, je vais permettre que vous nommiez les États où il y a une législation à cet effet-là. Pouvez-vous rapidement nous dire qu'est-ce qui existe dans ces États que vous souhaiteriez voir ici?

(16 h 50)

M. St-Amant (Jacques): On n'a pas eu le temps d'en faire une recension complète, mais j'y vais de mémoire. Dans l'État de New York, la loi fixe des modalités précises qu'un distributeur doit respecter avant de procéder à une interruption. Il doit y avoir visite, il doit y avoir avis. Il ne peut pas y avoir interruption si elle met en danger la santé ou la sécurité d'une personne. Dans l'État de Washington, il y a des dispositions du même ordre. Au Minnesota, il y a une décision de l'équivalent de la Régie des services publics qui essentiellement interdit les interruptions durant une période fixée dans le temps. En Arkansas, on a plutôt adopté comme principe qu'il ne devrait pas y avoir d'interruption lorsque les autorités météorologiques prévoient que la température va chuter sous le point de congélation dans les 24 heures suivantes.

M. Cherry: O.K.

M. St-Amant (Jacques): Alors, ça peut vous donner un aperçu. Il y a un peu plus de précisions à cet égard-là dans le mémoire, qui, j'imagine, vous a été distribué.

M. Cherry: O.K. Merci. Je vais vous demander de... On va profiter du temps qu'on a, qui est toujours trop court, pour commenter.

À la page 6 de votre mémoire, dans le bas, vous dites: «Le champ d'action de la Régie est en effet trop restreint et on ne fixe pas suffisamment de balises dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs. De nombreuses dimensions des marchés énergétiques risquent en effet de lui échapper et rien ne la contraindra nécessairement à mettre en oeuvre des objectifs de politique...» Voulez-vous commenter rapidement là-dessus? Pourquoi vous dites que c'est trop restreint? Qu'est-ce que vous souhaiteriez voir qui n'est pas présentement dans le projet de loi?

M. St-Amant (Jacques): Une régie va avoir très peu de capacité d'intervenir sur les producteurs autres que ceux qui sont actuellement des distributeurs. Si un producteur privé, demain, commence à vendre de l'électricité, quelle prise la Régie a-t-elle directement sur ses activités? Pas beaucoup. Qu'est-ce qui se passe si, à moyen terme, on évolue vers un marché où il y a, par exemple, des courtiers, des «brokers» – pour utiliser le terme employé aux États-Unis – qui vendent des masses d'électricité? Qu'est-ce que la Régie a comme capacité d'intervenir, au moins de surveiller les pratiques commerciales de ces gens-là?

Parce que, là, on va se retrouver dans une situation où on a un producteur qui n'est pas réglementé, ou peu réglementé par la Régie, on a des gens qui fixent, dans le fond, le prix au détail, et la Régie, elle, tout ce qu'elle peut faire, c'est réglementer la distribution. Sauf que le distributeur est coincé des deux côtés par des gens sur lesquels la Régie n'a pas de prise. Il nous paraît qu'elle a des questions à se poser et peut-être à envisager de faire ce qui s'est déjà fait dans certains États américains, où on prévoit, par exemple, des mécanismes minimaux de surveillance des «brokers», entre guillemets, ou des intermédiaires. Et il y a tout le débat autour de la déréglementation de la production. Donc, il s'agira de voir, là, ce qu'on fait.

On pourrait envisager de faire ce qui s'est fait de l'autre côté de l'Outaouais, dans le domaine des télécommunications. Quand la Loi sur les télécommunications a été adoptée, en 1993, le législateur savait très bien qu'il songeait à s'aligner vers une déréglementation. Il a donné de larges pouvoirs au CRTC, pouvoirs d'intervenir sur pratiquement tous les aspects du domaine, mais en précisant également qu'au besoin, compte tenu des débats et tout, le CRTC pourrait s'abstenir d'exercer certains de ses pouvoirs si c'était jugé sage. Pourquoi ne pas être prévoyant au départ, au Québec, et donner à la Régie les moyens d'agir au besoin et les moyens de ne pas trop agir si ça paraît plus favorable?

M. Cherry: Exercer une discrétion, c'est ça.

M. St-Amant (Jacques): Voilà.

M. Cherry: O.K. Maintenant, à la page 12 de votre mémoire, vous avez phrasé – le dernier paragraphe, au centre, juste avant 2: «On sait que le marché de l'énergie sera frappé par une tempête – votre expression m'a attiré. On ignore ce qu'en seront les conséquences. Il est au moins impératif qu'on donne à l'organisme chargé de tenir le cap tous les moyens pour lui permettre de garder sa destination en vue et de l'atteindre.» La façon dont vous exprimez ce qui vient de se passer, vous dites: Ça, c'est une tempête.

M. St-Amant (Jacques): Bien, il faudra voir ce qui va se passer. Mais, si on laissait libre cours, j'allais presque dire à la fantaisie de certains, il y a beaucoup de choses qui changeraient ou qui pourraient changer. Il nous paraît important, pour reprendre ce paragraphe-là, en plus de ce que je mentionnais il y a quelques instants, de s'assurer qu'on fixe des paramètres précis pour le travail de la Régie, qu'on mette dans la loi des balises, qu'on oblige à effectuer une planification intégrée des ressources, qu'on oblige à prendre en compte les dimensions environnementales, qu'on oblige à faire de l'efficacité énergétique, parce qu'on ne sait pas ce qui va se produire dans les prochaines années. Tout ce qu'on sait, c'est qu'on nous dit que ça va aller vite, qu'on veut faire beaucoup de choses, que tout va changer. Il faudrait quelqu'un, quelque part, qui va pouvoir tenir le cap et donner aux citoyens l'occasion de dire aussi: Hé! Ho! un instant, là, c'est bien beau, tout ce que vous voulez faire, mais, moi, pourquoi je paierais plus cher?

M. Cherry: Il y a des gens qui ont invoqué que peut-être que la situation présentement commande pour certains le langage de: Allons-y rapidement. Mais il faut aussi être capable de prévoir quelles peuvent être les conséquences. Puis, à moyen terme, dans cette industrie-là, ça peut être trois, quatre, cinq, six ans. Ça peut être ça maintenant, mais c'est quoi, les conséquences, un peu plus long que ça? Et, dans ce sens-là, vous rejoignez ceux qui nous ont indiqué que, bien sûr, le choix des gens qui vont être régisseurs... mais également qu'ils sachent dès le départ quelles sont leurs responsabilités, qu'est-ce qu'on attend d'eux, quels sont leurs pouvoirs. Et vous avez dit tantôt qu'ils pourraient même avoir la sagesse, dans certains cas, de dire pourquoi ils souhaitent ne pas intervenir. Ça, c'est la première fois qu'on entend ça.

Maintenant, je vous amène à la page 20 de votre mémoire, paragraphe en bas, au milieu, vous dites: «Dans cette mesure – c'est 164 – la portée de la disposition paraît difficilement compatible avec les consensus qui se sont dégagés autour de la Table de consultation du débat public sur l'énergie. L'article 164 comporte des paradoxes, comme on l'a noté plus haut, on n'accorde à vrai dire à la Régie que peu de pouvoirs en matière de production d'électricité...» Je veux vous entendre là-dessus.

M. St-Amant (Jacques): Oui. C'est un petit peu ce que je mentionnais un peu plus tôt. Le consensus qui s'est dégagé, je pense, dans le cadre des travaux de la Table de consultation, c'était: Il nous faut une Régie pour être en mesure de faire publiquement, avec transparence, les débats qui s'imposent, en donnant à tout le monde l'occasion de s'exprimer puis en voyant l'ensemble des conséquences que des décisions pourraient avoir. Demander à la Régie, d'une part, de se mettre sur pied et de faire tout ce qu'elle aura à faire dans ses premiers mois d'existence – ça, on l'a mentionné tantôt – et, en plus, de se prononcer sur ces questions-là, ça nous paraît un peu illusoire. Dans le cadre des télécommunications – puis Mme Vallée pourra vous en parler davantage – ça a pris bien davantage que six mois avant de savoir un peu où on s'en allait.

Je lisais hier une brève ordonnance de la commission des services publics du Minnesota, qui a été rendue en mai dernier et qui fixe un petit peu des paramètres: Comment allons-nous procéder à la restructuration du marché de l'électricité dans notre État? Et, ma foi, ce qu'ils ont produit est fort intéressant. Ce que j'ai trouvé révélateur, c'est qu'ils mettent des dates. Entre le processus de consultation et la décision de la régie, il s'est écoulé un an et six jours. Et ils mettent dans leur décision toute la série des étapes de consultation qu'il y a eu. Il nous paraît pratiquement impossible de faire un débat serein, où tout le monde pourra s'exprimer de façon adéquate sur des enjeux de cette importance-là, en six mois. Et on exprime notre plus vive sympathie à l'égard des régisseurs qui seraient obligés de le faire.

M. Cherry: O.K. Merci. Maintenant, je vous amène à la page 23 de votre document, au centre, concernant le libellé de l'article 97, qui dit que «la Régie examine la plainte si elle la croit justifiée». Je présume que vous avez tiqué au mot «justifiée».

Une voix: Oui.

M. Cherry: Ha, ha, ha! Et est-ce que c'est le genre de langage qu'on retrouve ailleurs, dans des choses similaires, ou est-ce que, le fait qu'il y ait une plainte de portée, la Régie se doit d'être disponible pour l'entendre? Ou est-ce que vous connaissez des régies où il faut que ce soit justifié, puis, si elle juge que ça ne l'est pas, voici, il n'y a pas de recours possible?

M. St-Amant (Jacques): Ce qu'on retrouve le plus souvent, ce sont des dispositions comme le premier alinéa de l'article 98: Si l'organisme a des motifs raisonnables de croire que la plainte est mal fondée, vexatoire ou faite de mauvaise foi, elle peut être rejetée sommairement. On trouve ça ou quelque chose d'équivalent notamment dans les dispositions qui encadrent les pouvoirs de la Commission d'accès à l'information. Mais 97 tel qu'il est rédigé, et j'aime à croire que le légiste a été distrait pendant un instant...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-Amant (Jacques): ...dit: J'ai une plainte. Est-ce qu'elle est justifiée? Oui: je l'examine. Non: je ne l'examine pas. Il y a quelque chose, dans le libellé de l'article, qui est un petit peu étrange, un peu tarabiscoté, me semble-t-il. Et 98 devrait suffire amplement à donner à la Régie la discrétion dont elle a besoin pour faire le ménage, au besoin, quand des plaintes qui sont futiles lui sont présentées.

M. Cherry: O.K. Merci.

M. Chevrette: Ce n'est pas pareil dans 97.

M. St-Amant (Jacques): «La Régie examine la plainte si elle la croit justifiée.» Alors, la Régie doit d'abord se demander, avant d'examiner la plainte: Est-ce que je la crois justifiée? Elle la préjuge pratiquement. Et là on a un problème de justice naturelle.

Mme Rozon (Louise): Il faut au moins qu'elle soit examinée avant de conclure: Est-ce que la plainte est justifiée ou non?

M. St-Amant (Jacques): C'est une question de rédaction davantage, mais... Je pense que 98 donne à la Régie...

M. Chevrette: ...prima facie, en droit.

M. St-Amant (Jacques): Pardon?

M. Chevrette: Prima facie.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Vous savez ce que je veux dire, de toute façon.

(17 heures)

M. Cherry: O.K. Maintenant, une dernière interrogation de ma part, clarification de votre part, puis mon collègue en a une autre. Dans les principales recommandations, qui sont à la dernière page de votre mémoire, je voudrais entendre vos commentaires sur le numéro 7: «Nous recommandons que le gouvernement ne soit pas doté du pouvoir de fixer les modalités de certains contrats de grande puissance.»

M. St-Amant (Jacques): Bien, je faisais déjà part de...

M. Cherry: À ce moment-là, ce que vous voulez, c'est que ce soit uniquement la Régie, puis que le gouvernement n'ait aucun droit de regard, ni de directive, ni de rien. Est-ce que c'est ça que vous exprimez? Et, si oui, pourquoi?

M. St-Amant (Jacques): Il n'y a pas de restriction au pouvoir de directive dans le projet, et on ne l'avait pas envisagé sous cet angle-là. Je pense que la volonté qu'on avait, c'est un petit peu ce que je tentais d'exprimer auprès du ministre. Il est important que la Régie puisse couvrir l'ensemble du champ si on veut passer à une planification intégrée des ressources énergétiques québécoises, et puis... Bon.

L'objet même de la réforme qu'on veut effectuer, c'est de soustraire le domaine des tarifs électriques à la discrétion du gouvernement. Pour quelles raisons laisserait-on subsister cette discrétion-là dans certains cas? Y a-t-il vraiment des motifs sérieux? Est-ce qu'on ne peut pas à la limite moduler les compétences attribuées à la Régie pour qu'elle puisse peut-être examiner ces questions-là avec une procédure allégée si c'est jugé opportun? J'en doute personnellement. Mais il me semble qu'il n'est pas nécessaire de laisser ça entre les mains du gouvernement.

M. Cherry: O.K. Merci. Moi, ça va, merci.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Oui, merci, M. le Président. Moi aussi, j'aimerais vous remercier pour la qualité de votre mémoire. J'ai deux questions brèves parce que les autres ont en grande partie été couvertes.

À la page 27 de votre mémoire, vous parlez, au paragraphe 2, de la surveillance du marché des hydrocarbures: «Les événements qui ont agité le marché de détail des carburants au cours des derniers mois ont démontré qu'il est impératif que les informations pertinentes soient connues», et on pourrait continuer. Il est évident qu'à ce moment-là on a profité d'une baisse des prix. J'assume que, vous autres aussi, vous en avez profité. Vous avez fait le plein cet été, puis c'était encourageant de le faire. En tout cas, c'était beaucoup moins dispendieux. Est-ce que vous croyez que l'intervention du gouvernement dans ce champ d'activité, c'est-à-dire les pétrolières, va bénéficier aux consommateurs à long terme? En d'autres termes, est-ce qu'on va bénéficier d'une baisse des prix parce que le gouvernement va intervenir dans le but de protéger les indépendants ou si on connaîtra une hausse des prix dans les mois à venir, ou dans l'année à venir puisque ça prendrait un certain temps?

M. St-Amant (Jacques): Les prix des produits pétroliers dépendent d'une large variété de facteurs et plusieurs échappent évidemment au contrôle des gens au Québec.

M. Beaudet: Tous les autres paramètres étant égaux...

M. St-Amant (Jacques): Oui, oui, étant égaux.

M. Beaudet: ...dans le sens qu'on ne peut pas contrôler le prix à New York, mais, si le prix à New York monte, ici aussi il va monter.

M. St-Amant (Jacques): Voilà.

M. Beaudet: Oubliez celui-là. Juste sur le plan local, est-ce que le fait de l'intervention du gouvernement va faire que les prix vont augmenter aux consommateurs ou s'ils vont baisser?

M. St-Amant (Jacques): Il y a quelques années, je crois que c'est le directeur fédéral des enquêtes sur les coalitions qui avait effectué une vaste enquête sur les pétrolières canadiennes et qui avait à toutes fins pratiques conclu qu'il s'agit d'un oligopole. Au Québec, on a un certain nombre de distributeurs indépendants. Je n'ai pas examiné leur bilan avec précision, mais quelque chose me dit qu'ils n'ont pas les reins aussi solides que Shell...

M. Beaudet: C'est évident.

M. St-Amant (Jacques): ...ou la compagnie Impériale.

Il devient dangereusement facile de faire une guerre des prix qui va tuer les indépendants, qui va réduire le marché et qui va faire en sorte qu'il ne restera que trois, quatre, cinq joueurs sur le marché québécois. C'est amusant de penser à tous les fournisseurs de carburant qui ont disparu au Québec depuis une vingtaine d'années: Petrofina, Texaco, Gulf, pour ne nommer que ceux qui me viennent à l'esprit. C'est amusant de faire le tour des stations-service qui ont fermé depuis une dizaine d'années.

Ce n'est pas un marché qui me paraît être dans un processus de large ouverture, au contraire, et, en ce sens-là, les économistes les plus libéraux vous diraient qu'un marché parfait requiert une circulation parfaite de l'information. Bien, il est peut-être utile que le gouvernement et la Régie fassent un effort pour assurer une meilleure circulation de l'information de façon à ce qu'on n'ait pas, à terme, un oligopole qui, lui, conduirait à une hausse des prix à l'égard de laquelle on aurait peu de ressources, parce qu'il faudrait se prévaloir des dispositions de la Loi sur la concurrence, et ça, ce n'est pas de la tarte.

M. Beaudet: Est-ce que dans votre esprit ça pourrait aller jusqu'à un moment donné que le gouvernement aille légiférer – parce qu'on a beaucoup de... bon, je ne sais pas si on pourrait en nommer un, McDonald's ou Harvey's, ou je ne sais pas quoi, qui sont énormes, qui ont une facilité de marketing importante – pour aller protéger le petit vendeur de hot-dogs et de frites sur le coin de la rue parce que, lui, il est après se faire manger, puisqu'ils ont ouvert le McDonald's sur le coin? Est-ce qu'on irait jusqu'à légiférer pour dire: Tu ne peux pas vendre ton hamburger moins cher que tel niveau parce que l'autre va mourir?

M. St-Amant (Jacques): Le jour où 95 % de l'ensemble des restaurants au Québec seront des McDonald's ou des Harvey's, il faudra peut-être se poser la question. Je pense qu'on est très loin de là. Il faut...

M. Beaudet: On est à 75 % aux majeures, actuellement, pour le pétrole, et 25 % aux indépendants. Plus ou moins, là.

M. St-Amant (Jacques): Avec des prix qui sont très proches, avec une capacité de concurrence très faible, parce qu'il n'y a pas tant de fournisseurs de produits pétroliers que ça pour les indépendants au Québec – par exemple, il y a plusieurs indépendants qui s'approvisionnent, sauf erreur, auprès d'Ultramar, qui est un de leurs principaux concurrents – on a un marché qui est très limité, très serré et qui peut jouer de façon fort différente d'autres marchés. Et il faut peut-être effectivement le régir différemment.

Cela étant dit, nous ne sommes pas des spécialistes, loin de là, du marché pétrolier, mais, a priori, oui, on a une sensibilité à dire: Il faut un marché véritablement concurrentiel. Et donc, dans ce cas-ci, il faut peut-être effectivement s'assurer qu'il y a à tout le moins de l'information qui circule. Parce qu'on n'en demande quand même pas beaucoup aux entreprises, là.

M. Beaudet: En d'autres termes, il faut qu'on conserve le marché des indépendants sans nécessairement les favoriser à outrance.

Mme Rozon (Louise): La guerre des prix qu'on a connue l'été dernier, c'est sûr qu'elle favorise le consommateur à court terme, mais, à moyen et long terme, on ne juge pas que ce soit une pratique qui favorise l'ensemble des citoyens parce que ça peut mener justement à l'élimination d'un certain nombre de concurrents et, ensuite, les prix peuvent être haussés sans que cela ne pose aucun problème. Donc, je pense que c'est sage d'avoir quelques mesures de protection en ce sens-là.

M. Beaudet: J'ai une dernière question, M. le Président. À la page 33 de votre mémoire, vous parlez du «caractère relativement dérisoire des amendes». On nous a parlé... évidemment, ça dépend à qui vous parlez: s'ils sont susceptibles de recevoir les amendes, ils trouvent ça déjà beaucoup; par ailleurs, il y en a d'autres qui sont partis du 5 000 $ aller jusqu'à 5 000 000 $. Vous n'avez pas mentionné de chiffre dans votre mémoire. Est-ce que, pour vous, il y a une grandeur de pénalité qui devrait être imposée? Parce que, il n'y a pas à dire, on parle à des majeures, là. On s'adresse à Hydro-Québec, on s'adresse à Gaz Métropolitain, on s'adresse à tout ce qui sera énergie.

M. St-Amant (Jacques): Une amende doit avoir une dimension dissuasive. Une amende de 2 000 $ ne fera jamais très mal à Hydro-Québec, ni à bien d'autres entreprises d'ailleurs. Il s'agit de voir fondamentalement quelle importance on veut accorder, au Québec, à la politique énergétique puis aux moyens qu'on a de la mettre en oeuvre. On a jugé que le domaine de l'environnement, par exemple, était essentiel. Il y a dans la Loi sur la qualité de l'environnement des amendes qui sont...

M. Beaudet: Substantielles.

M. St-Amant (Jacques): ...autrement plus considérables que ça; on est dans de nombreux zéros. Est-ce qu'on veut aller jusque-là? Il y a matière à débat. On ne s'est pas vraiment avancé sur ce terrain-là, mais je pense qu'il y a à tout le moins largement matière à s'assurer qu'on va un petit peu plus loin, là.

M. Beaudet: Ce serait plus que 2 000 $?

M. St-Amant (Jacques): Pour de nombreuses infractions, les amendes maximales, même en cas de récidive, sont de 5 000 $. Dans de nombreuses lois québécoises, en cas de récidive, on parle à tout le moins de 25 000 $, 50 000 $.

M. Beaudet: On pourrait en mettre.

M. St-Amant (Jacques): Bien, mettons.

M. Cherry: Pour que ça ait un sens.

M. Beaudet: Pour que ça fasse mal.

M. St-Amant (Jacques): Bien oui, c'est à ça que ça sert.

M. Beaudet: Parfait. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député d'Argenteuil. J'aurais une brève question: Est-ce que la réponse que vous avez donnée au député d'Argenteuil concernant le prix de l'essence s'appliquerait également, selon vous, à l'huile à chauffage ou ce qu'on appelle le mazout?

Une voix: Oui.

M. St-Amant (Jacques): La question de l'huile à chauffage est éminemment épineuse. Elle n'est pas traitée de façon très claire dans le projet. C'est de toute évidence, dans le domaine du chauffage, un élément important pour de nombreux consommateurs. Je serais tenté de vous répondre que, pour l'instant, nous réservons notre droit de continuer à réfléchir à l'égard de la façon d'agir sur le marché de l'huile à chauffage. Par exemple, est-ce que les dispositions en matière d'interruption hivernale devraient aussi s'appliquer aux fournisseurs d'huile à chauffage? Ça n'est pas simple. On vous reviendra peut-être là-dessus.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, pour une dernière question rapide.

M. Chevrette: Vous l'avez posée, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Ah! Bon. Alors, je vous remercie de votre excellent témoignage...

Mme Rozon (Louise): Merci.

(17 h 10)

Le Président (M. Beaulne): ...et nous tiendrons compte de votre mémoire, sûrement, qui nous a bien intéressés. Et, sur ce, je demanderais à M. Alban D'Amours de s'approcher de la table.

À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos audiences. M. D'Amours, la commission est heureuse de vous recevoir, d'autant plus que vous êtes le dernier intervenant, ce qui était peut-être tout à fait approprié compte tenu que vous étiez le président de la table de consultation sur l'énergie. Alors, nous avons une demi-heure à votre disposition: vous aurez 10 minutes pour votre présentation et, par la suite, chacune des formations parlementaires pourra échanger avec vous pour une période de 10 minutes. La parole est à vous.


M. Alban D'Amours

M. D'Amours (Alban): Merci, M. le Président. D'abord, je tiens à souligner et je vous demanderais de corriger une petite erreur de frappe. Il s'agit bien du projet de loi n° 50 et non pas 5 tel que je l'ai dactylographié.

M. Chevrette: C'est juste un 0, ce n'est pas...

M. D'Amours (Alban): Je ne suis pas à vous proposer un nouveau projet de loi.

M. Chevrette: J'espère que Desjardins met tous ses zéros quand il calcule.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. D'Amours (Alban): Soyez-en assuré, M. le ministre.

Alors, je voudrais tout d'abord remercier la commission de l'économie et du travail de l'invitation qui m'a été faite de participer aux consultations effectuées à la suite du dépôt du projet de loi n° 50 sur la Régie de l'énergie. Cette invitation s'adressait, bien sûr, à l'ancien président de la Table de consultation du débat public sur l'énergie. Elle confirme la considération dont bénéficie le travail effectué par la Table de consultation dans le cadre du débat public sur l'énergie.

Les commentaires et remarques que j'aimerais formuler cet après-midi prolongent ainsi directement les réflexions que nous avons effectuées à la Table de consultation. Ces commentaires découlent des consensus qui se sont établis à la Table. Il s'agit de consensus extrêmement forts, que certains ont qualifiés d'historiques et d'incontournables, et dont je voudrais avant tout, ici, être le porte-parole.

Deux éléments essentiels ont fondé les consensus établis par la Table de consultation. En premier lieu, tout notre rapport est construit autour du concept de développement durable. Le message essentiel envoyé au gouvernement à l'issue du débat public est très clair: le développement durable réunit l'ensemble des préoccupations de tous les citoyens et permet d'articuler une politique énergétique viable pour le Québec. L'unanimité obtenue autour de la Table de consultation illustre la valeur mobilisatrice de ce concept, qui a permis ce principe organisateur à notre rapport.

En deuxième lieu, la Régie de l'énergie est au centre des recommandations que nous avons formulées dans notre rapport. Se faisant le porteur d'un souhait presque unanime, la Table de consultation demandait en effet dans son rapport que le Québec se dote d'une régie de l'énergie qui constituerait la structure centrale et l'organisme de référence en matière de surveillance des conditions de réalisation de la nouvelle politique énergétique.

C'est à partir de ces deux éléments essentiels que l'on doit évaluer le suivi apporté par le gouvernement au rapport de la Table de consultation.

Le gouvernement a souhaité donner suite très rapidement aux recommandations de la Table, d'abord en déposant un projet de loi créant une régie de l'énergie et, ensuite, en publiant une nouvelle politique énergétique manifestement largement inspirée par notre rapport.

Le projet de loi déposé par le gouvernement afin de créer une régie de l'énergie doit être accueilli très positivement. La Régie définie dans le projet de loi que l'Assemblée nationale discute actuellement respecte en effet le consensus issu du débat public sur l'énergie, essentiellement sur les trois points suivants. Les compétences de la Régie s'appliqueront à toutes les filières énergétiques, y compris donc les produits pétroliers, selon des modalités variables. Pour ce qui est du gaz naturel et de l'électricité, la Régie disposera de pouvoirs décisionnels quant à la tarification, la Régie ayant ainsi une pleine autorité dans ses décisions. Le projet de loi prévoit les mécanismes permettant l'utilisation de la planification intégrée des ressources afin de s'assurer que le coût total à la société des choix énergétiques soit minimisé.

Par ailleurs, le concept de développement durable semble avoir effectivement inspiré le gouvernement dans la définition de la nouvelle politique énergétique comme dans l'établissement du projet de loi. La politique énergétique que vient de déposer le gouvernement est définie dans une perspective de développement durable, selon l'approche même recommandée par la Table de consultation. Le projet de loi sur la Régie de l'énergie illustre concrètement le choix gouvernemental en faveur du développement durable. La mission de la Régie de l'énergie, définie dans l'article 5, s'inscrit explicitement dans cette perspective de développement durable. Les articles 49, 71 et 72 prévoient la prise en compte par la Régie des externalités économiques, sociales et environnementales lors de la fixation des tarifs, au moment de l'approbation du plan de ressources, ainsi que lors de l'autorisation des investissements et des exportations.

En tant qu'ancien président de la Table de consultation, je ne peux que me féliciter de la façon dont le gouvernement a ainsi donné suite aux éléments qui avaient fondé les consensus établis dans notre rapport. Les différentes dispositions incrites dans le projet de loi actuel et auxquelles je viens de faire référence vont directement dans le sens des recommandations que nous avons formulées et doivent ainsi être défendues et maintenues.

Ces points fondamentaux étant soulignés, il existe certaines interrogations qui sont soulevées par le projet de loi actuel. J'aimerais les signaler aux membres de la commission. Ces interrogations concernent, en fait, la place et le rôle de la future Régie dans le contexte de la déréglementation du secteur de l'électricité.

Dans sa nouvelle politique énergétique, le gouvernement a décidé de faire une place accrue à la production privée pour l'exploitation des ressources hydroélectriques, notamment aux fins d'exportation. La Table de consultation n'avait pas exclu cette possibilité, en soulignant en particulier l'intérêt d'encourager le remplacement par l'hydroélectricité québécoise des filières de production d'électricité polluantes sur les marchés extérieurs.

J'ai par ailleurs noté avec satisfaction que, dans la politique énergétique, une place particulière est accordée aux initiatives de mise en valeur des ressources provenant des milieux communautaires. Il est évident cependant que les mesures prises par le gouvernement en faveur de la production privée soulèvent beaucoup d'interrogations. Une façon d'y répondre serait d'élargir aux producteurs privés les compétences que la Régie exercera sur Hydro-Québec en matière d'examen des projets et d'autorisation des exportations. Je suis personnellement persuadé qu'en modifiant dans ce sens le projet de loi actuel le gouvernement apporterait toutes les garanties d'équité et de transparence requises pour accompagner les initiatives prises en matière de production privée.

(17 h 20)

Une autre interrogation concerne les futures compétences de la Régie de l'énergie pour ce qui est de la production d'électricité. Dans le domaine de la production d'électricité, comme je l'ai souligné il y a quelques instants, le projet de loi répond tout à fait aux préoccupations issues du débat public sur l'énergie en donnant à la Régie les moyens d'appliquer la planification intégrée des ressources lors de l'autorisation du plan de ressources d'Hydro-Québec.

Le projet de loi comprend cependant également dans son article 164 une disposition selon laquelle la Régie devra proposer, dans un délai de six mois, des modalités de déréglementation de la production. La Table de consultation avait suggéré qu'un mandat de cette nature soit confié à la future Régie. Les membres de la Table de consultation, en faisant cette recommandation, estimaient donc possible que la Régie puisse proposer des pistes de déréglementation tout en respectant le fondement même de la future politique énergétique qu'est le développement durable. Cependant, le délai de six mois inscrit dans la loi me semble irréaliste lorsque l'on prend conscience des multiples dossiers qui seront confiés à la Régie dès sa mise en place. Comme d'autres intervenants l'ont suggéré devant cette commission, le délai inscrit dans la loi devrait être assoupli ou même enlevé. La Régie aura, dès sa création, des mandats majeurs à assumer dans la perspective du développement durable, avec la caractérisation des filières et la classification des rivières. Ces mandats seraient compromis si le nouvel organisme était bousculé dans ses échéanciers.

Par ailleurs, les modifications apportées éventuellement dans l'avenir afin de soustraire la production d'électricité de la compétence de la Régie devront être envisagées avec beaucoup de prudence. Il me semble que toute précipitation dans ce domaine pourrait être dommageable pour les intérêts du Québec. Il m'apparaît possible d'assurer la réciprocité demandée par les autorités américaines sans amputer de façon radicale les pouvoirs de la Régie à peine mis en place. En tout état de cause, il ne faut pas que ces futures modifications remettent en cause les acquis que représente le projet de loi actuel, et je fais ici référence à la planification intégrée des ressources. Cette préoccupation est inscrite dans la nouvelle politique énergétique, mais il me semble essentiel d'en souligner ici l'importance et la portée.

Il serait ainsi plus proche des recommandations de la Table de consultation de modifier l'article 164 afin, d'une part, d'élargir le mandat de la Régie à l'ensemble des questions touchant la déréglementation et, d'autre part, de ne pas soumettre la Régie à des délais qui menaceraient la crédibilité de ses futurs travaux.

Voilà, M. le Président, quelques réflexions que je souhaitais soumettre aux membres de la commission dans le cadre des travaux entourant la discussion du projet de loi sur la Régie de l'énergie. Je voudrais souligner de nouveau que c'est avec beaucoup d'optimisme et d'espoir que l'on doit accueillir la création de la Régie de l'énergie et les modifications fondamentales que le gouvernement apporte ainsi à l'encadrement du secteur énergétique québécois. Voici, M. le Président, mes commentaires.

Le Président (M. Beaulne): Je vous remercie, M. D'Amours, et, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Chevrette: Oui, merci, M. le Président. Vous me permettrez de réitérer, au moins pour la troisième fois, toute l'appréciation du travail de M. D'Amours à la tête... comme président de la Table sur l'énergie. Je pense que M. D'Amours est devenu un spécialiste de la consultation et de la concertation et je crois que ce travail-là, quand on regarde les différents consensus qui se sont dégagés, même s'il y a des oppositions sur des détails, je crois qu'il y a véritablement des consensus de fond sur la création de la Régie. Et ce qui est intéressant, c'est que vous venez, vous aussi, nous dire que l'article 164 doit être amendé puis, dans mes conclusions, je vais en parler tantôt.

J'aurais peut-être quelques petites questions cependant à vous poser. Vous suggérez que les compétences de la Régie soient étendues à la production privée, pour la production intérieure comme pour les exportations. J'aimerais que vous précisiez un peu plus votre pensée là-dessus.

M. D'Amours (Alban): Nous avons mis beaucoup d'importance à la planification intégrée des ressources, et, dans ce contexte de planification intégrée des ressources, je crois qu'il faut inclure toutes les filières de production d'électricité en particulier, qu'elles soient privées ou sous la gouverne d'Hydro-Québec. Et, dans ce contexte-là, le mandat que nous proposons de donner à la Régie, qui est celui, dans un premier temps, de procéder à la caractérisation des filières, devant finalement fonder toute la démarche de la planification intégrée des ressources, à mon sens, devrait couvrir l'ensemble de ces ressources-là. Et, si jamais la Régie recommandait, identifiait des pistes de déréglementation de la production en particulier, bien, pour la Régie, une des façons, à mon sens, efficace de faire respecter la planification intégrée des ressources, c'est d'autoriser les projets d'exportation et les projets de production du secteur privé. De cette façon-là, la production serait éventuellement déréglementée, sauf que la population aurait cette assurance que cette production privée ne viendrait pas déjouer, finalement, les prescriptions de la planification intégrée des ressources.

M. Chevrette: D'après vous, est-ce que le gouvernement devrait garder le contrôle des exportations?

M. D'Amours (Alban): Oui, à travers sa Régie.

M. Chevrette: À travers sa Régie.

M. D'Amours (Alban): Oui. La Régie devrait autoriser les exportations.

M. Chevrette: Comment voyez-vous personnellement le défi de la déréglementation pour le Québec puis sa conciliation avec le développement durable?

M. D'Amours (Alban): Comment je réconcilie?

M. Chevrette: Comment voyez-vous...

M. D'Amours (Alban): Ah! je vois.

M. Chevrette: ...le défi de la déréglementation pour le Québec et sa conciliation avec le développement durable?

M. D'Amours (Alban): C'est un petit peu ce que j'ai essayé de dire tout à l'heure. Les prescriptions du développement durable, cet engagement que le gouvernement vient de prendre à l'égard du développement durable dans sa politique énergétique ne peut se matérialiser que dans une planification intégrée des ressources, donc une planification intégrée des ressources qui prendrait en compte tous les coûts, les coûts sociaux, prendrait en compte les aspects d'équité et qui ferait en sorte qu'on minimise les coûts, finalement, sociaux, directs et indirects, des productions énergétiques.

Dans ce sens-là, lorsque nous autorisons l'exportation d'électricité sans autorisation et sans examen des projets d'exportation et si la production échappe à la Régie, les productions privées échappent à la Régie, à mon sens il y a là une fuite à la planification stratégique. Et cette partie de la production, forcément, ne répondrait pas aux critères... ne respecterait pas la caractérisation des filières. Et, dans le contexte actuel, par exemple, dans un contexte où on a des surplus, la promotion que l'on peut faire de la production privée trouve forcément sa justification dans les exportations. Je pense que c'est clairement exprimé dans la politique. Les membres de la Table de consultation aussi reconnaissaient les avantages de l'exportation de l'hydroélectricité comme source d'énergie non polluante, et, dans ce contexte-là, pour pouvoir bénéficier de ces retombées de l'exportation, il faut s'assurer que nos ressources ici soient utilisées en respectant ce concept de développement durable.

M. Chevrette: À la page 36 de votre rapport unanime, vous dites qu'il faut faire vite au niveau de... Je vous lis: «Pour les membres de la Table – on l'a déjà souligné – il importe que ces enjeux soient rapidement analysés, que l'on fasse référence à la question de la réciprocité dans le cadre des ententes commerciales nord-américaines.» Vous concevez, d'autre part, que l'article 164, les délais sont un peu... manquent de réalisme.

M. D'Amours (Alban): Oui.

M. Chevrette: Parce que vous êtes un homme poli. Et comment conciliez-vous le fait qu'à l'article 7, par exemple... Je vous pose une... je vais à la pêche chez vous, je vous le dis d'avance. L'article 7 permet au gouvernement de nommer des régisseurs en surnombre, à temps partiel ou à temps plein. Plutôt que de changer le délai, comme vous souhaitez que ce soit vu vite ou rapidement, seriez-vous d'accord qu'on engage des spécialistes de la question en surnombre et qu'on fasse étudier ces questions-là en respectant le délai de six mois prescrit dans la loi?

(17 h 30)

M. D'Amours (Alban): On pourrait engager une armée de régisseurs et ils feraient le travail. Mais le problème qui surgit de cette approche-là, c'est le fait qu'il faut consulter la population à l'égard de la caractérisation des filières. Et ça, c'est une étape essentielle dans la mise en place finalement d'une planification intégrée des ressources. À moins qu'on veuille faire en sorte que la production privée échappe à la planification intégrée des ressources; alors là, c'est possible. Mais, si on veut que la production privée respecte les prescriptions de la planification, soit intégrée à la planification intégrée des ressources, il faut absolument faire cette caractérisation.

Cette consultation, je suis à même d'en témoigner, lorsqu'on a fait la consultation entourant le débat sur l'énergie, on y a mis du temps. Et, pour qu'une consultation de cette nature-là réponde bien aux attentes de la population, crée cette confiance à l'égard des décisions éventuelles, l'utilisation des ressources, il faut que la population qui vient témoigner le fasse d'une façon informée et qu'elle prenne le temps de le faire. Alors, ça va prendre du temps, quelques mois, pour réaliser cette étape-là.

Si, en même temps, on précipite l'autre, l'analyse des voies de déréglementation de la production, alors on n'est pas gagnant, parce que déréglementer la production très rapidement ne nous permet pas d'avoir accès plus rapidement au marché américain. Parce que l'accès au marché américain dans le domaine des exportations est lié essentiellement à la libéralisation des marchés, c'est-à-dire à la libéralisation du transport, est lié au transit. Alors, si on décide très rapidement de permettre le transit, d'abord on rencontrera les exigences des autorités réglementaires américaines, premièrement, puis, deuxièmement, on exportera l'électricité, les surplus d'électricité que nous avons ici, qu'on peut générer avec plus d'efficacité. Et on n'est pas obligé de se précipiter dans la déréglementation de la production pour bénéficier de ces avantages-là.

La déréglementation de la production est essentiellement une question d'allégement, finalement, des rigidités. C'est lié au concept beaucoup plus large de déréglementation. Le dernier sommet économique a fait valoir l'intérêt que présentait la déréglementation de l'industrie de la production, et, au Québec, c'est une façon de faire tomber les rigidités, de nous rendre plus concurrentiels. Je pense que les membres de la Table de consultation avaient déjà vu ces aspects positifs de la déréglementation, mais disaient: Faites-le avec prévoyance et mettez-y le temps.

