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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 10 février 1998 - Vol. 35 N° 84

Consultations particulières dans le cadre du mandat de surveillance d'Hydro-Québec


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Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
M. François Beaulne, président suppléant
Mme Cécile Vermette
M. Robert Benoit
M. Michel Côté
M. Richard Le Hir
Mme Monique Simard
M. Normand Jutras
*M. Jacques Garon CPQ
*M. Pierre Vézina, idem
*M. Denis Potvin, Ami-e-s de la terre de Québec
*Mme Margot Allen, idem
*M. Jean-Marc Pelletier, SPSI
*M. Michel Trudeau, idem
*M. Franco Fava, ACRGTQ
*M. Alain Gagné, idem
*M. Claude Vallerand, idem
*M. Louis Champagne, SPIHQ
*M. Gérald A. Ponton, AMEQ
*M. Michel Boucher, idem
*M. Barkev Setrakian, idem
*M. Luc Benoit, AICQ
*M. Raymond R. Garneau, idem
*Mme Johanne Desrochers, idem
*M. Jacques Marquis, CEQ
*M. Réal Boulé, idem
*M. André Robidoux, idem
*M. Dominique Neuman, Groupe de recherche appliquée en macroécologie
*M. Philippe Belley, idem
*M. René Simon, Conseil de bande de Betsiamites
*M. Denis Brassard, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Sirros): Mesdames et messieurs, si vous permettez, constatant le quorum, j'aimerais déclarer la séance de la commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à des consultations particulières dans le cadre du suivi du mandat de surveillance d'Hydro-Québec.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Il n'y a pas de remplacements, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Par contre, je sais que nous avons une demande qui requiert le consentement des membres pour que la députée de La Pinière puisse assister à nos travaux, étant donné qu'elle n'est pas membre régulière mais qu'elle a exprimé l'intérêt de participer à nos travaux. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Beaulne: Oui.

Le Président (M. Sirros): Il y a consentement. J'aimerais peut-être aussi profiter de ce moment-ci pour demander un autre consentement qui nous servira pour les trois jours, et ce serait le consentement de pouvoir dépasser notre horaire après 18 h 00 aujourd'hui, demain et après-demain. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Beaulne: Oui.


Remarques préliminaires


M. Christos Sirros, président

Le Président (M. Sirros): Il y a consentement. Alors, je vous rappelle que nous avons un horaire assez chargé. Et nous avons convenu, pendant un certain temps – jusqu'à 10 h 15, maximum – de pouvoir procéder à des remarques préliminaires, et je commencerais peut-être en rappelant un peu à tout le monde qui assiste à nos travaux que nous débutons, comme je le disais tantôt, aujourd'hui trois jours d'audiences sur un sujet qui, jusqu'à il y a quelques semaines, ne suscitait de l'intérêt qu'auprès des groupes relativement restreints d'acteurs qui suivent un peu l'évolution des choses en ce qui concerne Hydro-Québec et le gouvernement. Le plan stratégique d'Hydro-Québec avait, au sein de ces acteurs concernés, suscité quand même un intérêt réel, et plusieurs voulaient se faire entendre sur les choix que le gouvernement faisait prendre à Hydro-Québec, et c'est ainsi que la commission a décidé en décembre dernier de s'insérer, de sa propre initiative, dans le processus de l'examen de la question en prenant l'initiative de convoquer des audiences publiques d'une journée avant que les dirigeants d'Hydro-Québec soient convoqués par le gouvernement pour expliquer leur plan.

C'était, on avait convenu, le minimum qu'on pouvait faire pour inclure un volet consultations publiques dans un processus qui n'en prévoyait pas un. C'était d'autant plus à propos parce que ça se situait également dans la prolongation du mandat que la commission s'était donné il y a un an qui était d'échanger, dans le temps, avec Hydro-Québec, de ses orientations, et ce, avant qu'Hydro-Québec dépose son plan stratégique. Ceci avait donné lieu, on se le rappellera, au mois de juin, à un rapport de la commission qui a été déposé avec des recommandations à l'Assemblée nationale.

Il était, en soi, donc tout à fait pertinent de voir comment les recommandations de la commission avaient été traitées par Hydro-Québec une fois que son plan stratégique avait été déposé. La tempête du verglas et surtout l'adoption par décret avant même que le plan ne soit présenté par Hydro-Québec devant le Parlement ont en quelque sorte braqué les projecteurs sur ce plan stratégique d'Hydro et en ont élargi l'intérêt à celui du grand public. Des questions ont fusé de partout: Pourquoi agir de la sorte? Quels liens existe-t-il entre la tempête, le plan stratégique, les projets de développement? Que se cachait-il – si quelque chose se cachait – derrière la précipitation du gouvernement?

Et c'est ainsi que, ayant eu l'occasion de revoir l'horaire de nos travaux, la commission a convenu d'élargir ses propres consultations. Et je fais remarquer ici que ces auditions ne font pas partie du processus gouvernemental, ce qui explique l'absence de ministres du gouvernement ici. Il y a des ministériels et des députés de l'opposition, mais il n'y a pas de représentants de l'Exécutif, c'est une initiative des parlementaires. On a donc décidé d'élargir nos auditions à trois jours plutôt qu'un et d'entendre tous ceux qui avaient montré un intérêt. C'est donc plus de 30 intervenants que nous entendrons sur les trois jours qui débutent aujourd'hui, et ceci, évidemment, nous astreindra à une discipline de fer quant au déroulement de nos travaux. Je m'en excuse d'avance auprès de mes collègues et des intervenants si, parfois, je serai obligé – de même que le vice-président qui partagera certaines de ces séances avec moi – de les inciter à raccourcir leurs commentaires et questions pour qu'on puisse vraiment respecter l'horaire qui est un horaire très chargé.

(9 h 40)

Je tiens à remercier tous ceux qui ont pris la peine de répondre à notre invitation. Je suis certain que la qualité de notre démocratie sera améliorée par cet éclairage, et ceci nous permettra à nous, en tant que parlementaires, de mieux jouer notre rôle de bien représenter le peuple quand viendra le temps, également, d'échanger avec les dirigeants d'Hydro-Québec sur ce qui est proposé pour la société d'État.

Alors, avec ces quelques remarques de mon côté, j'aimerais peut-être passer la parole aux représentants du groupe ministériel qui auraient quelques remarques préliminaires également et, par la suite, à ceux de l'opposition qui pourraient se prévaloir du temps à notre disposition pour ce faire. Alors, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Beaulne: D'Youville.

Le Président (M. Sirros): Marguerite-D'Youville. Excusez-moi, c'est vrai.


M. François Beaulne

M. Beaulne: Alors, merci, M. le Président. En 1962, il y a de ça plus de 35 ans, sous l'impulsion de René Lévesque, le gouvernement du Québec nationalisait le secteur de l'électricité au profit d'Hydro-Québec. Cette décision historique, qui allait faire entrer le Québec dans la modernité en le dotant d'une des principales sociétés énergétiques au monde, visait à mettre fin aux disparités tarifaires et aux prix abusifs pratiqués par certains fournisseurs, particulièrement dans les régions éloignées ou privées de ressources. La situation devait par la suite changer rapidement, les tarifs s'uniformisant à travers le territoire et une même fiabilité de service étant assurée à toute la clientèle. Hydro-Québec, dans les années qui suivirent, s'intégrait ainsi à son milieu d'une façon inédite.

Créé en 1964, soit deux ans à peine après la nationalisation, l'institut de recherche d'Hydro-Québec, l'IREQ, situé d'ailleurs dans la région que j'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée nationale, devient rapidement une référence mondiale dans de nombreux domaines et la vitrine internationale de l'ingéniosité québécoise. C'est là que naît d'ailleurs le transport d'énergie de 735 kV. À partir de 1968, avec l'inauguration du barrage Daniel-Johnson à Manic 5, qui fait figure de symbole, en passant par l'exploitation de la Churchill Falls à la fin des années soixante, le parachèvement du plus grand chantier de l'histoire du Québec, le complexe La Grande à la Baie James, début des années soixante-dix, suivi de la signature de la Convention de la Baie James avec les communautés crie et inuit en 1975, les travaux de la phase I du complexe La Grande en 1980, Hydro-Québec entre dans le club mondial sélectif des grands producteurs d'énergie. Les années quatre-vingt-dix sont caractérisées par la poursuite du développement hydroélectrique, le lancement d'un programme d'efficacité énergétique ainsi que la mise en place d'un service à la clientèle qui, en peu de temps, s'avéra un des plus appréciés de l'industrie nord-américaine.

Au fil des ans, l'industrie électrique mondiale s'est engagée dans une période de profonds changements. Ce mouvement est particulièrement important aux États-Unis où l'industrie connaît sa restructuration la plus importante depuis les années trente. Emboîtant le pas dans cette mouvance, au Québec, le marché de gros et le réseau de transport d'électricité sont ouverts à des tiers intervenants depuis le 1er mai 1997 et un nouveau cadre réglementaire issu de la nouvelle politique énergétique est en voie d'instauration. Cette politique fait largement appel à Hydro-Québec dont le plan stratégique 1998-2002 vise à faire du Québec une plaque tournante en matière énergétique.

Ailleurs au Canada, en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario, des mesures importantes de restructuration ont été ou sont en voie d'être introduites. À cela s'ajoute la demande énergétique internationale qui connaît une forte progression à mesure que bon nombre de pays sortent du sous-développement industriel et cherchent à offrir à leurs citoyens une qualité de vie à la hauteur de ce que peut produire la technologie contemporaine.

C'est dans ce contexte général que la commission de l'économie et du travail échangeait en mars dernier, pendant trois jours, avec le nouvellement nommé P.D.G. d'Hydro-Québec M. André Caillé sur les grandes orientations qu'il entendait donner à notre société d'État, et ce, en préparation du plan stratégique quinquennal qu'il devait déposer dans les mois qui suivirent, soit en octobre dernier. Les parlementaires de la commission voulaient ainsi s'assurer que le virage de l'exportation d'électricité et de savoir-faire ainsi que les diverses mesures qu'entendait prendre Hydro pour renforcer sa compétitivité sur les marchés extérieurs ne se feraient pas en affaiblissement des trois principes fondamentaux qui avaient motivé sa nationalisation en 1962, soit l'interfinancement du secteur domestique et commercial, l'équité interrégionale des prix et la propriété collective de notre grand producteur d'énergie.

Il en résulta 21 recommandations, dont la principale demandait que soit tenu un débat sur toute la question de la restructuration des marchés et de l'exportation d'électricité. Le président d'Hydro-Québec, le ministre des Ressources naturelles et le premier ministre lui-même ont reçu positivement les recommandations de la commission, et j'ai bon espoir que ce débat se tiendra dans les mois qui viennent.

La loi d'Hydro-Québec n'oblige pas la société d'État à soumettre son plan stratégique à une commission parlementaire avant son adoption par le gouvernement. Toutefois, il avait été convenu que ce plan soit examiné par la commission de l'économie et du travail trois mois après son dépôt à l'Assemblée nationale, ce qui, en principe, aurait dû se faire les 20, 21, 22 janvier dernier. La crise du verglas et, surtout, son ampleur inattendue ont chamboulé tous les échéanciers.

Le 14 janvier, en pleine crise, le gouvernement adoptait quatre décrets: trois portant sur l'établissement de raccordements en Outaouais, en Montérégie et à Montréal, le quatrième adoptant le plan stratégique d'Hydro-Québec. Certaines voix se sont alors élevées pour crier à la manipulation et à un coup de force d'Hydro à la faveur de la crise. Trois des décrets adoptés le 14 janvier visent à permettre à Hydro-Québec de prendre les mesures nécessaires pour éviter qu'une catastrophe comme celle que l'on a vécue ne se répète. Comme représentant d'une population sinistrée pendant plus de deux semaines, je ne puis que m'en réjouir, d'autant plus que M. Caillé et le premier ministre ont réaffirmé que l'objectif premier de ces travaux était non pas l'exportation d'électricité, mais la sécurisation du réseau.

Quant au plan stratégique, il n'y a rien de coulé dans le béton. Le décret prévoit trois choses: il adopte le plan; il prévoit qu'une commission parlementaire l'examinera, ce que nous ferons effectivement en présence de M. Caillé les 24, 25 et 26 février prochain; il ouvre la porte aux ajustements nécessaires.

En reportant les échanges avec le P.D.G. d'Hydro à ces dates, nous aurons l'occasion d'insérer au plan stratégique des mesures préventives découlant de la crise du verglas qui n'y figurent pas présentement. Nous pourrons également, dans les trois jours qui viennent, entendre tous les groupes – et, je le souligne, tous les groupes – qui ont demandé à s'exprimer sur le plan stratégique, alors que, auparavant, nous n'aurions pu consacrer que quelques heures à cet exercice, limitant ainsi le nombre de présentations. Au lieu d'une seule journée d'auditions, nous en aurons maintenant trois. C'est dire que plus de groupes et plus de points de vue pourront être entendus. Ces points de vue représentent les préoccupations des diverses composantes de notre société. Nous sommes ici pour les recevoir et les intégrer à notre propre réflexion en prévision des échanges que nous aurons subséquemment avec la direction d'Hydro-Québec. C'est ainsi que, comme parlementaires, nous entendons nous acquitter de notre rôle de représentants des actionnaires d'Hydro-Québec que nous sommes tous.

En terminant, j'aimerais également faire miens les commentaires du président de la commission à l'effet que, contrairement... Pour répondre à des allégations qui sont faites dans le journal Le Devoir de ce matin s'interrogeant sur l'absence de M. Chevrette, du ministre à cette commission, cette commission est le résultat d'un mandat d'initiative de parlementaires et, en conséquence, elle n'exige aucunement la présence de ministres du gouvernement, puisque l'objectif, c'est d'entendre les groupes et d'aiguillonner les réflexions des parlementaires en prévision des échanges que nous aurons spécifiquement sur le plan stratégique à la fin du mois de février. Merci.

(9 h 50)

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député. Du côté de l'opposition, M. le député de Saint-Laurent.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. Ça a été invoqué précédemment, l'exercice d'entendre Hydro-Québec devait avoir lieu à la fin du mois de janvier, mais, pour les circonstances qu'on connaît, il est apparu nécessaire que... Dans les tout premiers jours de la crise du verglas, la première communication du ministre responsable et moi-même a été de reporter aux dates des 24, 25 et 26 l'exercice de l'étude du plan stratégique d'Hydro-Québec. On se souviendra que, dans le scénario original, une seule journée avait été prévue pour entendre les groupes qui souhaitaient être entendus. Donc, il n'y avait qu'une seule journée et un nombre d'une trentaine de groupes rendait l'exercice pour le moins difficile et, on pense, n'accordait pas toute l'importance nécessaire à ceux qui veulent contribuer à améliorer ce plan. En reportant la date, également, de concert avec l'ensemble des membres de cette commission, nous nous sommes rapidement mis d'accord pour que d'une seule journée nous puissions utiliser trois jours, et c'est ce que nous débutons à faire aujourd'hui.

Vous conviendrez, M. le Président, que, depuis les événements du verglas, dans le dossier d'Hydro-Québec, la dépendance qu'ont les Québécois face à cette forme d'énergie amène la collectivité québécoise à être beaucoup plus sensible, à réagir de façon beaucoup plus pointue, beaucoup plus précise. Je crois que ce qui amènera du positif à l'exercice que nous apprêtons à faire c'est que, comme membres de cette commission, nous ayons une écoute bien attentive aux gens pour qui le plan stratégique, les orientations d'Hydro-Québec soulèvent des questionnements, certains dans la façon de procéder. Alors, il me semble important que, comme parlementaires, nous profitions de l'exercice qui débute aujourd'hui, pour les trois prochaines journées, pour enrichir notre réflexion collective sur quel doit être le rôle d'Hydro-Québec.

Et, lors de mon premier échange avec le ministre responsable pour reporter les dates, je lui ai dit: Assure-toi que, quand Hydro-Québec viendra devant nous, ma toute première question – et je profite de l'occasion de ce matin pour l'indiquer – sera: Hydro-Québec a déposé son plan stratégique en octobre dernier. Avec les événements que nous avons connus qui sont maintenant le verglas, quelles sont les modifications qu'Hydro-Québec, maintenant, juge nécessaires d'apporter à son plan stratégique face à l'expérience que nous avons connue? Quelles sont les modifications? Est-ce qu'elles sont mineures ou majeures? Est-ce que nous devons procéder rapidement? Est-ce que nous devons attendre l'exercice de la commission présidée par M. Nicolet?

Mais tout ça viendra après. Ce matin débutent trois jours d'exercice où des gens qui sont convaincus que leur contribution améliorera notre réflexion... Quoiqu'il soit important que nous soyons à leur disposition pour faire l'écoute et s'assujettir, M. le Président, comme vous nous l'avez demandé, aux exigences d'un horaire chargé. C'est pour ça que je limiterai mes remarques, à ce moment-ci, à celles que je veux faire pour permettre à mon collègue du comté de LaFontaine et à ma collègue du comté de La Pinière d'utiliser la période qui est mise à notre disposition pour ajouter les leurs aux remarques préliminaires. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Très bien. Merci, M. le député de Saint-Laurent. M. le député de Groulx.


M. Robert Kieffer

M. Kieffer: M. le Président, compte tenu du fait, évidemment, que nous devons recevoir, pour les trois prochaines journées, d'autres groupes qui sont intéressés par la question, je vais, moi aussi, limiter le plus possible mes interventions.

Il y a trois éléments qui retiennent mon attention à la lecture, entre autres, de plusieurs, sinon la totalité des mémoires qui nous ont été soumis et qui reprennent aussi certains des éléments que nous avions relevés dans notre rapport du mois de juin, le fameux pacte social hydroélectrique qui est un peu à la base de la construction de la puissance énergétique du Québec. Rappelons l'équité interrégionale, l'interfinancement du secteur résidentiel et la propriété collective de nos équipements énergétiques. Je pense que ce pacte demeure. Je pense qu'il doit être et qu'il doit servir de balise à notre réflexion parce que les Québécois ont exprimé clairement, au cours des années, leur soutien à ce pacte-là.

Mais il y a aussi, par ailleurs, de nouvelles réalités qui ont été soulignées aussi dans la plupart des mémoires, entre autres celle de l'ouverture des marchés, et cette ouverture-là ne se fait pas uniquement au niveau des produits, elle se fait aussi au niveau de l'énergie. Hydro-Québec a eu sa licence complète de la FERC, qui est l'agence américaine de contrôle, pour exporter vers les États-Unis. Doit-on y aller? C'est une question, je pense, que nous sommes en droit de nous poser.

Quels sont les besoins exprimés par les Américains? J'ai souvent l'occasion de rencontrer des parlementaires du nord-est des États-Unis qui m'ont, à de multiples reprises, fait des représentations à cet effet-là. Il faut bien voir, par exemple, qu'en Nouvelle-Angleterre tout le parc atomique est appelé à disparaître à court terme. D'ici les cinq à huit prochaines années, il n'y aura, à toutes fins pratiques, plus de «plants» producteurs d'énergie, de «plants» atomiques aux États-Unis. Il y a même, à Long Island, un «plant» neuf qui n'a jamais été utilisé et qui ne le sera pas. Pourquoi? Parce que l'opinion publique américaine réalise, je suppose, les impacts dangereux de ce type d'infrastructures là. L'Ontario aussi est dans une situation qui rappelle celle du Connecticut qui a le plus gros parc, dans le nord-est, d'usines nucléaires. Ils vont recourir à quoi pour prendre la relève de l'énergie atomique? Les énergies fossiles? Le charbon? L'huile? Le gaz? Quand on sait tous les risques que ce type d'énergie amène et tous les risques que ça pose au niveau des émissions atmosphériques.

Et ça m'amène au troisième élément, qu'on retrouve encore une fois dans les mémoires, ce sont les négociations et les ententes de Kyoto, à la fin de l'automne dernier, qui ont fixé des balises très claires quant aux réductions des gaz atmosphériques. Le président Clinton en parlait encore tout récemment, l'objectif est de réduire de 7 % d'ici 2008 à 2012 les émissions de gaz atmosphériques. C'est énorme comme objectif. Lorsqu'on est pris dans la réalité de remplacer le parc atomique, on va le remplacer par quoi? Alors, évidemment, l'énergie hydroélectrique offre pour les Américains une garantie d'énergie propre. Est-ce que, en tant que société qui a effectivement cet avantage de posséder une source d'énergie très propre... Il n'y a pas de source d'énergie absolument propre, mais l'énergie hydroélectrique est probablement parmi les plus propres pour l'environnement. Alors, quelle doit être notre décision en tant que société vis-à-vis de ces besoins qui vont aller en croissant compte tenu de la disparition d'autres sources d'énergie traditionnelles? Est-ce que les prix vont être compétitifs? Est-ce que les investissements que nous allons faire comme société dans ce type d'infrastructures là vont nous permettre de rentabiliser? Ce sont les questions que nous devons nous poser. Il y a un marché, c'est clair. Sommes-nous capables de relever le défi? Et, en tant que société, voulons-nous relever le défi? Voilà. Je vous remercie.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. le député de Groulx. M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Vous allez me permettre de saluer les gens qui vont venir témoigner aujourd'hui et aussi de saluer, vu qu'on parle d'Hydro-Québec pour la première fois depuis les événements en commission parlementaire, tous les travailleurs d'Hydro-Québec qui ont travaillé fort dans la grande région de Montréal et du Québec pour restaurer le service de nos concitoyens.

M. le Président, l'initiative de la commission tombe à point. En effet, sans cette crise, sans ces bouleversements que nous avons connus, peut-être que l'acuité ne serait pas la même quant aux questions qui sont soulevées dans le plan de développement d'Hydro-Québec. En effet, un certain nombre de questions se posent, et, avant de lever ces questions, j'aimerais quand même faire savoir qu'il est déplorable que, profitant d'une crise comme celle que nous avons connue, le gouvernement ait tenté de passer outre au système normalement établi au Québec afin d'assurer un développement harmonieux et d'assurer, bien sûr, la contribution et la collaboration et des citoyens et des parlementaires.

(10 heures)

En effet, l'annonce avant temps de ce plan de stratégie d'Hydro-Québec sous prétexte ou de préserver les actions ou les obligations d'Hydro-Québec à l'étranger ou même de sécuriser le réseau, il a été démontré rapidement par la suite qu'elle n'était pas avenue et que c'était simplement de la précipitation qui était faite dans un but politique ou simplement de passer outre les mécanismes prévus. Il suffit de prendre, à titre d'exemple, la ligne Duvernay-Anjou, ligne qui avait été, bien sûr, étudiée par le BAPE, qui avait fait un certain nombre de recommandations, entre autres celle de vérifier si on avait vraiment besoin de ce courant électrique là, ce qui n'avait pas été fait par Hydro, et aussi de proposer un certain nombre de mesures pour la faire si elle devait être faite.

Et, lorsqu'on a vu le gouvernement, par la suite, invoquer l'urgence pour passer outre à ces recommandations et même passer outre au rapport du ministère de l'Environnement, comme ça doit se faire selon la loi de l'environnement, eh bien, force est de constater qu'il y a eu là précipitation encore et, certainement de la part de la direction d'Hydro, certaines pressions pour faire faire ou faire accepter par le gouvernement, comme dans le plan stratégique avec les quatre décrets qui ont été émis, un certain nombre de choses qu'ils ne veulent pas ou qu'ils espèrent ne pas être capables de soumettre à la population. Ça, ça occulte un certain nombre de questions, entre autres: Est-ce que notre réseau, tel qu'il est actuellement, correspond à ce que les Québécois ont besoin? Est-ce que notre réseau, actuellement, a besoin de changements, d'améliorations? Est-ce qu'on doit regarder des nouvelles sources de production électrique? Est-ce qu'on doit encore conserver ce grand réseau? Est-ce qu'il y a lieu de faire une nouvelle philosophie? Est-ce qu'on doit regarder la production régionale, la diversification par le gaz avec des centrales? Est-ce qu'on doit regarder aussi toute notre politique d'exportation?

On sait que, pendant que les Québécois manquaient de courant électrique, des lignes à haute tension qui allaient vers les États-Unis étaient pleines, avaient du courant électrique et que, si on avait eu des systèmes d'interconnexion, selon la méthode radiale, on aurait pu connecter ces lignes-là pour éclairer Montréal, par exemple, avec la centrale de Beauharnois, qui est détachée complètement et qui est seulement en opération avec le réseau new-yorkais, seulement pour l'exportation.

Enfin, c'est toutes sortes de questions qui sont posées. Et l'avantage de cette commission, c'est que les groupes qui sont ici sont des gens qui, naturellement, même en dehors d'une crise comme celle que nous avons connue, ont un intérêt pour ces questions, un intérêt pour le développement, un intérêt pour l'économie d'énergie.

On voit que, dans le plan stratégique d'Hydro-Québec, on parle très peu d'économie d'énergie. Je rappellerai qu'Hydro, il y a quelques années, avait un plan d'économie d'énergie très important, qu'il a été mis de côté et abandonné, même complètement, même si certains investissements avaient été faits. On se rappelle des 800 000 ou je ne sais plus combien de centaines de milliers de thermostats qui avaient été achetés, commandés par Hydro pour mettre dans les maisons, qui ont été totalement non utilisés. Alors, ça, c'est des questions que les Québécois sont en droit de se poser avant d'adopter un projet, un plan de développement comme celui-là.

C'est vrai, les profits sont importants. Le gouvernement demande à Hydro de lui fournir un certain nombre de milliards, un certain nombre de centaines de millions rapidement cette année et des milliards dans les prochaines années, les prochaines décennies. Mais est-ce qu'on doit faire en sorte que le seul objectif financier demandé par le gouvernement soit la ligne de conduite d'Hydro-Québec?

Je rappellerai qu'Hydro-Québec a été conçue et créée pour servir les Québécois et non pas pour se servir chez les Québécois pour continuer à éponger les déficits du gouvernement. Alors, la mission première d'Hydro-Québec, c'est de servir les Québécois, c'est d'éclairer le Québec. Et, par la suite, si on peut desservir les marchés étrangers, sans aller au détriment de l'environnement et des finances des Québécois et des Québécoises, eh bien, tant mieux.

Je crois que, dans le plan stratégique, nous avons besoin d'écouter les gens, d'avoir vos conseils, et nous avons besoin aussi de recommandations. Il sera à souhaiter qu'après cette commission, bien sûr, on pourra en tenir compte. Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. M. le député de Johnson.


M. Claude Boucher

M. Boucher: Merci, M. le Président. Je ne serai pas long. Je veux profiter de cette période pour remercier les intervenants d'Hydro-Québec dans mon comté et dans la partie de mon comté particulièrement qui fait partie de la Montérégie, où nous avons découvert le dévouement extraordinaire des employés d'Hydro-Québec et leur engagement au service de la population. Nous avons vécu une crise qui a été gérée très correctement par la Société, dont nous sommes fiers. Et je tiens à féliciter particulièrement les travailleurs et travailleuses d'Hydro-Québec, mais aussi les cadres qui ont géré cette crise-là. J'ai rencontré pendant la crise des cadres à la retraite, qui sont entrés au travail à des salaires qu'on peut imaginer et qui ont travaillé presque jour et nuit pour aider la population du Québec à s'en sortir. Je tiens à les féliciter.

La commission que nous entreprenons, à mon avis, est extrêmement importante, puisqu'elle permet aux parlementaires de regarder, de se faire une idée et de faire des suggestions concernant l'orientation énergétique du Québec. C'est une commission extrêmement importante, et j'aimerais qu'elle nous permette de se faire dans le respect du pacte social qu'a évoqué tout à l'heure mon collègue de Groulx.

L'équité interrégionale, donc des tarifs uniformisés pour tous les Québécois, c'est fondamental. La crise nous a permis de constater la grande fragilité et la dépendance des Québécois vis-à-vis de la filière hydroélectrique. Je vis actuellement dans mon comté, comme plusieurs de mes collègues, probablement, et probablement dans tout le Québec... des gens qui se disent: Maintenant, nous ne pourrons compter que sur nous-mêmes. Et il y a des gens qui me disent: Moi, je vais m'acheter une génératrice de 6 000 W; l'autre: Je vais m'en acheter une de 11 000 W. Et plus j'écoute ces choses-là, plus je constate jusqu'à quel point, si Hydro-Québec ne sécurise pas davantage son réseau... Si les Québécois qui sont plus pauvres n'ont pas accès à des moyens de sécurité énergétiques comme les plus riches... Parce que vous comprendrez que ceux qui vont s'organiser, maintenant, seuls, pour répondre aux crises, ce sont les gens les plus fortunés. Et Hydro-Québec doit être capable de continuer, elle, à donner un service de qualité et un service sécurisant pour tous les Québécois qui sont aux prises – et ils pourront l'être encore – avec des problèmes de cette nature.

J'insiste sur ça, parce que chacun de nous est maintenant témoin des réactions populaires face à l'après-crise, et je pense que la société d'État a un rôle énorme à jouer, et son plan stratégique, quels qu'en soient les résultats, pourra probablement nous aider à donner des réponses positives à ces questions-là que nous nous posons et à ces attentes-là que nous avons, surtout par rapport à la société d'État.

Alors, M. le Président, je ne parlerai pas plus longtemps. J'ai hâte d'entendre des groupes et j'ai la conviction que la démarche de tous les députés, ici, va aider le gouvernement à prendre les décisions qui s'imposent et aider la société, surtout. Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. le député de Johnson. Mme la députée La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, moi aussi, je voudrais joindre ma voix à mes collègues qui m'ont précédée pour saluer d'abord l'initiative de cette commission qui s'est donné un mandat et qui écoute les groupes sur un sujet très important comme celui du plan stratégique d'Hydro-Québec. À titre de membres de la commission des institutions, nous n'avons malheureusement pas eu cette souplesse, du côté gouvernemental, pour entreprendre un mandat sur la Sécurité civile, qui avait une responsabilité majeure. J'aurais souhaité, en tout cas, qu'il y ait la même ouverture pour qu'on puisse faire le même débat, de la même façon qu'on le fait sur Hydro-Québec.

Ceci étant dit, j'ai demandé de participer aux travaux de cette commission d'abord parce que, moi-même, j'ai été triplement sinistrée: personnellement, dans mon comté et dans la Montérégie, qui est la région que je représente et qui a été la plus touchée par la tempête de verglas. Deuxièmement, à titre de porte-parole pour l'opposition officielle en matière de relations internationales, je suis de très près le dossier de l'exportation de l'énergie et son impact au niveau économique au Québec.

Pour ce qui est du plan stratégique comme tel, évidemment il porte sur un certain nombre de points, notamment les tarifs d'Hydro, la croissance de l'entreprise, l'activité internationale, la contribution des employés au développement de l'entreprise. Et je suis ravie de voir que, parmi les groupes qui seront entendus, il y a au moins trois syndicats: le Syndicat professionnel des scientifiques de l'IREQ, le Syndicat professionnel des ingénieurs d'Hydro-Québec inc., et le Syndicat des employés des métiers d'Hydro-Québec. Ces gens-là sont au coeur de l'action au sein d'Hydro. Également, dans le plan stratégique, il est question de recherche et développement comme instrument de responsabilités, de perspectives financières et d'impacts économiques du plan stratégique d'ici l'an 2000.

(10 h 10)

Donc, en somme, il s'agit du portrait d'Hydro-Québec. Ce portrait d'Hydro-Québec n'est plus le même depuis la tempête du verglas. Il n'est plus le même, parce que la confiance des Québécois à l'égard de ce vaisseau amiral est pas mal ébranlée. Non pas que les gens n'ont pas confiance en l'institution, mais l'expérience qui a été vécue par les citoyens les a amenés à questionner beaucoup de choses qui étaient considérées comme coulées dans le béton. Aujourd'hui, en entamant ce débat et cet échange sur le plan stratégique, on ouvre la porte aussi au grand débat, qui n'a pas encore eu lieu, sur la diversification des sources d'énergie au Québec et aussi sur la capacité des Québécois de pouvoir accéder à des sources différentes pour minimiser leur dépendance. La sécurisation du réseau est au centre, également, de ces échanges. Et, comme disait mon collègue le critique en matière d'énergie, député de Saint-Laurent, il s'agit de savoir quelles sont les modifications que Hydro-Québec est en mesure d'apporter au plan stratégique, parce que les choses ne seront plus jamais pareilles.

En terminant, M. le Président, puisqu'on n'a pas beaucoup de temps, je voudrais rendre un hommage très, très, très, très fort aux monteurs de lignes et à tous les bénévoles et à toutes les personnes qui sont venues en aide et qui ont exprimé leur solidarité à l'égard des sinistrés du Québec et de la Montérégie en particulier.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, Mme la députée. Ceci met fin à la période prévue pour les remarques préliminaires, et j'aimerais en profiter pour inviter le premier groupe à se présenter à la table. Il s'agit du Conseil du patronat du Québec.

Alors, je vous demanderais de vous identifier et d'identifier ceux qui vous accompagnent. Et je vous rappelle que nous disposons d'à peu près 15 minutes, maximum, pour votre présentation et d'un échange de 30 minutes également partagées entre les ministériels et les députés de l'opposition. On vous souhaite la bienvenue.


Auditions


Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Garon (Jacques): Alors, merci, M. le Président. Je me permets de me présenter: Jacques Garon, directeur de la recherche socioéconomique au Conseil du patronat du Québec; ma collègue Louise Marchand, qui oeuvre également au Conseil du patronat; et M. Pierre Vézina, qui est directeur de la section énergie à l'Association des industries forestières du Québec.

Alors, dans le peu de temps qui m'est imparti, M. le Président, si vous le permettez, je passerai très rapidement sur les principaux points de notre mémoire.

Alors, nous vous remercions d'abord de nous donner l'occasion de présenter nos commentaires sur les orientations d'Hydro-Québec pour les cinq prochaines années. Il est indéniable que, depuis une quarantaine d'années, Hydro-Québec a joué un rôle de premier plan dans le développement économique du Québec. Hydro-Québec a non seulement construit des barrages et des centrales, mais elle a acquis un savoir-faire reconnu internationalement qui a été bénéfique à de nombreuses industries québécoises. L'actionnaire principal de l'entreprise, l'État, en a également tiré des profits intéressants. Tout en reconnaissant le rôle qu'a joué Hydro-Québec non seulement dans le développement de l'électricité au Québec, mais également dans la création d'importantes industries grandes consommatrices d'électricité, un certain nombre de questions se posent quant à l'orientation future de l'organisme face à la demande prévue d'électricité et à l'ouverture des marchés limitrophes au Québec.

Alors, je commencerai par quelques mots sur la restructuration des marchés, et en particulier le marché américain. Alors, aux États-Unis, depuis quelques années, la déréglementation des industries du transport et de l'énergie a donné lieu à une importante restructuration des marchés. Dans le cas de l'électricité, cette restructuration a trait au marché de gros, du détail et au transport d'électricité. Dans un cas comme dans l'autre, l'ouverture des marchés fait en sorte que la concurrence s'accroît, les prix ont tendance à diminuer et les occasions d'affaires sont plus nombreuses. C'est dans ce contexte qu'Hydro-Québec entend accroître ses ventes d'électricité au Québec. C'est pourquoi elle doit au préalable obtenir le statut de négociant d'électricité de la Federal Energy Regulatory Commission, statut qu'elle a obtenu en novembre dernier et qui a donné lieu à une ouverture réciproque du réseau québécois.

Les exportations d'électricité représentent 500 000 000 $ à 700 000 000 $ par an depuis quelques années, selon le président d'Hydro-Québec, et je cite: «Une baisse de revenus du marché externe mènerait à une augmentation des tarifs au Québec ou à des réductions encore plus grandes dans les charges d'exploitation à l'intérieur d'Hydro-Québec.» Fin de la citation. Il convient, dès lors, de se poser la question suivante: Si la production et la tarification de l'électricité demeurent réglementées au Québec, par les soins de la Régie, comme le gouvernement l'a lui-même prévu, comment sera-t-il possible de concilier cette politique avec un marché américain déréglementé qui, seul, décidera du prix? En d'autres mots, s'instaurerait la situation paradoxale d'une tarification planifiée à long terme pour les usagers québécois et de prix changeants au jour le jour selon la demande sur le marché américain déréglementé, et ce, pour un même distributeur ou producteur.

Cette incongruité tarifaire entraînerait nécessairement une instabilité des prix sur les marchés externes et des investissements à plus court terme, la tendance étant, en effet, de négocier des contrats à court terme et donc, de se tourner de plus en plus vers les moyens de production décentralisés. Comment, dans ce contexte, Hydro-Québec pourra-t-elle gérer le développement de nouvelles infrastructures au Québec, si la pression à la baisse sur les prix fait en sorte que leur rentabilité sera plus difficile à justifier? Les investissements se feront en fonction d'un marché ouvert plutôt que d'un marché captif, ce qui implique une structure de coûts concurrentiels basés sur le coût marginal plutôt que sur le coût moyen de production, et il faudra donc prendre des risques comme pour tout autre investissement. Même si Hydro-Québec ne s'engage à faire des investissements qu'à la condition de satisfaire trois critères: 1- accueil favorable des communautés locales; 2- rentabilité; et 3- respect des normes environnementales, il n'en demeure pas moins que les questions évoquées plus haut demeurent.

Par ailleurs, le gel des tarifs implique l'amélioration de la rentabilité par la croissance des marchés, notamment le marché américain. Cependant, rappelons que, même avec le gel annoncé des tarifs après 1998, le prix de l'électricité au Québec pourrait demeurer relativement élevé comparativement au gaz naturel et au pétrole. Entre 1987 et 1997, le tarif L d'Hydro-Québec a augmenté de 56,5 %, alors que l'indice des prix à la consommation n'a augmenté que de 29,3 % au cours de la même période. Nous sommes d'avis que les prévisions d'Hydro-Québec devraient reposer sur un certain nombre d'hypothèses ou de scénarios (prudent, moyen, optimiste) quant aux ventes d'électricité, notamment en regard de l'inflation, du taux de change et de la demande tant sur les marchés internes qu'externes. En effet, les prévisions de croissance générale des ventes s'appuient sur une croissance continue de la production industrielle du Québec, elle-même due à une croissance économique soutenue entre 1998 et 2002. C'est là une hypothèse qui semble pour le moins optimiste dans une conjoncture qui change très rapidement. Qui aurait pu prévoir la tempête de verglas qui s'est abattue sur le Québec, avec les conséquences dont on n'a pas encore évalué les coûts?

Le Conseil du patronat, M. le Président, est d'avis, comme l'a exprimé la Commission dans sa recommandation 5, qu'Hydro-Québec devrait présenter un certain nombre de scénarios de développement basés sur des hypothèses différentes, comme elle l'a d'ailleurs fait au cours de ses planifications antérieures. Et ces scénarios devraient être soumis pour débat à la Régie de l'énergie.

Quant au pacte social de l'électricité au Québec, c'est, pour l'essentiel, l'équité interrégionale, la propriété collective des infrastructures de production et l'interfinancement du secteur résidentiel. En ce qui concerne l'équité interrégionale ou l'uniformité tarifaire, il semble économiquement justifié de faire payer les coûts réels aux clients d'Hydro-Québec. Nous reviendrons un peu plus loin sur l'interfinancement.

En ce qui a trait à la propriété collective des infrastructures de production, c'est-à-dire à l'étude d'une privatisation partielle ou totale de l'entreprise, cette suggestion a été écartée par les représentants d'Hydro-Québec. Nous pensons, pour notre part, que la Régie de l'énergie serait l'organisme le plus apte à déterminer si un débat public sur ce sujet est judicieux ou non.

Au titre précisément de la Régie de l'énergie, le Conseil du patronat souhaite que les dispositions des chapitres III et IV de la Loi sur la Régie de l'énergie, qui confèrent au nouvel organisme les pouvoirs, et je cite «de fixer ou de modifier les tarifs et les conditions auxquels l'électricité est transportée ou fournie par Hydro-Québec» soient mises en vigueur très rapidement. Jusqu'à présent, les pouvoirs de la Régie en matière de tarification sont limités au gaz naturel. Dès lors, dans un esprit d'équité et afin que la Régie joue véritablement le rôle que le législateur a voulu lui confier, il importe que tous les tarifs de transport ou de fourniture d'énergie soient soumis aux mêmes règles. Aussi, la section I du chapitre III et le chapitre IV de la loi doivent entrer en vigueur. Le monde des affaires, et particulièrement les industries grandes consommatrices d'énergie, ont, à cet égard, des attentes légitimes.

Enfin, la Régie est également dépourvue de pouvoirs pour donner un avis au gouvernement, et je cite «sur la pertinence, les conditions et les modalités de la libéralisation des marchés de l'électricité». Et, selon nous, elle le demeurera même après le 11 février prochain, date de mise en vigueur du premier alinéa de l'article 167. Puisque cette variable a d'immenses retombées et qu'elle fait, par ailleurs, l'objet d'une approche particulièrement détaillée dans le plan stratégique, nous soutenons qu'il y a lieu de permettre à la Régie de tenir un débat ouvert là-dessus.

(10 h 20)

En ce qui concerne l'efficacité énergétique ou le dilemme de la neutralité tarifaire, dans son plan de développement 1993, Hydro-Québec proposait plusieurs mesures touchant l'ensemble des consommateurs des secteurs résidentiel, commercial, industriel et des transports pour atteindre une efficacité énergétique accrue. Ces mesures avaient trait à la sensibilisation, l'information et la recherche et le développement ou constituaient des incitations financières.

On prévoyait alors un objectif d'économie d'énergie de 9,3 TWh qui a été réduit maintenant à 3 TWh. Pourquoi? Essentiellement, en raison des pertes de revenus engendrées par les mesures proposées.

Comme le soulignait le rapport de la Commission, chaque kilowattheure économisé représente une perte de revenus de l'ordre de 0,46 $, soit un impact tarifaire net de 0,02 $ pour chaque kilowattheure économisé. Par conséquent, le projet ambitieux préconisé en 1993 aurait eu un impact très défavorable sur la position financière d'Hydro-Québec, même si, en soi, il était très louable.

D'autre part, un programme ambitieux d'efficacité énergétique devait être équitable dans la mesure où tous les secteurs – résidentiel, industriel et commercial – pouvaient bénéficier des mesures sans entraîner une hausse notable des tarifs. Pour tenter de trouver une solution à ce problème, les représentants d'Hydro-Québec ont proposé à la Commission de prélever une charge sur la distribution de toute forme d'énergie pour financer les mesures d'efficacité énergétique.

Le Conseil du patronat se montre favorable à l'application d'un prélèvement pour financer la réalisation du potentiel d'efficacité énergétique rentable pour la société dans la mesure où les analyses de la Régie peuvent démontrer qu'il y a un gain net pour les consommateurs si la hausse des tarifs est plus que compensée par une diminution de la consommation. Le taux de ce prélèvement, le cas échéant, pourrait être déterminé par la Régie et la gestion confiée à l'Agence de l'efficacité énergétique. Par ailleurs, il est souhaitable que ce prélèvement se rapproche le plus possible des consommateurs bénéficiaires de cette efficacité énergétique.

En ce qui concerne les nouvelles ressources d'énergie renouvelable, la Commission craint que l'achat de 20 MW par Hydro-Québec ne soit pas suffisant pour tirer profit du potentiel que représentent ces sources d'énergie. Elle recommande donc que le financement du développement de l'énergie éolienne, par exemple, repose sur une approche équitable.

Le Conseil du patronat ne croit pas qu'il revient aux consommateurs de quelque secteur que ce soit de financer directement ou indirectement le développement de l'industrie éolienne, solaire, de la biomasse ou même des petites centrales de moins de 10 MW. Si une telle industrie peut effectivement représenter un potentiel de mise en valeur, voire d'exportation, ce sont des producteurs d'énergie privés qui devraient en assumer les risques et en tirer profit. Que le gouvernement considère de favoriser par des mesures fiscales incitatives l'implantation d'entreprises dans ce domaine au Québec, soit, mais là devrait s'arrêter l'action de l'État en tenant pour acquis qu'il s'agit d'un secteur à exploiter par l'entreprise privée. Dans un environnement fiscal où particuliers et entreprises sont surtaxés au Québec, il serait malvenu de considérer toute forme de tarification volontaire ou même «verte».

En ce qui concerne la recherche et le développement, au-delà des difficultés qu'ont éprouvées quelques projets pour des raisons d'ordre structurel, qu'on est en train de corriger d'ailleurs, nous trouvons très intéressant que la direction de l'entreprise songe à intégrer de plus en plus des partenaires du secteur privé dans ses projets de recherche et développement. C'est, nous semble-t-il, un autre aspect de partenariat dans le développement économique qu'il faut souligner, tant au plan de la recherche fondamentale qu'à celui de la commercialisation, sans compter les effets bénéfiques des transferts de technologie.

En ce qui concerne les orientations tarifaires, pour l'essentiel, Hydro-Québec entend augmenter ses tarifs le 1er mai 1998 d'un taux égal à l'inflation annuelle à cette date. Comme le taux d'inflation moyen au Québec pour 1997 a été de 1,4 %, on peut s'attendre à ce que l'augmentation des tarifs soit inférieure à 1,5 %. Par la suite, Hydro-Québec gèle les tarifs jusqu'en avril 2002. Ainsi, l'amortissement des immobilisations et le service de la dette, regroupés sous le titre Autres charges et intérêts , représentent environ 80 % des coûts totaux et sont relativement incompressibles.

Si l'objectif d'un gel des tarifs doit être atteint, seul, suivant ce plan stratégique, un contrôle serré des dépenses d'exploitation le permettra. Cela implique des gains sérieux au niveau de la productivité, et on peut donc parler de la mise en oeuvre de la gestion par la qualité totale au sein de l'entreprise. Somme toute, le gel des tarifs et l'augmentation de la productivité sont deux défis majeurs auxquels adhère le Conseil du patronat.

Par ailleurs, si l'on considère l'interfinancement, c'est-à-dire la contribution relative aux profits de l'entreprise des différentes catégories d'abonnés, il est évident qu'une plus grande équité est nécessaire. Les dirigeants d'Hydro-Québec ont exprimé à la Commission qu'ils n'entendent pas la réduire. Cependant, si l'on se fie aux données récentes pour 1995, il nous semble qu'une amélioration est certainement souhaitable si, comme l'affirme Hydro-Québec, il est économiquement justifié de faire payer les coûts réels aux abonnés de l'entreprise, pourquoi demander une contribution relative des entreprises aux bénéfices d'Hydro-Québec beaucoup plus élevée que celle des secteurs domestique et agricole?

Enfin, Hydro-Québec évalue les investissements nécessaires pour faire face à la demande prévisible d'électricité du Québec et des marchés extérieurs à 13 200 000 000 $ entre 1998 et 2002. Ce sont donc des investissements annuels moyens de plus de 2 600 000 000 $ au cours des cinq prochaines années pour lesquels on aurait peut-être souhaité avoir un petit peu plus de détails. Néanmoins, pour le Conseil du patronat, une culture d'affaires orientée vers la croissance et la rentabilité, telle qu'elle s'exprime dans le document de planification d'Hydro-Québec, est une bonne façon de réaliser les objectifs de l'entreprise, tout en se positionnant pour faire face à la concurrence. Et ces investissements ont, par ailleurs, des retombées intéressantes sur l'économie québécoise, puisque Hydro-Québec évalue un impact tout de même positif sur la demande d'emplois: 194 000 pour la période 1998-2002.

En conclusion, M. le Président, pour le Conseil du patronat, la question qui se pose est de savoir si ce plan d'orientation stratégique à l'horizon 2002 est toujours d'actualité. En effet, d'une part, les conséquences économiques de la tempête de verglas portent à croire que les dirigeants d'Hydro-Québec réévalueront leurs choix stratégiques, notamment en ce qui a trait à l'approvisionnement des principaux marchés à partir des centrales situées à de grandes distances et aussi quant à la fiabilité du réseau de transport de l'électricité.

D'autre part, ce plan a déjà été accepté par l'État, vu l'urgence de la situation. Sans égard à l'adoption du plan, une nouvelle planification devrait faire également l'objet d'une consultation publique. Pour le Conseil du patronat, par conséquent, les orientations d'un plan stratégique révisé à l'horizon 2002 de développement des ressources hydroélectriques du Québec seront d'autant plus valables qu'elles permettront des investissements majeurs et rentables avec une incidence économique positive quant aux emplois directs et indirects, prendront en considération le développement d'un partenariat encore plus serré avec le secteur privé avec le souci de servir en priorité les besoins diversifiés des abonnés du Québec, amélioreront l'interfinancement du secteur résidentiel en évitant une tarification indue pour les entreprises, prendront un risque calculé selon le meilleur scénario pour tirer profit d'un marché américain en transition dans un contexte de déréglementation, imposeront à l'entreprise un cadre de gestion style «qualité totale» qui devrait conduire à une amélioration notable de la productivité et de la santé financière de l'entreprise, tout en mettant un frein aux hausses tarifaires et, finalement, proposeront de continuer les programmes d'efficacité énergétique des nouvelles sources d'énergie renouvelable et de recherche et développement dans un contexte de partenariat avec le secteur privé.

M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. Garon. Ça a été vraiment dans le temps. Alors, Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Merci, M. le Président. Alors, au nom de ma formation politique, ça me fait plaisir de pouvoir échanger avec vous et de pouvoir aussi apporter un éclaircissement par rapport à ce que vous avez apporté comme arguments. Alors, évidemment, nous en tiendrons compte au moment de notre rencontre avec le président d'Hydro-Québec les 24, 25, 26 février. Je pense que c'est dans l'intérêt aussi de l'ensemble de la population québécoise, ces échanges.

D'entrée de jeu, je voudrais tout de suite vous rectifier, par contre, sur un point que vous avez apporté lorsque vous avez parlé du taux d'inflation. Vous avez parlé du taux d'inflation qui était à 1,4 % en 1997, alors que, oui, effectivement, le taux d'inflation utilisé par le Conseil est l'indice du coût de la vie de la province de Québec. Dans le cas des tarifs d'Hydro-Québec, le taux d'inflation utilisé est l'IPC du Canada, selon l'article 165 de la Loi sur la Régie de l'énergie; donc, il a été augmenté à 1,6 % en 1997. Alors, je voulais apporter le correctif. Je pense que c'est important à ce moment-ci.

(10 h 30)

Ma première question... Quand j'ai lu, en fait, votre mémoire, je me suis attardée un petit peu à la page 2, parce que je pense que c'est important. Ça vous concerne aussi, notamment par les gens que vous représentez. C'est tout ce qui touche l'ouverture des marchés. Vous soulignez à la page 2, en fait, de votre mémoire que l'ouverture des marchés fait en sorte que la concurrence s'accroît, les prix ont tendance à diminuer, les occasions d'affaires sont plus nombreuses. Et, du même souffle, vous avez peur, en fait, de la concurrence américaine, parce que les prix pourraient être plus bas au niveau de l'hydroélectricité. Est-ce que vous considérez que, en fait, c'est la seule façon, en maintenant des prix très bas, qu'on peut être agressifs pour attirer des entreprises ici, au Québec, d'une part?

D'autre part, le Conseil souhaite aussi que l'article 167 de la Régie de l'énergie soit tout de suite mis en application, le plus rapidement possible. Vous savez très bien que... Compte tenu que nos tarifs sont les plus bas, est-ce que c'est possible qu'on ait une concurrence à ce point qui fasse en sorte que nos tarifs pourraient être mis en compte par rapport aux tarifs américains? Et, à partir de ce constat, croyez-vous que les clients d'Hydro-Québec pourraient bénéficier, tirer avantage d'une plus grande ouverture des marchés?

M. Garon (Jacques): M. le Président, pour vous répondre, d'abord sur le premier point, je ne comprends pas très bien pourquoi vous prenez l'indice des prix à la consommation du Canada quand on se réfère à un marché captif qui est au Québec. Mais, en tout cas, la différence entre 1,4 % et 1,6 % donne quand même une marge de manoeuvre suffisamment balisée pour qu'on s'attende à au moins des augmentations qui ne dépassent pas ce genre de balise.

La question que vous soulevez sur les marchés américains qui, comme vous le savez, sont dans un contexte de déréglementation, la première des choses, c'est que, depuis quelques mois, il est tout à fait vérifiable de constater que les prix de l'électricité qui se vend aux États-Unis sont bien en deçà des prix, en tout cas pour les entreprises, qui sont suggérés au Québec. En fait, il y a même quelquefois de très, très grosses différences.

Alors, la question qui se pose, c'est que, dans un marché captif au Québec, où l'énergie est réglementée, on vient d'annoncer une augmentation pour le printemps prochain et ensuite un gel pendant trois ans. Si les prix continuent de diminuer dans un marché déréglementé aux États-Unis, les exportations d'Hydro-Québec sont justifiées. Et elles se sont justifiées au dire même du président d'Hydro-Québec, quand il est venu devant cette commission pour dire que les exportations étaient nécessaires pour justifier un certain nombre de milliards d'investissements au Québec. Or, du même souffle, le président a admis également que, si un projet comme Sainte-Marguerite devait être construit aujourd'hui, et de loin, il ne le serait pas parce qu'il ne serait absolument pas rentable.

Aujourd'hui, la question que nous posons simplement, et on s'interroge là-dessus: Si, dans un marché captif au Québec, face à un marché complètement déréglementé où ce seront la variété des prix et le prix du marché qui vont prédominer, on doit pouvoir justifier des investissements rentables au Québec alors que peut-être que l'électricité va se vendre beaucoup moins cher que ce qu'on vend à nos propres industries au Québec?

Mme Vermette: Oui, mais...

M. Garon (Jacques): Si vous permettez, mon collègue va ajouter deux mots.

M. Vézina (Pierre): J'aimerais ajouter un point. Vous avez soulevé la question qu'on avait les tarifs les plus bas. Je vais vous rectifier. Dans le secteur industriel, ne serait-ce qu'au Canada, on est la quatrième province, derrière la Colombie-Britannique, le Manitoba et l'Alberta, et ex aequo avec Terre-Neuve, première chose. Et, du côté américain, il y a de nombreux États qui ont des tarifs industriels inférieurs aux tarifs du Québec.

