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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 20 mars 1997 - Vol. 35 N° 43

Étude détaillée du projet de loi n° 88 - Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de congé annuel et de congé parental


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Table des matières

Journal des débats


(Quinze heures quarante-sept minutes)

Le Président (M. Gauvin): Une minute d'attention, s'il vous plaît! La commission de l'économie et du travail débute ses travaux et le mandat de la commission... Je la déclare ouverte, excusez-moi.

Je pense que je vais vous rappeler le mandat de la commission, à ce moment-ci: c'est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de congé annuel et de congé parental.

J'hésitais parce qu'on se demandait, la secrétaire et moi, si on avait à annoncer des remplacements.

La Secrétaire: Non, il n'y a aucun remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Aucun remplacement de prévu? Je vous remercie. Donc, j'inviterais le ministre, s'il a des remarques préliminaires en rapport avec son projet de loi à ce moment-ci.


Remarques préliminaires


M. Matthias Rioux

M. Rioux: Merci, M. le Président. On entreprend aujourd'hui l'étude d'un projet de loi assez court, mais c'est un projet de loi, malgré tout, très important. D'abord, parce que les mesures qu'il propose ont fait l'objet d'une entente, je dirais même d'un consensus unanime, lors du Sommet économique de Montréal en octobre dernier. Ensuite, parce que ce projet fait partie de la stratégie globale de la relance de l'emploi et, enfin, parce qu'il fait la démonstration que le gouvernement du Québec ne veut sacrifier personne dans son objectif de relance de l'emploi et du développement économique.

Permettez-moi d'insister, d'abord, sur les deux premiers aspects dont j'ai parlé tout à l'heure. Le Sommet économique était, bien sûr, consacré à la création d'emplois. Il a émané de ce sommet-là plusieurs projets importants et qui ont fait l'objet d'annonces; d'autres viendront bientôt. Cependant, le gouvernement y a aussi proposé des mesures pour atténuer les effets pervers ou néfastes de certaines décisions qui ont été prises à ce moment-là.

On ne peut pas, par exemple, vouloir déréglementer des secteurs industriels et manufacturiers en entier sans penser aux conséquences d'un tel geste sur les personnes oeuvrant dans ces secteurs d'activité. Par exemple, lorsqu'on va abolir deux décrets – l'ancien ministre du Travail sera certainement intéressé par la nouvelle – on va abolir le décret, bientôt, du verre plat et du bois ouvré, mais cependant, on prend bien soin d'y aménager des mesures transitoires pour qu'il n'y ait pas de laissés pour compte dans le cheminement qui va nous conduire vers l'abolition totale des décrets. C'est un secteur que l'ancien ministre connaît très bien.

(15 h 50)

On ne peut pas, non plus, proposer le partage du temps de travail sans que des moyens soient mis de l'avant pour le favoriser, le partage du temps de travail. C'est ainsi que les décisions relatives à la famille, à la formation de la main-d'oeuvre, surtout chez les jeunes, et à la protection de certains acquis sociaux ont été ou seront bientôt soumises à l'attention de l'Assemblée nationale. C'est donc un ensemble de moyens qui résultent du Sommet, certes, mais c'est une stratégie globale dont tous les morceaux – et le projet de loi n° 88 est une de ces pièces – sont importants et s'imbriquent les uns dans les autres.

Le projet de loi n° 88 propose deux amendements à la Loi sur les normes. Le premier fait passer de 34 à 52 le nombre de semaines dont peuvent se prévaloir chacun des parents d'un nouveau-né ou qui viennent d'adopter un enfant. Ce congé parental existe dans la grande majorité des grandes entreprises. Il fait donc partie de la culture des entreprises québécoises. C'est pour ça qu'aujourd'hui on essaie de franchir un pas qui va nous conduire à une loi qui va respecter tout un esprit, toute une démarche.

Non seulement ce congé comporte-t-il un potentiel de création d'emplois intéressant, parce qu'il entraîne presque toujours un remplacement, mais il s'agit aussi d'une mesure relativement simple qui s'intègre à une politique familiale structurée telle que celle qui a été soumise et retenue au Sommet d'octobre dernier. Au chapitre de la création d'emplois, le congé parental représente un potentiel d'environ 4 500 emplois, à des coûts relativement peu élevés, parce que l'employeur procède habituellement au remplacement du parent qui se prévaut du congé parental bien avant la 34e semaine.

Avant-hier, le député de LaFontaine déclarait ne pas pouvoir être contre le principe de ce projet de loi, puis il ajoutait que je devrais bonifier pour véritablement aider les parents à se prévaloir de ce congé-là. J'ai pris bonne note. Pas plus que le député de LaFontaine, vous comprendrez bien que je ne veux pas de coquille vide. Je ne veux pas que ce projet de loi soit un projet de loi sans signification. Ce que je veux surtout c'est que ça marche, M. le Président. Alors, déjà mardi, j'annonçais mon intention de soumettre au comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre un projet de règlement qui justement viendra donner un sens au congé parental en le rendant plus intéressant. La Loi sur les normes du travail prévoit que le gouvernement peut, par règlement, déterminer les avantages dont un salarié peut bénéficier pendant le congé de maternité ou le congé parental notamment pour ce qui touche le service continu, la durée des vacances et la paie de vacances, de même que la participation du salarié aux avantages sociaux reconnus dans l'entreprise. Cette disposition existe depuis 1990. Il est plus que temps que nous lui donnions un sens. Je pense qu'on va tous convenir de ça. Des recommandations précises ont été formulées par la commission à ce sujet. Ce que nous pouvons dire aujourd'hui c'est que, de façon générale, les avantages maintenus durant le congé de maternité devraient aussi être consentis aux parents qui se prévalent du congé parental. On ne voit pas pourquoi il y aurait de différence.

Ce règlement nous permettrait aussi de simplifier certains aspects du règlement sur le congé de maternité. Comme on peut le constater, le projet de loi n° 88 constitue une occasion unique pour moderniser notre législation du travail, en particulier le régime général de conditions de travail qu'est la loi sur les normes. Ce filet de sécurité, nous le voulons le plus adapté possible à la réalité que vivent les salariés du Québec qui sont aussi, dans bien des cas, des parents.

Loin d'être un coup d'épée dans l'eau, le projet de loi répond à un besoin de la société québécoise d'aujourd'hui. C'est pourquoi tous les participants au Sommet y ont souscrit. Un consensus très large. J'espère que je pourrai compter sur l'appui et la collaboration de l'opposition pour donner suite aux volontés du Sommet et pour garantir aux parents qui doivent travailler et voir aux besoins fondamentaux de leur famille de le faire convenablement. Le projet de loi n° 88 est un pas dans la bonne direction et le règlement que j'annonce viendra concrétiser une façon légitime de passer plus de temps auprès des enfants, auprès de la famille. Je pense répondre aussi aux préoccupations du député qui, hier, a manifesté beaucoup d'intérêt face à ce projet de loi.

Dans le contexte budgétaire et économique actuel, aller plus loin détruirait l'objectif que je poursuis. Comme mon collègue, je pense que nous avons une occasion en or pour faire avancer la cause des jeunes parents travailleurs et je pense qu'on doit la saisir, cette chance-là. Nous pourrons toujours, lorsque la situation économique et de l'emploi le permettra, ajouter à l'édifice du régime général des conditions de travail encore meilleures.

L'autre amendement qu'amène le projet de loi sur les normes porte sur les vacances. Ça permet aux salariés qui n'ont pas cinq ans de service continu de prendre une semaine additionnelle de vacances. Là encore, il s'agit, compte tenu du contexte économique actuel, d'une bonne décision, une bonne orientation. Pour le travailleur et la travailleuse qui entre ou revient sur le marché du travail, c'est une semaine additionnelle importante, même si elle n'est pas payée, parce que la troisième semaine ne sera pas payée. Dans combien de cas cette semaine additionnelle évitera le décrochage du marché du travail? Puisqu'une journée de vacances payée s'ajoute annuellement aux deux semaines de vacances déjà prescrites, les vacances sans solde s'amenuiseront rapidement pour disparaître après la cinquième année. O.K.? Puisqu'une journée de vacances payée s'ajoute annuellement aux deux semaines de vacances déjà prescrites, les vacances sans solde s'amenuiseront rapidement jusqu'après la cinquième année.

Comme c'est le cas pour le congé parental, le changement proposé au chapitre des vacances constitue une adaptation législative à la réalité du marché du travail. Déjà, des centaines de salariés demandent une ou deux semaines de vacances sans solde pour prolonger leur période de vacances annuelles, pour faire plus de choses avec leurs enfants, être en famille. L'amendement fait en sorte que cette semaine additionnelle à laquelle auront droit les parents, ça va améliorer la qualité de vie dans les familles, aussi le temps consacré, surtout chez les parents qui ont de très jeunes enfants. Des vacances supplémentaires bien souvent nécessaires ne pourront plus être refusées, et ça, c'est merveilleux. Je voudrais aussi rassurer l'opposition au sujet du fractionnement de cette semaine supplémentaire de vacances. Elle ne peut l'être d'aucune façon, à moins qu'une convention collective le prévoit expressément. Rien d'autre ne permet le fractionnement de ce nouveau droit consenti aux salariés du Québec qui entreprennent leur apprentissage du marché du travail.

Comme vous le constatez, ce projet de loi répond aux objectifs du Sommet et est susceptible de favoriser la création d'emplois. Donc, il contribue à sa manière au développement économique du Québec.

M. le président, ce n'est pas rien, ce qu'on s'apprête à étudier ensemble. Ça va nous permettre d'actualiser la Loi sur les normes pour répondre aux besoins contemporains des salariés, surtout les jeunes. Nous profitons de l'occasion aussi pour moderniser la réglementation du congé de maternité et pour, enfin – enfin! – réglementer le congé parental. Ça aurait dû être fait, ça, depuis 1990. Je pense que le député de Saint-Laurent sera d'accord facilement avec ça. Enfin, nous accordons une semaine de vacances supplémentaire aux jeunes travailleurs et travailleuses qui ont moins de cinq ans de service continu. Cette mesure devrait empêcher le décrochage du marché du travail et même encourager le retour sur le marché du travail de plusieurs travailleurs et travailleuses du Québec.

(16 heures)

M. le Président, ça met fin à mes remarques. Et, ce que je souhaite au plus haut point, c'est qu'on sorte de cette commission parlementaire avec une sorte d'unanimité qui ferait l'honneur de l'Assemblée nationale et qui rendrait d'énormes services à nos concitoyens et concitoyennes.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre du Travail, de cette présentation. Maintenant, j'invite le député de LaFontaine, porte-parole de l'opposition officielle en matière de travail, de dossiers relatifs au travail. M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. Comme j'ai eu l'occasion de le mentionner lors de mon intervention, à l'adoption du principe de ce projet de loi, nous pensons que ces mesures, au premier abord, sont des mesures intéressantes pour les travailleurs et les travailleuses du Québec.

En effet, qui n'a pas rêvé ou espéré pouvoir passer plus de temps avec sa famille lors de congés. On sait que les mères de familles, les pères de familles, actuellement, sont dans des conditions de production des fois très fortes, des conditions de déplacement, de stress, des horaires très longs – on part le matin de bonne heure; on met l'enfant à la garderie, ou il part à l'école, on revient le soir assez tard, on est pris dans la circulation, les transports en commun; et ça, c'est à l'année longue – le stress de l'entreprise, un nouveau contexte de compétition qui prévaut. Bien des fois, les gens s'y perdent un peu de vue, les gens s'éloignent ou aspirent à se retrouver un peu en famille. C'est pour ça qu'on fait des congés et qu'il y a des vacances, en particulier.

Il apparaît, lorsqu'on voit ce qui se passe dans d'autres pays à travers le monde, en dehors du Québec, des pays comme l'Allemagne, la France, les pays européens, on se rend compte que le pays du Québec, peut-être parce qu'il est dans le contexte nord-américain – certainement à cause de cela – a des façons de procéder en termes de vacances et d'organisation du travail et des heures de travail qui sont différentes de ces pays-là.

Force est de constater, aussi, que ces pays-là ne sont pas pour autant plus pénalisés ou moins productifs parce que leurs travailleurs ont des semaines de vacances supplémentaires que nos travailleurs à nous n'ont pas. Au contraire, on se rend compte que des pays comme l'Allemagne connaissent comme nous et des boums économiques et des périodes plus cycliques de baisse, avec du chômage. Et on sait que là-bas, à titre d'exemple en Allemagne, c'est cinq semaines de congé payées, et les gens peuvent avoir une sixième semaine à un moment donné; en France, c'est rendu pas loin de six semaines; en Italie, c'est cinq semaines; la Grande-Bretagne, je pense que c'est quatre semaines. Puis je ne crois pas que ces pays-là soient moins productifs, ou moins exportateurs, ou moins compétitifs que d'autres pays.

Alors, il y a là, certainement, une indication que le fait de donner des vacances à ces travailleurs ne pénalise pas d'une manière importante la productivité ou la croissance de l'économie d'un pays. Et je pense même, au contraire, que le fait de permettre à des travailleurs et des travailleuses de se reposer, de se retrouver en famille, de refaire le plein au niveau de leur santé, est productif pour une société et pour une entreprise. Car, en effet, lorsqu'on a l'occasion d'être plus en forme, d'être plus en famille, plus familial, bien, on a plus le goût de travailler, on est certainement plus motivé lorsqu'on rentre au travail pour occuper notre emploi et donner le maximum de soi-même. Je crois qu'il y a seulement un côté positif. Aussi, lorsque je vois le gouvernement, suite au consensus du sommet, apporter un projet de loi qui met une troisième semaine de congé annuel, nous ne pouvons voir cela, du côté de l'opposition, que comme certainement un geste très positif pour les travailleurs et aussi pour l'économie, pour les raisons que je dirai.

Bon. Maintenant, M. le ministre nous dit que ça va créer des emplois. Là, vous me permettrez de peut-être mettre un bémol à cela. Lorsqu'on a lu le rapport du ministère, justement, et d'autres ouvrages, sur la réduction et l'aménagement du temps de travail, on se rend compte qu'il n'y a pas forcément une équation de relativité entre une semaine de vacances de plus, bénévole – pour ceux qui voudraient vraiment la prendre lorsqu'elle n'est pas payée et qui peuvent la prendre – et la création d'emplois. C'est un euphémisme. C'est le moins qu'on puisse dire.

