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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 26 novembre 1997 - Vol. 35 N° 81

Étude détaillée du projet de loi n° 172 - Loi modifiant de nouveau la Loi sur les normes du travail


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Table des matières

Mémoire déposé

Remarques préliminaires

Auditions

Étude détaillée

Auditions (suite)

Étude détaillée (suite)


Autres intervenants
M. Christos Sirros, président
M. François Beaulne, président suppléant
M. Normand Jutras
Mme Cécile Vermette
M. Michel Côté
*Mme Denise Caron, Association pour la défense des droits du personnel domestique
*Mme Isabelle Doré, idem
*Mme Marcella Braggio, idem
*M. Camil Picard, DPJ
*M. Jean-Pierre Néron, FTQ
*Mme France Laurendeau, idem
*M. Pierre-Yves Vachon, ministère du Travail
*M. Denis Beauregard, CPQ
*M. Pierre Crevier, Commission des normes du travail
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures sept minutes)

Le Président (M. Sirros): Nous allons débuter nos travaux. Je rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 172, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les normes du travail. Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Lafrenière (Gatineau) remplace M. Benoit (Orford); M. Poulin (Beauce-Nord) remplace M. Cherry (Saint-Laurent).


Mémoire déposé

Le Président (M. Sirros): Merci. Nous procéderons aux remarques préliminaires, tant du côté ministériel que de l'opposition officielle. Par la suite, nous entendrons des groupes qui vont venir nous présenter des mémoires. Et, entre-temps, nous avons aussi reçu le mémoire de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, que je vais vous faire distribuer. Je pense que c'est en train de se faire. Alors, M. le ministre, on serait prêt à vous entendre.


Remarques préliminaires


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, hier, j'ai déposé à l'Assemblée nationale l'adoption de principe du projet de loi n° 172, qui modifie la Loi sur les normes du travail, et j'ai expliqué les raisons qui nous motivent à intervenir sur le travail des enfants et les conditions de travail des domestiques qui résident chez leur employeur. Puisque je sais que le critique de l'opposition a une bonne mémoire, pour ne pas dire la mémoire très longue, et que je n'aime pas me répéter inutilement, mes remarques préliminaires seront donc très brèves.

M. Beaudet: C'est un message qu'il essaie de me passer, par rapport à mon discours d'hier soir.

Le Président (M. Sirros): Je n'ai pas à juger de vos échanges personnels. Alors, M. le ministre, continuez, s'il vous plaît.

M. Rioux: M. le Président, le discours, bien que long, était très bon. Je veux surtout insister sur l'importance d'intervenir sans plus tarder sur le travail des enfants. Les gens se souviendront des événements de l'été dernier, lorsqu'on avait appris que des enfants très, très jeunes, de 10, 12 ans pouvaient passer des fins de semaines dans des centres d'achats en dehors de leur région, et surtout en dehors de la maison familiale, pour y vendre du chocolat ou toutes sortes de bricoles. Mais ce phénomène, bien que triste, ne peut pas non plus laisser dans l'ombre le travail qui a été fait par le gouvernement précédent.

(15 h 10)

En 1992-1993, le gouvernement précédent avait consulté à peu près tous les organismes importants et sérieux qui s'intéressaient aux enfants, à la jeunesse, et ils ont reçu des avis à peu près de tous ces groupes-là, des avis très, très sérieux. Suite à ça, le gouvernement de M. Bourassa avait créé un comité interministériel qui regroupait le ministère du Travail, le ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministère de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, à l'époque, si ma mémoire est bonne, et le comité en était arrivé à une recommandation d'abolir le travail de nuit pour les enfants de moins de 14 ans; c'était une belle orientation.

Je me souviendrai très bien que le député de LaFontaine, alors critique de l'opposition, m'avait demandé en commission parlementaire à l'étude des crédits, en tout cas, du ministère du Travail, si on allait donner suite à ça ou si on allait poursuivre nos réflexions pour en arriver à légiférer un jour sur le travail des enfants. Moi, je lui avais dit à ce moment-là que je trouvais désolant de constater – j'ai fouillé dans mes notes – que nos lois étaient insuffisantes pour empêcher ce genre de situations ou de situations abusives. Il y a des gens qui abusent des enfants. L'orientation que nous avons dans ce projet de loi, c'est justement de soustraire les enfants de certains abuseurs, parce que quand de jeunes enfants quittent la maison familiale, quittent leur région ou leur ville pour aller vendre toutes sortes de bricoles dans des centres d'achats, moi, je ne trouve pas ça normal. Il faut même faire quelque chose.

Par ailleurs, M. le Président, dans ce projet de loi, on veut aucunement se substituer à l'autorité parentale. Ça, là, il faut qu'on règle ça tout de suite.

Alors, on avait donc la possibilité de légiférer dans le sens que les libéraux l'auraient probablement fait s'ils avaient conservé le pouvoir. Mais, plus que ça, on avait le devoir d'interrompre aussi des pratiques ponctuellement préjudiciables au développement des enfants. Mais en plus de la protection de la santé visée par le projet de loi, il y a une préoccupation de la réussite scolaire. Vous savez, M. le Président, je ne sais pas si on va tomber facilement d'accord là-dessus – je pense que le député hier opinait du bonnet lorsque je disais ça – mais le travail d'un enfant, c'est d'aller à l'école.

M. Beaudet: Je suis d'accord avec ça.

M. Rioux: On ne peut pas l'empêcher de gagner des sous. Et le projet de loi évidemment met l'accent sur cette dimension de la réussite scolaire de nos jeunes. J'en ai parlé hier. Je pense qu'on s'entend tous et toutes sur l'importance de la poursuite des études pour s'inscrire durablement sur le marché du travail, pour occuper un emploi intéressant dans la vie et s'adapter aux nouvelles technologies, pour gagner aussi un meilleur salaire et pourquoi pas. C'est très important parce que, avec un meilleur salaire, ça nous permet d'assumer nos responsabilités parentales plus facilement et d'offrir aux enfants davantage d'opportunités de vivre des expériences enrichissantes. Il y a aussi parfois une dimension qu'on oublie – et elle est méconnue –, c'est que des emplois intéressants, ça veut dire qu'on est formés pour les occuper et qu'on le fait avec plaisir. C'est ça qui est intéressant. On va examiner aussi, dans le projet de loi, le fait de concilier l'ensemble de ces objectifs pour protéger les jeunes; ça m'apparaît fondamental.

Une autre modification qui est inscrite dans le projet de loi, M. le Président, c'est de régler – ça, c'est une autre discussion que nous avons eue, on a eu l'occasion d'en parler, le député d'Argenteuil et moi et son prédécesseur – toute la question des coûts engendrés par la chambre, la pension à l'égard des domestiques qui logent chez leur employeur. On a regardé ça attentivement; ça n'a plus de bon sens, cette histoire-là. Le montant maximal qui était exigé, on sait que c'est à peu près 40 $ par semaine qu'on chargeait pour le logement, la pension et la nourriture. Alors, le projet de loi vise à rendre ça gratuit maintenant tant pour les domestiques qui vont habiter chez leur employeur comme ceux qui n'y habiteront pas. Dans les faits, il semble que, dans la très grande majorité des cas, ce montant n'est pas exigé, l'employeur reconnaissant en contrepartie que la très grande disponibilité qu'il exige de cette personne-là, ça se paie. C'est extraordinaire d'avoir quelqu'un sous son toit, à portée de la main, à sa disposition. Alors, à mon avis, il y a des coûts à ça, et c'est ça que le projet de loi vise à faire. La mesure proposée vise à assurer que ça sera dorénavant toujours le cas.

Par ailleurs, je vous informe aussi que j'ai l'intention d'intervenir par voie réglementaire pour que les domestiques qui résident chez leur employeur aient droit à une rémunération et à une durée de la semaine normale de travail qui soit la même pour tous les autres salariés. On pourra y revenir un petit peu plus tard dans nos travaux. Vous savez, M. le Président, que les conditions de travail des domestiques sont fixées par règlement du gouvernement. Comme je l'ai mentionné hier, cela signifie que, suite à la publication des projets de règlement dans la Gazette officielle du Québec, le délai, pour qu'ils soient édictés ou approuvés par le gouvernement, sera de 45 jours au lieu de 60. Dans le fond, ce dont il s'agit, c'est d'appliquer le régime général prévu par la Loi sur les règlements pour l'adoption de règlements pris en vertu de la Loi sur les normes du travail.

M. le Président, je terminerai mes remarques en disant que nous avons convenu hier d'accepter des interventions de groupes. Je voudrais vous en fournir la liste pour que nos collègues...

Le Président (M. Sirros): Nous l'avons déjà, M. le ministre, puis on peut l'annoncer tantôt également.

M. Rioux: Vous l'avez, ça a été déposé. On s'est entendu pour qu'un certain nombre de groupes puissent se faire entendre devant la commission. Mais mon collègue critique de l'opposition me disait que ça n'aurait pas pour effet de retarder l'étude du projet article par article. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): C'est tout, M. le ministre? Merci beaucoup. Alors, M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Peut-être juste avant que vous commenciez, ce qui est prévu dans nos travaux, c'est, à partir de 16 heures, l'Association de défense des droits du personnel domestique, la DPJ à 17 heures, la FTQ à 20 heures et le Conseil du patronat à 21 heures. Alors, M. le député d'Argenteuil, vous avez la parole.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. D'abord, j'aimerais remercier le ministre et tout son cadre de personnel qui a accédé à la dernière minute à bien vouloir entendre des groupes, parce que, nous, dans l'opposition, nous croyons que le projet de loi est une ébauche bien timide de ce que nous aurions souhaité comme législation. Oui, c'est une ouverture, mais elle est minime par rapport à ce que nous avons entretenu comme souhait, bien que nous reconnaissons que c'est un pas dans la bonne direction. Mais vous allez comprendre qu'un pas ne fait pas une marche et qu'il eut été souhaitable que le ministre prenne le temps de réentendre ces groupes-là avant de soumettre son projet de loi.

Je peux comprendre que la venue d'un congrès important en Europe au printemps 1998 l'incite probablement à mettre le Québec dans un cadre légitime par rapport au fait légal, par rapport au fait que nous n'avons pas de législation comme telle actuellement au Québec sur le travail des enfants et que le Québec veut prendre position. Mais je veux bien lui rappeler que cette position, elle est quand même excessivement timide par rapport à toute la problématique du travail des enfants, d'une part. Et je toucherai plus loin le travail des aides domestiques.

J'espère que les groupes que nous allons entendre cet après-midi et ce soir vont pouvoir éclairer le ministre, et, tout en sachant qu'il va être difficile d'amender le projet de loi pour faire en sorte d'intégrer tous les commentaires ou demandes qui vont nous être soumis, qu'au moins ça va lui fournir des éléments, des munitions pour sa réflexion dans le cadre d'un ajout futur à ce cadre juridique qu'il introduit aujourd'hui.

(15 h 20)

Il mentionnait hier dans son discours que nous avions fait peu de choses au Parti libéral dans le passé, que nous avions fait une réflexion mais que ça n'avait pas abouti à beaucoup de choses. Je voudrais lui rappeler une revue, dont il se souviendra sûrement, avec d'ailleurs la photo du ministre, M. le Président, qui n'était pas ministre dans le temps – il faut bien le dire – mais dans laquelle il vantait les mérites du Parti libéral pour tout l'intérêt qu'il avait porté à la cause des enfants et de la famille. Alors, je ne me charge pas de les énumérer, il y en a trop, mais je voudrais juste lui rappeler qu'il ne faudrait pas qu'il oublie son passé dans lequel il se piquait de visiter le ministère afin d'avoir un support financier pour des éléments importants dans sa carrière passée. Alors, je voulais juste lui rappeler ça.

Par ailleurs, il nous disait aussi que le Québec avait déjà un cadre juridique important dans lequel il mentionnait la cote de la sécurité routière. Écoutez, je comprends, la sécurité routière, mais c'est loin du travail des enfants. Parce qu'on limite à 16 ans le minimum pour la conduite d'un véhicule, ça ne fera pas travailler beaucoup de monde, là. Je n'ai pas vu beaucoup d'enfants de 16 ans comme routier; je pense que ce n'est pas l'élément important dans le travail des enfants. La Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre qui établit à 16 ans l'âge minimal d'admission à l'emploi pour avoir une carte de métier, bien ça non plus, M. le Président.

Alors, ce n'est pas un cadre juridique qui légifère vraiment pour le travail des enfants. Et il y a un élément important que le ministre a soulevé et sur lequel j'aimerais renchérir, c'est que d'aucune façon la loi que nous aurons à débattre plus tard ne veut prendre la place de l'autorité parentale. L'autorité parentale demeure l'élément crucial dans la formation et dans l'éducation d'un enfant. Malheureusement aujourd'hui au Québec et partout probablement en Amérique du Nord et ailleurs aussi – parce que ça s'étend – le phénomène fait que l'autorité parentale s'effrite parce que les parents, à cause de l'appauvrissement, en partie en tout cas, successif qui se fait depuis des années, de leurs capacités financières, bien, ils sont obligés de quitter le foyer pour aller travailler, pour gagner le pain de leur famille. Et à cause de cette démarche évidemment, les enfants sont souvent laissés pour contre non pas avec plaisir et avec joie, mais par nécessité.

Et je ne pense pas que la loi sur le travail des enfants va régler le problème de fond, c'est-à-dire l'appauvrissement, le décrochage, les situations des familles éclatées, ce n'est pas la loi sur le travail des jeunes en bas de 15 ans qui va régler ces problèmes-là, parce que ce serait le fruit d'une discussion beaucoup plus approfondie, beaucoup plus élargie, et ça dépasse le cadre de la loi actuelle. Mais il n'en reste pas moins que le fond du problème est beaucoup plus important qu'effleurer par une législation en limitant le travail après 23 heures chez les enfants en bas de 15 ans et que l'autorité parentale qui se fait de plus en plus absente. Et malheureusement ce n'est pas un élément qui va aider à régler ce problème-là.

On sait très bien que le décrochage scolaire, qui est aussi relié au travail en bas âge, ce n'est pas nécessairement la cause mais disons que c'est un facteur incitatif pour un jeune qui voit ses aînés se pavaner avec des autos ou se payer du luxe. Et pour lui, c'est un moyen de se rehausser devant la société de dire que lui aussi peut se payer le même luxe mais à un prix qu'il n'aura qu'à payer plus tard, c'est-à-dire un manque d'instruction et d'éducation qui fera que l'emploi qu'il pourra occuper éventuellement sera un emploi de second ordre parce qu'il n'aura pas terminé ses études. On sait que de 75 % à 80 % des chômeurs aujourd'hui sont des gens qui n'ont pas terminé leur secondaire V. Alors, il y a un lien direct entre l'instruction... Je ne sais plus si on doit dire instruction ou éducation parce que, à un moment donné, on avait le ministère de l'Instruction publique puis, à ce moment-là, on leur donnait l'éducation; aujourd'hui, on a le ministère de l'Éducation puis on leur donne juste de l'instruction. Mais, quand même, il y a 75 % des chômeurs aujourd'hui, M. le Président, qui n'ont pas terminé leur secondaire V. Alors, il y a un lien direct entre les deux. Et je pense que c'est important qu'éventuellement on puisse, comme législateurs, faire une réflexion de fond sur le lien entre le travail chez les enfants et la problématique générale de l'appauvrissement de la société. Et on sait par des économistes que depuis 1973 le pouvoir d'achat et la capacité financière des gens en Amérique du Nord... Ce n'est pas un problème unique au Québec. Depuis 1973, on s'appauvrit année après année. Alors, ce n'est rien de neuf, ce n'est rien de nouveau, mais le phénomène continue à persister et à se remarquer de plus en plus. Alors, je pense que c'est très important.

Je voudrais rappeler aussi au ministre que dans les consultations qui avaient été faites par le gouvernement antérieur et dans les rencontres qu'il a eues avec certains groupes, comme l'Association pour la défense des droits du personnel domestique et d'autres groupes, ces gens-là lui ont fait parvenir des lettres lui disant que le projet de loi était bien timide, qu'il ne répondait pas à l'ensemble de leurs demandes. Puis je peux juste citer la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui lui a envoyé une lettre en date du 24 novembre qui disait que la Commission estimait que la proposition retenue ne se conformait pas entièrement aux normes contenues dans le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et dans la convention relative aux droits de l'enfant. Alors – puis là on pourrait continuer – ça ne répond pas vraiment à ce qu'ils recherchaient. Bon, disons que c'est mieux que rien, mais c'est un pas très timide dans cette direction. Et on aurait souhaité une consultation beaucoup plus élargie.

Pour des raisons qui me sont extérieures et qui me sont méconnues, on semble avoir une urgence à ce que ce projet de loi là soit adopté. Pourquoi on a une urgence au gouvernement? Bien, là, ce n'est pas à moi de le dire, c'est à eux, qui connaissent leur agenda et qui fixent l'agenda, en plus. Alors, je ne peux pas répondre à cette question. Mais il me semble qu'on aurait eu avantage, bien que les groupes qui vont venir nous rencontrer vont sûrement nous donner un éclairage important, à l'étendre à d'autres groupes, pour meubler la réflexion du ministre et s'assurer que, dans l'avenir – et j'espère un avenir très rapproché – cette réflexion bien meublée, bien enrichie des commentaires donnés par les groupes puisse aboutir à un projet de loi plus étoffé.

Le but recherché est évidemment de protéger notre jeunesse, et on sait, M. le Président, que notre jeunesse c'est notre avenir, c'est eux qui sont la relève. Et si on n'est pas capable de la protéger, de l'encadrer, bien, que ça soit relativement un cadre souple, un encadrement qui donne des balises qui vont proposer aux gens un engagement volontaire. Et le plus bel exemple qu'on peut citer, c'est ce qui s'est passé dans la région de Saint-Jérôme où des commerçants, spontanément, avec le support du Conseil du patronat, ont décidé de se prendre en main et d'arrêter l'engagement de jeunes en bas de 16 ans qui allaient travailler pendant les heures scolaires, qui travaillaient les soirs de semaine – où les enfants ne travaillent plus parce qu'ils sont fatigués, qu'ils ne peuvent pas travailler pendant les heures scolaires –, et qui ont limité les heures de fin de semaine afin de leur permettre un certain repos et pour s'assurer que ces jeunes enfants-là puissent jouir d'une santé qui puisse leur permettre d'avoir des résultats scolaires qui les amènent à un diplôme leur ouvrant les avenues pour un travail rémunérateur alléchant et qui puisse répondre à leurs désirs. Alors, je pense que c'était un élément très important.

(15 h 30)

Et je voudrais adresser la fin de mes remarques, M. le Président, en particulier aux aides domestiques, qui font, elles aussi, le sujet de ce projet de loi dans lequel on leur alloue le gîte et les repas. Et je me souviens, récemment, lors d'un débat en Chambre, lors d'une période de questions sur la décoration des avions qui participaient au voyage en Chine d'une délégation québécoise, où on avait dit qu'on allait décorer l'avion au sigle du Québec et que ça ne coûtait rien. Et le chef de l'opposition avait dit: «There is no free lunch for an airplane», mais «there's no free lunch for domestic help». Alors, les gens qui demeurent à la maison ne reçoivent pas non plus de repas gratuits ni de gîte gratuit. Alors, d'une façon et d'une autre, les personnes vont le reprendre ailleurs. Qu'on légifère là-dessus, c'est une chose, mais je suis convaincu que l'Association pour la défense des droits du personnel domestique va nous faire valoir d'autres éléments peut-être plus importants que ceux-là – je ne peux pas anticiper sur leurs remarques – peut-être plus importants que celui du gîte, parce que l'employeur va aller recueillir cet élément-là.

Hier soir, je soulevais la possibilité au ministre, suite à un jugement de la Cour suprême où on faisait valoir que Mme Symes, contre le Canada, avait obtenu un jugement défavorable mais un jugement partagé de la Cour suprême, sur sa demande d'obtenir une déduction fiscale pour les frais encourus de garderie. Et je citais à ce moment-là – je vais juste le rappeler pour certains qui n'étaient pas présents – les commentaires qui avaient été dits. On disait: «Le monde actuel des affaires est de plus en plus peuplé d'hommes et de femmes et l'interprétation de l'expression "dépenses d'entreprise" doit maintenant tenir compte de la situation de tous les participants dans ce domaine. Le soin des enfants est un élément essentiel de la capacité des femmes de gagner un revenu. L'appelante a été sur le plan commercial en engageant une gardienne d'enfants. Ces dépenses ont été engagées en vue de tirer un revenu ou de faire produire un revenu, et, par conséquent, leur déduction en vertu du règlement 9 n'est pas interdite par l'article 18 tel que rédigé.»

Ce que ça veut dire, M. le Président, c'est que, parce que cette personne-là avait engagé une ressource pour l'aider à domicile dans un but précis de gagner un revenu, de susciter un gagne-pain, les juges, qui étaient partagés, certains lui avaient dit qu'à cause de cette situation que c'était dans le but de gagner un revenu, ils lui allouaient cette déduction fiscale. Alors, ces gens-là, ça devient comme une entreprise. La mère de famille qui est obligée d'engager une gardienne ou quelqu'un pour entretenir la maison parce qu'elle doit s'absenter du domicile familial pour gagner sa vie, elle devrait théoriquement obtenir une déduction fiscale. Ça a été fait en 1994. Je suis convaincu que, si aujourd'hui Mme Symes revenait devant la Cour suprême du Canada avec son problème, sa problématique, à cause de la mentalité qui a changé, de cette orientation vers le travail autonome qui fait que 55 % des nouveaux emplois créés aujourd'hui sont des emplois autonomes – donc, on devient notre employeur personnel, mais on a besoin d'aide pour être capables d'aller susciter des revenus – qu'aujourd'hui la Cour suprême, probablement, probablement, opterait en sa faveur.

Alors, ça m'apparaît important de commencer à envisager une déduction fiscale pour les aides domestiques qui permettent aux individus de gagner leur vie. C'est comme un entrepreneur qui fabrique des meubles, qui engage un employé pour faire des meubles, parce qu'il les revend. Bien, elle, ce n'est pas des meubles qu'elle fait, elle fait entretenir sa maison parce que, elle, elle va gagner sa vie. Pour gagner son revenu, elle a besoin d'aide à la maison. C'est dans ce sens-là que j'ai proposé, hier, que le ministre du Travail devrait, avec son confrère le ministre des Finances et possiblement le ministre du Revenu, ou la ministre déléguée au Revenu, ouvrir une brèche, et ce, le plus rapidement possible, afin de permettre à ces familles d'être capables de créer des emplois, des emplois durables, d'une part, mais, d'autre part, ça va aider à diminuer le travail au noir. On sait qu'il y a à peu près, au Québec, 19 000 aides domestiques, plus ou moins, qu'il y en a à peine 2 000 de déclarées. Mais, si on permettait à ces gens-là de les déduire, bien, M. le Président, on diminuerait le travail au noir par nécessité. Parce que, s'il y a un avantage fiscal, l'individu y trouverait un avantage à le déclarer. Or, je pense que c'est très important.

D'ailleurs, le ministre des Finances a probablement entrouvert une porte, lors de son dernier budget, parce qu'il a mis en place un programme d'exonération financière pour les services d'aide domestique. Alors, c'est un programme d'aide dans lequel le ministre des Finances avait mis 79 400 000 $ pour aider l'économie sociale à supporter des gens qui avaient besoin d'aide. Je comprends que ça va pour ceux qui sont sur la sécurité du revenu, mais déjà c'est une ouverture où le ministre commençait à envisager... Au lieu de, lui, mettre de l'argent, qu'il dise donc aux gens: Vous pourrez les déduire. Alors, je pense que c'est un élément très important.

Je peux juste assurer le ministre qu'il est difficile de dire que ça ne retarderait pas l'adoption du projet de loi. Si on prend quatre heures pour écouter des groupes, bien, ça va être quatre heures plus loin. Je pense qu'il sait compter, là. Alors, on ne fera pas d'obstruction au projet de loi, sauf qu'on va l'étudier avec tout le sérieux qui lui convient, tout en sachant qu'on a quand même quatre groupes à entendre à partir de... Quand ils seront arrivés, moi, je n'ai aucune objection à procéder le plus rapidement possible, et je suis sûr qu'au cours des autres interventions que nous ferons nous pourrons compléter les autres éléments à venir, quant à ce projet de loi. Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? S'il n'y en a pas, j'inviterais peut-être les personnes qui sont ici, qui sont effectivement de l'Association pour la défense des droits du personnel domestique, à s'approcher de la table pour qu'on puisse, même si c'était prévu à 16 heures... Si vous êtes prêtes et que ça vous convient, on pourrait commencer l'échange tout de suite. Je pense qu'il s'agit de Mmes Denise Caron, Isabelle Doré et Marcella Braggio. Alors, si vous voulez prendre place à la barre, ici.

(Consultation)

Le Président (M. Sirros): Alors, si je peux vous rappeler un peu à l'ordre, peut-être, pour faciliter la vie à nos invités. Normalement, vous disposez d'une vingtaine de minutes pour faire votre présentation. Par la suite, le côté ministériel aura 20 minutes pour échanger avec vous, et l'opposition officielle, un autre 20 minutes par la suite, pour un total d'une heure, à peu près.

Quand vous serez prêtes, faites-moi signe puis on partira. Je vous demanderais tout simplement de vous identifier en commençant, puis d'entamer votre présentation.

(Consultation)

Le Président (M. Sirros): Comme je le disais, c'est l'Association pour la défense des droits du personnel domestique. Alors, on vous écoute.


Auditions


Association pour la défense des droits du personnel domestique

Mme Caron (Denise): Bonjour. Merci beaucoup de nous donner la possibilité de présenter un peu nos préoccupations. Mon nom est Denise Caron. Je suis directrice à l'Association pour la défense des droits du personnel domestique. C'est certain, ce matin, on a reçu un appel...

Le Président (M. Sirros): Peut-être identifier celles qui vous accompagnent?

Mme Doré (Isabelle): Pardon. Mon nom est Isabelle Doré. Je travaille au dossier politique à l'Association.

Mme Braggio (Marcella): Mon nom est Marcella Braggio. Je suis conseillère à l'Association.

Mme Caron (Denise): Alors, c'est certain que, ce matin, quand on a reçu l'appel qu'on avait la possibilité de se présenter cet après-midi, on était un peu émues et un peu impressionnées, mais on a décidé que c'était terriblement important, puisqu'on a derrière nous 10 000 femmes au moins qui veulent être reconnues, respectées et valorisées. Et on s'est posé la question: Est-ce que nous serions écoutées, vraiment écoutées? Est-ce que ce que nous avons à dire sera vraiment pris en considération? Nous sommes venues pleines d'inquiétudes, naturellement, puisque ça fait bien longtemps que nous avons des attentes, que nous avons fait des demandes, que nous avons voulu que les femmes qui travaillent dans les maisons privées du Québec puissent se retrouver au Xxe siècle et être considérées comme des travailleuses à part entière.

(15 h 40)

Le besoin d'avoir une loi, nous l'avons argumenté; nous avons présenté un mémoire et nous allons réitérer ce point cet après-midi. Nous disons qu'il faut absolument une protection pour ces femmes qui travaillent dans l'invisible. Personne ne les voit, elles sont dans les maisons privées. Mais ces femmes sont soumises au chantage, à la violence physique et psychologique, au harcèlement. Elles se retrouvent dans des situations où elles n'ont absolument pas de voix. Alors, si nous sommes ici, c'est vraiment pour ça. C'est vraiment parce que nous voulons répéter, pour 10 000 femmes, qu'il faut que la loi change au Québec.

Alors, je vais laisser Isabelle entrer un peu dans un certain nombre de détails par rapport à nos revendications et à nos préoccupations principales, et je reviendrai avec des femmes spécifiques qui vivent des conditions spécifiques au Québec.

Le Président (M. Sirros): Merci.

Mme Doré (Isabelle): Alors, on est venues aujourd'hui souligner deux aspects. On réfère, bien sûr, au mémoire qu'on a produit en 1995 et qu'on a soumis à la ministre Harel. Il contient les éléments minimums, ce qu'on considère comme les éléments minimums qui doivent être appliqués et modifiés dès maintenant pour que les femmes soient, minimalement et en toute égalité, protégées par la loi sur les normes.

Nos deux préoccupations aujourd'hui, c'est d'abord de faire de ces femmes-là des travailleuses à part entière, donc pleinement reconnues par la loi. Le projet de loi qu'on nous a soumis, le projet de loi n° 172, ne répond malheureusement pas à cet objectif-là, en aucune façon, puisque les sept éléments de revendication qui sont dans notre mémoire – et on pourra les détailler plus loin – ne sont pas repris, en aucune façon. Il n'y a qu'un seul élément qui est concerné par ce projet de loi là, nous vous le soumettrons, et c'est concernant la gratuité. Mais ça, ça ne signifie absolument pas que les femmes seront assurées que le régime commun du salaire minimum, la semaine normale fixée à 43 heures, seront reconnus, donc, et seront protégés dans leur cas. Ça n'assure pas que l'exclusion des gardiennes soit éliminée de la loi.

Mais d'abord et avant tout, avant même d'en venir à ces éléments-là, il faut vous rappeler qu'en l'absence d'un cadre législatif clair, qui clarifie donc le statut des travailleuses comme des travailleuses à part entière, qui leur reconnaît les mêmes protections, en l'absence de ce cadre législatif clair, qui identifie les employeurs, il n'y aura pas de protection adéquate et efficace des droits que l'on veut qu'ils soient enchâssés pour elles dans la loi.

En effet, actuellement, compte tenu de l'article 30.15 de la loi sur les normes, il n'y a aucun moyen pour la Commission des normes du travail d'obtenir des informations adéquates sur qui est employeur d'aide travailleuse en maison privée.

Je m'excuse de passer un peu sur...

On vous a souligné que c'est un secteur d'activité qui est secret, clandestin, ce qui favorise l'exploitation des travailleuses laissées dans l'ombre, et ce, tant que l'organisme responsable de veiller au respect des normes n'aura pas systématiquement accès aux coordonnées des employeurs et des travailleuses en maison privée, ce qui signifie... C'est qu'on réfère d'abord et avant tout à notre recommandation 6. On insiste, à la page 19 de notre mémoire, sur le fait que, compte tenu du fait que le lieu de travail est la résidence de l'employeur, le caractère privé de ce lieu rend difficiles l'identification et le contrôle des employeurs. Toute protection de travailleuses ne peut se faire sans qu'une mesure effective soit prise à cet effet-là, c'est-à-dire que l'identification des employeurs de travailleuses en maison privée soit assurée et que l'organisme qui est chargé d'assurer le respect de ces normes-là ait accès directement aux informations. Ça peut se faire de deux façons: tel qu'on le recommande, par l'abrogation de l'article 30.15 de la Loi sur les normes du travail, et donc l'inscription obligatoire des employeurs par le biais de la cotisation qui est prévue, de 1 % ou de 0,08 %, ou encore, tel que cela se fait maintenant en Colombie-Britannique, par le biais de la mise sur pied d'un registre public et obligatoire des employeurs de travailleuses en maison privée.

Par ce registre-là, les employeurs sont obligés de fournir à l'équivalent de la Commission des normes du travail leurs coordonnées et, dans les six mois de leur changement d'adresse, également, de la tenir informée du changement s'il y a lieu et de fournir les renseignements sur le nom de leur employé et les informations de base. Et ça, c'est une mesure minimum de contrôle et d'efficacité qui peut permettre l'efficacité de la loi. Autrement, tout ce qu'on revendique, tout ce qui concerne les travailleuses en maison privée va demeurer de l'ordre complètement privé et aucune des mesures qu'on revendique ici ne va pouvoir être assurée. Et là on parle de discrimination, on parle de situations discriminatoires. La Commission des droits de la personne, comme vous le savez, a réitéré que ces femmes-là ont le droit d'être protégées comme toute autre travailleuse. Et je vous réfère à l'évaluation ou à l'analyse de la portée de l'article 46 qui protège le droit des femmes et le droit de tout travailleur à des conditions justes et raisonnables de travail. Je vous réfère également à l'article 10 de la Charte.

L'analyse de ces deux articles ensemble amène la Commission des droits, en 1979, à donner une analyse de la portée du régime approprié des normes du travail au Québec et, quand elle y fait référence, elle indique qu'une législation sur les normes ne devrait comporter a priori d'exclusion ou de régime particulier autorisant des conditions de travail inférieures à la norme minimale. Le principe de l'article 46, quant aux conditions justes et raisonnables, devrait s'appliquer sans exclusion à toutes les travailleuses et, particulièrement, aux travailleuses en maison privée auxquelles, plus loin, la Commission fait référence en disant que toute exclusion, même partielle, dans leur cas – dans le cas des travailleuses domestiques – et, plus loin, dans le cas des gardiennes, ne saurait être retenue comme étant légale puisque contraire à la Charte, contraire à l'article 10 et à l'article 46.

Donc, nous, les deux points que nous tenons à souligner aujourd'hui, ce sont ces deux aspects-là. J'aimerais vous souligner qu'à l'heure actuelle, compte tenu d'une étude et tel que révélé par une étude qui a été réalisée en 1990, on sait que 93,2 % des employeurs d'aides familiales d'origine étrangère ne respectent pas les normes du travail. Face à une discrimination, face à des conditions aussi systématiquement dérogatoires, aussi systématiquement violant le minimum, ce qui est établi par les normes du travail, il faut des mesures concrètes, il faut établir un cadre législatif clair, il faut exprimer clairement quels sont les droits, en vertu de la loi, de ces travailleuses-là, donc le droit d'avoir les mêmes conditions de travail au niveau du salaire, le régime commun du salaire minimum, les mêmes protections au niveau des congés, la même semaine normale de travail, et là on a inclus, sans distinction aucune, toute travailleuse en maison privée, que ce soit la travailleuse qu'on qualifie de travailleuse domestique, qui est résidente, ou la gardienne, celle qui s'occupe des enfants ou des personnes âgées. Nous, on les qualifie, dans les deux cas, de travailleuses en maison privée. On veut, dans les deux cas, que leur travail soit reconnu socialement et législativement, parce que c'est par ce biais-là d'abord et avant tout qu'elles vont pouvoir être reconnues, et ensuite, quand elles arrivent sur le terrain et qu'elles ont à négocier leurs conditions de travail avec l'employeur, qu'elles auront une base. Parce que, actuellement, avec le cadre actuel, elles n'en ont pas. Donc, quand elles arrivent face à un employeur, celui-ci peut leur offrir 2 $ ou 3 $ de l'heure et elles n'ont pas d'arguments juridiques pour soutenir. Elles sont sans pouvoir. C'est cette situation-là qui doit changer.

Vous n'avez qu'à regarder les journaux – vous allez pouvoir entendre Denise à cet effet-là – actuellement, les travailleuses vivent dans des conditions absolument intolérables. Sans un cadre législatif clair, l'employeur ne se sentira lié par aucune mesure et, donc, va pouvoir continuer à offrir des conditions de travail qui ne sont pas décentes et qui ne répondent pas aux principes de la Charte et au droit à des conditions justes et raisonnables.

Alors, j'aimerais peut-être inviter Denise à parler de quelques éléments à cet effet-là.

Mme Caron (Denise): Je pense que, pour illustrer...

Le Président (M. Sirros): Mme Caron. C'est ça? Juste pour les...

M. Caron (Denise): Oui, c'est Mme Caron. Pardon.

Le Président (M. Sirros): Voilà.

Mme Caron (Denise): Pour illustrer un peu la nécessité qu'il y ait un registre, un endroit centralisé où les employeurs doivent s'inscrire pour empêcher tout abus, je vais donner l'exemple de Sofia. Sofia a travaillé 17 mois à Vaudreuil, sept jours par semaine, 15 heures par jour. Elle avait ses papiers en règle. Donc, on ne parle pas de quelqu'un qui n'avait pas de papiers d'immigration, par exemple. On ne parle pas de quelqu'un qui avait besoin de se cacher pour travailler. Cette personne a passé 17 mois sans un sou de salaire, à la fin des années quatre-vingt-dix.

(15 h 50)

Rodita a travaillé deux ans au centre-ville de Montréal, six jours par semaine, à prendre soin d'une personne âgée, disponible 24 heures par jour. Elle faisait des tâches reliées plus à l'auxiliaire familiale ou à un préposé. Elle a fait une plainte aux normes du travail et, parce qu'elle est considérée, selon la loi, gardienne, sa plainte a été refusée.

Gillian a travaillé pendant cinq mois, aussi à Vaudreuil. Elle était responsable de deux enfants pendant 23 jours, 24 heures sur 24, parce que les parents travaillaient à l'extérieur de la province. Donc, isolée, sans congé pendant 23 jours, pour un salaire de 900 $ pour trois semaines. Ce sont des conditions de travail que nous considérons inacceptables, au Québec, et des conditions de travail qui peuvent exister parce qu'il n'y a pas un lieu d'inscription de l'employeur. C'est très clair pour nous et c'est pour ça que nous insistons sur ce point.

Vous avez plusieurs travailleuses qui travaillent en maison privée, mais elles sont quand même déclarées au nom de la compagnie, donc payées par la compagnie. Une citoyenne travaille depuis trois ans à Hampstead, 58 heures par semaine, au salaire de 5,50 $ de l'heure, ce qui est en bas de ce que la loi exige. Et ceci se passe parce qu'il n'y a pas de contrôle, il n'y a pas d'inscription.

Marie et Claire sont des citoyennes qui ont travaillé 15 ans et 40 ans dans une même famille. Tout à coup, elles se sont retrouvées à penser au Régime de rentes du Québec et elles ont découvert qu'elles n'étaient pas couvertes, donc qu'elles ne pourraient rien réclamer parce que, naturellement, elles n'ont jamais été déclarées.

Alors, on se retrouve dans une situation où des personnes, au Québec, peuvent travailler pour 2 $ de l'heure, 3 $ de l'heure parce qu'elles sont dans une certaine catégorie, ou alors qui n'ont absolument aucun moyen de protection parce qu'on n'a pas, jusqu'à ce jour, voulu les reconnaître comme travailleuses.

Le Président (M. Sirros): Ça va? Il vous reste à peu près quatre minutes dans le temps de votre présentation. On pourrait, si vous avez d'autres commentaires, continuer.

Mme Doré (Isabelle): La première préoccupation, c'est peut-être de s'assurer que tout le monde a bien eu ce mémoire-là auquel on fait référence, parce qu'on n'a pas voulu redire, mais je vais le refaire, les sept recommandations minimales. Je reviens sur la question du régime commun, du salaire minimum, de la semaine normale.

Le Président (M. Sirros): La secrétaire m'informe que les membres de la commission ne l'ont pas reçu.

Mme Doré (Isabelle): Vous n'en avez pas?

Le Président (M. Sirros): Si vous voulez nous en remettre une copie, on pourrait le faire photocopier et le distribuer aux membres de la commission.

Mme Doré (Isabelle): Parce que c'est vraiment le document de base. C'est notre document d'analyse qui a été fait il y a deux ans, mais qui demeure toujours très d'actualité, malheureusement, et dans lequel on revendique sept changements minimums à la loi.

Le Président (M. Sirros): Vous avez des copies?

Mme Doré (Isabelle): Nous n'avons pas ici repris l'ensemble des appuis que nous avons jusqu'à présent dans notre lutte. La Commission des droits de la personne, le Conseil de la famille, la Commission des normes du travail et le Conseil du statut de la femme sont tous des organismes qui, à un moment ou à un autre dans les sept dernières années, sont venus répéter les mêmes choses. Ces travailleuses-là ont des droits et doivent être reconnues. Elles ont droit, quand elles résident chez l'employeur, au même salaire, à la même semaine normale de travail. Donc, elles devraient à ce moment-là ne pas être l'objet d'aucune dérogation en vertu de la loi. Toute dérogation permise par la loi devrait être automatiquement et dès maintenant éliminée, dans le cadre d'un projet de loi.

Ensuite, elles devraient, ces travailleuses, être protégées comme toute autre part au niveau de la CSST, ce qui n'est pas le cas, par la cotisation patronale obligatoire. Les articles 2 et 28 de la loi, qui concernent ce régime-là de la CSST, devraient donc être abolis.

Quant au registre public, au niveau d'abord de l'exclusion de la gardienne, on revient au fait que, nous, nous requérons la reconnaissance du travail de garde qui est effectué par ces personnes-là. Il n'est pas compréhensible qu'à ce moment-ci, dans notre société, celles qui font des tâches domestiques, d'entretien de la toilette ou de quoi que ce soit soient considérées, qu'elles travaillent deux heures, 20 heures ou 40 heures par semaine, et que celles qui s'occupent de deux, trois ou quatre enfants par jour ou celles qui s'occupent des personnes âgées n'aient pas droit à une protection. C'est pourtant le cas. Socialement, c'est une responsabilité très grande que l'on prend, de nier à ces travailleuses-là le statut auquel elles auraient droit. C'est signifier que la garde et le service aux personnes sont moins valables que le service du nettoyage de linge ou de quoi que ce soit, et ça, c'est inacceptable.

C'est inacceptable aussi qu'éventuellement on puisse justifier quelque exclusion que ce soit de ces travailleuses-là sous prétexte que, finalement, ça peut arranger les choses, d'avoir quelqu'un qui vient garder deux ou trois fois par semaine. Écoutez, quand on a quelqu'un qui tond le gazon chez nous, il est couvert par la loi sur les normes, qu'il vienne deux ou trois heures par semaine, alors que celle qui s'occupe de nos enfants, qui a une responsabilité, qui nous remplace comme chef de famille, on ne lui reconnaît pas ce droit-là. Et là on parle juste des gardiennes d'enfants. Ça s'étend aussi aux personnes âgées. De plus en plus, dans le cadre du virage ambulatoire, les besoins sont grands; ces personnes-là ont besoin d'avoir un compagnon, d'avoir quelqu'un qui prenne soin d'elles. Il ne fait pas nécessairement les tâches dans la maison, mais il a besoin de protection et de reconnaissance. Quand cela va-t-il venir? Est-ce qu'il va falloir attendre encore 20 ans? Et ça, ça prend une règle claire dans la loi et que les employeurs soient tenus par cette loi-là, qu'ils sachent, en lisant la loi, que leurs employés ont des droits et qu'ils doivent les respecter.

