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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 11 février 1998 - Vol. 35 N° 85

Consultations particulières dans le cadre du mandat de surveillance d'Hydro-Québec


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Christos Sirros, président
M. François Beaulne, président suppléant
M. Normand Jutras
M. Normand Cherry
Mme Fatima Houda-Pepin
Mme Cécile Vermette
M. Michel Côté
M. Robert Benoit
M. Claude Boucher
Mme Monique Simard
M. Richard Le Hir
M. Jean-Claude Gobé
M. Robert Kieffer
*M. Marc Laviolette, CSN
*M. Peter Bakvis, idem
*M. Éric Michaud, CCDE
*M. Martin Poirier, idem
*Mme Nathalie St-Pierre, FNACQ
*Mme Jenny Fahmy, idem
*M. Hubert Stéphenne, OIQ
*M. Pierre-Louis Gauthier, idem
*M. Diom Roméo Saganash, GCCQ
*Mme Johanne Mainville, idem
*M. Brian Craig, idem
*M. Tom Holzinger, Comité Baie James
*M. Michel Fugère, idem
*M. Jacques Gauthier, Boralex inc. Groupe Cascades
*M. Clément Godbout, Syndicat des employé(e)s de métiers d'Hydro-Québec (FTQ)
*M. Henri Massé, idem
*M. Jean Lavallée, idem
*Mme Louise Rozon, Option Consommateurs
*M. Sidney Ribaux, idem
*M. Pierre Brunet, Lévesque Beaubien Geoffrion inc.
*M. Jean Labrecque, idem
*M. Harvey Mead, UQCN
*Mme Manon Lacharité, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Sirros): Je vais déclarer la séance de la commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à des consultations particulières dans le cadre du suivi du mandat de surveillance d'Hydro-Québec. Comme hier, nous avons aussi la députée de La Pinière, pour laquelle il y a eu un consentement qui va durer, je pense, pour les trois jours. Et, comme hier, je présume aussi qu'il y a consentement pour qu'on puisse dépasser notre horaire après 18 heures pour terminer le travail de l'audition des groupes.

Alors, si tel est le cas, je demanderais au premier groupe qui est devant nous aujourd'hui, qui est la CSN, de vous identifier et de procéder à la présentation de votre mémoire pour lequel vous avez une quinzaine de minutes de présentation. Si vous en prenez 20, il n'y aura que 10 minutes de chaque côté; si vous en prenez 15, il y aura 15 minutes de chaque côté, le total étant de 45 minutes. Nous sommes un peu limités dans le temps, alors je vous prierais d'essayer de garder ça à l'intérieur de ces cadres-là. Alors, merci, et la parole est à vous.


Auditions


Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Laviolette (Marc): Merci, M. le Président. Mon nom est Marc Laviolette. Je suis vice-président de la Confédération des syndicats nationaux et je suis responsable, entre autres, des questions d'environnement à la Confédération. Je suis accompagné par Peter Bakvis, qui est adjoint à l'exécutif de la CSN et qui travaille de façon particulière sur ces questions-là.

D'abord, je voudrais remercier la commission d'avoir accepté d'entendre les commentaires de la CSN sur le plan de développement stratégique d'Hydro-Québec. À la CSN, toute la question de l'évolution de la qualité de vie au Québec, de l'environnement et d'Hydro-Québec comme outil de développement économique pour les Québécois nous a toujours préoccupés, et c'est un peu ce qu'on veut vous livrer parce que, quant à nous, dans le plan stratégique d'Hydro-Québec, il y a des changements importants dans l'orientation et la définition des priorités de la société d'État, et on a des critiques et des questionnements quant à ces changements d'orientation. Mais, en même temps, on est tout à fait conscient qu'il y a eu un décret qui a adopté ce plan stratégique là – ça fait qu'on fait des commentaires sur une décision déjà prise – plan stratégique qui a évacué aussi des recommandations que cette même commission avait faites lors de son questionnement d'Hydro-Québec au début de l'année 1997.

Ça fait que, en tout cas, je pense qu'on peut se souhaiter mutuellement bonne chance parce que ça a l'air que, par rapport à Hydro-Québec, souvent, les commentaires et même les consensus sociaux qu'on peut retrouver dans la politique énergétique suite à des grands débats ne sont pas toujours pris en compte. Et, même, ça nous inquiète un peu parce que la grande transparence qui avait caractérisé, au début des années quatre-vingt-dix, le débat sur Hydro-Québec nous semble être mise en veilleuse avec des décisions comme celles qu'on on a vécues autour du plan stratégique d'Hydro, et, en tout cas, disons qu'on est assez critique par rapport à ce fonctionnement-là. Mais, quand même, on va vous livrer nos commentaires.

D'abord, brièvement, je pense que, comme tout le monde – puis je vais être bref là-dessus – pour ce qui est de la tempête de verglas, on est préoccupé par l'état du réseau électrique. Je pense que la façon dont cette crise-là a été gérée a été positive, mais la commission qui va faire la lumière sur la sécurité du réseau en cas de catastrophe, on espère que ça va nous éclairer pour l'avenir et que ça va se traduire dans les plans de développement d'Hydro-Québec. En tout cas, ce qu'on peut dire, c'est que, quand le système va bien, c'est particulier, on ne parle jamais des hommes et des femmes qui y travaillent. Quand le système va mal, les ressources humaines reviennent au premier plan, et je pense que, dans cette crise-là, on a pu voir comment les gars et les filles d'Hydro ont été déterminants pour nous relever de la crise. Et puis on sait que la ressource humaine a été particulièrement amputée dans les derniers plans de développement d'Hydro, et tout ça est questionnable, mais je pense que la commission va faire la lumière là-dessus.

(9 h 40)

Dans le plan stratégique, il y a – en tout cas, c'est quasiment redondant – les prévisions d'Hydro-Québec sur la demande d'électricité. Ce qu'on peut voir, ce qui est prévu, c'est que, bon, la demande va rester stable aux niveaux domestique, agricole, institutionnel, commercial. Les augmentations de la demande sont prévues dans le secteur industriel, même qu'on prévoit 3 % d'augmentation de la demande dans ce secteur-là comparativement à une augmentation de la demande, dans les secteurs que je vous ai mentionnés tantôt, qui est de 0,8 %. Même que l'accroissement de ces ventes-là, ça représente 76 % des ventes additionnelles au Québec au cours des cinq prochaines années.

Mais, s'il y a une augmentation de la demande au niveau des projets industriels, on se demande où sont les projets industriels qui vont pomper cette électricité-là. À part du gros projet Magnola dont on entend parler, on les cherche. On aimerait ça qu'ils soient mis sur la table pour voir si, pour cette demande-là, l'augmentation est vraiment réaliste. Et puis on se demande aussi si Hydro-Québec a tenu compte des rationalisations dans les industries énergivores comme, par exemple, dans les pâtes et papiers. On sait qu'il y a une rationalisation dans ces industries-là, on ferme des machines, et ça fait moins d'électricité qui est demandée. Et tout ça ne nous apparaît pas clair et même qu'on qualifie la tendance à surestimer. C'est pathologique chez Hydro-Québec, hein, de surestimer la demande. Je vais vous donner juste un exemple. Le scénario, qui avait été adopté, de demande moyenne en 1993, s'il s'était réalisé en 1998, il aurait dépassé de 2,5 TWh ce qui est prévu dans celui-là pour l'an 2002. Ça fait que, je veux dire, je pense que c'est maladif. C'est pour ça qu'on qualifie ça de pathologique, et il faudrait que ça soit accoté par des études beaucoup plus sérieuses.

L'autre question, c'est sur la déréglementation et les ventes aux États-Unis. Dans les ventes aux États-Unis, Hydro veut débarquer dans la vente au détail, O.K.? Puis c'est correct. Je veux dire, ça peut apparaître être correct comme objectif, mais, d'abord, la vente au détail aux États-Unis, elle n'est pas déréglementée, et, sur la réciprocité pour le Québec, Hydro-Québec dit: Nous, on ne déréglementera pas notre vente au détail au Québec, mais on débarquerait aux États-Unis, par exemple, pour leur vendre de l'électricité, et ils seraient déréglementés. À l'heure actuelle, il n'y a aucun État où c'est déréglementé. Il y a certains États où c'est à l'ordre, c'est dans le menu législatif, mais ce n'est pas fait encore. Et là on parle des cinq prochaines années. Donc, c'est peut-être louable comme objectif de vouloir exporter, mais c'est strictement... En tout cas, à date, on peut dire que c'est plus fictif qu'autre chose, et la déréglementation, là-dessus, il faut se méfier. On l'a vu sur les ventes en gros. Je veux dire, on voulait vendre en gros, mais ça a eu un impact de déréglementer au Québec. La Régie de l'énergie devait, dans son mandat, faire les études d'impact sur ce que ça voudrait dire, mais la loi n'est pas passée, puis on a décrété, puis la déréglementation s'est faite. Ça fait qu'on pense qu'il faut faire attention dans ces domaines-là.

Et le volume des ventes externes, ce qui est prévu, c'est qu'il va augmenter de 43 %, ce qui représente un ajout de 6 TWh aux ventes de la société, et c'est 30 %, ça, des ventes additionnelles prévues par Hydro-Québec. Puis ils comptent en plus – je pense qu'on a vu que ce marché-là était plutôt virtuel, ou risque d'être virtuel, ou on ne le sait pas, ce n'est pas assez clair – sur une augmentation des prix de l'ordre de 25 % de l'électricité vendue hors Québec et puis on compte aussi sur une réévaluation du dollar canadien de 1997 à 2002 qui est... En tout cas, si on regarde les prévisions puis ce que c'est, la réalité actuelle, même si on sait que ça va se corriger, bien, il y a quand même une assez grosse différence entre la réalité et ce qui est prévu, ce qui voudrait dire que les prix en dollars américains devraient augmenter de 36 % pour que le prix moyen en dollars canadiens augmente de 25 %. Ça fait qu'il n'y a aucune explication dans le plan stratégique qui justifie une augmentation si forte du prix de l'électricité vendue hors Québec, d'autant plus que, pour ce qui fait concurrence à l'hydroélectricité, c'est-à-dire le pétrole puis le gaz, les prix sont en baisse. Ça fait que, si tu es dans un libre marché, je veux dire, il faut que tu tiennes compte de ça. Donc, on trouve que ces augmentations de prix, compte tenu de l'état du marché puis de ce qui se passe avec le dollar canadien, c'est nettement trop optimiste et ça ne vise qu'à faire arriver des chiffres qui vont venir justifier après des investissements dans des infrastructures pour qu'on soit capable d'exporter cette électricité-là.

La politique tarifaire, ce qu'on sait, elle est expliquée en trois pages. Et la politique tarifaire, pour nous autres, la CSN, au Québec, c'est très important parce que notre politique tarifaire permet aux consommateurs québécois d'acheter l'électricité au plus bas prix possible. Et là on nous annonce que les tarifs sont gelés jusqu'en 2002 puis que la nouvelle réglementation, elle va être appliquée à partir de... Tu vas avoir une tarification de production basée sur les abonnés grande puissance, ensuite une tarification transport, une tarification distribution. Ça fait que, pour nous autres, ce n'est pas évident qu'Hydro-Québec va pouvoir se conformer à cette nouvelle réglementation-là et puis promettre que ça ne pourra pas modifier les tarifs globaux en place pour toutes les catégories, et ça, cette démonstration-là n'est pas faite.

Une autre question qu'on se pose aussi... Dans le plan, on dit qu'on va investir 1 200 000 000 $ dans l'international, ce qui pourrait être intéressant, mais, pour les cinq prochaines années, on n'aura pas d'exigence de rentabilité de ce côté-là. Ça fait que ça va être quoi, l'impact sur la tarification de cet investissement-là? On ne le sait pas. Et l'autre question qu'on se pose, c'est que les partenariats, s'il y en a qui se développent au niveau de l'international, est-ce que les autres partenaires d'Hydro, s'ils s'associent, eux autres, ils n'auront aucune exigence quant à la rentabilité de ces investissements-là pour les cinq prochaines années ou si c'est Hydro-Québec qui va tout absorber? Encore là, ce n'est pas clair.

Pour ce qui est de la croissance et de la rentabilité, je pense que c'est important, le mandat a été donné clairement, il faut qu'Hydro-Québec génère plus de profits nets pour grossir les coffres de l'État et permettre de maintenir nos mesures sociales. Je pense que, ça, c'est correct. C'est prévu que le bénéfice net va augmenter par deux, hein? C'est ça que ça veut dire. On va passer de 760 000 000 $ à 1 200 000 000 $ et...

Une voix: 1 800 000 000 $.

M. Laviolette (Marc): 1 800 000 000 $, pardon. Mais là il faut faire attention à comment on va arriver à cette rentabilité-là. Il ne faut pas que ça se fasse au détriment de la détérioration du réseau de transport ou mettre de côté des projets qui sont importants pour maintenir la fiabilité du réseau. Et je pense que toute cette question-là va être évaluée par la commission Nicolet, comme je le disais tout à l'heure. Mais ce n'est pas vrai qu'une réduction, en tout cas, de presque 30 % de la ressource humaine n'affecte pas la fiabilité du réseau. Ce débat-là sera à faire, mais, à vue d'oeil, je pense qu'on ne peut pas dire que ça n'a pas eu d'impact et...

Les autres paramètres sur la croissance et la rentabilité, il y a donc les profits qu'il ne faut pas chercher... Il faut faire attention, dans les cibles de profits, pour ne pas mettre en danger la fiabilité du réseau. L'autre, c'est l'évolution de la demande au chapitre du prix des ventes hors Québec. Ces prévisions-là ne se matérialisent pas, puis j'ai indiqué la faiblesse. Bien, ça affecte la rentabilité. Si tu vends moins puis si tu as construit, je veux dire, tu vas avoir un problème.

D'autres paramètres qui sont douteux. Le prix de l'aluminium, on dit qu'il devrait être en moyenne à 0,795 $US par livre en 1997, 0,76 $ en 1998, mais, en février 1998, il est à 0,689 $, O.K.? Puis le prix de l'aluminium est déterminant sur les recettes d'Hydro-Québec à cause des contrats à partage des bénéfices puis de risques. Ça fait qu'il faut faire attention au niveau de ces projections-là.

(9 h 50)

Puis, comme je l'ai indiqué tantôt, dans les autres paramètres financiers, il y a le dollar canadien. Un bas dollar canadien, peut-être que c'est bon pour faire des ventes au États-Unis, mais, quand on sait que la dette d'Hydro-Québec est en dollars américains, bien, ça augmente aussi ta dette. Et, si on regarde les projections qu'ils font sur les taux d'intérêt, on les met plus bas qu'ils vont être en réalité, puis, s'ils sont plus hauts en réalité, ça affecte aussi le financement de ta dette. Ça fait qu'il faut balancer ces questions-là, et on pense que le plan stratégique donne dans l'optimisme radieux, pathologique, et ça nous inquiète.

L'autre affaire, c'est qu'il n'y a aucune mention de la planification intégrée des ressources dans le plan stratégique d'Hydro-Québec. Pourtant, c'est un des gros constats qui a été fait dans le débat sur l'énergie, qu'il fallait absolument se servir de cet outil-là pour être capable de calculer nos coûts et pour tenir compte de l'ensemble des coûts directs et des externalités. Tout ça est évacué du plan stratégique.

Et il n'y a aucun progrès sur les mesures d'économie d'énergie, et on voit même que, après 1998, il n'y a plus de progrès. On prétend qu'on a fait tout ce qu'on avait à faire. Bien, je veux dire, il faut être capable de faire les comparaisons. Si l'économie d'énergie te permet de dégager des kilowatts que tu peux vendre après, il faut regarder combien ça, ça coûte par rapport à construire des unités de production pour produire des kilowatts puis à coût élevé. Il faut que tu compares les deux. Et, quand on arrête l'économie d'énergie dans le plan de développement stratégique, bien, je pense qu'on risque d'avoir des calculs qui vont être coûteux pour la population du Québec. Et, si on vend de l'électricité en bas du prix de ce que ça nous coûte pour la produire, ça va avoir un impact sur la clientèle captive que sont les citoyens du Québec. Il va falloir que quelqu'un paie pour la différence, puis ça, c'est le consommateur.

Et il ne faut pas perdre de vue – puis je termine là-dessus – que le grand changement dans le plan de développement stratégique, c'est que celui qu'on a devant nous, il est en fonction de nouvelles occasions d'affaires qu'il faut saisir avec la restructuration des marchés nord-américains de l'énergie, il est axé là-dessus, tandis que la mission traditionnelle d'Hydro-Québec, c'est de fournir de l'électricité au prix le plus bas possible aux Québécoises et aux Québécois puis de contribuer à l'essor économique du Québec, de ne pas perdre notre avantage comparatif qu'on a au Québec pour attirer l'industrie ici et faire notre développement économique.

Ça fait que, en gros, c'est les points critiques. On pense que les devoirs sont à refaire au niveau du plan de développement stratégique d'Hydro-Québec parce que ça souffre de ce que ça a toujours souffert, de gonfler la demande pour justifier le syndrome du castor.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Laviolette. Alors, avec ça, ça sera le député de Drummond qui va ouvrir les questions.

M. Jutras: M. Laviolette, je vous remercie de votre présentation. Effectivement, quand on vous écoute, là, vous nous suggérez plusieurs questions à poser à Hydro-Québec lorsqu'on les entendra dans la semaine du 23, 24, 25 février. Vous parlez, dans votre mémoire, à la page 3, de l'augmentation des ventes d'Hydro-Québec et vous dites: On prévoit une augmentation de 3,3 % par année dans le secteur industriel. C'est sûr que c'est un peu spécial quand on regarde ça parce qu'on voit qu'à Hydro-Québec – et là je réfère à la page 15 du plan stratégique – l'augmentation des ventes dans le secteur industriel, c'est, la première année, de 0,7 TWh, après, 1,3, 2,3, et là, tout à coup, ça monte à 3,3, puis un autre 3,3. Alors, on se demande, effectivement, comment il se fait... On peut comprendre que les prévisions puissent être plus justes à court terme, mais comment, à long terme, tout à coup, on prévoit une hausse comme celle-là de 3,3? C'est sûr que la question m'apparaît fort judicieuse, puis il faudra la poser à Hydro-Québec, mais, cependant, dans votre mémoire à ce sujet-là, vous dites: «Est-ce que la société d'État a tenu compte des réductions de la demande qui pourraient survenir comme conséquences de rationalisations, par exemple dans le secteur des pâtes et papiers? Le plan stratégique n'en fait pas mention.»

Alors donc, ma question est à deux volets. Effectivement, on se dit: Pourquoi, tout à coup, en 2000, on prévoit une telle augmentation? Puis, par ailleurs, la CSN, vous apportez un bémol là-dessus, vous dites: Bien, est-ce qu'Hydro-Québec a tenu compte des rationalisations? Et vous en donnez un exemple. Mais je voudrais que vous soyez plus explicite là-dessus. Qu'est-ce qui en est de ce genre de rationalisation là? Est-ce qu'à votre connaissance il y en a aussi dans d'autres domaines? Parce que, si on s'aperçoit que c'est généralisé, bien, ça veut dire que, encore là, la prévision d'Hydro-Québec qui, tout à coup, monte à 3,3 TWh de plus, bien, elle en prend encore un plus grand coup.

M. Bakvis (Peter): Oui. Bien, c'est ça, on a donné l'exemple des pâtes et papiers parce qu'il y a des rationalisations qui se réalisent à ce moment-ci. Dans le Saguenay, vous avez probablement remarqué qu'il y a une usine qui a annoncé la fermeture de machines à papier. En fait, c'est déjà réalisé depuis, je crois, le 1er décembre dernier. C'est beaucoup le résultat des fusions qui sont en cours, ce qui semble être un phénomène qui va en croissant dans beaucoup de secteurs, et on sait que... On pose les questions. Il faut dire qu'on résume sur deux tiers d'une page toutes les projections de la demande pour les cinq prochaines années. J'ai ici, sur 200 pages, les documents déposés publiquement sur la projection de la demande en 1993, lors du dépôt du plan de développement. Alors, c'est bien sûr qu'on...

M. Jutras: Vous faites référence à quel document, là?

M. Bakvis (Peter): Pardon?

M. Jutras: Vous faites référence à quel document?

M. Bakvis (Peter): C'est Prévisions de la demande d'électricité au Québec , qui est une annexe du plan de développement de 1993. Alors, on nous dépose un document qui présente des données similaires en deux tiers d'une page, ce qu'on avait en 200 pages. Alors, on a été capable, donc, de voir où étaient les faiblesses la dernière fois, et la CSN, comme beaucoup d'autres organisations d'ailleurs, on a une belle occasion, avec la procédure de consultation qu'Hydro-Québec a mise en place en 1991, pour énoncer nos critiques. Il faut dire que, en fin de compte, ils ont, disons, mis dans la filière 13 la plupart de ces commentaires-là, malheureusement, parce qu'ils se sont avérés justes.

Entre autres, on vivait une récession à ce moment-là qui se manifestait par beaucoup de fermetures d'usines, et Hydro-Québec en faisait strictement abstraction. Mais ça, on était capable de le voir dans 200 pages. Ce qu'ils ont fait dans leurs projections actuelles, on ne le sait pas. La question mérite d'être posée. Mais la façon dont Hydro calcule, c'est que, à chaque fois qu'il y a une récession, une baisse de la demande quelque part, c'est un accident de parcours, puis on se rattrape six mois ou un an après. C'est exactement l'analyse qu'ils ont faite de la récession 1991-1992, et ça ne s'est pas avéré dans la réalité.

Alors, les rationalisations, on en donne un exemple, et il risque d'y en avoir d'autres. Et vous avez très bien fait de souligner que la grosse augmentation de la demande, on la met le plus loin possible, hein, parce qu'on sait qu'il n'y a pas de projets. Enfin, M. Laviolette en a mentionné un qui est gros consommateur d'électricité, mais, pour ce qui est du reste, c'est du «wishful thinking». On sait qu'on parle de la possibilité d'une nouvelle aluminerie. Il y en a une qui est en construction, mais qui va s'auto-approvisionner, là, je parle de l'Alcan dans le Saguenay. Pour les autres, il n'y a rien, absolument, qui est sur le papier, et, avant que ça ne se déclenche, que ça ne se construise, on risque de se retrouver finalement après l'an 2002. Donc, c'est des questions, on pense, qui méritent d'être posées à ceux qui fabriquent ces projections.

M. Jutras: Oui.

M. Laviolette (Marc): Puis rappelons-nous l'histoire là-dessus, parce que les projets, on les cherche. Dans tout le débat sur Grande-Baleine, la ministre responsable à l'époque – c'était Lise Bacon – d'Hydro-Québec, pour justifier Grande-Baleine, disait qu'on risquait de s'éclairer à la chandelle en 2002 tellement que la demande allait être grande. Et, je veux dire, on regarde les projections aujourd'hui, je pense que... Et ça, ça a mené au débat sur l'énergie et ça a mené aux recommandations après, et on ne retrouve plus ça dans le plan, là, ça a été évacué. Ça fait que disons qu'on veut connaître, on veut savoir quels sont les projets. Je ne sais pas si c'est lié aux élections. Il y a peut-être des annonces qui vont être faites en cours d'élection. Mais, j'aimerais ça, j'ai hâte qu'ils arrivent, on les cherche.

Des voix: Ha, ha, ha!

(10 heures)

M. Jutras: Mais, à la blague, elle a quasiment eu raison parce qu'on s'est éclairé à la chandelle durant deux, trois semaines, là. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laviolette (Marc): Ah! Dans ce sens-là, elle n'a pas menti.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jutras: Et ce n'est pas arrivé juste en Montérégie, c'est arrivé aussi au Centre-du-Québec. On ne l'a pas assez dit que c'est arrivé aussi au Centre-du-Québec. Oui, oui, à Drummondville on a été durement touché par la tempête du verglas. On parlait beaucoup de la Montérégie, mais pas suffisamment du Centre-du-Québec.

Mais je repose ma question parce que ça m'apparaît tellement important le point que vous soulevez là. Vous donnez l'exemple dans le secteur des pâtes et papiers, vous nous avez parlé de fusion, mais, moi, ma question, c'était: Est-ce que vous en avez d'autres exemples? Parce que ça m'apparaît, effectivement, tellement important.

M. Laviolette (Marc): Bien, écoutez, on ne les a pas recensées, celles-là. On les connaît parce que c'est de nos syndicats, que ça va fermer. Au Lac-Saint-Jean, je parle, là. Mais je pense que ça devrait être plutôt Hydro-Québec qui réponde à cette question-là parce qu'ils font de la demande... Ils font juste les plus, ils oublient les moins. Puis, je veux dire, il faut tenir compte des plus et des moins pour voir la vraie demande. Mais celle-là, on est sûr. Tu sais, quand il y a des usines qui ferment, des gros consommateurs d'énergie qui arrêtent leurs machines pour ne plus jamais les repartir, ça pose problème. Le reste, les gros projets consommateurs, on ne les connaît pas, comme on l'a dit. Ça fait qu'il faudrait qu'ils répondent là-dessus. Ils doivent le savoir, c'est eux autres qui fournissent l'électricité, ce monde-là. Ça fait que...

M. Jutras: Alors, on leur posera la question, oui. Maintenant, quand vous parlez de la déréglementation des ventes aux États-Unis, vous parlez du problème que pourra entraîner l'ouverture réciproque des marchés, dans un sens que, bon, si on le fait d'un côté, il va falloir le faire de l'autre, que c'est à prévoir. Et, je vous réfère à la page 5 de votre mémoire, vous dites: «Une telle ouverture risque, pour le moins, d'avoir des impacts importants sur la capacité du Québec de maintenir une politique d'uniformité tarifaire ou une politique tarifaire qui favoriserait certaines catégories de clients, dont notamment les secteurs résidentiel et agricole.»

Je voudrais que vous soyez peut-être plus explicite là-dessus, à savoir en quoi ça peut effectivement avoir des impacts importants, de un. Mais, peut-être avant de répondre à ça, sur le principe général de la déréglementation des marchés et de l'exportation, entre autres, vers les États-Unis, sur ce principe-là, c'est quoi votre position, la CSN? Est-ce que vous êtes favorable à ça?

M. Laviolette (Marc): Bien, notre position est la même. D'ailleurs, elle s'est trouvée traduite dans la loi qui a donné lieu à – je me mêle toujours, là – \la régie...

Une voix: ...la loi n° 50.

M. Laviolette (Marc): C'est ça, la loi n° 50. C'est que, avant de déréglementer, c'est assez utile de voir quel serait l'impact d'une telle déréglementation pour voir si c'est bon ou pas. Parce qu'il y en a qui en font une religion de la déréglementation. C'est marqué dans la loi, ça, mais le gouvernement n'a pas promulgué la loi. Ça fait qu'ils ont déréglementé par décret, et puis là je ne sais pas ce que ça va donner de faire un débat là-dessus après que c'est déjà fait, là. On va constater ou on risque de constater les dégâts. L'idée, c'était de faire le débat avant.

Je veux dire, tu sais, qu'on regarde juste dans le domaine du téléphone, par exemple. Les consommateurs disaient: Bien, si on déréglemente dans le téléphone, c'est bon. C'est bien beau, les longues distances, mais ça va faire augmenter le prix de base du téléphone, à cause de l'interfinancement qu'il y avait là-dedans. C'est ça qui s'est passé, puis le prix de base a monté, hein? Tout le monde a vu ça, je pense qu'on l'a tous sur nos comptes de téléphone. C'est pas mal plus cher que ça coûtait, un abonnement régulier sans faire de longues distances. Ça fait que l'impact de la déréglementation, nous, on ne veut pas que ça vienne faire sauter l'interfinancement au Québec en matière d'hydroélectricité. La façon dont on est tarifé, c'est pour faire en sorte que le consommateur, le producteur agricole aient le tarif le plus bas possible parce qu'on est propriétaire de cette compagnie-là. Ça fait que, je veux dire, c'est tout à fait normal qu'on en ait des retombées.

Puis ce qu'on dit – on dit deux choses là-dessus – c'est que, dans ses ventes externes, elle compte surtout sur le marché du détail, alors que, pour débarquer aux États-Unis sur le marché du détail, il faut qu'on ait le droit de faire ça, il faut que ça soit déréglementé, et ça, il n'y a nulle part aux États-Unis où c'est le cas. Il y a certains États où c'est au menu législatif, mais ce n'est pas fait encore. Puis on compte sur ces ventes-là tout en se disant que, nous, on ne déréglementera pas au Québec parce qu'on n'y trouverait pas d'avantage, parce que, supposément, l'avantage de la déréglementation, c'est que l'augmentation de la concurrence fait une pression à la baisse sur les prix. On n'ai pas vu ça dans le téléphone encore, là. Il me semble que les prix ont monté. Il me semble que ça me coûte plus cher que ça me coûtait avant, mais en tout cas. C'est la thèse de base, le libre marché. Ça fait que, nous, au Québec, ça donne... Ce qu'il y a dans le plan stratégique, c'est qu'on n'a pas d'avantage à déréglementer parce que notre prix est tellement bas que ça... Si on pense que les États-Unis vont nous laisser débarquer sur leur marché sans exiger la réciprocité... Je veux dire, regardons juste l'expérience de la vente au gros, ça l'a pris, la déréglementation pour être capable de faire ça. Puis, malheureusement, il n'y a pas eu de débat sur l'impact de ça. Peut-être qu'il n'y en aura pas d'impact. Il y a une loi qui disait qu'il fallait faire le débat avant de le faire. Bien, on a déréglementé, et puis la loi n'est toujours pas promulguée là-dessus. Ça fait que, tu sais, c'est inquiétant, ces affaires-là parce que, pour les citoyens québécois, toute la question d'interfinancement, c'est un acquis social important et qu'il faut préserver. C'est ça en gros. Peut-être, Peter, si tu veux compléter.