Je crois qu'il faut faire attention de ne pas faire miroiter dans l'opinion publique des images ou de faux espoirs. Et je déplore qu'on amène une loi sociale aussi importante que celle-là sous le couvert de la création d'emplois. Je pense qu'on aurait dû, au contraire, l'amener dans le contexte d'améliorer les conditions de travail des travailleurs et dans un contexte de réorganisation du temps de travail en ce qui concerne les nouvelles manières de travailler, les nouveaux horaires, les nouveaux déplacements, les nouvelles contraintes auxquels les travailleurs des temps modernes sont soumis. Je pense que ça aurait été beaucoup plus logique et ça aurait correspondu beaucoup plus à une vision sociale et économique du rôle du gouvernement. Le ministre a choisi de faire croire aux gens que c'est pour créer de l'emploi. Ma foi, on peut le laisser croire, bien que ce n'est pas ça du tout qui en résultera en ce qui concerne cette partie du projet de loi là.

Malgré tout, ça correspond à ce que nous pensons, nous, et nous pensons que les travailleurs devraient avoir droit à une autre semaine de vacances. D'autant plus que je rappellerai que les travailleurs de la fonction publique, les propres employés du gouvernement – de notre gouvernement – qui sont payés par les taxes de ces travailleurs-là qui ont seulement deux semaines dans le secteur privé, eux, ils ont quatre semaines. Alors, si le gouvernement dans sa sagesse a cru bon de négocier avec ses employés des périodes de vacances de quatre semaines – cinq semaines pour certains – payées, je me questionne encore: Comment se fait-il qu'on n'ait pas fait en sorte que l'ensemble des travailleurs du Québec puisse avoir accès à ces mêmes avantages? On se retrouve dans une situation où des travailleurs paient, par leurs taxes, des avantages qu'eux-mêmes n'ont pas, à d'autres travailleurs. Je m'explique, là. Un travailleur qui travaille dans une usine dans l'est de Montréal par ses taxes paie des fonctionnaires qui ont quatre semaines de vacances. Il paie quatre semaines de vacances à ces fonctionnaires alors que, lui, il a droit à deux semaines payées. Je trouve que, là, ce qui est bon pour le gouvernement et les employés du gouvernement devrait être bon pour l'ensemble des Québécois.

Maintenant, la situation économique d'aujourd'hui... le rattrapage serait tellement long, ça n'a pas été fait depuis de nombreuses années, il y a certainement un fossé à traverser et ça serait certainement peut-être compliqué de le faire aujourd'hui. Je tenais à faire valoir ce point-là: si c'est bon pour un groupe, pourquoi ça ne serait pas bon pour l'autre groupe?

L'autre partie du projet de loi, qui est la partie du congé parental – je ferai une autre remarque sur les vacances, après, qui va rejoindre mes remarques du congé parental – c'est que là encore on se retrouve dans une situation où on va dire à des gens, à des mères de famille, ça peut être des pères de famille, on parle du congé parental, mais neuf fois sur 10, on sait très bien, entre nous, que c'est la mère... On parle bien souvent de très jeunes enfants. C'est bien souvent la première année, les premiers mois. Le congé parental, ce n'est pas deux ans ou trois ans après. Donc, c'est généralement la mère qui désire ou qui souhaiterait rester à la maison. Je pense que chacun d'entre nous – peut-être pour certains, ça fait plus longtemps, d'autres, c'est plus récent – a souvenir d'une naissance de leurs enfants en leur maison, en leur famille. Ceux qui en ont eus savent combien ça peut être prenant, la première année, d'avoir un jeune enfant, pour la mère en particulier. Il faut se lever la nuit, il faut donner les biberons, il faut changer les couches, l'enfant ne dort pas des heures complètes, c'est des nuits entrecoupées de réveils et de semi-sommeil. Alors, il est évident que ça crée chez la mère, chez les parents, mais disons la mère, en général, certainement une pression très importante. Et lorsqu'après quelque semaines – on parle de 34 semaines – elle doit retourner au travail, ce n'est pas vrai que l'enfant est devenu autonome, ce n'est pas vrai que l'enfant, il dort la nuit complète et puis il ne connaît pas toutes ces petites interruptions, ces petits problèmes, ces attentions permanentes qu'on doit lui donner dans sa première année.

Alors, qu'arrive-t-il à ce moment-là? La mère doit retourner au travail, le congé cesse, elle n'a plus de revenus, donc elle dit: Je retourne travailler. C'est ça qui arrive généralement. C'est ça qui est arrivé dans le cas de mon épouse, moi, lorsqu'on a eu un enfant il y a deux ans. Après la fin du congé, il fallait qu'elle retourne travailler. Alors, il reste deux choix. Ou on engage une femme qui va garder l'enfant à domicile, une voisine, une parente ou une gardienne qu'on trouve, et elle s'occupe de l'enfant, et la mère retourne travailler. Quand elle rentre le soir, elle s'en occupe et les heures s'accumulent. Alors, on imagine très bien la pression qu'il peut y avoir chez la travailleuse dans son entreprise qui est sujette à toute cette situation. Ce n'est pas facile. En plus, le coût que ça amène, bien sûr. Et pour compenser ces coûts, lorsqu'on a un enfant... Moi, j'appelle ça une crèche, mais on m'a dit ce midi que ce n'était pas une crèche, une pouponnière. Mais ça s'appelle une crèche en Europe. Une crèche, c'est beau, c'est là qu'on mettait l'Enfant-Jésus, tu sais, les petits bébés. Il y a deux significations au terme «crèche»: lorsqu'on le met en pouponnière... oui, c'est ça, il y a des crèches qui sont – l'ancien terme – les enfants abandonnés; mais ce n'est pas dans ce sens-là, bien sûr, que je veux l'aborder.

(16 h 10)

Une voix: Les enfants de Duplessis.

M. Gobé: Oui, c'est ça, exactement. Bon, la mère reçoit des aides gouvernementales, fiscales ou autres pour lui permettre de faire garder son enfant dans les établissements qui sont reconnus. Avec le projet de loi, on permet à cette mère-là, et au père s'il le veut,parce que je ne veux pas être taxé de parler juste pour les mères mais on ne fera pas de sémantique ici... Cette mère qui retourne travailler, elle, elle préférerait rester à la maison. Moi, je suis certain que les mères, pour la première année de naissance de leur enfant, préféreraient rester à leur maison et, à cet effet-là, quand je vois que l'on passe le congé de 34 à 52 semaines, j'en suis pour, c'est évident que j'en suis pour. Dans le caucus libéral, de l'opposition, je n'ai vu personne émettre la moindre objection ou la moindre réticence à cela, parce que ça semble tout à fait logique.

Où ça devient moins logique, c'est qu'on ne donne pas à la mère ou à la famille les moyens de pouvoir user de ce droit de manière universelle. On va permettre à des gens qui ont un certain revenu – de classe moyenne – de l'utiliser, toujours de couples ensembles, de familles unies, d'accord, parce que je pense que, pour rester un autre cinq, six mois sans travailler, sans revenu, il faut qu'il y ait un autre revenu quelque part. Et l'autre revenu quelque part, c'est où? Bien, c'est le salaire de l'autre conjoint qui va, lui, continuer à travailler.

Mais on sait que, bien souvent, les familles moyennes québécoises, le revenu, ce n'est pas 45 000 $; le revenu moyen par famille, c'est peut-être 40 000 $ au Québec, ou 38 000 $ – je ne sais pas, quelque chose comme ça – ça comprend les hauts comme les bas, mais la moyenne, c'est à peu près 30 000 $, 35 000 $. Bien, la mère, peut-être, pour toutes les pressions financières, va être tentée de retourner travailler malgré ça, alors qu'on laisse la possibilité, on lui dit: Tu as le droit à un congé de 52 semaines. Elle dit: Oui, mais je n'ai pas les moyens de le prendre, parce que j'ai les comptes qui se sont accumulés. Même pendant le congé normal, qui est rétribué, c'est moins élevé, c'est 75 % des revenus de la mère, 70 % avec la nouvelle assurance.

Donc, déjà là, ce n'est pas tout le monde, ce ne sont pas toutes les jeunes familles, avec les frais que ça apporte et les dépenses de la naissance, qui ont des réserves d'argent. Automatiquement, la mère, elle doit dire: Bien, je n'ai plus le choix, je ne reçois plus mon indemnité de congé de maternité, et là il faut que je retourne travailler, parce que ça nous coûte cher. C'est vrai que ça coûte cher; quand vous achetez des couches, quand vous achetez du lait, et enfin tous ces trucs-là, c'est évident que c'est une charge pour les premières années. Ça coûte moins cher plus tard; ça recommence un peu plus tard dans le temps, mais il y a une période où c'est un peu moins cher. Donc, on va se retrouver dans une situation où seulement les classes moyennes pourraient être tentées de profiter de cela. Les classes les moins favorisées, les moins riches vont avoir un peu de difficulté ou beaucoup de difficulté à l'utiliser.

Il y a aussi des exceptions, mais on ne fait pas des lois... Je comprends qu'il y a des exceptions, mais on ne peut pas non plus ne pas faire des choses à cause seulement des exceptions. Mais prenons le cas extrême d'une jeune mère qui accoucherait d'un enfant, une mère célibataire, qui travaille dans une entreprise, dans un bureau quelque part, qui accouche d'un enfant; pas de mari, pas de père. Ça arrive, ça, c'est des choses qui se passent. Le monsieur est parti ou il ne veut pas reconnaître l'enfant. Mais cette mère, elle ne peut pas du tout, elle, se prévaloir de ce 52 semaines là, du tout, du tout! Non seulement elle va être toute seule pour l'élever, pour s'en occuper dans les premières 34 semaines, parce qu'elle est toute seule à la maison, mais elle sera obligée de retourner au travail, parce que c'est le seul revenu dans la famille, il n'y en a pas d'autre. Ça fait que s'il n'y a pas d'autre revenu et qu'elle décide de prendre l'autre 18 semaines auquel elle a droit sans solde, à ses frais, elle va vivre comment? Elle n'a pas de revenu.

Alors, on exclut une catégorie. Je comprends qu'elle n'est pas nombreuse, cette catégorie, mais elle existe quand même, ce qui démontre les limites du projet actuel, alors, des deux côtés: premièrement, parce que je considère qu'une législation comme celle-là devrait être faite en sorte de s'appliquer au plus large éventail possible et d'inciter les gens à le prendre. Pour ce faire, il faut un accompagnement financier, c'est évident, et d'autre part elle ne doit pas non plus exclure un groupe, même minoritaire, de personnes qui, de toute façon, d'aucune manière ne pourrait y avoir accès. Alors, nous posons la question sur l'application du projet.

C'est un bon principe. Ça part encore là d'un principe de création d'emploi. Moi je ne dis pas que c'est de la création d'emploi. Ça devrait faire partie d'une politique familiale, ça. Le ministre du Travail nous apporte ça maintenant et moi, je suis content parce que je suis porte-parole au Travail. Je suis content d'en discuter parce que ce sont des choses qui m'ont déjà interpellé, mais il n'en reste pas moi que ça devrait être arrimé avec les politiques de la famille qui sont actuellement en discussion. Je n'ai pas vu, après avoir parlé avec mon collègue qui s'occupe des politiques familiales, je n'ai pas vu, je n'ai pas cru voir, on n'a pas pu voir d'arrimage.

Nous aurions souhaité que ce projet soit adopté, et nous souhaiterions, et nous souhaitons qu'il soit adopté rapidement. Mais nous aurions souhaité qu'il soit complet. S'il fait partie d'une politique familiale,et le ministre l'a mentionné, il a dit: Une politique familiale structurée, tel qu'il a été retenu au sommet... Bien, là, elle n'est pas trop structurée parce que d'un côté il y en a une qui prépare une politique familiale, les maternelles, les garderies privées qui vont disparaître. 5 $ par jour, ça, c'est beau, oui. Est-ce que c'est arrimé? Est-ce que le ministre du Travail a parlé avec sa collègue? Est-ce qu'il a fait des propositions pour qu'on puisse... Il me parle du règlement, des normes qui permettent, par règlement, d'établir les avantages qui vont être versés à un travailleur qui est en vacances ou qui soient des congés réglementaires, souvent.

Mais est-ce qu'il a fait un mémoire au Conseil des ministres pour dire: Écoutez. Si on veut vraiment que ma mesure fonctionne, si on veut vraiment une politique familiale structurée avec un congé de maternité de 52 semaines, si on veut vraiment ça, puis si en plus on veut vraiment créer des emplois en incitant les femmes à le prendre, si vraiment ça va créer des emplois, est-ce que vous êtes prêt à me donner x millions de dollars d'accompagnement pour ces femmes parce qu'à la maison, si elles restent là et qu'elles renoncent à leur emploi pour s'occuper de leur enfant, ce qui est un truc social formidable, génial, tout à fait bon pour la société mais qui a un coût pour les familles, pour ces gens-là ou celles qui n'ont pas les moyens...Est-ce qu'on a des mesures d'accompagnement par des allocations quelconques?

Je ne dis pas de reconduire la prestation qui est donnée en termes de congé de maternité, actuellement, intégralement jusqu'à la fin. Mais est-ce que le ministre a pensé qu'il pouvait faire une modulation? C'est-à-dire les premières semaines qui sont au taux actuel et, par la suite, le gouvernement du Québec prendrait en charge un taux de 50 % ou 45 % de ce qui est payé pour les 18 semaines qui restent. S'il crée de l'emploi avec ça, si ça permet de créer des emplois, c'est un plus pour la société, c'est-à-dire que les gens vont travailler. C'est des gens qui actuellement sont peut-être sur l'aide sociale ou qui n'ont pas de travail qui vont aller travailler, donc qui vont ramener des revenus à la société et qui vont arrêter de recevoir des prestations de la société. On permet aux mères de famille de rester à la maison un peu avec leurs enfants; moi j'en suis, mais est-ce qu'on ne pourrait pas, à ce moment-là, les aider aussi pour ne pas qu'elles soient pénalisées, puis que ça les encourage encore plus?

Il y a là un jeu d'équilibre et de vases communicants, et moi, je crois que, si le gouvernement est sérieux dans son projet de loi et d'aider les mères de familles, d'avoir une politique familiale structurée tel que M. le ministre nous l'a expliqué, et s'il est sérieux dans le but vraiment de créer des emplois avec cette mesure, bien, il n'a pas d'autre choix que d'aller dans cette direction-là parce que, sinon, sa mesure va rester certainement peu appliquée ou peu utilisée par les gens. Il disait tout à l'heure qu'il n'aimait pas les coquilles vides. Bien, je pense qu'on a là l'occasion en or de se pencher là-dessus et de faire quelque chose.