Mme Vermette: En fait, nous étions toujours sous l'impression que c'est une bonne façon d'attirer les entreprises, par des tarifs d'hydroélectricité, effectivement. Plus nous maintenons les tarifs bas, plus c'est intéressant pour les entreprises. Maintenant, en ce qui concerne la déréglementation, vous croyez que c'est la façon de maintenir ici, au Québec, un prix concurrentiel et de favoriser, par cet effet-là, les entreprises, le maintien des entreprises, l'installation des entreprises au Québec.

M. Garon (Jacques): Oui, à la seule condition que l'on puisse justifier la construction de nouvelles installations à des prix qui soient rentables pour Hydro-Québec. Et, si on arrive avec une rentabilité suffisante à maintenir le gel des prix au niveau où il est actuellement alors que les prix continuent à baisser au sud de la frontière, on se demande comment on va pouvoir attirer des industries grandes consommatrices d'électricité au Québec si on doit faire face à cette concurrence où les prix diminuent alors qu'ici ils sont gelés.

Mme Vermette: Donc, vous êtes d'accord pour une augmentation des prix, à ce moment-là. Vous seriez pour un partage d'augmentation des prix.

M. Garon (Jacques): C'est exactement le contraire. S'il y a une diminution des prix sur le marché américain, comment est-ce qu'on va pouvoir faire face à cette concurrence pour attirer des industries consommatrices d'énergie au Québec qui auront le choix de s'implanter dans les marchés où le coût de l'électricité est plus bas?

Mme Vermette: C'est ça que je voulais dire. En fait, je pense que je me suis mal exprimée. Ce que je voulais dire, dans le fond, ce n'est pas au niveau des marchés, mais c'est au sujet de l'interfinancement. Dans le fond, est-ce que vous remettez en cause l'interfinancement, justement, pour mieux maintenir des bas prix et que ce soit l'ensemble des gens qui...

M. Garon (Jacques): Ce que nous disons, c'est qu'il y a une petite contradiction, peut-être, et ça, le débat est ouvert depuis de nombreuses années au Québec. Je crois que c'est aussi une décision politique, cette question de l'interfinancement, de façon à favoriser peut-être ce qu'on a appelé, avant, un peu l'équité interrégionale.

Mais, si on veut créer des emplois au Québec, si on veut attirer des industries, est-ce qu'il est normal que la contribution des industries, quelle soit petite ou grande, aux bénéfices d'Hydro-Québec soit beaucoup plus que proportionnelle aux coûts qu'Hydro-Québec a quand elle fournit de l'électricité à tous les résidents du Québec? C'est là qu'il y a deux poids, deux mesures. Il ne s'agit peut-être pas d'éliminer complètement l'interfinancement, mais, en tout cas, certainement de le réduire, parce que je pense que là il y a des améliorations notables à faire.

Mme Vermette: Ce qui m'amène à vous poser une autre question en ce qui concerne, justement, le pacte social de l'électricité. Parce que ça fait partie de nos grandes préoccupations et je pense que c'est au coeur des débats aussi. La plupart des collègues en ont parlé à ce moment-ci.

La question de l'interfinancement, d'ailleurs, comme l'énonce la politique énergétique, a toujours été au coeur des préoccupations, effectivement, et on devra s'y attarder, dans le fond, dans le cadre de nos travaux, à savoir de quelle façon nous devrions... sur la méthode d'allocation des coûts de l'électricité là-dessus.

Mais, au risque de vous sembler assez philosophique, en fin de compte, au niveau du pacte social, moi, j'aimerais savoir si votre attitude n'est pas un petit peu une attitude égoïste, en tant que vous protégez les intérêts de vos entreprises. Mais c'est beaucoup plus large que ça, dans le fond. Les entreprises sont intégrées dans un système et aussi il faut tenir compte de l'équilibre de ce système-là.

M. Garon (Jacques): Oui. Je ne sais pas si c'est une question philosophique ou simplement une question d'équité, ou une question de croissance économique, tout simplement. Il est vrai qu'au cours des années antérieures on a certainement réussi à attirer un certain nombre de grandes industries qui sont de grandes consommatrices d'énergie au Québec. Donc, il faut pouvoir continuer de le faire. Cependant, il y a un vent de déréglementation, d'une part, qui vient des États-Unis et qui remet en question la façon dont on pourrait peut-être, dans le futur, continuer à attirer ces industries grandes consommatrices d'énergie.

Par ailleurs, il y a aussi le phénomène qui n'aide pas non plus à cette croissance économique du fait que les industries, d'une façon générale – c'est bien connu, c'est établi – sont tout de même plus pénalisées que les autres secteurs de l'économie en ce qui concerne leur contribution aux bénéfices relatifs d'Hydro-Québec, compte tenu de leur consommation d'électricité.

Alors, ce que nous disons, finalement, et si vous voulez poser cette question d'une façon un petit peu plus large, c'est: Est-ce qu'il faut favoriser dans un chemin un peu mieux équilibré les prérogatives de la déréglementation qui nous vient des États-Unis, la croissance économique qu'on voudrait voir générer par des investissements rentables d'Hydro-Québec et, en même temps, ne pas trop pénaliser les consommateurs qui, jusqu'à maintenant, ont été grandement subventionnés par les industries? C'est l'interfinancement du secteur résidentiel. Alors, c'est ce que nous soumettons comme débat, et je pense qu'il faudrait peut-être pouvoir approfondir cette question pour trouver une notion un petit peu plus équitable là-dessus.

Mme Vermette: Est-ce que vous vous êtes déjà préoccupés des impacts, si on abandonnait l'interfinancement, et des conséquences sur les tarifs pour les consommateurs?

M. Garon (Jacques): Je vais laisser à mon collègue, peut-être, le soin de continuer.

Mme Vermette: Oui.

M. Vézina (Pierre): Oui, effectivement, c'est des questions qui nous ont interpellés. Ça interpelle aussi le gouvernement depuis 1988. On retourne à la politique d'énergie de 1988, même. On en parlait à l'époque. Il y avait déjà des moyens qui étaient proposés en termes de tarifications. Donc, en mettant en place des tarifications qui permettraient aux clients résidentiels d'intervenir, de réduire leur consommation d'énergie, notamment en période de pointe, ça leur permettrait de réduire leur facture de façon peut-être équivalente ou même supérieure aux augmentations tarifaires.

(10 h 40)

Maintenant, il ne faut pas oublier non plus que la question de l'interfinancement, si on le prend comme moyen pour permettre une redistribution de la rente, si on veut, elle n'est pas non plus équitable pour l'ensemble des payeurs de taxes québécois. Les plus gros consommateurs d'électricité résidentielle sont ceux qui ont les plus grosses maisons. Est-ce que c'est eux, en bout de ligne, qui doivent en bénéficier nécessairement?

Je pense que, si on ramène la vérité des prix pour tout le monde, après ça, ça donnera plus de latitude aux entreprises et au gouvernement ensuite de redistribuer la rente.

Le Président (M. Sirros): Une très courte question avec une très courte réponse. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Ma dernière question, en fait, ça devient: Est-ce que vous pensez que le plan stratégique d'Hydro-Québec est compatible avec l'objectif du maintien de l'interfinancement?

M. Garon (Jacques): Pas actuellement. Si vous le permettez, je pense que nous remettons en question... en tout cas, nous questionnons sérieusement cet aspect du plan d'Hydro-Québec. En fait, si je me souviens bien, le président d'Hydro-Québec a déposé devant cette commission au printemps dernier, et il a statué très clairement que, pour lui, ce n'était pas un problème. Donc, il a complètement abandonné la question. Nous, au contraire, on maintient qu'il y a des améliorations qui sont souhaitables à ce niveau-là.

Le Président (M. Sirros): Merci.

Mme Vermette: Je vous remercie.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, j'ai bien saisi la réaction quand vous avez répondu à ce qui est véhiculé constamment, comme quoi on n'a pas à s'inquiéter de la libéralisation des marchés, se rendre aux États-Unis. On a ici les tarifs les plus bas en Amérique du Nord. J'ai vu que là vous avez senti la nécessité d'intervenir pour dire que, dans les secteurs industriel et commercial, ce n'était pas exact.

Évidemment, ceux qui répètent ça, c'est parce que, bien sûr, c'est probablement beaucoup plus vrai au niveau résidentiel que ça ne peut l'être aux niveaux industriel et commercial.

Mais ça, ça fait partie de ce qu'on appelle, au Québec, le pacte social. C'est pour ça que les Québécois ont décidé, il y a de nombreuses années, qu'on fasse d'Hydro-Québec une société qui appartienne aux Québécois. C'était un des objectifs, qu'il y en ait pour tout le monde, à la grandeur du territoire, que tout le monde paie le même prix.

On s'est fait dire, chaque fois qu'on a questionné Hydro-Québec en commission parlementaire, qu'on profitera d'occasions d'affaires pour aller aux États-Unis uniquement si c'est payant. Là, ce que vous soulevez, c'est que ça pourrait être payant pour Hydro-Québec d'aller vendre de l'énergie – puis je ne veux pas vous mettre des propos, je vous permets de le clarifier – à un coût plus faible que celui que vous, les utilisateurs en sol québécois, paieriez pour la même énergie. Et là vous dites que ça, ça pourrait avoir une effet bien négatif sur la compétitivité. Si j'ai bien compris, je vous... C'est parce que ça, ça me semble un débat extrêmement important.

On a attiré des industries chez nous en mettant en valeur la disponibilité, la fiabilité et les bas tarifs. Et là, si vous dites que, maintenant, le nouveau plan stratégique d'Hydro-Québec pourrait avoir comme conséquence qu'en allant vendre sur les marchés extérieurs on placerait les entreprises québécoises de façon négative par rapport à la compétitivité, si j'ai bien compris... Je veux vous entendre là-dessus.

M. Garon (Jacques): Effectivement, c'est sur quoi nous nous interrogeons. Le fait de pouvoir exporter aux États-Unis, ce n'est pas mal en soi, à condition que... Si Hydro-Québec va devoir se positionner concurrentiellement face aux prix américains qui déjà, dans bien des cas, sont plus bas que les prix que l'on a au Québec, bien, Hydro-Québec va nécessairement devoir vendre l'électricité au moins au même tarif que les concurrents américains, sinon plus bas, pour accroître son potentiel de marché. Et ce potentiel est très grand, on en convient.

Sauf que, ce faisant, est-ce que, dans un marché captif ici, on va finir, nous, avec le gel des tarifs qu'on a, par avoir des tarifs qui vont être plus élevés que ce que les Américains ou les producteurs américains vont devoir payer parce que, chez eux, le marché est complètement déréglementé? C'est dans ce sens que des investisseurs potentiels vont considérer ce marché où l'électricité pourrait se vendre effectivement moins cher, parce que là c'est un prix qui change au jour le jour, c'est ce qu'on appelle le «prix spot», alors qu'au Québec, pendant trois ans, on sait exactement quel va être le niveau des tarifs d'électricité. Alors, c'est ça, le point sur lequel nous nous interrogeons.

M. Vézina (Pierre): J'aimerais peut-être ajouter deux commentaires. D'abord, je pense qu'on confond souvent les coûts de production et le prix de vente au détail. C'est des choses totalement différentes. Il est certain que, si on compare le prix du secteur résidentiel à Montréal versus Boston ou New York où les conditions sont complètement différentes, ne serait-ce qu'en regard du réseau de transport et distribution de ces villes-là, les comparaisons sont faussées. Par contre, si on regarde les coûts de production qui sont les coûts vraiment payés par les distributeurs aux producteurs, c'est une tout autre chose.

Hydro-Québec a vendu cette année, sur le marché spot, quelque chose comme pas loin de 2 TWh à un coût de l'ordre d'à peu près 0,03 $ du kilowattheure. C'est nettement inférieur au prix payé par les industries d'ici. Alors, la question qu'on peut se poser, c'est: Est-ce que la clientèle captive d'ici, qui assume les risques du développement, elle va être tarifée sur la base d'un prix moyen et Hydro-Québec va ensuite aller vendre sur la base d'un coût marginal de production, une fois que les risques sont assumés, à des compétiteurs américains? Il n'y a pas tellement longtemps, dans le journal Les Affaires , on mentionnait qu'Hydro-Québec est en train de faire des ententes avec des papetières américaines. Donc, nous, on se questionne là-dessus. Si on voit les papetières américaines éventuellement payer des tarifs inférieurs aux tarifs que, nous, on paie avec l'énergie d'Hydro-Québec, on dit: Bon, il y a un problème. C'est ce que je voulais ajouter.

M. Cherry: Merci. Donc, vous convenez que le plan stratégique d'Hydro-Québec, c'est un virage majeur. Évidemment, il est orienté vers l'exportation, profiter de la déréglementation, profiter de nouveaux marchés. Les événements des derniers temps – et vous en faites mention dans votre mémoire – ont démontré que la fiabilité n'est pas celle que nous, comme Québécois, ou vous, comme entrepreneurs, ou les gens que vous représentez ont toujours perçue d'Hydro-Québec. Donc, s'il va là une question de priorités, l'idéal, c'est qu'Hydro-Québec pourrait faire des investissements qui lui permettraient à la fois de raffermir son réseau à l'interne et de se diriger vers des marchés d'exportation. Mais ça, ça demande des investissements majeurs, ça demande... Bon, ça, il y a des choix. Je suis convaincu que, comme priorité, si on demandait aux Québécois quelle est la priorité qu'ils souhaiteraient qu'Hydro-Québec place, ce serait d'abord de bien raffermir et de bien sécuriser le système pour les Québécois et pour les entreprises dans le territoire.

Comme vous avez dit tantôt, il n'y a rien de mal à faire des profits pour aller vendre à l'extérieur, mais il faut d'abord, en priorité – et je me répète – s'assurer que ceux qui sont sur le territoire québécois puissent avoir un réseau le plus fiable possible. Et, comme il s'agit d'un changement majeur, le gouvernement a mis sur pied la commission Nicolet et lui a donné, au minimum, un mandat de 10 mois. Il me semble qu'avec le sérieux du travail de cette commission-là il devrait en découler des recommandations qui auront des effets directs sur le plan stratégique d'Hydro-Québec. Est-ce que vous ne croyez pas que, à l'exception des choses qu'Hydro-Québec devra justifier comme étant majeures, importantes et immédiates, l'ensemble de son plan stratégique ne devrait pas attendre les recommandations du rapport Nicolet, parce qu'il pourrait en découler des modifications majeures dans l'orientation du plan stratégique d'Hydro?

M. Garon (Jacques): M. le Président, en réponse au député, je crois que vous avez là une très, très bonne question. Toute la saga qui s'est développée depuis le printemps dernier, c'est comme un genre de questions et réponses qui est complètement déphasé par rapport aux événements. Cette commission a tenu ses premières audiences, je pense, au printemps dernier, mais le plan stratégique d'Hydro-Québec est venu officiellement six mois après. Quand le plan stratégique allait être débattu, voilà qu'arrive la crise de verglas. Là, tout est remis en question. Et maintenant, comme vous le suggérez, il y a une commission et, dix mois plus tard, on va avoir des recommandations alors qu'Hydro-Québec, je pense, va venir présenter devant cette même commission peut-être un plan révisé, mais pas dans 10 mois, au cours des prochaines semaines.

(10 h 50)

Alors, je pense que vous avez là une très, très bonne question, parce qu'il faudrait tout de même, à un moment donné, s'entendre sur un plan global qui prend en considération ce qui vient de se passer, plus une nouvelle formulation des orientations d'investissement d'Hydro-Québec, avec ce qui a été déjà décidé, tenir compte de la fiabilité du réseau, peut-être voir à des scénarios, comme le recommandait la commission, d'ailleurs, un peu plus diversifiés, pour qu'on puisse avoir un choix un peu plus éclairé dans les décisions.

Alors, je pense que je suis tout à fait d'accord avec votre point. C'est un peu curieux que les événements aient forcé cette commission à toujours avoir un effet de rattrapage par rapport aux événements en ce qui concernait un plan stratégique, ce qui ne s'est jamais vu auparavant. Mais il faut dire qu'on n'avait jamais eu de crise de verglas auparavant non plus.

Le Président (M. Sirros): Oui, M. le député.

M. Cherry: Merci. Maintenant, il n'y a pas de mal à faire des profits, tout le monde en conviendra, mais... Quand Hydro-Québec doit faire son plan stratégique à partir d'exigences de son actionnaire unique qui est le gouvernement, qui s'attend cette année, dans son budget, à une contribution de 760 000 000 $ et, enfin, sur une période de cinq ans, pour répondre aux besoins du plan stratégique – au-delà de 3 000 000 000 $ de revenus... Vous avez invoqué tantôt la quantité d'énergie qu'a vendue Hydro-Québec sur le marché spot.

Le ministre des Finances, tout récemment, en réaction à la situation de la crise, a dit: Moi, je m'attends à la contribution d'Hydro-Québec telle que je l'ai annoncée dans mon budget. Et il a ajouté: S'il faut en vendre plus, on en vendra plus. Si le résultat, c'était de vendre plus d'énergie sur le marché spot, donc pour s'assurer d'une entrée de fonds, il fallait les vendre à des taux plus bas qu'il ne vous est chargé ici, est-ce qu'il n'y a pas là un résultat qui augmenterait d'une façon inégale, selon votre exposé, la situation concurrentielle des entreprises qui, elles, sont une clientèle captive sur le territoire québécois?

M. Vézina (Pierre): Très certainement que ça a des effets. Ça désavantage les consommateurs industriels d'ici, d'une part. Également, même si c'était fait, peut-être, à une base équivalente, il faut bien comprendre que l'état des réservoirs, qui est toujours une donnée confidentielle, est un élément extrêmement important. Il s'agit finalement des entrepôts d'une entreprise; ce sont les stocks. Si on laisse aller nos stocks de façon à les écouler à bas coût, la question est: Comment va-t-on être capable de les refaire, aussi, après? Est-ce que c'est là que ça implique les détournements de rivières, ou quelque projet de construction ultérieur, même, pour être en mesure de rééquilibrer, finalement, l'offre et la demande, ici, au Québec? Alors, tout ça est attaché, si je puis dire.

Le Président (M. Sirros): Ça va, M. le député de Saint-Laurent?

M. Cherry: O.K.

Le Président (M. Sirros): M. le député d'Orford.

M. Benoit (Orford): Oui. M. Garon, nous entendions, il y a quelque temps, suite à la crise, le président du conseil d'administration de groupe Cascades qui disait: M. le maire, nous, c'est un peu trop compliqué, le Québec; les petites centrales, elles n'ont pas l'air d'en vouloir, on va plutôt regarder du côté des États-Unis, on va regarder du côté de l'Ontario – on est même à regarder du côté de Cuba. Le journal Les Affaires , en fin de semaine, nous dit à peu près la même chose, dans son éditorial: Le Québec doit s'ouvrir sur cette production privée.

Vous en avez cité tantôt. Quelles sont les balises qu'on doit imposer à ces gens-là, si on rouvre... On sait que le gouvernement en place a essayé de fermer ça, et là ça revient, on s'aperçoit qu'il y avait une raison pour laquelle ce fut fait, à l'époque, et peut-être qu'on devrait revenir à ces décisions originales. Quelles sont les balises qu'on devrait donner, si jamais on rouvre le dossier de la production privée au Québec? Et comment on peut éviter que des gens qui ont de l'argent soient en train d'aller investir à l'extérieur du Québec? Parce qu'ici, finalement... Et pas les moindres, hein. Les présidents de Cascades, j'aimerais mieux qu'ils investissent au Québec qu'à l'extérieur du Québec. Alors, j'aimerais vous entendre sur ce point de vue là.

M. Vézina (Pierre): J'ai quelques commentaires. D'abord, c'est intéressant, ce que vous soulevez. C'est intéressant de voir aussi que, dans la politique qu'on a mise en place au Québec, on permet aux producteurs d'ici d'exporter. Par contre, on ne leur permet pas de livrer au marché de gros qu'on a mis en place. À mon sens, première contradiction.

Maintenant, il est certain qu'il y a un potentiel pour la production privée, mais aussi, en tant que consommateurs, il se doit que cette production se fasse à des coûts qui soient rentables pour tout le monde. On n'a pas à en assumer, je dirais, un coût supplémentaire juste parce que c'est de la production privée. Maintenant, il y a de la place pour ouvrir la question, le débat sur la production privée, et je pense qu'il y a un potentiel intéressant. Les derniers développements ont démontré qu'Hydro-Québec semblait très gourmande concernant cette question-là. Elle travaille, je dirais, à réaliser l'ensemble des projets, même les petits projets qui, en principe, selon la politique – les projets, j'entends, en bas de 50 MW – avaient été dédiés à la production privée. Donc, je pense que les balises qu'il faut se donner, c'est un critère de rentabilité, d'une part, mais également fournir l'opportunité à la production privée d'entrer dans le marché de gros qui est déjà existant au Québec, auquel elle n'a pas accès.

M. Garon (Jacques): Si vous me permettez, juste pour compléter. J'essayais de souligner très rapidement, dans la présentation également, qu'essentiellement on ne voit pas pourquoi, si le secteur privé s'engage dans la production de petites centrales de moins de 50 MW, par exemple, ou que ce soit dans le secteur de l'énergie éolienne, qui apparemment a certainement un potentiel, pourquoi le secteur privé ne pourrait pas s'embarquer là-dedans. Qu'il en tire les bénéfices à condition qu'il en assume tous les risques et que ce ne soit pas défrayé indirectement par les consommateurs ou par les payeurs de taxes. On ne voit vraiment aucune raison pour que ça ne se fasse pas. Encore faudrait-il encourager ces initiatives.

M. Benoit (Orford): Justement, en parlant d'initiatives...

Le Président (M. Sirros): Très rapidement, M. le député d'Orford.

M. Benoit (Orford): Oui.

Le Président (M. Sirros): Il reste à peine une minute.

M. Benoit (Orford): Très bien. Est-ce que, effectivement, en parlant d'initiatives, l'Ontario, notre voisin, et les États-Unis sont beaucoup plus ouverts aux producteurs privés que nous ne le sommes au Québec?

M. Garon (Jacques): Je pense que, avec le vent de déréglementation qu'il y a, il y a certainement matière à une décentralisation de la production vers de plus petites unités. C'est ce qu'on est en train de voir dans certains États américains.

Le Président (M. Sirros): Ça va? Alors, je vous remercie beaucoup. J'aimerais demander, peut-être, aux membres de la commission de rester assis, parce que, si on... Non pas qu'on ne veuille pas vous saluer et vous remercier de votre présentation, mais vous permettrez au président de le faire au nom de tous les membres de la commission. Sinon, on n'arrivera pas à l'intérieur de notre temps.

Alors, je vous remercie beaucoup pour votre présentation et j'inviterais le prochain groupe à se présenter à la table. Je sais que ça peut paraître un peu court, mais c'est les exigences de l'horaire que nous avons adopté.

Alors, j'aimerais peut-être inviter les Ami-e-s de la terre, les représentants du groupe les Ami-e-s de la terre à venir prendre place, avec les mêmes règles que j'énonçais tantôt: il y a 15 minutes de prévues pour la présentation et une période totale de 30 minutes prévue pour les échanges avec les parlementaires. En vous demandant de vous identifier ainsi que celui ou celle qui vous accompagne, la parole est à vous.


Ami-e-s de la terre de Québec

M. Potvin (Denis): Oui. Merci beaucoup, M. le Président, de nous donner l'occasion d'exprimer nos idées par rapport, justement, à la question énergétique devant cette commission. Mon nom, c'est Denis Potvin, président des Ami-e-s de la terre de Québec; et ma collègue Margot Allen, qui s'occupe du comité énergie des Ami-e-s de la terre.

Nous allons vous présenter un résumé de notre mémoire. Justement, comme on n'a pas beaucoup de temps, on va centrer notre résumé sur les grandes orientations que devrait adopter le plan stratégique d'Hydro-Québec. Donc, je vais vous faire une lecture de ce résumé. On peut aussi vous distribuer le résumé; vous pouvez en prendre connaissance lors de la présentation.

Mme Allen (Margot): Excusez. On veut juste savoir... C'est un résumé. Est-ce que ça vaut la peine de passer ça?

Le Président (M. Sirros): Bien, si vous avez les résumés, oui, on va les faire distribuer. Merci.

Mme Allen (Margot): O.K.

Le Président (M. Sirros): Ça va nous permettre de suivre avec vous.

(11 heures)

M. Potvin (Denis): Hors de tout doute, à cause de la crise du verglas, le plan stratégique d'Hydro-Québec doit encourager la conservation d'énergie, la diversification énergétique via des sources d'énergie renouvelables et la régionalisation. Après tout ce que les Québécois ont vécu durant la crise du verglas, il est impensable que le gouvernement du Québec ait adopté le plan stratégique d'Hydro-Québec au nom de l'urgence sans consultation publique, sans l'intervention de la Régie, sans qu'il y ait de débat public. Ce plan nous offre aussi les mêmes scénarios qui nous ont menés depuis trois décennies, et même je dirais plus, aux décisions dont nous payons maintenant le prix, pollution, etc. Ce nouveau plan orienté vers une augmentation de la production et de l'exportation va augmenter davantage notre dépendance – plusieurs députés l'ont mentionné durant leur présentation – envers l'hydroélectricité et notre vulnérabilité face à la fiabilité du réseau de transport et de distribution. On l'a vécu justement, durant la crise, ce degré de vulnérabilité.

De plus, en prenant le contrôle de Gaz Métropolitain, Hydro-Québec nous dirige vers une augmentation de l'utilisation du gaz naturel chez les consommateurs. L'utilisation du gaz naturel comme source de remplacement de l'hydroélectricité nous semble encore plus illogique. Doit-on viser l'approche multiénergie – gaz, mazout, pétrole – quand nous savons que ces trois sources d'énergie non renouvelables augmentent les quantités de gaz à effet de serre, CO2, CH4, N2O, O3, et CFC et, par conséquent, le réchauffement de la planète et les changements climatiques?

Le gaz naturel est composé aussi de 95,5 % de méthane, CH4, et un des produits principaux de la combustion du gaz naturel est le bioxyde de carbone. De plus, un rapport d'Environnement Canada nous indique que chaque tonne de CH4 rejetée dans l'atmosphère aura de 15 à 25 fois plus d'effets de réchauffement que la même quantité de CO2. Selon Climate Change 1995 , un rapport rédigé par 350 scientifiques provenant de plusieurs pays et révisé par plus de 500 autres, l'augmentation de la concentration atmosphérique de gaz à effet de serre est dominée par les activités humaines, surtout l'utilisation de combustibles fossiles. Le degré de changement climatique peut être affecté par des changements dans l'émission de gaz à effet de serre. Quelques-uns des impacts prévus dans ce rapport devraient inquiéter notre gouvernement: changements possibles dans les courants marins pouvant causer des changements majeurs au niveau du climat régional; précipitations et humidité du sol accrues dans les hautes latitudes en hiver. Que faudra-t-il pour convaincre nos décideurs de changer nos orientations énergétiques? Bon.

Ici, Margot Allen va vous présenter les aspects du plan par rapport au concept de «développement durable». Je cède la parole à Margot.

Mme Allen (Margot): Au sujet d'augmenter la production d'électricité, les Ami-e-s de la terre croient qu'augmenter la production de l'électricité va à l'encontre du concept du développement durable. L'objectif global de la nouvelle politique énergétique du Québec est de s'adapter aux changements en cours et d'en tirer partie dans la perspective du développement durable. Depuis 10 ans, le gouvernement du Québec parle du développement durable. Nous, on se demande: Quand va-t-il le mettre en application? La notion de «développement durable» a été popularisée en 1987 par une commission des Nations unies, la commission Brundtland, avec son rapport Notre avenir à tous .

Dans ce rapport, les conclusions du chapitre sur l'énergie indiquaient que... Première citation: «Un scénario de basse consommation énergétique constitue le meilleur moyen de s'assurer un avenir soutenable.» Deuxième citation: «Dans les 50 années à venir, le monde a la possibilité de produire le même niveau de services en utilisant la moitié de l'énergie primaire utilisée à l'heure actuelle, en 1987.» Troisième citation: «Un avenir énergétique sûr, peu nuisible à l'environnement, économiquement viable, capable de soutenir le progrès humain est une nécessité absolue. C'est aussi quelque chose de possible. Mais il y faudra une plus grande volonté politique, une plus intense coopération internationale.»

Le développement durable exige d'abord la conservation de l'énergie et, deuxièmement, l'utilisation d'une diversité de ressources renouvelables, par exemple le soleil, le vent, le bois, les marées, la géothermie, toutes des sources qu'on a au Québec. Au contraire, s'il y a une croissance de la demande d'électricité, les impacts environnementaux, sociaux et économiques de notre façon traditionnelle de produire, de transporter et d'utiliser l'énergie iront en s'aggravant. Alors, dans notre mémoire, il y a trois annexes où on a essayé de démontrer les impacts négatifs.

Si toute la population mondiale menait le même style de vie que les Canadiens, cela prendrait trois fois la surface de la terre pour répondre aux besoins en nourriture, en biens et en énergie, et cette dernière, l'énergie, compte à elle seule pour 60 % de ces besoins. En sachant que 85 % de l'accroissement global de la consommation d'énergie prévue au cours des prochaines décennies sera imputable aux pays en voie de développement, il est primordial que les Québécois développent des technologies pour augmenter la conservation d'énergie et l'acquisition de sources d'énergie renouvelables autant au Québec qu'ailleurs dans le monde.

M. Potvin (Denis): Bon. Une des grandes orientations que l'on suggère, justement, dans le plan stratégique, c'est la conservation d'énergie. La conservation d'énergie offre plus de retombées économiques, d'emplois et d'autonomie pour chaque région du Québec. Ça bénéficie plus à l'ensemble de la collectivité québécoise.

La conservation d'énergie offre nettement plus d'avantages que la construction de nouvelles centrales. Les projets d'efficacité énergétique créent plus d'emplois que les autres sources d'énergie. Pour un Québec efficace , page 83. L'efficacité énergétique est le moyen le plus immédiat d'améliorer leur compétitivité pour les industries et commerces. On aide aussi les gens dans chaque région à diminuer leurs dépenses pour l'énergie. L'argent ainsi économisé sur l'achat d'énergie peut être dépensé localement afin de stimuler les secteurs commerciaux et industriels dans chaque région du Québec. L'énergie libérée par la conservation pourrait être vendue ailleurs. Tu vois, on parle justement d'exportation, il y aurait peut-être possibilité... Si le Québec ne peut utiliser cette énergie à l'intérieur de ses frontières, il pourra justement exporter à court terme ses surplus d'énergie. Mais il faut toujours penser dans l'optique que cette énergie doit servir les intérêts du Québec. On contribue à un avenir énergétique moins nuisible pour l'environnement. L'aspect environnement est fondamental.

La majorité des Québécois sont favorables à la conservation d'énergie. Deux sondages effectués durant la période du débat public sur l'énergie au Québec, en 1995, ont indiqué que 61 % des Québécois pensent que la meilleure façon de procéder pour répondre aux besoins futurs des Québécois est d'économiser l'énergie; 69 % des Québécois pensent qu'il est possible d'économiser assez d'énergie pour éviter la construction de nouvelles centrales au cours des 10 prochaines années. Le mémoire des Ami-e-s de la terre préparé pour le débat public sur l'énergie en 1995 suggère 78 façons de conserver l'énergie. Pour toutes ces raisons, notre recommandation n° 1 a été: Pour un développement durable, les orientations d'Hydro-Québec doivent être axées sur la conservation d'énergie plutôt que l'accroissement de la demande.

Je laisserai la parole à Margot pour développer l'autre orientation majeure du plan.

Mme Allen (Margot): Au sujet de notre deuxième recommandation, la diversification des ressources renouvelables offre plus de retombées économiques, plus d'emplois, plus d'autonomie et plus de sécurité pour chaque région du Québec.

(11 h 10)

Le rapport Brundtland disait aussi en 1987 que... Première citation: «Il faut s'orienter peu à peu vers un ensemble plus diversifié et plus viable de sources d'énergie.» Deuxième citation: «L'importance des subventions indirectes aux combustibles classiques inscrite dans les systèmes législatifs et les programmes énergétiques défavorise les sources d'énergie renouvelables et fausse donc les choix.» Troisième citation: «Il faudrait accorder aux énergies renouvelables un plus haut rang de priorité dans les programmes énergétiques nationaux et affecter les crédits voulus à la recherche et développement et aux projets-pilotes.» Et, quatrième citation: «L'exploitation des sources d'énergie renouvelables allégera les pressions qui pèsent sur les combustibles classiques.»

Notre planification énergétique devrait viser bien mieux que fournir plus efficacement nos ressources traditionnelles. C'est toute notre façon de vivre qui devrait être repensée à la base: les systèmes de transport, l'orientation et la conception des bâtiments, les modes de production et de consommation, en somme notre façon d'utiliser l'énergie. Les consommateurs ne veulent pas de l'énergie, mais plutôt des services produits par l'énergie: transport, chauffage, éclairage, etc. Une meilleure planification permettrait de déterminer où conserver l'énergie et quelles ressources renouvelables s'avèrent les plus aptes à produire ces services de façon moins coûteuse pour l'environnement et la société. L'application des objectifs de la nouvelle politique énergétique du Québec aiderait à la conservation de l'énergie et l'accès à une variété de ressources renouvelables.

Pour toutes ces raisons, la deuxième recommandation de notre mémoire a été d'augmenter les possibilités de conservation de l'énergie et d'accès aux autres ressources renouvelables. Hydro-Québec doit respecter les objectifs de la nouvelle politique énergétique du Québec.

M. Potvin (Denis): Tout l'aspect, aussi, de la régionalisation énergétique est très importante non seulement pour l'aspect, justement, de l'approvisionnement énergétique, mais l'aspect, aussi, sécuritaire. Ici, il y a deux exemples, deux modèles que l'on pourrait dire à ne pas faire, justement, dans l'optique d'une régionalisation énergétique qui répond aux objectifs de développement durable. Présentement, il y a deux projets d'Hydro-Québec prévus dans la région de Québec: le barrage Innergex sur les chutes de la Chaudière et la centrale de cogénération Polsky, construction prévue au centre-ville de Québec.

Bien que les compagnies investissent de l'argent, les gens de la région investissent leur environnement, leur santé et leur qualité de vie pendant les 20 à 40 années d'exploitation de ces centrales. Dans les deux cas, les emplois et retombées économiques sont concentrés pendant 18 mois de construction avec peu d'emplois et de retombées économiques pour les gens qui vivront dans la région durant les 20 à 40 années d'exploitation. De plus, le partage des profits est nettement en faveur des compagnies. Dans le cas du barrage Innergex, environ 5,6 % des profits iront à une compagnie de Montréal pendant que la région de Québec aura à subir 100 % des impacts négatifs du barrage.

La régionalisation énergétique par une diversification des sources d'énergie renouvelables offre des retombées économiques, des emplois, de l'autonomie et de la sécurité d'approvisionnement dans toutes les régions du Québec, mais il faut aussi un partage équitable des profits entre tout le monde qui sera touché par ces centrales aujourd'hui et dans le futur. Pour toutes ces raisons, la recommandation 3 de notre mémoire est: Pour les régions productrices d'énergie, Hydro-Québec doit s'assurer un partage équitable des emplois et des profits tant pendant l'exploitation d'une centrale que durant sa construction.

Margot va aborder justement tout l'aspect...

Le Président (M. Sirros): En conclusion.

M. Potvin (Denis): Oui, c'est ça.

Mme Allen (Margot): En conclusion, tout ce qu'on veut dire, c'est que, il y a 10 ans, le rapport Brundtland a dit: «Un avenir énergétique sûr, peu nuisible à l'environnement, économiquement viable, capable de soutenir le progrès humain est une nécessité absolue. C'est aussi quelque chose de possible. Mais il y faudra une grande volonté politique...» Et, nous, on se demande où est la volonté politique de notre gouvernement à faire ça.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, Mme Allen et M. Potvin. Je passerais la parole, pour débuter les questions, au député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, M. le Président. Mme Margot Allen, M. Potvin, il me fait plaisir de vous accueillir à cette commission. Vous savez, il n'est pas tellement usuel que l'on retrouve dans des commissions parlementaires un mémoire venant de groupes environnementaux comme vous, les Ami-e-s de la terre, et du Conseil du patronat. En général, ce sont des positions un peu éloignées. Et là on a eu la chance que le hasard, pas du tirage au sort, mais du rôle, aujourd'hui, ait fait que le Conseil du patronat soit venu témoigner ce matin juste avant vous; et, dans son mémoire, nous retrouvons une description fort éloquente de la part du Conseil du patronat en ce qui concerne l'abandon des mesures d'économie d'énergie par Hydro-Québec.

En effet, le Conseil du patronat nous dit que le plan d'économie d'Hydro-Québec, qui était de 9,3 TWh – alors, ça fait plusieurs milliards de kilowatts, ça, hein? Donc, ça représente beaucoup – a été réduit à 3 TWh. Donc, on parle de 6 000 000 000, à peu près, de TWh, ce qui est tout à fait énorme, énorme. Alors, pourquoi c'est arrivé? Le Conseil du patronat argumente et documente un peu ce qu'il écrit. Il dit: Parce que ça aurait amené des pertes de revenus à Hydro-Québec. C'est-à-dire qu'Hydro-Québec, si elle avait appliqué les programmes d'énergie, il y aurait eu moins d'argent qui serait rentré dans sa caisse. Donc, on a décidé de laisser tomber ça au niveau industriel puis au niveau résidentiel.

On se rappelle que, il y a quelques années, il y avait eu, à Hydro-Québec, des programmes d'économie d'énergie qui avaient été mis en place, je pense, par l'ancien ministre, même, de l'Énergie, et Hydro a même acheté un certain nombre d'équipements, des thermostats pour installer chez les gens, et même ça, ils les ont abandonnés. Ça n'a pas été utilisé, et on me dit qu'ils ont été entreposés ou stockés quelque part parce qu'on s'est rendu compte à Hydro-Québec que notre mission n'était plus forcément d'éclairer les Québécois au meilleur coût et de la meilleure façon au niveau environnemental, mais de faire le plus d'argent possible. Alors, c'est ce que le Conseil du patronat nous dit, ce qu'il nous démontre, et, moi, je suis content de voir que, vous, qui arrivez par la suite, vous ramenez un peu les gens à des préoccupations plus terre à terre, c'est le moins qu'on puisse dire, et, en ce fait, vous n'êtes pas isolés cette fois-ci, vous n'êtes pas tout seuls, en étant un peu l'empêcheur de tourner en rond.

Est-ce que vous pensez que, si Hydro-Québec avait appliqué son programme d'économie tel que prévu, c'est-à-dire de 9,3 TWh au complet au lieu de 3 TWh, nous aurions pu éviter un certain nombre de développements de richesses naturelles? Est-ce qu'on aurait pu économiser plus d'énergie de nos ressources, les barrages? Et est-ce qu'on aurait pu aussi, peut-être, dans les ressources existantes, en avoir assez pour en exporter sans développement supérieur? Puis de quel ordre, à peu près? Puis, peut-être, si vous pouviez vulgariser, parce que, quand je parle de térawattheure, pour les gens qui nous regardent, là, c'est un peu comme pour beaucoup d'entre nous, c'est quelque chose, hein, c'est comme de parler de 1 000 milliards. Quand on parle de 100 $ ou de 1 000 $, les gens comprennent ça, on peut le visualiser, mais 9 TWh, j'ai un peu de misère. Ça, c'est quoi? C'est une ville, ce térawattheure-là que ça représente? C'est quoi? C'est combien de millions? Enfin, peut-être nous documenter un peu là-dessus.

M. Potvin (Denis): Veux-tu y aller, Margot?

Le Président (M. Sirros): Oui, Mme Allen.

Mme Allen (Margot): Je ne sais pas si je peux vous donner exactement... Moi, jouer dans les chiffres comme ça... C'est juste que je trouve que ce n'est pas juste une question qu'Hydro-Québec a diminué de faire plus d'efficacité énergétique, c'est une question... Je pense que, si Hydro-Québec se lance dans la conservation, la vraie conservation, elle peut sauver de l'énergie, et cette énergie-là pourrait servir pour vendre ailleurs. Moi, je ne veux pas trop jouer dans les chiffres de ça parce que je ne suis pas experte là-dedans, ça, c'est sûr, mais, peut-être, comme on l'a expliqué, si on ne conserve pas l'énergie, c'est l'environnement qui en souffre et tout ce qui va avec ça. C'est les emplois, c'est la qualité de vie. Je pense que c'est important qu'on diminue, et, si Hydro-Québec et les autres sources d'énergie trouvent un moyen de diminuer leurs ventes à une place, ils pourraient au moins s'en servir pour vendre ailleurs. Alors, je pense que la question de rentabilité... Peut-être qu'Hydro-Québec devrait arrêter de se lancer dans l'augmentation, mais aller chercher ses énergies dans la conservation. C'est un peu dans ce sens-là que...

M. Potvin (Denis): Oui, puis pour ajouter...

Le Président (M. Sirros): Oui, allez-y.

(11 h 20)

M. Potvin (Denis): ...un complément, c'est ça, dans le sens que, bon, il ne faut pas se le cacher, il y a beaucoup, beaucoup de gaspillage d'énergie. Moi, bon, à l'occasion, ça m'est arrivé de faire du porte-à-porte dans plusieurs résidences, et on s'aperçoit que le parc résidentiel du Québec, malheureusement, il a beaucoup de déficiences. Il y a les problèmes d'isolation des maisons, les portes puis les fenêtres, les murs. Donc, il y a énormément de gaspillage d'énergie. Et pas seulement, justement, l'aspect économique, l'aspect aussi que les gens vivent dans des résidences qui sont bien isolées, c'est un aspect aussi très, très important à considérer. Et, justement, toute cette énergie qui serait non gaspillée pourrait servir à d'autres fins, autant à des projets de développement que, bon, l'utilisation, comme Margot l'a mentionné, tout l'aspect... Bon, bien, si ça génère des surplus, peut-être envisager l'exportation. Mais, comme je le mentionnais au départ, l'énergie doit servir les intérêts des Québécois.

Bon, on parle de projets de développement, donc aider les entreprises. On l'a mentionné tout à l'heure, les grands projets d'alumineries, et tout ça, ce sont des entreprises qui sont très énergivores, qui consomment énormément d'eau, aussi qui fabriquent des lingots d'aluminium – une matière première non transformée – qui, en passant, on doit le dire, sont exportés aux États-Unis en grande partie, sont transformés aux États-Unis et retournés au Québec dans des produits finis. Donc, nous sommes dans une structure où il y a beaucoup de dommages à l'environnement, et aussi les emplois sont beaucoup ailleurs. Donc, il faut tout repenser, justement, la consommation de l'énergie en fonction des intérêts des Québécois.

Mme Allen (Margot): Est-ce que je peux juste ajouter quelque chose à ça aussi?

M. Gobé: Oui, allez-y, madame. Je vous en prie, prenez le temps. On est là pour vous écouter.

Mme Allen (Margot): Oui. Toute la question de notre tempête de verglas. On a vécu une situation où on voit qu'on est très dépendant de l'hydroélectricité. Alors, plutôt en hiver... On sait qu'il y a des maisons performantes qui ont été construites à travers le Canada et qui consomment un quart de l'énergie qu'une maison ordinaire... Et ce sont des maisons qui coûtent un peu plus cher au départ, mais, après cinq, sept, 10 ans, c'est payé, le surplus, et les gens qui ont ces maisons-là commencent à en profiter, ils payent moins pour leur énergie.

Alors, je pense qu'il faut arrêter de regarder le chauffage annuel, mais regarder, quand on achète une maison, combien ça va coûter pendant les 40, 80 ans de vie de cette maison-là. Et il faut des changements dans notre façon de voir l'énergie, arrêter de regarder la consommation d'hydroélectricité ou de gaz, mais regarder où on peut conserver ça et essayer de trouver les moyens parce que, finalement, si on se lance dans les maisons performantes, ça veut dire que ça va créer des emplois dans toutes les régions du Québec et que ça va créer des retombées économiques. Et, comme on l'a dit dans notre mémoire, les gens qui payent moins pour l'énergie, ils vont avoir plus d'argent plus tard pour pouvoir dépenser dans leur région. Alors, il faut regarder tous les aspects.

M. Gobé: Donc, si je comprends bien, il serait souhaitable que, dans le plan stratégique d'Hydro qui a été adopté mais que nous allons rediscuter, soient peut-être revus à la hausse les mesures et les objectifs d'économie d'énergie.

Mme Allen (Margot): Je pense que oui, mais comment, ça, c'est un autre sujet à développer, à en parler.

M. Gobé: C'est parce que, voyez-vous, il y avait un programme, un objectif qui était d'aller à – bon, on prend des chiffres – 9,3 TWh, donc très, très important, des milliards de kilowattheures, et ils l'ont réduit à 3 TWh, d'accord, en disant: Pour conserver un certain nombre de revenus, on arrête d'économiser, sinon les gens consomment moins, puis on reçoit moins d'argent. Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt, nous, les parlementaires, nous pencher là-dessus et dire à Hydro: Écoute, c'est bien beau la consommation effrénée pour recevoir des dividendes, mais est-ce qu'on ne devrait pas... Parce qu'on ne légifère pas seulement pour six mois, un an, deux ans, trois ans ou cinq ans, mais là on construit des infrastructures, des lignes électriques – on pourrait y revenir tout à l'heure si vous voulez – des barrages pour des 50, 75 ans qui ont des impacts très, très importants, puis c'est un peu une fuite en avant, plus on consomme... À un moment donné, on va être obligé d'arrêter d'en faire, des lignes et des barrages, il y en aura partout.

Alors, est-ce qu'on ne devrait pas les rappeler, leur demander de revenir à ce qui était leur premier objectif, qui était prévu pour l'an 2000, de 9,3 TWh au lieu d'aller à 3 TWh et de continuer dans les années suivantes?

M. Potvin (Denis): Effectivement, c'est ça. Il faut explorer toute cette orientation-là, justement, d'économie d'énergie pour avoir des options, que, au lieu de construire des barrages... Bien, c'est ça, est-ce que l'économie d'énergie va nous apporter autant d'énergie que la construction d'un barrage? Bon. Il y a tout l'aspect sécuritaire aussi. On l'a mentionné, si on construit des barrages qui sont très éloignés et puis avec des réseaux de transport qui sont aussi vastes, puis qui sont vulnérables, justement, à des catastrophes, bon, qu'on a connues, bien, il faut tout requestionner ça et dire: Tiens, la conservation de l'énergie pourrait nous rapporter beaucoup plus d'énergie, beaucoup plus de sécurité et plus d'emplois dans l'ensemble des régions. Parce que, si on construit un barrage qui est dans une zone éloignée, bon, des fois, c'est des emplois à court terme, puis, à long terme, bon, bien, après que le barrage est terminé, il n'y a presque plus d'emplois dans cette région-là.

Donc, c'est ça qu'on a mentionné dans notre résumé. Regardez tout cet aspect-là qui est fondamental pour l'intérêt de l'ensemble des Québécois, la notion... Bien, on a eu l'occasion de passer après le patronat, et là, tu vois, bon, la vision rentabilité... Rentabilité, mais l'aspect aussi sécuritaire, l'aspect de diversification, l'aspect de l'autonomie régionale doivent être considérés, et la conservation d'énergie m'apparaît une orientation fondamentale dans laquelle Hydro-Québec doit s'engager. Les autres aussi, on pourra en parler.

M. Gobé: Mais le CPQ va dans votre sens, à peu près à 90 %, 95 %, hein?

M. Potvin (Denis): Oui.

M. Gobé: Maintenant, dans un autre ordre d'idées, la tempête de verglas nous a révélé une manière naturelle, peut-être, chez Hydro ou certains dirigeants d'Hydro de vouloir aller de l'avant avec des projets, même quand la population n'est pas trop favorable. Qu'est-ce que vous pensez, vous, de ça, du fait d'avoir soustrait, par un certain nombre de décrets, le processus normal de consultation pour faire des ouvrages importants au niveau du réseau de transport de courant et d'alimentation? Est-ce que vous pensez que c'est normal à cause de l'urgence ou pensez-vous qu'on aurait dû quand même prendre le temps de regarder et de réfléchir à tête reposée plutôt que d'agir sous l'impulsion ou sous le prétexte qu'il pouvait y avoir une tempête dans un an puis, donc, qu'il fallait protéger ça? Votre réaction à vous. Vous êtes touchés par ça, les environnementalistes.

M. Potvin (Denis): Oui. Une grande orientation – bien, tu vois, on ne l'a pas mentionnée – c'est la démocratie participative dans tous les choix d'une société. Donc, d'ailleurs, on l'a mentionné au début, nous, on est vraiment surpris de tout... On comprend l'urgence, mais, justement, d'autant plus, quand il y a une urgence, bien, encore là, il faut justement prendre bien soin de prendre les bonnes mesures. Parce que, sur le coup de l'émotion, sur le coup d'une urgence, on entreprend souvent des actions qui sont malheureusement... Bien, ils peuvent faire, bon, une amélioration, mais c'est très, très à court terme, et c'est pour ça que, nous, on invite le gouvernement... Bon, la Régie doit être opérationnelle le plus tôt possible pour pouvoir débattre, justement, de toutes ces questions-là et que la population soit concernée.

Les parlementaires l'ont mentionné tout à l'heure, les citoyens, ils veulent être rassurés, veulent avoir, justement, des réponses à leurs questions, et c'est fondamental que tout cet aspect-là soit débattu publiquement. Et, nous, tu vois, bon, la catastrophe, le syndrome... On part d'un syndrome, bon, pas dans ma cour aller au syndrome la catastrophe demain matin ou je dirais même avant-hier. Le gouvernement, c'est ça, il a agi d'une façon vraiment surprenante. Surtout, quand tu diriges pour l'ensemble des populations, tu gouvernes pour, justement, que tous les gens soient concernés. On a mentionné que la région de Montréal a été touchée, que la région de la Montérégie a été touchée, mais c'est l'ensemble des régions dont le tour peut venir. Dans la région, on disait: Peut-être que la région de Québec va y passer après les autres. Et le Saguenay–Lac-Saint-Jean va y passer.

Donc, il faut faire un débat public qui fait qu'il implique toutes les régions. On l'a mentionné, la régionalisation, c'est très important pour assurer, justement, que les gens soient sécuritaires, voient les sources d'approvisionnement dans leur région. Les sources, il y en a beaucoup, comme Margot l'a mentionné. Le Québec est pourvu de bois, est pourvu de vent, et même, je pense, des marées motrices aussi. On a des marées, ici, dans notre région. Donc, il faut regarder toutes les sources alternatives pour développer une autonomie énergétique régionale et aussi en interdépendance avec les autres régions. Si une région est mal prise, bien, on l'a aidée. On a aidé Montréal, la Montérégie, on leur envoyé des ressources, mais aussi, bon, travailler en interaction avec l'ensemble des régions. Nous, on pense que c'est une orientation plus responsable pour un gouvernement.

(11 h 30)

M. Gobé: En terminant, est-ce qu'on ne pourrait pas craindre que cette précipitation dans les décisions qui ont été prises fasse en sorte que, vu que les réflexions n'auront pas été faites aussi bien en termes de configuration de ce nouveau réseau là – ça se fait très rapidement, à la vapeur – et aussi en termes d'avenir, de futur, d'investissements, de dérangement des populations et des citoyens...

Est-ce que vous ne croyez pas que, tout compte fait, au lieu de régler un problème, on fait plutôt d'en créer un autre et que le but ultime de tout ça n'est pas d'amener des lignes le plus proche des frontières pour essayer justement de passer du courant vers les États-Unis en se rapprochant le plus proche, pour limiter les audiences futures à des zones un peu plus restreintes et puis dire: Voyez-vous, c'est juste quelques kilomètres qu'il nous manque maintenant; on est rendus là-bas? Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a...

M. Potvin (Denis): Oui, bien, c'est sûr, effectivement, comme je l'ai mentionné: Souvent, c'est le prix des décisions extrêmement rapides. Est-ce que ça va régler... Bon, à court terme, à très court terme, je veux dire dans l'année, est-ce que ça va sécuriser l'ensemble du réseau, et tout ça? Imaginez-vous si on avait une autre catastrophe qui paralyserait le réseau. Imaginez-vous ça, ce qui se passerait. Bon, le gouvernement serait vraiment interpellé encore beaucoup. D'ailleurs, tu vois, moi, je mentionnais aussi que si, mettons, cette catastrophe, les pylônes avaient été dans une zone beaucoup plus difficile d'accès et si ça avait été beaucoup plus difficile de remettre le réseau en place, le Québec aurait été placé dans une situation assez difficile. Donc, il faut voir l'aspect – je suis d'accord – des profits. On le mentionne. Oui, les profits. Oui, les profits. Mais disons qu'il faut que ça tienne compte de l'environnement, il faut que ça tienne compte de la sécurité. Il faut voir tous les aspects d'ensemble justement quand un gouvernement a la responsabilité de l'ensemble d'une population.

M. Gobé: Merci beaucoup.

Mme Allen (Margot): Est-ce que je peux juste ajouter une petite chose à ça?

Le Président (M. Sirros): Rapidement, parce qu'on passera au député de Groulx tantôt. Alors, allez-y rapidement.

Mme Allen (Margot): Là, on a démontré la vulnérabilité des lignes d'Hydro. Alors, ce n'est pas en en construisant d'autres qu'on va régler le problème; ça, c'est sûr. Mais il y a aussi la question de se lancer dans le gaz aussi. Là, on est en train d'aller chercher une source d'énergie qui vient de l'extérieur de la province et on va construire les gazoducs aussi. Ça, c'est vulnérable aussi. Alors, il faut se fier sur les sources d'énergie qu'on a ici au Québec.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Merci, M. le Président. M. Potvin, Mme Allen, bienvenue. Écoutez, on n'a pas tous la caractéristique de s'appeler Greenpeace, ou encore la CSN, ou encore le Conseil du patronat. Donc, je vous inviterais à vous présenter à la commission, dire qui vous êtes, votre membership, etc., pour pouvoir nous informer. Ensuite de ça, on passera au contenu de votre mémoire, si vous me le permettez.