M. Bakvis (Peter): En complément, si vous permettez.

Le Président (M. Sirros): Rapidement, s'il vous plaît. On va passer tantôt au député de...

M. Bakvis (Peter): Oui, rapidement. Seulement un point. Vous avez posé une question sur l'impact sur l'uniformité tarifaire si on déréglemente au détail, si, à la limite, pouvoir jouer sur le terrain américain nous obligerait à appliquer les mêmes règles ici. Ça reste à voir. Bon, il est sûr qu'il y en a qui vont s'en tirer mieux que d'autres à cause de la capacité de négociation. Alors, on peut présumer que des gros consommateurs industriels seront mieux capables de négocier avec des fournisseurs qu'un consommateur agricole ou résidentiel. Et, bon, écoutez, ça va se jouer au niveau des coûts de fournitures, hein? On sait bien que le coût des fournitures à Gaspé, ce n'est pas le même qu'à Montréal avec les frais de transport additionnels. Alors, c'est même, à la limite, l'uniformité territoriale, un acquis de 1962, qui pourrait être remise en question.

J'ai examiné avec d'autres... Je faisais partie de la table de concertation, du débat public sur l'énergie en 1995-1996. On est allé regarder l'expérience californienne, et ce qui s'annonçait là-bas, c'étaient des baisses de tarif importantes pour l'industrie, pour la grosse industrie surtout, et beaucoup d'inquiétudes exprimées du côté des consommateurs, et, nous, on s'est exprimé... même par des compagnies de production d'électricité. Alors, si c'est dans ce sens-là qu'on va, je pense qu'on a raison d'être très inquiet. Hydro-Québec, d'ailleurs, dit elle-même qu'elle ne trouve pas d'avantages, sauf... Si, pour pouvoir exporter, il faut aussi qu'on modifie nos règles, bien, on n'aura peut-être pas le choix. Alors, c'est pour ça qu'on dit qu'il faut faire le débat avant de lancer l'idée.

Le Président (M. Sirros): Merci. Alors, on va passer au député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. M. Laviolette, dans votre mémoire, en première page, deuxième paragraphe, vous dites que l'adoption rapide du plan stratégique – et vous mettez entre guillemets la raison invoquée – c'est pour sécuriser les marchés financiers. Est-ce que je dois comprendre que la raison pour laquelle vous l'avez mis entre guillemets, c'est que vous semblez douter de la raison qui était invoquée pour la rapidité avec laquelle le plan stratégique a été adopté?

M. Laviolette (Marc): C'est pour la citer, parce qu'elle a été dite, et avec scepticisme parce que, en tout cas, la preuve n'a pas été faite. Tu sais, on peut mettre bien des affaires sur le dos de la tempête de verglas, là, mais il me semble... De toute façon, ce qui était prévu, c'est qu'il y avait une journée, sur ce fameux plan stratégique là, de consultation. Ça fait qu'on s'en allait à pleine vapeur, puis ça ressemble pas mal à du camouflage de décret plus qu'à autre chose, tu sais...

M. Bakvis (Peter): Je peux?

Le Président (M. Sirros): M. Bakvis.

M. Bakvis (Peter): L'insécurité d'habitude, ça se manifeste dans le marché, dans les prix. Il y a de l'insécurité en Asie, on voit ça dans les prix. Les prix des obligations n'ont pas bougé de façon importante.

(10 h 10)

M. Cherry: C'est parce que je croyais que la raison pour laquelle vous l'aviez mis, c'est non seulement pour les propos que vous venez de faire, quand cette raison-là a été invoquée, la raison pour laquelle je me souviens des propos, c'est qu'il y a des gens qui détiennent 38 000 000 000 $ d'obligations d'Hydro-Québec, qu'il faut les sécuriser, sécuriser le marché financier, donc il faut adopter de façon urgente le plan stratégique. En moins de 24 heures, les gens des médias qui se sont mis à la recherche de gens qui avaient besoin de cette sécurité-là n'ont pu trouver personne dans le marché financier. Il y a même des gens qui ont dit: Bien non, de toute façon, les obligations sont garanties par le gouvernement. Vous avez l'énergie, il n'y a aucun problème. Il y a même des gens qui ont des obligations qui ignoraient qu'il y avait un plan stratégique qui était en débat. Donc, ça a pris moins de 24 heures aux gens des médias pour trouver que l'argument majeur invoqué pour passer à la vapeur le plan stratégique n'existait pas dans les faits.

Bon. Ceci étant dit, je vous rappelle que, durant la même conférence de presse, la même personne qui a invoqué que c'était pour sécuriser les marchés financiers a dit que, même si par décret on adoptait le plan stratégique d'Hydro-Québec, on n'avait pas à s'énerver avec ça, c'était pour les raisons invoquées, et que, de toute façon, suite aux travaux de la commission parlementaire, si des modifications étaient jugées nécessaires par la commission, elles seraient apportées. Alors, je vous dis ça d'entrée de jeu pour ne pas laisser la perception... En tout cas, on se doit, jusqu'à preuve du contraire, de faire confiance à celui qui nous a assurés que les travaux de cette commission pourraient avoir un effet salutaire sur la modification du plan stratégique.

Maintenant, la crise du verglas nous amène, comme Québécois, à ce qu'on a toujours perçu comme étant un instrument de développement économique, une propriété des Québécois, quelque chose d'invulnérable, à peu près ce qu'on a de plus fort au Québec. On a réalisé aussi le degré de notre dépendance et, en même temps, on est obligé de constater la fragilité du réseau. Il n'est pas aussi solide qu'on le croyait, et là il semble qu'une des leçons qu'on doive tirer de ça, c'est qu'Hydro-Québec, dans ses investissements immédiats et futurs, aura à faire des choix. Est-ce qu'on doit d'abord prioriser la sécurité du réseau chez nous et, quand il y aura des surplus et que chez nous ça fonctionnera bien, on pourra vendre aux États? Il y en a d'autres qui vont soutenir qu'on devrait maintenir le plan, ne pas le modifier pour pouvoir vendre aux Américains et que l'argent qu'on fera là nous permettra de sécuriser notre réseau. Alors, je vous demande, comme organisme, si vous aviez à prioriser une des deux approches, laquelle vous souhaiteriez qu'Hydro-Québec priorise?

M. Laviolette (Marc): Je pense que c'est évident qu'il faut sécuriser le réseau pour le Québec parce qu'Hydro-Québec existe d'abord et avant tout pour les citoyens du Québec. Il me semble que c'est évident. Et comme je le disais tantôt... C'est parce que c'est pour ça, c'est passé, il y avait un peu... Tu sais, quand le système va bien, tout va bien. Mais la ressource humaine l'a sorti du trou, le système, et pourtant on l'a coupée beaucoup. C'est un peu un Titanic qu'on a vécu. C'est une manière de parler, là. On avait un réseau puissant, et là, tout d'un coup, tu t'aperçois que ce qui s'est passé, bien, c'est qu'il y a eu beaucoup de branches d'arbres qui sont tombées sur les fils, hein, ça n'a pas aidé. Les anciennes pièces d'équipement... Si on regarde les poteaux qui ont cassé, par exemple, moi, dans ma région, ce que j'ai vu, c'était beaucoup de poteaux qui dataient de 1972. Les vieux équipements... Et là, à Saint-Césaire, il y avait un projet qui avait été reporté.

Je pense que ce sont toutes des décisions qui vont ressortir de l'analyse que la commission va faire de cette crise du verglas là, mais je pense qu'il faut sécuriser le réseau, d'abord pour qu'il soit fiable. Et ça, ça joue sur les marchés parce que, si tu veux vendre de l'électricité, il faut que ça soit fiable que tu vas la rendre ton électricité. Et ça, c'est déterminant, je pense. Et, pour les citoyens du Québec, je pense qu'il n'y a personne au Québec qui veut revivre un manque d'électricité comme ça pendant aussi longtemps parce que, pour plusieurs citoyens, ça a duré au-dessus d'un mois cette affaire-là et ce n'est pas drôle pantoute. Donc, je pense qu'on se doit de faire les investissements et de prendre les décisions qui vont consolider notre réseau pour faire face à d'autres crises parce que, apparemment, on ne sera pas à l'abri de ça dans la prochaine période.

Le Président (M. Sirros): Je peux juste, peut-être, sur cette lignée-là, vous demander si vous jugez que le plan stratégique, tel que présenté, constitue fondamentalement un changement d'orientation quant à la mission fondamentale qu'Hydro-Québec a jusqu'à maintenant?

M. Laviolette (Marc): Oui, c'est ce qu'on dit.

Le Président (M. Sirros): Est-ce que c'est quelque chose de véritablement différent?

M. Laviolette (Marc): Oui, c'est ce qu'on dit à la fin, c'est qu'il est basé, si on regarde... Bon, on veut augmenter les revenus d'Hydro-Québec pour l'État, ça, c'est bien, mais il est basé en fonction des nouvelles occasions d'affaires, donc de marchés à aller chercher et avec toutes les nuances qu'on y a apportées puis en s'appuyant sur des suppositions et des prévisions qui sont très questionnables, alors que la mission traditionnelle d'Hydro-Québec, c'est de fournir de l'électricité au plus bas prix possible aux citoyens du Québec.

Et, là je donne un exemple, si, pour développer des nouvelles occasions d'affaires, tu t'appuies sur la construction de nouvelles installations de production pour les produire et non pas sur des mesures d'économie d'énergie, bien, tu te trouves à faire de l'investissement, et on va vendre l'électricité au coût moyen de production, c'est-à-dire réseau, mais l'unité que tu as construite... Puis je pense que la commission avait d'ailleurs reconnu ça ou que, du moins, ça avait fait partie de la discussion, le plan stratégique, son tarif de fourniture est à 2,87 kWh, il est basé de même, la rentabilité pour vendre et non pas sur la base du coût évité. Comme, par exemple, si tu vends de l'électricité à 0,028 $ et puis la construction de ton unité de production, ton coût est à 0,046 $, qui va payer la différence? Il y a quelqu'un qui va payer la différence. Ça fait que, ça, ce qu'on pense, c'est que ça risque d'affecter la tarification et de faire augmenter les prix pour le Québec, et là on ne paiera pas l'électricité au plus bas coût possible. Je veux dire, c'est nous autres qui allons payer la facture pour que les Américains aient de l'électricité, eux autres, à un prix compétitif, et c'est nous autres qui allons payer pour. Ça fait que je pense qu'il y a un changement de cap assez important dans la mission d'Hydro-Québec dans ce plan stratégique.

Et le débat public a été plutôt restreint parce que, là, on fait des commentaires sur une décision qui est déjà prise. Et, comme je l'ai indiqué au début, les recommandations que cette commission avait faites à Hydro-Québec l'an passé, suite à l'examen d'Hydro-Québec ne sont même pas prises en compte dans ce plan stratégique là. Ça fait que, moi, j'ai comme tendance à ce qu'on se souhaite mutuellement bonne chance pour convaincre le monde parce qu'il me semble qu'on a une grosse côte à remonter de part et d'autre.

M. Cherry: O.K. Je vous ferai remarquer que, dans le plan stratégique, on dit que 70 % de la production additionnelle de l'électricité, ce sera pour répondre aux besoins du marché local et que le reste, ce sera pour l'exportation aux Américains. Vous avez fait référence, tantôt, au fait que le document d'Hydro-Québec consacre très peu d'espace à quels sont les projets qui justifieraient un tel optimisme. Vous avez dit: On n'en connaît pas, on souhaiterait en connaître. Vous avez plutôt fait référence, parce que vous avez des membres qui sont là-dedans, aux pâtes et papiers, par exemple, où, quand on remplace des machines, évidemment, le taux de productivité, la qualité augmentent avec un besoin moindre d'énergie. Donc, ce que vous dites, c'est que, si on ne tient pas compte des économies d'énergie qui vont être faites puis qu'on ne fait que tenter de maximiser, bien, on peut embarquer le monde par des investissements, mais, si on n'est pas capable de le vendre, on l'aura, on aura à le financer entre-temps.

(10 h 20)

Et la raison... Vous disiez: Qu'on nous en nomme, des projets. Je n'ai pas l'intention de parler au nom d'Hydro-Québec, mais je prends le discours que M. Caillé a fait, et il dit: Dans nos cahiers, on a une trentaine de projets, puis il en énumère quelques-uns. Je vais le faire, peut-être que ça vous permettra de nous dire si vous avez de l'information. Il parle de Magnola, à Asbestos, mais ça, c'est le seul que vous avez. Il parle de QIT, à Sorel; il parle de Karbomont – c'est son texte – CCR Noranda; il parle de Tye-Sil, à Montréal-Est; Spexel, à Beauharnois; Norsk Hydro, à Bécancour; puis Commercial Alcohols, à Varenne. Je ne sais même pas si ça va faire partie du plan jusqu'à 2002, celui-là, mais, en tout cas, il l'a mis dans son texte et en disant qu'il y en a une trentaine. Il a choisi ceux-là pour illustrer l'optimisme avec lequel il dit que ça justifie les 70 % des besoins pour répondre aux besoins du Québec. Vous réagissez comment à ça?

M. Laviolette (Marc): Écoutez, c'est difficile, vous me les nommez, et je les apprends. Mais Spexel, à Beauharnois, je connais ça un peu, je viens de cette région-là, et, bon, Spexel, c'est l'ancienne Domtar de Beauharnois. Je n'ai pas vu de... Les travailleurs l'ont prise en main pour continuer à maintenir l'emploi, puis tout ça, puis c'est très bien, puis c'est même syndiqué avec nous autres, mais, à ma connaissance, je ne sais pas, je n'ai pas vu de gros projets de développements nouveaux dans cette usine-là. Il s'agit de l'utiliser au maximum de son rendement. QIT, je sais qu'ils ont fait des investissements pour agrandir. C'est très énergivore, c'est une fonderie. Mais je ne sais pas s'il y en a des nouveaux, je n'en ai aucune idée. Ça m'apparaît...

Mais, pour revenir sur les ventes à l'externe... Ça, ça concerne le marché intérieur, l'augmentation interne, mais il ne faut pas oublier aussi que, aux États-Unis, on prévoit des augmentations de prix de l'hydroélectricité qui sont assez optimistes dans un contexte où, pour la concurrence, c'est-à-dire le gaz et le pétrole, les prix sont en diminution. Ça fait que, je ne sais pas, il me semble que ça s'ajuste. Les règles du marché disent: Quand tu es en compétition, tu ajustes ton prix aux compétiteurs. Ça fait qu'on peut en douter un peu. Mais ces projets-là, c'est difficile pour moi. Je ne sais pas si...

Le Président (M. Sirros): Rapidement, s'il vous plaît, parce que le temps file.

M. Bakvis (Peter): Oui, rapidement. Tous les projets mentionnés sont des usines existantes – peut-être à quelques exceptions – qui subissent des modifications. Il n'y a pas, à mon avis, des projets qui vont au-delà de 2000. Ça justifie peut-être la croissance qui est prévue pour les deux prochaines années, mais, on l'a vu tantôt, c'est plutôt faible, hein, de l'ordre de 1 % et quelque chose par année. La forte croissance où on dépasse les 3 %, 4 % par année, après l'an 2000, ce n'est pas ces projets-là. Moi, je soupçonne que c'est des hypothétiques projets d'alumineries. Même là, avant qu'ils se manifestent, j'ai l'impression que ça ne sera pas dans le cadre du plan stratégique actuel que ça va donner lieu à une consommation additionnelle.

Le Président (M. Sirros): Très rapidement, M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci beaucoup, M. le Président. Il y a des gens qui m'ont tenu le discours que, avec l'acquisition de 40 % de Gaz Métro, donc, sous la responsabilité d'Hydro-Québec, il y a plus d'avenir dans la vente de gaz comme énergie que celle de l'électricité. Là, on parle du plan stratégique d'Hydro-Québec, on semble toujours recentrer ça sur l'électricité. Comment vous réagissez à un commentaire comme celui-là?

M. Laviolette (Marc): Par rapport au gaz, si on lie ça à l'électricité, là, parce que, pour les unités de production électrique qui fonctionnent au gaz, effectivement, les technologies se sont beaucoup améliorées, les coûts de production électrique, par thermique, au gaz diminuent. Donc, ça risque d'être un concurrent à l'hydroélectricité, dans les années à venir, qui va être assez compétitif, pour reprendre cette expression-là. Mais, moi, c'est le seul commentaire que je peux vous faire là-dessus. Mais, tu sais, il ne faudrait pas que le gaz, parce qu'on possède une partie de Gaz Métropolitain... Il ne faudrait pas se nuire. Ce n'est pas de même que je l'ai perçu. J'espère que le partenariat ne vise pas à nuire au développement de l'hydroélectrique au Québec et que ce soit complémentaire.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont on dispose, et, un peu comme hier, je demanderais aux membres de rester à leur place pour qu'on puisse continuer. Ce n'est pas par manque de respect pour vous, on aimerait bien vous saluer, mais on vous remercie quand même de votre présentation.

Puis j'invite le prochain groupe qui est la Coalition contre la dénationalisation de l'électricité. Veuillez prendre place à la table, ici, devant la commission pour qu'on puisse procéder au deuxième rapport que nous avons aujourd'hui.

Alors, merci d'être ici et je vous prierais de vous identifier et ceux qui vous accompagnent. Les règles du jeu font en sorte que nous avons un temps très limité: 15 minutes de présentation suivies d'une trentaine de minutes d'échange avec les parlementaires des deux côtés. Alors, la parole est à vous.


Coalition contre la dénationalisation de l'électricité (CCDE)

M. Michaud (Éric): Éric Michaud, coordonnateur de la Coalition.

M. Poirier (Martin): Et Martin Poirier, de la Chaire d'études socioéconomiques à l'UQAM.

Le Président (M. Sirros): D'accord.

M. Michaud (Éric): Notre présentation va être relativement brève. Bon, je tiens d'abord à remercier les membres de la commission d'avoir accepté de nous entendre aujourd'hui. La Coalition représente une cinquantaine d'organismes à travers le Québec. Il y a, entre autres, des associations syndicales – les trois centrales syndicales font partie de la Coalition – l'Union des producteurs agricoles aussi, plusieurs associations de consommateurs, plusieurs groupes environnementaux, des groupes de défense des intérêts à vocation récréotouristique. Il y a aussi des organismes économiques, dont M. Poirier, ici, représente la Chaire d'études socioéconomiques. Et, enfin, il y a des groupes communautaires qui font partie de la Coalition.

Pour commencer, on aimerait faire un commentaire sur la légitimité du processus actuel. On considère que la façon dont le plan stratégique a été adopté, à la faveur de la tempête de verglas, est une procédure inacceptable compte tenu du peu de rapport qu'il y a entre le plan stratégique et la tempête de verglas. On espère qu'on ne participe pas ici à un exercice de «rubber-stamping» et que les commentaires qui vont être émis ici, dans les trois jours d'audiences de la commission, vont être transmis au gouvernement. On espère que la commission va prendre tous les moyens à sa disposition pour faire comprendre au gouvernement que le processus qui a été utilisé pour contourner, finalement, les audiences de la commission et adopter par décret le plan stratégique n'est pas acceptable.

On tient cependant à rappeler aux membres de la commission que l'adoption du plan stratégique, comme d'ailleurs l'adoption du plan Caillé, s'est faite dans des conditions... Disons que c'est le dernier épisode, si on veut, d'une longue série, dans le dossier de l'énergie, d'entorses aux règles démocratiques et de contournements des processus démocratiques d'analyse, d'examen et de débat public sur la question de l'énergie. Je voudrais notamment rappeler aux membres de la commission plusieurs... Parce que, en fait, la Coalition s'est formée en bonne partie en réaction face à ces contournements des règles démocratiques et au fait qu'aucun groupe n'a pu faire entendre de façon sérieuse son point de vue sur la question, indépendamment des positions mêmes sur le contenu du plan, je pense que ce qui cimente, en fait, l'union des groupes dans la Coalition, c'est beaucoup la façon dont le gouvernement a procédé dans ce dossier-là. Bon, d'une part, le fait que le gouvernement agisse sans mandat et qu'il ne respecte pas sa plate-forme électorale, d'autre part, le fait qu'il aille à l'encontre du débat public sur l'énergie. Les conclusions du débat sur l'énergie étaient assez claires, elles demandaient au gouvernement d'orienter la nouvelle politique énergétique vers l'efficacité énergétique. Or, le plan stratégique va dans une direction complètement opposée.

(10 h 30)

Suite à ça, un autre point aussi qui est très important, c'est que le gouvernement a décidé de soustraire l'élaboration du plan de développement d'Hydro-Québec, qui a été scindé en deux maintenant, au processus de consultations publiques auquel il était soumis jusqu'à maintenant, depuis le 30 juillet 1997. Ensuite de ça, il y a aussi tout le report continuel des articles de la Loi sur la Régie de l'énergie qui a empêché la Régie de prendre le dossier en main, de se saisir du dossier puis de l'analyser correctement. Et puis, finalement, bien, il y a le peu de cas que le gouvernement a fait aussi des recommandations de la commission qui ont été rendues publiques au mois d'avril 1997. Alors, je pense que cette série de faits montre que le gouvernement fait très peu de cas du processus démocratique dans ce dossier-là et se soucie peu de l'opinion des citoyens.

Au-delà de la légitimité cependant du processus, il y a aussi effectivement plusieurs questions de fond qui restent pendantes. Il y a toute la question du dossier économique... Bon, il reste beaucoup de questions à se poser sur la rentabilité réelle des projets à l'exportation. Il y a beaucoup de questions aussi à se poser sur les impacts environnementaux que tous ces projets-là vont avoir en termes d'émission de gaz à effet de serre pour les projets thermiques mais aussi d'«ennoyement» de territoire, perte de territoire, érosion, etc., pour les projets hydroélectriques.

D'autre part, il y a aussi tout l'aspect politique, si on veut, du dossier, à savoir – c'est de là que vient le nom de la coalition – c'est le fait qu'on dépossède, finalement, les citoyens de leur contrôle sur un organisme qui a été créé pour être au service de la population. Et, de plus en plus, on est en train d'enlever les leviers que la population avait à travers l'entreprise publique qu'est Hydro-Québec sur le secteur électrique au Québec.

Dans notre mémoire, ce qu'on a soulevé, notamment, c'est le fait, donc, qu'il y a des dangers à la fois environnementaux et économiques aux exportations, qu'au niveau du virage commercial, il risque d'y avoir des impacts tarifaires sérieux sur les consommateurs en plus d'avoir des impacts sur la qualité du service, et, finalement, qu'au niveau de la déréglementation, là encore, il y a d'énormes questions à se poser. Les États-Unis ont enclenché le mouvement de déréglementation en fonction de considérations qui leur étaient propres. Mais le Québec a une toute autre situation sur l'échiquier énergétique en Amérique du Nord, et peut-être qu'on n'a pas les mêmes intérêts qu'eux à ce niveau-là.

Donc, on inviterait notamment les membres de la commission à interroger sérieusement Hydro-Québec et les représentants du gouvernement sur la façon dont ils ont pris en considération les recommandations de la commission. Parce que, finalement, on n'a pas fait de nouvelles recommandations. Tout ce qu'on a fait à la fin de notre mémoire, c'est reprendre des recommandations qui avaient déjà été émises par votre commission et demander comment ils ont pris en compte les recommandations que vous avez émises au printemps pour finalement en arriver à un plan stratégique qui ne répond pas à beaucoup des questions que vous souleviez à ce moment-là.

Le Président (M. Sirros): Ça va. Merci beaucoup. Peut-être une question au préalable avant de passer la parole, juste pour situer un peu dans le temps: Votre organisme existe depuis quand?

M. Michaud (Éric): Il existe depuis près d'un an et il s'est formé en réaction notamment au fait que le gouvernement a autorisé Hydro-Québec à aller faire une demande devant la FERC, ce qui était un prélude à l'ouverture des marchés de l'électricité, sans aucun débat. Et c'est suite à ça que l'organisme a commencé à se former pour rallier plus de monde au printemps 1997.

Le Président (M. Sirros): Donc, pour vous, l'orientation qui est proposée, c'est un changement de mission fondamentale – si je comprends bien – ce qui vous a amenés à vous regrouper avec les organismes que vous avez mentionnés. C'est en fonction, donc, d'un changement de mission que vous réagissez.

M. Michaud (Éric): Oui, tout à fait. C'est que l'ouverture des marchés et les exportations – parce qu'il faut bien voir que c'est deux dossiers très liés ensemble; en tout cas, c'est ce qu'Hydro-Québec prétend – risquent d'avoir des impacts énormes, surtout au niveau du détail. Pour l'instant, l'ouverture du marché de gros n'a pas eu encore énormément d'impact, même si on a quand même perdu le contrôle: ça nous a forcés à briser le monopole d'Hydro-Québec et à scinder Hydro-Québec en plusieurs parties. Il reste que l'ouverture du marché de détail, elle, risque d'avoir des conséquences très importantes. Il suffit de regarder ce qui s'est passé dans la téléphonie, par exemple, pour se faire une petite idée des impacts que ça peut avoir sur les consommateurs.

Le Président (M. Sirros): Une dernière question: Souhaiteriez-vous voir des recommandations de cette commission de façon plus précise, ou est-ce que, selon vous, les auditions et les commentaires émis sont suffisants? Par rapport à ce changement de mission que vous suggérez, vous dites que vous aimeriez que le gouvernement en tienne compte. Est-ce que ce serait par le biais de recommandations de la commission que vous souhaiteriez le voir, ou est-ce que le fait que les groupes viennent devant nous pour exprimer leurs positions devrait suffire?

M. Michaud (Éric): Écoutez, une chose est certaine: l'adoption du plan stratégique par décret est complètement inacceptable; ce n'est pas normal qu'on ait adopté comme ça, à la faveur de la tempête de verglas, un plan stratégique qui n'a à peu près rien à voir avec la réfection du réseau. Ça, c'est certain. Cependant, au-delà de ça, je pense que, compte tenu du peu de cas que le gouvernement a fait jusqu'à présent des recommandations de la commission, je ne suis pas sûr que les audiences qu'on tient aujourd'hui soient suffisantes. Je pense que, en tout cas, concernant la déréglementation, ça prend un débat beaucoup plus large qui mobilise le public. Ça, il est certain qu'on ne peut pas simplement discuter de ça, même à la Régie de l'énergie, qui est un tribunal quasi judiciaire qui limite beaucoup les interventions du public.

Je pense qu'on remet en cause des principes fondamentaux qui ont mené à la création d'Hydro-Québec avec les nouvelles orientations d'Hydro et je pense que ça mérite un débat public sérieux, parce que ça va avoir des conséquences très importantes. Le secteur électrique, au Québec, est un secteur économiquement très lourd qui implique d'énormes investissements et qui occupe une place très importante dans l'économie. On ne peut pas aller comme ça à l'aveuglette sans avoir plus de données, d'ailleurs parce que, dans le plan stratégique, on remarquera qu'il y a beaucoup d'hypothèses sur lesquelles s'appuie Hydro-Québec, qui relèvent de la spéculation pure.

Le Président (M. Sirros): Merci. Je passe la parole à la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, M. Michaud, M. Poirier, je vous souhaite la bienvenue. Je vous remercie pour la présentation que vous nous avez faite et qui, d'une certaine manière, reflète aussi des commentaires qu'on a entendus un peu partout. Moi-même, je suis une députée de la Montérégie et j'ai vécu la catastrophe de la panne électrique avec les citoyens, et j'ai évidemment écouté des commentaires qui vont dans la direction de ce que vous venez de dire.

Je trouve votre ouverture sur le processus démocratique extrêmement importante, parce que si, dans des moments critiques comme ceux que nous avons vécus – et je fais référence à la tempête de verglas – le gouvernement précipite les choses au prix de détourner, comme vous l'avez dit, le processus démocratique, c'est effectivement très grave. Alors, on est très heureux de vous entendre nous rappeler cela, et la démocratie est en santé au Québec tant et aussi longtemps qu'il y a des voix comme les vôtres qui s'élèvent pour le rappeler publiquement. Donc, je voulais vous remercier pour ça.

(10 h 40)

Dans votre mémoire, vous avez touché à différents aspects, notamment l'aspect financier en ce qui a trait à la nouvelle stratégie d'exportation d'Hydro-Québec. Vous avez qualifié cela de «gâchis financier». Pouvez-vous élaborer un peu là-dessus?