(16 h 20)

Nous n'avons pas l'intention de bloquer ce projet de loi là pour prendre le temps. Mais nous souhaiterions, avant de l'adopter, connaître si le ministre a vraiment l'intention d'apporter une aide d'accompagnement, des mesures d'accompagnement aux familles, puis lesquelles, puis quand, puis combien. C'est ça que nous souhaiterions savoir et, à ce moment-là, ça serait très facile pour nous de l'adopter. S'il n'y en a pas, nous l'adopterons quand même parce que le principe fait notre affaire, mais nous serons malheureusement déçus d'avoir manqué une occasion en or de pouvoir faire oeuvre utile en termes de politique familiale.

Si le ministre dit que ça crée des emplois, dans ce cas-là c'est oui, parce qu'une femme, une mère de famille qui part pour une année de son entreprise, si ça se fait en grand nombre, ça va créer des emplois. C'est évident. Emploi temporaire pour la personne qui va remplacer, certes, mais quand même. Pour les vacances, ce n'est pas le même cas. On ne peut pas mélanger les deux trucs ensemble.

Nous en sommes rendus là, M. le ministre, dans notre questionnement. Je souhaiterais que vous puissiez nous éclairer et nous répondre. Nous serions prêts à attendre, même, le temps qui serait nécessaire, que ça vous prendrait pour aller au Conseil des ministres, ou au Trésor ou ailleurs pour voir si vous avez des scénarios ou des mémoires à défendre ou à faire valoir et permettre ainsi de l'adopter rapidement par la suite ou de nous dire: Non, on ne peut pas actuellement, nous le déplorons. Là, on verra, à ce moment-là, à fonctionner peut-être autrement.

Le Président (M. Gauvin): M. le député, je vous inviterais à conclure.

M. Gobé: J'ai conclu, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le député de LaFontaine. Est-ce que M. le ministre du Travail aimerait réagir à ce moment-ci aux propos du député de LaFontaine?


M. Matthias Rioux

M. Rioux: J'ai pris beaucoup de notes pendant l'exposé du député. Vous comprendrez bien que, dans un premier temps, les projets de loi aboutissent tous au Conseil des ministres. Ils suivent un cheminement à travers les comités ministériels et, après, ça se ramasse au Conseil des ministres. Ça passe par le Comité de législation aussi. C'est débattu. Mme Marois est porteuse du dossier de la famille et, ici, ce qui nous importe, on est dans le domaine du travail. On s'intéresse à des gens qui sont sur le marché du travail et qui, pour toutes sortes de raisons, doivent prendre un congé de maternité ou des congés parentaux. C'est de même qu'il faut examiner ça.

Mais j'aimerais clarifier une chose au sujet de la remarque que faisait le député de LaFontaine tout à l'heure. J'en ai pris bonne note. Je suis d'accord avec lui au sujet des vacances. Le législateur a modifié en 1991 – je ne sais pas si vous vous souvenez de ça – la Loi sur les normes du travail pour amener le salarié à bénéficier d'une troisième semaine de vacances payée après huit ans; et après cinq ans, depuis 1995. À mon avis, il est opportun de revoir de nouveau, à la baisse, la période d'attente pour une troisième semaine de vacances. Je pense que le moment est venu de faire ça. Cependant, dans le contexte économique actuel, M. le député, l'ajout d'une semaine de vacances payée, est-ce qu'il est réaliste de penser dans ces termes-là? Ça serait excellent. Ça serait excellent. Mais ce qu'on propose, c'est au moins un compromis que je trouve fort respectable, honorable et accepté par les parties. Il est important de noter que cette semaine sans solde va diminuer graduellement puisqu'une journée payée s'ajoute annuellement aux deux semaines déjà existantes. Ce n'est pas la révolution. Ce n'est pas le Klondike. Mais, quand même, c'est important parce qu'on a une responsabilité sociale de ce côté-là.

Il ne faudrait pas mêler politique familiale et politique du marché du travail. Ça serait très important qu'on se rende bien compte de ça. La politique familiale, ce n'est pas moi qui gère ça. Moi, je suis responsable de gérer les lois du travail et les lois sur les décrets, le Code du travail, les lois sur la santé et la sécurité au travail, tout ça, la loi sur les normes. Ce que je peux dire au député, par ailleurs – je ne sais pas si ça va le rassurer – sans aller dans les détails, on va déposer un règlement qui prévoit qu'au cours des douze premières semaines de congé parental les avantages sociaux du salarié vont être maintenus. N'oubliez pas que ce n'est pas rien, hein! Quand on pense aux congés parentaux, il ne faut pas que, pendant l'année de ce congé-là, un travailleur ou une travailleuse perde ses avantages sociaux et son droit de retour au travail. On ne parle pas de gens syndiqués, on parle de gens qui n'ont pas de convention collective; c'est la loi des normes qui les protège. Alors, il faut regarder ça.

De plus, l'assurance-emploi prévoit déjà 15 semaines de prestations pour le congé de maternité et 10 semaines de prestations pour le congé parental. Ça aussi, il faut se rappeler ça. C'est donc le Trésor fédéral qui va devoir examiner la possibilité de subventionner le parent qui choisit de rester à la maison. Il va falloir regarder ça, hein! Moi, les propos que le député tient, M. le Président, je trouve ça tout à fait admirable. Si on pouvait payer, aux mères qui ont des enfants, les payer complètement, les encourager financièrement à rester au foyer pendant la première année... Parce que le député disait, tout à l'heure: C'est important la première année de vie d'un enfant, souvent, ça décide de bien des choses, le fait que sa mère soit là ou pas, ou qu'un des parents soit là ou pas. Mais cette question-là, ça relève d'une politique familiale, ce n'est pas une politique rattachée à la Loi sur les normes.

Par ailleurs, je ne m'oppose pas au fait qu'on doive examiner ça en profondeur, loin de là. C'est une suggestion que je trouve heureuse, et, même si on en a débattu, Pauline Marois et moi – la ministre qui est responsable du dossier de la famille – c'est à examiner. Mais je me demande quelle sorte de tête feraient les employeurs si on leur annonçait ça. C'est eux autres qui paient, hein, c'est eux autres qui paient. Dans le cadre d'une politique familiale, c'est le gouvernement du Québec et aussi, bien sûr, dans une certaine mesure, le gouvernement fédéral... mais, pour toute généreuse qu'elle soit, je vois difficilement comment je pourrais inclure ce que me demande le député de LaFontaine. Mais on pourrait essayer de faire un bout du côté des règlements. On va regarder ça.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre du Travail. Votre temps était écoulé, je pense que je devrais reconnaître, à ce temps-ci, M. le député de LaFontaine, Mme la députée de Saint-François.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, M. le Président. M. le Président, bien sûr, j'adhère au principe de ce projet de loi, parce qu'on ne peut pas être contre l'amélioration des conditions de travail des parents, en l'occurrence les femmes, parce qu'il ne faut se le cacher, les congés de maternité, c'est encore les femmes qui prennent la majeure partie de ces congés de maternité. Cependant, c'est que, un peu comme mon collègue, le député de LaFontaine, j'aurais souhaité, moi aussi, qu'on ait une vue d'ensemble. J'aurais souhaité qu'on prenne un peu plus de temps pour avoir cette vue d'ensemble qui, à mon avis, manque jusqu'à un certain point. Parce que, moi, je le vois aussi, là... ce que mon collègue disait au point de vue familial, tout à l'heure, c'est une chose, mais, moi, je le vois également au point de vue économique. Je le vois au point de vue économique, parce que, quand on parle de création d'emplois... Moi aussi, j'ai beaucoup de questionnement au niveau de la création d'emplois. Je ne pense pas que ce soit par le truchement des congés de maternité qu'on va pouvoir créer de l'emploi; à mon avis, c'est très minime.

(16 h 30)

Mais, je le vois au-delà de ça, je le vois plus, moi, au point de vue économique, au niveau de l'effort qu'on va demander aux entreprises. Et, là, je m'explique. Pour les grandes entreprises, je pense qu'il n'y a pas de difficulté dans le sens qu'on peut toujours remplacer quelqu'un qui part un an. On peut remplacer parce qu'on a le personnel qu'il faut sans avoir nécessairement à faire beaucoup d'efforts pour transformer cette main-d'oeuvre.

Mais lorsqu'on parle de petites et moyennes entreprises, vous savez qu'un congé, un congé d'un an... Perdre, par exemple, une secrétaire, perdre une technicienne, ou un technicien, pendant un an de temps, pour une petite et moyenne entreprise, ça représente énormément d'argent, parce que souvent on doit remplacer. On n'a pas le personnel qu'il faut pour le faire à l'intérieur de l'entreprise. Il faut le faire, bien sûr, à l'externe et à ce moment-là, lorsqu'on remplace, il faut aussi donner la formation. Souvent la personne n'a pas nécessairement la formation. Alors, il y a des coûts, à mon avis, pour ces moyennes et petites entreprises. Je pense qu'il faut s'en rendre compte.

Quand je dis qu'il aurait été préférable d'avoir une vue d'ensemble, c'est parce qu'il y a tout un débat, à un moment donné, qui entoure les congés de maternité, débat qui a déjà eu lieu mais qui n'est pas terminé nécessairement. Et là, je me reporte à une commission parlementaire à laquelle j'avais assisté avec votre prédécesseur, et on avait discuté longuement d'une possibilité d'une espèce de banque de congés de maternité pour justement essayer d'aider ces petites entreprises. Si, par exemple, les sommes qu'on va chercher à travers la CSST, entre autres, pour les congés... Parce que premièrement, ça ne devrait pas être là. On sait très bien quand on parle de congé de maternité, je ne vois pas pourquoi ça se retrouve encore à la CSST. Ça, c'est la première chose, le retrait préventif. Or, parce que ça devrait faire les banques – c'est-à-dire le congé de maternité plus le retrait préventif – à mon avis, ça devrait être discuté globalement. C'est pour ça que je parlais tout à l'heure de vue d'ensemble, parce qu'on se pose toujours la question: Pourquoi le retrait préventif se trouve-t-il à la CSST? Ce n'est pas une maladie, la maternité. Ça ne devrait pas se retrouver là.

Alors donc, à un moment donné, je pense que la question qu'il faudrait se poser: Est-ce qu'il serait important ou opportun d'avoir une espèce de banque de congés de maternité qui inclurait, bien sûr, le retrait préventif – congé de maternité – pour justement satisfaire aux besoins des parents, d'une part, mais en même temps aider ces petites et moyennes entreprises qui justement pourraient donner ces congés de maternité mais faire une espèce d'équilibre. Là, actuellement, c'est rendu que vous avez des petites et moyennes entreprises qui n'embauchent pas des femmes d'âge de procréer ou qui vont poser des questions et vous avez même des femmes qui sont chefs d'entreprise qui n'osent pas embaucher des femmes d'âge de procréer parce qu'elles ou ils savent très bien que ça va leur coûter davantage en congés de maternité.

Donc, je pense que ce débat-là, c'est important qu'on le fasse également, parce que du point de vue économique, moi, je pense qu'on a beau dire, vous donnez l'avantage d'un congé de maternité ou d'un congé parental qui est beaucoup plus élevé – ça je pense que c'est souhaitable – mais d'autre part, il manque, à mon avis, une portion de la discussion parce que d'une part, si on le fait, il faut s'imaginer aussi que, à mon avis, ça peut avoir un coût économique, surtout pour la petite et moyenne entreprise. Peut-être pas pour la grande entreprise qui peut assumer davantage ces remplacements, mais pour la petite et moyenne entreprise, il y a un coût au remplacement et il n'y a pas seulement un coût au remplacement, mais aussi il y a une réticence à embaucher des femmes d'âge de procréer. Et dans ce sens-là, j'aurais aimé qu'on suspende – ça ne veut pas dire qu'on le mette sur la glace – mais je vais dire qu'il est peut-être prématuré. J'aurais souhaité qu'on puisse avoir cette discussion d'ensemble avant d'adopter un tel projet. Et là, revenir avec cette banque de congés, peut-être pour aider l'un et l'autre. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la députée de Saint-François. Est-ce que d'autres membres aimeraient faire des commentaires à ce moment-ci? M. le député de Johnson.


M. Claude Boucher

M. Boucher: Moi, j'ai écouté évidemment le ministre et les membres de l'opposition. Il faut comprendre qu'effectivement ce projet de loi là n'est pas la panacée à tous les problèmes que connaissent les gens qui travaillent la plupart du temps au salaire minimum, mais je pense que, comme l'a dit un ministre, c'est un morceau de l'ensemble du programme que le gouvernement actuel met en place pour aider les salariés, et c'est un morceau important. Bien qu'il soit mince comme projet de loi, c'est un morceau important. Il m'apparaît nécessaire qu'on l'adopte maintenant et, au fur et à mesure qu'on va procéder dans l'adoption des projets de loi, des mesures gouvernementales, on va voir comment il s'imbrique dans d'autres mesures. On ne demande pas un acte de foi à l'opposition, mais, en même temps, on demande une collaboration qui nous permette d'avancer dans nos projets par rapport à ce développement-là, social et économique. Merci.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le député de Johnson. Maintenant, je reconnais M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Toujours au niveau des remarques préliminaires.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Bien sûr, M. le Président. Rapidement. Je ne veux pas répéter ce que les collègues ont pu dire. Je ferai des remarques bien brèves. Concernant le congé parental – et c'est bien comme ça qu'il est écrit – congé parental de 34 à 52 semaines, je veux juste dire au ministre une expérience que j'ai vécue, mais dans une usine qui était syndiquée, où il y avait une clause dans la convention qui obligeait l'employeur à donner un congé de six mois, vraiment qui s'appelait un congé parental parce que, dans ce cas-là, c'était l'adoption d'un enfant. L'employé s'en était prévalu, et puis, durant cette période-là, il était allé tenter de se trouver un autre emploi puis de travailler ailleurs.

Alors, quand lui l'avait su, il n'avait pas nécessairement réagi... et ç'avait fait l'objet d'un grief, à l'époque. Je me souviens que le procureur de l'employeur invoquait qu'un congé parental, ça doit servir à la personne qui le demande pour être près de son enfant, mais pas que ça puisse permettre l'occasion d'aller tenter ou de se lancer en entreprise, ou tenter d'aller travailler ailleurs. Et, dans ce cas-là, c'était une entreprise familiale dans laquelle cette personne-là était allée s'embaucher. Et l'employeur avait finalement gagné sa cause. Ç'avait fait l'objet d'un congédiement. Je vous dis ça.