M. Potvin (Denis): Eh bien, c'est quoi, votre question?

M. Kieffer: Je ne connaissais pas les Ami-e-s de la terre. J'aimerais que vous vous présentiez.

M. Potvin (Denis): Bon, bien, les Ami-e-s de la terre, au départ, font partie d'un réseau international. On est présents à peu près dans une... On est, avec Greenpeace, un des plus gros sinon le plus gros groupe écologiste sur la planète. Puis, bon, aussi, on a un réseau national. Il y en a à l'île d'Orléans, les Ami-e-s de la terre. Il y en a ici à Québec. Il y en a à Montréal. Il y en a à Sherbrooke. Donc, nous sommes un réseau à différentes ramifications. Ici, bon, les Ami-e-s de la terre, on a beaucoup de membres et de sympathisants. On en a à peu près 250 et plus. Avec tout l'ensemble du réseau, ça fait beaucoup de membres et sympathisants. Et on a comme une mission aussi d'aller dans l'optique, justement, du développement, comme Margot l'a mentionné, assurer que les projets vont dans l'optique du développement viable, développement durable, qu'ils tiennent compte aussi de toutes les dimensions de l'approche globale.

Comme vous l'avez vu dans notre plan, il faut voir, quand on fait des interventions, il faut considérer l'ensemble: les aspects sécuritaires, les aspects économiques, sociaux, écologiques aussi. Il le faut mentionner. Bon, il y a plusieurs parlementaires qui l'ont mentionné, cet aspect-là, justement, de l'écologie. Il ne faut pas hypothéquer nos ressources ni les détruire au nom du profit. Il faut voir toutes ces composantes-là. C'est ce qui fait la particularité des Ami-e-s de la terre, je pense, par rapport à un ensemble de groupes.

M. Kieffer: Merci. Vous avez, au début de votre intervention, insisté et vous avez ouvert comme ça en disant: Écoutez, il faut absolument que la société québécoise diversifie ses sources d'énergie renouvelable. Moi, quand je rencontre les Américains aux États-Unis qui sont poignés avec l'énergie atomique, avec le gaz et avec le charbon et qui nous regardent en haut et qui nous disent: Mon Dieu, vous autres, vous êtes chanceux. Vous avez une énergie renouvelable à peu près pas polluante.

Première question: Est-ce que vous considérez l'hydroélectricité comme étant une énergie renouvelable? Et, si vous aviez à la situer dans un ordre à l'intérieur des autres sources d'énergie les plus conventionnelles que nous utilisons actuellement en Amérique du Nord en termes de pollution, où est-ce que vous la situeriez?

M. Potvin (Denis): Oui, c'est ça. On va se concerter. Margot, tu veux répondre. Parfait. Oui...

Mme Allen (Margot): Je veux répondre, s'il vous plaît. Oui, on est d'accord. L'hydroélectricité est une ressource renouvelable. Je pense qu'il n'y a pas de question, là. Mais la question que ce n'est pas polluant, là, si vous regardez notre mémoire, je pense que c'est dans l'annexe I et l'annexe II, là on énumère dans plusieurs pages des impacts négatifs de l'hydroélectricité. Alors, toutes les sources d'énergie ont des impacts négatifs; ça, c'est sûr.

Comme on vient de le dire au sujet de la vulnérabilité, est-ce qu'on devrait se lancer dans l'exportation avec toute la question de la vulnérabilité des lignes de transport? Aussi, on sait qu'à peu près 70 % des maisons sont chauffées par l'hydroélectricité. Alors, justement, dans le cadre de la tempête de verglas, on voit ce qui peut se passer si on met tous nos oeufs dans un panier. Alors, c'est pour ça qu'on dit qu'il faut diversifier. L'hydroélectricité, oui, on n'est pas contre ça, mais il faut diversifier; c'est ça qu'on dit.

M. Kieffer: Quand vous parlez de diversifier... Oui, allez-y, monsieur.

M. Potvin (Denis): Pour compléter aussi, c'est toute la question, justement, comme je le mentionnais... Dans les régions, un projet d'un petit ou d'un moyen barrage qui s'intègre très bien avec l'aspect sécuritaire, l'aspect écologique et l'aspect économique, parfait, les Ami-e-s de la terre vont applaudir, ce qui implique que les citoyens soient consultés dans tout le processus, parfait.

Toute la question des gros barrages, justement, qui sont éloignés, là, c'est ça, les impacts. Il faut vraiment qu'Hydro-Québec soit honnête envers les Québécois et arrête le discours que l'hydroélectricité des gros barrages n'a pas d'impacts sur leur environnement. Quand vous savez que des immenses territoires forestiers, faune, flore – regardez le mémoire – sont inondés et que vous faites croire à la population que ça n'a pas de dommages pour son environnement, c'est vraiment une malhonnêteté intellectuelle incroyable.

Donc, il faut qu'Hydro-Québec dise clairement la vérité. Regardez comme vous le dites, dans quelle hiérarchie se trouve ce... en termes d'impacts. Là, maintenant, les Québécois vont être beaucoup plus éclairés pour prendre des décisions. On a mentionné, justement, la vulnérabilité; c'est un aspect qu'il faut considérer.

M. Kieffer: O.K. Je vais laisser de côté, pour le moment, la politique d'économie d'énergie, parce que je veux y revenir après.

Revenons sur la renouvelabilité des sources d'énergie. O.K.? Vous dites qu'il faut diversifier, à toutes fins pratiques. À ce moment-là, vers quelles sources faut-il diversifier nos sources d'énergie?

M. Potvin (Denis): Un principe au départ, ce sont les ressources dont le Québec dispose. Ça, au départ, on n'a pas de pétrole, on n'a pas de charbon, on n'a pas de gaz naturel, et, en plus, c'est des énergies non renouvelables. Par contre, on a du solaire, on a de l'éolien, marées motrices, géothermie, etc. Donc, la conservation d'énergie est une filière importante aussi. Donc, on a toutes ces filières-là, ici, au Québec. Pourquoi nous plonger, justement, dans une augmentation d'une dépendance, soit au Canada ou aux États-Unis, par rapport à d'autres sources que nous n'avons pas?

Donc, l'objectif du plan d'Hydro-Québec, fondamentalement, c'est d'utiliser les ressources qui sont locales, qui sont régionales pour pouvoir alimenter les Québécois. Ça m'apparaît... Justement, comme des fois, je regarde le plan et je me dis: Oui, mais il me semble qu'à la base il faut utiliser nos ressources en premier avant de pouvoir penser peut-être à utiliser... d'être dépendants d'autres ressources.

M. Kieffer: O.K. Compte tenu de l'état actuel de la recherche-développement dans ces nouvelles sources d'énergie, je pense à l'éolien et je pense au solaire, qui, dans l'état actuel, sont probablement les moins polluantes. Est-ce que vous avez évalué le coût au kilowattheure du développement de l'éolien et du solaire?

Mme Allen (Margot): Ce qu'on voit aujourd'hui, le côté solaire, le développement solaire, le développement éolien, ça, c'est le résultat de nos politiques énergétiques depuis une vingtaine d'années et plus. On a mis toujours beaucoup d'argent à développer l'hydroélectricité, alors on voit le résultat: c'est bon pour le Québec.

(11 h 40)

Mais si on veut développer les autres sources d'énergie, quand on a mentionné dans le mémoire, juste pour l'année 1990, il y avait 100 000 000 $ qui étaient dépensés dans la recherche-développement de l'hydroélectricité; dans le solaire, c'était 1 000 000 $. Alors, c'est évident que, si vous ne mettez pas d'argent dans la recherche-développement, on ne va jamais avoir ces filières, ici, au Québec.

M. Kieffer: Mais on peut s'entendre, à tout le moins, dans l'état actuel, que, aussi bien l'énergie solaire et éolienne, oui, on la retrouve au Québec... Pour ce qui est du solaire, pas mal moins l'hiver, mais, bon, on la retrouve. Il y a certains endroits du Québec et certaines régions – je pense à la Gaspésie, entre autres – où l'éolien pourrait être une autre façon, un autre mode. Mais on s'entend tous les deux pour dire que, dans l'état actuel du développement de ces sources-là, les coûts sont beaucoup plus dispendieux que les coûts de l'énergie hydroélectrique.

M. Potvin (Denis): Non, mais je l'ai mentionné tout à l'heure – vous l'avez aussi mentionné – ces sources d'énergie là sont les moins dommageables pour l'environnement. Ce qui fausse aussi l'évaluation du prix par rapport aux autres filières, c'est qu'on ne comptabilise pas, on ne compte pas, dans le prix, tous les coûts externes. Je l'ai mentionné dans notre mémoire: L'aspect des coûts externes, c'est-à-dire les coûts sur la pollution, tous les dommages qui sont causés à l'air, à l'eau, à la faune, la flore et aussi à la santé de l'être humain, là-dedans, c'est une subvention que l'on donne, justement, à ces producteurs, à ces filières-là. Il faudrait que le coût énergétique reflète tous les coûts. Et si on intègre tous ces coûts-là, bien, les ressources renouvelables vont être beaucoup plus avantageuses que les autres filières. Ça, c'est un aspect, aussi, les coûts externes, à considérer.

M. Kieffer: Jusqu'à quelle hauteur vous verriez que l'éolien et le solaire fourniraient de l'électricité dans le parc énergétique québécois?

Mme Allen (Margot): Je pense qu'on oublie souvent le solaire passif. Quand les gens parlent de solaire, ils voient toujours «solaire voltaïque», et c'est ça qui coûte cher. Mais on sait que la plus grosse partie de notre coût d'énergie pour le public, les consommateurs, c'est le chauffage. Alors, c'est un peu ridicule qu'on construise nos maisons de la façon dont on l'a fait, quand on devrait, juste en changeant l'orientation et la façon de les construire, on pourrait profiter du solaire passif.

Alors, dans notre mémoire, pour le débat sur l'énergie, on a suggéré 78 façons juste pour conserver l'énergie, même avant d'aller voir les autres sources d'énergie. Alors, on dit que, si on fait ces choses-là, ça va nous donner le temps, peut-être, de regarder les ressources renouvelables et de développer ces ressources renouvelables, mais essayer de faire les 78 qu'on a suggérées. Parce que ce ne sont pas nos idées: c'étaient des documents qui étaient déposés pendant le débat public sur l'énergie. On est allés les consulter, on a trouvé ces idées-là, qui se font un peu partout dans le monde. Alors, il y a des possibilités.

M. Kieffer: Vous êtes au courant qu'actuellement l'éolien et le solaire ne représentent même pas 1 % de la production énergétique québécoise, vous le savez, ça?

Mme Allen (Margot): Oui.

M. Kieffer: Donc, se fixer, par exemple, un objectif de 10 % de toute l'énergie produite, ça serait déjà énorme.

M. Potvin (Denis): On envisage que, lorsque, justement, les Québécois vont avoir besoin d'énergie dans les prochaines années... C'est quoi, la meilleure filière? On parlait justement de régie, l'énergie qui va... avec la population déterminer quelle est la filière la mieux indiquée, justement, pour répondre à ces besoins-là.

Et je vous invite aussi à dire que le débat sur les besoins, aussi, en énergie ou les choix de développement... Si on continue à choisir des choix d'aluminerie, pour un pays, je pense que ça, c'est très énergivore. Faisons plutôt des choix qui sont justement moins énergivores – beaucoup plus d'emplois, beaucoup plus respectueux de l'environnement – et on n'aura pas besoin de construire des mégaprojets, mais, par contre, ça va vraiment aider la société dans une très bonne orientation respectueuse de toutes les composantes.

M. Kieffer: On est tous les deux conscients qu'au moment où on se parle, jamais, à court terme – et je n'entends pas à long terme, parce que je pense que ce type de débat là, effectivement, doit se faire, mais jamais à court terme – on peut prétendre que ni l'éolien ni le solaire ne pourraient remplacer le parc énergétique actuel. Je pense que ça n'arrivera jamais, mais ça peut, effectivement, devenir une source complémentaire importante.

M. Potvin (Denis): C'est le couplage...

M. Kieffer: Mais il faut le situer dans son contexte.

M. Potvin (Denis): C'est pour ça qu'il faut le couplage...

Le Président (M. Sirros): M. le député, je pense qu'avec ça il va falloir qu'on vous laisse le dernier mot, sans nécessairement se prononcer sur l'à-propos de vos mots, mais...

M. Kieffer: Bon, d'accord. Alors, je termine en disant: Monsieur, madame, vous avez relevé dans votre texte des éléments très importants quant à la pollution atmosphérique. La pollution atmosphérique n'a pas de frontières. Actuellement, aux États-Unis, on est en train de fermer des «plants» atomiques pour les remplacer soit par le charbon, soit par le gaz, qui, quant à moi, sont beaucoup plus nocifs que l'hydroélectricité, et Kyoto vient de fixer des paramètres assez précis. J'aimerais avoir votre opinion à ce niveau-là. Est-ce qu'effectivement...

Le Président (M. Sirros): Très rapidement.

M. Kieffer: Vers quoi doit-on aller? Vers quoi doit-on aller pour régler ce problème-là? Est-ce que l'hydroélectricité est une solution de rechange adéquate?

Mme Allen (Margot): Je pense qu'on se frappe nos idées. Vous voulez l'hydroélectricité...

M. Kieffer: Non, pas nécessairement.

Mme Allen (Margot): ...nous, on veut la conservation de l'énergie. Pour nous, c'est le meilleur choix pour le Québec pour la question de création d'emplois, pour la question de retombées économiques pour les régions, la question de la sécurité, la conservation d'énergie dans les bâtisses et toutes les 78 qu'on a suggérées dans notre mémoire, essayez ça avant de vous lancer encore dans l'hydroélectricité. Alors, la question du solaire, voltaïque ou éolienne, ça, c'est une autre question. Mais, nous, on voit qu'il y a beaucoup de possibilités dans la conservation avant qu'on ne fasse toutes les autres choses.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Finalement, c'est Mme Allen qui va avoir le dernier mot. Il faut que j'arrête ça. M. le député, on a, des deux côtés, pris tout le temps dont on disposait. Je vous remercie au nom de l'ensemble des membres de la commission pour votre présentation. Et j'inviterais l'intervenant suivant à venir à la table; il s'agit du Syndicat professionnel des scientifiques de l'IREQ. Est-ce que M. Jean-Marc Pelletier est dans la salle? Oui, voilà.

Alors, M. Pelletier, je pense que vous connaissez les règles du jeu: alors, 15 minutes de présentation, 30 minutes d'échanges. On apprécierait avoir la possibilité d'échanger avec vous. Alors, si vous pouvez embarquer tout de suite, en vous présentant et en présentant ceux qui vous accompagnent, nous pourrons passer à cette étape de nos travaux.


Syndicat professionnel des scientifiques de l'Institut de recherche en électricité du Québec (SPSI)

M. Pelletier (Jean-Marc): Voilà. Merci, M. le Président. D'abord, M. le Président, M. le Vice-Président, Mmes et MM. les parlementaires, merci de cette invitation que vous nous faites ce matin de vous faire part de nos humbles commentaires sur les éléments qu'on va porter à l'attention de la commission.

Avant de présenter les gens qui m'accompagnent ce matin, peut-être situer un peu l'IREQ. La recherche à Hydro-Québec, c'est une activité qui emploie aujourd'hui environ 300 chercheurs, et ils sont localisés principalement à l'IREQ, c'est-à-dire sur le campus, le site de Varennes, donc en banlieue de Montréal, et également à un laboratoire à Shawinigan qu'on connaît également comme étant le LTEE.

Les gens qui m'accompagnent ce matin, écoutez, au niveau des officiers du Syndicat: à mon extrême gauche, M. Réal Reid, vice-président du Syndicat; à ma gauche immédiate, M. Michel Trudeau, également vice-président, et qui nous fera présentation de notre mémoire sur la recherche et développement; Jean-Marc Pelletier; et à ma droite, M. Sylvain Riendeau, qui est le secrétaire de l'organisation.

Nous avons proposé et soumis à la commission deux mémoires – nous nous excusons, je pense que nous avons peut-être apeuré certains parlementaires par le volume des documents que nous avons transmis – mais essentiellement, deux documents qui sont les mémoires et deux autres qui sont les documents d'accompagnement, donc, qui viennent des éléments qu'on retrouve dans les mémoires.

Un premier mémoire sur la recherche et développement. On sait que la commission parlementaire, l'an dernier, avait questionné Hydro-Québec sur la recherche-développement, sa commercialisation, la vision et les mandats qui étaient confiés à l'IREQ, et évidemment la commission avait fait part de recommandations, d'indications à la direction d'Hydro-Québec. Donc, un an plus tard, nous, on vient vous faire rapport de la situation. Un an plus tard, quelle est la situation? Est-ce qu'il y a eu des correctifs qui ont été appliqués et implantés depuis un an?

Le deuxième mémoire, le deuxième volet va traiter de ce que nous appelons les «activités de développement de marchés d'Hydro-Québec». Nous questionnons énormément les prétentions d'Hydro d'aller dans le marché américain et dans le marché international sur des bases économiques et techniques. Donc, nous allons porter à l'attention de la commission un certain nombre d'éléments techniques et économiques que nous mettons en relation avec les risques financiers de cette aventure-là.

(11 h 50)

Donc, immédiatement, M. Trudeau nous présente notre bilan sur la recherche et développement. Merci.

M. Trudeau (Michel): Lors de la dernière comparution d'Hydro-Québec devant la commission parlementaire de l'économie et du travail en 1997, une attention particulière s'est portée sur la recherche et développement. À ce moment, trois recommandations ont été émises sur le sujet: la première s'adressant aux énergies renouvelables; la seconde concernant la protection de la commercialisation de l'expertise développée à l'IREQ; et, finalement, la troisième était relative au règlement rapide des difficultés concernant la recherche-développement d'Hydro-Québec.

Ce mémoire présente différents constats concernant la recherche à Hydro-Québec un an après cette commission parlementaire. On note des efforts pour soutenir la filière éolienne en 1998 selon les prévisions budgétaires établies et la création d'un groupe de tâches mandaté pour étudier en détail les opportunités de cette filière. On constate cependant également le manque d'engagement pour les années subséquentes. Malgré cet effort pour la filière éolienne, les budgets en recherche-développement pour les autres énergies alternatives, biomasse, filière solaire, pompe à chaleur, demeurent minimes et, dans certains cas, inexistants. En 1997, la protection de l'expertise par l'accession de 82 % des chercheurs temporaires au statut de permanent est certes un pas dans la bonne direction et contribue à freiner l'exode de certains chercheurs, observation qui a d'ailleurs été mise en évidence au cours des dernières années. Le résultat de cet effort a cependant été atténué par la diminution des effectifs de l'ordre de 15 %, exode et préretraite. L'augmentation des effectifs en recherche-développement serait à propos, de façon à respecter les énoncés de principe du plan stratégique 1998-2002.

Les tentatives pour solutionner les problématiques de recherche-développement à l'IREQ sont tout aussi inefficaces aujourd'hui qu'elles l'étaient auparavant. Le financement des projets de recherche à court terme, au profit des unités opérationnelles d'Hydro-Québec, provoque un sous-financement chronique des activités nécessitant des investissements en recherche-développement à long terme. Par ailleurs, la priorisation et la sélection des projets de recherche-développement ne sont pas en conformité avec une vision à long terme des engagements publics d'Hydro-Québec, c'est-à-dire fournir un produit électrique de qualité aux citoyens et entreprises du Québec.

Enfin, au lendemain de la tempête de verglas, ce mémoire propose des technologies déjà développées et qui auraient pu limiter l'impact de cette catastrophe et présente aussi des avenues de recherche-développement qui pourraient en minimiser les conséquences à l'avenir à la condition, bien sûr, que des mandats spécifiques soient octroyés aux chercheurs de l'IREQ.

Donc, tel que mentionné en 1997, trois recommandations précises sur la recherche et développement ont été faites:

la recommandation 19, qui disait que la commission recommande qu'Hydro-Québec fasse un effort particulier pour intensifier ses efforts de recherche-développement dans les nouvelles filières renouvelables, surtout l'éolien et le solaire;

la recommandation 20, qui recommande qu'Hydro-Québec s'efforce de retenir l'expertise professionnelle qu'elle a développée afin d'en maximiser les retombées commerciales, tant sur le marché intérieur qu'extérieur; et

la recommandation 21, qui recommande qu'Hydro-Québec mène une réflexion approfondie concernant les difficultés qu'éprouve son programme de recherche-développement et qu'elle lui soumette un rapport à ce sujet indiquant les solutions précises à apporter lors de la présentation de son prochain plan stratégique.

Le présent mémoire vise à faire le point sur ces recommandations et présenter les efforts consacrés aux énergies renouvelables tout en faisant état des difficultés du programme de recherche-développement. Enfin, et en raison de notre responsabilité sociale et notre intérêt à servir le mieux possible la communauté québécoise, nous recensons certaines recherches qui, si elles avaient été menées à terme, auraient été utiles durant la récente crise de verglas. De plus, nous proposerons dans ce contexte de nouvelles avenues capables de faire face à de telles situations dans l'avenir.

Au niveau des énergies renouvelables, malgré la demande de la commission parlementaire de 1997, on ne note aucune activité dans le domaine de l'énergie solaire de la biomasse, des pompes à chaleur et autres types d'énergie qualifiée de renouvelable.

Au niveau de l'énergie éolienne, les efforts en recherche-développement sont passés de 410 000 $, en 1996, à 130 000 $, en 1997. Bien qu'Hydro-Québec semble vouloir augmenter les budgets en 1998, il n'y a aucun engagement pour les années subséquentes. Ainsi, à court terme pour la filière éolienne, Hydro-Québec devrait concentrer ses énergies sur l'intensification de l'utilisation de cette filière, l'intégration au réseau électrique, la synergie éolienne hydraulique, les conditions particulières du climat québécois et la collaboration avec d'autres entreprises, par exemple en Finlande, sur l'opération dans le verglas. Compte tenu de la prétention d'Hydro-Québec à soutenir les filières éoliennes et notant l'avance du Danemark et de l'Allemagne au chapitre de la mise au point de turbines éoliennes, qui est considérable, il est impératif de démarrer une activité d'envergure pour la conception d'une turbine éolienne adaptée au climat québécois. Plusieurs de ces développements positionneraient davantage Hydro-Québec International sur le plan mondial. De même, l'avance technologique d'Hydro-Québec pour le jumelage éolien-diesel serait maintenue en réalisant une première application dans le réseau non relié.

En conclusion de ce volet, Hydro-Québec n'a entrepris aucun geste significatif de recherche-développement dans les énergies alternatives, sauf pour la recherche sur l'énergie éolienne. Les provisions budgétaires accordées à la filière éolienne indiquent une apparente intensification des efforts dans cette technologie particulière, alors qu'un effort tout aussi important devrait être accordé au développement plus large dans l'ensemble des énergies renouvelables.

Soulignons à cet effet, la recommandation du comité de la Maison-Blanche, récemment, pour l'augmentation des budgets alloués au département d'énergie de 61 % dans certains domaines dont l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables.

Au niveau de retenir l'expertise. En 1996, 34 chercheurs de l'IREQ sont partis, sur un bassin de 350. En 1997, 49 chercheurs quittent, soit 29 permanents et 20 temporaires. En tout, et malgré les efforts d'Hydro-Québec pour retenir l'expertise, la perte nette des effectifs est de 15 %. Selon le budget 1998, aucune indication qui note l'importance de la recherche et développement chez Hydro-Québec. De façon à être plus efficaces et performants, les effectifs en recherche devraient atteindre le niveau 1995, soit quelque 350 chercheurs.

Au niveau des difficultés du programme de recherche et développement, les difficultés sont issues du virage client de 1989 qui a vu le transfert du contrôle budgétaire aux unités Production, Transport, Distribution et Utilisation. En 1989, en plus du transfert budgétaire, il y a eu établissement d'un mode de fonctionnement basé sur la relation client-fournisseur pour la sélection des projets de recherche où l'IREQ devient le fournisseur et les groupes Production, Transport, Distribution et Utilisation disposaient des budgets et devenaient les clients.

Ces projets ont vu en fait apparaître trois niveaux de décision pour l'obtention des projets de recherche: un comité directeur de la technologie, des tables sectorielles et des groupes de travail. Les nombreuses difficultés organisationnelles des systèmes de fonctionnement sont la faible implication des clients, la vision à court terme des clients et le non-respect des mandats octroyés.

Au niveau de la faible implication des clients, le transfert des budgets et l'implication dans le choix des projets sont considérés comme des tâches supplémentaires par les clients d'où un manque de suivi, les analyses superficielles et une planification de la technologie reléguée à une priorité secondaire. La vision à court terme des clients a fait en sorte qu'un développement d'une philosophie d'urgence basée sur des solutions à court terme, d'où une diminution de la durée des projets de recherche de façon à répondre à des besoins immédiats et sans risque. Cette réalité court terme est toujours existante chez Hydro-Québec.

Au niveau du non-respect des mandats octroyés, en raison de cette vision à court terme, des commandes de recherche par les clients et des impondérables provoqués par les urgences ponctuelles, à maintes reprises les budgets alloués initialement étaient amputés en cours de recherche pour répondre à des changements d'orientation. De plus, la rationalisation budgétaire au niveau de l'exploitation a eu un impact direct sur les budgets affectés à la recherche. La rationalisation encourageant ainsi le maintien des activités quotidiennes et la justification de sa raison d'être, le client, au lieu d'accorder le budget de recherche à l'IREQ, se l'accordait à lui-même, justifiant son emploi. Aujourd'hui, 50 % des budgets de recherche-développement sont dépensés chez les clients et compensent la diminution des budgets d'opération qui leur était consentie ultérieurement.

Au niveau des constats, cette approche client-fournisseur existe depuis plus de huit ans avec les conséquences suivantes: diminution continuelle des budgets pour chaque mandat, dissolution des nombreuses équipes de recherche, travail plus individuel des chercheurs, octroi des mandats de recherche sur une base annuelle, ce qui défavorise les projets de recherche à plus long terme. Les seuls budgets qui demeurent sous le contrôle de l'IREQ et permettent des recherches à plus long terme servent principalement la robotique, la supraconductivité, l'hydrogène, la fusion et les piles ACEP. L'affectation budgétaire confirme l'orientation court terme des projets en 1997.

Finalement, au niveau des contributions de recherche-développement en situation d'urgence, les résultats de recherche-développement permettent d'améliorer constamment le réseau et ainsi diminuer l'impact d'un sinistre, telle la dernière tempête de verglas. Quelques exemples dans ce cas: les méthodes pour briser le verglas sous les lignes, les détecteurs de verglas, télécommandes en ligne, centrale mobile d'urgence développée en Mauricie, génératrices de 20 kW du projet M4. Voici un ensemble de technologies ou mal déployées ou inutilisées, trop souvent en fonction des impératifs court terme.

Dans des cas de verglas, voici quelques exemples de projets qui mériteraient d'être explorés, développés ou améliorés: coût de l'enfouissement du réseau de distribution, robustesse des pylônes, technique de déglaçage de lignes, système de planification et d'optimisation d'opération du réseau de transport et distribution en fonction des conditions météorologiques, l'amélioration de la robustesse électrique du réseau.

(12 heures)

En terminant, le SPSI voudrait faire les recommandations suivantes: suivre avec vigilance les résultats sur l'éolien et positionner la recherche au niveau de la conception des turbines éoliennes adaptées aux conditions climatiques québécoises; mettre en place un programme de recherche-développement sur les énergies renouvelables et les économies d'énergie; rétablir les effectifs de recherche-développement au niveau des effectifs 1995, soit 350 chercheurs; rétablir l'équilibre entres les projets à court terme et long terme en majorant à 40 000 000 $ par année le budget de prospective et de filières de recherche à long terme, ce 40 000 000 $ sous le contrôle de l'IREQ; maintenir les budgets de recherche à court terme pour appuyer les besoins des unités opérationnelles; établir un processus efficace d'analyse des projets de recherche et une vision structurée de l'orientation recherche et développement; et finalement, établir un programme spécifique de recherche pour améliorer la robustesse et réduire l'impact des conditions atmosphériques, tout en minimisant les longues interruptions pour les abonnés d'Hydro-Québec. Merci.

M. Pelletier (Jean-Marc): Oui. Voilà, M. le Président, qui conclut le premier volet, le premier mémoire sur la recherche et développement. Je vais rapidement couvrir le deuxième volet, le deuxième mémoire. Je pense qu'on m'indique que j'ai huit minutes. Est-ce que ça rentre dans les temps?

Le Président (M. Sirros): Pas tout à fait, mais on va, je pense, devoir prendre un petit peu de temps. Si vous pouvez vous limiter à l'intérieur de cinq minutes, ce serait apprécié.

M. Pelletier (Jean-Marc): . D'accord. Merci, M. le Président. Le deuxième mémoire, le deuxième volet porte sur les activités de développement de marchés d'Hydro-Québec. Ce que j'aimerais traiter rapidement là-dedans, c'est les aspects des activités réglementées et non réglementées. Il est de notre avis qu'il faut clarifier cette situation-là, parce qu'il y a confusion dans les genres. On parle de plan des ressources, mais on parle aussi de plan stratégique. Les gens ne savent plus de qui relève quoi et quoi contient qui, et ainsi de suite. Donc, rapidement éclaircir ce point-là. On va parler des activités américaines d'Hydro-Québec, des activités internationales d'Hydro-Québec. Nous aurons une proposition pour investir d'abord au Québec – je pense qu'on veut revenir à notre mission de base – et, bien sûr, nos recommandations.

Activités réglementées et non réglementées. Je le disais, il existe deux plans: un plan des ressources et un plan stratégique. Le plan des ressources relève exclusivement de la Régie de l'énergie. C'est dans la loi de la Régie de l'énergie. Il faut savoir également que la plan des ressources, son objectif, c'est la satisfaction des besoins énergétiques du Québec. Donc, cela est clair dans la loi. Le plan des ressources, c'est la partie du plan stratégique qui traite de la façon dont Hydro doit rencontrer ses obligations au Québec.

Le plan stratégique, maintenant, contient, bien sûr, des éléments du plan des ressources, mais également des éléments qui sont pertinents à la deuxième mission d'Hydro-Québec, c'est-à-dire le volet commercial d'Hydro dans ses aspects nord-américains et internationaux. Certains et plusieurs voudraient que le plan stratégique d'Hydro-Québec soit soumis à l'attention de la Régie de l'énergie. Nous sommes plutôt d'avis que le plan stratégique d'Hydro-Québec devrait demeurer la prérogative du gouvernement du Québec, dans la mesure où la décision d'investir, de permettre à Hydro-Québec d'aller dans des champs d'intervention qui ne sont pas les champs normaux ou traditionnels d'Hydro est une décision de nature politique, c'est-à-dire que c'est une décision où les actionnaires ou ceux qui représentent les actionnaires doivent autoriser cette nouvelle avenue là. Il n'appartient pas, selon nous, à un tribunal administratif d'autoriser ces investissements-là.

Donc, c'est pourquoi nous réaffirmons le fait que l'autorisation du plan stratégique doit demeurer la prérogative du gouvernement du Québec. Nous souhaitons, par contre, que la commission parlementaire joue un rôle de représentant des actionnaires. Il nous apparaît important que la commission parlementaire – cette commission-ci, M. le Président – représente les intérêts des actionnaires et questionne, au besoin, ces orientations et les plans d'affaires qui nous sont soumis. Donc, nous proposerions dans ce cas-ci que le plan stratégique d'Hydro-Québec demeure la prérogative du gouvernement, dans la mesure où les recommandations ou les indications ou les paramètres de la commission soient intégrés dans la définition du plan stratégique.

S'agissant des activités nord-américaines d'Hydro-Québec jusqu'à maintenant, porter à votre attention des éléments qui relativisent l'avantage d'Hydro sur ces marchés. Les coûts marginaux, pardon, l'approche des coûts obligataires, on sait très bien que, par cette nouvelle mécanique comptable américaine, des entreprises qui auparavant n'étaient pas compétitives avec Hydro-Québec vont tout à coup être délestées d'éléments d'actifs qui étaient non rentables et tout à coup retrouver une rentabilité, une jeunesse, une fraîcheur tout à fait nouvelle. Il faudra en tenir compte lorsqu'on présente systématiquement le marché américain comme étant un marché qui va de soi pour nous. Les coûts obligataires peuvent changer énormément la situation.

La question des coûts marginaux pour les détournements de rivières. Lorsqu'on évaluera l'option de détourner les rivières, il apparaît à première vue que l'option de détourner les rivières est économiquement très rentable, mais, lorsqu'on intègre tous les coûts de cette option-là, ça devient moins concurrentiel. Donc, il ne faudrait pas prendre une approche de coût marginal pour étudier l'option détournement des rivières, mais considérer l'entièreté des coûts de cette option.

Nouvelles technologies. Ce qui est fort important, il ne faudrait pas les minimiser. La cogénération, en fait, la disponibilité de grandes quantités de gaz naturel font en sorte que nos amis les Américains vont mettre en chantier beaucoup d'usines de cogénération et qui sont aujourd'hui compétitives avec le produit hydroélectrique. Les piles à combustible, nous estimons que, d'ici cinq à 10 ans, cette technologie-là risque d'être particulièrement intéressante. On parle de projets de 2 MWh, en Californie, qui ont été expérimentés récemment. C'est une technologique extrêmement prometteuse. Ballard, incidemment, de Vancouver, une entreprise canadienne qui est supportée par un producteur automobile et une grande entreprise française, donc, nous montre le sérieux de cette technologie-là. Également, les turbogénérateurs sont... Donc, toutes des technologies dont les coûts sont aujourd'hui ou pourraient être rapidement voisins des coûts proposés par Hydro-Québec, donc relativisant l'avantage d'Hydro-Québec sur les marchés américains.

Donc, les opportunités sur le marché américain sont là, elles sont présentes, mais il nous importe que les parlementaires questionnent ou mettent en relation l'avantage que représente l'hydroélectricité aujourd'hui avec les technologies qui sont aujourd'hui présentes ou qui vont l'être très, très bientôt.

Je n'ai pas parlé de production distribuée. J'y reviendrai peut-être sous forme de réponses aux questions.

Le volet international. Hydro, évidemment, veut être présente sur les marchés internationaux. On nous apprend qu'Hydro veut investir 1 200 000 000 $ au cours des cinq prochaines années. Également, mettre en relation que l'argent qu'Hydro va investir, c'est de l'argent qui est emprunté. Le coût moyen d'emprunt, il est de 8 %. On vise une rentabilité – je dis bien «on vise une rentabilité» – de 12 % à moyen terme. Donc, la marge bénéficiaire, elle est de 3 % à 4 %, ce qui nous amène à soulever la question: La marge étant relativement faible, on sait très bien que les fluctuations de taux de change, et ainsi de suite... Il nous apparaît important de questionner cet investissement ou cette orientation-là d'Hydro-Québec, eu égard à la faible marge bénéficiaire de ce plan d'investissement.

Investir d'abord au Québec, oui. Dans le passé, on a déjà eu des programmes ici pour créer des emplois. Des gens autour de nous également profitent de choses similaires – zéro minute? Merci, Sylvain – Le programme Power for Jobs, aux États-Unis, dans l'État de New York, qui vise à créer ou à consolider 4 600 emplois, vient d'être lancé récemment par le gouverneur de l'État de New York.

C'est pourquoi nous pensons que nous pourrions relancer des programmes de réduction tarifaire, principalement sous forme de crédits d'impôt – on pourrait épiloguer un peu plus longtemps par la suite – mais dans la mesure où ces réductions-là se traduisent par une transformation des produits en produits secondaires, au Québec. Autrement dit, fini l'époque où les lingots prennent la route de l'exportation aux États-Unis. Donc, dans une optique gagnant-gagnant avec les entreprises, dire: Oui, on propose des incitatifs tarifaires pour vous aider, mais à la condition que vous transformiez un pourcentage significatif de matières premières ici, au Québec. Ça, ce serait un programme structurant pour l'économie.

Nos recommandations, M. le Président, sur ce second volet. Le SPSI souhaite une participation du public et des experts concernés pour encadrer la nouvelle orientation commerciale d'Hydro-Québec, participation exercée à travers des séances, par exemple, de cette commission parlementaire. Nous souhaitons que la commission parlementaire soit à même de bien exercer son rôle de représentant des intérêts des actionnaires d'Hydro-Québec et qu'on l'y autorise dans ce nouveau rôle.

Nous souhaitons également un encadrement formel des activités américaines et internationales d'Hydro-Québec, exercé par la commission parlementaire à travers, notamment, la présentation et l'étude d'un plan d'affaires sérieux, et un suivi rigoureux de notre présence en ces marchés, notamment par l'accès aux états financiers respectifs et non pas consolidés.

Un nouveau programme de réduction tarifaire, comme je le disais à l'instant, basé sur une transformation de matières premières au Québec. Nous souhaitons que le gouvernement du Québec autorise Hydro-Québec à investir dans ces activités, selon les critères et recommandations déterminés par la commission. Voilà. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Alors, on passera au temps d'échanges. On dispose d'à peu près 10 minutes par côté, pour le temps des membres. Alors, M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Merci. Évidemment, 10 minutes, c'est bien court pour échanger sur deux mémoires qui sont d'une qualité exceptionnelle. Il faut le refléter ici, à cette commission, d'autant plus que vous aviez également soumis un mémoire fort bien documenté lors de nos échanges avec M. Caillé.

(12 h 10)

On a mentionné autour de la table, tout à l'heure, des éloges à l'endroit des monteurs de ligne et des autres travailleurs d'Hydro-Québec qui se sont manifestés pendant la crise, mais, moi, je pense que, au nom de la commission, il faut souligner également la qualité de nos chercheurs et, en particulier, la qualité des chercheurs d'Hydro-Québec. Il y a une foule de projets qui sont soit en développement ou qui sont restés sur les tablettes et qui reflètent l'ingéniosité de vos professionnels, et nous vous en félicitons.

En ce qui concerne précisément la recherche et le développement, c'est une des préoccupations de la commission, d'autant plus qu'on sait qu'au Québec à peine un diplômé supérieur en sciences trouve un emploi au Québec et que la force et la source même de la compétitivité d'une entreprise, c'est ce que M. Garon, notre collègue, appelle, ce qu'on a, de la matière grise et ce qui se traduit en termes concrets par la recherche et le développement. Donc, c'est une filière et c'est un volet importants, sinon indispensables des activités d'Hydro-Québec.

Nous avons pris bonne note du bilan que vous avez fait depuis le moment où nous avons échangé avec M. Caillé. Puisque le président d'Hydro-Québec avait lui-même reconnu, vous vous en souviendrez, en commission, l'état plutôt piteux et l'état problématique de tout le volet de la recherche et du développement, je pense que nous pourrons bénéficier de vos commentaires pour avoir des échanges plus poussés avec lui à la fin du mois de février.

J'aimerais revenir au deuxième aspect de votre présentation, la question plus développementale. Vous soulevez des points qui sont d'un intérêt particulier pour la commission et qui sont directement rattachés aux 21 recommandations qu'on avait faites au mois de mars dernier. Je veux simplement, pour vous amener à parler de cela pour le bénéfice de la commission et des auditeurs, faire allusion à ce que vous dites en page 10 de votre mémoire principal, où vous vous demandez: D'abord, les Québécois doivent-ils supporter le coût des emprunts effectués par Hydro-Québec pour la construction de centrales utilisées à des fins d'exportation? Dans le cas où Hydro-Québec subirait un préjudice financier sur les marchés externes, la clientèle d'Hydro-Québec doit-elle supporter les effets de ces pertes? Et enfin: Comment différencier les centrales de production requises pour satisfaire les besoins du Québec par rapport à celles qui seraient construites à des fins d'exportation? C'est un élément fondamental du débat qui nous préoccupe en ce moment.

Alors, c'est bien court, comme je vous dis, 10 minutes, mais pouvez-vous élaborer sur votre vision du partage des rôles entre le gouvernement et la Régie de l'énergie à cet effet? D'autant plus que vous semblez faire énormément confiance à notre commission, et nous vous en remercions.

Le Président (M. Sirros): Sûrement que la confiance exigerait qu'on ait un peu plus de temps puis de ressources pour bien accomplir le mandat que vous voulez qu'on assume, parce que, effectivement, 10 minutes, c'est très court. Mais, cela étant dit, allez-y.

M. Beaulne: Alors, allez-y, M. Pelletier...

M. Pelletier (Jean-Marc): D'accord.

M. Beaulne: ...parce que j'aimerais vous poser quelques questions après. Si vous pouvez synthétiser ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pelletier (Jean-Marc): D'accord. M. le Président, je m'abstiendrai de répondre à votre commentaire. Je pense qu'il est plus de nature politique et qu'il ne s'adresse pas nécessairement à nous, M. le Président. Votre dernière intervention.

En fait, nous n'avons pas nécessairement de réponses aux questions dont le député parlait à l'instant, c'est-à-dire comment démêler l'enchevêtrement de missions d'Hydro-Québec, d'abord, et, espérons-le, fournir l'électricité aux citoyens et entreprises du Québec – je sais que ça a manqué un peu récemment – et comment démêler tout cela des nouvelles ambitions et intentions d'Hydro-Québec sur les marchés internationaux.

Vous savez, en première analyse, il est difficile de savoir ou de faire un suivi, une critique constructive de ces aventures-là, dans la mesure où les états financiers sont consolidés. On n'est jamais en mesure, aujourd'hui, de savoir, par exemple: Hydro-Québec International, est-ce que ça a été une activité qui a été rentable depuis 10 ans ou 15 ans qu'on est présents là-dedans? Consolider, on ne voit pas les chiffres, on n'est pas en mesure d'apprécier la qualité des programmes et des activités qui ont été faits à ce niveau-là.

Les questions des centrales construites pour des fins d'exportation, qu'on utilise de la cogénération au Québec pour vendre aux États-Unis – et là je ne veux pas m'embarquer dans les questions environnementales – ou des centrales hydroélectriques pour les besoins américains, comment démêler cet enchevêtrement de choses? Nous le formulons sous forme de questions parce que nous n'avons pas nécessairement les réponses, mais il nous apparaît que la commission devrait s'assurer d'établir un cadre formel permettant de séparer les activités de base d'Hydro-Québec au Québec, donc les activités réglementées, plans de ressources, de ce qui est non réglementé, activités nord-américaines, internationales qu'on retrouve dans le plan stratégique et qui doivent, à notre avis, être encadrées et suivies.

Donc, nous le formulons sous forme de questions parce que nous n'avons pas nécessairement les méthodes, mais il nous apparaît important que la commission statue sur ces éléments.

M. Beaulne: Merci. Autre question qui porte au vif du sujet. Aux pages 19, 23 et 29 de votre mémoire, vous posez la question des progrès technologiques qui sont à prévoir en relation avec les coûts de distribution et de production. Comment voyez-vous l'évolution de ces innovations technologiques par rapport à la compétitivité d'Hydro-Québec, en particulier dans le marché du Nord-Est américain?

M. Pelletier (Jean-Marc): D'abord, le grand avantage de l'hydroélectricité, c'est que c'est une source d'énergie qui n'est pas trop, trop dispendieuse. Son inconvénient, c'est qu'elle est à grande distance des points de consommation. Il faut donc la transporter et il y a un coût de transport. Au Québec, je pense que, de mémoire, c'est 0,08 $ le kWh. Mais, par exemple, si on voulait vendre à des consommateurs de Boston, il faudrait assumer le coût de transport au Québec, le coût de transport jusqu'au Maine, jusqu'à temps de se rendre au Massachusetts, dans la banlieue de Boston.

Donc, l'avantage de l'hydroélectricité est mis en relation et questionné par rapport au coût de transport qu'il faut assumer tout le long du chemin pour se rendre jusqu'au consommateur.

Les nouvelles technologies s'avèrent fort intéressantes. Mon collègue, M. Reid, pourra parler un peu plus d'éoliennes. Il est dans le groupe des éoliennes. Aujourd'hui, ça commence... C'est compétitif aujourd'hui avec les coût d'hydroélectricité. Dans le cas de l'éolien, bien, on doit assumer un coût de transport, mais, si on parle des piles à combustible, turbogénérateurs, cogénération, on a l'avantage qu'on peut produire l'électricité tout près de l'endroit où elle est consommée. On ne dépend pas... On dépend moins d'un réseau de transport avec les qualités et inconvénients qu'on peut fort bien comprendre, pour les gens qui ont vécu récemment une panne importante.

Donc, ces technologies-là sont aujourd'hui, ou seront très bientôt très compétitives, et elles ont l'avantage de pouvoir être localisées près de l'endroit où on en a besoin. Donc, elles n'ont pas besoin de supporter les coûts de transport et, qui plus est, double avantage, elles ne dépendent pas d'un réseau de transport. C'est ça qu'il faut mettre en relation. Ces nouvelles technologies risquent de changer radicalement le portrait électrique en Amérique du Nord dès qu'elles seront déployées d'une façon importante. Est-ce que j'ai bien répondu à la question?

M. Beaulne: Oui. Compte tenu du temps, oui, ça va très bien. On va y aller en cascade, un peu rapidement.

À la page 25 de votre rapport, vous parlez de la problématique des coûts obligataires. Est-ce que vous pourriez nous éclairer sur la mécanique financière qui, à votre avis, permettrait aux producteurs américains de devenir plus concurrentiels à moyen terme?

M. Pelletier (Jean-Marc): La compréhension que nous avons de la mécanique des coûts obligataires est la suivante. Le législateur, dans l'État concerné, ou les spécialistes en question vont identifier un seuil probable où devrait s'établir le prix de vente de l'électricité. À partir du moment où ce seuil-là est établi, les centrales électriques – qu'on parle du nucléaire ou autres, peu importe le matériau utilisé pour faire de l'électricité – qui engendrent un coût qui est supérieur aux coûts de marché ne seront pas compétitives. Or, comme ces centrales-là ont été construites dans le passé pour rencontrer les obligations de fournir l'électricité aux citoyens de ces États, ces entreprises-là avaient l'obligation de fournir l'électricité, donc elles avaient l'obligation de construire des centrales. Donc, comme ces centrales-là ne seront plus compétitives une fois que le marché sera ouvert à la compétition, on les inscrit dans des éléments d'actifs qu'on appelle les «stranded costs», les coûts obligataires.

Mais, techniquement, ce qu'on fait, c'est que ces coûts-là, essentiellement ces investissements-là ou la partie résiduelle non amortie de ces investissements, sont extraits, sont sortis, sont expurgés des états financiers, des actifs de la compagnie et, en fait, remboursés à même des emprunts garantis par les États mais supportés ultérieurement par les clients qui étaient là. Bon, on va essayer de simplifier ça. Mais, du point de vue de l'entreprise, essentiellement, il s'agit d'une radiation d'actifs. On enlève des actifs qui ne sont plus compétitifs des états financiers. Donc, à ce moment-là, l'entreprise devient tout à coup extrêmement rentable. Les ratios financiers sont tout à coup devenus extrêmement intéressants. On enlève les canards boiteux, essentiellement, de ces compagnies-là. Ces canards boiteux là sont supportés par les consommateurs pour lesquels les centrales avaient été construites. Et ils vont être supportés tant et aussi longtemps que les dettes n'auront pas été effacées.

Donc, c'est ça, la technique des «stranded costs», des coûts obligataires. C'est que, tout à coup, des entreprises qui aujourd'hui ne sont plus rentables vont retrouver une santé financière phénoménale. Et la preuve: dans un des mémoires, on parle d'un citoyen résidentiel dans la banlieue de Boston qui vient de recevoir une nouvelle facture, sa nouvelle facture après déréglementation. Il dit: Pour moi, ça ne change rien puisque, si je prends le coût de l'énergie, le coût du transport, le coût de la distribution et j'y ajoute le «stranded cost», l'ancien coût, je reviens au même chiffre qu'avant. Donc, c'est blanc bonnet, bonnet blanc. Mais, pour l'entreprise, par exemple, en question, le producteur électrique, tout à coup, la santé financière est tout à fait différente.

(12 h 20)

M. Beaulne: Merci. Dernière question. À la page 17 de votre mémoire, vous rappelez les pressions qui ont été exercées initialement par les industriels et qui, de ce fait, ont mené à la restructuration qu'on vit présentement. Comme l'objectif des décisions législatives et réglementaires fédérales, aux États-Unis, prises depuis le débat de la décennie vise effectivement, essentiellement, à réduire le coût de la production d'électricité aux États-Unis, diriez-vous que, compte tenu des particularités qui prévalent dans le secteur de l'électricité au Québec, Hydro-Québec peut espérer atteindre le même objectif?

M. Pelletier (Jean-Marc): Au Québec ou dans le marché américain, M. le député?

M. Beaulne: Dans le marché américain.

M. Pelletier (Jean-Marc): Il est difficile de répondre directement à cette question. Par contre, ce qu'on peut mettre en relation, c'est que ça ne sera pas aussi rose qu'on prétend que ça le sera. Je reviens à la question des «stranded costs». Je reviens à la question des coûts obligataires. Je reviens à la question des nouvelles technologies. C'est que, tout à coup, demain ne sera plus comme hier était, et ce qui existait hier n'est pas enseignement pour ce que sera demain. Donc, il est important, avant de s'engager dans ces avenues-là, de bien analyser, d'établir un cadre formel d'opération. Est-ce qu'on doit autoriser Hydro-Québec à investir 1 200 000 000 $ en cinq ans? Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt, je ne sais pas, limiter cette aventure financière là à des montants qui sont plus raisonnables ou plus limités?

Donc, essentiellement, le message que, nous, on transmet, c'est qu'on ne peut pas... En fait, il serait dangereux ou, à tout le moins, il faut questionner les nouvelles orientations d'Hydro. Sur la base, nous ne sommes pas contre le fait d'aller dans ces marchés, nous ne sommes pas contre le fait d'exporter de l'énergie. Si c'est rentable, bien, qu'on nous démontre la rentabilité de ces nouvelles avenues.

M. Beaulne: Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Je peux donc présumer que nous aurons aussi le consentement pour déborder de 12 h 30 d'à peu près quatre minutes. Ce faisant, je permettrai au député de Saint-Laurent de questionner.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Depuis le début de votre présentation, il y a des mots que j'ai retenus. Entre autres, vous avez invoqué la problématique des programmes, l'ordre des priorités, les budgets qui y sont affairés, la difficulté organisationnelle – je vais y revenir – et, bien sûr, vous avez également souligné ce qui aurait pu être des mesures pour amoindrir l'impact durant la période de verglas qu'on vient de connaître.

Je m'attaquerai immédiatement à cet aspect-là. Est-ce que, durant la période de verglas ou immédiatement après – vous êtes des professionnels, des scientifiques, des ingénieurs, des gens dont la formation, c'est de faire ça – il y a eu un groupe de travail, est-ce qu'il y a eu un «task force» de formé, à la demande du gouvernement ou d'Hydro-Québec, pour demander votre contribution pour répondre aux problèmes de la crise qu'on vient de passer à travers? Est-ce que ça a été fait durant la période ou depuis?

(Consultation)

M. Pelletier (Jean-Marc): Écoutez, à notre connaissance, non. La réponse à cela est non. Je peux vous dire, je peux vous assurer que les chercheurs étaient prêts à mettre de l'avant... Écoutez, ils ont vu ce qui s'est passé. Ils ont vu les billots de bois qui étaient utilisés pour déglacer les lignes. Nous pensons avoir de meilleures solutions, des solutions pour l'immédiat, pour demain, pour après demain, et ainsi de suite. Nos chercheurs ont des idées. Je sais qu'il y a eu des discussions au niveau de l'Institut de recherche, mais, à notre connaissance, on n'a pas demandé à l'IREQ, on n'a pas... On aurait pu mobiliser l'Institut de recherche.

On vient de sortir d'une épreuve qui a été très, très difficile. La problématique du verglas, je pense qu'on vient tous de réaliser qu'elle est fort complexe et importante. Il eut été souhaitable, d'après nous, que les chercheurs de l'Institut soient immédiatement mobilisés pour trouver des solutions à court terme, donc des techniques de dépannage plus rapides, mais également des solutions à plus long terme. Par exemple, je ne sais pas, moi, enduire les conducteurs de matériaux pour empêcher que le verglas ne puisse adhérer à ces choses-là. Donc, un ensemble de solutions à application immédiate et à plus long terme pour limiter la «sérieusité» des crises. Il eût été intéressant, comme je le disais, que les chercheurs soient mobilisés. Ça s'est fait en petits groupes, mais fort limités, si jamais ça s'est fait.

M. Cherry: Deuxième question. La commission présidée par M. Nicolet, un ingénieur de formation, ça s'appelle la Commission scientifique et technique. Donc, comme vous représentez les professionnels et les scientifiques, est-ce que votre organisme a été appelé à contribution? Est-ce que vous croyez que vous devriez être appelés, que vous pourriez contribuer de façon positive aux travaux de cette commission?

M. Pelletier (Jean-Marc): Nous avons la prétention, comme chercheurs et comme syndicat, d'être au service de la population, dans nos interventions et dans les technologies que nous proposons. Donc, oui, nous pensons que nous aurions pu être d'une grande contribution et utilité à la Commission, parce que nous sommes des experts dans les domaines de l'énergie. Cependant, à ce jour, nous n'avons pas été approchés de quelque façon que ce soit pour appuyer ou pour intervenir au niveau de la Commission. Mais je pense que nous aurions pu jouer un rôle significatif au niveau des travaux de la Commission.

M. Cherry: Donc, si vous étiez appelés, vous pourriez jouer ce rôle-là.

M. Pelletier (Jean-Marc): Dans l'optique où nous sommes au service de la population, ça procède de notre mission à nous, qui est de servir la population, oui.