M. Poirier (Martin): Oui. Bien, écoutez, M. Caillé a déclaré en commission parlementaire qu'il ferait des projets non rentables et des projets rentables et puis que le tout n'aurait aucune incidence sur la santé financière d'Hydro-Québec. Alors, nous, on se demande: C'est quoi, l'idée de faire des projets non rentables pour aller exporter aux États-Unis? C'est quoi, l'idée? On ne voit pas l'utilité de ça, du tout. Puis, présentement, les coûts des nouveaux barrages vont être de 0,045 $, 0,046 $ le kilowattheure. À Sainte-Marguerite, c'est 0,046 $, le barrage des chutes de la Chaudière, qui a été autorisé en juillet dernier, c'est 0,055 $ le kilowattheure, puis on va aller vendre ça à 0,03 $, 0,035 $ sur le marché américain. Donc, on ne voit pas où on peut faire de l'argent avec ça.

M. Caillé se base sur le tarif de fourniture de 0,028 $ pour dire: On est compétitif, regardez, on produit à 0,028 $ puis on va exporter à 0,035 $. C'est totalement absurde parce que cette électricité-là est déjà utilisée par les Québécois. Ce qu'on veut exporter aux États-Unis, c'est la nouvelle électricité, les nouvelles productions qui, elles, vont coûter 0,045 $ en montant. Donc, on ne voit pas où on peut faire de l'argent avec ça.

Mme Houda-Pepin: Vous avez dit tantôt, je pense, ou on a entendu le groupe avant vous parler de la commission Nicolet qui a le mandat d'analyser beaucoup de choses dans une dizaine de mois, un mandat très large. Est-ce que vous estimez que cette commission est le lieu où le débat doit se faire et sur tous les aspects que vous avez soulevés, et que cela pourrait répondre à toutes les questions que l'on se pose, considérant que dans votre présentation vous avez dit que cette commission-ci n'aura peut-être pas la possibilité d'aller assez loin pour analyser tous les aspects du problème?

M. Poirier (Martin): Écoutez, je pense que la commission Nicolet, à moins que je ne me trompe, c'est plutôt sur la sécurité, c'est sur les problèmes qu'il y a eus suite à la tempête de verglas. Je ne crois pas qu'ils vont vraiment toucher les exportations vers les États-Unis. Est-ce que je me trompe là-dessus?

Une voix: Non.

M. Poirier (Martin): Bon. C'était le mandat de la présente commission d'étudier ça, les exportations vers les États-Unis, d'étudier le plan stratégique, sauf que le gouvernement a court-circuité ce processus-là en adoptant le plan stratégique par décret, ce qui est totalement inacceptable. Ça aurait dû être à la commission ici présente d'examiner le plan stratégique en détail et puis de dire: Oui, c'est acceptable ou non, ça ne l'est pas. Sauf que les dés sont déjà décidés d'avance. Écoutez, là, c'est adopté, le plan stratégique. Tout ce qu'on peut faire, je crois, c'est de faire quelques modifications. Puis, ça, c'est totalement inacceptable; on n'aurait jamais dû passer un décret pour adopter le plan stratégique, pas avant la commission.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Juste une clarification pour le bénéfice de ceux qui suivent nos travaux. La commission n'avait jamais été et n'a jamais eu et n'aura jamais, normalement, à se prononcer sur l'à-propos d'un plan stratégique qui serait proposé. La commission, dans le cas du plan stratégique, sert uniquement comme plate-forme pour que les gens viennent d'Hydro-Québec – parce que les seuls qui sont normalement prévus d'être présents, c'est les dirigeants d'Hydro-Québec – et la commission sert de plate-forme pour que les dirigeants présentent leur plan et que des questions puissent être posées par le ministre et les députés. Et, par la suite, ça retourne au gouvernement. Ça, c'est le processus régulier et normal.

Dans le cadre où nous sommes, il y a beaucoup de personnes qui parlent d'un changement de mission fondamental, une adoption par décret du plan stratégique qui ne nécessitait pas l'approbation au préalable de la commission. Et la commission avait décidé, bien avant tout ça, de se donner un mandat d'initiative afin de prendre un peu de place au niveau du rôle des parlementaires, ce que nous aussi on a considéré comme un débat important. La conjoncture a fait en sorte qu'effectivement tout ce qui s'est passé s'est passé, et nous nous retrouvons aujourd'hui dans une séance de trois jours, suite à l'initiative de la commission, qui permet aux gens de venir ici. Mais, pour l'instant, nous n'avons rien de prévu qui permettrait à la commission de faire des recommandations au gouvernement.

Je voulais juste faire ça comme, en tout cas, mise au point. Alors, avec cette mise au point, je donnerais la parole à la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Je vous remercie, M. le Président. Alors, moi, en fait, quand je regarde le titre de votre organisation ou votre regroupement, la Coalition contre la dénationalisation de l'électricité... Ce qui m'amène à porter comme réflexion: Est-ce que le fait qu'on se questionne en ce qui concerne... ou qu'on veut avoir un débat sur le plan stratégique d'Hydro-Québec amène inévitablement une dénationalisation? Je ne pense pas que, en fait, c'est l'objectif. Jamais il n'a été question, en tout cas de la part d'Hydro-Québec, de vouloir dénationaliser Hydro-Québec ou même de la privatisation d'Hydro-Québec. Ça n'a jamais été, en tout cas, à mon avis, à l'ordre du jour, et, tout simplement, Hydro-Québec a toujours démontré qu'elle voulait demeurer une société d'État.

Donc, ma question est à savoir: Comme le gouvernement n'envisage pas, en tout cas, ça, la dénationalisation... Ce qui n'a pas été le cas. On peut faire un débat sur une façon de voir comment gérer Hydro-Québec, ça ne veut pas dire nécessairement dénationaliser. Alors, pourquoi vous avez envisagé, vous autres, cette possibilité comme étant... Un des objectifs, en tout cas, de la Coalition, c'est de dire que, bon, il pourrait y avoir, en fin de compte, une dénationalisation, et d'un même souffle m'expliquer votre vision du pacte social, pour vous, en fait, au niveau du développement de l'électricité ici, au Québec, et des politiques énergétiques.

M. Michaud (Éric): Bon. Bien, ce qu'il faut voir... Il y a déjà eu des déclarations publiques de M. Bouchard et de M. Chevrette à l'effet que, effectivement, ils étaient surpris de voir qu'il y avait une coalition contre la dénationalisation de l'électricité au Québec et que, à leur avis, elle existait déjà. Il en était même qui seraient intéressés à s'y joindre. On n'a malheureusement pas encore reçu leur carte de membre. On espère éventuellement la recevoir.

Ceci dit, la dénationalisation, je pense que c'est peut-être un malentendu sur les termes. C'est que, la dénationalisation, la manière dont semble l'interpréter le gouvernement, c'est simplement la privatisation. Or, ce n'est pas un mot qui est dans le dictionnaire, dénationalisation, c'est un néologisme. Mais dans l'idée des gens qui ont fondé la Coalition au départ, ce n'était pas strictement de privatisation dont on parlait, même si, effectivement, il y a déjà eu un processus de privatisation d'amorcé à travers le recours à la production privée qui est bel et bien de la privatisation, quoiqu'on en dise.

Ceci dit, la dénationalisation, pour les organismes qui ont fondé au départ la Coalition, c'est plus largement un processus de dépossession du contrôle des citoyens sur ce qui était au départ le vaisseau amiral de l'économie du Québec et qui est une entreprise de services publics destinée essentiellement... Son mandat initial, c'était de fournir des services énergétiques de qualité aux Québécois, de mettre en valeur les ressources énergétiques du Québec mais dans l'optique de servir les Québécois, et ça, à un coût raisonnable.

Or, au-delà du recours à la production privée, dont le plafond a été augmenté par l'actuel gouvernement, il y a aussi toute la question de la... Donc, c'était une réaction face à la déréglementation qui fait qu'on cède, finalement, une partie de notre juridiction sur le secteur électrique à des pouvoirs étrangers, en l'occurrence la FERC américaine. On convient de mettre fin au monopole de la vente de gros et, donc, à notre contrôle sur les lignes de transport au Québec. Ça, c'est une des choses...

(10 h 50)

La dénationalisation, pour nous, ça correspond à ça, et aussi ça correspond aux exportations, c'est-à-dire l'exploitation des ressources naturelles du Québec vers les États-Unis. On va faire profiter, surtout si on fait cette vente-là à rabais, nos compétiteurs étrangers d'un de nos principaux avantages comparatifs. Parce que, si on leur vend de l'électricité à rabais, vous comprendrez qu'on augmente les tarifs des consommateurs québécois aussi bien... Ce qui risque d'avoir des incidences autant dans le secteur résidentiel qu'industriel, et on permet aux Américains d'avoir accès à une énergie à bas coût.

Mme Vermette: J'aimerais ça que vous m'expliquiez davantage votre raisonnement, justement, sur cet aspect-là, sur le fait que ça va coûter plus cher, en fait, aux consommateurs et que, finalement, on va favoriser les Américains parce qu'il y a d'autres formes d'énergie aussi qu'on exporte et on en parle moins. En fait, on ne cible que l'hydroélectricité, alors qu'on ne parle pas de l'impact des autres au niveau de l'exportation, mais ce sont des ressources naturelles tout autant. Alors, j'aimerais que vous m'expliquiez davantage votre raisonnement sur l'impact tarifaire du plan stratégique.

M. Michaud (Éric): Bien, essentiellement, l'idée, c'est – comme d'ailleurs le groupe avant nous l'a indiqué – qu'on est en train de diluer dans le... Il y a le coût moyen d'électricité d'Hydro-Québec qui est le fruit d'investissements. C'est un héritage collectif. C'est la rente, finalement, qui appartient aux citoyens du Québec grâce aux investissements des générations passée et présente dans Hydro-Québec. À travers ces investissements-là, on a mis sur pied une société d'État qui nous offre des tarifs d'électricité très abordables, parmi les plus bas en Amérique du Nord, alors que le coût marginal des nouveaux projets est plus cher que le prix auquel on le vend aux États-Unis. On est en train de diluer, finalement, la perte dans le tarif. Ça va avoir des répercussions inévitables dans les tarifs des consommateurs québécois parce que la différence entre le prix de vente aux États-Unis, si tel est le cas... Il faudrait des études. Je pense qu'une des principales recommandations de votre commission au printemps, c'était de demander à Hydro-Québec de fournir des études économétriques sérieuses sur cette question-là. Il n'y en pas eu, à notre avis, et ça risque d'avoir des impacts sérieux si les inquiétudes de plusieurs groupes se concrétisent.

Mme Vermette: Donc, vous n'êtes pas nécessairement complètement en opposition aux exportations d'électricité?

M. Michaud (Éric): Nous pensons aussi, en tout cas, il y a plusieurs groupes dans la Coalition aussi qui pensent qu'il va falloir prendre en compte les impacts environnementaux. Parce qu'il est bien certain qu'exporter de l'électricité aux États-Unis, c'est un peu de l'exportation de matière première brute. Ça ne crée pas beaucoup d'emplois au Québec, s'il n'y a pas vraiment d'avantages pécuniaires importants. En tout cas, c'est un débat qui doit avoir lieu, au Québec.

M. Poirier (Martin): De toute façon... Si je peux rajouter quelque chose concernant les exportations. Écoutez, présentement on vend aux États-Unis à 0,028 $ kWh sur le marché spot, et les coûts des nouveaux ouvrages vont être de 0,045 $ le kWh, en montant. Donc, ça prendrait une méchante augmentation avant qu'on pense sérieusement à se lancer dans les exportations, comme conçu dans le plan stratégique. Je pense que l'écart de prix est assez important pour qu'on ne l'envisage même pas pour l'instant.

Mme Vermette: Oui, O.K. Mais l'hydroélectricité, est-ce que vous convenez que c'est moins polluant que le charbon ou que c'est moins polluant que certaines autres ressources qui pourraient favoriser aussi l'électricité?

M. Poirier (Martin): Bien oui.

Mme Vermette: Non. C'est parce qu'aux États-Unis on développe beaucoup le charbon, et tout ça, et ça peut avoir des conséquences aussi si on n'exporte pas notre électricité. En quelque sorte, ça peut avoir des conséquences aussi au niveau du Québec, parce que le ciel est large et couvre largement et donc, s'ils utilisent... Alors, est-ce que ça fait partie aussi de votre réflexion, ces éléments-là?

M. Poirier (Martin): Donc, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est qu'on va vendre de l'électricité aux États-Unis à un coût inférieur à ce qu'on l'a payée pour la produire, simplement pour aider les États-Unis à se dépolluer? Quand on est rendu à subventionner les États-Unis pour la dépollution dans ce pays-là, ça s'en vient pathétique, je trouve.

Mme Vermette: Non. Ce que j'essayais de vous dire, ce n'était pas nécessairement la dépollution des États-Unis, c'était peut-être la pollution chez nous, par exemple. C'était plutôt cet aspect-là que j'essayais de faire ressortir.

M. Poirier (Martin): Sauf que, sur cet aspect-là, il y a un sérieux problème politique.

M. Michaud (Éric): J'aimerais peut-être rajouter quelque chose à ce sujet-là. Si le Québec veut absolument contribuer à l'effort à la lutte contre les gaz à effet de serre, je pense qu'on pourrait d'abord commencer par s'attaquer au secteur des transports, à l'étalement urbain. Dans notre propre cour, il y a beaucoup de travail à faire. L'expansion des véhicules automobiles est en progression constante; ça, c'est un commentaire personnel.

Ceci dit, les États-Unis est le pays qui consomme le plus d'énergie per capita au monde. Alors, peut-être qu'avant de faire preuve de tant de générosité à leur égard, on pourrait peut-être leur demander de faire un peu de travail de leur côté. Ils ont certains moyens à leur disposition pour baisser leurs émissions de gaz à effet de serre, ce qu'ils ne semblent pas sur le point de faire. Alors, peut-être qu'avant que le Québec sacrifie ses rivières pour aller au sauvetage des États-Unis, peut-être que...

Mme Vermette: Alors, dans le plan d'Hydro-Québec, 70 %, en fait, c'est pour répondre aux besoins du marché local. Est-ce que vous êtes en accord avec la position des nouveaux projets de production d'électricité pour, justement, satisfaire les besoins du Québec, les besoins en consommation d'électricité des consommateurs québécois?

M. Poirier (Martin): On est tout à fait pour les nouveaux projets pour les besoins du Québec; ça, il n'y a absolument aucun problème à ce niveau-là. La seule chose qu'il faut regarder, c'est quels sont les projets qui ont le coût le plus bas; on réalise les projets qui sont les moins coûteux. Sauf que, si vous regardez bien le plan stratégique, on parle de faire passer les exportations de 14 à 20 TWh par année. Donc, on parle bien d'une augmentation des exportations, tandis qu'on pourrait les réduire, on pourrait les faire passer de 14 à 5 TWh, utiliser la différence pour les besoins domestiques puis construire beaucoup moins de projets.

Mme Vermette: Donc, vous vous orientez vers le potentiel d'efficacité énergétique. Avez-vous pensé à des projets?

M. Michaud (Éric): Des projets d'efficacité énergétique?

Mme Vermette: Oui, et à un moindre coût.

M. Michaud (Éric): Bien, je sais qu'à l'époque de la consultation publique sur l'élaboration de son plan de développement, Hydro-Québec avait en filière plusieurs projets qu'elle s'apprêtait à mettre en branle, notamment où elle voulait implanter des programmes dans le secteur résidentiel, travailler sur l'enveloppe thermique des bâtiments. C'était des programmes qui étaient rentables, puisqu'elle s'apprêtait à les mettre en oeuvre, et puis peu de temps... Finalement, elle a bifurqué et elle s'est enlignée sur la construction du projet Sainte-Marguerite.

Mme Vermette: Donc, vous privilégiez ce genre d'approche plutôt que l'orientation vers la rivière Sainte-Marguerite.

M. Michaud (Éric): Bien, c'est-à-dire que ce qu'on privilégie, c'est qu'on respecte les conclusions du débat public sur l'énergie, les conclusions d'une table ronde qui étaient unanimes à recommander qu'on mette l'efficacité énergétique au coeur de la politique pour différentes raisons, tant économiques qu'environnementales. Parce qu'il ne faut pas oublier que l'efficacité énergétique, selon plusieurs études, c'est plus rentable en termes de création d'emplois et puis c'est moins dommageable aussi pour l'environnement, et ça nous permettrait sûrement de faire des exportations à ce moment-là, ça aussi.

Mme Vermette: Vous savez qu'au niveau de la vente de l'électricité aux États-Unis, on n'est pas les seuls. Il y a d'autres provinces, en fait, qui, elles aussi, sont très agressives; elles cherchent à avoir accès aux marchés américains. Est-ce que, pour vous, ça aussi, vous prenez ça en compte, ou, le fait que si, nous, on n'embarque pas, en fait, au Québec, ça pourrait avoir des conséquences par rapport aux autres provinces? Est-ce que vous tenez compte de cette dimension-là ou si vous prenez votre analyse à partir justement du plan stratégique exclusif du Québec et avec les stratégies qu'on veut développer, ici, au Québec?

(11 heures)

M. Poirier (Martin): Écoutez, c'est quoi, l'idée de tout le temps vouloir faire comme les autres? On a juste une chose à regarder: Est-ce qu'on peut produire en bas du coût où on va le vendre aux États-Unis? Est-ce qu'on peut faire de l'argent avec les exportations? Si on ne peut pas faire d'argent avec les exportations, parce qu'on produit à 0,045 $ et qu'on va vendre à 0,03 $, qu'on n'arrête d'y penser. Même si tout le monde embarque dans le bateau, on n'est pas obligé de les suivre.

Le Président (M. Sirros): Alors, je tiens à vous remercier au nom de la commission pour votre présentation. Il nous reste à peu près deux minutes. Votre dernière remarque... Est-ce que la réponse d'Hydro-Québec n'est pas que, finalement, on va vendre au coût moyen qui permet de, possiblement, être compétitif sur le marché américain? Et est-ce que ça n'a pas comme conséquence, finalement, de faire augmenter inévitablement, au bout de la ligne, le prix domestique?

Et on a vu hier, un peu, le Conseil du patronat qui disait: Bien, de deux choses l'une, soit que vous allez vendre pas cher aux États-Unis pour nous mettre, nous, en position de désavantage, ce qui va forcer une augmentation de la pression sur le bris de l'interfinancement pour permettre au résidentiel de payer plus pour que l'industriel paie moins, ou vous allez avantager les industries américaines. Alors...

M. Poirier (Martin): Exactement. C'est justement le piège dans lequel il ne faut pas embarquer parce que c'est vrai qu'on a une électricité qui ne nous coûte pas cher au Québec, qui nous coûte 0,028 $ à produire, sauf que, comme je le disais tantôt, cette électricité-là est déjà utilisée par le secteur résidentiel au Québec, par tous les consommateurs du Québec. Donc, si vous prenez cette électricité-là qui est produite à 0,028 $, vous l'utilisez pour exporter, vous allez avoir une augmentation de tarif, c'est évident.

Le Président (M. Sirros): Autrement dit, c'est une perspective à très court terme qui vise possiblement à faire des sous à court terme d'ici un an, deux ans, trois ans ou, en tout cas, une fois que les interconnexions sont passées, mais qui risque d'avoir des coûts domestiques à moyen puis à long terme assez importants. C'est un peu la conclusion à laquelle vous arrivez.

M. Poirier (Martin): Bien, écoutez, même à court terme, ce n'est pas une bonne idée au point de vue financier. Moi, je pense que l'idée, peut-être, qui est derrière ça... Peut-être que je suis paranoïaque, mais l'idée qui est peut-être derrière ça, c'est d'annoncer un paquet de projets de construction de barrages qui vont créer de l'emploi à court terme pour les prochaines élections, puis, après ça, on s'en lave les mains. Je ne sais pas si c'est ça, mais, si c'est ça, c'est dangereux. Là, je veux dire, il va falloir faire bien attention. Il n'est vraiment pas évident qu'on va faire de l'argent avec ça. Au contraire, tout porte à croire que ça va être un gâchis financier, comme l'ont été la production privée puis les contrats avec les alumineries.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup.

M. Poirier (Martin): Merci.

Le Président (M. Sirros): Alors, j'inviterais le prochain groupe à venir prendre place. Il s'agit de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec. J'ai Mme Nathalie St-Pierre et Mme Jenny Fahmy, je pense, qui seront avec nous si les notes que j'ai sont exactes. Bienvenue. Les règles sont celles que j'ai énoncées tantôt: une quinzaine de minutes, plus ou moins, de présentation suivies d'un échange avec les parlementaires d'au plus 30 minutes. Alors, la parole est à vous.


Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec (FNACQ)

Mme St-Pierre (Nathalie): Alors, bonjour et merci de nous recevoir. Mon nom est Nathalie St-Pierre. Je suis la directrice de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec et je suis accompagnée aujourd'hui de Me Jenny Fahmy qui travaille avec nous à la FNACQ depuis juillet dernier, spécifiquement dans le dossier de l'énergie.

Alors, tout d'abord, on voudrait brièvement vous décrire un peu ce qu'est notre organisme, qui on regroupe. Alors, la FNACQ existe depuis les années 1978. C'est un regroupement d'associations de consommateurs au Québec et qui travaille dans le dossier de l'énergie depuis de nombreuses années. Les membres de notre organisme ont à travailler directement auprès des consommateurs à faibles et modestes revenus au Québec, notamment, et une grosse part de leur travail se fait sur les problématiques de pauvreté et du fait que les consommateurs ont de la difficulté à payer, entre autres, les comptes d'électricité. Alors, c'est certain que la pauvreté, les consommateurs à faibles et modestes revenus nous préoccupent beaucoup, et c'est donc la toile de fond qui éclaire les recommandations que nous voulons vous faire.

Alors, comme je le disais, on n'est pas un nouvel intervenant dans le domaine, on est intervenu lors des consultations publiques d'Hydro-Québec sur son plan de développement, on est intervenu dans les débats publics de l'énergie et on a travaillé depuis de nombreuses années au niveau de la tarification aussi. Dernièrement, on est intervenu au niveau de la mise sur place de la Régie de l'énergie. D'ailleurs, on travaille maintenant à se préparer à intervenir devant la Régie de façon régulière sur les dossiers d'intérêt pour nos membres.

Notre objectif a toujours été, dans le domaine énergétique, d'assurer l'accessibilité à tous les consommateurs de ce service à des tarifs qui sont abordables et qui sont partout pareils à travers notre province. Alors, c'est un peu ce qui nous motive aujourd'hui à intervenir devant vous parce qu'on considère que... Bon, on a entendu le premier ministre parler des revenus potentiels d'Hydro qui pourraient avoir un impact, s'ils sont à la baisse, sur le déficit zéro. Est-ce que le déficit zéro va encore se faire sur le dos des payeurs de comptes d'électricité? Alors, ça nous préoccupe beaucoup, et on considère qu'il y a un virage commercial qui est à se faire en ce moment avec lequel nous ne sommes pas du tout d'accord, et nous déplorons que les recommandations que vous avez faites n'aient pas été entendues, n'aient pas été appliquées, et nous trouvons que c'est inacceptable. Quand on demande des études de coûts... On en a parlé. Depuis que je suis ici, j'en entends parler. On parle de coûts, de coûts, de coûts, et personne ne peut vraiment se positionner parce qu'on n'a rien devant nous. Ce n'est pas acceptable. Cette recommandation-là a été faite il y a de nombreux mois, et il n'y a rien qui a été fait à cet égard. Alors, je pense que c'est le temps qu'on devienne un peu plus ferme dans notre approche et de dire qu'il faut revoir le processus.

D'ailleurs – ce qui m'amène aussi à dire un dernier mot avant que je passe la parole à ma collègue – effectivement, comme d'autres l'ont mentionné, nous trouvons que le processus démocratique a été escamoté, est tombé en panne, comme l'ont dit d'autres avant nous, et dans le verglas. Alors, tout ce qui s'est fait dernièrement a été à l'encontre de principes de base qui semblaient être acquis dans notre société à l'heure actuelle, que ce soient les audiences au BAPE, que ce soient les audiences en commission, que ce soit le travail que devrait faire la Régie de l'énergie, mais qui est bâillonnée à l'heure actuelle. Je pense qu'on assiste en ce moment à une lutte à tout prix afin de combler le déficit zéro et que ça s'inscrit dans cette lignée-là, et nous ne pouvons que déplorer ce qui se passe.

Alors, plus spécifiquement, nous voulons aborder quelques recommandations, quelques orientations avec vous. Nous n'allons pas regarder l'ensemble des orientations compte tenu que notre approche, c'était de se centrer sur certaines d'entre elles. Alors, Me Fahmy va en aborder quelques-unes.

Mme Fahmy (Jenny): M. le Président, membres de la commission, j'aimerais tout d'abord remercier à nouveau la commission de l'occasion qu'elle nous offre aujourd'hui de lui adresser nos commentaires concernant le plan stratégique d'Hydro-Québec. Et, compte tenu du temps qui nous est alloué, je vais seulement m'attarder à quelques points essentiels de notre mémoire.

Tout d'abord, nous tenons à souligner que nous déplorons vivement le fait que le plan stratégique d'Hydro-Québec ait été approuvé par le gouvernement avant la tenue de cette commission parlementaire. La situation d'urgence que nous avons connue le mois dernier en raison de la tempête de verglas ne justifie et ne requiert nullement l'application immédiate des mesures et orientations contenues dans ce plan. En effet, le plan stratégique contient des orientations et stratégies de long terme, s'étalant sur plusieurs années et mettant l'accent sur l'exportation de l'électricité, alors que la situation dans laquelle nous nous sommes trouvés requérait la construction ou la réparation immédiate des équipements de l'entreprise afin de remédier à cette situation d'urgence. Nous croyons qu'Hydro-Québec profite tout simplement de l'occasion afin de mettre à exécution les mesures lui permettant notamment d'accéder au marché américain de l'électricité sans devoir passer par un processus de consultation et nous espérons que, suite à la tenue de cette commission parlementaire, des modifications audit plan puissent être apportées.

Le plan stratégique d'Hydro-Québec comporte plusieurs éléments qui inquiètent les groupes de consommateurs quant aux moyens qui sont prévus afin de réaliser les orientations contenues dans le plan et quant aux impacts sur les citoyens du Québec. De plus, il ne respecte pas les recommandations contenues dans le rapport final de juin 1997 de la commission de l'économie et du travail.

Alors, dans le cadre de la première orientation de son plan stratégique, Hydro-Québec affirme qu'elle entend geler ses tarifs pour les années 1999, 2000 et 2001, ceci précédé d'une hausse tarifaire selon l'inflation pour l'année 1998, mais ne dépassant pas 1,8 %. Dans les faits, nous ne pouvons pas nous réjouir du fait que l'entreprise ait affirmé qu'il y aurait un tel gel de tarifs. En effet, ce n'est qu'un simple engagement de la part d'Hydro-Québec de ne pas demander de hausses tarifaires pour ces trois années, et rien ne garantit ce gel de tarifs, notamment si le taux d'inflation grimpait. Et, aussi, l'entreprise pourrait également demander une hausse tarifaire afin de compenser les sommes d'argent considérables qu'elle devra investir pour la reconstruction de ses équipements endommagés suite à la tempête de verglas.

(11 h 10)

D'ailleurs, les propos tenus ces derniers temps par le premier ministre Lucien Bouchard nous portent à croire qu'il ne veut nullement compromettre l'apport financier prévu d'Hydro-Québec au cours des prochaines années dans l'assainissement des finances publiques. Alors, si Ottawa refuse de compenser Hydro-Québec pour ses pertes, quelqu'un d'autre devra payer, et nous craignons que ce soient les citoyens du Québec. Cette décision nous serait néfaste, évidemment, surtout lorsqu'on sait que, dans la province, près de la moitié des personnes qui vivent seules sont à faibles revenus, soit le taux le plus élevé au Canada, et que 16,7 % des familles sont à faibles revenus.

Deuxièmement, au mois de février 1998, donc ce mois-ci, la Régie de l'énergie doit annoncer la tenue d'audiences publiques dans le but de donner son avis au gouvernement, sur proposition d'Hydro-Québec, sur les modalités d'établissement et d'implantation des tarifs de fourniture d'électricité. Dans son plan stratégique, l'entreprise affirme sa volonté de proposer à la Régie une réglementation de sa production sur la base de son prix, qu'on appelle usuellement «plafonnement des prix» ou encore, en anglais, «price cap».

Cependant, pour fixer les tarifs par le plafonnement des prix, il faut effectuer certains calculs qui tiennent compte, au départ, du coût de la fourniture de l'électricité pour chaque catégorie de clientèle et voir quelles portions des coûts des investissements de l'entreprise sont allouées à chaque catégorie. Alors, avant de réglementer les tarifs de fourniture de l'électricité selon le plafonnement des prix, il faut tout d'abord examiner la méthode d'imputation des coûts d'Hydro-Québec, en d'autres termes la manière dont l'entreprise répartit ses divers coûts entre ses différentes catégories de clientèles. D'ailleurs, dans le domaine de la téléphonie, le CRTC s'est basé sur les méthodes d'imputation des coûts déjà établis et révisés publiquement des compagnies de téléphone avant d'instaurer une réglementation des tarifs selon le plafonnement des prix. Alors, nous recommandons évidemment d'examiner le plus rapidement possible la méthode d'imputation des coûts d'Hydro-Québec.