Et le registre, c'est pour les informer, ces employeurs-là, en même temps, qu'ils ont à négocier avec une relation véritablement de professionnels du travail. Ils n'en sont pas souvent conscients. Et ça, vous pourrez le lire. C'est très intéressant, l'étude qui a été réalisée par Mme Élizabeth Ouellet. Ça concerne, dans ce cas-là, uniquement les travaux domestiques, mais ce que ça laisse entendre, c'est que, finalement, c'est une logique de consommation souvent que les employeurs retiennent, qui fait en sorte qu'ils ne reconnaissent pas qu'ils sont des employeurs, et donc ils peuvent se permettre de demander toutes sortes de choses à leurs employés sans, au départ, avoir l'intention d'établir un cadre clair, un contrat de travail clair avec des conditions de travail décentes, des heures de travail fixes ou déterminées et des tâches à faire qui soient réalistes. Et ça, c'est la base. Si la personne qui est employeur n'a pas conscience de cette relation-là d'employeur, bien, tout le reste est foutu, parce que ça se passe en maison privée, ce travail-là, justement.

On sait effectivement que c'est très difficile d'assurer un respect systématique de la loi. Mais si, au départ, on n'a pas cette reconnaissance-là du statut d'employeur et que publiquement on soit tenu de le poser, de le publier, en termes d'inscription dans un registre, tout le reste va dégringoler.

Alors, nous, c'est une de nos revendications premières et on y revient. On sait que c'est la seule façon dont on va pouvoir se sortir – on parle de servitude ordinaire, ici, vous savez – de conditions parfois qui vont jusqu'au quasi-esclavage. On réfère à des stéréotypes qui sont ancrés dans notre société, qui font qu'on s'attend à des choses, de la part de la domestique, auxquelles on ne s'attendrait pas d'autres travailleurs. On n'a pas avec ces travailleuses-là des relations professionnelles. Il faut revenir à ça.

(16 heures)

Le Président (M. Sirros): Mme Doré, je vous suggère peut-être d'entamer la période de questions, et vous pourrez, à ce moment-là, échanger avec les différents membres de la commission qui vont vous interroger sur cette question-là, en commençant avec le ministre pour la première partie. M. le ministre du Travail.

M. Rioux: D'abord, je suis très heureux que vous soyez là. Nous, on s'est rencontrés il y a quelques mois, je pense. Vous avez eu l'occasion de me présenter vos revendications. Vous étiez en compagnie de Mme David; on s'était rencontrés à Montréal. Vous m'aviez fait part de la situation évidemment des femmes, parce qu'il s'agit de femmes, et je vous avais bien dit, Mme Caron, que je regarderais ça avec beaucoup d'attention. Je vous avais même dit aussi que je ne savais pas si j'allais procéder par voie législative ou réglementaire mais qu'on ferait quelque chose, très certainement, parce qu'il fallait jeter un coup d'oeil attentif sur ce genre de situation, parce que, j'en conviens, l'isolement de certaines personnes travailleuses domestiques, ça peut prêter à des formes d'abus. Moi, je n'en disconviens pas, au contraire, je sais que ça se produit.

Vous avez fait allusion tout à l'heure – j'ai trouvé le chiffre énorme – que 95 % des employeurs...

Mme Doré (Isabelle): C'est 93,2 %, selon l'étude. Vous référez à l'étude d'employeurs...

M. Rioux: Quatre-vingt-treize...

Mme Doré (Isabelle): C'est une étude qui a été réalisée par une des membres qui a travaillé avec nous, qui avait fait une étude de maîtrise et qui, dans le cadre de cette étude...

M. Rioux: Répétez-moi ça.

Mme Doré (Isabelle): ...93,2 % des employeurs d'aides familiales étrangères ne respectent pas les normes du travail d'une manière ou d'une autre: salaire impayé, temps supplémentaire impayé, bulletin de paye qui n'est pas remis – c'est toutes des choses qui sont courantes – non-respect de la vie privée.

M. Rioux: Ce chiffre-là, étant donné que vous l'écrivez dans vos documents, vous y prêtez une certaine crédibilité.

Mme Doré (Isabelle): Bien, pour nous, c'est révélateur. Ça révèle ce qu'on sait, par exemple, du caractère systématique des violations en cause, du non-respect d'une norme ou d'une autre.

Mme Caron (Denise): Et je pense que c'est clair que... On a fait, à différentes étapes, une petite recherche sur les offres d'emploi dans les journaux. Et les offres d'emploi, systématiquement, demandent quelqu'un de non déclaré, c'est-à-dire qu'on ne veut pas déclarer la travailleuse, ce qui suppose qu'on ne veut pas respecter la loi des normes du travail, qu'on ne veut pas payer le salaire, qu'on ne veut avoir aucune contrainte.

Alors, vous étudiez les offres d'emploi... Et si vous me permettez, je peux même illustrer par une annonce qu'il y a eu dans le Journal de Montréal : «Recherche personne qui garderait deux enfants dont un nouveau-né et un garçon de neuf ans, non-fumeuse, bilingue de préférence, excellente cuisinière, expérimentée, devra faire les devoirs et leçons et préparer le souper. Devra faire l'entretien ménager ainsi que les courses et élaborer le menu de la semaine. Devra posséder permis de conduire, être disponible tous les jours et devra coucher tous les soirs. Congés à discuter. Références exigées.» Et selon notre information, on ne veut pas déclarer cette travailleuse et on lui offre 190 $ par semaine. Alors, on n'invente pas: les offres d'emploi ne respectent pas les normes du travail. On veut que ça reste dans le privé, et, comme ça, il n'y a absolument aucun contrôle.

M. Rioux: Mais, Mme Caron, cet égarement de normes, du non-respect des normes du travail, c'est-à-dire 49 heures semaine: 274 $, etc., toutes catégories confondues de personnes, selon vous, votre évaluation – vous êtes dans le milieu, vous travaillez auprès de ces gens-là – quel pourcentage d'employeurs pourriez-vous mettre... On appelle employeur qui a à son service une personne qui fait des travaux chez lui ou chez elle. Quel serait le pourcentage de ces personnes qui ne respectent pas les normes?

Mme Caron (Denise): Je pense qu'on a le même problème que vous avez. C'est que, comme on n'a jamais accepté de dire que c'était une personne qui travaille, on n'a jamais voulu identifier l'employeur. Il n'y a aucun moyen de répondre à cette question.

Mme Doré (Isabelle): Mais on peut vous dire que, quand on a un cas chanceux où la femme reçoit un peu plus que le salaire minimum, 7 $ de l'heure par exemple, c'est des exceptions. Moi, c'est ce que j'ai vu à date dans les cas où les employeurs accordent le minimum ou un peu plus que le minimum. Vraiment exceptionnel.

M. Rioux: Quand vous avez dit tout à l'heure qu'il y avait un problème d'identification de l'employeur, est-ce que vous vouliez, à ce moment-là, identifier la cause de ce dont on parle, c'est-à-dire le non-respect de la loi?

Mme Doré (Isabelle): Écoutez, quand on parle de... Non. On vous parle d'employeurs, là, pour lesquels la Commission des normes n'a aucunes données. Donc, la seule façon pour la Commission des normes d'agir dans les dossiers, c'est quand la personne vient porter plainte. Parce que, autrement, vous appelez à la Commission des normes, ils n'ont aucune indication sur les employeurs d'aides familiales au Québec. Il n'y a aucune donnée; ça n'existe pas. Ils ne peuvent pas faire d'information, ils ne peuvent pas faire de prévention, ils ne peuvent pas aller faire d'enquête en milieu de travail. Rien. Il n'y a aucune indication. Ces employeurs-là sont exclus de l'obligation de s'inscrire. Aucune information ne circule. Et quand vous regardez dans les journaux, tout ce qu'on propose, ça ne respecte pas les normes. Et qui va faire respecter ça? Si la Commission des normes n'appelle pas, si elle ne marque pas dans les journaux qu'il y a un minimum à respecter – mais encore là faut-il qu'il y ait un minimum – comment vous voulez que les employeurs soient amenés à respecter un minimum si au niveau des gardiennes il n'y en a pas, si elles n'ont pas de droits protégés?

Il y a une étude sur les agences de regroupement des services de garde en 1991, qui démontrait que, même quand l'agence était là pour aider l'employée – c'est une étude type – pour aider la personne à négocier avec son employeur des conditions de travail, on disait: En l'absence d'un cadre législatif clair, en l'absence d'une reconnaissance du fait qu'elles ont droit au salaire minimum, etc., on est pris à négocier des choses qui ne se peuvent pas. On n'a pas d'argument, on n'a pas de poids, même quand il y a une agence tiers qui est là pour aider la personne. Vous imaginez.

M. Rioux: Oui. Vous abordez, là, un certain nombre d'éléments qui sont intéressants. Vous parlez de cotisations probablement au régime de rentes, la CSST, à l'assurance-chômage, etc. Mme Caron, il me semble qu'on avait échangé rapidement, ensemble, puis je vous avais parlé du chèque emploi-services, une sorte de mesure d'économie sociale qui permettait à la travailleuse qui loge ou qui demeure chez son employeur, qui y fait certains travaux... Est-ce que se serait une avenue qui vous intéresse, ça? Parce que, à l'intérieur d'un projet comme celui-là, il y a cotisation au régime de rentes, il y a cotisation à la CSST, il y a cotisation à l'assurance-emploi, il y a possibilité de vacances aussi pour la personne. Est-ce que c'est un aspect que vous avez exploré? Est-ce que c'est une mesure, ça, qui ne vous intéresse pas ou qui présente un certain intérêt pour vous?

Mme Caron (Denise): Pour le moment, nous sommes surtout préoccupés... Parce que nous n'avons pas encore l'information et les compétences pour l'évaluer à sa juste mesure. Nous avons essayé de consulter des groupes, même en France, parce que c'est en France que le chèque emploi-services est utilisé et pour le moment, et on a plus de questions à poser que de réponses. Et il nous semble qu'il y a une préoccupation... Parce qu'on peut continuer, si vous voulez, d'une certaine façon, de passer à côté des exigences. L'employeur pourrait passer à côté des exigences et donc, on se retrouve au même point. Donc, à ce moment-ci, on n'a pas assez de connaissances. Tout ce qu'on sait, c'est qu'on a une préoccupation parce qu'on ne voit pas qu'il y aurait des garanties de protection des personnes.

Mme Doré (Isabelle): Et il reste qu'en l'absence d'un cadre législatif clair où il est clair pour l'employeur que s'il ne respecte pas les normes, il sera sanctionné. Parce qu'actuellement vous savez que les employeurs ne respectent pas les normes, et il n'y a rien qui va les inciter à le faire si on n'applique pas ce qui est prévu dans les normes du travail pour les employeurs qui ne le font pas. Et même avec un chèque emploi-services, il peut y avoir des abus éventuellement. Il faut un cadre clair au niveau de la loi.

(16 h 10)

Je vous rappelle qu'au niveau... Le Québec est l'un des derniers, par exemple, au niveau de l'égalité des salaires de la «live-in». C'est déjà reconnu ailleurs, en Colombie-Britannique, en Ontario, et on revient encore aux registres publics des employeurs. On a la disposition – on pourrait vous l'envoyer – de la loi sur la Colombie-Britannique qui le prévoit. Moi, je pense qu'il faut établir un cadre clair au niveau de la loi, une reconnaissance d'abord au niveau de la loi et, ensuite, on verra comment assurer une protection systématique. Parce que, comme elles sont isolées, etc., il faut vraiment être en mesure d'avoir un oeil sur ce qui se passe en maison privée. On souhaite que ce soit l'organisme de la Commission des normes qui le fasse, à l'heure actuelle, et le tout premier outil, c'est d'abord le registre public. Il faudra faire un autre pas par la suite, éventuellement et regarder d'autres mesures, peut-être – on le fait ailleurs, en Colombie-Britannique – regardez ça de près parce que c'est sûr que ça ne répondra pas à toutes les problématiques. Mais s'il n'y a pas d'abord cette mesure-là, on va toujours revenir à la case départ. Il faut que ça soit indiqué en quelque part.

M. Rioux: On va fouiller ça un peu, si vous me permettez. Vous souhaitez qu'il y ait obligation par la loi d'un registre de l'employeur.

Mme Doré (Isabelle): Oui.

M. Rioux: Vous voyez ça, vous, comme une solution, là, qui nous permettrait de faire un long bout de chemin. Mais si l'employeur ne veut pas s'inscrire?

Mme Doré (Isabelle): Mais qu'est-ce qui pourrait justifier qu'il ne veuille pas s'inscrire? S'il a une relation de travail avec une employée, elle doit être...

M. Rioux: Donnez-moi un instrument, parce que ces gens-là ne sont pas faciles à trouver d'abord, premièrement.

Mme Doré (Isabelle): Oui.

M. Rioux: Et deuxièmement, il y en a qui vont y voir aucun intérêt à vouloir s'inscrire dans un registre. Moi, je me dis: Il ne suffit pas seulement de passer une loi, encore faut-il l'appliquer. Alors, décortiquez-moi ça un peu. Est-ce qu'il y a une poignée que vous pouvez me donner?

Mme Doré (Isabelle): Bien, premièrement, d'une part – mais, ça, ça revient au gouvernement – il y a toute la question des incitatifs fiscaux qui peut être abordée. D'autre part, dans d'autres mesures, Mme Caron réfère au fait que, par exemple, quand on a une voiture ou un chien, on est tenu d'avoir une licence. Alors, il y a sûrement un moyen d'établir... Parce qu'il y a des normes strictes qui sont appliquées et respectées. Mais, moi, je veux revenir au fait que les mesures...

M. Rioux: Non. Ne quittons pas ça. Ne quittons pas ce chapitre-là.

Mme Doré (Isabelle): Oui, oui. Mais il y a des mesures fiscales...

M. Rioux: Ça, c'était un élément important de votre discours tout à l'heure. Je trouve ça intéressant. Étant donné que vous êtes là, vous comprendrez bien qu'on va en profiter pour se parler un peu. Vous avez dit tout à l'heure qu'il y avait 10 000 personnes. Le député...

Mme Doré (Isabelle): Mais, nous, notre évaluation est très conservatrice.

M. Rioux: ...mon collègue de l'opposition parlait de 19 000 personnes, bon, etc. On commence à parler de monde.

Mme Doré (Isabelle): C'est beaucoup de monde.

M. Rioux: C'est important ça, là. Et vous avez évoqué tout à l'heure que le registre de l'employeur, si on le rendait obligatoire par la loi, vous voyez là-dedans, vous, là, une formule qui nous permettrait quasiment de régler le problème. Moi, je vous dis: Aidez-moi.

Mme Doré (Isabelle): Bien. Écoutez. D'une part...

M. Rioux: Vous évoquez la Colombie-Britannique; on va regarder ça.

Mme Doré (Isabelle): On prévoit en Colombie-Britannique des sanctions pour l'employeur qui ne le fait pas: 500 $ d'amende possible. D'autre part, quand il y a des choses au niveau de la fiscalité, si le parent, par exemple, qui engage une gardienne, demande des reçus ou quoi que ce soit et demande le crédit d'impôt pour frais de garde, il y a une mesure fiscale, là. Il se déclare comme employeur à ce moment-là. Il déclare qu'il y a quelqu'un qui a travaillé pour lui comme gardienne. Donc, il y a un moment où on sait publiquement qu'il y a eu une relation d'employeur-employé entre ces personnes-là. Il y a un moyen de contrôle qui s'effectue par ce biais-là

Il faudrait faire en sorte que Revenu Canada ou s'assure ou... Même dans les cas d'Immigration Canada, par exemple, quand on sait qu'une personne est engagée et qu'il y a un employeur sur le dossier, on devrait s'assurer pour l'immigration, que l'employeur est bel et bien passé et s'est enregistré auprès de la Commission des normes du travail. Ou, quand il y a des mesures qui sont prises pour réclamer des crédits d'impôt ou quoi que ce soit, que la personne se soit d'abord inscrite auprès de la Commission des normes du travail. Et quand il y a des offres d'emploi dans les journaux, on devrait s'assurer systématiquement de la légalité des offres-là, réitérer les conditions minimales de travail et faire de l'information, faire une campagne d'information, une campagne de prévention, une campagne de sensibilisation sur le rôle de l'employeur, ce que ça signifie, la responsabilité sociale que ça implique. C'est sûr qu'il y en a toujours qui vont vouloir contourner la loi, mais je pense que la majorité va reconnaître l'importance de cette relation-là et va vouloir agir en conséquence, surtout s'il y a des sanctions qui y sont rattachées et qui sont appliquées.

M. Rioux: Ce que je ne voudrais pas, c'est qu'on se retrouve dans un cadre législatif où ça soit la parole de la domestique contre la parole de l'employeur. Si, dans le registre de l'employeur, il est écrit à peu près n'importe quoi, qu'est-ce qu'on fait?

Mme Doré (Isabelle): Nous, le registre dont on parle, ça contient uniquement l'information de l'employeur et de l'employé. Si vous parlez d'information comme un contrat obligatoire de travail ou de conditions de travail, ça, c'est autre chose. C'est une autre mesure qui peut être prévue, aussi, éventuellement et qui est prévue en Colombie-Britannique. Mais là, c'est clair, ce qui doit être dans le contrat de travail doit être clair et déterminé; il ne doit pas y avoir d'abus possible. On parle d'heures de travail, on parle de cédules, on parle de choses très, très précises, et une copie doit être remise à l'employée.

Mais vous savez, dans ce monde-là, c'est toujours une parole contre une autre. Mais là on parle uniquement d'information comme le nom de l'employeur, le nom de l'employée, si elle est engagée comme travailleuse domestique, et qu'il doit le faire dans les 30 jours de l'embauche. Il doit donner le nom, l'adresse et le téléphone. C'est une mesure uniquement de prévention qui permet éventuellement d'aller faire des enquêtes sur le terrain dans quelques maisons privées, de prendre les coordonnées, d'informer la travailleuse de ses droits, s'il y a lieu. C'est une mesure très minimale mais vraiment essentielle.

M. Rioux: Est-ce que vous avez regardé la possibilité de tourner ça de bord un peu et de plutôt travailler dans la perspective de comptabiliser les heures travaillées?

Mme Doré (Isabelle): Mais, ça, ça doit se faire de toute façon, à notre avis. Pour calculer combien d'heures une salariée a droit par semaine, il faut que ça soit indiqué. Ça doit d'abord faire l'objet d'une mention claire dans un contrat de travail.

M. Rioux: O.K.

Mme Doré (Isabelle): Autant que possible, on doit respecter ce contrat de travail là. Il doit y avoir un bulletin de paye qui est remis à la personne, et autant que possible, celle-ci devrait être invitée à avoir un registre où elle tient ses propres heures de travail. Et en cas de désaccord, il pourrait y avoir même une présomption en faveur de l'employée, s'il n'y a pas de respect de ce qui est prévu par le contrat de travail. Il y a des modalités qu'il est possible de prendre à ce niveau-là. Mais, effectivement, il faut qu'il y ait une comptabilisation, mais elle doit se faire toujours de toute façon, cette comptabilisation-là, si on ne veut pas qu'il y ait d'exploitation. Les femmes ne doivent pas êtres disponibles 24 heures sur 24 comme ça sans qu'on comptabilise les heures qu'elles travaillent. Ça doit se faire.

M. Rioux: Alors, M. le Président, moi, je vais laisser la parole à d'autres.

Le Président (M. Sirros): Il y a le député de Drummond, du côté ministériel, qui avait demandé la parole.

M. Jutras: Oui.

Le Président (M. Sirros): Il reste à peu près...

M. Jutras: Dans le cas des domestiques, les femmes qui, par exemple, vont faire l'entretien de la maison, le ménage, ça, de toute façon la loi s'applique dans leur cas: présentement, elles sont protégées par la Loi sur les normes du travail. Mais je comprends que votre revendication s'applique aussi pour les gardiennes d'enfants.

Mme Doré (Isabelle): Oui.

M. Jutras: Alors, vous voulez qu'elles soient régies par la Loi sur les normes du travail au même titre que les domestiques?

Mme Doré (Isabelle): Tout à fait.

M. Jutras: Salaire minimum, prélèvements à la source, etc. Mais prenons le cas du couple qui s'en va en vacances et qui fait garder ses deux enfants pendant deux ou trois semaines. À ce moment-là, vous voyez ça comment? Est-ce que 24 heures par jour, salaire minimum, sept jours par semaine, puis si c'est deux ou trois semaines, et on multiplie à l'avenant? En tout cas, je faisais un calcul, je regardais mes prochaines vacances, combien ça va me coûter et puis je me suis dit: Je ne pourrai peut-être plus y aller. Mais ça veut dire qu'on parle d'un 1 200 $ par semaine pour faire garder des enfants, à ce moment-là. Si le couple part trois semaines, on parle quasiment d'une dépense de l'ordre de 4 000 $ pour faire garder des enfants. En tout cas, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Je voulais savoir aussi si vos revendications s'appliquent aussi dans le cas de la jeune fille de 16 ans qui va garder chez le voisin puis qui garde des enfants le samedi soir. Est-ce que ça s'applique également? Et mon autre question... Je vais toutes les poser, étant donné qu'il reste juste quatre minutes, espérons que vous pourrez y répondre. Mais je pense...

Le Président (M. Sirros): On va s'entendre. Allez-y M. le député de Drummond.

M. Jutras: Bon, le cas de la jeune gardienne qui va garder chez le voisin. Mais aussi, je comprends vos revendications, bon, pour dire que les gardiennes d'enfants devraient avoir le même statut. Vous représentez des gardiennes d'enfants et vous représentez des domestiques. Mais est-ce que vous avez étudié le marché pour voir si ces femmes-là, dans des conditions comme celles-là, vont pouvoir se trouver un emploi? Parce que je regarde la gardienne qui va avoir gardé des enfants 40 heures par semaine, bien, là, ça, c'est quasiment 15 000 $ par année que ça coûte, plus les charges sociales, tout ça. Je me demande, à ce moment-là, si ces femmes-là vont pouvoir se trouver un emploi dans le contexte actuel, surtout qu'avec la nouvelle politique familiale qu'on a mise de l'avant, bien, là, on a des places de garderie à 5 $ par jour. Alors, je me demande si, dans un sens, vous n'êtes pas en train de tuer le marché. Alors, c'est mes trois questions.

(16 h 20)

Le Président (M. Sirros): Mme Doré.

Mme Doré (Isabelle): Mais, nous, premièrement, on ne parle pas de marché, on parle de droits des travailleuses. On est là pour défendre les droits des travailleuses, d'avoir un salaire comme tout le monde, minimal. Et puis, effectivement, ceux qui, à ce moment-là, vont avoir les moyens devront payer le salaire minimum, sinon ils devront avoir recours aux services de garde régie. Et si les services de garde régie n'ont pas des heures assez flexibles à l'heure actuelle pour rencontrer tous les besoins, il va falloir voir à ce que ce soit plus étendu, à une révision à ce niveau-là pour s'assurer que tous les parents, en tout cas qui ont des besoins et qui n'ont pas les moyens, soient en mesure d'avoir des services de qualité.

Mais quand on parle de garde à domicile, à ce moment-là, ça va être sur une base occasionnelle, s'ils peuvent avoir recours aux services en garde régie, donc en dehors des heures. Donc, il n'y a pas de justification à ce qu'ils ne paient pas le plein salaire, puisque ce ne sera pas normalement sur une base de temps complet.

Et, d'autre part, oui, ça implique un choix, mais c'est une responsabilité quand on engage quelqu'un qui prend soin de nos enfants, de le payer comme un travailleur, comme si on l'engageait pour travailler pour les travaux domestiques. Il n'y a pas de raison qui justifie l'exclusion à ce niveau-là, selon nous. Maintenant, c'est une problématique effectivement, sur la question dont tu voulais parler, la question des heures.

Mme Caron (Denise): Vous mentionnez des problèmes auxquels les femmes font face, et ce n'est pas à nous de voir les solutions concrètes. Nous, ce qu'on dit, c'est que si on demande à quelqu'un... C'est comme quand l'employeur appelle et dit: Quand la femme va au parc, elle ne travaille pas. C'est la définition du travail et c'est la définition de la responsabilité. Avoir la responsabilité des enfants, comme Isabelle l'a mentionné avant, c'est beaucoup plus que de laver une salle de bain ou une cuisine. C'est supposé être quelque chose d'extrêmement important pour une famille; on veut avoir les personnes les plus compétentes et on veut laisser ses enfants entre les mains de quelqu'un dont on a la certitude qu'ils vont être bien et qu'on va les retrouver à la fin de nos vacances ou à la fin de notre séjour à l'extérieur.

Donc, on vous renvoie la question en disant: Est-ce que le plus important dans une société ce n'est pas d'abord de commencer par dire que le travail en maison privée doit devenir public, c'est-à-dire qu'il ne doit pas demeurer caché comme il l'est jusqu'à aujourd'hui au Québec? Si on peut avoir une personne pendant 17 mois, c'est parce que c'est caché, c'est parce qu'il n'y a aucun contrôle, c'est parce qu'il n'y a aucune exigence. Alors, nous, notre affirmation, c'est vraiment ça. Il faut que ça devienne public, et, ensuite, les modalités sont à discuter. Mais tant qu'il n'y aura pas un registre, tant qu'il n'y aura pas une obligation de l'employeur de se déclarer employeur, le reste, on ne peut pas le résoudre.

Le Président (M. Sirros): Merci, Mme Caron.

M. Jutras: Juste une dernière remarque, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Oui, je pense que, de consentement, on peut le faire.

M. Jutras: Moi, je n'ai pas tellement de difficulté avec la question du registre public, même, au contraire, je pense que ce serait une bonne chose parce que, bon, il y a tellement de travail au noir dans le gardiennage d'enfants puis dans le travail domestique, ça contrerait le travail au noir. Moi, j'en avais plutôt sur les coûts que ça représente, ce que vous nous proposez, c'est là que j'ai un point d'interrogation et j'essaie de voir...

Le Président (M. Sirros): J'ai cru comprendre, M. le député, que la réponse était que ça va vous coûter cher pour vos vacances.

M. Jutras: Oui, ça va coûter cher, oui.

Mme Doré (Isabelle): Mais, écoutez, c'est ça, il reste que c'est au gouvernement aussi, selon nous, à prendre la responsabilité d'essayer de faire la meilleure évaluation à ce niveau-là mais sans faire en sorte, comme à l'heure actuelle, que ce soit les travailleuses... On ne parle même pas de celles qui travaillent deux ou trois heures par semaine, à 16 ans, pour garder les enfants mais des travailleuses à temps plein. Puis même celles-là, de toute façon – on y revient – si elles tondaient le gazon, on leur reconnaîtrait le droit au salaire minimum. Il faut qu'il y ait une évaluation, donc, de la nature des besoins mais aussi des droits des travailleuses à être reconnues.

Puis sur la question du temps, des heures épouvantables de travail qu'elles font, et tout, il faut que ce soit reconnu justement. Et si on a besoin d'une travailleuse qui travaille 24 heures sur 24, c'est beaucoup d'heures mais ça exige beaucoup d'elle, elle n'a plus de vie privée, elle n'a plus rien non plus, ça prend une compensation à ce niveau-là. Ça, on ne le considère malheureusement pas à l'heure actuelle.

Le Président (M. Sirros): Peut-être juste pour les fins de l'organisation des travaux. Comme on a du temps, il y a aussi Mme la députée de Marie-Victorin qui veut poser des questions, et M. le ministre aussi. Alors, allez-y, M. le ministre.

M. Rioux: Moi, j'ai juste une petite remarque à faire à Mme Caron. Je sais qu'on est ici pour se donner de l'éclairage réciproquement, mais dans la garde des enfants, le salaire minimum ne s'applique pas passé 24 heures. Je pense que ça existe en Ontario ou en Saskatchewan, je ne suis pas sûr de mon affaire. Mais il faut quand même tenir compte d'une chose: dans toute cette dynamique-là où on entre dans la vie de famille, au gouvernement du Québec on pense à une politique familiale qui est élaborée et qui est en marche, on pense à la garderie à 5 $. Ça, ce sont tous des éléments importants. On pense à l'assurance parentale qui viendra peut-être un jour. Ça aussi, ça doit nourrir notre réflexion.

Mais je me dis: Si on se met à bâtir des mécaniques qui nous forcent à aller dans les maisons privées vérifier comment se fait le gardiennage, est-ce qu'il va falloir informer le monde à l'avance? Parce qu'il faut respecter la vie privée des gens. Moi, je m'interroge là-dessus. On est ici comme législateurs, nous. On écoute, et, un jour, il va falloir en arriver à poser des gestes. Il va falloir faire ça en tout respect des citoyens aussi. Moi, je me dis que c'est sûr qu'il faut protéger les gens que vous représentez, et je suis très sensible à ça, mais il va falloir faire attention pour ne pas déraper non plus. En voulant réparer des choses, si on s'égare de ce que je pourrais appeler «le respect de la vie des personnes, le respect de la vie des foyers, le respect de la vie privée»... Il va falloir examiner ça attentivement. C'est pour ça que je trouve notre échange bien intéressant.

Mme Doré (Isabelle): Je peux vous inviter peut-être à regarder l'étude qui a été faite par le Regroupement des agences de services de garde en milieu familial du Québec où on parlait justement que pour les agences, à ce moment-là, il y avait une étude évaluative où il y avait des cas de gardiennes pour lesquels il y avait cette espèce de supervision par l'agence de garde. Ce qu'on disait, c'est que les parents et les employées étaient très satisfaits d'avoir ça, de part et d'autre, parce que ça permettait à l'employée d'avoir une espèce d'encadrement au niveau de son travail, et ça permettait aux employeurs de clarifier leurs besoins, leurs attentes, et tout, d'avoir un service de qualité. Il faut s'en aller vers ça aussi: une professionnalisation du service, une reconnaissance de la valeur du travail. Et l'encadrement, comme on disait, pourra venir éventuellement sous diverses formes. Il va falloir évaluer ça, justement, pour que ça ne se fasse pas comme un empiétement de la vie privée mais que ça soit favorable justement au développement des enfants, au bien-être des personnes âgées qui sont gardées. Donc, un service de qualité. Il va falloir l'évaluer en ce sens-là.

Mais tant qu'au départ, dans la loi, on ne protégera pas minimalement les travailleuses, ça va se faire à leurs dépens à elles. On ne questionnera pas au niveau social comment on doit mettre ça en place, comment on doit favoriser un travail de meilleure qualité. On va le faire sur le dos des travailleuses et on va le laisser dans l'ombre. Donc, il y a une dynamique à renverser complètement ici. Et le gouvernement a une énorme responsabilité à ce niveau-là et un énorme pouvoir d'action aussi. C'est donc en allant voir ces possibilités-là et en les examinant qu'il va pouvoir faire avancer les choses, et le dossier de l'exemple français sera à considérer par rapport à ça. Il y a beaucoup qui a été fait là-bas. Mais il y a aussi ce souci de professionnaliser. Et puis là, éventuellement, on pourra parler d'un véritable encadrement. Mais, minimalement, au niveau des droits, il va falloir le clarifier dans la loi.

Le Président (M. Sirros): Merci. Une dernière courte question du côté ministériel, avec une courte réponse.

Mme Vermette: Oui, j'espère. Moi, c'est justement cette qualité du service dont vous parlez. Parce que, en fait, il y a différentes façons d'accès pour avoir les services de gardiennes pour des personnes âgées ou.... Bon, il y a les agences privées par lesquelles on peut passer, il y a les petites annonces classées, il y a du bouche à oreille et il y a, dans certains cas, des CLSC, il y a d'autres agences aussi, en fait, pour différentes choses. Dans tout ça, en fait, il y a des références qui font en sorte que ça te donne une certaine assurance d'avoir une personne de qualité ou qui est capable de te donner... Je pense que ce qui est le plus difficile, c'est les petites annonces. Tu ne sais jamais. Alors, il y a...

(16 h 30)

Oui, les droits, moi, je considère que, effectivement, c'est de l'ordre d'un contrat privé. D'une part, on décide, comme parent, de passer soit par une agence parce qu'on veut avoir un système de garderie qui a établi des barèmes. Et la personne qui va travailler pour l'agence privée, généralement, elle s'attend à être payée selon ces barèmes-là: une journée de tant d'heures représente tant, une autre journée de tant d'heures... pour une fin de semaine complète, ça représente tant. Donc, il y a des barèmes qui sont établis à ce moment-là et c'est de l'ordre d'un contrat privé entre personnes qui décident de s'entendre et de travailler, en fait, dans ces conditions-là.

Alors, comment on peut arriver, justement... Comment, au niveau de la question, justement... Moi, ce qui m'amène à vous dire: D'une part, les garanties, dans le fond, au niveau d'un certain salaire, il y a des gens qui sont consentants. Des gens qui travaillent à ce salaire-là, jusqu'à un certain point, ils sont consentants. En fait, ce qu'ils réclament, si j'ai bien compris, c'est les garanties d'ordre social à l'effet d'avoir accès au régime de rentes ou d'avoir accès à une certaine sécurité. Dans le fond, c'est plus ça qu'ils réclament que, si j'ai bien compris, d'avoir, en tout cas sur 24 heures, un salaire minimum. En tout cas, est-ce que j'ai bien compris?

Mme Doré (Isabelle): C'est d'avoir à tout le moins un salaire décent.

Mme Vermette: Oui, ça, je suis bien d'accord. Mais là, ça aussi, sur du 24 heures. On sait très bien que des fois ça peut être 24 heures. Puis, évidemment, il y a certains avantages puis il y a des désavantages. Ça dépend des endroits.

Mme Doré (Isabelle): Ça, ça pourra être évalué, quelles modalités à ce moment-là il faut donner à ce niveau-là. Les provinces l'ont étudié de différentes façons, l'ont abordé de différentes façons. Mais il reste qu'un revenu minimum décent, à l'heure actuelle, ça s'impose pour ces travailleurs-là et ces travailleuses-là, en principe. Il faut poser ça d'abord et avant tout et voir, à partir de ça, quelles modalités, éventuellement... Mais la protection minimum doit s'appliquer, selon nous.

Mme Vermette: Puis ça va être quoi, leur formation? Parce que, dans le fond, si on commence à les reconnaître... Parce que, actuellement, c'est des gens qui ont plus ou moins de formation. Ça va être quoi, les formations qui vont être exigées? Parce que, dans l'autre sens, il y a des parents, comme à Vancouver, qui, actuellement, mettent des bracelets à des gardiennes pour être sûrs qu'elles ne violeront pas l'enfant, qu'elles ne le tabasseront pas, ou qu'il y a des... Il y a dans les deux sens, en fait. Le parent aussi a besoin d'avoir de la protection parce que, de plus en plus, il est arrivé un paquet de problèmes.

Mme Doré (Isabelle): Oui, tout à fait. Mais, quand on parlait de professionnalisation, il va falloir voir en ce sens-là, oui, éventuellement.

Le Président (M. Sirros): Merci. Alors, nous entamerons, avec l'opposition, la dernière période de 20 minutes.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. D'abord, j'aimerais vous remercier d'être venues nous rencontrer avec une si courte notice. On doit s'excuser parce que ça a été décidé hier soir, sur le tard, et les téléphones ont été faits tôt ce matin, grâce aux gens qui se lèvent très tôt, nos deux recherchistes et adjoints qui ont travaillé fort pour essayer de vous contacter. Alors, je m'excuse infiniment de cet appel aussi tardif.

Je croyais nécessaire d'avoir votre input dans la démarche que l'on suit pour le projet de loi. Je vais peut-être vous surprendre en vous disant que je suis un peu étonné de voir les histoires d'horreur que vous me rapportez, parce que, quand vous mentionnez les cas, Mme Caron, comme Sofia, Rodita, Marie et Claire, je suis étonné de voir que des gens adultes se laissent subir un traitement aussi inadmissible. Quand vous dites que quelqu'un travaille 17 mois, sept jours par semaine, à Vaudreuil – pourtant, c'est un beau comté – et sans aucun salaire, bien, je m'inquiète du niveau de défense que cette personne-là a, parce qu'il me semble, là... Moi, je prendrais la porte. Je n'ai pas besoin de personne pour me le dire. Je n'ai pas besoin d'une association qui va prendre mes droits et ma défense, pour me dire que, si je ne reçois pas de salaire pour le travail que je fais, bien: Bonjour, madame, bonjour, monsieur, pas pires amis, je vous aime bien, mais je vais aller ailleurs.

Quand vous me parlez de l'annonce, dans Le Journal de Montréal , où on dit qu'il faut être bilingue, conduire l'automobile, être une bonne cuisinière, bonne ménagère, faire le ménage, puis qu'on m'offre 190 $... Je ne sais pas si l'annonce est encore dans Le Journal de Montréal , mais, si elle n'est plus là, si elle est disparue, c'est que quelqu'un a peut-être accepté l'emploi.

Mme Caron (Denise): Tout à fait.

Mme Doré (Isabelle): Tout à fait.

M. Beaudet: Ce n'est pas votre association qui va régler le problème. J'ai un problème, là, avec la personne qui est allée à l'emploi.

Mme Doré (Isabelle): Mais qu'est-ce qui fait qu'elle va dire oui?

M. Beaudet: Bien, je ne peux pas vous répondre qu'est-ce qui fait qu'elle a accepté l'emploi, mais il y a un problème majeur qui n'est pas, en tout cas il me semble... L'employeur offre. Si l'autre accepte, bien, lui... Quand on vous offre un produit puis que vous l'achetez même s'il est trois fois plus cher qu'à côté, bien là... Allez à la porte à côté. Et ça, ça m'inquiète de voir l'état de démuni dans lequel ce personnel se retrouve. Je trouve ça inquiétant. Je ne sais pas si on a des réponses ou des solutions à ça, mais ça, je trouve ça relativement inquiétant.

L'autre élément, et puis ça, je vais rejoindre certains commentaires – puis vous pourriez adresser ces éléments-là, Mme Caron et Mme Doré, par la suite, ou Mme Braggio, si elle le désire – le Code civil, au Québec, encadre déjà les travailleurs, les employeurs comme les employés. Je ne vous apprends rien en vous disant aujourd'hui que le travail au noir, c'est illégal. Alors, qu'un employeur ne déclare pas sa gardienne ou son aide familiale, bien, il est dans l'illégalité. On n'a pas besoin de faire une autre loi pour encadrer ce système-là, c'est déjà illégal au moment où on se parle. Alors, si l'employeur et l'employé – parce qu'il y a une connivence, là, il faut que les deux soient d'accord: un accepte de travailler puis l'autre accepte de la faire travailler – sont de connivence, comment une nouvelle loi, avec un nouveau cadre juridique, pourrait-elle forcer ces deux personnes, qui sont de connivence, à se déclarer? Vous me mentionnez la loi de la Colombie-Britannique – d'abord, j'aimerais avoir le projet de loi; si vous l'avez, on pourrait s'en faire une photocopie, une ou des photocopies – mais j'aimerais savoir combien il y a d'employeurs et d'employés déclarés, en Colombie-Britannique, depuis que la loi est en fonction?

Mme Doré Isabelle): On a demandé ces données-là. Malheureusement, on les attend toujours.

M. Beaudet: Je n'ai pas l'impression que ça doit être bien différent de ce qu'on a de déclaré au Québec. Je ne peux pas vous répondre, je ne sais pas, mais, pour les mêmes raisons que je vous dis, la loi est déjà existante, puis pourtant on la contourne. On est dans l'illégalité. Il y a des sanctions de prévues, il y a des amendes de prévues lorsqu'on fait travailler quelqu'un au noir, puis pourtant ça se fait régulièrement, régulièrement. Et vous mentionnez 10 000; moi, mes informations, c'est entre 18 000 et 20 000 qu'on a de personnes qui travaillent dans des foyers. Puis vous me dites qu'il y en a 2 000 de déclarées. Alors, on a une disparité importante, puis pourtant la loi est déjà en fonction.

Le ministre mentionnait tantôt: Par quel moyen? Bien, moi aussi, je rejoins ça. Comment on va forcer des gens, par une loi – je dis bien «par une loi» – à s'enregistrer à un registre pour que le travailleur ou la travailleuse puisse bénéficier de tous les avantages? Je trouve ça effrayant qu'une personne travaille 15 ans et 40 ans à un endroit puis que, un bon matin, elle se réveille puis elle dit: Hé! je n'ai pas droit à ma rente du Québec, moi? Comment se fait-il? J'ai travaillé tout ce temps-là, mais il n'y a personne, ni moi ni mon employeur n'y avons contribué. Puis elle se ramasse avec un vide. Évidemment, on va dire: Elle aurait dû se poser la question avant. Mais souvent ces gens-là ne sont pas au courant, puis je peux accepter ça.

Mais, malgré ça, malgré l'existence de la loi, on l'a contournée. Comment pourrait-on aujourd'hui, par une loi-cadre, faire que ça va être différent?

Mme Caron (Denise): Écoutez, d'abord, il faut une loi. Puis, pour qu'une loi soit respectée, il faut qu'il y ait ou des avantages, ou des sanctions, ou des incitatifs, n'est-ce pas? Alors, nous, on croit qu'il faut qu'il y ait ces éléments-là pour que la loi finisse par être respectée.

Je vais laisser Isabelle parler plus de l'aspect de la loi et je vais essayer quand même un peu de répondre à votre question par rapport à comment il se fait que les personnes tolèrent des situations intenables.

(16 h 40)

On a parlé de l'isolement. C'est pour ça qu'on insiste tellement sur la nécessité de sortir du privé pour entrer dans le public. C'est-à-dire que les employeurs, au Québec, si on devient travailleur autonome, si on fonde une petite compagnie, une petite entreprise, on ne fait pas ça en cachette. Si on veut engager une personne pour travailler chez soi, qu'on la paie à partir de son salaire ou qu'on la paie à partir de sa compagnie, il me semble que ça devrait être clair qu'il faut des incitatifs, il faut des avantages et il faut des sanctions, mais il faut que ce soit considéré comme essentiel et qu'on ne puisse pas passer à côté, à cause de l'isolement. L'isolement et la peur sont deux éléments. Je pourrais vous nommer des noms d'employeurs. Je pourrais vous dire des situations encore plus dramatiques que celle-là pour illustrer comment on peut être très débrouillard, au Québec, mais on se retrouve dans une situation où on est isolé, on manque d'information et on a de la difficulté à s'en sortir. Alors, ça existe encore beaucoup plus que les faits. On vous a raconté des histoires d'horreur, mais ce n'est pas un, il y en a plusieurs. Il n'y en a pas des milliers, mais il y en a plus que ceux qu'on a simplement mentionnés.