M. Cherry: Merci. Maintenant, je reviens sur la principale problématique des programmes de recherche chez Hydro. C'est quoi? «C'est-u» les montants qui sont investis en recherche? «C'est-u» le processus décisionnel? «C'est-u» la non-application concrète des résultats qui ont été trouvés? «C'est-u» le nombre de chercheurs disponibles? Qu'est-ce qui fait que le constat fait, et pour les gens qui y travaillent et ce que M. Caillé nous a décrit, que ce n'était pas la partie la plus glorieuse ou la plus fière de l'ensemble d'Hydro-Québec qu'est le département de recherche et de développement?

M. Pelletier (Jean-Marc): Les problématiques, à ce jour... Je vais laisser M. Trudeau répondre à celle-ci, si vous permettez.

M. Trudeau (Michel): La problématique majeure, probablement, c'est au niveau décisionnel des projets. Présentement, chaque année, il y a toujours une demande de mandat qui est faite et une gestion de comment les mandats vont être approuvés et comment les projets de recherche vont débuter. Chaque année, c'est toujours une priorisation qui se fait en plusieurs étapes et avec plus ou moins de suivi. Comme je l'ai mentionné préalablement, on vise de plus en plus le court terme. Donc, on sent présentement, à l'IREQ, une désorganisation complète au niveau de la gestion de la recherche et au niveau clients. Donc, c'est probablement le processus majeur qu'on doit souligner.

M. Cherry: O.K. Au nom de votre organisme – parce que ça s'enchaîne à ce que M. Trudeau vient de dire – l'organisme que vous représentez, si vous aviez à influencer l'ordre des priorités et la répartition des budgets qui en découle, ce serait quoi, les vôtres?

M. Pelletier (Jean-Marc): Minimalement, revenir à ce que nous étions il y a huit ans, c'est-à-dire... Il y a toute la notion d'«imputabilité»; c'est un mot qui est souvent mis en évidence. Nous voulons, à l'IREQ, être imputables de résultats, être imputables de technologies qui vont limiter les conséquences des problèmes tels que nous en avons connu ou d'autres problèmes. Être imputable, il faut être responsable, il faut avoir les mandats. Il est malheureux aujourd'hui que les chercheurs de l'IREQ soient à la remorque des gens qui sont au niveau opérationnel à Hydro-Québec et qui, malheureusement – il faut le reconnaître, ce n'est pas une question d'incompétence – ont des priorités, ont des besoins à court terme à rencontrer. Ils n'ont pas nécessairement la sérénité de regarder ce dont ils auront besoin dans trois ans ou dans cinq ans d'aujourd'hui. Donc, qu'on responsabilise à nouveau les chercheurs de l'IREQ pour identifier... Ils connaissent les problèmes de réseau, ils savent où sont les avenues de développement. Donc, d'une part, cette chose-là.

(12 h 30)

D'autre part, dans des activités très importantes: programmes d'économie d'énergie, d'efficacité énergétique, d'énergie alternative, d'éolien... Vous savez, en éolien, ce n'est pas en ayant deux chercheurs qui s'occupent de la filière éolienne à l'IREQ qu'on est sérieux là-dedans. Nos chercheurs – et je caricature à peine – font des coupures de presse pour suivre ce qui se passe ailleurs. On aimerait ça, faire autre chose que faire un suivi, une vigie technologique comme on fait. C'est le cas en éolien, dans les énergies renouvelables. C'est le cas dans les piles à combustible également. On est absents aujourd'hui de créneaux où nous étions présents antérieurement. Je pense aux pompes à chaleur, les thermopompes. Les programmes ont été entièrement fermés à l'Institut de recherche. Nous voulons être plus présents également là-dedans. Évidemment, les ressources devront aller en conséquence, mais cela procède d'abord de notre mission de base qui est de donner à Hydro-Québec, aux citoyens du Québec des sources alternatives d'énergie. Mais il faut avoir la possibilité d'explorer ces choses-là. Donc, une question de planification, une question de budget, une question de mandat également qui va dans ce sens-là.

Un an plus tard – on fait le bilan aujourd'hui – et, malheureusement, ça n'a pas évolué à ce niveau-là. Il y a une nouvelle direction à l'Institut de recherche. Nous pensons qu'ils sont plus sérieux dans la façon de conduire cette business, mais ce n'est pas nécessairement partagé au niveau de la haute direction d'Hydro-Québec. Je vous rappelle qu'en fin d'année 1997, il y a fort peu de temps, la direction d'Hydro ne savait toujours pas quels seraient les montants investis en R & D en 1998. À deux semaines du début de l'année 1998, on ne savait pas encore où on s'en allait. Quand on parle de recherche et développement, on parle de constance, on parle de long terme, on parle de stabilité, et ainsi de suite. Ça ne fait pas très sérieux.

M. Cherry: Donc, vous avez soulevé les difficultés organisationnelles, la sélection des projets de recherche. Mais évidemment, le pendant à ça – et là ça découle peut-être de mes activités en aéronautique quand j'y étais – on dit souvent que, si on confiait uniquement aux chercheurs et aux scientifiques le soin, à eux, d'établir les priorités plutôt que des besoins opérationnels, il y a quand même quelqu'un qu'il faut qui décide. Vous avez parlé de responsabilité, tantôt, des gens qui seraient imputables de. De quelle façon conciliez-vous le souci, les besoins, les orientations que vous avez avec également les besoins du client et l'imputabilité qui en découlerait?

M. Pelletier (Jean-Marc): Je répondrai de la façon suivante, M. le Président. L'histoire est souvent garante de l'avenir. Si on regarde à l'Institut, il y a une dizaine d'années de ça, à l'époque où nous étions imputables et responsables, de grandes technologies ont été développées et aujourd'hui sont utilisées et implantées à Hydro-Québec. Les télécommandes en ligne ont été développées il y a environ 15 ans par des chercheurs de l'Institut de recherche et ils procédaient d'une analyse très simple. Des gens ont identifié une lacune au niveau des réseaux de transport ou de distribution. Ils n'ont pas attendu d'avoir un mandat pour le faire.

Les chercheurs de l'IREQ sont en prise avec la réalité. Ils voient la quotidienneté, ils voient les problèmes. Souvent, le matin – je peux vous le dire – le chercheur se lève en disant: Qu'est-ce que je peux faire aujourd'hui pour m'assurer que demain il y ait de l'électricité encore sur les fils? C'est ce qui motive le chercheur. Donc, ils sont en prise avec la réalité, ils voient les problématiques, ils voient les problèmes et ils ont des solutions à proposer. Je parle des télécommandes en ligne – ça a été développé il y a une quinzaine d'années – les CED, les centres d'exploitation et de distribution également proposés par des chercheurs de l'IREQ il y a plus de 15 ans; alimentation par câbles de garde – ça, c'est pour alimenter des petites régions éloignées, pour amener l'alimentation électrique, une technologie. Je pense également à une technologie... l'Hydroloil. L'Hydroloil est un matériau utilisé dans le soudage pour refaire les aubes de turbine. Donc, on sait qu'il y a un phénomène de cavitation, d'usure sur les turbines. En utilisant cet alliage-là, bien, les roues de turbine durent plus longtemps. Les chercheurs n'ont pas attendu d'avoir un mandat pour développer un nouveau matériau. Ils l'ont développé. Ils ont vu un besoin puis ils sont arrivés à ces choses-là.

Donc, la notion de l'imputation, par contre, oui, nous y croyons parce que, dans le passé, lorsque c'était le mode de fonctionnement, ça a donné des résultats et les belles technologies qui existent aujourd'hui. Nous constatons par contre que le mode de fonctionnement actuel, malheureusement, court terme ou les besoins court terme, ce n'est pas porteur d'avenir. Nos chercheurs veulent non seulement rencontrer ou répondre aux besoins immédiats, mais sentent et savent ce dont ils auront besoin au niveau de l'exploitation dans cinq ans, dans huit ans et dans dix ans, et ils veulent pouvoir être prêts à y faire face.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Il reste à peine une minute et demie. Je sais que j'avais une demande de la députée de La Pinière pour une question. Alors, rapidement, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Très rapidement, M. le Président. D'abord, je voudrais vous remercier pour l'excellente présentation et l'excellente documentation que vous nous avez fournies.

Dans votre mémoire principal, il y a des annexes. Une qui m'a frappée, c'est une publicité d'Hydro-Québec: L'énergie: un métier québécois, un marché mondial . Ça veut dire qu'Hydro-Québec a déjà pris le virage de l'orientation commerciale. J'ai été frappée aussi, dans cette documentation, de lire, sous le titre L'offensive internationale : «De plus en plus, la croissance des entreprises passe par les exportations. C'est vrai pour Bombardier, c'est vrai pour le Cirque du Soleil et c'est aussi vrai pour Hydro-Québec.» Je suis étonnée de voir qu'Hydro-Québec se compare au Cirque du Soleil en matière d'exportation. Pourtant, c'est une entreprise qui appartient aux Québécois.

Ceci étant dit, puisqu'on manque de temps, je pense que mon collègue a touché beaucoup les points que je voulais soulever avec vous sur la recherche et développement. À la page 24 de votre mémoire, vous énumérez un certain nombre de problèmes, notamment le coût de l'enfouissement du réseau de distribution, la robustesse des pylônes, les techniques de déglaçage des lignes, etc., pour démontrer que, si on avait fait une recherche fondamentale sur ces techniques-là, peut-être qu'on aurait été mieux préparés pour faire face à la tempête de verglas. Est-ce que je vous ai bien compris?

Et, subséquemment, le Conseil du patronat nous a dit qu'il encourageait beaucoup le partenariat avec le secteur privé et Hydro-Québec en ce qui a trait à la recherche-développement. Est-ce que, selon vous, il ne faut pas consolider d'abord l'IREQ et le service qui est là avant d'aller dans le partenariat avec le privé, ou ça confirme, en tout cas, ça consolide davantage si on va dans le privé?

Le Président (M. Sirros): Merci, Mme la députée. Rapidement, s'il vous plaît.

M. Pelletier (Jean-Marc): On va essayer de faire une réponse courte à une question qu'il serait intéressant d'explorer. Il ne nous appartient pas de dire s'il appartient au gouvernement ou à l'actionnaire d'indiquer les missions ou de prioriser les missions d'Hydro-Québec. Pour nous, par contre, nous estimons que notre mission de base, notre mission première, qui est de fournir de l'électricité de qualité aux citoyens et entreprises du Québec, ça doit être le focus principal de notre business. Oui, d'abord réaffirmer ça.

Lorsqu'on réaffirme cette chose-là, il nous ferait plaisir de voir un engagement d'Hydro, je ne dirais pas un objectif, mais un engagement de la direction d'Hydro-Québec de dire: Nous prenons l'engagement formel qu'après une tempête majeure, dans les 10 jours, 75 % des gens sont rebranchés. De cette dynamique-là découleraient des processus, des méthodes, identifier des lignes stratégiques, des pylônes qui sont montés à l'avance, qui sont prémontés, qu'on peut facilement remplacer ceux qui sont brisés. De dire à nos chercheurs: Notre objectif, c'est celui-là; notre engagement est le suivant: rétablir le courant dans les 10 jours de 75 % de gens. Maintenant, identifier toute solution, toute technologie pour répondre à cela, ça dynamiserait d'une façon entièrement différente Hydro-Québec dans sa mission de base.

S'agissant de la seconde mission, il ne faut pas l'écarter non plus. Il y a source de développement, il y a source d'opportunité. Mais il faut bien évaluer ce dans quoi on veut aller et limiter et encadrer ces activités. Mais nous réaffirmons notre engagement de servir la population et les entreprises du Québec, oui.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. Pelletier. Regrettant avec l'ensemble des membres de la commission qu'on n'ait pas pu avoir plus de temps pour élaborer plus à fond un mémoire, deux mémoires, même, extrêmement intéressants et bien montés, je dois, par exemple, pourtant déclarer la suspension de nos travaux jusqu'à 14 heures, en vous remerciant, et tous ceux qui vous ont précédés également, des présentations. Alors, à 14 heures, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 12 h 39)

(Reprise à 14 h 7)

Le Président (M. Sirros): Si je peux vous demander de bien vouloir prendre place, la commission poursuivra ses travaux. Je vois que nos prochains invités sont déjà à la place où on les invitait et je demanderais à l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec de s'identifier et d'identifier les personnes qui accompagnent le porte-parole, et nous pourrons, comme avec les groupes ce matin, entreprendre un 15 minutes de présentation de votre part avec un échange de 30 minutes entre parlementaires des deux côtés de cette commission. Alors, on vous écoute.


Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ)

M. Fava (Franco): Merci, M. le Président. Je suis accompagné, ici, à mon extrême gauche, de M. Vallerand, qui est administrateur de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux et qui est avec le groupe GLR inc.; de M. Gagné, qui est à ma gauche immédiate, qui est du groupe Thiro ltée; et de Me Gisèle Bourque, qui est à ma droite. Et, moi-même, Franco Fava, de Neilson Excavation inc.

Alors, il me fait plaisir d'être devant vous cet après-midi pour présenter le mémoire de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Mes collègues et moi, on apprécie l'occasion de se présenter devant la commission pour exprimer la position de notre Association sur le plan stratégique d'Hydro-Québec pour les années 1998-2002.

Juste pour situer un petit peu l'Association, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux représente quelque 500 entrepreneurs et fournisseurs québécois de biens et services qui oeuvrent dans le domaine de la construction de routes et d'ouvrages de génie civil au Québec, au Canada et à l'étranger. Notre Association est un partenaire important de l'industrie de l'énergie et de l'électricité au Québec, puisque l'un des principaux secteurs d'activité de nos membres est la construction de centrales ainsi que la construction de réseaux de transport et de distribution d'énergie. En conséquence, le plan stratégique de la société d'État retient très largement notre attention, puisqu'il touche directement les activités des entrepreneurs que nous représentons.

D'ailleurs, la récente tempête de verglas survenue au Québec en janvier dernier a été l'occasion, une fois de plus, mais dans un contexte sans précédent, j'en conviens, de démontrer l'étroite et précieuse collaboration qui existe entre Hydro-Québec et les entrepreneurs privés. Notre ex-président, M. Normand Pomerleau, a d'ailleurs récemment souligné notre fierté d'avoir participé aussi intensément à la reconstruction du réseau. Dès le début de la panne, au-delà de 225 équipes de monteurs de lignes en distribution du Québec et plus de 800 travailleurs québécois spécialisés ont travaillé avec acharnement pour reconstruire les lignes de transport détruites par le verglas. Ainsi, l'expertise et la disponibilité de nos membres ont sans doute été d'un très grand secours dans les circonstances et ont contribué à rétablir la situation rapidement dans certains secteurs.

(14 h 10)

Au cours des quatre dernières années, le Québec a entrepris une réflexion en profondeur et des actions précises sur la situation énergétique de même que sur le rôle des entreprises de cette industrie. La modernisation du cadre réglementaire était nécessaire, puisque la principale entreprise énergétique du Québec, Hydro-Québec, a dû supporter par le passé des responsabilités qui, de notre point de vue, n'étaient pas de son ressort, par exemple en matière de politiques énergétiques, d'efficacité énergétique, de relations avec les nations autochtones, de développement régional, d'attraction d'industries à forte consommation et de politiques de ventes à l'exportation. D'ailleurs, les derniers plans de développement d'Hydro-Québec abordaient ces sujets qui devenaient autant d'occasions de débats de société, et ce, en lieu et place du gouvernement. Les clarifications nécessaires ont donc été apportées sur les rôles respectifs de chaque institution, et nous saluons cette initiative gouvernementale.

Notre propos ne doit cependant pas s'interpréter comme si Hydro-Québec ne devait pas se préoccuper de ces questions, bien au contraire. Toutefois, nous sommes d'avis que, comme tout autre entreprise, elle doit disposer de l'encadrement politique nécessaire pour exercer correctement son mandat. Par exemple, les engagements et les politiques issus du principe du développement durable sont l'affaire du gouvernement avant d'être celle d'Hydro-Québec. Autre exemple, Hydro-Québec peut influencer la consommation d'électricité en agissant à la fois sur la demande et sur l'offre. Il est important que le rôle d'Hydro-Québec soit centré sur l'offre et que le rôle du gouvernement se concentre sur la demande, particulièrement en matière d'économie d'énergie.

En 1996, le gouvernement du Québec s'est donc donné une nouvelle politique énergétique. Celle-ci amorçait une réforme réglementaire et institutionnelle majeure qui a eu des répercussions importantes sur Hydro-Québec. En ce qui concerne l'ACRGTQ, nous retenons les éléments suivants. On a créé une Régie de l'énergie qui réglemente, entre autres, le secteur de l'électricité. Les pouvoirs de la Régie sont donc décisionnels en matière de tarification, d'autorisation des plans de ressource et d'approbation des projets. De plus, une Agence de l'efficacité énergétique est venue compléter le rôle de la Régie, dont la mission essentielle est de stimuler par son action la réalisation du potentiel d'économie d'énergie existant.

Quant aux moyens de production, l'électricité, au Québec, peut être produite à partir de trois moyens principaux de production, soit la filière hydroélectrique, thermique et nucléaire. Les impacts et enjeux environnementaux associés à chacune de ces filières peuvent être divisés en deux grandes catégories: les impacts relatifs à l'implantation des infrastructures de production et les impacts engendrés par la production d'électricité de ces infrastructures.

L'ACRGTQ reconnaît que la filière hydroélectrique cause des impacts environnementaux sur le milieu naturel et social et convient également que celle-ci nécessite des évaluations des dits impacts. Cependant, et en fonction des autres filières, notre Association considère que la filière hydroélectrique représente globalement la meilleure source de production pour répondre à la demande d'électricité. Ainsi produite, l'électricité est renouvelable, elle génère peu de déchets et ses impacts sont localisés. De plus, les nombreuses années d'expérience avec l'hydroélectricité montrent que l'environnement n'a pas été aussi touché ni aussi menacé que certains veulent le laisser croire.

Malgré nos réticences à cautionner la filière thermique à cause des impacts négatifs des rejets sur la qualité de l'air et aussi en raison du risque pour la santé des travailleurs et du public en général, nous reconnaissons que, dans les cas de la cogénération et de la valorisation énergétique de résidus, celle-ci présente un intérêt certain. Il est cependant très clair que l'Association demeure ferme à l'égard de la filière nucléaire: le Québec ne doit pas construire de nouvelles centrales, même pour satisfaire à la demande de pointe. Malgré ce que les scientifiques en disent, la filière nucléaire laisse planer plusieurs craintes auprès de la population, ce qui, en soi, constitue un impact important. À la gestion des déchets radioactifs, au vieillissement de ses centrales et à leur proximité des centres urbains vient ainsi s'ajouter la fragilité de l'acceptation sociale.

Abordons maintenant l'ouverture des marchés de l'électricité. La restructuration du marché nord-américain de l'électricité constitue une réalité et une occasion exceptionnelle pour Hydro-Québec, pour le Québec et pour les producteurs privés. Cette restructuration implique la possibilité de vendre en gros et au détail l'électricité produite au Québec et d'acheter de l'électricité ailleurs sans être soumis à une réglementation économique discriminatoire. Elle permet également de faire une place plus grande au secteur privé et à la concurrence pour les nouveaux investissements dans les filières de production d'électricité.

En matière de stratégie industrielle pour l'électricité, la politique du gouvernement vise à favoriser le savoir-faire québécois en encourageant l'exportation, la commercialisation des produits et les achats de biens et services d'Hydro-Québec au Québec, et ce, en insistant tout particulièrement sur les achats en région.

Hydro-Québec joue un rôle primordial. Avec 75 % de la production brute d'électricité au Québec, pas surprenant qu'Hydro-Québec soit un atout essentiel pour atteindre les objectifs de la politique énergétique dans le secteur de l'électricité. La vocation d'Hydro-Québec est d'être une entreprise commerciale de services énergétiques de classe mondiale. Son marché ne comprend pas seulement le Québec, mais aussi tout le continent nord-américain. Nous sommes du même avis que le gouvernement, qui affirme que le principal producteur et distributeur d'énergie au Québec, la société d'État, constitue le premier outil à la disposition des Québécois pour gérer leurs intérêts énergétiques. Le gouvernement complète sa pensée en nous indiquant les avenues à suivre: réduire les coûts; améliorer la marge bénéficiaire; se comparer par balisage; développer des relations d'affaires et des alliances; développer des services connexes; et, enfin, recourir à la sous-traitance.

L'ACRGTQ appuie l'initiative du gouvernement visant à clarifier ses orientations sur ces différents sujets afin de permettre à l'économie québécoise de prospérer. Cela aura permis à Hydro-Québec de se recentrer sur sa vocation de producteur et de commerçant de l'électricité. Elle peut ainsi travailler aux solutions reliées aux besoins de ses clientèles et non plus aux principes, aux politiques et aux directives qui encadrent le fonctionnement des entreprises commerciales. Mais cette politique doit se traduire dans une stratégie d'action assortie d'un leadership.

Depuis 1991, les investissements d'Hydro-Québec pour la construction de centrales ont chuté de 50 %. Les investissements pour les lignes et postes ont aussi fortement diminué. On constate que, après la pointe des années 1991, 1992 et 1993, la chute a été brutale et qu'une certaine reprise pourrait se manifester en 1999 seulement. On constate aussi que, depuis 1994, le secteur privé détient une part des investissements, mais encore très marginale. À la lumière des intentions d'investissements et des potentiels énormes déjà identifiés précédemment, il nous semble que le gouvernement devrait accélérer la mise en chantier de projets.

Globalement, les perspectives pour notre industrie pour les années 1998 et 1999 ne sont pas des plus encourageantes, puisque le secteur génie civil et voirie devrait connaître une autre baisse de ses activités pour une huitième année consécutive. En effet, les perspectives de la Commission de la construction du Québec pour 1998 prévoient une diminution de l'ordre de 8 % par rapport à l'année précédente. Hydro-Québec et le secteur énergétique en général ne sont pas étrangers à cette situation, puisqu'ils représentent 50 % de la demande des travaux dans ce domaine de la construction. C'est le secteur de l'électricité, parmi tous les autres secteurs, qui contribue le plus, annuellement, à la production intérieure du Québec avec une participation de 90 %. En effet, le pétrole et le gaz étant pour l'essentiel importés de l'extérieur du Québec, ces secteurs ne contribuent que modestement au PIB.

L'année 1995 a été marquée par une nouvelle diminution des investissements consentis dans le secteur de l'énergie au Québec, les investissements énergétiques ayant décru à 3 200 000 000 $, comparativement à 3 600 000 000 $ où ils étaient en 1994. Cette baisse des investissements énergétiques est principalement attribuable à la diminution des investissements dans le secteur de l'électricité. En 1995, ces investissements se sont élevés à 2 900 000 000 $, ce qui représente une diminution de 13,4 % par rapport à l'année précédente. À eux seuls, et malgré cette baisse, ils constituent 91,5 % des investissements énergétiques effectués au Québec par rapport à 93,8 % en 1994.

(14 h 20)

La contribution du secteur de l'énergie dans l'emploi se manifeste surtout en périphérie du secteur de l'énergie strictement défini et, notamment, pendant les activités de construction: édification de barrages, installation de gazoducs et des éléments de raffinerie. En 1995, le secteur de l'énergie proprement dit, à l'exclusion des activités de construction, assurait au total près de 47 000 emplois, dont le grand nombre se retrouvait dans le secteur de l'électricité et de la distribution des produits pétroliers.

Hydro-Québec est incontestablement une entreprise dominante dans le secteur et, pour notre industrie, la construction, elle peut constituer une incroyable locomotive. Ainsi, nous avons examiné les cinq grandes orientations que la société d'État a établies à la lumière de nos préoccupations propres.

Les tarifs d'Hydro-Québec. Le prix est la variable synthétique la plus significative pour une entreprise commerciale dans une économie de marché. Il reflète les conditions de l'offre et la demande. En soi, la recherche du prix le plus bas possible est souhaitable, mais en autant qu'il reflète bien les coûts de production. En énergie électrique, ce sont les coûts de production futurs, soit ceux des potentiels aménageables, qui doivent dicter la tarification et non les coûts moyens du passé. À court terme, les marchés réagissent aux prix fixés par le marché sans égard aux modalités de leur fixation. Cependant, ils anticipent souvent les prix futurs. L'exemple donné par Hydro-Québec au sujet des coûts de transition en est un bon exemple. Ainsi, nous pensons que le pacte social québécois en matière de tarifs d'électricité devrait être rediscuté à la lumière du contexte d'affaires et d'occasions favorables si bien décrit dans le plan stratégique.

L'amélioration de l'efficacité de l'entreprise. Dans la perspective où Hydro-Québec recherche une plus grande efficacité, elle devrait inclure dans son plan le recours à la sous-traitance. D'ailleurs, en 1996, l'ACRGTQ avait déposé un document traitant spécifiquement de cette question et qui s'intitulait La sous-traitance à Hydro-Québec et les monteurs de lignes de distribution . Nous croyons que les principes qui y sont défendus et les données qui y sont présentées contribueraient à l'atteinte des objectifs d'efficacité de l'entreprise. Par exemple...

Le Président (M. Sirros): M. Fava, essayez de conclure.

M. Fava (Franco): D'accord. Alors, essentiellement, pour vous dire que la sous-traitance à Hydro-Québec, de 1984 à 1997, à toutes fins pratiques, au niveau des transports de ligne est passée d'à peu près 1 000 années-personnes à à peu près zéro en 1997. Alors, il est clair que, si on cherche une politique de sous-traitance, il faudrait renverser ces tendances-là.

Maintenant, la croissance d'Hydro-Québec aux États-Unis. Nous, on pense qu'Hydro-Québec devrait agir comme une entreprise commerciale et qu'elle devrait saisir toutes les opportunités de commercialiser l'électricité, que ce soit dans le nord-est des États-Unis et, évidemment, sans compter nos voisins de l'ouest, qui sont l'Ontario, avec les problèmes qu'on connaît au niveau des centrales nucléaires. On est d'avis que, au niveau de son plan stratégique, Hydro-Québec n'est pas assez agressive sur les marchés.

Enfin, aussi, on croit aussi qu'Hydro-Québec devrait recourir de plus en plus à la sous-traitance si elle veut demeurer concurrentielle. D'ailleurs, je pense que l'exemple du verglas a été un exemple frappant au niveau du Québec. N'eût été de cette capacité résiduelle qu'on avait au niveau des entreprises, surtout des entreprises de transport d'énergie, la crise aurait sûrement été amplifiée d'autant, n'eût été de cette capacité résiduelle. Et, en fait, ce qu'on dit à Hydro-Québec, c'est qu'il ne faut pas attendre qu'on perde cette capacité-là avant de faire en sorte qu'on réinvestisse pour la garder, justement, cette expertise et ce know-how là au Québec.

Alors, on pourra peut-être dans la période de questions...

Le Président (M. Sirros): On pourra peut-être échanger et compléter selon les questions...

M. Fava (Franco): Oui, dans les échanges, on pourra en couvrir davantage.

Le Président (M. Sirros): ...parce que, si on continue, il restera peu de temps pour des questions, et je sais que le député de Saint-Laurent, qui va débuter, aura des questions à vous poser, ainsi que le député de La Peltrie par la suite.

M. Fava (Franco): C'est bien, M. le Président.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Première question – et vous êtes des gens qui êtes directement interpellés – Hydro-Québec a annoncé à maintes reprises qu'elle va s'engager dans des investissements futurs qu'à la condition de trois critères. Le premier, bien sûr, c'est un accueil favorable des communautés locales. Vous savez ce que ça veut dire. Deuxièmement, elle a parlé de rentabilité et, dans ce sens-là, Hydro-Québec dit qu'elle n'entreprendra plus la construction de nouveaux travaux si elle n'est pas assurée du coût de vente du kilowattheure et elle prétend – je ne lui prête pas, là, des propos, ça a été dit – que, si elle avait à décider de faire Sainte-Marguerite, par exemple, par rapport au coût, elle n'entreprendrait pas ces travaux-là aujourd'hui. Donc, vous êtes, comme représentants des gens des grands travaux, directement interpellés par ça. Croyez-vous que vous pouvez répondre de façon favorable à ces exigences-là d'Hydro-Québec, ce qui permettrait aux gens que vous représentez d'avoir du travail en conséquence?

M. Fava (Franco): Bien, moi, M. le député, il ne fait aucun doute dans notre esprit qu'il y a encore moyen de développer de l'énergie au Québec à faibles coûts. Je pense que, si vous donnez un exemple parfait, vous dites: Bien, il faut que les communautés locales s'impliquent. Bien, un exemple de communauté locale qui ne s'entend pas, c'est justement dans cette région-là. Vous savez tous les problèmes qu'il y a eu pour partir le projet de SM 3. Et, encore aujourd'hui, au niveau de la dérivation des rivières aux Pékans et Moisie qui viendrait finalement rentabiliser davantage la centrale de SM 3, qui rentrerait carrément dans les critères d'Hydro-Québec, qui sont en bas du 0,03 $ du kilowattheure, on se frotte à une petite opposition locale au niveau de la dérivation de ces rivières-là malgré que toutes les études d'impact soient favorables aux dérivations des rivières. Alors, il est évident que, si on veut contenter tout le monde, puis qu'on veut contenter les régions, puis qu'on veut contenter les autochtones, puis qu'on veut contenter tout ce beau monde là, on ne fera jamais plus rien au Québec. C'est pour ça qu'on dit dans notre mémoire qu'il faut qu'Hydro-Québec devienne une entreprise commerciale et que toutes les histoires de politique à côté de ça soient du ressort du gouvernement et que ces débats-là se fassent à un autre niveau.

Autre chose qui nous fait dire qu'on est encore en mesure de développer puis efficacement au Québec, je me souviens d'avoir participé à d'autres commissions parlementaires ici, puis, quand on regardait toute la possibilité... Et c'est pour ça qu'on insiste tellement sur le faire-faire plutôt que de faire à l'interne, on sait très bien qu'Hydro-Québec pourrait réaliser des économies importantes en faisant faire la plus grande partie de ses travaux en sous-traitance. Et, entre autres, dans notre mémoire, on vous donne l'exemple de toute la question du transport puis des lignes d'énergie où on dit qu'Hydro-Québec peut réaliser des économies de l'ordre de 90 000 000 $ par année si ces travaux étaient «faits faire» plutôt que de les faire à l'interne. Nous, je pense que c'est des avenues qu'on privilégie.

Je pense qu'il y a encore beaucoup de place pour développer, au Québec, notre énergie. Il y a de la demande pour notre énergie, on le sait. Puis on dit aussi qu'on n'a même pas développé encore la moitié de notre capacité énergétique, au Québec, alors je pense qu'il y a de la place pour développer puis pour le faire économiquement, à condition, évidemment, que tout le monde y mette du sien puis qu'on ne veuille pas contenter tous les groupes qui peuvent, pour une raison quelconque, s'opposer à un projet, que ce soit d'ordre constitutionnel puis des débats de... Puis, toute la question du débat des autochtones face à ces projets de développement là, pour nous, ce n'est pas un débat commercial, finalement, c'est un débat vraiment politique puis de société qui devrait être fait ailleurs que dans le cadre des projets de développement d'Hydro-Québec.

M. Cherry: Mais vous conviendrez que ces exigences-là sont celles énumérées par Hydro-Québec. Hydro-Québec dit: Pour pouvoir entreprendre d'autres travaux d'envergure dans l'avenir, il faudra rencontrer ces trois critères-là: un accueil favorable des communautés locales – vous venez de faire certains commentaires – une rentabilité au point de vue des coûts – donc, vous avez un rôle important à jouer là-dedans – et le respect des normes environnementales aussi. Bon, vous n'y avez pas touché.

Et vous avez soulevé aussi le point de la sous-traitance. J'ai, à de multiples reprises, eu à rencontrer des gens qui s'étaient procuré de l'équipement, justement, pour répondre à des besoins de soumissions pour des travaux d'Hydro-Québec à des coûts qu'on me disait qui auraient pu être effectués avec de l'équipement moindre, mais, pour répondre aux spécifications du donneur d'ouvrage, ces équipements-là avaient été acquis et pour, ensuite, Hydro-Québec changer sa politique, décider de tout faire à l'interne avec des résultats que les équipements restent là non utilisés. Les gens tentaient de s'en débarrasser, dans certains cas devaient s'expatrier ou le vendre pour être capables... Alors, ce que vous dites, c'est que, si on est pour incorporer un aspect de la sous-traitance, il faudra qu'il y ait dans la politique clairement établie par le gouvernement une portion importante de l'ensemble des travaux qui devront être confiés à la sous-traitance pour pouvoir maintenir cette espèce d'équilibre entre le coût fait à l'interne et le coût fait à l'extérieur. Autrement...

(14 h 30)

M. Fava (Franco): Vous avez parfaitement raison, puis je pense à l'exemple qu'on donnait tout à l'heure de toute cette problématique au niveau des monteurs de lignes où, sur une période de cinq ou six ans, ces monteurs de ligne, qui étaient quand même un élément important de toute cette partie de construction des réseaux de distribution, on est passé de 1 000 personnes-année à zéro, à toutes fins pratiques, en 1997. Et par chance que ces entreprises-là ont gardé leurs équipements parce que, dans le contexte de ce qu'on a vécu récemment, évidemment, ces gens-là ont été taxés à la limite de leur capacité, puis, s'il avait fallu qu'ils se départissent de cette capacité durant ces périodes de temps mort où à l'Hydro on a décidé de faire à l'interne plutôt que de donner en sous-traitance, bien, là, ça aurait été nettement plus dramatique.

Puis je me permettrais peut-être de laisser l'opportunité à mes collègues de rajouter sur cette question plus particulièrement, puisque c'est eux qui sont plus impliqués dans le transport d'énergie proprement dit.

M. Gagné (Alain): Les équipements dont vous parlez, M. le député, font sûrement référence aux équipements qu'on décriait que... Nous autres, les entrepreneurs en distribution d'énergie, on avait des parcs d'équipement de stationnés dans nos cours de 300, 400 véhicules. Pendant ce temps-là, le fournisseur qui était dans la cour en arrière de chez nous fabriquait des équipements neufs pour Hydro-Québec, puis on disait: Il y a un non-sens. C'est un gaspille d'argent, c'en est immoral

Une voix: O.K. Vas-y, continue.

M. Gagné (Alain): Ensuite de ça, on fait aussi référence aux équipements pour les lignes de transport d'énergie. On n'a pratiquement plus d'ouvrage en transport d'énergie dans les dernières années. Le discours qu'on avait du gouvernement et d'Hydro-Québec, c'est: Allez à l'exportation, c'est fini au Québec. Il n'y en aura plus d'ouvrage, ça va être marginal. Allez à l'exportation. Je ne sais pas ce qui serait arrivé si tous nos équipements de lignes de transport avaient été rendus à l'exportation comme ceux de mes compétiteurs. C'est des équipements qui sont excessivement spécialisés pour faire la ligne de transmission, puis ça les a pris dans un délai... Les mécaniciens puis les équipements, chez nous, ça a tourné 24 heures sur 24 pendant un mois pour réussir à répondre à la demande puis à remettre le réseau debout. Ces équipements-là, même Hydro-Québec ne les a pas.

M. Fava (Franco): Vous savez, M. le député, juste un mot sur tout l'aspect de la régionalisation puis qu'il faut pouvoir faire en région, là. Il faut faire attention à ça parce qu'on est en train d'ériger au Québec des clôtures autour de chaque clocher d'église. Là, c'est rendu que, dans la construction, notre main-d'oeuvre est régionalisée, on va régionaliser les projets, alors qu'on fait face à des situations où Hydro voudrait faire exécuter certains travaux par des entreprises régionales plutôt que par des entreprises qui oeuvrent au niveau du Québec en général. Et là on commence à avoir un sérieux problème parce que, souvent, on ne retrouve pas les expertises qu'il faut en région.

Régionaliser, en principe, c'est excellent, mais, quand on parle de projets hydroélectriques, quand on parle de la construction d'une centrale, on ne peut pas s'attendre à avoir des entreprises capables de construire des centrales électriques dans chaque région du Québec. Et là c'est rendu que les entreprises du Québec vont s'installer du côté de l'Ontario pour mieux pouvoir faire affaire au Québec parce que, quand on s'installe de l'autre côté de la frontière, on ne se frotte plus aux problèmes des règlements de placement dans la construction au niveau de la mobilité de notre main-d'oeuvre. Donc, c'est plus facile d'avoir accès à des projets au Québec si on se situe en Ontario que si on est situé au Québec. Il y a une limite à la régionalisation, là. Il faut faire attention à tout cet aspect régional des projets. On est dans une situation qui frise le ridicule au Québec par rapport à tout cet aspect de la régionalisation. Je comprends que chaque député veuille avoir des travaux dans son comté, mais ce n'est pas vrai que, dans chaque comté, chaque député a une entreprise d'envergure à construire des centrales au Québec, alors...

M. Vallerand (Claude): Si on veut faire un post mortem vite, un peu, du verglas, si ce verglas-là était arrivé dans deux ans plutôt qu'au mois de janvier, la réparation se serait faite avec des hydro-Québécois et des Américains, il n'y en avait plus de contracteurs au Québec pour travailler, c'est aussi simple que ça.

M. Cherry: Donc, ce que vous soutenez, c'est que la situation que vous connaissez depuis, maintenant, un an ou deux, si ça avait duré encore deux autres années... Ce que vous me dites, c'est que, comme résultat, il n'y aurait eu que les gens d'Hydro-Québec et que les gens de l'extérieur, mais que ceux qui, au Québec... les entreprises comme la vôtre, vous n'existeriez plus.

M. Vallerand (Claude): Disparues. Ou on serait du côté international, si on est capable de se vendre à l'international.

M. Fava (Franco): On ne peut pas garder des flottes d'équipements, des centaines d'unités à ne rien faire pendant des années. Éventuellement, on se départit de ces équipements-là ou bien on va travailler ailleurs avec ces unités-là. Alors, c'est sûr que ce qu'on vit, c'est un drame, finalement, au Québec, au moment où on se parle, dans notre secteur, puisqu'on assiste, presque sur une base régulière, à des encans d'équipements. C'est des flottes d'équipements qui sont achetées actuellement par des Américains. Évidemment, avec les taux de change que vous connaissez aujourd'hui, ce n'est pas dispendieux pour eux de venir acheter ces flottes d'équipements.

Mais, la journée où on va repartir la construction au Québec, il faudra se recréer une flotte d'équipements à des prix, évidemment, qui seront nécessairement nettement plus élevés que les flottes d'équipements qui existent actuellement au Québec, et c'est le danger quand on arrête pour une trop longue période de temps le développement. Il faudrait que ce soit quelque chose de façon continue et peut-être sans nécessairement qu'on ait à connaître des grosses pointes, mais il faudrait que ce soit un développement plus stable et de plus longue durée.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. M. le député de Saint-Laurent... M. le député de La Peltrie.

M. Côté: Merci, M. le Président. J'aimerais peut-être y aller avec une question supplémentaire concernant la question du député de Saint-Laurent. Lorsque vous parlez, justement, des avantages de votre association à la sous-traitance, on en a abordé un aspect, mais, lorsque vous dites que ça permettrait à Hydro d'économiser 90 000 000 $ par année, de quelle manière vous vous y prenez pour chiffrer ce 90 000 000 $ par année? C'est un montant qui est très important, quand même. Quelle est la démarche qui vous permet de chiffrer ces économies-là? Est-ce que vous pourriez, peut-être, élaborer un petit peu plus?

M. Fava (Franco): Je vais laisser mon collègue y aller là-dessus, puisque je sais que ce n'est pas la première fois qu'on présente ces chiffres-là à Hydro-Québec, puis, lui, il a participé plus activement à la préparation de ces données-là.

M. Gagné (Alain): Je ne peux pas vous les décortiquer dans l'ensemble, à quatre chiffres après le point, je n'ai pas les tableaux, ça fait partie du mémoire qu'on a déposé, mais, essentiellement, c'est dans les coûts de gestion de main-d'oeuvre que c'est moins dispendieux et c'est dans les coûts d'équipement que c'est moins dispendieux. Juste un exemple anodin, une nacelle, chez nous, à partir du moment où on décide de l'acheter et de la mettre sur le chemin, ça prend à peu près un mois, et, à Hydro-Québec, ça prend à peu près deux ans. C'est tous des coûts qui sont associés autour de ça. Nos équipements ne sont pas... Je pourrais vous dire que ce n'est pas la Cadillac des équipements, mais ça fait quand même la route sans aucun problème, ça répare les pannes sans aucun problème.

L'efficacité de notre main-d'oeuvre en chantier aussi. Le fait que, quand les période de travail sont espacées ou quand il y a des temps morts entre les périodes de travail, notre main-d'oeuvre, ce n'est pas Hydro-Québec qui la supporte, c'est le gouvernement du Canada ou c'est d'autres clients qu'on a aussi qui la supportent parce qu'on a d'autres diversités de travail. C'est toutes des choses de même qui, mises bout à bout, finissent par donner le résultat de 90 000 000 $. Dans les périodes où il y avait du travail, bien entendu.

M. Côté: Alors, ce sont les principaux éléments qui vous permettent d'arriver à ça?

M. Gagné (Alain): Ça fait partie des principaux éléments.

M. Côté: Dans un autre ordre d'idées, dans votre mémoire, à la page 17, aussi, vous parlez de tarifs puis qu'en énergie électrique ce sont les coûts de production à venir, soit ceux des potentiels aménageables, qui doivent dicter la tarification et non les coûts moyens du passé. Alors, comment expliquez-vous ça, pour le bénéfice des membres de cette commission, les avantages d'une tarification au coût marginal pour le consommateur québécois par rapport au coût moyen?

(14 h 40)

M. Fava (Franco): Ce qu'on explique là, c'est à peu près le jeu des marchés à peu près dans toute circonstance. On pense, nous, que, lorsqu'on place une politique dans un contexte de développement, on parle nécessairement du futur. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'on doit aussi tenir compte, dans le prix de l'électricité, du coût de ce développement futur là et que c'est ça qui devrait être déterminant, puisque, dans le fond, les nouveaux coûts auxquels on aura à faire face, c'est toujours les coûts de la dernière centrale qui se rajoute. Je veux bien croire qu'on tienne compte du passé, de l'espèce de taux moyen, de coût de production qu'on a des installations permanentes, mais ces installations-là, éventuellement, seront à remplacer, elles seront à rénover, à entretenir. Donc, on pense qu'on devrait, dans l'établissement des coûts, tenir compte davantage du coût futur des nouvelles installations, puisque les marchés l'anticipent toujours, hein? On est peut-être dans des marchés qui sont un peu plus fermés, mais on entend souvent dire en Bourse ou ailleurs qu'on anticipe les coûts à venir ou qu'on anticipe les profits à venir. Un prix tient toujours un peu compte de ce qui s'en vient par rapport au passé. Alors, pour nous, c'est la même chose en termes d'hydroélectricité. Quand on établit un tarif, on pense qu'on devrait tenir compte, de façon très importante toujours, du dernier ajout, finalement, de la dernière centrale qui amène de l'eau au moulin puis voir c'est quoi, les coûts de production de ces centrales-là puis si ça nous permet garder nos coûts actualisés constamment. Alors, tu as un effet d'entraînement, que ça soit à la hausse ou à la baisse, nécessairement.

M. Côté: Il y a un autre point, aussi, qui a attiré mon attention dans votre mémoire, à la page 22, c'est que le plan stratégique insiste trop peu sur le développement du potentiel hydroélectrique, alors que le Québec dispose de 45 500 MW. Vous dites qu'Hydro n'est pas assez agressive relativement au développement de ce potentiel-là. À votre avis, quels sont les avantages pour le Québec à développer ce potentiel hydroélectrique si important? Puis comment expliquez-vous les réticences d'Hydro-Québec à le faire? Comment est-ce qu'on pourrait...

M. Fava (Franco): Pour nous, c'est plutôt la position d'Hydro-Québec ou, enfin, du gouvernement qui dicte ces politiques-là qui est difficile à saisir, puisque, nous, on est des hommes d'affaire. Quand on voit des opportunités d'affaires et qu'on voit qu'on a un produit à vendre, puis qu'on voit des opportunités pour le vendre, on fait des pieds et des mains pour en vendre. Bon, alors, là, on voit qu'on a une province, qui est une province voisine, qui vient de fermer six centrales nucléaires et on sait qu'il y a toute une série d'autres centrales qui vont fermer ou qui fermeront très bientôt. Alors, dans la situation où se trouve Hydro-Québec actuellement, où on a un potentiel encore énorme à développer et où on voit qu'il y a des besoins qui se créent à côté de chez nous, il me semble que, dans toute entreprise commerciale, on devrait être très agressif pour aller prendre notre place sur ces marchés-là et exporter notre énergie.

Vous savez, j'écoutais un peu le mémoire de nos Ami-e-s de la terre, ce matin, et ça me faisait un peu rire parce qu'on parlait de développement durable puis on semblait dire que la notion de profit ne devrait pas être déterminante, comme si les profits d'Hydro-Québec ne servaient pas aux citoyens du Québec. Je veux dire, essentiellement, quand Hydro-Québec fait des profits puis paye des dividendes au gouvernement, c'est l'ensemble des payeurs de taxes du Québec qui profitent de ces dividendes-là en termes soit de contrôle de déficit budgétaire ou en termes de remboursement de dette, et, enfin, le gouvernement fait autre chose avec ce 700 000 000 $ là. Alors, ce n'est pas nécessairement... Quand on me dit qu'il ne faut pas développer uniquement pour faire des profits, c'est comme si les profits ne servaient pas aux citoyens du Québec. Je veux dire, ça me paraît un argument un peu tordu, là.

M. Côté: Vous ne croyez pas qu'en exportant massivement de l'énergie soit en Ontario ou aux États-Unis... Est-ce que ça peut contribuer à freiner l'intérêt des entreprises extérieures de venir s'installer ici si le prix de l'énergie est à un coût à peu près semblable?

M. Fava (Franco): Écoutez, je ne veux pas insister uniquement sur le fait de vendre à l'extérieur. Quand je dis vendre à l'extérieur, ça présuppose que, au départ, on a subvenu à nos besoins locaux. Je pense que ça va de soi. Puis il faut aussi se rappeler que le besoin de nos amis dans le sud est complémentaire au nôtre. C'est que les périodes de pointe ne sont pas les mêmes. L'hiver, on a besoin, peut-être, d'un apport additionnel d'électricité au Québec, puis c'est l'été de l'autre côté. C'est un jeu d'offre et de demande qui est complémentaire, alors je ne vois pas nécessairement qu'un entre en conflit avec l'autre.

C'est sûr, comme j'ai écouté le dire ce matin, que, si j'avais à choisir entre un projet de développement au Québec qui a besoin de tant de mégawatts ou de les exporter, ces mégawatts-là, j'opterais d'abord et avant tout pour qu'on développe au Québec. Mais, cela étant fait, je ne vois pas ce qui nous empêche d'exporter ce qui reste. On l'a mentionné à maintes reprises, on n'a pas la moitié du potentiel hydroélectrique du Québec qui est développé encore. Alors, il y a de la place pour développer, puis il y a du marché. On le sait qu'il y a du marché, il s'agit d'être proactif sur ces marchés-là puis d'être agressif pour aller chercher nos quotes-parts. Puis, moi, si les profits d'Hydro-Québec sont tellement substantiels qu'on peut baisser les impôts des Québécois parce qu'Hydro-Québec paiera des dividendes tellement importants au gouvernement qu'on pourra baisser les impôts ailleurs, bien, tant mieux, c'est une autre façon de servir les Québécois. Je n'ai rien contre les profits, moi.

Le Président (M. Sirros): Ça va , M. le député?

M. Côté: Ha, ha, ha! C'est bien, merci.

Le Président (M. Sirros): Si vous permettez, moi, je ne vous parlerai pas des Ami-e-s de la terre, mais je vous parlerai du Conseil du patronat qui, ce matin, disait qu'il est loin d'être certain que le marché que vous dites est absolument là et vraiment là. Il nous mettait des bémols très importants sur les perspectives d'exportation qu'Hydro-Québec envisage en disant: C'est loin d'être prouvé que les marchés sont là, et on n'a pas vu d'études de marché, on n'a pas vu de chiffres et on aimerait les avoir. Parce qu'ils disent: De deux choses l'une, ou vous allez nous charger ici un prix de l'électricité qui va être plus cher que ce que vous allez vendre à nos compétiteurs là-bas parce que, là-bas, les prix sont déréglementés et que, ici, ça va être réglementé ou vous allez déréglementer à l'intérieur l'interfinancement, vous allez augmenter le prix du résidentiel ici.

Qu'est-ce que vous répondez au Conseil du patronat qui dit, d'une part, qu'il n'est pas certain que le marché soit vraiment là et qu'Hydro-Québec serait véritablement capable de vendre toute cette électricité avec des investissements de 13 000 000 $ sur tant d'années, et que, à l'inverse, le risque serait que les impôts grimpent si jamais on investissait puis qu'on n'était pas capable de vendre?

M. Fava (Franco): M. le Président, je vais vous répondre en deux volets. Nous, on pense que le marché est là. Maintenant, évidemment, c'est une chose qu'il faudrait vérifier et s'assurer... Mais, quand je vois mon voisin qui ferme six centrales, je présume que, éventuellement, il devra remplacer la production de ces centrales-là par autre chose. On sait que, au niveau des États de la Nouvelle-Angleterre et du Nord-Est américain, il y a des possibilités. Alors, pour moi, ça, c'est un aspect de la question. Est-ce que le marché est là ou pas? Ça, c'est à vérifier. On pense qu'il est là et on pense qu'il y a de la place pour Hydro-Québec d'être très actif dans ces marchés-là.

Maintenant, au niveau de la production, du développement proprement dit, le Conseil du patronat, si j'ai bien saisi – parce que j'ai assisté un petit peu à la présentation de son mémoire ce matin – ce qu'il nous disait, c'était peut-être plutôt d'attendre les différents rapports qui doivent être présentés à différents niveaux, devant la Régie de l'énergie, et tout ça, pour vraiment venir arrêter le plan de développement d'Hydro-Québec dans ses autres détails. Mais vous savez que, quand on décide de partir une centrale électrique au Québec, avant que cette centrale-là puisse nous amener de l'énergie sur le marché, il s'écoule plusieurs années. Alors, il ne faudrait pas être pris dans une situation où le marché est là puis qu'on n'a pas d'électricité à vendre.

Et, il y a un autre élément aussi, si on veut vendre de l'électricité, il faut avoir des surplus. Et, quand on vend de l'électricité, ce n'est jamais au kilowattheure qu'on la vend, c'est toujours en mégawatts puis en «méga-ci», puis en «méga-ça». Alors, évidemment, il faut en avoir de l'électricité disponible si on veut en vendre, et de l'électricité disponible, comme on dit, ce n'est jamais à petites doses. Quand Hydro Ontario arrive sur le marché pour acheter de l'énergie, ou les États de la Nouvelle-Angleterre, ce n'est jamais pour alimenter le dernier développement résidentiel qu'on fait dans le coin, là.

Le Président (M. Sirros): D'accord.

M. Fava (Franco): Alors, malheureusement, je ne peux pas aller dans plus de détails que ça, mais il me semble que ça... Je comprends un peu l'inquiétude du Conseil du patronat qui dit: Écoutez, on est à faire une réflexion, attendons que l'ensemble de ces mémoires-là, l'ensemble des commissions qui existent... Attendons les rapports pour pouvoir arrêter une stratégie à la lumière de tous ces rapports-là. Mais, d'un autre côté, nous, ce qu'on vous dit, c'est: On est en train de perdre de la capacité de production au Québec. On est en train de perdre des entreprises qui sont là, la situation est urgente. Et puis, de toute façon, la journée où on part une centrale, on n'a jamais l'électricité le lendemain matin, hein, c'est toujours une question d'années avant que cette électricité-là arrive sur les marchés. Alors, on a amplement le temps d'ajuster les plans de stratégie d'Hydro-Québec à ces réalités-là qui nous seront signalées par les différents mémoires qui seront présentés devant les commissions.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Fava. J'ai une question du député d'Iberville, et ça devrait être la dernière pour ces intervenants.

M. Le Hir: Dans votre mémoire, vous évoquez certaines perspectives pour 1998-1999 qui, bien sûr, ont été établies avant que ne se produisent les événements du mois de janvier. Êtes-vous déjà en mesure d'indiquer de quelle façon les travaux qui ont été rendus nécessaires par la remise en état du réseau et les autres qui ont été annoncés pour sécuriser le réseau... Quels impacts auront-ils, ces travaux-là sur vos prévisions pour 1998-1999?

(14 h 50)

M. Fava (Franco): Écoutez, en termes de ce phénomène-là, ce qui se rajoute au niveau de la réfection comme telle du réseau qui a été détruit – parce que, essentiellement, on parle de ça, on parle de réinstaller ce réseau-là qui, pour l'instant, a été finalement rafistolé ou accommodé pour l'utilité qu'on connaît – d'après nous, au niveau de la partie reconstruction de pylônes, de lignes, ainsi de suite, là, je pense que ça va probablement donner suffisamment de travail pour la prochaine année et demie à deux ans au niveau des gens qui sont spécialisés dans le montage de lignes comme tel. Mais, évidemment, ce n'est pas que ça. Je veux dire, on parle de construction de centrales, et, pendant que ces gens-là seraient occupés à monter les lignes qui existent actuellement, d'autres seraient occupés à la construction de centrales et, éventuellement, quand ils auraient terminé le boulot, ils amèneraient les lignes des nouvelles centrales. Et, si on veut développer, c'est un peu comme ça qu'il faut le faire.

M. Le Hir: Ça, je comprends ça parfaitement, mais il reste quand même que les travaux qui ont été annoncés...

Le Président (M. Sirros): Rapidement, M. le député.