Dans le plan stratégique d'Hydro-Québec, il est mentionné aussi que la qualité et la fiabilité du service sont au coeur des préoccupations d'Hydro-Québec et que l'entreprise désire rencontrer les exigences de ses clients. Évidemment, nos préoccupations vont dans le même sens que l'entreprise quant à cette troisième stratégie en ce qui concerne les clients résidentiels. Nous désirons cependant préciser que, selon nous, la qualité du service signifie un service stable, ininterrompu et accessible à tous, donc au prix le plus juste et le plus bas possible. Et l'entreprise doit également améliorer la solidité et la fiabilité de son réseau afin qu'une situation comme celle que nous avons vécue le mois dernier se reproduise le moins souvent possible.

Nous sommes, par contre, particulièrement préoccupés par la deuxième orientation du plan stratégique d'Hydro-Québec dont l'une des stratégies se fonde sur des prévisions d'augmentation des ventes d'électricité. Jusqu'en 2002, l'entreprise se fixe un objectif de vente de 14 TWh de plus au Québec, provenant principalement du marché des grandes industries, ainsi que 6 TWh de plus hors Québec. Nous nous inquiétons, premièrement, quant à la véritable rentabilité des projets de parachèvement de l'aménagement du potentiel hydroélectrique québécois que l'entreprise veut faire pour combler une partie des besoins en électricité. Nous craignons que les consommateurs résidentiels québécois aient à assumer les frais de ces ouvrages par le biais d'augmentations de leurs tarifs d'électricité. C'est pourquoi nous réitérons à nouveau notre recommandation à l'effet d'examiner le plus tôt possible la façon dont Hydro-Québec répartit ses coûts entre ses différentes catégories de clientèles. C'est un point qui est très important pour nous.

Par ailleurs, les opportunités d'affaires qu'aurait la société d'État en raison de l'ouverture des marchés américains de l'électricité pourraient s'avérer moindres qu'estimées. Alors, vu l'incertitude quant au bénéfice que l'on pourrait tirer de cette ouverture des marchés et vu les risques qui y sont associés pour les consommateurs québécois, nous recommandons, tout comme la commission l'a fait en juin dernier, qu'Hydro-Québec produise des analyses et des études indépendantes quant aux perspectives commerciales découlant de l'ouverture des marchés nord-américains de l'électricité et aussi quant aux effets possibles sur les tarifs des différentes classes de consommateurs avant d'entreprendre tout projet de construction ou de parachèvement. Et, à notre connaissance, Hydro-Québec n'a publié, à ce jour, aucune étude, aucune analyse approfondie quant aux perspectives commerciales qui découleraient de l'ouverture des marchés de l'électricité et aussi quant aux risques financiers pour l'entreprise et pour ses différentes classes de consommateurs.

Nous sommes, par ailleurs, très surpris du fait qu'Hydro-Québec mette l'accent sur l'ajout de nouvelles capacités de production, alors que les principales conclusions du débat public sur l'énergie ainsi que l'un des quatre principaux objectifs de la nouvelle politique énergétique du gouvernement du Québec proposaient que l'efficacité énergétique soit dorénavant une priorité.

Finalement, bon, à la lumière du plan stratégique d'Hydro-Québec, il est clair que notre société d'État tend vers un virage commercial. De l'ensemble de son plan transpire sa volonté de s'orienter vers des préoccupations qui divergent complètement de son mandat initial, c'est-à-dire pénétrer les marchés américains de l'électricité, adapter l'entreprise à l'ouverture du marché du gros de l'électricité, investir à l'international pour assurer sa croissance, développer une nouvelle culture d'affaires, un nouveau type de gestion, de nouvelles pratiques commerciales, etc., et, évidemment, cette tendance nous inquiète. Hydro-Québec est une entreprise de services publics ayant reçu le mandat de produire et de distribuer de l'électricité sur tout le territoire du Québec aux tarifs les plus bas possible et en conformité avec une saine administration financière. Elle n'est pas une entreprise privée et elle ne peut pas décider unilatéralement de modifier si profondément ses préoccupations principales ainsi que ses pratiques commerciales. Le marché américain de l'électricité comporte des réalités différentes de celles du marché québécois, et, avant de restructurer notre propre marché et de changer nos pratiques commerciales, nous devons, de concert avec notre société d'État, préalablement en évaluer attentivement les avantages et les inconvénients et donner aux Québécois l'assurance qu'ils n'assumeront pas les risques et les frais de cette aventure.

Finalement, nous demandons à nouveau au gouvernement de mettre en vigueur immédiatement tous les articles de la Loi sur la Régie de l'énergie pour permettre à cet organisme réglementaire indépendant d'exercer un contrôle sur certaines activités d'Hydro-Québec, surtout dans ce contexte de changements profonds des marchés énergétiques nord-américains. Et, notamment, la Régie pourrait examiner et approuver le plan de ressources d'Hydro-Québec qui vise à indiquer comment l'entreprise entend s'y prendre pour répondre à la demande domestique au Québec. Alors, je vous remercie de votre attention, et nous sommes prêtes à répondre à vos questions.

Le Président (M. Sirros): C'est nous qui vous remercions de votre présentation, et on commencera les questions avec le député de La Peltrie.

M. Côté: Merci, M. le Président. D'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme St-Pierre et Mme Fahmy à notre commission. Il est toujours intéressant, je crois, pour les membres de la commission, d'entendre un organisme comme le vôtre qui est particulièrement voué aux intérêts des consommateurs et particulièrement les plus démunis. Alors, je pense que c'est une écoute différente. Ou, encore, c'est des propos qui sont un petit peu différents de ceux d'un organisme qui est voué plus à des marchés ou à des intérêts de marché.

Donc, vous l'avez mentionné assez souvent dans votre mémoire – que j'ai lu, d'ailleurs, au complet – et vous insistez sur le maintien de la qualité du service. Et ça, ça va de soi, quoique l'orientation, à ce que je vois, l'orientation générale, quand même, d'Hydro-Québec, vous semblez quand même l'endosser, seulement que c'est au niveau des moyens et des inquiétudes que vous avez sur certains passages de son plan stratégique. Alors, pourtant, ici, lorsque vous exprimez vos inquiétudes qu'on voie dans le plan stratégique d'Hydro-Québec... Même de ça, à la page 25, lorsqu'il parle d'orientation, où il mentionne que maintenir les tarifs et la qualité de service au Québec... Bon, «cette orientation réitère le pacte social québécois en matière d'électricité». Et puis les éléments qui constituent ce pacte et qu'Hydro réaffirme sont justement des tarifs uniformes par catégorie de clients, la stabilité tarifaire qu'elle s'engage à assurer et aussi des tarifs bas et particulièrement dans le secteur résidentiel.

(11 h 20)

Et aussi, lorsque vous parlez, bon, de la fiabilité, également, du service, là encore, dans le rapport stratégique, à la page 27, Hydro-Québec, de 1993 à 1996, c'est-à-dire en termes de fiabilité, est passée de 5,2 heures à 3,2 pour les interruptions de service, alors que l'objectif pour 2002 est de 2,65. Et il y a un passage aussi dans votre mémoire où vous indiquez, et je vous cite: Selon nous, la qualité du service signifie un service stable, ininterrompu et accessible à tous, donc au prix le plus juste et le plus bas possible. Ma question est: Est-ce que vous jugez que les orientations d'Hydro-Québec au regard du maintien de la qualité du service répondent à vos préoccupations ou doivent-elles être bonifiées? Si oui, de quelle manière vous suggérez?

Mme St-Pierre (Nathalie): C'est certain que, dans les orientations, nous, ce qu'on regarde plutôt, c'est dans les moyens, donc dans l'application de c'est quoi, un service fiable, de qualité, avec des tarifs abordables et uniformes. Bon, d'une part, au niveau de la fiabilité, on a vu dernièrement – malheureusement, peut-être, pour plusieurs – qu'on n'est pas à l'abri de pannes et que, certainement, on n'est pas à l'abri, tout d'un coup, de ressortir des vieux projets des tiroirs pour dire que ça aurait dû être fait avant puis pourquoi ça n'a pas été fait. Est-ce qu'il y a eu des orientations qui ont fait que, en somme, on a mis l'accent sur ce qui pourrait se faire pour l'exportation plutôt que sur la consolidation de notre propre réseau? En ce sens-là, on a des questionnements, d'où notre intervention. On n'est pas contre les voeux pieux, mais, dans la pratique, comment ça se concrétise, il faudrait voir.

Donc, pour la fiabilité du réseau, on est aussi préoccupé par les diminutions d'emplois au sein de l'entreprise. On sait très bien qu'il y a eu beaucoup de coupures d'emplois. On a peut-être une très grande rentabilité, on est peut-être un très bon combleur de déficit, mais il reste que, dans les faits, ça s'est fait aux dépens de services, aux dépens de couper de postes. Il y a moins de postes pour l'entretien des réseaux, il y a moins de postes pour la formation, il y a moins de postes dans de nombreux secteurs de l'entreprise, ce qui a un impact sur la qualité et la fiabilité du réseau. Donc, en ce sens-là, on est préoccupé, et les orientations, pour nous, font l'effet, pour l'instant, de mots qui doivent être un squelette, et on doit voir comment ça va se mettre en place.

Au niveau des prix, donc de la tarification uniforme, on est très préoccupé, et c'est un peu notre espèce de lien à travers tout ça, comment pourra-t-on assurer des tarifs pas nécessairement juste uniformes, mais des tarifs bas, équitables si on se met à faire un «melting pot», comme on dit si bien, de ce qui coûte plus cher, de ce qui coûte moins cher puis que, là, on vend ça pour être compétitif? On se la pose, la question. Qui va payer au bout du compte? Même une augmentation de tarif, si minime soit-elle, a un impact majeur – et on le sait très bien – sur nos consommateurs, et ça, pour nous, ça reste que c'est un service essentiel dont on est captif. Alors, il faut le défendre.

Au niveau de l'uniformité, on n'est pas encore rendu, peut-être, à dire que, demain matin, il y a des problèmes à ce qu'il y ait des tarifs uniformes partout à travers le Québec, mais, bon, si on regarde, notamment dans le domaine de la téléphonie, par exemple, un domaine où on a quand même une expertise et où on intervient beaucoup à ce niveau-là, ça a pris 10 ans, mais la déréglementation est partout: service local, interurbain. Maintenant, on a des régions où le tarif local a augmenté de 100 %, alors, je veux dire, il faut s'inquiéter, il faut apprendre de l'histoire, il faut apprendre des autres secteurs, il faut voir ce qui s'est fait dans d'autres pays, et, donc, à la lumière de tous ces éléments-là, oui, on pose l'inquiétude pour dire que c'est beau d'écrire qu'on veut maintenir des tarifs stables, mais, bon, il faut voir comment. Alors, on attend les réponses.

Mme Fahmy (Jenny): Tu pourrais ajouter quelque chose aussi.

Mme St-Pierre (Nathalie): La qualité du service, pour nous, c'est aussi la qualité du service à la clientèle. On a des groupes membres de notre Fédération qui travaillent très près avec les consommateurs à faibles revenus qui ont beaucoup de difficulté à boucler leur budget. Ils les aident à faire des budgets, ils les aident aussi à négocier des ententes de remboursement avec Hydro-Québec parce que ces gens-là ont souvent de la difficulté à payer leurs factures d'électricité avec Hydro-Québec, et, parfois – je ne dis pas toujours – l'entreprise n'est peut-être pas toujours sensible à la capacité de payer de ces gens-là, et ces gens-là se retrouvent alors face à des menaces d'interruption d'électricité et, souvent, ils se font couper le courant. Alors, c'est ce point de vue là aussi qu'on veut amener quand on parle de qualité du service.

M. Côté: Vous avez soulevé la question de tarif tout à l'heure, puis, dans votre rapport, vous dites qu'il n'y a rien qui garantit ce gel de tarif auquel Hydro-Québec s'est engagé, au fond. Je comprends bien les préoccupations qui vous animent dans tout ça, mais comment Hydro-Québec pourrait faire du gel de trois ans plus qu'un engagement? Parce que là vous semblez dire que, même si elle affirme qu'il y a un gel pour trois ans, ça ne semble pas suffisant comme garantie de votre part.

Mme St-Pierre (Nathalie): C'est-à-dire que, dans le décret, l'engagement est dans les attendus et non pas dans...

Mme Fahmy (Jenny): Dans les ordonnés.

Mme St-Pierre (Nathalie): Dans les ordonnés. Donc, ce qui nous laisse à croire que comme il y a une ouverture là pour possiblement... Et là compte tenu des circonstances qui pourraient, pour plusieurs, paraître justifiées. Donc, il faut voir.

Et ce qui nous préoccupe par rapport à ça, c'est aussi l'aspect démocratique de la question, c'est-à-dire qu'on avait mis en place une Régie de l'énergie qui devait regarder, entre autres et principalement, la question tarifaire, et là on vient de dire: Bien, pour trois ans, assoyez-vous sur votre chaise puis attendez, nous, on a déjà décrété, on veut du plafonnement des prix puis, en plus, on a décidé du prix. Alors, est-ce que c'est raisonnable? Peut-être que, bon, on peut être utopique puis penser que, avec une vraie régie, avec des vrais commentaires, on aurait pu influer sur la Régie puis que les tarifs n'auraient peut-être pas diminué. En tout cas, on ne sait pas ce qui aurait pu se passer, mais, certainement, on aurait pu dire ce qu'on avait à dire à l'égard des coûts et des tarifs. Mais là on ne peut pas, donc, et on n'est pas certain que, effectivement, les tarifs vont vraiment être gelés. Alors, on est très préoccupé par ça.

M. Côté: J'ai encore du temps?

Le Président (M. Sirros): Oui, bien, vous avez eu encore quelques minutes.

M. Côté: À votre recommandation 8, qui porte sur l'efficacité énergétique, votre organisme propose qu'Hydro-Québec fasse de l'efficacité énergétique une priorité, puis, à ce titre, on sait qu'il y a certains experts qui considèrent qu'il y a des facteurs qui empêchent, avec l'efficacité énergétique, la réalisation de gains substantiels dans ce domaine, notamment le niveau bas des prix d'électricité. Par ailleurs, dans votre mémoire, vous insistez régulièrement pour maintenir les prix d'électricité les plus bas possible. Dans votre esprit, est-ce que ces deux objectifs sont irréconciliables?

Mme Fahmy (Jenny): Ce n'est pas irréconciliable parce que, bon, l'efficacité énergétique implique que les consommateurs dépensent moins d'énergie, donc leur facture va diminuer. Même si les tarifs sont sensiblement supérieurs, leur facture globale va diminuer. Alors, il va y avoir une économie pour ces consommateurs-là.

Mme St-Pierre (Nathalie): Et puis, bon, ce qu'il est important, aussi, de noter, c'est que, quand on parle de consommateurs à faibles et modestes revenus, une petite diminution de la facture, c'est significatif d'autant que, souvent, ces gens-là restent dans des logements qui sont mal isolés et donc que ça coûte déjà plus cher, et que les économies d'énergie qui pourraient être mises en place pourraient leur permettre de faire des gains substantiels à ce niveau-là.

Donc, je ne pense pas qu'il faut minimiser l'impact parce que les tarifs sont bas. Je pense que, de toute façon, si on paie entre 1 000 $ et 2 000 $ d'électricité par année pour se chauffer, même si on a une réduction de 10 %, on sera bien content d'empocher le 200 $ alors qu'on sait très bien qu'on en donne ailleurs allégrement. Donc, je ne pense pas que l'impact de tarif... Surtout que, bon, ce qu'on constate, c'est que, de toute façon, même si on dit: Nous, on a les tarifs les plus bas, il reste que c'est quand même, compte tenu de nos hivers, un poste budgétaire extrêmement important. C'est sûr que, si on restait en Floride puis que notre compte d'électricité, c'était 20 $ par mois, puis que, là, on disait: Bien, économisez, économisez, l'impact serait moindre. C'est sûr, si le tarif est déjà bas au départ. Mais je pense que, dans notre contexte à nous, il y a encore beaucoup de place qui peut être faite à l'efficacité énergétique.

(11 h 30)

On sait très bien qu'il y a eu des ententes, des projets-pilotes entre l'ACEF-Centre, par exemple, qui est maintenant Option Consommateurs... Et, dans des quartiers défavorisés, Centre-Sud, Hochelaga-Maisonneuve. Je pense que ce sont des expériences à regarder de près, à utiliser et à voir comment elles peuvent être mises à plus grande échelle. Ce qu'on a répondu à cette question-là lors du lancement du plan stratégique, c'est: Oui, mais si ça ne rapporte pas, on ne mettra pas ça en branle. Est-ce qu'il faut que tout rapporte, ou est-ce que ça peut rapporter aux consommateurs aussi? Et puis s'il y a moins d'utilisation d'énergie pour le consommateur, qu'il y a des gains au niveau d'une réduction de son compte et puis qu'il y a moins d'énergie qui est...

C'est sûr, il y a une perte, là, pour Hydro; il vend moins d'énergie si on mise sur l'efficacité énergétique. Il faudrait voir s'il n'y a pas conflit d'intérêts. Je pense que c'est une question qui doit être approfondie. Tout le monde a été unanime à cet effet-là: il faut miser sur l'efficacité énergétique, il y a encore beaucoup de chemin à faire, et même sans considérer la question environnementale aussi.

Donc, je pense que non. Je ne pense pas que le fait que nos tarifs soient bas ait un impact négatif sur l'efficacité énergétique.

M. Côté: Dans le rapport de la commission, à la page 27, suite à nos travaux du printemps dernier, justement: «La politique de neutralité tarifaire d'Hydro-Québec démontre bien le problème et la complexité associée à ces potentiels d'efficacité énergétique. En effet, lorsque Hydro-Québec choisit d'investir dans une mesure d'isolation chez le consommateur plutôt que dans la construction d'un nouvel ouvrage éloigné, son intervention lui fait perdre des revenus. Ainsi, pour Hydro-Québec, la perte de revenus s'ajoute au coût de la mesure qui, pour maintenir des ratios financiers équivalents, peut avoir un impact sur les tarifs de la société d'État.»

Donc, n'y a-t-il pas un donnant-donnant qui pourrait être envisageable?

Mme St-Pierre (Nathalie): Oui, mais il faut voir. Comme je vous dis, je pense qu'on est à la mise en place de projets-pilotes. Il faudra évaluer les résultats, voir comment ça peut se faire. C'est certain que s'il y a des coûts pour l'entreprise et qu'en plus ils ont des pertes de revenus, il ne faut pas faire ça nécessairement au détriment non plus du prix ultime de vente. Je suis tout à fait d'accord avec vous: il faut maintenir une saine administration. On l'a dit tout à l'heure.

Mais, quand même, je pense qu'il y a encore des efforts qui peuvent être faits. Nécessairement, l'électricité, si l'entreprise a besoin de moins investir dans des infrastructures de barrages, peut-être qu'elle peut investir dans les infrastructures d'isolation. Pourquoi pas? Pourquoi c'est une perte, alors qu'un investissement dans une infrastructure, un barrage ou quoi que ce soit, ça, c'est du capital, on capitalise là-dessus? Bon. C'est des questions qu'on peut regarder de plus près.

M. Côté: Mais, par contre, lorsque...

Le Président (M. Sirros): Rapidement, M. le député.

M. Côté: Une dernière question, oui.

Le Président (M. Sirros): Ha, ha, ha!

M. Côté: En termes d'efficacité énergétique, donc, si on fait des réserves en termes d'énergie, donc si on diminue la consommation, donc, on va créer des réserves. Donc, ces réserves-là, est-ce qu'il n'est pas préférable de les vendre ou de les exporter plutôt que de les laisser dormir en attendant que, éventuellement, on puisse en avoir besoin? Donc, en la vendant, ça fait des revenus puis ça peut contribuer à baisser les taux, également, les tarifs.

Mme St-Pierre (Nathalie): A priori, on n'est pas contre l'exportation; ce n'est pas ce qu'on dit. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut faire attention et savoir qui paie ce que ça prend pour exporter. Je pense que, tel que l'ont dit les autres avant moi, c'est notre préoccupation principale. C'est certain que, effectivement, si on réussit à faire des économies d'énergie, qu'on baisse notre propre consommation, qu'on n'est pas obligé de construire des nouveaux barrages et que, malgré tout ça, on a un surplus, écoutez, c'est certain, on va avoir un avantage et on pourra le mettre en marché. Ça, on ne voit pas de problème avec ça. Ce qu'il faut faire, c'est se préoccuper de: Est-ce qu'on doit uniquement viser ou, en tout cas en grosse partie, viser le marché de l'exportation à tout prix pour augmenter les revenus?

M. Côté: Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Je me permettrais d'empiéter un petit peu sur le temps de la députée de La Pinière en vous demandant ceci. Vous dites que vous n'êtes pas contre l'exportation. N'est-il pas vrai qu'il y a exportation et il y a exportation? Il y a exportation quand on bâtit en fonction de nos besoins et, pendant un certain temps, il y a des surplus qu'on peut exporter; et il y a de l'exportation qui est faite en fonction des constructions pour l'exportation. Et quand vous dites que vous n'êtes pas nécessairement contre l'exportation, est-ce que vous n'êtes pas contre l'exportation ou l'exportation?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Fahmy (Jenny): On n'est pas contre l'exportation, mais on est contre l'exportation.

Le Président (M. Sirros): Vous avez compris.

Mme Fahmy (Jenny): Ha, ha, ha!

Le Président (M. Sirros): C'est clair.

Mme Fahmy (Jenny): J'ai répondu? Ha, ha, ha!

Le Président (M. Sirros): Avec ce petit relief, je comprends que ce qui est proposé dans le plan stratégique, vous êtes contre.

Mme Fahmy (Jenny): C'est-à-dire qu'on n'est pas contre l'exportation si on a des surplus...

Le Président (M. Sirros): Correct.

Mme Fahmy (Jenny): ...si on a construit pour les besoins des Québécois et que, là, il nous reste du surplus. Mais on est contre le fait de construire des barrages ou de faire du parachèvement spécialement pour les exportations. Et, d'un autre côté, si on construit pour les exportations mais que ça ne nous affecte pas du tout, ça non plus on n'a pas de problème avec ça. Mais c'est qu'on ne sait pas jusqu'à quelle mesure ça affecte les tarifs des consommateurs résidentiels québécois. C'est pour ça qu'on trouve si important d'examiner la méthode d'imputation des coûts de l'entreprise pour voir comment ils sont alloués, ces coûts-là. Quand on construit un barrage ou qu'on parachève pour l'exportation, est-ce que c'est alloué uniquement aux exportations ou si ça nous touche aussi et ça fait augmenter nos tarifs? C'est ça qui nous préoccupe.

Mme St-Pierre (Nathalie): Je voudrais juste nuancer, quand même. Je pense que notre organisme, depuis sa fondation quand même, oui, regarde le consommateur à faible et modeste revenu, mais a aussi une vision de société. Et, dans ce sens-là, juste pour nuancer un peu ce que Jenny a dit, il ne faudrait quand même pas non plus, parce que les coûts ne seraient pas imputés aux consommateurs, par exemple... Il faut regarder la question environnementale, il faut regarder... Bon, il y a quand même d'autres aspects dont, pour nous, il serait quand même important de tenir compte dans notre analyse.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Mme la députée de La Pinière, en m'excusant d'avoir pris trois de vos 15 minutes.

Mme Houda-Pepin: Que vous allez me permettre de récupérer après.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Sirros): À un moment donné, on verra.

Mme Houda-Pepin: Alors, Mme St-Pierre, Mme Fahmy, j'ai été très ravie de vous entendre, d'autant plus que vous êtes la voix des consommateurs, pas les clients, parce que, selon le langage d'Hydro-Québec, les clients, c'est les compteurs. Là, on parle des vrais citoyens, des gens qui consomment l'électricité, qui paient l'électricité et qui sont à la base, en fait, du réseau d'Hydro-Québec.

J'ai été d'autant plus intéressée que, en lisant votre mémoire et en vous écoutant, vous avez amené une perspective assez humaine parce qu'elle est proche des citoyens. Vous avez soulevé, entre autres, toute la question de la pauvreté, et c'est un phénomène qui nous touche et auquel on ne peut rester insensible. En tant que députés, on voit des cas de comté de gens qui ont des problèmes avec Hydro-Québec. On essaie de les aider pour les régler, pour ne pas se faire couper l'électricité. Donc, on est vraiment très sensible. Puis vous avez touché un point assez important parce que ça affecte directement la vie des gens.

La précision que vous avez apportée tantôt sur exportation versus exportation, c'était très pertinent parce que ça clarifie davantage votre position. Vous avez également clairement indiqué que vous ne souhaiteriez pas et que vous ne voulez pas, comme cela semble être le cas, que le déficit zéro se fasse sur le compte des pauvres, sur le compte des citoyens. Parce que vous dénotez dans le plan stratégique d'Hydro-Québec un changement radical d'orientation. Le virage commercial est déjà pris; deuxièmement, il est même mis en application en outrepassant le processus démocratique. D'ailleurs, vous l'avez clairement signalé à la page 7 de votre mémoire en disant que vous déplorez le fait que le plan stratégique d'Hydro-Québec ait été adopté avant la tenue de la commission parlementaire. Et vous avez souligné à juste titre que toute cette décision, ce gouvernement, par décret, ça s'est manifesté durant la période de verglas, donc en situation d'urgence, alors que les orientations qui sont indiquées dans le plan stratégique sont à plus long terme. Donc, il n'y a rien qui justifie la précipitation avec laquelle Hydro-Québec a agi pour mettre les citoyens devant un fait accompli.

(11 h 40)

Je voudrais avoir un éclaircissement. À la page des recommandations, votre recommandation 5, quand vous dites que vous recommandez qu'une formation adéquate soit offerte aux employés du service à la clientèle afin de les sensibiliser aux différents problèmes des consommateurs qui font appel à leurs services, est-ce que vous avez des cas problématiques qui vous indiquent que le personnel qui est affecté au service à la clientèle, donc aux consommateurs, ça pose des problèmes? Et s'il faut donner une formation, elle serait de quelle nature? Elle porterait sur quoi exactement? Je suis à la recommandation 5 à la page 23.

Mme St-Pierre (Nathalie): Oui. Bon, écoutez, on se base sur l'expertise dans nos groupements qui, comme on le disait précédemment, font avec les consommateurs qui ont des difficultés financières, donc, réalisent des budgets, doivent prendre des ententes avec diverses entreprises pour régler leurs problèmes et, entre autres, des ententes avec Hydro-Québec et d'autres distributeurs aussi, dont Hydro-Sherbrooke, et tout ça.

Plus spécifiquement, ce qu'on dit, c'est ça, effectivement. On dénote qu'il arrive parfois des problèmes au niveau des ententes qui peuvent être négociées ou de la façon dont se déroule le processus qui peut permettre aux consommateurs de retrouver une certaine dignité dans toute cette affaire-là, qui se retrouvent acculés devant les difficultés financières et qui cherchent désespérément avec notre aide à trouver des solutions.

Donc, on s'en parlait entre nous aussi dans l'équipe et on se disait, entre autres, qu'au niveau de la formation, ce qui serait important aussi, c'est l'aspect... Il faut voir à trouver des solutions, donc, une ouverture à ça. Mais il y a aussi l'ouverture de l'entreprise, qui doit être là. Si on regarde dernièrement les décisions qui voulaient faire en sorte que, pour les bénéficiaires d'aide sociale qui avaient des difficultés, on voulait passer de 56 $ à 112 $ par mois de retrait direct dans les comptes; ça, c'est une culture d'entreprise, là. On va aller récupérer notre argent. Ce n'est pas une très grande ouverture à négocier.

Donc, dans ce sens-là, je pense qu'on a comme deux commentaires. C'est vrai qu'effectivement au niveau du personnel, directement, il y aurait peut-être des choses à faire, mais il y a une directive d'entreprise aussi qui doit peut-être être remise en question, compte tenu du contexte économique actuel pour les consommateurs.

Mme Fahmy (Jenny): Les consommateurs qui ont des difficultés à payer leur facture d'électricité sont dans une situation difficile. Ils sont face à une entreprise qui leur dit: Bon, si vous ne pouvez pas payer, le recours, c'est la suspension d'alimentation. Alors, la formation, ça serait aussi pour sensibiliser les employés encore plus à la problématique de ces gens-là qui n'ont pas de capacité de payer. Ils se retrouvent pris à la gorge avec toutes sortes de choses à payer. Ils ont de la difficulté à régler leurs comptes.