Donc, l'isolement, la peur, le manque d'information, c'est vraiment les caractéristiques de la personne qui travaille. On revient à Sofia, si l'employeur avait été obligé de s'inscrire et qu'ensuite, quand la personne part, elle peut faire une réclamation, au moins l'employeur va payer une amende. Quand on stationne sa voiture au mauvais endroit, quand même, on est obligé de payer quelque chose quelque part. On peut tricher quelquefois, mais on ne triche pas tout le temps. Je reviens avec l'exemple un peu banal avec lequel j'ai fait rire mes collègues, mais le fait est que, quand je promène mon chien, si je n'ai pas ma licence, je peux me faire arrêter et je paie mon amende. Mais la travailleuse en maison privée, elle est dans le privé. C'est intouchable et, donc, on peut faire tout ce qu'on veut, au Québec. C'est ça qui est dramatique. Pour le moment, on peut faire tout ce qu'on veut. Quand on vous parle de ne pas payer quelqu'un pendant 17 mois, il y en a qui n'ont pas été payés pendant trois ans. Qu'est-ce que vous voulez, on n'invente pas. Et alors, on dit que la personne, oui, ensuite, elle peut faire des réclamations. Si elle est considérée gardienne... Et je voudrais rectifier quelque chose. Selon la loi, la gardienne n'est pas simplement la gardienne d'enfants, c'est quand on prend soin d'une tierce personne. Donc, ça peut être une personne handicapée ou une personne âgée. Et ça, on l'oublie très souvent. Quand nous parlons de la gardienne, selon la loi, on parle des trois aspects.

M. Beaudet: Mme Caron, je rejoins ce que je vous disais tantôt. Le Code civil du Québec encadre déjà cette situation-là même si c'est au privé. Si vous engagez quelqu'un, vous êtes obligé, par la loi, de le déclarer. Vous êtes obligé de lui donner, dans la contribution financière au salaire, des avantages marginaux qui sont prescrits par la loi, c'est-à-dire la CSST, la RAMQ, le Régime de rentes du Québec. Vous êtes obligé d'avoir ça.

Mme Caron (Denise): Mais quels sont les avantages à le faire? Quels sont les incitatifs à le faire?

M. Beaudet: C'est là. J'y arrive. Actuellement, il n'y a que des aspects négatifs, c'est-à-dire que ça coûte plus cher à l'employeur puis il ne retire rien de plus. Alors, il dit: Bien, toi, tu travailles au noir, puis, moi, je te paie au noir, puis c'est bon pour toi, puis c'est bon pour moi. Bon. Par ailleurs, je n'ai pas touché à ça encore, mais il y a même des travailleuses aides familiales qui ne veulent pas être déclarées. Elle n'y tiennent pas. Elles ne veulent absolument pas, sans ça elles ne travaillent pas. Elles vont à la maison et elles vous disent: Si vous me payez par chèque, oubliez-moi. Alors, c'est elle qui ne veut pas. Peut-être qu'elle ne connaît pas tous les avantages desquels elle se prive. Ça, j'en conviens. Elle n'est pas au courant, puis vous avez dit tantôt «le manque d'information». Ça, ça m'apparaît crucial. Si toutes les travailleuses aides familiales étaient au courant des avantages desquels elles se privent, elles diraient: Non. Moi, monsieur, vous me déclarez, puis je vais avoir tous mes avantages, puis vous allez me donner le salaire minimum. Oubliez le 7 $ ou le 8 $. Je veux avoir le salaire minimum, mais je veux que vous payiez ma rente du Québec, mon assurance-emploi, ma RAMQ, ma CSST, de sorte que, s'il m'arrive quelque chose, je vais avoir une couverture.

Mais je vous rejoins quand vous me parlez des avantages. Hier soir, je mentionnais au ministre un cas qui a été jugé en Cour suprême, où, si on donnait un incitatif fiscal au privé qui engage une aide domestique, ou quoi que ce soit, si on lui donnait un avantage fiscal, à ce moment-là il y irait de son avantage à lui de déclarer son employée. Et l'employée, même si elle ne veut pas retirer ces avantages-là parce qu'elle ne veut pas être déclarée, lui, c'est lui qui, à ce moment-là, lui dirait: Madame, si je ne peux pas vous déclarer, oubliez-moi, parce que, moi, il y va d'un avantage fiscal si je vous déclare. À ce moment-là, si le gouvernement, par une loi fiscale, donnait la permission au privé de déduire de ses revenus le salaire payé, on verrait disparaître en grande partie le travail au noir que vous avez, duquel vous plaignez puis avec lequel je suis très sympathique. Je trouve ça aberrant, sincèrement. On verrait disparaître tout le travail au noir si on donnait ce même avantage pour tout ce qui est fait, que ce soit la rénovation en maison familiale ou autres.

Je ne sais pas si vous avez porté une réflexion là-dessus, mais j'aimerais vous entendre sur: Est-ce que vous croyez qu'un avantage fiscal qui serait donné à l'employeur apporterait une solution importante à votre problème?

Mme Doré (Isabelle): Malheureusement, on n'est pas spécialistes sur la question. On a pris acte de cette revendication-là d'une femme avocate, justement jusqu'en Cour suprême. Effectivement, ça constitue aussi un incitatif à évaluer et à envisager. Mais, nous, on n'est pas spécialistes sur cette question-là. Ce n'est pas de notre ressort, malheureusement. Mais c'est à évaluer.

M. Beaudet: Mais, quand vous parlez d'incitatifs, Mme Caron, ça, c'en est un qui vous plairait.

Mme Doré (Isabelle): Oui, bien sûr.

Mme Caron (Denise): Bien sûr. Ce qui nous préoccupe, c'est de le sortir...

M. Beaudet: D'inciter l'employeur à se déclarer.

Mme Caron (Denise): Exactement. Exactement.

M. Beaudet: Vous avez sûrement pris connaissance du rapport de M. Crémieux, de l'Université du Québec à Montréal. Est-ce que, à sa lecture qui n'est pas simple, je dois en convenir...

Mme Doré (Isabelle): C'est un document de travail, vous savez.

M. Beaudet: Est-ce que vous avez, à la lecture de ce document, soupesé l'impact économique que ça pourrait avoir sur les employés et les employeurs? Est-ce que c'est quelque chose qui vous a effleuré l'esprit à la lecture de ce document-là?

Mme Doré (Isabelle): Ce qu'on soulignait, je crois, c'est que 46 % des employeurs auraient la capacité de payer pour ces travailleuses qui seraient pleinement reconnues par la loi sur les normes et que ce 46 % pourrait permettre au gouvernement de prendre ses responsabilités pour aider les autres 54 % pour qui ça ne serait pas évident. Alors, ça a été abordé dans ces termes-là, de dire: Ceux qui ont les moyens vont pouvoir payer – et c'est pratiquement la moitié des employeurs – et, pour l'autre, il faudra voir à des mesures, mais ça pourra justement être financé par le biais de ces mesures-là qui sont payées par la moitié des employeurs. Donc, oui, c'est un élément qui a été abordé.

Je voudrais juste revenir sur la question de la capacité de contrôler l'effectivité ou non de l'application de la loi sur les normes. Nous, on vous parle d'un registre. Les organisations à travers le Canada travaillent, comme nous, ardemment pour la défense des droits des travailleuses domestiques en maison privée. Malheureusement, c'est très difficile, cette cause-là, et partout on fait face aux mêmes problématiques. Ils sont à penser ou, en tout cas, ils ont pensé à des structures qui pourraient permettre éventuellement de faciliter ça. Peut-être que ce serait bien qu'éventuellement le gouvernement fasse une étude de cette possibilité-là. Elles se référaient à la possibilité de créer un comité tripartite qui veillerait au respect, un comité d'enquête où les employeurs et les employés s'accréditeraient, donc l'équivalent d'un registre public qui serait administré par ce comité tripartite qui aurait un pouvoir d'enquête et, surtout, de représentation en cas de discorde entre l'employeur et l'employé, ou quoi que ce soit. Le comité pourrait devenir l'agent de la travailleuse et l'aider dans sa négociation avec l'employeur.

M. Beaudet: Dans votre comité, vous m'en mentionnez deux: l'employeur et l'employé. C'est qui, le troisième?

Mme Doré (Isabelle): Bien, ce serait comme une agence indépendante, d'après ce que j'ai compris. Ce n'est malheureusement pas très clair non plus, compte tenu des problèmes de poste et de communication à l'heure actuelle. Mais, moi, simplement, ce que je voudrais, c'est inviter à ce moment-là à poursuivre la réflexion à ce niveau-là, mais que ça se fasse dans un cadre. Je reviens sur le fait qu'au niveau de la loi ça doit être clair, d'abord et avant tout, et ensuite on pourra, dans un deuxième temps, passer à quelque chose comme ça. C'était aussi soumis par le groupe en Colombie-Britannique, West Coast, et c'était soumis en Ontario, dans deux cas. Les groupes en sont venus à cette possibilité-là de créer un comité tripartite qui veille à l'application de la loi sur les normes.

(16 h 50)

M. Beaudet: En fait, quand vous parlez de l'obligation pour l'employeur, c'est de s'enregistrer à la Commission des normes du travail.

Mme Doré (Isabelle): Oui.

M. Beaudet: C'est tout ce que vous recherchez. Mais, comme je vous ai dit tantôt, la loi oblige déjà l'employeur à s'enregistrer. La loi l'oblige déjà, là.

Mme Doré (Isabelle): Oui, mais actuellement, quand vous demandez à la Commission des normes si elle a des données sur les employeurs, si elle connaît les employeurs de travailleurs domestiques au Québec, il n'y en a pas. Ils ne sont pas tenus de s'inscrire en vertu de l'article 30.15, ils sont exclus. Normalement, en vertu de l'article 29.3°, ils doivent cotiser.

M. Beaudet: «Tout employeur est tenu de verser les avantages et de respecter les lois».

Mme Doré (Isabelle): Mais, à la Commission des normes, c'est l'article 29, alinéa 3° ou 5°, je m'excuse, qui prévoit que l'employeur s'inscrit...

M. Beaudet: J'apprécie. On va vérifier ça. O.K.

Mme Doré (Isabelle): Mais j'ai la loi devant moi, je peux vous le dire.

(Consultation)

Mme Doré (Isabelle): C'est l'article 30.15 qui les exonère, en tout cas, de l'application du principe général de cotisation.

M. Beaudet: J'apprécie les chiffres que vous me donnez. On va vérifier ça.

Le Président (M. Sirros): De quel article est-ce que vous parlez dans la Loi sur les normes du travail?

Mme Doré (Isabelle): Nous, on référait, en 1995, à l'article 30.15 qui prévoyait l'exclusion.

Le Président (M. Sirros): L'article 30.15.

M. Beaudet: Écoutez, on va vérifier ces chiffres-là, je pense que ça va nous éclairer. Mais je pense que c'est important que les gens aient l'obligation de s'enregistrer. Je pensais que, légalement, ils l'avaient. Mme Caron, vous me dites non. On va vérifier.

Il y a un autre élément dont peut-être vous n'êtes pas au courant, mais la Commission des normes du travail a déjà soulevé la distinction qu'on fait entre une gardienne et quelqu'un qui prend soin d'une personne handicapée ou d'un malade ou d'une... Elle est déjà reconnue, cette distinction-là, puis la Commission des normes du travail est prête à faire lever cette discrimination ou disparité entre un groupe par rapport à l'autre. Mais, que le gouvernement ne semble pas vouloir accéder à cette demande-là... La Commission des normes est prête à ça. Elle l'a déjà soulevé, ce point-là. C'est malheureux, mais il faudrait que le gouvernement reconnaisse la demande de la Commission des normes pour enlever cette distinction-là qui, à mon sens, n'a pas d'allure. Comme on mentionne tout le temps, quelqu'un qui coupe le gazon est plus respecté que quelqu'un qui prend soin d'un malade handicapé. Et la Commission des normes reconnaît ce bien-fondé, sauf qu'il faut que ce soit approuvé par l'appareil législatif. Il faut que ça soit reconnu, et je pense que c'est important, cet élément-là.

Écoutez, moi, je suis un petit peu ébahi par ce que vous me mentionnez, des éléments que vous soulevez qui se rattachent aux personnes qui font du support familial. Je suis sûr que vous êtes au courant du fonds qui a été mis en place par le ministre des Finances, lors de son dernier budget, pour l'économie sociale, dans laquelle il ne reconnaissait pas encore le chèque emploi-services, mais un peu du genre, où les gens en sécurité du revenu pouvaient retirer une allocation en allant faire un support à domicile pour des personnes dans le besoin.

Là encore, je peux vous dire que – parce que j'ai eu des plaintes qui m'ont été rapportées – c'est supporté par les régies régionales et donné aux gens. Et là, encore, par les régies régionales, on leur dit: Bien, tu sais, il n'y a pas de reçu, on ne veut rien savoir de ça. Alors, je ne sais pas si vous avez eu des cas qui vous ont été rapportés dans ce genre-là, où, grâce à ce fonds-là de 79 400 000 $, il y a de l'argent qui est disponible, qui est administré par le ministre de la Santé et des Services sociaux et qui, dans l'allocation qui est faite, on dit même aux gens: Écoutez, pas de reçu, on ne veut rien savoir de ça. Est-ce que vous êtes au courant de ça?

Mme Caron (Denise): Écoutez, oui, on est au courant.

M. Beaudet: C'est grave, ça.

Mme Caron (Denise): D'abord, je voudrais apporter une clarification sur la question de l'économie sociale et des projets d'économie sociale. C'est des projets d'aide domestique basés sur les demandes de clients qui ont besoin d'une aide ponctuelle, soit quelques heures par semaine, mais pas à temps plein. À un moment donné, vis-à-vis de nos demandes, on nous avait dit: Ça va se régler avec l'économie sociale et les projets d'économie sociale. Mais ça ne se règle pas, parce que, nous, ce sont des personnes qui travaillent, en général, dans les quartiers les plus aisés; elles travaillent à temps plein temps et elles n'iront pas travailler dans les projets d'économie sociale. Alors, je pense que c'est très important de faire une différence.

En plus de ça, quand on parle d'aide domestique, c'est seulement les tâches domestiques; on ne parle pas d'autres tâches liées à l'aide à la personne. Alors, encore une fois, on fait des divisions, on fait des classifications. Et c'est important à ce moment-là de dire que nos revendications ne sont pas contre les personnes qui sont sur les projets d'aide domestique, mais c'est tout à fait différent parce que ces personnes-là vont se retrouver dans un cadre où elles vont travailler chez des personnes, comme un peu les femmes de ménage font aujourd'hui.

M. Beaudet: En fait, il n'y a pas de compétition entre les deux secteurs.

Mme Caron (Denise): Non, non, pas du tout.

M. Beaudet: Ce dont on parle aujourd'hui...

Mme Caron (Denise): Ce sont des personnes qui travaillent...

M. Beaudet: ...ça ne touche pas à ça.

Mme Caron (Denise): ...à ce projet-là.

M. Beaudet: Ça réfère à des gens qui sont à la sécurité du revenu.

Mme Caron (Denise): C'est ça.

M. Beaudet: Et il y a des gens qui sont en besoin...

Mme Caron (Denise): Oui.

M. Beaudet: ...des personnes âgées et supportées par le ministère des Affaires sociales.

Mme Caron (Denise): C'est ça. Alors, maintenant, vous revenez avec la question ou la constatation qu'il y a des travailleurs et des travailleuses au Québec qui veulent travailler et ne pas être déclarés. Ça, c'est évident. Ça fait des années que c'est comme ça pas simplement dans le secteur domestique, mais dans plusieurs secteurs.

Nous, ce que nous avons toujours essayé de clarifier, c'est que nous représentons les personnes – majorité de femmes à 99 % – qui veulent travailler déclarées avec déductions, qui ne veulent pas travailler simplement en remettant un reçu, qui ne veulent pas travailler sans être déclarées du tout, mais qui veulent travailler avec déductions. Donc, nous sommes la voix de ces femmes-là. On n'essaie pas de représenter tout le monde. Et ces femmes-là, ce qu'elles disent, c'est: Moi, j'aimerais avoir les protections sociales comme n'importe quelle autre travailleuse. Une travailleuse en garderie qui travaille au salaire minimum, 6,70 $, et une femme membre de l'Association, qui travaille dans une maison privée et s'occupe de trois enfants, fait le ménage et prépare le souper, qui travaille à 6,70 $, les deux veulent avoir au moins le salaire minimum et les déductions à la source.

Et, quand nous parlons de nos membres qui cherchent un emploi, elles ne cherchent pas du bénévolat, elles ne cherchent pas quelques sous pour les fins de mois. Elles n'ont pas la sécurité du revenu, elles n'ont pas un revenu de veuve – je ne sais pas le mot exact, là – elles n'ont pas l'assurance-emploi, elles n'ont aucun autre revenu. Donc, elles veulent travailler. Elles veulent gagner un salaire et elles veulent être déclarées, avec les bénéfices qui vont avec un emploi déclaré.

Un emploi déclaré, il y a deux façons de voir le marché du travail. Vous voyez le marché du travail comme: J'essaie de tirer mon épingle du jeu, j'ai un revenu, puis je vais essayer d'avoir un peu plus pour les autres affaires que je veux me payer. Ou alors je dis: Je veux avoir un emploi pour faire partie de la société.

Je regardais à la télévision, hier matin, les entrevues qui passent avec Marguerite Blais, où elle interviewait des femmes qui sont sans emploi, qui ont travaillé de nombreuses années professionnellement et qui sont sans emploi. S'il y a quelque chose de tragique, c'est vraiment de ne pas être reconnu par la société parce qu'on n'a pas un emploi, un vrai emploi.

Alors, c'est certain que vous avez de tout, dans la société. C'est certain que, nous, nous ne répondons pas à toutes les attentes. Mais, nous, nous essayons d'être vraiment la voix de celles qui veulent avoir un emploi déclaré avec déductions et être reconnues publiquement par la société. Pas en cachette, publiquement.

Et c'est ça, le conflit. Les argumentations qui sont contre cette idée de faire ça public, c'est parce qu'il y a beaucoup d'avantages à le garder dans le privé. C'est certain qu'il y a des avantages à le garder dans le privé.

M. Beaudet: Si je comprends bien, Mme Caron, là, c'est qu'il y a deux groupes de travailleuses, d'aides familiales: un groupe, c'est-à-dire, qui est prêt à être reconnu comme des travailleurs et des travailleuses bien identifiés, bien encadrés, qui déclarent leurs revenus, qui veulent avoir les bénéfices qui y sont rattachés, et un autre groupe qui, elles, préfèrent travailler au noir.

Mme Caron (Denise): Oui, comme il y a des mécaniciens, des plombiers...

M. Beaudet: C'est ça.

Mme Caron (Denise): ...et toutes sortes d'autre monde dans la société...

M. Beaudet: Exactement.

Mme Caron (Denise): ...qui préfèrent travailler au noir.

(17 heures)

M. Beaudet: Puis il y va de la même chose des employeurs: un certain nombre qui veulent rester au noir puis un certain nombre qui veulent se déclarer. Et ce que vous recherchez et ce à quoi je suis très favorable, c'est que ce groupe qui veut être déclaré, encadrons-le, donnons-lui les moyens de se manifester ouvertement.

Mme Caron (Denise): Et donnons aux employeurs des incitatifs, d'une façon ou d'une autre, par des avantages fiscaux, peu importe, et aussi des sanctions, s'ils ne respectent pas les lois.

M. Beaudet: Si on a des avantages, Mme Caron, on n'a pas besoin de sanctions, on va prendre les avantages, c'est évident. On m'indique que mon temps est terminé. Alors, je veux vous remercier d'avoir, à si courte notice, bien voulu venir nous rencontrer et partager avec nous ces éléments importants, parce que ça m'éclaire beaucoup de voir l'évolution de ce marché du travail puis comment on peut arriver à vous aider par un projet de loi, si le ministre veut bien le bonifier. Je vous remercie.

Le Président (M. Sirros): Nous aussi, au nom de l'ensemble des membres, on vous remercie pour votre présentation et les échanges que nous avons eus. La commission va suspendre pour cinq minutes. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 1)

(Reprise à 17 h 6)

Le Président (M. Sirros): Alors, le prochain intervenant sera le directeur de la protection de la jeunesse, Me Picard, qui va échanger avec nous plutôt que de livrer un mémoire, étant donné le court laps de temps qui lui a été fourni pour se préparer. M. Picard a accepté tard cet après-midi, même, de venir devant la commission et de livrer un peu, en échange avec les membres de la commission, ses points de vue sur le projet de loi et sur la situation de la jeunesse en général.

Ce qu'on pourrait faire, peut-être, c'est tout simplement de donner l'opportunité à M. Picard, si l'on veut, de faire une courte présentation, et par la suite on prendra des questions de part et d'autre pour une période maximale d'une heure, tout au moins jusqu'à 18 heures. Alors, je ne sais pas si M. le ministre... On peut peut-être l'attendre deux minutes. Donc, on suspend jusqu'à ce que le ministre revienne.

(Suspension de la séance à 17 h 7)

(Reprise à 17 h 8)

Le Président (M. Sirros): On va reprendre nos travaux. Alors, M. Picard, on serait prêt à vous écouter, à vous entendre, si vous avez quelques commentaires à faire sur le projet de loi ou sur la situation de la jeunesse, par rapport à ce projet de loi en général.


Direction de la protection de la jeunesse (DPJ)

M. Picard (Camil): Alors, merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames et messieurs. Effectivement, c'est tard cet après-midi qu'on m'a demandé de venir vous rencontrer pour vous livrer quelques commentaires sur la situation du travail des jeunes au Québec.

Rapidement, comme préambule, je peux vous dire que, au cours de l'été, nous avons été interpellés souvent, les directeurs de la protection de la jeunesse, concernant des jeunes qui étaient amenés à travailler dans diverses situations. Et souvenons-nous de la situation qui a fait les manchettes, au mois de juillet: des jeunes de 10 et 11 ans de la région de Longueuil qui vendaient des tablettes de chocolat au Saguenay–Lac-Saint-Jean. C'est à cette occasion-là que la situation des jeunes au travail a été portée à votre attention et que, ensemble, on a constaté certains trous qu'on avait non pas au niveau de nos valeurs, mais au niveau de nos lois, au Québec. Des liens qui n'existaient pas nécessairement entre la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur la protection de la jeunesse et la loi du travail. À ce moment-là, le ministre du Travail avait souligné qu'il constatait cette situation-là et qu'il y aurait des travaux qui seraient faits. Nous, les directeurs de la protection de la jeunesse, dans des situations comme ça, on doit vous souligner, dans le travail qu'on fait quotidiennement avec les CLSC, les écoles, les centres jeunesse, la première chose qu'on souhaite vous souligner, c'est que toute cette responsabilité première là des jeunes au travail, en particulier des jeunes en bas de 15 ans, évidemment devrait revenir aux parents, et c'est dans des cas exceptionnels que l'État devrait être interpellé pour encadrer ou intervenir auprès de jeunes pour lesquels les parents ne prendraient pas leurs responsabilités.

(17 h 10)

À ce niveau-là, je dois vous souligner deux liens qui devraient être faits avec des lois différentes. D'abord, la loi de l'instruction publique, qui demande que les jeunes puissent aller à l'école, doivent aller à l'école jusqu'à 16 ans. Et évidemment il y a un lien avec la loi de la protection de la jeunesse, car si les jeunes en bas de 16 ans ne vont pas à l'école, il y a une obligation qui est faite aux commissions scolaires de signaler la situation au directeur de la protection de la jeunesse, qui verra s'il retient ou pas le signalement et qui verra à évaluer la situation du jeune s'il pense que la sécurité de développement du jeune est compromise. Donc, le premier lien qu'on a à faire, c'est avec la loi de l'instruction publique.

Le deuxième lien, c'est avec la loi de la protection de la jeunesse, aux articles 38e et 38f. Et si vous me permettez, je vais vous les lire:

«Aux fins de la présente loi, la sécurité ou le développement d'un enfant est considéré comme compromis:

«e) s'il est gardé par une personne dont le comportement ou le mode de vie risque de créer pour lui un danger moral ou physique.»

Dans le jargon, plus des services sociaux, on appelle ça de la négligence grave. Donc, une situation où un jeune serait obligé par ses parents à travailler et que les parents ne prendraient pas les mesures pour s'occuper de cet enfant-là ou négligeraient l'enfant dans cette situation-là, le directeur de la protection de la jeunesse peut intervenir.

Le deuxième, c'est l'article 38f, toujours dans la même loi:

«Aux fins de la présente loi, la sécurité ou le développement d'un enfant est considéré comme compromis:

f) s'il est forcé ou incité à mendier, à faire un travail disproportionné à ses capacités ou à se produire en spectacle de façon inacceptable, eu égard à son âge.»

Évidemment, ici, on parle de toute la manipulation qui est faite par certains adultes au niveau de jeunes garçons, de jeunes filles, au niveau du travail qui est fait dans des bars ou autres. Donc, dans des situations comme ça, la loi de la protection de la jeunesse, la situation du jeune peut nous être signalée, et, à ce moment-là, nous avons à évaluer la situation et voir, effectivement, si le jeune est incité à mendier, quelle est la... quand on parle de travail disproportionné à ses capacités, ce que ça veut dire et se produire en spectacle, bien, évidemment je n'ai pas besoin de vous faire de dessin là-dessus. C'est pas nécessairement de la danse en ligne.

Donc, par rapport au projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui, je dois donc vous souligner qu'il faut faire des liens absolument avec les deux lois dont je viens de vous parler. C'est pour ça qu'aux articles 84.2 et 84.3 du projet de loi, Normes du travail particulières aux enfants, je dois vous avouer, en premier lieu, que c'est un pas en avant pour nos enfants au Québec de demander que des enfants de moins de 15 ans n'aient pas à travailler entre 23 heures et 6 heures lendemain matin.

Cependant, et c'est là que je tiendrais à ce qu'on fasse vraiment un lien avec nos autres législations, que le jeune de 9 ans ou 10 ans travaille pendant l'année scolaire de 10 heures le matin à 16 heures l'après-midi, ce serait inacceptable, ou il y aurait, à ce moment-là, un signalement à la DPJ et c'est évident qu'on aurait à intervenir au niveau de la Loi sur l'instruction publique et au niveau de la Loi sur la protection de la jeunesse. Donc, c'est important de faire des liens au niveau des trois législations: la Loi sur la protection de la jeunesse, la Loi sur l'instruction publique et la loi que vous voulez mettre en application. Je dois vous avouer que c'est un pas en avant qui est proposé ici, en proposant qu'il n'y ait pas de travail de nuit chez les jeunes de moins de 15 ans et qu'on s'organise au Québec pour que le jeune, après son travail, puisse revenir résider dans son milieu familial. Mais je tiens à vous répéter les liens qui doivent exister avec les autres législations. Si vous avez des questions.

Le Président (M. Sirros): Merci. Je pense qu'avec cette mise en scène on peut peut-être passer à des questions, librement, de part et d'autre. M. le ministre, s'il y en a ou d'autres membres de la commission. M. le ministre.

M. Rioux: Vous avez fait référence à la Loi sur la protection de la jeunesse, la Loi sur l'instruction publique. Évidemment, la Loi sur l'instruction publique, c'est la fréquentation obligatoire. Je pense qu'on règle une bonne partie, parce qu'un enfant, au sens de la loi, c'est de zéro à 18 ans.

M. Picard (Camil): Oui, de zéro à 18 ans.

M. Rioux: Quand on parle d'un enfant qui ferait des travaux, ou effectuerait des tâches, ou se donnerait en spectacle et que ce n'est absolument pas conforme à son âge ou à son évolution mentale, il y a un signalement à la DPJ.

M. Picard (Camil): Tout à fait.

M. Rioux: Mais, moi, ce que j'aimerais savoir... C'est que vous semblez avoir un préjugé favorable pour l'autorité parentale. Dans la mesure du possible, c'est les parents qui s'occupent de gérer la vie de leurs enfants. Quand c'est possible.

M. Picard (Camil): Mais écoutez, M. le ministre, c'est évident que tous les citoyens et toutes les DPJ sont d'accord pour dire que la première responsabilité de l'éducation et du bien-être des enfants au Québec revient d'abord et avant tout aux parents. L'État a à intervenir quand, malheureusement, certains parents ne prennent pas leurs responsabilités ou, par manque de capacités, ne peuvent pas prendre leurs responsabilités. Donc, à votre question, oui, la première responsabilité, on pense, revient aux parents de décider de la fréquentation scolaire, où l'enfant va aller fréquenter l'école, de voir au bien-être général de cet enfant-là. Effectivement, vous avez raison.

M. Rioux: Vous parliez de la petite qui est allée vendre du chocolat et qui avait huit, neuf ans.

M. Picard (Camil): Les jeunes, oui.

M. Rioux: C'est un cas intéressant. C'était croustillant, en tout cas. On a vu ça dans les journaux. Le Soleil de Québec s'est payé la traite avec ça. Selon vous, lorsqu'un enfant est sorti de son foyer, de la maison de ses parents, pour aller effectuer des travaux comme ça, est-ce que dans votre esprit – parce que vous travaillez là-dedans à la journée longue – ça s'apparente à de l'exploitation? Surtout si on dit à la petite: Il faut que tu aies vendu au moins 20 barres de chocolat avant d'aller manger.

M. Picard (Camil): Effectivement, c'est très questionnant pour la Direction de la protection de la jeunesse. Vous savez, quand on parle de travaux disproportionnés à l'âge des enfants, il faut quand même nuancer les choses. Au cours de l'été, suite justement à ce dont vous avez parlé, M. Rioux, des aventures croustillantes des jeunes qui vendaient des tablettes de chocolat, on a eu plusieurs signalements dans les directions de la protection de la jeunesse au Québec. Et il a fallu quand même nuancer. Je vais vous donner un exemple. J'ai eu un signalement dans le cas de jeunes qui étaient engagés par des gens. Ici, à l'île d'Orléans il y a des fraises au mois de juin, il y a des patates au mois d'août, et les jeunes étaient amenés avec des autobus le matin pour aller, ce qu'on dit nous autres mêmes, aux fraises. À ce moment-là, il n'y a pas d'obligation pour le jeune d'aller là, d'une part. D'autre part, il est payé selon ce qu'il va travailler et il n'est pas obligé de... Il revient le soir chez lui. À ce moment-là évidemment, ce n'est pas le genre de signalement qu'on va retenir à la Direction de la protection de la jeunesse. Dans le cas dont vous parlez spécifiquement, effectivement, si le jeune – et ça, on le voit malheureusement trop fréquemment – de huit, 10 ou 12 ans, peut-être même plus jeune, est amené d'une région à l'autre au Québec avec un groupe, a des obligations très claires de vendre des choses et vit le soir ou la nuit avec une certaine promiscuité, effectivement on a raison de se poser des questions.

Et des questions ont été posées à ce moment-là mais, d'abord et avant tout, aux parents. Qu'est-ce que vos jeunes font là? Êtes-vous au courant? Et après ça, c'est de vérifier si les parents vont prendre les mesures pour... Dans certains cas, les parents n'étaient pas au courant et les jeunes ont été rapatriés, mais – vous le savez – dans d'autres situations, 15 jours plus tard les jeunes étaient repartis dans d'autres régions du Québec. C'est dans ce cas-là, je pense, que, autant les gens qui ont la responsabilité du travail, comme vous, que nous au niveau de la protection de la jeunesse, on doit faire des passerelles pour mieux protéger nos enfants face à des gens qui pourraient manipuler ces jeunes-là qui ne sont peut-être pas capables de dire non et pour lesquels l'attrait du gain – parce que bien souvent ces jeunes-là viennent de milieux défavorisés – est intéressant pour certains de ces jeunes-là au tout début. Donc, effectivement, on pourrait, dans des cas – et il y en a eu cet été, il y en a à l'occasion – se poser des questions sur le fait de l'exploitation de ces jeunes-là.

(17 h 20)

M. Rioux: Remarquez que, moi, je ne voudrais pas que quelqu'un vienne me dire si oui ou non mon jeune de neuf ans peut vendre du chocolat à son école, pour financer des activités.

M. Picard (Camil): Et on ne parle pas de ça.

M. Rioux: Je n'ai pas de problème avec ça.

M. Picard (Camil): On ne parle pas de ça, là.

M. Rioux: Parce que je sais qu'il est bien encadré, il a un milieu, il a des professeurs, il a une direction d'école, etc., et comme parent d'élèves, j'y souscris, on n'en a pas, de problème. Mais je dois quand même comprendre dans vos propos que vous êtes d'accord pour que le législateur essaie de mettre les enfants à l'abri des exploiteurs.

M. Picard (Camil): Tout à fait. Quand je dis que la première responsabilité, M. le ministre, revient aux parents... Je suis aussi père d'enfants. Et en début d'année scolaire, probablement que si vous avez des enfants, vous qui êtes assis alentour de la table, vous avez à vendre du chocolat ou d'autre chose, au travail ou ailleurs. Ce n'est pas de ça dont on parle ici; on parle de l'exploitation de certains jeunes par des adultes qui les amènent à faire du travail disproportionné pour leur âge.

Et là-dessus, effectivement, quand les parents ne prennent pas leurs responsabilités, l'État, par vous et par la Loi sur la protection de la jeunesse, doit compenser pour cette absence de filet de sécurité pour nos enfants au Québec.

M. Rioux: Avez-vous l'impression que le gouvernement du Québec ou le législateur dit: On s'intéresse à la réussite scolaire des jeunes, ce qu'on veut, c'est qu'ils étudient et qu'ils réussissent. Il y a eu des études qui ont été faites par la CEQ, études intéressantes où ils tentaient de démontrer, eux autres, qu'un jeune peut travailler le soir jusqu'à 23 heures et que ça ne nuit pas à ses études. Mais ce n'est pas le cas de tous les jeunes. Probablement que les petits «bollés» sont capables d'être à l'école le lendemain matin, même s'ils ont travaillé jusqu'à 23 heures, et même s'ils se couchent à 23 h 45, minuit, ils sont capables d'être à l'école le lendemain puis d'être efficaces et performer. Mais ce n'est pas le cas de tous les jeunes. Est-ce qu'il y a des signalements de cet ordre-là qui sont portés à votre intention?

M. Picard (Camil): À ma connaissance, non. Par contre, je dois vous dire qu'il y a des expériences très heureuses qui sont faites dans la région des Laurentides, où des employeurs, avec le monde de l'éducation et avec le monde des services sociaux, ont fait un contrat social sur l'engagement et le travail des jeunes pour aller exactement dans le sens que vous avez dit, pour ne pas nuire à la réussite scolaire de ces jeunes-là et à l'avenir de ces jeunes-là. Donc, le projet qui est en place dans la région des Laurentides et qui a fait l'objet d'un consensus de ces trois organisations-là donne des limitations très claires sur le nombre d'heures de travail par semaine et sur les heures de travail des jeunes. Voilà un bel exemple de responsabilité collective des employeurs, du monde de l'éducation, du monde des services sociaux et des parents dans cette région-là. Voilà un bel exemple de responsabilité collective de la protection des jeunes, et ce serait peut-être un exemple à développer dans d'autres régions du Québec.

Maintenant, vous avez raison, il faut nuancer. Pour certains jeunes, de travailler jusqu'à 23 heures, s'ils ont un cours au cégep le lendemain à 10 heures ou à 11 heures... Il faut faire attention de faire du mur-à-mur avec tout, et c'est pour ça que les législations doivent être en retrait après une intervention des parents qui serait inadéquate ou qui pourrait nuire à l'enfant.

M. Rioux: Vous savez, M. le directeur, qu'un jeune qui travaille 20 heures par semaine et qui va à l'école, il va à l'école à temps plein et il est travailleur à demi-temps. Il y a des risques là-dedans?

M. Picard (Camil): Il y a des...?

M. Rioux: Il y a des risques là-dedans pour la réussite scolaire?

M. Picard (Camil): Évidemment. Ça dépend évidemment de chacun des jeunes, mais, effectivement, c'est des situations qu'il faut regarder. Et c'est pour ça que je vous dis qu'on ne peut pas faire de situation générale par rapport à votre question très pointue, si je peux dire.

Si le jeune travaille le vendredi soir jusqu'à 23 heures, il n'a pas de cours le lendemain, moi, je n'ai pas trop de problème avec ça. Par contre, s'il a un cours le lendemain à 7 heures ou à 8 heures puis qu'il doit se lever et faire des choses comme ça... Mais vous savez, je pense que c'est peut-être la dixième ou douzième fois que je le dis: Normalement, il a des parents, ce jeune-là, normalement.

M. Rioux: Normalement, il a des...

M. Picard (Camil): Des parents.

M. Rioux: Oui, oui, oui. Ah, il faut que ça serve à quelque chose. Revenons-en maintenant au travail de nuit.

M. Picard (Camil): De...

M. Rioux: De nuit. Le projet de loi vise à l'interdire, entre 23 heures, le soir, jusqu'à 6 heures du matin. À votre avis, est-ce que le projet de loi va assez loin, pas assez loin? Comment vous voyez ça? Il y en a qui trouvent qu'on y va fort, mais il y en a qui trouvent qu'on est absolument conservateurs, qu'on aurait pu serrer la vis davantage.

M. Picard (Camil): Il y a le fait aussi que, dans votre article de loi ou la proposition de l'article de loi, on parle des jeunes de moins de 15 ans. D'entrée de jeu, dans le préalable que j'ai fait, j'ai souligné que c'était un pas dans la bonne direction, et c'est un peu la position de l'ensemble des directeurs de la protection de la jeunesse au Québec. On était en rencontre la semaine dernière, et ça a été l'objet d'une discussion.

Et ce que je vous dirais, c'est que, de façon générale, il est tout à fait convenable de faire en sorte que les jeunes de moins de 15 ans n'aient pas à faire du travail de nuit, en industrie ou autres. Si on fait le lien – et je vous ai proposé de faire le lien avec moi, tout à l'heure, avec la loi de l'instruction publique et la loi de la protection de la jeunesse – entre ces trois maillages-là fort importants de la protection de nos jeunes au Québec puis de la réussite scolaire, moi, je vous dis que c'est un pas dans la bonne direction.

Est-ce que c'est trop fort? Est-ce que ce n'est pas assez fort? Vraiment, c'est à l'expérience qu'on verra, mais on parle ici du travail de nuit pour des jeunes de moins de 15 ans. Je vous dirais que c'est un plancher. Et d'aller en bas de ça, bien permettez-moi d'être très transparent et honnête, à ce moment-là, enlevons les deux articles. Si on va en bas de ça puis qu'on permet à des jeunes de 10, 11 ans de travailler la nuit, bien, si vous avez connaissance de ça dans votre comté, M. Rioux, signalez-le aux DPJ.

M. Rioux: C'est fait d'ailleurs dans plusieurs cas. Il y a plusieurs cas dans le comté de Matane qui ont été portés à votre attention.

Mais j'aimerais revenir à cette notion-là, parce que je la trouve importante; Trouvez-vous qu'il était temps que le Québec s'ajuste à l'Amérique du Nord? Parce qu'on est en retard, vous le savez.

M. Picard (Camil): Moi, je vous dirais, il est temps que le Québec s'ajuste aux valeurs qu'on a mises en place. On a parlé, depuis 1979, qu'une des valeurs premières des Québécois, c'était la protection de ses enfants, leur avenir. Et là-dessus, à trois occasions, en 1979, en 1984 et en 1994, il y a eu des modifications à la loi de la protection de la jeunesse, et ça a toujours été unanime, en Chambre: tous les partis s'entendaient pour dire qu'il fallait mieux protéger nos jeunes au Québec. Donc, si on a ça comme valeurs, il faut que dans nos actions ça paraisse. Je pense qu'au niveau de la loi de l'instruction publique, on a une loi qui est adaptée à cet aspect-là, au niveau de la réussite scolaire. La loi de la protection de la jeunesse vient donner un filet supplémentaire pour mieux protéger nos enfants.

(17 h 30)

Et par l'expérience que vous avez vécue cet été et par la reconnaissance qu'on a faite ensemble – excusez le terme –, le trou qu'on avait sur la protection de nos jeunes à ce niveau-là, bien que, comme société, on se donne toutes les marges de sécurité pour mieux protéger nos enfants, on est peut-être un peu cohérents avec nous-mêmes, à ce moment-là.

M. Rioux: Ça a dû vous réjouir que, dans notre politique familiale, on mette l'enfant au coeur de notre projet de société.

M. Picard (Camil): Bien, vous savez, vous adressez à un directeur de la protection de la jeunesse. Que les jeunes soient la priorité numéro un pour l'ensemble des Québécois peu importe qui on est ou d'où on vient, je pense que, vous savez, on travaille pour notre avenir. Il y a des situations très graves que nos jeunes vivent au Québec, qu'on parle juste des situations d'abus physique ou sexuel, je pense que la démarche que vous faites actuellement comme parlementaires, c'est de nous donner, je le répète, une marge de sécurité supplémentaire pour nos jeunes.

Le Président (M. Sirros): Est-ce que je pourrais me permettre... M. Picard, pendant que vous parliez, je lisais un peu le document qui nous a été transmis par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et j'ai devant moi une analyse, L'interdiction du travail de nuit chez les jeunes de 14 ans et moins – Conformité à la Charte , et je lis à la page 2.5, je pense: En adoptant l'amendement législatif proposé interdisant le travail de nuit des enfants âgés de 14 ans et moins, «à l'exception des camelots et des gardiens d'enfants à domicile», le Québec tente dans une certaine mesure de se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu du Pacte et de la Convention. En regard des normes internationales précédemment mentionnées, il appert que cet effort demeure toutefois nettement insuffisant. En effet: a) un âge minimum d'accès à l'emploi n'est pas déterminé; b) la norme arrêtée n'est pas proportionnelle à l'objectif visé; et c) l'objectif poursuivi apparaît trop restreint.

Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de ce document qui a été fait le 17 octobre, mais est-ce que c'est le genre d'opinion que vous partagez à l'effet qu'on dit ici qu'il devrait y avoir un âge minimal avant de pouvoir entrer en emploi, peu importe la nuit ou le jour, et que c'est une obligation qui découle d'un pacte que le Canada, avec l'accord du Québec, aurait signé sur le droit des enfants? Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels que la Convention relative aux droits de l'enfant oblige les États à faire. Est-ce que cette notion d'avoir un âge minimal ou des âges, dépendant, j'imagine, de certaines catégories d'emplois, vous paraît comme quelque chose qui serait plus conforme à l'idéal que vous recherchez? Parce que vous dites que c'est un pas dans la bonne direction. Donc, je présume qu'on n'est pas rendu à la direction qu'on poursuit.

M. Picard (Camil): Bien, je pense qu'on va dans la bonne direction, mais on n'a pas fait un 100 mètres, là. Écoutez, si les parlementaires s'entendaient pour dire: En bas de 14 ans, par exemple, il est interdit pour des jeunes de travailler – évidemment, il faudrait accepter certaines nuances. On ne parle pas, comme parlait M. le ministre tout à l'heure, de vendre du chocolat pour l'école, mais on parle vraiment de travail rémunéré – c'est évident que ça serait un deuxième pas vers la bonne direction.

Le Président (M. Sirros): Donc, vous aussi, vous tendrez à vouloir avoir un âge minimum avant de pouvoir accéder à l'emploi, comme semble l'indiquer la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

M. Picard (Camil): La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Bien, je vois qu'on voit, là, le travail des moins de 14 ans. Effectivement, vous savez, quand on est dans des situations de jeunes de huit, neuf, 10 ans qui travailleraient dans des industries, je pense qu'il faudrait intervenir.

Le Président (M. Sirros): Merci. Mme la députée de Marie-Victorin et, par la suite, M. le député d'Argenteuil.

Mme Vermette: Oui. Concernant justement un âge minimum au niveau du travail ou d'avoir des règles plus imposantes, moi, je suis dans un comté... je représente la ville de Longueuil, et il y a une partie de la ville de Longueuil où c'est très problématique, ces problèmes-là. On en a beaucoup de jeunes. Aussi, dans notre société, actuellement, il y a beaucoup de jeunes qui, à 14, 15 ans, quittent la maison familiale, de plus en plus, quittent les études. On n'a aucun contrôle sur ces jeunes-là à l'heure actuelle parce qu'on vit dans une société de consommation. Je n'ai pas l'impression qu'actuellement... On essaie de mettre beaucoup de normes, beaucoup d'encadrement, de contrôle, mais on ne touche jamais les vrais problèmes, dans le fond, et, en quelque part, le vrai problème – parce que j'en ai fait du travail de rue avec des jeunes – c'est que les jeunes me disaient que, dans la vie, dans la vraie vie, pour eux autres, ça leur prenait à peu près 50 $ par semaine pour vivre. Il avait fait son budget, et ses parents, qui étaient sur l'aide sociale, effectivement, ne pouvaient pas lui donner ce montant-là de 50 $ par semaine. Donc, qu'est-ce qu'il lui restait à faire? Voler ou bien, finalement, travailler. Et puis, il ne voulait rien savoir, il voulait être habillé comme les jeunes, il voulait acheter son CD puis il voulait amener sa blonde manger son McDonald's, etc.

Donc, effectivement, qu'on mette des seuils puis qu'on soit très vigilant là-dessus ou très rigoureux puis très contrôlant, est-ce que ça va changer quelque chose actuellement au niveau des comportements et au niveau, en fin de compte, de la situation que vivent les jeunes, qui sont tellement sollicités? N'y aurait-il pas lieu, au moins, de regarder les adultes puis le comportement des adultes par rapport aux jeunes? Moi, je me pose cette question-là, là. Je pense que, oui, il faut que le gouvernement envoie un signal clair qu'il ne faut pas abuser du travail des enfants. Ça, je pense que, oui, c'est vrai, mais, au-delà de ça, après ça, comme société, il faudrait peut-être se poser des vraies questions. En tout cas...

M. Picard (Camil): Vous avez bien parlé de jeunes qui ont besoin de 50 $ par semaine pour sortir, acheter un Big Mac avec la petite blonde. On parle de jeunes de 14, 15, 16 ans. Et vous avez parlé aussi de jeunes qui se retrouvent dans la rue, les jeunes qui se retrouvent dans la rue, à Québec, l'été ou au centre-ville de Montréal, ou à Longueuil l'hiver. Quand on parle de vrais problèmes, on parle de jeunes qui n'ont plus d'espoir au niveau de l'école, qui n'ont pas d'espoir nécessairement au niveau du travail, qui n'ont pas nécessairement des gens dans la famille pour les écouter, qui sont peut-être sollicités aussi par la drogue, qui sont aussi sollicités au point de vue sexuel et qui aussi – malheureusement, on a un record très triste au Québec vis-à-vis du suicide chez les jeunes – sont en mal de vivre. Donc, vous venez d'ouvrir le débat très, très large. La première chose que je vous ai dite, c'est la responsabilité parentale.

Mme Vermette: Mais les parents décrochent.

M. Picard (Camil): Oui, les parents décrochent, mais on a aussi une responsabilité pour aider ces parents-là à rester accrochés. Tout à l'heure, on me parlait d'un seuil. J'ai parlé de moins de 14 ans et, là-dessus, je partage l'opinion de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Vous savez, un jeune de neuf ans ou 10 ans qui travaillerait plusieurs heures par semaine dans un milieu de travail, est-ce que, vraiment, ce jeune-là peut s'épanouir? Et quel type d'adulte, s'il ne va pas à l'école, il va devenir? Est-ce que c'est ça qu'on veut pour nos jeunes au Québec?

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député d'Argenteuil.

Mme Vermette: Bien, moi, c'est un peu dans ce sens-là. Moi, ce que je remarque, c'est que les jeunes, ils ne veulent plus rester avec leurs parents. Et, même si vous donniez du support aux parents, il y a même des parents qui vous arrivent puis disent: Prenez-le mon jeune. Je ne le veux plus, je ne sais plus quoi faire avec. Faites ce que vous voudrez, j'ai tout essayé puis je ne suis plus capable avec. Prenez-le. Et les parents sont décontenancés parce que les jeunes ne sont plus aussi dociles qu'ils l'ont déjà été. Ils sont très sollicités, et, écoutez, à 15 ans, il y a des enfants qui sont déjà parents, hein – alors, il faut être concret dans notre société, là – et puis ça monte de plus en plus, à part ça, ce phénomène-là.

Alors, il y a des problèmes majeurs. Ce n'est pas juste... Moi, ce que je me dis, c'est que le jeune, c'est sûr que, à neuf, 10 ans, ce n'est pas ça que je veux, moi non plus, qu'il aille travailler. J'aimerais bien qu'il soit comme tout le monde, qu'il ait les meilleures chances, mais on ne vit pas dans une société où l'équité, en tout cas, ou la justice sociale est... En tout cas, actuellement, il y a des hauts puis il y a des bas, puis il y a ceux qui mangent leur pain noir, puis il y a ceux qui ont plus de facilité pour le pain blanc. Mais, par rapport à tout ça, c'est que ces jeunes-là sont sollicités actuellement par la société de consommation. Ils veulent être considérés comme tous les autres, à part entière, dans la société parce que, si tu n'as pas un beau manteau, si tu n'as pas ton Big Mac, si tu n'es pas capable d'aller acheter ton CD, si tu n'es pas capable d'aller au théâtre, tu es marginalisé, et ce qui leur semble la seule solution, c'est, pour ne pas être marginalisés dans cette société de consommation là qui est la nôtre... Peu importe que les parents leur donnent de l'encadrement ou essayent de leur donner de l'encadrement, il y a une catégorie d'enfants... Je ne dis pas tous, mais il y a une catégorie d'enfants, puis, généralement, les enfants qu'on trouve dans le milieu du travail, très souvent, c'est parce que soit ils sortent des milieux, vous l'avez mentionné tantôt, de pauvreté ou, en tout cas, de désolation sur le plan psychosocial aussi. Alors, ça existe, ces choses-là. En tout cas, moi, c'est plutôt cet aspect-là que je trouve, actuellement, qu'on néglige puis qu'on a l'impression que, oui, c'est vrai que ça va aider qu'on ait des normes, mais ce n'est pas uniquement ça qui va faire changer la direction ou la culture chez les jeunes d'aller travailler. Et, plus ça va, plus ils veulent être jeunes. Et je vous dirais que ça va même plus loin. Moi, il y a une jeune qui me disait: J'ai eu un...

(17 h 40)

Le Président (M. Sirros): N'allez pas trop loin, parce qu'on va commencer à manquer de temps tantôt aussi pour l'opposition.

Mme Vermette: Mais qui me disait: J'ai travaillé pour un boss. Il a abusé de moi. Je lui donnais... Quand il est venu pour m'augmenter, il n'a pas voulu m'augmenter. Puis il a dit: Il y a quelqu'un qui est venu me chercher, puis là je suis «pusher», puis je suis revalorisé, puis il me trouve bien bon, puis ça me paie en cristi. Mais c'est ça, la réalité, là. Mais, en tout cas, je vous le garantis, ce n'est pas tous, là, mais, dans mon coin, il y en bien gros, c'est ça, leur réalité, je peux vous le dire, moi, actuellement. Puis je ne suis pas sûre que ce qu'on est en train de faire au niveau, juste, des normes, ça va tout régler ce problème-là, en tout cas, au niveau du travail. Je ne suis pas tout à fait sûre.

Le Président (M. Sirros): Ça semble être un commentaire qui est partagé par plusieurs. M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Et, M. Picard, je veux vous remercier d'avoir accepté avec un laps de temps aussi court de venir partager avec nous vos préoccupations. Je pense que c'est un élément important de notre avenir qu'on met en jeu.

Tantôt, vous mentionniez que ça a été unanime en Chambre lorsqu'on soutenait, les deux partis, la valeur... En ces termes qu'on veut protéger notre jeunesse. Je pense qu'il y a loin des mots aux gestes. On peut bien dire qu'on veut tous protéger notre jeunesse puis que c'est une valeur qu'on veut garder, qu'on veut soutenir puis qu'on veut protéger, mais, lorsque, dans les gestes, on légalise – je dis bien, on légalise – le travail chez les enfants de neuf, 10, 11, 12, 13, 14 ans jusqu'à 23 heures le soir... C'est ça qu'on fait, il faut bien en être conscient. On légalise le travail jusqu'à 23 heures pour un ti-pit de 12 ans. C'est ça qu'on fait, et ça, ça m'apparaît inacceptable. Ce n'était pas légalisé avant, il y avait un vide. Puis là on dit: C'est très correct, on vous le met. C'est dans la loi. Alors, ça veut dire qu'un enfant de 12 ans va pouvoir légalement être employé chez une entreprise puis travailler jusqu'à 23 heures. On le met légalement.

Et vous n'avez pas partagé avec nous vos souhaits comme directeur. Qu'est-ce que vous auriez aimé qu'on mette dans la loi? À quel âge on doit commencer à travailler? Vous y avez touché tantôt. Est-ce qu'on doit limiter un peu les heures de travail dans les semaines scolaires? Moi, l'été, il faut l'exclure. Les enfants peuvent travailler l'été à 14 ans, 13 ans. Je n'ai pas de problème à vivre avec ça. L'été, bon, ils peuvent se gagner des sous puis... Mais, lorsqu'on est en période scolaire, on doit avoir un comportement différent, il me semble. Que ce soit le nombre d'heures, que ce soit le nombre de jours, que ce soit en fin de semaine, est-ce qu'on doit permettre à un jeune qui a 14 ans, 15 ans d'aller travailler sept heures de temps le samedi puis sept heures de temps le dimanche? Il lui reste quoi comme repos pour sa fin de semaine? Quand je dis repos, ça peut être repos intellectuel comme repos physique. Un enfant qui va jouer au baseball, c'est un repos intellectuel. Il y a un divertissement qui est important, qui est non seulement important, qui est essentiel, chez un enfant comme chez un adulte. On a besoin de divertissements, et on ne lui en laisse plus. Parce que, comme disait la députée de Marie-Victorin tantôt, ils veulent se payer le CD puis ils veulent amener leur blonde au MacDonald's, ou chez Harvey's, ou whatever, je ne sais pas lequel, celui qu'ils préfèrent, je ne veux pas faire d'annonce, et ils veulent se payer toutes sortes de choses que notre société de consommation leur met sous le nez.

Ceci dit, M. Picard, il est quand même d'une grande importance... Et, quand la députée mentionnait tantôt que les parents disent: Bien, prenez-le, mon ti-pit, je n'en peux plus, bien, on a tous eu cette réaction-là quand on a eu des enfants. On en a eu cinq, nous, puis, à un moment donné, on était débordé. Puis la solution facile, tu dis: Bien, tiens, prenez-le puis occupez-vous-en. Mais ce n'est pas ça qu'on a fait. On a relevé nos manches puis on lui a dit: Écoute, ti-gars, là, tu n'iras pas travailler, puis, c'est ça, tu vas rester à la maison pour telle et telle raison. Ils nous ont fait des crises puis, après ça, ils nous ont remercié d'avoir bien voulu tenir le fort au moment approprié.

Mais j'aimerais ça vous entendre parce que la loi, actuellement, elle s'adresse aux employeurs, pas aux parents ni aux enfants. Elle dit aux employeurs: Voici le cadre dans lequel on vous met. Moi, ma crainte, c'est que les enfants auxquels on aura dit: Bien, écoute, tu ne peux plus travailler à partir de 23 heures, le soir, tu ne peux plus travailler jusqu'à 6 heures du matin – d'ailleurs, c'est un pourcentage infime, hein? C'est peut-être 1 %, 1,5 % des enfants qui travaillent qui travaillent de minuit ou de 23 heures à six heures. C'est un petit pourcentage – ces enfants-là vont se trouver un autre moyen d'aller chercher le fric dont ils ont besoin. Que ce soit, comme on le mentionnait tantôt, par la prostitution, par le vol, par la drogue ou par je ne sais quoi, ils vont essayer d'aller se valoriser.

Alors, ça soulève beaucoup d'inquiétude chez moi de savoir ce qui va arriver. Ces gens-là vont se trouver un autre moyen d'aller chercher leur argent. Est-ce que, en légalisant le travail chez tous les enfants en bas de 15 ans jusqu'à 23 heures, on n'introduit pas une notion de dire: Bien, écoutez, oui, c'est bon, allez-y, travailler, la loi vous le permet, alors qu'avant il y avait un doute? Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Puis quels seraient les souhaits que vous aimeriez que le ministre accepte de mettre dans son projet de loi pour vraiment protéger notre jeunesse qui est notre avenir?

M. Picard (Camil): O.K. D'abord, je vais essayer de vous rassurer sur des choses qui ont été dites antérieurement, le parent qui viendrait ce soir me porter son adolescent de 15, 16 ans, là, il repartirait avec son adolescent.

M. Beaudet: J'espère. Ha, ha, ha!.

M. Picard (Camil): Sans ça, c'est M. Rochon à qui je vais avoir affaire. Mais, je veux vous rassurer là-dedans, là, on fait de la médiation, et il y a très peu de parents pour lesquels ils sont tout à fait inadéquats, découragés, pour lesquels il n'y a rien à faire. Mais il y en a, c'est vrai.

M. Beaudet: Qui ont besoin d'aide.

M. Picard (Camil): Voilà. D'un autre côté, les jeunes qui sont dans la rue à Montréal, à Québec ou ailleurs, ce n'est pas la majorité des jeunes au Québec. La majorité des jeunes, au Québec, de 8 heures, le matin, à 4 heures, l'après-midi, ils sont à l'école. Une chance. Bon. Alors, vous avez devant vous la personne qui travaille avec la minorité des jeunes pour lesquels, malheureusement, les adultes ne prennent pas leurs responsabilités et abusent de ces jeunes-là. Bon.

J'ai parlé d'un pas vers la bonne direction, mais, vous savez, j'ai l'impression que je n'ai pas lu le projet de la même façon que vous, et c'est peut-être correct comme ça. Moi, j'ai lu en disant: Bon, là...

M. Beaudet: On fait quelque chose.

M. Picard (Camil): ...on fait quelque chose. On fait enfin quelque chose et on touche la nuit pour les jeunes de moins de 15 ans. Vous, vous me virez ça à l'envers puis vous me dites: On vient de légaliser le travail...

M. Beaudet: Mais c'est vrai.

M. Picard (Camil): ...le jour chez les plus de 15 ans. Si c'est comme ça qu'on le lit, bien, je vais être très désolé, mais je veux juste vous rappeler que la journée où le jeune de 10 ans, demain matin, n'irait pas à l'école parce qu'il travaillerait, je ne sais pas, ici, à Québec, disons, comme messager au parlement – et j'espère que vous seriez le premier à me signaler cette situation-là comme citoyen – bien, on interviendrait. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il ne faut pas oublier que le mouvement que vous faites comme législateurs, comme parlementaires, on doit le lier à deux autres législations qu'on a qui sont la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur la protection de la jeunesse. Et c'est un maillage important, et ce n'est pas des voies parallèles, monsieur.

Et, ce matin, j'étais avec les directions d'écoles de Charlesbourg, Des Îlets, Beauport, là, ici, un peu dans le nord, et on parlait justement de l'absentéisme scolaire et de toute la question des jeunes qui, pour toutes sortes de raisons, ne vont pas à l'école. Vous savez, pour moi, le jeune de 8 ou 9 ans qui ne va pas à l'école et pour lequel on a un signalement à la Protection de la jeunesse, habituellement, ce qu'on retrouve là-dedans, c'est une situation d'abus physique en dessous de ça ou de négligence grave. Le jeune de 15 ans et trois quarts qui travaille avec son père dans un garage, par exemple, on ne parle pas de celui-là actuellement. Donc, ce que, moi, je souhaite comme responsable de la protection de la jeunesse au Québec, dans la région de Québec, c'est qu'on resserre de plus en plus les maillages entre ces législations-là non pas de façon générale pour enlever la responsabilité des parents – je reviens à ça, là – et toucher par la bande des choses qu'on ne veut pas toucher, vous avez raison, l'été, par exemple... On a beaucoup de jeunes qui vont travailler chez des agriculteurs l'été, et c'est tout à fait adéquat, et il ne faut pas nécessairement toucher à ça et encadrer ça à moins que ce soit tout à fait disproportionné.

(17 h 50)

Mais c'est évident, comme je le disais antérieurement, que, si on faisait un pas supplémentaire en mettant un plancher au niveau d'un âge... Et 14 ans, au Québec, est un âge pour lequel il y a beaucoup de consensus au niveau de la loi de la santé et des services sociaux, au niveau de la loi de l'instruction publique, au niveau de la loi des jeunes contrevenants fédérale. À ce niveau-là, le jeune qui a 14 ans a des droits supplémentaires, puis on doit le consulter de façon supplémentaire. Donc, c'est comme un seuil au Québec, 14 ans. Aller en bas de ça, permettre à un jeune de huit, neuf, 10 ans de travailler 20, 25 heures par semaine dans une industrie, écoutez, si c'est pendant l'année scolaire, j'espère qu'on va avoir la possibilité d'aller le chercher autrement. Et, si, un peu comme je vous l'expliquais tantôt, le jeune est forcé à mendier ou forcé à se présenter en spectacle, bien, là, je pense qu'on a une responsabilité collective pour intervenir auprès de ce jeune.

Le Président (M. Sirros): M. Picard, si vous le permettez, sur ça, préféreriez-vous, à ce moment-là, voir dans le projet de loi quelque chose en plus ou, au lieu de ce qui est là – au lieu, probablement – quelque chose qui dirait que, entre le mois de septembre et la mi-juin, tout enfant âgé d'en bas de 14 ans ne peut pas travailler, point, exception faite pour les... Ah! Je ne sais pas, là, si on doit... mais point.

M. Picard (Camil): Bien, écoutez, s'il y avait tout simplement une phrase...

Le Président (M. Sirros): Si vous aviez le choix entre les deux formulations, pour laquelle opteriez-vous?

M. Picard (Camil): Écoutez, si on fait un lien avec la Loi sur l'instruction publique, il y a 180 jours de classe pour l'année scolaire. Si le jeune travaille de 7 heures, le matin à 13 heures, l'après-midi, du lundi au vendredi, si la Loi sur les normes du travail disait que l'employeur doit faire en sorte de respecter les normes de la Loi sur l'instruction publique et que le jeune doit être à l'école sur les heures d'école, c'est évident qu'on fait un deuxième pas.

Le Président (M. Sirros): Par exemple, un jeune qui travaille de 16 heures à 20 heures le jeudi soir et le vendredi soir et sept heures le samedi comme emballeur chez Provigo et qui a 14 ans, auriez-vous une difficulté à dire que... Tu sais, on ne veut pas que les enfants, au Québec, travaillent en bas de 14 ans. Est-ce que notre économie a besoin de ça? Parce que, là, tout ce qu'on fait, c'est qu'on dit que, entre 23 heures et telle heure, en bas de 15 ans, il ne peut pas travailler. À l'inverse, mon collègue dit: Donc, ça veut dire que le cas que je vous donne, à 14 ans, il peut travailler, je ne sais pas, moi, 15 heures, 16 heures. Il est à l'école, la Loi sur l'instruction publique est...

M. Beaudet: Respectée.

Le Président (M. Sirros): ...respectée. Alors, là, vous dites qu'on fait un pas dans la bonne direction avec l'interdiction de nuit, et là je vous dis: Est-ce que ça serait un autre pas, selon vous, si on liait l'instruction publique entre septembre et mi-juin – les 180 jours, c'est à l'intérieur de ça que ça se déroule – puis si on disait: En bas de 14 ans, il ne peut pas travailler? On lui laisse l'été.

M. Picard (Camil): Vous avez parlé d'en bas de 14 ans?

Le Président (M. Sirros): Oui.

M. Picard (Camil): Donc, pour votre exemple du jeune qui irait travailler le jeudi et le vendredi soir chez Provigo de 17 heures à 21 heures...

Le Président (M. Sirros): Il ne travaillerait pas.

M. Picard (Camil): ...il pourrait aller travailler à 15, 16 ans?

Le Président (M. Sirros): Non, à 15 ans.

M. Beaudet: À 15 ans.

M. Picard (Camil): Bien, c'est là... Il faut faire attention de mettre des normes et des règlements tellement restrictifs où le jeune... Écoutez, le jeune de 15 ans pour lequel on interdirait, au Québec, le travail minimal... Vous avez parlé de chez Provigo, mais il y a plein de jeunes qui travaillent, dans les sports et loisirs, l'hiver comme moniteurs de ski, et tout ça. Vous touchez ça aussi, là?

M. Beaudet: À 15 ans, moniteur de ski?

M. Picard (Camil): Bien sûr.

Le Président (M. Sirros): Je vous donne un exemple très... trop précis, même, d'une formulation, mais mon idée, c'est: Est-ce que vous êtes favorable à un âge minimal pour accéder au marché du travail avec un lien quelconque...

M. Picard (Camil): Avec l'école?

Le Président (M. Sirros): Oui, qu'on pourrait élaborer à l'école.

M. Picard (Camil): C'est évident – puis c'est ça que vous me demandez, c'est assez clair – que, s'il y avait une indication sur une restriction du travail chez les jeunes de moins de 14 ans pendant l'année scolaire, ça serait peut-être un deuxième bon pas dans la bonne direction.

M. Beaudet: C'est ça que je voulais avoir de sa part puis ses souhaits. Tantôt, vous parliez du problème croustillant qu'on a eu au début de l'été, la vente de chocolat par des enfants en très bas âge. C'est amusant de voir comment on perçoit les choses différemment. Moi, j'ai regardé ça puis je me suis dit: Bon, on légalise le travail jusqu'à 23 heures. Ça, c'est un aspect. Je suis d'accord avec le fait qu'on l'enlève de 23 heures à 6 heures, mais, moi, j'aurais souhaité, comme dans le rapport qui nous a été transmis par la Commission des droits de la personne, qu'au moins on dise: À 13 ans, tu ne peux pas travailler de sorte que... Puis, quand je dis: Tu ne peux pas travailler, je veux toujours qu'on limite ça pour la période scolaire, de septembre à juin. Puis la période des fêtes, s'il veut travailler... Bon, la période scolaire. En dehors de ça, tu feras ce que tu voudras.

Mais, dans l'affaire du chocolat, moi, ce qui m'a étonné, c'est de voir que le père admet tout bonnement dans son jardin, près de sa piscine hors terre, que, lui, il est sur le bien-être social puis qu'il envoie ses enfant vendre du chocolat. Je me dis: Ça prend un fainéant. C'est ça qui m'a frappé. Vous, vous parlez des enfants, moi, j'ai pensé au père parce que, si elle avait eu un père qui avait de l'allure, cette petite fille là ne serait pas allée vendre du chocolat, c'est son père qui se serait relevé les manches pour aller en vendre pour être capable de la nourrir décemment. C'est comme ça que j'ai saisi ça, moi. On voit ça différemment. Je trouve ça terrible que cette petite fille là soit obligée d'aller vendre du chocolat pendant que son père est à la maison, probablement avec sa caisse de bière à côté de sa chaise. Ça, je trouve ça dégueulasse. Alors, quand je vous demande des points précis, comment on pourrait réagir, bien, ça, c'en est un. Si on dit qu'on interdit le travail en bas de 13 ans, bien, on encadre la loi. Donc, à 23 heures, oui, mais pas avant 13 ans. Déjà, on met un encadrement plus judicieux – en tout cas, il me semble – auprès de nos enfants, qu'on veut protéger.

Puis vous avez mentionné le fait des passerelles. Elles sont là, les passerelles, mais, si la passerelle, elle débouche sur un gouffre, on n'a rien gagné. Alors, si la passerelle de l'instruction publique dit: L'enfant est obligé d'y aller jusqu'à 16 ans, bien oui, je suis conscient de ça, sauf que, si, en même temps, je lui dis: Tu peux travailler jusqu'à 23 heures même si tu as 10 ans, il y a un problème. Il faudrait que la passerelle, bien, sans qu'elle soit un goulot d'étranglement, qu'il y ait une passerelle qui ne soit pas permissive. Alors, c'est pour ça que, dans ce projet de loi là, ce n'est pas grand-chose d'ajouter, de dire: L'âge minimal du travail en période scolaire, c'est 13 ans.

Le Président (M. Sirros): M. le député, il va falloir qu'on raccourcisse nos travaux étant donné que, à 18 heures, il faut qu'on libère la salle. Alors, M. Picard, une dernière réponse, s'il vous plaît.

M. Picard (Camil): Bon, écoutez, je vous ai dit tout à l'heure que c'était l'angle de prise, la façon dont on lit les deux articles. Si les gens profitent de cette législation-là pour dire qu'un enfant de sept, huit, neuf ans peut travailler de 6 heures, le matin à 23 heures, le soir, on vient de reculer de plusieurs pas. Et, on parlait de souhaits de la Direction de la protection de la jeunesse tout à l'heure, comme citoyen et comme responsable de la protection des jeunes d'une région, je serais très triste qu'on fasse ce grand recul là parce que je vous ai parlé de valeurs tout à l'heure et je pense qu'on viendrait de perdre de très grands acquis sur les valeurs et les souhaits qu'on veut pour nos jeunes au Québec.

Le Président (M. Sirros): M. Picard, au nom de l'ensemble des membres, je vous remercie d'avoir répondu à l'invitation si rapidement. M. le ministre semble vouloir avoir un dernier mot, alors allez-y, M. le ministre.

M. Rioux: M. Picard, je tiens à vous remercier parce que votre expertise nous a permis de partager, en tout cas, des moments intéressants ensemble, et, même s'il y a des aspects, peut-être, qui ne semblent pas vous satisfaire totalement, vous êtes quand même d'accord pour dire qu'on fait un bon bout de chemin.

M. Picard (Camil): On fait un pas dans la bonne direction.

M. Rioux: Merci.

Le Président (M. Sirros): Je ne sais pas quel était le bout qui a été fait, mais c'était dans la bonne direction. Merci beaucoup, M. Picard.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures, ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 20 h 15)

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous avons quorum, et je constate que nos invités ont déjà pris place depuis quelques minutes. Donc, je vous invite à poursuivre nos consultations spéciales ou particulières, enfin, dans le contexte de l'étude du projet de loi n° 172, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les normes du travail.

Alors, nous avons devant nous les représentants de la FTQ, avec M. Jean-Pierre Néron et Mme France Laurendeau. Vous êtes sûrement au courant de la façon dont fonctionnent habituellement ces échanges. Vous avez un maximum de 20 minutes de présentation, puis, par la suite, chacune des formations politiques a 20 minutes. Mais dans cette commission nous sommes habituellement assez flexibles, mais je vous rappellerai que plus vous laissez de temps pour les échanges, plus ça peut être également à votre avantage.

Alors, allez-y. Je ne sais pas qui veut faire la présentation. M. Néron.


Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Néron (Jean-Pierre): Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Un instant, s'il vous plaît. Si vous pouviez vous identifier pour les fins de la transcription également.

M. Néron (Jean-Pierre): O.K. Alors, mon nom, c'est Jean-Pierre Néron. Je suis conseiller syndical à la FTQ et avocat. Je suis accompagné de France Laurendeau, qui est au Service de recherche et qui est sociologue.

Bon. M. le Président, je vous remercie de l'invitation qui nous est faite de pouvoir présenter des commentaires sur le projet de loi n° 172.

Première chose, on est naturellement un peu surpris parce qu'on a eu une invitation à la dernière minute et on se demande, à la FTQ, quelle est la précipitation qui pousse le gouvernement à vouloir légiférer rapidement sur les normes du travail. Alors, on se demande: Est-ce qu'il y a urgence en la matière? Qu'est-ce qui se passe pour que, finalement, d'un seul coup, on doive procéder?

Les sujets qui sont abordés dans le projet de loi n° 172 sont des sujets très importants pour la FTQ puisqu'ils visent deux matières. Et on va, France et moi, se diviser la présentation: une partie sur ce qui touche aux enfants et l'autre partie qui touche au travail domestique.

Comme je vous disais, M. le Président, il n'y a pas d'urgence à légiférer. On pense à la FTQ qu'on devrait se donner le temps d'avoir une consultation beaucoup plus large que celle qu'on a aujourd'hui. C'est-à-dire qu'on fait partie des quatre groupes chanceux et on vous remercie, on est très contents, etc. Et notre position à la FTQ, chaque fois qu'on a une invitation, c'est d'y répondre. Mais on pense qu'on devrait peut-être regarder pour avoir une consultation beaucoup plus large avant d'aller de l'avant. On est venus vous dire ça parce qu'on pense que le projet de loi est incomplet. Même s'il annonce certains éléments qui nous intéressent, on pense que le travail est encore à finir à ce niveau-là.

Sur le travail des enfants, établissons d'abord le principe. Oui, on est d'accord que les enfants puissent travailler. On pense que ça peut être formateur que les enfants travaillent. Naturellement, on doit certainement baliser ce travail-là. Mais permettre à des enfants de travailler, on n'a pas d'opposition sur ce principe-là.

Bon, je vous disais qu'il était incomplet parce que, pour nous, il ne répond pas à une des préoccupations qu'on a, une préoccupation très importante: la réussite scolaire. On a vu récemment que beaucoup de gens qui sont assistés sociaux n'ont pas obtenu leur secondaire V. Alors, la réussite scolaire, c'est une priorité. Et quand on parle d'avenir, bien, c'est certainement d'avoir investi dans la réussite scolaire. Alors, nous, on fait une corrélation entre le fait que des enfants travaillent un certain nombre d'heures et, éventuellement, les résultats scolaires. En d'autre mots, passé un certain nombre d'heures au travail, on pense que les études peuvent être hypothéquées. Et là-dessus, il y a déjà eu dans le passé certaines études qui ont été faites.

On pense que le projet de loi est aussi incomplet parce qu'il devrait réaffirmer certaines obligations, certains principes à l'égard de la santé et de la sécurité des enfants. Et on devrait retrouver naturellement ces principes-là un peu énoncés dans une loi sur les normes du travail.

(20 h 20)

Cela dit, à la FTQ on veut un projet de loi plus complet mais aussi on veut un projet de loi qui soit applicable. C'est-à-dire, on a les deux pieds sur terre, on veut améliorer ça, mais on veut aussi être réaliste. Quand on vous dit: On veut avoir un projet de loi applicable, c'est qu'on pense... Par exemple, quand on essaie de regarder comment la réussite scolaire fonctionne puis comprendre aussi que les jeunes ont besoin de travailler, ont besoin d'avoir certains argents, on veut aussi impliquer les autres partenaires sociaux, les employeurs, les syndicats, etc., pour s'assurer que le message de la réussite scolaire passe, que c'est important de faire des études, mais aussi qu'on peut travailler. Donc, ça implique d'être imaginatifs pour avoir des outils pour pouvoir passer ce message-là, pas simplement sur la Commission des normes du travail.

Donc, ce que je vous explique, ça fait que, finalement, ça nécessite d'avoir un projet de loi qui soit un peu plus fouillé et ça nécessite d'avoir des consultations un peu plus élargies. Alors, les consultations, M. le ministre est là, vous pouvez les faire sur la base du CCTM ou sur une commission parlementaire, mais il y a déjà des choses qui pourraient avoir lieu.

Sur le fond, une fois qu'on a dit ça, qu'on a placé ça... On avait eu l'occasion, lors de la conférence qu'il y avait eue sur le droit des enfants dans le cadre de l'ANAC, l'accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail, de voir quels étaient les documents qui avaient été produits par la CEQ et le CPQ. On a regardé ce document-là, et il y a certains des éléments à la FTQ qui nous intéressent. Le premier élément, je pense, c'est le principe sur la législation de dire: Il n'y a pas d'embauche en bas de 13 ans, à moins d'exception, et dans l'exception on a mis les vendeurs de journaux, etc., puis d'autres exceptions que le gouvernement pourrait mettre au niveau de la réglementation.

Deuxième chose qu'on voudrait voir retrouvée, c'est la nature du travail, être certains que, finalement, la nature du travail qui est confié à des jeunes ne porte pas atteinte à leur santé et sécurité, à leur développement, à leur moralité. Ça, ce sont des éléments qu'on devrait retrouver dans cette législation-là. Quant à la durée du travail, une fois qu'on a dit que c'était 13 ans, on a des dispositions entre ceux de 13 et 16 ans, et là on se dit: Pourquoi ne pas reprendre cette proposition qui avait été faite par le CPQ? C'était de dire finalement: Quand on est dans l'année scolaire, pas plus de 15 heures de travail par semaine, ou, quand on parle de journée de classe, deux heures par jour. Quant aux dispositions à l'égard du travail de nuit, je pense que le projet de loi n° 172, les recommandations qui sont là nous satisfont.

Alors, la réflexion qu'on a, finalement, quand on vous donne ces balises-là, c'est une réflexion qu'on fait par rapport à la situation qu'on a au Québec, mais c'est aussi une réflexion qu'on a faite quand on a comparé les législations par rapport au Mexique, aux États-Unis, à d'autres pays, etc. On a regardé ça puis on s'est dit: Bien, finalement, on n'a pas grand-chose au Québec. On avait la Loi sur l'instruction publique, on a quelques dispositions, par exemple la Loi sur les mines qui prohibe le travail, etc., mais il n'y avait pas de dispositions. Alors, là, il est temps peut-être d'avoir des dispositions qui encadrent réellement le travail des enfants et des jeunes mais qui soient capables d'être montrées aux instances internationales mais en étant réalistes. Quand je vous dis réalistes, c'est parce qu'on a vu aussi des pays, à la conférence, arriver avec une loi superbe sur papier et, dans la pratique, on sait pertinemment qu'il y a des tas d'enfants qui sont exploités, ce qui n'est pas la situation qu'on vient d'énoncer ici. Mais il y a certainement lieu de bonifier pour aller plus loin, pour s'assurer que, finalement, on a une législation qui va réellement couvrir le travail des enfants dans notre société. Alors, c'est ça l'essentiel qu'on voulait vous dire sur cet élément-là.

Je veux juste vous dire une chose: C'est que, au niveau du CCTM, les partenaires qui sont là, il y a un consensus pour aller plus loin sur le travail des enfants, ne me demandez pas sur quels points, etc., mais il y a réellement un consensus pour aller beaucoup plus loin. Donc, je pense qu'on devrait faire en sorte de bonifier ça puis de continuer la consultation. On va regarder le travail des domestiques.

Mme Laurendeau (France): France Laurendeau, conseillère syndicale à la FTQ. Pour la question des domestiques, le consensus au CCTM était un peu moins facile. Il a été minimal, ténu et très fragile. Le projet de loi est incomplet, mais il ne corrige pas l'iniquité qui est faite au personnel domestique. Ce sont surtout des femmes, et même s'il y a un pas dans la bonne direction au niveau de la couverture de l'hébergement et de la pension qui ne peut plus être réclamée de la part de l'employeur à l'employé, c'est une amélioration mais ça ne nous semble pas suffisant. Le projet de loi maintient l'iniquité à l'endroit d'une catégorie de travailleuses qui est vraiment exclue de la protection de la loi, et je pense que pour des syndicats, c'est quelque chose d'inacceptable. Les syndicats ont toujours lutté contre l'exploitation, et je pense que dans ce cas-là il peut y avoir des situations où il y a de l'exploitation. Les syndicats ont toujours travaillé pour assurer plus de sécurité, plus de protection pour les personnes qui font un travail, et les syndicats aussi ont travaillé pour l'équité en emploi pour les femmes. Je pense qu'ici on a un problème de travailleuses qui sont souvent exploitées et de femmes, parce que ce sont principalement des femmes qui exercent ces emplois-là.

En plus, il y a un élément qui nous semble important, c'est de reconnaître la contribution de ces personnes à la qualité de la vie sociale. Et là j'inclus toutes les personnes, les domestiques résidentes, mais aussi les personnes qui font du gardiennage, et elles sont de plus en plus nombreuses à faire du gardiennage d'enfants, bien sûr, mais aussi de personnes âgées et handicapées qui sont sorties des institutions, parce qu'on trouve que c'est mieux, mais qui ont besoin aussi d'avoir du soutien. Et ces personnes-là, elles apportent dans leur travail une compétence qui n'est pas toujours sanctionnée par un diplôme mais qui est plus une compétence humaine. Ce sont des qualités très importantes et qui ne sont malheureusement pas très reconnues dans notre société, pas reconnues par le salaire en tout cas, même si c'est très apprécié, je pense, par les personnes qui sont les employeurs et qui devraient peut-être payer un peu mieux leurs employés.

J'aurais le goût de vous poser des questions. Je ne suis pas sûre de pouvoir... J'ai des réponses mais je pense que j'aimerais ça aussi, dans la discussion, qu'on en parle. Est-ce qu'on peut considérer qu'être domestique résidente ou gardienne d'enfants, de personnes âgées ou handicapées à plein temps et plus qu'à plein temps – parce que vous savez que les heures sont souvent très longues – c'est un vrai emploi? Qu'advient-il de ces femmes quand elles perdent leur emploi? Quel est leur avenir? La réponse à ça, c'est que c'est très, très précaire. Pour moi et pour la FTQ, c'est un véritable emploi et c'est très précaire. Alors, si c'est un vrai emploi, est-ce qu'il ne faudrait pas des vraies conditions? Comment bonifier, donc, le projet de loi de façon à assurer plus de protection, plus de justice pour ces personnes, une protection plus adéquate que celle qui est là actuellement? Comment leur assurer la protection des lois du travail? Comment le faire sans encourager le travail au noir? Parce que la FTQ s'est toujours opposée au travail au noir et veut vraiment que les personnes qui travaillent, ça soit au blanc, au clair, et qu'elles puissent donc profiter de la protection des lois sociales mais aussi assurer une contribution aux finances publiques.

Alors, ça, c'est très important pour nous, et on sait qu'il va falloir beaucoup d'imagination pour s'assurer que les conditions qu'on va permettre pour ces personnes-là ne fassent pas en sorte que les employeurs soient tentés d'aller au noir. Et on sait très bien que quand le travail se fait au noir, c'est très difficile avec l'inspection qui existe à la Commission des normes d'aller chercher les cas d'abus. Alors, il nous semble qu'il va falloir concilier ces deux objectifs-là: la protection des travailleuses et aussi enrayer le développement du travail au noir.

Pour la FTQ, on sait que ce travail des domestiques et des gardiennes, c'est un travail nécessaire qui doit être mieux reconnu. Elles sont précieuses dans une société; on sait combien elles sont importantes. Les gardiennes d'enfants, par exemple – et là je vous reporte aussi à la politique familiale – je pense qu'elles jouent un rôle important. La FTQ a fait des revendications de ce côté-là en faisant remarquer à la ministre que des garderies, c'est très bien, mais qu'il y a aussi un besoin pour les personnes qui ont des emplois avec des horaires atypiques, qui travaillent le soir, comme nous ce soir, qui travaillent la fin de semaine, qui aussi ont des horaires variables et imprévisibles, et pour lesquelles les services de garde... Les hommes et les femmes – mais vous savez que c'est souvent sur les femmes que ça tombe – qui ont des horaires très difficiles et qui ont de la difficulté à utiliser les services de garde habituels. Et on ne peut pas penser à des garderies ouvertes 24 heures sur 24 où on va coucher nos enfants.

(20 h 30)

Alors, les gardiennes à la maison, les gardiennes de personnes âgées et handicapées aussi, il y a un arrimage à faire avec la politique familiale pour ça, mais aussi assurer à ces personnes-là qui apportent une véritable contribution à la société, des conditions décentes, et donc reconnaître leur contribution sociale concrètement.