M. Le Hir: ...à la fois pour la sécurité du réseau et pour, évidemment, la reconstruction, sont tout de même considérables, et je veux savoir de quelle façon ça modifie vos perspectives.

M. Gagné (Alain): Ce qu'on nous annonce à Hydro-Québec, c'est que les deux, trois prochaines années, dans notre secteur, vont être excessivement accaparantes. On va avoir un manque de main-d'oeuvre, probablement, un manque d'équipement aussi pour fournir à tout ce qui nous est avancé sur la table. Déjà, juste pour reconstruire, il y a de l'ouvrage pour deux ans d'avance. Avec le nouveau projet qu'ils nous additionnent, pour lequel ils veulent que tout soit fait dans deux ans, on va avoir beaucoup de travail, énormément de travail. On ne s'en plaindra pas, on va en avoir beaucoup. Sauf que, après ces deux ou trois ans là, qu'est-ce qui va se passer avec la main-d'oeuvre qu'on va avoir formée et nos équipements qu'on va avoir remis en route? Ça «va-tu» retomber à zéro encore, comme on vient de le vivre, puis ça va prendre une autre catastrophe pour nous redonner du travail, pour montrer qu'on existe? Parce que ce n'est pas la première fois, aujourd'hui, qu'on en parle qu'on est en difficulté. On a rencontré beaucoup de gens ici, autour pour leur dire: Il va arriver une catastrophe, vous allez avoir besoin de nous autres, et on ne sera plus là. Ça a passé proche cette année, mais pas encore assez pour qu'on sensibilise tout le monde, j'ai l'impression.

M. Fava (Franco): C'est pour cette raison qu'on dit: En attendant, construisons les nouvelles centrales qu'il y aurait à construire pour que ces gens-là puissent continuer une fois qu'ils auront fini la première phase du boulot.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Je dois malheureusement vous interrompre parce que, déjà, nous sommes une dizaine de minutes en retard et nous prendrons plus de retard. Ce n'est pas par manque d'égard à votre endroit, mais on doit vous remercier au nom de l'ensemble des membres de la commission pour votre présentation.

Et, par le fait même, j'inviterais les prochains intervenants à venir à la table. Il s'agit du Syndicat professionnel des ingénieurs d'Hydro-Québec inc.

Alors, si vous pouvez vous identifier et identifier ceux qui vous accompagnent, on pourrait procéder.


Syndicat professionnel des ingénieurs d'Hydro-Québec inc. (SPIHQ)

M. Champagne (Louis): M. le Président, avant de commencer, je voudrais être assermenté pour témoigner devant cette commission, s'il vous plaît.

Le Président (M. Sirros): Ayant été déjà saisi, un peu, de cette demande-là, je me suis informé auprès de la secrétaire, et il y a effectivement des précédents qui sont prévus au niveau des jugements, parce que l'article 53 de notre loi prévoit déjà que tous les témoignages ont l'immunité. Par contre, il y a eu récemment un jugement d'une cour qui pourrait être interprété à l'effet que seuls ceux qui prêtent serment sont totalement protégés, et je devrais peut-être vous expliquer, étant donné que c'est un peu inusité, que, le secrétaire général de l'Assemblée nationale étant ici, il pourrait vous assermenter. Mais je pense que, pour l'ensemble des membres de la commission, ça serait apprécié si vous nous expliquiez un peu les raisons de cette demande-là.

M. Champagne (Louis): La loi le permet, tout d'abord, le prévoit, d'une part. D'autre part, nous serions plus à même de répondre plus librement aux questions qui pourraient nous être adressées sur la présentation, sur l'allocution que nous allons faire, avec le serment. Nous sommes tous les trois à l'emploi d'Hydro-Québec. Nous sommes liés à Hydro-Québec par le devoir de loyauté. Nous préférons... En tout cas, je préfère témoigner sous serment non pas parce que je vais être déloyal envers mon employeur, mais pour bénéficier de la protection des articles de la loi dont vous venez de parler.

Le Président (M. Sirros): Oui, il est certain que je ne refuserai pas cette demande-là, étant donné que nous avons convoqué les gens pour leur témoignage. Et, si vous sentez cette nécessité, ce n'est pas à nous de la refuser. Alors, je demanderais peut-être au secrétaire général de l'Assemblée de procéder au serment.

M. Champagne (Louis): Merci, M. le Président.


Assermentation par M. Pierre Duchesne, secrétaire général de l'Assemblée nationale

Le Secrétaire général: Si vous voulez vous lever debout et lire le texte à haute voix, s'il vous plaît.

M. Champagne (Louis): Je, Louis Champagne, déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le Secrétaire général: Merci, monsieur.

Le Président (M. Sirros): Tout en vous indiquant que c'est ce que nous présumons de tous ceux qui viennent ici et en vous invitant également, dans le témoignage que vous allez nous donner, à vous astreindre à éviter des discussions sur des causes qui seraient déjà devant les tribunaux.

M. Champagne (Louis): On ne va pas aborder de causes qui sont devant les tribunaux, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): D'accord. Alors, on vous écoute, M. Champagne.

M. Champagne (Louis): Je vais vous présenter les membres du bureau qui m'accompagnent: à ma droite, M. François Fiset, qui est vice-président du Syndicat, et à ma gauche M. Michel Lacharité, qui en est le secrétaire. Alors, je débute. Notre allocution s'intitule Pour un virage commercial sans dérapage .

Il nous fait plaisir de nous présenter à nouveau devant cette commission. Vous comprendrez que, compte tenu des circonstances, nous n'avons pas pu préparer de mémoire écrit. Nous devrons faire notre témoignage en partie sous forme de courte allocution et nous répondrons à toutes les questions que nous posera la commission.

Avant de débuter, permettez-nous de nous présenter comme syndicat. Ce n'est pas la première fois, comme je le disais, que nous nous présentons devant vous, mais nous ne connaissons que très peu d'entre vous. Le Syndicat professionnel des ingénieurs d'Hydro-Québec existe depuis 1964. Il représente plus de 1 400 ingénieurs membres de l'Ordre des ingénieurs du Québec à l'emploi de la société d'État. Tous nos membres sont donc soumis à toutes les obligations professionnelles découlant de leur statut. Ils exercent leur profession dans les activités du groupe équipement, des unités d'affaires production, transport, distribution et commercialisation. Il s'en retrouve un certain nombre en télécommunications, une unité au sort incertain depuis quelques années déjà. En outre, par amendement législatif de l'Assemblée nationale, nous représentons les cadres ingénieurs de premier niveau. C'est au nom de ces membres que nous sommes ici aujourd'hui pour faire la promotion de leurs intérêts et de leurs idées en ce qui concerne le plan stratégique et les suites à la tempête de verglas.

Au moment d'écrire ces lignes, nous ignorions le rôle de la commission eu égard au plan stratégique présenté par Hydro-Québec et adopté par décret dans les jours qui ont suivi la tempête. Nous allons commenter le virage commercial et l'après-tempête de verglas en vous laissant le soin de démêler l'imbroglio.

Tout d'abord, nous tenons à commenter le virage commercial de l'entreprise. Bien que, depuis plus de 10 ans, périodiquement, l'entreprise soit passée du virage client au virage clientèle pour aboutir au virage qualité, nous estimons n'avoir jamais été aussi près d'un virage commercial majeur, au point que plusieurs voix se sont levées pour le contester au nom du pacte hydroélectrique. Qu'en est-il vraiment?

Le pacte hydroélectrique origine en fait de 1962, lors de la nationalisation. La nationalisation visait un double objectif: tout d'abord, proposer aux Québécois un tarif unique par catégorie d'abonnés sur tout le territoire; ensuite, assurer que le développement des ressources profiterait aux Québécois, qu'ils soient en région, en métropole, du secteur des services ou du secteur manufacturier.

Compte tenu des conditions du marché de l'époque, Hydro-Québec ne pouvait être autre chose qu'une compagnie de services publics. Jusqu'à maintenant, elle s'est toujours acquittée de son mandat de départ. Comme elle vendait déjà de l'électricité, sa dimension commerciale ne date pas des premiers virages mais fait partie inhérente de son mandat. Alors, en quoi le nouveau mandat proposé dans le plan stratégique diffère-t-il de l'initial?

Le plan propose qu'Hydro-Québec devienne une entreprise d'envergure mondiale exportant sur les marchés américains et canadiens et participant au développement international ailleurs, dans le monde. Pourquoi une telle ambition? Tout d'abord, une entreprise de services québécoise vise à satisfaire les besoins des Québécois. Or, ces besoins ont plafonné depuis quelque temps. À tout le moins, avec le niveau de croissance observé ces dernières années et celui prévu pour les prochaines, le développement du secteur de l'énergie électrique est non seulement menacé, le secteur lui-même est à risque actuellement.

Après être devenus des experts mondialement reconnus dans notre domaine, après que nos entreprises de génie-conseil et plusieurs autres du secteur manufacturier eurent connu une spectaculaire croissance, notre secteur se retrouve menacé faute de croissance locale. Après avoir vu disparaître du paysage économique ou à peu près le secteur ferroviaire, les secteurs de la pétrochimie, de la finance et d'autres, est-ce qu'il faut se résigner à voir disparaître le secteur de l'énergie?

(15 heures)

Pour pallier à ce plafonnement, d'aucuns croient aux vertus de la diversification. Plusieurs tentatives de diversification technologique d'Hydro-Québec ont viré au cauchemar. Inutile de dresser la liste des bonnes idées qui sont restées de bonnes idées sans profiter à personne. Nous recommandons à la commission d'entreprendre un sérieux examen des pratiques d'Hydro-Québec et du gouvernement en matière de diversification technologique. Les millions investis en R & D devront rapporter un jour, sinon ceux qui les financent vont rouspéter.

Hydro-Québec, dans un premier temps, veut privilégier les exportations. En fait, pour assurer la survie et la croissance de notre secteur économique, il faut aller ailleurs. En un sens, nous sommes chanceux: au moment où nous en avons besoin, les marchés américains et canadiens s'ouvrent. Compte tenu des avantages que nous procure l'hydroélectricité, il serait pour ainsi dire incompréhensible de ne pas y participer. Nous avons à offrir un produit propre, relativement bon marché et renouvelable. En outre, ce marché est suffisamment gros pour atténuer certains facteurs de risques associés au développement hydroélectrique.

Les conditions de participation à ce marché sont définies par les clients. L'agence américaine, le FERC, qui veille au respect de ces règles, a donné son aval à Hydro-Québec pour pénétrer son marché de gros. Les conditions de réciprocité exigées par l'agence ont été rencontrées, et nous ne croyons pas qu'elles constituent pour les Québécois des entraves sérieuses. Rappelons que ces conditions de réciprocité visent exclusivement quelques municipalités et qu'on n'a pas entendu dire qu'il y avait foule aux portes de Rouville pour y déloger Hydro-Québec.

L'autre filière, c'est la filière internationale. L'autre grand axe de développement d'Hydro-Québec provient de la filière internationale. Là aussi l'entreprise s'est dotée des moyens qui lui manquaient pour percer sérieusement ces marchés. Tant au niveau des ressources humaines que matérielles, force nous est de constater le sérieux avec lequel l'entreprise s'attaque à ces marchés. Après n'avoir offert que des services spécialisés de consultation, Hydro-Québec International est en train de devenir une véritable société de développement international. Faut-il rappeler que la compétition y est féroce, ce qui ne devrait que nous stimuler pour offrir des produits et des services de qualité. En gros, ce sont là les axes que propose de développer Hydro-Québec pour assurer son virage commercial. Nous avons déjà donné notre appui à ces tentatives et offert notre collaboration pour en assurer le succès.

Maintenant, quelles sont ces conditions de succès? Parce qu'on n'est pas ici seulement pour soutenir les orientations, mais on veut mettre sur la table les recommandations qui vont en assurer le succès. Il y a plusieurs facteurs qui préoccupent le SPIHQ. Le premier, le plus évident, c'est la sécurité d'approvisionnement. N'en déplaise à certains, Hydro-Québec ne dispose pas des surplus lui permettant d'exporter massivement. Selon Hydro-Québec, les données concernant les niveaux hydrauliques sont secrètes pour des raisons commerciales. Nonobstant ce qui précède, nous recommandons à la commission de prendre des moyens pour s'assurer que les réserves d'eau ne servent pas à réaliser des profits à court terme au détriment de la sécurité d'approvisionnement. Un deuxième élément de préoccupation provient de la volonté de diversifier ces sources d'approvisionnement que propose l'entreprise. Ici, elle semble miser surtout sur le secteur privé. Le plan fait mention de l'achat de 20 MW par année d'énergie nouvelle et de l'équivalent de 10 TWh de thermique. L'idée de diversifier reçoit notre aval, mais pas à n'importe quelle condition. Cette commission doit toutefois veiller à ce qu'aucune subvention à une industrie ou à un secteur industriel donné ne soit versée par le biais d'achat d'électricité par Hydro-Québec.

Nous vous retournons ici aux conclusions de la commission Doyon. Il serait absurde de donner à Hydro-Québec, d'un côté, un mandat de subventionner des entreprises et, de l'autre, un mandat et une vision de société commerciale. À la limite, si, pour des raisons stratégiques de diversification, il fallait développer un secteur de production subventionné, nous recommandons à la commission qu'il appartienne à Hydro-Québec. L'expertise ainsi acquise appartiendrait aux Québécois, et il n'y aura pas de pertes d'Hydro-Québec qui seront transformées en profits pour un secteur industriel donné.

Une autre raison de préoccupation est d'ordre plus juridique. Jusqu'à présent, bien des activités d'Hydro-Québec ont échappé à la juridiction fédérale du fait de son statut privilégié. Nous tenons ici à faire une mise en garde à la commission. Le commerce interprovincial ou international de l'électricité est de juridiction fédérale. Vous devrez être particulièrement vigilants avec cette notion, sinon d'autres activités de notre société d'État risquent de se retrouver sous la juridiction d'Ottawa avec toutes les implications qui en découlent, tant au niveau politique que fiscal. Les sommes en jeu risquent de susciter des appétits du côté fédéral.

En dernier lieu, l'entreprise est soumise à des aléas de toutes natures: hydraulicité, taux d'intérêt et de change et, avant de passer aux etc., nous savons maintenant qu'il faut ajouter à cette liste notre climat de moins en moins certain. Il ne faut pas non plus minimiser les risques associés au virage commercial ou à la mondialisation. Dans un passé récent, certains de ces risques ont coûté cher aux Québécois. Plutôt que de recourir à la capitalisation pour couvrir ces risques, nous recommandons à la commission d'examiner d'autres avenues, telle l'idée d'une provision pour éventualité. À court terme, le versement du dividende pourrait en souffrir. Par contre, à moyen et long terme, une telle provision pourrait offrir une protection contre des poussées de tarifs ou des réductions des dividendes, tout en permettant le versement des dividendes plus élevés. Elle assurerait une marge de manoeuvre et, pour parler comme nos dirigeants, une flexibilité financière, qui fait actuellement défaut.

Maintenant, pour ce qui est des exportations et du développement international et de l'ensemble de ce qui constitue Hydro-Québec, il est une question qui doit être abordée franchement, en raison surtout du contexte actuel. En effet, ce plan ne sera un succès que dans la mesure où il fera l'objet d'un vaste consensus social. Sans lui, maintenant plus que jamais, les ambitions d'Hydro-Québec et la survie de tout le secteur de l'énergie au Québec sont très sérieusement menacées.

Quelles sont les conditions d'obtention du consensus? Elles sont de plusieurs ordres. Tout d'abord, le pacte hydroélectrique ne doit pas être remis en question par ses activités. Il nous faut donc maintenir un tarif unique par catégorie de clients sur un territoire, et ces tarifs doivent demeurer bas. Il faudra donc y repenser deux fois plutôt qu'une avant d'ouvrir les marchés de détail au Québec. Le pacte pourrait voler en pièces, emportant tout le secteur avec lui.

L'autre considération est plus actuelle. Elle concerne la qualité de service à la clientèle. S'il est une chose qui ne devait pas changer à chaque fois que des coupures ont été commandées, c'est la qualité de service. La qualité de service ne devait pas être affectée lors des coupures des années quatre-vingt. À notre avis, ces coupures ont abouti à un désastre en 1988-1989. Dès qu'elle a connu des améliorations au début des années quatre-vingt-dix, la qualité de service a été prise pour acquise par nos dirigeants. Les exemples sont malheureusement nombreux. Le plus spectaculaire nous a été donné lors du comité d'accompagnement imposé par le gouvernement en 1996. Aucun membre de ce comité n'avait de formation technique. Bien qu'elle ait fait partie des attentes du gouvernement, jamais le comité n'a cru opportun d'aborder la question de la qualité de service. Il en résulte un rapport qui n'a été au mieux qu'un outil de négociation avec ses syndicats pour la direction de l'entreprise.

Qui prend au sérieux ce rapport aujourd'hui? Pourquoi le gouvernement a-t-il évacué la préoccupation de qualité de service lors de sa composition? La raison crève les yeux pour quiconque sait lire: les seules considérations étaient d'ordre financier. Ces coupures ont eu un effet désastreux non seulement sur tout le réseau, mais sur la mobilisation des ressources. Cette mobilisation est essentielle pour assurer la qualité de service. Cette préoccupation de qualité se situe au coeur des préoccupations et des attentes de tous les ingénieurs d'Hydro-Québec tout autant que des vôtres. Avec les bas tarifs, elle est le pilier sur lequel sera construite l'entreprise renouvelée que propose ce plan. Mais l'ambitieux plan que propose Hydro-Québec n'ira nulle part sans des ressources non seulement motivées mais mobilisées. La tempête de verglas a révélé ce que peuvent réaliser des ressources mobilisées. Si ce malheureux événement a réveillé les vieux instincts de solidarité, de dévouement et de débrouillardise de tous les employés d'Hydro-Québec, force nous est de constater que, dans un passé récent, plusieurs facteurs ont contribué à amoindrir sinon anéantir ces vieux instincts.

Hydro-Québec vit une réorganisation interminable. Depuis cinq ans – rien de moins – nous sommes passés par toutes les théories organisationnelles, toutes les coupures imaginables. Après celle amorcée en 1993, la dernière ronde de réorganisation a débuté en 1995. Elle visait à adapter des structures de l'entreprise à l'ouverture des marchés de gros et de détail. Depuis, le gouvernement a reporté la discussion sur l'ouverture du marché de détail. Bien que la nouvelle équipe de direction soit en place depuis 14 mois, bien que la vélocité soit au premier rang de ses valeurs, elle semble laisser cette situation s'embourber. Nous n'insisterons pas sur son impact sur les relations de travail. Faut-il ajouter l'effet démoralisateur de la perte d'experts au chaos déjà engendré par ce bourbier organisationnel, bourbier où la réorganisation s'accompagnait de coupures sans précédent? Depuis 1993, le personnel a été coupé de plus de 25 %, les charges d'exploitation de près de 15 %. Les mobilisations ont à leur tour été coupées drastiquement. Plusieurs ingénieurs compétents ont quitté l'entreprise, et ce, semble-t-il, sans que celle-ci ne se préoccupe le moindrement de relève. Cette situation doit cesser le plus rapidement possible.

Nous recommandons à la commission d'obtenir d'Hydro-Québec des engagements quant à la fin des réorganisations et à la stabilisation des structures. Dans le cas des ingénieurs, un autre handicap troublant leur mobilisation semble provenir du manque de respect de l'entreprise face à leur profession. À maintes reprises, nous avons dû intervenir, verbalement et par écrit, à tous les niveaux de l'entreprise et de l'Ordre des ingénieurs pour tenter de convaincre l'entreprise d'appliquer la lettre et l'esprit de la loi des ingénieurs.

(15 h 10)

D'année en année, de situation en situation, la direction souhaite, s'engage, nous promet d'appliquer à la lettre la loi des ingénieurs. Il va sans dire que l'Assemblée nationale ne fait pas de lois pour rien ni ne parle pour rien dire. Ce n'est pas pour rien que la loi réserve aux ingénieurs certains actes ou qu'elle prescrit que ces actes devront être réalisés sous la direction et supervision immédiate d'ingénieurs. La loi réserve ces actes aux ingénieurs pour assurer la protection du public. Par exemple, toutes les lignes aériennes de distribution devraient être conçues par des ingénieurs ou sous leur direction ou supervision immédiate. Même chose pour la surveillance des travaux de construction. Tel n'est pas le cas.

Depuis quelque temps, nous observons à regret que de nombreux postes requérant des ingénieurs sont attribués à des gens qui n'en sont pas. Cette situation nous préoccupe pour les raisons que nous venons d'expliquer. Nous ne comprenons pas pourquoi la direction semble ignorer une convention collective qui l'assure que les ingénieurs les plus compétents auront les postes. Pour nous, il y a là un avantage non seulement pour améliorer la productivité, mais pour mieux assurer la protection du public. Nous serons vivement intéressés à obtenir le point de vue de l'Ordre des ingénieurs à ce sujet lors de sa comparution.

En dernier lieu, nous devons revenir sur les conséquences de l'amélioration des indices de la continuité de services, sur la qualité des services elle-même. L'amélioration des indices a autorisé une vague de coupures sans précédent. Toutefois, certains événements auraient dû faire réfléchir. Tout d'abord, dans les années 1993-1994, les indices se seraient détériorés en raison du grand nombre d'orages électriques qui avaient frappé le Québec à cette époque-là. Comme il ne s'agit pas d'un phénomène météorologique bien nouveau, le fait que le réseau y soit sensible à ce point aurait dû faire poser quelques questions. Mais ça n'a pas été le seul signal. La tempête de verglas de l'année dernière dans Lanaudière a été traitée comme un mauvais rêve par la direction. Permettez-moi de vous citer un texte que l'Hydro Presse de janvier 1997 – ...

Le Président (M. Sirros): En vous incitant à le faire rapidement parce que...

M. Champagne (Louis): ...oui, j'achève: «Tous sentaient le besoin de se serrer les coudes afin que la situation se rétablisse et que cet événement ne soit plus qu'un mauvais rêve pour la clientèle touchée.» C'est ce que l'entreprise écrivait dans le journal. Tel que rapporté publiquement, aucun rapport technique n'a même été commandé par la direction à la suite de la tempête. Quel vice-président aurait l'idée de commander un rapport technique après avoir fait un cauchemar?

Pourtant, la même situation que cette année a été vécue sur un territoire moins étendu. Ces événements n'ont nullement infléchi la volonté de couper de l'entreprise. La vague des coupures de 1993 a même été accélérée en 1995, en même temps que devenait évident le bourbier réorganisationnel dans lequel l'entreprise semblait déjà s'enfoncer. Dans ce contexte, la question se pose: Les effets de la tempête de verglas pouvaient-ils être atténués? Dès leur annonce, nous avions publiquement déclaré que les coupures au budget d'exploitation et d'immobilisation risquaient de provoquer des pannes. Nous demandons si les effets de la dernière tempête de verglas auraient pu être atténués si l'entretien et les immobilisations avaient été maintenus à un niveau minimal.

À cet égard, nous sommes collectivement face à des choix déchirants. Ou bien nous continuons comme si cette tempête nous dépassait tellement qu'il n'y a rien à faire que de continuer à utiliser Hydro-Québec comme une vache à lait au service du gouvernement, tout en prétendant continuer à améliorer la qualité de service et à participer à la croissance du Québec. Ce faisant, nous reportons allègrement une grave crise de confiance qui balaiera Hydro-Québec et tout le secteur de l'énergie lorsque la population réalisera qu'elle ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre. La qualité de service ne peut continuer à se détériorer sans risquer de compromettre le consensus. Ou bien Hydro-Québec fait un post mortem complet, efficace et transparent. Le post mortem devra couvrir toutes les pratiques techniques et de gestion d'Hydro-Québec sans restriction. Il devra faire changer ce qui doit changer, dans des délais raisonnables.

Pour ces raisons, nous privilégions qu'il soit fait à l'interne d'Hydro-Québec, sous la supervision de comités d'experts internationaux. Ces comités pourraient se rapporter à la Commission scientifique et technique formée par le gouvernement. La population a le droit de savoir que le maximum a été fait pour minimiser la répétition d'événements comme le sinistre découlant du verglas de janvier dernier, comme elle a le droit de se faire présenter les options qu'étudieront et que retiendront les experts. En bout de piste, c'est elle qui décidera au travers ces institutions.

Si la commission veut maintenir le nécessaire consensus, c'est le moins que puisse faire Hydro-Québec et c'est le moins qu'attend la population. M. le Président, je suis prêt à répondre aux questions.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Champagne. On débutera nos questions avec la députée de La Prairie.

Mme Simard: Bonjour, messieurs. Merci de votre présentation. On n'a pas de mémoire de votre part, donc...

Une voix: ...

Mme Simard: Non, mais vous me les donnerez après. Sur le dernier point que vous venez de soulever, et en particulier concernant la tempête de verglas, j'aimerais ça vous entendre un peu. Vous êtes... Sur les démarches, d'après vous, qu'on doit entreprendre, qu'Hydro-Québec devrait entreprendre pour vraiment s'assurer d'une qualité de services – vous en avez parlé abondamment – face, justement, au climat très particulier qu'on a. Vous avez dit: On ne peut plus d'ailleurs se fier... C'est une nouvelle donnée. Vous l'avez mentionnée, je pense, à un moment donné dans votre présentation. Alors, vous parlez de comités d'experts internationaux. Mais, au-delà de ça, est-ce qu'il y a d'autres éléments qui sont à considérer?

M. Champagne (Louis): Bien, les comités d'experts devraient regarder l'ensemble de nos pratiques – des pratiques d'Hydro-Québec – des pratiques techniques et des pratiques de gestion pour examiner l'ensemble de la situation à partir de la connaissance que nous avons d'une possibilité de tempête de verglas, par exemple. On peut imaginer d'autres cataclysmes qui pourraient affecter le réseau pour s'assurer d'abord que, quand ça commence, déjà un plan d'urgence est prévu, que des mesures sont prises pour éviter qu'on mette tous nos oeufs dans le même panier.

Il nous semble qu'on a actuellement presque exclusivement des lignes aériennes autour de Montréal, que ce soit 735 kV jusqu'à la distribution. Il y a peut-être des pratiques qu'on devrait réexaminer à nouveau, des pratiques techniques. L'enfouissement de certaines lignes pour des raisons stratégiques, pas pour des raisons d'esthétique mais pour des raisons stratégiques, devrait être reconsidéré et même la possibilité d'avoir plus près des grands centres, comme Montréal, plus de génération.

Mais c'est des comités d'experts internationaux... Parce qu'il faut que la population sente que l'examen des alternatives ou des nouvelles façons de faire a été fait de façon complète et transparente. Si on pense qu'on a étudié de façon trop restreinte le phénomène, que ce soit au niveau de la gestion ou au niveau technique, la population va perdre confiance en Hydro-Québec.

Mme Simard: Bon. Là, je vous comprends. Vous dites qu'il y ait un processus de présentation des données et des solutions pour qu'on comprenne. Mais, d'après vous, c'est quoi, les conditions qu'on doit respecter, qu'il faut qu'Hydro-Québec respecte pour la diversification, justement, des sources d'approvisionnement? Vous avez dû réfléchir à ça. Vous représentez tous les ingénieurs d'Hydro-Québec.

M. Champagne (Louis): On est surtout un syndicat...

Mme Simard: Vous êtes tous ingénieurs, je présume.

M. Champagne (Louis): Oui, oui, oui. Ce qu'on prétend, c'est qu'on devrait réexaminer pas ces conditions-là mais ces pratiques-là dans un contexte d'ouverture et dans un contexte qui dépasse même Hydro-Québec avec des experts internationaux. La démarche que nous proposons n'est pas nouvelle à Hydro-Québec. Des experts internationaux ont examiné plusieurs des réalisations techniques de l'entreprise. Ça donne un point de vue qui est beaucoup plus diversifié et avec lequel il y a beaucoup plus d'expérience que ce qu'on est habitués de connaître quand on ne travaille qu'entre nous.

Nous sommes devant une situation unique; pas unique mais nouvelle. C'est la deuxième fois qu'elle se répète en moins de deux ans. Il nous semble que, d'une part, on devrait apprendre de nos erreurs sans chercher de coupables ou sans chercher de grands responsables, mais en pensant peut-être qu'il n'y a pas rien que Dieu qui est en cause dans ça. De toute façon, vous ne réussirez pas à assigner Dieu pour qu'il vienne témoigner ici. Alors, il faut essayer nous autres, comme humains, de trouver des façons de limiter l'impact de ces phénomènes-là une fois qu'on en connaît l'ampleur et l'ampleur destructrice potentielle. Il faut trouver des façons d'en atténuer l'impact. On ne peut pas juste se dire qu'on est malheureux d'être dans un pays qui a un climat comme celui-là. Depuis quelques années, au Québec, on a eu plusieurs phénomènes météorologiques importants. Il nous semble qu'on devrait se préparer autrement et mieux à affronter dame nature.

(15 h 20)

Mme Simard: Encore là, j'espère vous avoir bien compris au début. Bon. Vous avez dit: Il y a un virage, un autre virage. Celui-ci on l'appelle «le virage commercial d'Hydro-Québec». Il y a un potentiel de développement. Bon. Vous avez vos préoccupations, si je comprends bien, en ce qui concerne les services, la qualité, le maintien du pacte, la sécurisation au fonds d'approvisionnement, ici. Mais une fois ces choses assurées, est-ce que j'ai bien compris que vous n'avez pas d'objection, au fond, à ce nouveau virage qui serait d'exporter de l'électricité, d'ouvrir des nouveaux marchés aux États-Unis? Est-ce que je vous ai bien compris, est-ce qu'on a bien compris?

M. Champagne (Louis): Tout à fait.

Mme Simard: C'est ça?

M. Champagne (Louis): Oui, nous sommes d'accord pour ouvrir le marché québécois aux États-Unis et au Canada, et le marché du savoir-faire québécois au monde.

Mme Simard: Est-ce que vous voyez, par rapport à ce qui est proposé dans le plan stratégique, d'autres conditions que celles qui sont énoncées ou est-ce que vous êtes d'accord que le cadre qui est proposé?

M. Champagne (Louis): Une condition de rentabilité évidente, on n'en a pas parlé, mais on a donné les conditions qui nous semblent, de notre point de vue, les plus essentielles et les seules, peut-être, qui sont actuellement le plus à risque. Ce n'est pas évident que la population va nous laisser aller développer des marchés internationaux si on ne s'occupe pas de notre propre marché à nous. On bâtit sur des bases très fragiles si on bâtit là-dessus. Si, au Québec, on ne respecte pas, par exemple, ou si on applique mal la loi des ingénieurs, je ne vois pas comment on peut se lancer à l'assaut du monde en disant qu'on est des grands ingénieurs. Il y a une espèce de dichotomie qui est malsaine non seulement pour l'entreprise, mais pour le Québec au complet.

Mme Simard: Là, vous ne remettez pas votre compétence en cause, en disant ça?

M. Champagne (Louis): Non.

Mme Simard: Non.

M. Champagne (Louis): Ce qu'on dit, c'est qu'on est mal utilisés.

Mme Simard: Mais, outre les choses, justement... C'est-à-dire que beaucoup se questionnent sur le fait d'ouvrir ce marché, de construire pour exclusivement le marché extérieur. Avec vos préoccupations rassurées, je comprends bien c'est quelque chose qui vous sourit, vous voyez là une vision d'avenir qui peut vous satisfaire.

M. Champagne (Louis): Nous pensons que nous avons des marchés complémentaires et qu'il serait intéressant de les développer davantage, oui. Maintenant, il y a peut-être moyen d'offrir, par exemple, au tarif qu'on vend aux États-Unis ou en Ontario, à des entreprises québécoises, au même prix, l'électricité qu'on vend là-bas. Si c'est meilleur marché, pourquoi on ne le ferait pas? Parce que, vous savez, l'intervenant précédent parlait de la complémentarité: il y a des moments dans l'année où notre électricité vaut plus cher pour nous que d'autres, et il y en a où on pourrait peut-être offrir, à des entrepreneurs locaux ou à des entreprises locales, de l'électricité à meilleur marché encore que ce qu'on offre actuellement, ou au même prix que ce qu'on vendrait aux États-Unis. Il y a peut-être des façons de rassurer notre propre marché, d'assurer notre croissance avec nos ressources, des façons différentes de celles que propose le plan. Mais, globalement, le développement des marchés, c'est vers le sud ou l'Ontario qu'il va se faire.

Mme Simard: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Merci, Mme la députée. M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Alors, Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, il me fait plaisir de vous accueillir ici. Alors, vu qu'on n'a pas beaucoup de temps, j'aurais un certain nombre de questions à vous poser. Tout d'abord, j'aimerais entendre de vous si, lors de la crise du verglas, un certain nombre de facteurs ont pu avoir une importance quant à la gravité de la situation. À titre d'exemple, est-ce que vous pourriez nous indiquer si l'entretien du réseau des lignes de transport et de distribution était adéquat ou si la situation que vous avez soulevée – de coupures de personnel ou alors de manque d'ingénieurs qualifiés – a pu résulter en une certaine négligence ou un mauvais entretien et avoir des conséquences dans cette crise?

M. Champagne (Louis): On n'ira pas aussi loin que de parler de négligence, mais on pense que le niveau d'immobilisation, le niveau d'entretien n'était pas adéquat. C'est une des suspicions qu'on a, et on pense que le comité indépendant devrait réexaminer ça, oui. C'est notre crainte, actuellement.

M. Gobé: Est-ce que vous pensez aussi que le fait que certaines lignes qui sont tombées – c'est des lignes qui étaient anciennes de 25 ou 30 ans d'expérience – auraient dû être rebâties ou modernisées en tenant compte de critères technologiques plus résistants et qu'à ce moment-là on aurait pu éviter que certaines lignes tombent parce que d'autres, qui étaient situées à côté, ne sont pas tombées?

M. Champagne (Louis): Quand on parlait de pratiques tantôt, c'est à ce genre de pratique là qu'on estime qu'on devrait s'attaquer de façon transparente. Ça n'avait jamais été fait, probablement parce qu'on n'avait jamais connu un tel verglas, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, parce qu'on n'avait pas d'argent pour le faire. Il faut se rendre compte que les budgets sont très serrés, dans l'entreprise, et que je ne vois pas quelqu'un qui serait arrivé en disant: On va remplacer 10 % ou 15 % de certains pylônes, parce que ça ne serait peut-être pas nécessaire de tous les remplacer, ou d'avoir un projet pour rendre plus robustes les pylônes, par exemple, les tours à 735 kV...

M. Gobé: À ce moment-là, est-ce que vous retiendriez la suggestion, ce matin, de vos collègues de l'IREQ qui suggéraient et même regrettaient de ne pas avoir été associés au développement du réseau ou à sa sécurisation? Est-ce que vous auriez une suggestion à faire dans ce sens-là?

M. Champagne (Louis): Bien, quand on parle de comité d'experts, on ne veut les fermer à personne, dans l'entreprise. L'IREQ fait partie de l'entreprise. Il y a là un nombre de ressources impressionnant de qualité. Par contre, on peut vous dire aussi qu'il y a un nombre de ressources impressionnant en qualité au niveau des ingénieurs et qu'ils ne demandent pas mieux que de contribuer à repenser la façon de faire les choses globalement.

Maintenant, on est très réticents à vous dire: Telle ou telle recette fonctionnerait, parce que c'est ça qu'on veut qu'Hydro-Québec fasse, une réflexion. Et cette réflexion-là, on ne veut pas la faire avant Hydro-Québec. On ne veut pas vous dire qu'Hydro-Québec fait ça tout de travers, on veut qu'elle donne le cadre de la réflexion, mais que le cadre soit suffisamment ouvert et suffisamment efficace pour ne pas qu'on en parle encore dans 10 ans. On ne veut pas se retrouver avec la commission Krever, qui traîne jusqu'en Cour suprême je ne sais pas combien de fois.

M. Gobé: Est-ce que vous pensez que la commission Nicolet doit répondre à ces questionnements-là?

M. Champagne (Louis): La commission scientifique? Je ne connais pas le mandat de la commission Nicolet. De ce qu'on en a entendu parler, il y a un certain nombre d'items qui pourraient permettre de répondre, mais il nous semble qu'à Hydro-Québec la réflexion devrait être beaucoup plus large que ce qui va se faire à la commission Nicolet.

M. Gobé: Alors, à ce moment-là, est-ce qu'il ne serait pas sage d'attendre, de la part du gouvernement, d'avoir et cette réflexion que vous mentionnez et le rapport de la commission Nicolet avant d'entreprendre à la vapeur et à toute vitesse des travaux sous couvert d'urgence?

M. Champagne (Louis): D'urgence. Nous, ce qu'on suggérerait, c'est de soumettre aux comités d'experts ces travaux-là, ces décisions-là qui ont été prises dans un contexte où tout devait se décider rapidement pour rassurer des gens. Si on veut vraiment les rassurer maintenant – parce qu'il faut se rendre compte qu'on va dépenser plusieurs centaines de millions, probablement, pour retaper le réseau – nous pensons qu'on devrait prendre toutes les mesures, tous les moyens pour rassurer la population et que soumettre à des comités d'experts les conclusions de ces études-là... Parce qu'on ne sait pas...

M. Gobé: C'est ça.

M. Champagne (Louis): ...combien de temps les études vont durer. Il nous semble que ça a été très rapidement pris, ces décisions-là, et si on veut être sûr qu'on a pris les meilleures décisions, tant pour ceux qui les ont prises que pour ceux qui vont avoir à les financer, on devrait les soumettre à des comités d'experts.

M. Gobé: Ça veut dire qu'actuellement, comme ingénieur et comme loyal travailleur d'Hydro-Québec et donc au service de la société québécoise, vous n'êtes pas en mesure de nous garantir que les décisions qui ont été prises vont permettre d'éviter une situation comme celle que nous avons connue, s'il devait «réavoir» du verglas?

M. Champagne (Louis): Non, je ne suis pas en mesure.

M. Gobé: Je vous remercie. J'ai une autre question qui est très importante, je pense, aussi pour l'ensemble des Québécois. Vous avez mentionné un peu plus tôt dans votre témoignage que nous n'avions pas de surplus au Québec. Vous avez dit: Hydro-Québec ne dispose pas de surplus, on est en train de sacrifier nos réserves à court terme au détriment de profits, et, à ce moment-là, on ne garantit pas l'avenir. C'est un peu ça que vous avez dit. Pouvez-vous nous expliquer si c'est vraiment ça, ce que vous êtes en train de nous dire, et c'est quoi, à ce moment-là, les correctifs qui devraient être apportés?

M. Champagne (Louis): Ce que nous disons, c'est que les surplus que nous avons ne permettent pas les exportations massives, si on a des surplus. On a rapporté dans les journaux qu'il y avait beaucoup de surplus, et nous estimons que ces surplus-là ne permettent pas des exportations massives à moyen terme. Au niveau des profits qu'Hydro-Québec veut réaliser avec ses exportations, il va falloir qu'il y ait de la nouvelle construction à quelque part. Les équipements qu'Hydro-Québec a actuellement sur son territoire sont pour satisfaire les besoins des Québécois avec une certaine marge de sécurité, et, si on exporte cette marge de sécurité là – et je dis bien: Si on l'exporte – devant une sécheresse – et quand on parle des caprices de la température, ce n'est pas rien que des tempêtes de verglas ou bien donc des inondations au Saguenay, ça peut être aussi des sécheresses, l'histoire ne nous rassure pas à cet égard-là – on pourrait se retrouver à être pris pour acheter de l'électricité à prix fort de ceux à qui on en vend actuellement.

M. Gobé: Je vous remercie de la précision de vos réponses.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député d'Iberville.

M. Le Hir: La population que je représente a été privée, dans certains cas, d'électricité durant la tempête de verglas pendant près de quatre semaines; les derniers ont été rebranchés dimanche ou lundi.

M. Champagne (Louis): Ces jours-ci.

M. Le Hir: Aussi, c'est avec beaucoup de surprise que je vous ai entendu évoquer la possibilité que les travaux d'entretien sur les lignes de distribution n'aient pas – je veux être bien certain que je vous cite correctement – été maintenus à un niveau minimal. Est-ce à dire que ça aurait été maintenu à un niveau qui serait en deçà d'un niveau minimal?

(15 h 30)

M. Champagne (Louis): Ce que j'ai dit, M. le député, c'est que ces lignes-là, les lignes de distribution, leur construction n'est pas supervisée par des ingénieurs. Et ça devrait être fait actuellement. La loi le prévoit comme ça. Là-dessus, nous sommes intervenus encore une fois verbalement et par écrit. Mais tel n'est pas le cas.

M. Le Hir: J'aimerais quand même que vous me précisiez que j'ai bien compris quand vous avez évoqué le fait que ça ne correspondait pas à un niveau minimal.

M. Champagne (Louis): Monsieur, c'est une crainte que nous avons. La loi prévoit que, pour protéger le public, ces travaux-là sont conçus et leur exécution est supervisée par des ingénieurs, et je vous dis que ça n'est pas le cas. Les lignes de distribution ont été lourdement touchées, mais je ne peux pas vous dire que leur conception correspond à ce que nous estimerions être les règles de l'art.

M. Le Hir: Mais est-ce que, à votre avis, ça affecterait la responsabilité d'Hydro-Québec dans cette affaire-là?

M. Champagne (Louis): La responsabilité?

M. Le Hir: Oui.

M. Champagne (Louis): Hydro-Québec, comme tout organisme public, a l'obligation de faire appliquer les lois d'ordre public. C'est une loi d'ordre public, la loi des ingénieurs. Ça a été voté par l'Assemblée nationale. Encore une fois, on a fait beaucoup d'interventions là-dessus, mais, jusqu'à ce jour, on ne peut pas dire qu'on a eu beaucoup de succès à Hydro-Québec ni à l'Ordre des ingénieurs non plus, malheureusement.

M. Le Hir: Merci.

Le Président (M. Sirros): Ça va, M. le député d'Iberville?

M. Le Hir: Bien...

Le Président (M. Sirros): Vous restez bouche bée.

M. Le Hir: Oui, je suis stupéfait par la réponse que je reçois. Je ne peux pas penser qu'une entreprise d'État comme Hydro-Québec ne s'assurerait pas que des normes minimales soient respectées et que, dans des situations comme celle qu'on vient de connaître, quelqu'un comme un syndicat des professionnels de l'entreprise en question vienne nous dire qu'on n'est même pas assurés que des normes minimales ont été respectées.

M. Champagne (Louis): Je vous dis, M. le député, que la loi des ingénieurs n'a pas été respectée. C'est ça que je vous dis.

Le Président (M. Sirros): D'accord. J'ai Mme la députée de La Pinière et, par la suite, Mme la députée de La Prairie. Alors, Mme la députée de La Pinière, rapidement, s'il vous plaît.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, moi aussi, je vous ai écouté bien attentivement et j'ai comme l'impression qu'en bon ingénieur vous avez apporté des arguments béton, parce que j'ai essayé de tourner autour de votre argumentation pour savoir si c'est sujet à interprétation. Quand vous dites que toutes les lignes de distribution et les travaux de construction ne sont pas supervisés par les ingénieurs – je fais référence ici au point concernant la conformité à la loi des ingénieurs – ça représente quoi, exactement? Quelle proportion de ces travaux n'est pas faite sous la supervision des ingénieurs?

Par exemple, moi, je suis députée de la Montérégie, donc j'ai été sinistrée, et j'ai fait le tour de la région un peu pour voir. Dans les pylônes qui sont à terre, on voyait qu'il y avait trois colonnes, finalement. Il y a celle du milieu qui est par terre et les deux autres se tenaient debout. Est-ce qu'il y a un rapport par rapport à ce que vous nous dites? Quand ces pylônes et ces travaux sont supervisés par des ingénieurs ou que les matériaux sont solides, etc., ça a résisté au verglas et, dans d'autres cas, ça ne l'a pas été, ou est-ce une question de vieillesse des pylônes? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Champagne (Louis): Ce n'est pas les pylônes, madame, ce sont les lignes à 25 kV. Celles qui alimentent les résidences, toutes ces lignes-là, les lignes aériennes, à ma connaissance, il n'y en a pour ainsi dire aucune où les ingénieurs participent. Ils devraient participer à toutes les étapes de la conception et de la supervision des travaux, mais, à ma connaissance, la direction de l'entreprise les a pratiquement exclus de ces travaux-là.

Mme Houda-Pepin: Mais comment vous expliquez cela?

M. Champagne (Louis): C'est pour des raisons historiques. Nous sommes intervenus, encore une fois, plusieurs fois verbalement et par écrit. Il y a des raisons historiques. À Hydro-Québec, la direction semble considérer les pylônes dont vous parlez comme très importants, donc devant être faits par des ingénieurs, et les autres comme étant moins importants, donc ça peut être fait par d'autres que par des ingénieurs. Je ne dis pas que le verglas aurait empêché les lignes de 25 kV de tomber si des ingénieurs les avaient faites. Ce que je vous dis, c'est que je ne le sais pas. Ce que je sais, c'est que des ingénieurs n'y travaillent pas comme la loi le prévoit. C'est tout ce que je sais.

Le Président (M. Sirros): Mme la députée de La Prairie.

Mme Simard: ...une information qui peut être perçue comme étant alarmante, quand vous dites: Les travaux ne sont pas supervisés tel que prévu par la loi des ingénieurs. Cependant, si je vous ai bien compris, c'est une pratique qui existe depuis assez longtemps – est-ce que je vous saisis bien? – et vous avez fait des représentations, et même l'Ordre des ingénieurs ne semble pas s'en alarmer. Je vous dis ça parce que, moi aussi, j'ai un comté qui a été fortement touché par la crise du verglas.

Vous l'avez dit, on le sait tous, la population est évidemment un peu inquiète après avoir vécu ces quelques semaines sans électricité. Mais qu'est-ce qu'on vous répond? Parce que vous dites: On a fait des représentations verbalement et par écrit concernant ce problème. J'aimerais bien entendre, moi, la réponse qu'on vous a faite depuis quelques années. Je ne me trompe pas? C'est depuis quelques années que vous faites des représentations? Donc, ce n'est pas une situation nouvelle.

M. Champagne (Louis): ...une réponse typique, parce que nous avons aussi d'autres documents. «Je vous précise qu'il est de notre intention de respecter la Loi sur les ingénieurs, de mettre en place les éléments requis pour y arriver – c'est en janvier 1996 – et de faire en sorte que le code de déontologie des ingénieurs puisse être appliqué.» Aussi, d'autres documents.

C'est le genre de réponse qu'on nous fait. On nous dit toujours qu'on va la respecter, finalement, qu'un jour on va la respecter.

Mme Simard: Une petite question, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Oui, on a encore deux minutes.

Mme Simard: Depuis combien de temps faites-vous des représentations à cet égard comme représentants des ingénieurs?

M. Champagne (Louis): Depuis cinq ans, nous faisons des représentations, et nous savons que, depuis 12 ans, Hydro-Québec est au courant de la situation.

Mme Simard: Donc, ça fait depuis de nombreuses années que les travaux qui sont effectués – en fait, je pense que c'est... vous parlez de travaux d'ordre différent – d'une façon hiérarchique différente de celle que vous préconisez...

M. Champagne (Louis): Ce que la loi préconise, madame.

Mme Simard: ...et ça fait seulement cinq ans, au fond, que vous le contestez. Merci.

M. Champagne (Louis): Il y a eu des protestations avant, dans d'autres forums, mais, périodiquement, elles sont reprises par le Syndicat.

Mme Simard: Et l'Ordre des ingénieurs répond quoi? Parce que vous dites que vous n'êtes pas soutenus par l'Ordre des ingénieurs que, je pense, on entendra un petit peu plus tard ou demain.

M. Champagne (Louis): Je n'ai pas de copie des correspondances que l'Ordre aurait échangées avec Hydro-Québec. Nous avons mis en copie nos correspondances... Nous avons mis en copie M. Nicolet, le président de l'Ordre, et nous avons mis en copie M. Lamarre, à l'époque où il était président de l'Ordre. À ma connaissance, il n'y a pas eu d'interventions écrites suite à ces...

Mme Simard: Donc, l'Ordre des ingénieurs ne s'est pas alarmé de ce que vous avez soulevé comme problème?

M. Champagne (Louis): Non.

Mme Simard: Merci.

Le Président (M. Sirros): C'est tout. Merci beaucoup pour votre présentation. Je suis certain que ça va soulever des questions avec au moins l'Ordre des ingénieurs. Ceci met fin à nos travaux.

Pour un peu souligner l'aspect un peu bipartisan de notre démarche, je vais demander au vice-président de la commission de présider le reste de la séance.

Je vais inviter, avant de quitter la présidence, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec à venir prendre place.

(15 h 40)

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. Ponton, messieurs, bienvenue à la commission. Comme vous avez pu le constater pour les autres groupes, nous vous demandons d'être assez expéditifs dans votre présentation pour permettre aux parlementaires des deux formations d'échanger avec vous.

M. Ponton, je vous demanderais de bien vouloir présenter les personnes qui vous accompagnent.


Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec (AMEQ)

M. Ponton (Gérald A.): M. le Président, membres de la commission, bonjour. Je voudrais d'abord vous présenter les membres qui m'accompagnent: à ma gauche, M. Michel Boucher, qui est docteur en économie, professeur en économie appliquée à l'École nationale d'administration publique; à ma droite, M. Barkev Setrakian, qui est spécialiste en gestion de l'énergie de même que le président du comité énergie de l'Alliance des manufacturiers; M. Manuel Dussault, qui est le directeur de la recherche à l'Alliance.

M. le Président, dans son mémoire, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec analyse en quoi la politique énergétique du gouvernement et le plan stratégique d'Hydro-Québec sont dans l'intérêt économique des Québécois et des Québécoises. Au passage, qu'il nous soit permis de faire remarquer aux membres de la commission de l'économie et du travail l'énorme responsabilité qui vous incombe de mettre en place le cadre d'un marché de l'énergie efficace. Il faudrait, M. le Président, que les députés de la commission fassent pression auprès du gouvernement pour qu'il mette en vigueur tous les articles de la loi constitutive de la Régie de l'énergie afin de la mettre réellement au travail.

L'Alliance croit qu'il faut distinguer le rôle du gouvernement et celui qui incombe à la société publique Hydro-Québec. Le premier conçoit – le gouvernement – et élabore la politique énergétique et met en place par la suite les conditions qui permettent à l'entreprise publique d'électricité de fonctionner avec la meilleure efficacité. Quant à la seconde, son rôle consiste à préparer un plan stratégique qui prend en considération toutes les occasions d'affaires qui se présentent à l'intérieur des bornes fixées par le gouvernement.

Les recommandations de notre mémoire se fondent sur la différence entre le rôle des autorités politiques et celui de la société d'État. D'entrée de jeu, nous rappellerons à grands traits l'évolution d'Hydro-Québec en utilisant la création de la Régie de l'énergie comme repère pour faire saisir le long cheminement qu'il reste à parcourir dans cette transition vers un marché de l'énergie efficace.

Avant la mise en place de la Régie de l'énergie, la société d'État n'était aucunement astreinte à un taux prédéterminé de rendement sur le capital. Le contrôle exercé par le gouvernement était étroit et influencé par des considérations politiques. Son niveau d'emploi et le niveau de rémunération de ses effectifs étaient tous les deux plus élevés que ne le permettaient les forces d'un marché concurrentiel. Elle pratiquait une politique d'achats préférentiels envers tous ses fournisseurs québécois.

Finalement, sa structure tarifaire comportait des tarifs uniformes pour tous les territoires et de l'interfinancement en faveur du secteur résidentiel qui persiste toujours.

Bref, le contrôle des coûts ne faisait pas partie des priorités et seule la croissance en tant que telle était privilégiée. Si les revenus se révélaient insuffisants pour respecter ces exigences opérationnelles, Hydro-Québec obtenait l'augmentation des tarifs du gouvernement du Québec.

Maintenant, la situation est en train de changer et l'effervescence sur le marché américain n'est pas étrangère à ce qui se passe au Québec. Il faut aujourd'hui féliciter Hydro-Québec pour son intention de prendre un virage commercial en exigeant une rentabilité accrue de ses activités et en s'ouvrant au marché américain et international. Ce virage se traduit par la stabilisation des charges d'exploitation, l'amélioration de la fiabilité du réseau, des investissements plus rentables et une ouverture à de nouvelles formes d'approvisionnement.

Tout en reconnaissant que les actions autant du gouvernement que d'Hydro-Québec constituent des pas dans la bonne direction et qu'il faut permettre, M. le Président, à la société d'État de devenir plus concurrentielle et de jouer son rôle de moteur économique, l'Alliance croit que ces efforts d'adaptation doivent être amplifiés.

Toutes ces mesures sont louables, mais elles reporteront à plus tard certains des changements nécessaires que l'entreprise publique doit considérer pour devenir encore plus performante.

Voici maintenant les conditions qui sont du ressort des autorités politiques, dont vous êtes, dont les effets vont considérablement faciliter la tâche de l'entreprise publique de devenir une entreprise nord-américaine concurrentielle sur son marché géographique. Une première condition sera le fait que l'entreprise publique ait ses coudées franches relativement à son actionnaire unique, le gouvernement du Québec. Une deuxième requiert une Régie de l'énergie indépendante de pressions politiques et dotée de pouvoirs suffisants pour mener à terme son mandat. Troisièmement, la Régie de l'énergie doit déterminer le plus rapidement possible les étapes de la période transitoire et doit procéder à une étude de la libéralisation des marchés de gros et de détail et de ses impacts économiques, tel que le prévoit sa loi constitutive mais non encore en vigueur.

Ces conditions sont d'une importance capitale en ce que la libéralisation entraîne au Québec un défi particulier, puisqu'il faut passer d'un régime de monopole public à un régime concurrentiel où la vérité des prix sera la règle du jeu. En d'autres termes, les transformations nécessaires sont, au Québec, à l'opposé de ce qui s'observe aux États-Unis où les consommateurs sont à l'origine des pressions pour une libéralisation.