M. Chevrette: Une dernière question. M. Caillé disait qu'il y avait moyen de garder tout ce processus de la planification intégrée des ressources par des contrats de fourniture entre la production et la distribution. Est-ce que c'est possible?

M. D'Amours (Alban): Ah, oui. Nous disons dans notre rapport que, lorsque la Régie étudiera le plan de ressources d'Hydro-Québec, forcément elle va établir les liens avec le producteur. Et là, il y a les éléments, je pense, que la Régie de l'énergie devra ficeler et imaginer pour y arriver. La Colombie-Britannique se dirige un peu vers ces possibilités-là. On sait bien que la Colombie-Britannique y arrivera, mais avec les études appropriées et en utilisant de l'imagination. C'est la même chose ici. Et je pense que ce que le président d'Hydro-Québec est venu vous dire, ça fait du sens. Mais, en même temps, il faut que ces décisions-là rassurent la population.

Le débat sur l'énergie était réclamé depuis 15 ans, au Québec. Il a donné lieu à une année de travail, de consultations. Ça a rétabli un climat de confiance chez la population. Et il serait peut-être dangereux de précipiter les choses et de créer à nouveau une méfiance, tout en n'écartant pas cette possibilité de déréglementation, je pense, qui est tout à fait évidente; et éventuellement on y arrivera, mais il faut se convaincre de l'utilité de la chose. Et ce qui est intéressant avec la situation actuelle, c'est qu'on peut prendre le temps de se convaincre de l'utilité de la déréglementation sans perdre les avantages que présente actuellement le marché des exportations, lequel peut être assuré par le transit.

M. Chevrette: Merci beaucoup.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Merci, M. D'Amours. Non seulement à la lecture de votre mémoire, mais aux commentaires que vous avez faits quand le ministre vous a qualifié d'expert au Québec, on se sent un peu mal à l'aise de vous questionner, mais en même temps on ne l'est pas parce qu'on veut profiter de l'éclairage que vous nous donnez. Des gens qu'on a entendus, des commentaires que vous venez de nous faire ici, on retrouve le même genre de préoccupations. Qu'est-ce qui arrive à la production privée d'électricité? – c'est qu'on a entendu, dans les trois jours – la façon dont seront choisis les régisseurs, leurs compétences, que ça soit transparent, dépolitisé. On a même ajouté qu'ils n'aient pas tous un mandat qui débute et qui se termine en même temps, pour assurer une continuité, que chacune des spécialités, que ce soit au niveau du gaz, de l'électricité ou d'autres produits, soit représentée. Les gens veulent être assurés que ça, ça soit fait. Et également, c'est quoi les pouvoirs, c'est quoi le coffre d'outils qu'on met à la disposition de la Régie? Ce sont des préoccupations qu'on a entendues presque constamment. Les gens disent: C'est très important de bien choisir les gens puis c'est très important les outils mis à leur disposition.

Au niveau de l'acceptation de la création de la Régie, il y a unanimité au niveau du principe. Et je pense que ça, ça découle en très, très grande partie des travaux de la Table. Tu sais, c'est ça qui a fait, qui a amené les gens à échanger ensemble et à accepter des choses dont autrefois chacun parlait séparément. Et vous avez raison d'indiquer qu'il faut maintenir ce momentum-là parce que, une fois qu'on le réalise puis qu'on chemine avec, c'est tellement plus puissant dans ce qu'on veut faire avec, plutôt que de les faire se braquer. Il y a des gens qui sont venus nous dire hier soir: On ne peut pas aller plus loin là-dedans sans que ça ne soit pas d'abord précédé d'un débat public. Ça rejoint un peu les commentaires que vous faites. Il faut qu'ils continuent à sentir qu'ils font partie du processus de cheminement. Alors, dans ce sens-là, il est important...

Vous soulignez également... et je crois, à juste titre, que vous avez comme nous suivi ça puis entendu les commentaires de M. Caillé: Il faut y aller, il faut y aller rapidement, il faut profiter des possibilités. Mais vous venez de nous dire qu'il y a moyen de faire ça sans nécessairement se hâter dans l'ensemble de la déréglementation. Un n'est pas obligatoire à l'autre, si j'ai bien compris. Et le fait que je fasse ces commentaires-là, ça pourra vous permettre peut-être de l'expliciter davantage. Parce qu'il ne s'agit pas de faire rapidement, il faut que ça soit bien fait aussi. Il faut le faire aussi rapidement que la qualité des travaux qu'on veut faire nous permet de le faire. Autrement, on se retrouverait, peut-être à plus brève échéance, avec une excellente idée qui aura fait naître de grands espoirs, mais on pourrait faire face à des réalités qu'on n'aurait pas prévues, en voulant se hâter trop. Alors, c'est pour ça que vous utilisez dans votre mémoire le mot «prudence» aussi. Alors, je trouve intéressant que vous releviez en grande partie exactement le même genre de préoccupation que les gens qui sont venus nous le dire. Mais, au niveau du principe, personne n'est venu nous dire qu'il ne souhaitait pas la création de la Table.

M. D'Amours (Alban): Vous souhaitez que j'en dise davantage sur la question de la déréglementation?

M. Cherry: Oui.

M. D'Amours (Alban): Sans me répéter, je voudrais réaffirmer le fait qu'encore une fois la déréglementation, c'est souhaité, c'est souhaitable, et je pense qu'on y arrivera. S'il y a des occasions d'affaires intéressantes dans le domaine de nos exportations, il y a déjà des pistes qui peuvent être utilisées, et c'est le transit. Et déjà les décisions sont prises dans ce sens-là. Et je salue ces ouvertures-là parce qu'on les avait abordées, nous aussi.

Par ailleurs, le lien que vous faites avec la confiance que la population doit accorder ou mettre dans ces nouveaux mécanismes là, cette confiance-là doit être bâtie et solidifiée, et c'est à travers une consultation que la Régie pourra le faire. Les premières consultations que la Régie fera, à mon sens, seront aussi déterminantes par rapport à sa crédibilité. Et, dans ce sens-là, il faut, je pense, que l'on puisse modifier ces délais sans dire à la Régie, comme directive, que la Régie est libre de prendre tout le temps qu'elle considère devoir prendre. Je pense que là il y a de la diligence qui doit être apportée dans la réalisation de ses premiers mandats.

D'ailleurs, nous l'avons souligné, nous, dans notre rapport, il faut que la Régie s'attaque très rapidement, ait comme premier mandat cette question de la déréglementation, parce que c'est un vent qui souffle fort, du Sud, et il faut être capable de saisir toutes les occasions qui vont se présenter. Il faut se mettre en position de pouvoir profiter de ça, et il ne faut pas attendre cinq ans, là.

M. Cherry: Non, non.

(17 h 40)

M. D'Amours (Alban): Non, il faut réagir rapidement. Mais, en somme, je voudrais bien me faire comprendre: à mon sens, le six mois, quand j'utilise le mot «est irréaliste», c'est en fonction d'une expérience qu'on a déjà utilisée.

J'ajouterais aussi que l'article 164 contient, M. le ministre, un élément que je n'avais pas l'habitude de voir dans les projets de loi, et je pense que c'est peut-être la première fois qu'on le retrouve, une possibilité de modifier la loi par décret. Moi, je me permets de soulever cette question-là, qui m'apparaît un petit peu... C'est nouveau comme approche. Mon commentaire serait à l'effet tout simplement d'élargir l'article 164, d'éliminer le délai, d'utiliser, si on croit nécessaire de le faire, un appel à la diligence, dans l'article, que ce soit fait avec diligence, et finalement d'éliminer cette possibilité de changer la loi par décret.

M. Chevrette: Oui, je pourrais répondre. C'est que, oui, ça a été «heavy», comme diraient certains citoyens, juste pour sa rédaction, sauf que c'est pour le temps de la préparation et l'adoption d'une loi. Si on avait à aller rapidement, il y aurait un décret temporaire et, en même temps, on rédigerait notre loi et on la déposerait et... Soyez sans crainte, ça va être fait selon les règles de l'art.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Moi, je peux juste vous remercier, M. D'Amours, pour les commentaires que vous venez échanger avec nous, je peux dire que ça nous éclaire. Il y a un élément que vous avez juste effleuré, où vous parlez du pétrole, des éléments des produits pétroliers. J'aimerais juste vous entendre brièvement, si vous croyez que, dans le projet de loi, à l'article 45, où on parle qu'en ce qui a trait à la pratique abusive dans la vente de l'essence et du carburant diesel le gouvernement peut se donner le droit de légiférer lorsque, dans une zone, une entreprise vend au détail de l'essence ou du carburant à un prix inférieur à ce qu'il en coûte à un détaillant dans cette zone pour acquérir et revendre ces produits. Est-ce que – dans la lecture du projet de loi, je suis sûr que vous l'avez vu – vous avez réfléchi à cette démarche-la?

M. D'Amours (Alban): Il m'apparaît que l'article, tel qu'écrit et proposé, est sage. J'ai déjà eu ces expériences comme sous-ministre associé à l'énergie. J'ai vécu ces périodes où la turbulence que provoquent les variations subites de prix de l'essence entraîne beaucoup de difficultés aux gouvernants. Et, dans ce contexte-là, la Régie se présentant comme un organisme pouvant intervenir, mais sans briser les règles du jeu, hein... Parce que les règles du marché, dans le domaine des pétroles, elles sont à préserver. Et la lecture que je fais de cet article vise plutôt la protection d'un marché sainement concurrentiel dans le domaine des produits pétroliers, sans plus.

M. Beaudet: Est-ce que vous croyez que ça va bien servir le consommateur?

M. D'Amours (Alban): Le consommateur? Je pense que oui. Évidemment, quand les prix de l'essence chutent très rapidement, comme on l'a vu suite à une guerre de prix, le consommateur se précipite à la pompe et il est bien content de payer moins cher. Mais, en même temps, le consommateur, il sait, à l'expérience, que, deux semaines plus tard, il va payer peut-être 0,10 $, 0,15 $ de plus le litre. Et, quand il fait la moyenne de tout ça, il se rend compte qu'à la fin de l'année ce n'est pas les guerres de prix qui l'ont enrichi.

M. Beaudet: Merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. D'Amours. C'est malheureusement tout le temps que nous avons pour échanger avec vous.


Mémoires déposés

Avant de procéder aux remarques finales des groupes parlementaires, je voudrais déposer deux mémoires d'organismes qui n'ont pas été entendus par la commission, soit celui de l'ACEF de Québec ainsi que celui de l'Association des cadres supérieurs du gouvernement du Québec, et ces documents vont vous être distribués incessamment.

Nous arrivons à l'étape ultime de ces consultations. Nous allons procéder aux remarques finales, en vous précisant que vous avez un maximum d'intervention de 15 minutes, en commençant par le député de Saint-Laurent, le porte-parole de l'opposition officielle.


Remarques finales


M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. Mes premières remarques vont être pour rappeler bien amicalement au ministre que les premiers échanges qu'on a eus ensemble sur le nombre d'organismes qu'on devait entendre, la première remarque du ministre avait été: Ils ont eu 18 mois, ils ont eu une table de concertation, on ne devrait peut-être pas en avoir besoin autant que ça. Mais finalement je pense qu'on conviendra tous que ces trois jours-là ont été vraiment bénéfiques pour tout le monde autour de la table, d'abord non seulement pour ce qu'on a appris puis emmagasiné collectivement puis qui va nous servir à bonifier le projet de loi, mais je pense qu'il est important que les gens qui ont défilé devant nous aient eu vraiment le sentiment qu'ils ont pu participer à ça et qu'on les a écoutés et qu'ils vont retrouver... Ça va se retransmettre là-dedans.

Pas parce qu'il est le dernier intervenant à avoir passé devant nous, mais à cause de ce qu'il représente, à cause de la richesse de son expérience et sa contribution aux travaux, il a utilisé l'expression que je me suis permis de reprendre: Il faut absolument continuer à associer la confiance de la population dans l'existence de la Régie. Au niveau du principe, tout le monde est d'accord, je pense qu'il y a unanimité là-dessus. Maintenant que la confiance est revenue, que les gens y voient du potentiel, il est important qu'on continue, par les actions qui doivent maintenant suivre, à associer l'ensemble des partenaires. Parce que, autrement, on pourra entendre rapidement – et il ne faut pas souhaiter ça – des gens qui disent: Voici les efforts qu'on a mis pendant les 18 mois à la Table de concertation, on ne les retrouve pas dans le projet de loi.

Le ministre, il a eu une expression, il a dit: Bien, un rapport, c'est un rapport, on ne peut pas tout prendre ce qu'il y a là-dedans, un gouvernement fait des choix. Mais il est important que, si on fait le choix de le modifier suite aux remarques qui nous ont été faites, ils se reconnaissent. Sinon, il est également important que les explications soient fournies, pourquoi leurs remarques n'ont pas été retenues. Il faut que ces gens-là sentent ça parce que, autrement, il va y avoir un braquage qui est inutile, qui ne rendra service à personne.

J'ai bien aimé également les remarques du dernier intervenant. Tout le long, j'essayais de questionner à chaque fois pourquoi il fallait aller si rapidement dans la déréglementation. Et le premier intervenant, qui était Hydro-Québec... On est tous sensibles aux arguments d'Hydro-Québec, et ceux qui sont sur cette commission-ci surtout, avec quelqu'un dont le dynamisme et la compétence, comme l'actuel président, transpirent, on a le goût de lui donner le bénéfice du doute. Mais, en même temps, il faut bien s'assurer du pourquoi il a été... Lui, à qui on a confié ces responsabilités-là, il a sa mentalité, sa façon de fonctionner qui vient du secteur privé, c'est bien important. Mais maintenant il s'agit de quelque chose qui appartient à l'ensemble de la population, et il faut qu'il développe aussi cette sensibilité-là, que la majorité puisse être associée à sa démarche. Ce n'est pas un conseil d'administration devant lequel tu dis: Vous me jugerez sur mon rendement, à la fin de l'année. Hydro-Québec, ce n'est pas ça. Donc, il est important qu'il soit sensibilisé à ce besoin de fonctionnement.

M. D'Amours nous disait tantôt – et ça rejoint la préoccupation – qu'on peut profiter des occasions d'affaires qui vont se présenter sans nécessairement y aller avec une déréglementation trop, trop, trop rapide. Et ça, je vous assure que, personnellement, ça me rassure puis ça rassure mon collègue également.

Alors, on va travailler ensemble pour bonifier ce projet de loi là. Il y a 164 articles, et on a l'intention de... Le ministre – et je termine avec ces remarques-là, M. le Président – a l'amabilité d'offrir à notre formation politique et à ma recherchiste la disponibilité des gens de son contentieux pour qu'on puisse, avant que débutent les travaux article par article, avoir des explications, ce qui devrait faciliter, accélérer les travaux. Et, dans ce sens-là, j'ai fait indiquer au personnel du ministre qu'au tout début de la semaine prochaine on se rendra disponible pour que cet exercice-là puisse être fait. Merci, M. le Président.

(17 h 50)

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de Saint-Laurent. M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, vous me voyez, moi aussi, extrêmement satisfait, d'abord pour le ton des discussions. Je pense que ça s'est fait de part et d'autre de façon extrêmement constructive. Et je suis heureux de voir qu'il y a, je crois, des consensus qui se dégagent de façon très évidente, en particulier sur la création même de la Régie. Même si on peut avoir des nuances au niveau de certains pouvoirs, il reste qu'il y a un consensus. Et ce qu'on a entendu va nous permettre sans doute d'améliorer effectivement le projet de loi proposé, je suis convaincu.

Aussi, sur la mission dévolue à cette Régie, je pense que c'est plutôt plus que moins qu'on a entendu des remarques, de sorte qu'on verra, encore là, les remarques qu'on pourra intégrer au projet de loi. Les pouvoirs qui ont été confiés à la Régie, l'autonomie – on a parlé beaucoup d'autonomie, de neutralité, d'indépendance de la Régie – ça, je crois que c'est assez accepté d'emblée. Le pouvoir de la Régie d'approuver les plans de ressources des entreprises réglementées, c'est ressorti très clairement. Un souci de transparence, de rigueur dans le traitement des contrats spéciaux, je pense que c'est ressorti sur une base assez régulière. Et il y a une dimension qui a été très, très claire, et ça fait sans doute suite au travail de la table de l'énergie: toute la dimension accordée aux audiences publiques. Ça m'a frappé dans plusieurs mémoires qui ont été lus devant nous ou exposés devant nous.

Il y a un certain nombre d'interrogations, d'autre part, qui amèneront des ajustements, sans doute, et des modifications à certains articles du projet de loi. Au cours des prochains jours, avec l'équipe du ministère, on va regarder l'ensemble des objections sur certains articles puis on verra à apporter des amendements. Parce qu'il y en a qui sautent aux yeux, d'autres qui demandent qu'on fouille davantage. En particulier sur les produits pétroliers, c'est diamétralement opposé les unes aux autres, les positions, il n'y a pas eu de nuance entre cela: c'est pour ou c'est contre. J'étais content d'entendre même M. D'Amours, suite à une question du député d'Argenteuil, pour qu'on sache au moins de quel bois se chauffaient les gens au niveau de la Table. Je pense que ça nous donne un autre point de vue. Puis c'est assez surprenant de voir que des gens qui ont été très impliqués ne voient pas de problème. Mais on voit très bien qu'il y a des intérêts dans ça. Il va falloir qu'on soit assez brillant pour juger au-delà des intérêts puis penser à la formule juridique qu'il faudra donner. Mais ça reste un dossier, et je pense que c'est le dossier le plus délicat à regarder.

Je voudrais réitérer, ne serait-ce que pour ceux qui liront le Journal des débats , les objectifs qu'on avait – et je pense qu'on partageait tous les mêmes objectifs: c'était d'assurer la libre-concurrence à moyen et long terme, c'était de protéger la place des indépendants dans le marché, c'était de veiller aux intérêts des consommateurs, puis c'était de maintenir une industrie du raffinage et de la pétrochimie compétitive au Québec. Il y en a qui ont vu une ingérence totale dans cela. Mais je crois que c'est des objectifs que de part et d'autre, des deux côtés de la table, on partage. C'est déjà assez embarrassant pour une Assemblée nationale ou un Parlement d'intervenir face à certaines folies, qu'on ne veut surtout pas enlever de la concurrence qui pourrait être bénéfique pour le consommateur. Je pense que c'était clair dans l'esprit. D'ailleurs, c'est pour ça... Hier matin, j'étais plutôt embêté, moi, à écouter certaines remarques. Je me disais: Mais, maudit, ça se «pourrait-u» qu'il y ait des députés qui sont plus en faveur de la concurrence que des gens impliqués, à un moment donné? Probablement que j'ai mal compris puis que la lecture des procès-verbaux vont me donner un éclairage meilleur.

Pour ce qui est de l'électricité, des discussions majeures ont porté sur la déréglementation et sur les initiatives que le Québec doit prendre dans ce domaine. Quant à l'article 164, c'est clair qu'il va avoir un nouveau libellé. Je pense qu'il y a un consensus très large, c'est probablement l'article qui a fait le plus l'unanimité, dans le sens inverse du terme. Donc, nous allons le revoir. Il y aura une nouvelle rédaction qui devrait permettre d'assouplir le délai imparti à la Régie pour assumer ce mandat. On verra.

Il y a l'article 48 également qui pourrait être retravaillé, entre autres concernant le transport afin que la Régie puisse avoir l'initiative d'analyser des modifications aux tarifs de transport. Je vais le regarder de très près.

Il y a la procédure. Il faudra regarder très attentivement la procédure d'autorisation des exportations, je pense que ça a été souligné. J'ai l'intention également de suggérer que les mandats des régisseurs soient définis pour des durées différenciées. Je trouve que c'est plein de bon sens, ce qui a été suggéré. Et je vais regarder le mode de sélection. J'ai très peur qu'un comité de sélection, s'il n'est pas bien encadré dans son mandat, ne permette pas la diversité des compétences. Ça, on pourra s'en parler quand on regardera article par article. Parce que ça m'apparaît extrêmement important d'avoir la diversité des compétences, puisqu'on met toutes les filières énergétiques sous le même chapeau. Je crois qu'il va falloir que... Il peut y avoir d'excellents candidats, mais tous dans un même créneau. Je pense qu'il faut regarder ça correctement.

En fait, je suis très heureux de tout le travail accompli. On regarde la publication de ce rapport, la politique énergétique, la Loi sur la Régie, la création tout de suite après, bientôt, de l'Agence de l'efficacité énergétique, et tout. Moi, je voudrais remercier l'opposition pour son travail constructif à la commission et remercier mes collègues également. C'est toujours un rôle ingrat d'ailleurs qu'ils ont à jouer, surtout dans des courts laps de temps de questionnement comme ceux auxquels on a été assujettis. Je les remercie de m'avoir laissé autant de place puis de m'avoir remplacé quand ça a été le temps, à part de ça. Et je voudrais... un merci particulier à toute l'équipe du ministère, qui a travaillé très, très, très fort. Je peux vous dire que l'élaboration de la politique, ça a été un travail de moine. Il y a des moines qui ont travaillé sans doute plus les uns que les autres, mais je ne veux pas en nommer un pour en oublier d'autres, pour assister à une chicane de moines. Il y a nos légistes qui travaillent toujours bien, et puis je voudrais tous les remercier, du plus humble au plus haut gradé. Je suis convaincu qu'on est en train de faire oeuvre utile pour le Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Ces remarques finales mettent un terme à notre mandat de procéder à des consultations particulières et à des auditions publiques dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 50 sur la Régie de l'énergie. Il ne me reste plus qu'à vous remercier, les collègues des deux formations politiques, de la collaboration que vous avez manifestée tout au long de ces audiences ainsi, et je le dis très sincèrement, que de la qualité des échanges que nous avons eus avec nos invités.

Sur ce, je suspends les travaux de notre commission jusqu'à ce soir, 20 heures, pour procéder à un nouveau mandat.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 20 h 8)


Étude détaillée du projet de loi n° 74

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'économie et du travail va procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 74, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplaçants?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Désilets (Maskinongé) remplace M. Kieffer (Groulx); M. Maciocia (Viger) remplace M. Cherry (Saint-Laurent); M. Charbonneau (Bourassa) remplace Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François); M. Gautrin (Verdun) remplace M. Gauvin (Montmagny-L'Islet); et M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) remplace M. Sirros (Laurier-Dorion).

(20 h 10)

Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, je demanderais maintenant au ministre ainsi qu'au porte-parole officiel de l'opposition s'ils désirent faire des remarques préliminaires sur ce projet de loi. M. le ministre.


Remarques préliminaires


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, mes remarques seront très brèves, mais cependant elles seront précises.

Ce projet de loi n° 74 sur le financement de la CSST vise essentiellement à protéger un plus grand nombre de travailleurs québécois qui gagnent leur vie à l'extérieur du Québec. Ça, c'est à retenir.

Le projet adapte aussi le mode de cotisation – appelez ça de la tarification, si vous voulez – aux divers types d'entreprises: les petites, les grandes et les moyennes. Dans le cas des petites, on va essayer de mutualiser le risque pour les encourager à faire de la prévention. Dans le cas des moyennes entreprises, on va les encourager à continuer, mais ce qu'on va récompenser, c'est l'effort individuel de chacun des entrepreneurs qui prend au sérieux le fait de faire de la prévention et de réintégrer son travailleur le plus vite possible. Quant aux grandes entreprises, celles qui paient des cotisations de 450 000 $ et plus, bien, eux autres, on va les inviter, au fond, à un projet d'autoassurance.

Je voudrais également, M. le Président, que ce projet de loi mette dans la tête des employeurs et des travailleurs du Québec que la prévention va devenir un mode de vie dans les entreprises, parce qu'on a la conviction que faire de la prévention, c'est payant. C'est un placement dans les ressources humaines dans une entreprise, c'est un placement qui, souvent, s'évalue mal lorsqu'on publie le bilan d'une entreprise, mais si vous saviez comme ça ajoute à la qualité de vie et combien ça peut être extraordinaire.

Il faut que ce projet de loi soit passé rapidement. La raison est fort simple – et on va se comprendre, si vous saviez comme c'est simple: la CSST doit changer tout son système informatique, parce qu'il faut se moderniser dans la vie. La CSST est une des entreprises québécoises les plus sophistiquées au niveau de la gestion, et aujourd'hui un virage informatique s'impose pour donner un meilleur service et un service de plus grande qualité. Mais changer le système informatique de la CSST, ça prend un an. S'il fallait que ce projet de loi là ne soit pas adopté, ça va prendre deux ans avant de mettre la réforme en marche. Lorsqu'on regarde l'économie générale de l'ensemble de tout ça, je dis qu'à un moment donné, tu sais, il faut se rendre bien compte que ce n'est pas rien. Parce que changer tout un système informatique, ça prend du temps.

Je voudrais également faire remarquer que ce projet de loi donne à la CSST la capacité de préparer des règlements pour régulariser sa tarification et faire en sorte, après ça, que ces recommandations-là soient acheminées au Conseil des ministres et qu'elles soient votées sous forme de décret. Ce projet de loi facilite la tâche des employeurs et ce projet de loi, aussi, favorise le travailleur parce qu'il favorise son retour au travail dans des délais plus que raisonnables.

M. le Président, j'aimerais dire en quelques secondes que c'est la deuxième phase d'un projet amorcé en 1989 par le gouvernement libéral de l'époque, auquel d'ailleurs nous avions souscrit comme opposition. C'est bon de se rappeler ça, parce que, comme on dit dans la vie, un ascenseur, ça se retourne. C'est un projet gagnant, tant pour les travailleurs que pour les employeurs, donc un projet gagnant-gagnant, un projet gagnant-gagnant qui est bon pour la société québécoise et auquel l'opposition, je pense bien, ne devrait pas avoir trop de difficultés à donner son accord.

Évidemment, on est devant une pièce de législation hautement technique, mais vous allez voir que, si on se parle un langage pas trop, trop hermétique – j'allais dire pas trop, trop le langage des avocats ou des actuaires – si on se parle comme des parlementaires qui ont le goût de le faire et de voter de bonnes législations, je pense bien qu'on devrait se comprendre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne) : Merci, M. le ministre. J'invite maintenant le député de LaFontaine et porte-parole de l'opposition officielle à nous livrer ses commentaires préliminaires, s'il le souhaite.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Permettez-moi de saluer tous les collègues et les personnes qui assistent à cette commission, ainsi que M. le ministre. Bien sûr, le ministre a très bien expliqué d'où venait le projet de loi n° 74. En effet, la phase I de cette réforme a débuté il y a quelques années alors que nous étions le gouvernement. Il est vrai que les analyses de notre côté, à la lecture du projet de loi... on fait le constat qu'il est essentiellement un projet qui suit certaines constatations, certains consensus qui avaient été faits à cette époque et que le gouvernement reprend, que le ministre fait siens maintenant. Nous n'y voyons certainement qu'une étape supplémentaire progressive dans le but d'améliorer la gestion ou l'administration de cet organisme qu'est la CSST. Nous pensons aussi qu'il contribue à moderniser et à adapter aux nouvelles circonstances, aux nouvelles manières de gérer les entreprises, aux nouvelles contraintes auxquelles elles font face aussi et à la nouvelle organisation du travail pour les travailleurs...

Alors, certainement, nous entendons collaborer, et je l'avais dit dans mon discours lors du débat du principe, j'avais suggéré au ministre ou à son cabinet de voir si les groupes étaient intéressés à se faire entendre. N'ayant pas eu moi-même de demande à cet effet, j'avais souhaité qu'ils le fassent pour voir, par les moyens qu'ils ont, peut-être plus faciles que ceux de l'opposition, si c'était nécessaire. Et il me semble que, personne n'ayant fait valoir le besoin d'être représenté ou de faire valoir son opinion ce soir, ça ne se fait pas. Et, ma foi, je n'ai rien à y redire et je ne serai certainement pas celui qui fera des motions préliminaires ce soir pour entendre des groupes, car je pense que les gens ont eu suffisamment le temps, depuis mon discours de principe et celui du ministre, pour faire valoir leur intention, s'ils l'avaient, de se faire entendre par les membres de cette commission.

Par contre, nous avons reçu quelques communications pour certains... peut-être certaines améliorations, certains questionnements que nous pourrions faire au ministre, et nous souhaiterions que nous puissions le faire en toute collaboration et en toute bonne foi. En particulier, nous avons reçu, en ce qui concerne l'article 4 du projet de loi, des remarques quant à la confidentialité des informations de nature médicale sur les dossiers. C'est quelque chose qui semble intéresser particulièrement plusieurs groupes. Et je dois dire que je trouverais important ce soir – étant donné ce qu'on peut voir actuellement qui se développe dans notre société en termes de Big Brother, comme on dit, de communication des informations de tout le monde – peut-être que nous apportions une attention particulière à ça.

Il y a eu aussi des recommandations sur la rétroactivité aux articles 51, 52, 53, 54 et 55. Je n'élaborerai pas maintenant dans ces remarques préliminaires, nous aurons l'occasion d'y arriver.

Certaines recommandations aussi ont été faites par des associations sectorielles patronales de l'industrie de la construction sur la question du regroupement prévu à l'article 9 du projet de loi. L'industrie de la construction aurait peut-être avantage à recevoir un traitement particulier, compte tenu du manque de prévention très manifeste dans ce secteur et du nombre élevé d'accidents dans ce domaine. Il y a certainement là des choses intéressantes à discuter avec la commission.

C'est vrai qu'il y a beaucoup de règlements, de pouvoirs réglementaires, hein, qui facilitent la vie de la CSST, mais qui parfois compliquent la vie des entreprises. Il va falloir peut-être aussi aborder ça.

Et il y a aussi un point peut-être – j'en ai parlé au ministre sur d'autres projets de loi, je sais qu'il a pris des notes, je l'ai vu faire lors de mon intervention en Chambre hier sur le projet de loi n° 78 – le fait qu'on écarte aussi les prépublications dans les règlements. Ça semble revenir dans plusieurs projets de loi. Je pense qu'on devrait peut-être, je ne sais pas, se pencher là-dessus et faire en sorte qu'on prépublie les règlements qui vont être adoptés. Je n'y vois pas de mal et je pense que le ministre comprend très bien. Je disais hier dans mon allocution que lui, qui était un homme d'affaires public avant d'être en politique après avoir été un homme de syndicat, avait souvent pourfendu ou dénoncé le secret ou une certaine discrétion dont semblaient vouloir faire preuve les pouvoirs publics à l'occasion de certains projets de loi ou certaines décisions. Je mentionnais à l'époque son combat important qu'il avait fait, lors de l'imposition d'un projet de loi qui obligeait le port de la ceinture de sécurité, sur les ondes d'une station de radio montréalaise, et j'aurais de la difficulté à comprendre que le ministre ne puisse pas, peut-être, remédier à cette situation.

Je pense que les règlements devraient être prépubliés. Je pense que c'est important pour la population, pour les citoyens qui sont concernés. C'est vrai que l'ensemble de la population ne lit pas les règlements ou les prépublications, mais les gens qui y ont affaire sont intéressés, et il vaut mieux qu'ils réagissent avant, bien souvent, qu'après, surtout si le législateur n'a pas l'intention d'agir de manière... de faire des cachotteries, et je ne pense pas que dans ce projet de loi là le ministre ait cette intention-là.

(20 h 20)

Alors, M. le Président, c'est tout ce que je voulais dire ce soir sur ces remarques préliminaires. Je pense que l'essentiel a été dit lors de l'intervention que nous avons faite en Chambre sur le principe. Et je réitère ce soir à tous les membres de la commission ainsi qu'à vous, M. le ministre, mon entière collaboration pour bonifier ce projet de loi là et le faire adopter dans les délais les plus rapides possible pour que nous puissions enfin passer à l'étape subséquente, qui nous permettra de le mettre en application et de mieux servir la CSST, les entrepreneurs, les employeurs ainsi que les travailleurs qui y ont affaire. Bien sûr, nous parlerons aussi de prévention, car c'est, dans ce projet de loi là, aussi un des centres importants. Alors, c'est là l'essentiel de mes remarques préliminaires, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de LaFontaine. Nous accueillons de façon...

M. Gobé: J'ai une autre affaire, je m'excuse, si vous me permettez.

Le Président (M. Beaulne): Oui, allez-y, M. le député.

M. Gobé: Nous n'avons pas reçu le cahier habituellement transmis qui explique l'introduction des articles de loi. Peut-être que, si nous le recevions, ça faciliterait encore plus notre compréhension.

Une voix: ...

M. Gobé: Non, vous n'en avez pas?

Une voix: S'il y a des papillons...

M. Gobé: Ce n'est pas une demande formelle...

M. Rioux: Non, non, mais...

M. Gobé: ...c'est pour faciliter le travail, Mme la députée de... le nom...

Le Président (M. Beaulne): Oui, votre demande est bien reçue.

M. Gobé: Si c'était possible maintenant. Sinon, on ne va pas se...

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le ministre...

M. Gobé: Ça ne changera pas ma collaboration, mais je pense que ça serait plus facile.

Le Président (M. Beaulne): Oui. M. le ministre, effectivement, c'est dans un esprit très positif de collaboration.

M. Rioux: Oui.

Le Président (M. Beaulne): Quelle est votre réponse?

M. Rioux: M. le Président, je suis un petit peu navré, parce qu'on aurait dû procéder comme on a procédé l'autre jour...

M. Gobé: C'est ça, oui.

M. Rioux: ...avec un cahier qui aide l'opposition à nous suivre et à travailler ensemble. Je le regrette et j'en suis très malheureux. Cependant, j'avais prévu la question, et ça m'amène à faire une proposition de méthodologie...

M. Gobé: O.K.

M. Rioux: ...déformation d'ancien professeur sans doute. M. le Président, avec votre accord et si le critique de l'opposition était d'accord, on pourrait procéder de la façon suivante, de sorte qu'on ait une méthode de travail qui nous permette d'avancer, ce qui laisse à l'opposition toute la latitude de faire la discussion qu'elle veut bien. On pourrait procéder avec le champ d'application, dans un premier temps, les articles 1, 2 et 3. O.K.?

Dans un deuxième temps, on pourrait parler des assouplissements, des sujets... des déclarations du salaire, et de l'établissement et du paiement de la cotisation. Ça, c'est les articles 10, 11, 12, 13, 17, 20, 21, 25, 31, 39, 42 et 46. Ça, ça serait un deuxième bloc.

Un troisième bloc, M. le Président, ça serait les règles de classification. Ça, c'est très important. Ça, c'est majeur. Et il va falloir prendre le temps de s'expliquer là-dessus pour bien se comprendre.

Dans un quatrième temps, on pourrait aborder les règles concernant les intérêts – parce que vous savez, la CSST, c'est une compagnie d'assurances, hein, il ne faut pas se le cacher – et les règles concernant les intérêts, bien, c'est les articles 22, 23, 27, 32, 33, 34 et 43.

Le recalcul de la cotisation, M. le Président, c'est les articles 30 et 44. On va se retrouver très rapidement là-dedans.

Maintenant, un sujet qui m'est très cher: la mutualisation de la prévention. Ça, là, ce n'est pas mon bébé, mais c'est mon dada: c'est pire. Ça, c'est les articles 9, 40, 41 et les autres.

L'utilisation de l'expérience, les articles 4, 9, 28 et 40.

Ensuite, on va parler des normes – c'est un huitième bloc – et des barèmes d'aide personnelle à domicile.

Et le bloc 9, c'est la RAMQ, aux articles 6, 7 et 8.

Et l'imputation, c'est incontournable.

Ensuite, M. le Président, dans le bloc 11, on aborderait la vérification; ça, c'est 38 à 47.

Le bloc 12, c'est la composition du conseil d'administration puis les observateurs.

Ensuite, il y a l'inspection – ça, c'est une responsabilité énorme – les dispositions transitoires puis l'entrée en vigueur de la loi.

C'est une démarche un peu pédagogique, je n'en disconviens pas, mais qui nous aiderait à «manager», là – excusez-moi – mais à bien gérer l'ensemble des débats qu'on pourrait avoir ensemble ce soir. Alors, voilà une proposition que je formule, M. le Président, à l'intention de mon collègue de l'opposition pour qu'on puisse travailler avec un minimum d'efficacité.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Alors, si je comprends bien, vous voulez diviser l'étude du projet de loi en 13 blocs. Et je demanderais à l'opposition si, d'après eux, cette méthode de procéder leur convient ou s'ils désirent procéder de la manière habituelle, article par article.

M. Gobé: Bien, M. le Président, je pense que toute proposition visant à favoriser l'étude du projet de loi est bienvenue, mais ça serait encore plus facile si on avait le cahier que le ministre peut avoir. Peut-être suspendre cinq minutes le temps de faire une photocopie; peut-être que les membres de la commission aimeraient l'avoir. Puis je pense que ça nous permettrait de mieux comparer, sinon on va être obligés d'aller dans les Lois refondues du Québec pour voir un peu...

M. Rioux: Voulez-vous une photocopie des feuilles?

M. Gobé: Non, le cahier qui correspond à chaque article.

Le Président (M. Beaulne): Le cahier...

M. Gobé: Ça peut prendre... rapidement... Oui, oui, c'est ça.

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le ministre, le député fait allusion au cahier avec les notes explicatives.

M. Rioux: M. le Président, on va être de bon compte ce soir. Je vais passer au critique de l'opposition mon cahier personnel...

M. Gobé: Mais vous en avez besoin d'un, vous, M. le ministre.

M. Rioux: Non, non, non, ça va, ça va.

M. Gobé: Il y en a un autre. O.K.

M. Rioux: En avez-vous un?

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. le député de LaFontaine, est-ce que la méthodologie proposée par le ministre vous convient, d'y aller en 13 blocs...

M. Gobé: Oui, oui, tout à fait. Oui, tout à fait. Avec le cahier, ça va être...

Le Président (M. Beaulne): ...selon les thèmes choisis? Et nous allons vous donner le cahier explicatif....

Mme Vermette: Juste une question...

Le Président (M. Beaulne): Oui, Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui, j'aimerais demander au député de LaFontaine s'il pourrait nous passer son cahier de questions, ça serait intéressant, on pourrait savoir où il s'en va...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: Oui.

Mme Vermette: ...on économiserait du temps, nous aussi, de ce côté-ci.

M. Gobé: Oui, en effet, je peux informer tout de suite – je l'ai dit d'ailleurs dans mon discours d'ouverture – nous avons l'intention, au niveau de la confidentialité en particulier, d'intervenir, puis sur la rétroactivité à certains articles, 51, 52, 53, 54 et 55. Puis je pense que le ministre est déjà au courant; les groupes qui nous ont fait les représentations, ils les ont faites aussi au ministre, et je pense que lui-même d'ailleurs va l'aborder. Et, si c'est le cas, ce n'est pas nous qui comptons ce soir faire en sorte de retarder indûment les travaux ou de demander des explications qu'il nous fournirait de lui-même juste pour faire de la «procédurite», là. Je pense que c'est un projet de loi qui, pour nous, est important, qui, pour les citoyens, est important, pour les travailleurs, pour les entrepreneurs. Je crois que le ministre l'a amené d'une manière très positive, et nous entendons collaborer de la même manière. Et je le remercie pour le cahier.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. Alors, je salue évidemment cette offre de collaboration de part et d'autre. M. le ministre, avant de débuter les travaux, pour la bonne gestion de nos discussions, nous aimerions ici, au niveau de la présidence, avoir une photocopie de votre feuille parce qu'on n'a pas eu le temps de prendre les articles de vos différents blocs.