Je vous rappelle qu'il n'y a pas urgence. Il me semble que, tant qu'à ouvrir la Loi sur les normes, il faudrait faire le travail comme il faut et consulter les groupes concernés de façon à trouver une solution à des situations précaires des domestiques et des gardiennes puis aussi au travail des enfants, des solutions qui soient plus appropriées. J'ai l'impression qu'on serait capable de faire le travail correctement dans des délais raisonnables, en utilisant notre imagination, pour qu'à la fin de l'année ça soit réalisé, pas l'année 1997 mais, je pense, avant l'été 1998. Je pense que ça serait important – je vous le rappelle – pour le travail des enfants, parce qu'il y a une conférence du BIT en juin 1998, et ça serait intéressant que le Québec fasse bonne figure en disant qu'on a légiféré puis on a envoyé un message clair, mais qu'on fait aussi des mesures autres pour faire que ça soit appliqué. Pour les domestiques, ce n'est pas dans le dossier du BIT, mais je pense que c'est important qu'on reconnaisse qu'elles font un vrai travail et que leur contribution soit reconnue. Alors, voilà.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Néron, Mme Laurendeau. J'inviterais maintenant le ministre à échanger avec vous. M. le ministre.

M. Rioux: M. Néron et Mme Laurendeau, on est très heureux de vous accueillir. C'est sûr que ça s'est fait un peu en catastrophe. J'espère que vous ne nous portez pas ombrage à cause de ça. Quand on juge qu'une chose est importante, il faut être capable de prendre les moyens aussi pour parler aux bonnes personnes. Alors, c'est ce qu'on a fait.

M. Néron, vous avez évoqué tout à l'heure la Loi sur la protection de la jeunesse, la loi sur la fréquentation scolaire obligatoire, et vous voyez là-dedans, bien sûr, des moyens de protéger les jeunes. Vous dites que le projet de loi n'est pas suffisant, timide; c'est ce que vous avez dit. Mais, malgré tout, vous constatez qu'il y a quand même un effort louable et des gestes qu'il était important de poser maintenant. Je suis content que vous le reconnaissiez, parce qu'on n'avait pas grand-chose avant. Et pour la FTQ, je sais qu'au niveau des principes – j'ai eu l'occasion de rencontrer des officiers de la FTQ et d'en discuter avec eux – le moment est venu au Québec de baliser le travail des gens. Et quand j'entends de la part d'un représentant de la FTQ une préoccupation quant à la réussite scolaire, ça me plaît.

J'aimerais vous demander: Selon vous, le projet de loi tel que libellé, quant à l'interdiction du travail des jeunes la nuit, étant donné que vous prétendez qu'on ne va pas assez loin et que le projet est incomplet, qu'est-ce qu'on devrait ajouter pour satisfaire les exigences d'une centrale comme la vôtre, concrètement, là? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Beaulne): M. Néron.

M. Néron (Jean-Pierre): Je pense, concrètement, là, que c'est le premier principe de savoir qu'en bas de 13 ans il n'y a pas de travail, sauf exception.

M. Rioux: En bas de?

M. Néron (Jean-Pierre): De 13 ans, O.K. Donc, ça, on devrait retrouver ça dans la loi. Ça, c'est le premier élément, cette limite d'âge. On n'a pas, finalement, de limite d'âge. Vous demandez jusqu'à quel âge... Il fallait aller lire la Loi sur l'instruction publique pour comprendre que quand il y avait de l'école, bien, naturellement vous ne travailliez pas. Alors, c'était a contrario qu'on comprenait ça. Donc, on devrait comme société moderne dire: Écoutez, en bas de 13 ans, là, on ne travaille pas, sauf... On parle des vendeurs de journaux, etc., on peut regarder certainement certaines exceptions, etc. Ça, c'est le premier élément qui nous semble... sur lequel on devrait réfléchir.

M. Rioux: Mais quand vous dites: Pas d'embauche en bas de 13 ans, j'espère que vous ne défendez pas là des intérêts corporatistes.

M. Néron (Jean-Pierre): Non. Je sais qu'il y a déjà eu des campagnes d'organisation des vendeurs de journaux.

M. Rioux: Vous savez qu'on vous accuse facilement de dire: On enlève le plus possible de monde du marché du travail pour que, nous, on prenne la place.

M. Néron (Jean-Pierre): Non, non. Je pense qu'il faut, de bonne foi...

M. Rioux: Non, non. Il faut liquider ça dès le départ, parce qu'il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté entre nous.

M. Néron (Jean-Pierre): Il n'y en a pas. Je ne pense pas.

M. Beaudet: Il n'y a aucune partisanerie, là, j'en suis sûr.

M. Néron (Jean-Pierre): Il n'y a pas d'ambiguïté. Je pense que c'est l'intérêt des enfants. C'est de voir qu'on est dans une société où on a un nombre important d'assistés sociaux, où on a des gens qui ne sont pas capables de s'organiser. On souhaite avoir une école où les gens vont être critiques à l'égard de ce qu'ils voient, qu'ils vont être capables de fonctionner dans la vie. Et ça, on pense qu'il faut avoir une base. Quand on a la base, on peut peut-être bâtir des choses.

Et là il faut mettre, à un moment donné, la ligne quelque part. On la met à 13 ans. Peut-être qu'on peut discuter. Ça peut être autre chose. Peut-être qu'il y a des adaptations à faire. Il y a peut-être du monde qui travaille pour leurs parents; il y a peut-être du monde qui va aller compter des bouteilles au dépanneur, etc. Mais, comme principe, dans une société, de dire: Ici, il n'y a pas d'enfants qui travaillent en bas de 13 ans, je pense qu'en 1997 on devrait commencer à regarder ça sérieusement. Ça, je pense qu'on devrait pouvoir présenter à la face du monde une législation qui dit ça ou au moins qui l'affirme, ce principe-là. Bon.

Deuxième affaire, c'est de dire la nature du travail. C'est-à-dire, quand ils travaillent, finalement, ces jeunes-là – donc, on parle au-dessus de 13 ans ou on parle des exceptions – ça ne devrait pas être du travail qui nuise – bon, et là on va recouper naturellement d'autres législations. Mais on doit comme affirmer ces principes-là de ne pas porter atteinte à la santé et sécurité, à la moralité et au développement des jeunes. Alors, ça me semble important.

Et quand on regarde, par exemple, tout à l'heure, je vous parlais de l'ANACT, etc., qui est finalement... On compare les situations entre les trois pays. Finalement, l'ANACT dit: Voilà, respectez votre législation ouvrière dans chacun des pays. Si vous ne la respectez pas, on va pouvoir prendre des mesures à l'égard de ce pays-là. Et donc, ce ne sont pas toutes les mesures qui peuvent faire l'objet de sanctions, mais celles qui peuvent faire l'objet de sanctions, par exemple, en dernier de piste, ça va être le travail des enfants. Donc, c'est une valeur importante pour la société canadienne et québécoise et nord-américaine, le travail des enfants. Alors, donc, il faut à un moment donné que le Québec, comme société moderne, se donne un outil qu'il peut réellement présenter. Et là ce qu'on a là, M. le ministre, c'est incomplet. Oui, on est d'accord. Je n'ai pas dit «timide», j'avais dit simplement «incomplet», parce qu'on n'avait rien. C'est vrai, il n'y avait rien du tout. Mais ça ne veut pas dire qu'il faut s'arrêter là puis qu'on ne devrait pas aller jusqu'au bout de l'exercice puis faire la réflexion, surtout que je pense que nos partenaires sociaux sont prêts à aller un peu plus loin. Bon.

Troisième élément, c'est la durée du travail. Bon, bien, la durée du travail, là, il faut être conséquent avec ce qu'on vient de dire ou ce que vous dites. Oui, la réussite scolaire, c'est important. Alors, là, il faut essayer d'avoir comme un énoncé qui dit: Voilà, quand il y a une année scolaire, on essaie de ne pas faire travailler les enfants plus que 15 heures par semaine.

Alors, nous, ce qu'on dit, on a ce principe-là, on veut essayer de voir si on peut le transposer dans la loi, mais le plus important, c'est d'aller chercher la communauté, d'aller chercher les partenaires, etc., pour s'assurer que, finalement, c'est ça qui sera appliqué. Parce que ce qu'on veut, ce n'est pas d'avoir le plus beau projet de loi qui nous dise: Voilà, sur papier, on a toutes les protections qu'il y a pour les enfants au Québec. Puis, finalement, ce n'est pas ça.

Je prends des fois l'exemple des feux rouges. On n'a pas un policier derrière chaque feu rouge, mais la majorité des Québécois et Québécoises arrêtent au feu parce qu'ils savent que c'est important. Alors, là aussi, c'est de passer ce message-là de dire: Dans la société québécoise, il faut au moins faire son secondaire V. Ça, c'est important. Bonhomme, si tu n'as pas fait ton secondaire V, hop! tu retournes là. O.K. Parce que c'est évident que, quand on regarde ça, les jeunes, ils commencent à travailler, ils commencent à avoir un petit peu d'argent dans les poches, puis là ils se disent: Oh là! c'est le fun, là je peux faire plein de choses avec ça. Puis là il leur prend le goût de laisser les études.

(20 h 40)

Alors, on doit envoyer des messages très clairs dans la société. Parce que, bon, tout à l'heure vous m'avez dit: Qu'est-ce qu'on fait à la FTQ? Bien, à la FTQ, c'est qu'on représente des membres, puis en bout de piste, quand on a des assistés sociaux, c'est nos membres qui paient les taxes, etc. Alors, quand on parle, bien, on parle pour essayer d'avoir une société un peu plus égalitaire puis qui fonctionne. C'est pour ça que, finalement, on est là ce soir même si c'est en dernière minute, puis on n'a pas de problème avec ça. On préférait être invité pour dire notre mot que ne pas être invité.

M. Rioux: M. Néron, quand vous dites qu'il faut interdire le travail au Québec en bas de 13 ans, avez-vous l'impression – parce que vous avez autant d'antennes que moi, là, pour savoir ce qui se passe dans la société québécoise, peut-être que vous êtes mieux équipé à part ça que moi – qu'il y a un consensus social autour de cette idée de dire: Lorsqu'un jeune a moins de 13 ans au Québec, il ne travaille pas?

Je disais avant le souper, M. Néron, que le travail d'un enfant, c'est d'aller à l'école, le travail principal c'est d'aller à l'école et de réussir autant que possible. Mais quand vous autres, du côté de la FTQ, vous dites: En bas de 13 ans, il n'y en a pas de travail. Moi, je voudrais savoir: Avez-vous l'impression que la population achèterait ça?

M. Néron (Jean-Pierre): Là, on est dans le domaine de l'impression. Mais, première chose, je dirais que, oui, c'est d'aller à l'école, mais c'est aussi d'avoir une vraie vie d'enfant. Donc, ce n'est pas simplement d'aller à l'école, c'est aussi d'avoir le temps d'être un jeune et puis d'aller jouer au hockey. C'est ça aussi de permettre d'avoir une balise, etc. Alors, est-ce qu'il y a un consensus pour que les enfants en bas de 13 ans ne travaillent pas? Je dirais oui. Là, je vais fouiller du côté de mes beaux-frères, mes belles-soeurs pour essayer de vous dire, si je regardais une discussion à la maison... Je pense que oui. Je pense qu'on arriverait à mettre la barrière en disant: Oui, certainement qu'il peut aider, etc., puis à partir d'un certain âge, ça lui fait certainement du bien, ça l'initie un petit peu au fait qu'il faut se lever le matin, il faut faire des choses, etc. Mais en bas d'un certain âge, je pense que...

M. Rioux: M. Néron, avant d'en arriver à légiférer là-dessus, vous avez semblé ouvrir une porte que je trouve intéressante: ça serait d'aller consulter nos partenaires. Vous avez évoqué le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Vous pensez que c'est une avenue intéressante à explorer d'aller demander à nos partenaires socioéconomiques de nous dire, en plus d'interdire le travail de nuit des enfants, est-ce qu'on pourrait examiner d'autres aspects ou éventuellement le législateur pourrait en arriver à poser des gestes concrets. C'est de ça dont vous parliez quand vous parliez de consultations?

M. Néron (Jean-Pierre): Oui, oui, élargies. On peut aussi inviter d'autres groupes, je veux dire sur la perception de: est-ce que la société québécoise est prête à 13 ans... Je pense qu'on n'est pas démuni; on peut certainement inviter d'autres gens pour des consultations là-dessus.

M. Rioux: J'aimerais qu'on revienne sur le travail de nuit. Quand on dit dans le projet de loi qu'entre 23 heures et 6 heures de matin, pour les jeunes en bas de 15 ans, le travail de nuit est interdit, ou on interdit aux employeurs d'embaucher des jeunes, des ados pour du travail de nuit. Vous, est-ce que vous auriez mis la barre plus haut, plus bas? Qu'est-ce que vous auriez fait?

M. Néron (Jean-Pierre): C'est une bonne question. On n'a pas fait la réponse là-dessus. Peut-être que France... je ne sais pas si elle...

M. Rioux: Peut-être que la sociologue, elle, elle aurait une petite idée là-dessus.

M. Néron (Jean-Pierre): Peut-être qu'il faut à un moment donné faire des cohérences avec 16 ans, etc. Bon, on a mis 15 ans. Mais je pense que ce n'est pas l'élément qui nous fatigue. Voyez-vous, peut-être ça serait 16 ans qui serait ça. Mais l'essentiel dans notre intervention n'est pas sur ça, il est sur d'autres éléments que devrait comporter le projet de loi.

M. Rioux: Je reviens à la réussite scolaire, M. Néron. Le Conseil du patronat et la CEQ ont fait une réflexion assez intéressante sur le sujet. Eux autres, on dirait qu'ils n'ont pas la même sensibilité vis-à-vis de la réussite. Pourtant, la CEQ était le partenaire du Conseil du patronat là-dessus. Et ça ne semble pas les énerver qu'un jeune qui travaille 20 heures par semaine, par exemple, et qui va à 18 heures... On a mis des chiffres, on a quantifié tout ça, on a fait des tableaux. Moi, j'ai trouvé très impressionnant. Mais quand un jeune travaille entre 16 et 20 heures par semaine et qu'il va à l'école à temps plein, il a deux jobs: celle d'aller à l'école, puis il a un travail à mi-temps. Je sais que pour les centrales, vous autres, c'est 32 heures et demie, mais les gens normaux travaillent 40 heures, à peu près.

M. Néron (Jean-Pierre): Vous ne parlez pas des permanents, ils travaillent plus que ça.

M. Rioux: Alors, on est dans le mi-temps. On ne parle pas des députés, là. On parle de ce qu'on peut observer, généralement, dans la société québécoise, entre 16 et 20 heures, c'est du mi-temps pour un jeune. Et étant donné que vous préoccupez un peu de la réussite, est-ce que ça vous fatigue, ça?

M. Néron (Jean-Pierre): Oui. C'est évident que... Et là on parle des jeunes en bas de 16 ans. Mais là on pourrait parler de ceux qui sont à l'université. Je veux dire que, là, finalement, il faut travailler un certain nombre d'heures parce qu'ils n'ont pas assez de prêt ou de bourse, etc. Et là je ne ferai pas de débat là-dessus parce que ce n'est pas ça l'objet. Mais c'est évident que cela compromet, à un moment donné, les études. Passer toute son énergie... On ne peut pas être frais et dispos pour des études si, finalement, il y a une grande partie de notre énergie est juste à la survie, etc. Oui, c'est inquiétant de voir qu'il faut consacrer tant d'heures que ça pour, finalement, arriver à ça.

M. Rioux: M. Néron, j'ai été étonné que vous n'ayez pas du tout parlé de l'autorité parentale. Je vous le dis: Je suis très étonné. Surtout venant de vous. Est-ce que vous croyez que le projet de loi, tel que formulé, peut constituer une menace à l'autorité parentale?

M. Néron (Jean-Pierre): Bon. Non, je pense que l'Assemblée nationale doit donner des lignes directrices sur le travail des enfants et je pense que, là... Bon. Ce que vous soulevez, là, vous me dites, bon: Est-ce que finalement les parents ne pourraient pas imposer... Comment on se situe par rapport aux parents? Je n'ai pas examiné cet élément-là, je dois vous l'avouer. On intervient un peu des fois comme des pompiers. Je n'ai pas regardé cet élément-là de la législation. Mais je pense qu'on se doit, comme société, de donner des «guidelines» très claires sur le travail des enfants, et ça, malgré ce que certains parents pourraient en penser.

M. Laurendeau (France): Par rapport à ça, il me semble que les parents n'ont pas le droit de battre leurs enfants non plus. Il me semble que si les enfants peuvent décider d'aller travailler contre l'avis des parents... Mais les parents peuvent être d'accord aussi parce que ça fait leur affaire. Je ne pense pas que la majorité des parents soient dans ce cas-là, mais s'il y a des parents qui ont tendance à abuser alors que c'est eux qui devraient essayer d'être capables de faire vivre leurs enfants... Puis on sait que c'est difficile dans la société actuelle, que ce n'est pas toujours évident. Je pense que l'État a aussi le devoir de dire: Bien, écoutez, il y a des limites, là. Il y a des limites. Puis je pense que ce n'est pas abusif, pas du tout.

Puis je voudrais revenir, M. Rioux, sur votre surprise par rapport à notre préoccupation sur la réussite scolaire. Mais vous savez, on est très préoccupés d'emploi à la FTQ. Et la réussite scolaire puis l'emploi, là, il y a comme un lien. C'est sûr qu'on est préoccupés de la réussite scolaire, en soi, mais aussi parce qu'on sait que c'est une meilleure garantie d'emploi, puis qu'on est obsédés par l'emploi. Alors, voilà, c'est une raison de plus.

M. Rioux: Est-ce qu'il y a de mes collègues qui aimeraient intervenir sur le travail des domestiques? Sinon, moi, j'aurais une question à Mme Laurendeau. Mme Laurendeau, vous avez parlé de la non-reconnaissance de tout ce capital humain, de cette compétence humaine qu'on retrouve chez des travailleuses domestiques et les aides familiales, ou les auxiliaires familiales. Si c'est vrai, ça, comment il se fait qu'au Québec il y a des gens qui sont passés avant vous et qui nous ont dit des choses: c'était quasiment le musée des horreurs. Ils nous ont cité des cas très concrets, très patents d'exploitation des femmes qui travaillent dans les maisons privées. Comment il se fait que notre société n'est pas rendue plus loin que ça et qu'il faille penser à légiférer pour leur venir en aide?

(20 h 50)

Mme Laurendeau (France): On ne demande pas qu'il y ait une autre loi que la loi sur les normes, mais la loi sur les normes les exclut, finalement, de la couverture régulière. On ne sait pas au juste quel genre de disposition, on n'a pas été précis là-dessus, et c'est volontaire parce qu'on pense qu'il faut réfléchir davantage.

Mais on est quand même étonnés de la situation actuelle, où, effectivement, les travailleuses domestiques ont toujours été mises à part. C'était comme si elles faisaient partie de la famille. Historiquement, on peut penser que les travailleuses domestiques, elles étaient souvent, bon, elles venaient de la campagne, venir à la ville, aider... Et on dirait que cette attitude-là, paternaliste, s'est maintenue puis qu'on a passé par-dessus jusqu'à ce que, un moment donné, elles lèvent la main puis elles disent: Oui, mais pensez à nous, là, ça n'a plus de bon sens, on est parfois dans des conditions d'exploitation.

Je pense que toute la société québécoise ne reconnaît pas la compétence et l'utilité de ces travailleuses-là. Moi, j'en suis extrêmement consciente, personnellement, parce que j'ai des enfants puis quelqu'un à la maison. Mais je pense qu'on le reconnaît quand on le vit, et ce n'est pas tout le monde qui le vit. Et on a tendance parfois à mépriser les personnes qui n'ont pas la même formation, des emplois qui rémunèrent bien, etc. On est une société qui reconnaît surtout la valeur du travail et du salaire qui va avec. Et le reste, ça ne vaut rien. Et je pense que c'est une société qui déplace ses valeurs quand elle est comme ça.

Et les personnes qui travaillent, qui font un travail dur et exigeant, bien je pense qu'il faut le reconnaître. Et si vous posez la question de la société, je pense... Malheureusement, je ne suis pas capable de vous répondre. Il faudrait faire une analyse, une recherche, une réflexion là-dessus plus en profondeur.

M. Rioux: Mme Caron, qui était ici avant le souper, nous disait et plaidait avec force qu'on est rendu à un stade où on doit reconnaître ces gens-là, leur donner un statut et faire ça en pleine lumière: plus de zones d'ombre, plus de cachettes, et que ce soit des travailleurs, des travailleuses reconnus avec un statut, une rémunération, des conditions de travail et avec des cotisations à la Régie des rentes, etc. Est-ce que vous achetez ce genre de démarche?

Mme Laurendeau (France): Bien, comme je vous dis, on n'a pas été très précis, mais on achète l'essence même de ça, c'est-à-dire l'essence de... Il faut une protection pour ces travailleuses-là. Vous savez, quand je posais la question: Quel avenir pour ces personnes-là quand elles ne sont plus à leur travail? Bien, c'est l'aide sociale. Moi, j'aime mieux que ces travailleuses-là cotisent au RRQ, à l'assurance-emploi, j'aime mieux qu'elles soient couvertes par la loi sur les normes, par la santé et sécurité, qu'elles soient, finalement, des personnes à part entière dans la société, j'aime mieux ça que la situation actuelle où, finalement, elles peuvent tomber dans la dépendance de notre société parce qu'on n'a pas reconnu tout le travail qu'elles ont fait, on l'a rémunéré en dessous de ce qui est payé ailleurs.

Je pense qu'il faut faire une réflexion sérieuse là-dessus, et c'est pour ça que, nous, on dit: Il faudrait qu'on réfléchisse plus en profondeur comment on va le faire, avec la crainte... Bon, il y a le travail au noir. Il faut qu'on réfléchisse à ça, quelles mesures il faut qu'on prenne. Je pense que la société québécoise, c'est une société imaginative; on l'a faite la preuve de ça à de multiples reprises. Bien, là, là-dessus, on a un gros casse-tête, et il faut s'asseoir puis essayer de le faire correctement. Je pense qu'on est capable, puis on est capable dans des délais assez courts, j'espère.

M. Rioux: Merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: À mon tour, j'aimerais vous remercier, Mme Laurendeau et M. Néron, d'avoir accepté avec un échéancier aussi bref, même pour se rendre à Québec, c'était quasiment trop court, en plus de préparer toutes vos notes et vos interventions, et je pense qu'elles nous éclairent.

Quant à l'urgence de ce projet de loi, je peux dire qu'hier soir, à 23 h 30, on était encore à se demander quel groupe on inviterait aujourd'hui. Et nous, nous avions soumis une liste d'une vingtaine de groupes. Mais, par l'urgence qui est soumise au ministre – il n'a pas le choix – il faut qu'on procède rapidement. Donc, on a choisi de façon aléatoire: on a passé les plus importants, les groupes qui pourraient nous éclairer le plus à bonifier ce projet de loi là. Et je suis heureux de voir que le ministre est très à l'écoute.

L'autre élément d'urgence pour que le projet de loi passe, c'est qu'il y a le BIT au mois de juin. Et vous comprendrez qu'au mois de juin, si on attendait à la prochaine session pour passer le projet de loi, bien, il ne serait pas passé. Alors, on aurait l'air d'une société, au Québec, encore rétrograde parce qu'on a aucune loi légiférant sur le travail des enfants, puis je pense que ce n'est pas souhaitable non plus. D'un autre côté, il faut bien se rappeler que, comme on dit en physiologie, la marche est une succession de chutes évitées de justesse. Alors, le ministre, on lui dit depuis cet après-midi, qu'il a fait un pas dans la bonne direction. Je lui dis ce soir que s'il se limite à un pas, il va chuter, parce que c'est ça, la marche, c'est chaque pas après le pas. Parce que s'il arrête au premier pas, il va tomber. Je ne voudrais pas qu'il chute.

M. Rioux: Les lumières du député d'Argenteuil sont à ce point incandescentes qu'elles me brûlent...

M. Beaudet: J'espère qu'elles vous brûlent...

M. Rioux: ...plutôt que de m'éclairer.

M. Beaudet: ...de ne pas arrêter à un pas mais de marcher, parce qu'on espère que c'est une porte ouverte à une amélioration importante d'un projet de loi. Vous avez mentionné l'âge de 13 ans comme un âge limite au travail, ce qui, pour nous, nous semble aussi un facteur important, à créer cela. Et je disais tantôt, justement avant d'entrer, que c'est comme le jeu de billes. Lorsqu'on prend les billes chinoises, on en déplace une puis l'autre part. Alors, chaque action amène une réaction.

Bon, cet après-midi, la députée de Marie-Victorin nous disait: Bien, là, on a fait une action, la réaction, c'est: qu'est-ce qui va arriver à ces enfants-là à qui on interdit le travail dépassé 23 h 30? Bien, ces enfants-là, ils peuvent aller soit vers la prostitution, soit vers le vol, soit dans la drogue pour être capables de se procurer des argents, parce qu'ils ont – comme M. Néron le mentionnait tantôt – bénéficié du plaisir de dire: Aie, j'ai quelque argent, puis mon Dieu, regarde donc si c'est le fun, on peut avoir un compact disc, on peut amener notre petite amie au restaurant, on peut faire un tas de choses. Alors, une fois qu'ils ont goûté à ça, ils ne veulent plus s'en priver.

L'autre réaction aussi, c'est qu'on a légiféré... Puis j'ai senti cet après-midi que je créais un choc, une vague de chocs, l'autre côté, en leur disant qu'on avait légiféré et rendu légal le travail pour les enfants de 8, 9, 10, 12, 13 ans jusqu'à 23 h 30, on venait de légaliser le travail pour des enfants de 10 ans et plus, ou en bas, jusqu'à 23 h 30. Évidemment, c'est toujours la façon dont on regarde le problème. On peut bien dire: Bien, on a limité de 23 h 30 à 6 heures, mais on a ouvert légalement jusqu'à 23 h 30. Alors, c'est pour ça que le plancher m'apparaît important comme limite, à dire à des enfants de 13 ans, par exemple, ou 14 ans, ou je ne le sais pas: Il y a un plancher, et en bas de cet âge-là, durant des périodes scolaires, on ne peut pas travailler. Ce que vous avez mentionné d'ailleurs et ce avec quoi je suis tout à fait d'accord: qu'on fixe une balise par laquelle on va limiter l'accès au travail à des enfants.

Je comprends que vous n'avez pas fait référence, dans votre exposé, à l'autorité parentale. Il faut se rappeler que la Loi sur les normes du travail, elle ne s'applique pas aux parents, elle s'applique aux employeurs, ça se réfère aux employeurs, c'est pour eux qu'on légifère, non pas pour les parents. Les parents, ça devient – ce à quoi vous avez fait référence – un contexte beaucoup plus élargi d'un problème de fond auquel on devrait s'adresser, j'en conviens, qui ferait référence au décrochage scolaire, à la pauvreté, aux familles éclatées et aux familles monoparentales. Bon, on pourrait tout.. Mais là ça devient un projet beaucoup plus grand qu'un projet de loi dans lequel il y a huit articles qui évidemment ne touchent pas à tous ces éléments-là. Alors, vous comprenez, l'urgence, c'est le BIT, en Suisse, au mois de juin, et aussi vous référer à l'importance des résultats. Et je ne sais pas si, dans vos recherches, vous avez trouvé des éléments sur lesquels vous pourriez nous éclairer, qui font référence à l'âge des enfants par rapport au travail exécuté, au nombre d'heures exécuté.

Je peux vous dire, pour un, moi qui ai travaillé dans les dernières années de mon collège classique, pendant les périodes estivales, mais qui ai travaillé pendant mon université, moi, je peux vous assurer que ça affecte les résultats scolaires, ça ne peut pas faire autrement. Quand on passe une nuit à travailler, ce n'est pas vrai que le lendemain, à l'examen, on performe aussi bien que quand on s'est bien couché et bien reposé. Ce n'est pas vrai. Et je vous parle d'une époque où j'avais 20 ans et plus. Prenez un enfant de 15 ans ou 16 ans, ce n'est pas vrai qu'un enfant qui est encore en pleine croissance, qui va passer une nuit à travailler, qui va se présenter à un examen le lendemain matin va performer mieux que s'il s'était couché à 10 heures le soir. Là, j'ai un problème.

Alors, je ne sais pas si vous avez des données là-dessus pour nous éclairer.

(21 heures)

M. Néron (Jean-Pierre): Non, on n'a pas de données. Je pense qu'il y en a eu dans le passé. Il y a déjà eu une étude qui a fait des corrélations sur ça, mais je pense que c'est aussi notre expérience, à tous et à toutes, de la vie. On a eu 20 ans avant, donc on sait ce qu'on peut faire et ce qu'on ne peut pas faire.

Moi, ce que je retiens aussi de ce que vous nous dites, c'est que vous nous dites: Le projet de loi, finalement, fait en sorte de légaliser ceux qui sont en bas de ces âges-là, parce que finalement on n'a pas de dispositions. Alors ça, ça fait quand même assez étrange d'avoir... Mais je suis certain qu'il y a du monde qui va faire cette lecture-là, c'est évident.

Alors, c'est pour ça que, quand on dit que le projet de loi est incomplet, il faut comme essayer de fermer la porte à ce genre de situation là, d'interprétation. Je ne pense pas que c'était le voeu du législateur de faire ça, mais je pense qu'il faut que ce soit clair de fermer cette porte-là si, finalement, on semble avoir ouvert cette porte-là par ce projet de loi là.

Sur le BIT, je pense que, oui, on participe à l'urgence aussi d'avoir un document qui soit présentable dans ce sens-là. Mais on pense qu'on pourrait certainement rencontrer ces urgences-là d'ici à la fin de la session ou au printemps prochain.

Mme Laurendeau (France): M. Beaudet, par rapport à ça, moi, ce que j'ai, c'est ce que tout le monde a eu, j'imagine, sur le travail à temps partiel chez les jeunes d'âge scolaire, qui vient du ministère de l'Emploi, en mars 1994, où l'étude nous montrait et disait, à la page 6: En conséquence, ils disaient qu'il existait une seule étude québécoise, en 1994, ayant tenté de mesurer l'incidence du travail rémunéré pendant les études sur la performance scolaire des élèves du secondaire. Vous avez sans doute accès à ça. Et qui disait: «Il existerait une relation entre le nombre d'heures consacrées à un emploi et le rendement scolaire. Mais le fait de travailler quelques heures par semaine ne nuit pas nécessairement aux études, les élèves qui travaillent 10 heures ou moins par semaine ayant même les résultats les plus forts.»

Alors, ça veut dire que, quand on est performant, on peut performer sur les deux tableaux, mais il y a une limite au-delà de laquelle la performance scolaire se réduit. C'est pour ça que, nous, on n'est pas contre le travail des jeunes, mais sans excès.

M. Beaudet: M. le Président, en plus, pour le congrès du BIT, je pense qu'il est très important, parce que le Québec a, par son accord, participé à la convention qui a été ratifiée par le Canada. Alors, d'autant plus, c'est important qu'on se soit positionné, mais j'aurais aimé qu'on se positionne dans un cadre dans lequel, au moins, on ne légalise pas un travail pour des enfants qui peuvent aller de 10 ans à 15 ans. On peut mettre une balise, c'est un. Et je pense que, oui, c'est un bon pas dans la bonne direction, de dire qu'on limite le travail de 23 h 30 à 6 heures pour les enfants en bas de 15 ans. Ça, je pense que c'est très souhaitable.

Je pense que c'est important de s'assurer, parce que c'est notre avenir, que les enfants puissent performer à l'école. Qu'on mette des balises, que ce soit tant d'heures par semaine dans la période scolaire, que ce soit tant d'heures en fin de semaine en période scolaire, ça, je suis tout à fait favorable à ça. En dehors des périodes scolaires, ça, c'est une autre affaire. L'été, ils travailleront ce qu'ils voudront, mais, pendant la période scolaire, qu'on ait une balise qui m'apparaisse importante.

Cet après-midi, le groupe d'aide pour la défense des droits des domestiques nous a parlé, évidemment avec des images un petit peu saisissantes, de personnes qui avaient subi de l'exploitation par leurs employeurs, puis il y en a. On est conscient qu'il y a aussi des employeurs qui traitent très bien leurs aides familiales. Il y en a des deux bords, là. Ceci dit, je pense qu'il faut essayer de voir comment on peut limiter l'exploitation de ces personnels-là qui ont une contribution importante à apporter à notre société. Et, comme le disait Mme Laurendeau tantôt, on a même une discrimination pour les gens qui aident les handicapés ou les enfants. Eux, ils sont à part. Ils ne peuvent pas participer avec les normes du travail. Je trouve ça un peu particulier.

Mme Caron nous disait cet après-midi, dans l'échange qu'on a eu, que, oui, il y avait des pénalités, mais qu'elle souhaitait beaucoup plus des incitatifs, des mesures favorables pour aider l'employeur à s'enregistrer comme employeur d'une aide familiale. Je ne sais pas si vous avez fait une réflexion là-dessus, soit sur le plan fiscal ou je ne sais comment – je ne suis pas fiscaliste – mais vous avez peut-être une réflexion là-dessus par laquelle... Parce que déjà la loi interdit le travail au noir. Ce n'est pas compliqué, elle l'interdit, que ce soit pour l'aide familiale ou pour le menuisier qui vient réparer votre comptoir de cuisine. C'est aussi interdit, sauf qu'on s'en tire. Mais pourtant, la loi est là.

Alors, si la loi, qui est contraignante, on la contourne, essayons de trouver des méthodes ou des moyens incitatifs qui vont faire que l'employeur va dire: Moi, il faut que je me déclare parce que ça m'avantage et, en même temps, je vais assurer que l'employée, comme vous le disiez si bien... Elle tombe devant rien quand on la met dehors: elle n'a pas d'assurance-emploi, son régime de rentes n'a pas été payé, elle n'a pas de CSST qui a été payée, il n'y a rien qui a été payé, d'autant plus que c'est important.

Alors, comme moyens incitatifs, est-ce que vous avez réfléchi là-dessus?

Mme Laurendeau (France): Notre réflexion n'est pas très approfondie. C'est pour ça qu'on suggère au ministre d'aller plus loin dans la réflexion et de mettre notre imagination à l'épreuve. Mais il est clair qu'il faut qu'il y ait des incitatifs dans notre société pour que les gens déclarent. C'est la même chose pour le travail au noir. On a beau l'interdire, il va y en avoir tant qu'il n'y aura pas d'incitatifs clairs, d'avantages, d'intérêt collectif. C'est sûr que l'intérêt collectif, c'est dire: On a une société pour laquelle il faut que tout le monde contribue, et contribue à payer son impôt et faire son devoir. Et ça, c'est très correct, mais il faut aussi qu'il y ait des incitatifs et que l'employeur sente que c'est un avantage également pour lui que la personne qu'il emploie soit couverte. Il faut essayer de trouver des moyens, des mécanismes qui facilitent la couverture, finalement, de ces personnes-là par une loi, par des avantages sociaux qui sont les lois, au moins les lois du travail.

Pour ça, il y a des choses qui se passent ailleurs. Par exemple, on peut penser à des agences à but non lucratif qui seraient des lieux d'enregistrement des personnes, qui pourraient permettre de surveiller ça. Jean-Pierre me disait qu'en France ça se passait autrement, qu'il y avait des situations où c'était géré par les municipalités. Les gardiennes d'enfants, par exemple; ça pourrait être la même chose pour les gardiennes de personnes handicapées, et tout ça, pour le personnel domestique aussi. Alors, il y a des formules qui existent ailleurs et qu'il faudrait examiner.

Pour ce qui est de la fiscalité, c'est entendu qu'à l'heure actuelle on peut penser aux personnes qui embauchent des gardiennes d'enfants, pour personnes handicapées, et tout. C'est des coûts assez élevés. À l'heure actuelle, il y a des déductions fiscales pour enfants, pour les frais de garde, qui existent, mais c'est sûr que, pour un enfant, c'est 5 000 $, deux, c'est multiplié, et, quand on embauche une gardienne à plein temps et que la déduction fiscale est de 5 000 $, vous savez bien qu'on ne fait pas une vie avec ça. Alors, de ce côté-là, il y aurait un ajustement à faire pour les gardiennes d'enfants avec la politique familiale, donc il y aurait une réflexion. Pour ce qui est de l'ensemble des personnes, je pense qu'il faut réfléchir effectivement à une fiscalité. Mais ça, ça coûte quelque chose à l'État, il faut penser à ça aussi.

M. Beaudet: Oui, mais...

Mme Laurendeau (France): Mais c'est comme un donnant, donnant, voir un peu comment ça peut... Moi, je pense qu'il faut réfléchir de ce côté-là. Mais précisément, on n'a pas les solutions. C'est malheureux, on n'a pas eu le temps aujourd'hui.

M. Beaudet: M. Néron, pouvez-vous nous éclairer sur comment ça se passe en France...

M. Néron (Jean-Pierre): Disons que c'est une expérience...

M. Beaudet: ...ou, en tout cas, ce que vous en savez?

M. Néron (Jean-Pierre): Je ne veux pas tomber dans l'anecdote, mais ce que je connais, par exemple, d'une municipalité, d'une petite ville, c'est que, finalement, le système de gardiennage pour les enfants en bas âge est géré par les municipalités, ce qui fait que la personne qui travaille, par exemple, chez une amie, qui garde les bébés de quelques jours à trois ans, alors, cette personne-là n'a que deux ou trois bébés à s'occuper, elle a un contrôle par la municipalité de comment elle fonctionne, etc., mais cette personne-là, elle a droit à des vacances, elle a droit à un fonds de pension, elle a droit à des journées de maladie, etc.

Alors, un, ça donne une assurance d'avoir une qualité vis-à-vis de la personne qui va s'occuper des bébés...

M. Beaudet: Surveiller.

M. Néron (Jean-Pierre): ...pour surveiller et, de l'autre côté, cette personne-là a un vrai emploi avec une vraie reconnaissance et une vraie protection. C'est un peu bizarre que, finalement, notre futur, ce sont les bébés, ce sont les enfants, et qu'on investisse le moins possible dans ça.

M. Beaudet: Dans ceux-là.

M. Néron (Jean-Pierre): On a un paradoxe dans nos sociétés qui est vraiment assez étrange et je pense que le paradoxe, il vient du fait qu'on a dénoncé l'équité. Généralement, ce sont les femmes qui font ça, et c'est pour ça que ce paradoxe est là: malgré qu'on devrait investir, on n'investit pas. On devrait essayer de trouver des instruments pour revaloriser ce genre de travailleurs. Je pense qu'il y a des expériences qui se font. Je vous en donne une, mais je pense qu'on pourrait certainement regarder des choses pour pouvoir s'assurer d'une plus grande équité.

(21 h 10)

Le Président (M. Beaulne): Ça va, M. le député d'Argenteuil?

M. Beaudet: M. le Président, je vais terminer là-dessus. Je pense que l'éclairage que nous apportent les représentants de la FTQ ce soir, malgré qu'ils se soient préparés à la dernière minute, je suis sûr qu'ils y ont réfléchi depuis des mois et des mois. Ça m'apporte, en tout cas à moi personnellement, des éléments additionnels pour insister auprès du ministre pour qu'on puisse bonifier le projet de loi sur certaines balises, pour le moins, qui sont importantes à mettre maintenant. Sans dégénérer dans un projet de loi de 200 articles, peut-être ajouter un amendement ou deux qui vont bonifier l'article qui va faire qu'on va mieux encadrer nos enfants, d'une part.

Évidemment, je ne pense pas que, comme ministre du Travail, il puisse changer la fiscalité, mais je suis convaincu que, si ce n'est pas déjà fait, il va s'en charger pour parler au ministre des Finances, pour voir s'il n'y a pas quelque chose sur le plan fiscal par lequel on pourrait inciter l'employeur à s'enregistrer comme un employeur d'une aide familiale pour qu'elle ou lui – mais surtout des «elle», comme vous dites – puisse bénéficier de tous les avantages marginaux qui s'y rattachent, puis que ce soit, comme vous disiez si bien, un vrai emploi, puis qu'elle ait un avenir. Que ce soit un emploi respecté dans notre société, parce qu'il y va, comme disait M. Néron, de notre avenir. C'est nos ti-pits qu'on met dans leurs mains. Je pense que c'est très important.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député d'Argenteuil. Avec votre consentement, je permettrais au ministre de poser une dernière question.

M. Beaudet: Ça me fait grand plaisir.

Le Président (M. Beaulne): Allez-y, M. le ministre.

M. Rioux: Juste pour l'information de mon collègue, je trouve ça important. C'est que je ne sais pas si les choses ont changé depuis 1994, mais les enfants ne peuvent être ni employés, en France – je parle de la France – ni admis à aucun titre dans les établissements énumérés ci-après – et là on peut vous les nommer – avant d'être régulièrement libérés de l'obligation scolaire, sauf en situation de stage d'initiation et d'application en milieu professionnel, durant les deux dernières années de leur scolarité obligatoire. Mais, évidemment, on n'est pas en Amérique. En Amérique, c'est autre chose.

Je voudrais juste comprendre l'interprétation des consultations que nous suggèrent Mme Laurendeau et M. Néron. C'est vrai qu'il va y avoir une conférence internationale sur le travail des enfants, au Bureau international, au BIT, en 1998, mais ça, c'est en vue de l'adoption, en 1999, d'une convention sur les formes les plus intolérables d'exploitation des enfants.

Je voudrais vous demander, M. Néron et Mme Laurendeau: Est-ce que de notre côté, au Québec, on devrait poursuivre, comme vous nous le suggérez, nos consultations puis nos réflexions? Mme Laurendeau nous a invités à quatre reprises, pendant son discours qui a duré cinq minutes, à bien réfléchir sur tout l'ensemble de cette problématique et que, finalement, on va s'organiser d'abord pour participer, surtout si on a une loi maintenant, je ne dirai pas «habilitante» mais une loi qui va nous permettre de rentrer dans le circuit des provinces canadiennes qui auront légiféré sur le travail des enfants, participer à cette rencontre du Bureau international du travail, mais aussi aller réfléchir avec des gens d'à travers le monde sur quelles seront les meilleures formules pour lutter contre les formes les plus intolérables d'exploitation des enfants. Je ne pense pas qu'il faille perdre cette chance, et je ne voudrais pas non plus partir ce soir puis vous dire: Oui, oui, oui, on va tout amender ça. Non.

Je crois qu'on va franchir une étape, mais on va suivre le conseil de Mme Laurendeau et de M. Néron, qu'on a peut-être une bonne période de quelques mois à réfléchir et à approfondir tout ce que ça veut dire pour notre société, le travail des enfants.