Alors, je ne sais pas si c'est une préoccupation qu'a eue le ministre. Si c'est un congé parental, l'objectif, l'intention du législateur, c'est de permettre aux parents qui le réclament d'être près de l'enfant durant cette période-là, et ça ne peut servir à autre chose que ça. En tout cas, je vous lance ça, là. C'est une expérience que j'ai vécue ailleurs, et je me dis que, là-dessus... O.K.

Deuxième chose. Concernant la troisième semaine, je fais juste concourir aux commentaires du ministre. L'expérience que j'ai vécue, c'est que, de plus en plus, les gens qui travaillent, les deux travaillent bien souvent, même, on sait que, quand arrive la période des vacances, les gens prennent ça... Quand je dis en famille, c'est souvent que les beaux-frères s'arrangent pour faire coïncider les vacances en même temps parce que ça permet de louer le chalet ou de faire telle activité, ou n'importe quoi.

Et, bien souvent, le deux semaines n'étant pas suffisant, une troisième semaine permet que cette période-là de l'année en soit vraiment une... Et alors, dans ce sens-là, je pense que ça... à mon avis, je ne veux pas commenter sur la création d'emplois qu'a soulevée le ministre, mais je verrai plutôt, M. le Président, à ce que ça puisse mieux servir à cette période-là de l'année pour des activités familiales. Et, dans ce sens-là, je pense que c'est quelque chose que les gens qui pourront s'en prévaloir vont apprécier.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? J'avais M. le ministre, à ce moment-ci. Oui?

M. Rioux: Je ne veux enlever le tour de personne, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Absolument. Je vous reconnais. J'aurai aussi le député de LaFontaine qui a, tantôt, souhaité réagir à des commentaires. Donc, avec votre consentement, je verrai s'il y a moyen, avant d'appeler les articles du projet de loi.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: Je voudrais réagir un petit peu à ce que disait Mme la députée de Saint-François. La vue d'ensemble qu'elle demande, bien, je la propose dans le projet de loi n° 88 par un projet de règlement où seraient touchés le maintien du service continu, les avantages sociaux, la durée des vacances puis la paie de vacances.

(16 h 40)

D'autre part, pour revenir aux propos de mon collègue de LaFontaine, moi, je pense qu'on doit comprendre tout le monde, qu'on ne peut pas proposer une législation omnibus qui toucherait tous les aspects du congé de maternité et parental. Hein, vous le savez. Lorsque le congé de maternité arrive, c'est l'assurance-emploi du fédéral qui s'applique, qui régit tout ça. Plus, si l'employeur y consent, on peut donner des montants additionnels.

Alors, au Québec seulement, plusieurs ministères et organismes régissent des parties de l'ensemble de la législation relative au congé de maternité. Moi, je ne voudrais pas embarquer dans les plates-bandes non plus de ma collègue qui est en train de faire une consultation sur un projet important de politique familiale – prestation unifiée – qui vient en aide à la famille et qui va nécessiter justement des négociations avec le fédéral, le gouvernement canadien. Alors vous comprendrez bien que la prudence s'impose de ma part. Tout en souscrivant aux idées généreuses qui sont exprimées par les députés de l'opposition, M. le Président, je ne pourrais pas m'orienter dans cette direction-là. Mais, si vous me laissez le temps d'écrire mon règlement, on pourra peut-être avoir des réponses à ça, qu'on pourrait déposer assez vite, d'ailleurs.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Maintenant, avec votre consentement, j'aimerais reconnaître le député de LaFontaine, pour quelques minutes, parce qu'on a permis aussi au ministre de dépasser – j'ai cru comprendre – le temps qui lui était alloué. M. le député de...

M. Gobé: Oui. D'autant plus, ça permet d'avancer peut-être le projet plus rapidement.

Le Président (M. Gauvin): Oui, oui. Excusez-moi...

M. Rioux: Petite question de privilège.

Le Président (M. Gauvin): Oui.

M. Rioux: Je n'ai pas le règlement en bonne et due forme, mais j'ai les orientations générales qu'on pourrait déposer, si besoin est.

M. Gobé: Si M. le ministre peut nous communiquer le règlement, oui, oui, certainement.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce qu'on peut l'appeler un projet de règlement?

M. Gobé: Non, non.

M. Rioux: Non, non, non, non. C'est une...

M. Gobé: Ce n'est pas officiel. C'est ça qu'il a dit.

M. Rioux: Ce n'est pas un projet de règlement, c'est des orientations. Mais ce n'est pas le projet lui-même.

Le Président (M. Gauvin): Donc, M. le ministre, vous déposez des orientations...

M. Gobé: Pour consultation.


Document déposé

Le Président (M. Gauvin): ...un document qui démontre les orientations dans la préparation de votre projet de règlement. M. le député de LaFontaine... Le document est déposé, M. le ministre.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: On va en prendre connaissance. Alors, M. le Président, cet échange-là, qui est un peu en dehors des règlements habituels, ça va peut-être nous éviter de rentrer dans la procédure car, en effet, j'aurais pu commencer à faire des motions préliminaires pour entendre tel organisme ou tel groupe ou même tel ministre pour nous informer sur les politiques familiales et nous informer aussi sur l'arrimage possible qu'il veut faire avec le projet de loi du ministre. Nous ne le faisons pas à ce stade-ci parce que nous pensons que M. le ministre du Travail fait preuve d'une certaine ouverture d'esprit et que peut-être on va finir par faire avancer ça de cette manière-là, alors. Le fait de déroger au règlement facilite ceci.

M. le ministre, lorsque vous dites – vous l'avez mentionné et vous l'avez dit dans votre discours – que les avantages sociaux du salarié vont être maintenus, pourraient être maintenus, ainsi que ce qu'il aurait dans son entreprise pendant ces 12 semaines ou ces semaines additionnelles, qui va payer les cotisations à ce moment-là? Il faut qu'il y ait quelqu'un qui paie là, hein! Est-ce que c'est l'entreprise ou c'est le salarié lui-même?

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, dans les 12 premières semaines, c'est l'employeur; et les semaines suivantes, jusqu'à 52 semaines, c'est le salarié. C'est ça?

Une voix: C'est ça.

M. Rioux: C'est le salarié.

M. Gobé: C'est ça et c'est ce que j'avais cru comprendre lors de votre intervention, lorsque nous avons discuté du principe du projet de loi. Ce qui m'inquiète, moi, c'est qu'on demande à un salarié, ou à une salariée, en tout cas, de prendre un congé à ses frais et, en plus, pour conserver ses avantages, il faut qu'elle paie. Alors, déjà elle ne reçoit pas de salaire puis, en plus de ça, elle va devoir débourser un certain montant d'argent. Et c'est là que je m'inquiète en me disant: Est-ce que les gens auront les moyens de le prendre? Est-ce qu'on n'est pas en train de faire un projet de loi qui va donner des avantages qui ne seront utilisables que par une infime partie des gens?

À ce moment-là, vous ratez la cible totalement de création d'emplois parce que, s'il n'y a presque pas de personnes qui le prennent, il n'y aura pas de création d'emplois. Alors, je m'inquiète si l'objectif poursuivi, qui est la création d'emplois, premièrement, peut être réalisé. Moi, je ne le crois pas, avec ce que je vois, ce que j'entends. Pour qu'il soit réalisé, pour la création d'emplois, puis, moi, je déplore que ce soit le but, mais en tout cas – on est rendu à discuter de ça, on va en discuter – il faudrait qu'à peu près toutes les mères de famille... Il y a combien de naissances par année au Québec? 87 000? 87 000? Bon, ce n'est pas toutes les mères qui travaillent. Il y en a qui sont sur la Sécurité du revenu. Il faudrait qu'à peu près toutes les mères de famille puissent prendre leur année et, pour qu'elles puissent la prendre toutes, bien, celles qui le veulent, il faudrait qu'elles puissent être supportées, mais au moins, la moindre des choses, qu'elles n'aient pas à payer pour conserver leurs avantages. Celle qui n'a pas les moyens de payer, elle perd tout. Bien, si elle ne paie pas, elle ne l'a plus. Les 12 semaines suivantes, c'est elle qui paie.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Rioux: ...

M. Gobé: Je ne sais pas si vous me comprenez, là, je veux dire...

M. Rioux: M. le Président, oui.

Le Président (M. Gauvin): Oui.

M. Rioux: Je voudrais... Je ne sais pas si le député à ça entre les mains. Oui?

M. Gobé: Oui.

M. Rioux: M. le député, prenez donc votre...

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, je pense que le responsable de l'opposition, M. le ministre, vous vous échangez des questions et réponses. J'ai encore des membres qui auraient souhaité intervenir... Non?

M. Rioux: Ça va. Ça va.

Le Président (M. Gauvin): Je comprends que ça pourrait avoir pour effet d'accélérer le débat. Donc, je n'ai pas d'objection si les membres sont en accord, on continue avec la formule qu'on avait retenue. M. le ministre.

M. Gobé: Avec votre permission, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Ah, elle vous sera accordée quand j'aurai le consentement unanime des membres.

M. Rioux: Alors, M....

Le Président (M. Gauvin): Et c'est le cas.

M. Rioux: M. le Président, j'aimerais qu'on prenne la petite feuille que j'ai remise au député de LaFontaine. Vous voyez l'aspect «Commentaires», troisième paragraphe. Il est écrit que, «en l'absence d'un régime public de remplacement de revenus de travail durant le congé parental, ce congé ne demeurera toutefois accessible qu'à une minorité». C'est vrai. Il n'y a pas beaucoup de monde. Le député, d'ailleurs, l'évoquait lui-même tout à l'heure, dans son intervention.

«Dans l'hypothèse où toutes les femmes dont le revenu personnel est inférieur à 20 000 $ et le revenu familial, supérieur à 50 000 $ se prévalaient de ce congé, il serait possible de créer 4 500 emplois.» Il serait possible de créer 4 500 emplois. C'est donc un bon début. C'est ça que je voulais surtout exprimer au collègue de LaFontaine. C'est donc un excellent début.

Alors, le coût d'embauche serait relativement minime par rapport à la situation actuelle, puisque la plupart des employeurs auront, sans doute, déjà procédé à l'embauche d'un remplaçant avant la 34e semaine.

M. Gobé: ...je suis d'accord avec vous, M. le ministre, que si on l'engage pour six mois ou qu'on la garde un six mois de plus... Ça se fait. Moi, je m'en souviens, lorsque j'étais dans les affaires, avoir eu une collaboratrice qui attendait un bébé et l'avoir remplacée. Elle serait restée quatre, cinq mois de plus, même, ça aurait fait mon affaire. Je trouvais qu'elle était bonne, à un moment donné.

Mais, moi, ce qui m'inquiète là-dedans, je suis content de voir, de retrouver ça dans les «Commentaires». Je pense qu'on met les choses clairement sur la table. Ce n'est pas tout le temps le cas mais, cette fois-ci, c'est clair. On dit: «Dans l'hypothèse où toutes les femmes dont le revenu...», puis on touche le point, là, M. le ministre. Quand M. Rivard... O.K. Merci. Non, non, je vous en prie. Écoutez, ce sont des choses qui arrivent. Là, on touche le point du projet de loi. «Dans l'hypothèse où toutes les femmes dont le revenu personnel est inférieur à 20 000 $...» Bon, je pense qu'on sait très bien que, si leur revenu personnel est inférieur à 20 000 $, elles n'auront pas les moyens d'aller prendre un congé de maternité, d'arrêter de travailler pendant 17, 18 semaines.

Une voix: Oui, oui.

M. Gobé: Moi, fondamentalement, là, je vois mal une mère de famille, dont le revenu est inférieur à 20 000 $, se passer de revenu pendant un certain nombre de semaines, plus être obligée de payer pour ses avantages sociaux.

Une voix: Oui, oui.

(16 h 50)

M. Gobé: D'accord? Je pense que... ...pas contre le ministre, ni rien... Ça, c'est une réalité. Donc, on peut les exclure. On se retrouve avec les 50 000 $. Je crois qu'à partir de 35 000 $, il y en a peut-être qui pourraient commencer à s'en prévaloir. Mais on est loin des 4 500 emplois, à ce moment-là, d'accord? Parce qu'il y a une grande partie des femmes qui ont des enfants sont déjà des femmes – on en convient – puis déjà les jeunes femmes, en général, elles sont plutôt dans le 20 000 $ et moins que dans le 30 000 $ et plus, ou 35 000 $ et plus. O.K.? À 28 ans, à 27 ans, à 29 ans, 30 ans, aujourd'hui, les salaires moyens, si on prend les statistiques de l'IRIR qu'on reçoit, on va se rendre compte que les échelles de salaires, ça va même dans le 17 000 $, 18 000 $, 19 000 $.

Alors, je ne vois pas que ces femmes-là peuvent être intéressées, vraiment, ou avoir un incitatif à ne pas aller chercher leur salaire. Donc, ce n'est pas applicable pour cette catégorie-là. Il reste les 50 000 $. C'est tellement minime que je me demande si ça vaut la peine de passer un projet de loi pour ces femmes-là. Et je conteste, à ce moment-là – puis vous aussi, M. le ministre, on ne fera pas de démagogie – le bien-fondé du 4 500 emplois.

Le seul moyen que ça marche, c'est que vous mettiez un incitatif pour faire en sorte que les femmes qui vont rester à la maison puissent obtenir un accompagnement monétaire, une aide; sinon, elles ne resteront pas. Sinon, on perd notre temps. On va l'adopter votre projet. Quand même qu'on créerait 100 emplois, ça sera 100 emplois. Mais je pense qu'on se leurre, on leurre les gens et on passe à côté, pour le moment, de choses qui vous tiennent à coeur puisque je pense que vous avez souvent dit, depuis que je suis porte-parole au travail, que le sort des travailleurs, l'évolution de la société, des lois du travail, c'est important pour vous. Je pense que, quand vous le dites, vous le croyez.

Par contre, vous dites politique familiale, ça, c'est une affaire, puis moi, je dis politique du travail. C'est indissociable dans la société moderne, M. le ministre, parce que la grande majorité des jeunes femmes, maintenant, et des mères de familles, ou celles qui veulent l'être, travaillent. Et on ne pourra pas, au Québec, avoir de politique familiale si on n'a pas de politique du travail, qui sont arrimées, qui sont ensemble. C'est impossible! Dans le temps, oui, parce que les femmes restaient à la maison puis les maris travaillaient. Et là, on mettait des politiques familiales, pour encourager à faire des enfants. Ce n'est plus ça, aujourd'hui! On ne peut pas les dissocier l'une de l'autre, elles sont imbriquées l'une dans l'autre. Et on ne peut pas légiférer à la pièce, d'après moi, en ce domaine. On ne peut pas, d'autant plus que vous vous rendez compte, quand on regarde les chiffres que vous publiez, que ça n'en créera pas d'emplois. Pas pour la peine, pas pour le fait. Ça, c'est un des points.