M. Rioux: O.K., c'est bien. Alors, on peut procéder.

Le Président (M. Beaulne): Alors, puisqu'on s'entend sur la méthodologie, nous allons effectivement procéder. Alors, vous avez la parole, M. le ministre.

M. Rioux: Alors, si on prend bien...

Le Président (M. Beaulne): Bon. Alors, nous commençons par l'article 1. J'appelle l'article 1.


Étude détaillée


Discussion par sujet


Champ d'application

M. Rioux: Alors, M. le Président, lorsqu'on dit que cette loi est modifiée par l'insertion, après l'article 284, des suivants... Alors, 284.1 et 284.2, c'est ce que j'expliquais tout à l'heure, M. le Président. Lorsqu'un employeur québécois, prenons, par exemple, un entrepreneur du Québec qui travaille au Danemark, il a des contrats au Danemark, il y a des travailleurs québécois qui vont... Bien, je prends le cas de Bombardier, c'est un très bel exemple. Ils ont des contrats au Danemark. Il faut absolument que le travailleur québécois qui s'en va travailler pour un entrepreneur québécois à l'étranger, il faut absolument le protéger. Il faut le protéger. S'il est là pour moins de cinq ans, on ne peut pas dire qu'il s'en va là pour le reste de ses jours et que ça devient un citoyen de là-bas; ça reste toujours un travailleur québécois. Donc, cette disposition-là vise à le protéger. Au-delà de cinq ans, bien, là, c'est une autre histoire. O.K.? Les articles 1, 2 et 3, c'est la même chose. Il y aurait peut-être un petit papillon – qu'on va distribuer à l'opposition, s'il vous plaît – à l'article 2...

Le Président (M. Beaulne): Oui, mais, M. le ministre, simplement, là, on en est à l'article 1. Alors, vous avez terminé vos commentaires sur l'article 1?

M. Rioux: Je ne sais pas, M. le Président, si on s'est bien compris, mais on les prenait en bloc. Est-ce qu'on... Moi, je pensais qu'on s'était compris là-dessus.

M. Gobé: Oui. J'ai peut-être une question à poser sur l'article 1, mais ça va aller vite pareil. Lorsque vous mentionnez...

Le Président (M. Beaulne): M. le député, un instant, juste pour clarifier la procédure. On les prend en bloc, mais il demeure qu'on doit quand même les adopter un à un. Alors, vous avez fait vos commentaires sur le bloc 1, 2, 3. Je demanderais au député de LaFontaine s'il a des commentaires à faire sur ce bloc, et par la suite nous devrons les adopter un à un.

M. Gobé: Une question rapide, M. le Président, au ministre.

(20 h 30)

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le député.

M. Gobé: M. le ministre, lorsque vous mentionnez – et l'exemple est tout à fait pertinent – qu'un travailleur qui travaille à l'étranger pour une entreprise québécoise va être soumis aux lois et règlements de la CSST et aux avantages – c'est bien ça que l'article 1 amène – est-ce qu'à ce moment-là l'employé doit être à l'emploi de l'entreprise québécoise comme telle, détaché à l'étranger, ou s'il peut... À titre d'exemple, prenez Bombardier, qui est propriétaire d'une entreprise en Irlande. Il envoie un de ses cadres d'ici en Irlande, chez la compagnie qui fait le «shuttle» dans le tunnel. S'il devient payé par l'entreprise là-bas et non par Bombardier, est-ce qu'à ce moment-là... Il n'est pas assujetti à ça. Il faut qu'il soit un employé détaché de l'entreprise, payé par l'entreprise au Québec, payant des impôts et des taxes au Québec pour qu'il soit couvert. C'est bien ça?

M. Rioux: M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le ministre.

M. Rioux: Si c'est un Québécois, il est protégé. Si c'est un Québécois, il est protégé pour cinq ans. C'est très important de bien comprendre, là. Il ne faut pas se mêler là-dessus.

M. Gobé: Donc, c'est ça, c'est majeur, comme...

M. Rioux: C'est majeur.

M. Gobé: Parce que, de plus en plus, il y a des travailleurs qui vont à l'étranger...

M. Rioux: À l'étranger, ils seront protégés.

M. Gobé: Mais est-ce qu'il va être sur le «payroll» de la compagnie québécoise ou il peut être sur le «payroll» de la filiale étrangère de la compagnie québécoise?

M. Rioux: Ça n'a pas d'importance.

M. Gobé: Mais, à ce moment-là, est-ce qu'il ne serait pas...

M. Rioux: Parce que, si c'est une filiale, ça appartient à une maison mère. Si la maison mère est québécoise, la filiale est québécoise.

M. Gobé: Oui, mais est-ce qu'il n'est pas assujetti, à ce moment-là, aux lois du travail du pays dans lequel il est salarié? Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire.

M. Rioux: Oh! La question est très bonne. Au-delà des dispositions que vous retrouvez dans ce projet de loi, il peut y avoir des ententes qui se font entre le pays d'adoption et le pays... en tout cas le Canada.

M. Gobé: ...de réciprocité.

M. Rioux: ...de réciprocité. S'il y a des ententes particulières évidemment, il est protégé. Nous, ce qu'on veut dire ici, c'est que, s'il n'y a pas d'entente particulière pour toutes sortes de raisons, notre obligation, c'est de les protéger quand même. C'est ça qu'il est important de bien comprendre. Est-ce que le président de la CSST peut ajouter des choses?

Le Président (M. Beaulne): Oui, allez-y.

M. Gobé: Oui, rapidement parce que je crois que j'ai compris l'essentiel. Mais peut-être M. Shedleur...

M. Shedleur (Pierre): Alors, M. le député, exactement, ce que vous soulevez, c'est une problématique qu'on a de plus en plus avec les entreprises québécoises qui deviennent de plus en plus internationales, et ça vise à les protéger, comme le ministre l'a mentionné, pendant cinq ans, d'abord qu'ils sont Québécois. Et, si quelqu'un d'étranger vient ici, mais qu'il est sur la liste de paie ici, il va être protégé ici. Mais il y a des ententes entre pays. Puis il y a toutes sortes de choix qui se font. Quelqu'un peut venir d'Irlande. Si ce n'est pas un système de monopole, ils peuvent être protégés par une compagnie d'assurances privées là-bas, puis ils ne sont pas intéressés à le prendre ici. Donc, il y a toutes sortes d'autres situations qui sont gérées à la pièce, après, dépendant des ententes interpays.

M. Gobé: Est-ce qu'il paie une cotisation? Est-ce qu'à ce moment-là l'employeur paie une cotisation à la CSST pour cet employé qui est à l'étranger?

M. Shedleur (Pierre): Oui.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de La Peltrie.

M. Côté: C'est un peu dans le même ordre d'idées. Par contre, si un employeur du Québec, qui fait des opérations ailleurs qu'au Québec... Puis je prends un exemple. Le long de la frontière américaine, dans le bout de Montmagny, il y a beaucoup d'employeurs du Québec qui font des opérations du côté du Maine. C'est des travailleurs du Québec en grande majorité qui s'en vont travailler du côté des États-Unis. Mais aussi il y a quelques travailleurs du côté américain qui travaillent pour cet employeur-là du Québec. Alors, comment ça fonctionne, à ce moment-là? Est-ce qu'au niveau de la masse salariale d'un travailleur américain elle est déclarée ici, au Québec aussi, comme tous les autres travailleurs qui sont résidents du Québec, mais qui travaillent du côté américain? Puis, en matière de couverture, qu'est-ce qui se passe également?

M. Rioux: D'abord, il y a une chose. S'il travaille aux États-Unis, il est à l'étranger. C'est un travailleur québécois qui travaille à l'étranger. C'est correct, ça?

M. Côté: Oui. Ça, ça me va. Mais le travailleur qui est américain, mais qui travaille pour une compagnie québécoise, puis cette compagnie québécoise là est du Québec, elle a son siège social ici, à Québec.

M. Rioux: Si le salaire payé est un salaire payé par une entreprise québécoise, on le protège.

M. Côté: Parce que je sais que c'est un problème...

M. Rioux: Hautement technique.

M. Côté: ...au niveau de la frontière.

Une voix: Actuellement, le travailleur...

Le Président (M. Beaulne): S'il vous plaît, pouvez-vous vous identifier pour les fins de la transcription.

M. Harvey (Clément): Oui. Clément Harvey, de la CSST.

Le Président (M. Beaulne): M. Harvey.

M. Harvey (Clément): Actuellement, le travailleur, pour être protégé à l'extérieur du Québec, il faut qu'il soit domicilié au Québec, que son employeur ait un établissement au Québec et que la durée du travail hors Québec n'excède pas 36 mois en vertu d'un contrat conclu au Québec. C'est ce que prévoit l'article 8. Alors, dans votre exemple, donc, le travailleur domicilié dans le Maine qui travaillerait pour un employeur québécois n'est pas protégé, dans le Maine.

M. Côté: Il n'est pas protégé?

M. Harvey (Clément): Non, pas dans le dossier de l'employeur québécois, parce qu'il n'est pas domicilié au Québec.

M. Côté: Donc, il ne paie pas de cotisation sur cette masse salariale là?

M. Harvey (Clément): Non, pas pour l'emploi en dehors du Québec.

M. Côté: Alors, ce travailleur-là est protégé de quelle manière?

M. Harvey (Clément): Peut-être dans l'État du Maine, en vertu des règles qui peuvent prévaloir dans l'État du Maine.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce qu'il y a d'autres questions? M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Peut-être une question. Peut-être M. Shedleur, si vous permettez, M. le ministre. Est-ce qu'il y a beaucoup de litiges actuellement, à cet effet-là?

M. Shedleur (Pierre): Beaucoup de...

M. Gobé: De litiges, de cas, actuellement. On fait changer le projet de loi. Est-ce que c'est parce que l'expérience nous démontre qu'il y a problème?

M. Shedleur (Pierre): Non. Il n'y a pas beaucoup de problèmes dans les cas avec le Maine, par exemple, ou au Nouveau-Brunswick, parce qu'il y a des ententes et les gens connaissent les règles. Sauf que, pour des compagnies comme Bombardier ou SNC Lavalin, les compagnies québécoises, je veux dire, ils nous ont demandé d'élargir la notion du champ d'application pour éviter qu'il y ait des gens entre deux chaises. Donc, il n'y a pas beaucoup de problèmes, mais ça pourrait en créer. Donc, on a voulu, je dirais, moderniser notre loi.

M. Gobé: J'aimerais peut-être faire part d'expériences personnelles. C'est que ceci existe, si mes souvenirs sont exacts, dans les... françaises, où les travailleurs expatriés, pour les compagnies françaises, continuent à être assujettis aux normes et aux lois sociales françaises en matière de protection, accidents de travail et autres choses. Alors, est-ce qu'on va aussi assujettir ces travailleurs-là au fonds de retraite du Québec, au Régime de rentes et pas seulement à la CSST? Est-ce qu'ils continuent à cotiser à tout ça? Vous ne savez pas?

M. Shedleur (Pierre): Pour le Régime de rentes, je ne peux pas vous dire.

M. Gobé: Ce n'est pas ensemble? Ce n'est pas un ensemble de tout? Ou est-ce qu'on se limite seulement à la CSST? Est-ce qu'il n'y a pas d'autres ministères qui vont amener tout à l'heure des choses comme ça?

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: La question est bonne, mais, cependant, moi, je n'ai pas de réponse à donner à ça. Mais ça mériterait, par exemple, d'être examiné. Parce que, si on le fait avec la CSST, on se demande bien pourquoi on ne pourrait pas le faire dans d'autres secteurs d'activité, en tout cas qui sont sous la juridiction du gouvernement et qui font l'objet de législations. M. le Président...

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le ministre.

M. Rioux: On a distribué à l'opposition un amendement où on remplace l'article 2 par le suivant...

M. Gobé: Est-ce qu'on peut adopter l'article 1 d'abord?

Le Président (M. Beaulne): Oui, c'est ça.

M. Gobé: Moi, je suis prêt à l'adopter.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, avant de procéder à l'article 2, je pense que nous avons échangé sur le premier bloc. Alors, est-ce que l'article 1 est adopté?

M. Gobé: Adopté.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Alors, nous passons à l'article 2. Vous pouvez déposer votre amendement.

M. Rioux: À l'article 2, M. le Président, je voudrais signaler que l'article 8 de cette loi est remplacé par le suivant:

«La présente loi s'applique au travailleur victime d'un accident du travail survenu hors du Québec ou d'une maladie professionnelle contractée hors du Québec si, lorsque l'accident survient ou la maladie est contractée, il est domicilié au Québec et son employeur a un établissement au Québec.

«Cependant, si le travailleur n'est pas domicilié au Québec, la présente loi s'applique si ce travailleur était domicilié au Québec au moment de son affectation hors du Québec, la durée du travail hors du Québec n'excède pas cinq ans au moment où l'accident est survenu ou la maladie a été contractée et son employeur a alors un établissement au Québec.»

Un petit commentaire, M. le Président. Cet amendement vise à s'assurer que la loi ne puisse s'appliquer à un travailleur qui n'a jamais été domicilié au Québec, lorsqu'il subit un accident du travail hors du Québec ou contracte une maladie professionnelle hors du Québec, et ce, même si son employeur a un établissement au Québec.

M. Gobé: Je pense que c'est assez clair. En effet, ça correspond à... Ça suit le deuxième et puis...

M. Côté: Ça répond à ma question.

M. Gobé: C'est ça.

M. Rioux: Oui, c'est ce que j'allais dire, M. le Président, ça répond à notre collègue de La Peltrie.

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce que l'amendement à l'article 8 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 8, tel qu'amendé, est adopté?

Une voix: C'est l'article 2, M. le Président.

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 2, tel qu'amendé, est adopté?

(20 h 40)

M. Gobé: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Bon. Alors, nous passons à l'article 3. M. le ministre.

M. Rioux: L'objectif poursuivi ici, c'est que la Commission peut conclure des ententes conformément à la loi avec un ministère ou un organisme du gouvernement, ou un autre gouvernement, ou l'un de ses ministères ou organismes, en vue de l'application de la loi et des règlements qu'elle administre. Malgré toute autre disposition législative ou réglementaire, lorsqu'une telle entente étend les bénéfices découlant de ces lois ou de ces règlements à toute personne visée dans cette entente, la Commission peut, par règlement, pour lui donner effet, prendre les mesures nécessaires à son application. Ce règlement et cette entente sont immédiatement déposés à l'Assemblée nationale si elle est en session ou, si elle ne l'est pas, dans les quinze jours de l'ouverture de la session suivante ou de la reprise des travaux, selon le cas. Mais ça, ça va avec le champ d'application. Comme je le disais tout à l'heure, c'est simplement...

M. Gobé: Ça découle des...

M. Rioux: Ça va.

Le Président (M. Beaulne): Bon, est-ce que l'article 3 est adopté?

M. Rioux: Adopté.

M. Gobé: Pas de problème, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Nous allons maintenant, conformément à l'approche que nous avons adoptée tout à l'heure, passer à l'étude du deuxième bloc, qui concerne l'assouplissement des règles de déclaration du salaire, d'établissement et de paiement de la cotisation. Ce deuxième bloc comprend pas mal d'articles, les articles 11, 12, 13, 17, 20, 21, 25, 29, 31, 39, 42 et 46. Alors, M. le ministre, peut-être que vous pouvez nous présenter vos commentaires sur ce bloc d'articles et, par la suite, nous reviendrons article par article.


Assouplissement des règles entourant la déclaration du salaire ainsi que l'établissement et le paiement de la cotisation

M. Rioux: M. le Président, ce qu'il est important ici de retenir, c'est que toutes les expériences qu'on va vivre ou toutes les expériences qui sont consignées là-dedans suivent l'employeur, suivent le travailleur. Ainsi, lorsqu'un employeur vend ses actifs à un autre employeur, la Commission pourrait utiliser l'expérience du vendeur, soit le coût de prestations dues en raison d'une lésion professionnelle survenue à ses travailleurs, pour établir la cotisation de l'acheteur. Il est donc primordial de permettre à l'acheteur, lorsque l'opération est intervenue, d'avoir accès aux dossiers que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle survenue chez le vendeur, puisque le coût de cette lésion sert à déterminer sa cotisation.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine. Peut-être sur le bloc d'articles concernés, puis, après ça, on pourra revenir article par article. Allez-y.

M. Rioux: M. le Président, le député de LaFontaine a soulevé quelque chose de très important tout à l'heure, c'est toute la question de la confidentialité.

M. Gobé: C'est ça, oui. Allez-y.

M. Rioux: Alors, peut-être pourrions-nous tout de suite régler cet aspect-là. Oui, M. le député de LaFontaine, d'abord il y aura prépublication des règlements. Comprenons-nous là-dessus, c'est très clair...

M. Gobé: Donc, on va amender le...

M. Rioux: Et, quant à l'autre aspect, c'est qu'on va s'en remettre à la Loi sur les règlements, qui prévoit un délai de prépublication de 45 jours. Ça, c'est l'article 46 du projet. Maintenant... Ah oui!

Le Président (M. Beaulne): Oui, allez-y.

M. Rioux: Quant à la confidentialité, la Commission d'accès à l'information a donné son accord là-dessus. Ils ont été consultés puis ils ont donné leur accord là-dessus.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: J'apprécie beaucoup les commentaires du ministre. Puis je pense qu'on va avancer d'une manière très positive dans ce projet de loi là. Je pense que la confidentialité, on va y revenir un petit peu plus tard. Je pense que c'est...

Le Président (M. Beaulne): Quand on arrivera à l'article particulier, c'est ça.

M. Gobé: ...l'article 4. Mais j'apprécie quand même qu'il nous envoie le...

Le Président (M. Beaulne): Le message.

M. Gobé: ...message. Maintenant, cet article 10 me semble un article, pas de concordance, mais, à la limite, qui dit «les établissements», par la notion d'activité ou la notion d'employeur... Je pense que c'est une modernisation du terme ou un élargissement de... Est-ce que le ministre peut peut-être nous expliquer un peu, deux, trois minutes, les raisons...

Le Président (M. Beaulne): Le député a abordé tout de suite l'article 10.

M. Gobé: On est à l'article 10, je pense, hein, M. le ministre?

Le Président (M. Beaulne): Alors, si vous voulez...

M. Gobé: On a changé de bloc, là.

Le Président (M. Beaulne): Oui, nous sommes dans le bloc...

M. Rioux: Oui, mais j'aurais aimé... M. le Président, si le député de LaFontaine était d'accord, j'aimerais ça qu'on parle de l'article 9.

M. Gobé: Oui.

Le Président (M. Beaulne): Attendez une minute, là.

M. Gobé: C'est parce que M. le Président a appelé l'article 10.

Le Président (M. Beaulne): C'est parce que ce n'est pas dans le même bloc, là.

M. Gobé: C'est ça, oui. Moi, je veux bien...

M. Rioux: Attention, attention. Le 10 est dans le bloc 2, mais...

Le Président (M. Beaulne): Oui, mais le 9 est dans le bloc 6.

Une voix: Le bloc 7. Excusez-moi, M. le Président.

M. Rioux: Le bloc 7.

Le Président (M. Beaulne): Enfin, 6 ou 7, là... Il n'est pas dans le bloc 2, en tout cas.


Mutualisation de la prévention

M. Rioux: M. le Président, si le député de LaFontaine est d'accord, avant de passer à 10, j'aimerais ça qu'on aborde 9 et qu'on en fasse un petit débat...

M. Gobé: Oui.

M. Rioux: ...particulier, pour une raison fort simple, M. le Président, c'est que c'est un peu le coeur de la réforme qui se greffe sur ce que j'appelais tout à l'heure et ce qu'on a évoqué, le député de LaFontaine et moi... La phase I a eu lieu...

M. Gobé: La mutualisation.

M. Rioux: ...sous l'empire de l'ancien gouvernement, et maintenant nous abordons la phase II. J'aimerais, dans des termes que je voudrais le plus simples au monde... C'est que, sur cet article-là, ce qu'on a constaté, c'est que, lorsqu'un employeur est tout petit, qu'il a trois, quatre employés, de la prévention, non seulement ça lui fait peur et il trouve que ça coûte cher, mais il n'en fait pas. Ne nous cachons pas la vérité, là, il n'en fait pas. Alors, ce qu'on a essayé de trouver comme formule, et je trouve que c'est assez intéressant, c'est que... Tous ces petits employeurs sont bien plus préoccupés par la rentabilité de leur petite «business», comprends-tu, qui a de la misère et qui en arrache. Alors, on se dit, nous autres: Pourquoi les gens de garage n'essaieraient pas de mutualiser leurs efforts? Pourquoi les dépanneurs ne pourraient-ils pas mutualiser leurs efforts et essayer d'échanger leurs expériences entre eux et s'encourager?

M. Gobé: Les garderies.

M. Rioux: Les garderies, oui, c'est un bel exemple. Alors, on a regardé ça et on a dit: Bon, bien, il faut trouver une formule, et il faut surtout trouver une formule qui est applicable – c'est important de comprendre ça – une formule qui est possiblement applicable et opérationnelle. Et ce qu'on veut, nous autres, c'est qu'ils se motivent entre eux. La CSST va faire la publicité qui s'impose là-dessus, et on va les embarquer tranquillement de sorte que la prévention soit un mode de vie. Et ils vont découvrir que c'est payant d'en faire. Mais, pour que ça soit payant d'en faire, il faut qu'ils sentent entre eux qu'il y a de l'argent à faire avec ça. La première motivation, c'est de sentir qu'ils font une piastre en faisant de la prévention. Ça, c'est très important.

Et deuxièmement, c'est qu'on peut en arriver, et on espère que c'est ça qui va se produire... C'est que tous ceux qui n'en font pas vont devenir marginalisés au sein du système et ils vont finalement embarquer malgré eux. À part ça, de cette façon-là, M. le Président, c'est que tout le monde va être impliqué dans la prévention.

Le deuxième bloc, qui vise les moyennes entreprises, M. le Président, nous, ce qu'on aimerait, c'est que tous ces entrepreneurs-là qui font de la prévention soient récompensés pour non seulement leur souci de respecter leurs travailleurs qui sont dans leur boîte, mais d'établir au sein de leur entreprise un climat de travail qui est respirable. Et, si on s'attaque et si on les prend à la pièce – je sais que c'est plus difficile parfois, mais combien payant – on va pouvoir les identifier et les récompenser pour leur action de prévention.

Quant aux grandes entreprises, qui paient des cotisations énormes, elles font généralement assez bien leur travail. Et ce qu'on aimerait, dans leur cas, c'est qu'on en arrive à un régime d'autoassurance, et c'est ça qui est visé par la loi. Alors, M. le Président, voilà l'essentiel. Ça, c'est névralgique dans le projet. Quand on s'est compris là-dessus, le reste, c'est de la littérature.

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaulne): Alors, allons voir si M. le député de LaFontaine est d'accord.

M. Gobé: C'est là votre côté poétique, M. le ministre. Mais, écoutez, nous souscrivons à cet objectif, nous ne pouvons qu'y souscrire parce que c'est vrai que nous vivons, nous aussi, dans un monde de petites entreprises, de petits commerces, et je pense que c'est un pas progressif qui va leur permettre certainement, d'abord, de sauver de l'argent, c'est vrai, en termes de cotisations. Mais je pense qu'il y a plus que ça. Je pense que le but, c'est surtout d'aller plus vers la prévention, vers la formation des gens, afin de leur permettre de ne pas avoir d'accident, pas pour que l'employeur paie moins cher, mais surtout pour que les travailleurs ne soient pas blessés, ne soient pas affectés. Je pense que c'est le but principal que nous recherchons. Je suis certain que le ministre recherche ça. Bon, les employeurs vont être contents, ils vont dire: On sauve de l'argent.

(20 h 50)

Mais notre but, à nous, comme députés, comme parlementaires, je pense, issus de certains courants sociaux est de voir à ce que la sécurité et la santé des travailleurs soient protégées. Alors, tant mieux si les patrons y retrouvent un gain; c'est bien, soit, j'y souscris. Mais je pense que, si ça a surtout pour résultat et pour importance de faire en sorte que la sécurité ou la santé des travailleurs soit mieux protégée, nous faisons plus qu'y souscrire, nous l'appuyons. Alors oui, d'accord.

Je profiterai que nous sommes à cet article... Parce qu'on va parler des travailleurs, mais on va aussi parler des associations patronales ou d'employeurs. J'ai reçu, M. le Président, des recommandations d'un organisme, la Commission de la construction du Québec, qui désirerait faire valoir à cette table... Et je pense que vous avez dû recevoir à votre cabinet ces remarques. Alors, les gens s'attendaient à ce que, à l'article 9 de la loi, il y ait une modification. Et j'aimerais peut-être vous faire lecture, ici, pour la connaissance des collègues – je sais que les gens sont ici, ce soir – de ce qu'ils soumettent, de ce qu'ils proposent.

«L'article 9 du projet de loi veut permettre le regroupement d'employeurs afin de personnaliser le taux de cotisation, c'est-à-dire de le faire fluctuer selon les résultats de l'ensemble des employeurs membres d'un groupe – c'est leur perception, d'accord? Nous croyons que les associations sectorielles d'employeurs de l'industrie de la construction doivent être impliquées dans la création et la gestion de ces groupes – ça, c'était un des points que les gens font valoir – toujours en respectant le principe du volontariat.» On s'entend bien, ce n'est pas quelque chose d'obligatoire. «Nous vous soumettons qu'il y aurait lieu, dans un esprit de partenariat, d'associer à votre démarche et à celle de la CSST les associations sectorielles d'employeurs de l'industrie de la construction. La modification proposée vise à garantir que les associations sectorielles d'employeurs seront intimement associées et mises à contribution dans ce nouvel effort de prévention.

«Aussi, nous proposons une modification à l'article 9 – alors, la modification proposée est la suivante: Ajouter, à la fin de l'article 9, le paragraphe suivant – alors je pense que tout le monde a l'article 9 avec lui: Article 284.3: Malgré l'article 284.2, lorsqu'un groupe approprié est constitué d'employeurs visés au premier paragraphe de l'article 289.1, la Commission peut conclure une entente avec une association sectorielle d'employeurs reconnue par la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction mandatée à cette fin par les employeurs de ce groupe.»

Alors, voilà une des recommandations que j'ai reçues, et je pense que vous l'avez reçue aussi. Alors, j'aimerais peut-être la soumettre pour débat à M. le ministre et aux collègues pour voir si nous serions capables de donner suite à cela – personnellement, il me semble que ça correspond à l'esprit de ce que le ministre veut apporter – peut-être même en la bonifiant ou en la rendant peut-être encore plus impliquée pour les gens, parce qu'on parle d'associations sectorielles, à ce moment-là... Alors, je ne parlerai pas deux heures là-dessus pour le plaider. J'aimerais maintenant, peut-être, M. le ministre, vous entendre. Je peux le faire photocopier, au cas où...

M. Rioux: Non, ça va.

M. Gobé: Je pense que vous l'avez eu.

M. Rioux: Je l'ai lu.

Le Président (M. Beaulne): M. le député, est-ce que vous en faites un amendement, à cette étape-ci, ou si vous demandez simplement au ministre sa réaction, à cette étape-ci?

M. Gobé: C'est une bonne question, M. le Président. Mais, vu que nous avons un esprit de collaboration, je le soumets tout d'abord au ministre et je souhaiterais qu'après en avoir discuté nous puissions en faire un amendement. Mais, avant d'arriver puis d'imposer quelque chose – c'est oui ou c'est non – j'aimerais peut-être qu'on puisse le regarder. C'est peut-être un nouvel élément positif.

Le Président (M. Beaulne): Allez-y, M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, la réponse va être claire. J'ai regardé ça, ce qui m'a été acheminé comme communication là-dessus: ça ne peut pas marcher. Il n'est pas question de refiler à une association patronale une responsabilité qui revient directement à un employeur. Ce n'est pas l'association patronale qui gère la santé et la sécurité dans une boîte, c'est l'entrepreneur lui-même. C'est lui qu'il faut responsabiliser et c'est lui qu'on doit impliquer.

Cependant, ce que j'aime de cette question-là, c'est que ça me permet d'ajouter une chose qui, pour moi, est importante dans la promotion que je veux faire de ce chapitre-là, c'est que l'association patronale peut faire la promotion de la prévention et expliquer à ses membres combien il est avantageux d'en faire et combien c'est payant d'en faire. Alors, je ne mettrai pas dans une loi, M. le député de LaFontaine, un article qui aurait pour effet de déresponsabiliser l'employeur directement pour s'en remettre à son association sectorielle ou à son association patronale. On courrait un risque qui est beaucoup trop grand.

On est ici au niveau de l'éducation, de la sensibilisation et de l'implication des employeurs. Là-dessus, soyons clairs. Je n'accepterais pas ça parce que ça irait à l'encontre de ce que j'ai en tête dans les trois sections de responsabilisation des petits, des moyens et des grands entrepreneurs. Parce que vous aviez raison, tout à l'heure, quand le député de LaFontaine disait qu'on a une économie de petites «business», de petits employeurs, une économie de PME. Et, si on veut en arriver à leur faire faire de la prévention puis à les solidariser puis à les mutualiser, vous comprendrez bien... J'espère que mon explication est claire, hein?

M. Gobé: Oui. Je ne vous interromps pas. Je vous écoute.

M. Rioux: J'espère que mon explication est claire.

M. Gobé: Si elle ne l'était pas, j'aurais déjà posé une autre question.

M. Rioux: C'est que je veux que l'employeur réel ait une emprise directe sur la gestion de la santé et de la sécurité dans sa boîte. Puis je veux que ce soit lui qui soit récompensé, puis je veux que ce soit lui qui soit ramené à l'ordre s'il déroge à la loi. Mais cependant son association peut lui donner un gros coup de main dans la promotion, la sensibilisation puis l'éducation.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Je pense que les explications sont claires. M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. M. le ministre, c'est un point de vue qui se défend. Je dois dire que votre argumentation est l'autre côté de la médaille de ce qui nous est soumis. Mais je trouve quand même assez positif de voir qu'une association patronale comme celle de l'ACQ, devant un projet de loi comme le vôtre – et on n'a pas demandé d'audiences publiques, donc ils nous font parvenir un peu leurs recommandations – nous fasse ce genre de suggestion, même quitte à nous demander de le mettre dans un amendement. Maintenant, ce n'est pas toujours évident que l'on peut tout mettre dans des amendements à un projet de loi.

Mais, devant une volonté comme celle-là, est-ce que vous ne pensez pas qu'il y aurait lieu de trouver des mécanismes pour faire en sorte que – là, on parle de la construction – dans d'autres domaines, il se crée cette volonté ou ce sentiment d'appartenance à une même organisation, une même industrie, un même genre d'activité, pour faire en sorte d'impliquer tout le monde? Ça peut être positif pour le projet de loi. Plus les gens vont être conscients qu'ils peuvent se regrouper puis avoir des méthodes de prévention ou de collaboration, au niveau de la formation ensemble...

Parce qu'une association peut faire de la formation, comme vous le savez très bien, elle peut faire de la prévention aussi au niveau de ses membres. Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de trouver peut-être un... sans forcément – et peut-être on verra pour l'amendement – aller jusque-là? C'est quoi, la voie que vous pourriez privilégier pour leur répondre? Parce que c'est quand même positif, puis je ne voudrais pas que les gens pensent qu'on rejette du revers de la main quelque chose qui a pour but de bonifier la réforme que vous amenez.

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le député, je pense que votre intervention est bien comprise. Allez-y, M. le ministre.

(21 heures)

M. Rioux: C'est ce que j'appelle une intervention bien ciblée. Alors, la question étant claire, la réponse va être claire – je ne sais pas si je peux dire ça, c'est enregistré ça, hein. Moi, si j'étais président d'une association d'employeurs, j'aurais le goût de me faire inscrire dans la loi pour une raison fort simple: je pourrais toujours m'adresser à la CSST pour avoir du financement pour faire de la prévention. Je me fais reconnaître dans la loi, je suis inscrit dedans. Pour exécuter mon travail, ma tendance ça serait de me retourner vers la CSST puis de dire: Aide-moi dans ma job. Mais on a fait mieux que ça, M. le député. Quand on dit que les gens peuvent se regrouper, ça se ressemble beaucoup, sauf qu'on n'écrit pas que les associations patronales sont reconnues. Parce que ma crainte, je vous l'ai exprimée tout à l'heure: moi, ma démarche en est une de responsabilisation des employeurs et des travailleurs, et j'ai peur que leur association patronale ne les empêche de se responsabiliser et de s'impliquer davantage.

Mais j'ai l'impression, M. le Président, que ça répond en gros à la préoccupation du député de LaFontaine et des employeurs qui lui ont écrit. Mais je n'écrirai pas ça dans la loi comme ils le demandent, ça, c'est certain; mais cependant on va leur donner un sacré coup de main, par exemple, pour réaliser à peu près la même chose.

M. Gobé: Si je comprends bien les propos du ministre, il nous indique que la CSST verra à avoir une action proactive dans le but de regrouper, par le cadre d'associations patronales ou autres – ouvrières aussi, qui ne sont pas exclues bien sûr – les différents secteurs d'un même secteur d'activité pour les encourager à procéder dans ce sens-là. C'est ça que j'ai cru comprendre.

M. Rioux: C'est une excellente compréhension. C'est exactement ça.

M. Gobé: Alors...

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine, le député de Maskinongé avait demandé la parole. Allez-y, M. le député.

M. Désilets: Si je comprends bien, ça veut dire que les groupes cibles, que ça soit, exemple, un dépanneur, une buanderie ou encore des enseignants ou des infirmières, certains groupes cibles, il pourra y avoir une différence entre certains groupes. Il faut que le groupe, dans ma tête, soit assez gros pour que la cotisation ne soit pas trop élevée, pour diminuer les coûts. Mais, dans un certain groupe, il y a des groupes à risques qui sont plus élevés, les risques d'accidents, et c'est des cas lourds et c'est des petites entreprises. Comment on peut essayer, par le biais d'une masse, de baisser leurs coûts pour que ça soit encore des entreprises qui puissent opérer sans leur couper toute initiative? Y «a-tu» un prorata, y «a-tu» une forme de péréquation qui est prévue pour essayer de venir en aide à ces groupes, à ces petites shops? Je ne sais pas si vous comprenez...

M. Rioux: Oui. Ah, très, très bien.

M. Désilets: Oui? O.K.

Le Président (M. Beaulne): Allez-y, M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, la question que soulève le député de Maskinongé est intéressante dans le sens suivant, c'est que ça permet de clarifier une chose: plus les groupes vont être homogènes, M. le député, moins on va réinventer la roue; plus les interventions vont être à peu près pareilles et le modèle qu'on va développer va être plus facile à appliquer. Et ça amène des économies d'échelle absolument fantastiques. Je n'ai pas l'impression d'avoir bien répondu à votre question. Est-ce que c'est clair?

M. Désilets: Oui. Ce que je comprends, c'est que les coûts vont baisser en fonction...

M. Rioux: Oui.

M. Désilets: ...de ça. O.K.

M. Rioux: Et il va se faire plus de prévention en plus.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Je m'excuse de faire de l'interaction, mais, vu qu'on travaille sur une commission ce soir... Ce n'est pas seulement les coûts, ça va permettre d'avoir moins d'accidents aussi, donc d'avoir une meilleure protection du travailleur. En tout cas, je pense qu'il doit nous rester comme objectif le coût, oui, mais c'est surtout ce qui crée le coût, hein, l'accident. Il ne faut pas que nous pensions comme des comptables de cents et de piastres, mais comme des comptables de la vie humaine, ou de la sécurité, ou de la maladie. Même si, par la suite, le fait d'éviter cela ou de prévenir ça va faire en sorte qu'il y ait moins de coûts, je pense qu'on doit avoir un côté humain et pro-travailleurs dans l'étude de projets de loi comme celui-là. C'est peut-être l'autre dimension. Mais je ne veux pas prendre votre place, M. le ministre, pour répondre.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: Je trouve que le député de LaFontaine répond très bien aux questions.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: Non, mais c'est parce que...

M. Rioux: C'est pour ça, d'ailleurs, que je lui ai passé mon cahier.

Le Président (M. Beaulne): On devrait peut-être transformer ça en séance de travail.

M. Gobé: C'est ça, j'ai le cahier du ministre. Ha, ha, ha!

M. Rioux: C'est pour ça que je lui ai passé mon cahier. Mais, juste pour ajouter un petit grain de sel à ce que vient de dire le député de LaFontaine, ce que vous soulevez comme question, ce qui est important là-dedans, c'est le résultat.

M. Gobé: C'est ça.

M. Rioux: Le résultat, c'est le travailleur d'abord qui l'a, et subséquemment l'employeur qui fait des gains. Il fait des gains réels. C'est gagnant-gagnant, comme je le disais au départ. C'est ça, la beauté de l'affaire.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de La Peltrie.

M. Côté: Peut-être un élément supplémentaire pour répondre au député de LaFontaine et aussi au député de Maskinongé. Lorsque vous parlez de peut-être apporter de l'aide aux employeurs en matière de prévention pour que justement on diminue les coûts davantage, je pense qu'on n'a pas nécessairement à l'introduire à l'intérieur de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, c'est déjà dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail. À l'article 98, dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail, il y a les associations sectorielles qui sont paritaires; donc, les deux, les travailleurs autant que les employeurs, peuvent apporter le support nécessaire à ces groupes d'employeurs là. Et ils ont aussi leurs associations patronales, d'employeurs, également, dans certains secteurs d'activité, qui apportent le support à ces groupes d'employeurs là qui vont se regrouper. Alors, je pense que c'est pour ajouter un peu en termes d'information à ce qui a été apporté.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: Moi, je ne veux pas éterniser le débat. Mais ce que je peux dire au député de La Peltrie, c'est qu'en 1989 on a dessiné un cadre: la Loi sur la santé et la sécurité au travail, la loi de la CSST, c'est une loi de prévention essentiellement. Là, aujourd'hui, ce qu'on fait au fond, c'est assez simple: on y apporte un support financier qui permet d'aller jusqu'au bout de la démarche. C'est ça. C'est ça, l'essentiel du message. Et c'est pour ça que je rendais hommage aux libéraux au début de mon intervention, et ça va faire plaisir au Beauceron qui est devant moi. C'est ça, la beauté de l'affaire. Il fallait compléter le travail, puis on attache, avec ce projet de loi là, ce qui manquait pour aller vraiment... c'est-à-dire prendre le virage, le virage de la prévention. Et c'est un virage qui est payant. C'est les employeurs qui nous l'ont dit. Attention, c'est les employeurs qui, chaque fois que je les ai rencontrés, ont dit: Monsieur, il y a de l'argent à faire dans la prévention. Mais là maintenant il faut convaincre les plus petits comme les plus grands. La tâche va être intéressante, mais voilà un périlleux honneur.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, lorsque vous faisiez l'éloge du collègue de l'opposition, vous vouliez dire un député de notre bonne région de la Montérégie, le député de Shefford, et non pas de la Beauce.