C'est aussi dans le rapport du Commissaire aux plaintes des clients des distributeurs d'électricité qu'on a vu que même lui recommandait qu'Hydro-Québec poursuive la formation de son personnel en matière de contact avec la clientèle. Et ça, c'est à la page 8 de notre mémoire. Selon le Commissaire, il y a 54 % des demandes d'intervention qui sont faites auprès de lui qui sont en matière de suspension d'alimentation; alors, c'est beaucoup. C'est près de la moitié des demandes. Ça veut dire qu'il y a un problème. Les clients ne peuvent pas payer et ils se trouvent face à des situations où ils sont menacés d'interruption.

Mme Houda-Pepin: Si j'ai bien compris votre commentaire concernant votre opposition au développement du réseau en vue de l'exportation exclusivement, vous avez dit dans l'un de vos commentaires qu'Hydro-Québec s'était engagée, au niveau de son apport financier, vis-à-vis du gouvernement. Je semblais comprendre de votre intervention que vous soupçonnez que toute cette précipitation était liée, justement, à cet impératif du déficit zéro où Hydro-Québec doit contribuer financièrement et répondre aux impératifs que le gouvernement exige.

Mme St-Pierre (Nathalie): Effectivement, dans la dernière semaine, je crois, ou... En tout cas, les événements se déroulent tellement rapidement. Mais disons qu'assez récemment, je pense qu'on a entendu le premier ministre y faire référence assez clairement. Pour nous, bon, peut-être qu'on n'était pas dans le coup, mais, au départ, ça nous avait... Bon. On se rendait très bien compte de l'apport économique aux revenus du Québec, mais, bon, là, tout d'un coup, ça a pris une allure tout à fait différente. Donc, effectivement, dans le contexte du déficit zéro, bon... Et là avec les problèmes qui viennent de la catastrophe naturelle, et tout ça, bon, est-ce qu'il n'y a pas des liens à faire, est-ce qu'il n'y a pas des questions à poser? Et est-ce qu'on ne pourrait pas avoir le droit de se pencher sur la question avant d'adopter un changement complet de l'espèce de virage qu'on considère commercial et de se dire: Bien oui, il faut contribuer? Oui, la société d'État peut contribuer quand ça va bien, mais est-ce qu'elle doit le faire aux dépens de l'ensemble des Québécois dans un contexte de déficit zéro? Nous, on n'est pas d'accord. On pense qu'il faut regarder les chiffres et maintenir la saine administration de l'entreprise, oui. Est-ce qu'on doit viser le profit à tout prix et remplir les coffres de l'État sur le dos des consommateurs?

Mme Houda-Pepin: Dernière question. Durant la tempête de verglas, on a vu que certains produits étaient devenus très rares, et il y a eu une exploitation de la part de commerçants quant aux prix de ces produits-là. Moi, je peux vous parler de mon expérience personnelle: j'ai acheté des bûches de bois à 1 $. Alors, ça fait quand même une différence. Vous, comme association, qui travaillez à la protection des consommateurs, est-ce que vous entendez mettre de l'avant des initiatives pour faire en sorte que dans des moments comme ça, de tempête ou de sinistre, ce genre de comportement de la part des commerçants peu scrupuleux ne se reproduise plus?

Mme St-Pierre (Nathalie): C'est-à-dire qu'on peut, et ça a été fait dès le début de la crise. Je pense qu'il y a eu quand même des consommateurs qui étaient assez informés, qui ont contacté les différentes associations, et il y a eu des alertes d'émises. Et je pense que le comportement des gens, grâce aussi entre autres aux médias, qui ont joué un rôle important et ont diffusé ce genre de comportement, a eu un impact. C'est sûr que, nécessairement, dans les endroits où il n'y avait pas d'électricité pour recevoir les nouvelles, c'était peut-être moins évident. Nous sommes à regarder ce qui pourrait être fait dans ce domaine-là. Il y a diverses associations qui travaillent le dossier, de voir comment elles peuvent aider les consommateurs à ce niveau-là.

Mme Houda-Pepin: Merci.

Le Président (M. Sirros): C'est moi qui vous remercie. Alors, on a été parfait dans le respect de notre temps et on vous remercie pour votre présentation.

J'inviterais par la suite l'Ordre des ingénieurs du Québec à prendre place. Alors, en vous demandant de vous identifier ainsi que ceux qui vous accompagnent, je vous rappelle que nous avons jusqu'à 12 h 30 pour ce qui est des échanges qui seront précédés par la présentation de votre part. Alors, la parole vous appartient.


Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ)

M. Stéphenne (Hubert): M. le Président, Mmes et MM. les commissaires, permettez-moi de vous présenter mes collègues. À droite, l'ingénieur Pierre Gauthier, administrateur de l'Ordre et président du comité de la technologie, le groupe d'experts qui a supervisé la préparation du mémoire de l'Ordre des ingénieurs que nous vous présentons aujourd'hui; et également, à sa droite, l'ingénieur Jean-Pierre Trudeau, conseiller en recherche et secrétaire dudit comité. Je m'appelle Hubert Stéphenne. Je suis secrétaire et directeur général de l'Ordre des ingénieurs du Québec.

L'Ordre des ingénieurs du Québec est une corporation professionnelle qui existe depuis plus de 75 ans et qui regroupe plus de 31 000 ingénieurs présents dans tous les secteurs de la société québécoise. L'Ordre régit la profession d'ingénieur au Québec. Son rôle consiste à encadrer la pratique du génie afin de s'assurer de la qualité des services rendus à la société par les ingénieurs, et ce, pour le bénéfice de la protection du public. L'Ordre contrôle l'accès à la profession, surveille la pratique des membres et voit au respect de la déontologie professionnelle. L'Ordre considère, en outre, qu'il lui incombe d'élargir son engagement social. Ainsi, l'Ordre entend contribuer au développement socioéconomique du Québec en présentant le point de vue des ingénieurs sur les questions d'intérêt public reliées aux sciences appliquées et à la technologie. C'est en vertu de ce volet particulier de sa mission que l'Ordre se présente aujourd'hui devant vous

(11 h 50)

D'entrée de jeu, permettez-moi de revenir sur un sujet de l'heure: la tempête de verglas et ses conséquences. Pour l'ingénieur, dont la profession traite, entre autres, de l'exploitation des ressources naturelles et d'aménagement humain, chaque catastrophe naturelle est une remise en question, un rappel brutal d'une nature que nous croyons trop facilement avoir domestiquée. De tels événements, il est essentiel d'en tirer toutes les leçons possibles.

Nous savons maintenant que nous avons pu obtenir de précieux renseignements de l'analyse des événements de juillet 1996 au Saguenay. Dans ce dossier, c'est maintenant aux pouvoirs publics de prendre en délibéré les recommandations de la Commission scientifique et technique sur la gestion des barrages et d'y donner suite.

La tempête de verglas de janvier 1998 recèle également son lot d'enseignement que nous ne pourrons en aucun cas nous permettre d'ignorer. Nous devons clarifier les événements, en comprendre les causes et dégager les conclusions qui s'imposent. Les autorités et institutions concernées doivent participer à cet exercice, remettre en question leurs procédures, leurs plans et leurs politiques et devront bien entendu donner suite aux recommandations qui seront formulées.

L'Ordre des ingénieurs salue la décision du gouvernement de créer une commission scientifique et technique pour procéder à cet examen. Ce type de structure a fait ses preuves dans le cas des événements du Saguenay. De même, les administrateurs de l'Ordre ainsi que l'ensemble des ingénieurs du Québec, dont je me fais le porte-parole, reconnaissent en l'ingénieur Roger Nicolet, le président de notre corporation, un homme qui a toutes les qualités humaines et professionnelles pour diriger cette entreprise. Nous l'assurons d'ailleurs de notre appui et de notre soutien, dans le respect, bien sûr, de son indépendance.

Je mentionne également que l'Ordre a entrepris, depuis maintenant quelques mois, une réflexion sur les moyens à mettre en oeuvre afin de parfaire les compétences des ingénieurs en matière de prévention des risques et de gestion des mesures d'urgence. Les travaux de notre groupe de réflexion nous amèneront éventuellement à proposer des ajouts et des modifications au programme de formation de base dans nos universités et de formation continue des ingénieurs.

Je cède maintenant la parole à l'ingénieur Pierre Gauthier qui va vous présenter les grandes lignes du mémoire dûment adopté par le bureau de l'Ordre. Je vous remercie. Pierre.

M. Gauthier (Pierre-Louis): Merci, M. Stéphenne. M. le Président, Mmes et MM. les commissaires, mesdames et messieurs, au cours des dernières années, l'Ordre des ingénieurs du Québec a consacré beaucoup d'importance au domaine de l'énergie qui demeure, en grande partie grâce à Hydro-Québec, l'un des plus importants secteurs d'activité économique du Québec. Nous avons notamment participé aux consultations sur les plans stratégiques de 1993 et 1996 d'Hydro-Québec. C'est d'ailleurs en cette occasion que fut préparée la première ébauche du mémoire que nous présentons aujourd'hui. Nous avons également participé au débat public sur l'énergie du Québec et déposé un mémoire à la table de concertation du débat.

Nos principales recommandations sur la politique énergétique du Québec ont porté sur la création d'une Régie de l'énergie, sur l'ouverture du Québec sur le marché nord-américain déréglementé de l'électricité, sur la restructuration consécutive d'Hydro-Québec en unités d'affaires ainsi que sur l'institution d'une certaine concurrence pour la production d'électricité.

Nous avons constaté que l'essentiel des recommandations ont été retenues et intégrées à la nouvelle politique énergétique du Québec. Cette politique fixe les grandes orientations stratégiques du Québec en la matière et établit le cadre dans lequel la société d'État prépare son propre plan stratégique.

Cela dit, notre mémoire sur le plan stratégique d'Hydro-Québec repose sur un certain nombre d'hypothèses de base. La première: Hydro-Québec est une société publique dont le gouvernement du Québec est l'actionnaire unique, ce que la politique énergétique du Québec confirme. Son mandat principal est de fournir aux Québécois l'énergie électrique à un coût économique minimal, compatible avec un taux de rendement sur l'avoir propre qui tient compte de ses besoins financiers. En tant que société d'État, Hydro-Québec se doit de participer aux efforts de croissance et au développement économique du Québec sur les marchés locaux et internationaux. Ce rôle, dont nous reconnaissons tous l'importance, est cependant accessoire à son mandat principal, ce qui signifie qu'en aucun cas il ne doit aller à son encontre.

Ce plan stratégique est préparé dans un contexte social et économique en constante évolution. En voici quelques caractéristiques: la mondialisation de l'économie, qui amène toutes les entreprises à remettre en question les limites de leur marché traditionnel; le développement durable, qui doit amener à privilégier les formes d'énergie renouvelable et à revoir nos procédés de production, domaine dans lequel l'électricité a un très fort potentiel; la nouvelle économie, qui doit nous inciter à maximiser la valeur ajoutée à nos produits et services; les développements technologiques, particulièrement les technologies de l'information et les technologies des matériaux, qui offrent sans cesse de nouvelles possibilités, de nouvelles solutions; le recours le plus marqué à la privatisation et à l'impartition, qui offrent des possibilités économiques que les services publics se doivent de considérer; l'essor économique de certains pays en voie d'industrialisation, notamment en Amérique du Sud et en Asie. Les entreprises québécoises du domaine de l'énergie n'ont pas d'autre choix que de se tourner vers ces marchés pour assurer leur survie et leur développement. Finalement, la déréglementation dans le domaine de l'énergie en Amérique du Nord qui nous offre d'intéressantes possibilités d'exportation et d'échanges économiques avec nos voisins. Pour le Québec, tourner le dos à de telles opportunités serait un non-sens.

En raison de la faible croissance de la demande, les investissements dans des équipements de production et de transport d'électricité ne peuvent plus suffisamment contribuer au développement économique du Québec. D'autres façons de faire doivent être envisagées. La première coule de source pour Hydro-Québec: le meilleur moyen de contribuer au développement économique du Québec consiste à produire, à transporter et à distribuer l'électricité à un coût économique minimal et à offrir une gamme de services parfaitement adaptés aux besoins spécifiques de ses clients.

D'autres avenues doivent aussi être explorées. La première: développer de nouveaux produits par la R & D. Nous y consacrons une partie importante dans notre mémoire. La deuxième: contribuer à rendre les clients et les fournisseurs locaux plus concurrentiels. La troisième: accroître la demande pour les biens et services québécois; et, finalement, recourir, lorsque c'est financièrement rentable, à l'impartition pour les activités connexes de gestion des infrastructures de production, de transport et de distribution d'énergie, comme cela se fait pour la conception et la construction des ouvrages.

Le bilan des coûts et des retombées économiques en ce qui a trait à la valeur ajoutée du Québec, de ses activités tant pour la société d'État que pour ses filiales, et ce, à l'échelle nationale et internationale devrait être présenté dans ses rapports annuels.

Nous en arrivons maintenant à une partie essentielle de notre mémoire: la politique de développement technologique d'Hydro-Québec. Aux yeux de l'Ordre des ingénieurs, la recherche, le développement, les transferts de technologies sont une source de richesse sociale et économique que les entreprises québécoises ont encore trop souvent tendance à mésestimer. Il serait toutefois injuste de ne pas reconnaître les progrès qui ont été accomplis au cours des dernières années ainsi que l'importante contribution des gouvernements, notamment par les crédits d'impôt à la recherche. Hydro-Québec, en raison de sa taille, de son expertise, de sa culture et de l'effet d'entraînement qu'elle peut avoir sur l'industrie, est un acteur essentiel de toute politique québécoise de développement technologique. C'est certainement l'un des domaines où la société d'État peut apporter une contribution des plus importantes au développement économique du Québec.

Selon l'Ordre, la politique de développement technologique d'Hydro-Québec doit comporter deux volets. Le premier est relié à son mandat principal et concerne essentiellement les technologies propres à la production, au transport et à la distribution d'électricité ainsi qu'à la gestion de la demande. Ce volet de la politique a un triple objectif: soutenir et développer les activités de l'entreprise; créer de nouveaux produits et services dans son ou ses champs d'activité; et doter l'entreprise d'un savoir-faire et de ressources technologiques qui lui permettront de consolider sa position concurrentielle. Il s'agit essentiellement ici de technologies reliées aux moyens de production, au réseau de transport et de distribution ainsi qu'à la gestion de la demande.

(12 heures)

Autres éléments majeurs particulièrement en période de restructuration impliquant des mouvements de personnel: le maintien, l'amélioration et la transmission du savoir-faire et des technologies de base de l'entreprise.

Le second volet de la politique de développement technologique d'Hydro-Québec consiste à utiliser son expertise scientifique et technologique pour le développement de technologies susceptibles d'augmenter la compétitivité des entreprises québécoises. Il s'agit ici de technologies complémentaires à l'activité principale, notamment des procédés de fabrication et de transformation industrielle, de technologies reliées au transport, à l'accumulation d'énergie et à l'environnement, et ainsi de suite. L'ensemble de la politique de la recherche et développement devrait être mise en oeuvre en étroite collaboration avec des partenaires industriels et institutionnels, notamment les universités et les centres de recherche.

Les stratégies de développement d'Hydro-Québec varieront selon qu'il s'agira de développement de technologies stratégiques, sur lesquelles elle gardera un contrôle serré, ou d'autres activités pour lesquelles elle jouera plutôt le rôle de catalyseur, de partenaire et d'accompagnateur de l'industrie québécoise. Les partenaires industriels seront choisis en fonction de leur savoir-faire et, plus particulièrement, de leur capacité à commercialiser les produits des recherches. Ils devront, par le biais de mécanismes à mettre en place, être consultés quant au choix des programmes de développement rattachés au second volet de la politique. L'Ordre recommande qu'Hydro-Québec mette en place un système de contrôle et d'évaluation de la pertinence et de la qualité de ses projets de R & D. Ce système serait fondé sur l'évaluation par des pairs.

Nous constatons que certains éléments du plan de la société d'État divergent de notre vision ou, tout au moins, suscitent des interrogations. Ainsi, nous approuvons l'intention d'Hydro-Québec de confier aux unités d'affaires le financement des activités de R & D, à l'exception, bien sûr, des filières à long terme. Toutefois, l'application stricte d'une politique d'autofinancement pourrait également mener à une réduction des investissements en recherche et développement de l'entreprise, ce que nous désapprouverions. Il en est de même pour la recherche de partenaires en R & D. L'intention d'Hydro-Québec est souhaitable et correspond à nos recommandations, mais cela ne doit pas signifier qu'elle reportera sur ceux-ci une trop grande partie de ses responsabilités financières.

Mentionnons enfin que les principaux éléments d'actif technologique auxquels le plan stratégique fait référence touchent à l'utilisation de l'électricité dans le transport terrestre. L'Ordre est convaincu que bien d'autres technologies d'Hydro-Québec pourraient être mises en valeur et qu'il ne convient pas, à ce stade, de trop restreindre les possibilités. Outre l'exportation d'électricité et de produits et de services complémentaires, les activités internationales d'Hydro-Québec comprennent la vente de produits et services des filiales d'Hydro-Québec CapiTech ainsi que la vente de services par Hydro-Québec International.

Pour l'Ordre, l'unique objectif de ces activités internationales doit être de favoriser le développement économique du Québec en minimisant les risques financiers de la société d'État et en recherchant une rentabilité élevée. En d'autres termes, ces activités doivent être financièrement rentables pour Hydro-Québec et économiquement rentables pour la société québécoise. Pour Nouveler et Hydro-Québec ou Hydro-Québec CapiTech, cela signifie que des actionnaires privés québécois soient associés à chacune de ces filières et détiennent à terme une participation majoritaire. Malgré les difficultés de cette filiale, l'Ordre est d'avis qu'Hydro-Québec CapiTech joue un rôle essentiel dans la politique de développement technologique d'Hydro-Québec en permettant de mettre en valeur et de commercialiser des technologies ou du savoir-faire développés à l'interne.

Le Président (M. Sirros): Je peux vous demander d'essayer de conclure parce que, vraiment, on va se retrouver coincé dans le temps tantôt, parce que j'ai plusieurs demandes de questions déjà puis...

M. Gauthier (Pierre-Louis): Hydro-Québec International a également un rôle de premier plan à jouer. Le marché dans lequel évolue cette filiale subit actuellement des transformations majeures. Il est de plus en plus difficile d'obtenir des contrats d'étude et de gestion sans achat de concession ou de participation financière importante. Dans ce contexte, il est assez logique qu'Hydro-Québec International ait la possibilité d'investir à l'étranger. L'Ordre s'oppose toutefois, en vertu du principe énoncé ci-haut, à ce qu'elle le fasse seule. Afin de maximiser les retombées de ses investissements, nous croyons en fait qu'Hydro-Québec ne devrait investir à l'étranger que si des intérêts privés québécois détiennent une participation financière majoritaire dans l'investissement. Hydro-Québec International doit également attendre de cet investissement une rentabilité financière supérieure à celle qu'Hydro-Québec obtient dans le cadre de l'exécution de son mandat principal.

Toujours en vertu du même principe, l'Ordre des ingénieurs du Québec recommande qu'Hydro-Québec ou ses filières n'acquièrent des infrastructures de production, de transport et distribution hors Québec que si elles peuvent être reliées, même indirectement, au réseau québécois, que l'investissement est financièrement rentable et que des retombées économiques importantes pour le Québec résultent de ces acquisitions.

Enfin, nos commentaires sur le développement des ressources énergétiques régionales sont pour nous l'occasion de revenir sur une question à laquelle nous accordons beaucoup d'importance, il s'agit ici de la révision du cadre juridique qui encadre la gestion des barrages. Les travaux de la Commission scientifique et technique sur la gestion des barrages ont permis d'identifier d'importantes lacunes à ce niveau et de formuler des recommandations pertinentes pour y remédier. Il importe, pour s'assurer de la sécurité du public, que le gouvernement et les différentes autorités civiles y donnent suite dans les meilleurs délais. Voilà ce qui complète notre présentation.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. On commencera avec le député de Saint-Laurent, suivi du député d'Orford, pour passer aux députés ministériels puis revenir avec le député d'Iberville après.

M. Cherry: Merci. Pour vous permettre de mieux expliciter, vous avez dit au niveau des investissements à Hydro-Québec International: On s'oppose avec fermeté à ce qu'Hydro-Québec puisse y aller seule, il faut absolument qu'il y ait des partenaires. Voulez-vous profiter de l'occasion pour mieux expliciter ce que vous percevez comme danger si Hydro-Québec y allait seule?

M. Gauthier (Pierre-Louis): Enfin, ici, l'enjeu revient tout simplement à ce qu'Hydro-Québec est une société publique appartenant au gouvernement. Si c'était une société purement privée, on ne serait probablement pas ici en train de discuter. Et, en ce sens, les investissements extérieurs d'Hydro-Québec, même s'ils sont rattachés à son expertise, demeurent quand même un risque et doivent aussi comporter plus qu'uniquement un retour financier. Et, en ce sens, à ce moment-là, nous trouvons un certain illogisme à un investissement extérieur purement financier qui n'aurait pas ou peu de retombées québécoises sur l'industrie. C'est la logique.

M. Cherry: O.K. Sur le même sujet, pour compléter, hier, un groupe a souhaité que, dans les états financiers d'Hydro-Québec, l'aspect Hydro-Québec International fasse l'objet d'une comptabilité séparée pour en faciliter la compréhension, la transparence. Est-ce que vous souhaiteriez également, suite aux propos que vous venez de tenir, qu'Hydro-Québec tienne une comptabilité séparée sur l'aspect Hydro-Québec International?

M. Gauthier (Pierre-Louis): C'est aussi l'objet d'une recommandation dans notre mémoire.

M. Cherry: Merci. Et ma dernière question: Suite aux événements du verglas, quelles sont les modifications que vous proposeriez, si vous en proposiez, au plan stratégique d'Hydro-Québec?

M. Stéphenne (Hubert): En ce qui concerne la dernière crise, je pense que le gouvernement a constitué une commission scientifique et technique, et, à ce propos-là, si l'Ordre le juge à propos, nous pourrions soumettre nos recommandations à ladite commission.

M. Cherry: O.K.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, à la page 32, vous nous rappelez qu'on a eu des grandes inondations au Saguenay–Lac-Saint-Jean et vous arrivez à la recommandation suivante: «L'Ordre des ingénieurs du Québec recommande au gouvernement du Québec de procéder dans les meilleurs délais à une révision complète du cadre juridique qui gouverne la gestion des barrages.»

Alors, vous nous avez rappelé que M. Nicolet, qui est le président de votre Ordre, effectivement, a fait des recommandations dans un grand document et que ce document-là, si j'ai bonne mémoire, a été déposé en octobre 1996. Donc, il y a déjà pas mal de temps qui est passé, et il semble que le gouvernement se traîne les pieds et n'arrive pas à grand-chose à partir d'un rapport qui a été très bien fait. Je pense que tout le monde s'entend à le dire. Est-ce qu'on n'a pas devant nous une situation qui est après se dessiner, qui pourrait être sensiblement la même, c'est-à-dire qu'on refait un deuxième rapport Nicolet à partir du triangle et puis que vous nous reveniez ici dans un an et demi, et que vous nous redisiez que le gouvernement du Québec procède dans les meilleurs délais à une révision complète du cadre juridique, etc.? La question que je vous pose, c'est: Est-ce que ces commissions-là, en bout de ligne, donnent quelque chose? Parce que c'est bien agréable que les gens aillent dans les sous-sols d'église et se vident le coeur sur les bûches qu'ils ont achetées à 1 $, etc., mais est-ce que ça va donner quelque chose d'autre en bout de ligne?

(12 h 10)

M. Stéphenne (Hubert): Il est tout à fait évident que la Commission scientifique et technique donne un éclairage sur un événement et fait des recommandations. Il n'appartient pas, cependant, à une commission scientifique et technique de prendre les décisions qui s'imposent, c'est l'objet même d'un tel véhicule. Donc, il nous apparaît que ce n'est pas la Commission qui est remise en cause, mais les gens qui doivent donner suite aux recommandations dudit document.

M. Benoit: Mais, dans votre mémoire, si je comprends bien, vous n'êtes pas satisfaits des gens qui devaient prendre ces décisions-là par la suite. C'est ce que je dois comprendre?

M. Stéphenne (Hubert): Les recommandations, à toutes fins pratiques, s'adressent à différents intervenants, à différents décideurs. Entre autres choses, en ce qui nous concerne – et nous l'avons dit d'entrée de jeu – nous avons constaté qu'une des recommandations pouvait être adressée aux ingénieurs eux-mêmes et, donc, nous allons faire en sorte de donner suite à cette recommandation. Tout au moins, au niveau de la formation des ingénieurs dans les universités et dans d'autres institutions d'enseignement pour la formation continue, nous allons tenter d'infléchir une orientation dans le sens de la recommandation du rapport de M. Nicolet.

M. Benoit: À la page 28 de votre mémoire, vous nous dites: «La contribution au développement économique du Québec constitue un rôle secondaire pour Hydro-Québec et ne doit pas s'exercer au détriment de son mandat principal; il serait d'ailleurs souhaitable que le rapport annuel de la société présente un bilan de ses contributions au développement économique.» Vous faites allusion à quoi? J'essaie de voir. Est-ce qu'on parle, par exemple, de contrats chez les serristes, les gens qui ont des serres au Québec, qui avaient des avantages et où Hydro-Québec, finalement, a décidé de racheter ces contrats-là? Ou est-ce que vous faites allusion à des programmes comme dans l'État de New York, où on parle de programmes tels que «Power for jobs», où, avec de l'électricité à bon marché, dans certaines PME, on a créé, à ce qu'on dit, jusqu'à 3 000 emplois, dans un document que nous avons reçu hier? Est-ce que c'est le genre de projets que vous favoriseriez, finalement, pour qu'on crée des emplois au Québec à partir d'Hydro-Québec? Est-ce que c'est ça, le sens de votre recommandation R6?

M. Gauthier (Pierre-Louis): Notre recommandation touche effectivement l'aspect des retombées au Québec des activités et des investissements d'Hydro-Québec, mais l'attention, ici, que l'on porte, c'est que ce mandat ne doit en aucun temps être préjudiciable au mandat de produire et de fournir de l'électricité au plus bas prix, que l'on trouve critique à tout l'ensemble de l'économie québécoise. La meilleure façon pour Hydro-Québec de supporter l'économie québécoise est de fournir de l'électricité au plus bas prix possible, et c'est en ce sens-là et de ne pas faire l'erreur que d'autres sociétés ont faite dans d'autres provinces et, à ce moment-là, de voir l'industrie quitter pour des lieux où le tarif d'électricité était plus faible. Alors, l'infrastructure électrique est un élément très important, et le prix minimum devrait primer sur tout autre besoin de la part d'Hydro-Québec.

M. Benoit: Dans le cas du plus bas prix, on apprenait hier que certaines provinces, pour ne pas dire certains États, offrent de l'électricité à meilleur prix que nous à certaines corporations. Vous savez qu'au Québec le résidentiel paie beaucoup moins cher que l'industriel, donc il y a en quelque part où l'industriel paie pour le résidentiel. Est-ce que le sens de ce que vous venez de nous dire irait à la juste valeur du coût de production à l'industriel, donc diminution chez l'industriel, le consommateur commercial, et une augmentation au résidentiel quand vous nous dites le prix le plus bas pour créer finalement de l'économie?

M. Gauthier (Pierre-Louis): Votre question touche deux volets. Un premier, je comprends, s'adresse plutôt à l'interfinancement, que notre mémoire n'effleure pratiquement pas.

M. Benoit: Exactement.

M. Gauthier (Pierre-Louis): Ce que l'on touche est plutôt dans le cadre d'une industrie déréglementée, qui le sera dans le futur, et on le croit. L'Ordre croit que le Québec n'échappera pas à une réalité continentale, c'est-à-dire que le produit, l'électron, sera vendu libre comme plusieurs autres produits sur les marchés et, à ce moment-là, ne sera plus tarifé et sera soumis à une compétition au meilleur offrant. Et, évidemment, le prix coûtant devient un élément primordial à ce moment-là. Alors, notre recommandation est plutôt en ce sens-là, c'est-à-dire de garder l'industrie compétitive, en particulier l'industrie hautement consommatrice d'électricité, afin qu'elle ne perde pas les emplois rattachés à celle-ci.

M. Benoit: Très bien. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Je vous remercie. M. le député de Johnson.

M. Boucher: Alors, MM. Gauthier, Trudeau et Stéphenne, bienvenue à notre commission. Merci d'être là. J'ai une première question qui concerne votre lien avec le Syndicat des professionnels des ingénieurs d'Hydro-Québec qui sont venus témoigner ici hier et qui ont dit... Et je vais lire ma question, puisque je pense qu'elle doit vous toucher certainement.

M. Louis Champagne, lors de son témoignage au nom de ce syndicat, hier, invitait la société d'État à appliquer la lettre et l'esprit de la Loi sur les ingénieurs. Il indiquait d'ailleurs que le Syndicat, depuis cinq ans, était intervenu à maintes reprises, verbalement et par écrit, à tous les niveaux de l'entreprise, Hydro-Québec, et aussi de l'Ordre des ingénieurs pour tenter de convaincre Hydro-Québec d'appliquer cette loi. Il a même dit en réponse à une question de ma collègue députée de La Prairie que l'Ordre des ingénieurs ne s'était pas alarmé de cette situation. Ma question est donc la suivante: Pouvez-vous nous confirmer votre accord ou votre désaccord avec le point de vue du Syndicat et nous indiquer si oui ou non et de quelle façon, s'il y a lieu, vous êtes intervenus auprès des autorités d'Hydro-Québec pour que soit appliquée, si elle ne l'est pas, la Loi sur les ingénieurs?