L'autre point, c'est que ça fait comme une législation à deux vitesses. Puis, au Québec, les gouvernements, on peut des fois diverger sur la politique nationale, sur la constitution, sur l'appartenance à un ensemble ou à un autre, ou la manière d'y appartenir, ou d'y fonctionner. Mais s'il y a un point sur lequel il y a un large consensus depuis à peu près 25 ans, c'est qu'on évite de faire des projets de loi pour les pauvres puis pour les riches. On essaie d'avoir des projets de loi qui touchent le maximum de citoyens. C'est ça qui fait la particularité du Québec. On a une tradition, un passé social que d'autres provinces à côté de nous n'ont pas. On tient ça de nos côtés, probablement, francophones, latins et de nos penseurs, de nos philosophes, ceux qui étaient là avant nous, de nos cousins français qui nous ont inspirés aussi. Bon.

Et là, vous faites une législation à deux vitesses, M. le ministre. Car seuls ceux qui auront de l'argent pourront se prévaloir de ce congé-là. Seuls ceux-là. Donc, ces seuls qui sont dans les hauts revenus. C'est une politique à deux vitesses. Est-ce qu'on doit faire une politique à deux vitesses en cette Chambre? Est-ce que les gens du gouvernement sont prêts à faire ça? Est-ce qu'on est prêt à légiférer pour permettre seulement aux femmes qui gagnent un montant de 35 000 $, 40 000 $ et plus de profiter d'un avantage? Est-ce que c'est ça le but? Moi, je ne pense pas.

Je pense que votre projet de loi, il part d'un bon principe, en accord avec ce qui est sur la table. Mais il n'est pas complet. Puis, M. le ministre, on pourrait en parler et passer la nuit, jusqu'à 18 heures – les nouveaux règlements nous y amènent – revenir mardi matin, puis reparler, puis reparler, faire venir des groupes, puis faire... Moi, je souhaiterais une chose, c'est que vous preniez ce projet de loi là, puis vous dites: O.K., on prend bonne note des discussions qu'il y a eu. On voit qu'il y a un début de consensus quant à la possibilité de s'entendre sur au moins deux principes. Les vacances et congés payés, on n'en parle pas; on est tous d'accord, nos collègues, le député l'a mentionné, mais... à faire un consensus sur le congé parental. Allez donc voir la collègue qui est en train de faire sa politique familiale; parlez avec elle; voyez s'il n'y a pas moyen d'arrimer ça; puis revenez nous avec puis dites nous: Voilà! Nous autres, on s'enligne comme ça, comme ça; ça va concorder avec telle mesure de la politique familiale qui s'en vient, puis on a besoin de le passer de notre bord, parce que ça s'imbrique avec l'autre. Je peux vous garantir, M. le ministre, que très rapidement le projet de loi va être adopté, sans perte de temps et avec grand plaisir, parce qu'on va être content que les femmes puissent en profiter le plus rapidement possible.

Quand on regarde les avantages que vous mentionnez, 4 500 emplois qui seraient créés, eh bien, avec un accompagnement, ça serait certainement plus que ça, parce qu'il y aurait beaucoup plus de femmes. S'il y a 87 000 naissances par année, il y a peut-être 40 000 femmes qui vont s'en prévaloir, s'il y a un accompagnement. Ça veut dire que c'est 40 000 emplois qui seront libérés pendant une année, c'est ça, là. Peut-être que ça va avoir un autre avantage aussi, un autre effet. L'autre effet, c'est que ça va encourager, peut-être – un des encouragements – les familles à avoir des enfants. On a un taux de natalité aussi, on a une responsabilité... puis, peut-être pas seulement la responsabilité des Normes du travail. Les Normes du travail, ça fait partie de la qualité de vie des citoyens et des citoyennes, la qualité de vie des femmes. Donc, c'est une des parties des politiques qui sont des incitatifs à différentes choses, dont avoir des enfants.

Alors, moi, je souhaiterais, M. le ministre, en toute bonne foi, devant mes collègues, devant vos collègues, devant le personnel de cette commission, je souhaiterais que vous puissiez rencontrer votre collègue, prendre le recul suffisant... On l'a fait, vous l'avez fait dans d'autres projets, ce qui nous a amenés à les adopter. Je n'ai pas l'intention, moi, de passer des heures à essayer de vous convaincre de ça, mais je pense que vous pourriez le bonifier. Mon copain d'à côté me disait, tout à l'heure: On est en train de donner des bonnes idées au gouvernement. Mais je souhaiterais qu'on donne des bonnes idées. Tant mieux si c'est vous qui les amenez, puis que nous, on les vote avec vous: vous en tirerez le crédit auprès de la population. Mais ce qui en restera – parce que les politiciens passent mais la population reste et les gens vivent avec ce qu'on a voté – au moins, on aura fait oeuvre utile dans ce domaine-là et on aura apporté quelque chose de positif pour nos concitoyens, nos concitoyennes. C'est ça, le message que je vous donne. Je ne peux pas vous obliger à l'écouter puis à faire ce que je vous demande; nous suivrons donc, à ce moment-là, les règles du jeu qui sont là. Mais je souhaiterais donc ça, M. le ministre. Je crois que c'est en votre faveur de peut-être aller dans le sens de ce dialogue que nous avons amorcé.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre du Travail.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, j'aimerais préciser deux choses. Le projet de loi qui est devant nous, c'est sûr que c'est un consensus du sommet. La politique familiale que le gouvernement du Québec a élaborée, ça aussi, c'est un consensus du sommet. On est sorti du sommet économique avec un consensus sur une politique familiale, dont les grands axes ont été expliqués aux partenaires socioéconomiques: patronat, syndicats, groupes communautaires, etc. C'est très important de bien comprendre ça.

(17 heures)

La deuxième remarque que je veux faire, c'est: Pourquoi attendre? Le sommet a permis d'entendre tout le monde, tout le monde était présent, tous les partenaires sociaux sur le sujet ont eu l'occasion de s'exprimer, puis on a fait consensus sur le congé parental puis la troisième semaine. Les groupes de femmes étaient présents, et tout le monde s'est exprimé là-dessus en disant: Oui à une politique familiale, oui au projet de loi qui est devant nous aujourd'hui. Je voudrais dire à mon collègue – en tout respect – qui met en doute les chiffres qu'on avance, j'aimerais vous dire, M. le député, que le comité interministériel sur l'aménagement du temps de travail, qui a siégé pendant trois ans et demi, ils m'ont remis leur rapport, et c'est avec ça qu'on a travaillé avec les partenaires socioéconomiques. Ce rapport-là a été déposé, également, au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, qui ont examiné toutes les hypothèses qui étaient soumises, et ils en arrivent à ces conclusions-là. Bien sûr, on peut les contester, mais, moi, je suis parti de données que j'ai jugées suffisamment crédibles pour étayer toute ma réflexion autour du congé parental et de la troisième semaine de congé non rémunéré.

Je voudrais également, M. le Président, vous souligner que le règlement qu'on va proposer allonge la liste des avantages sociaux qui seraient maintenus dans les congé de maternité et parental. De plus, le règlement va ajouter beaucoup à ce qui existe maintenant surtout au chapitre des services continus, la notion du service continu qui continuerait de s'accumuler durant ces deux congés dont on a parlé. Moi, je ne vois pas en quoi ça changerait quelque chose de retarder nos travaux pour aller consulter la ministre. Je le sais quelles sont ses orientations, ça a été débattu au Conseil des ministres. Elle sait exactement ce qu'il y a là-dedans. La ministre de la Solidarité et ministre de la Sécurité du revenu est au courant. On s'est consultés, on s'est concertés là-dessus. Parce que quand on dit que ça s'imbrique dans d'autres politiques, minimalement, la sagesse, c'est d'aller voir ce qui se passe dans les autres secteurs.

M. le Président, j'écoute avec beaucoup de respect ce que dit le député, et Mme la députée de Saint-François aussi; mais sachez une chose, c'est qu'on veut franchir cette étape-là qui aurait dû être franchie il y a quelques années puis on ne l'a pas fait. Moi, ce que je vous dis: Donnez-nous la chance au moins de marquer ce pas-là puis on améliorera la législation s'il le faut un peu plus tard. Mais ce qui est sur la table va être bonifié par une réglementation qui, on espère, va donner satisfaction à peu près à tout le monde.

On n'est pas dans un univers parfait, hein, ça, c'est clair. On n'est pas aussi dans un contexte social et économique où on peut dire aux employeurs: Vous allez mettre la main dans votre poche, puis on va distribuer des congés à tout le monde. Je ne pense pas que ça soit non plus ce qui se dégage des propos de mon collègue. Mais je pense honnêtement que c'est une fichue de belle étape qu'on est en train de franchir. Je suis très content qu'on le fasse, parce que c'est des femmes du Québec qui attendent après ça. Les femmes qui sont venues au Sommet nous l'ont crié dans les oreilles: Donnez-nous au moins ça. Bien, on a dit: Oui, bien sûr, et les employeurs ont dit oui aussi. Mais si on leur avait demandé autre chose, en sus, pas sûr que le consensus aurait existé! Il y a ça, voyez-vous. Et je me dois de le rappeler. Et tout cela dit avec la plus grande franchise parce que moi, je ne veux pas qu'on retarde, parce que je ne veux pas qu'on prive les femmes du Québec, surtout celles qui décident d'avoir des enfants.

Je lisais récemment, M. le Président, un article qui parlait du Québec et de son taux de natalité. On parlait d'un Québec stérile, qui adopte ses enfants – par le biais de l'immigration, évidemment. Je sais que Mme la députée de Saint-François est sensible à ça; elle a travaillé là-dessus quand même de façon admirable. Et les femmes du Québec, il ne faut pas leur mettre de frein, le moins possible, sur leur route, lorsqu'elles veulent élever des familles. Quand le député disait tout à l'heure: Oui, les gens à très bas revenus sont encore en difficulté; vous avez raison, M. le député, vous avez tout à fait raison, mais permettez-nous au moins d'améliorer leur sort un peu.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Au niveau des remarques préliminaires, M. le député d'Argenteuil.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. J'ai l'impression que je suis après revivre le projet de loi de la CSST où c'était très compliqué d'obtenir une affaire très simple et claire de la part du ministre. Puis, je reprends ses dernières remarques où il nous disait qu'il voulait favoriser la croissance de la natalité au Québec et en même temps concilier le mandat ou le désir du sommet économique, c'est-à-dire créer de l'emploi, parce que je pense qu'on s'en va vers l'effet inverse. Non seulement on va avoir une diminution des femmes au travail, ce qui est l'effet inverse qu'il recherche – il voudrait augmenter la présence de la femme au travail sur le marché du travail – puis en même temps il va y avoir une diminution des naissances parce que les employeurs vont être résistants et réticents à engager des femmes.

C'est déjà une charge lourde pour les entreprises d'assumer toutes les taxes sur les masses salariales et les avantages sociaux. On leur dit aujourd'hui: Bien là, on va vous en ajouter un autre petit peu, les 12 semaines que vous allez assumer, parce que la madame, elle va prendre un congé de maternité, ce à quoi elle tout à fait droit. En même temps, on dit à l'entrepreneur ou à l'entreprise: Bien écoutez, en plus, il va falloir que vous formiez un autre travailleur. Parce que madame s'en va en congé maternité, il va falloir que vous assumiez les coûts de la formation additionnelle.

Mais, en plus, quand madame va revenir de son congé de maternité, bien là, il va falloir que vous le mettiez dehors. Or, il y a des syndicats actuellement qui n'acceptent pas ce genre de travail et d'intégration d'un employé temporaire. Il y a des grosses entreprises où les employés ne peuvent pas avoir ce genre de temporaire. Quand ils entrent, après trois mois ou après six mois ils deviennent permanents. Lorsqu'on offre un congé de 52 semaines, il va falloir qu'il y ait une législation ou, dans la législation, il va falloir qu'on prévoie que l'employé qui a joué le rôle de remplaçant n'est pas devenu permanent au sein de l'entreprise parce que, à ce moment-là, il va y avoir un employé qui va être à ne rien faire, qu'ils vont payer à ne rien faire; et ça, je pense, ça m'apparaît anormal d'avoir ce genre ce comportement.

Je pense qu'on aurait dû, avant de soumettre le projet de loi, envisager la formation d'un fonds par lequel on pourrait supporter les femmes qui vont donner naissance à des enfants et aider à augmenter la population au Québec. Et ce fonds-là pourrait assumer les avantages sociaux que les entreprises ont à assumer par le projet de loi pendant 12 semaines, ce fonds-là pourrait l'assumer et en même temps – puis on pourra relever... Moi, en tout cas, je regarde ça et je me dis que quelqu'un qui est arrêté, qui est dans un sans solde, qui va être obligé d'assumer ses avantages qu'elle doit payer elle-même, je ne sais pas où elle va prendre l'argent. Je ne sais pas où elle va prendre l'argent, elle n'a plus de salaire!

Puis, on est à négocier actuellement avec le gouvernement fédéral, et le ministre pourra me corriger là-dessus, le rapatriement de ce fonds de support à la maternité du gouvernement fédéral qui, je pense, c'est 300 000 000 $ – corrigez-moi – plus ou moins. Je pense qu'à l'intérieur de ce fonds-là, on aurait dû envisager tout le support pour la femme enceinte et qui comprenne tout, de sorte qu'elle n'aurait pas à assumer les frais elle-même de ses avantages sociaux. L'entrepreneur n'aurait pas à assumer les frais des avantages sociaux pendant 12 semaines. On pourrait rembourser l'entrepreneur pour les frais assumés de formation additionnelle pour un travailleur qui vient temporairement remplacer un employé compétent. Je pense que, dans cette mesure-là, on pourrait entrevoir un projet de loi simple, pas compliqué du tout, où la personne enceinte pourrait partir en toute quiétude pour son congé, avoir son enfant, accoucher et rester avec lui, l'aider et le supporter pendant les premiers mois, sans créer toute une législation qui va être très complexe à appliquer et dont l'effet recherché va être complètement négativé.

Je pense que l'effet que recherche le ministre, c'est-à-dire augmenter la présence de la femme au travail, augmenter les naissances va se retrouver contrecarré par les réactions des employeurs qui, devant une telle législation, disent: Pourquoi je vais assumer des coûts additionnels alors que je n'en ai pas besoin. Je vais prendre un homme au lieu d'une femme alors que la femme est probablement beaucoup mieux habilitée pour un tel métier ou une telle fonction à être au travail. Je pense qu'on va obtenir exactement l'effet inverse.