Les assises de l'ouverture à la concurrence, selon la conception gouvernementale et celle d'Hydro-Québec, s'appuient sur une entreprise publique qui serait plus compétitive et un nouvel organisme de réglementation, la Régie de l'énergie, qui serait plus apte et prompt à favoriser et à mettre en place les ajustements requis par le nouvel environnement américain. Les actions entreprises par le gouvernement du Québec pour aider la société d'État à devenir concurrentielle se résument à différents éléments qui sont: tout d'abord, un gel temporaire et inconditionnel des tarifs, la création d'une Régie de l'énergie – dont tous les articles, on l'a dit tantôt, ne sont pas encore en vigueur – l'absence d'un débat public sur les véritables enjeux de la libéralisation en cours et le maintien d'une politique d'achats préférentiels.

Certaines de ces actions, M. le Président, nous laissent perplexes quant à l'avenir. Ces actions incitent l'Alliance à proposer aux autorités politiques les cinq recommandations suivantes pour que la société d'État réussisse sa transition pour devenir une entreprise concurrentielle en Amérique du Nord. Premièrement, l'Alliance propose une impartition partielle de la société d'État à la hauteur de 10 % maximum de son capital. Deuxièmement, l'Alliance s'oppose à un gel temporaire et inconditionnel des tarifs qui ne permettrait pas un ajustement dans l'éventualité où les tarifs américains baisseraient. Troisièmement, l'Alliance recommande de s'assurer que la Régie de l'énergie sera indépendante, qu'elle aura tous les pouvoirs suffisants pour réglementer les monopoles naturels de l'énergie et que tous les articles de la loi de la Régie de l'électricité seront rapidement mis en vigueur. Quatrièmement, l'Alliance recommande d'étendre l'Accord sur le commerce intérieur aux achats des sociétés de la couronne, des secteurs municipaux, scolaires et universitaires ainsi qu'à l'énergie. Cinquièmement, l'Alliance recommande qu'on se conforme aux intentions du gouvernement exprimées lors des débats sur le projet de loi de la Régie et lors de la Table de consultation du débat public sur l'énergie, qu'on procède à un débat public et que la Régie donne un avis pour que tous les intéressés puissent entendre, puissent prendre connaissance des véritables enjeux de la libéralisation de l'énergie.

Voici maintenant les considérations analytiques sur le plan stratégique d'Hydro-Québec. Il faut louer, M. le Président, l'intention de la société d'État d'être plus concurrentielle et de devenir la plaque tournante de l'énergie en Amérique du Nord à l'intérieur des limites fixées par le gouvernement. Il s'agit d'un plan visionnaire. Les actions initiées jusqu'à présent par Hydro-Québec pour réduire ses coûts de production sont les suivantes: une réduction de ses effectifs à temps plein de 2 300 avec un objectif de stabiliser la main-d'oeuvre à 17 500 pour la durée du plan stratégique, un renouvellement de la convention collective en 1997 qui ne comporte aucune diminution de rémunération et, au chapitre de la politique d'achats préférentiels, aucun changement important à l'horizon.

Devant les défis qui attendent la société d'État, l'Alliance des manufacturiers croit que l'impartition est une solution qui doit être mise en oeuvre. C'est la voie que les industries du gaz naturel, de l'électricité et de la téléphonie traditionnelle ont adoptée au cours des deux dernières décennies, lorsqu'elles ont été déréglementées ou privatisées. L'entreprise publique ne peut éviter, M. le Président, cette manière de réduire ses coûts d'opération. Hydro-Québec doit envisager ses activités en deux parties: les activités vitales ou stratégiques et les activités secondaires ou de soutien. Les premières lui procurent les plus fortes valeurs ajoutées, parce qu'elle y excelle, et les secondes, des valeurs ajoutées moindres parce qu'elles sont accessoires à ses activités fondamentales. Elle doit donc, M. le Président, privilégier les activités à haute valeur ajoutée et chercher alors à se défaire de ses activités de support par l'impartition, la sous-traitance et les contrats de services.

Que suggère l'entreprise publique d'électricité dans le présent plan stratégique pour atteindre le niveau de compétitivité désiré? Au départ, l'Alliance croit que les investissements de la société d'État doivent être aussi rentables que ceux faits dans le secteur privé. Or, les chiffres contenus dans le plan d'affaires demandent à être examinés puisqu'elle prévoit des dépenses de capital de 13 100 000 000 $ pour l'ensemble de la période et son bénéfice net consolidé anticipé en 2002 est de 1 100 000 000 $, soit un rendement de 8,26 %. Ce dernier, déjà très faible pour toute entreprise privée, semble peu élevé pour une entreprise qui veut accroître son rendement sur l'avoir propre de 6 %, en 1997, à 11,8 %, en 2002. Il y a là, à la face même du plan stratégique, une contradiction qu'il serait important de résoudre.

(15 h 50)

Il est possible que des investissements deviennent nécessaires pour satisfaire les exportations si le prix du marché du kilowattheure augmente. Ces nouvelles occasions d'affaires créeront davantage de richesse au Québec. Ces questions doivent faire l'objet d'un débat public et la Régie de l'énergie doit examiner le plan de ressources d'Hydro-Québec. Il faut tout de même féliciter la direction pour son audace et sa célérité à se positionner.

Quant aux exportations, deux points se dégagent aussi, en ce qu'elles ne doivent pas être subventionnées, c'est-à-dire vendues à des prix inférieurs à ceux qui ont cours au Québec, et que le marché de l'Ontario puisse être une bonne occasion d'affaires qu'il faut davantage explorer.

L'Alliance présente à la société d'État trois recommandations qui sont toutes de nature opérationnelle: l'Alliance recommande que l'entreprise publique ait davantage recours à l'impartition, à la sous-traitance et aux contrats de services pour les activités de soutien et de faible valeur ajoutée; l'Alliance recommande qu'Hydro-Québec prenne tous les moyens dont elle dispose pour réduire annuellement tous ses coûts de production, quels qu'ils soient, de 10 % pour les trois prochaines années et que le gouvernement l'appuie dans ce sens; l'Alliance recommande que, si l'entreprise publique possède des surplus d'électricité, elle les offre au préalable à des utilisateurs québécois avant de demander l'autorisation de la Régie de les exporter.

M. le Président, le marché nord-américain de l'énergie est en pleine restructuration et la société publique d'énergie y a adhéré pour améliorer ses chances de maintenir et de pénétrer de nouveaux marchés en formant des alliances avec certaines firmes américaines d'énergie. Toutefois, le débat public tant attendu n'a pas encore eu lieu pour que les enjeux soient connus de tous les citoyens du Québec. Il importe que la Régie de l'énergie, un des éléments fondamentaux du processus québécois de la libéralisation, se mette au travail pour réaliser le mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale. La libéralisation, M. le Président, doit se faire graduellement pour que tout un chacun puisse apprendre sur le tas et que le tout se réalise avec efficacité.

L'Alliance rappelle de nouveau que le gouvernement du Québec a réellement la responsabilité d'assurer l'environnement dans lequel Hydro-Québec puisse fonctionner de façon à ce que l'entreprise publique soit la plus efficace. Ceci aura pour conséquence d'augmenter la compétitivité de l'économie québécoise et de la richesse des citoyens et des citoyennes de notre province.

En terminant, concernant les malheureux événements du verglas, il faut d'entrée de jeu rappeler que c'était un événement de cas fortuit et force majeure, dont les plus récentes statistiques météorologiques n'ont aucun comparable. On a eu jusqu'à 100 mm de pluie dans certaines régions du triangle noir. La nomination de la commission Nicolet est certes un outil privilégié pour faire toute la lumière. Nous entendons nous en remettre aux auditions, aux audiences que cette commission-là conduira et on s'assurera que, dans l'approche des solutions mises de l'avant, on ait toujours présente à l'esprit l'approche coûts-bénéfices qui détermine ultimement la rentabilité dans notre société québécoise. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le président de l'Alliance. Alors, M. le député d'Orford.

M. Benoit (Orford): Oui. M. Ponton, dans votre mémoire, à la page 11, vous nous rappelez la recommandation où vous suggérez qu'on arrive à proposer une privatisation partielle de la société d'État, à la hauteur de 10 %. M. Parizeau avait déjà pensé à ça avant vous, il y a quelques années, mais ça ne s'est pas produit, ni après votre recommandation ni après celle du premier ministre. Pourquoi 10 %? Est-ce qu'on ne veut pas avoir quelque chose qui est à moitié... finalement? Pourquoi 10 %? Pourquoi pas, si on veut privatiser, baisser notre niveau d'endettement à Hydro-Québec... plus loin que ça? Ou est-ce que c'est de mettre le pied dans quelque chose qui nous amènera plus loin, finalement?

M. Ponton (Gérald A.): Ça pourrait effectivement mettre le pied dans quelque chose qui pourrait nous amener plus loin, mais, d'entrée de jeu, il faut rappeler l'attachement des Québécois et des Québécoises à Hydro-Québec. L'idée de la privatisation partielle à la hauteur de 10 %, pour nous, va permettre d'isoler encore davantage Hydro-Québec du processus politique, parce que l'on pense qu'une société comme Hydro-Québec doit maximiser ses décisions en fonction de sa rentabilité économique, comme une entreprise du secteur privé doit le faire, et c'est possible tout en demeurant une entreprise d'État. La limite de 10 % a l'avantage, en vertu des lois actuelles au Canada et au Québec, de conserver à Hydro son statut de société d'État, donc la met à l'abri des impôts tant provinciaux que fédéraux, à titre d'exemple. Alors, c'est ainsi, pour nous, une façon de développer une dynamique nouvelle à l'intérieur de la société, au lieu de favoriser d'autres scénarios comme le fractionnement de la société en plusieurs unités de production indépendantes les unes des autres qui existait avant la nationalisation de 1962. Alors, c'est une approche pour développer une nouvelle synergie à l'intérieur même de la société publique qu'est Hydro-Québec.

M. Benoit (Orford): Dans un autre ordre d'idées, le Conseil du patronat, ce matin, nous parlait de l'interfinancement qui pénalise indéniablement la petite et la moyenne entreprise, à ce qu'il disait. Et, dans un autre mémoire que nous avons reçu un peu plus tard, celui du CRIQ, on nous démontrait comment l'État de New York, par exemple, dans un programme qui s'appelle Power for Jobs, a créé 4 000 emplois rapidement en baissant ses coûts d'électricité à des entreprises qui s'engageaient à créer des emplois.

J'aimerais entendre M. Boucher, si vous n'avez pas d'objection, nous parler un peu de l'interfinancement dans le secteur des «utilities». Est-ce que ça se fait ailleurs? Est-ce qu'on est uniques quand on parle de l'interfinancement? Dans les compagnies publiques, est-ce qu'on se sert de ce véhicule-là positivement plutôt que, nous, négativement à l'égard de l'entreprise?

M. Boucher (Michel): Je vais être très clair et très précis. Ce que l'on observe dans les utilités publiques provinciales, donc qui sont propriété soit des provinces ou d'États aux États-Unis, c'est ce type de discrimination par les prix, ça veut dire l'interfinancement. Chez nous, ce sont principalement les consommateurs, que vous êtes et que je suis, qui sont privilégiés. Ensuite, à un niveau plus... d'autres bénéficiaires... Tout le monde est bénéficiaire, mais à des niveaux différents. Il y a les grandes entreprises, et ceux qui sont les moins bénéficiaires, qui en bénéficient le moins, ce sont les petites entreprises. Ça veut dire que, regardez, des individus comme vous et moi, donc, qui avons des résidences, on paie à peu près 73 % du coût, tandis que les petites prenez les centres d'achats – entreprises doivent payer à peu près 93 % du coût. Mais ça fait partie des règles du jeu politique. Ces critères-là sont fondés sur des critères politiques.

Aux États-Unis, des «public utilities» qui sont réglementées, qui sont privées mais qui sont réglementées, le type d'interfinancement est totalement différent. Ce sont les règles du jeu qui déterminent. Donc, quand ce sont des entreprises publiques, on va privilégier une certaine classe d'individus ou une certaine classe d'entreprises et, quand ce sont des utilités publiques surtout – parce qu'on n'a pas ça ici, au Canada – américaines, ça va être de l'interfinancement qui va être différent, qui va être sur les prix et qui va augmenter les profits, tandis que, chez nous, on sacrifie des profits pour des intérêts politiques.

M. Benoit (Orford): M. Ponton, est-ce que je dois comprendre que le fait que vous n'y touchez à peu près pas dans votre mémoire, à l'interfinancement, vous êtes d'accord avec ce choix qui fut fait dans les années soixante, au Québec, et on doit le maintenir, ce choix-là, on ne doit pas le questionner?

M. Ponton (Gérald A.): Non, absolument pas, M. le député. L'interfinancement fait partie d'un des enjeux que la Régie de l'énergie va devoir évaluer lorsque les articles constitutifs de sa loi seront mis en vigueur, parce qu'effectivement on l'évalue... Au niveau de la recommandation 2, nous, on pense que la Régie va devoir examiner ces tarifs-là pour respecter le véritable concept, le principe de l'utilisateur-payeur. En d'autres termes, on devrait avoir la vérité des prix dans l'utilisation de l'électricité au Québec et non pas avoir de l'interfinancement.

M. Benoit (Orford): Très bien. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, M. Ponton et messieurs les gens de l'Alliance des manufacturiers du Québec... M. Ponton, ce matin, j'ai fait la route pour Québec, pour participer à cette commission, et je suis tombée sur un article que vous avez signé dans Le Devoir d'aujourd'hui: Le calme après le verglas: la Commission Nicolet devra demeurer à l'abri des tempêtes politiques lors de ses travaux . Je vous cite, parce que c'est important pour que vous puissiez m'expliquer: «Dès le 10 février – c'est-à-dire aujourd'hui – débuteront, à Québec, les audiences de la commission de l'économie et du travail – nous y sommes – Elle aura pour mandat d'examiner les principaux éléments du plan stratégique 1998-2000 d'Hydro-Québec. Bien que le désastre naturel survenu en janvier mérite réflexion, l'heure n'est pas à déclencher une inquisition ou à revenir au dangereux réflexe qui consiste à faire de la politique avec Hydro-Québec.»

(16 heures)

J'aimerais bien que vous m'expliquiez en quoi tenir une consultation comme celle que nous faisons aujourd'hui et pour les deux autres jours à venir constituerait une inquisition? Et, deuxièmement, en quoi est-ce que consulter des gens comme vous et prendre le temps de vous écouter – parce qu'on estime que c'est important, ce que vous avez à nous dire – serait faire de la politique avec Hydro-Québec? Qu'est-ce que c'est, pour vous, faire de la politique? C'est ma première question.

M. Ponton (Gérald A.): Mme la députée, les mots, dans l'article du Devoir de ce matin, font davantage référence à la situation passée qu'à l'avenir. En d'autres termes, c'est davantage une mise en garde d'audiences passées auxquelles nous tous, au Québec, avons eu l'occasion d'être témoins via le petit écran de démarches qui nous étaient apparu très intempestives, avec raison peut-être, à l'égard d'Hydro-Québec. Et nous pensons qu'il était important, après la tempête de verglas que nous avons connue, de ne pas chercher des coupables et d'examiner sereinement les enjeux. Et ça, la Commission Nicolet va être chargée de le faire. Alors, notre approche c'est de demeurer sereins, dans la conjoncture, pour trouver les meilleures recommandations possibles pour permettre à Hydro-Québec de continuer à jouer son rôle de distributeur d'électricité le plus efficace en Amérique du Nord.

Pour ce qui est de notre participation à nous, il nous est toujours agréable... D'ailleurs, c'est la première fois qu'on participe à une commission sur Hydro-Québec. Nous en sommes très heureux et nous avons l'intention de récidiver à chaque occasion dans l'avenir.

Mme Houda-Pepin: Il n'en demeure pas moins que, dans votre texte, vous faites référence de façon explicite à la consultation d'aujourd'hui. Vous commencez déjà en disant: «Le 10 février...» Alors, vous comprendrez mon étonnement. Parce que si vous vous basez sur des événements antérieurs, rien ne justifie que ce genre de comportement puisse se produire. D'ailleurs, vous avez été témoin vous-même, depuis que vous êtes ici aujourd'hui, du climat de bonne entente et d'échange que nous avons avec les invités, les groupes qui sont venus avant vous, et aussi entre nos collègues des deux côtés de la Chambre. Donc, vous comprendrez mon étonnement.

J'ai trouvé ça assez étonnant, d'autant plus que dans votre article vous dites, un peu plus loin: «Il faut toutefois éviter que la commission – nous entendons par ça la commission qui est devant nous, la commission parlementaire – s'arroge le rôle dévolu à la Régie de l'énergie. À cette occasion, les députés devraient plutôt presser le gouvernement de mettre en vigueur tous les articles de la loi constitutive de la Régie de l'énergie afin que cette dernière se mette au travail sans délai.»

Nous avons des devoirs, ça c'est sûr. Nous avons aussi des règlements qui dirigent nos travaux. Je dois vous avouer que je suis très, très étonnée du ton de votre article et des présomptions qui sont incluses là-dedans, et je présume que les gens qui lisent l'article, tout comme moi, n'ont pas vécu comme vous, peut-être, des événements auxquels vous faites référence par le passé. Alors, j'aimerais bien, quand même, que vous clarifiez votre position quant à ce qui a été écrit.

M. Ponton (Gérald A.): Mme la députée, je précisais également dans l'article que la commission parlementaire «s'avère donc une excellente occasion de faire le point sur la période de transition actuelle dans le domaine de l'énergie. Il faut toutefois éviter que la commission s'arroge le rôle dévolu à la Régie de l'énergie». Alors, tout en respectant la juridiction et l'autorité de la commission de l'Assemblée nationale, il y a une loi qui a été mise en vigueur, par vote exprimé par l'Assemblée nationale en séance plénière, qu'il nous apparaît important de respecter, et donc, que le véritable débat sur les coûts de l'électricité au Québec, qu'on tienne compte de la juridiction que la Régie doit exercer.

Et je ne pense pas que ça puisse être dans une enceinte aussi respectable que la vôtre, pour une période de trois jours, qu'on puisse refaire tout le débat de deux, trois ans d'efforts de la table de consultation sur l'énergie, de l'adoption de la loi concernant la Régie de l'énergie. Alors, avec tout le respect que j'ai pour la présidence et les membres de cette commission, il m'apparaît d'autant plus important qu'on mette de l'avant le plus rapidement possible les articles de la loi de la Régie et qu'on les mette en vigueur. Et, à mon avis, ça devrait être une des recommandations importantes de la conclusion de vos travaux.

Mme Houda-Pepin: En terminant là-dessus, M. le Président, je tiens quand même à préciser que notre rôle, ici, aujourd'hui et dans les deux prochains jours, c'est pour écouter les groupes. Donc, nous sommes là dans une position d'écoute, nous faisons la réflexion avec vous. Il n'est pas question pour nous de nous arroger les mandats d'une autre instance, et je pense que c'était tout à fait confondant de lire ces propos dans l'article que vous avez signé dans Le Devoir .

M. Ponton (Gérald A.): Mme la députée, si mes propos vous ont offensée, je m'en excuse et je sollicite l'opportunité de présenter des amendes honorables à cette commission ainsi qu'à ses membres.

Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme la députée. M. le député de Groulx.

M. Kieffer: M. le Président, M. Ponton, messieurs, deux questions de fond, quelques questions un peu plus pointues par la suite.

D'entrée de jeu, dans votre mémoire, à la page 3, vous faites une affirmation qui m'apparaît être digne de Salomon, lorsque vous dites que l'AMEQ appuie l'orientation commerciale que se donne l'entreprise publique, mais soulève certaines questions quant aux exportations prévues qui ne doivent pas défavoriser les manufacturiers québécois.

La question me préoccupe, et je pense qu'elle nous préoccupe tous et toutes. L'hydroélectricité a toujours été perçue comme un facteur de développement économique au Québec. On n'a pas toujours été heureux dans nos décisions quant à l'utilisation de ce facteur-là. On aurait pu penser à un moment donné que les alumineries feraient autre chose que des lingots et que ce ne serait pas les Américains qui feraient les moteurs ou les poêles à frire, mais que ce serait nous, puisque nous leur avions à toutes fins pratiques donné des tarifs tellement intéressants que c'étaient des subventions.

J'aimerais connaître votre position quant au rôle que devrait jouer l'hydroélectricité, et vous savez où je veux aller par la suite évidemment, parce qu'on va parler d'exportations. Mais où devrait se situer l'hydroélectricité comme facteur de développement entre le développement économique national versus l'exportation? Est-ce que les deux sont possibles? Est-ce qu'ils s'excluent? Et si oui ou sinon, dans quelle mesure?

M. Ponton (Gérald A.): Pour répondre à votre question, je vais demander à M. Boucher de compléter. Mais je préciserais d'entrée de jeu que, suite au Sommet sur l'économie et l'emploi, Hydro-Québec a rendu disponibles 500 MW pour le développement économique et qu'il y a plusieurs entreprises qui en ont fait la demande, justement, à l'appui de demandes d'investissements. Alors, l'électricité, c'est une source de richesse et de développement économique et c'est un attrait important dans la stratégie québécoise de développement, à notre avis. Mais je vais demander à M. Boucher de compléter.

M. Boucher (Michel): Oui. C'est que l'électricité est un facteur de localisation. Ce qui est explicite dans le mémoire, c'est qu'il faut utiliser l'électricité à l'endroit où elle rapporte le plus pour une société. Et donc, vous avez donné l'exemple des alumineries, et l'idée est la suivante: c'est qu'il ne faut pas subventionner le développement québécois en subventionnant l'électricité, parce que, ce faisant, lorsqu'il y a une autre possibilité, c'est d'utiliser l'électricité à l'endroit où elle rapporte le plus. Alors, c'est ça qui est présentement la question, et vous avez pertinemment bien mentionné que, sur les alumineries, ce qu'on a fait, on a préféré subventionner plutôt que de l'exporter à un prix qui était intéressant à cette époque, et c'est sur ça que je me suis basé.

(16 h 10)

Présentement, la même question va se poser. Nous allons construire... Et vous avez fait référence un peu plus tôt... on a fait référence au dernier barrage qui va être construit, à Sainte-Marguerite, laquelle électricité va coûter plus cher que le coût moyen. Alors, si on exporte cette électricité-là aux États-Unis, on va se trouver à subventionner l'électricité aux États-Unis. C'est ça qui est le point: comme économiste, c'est d'essayer de trouver, en se fiant sur la vérité des prix, à quel endroit l'électricité va être la plus rentable pour les Québécois. Si le prix demandé aux États-Unis pour l'électricité est très élevé, ça vaut la peine d'exporter; et si c'est préférable... Et c'est ça qui est... Il n'y a pas de réponse; le tout dépend du prix qu'il va y avoir sur le marché. Jusqu'à tout récemment, le Québec avait un avantage comparatif à exporter l'électricité. Maintenant, avec la libéralisation aux États-Unis et la construction de turbines à gaz qui peuvent se localiser très près de centres de production, il est fort possible que le Québec n'ait plus d'avantage comparatif à exporter. C'est pour ça que vous n'avez qu'à regarder les conclusions du rapport de votre commission, au mois de juin. Vous avez émis des doutes certains sur le volume d'électricité qu'on pouvait exporter. Et c'est tout ce que j'ai fait dans le mémoire avec les membres de l'Alliance: c'est strictement soulever les problèmes que ça implique.

M. Kieffer: Et ça m'amène à vous interroger sur le concept que vous situez presque au fondement même de ce que devrait être la politique d'Hydro-Québec, qui est celle de la vérité des prix. Et en parlant de vérité des prix, vous parlez évidemment de rentabilité économique comme devant être le mandat, le fondement même de la stratégie d'Hydro-Québec. Et, moi, ça va m'amener à vous poser la question suivante... Oui, la rentabilité économique, sauf que l'autre fondement, qui existait bien avant la rentabilité économique dans le cas d'Hydro-Québec, c'est sa rentabilité sociale. C'est le fameux pacte social. Et là-dessus je dois vous avouer que vous n'y allez pas de main morte, à la page 8 et à la page 11 de votre mémoire. Vous vous attaquez au fondement même de ce qu'on appelle le pacte social hydroélectrique. Vous dites qu'il faut qu'elle mette fin à l'interfinancement entre les différentes classes de consommateurs, qui était un des piliers. Vous dites qu'elle doit mettre fin à l'uniformité tarifaire, qui était l'autre pilier. Et, à la page 11, vous dites qu'on doit privatiser, à tout le moins en partie.

Vous êtes conscients qu'en posant ce type de jugement là, ce sont les fondements mêmes du pacte social qui existe depuis, bon, la nationalisation, grosso modo les 40 dernières années ou les 30 dernières années. Il n'y a pas eu de débat collectif à date autour de ça. J'aimerais avoir votre perception de comment Hydro va pouvoir envisager ce virage-là, parce que, ça, c'est un virage majeur et fondamental.

M. Boucher (Michel): Justement, c'est une...

M. Ponton (Gérald A.): Vous permettez, M. le député? Pour nous, tout est dans le débat public qui doit se dérouler devant la Régie de l'énergie une fois que les articles de sa loi constitutive seront mis en vigueur, qu'elle aura juridiction pour entendre les intervenants sur les enjeux que posent les changements que nous proposerons et que d'autres proposent pour Hydro-Québec. Il y a aussi des opinions qui sont contraires aux nôtres, et on pense que l'enceinte d'une régie où l'approche va être dictée par sa loi constitutive va permettre de trouver les réponses aux véritables décisions qu'Hydro-Québec va prendre.

Mais, nous, on est persuadés qu'il faut distinguer le rôle de l'État – du gouvernement – du rôle commercial d'Hydro-Québec. On ne pense pas que c'est à Hydro-Québec, pour rencontrer les défis de la mondialisation, à perpétuer le rôle qu'elle a toujours joué depuis 1962. On pense que ce rôle-là doit être modifié. À titre d'exemple, personne n'aurait soupçonné les impacts très favorables du libre-échange, dans les années quatre-vingt-dix, qu'ils ont générés dans la société québécoise.

Je vous rappelle aussi que maintenant, en 1997-1998, 54 % du produit intérieur brut du Québec dépend de nos exportations. Ce n'était pas du tout le cas en 1989-1990. Alors, les situations changent, le commerce mondial évolue avec le développement de la technologie, et il est tout à fait normal qu'Hydro-Québec puisse s'adapter à ces changements-là pour demeurer compétitive.

M. Boucher, avez-vous des volets additionnels?

M. Boucher (Michel): Non, je veux strictement réinsister sur le fait du débat public. Et vous dites que ce débat public là doit se faire au niveau de la Régie et non pas, par exemple, au niveau d'une commission parlementaire. Là, permettez-moi de m'inscrire en faux – c'est le moins que je puisse dire – parce qu'une régie est là pour déterminer les règles internes. Mais là on parle d'un débat fondamental qui s'appelle les choix collectifs qu'une société fait vis-à-vis de sa principale ressource.

Une fois qu'on aura fait le choix, on enverra bien à la Régie les discussions sur les moyens, là, mais ne venez pas me dire que les choix fondamentaux vont être faits devant une régie. Là, vous allez avoir des problèmes.

M. Ponton (Gérald A.): M. le député, il va falloir amender la loi 167 que cette auguste Assemblée nationale a votée parce qu'on y dit: «Sur proposition d'Hydro, la Régie doit, dans les six mois de l'entrée en vigueur du présent article, donner son avis au gouvernement sur les modalités d'établissement et d'implantation des tarifs de fourniture d'électricité pour un consommateur ou une catégorie de consommateurs visés à l'article...

M. Kieffer: Ça, c'est le plan de ressource, M. Ponton. Ce n'est pas le plan stratégique.

M. Ponton (Gérald A.): Bien, à l'alinéa 3, on vous dit également: La Régie donne un avis à ce dernier sur la pertinence, les conditions, les modalités et la libéralisation des marchés d'électricité au Québec. Alors, M. le député, moi, je m'en réfère à l'article 167 de la loi qui a été votée par l'Assemblée nationale.

M. Kieffer: Permettez-moi maintenant de passer à un autre élément peut-être un peu plus pointu. Et c'est paradoxal. Vous dites – votre recommandation 2 à la page 11, et on la retrouve en début de texte aussi: «L'Alliance s'oppose à un gel temporaire et inconditionnel des tarifs qui ne permettrait pas un ajustement dans l'éventualité où les tarifs américains baisseraient», etc. Et à la page 23, dans le contexte de la crise du verglas, vous dites: «Il ne faut pas que cet événement de nature exceptionnelle serve de prétexte aux autorités politiques pour changer la politique de gel tarifaire annoncé pour les quatre prochaines années.»

Ça m'apparaît paradoxal. D'un côté, vous dites: Il ne faut pas, puis de l'autre côté: Il faut. Où est-ce que vous vous situez?

M. Ponton (Gérald A.): Je vais demander à M. Setrakian de répondre à votre question.

M. Setrakian (Barkev): Premièrement, il faut féliciter Hydro-Québec d'avoir mis un gel temporaire sur les trois ans, un gel sur les tarifs, mais on pense que ce n'est pas suffisant. En fait, ce qui est important ici, c'est le maintien d'un écart entre les prix de l'électricité ici, au Québec, et les prix chez nos voisins. C'est cet écart positif qui, en fait, nous a créé, dans le passé, un avantage concurrentiel. Et cet avantage concurrentiel, en fait, résulte en la création de nouveaux emplois. Dans l'industrie, dans le secteur privé, j'ai eu bien des occasions de justifier des investissements ici, basés sur le fait même qu'on avait les coûts d'électricité les plus bas dans la région.

Par contre, on voit depuis deux, trois, quatre ans que cet écart s'effondre. Il y a une érosion dans cet avantage concurrentiel. Puis lorsqu'on regarde un peu le contexte d'un marché qui est à la baisse chez nos voisins du Sud, à cause de la déréglementation de l'industrie de l'électricité, en tant que manufacturiers, nous sommes inquiets s'il y a juste un gel temporaire sans qu'il y ait un ajustement si les prix sont à la baisse. Parce que, finalement, ce qui est important, c'est de maintenir cet écart entre ce qu'on paie ici et ce que les prix sont au Sud de la frontière.

Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question dans ce sens-là.

M. Kieffer: Donc, ça m'amènerait à comprendre que, dans l'éventualité où le marché américain verrait une décroissance de ses prix suffisamment forte...

M. Setrakian (Barkev): Il faut s'ajuster.

M. Kieffer: ...il faut s'ajuster, il faut dégeler, là. C'est ça que vous nous dites.

M. Setrakian (Barkev): Absolument.

M. Kieffer: Mais si cette réalité-là n'existe pas, il faut maintenir?

M. Setrakian (Barkev): Oui.

M. Kieffer: C'est ça?

M. Setrakian (Barkev): Oui.

M. Kieffer: Autre question.

Le Président (M. Beaulne): Rapidement, M. le député.

M. Kieffer: Oui. Et là j'en viens à vous poser la question sur la sous-traitance et l'impartition. J'aimerais bien que vous précisiez d'ailleurs, pour le bénéfice de la commission, la différence entre l'impartition et la sous-traitance. Je me suis posé la question moi-même tantôt. J'aimerais savoir si on comprend la même chose.

J'écoutais tantôt évidemment la position et le mémoire des différents syndicats. J'écoutais aussi les efforts très, très importants de réduction des effectifs qui ont eu lieu, l'effort qu'on a demandé à Hydro-Québec et à ses employés. Et vous nous dites: Ce n'est pas suffisant, il faut aller beaucoup plus loin. Vous parlez de réduction des coûts de l'ordre de 10 % pour les trois ou quatre prochaines années, et tout ça. On est vraiment pris entre l'arbre et l'écorce, là. On a votre position, qui est une position dure finalement, de dire: Pour faire face à la compétition, il faut absolument réduire nos coûts de production, donc, réduire nos effectifs, et on a aussi la position des syndicats qui disent: Aie, écoutez, là, ne scrapez pas!

(16 h 20)

J'aimerais avoir votre commentaire là-dessus, parce que, nous, on aura à vivre après, ensuite de ça, avec ces réalités.

M. Ponton (Gérald A.): Je vais demander à M. Boucher de répondre à la question.

M. Boucher (Michel): Brièvement. Pour moi, l'impartition ou la sous-traitance, c'est du pareil au même. Ça veut dire que ce que vous faites, ce que fait une entreprise... Et l'idée qui est sous-jacente à ça, c'est que l'ensemble des entreprises de téléphonie traditionnelle – vous n'avez qu'à penser à Bell – ou d'électricité, un peu partout, lorsqu'elles ont été privatisées ou sont devenues dans un milieu plus concurrentiel, elles ont été obligées de changer la manière qu'elles avaient de fonctionner, les activités où elles sont très bonnes, et c'est ça qu'elles font. Et il y a d'autres activités où elles s'aperçoivent que la valeur ajoutée qu'elles obtiennent est très faible, et ce qu'elles font, c'est qu'elles les donnent en concession ou elles les donnent d'une manière systématique. Je vais vous donner un exemple.

Qu'est-ce qui s'est passé lorsque Bell a eu la concurrence d'AT&T sur le marché québécois? Qui s'occupe maintenant de monter les lignes, de venir visiter votre compteur et des choses du genre? Ce sont des entreprises qui n'existaient pas auparavant. Alors, c'est ça que vous allez devoir observer. Et ce que je dis, c'est que vous avez observé la même chose dans l'Ouest canadien, lorsqu'on a déréglementé le gaz naturel en 1986. Vous avez présentement la même chose, depuis quelques années, aux États-Unis. Vous avez eu la même chose en Angleterre durant les années 1980-1990. Et ce pourquoi ça va être encore beaucoup plus important au Québec, c'est que le coût de l'électricité au États-Unis est à la baisse. Alors, l'écart entre le prix de l'électricité au Québec et celui aux États-Unis va s'amoindrir. Quelle va être l'autre porte de sortie pour une entreprise comme Hydro-Québec? Ça va être de réduire ses coûts de production. Comment va-t-elle s'y prendre? Elle va être obligée de regarder à l'intérieur quelles sont les manières qu'elle a de procéder et s'apercevoir qu'il y en a certaines qui pourraient très bien être faites à l'extérieur.

Et ça, présentement, dans les secteurs pertinents de l'énergie, ça se fait à des degrés divers depuis une dizaine d'années, et c'est ça qui est le point. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que l'effervescence vient des États-Unis; on est en train de s'ajuster. Exagérons un petit peu: Qu'est-ce qui va se passer si, du jour au lendemain, l'écart entre le Québec et les États-Unis devient favorable aux États-Unis et qu'on exporte de l'électricité à partir des turbines à gaz et qu'on va être capable d'avoir l'électricité à meilleur marché qu'à Hydro-Québec? C'est ça, qui est le point. C'est qu'il y a eu un changement drastique – c'est un fait – et il faut s'ajuster.

M. Kieffer: Comment vous prévoyez que ça va arriver, puis c'est quoi, les délais?

M. Boucher (Michel): Oh! non, non! Absolument pas! Moi, ce que je vous dis...

M. Kieffer: Bien, c'est parce que je ne veux pas non plus qu'on crée un climat de panique.

M. Boucher (Michel): Non, non, excusez, ce que je suis en train de vous dire...

M. Kieffer: Ce que je comprends, les Américains, ce n'est pas demain la veille quand même.

M. Boucher (Michel): Ah! non, non! C'est pour ça qu'il faut avoir un débat de société...

M. Kieffer: O.K., c'est beau.

M. Boucher (Michel): ...savoir comment vont se faire les libéralisations. Mais il faut qu'il y ait un débat, lequel débat n'a pas encore eu lieu.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Boucher.

M. Ponton (Gérald A.): M. le Président, M. Setrakian...

Le Président (M. Beaulne): Pardon?

M. Ponton (Gérald A.): ...voudrait... un complément de réponse à M. Setrakian.

Le Président (M. Beaulne): Écoutez, très brièvement, parce que le temps imparti est écoulé.

M. Setrakian ( Barkev): Très brièvement. Je voulais juste revenir sur le 10 % étalé sur trois ans. Ce qui est important, c'est qu'il faut qu'il y ait un objectif clair et précis; on a mis 10 %. Dans l'entreprise privée, on a vu souvent des entreprises qui, lorsque pour la première fois elles ont établi un système d'analyse et de réduction des dépenses, un système formel, sont allées chercher du 30 % à 40 % même sur une période de trois ans. Je ne parle pas ici des coûts fixes; je parle des dépenses discrétionnaires, des coûts variables. Donc, aujourd'hui les normes à 15 % de réduction sur trois ans, c'est bien standard; 10 %, c'est conservateur. Mais l'idée, c'est de mettre un objectif clair et précis.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, M. Ponton, messieurs les représentants de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, la commission vous remercie.

J'invite maintenant les représentants de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec à prendre place à la table de la commission.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaulne): Alors, messieurs, madame, je vous demanderais de limiter votre présentation à 15 minutes de manière à permettre des échanges de part et d'autre.


Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ)

M. Benoit (Luc): Merci. Je vais commencer par présenter les personnes qui m'accompagnent. À ma droite, Johanne Desrochers, qui est vice-présidente exécutive de notre Association; M. Raymond Garneau, qui est le président du Comité énergie de notre Association et également vice-président de la firme RSW; et moi-même, qui suis président du groupe Tecsult et président de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec.

Dans la salle, avec moi, j'ai des représentants de la firme de CIMA, d'Esso, Geniva, HBA, LMB, Roche, ADS, SNC-Lavalin, Tecsult et RSW qui m'accompagnent pour vous démontrer l'importance qu'on porte à cette présentation.

Alors, je vais commencer par vous présenter notre Association brièvement et ensuite un bref aperçu de notre mémoire. Je vais terminer par l'importance pour nous qui est d'agir maintenant.

Alors, l'Association des ingénieurs-conseils du Québec représente environ 145 firmes et 10 000 emplois au Québec. Les ingénieurs-conseils sont perçus comme des leaders au niveau de l'exportation. On a eu un essor au niveau de l'hydroélectrique en particulier, et l'essor de notre industrie est grandement et intimement relié à l'essor d'Hydro-Québec par sa politique du faire-faire et aussi la politique du faire-faire du gouvernement du Québec. Nous sommes parmi les meilleurs au monde dans le domaine de l'hydroélectrique, et les firmes qui m'accompagnent aujourd'hui représentent environ 80 % de l'emploi de notre industrie du 10 000 emplois que je vous mentionnais plus tôt. La grosse majorité de nos employés sont des professionnels membres de l'Ordre des ingénieurs ou d'autres professions. Alors, c'est à titre d'experts professionnels et à titre de partenaires que nous venons vous faire nos représentations aujourd'hui.

D'emblée, je dirais que nous supportons le plan de développement d'Hydro-Québec. En fait, l'hydroélectricité a toujours été le secteur névralgique de notre économie, a été un secteur moteur. On a vu dans le passé que, à chaque fois qu'Hydro-Québec a fait des grands projets d'investissements, l'économie s'en portait bien. On a une économie qui est intimement reliée à la réalisation de grands projets. L'énergie hydroélectrique est également une énergie propre, renouvelable. En exportant notre énergie hydroélectrique, on évite l'importation de pollution par le remplacement de l'énergie qui se produirait aux États-Unis par le charbon ou le gaz. Dans d'autres pays, ils ont de l'or noir qui est un polluant; nous, on a de l'or blanc qui est une source d'énergie propre.

Actuellement, il y a une opportunité assez incroyable qui se présente à nous. Il y a l'ouverture d'un marché important aux États-Unis au niveau de l'énergie. Les États-Unis acceptent les échanges au niveau de l'énergie. Ils ont de graves problèmes au niveau de leurs centrales nucléaires. Les taux d'intérêt sont très bas. Si on n'agit pas maintenant, il y a quelqu'un d'autre qui va le faire à notre place. Les Américains ne resteront pas dans le noir. On peut penser qu'il va y avoir des industries qui vont se développer grâce à notre énergie, mais aussi que, s'il n'y a pas de remplacement, il y aura sûrement des problèmes au niveau de l'éclairage, enfin, du domaine du public et il va y avoir des solutions de rechange qui vont se faire. Et si on n'agit pas maintenant, il sera trop tard.

(16 h 30)

Il est difficile de comprendre qu'on laisse passer le train, actuellement. Pendant qu'on discute, nous perdons cette énergie qui, de toute façon, coule dans nos rivières et se jette à la mer. Il est difficile de comprendre qu'on cherche à créer des emplois par toutes sortes de subventions, toutes sortes de mécanismes et qu'on ne réagit pas à cette opportunité qui se présente à nous, qui est d'exporter une richesse qui est en surplus, de toute façon, chez nous. Il est difficile de comprendre qu'on exporte nos forêts qui s'épuisent et qu'on accepte de le faire, qu'on exporte certains produits agricoles qui polluent chez nous en fonction de l'exportation et qu'on ne veuille pas exporter une richesse qui est propre, renouvelable et qui se perd actuellement. Alors, pour nous, la question n'est pas comment on devrait combler ce manque d'énergie-là aux États-Unis; on devrait être proactif de ce côté-là. On ne devrait pas se poser la question: par qui? Ça devrait être nous. Mais la question, c'est: quand? Le plus tôt possible.

Notre limite à l'exportation devrait être guidée seulement par la limite de ce que nous pouvons développer après avoir satisfait nos propres besoins à l'interne, c'est-à-dire nos industries, notre population, et après avoir respecté les exigences environnementales. Comme je vous le disais, nous supportons le plan énergétique d'Hydro-Québec en partenariat avec le secteur privé.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui. Alors, ça me fait plaisir de vous recevoir et de pouvoir échanger avec vous. À la lumière de votre mémoire, il y a trois points, en fait, qui ressortent et qui sont assez importants. D'abord, le premier point, si j'ai bien compris, c'est de mobiliser les décideurs ainsi que l'opinion publique en vue d'une revalorisation de l'hydroélectricité. Même dans votre mémoire, à la page 4, vous mentionnez, en tout cas, à quel point l'importance de faire cette promotion-là sur les qualités de l'hydroélectricité.

De quelle façon, en fait, pensez-vous... Quelles sont les tribunes autres que celles que nous avons déjà exploitées que nous pouvons davantage occuper pour faire, justement, cette promotion de la qualité de l'hydroélectricité?

M. Benoit (Luc): Bien, c'est-à-dire, ça commence par ici. Je pense que ce n'est pas tout le monde, même à la Chambre des communes, qui en fait la promotion. Alors, c'est difficile. Vous, vous êtes les gérants de l'actif, et les actionnaires d'Hydro-Québec, si, vous-mêmes, vous n'en faites pas la promotion comme quoi c'est une énergie propre et une énergie qui est exportable et qu'on a des surplus, bien, c'est difficile d'aller convaincre les populations ici et, après ça, nos voisins du Sud.

Je ne sais pas si M. Garneau veut ajouter quelque chose à ce sujet-là, mais...

M. Garneau (Raymond R.): Je crois que ça fait quand même plusieurs années que, à chaque fois qu'Hydro-Québec a présenté un plan de développement, l'Association a essayé de convaincre tous les différents intervenants du bien-fondé de la vente de nos surplus. Il y a plusieurs années, Hydro-Québec s'occupait d'abord de bien remplir sa mission, c'est-à-dire fournir et combler la demande domestique. On faisait affaire, à ce moment-là, à un marché domestique.

Depuis l'ouverture du marché américain et les opportunités du côté ontarien qui se présentent suite à la fermeture de leurs centrales nucléaires, Hydro-Québec fait maintenant face à un marché global. Et je pense que cette nouvelle perspective là de développement devrait être moussée par nos représentants gouvernementaux, d'abord parce qu'ils sont le principal actionnaire d'Hydro-Québec, et ensuite il y a sûrement plusieurs intervenants comme nous qui vont se charger d'en faire la publicité sur différents médias et s'adresser au public pour le convaincre du bien-fondé de notre démarche.

Mme Vermette: Alors, vous constatez qu'actuellement il n'y a pas assez de publicité qui se fait ou il n'y a pas assez d'opportunités qui sont développées pour favoriser, justement, cette promotion-là.

M. Benoit (Luc): Effectivement, il y a plus de publicité contre que pour, même par plusieurs instances gouvernementales. Depuis qu'Hydro-Québec, et même dans le passé quand elle a parlé d'exportation d'énergie... On a beaucoup de difficulté à s'expliquer ce phénomène-là, mais beaucoup dans la population sont jaloux de cette richesse-là; ils voudraient la garder chez nous. C'est difficile à comprendre, et je pense que c'est vous, les députés, en premier lieu, qui devez être les premiers promoteurs de ça.

Si Hydro-Québec n'a pas le support de l'Assemblée nationale, ça va être difficile de convaincre la population, puis encore plus. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a des opposants de l'autre côté de la frontière. Le lobby du charbon, malgré que tout le monde reconnaît que c'est un polluant, eux autres réussissent à convaincre que l'hydroélectricité pollue encore plus. Alors, il y a un très gros lobby. Hydro-Québec n'a pas juste des amis de ce côté-là.

Mme Vermette: Oui, mais on sait qu'ici, à l'intérieur aussi, il y a un lobby dans les deux sens et que notre fonction aussi... Si on fait des commissions parlementaires, c'est justement pour aller saisir le pouls de l'opinion publique par rapport à cette capacité de développer davantage l'hydroélectricité.

Dans votre mémoire aussi, il y a un autre point que vous développez qui nous semble assez important au niveau de vos préoccupations: c'est la façon de développer les stratégies, le partenariat, parce que vous avez toujours parlé du partenariat. Surtout sur les marchés internationaux, ça vous semble très important le rôle que vous pouvez jouer à l'intérieur de tout ça. Est-ce que, avec ce plan stratégique développé par Hydro-Québec, vous sentez qu'on maintient ce partenariat-là et que vous allez pouvoir exploiter davantage certaines avenues?

M. Benoit (Luc): Il faut quand même différencier quand on parle d'exportation. Si on parle d'exportation de l'énergie aux États-Unis, c'est une chose; quand on parle d'exportation au niveau international, de services, ou d'aller construire des projets dans d'autres pays, ce n'est pas la même chose. Et, dans les deux cas, Hydro-Québec a toujours fait ses projets en partenariat avec le secteur privé et a l'intention de continuer. Et c'est ce qu'on dit dans notre mémoire. Nous supportons cette démarche d'exportation à Hydro-Québec, mais en autant que cette philosophie et cette approche de partenariat soient maintenues.

Il faut quand même dire que, dans les dernières années, avec le surplus d'emplois qu'il y avait à l'intérieur d'Hydro-Québec, il y a eu des petits ratés, mais c'est des choses qui sont en train de se rétablir.

Mme Vermette: Justement, j'allais vous questionner là-dessus. En fin de compte, ça touche tout le faire-faire. Vous concluez qu'il est essentiel que la politique du faire-faire chez Hydro-Québec soit confirmée et maintenue. Je pense que, pour vous, c'est essentiel, d'autant plus que c'est important, ne serait-ce que pour maintenir la concurrence entre les différentes firmes d'ingénieurs-conseils.

J'aimerais connaître vos vues quant aux possibilités de faire jouer les règles de la concurrence ici même au Québec, tant pour stimuler la performance d'Hydro-Québec que pour, dans un certain cas, aguerrir les firmes de génie-conseil aux conditions internationales.

M. Benoit (Luc): Si on prend les firmes de génie-conseil, la plupart des grandes firmes sont aguerries aux conditions internationales, parce que les grandes firmes exportent jusqu'à 20 %, 30 %, 40 % ou même, dans certains cas, 50 % de leurs services à l'international. Donc, de ce côté-là, je pense qu'on peut dire qu'elles sont aguerries.

Si on prend le côté Hydro-Québec, effectivement, il y a eu, je pense, un changement de garde à Hydro-Québec, il y a eu un gros ménage qui a été fait. Il y a des nouvelles façons, il y a une culture d'entreprises privées qui est en train d'être inculquée à Hydro-Québec. Justement, l'exportation... C'est-à-dire que, si Hydro-Québec était vraiment une entreprise privée, demain matin elle exporterait déjà de l'énergie aux États-Unis. Il y a un marché énorme. Et c'est comme ça qu'ils vont être capables de maintenir les emplois qu'ils ont actuellement un peu, disons, en supplémentaire et qu'ils vont être capables aussi de continuer à réaliser leurs ouvrages en partenariat avec le secteur privé.

C'est sûr que, si on s'en va avec une économie ou une progression plus ou moins zéro, il va y avoir trop de personnes à Hydro-Québec, et le génie-conseil et même les manufacturiers n'auront plus d'ouvrage. C'est une avenue, l'exportation, qui est importante de part et d'autre. Encore là... je pense que tu veux ajouter autre chose.

M. Garneau (Raymond R.): Oui. J'aimerais ajouter là-dessus que le faire-faire par Hydro-Québec, qui est historique, a permis de développer ici des compétences qui nous servent, qu'on utilise pour l'exportation. Plusieurs bureaux d'ingénieurs-conseils qui oeuvrent sur la scène internationale l'étaient avant même qu'Hydro-Québec y aille, sur la scène internationale.

Donc, on a l'expérience de la compétition internationale aussi, ce qu'Hydro-Québec n'a pas toujours eu. Et ils sont en train de l'apprendre. Quant à la compétition domestique, bien, on sait très bien qu'elle existe depuis longtemps.

Mme Vermette: Tout à l'heure, vous avez entendu, tout comme nous, l'Association des manufacturiers, qui a mentionné que la possibilité d'un rétrécissement des écarts du prix de plus en plus avec les États-Unis, notre prix serait de moins en moins concurrentiel par rapport aux États-Unis qui, de plus en plus, auront des prix... Est-ce que vous partagez cette même opinion-là? Est-ce que vous êtes en accord avec eux?

(16 h 40)

M. Benoit (Luc): Oui. Effectivement, si Hydro-Québec avait continué comme avant et ne s'était pas ressaisie, je dirais, jusqu'à un certain niveau, on aurait vu un jour où les écarts auraient été peut-être rejoints. Il y a des nouvelles technologies, surtout au niveau du gaz, production de gaz, qui sont très efficaces. Il ne faut pas oublier que le gaz s'achemine beaucoup plus facilement que l'électricité dans les centres de consommation. Quand il faut transporter l'électricité de la Baie James jusqu'à la ville de New York, ce n'est pas sûr qu'une centrale au gaz directement dans le centre de New York n'est pas plus économique, comme je disais, parce que, pour acheminer le gaz par pipeline, c'est beaucoup moins coûteux que des lignes de transport d'énergie électrique. Alors, il ne faut pas, comme je pense qu'un de vos collègues disait, trop être alarmiste, mais, effectivement, il est envisageable qu'un jour, les...

Bon, actuellement, on parle du simple au double. Dans notre mémoire, on parle de 0,12 $, justement, à Boston, 0,06 $ à Toronto, puis on est ici autour de 0,04 $. Mais, avec le temps, ce n'est pas impensable que ça aurait pu se rejoindre. Parce qu'il ne faut pas oublier que les nouvelles centrales qui étaient planifiées avec les anciennes façons de faire d'Hydro-Québec; on parlait des coûts marginaux de 0,05 $ et plus du kilowattheure. Et les nouvelles centrales aux États-Unis, au gaz, on parle à peu près de 0,06 $ à 0,07 $. Quand on parle de coût, actuellement, de 0,12 $, 0,06 $, ça, c'est le coût global. Mais si on prend le coût marginal des nouvelles centrales, il se rapproche drôlement.

Mme Vermette: De plus en plus de notre...

Mme Desrochers (Johanne): D'ailleurs, lorsque vous parlez de compétitivité entre les firmes, je pense que ça passe par des nouveaux modes de réalisation qu'Hydro, et les partenaires sont en train de regarder en ce moment. Donc, ça, ça en est une façon de maintenir et la compétitivité face à l'international et la compétition à l'intérieur même, au Québec.

Mme Vermette: Mais tantôt, aussi, on a eu le Syndicat des ingénieurs d'Hydro-Québec qui est venu et qui nous a parlé justement de la conformité à la loi des ingénieurs et qui semble, en tout cas, complètement... on passe à côté à Hydro-Québec. Vous avez été interpellés, l'ordre professionnel a été interpellé et, en fin de compte, à ce qu'il semble, c'est qu'ils n'ont pas eu de réponse par rapport à ça. Est-ce que c'est parce que vous considérez que, actuellement, il n'y a pas lieu, en fin de compte, si on ne mettait pas en danger le fait qu'on n'était pas conforme à la loi n'entravait d'aucune façon les travaux ou ne mettait pas en danger la sécurité publique, finalement?

M. Benoit (Luc): Je vais demander à M. Garneau de répondre.

M. Garneau (Raymond R.): Oui. J'étais présent, et, pour la première fois, j'ai entendu parler de cette problématique-là. J'étais très surpris, d'ailleurs. Il est possible que les ingénieurs membres du syndicat d'Hydro-Québec ne soient pas impliqués dans la conception des lignes de distribution. C'est possible. Je ne sais pas. Mais je sais très bien qu'en ce qui a trait aux lignes de transport de moyenne ou de haute tension, tous les plans, tous les devis sont vus et approuvés par des ingénieurs. En ce qui a trait à la distribution, je souhaiterais, moi aussi, comme M. Champagne le disait, que l'Ordre des ingénieurs ou Hydro-Québec, le propriétaire, permette à ses ingénieurs de donner leur aval au plan de système de distribution.

Une voix: Si c'est le cas.

M. Garneau (Raymond R.): Si c'est le cas.

Mme Vermette: Oui, parce qu'il semblerait... Donc, vous allez avoir l'occasion, lorsque vous irez à la Régie, de discuter notamment de ces choses-là. Il y a les prix, bien sûr, mais il y a aussi tous ces différents aspects qui touchent aussi à la sécurité publique.

Une voix: Sûrement.

Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme la députée. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, M. Benoit, M. Garneau et Mme Desrochers, merci beaucoup pour la présentation que vous nous avez faite. Le mémoire est assez limpide. Quand on le compare avec le plan stratégique, on a presque l'impression de lire un résumé.

J'ai constaté qu'il n'y a pas de recommandations dans votre mémoire. Est-ce qu'il y a une raison pour cela?

M. Benoit (Luc): C'est-à-dire qu'on a une page de recommandations: on supporte le plan de développement d'Hydro-Québec en partenariat, quand même...

Mme Houda-Pepin: Ah!

M. Benoit (Luc): ...avec le secteur privé, c'est-à-dire que la politique du faire-faire soit réaffirmée. Mais là on recommande d'aller de l'avant avec l'exportation. Et, sans l'avoir écrit, ce qu'on vous dit, c'est: Même, on trouve qu'Hydro-Québec ne va pas assez loin de ce côté-là. On devrait être limité au niveau de nos exportations par la limite de ce qu'on peut produire après avoir satisfait nos besoins et nos exigences environnementales. Et de ce côté-là, je peux vous dire qu'au niveau des ingénieurs-conseils québécois on est passés maîtres au niveau mondial en ce qui concerne l'application des exigences environnementales et des études d'impact, ainsi de suite. Vous avez les meilleurs ingénieurs au monde au Québec, avec toutes les études qui ont été faites à la Baie James, ainsi de suite, de ce côté-là.

Alors, ce qu'on vous dit, c'est: Non seulement on appuie Hydro-Québec, mais on ne devrait pas être limité par 13 000 000 000 $ d'investissements mais vraiment par ce qui est exportable et ce qu'on peut développer, surtout que c'est un investissement qui s'autofinance, qui est rentable en soi, donc on ne devrait pas se buter sur les montants qui sont avancés par Hydro-Québec et se limiter à ce qui est exportable et produisible.

Mme Houda-Pepin: Que représente Hydro-Québec pour votre association et pour la profession de génie-conseil au Québec?

M. Benoit (Luc): Bon, c'est-à-dire que c'est sûr que, quand Hydro-Québec investissait 4 000 000 000 $, 5 000 000 000 $ par année, c'était très important. De nos jours, les investissements d'Hydro-Québec sont beaucoup moindres, donc c'est moins important. Par contre, il faut dire que notre profession, de nos jours, ne va pas très bien. La rentabilité de nos firmes et l'état de santé de nos firmes n'est pas très florissante. Mais si on se reporte à ce qu'Hydro-Québec a apporté dans le passé, comme je le disais au début, ça a permis l'essor des firmes de génie-conseil au Québec.

Si on se place au niveau canadien et au niveau mondial, le génie-conseil canadien est environ le quatrième exportateur de services de génie-conseil dans le monde. Nous venons après les États-Unis, l'Angleterre et l'Allemagne. Alors, on devance des pays comme la France, comme le Japon, des pays aussi développés que le Canada et 10 fois plus populeux, et à peu près 50 % de cette exportation de services de génie-conseil vient du Québec. Donc, par rapport à notre population, au prorata de notre population, le génie-conseil québécois est parmi les leaders au monde, pas au Canada mais au monde, et ça, c'est en grande partie par la politique du faire-faire et l'essor d'Hydro-Québec et du gouvernement du Québec.

À l'opposé, si je prends nos voisins d'à côté, l'Ontario, Hydro Ontario faisait son ingénierie à l'interne. Hydro-Québec a confié son ingénierie aux firmes d'ingénieurs-conseils. Hydro Ontario n'a jamais exporté son savoir-faire, sa mission n'était pas d'exporter, c'était de réaliser des projets chez elle, tandis que le génie-conseil, on est des entreprises privées, on a pris un essor et on s'est exporté.

Alors, quand vous me demandez ce qu'Hydro-Québec nous a apporté, à nous, au génie-conseil, ça a permis vraiment une industrie qui est maintenant très florissante et qui est jalousée par beaucoup d'autres industries ici au Québec.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Et vous êtes donc favorables non seulement à l'exportation de l'électricité, mais aussi à tout le domaine de génie-conseil, parce qu'il y a une expertise importante. Par rapport au reste du monde, quels sont les créneaux que le Québec doit occuper dans le domaine de l'exportation du génie-conseil, surtout dans le domaine de l'électricité?

M. Benoit (Luc): Encore là, et actuellement on occupe déjà un gros créneau, les principales firmes en énergie au Québec exportent déjà depuis plusieurs années, comme M. Garneau le disait, bien avant qu'Hydro-Québec s'intéresse à exporter au niveau international, si j'exclus les États-Unis. Et, actuellement, il faut avoir une base chez soi pour pouvoir exporter. Alors, si on arrête de développer, de faire des projets ici, de développer des nouvelles technologies – parce que c'est lorsqu'on réalise des projets chez soi qu'on fait de la recherche, du développement – très vite on va se faire dépasser par les autres pays, et des pays en voie de développement. Parce que ce n'est pas nécessairement des pays développés où il ne se fait plus de centrales hydroélectriques qui vont nous dépasser, mais des pays comme le Brésil, l'Argentine où il y a de très gros développements énergétiques. Et, actuellement, il y a des bureaux d'ingénieurs-conseils en Argentine, au Brésil, plus gros que les nôtres et qui commencent à nous faire compétition. Mais, au départ, c'est nous qui sommes allés leur montrer comment faire.

Alors, il faut continuer, ce n'est pas une raison en soi de développer des projets hydroélectriques au Québec pour notre savoir-faire, mais c'est essentiel pour nous, quand même.

Mme Houda-Pepin: Vous avez aussi, dans votre mémoire...

M. Benoit (Luc): Et c'est vrai aussi pour nos manufacturiers: s'ils ne vendent plus de turbines ici, ils vont avoir de la difficulté à les exporter tout à l'heure. Je m'excuse.

Mme Houda-Pepin: Alors, je pense que mon temps est écoulé, je vais laisser mon collègue poser d'autres questions.

Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme la députée. Maintenant, je cède la parole au député de Saint-Laurent et porte-parole de l'opposition pour les questions hydroélectriques.

(16 h 50)

M. Cherry: Merci, M. le Président. Ce matin, le premier mémoire est le Conseil du patronat. Et là quand je l'écoute... Et vous dites évidemment dans votre mémoire que, vous, vous supportez entièrement le plan stratégique d'Hydro-Québec, et on sait que le plan stratégique est fortement orienté vers l'exportation. Vous parlez beaucoup de profiter du potentiel du marché américain en même temps. Évidemment, le plan stratégique d'Hydro-Québec, un de ses critères pour être accepté par le gouvernement, c'est qu'il réponde aux exigences du gouvernement. Puis le gouvernement a informé sa société d'État, Hydro-Québec, de ce qu'il s'attend comme revenus: cette année, je m'attends à 760 000 000 $, puis l'an prochain à 825 000 000 $, puis ainsi de suite, pour que dans le plan quinquennal vous me rapportiez 3 500 000 000 $. C'est ce que j'attends de vous. Donc, une des solutions qui est suggérées, c'est: profitons du potentiel du marché américain.

Face à la situation de verglas qu'on vient de connaître, le ministre des Finances a dit: Moi, bien sûr, pour équilibrer mon budget, j'y tiens à mon 760 000 000 $. Donc, s'il le faut, on vendra plus. Vendre plus, ça veut dire vendre plus sur le marché spot. Vendre plus sur le marché spot, on le vend au prix qu'est le marché au moment où on a ça à vendre.

Et le Conseil du patronat nous a dit ce matin que, bien souvent, au marché spot, on vend à des concurrents américains, par rapport à des entreprises québécoises, notre électricité à meilleur marché qu'aux entreprises dans le même champ d'activité et qui sont ici en territoire québécois. Donc, il y a là un danger à exporter ce qui serait notre matière première qu'est l'électricité et à un tarif moindre qu'on la vend ici. Ça, c'est le premier commentaire. Et j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que c'est vrai qu'on peut penser qu'à court terme il y a là de la possibilité, mais, en même temps, ça pourrait avoir comme conséquence que des entreprises seraient mieux en achetant notre électricité au spot, aux États-Unis, puis elles nous compétitionneraient mieux sur le territoire québécois. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, tu sais, il faut regarder les deux. Et, quand on s'engage dans un plan stratégique d'une durée de cinq ans, comme celui-là, les conséquences sont que, si on ne parle pas de ça avant... Je préfère être rassuré avant que consolé après.

M. Benoit (Luc): Écoutez. Je ne pense pas qu'Hydro-Québec va baser des investissements de 10 000 000 000 $ sur le marché spot. C'est le court terme, ça, le marché spot; c'est pour demain matin pour combler un manque à gagner l'année prochaine. Ils ne peuvent pas baser un investissement à long terme sur le marché spot. Ça leur prend des contrats à long terme, fermes, d'achat d'électricité, d'une part. Et le marché spot, à l'occasion, il est plus bas que peut-être certains prix qu'ils le vendent ici à l'interne, mais pas à moyen terme et à long terme. Ça veut dire que, s'il est plus bas pendant quelques jours, ce n'est pas ça qui va faire mal à une entreprise d'ici. Il faut regarder sur un an ou sur deux ans le prix moyen. Et une entreprise base son énergie sur son prix moyen et non sur le prix d'une journée.

Alors, de ce côté-là, si un jour le marché spot américain était plus bas que notre coût, ici, c'est parce que les Américains nous auront rejoints, et là il faudra se poser la question qu'on se posait tout à l'heure: Qu'est-ce qu'on fait avec Hydro-Québec pour la rendre plus efficace? C'est parce que, là, Hydro-Québec ne sera plus efficace. On n'est pas capables de vendre notre énergie. Si les Américains sont capables de vendre leur énergie plus bas qu'on la produit ici puis qu'on la vend à nos propres consommateurs, on sera rendus au problème dont on parlait tout à l'heure.

M. Cherry: Évidemment, je ne pense pas que c'est aussi simple que ça. Vous admettrez avec moi que, dépendamment des besoins financiers du Québec, peut-être que ça ne serait pas le meilleur temps pour vendre. Mais, à cause de nos besoins d'argent, il faudra aller vendre à ce moment-là, et le prix du marché spot, à ce moment-là, fera qu'on vendra pour peut-être une période plus longue qu'on le souhaiterait. Mais, à cause des besoins pour équilibrer nos finances au Québec, le résultat fait, et c'est ce que le Conseil du patronat est venu nous dire ce matin...

Une voix: ...

M. Cherry: Ah! O.K. Il paraît qu'on charrie. Mais, encore une fois, j'aime mieux être rassuré.

Un autre mémoire que j'ai entendu ce matin. Votre mémoire dit que vous supportez Hydro-Québec, le plan international. Il faut exporter notre savoir-faire, et là-dedans vous êtes sur des territoires bien avant Hydro. Donc, vous pouvez l'accompagnez et faire ensemble des projets très intéressants.

Les gens nous ont dit ce matin qu'il est très difficile de pouvoir évaluer le rendement et les dépenses que fait l'activité Hydro-Québec International, parce que la comptabilité n'est pas séparée, c'est un tout. Est-ce que vous souhaiteriez que vous considériez comme une façon puis une pression pour améliorer l'efficacité que, nous, les parlementaires, suggérions qu'Hydro-Québec ait une comptabilité séparée pour l'activité Hydro-Québec International?

M. Benoit (Luc): Écoutez. Effectivement, dans nos firmes, en tout cas, on le fait. C'est une saine gestion.

M. Cherry: Chez vous, c'est une saine gestion d'agir comme ça? Merci.

M. Benoit (Luc): Bien, il faut savoir si c'est rentable. Maintenant, je voudrais dire quand même que ce n'est pas demain matin qu'une activité internationale sera rentable. Si on est capables d'admettre au départ qu'on investit pendant quelques années pour développer cette activité-là, oui, je dirais que c'est une saine gestion.

M. Cherry: Merci.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci. Je viens de vous entendre dire que vous êtes certains qu'Hydro-Québec n'investirait pas 10 000 000 000 $ à 13 000 000 000 $ sur la base du marché spot, qu'il y aurait des contrats fermes, à long terme, etc. Et je crois comprendre que c'est exactement ce qu'Hydro-Québec nous propose dans son plan d'orientation, d'aller dans un marché spot avec des investissements de 13 000 000 000 $. Parce que, aucunement, à ma connaissance en tout cas, dans un marché déréglementé, il y aura des contrats fermes. D'ailleurs, un des problèmes qu'on a, c'est qu'il n'y a plus de contrats fermes à long terme, et le marché déréglementé veut effectivement dire, si je comprends bien le changement, que c'est en quelque sorte l'institutionnalisation du marché spot.

Donc, c'est effectivement ça. Ce qui me surprend, c'est quand je vous entends dire que vous croyez aussi que, à court ou moyen terme, l'écart de prix entre l'électricité qu'on peut vendre, nous, d'ici aux États-Unis et ce que les Américains peuvent produire eux-mêmes, se rétrécit rapidement et va disparaître à un moment donné. Et c'est ce qu'on nous a dit aussi, à quatre autres reprises ce matin, que, effectivement, la possibilité de rentrer à New York, à Boston, etc., par rapport à de l'électricité qui sera produite sur place, par du gaz ou d'autres technologies, aux États-Unis, ce n'est pas évident que le marché est aussi immense qu'on nous a dit.

Alors, j'aimerais comprendre, à ce moment-là, comment d'un côté vous pouvez dire: Il faut absolument faire les opportunités qui s'ouvrent, qui semblent être vraies, peut-être, à court terme, mais pour lesquelles on va aller emprunter 13 000 000 000 $ à long terme. Et la question, ultimement, c'est: Et si jamais les prévisions, que nous n'avons toujours pas vraiment devant nous, ne sont pas celles qu'on nous dit, qui est pris avec la facture? Et notre rôle, comme députés, c'est de défendre qui, à ce moment-là, si ce n'est que le payeur de taxes plutôt que ceux qui vont, à court terme, profiter?

Le Président (M. Beaulne): M. Benoit.

M. Benoit (Luc): Écoutez, ce qu'on vous dit quand on vous parle du prix aux États-Unis et du prix canadien qui se rapprochent, si ça c'était dans le cadre ou si Hydro-Québec ne se reprend pas en main, et il y avait un certain... Enfin, on ne pouvait pas dire qu'Hydro-Québec était l'entreprise la mieux gérée au Québec, il y a quelques années. Au niveau de l'efficacité, au niveau de l'emploi, Hydro-Québec continue à livrer son produit – et il y a quand même eu une réduction considérable de personnel à Hydro-Québec – et il y a des nouvelles façons de faire qui font qu'elle va être plus rentable.

On parlait tout à l'heure d'un retour sur l'investissement, à Hydro-Québec, que le retour qu'Hydro-Québec vous donnait sur l'investissement n'était pas acceptable. Lorsqu'on parle d'un retour de 10 %, 12 %, ça a plus de sens. Et c'est ce dont vous êtes en droit de vous attendre d'Hydro-Québec. Dans ces conditions-là, il est sûr, pas il est sûr, on ne connaît pas... Si demain matin il y a une nouvelle énergie, une nouvelle technologie qui est développée puis qui est plus rentable que l'hydroélectricité, ça se pourrait que le marché spot soit moins cher que ce qu'on produit ici. Mais ce n'est pas demain la veille. Il ne faut pas, comme on disait tout à l'heure, exagérer ce rapprochement-là. S'il n'y a rien qui est fait, si on ne réagit pas un jour, ça aurait pu arriver, mais on est encore très loin des deux marchés.

Maintenant, quand on parle du marché spot, c'est sûr que c'est le marché le plus rentable. Habituellement, quand on vend sur le marché spot, à l'occasion, il est plus bas. Mais, de façon continue, dans la moyenne sur un an, il est plus rentable. Mais il est plus risqué, parce que, à un moment donné, si votre acheteur n'a pas besoin d'électricité, il n'en achète pas. Le mieux, le meilleur des mondes, c'est une combinaison des deux. Je ne connais pas tous les plans d'Hydro-Québec, mais ils ont des ententes, même à l'heure où on se parle, à plus ou moyen terme. Quand on parle de long terme, on ne parle plus maintenant de contrats de 25 ans; ça, ça n'existe plus. Mais des contrats de quatre ou cinq ans, ça existe encore.

M. Sirros: Ça existe, mais... En tout cas, ça va. Mais il n'y en aura plus.

Le Président (M. Beaulne): M. Garneau.

(17 heures)

M. Garneau (Raymond R.): Et j'aimerais ajouter là-dessus... Il faut arrêter, je pense, de se faire des peurs. Hydro-Québec, actuellement, le prix est de 0,038 $, alors qu'à Boston il est de 0,12 $. Avant que les deux se rejoignent, ce n'est pas demain la veille, comme M. Benoit disait. Mais si on considère que, pour nous, développer des projets de production hydroélectrique, ça prend au moins quatre ou cinq ans, tant qu'on va en parler et en parler, il y a des chances que les Américains viennent à développer des technologies qui vont faire en sorte qu'on sera plus compétitifs.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, M. Benoit, M. Garneau, Mme Desrochers, la commission vous remercie.

J'invite maintenant les représentants du Club d'électricité du Québec à prendre place à la table de la commission.


Club d'électricité du Québec inc. (CEQ)

M. Marquis (Jacques): M. le Président, Mmes et MM. les parlementaires, je me présente. Mon nom est Jacques Marquis et je suis président du Club d'électricité du Québec. Aujourd'hui, je suis accompagné, à ma gauche, de M. Réal Boulé, qui est responsable de notre Comité sur la politique énergétique et sur l'ouverture des marchés, et, à ma droite, de M. André Robidoux, qui est président ex officio du Club. Ces postes étant bénévoles, nous sommes, dans nos vraies vies, cadres dans deux entreprises manufacturières et une firme de génie-conseil, toutes trois fortement engagées dans le domaine de l'électricité.

Nous vous remercions d'avoir invité le Club à exprimer aujourd'hui le point de vue de notre industrie. Après avoir présenté le Club, je commencerai en résumant le mémoire qui vous a été transmis le 12 janvier, mémoire qui avait été rédigé avant la tempête de verglas. J'aborderai par la suite l'incidence de cette tempête sur le plan stratégique d'Hydro-Québec.

Alors, tout d'abord, le Club d'électricité regroupe 130 membres corporatifs. On y retrouve les principaux manufacturiers et distributeurs d'équipement électrique, les ingénieurs-conseils, les entrepreneurs en électricité ainsi que diverses institutions d'enseignement, organismes de recherche et entreprises de services. Les membres du Club emploient directement quelque 40 000 personnes. Le Club constitue le carrefour de l'industrie électrique et a pour mission d'en renforcer le dynamisme.

Dans sa première partie, notre mémoire répond à votre invitation à réagir à votre rapport de juin 1997. Le Club désire féliciter la commission pour cette initiative. De façon générale, la rentabilité est au coeur de notre vision d'Hydro-Québec et c'est à partir de cette prémisse que nous formulons quatre commentaires sur votre rapport.

Premièrement, votre rapport invite Hydro-Québec à consulter le public dans le cadre de la préparation de son plan de ressources. Or, la Régie a justement pour mandat d'effectuer des consultations publiques pour protéger les intérêts des consommateurs, assurer la sécurité de leur approvisionnement en énergie et, plus généralement, effectuer l'arbitrage entre l'intérêt commercial d'Hydro-Québec et l'intérêt public. Dans ce contexte, le Club estime que la demande faite à Hydro-Québec d'effectuer une consultation préalable à son plan de ressources apparaît moins justifiée. Le dédoublement du processus de consultation formel n'ajoutera pas de nouveaux points de vue au débat, il ne donnera aux intervenants qu'une seconde occasion de réitérer les mêmes points de vue. Il aura pour principal résultat, donc, d'allonger la durée du processus de planification, ce qui comporte et un coût additionnel et une complexité non nécessaire.

Deuxièmement, votre rapport demande à Hydro-Québec de prévoir des programmes d'efficacité énergétique pour toutes les catégories de consommateurs, y compris les ménages à faibles revenus. Le Club souscrit à cette recommandation dans la mesure où ces programmes peuvent devenir rentables. De plus, les principes et l'économie des programmes d'efficacité énergétique devraient s'appliquer à toutes les formes d'énergie et non seulement à l'hydroélectricité. Va-t-on chercher à diminuer la consommation d'énergie de la résidence d'un ménage à faibles revenus chauffé à l'électricité, mais non celle de son voisin chauffé au mazout ou au gaz? Sûrement pas. C'est pourquoi l'Agence de l'efficacité énergétique doit jouer un rôle de premier plan pour veiller à ce que des programmes d'efficacité soient accessibles aux consommateurs de toutes les formes d'énergie.

Troisièmement, plusieurs recommandations de votre rapport visent à déplacer les priorités d'Hydro-Québec vers les nouvelles filières d'énergie renouvelable comme l'énergie éolienne et solaire. Le Club d'électricité aussi est intéressé par ces filières, mais nous en percevons également leurs limites. Actuellement, aucun État de par le monde ne tire plus de 1 % de son énergie. Aussi, le Club ne leur accorde pas le potentiel de devenir des alternatives significatives à l'hydroélectricité, et particulièrement au Québec. Rappelons-nous que l'hydroélectricité constitue en soi une forme d'énergie verte et renouvelable par comparaison, bien sûr, au thermique et au nucléaire. Il n'est pas certain qu'un vaste parc d'éoliennes ou de capteurs solaires, vraisemblablement installé à proximité d'un centre urbain, sera perçu par le public comme moins incommodant qu'un barrage ou un réservoir situé dans une région éloignée.

Le Club recommande donc à la commission et à Hydro-Québec d'accorder une place modérée aux filières éolienne et solaire et à renouveler leur engagement en faveur de l'hydroélectricité, seule filière où le Québec possède un réel avantage concurrentiel par rapport à ses voisins.

Enfin, quatrièmement, nous croyons que les consommateurs choisissent généralement l'énergie la moins chère. Les entreprises sont, quant à elles, conditionnées par la profitabilité, donc par le prix obtenu sur le marché et les coûts de production. Autrement dit, les consommateurs continueront de favoriser la source d'énergie la moins chère et les entreprises n'investiront dans les nouvelles filières énergétiques que si elles pensent rentabiliser leur investissement. Tout programme ne respectant pas ces règles risque de ne pas produire les résultats attendus, de réduire la rentabilité recherchée par l'actionnaire, voire d'induire une hausse des tarifs.

J'enchaîne maintenant sur le plan stratégique d'Hydro-Québec. Nous avons effectué en décembre une enquête auprès de nos membres corporatifs pour connaître leur réaction face à ce plan. La presque totalité de nos membres corporatifs appuient la vision exprimée dans le plan stratégique de même que les cinq orientations. Notre industrie s'attend d'ailleurs à des retombées positives. Nous croyons que la croissance prévue des exportations se traduira éventuellement par la mise en route de nouveaux projets hydroélectriques. Nous croyons aussi que le développement d'Hydro-Québec à l'international contribuera à la croissance de l'industrie et de l'emploi.

Notre industrie se prononce en faveur de la construction de projets d'hydroélectriques, non seulement en fonction des besoins à long terme du Québec, mais également en fonction des perspectives d'exportation d'électricité à moyen et à long terme. Ces perspectives s'améliorent actuellement. À preuve, nous retenons l'ouverture du marché américain, la perte de vitesse constatée avec la filière nucléaire tant aux États-Unis qu'en Ontario. Nous anticipons aussi une désaffectation de la filière thermique à mesure qu'augmentera l'importance de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le développement de projets hydroélectriques pour l'exportation revient donc à tirer partie d'une richesse naturelle renouvelable et il produira des dividendes additionnels pour le gouvernement.

Enfin, notre industrie appuie l'entrée sur le marché international d'Hydro-Québec pour la fourniture de biens et de services professionnels. On s'attend à ce que cette initiative représente un nouveau tremplin pour l'industrie électrique québécoise, comme l'ont été les grands projets hydroélectriques des années soixante et soixante-dix. À cette fin, le Club comprend qu'Hydro-Québec développera avec l'industrie une gamme de produits et de services innovateurs. Nous nous attendons à ce qu'elle s'associe à des entreprises québécoises pour la commercialisation tant au Québec qu'à l'étranger de produits et services nouveaux et existants. Le maintien et le développement de l'expertise et des compétences de notre industrie, voire son avenir, passent par l'exportation et par des partenariats privilégiés entre la société d'État et les entreprises privées.

(17 h 10)

En somme, le Club estime que le plan stratégique 1998-2002 laisse entrevoir un nouvel élan, tant pour Hydro-Québec que pour l'industrie électrique. C'est pourquoi, dans notre mémoire, nous avons recommandé au gouvernement d'accueillir favorablement ces faits. Nous avons également recommandé que le gouvernement invite sa société d'État à traduire ses orientations commerciales en de nouveaux partenariats avec notre industrie. Voilà pour le mémoire qui avait été déposé.

Depuis le verglas, nous nous sommes demandé si la tempête devait entraîner des ajustements au plan stratégique. Première conclusion: les orientations, les stratégies et les moyens inscrits au plan restent valables à long terme. Nous n'y voyons rien qui devrait être retranché à cause de la tempête. À court terme, cependant, Hydro-Québec devrait ajuster son programme d'investissement pour sécuriser la livraison de l'électricité à ses clients. Derrière les stratégies et les moyens inscrits au plan se trouvent un programme d'investissement et une liste de priorités. Ceux-ci pourraient donc bien devoir être modifiés afin de faire face au nouvel impératif d'assurer la sécurité de l'alimentation.

Je commenterai maintenant quelques-unes des options qui ont été proposées à cette fin. Ces options portent sur la production, le transport et la distribution de l'électricité.

La tempête ne justifie pas, selon nous, d'ajouts à la capacité de production. Hydro-Québec n'a pu simplement transporter l'énergie dans les zones sinistrées. Par contre, on pourrait aller de l'avant avec des petits projets de production distribuée acceptables pour le milieu et l'environnement, près des grands centres de consommation, pourvu que ces projets puissent aussi se faire à des coûts acceptables.

Payer plus cher pour localiser de la production de source solaire ou éolienne près de la charge, elle-même vulnérable au verglas, n'aurait servi à rien pour la sécurité d'alimentation. Un parc de puissantes génératrices situé près des sites stratégiques, comme les hôpitaux, pourrait bien offrir un approvisionnement d'urgence, mais il faudrait quand même investir pour sécuriser l'alimentation aux autres consommateurs.

Le vrai problème, tout comme la solution, réside donc essentiellement du côté du renforcement des réseaux de transport et de distribution. Le renforcement du réseau de transport nous apparaît être la voie à privilégier.

D'abord, parachever de toute urgence les boucles à haute tension entourant Montréal, l'Outaouais et la Montérégie. Cette mesure multipliera les axes d'alimentation des postes desservant ces agglomérations. Ensuite, construire des interconnections avec les réseaux de l'Ontario et du Nord-Est des États-Unis. On disposerait ainsi de sources alternatives en cas de perte d'une ou de plusieurs lignes de transport tout en facilitant l'exportation en temps normal. Enfin, évaluer et renforcer les principales lignes de transport de l'ensemble des régions à l'aide, entre autres, de pylônes anticascade, et évaluer la pertinence d'autres options comme les conducteurs compacts qui offrent moins de prise au verglas.

Il nous apparaît essentiel de réaliser une partie de ces travaux avant l'hiver prochain. La tempête a peut-être bien été d'une sévérité exceptionnelle par rapport au passé, reste qu'il y a des raisons de craindre que le continent soit entré dans une nouvelle ère climatique: déluge au Saguenay, en 1996, verglas dans Lanaudière et Churchill Falls, en 1997, et enfin, le verglas sur le sud du Québec, en janvier. Un phénomène théoriquement exceptionnel en suit un autre. On ne peut plus compter sur les probabilités calculées sur le siècle passé pour prévoir le futur. À la lumière des événements récents, il faudrait revoir les données climatiques et leurs conséquences.

Le renforcement du réseau de transport nous apparaît donc urgent. On ne peut pas tout faire en neuf mois, mais on peut aller à l'essentiel. C'est pourquoi nous appuyons le gouvernement dans sa décision d'accélérer la mise en service de lignes à très haute tension d'ici à l'hiver prochain. Cette décision aura pour effet de bousculer la procédure normale d'évaluation et d'examen d'impacts sur l'environnement. En janvier, le gouvernement a dû arbitrer entre le respect de la procédure habituelle et la sécurité de l'approvisionnement et la sécurité de la population. Il a choisi le second et nous ne pouvons qu'appuyer ce choix.

S'il y a une leçon à tirer de cet incident, c'est que la procédure normale d'évaluation des impacts sur l'environnement doit être raccourcie encore davantage. Le gouvernement pourrait aussi prévoir une voie rapide pour les situations d'urgence. À défaut d'amélioration sur ce plan, le gouvernement serait de nouveau amené, dans de pareilles circonstances, à laisser tomber sa procédure.

Le renforcement du réseau de transport assurera l'alimentation des postes de transformation répartis sur le territoire, mais cette mesure ne garantira pas pour autant la livraison de l'électricité aux consommateurs. Pour cela, c'est le réseau de distribution qu'il faut renforcer. Regardons brièvement maintenant les options de ce côté.

L'enfouissement des fils procurerait des avantages indéniables en termes de sécurité et d'esthétique, mais, vu le coût de cette option, il n'est pas réaliste de le considérer à très grande échelle et à brève échéance. Par contre, on devra accentuer le développement de nouvelles méthodes pour en diminuer le coût. Les Québécois tiennent à conserver des tarifs avantageux et sont prêts, nous croyons, à faire face à un certain niveau de risque.

On pourrait quand même examiner rapidement la configuration du réseau et l'enfouissement des fils menant à des sites stratégiques comme les hôpitaux, les usines d'eau potable et les raffineries. Quant aux autres consommateurs, les municipalités pourraient demander à leurs contribuables s'ils sont prêts à payer eux-mêmes davantage pour sécuriser leur propre alimentation. La réponse pourrait, bien sûr, varier d'un endroit à l'autre et cette voie pourrait être équitable pour tous.

Voilà donc un tour d'horizon des options envisagées pour sécuriser la livraison de l'électricité. Il faudra sans doute trouver des compromis entre cet objectif de politique publique et des objectifs concurrents comme la rentabilité d'Hydro-Québec, le gel des tarifs d'électricité, les principes d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement. Devant un problème complexe, il n'y a pas de solution miracle.

J'aimerais quand même conclure sur une note optimiste. Même au plus fort de la crise, le 9 janvier, la production et le réseau de transport principal ont continué de fonctionner, et ce, malgré 900 pylônes et 116 lignes de transport endommagés. L'autre moitié de la province a continué d'être alimentée. Si le même verglas d'était produit il y a cinq ans, il y aurait fort probablement eu un black-out total sur tout le Québec. On n'a qu'à se rappeler l'orage magnétique de 1989.

Il est évident que les investissements consentis au cours de la dernière décennie pour améliorer la robustesse du réseau ont grandement limité l'ampleur des dégâts cette fois-ci, même s'ils ont été énormes.

En réalisant le programme de renforcement du réseau proposé maintenant par Hydro-Québec, nous diminuons encore davantage le risque de faire face à une panne majeure, même si on ne pourra jamais l'écarter définitivement et complètement. Nous savons donc ce qu'il faut faire. Nous avons la technologie, l'expertise et les compétences requises. Nous pouvons avoir confiance en nos moyens. Il nous faut maintenant aller de l'avant.

Je vous remercie pour votre attention et nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Suite aux commentaires que vous avez ajoutés par rapport aux événements du verglas, si j'ai bien compris, ce que vous avez à prioriser, c'est d'abord le renforcement. Ce serait une façon de sécuriser les Québécois. Et ça, vous dites, en d'autres mots, que c'est la priorité numéro 1. Vous ne dites pas qu'il faut négliger. S'il est possible que des travaux aient comme résultat qu'éventuellement nous puissions alimenter des clients potentiels extérieurs ou acheter d'eux autres en cas de besoin, si je vous lis bien, ce que vous nous indiquez, c'est que, si vous aviez à prioriser quelque chose, ce serait d'abord le renforcement pour la clientèle québécoise qui, elle, se sent passablement captive de cette source qu'est l'électricité.

M. Marquis (Jacques): Premièrement, pour la clientèle québécoise et, deuxièmement, pour la clientèle qu'Hydro-Québec vise dans ses programmes d'exportation d'électricité. En combinant les deux, il y a moyen de rejoindre les deux objectifs.

M. Cherry: Donc, un des arguments que le Québec a toujours fait valoir, c'est la fiabilité puis les coûts de son réseau pour intéresser des gens à venir investir ici. Donc, forts de l'expérience qu'on vient de vivre, quand ça arrive une fois puis qu'on prend les mesures nécessaires... C'est ce que vous dites. En d'autres mots, il faut profiter de ce qui nous est arrivé, comment on peut en tirer des leçons qui sont nécessaires et comment on peut agir en conséquence pour...

M. Marquis (Jacques): Oui. On n'a pas la réponse complète à cette question, mais c'est une question qui est très importante à analyser et à trouver des solutions pour sécuriser l'approvisionnement, et aussi pour assurer un rétablissement plus rapide en cas de panne. Parce que, il ne faut pas se leurrer, on vivra toujours dans un climat où mère Nature a ses caprices. On n'est pas à l'abri. J'espère qu'on ne reverra jamais une telle tempête de verglas, mais rien ne nous dit qu'on n'en verra pas d'autres.

(17 h 20)

M. Cherry: Il y a des gens qui ont soutenu qu'une des leçons qu'on devrait tirer de l'expérience, c'est que, si on acceptait les projets privés qui sont 25 MW, 50 MW, qui ont comme conséquence d'être très souvent situés plus près... Plus c'est près d'un centre, d'une ville, il y a comme résultat que c'est plus facile d'enfouir et il y a moins de risques de transport.

M. Marquis (Jacques): Moins il y a de risques dans le transport, effectivement.

M. Cherry: C'est ça, évidemment. Mais, pour que ces projets-là puissent être envisageables, il faudrait qu'il y ait une espèce de politique où Hydro-Québec s'engagerait à acheter l'électricité produite par ces barrages-là, mais, en cas de situation comme on vient de vivre, ils pourraient les débrancher du réseau dit Hydro-Québec pour alimenter soit, comme vous dites, un hôpital ou les foyers de personnes âgées, enfin ce qu'il y a dans les localités. Par exemple – excusez-moi – c'est dans quelle région, Robert, que les gens de Cascades ont pu, à même leur barrage, alimenter...

M. Marquis (Jacques): Une partie de la région.

M. Cherry: ...une partie de la région? Donc, on me dit qu'il y a des endroits qui ont déjà été des barrages, qui ont été abandonnés comme vocation mais qui pourraient rapidement être réaménagés pour pouvoir répondre... et ça aurait les avantages que je viens de décrire. Évidemment, ça, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Marquis (Jacques): Dans le fond, une des mentions au niveau de la production concerne des petits projets de production distribuée, le plus près possible des grands centres de consommation, bien sûr, pour pouvoir répondre à des cas d'urgence comme ça. Évidemment, cette production-là pourrait aussi être utilisée en temps normal. Mais ça permettrait quand même de sécuriser les endroits névralgiques.

M. Cherry: O.K. Maintenant, quand vous avez parlé de recherche et développement pour l'économie d'énergie, vous avez souligné dans votre mémoire qu'il faut que ce soit économiquement, bien sûr, rentable...

M. Marquis (Jacques): Exact.

M. Cherry: ...en d'autres mots, que la société y trouve ses frais. Mais, au degré où un projet pourrait amener des économies d'énergie substantielles, est-ce qu'il n'y aurait pas là un potentiel qui permettrait à Hydro de pouvoir vendre les surplus accumulés par l'énergie à des clients voisins? Parce qu'on nous dit que nos tarifs sont tellement bas, la proximité des marchés avec la déréglementation fait que ce que nous aurions comme surplus, on pourrait le vendre facilement et faire des profits. Si c'est le cas, est-ce qu'on n'y bénéficierait pas, comme société, d'encourager une économie de consommation d'énergie? Et, sans faire des barrages ou des travaux additionnels, les surplus réalisés par ça permettraient de faire des ventes puis d'avoir des entrées de fonds.

M. Boulé (Réal): Les économies d'énergie, ce ne sont pas des moyens de génération de production. Donc, les études qui ont été faites l'ont démontré dans le passé, les espérances qu'Hydro-Québec avait sur certaines économies, en général, ne se sont jamais réalisées. Donc, sur papier, ça peut sembler être des économies, mais ce n'est jamais... L'expérience passée a démontré que ces économies-là, elles n'avaient pas été atteintes à cause des habitudes de consommation des gens. En plus de ça, on ne peut pas considérer une économie d'énergie comme étant un moyen de production d'énergie. Ce n'est pas au même niveau. Donc, pour exporter, il faut avoir des moyens de production. Les économies d'énergie, c'est pour être plus efficaces dans la façon d'utiliser notre énergie. Et ça, ce n'est pas seulement l'électricité; il faudrait que ce soit réparti sur toutes les formes d'énergie. On parle toujours d'Hydro-Québec, d'électricité, mais il y a aussi le transport, il y a le pétrole, il y a toutes les formes d'énergie.

Donc, on ne peut pas dire que, si j'économise 500 W ici... Premièrement, ce 500 W là n'est pas fiable à 100 % comme une centrale de 500 W. Je dis 500 W, c'est très bas, mais je pourrais dire 500 MW, ce serait trop gros, pour chiffre, donner un exemple. Donc, si j'économise 500 W une journée ou une semaine, si j'exporte, je ne peux pas exporter cette énergie-là parce que ce n'est pas une énergie qui est constante, qui évolue dans le temps, qui va varier. Donc, ça prend des moyens de production.

M. Sirros: Est-ce que vous ne confondez pas économie d'énergie avec efficacité énergétique? Si j'isole le mur qui actuellement n'est pas isolé, je vais savoir que demain j'aurai besoin de la moitié de l'énergie que j'utilisais jusqu'à maintenant. C'est fiable.

M. Boulé (Réal): Oui. Ça, c'est vrai. Mais on ne parle plus de...

M. Sirros: Alors, voilà des mesures d'économie d'énergie qui sont effectivement des sources d'énergie. Parce que, si on peut économiser un certain nombre de mégawatts, il est certain qu'on peut les utiliser à d'autres fins.

M. Boulé (Réal): O.K. Mais ça, ce serait à l'office, le nouvel office d'économie de l'énergie, de regarder ces solutions-là.

M. Sirros: Peut-être, si jamais l'office voit le jour réellement. Jusqu'à maintenant, Hydro-Québec disait qu'il y avait 9 TWh de possibles. Une des raisons pour lesquelles ça n'a jamais été réalisé – je pense que ça a été soulevé ce matin – c'était parce que, effectivement, du point de vue de l'entreprise, les revenus vont baisser. Du point de vue du consommateur, par exemple, sa facture va baisser. Parce que souvent on confond le taux qu'on va charger au consommateur avec le coût total de sa facture. C'est vrai que ça pourrait être plus cher par bout, par kilowattheure, mais, s'il utilise moins de kilowattheures, ça va coûter moins cher. Du point de vue de l'entreprise, ça n'a aucun intérêt parce qu'elle va se trouver à avoir moins de revenus. Alors, il y avait comme une motivation inhérente à ne pas faire d'économie d'énergie, de la part de l'entreprise, et c'est très compréhensible, ce n'est pas un blâme.

Par contre, du point de vue de la société, oui, les économies d'énergie pourraient très bien se substituer à de nouveaux ouvrages avec certains types d'énergie. Je ne parle pas de changer juste les habitudes et de fermer la lumière plus souvent; ça, c'est moins fiable. Mais il y a d'autres choses qui sont plus fiables. En tout cas, je voulais juste clarifier ce point-là.

Le Président (M. Beaulne): M. Boulé.

M. Robidoux (André): J'aurais peut-être un commentaire. Souvent, on compare les efficacités énergétiques ou bien, en fait, l'économie d'énergie à de l'isolation qu'on place dans les murs, ou des châssis doubles, ou l'isolation dans les toits. Je pense qu'au nord du 45e parallèle il y a les normes de construction et les résidences ont pas mal été toutes couvertes de tous bords, tous côtés avec de l'isolation, puis, finalement, s'il faut en mettre une deuxième épaisseur pour éliminer... En fait, je ne sais pas combien on va aller chercher.

Ce que je voudrais peut-être ajouter, c'est qu'il y a cinq ans, lorsqu'on est parti avec le programme des efficacités énergétiques, il y avait un programme qui était très, très ambitieux, je pense de l'ordre de 9,3 TWh et, dans le temps, en fait, Hydro-Québec était réellement embarquée. Au niveau de la population et au niveau des gens, au niveau des industries, on demandait des idées, on demandait plein d'idées et on avait des sous à investir pour embarquer. Je me rappelle, il y avait les moteurs à efficacité énergétique. Il y a eu, en fait, toutes sortes de dossiers. Je ne sais pas si on a fait le bilan de ça, mais je pense que, lorsqu'on regarde dans l'ensemble, ce qu'on a réussi à trouver et à faire comme efficacité énergétique, c'est peut-être quelque chose de l'ordre de 3 TWh ou 4 TWh. Puis, finalement, si on revient dans les dossiers de moteurs à haut rendement, il n'y a pas eu de suivi de fait par la suite pour le remplacement des moteurs et on revient... En fait, je pense que cette économie-là est perdue.

Il y a eu une volonté, mais, maintenant, dans quoi est-ce qu'on investit pour faire des économies d'énergie? Je pense qu'il doit y avoir un seuil quelque part, une rentabilité. On doit comparer avec un coût de production versus qu'est-ce qu'on doit économiser.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Merci, M. le Président. Moi, j'aurais aimé, si le temps l'avait permis, vous parler des prévisions d'Hydro-Québec, de leur fiabilité qui est souvent remise en question et donc des dangers qui nous guettent si on commence à faire des investissements majeurs dans certains ouvrages pour exporter, et que la consommation baisse aussi de l'autre côté, parce que ce n'est plus nous qui avons ce contrôle-là. On sait qu'Hydro-Québec, sur son propre marché domestique, se trompe assez souvent dans ses prévisions. Elle doit revoir à la baisse un certain nombre de projets; on a revu SM 3. Moi-même, dans Anjou–Rivière-des-Prairies, aux audiences du BAPE, à un moment donné, qui se tenaient sur cette fameuse ligne qui fait un peu controverse... avait fait en sorte qu'Hydro-Québec a révisé à la baisse les prévisions sur lesquelles elle s'appuyait pour construire la ligne, en plein milieu des audiences. Au grand dam des citoyens qui étaient là, ils ont dit: Non. On s'est gourés, ce n'est plus les mêmes prévisions, ça nous recule de plusieurs années pour les mettre en application. Alors, c'est juste une anecdote sur les prévisions d'Hydro-Québec. Moi, je dis que c'est à prendre avec un grain de sel.

L'ensemble des experts internationaux qui ont été consultés, que le BAPE a consultés dans ce dossier-là, doutent de la fiabilité des prévisions, en général, d'Hydro-Québec – c'est écrit dans leur rapport – et mettent en doute toute prévision de plus de 10 ans, en termes de consommation hydroélectrique, dans nos sociétés occidentales. Alors, je dis: Attention, c'est bien beau d'avoir un plan stratégique aujourd'hui qui nous fait miroiter des milliards de dollars d'exportation sur des marchés qu'on ne contrôle pas, d'ailleurs, en termes de consommation, à l'étranger. Par contre, on pourrait se retrouver avec une surprise fort désagréable dans quelques années, soit une dette très importante sur les investissements que nous ne pourrons plus payer avec les exportations.

(17 h 30)

C'est de ça que j'aurais aimé malheureusement vous entretenir plus longtemps et discuter avec vous. Vous êtes une quarantaine d'entreprises, d'après ce que je vois, qui faites des affaires en électricité, qui vendez des services, qui vendez des matériaux, qui construisez des lignes électriques, enfin toutes sortes de trucs. Vous devez donc avoir une bonne expertise là-dedans. Vous avez aussi un intérêt, et c'est normal. On est là aussi, dans une société, pour faire travailler les affaires, mais je crois que c'est un volet qui aurait dû être discuté et que vous n'abordez pas dans votre mémoire, ou à peine en l'effleurant, et je pense que ça aurait valu la peine qu'on prenne un peu de temps pour en parler, parce que c'est là que c'est fondamental.

Est-ce qu'on n'est pas en train de s'embarquer dans quelque chose? On a failli le faire déjà avec une grosse centrale, Sainte-Marguerite, si je me souviens bien, et qui a été arrêtée. Moi, je regarde à plus long terme pour mes enfants, comme député. Je sais que M. Ponton trouve qu'on n'a pas à se mêler de ça tellement, mais, moi, je dois dire que notre responsabilité future, bien, c'est de le voir aujourd'hui, le futur, et de faire en sorte qu'un jour on ne nous dise pas: Comment ça a pu arriver, ce truc-là? Comment ça se fait que vous n'avez pas vu ça, vous autres? Alors, c'est le débat aussi qui doit se faire ici.

Puis je vois qu'on parle du verglas, et tout ça. C'est bien correct. Tout le monde a des idées là-dessus. Les ingénieurs d'Hydro disent, eux autres, que ça ne marchera pas ce qui est mis en oeuvre actuellement, que ça ne servira à rien. Vous, vous amenez des idées très bien, qui valent la peine d'être regardées. Mais le fond du problème d'Hydro-Québec, du plan stratégique, c'est: Est-ce que ça vaut la peine, oui ou non, d'investir pour exporter? Est-ce qu'on ne se trompe pas? Est-ce qu'on fait une bonne décision? C'est ça.

M. Marquis (Jacques): Je pense qu'il y a un commentaire général que j'aimerais faire tout de suite, M. le député, à cet effet-là. C'est que le marché qui est visé est surtout le marché du nord-est américain. C'est finalement le marché où, quand on parle d'exportation d'électricité, bien sûr – je mets de côté l'exportation de services professionnels – c'est le marché où les prix payés sont présentement les plus élevés en Amérique du Nord et, en plus, où des centrales nucléaires devront bientôt être désaffectées, ce qui fait que c'est un marché potentiel de remplacement quand même très appréciable. Je ne sais pas si mes confrères ont des commentaires additionnels à rajouter, mais c'est un commentaire général que je voulais faire tout d'abord. C'est sûr qu'on pourrait en discuter pendant des heures, et ce serait fort intéressant. Réal.

M. Boulé (Réal): Oui. Concernant les prévisions d'Hydro-Québec, vous avez maintenant un nouvel organisme, la Régie de l'énergie, qui va consulter le plan des ressources qu'Hydro-Québec va lui soumettre. Donc, la Régie va avoir des experts, va pouvoir faire ses propres études et ses propres prévisions pour pouvoir juger des informations qu'Hydro-Québec leur présente. Donc, de ce point de vue là, vous avez un mécanisme qui va juger de la pertinence des chiffres qu'Hydro-Québec fournira.

M. Gobé: ...le plan a été adopté en urgence, et la Régie ne sera pas fonctionnelle ni opérationnelle avant un an – qu'on me dit – ou huit mois.

M. Boulé (Réal): M. le député, moi, je fais une différence entre un plan stratégique et un plan des ressources ou un plan d'action. Un plan stratégique pour n'importe quelle entreprise, ce sont des orientations générales à long terme qui sont, en général, ambitieuses. Venant de l'industrie privée, je côtoie ça à tous les jours. Je trouve toujours que mon patron me demande des objectifs trop élevés. Bien, si on veut atteindre un certain objectif, il faut mettre la barre plus haute. Donc, ça fait partie, pour moi, d'un plan stratégique. C'est clair qu'on n'a pas de réponses détaillées dans un plan stratégique; c'est des orientations à long terme. D'ailleurs, ces plans-là sont revus à un certain nombre d'années, même si c'est un plan pour cinq ans. Donc, c'est une vision jusqu'à un certain point. C'est une vision, mais, d'après nous, c'est basé sur un marché réel qui existe et qui pourrait être atteint. C'est un plan qui est ambitieux, mais je crois que, si tous les efforts sont faits et l'appui de la société et du gouvernement est en jeu, Hydro-Québec a des chances de réussir ces plans-là, mais ça ne sera pas facile. Mais c'est un plan stratégique, les orientations générales.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Boulé. Alors, sur ce, je cède la parole au député de Drummond.

M. Jutras: Alors, messieurs, à la lecture de votre rapport, nous constatons que vous êtes très favorables au plan stratégique d'Hydro-Québec. Dans votre rapport, à plusieurs reprises, vous parlez de rentabilité. À un moment donné, vous dites à la page 2: «La rentabilité est au coeur de notre vision d'Hydro-Québec.» Vous dites aussi, à la page 3, quand on parle des programmes d'efficacité énergétique: «Ces programmes doivent satisfaire aux critères de rentabilité». Et vous dites aussi, à la page 4, qu'il y a lieu pour Hydro-Québec de fonder ses choix sur les prix et les coûts réels. Alors, écoutez, sur le critère de rentabilité, nous vous suivons, et la notion de profit, on est d'accord avec ça. Mais cependant ce que je voudrais savoir de vous: Est-ce que vous allez jusqu'à remettre en question le pacte social que nous avons, au Québec, au niveau de l'électricité? Vous ne le faites pas dans votre rapport. Mais cependant vous parlez tellement de rentabilité que, à un moment donné, on se pose la question, et je vous la pose.

M. Marquis (Jacques): Je vais tenter une réponse là-dessus. Je pense que, nous, on ne s'est pas penchés sur cet aspect-là parce qu'on considère que c'est le devoir du gouvernement de s'occuper de la partie sociale, finalement, de la société. Nous en faisons tous partie, mais nous représentons l'entreprise privée et nous croyons qu'il y a des critères de rentabilité tout en respectant des règles environnementales et aussi publiques, et qu'il n'était pas de notre ressort de faire des commentaires là-dessus.

M. Jutras: Ça va. Vous parlez aussi de la Régie de l'énergie – il y a un collègue qui vient d'en parler – et vous dites: Au niveau du plan de ressources, la Régie de l'énergie aura à se pencher là-dessus et faire des consultations. Puis vous dites: pourquoi? Parce que, nous, notre commission, au printemps dernier, la présente commission avait dit – et c'était dans sa recommandation n° 7 – que nous invitions Hydro-Québec à consulter le public dans le cadre de la préparation de son plan de ressources. Vous exprimez des réserves par rapport à ça, parce que vous dites: S'il faut qu'Hydro-Québec consulte, dans un premier temps, au niveau de son plan de ressources, et que, par la suite, la Régie le fasse aussi, bien, là, c'est un dédoublement. Et est-ce qu'on n'augmente pas les coûts et est-ce qu'on ne rend pas l'affaire plus complexe?

Par contre, est-ce que vous ne croyez pas que, si Hydro-Québec consulte au préalable, est-ce que ça ne permettra pas à Hydro-Québec, comme on dit, de faire un certain déblayage et d'aller chercher l'opinion du public, de voir ce que les gens en pensent et, jusqu'à un certain point, de cette façon-là, de gagner du temps pour Hydro-Québec, qui arrivera, en quelque sorte, avec déjà une consultation en poche, pour dire: Regardez, on est allé chercher l'opinion du public; on est allé chercher l'opinion des gens; on est allé chercher l'opinion des groupes. Et, dans un sens, ça permettrait à Hydro-Québec d'arriver mieux outillée devant la Régie.

M. Boulé (Réal): Je crois que c'est l'intention d'Hydro-Québec – à tout le moins, les informations qui ont sorti d'Hydro-Québec en ce qui concerne les développements – de le faire en accord avec les communautés locales. Donc, je crois qu'Hydro-Québec a déjà l'intention de faire ça. Maintenant, c'est le processus... On parle, nous, surtout du processus antérieur. Je crois que le processus antérieur, maintenant qu'il y a une Régie, devient quelque chose de redondant. Donc, l'expérience future nous démontrera si Hydro-Québec travaille avec les communautés locales, comme elle l'a dit. On n'a pas de commentaires à faire là-dessus, mais il semble qu'Hydro-Québec veut faire des développements avec les communautés locales, c'est ça que...

M. Jutras: Oui, mais votre opinion, ça serait, votre groupe, le Club d'électricité, de dire: Que la Régie fasse son travail et aille directement à la Régie.

M. Boulé (Réal): Oui, définitivement.

M. Jutras: Vous parlez beaucoup, aussi, dans votre mémoire...

Le Président (M. Beaulne): M. le député.

M. Jutras: Oui.

M. Robidoux (André): Je pense que ça n'empêche pas des relations de bons voisins. On a vu M. Caillé, la semaine passée, aller sur la Côte-Nord, en fait le type s'est rendu là-bas pour discuter avec les populations. Je pense que c'est des démarches qui vont se faire, mais je pense que c'est des ententes de bons voisins. Puis, par la suite, il y a un mécanisme. Et je suis sûr qu'Hydro-Québec, après avoir fait le tour de ses partenaires et des gens qui ne partagent pas nécessairement ses idées. Il va y avoir certaines rencontres officieuses, et je suis convaincu qu'Hydro-Québec va en tenir compte. Et, par la suite, tout ça va passer dans un...

(17 h 40)

M. Jutras: Maintenant, aussi, dans votre mémoire, vous parlez beaucoup des alliances entre la société d'État qu'est Hydro-Québec et l'industrie électrique québécoise. Vous en parlez au niveau de l'efficacité énergétique. Vous en parlez aussi au niveau des activités internationales, vous dites: «Le Club comprend qu'Hydro-Québec développera avec l'industrie une gamme de produits et services innovateurs et qu'elle s'associera aux entreprises privées pour la commercialisation, tant au Québec qu'à l'étranger, des produits et services nouveaux existants.»