M. Rioux: Oh, excusez-moi! Shefford. Mais il a la tête d'un Beauceron. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: M. le Président, j'ai bien compris la réponse du ministre. Je comprends de ses réponses et de ses propos que les associations patronales ou d'autres associations de travailleurs ou regroupements pourront s'impliquer, collaborer avec la CSST qui verra à faire une action proactive dans ce domaine-là. Moi, personnellement, je suis satisfait. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'apporter cet amendement et je souhaite que nous passions à l'article suivant.

Le Président (M. Beaulne): D'accord?

M. Gobé: À moins que d'autres collègues veuillent, bien sûr, intervenir.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de La Peltrie.

M. Côté: Est-ce qu'on est toujours...

Le Président (M. Beaulne): On est à l'article 9.

M. Côté: On est à l'article 9. Moi, j'aurais un éclaircissement peut-être à demander au ministre.

Le Président (M. Beaulne): Allez-y.

M. Côté: Moi, je suis entièrement d'accord, avec l'expérience que j'ai déjà vécue au niveau du taux personnalisé puis du régime rétrospectif en matière de cotisation – c'était une très bonne mesure – de l'élargir encore davantage aux plus petits employeurs. Mais, à 284.1, on dit: «Dans la détermination de la cotisation des employeurs, la Commission tient compte, conformément aux règles prévues dans le présent chapitre, de l'expérience associée au risque de lésions [...] qu'elle assure.»

Habituellement, le taux de cotisation est déterminé selon l'expérience en matière d'accidents comme telle. Mais là on vient ajouter, en tout cas je pense, un nouvel élément qui est associé au risque de lésions. Là, on tient compte du risque qu'il y a dans ce groupe d'employeurs ou dans cette catégorie d'employeurs. J'aimerais avoir un peu d'explications sur cet élément-là.

Le Président (M. Beaulne): Allez-y, M. le ministre, en réponse à la question.

M. Rioux: Je ne sais pas si ma mémoire me sert bien, mais il n'y avait pas eu un cas à Bell Canada? Il n'y avait pas eu un cas à Bell Canada où on contestait la pertinence ou le bien-fondé que la CSST soit une compagnie d'assurances? Ça revenait à peu près à ça. Puis, au fond, ce qu'on veut faire avec 284.1, c'est qu'on dit: Oui, c'est vrai, on est une compagnie d'assurances puis on va payer, puis on va assumer nos responsabilités, puis on va éduquer les employeurs. Puis, s'ils ne font pas la job, on va prendre avec eux autres les risques qu'il faut puis, à la limite, on va sortir tout le monde gagnant. C'est ça que ça veut dire.

(21 h 10)

Le Président (M. Beaulne): Ça va, M. le député de La Peltrie?

M. Côté: Oui, ça va peut-être s'éclaircir avec le temps.

Le Président (M. Beaulne): O.K. Alors, puisque les interventions sur l'article 9 sont terminées, est-ce que l'article 9 est adopté?

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Alors, nous revenons à l'étude du deuxième bloc, qui se poursuit par l'article 10.

M. Rioux: M. le Président, si mon collègue de LaFontaine...

Le Président (M. Beaulne): Non, non, non, on est en train de tout mêler, là. On a fait l'article 9 à votre demande spécifique, mais maintenant on revient au deuxième bloc. C'est ce que j'ai entendu, moi, comme méthode de fonctionnement. Parce que, si on commence à piger d'un bloc à l'autre, là...

M. Rioux: Non.

Le Président (M. Beaulne): ...je pense que ça va devenir un peu décousu.

M. Rioux: M. le Président, je voulais tout simplement régler le bloc, on était tellement bien parti: 4, 9, 28 et 40, c'est le même bloc, puis la discussion est faite sur les quatre.

Le Président (M. Beaulne): Bien, 4...

M. Gobé: On n'a pas adopté 4.

Le Président (M. Beaulne): On n'a pas adopté 4.

M. Gobé: C'est parce qu'on les adopte au fur et à mesure pour être certain de ne pas se mélanger.

Le Président (M. Beaulne): Oui, oui. Parce que sinon...

M. Gobé: Là, on est rendu à 9. Peut-être qu'on pourrait revenir à 4 à ce moment-là?

Le Président (M. Beaulne): Alors, là, on passe à 10.

M. Rioux: O.K.

M. Gobé: M. le Président, vous êtes le capitaine de ce vaisseau.

Le Président (M. Beaulne): Oui, parce que, sinon, je pense qu'on va frapper des écueils, là, ou on va frapper une tempête...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaulne): ...et puis on va être tout mêlé dans nos affaires. On va procéder par bloc. Le député de LaFontaine ainsi que la présidence vous ont fait confiance dans l'organisation de vos blocs, là. Si vous voulez changer vos blocs, on va suspendre quelques minutes, mais là on ne pourra pas passer du bloc 5 au bloc 3, au bloc 2. Ou bien, on fonctionne par bloc, ou bien on fonctionne de façon décousue. Mais, moi, j'ai compris, dans la proposition de fonctionnement, qu'on y allait par bloc. Vous nous avez regroupé les articles sous chaque bloc, que vous considériez comme faisant partie de ce bloc-là. On a fait une exception pour l'article 9. Alors, là, on revient au bloc 2, qui commence par l'article 10. Alors, l'article 10, M. le ministre.


Assouplissement des règles entourant la déclaration du salaire ainsi que l'établissement et le paiement de la cotisation (suite)

M. Rioux: M. le Président, l'article 10 vise essentiellement une chose. Dans le passé, on s'organisait pour calculer les coûts, tenir les coûts par entreprise. O.K.? Maintenant, on veut tenir les coûts par employeur, parce qu'il y a des gens, il y a des employeurs qui ont plusieurs entreprises. Alors, ce qu'on veut, c'est d'amener un peu de souplesse dans la machine pour que cette tenue de chiffres et de calculs se fasse plus simplement. C'est à la demande des employeurs qu'on en est arrivé à ça. On est d'accord, évidemment. Je trouve que c'est une demande qui est tout à fait légitime.

M. Gobé: Peut-être une question à poser, parce qu'on regarde la notion d'entreprise et d'employeur. On sait qu'un employeur peut avoir plusieurs entreprises légales au sein de la même unité de production.

M. Rioux: Plusieurs établissements.

M. Gobé: Plusieurs établissements au sein de la même unité de production.

M. Rioux: Oui.

M. Gobé: Est-ce que là on n'ouvre pas la porte à une pratique qui ferait qu'on pourrait mettre dans une entreprise... je ne sais pas, l'assemblage à telle entreprise, la peinture à une autre et puis, je ne sais pas, moi, le placage à une autre, puis la manutention à une autre – alors, ça serait toute la même entreprise – pour se retrouver avec des taux de cotisation différents parce que les risques pourraient être considérés comme n'étant pas les mêmes, alors que tout le monde serait sous le même toit, avec la même entreprise. Est-ce qu'on n'ouvre pas la porte, là, un peu, à...

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre?

M. Gobé: ...des abus de ce sens-là?

M. Rioux: Question assez technique, et je vais demander au président de la CSST s'il peut répondre à ça.

Le Président (M. Beaulne): Allez-y, M. le président.

M. Shedleur (Pierre): Oui. Je crois que ce qu'on est venu faire, c'est enlever l'obligation qui est dans la loi actuellement de donner les coûts par établissement, qui était dans la loi depuis 1985, et qu'on n'a jamais appliquée – on ne l'a jamais appliquée – parce que ça va à l'encontre des concepts d'assurance. On ne calcule pas les coûts par établissement, ou on ne fait pas une prime par établissement, on fait une prime par employeur. Parce que, de façon générale, les employeurs ont plusieurs établissements qui font à peu près la même chose.

Dans ce que vous invoquiez tantôt, où il pourrait y avoir des opérations différentes et ils pourraient demander des classifications différentes, cet article n'empêcherait pas de demander des classifications différentes. Alors, c'est strictement pour se rapprocher des principes d'assurance qu'on est venu éliminer un article que, d'ailleurs, on n'a jamais appliqué depuis 1985.

M. Gobé: Peut-être une autre demande, M. Shedleur, avec votre permission, M. le ministre. Dans la fonction publique, la notion d'établissement est assez importante. Est-ce que ces changements que l'on apporte vont avoir un impact, à titre d'exemple, au niveau du Conseil du trésor par rapport aux cotisations, par rapport...

M. Shedleur (Pierre): Non, ça n'aura pas d'impact sur la tarification.

M. Gobé: Ça, ça a été étudié chez vous ou est-ce que...

M. Shedleur (Pierre): Il n'y aura pas d'impact au niveau de la tarification. Ça n'en a pas actuellement et ça n'en aura pas éventuellement. Par contre, vous faites peut-être référence à toute la question des groupes prioritaires de la loi 17.

M. Gobé: C'est ça.

M. Shedleur (Pierre): Là, il y a une autre problématique, mais ce n'est pas dans ce projet-là du tout. Mais effectivement, ça, c'est une autre problématique que le ministre regarde pour le printemps, je pense.

Le Président (M. Beaulne): Ça va, M. le député?

M. Rioux: Je voulais informer le président que l'article 8 entre dans le bloc 2. Alors, on a 8, 10, 11, 12, 13, 17, 20, 21, 25, 29, 31, 39, 42 et 46.

M. Gobé: C'est ça.

Le Président (M. Beaulne): Donc, on ajoute 8 au bloc 2.

M. Rioux: Voilà.

Le Président (M. Beaulne): Et on le retranche de... Où est-ce qu'on l'avait mis, là? On l'avait mis...

M. Shedleur (Pierre): Dans le bloc 9.

M. Rioux: Dans le bloc 9.

Le Président (M. Beaulne): Ha! dans le bloc 9. D'accord. Alors, oui, c'est pris en considération, on en prend bonne note, Mme la secrétaire et moi-même, et nous poursuivons avec l'article 10, puisque nous étions à l'article 10. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur l'article 10?

M. Gobé: Non, ça va.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 10 est adopté?

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Bon, nous revenons à l'article 8. Ça commence à ressembler à du slalom. Alors, M. le ministre, expliquez-nous l'article 8.

M. Rioux: M. le Président, l'article 8 est un article de concordance qui va exactement dans le sens de l'article 10, comme on vient d'en discuter.

Le Président (M. Beaulne): Ça va, M. le député de LaFontaine?

M. Gobé: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Adopté. Alors, nous passons à l'article 11.

M. Rioux: C'est la même chose. L'article 11 est un article de concordance. Vous avez vu, là, «pour chacun de ces établissements». Alors, c'est toujours la même chose.

Le Président (M. Beaulne): Êtes-vous d'accord, M. le député de LaFontaine?

M. Gobé: Oui, adopté.

Le Président (M. Beaulne): Adopté. L'article 12.

M. Rioux: Il y a des employeurs qui, plutôt que de payer une cotisation à tous les six mois ou à tous les ans, aiment mieux s'acquitter de leurs responsabilités chaque mois. Alors, c'est une souplesse qu'on leur permet avec la loi en leur disant: Oui, si vous voulez payer chaque mois, libre à vous, vous êtes les bienvenus.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. On voit que c'est un nouveau règlement, c'est quelque chose... une modernisation, si on peut dire. Parfait, je n'y trouve que du positif, et certainement nous allons l'adopter sans plus en discuter. Je pense que c'est assez clair et je n'ai reçu aucune objection à ce changement. Je pense que les gens devront vivre avec et voir le côté positif. Moi, personnellement, je suis en faveur, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Alors, oui, M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, quand j'étais en affaires et qu'arrivait la cotisation à la CSST...

M. Shedleur (Pierre): Attention à ce que vous dites, là.

M. Rioux: ...et que tu étais obligé d'envoyer un chèque énorme...

M. Gobé: C'est un gros montant. J'ai été en affaires, moi.

M. Rioux: Alors, ça paraît moins à chaque mois.

Le Président (M. Beaulne): L'article 12 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Adopté. L'article 13.

M. Rioux: L'article 13 est un article de concordance, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine, ça va?

M. Gobé: Oui, adopté.

Le Président (M. Beaulne): Adopté. L'article 17.

M. Rioux: L'article 17 est également un article de concordance. C'est toute la notion d'établissement. On essaie de moderniser la loi, de la rendre plus opérationnelle, plus moderne, en fait.

M. Gobé: J'aurais peut-être une demande.

Le Président (M. Beaulne): Oui, allez-y, M. le député.

M. Gobé: Si un établissement n'est pas satisfait de sa classification, quels sont les recours qu'il peut avoir?

M. Rioux: Bonne question. M. Harvey.

Le Président (M. Beaulne): M. Harvey.

M. Harvey (Clément): C'est-à-dire que l'établissement... On fonctionne par employeur. Alors, c'est l'employeur évidemment qui, s'il n'est pas satisfait, par exemple, de sa cotisation ou de sa classification, peut utiliser les mécanismes de révision ou de contestation qui sont prévus dans la loi. Alors, l'employeur de l'établissement, par exemple, qui reçoit un avis de classification pour l'ensemble de ses activités économiques pour une année, qui est classé dans telle unité de classification, s'il n'est pas satisfait, il peut contester actuellement devant un bureau de révision et ultimement devant une commission d'appel.

M. Gobé: Pouvez-vous peut-être nous indiquer le nombre de ces contestations annuelles actuellement, s'il y en a?

M. Rioux: Le nombre...

M. Harvey (Clément): De contestations annuelles.

M. Rioux: ...de contestations annuelles...

M. Harvey (Clément): Sur la classification.

M. Rioux: ...sur la classification.

M. Harvey (Clément): C'est quoi?

(21 h 20)

Le Président (M. Beaulne): Vous pouvez prendre avis.

M. Rioux: Oui, on prend...

M. Gobé: Oui, O.K., vous pourrez revenir, oui, oui.

M. Rioux: On en prend bonne note, M. le député, et on va vous donner...

M. Gobé: Ce n'est pas fondamental.

M. Rioux: ...votre réponse, ce ne sera pas très long.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 17 est adopté?

M. Gobé: Oui, adopté.

Le Président (M. Beaulne): Nous passons à l'article 20.

M. Rioux: C'est un article de concordance, M. le Président. Ça indique le montant de sa cotisation pour chacun de ses établissements.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Une petite seconde, s'il vous plaît, parce que...

Le Président (M. Beaulne): Oui, oui, oui, prenez tout votre temps. C'est simplement pour vous signaler que c'est votre tour.

M. Gobé: O.K., adopté.

Le Président (M. Beaulne): Ça va? L'article 20 est adopté. L'article 21.

M. Rioux: M. le Président, l'article 21 vise à donner plus de souplesse quant à la question des salaires, pour les déclarations de salaire je dis bien, et ça permet également... ça empêche aussi de verser dans la folie quand il s'agit d'appliquer des pénalités excessives.

M. Gobé: 200 %.

M. Rioux: Oui. Parce que, depuis que la Commission existe, depuis que la loi existe, il faut quand même tenir compte d'une chose, c'est qu'on a fait du progrès, hein, on a fait un progrès énorme au Québec. On pense que les employeurs n'ont pas évolué et on pense que les travailleurs n'ont pas évolué. Au contraire. Étant donné qu'ils sont paritaires, à la CSST, ils se parlent. Ils se parlent et ils se comprennent. Donc, les décisions prises par la CSST, ça finit par descendre. Alors, je me dis: Quelque part, si on sent que la loi est mieux appliquée, que les gens sont prêts à prendre le virage de la prévention et qu'ils sont prêts aussi à assumer leurs responsabilités, lorsqu'il y a un petit dérapage, est-ce qu'on va leur frapper dessus de façon inconsidérée pour les décourager? Moi, je dis non. Je pense qu'il faut faire preuve d'un peu de souplesse, et c'est ça que ça permet. Et ce n'est pas être complaisant que de faire ça, hein.

M. Gobé: Oui. C'est peut-être la discussion que j'aimerais avoir une minute ou deux avec M. le ministre, ou plus de temps si ça me le prend. On sait quand même – peut-être est-ce dû aux changements technologiques, je ne le sais pas, ou à une mauvaise formation professionnelle – on voit que, de plus en plus, les accidents de travail sont nombreux à chaque année, et je me demande si... Il ne faudrait pas tomber non plus dans l'angélisme avec les employeurs, les entrepreneurs. N'oublions pas que notre but principal est de faire en sorte de protéger le travailleur accidenté. Alors, j'aimerais ça peut-être que le ministre me donne les chiffres, l'évolution des accidents de travail qu'il y a eu. Et je ne l'en tiens pas responsable. Je veux dire, il est là depuis le mois de janvier, ce n'est pas de sa faute. Je ne veux pas qu'il pense que je conteste son travail. J'aimerais ça, l'entendre là-dessus.

M. Rioux: M. le Président, étant donné que le député de LaFontaine a le même texte que moi, on va lire ensemble l'article actuel et vous allez voir qu'on va comprendre tout de suite pourquoi on propose le changement: «Lorsqu'un employeur ne transmet pas, dans le délai imparti, l'état visé dans l'article 292, la Commission évalue les salaires gagnés par les travailleurs de cet employeur à 200 % de ceux qui sont déclarés dans le dernier état qui lui est transmis et les salaires que cet employeur aurait dû prévoir payer à 250 % de ceux-ci.»

Si cet employeur n'a jamais transmis d'état, la Commission peut évaluer les salaires gagnés par les travailleurs de cet employeur et ceux qu'il aurait dû prévoir payer en multipliant le nombre de travailleurs qu'elle lui connaît par le maximum annuel assurable établi en vertu de l'article 66. Si, par la suite, l'employeur transmet l'état requis, la Commission rajuste le montant des salaires et fixe la cotisation en conséquence. Mais l'employeur demeure tenu au paiement de la pénalité et des intérêts résultant de son retard.

À un moment donné, là, tu sais, il ne faut pas non plus devenir acharné. Et on pense qu'en gros les gens sont capables d'assumer leurs responsabilités. Ce n'est pas utile de les matraquer. Moi, je ne sais pas si...

Le Président (M. Beaulne): M. Harvey.

M. Harvey (Clément): Oui. Bien, en fait, ce que prévoit la modification qui est apportée à l'article... Alors qu'actuellement c'est une obligation pour la Commission de prendre le 200 % ou le 250 %, la modification qui est apportée prévoit que c'est au plus 200 % ou 250 % que la Commission peut fixer. Alors donc, ça lui donne une marge de manoeuvre, par exemple, pour s'adapter aux différentes situations, ce qu'elle ne peut faire dans le contexte des choses actuelles, où elle doit prendre le montant fixé et l'appliquer. Alors, avec cette approche-là, encore une fois, elle pourra s'adapter aux différentes situations en tenant compte de la situation particulière de l'employeur qui peut être impliqué.

M. Gobé: Il y a combien de cas semblables par année? Encore une fois, ça nous donne une idée. On légifère, puis on change... Oui, M. le ministre.

M. Rioux: Vous savez, M. le député de LaFontaine, quand ta carte de crédit est pleine, hein...

M. Gobé: Ça vous arrive?

M. Rioux: ...le 18 %, 20 % de pénalité, il te fait transpirer un peu, hein? Il coûte cher. Ça ne veut pas dire que ça t'enlève ta volonté de payer, ça. Ta volonté de payer ta carte de crédit, tu l'as toujours. Parce que, de toute façon, il faut la payer, hein? Bon. Alors, moi, je me dis: Charger un taux d'intérêt raisonnable, ça m'apparaît correct, mais tomber à bras raccourcis sur le monde, là, moi, je pense qu'on peut évoluer sans ça.

M. Gobé: Je partage votre opinion là-dessus, M. le ministre. Mais peut-être que votre conseiller juridique, M. Harvey...

M. Harvey (Clément): Oui.

M. Gobé: ...peut nous dire le nombre de cas qui sont applicables à ça ou qui sont impliqués depuis quelques années. Peut-être que ce serait intéressant de le savoir pour les membres de la commission. Parce que, si on met des assouplissements, c'est parce qu'il n'y en a pas tant que ça. Il y a des demandes des employeurs qui ont été faites, c'est sûr – on ne se contera pas d'histoire – mais, je veux dire, est-ce que c'est courant? Est-ce que c'est vraiment un problème que la Commission... M. Shedleur peut peut-être nous répondre. Je ne sais pas. Avec votre permission, hein, M. le ministre. Je ne veux pas...

M. Rioux: Moi, je doute que ça soit courant. Ils ont peut-être plus de chiffres que moi, là, eux autres...

M. Gobé: Oui, c'est ça.

M. Rioux: ...mais juste le fait que ça arrive, c'est déjà assez.

Le Président (M. Beaulne): M. le président de la CSST.

M. Shedleur (Pierre): Je ne peux pas dire que ça arrive fréquemment. Lorsque j'étais aux finances, je me rappelle d'un cas qui est arrivé: parce qu'il y avait quelqu'un de malade, ils n'avaient pas fait les déclarations à temps. Et la pénalité leur avait coûté, pour deux jours, 150 000 $. Ils trouvaient ça excessif, et nous aussi. Alors, ce qu'on veut faire – le ministre a pris une belle comparaison – c'est comme une carte de crédit: à 18 %, 19 %, c'est un peu excessif, mais un taux de rendement d'intérêt normal; tout le monde va en convenir, il faut payer un intérêt. C'est un peu dans ce sens-là que l'article, on veut le modifier...

M. Rioux: On est tous d'accord avec le projet...

M. Shedleur (Pierre): ...pour aller chercher notre argent, c'est certain, là, mais pas de façon excessive.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Je pourrais vous poser, en terminant, une question: Il y a combien de personnes chez vous qui s'occupent de chercher les employeurs qui ne payent pas la CSST, qui travaillent au noir? Est-ce qu'il y en a chez vous? Avant d'adopter l'article.

M. Shedleur (Pierre): Il y a 3 850 personnes. Tout le monde a le mandat! Ha, ha, ha!

M. Gobé: Non, mais plus sérieusement, M. Shedleur.

M. Shedleur (Pierre): C'est à la blague.

M. Gobé: Nous avons aussi le mandat, mais...

M. Shedleur (Pierre): C'est à la blague, M. le député. Mais ce que je veux dire, c'est que tout le monde a quand même le mandat en région: nos conseillers en réadaptation, nos inspecteurs, nos agents d'indem. Donc, même si ce n'est pas leur fonction directe, tout le monde a le mandat que, s'ils voient quelque chose de non déclaré, ils le rapportent au financement pour qu'ils mettent des vérificateurs sur la route. Alors donc, il y a quand même un mot d'ordre un peu général qui est donné. Mais ce n'est pas leur priorité numéro un, c'est vrai. Au niveau des vérificateurs directement impliqués, il y a à peu près 50 personnes.

M. Gobé: Vous en trouvez, des contrevenants?

M. Shedleur (Pierre): Oui.

(21 h 30)

M. Gobé: Combien?

M. Shedleur (Pierre): On en trouve souvent par l'inspection ou la délation, ou il y en a qui regardent dans les journaux puis ils disent: Comment ça se fait que cette entreprise-là n'est pas enregistrée chez nous puis elle fait affaire? Donc, par toutes sortes de moyens...

Le Président (M. Beaulne): M. le député... Oui, allez-y.

M. Gobé: Est-ce qu'ils payent... Excusez-moi, en terminant peut-être: Est-ce que ces gens-là, ces contrevenants, vous leur appliquez une pénalité, une amende, une condamnation ou je ne sais pas, quelque chose?

M. Shedleur (Pierre): Oui. L'amende est à peu près la même qu'à l'impôt, c'est qu'on retourne quatre ans en arrière. Tous ceux qui arrivent et qui se sont fait prendre, dans le fond, et qui ne se sont pas autodéclarés, on leur applique les amendes avec les intérêts. Quant à ceux qui viennent d'eux-mêmes, on applique d'autres modalités. C'est une façon de les inviter à s'autodéclarer, les pénalités sont moins importantes. On a une directive interne là-dessus.

M. Gobé: Si les collègues n'ont pas d'autres questions... Ah, O.K.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Roberval.

M. Laprise: Merci, M. le Président. C'est pour souligner à mon collègue d'en face qu'on nous reproche souvent d'augmenter les taxes: bien, là on les baisse.

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce que l'article 21 est adopté?

M. Rioux: M. le Président, l'article 25.

Le Président (M. Beaulne): Oui, attendez, on n'a pas encore le feu vert de nos collègues de l'opposition. Est-ce que l'article 21 est adopté?

M. Gobé: Oui, M. le Président, il est adopté.

Le Président (M. Beaulne): Adopté. L'article 25.

M. Rioux: M. le Président, l'article 25, c'est un article éminemment pratique. Plutôt que de charger un tarif à la pièce aux employeurs pour ouvrir un dossier, on va maintenant y aller par employeur plutôt qu'à l'unité. Alors ça, les employeurs ont un large sourire face à un article comme celui-là, parce que ça enlève des frais. À la pièce, ça coûte cher.

Mais je tiens à préciser une chose, ça s'inscrit dans la logique de mon dada: la mutualisation du risque. Il faut qu'on aille... le député de LaFontaine va me comprendre. Étant donné qu'on implique des employeurs, on va y aller par employeur plutôt que d'y aller à la pièce. Ça répond à cette logique-là de regrouper notre monde pour les faire travailler dans la prévention. En même temps, on leur fait un clin d'oeil, au fond, on leur dit: Vous embarquez dans le scénario de la prévention, on vous enlève une tarification à la pièce pour mettre ça par employeur. Ils sont très heureux.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: L'article 25 est aussi un clin d'oeil à nos amis de l'ACQ, qui étaient là ce soir et qui disaient qu'ils voulaient que les entreprises se regroupent. C'est un peu dans cet esprit là, ça répond un peu aux questions qu'on a posées précédemment.

M. Rioux: Tout à fait.

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce que c'est adopté?

M. Gobé: Si personne n'a d'autres questions, adopté.

Le Président (M. Beaulne): Non, ça n'a pas l'air à ça. Alors, l'article 25 est adopté.

M. Rioux: Article 31.

Le Président (M. Beaulne): Article 29. Vous aviez mis 29 dans ce groupe-là.

M. Rioux: Excellent pédagogue. M. le Président, je demanderais à mon collègue de LaFontaine de prendre le cahier du ministre à l'article 29. Il y a un tout petit texte en haut de la page qui dit ceci: La modification à l'article 315 vise à conférer plus de souplesse à la Commission dans l'octroi des modalités particulières de paiement de la cotisation, de sorte qu'elle pourra les adapter aux situations particulières qu'elle risque de rencontrer. Ces modalités pourraient s'appliquer à la cotisation totale. La modification proposée correspond donc en cela aux souhaits qui ont été formulés par les employeurs. Alors, ça donne l'explication à l'article 29.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Rioux: Ça va?

M. Gobé: Rien de plus à ajouter.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 29 est adopté? Adopté. L'article 31.

M. Rioux: M. le Président, l'article 31 est un article de concordance à cause justement de la notion d'établissement et de la notion d'employeur.

M. Gobé: Excusez-moi, M. le Président, mon collègue, le député d'Argenteuil – si vous permettez, pas pour contester, on a adopté l'article 29 – me faisait part d'un point de vue peut-être qu'il aurait aimé soulever. Vu que j'ai été rapide pour donner mon acquiescement, peut-être aussi, avec votre consentement, nous pourrions lui demander de préciser son interrogation, si vous êtes d'accord.

Le Président (M. Beaulne): Oui, certainement, certainement. Vous avez la parole.

M. Gobé: On l'a adopté pareil, mais...

M. Rioux: C'est toujours avec un plaisir renouvelé que je l'entends.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. J'apprécie toujours votre collaboration, M. le ministre.

Le Président (M. Beaulne): Allez-y, M. le député.

M. Beaudet: À l'article 315, on marque que la cotisation doit être payée le vingt et unième jour après la mise à la poste. S'il y a une grève, s'il y a un délai, qu'est-ce qui arrive?

M. Rioux: Bonne question.

Le Président (M. Beaulne): M. Harvey.

M. Harvey (Clément): La loi prévoit que l'employeur doit payer sa cotisation avant le vingt et unième jour du mois qui suit la mise à la poste de l'avis de cotisation. Effectivement, les cas de force majeure, il y a une marge d'appréciation pour la Commission là-dessus.

M. Beaudet: C'est quoi, la marge? Elle est laissée à votre bon jugement ou s'il y a quelque chose de spécifique?

M. Harvey (Clément): Il y a un article. Je pense que c'est...

M. Beaudet: Si c'est mis à la poste aujourd'hui puis qu'il y a une grève demain, il va être trois semaines sans la recevoir, là.

M. Harvey (Clément): C'est 352: «La Commission prolonge un délai que la loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.» C'est 352.

M. Beaudet: Pas de problème. D'accord.

M. Rioux: La grève est un motif raisonnable. Le lock-out aussi, d'ailleurs. Ha, ha, ha!

M. Beaudet: Bien oui, même affaire. Ou une grève.

Le Président (M. Beaulne): Très bien. Bonne question, M. le député. On se la posait tous, mais on n'a pas osé la poser. Alors, l'article 31.

M. Rioux: 39.

Le Président (M. Beaulne): L'article 31 est-il adopté? Mais on ne l'a pas adopté...

M. Gobé: On ne l'a pas adopté, 31.

Le Président (M. Beaulne): Non, il n'est pas adopté, là. Est-ce que c'est adopté, l'article 31?

M. Rioux: On a donné les explications. Concordance.

M. Gobé: Concordance.

Le Président (M. Beaulne): Alors, 39.

M. Rioux: Bon. M. le Président, là, il faut que je fasse un acte d'humilité. Saint Paul disait que l'homme n'est grand qu'à genoux.

M. Beaudet: Il faudrait enregistrer ça, venant de la part du ministre. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaulne): Alors, pouvez-vous nous donner des explications, M. le ministre?

M. Rioux: M. le Président, l'article 39, je vous l'avoue honnêtement – ça m'a été expliqué par ces gars-là – c'est hautement technique, c'est actuariel. Et, comme avocasserie, on ne peut pas demander mieux.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. Harvey.

M. Harvey (Clément): C'est parce que, actuellement, on a modifié l'article 215 pour faire disparaître le troisième alinéa auquel on référait par cette disposition-là. Alors, ce qu'on fait, évidemment, on vient maintenant référer au deuxième alinéa, puisqu'on a fait disparaître le troisième de 315 puis qu'on l'a ajusté. Alors, on vient faire à toutes fins pratiques un ajustement de concordance, pour ainsi dire. C'est parce qu'on modifie l'article 315 pour prévoir ce qu'on vient de mentionner tantôt, à l'effet que la Commission peut permettre des modalités de paiement autres que celles qui sont prévues actuellement dans le deuxième alinéa. Alors, comme on réfère aux alinéas 2 et 3 actuellement et qu'on ne va retrouver qu'un seul alinéa, c'est de la concordance, de l'ajustement technique.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que les explications vous conviennent?

M. Gobé: Oui. Je suis comme M. le ministre, je vais faire preuve d'humilité, je vais accepter l'explication.

Le Président (M. Beaulne): Bon, on est tous dans la même situation. Alors, est-ce que l'article 39 est adopté?

M. Gobé: Oui, adopté.

M. Rioux: M. le Président, à l'occasion, faire acte d'humilité, vous savez, ce n'est pas... il n'y a rien de déshonorant là-dedans.

Le Président (M. Beaulne): Ah non, absolument pas!

M. Gobé: Faire des mortifications avant Noël. Ha, ha, ha!

M. Beaudet: On s'en souviendra. Ha, ha, ha!

M. Rioux: Ça va être retenu contre moi?

M. Beaudet: Au contraire!

M. Rioux: À l'article 42, M. le Président, vous allez voir que dans le texte, là, 362.1, vous allez constater qu'on parle de dommages corporels et d'indemnité forfaitaire de décès. Là, ça commence à être des grosses affaires. C'est énorme, ça, là. Alors, dans ces situations, on peut imputer à l'employeur tous les coûts. S'il conteste, on ne peut pas lui imputer tous les coûts. S'il s'en va devant les tribunaux puis qu'il gagne, on va lui enlever les coûts. Mais la CSST ne prend pas de chance. On joue «safe» puis on ne veut pas qu'il passe à côté de la facture. Sinon, on n'est équitable pour personne.

Alors, ce qu'on fait, au fond, c'est assez simple. On dit: Voici une situation qui est un peu catastrophique; si vous décidez de contester, certainement c'est votre droit le plus strict, mais, si ça dure trois ans, quatre ans devant les tribunaux, vous savez un petit peu ce qui se produit: on se ramasse devant une situation qui est intenable et on ne peut plus évaluer les choses, après quatre ans, de la même façon que si c'était... Bon. Alors, ce qu'on dit, nous autres: Allez-y devant les tribunaux, payez, et, si vous gagnez, on vous le rembourse. Si vous perdez, vous êtes perdant. «That's it.»

(21 h 40)

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Ça me fait penser peut-être à deux choses un peu hors contexte, mais un peu semblables, ça me fait penser à la loi sur les normes minimales du travail. Nous réclamons que, lorsqu'un travailleur, qui serait représenté par la Commission des normes, gagnerait, on ferait payer l'employeur, et, s'il perd...

M. Beaudet: Il perd: il paie.

M. Gobé: ...il paie. Mais, en tout cas, ce n'est pas là le propos et je ne veux pas être hors contexte et mettre de l'huile sur un feu qui, pour l'instant, n'est pas dans cette Chambre.

Ma question est tout autre au ministre: Qu'est-ce qui arrive si l'employeur, entre-temps, entre le temps du début de la poursuite et le jugement – ça peut prendre deux, trois ans, quatre ans – fait faillite? Qu'est-ce qui se passe là-dedans, là? Est-ce que c'est prévu? Est-ce qu'il y a une disposition? Est-ce qu'on a une réserve? Ou est-ce que c'est l'unité qui prend le fardeau, la CSST?

M. Rioux: M. le président.

M. Shedleur (Pierre): Justement, pour éviter ça, si on leur charge les coûts immédiatement, bien, normalement, ils nous paient rapidement, parce que les coûts ont été chargés et ça change son expérience, donc normalement son taux de cotisation a été augmenté. Ou, si c'est un employeur au rétrospectif, c'est un régime d'autoassurance, donc il nous a payés dans des délais raisonnables. Bien sûr, comme tout autre employeur, s'il fait faillite, bien, ça se peut qu'on n'aille pas chercher toutes nos sommes d'argent. Donc, il n'y a rien de particulier par rapport à cet article-là ou par rapport à un autre employeur qui ferait faillite. Il est sur le même pied qu'un autre.

M. Rioux: Quoique l'autoassurance devient efficace.

M. Shedleur (Pierre): Mais c'est sûr que, dans un régime comme ça, en leur chargeant avec les modifications qu'on fait, il est peu probable qu'il passe à côté de sa facture.

M. Gobé: Mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de prévoir que l'employeur est tenu responsable même s'il n'est plus en affaires?

M. Shedleur (Pierre): Bien, notre créance, selon la loi des faillites, elle a un ordre de priorités, et on suit la loi des faillites.

M. Gobé: Mais, on parle du décès, là, d'accord?

M. Shedleur (Pierre): Non, mais ça ici, c'est...

M. Gobé: Est-ce qu'il a des assurances, cet employeur-là, autres que la CSST?

M. Shedleur (Pierre): Mais, de toute façon, la CSST...

M. Gobé: C'est-à-dire qu'il doit y avoir d'autres recours, là.

M. Shedleur (Pierre): Mais le travailleur n'est jamais pénalisé, c'est la CSST qui paie.

M. Gobé: Oui, mais la CSST...

M. Beaudet: C'est la cotisation de l'employeur...

M. Shedleur (Pierre): C'est ça.

M. Beaudet: ...ce n'est pas ce qui est payé au travailleur.

M. Shedleur (Pierre): Là, le travailleur va recevoir ses sommes...

M. Beaudet: Il est payé, lui.

M. Shedleur (Pierre): ...de la CSST, il va toujours être payé; il n'y a aucun danger, c'est garanti.

M. Rioux: Il est couvert.

M. Shedleur (Pierre): Bien sûr que, là, l'employeur, si on lui a chargé ces coûts-là et qu'il fait faillite, que ça adonne qu'il ne nous rembourse pas, bien, nous, notre créance va être en vertu de la loi des faillites.

M. Gobé: O.K.

M. Shedleur (Pierre): On ira chercher les sommes qu'on va être capable d'aller chercher.

M. Gobé: À quel niveau des créances vous vous situez?

M. Shedleur (Pierre): Là, la loi des faillites est en train de changer, je pense que c'est au niveau privilégié, au niveau des faillites. «C'est-u» privilégié? On était privilégié et ils l'ont enlevé, là. C'est ça. Mais je sais qu'à Ottawa actuellement ils regardent ça. On a fait des démarches, parce que c'est une loi de niveau fédéral, et on a demandé d'être privilégié comme les autres commissions d'accidents du travail, mais on n'est pas sûr que la loi va être modifiée.

M. Gobé: Ça m'amène à poser une question à M. le ministre. M. le ministre, M. Shedleur nous dit qu'il a fait des représentations auprès du gouvernement fédéral en ce qui concerne la loi sur les faillites pour que la CSST puisse rester ou redevenir créancier privilégié dans une faillite d'une entreprise relativement à ses créances. Est-ce que vous, de votre côté, vous avez l'intention de supporter officiellement la CSST? L'avez-vous fait ou entendez-vous le faire?

M. Rioux: Ah! c'est fait. J'ai envoyé...

M. Gobé: Vous avez donc écrit vous-même.

M. Rioux: Oui, j'ai écrit au ministère fédéral.

M. Gobé: Mais c'est vous-même ou votre sous-ministre? C'est qui?

M. Rioux: Non, non, non, c'est moi.

M. Gobé: C'est vous-même. Et quels sont, d'après vous, les espoirs ou les...

M. Rioux: On a eu un accusé de réception nous disant qu'ils étudiaient ça très sérieusement. Mais ça s'annonce bien.

M. Gobé: Oui?

M. Rioux: Ça s'annonce assez bien, et on va essayer de régler ça au cours de mon prochain voyage à Ottawa.

M. Gobé: Vous allez faire un suivi, là.

M. Rioux: Un suivi, très certainement.

M. Gobé: Très bien, merci.

M. Rioux: L'article 46.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce que l'article 42 est adopté, là?

M. Gobé: Oui, adopté.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): J'appelle l'article 46.

M. Rioux: M. le Président, j'aimerais essayer, dans des termes simples – c'est la force des pédagogues – de vous dire que l'article 46, c'est ce qui permet au gouvernement du Québec d'accepter un certain nombre de règlements dont tout ce dont on parlait... Non, pour être franc, là, c'est ce dont je parlais en dehors de la commission avec le député de LaFontaine. Il y a un certain nombre de règlements qui vont être rédigés et préparés par la CSST sur toutes sortes de choses: les intérêts, les cotisations, les arrérages, etc. Alors, tous ces règlements-là, c'est des règlements qui sont acheminés au ministre du Travail, qui, lui, les fait voter par le Conseil des ministres.