Je pense que le ministre doit prendre ça en considération, dans sa démarche, regarder l'aboutissement final de l'effet de la loi qui sera contre-productif, à mon avis. Je n'ai pas les statisticiens qu'il a à ma disposition mais, quand je regarde, il me dit que ce congé ne demeurera toutefois accessible qu'à une minorité. Dans l'hypothèse où toutes les femmes dont le revenu personnel est inférieur à 20 000 $ et le revenu familial supérieur à 50 000 $ se prévalaient de ce congé, il sera possible de créer aux environs de 4 500 emplois.

(17 h 10)

Puis, je dois vous dire, je ne sais pas où il a pris ces chiffres, mais des familles qui gagnent 50 000 $ au total, où la mère ne gagne pas 20 000 $, il n'y en a peut-être pas une kyrielle, mais il n'y en a peut-être pas 4 500. Je ne peux pas le vérifier, je n'ai pas les ressources et les chiffres pour le faire. J'assume qu'ils l'ont fait, mais je suis loin d'être sûr que c'est ça parce que, s'il y a 85 000 ou 90 000 naissances par année, ça voudrait dire qu'il y en aurait 4 500 qui seraient dans cette proportion-là. Ça ne fait pas beaucoup de monde, M. le Président, mais ça fait trop pour les chiffres qu'on nous donne là; en tout cas, il me semble.

Alors, je pense que le ministre aurait intérêt à réviser son projet de loi et à aller voir avec sa consoeur, la ministre responsable de la famille du revenu et de l'emploi, à ce que le rapatriement des sommes du fédéral serve à supporter l'ensemble de la démarche pour la mère enceinte et qu'elle soit supportée jusqu'à la fin et que l'employeur n'aura pas à assumer de coûts additionnels, ce qui va favoriser l'emploi des femmes et leur venue sur le marché du travail, plutôt que nous forcer à avoir l'inverse comme résultat. Merci.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le ministre, toujours au niveau des remarques préliminaires?


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, tout à l'heure quelqu'un disait que le projet était un projet de loi à deux vitesses. Ce n'est pas un projet de loi à deux vitesses. Il octroie à tous et à toutes de nouveaux avantages et de nouveaux droits qui n'existent pas aujourd'hui. Alors, je répète que le projet de loi n'est pas à deux vitesses parce qu'il octroie aux travailleurs et travailleuses de nouveaux avantages et de nouveaux droits qu'ils n'ont pas aujourd'hui et qui, pourtant, sont promis depuis 1990 aux parents qui prennent un congé parental. Soyons bien clair là-dessus. Le projet de loi amende la Loi sur les normes du travail, non pas la politique familiale. Elle n'est pas votée. Mais ce qu'on s'apprête à voter comme projet de loi, c'est sûr que ça s'intègre sur le plan philosophique à une politique familiale parce que ça touche des parents, ça touche des mères qui ont des enfants. Mais, M. le Président, j'aurais le goût de dire: Donnons donc des nouveaux droits maintenant, alors que tous y souscrivent. Tout le monde y souscrit. Toutes les parties y souscrivent. Et quand on sera en meilleure situation économique, bien on ajoutera ce qu'on aimerait ajouter aujourd'hui, ce dont le député de LaFontaine parlait tout à l'heure.

J'écoutais également le député d'Argenteuil. Est-ce qu'on doit accrocher notre projet de loi à des négociations fédérales-provinciales qui peuvent aboutir dans un an, dans deux ans? Je ne le sais pas. Est-ce qu'on va priver les femmes du Québec de mesures qui leur facilitent la chose lorsqu'elles veulent élever des familles, donner naissance à des enfants? De plus, comme ministre,je me sers de ce projet de loi pour aller plus loin encore que le seul allongement du nombre de semaines de congé parental, M. le Président. Je veux qu'enfin on puisse donner un sens au congé parental en le rendant par voie réglementaire d'une application simple, d'une application pratique.

Je serais très mal à l'aise qu'on bloque l'évolution de ce projet de loi sur le plan législatif parce qu'on n'y intègre pas tous les éléments d'un modèle idéal pour les jeunes parents. Je dis: Bien sûr, il y a du vrai là-dedans, mais quant à ne rien faire, comme c'est le cas depuis 1990, moi, je me dis, M. le Président: Allons-y donc. Faisons ce bout-là ensemble, et plus tard, on verra à apporter d'autres ajustements si besoin est et si le contexte économique s'y prête mieux.

Durant le congé de maternité, les avantages sociaux – régimes d'assurance et de retraite – sont maintenus comme si le salarié était au travail. Il ne les perd pas, comme s'il était au travail. Moi, je crois qu'on a attaché, avec ce qu'on appelle les «porte-parole importants du Québec», un projet qui, minimalement, fait l'affaire de tout le monde. On n'ira pas reculer là-dessus; je me sentirais socialement honteux de reculer là-dessus. Ce n'est pas possible, et je pense que mon collègue, qui a une conscience sociale aussi aiguisée que la mienne, va comprendre ça très facilement, parce que les recommandations qui m'ont été faites par le conseil d'administration de la CNT sont issues d'une longue recherche sur toutes les positions demandées, sur toutes les réclamations des groupes concernés par le congé parental et le congé de maternité: Conseil du statut de la femme, Conseil de la famille, Fédération des femmes du Québec.

M. le député de Saint-Laurent, il y a des jours où, si on avait eu des consensus comme ça sur certains projets, on serait allé assez vite, merci.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Rioux: Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Oui. M. le Président, moi, j'ai de la misère avec ça, bien de la misère avec les propos de M. le ministre. Il ne fonctionnera pas, son projet de loi, il n'y en aura pas, des... Ça ne marchera pas, il n'y aura pas 4 500 emplois, ça ne peut pas marcher. Ses chiffres, ils le démontrent par eux-mêmes, ça ne fonctionnera pas.

Une autre incohérence: il nous parle de ses politiques familiales. Actuellement, il y a une ministre dans son gouvernement qui est en train de faire une réforme sur les garderies: la garderie à 5 $ par jour. Ça veut dire que le gouvernement va mettre des sommes d'argent dans les garderies, parce que moi, je le sais, mon fils va dans une garderie, ça coûte plus cher que 5 $ par jour, à moins de faire des immenses classes pleines d'enfants. Mais je ne pense pas, je présume qu'on va maintenir les mêmes critères que maintenant: cinq, six, sept enfants par groupe, avec une monitrice.

Bon. On est prêt à mettre de l'argent pour ça. On est prêt à faire en sorte qu'une femme qui retourne travailler après son congé de maternité normal, si elle met son enfant à la garderie, soit subventionnée. On va la subventionner pour mettre son gamin ou sa gamine, son petit poupon haut de même, dans une garderie; à tous les mois, la garderie reçoit un chèque. Mais on ne permet pas à cette même mère de famille de rester à la maison et de recevoir le même montant qu'on donnerait à la garderie pour son enfant.

Ça n'a pas de maudit bon sens! Ce n'est pas une politique sociale ou familiale que vous faites, ça n'a pas de bon sens. Ça n'a aucun maudit bon sens, à moins que l'État n'ait décidé de prendre les enfants à partir de la pouponnière et puis de les embarquer dans le système étatique. On veut étatiser l'enfance ou quoi? On a l'occasion en or, M. le ministre, de faire en sorte que les mères de famille s'occupent de... Vous pouvez rire, M. Rivard, ça vous amuse peut-être. Moi, ça ne m'amuse pas. Ça ne m'amuse pas, je vous le dis. Je vous l'ai déjà dit dans d'autres projets de loi, ça ne m'amuse pas quand vous riez.

Une voix: Eh que c'est bon, ce que tu frelates!

Une voix: Continue ta lecture, là, continue ta lecture, bon.

(17 h 20)

M. Gobé: Ça ne m'amuse pas, ça n'amuse pas les gens non plus. Vous êtes prêts à subventionner des garderies pour qu'elles gardent les enfants, mais vous n'êtes pas prêts à aider les mères pour qu'elles puissent profiter d'un congé parental ou de maternité que vous leur donnez et qu'elles ne pourront pas prendre parce qu'elles n'ont pas d'argent. Elle est où, votre logique? Ce n'est pas comme s'il n'y avait pas d'argent. Si on ne peut pas faire supporter par les entreprises, cet argent-là... C'est vrai. Vous avez raison. Mes collègues l'ont amené. Il y a tellement d'argents qui sont mélangés de partout, toutes sortes de programmes, CSST, assurance-chômage, assurance-emploi, les garderies. Vous devriez accompagner ça d'un fonds qui verrait à faire gérer ça. Qu'on donne l'argent à une éducatrice dans une garderie ou qu'on le donne à la mère à la maison, il me semble que si la mère décide de... Vous reconnaissez qu'elle a besoin d'un congé de maternité plus long pour s'occuper de son enfant. C'est vous qui le dites. Vous amenez le projet de loi. Vous vantez ça. Donnez-lui les moyens. On le donne à la garderie, mais on ne le donne pas à la mère. Elle est où votre logique? Moi, je n'en vois pas de logique. Je n'en vois aucune, aucune. Ça vous amuse? Ça vous amuse, M. Rivard?

Moi, je ne trouve pas ça dans l'esprit que vous dites. Vous parlez de politique familiale, vous parlez des travailleuses, des travailleurs, des plus démunis. Vous en parlez abondamment. Ah! on vous entend, mais vous n'agissez pas. C'est du vent. Ce projet de loi n'est pas applicable. Vous parlez de créer 4 500 emplois. Il y a 87 000 naissances par année. Ça veut dire qu'il y a 87 000 personnes, qui ne travaillent pas toutes, mais au moins les deux tiers ou la moitié, la moitié des femmes travaillent, 60 % me dit-on des femmes seraient éligibles. Ça veut dire qu'on parle de 45 000 travailleuses et plus qui pourraient être amenées à prendre cette année-là si elles étaient accompagnées. Là, vous en créeriez des emplois, peut-être, ce qui est votre but principal. Et, en même temps, vous feriez oeuvre utile, politique sociale. L'argent, il est là. Ce n'est pas comme s'il n'était pas là. Si vous me disiez: On n'en a pas dans les garderies, les prix ont augmenté... Ce n'est pas vrai. 5 $ pour tout le monde, que l'enfant ait quatre mois, deux ans ou trois ans... Bon. Bien, l'enfant qui a quatre mois, si sa mère veut le garder, transférez donc cet argent-là à la mère de famille qui, elle, va décider de rester à la maison.

Moi, je suis renversé quand je vois des trucs comme ça. Et vous nous dites: Ce n'est pas arrimé et... Vous avez dit, dans votre discours, tout à l'heure: Politique familiale structurée qui a été retenue au sommet. Vous l'avez dit. Je l'ai pris en note et ça m'a frappé parce que je me suis dit: Ah! Il y a quelque chose qui a été structuré au sommet en matière de politique familiale. Le ministre a l'air de connaître ça. Elle est où votre structure, elle est où la structuration, là-dedans? La politique familiale n'est pas là du tout. Vous dites que Mme Marois l'a vu. Pourtant, la ministre, la députée de Taillon – vous dites qu'elle l'a vu – si elle l'a vu, est-ce que vous lui avez dit, vous: Écoute bien, Pauline, écoutez, Mme la ministre, ma collègue, y «a-tu» moyen que, si la mère veut garder son enfant, dans mes 18 semaines supplémentaires, que l'argent que tu seras obligée de payer de toute façon si elle le met à la garderie, tu le donnes dans mon fonds à moi pour l'accompagner à faire ça? Pour au moins l'aider à payer ses avantages?

Mon collègue – le docteur – le député d'Argenteuil l'a dit: Comment voulez-vous que la madame qui n'a pas de revenus paie ses avantages sociaux? Vous allez l'appauvrir pour garder ses droits acquis, pour garder ses avantages. Vous voulez encourager le monde à y aller, en plus de ça? Vous n'êtes pas sérieux dans vos affaires ou, alors, vous ne vous rendez pas compte que ce que vous nous dites ne correspond pas à ce qui se passe dans l'environnement. Quand vous êtes passé auprès de vos ministres et de vos collègues, leur avez-vous parlé? Ils l'ont vu, mais vous, avez-vous amené une proposition? Avez-vous dit: Tiens, moi, je propose ça? Ça va coûter tant, ça pourrait coûter tant. Par contre, ça coûte tant de l'autre bord et je peux ramasser tant dans tel autre fonds parce qu'ils l'utilisent pareil.

Ma collègue, la députée de Saint-François, a fait ressortir de manière très précise que les retraits préventifs, c'était la CSST qui les payait. On a discuté sur la CSST, ça n'a rien à faire là-dedans. Vous en avez des moyens. Faites preuve d'imagination. Votre premier ministre avait dit: Assez de verbiage, osons. Vous n'osez pas. Vous avez peur d'oser ou alors vous avez oublié d'en parler. Avez-vous un mémoire là-dessus? Avez-vous fait une proposition? Avez-vous eu des idées? Avez-vous un peu de créativité? Ou c'est M. Rivard qui vous amène une Loi sur les normes et, comme à la CSST, vous amenez quelque chose, et M. Machin vous parlait dans l'oreille. Les témoins se sont plaints, à un moment donné, que ça avait l'air que vous répétiez ce qu'ils disaient. Avez-vous un peu d'imagination, M. le ministre? Êtes-vous capable d'apporter quelque chose? Quand même vous l'auriez amené et qu'elle vous aurait dit non, vous auriez peut-être au moins pu le défendre.

Vous auriez pu en parler avec vos collègues députés et dire: J'ai ça comme projet, «ç'a-tu» du bon sens? Ça nous coûte tant, mais on le dépense ailleurs, et on va créer tel avantage pour les mères de famille, tel avantage pour la famille, tel avantage pour les entreprises, et ils ne seront pas obligés de payer ça tout seuls ou complètement ou pas du tout, de voir à la modulation, puis ils n'hésiteront pas à engager des femmes. En plus, ça va encourager les femmes à s'en prévaloir, de ce congé-là. Au lieu de 4 500 emplois virtuels, ca va être peut-être 10 000 ou 15 000. Là vous auriez rempli le mandat que vous vous donniez, là vous rempliriez le mandat social dont vous vous réclamez, aussi. Puis, là, on en serait, nous autres, M. le ministre, on en serait. Politique à deux vitesses: quelques aisés vont pouvoir s'en prévaloir; les autres, pas question, pas du tout. C'est beau ça pour un gouvernement qui se dit social-démocrate!