On a un organisme que je souhaite, depuis que je suis là en tout cas, que j'ai essayé de valoriser du mieux que j'ai pu, c'est le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Vous savez que c'est une instance appropriée pour ce genre de réflexion parce qu'on retrouve autour de cette table tous nos partenaires socioéconomiques. Ils nous ont même fait un signal qu'ils ne détesteraient pas poursuivre encore plus loin leur recherche là-dessus.

Encore une fois, merci. Ça nous a fait plaisir, d'ailleurs, M. Néron. Vous avez gardé le fort pendant toute la période de commission parlementaire sur 79. Vous revoir aujourd'hui, c'est un très grand plaisir. Et amenez-nous Mme Laurendeau à nouveau, elle est très bonne.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Argenteuil, pour une brève interrogation.

M. Beaudet: M. le Président, deux commentaires. D'abord, ça fait plusieurs années qu'on est en consultation. Je pense qu'il faudrait accoucher à un moment donné. Une grossesse, c'est neuf mois; ça fait cinq ans, ça va être un gros éléphant. Et je pense que ça, c'est un élément important. Peut-être qu'il faudrait rencontrer quelques groupes cibles pour procéder à l'évaluation et à la mise en place d'un projet de loi, puis le passer, le projet de loi. Ça m'apparaît important.

L'autre élément, c'est que je ne souhaite pas que la consultation se fasse au CCTM parce que le CCTM, c'est en vase clos, c'est fermé au public, ce n'est pas ouvert à tout le monde. Je comprends que vous dites qu'on peut inviter d'autres groupes. Bien, si on peut inviter d'autres groupes, pourquoi on ne les inviterait pas ici, en commission parlementaire, plutôt que de faire ça au CCTM? Je préférerais que ça se fasse en commission parlementaire, à la commission de l'économie et du travail, en bonne et due forme, avec un nombre de groupes qui pourraient être déterminés d'avance, qui pourraient apporter un élément positif au projet de loi. Et je suis sûr que le ministre, dans sa grande compréhension et ouverture d'esprit, serait d'accord que ça se fasse non pas au CCTM, mais en commission parlementaire. Merci, M. le Président.

(21 h 20)

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député d'Argenteuil. Alors, sur ce, M. Néron, Mme Laurendeau, la commission vous remercie de vous être déplacés à brève échéance pour nous faire vos commentaires.

(Consultation)

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre temporairement l'étude du projet de loi en attendant que nos prochains invités arrivent. Ils ont été un peu retardés par la tempête de neige qui sévit présentement.

Une voix: Une tempête?


Étude détaillée

Le Président (M. Beaulne): Énorme. Alors, nous allons commencer l'étude article par article du projet de loi.

M. Rioux: J'aurais une remarque à faire, M. le Président, et une proposition en même temps.

Le Président (M. Beaulne): Allez-y, M. le ministre.

M. Rioux: En attendant le Conseil du patronat du Québec, on pourrait travailler les articles de concordance avec la Loi sur les règlements. Les articles 33, 34 et 35, ce sont là des articles qu'on vise à faire disparaître parce qu'on veut s'ajuster à la Loi sur les règlements. Alors, M. le Président, c'est sans conséquence sur le contenu.

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le ministre, je comprends bien. Je crois également que le porte-parole de l'opposition acquiesce à cette manière de procéder.

M. Beaudet: Laissez-moi retomber sur mes pattes deux secondes et je vais vous répondre.

Le Président (M. Beaulne): Il s'agit d'étudier les articles de concordance.

M. Rioux: C'est ça.

(Consultation)

Le Président (M. Beaulne): Sur la manière de procéder, M. le député d'Argenteuil, est-ce que ça vous convient?

M. Rioux: Et ça nous permettrait de couvrir 33, 34 et 35, M. le Président, qui visent à abroger d'abord, dans un premier temps, les articles 33 et 34. L'abrogation de 33, ça vise à rendre applicables aux règlements de la Commission des normes du travail les dispositions sur les règlements relatifs à la publication des projets de règlement.


Publication des projets de règlement

Le Président (M. Beaulne): Ça, c'est l'article 1 du projet de loi.

M. Rioux: C'est ça. Quant à l'article 34, il est de concordance avec 33, bien sûr. En outre, ça inclut le pouvoir d'enquête qui est prévu. Alors, ça devient redondant avec l'article 14 de la Loi sur le ministère du Travail qui habilite le ministre à enquêter, par lui-même ou par une personne qu'il désigne, sur toute matière de sa compétence. Alors: «Dans l'exercice de ses fonctions – pour être encore plus clair – le ministre peut, par lui-même ou une personne qu'il désigne, enquêter sur toute matière de sa compétence.»

M. Beaudet: Expliquez-moi donc, en termes simples, l'abrogation de l'article 33. Ça va se résoudre en quoi? Parce qu'on me dit ici, à l'article 33: «Les règlements visés dans l'article 32 doivent, avant d'être approuvés, être précédés d'un projet publié dans la Gazette officielle du Québec, avec un avis spécifiant qu'une objection à leur approbation doit être formulée au ministre dans les soixante jours.»

M. Rioux: Ce qui arrive, c'est que, dans la loi des normes, le délai est de 60 jours. Maintenant, on veut le ramener à 45.

M. Beaudet: Parce qu'on l'a mis dans la loi des normes, qu'on l'a changé à 45?

M. Rioux: Non. C'est la Loi sur les règlements, M. le député.

(Consultation)

M. Rioux: Ce serait peut-être important d'expliquer, M. Vachon, toute la question de la Loi sur les règlements, de sorte que le député d'Argenteuil et tout le monde ici, autour de cette table, comprennent bien de quoi on parle exactement.

Le Président (M. Beaulne): C'est une excellente suggestion.

M. Rioux: Étant donné que c'est un peu technique, je vais demander à M. Vachon de nous faire un petit exposé.

M. Beaudet: Ça va vous donner quoi de diminuer de 60 à 45 jours?

(21 h 30)

M. Rioux: Oui, oui, on va t'expliquer ça. M. Vachon.

M. Beaudet: O.K.

Le Président (M. Beaulne): Oui, mais, M. Vachon, je vous demanderais de vous identifier pour les fins de nos transmissions.

M. Vachon (Pierre-Yves): Pierre-Yves Vachon, de la Direction des affaires juridiques du ministère du Travail. La Loi sur les règlements, qui a été adoptée en 1986, est en principe applicable à l'ensemble de la réglementation du gouvernement. Elle prévoit qu'un projet de règlement du gouvernement ou qui est soumis à l'approbation du gouvernement doit faire l'objet, avant d'être édicté par le gouvernement, d'une publication préalable à la Gazette officielle , et cette publication est assortie d'un avis permettant aux personnes qui sont intéressées et qui ont des commentaires à formuler de les faire valoir dans les 45 jours qui suivent.

Au moment où cette loi-là a été adoptée, en 1986, il y avait déjà un certain nombre de lois qui comportaient des exigences quant à la publication préalable de projets de règlements, dont la Loi sur les normes du travail. Quand la Loi sur les règlements a été adoptée, on n'a pas fait le ménage entier de l'entièreté des lois pour les adapter à la Loi sur les règlements, ce qui fait que, par rapport à certaines dispositions de la Loi sur les règlements, qui est plus récente que d'autres, il y a certaines dispositions de lois particulières qui sont différentes, et cette situation-là amène souvent des problèmes d'interprétation. Laquelle loi doit-on appliquer? Quel délai doit-on appliquer? Et tout le monde, à un moment donné, est empêtré là-dedans. Et ce qui est suggéré ici, finalement, c'est que, dans le cas de la loi sur les normes, on applique aux règlements édictés dans le cadre de cette loi-là les mêmes règles que celles qui sont applicables à l'ensemble des règlements gouvernementaux.

M. Beaudet: Parce que, là, c'est bien dit: La Commission peut, par règlement...

M. Vachon (Pierre-Yves): C'est ça.

M. Beaudet: Alors, c'est les règlements de la Commission que vous voulez harmoniser avec les règlements du gouvernement.

M. Vachon (Pierre-Yves): C'est les règlements de la Commission qui nécessitent une approbation du gouvernement qui vont suivre le même régime que les règlements du gouvernement lui-même.

M. Beaudet: Qui est 45 jours.

M. Rioux: Régime général.

M. Vachon (Pierre-Yves): Tout à fait.

M. Rioux: Ça va?

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Argenteuil...

Une voix: Oui, oui.

Le Président (M. Beaulne): Mais c'est simplement que nos invités sont arrivés. Alors, si vous êtes d'accord, on va suspendre temporairement.

M. Rioux: M. le Président, je crois que nos invités vont revenir dans cinq minutes, à peu près. Alors, on va les laisser...

M. Beaudet: On va les laisser respirer.

M. Rioux: Ils ont des choses à faire, oui.

Le Président (M. Beaulne): Bon. Alors, continuons l'échange que vous aviez, là.

M. Rioux: Oui. M. le Président, si le député d'Argenteuil a d'autres...

M. Beaudet: Est-ce que ça modifie l'article 34, par lequel «le ministre peut ordonner la tenue d'une enquête sur le bien-fondé d'une objection formulée à la suite de l'avis prévu par l'article 33»?

M. Vachon (Pierre-Yves): En fait, ce qui est proposé ici, c'est que cet article 34 soit abrogé parce que, de toute façon, le ministre du Travail a, en vertu de l'article 14 de la Loi sur le ministère du Travail, le pouvoir de tenir par lui-même ou par une personne qu'il désigne une enquête sur toute question qui est de sa compétence. Or, l'application de la Loi sur les normes de travail relève du ministre du Travail, et c'est, par conséquent, de sa compétence.

M. Rioux: C'est ça.

M. Beaudet: Il manque une page. C'est la page qu'on n'a pas.

M. Vachon (Pierre-Yves): Dans la loi sur le ministère?

M. Rioux: Luc, veux-tu la mienne? Alors, le temps que Luc examine 34, on peut se rendre à 35, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Oui, l'article 35. C'est-à-dire, on est encore à l'article 1.

M. Rioux: Oui, oui.

Le Président (M. Beaulne): On va d'abord disposer de l'article 1 avant d'aller à l'article 2.

(Consultation)

M. Beaudet: Y a-t-il eu des consultations de faites là-dessus, M. le Président? Est-ce que le ministre peut nous répondre là-dessus, s'il y a eu des consultations, ou c'est juste fait par concordance, parce que toutes les commissions doivent s'harmoniser au règlement du gouvernement qui fait que tout doit être à 45 jours?

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: Oui, M. le Président, ça me rappelle un souvenir. Lorsqu'on travaillait, je pense que c'est sur la loi n° 79, quand on essayait de s'harmoniser avec la Loi sur les tribunaux administratifs, la loi n° 130, je me souviens, le député d'Argenteuil, il y a des jours où ça le fatiguait d'être obligé de penser toujours à une sorte d'harmonisation. Alors, par analogie, je pense, c'est la même chose.

Il y a une Loi sur les règlements, hein, il y a une loi générale sur les règlements, et, à chaque fois qu'on vient en législation et qu'on doit examiner l'aspect réglementaire de la législation qu'on propose, bien, évidemment, on tente de s'harmoniser avec la loi générale. Parce que c'est important, hein, toute la question de la prépublication, là. Ça a l'air de rien, mais il faut quand même bien réfléchir à ça. Quand on pense à une prépublication, c'est pour permettre à des groupes de réagir sur la publication d'un règlement. Le gouvernement envisage de passer un règlement dans tel secteur, telle discipline, tel secteur d'activité économique ou encore pour régir le comportement de citoyens, c'est normal qu'il y ait une prépublication pour permettre aux gens qui sont intéressés de réagir. Quand on reçoit des commentaires, bien, évidemment, le gouvernement doit en tenir compte. Obligation lui est faite d'en tenir compte.

M. Beaudet: M. le Président, c'est exactement ce qui m'inquiète, c'est qu'on raccourcit le délai permettant aux différents groupes ou à un individu de se prévaloir de la période après la prépublication dans la Gazette officielle . Alors, avant c'était 30 jours. Maintenant, on dit que c'est 45 jours. Pour toutes sortes de choses, l'employeur a fait faillite ou je ne sais quoi. Mais, avant, c'était 60 jours, puis là on en enlève 15.

M. Rioux: L'expérience, M. le Président, tend à démontrer que les gens intéressés...

M. Beaudet: Suivent leur affaire. Ha, ha, ha!

M. Rioux: ...ça ne leur prend pas 60 jours à réagir.

M. Beaudet: Non, mais, si le gars est en vacances...

M. Rioux: Ils réagissent très vite, et c'est pour ça que ce délai supplémentaire de 15 jours impose...

M. Beaudet: Je me retrouve dans 79, M. le Président. Ha, ha, ha!

M. Rioux: Bien, M. le Président... Ha, ha, ha!

M. Beaudet: Je suis parti en vacances, M. le Président, pendant un mois. Je reviens, le lendemain de mon retour de vacances, je tombe malade, puis je me fais opérer, puis je suis trois semaines à l'hôpital. Je suis rendu à 55 jours. J'ai manqué le délai.

M. Rioux: Ha, ha, ha!

M. Beaudet: Je suis cuit.

M. Rioux: Moi, je pense...

M. Beaudet: C'est parce que le législateur, dans sa sagesse, avait prévu qu'on peut tomber malade, avait prévu que, quand on prend un mois de vacances, en général, bien, on n'est pas trop à nos affaires.

M. Rioux: Mais, généralement, tout le monde ne tombe pas malade en même temps pour les mêmes raisons.

M. Beaudet: Non, il a raison, M. le Président, mais, moi, je peux lui citer un cas personnel. Mon épouse revient d'Europe. Elle a été partie pendant un mois de temps. Elle est revenue vendredi dernier, et depuis ce temps-là qu'elle est sur le carreau. Je ne sais pas si c'est parce qu'elle est revenue puis qu'elle m'a vu, mais depuis ce temps-là qu'elle est malade.

Le Président (M. Beaulne): Ça, on peut se poser la question.

M. Beaudet: Alors, elle ne pourrait pas s'occuper vraiment de son affaire. Elle a été partie pendant 32 jours...

M. Rioux: Il n'y a pas d'effet sans cause.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beaudet: ...puis ça fait déjà 10 jours, là, qu'elle est revenue. Alors, ça ferait 42 jours. Il lui resterait trois jours pour répondre au délai. Mais, ceci dit, M. le Président, par souci d'harmonisation – pas pour faire plaisir au ministre, par souci d'harmonisation – je vais accorder l'article. Mais c'est uniquement par souci d'harmonisation.

Le Président (M. Beaulne): C'est bien noté, M. le député.

(21 h 40)

M. Rioux: Étant donné que je sais que le député d'Argenteuil et les libéraux en général sont favorables à la déréglementation, sont favorables à l'allégement, hein, on veut tous...

M. Beaudet: On ne change pas la déréglementation, là, on la raccourcit. Elle est là pareil.

M. Rioux: Non, non. On veut tous, M. le Président, que les choses marchent plus rondement, alors pourquoi s'imposer des délais additionnels, alors qu'ils ne sont pas utiles?

M. Beaudet: C'est pour ça que je vous dis que je suis favorable, M. le ministre.

M. Rioux: Voilà. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce que l'article 1 est adopté?

M. Beaudet: Adopté.

Le Président (M. Beaulne): L'article 2.

M. Rioux: Alors, l'article 35 est remplacé par le suivant:

«35. Le gouvernement peut approuver avec ou sans modification...»

Le Président (M. Beaulne): Oui.

M. Beaudet: Est-ce qu'on pourrait suspendre quelques secondes? J'ai besoin de...

Le Président (M. Beaulne): Oui, on va suspendre. Certainement.

M. Beaudet: Si c'est possible.

Le Président (M. Beaulne): Oui.

(Suspension de la séance à 21 h 41)

(Reprise à 21 h 42)

Le Président (M. Beaulne): Non, non, allons-y.

M. Beaudet: Ça va. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Volontiers. Pas de problème. Alors, M. le ministre, continuez donc l'article 2.

M. Rioux: Oui. M. le Président, toujours par souci de transparence, l'article 35 de cette loi est remplacé par le suivant:

«35. Le gouvernement peut approuver avec ou sans modification un règlement visé par les paragraphes 3° à 7° de l'article 29.»

Alors, savez-vous, on va regarder ça un peu ensemble, l'article 29. C'est assez important. «La Commission peut, par règlement:

«1° adopter des règles de régie interne;

«2° constituer des comités pour l'examen des questions qu'elle détermine;

«3° rendre obligatoire, pour un employeur ou pour une catégorie d'employeurs qu'elle indique, un système d'enregistrement ou la tenue d'un registre où peuvent être indiqués les nom, prénom, résidence de chacun de ses salariés, son emploi», etc., «and so on».

Une voix: Concordance.

M. Rioux: Concordance, monsieur...

M. Beaudet: D'accord.

Le Président (M. Beaulne): Adopté, l'article 2.

L'article 3.

M. Rioux: Les articles 36 à 38 de la loi sont abrogés. Bien, évidemment, c'est toujours pour rendre applicables les règlements de la Commission des normes du travail et les dispositions de la Loi sur les règlements relatives à la publication et à l'entrée en vigueur des règlements. On est toujours dans la concordance. Ce n'est pas...

Le Président (M. Beaulne): Adopté. Bon, maintenant, nous entrons un peu plus dans le vif du sujet, et je pense que nous allons suspendre et...

M. Rioux: M. le Président, je voudrais faire remarquer...

Le Président (M. Beaulne): Oui?

M. Rioux: ...que l'article 7 est un article de concordance également...

Le Président (M. Beaulne): Bon. Alors, expliquez-nous...

M. Rioux: ...avec les changements dont on vient de parler.


Règlements

Le Président (M. Beaulne): D'accord. Alors, présentez-nous l'article 7.

M. Beaudet: Article 92.

M. Rioux: C'est de concordance avec les articles 1 à 3 du projet de loi. Ça vise à rendre applicables les dispositions de la Loi sur les règlements aux règlements qu'édicte le gouvernement en vertu de la Loi sur les normes du travail.

M. Beaudet: Ça marche, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Ça marche? Bon.

M. Rioux: Ça va?

Le Président (M. Beaulne): L'article 7 est adopté. Alors, avant d'entrer dans le coeur du sujet, je pense qu'il serait normal de suspendre pour entendre nos invités, d'autant plus qu'ils se sont déplacés par un temps un peu inclément.

M. Beaudet: Maussade.

Une voix: Ils sont gentils.

Le Président (M. Beaulne): Alors, je suspends pour quelques minutes, le temps de laisser nos invités prendre place.

(Suspension de la séance à 21 h 45)

(Reprise à 21 h 50)

Le Président (M. Beaulne): M. Beauregard, Mme Marchand, il nous fait plaisir, la commission de l'économie et du travail, de vous accueillir à pied levé, pour ainsi dire, pour nous apporter vos commentaires sur le projet de loi n° 172. Nous vous en sommes d'autant plus reconnaissants que vous avez dû vous rendre ici par une tempête de neige qui prend de l'ampleur. Alors, nous sommes à vous pour écouter votre présentation, et par la suite le côté ministériel et le porte-parole de l'opposition pourront échanger avec vous.

Je vous demanderais de vous identifier pour les fins de la transcription avant de faire votre intervention.


Auditions (suite)


Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Beauregard (Denis): D'accord. Alors, je suis accompagné de Me Louise Marchand, qui est avocate au Conseil du patronat, et je suis Denis Beauregard, le président du Conseil du patronat du Québec.

Alors, on commence donc indifféremment avec le travail des jeunes ou le travail des domestiques, là?

Une voix: ...

M. Beauregard (Denis): Alors, abordons les domestiques d'abord puis on terminera avec les jeunes.

Un premier commentaire – on a jeté un petit coup d'oeil sur le projet qui est devant nous – est le suivant, c'est que, bon, quand on a travaillé ce dossier-là au CCTM, on a demandé un avis. L'avis qui avait été donné, et surtout à notre initiative, était le suivant: c'est un dossier qu'on devrait regarder dans son ensemble. C'est toute une problématique propre, je dirais, à ce secteur-là – si on peut parler de secteur d'activité – qui mériterait qu'on fasse des analyses, des études qu'il faut de façon à poser des gestes qui ne brisent pas un équilibre. Un équilibre par rapport aux gens qui travaillent dans le secteur, mais aussi un équilibre par rapport à d'autres salariés couverts par la loi sur les normes, des gens qui sont au salaire minimum et qui, une catégorie par rapport à l'autre, là, doivent conserver certaines règles d'équité.

En clair, donc, si on bouge dans ce secteur-là, sur des éléments de ce domaine-là, de quelle façon ça affecte les travailleurs au salaire minimum dans d'autres secteurs dans leurs rapports relatifs de revenus? Et c'est pour ça qu'on avait demandé, compte tenu des délais très courts, de reporter à un petit peu plus tard les avis dans ce dossier-là de façon à ce qu'on ait le temps de regarder vraiment l'ensemble du dossier. Là, ce qu'on a devant nous, c'est un élément, en fait, qui est un peu pris à part, qui est celui concernant le gîte et le couvert que l'employeur de ces travailleurs-là doit, selon le texte de règlement, fournir gratuitement. Ce qui nous embête un petit peu là-dedans... Bon, puis on sait que, dans le règlement qui prévaut maintenant ou dans la loi – Louise, là, c'est un ou l'autre – on parle de 40 $ maximum, alors que maintenant on parlerait d'une fourniture gratuite de logement, et tout ça.

Notre approche de base était la suivante. On aurait aimé qu'on évalue l'ensemble – en termes économiques, là – de ce que représentent les revenus touchés par ces gens-là, que ce soit en termes de rémunération, en termes de fourniture de logement, de nourriture, tout ça, qu'on en fasse l'évaluation globale par rapport aux responsabilités qu'ils ont en termes économiques puis qu'on compare ça avec les gens qui sont au salaire minimum dans d'autres domaines, ceux qui travaillent dans le commerce de détail, par exemple, et qu'on voie, en termes d'équité, ça représente quoi un par rapport à l'autre et, si on touche à ça, bien, qu'on y touche de façon à ne pas rompre l'équité dont on parle. Alors, le commentaire qu'on a à faire pour l'instant, c'est que n'ayant pas cet exercice-là, ça devient difficile d'évaluer si, oui ou non, l'équité dont on parle et sur laquelle, nous, on se basait est rompue ou n'est pas rompue. Alors, il faudra voir par la suite de quelle façon on continue à travailler dans ce dossier-là, mais il y a une chose qui est certaine jusqu'à maintenant, c'est que, en ajoutant 40 $ de façon hebdomadaire au revenu, donc, de ces travailleurs-là, on a modifié une partie de l'équation, mais, nous, on ne peut pas vous dire ce que ça va donner pour l'ensemble.

Mais je tiens cependant à préciser, même si ça ne fait pas l'objet du texte qu'on a regardé, que notre approche en est une – et ce n'est pas modifié là, mais j'insiste quand même – qui repose sur une rémunération mais vraiment hebdomadaire de ce travail-là et non pas – au cas où la tentation arriverait un petit peu plus tard – une rémunération qui pourrait se rapprocher d'une rémunération horaire pour une raison qui est bien simple, c'est que la rémunération sur une base horaire suppose qu'on entre tous ces mécanismes-là dans un système de relations de travail – si on peut parler de ça – de type industriel, ce qui n'est vraiment pas le cas dans ces secteurs-là. Alors, mesurer sur une base horaire ce que ces travailleurs-là font à tous les jours qui passent, ça nous semble – en tout cas, à première vue – extrêmement difficile à faire. Ce n'est pas le genre de travail qui se prête à ce type d'évaluation là pour en fixer une rémunération, et, quoi qu'il advienne par la suite, nous, on pense qu'il faut vraiment en rester à une approche de rémunération hebdomadaire, ce qui est le cas maintenant. Mais on le dit au cas où, éventuellement, on aurait tendance à aller vers autre chose. Sur celui-là, Louise, as-tu quelque chose à rajouter? Non? Ça va?

Alors, je vais passer, si vous permettez, à l'autre volet, celui qui touche le travail des jeunes. Quand on a regardé, bon, ce qu'on nous présentait, encore une fois, comme modification, on n'a pas vraiment de problème avec ça, sous réserve que les heures qui sont prévues en matière d'interdiction de travail des jeunes visés par ce règlement-là, compte tenu du transport et du lieu de résidence, il faut absolument qu'on examine tous les impacts que ça peut avoir dans des situations particulières. Or, j'imagine que vous l'avez fait ou que vous allez le faire. Toute la question du transport, là, hein? Il faut que l'enfant soit revenu à 23 heures, je pense, au domicile, ça veut dire quoi dans le cas de jeunes qui sont... Un exemple qui me passe par la tête, tu sais, la troupe de louveteaux qui est loin, ces gens-là ne sont pas à la maison, et, le lendemain matin, je ne sais pas, moi, ils vendent du chocolat dans le village où ils campent ou je ne sais pas quoi, est-ce que ça a un impact, la façon dont le règlement est fait ou pas? Je pense que, ça, il faudrait regarder ça de façon à ce qu'on n'aie pas ce genre de problème là, mais, à première vue, ça ne nous semble pas causer de problème.

Le message qu'on veut vous passer quand on parle du travail des jeunes, c'est que c'est un domaine qui nous intéresse au plus haut point au Conseil du patronat. Vous savez sans doute que le CPQ, avec la CEQ, a développé une approche qui nous semble intéressante. Évidemment, c'est une approche sur une base volontaire, il n'y a rien de coercitif là-dedans, mais il y a une tendance de donnée dans cette approche-là, et, bon, quand on a regardé ce règlement-là, on s'est dit: Oui, oui, ça – enfin, sous réserve de ce que j'ai dit avant, là – on n'a pas de problème avec ça, mais penchons-nous plus loin dans cette démarche-là, plus loin en reliant, croyons-nous, l'énorme question de la réussite scolaire au Québec au travail des jeunes. Je ne vous dirai pas ce soir comment on pense qu'il faut faire ça, là, mais c'est une préoccupation qu'on a. Une préoccupation de fond, une préoccupation de société.

On sait que des jeunes, dans certains cas, doivent travailler pour aider leur famille à subvenir... Bon, c'est un fait qui existe. Par contre, à l'autre bout, si vous voulez, de cette équation-là, dans une société comme la nôtre, le travail des jeunes ne doit pas, quelles que soient les conditions et les circonstances, mettre en danger la réussite scolaire des jeunes. Il y a beaucoup d'études qui ont été faites dans ce domaine-là, et, bon, quoi il faut prendre et ne pas prendre là-dedans, ça reste à voir, mais il y a une chose qui est sûre, c'est qu'un jeune qui travaille un grand nombre d'heures dans des conditions qui peuvent être... Parce qu'il n'y a pas beaucoup de choses qui sont définies là-dedans touchant... Que ce soit la santé et sécurité, la moralité aussi, enfin des tas de trucs comme ça. C'est un phénomène qui nous intéresse beaucoup, comment, comme société, on pourrait avancer passablement sur cette voie-là, je le dis tout de suite, sans paralyser des secteurs complets, là – et ce n'est pas ça, il ne s'agit pas de ça – mais en trouvant des façons de faire en sorte que nos jeunes, au Québec, aient les meilleures chances de réussite possibles à l'école, d'épanouissement de jeunes. C'est important. La jeunesse, ça passe une fois, ça ne revient pas et c'est pénible, parfois, de voir comment certains jeunes sont placés dans des circonstances où, au fond, c'est une partie importante de leur vie qui leur échappe.

(22 heures)

C'est une préoccupation de fond, de base. Encore une fois, ne me demandez pas en échange, en période de questions, comment on va faire ça, là. On n'est pas là, mais on vous marque un intérêt certain à travailler dans cette direction-là, un petit peu comme on l'a fait avec la CEQ, sur le même principe, en nous basant sur les mêmes approches, mais en essayant, un petit peu comme d'autres l'ont fait... Il y a des régions où ça s'est fait. Je pense à la région de Saint-Jérôme, entre autres, où il y a une entente entre la chambre de commerce locale, les commerçants, les gens d'affaires, les écoles, enfin les institutions d'enseignement, pour faire en sorte que les jeunes dans cette région-là puissent travailler... Je ne suis pas en train de dire, mais pas du tout, qu'il faut enlever ces jeunes-là du travail. Ça peut être très formateur que de travailler, mais dans une mesure où ça a du bon sens et dans des conditions qui ont de l'allure.

Alors, en gros, c'est le message qu'on tenait beaucoup, beaucoup à vous passer. C'est pour ça qu'on est partis tard puis qu'on est arrivés tard. Mais je tenais énormément à vous livrer ce message-là. Chez nous, on en fait un dossier important. On était aujourd'hui devant d'autres personnes et on a mis énormément d'accent sur toute la question de la formation des jeunes, que ce soit la formation générale, la formation professionnelle. Et tout ça se tient dans la mesure où nos jeunes vivent dans des conditions où ils peuvent continuer sur leur chemin d'éducation et enfin qu'on les aide d'une façon ou d'une autre à être des jeunes qui se développent bien. Et, quant à nous, c'est un des éléments de cette problématique-là.

Alors, M. le Président, je vous... à moins que... Louise, as-tu autre chose? Ça s'arrête là.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Beauregard. Je demanderais maintenant au ministre d'amorcer les discussions ou les échanges avec vous.

M. Rioux: J'aimerais remercier le président du Conseil du patronat et sa collègue d'être présents ici ce soir. C'est vrai que ça s'est fait rapidement, mais, parmi les organismes qu'on juge représentatifs et qu'on devait consulter, ce n'est pas par hasard que vous avez été choisi.

Je sais, M. Beauregard, parce qu'on a eu l'occasion d'en discuter ensemble, que c'est un sujet de réflexion et d'analyse qui va se poursuivre au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. J'ai confiance qu'il sorte de là de bonnes idées qui vont nous permettre justement d'aller plus loin puis de compléter peut-être ce qu'on est en train de discuter aujourd'hui.

Je ne suis pas étonné que vous mettiez un peu l'accent sur la réussite scolaire, connaissant vos origines, votre passé.

M. Beauregard (Denis): M. le ministre étant mon premier chef syndical, dans une vie antérieure.

M. Rioux: Ce fut un excellent prof, et je sais aussi que ce sera un excellent président du Conseil du patronat.

J'aimerais, M. Beauregard... Vous posez une question que je trouve importante puis j'aimerais ça qu'on la décortique un peu ensemble. Vous semblez vous poser un problème d'équité entre les revenus des domestiques, avec tout ce que ça représente – la rémunération, les avantages, par exemple, de demeurer chez son employeur, les repas gratuits, etc. – et les travailleurs et les travailleuses qui sont rémunérés au salaire minimum. Ça semble vous poser un problème et je trouve ça intéressant parce que c'est la première fois que ça m'est présenté. On a essayé de faire des petits calculs, l'autre jour, lorsqu'on a regardé le règlement du salaire minimum qui établit à 49 heures, puis à 274 $ la rémunération. C'est ça? 264 $. J'étais en train de les augmenter pour l'année prochaine.

M. Beauregard (Denis): Alors, je prends note.

M. Rioux: Je me demande bien pourquoi vous posez la question. Si vous la posez, vous avez certainement une bonne raison. C'est que vous avez peut-être fait des calculs chez vous que, moi, je n'ai pas faits. Si tel est le cas, j'aimerais bien savoir le résultat de votre arithmétique.

M. Beauregard (Denis): Je ne vous parlerai pas mathématiques, M. le ministre, je vais plutôt dire ceci: Nous croyons que le législateur, dans sa sagesse, lorsqu'il a établi les bases du salaire minimum avec lequel nous vivons, que ce soient les domestiques d'un bord, avec leur système, ou les gens qui sont au salaire horaire, avec le leur, je ne peux pas croire que ce n'était pas équitable, la façon avec laquelle on a vécu jusqu'à maintenant, puisque le législateur a perpétué ce mode de rémunération là. Alors, si on modifie un côté de l'équation, ça devient inéquitable pour l'autre qui ne bénéficie pas de la même augmentation. Quand on parle d'équité, c'est de ça dont on parle. Ce qu'on dit, c'est que la personne qui est au salaire minimum...

Je prenais tantôt l'exemple du commerce, on sait qu'il y en a un certain nombre. Ça peut être la restauration, ça peut être dans n'importe quel domaine où ça se passe comme ça. C'est une personne qui doit assumer son transport, les coûts de son transport, les coûts de son logement, son chauffage, son alimentation. Bref, il y en a... Bon. Donc, cette personne-là, à même son salaire qui est le salaire minimum, doit se taper ces coûts-là. L'autre, avec le système de rémunération sur une base hebdomadaire, n'a pas à se taper ces coûts-là. Alors, ce qu'on pense, c'est que l'équilibre était atteint dans la loi actuelle. Donc, si on change un bord, ça devient inéquitable de l'autre bord. Et ne me dites pas qu'il faut monter les deux en même temps pour être équitable partout, là je ne vous suivrai pas longtemps.

M. Rioux: Mais cette analyse-là ne vient pas... Ça ne veut pas dire que le Conseil du patronat est contre le gîte et le couvert gratuits.

M. Beauregard (Denis): Pas du tout. Non, non. Ce qu'on a dit, en fait, quand on en a discuté au sein du CCTM, je le redis ici, nous, on n'a rien contre ça parce que, écoutez, c'est tout à fait évident que les domestiques qui logent chez leurs employeurs retirent un bénéfice qu'on n'a jamais quantifié. Mais n'importe qui paie un loyer, qui paie les comptes à Hydro-Québec, le téléphone, qui va faire son marché, ceux qui s'en tirent à 40 $, je n'en connais pas beaucoup.

M. Rioux: Mais quelque part ça fait l'affaire aussi de l'employeur, d'avoir la domestique pas loin, sous son toit.

M. Beauregard (Denis): Bien, j'imagine. C'est pour ça tantôt que je disais, au fond, que c'est un système de relations de travail, ça en est un, qui correspond à une situation de type familial. Alors, surtout ne pas introduire là-dedans des règles qui s'appliquent au secteur industriel. Si on fournit le gîte et le couvert à ces gens-là et qu'on maintient l'esprit dans lequel ça se passe, je pense que ça va. Mais ça aurait pu être aussi... C'est là qu'on disait qu'il faudrait regarder l'ensemble et vraiment...

Si on pense à une rémunération sur une base hebdomadaire, un peu comme dans une usine où là on calcule les heures, les quarts d'heure, les minutes, puis le temps en disponibilité, puis le temps en travail réel, ce n'est pas ça, la réalité de ces gens-là. Alors, dans cet ensemble dont vous parlez, ça fait l'affaire de l'un et de l'autre que de procéder comme ça. Écoutez, je vous dirai bien honnêtement qu'il n'y a pas de problème majeur là. Et, quand on pense au montant maximum qui était alloué, je vous dirai bien honnêtement que, tant qu'à y aller pour 40 $ et que ces gens-là aient l'impression que c'est un cadeau qu'on leur fait, aussi bien dire: Parfait, vous l'avez gratuitement, et à ce moment-là ça devient clair pour tout le monde.

M. Rioux: Vous faites donc une relation entre le nombre d'heures consacrées à travailler pour un jeune et sa réussite scolaire. Vous faites une relation de cause à effet.

M. Beauregard (Denis): Oui. Dans la mesure où le nombre d'heures travaillées ne fait pas en sorte que... le nombre d'heures, le moment où ces heures-là sont travaillées, les conditions dans lesquelles ça se passe ne fassent pas en sorte que le jeune, quand il arrive à l'école le matin, s'endorme sur son bureau parce que, tu sais, il ne peut même pas physiquement supporter ça. Il y a un problème là, puis on sait que ça existe. Ce n'est pas un problème, je pense, généralisé. Je ne suis pas en train de vous dire qu'on a découvert un problème dans l'économie du Québec pour ça, mais ce qu'on dit, c'est que, pour ces jeunes-là, on pense que ça peut être intéressant de voir ce qui convient le mieux pour les placer en situation où le travail peut leur apporter, dans une certaine mesure, un peu d'argent, peut leur donner une idée de ce que ça veut dire que de travailler. Parce qu'on sait que souvent, dans les entreprises, le problème qu'on éprouve quand les jeunes arrivent sur le plancher de l'usine ou dans le bureau, c'est qu'ils tombent sur une autre planète, ils découvrent un monde dont ils ne se doutaient même pas que ça puisse exister. Alors, c'est valable. Ça donne au jeune un surcroît de formation, si on veut, mais dans des limites où ça ne l'empêche pas d'accomplir sa première tâche qui est d'étudier et de réussir à l'école.

(22 h 10)

M. Rioux: J'aimerais vous demander, en terminant: Trouvez-vous, comme organisme patronal, qu'il est temps que le Québec s'ajuste à ce qu'on pourrait appeler le reste du continent quant à la réglementation à apporter sur le travail des jeunes, surtout le travail de nuit, évidemment? Ça ne vous pose pas de problème, comme organisme représentatif?

M. Beauregard (Denis): Écoutez, que le Québec s'ajuste au reste du continent, il faudrait voir ce que ça veut dire, parce que, sur ce continent que nous habitons, il y a des règlements dans différents domaines, et Dieu sait s'ils sont bien respectés ou pas. Alors, certains de nos partenaires économiques sont mieux équipés que nous, plus équipés sinon mieux, en termes de règlements. Il peut arriver que ces règlements-là ne soient que sur papier, et ça se limite à ça. Ce n'est pas tellement à ça que je pense. Mais ce que je comprends, c'est que, quand on fait affaire dans un ensemble économique de libre-échange, si on veut faire respecter chez le voisin certaines valeurs auxquelles on croit, on a intérêt à être équipés chez nous pour être capables de faire ça. C'est ce que j'ai compris.

M. Rioux: Mais l'accord parallèle sur le travail, suite à l'ALENA, on a adhéré à ça. Le Canada a adhéré à ça, vous le savez, et puis le Québec n'était pas opposé non plus. Alors, quand on légifère comme on le fait, ou qu'on tente de le faire, c'est qu'on veut s'ajuster. On veut aussi être en accord avec nos partenaires, et ça, là-dessus, vous êtes d'accord.

M. Beauregard (Denis): Écoutez, le Québec et le CPQ ont toujours été d'ardents défenseurs du libre-échange et de tout ce que ça inclut. Alors, ce que ça inclut, c'est une harmonisation, dans une certaine mesure, des façons de faire, et ça, c'en est une. Maintenant, ce qu'on dit toujours, et c'est important de l'ajouter, c'est que le Québec a parfois tendance, dans certains secteurs, à en mettre plus que le client n'en demande en termes réglementaires. Alors, on ne peut pas allégrement, dans un contexte de libre-échange et de mondialisation, être les plus à l'avant-garde dans tous les domaines et observer le taux de croissance que ça prendrait pour créer les jobs qu'on cherche, tout le monde.

M. Rioux: C'est intéressant de constater qu'il y a une concordance de vues entre le Conseil du patronat et le gouvernement du Québec au moins là-dessus.

M. Beauregard (Denis): Ce n'est pas la première fois.

M. Rioux: Nous sommes tous les deux libre-échangistes.

M. Beauregard (Denis): Ce n'est pas la première fois, loin de là.

M. Rioux: Merci.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Vous mentionnez, M. Beauregard, qu'effectivement – et ici on fait référence à la famille – il y a un caractère familial, il y a un caractère vie privée là-dedans versus la vie industrielle – on vous comprend bien et on se dit que c'est peut-être difficile effectivement de monnayer ça et de calculer du temps et demi ici, et quand est-ce qu'on tombe à temps double, etc. – mais est-ce que vous êtes penché sur la question de... Vous savez que, dans la Loi sur les normes du travail, on fait une distinction entre le domestique, ou la domestique – parce que plus souvent qu'autrement c'est au féminin – et la gardienne d'enfants?

M. Beauregard (Denis): Oui, oui, tout à fait.

M. Jutras: Oui, alors vous la laissez dans l'article 3, il y a une exception qui est déjà faite. Est-ce que vous êtes penché sur cette question-là et vous êtes d'avis que cette distinction-là, il faut continuer de la garder?

M. Beauregard (Denis): Oui. Ce que j'ai compris – et, Louise, tu me corriges si...

M. Jutras: Remarquez qu'on la garde pour le moment, là.

M. Beauregard (Denis): Ce que je comprends, c'est que le gardiennage d'enfants, si on veut, continue à être exclu...

M. Jutras: Oui, oui.

M. Beauregard (Denis): ...avec les modifications réglementaires qui sont devant nous. Et, si jamais on retouchait à ces exclusions-là, il faudrait revenir là-dessus. Parce qu'il n'est pas question de couvrir les gardiennes d'enfants par le changement qu'on apporte au chapitre du travail des jeunes, sinon ça poserait des situations un peu invraisemblables. Mais je pense que, oui, il faut maintenir cette différence-là parce que la gardienne d'enfants et le ou la domestique qui travaille à la maison, dans le cadre de ce qu'on est en train de se dire, je pense que ce sont deux choses différentes.

M. Jutras: Maintenant, quand vous dites, M. Beauregard, que vous voulez comparer, et vous dites: Bien là, ça va faire partie des conditions de travail, et vous voulez comparer avec les gens du salaire minimum pour voir, bien là, quel écart on est en train de creuser, est-ce que vous avez aussi à l'esprit le fait que, si cette personne-là dorénavant n'a plus à payer de pension, n'a plus à payer pour son gîte et son couvert, bien, à ce moment-là... est-ce que ça va faire partie de sa rémunération? Puis est-ce que, si la personne, par exemple, avait 300 $ par semaine avant, puis on figure que ça vaut 100 $ par semaine, d'être logé et nourri, bien là, elle vient de passer d'une rémunération de 300 $ à 400 $, de sorte que les déductions à la source, les retenues, les avantages devraient être calculés, donc, en fonction d'un revenu de 400 $ par semaine et non plus de 300 $?

M. Beauregard (Denis): Si vous voulez étendre votre lutte contre le travail au noir dans toute sa splendeur, ça pourrait aller jusque-là, parce que, au fond, c'est du revenu, c'est une forme de revenu.