M. Gobé: Tous les règlements?

M. Rioux: Pas tous les règlements.

M. Harvey (Clément): Les règlements auxquels il est fait référence dans l'article 455, premier alinéa, vont être sujets à approbation gouvernementale; les autres ne le seront pas. Alors, quand on réfère à 12.1, par exemple, à 12.3, bien, évidemment, c'est ce qu'on a expliqué tout à l'heure concernant les opérations dans lesquelles on utilisera l'expérience pour tarifer les employeurs selon le risque. Également, concernant – ça, on n'en est pas venu là, je pense – la redétermination de la cotisation. Alors, ces règlements-là seront sujets à l'approbation gouvernementale.

Et le deuxième alinéa fait en sorte de raccourcir le délai d'entrée en vigueur des règlements touchant la cotisation des employeurs. Alors, actuellement, en vertu de la Loi sur les règlements, un règlement entre en vigueur 15 jours après la date de sa publication. Ce que prévoit le deuxième alinéa de l'article 455, c'est qu'il entrera en vigueur au moment de sa publication dans la Gazette officielle .

M. Rioux: Voilà.

M. Beaudet: Le jour de sa publication.

M. Harvey (Clément): Oui, du texte définitif.

M. Beaudet: Alors qu'avant il y avait un délai de 60 jours.

M. Harvey (Clément): C'est-à-dire qu'il y a un délai de prépublication de 60 jours, en vertu de la loi actuelle, d'un règlement que la Commission adopte. En le remplaçant, l'article 455, actuellement, fait en sorte qu'on s'en remet à la Loi sur les règlements, qui, elle, prévoit un délai de prépublication de 45 jours. Mais la Loi sur les règlements prévoit aussi un délai d'entrée en vigueur de 15 jours après l'adoption du texte définitif du règlement. Alors, l'article 455, deuxième alinéa, vient faire en sorte que le règlement va entrer en vigueur dès la publication de son texte définitif, donc on ne sera pas obligé d'attendre 15 jours. Ça, c'est pour des motifs de pouvoir communiquer plus rapidement aux employeurs les informations officielles concernant, entre autres, leur classification et leur cotisation.

M. Rioux: Voilà.

M. Gobé: Adopté.

M. Rioux: Bien.

Le Président (M. Beaulne): Adopté. Bon, ceci termine le bloc numéro 2. Nous passons au bloc numéro 3.

M. Rioux: Numéro 3.

Le Président (M. Beaulne): Et je vous lis les articles qui sont contenus dans ce bloc: 14, 15, 16, 18, 19 et 24.

M. Gobé: M. le Président, on peut suspendre une minute?

Le Président (M. Beaulne): Oui, nous allons suspendre deux minutes... une minute.

(Suspension de la séance à 21 h 48)

(Reprise à 21 h 52)

Le Président (M. Beaulne): Nous reprenons nos travaux. Nous revenons à l'article 14, qui est le premier article du troisième bloc.


Règles de classification

M. Rioux: M. le Président, cet article-là, la modification qui est proposée, ça vise à faire en sorte que la structure proposée exige que l'établissement des unités de classification ne se fasse plus exclusivement sur la base des activités économiques, mais aussi sur la base des opérations.

Prenons l'exemple d'un entrepreneur général, c'est peut-être ce qu'il y a de plus simple, là. Un entrepreneur général, il faisait de tout: électricité, plomberie, chauffage, menuiserie, n'importe quoi. Il y avait un taux. Là, maintenant, le taux va se faire par opération. Il va y avoir un taux pour l'électricité, un taux pour la plomberie, un taux pour la menuiserie, etc. Peut-être, M. le député de LaFontaine, que ça apparaît plus compliqué, mais, entre le fait que ce soit compliqué et le fait que ce soit équitable, moi, j'ai choisi que ce soit plus équitable. Puis l'employeur est bien d'accord avec ça. Alors, voilà pour 14.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, M. le Président. Oui, ça semble découler du gros bon sens. Il me semble que... On peut bien argumenter là-dessus pendant quelque temps, mais je ne pense pas qu'on puisse apporter...

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce que l'article 14 est adopté?

M. Gobé: Adopté.

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Article 15.

M. Rioux: L'article 15, M. le Président. On veut essayer de déterminer par règlement – c'est ça que ça veut dire «déterminer par règlement» – puis, ça, on va conférer ça à la Commission, là, le pouvoir de déterminer par règlement les règles de classification des employeurs dans une ou plusieurs unités de classification. Ça, c'est une mesure... moi, j'appelle ça de la souplesse. C'est vraiment de la souplesse et ça semble répondre à un voeu exprimé par les employeurs. Alors, la Commission détermine par règlement... Puis, ça, c'est des pouvoirs qui lui sont conférés, de déterminer les règles de classification des employeurs. On retrouve ça dans le cahier du ministre, là, à l'article 15.

Le Président (M. Beaulne): M. le député.

M. Gobé: Oui. Là, c'est un nouveau règlement qui est introduit... qui va être introduit. En tout cas, on n'a pas le règlement.

M. Rioux: Tout à fait.

M. Gobé: On n'a pas le règlement encore, il n'est pas...

M. Rioux: Ça va être négocié entre les parties.

M. Gobé: Est-ce qu'il va y avoir une prépublication de ce règlement?

M. Rioux: Oui.

M. Gobé: Parce qu'il n'est pas...

M. Rioux: Tel que convenu au début de la...

M. Gobé: Quarante-cinq jours.

M. Rioux: Oui, monsieur.

M. Gobé: C'est parce que, là, il y a juste...

M. Rioux: Non seulement prépublié, mais discuté entre les parties. C'est paritaire, cette affaire-là. C'est ça, la beauté.

M. Gobé: On commence par le secteur de la construction. On a abordé, dans un autre genre de situation, le problème de toute l'industrie, la classification des industries du câblage, la domotique, la robotique, qui ne sont pas dans la construction. Ils se situent où, eux, à ce moment-là, en termes de réglementation de la CSST? Est-ce qu'on attend le rapport du Commissaire général du travail... de la construction, pardon, pour que la CSST décide?

M. Rioux: C'est à la construction.

M. Gobé: Oui, oui, à la construction.

M. Rioux: C'est lui qui décide.

M. Gobé: Non, mais, je veux dire, c'est parce que...

M. Rioux: Il y a une partie de cette question-là que j'aime...

M. Gobé: Je ne veux pas vous tendre un piège avec ça, là.

M. Rioux: Non, non, mais, je veux dire, il y a une partie de cette question là que j'aime et je voudrais bien y répondre. Ce dont vous parlez, M. le député, il n'y a pas eu de demande formelle. On sait que les électriciens font une campagne; ils voudraient essayer de tout ramasser – bon, et je les comprends aussi, c'est légitime de vouloir le faire aussi – la câblodistribution et tout. Mais il n'y a pas de demande officielle de faite. Il y a des discours qui se font, mais il n'y a pas de demande officielle qui ait été faite au Commissaire du travail. Quand le Commissaire va être saisi de ça, bien, il pourra statuer et après ça on verra. Mais, pour le moment, non.

M. Gobé: Mais, vu que notre affaire va bien ce soir, je ne voudrais pas faire une polémique sur un autre dossier, mais je ne peux m'empêcher, M. le ministre, avec votre permission et celle de M. le Président, de vous rappeler que, lorsque le Commissaire général de la construction va être saisi, si par hasard il rendait une décision, vous, comme moi, comme l'ensemble de cette industrie, seriez mal pris d'aller contre parce que ça deviendrait, à ce moment-là, un jugement équivalent à celui d'un tribunal, une décision judiciaire. Et, malheureusement, quand même vous ne seriez point d'accord, moi-même, le premier ministre ou qui que ce soit, nous serions, un peu comme dans le cas des installateurs d'alarme, pris avec ou obligés de suivre.

Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de prévenir cette possibilité si vous croyez, comme vous dites – bien, je ne sais pas si vous l'avez dit – qu'il y a là peut-être une situation qui peut créer problème à une industrie, parce que c'est pour être plutôt préventif? Ce n'est point le but de cet article de loi, mais c'est quelque chose que...

Le Président (M. Beaulne): Allez-y, M. le ministre.

M. Gobé: Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire.

M. Rioux: C'est intéressant.

M. Gobé: Parce que vous allez être pris avec; au moment où ils décident, vous êtes pris, hein.

M. Rioux: À première vue...

M. Gobé: Quand même vous me diriez: C'est lui qui a décidé, le résultat est le même.

M. Rioux: Oui, mais il reste que le ministre a des pouvoirs. Je vais vous envoyer un jour...

M. Gobé: Comment?

M. Rioux: Je vais vous envoyer la loi qui crée le ministère.

M. Gobé: Je l'ai. Je l'ai.

M. Rioux: Vous regarderez ça et vous allez découvrir que le ministre a des pouvoirs qui peuvent lui permettre de désassujettir un groupe. Ça va jusque-là. Deuxièmement, peut-être qu'on amorce par la bande ce soir tout le débat sur la Loi sur les décrets de convention collective, et ce dont vous parlez, ça implique les décrets de l'industrie, des décrets à caractère industriel, ceux des services, etc. Et on pourra y revenir quand on fera le débat sur le projet de loi, sur la modernisation de la Loi sur les décrets de convention collective. Moi, ça a un intérêt pour moi, c'est clair, et on aura à en débattre, mais pas ce soir.

M. Gobé: Non, non, écoutez, c'est parce que ça ouvrait un peu: on parle de réglementation, on commence par le secteur de la construction. C'est évident que, si on sait qu'il y en a qui veulent l'élargir, ces gens-là seraient à ce moment-là assujettis à ça, là, par extension.

M. Rioux: Mais je vous dis, M. le député, que le ministre peut décider de restreindre...

M. Gobé: Oui, oui.

M. Rioux: ...de maintenir ou d'élargir. Il a ces pouvoirs-là.

M. Gobé: Oui, mais le commissaire de la construction aussi.

M. Rioux: Oui.

M. Gobé: Qui va être le plus rapide?

M. Rioux: Avez-vous des doutes? Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: À ce stade-ci, je n'ai aucun doute, ni dans un sens ni dans l'autre, M. le ministre. Je me dois, par règlement de l'Assemblée nationale et par le rôle que vous avez, de me fier à votre parole et je ne peux vous imputer d'idées ou d'intentions cachées. Loin de là mon intention à ce jour. Alors, l'article... À moins que mon collègue ait des choses à dire, je suis prêt à passer à l'adoption.

(22 heures)

M. Rioux: Mais, M. le Président, j'aimerais dire au député de LaFontaine qu'il y a un beau projet de loi sur la table, qui s'appelle le 74, puis on va avoir du plaisir.

M. Gobé: Je suis prêt à passer à l'adoption de cet article-là.

Le Président (M. Beaulne): Alors, l'article 15 est-il adopté?

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): L'article 16.

M. Rioux: L'article 16, M. le Président, est un article de... Non, c'est abrogé. On l'enlève, on n'en a plus besoin.

M. Gobé: Pour quelle raison on l'enlève? Je voudrais savoir.

M. Rioux: À cause des pouvoirs réglementaires dont on parlait tout à l'heure.

Une voix: ...

M. Rioux: Excusez-moi.

M. Gobé: ...300, 301, 302...

Une voix: C'est 16 qu'on abroge?

Une voix: Non, ce n'est pas 16 qu'on abroge, c'est les articles...

M. Gobé: C'est les articles... C'est ça. On abroge trois articles. C'est ça que je me disais aussi.

M. Rioux: Excusez-moi. O.K. On s'en va maintenant à l'article...

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 16 est adopté?

M. Gobé: ...peut-être rapidement le regarder, sans vouloir...

Le Président (M. Beaulne): L'explication?

M. Gobé: Oui, c'est ça. Pourquoi l'article 299 est abrogé? Puis on abroge – un, deux, trois – quatre articles. Rapidement, quelques mots d'explication.

M. Rioux: M. Harvey. C'est à cause des pouvoirs réglementaires...

M. Harvey (Clément): Oui, c'est ça. C'est qu'on va déterminer maintenant les règles de classification dans un règlement. Et on retrouve, énoncées aux articles 299, 300 et 301, des règles de classification particulières pour des situations particulières. Dorénavant, ces situations-là seront prévues dans le Règlement sur la classification, alors on enlève ces articles-là.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 16 est adopté?

M. Gobé: Non, mais 299, 300, on n'a pas... Il y a 300, 301, 302.

Le Président (M. Beaulne): Ah oui, allez-y.

M. Harvey (Clément): C'est ça. L'article 299, c'est lorsque...

M. Gobé: C'est ça, 300. Pardon.

M. Harvey (Clément): Oui. Quand l'employeur n'a pas transmis les informations quant à la nature de ses activités, ça permet à la Commission d'identifier, par exemple, les unités qui pourraient correspondre aux activités de l'employeur selon les informations qu'elle détient et de classer l'employeur dans cette unité-là, qui lui apparaît la plus appropriée, tant qu'elle n'obtiendra pas les informations complètes.

L'article 301, c'est un pouvoir actuellement de classer un employeur dans plusieurs unités de classification, lorsqu'il rencontre certaines conditions.

Et 302, c'est un article qui permet de classer à toutes fins pratiques dans les mêmes unités de classification des employeurs qui forment un groupe lié, au sens de la Loi sur les impôts. Alors, toutes ces règles-là de situations particulières...

M. Gobé: Au sens de la Loi sur...

M. Harvey (Clément): ...sur les impôts, les groupes liés au sens de la Loi sur les impôts, c'est-à-dire qui sont contrôlés par les mêmes personnes et les mêmes groupes de personnes, qu'ils soient unis par les liens du sang ou...

M. Gobé: O.K., d'accord.

M. Harvey (Clément): C'est ce que ça signifie, 302.

M. Rioux: Alors, voilà.

M. Gobé: Oui. Il y a peut-être une question que mon collègue me suggère, à côté. En ce qui concerne les gens qui sont référés par les agences de placement, travail temporaire ou autre, c'est quoi, la notion d'employeur, à ce moment-là? Est-ce que c'est celle de l'agence de placement ou c'est celle de l'employeur pour lequel il travaille?

M. Rioux: On va demander à M. Shedleur de répondre à ça.

M. Shedleur (Pierre): C'est tellement compliqué actuellement, compte tenu de la mouvance en milieu de travail. On a formé un comité externe, à la CSST, pour trouver une solution à ça. Et justement on a l'intention éventuellement de proposer au ministre de venir tout clarifier ces concepts-là. Actuellement, on a des définitions en vertu de notre loi, on y travaille, mais c'est des concepts qui peuvent être flous dans certaines situations. Alors donc, on se débrouille avec la loi actuelle, mais on va être obligé de moderniser notre loi éventuellement à cet égard.

M. Gobé: Parce qu'elle n'est pas adaptée à ce nouveau concept.

M. Shedleur (Pierre): Oui, je veux dire, actuellement on en a, on sait comment les traiter. Mais il semble que, dépendant des tribunaux, on peut gagner des causes ou on en perd. Mais, au-delà de ça, c'est que le marché du travail a tellement changé – il y a de la sous-traitance, il y a de la location de personnel qui n'en est pas, il y en a qui sont de la vraie location de personnel; ça fait qu'on est en train de clarifier tous ces concepts-là et on devra probablement amener une modification législative pour que ce soit clair pour tout le monde. On a, à l'interne, des directives opérationnelles, mais je pense qu'il faudra moderniser la loi.

M. Rioux: Mais, parallèlement à ça, vous le savez, M. le député, il y a toute une étude qui a été faite – le rapport me sera remis la semaine prochaine – sur les articles 45 et 46 du Code et qui traite de la succession d'entreprises, de la sous-traitance, etc. Alors, aussitôt que le rapport me sera remis – d'ailleurs il sera rendu public – je vous en enverrai une copie avant même de le rendre public.

M. Gobé: J'apprécie beaucoup votre offre, M. le ministre. M. Shedleur – si vous permettez, M. le ministre – les directives que vous avez mentionnées, est-ce qu'à un moment donné ce serait possible pour nous d'en prendre connaissance?

M. Shedleur (Pierre): Oui, oui.

M. Gobé: Peut-être se rencontrer...

Le Président (M. Beaulne): Ou les faire parvenir à la commission...

M. Gobé: ...ou les faire parvenir à la commission, si...

Le Président (M. Beaulne): ...parce que je pense que c'est dans l'intérêt de tous les collègues aussi.

M. Gobé: Oui. Oui, peut-être, afin de...

M. Rioux: Heureuse suggestion, M. le Président.

M. Gobé: Oui, O.K.

M. Rioux: Bien.

M. Gobé: L'article est adopté.

Le Président (M. Beaulne): L'article 16 est adopté. L'article 18.

M. Rioux: L'article 18 est un article de concordance avec le nouvel article 297 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, tel que modifié à l'article 14, qui remplace le terme «unités d'activités économiques» – on en a parlé tout à l'heure – par le terme «unités de classification». Voilà.

M. Gobé: L'impact économique de ça, c'est quoi?

M. Rioux: Il n'y en a pas.

M. Gobé: O.K., merci.

M. Rioux: O.K.?

Le Président (M. Beaulne): Alors, l'article 18 est-il adopté?

M. Gobé: Oui.

Le Président (M. Beaulne): L'article 19.

M. Rioux: Concordance. Concordance pour 2°, mais pas pour 1°.

Une voix: Oui.

M. Rioux: O.K.

Le Président (M. Beaulne): Alors, peut-être des petites explications...

M. Gobé: Oui, c'est ça. Peut-être...

M. Rioux: Oui, oui. C'est l'assujettissement à un taux personnalisé qui se fera dorénavant en considérant l'employeur globalement, sans égard au nombre d'unités dans lesquelles il pourrait être classé. Avant ça, il y avait un taux pour deux unités. Là, il va y avoir un taux global. On se comprend bien, là? M. Harvey.

M. Harvey (Clément): C'est ça. C'est qu'actuellement l'employeur, on vérifie son assujettissement à un taux personnalisé en fonction de chaque unité dans laquelle il est classé. Et, s'il rencontre les conditions fixées en regard de l'unité, il y a un taux personnalisé qui lui est fixé en regard de cette seule unité là. Maintenant, ce qu'on va faire, c'est qu'on va regarder l'employeur dans son ensemble. Même s'il est classé dans plusieurs unités, on va tenir compte de l'ensemble de toutes ses activités, ses masses salariales, et autres, dans l'ensemble de ses dossiers et on va lui fixer un taux personnalisé pour toutes les unités dans lesquelles il est classé – s'il rencontre les conditions, par ailleurs, pour être assujetti au taux personnalisé. Donc, on prend l'employeur dans sa globalité plutôt que d'y aller par unité de classification.

M. Gobé: Avec votre permission, M. le ministre, à M. Harvey...

Le Président (M. Beaulne): Oui, allez-y, M. le député.

M. Gobé: Quelles sont ces conditions que vous mentionnez?

M. Harvey (Clément): Bien, actuellement, il y a des conditions qui sont...

M. Gobé: Par exemple, donnez-nous un exemple. Peut-être que, là, on parle un peu...

M. Harvey (Clément): Bon, actuellement... Écoutez, il faudrait sortir le Règlement sur le taux personnalisé, où on exige, par exemple... Dans l'état actuel des choses, le règlement prévoit qu'il doit avoir cotisé au moins deux années dans les années antérieures, en fonction de l'unité; qu'il ait payé ce qu'on appelle un seuil d'assujettissement qui se vérifie avec une formule, et ça donne des degrés de personnalisation. Alors, il faut que l'employeur atteigne ces seuils-là pour être admissible à un taux personnalisé. En fait, ce qu'on fait actuellement, c'est qu'on compare l'expérience de l'employeur avec celle de l'ensemble des employeurs de l'unité et, à partir de là, on dégage un indice qu'on applique au taux de l'employeur. Alors, si son expérience est meilleure, ça baisse le taux; si elle est plus mauvaise, ça l'augmente.

M. Rioux: On va demander à M. Shedleur d'ajouter un élément d'information.

M. Shedleur (Pierre): Peut-être donner juste un exemple simple. Supposons que vous payez 40 000 $ de cotisation à la CSST. Vous payez 40 000 $ dans une unité puis vous payez – je ne sais pas – 60 000 $ dans une autre unité. À 40 000 $, vous étiez personnalisé à 10 %, et, à 60 000 $, à 15 %. On vous faisait votre calcul de taux personnalisé à 10 % et à 15 %. Là, on va les mettre ensemble et on va pouvoir faire un calcul, par exemple à 25 %. Donc, on va pouvoir additionner vos unités pour vous faire un taux personnalisé. Donc, c'est très technique, mais, je veux dire, c'est pour...

M. Gobé: Le résultat financier, c'est quoi?

M. Shedleur (Pierre): Le résultat, c'est pour...

M. Gobé: Sur 40 000 $, 60 000 $, c'est quoi, le...

M. Shedleur (Pierre): Oui, ça fait 100 000 $. Mais l'objectif qui est visé...

M. Gobé: C'est 25 000 $, là?

M. Shedleur (Pierre): ...c'est d'amener les employeurs à avoir un système plus réactif. Alors donc, en les prenant globalement, comme ça, ça va amener un système plus réactif.

M. Gobé: Donc, ça va être une baisse de la cotisation.

M. Shedleur (Pierre): Donc, favoriser la prévention, favoriser le retour au travail, parce que ça va être plus payant pour eux s'ils favorisent la prévention puis le retour au travail. Donc, c'est ça, l'objectif. L'objectif est toujours le même, comme le ministre l'a mentionné au tout début: prévention, retour au travail et que le système de taux personnalisé soit plus réactif encore.

M. Gobé: En quelque sorte, un bonus...

M. Shedleur (Pierre): Exactement.

M. Gobé: ...que l'on accorde...

M. Rioux: C'est les habituer, au fond...

M. Gobé: ...pour amener les gens...

M. Rioux: ...à réagir sainement.

M. Shedleur (Pierre): C'est ça.

M. Gobé: Oui, c'est ça.

M. Rioux: Réactif, c'est ça. C'est les amener à réagir sainement et à investir dans la prévention, conscients dès le départ que c'est payant.

M. Shedleur (Pierre): Puis on peut prendre un autre exemple, si vous...

M. Rioux: Il n'y a pas de mal à se faire du bien. C'est ça que ça veut dire.

M. Gobé: Vous aviez un exemple, M. Shedleur?

(22 h 10)

M. Shedleur (Pierre): On pourrait prendre un autre exemple. Un employeur pourrait avoir deux unités, où il paie 12 000 $ par unité et où il n'est aucunement personnalisé. Mais, à 24 000 $, il est personnalisé. Alors, donc, ça va permettre à plus d'employeurs d'embarquer dans le système de taux personnalisé, ça va permettre aux employeurs d'accroître leur personnalisation. L'objectif, c'est de leur donner un incitatif financier à faire de la prévention et le retour au travail.

M. Gobé: O.K., merci.

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce que l'article 19 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Adopté. Article 24.

M. Rioux: À l'article 24, M. le Président, c'est un simple article de concordance, lorsque vous voyez les mots «d'activités» remplacés par les mots «de classification». Et ça met fin au bloc 3.

Le Président (M. Beaulne): Avez-vous des questions sur cet article, M. le député?

M. Gobé: Juste peut-être terminer l'explication, le commentaire du cahier du ministre. O.K., c'est une concordance. Alors, adopté.

M. Rioux: C'est ça, c'est ça, une modification de concordance avec l'article 297.

Le Président (M. Beaulne): L'article 24 est adopté. Nous passons maintenant au quatrième bloc et nous retournons à l'article 22. Le quatrième bloc, pour qu'on se comprenne, comprend les articles suivants: 22, 23, 27, 32, 33, 34, 43. Alors, nous allons à l'article 22.


Règles concernant le paiement d'intérêts

M. Rioux: M. le Président, à l'article 22, ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'on va marcher un petit peu par concordance, forcément, parce qu'on va avoir maintenant une capacité de faire des règlements afin d'améliorer le fonctionnement. C'est une référence aux intérêts, dans l'article 308. Cette solution est rendue nécessaire en raison de l'octroi à la Commission d'un pouvoir réglementaire qui lui permet de déterminer les circonstances entraînant un paiement d'intérêts – on en a parlé tout à l'heure – et c'est modifié par l'article 34. En gros, c'est ça que ça veut dire. Ce n'est pas... C'est technique.

M. Gobé: Ça veut dire qu'on conserve les intérêts, mais on se garde la possibilité de les réglementer différemment, c'est ça? C'est un nouveau règlement encore.

M. Rioux: Oui, dans la situation actuelle, on avait un tas d'articles dans la loi qui parlaient d'intérêts. Là, on va avoir un article qui va régler le problème.

M. Gobé: Il va être fixé comment, l'intérêt?

M. Rioux: M. Harvey.

M. Harvey (Clément): Les règles vont être déterminées par règlement, tout simplement, à être discuté entre les parties. Alors, c'est ça: on regroupe, dans un seul article, qui est 323, dans la loi, le pouvoir de déterminer dans quels cas, conditions, modalités et autres des intérêts seront versés ou chargés.

M. Gobé: Ça, c'est le comité de direction de la CSST, c'est l'administration de la CSST qui décide ça? Qui va décider ça?

M. Rioux: Vas-y, Pierre.

M. Shedleur (Pierre): Bien, en fin de compte, c'est un règlement. Donc, il va être...

M. Gobé: Oui, mais un règlement qui va venir d'une décision quelque part.

M. Shedleur (Pierre): Oui, c'est sûr, comme nous autres, la haute direction...

M. Gobé: Qui va prendre la...

M. Shedleur (Pierre): Le personnel de la CSST va faire des propositions aux parties patronale et syndicale, va leur expliquer comment les calculs d'intérêts vont se faire dans toutes sortes de situations: de sous-estimation de la masse salariale, dans le cas d'imputation, de recalcul... Il y a plusieurs situations qui amènent à donner des intérêts soit aux travailleurs, soit aux employeurs. Ce qu'on cherche à faire, c'est de les regrouper à une place, de déterminer des règles claires et de les avoir juste à un seul endroit. Donc, c'est de la souplesse, c'est aussi de la simplification.

M. Gobé: Est-ce que ça peut augmenter les montants...

M. Shedleur (Pierre): Non, mais ça va dépendre...

M. Gobé: ...globalement, qui sont perçus actuellement?

M. Shedleur (Pierre): Non, ça, ça va avec ce qui se passe actuellement sur le marché. Quand les taux d'intérêt augmentent, bien nous autres on augmente, quand ils baissent... On suit le marché.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 22 est adopté?

M. Gobé: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): L'article 23.

M. Rioux: Article 23, c'est très intéressant. L'article 309 de la loi, ça permet d'imposer un intérêt à un employeur qui sous-estime de façon importante les salaires qu'il prévoit payer pour l'année en cours. Cet intérêt est payable sur la différence entre la cotisation calculée à partir de cet estimé puis celle calculée à partir du salaire réel. Ma mère aurait appelé ça un article assez «fancy». C'est intéressant, ça. C'est un outil important.

Le Président (M. Beaulne): Trouvez-vous ça intéressant, vous, M. le député de LaFontaine?

M. Gobé: Oui, oui. Alors, si je lis bien, c'est: L'article 309 permet d'imposer un intérêt à un employeur qui sous-estime de façon importante les salaires qu'il prévoit payer pour l'année en cours. Cet intérêt est payable sur la différence entre la cotisation calculée à partir de cet estimé et celle des salaires réels.

M. Rioux: Un article de concordance.

M. Gobé: Est-ce qu'il y a une pénalité aussi qui est impliquée?

M. Rioux: Oui, oui.

M. Gobé: Ce n'est pas l'intérêt, la pénalité. Mais on ne parle pas de la pénalité, hein? Est-ce qu'on en parle quelque part?

M. Rioux: C'est les intérêts.

M. Gobé: Est-ce que le mot «intérêt» englobe le mot «pénalité»?

Une voix: Non.

M. Gobé: Est-ce qu'un intérêt, ça peut être... Ça a à voir avec l'article précédent, où on disait que vous fixez l'intérêt... Est-ce que c'est le même intérêt qui peut être...

M. Rioux: Je pense que les pénalités, on les retrouve à 290, quelque part par là.

M. Gobé: O.K.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 23 est adopté?

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): L'article 27.

M. Rioux: C'est des concordances sur les intérêts, tout le temps. Et c'est un règlement qui va couvrir l'ensemble de tout ça.

Le Président (M. Beaulne): Ça va?

M. Gobé: Les règlements, bien sûr, vont être prépubliés, comme on l'a décidé au début.

M. Rioux: Oui, oui, prépublication.

Le Président (M. Beaulne): Alors, l'article 27 est adopté.

M. Gobé: Je m'excuse, M. le Président, peut-être juste une question d'information...

Le Président (M. Beaulne): Oui, allez-y.

M. Gobé: L'article 314.1: L'intérêt. L'ajustement rétrospectif est augmenté des intérêts au taux, aux conditions et selon les modalités déterminées par règlement.» Est-ce que ce n'est pas déjà dans la loi?

M. Rioux: Moi, j'aimerais que le député relise.

M. Gobé: Oui, O.K. Peut-être, c'est une mauvaise compréhension de notre part, de ce côté-ci. Alors, 314.1: «L'ajustement rétrospectif – donc, on parle de ce qu'il y a avant – est augmenté d'un intérêt au taux, aux conditions et selon les modalités déterminées par règlement.» Est-ce qu'on ne touche pas là l'essentiel du 314.1?

M. Harvey (Clément): Effectivement, il y a un règlement...

M. Gobé: C'est déjà là-dedans.

M. Harvey (Clément): ...qui existe là-dessus actuellement. Mais, comme on va retrouver dans un seul pouvoir réglementaire maintenant toutes les situations où on va imposer ou verser de l'intérêt, on enlève 314, et ça va être exercé via le nouveau pouvoir réglementaire, et il va y avoir des articles transitoires là-dessus.

M. Gobé: O.K., M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): L'article 27 est adopté. L'article 32.

M. Rioux: Concordance, M. le Président, et 33 également. Ce sont là deux articles de concordance. Les articles 32 et 33 sont deux articles de concordance.

M. Gobé: «...au total de 5 % de la cotisation qu'il aurait dû payer; et pour chaque jour de retard, des intérêts...» Ça, c'est l'article, hein?

M. Rioux: Oui.

M. Gobé: «...qu'il aurait dû payer et sur la pénalité déterminée...» C'est une concordance, c'est ça. Il est tenu de payer une somme égale à 5 % de la cotisation à titre de pénalité. Cependant, les intérêts qui... Par le règlement, s'ils n'ont pas le même règlement tout le temps...

M. Rioux: Exactement, M. le député de LaFontaine, vous avez très bien compris. C'est qu'à 32, 33, 34 on aurait désormais un règlement qui va nous permettre d'intégrer tout ça pour faire en sorte qu'on puisse gérer la loi de façon beaucoup plus efficace.

Le Président (M. Beaulne): Alors, l'article 32 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Article 33?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Article 34?

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Allez-y, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Je ne l'ai pas lu.

Le Président (M. Beaulne): Prenez le temps qu'il faut.

M. Gobé: O.K.

Le Président (M. Beaulne): Article 34, adopté. Article 43.

M. Rioux: M. le Président, il en va de même pour l'article 43. Il s'agit de toutes les situations où la Commission aura à payer des intérêts. Dans le cas où le bureau de révision aura pris des décisions, il y aura des intérêts à payer. Et 43 s'inscrit dans la foulée de tous ces articles-là dont on vient de parler tout à l'heure, 32, 33, 34 et 43.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: C'est logique.

M. Rioux: Oui.

Le Président (M. Beaulne): Ça va?

M. Gobé: Toujours les règlements, mais... On se comprend.

(22 h 20)

Le Président (M. Beaulne): Alors, l'article 43 est adopté. Nous passons maintenant au bloc 5 concernant le recalcul de la cotisation et nous retournons en arrière, à l'article 30.


Recalcul de la cotisation

M. Rioux: Dans ce cas-ci, à l'article 30, il y a des pratiques à la CSST qui veulent qu'on fasse des recalculs. Moi, je me dis: C'est normal qu'on fasse des recalculs, surtout si un employeur doit voir ajuster ses cotisations soit à la hausse, soit à la baisse et que ces contributions évidemment changent forcément. Donc, la CSST, pour être équitable vis-à-vis de ses clients, doit faire des recalculs. Ça évite des griefs, ça évite des poursuites, ça évite un paquet de troubles. Alors, la pratique des recalculs est, à mon avis, une volonté d'être équitable à l'endroit des employeurs du Québec. Alors, voilà. En ce qui a trait à...

Le Président (M. Beaulne): Allez-y, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. En ce qui concerne la «fausse représentation, des faits par incurie, par omission volontaire», incurie...

M. Rioux: Mauvaise foi?

M. Gobé: Est-ce que l'incurie peut...

M. Rioux: Ça, c'est de la mauvaise foi, l'incurie.

M. Gobé: Mauvaise foi. Mais «incurie», ça peut être pour dire aussi par mauvaise administration, à l'occasion involontaire. Je sais qu'il y a des...

M. Rioux: Négligence, laxisme.

M. Gobé: ...petits entrepreneurs ou des petits commerçants qui, des fois, ont un certain nombre de problèmes avec leur administration. Les factures ou les papiers s'amoncellent dans un petit bureau, et puis, à un moment donné, le type reçoit les inspecteurs ou des mises en demeure et là il... Moi, j'en ai dans ma circonscription qui arrivent des fois en panique à mon bureau: M. Gobé, j'ai reçu la comptabilisation, je ne sais pas quoi faire avec ça, le gouvernement... Là, on regarde, on voit qu'il y avait une date pour répondre, toutes sortes de choses, et qu'il est trop tard. Et là s'amoncellent les pénalités, tout ça. Ce n'est pas par... Des fois, ça peut être par mauvaise foi, mais, des fois, la lettre n'est quasiment même pas ouverte. On voit que, lui, ça le dépasse. Est-ce que ça comprend «incurie»? Parce que «incurie», ça veut dire méconnaissance, mauvaise...

M. Rioux: Négligence.

M. Gobé: ...administration, négligence.

M. Rioux: Ça peut être inclus, ça. Moi, ce que j'aimerais...

M. Gobé: Parce qu'il me semble qu'«omission volontaire» et «incurie», ce n'est peut-être pas... «Omission volontaire», la personne, elle dit: Moi, là, je ne veux rien savoir de vous autres et ne m'écoeurez pas, et, si vous voulez m'écoeurer, bien vous me poursuivrez. «Incurie», c'est le petit entrepreneur, le petit gars, la petite personne qui ne sait pas trop comment ça marche, son affaire. Alors, bien que nul ne soit censé ignorer la loi, est-ce qu'il n'y a pas amalgame de deux...

Le Président (M. Beaulne): Allez-y, M. le ministre.

M. Rioux: Même, si nul n'est censé ignorer la loi, moi, je pense que c'est pris en compte, ce dont le député de LaFontaine parle, c'est pris en compte.

M. Gobé: L'administration est aveugle, hein.

M. Rioux: C'est examiné au mérite, ça. C'est sûr qu'il peut y avoir des employeurs négligents. Sciemment, ils le font.

M. Gobé: Ah oui, il y en a.

M. Rioux: Mais, quand vous évoquez le cas du petit entrepreneur qui a son petit bureau en arrière de son garage et qui a oublié sa cotisation et qui a oublié de faire des choses qui lui sont demandées par la CSST, c'est dur d'aller vérifier la mauvaise foi ou la bonne foi, ou la négligence, ou l'incurie, c'est quasiment impossible.

Le Président (M. Beaulne): Alors, y a-t-il d'autres questions sur l'article 30?

M. Rioux: Et puis il ne faudrait pas non plus que la CSST devienne un tribunal d'inquisition ou encore... Prouver la mauvaise foi, c'est de la besogne, et surtout dans des circonstances semblables. Mais c'est pris en compte. Si c'est là votre question, M. le député, c'est pris en compte.

M. Gobé: Parce que le mot «incurie» est quand même large.

Le Président (M. Beaulne): Oui. On a peut-être un dictionnaire quelque part.

M. Gobé: Oui. Peut-être qu'on peut regarder. Mais je ne pense pas qu'on doive... Je pense qu'on se comprend bien. En tout cas, c'est une des rares fois où je vois ce mot «incurie» dans un projet de loi. Et, en 11 années, je dois dire que je ne pense pas l'avoir déjà vu comme spécification dans un projet de loi.

M. Rioux: M. le Président...

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le ministre.

M. Gobé: C'est qu'on met «négligence», «incurie», «omission volontaire».

M. Rioux: M. le Président, en tout respect pour mon collègue, c'est justement parce que le mot est embêtant qu'on l'enlève. Tu sais, je veux dire, il faut le faire disparaître parce que c'est un mot qui en ratisse large.

M. Gobé: C'est ça, oui.

M. Rioux: Alors, c'est pour ça que je disais tout à l'heure: C'est pris en compte, ça, la situation d'un employeur, comme ce petit employeur dont vous parliez tout à l'heure, qui a oublié d'ouvrir ses lettres, par exemple. Ça, c'est pris en compte, c'est analysé. Mais le mot «incurie», qui est un mot assez bizarre...

Le Président (M. Beaulne): Bien, écoutez, je vais vous lire...

M. Rioux: ...dans un texte de loi...

M. Gobé: Oui, c'est ça.

Le Président (M. Beaulne): ...la définition...

M. Rioux: ...on l'enlève.

Le Président (M. Beaulne): ...dans le dictionnaire, la définition du mot «incurie»: «Manque de soin, d'organisation – un peu le phénomène de la négligence dont on parlait tout à l'heure – insouciance, laisser-aller, négligence.»

M. Gobé: O.K., ça va.

M. Rioux: Merci. Merci pour le dictionnaire.

Le Président (M. Beaulne): Oui, c'est toujours pratique. Je pense qu'on va le garder ici. Alors, est-ce que l'article 30 est adopté?

M. Rioux: Oui.

M. Gobé: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Adopté. L'article 44.

M. Gobé: L'article 44.

M. Rioux: M. le Président, l'article 44 est un article de concordance.

Le Président (M. Beaulne): Le député de LaFontaine est-il d'accord?

M. Gobé: Si vous permettez que je passe à travers, M. le Président, je vais pouvoir vous le dire. O.K. J'ai peut-être une question à poser sur cet article-là à M. le ministre.

Le Président (M. Beaulne): Oui, allez-y.

M. Gobé: La reconsidération, c'est important, ça touche...

M. Rioux: La reconsidération...

M. Gobé: Je ne sais pas. J'ai l'impression qu'on l'enlève pour les employeurs dans ce...

M. Rioux: Ça va rentrer dans le règlement, ça...

M. Gobé: ...et on le garde pour les travailleurs. Est-ce que c'est ça que je comprends? Vous pouvez nous expliquer ça, peut-être, M. le ministre. Parce que là je pense que c'est un des points sensibles sur lesquels...

M. Rioux: J'aimerais ça que vous reformuliez ça.

M. Gobé: Bon. Mon impression, à la lecture de l'article, est qu'on enlève le droit de reconsidération pour les employeurs et qu'on le garde pour les travailleurs. Est-ce que je comprends bien cette chose-là? Est-ce que vous pouvez peut-être me le confirmer et nous l'expliciter?