M. Stéphenne (Hubert): Oui, effectivement, nous avons eu des rencontres avec Hydro-Québec. Je dois, dans un premier temps, vous dire que la loi qui nous gouverne est applicable à tous. Que ce soient des employés d'Hydro-Québec, que ce soient des employés d'entreprises privées, que ce soient des ingénieurs qui sont à leur compte, donc, cette loi s'applique à tous les citoyens du Québec lorsque les services d'un ingénieur sont requis.

Il est bien évident, cependant, que la loi actuelle des ingénieurs nous commande de vérifier les travaux qui doivent être confiés à des ingénieurs, et donc c'est une loi qui s'adresse à des individus. Nous n'avons pas, si vous voulez, à l'intérieur de la loi actuelle... Et nous avons d'ailleurs déposé chez le ministre un projet de modification de cette loi qui nous permettrait de pouvoir intervenir auprès des sociétés et des organismes structurés qui offrent des services de génie.

Ceci étant dit, il est évident que nous avons eu des relations avec Hydro-Québec comme avec d'autres grands employeurs du Québec pour, dans un premier temps, les sensibiliser à cette loi, leur faire comprendre les tenants et aboutissants de la loi, et nous avons eu un accueil favorable.

Ceci étant dit, il y a 41 000 ingénieurs. Il y a également, dans le secteur du génie et de l'aménagement, d'autres professionnels qui s'activent. Il y a une responsabilité qui nous incombe, mais qui incombe à bien d'autres. Donc, nous devons surveiller nos ingénieurs, mais nous devons également surveiller la pratique illégale pour la protection du public. Mais nous ne pouvons pas intervenir dans la gestion interne des entreprises, sinon de faire des poursuites et de monter des causes spécifiques. Donc, lorsqu'on se fait dire qu'Hydro-Québec ne respecte pas cette loi, nous aimerions pouvoir obtenir des renseignements spécifiques sur des cas concrets pour être en mesure de faire des enquêtes.

Je vais faire un parallèle. Nous avons un État qui a un certain nombre d'exigences. Par exemple, dans le domaine du transport, nous avons des feux de circulation, et, en fait, il appartient à la Sécurité publique ou à la police de faire en sorte de faire respecter ce règlement. Mais vous savez comme moi qu'il n'y a pas un policier d'attaché à chaque instrument qui permettrait, à toutes fins pratiques, de dire: Le feu est rouge ou est vert. Donc, nous avons ici une société qui est très active, où les actes d'ingénieurs sont requis à peu près dans toutes les disciplines de la vie économique, et nous faisons le travail avec les moyens que nous avons.

La réponse est la suivante: Oui, nous avons eu des rapports avec Hydro-Québec. Oui, Hydro-Québec doit, à toutes fins pratiques, respecter la loi en bon citoyen, et nous nous y activons.

M. Boucher: Mais est-ce que, après ces échanges avec Hydro-Québec, vous pouvez confirmer qu'Hydro-Québec ne l'a pas respectée?

M. Stéphenne (Hubert): Non.

M. Boucher: Vous ne pouvez pas le confirmer.

M. Stéphenne (Hubert): Non, je ne peux pas le confirmer, puisque, à toutes fins pratiques, comme je vous ai dit tout à l'heure, il faudrait pointer du doigt la pratique illégale afin que nous puissions faire une enquête spécifique sur chacun de ces cas.

M. Boucher: Mais, pourtant, le représentant de l'Ordre des ingénieurs a identifié...

Une voix: Le Syndicat.

M. Boucher: Le Syndicat, excusez. Pardonnez-moi. Le Syndicat a identifié des cas concrets. Il a parlé de lignes électriques sur la Rive-Sud et de connexions qui ont été faites sans la supervision d'ingénieurs. Vous avez lu ça comme moi, j'imagine. Vous avez entendu ça. Ça ne vous dit rien, ça?

(12 h 20)

M. Stéphenne (Hubert): Bien, c'est-à-dire, écoutez, nous avons, bien sûr, des dossiers qui sont ouverts en pratique illégale, nous avons des inspecteurs, et il y a peut-être des dossiers ouverts concernant Hydro-Québec. Je ne peux pas vous le confirmer ou vous l'infirmer présentement.

M. Boucher: O.K.

Le Président (M. Sirros): Un peu dans le même sens, est-ce que vous avez connaissance de cas précis qui ont été portés à votre attention par le syndicat des ingénieurs du Québec quant à des lignes précises où ça aurait été possible, j'imagine, de savoir qui a préparé les plans et devis, etc.?

M. Stéphenne (Hubert): À notre connaissance, il n'y a pas eu, sur notre table, des plans qui n'avaient pas été scellés et signés par des ingénieurs, alors qu'ils auraient dû être scellés et signés par des ingénieurs. Il faut bien comprendre qu'il y a des constructions qui se font avec des éléments dits normalisés et, donc, il faut bien comprendre, si vous voulez, la teneur des obligations qui sont imposées par la loi. On peut avoir des prétentions, nous devons faire enquête et nous devons faire des constats et décider si, oui, il y a eu contravention ou, non, il n'y a pas eu contravention à la Loi sur les ingénieurs.

Le Président (M. Sirros): Est-ce que les allégations d'hier vous inquiètent? Et est-ce que vous avez l'intention de vérifier ces allégations-là avec les moyens que vous avez?

M. Stéphenne (Hubert): Définitivement. Et, comme je vous ai dit, nous sommes en discussion constamment avec Hydro-Québec et d'autres sociétés à ce chapitre de la pratique illégale.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Johnson.

M. Boucher: Je voudrais vous dire que, comme parlementaire, j'attache une grande importance à cette question parce que les Québécoises et les Québécois peuvent vivre de l'insécurité – à partir du moment où tout ça devient public – par rapport à la qualité de nos installations, de notre réseau. Je ne dis pas qu'il y a un lien entre le fait que des ingénieurs n'aient pas supervisé les travaux et qu'on n'ait pas un réseau de qualité – je ne ferai pas ce lien-là – mais on peut imaginer de l'insécurité de la part des Québécoises et des Québécois par rapport à ce fait-là. Alors, je vous dis en terminant – et je ne veux pas allonger inutilement mes questions à ce sujet-là – que je compte sur l'Ordre pour nous rassurer par rapport à ça.

M. Stéphenne (Hubert): C'est notre vocation, et nous sommes là pour faire ce genre d'exercice et nous le faisons.

Le Président (M. Sirros): Une dernière rapide question de la part de la députée de La Prairie.

Mme Simard: Oui, merci, M. le Président. Bon, vous dites que vous comptez le faire. Hier, ce Syndicat des ingénieurs d'Hydro-Québec a fait une présentation un peu alarmante, notamment en soulignant que des travaux avaient été exécutés en non-respect de la Loi sur les ingénieurs, mais le Syndicat nous a aussi dit que ça faisait fort longtemps qu'il en avait avisé l'Ordre. Et, quand on a posé des questions un petit peu plus précises, on a dit: Ah! ça remonte à une douzaine d'années, et, depuis cinq ans, l'Ordre est avisé de ça. Alors, vous me surprenez un peu par votre réponse quand vous dites: Oui, nous avons l'intention de regarder ça. Mais, alors, qui dit vrai? Parce que, en plus, il y a eu, hier, un certain nombre d'évaluations de la part de ce même groupe là disant: Possiblement que la sécurité du réseau a été compromise parce qu'il y a eu diminution d'investissements dans les budgets d'entretien et d'immobilisation. Alors, sans l'affirmer avec certitude, il y a quand même eu ce questionnement qui a été soulevé, et on nous soulève en même temps que des travaux seraient exécutés illégalement. Alors, vous comprendrez que ce n'est pas pour rassurer qui que ce soit. Alors, depuis combien de temps êtes-vous avisés de ce problème par le syndicat? Est-ce qu'il y a un contentieux permanent entre vous et Hydro-Québec quant à la surveillance des travaux ou c'est du cas par cas exclusivement, comme vous semblez l'indiquer?

M. Stéphenne (Hubert): Non, écoutez, il y a des allégations qui remontent finalement à quelques années, et nous avons enquêté. Nous avons rencontré l'actuel président – nous avions rencontré les présidents prédécesseurs – pour le sensibiliser à des potentialités et nous avons, effectivement, également eu des enquêtes sur le terrain concernant des allégations du Syndicat des ingénieurs d'Hydro-Québec. Donc, en fait, ce n'est pas «nous allons», nous avons déjà.

Le Président (M. Sirros): Il reste encore deux minutes de temps du côté ministériel, et le député de Johnson avait effectivement une autre question. Alors, je m'excuse.

M. Boucher: J'en avais plusieurs autres, M. le Président, mais enfin, je vais me limiter, évidemment. Dans vos recommandations R14, R15 et R17, vous recommandez, dans le cadre des projets de recherche, qu'Hydro-Québec consulte ses partenaires dans le choix et les orientations en matière de recherche et développement, qu'elle favorise le maillage avec les intervenants et qu'elle s'associe avec des partenaires du secteur privé pour développer, exploiter, gérer et commercialiser de nouvelles technologies. Ma question est la suivante: Pouvez-vous indiquer quel est, selon vous, l'état actuel du réseau québécois de recherche et développement sous ces aspects et quel chemin il reste encore à parcourir pour arriver à un tel niveau de collaboration entre tous les intervenants?

M. Gauthier (Pierre-Louis): Essentiellement, sauf pour quelques exemples, un que l'on connaît très bien, qui s'appelle CITEQ, qui est un maillage entre une société suisse, suédoise pour le développement d'un nouveau produit... toute la recherche et développement, c'est confiné à l'intérieur de l'IREQ, et, en ce sens, nos recommandations, étant donné les bénéfices et les retours des 100 000 000 $ investis par Hydro-Québec annuellement en recherche et développement, se font généralement par la commercialisation, ici, de ces produits. À partir du moment où Hydro-Québec, en particulier sur des technologies connexes... Donc on ne parle pas, ici, directement des technologies du réseau... se font uniquement par le biais de l'IREQ ou d'Hydro-Québec, ça diminue grandement les possibilités de commercialisation de ces recherches-là et donc les retours sur l'investissement.

En ce qui concerne le réseau, par contre, beaucoup d'investissements ont été faits au cours des années dans le domaine du réseau, et c'est pourquoi notre recommandation touche notre inquiétude quand on entend que la société veut rendre ces investissements-là autorentables et, à ce moment-là, porte à un risque possible de diminution... Alors, sur le réseau, ce qu'on recommande, c'est de ne pas diminuer ces investissements-là et même de ne pas nécessairement regarder l'autofinancement.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député d'Iberville.

M. Le Hir: Oui, j'ai été intéressé par les commentaires que vous faites relativement au développement des technologies et, à la lumière, évidemment, de ce qui s'est produit – la lumière, c'est un bien grand mot vu ce qui s'est passé – ces dernières semaines au Québec, je me demandais si vous estimez que les technologies liées au réseau de transport et de distribution – vous en évoquez quelques-unes: les systèmes de commande du réseau, commandes et protections adaptatives en fonction de l'état du réseau en temps réel, intelligence distribuée; systèmes d'autodiagnostic des équipements; systèmes de télécommande, d'automatisation et de télésurveillance du réseau – si l'utilisation de ces technologies-là offre un potentiel qui aurait permis, par exemple, que les événements qu'on a connus, que l'interruption du service électrique soit moins importante et dure moins longtemps.

M. Gauthier (Pierre-Louis): C'est une question sur laquelle je suis certain que la commission va se pencher beaucoup plus en détail. J'aimerais apporter, par contre, que le réseau actuel d'Hydro-Québec est beaucoup plus robuste qu'il ne l'était il y a une dizaine d'années. Alors, l'ajout de la compensation en série, l'ajout de plusieurs des technologies et les investissements, quand même, qui ont été faits au niveau du réseau de transport ont grandement amélioré le réseau, et ça le démontre par les statistiques d'Hydro-Québec même au niveau des interruptions.

(12 h 30)

Maintenant, il faut aussi réaliser que la dernière situation dépasse les normes qui avaient été prévues, évidemment, et la commission va certainement se pencher sur la révision de ces normes-là compte tenu aussi des statistiques climatiques que l'on peut envisager dans les années à venir. Alors, j'ai un peu de difficulté à répondre clairement à votre question étant donné que les éléments techniques ne nous apparaissent pas et que c'est une situation assez particulière, c'est-à-dire celle d'une grande quantité de verglas ici. Mais, en général, à notre connaissance et à la connaissance de l'Ordre, le réseau d'Hydro-Québec a été grandement amélioré au cours des années.

M. Le Hir: Mais ma question ne portait pas sur la résistance des équipements, elle portait plutôt sur l'utilisation de nouvelles technologies en matière de télédétection, de télémétrie, d'utilisation de capteurs. Et, à votre avis, est-ce qu'un usage accru de ces technologies-là serait de nature à améliorer la résistance du réseau et à diminuer les durées d'interruption potentielles?

M. Gauthier (Pierre-Louis): Il y a définitivement des mesures qui peuvent être prises, des mesures techniques dont on parle, et des technologies qui, si elles ne sont pas adéquates aujourd'hui, peuvent certainement être développées à l'intérieur de l'IREQ ou de ses partenaires.

Le Président (M. Sirros): Merci. Et, avec cette réponse, notre temps vient de s'écouler. Alors, je vais suspendre les travaux jusqu'à 14 heures en vous remerciant pour votre présentation. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 14 h 8)

Le Président (M. Sirros): La commission va reprendre ses travaux. Nous avons les premiers intervenants de cet après-midi qui sont déjà à la table. Il s'agit du Grand Conseil des Cris du Québec. Je demanderais peut-être à M. Saganash de se présenter ainsi que les autres qui l'accompagnent. Nous disposons d'un 45 minutes approximativement pour l'ensemble des travaux, donc une quinzaine de minutes de présentation, suivi d'une trentaine de minutes d'échanges.

Alors, pour ne plus prendre le temps de la commission, la parole est à vous.


Grand Conseil des Cris du Québec (GCCQ)

M. Saganash (Diom Roméo): Merci, M. le Président. Je vais d'abord vous présenter les participants de notre intervention ici cet après-midi: à ma gauche, M. Alan Penn; M. Penn est le conseiller scientifique senior du Grand Conseil des Cris; à ma droite immédiate, M. Brian Craig, qui est responsable des relations fédérales-cries; notre conseillère juridique, avocate, Me Johanne Mainville; et M. Kenny Blacksmith, qui est ancien vice-grand chef du Grand Conseil des Cris et également membre du conseil du Grand Conseil des Cris.

Je désire, M. le Président, commencer en remerciant, au nom du Grand Conseil des Cris et l'Administration régionale crie, les membres de cette commission de l'économie et du travail de nous permettre d'exposer nos commentaires sur le plan stratégique 1998-2002 d'Hydro-Québec.

Notre présentation s'inscrit dans la continuité des nombreuses interventions que nous avons faites à ce jour devant cette commission et doit être envisagée, comme nous le soulignions lors de nos présentations passées, dans un objectif d'analyse et de recherche de solutions pour l'avenir.

D'entrée de jeu, nous ne pouvons que déplorer l'adoption par le gouvernement du Québec du décret approuvant le plan stratégique 1998-2002 d'Hydro-Québec et s'interroger sur la nature des ajustements que le gouvernement serait prêt à apporter à un plan qui, présentement, sert de base à Hydro-Québec dans l'orientation et la promotion de ses activités. Une telle façon de faire est antidémocratique, à notre avis, et mérite d'être fortement dénoncée.

(14 h 10)

Lors de nos interventions précédentes, nous avons pris soin de souligner que nos critiques formulées à l'égard de l'approche du développement proposé par Hydro-Québec ne doivent pas être interprétées comme un refus du développement économique du Québec. Bien au contraire, nous prônions le développement, mais exercé dans un cadre de véritable politique de gestion intégrée des ressources et d'activités d'un territoire qui aurait pour objectifs le développement durable et le respect des droits et des intérêts des Cris. Nous prônions la mise en place d'un partenariat avec le gouvernement du Québec, avec les entreprises québécoises et les Québécois, où les décisions quant à la planification, à la gestion ou au développement du territoire de la Baie-James seraient prises ensemble. Nous demandions de mettre fin à l'imposition du développement sur nos terres ancestrales et à la politique sous-jacente de négociation morceau par morceau des mesures d'atténuation.

Par ailleurs, nos analyses techniques démontraient – et l'histoire l'a prouvé, je crois – que les prévisions de la demande présentées dans les plans de développement antérieurs d'Hydro-Québec étaient exagérées et ne justifiaient aucunement des projets hydroélectriques de grande envergure, particulièrement le projet Grande-Baleine.

C'est dans le cadre de nos présentations passées que nous avons analysé le plan stratégique 1998-2002 d'Hydro-Québec, qui, devons-nous le dire, ne répond pas à nos attentes et à notre vision du développement en ce qui concerne nos terres ancestrales. Nous ne croyons pas non plus que le genre de développement proposé par Hydro-Québec dans son plan contribuera à relancer l'économie québécoise au bénéfice de la collectivité du Québec.

La première remarque que nous voulons faire concernant le plan stratégique d'Hydro-Québec porte sur l'absence totale d'information présentée par Hydro-Québec à l'appui de ses orientations et de sa stratégie. Celle-ci est si incomplète qu'elle rend impossibles toute vérification et examen technique sérieux. Ainsi, il est impossible d'évaluer, entre autres, la rentabilité des exportations d'électricité proposées, qui, rappelons-le, constitue l'un des fondements importants des orientations proposées dans le plan stratégique.

Une autre défaillance importante du plan concerne les questions environnementales, sociales et régionales reliées aux orientations et stratégies. Le décret 964-97, adopté le 30 juin 1997 par le gouvernement du Québec, enjoignait Hydro-Québec à soumettre un plan stratégique dont une des composantes devait être les questions économiques, environnementales, sociales et régionales reliées à ces orientations et stratégies à long terme. Or, l'analyse des dimensions environnementales, sociales et régionales est absente du plan stratégique.

Une allusion aux questions environnementales se trouve dans le plan stratégique et mentionne que les nouveaux projets de production devront être acceptables du point de vue environnemental, conformément aux principes de développement durable, et bien accueillis par les communautés locales. En principe, un tel engagement laisse entrevoir la possibilité d'une réévaluation majeure des politiques existantes ainsi qu'un virage substantiel en matière de politique tant environnementale que sociale de la part d'Hydro-Québec. Toutefois, l'absence de tout développement de ces notions dans le plan stratégique, conjuguée avec la promotion de l'augmentation des ventes et la nouvelle capacité de production, rend un tel virage, à notre avis, illusoire. Il est remarquable de constater que le plan stratégique ne fournit aucune indication des critères qu'utilisera Hydro-Québec pour déterminer si un projet est environnementalement acceptable. Il est évident que bon nombre de projets construits par Hydro-Québec dans le passé ne peuvent être considérés comme durables. En outre, il est impossible de qualifier le réseau actuel ou futur d'Hydro-Québec de durable sans aborder les questions environnementales associées, entre autres, à l'exploitation de son réseau étendu de réservoirs et sa gestion de rivières, un point sur lequel le plan stratégique est muet.

Comme toutes les technologies de production comportent des impacts environnementaux importants, cela implique que l'efficacité énergétique devrait toujours être un objectif à atteindre. Or, le plan stratégique prévoit des augmentations importantes des ventes d'électricité alors qu'au même moment la société gèle les objectifs d'efficacité énergétique au tiers de ceux annoncés en 1989.

Eu égard aux questions régionales, le plan passe complètement sous silence bon nombre d'enjeux d'une importance vitale pour la population du Québec de même que d'autres qui concernent notre région, dont les droits sont protégés par traité et, par conséquent, constitutionnalisés. Hydro-Québec propose d'augmenter sa production d'électricité pour la construction de nouveaux ouvrages lui permettant de disposer d'une nouvelle capacité de production de 8 TWh d'ici à l'an 2002 et davantage d'ici à 2007.

Les nouveaux ouvrages proposés par la société d'État sont essentiellement des dérivations partielles de rivières dont les coûts seraient inférieurs à 0,0287 $ le kilowattheure. Notons d'emblée que le choix de ces termes «dérivations partielles» semble davantage relever d'un exercice médiatique. En effet, ces nouveaux projets entraîneront des répercussions environnementales importantes. De plus, aucune étude indépendante et sérieuse n'a été publiée par Hydro-Québec démontrant que de tels projets sont rentables.

Par ailleurs, avant d'autoriser un plan de développement aussi ambitieux que celui proposé par Hydro-Québec, encore faudrait-il connaître quelles sont les rivières visées. Le plan ne propose aucune liste précise des rivières visées par Hydro-Québec. En omettant de préciser des projets particuliers, Hydro-Québec cherche à obtenir une approbation pour augmenter la taille de son réseau de production sans entrer dans un débat sur les coûts environnementaux et sociaux de ses nouveaux projets. Encore une fois, les considérations environnementales et sociales sont reléguées au second rang par rapport à la planification énergétique et financière. Nous croyons fermement qu'il serait imprudent d'approuver des orientations d'une telle ampleur en se basant uniquement sur les affirmations d'Hydro-Québec, affirmations qui ne sont appuyées par aucune analyse exhaustive et indépendante.

Une des orientations majeures du plan d'Hydro-Québec est de construire pour exporter. Bien que le développement économique du Québec soit un objectif louable que nous appuyons, à ce jour, Hydro-Québec n'a jamais réussi à démontrer la rentabilité de la construction de projets hydroélectriques pour des fins d'exportation. Même que tout récemment, lors d'une entrevue diffusée sur les ondes de Radio-Canada, le président a reconnu que, d'après le bilan financier d'Hydro-Québec, les revenus d'exportation sont inférieurs aux coûts qui leur sont attribuables.

Le plan stratégique propose également d'accroître ses interconnections pour augmenter sa capacité d'exportation. Or, sous prétexte d'un plan d'urgence pour sécuriser le réseau d'Hydro-Québec, Hydro-Québec a déjà obtenu les autorisations pour des lignes qui visent cet objectif. La nouvelle interconnexion avec l'Ontario est un exemple évident. Selon Le Devoir de ce matin, la nouvelle ligne servirait également aux fins d'exportation. Ce fait pourtant avait d'ailleurs été catégoriquement nié par le président d'Hydro-Québec, lors de sa conférence de presse le 21 janvier dernier.

Notre position à cet égard est claire, M. le Président: nous sommes opposés à la conception de tout nouveau projet de développement dans le territoire de la Baie-James à des fins d'exportation et nous rejetterons tout projet de développement qui menace nos droits, nos intérêts et notre mode de vie.

D'après le plan stratégique, les nouveaux projets devront être accueillis favorablement par les communautés locales avant d'être mis de l'avant. Hydro-Québec n'a pas caché qu'elle s'intéressait au détournement de la Grande rivière de la Baleine dans le bassin de la rivière Chisasipis ou de la rivière La Grande. Comme nous en faisons part dans notre mémoire, la communauté de Whapmagoostui ainsi que l'assemblée générale des Cris ont rejeté toute proposition de projet de développement reposant sur la modification du cours naturel de la Grande rivière de la Baleine.

Nous présumons que tout projet relatif au détournement de la Grande rivière de la Baleine ne figure plus dans le portefeuille de projets de détournement des rivières auquel le plan fait allusion. Nous croyons important que la commission clarifie cette question lors de ses prochaines audiences avec Hydro-Québec.

(14 h 20)

Afin d'augmenter l'acceptabilité des projets pour les communautés locales, le plan stratégique annonce l'intention d'Hydro-Québec de créer des sociétés en commandite avec ces communautés. Même si cette position semble, à première vue, novatrice et positive, le type de partenariat proposé dans le plan stratégique ne permet pas aux communautés hôtes d'exercer un contrôle sur les développements se produisant sur leur territoire. Ce type de partenariat, le seul d'ailleurs présenté dans le plan stratégique, ne nous convient pas. D'une part, le plan ne dispose d'aucune information nous permettant de vérifier la rentabilité pour les communautés hôtes de tel partenariat; d'autre part, un véritable partenariat implique que nous aurons à jouer un rôle central au moment de décider si les projets proposés doivent aller de l'avant ou non, quels types de projets devraient être mis en oeuvre et quels projets devraient avoir priorité. De plus, un vrai partenariat implique que nous détiendrons une voix réelle dans l'opération et la gestion des barrages et en ce qui concerne les activités rattachées au développement énergétique sur notre territoire. Enfin, les projets devront avoir des retombées économiques, environnementales et sociales qui nous seront bénéfiques, ce qui inclut la création d'emplois pour les Cris. Soulignons que le projet La Grande n'a pas créé d'emplois pour la communauté crie.

Si la forme de partenariat proposée par le plan stratégique ne répond pas à nos attentes, nous sommes cependant prêts à discuter d'autres formes de partenariat. Toutefois, ce genre d'entente ne peut nous être imposé par Hydro-Québec dans le cadre d'un plan stratégique. Elle doit d'abord avoir été discutée et agréée par les Cris et les gouvernements du Québec et du Canada, dans le cadre d'un accord de nation à nation.

Par ailleurs, nous tenons à souligner que le plan stratégique contient de nombreux éléments, telles des prévisions de la demande, des évaluations des marché, des projections financières, etc., qui exigent un examen technique approfondi qui a dû faire l'objet d'une révision par un organisme compétent, que ce soit la Régie de l'énergie ou un autre organisme, selon sa loi habilitante, avant de servir de fondement aux orientations et stratégies d'Hydro-Québec. D'après sa loi habilitante, la Régie de l'énergie doit déterminer la base tarifaire d'Hydro-Québec suivant la valeur d'actifs acquis par Hydro-Québec, y compris ceux qui servent à la production. Le choix d'une telle approche à la réglementation des prix revient à la Régie et les tentatives, selon nous, d'Hydro-Québec de contourner cette étape essentielle en cherchant à faire approuver dans son plan stratégique l'approche prix plafond ne devraient pas être entérinées par cette commission.

Comme nous l'avons souligné lors de présentations précédentes, dans la mesure où la Régie de l'énergie est appelée à rendre des décisions qui porteraient ou auraient des impacts sur le développement énergétique en territoire couvert par la Convention de la Baie James et du Nord québécois, elle empiéterait sur les compétences que détiennent les comités établis en vertu des chapitres 22 et 23 de la Convention de la Baie James. Ces dispositions créent un régime environnemental et social particulier, applicable aux projets de développement situés dans le Nord du Québec, et les assujettissements à un projet d'examen préalable et d'adjudication dans lequel les Cris jouissent d'un statut particulier et où les intérêts et les droits doivent être pris en considération.

Nous appuyons le processus public et transparent que la Régie est censée mettre en oeuvre. Toutefois, lorsqu'il est question de projets dans le territoire cri, ce processus doit être modifié afin qu'il soit conforme aux droits et aux obligations déterminés par la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Pour terminer, nous aimerions dire un mot sur l'expansion des activités d'Hydro-Québec à l'étranger. Ce n'est guère un secret que, comme au Québec et au Canada, la vaste majorité des sites hydroélectriques non exploités dans le monde, que ce soit en Amérique latine ou en Asie, sont situés sur les territoires et régions habités principalement par les peuples autochtones. Hydro-Québec s'est énergiquement engagée à vendre son expertise pour la construction de barrages dans plusieurs pays. Nous serions négligents de ne pas profiter de l'occasion pour exprimer nos préoccupations très sérieuses au sujet des implications de la nouvelle stratégie internationale d'Hydro-Québec.

D'après le plan stratégique, l'acceptation des projets par les communautés locales est une des conditions essentielles du parachèvement du potentiel hydroélectrique envisagé par l'entreprise. La même chose devrait être vraie pour les développements hydroélectriques auxquels Hydro-Québec participe à l'étranger.

À cet égard, nous croyons que les membres de la commission devraient s'enquérir auprès d'Hydro-Québec sur la façon dont elle mène ses activités à l'étranger. Nous croyons qu'Hydro-Québec devrait s'engager à se retirer de tout projet à l'étranger qui n'obtient pas l'appui des communautés hôtes. Elle devrait aussi soumettre des rapports périodiques à l'Assemblée nationale démontrant le respect de cet engagement.

En conclusion, M. le Président, le plan stratégique 1998-2002 d'Hydro-Québec révèle un très grand nombre de lacunes importantes. Nous ne disposons pas de suffisamment de temps pour toutes les énumérer, mais notre mémoire y fait référence. Tel qu'adopté, le plan stratégique n'est pas acceptable. De nombreuses modifications sont requises et plusieurs éléments devraient être ajoutés, comme les questions de la fiabilité du réseau de transport d'Hydro-Québec et de la sécurité de ses centrales. Des questions importantes devraient faire préalablement l'objet d'examen par la Régie de l'énergie ou d'autres organismes, selon leur lois habilitantes, avant que le plan stratégique ne reçoive l'approbation du gouvernement et de cette commission.