M. Jutras: Je pense que oui.

M. Beauregard (Denis): On parle aujourd'hui, de plus en plus, de rémunération globale. Alors, dans d'autres domaines, quand l'employeur fournit des avantages, bien, ces avantages-là qui servent à la personne et non pas à l'élément travail deviennent imposables. On les ajoute aux revenus de ce salarié, de ce travailleur-là, et puis on impose. L'employé qui se voit fournir une auto par son employeur, vous savez comme moi que le fisc s'en occupe. Alors donc, oui, ça fait partie de la rémunération globale. Maintenant, je ne suis pas un expert en fiscalité puis je ne suis pas en train de vous dire qu'il faut, auprès de gens qui gagnent ces revenus-là, leur appliquer la rigueur intégrale du fisc. Je laisse à d'autres qui s'y connaissent beaucoup mieux que moi dans ces domaines-là le soin de juger de ça. Mais le raisonnement que vous teniez, je pense, est bon.

M. Jutras: Est-ce que vous êtes penchés... Parce qu'il en a été question; vous n'êtes par le premier groupe qu'on entend aujourd'hui. On a entendu d'autres groupes et, concernant le travail des enfants, là on arrive avec une disposition qui dit: Bon, bien, on interdit le travail de nuit pour les enfants, somme toute...

M. Beauregard (Denis): Oui.

M. Jutras: Est-ce que vous êtes penchés sur la question de savoir si on fixait un âge limite pour l'accès au travail, dire, par exemple: Bien, en bas de 13 ans, il n'y a pas d'accès au travail, un jeune ne peut pas travailler? Est-ce que vous êtes penchés sur cette question-là?

M. Beauregard (Denis): On n'a pas regardé ça sous cet angle-là. Ce qu'on a fait jusqu'à maintenant... Bien, quand je parlais tantôt de politique concernant le travail des jeunes, avec la CEQ, c'est un document qui a circulé beaucoup. Tout ça est incitatif. On sait que, dans ce domaine-là, je dirais quasiment, on ne réglemente pas le bon sens ou le manque de bon sens de certains parents qui placent leurs jeunes dans des situations qui n'ont pas d'allure, et la voie réglementaire, appliquée strictement, je ne suis pas sûr que ça réglerait tous les problèmes. Mais ce qu'on peut se dire, on retrouve, par exemple, là-dedans, certains éléments comme le suivant: L'employeur s'engage – bon, il n'y a pas une loi qui le force à le faire – à ne pas faire travailler les jeunes de moins de 16 ans plus de 15 heures par semaine pendant l'année scolaire. C'est un point de repère, c'est un baromètre. Est-ce qu'on vous suivrait si vous disiez: On va légiférer puis on va faire en sorte que ce soit comme ça que ça va se passer pour tout le monde, sinon... On n'est pas rendus là. Ce qu'on vous dit, c'est que les éléments qu'il y a là-dedans – si tout le monde ne l'a pas, on pourrait vous le faire parvenir – devraient faire l'objet, le plus possible, d'ententes. Et je crois beaucoup, dans ce type de travail là, à un travail sur une base régionale et même locale, c'est des communautés locales.

Je parlais tantôt de Saint-Jérôme – c'est le cas que je connais; il y en a peut-être d'autres ailleurs – c'est facile, sur une base – Montréal étant autre chose, Québec et les grandes villes – dans ces endroits-là, on sait très, très bien ce qui se passe. On le sait très bien. C'est facile, je dirais, de contrôler ce qui se passe. Alors, pourquoi on n'irait pas vers la détermination de certains critères – il y en a là-dedans, il peut y en avoir d'autres – et y aller, je ne sais pas, d'une campagne d'information massive à cet égard-là? Là-dedans, on serait prêts, nous, à contribuer à ça, on serait prêts à faire ça.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Oui. Merci, M. le Président. Bien, M. Beauregard et Mme Marchand, j'aimerais vous remercier d'avoir accepté de venir avec une si brève notice, surtout par une belle température comme celle qui nous affecte au Québec actuellement.

Je suis un petit peu étonné de certaines remarques que vous nous avez faites, en particulier quant au travail des enfants. Et vous venez de nous dire, sur la fin de votre dernier commentaire, qu'on ne devrait pas réglementer pour le manque de bon sens de quelques parents, si j'ai bien saisi.

(22 h 20)

M. Beauregard (Denis): Non. Ce que j'ai dit, c'est que généralement, dans les cas, mais vraiment, patents, le règlement ne donnera pas du bon sens aux parents qui n'en ont pas. C'est ça que j'ai dit.

M. Beaudet: C'est amusant de voir que le règlement va donner du bon sens aux employeurs qui n'en ont pas.

M. Beauregard (Denis): Je pense que le problème... et ça peut être un élément du problème. Mais, quand on est en situation où des jeunes travaillent de façon anormale... Écoutez, moi là, si mes ti-pits vont travailler à minuit le soir...

M. Beaudet: Vous ne les laisserez pas faire.

M. Beauregard (Denis): ...je vais le savoir. Puis ce n'est pas le règlement qui va m'amener là, c'est le bon sens. Ce que je veux dire, c'est que, là où ça se passe, l'État va avoir bien de la misère à empêcher ça. Ce que vous me dites, c'est: Prenons ça à l'inverse et puis réglementons l'employeur qui, lui, n'aura pas le droit de. Là, ce que je vous disais, c'est que, nous, on n'est pas rendus à vous dire: Certainement, on va vous appuyer d'un règlement dans ce sens-là. On n'est pas rendus là, mais ce qu'on vous dit, c'est que notre préoccupation, c'est: Essayons de voir comment – j'ai cité un exemple; il y en a peut-être d'autres – on pourrait répandre ces exemples-là le plus largement possible et voyons comment c'est possible de le faire.

M. Beaudet: Oui. Ça, je pense que l'exemple de Saint-Jérôme est un des beaux exemples qu'on pourrait suivre, où tous les intervenants du milieu, chambres de commerce, employeurs, intervenants sociaux, les commissions scolaires, se sont tous donné la main pour s'assurer qu'on ne ferait pas travailler, dans certaines périodes, des enfants en bas de tel âge. Mais vous allez convenir avec moi que, tant qu'il y aura des hommes, il y aura de l'hommerie...

M. Beauregard (Denis): Hélas!

M. Beaudet: ...malheureusement, et que, dans une situation comme celle-là, où les parents sont confrontés... Et ce qu'on disait cet après-midi: Les parents, à un moment donné, n'en peuvent plus de dire non, alors ils cèdent aux insistances de leurs enfants. La loi donnerait aux parents un appui additionnel en disant: À partir de tel âge, vous ne pouvez pas travailler à l'extérieur durant la période scolaire. On fait abstraction de la période estivale, le congé de Noël, mais, pendant la période scolaire, vous ne pouvez pas travailler en bas de x. Exemple, on l'a mentionné tantôt, 13 ans, qui est un âge; ça pourrait être 12, ça pourrait être 15, mais en tout cas. Et vous dites là-dessus que, pour vous, ce n'est peut-être pas la façon.

Moi, je vois ça plutôt sur un élément de support aux parents qui sont confrontés à des enfants de plus en plus insistants et de plus en plus exigeants, d'une part, puis aussi, je dirais, de plus en plus difficiles à contrôler dans la société de consommation que nous sommes, que nous leur présentons jour après jour devant le nez. Si on leur met des balises, si on offre aux parents des balises additionnelles par lesquelles ils vont dire: Écoute, mon petit gars, tu ne peux pas aller travailler, tu n'a pas le droit en bas de 13 ans, moi, je me demande jusqu'où on pourrait contribuer, par cette mesure-là qui est simple, au succès scolaire de nos enfants, ceux, en tout cas, qu'on pourrait aider. Si on en aide 5 %, je me dis que c'est 5 % de plus qu'on a aidés.

Est-ce que ça ne vaudrait pas le coup, de passer un article dans la loi actuelle ajoutant des balises auxquelles les parents pourraient se référer et sur lesquelles s'appuyer comme démarche? On leur donne un signe en disant: Nous autres, le législateur... Puis je n'ai pas la compétence pour déterminer ça, là. Je l'admets ouvertement. Il faudrait qu'on fasse d'autres consultations. Mais je dis: Nous, le législateur, avant 13 ans, faire travailler vos enfants en dehors pendant les heures scolaires, on pense que ce n'est peut-être pas la meilleure façon de leur faire apprécier l'école puis d'obtenir les meilleurs résultats.

Je ne sais pas si le Conseil du patronat serait prêt à embarquer avec le législateur là-dedans.

M. Beauregard (Denis): J'ai deux réactions à ce que vous venez de dire. La première est la suivante. Les affaires se sont gâtées sérieusement, au niveau familial, quand le législateur s'est mis en frais de remplacer les parents et de faire une partie de la job des parents. Ça s'est mis à aller... je ne dirais pas mal, mais un peu moins bien dans les écoles – M. le ministre, je vais lui rappeler de vieux souvenirs. Quand l'État a commencé à passablement prendre la place des parents, ça n'a pas donné de bien bons résultats. Et je ne suis pas sûr qu'il s'agisse, devant des parents... Parce qu'on ne parle pas de l'ensemble des gens. Certains parents disent: Je ne suis pas capable de dire non à mon gars. Je pense que le problème n'est pas un problème d'État, le problème vient d'ailleurs. Mais, en tout cas, je ne veux pas régler les problèmes de famille dans cette commission parlementaire.

Ce que je dirais là-dessus, c'est: Écoutez, si on réglemente... Et le règlement a toujours un inconvénient, c'est qu'une fois qu'il est écrit, qu'il est sanctionné puis qu'il est en vigueur: Ne passe plus à côté, là. Interdire le travail aux moins de 13 ans... Moi, je ne vois pas bien, bien, au Québec, des moins de 13 ans qui travaillent dans les mines puis dans les forêts. Ce n'est pas ça, là. Les moins de 13 ans qui travaillent au dépanneur de leurs parents, par exemple, à un moment donné...

M. Beaudet: Au Provigo ou au Métro, à mettre les colis.

M. Beauregard (Denis): Il faudrait voir c'est quoi, le travail des moins de 13 ans. Dans certains cas, ça peut être intéressant qu'ils fassent des petites jobines, puis ça leur donne quelque chose. Ça leur apprend même ça veut dire quoi, travailler un peu. Ça me fait peur un peu, un règlement qui interdirait à partir... Maintenant, écoutez, il faudrait peut-être regarder ça, là, mais, à première vue, une réglementation qui interdirait tout travail chez les jeunes de moins de tel âge, ça me fait peur un petit peu à cause de ça. Mais, en tant que président du Conseil du patronat, je ne pense pas que les membres du Conseil du patronat comme tels aient de grands problèmes avec les enfants de moins de 13 ans qui ne pourraient plus travailler. Ce n'est pas un problème.

M. Beaudet: Je suis votre raisonnement puis j'ai de la difficulté à concilier que vous acceptiez qu'on légifère pour remplacer des parents qui ne jouent pas leur rôle de parents adéquatement parce qu'ils laissent travailler leurs enfants en bas de 15 ans la nuit, mais, par contre, vous ne voulez pas qu'on le fasse pour les enfants de 13 ans parce que les parents auraient peut-être besoin de balises. Je trouve ça un petit peu difficile à concilier. Parce que, un, il ne joue pas son rôle puis on le remplace; là, vous dites: Bien là, laissez-lui jouer son rôle. Alors, moi, je me dis: Laissons-le jouer son rôle jusqu'au bout, qu'il contrôle ses enfants la nuit. Si je pousse la logique et le raisonnement que vous soutenez pour mettre un plancher, je devrais le poursuivre pour le travail de nuit aussi.

M. Beauregard (Denis): Mais ce qu'on essaie de faire, c'est de dire: Essayons d'éliminer les plus gros morceaux. Que l'enfant de 13 ans travaille à 3 heures du matin, je veux dire, je ne peux pas accepter ça, là. Mais, si on dit que le petit gars ou la petite fille de 15 ans ou de 14 ans passe La Presse , ou je ne sais pas quoi, là, le matin – ils sont exclus, eux autres – fasse des petits travaux le soir, en revenant de l'école, on a affaire à un problème d'une autre dimension. Ça me semble être des tailles de problèmes, de l'importance de problèmes différents.

M. Beaudet: Je vous suis. Je ne voudrais pas que la loi devienne telle qu'elle contrevienne à la liberté de l'individu. Exemple – puis probablement vous avez connu ça quand vous étiez jeune – on portait les paquets. On allait porter les paquets, puis la dame, elle nous donnait, ou le monsieur...

M. Beauregard (Denis): Cinq cennes.

M. Beaudet: ...un pourboire. Puis on était bien heureux, on avait fait notre 0,10 $ puis on pouvait aller s'acheter une crème glacée, puis... Ce n'est pas ça dont je parle, là. Je ne parle pas de celui qui va mettre les colis dans l'automobile, chez Métro, puis à qui vous allez donner un pourboire. Je ne parle pas de lui, moi, là. Puis même lui, probablement qu'il a plus de 13 ans. Je parle de donner des balises à des parents. Mais remarquez bien que la loi, telle qu'on la fait, elle ne s'adresse pas aux parents. La loi s'adresse aux normes du travail, donc elle s'adresse aux employeurs. On dit à l'employeur: Tu n'engageras pas un enfant qui n'a pas 13 ans. C'est ça qu'on lui dit.

M. Beauregard (Denis): C'est ça.

(22 h 30)

M. Beaudet: Bon. Les parents, ils feront bien ce qu'ils voudront, mais les parents verront une limite. C'est comme: Comment se fait-il qu'on ne puisse pas entrer dans un bar avant 18 ans? Ou qu'on ne puisse plus acheter des cigarettes avant 18 ans? On a légiféré là-dessus. Pourquoi est-ce qu'on ne s'est pas fié aux parents? De la même façon, c'est parce que les parents ne jouent plus leur rôle. Et vous disiez tantôt: Quand l'État prend la place des parents, ça ne semble pas donner des bons résultats. Moi, je veux dire, on peut l'élargir: Partout où l'État se met le nez, ça ne marche jamais. Alors, on devrait essayer de retirer l'État le plus possible puis laisser la société fonctionner avec tous ces différents critères, et l'État est en appui aux démarches. Bon.

M. Beauregard (Denis): L'État essaie d'éviter les abus, là, criants. Je pense que c'est ça, le rôle.

M. Beaudet: Bon. Et, moi, je pense que de faire travailler un enfant en bas de 13 ans pendant les périodes scolaires, c'est un abus. Je pense que c'est un abus, pendant les périodes scolaires, là, je dis bien.

M. Beauregard (Denis): Oui, oui.

M. Beaudet: Je veux bien lui permettre de travailler le mois de juillet, le mois d'août, la période des fêtes, pas de problème là-dessus, là. Mais quand je les vois travailler le soir, les fins de semaine, qu'ils ont 13 ans, qu'ils ont 12 ans, ça, je dois vous dire, ça m'inquiète un peu plus. Puis ce que je disais cet après-midi – je l'ai dit au ministre – les gens prêtent toujours une interprétation – celle qu'ils veulent – à une loi. Moi, étant malin, je vais regarder la loi, puis je me dis: Mon Dieu! il a légalisé le travail de mon enfant de 12 ans. Il peut travailler jusqu'à 11 h 30 le soir, il n'y a plus de problème, c'est légal. C'est marqué dans la loi. Puis je lis la loi, puis ça dit exactement ça.

Alors, je peux bien la prendre à l'inverse.

M. Beauregard (Denis): Ah oui, absolument.

M. Beaudet: Mais ce n'est pas ça que la loi veut dire.

M. Beauregard (Denis): J'espère! Non, non, mais je comprends votre point de vue.

M. Beaudet: Mais entre ce qu'elle veut dire et ce qu'elle dit, il y a toute une marge. Alors, on vient de légaliser par l'article 84.3, l'article de la loi, l'article 5, là, le travail chez les enfants, quelque soit l'âge qu'ils aient, jusqu'à l'âge qu'ils voudront, ils peuvent travailler jusqu'à 11 h 30 le soir, et c'est légal. C'est ça qu'on dit. Ce n'est pas ça qu'on veut dire, mais c'est ça qu'on dit.

M. Beauregard (Denis): Mais le pire abus, là, ça serait un petit gars, une petite fille qui travaille à 3 heures du matin. C'est ça qu'on essaie d'empêcher.

M. Beaudet: C'est vrai.

M. Beauregard (Denis): Alors, c'est dans ce sens-là où je disais tantôt que le rôle de l'État, c'est d'essayer de faire en sorte que les choses les plus grosses ne puissent pas se passer.

M. Beaudet: Pour ce qui s'agit des aides familiales, là aussi on essaie de légiférer. Je trouve ça un peu particulier, je dois vous dire, là, d'essayer de légiférer, d'inclure le gîte et le couvert, pour un groupe d'employés dont 90 % sont au noir. Vous ne trouvez pas ça un peu aberrant?

M. Beauregard (Denis): Plus on va légiférer ces secteurs-là, plus on va les réglementer – puis la preuve est faite, là – plus ils vont être au noir, hein? Une des sources du travail au noir, c'est, dans n'importe quel pays, un excès de réglementation. Alors, moi, je ne peux pas suivre la voie pour éviter que ne se propage le travail au noir, qui est déjà bien assez propagé, merci, on va réglementer davantage, là. Je ne suis pas en train de vous dire non plus...

M. Beaudet: Ce n'est pas ça.

M. Beauregard (Denis): ...qu'il faut tout...

M. Beaudet: Ma question sous-tend, par exemple...

M. Beauregard (Denis): Ah, excusez, oui.

M. Beaudet: C'est que je vous dis, là: On réglemente puis on dit: Bon, bien, pour les aides familiales, maintenant, là, le gîte et le couvert vont être inclus.

M. Beauregard (Denis): Oui.

M. Beaudet: Puis, en même temps, on sait très bien que la majorité, pas la majorité, la grande majorité est au noir. Qu'est-ce qu'on fait là? La législation va faire quoi, là? Je dis aux aides familiales: Ton gîte puis ton couvert, c'est réglé; il n'y a pas de problème. Mais en même temps, là, je ne peux pas te réglementer. Moi, là, tes affaires, tes avantages sociaux, bien, là, je ne sais pas, moi, là, là. Je ne suis pas au courant que tu travailles. Qu'est-ce que ça fait que je fasse ça si je ne suis pas au courant qu'elle travaille?

M. Beauregard (Denis): Oui.

M. Beaudet: C'est ça que je veux vous dire, là.

M. Beauregard (Denis): Oui, oui, je comprends. Mais c'est...

M. Beaudet: Et ça ne me donne rien de légiférer, en disant: Le gîte et le couvert sont compris dans ton salaire, alors que je ne sais même pas qu'elle travaille. Je ne sais même pas qu'elle a un salaire parce que ce n'est pas déclaré, bon. Justement, cet après-midi, on a des intervenants qui sont venus nous parler, puis Mme Caron a mentionné, clairement: Au lieu d'y aller par des pénalités, allons-y donc par des incitatifs. Bon, des incitatifs de tout ordre, là, bon.

Je ne suis pas un fiscaliste, mais on a parlé d'avantages fiscaux pour quelqu'un qui a un employé à son service, et j'ai mentionné le jugement de la Cour suprême Symes versus Canada, par lequel Mme Symes recherchait un avantage fiscal, parce qu'elle engageait un employé d'aide familiale à la maison, et puis ça s'est soldé par une défaite, mais une défaite partagée: ça veut dire que tous les juges n'étaient pas d'accord. Parce qu'on disait, à ce moment-là, et je peux vous le citer: «Le monde actuel des affaires est de plus en plus peuplé d'hommes et de femmes, et l'interprétation de l'expression "dépenses d'entreprise" doit tenir compte de la situation de tous les participants dans ce domaine. Le soin des enfants est un élément essentiel à la capacité des femmes à gagner un revenu. L'appelante a été logique sur le plan commercial en engageant une gardienne d'enfants. Ses dépenses ont été engagées en vue de tirer un revenu ou de faire produire un revenu, et, par conséquent, leur déduction en vertu de l'article 9 n'est pas interdite, tel que rédigé.»

Bon, moi, je me dis: On crée des emplois et qui sont de plus en plus autonomes. Donc, la personne engage une personne à son service pour aller gagner un revenu. Donc, c'est comme un entrepreneur qui engage du monde pour fabriquer des meubles ou je ne sais pas quoi, moi. Lui, il dit: Je gagne mon revenu. Bien elle, elle dit: Moi, je vais gagner mon revenu parce que je peux engager quelqu'un à la maison. L'incitatif que je mets de l'avant: Donnons-lui une déduction fiscale pour le salaire qui est payé. Là, on va rejoindre le gîte et le couvert et on va éliminer le travail au noir.

Je ne sais pas si le Conseil du patronat a fait une réflexion dans le sens des avantages fiscaux plutôt qu'une pénalité rattachée au fait que ces gens-là ne sont pas enregistrés. C'est ça, le problème des travailleurs d'aide familiale, des travailleuses, devrais-je dire, à 99.8 %. C'est ça, leur problème: c'est que ces gens-là ne sont jamais enregistrés. Quand bien même que je fais une loi pour le gîte et le couvert, je ne sais pas qui ça touche, là, moi.

M. Beauregard (Denis): Dans ce sens-là, c'est en partie à cause de questions comme celle que vous soulevez là que, nous, on aurait aimé que l'ensemble de cette problématique-là soit examinée de façon globale, de façon à pouvoir examiner des éléments comme ce que vous apportez là. Oui, c'est très possible qu'à partir du moment où il y a une déduction fiscale possible pour du travail d'aide à la maison pour que les gens puissent aller travailler, que le couple, souvent, là, puisse aller travailler, très, très probablement il y aurait pas mal plus de ces gens-là qui seraient déclarés. Bon, je pense que la logique nous mène à cette conclusion-là.

Par contre, il faut aussi savoir que, quand on essaie de trouver des gens qui vont venir remplir ces fonctions-là à la maison, il suffit de dire: C'est déclaré parce que, moi, j'ai des dégagements fiscaux. Vous allez en chercher longtemps.

M. Beaudet: Sauf que, si on a l'avantage fiscal, ces gens-là ne travailleront plus. Ils vont être obligés, pour gagner leur vie, à un moment donné, d'accepter un emploi. Sans ça, ils ne pourront pas travailler. Sauf que – et là le ministre en a parlé cet après-midi – on rejoint tous les avantages fiscaux qui sont reliés aux employés, la Régie des rentes du Québec à laquelle ils n'ont aucun recours, éventuellement, parce que ça n'a jamais été payé. Ils ne sont même pas au courant de cela; ils ne sont pas informés. Et en plus du fait qu'ils sont isolés, ils sont seuls. Même s'il y a une association, je ne suis pas sûr qu'ils s'y réfèrent beaucoup. Ces gens-là ne savent même pas les lois auxquelles ils ont droit.

Alors, la RAMQ n'est pas payée, l'assurance-emploi n'est pas payée, la CSST n'est pas payée, leur régime de rentes n'est pas payé. Alors, ils perdent un grand nombre de bénéfices sous prétexte de dire: Bien, je travaille au noir, je ne paie pas d'impôts. Mais ils perdent tout le restant. Ils seraient mieux d'être déclarés avec un avantage fiscal, puis ils y retireraient des avantages en même temps que l'employeur.

M. Beauregard (Denis): C'est ce qui apparaît logique, là, mais je ne suis pas sûr que placer les gens devant ce choix-là: Tu n'es pas déclaré, tu ne payes rien, tu pars avec tout ce que je te donne, ou encore tu es déclaré, tu as droit à ça, à un régime de retraite, éventuellement. Je ne sais pas quelles seraient les réactions. Il faudrait voir. Et c'est un petit peu, enfin, ce n'est pas un petit peu, c'est beaucoup pour ça qu'on voulait, nous, que tout ce dossier-là soit regardé dans l'ensemble. C'est pour des considérations comme celles-là, entre autres.

M. Beaudet: C'est parce que, nous, là, ce que l'on nous disait cet après-midi... Et je pense que c'est là-dessus qu'il faut miser. Il ne faut pas miser le travail au noir, il faut miser le travail au blanc. Ces gens-là sont venus nous dire que c'est ça qu'il faut faire. Pas dire: Bien, les gens ne viendront pas travailler s'ils sont payés au noir. Bien, qu'est-ce que vous voulez, ils ne travailleront pas. Puis on va, nous, comme employeur avec un avantage fiscal, engager des gens qui vont travailler au blanc. C'est ça qu'il faut favoriser, par l'avantage qu'on va donner. Peut-être qu'il y a un groupe d'individus qui aujourd'hui sont disponibles pour faire de l'aide familiale en le faisant au noir, qui vont rester au noir. Puis il y aura tout un autre groupe d'individus qui vont apparaître sur le marché du travail, qui vont dire: Moi, je suis prêt à le faire, mais je veux avoir tous mes avantages. Si je perds ma job – comme on disait tantôt – c'est un vrai travail que j'ai, c'est un emploi que j'ai. Ce n'est pas quelque chose que je fais en catimini, c'est un vrai travail, c'est une vraie profession qu'il va avoir.

(22 h 40)

M. Beauregard (Denis): Oui, et puis c'est une piste, je pense, qui mérite d'être explorée parce que... Il y a combien de gens maintenant... Le couple travaille, les deux, l'enfant arrive là-dedans, puis là il y en a un des deux – puis c'est maintenant de plus en plus l'homme, vous savez, plus souvent encore la femme – qui dit: Compte tenu de ce que ça coûte d'aller travailler avec ce que me coûte le fait de faire occuper de mes enfants, je n'y vais pas. On perd des ressources humaines souvent très bien formées, merci. Ils ne sont pas intéressés à continuer parce que ce n'est pas payant d'allers travailler dans ces conditions-là. Il peut y avoir un intérêt marqué s'il y avait déductibilité de ces frais-là. Je pense que c'est une piste qui est intéressante à regarder, c'est sûr. Mais il faut en mesurer tous les effets, et parfois on rencontre en cours de route un effet pervers qu'on n'avait pas prévu. Alors, c'est pour ça que j'ai de la misère à vous dire: Oui, c'est ça qu'il faut faire.

M. Beaudet: Il y en a sûrement des effets pervers; on ne peut pas tout prévoir, là.

M. Beauregard (Denis): Il faut regarder ça, je pense, oui.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député d'Argenteuil. Alors, M. Beauregard, Mme Marchand, c'est malheureusement tout le temps que nous avons pour nos échanges. Encore une fois, au nom de la commission, je vous remercie d'être venus nous livrer vos commentaires et je vous souhaite un bon voyage de retour. Je suspens pour deux minutes, le temps de dire au revoir à nos invités.

(Suspension de la séance à 22 h 42)

(Reprise à 22 h 55)


Étude détaillée (suite)


Frais pour chambre et pension

Le Président (M. Beaulne): On reprend nos travaux. Nous entrons dans le coeur du sujet avec l'article 4. Alors, M. le ministre, allez-y.

M. Rioux: Oui. À l'article 4, M. le Président, il faut modifier par l'insertion, après l'article 51, du suivant:

«51.0.1 Malgré l'article 51, un employeur ne peut exiger un montant pour la chambre et la pension de son domestique qui loge ou prend ses repas à la résidence de cet employeur.»

Évidemment, c'est la gratuité dont on parlait depuis un certain temps, et c'est le gîte et la bouffe, au fond, qui désormais seront gratuits. C'est aussi simple que ça. Bien, là, c'est fini le 40 $, c'est fini de faire payer les domestiques pour loger chez leur employeur. D'ailleurs, c'est intéressant que le Conseil du patronat dise tout à l'heure qu'eux autres ils ont convenu que c'était tout à fait normal que tout ça soit gratuit.

Le Président (M. Beaulne): Mais, M. le ministre, pendant que le député d'Argenteuil réfléchit à l'article 4, moi, j'ai une question.

M. Rioux: Allez donc.

Le Président (M. Beaulne): Comment peut-on appliquer ces dispositions-là, si je reviens aux commentaires que faisait le président du Conseil du patronat, où il disait, avec raison d'ailleurs, qu'en ce qui concerne les domestiques en particulier, il y a une espèce d'atmosphère familiale qui existe là-dedans. Alors, j'ai comme l'impression que, du moment qu'un domestique irait se plaindre à la Commission des normes du travail, il peut dire adieu à son emploi chez son employeur, avec le résultat qui est probable que cette personne-là se retrouve soit sur l'aide sociale ou dans la rue.

M. Rioux: Mais, M. le Président, la question est bonne, ça mérite une bonne réponse. C'est qu'il y a très peu d'employeurs qui ont des domestiques à leur emploi, qui chargent chambre et pension puis nourriture et frais de nourriture. Très, très peu. Alors, étant donné qu'il y en a peu, aussi bien régler pour l'ensemble des domestiques.

L'autre chose que je voudrais préciser, c'est que ça ne nuira pas au climat familial, le fait que la domestique ne paie pas de chambre et pension. Je ne vois pas de relation qui va perturber le climat de la maison où cette dame-là travaille. Je ne pense pas. De toute façon, le législateur, de temps en temps, a intérêt à enlever des lois des choses qui ne sont pas appliquées. Ça épure la législation.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Parfois, on a intérêt à inclure certaines choses parce que ça éclaircit aussi la législation.

M. Rioux: Ce qui n'est pas faux. Alors, voilà, M. le Président.

M. Beaudet: M. le Président, nous évidemment – je l'ai mentionné tantôt au président du Conseil du patronat – on ne peut pas être contre la vertu puis on ne peut pas être contre le fait qu'on va légaliser un phénomène qui est probablement courant, bon. Où j'en ai – et je l'ai mentionné tantôt – c'est que, dans le fond, on légifère sur quelque chose sur laquelle on a peu ou pas de contrôle. Alors, je m'en vais dire à une aide familiale ou à une aide domestique: Écoutez, ma bonne dame, dorénavant votre gîte et votre couvert sont compris dans votre salaire, il ne peut pas vous charger pour ça, mais, ma bonne dame, je ne peux pas contrôler votre salaire, je ne sais même pas que vous travaillez. Je lui dis ça en même temps, parce que c'est la grande majorité des aides familiales qui sont au noir. Les intervenants de cet après-midi, pour la défense des droits des travailleurs domestiques, nous disaient: Elles, elles veulent être au blanc. Alors, oublions momentanément le fait que 90 % au moins des travailleuses domestiques sont au noir et regardons plutôt celles qui sont au blanc.

(23 heures)

La législation en Colombie-Britannique, on n'a pas pu nous donner cet après-midi les chiffres, combien il y a de personnes qui sont enregistrées au registre, qui est obligatoire. Parce que, moi, je considère que c'est obligatoire aujourd'hui de s'enregistrer comme employeur, puis les gens ne le font pas. Ça va changer quoi de dire: J'enregistre au cas d'être obligé. Et, d'où la proposition que j'ai faite, dans les discussions cet après-midi puis que je vais refaire plus loin, de supporter la législation par un avantage fiscal, tout en sachant que le ministre ne peut pas me le donner, ça ne relève pas de lui, j'en suis conscient. Sauf que ça va relever de sa responsabilité de partager cette discussion-là avec le ministre des Finances pour que, dans son budget, le ministre des Finances introduise un élément dans la fiscalité pour permettre aux employeurs privés de déduire, parce que c'est de générer un revenu. Pour leur permettre de générer un revenu, ils sont obligés d'avoir quelqu'un à leur emploi.

Ceci dit, M. le Président, il y a un autre élément qui est dans la loi, actuellement, et qui interdit l'enregistrement, à la Commission des normes, de la rémunération à un domestique. Je fais référence à l'article 39.0.1, à la rémunération, au deuxième alinéa, la rémunération versée à un domestique. Bon, c'est marqué: «"rémunération assujettie": la rémunération versée à un salarié à l'exception de:

«1° la rémunération versée à un salarié en vertu de la Loi sur les relations du travail [...];

«2° la rémunération versée à un domestique.»

Si on enlevait, si on abrogeait cet alinéa 2 de la loi, l'employeur aurait l'obligation de s'enregistrer à la Commission des normes du travail comme un employeur. Au moins, on n'aurait pas besoin d'un registre particulier, ce serait dans une loi. Par la loi, actuellement, on lui enlève cette obligation de s'enregistrer. Si on l'abroge, il aura l'obligation de s'enregistrer. Ça ne changera rien au fait qu'il va continuer à l'avoir au noir, mais au moins, légalement, on aura mis dans la loi ou on aura enlevé de la loi l'élément qui le soustrait à cette obligation d'enregistrement.

En Colombie-Britannique, on a... Puis ils nous ont fourni gracieusement le projet de loi ou le registre, comment on le fait. Mais, nous, on pourrait très bien, en enlevant cet article-là, la rémunération versée à un domestique, on pourrait réintroduire par le fait-même l'obligation pour l'employeur de s'enregistrer à la Commission des normes du travail. Donc, on pourrait, par l'article de la Commission des normes du travail, poursuivre un employeur qui ne déclare pas un employé domestique, en enlevant le deuxième alinéa, après la définition de «rémunération assujettie», on pourrait réintroduire cet élément-là. Ça, ça m'apparaît important parce qu'à ce moment-là, on s'enlève l'obligation de mettre en place un autre registre, alors qu'on en a déjà un fonctionnel. N'allons pas en mettre un autre. Celui de la Commission des normes nous donne amplement satisfaction. Puis ça ne changera rien à la réalité de la vie où les employeurs vont continuer à fonctionner au noir pareil. Alors, pourquoi aller mettre un registre en place, alors qu'on en a déjà un. Avec un nouveau registre – les gens ne s'en serviront pas plus – au moins, ils vont avoir l'obligation de s'enregistrer à la Commission des normes du travail.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre

M. Rioux: M. le Président, il n'y a pas d'obligation faite aux employeurs de s'enregistrer à la Commission des normes.

M. Beaudet: Bien non!

M. Rioux: Il n'y a pas d'obligation.

M. Beaudet: On le soustrait, ici.

M. Rioux: Il n'est pas dans l'intention non plus de mettre une obligation. Deuxièmement, supposons, par hypothèse, qu'on décidait d'enregistrer les personnes qui ont des domestiques à leur emploi, c'est des grenailles, ça.

M. Beaudet: C'est quoi?

M. Rioux: C'est des grenailles, ça. C'est pas...

M. Beaudet: Je comprends, mais...

M. Rioux: On ne prendra pas la place du Revenu, là, on est au ministère du Travail. C'est une législation du Travail, ça.

M. Beaudet: Oui, je comprends, le ministre a raison, on ne prendra pas la position du ministère du Revenu. Mais quand on parle de ces employés-là qui veulent avoir... puis je dis bien, là, ceux qui veulent fonctionner au blanc, ça n'ajoutera pas le nombre des gens qui veulent fonctionner au blanc, ni des employés ni des employeurs. Le président du patronat l'a très bien dit, la majorité des employés ne veulent même pas fonctionner au blanc. Ceux qui veulent fonctionner au blanc, parmi les employés et parmi les employeurs, ils auraient la possibilité de participer au registre de la Commission des normes du travail. Mais dans la loi actuelle, ils sont exclus parce que c'est marqué: «"rémunération assujettie": la rémunération versée à un salarié à l'exception de: 2° la rémunération versée à un domestique.» Donc, ils sont exclus de l'obligation de s'enregistrer.

M. Rioux: Parlez-vous de la rémunération ou de la cotisation?

M. Beaudet: Bien, je parle de la rémunération. Ici, là, c'est marqué: «La rémunération versée à un domestique». Elle n'est pas assujettie à la Commission des normes, elle est exclue, «à l'exception de». Là, moi, je ne sais pas lire, là. «À l'exception de», pour moi, ça veut dire «à l'exception». Puis 2°, c'est marqué: «la rémunération versée à un domestique». Bon!

M. Rioux: M. le Président, je pense qu'on va essayer de clarifier ça, parce que c'est «rémunération aux fins de cotisation», si je comprends bien.

Une voix: Exact.

M. Beaudet: Oui, mais que ce soit aux fins de cotisation, il est enregistré, il faut qu'il s'enregistre. Que ce soit pour fins de cotisation ou non, il est enregistré, il y a quelqu'un qui l'a à quelque part. Alors, pourquoi ouvrir un autre registre comme celui qu'on a fait en Colombie-Britannique, alors que, juste en soustrayant cet article-là, il va être obligé de s'enregistrer? Que ce soit pour fins de souscription ou pas, ce n'est pas important. S'il veut être au blanc, il va être enregistré. Donc, on n'aura pas besoin d'un autre registre pour avoir ceux qui veulent fonctionner au blanc. Mais par la loi actuelle, il est désassujetti. On lui dit: «À l'exception de la rémunération versée à un employé domestique». Alors, il n'est pas là-dedans. Même s'il voulait s'enregistrer, il ne pourrait pas, même s'il voulait cotiser, il ne pourrait pas. C'est marqué «à l'exception». Donc, on lui dirait: Monsieur, vous n'avez pas le droit, vous, l'article 2 vous l'interdit.

M. Rioux: Je pense qu'il y a un quiproquo entre nous. Oui, explique donc, monsieur...

Le Président (M. Beaulne): Pouvez-vous vous identifier?

M. Crevier (Pierre): Pierre Crevier, de la Commission des normes du travail. En fait, il n'y a jamais eu d'obligation de s'enregistrer à la Commission des normes du travail, pour aucun employeur. Ça, il s'agit de la cotisation payable. Donc, ils sont exclus de payer la cotisation parce que, généralement, ils ont juste un employé. Et les autres rémunérations exclues, on retrouve les gens de la construction, les gens des hôpitaux, etc., dans le même article de rémunération assujettie. Donc, ce n'est pas un problème d'enregistrement, ou de blanc, ou de noir, là, c'est un problème d'exclusion de cotisation. Puis ça a été reformulé en 1994, cet article-là, parce que tout le monde était sur le même pied. L'employeur d'un domestique était sur le même pied qu'un hôpital.

M. Beaudet: Ça fait quoi, s'il cotise?

M. Crevier (Pierre): Pardon?

M. Beaudet: Qu'est-ce que ça fait, s'il cotise?

M. Crevier (Pierre): Ça augmente sa charge, tout simplement, et, normalement, ils ont juste un employé. Donc, notre taux de prélèvement est à 0,08 % de 1 %.

M. Beaudet: Ce n'est pas ça qui va faire mourir l'employeur.

M. Rioux: À peu près 10 $ par année.

M. Crevier (Pierre): Non, mais ça ne vaut pas...

M. Beaudet: Ce serait moins dispendieux, ça, que d'ouvrir un autre registre puis de le faire payer à l'employeur encore.

M. Crevier (Pierre): Ils ont été exclus parce que ça ne valait pas la peine de faire des recherches puis de les assujettir à ça, tout simplement. C'est parce que c'était vraiment des grenailles comme cotisation. Et cet article-là ne concerne que l'obligation de payer la cotisation pour le financement de la Commission.

M. Beaudet: Je comprends ça.

M. Rioux: Je ne suis pas sûr que ça leur ferait plaisir de se faire augmenter les impôts.

M. Beaudet: Non, mais ça va être plus dispendieux, M. le ministre, d'ouvrir un autre registre pour ces gens-là. Ça, ça va coûter plus cher que de demander à l'employeur: Bien, écoute, là, tu vas cotiser à la CNT puis, en même temps, tu vas être enregistré, parce que, en cotisant à la CNT, on va avoir ton nom, ton adresse, ton numéro de téléphone, le salaire, tout ça. Ça va être dedans. Tu vas cotiser mais tu vas être enregistré.

M. Rioux: Mais, M. le Président...

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le ministre.

M. Rioux: ...j'ai bien pris soin, dans la déclaration que je faisais ce matin, à l'ouverture de la commission, de dire que les conditions de travail des travailleuses domestiques seraient revues et réexaminées. Et il est possible qu'au cours des prochains mois on arrive avec un règlement du gouvernement là-dessus. Et évidemment, moi, je ne veux pas aujourd'hui m'engager de quelque façon que ce soit et que les décisions qu'on pourrait prendre ce soir aient un impact sur le revenu. Mais il reste que...

M. Beaudet: Je comprends ça.

M. Rioux: ...les conditions de travail sont fixées par règlement du gouvernement, et on est en train de revoir l'ensemble de ces conditions-là.

M. Beaudet: Là, je ne parle pas de conditions, je parle d'enregistrement, je parle de registre.

M. Rioux: Oui, mais tout ça va être examiné.

M. Beaudet: Ce qu'on a fait en Colombie-Britannique, c'est qu'on a ouvert un nouveau registre pour les employeurs d'aides familiales.

M. Rioux: L'ensemble de la question va être examiné.

M. Beaudet: Moi, je dis que, au lieu d'ouvrir un nouveau registre, disons à ces gens-là: Paie ta cotisation à la CNT puis, en même temps, tu vas être enregistré. Donc, on enlève l'article 2. Puis celui qui va vouloir s'enregistrer va pouvoir le faire. Ça va lui coûter un coût. Mais, à moins que je me trompe, si on ouvre un nouveau registre, ça va lui coûter un coût itou. Alors, il ne sera pas gagnant ni d'un bord ni de l'autre. Sauf que, au lieu d'avoir un nouvel organisme... On a déjà l'organisme en place, qui est existant, qui pourrait procéder à l'enregistrement d'un employeur en bonne et due forme. C'est juste ça que je veux dire, moi, rien d'autre.

(23 h 10)

M. Rioux: L'objectif que je poursuis avec le projet de loi, c'est de régler la question du gîte, des repas, et c'est ça qui est clair pour aujourd'hui. Le reste, je vous répète que c'est en examen, et on va se faire aider par nos partenaires socioéconomiques, on va consulter des gens. J'ai promis d'ailleurs à Mme Caron qu'on allait se revoir là-dessus. M. le Président, on n'amendera pas la loi sur les normes, sauf pour ce dont il est question: gîte, repas et les frais que certains imposent encore à certaines travailleuses.