Le Président (M. Gauvin): M. le député de LaFontaine, j'avais M. le député d'Argenteuil qui voulait à nouveau intervenir.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Tantôt, j'écoutais le ministre répliquer aux remarques que nous avons faites et j'ai été un peu surpris de voir qu'il prend les choses hors contexte et puis il les manipule à sa façon. J'étais présent, moi aussi, au sommet économique, je n'ai pas manqué une seule session. Et je m'étonne de voir que jamais il ne parle qu'aussi, au sommet économique, ça a été un consensus de diminuer les charges aux entreprises. Ça a été un consensus, ça aussi. Et là, aujourd'hui, vous me dites: Bien, on va vous en rajouter un petit peu, quand même. Il me semble bien que ça avait été un consensus, M. le Président. Il avait été très clair qu'on trouve que les entreprises au Québec sont les plus taxées de tout le Canada. Puis, aujourd'hui, pour les aider, pour donner un petit coup de pouce, on va vous en mettre un peu plus. Bien oui, continuez à payer un peu plus, pendant 12 semaines que vous allez assumer. Bon, on va vous aider, continuez.

Je pense que ça, ça va exactement à l'inverse de ce qui avait été décidé au sommet par consensus, où tout le monde était d'accord que les charges données, appliquées aux entreprises étaient débordantes, qu'on en avait trop et que c'était contre-productif, qu'il fallait en diminuer pour se rendre compétitif sur le marché national et international. Le ministre, aujourd'hui, nous dit: Bien, ce n'est pas grave, on va vous en ajouter encore – continuez à en prendre – au lieu de vous en enlever. Ça, je trouve ça un peu aberrant de voir que le ministre ne prend que ce qui fait son affaire du sommet.

Par ailleurs, je vois bien qu'il aime beaucoup jouer sur les sentiments. C'est un homme émotif. Il l'a prouvé, d'ailleurs, pendant des années; il avait la facilité de s'emporter. Mais, lorsqu'il utilise des mots comme «honteux» et qu'on n'a pas de «conscience sociale», puis ça va être honteux si on n'adopte pas ce projet de loi, moi, je dirais au ministre: Il va avoir honte des résultats de son projet de loi quand il pourra en peser les conséquences au bout de la ligne, lorsqu'il verra que ce sera exactement l'inverse comme résultat, qu'au lieu d'augmenter le nombre de femmes sur le marché du travail, au lieu de favoriser le nombre de naissances, l'accroissement des naissances dans la population, ça va être le résultat inverse, parce que les entrepreneurs, les entreprises vont s'objecter à engager, à prendre à leur service des femmes qui sont dans leur période de procréation. Puis, à ce moment-là, on va exactement à l'inverse de ce qu'on veut faire avec une politique comme ça. C'est ce qu'on va faire aujourd'hui, M. le Président. Et ça, je pense que c'est d'avoir une politique à courte vue, puis d'aller imposer...

Le ministre, il dit: Bien là, on va en faire un bout. Il faut que le ministre se rappelle: il y a un bel adage qui dit que, des fois, la solution est pire que le problème. Peut-être qu'il serait mieux de ne pas y toucher puis d'attendre qu'on ait une politique familiale globale parce que, quand je regarde ça, je me dis – puis mon confrère de LaFontaine y a fait allusion indirectement – on prend des ressources puis on envoie ça dans des garderies pour garder des poupons au lieu de dire à la mère: Bien, écoutez, ça me coûte 15 $ par jour pour faire garder votre poupon à la garderie, voulez-vous, on va vous le donner puis restez à la maison avec lui. Il me semble qu'il va être mieux traité, il va être mieux élevé, mieux éduqué. Puis, au lieu de traiter des infections nasales puis les oreilles des «p'tits pits» à tous les jours, bien, on ne les aurait pas, ces infections-là. C'est ça qu'on fait aujourd'hui, puis il n'a pas mesuré les coûts! C'est bien beau la garderie là, mais allez voir le nombre de petits enfants qui se ramassent à l'hôpital Sainte-Justine qui ont des maux d'oreilles puis des maux de gorge parce qu'ils se contaminent l'un l'autre dans les garderies.

(17 h 30)

Ça, c'est les coûts indirects qu'on n'évalue pas. Bien, peut-être que dans une politique familiale globale on devrait penser à ça. On devrait repenser aux coûts médicaux, aux charges sociales, aux engagements qu'on fait dans les garderies – l'argent qu'on y met – puis dire à la mère: Restez donc à la maison si vous voulez; si vous ne voulez pas, c'est votre choix. On la laisse libre, c'est son choix. Mais si elle veut rester à la maison mais qu'elle n'a pas les moyens de se le permettre, qu'on lui donne donc la possibilité de le faire, qu'elle ait donc la chance de le faire si elle le veut, au lieu de donner l'argent dans une garderie puis d'enlever à la mère... On lui enlève son bébé, puis on lui dit: Écoute, emmène-le, ton bébé, on va en prendre soin bien mieux que toi, nous autres. Le gouvernement, on connaît ça; on est bon là-dedans. Depuis quand est-ce le rôle du gouvernement de prendre soin des bébés puis de changer des couches? Depuis quand est-ce ça, son rôle? Je pense que c'est inacceptable de voir la courte vue qu'on nous présente aujourd'hui.

Si on veut faire une politique, qu'on la fasse globale, et on va la supporter. M. le ministre, il sait très bien que, quelles que soient les objections qu'on soulève aujourd'hui, son projet de loi, il va le passer. Il va le passer, s'il veut le passer. Mais je fais appel à son bon sens, à sa conscience sociale – comme il nous a dit tantôt, sa conscience sociale – qu'il regarde l'impact sur les mères qu'il dit vouloir aider. Le résultat va être exactement l'inverse.

Qu'il fasse appel à sa conscience sociale, à l'ensemble du problème, non pas juste à un petit morceau, dire: Ah bien, là, je vous sors du travail puis tout va être supporté. Il n'y a pas juste ça, dans une mère de famille. Puis il n'y a pas juste ça, dans un enfant. Puis il n'y a pas juste ça, non plus, dans un père. Il y a bien plus que ça, M. le ministre. Et si vous avez une conscience sociale le moindrement développée, vous devriez y faire appel pour voir l'ensemble du problème, non pas juste un petit morceau du problème. Quand vous l'aurez fait, M. le ministre, on va vous supporter dans votre projet de loi.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le député d'Argenteuil. J'aurais Mme la députée de Saint-François qui voulait intervenir à nouveau.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, M. le Président. Je trouve ça dommage parce que le principe de vouloir augmenter les congés de maternité, le principe comme tel, est louable, fort louable, et on ne peut pas être contre ça. Par contre, là où j'en suis actuellement... je reviens toujours avec mon intervention du début. J'en arrive encore à l'idée qu'on n'a pas la vue d'ensemble. C'est une politique qui doit se travailler à divers paliers.

Mon collègue faisait état, tout à l'heure, de la politique familiale mais, moi, j'irais beaucoup plus loin que ça. Je reviens toujours avec aussi la politique de l'emploi et la politique aussi, là, où on est en train de négocier avec le gouvernement fédéral le rapatriement de sommes assez considérables. Qu'est-ce qui va arriver avec ça? Qu'est-ce qu'on va faire?

Je reviens toujours avec ma fameuse banque de congés. Parce que ça s'est discuté déjà en commission parlementaire – avec votre prédécesseur, M. le ministre – et la banque de congés aurait double effet. Premièrement, aider, naturellement, les parents qui veulent des enfants. On connaît notre taux de naissance, actuellement, notre problème démographique. On a un grave problème. On sait très bien que, pour maintenir seulement notre poids démographique au sein de la fédération canadienne, ça nous prendrait 1,8 enfant par femme et 55 000 immigrants par année. On est à 1,6 puis on était à 1,4 il y a quelques années; et on va chercher à peu près 25 000, 30 000 immigrants par année. Alors, on est en déficit. C'est un problème qu'on a actuellement. Il faut avoir des politiques pour aider les parents à avoir des enfants.

Mais aussi il faut avoir des politiques qui vont aider les entreprises. Je reviens encore avec mon discours du début. Vous avez des grandes entreprises qui ont le moyen de supporter le remplacement, qui ont le moyen de supporter certaines charges sociales. Et, encore là, je ne suis pas sûre, moi, que lorsqu'on a accepté, lors du Sommet, cette proposition, on était au fait que les entreprises devaient payer les charges sociales de la personne qui devait quitter, en plus du salaire du remplaçant ou de la remplaçante et en plus aussi de la formation qu'on devait donner. Alors, donc, pour les grandes entreprises, malgré tout, je me dis: Bon, elles ont plus le moyen de supporter cette charge. Mais pour les petites et moyennes entreprises, remplacer quelqu'un, ça équivaut à une charge assez considérable parce que, premièrement, il s'agit de formation. Il s'agit aussi de payer les charges sociales – c'est considérable – ce qu'on pourrait éliminer dans le cas d'un fonds ou dans le cas d'une banque de congés, parce qu'on pourrait fonctionner pour aider davantage ces petites entreprises qui n'auraient pas à supporter au même coût que, par exemple, d'autres grandes entreprises qui ont plus de facilité.

Alors, donc, il y a un certain équilibre, de sorte que les petites entreprises ne seraient pas pénalisées, et ça, ça serait une véritable politique. Politique, premièrement, qui pourrait aider la démographie, politique qui pourrait aider l'emploi chez les femmes parce que, comme je le mentionnais tout à l'heure, il va y avoir de la réticence. Il y a de la résistance, on le sait, actuellement, pour embaucher des femmes qui n'ont pas l'âge de procréer. Ça, c'est une autre chose et, en plus de ça, c'est qu'on n'aurait pas de charges, on pourrait faciliter cette tâche pour les entreprises, pour les petites et moyennes entreprises. Elles n'auraient pas ces charges supplémentaires.

Donc, je reviens à dire que le principe de votre projet de loi, M. le Président, le principe du projet de loi du ministre est un bon principe comme tel. De vouloir augmenter les congés de maternité, je trouve ça tout à fait louable, mais je trouve ça juste, actuellement, un peu prématuré par rapport à tout ce qui s'en vient et par rapport à un débat qui pourrait être beaucoup plus large pour créer cette banque de congés qui faciliterait les congés mais qui, en même temps, aiderait les entreprises.

Donc, c'est dans ce sens-là que... Moi, M. le Président, je n'interviendrai plus à ce moment-ci. Je pense que j'ai dit tout ce que j'avais à dire, mais je dis au ministre: Réfléchissez et voyez s'il n'y a pas lieu tout simplement de reporter, afin de pouvoir avoir cette discussion d'ensemble avec vos collègues pour pouvoir revenir avec quelque chose de beaucoup plus substantiel et qui aurait une vision d'ensemble, chose qu'on n'a pas actuellement.

Et moi, je ne suis pas certaine, je suis loin d'être certaine que demain matin, lorsqu'on aura adopté le projet de loi et qu'on ira dire aux petites et moyennes entreprises ou à toutes les entreprises: Vous avez des charges supplémentaires pour les 12 premières semaines de remplacement, je ne suis pas sûre que le consensus du sommet serait le même. Alors, je pense que ça mériterait d'être regardé beaucoup plus en profondeur. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): M. le député de Saint-Laurent, je pense que... à nouveau.


M. Normand Cherry

M. Cherry: M. le Président, le ministre a invoqué que bien sûr ça fait partie de ce qu'il est convenu d'appeler un consensus du sommet. Je pense que les gens qui sont invités à des sommets, qui n'ont pas, si vous voulez, l'expérience ou la facilité du législateur, ont droit d'exprimer des orientations. Eux autres, ils disent: Voici ce qu'on souhaiterait et voici ce qui pourrait aider la société québécoise. Je pense qu'ils sont en droit de s'attendre que le législateur va transposer en projet de loi une véritable réponse à leurs préoccupations. Autrement, ça devient d'invoquer le mot consensus pour être capable de tenter de faire miroiter des possibilités dont, dans le concret, dans la réalité, ils ne pourront pas bénéficier. Alors là, je trouve que ça c'est quelque chose qui... comme tout le monde le dit, l'intention est louable mais comment, dans les faits, ça peut véritablement s'appliquer? Écoutez, là. On ne se fera pas d'illusions. Il me semble qu'on n'a pas à se convaincre personne, puis surtout pas du côté ministériel.

Je reviens encore au discours inaugural du premier ministre qui nous dit que les enfants, c'est la pierre et le mortier, les assises. Je veux dire, le langage est excellent. Il ne pouvait pas trouver de plus beaux mots que ça pour rallier l'ensemble de la collectivité québécoise. Ça, c'est des beaux mots, mais il faut s'attendre à ce que ça va être transposé par des gestes concrets du gouvernement.

(17 h 40)

Mais là j'ai l'impression que le ministre entend pour la première fois des représentations – comme mon collègue de LaFontaine l'a soulevé puis mes autres collègues – qui auraient dû déjà faire l'objet de préoccupations puis de débats à l'intérieur du gouvernement. Parce que dire que ça peut créer 4 500 emplois si l'ensemble des femmes au Québec s'en prévalaient, mais quand... On sait bien, M. le Président, dans les faits – vous en avez dans votre comté, puis j'en ai dans le mien – celles qui ont des emplois à temps partiel, celles qui ont peine à gagner du 14 000 $, du 15 000 $, puis du 17 000 $ par année, pensez-vous qu'elles ont les moyens de payer le surplus de leurs avantages? Voyons donc, là. Tout ça c'est, le plus vite possible, trouver quelqu'un pour pouvoir retourner au marché du travail. C'est ça dans la vraie vie.

Si on est conscient qu'on veut répondre à un besoin du vrai monde, on doit répondre par des vraies solutions; autrement, ça devient de la mise en scène. Parler de la création de 4 500 emplois quand, dans les faits, on sait très bien que... Ma collègue invoquait qu'il y a 87 000 et quelques cents naissances au Québec par année; enlevez toutes celles qui sont déjà assujetties par des conventions collectives, qui travaillent au gouvernement, et regardez à qui véritablement ça peut s'appliquer. Une fois qu'on aura extrait ces gens-là et qu'on regardera la clientèle à qui ça peut être ciblé, si on s'adressait à ces gens-là, puis voir quelles sortes de revenus ces gens-là exercent pour qu'ils puissent s'en prévaloir, en tout cas, on va réaliser que, si quelqu'un veut maintenir encore bien longtemps le 4 500 emplois, il me semble qu'il aurait le sentiment qu'on se moque d'eux autres un peu.