Pour ces raisons, nous prions la commission de ne pas donner son assentiment à ce plan et nous espérons que le gouvernement ira aussi dans le même sens. Merci.

Le Président (M. Sirros): C'est moi qui vous remercie. La première question serait du côté ministériel et c'est le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: M. Saganash, ainsi que les membres de votre délégation, la commission est particulièrement heureuse de vous entendre parce que vous êtes un intervenant incontournable dans l'exploitation des ressources naturelles du Grand Nord québécois. Je dois souligner que nous sommes très heureux de recevoir un mémoire étoffé comme vous nous l'avez présenté.

À la page 3 de votre mémoire, vous indiquez que le plan stratégique déposé par Hydro-Québec n'est pas acceptable pour plusieurs raisons. Vous en avez mentionné quelques-unes. Une de ces raisons, selon vous, c'est que le plan stratégique contient de nombreux éléments, de nombreuses considérations qui ne doivent pas s'y retrouver. Par exemple, vous mentionnez les prévisions de la demande au Québec et les évaluations des marchés extérieurs. Plusieurs groupes qui sont venus témoigner devant la commission – nous en sommes maintenant à notre deuxième journée – ont plutôt insisté sur les éléments que ne contenait pas le plan stratégique. Alors, j'aimerais que vous nous précisiez quelles sont vos craintes à l'égard d'un plan stratégique comme celui qui a été présenté, qui contient plus d'information qu'il ne devrait.

Mme Mainville (Johanne): Je vais répondre à la question. Johanne Mainville. Le plan stratégique, premièrement, il y a beaucoup d'éléments qui ne s'y retrouvent pas et qui devraient s'y retrouver. Par ailleurs, il y a d'autres éléments qui auraient dû être examinés, qui devraient faire l'examen par la Régie de l'énergie avant que l'on se retrouve à devoir examiner le plan stratégique. Parce qu'il y a tellement peu d'informations qui nous sont données que, parallèlement à ça, si, au départ, la Régie de l'énergie ou un autre organisme... Parce que je pense que M. Saganash a bien fait la distinction entre le conflit potentiel qui pourrait exister ultérieurement entre la Régie et les comités, en vertu des chapitres 22 et 23. Alors, ces autres éléments auraient probablement dû faire l'objet d'une révision par la Régie, entre autres sur la question des tarifs. Je ne sais pas si j'ai bien compris votre question.

M. Beaulne: Oui. Êtes-vous au courant que le gouvernement a promulgué les articles de la loi de la Régie qui permettent à la Régie de tenir un débat public sur cette question? Ce débat public qui se tiendra probablement dans les mois qui viennent permettra de répondre à un certain nombre d'interrogations que vous avez. Est-ce que vous pensez qu'un débat public, tel que notre commission l'a recommandé au mois de juin, est pertinent? Et pensez-vous qu'à la lumière de ce débat public ça pourrait répondre à certaines interrogations que vous exprimez dans le mémoire?

Mme Mainville (Johanne): D'abord, vous faites allusion à quelles dispositions de la loi qui sont entrées en vigueur et à quel débat public?

M. Beaulne: L'article 167 de la loi de la Régie.

Mme Mainville (Johanne): Il faudra voir comment est-ce que les questions sur lesquelles la Régie aura à se prononcer seront articulées. À ce moment-là, on pourra examiner toute l'étendue des pouvoirs de la Régie pour analyser ces questions-là.

(14 h 30)

M. Beaulne: Maintenant, j'aimerais aussi apporter simplement une petite précision sur une des recommandations que vous faites. Vous demandez à la commission de ne pas se prononcer sur le plan stratégique. Ce n'est pas une prérogative qui revient à la commission. C'est important de mettre les choses en perspective, puisque l'exercice d'audition que nous faisons au cours des trois jours vise à sensibiliser les députés aux questions et interrogations que se posent les différents groupes de la société québécoise, en vue, justement, de poser ces interrogations et de transmettre ces questions au président d'Hydro-Québec qui viendra devant la commission dans la dernière semaine de février. Alors, je pense que c'est important de situer ça dans le contexte, parce que c'est malheureusement une des recommandations auxquelles nous ne pourrons répondre à cette commission.

Maintenant, vous estimez également que le plan stratégique comporte des lacunes trop importantes pour être adopté dans sa forme actuelle. Vous mentionnez, entre autres, à la page 3, que «les informations qui sont fournies par Hydro-Québec sont incomplètes au point de rendre impossible toute vérification ou tout examen technique.» Vous indiquez également que le plan stratégique est muet au sujet des conséquences environnementales et sociales de ses orientations, ce qui est effectivement le cas.

Alors, la question que j'aimerais vous poser est la suivante: À votre avis, quelles sont les raisons à l'origine de ce que vous semblez percevoir comme un changement de cap de la part d'Hydro-Québec et quelles pourraient en être les conséquences, selon vous?

M. Craig (Brian): Quand les Cris se sont présentés devant la cour, en 1972, pour se battre sur la base de leurs droits contre le projet Grande-Baleine, Hydro-Québec, dans le cas en cours, a présenté des prévisions de la demande qui étaient faussement exagérées. Dans l'année 1980, 1982, quand LG 2 est entré en service, on avait un surplus, un grand surplus d'énergie au Québec. Pourquoi? C'était parce que c'était mal planifié, et, à cause de ça, ils ont vendu l'électricité excédentaire aux États-Unis à un prix très bas, en dessous du coût de production. Ils ont fait la même chose après 1985; on n'a vraiment pas fait un grand profit en vendant l'électricité aux États-Unis.

Ce que ça démontre, c'est qu'il faut regarder les chiffres qui sont en dessous des prévisions de la demande d'Hydro-Québec, il faut regarder en détail d'où viennent leurs chiffres et comment ils traitent leurs chiffres dans leur plan. Mais, avec un plan comme ceci, on est présentés avec des résultats sans appui, on ne sait pas d'où viennent les chiffres qu'ils présentent. Donc, le risque pour Hydro-Québec et pour la société québécoise, c'est d'avoir un plan stratégique basé sur des chiffres qui ne viennent vraiment pas de la réalité de la société. Et on pourrait le voir. Quand on a fait nos présentations contre le projet Grande-Baleine, on a regardé les chiffres pour la prévision de la demande, surtout sur les exportations à cette date-là, mais c'était pour le pouvoir ferme à ce moment, et ce qu'on voyait dans le plan d'Hydro-Québec, c'était que les chiffres étaient fortement exagérés. Et c'est ça qui s'est passé depuis ce temps-là. Il y avait des contrats aux États-Unis, comme tout le monde le sait, qui étaient annulés et ils étaient annulés surtout pour des raisons économiques. Le prix de l'électricité, dans ces contrats, était trop cher.

Et ce qu'on voit maintenant, c'est qu'Hydro-Québec planifie un accroissement dans la vente d'électricité aux États-Unis et c'est ça qui est utilisé pour justifier un programme d'expansion. Mais il n'y a aucune juridiction aux États-Unis qui justifierait un plan d'expansion hydroélectrique sur la base d'un marché comme on aurait aux États-Unis dans quelques ans. Il n'y aurait pas de contrat ferme, par exemple. On ne serait pas sûr combien d'énergie Hydro-Québec serait capable de vendre aux États-Unis.

Mais, à part ça, on a d'autres questions sur les chiffres. Comme, par exemple, on explique qu'ils vont avoir 20 TWh d'électricité à vendre aux États-Unis, et 12 de ces TWh, on ne sait pas d'où ils viennent. Ils sont juste une question de chiffres. Si on regarde à la page 28 de leur plan stratégique, on parle de 12 TWh qui viennent d'une hydraulicité moyenne. Ça veut dire qu'ils prévoient qu'ils vont pouvoir dans les prochaines années... Et, de ça, ils vont avoir un moyen de production d'électricité dans leurs barrages. Bien, on sait déjà qu'Hydro-Québec a des problèmes avec la pluie, mais 12 TWh pour vendre aux États-Unis est comme un chiffre important dans un plan comme celui-ci. Est-ce qu'on pourrait vraiment bâtir un programme d'expansion sur des chiffres qui sont juste tirés de l'air comme ça? Je pense que non. Le reste de leurs chiffres, ça vient des projets sur lesquels ils vont aller de l'avant, mais le 12 TWh, qui est la grande partie des 20 TWh qu'ils planifient, on ne sait pas d'où ça vient vraiment. Ce n'est pas la puissance sûre.

Et il y a d'autres choses dans le plan stratégique comme ça.

Mme Mainville (Johanne): Si je peux me permettre aussi juste un autre... À titre d'exemple, quand on regarde, à la page 15 du plan stratégique, les prévisions de la demande d'électricité dans le secteur industriel, on regarde l'augmentation annuelle qui est prévue puis on remarque qu'on a une augmentation annuelle moyenne de 1,5 % par année. Et là on arrive à partir de l'an 2000 où, tout d'un coup, on voit une croissance de 4,5 %. D'où vient-elle? Comment est-elle expliquée? D'où ça sort? On ne le sait pas, il n'y a aucune information dans le plan stratégique pour nous dire comment il se fait qu'on arrive à une augmentation soudaine de 4,5 % de la croissance annuelle dans le secteur industriel. Et je pense que des exemples comme ceux-là, on pourrait vous en donner. On pourrait passer page par page, je pense que M. Penn aussi pourrait faire le tour du plan stratégique avec vous et relever, à chacun des tableaux et à chacun des paragraphes dans le plan stratégique, à quel point il y a une information qui est complètement absente et on arrive avec des chiffres qui sont sortis d'on ne sait où et qui ne sont pas justifiés d'aucune façon.

M. Beaulne: Bien, là, vous touchez à une question qu'ont soulevée beaucoup d'autres groupes, parce que, au fond, c'est la question que se posent les parlementaires ici et c'est ce qu'on essaie d'évaluer en préparation de notre rencontre avec M. Caillé. Les projections d'Hydro-Québec ou les orientations du plan stratégique se basent sur certaines prémisses financières en ce qui concerne le taux d'inflation, le taux d'intérêt, en ce qui concerne également certaines projections de la demande. Certains groupes sont venus, je ne dirais pas questionner, mais sont venus soulever certaines interrogations sur le maintien de l'écart des prix favorable aux exportations d'Hydro-Québec. D'autres se sont exprimés concernant le rétrécissement de cet écart sur un échéancier, sur une période de temps plus ou moins longue. Alors, effectivement, ce sont des questions qui sont fondamentales pour la discussion.

Vous mettez en doute, d'une part, la stratégie d'Hydro-Québec à l'effet que 40 TWh de nouvelles capacités de production peuvent être développés à un coût inférieur à 0,03 $ du kWh. C'est une affirmation d'Hydro-Québec que vous mettez en doute, et, évidemment, à partir de là, vous mettez en doute également la rentabilité des exportations futures d'Hydro-Québec basées sur cette capacité de production. Nous, comme parlementaires, vous comprendrez que nous voulons savoir également des groupes – et c'est la question que je vais vous poser – sur quelles bases vous-mêmes... Je comprends qu'Hydro-Québec n'a pas explicité tous ses chiffres dans le plan stratégique et les prémisses sur lesquelles ils sont fondés, mais, vous, est-ce que vous avez des indications que vous pouvez donner à la commission, aux parlementaires, ici, des bases à partir desquelles vous contestez, par exemple, les prétentions d'Hydro-Québec de pouvoir produire 40 TWh à un coût inférieur à 0,03 $ du kWh? Avez-vous des données ou êtes-vous en mesure de nous donner des éléments ici, à nous, les députés, qui nous permettent de contre-expertiser les projections d'Hydro-Québec?

Mme Mainville (Johanne): Je peux peut-être faire quelques commentaires là-dessus. Je pense qu'une des façons d'examiner la rentabilité ou d'évaluer le coût, ça doit certainement se faire en fonction des coûts évités et non pas simplement... Et, pour l'instant, les chiffres qu'ils nous ont donnés, qui sont avancés dans le plan stratégique, les informations ne nous permettent pas de vérifier, lorsqu'on parle du 0,0287 $ ou, en tout cas, du 0,03 $ par kWh, ce que ça comprend. Est-ce qu'on a parlé des coûts évités? Est-ce ça comprend, est-ce que ça inclut les externalités environnementales et sociales? Aussi, on peut se poser la question, quand on nous parle maintenant de nouveaux projets de dérivation de rivières, est-ce qu'il existe des études de rentabilité qui ont été faites par Hydro-Québec? Je ne crois pas que de telles études, à tout le moins, ont été, à ce jour, rendues publiques par Hydro-Québec. Alors, je pense qu'il y a des données qui sont manquantes. Est-ce que les coûts de distribution, les coûts de transport sont ajoutés dans le 0,0287 $ ou le 0,03 $ du kWh? Je pense que c'est des questions qui devraient être posées à Hydro-Québec.

(14 h 40)

M. Beaulne: Bien, écoutez...

Le Président (M. Sirros): Rapidement.

M. Beaulne: ...peut-être que les collègues de l'opposition vont avoir le temps de poser les questions. Moi, j'ai une question rapide pour terminer. Le temps file malheureusement trop vite. Aux pages 17 et 18 de votre mémoire, vous réitérez votre ouverture de discuter de développement hydroélectrique avec le gouvernement du Québec et vous savez très bien que c'est l'intention qui a été manifestée par M. Bouchard et par le gouvernement de développer une forme de partenariat qui vous serait acceptable et qui serait acceptable aux deux parties. Cependant, vous rejetez la forme de partenariat proposée par Hydro sous la forme de société en commandite. Ma question est bien simple: Quelle forme de partenariat privilégiez-vous?

M. Saganash (Diom Roméo): D'abord, avant de répondre directement à la question, je pense qu'un des aspects qui est quand même intéressant dans le plan stratégique, c'est les conditions qu'Hydro-Québec attache maintenant à tout nouveau projet de développement. On nous dit que le projet doit être économiquement viable, environnementalement justifiable et localement acceptable. C'est quand même intéressant, c'est comme reconnaître un droit de veto aux communautés locales dans ces conditions-là. D'ailleurs, on s'était plaint, dans cette auguste enceinte, il y a plusieurs années, à plusieurs reprises, que jamais on ne venait nous voir pour les développements dans notre territoire et on nous imposait le développement de par le passé. Alors, si on peut concrétiser de façon acceptable cette notion de partenariat, je pense que ça va être bénéfique de part et d'autre, de notre côté et de votre côté, la société québécoise aussi. On s'est opposé au projet Grande-Baleine à maintes reprises. On nous a souvent accusés de faire monter les enchères dans ce dossier-là, alors que ça n'a jamais été le cas et que ce ne sera jamais le cas. Les gens de Whapmagoostui tiennent à leur rivière, et ça, ça va rester tant et aussi longtemps que les gens de Whapmagoostui vont prendre position de cette façon-là.

Ce qui est intéressant dans le cas du partenariat qui est proposé, c'est que maintenant qu'on nous dit que les projets doivent être localement acceptables, dans le dossier Grande-Baleine, par exemple... Prenons comme exemple le dossier Grande-Baleine. Les Cris ont dit plusieurs fois depuis 1989 qu'on s'opposait au projet de développement de Grande-Baleine. On a à l'heure actuelle un groupe de travail Hydro-Québec–Cris qui a eu deux réunions jusqu'à maintenant, et c'est un groupe de travail qui ne discute pas nécessairement de projets de développement, mais qui discute de partenariat. Le problème, à l'heure actuelle, c'est que les questions de partenariat doivent être réglées d'abord et avant tout entre les nations en cause, c'est-à-dire la nation québécoise et la nation crie, d'autre part. Je veux bien discuter de partenariat avec Hydro-Québec, mais ces principes de partenariat, de partage de revenus sont des choses qui doivent être réglées entre les nations d'abord, entre les peuples en cause, et c'est ce qu'on prône dans notre mémoire.

D'autre part, je pense qu'il est important, maintenant, de réaliser que, depuis quelques années et particulièrement les dernières années, les jugements qui sont venus des tribunaux canadiens à l'égard des droits des autochtones en ce pays sont extrêmement favorables aux autochtones à l'heure actuelle. Et je me permets, M. le Président, de vous déposer un jugement qui a été rendu à 16 heures, lundi par la Cour supérieure concernant les droits des Cris prévus dans la Convention de la Baie James. Je me permets de ne citer qu'un paragraphe d'un jugement que nous considérons historique, d'une importance capitale. Le juge Jean-Jacques Croteau de la Cour supérieure dit ceci dans son jugement qui mettait en cause le ministère de l'Éducation du Québec, la Commission scolaire crie et les Cris. Le juge écrit: «Lors de la signature de la Convention, les Cris n'ont pas abdiqué à leur culture et à leur langue. Même, on pourrait dire que, au chapitre XVI, les parties – le Canada et le Québec – ont concédé un droit à l'autonomie culturelle à la Commission scolaire crie agissant pour et au nom des Cris.»

Je me permets de déposer ce jugement ici parce que les conditions qui s'appliquent maintenant, qui sont confirmées – c'est ce qu'on a toujours prétendu, mais qui sont confirmées maintenant par la Cour supérieure – c'est qu'on ne peut pas fonctionner de la même façon dans le territoire de la Baie-James en ce qui concerne les commissions scolaires, la santé et les services sociaux, incluant le développement. «La Convention de la Baie James, dit essentiellement le jugement, est un mariage contracté à trois, et toutes les décisions, incluant le développement, doivent être prises à trois.» C'est l'essentiel du jugement, et je pense que c'est important de mettre ça dans la balance des considérations à venir en ce qui concerne le développement dans le territoire de la Baie-James.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Saganash. J'aimerais, à mon tour, d'abord vous dire que je suis content qu'on se retrouve ici à échanger sur des questions qui, je pense, sont d'une importance capitale; deuxièmement, vous féliciter également, à mon tour, pour la clarté de votre mémoire et la qualité du mémoire. Je pense que vous mettez en relief de façon très articulée plusieurs faiblesses que d'autres groupes ont également vues dans le plan stratégique d'Hydro-Québec et que ça permet de bien cerner un certain nombre d'enjeux qui sont effectivement très importants.

Je me permettrais de différer d'opinion avec mon collègue le député de Marguerite-D'Youville quant à la possibilité que cette commission a de recommander au gouvernement des questions par rapport au plan stratégique. Il n'y a rien qui nous empêche, en tant que parlementaires, de recommander l'acceptation, le rejet, la modification ou ce qu'on voudra bien faire, comme parlementaires, vis-à-vis du plan stratégique. Il reviendra à nous de décider si on veut le faire ou si on ne veut pas le faire. Ça, c'est pour la précision sur la procédure comme telle.

Troisièmement, la question de la Régie a aussi été effleurée, et j'ai vu aujourd'hui une annonce à l'effet que les articles de la Régie seraient mis en application. J'aimerais juste attirer l'attention de tous ceux qui nous écoutent à ne pas se laisser impressionner par ce que j'appellerais de la poudre aux yeux parce que les véritables articles qui concernent la possibilité qu'aura la Régie d'examiner, par exemple, un plan de ressources, les projets qui seraient mis de l'avant par Hydro-Québec ne sont pas en fonction, à ce que je sache, et ne le seront pas avant au moins quelques mois de plus.

Les articles qui ont été mis en fonction sont des articles marginaux par rapport à toute la question de l'impact sur les activités d'Hydro-Québec, et, plus particulièrement, la question concernant le débat sur la libéralisation des marchés et sur la pertinence de cette libéralisation-là vient après le fait parce que la décision de libéraliser le marché en gros a déjà été prise, existe déjà au Québec. Et le président d'Hydro-Québec nous a déjà dit, supposément, qu'il n'est pas question d'aller dans le détail au Québec. Donc, je ne suis pas certain c'est quoi au juste que la Régie va recommander au gouvernement. C'est encore une fois une mise au point qui, je pense, importe parce que le communiqué que j'ai vu et les reportages de ce matin dans le journal ne correspondent pas à la réalité quant à l'effet que la Régie pourrait avoir quant au plan de ressources et aux autres activités d'Hydro-Québec.

(14 h 50)

J'aimerais, si vous me permettez, revenir sur la question de Grande-Baleine. Les collègues étaient ici, moi aussi, il y a à peine deux ans, quand on s'était levé, avant le référendum, à un moment donné, pour nous faire dire que le projet Grande-Baleine était remis aux calendes grecques, pour ainsi dire – ça fait à peine deux ans – parce qu'on n'avait pas besoin de cette électricité, etc. On connaît tous les arguments qui avaient été annoncés avec beaucoup de sérieux, supposément, à l'Assemblée nationale par le premier ministre du temps.

Aujourd'hui, nous ne savons plus ce qui est au juste dans les cartons d'Hydro-Québec. Est-ce que Grande-Baleine s'est retrouvé tout d'un coup dans les cartons de Grande-Baleine? Et si, dans le temps, la nation crie se sentait déjà bousculée par les prévisions d'Hydro-Québec en fonction des besoins du Québec et des Québécois quant au développement nécessaire, je me demande comment vous vous sentez à ce moment-ci quand on vous dit que, dorénavant, ce n'est pas les besoins des Québécois qui vont déterminer quels projets on va mettre de l'avant, mais que c'est une hypothèse de possibilités de rencontrer des besoins du marché américain sur la base de chiffres qui – je pense vous n'êtes pas le premier à le dire – manquent à l'heure actuelle, dans un contexte non pas de planification de l'utilisation de nos ressources, mais dans un contexte de libre compétition avec tous les autres producteurs où, en même temps, on nous répète que la marge de manoeuvre de profitabilité d'Hydro-Québec quant à son prix de vente est déjà mince par rapport, par exemple, aux technologies qui arrivent avec le gaz, etc., et qu'on n'a pas encore parlé beaucoup du fait que l'électricité du Québec doit être transitée pour arriver aux clients à New York, Boston, etc., et qu'il peut très bien y avoir des frais de transit, un genre d'un poste de péage, si vous voulez, que les États américains pourraient très bien mettre en place pour favoriser le développement de leurs propres industries près de leurs villes et de leurs sites de production.

Alors, la question, finalement, c'est: Qu'est-ce que ça vous fait de vous retrouver à ce moment-ci devant la possibilité que le développement à Hydro-Québec ne soit plus basé sur les besoins des Québécois, mais plutôt sur le marché libre vis-à-vis des besoins américains? Et quelles sont les implications pour Grande-Baleine, par exemple?

M. Saganash (Diom Roméo): Pour nous, la position du Grand Conseil des Cris est extrêmement claire et limpide: nous nous opposons à tout projet de développement hydroélectrique dans le Nord à des fins d'exportation. Je pense que le mémoire est assez clair là-dessus. Et on se souvient aussi, en passant, que la communauté de Whapmagoostui, qui est directement touchée par le projet Grande-Baleine, a refusé par référendum – à 95%, je crois – tout projet de développement, dérivation ou autre, de la rivière Grande-Baleine. Donc, c'est clair à ce niveau-là, à des fins d'exportation, c'est un non catégorique de la part des Cris. Il n'est pas question de revenir là-dessus, et je crois qu'on l'a déjà mentionné ici devant cette même commission à l'époque de notre présentation en 1990. Ceci étant dit, la position étant aussi claire des Cris aujourd'hui n'exclut pas la possibilité que la prochaine génération dise oui à Grande-Baleine. Ça, c'est une possibilité qui existe. On ne peut pas décider pour l'autre génération à venir par rapport à cette question-là. Ça, on est parfaitement conscient de ça.

D'autre part, je pense qu'on s'est souvent plaint, et je me rappelle de l'échange musclé qu'on a déjà eu avec votre collègue de l'époque, Mme Bacon, par rapport à ces questions-là. Nous avons clairement dit qu'il doit y avoir un changement de mentalité vis-à-vis des questions autochtones et vis-à-vis des projets de développement dans le Nord du Québec. C'est ce que le plan stratégique laisse entrevoir en disant que les projets doivent être acceptés localement. Cependant, je sais, d'autre part, qu'Hydro-Québec, à une même table de discussion qu'elle a avec les Cris... Hydro-Québec a une table similaire avec les Inuit. Alors que, dans le cas des Cris, nous avons dit: On ne veut pas parler de Grande-Baleine à cette table-là, de l'autre côté, avec nos voisins, Hydro-Québec discute de la possibilité de dérivation de la rivière Grande-Baleine. Alors, on joue sur deux tableaux réellement. C'est vraiment diviser pour conquérir dans ce cas-ci, si c'est effectivement le cas, et on nous dit même que la base de discussion du groupe de travail Hydro-Québec–Inuit est le projet Grande-Baleine. Alors, si c'est le cas, il y a quelqu'un qui joue dans le dos des Cris. Je ne sais pas si Brian...

M. Craig (Brian): Moi, j'ai un petit mot à dire.

Le Président (M. Sirros): Ça va?

M. Craig (Brian): J'avais un petit mot à dire. C'est juste que, en 1975, dans la Convention de la Baie James... La Convention est un pacte entre les deux sociétés. La Convention de la Baie James est un pacte entre les deux sociétés, la société crie et la société québécoise, et les Cris se demandent jusqu'à quel point tout serait vendu aux Américains, jusqu'à quel point on pourrait dire: Bien, ici, on veut conserver une rivière ou deux, on veut que le développement... Par exemple, on veut que les problèmes des Cris dans les communautés cries où il y a très peu d'emplois sur le territoire à l'extérieur de leur communauté... Quand est-ce qu'on va se pencher sur cette question-là? Quand est-ce qu'on va faire en sorte que les Cris se sentent à l'aise en travaillant pour Hydro-Québec ou en travaillant dans le développement du territoire? Et c'est ça qui ne s'est pas produit jusqu'à date. Mais ça, c'est la question: Est-ce que tout est en vente aux Américains ou non?

Le Président (M. Sirros): Je sais qu'il y a des collègues qui veulent poser des questions, dont le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Malheureusement, il ne reste que cinq minutes à la période de questions, donc je devrai sauter d'autres questions et peut-être pour enchaîner sur ce qui fait l'objet d'échanges entre nous depuis quelques instants. En page 17 de votre mémoire, vous dites que, même si la proposition semble à première vue novatrice et positive, donc une forme de partenariat avec Hydro-Québec, dans les faits, il s'agirait de voir quel serait le véritable rôle qui vous serait dévolu. En d'autres mots, pour que cette proposition-là passe des mots aux actes, vous dites: On aimerait voir quels sont les rôles qui nous seront vraiment dévolus, quelle sorte de partenariat économique, quelle sorte d'avantages on y tirerait. Puis vous ajoutez en page 18 : «Nous sommes cependant prêts à discuter d'autres formes de partenariats.»

Je reviens en page 12 de votre mémoire, et vous avez invoqué tantôt les trois prérequis, maintenant, qu'Hydro-Québec a invoqués pour aller de l'avant avec un projet et vous avez invoqué les mots «c'est comme une forme de veto». Ce qu'on nous dit, c'est qu'il faut que ça respecte l'environnement, il faut que ce soit bien accueilli par les communautés locales, et vous utilisez les mots: «Toutefois, la société d'État n'a jamais donné d'indication des critères qu'elle utilise pour déterminer si un projet est "environnementalement acceptable" ou non.»

Donc, vous soulevez les faiblesses dans le plan stratégique d'Hydro-Québec par rapport à ces aspects-là. Par rapport aux responsabilités qui sont les vôtres, quelles seraient les conditions que vous jugeriez acceptables pour pouvoir aller de l'avant avec des projets qu'Hydro-Québec proposerait? Ce serait quoi, pour vous, la forme d'acceptabilité? Parce qu'il faut s'entendre avec vous, donc il est important que les gens qui veulent s'entendre avec vous puissent connaître quelles sont les choses qui font l'objet d'une entente ou pas.

(15 heures)

M. Saganash (Diom Roméo): On a fait, plus tôt, référence à la Convention de la Baie James, une convention, donc un pacte entre peuples, qui existe dans le cas du territoire de la Baie-James. Le territoire de la Baie-James, il faut le souligner chaque fois que nous en avons l'occasion, prévoit... Le territoire est couvert par un régime distinct, un régime constitutionnel distinct qui est la Convention de la Baie James, et, déjà dans la Convention, même si le mot n'était pas à la mode à l'époque, déjà dans la Convention de la Baie James, c'était une forme de partenariat qu'on avait prévu en 1975, lorsqu'on a signé la Convention. Alors, il y a déjà des règles qui sont préétablies, qui existent en vertu de la Convention de la Baie James. Il y en a qui ne sont pas claires, il y en a d'autres qui sont claires, mais les règles qui sont là doivent à tout le moins... C'est le minimum qu'on doit respecter.

Le chapitre XXII de la Convention de la Baie James est un chapitre qui ne concerne pas uniquement le processus d'évaluation environnementale pour le territoire de la Baie-James, c'est également un régime qui prévoit des principes directeurs que tout développeur et que les gouvernements doivent respecter lorsqu'ils proposent un développement dans le territoire. Ce sont des principes directeurs qui sont prévus à l'article 22.2.4 de la Convention de la Baie James, et c'est ces principes directeurs qu'on doit respecter. Ça dit notamment qu'il faut respecter le droit de chasse, de pêche et de trappage des Cris. Ça dit également qu'il faut respecter et protéger la société crie. C'est large, mais c'est ce que ça dit. Il faut également protéger les économies des Cris. Donc, ce n'est pas uniquement la chasse et la pêche, mais l'économie des Cris. C'est important. Ce sont des règles qui sont des règles constitutionnelles qu'il importe de suivre dans notre cas.