M. Beaudet: M. le Président, tout ce que je peux dire, c'est que le groupe qui est venu, représentant les droits des travailleuses domestiques, nous a demandé de faire sauter cet article-là parce que ça permettait à l'employeur, à ce moment-là, de s'enregistrer en bonne et due forme et de cotiser à la CNT. Ce faisant, ils étaient légalement des employeurs reconnus. Au lieu de créer un autre registre à part, bien, utilisons un système qui est déjà fonctionnel, opérant, qui a déjà toutes les structures et enlevons l'article 2, et à ce moment-là, il n'y a plus de problème. Celui qui va vouloir va pouvoir. Parce que, si je comprends bien, la loi n'aura pas plus de dents après qu'on aura adopté ces articles-là. Quand on aura adopté la loi n° 172, la loi n'aura pas plus de dents après qu'avant. Donc, le travail au noir va continuer au même rythme après qu'avant parce qu'on n'aura pas ajouté d'autres mécanismes de contrôle. On fait juste dire aux gens qui vivent à domicile: Bien, là, tu as le gîte et tu as le repas. Mais ça change quoi? On ne pourra pas plus le vérifier. On n'aura pas plus de moyens de contrôle après qu'avant. Dans le fond, je comprends ce que le ministre dit: Moi, je veux juste passer la loi. Mais si c'est passer une loi pour passer une loi, n'en passons pas ou passons-en 100. Ça ne changera absolument rien, là. Ça ne m'empêchera pas de dormir, moi.

M. Rioux: Mais, M. le Président, même si on les enregistrait, toutes les informations pertinentes à ça, ça relève du Revenu et c'est des informations confidentielles. Et de ce temps-ci, je n'ai pas le goût de m'étendre davantage là-dessus.

M. Beaudet: Je n'ai pas de problème, moi, de ce temps-ci. Mais là, M. le Président, c'est grave. Le ministre vient de dire que lui-même n'a pas confiance au ministère du Revenu. C'est inquiétant en maudit!

Le Président (M. Beaulne): Non, écoutez. Non, je ne pense pas que c'est ce que dit le ministre. En réalité...

M. Beaudet: M. le Président, vous êtes supposé être neutre, non pas de prendre la défense.

Le Président (M. Beaulne): Non, non, mais là j'interviens comme parlementaire.

M. Beaudet: Bon.

Le Président (M. Beaulne): En réalité, c'est que je comprends votre point, M. le député. Mais je constate également que le but, tel que le comprends, du ministre, est de viser spécifiquement, comme il dit, le gîte et les conditions de «vivant à la maison».

M. Beaudet: J'accepte ça, M. le Président. Ce que je dis au ministre, c'est que si on est ici pour passer une loi juste parce qu'il faut passer une loi, à mon avis, on perd notre temps. Il perd le sien et je perds le mien, et on fait perdre celui de tous les gens qui sont ici. C'est juste pour légaliser quelque chose sur lequel, dans les faits, on n'aura aucun contrôle. Alors, je me dis que si c'est ça, on va la passer la loi, ce n'est pas un problème. Moi, j'essaie de la bonifier pour essayer d'améliorer la situation pour ces travailleuses et ces travailleurs qui veulent travailler au blanc et qui disent: Nous autres, on aimerait avoir un registre. Puis le registre, je me dis: Pourquoi repartir un autre système en parallèle avec toute une autre structure? Parce qu'un registre, ça ne se fait pas comme ça. Ça va prendre du monde pour recevoir les enregistrements, les paperasses, les ci et les ça. Je me dis: Continuez donc à vous enregistrer à la Commission des normes du travail, payez une cotisation – parce qu'il vont en payer une là pareil. Je me dis: À ce moment-là, on n'aura pas le problème. Vous allez être enregistré. Vous paierez votre cotisation et vous pourrez continuer à travailler au blanc

Bon. Si le ministre dit: On passe une loi pour passer une loi, je n'ai pas de problème. On va passer la loi. S'il veut qu'elle soit adoptée, je vais lui dire oui. C'est juste ça qu'il veut. Moi, je pensais que j'étais ici pour essayer de bonifier, mais si ce n'est pas ça notre rôle comme parlementaires...

M. Rioux: M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: Je voudrais dire au député d'Argenteuil qu'on n'est pas ici pour passer une loi pour passer une loi. Ça n'existe pas, l'enregistrement à la Commission des normes du travail, pour un employeur. C'est clair, ça? Ça n'existe pas, premièrement.

M. Beaudet: Bien, oui, c'est ça. C'est marqué «exclu». Si on l'inclut...

M. Rioux: Deuxièmement, je voudrais vous répéter pour une nième fois: Je n'ai pas le goût...

M. Beaudet: Ça fait juste deux fois.

M. Rioux: ...d'introduire des amendements au projet de loi, alors qu'on n'a pas étudié l'ensemble de la mécanique qui nous permettrait d'agencer ça de façon un tant soit peu harmonieuse, et, surtout, il faut se coordonner avec le Revenu. Alors, c'est pour ça, M. le Président, que je n'ai pas le goût d'improviser, ce soir, et jouer d'oreille. On ne rendrait service à personne.

M. Beaudet: M. le Président, on n'improvise pas. On n'interfère pas avec le ministère du Revenu en demandant que l'enregistrement à la définition de la «rémunération assujettie» inclue la rémunération à un domestique, c'est tout. Ça ne change rien au ministère du Revenu, ça, rien, en toute!

M. Rioux: M. le Président, je m'excuse. Ce que me propose le député d'Argenteuil, c'est d'inclure un chapitre fiscal à la Loi sur les normes du travail.

M. Beaudet: Hein!

M. Rioux: Alors...

M. Beaudet: Une fiscalité?

M. Rioux: ...on n'ira pas en ajouter.

M. Beaudet: Il n'y a rien de fiscal, là, là!

M. Rioux: On a déjà une disposition.

M. Beaudet: Mais il n'y a rien de fiscal, là, M. le ministre. Là, on ne se comprend pas. Je ne sais pas de quoi on parle. Je n'inclus rien de fiscalité, là, moi.

M. Rioux: M. le Président, on a déjà une disposition à l'intérieur. Qu'on regarde l'article 39.06: Le présent chapitre constitue une loi fiscale au sens de la loi. Comprenez-vous? On «va-tu» en... On ne me demandera pas d'ajouter un deuxième chapitre à la Loi sur les normes du travail, comme ça, très rapidement, à 11 h 15 le soir.

Le Président (M. Beaulne): D'ailleurs, M. le ministre, je me demande si vous êtes habilité à le faire.

M. Rioux: De toute façon, c'est simplement pour fins de cotisation.

M. Beaudet: Oui, mais, en cotisant, M. le Président, ces gens-là vont être enregistrés. C'est tout ce que je tiens à dire. Si on cotise, on va avoir leur nom en quelque part, leur numéro de téléphone, leur adresse. Ils vont cotiser, et le salaire va être enregistré, pour ceux qui veulent être au blanc. Je répète toujours cette phrase-là. Je peux comprendre qu'on dit, à l'article 39.06, que ce chapitre constitue une loi fiscale. Mais là ce n'est pas une loi fiscale de dire que la rémunération versée à un domestique, elle est assujettie non pas à l'exception de...

M. Rioux: Moi, j'aimerais savoir du député d'Argenteuil s'il veut rendre service à la travailleuse.

M. Beaudet: Bien, oui.

M. Rioux: Alors, c'est ça que vous voulez?

M. Beaudet: Celle qui veut travailler au blanc, elle veut être enregistrée en quelque part. C'est ça qu'elles nous ont dit. Elle veut être enregistrée en quelque part. Or, il n'y en a pas de registre parallèle. Il n'y en a pas, là.

M. Rioux: Mais avec ce que vous me proposez, ce n'est pas sûr qu'on lui rende service.

M. Beaudet: Bien, là, je ne sais pas ce que vous comprenez, là. Ou je m'exprime mal...

M. Rioux: On va demander à M. Vachon. Peut-être que...

M. Beaudet: Ou je m'exprime mal.

M. Rioux: ...il vous comprend mieux que moi. Mais, moi, je ne vous comprends pas.

M. Beaudet: Je veux bien qu'on s'entende. À la page 25, O.K.? le 2, en bas de la page, là, O.K.? Quand vous marquez, juste au-dessus de l'article 1, c'est marqué: «"rémunération assujettie": la rémunération versée à un salarié, à l'exception de:

«1° la rémunération versée à un salarié [...];

«2° la rémunération versée à un domestique.»

On vous demande: Abrogez cette partie-là: «versée à un domestique», de sorte que, à ce moment-là, ce n'est plus «à l'exception de», c'est «incluant», parce que, si on ne le mentionne pas, il est inclus. Donc, l'employeur qui veut bien, là – parce qu'il n'a pas une loi de contrainte, nulle part, à ce que je sache; on ne va pas les chercher chez eux, qui veut bien faire ça au blanc – il dit: Moi, je suis enregistré à la Commission des normes du travail, je paie ma cotisation. Le nom de l'employé est là. Mon nom est là, comme employeur, mon adresse, le salaire, tout est là, mon numéro de téléphone. Donc, je suis enregistré. Puis il n'a pas besoin d'un autre registre. C'est tout ce que je cherche, là. Je ne vois pas ce qu'il y a de fiscal là-dedans, là. Je ne comprends pas du tout la fiscalité.

Le Président (M. Beaulne): On va donner la parole à M. Vachon. Mais, avant, moi, j'aimerais poser une question, également. Je comprends votre point de vue, M. le député, puis je pense qu'on partage tous, d'autant plus que le gouvernement a une campagne contre les choses sous la table, là, puis le travail au noir.

Mais la question que... Je ne sais pas si quelqu'un, ici, est capable d'y répondre. Mais le but que vous visez et qui est partagé par nous tous autour de la table, est-ce qu'il y aurait moyen d'y parvenir non pas en modifiant cette loi-ci, ici, mais en modifiant une loi quelconque ou des dispositions quelconques du ministère du Revenu?

M. Beaudet: Peut-être que M. Vachon peut nous éclairer, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Je pose la question pour la raison suivante: c'est que, lorsqu'on avait débattu dans une autre commission de toute la question des indemnités de la Société de l'assurance automobile pour les victimes d'accidents ou d'actes criminels... Vous connaissez toute la problématique?

M. Beaudet: Oui, oui, ils sont sur...

(23 h 20)

Le Président (M. Beaulne): Il y avait des groupes qui, dans le contexte de cette loi-là, en particulier, voulaient introduire des dispositions qui modifiaient les barèmes d'indemnité et qui pourraient avoir eu comme conséquence également de remettre en question toute l'approche du «no fault». Sauf qu'on s'est aperçu à un moment donné que la loi qui était à l'étude à cette commission-là n'était pas la loi appropriée où on aurait dû introduire ces dispositions-là. Alors, la question que je pose, c'est: Pour répondre à votre question et atteindre les objectifs que vous avez en tête – moi, je ne suis pas un expert là-dedans, je pose la question – est-ce qu'il y a moyen d'y parvenir éventuellement lorsque le ministre du Travail examinera avec ses collègues du cabinet cette disposition-là de manière à viser juste et viser la bonne loi où on pourrait l'introduire? C'est la question que je pose.

M. Beaudet: Juste avant que vous cédiez la parole à M. Vachon, M. le Président, c'est la sixième recommandation dans le mémoire de l'Association pour la défense des droits des travailleurs domestiques, que les employeurs soient soumis à la cotisation de la Commission des normes du travail et qu'ils s'enregistrent comme employeurs à la CNT. Je n'invente rien; je vous dis ce qu'elle demande. Moi, je me dis: Si je veux bonifier le projet de loi...

M. Rioux: Je ne suis pas obligé d'être d'accord.

M. Beaudet: Bien non, et j'accepte ça. Alors, dites-moi que vous n'êtes pas d'accord. Je n'ai pas de problème.

M. Rioux: M. Vachon, avant...

M. Beaudet: Vous dites que vous n'êtes pas d'accord...

M. Rioux: Bien, je viens de vous donner ma réponse.

M. Beaudet: ...mais, moi, je me dis: Au lieu de rouvrir un autre registre, ça serait mauditement plus simple de prendre celui de la CNT, qui est déjà fonctionnel.

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. Vachon, allez-y donc.

M. Vachon (Pierre-Yves): En fait, si vous me permettez, ce que je voudrais signaler seulement, c'est que le moyen qui est suggéré...

M. Beaudet: L'abrogation.

M. Vachon (Pierre-Yves): ...c'est-à-dire l'abolition d'un bout de phrase, à la page 25 de la codification administrative de la loi sur les normes, ne permettrait pas d'atteindre l'objectif que vous poursuivez. Pourquoi? Parce que ce bout de phrase là se trouve dans une disposition qui ne comporte que des définitions. Il faut aller voir ensuite ce que disent les articles qui suivent pour savoir à quoi servent ces définitions-là. Alors, quand vous regardez les articles qui suivent, vous voyez que ça sert à l'établissement du montant d'une cotisation que l'employeur verse au ministre du Revenu aux fins de l'application de la loi sur les normes. Vous voyez un peu plus loin à l'article 39.0.6 que ce chapitre-là, qui est un chapitre de cotisation seulement, est une loi fiscale au sens des lois du Revenu et, par conséquent, comporte une multitude d'informations qui sont protégées par le secret de l'impôt. La Commission des normes du travail n'a même pas le nom des employeurs qui ont envoyé des cotisations au ministre du Revenu. Elle reçoit le montant global, moins les frais d'administration du ministère du Revenu, mais elle n'a pas ces noms-là.

M. Beaudet: Alors, c'est pas un registre.

M. Vachon (Pierre-Yves): Il n'y a pas de registre, là. C'est ce que Me Crevier disait tantôt: Il n'y a jamais eu d'obligation de s'enregistrer à la Commission des normes du travail pour qui que ce soit. Il n'y a pas de registre tenu par la Commission des normes. Ce que la loi sur les normes fait toutefois, c'est qu'elle comporte une disposition qui oblige chaque employeur qui embauche du monde à tenir un registre chez lui, dans lequel il met le nom des employés, leur adresse, le temps de travail, le salaire, etc., et c'est sujet à inspection.

M. Rioux: Très bien. Alors, il n'y a pas de registre, là.

M. Beaudet: Eux autres ne le savent pas. La Commission des normes n'est pas au courant, mais le ministère du Revenu est au courant.

M. Vachon (Pierre-Yves): Le ministère du Revenu est au courant. Mais le ministère du Revenu...

M. Beaudet: Il est évident qu'on ne peut pas changer ici au ministère du Travail une loi du ministère du Revenu.

Le Président (M. Beaulne): Bien, c'est ça. C'est ça, l'affaire.

M. Vachon (Pierre-Yves): Voilà, on se comprend.

M. Beaudet: O.K., je comprends ça.

Le Président (M. Beaulne): On partage l'objectif.

M. Beaudet: Sauf que le but recherché ici – c'était dans l'enregistrement – qui n'est pas là, qui se trouve au ministère du Revenu... Il est évident qu'on ne va pas changer ici.

M. Vachon (Pierre-Yves): C'est ça, puis ça n'a pas d'effet de conférer des droits aux fins de l'application de la loi sur les normes, c'est-à-dire qu'on ne voit pas comment ça pourrait se faire actuellement.

M. Rioux: Oui, mais ça peut être discuté dans un comité interministériel.

Le Président (M. Beaulne): Bien, c'est ça.

M. Beaudet: Comment on peut répondre à ces gens-là, eux autres qui souhaitaient cette démarche-là? Mais évidemment c'est une erreur. Ils souhaitent que l'employeur soit soumis à la cotisation à la Commission des normes du travail et qu'il s'enregistre comme un employeur à la CNT, puis vous ne le faites pas, si je ne comprends bien. C'est pour ça que vous n'êtes pas un registre.

M. Vachon (Pierre-Yves): Actuellement, il n'y a personne qui est obligé de s'enregistrer.

M. Rioux: On va tenir compte du mémoire et des recommandations du groupe qui est venu nous voir aujourd'hui.

M. Beaudet: Alors, finalement, on leur répond qu'il n'y a pas de registre à la CNT, que ça se fait au ministère du Revenu puis que c'est par une modification à la Loi sur le ministère du Revenu qu'on pourra répondre à leur demande.

M. Rioux: Voilà.

M. Vachon (Pierre-Yves): Et puis, généralement, pour qu'un salarié puisse bénéficier d'un droit qui est prévu dans la loi sur les normes, il faut qu'il le demande lui-même, il faut qu'il fasse valoir son droit si on ne le paie pas.

M. Beaudet: Lui-même.

M. Vachon (Pierre-Yves): Il faut qu'il porte plainte; c'est ça le système.

M. Rioux: Alors, voilà.

Le Président (M. Beaulne): M. le député.

M. Beaudet: Bien, écoutez, moi, l'article comme tel, je ne peux pas être contre ça, là. Il n'y a personne qui est contre la vertu; tout le monde souhaite ça.

M. Rioux: Ça marche.

Le Président (M. Beaulne): Adopté. Mais, simplement pour terminer là-dessus, M. le député, pour revenir à l'analogie que je vous faisais. Les demandes qui avaient été faites par les groupes en question dont je vous parle, en réalité leurs demandes pouvaient être reconnues par la modification de l'IVAC et non pas dans la loi qu'on étudie à ce moment-là.

M. Rioux: C'est ça.

Le Président (M. Beaulne): C'est un peu la même situation ici. Donc, l'article 4 est adopté. Adopté.


Normes du travail particulières aux enfants

Article 5.

M. Rioux: À l'article 5, c'est une modification qui vise l'insertion... C'est une nouvelle section de la loi pour y inclure des normes du travail particulières aux enfants.

M. Beaudet: Bien non, c'est ce qui suit, ça.

M. Rioux: C'est ce qui suit. Et les normes, c'est 84.2, 84.3, c'est le travail de nuit qui est interdit entre 23 heures – pas 23 h 30, entre parenthèses – et 6 heures le matin, sauf dans le cas de livraison de journaux ou tout autre cas déterminé par règlement du gouvernement.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: M. le Président, nous, on a reçu un mémoire, une lettre, en fait, qui est adressée au ministre du Travail en date du 24 novembre – ça ne fait pas longtemps, c'était lundi – par la Commission des droits de la personnes et des droits de la jeunesse, où on retrouve, à la page 5, ils le disent bien, là, que: «Dans cette perspective, la Commission, tout en soulignant que l'amendement projeté vise assurément à répondre à des préoccupations de grande importance pour la société québécoise, considère que cette mesure est insuffisante, en ce qu'elle ne se conforme pas entièrement aux normes du droit international et ne présente pas un rapport complet de proportionnalité au regard de l'objectif visé.» Ces gens-là ont sûrement étudié dans le détail le projet de loi. Il importe qu'un ou des âges minimums d'accès à l'emploi soient fixés par la loi, non seulement pour le travail de nuit. Ça, c'est du point de vue international.

Ce qu'on recherche, c'est que soit fixé un plancher; on appelle ça un plancher ou un âge minimum d'accès. On a mentionné 13 ans. J'en ai parlé au ministre, je peux comprendre qu'il y a toutes sortes d'interventions souhaitées et souhaitables. Est-ce que c'est quelque chose... Et je lui demande, là, parce qu'on ne perdra pas notre temps là-dessus, même si ça m'apparaît très important. Si le ministre me dit: Non, là, puis tu m'attacherais, puis c'est non, je ne me battrai pas, moi. Je ne veux pas déchirer ma chemise sur le fait que je pense qu'on devrait mettre un plancher pour les bonnes raisons que j'ai mentionnées tout au cours de cet après-midi puis un peu ce soir, là, où, tant qu'il y aura des hommes, il y aura de «l'hommerie».

Et si le ministère du Travail est là pour appuyer les parents dans leur démarche afin de protéger les enfants contre les excès... Vous savez, quand on se fait passer un morceau de chocolat sous le nez puis qu'on aime ça, le chocolat, à un moment donné, on prend une bouchée dedans. Alors, si un enfant de 11, 12 oui 13 ans sait qu'il peut aller travailler parce que c'est permis par la loi, bien, il dit: Aïe! moi, je vais aller m'acheter un CD puis je vais m'acheter des oreilles, puis je ne sais pas quoi. Bien, il va y aller, travailler. Si on lui passe la barre de chocolat sous le nez, mais qu'il sait que c'est interdit de travailler avant 13 ans, bien, il ne s'essayera peut-être pas puis ça va aider les parents dans leur démarche à bonifier les résultats scolaires de ces enfants-là, à les protéger, aussi, de leur santé. Parce qu'on sait qu'un enfant – quand je dis 13 ans, c'est probablement jusqu'à 16, 17 ans – qui n'a pas encore complété sa croissance, qui est en pleine croissance, puis on lui dit: Bien, va travailler ce soir jusqu'à 11 heures, il n'y a pas de problème. On ne l'aide pas dans sa santé puis on ne l'aide sûrement pas dans ses résultats scolaires.

C'est pour ça que ça m'apparaît important cet élément-là d'un plancher de l'âge minimal, mais je vous dis: «Over my dead body.» D'ailleurs, je peux bien le traîner pendant deux jours, là, ce n'est pas le fun, ni pour lui ni pour moi. Je n'ai pas le goût de faire ça. Premièrement, il n'a pas le goût de m'entendre pendant deux jours, puis moi, je n'aurai plus de voix.

(23 h 30)

Mais si le ministre me dit que c'est possible, s'il réfléchit jusqu'à demain, peut-être que demain matin on va être au bout puis il va dire: Oui, on va toute la passer. Mais, moi, je serais prêt à attendre jusqu'à demain pour qu'il me dise: Je vais réfléchir, puis on va introduire un amendement comme quoi on va mettre un plancher. Je ne sais pas quels sont les groupes que le ministre a consultés, parce qu'il m'a dit tantôt qu'il avait parlé avec des gens qui lui ont manifesté certaines réticences. Moi, je peux vous dire: Personnellement, je n'ai aucune réticence. Je n'en ai eu aucune, je n'en ai aucune et je n'en aurai aucune à dire – à mes enfants dans le passé – à mes petits-enfants maintenant: Tu ne travailleras pas en dehors avant d'avoir 16 ans. Je vous demande 13 ans. Ce n'est pas bien, bien gros, là. Ça m'apparaît être un strict minimum.

Quand on regarde un enfant de 13 ans, à le regarder, il a l'air d'un ti-pit, là, puis on lui dit: Tu peux travailler jusqu'à 23 heures le soir. C'est ça qu'on lui dit, là. Je ne suis pas sûr qu'on fait la bonne chose si on n'introduit pas un élément du genre. Et ça m'inquiète beaucoup, puis, je suis d'accord avec le ministre, la loi, ce n'est pas ça qu'elle veut dire. Elle ne veut pas dire aux gens: Bien, là, on met 23 heures, puis vous avez le droit d'y aller. Ce n'est pas ça qu'elle veut dire, c'est que tu n'as pas le droit d'y aller après. Il y a toujours des têtes malsaines qui vont se prêter à l'interprétation qui leur convient, puis ils vont facilement dire: Bien, là, ça me donne le droit de travailler jusqu'à 23 heures. Attaboy! On sort. Sûrement pas pour tout le monde, mais il y en a certains. Puis je ne sais pas si le ministre peut m'éclairer là-dessus puis me dire sa position, s'il y a une ouverture ou s'il n'y en a pas. Puis, s'il n'y en a pas, bien, là, écoutez...

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, c'est vrai qu'on vit dans une société libre et démocratique et que les gens doivent être le plus libre possible de leurs actes, de leurs comportements, bon, mais il arrive que l'État limite par des restrictions un certain nombre de libertés que je pourrais qualifier de libertés. Par exemple, lorsqu'on dit par la Loi sur l'instruction publique qu'un enfant doit aller à l'école jusqu'à l'âge de 16 ans, on peut interpréter ça comme une entrave à la liberté des parents qui pourraient bien décider de ne pas les envoyer, mais l'État pense que ça tombe sur le sens commun. Le législateur trouve que ça tombe sur le sens commun de légiférer pour rendre l'école obligatoire parce que, dans une société libre et démocratique, ça apparaît aux gens comme étant normal.

Quand on parlait cet après-midi – puis là je m'adresse au député d'Argenteuil d'une façon particulière – de la Loi sur la protection de la jeunesse, moi, je suis très sensible à ça. Il y a des choses qu'un enfant, compte tenu de son évolution physique et mentale, ne doit pas faire. Ce n'est pas drôle d'être obligé de protéger des enfants contre leurs parents. C'est assez sérieux, mais, je ne sais pas si vous l'avez remarqué, la Loi sur la protection de la jeunesse, que j'ai eu l'occasion d'examiner à plusieurs reprises dans ma vie, est une loi qui est extrêmement prudente. Même si ça fixe des balises, ça reste très prudent dans son application. Aujourd'hui, on ajoute une sorte de balise, c'est de dire: Nous, on croit au Québec, compte tenu de ce qui se passe dans les pays industrialisés, de ce qui se fait aux États-Unis, au Mexique ou ailleurs, que le travail de nuit des enfants, ça a quelque chose de préjudiciable à leur évolution.

Bien sûr qu'on a l'oeil sur la question scolaire, c'est évident. Mais on a l'oeil sur bien plus que ça, c'est qu'on sait que le travail des enfants la nuit risque d'être un travail où on a affaire à des gens qui peuvent abuser d'eux beaucoup plus que d'un adulte. C'est fragile, un jeune, et, quand ça travaille la nuit, il y a des inquiétudes qu'on doit avoir et ça nous oblige à réagir. Mais, quand on fait ça, M. le Président, ce n'est pas parce qu'on fait ça qu'on va légaliser et encourager le travail des enfants au Québec, comme le disait le député cet après-midi dans ses remarques. Ce n'est pas ça. On veut juste dire que le gros bon sens qui guide le législateur, c'est que le travail de nuit d'un jeune de moins de 15 ans, ça n'a pas d'allure, que ce n'est pas lui rendre service ni à lui, ni à ses parents, ni à la société.

Alors, est-ce que pour autant il faut ajouter que le travail des enfants de moins de 13 ans est banni? J'ai bien dit et je le répète, je ne veux pas que cette loi se substitue à l'autorité parentale. Les parents doivent être aussi responsables. Il y a des choses qu'on peut faire comme parents, qu'on peut dire aux enfants. Il y a des choses qu'on doit expliquer aussi à ses enfants. Moi, ce que je veux par ça, c'est mettre les enfants à l'abri de toute forme d'exploitation, surtout par le travail de nuit. Mais, le jour, lorsqu'un enfant est d'âge scolaire et que c'est un enfant au comportement à peu près normal, moi, je dis que c'est aux parents d'y voir. La Loi sur l'instruction publique l'oblige à être à l'école. S'il n'est pas à l'école, il y a quelque chose qui ne va pas. Et, quand il n'est pas à l'école, le jeune, il est interpellé par la direction de l'école pour savoir où il est, pourquoi il est absent. On contrôle les absences des jeunes, j'ai été assez dans ce milieu-là pour le savoir. Alors, M. le Président, quant aux remarques qui m'ont été faites par la Commission des droits de la personne, moi, ce que j'ai retenu là-dedans, ce que, au fond, ils souhaitent, c'est qu'on s'ajuste aux conventions internationales. Ils souhaitent qu'on s'ajuste à l'ANACT, l'accord nord-américain sur le travail, et c'est ce qu'on fait.

Je termine en disant que c'est un départ. Je me suis engagé vis-à-vis des organismes patronaux et syndicaux et vis-à-vis d'autres groupes également à pousser plus loin notre réflexion. Les libéraux nous ont donné un coup de main en 1992-1993, là on fait aujourd'hui ce qu'ils auraient dû faire. Mais je suis content que cette réflexion-là ait été faite par l'ancien gouvernement. On ne partait pas de nulle part, on ne partait pas à zéro. Mais il y a des intervenants qui disent: Oui, il a nécessité d'agir assez rapidement, ne fût-ce que pour respecter les ententes avec lesquelles on est d'accord. Mais, deuxièmement, il faudrait regarder s'il ne serait pas opportun d'aller plus loin et peut-être, à ce moment-là, rejoindre les suggestions que formule le député d'Argenteuil.

Le Président (M. Beaulne): M. le député.

M. Beaudet: M. le Président, je suis un petit peu étonné de voir que mes confrères de la députation gouvernementale, de l'autre côté, n'élèvent pas leur voix eux aussi avec moi. Je suis certain, je mettrais mes deux mains au feu, qu'aucun d'eux ne laisserait son enfant de 14 ans aller travailler jusqu'à 23 heures, le soir, sans limite. Parce que c'est ça, la loi actuelle, il n'y a aucune limite pour un enfant d'aller travailler cinq soirs semaine jusqu'à 23 heures. On ne parle pas de la Loi sur l'instruction publique qui oblige l'enfant d'être à l'école. C'est après l'école, et il n'y a pas d'école à 23 heures ni à 22 heures. Je suis certain qu'aucun d'entre eux ne laisserait son enfant aller travailler. Et, nous, ce soir on leur dit: Non seulement on va les laisser aller travailler, mais on vous dit que c'est légal. C'est ça qu'on leur dit par la loi. Ce n'est pas ça qu'on veut dire, mais c'est ça qui est écrit, puis c'est comme ça que les malins vont l'interpréter.

Moi, je ne peux pas me prêter à ce manège-là, M. le Président. Je ne peux pas me prêter à encourager les enfants de 13 ans, de 12 ans, de 10 ans à aller travailler jusqu'à 23 heures sous prétexte que, bien, ce n'est pas préjudiciable pour leur santé, que ce n'est pas préjudiciable à leur développement. Essayez de vous représenter devant vous un enfant de 13 ans. C'est à peine s'ils n'ont pas encore la couche, et là on va leur dire: Vous pouvez aller travailler jusqu'à 23 heures, le soir, il n'y a pas de problème, c'est légal. Cinq soirs semaine. La fin de semaine, tu peux travailler jusqu'à 23 heures. Commence à 9 heures, 7 heures, 6 heures, le matin, ce n'est pas important. Vas-y, mon ti-pit, tu vas pouvoir amener ta blonde au restaurant.

(23 h 40)

Moi, je vous dis: Donnons des outils aux parents pour les appuyer dans leur démarche. Parce que la loi ne contraint pas la liberté des parents à éduquer leurs enfants, elle contraint les employeurs. Elle ne s'adresse pas aux parents, elle ne s'adresse pas aux enfants, la loi. La loi s'adresse à l'employeur. Elle interdit à l'employeur d'engager un enfant qui n'a pas 13 ans pour le faire travailler quelque heure que ce soit dans la période scolaire. Que ce soit de septembre à juin, qu'on exclue la période de Noël, mais qu'on leur permette d'avoir un... Il y a quelqu'un qui a mentionné ce soir pendant un témoignage: On ne leur permet même plus d'être des enfants. Ne nous demandons pas pourquoi, quand ils ont 25 ans, ils se comportent comme des enfants, ils n'ont jamais été des enfants. On ne leur a jamais donné ce pouvoir-là, cette capacité-là d'être des enfants. On leur enlève tout ça, on leur présente tout ça: Comportez-vous comme un adulte. Il n'y a pas de problème. Bien oui, vous pouvez travailler le soir comme un adulte. Vous allez avoir votre paie puis vous sortez. Il n'y a rien là. On ne leur donne même plus la capacité d'être des enfants, M. le Président, puis on me demande de supporter un projet de loi comme ça. Je ne suis pas capable, humainement parlant.

J'essaie de voir mes enfants quand ils avaient 13 ans. Ils étaient tout petits, ils étaient tout fragiles, ils étaient tout menus. Puis, moi, je leur dirais: Bien oui, vas-y, va travailler jusqu'à 23 heures. Je ne suis pas capable. Je dis au ministre: Qu'est-ce que tu vas présenter... Quand sa fille, qui est avocate aujourd'hui... Qu'il lui en parle à sa fille, elle va lui dire la même chose: Tu sais bien, papa, quand j'avais 13 ans, j'étais haute comme trois pommes, je n'aurais pas pu aller travailler jusqu'à 23 heures, le soir. Je n'aurais jamais été capable de réussir mes études en droit. Je ne me serais jamais rendue à l'université. Je n'aurais jamais été capable de me rendre là. C'est ça qu'elle va lui dire au ministre. Qu'il essaie de se...

J'en ai eu cinq enfants avec ma femme. Alors, quand je vois ça, j'essaie de me les représenter tous les cinq, là, puis je les vois à 13 ans. Bien, sacrebleu! Ça n'a pas d'allure! Des ti-pits. Aïe! j'allais les border le soir, M. le Président, à 13 ans. J'allais les border encore, faire leur prière avec eux puis les bénir en se couchant. Ils avaient 13 ans, et je n'attendais pas à 23 heures pour les coucher, j'allais les coucher à 21 h 15, 21 h 30. Puis là on me dit: On va les faire travailler. Puis ce qui est méchant dans tout ça, M. le Président, c'est que ce n'est pas l'occasionnel. Ce n'est pas l'occasionnel, c'est le général. C'est qu'il y a toujours un malin qui va prendre un enfant de 13 ans puis qui va le faire travailler cinq jours par semaine... Cinq soirs par semaine, devrais-je dire. Pas cinq jours, on parle du soir, parce que la Loi sur l'instruction publique le lui interdit.

Alors, je me dis: Comment est-ce qu'on peut accepter ça comme société puis, nous, comme législateurs? Mettons un plancher en quelque part de sorte que, au moins, on minimise les torts que des employeurs exploiteurs vont faire à nos enfants. Aidons les parents à se battre contre les exploiteurs qui sont les employeurs. Ce n'est pas les parents qu'on veut pénaliser, ce n'est pas les parents qu'on veut remplacer, c'est les employeurs qu'on veut contrôler. C'est ça qu'on veut faire, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de La Peltrie.

M. Côté: Oui. Merci, M. le Président. J'aurais besoin de lumière, peut-être, de la part du ministre. Moi, je suis un grand-père, alors donc, j'ai des petits-enfants, et puis ma préoccupation, elle dépasse le fait d'interdire entre 23 heures et 6 heures, le matin, l'interdiction de travailler. Moi, j'aimerais qu'on me rassure, parce qu'on légifère dans d'autres lois, exemple, au niveau du tabagisme où on interdit la vente à des jeunes de moins de 18 ans, où on interdit la vente d'alcool à des moins de 18 ans, et puis, moi, j'aurais de la misère à voir un de mes petits-enfants aller travailler en dehors, un peu, de leurs études, éventuellement, lorsqu'ils auront 10, 12 ans, dans un dépanneur, par exemple, où on fait la vente de tabac, de cigarettes, où on fait la vente de boisson. Moi, moralement, en tout cas, j'ai de la misère avec ça, et puis j'aimerais que, si le ministre est capable de me rassurer par rapport à l'interdiction comme telle... Parce que, en dehors de l'interdiction, à n'importe quel moment, quand je lis ça, il peut y avoir du travail pour n'importe âge en bas de ce qui est marqué là.

Donc, M. le ministre, moi, en ma qualité de grand-parent, j'aimerais savoir, pour que ma préoccupation soit moins grande, si vous êtes capable de m'expliquer qu'il n'y aura pas de danger pour mes jeunes éventuellement.

Le Président (M. Beaulne): Alors, à la demande du ministre, je suspends pour une minute.

(Suspension de la séance à 23 h 46)

(Reprise à 23 h 52)

Le Président (M. Beaulne): Bon, on reprend la discussion. M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, la proposition que j'ai à faire à l'opposition est la suivante...

Une voix: ...

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît. M. le ministre, continuez.

M. Rioux: C'est ça, gère tes troubles, puis on va gérer les nôtres. La suggestion du député d'Argenteuil, moi, je la reçois, et je la reçois dans le contexte suivant. On dispose des articles qui sont là, et je m'engage, après Noël, à convoquer la commission parlementaire pour étudier non seulement l'orientation d'amendement qu'il nous suggère, mais amorcer et réaliser une étude en commission parlementaire avec des avis qui pourront nous venir du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et d'autres qui voudront bien venir nous faire valoir leur point de vue.

C'est un sujet délicat, il n'y a personne qui se cache ça. Le gouvernement du Québec, les députés quels qu'ils soient, quel que soit leur parti, savent exactement que c'est un sujet sensible. Vous l'avez examiné quand vous étiez au pouvoir, vous avez constaté que c'était un sujet sensible et vous n'avez pas osé aller trop loin là-dedans. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on franchit une première étape. C'est sûr que ça ne peut pas être satisfaisant pour tout le monde et qu'on ne grimpe pas dans les rideaux avec le projet de loi qui est devant nous, mais, cependant, on franchit une étape, et, moi, c'est un sujet qui est suffisamment important et prioritaire dans ma vie pour m'engager ce soir à ce qu'on travaille ensemble en commission parlementaire pour bonifier ce qui sera acquis et aller plus loin dans les propositions qui pourraient être faites éventuellement pour améliorer la situation.

Pour le moment, ce qu'on a voulu faire, c'est d'être à la hauteur des législations des pays industrialisés. C'est à la hauteur des pays industrialisés, et on pense que, avec ce qui est sur la table, on y arrive. Mais c'est sûr qu'il y a des pays où ils sont plus avancés que nous. On le constate, on le sait et c'est ça qu'on voudrait essayer de faire comme travaux après Noël et en commission parlementaire, comme le souhaitait d'ailleurs mon collègue à un moment donné de nos délibérations.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: M. le Président, c'était une des propositions, d'ailleurs, que je voulais faire. Pourquoi on ne suspend pas toute l'adoption de ce projet de loi et, après les Fêtes, on demande au CCTM – parce qu'on en a parlé tantôt en aparté, le ministre et moi – de nous donner un document de travail, le fruit de sa réflexion, et que la commission poursuive les discussions engendrées par le document de travail, par les écoutes qu'on a faites aujourd'hui, par les discussions qu'on a eues? Puis je pense que ça se poursuit de bonne foi. Il n'y a rien de malsain là-dedans. Il n'y a pas de partisanerie, là, on est là pour essayer de voir si on peut bonifier un projet de loi.

Le Québec a toujours, toujours été à l'avant-garde dans la grande majorité des mesures sociales qu'on a prises. Au Québec, on a presque toujours été en avant des autres sociétés nord-américaines, puis là je réalise qu'on est en arrière de sociétés bien plus arriérées que nous. Le seul article de loi que nous aurons, si on l'adopte, s'adressant au travail des enfants, c'est juste de dire: À partir de 23 heures jusqu'à 6 heures – je m'en étouffe, M. le Président – le matin, ils ne peuvent pas travailler s'ils n'ont pas 15 ans et moins. C'est tout ce dont nous aurons pu accoucher comme société évoluée, avant-gardiste, soucieuse de l'avenir de nos enfants. C'est tout ce dont on peut accoucher? Bien, moi, je vous le dis, là, je ne serais pas fier d'aller au congrès, à Genève avec rien que ça. Je ne serais vraiment pas fier, pour ne pas dire que j'aurais quasiment honte. Puis je suis sûr que le ministre, si jamais il doit aller à Genève, à ce congrès-là, il ne sera pas fier de dire: On a une grosse pièce de législation, nous autres. Regardez, là, le travail après 23 heures, c'est interdit pour les enfants en bas de 15 ans. C'est tout ce qu'on a comme législation pour nos enfants? C'est ça qu'on veut faire avec notre avenir, puis on veut se piquer d'être un peuple, puis on veut essayer de survivre? Ce n'est pas comme ça qu'on va protéger notre jeunesse, M. le Président.

Je veux bien qu'on convienne de dire: On va revenir. Est-ce que – et je m'adresse à ce que le ministre nous fait comme proposition – le projet de loi va rester ouvert puis que c'est juste un addendum qu'on va y mettre, une modification? Est-ce que ça va être ça ou c'est: Bien, là, il faut rouvrir le projet de loi, puis on repart encore en grande? Moi, je me dis: À ce moment-là, mettons ça de côté. Attendons au mois de janvier, la commission fera son travail, tel que le propose le ministre, puis, dès la reprise de la session au mois de mars, bien, on rappellera le rôle, puis ça va aller rapidement, puis ça va être adopté, de sorte que, quand il va s'en aller à Genève avec son projet de loi, il va avoir quelque chose de plus substantiel qui s'adressera vraiment à la protection de notre jeunesse, de notre avenir, puis, au moins, j'ai l'impression – j'ai l'impression – qu'il va être plus fier de s'en aller avec quelque chose qui va dire: On protège nos jeunes pour le travail de nuit, on les protège pour le travail en bas de tel âge puis on les protège pour le travail pendant la période scolaire. Puis, à ce moment-là, je suis sûr qu'il va être plus fier de s'en aller avec son projet de loi dans sa poche – dans sa petite poche interne – il va être bien fier de dire: Nous autres, voici ce qu'on a fait au Québec. On en a un petit peu plus. On a progressé, on a avancé. C'est vers ça que j'irais beaucoup plus que de dire: Adoptons cet article-là. Moi, ça ne me donne rien d'adopter un article puis de dire: On le remodifie au mois de mars. Ça va me donner quoi, là?

(minuit)

M. Rioux: M. le Président, si on veut bonifier une loi, encore faut-il l'adopter. Ce que je dis aux députés de l'opposition puis aux collègues, c'est que cette loi-là qu'on aura votée, bien, ça nous fera un document sur lequel on devra travailler après Noël, avec les recommandations qui vont nous venir des organismes. Je pense que c'est un pas qu'on doit franchir.

J'écoute le député d'Argenteuil se pourfendre. Tu sais, quand même, le gouvernement du Québec actuel a la volonté de faire quelque chose parce qu'on le sait qu'on est en retard. Bien, faisons au moins ce qu'il est possible de faire immédiatement, puis, après Noël, bien, on pourra se remettre à la tâche. C'est un chantier qui est considérable, le travail des enfants. Il faut que ce soit examiné, bien sûr, sur une dimension plus vaste, et tout le monde est d'accord avec ça, mais, bon Dieu, franchissons la première étape.

M. Beaudet: M. le Président, juste un petit commentaire en terminant. L'air est pur, je pense que c'est le moment de réflexion. Je vais marcher, moi, jusqu'à mon hôtel en prenant l'air pur puis en réfléchissant à ce que le ministre me dit. Et puis, comme la nuit porte conseil, j'espère que, demain, il sera mieux disposé à accueillir l'amendement que je lui propose – bien qu'on ne l'ait pas écrit, on en a assez discuté – puis que, peut-être, on sera plus ouvert à accepter une chose comme ça. On se revoit demain matin.

Le Président (M. Beaulne): Sur ce, M. le député, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Fin de la séance à 0 h 2)


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