Alors, moi, je reviens au consensus que le ministre a invoqué et les gens au Sommet, l'idée qu'ils avaient derrière ça, c'est que le législateur transpose leur consensus par une pièce de législation qui répondrait à créer des emplois. C'est ça qu'ils voulaient. Ça s'appelait le Sommet de l'emploi, pas le sommet du babillage, pas le sommet de la mise en scène pour accoucher de rien, c'est supposé être un vrai sommet pour créer des emplois et, pour faire ça, il faut que ça se transpose par quelque chose qui a du bon sens. Mon collègue invoque: Si tu envoies ton enfant à la garderie, on va te donner de l'argent. Si tu décides de rester chez toi, c'est bien de valeur mais, en plus de ne pas te donner la même allocation, en plus de ça, on te donne l'occasion prendre l'argent que tu ne gagnes plus pour ajouter ça, pour maintenir tes charges. Dans les faits, M. le Président, ça ne répond pas aucunement.

Moi, je pense que le ministre aurait intérêt à regarder de très près les suggestions qui lui sont faites et on peut l'assurer de notre collaboration pour revenir avec quelque chose qui répondrait aux véritables besoins des gens qu'on prétend que ce projet de loi veut aider, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le député de Saint-Laurent. M. le ministre du Travail.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, c'est bizarre comme les choses peuvent changer. En 1990, les groupes de femmes avaient demandé au ministre de l'époque – c'est M. Bourbeau, je pense – de créer un fonds ou une banque de congés. On les avait envoyées littéralement paître, je me souviens très bien de ça. Et c'était une revendication des femmes pour réaliser à peu près ce dont le député de LaFontaine parle aujourd'hui, c'est-à-dire créer une banque de congés pour venir en aide aux femmes qui voulaient garder leurs enfants. Ça a été refusé de façon catégorique, en 1990, alors que les groupes de femmes le demandaient haut et fort. Pire que ça, on avait pris une orientation puis on n'a pas eu la finesse d'aller jusqu'au bout. Évidemment, dans l'opposition, on a un discours; au pouvoir, on en a un autre, c'est possible.

J'écoutais le député de Saint-Laurent puis, bon, c'est l'évidence même. M. le Président, le consensus qui s'est dégagé au Sommet, c'est plus qu'un consensus, c'est le résultat d'une consultation très large et, de plus, la proposition de règlement constitue une amélioration; jusqu'à l'heure actuelle, il n'y avait rien et, là, aujourd'hui, on améliore la situation. Alors, moi, je veux bien écouter des discours, des plaidoyers vibrants mais regardez donc ce que vous avez fait en 1990. Il ne s'est rien passé en 1990. Là, aujourd'hui, on fait un pas dans la bonne direction, vous vous opposez, au nom du... Vous savez qu'il faut faire attention, il faut être prudent dans la vie. On ne peut pas dire n'importe quoi, ça revient comme effet boomerang. Moi, j'estime que ce qui est devant nous est une proposition honnête, correcte, qui a été bien analysée. On pense qu'on peut faire un bon bout de chemin avec ça, à l'avantage des femmes du Québec.

On a dit également tout à l'heure que le système de garderies et de donner de l'argent aux garderies, le 5 $... le député semblait s'amuser un peu avec ça. Ça a l'air de rien mais le 5 $ qu'on va verser aux garderies sans but lucratif, je veux dire au député de LaFontaine que ça va nous sauver pas mal de travail au noir, ça, j'aimerais qu'il en prenne note aussi. S'il y a un secteur où il y a du travail au noir au Québec, c'est dans le domaine des garderies privées. Je viens de faire le tour d'une série de garderies dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, des garderies qui sont des OSBL; elles vivotent, elles ont de la misère, et elles sont victimes d'une concurrence déloyale de garderies qui coupent les prix ou, encore, qui n'obéissent pas aux mêmes critères qu'on serait en droit d'attendre lorsqu'on garde des enfants.

Mais on n'est pas ici pour faire le débat sur les garderies. On est ici pour parler du projet de loi n° 88 et, moi, je voudrais conclure, M. le Président, en disant à nos collègues de l'opposition: Il vous est loisible de faire toute l'obstruction que vous voulez; c'est votre droit le plus strict. Pas de problème avec ça. Quant à la consultation avec la ministre responsable du dossier de la famille: on a eu l'occasion de s'en parler, vous le comprendrez bien. Est-ce que je peux lui en reparler? Bien sûr que je vais lui en reparler. C'est bien normal. J'ai pris note de tout ce qui a été dit ici, aujourd'hui, et, moi, j'ai fait preuve, jusqu'à maintenant, depuis que je suis en fonction, d'assez grande ouverture. Je pense que le premier qui peut en témoigner, c'est celui qui est en face de moi. Vous n'avez pas affaire à un gars borné, ici, de mon bord, et mes collèges, ici, qui sont membres de la commission, la même chose. Mais je ne voudrais jamais qu'on mélange les choux puis les carottes. Ici, on est dans le domaine du travail, pas nécessairement dans le domaine familial. Mais cependant, je reconnais qu'on est dans le domaine, beaucoup, social.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. J'aurais M. le député de Roberval.


M. Benoît Laprise

M. Laprise: Merci, M. le Président. Moi, je présume que la loi qui est actuellement présentée par le ministère du Travail reconnaît certains droits, reconnaît une nouvelle orientation dans le cas de cette catégorie de personnes-là qui ont des besoins particuliers en termes de vacances, en termes de reconnaissance de droits. C'est nouveau dans le décor. Je ne pense pas que, actuellement, on puisse parler de la loi de la famille. On la discutera en temps et lieux, et on va faire le débat sur la loi de la famille. Soyez assurés de ça. Il va y avoir un très large débat là-dessus, une très large consultation. Je pense qu'on va le faire à ce moment-là. Quand on regarde, par exemple, les responsabilités des entreprises, on sait que les entreprises participent déjà à la formation. Alors, s'il y a de la formation à donner à du personnel supplémentaire, il y a une banque, il y a un fonds, actuellement, une contribution qui est donnée par les entreprises, qui vont pouvoir aller chercher dans cette contribution-là l'argent nécessaire pour la formation de leur personnel nouveau. Je pense que c'est ça, là. Actuellement, ça existe.

Alors, je pense qu'il y a un maillage entre les lois aussi. Je pense que la loi de la famille étant en étude va reconnaître certains besoins aux femmes qui auront moins de revenu. Elle va reconnaître des besoins. Elle va reconnaître certainement une participation financière, avec la politique du revenu, et ce sera discuté à ce moment-là. Maintenant, moi, je crois que le projet de loi n° 88, actuellement, qui est présenté par le ministère du Travail est une norme du travail qui va encadrer, d'une façon particulière, des besoins particuliers. C'est nouveau dans le décor et je pense que c'est un acquis pour les personnes qui vont être touchées par cette loi-là. S'il y a des besoins nouveaux en fonction de cette nouvelle orientation-là, ça sera discuté dans une autre loi. C'est comme ça que je vois ça.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le député de Roberval. Avant de, à nouveau, passer la parole au député de LaFontaine, j'aimerais rappeler aux membres de cette commission qu'il reste à peine 12 minutes et qu'on est toujours, avec l'accord que j'ai eu tantôt des membres de cette commission, au niveau des remarques préliminaires. On n'a pas encore appelé l'article 1. M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Oui, merci, M. le Président, et, devant cette tolérance pour dévier des règles, il n'est pas de mon intention d'en abuser.

(17 h 50)

J'ai écouté les dernières remarques de M. le ministre du Travail. D'abord, il accuse le gouvernement précédent de n'avoir rien fait. Moi, je ne reviens pas là-dessus. On n'est pas en débat contradictoire. Simplement, dire que c'était en 1990; nous sommes en 1997. Il est aux affaires et il est sage pour l'opposition de faire valoir des idées et des suggestions pour essayer de bonifier les projets de loi qui sont apportés et même de les rendre plus efficaces et plus performants. Ce sont les objectifs qui sont poursuivis, soit la création d'emplois et, aussi, tenir compte du contexte social du Québec, familial. Je pense que c'est légitime et moi, ça ne m'inquiète pas grand chose, ça ne m'impressionne pas qu'on nous dise: En 1990, vous n'avez pas fait ça. Ouais! Bon. On est dans l'opposition maintenant et vous êtes au pouvoir. Alors, ce n'est pas une grande défense. En plus, il y a des choses qui ont été faites au niveau des retraits préventifs, au niveau des vacances aussi, des délais dans les semaines de vacances. On pourrait en sortir mais je ne ferai pas la litanie, pour parodier votre collègue. Je pourrais en sortir aussi. On a tous des aide-mémoire avec des réalisations d'un ou de l'autre, ou qui n'ont pas été faites par un ou par l'autre.

Le but n'est pas là. Mon but n'est pas de faire un débat partisan là-dessus. Notre but à nous, ici, est, devant ce projet de loi là, de dire: Écoutez, le principe est bon. On est d'accord. On est 100 % avec vous autres. On est prêt à voter ça, nous autres. Mais y a-t-il moyen, vu qu'on a ouvert la porte... On a une occasion là, de faire quelque chose, de faire un débat. Hier, on a passé 45 minutes pour parler du syndrome de Pinocchio en cette Chambre en disant: La crédibilité des politiciens semble entachée dans la population. On a une occasion en or, là, par des débats comme celui-là, de démontrer à la population que nous, les politiciens, on n'est pas simplement des gens qui n'ont pas de principes, qui n'ont pas d'idées, qui sont prêts à voter sur n'importe quoi, n'importe comment, mais qu'on veut faire améliorer le système, améliorer leur cadre de vie. C'est une des occasions, elle est minime, elle est marginale. On ne refera pas le Québec avec cette loi-là, mais on va y contribuer. Puis, on est prêt à y contribuer avec vous. On est prêt à mettre notre épaule à la roue. On parle de réforme parlementaire. On dit de faire participer les députés. On essaie de participer. On va l'adopter, le projet de loi, le ministre va l'adopter certainement. Certainement qu'on ne parlera pas des heures pour ne rien dire. Si on parle, c'est parce qu'on va dire des choses. Moi, je préférerais plutôt que...

M. le ministre nous disait, il y a quelques minutes, en terminant: Oui, il dit, je vais en parler à ma collègue. Il reste à peu près huit ou neuf minutes. Là, on a des choix: ou faire une motion pour entendre la ministre nous-mêmes ici en commission – là, elle va parler 40 minutes et chacun va parler à peu près 20 minutes, c'est 20 minutes je pense – ou alors, on se met d'accord. M. le ministre, il nous dit: Bien O.K. Moi, je vais aller la rencontrer, je vous assure qu'à la prochaine séance j'aurai parlé avec elle, puis qu'un certain nombre de vos questions, je les aurai posées, je les aurai fait valoir, puis je vous y répondrai.

Ce serait peut-être déjà un bon pas dans la direction qui nous permettrait de faire le pas suivant, donc, d'appeler l'article 1. Il ne reste même plus huit minutes maintenant. C'est la suggestion que je fais, M. le Président, dans le même état d'esprit qui a fait qu'on a pu discuter, sans être obligé d'amener une motion pour la ministre de l'Emploi, une motion pour la ministre de l'Éducation, une motion pour le service de garde à l'enfance, une motion pour inviter plein de gens qui sont intéressés, une motion pour les centres des femmes, une motion pour l'association des mères de famille, les entreprises.

Ma collègue, à juste titre, me rappelle tout le temps mon penchant pour les groupes mais c'est vrai, la fédération canadienne de l'entreprise indépendante, enfin, qui représente les petits commerces, les petites entreprises qui eux – les petits entrepreneurs, les petits commerces – n'étaient pas au Sommet, ils ne savent pas. Les petites secrétaires, les madames, les demoiselles qui travaillent dans les bureaux, 17 000 $ par année, elles n'étaient pas au Sommet eux autres. Elles ne sont pas syndiquées bien souvent. Les dépanneurs aussi. On pourrait faire des motions pour ça.

Moi, je vous demande, M. le ministre, est-ce qu'on pourrait s'entendre à cette heure-ci pour que vous nous assuriez que vous allez rencontrer vos deux collègues, celles qu'on a mentionnées, vous allez parler avec elles et puis que vous ferez part des suggestions, des interrogations des membres de la commission? Je suis certain qu'une partie des collègues d'en face partagent aussi et, s'ils étaient de ce côté-ci avec nous, ils feraient valoir certainement aussi. Je suis assuré de ça, moi, parce que c'est de bonne foi, c'est de bon aloi et ce n'est pas du tout pour bloquer le projet de loi. Ça, je peux vous en assurer. Hors de nous cette intention-là et, si ça avait pu être la mienne, je peux vous assurer qu'il y a des gens qui sont avec moi et qui n'ont pas eu cette intention-là non plus et qui veulent qu'on travaille d'une manière positive parce que ça touche les femmes, ça touche les familles, ça touche le travail, ça touche les entreprises et on ne peut pas indéfiniment jouer avec ces choses-là. Mais au moins encore faut-il qu'on ait une collaboration et des réponses à nos questionnements, à nos suggestions.

Alors, voilà ma proposition que je fais, M. le Président, au nom de mes collègues et je souhaite que nous puissions, à la prochaine séance, recommencer d'un bon pas avec au moins cette demande que je formule ici en toute humilité. Je n'ai pas l'intention de réécrire le projet de loi du ministre. En toute humilité et en toute bonne foi.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, j'aimerais rappeler à mon collègue que l'objectif du projet de loi n° 88, c'est de donner un sens au congé parental. C'est ça, l'objectif central, donner un sens au congé parental. L'adoption de ce projet de loi là constitue une occasion fantastique pour – et le député de LaFontaine l'a dit également – non seulement allonger la période du congé parental, mais aussi pour réglementer de façon ordonnée les congés de maternité et parental afin d'en rendre l'application la plus simple possible, la plus pratique possible. C'est ça, l'objectif. C'est ça qui a été demandé et c'est ça qu'on a essayé de traduire le plus clairement possible dans une législation. C'est sûr, je vais rencontrer ma collègue pas plus tard que ce soir parce qu'on a du travail à faire ensemble, et certainement que je vais lui poser un certain nombre de questions quant aux interrogations qui ont été soulevées par les députés de l'opposition. Ça me fera plaisir de vous en faire part lors de la prochaine rencontre.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre du Travail. Donc, je crois comprendre que ça met fin aux remarques préliminaires. Les membres de cette commission proposent d'ajourner nos travaux, c'est ce que je dois retenir à ce moment-ci. Donc, la commission de l'économie et du travail ajourne ses travaux au mardi 25 mars, à 9 heures, à la salle Papineau. Je vous remercie de votre attention.

(Fin de la séance à 17 h 57)

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