M. Rioux: Avec plaisir.

M. Gobé: M. Shedleur, je ne sais pas. C'est technique...

M. Rioux: Avec plaisir. M. Harvey.

M. Harvey (Clément): Comme on expliquait, c'est qu'on va prévoir actuellement dans un règlement toutes les situations dans lesquelles on va déterminer de nouveau la classification, l'imputation, la cotisation. Et évidemment on enlève la reconsidération, parce que, un des motifs pour reconsidérer, c'est le fait nouveau, dans les 90 jours, qui est porté à la connaissance de la Commission. Ce motif-là pourra éventuellement se retrouver dans le règlement, qui prévoira dans quel cas, circonstance, modalité, et autres, on peut redéterminer la classification, la cotisation et l'imputation des coûts.

M. Rioux: D'ailleurs, M. le Président, l'article 40 est assez éclairant là-dessus. Mais réglons...

M. Gobé: Non, mais, M. le ministre... C'est peut-être bon, si le ministre nous ramène à 40.

M. Rioux: Non, non, ça va, ça va.

M. Gobé: Regardez, M. le Président, pourquoi on l'enlève pour l'employeur et pourquoi pas pour le travailleur?

M. Shedleur (Pierre): Je peux peut-être...

M. Gobé: C'est ça. C'est parce qu'il y a deux poids, deux mesures peut-être?

M. Shedleur (Pierre): Non, non, non. C'est que...

M. Gobé: Il doit y avoir une bonne raison, je présume, M. Shedleur.

M. Shedleur (Pierre): Bien oui, parce que les employeurs sont intervenus. C'est que, pour la section du financement – si vous regardez le cahier du ministre que vous avez en main, la section 9, c'est la section du financement – dans le fond, on maintient la reconsidération, mais ça va être dans un règlement, tout va être dans un règlement. On ne l'enlève pas; c'est qu'on le met ailleurs, par voie de règlement, pour en tenir compte.

M. Rioux: Ni l'employeur, ni le travailleur...

M. Shedleur (Pierre): Le travailleur, c'est ailleurs. Ce n'est même pas dans cet article-là.

M. Rioux: C'est ça.

M. Shedleur (Pierre): Ça, c'est un article strictement pour les employeurs. C'est le chapitre du financement.

M. Rioux: On se comprend?

M. Gobé: Peut-être deux questions. Dans le fameux rapport Durand, que j'ai eu l'occasion de citer particulièrement sur le projet de loi n° 79 – vous me reprendrez si je me trompe – il y avait des recommandations qui disaient d'enlever la reconsidération.

M. Shedleur (Pierre): Non.

M. Gobé: Non?

M. Rioux: Dans le rapport Durand?

M. Gobé: À la première instance de réclamation?

M. Shedleur (Pierre): Non, ça, c'est... Si vous permettez...

M. Rioux: Oui, oui, vas-y.

M. Gobé: Bien, peut-être, si on est là pour discuter, peut-être pour...

M. Shedleur (Pierre): Non, non, c'est ça, non. Mais il y a tellement de paliers d'appel qu'on peut se tromper facilement, M. le député.

M. Gobé: En première instance.

M. Shedleur (Pierre): C'est que la reconsidération va être maintenue, mais ça va être une reconsidération interne. Donc, ça ne sera pas comme un tribunal. Et on élimine le bureau de révision, dans le rapport Durand, effectivement, mais pas la reconsidération. Mais c'est une reconsidération interne...

M. Rioux: Administrative.

M. Shedleur (Pierre): ...c'est ça, sur dossier.

M. Rioux: C'est ça, à partir du dossier.

M. Shedleur (Pierre): C'est maintenu pour éviter... Sans ça, ça pourrait être le chaos, parce qu'il pourrait y avoir des erreurs techniques ou autres. Et là ce pouvoir-là va nous permettre de régler les problématiques.

M. Gobé: On va probablement avoir l'occasion d'en discuter. Mais vous dites que vous allez ramener ça par règlement. Mais pourquoi, à ce moment-là, on l'enlève dans la loi puis on se propose de le ramener par règlement? Pourquoi ne pas le laisser dans la loi? Est-ce qu'on peut faire par règlement ce qu'on enlève à une loi?

(22 h 30)

M. Shedleur (Pierre): Non, c'est que la loi va nous permettre de faire un règlement qui va couvrir toutes les situations de recalcul. Il faut comprendre actuellement que l'article 30, que vous aviez tantôt, sur les recalculs... On s'était fait une politique interne de recalcul négocié avec le patronat, parce que ça touche le patronat, et là on le met dans la loi et on dit: Bien, la reconsidération, ça va avec ça et on va se donner un pouvoir réglementaire pour couvrir ces situations-là.

M. Rioux: C'est de la sagesse.

M. Shedleur (Pierre): Ça donne de la souplesse aussi dans les discussions...

M. Rioux: C'est ça.

M. Shedleur (Pierre): ...parce qu'il y a toutes sortes de situations de recalcul possibles. Ça nous donne de la souplesse pour discuter avec notre client-employeur, à savoir comment on fait les calculs, puis on fait ça de façon très large.

M. Gobé: Ça vous donne beaucoup plus de pouvoir aussi.

M. Shedleur (Pierre): Bien, de pouvoir qui n'est pas à nous. Je veux dire, c'est un pouvoir que la CSST... c'est le conseil d'administration de la CSST qui entérine ça, ce n'est pas son président. Puis, deuxièmement, il y a prépublication du règlement, et tout le monde peut donner son opinion.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: Ce qui est important, c'est que ce qui était une pratique interne non contestable pour la plupart du temps, là, maintenant que c'est inscrit dans la loi, ça devient beaucoup plus clair, et tout le monde est situé vis-à-vis ça. C'est ça, la différence; c'est limpide.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que ça vous convient, M. le député?

M. Gobé: Bien, si le ministre nous assure que, comme il nous l'a dit au tout début, les règlements vont être prépubliés et que les intervenants ou les gens qui seront intéressés pourront...

M. Rioux: Réagir.

M. Gobé: ...réagir ou s'y adresser, ma foi, on va accéder à sa demande.

Le Président (M. Beaulne): Je pense qu'effectivement, pour l'étude du projet... Moi aussi comme président, je prends pour acquis que chaque fois qu'on mentionne des règlements dans l'étude du projet de loi on va suivre la procédure sur laquelle nous nous sommes entendus dès le début.

M. Gobé: Parce qu'il y a beaucoup de nouveaux règlements qui vont être introduits avec...

Le Président (M. Beaulne): Je pense, M. le député, que c'est suffisamment clair dans les transcriptions et...

M. Gobé: Peut-être même on pourrait le mettre à la fin du projet, ou un amendement quelque part, ou un papillon qui dirait que chacun des règlements sera soumis après publication, ou je ne sais pas, ou en concordance avec la loi sur les... Je ne sais pas. M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, tout ça...

M. Gobé: La Loi sur les règlements, quelque chose comme ça.

M. Rioux: Oui. Ce dont parle le député, c'est prévu. Mais, si on veut que les organismes fonctionnent, si on veut que ça marche, il faut qu'il y ait de la souplesse là-dedans, sinon on va perpétuer le régime actuel, qui mécontente bien du monde. C'est pour ça qu'on fait le plan B. On a dit au tout début que la CSST, c'est une compagnie d'assurances; on n'ira pas massacrer nos clients.

M. Gobé: Oui, mais, vous savez, M. le ministre, on a eu l'occasion d'en parler en Chambre par discours interposés, les compagnies d'assurances ont parfois des comportements et des ajusteurs d'assurances dont le but principal est de sauver les profits et non de défendre l'assuré de ses intérêts. Puis il arrive aussi que des assurés, à l'occasion, puissent avoir aussi...

M. Rioux: Oui, mais...

M. Gobé: ...le comportement contraire. Alors, on comprend très bien que des deux côtés il doit y avoir un équilibre. Mais il n'en reste pas moins que cette compagnie, qui s'appelle la CSST, a été créée avec un préjugé favorable envers les travailleurs et que nous devons, nous, comme législateurs, faire perdurer cet esprit. Et vous l'avez mentionné dans votre discours lorsque nous avons parlé sur le 74: il doit y avoir un préjugé favorable, quand on touche à cet organisme, envers le travailleur en général, puis accidenté lorsqu'il le devient. Alors, on ne peut pas non plus avoir seulement une attitude «business-business», ce n'est pas...

M. Rioux: Mais, M. le Président, la CSST est une compagnie d'assurances sous haute surveillance. C'est une compagnie d'assurances qui est surveillée par les syndicats, qui est surveillée par les employeurs et qui est surveillée par le gouvernement en la personne du président, qui est la créature du gouvernement au sein de l'entreprise. Alors, on peut se permettre un peu de souplesse pour que nos clients ne soient pas trop, trop révoltés.

M. Gobé: Ah, il ne faut pas!

M. Rioux: Il faut faire en sorte qu'on leur simplifie la vie.

M. Gobé: Oui.

M. Rioux: Mais, tout en rendant la vie plus facile peut-être à nos employeurs, il reste que la CSST a été créée pour les travailleurs.

M. Gobé: Pour les travailleurs. Je retrouve là, M. le ministre, votre engagement syndical des années soixante.

M. Rioux: Social-démocrate, social-démocrate.

M. Gobé: C'est avec plaisir que je retrouve en vous ce soir ce témoignage, cet élan...

Une voix: Votre fibre ouvrière.

M. Gobé: Oui, votre fibre, comme dit mon collègue le député de Bourassa, qui vous a connu dans votre jeunesse, cette fibre ouvrière qui vous a caractérisé à certaines époques.

M. Rioux: J'ai connu le député de Bourassa: on lisait le même catéchisme.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (Bourassa): Le bill 25.

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. le député de LaFontaine...

M. Charbonneau (Bourassa): Le bill 25.

Une voix: Ha, ha, ha! Le bill 25, ça, c'est vieux pas mal.

Le Président (M. Beaulne): ...est-ce que j'en conclus que vous êtes d'accord avec l'article 44?

M. Gobé: Oui, M. le Président. M. le Président, je pourrais demander juste une minute, même pas, de suspension? C'est qu'on me fait signe que...

Le Président (M. Beaulne): Oui, oui, c'était déjà prévu.

M. Gobé: ...l'attaché politique, en arrière...

Le Président (M. Beaulne): C'était déjà prévu à la fin du bloc 5.

M. Gobé: ...aimerait me communiquer un petit détail.

Le Président (M. Beaulne): Effectivement.

M. Gobé: Ça va prendre deux minutes.

Le Président (M. Beaulne): Alors, nous suspendons.

M. Gobé: Ce n'est pas du...

Le Président (M. Beaulne): Non, non, non. De toute façon, nous suspendons pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 22 h 36)

(Reprise à 22 h 44)

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux et nous poursuivons avec le bloc 6 sur les mutuelles.


Mutualisation de la prévention (suite)

M. Rioux: Je rappellerai que l'article 9...

Le Président (M. Beaulne): Non. Là, on passe à l'article 40.

Une voix: Le 9 est fait.

M. Rioux: Le 9 étant réglé, nous passons à 40. Vous avez raison, M. le Président.

Alors, M. le Président, étant donné que l'article 40... étant donné qu'on va vivre dans un système de mutuelles, ce qu'on voudrait essayer d'éviter, et ce qu'on va éviter, c'est qu'un employeur – étant donné qu'ils sont ensemble – aille contester une décision qui a été prise – c'est ça? – chez un autre employeur. C'est pour protéger évidemment nos travailleurs que cet article-là est inscrit au projet de loi. Parce qu'on est dans un scénario qui est un peu nouveau, un peu spécial. Mais il faut faire attention, avec tout ça, qu'en bout de piste les travailleurs ne soient pas pénalisés.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Est-ce qu'on parle là de déjudiciarisation...

Une voix: On peut dire ça.

M. Gobé: ...dans l'application de cet article-là? Bien, je ne sais pas...

Une voix: On peut le dire.

M. Rioux: Si vous voulez. Moi, vous le savez, ma propension pour la déjudiciarisation, elle est bien connue, c'est presque un trait culturel chez moi. Alors, oui, tout ce qui est déjudiciarisation m'intéresse.

M. Gobé: Quels vont être les effets concrets de ça?

M. Rioux: C'est pour protéger les travailleurs. On ne veut pas installer un système nouveau puis que ça ait des effets pervers. Il faut éviter ça. C'est pour ça qu'on est prudent à toutes fins utiles et qu'on introduit cet article-là. Ça va?

M. Gobé: Ça va.

Le Président (M. Beaulne): L'article 40 est adopté. L'article 41.

M. Rioux: Étant donné, M. le Président, qu'il y a des entrepreneurs qui vont vouloir se mutualiser sur une base contractuelle, ce que prévoit cet article-là, c'est que ce ne sera pas appelable. Est-ce que ma compréhension est bonne, M. Harvey?

M. Harvey (Clément): Exact.

M. Rioux: C'est ça? Je veux dire, c'est contractuel, on a signé de bonne foi.

M. Gobé: S'il ne veut pas, il ne peut pas être dedans, il n'est pas dedans.

M. Rioux: Il ne veut pas... Bien, voilà.

M. Gobé: Ça ne deviendra pas une obligation de dire: On va regrouper tous les garages ou tous les dépanneurs dans la même... C'est chacun qui va vouloir...

M. Harvey (Clément): C'est ça, sur une base volontaire. Alors, si la CSST refuse de conclure une entente, ce ne sera pas appelable.

M. Gobé: Qu'est-ce que vous prévoyez comme volume d'ententes, rapidement, avec tout ça, là? Ça va être quoi, la réaction? Vous devez avoir quand même prévu. Ça prend des structures d'accueil ou d'accompagnement.

M. Rioux: Oui, j'aime ça comme question parce que ça nous permet de faire une évaluation à peu près, en gros, de ce qui peut se produire.

M. Gobé: C'est quoi qui va arriver?

M. Rioux: Un petit salarié...

M. Gobé: Le citoyen qui nous écoute là, il dit: Ils adoptent ça. Mais, concrètement, la semaine prochaine, lorsque nous l'aurons adopté, ou cette semaine, qu'est-ce qui arrive avec ça?

M. Rioux: M. Shedleur.

M. Shedleur (Pierre): Dès que ça va être adopté, c'est sûr que les employeurs, les associations patronales qui ont pris connaissance de ça et les groupes d'employeurs vont être très intéressés. Et là on va finaliser, on est en train de préparer la réglementation, ce n'est pas terminé. Après, on va aller en consultation, et, au cours de 1997, il va se créer des groupes de gens en mutuelles, des groupes d'entreprises pour se mutualiser. C'est difficile de dire combien il va y en avoir. Une chose qui est certaine, on est sûr qu'il va y avoir un engouement, parce qu'on a beaucoup de questions, et déjà, vous-même, vous avez apporté la question de la construction tantôt, qui voudrait jouer ce rôle-là. Il y en a plusieurs déjà qui nous ont téléphoné. Donc, il va y avoir un engouement assez fort. Je vous dirais: En 1998, il va y en avoir pas mal, mais, en 1999-2000 – ça a l'air loin, mais ce n'est pas loin – je pense qu'il va y en avoir beaucoup. Mais le pourcentage, c'est difficile à dire, mais il va y avoir un engouement.

M. Rioux: M. le Président, à moins que ces petits employeurs soient des partisans de la philosophie de Kant – qui est une philosophie un peu entre ciel et terre, vous le savez, M. le député de Lafontaine – j'ai rarement...

M. Gobé: Non, vous pourriez peut-être élaborer un peu plus...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: ...pour les bien-vus de cette commission, M. le ministre, et je suis prêt à vous écouter là-dessus, sur cette philosophie.

M. Rioux: Non, mais croyez-moi, je ne suis pas un kantien au sens philosophique du terme.

M. Gobé: Non, non, allez-y, je vous en prie. Je pense que l'ensemble des députés seraient heureux que vous...

M. Rioux: Oui, on a toujours dit – ou, en tout cas, d'après ma compréhension de Kant – que c'était un philosophe qui avait la tête dans les nuages puis les deux pieds n'étaient pas nécessairement par terre. Donc, il flottait un peu. Et ça fait évidemment des conceptions de la vie, des hommes et des choses, et surtout des valeurs... ça fait des conceptions un peu, je dirais, idylliques.

Mais, étant donné que nos entrepreneurs qui vont être conviés à se mutualiser... Moi, j'ai rarement rencontré des gens qui refusaient de faire de l'argent. Il y en a qui sont bassement mercantiles, mais il y en a d'autres qui sont tout à fait raisonnables et ils considèrent que faire de l'argent, c'est raisonnable, surtout lorsqu'on est en affaires. Alors, quand ils vont découvrir, ces petits employeurs, qu'il y a de l'argent à faire dans la prévention, que c'est payant de garder un travailleur puis que c'est payant de le voir revenir le plus vite possible, que ça augmente sa productivité... moi, mon optimisme n'est pas délirant, hein, mais cependant je pense qu'on se donne des moyens pour marquer des points assez rapidement.

(22 h 50)

M. Gobé: J'aurais deux questions au ministre, et une suite à ses propos. Est-ce qu'il pourrait nous dire d'où vient ce monsieur, ce Kant, et de quel pays, à quelle époque, qu'est-ce qu'il a écrit, premièrement...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: ...pour nous permettre de juger plus profondément, à l'inculte que je suis en cette matière? Non, mais sérieusement.

M. Rioux: Kant était un philosophe allemand.

M. Gobé: XVIIIe siècle, XIXe siècle?

M. Rioux: Qui était un philosophe qui avait une pensée bien à lui et beaucoup de disciples. Il a eu beaucoup de disciples parce que, que voulez-vous, souvent, se réfugier dans ce qu'on appelle l'intemporel, là où les corps ne flottent plus dans l'espace et dans le temps, il y a un petit côté agréable à ça.

M. Gobé: Ça, vous semblez influencé un peu, hein.

M. Rioux: Mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rioux: Non.

M. Gobé: Un petit peu, j'ai dit.

M. Rioux: Non, j'ai été un disciple plutôt d'Aristote, et de Thomas d'Aquin quand j'étais plus jeune, mais on en revient vite. Thomas d'Aquin pesait 300 lbs: c'était le Garon de son époque.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rioux: Vous savez que saint Thomas d'Aquin, lorsqu'il s'assoyait pour manger... on avait été obligé de faire un rond dans la table pour qu'il puisse s'approcher tellement il était énorme. Mais le grand mérite de Thomas d'Aquin, c'est d'avoir interprété toute la philosophie d'Aristote. C'est ce qu'on a appelé l'«aristotélicothomisme», la philosophie de Thomas d'Aquin, qui était une autre version de la philosophie d'Aristote, surtout au plan métaphysique.

Mais on est loin de l'article 40 et de 44 de notre projet de loi. Mais, M. le député, c'est intéressant, c'est intéressant parce que la philosophie, je dirais que c'est la science des sciences, c'est ce qu'on appelle la science des intentions secondes.

M. Gobé: Voilà.

M. Rioux: Et, en politique, ça peut être utile.

M. Gobé: Et c'est pour ça que je veux savoir, M. le ministre, afin de comprendre tout le sens de vos propos, quels pouvaient être les courants de pensée qui vous influençaient. On voit que saint Thomas d'Aquin est pour vous une référence, alors on va certainement croire en ce que vous dites.

M. Rioux: Il y a saint Augustin qui était beaucoup plus fort.

M. Gobé: Oui, mais qui était un homme très, très, très généreux et très...

M. Rioux: C'était un passionné aussi.

M. Gobé: C'est ça, oui. Alors...

M. Rioux: On a dit qu'il se roulait dans la neige, le soir, pour...

M. Gobé: Ah oui?

M. Rioux: ...apaiser ses passions.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rioux: C'est lui qui a dit, un jour... Parce que c'était un théoricien de l'amour – théoricien, j'ai bien dit, théoricien, parce que je ne voudrais jamais...

M. Gobé: Personne n'a mis en doute les mots que vous venez de dire.

M. Rioux: ...prononcer des propos qui entacheraient sa noble réputation. C'est lui qui avait dit, un jour: L'amour est spirituel jusque dans l'esprit et charnel jusque dans la chair. Ensuite, il s'est repris, il a dit: C'est plus que ça: l'amour est spirituel jusque dans la chair et charnel jusque dans l'esprit.

M. Gobé: C'est bon.

M. Rioux: Alors, ça termine le cours de philosophie pour ce soir.

M. Gobé: Oui, pour l'instant en tout cas, M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: Ceci étant dit, la CSST... Bon, les employeurs ne sont pas obligés... On va revenir à l'article 41, même si... On pourrait deviser longuement avec le ministre, on voit qu'il a une grande érudition, on découvre là un côté de sa personnalité qu'il semblait avoir remisé au placard depuis qu'il était ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: Je pense que c'est pour le plus grand bien de tout le monde, on va souhaiter qu'il continue comme ça.

Pour en revenir à l'article 41, M. le ministre, les employeurs peuvent refuser de se regrouper, mais, par contre, la CSST peut refuser, elle aussi, d'accepter un regroupement. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a là peut-être un peu d'arbitraire, qu'il y a place à l'arbitraire? Ce n'est pas dans le projet de loi, ce n'est pas dans l'article, mais on sous-entend que c'est ça qui peut arriver.

M. Shedleur (Pierre): Dans le fond, bien sûr, on veut se donner ce pouvoir-là pour éviter des situations un peu farfelues. Prenons un exemple: 30 dépanneurs de la Côte-Nord qui voudraient se regrouper avec 30 dépanneurs de ville de Laval. On sait que ça ne pourra pas marcher, ça. Donc, on sait que ça va être plein de problèmes en arrière de ça. Ça fait que là il faut donner des conditions de réussite, il faut que les gens soient peut-être d'une région. Mais ces facteurs-là, on ne les connaît pas. C'est juste pour éviter qu'ils nous soumettent des situations qu'on trouve qui n'ont pas de sens, là. Ou bien 45 dépanneurs de la Côte-Nord et quatre de Laval qui veulent se réunir, bien, ça ne marchera pas. Donc, c'est pour se donner... Et c'est sur une base contractuelle. C'est un contrat, donc il faut qu'on soit sûrs, nous autres, que ça a des chances de réussite.

M. Gobé: Je comprends très bien votre exemple, M. Shedleur, mais disons qu'il est un peu extrême.

M. Shedleur (Pierre): Oui.

M. Gobé: S'il y a un litige là, de gens qui veulent se regrouper et que vous n'êtes pas d'accord, les gens ne sont pas contents, c'est quoi, le mécanisme pour régler le litige? Vous dites: Non, puis on n'en parle plus, ou il y a un processus quelconque qui permet de la médiation, de la conciliation? Je sais que le ministre a été très fort là-dessus, sur le projet de loi n° 27, entre autres. Est-ce que vous avez prévu quelque chose?

M. Shedleur (Pierre): Compte tenu que c'est sur une base...

M. Gobé: Conciliation, médiation, pour essayer de trouver une entente, là.

M. Shedleur (Pierre): Bien sûr qu'avant de dire non on va faire ce genre de débat là sur le plan administratif, mais on ne veut pas donner de pouvoir de commencer à contester devant les tribunaux, parce que c'est sur une base contractuelle. Quand on veut faire une entente entre deux organisations ou entre deux individus, il faut que les deux soient d'accord, puis il y a des règles à suivre. Mais il n'y a rien qui peut être imposé, là. Il n'y a pas de compagnies d'assurances privées qui accepteraient ça également. La personne qui accepterait ça, il faut que ça ait des chances de réussite. Évidemment, on va, avec le patronat, déterminer des règles de fonctionnement, puis ça va être connu. Mais, si on voit que c'est quelque chose qui n'a pas de sens, on ne peut pas dire: On va donner suite.

M. Gobé: Mais le patronat, est-ce que vous ne demandez pas aussi aux représentants des travailleurs d'être consultés là-dessus?

M. Shedleur (Pierre): Bien, ça va dépendre.

M. Gobé: Parce qu'ils sont impliqués là-dedans, eux autres aussi, hein.

M. Shedleur (Pierre): Bien, ça dépend. Pas nécessairement. Ce n'est pas les syndicats qui signent les ententes avec la CSST, ce n'est pas eux autres qui paient.

M. Gobé: Non, mais ils vont vivre les conséquences. C'est que leurs travailleurs vont en vivre les conséquences, ou les bénéfiques ou les moins bien bénéfiques de ces regroupements.

M. Shedleur (Pierre): De toute façon, toute notre réglementation est faite avec les patrons puis les syndicats. Mais des fois on a les syndicats en majeur sur des dossiers, les employeurs sont en mineur. Et, à l'inverse, des fois les employeurs pour tout le financement sont en majeur, et les syndicats, des fois, sont un peu plus loin. Tout le monde est tout le temps consulté. Ça passe au C.A. de la CSST.

M. Gobé: O.K. Merci. Oui, M. le ministre peut...

M. Rioux: Ça va.

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce que l'article 41 est adopté?

M. Rioux: Adopté.

M. Gobé: Adopté.

M. Rioux: On l'accepte.

Le Président (M. Beaulne): Bon. Maintenant, nous passons au bloc 7.

M. Rioux: L'article 4.

Le Président (M. Beaulne): L'article 4.


Utilisation de l'expérience pour le calcul de la cotisation

M. Rioux: À l'article 4, M. le Président, lorsqu'une entreprise est achetée par un autre, il est primordial de permettre à l'acheteur, lorsque l'opération est intervenue, d'avoir accès aux dossiers que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle survenue chez le vendeur, puisque le coût de cette lésion sert à déterminer sa cotisation. C'est plein de gros bon sens.

Le Président (M. Beaulne): Ça a l'air à ça. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Gobé: L'article 4, c'est ça? J'ai reçu des recommandations sur la confidentialité, des questionnements sur la confidentialité, très importants, et, je dois le dire, ils viennent d'un organisme qui est assez spécialiste là-dedans: on parle du Service confédéral de santé, sécurité et environnement, de la CSN, qui m'ont sensibilisé au fait qu'ils se questionnaient quant à cet article en ce qui concerne la confidentialité du dossier des travailleurs. Je me demande si on ne devrait pas peut-être... qu'on ait un peu le temps – on a été sur d'autres plus techniques – assez rapidement, celui-là, pour essayer d'y trouver quelque chose qui ferait en sorte que le dossier ne soit pas ouvert à tout vent et à tout le monde. Et ce n'est même pas l'arbitraire, c'est quand même quelque chose qui touche la vie personnelle, qui peut qualifier ou disqualifier un travailleur. Alors...

Des voix: ...

Le Président (M. Beaulne): On va laisser terminer le...

M. Gobé: Oui, je pense que... on peut, on est interactif pas mal.

Le Président (M. Beaulne): Ah! vous avez terminé. Bon, allez. Allez-y.

M. Gobé: Moi, je n'ai pas de problème à ce qu'il intervienne quand il veut.

M. Rioux: M. le Président, moi, j'accède facilement à la demande du député. On va suspendre le 4, on le reprendra...

M. Gobé: Oui, quitte à faire un... O.K. D'accord.

M. Rioux: C'est ça.

Le Président (M. Beaulne): Nous suspendons l'article 4 et nous passons au bloc 8, avec l'article 5.

M. Rioux: M. le Président, je m'excuse, mais il faudrait peut-être envisager d'examiner l'article 28, qui est prévu au bloc 7.

Le Président (M. Beaulne): Ah oui! Excusez, c'est mon erreur.

M. Gobé: Voilà.

(23 heures)

Le Président (M. Beaulne): L'article 28.

M. Rioux: M. le Président, à l'article 28, si vous allez au chapitre Commentaires, au troisième paragraphe, on a l'explication: Lors d'un changement de propriété d'une entreprise, autrement que par vente d'actions ou par fusion, il n'est pas clair que la Commission puisse considérer l'expérience acquise par l'entreprise avant ce changement pour établir dorénavant sa cotisation. Alors, ce qui est embêtant, on n'ira pas punir quelqu'un qui travaille bien, on n'ira pas récompenser quelqu'un qui travaille mal. En tout cas, on ne peut pas prendre ce risque-là. Alors, c'est pour ça qu'on a une disposition qui nous permet d'être cohérent et logique avec notre démarche. On dit: Nous autres, on va récompenser ceux qui travaillent bien, ceux qui font de la prévention, qui respectent la loi, qui respectent les travailleurs. C'est pour ça qu'on a introduit ce genre de disposition.

M. Gobé: Oui. Lorsqu'on dit «autrement que par vente d'actions ou par fusion», c'est quoi les cas qui...

M. Rioux: L'achat d'actifs.

M. Gobé: L'achat d'actifs, faillite. À titre d'exemple, un hôtel qui fait faillite...

M. Rioux: Oui.

M. Gobé: ...qui dépose son bilan et qui recommence le surlendemain avec un nouveau nom, les mêmes employés à peu près ou...

M. Rioux: C'est un bel exemple.

M. Gobé: Mais est-ce que le fait de changer d'employeur ne peut pas aussi faire changer la philosophie de gestion et faire en sorte que le nouvel acquéreur dise: Bien, moi, là, j'ai moins l'intention de faire de la prévention. Vous comprenez ce que je veux dire? Et là augmenter le risque. Est-ce qu'on ne devrait pas peut-être mettre une probation, quelques mois, ou dire: Fais tes preuves, là. C'est un nouvel entrepreneur. Parce que l'ancien qu'il y avait auparavant...

C'est toujours une question, bien souvent, surtout dans les petites entreprises, de personnes, de propriétaire ou de gestionnaire. Il y a des gens qui ont une conscience sociale développée ou qui sont des gens responsables dans ces domaines-là et d'autres qui vont dire: Moi, je m'en fous, tout ce que je veux, c'est clencher pour faire le maximum d'argent parce que je me suis endetté, pour avoir des rendements ou des choses comme ça. Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de mettre une lumière rouge et de dire: Écoute, fais-nous tes preuves pendant tant de temps, tu es sous probation. Je ne sais pas.

M. Rioux: M. le Président, je trouve que la réponse est dans la question du député de LaFontaine. C'est que, si l'hôtel dont vous parliez change de propriétaire et que le nouveau propriétaire, il n'en fait pas, de la prévention, ça va paraître dans les résultats.

M. Gobé: Oui, mais on ne va pas attendre que les gens soient blessés...

M. Rioux: Attention!

M. Gobé: ...pour prendre...

M. Rioux: Attention! Vous savez que la CSST est assez active, assez mobile et assez vigilante. Si le nouveau propriétaire ne respecte pas l'esprit de la loi, ne respecte pas la lettre de la loi, vous savez ce qui lui arrive. Il ne sera pas récompensé bien fort, au contraire.

M. Gobé: Ça m'amène à peut-être faire une remarque aux membres de la commission ou au ministre. Je ne sais pas si mes chiffres sont encore exacts, mais, il y a quelques mois, quelques semaines, alors que je fouillais dans des dossiers, j'ai eu la surprise de découvrir qu'au Québec nous avions environ 500 gardes-chasses et seulement 300 inspecteurs de la CSST. Vous dites que la CSST ne restera pas aveugle. Est-ce que vous pensez que les effectifs de la CSST sont assez nombreux pour aller faire ce genre de prévention et intervenir avant qu'arrive un accident? Je ne mets pas en cause votre gestion, ça n'a rien à voir, ce n'est rien de personnel. C'est simplement, si on trouve normal qu'on ait 500 gardes-chasses au Québec et qu'on soit capable de les payer, ma foi, est-ce qu'on ne devrait pas, avec les arguments que vous venez d'amener, qui sont très bien, je n'en doute pas, augmenter nos inspecteurs à la CSST pour éviter d'être obligé d'être en réaction dans le cas de changement de propriétaire, où les gens deviennent moins préventifs ou moins attentionnés, et d'être obligé... d'avoir un accident ou une maladie, ou quelque chose à l'intérieur...

M. Rioux: M. le Président, je trouve que la question mérite une réponse. Je vais demander au président de la CSST de donner une réponse correcte à la question.

M. Shedleur (Pierre): Merci beaucoup. D'abord, je voudrais répondre à deux choses. Premièrement, l'article 28, ce qu'il vise, c'est à éviter, dans certaines situations, que des employeurs passent à côté de leur facture. S'ils avaient une mauvaise expérience, il faut que cette expérience-là suive, tout comme la bonne expérience. Or, actuellement il y a des situations où la bonne expérience ne suivrait pas. Alors, les gens sont frustrés, disent: Bien, il s'est fait des choses positives, on a mis de l'argent en prévention, on a repris nos travailleurs accidentés, puis notre bonne expérience n'est pas reconnue.

Pour la mauvaise expérience, c'est l'inverse. C'est presque une prime actuellement pour ceux qui ont une mauvaise expérience. En faisant ce genre de transaction là ils passent à côté de leurs coûts. Alors donc, l'article veut venir corriger cette situation-là envers les employeurs qui se comportent correctement et protéger les travailleurs.

Quant à la question des gardes-chasses, je l'ai entendue à quelques reprises. Alors, sur cette question-là – des fois, elle venait d'un autre côté, à une certaine époque – je peux vous dire que la CSST, depuis quelques années, a changé sa philosophie d'approche. D'abord, on a à peu près 225 inspecteurs, mais il ne faut pas regarder ça juste en termes d'inspecteurs. D'abord, la CSST paie 800 personnes dans le réseau de la santé pour intervenir en prévention. Ça, on l'oublie: 800 personnes qui interviennent en santé publique.

Deuxièmement, on a 225 préventionnistes, c'est pas mal plus que 500, là. On a 800 personnes dans le réseau de la santé, 225 inspecteurs, 225 en prévention. Mais on n'arrête pas là: on a les associations sectorielles paritaires, où on met 15 000 000 $ par année; on a l'Institut de recherche en santé et sécurité, où on met 16 000 000 $ par année. Tout ça va dans le sens d'améliorer la situation en termes de prévention au Québec.

Et c'est ce qui nous a amenés à revoir toute notre approche en prévention par trois mots clés qu'on a appelés: convaincre les employeurs que la prévention, c'est payant; reprendre leurs travailleurs qui ont une expérience – ça coûte plus cher, contrairement à ce qu'on pense, de prendre un nouveau travailleur, de le former, on est peut-être mieux, avec ceux qui sont déjà là, d'investir, les employeurs ont compris ça; un système de financement qui va être revu, qui avait déjà été revu, lors de la première phase, avec l'aide de votre gouvernement à l'époque – cette phase-là, bien, ça donne des incitatifs aux employeurs à investir en prévention; et c'est de les soutenir, parce que les entreprises font face à des situations difficiles: on a les associations sectorielles paritaires, on a l'Institut de recherche, on a nos ingénieurs en région – tout le monde travaille dans ce sens-là – et le réseau de la santé.

Donc, on peut dire, là, qu'il y a à peu près 1 250 personnes qui travaillent au Québec directement en prévention et inspection. Donc, c'est plus que 500. Et on en a aussi dans le réseau de la santé, que l'on paie, la CSST, au complet.

M. Rioux: Bien. Ça va, 28?

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 28 est adopté?

M. Gobé: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Nous passons maintenant au bloc 8. Il y a un seul article: l'article 5.

M. Rioux: Là on s'en va, M. le Président, du côté des dommages corporels, et on a un papillon là-dessus.

Le Président (M. Beaulne): L'article 5. Alors, M. le ministre, vous pouvez présenter votre amendement.

M. Rioux: Oui, c'est une petite erreur technique qu'il faut corriger, là. C'est que, en fait, si on lit bien, c'est éviter de revenir sur la base du 800 $ qui est indexé, soit dit en passant. Étant donné qu'avec la modification première il n'y avait plus de base, on corrige et on revient à la base de 800 $. Mme la Secrétaire, vous avez le texte?

La Secrétaire: Oui, ça va très bien.

M. Rioux: Très bien.

Le Président (M. Beaulne): M. le député, avez-vous des commentaires?

M. Gobé: Oui, juste terminer peut-être les notes explicatives.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Roberval, allez-y.

M. Laprise: Ça veut dire, à ce moment-là, que ça pourrait aller en haut de 800 $ ou bien si... Ça pourrait aller en haut de 800 $?

M. Rioux: Oui, c'est la base.

M. Laprise: C'est la base?

M. Rioux: Oui, le plancher, et c'est indexé.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Gobé: Adopté.

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 5, tel qu'amendé, est adopté?

M. Gobé: Adopté.

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Le bloc 9, c'est les articles 6 et 7.

M. Rioux: Voilà.

(23 h 10)

Le Président (M. Beaulne): L'article 6.


Remboursement des frais médicaux à la RAMQ

M. Rioux: Deux articles hautement techniques. L'article 6 vise à abroger l'article 197, en ce qui a trait à la RAMQ, et l'article 7 permet à la CSST de conclure des ententes avec la RAMQ. Aussi, forts de l'expérience que nous avons vécue à la CSST, on veut éviter dans l'avenir les conflits avec la RAMQ.

M. Gobé: On rentre dans le débat de la double cotisation, là, des employeurs à la CSST puis à la RAMQ, hein?

M. Rioux: Non.

M. Gobé: Ce n'est pas tout à fait le...

M. Rioux: Il ne faut pas mêler avec la Société de l'assurance automobile, là.

M. Gobé: Non, la RAMQ, la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Il y a double...

M. Rioux: Oui. M. le Président, je pense que ça vaut la peine qu'on explique ça.

M. Gobé: Oui, je pense que c'est... Je pense que les...

M. Shedleur (Pierre): Regardez...

Le Président (M. Beaulne): M. Shedleur?

M. Shedleur (Pierre): Oui?

Le Président (M. Beaulne): Allez-y.

M. Shedleur (Pierre): Merci, M. le Président. L'article 197, vous l'avez dans le cahier du ministre...

M. Gobé: Oui.

M. Shedleur (Pierre): ...là, l'article actuel qui prévoyait, et c'est marqué, de payer 5,4 % à la Régie pour les dossiers d'un jour. Il faut se rappeler que, quand il y a eu la loi 42, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, en 1985, il a été décidé que, lorsqu'il y avait un accident et pour la journée de l'accident, cette journée-là, la CSST rembourserait 5,4 % de tous ses frais médicaux à la RAMQ, pour rembourser la RAMQ pour les soins que recevraient les travailleurs pour cette journée-là.

Mais, de façon très pratique et administrative, on s'est rendu compte avec le temps que le 5,4 % ne correspondait pas nécessairement à la réalité, et il y a eu toutes sortes d'autres situations, l'assignation temporaire ou d'autres situations semblables, où la RAMQ disait: Bon, on devrait vous charger des sommes. Ou bien on disait, nous autres: Non, on n'a pas de dossier, puis vous nous chargez des sommes. Donc, il y a eu un imbroglio, si on peut dire, administratif. Pour éviter ça, après de longues discussions avec la RAMQ, on vient abroger l'article 6 et on introduit l'article 7, qui va nous permettre de faire une entente avec la RAMQ, une entente administrative, pour s'assurer que la CSST va payer ses coûts et qu'on va pouvoir les imputer aux employeurs dans leurs dossiers. Donc, c'est vraiment très administratif et très technique, là. Parce qu'il faut savoir, pour tout le monde, là, que la CSST paie tous les frais médicaux...