Alors, vous dites: Ces alliances-là, ça va être une bonne chose. Mais vous n'allez pas plus loin que cela. Et ma question à ce sujet-là, c'est: Comment voyez-vous ça? Parce que, quand on lit votre mémoire, on a l'impression que vous attendez de voir ce qu'Hydro-Québec fera à ce sujet-là. Autrement dit, est-ce que vous n'avez pas le goût d'être plus proactifs, et est-ce que vous n'avez pas des choses à proposer à ce sujet-là?

M. Marquis (Jacques): Alors, non seulement nous avons le goût d'être plus proactifs, mais nous sommes effectivement proactifs. Nous sommes en discussion avec Hydro-Québec depuis longtemps – depuis un an, en fait – sur des politiques de partenariat concernant différentes avenues, que ce soit au niveau du développement de nouveaux produits et de nouveaux services pour les marchés locaux ou pour l'exportation.

Nous avons tenu d'ailleurs, avec Hydro-Québec, une journée de partenariat en septembre, qui était sous forme d'ateliers où différents groupes pouvaient émettre leurs commentaires. Et on traitait de quatre grandes avenues à ce moment-là: il y avait recherche-développement, développement de nouveaux produits; il y avait les marchés internationaux; il y avait les projets locaux; et il y avait aussi la fourniture traditionnelle de biens à Hydro-Québec. Cette journée-là devait être suivie par une autre journée, et, malheureusement, dû à ce qui nous est tombé sur la tête, nous avons dû remettre à plus tard, parce que les gens qui sont nos interlocuteurs étaient beaucoup préoccupés par les solutions d'urgence à apporter à la situation.

D'ailleurs, un commentaire additionnel là-dessus. Les compétences et l'expertise de notre industrie – et j'ai entendu d'autres commentaires à cet effet-là plus tôt aujourd'hui – ont été développées, effectivement, en partenariat entre Hydro-Québec et ses divers fournisseurs de biens et services. On utilise le mot «partenariat» aujourd'hui, mais je pense qu'on a des exemples devant nous de partenariats qui existent depuis longtemps, et c'est ce qui a fait en même temps le dynamisme de notre industrie au Québec et qui nous permet aussi de rayonner vers l'extérieur. Je ne sais pas si mes confrères...

M. Boulé (Réal): Oui, j'aimerais rajouter quelque chose aussi à cet effet-là. C'est vrai que le mémoire n'a peut-être pas été clair. Ce qu'on voulait dire aussi, c'est qu'on voulait qu'Hydro-Québec utilise l'expertise que l'industrie a développée à l'exportation. Donc, on n'attend pas après Hydro-Québec pour exporter; on exporte déjà, on a déjà des créneaux, on a déjà de l'expertise. Donc, Hydro-Québec, pour elle, c'est quelque chose de nouveau. Donc, on veut qu'elle utilise l'expertise que l'industrie locale a développée. Donc, on fait ça en partenariat.

M. Jutras: Et là vous vous référez plus spécifiquement à l'international au niveau de l'exportation?

M. Boulé (Réal): À l'international...

M. Jutras: À l'exportation. Oui.

M. Boulé (Réal): ...des projets ou des services à l'international.

M. Jutras: Et est-ce que, dans ce cadre de partenariat, vous en avez réalisés entre autres relativement au volet de l'efficacité énergétique dont on a parlé il y a quelques minutes? Parce qu'on a entendu des groupes aujourd'hui qui nous disaient qu'il y avait beaucoup de rentabilité au niveau de l'efficacité énergétique pour les régions, entre autres pour la création d'emplois; et même, un groupe nous disait – je pense que c'étaient les Ami-e-s de la terre – qu'il y avait même plus d'emplois qui pouvaient être créés là que dans les projets de construction de grands travaux.

Mais ma question, ce n'est pas que... Je ne veux pas nécessairement que vous commentiez le mémoire des Ami-e-s de la terre, mais ce que je veux savoir, c'est: Est-ce qu'il y en a eu du partenariat concernant les projets d'efficacité énergétique, entre votre groupe et Hydro-Québec?

M. Robidoux (André): Peut-être entre certains membres – soit ingénieurs-conseils ou, peut-être, fabricants – dans les programmes, lorsqu'on avait le dossier des 9,3 TWh, il y a eu les moteurs à haut rendement. Je ne suis pas assez familier avec les dossiers, mais enfin, il y a eu des choses qui se sont faites conjointement avec l'entreprise privée. Mais...

M. Jutras: Quand vous avez fait vos commentaires sur la tempête de verglas, vous avez parlé de l'enfouissement des fils. C'est une chose dont il a beaucoup été question durant la tempête comme telle. À un moment donné, on est peut-être retombé les deux pieds sur terre quand on a réalisé les coûts de cela. Mais tantôt, M. Marquis, vous en avez parlé et vous disiez que, bon, oui, c'est coûteux mais ça pourrait être envisagé, par exemple, comme à proximité des hôpitaux. Et vous avez avancé une autre solution, aussi, à savoir si les consommateurs, eux, seraient prêts à payer, et là à ce moment-là, si les gens, par exemple dans telle région, sont prêts à payer? C'est ce que vous proposez?

M. Marquis (Jacques): Finalement, oui. Et en parallèle avec ça, de regarder aussi s'il n'y a pas des méthodes d'enfouissement qui pourraient être utilisées et avoir des coûts moindres. C'est peut-être une chose qui devrait être regardée, et je sais que de nos membres ont contacté Hydro-Québec à cet effet-là. C'est sûr qu'on ne peut pas s'imaginer de tapisser la province avec des câbles souterrains partant de la Baie James et descendant jusqu'aux grands centres de consommation, etc., mais au niveau de distribution, je pense qu'il y a peut-être lieu de regarder certaines méthodes. Et la réponse, finalement, à cette question-là, en bout de ligne, devrait être aussi laissée aux municipalités et aux consommateurs. Est-ce que je suis prêt à payer pour avoir cette sécurité additionnelle?

M. Jutras: Est-ce que ça ne s'est pas fait d'ailleurs dans une ville, ça?

M. Marquis (Jacques): Il y a des villes au Québec, comme ville Lorraine, entre autres, qui est une ville qui a quand même des arbres à profusion. C'est une très belle ville. Je n'y demeure pas, mais je connais des gens qui y demeurent. Et dans la tempête de verglas de l'année dernière, qui avait affecté Lanaudière, ville Lorraine n'avait pas été affectée. Alors, effectivement, il y a des exemples.

M. Jutras: Et comme là, à ville Lorraine, c'est le gouvernement municipal qui, somme toute, a pris ça en main?

M. Marquis (Jacques): Oui, et avec les développeurs, avec ceux qui ont fait le développement immobilier.

M. Jutras: Maintenant, quand vous dites aussi dans votre mémoire de réitérer la place prépondérante de l'hydroélectricité, on vous suit bien là-dessus. Vous dites: «Le Club recommande donc à la commission et à Hydro-Québec d'accorder une place modérée aux filières éoliennes et solaires et à renouveler leur engagement en faveur de l'hydroélectricité.» Alors, on comprend que vous êtes davantage favorable à accorder prépondérance à l'hydroélectricité. Ce matin, on a entendu le Conseil du patronat qui émettait une opinion un peu semblable mais qui disait: Si on veut développer les filières éoliennes et solaires, laissons ça à l'entreprise privée, que ça ne soit pas Hydro-Québec qui s'embarque là-dedans. Laissons ça à l'entreprise privée, quitte à ce qu'il y ait des incitatifs fiscaux qui soient donnés à ces compagnies-là qui vont développer ces filières-là. Qu'est-ce que vous pensez de cet avancé du Conseil du patronat?

M. Marquis (Jacques): Je pense que c'est une bonne solution finalement, puisque les développements technologique de ce côté-là viennent, en grande majorité, de l'industrie privée, et c'est peut-être à l'industrie privée de réaliser des projets et de voir s'ils peuvent être concurrentiels avec l'hydroélectricité, tout en reconnaissant des limites dont on parlait tantôt. Je ne veux pas battre le fer sur le clou, mais peut-on imaginer des capteurs solaires avec huit pouces de verglas? Peut-on imaginer des éoliennes qui auraient à affronter... J'ai utilisé des pouces, mais j'aurais pu dire ça en millimètres; probablement que ça correspond à peu près à cette épaisseur-là. Même chose pour les éoliennes. Alors, il y a ce côté-là et l'aspect aussi rentabilité de ces formes d'énergie. Et si on a de l'éolienne et que, pour une période donnée, une grande période, il n'y a pas de vent, on devra quand même pallier ce manque de production par de l'énergie, vraisemblablement, hydroélectrique au Québec, et on aurait quand même à construire pour pouvoir répondre à ces besoins-là.

M. Jutras: J'ai terminé. Ça va. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Malheureusement, c'est tout le temps que nous avons pour cet échange. La commission vous remercie.

(17 h 50)

Nous invitons maintenant les représentants du Groupe de recherche appliquée en macroécologie à s'approcher.

Alors, la commission vous souhaite la bienvenue en soulignant que nous avons 25 minutes à notre disposition. Donc, si vous pouvez résumer votre présentation à 10 minutes pour laisser la chance aux formations d'échanger avec vous.


Groupe de recherche appliquée en macroécologie

M. Neuman (Dominique): D'accord. Alors, je vous remercie, M. le Président, M. le vice-président et Mmes et MM. les députés.

D'abord, je me présente. Mon nom est Dominique Neuman. Je suis vice-président à la recherche du GRAM et je suis assisté de mon collègue M. Philippe Belley, qui est aménagiste. Je suis avocat.

Le Groupe de recherche appliquée en macroécologie a déjà comparu devant vous au cours des dernières années, à quelques reprises. Nous sommes fondés depuis 1989. Nous avons été fondés dans la foulée du rapport Brundtland qui avait été publié en 1987 et qui énonçait les principes du développement durable, principes sur lesquels nous nous inspirons et que nous reflétons dans notre mémoire. Nous avons fait un certain nombre de recherches dans le domaine de l'hydroélectricité et de l'étalement urbain. C'est un point que nous mentionnons fortement dans notre mémoire et sur lequel nous pourrons intervenir éventuellement au niveau de l'efficacité énergétique.

D'abord, on tient à vous indiquer, peut-être en réaction à une des interventions qui nous avaient précédées, qu'on est contents d'être devant vous parce qu'on trouve qu'on est devant le bon forum. On trouve que les éléments qui sont contenus dans le plan stratégique d'Hydro-Québec touchent à la politique énergétique du Québec. C'est des éléments qui doivent être discutés par les élus parce que ce sont les élus qui représentent la population du Québec, qui est propriétaire de la société d'État. Donc, c'est aux membres de cette commission et au gouvernement à prendre les décisions qui s'imposent relativement à ce plan stratégique.

Le rôle de la Régie de l'énergie et du BAPE est d'assister, de complémenter le gouvernement et les députés sur les décisions qu'ils prennent, mais pas de s'y substituer. Lorsque la Loi sur la Régie de l'énergie avait été adoptée, nous avions même manifesté une inquiétude que le gouvernement et les élus s'apprêtent tranquillement à abdiquer leur responsabilité politique au niveau de la politique énergétique du Québec face à cette nouvelle régie, et nous constatons qu'il y a un regain d'enthousiasme que nous avons pu constater des deux côtés de la table pour garder ce rôle ici.

Les principes du développement durable sur lesquels nous nous inspirons et que nous mentionnons aux pages 5 et suivantes de notre mémoire... D'abord, une chose qui doit être comprise, c'est que le développement durable n'est pas synonyme d'absence de développement, ce n'est pas le synonyme de la contemplation paisible de la nature sans y toucher. Le développement durable, c'est l'intégration de deux éléments fondamentaux: il faut faire en sorte que les projets soient rentables, soient justifiables, soient souhaitables pour une société du point de vue économique et également qu'ils le soient du point de vue environnemental.

Le défi du développement durable, c'est de trouver des moyens de marier ces deux objectifs. Dans le cas de l'hydroélectricité, nous avons la chance de pouvoir marier ces deux objectifs. L'hydroélectricité québécoise coûte en effet moins cher – il y a beaucoup d'intervenants qui vous l'ont dit; vous avez les chiffres – que celle qui est produite par d'autres filières, et c'est pour ça qu'elle est moins cher que celle qui existe aux États-Unis. Parce que 55 % de l'énergie produite aux États-Unis provient de la combustion du charbon. Les autres sources sont la production à même le gaz naturel, la production à même la combustion de mazout.

L'hydroélectricité, aux États-Unis, c'est 10 %. Ici, c'est plus de 90 %. C'est à cause d'une différence de prix entre les filières qu'elle est moins cher. Et, en plus d'être moins cher, c'est une filière renouvelable, propre, qui ne produit pas de pluies acides, qui ne produit pas de smog, qui ne produit que très peu d'émissions de gaz à effet de serre.

Un autre des principes du développement durable dont vous devez tenir compte, c'est que les enjeux environnementaux ne s'arrêtent pas à la frontière du Québec. Nous recevons des pluies acides, nous recevons du smog qui ne sont pas produits au Québec. Et, selon l'opinion majoritaire des experts, certains changements climatiques semblent être le fruit d'émissions de gaz à effet de serre qui sont produits en grande partie à l'extérieur du Québec. Donc, l'ouverture des marchés a été précédée par une ouverture, une globalisation au niveau environnemental qui existe déjà. Si on fait le choix de ne pas vendre notre hydroélectricité à l'étranger, il y a quelqu'un d'autre qui va la vendre à l'étranger. C'est peut-être un producteur thermique au charbon, au gaz naturel, au mazout. Donc, quelqu'un d'autre va faire cette production dont nous recevrons des effets, dont d'autres États, d'autres provinces recevront également les effets. Donc, c'est de ça dont il faut également tenir compte lorsqu'on fait des choix.

Les deux axes de développement durable que nous identifions qui doivent guider les décisions que vous prenez, que le gouvernement va prendre à l'occasion du plan stratégique, nous les identifions dans notre mémoire. C'est, d'une part, réduire la consommation énergétique et tenter de remplacer, parmi les filières qui existent pour faire cette production énergétique, celles qui sont les plus polluantes par celles qui sont les moins polluantes. Et donc, en l'espèce, celle qui, en termes quantitatifs, est disponible de la façon la plus grande, c'est l'hydroélectricité.

En ce qui concerne le premier axe, qui est la réduction de la consommation énergétique totale, il faut que, lorsqu'on fait des choix, on se demande pourquoi on veut réduire. On veut réduire la consommation pour réduire le gaspillage, mais on veut également réduire la consommation pour réduire les pollutions atmosphériques. Donc, lorsqu'on a des budgets limités, une quantité d'interventions limitées qu'on peut faire en termes d'efficacité énergétique, il faut voir où on est le plus productif, le plus efficace quant aux choix à faire. On entend beaucoup parler des mesures d'efficacité énergétique qu'une société productrice d'hydroélectricité devrait faire. On n'entend pas beaucoup parler de mesures d'efficacité énergétique qu'on pourrait faire, par exemple, pour réduire la consommation d'essence dans le transport. C'est 40 % des émissions de gaz à effet de serre au Québec. C'est plus grand qu'ailleurs, justement parce qu'on en émet moins dans la production d'électricité.

L'étalement urbain, donc, les politiques urbaines ont un effet sur la croissance de la consommation d'essence. Là-dedans, il faudrait également faire des efforts. Est-ce qu'on parle de demander aux détaillants d'essence, à Petro-Canada et Ultramar d'avoir des politiques d'efficacité énergétique? On devrait peut-être en parler. Lorsqu'on fait des choix d'étalement urbain, des politiques urbaines, on devrait inclure les dimensions d'efficacité énergétique dans ces choix-là, à savoir ce qui en résulte en termes de pollution. Je pourrai élaborer davantage sur ce point-là lors de la période des questions, étant donné le temps limité dont nous disposons.

L'autre axe que nous privilégions est celui de favoriser le remplacement. Donc, pour ça, nous favorisons très fortement la politique d'Hydro-Québec énoncée dans son plan stratégique de favoriser les exportations: exportation vers les États-Unis, dont j'ai donné des statistiques tout à l'heure; exportation également vers l'Ontario qui, comme ça a été mentionné, est en train de fermer ses centrales nucléaires et qui, faute de choix, parce qu'on n'a pas saisi les marchés alors qu'ils se présentaient, est en train de se tourner vers le gaz. Il y a un marché, il faudrait éviter qu'il soit totalement pris par des énergies polluantes. Il faut maximiser les efforts pour aller le chercher là-bas.

(18 heures)

Également, quelque chose qui doit être encouragé, qui est mentionné, peut-être qui devrait être mieux mentionné dans le plan stratégique, c'est le développement des transports électriques. Étant donné l'importance de la consommation qui provient des véhicules, nous sommes en train de développer une expertise, mais nous ne sommes pas les seuls. Il y a une course qui est en train d'être menée aux États-Unis. Il y a un marché qui se développe: la Californie exige un certain quota de véhicules à émission zéro; l'État de New York est en train de faire la même chose; le gouvernement fédéral américain offre des aides fiscales pour les véhicules électriques. Donc, tout le monde est dans la course. Il faut qu'on y soit, il faut qu'on mette les investissements nécessaires et qu'on suive le dossier avec attention, parce qu'il y a quelque chose qui peut être fantastique pour le Québec, à la fois au niveau économique, de ce côté-là, et au niveau environnemental.

Et, quand on parle de véhicules électriques, on ne parle pas seulement des automobiles. Il y a les moyens de transport en commun, également. Il y a la question du transport des marchandises qui peut être fait par train. Eux-mêmes peuvent être électrifiés. Il y a la question de l'approvisionnement électrique. Il y a la question des piles; il y a différents types de piles qui sont dans la course pour dominer le marché. Il ne faut pas qu'on mette tous nos oeufs dans le même panier. Il faut qu'on diversifie la recherche pour être sûr que, lorsque ce créneau se développera... Et c'est très bientôt. Je pense que, dans le prochain plan stratégique de cinq ans, il sera très développé, ce créneau. Donc, il faut qu'on mette les énergies nécessaires de ce côté-là.

Également, nous favorisons, pour les mêmes raisons, le développement des exportations de notre expertise à l'étranger, puisque les États en voie de développement, les États asiatiques, eux aussi sont en train de faire des choix pour la production électrique entre le gaz, le mazout, le charbon lorsqu'il y en a et l'hydroélectricité. Ces choix-là vont nous affecter, notamment par les gaz à effet de serre. Et le choix le plus propre, disponible, dans la mesure où il y a des mesures de mitigation des impacts locaux qui sont prises, le choix le plus propre, c'est l'hydroélectricité. Il faut qu'on se positionne, qu'on vende notre expertise s'il y a un besoin. Donc, il y a un besoin à la fois économique pour le Québec et environnemental.

Nous parlons brièvement de la tempête de verglas de janvier, dans notre mémoire. Certains ont dit que la tempête de verglas remettait en question les choix électriques, les choix hydroélectriques du Québec. Ce n'est pas le cas puisque là où il y a eu des problèmes, c'était au niveau des lignes de transport et de distribution. Donc, même si c'était pour transporter à grande échelle l'électricité en provenance d'éoliennes, mais d'éoliennes de grande taille, que ce soit d'éoliennes ou de barrages, elle devrait passer par les mêmes lignes. Et ce n'est pas 50 000 petits microbarrages un peu partout qui vont remplacer les grands barrages qui existent déjà. Des petits barrages peuvent servir à alimenter une petite communauté, des zones très localisées, mais les grands centres urbains, Montréal, Québec, ce n'est pas des petits barrages – d'ailleurs, je ne sais pas où, au centre-ville de... il n'y a pas de place dans les centres-villes pour en faire – ce n'est pas ça qui va se substituer aux grandes sources d'alimentation.

Donc, je vous remercie, MM. les députés, messieurs dames. On est prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Johnson.

M. Boucher: Merci, M. le Président. MM. Neuman et Belley, je suis très heureux que vous soyez présents, d'autant plus que vous allez peut-être m'aider à résoudre un problème existentiel que je vis actuellement avec les gens de ma région, puisque les écologistes de ma région se préparent à s'objecter farouchement à la construction d'une ligne entre Val-Joli–des Cantons jusqu'à Saint-Césaire, une ligne pour sécuriser le réseau. Et ce sont mes amis écologistes qui vont livrer le combat. Alors, quand vous me parlez des énergies polluantes, il me semble que ça vient contrebalancer un peu l'opposition, et j'ai des questions à vous poser à ce sujet-là justement.

Vous dites qu'il y a des coûts socioéconomiques importants, des effets nocifs des énergies thermiques. Par contre, vous comprendrez qu'il y a des coûts importants aussi qui sont relatifs à la réduction de l'utilisation de ces énergies-là. J'aimerais que vous m'expliquiez si les connaissances actuelles que nous avons nous permettent de balancer ces choses-là, de sorte que la proposition que vous nous faites d'utiliser de plus en plus l'énergie de l'hydroélectricité soit avantageuse pour nous.

M. Neuman (Dominique): Vous parlez des coûts de réduction? Je veux être sûr de bien comprendre votre question.

M. Boucher: Vous parlez des impacts socioéconomiques. Évidemment, il y a des coûts aux impacts socioéconomiques: l'effet de serre, etc. Mais il y a aussi des coûts pour réduire la consommation de ces énergies-là. Je voulais voir si les connaissances actuelles nous permettent de balancer tout ça. En d'autres mots, quand mes amis écologistes ne veulent pas qu'on construise des lignes électriques entre Val-Joli et Saint-Césaire, ils veulent peut-être qu'on utilise davantage les énergies thermiques. J'essaie de voir comment on peut répondre à ces gens-là.

M. Neuman (Dominique): Bien, c'est qu'il y a très, très, très peu de thermiques actuellement au Québec...

M. Boucher: Non, non. Je sais.

M. Neuman (Dominique): ...et, dans le plan stratégique, il n'est heureusement pas question de le développer au Québec. Il y a un chapitre sur lequel on pourrait vous faire des commentaires. Il y a une remarque qui est faite dans le plan stratégique quant au développement de cette filière aux États-Unis. Nous avons des commentaires à faire. Mais, au Québec, actuellement, le non-développement des lignes, les lignes de transport qui sont mentionnées, ma compréhension, c'est que c'est pour sécuriser le réseau. Il n'est pas question de supprimer une source thermique dans votre région, à ma connaissance.

M. Boucher: Non, non, ce n'est pas ça que je... En tout cas. Bref, vous nous parlez beaucoup de la consommation d'énergie et des effets nocifs et vous voulez remplacer ça de plus en plus par la réduction de ces coûts-là. Vous parlez d'urbanisation, de... O.K. Je veux voir si nos études actuelles nous permettent de mesurer tout ça, en termes d'impact.

M. Neuman (Dominique): Actuellement, en termes d'impact, il y a très peu de recherches, très peu d'évaluations qui sont faites. C'est ça, le problème. C'est que l'étalement urbain se fait de toute façon, souvent par des tiraillements; chacun essaie d'attirer dans sa municipalité certains investissements. Il y a des compétitions qui se livrent entre villes d'une même région pour attirer des investissements. Et il manque cette appréciation globale des effets de cela à long terme, on s'en aperçoit.

À Montréal, d'où nous venons, il y a un grave problème de ce qu'on appelle l'effet de beigne, l'effet que le centre de la ville se dépeuple et, en plus, a moins de capacité fiscale pour assumer les coûts régionaux que la ville assume. Les structures ne sont même pas là; il n'y a même pas de structure régionale. On est en train de les former, de les déformer. La banlieue s'oppose à une taxe régionale; il n'y a pas de structure pour l'imposer. Il n'y a pas d'action du gouvernement du Québec pour essayer de coordonner tout ça. Donc, il y a des gestes à prendre pour qu'on soit en mesure... d'abord, pour qu'on ait les instruments qui nous permettraient ne serait-ce que de l'évaluer, ce qui est en train de se passer, les pour et les contre.

Philippe, tu voulais ajouter quelque chose?

M. Belley (Philippe): Ce qui se produit en ce moment, c'est que, simplement, quand on voit, par exemple, aux nouvelles, ils annoncent que la construction résidentielle a augmenté, les gens disent: Ah! ça va bien, l'économie va bien. Mais, à long terme, est-ce que les vrais coûts ont été calculés? C'est parce que c'est des externalités qui ne sont pas incluses dans les coûts. Les gens qui construisent les quartiers de bungalows, je pense qu'ils ne calculent pas tous les coûts. C'est juste ça. Mais on ne veut pas faire la querelle entre banlieusards – je pense que ce n'est pas le mandat de la commission – puis villes. C'est une grosse querelle, mais on va finir ça.

M. Boucher: Je me rends compte que j'aurais beaucoup de questions à vous poser pour donner suite à ça, mais il me reste deux minutes. Alors, vous parlez dans votre mémoire, aux pages 11 et 13, que le gouvernement devrait encourager – et la commission, évidemment – l'Agence de l'efficacité énergétique à financer les programmes au moyen d'une taxe ou d'une redevance sur la consommation énergétique, ciblant davantage, évidemment, les sources d'énergie polluantes ou non renouvelables.

Sur la base de quels critères ou paramètres cette taxe ou redevance, selon vous, sur la consommation énergétique devrait être fixée?

M. Belley (Philippe): Premièrement, ça a été évoqué plus tôt dans la journée. Il y a des gens qui se sont plaints qu'Hydro-Québec n'investissait pas dans les économies d'énergie. Or, c'est vrai que, pour eux, ce n'est pas rentable d'investir dans les économies d'énergie parce que, un, ils perdent des revenus puis, deux, ça leur entraîne des coûts. Ça fait que c'est normal qu'ils ne veuillent pas investir là-dedans. Mais pourquoi on ne crée pas une autre entreprise à côté qui, elle, tirerait ses revenus des économies d'énergie? Par exemple, on installerait des chauffe-eau chez les gens. On dirait: On investit pour vous puis on prend une partie des bénéfices qui sont dus aux économies d'électricité. À ce moment-là, ça ferait comme une concurrence à Hydro-Québec puis ça aurait une logique interne. Là, dans la logique interne d'Hydro-Québec, il n'y a pas ça, il n'y a pas d'incitatif à faire ça. Puis, moi, je les comprends parfaitement.

(18 h 10)

Là, pour répondre à votre question, c'est-à-dire sur quels critères on devrait imposer une taxe pour aller tirer des revenus à cette agence-là, nous, on pense que c'est sur les émissions de carbone de la source de pollution. Parce que, nous, on pense que les pétrolières, qui ont une énergie qui est importée puis qui est polluante, devraient payer plus qu'Hydro-Québec qui est quand même notre possession, puis qui a une énergie qui est renouvelable et quand même avec des impacts environnementaux qui sont locaux, contrôlables. Qu'il y a des impacts, on le reconnaît, mais, contrairement à d'autres écologistes qui semblent ne s'en tenir qu'à ça puis penser qu'une rivière, c'est juste fait pour être regardé, puis couler... Il y a d'autres choses que ça dans une rivière. Nous, c'est ça qu'on voit.

M. Boucher: Je trouve intéressant votre commentaire, puis je vous dirai que, si vous faites concurrence à Hydro-Québec de la façon que vous le pensez, vous allez aider Hydro-Québec à vendre son électricité ailleurs, ce qu'on économisera là.

M. Belley (Philippe): Peut-être.

M. Boucher: Je vous remercie.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. M. le député d'Orford.

M. Benoit (Orford): Oui. Le député de Johnson nous parlait de ses amis environnementalistes. Ça s'adonne qu'on a les mêmes amis. Il y a juste que la ligne ne passera pas dans son comté, elle va passer dans le sien, et les points de vue sont différents à ce moment-là.

Est-ce qu'Hydro-Québec a raison de se lever un matin, puis de convaincre le Québec, en dedans de 24 heures, qu'il y a péril en la demeure et qu'on doit effectivement, d'urgence, enlever le BAPE de là, enlever la Régie de là, enlever la société de... enlever tout le monde de là et essayer de nous convaincre en 24 heures que le feu est pris à la grandeur du Québec parce qu'effectivement il y a une région qui a été pénalisée, et de nous passer des lignes comme du spaghetti un peu partout?

Je veux dire, on sait qu'Hydro-Québec, historiquement, n'a pas aimé aller faire une génuflexion dans les sous-sol d'églises et écouter les groupes d'environnement. On sait que c'est fastidieux, c'est long, c'est périlleux, et tout ça, mais ça fait partie de la démocratie. Et j'ai l'impression qu'il y a un couvert, il y a un pan de mur de la démocratie environnementale qui est tombé depuis quelques semaines au Québec. J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.

M. Neuman (Dominique): D'abord, à notre connaissance, ce sont les élus, donc vous, qui... Je parle de façon large de l'ensemble des députés qui ont pris cette décision, et ça inclut le gouvernement. Ça ne me semble pas être Hydro-Québec.

M. Benoit (Orford): C'est un décret.

M. Neuman (Dominique): Bon. Non, mais c'est ça, c'est un décret. Il est essentiel que des institutions comme le BAPE existent et jouent le rôle. Selon les données techniques dont on nous informe, il y a urgence telle qu'il faut que certains travaux soient faits dans une échéance de un an ou de deux ans. Il est essentiel de trouver des moyens de tenir une forme peut-être réduite mais une forme qui soit la plus crédible possible et la plus complète possible et qui corresponde de façon la plus proche possible à ce que les institutions que nous avons déjà de façon régulière auraient fait.

S'il y a des moyens d'accélérer les délais, nous n'avons absolument aucun problème avec le fait d'accélérer les délais, mais il faut qu'au niveau du contenu et de la substance, à la fois de l'input qui pourrait être donné et au niveau du résultat, on essaie de se rapprocher le plus possible de ce que le BAPE aurait pu faire, ou la Régie de l'énergie si certains éléments étaient de son mandat, ou la Commission de protection du territoire agricole aurait fait.

Cela peut impliquer notamment aussi de s'inspirer des rapports du BAPE qui existent déjà sur d'autres projets qui pourraient être jugés similaires aux nouveaux projets de lignes qui sont en train d'être mis en place. Donc, il faut s'inspirer le plus possible de l'expertise qui existe déjà – on ne part pas à zéro – des rapports qui existent. Il y a un équilibre à trouver, mais nous ne sommes absolument pas pour la suppression en catastrophe de toute évaluation environnementale. On comprend que le contenu de ce qui va avoir lieu n'est pas encore complètement défini et on espère que ce soit le plus complet possible en termes d'évaluation des impacts soit environnementaux ou socioéconomiques.

M. Benoit (Orford): Juste amicalement, pour votre meilleure compréhension, un décret... Les parlementaires, ici, n'avons rien eu à voir avec ce décret-là.

M. Neuman (Dominique): Non, non. C'était plus une image, à savoir que c'est les élus qui ont pris la décision de... En tout cas, les élus, ceux qui sont dans le gouvernement, qui ont pris cette décision. Je suis conscient qu'aucun des membres de cette table n'a pris part à cette décision et que peut-être certains membres de la table ont des choses à dire sur cette décision-ci.

M. Benoit (Orford): Très bien.

Le Président (M. Beaulne): Mme la députée de La Pinière, très brièvement.

Mme Houda-Pepin: Oui. Merci, M. le Président. Alors, moi, je voudrais vous féliciter pour le mémoire. Il est assez bien fouillé. C'est très rafraîchissant d'avoir des jeunes, un point de vue, aussi, de jeunes. Vous faites partie du Groupe de recherche appliquée en macroécologie. C'est la première fois que j'entends parler de ce groupe. J'imagine qu'il y a beaucoup de gens très dynamiques qui travaillent avec vous.

Votre conception du développement durable me plaît beaucoup, de la façon dont vous l'avez amenée. Vous avez souligné à juste titre que l'internationalisation et la globalisation, ce n'est pas un phénomène nouveau, du moins pour l'environnement, et toutes les questions s'y rattachant.

Dans votre mémoire, vous avez parlé du deuxième axe – notamment à la page 9 – et vous faites référence aussi à l'exportation, aussi bien au niveau des États-Unis que par rapport à l'Ontario. Qu'est-ce qu'il représente pour vous, le marché ontarien, en termes de potentiel pour Hydro-Québec?

M. Neuman (Dominique): Là-dessus, la situation est récente et en train d'évoluer, parce qu'il y a une situation nouvelle. C'est-à-dire, on n'a pas les chiffres. Ces chiffres dépendent des choix finaux que le gouvernement ontarien fera. Théoriquement, les centrales nucléaires sont temporairement désaffectées. C'est leur statut actuel. Le gouvernement ontarien, parallèlement, est en train de modifier de fond en comble non seulement sa politique énergétique, mais la structure d'Hydro-Ontario qui pourrait être divisée en une série d'entreprises. De là...

M. Belley (Philippe): Je peux peut-être compléter? C'est que l'enjeu, pour nous, de l'Ontario, c'est que là ils ont un problème avec la filière nucléaire, ils vont choisir une autre filière. Ils ont des rivières, mais ils n'ont pas beaucoup poussé cette filière-là. Nous, on a des projets possibles, on a des choses possibles qui... Si ce n'est pas ça, ça va être du charbon, ça va être du gaz, puis ça va nous retomber dessus parce qu'on est à côté puis les vents dominants sont à côté. Après ça, vous allez avoir les gens qui ont des érablières, qui ont des pertes, vous allez avoir les gens qui ont des terres agricoles, vous allez avoir peut-être plus de désastres climatiques.

Nous, on n'est pas alarmistes. On ne vous dit pas que le verglas, c'est directement relié à ça. On ne peut pas dire scientifiquement que c'est directement lié à ça. Sauf que ce qu'on remarque dans le monde, c'est que, depuis qu'il y a de plus en plus de gaz à effet de serre, il y a de plus en plus de perturbations assez imprévisibles. D'ailleurs, il y a plusieurs compagnies d'assurances qui s'en plaignent, maintenant, puis qui n'acceptent plus d'assurer les actes de Dieu, qu'on appelle, entre guillemets. La question, c'est ça. On a le choix entre les laisser choisir une filière qui est non renouvelable, qui est polluante, qui est importée, ou vendre notre hydroélectricité. C'est ça, le choix.

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. Belley, M. Neuman, malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. C'est l'inconvénient d'avoir accepté un grand nombre de groupes à venir nous exposer leur point de vue. Nous vous remercions.

J'invite maintenant le dernier groupe de la journée à s'asseoir à la commission, le Conseil de bande de Betsiamites.

Alors, messieurs, la commission vous souhaite la bienvenue. Nous avons un maximum de 25 minutes à notre disposition pour les échanges de part et d'autre. Alors, je vous demanderais, comme je l'ai fait au groupe précédent, d'essayer de limiter votre présentation à 10 minutes pour que nous puissions procéder aux échanges, en vous invitant à vous présenter pour les fins de la transcription.


Conseil de bande de Betsiamites

M. Simon (René): Merci, M. le Président. Alors, mon nom, c'est René Simon. Je suis le chef de bande de Betsiamites, réserve montagnaise sur la Côte-Nord. Pour les circonstances, je suis accompagné de M. Denis Brassard, qui est conseiller technique pour la bande, et de M. Jean-Marie Vollant, qui est membre, lui aussi, de notre Conseil.

Alors, au nom de la première nation de Betsiamites, Côte-Nord, je voudrais remercier cordialement la commission parlementaire de nous avoir invités à commenter la planification stratégique d'Hydro-Québec et les orientations de la politique énergétique du gouvernement québécois. Vous savez mieux que quiconque que notre première nation a été la plus touchée de l'histoire du Québec concernant les aménagements hydroélectriques de son territoire ancestral par les bâtisseurs d'eau. Près du quart de la puissance hydroélectrique, de la production énergétique installée provient de notre territoire ancestral, qui s'appelle le Nitassinan.

(18 h 20)

Nous comprenons bien les besoins d'énergie des citoyens du Québec, mais il est d'un intérêt majeur de prendre aussi en compte nos propres besoins de développement, nos droits fondamentaux et le respect de notre environnement. Notre peuple a beaucoup sacrifié de son mode de vie, de sa culture, de son territoire et de ses ressources naturelles à l'autel du développement du Québec. Nos trois grandes rivières, Manicouagan, Outardes et Betsiamites, ont été harnachées à des fins d'énergie et d'immenses bouleversements ont été faits sur notre territoire, tout cela sans études d'impact. La rivière Betsiamites nous procure encore, tant bien que mal, une ressource faunique, le saumon, dont nos traditions se sont toujours nourries jusqu'à aujourd'hui. Mais nous avons été chassés de notre territoire traditionnel au profit des besoins des autres utilisateurs des ressources.

Nous nous retrouvons aujourd'hui marginalisés dans une réserve, dans un contexte de sous-développement, avec de multiples problèmes sociaux. Les taux qui concernent nos indicateurs de développement social et économique sont désastreux et nos droits et nos intérêts n'ont pas été de la moindre façon respectés. On se rencontre aujourd'hui concernant une nouvelle politique d'énergie et une planification stratégique basée sur la notion de profit et de business. L'environnement, les droits et les intérêts des peuples autochtones ne semblent être vus qu'en termes de contraintes à éliminer ou à mitiger pour rentabiliser le coût de production du kilowattheure. Plutôt que de négocier sérieusement, on veut toujours nous faire passer pour des obstacles au progrès.

Hydro-Québec s'apprête à détourner chez nous le cours de quatre rivières pour optimiser les centrales de production existantes. Trois de ces rivières viendraient gonfler le débit de la rivière Betsiamites et augmenter le facteur d'utilisation des ouvrages existants. Une quatrième, la rivière Boucher, viendrait assécher la plus importante frayère à saumon de la rivière Betsiamites.

On nous propose une formule de société en commandite pour accéder aux profits éventuels de cette nouvelle production planifiée dans un contexte où toutes les règles du jeu ont été définies ailleurs et où nous aurons peu de choses à dire sur la justification et l'acceptabilité des projets de développement. On nous offre une formule de participation financière dont l'essence est de partager avec tous les autres intervenants et gestionnaires du territoire un profit basé sur un «package deal» global et sans discussion des quatre projets pris comme un tout, sur des critères de répartition décidés unilatéralement dans les officines d'Hydro-Québec et sur une formule qui laisse le contrôle total de l'entreprise à Hydro-Québec.

Hydro-Québec a décidé de calculer la participation des MRC et des groupes autochtones en fonction de la longueur des rivières coulant sur le territoire de chacun et du volume d'eau prélevé sur ce territoire. Mais Hydro-Québec a oublié de faire un certain nombre de constats d'importance majeure: premièrement, toute cette eau et cette énergie proviennent de notre territoire ancestral; deuxièmement, notre titre indien et nos droits ancestraux existent toujours sur ce territoire et sur ces ressources naturelles; troisièmement, la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada nous donne totalement raison concernant l'obligation de la couronne de respecter nos droits sur le territoire et de négocier des accommodements avec nous concernant le développement.

Les gouvernements du Québec et du Canada sont assis avec nous à une table de négociation concernant ces droits et le moindre respect de cette négociation suppose des consultations et des arrangements préliminaires avant tout décision. Ce n'est pas ce qu'on constate actuellement, alors que les stratégies sont totalement élaborées et même adoptées par décret du gouvernement. Est-ce là ce que d'aucuns appellent la démocratie et le sens de la motion de reconnaissance des nations autochtones adoptée par l'Assemblée nationale en 1985?

En bref, 100 % des projets de détournement d'Hydro-Québec auront un impact sur la rivière Betsiamites, sur la rivière principale des Pesamit Ilnuts, et 100 % de ces travaux auront un impact sur notre propre potentiel de développement, sur nos droits, sur notre mode de vie et sur notre culture.

Nous sommes donc loin d'une véritable parité et d'une authentique formule de partenariat. Il s'agit là d'un partenariat totalement biaisé en faveur d'une partie et dont le seul objectif est d'acheter la paix avec le milieu régional. Nous ne pouvons sincèrement embarquer dans une telle formule sans avoir été considérés auparavant comme un partenaire incontournable dans tout aménagement de notre territoire, sans avoir négocié de bonne foi avec le promoteur concernant l'acceptabilité environnementale de chacun des quatre projets de détournement et sans avoir conclu une entente d'atténuation des impacts et de développement communautaire.

Il y a les projets futurs, mais il y a aussi les projets passés. Le territoire des Innu de Betsiamites est largement hypothéqué et détruit par les nombreux ouvrages existants d'Hydro-Québec, et ce, depuis les années cinquante. Cela a contribué à détruire largement notre mode de vie et notre économie traditionnels.

Nous avons retiré des miettes de ces ouvrages qui ont donné du courant au Québec et, même si nous comprenons les besoins énergétiques du Québec, cela a aussi détruit notre territoire, nos activités et notre mode de vie. Nous n'avons eu que des impacts négatifs de ces projets alors que les profits, l'économie, le développement et les emplois sont allés ailleurs. Nous réfléchissons sérieusement aux moyens pour obtenir justice quant à ces développements effectués par le passé mais dont nous avons été exclus.

Hydro-Québec veut aller vite et tourner les coins rond. La société d'État devra respecter à la lettre les lois environnementales et ne pas tenter de court-circuiter les mécanismes mis en place pour qu'on puisse connaître la vérité sur ces projets et prendre une décision éclairée.

On a travaillé beaucoup à la rédaction d'un mémoire et on l'a déposé à la commission de l'économie et du travail concernant le plan stratégique d'Hydro-Québec. Nous vous invitons, si ce n'est déjà fait, à lire nos recommandations et nos demandes précises relativement à la stratégie d'Hydro-Québec. On se sent floués par le décret du gouvernement qui autorise, sans discussion préalable, un virage majeur dans les orientations d'Hydro-Québec. La tempête de verglas et la mention dans le décret de la sécurité des approvisionnements et du maintien de la qualité du service à la clientèle ne sont aucunement pertinentes à la volonté d'Hydro-Québec de harnacher encore plus nos rivières pour exporter sur le marché libre de l'énergie.

Nous avons choisi de faire connaître aux décideurs québécois nos analyses et nous allons collaborer à tous les débats publics pertinents. Nous prendrons aussi les moyens nécessaires pour faire valoir nos droits et nos intérêts.

En résumé, nous ne sommes pas contre le développement, mais celui-ci doit se faire dans la prise en compte de ses effets cumulatifs, dans la considération sérieuse de l'esprit et de la lettre des lois environnementales et dans la considération sérieuse des droits et intérêts de notre première nation.

Merci beaucoup. Nous sommes prêts maintenant à répondre à vos questions.

Le Président (M. Beaulne): Je vous remercie, M. Simon, de cet exposé à la fois succinct et direct. J'invite le député de Laurier-Dorion à ouvrir nos échanges.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. M. Simon, c'est un plaisir de se retrouver. Vous connaissant un peu, et je le fais au nom de tous les membres de ma formation ici, j'ai cru déceler un certain agacement dans votre voix qui, habituellement, est plus calme, je dirais. Est-ce que je me trompe ou je crois comprendre que... surtout suite à la récente décision de la Cour suprême. Peut-être que je vais le tourner en question: Est-ce que, suite à cette décision de la Cour suprême, le ministère ou le ministre responsable des Affaires autochtones, ou Hydro-Québec... Est-ce qu'il y a eu des contacts, des suites qui ont été données, surtout en fonction des perspectives de développement dans votre région? Je sais que ça fait longtemps que vous êtes impliqués au niveau des négociations qui, depuis trois ou quatre ans, semblent avoir pris un chemin qui semble tourner en rond. Est-ce que votre agacement est réel? Et est-ce que ça vient de ça?

M. Simon (René): Disons que l'agacement comme tel, je pense qu'il est réel. Pour être honnête avec vous, M. Sirros, je ne sais pas à combien de commissions parlementaires j'ai participé, disons, en 18 ans ou 20 ans de travail avec les autochtones, soit en tant que président d'une association autochtone ou en tant que chef de bande. Puis je pense que je n'ai pas compté aussi le nombre d'audiences que j'ai passées du côté fédéral. Vous avez raison quand vous me dites que je suis peut-être blasé par le fait justement qu'on rédige des mémoires pour les autochtones, pour nos membres, on rencontre les membres des commissions parlementaires, mais je n'ai jamais vu de résultat positif, depuis que je suis en politique, en matière autochtone.

(18 h 30)

Vous avez raison quand vous dites qu'il n'y a peut-être pas un désintéressement de ma part, sauf qu'on fait mention justement, dans le rapport qu'on a présenté, le mémoire qu'on a présenté... Je ne veux pas en faire un débat ici avec les membres de la commission, sauf que, quand on parle de notre territoire ancestral, il y a une douzaine de barrages hydroélectriques qui ont été construits dans les années cinquante et soixante. Il y a eu effectivement une entente qui a été signée, une entente qui a été négociée très vite et qui totalise un montant de 150 000 $ pour 12 barrages hydroélectriques. Et là on parle actuellement, justement, de détourner quatre autres rivières pour augmenter le réservoir de Pipmuacan, pour augmenter aussi le réservoir de Outardes.

Et quand on parle, justement, de détourner quatre rivières, encore là, je fais référence, disons, à ce qui s'est passé. Je pense que j'ai eu l'occasion de vous voir aussi, à la TV, commenter la décision assez rapide du gouvernement d'adopter, peut-être d'une façon mitigée, le plan stratégique d'Hydro-Québec, à cause, justement, du contexte du verglas. Je pense que, nous aussi, ça nous a affectés, dans le sens de dire: Bon. On s'est même posé la question: Est-ce que la commission parlementaire va faire ses travaux même s'il y a eu, justement, une acceptation tangible à la planification stratégique d'Hydro? On s'est posé la question.

Donc, aujourd'hui, je me ramène au niveau des membres élus du gouvernement québécois, tant au niveau du Parti libéral qu'au niveau du Bloc. On s'est posé la question en arrivant. On était peut-être les derniers sur la liste: Est-ce que c'était de bon ou de mauvais augure pour les Innu qu'on est, ici, qu'on représente, justement, la bande de Betsiamites?

M. Sirros: C'était pour leur permettre de réfléchir par la suite.

M. Simon (René): Oui. O.K. En tout cas, c'est comme je vous disais, M. Sirros, j'ai participé à des commissions parlementaires. Je connais la machine gouvernementale, je connais le rouage, mais je suis ici, ce soir, et disons que je vous ai présenté la position de la bande. Je vous inciterais à réfléchir sur la situation. Le mémoire qu'on a présenté, je pense que c'est un mémoire véridique. On a l'intention, justement, d'aller peut-être de l'avant. Quelqu'un a parlé d'être proactif. Je pense que ce serait le temps que les Montagnais de Betsiamites soient proactifs, dans le sens que, quand il y a eu l'événement de la Baie-James, disons qu'on s'est montrés un peu à l'écart en disant: Bon, ça concerne les Cris de la Baie-James pour le projet de harnachement des différentes rivières. On n'est pas allés en cour avec les Cris de la Baie-James. On s'est dit: Bon, on est civilisés, on est un groupe francophone, le gouvernement du Québec est francophone, il y a moyen de s'entendre avec eux autres. Sauf que l'entente a été signée dans les années soixante-quinze et, encore là, aujourd'hui, on répète le même discours, on parle de détournement de rivières. Puis, c'est comme je vous dis, ça fait 15 ans, 18 ans que je suis dans le domaine politique, mais j'ai confiance. Disons que j'ai confiance au gouvernement, aux membres élus, de prendre en considération, justement, toute l'approche d'Hydro-Québec, peut-être l'approche aussi au niveau du gouvernement en matière de négociations territoriales.

Vous-même, M. Sirros, je pense que vous avez participé à des séances de négociation. On est en négociations depuis bientôt 18 ans. Et, quand on fait la comparaison, on parle de détourner quatre rivières, d'augmenter le débit, justement, de la rivière Betsiamites. On met en péril le saumon qui est une ressource assez importante pour les autochtones de Betsiamites. On fait la comparaison, justement, des divers développements qui ont eu lieu antérieurement. Je prends en référence la Convention de la Baie James où il y a eu des millions qui ont été versés. De surcroît – je ne veux pas, disons, faire le procès des Cris – c'était un groupe anglophone.

Dernièrement, on a harnaché SM 3. En 1993-1994 – je pense que vous étiez là – on a versé 60 000 000 $ et quelques à la bande de Uashat. Puis, quand on prend notre territoire ancestral, qui comporte 12 barrages hydroélectriques qui représentent à peu près le quart de la puissance d'énergie hydroélectrique au Québec, ça concerne notre territoire. Et tout ça pour, justement, des miettes. C'est pour ça qu'on a confiance de faire la présentation au niveau des membres de la commission. Ce n'est pas une question d'argent. C'est une question de prendre en considération, je pense, les intérêts des autochtones. Parce que les conditions socioéconomiques sont très négatives au niveau des bandes indiennes, surtout au niveau de notre bande. Moi, je peux vous en fournir la preuve; je suis chef de bande et je connais les membres de ma population.

Donc, c'est un peu le sens de ce dont je voulais justement vous faire part suite à votre questionnement, M. Sirros.

M. Sirros: Merci pour ce témoignage. Je sais que, notre temps étant limité, c'est des collègues de l'autre côté qui vont poursuivre.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Johnson.

M. Boucher: Alors, vous avez répondu à une question avec beaucoup d'ardeur et d'émotion. Je pense que ça me touche beaucoup. Soyez assuré que ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd.

J'aimerais vous poser des questions qui ne demanderont pas une réponse aussi longue, j'espère. Notamment, le fait que, dans votre mémoire, à la page 11, vous mentionnez que le processus de consultation mis en place par Hydro-Québec, dans le cadre des projets de dérivation partielle, ne correspond pas à votre idée du partenariat et de la transparence. J'aimerais que vous me parliez brièvement de ce type de consultation menée par Hydro-Québec et des mécanismes que vous souhaiteriez qui soient mis en place, quant à vous, pour améliorer le processus. Parce que ça me semble important, toute la notion de partenariat, pour vous, un véritable partenariat. J'aimerais que vous me parliez de ça.

M. Simon (René): O.K. En résumé, c'est qu'Hydro-Québec, depuis qu'on parle justement du projet de dérivation des quatre rivières, elle est en consultation avec les municipalités. Il y a une table régionale qui a été formée au niveau de la Côte-Nord, qui implique aussi des MRC de la Haute-Côte-Nord, qui implique aussi des MRC du côté du Lac-Saint-Jean. Donc, la table régionale comme telle, ça regroupe cinq MRC et trois conseils de bande, c'est-à-dire le conseil de bande des Escoumins-Essipit et le conseil de bande de Mashteuiatsh-Pointe-Bleue.

Sans vouloir dire qu'on est en complète opposition avec la façon dont Hydro-Québec mène ses démarches – et ça rejoint un peu ce que je disais tout à l'heure en réponse à la question qui avait été soulevée par M. Sirros – c'est tout le contexte de la négociation comme telle. Nous, ce qu'on dit en tant qu'Innu, en tant qu'autochtones: On est en négociation depuis 20 ans, il n'y a rien de réglé, puis là il y a une décision qui vient d'être rendue au niveau de la Cour suprême, la cause Delgamuukw, qui va plus loin qu'une reconnaissance de droits autochtones. Ça va jusqu'au niveau du titre autochtone. Ça va jusqu'à dire que les autochtones ont une certaine notion ou un certain concept de propriété privée sur l'ensemble du territoire ancestral, et ça, ça va très haut.

De la façon dont Hydro mène ses démarches actuellement, c'est qu'on est placés sur le même pied d'égalité que les MRC. C'est un peu l'opposition que les Montagnais amènent en fait d'argumentation au niveau d'Hydro-Québec. Comme on vous le disait, on est en négociation depuis bientôt 20 ans. Il n'y a rien de réglé au niveau du droit et au niveau des ressources. Et, quand on fait référence à Hydro-Québec, Hydro-Québec... En tout cas, si on fait l'historique, si on se ramène à antérieurement, Hydro fait des profits. Il y a une certaine partie de ces profits-là qui retourne au gouvernement du Québec, le gouvernement du Québec les retourne aux MRC, mais pas aux autochtones, pas aux Montagnais de Betsiamites. En tout cas, c'est un peu le contexte, le pourquoi de l'objection. Ce n'est peut-être pas une objection formelle comme telle, mais on émet certaines réticences là-dessus.

M. Boucher: Bien. À la page 20 de votre mémoire, vous parlez aussi d'un comité de bassin. Vous savez que c'était à la mode, ça, la gestion des cours d'eau par bassins. J'aimerais ça que vous décriviez votre vision de la façon dont pourrait fonctionner ce fameux comité de bassin qui semble quelque chose d'important pour vous.

M. Simon (René): Je vais laisser la parole à M. Brassard.

(18 h 40)

M. Brassard (Denis): En fait, c'est une idée que les gens de Betsiamites entretiennent depuis longtemps. C'est que la rivière, actuellement et depuis toujours, est gérée par Hydro-Québec. C'est une rivière qui coule, qui est adjacente à la réserve indienne et au village, et c'est dans cette rivière-là que les Montagnais pêchent le saumon chaque année depuis des temps immémoriaux. Depuis le harnachement de la rivière Betsiamites, il y a une petite population de saumons qui survit de peine et de misère, mais la rivière est gérée par Hydro-Québec et c'est les besoins d'Hydro-Québec qui déterminent les débits saisonniers, etc. Mais, bien évidemment, ces débits-là ne sont pas suffisants pour restaurer la ressource saumon et faire en sorte que cette ressource-là puisse être augmentée.

Alors, c'est de cette problématique-là qu'est née l'idée d'un comité de bassin qui ferait en sorte que la rivière ne serait pas gérée exclusivement par Hydro-Québec, mais dans lequel les Montagnais de Betsiamites seraient impliqués et auraient leur mot à dire sur la gestion des débits et de la rivière de façon générale, et même avec d'autres utilisateurs, s'il y a lieu.

M. Boucher: Bien. Je vous remercie.

Le Président (M. Beaulne): Alors, malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. M. Simon, M. Vollant, M. Brassard, je vous remercie au nom de la commission. Je peux vous assurer, comme l'a dit mon collègue de Johnson, que votre présentation n'est pas tombée dans l'oreille de sourds. Je vous remercie de votre présence et j'ajourne les travaux de la commission à demain matin, 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 41)


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