M. Gobé: C'est ça, la question que j'ai posée.

M. Shedleur (Pierre): ...reliés aux accidentés du travail. Ce n'est pas le régime universel.

M. Gobé: L'assurance-maladie.

M. Shedleur (Pierre): On passe par la RAMQ, parce qu'il y a juste une porte d'entrée pour les médecins, pour le remboursement, mais ça se fait avec entente avec le ministère de la Santé et des Services sociaux. Mais la CSST rembourse tous les frais pour les travailleurs accidentés au niveau frais médicaux.

M. Gobé: Vous êtes facturés directement?

M. Shedleur (Pierre): On passe par la RAMQ et on rembourse la RAMQ. C'est ça, ici. C'est pour éviter aux médecins d'avoir deux portes d'entrée, à ce moment-là.

M. Gobé: C'est combien d'argent par année, ça?

M. Shedleur (Pierre): À peu près 50 000 000 $ en hôpitaux et 25 000 000 $ en médecins.

M. Rioux: 75 000 000 $.

M. Shedleur (Pierre): Mais ça, on pourra vous donner le détail si vous voulez, il n'y a aucun problème. Avec le réseau de la santé, c'est à peu près 100 000 000 $.

M. Gobé: 100 000 000 $?

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Roberval.

M. Laprise: On rembourse entièrement tous les examens, les frais des médecins et les frais d'hôpital également...

M. Gobé: Oui.

M. Laprise: ...les frais de chambre, tout, tout?

M. Shedleur (Pierre): Jusqu'à la brosse à dent, monsieur.

M. Laprise: Eh bien!

M. Shedleur (Pierre): On paie tout. Tous les frais...

M. Laprise: C'est le traitement de première classe, hein.

M. Shedleur (Pierre): On paie tous les frais de médecins.

M. Laprise: O.K.

M. Rioux: M. le Président...

Le Président (M. Beaulne): Oui.

M. Rioux: ...est-ce que ça dispose de 6 et 7?

Le Président (M. Beaulne): Oui.

M. Gobé: Oui, absolument.

M. Rioux: Bien.

Le Président (M. Beaulne): Alors, l'article 6 et l'article 7 sont adoptés. Nous passons maintenant au bloc 10, l'imputation. Là, on retourne à l'article 35.


Règles entourant l'imputation des prestations

M. Rioux: Oui. On a un papillon, je pense, à l'article 35, si ma mémoire est bonne. Oui. On a un papillon à l'article 35.

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le ministre, présentez-nous l'amendement.

M. Rioux: Dans le cas de 35, c'est le cas où un tiers est impliqué dans un accident. L'employeur peut demander que les coûts ne soient pas portés à son dossier. Et ce que l'article prévoit, c'est qu'on lui fixe un délai pour présenter sa demande. C'est ça essentiellement.

M. Gobé: Là, dans les commentaires, c'est... Vous permettez, M. le ministre?

M. Rioux: Oui, oui, oui.

M. Gobé: M. le Président, pardon. C'est vous, le président, je m'excuse. Un tel régime permet à un employeur de payer à certaines conditions une cotisation qui reflète plus directement le coût des lésions professionnelles qui surviennent dans son entreprise et qui récompensent ses efforts en matière de prévention. Le coût est porté au compte de l'employeur, mais, si je comprends bien, on ne lui charge pas forcément la totalité. C'est ça?

M. Rioux: C'est ça.

M. Gobé: Qu'est-ce qui établit la différence, le barème, qu'on paie 100 %, ou 70 %, ou 80 %? Est-ce qu'il y a un barème, un règlement qui établit...

M. Rioux: M. Harvey.

M. Harvey (Clément): Vous parlez d'ici... En fait, comme on expliquait, le principe, c'est qu'on impute les coûts des réclamations à l'employeur, coûts qui vont servir éventuellement à établir sa cotisation.

M. Gobé: Prenons un exemple: ça coûte 10 000 $ ou 5 000 $.

M. Harvey (Clément): Bon, on impute ça dans le dossier de l'employeur. Maintenant, il pourrait arriver qu'un tiers, c'est-à-dire une personne étrangère à l'employeur, ait causé l'accident. Et là l'employeur, en vertu de la disposition actuelle, peut demander que ces coûts-là ne soient pas portés à son dossier, mais soient portés à un ensemble plus grand d'employeurs. Mais il n'y a pas de délai pour présenter une telle demande actuellement, de telle sorte qu'on reçoit des demandes dans des délais assez longs. Alors, là, il y a un délai qui est prévu, dans la modification proposée, où l'employeur aura un an à compter de l'accident pour présenter une demande à l'effet de lui enlever les coûts parce qu'un tiers est impliqué.

M. Rioux: Ça accélère.

M. Harvey (Clément): Demande qu'il devra faire par écrit et justifier.

M. Shedleur (Pierre): Je pourrais peut-être ajouter.

M. Gobé: Oui, allez-y.

M. Shedleur (Pierre): Dans le fond, ça protège encore plus les employeurs, parce qu'il n'y avait pas de délai, actuellement. Opérationnellement, on s'était donné des délais pour être équitable envers les employeurs. Et là, à l'inverse des règlements, des fois, qu'on vous demandait, pour protéger les emprunts et qu'il n'y ait aucune équivoque, on vient le mettre dans la loi, on met les délais. Comme vous pouvez le voir au troisième alinéa, tous les délais sont là.

M. Gobé: Question, en terminant, M. Shedleur: Ça les protège contre qui?

M. Shedleur (Pierre): Contre peut-être une administration qui ne voudrait pas y donner suite.

M. Gobé: O.K. Correct.

M. Shedleur (Pierre): On avait une politique interne qui avait été discutée avec eux, et ça, c'est le reflet de notre politique interne.

M. Rioux: Alors, le papillon, c'est juste un petit ajustement. Ça va?

M. Gobé: C'est ça. Le papillon, pas de problème.

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce que l'amendement à l'article 35 est adopté?

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 35, tel qu'amendé, est adopté?

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): L'article 36.

M. Rioux: M. le Président, l'article 36, c'est encore des délais, c'est encore une question de gérer plus serré, mais c'est pour les handicapés, cette fois-ci, bon, les personnes handicapées qui subissent des accidents. D'ailleurs, M. le Président, quand je suis allé à l'ouverture de la Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées, si le projet de loi avait été adopté, ça m'aurait fait plaisir d'informer les associations présentes qu'on avait bougé de ce côté-là, et elles auraient été très fières. Mais, aussitôt que le projet de loi sera adopté, on va acheminer tout ça, ces informations-là, à l'Office des personnes handicapées du Québec.

M. Gobé: M. le ministre, j'ai ouï dire que, lors de cette ouverture de la Semaine, vous aviez mentionné le rôle du député de LaFontaine, mais on n'a pas su me dire en quels termes. Est-ce que vous pourriez me le clarifier pour qu'il n'y ait pas de malentendu entre vous et moi quant aux propos que vous auriez pu tenir?

M. Rioux: Oui.

M. Gobé: Vous pouvez le faire hors micro, si vous voulez.

M. Rioux: Non, non. Lors de l'ouverture de la semaine de la personne handicapée, j'ai dit que nous avions des dispositions qui s'en venaient pour les personnes handicapées. Le député de Notre-Dame-de-Grâce était dans la salle. Je ne me souviens plus de son nom, c'est Copeman?

M. Gobé: Copeman.

M. Rioux: Copeman. J'ai salué sa présence et je lui ai dit: Vous informerez votre critique de l'opposition que ces dispositions-là, on aimerait bien les voir entrer en vigueur le plus tôt possible et qu'on va avoir besoin de son appui. C'est à peu près dans ces termes.

M. Gobé: C'est ça, c'est ce que l'on m'avait transmis. Aussi, il me fait plaisir d'accéder à cet article sans plus tarder.

Le Président (M. Beaulne): Et d'ailleurs, M. le député, je pense que le ministre, lorsque la situation va se présenter, pourra souligner l'excellente collaboration que nous avons reçue de votre part pour l'adoption rapide de ce projet de loi.

M. Rioux: En effet.

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce que l'article 36 est adopté?

M. Gobé: Adopté.

(23 h 20)

Le Président (M. Beaulne): L'article 37.

M. Rioux: Étant donné que c'est contesté parfois au plan juridique, l'article 37, c'est pour analyser et évaluer les coûts qui rentrent, définir tout ce qui rentre dans une lésion professionnelle.

M. Gobé: Si je comprends bien, maintenant, avec cet amendement-là, ce changement, la CSST va imputer à l'employeur le coût de l'examen? C'est ça?

Des voix: Oui.

M. Gobé: C'est excellent. Je partage tout à fait cette décision...

M. Rioux: Les coûts d'examen.

M. Gobé: ...et je pense que ça va faire plaisir à un grand nombre de travailleurs qui doivent supporter des coûts assez élevés. Je ne peux que souscrire à cela.

M. Rioux: Oui. Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 37 est adopté?

M. Gobé: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Adopté. Nous passons au bloc 11, le bloc de la vérification, avec l'article 38.


Vérification

M. Rioux: À l'article 38, M. le Président, nous allons distribuer un petit papillon...

Le Président (M. Beaulne): Ah bon, allons-y.

M. Rioux: ...afin de préciser le texte, et je demanderais au président de la CSST de donner les explications pertinentes.

Le Président (M. Beaulne): Oui, d'accord, allez-y.

M. Shedleur (Pierre): Merci, M. le Président. Actuellement, au niveau de notre loi, on n'a pas beaucoup de pouvoir au niveau de la vérification, et ce que l'on cherche à faire par cet article-là, c'est de se donner des pouvoirs de vérification, des pouvoirs raisonnables qui ont été discutés aussi avec la partie patronale. Et justement pour faire suite à des discussions avec eux, on propose des amendements ce soir. Mais c'est pour donner des pouvoirs de vérification à la CSST, pour être sûr que, lorsqu'on va dans les entreprises, on va avoir la collaboration des employeurs, on va avoir toute l'information et qu'on n'aura pas à prendre des moyens juridiques des fois pour rentrer dans ces entreprises-là. Alors donc, c'est les pouvoirs normaux qu'on rencontre dans plusieurs autres organismes et auxquels les employeurs ont donné leur accord.

M. Rioux: Pour faciliter le travail de la CSST.

Le Président (M. Beaulne): D'accord.

M. Gobé: J'aimerais peut-être faire valoir au ministre que j'ai reçu copie d'une communication qui lui était adressée en date du 25 novembre par le Conseil du patronat du Québec et qui fait certains commentaires quant à ces articles. J'aimerais savoir s'il en a pris connaissance.

M. Rioux: M. le Président...

M. Gobé: Est-ce qu'il en a pris connaissance?

M. Rioux: M. le Président, oui, j'ai reçu cette communication du Conseil du patronat du Québec, et d'ailleurs nous en avons tenu compte, ça se reflète dans l'amendement.

M. Gobé: Très bien, merci. C'est simplement pour donner suite à la correspondance que j'ai reçue, et, comme je m'y étais engagé, pour savoir si vous en aviez pris connaissance et si cela avait pu influencer votre réflexion et celle de M. Shedleur.

M. Rioux: Sans problème. L'article 48.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'amendement à l'article 38 est adopté?

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 38, tel qu'amendé, est adopté?

M. Rioux: Adopté.

M. Gobé: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Nous passons à l'article 47.

M. Rioux: C'est un simple article de concordance avec 38. Article de concordance avec 38.

M. Gobé: L'article 47.

Le Président (M. Beaulne): L'article 47, M. le député?

M. Gobé: O.K., adopté.

Le Président (M. Beaulne): Adopté. L'article 47, adopté.

M. Rioux: L'article 48.

Le Président (M. Beaulne): L'article 48.


Composition du conseil d'administration de la CSST

M. Rioux: C'est la composition du conseil de la CSST. Il n'y a rien de spécial à dire là-dessus.

Le Président (M. Beaulne): M. le député.

M. Gobé: Peut-être que non, vous avez raison, c'est assez usuel, mais juste dire que vous avez des recommandations qui sont faites, puis vous nommez. Qui fait les recommandations?

M. Rioux: Les partenaires.

M. Gobé: Vous en nommez deux, il y a plus que deux partenaires.

M. Rioux: D'abord, c'est un organisme paritaire – il faut bien se comprendre là – et on a au sein de la CSST le pluralisme syndical. Dans l'état actuel des choses, il y a un monopole patronal. Jusqu'à maintenant, ce que j'ai pu constater, moi, lorsque je les ai rencontrés, c'est que la situation actuelle fait leur affaire. Si on décide d'élargir, ça nous complique l'existence un peu.

M. Gobé: C'est parce que, M. le ministre, je vois qu'on remplace votre nom... pas votre nom mais votre fonction par «président du Conseil du trésor». Moi, je m'inquiéterais. À voir cette disposition, je suis absolument assuré que ce n'est pas vous qui avez amené ça. Je vous connais. Même si on peut avoir des différends entre vous et moi, j'ai beaucoup de réticence à penser que vous ayez pu céder cette responsabilité que vous avez, comme ministre du Travail responsable de l'administration de cette loi, au président du Conseil du trésor. Pourriez-vous me dire c'est quoi, la raison qui vous met dans cette position, à savoir, prononcer votre propre exécution, votre propre évitement dans ce dossier? Et, sans être obséquieux ni...

M. Rioux: C'est que le Conseil du trésor a manifesté son intérêt à être présent au conseil de la CSST. Ce que nous avons consenti à faire, c'est de lui confier et de lui donner un rôle d'observateur, au Conseil du trésor. Mais le ministre responsable de la CSST, c'est le ministre du Travail, ce n'est pas le président du Conseil du trésor. Et ça, là-dessus, il faut être bien clair.

Le ministère du Travail, jusqu'à ce jour, a eu aussi un observateur à la CSST, tout comme le ministère de la Santé et des Services sociaux, c'est un peu normal. Étant donné que le ministère du Travail est responsable, bien ça nous prenait un observateur. Alors, le Conseil du trésor, qui se définit comme un employeur important, voulait être présent là comme observateur.

M. Gobé: D'accord. Je comprends très bien ce que M. le ministre veut nous dire. Bon, je pourrais peut-être argumenter plus là-dessus; je vous dirai après quelle pourrait être ma position. On va y revenir avant d'adopter l'article. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, à ce moment-là, de prévoir la nomination à titre d'observateur d'un représentant – encore là, on reprend le même débat que lors des précédentes lois – du monde non organisé, des travailleurs non organisés? On sait qu'il y a à peu près 1 600 000 travailleurs non organisés. Je ne sais pas si vous avez compris?

M. Rioux: M. le Président, je pense que, là-dessus, il faut se comprendre: le Conseil du trésor veut être présent comme observateur à la CSST. Ce qu'il veut, c'est d'avoir le pouvoir de le nommer, c'est ça qu'il faut comprendre. Le Conseil du trésor n'est pas autour de la table comme employeur, comprenons-nous bien, il n'est pas partie prenante des décisions.

M. Gobé: Vous avez dit que, comme employeur, il a un droit de regard au départ. Mais je préfère que vous remettiez ça...

M. Rioux: Remettre ça en perspective. C'est-à-dire, il a un intérêt à être présent là comme employeur, comme le ministère de la Santé et des Services sociaux a intérêt à être là parce qu'il y a une problématique de santé à la CSST, et le ministère du Travail a le même intérêt, M. le Président. Et généralement, moi, je suis représenté d'abord par le président et le vice-président de la CSST, qui relèvent du ministre.

M. Gobé: Pendant que vous étiez en train de vérifier ce que vous aviez précédemment dit, j'avais commencé à parler, mais j'ai arrêté parce que je pensais que j'étais mieux d'attendre que vous écoutiez. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de nommer un représentant des travailleurs non organisés comme observateur à ce conseil-là? Il y a 1 500 000, 1 600 000 travailleurs qui sont ni syndiqués, enfin, ni organisés, et puis ils ne sont pas là, et puis ils sont très nombreux. Et, si le Trésor trouve juste pour lui d'avoir un représentant pour «checker» la caisse, ou je ne sais pas ce qu'il veut faire là... En tout cas, le Trésor, c'est l'argent, c'est le contrôle. Est-ce qu'on ne devrait pas, ou vous ne pourriez pas, vous, M. le ministre, faire une ouverture pour contrecarrer ça un peu, je ne sais pas, d'un représentant de ces travailleurs? Encore là, on fait le même débat qu'on a fait au printemps sur d'autres projets de loi: Comment allons-nous le nommer? D'où il va venir? Il y a peut-être des mécanismes qui peuvent exister. Mais est-ce que ça ne serait pas peut-être logique pour ces gens-là, pour ces groupes-là, d'avoir – l'économie sociale, tout ce monde-là – un représentant, une représentante au conseil d'administration à titre d'observateur? C'est une suggestion que je vous fais.

(23 h 30)

M. Rioux: M. le Président, je prends bonne note des suggestions du député de LaFontaine. Mais, étant donné que l'économie sociale, ce n'est pas encore en place et que ce n'est pas décollé pour vrai, je ne sais pas si ça serait sage de dire: Oui, on embarque là-dedans. Je prends bonne note, par exemple, de la suggestion, et on l'examinera au mérite.

M. Gobé: C'est parce que là on vous enlève le droit d'en nommer un. Ça fait que, moi, je ne mets pas en doute votre bonne foi là-dessus, loin de moi de la mettre en doute, sauf que vous n'avez plus le droit de nommer d'observateur à partir du moment où on va adopter cet article, quand même que, dans votre for intérieur, vous désireriez le faire.

M. Rioux: C'est-à-dire que le ministre...

M. Gobé: Et je crois qu'un jour que vous aimeriez le faire vous ne pourriez plus à moins qu'on recommence à réamender la loi. Et là vous savez comme moi, M. le ministre, qu'il va falloir que vous passiez au Trésor, au Conseil des ministres, les comités sectoriels, et puis tout ça, et que vous aurez peut-être des gens du Trésor ou d'autres qui vont s'y opposer, ou du patronat ou d'ailleurs, vous allez avoir des pressions énormes peut-être, ou le temps nous manquera.

M. Rioux: M. le Président, dans un débat comme celui-là, étant donné qu'autour de la table de la Commission il y a des représentants syndicaux et patronaux – c'est ce qui est prévu à la loi – même pour l'entrée d'observateurs, on a jugé bon de les consulter. On a jugé bon de les consulter. Je pourrais difficilement, ce soir, décider d'amener un observateur des travailleurs non organisés ou des travailleuses non organisées sans consulter les partenaires syndicaux et patronaux. Mais je prends bonne note de la suggestion.

M. Gobé: O.K. Sur ce, j'aimerais qu'on passe à l'adoption de l'article 48. Malheureusement, je me mets en dissidence sur cet article pour la raison suivante: c'est que le Trésor fait en sorte d'éliminer le ministre du Travail. Le ministre du Travail a une vocation de défendre les travailleurs, de les représenter, d'être leur porte-parole par ses représentants, et là on l'élimine totalement. Je trouve que c'est un recul. Je n'impute pas ça au ministre, loin de moi. Je suis certain que, s'il avait eu le choix, il ne l'aurait pas fait. Je le déplore et je regrette aussi qu'il ne pourra pas, à moins d'amender la loi pour plus tard, nommer un représentant des milieux non organisés. Mais je prends pour acquis que, s'il pouvait le faire, il le ferait. Et, sans vouloir faire perdurer le débat, faire des amendements et toutes sortes de choses, je comprends la situation, mais, sur cet article-là, malheureusement nous allons voter contre.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de La Peltrie.

M. Gobé: Ah! Bien, je pensais qu'on aurait pris le vote.

M. Côté: Moi, ma compréhension, M. le Président...

Le Président (M. Beaulne): Bien, je vous avais demandé...

M. Côté: D'abord, il y a 336 qui continue à désigner... Le gouvernement désigne un ministre qui est responsable de l'application de la présente loi. Donc, si ce n'est pas modifié, cet article-là, le ministre du Travail demeure le responsable de l'application de la loi.

Des voix: ...

M. Côté: M. le ministre, selon 336, vous demeurez responsable de l'application de la loi.

M. Rioux: Absolument.

M. Côté: Donc, c'est seulement au niveau de 145, où la nomination de... l'observateur va être nommé par... serait nommé par le président du Conseil du trésor plutôt que par le ministre responsable.

M. Rioux: ...plutôt que par le ministre du Travail, c'est ça.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de La Peltrie, j'avais la même question.

M. Côté: Alors, étant donné que 336 ne me semble pas avoir à être modifié, donc le ministre du Travail demeure le ministre responsable de l'application de la loi.

M. Rioux: Absolument.

Le Président (M. Beaulne): Alors, compte tenu des dissidences exprimées par le député de LaFontaine, je vais mettre l'article 48 au vote.

La Secrétaire: M. Rioux (Matane)?

M. Gobé: Non, pas vote nominal, je n'ai pas demandé un vote nominal.

Le Président (M. Beaulne): Vous ne voulez pas de vote nominal?

M. Gobé: Non, non, appelez-le simplement, puis on va dire si on est pour ou contre. Je ne veux pas faire perdre de temps pour rien.

Le Président (M. Beaulne): Bon. Alors, est-ce que l'article 48...

M. Rioux: Monsieur...

Le Président (M. Beaulne): Oui.

M. Rioux: M. le Président, moi, j'aimerais avoir deux minutes de caucus.

Le Président (M. Beaulne): Bon, je suspends pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 23 h 36)

(Reprise à 23 h 37)

Le Président (M. Beaulne): Nous allons reprendre.

M. Rioux: L'article 48.

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le ministre.

M. Rioux: Adopté.

M. Gobé: Sur division.

Le Président (M. Beaulne): Sur division.

M. Rioux: Sur division. Très bien.

Le Président (M. Beaulne): L'article 49.

M. Rioux: Ça, c'est un article rattaché à l'inspection. Ça nous donne le pouvoir de faire des ententes avec la CSST. C'est ce qui est voulu par les employeurs, c'est voulu par les syndicats, alors ce n'est pas un article qui est très compliqué.

M. Gobé: O.K.

Le Président (M. Beaulne): Adopté?

M. Gobé: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Adopté. Nous passons...

M. Rioux: Dispositions transitoires.

Le Président (M. Beaulne): Oui, au 14e bloc. L'article 50.


Dispositions diverses et transitoires

M. Rioux: M. le Président, peu de choses à dire, si ce n'est que le deuxième paragraphe des commentaires: Le présent article prévoit que les anciennes règles touchant l'intérêt, les articles 308, 309, 314.1, 315, 319, 320, 323, 364 de même que les règlements pertinents subsisteront aux fins de déterminer les intérêts jusqu'à la date de l'entrée en vigueur de l'article 34. C'est pour éviter la rétroactivité, un des règlements qui s'en viennent.

M. Gobé: On va revenir après, à 51, avec ça.

Le Président (M. Beaulne): Alors, l'article 50 est adopté?

M. Gobé: Oui.

Le Président (M. Beaulne): L'article 51.

M. Gobé: Là, on arrive pour... question de la rétroactivité.

M. Rioux: Actuellement, la Commission considère qu'elle n'est pas légalement tenue de payer les intérêts lorsqu'elle calcule de nouveau la cotisation de l'employeur à la suite d'une telle modification – on parle des modifications qui sont apportées. Alors, certains employeurs contestent cette interprétation de la Commission. De plus, il s'avérerait en pratique extrêmement difficile, voire impossible, de calculer le montant. Là, on se donne des moyens pour le faire. Alors, ça viendrait préciser qu'aucun intérêt n'est payable à l'employeur si le remboursement auquel il a droit résulte de corrections du coût des prestations portées à son dossier.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine, avez-vous des commentaires sur l'article 51?

(Consultation)

M. Gobé: M. le ministre...

M. Rioux: Il n'y a pas de papillon à 51.

(23 h 40)

M. Gobé: Non. Mais il y a un paragraphe des commentaires sur lequel je souhaiterais peut-être élaborer un peu plus: Il arrive que le coût des lésions inscrit au compte de l'employeur soit modifié à la baisse et donne lieu, en conséquence, à un remboursement de cotisations. Ces modifications aux déboursés portés au compte de l'employeur peuvent faire suite à des demandes d'imputation du coût de la lésion présentées en vertu des articles 326 et 329. Elles peuvent aussi faire suite à des décisions des bureaux de révision ou de la Commission d'appel qui viennent affecter à la baisse le coût des prestations reliées aux lésions professionnelles. Exemple: période de consolidation des lésions moindre que celle initialement fixée et donnant droit à une indemnité de remplacement pendant une plus courte période.

Est-ce que ça n'explique pas, ça ne peut pas expliquer, à l'occasion – puis on va y revenir dans 79 – l'empressement que peuvent avoir certains employeurs à contester, à essayer de faire baisser les prestations qui sont versées, et est-ce qu'on ne se met pas là dans une position un peu de conflit ou de confrontation quasiment obligatoire?

M. Rioux: Alors, M. Shedleur.

M. Shedleur (Pierre): Juste pour réexpliquer; c'est très technique, l'article 51. C'est que, dans des cas de lésions professionnelles, il peut arriver des fois qu'on a pu avoir imputé une somme à l'employeur et, après vérification, différentes vérifications, on peut baisser cette somme-là ou bien la hausser. Et ça, évidemment, ça peut amener des jeux de coûts imputés à l'employeur et, par la suite, ça pourrait avoir un effet, mettons, de dire: Si on calculait les intérêts, comment on calculerait, là. C'est ça. C'est impossible administrativement de faire ça, parce que ce n'est pas comme le régime rétrospectif. Au régime rétrospectif, on ramène les coûts tout en valeur présente à une date précise et on fait les calculs. Dans ce cas-là, c'est impossible administrativement. On ne l'a jamais fait. Les employeurs sont d'accord. Ca serait une plomberie administrative épouvantable, Donc, on veut juste, par cet article-là, s'assurer que légalement il n'y aura pas de poursuite.

M. Gobé: O.K. Mais, dans cet article-là, il était question... Je sais que le Conseil du patronat a envoyé au ministre des recommandations aussi...

M. Shedleur (Pierre): Tout est réglé.

M. Gobé: ...ou des commentaires en ce qui concerne la rétroactivité.

M. Shedleur (Pierre): Tout est réglé, M. Gobé. On les a rencontrés, ils sont d'accord avec nos explications.

M. Gobé: Ils sont d'accord, donc...

M. Shedleur (Pierre): Il n'y a pas d'effet rétroactif. Regardez, il faut nuancer ce que le patronat appelle «rétroactif»...

M. Gobé: C'est ça, oui, parce que, là, on ne parle peut-être pas des mêmes mots...

M. Shedleur (Pierre): C'est ça, exactement.

M. Gobé: ...ou de la même signification des mots.

M. Shedleur (Pierre): Regardez, ce qu'on dit, nous, à partir d'aujourd'hui, quand le projet a été déposé, c'est ce qui est marqué: «...(indiquer ici la date de la présentation du présent projet de loi)», l'article qui s'applique. Or, avant, s'il y avait, je dirais, des poursuites devant les tribunaux administratifs... Les gens conservent leurs droits, mettons, et, si jamais ça nous coûtait de quoi, bien, on va payer. Donc, on n'a enlevé aucun droit à la personne. Donc, il n'y a pas de rétroactivité au sens, au terme de «rétroactivité» où on enlève des droits. S'il y en a qui avaient contesté, on va respecter ça. Donc, d'ailleurs, à la suite de ces explications-là, le patronat était satisfait.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Shedleur.

M. Gobé: C'est le sens que vous avez compris des recommandations du patronat.

M. Shedleur (Pierre): Oui, on les a rencontrés d'ailleurs.

M. Gobé: O.K. Est-ce que ça, cette chose-là, a un effet négatif pour le travailleur accidenté?

M. Shedleur (Pierre): Aucun.

M. Gobé: Vous pouvez nous garantir ça?

M. Shedleur (Pierre): Je vous le garantis. Ça, ça a un effet juste sur la cotisation des employeurs, pour s'assurer qu'il n'y ait pas de poursuite par rapport... Ça n'a aucun effet... Et d'ailleurs vous allez retrouver cette indication-là, de présentation du projet de loi, dans presque tous les articles qui vont suivre. Donc, la rétroactivité au sens qu'on a parlé, on ne s'entendait pas, vous avez parfaitement raison, sur le mot...

M. Gobé: C'est ça, ce n'était pas la même signification.

M. Shedleur (Pierre): Exactement, on a réglé ça avec le patronat.

M. Gobé: O.K. Adopté.

Le Président (M. Beaulne): L'article 51, adopté. L'article 52.

M. Shedleur (Pierre): L'article 51.1.

M. Rioux: M. le Président...

Le Président (M. Beaulne): Oui.

M. Rioux: ...on aimerait déposer un article 51.1...

Le Président (M. Beaulne): Oui.

M. Gobé: Est-ce qu'on peut l'avoir?

Le Président (M. Beaulne): L'avez-vous?

M. Rioux: Est-ce qu'on l'a distribué aux députés?

M. Gobé: Non, je ne l'ai pas eu encore.

Des voix: Non, non.

Le Président (M. Beaulne): Ni à nous.

Une voix: ...

M. Rioux: Ah oui! c'est vrai. On pourrait faire ça à la fin, c'est un pouvoir réglementaire.

Le Président (M. Beaulne): Bon. Alors, 52.

Une voix: On oublie ça, 51 est fait.

Le Président (M. Beaulne): L'article 52.

M. Gobé: On suspend 51... Bien, on adopte 51, on reviendra avec 51.1.

Le Président (M. Beaulne): Oui. Il y a deux autres articles à la fin. L'article 52.

M. Gobé: Là, on parle encore...

M. Rioux: À l'article 52, il faut tenir compte des coûts des lésions professionnelles dans la cotisation des employés.

M. Gobé: C'est ça.

M. Rioux: Dans le calcul de la cotisation de l'employeur, on tient compte des coûts des lésions professionnelles pour les fins du calcul. Elle utilise les déboursés effectués en rapport avec une lésion professionnelle durant la période de trois ans, c'est-à-dire durant l'année de lésion et les deux années suivantes.

M. Harvey (Clément): Pour préciser, en fait, ce qu'il y a dans les règlements de la Commission.

M. Rioux: C'est ce qu'il y a dans les règlements. C'est ça.

Une voix: Relativement...

M. Harvey (Clément): Bien, ça vise le taux personnalisé puis le régime rétrospectif. Celui-là, c'est le taux personnalisé. Ça vise à toutes fins pratiques à confirmer une...

M. Côté: Alors, ce n'était pas dans la loi... Excusez-moi, M. le Président.

M. Gobé: ...comme M. Shedleur nous l'a expliqué. C'est ça?

M. Rioux: Oui.

M. Gobé: Rétroactivité, toujours le même principe.

M. Rioux: C'est ça.

Une voix: Oui.

M. Gobé: O.K.

Le Président (M. Beaulne): Adopté. L'article 52, adopté. L'article 58.

(Consultation)

Le Président (M. Beaulne): Ah bon! l'article 53.

M. Rioux: L'article 53, c'est la même chose que 52, mais ça s'applique au régime rétrospectif. Mais il y a un papillon.

M. Gobé: Il y a un papillon, c'est ça.

M. Rioux: Pour la version anglaise.

Une voix: C'est juste une question de mots.

M. Rioux: Remplacer «following two» par les mots «two following».

Le Président (M. Beaulne): C'est un amendement à la version anglaise?

M. Rioux: Oui.

M. Gobé: Et on ne l'a pas.

Le Président (M. Beaulne): Mais on ne l'a pas, en tout cas... Oui, on l'a.

M. Rioux: On va y aller sur la foi...

Une voix: Vous l'avez.

M. Gobé: O.K.

M. Rioux: Ça va?

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce que l'article 53, tel qu'amendé dans sa version anglaise, est adopté?

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): On passe maintenant à l'article 54.

M. Rioux: C'est la même chose, M. le Président, mais c'est pour le régime mérite-démérite.

M. Gobé: C'est-à-dire?

M. Rioux: C'est un autre système de cotisation, c'est une autre façon de procéder.

Le Président (M. Beaulne): M. Shedleur.

M. Shedleur (Pierre): Peut-être un peu de précision.

M. Gobé: Oui, parce que je vois des collègues qui...

M. Shedleur (Pierre): C'est un régime qui existait avant le nouveau régime de tarification de 1990 – ça fait qu'on retourne pas mal en arrière – qui est un régime qui s'apparentait, disons, au régime rétrospectif, mais c'est un vieux régime.

M. Gobé: Et on l'a changé.

M. Shedleur (Pierre): Complètement. Il n'existe plus, mais il reste des coûts rattachés à ce régime-là, puis c'est des employeurs... c'est des gros employeurs qui sont à toutes fins utiles au régime rétrospectif, en général.

M. Gobé: ...des tarifs spéciaux ou des programmes spéciaux? C'est quoi, le...

M. Shedleur (Pierre): C'est un peu le même principe que le régime rétrospectif et un peu le taux personnalisé, c'est un régime entre les deux, puis on avait le même problème par rapport à la question de la période où on impute les coûts. Il n'est pas terminé parce que c'est un régime qui était sur six années. C'est pour ça.

M. Gobé: Avec votre permission, M. le ministre, j'aimerais poser une question à M. Shedleur sur une situation qui est arrivée il y a quelques années dans l'industrie pétrolière à Montréal. Peut-être que vous allez pouvoir nous éclairer, ou peut-être vous, M. Harvey.

On se rappellera que, lorsque la raffinerie Gulf avait fermé, nous avions recédé à une compagnie qui s'est formée avec les gens de chez Lavalin, qui s'appelait Kemtec, qui reprenait un certain nombre d'installations. Si mes souvenirs sont exacts, nous avions baissé le taux de cotisation à la CSST d'un montant très important par rapport au taux des raffineries voisines. Est-ce que c'est en vertu de ce programme-là?

M. Shedleur (Pierre): Non. C'est probablement en vertu du régime rétrospectif, parce que c'est arrivé après 1990, je pense, cette transaction-là.

M. Gobé: Non, c'est avant 1990, c'était en 1987, 1988.

M. Shedleur (Pierre): D'abord, c'est le mérite-démérite.

M. Gobé: C'est le mérite-démérite?

M. Shedleur (Pierre): Oui. Mais le mérite-démérite, il a été substitué par le régime rétrospectif en grande partie, mais pas complètement, parce que là, maintenant, on a trois systèmes, puis il peut y avoir des jeux mixtes là. Mais, pour une grande entreprise comme celle dont vous parliez, il serait dans le régime rétrospectif.

M. Gobé: Mais ce régime...

M. Shedleur (Pierre): Il permet la même chose, là.

M. Gobé: Je veux dire, il permet...

M. Shedleur (Pierre): Puis il est plus performant encore.

M. Gobé: Il est plus performant dans quel sens?

M. Shedleur (Pierre): Dans le sens que, si vous avez, mettons, dans le cas dont vous parliez tantôt... si les gens s'occupent de prévention, s'occupent de retour au travail, leur cotisation peut baisser beaucoup, encore plus que dans le mérite-démérite.

M. Gobé: Mais là, avec le taux d'entreprises semblables qui pourraient se regrouper, est-ce qu'on pourrait encore faire un taux particulier pour Kemtec, on va dire, par rapport à Esso tout à côté, ou Petro-Canada?

M. Shedleur (Pierre): Ah oui! Le régime rétrospectif, c'est...

M. Gobé: Ou est-ce qu'on sera obligé de les mettre tous dans le même...

M. Shedleur (Pierre): Ils y vont par entreprise. Ils ne se mettront jamais plusieurs entreprises différentes ensemble. Probablement que c'est des grandes entreprises, puis elles préfèrent rester seules, parce qu'elles ont les moyens financiers, le management, puis pour différentes raisons, elles n'accepteront jamais. Eux tombent automatiquement au régime rétrospectif. Ils sont très satisfaits de ça d'ailleurs.

M. Gobé: Mais pourquoi on n'annule pas ce régime-là pour mettre tout le monde dans le rétrospectif?

(23 h 50)

M. Shedleur (Pierre): Bien, c'est parce qu'ils en ont pour six ans avant de mourir. C'est que c'est un régime qui avait des règles de six années, et c'est pour ça qu'on avait fait la phase I, la tarification applicable en 1990, mais en 1989, justement pour réduire ça à trois années.

M. Gobé: O.K.

M. Rioux: Ça va?

M. Gobé: Merci.

Le Président (M. Beaulne): L'article 54, adopté?

M. Gobé: Oui.

Le Président (M. Beaulne): Adopté. L'article 55.

M. Rioux: Je pense que le commentaire est clair à 55. Le commentaire est d'une limpidité, là: éviter les problèmes administratifs majeurs. Ça permet l'application de 52, 53, 54. Ça va?

M. Gobé: Oui, ça va.

M. Rioux: Ça va.

Le Président (M. Beaulne): Ça va? L'article 55, adopté.

M. Gobé: C'est toujours pas de portée rétroactive.

Le Président (M. Beaulne): L'article 56.

M. Rioux: On a un papillon à 56, M. le Président, qui sera distribué. On modifie l'article 56 par l'insertion, à la deuxième ligne et après le mot «employeur», des mots «qu'ils rendent disponibles». Alors, tout l'article 56, au fond, trouve sa signification dans le deuxième paragraphe: Cette réforme doit nécessairement être précédée d'une vaste cueillette de données qui serviront à déterminer l'expérience des employeurs de la construction et qui permettront d'établir les taux de cotisation applicables aux nouvelles unités de classification qui seront créées.

M. Gobé: Est-ce que là on peut parler des nouvelles industries, comme la domotique, la robotique, et autres? On parle de nouvelles unités qui seront créées.

M. Rioux: Oui.

M. Shedleur (Pierre): Oui, peut-être pour compléter. C'est que tantôt on a adopté des articles pour revoir le système de classification, O.K.? Et là, pour revoir le système de classification, pour avoir des taux adéquats pour les prochaines unités, il nous faut aller chercher l'information chez les employeurs. Cet article-là nous donne le pouvoir, en fin de compte, d'aller chercher ces données-là...

M. Rioux: Toute l'information.

M. Shedleur (Pierre): ...pour ne pas avoir d'entrave là, qu'il y ait un mot d'ordre qui se donnerait, où des gens... qu'on ne pourrait pas faire notre travail adéquatement et refaire des calculs pour être équitables envers les employeurs.

M. Rioux: Et ce, quelle que soit la nature du chantier ou de l'entreprise.

M. Shedleur (Pierre): Oui, et ça pourra s'appliquer à ce que vous disiez, dans le sens que, dans la révision de notre classification, ça peut toucher les nouvelles industries, et, si on veut avoir des taux adéquats, il faut aller chercher l'information pour créer, pour ces nouvelles industries là, des taux qui leur conviennent.

M. Gobé: Il y a peut-être une petite question, peut-être pour les membres de la commission qui seraient intéressés. Comment vous créez une unité? Comment vous faites? Vous partez de quoi? C'est quoi, les critères? C'est quoi, la norme? On parle beaucoup d'unités, et tout ça, c'est un mot un peu impersonnel, informel... Bien, il peut être très formel, mais aussi, il peut être très large. Comment vous faites pour faire une nouvelle unité...

M. Shedleur (Pierre): Bien, en gros, il y a un certain nombre de critères que...

M. Gobé: ...du début?

M. Shedleur (Pierre): Les actuaires pourraient vous expliquer ça.

M. Gobé: Donnez-nous un exemple concret d'une industrie.

M. Shedleur (Pierre): Bien, dans le fond, il y a des points comme l'homogénéité.

M. Gobé: Le monde qui nous écoute, il aime ça qu'on parle clairement, vous savez, simplement, des fois.

M. Shedleur (Pierre): D'abord, il faut qu'ils soient homogènes. On vise une homogénéité au niveau de ces entreprises-là pour aller chercher des risques similaires. Actuellement, plus les gens sont homogènes, plus les entreprises sont homogènes, on risque d'assurer les mêmes risques. Donc, l'homogénéité, c'est un facteur important de regroupement d'entreprises. Après ça, il faut avoir une masse critique. Vous pouvez être très homogènes, mais la masse salariale étant insuffisante, vous ne pouvez pas calculer des taux, sinon, dès qu'il y aura un accident important, bien, les taux seraient trop volatiles. C'est plus dans cette direction-là.

Alors donc, à ce moment-là, c'est l'homogénéité, je vous dirais, qui est le critère important. Le deuxième, c'est d'avoir une masse critique salariale où on peut s'assurer qu'il n'y aura pas trop de fluctuation de taux d'une année à l'autre.

M. Gobé: S'ils sont homogènes, mais qu'ils n'ont pas la masse salariale critique, qu'est-ce que vous faites?

M. Shedleur (Pierre): Bien, on fait des analyses. À un moment donné, il faut trouver, je dirais...

M. Gobé: Vous avez un problème.

M. Shedleur (Pierre): ...une unité d'accueil. Donc, ça veut dire que, nous autres, dans notre jargon, on a des cas «vert», «jaune» et «rouge»: «vert», c'est clair, c'est très homogène; «jaune», il peut y avoir quelques petits problèmes; «rouge», il faut trouver, je dirais, des unités d'accueil puis essayer de faire le meilleur mix possible, se trouver une place pour y faire un taux.

M. Gobé: O.K. Merci, ça me va.

M. Rioux: Ça va?

M. Gobé: Oui.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'amendement à l'article 56 est adopté?

M. Rioux: Adopté.

M. Gobé: Oui.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 56, tel qu'amendé, est adopté?

M. Gobé: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Bon. L'article 57. Oui, il nous reste encore quelques minutes.

M. Gobé: Vous devez demander le consentement à cette heure-ci.

Le Président (M. Beaulne): Oui, bien...

M. Gobé: Vous pouvez le demander.

Le Président (M. Beaulne): Oui?

Une voix: Consentement?

M. Gobé: Demandez-le. C'est le règlement, il faut suivre le règlement.

Le Président (M. Beaulne): Pour?

Une voix: C'est à minuit.

M. Gobé: Ah! c'est à minuit qu'on fait ça?

Une voix: C'est à minuit juste.

Le Président (M. Beaulne): Oui, il n'est pas encore minuit, là.

M. Rioux: Il n'est pas minuit.

Une voix: Il est 23 h 50...

Le Président (M. Beaulne): Non, non, il est...

M. Gobé: Ah! excusez-moi. À ma montre, ce n'est pas la bonne heure.

Le Président (M. Beaulne): On commence à être fatigués, c'est pour ça que...

M. Rioux: Il est 23 h 50.

M. Gobé: Non, non, c'est...

Le Président (M. Beaulne): Non, non, on marche d'après l'horloge qui est là.

M. Gobé: C'est l'horloge là-bas?

Le Président (M. Beaulne): Alors, l'article 57.

M. Rioux: Il s'agit d'une disposition, M. le Président, pour faire coïncider l'entrée en vigueur du paragraphe 13° de l'article 45 du projet avec celle des paragraphes 12.1°, 12.4° et 13° du premier alinéa de l'article 454 de la loi. C'est très technique, ça, M. le Président, c'est hautement technique.

M. Shedleur (Pierre): Je pourrais, si vous permettez...

M. Rioux: Rapidement.

M. Gobé: Oui, peut-être nous l'expliquer rapidement.

Le Président (M. Beaulne): Oui, allez-y donc.

M. Rioux: Très rapidement. Rapidement.

M. Shedleur (Pierre): Très rapidement. C'est juste pour donner des nouveaux pouvoirs...

M. Gobé: De toute façon, je donne le consentement pour continuer quelques minutes, si nécessaire.

M. Shedleur (Pierre): ...actuariels aux actuaires pour l'utilisation des règlements. On a parlé beaucoup de règlements. C'est pour leur donner des pouvoirs pour être capables, je veux dire, de donner leur expertise qui supporte les règlements, pour être sûr que ça se fait professionnellement.

M. Rioux: C'est beau.

M. Gobé: O.K.

M. Rioux: Ça va?

Le Président (M. Beaulne): L'article 57 est-il adopté?

M. Gobé: Oui.

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Adopté. L'article 58.

M. Rioux: M. le Président, nous allons aller à l'article 45. On a un amendement à l'article 45.

Le Président (M. Beaulne): Bon. Alors, on va passer à l'article 45, avec votre amendement.

M. Rioux: Alors, à l'article 45, il y a un amendement. Il faut modifier l'article 45. Dans le régime rétrospectif, il y a des facteurs de chargement et il faut absolument introduire cette disposition-là.

Le Président (M. Beaulne): Alors, allez-y, M. le ministre.

M. Rioux: Le texte a été distribué?

Le Président (M. Beaulne): Oui.

M. Rioux: Le texte a été distribué aux députés?

M. Gobé: C'est ça, oui.

Le Président (M. Beaulne): Oui, oui.

M. Rioux: Ça permet d'adopter les règlements sur les taux personnalisés et l'ajustement rétrospectif.

M. Gobé: Est-ce qu'on peut peut-être les prendre un par un? Si j'ai des questions, je vous les pose, vous me répondez?

M. Rioux: Vas-y.

M. Gobé: Ça peut peut-être faciliter.

Le Président (M. Beaulne): Oui, allez-y, allez-y.

M. Gobé: O.K. Premièrement, «déterminer, aux fins de l'article 160, les normes et barèmes de l'aide personnelle à domicile et prévoir la méthode de revalorisation annuelle des montants...» Ça, c'est le 800 $ et moins de barème, dont on a parlé tout à l'heure, minimal?

M. Rioux: Le plancher.

M. Gobé: De plancher?

M. Shedleur (Pierre): Ce n'est pas ça. Vous vous êtes trompé, c'est...

M. Rioux: Ce n'est pas ça, ce n'est pas le bon texte.

M. Shedleur (Pierre): Non, c'est celui-là, ici. Je ne sais pas si vous avez le bon.

Le Président (M. Beaulne): On est à l'article 45, l'amendement proposé par le ministre.

M. Rioux: C'est quoi, ça?

Une voix: Ça, c'est pour sécuriser le facteur de chargement.

M. Rioux: Ça, c'est le facteur de chargement?

Une voix: C'est ça.

M. Rioux: O.K.

Le Président (M. Beaulne): Là, on est sur l'amendement. Alors, oui, on parlait de l'amendement, là.

M. Gobé: Paragraphe 6°...

Une voix: On l'enlève.

M. Gobé: ...on l'enlève. Pourquoi on l'enlève? Quelle est la raison?

M. Rioux: Vas-y, vas-y.

M. Shedleur (Pierre): Regardez. Dans le fond, l'objectif de cet article-là, c'est qu'il y a des facteurs de chargement dans le régime rétrospectif. Des facteurs de chargement, c'est quoi? C'est pour les coûts futurs, parce que, comme vous savez, les accidents, ça peut être cinq ans, 10 ans, 20 ans. Donc, c'est à ça que ça sert. On prend les déboursés, on multiplie par les facteurs de chargement, qui sont les coûts futurs, et ce qu'on veut, c'est... À l'intérieur de ces facteurs de chargement là, il y a un certain nombre de coûts, des fois, qui sont répartis entre différentes catégories d'employeurs, et on veut que les facteurs de chargement prennent en compte ces coûts-là, et on veut le mettre dans la loi pour être sûr qu'il n'y aura pas de contestation de la part des employeurs, sinon on n'aurait pas notre argent. C'est assez «basic».

M. Gobé: O.K. Par l'ajout, à la fin, du paragraphe suivant: «15°...»

M. Shedleur (Pierre): Je vous l'ai expliqué globalement. C'est ça que ça...

M. Gobé: Oui, d'accord, c'est correct.

M. Shedleur (Pierre): Excusez.

M. Gobé: Je suis satisfait.

M. Rioux: Ça va?

M. Gobé: «15°...»

M. Rioux: Alors, ça va pour l'amendement, M. le Président?

M. Gobé: Oui.

M. Rioux: Ça va?

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que ça va pour l'amendement?

M. Rioux: Très bien.

M. Gobé: Oui.

Le Président (M. Beaulne): Bon. Alors, est-ce que l'amendement à l'article 45 est adopté?

M. Rioux: Oui, oui, on l'a dit.

Le Président (M. Beaulne): Adopté. Est-ce que l'article 45, tel qu'amendé, est adopté?

Une voix: Oui.

M. Gobé: Bien, là, il est long, hein.

Le Président (M. Beaulne): Oui, je sais, pas mal.

M. Rioux: Alors, l'article 51. Est-ce qu'on a distribué le document?

Le Président (M. Beaulne): Non, mais attendez, on est encore à l'article 45.

M. Gobé: Oui, c'est ça...

Le Président (M. Beaulne): On ne l'a pas encore adopté.

M. Gobé: ...c'est parce qu'il est long pas mal, hein.

Une voix: Tel qu'amendé.

M. Rioux: Il est amendé.

Le Président (M. Beaulne): Oui.

M. Rioux: On a adopté l'amendement?

M. Gobé: Il est modifié.

Le Président (M. Beaulne): Oui, mais on n'a pas amendé...

M. Gobé: On a adopté l'amendement, oui.

Le Président (M. Beaulne): On n'a pas adopté l'article dans son entièreté.

M. Rioux: Alors, est-ce qu'on l'adopte?

Le Président (M. Beaulne): Bien, le député de LaFontaine...

M. Gobé: Je veux juste le parcourir une dernière fois, M. le ministre.

Le Président (M. Beaulne): ...veut au moins avoir le temps de le lire.

M. Gobé: Oui, c'est ça.

(Consultation)

M. Rioux: L'article 45, ça décrit toute la liste des règlements qu'on va devoir bâtir et passer pour l'application de la loi.

M. Gobé: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Oui?

M. Rioux: À l'article 51.1...

Le Président (M. Beaulne): Oui. Vous aviez un amendement.

M. Rioux: Oui, c'est ça, ça vise l'application de l'article 45, mais cependant on le rend déclaratoire, c'est-à-dire rétroactif. Ce n'est pas tout l'article, juste le paragraphe.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'amendement est accepté, monsieur...

M. Rioux: Adopté.

M. Gobé: C'est ça. Ça change quoi, M. le ministre? Peut-être que M. Shedleur peut nous l'expliquer, ou M. Harvey, à votre guise.

M. Rioux: M. Harvey.

(minuit)

M. Gobé: De toute façon, il introduit quoi, ce...

Le Président (M. Beaulne): Oui, expliquez-nous donc la nature de l'amendement que vous introduisez.

M. Harvey (Clément): D'abord, il faut lier ça à l'article 45 qu'on vient d'adopter tantôt, qui vient sécuriser le facteur de chargement du régime rétrospectif. Parce que, là-dedans, il y a des facteurs qui sont adoptés pour balancer, pour rendre les régimes plus équitables par rapport aux autres employeurs, et ça vient sécuriser ces facteurs-là. Évidemment, pour les sécuriser, il faut leur donner une portée déclaratoire pour qu'ils soient sécurisés pour le passé comme pour l'avenir.

M. Gobé: C'est ça. Pour ce qu'il y avait avant, qu'est-ce qui se passe? Pour le passé?

M. Harvey (Clément): Bien, c'est ça, l'article 51.1 vient donner une portée déclaratoire au paragraphe 15° de l'article 45, qui a été ajouté et qui vient sécuriser le facteur de chargement du régime rétrospectif, comme l'expliquait tantôt M. Shedleur.

M. Gobé: Oui. «L'article 51: le deuxième alinéa doit être supprimé car non pertinent», c'est une recommandation que j'ai reçue... Oui, ça va. Ça va, ça va, excusez.

Le Président (M. Beaulne): Alors, 51.1 est adopté. Nous passons maintenant à l'article 26.

M. Rioux: M. le Président, on passe à l'article 26, vous avez raison. Dans le cas de l'article 26, il s'agit tout simplement de le retrancher parce qu'il n'est plus utile; il n'est pas pertinent, de toute façon. Il s'agit de retrancher l'article 26.

M. Gobé: Vous pouvez nous expliquer? Peut-être quelqu'un, M. Shedleur ou...

M. Rioux: Pierre.

M. Shedleur (Pierre): Une très brève explication. Si vous allez dans le cahier du ministre, à l'article 26, on parle dans les commentaires des primes d'assurance. On voulait, dans le fond, par l'article 26, se donner un pouvoir de calculer des primes d'assurance par catégorie d'employeurs, par type. Donc, on a, nous autres, plusieurs secteurs: on a le secteur primaire, le secteur de la construction... Après avoir repensé ça, on pense que ça risque de complexifier un peu trop le système et on a préféré le retirer, quitte, un jour, si on trouve que c'est nécessaire, à y revenir. Parce que ça complexifierait un peu trop.

M. Gobé: Avez-vous eu des recommandations sur cette...

M. Shedleur (Pierre): Non, c'est nous autres qui avions mis ça, on voulait se donner un pouvoir. Mais, quand on a regardé ça, on s'est rendu compte que, oui, ce n'est pas nécessaire.

M. Rioux: Ça va?

M. Shedleur (Pierre): Ce n'était pas une demande, M. le député.

M. Gobé: O.K.

M. Rioux: Ça va? L'article 58.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article 26 est adopté?

M. Gobé: Il est abrogé. L'amendement est adopté, l'article est abrogé.

M. Shedleur (Pierre): C'est ça.


Article en suspens

Le Président (M. Beaulne): Alors, maintenant, je dois demander le consensus, compte tenu que, d'après l'horloge qui me guide depuis ce matin, nous sommes rendus à minuit. Il nous reste à adopter l'article 4, qui avait été suspendu, et l'article 58, qui est simplement l'entrée en vigueur. Est-ce que nous avons le consensus pour terminer l'étude du projet de loi? Avec la collaboration dont nous avons fait part de chaque côté de la table depuis le début du projet, je pense que nous pourrions, dans le même esprit de collaboration, terminer l'étude du projet de loi. Alors, est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre?

M. Gobé: Absolument. Oui.

M. Rioux: Article 58.

Le Président (M. Beaulne): Alors, nous reprenons l'article... Non, l'article 4, qui a été suspendu.

M. Rioux: Oui, c'est ça. Le député de LaFontaine, M. le Président, avait des remarques particulières à faire sur l'article 4, alors on va l'écouter.

M. Gobé: Oui. Eh bien, M. le ministre, j'avais des recommandations d'une organisation, justement, de la CSN, qui semblait s'inquiéter des problèmes de confidentialité que cet article peut causer quant aux dossiers des travailleurs accidentés. Bon. Je n'ai pas besoin de vous en parler pendant une demi-heure, je pense que, vous-même, vous saisissez certainement les implications, et peut-être est-il souhaitable d'y remédier et de prémunir les travailleurs contre cette possible indiscrétion ou utilisation de leur dossier médical à des fins qu'ils ne jugeraient pas utiles ou nécessaires.

M. Rioux: J'ai dit, je pense, au départ, M. le Président, que la Commission d'accès à l'information avait donné son accord là-dessus. Mais, moi, je me mets dans la position d'un individu qui achète une entreprise. Il m'apparaît normal que, dans la procédure d'achat, dans le processus, il puisse y avoir un certain nombre d'informations sur l'entreprise qu'il achète: les actionnaires qui étaient là avant, leur crédibilité, leur solvabilité. Et je pense que ce n'est pas abusif de prendre des dispositions de cet ordre-là. De toute façon, sur la question des dossiers médicaux – je pense que c'est à ça que le député de LaFontaine fait référence beaucoup plus qu'à la vente ou à la transaction d'une entreprise – bien, il y a le médecin traitant qui est là, qui dispose des dossiers, puis il faut passer par le médecin de l'employeur, ce qui n'est donc pas une source d'information dans laquelle tu peux piger tout ça directement.

M. Gobé: Est-ce qu'il n'y a pas un risque, à un moment donné, qu'une organisation quelconque se mette à tenir ou à faire une banque de dossiers de travailleurs qui seraient accidentés, un peu comme le Bureau de crédit à Montréal qui a fait une liste des gens qui ont eu des difficultés de crédit, de paiement, depuis leurs 18 ans, qui ont acheté leur première voiture, puis, à un moment donné, à 45 ans, vous faites une demande quelque part puis on vous la refuse. On vous dit: C'est parce que, en telle année, tu n'as pas payé trois tickets puis tu n'a pas payé ton électricité ou telle affaire – puis vous ne vous en rappelez même pas – tu as fait un chèque NSF. Est-ce qu'on ne risquerait pas de se retrouver avec ça? Moi, je crains ça. Pas parce que je mets en doute les employeurs québécois, c'est-à-dire ce sont tous des grands citoyens corporatifs de haute conscience, mais je sais que, de nos jours, l'expérience nous démontre qu'il y a un intérêt pour ce genre de chose.

Et, honnêtement, ça m'inquiète, parce que j'ai moi-même été dans les affaires à une époque, où j'avais affaire à des dossiers de crédit. Ayant une compagnie de leasing d'automobiles, avant d'accepter un dossier, je regardais la solvabilité présente de mon client, mais je regardais aussi celle passée, son expérience. Je dois dire qu'à l'époque nous étions capables de trouver déjà à peu près les renseignements... tout ce qu'on voulait: le nombre d'emplois qu'il avait quitté, pourquoi il avait quitté, les chicanes qu'il avait eues avec son patron, enfin, le nombre de... l'information était assez phénoménale et assez, je veux dire, indiscrète. Et là une entreprise pourrait vendre ce genre d'information en disant: Attention, avant de lui donner un prêt hypothécaire, à ce monsieur-là, et puis une assurance, attention, parce qu'il a été malade de telle chose, il a eu un accident de travail, il a eu ci, il a eu ça.

Ou même pour faire une application quelque part; un employeur pourrait appeler ces entreprises. Équifax le fait pour le crédit, ça pourrait s'appeler autrement. Et même, ces mêmes compagnies là peuvent dire: Bien voilà, ça me prend le profil médical. Bon, là on voit qu'il a eu un accident, telle chose, qu'il a eu un problème pulmonaire ailleurs. L'employeur va dire: Bien, je ne prends pas de chance, je ne l'engage pas, ça risque de me coûter à un moment donné. Il est un risque possible. Moi, je crains ça un peu.

Ou ça peut être pris dans la simple consommation courante, en disant: Il a déjà été accidenté du travail, il est accidenté, est-ce qu'il va être capable de se replacer? Ou: Je ne lui donne pas de crédit, ou je lui en donne moins. Je suis un peu inquiet là-dessus, M. le ministre, je ne vous le cache pas.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Gobé: Pourquoi on ne met pas une clause? Pas une clause, mais qu'on n'amende pas et qu'on ne met pas «avec le consentement du travailleur»?

M. Rioux: M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Oui, allez-y.

(0 h 10)

M. Rioux: Moi, j'aimerais savoir si 38.1 nous protège. À l'article 38.1, on dit que l'employeur ou la personne qu'il autorise ne doit pas utiliser ou communiquer des informations reçues en vertu de l'article 38 – on pourra regarder l'article 38 – à d'autres fins que l'exercice des droits que la présente loi confère à cet employeur.

M. Gobé: Oui, mais, vous savez, on n'a pas le droit...

M. Rioux: Il me semble qu'on est protégé.

M. Gobé: Vous avez raison, M. le ministre.

M. Rioux: M. Harvey?

Le Président (M. Beaulne): M. Harvey, pour des commentaires additionnels?

M. Harvey (Clément): Oui, bien, effectivement, ça ne peut être utilisé qu'aux fins de l'exercice des droits qui sont prévus dans la loi.

M. Rioux: Il me semble.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de La Peltrie.

M. Côté: Oui. Alors, là, on inclut, après le deuxième alinéa, l'article qui est ici, mais la délégation du droit, elle reste quand même dans l'article lorsqu'on dit: «L'employeur peut autoriser expressément une personne à exercer son droit d'accès.» Et puis il y a la restriction après également. Ça demeure toujours, ça?

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Côté: Alors, si ça demeure, on est protégé.

M. Rioux: Oui, ça demeure. Donc, on...

M. Côté: Alors, on a la même protection...

M. Rioux: La même protection.

M. Côté: ...qu'auparavant.

M. Rioux: Mais, moi, j'ai quand même confiance, là, au jugement de la Commission d'accès à l'information là-dessus, qui a examiné ça avec beaucoup d'attention, puis qui nous a dit: On est...

M. Gobé: Avez-vous leur texte, peut-être, leurs recommandations, ou le résumé peut-être de leurs...

Une voix: Leurs recommandations?

M. Gobé: Oui, leurs recommandations, pour les membres de la commission? Je pense que ça intéresse tout le monde, cette dimension.

M. Rioux: C'est une opinion verbale?

Une voix: Oui.

M. Rioux: Ah! Non, mais...

M. Gobé: C'est parce que je ne voudrais pas retarder les travaux indûment pour ça, mais c'est important, là.

M. Rioux: Non, mais, moi, je n'ai pas de raison de ne pas croire...

M. Gobé: Ce n'est pas pour passer la nuit ici, mais je pense que ça vaut la peine que nous nous penchions là-dessus.

M. Rioux: Oui, mais 38...

M. Gobé: Un jour, on pourrait le regretter. Nous pourrions...

M. Rioux: Les articles 38 et 38.1, ça me semble assez étanche.

M. Gobé: C'est parce qu'on laisse à l'employeur, M. le ministre, le libre arbitre de communiquer, hein. Moi, je pense qu'on devrait pour le moins demander l'autorisation au travailleur, que la Commission avise le travailleur du fait. On devrait avoir quelque chose qui fait que, si le travailleur ne veut pas le donner...

M. Rioux: Mais, M. le Président, je ferais remarquer au député que, si vous allez à l'article 38, à la délégation de droits, l'employeur peut autoriser expressément une personne à exercer son droit d'accès.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de La Peltrie.

M. Côté: Et puis, en ce qui a trait au dossier médical, il faut que ce soit un médecin. Seul un professionnel de la santé désigné...

M. Rioux: Oui.

M. Côté: ...par cet employeur a droit d'accès.

M. Rioux: Puis il y a un avis au travailleur.

M. Côté: Oui.

M. Rioux: Vous avez raison. Le député de La Peltrie a raison, M. le Président.

M. Côté: Alors, on est protégé.

M. Rioux: Parce que la Commission avise le travailleur du fait que le droit visé au présent article a été exercé. Il est informé. Pour moi, c'est étanche.

M. le Président, je suis très heureux qu'on ait trouvé la lettre, l'avis que demandait le député de LaFontaine. Effectivement, là, on a l'avis.

Le Président (M. Beaulne): Peut-être, M. le ministre, que vous pourriez le déposer.

M. Rioux: On pourrait le photocopier.

Le Président (M. Beaulne): Et le déposer à la commission.

M. Rioux: Et le déposer.


Document déposé

M. Gobé: Regardez, c'est parce que, voyez-vous, M. le ministre, on dit: «Lorsqu'une opération visée à l'article 314.3 est intervenue, un employeur impliqué dans cette opération a également droit d'accès...» Là, on va à 314.3 et on voit: «Lorsqu'un employeur est impliqué dans une opération définie par règlement...» On ne sait même pas quelle opération. Ça peut être bien des opérations, ça. Je ne veux pas être trop picosseux, là, pour employer un terme québécois, mais je pense qu'on n'est jamais assez prudent dans ces choses-là.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine, compte tenu de l'excellente collaboration que vous avez démontrée jusqu'ici, vous êtes en droit de...

M. Gobé: Oui.

Le Président (M. Beaulne): ...demander les explications qui vous satisfassent.

M. Gobé: J'aimerais ça qu'on...

M. Rioux: M. le Président, je voudrais dire au député: Moi, je me sens confortable là-dedans. Si j'avais un doute... Je sais qu'il faut être prudent, je sais qu'il faut faire preuve de sagesse et de bon jugement, mais je me sens rassuré, moi, par les dispositions des articles 38 et 38.1. Il me semble que ça attache bien les choses et...

M. Gobé: Alors, pourquoi... Excusez, M. le ministre, je vous ai interrompu.

Le Président (M. Beaulne): M. le député.

M. Gobé: Comment expliquer que les spécialistes de la Centrale des syndicats nationaux, qui sont quand même particulièrement dans le champ d'application de cette loi de la CSST, eux, émettent des réserves? Ils ne l'ont pas fait dans le sens de faire retarder le projet de loi, parce qu'on n'a pas demandé d'audiences ni rien, nous nous sommes simplement parlé. Et c'est une lettre qui vous avait été envoyée, d'ailleurs, au mois de...

M. Rioux: Oui, oui.

M. Gobé: Le 25 novembre 1996. Pas celle-là. C'est plus tard, la lettre. Pourquoi ils émettent ces réserves?

M. Rioux: Oui, c'est une opinion parmi tant d'autres.

M. Gobé: Oui, mais on se doit au moins d'en tenir compte.

M. Rioux: Oui, oui, oui. Ça a été examiné puis on n'a pas jugé bon de retenir ça. Parce que, avec les dispositions qu'on a là, on est protégé.

M. Gobé: Est-ce que vous leur avez répondu? Est-ce que, à ce moment-là...

M. Rioux: Probablement, oui.

M. Gobé: Oui?

M. Rioux: On répond à toutes les lettres.

M. Gobé: Non, mais vous avez répondu sur cet article, cette demande-là en particulier, en disant...

M. Rioux: Oui.

M. Gobé: ... qu'on entendait le garder? Ou est-ce que ça pourrait être fait pour les aviser des raisons qui font que, à cette commission, suite à une discussion qu'on a pu avoir entre les députés de cette commission, l'opposition...

M. Rioux: On a un supplément...

M. Gobé: ...le gouvernement a considéré qu'il devait...

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Gobé: ...pour telle et telle raisons...

M. Rioux: Oui, M. le Président, on a un supplément d'information qui pourrait peut-être nous aider à se comprendre. Il y a une personne de la CSN, madame...

M. Shedleur (Pierre): Andrée Bouchard.

M. Rioux: Andrée Bouchard, de la CSN, lorsque les officiers de la CSST lui ont expliqué le sens des dispositions qui sont là, elle, elle s'est trouvée satisfaite et ça répondait à ses inquiétudes.

M. Gobé: Quand?

M. Rioux: Ça s'est fait quand?

M. Shedleur (Pierre): Cette semaine.

M. Rioux: Cette semaine.

M. Shedleur (Pierre): Oui, mardi.

M. Rioux: Mardi.

M. Gobé: C'est parce qu'on a un décalage dans le temps. Je suis plus récent que vous, moi.

M. Shedleur (Pierre): Oui?

M. Gobé: Oui, ça date d'aujourd'hui, ici.

M. Rioux: Alors...

M. Gobé: Non, non, mais je suis sérieux, Mme la députée, là, je ne niaise pas, là.

M. Rioux: Votre information remonte à quand?

M. Gobé: Aujourd'hui.

M. Rioux: Aujourd'hui. Alors, M. le Président, moi, je maintiens que nous avons les garanties qu'il nous faut à l'intérieur des dispositions des articles 38 et 38.1.

M. Gobé: Est-ce qu'on peut avoir l'avis? On ne l'a pas vu.

Le Président (M. Beaulne): Ça s'en vient, c'est allé se faire polycopier.

M. Gobé: Est-ce que, en attendant, il y a d'autres articles qu'on peut...

M. Rioux: Oui.

Le Président (M. Beaulne): Bien, il en reste juste un, c'est l'entrée en vigueur... l'article...

M. Rioux: À l'article 58, M. le Président, il y a un papillon.

Le Président (M. Beaulne): Ah bon, bien apportez ça pendant ce temps-là.

M. Rioux: On pourrait en disposer.

Le Président (M. Beaulne): Oui. Alors, nous suspendons encore une fois l'étude de l'article 4...

M. Rioux: C'est ça.

Le Président (M. Beaulne): ...et nous passons à l'article 58, avec votre amendement.

M. Rioux: Il s'agit de modifier l'article 58 par le remplacement, dans la ligne... de «et 13°» par «, 13° et 15°». Ça fait référence au facteur de chargement dont on parlait à l'article 45.

M. Gobé: Ça, ça nous amène à juste titre... C'est vrai, on pourrait connaître la date où ça va commencer, l'entrée en vigueur de la loi. Puis l'échéancier de la mise en place de tout ça, là, M. Shedleur? 1999?

M. Shedleur (Pierre): Ah, l'échéancier.

Le Président (M. Beaulne): M. Shedleur.

M. Shedleur (Pierre): On verra peut-être... Je ne pourrais pas vous dire exactement ce soir, là. On va regarder les aspects, mais je pense que ça devrait rentrer en vigueur très rapidement, mais il y a des choses qui ne vont s'appliquer qu'en 1998. Prenons les mutuelles de prévention, ce n'est pas possible avant 1998: il faut consulter le monde, il faut faire les règlements, il faut les prépublier, etc. Donc, je vous dirais que, dans l'ensemble, beaucoup d'articles vont s'appliquer à partir de 1998. Par contre, il y a plusieurs articles qui vont s'appliquer immédiatement, comme les articles 50 à 55, tantôt, toute la question, je dirais, des périodes d'imputation. Les politiques de recalcul, bien, ça, ça va être au cours de l'année qui vient. Donc, ça va dépendre des articles.

M. Gobé: Donc, on peut aller jusqu'en 1999.

M. Shedleur (Pierre): Je voudrais qu'en 1998... ça va être tout en vigueur, je pense, au complet.

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce que l'amendement à l'article 58 est adopté?

M. Rioux: Adopté.

M. Gobé: Bien, c'est parce qu'on ne peut pas adopter l'article 58 tout de suite.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'article est adopté? Bon, on revient à l'article 4.

M. Rioux: On revient à l'article 4.

M. Gobé: À l'article 4, ce qu'on peut faire...

M. Rioux: M. le Président, je veux juste donner un point de vue rapide.

Le Président (M. Beaulne): Allez-y, M. le ministre.

(0 h 20)

M. Rioux: Moi, je ne veux pas sous-estimer les opinions qui viennent de quelque endroit que ce soit. On a été avisé, à un moment donné, de ce que pensait la CSN. Il y en a d'autres aussi qui nous ont fait des représentations là-dessus. Moi, quand on m'a informé que la Commission d'accès à l'information trouvait qu'on était bien protégé, ça m'a paru être un avis d'autorité. Ce n'est pas rien, la Commission d'accès à l'information, c'est des gens qui connaissent ça. Et, quand je regarde en plus les dispositions de 38 et de 38.1, moi, je n'ai plus de doute, M. le Président, et je suis capable, comme ministre, de marcher la tête haute avec ça. Pour la protection de nos travailleurs et puis de nos employeurs, la discrétion qui entoure tout ça...

M. Gobé: M. le ministre...

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Rioux: Oui.

M. Gobé: ...pour essayer d'aller plus rapidement, je pense que tout le monde a pris connaissance maintenant... Et on voit que la Commission nous met quand même en garde. Est-ce qu'il ne serait pas souhaitable qu'on aille dans le sens... La Commission dit: «Tel que libellé, l'amendement proposé pourrait être interprété de façon à laisser croire que le dossier de lésions professionnelles est accessible à tout employeur impliqué dans une opération, que cette opération soit menée à terme ou non.

«La Commission d'accès à l'information souhaite donc que l'amendement à l'article 38 soit clarifié de manière à établir sans équivoque que le droit d'accès au dossier que la CSST possède au sujet de la lésion professionnelle ne peut être exercé qu'après la conclusion d'une opération visée à l'article 314.3.» Est-ce qu'on ne donne pas suite à ça, là?

M. Rioux: Oui.

M. Gobé: De quelle manière?

M. Rioux: Ils ont été informés du contenu de l'article.

M. Gobé: Oui, mais ils nous demandent de le clarifier dans l'amendement.

M. Rioux: Oui. Ça a été fait. M. le Président, il faudrait...

Le Président (M. Beaulne): Oui, allez-y, expliquez donc ça, M. le ministre...

M. Gobé: Oui. C'est parce que là...

Le Président (M. Beaulne): ...comment, effectivement, on a donné suite...

M. Gobé: Ça s'est fait au mois de novembre, ça, là.

Le Président (M. Beaulne): ...à la recommandation de la Commission.

M. Harvey (Clément): C'est parce qu'on a modifié l'article de telle sorte à prévoir que le droit d'accès ne s'ouvre qu'une fois l'opération complétée, alors qu'initialement, tel que formulé, ça pouvait donner accès avant même que l'opération ne soit complétée. Alors, à la demande de la Commission d'accès, on a ajusté l'article pour faire en sorte que l'accès ne soit possible qu'une fois l'opération complétée.

M. Gobé: À quel endroit?

M. Harvey (Clément): C'est dans la formulation...

Le Président (M. Beaulne): Où est-ce que ça se retrouve dans le projet de loi?

M. Gobé: C'est ça, à quel endroit dites-vous que vous avez changé ça?

M. Harvey (Clément): C'est dans la lecture de l'article comme tel. C'est l'article 4: «Lorsqu'une opération visée à l'article 314.3 est intervenue», alors qu'auparavant c'était: «un employeur impliqué dans une opération». Alors, «lorsqu'une opération est intervenue», c'est seulement une fois l'opération...

M. Rioux: Après.

M. Harvey (Clément): ...faite, complétée, qu'il y a accès, mais pas lors des négociations et autres.

M. Rioux: Il y a déjà prise de possession, à ce moment-là. C'est toute la différence.

M. Gobé: O.K.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine, allez-y.

M. Rioux: Est-ce que, en gros...

M. Gobé: Alors, à la lumière de cette chose, je vois qu'il y a, entre ce qu'on nous a demandé et puis ça, un peu une contradiction. Alors...

M. Rioux: Il y a un travail sérieux qui a été fait là-dessus.

M. Gobé: C'est parce que Mme Bouchard, dont vous nous parlez, elle siège sur le conseil d'administration de la CSST, Mme Andrée Bouchard.

Une voix: Oui.

M. Gobé: C'est ça. Et puis il est arrivé à plusieurs reprises que les gens qui sont sur le conseil d'administration d'un organisme d'État n'aient pas toujours la même opinion que les gens qui sont dans leur centrale syndicale.

Une voix: Ah oui, ça, ça arrive. Oui, ça arrive, ça.

M. Gobé: Ça arrive. Et là on semble être devant ce cas-là, parce que, c'est ce matin, moi, vers 10 heures, après la période des questions, des affaires courantes, que j'ai eu une communication avec un représentant chargé des dossiers de la CSST dans la Centrale des syndicats nationaux, qui a pris la peine de m'appeler pour me mentionner qu'il avait entendu que nous serions en commission parlementaire ce soir, me mettant en garde ou me faisant savoir qu'il souhaiterait qu'on attache une attention particulière à cet article. Il semblait très au courant de tout ce qu'il y avait dans ce projet de loi là.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine, si je peux me permettre une petite intervention, si vous avez, si vous éprouvez des réticences quelconques à approuver cet article 4, je suis sûr que, compte tenu des interventions que vous avez faites, qui sont enregistrées dans les transcriptions, de toute évidence, vous avez essayé de porter les préoccupations de Mme Bouchard à l'attention de la commission, à l'attention du ministre, et, comme vous l'avez fait tout à l'heure dans l'article précédent, où vous aviez des réticences, vous pourriez toujours exprimer votre dissidence sur cet article, compte tenu du fait que vous avez exprimé un souhait: que le projet de loi dans son ensemble soit adopté.

M. Gobé: Oui, je pense que c'est ça que nous allons faire, M. le Président, car je pense que le ministre nous fait comprendre que, pour lui, il est satisfait, donc ça ne sert à rien d'amener un amendement pour un amendement, parler 20 minutes, puis faire venir du monde, puis faire toutes ces choses-là. Nous avons fait une étude quand même assez positive de ce projet, alors je suis prêt à prendre le vote là-dessus.

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce que l'article 4... Oui, M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, je voudrais juste signaler que, à la page 2 du texte qui est acheminé à Me Daniel Gauthier, on dit bien que l'amendement ne doit prendre naissance qu'après la conclusion d'une opération visée à l'article 314. C'est ce qu'on corrige. C'est ça qu'on corrige et c'est ça qui sécurise aussi. Alors, voilà.

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce que l'article 4 est adopté?

M. Gobé: Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Adopté sur division.

M. Rioux: M. le Président, ça nous prendrait maintenant une motion de renumérotation.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, ça s'en vient, tout ça. Alors, est-ce que l'intitulé des titres du projet de loi est adopté?

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Justement, M. le ministre, maintenant, c'est le temps de faire une motion de renumérotation du projet de loi. En faites-vous la motion?

M. Rioux: Absolument.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que c'est adopté?

M. Rioux: Adopté.

M. Gobé: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que l'ensemble du projet de loi n° 74, tel qu'amendé, est adopté?

M. Gobé: Adopté.

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): Alors, ceci met un terme à notre mandat et à notre session. Je vous remercie de votre collaboration. Je pense que les points de vue de tout le monde ont été respectés et, compte tenu de ce que nous avons inscrit aux transcriptions, je pense que les personnes intéressées pourront y voir reflétées les préoccupations qui ont été exprimées autour de cette table. M. le ministre.

M. Rioux: Oui, 30 secondes, M. le Président, pour dire que je remercie les membres de l'opposition, qui ont collaboré à bonifier, faire en sorte que l'étude de ce projet de loi se déroule...

M. Gobé: M. le Président, vous pourriez rappeler la députée à l'ordre? Lorsque M. le ministre parle, je pense que ça vaut la peine d'écouter ce qu'il a à dire.

Le Président (M. Beaulne): Oui. Je vous rappellerai que la séance n'est pas levée. Continuez, M. le ministre.

M. Rioux: Je pense que ça a été un exercice absolument profitable et je voudrais remercier le député de LaFontaine et son collègue et remercier également les députés ministériels qui siègent à la commission. Je pense qu'on a fait une bonne soirée, un bon travail, et je pense que les travailleurs et les employeurs du Québec viennent de marquer des points ce soir. Merci.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Alors, M. le Président, à mon tour, je tiens aussi à remercier les membres de la commission, vous-même, la secrétaire, mon collaborateur à côté de moi, M. le ministre. Je dois dire que cela démontre sans aucune équivoque que, lorsque l'on veut travailler ensemble pour acquérir ou faire valoir des points communs et faire évoluer certaines choses, c'est faisable dans la bonne collaboration et la bonne humeur et que c'est profitable certainement à l'ensemble de notre société. Alors, c'est à espérer que dans le futur d'autres législations que j'aurai à traiter avec le ministre se fassent dans le même esprit et avec le même respect. Alors, merci beaucoup à tout le monde.

Le Président (M. Beaulne): M. le député, vous n'aurez jamais si bien dit. Et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Fin de la séance à 0 h 29)


Document(s) associé(s) à la séance