On est conscient du fait que, à toutes les années, pour les 10 prochaines années, on a environ 400 jeunes Cris qui arrivent sur le marché du travail, et ça, à toutes les années pour au moins les 10 prochaines années. On a besoin de développement, c'est sûr, dans le territoire, et je pense que notre Grand Chef l'a souligné lors de sa rencontre avec le premier ministre Bouchard, lorsque M. Bouchard est venu à Waswanipi. On est parfaitement conscient de ça. On est parfaitement conscient du fait que, bon, il y a tout l'aspect des finances publiques qui semble être très important pour vos gouvernements aujourd'hui, mais, d'autre part, vous avez des obligations qui sont prévues dans la Convention de la Baie James.

Je pense que les deux parties se sont entendues sur le fait que, oui, dorénavant, nous aurons besoin d'un vrai partenariat, un partenariat réel dans le territoire qui implique, selon nous, selon l'interprétation qu'on en fait du partenariat, à tout le moins une décision de part et d'autre. On ne peut pas imposer le développement sur un partenaire si c'est un partenaire. Les décisions doivent être prises ensemble, et c'est ce qu'on plaide dans notre mémoire, c'est ce qu'on dit, c'est ce qu'on aimerait voir arriver réellement maintenant parce qu'on a souvent négligé ce qui était déjà prévu dans notre convention de partenariat qu'on a signée en 1975. Maintenant, il faut mettre vraiment tout ça en oeuvre aujourd'hui. Quelle forme ça prendra? C'est l'objet des discussions qui ont cours à l'heure actuelle entre le gouvernement du Québec et les Cris.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Je suis dans la situation suivante, on a déjà dépassé le temps normal alloué à tous les groupes, et, par équité, il va falloir que je mette fin à cet échange fort intéressant. Et je pense que, au nom de l'ensemble des membres de la commission, je ne peux que vous remercier de la qualité de votre présentation et de ces échanges et je vous remercie pour le fait que vous vous êtes déplacés. Merci beaucoup.

J'aimerais inviter le prochain groupe à venir à la table. Il s'agit du Comité Baie James qui a quand même un certain lien. Alors, peut-être qu'on pourrait continuer.


Document déposé

Pour le bénéfice des membres, j'ai accepté le dépôt du jugement qui a été déposé par M. Saganash, et l'ensemble des membres vont recevoir une copie de ce jugement aussitôt que les copies seront faites.

Alors, si vous pouviez, s'il vous plaît, prendre place, vous identifier et identifier les personnes qui vous accompagnent. Vous connaissez les règles du jeu. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous.


Comité Baie James

M. Holzinger (Tom): Tom Holzinger, Comité Baie James.

M. Fugère (Michel): Michel Fugère. Je suis ici parce que M. Holzinger a eu à faire la désagréable constatation que son collègue francophone s'est retrouvé ce matin en mauvaise posture à Montréal et ne peut pas se présenter devant la commission. Alors, il m'a demandé de l'accompagner et de faire pour lui la lecture française de l'abrégé du mémoire qu'il vous a donné.

Le Président (M. Sirros): D'accord. We can proceed. Allons-y. Alors, vous allez faire la lecture du résumé?

M. Fugère (Michel): De l'abrégé.

Le Président (M. Sirros): D'accord.

M. Fugère (Michel): D'abord, avant de commencer, il me demande de vous faire la constatation suivante, c'est que, dans le document que vous avez, plus élaboré, on vous donne une date concernant les inondations du Saguenay comme étant en juillet 1997, alors que tout le monde sait que c'est en 1996.

Alors, voici un sommaire du mémoire soumis par le Comité Baie James à la commission parlementaire de l'économie et du travail. C'est un plaisir pour nous d'avoir été invités à venir nous exprimer ici aujourd'hui devant des députés élus de l'Assemblée nationale. Le mémoire que le Comité Baie James soumet aujourd'hui comporte trois grands thèmes: un, l'ère de la croissance énergétique et des mégaprojets est révolue; deux, le Québec a tout à gagner en prenant le leadership dans la mise en place de l'efficacité énergétique et des formes renouvelables d'énergie; et, trois, les responsables d'Hydro-Québec et du ministère des Ressources naturelles feront un tort énorme au Québec s'ils réussissent à passer outre le processus démocratique et à imposer un modèle dépassé de la gestion de l'énergie.

Vision contradictoire de l'énergie. L'énergie est devenue une question politique de toute première importance. Ses liens avec le développement économique, les enjeux environnementaux et les questions sociales en font un domaine stratégique qui est appelé à occuper une place de plus en plus importante dans le débat public. On cite ici Le Québec et l'énergie – Pour une nouvelle vision , rapport du groupe de travail du Parti québécois sur l'énergie en mai 1993. Alors, le Comité Baie James considère que le plan stratégique 1998-2002 marque un changement de politique imprudent et injustifié qui aura des conséquences graves sur les plans social et environnemental dans un avenir très prochain. La mise en chantier de grands projets hydroélectriques comportant de nombreuses diversions de rivières mènera inéluctablement à la destruction de ces écosystèmes, ce qui aura des répercussions tant au plan local que global et créera des conflits avec les nations autochtones. Les rivières, les forêts et les terres ancestrales des peuples autochtones ont une grande valeur intrinsèque plutôt qu'une valeur qui suit les fluctuations du marché et font ainsi partie intégrale de notre patrimoine commun.

L'efficacité énergétique. Un gouvernement du Parti québécois devra donner clairement la priorité à l'efficacité énergétique et en faire un objectif fondamental de la politique énergétique. Il va donc de soi que les nouveaux besoins devront d'abord être comblés par une amélioration de l'efficacité plutôt qu'un accroissement de la production d'énergie. Ici encore, on cite le document du groupe de travail du Parti québécois de mai 1993.

Il est largement reconnu que, à long terme, les Nord-Américains doivent réduire leur consommation d'énergie en évitant le gaspillage et en optant pour des façons de produire et d'utiliser l'énergie qui soient plus conformes au principe du développement durable. Dès les années 1980, au Québec, cette vision des choses a maintes fois été préconisée à tous les niveaux de la politique publique et privée. Même la présente commission parlementaire y a récemment fait référence. L'efficacité énergétique est le meilleur de tous les investissements dans le domaine de l'énergie. Elle fait baisser la demande, réduit au minimum les impacts sur l'environnement, crée de l'emploi, assure le développement viable à long terme et stimule les économies locales.

D'après une étude rendue publique par Hydro-Québec en 1994, un investissement de 3 000 000 000 $ dans l'efficacité énergétique mettrait environ 7 000 000 000 $ dans les poches des citoyens de la province. La mise en place d'une politique d'efficacité énergétique dynamique conduirait à l'essor d'une nouvelle industrie québécoise de la technologie de l'efficacité énergétique où nos entrepreneurs, qui seraient vus comme les experts des pays froids, pourraient s'attaquer avec une longueur d'avance au marché international de l'efficacité énergétique. Nous croyons que, si le plan stratégique 1998-2002 est adopté, la société québécoise sera privée de la plupart de ces avantages.

Mais, si Hydro-Québec ignore tout à fait l'efficacité énergétique, cela ne veut pas dire que les Québécois ne sont pas informés de cette option. On n'a qu'à se rapporter aux interventions lors du débat public sur l'énergie au Québec où la grande majorité des intervenants a nettement manifesté son désir de mettre en place une politique énergétique qui soit fondée sur une combinaison d'efficacité énergétique et de l'utilisation de formes renouvelables d'énergie. Le succès retentissant, en Mauricie, du projet-pilote de conservation d'énergie résidentielle est une preuve de plus de la volonté de la population d'adopter une nouvelle approche face à l'énergie.

(15 h 10)

L'absence de démocratie. Nous sommes consternés de constater qu'Hydro-Québec et le ministère des Ressources naturelles aient adopté un modèle énergétique non viable, un modèle qui comprend de nombreux désavantages pour les Québécois, et ce, sans consulter la population. Le décret 184-97 du 30 juillet 1997 ordonnait la préparation du plan stratégique 1998-2002 sans permettre au public de participer à son élaboration, d'en commenter le contenu ou de critiquer les hypothèses utilisées. Qui plus est, cette commission n'en est pas dupe, le virage d'Hydro-Québec vers le marché américain en tant que politique officielle s'est fait sans discussion ouverte ou consensus. La version intégrale de notre mémoire présente une chronologie détaillée des déclarations de M. André Caillé et du gouvernement qui montre comment s'est fait ce changement de politique. Nous osons croire que le gouvernement fera preuve de leadership et répudiera les décisions non démocratiques prises au cours des 15 derniers mois. Nous vous conseillons vivement de rejeter le plan stratégique 1998-2002 et de recommander la mise en place d'un processus de planification qui soit fondé sur la démocratie et la participation.

Conscience environnementale. Le contexte à long terme du plan stratégique 1998-2002 d'Hydro-Québec est celui d'un écosystème continental soumis aux pressions venant de la croissance de la population, la surconsommation des ressources non renouvelables, les changements climatiques et le rejet de gaz à effet de serre et de déchets non recyclables. Depuis sa création, le Comité Baie James fait valoir une vision de l'énergie qui soit dans le respect du développement viable.

En 1995, nous écrivions dans notre mémoire à la table de consultation: «En écologie, il est bien établi que toute transformation d'une forme à une autre d'énergie a un effet sur l'environnement entourant le lieu de cette transformation. L'activité humaine est maintenant si répandue, si consommatrice d'énergie et distribuée sur de si grandes étendues qu'elle n'est plus depuis longtemps une composante bénigne d'une biosphère intégrée. De 1900 à 2000, la consommation d'énergie par les êtres humains aura augmenté par un facteur de 80. Les effets de la production et de la consommation d'énergie à une telle échelle ne sont pas bénins. Or, toute production d'énergie de même que toutes les différentes formes de son utilisation créent des impacts sur l'environnement. Il n'y a aucune forme d'énergie qui ne transforme l'environnement. Une société humaine viable se doit de n'utiliser que l'énergie qui provient de sources dont les impacts sont si petits qu'ils peuvent tous être absorbés. Parmi les sources d'énergie qu'on peut qualifier de renouvelables et de viables, on peut compter aujourd'hui l'éolien, le solaire, le géothermique et les combustibles dérivés de la biomasse annuelle. On pourrait ajouter l'hydrogène si ce combustible était obtenu à partir d'énergie solaire ou éolienne.»

Alors, contrairement à cette perspective à long terme, le plan stratégique 1998-2002 fait valoir la croissance, la rentabilité en vue de bénéfices à court terme sans égard à l'avenir de la planète. Nous vous conseillons donc fortement de rejeter le plan stratégique 1998-2002 et de recommander que soit mise sur pied une stratégie qui soit respectueuse à long terme de l'environnement.

Le Québec d'abord. Dans la notion de monopole public, on trouve aussi implicitement la notion de responsabilité publique. Comment la dévastation environnementale causée par la diversion de rivières du Nord québécois dans le but de produire de l'énergie pour le marché américain peut-elle profiter aux Québécois? Quel avantage direct le plan stratégique 1998-2002 confère-t-il au Québécois moyen? Nous vous conseillons donc fortement que, en tant que représentants élus des citoyens du Québec, vous vous assuriez que les meilleurs intérêts des citoyens ordinaires soient au premier rang de toute planification énergétique soumise à l'approbation de la présente commission. Ces intérêts comprennent entre autres la préservation du riche héritage écologique qu'est le Québec de même que la mise en oeuvre de systèmes viables de production et d'utilisation d'énergie. Nous sommes convaincus que de saines pratiques environnementales vont de pair avec les principes de saine planification économique et de bon gouvernement. Nous vous conseillons donc vivement d'entamer le processus de mise en place d'un plan stratégique nouveau et original et d'un avenir énergétique viable.

Alors, c'est signé de M. Gordon Edwards, Malcolm Goldstein, Tom Holzinger et Angelo Philippas, pour le Comité Baie James, le 11 février 1998.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup.

M. Fugère (Michel): Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Sirros): Alors, je pourrais peut-être ouvrir le bal un peu en posant la question suivante. Il y avait un moment donné où on parlait de planification intégrée des ressources... Would you prefer I do this in English? You're going to answer the questions or...

M. Holzinger (Tom): We will be answering the questions in English, so, perhaps, if it's possible...

Le Président (M. Sirros): We could ask in English.

M. Holzinger (Tom): ...with you, the questions as well.

Le Président (M. Sirros): O.K. The energy policy was based initially on the assumption that we would be proceeding by an integrated resource planning, and there was even some discussion at some point that perhaps we could seek to establish a sort or regional basis, Northeastern U.S. and Québec, on which we could do integrated resource planning so that hydroelectricity, in a planned and sustainable way, could perhaps be the energy of replacement of fossil fuel energy that is being used in the States.

Now, we seem to be heading in a context of deregulation where integrated resource planning really becomes a rather secondary issue, because it's the market place, now, that's going to determine which form of energy will be used, so that the environmental cost, the externalities aren't really taken into consideration. It's the market price that going to determine who buys what. In the context that there would be a regional basis for integrated resource planning as opposed to a market force policy, would you have the same objections – environmentally speaking, anyway – to developing in a sustainable way energy sources here for use elsewhere if it was guaranteed that it would be replacing fossil fuels?

M. Holzinger (Tom): We have a clear answer to that. From the beginning, we have said that the environment, the habitat, the wildlife don't recognize the imaginary lines that human beings have put, the borders. Our committee does not oppose exports because they are exports, we oppose the unnecessary production and the unnecessary damage to the environment which happens here in our province, in our home, «dans notre pays du Québec». From the American side, it is sometimes conceived that: Well, we can export the environmental damage, we can import the electricity. If it's looked at from the point of view of the Americans, it looks very good to them that they can shut down some of their more dirty, and inefficient, and expensive forms of generation and shift the environmental damage further north, into Québec. It's a very good arrangement for them, and from the point of view of the long term environment, it's very bad for us.

Le Président (M. Sirros): So to say, it gets them off the hook?

M. Holzinger (Tom): Yes. Now, the question is if we could have, on a regional basis, integrated resource planning, then the Comité Baie James would be very pleased indeed. We have called for this in the past. Unfortunately, the Americans have been moving... In the past, a few years, they've been moving steadily in the other direction. As you pointed out, they are taking apart integrated resource planning. They are forgetting that they used to be in favor of it.

Le Président (M. Sirros): O.K. Alors, une question de M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Oui. Dans le résumé que vous nous avez distribué du mémoire, vous faites référence à ce que «cette commission n'est pas dupe du virage d'Hydro-Québec vers le marché américain en tant que politique officielle. La version intégrale de notre mémoire...» Et là vous présentez de façon chronologique toutes les déclarations qui ont été faites et par M. Caillé et par le gouvernement qui montrent comment ces changements politiques ont été faits, et là vous concluez le paragraphe en disant: «Nous osons croire que le gouvernement fera preuve de leadership et répudiera les décisions non démocratiques prises au cours des 15 derniers mois.»

In fact, what you're asking to the Government is to deny or to reject every step of the way that they've been doing in the last 15 months, in which you say you oppose to it.

M. Holzinger (Tom): Yes.

(15 h 20)

M. Cherry: It is one way to say that you don't agree with the way they've done it. But do you sincerely believe that a government will come up and say: Yes, we've been doing it the wrong way in the last 15 months, and here's the way we, from now on, will go about it? Because this is what you're saying.

M. Holzinger (Tom): Yes.

M. Cherry: You hope that they will recognize that they've been antidemocratic, you know, that they've done all the wrong things.

M. Holzinger (Tom): Yes. With all due respect, I believe that we have seen elected governments at other times, other places, even governments in Québec, when there is a public outcry, when there is enough public protest, we've certainly seen it in education and health care, we've seen that even large public policies can be retrenched or reversed. The Comité Baie James is very much hopeful that enough public protest, and enough public pressure, and political pressure will cause our own government to do the same thing, to say yes, to admit, as it were, that they have tried to accomplish or Mr. Caillé has tried to accomplish by undemocratic means what they should have brought to the public, to the National Assembly, to the broad public space, «place publique».

M. Cherry: O.K. Because let's recognize that since the Government, by decree, has decided to make «le plan stratégique d'Hydro-Québec» the plan, the Government has made of this plan its plan. It is now the Government position. O.K.? First thing.

And my colleague suggested me that this could be, maybe, the appropriate time to remind those who could be listening to us that in 1989, when our colleague from Mont-Royal was then responsible for the Ministry of Energy and Resources, when a similar plan was presented to him by Hydro-Québec, and because he was not in agreement with it, he just sent it back and said: Go back and do your homework, I am not, as the minister responsible for it, in agreement.

To the contrary, in the last storm that we've been through, the entire Government has made it, this strategic plan, as being its policy from now on. You know, I'd say it would require a very large public opinion outcry to make the Government come back on the decision that it has taken a couple of weeks ago.

M. Holzinger (Tom): I certainly concede that it's difficult, but in a position of someone who calls himself an environmentalist, an ecologist, I'm not an expert in political matters, but I've seen several governments in Québec, I've seen energy policy change, and I know that the Government of M. Jacques Parizeau and his Minister, M. Gendron, they initiated a process of public debate, of opening the question of our energy future, opened it up to all of us. And that process was very well regarded, and I believe most of us think of it as highly successful.

M. Cherry: What you're saying is that you've agreed with the process. And, you know, it was perceived as being another way of dealing with this problem. But now, when we're faced with what's the net result of that, you don't see what was the spirit that, you know, conveyed you, people, for 14 or 15 months.

M. Holzinger (Tom): Well, the policy document that came out of the public debate on energy was the document from the Ministry of Natural Resources in the autumn of 1996. That document reflected very much our recommendations for a Régie de l'énergie, for energy efficiency, for research into renewable sources. The «plan stratégique» that was accepted by the Government a month ago, it has nothing to do with the white paper that was adopted more than a year before.

M. Cherry: So, we're saying the same thing. To be consistent, what was part of that paper then should have been part of that policy that brings us together here today.

M. Holzinger (Tom): Obviously, I think so.

M. Cherry: Thank you.

Le Président (M. Sirros): The conclusion you will come is that it was all for not.

M. Holzinger (Tom): Yes.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Oui. Je vous remercie de votre présentation. Your presentation raises a philosophical question, and, basically, something which we have, I wouldn't say a problem, but certainly a very serious questioning.

First of all, when you mentioned that we should avoid anything that contributes to the discharge of greenhouse gases to reduce the greenhouse effect, I think that we subscribe to that. And you also say at page 2 of your summary: «In the long view, it is universally recognized that North Americans must curb their wasteful uses of energy and convert to sustainable patterns of energy production and use.» Now, this raises two questions. First of all, it's fine to advocate the use of renewable and alternative sources of energy, but what I'm concerned with – and it's first part of my question – is what percentage of our demand could be provided through these new resources? We had a group yesterday, le Club d'électricité, which mentioned to us that, according to their assessment, a maximum of 1 % of the demand could be generated through those new forms of energy. Now, I'd like to have your comment on that because it's fine... That's why I opened my remarks by saying that it's almost a philosophical debate, in the sense that if we're going to direct ourselves in the direction of new forms of renewable energy, which is not hydroelectricity, which may be any other form of nonpolluting energy, it's important to know what percentage of the demand can be supplied through those forms of energy. So, that's the first part of my question.

M. Holzinger (Tom): I'm rather disappointed that a group would have estimated as low as 1 % because it doesn't reflect current existing reality. There are areas, even industrial societies which currently, now in 1998, are meeting their electricity requirements. I believe California is at 6 %, and Denmark is much above that already. So, to choose a figure of 1 % for Québec seems to me to be just denying the facts.

M. Beaulne: Yes, but if I understand you, you mention California 6 %, and perhaps Denmark, but that's still below 10 %.

M. Holzinger (Tom): Yes, but what we call now the new forms, which later on will be the standard forms, I hope, they have begun to enter the market perhaps between 10 and 15 years ago, and it is just now that they are reaching the point where they are very commercially viable and competitive with the more traditional old-fashioned forms. So, the fact that a certain society, Denmark, has achieved maybe 15 % just gives us an indication that we can go a very long way.

I noticed, in one of our community newspapers in Montréal, that the journalist, working together with some energy experts, made an estimate of how much, what percentage of our energy could come from different sources. And taking current energy used in Montréal, it was estimated that 40 % could be made up just by efficiency, using less energy to accomplish the same purposes, that wind energy could be 25 %, solar energy 4 %, other sources 16 %, fuel cells 15 %. Then, there's still a gap to be made up, but not much.

It's just that to choose a number like 1 %, which is so low, is to sort of give up in advance. It's to accept that we have to damage the environment considerably when, in fact, we don't. It's proven elsewhere that these new technologies are very efficient. They integrate and adapt very well. Not all of them will be appropriate in every place, but usually we find that there's a mixture of nonpolluting technologies which will satisfy the electricity needs of a given area. Québec has been long pointed out. It appears that we may have an excellent resource in our wind, the fact that it blows strongest just when we need the greatest amount of electricity, that it balances so very well with the hydraulic resources that are already installed.

(15 h 30)

M. Beaulne: It's not our intention to embark on statistics or numbers game here, but I think that you'll agree with us that it's something that must be assessed and ascertained properly, if we are to embark on such a direction, we have to have some kind of idea of what percentage of our demand can be fulfilled through these sources of energy. And as I said, some group mentioned 1 %, you mention other numbers. We're not equipped here to discuss these numbers. However, my understanding is that, from your comments, you agree that that has to be ascertained before we embark on that direction and completely forget about the direction which is being proposed by the «plan stratégique».

M. Holzinger (Tom): Well, we argue that those directions are not useful ones because the «plan stratégique» says almost nothing about energy efficiency and the proposed investment of 13 000 000 000 $. None of it, none, not 1 $ is here marked in that document for energy efficiency, and this to us is irrational. It flies in the face of public policy and what everyone has said, and it flies in the face of economics. It seems to us to be one of the gravest flaws in that document, is that what everyone recognizes: there's a huge potential to meet future needs by decreasing our current consumption. My house, the house that I live in in Montréal, I rent, and I have at least eight very large windows. They were lightweight aluminum frames made many, many years ago. On a winter's evening, I can practically watch the heat rush out of my apartment. Unfortunately, I'm not the owner, but I know that there is an enormous room to save electricity in Montréal and, I'm certain, throughout Québec. And to present a «plan stratégique» which allocates no investment money for energy efficiency seems to me to be irresponsible.

M. Beaulne: Well, this is something that we can take up with Mr. Caillé when he comes before the commission, but the second part of my question is related to discussions that we had yesterday with some other environmental groups concerning the backfire effect, so to speak...

M. Holzinger (Tom): I'm sorry, I missed the word. What kind of effect?

M. Beaulne: Backfire.

M. Holzinger (Tom): Yes.

M. Beaulne: The backfire effect. That, for example, the production of energy from polluting sources in the United States, whether it be from coal, oil, or other polluting sources of energy, backfires into Québec and into Canada as acid rain, for example. We know the impact that this has had on «les érablières» in «la Beauce» and other regions, the impacts on our lakes, and so on. So, the question is: If we are able, at this stage, to supply the Americans with a relatively less polluting source of energy than what they're presently using, doesn't that contribute to reduce the kind of environmental problems that we have and that we are receiving from the United States as acid rain, for example?

M. Holzinger (Tom): Yes, in my view, it does. In my view, to substitute the surplus hydroelectricity which is currently been generated in Québec, to substitute that electricity for the thermo generation in United States is environmentally a good idea. Unfortunately... And I have to immediately qualify what I've just said, because, unfortunately, the institutions, and structures, and the market place, both before and the one to come, do not allow for an effective and environmentally sound substitution. The mechanisms which are being put in place in the United States are not those of careful resource planning of energy efficiency and of internalizing the costs of producing electricity. If American policies were such that Québec hydroelectricity could effectively substitute for the polluting generation which is taking place, I would, in fact, be in favor of it. It is hard to be in favor of it when we can watch the hydroelectricity which has been paid for by the damage to Québec environment, to see that hydroelectricity go into a system of transportation and consumption in United States which is not aimed at saving it or using it wisely. It is strictly: Buy it cheap, sell it dear, and selling more of it is better than selling less of it. There is not an institutional arrangement. There is not a mechanism whereby the electricity can be exported to have the desired effect that we want.

M. Beaulne: Une dernière question. Vous mentionnez à la page 2 de votre mémoire que le recours aux grands projets hydroélectriques, incluant les dérivations partielles de rivières, aura des effets désastreux sur certains écosystèmes et occasionnera des conflits avec les autochtones. Hydro-Québec propose dans son plan stratégique de ne mettre de l'avant que les projets rentables acceptables du point de vue environnemental et accueillis favorablement par les communautés locales. Nous avons eu précédemment, juste avant vous, les représentants du Grand Conseil des Cris qui sont venus nous expliquer leur vision du partenariat. Si j'ai bien compris les réponses de M. Saganash, il a admis que la forme de partenariat qu'il souhaitait avec le gouvernement du Québec, et avec Hydro-Québec en particulier, pour le développement des ressources hydroélectriques devait répondre à ces trois critères qui sont inscrits au plan stratégique. Alors, croyez-vous que cette orientation, si elle est mise en pratique, puisse contribuer à mettre en place un développement plus harmonieux des ressources hydroélectriques et répondre aux préoccupations que j'ai mentionnées et qui sont énumérées dans votre mémoire?

M. Holzinger (Tom): Would you like me to comment on your views or on Mr. Saganash's views?

M. Beaulne: No. I'd like you to comment on... Because in your presentation, you raise some questions about – la dérivation, comment tu dis ça? le détournement des rivières – ...

Le Président (M. Sirros): Altering of the course.

M. Beaulne: ...altering the course of rivers, and this could generate some conflicts with the...

M. Holzinger (Tom): Les autochtones.

M. Beaulne: ...Native people. What I am saying is that, in the «plan stratégique», there are three conditions which are mentioned to go ahead with projects, and Mr. Saganash, in his presentation, when I questioned him on the kind of partnership that he would find acceptable with Hydro-Québec, mentioned that if these three conditions which are spelled out in the «plan stratégique» were put into effect, it could be agreeable to him. So, do you agree with that? Could that answer some of the preoccupations that you're mentioning on page 2 of your presentation?

Le Président (M. Sirros): I'll have to ask you to be succinct because we are already at the limit of our time.

(15 h 40)

M. Holzinger (Tom): My answer and the answer for my committee is no, it would not be sufficient. I don't believe that a local group can... How can I express it? A group which lives in the immediate vicinity of a river, obviously, it wishes to protect certain uses of that river. That group may not sufficiently defend the interests of the caribou, or of the migrating birds, or of one of thousand other aspects of the ecosystem. I think it's a very good idea that Mr. Caillé has incorporated the idea of local consent and local participation. I approve of that, but it's not sufficient. There are interests which are bigger and larger than a local interest, and as an ecologist, as an environmentalist, we're painfully aware of that, that what might appear to be a slight local damage in one person's eyes is going to be a significant chipping away at a habitat or a reproductive spot for certain animal species or certain plant species. My answer has to be: It is not.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. Holzinger. Je dois effectivement vous remercier au nom de l'ensemble des membres de la commission, vous remercier pour votre présentation et inviter les prochains intervenants, qui sont Boralex inc., du Groupe Cascades, à venir prendre place pour la prochaine présentation qui aura une durée de 25 minutes, y inclus les échanges avec les parlementaires, évidemment.

La parole est à vous. Si vous pouviez vous identifier et ceux qui vous accompagnent, on pourrait procéder.


Boralex inc. Groupe Cascades

M. Gauthier (Jacques): Oui. Alors, bonjour à chacun des membres de la commission. M. le Président, permettez-moi de présenter mes collègues: à ma gauche, Paul Lavoie, qui est responsable de la filière éolienne pour le groupe Boralex et, à ma droite, M. Michel Bégin, qui est directeur de portefeuille au Fonds de solidarité des travailleurs de la FTQ. Quant à moi, mon nom, c'est Jacques Gauthier. Je suis vice-président exécutif de Boralex.

Alors, aujourd'hui, nous avions l'intention de vous parler précisément de l'avenir de l'énergie éolienne au Québec, c'est-à-dire notre vision des choses. Vous me permettrez, à la fin de mon court exposé, de parler un petit peu des plus récents événements qui ont eu trait à la crise du verglas et dans laquelle crise notre groupe a été impliqué de façon assez significative.

Alors, je crois que tout le monde connaît assez bien le Fonds de solidarité. Il n'a pas à être présenté, particulièrement à ce moment-ci où on pense à nos REER. Boralex est un peu moins connu. Vous me permettrez de rappeler que nous sommes un des plus importants producteurs privés d'électricité au Québec avec une puissance installée d'un peu plus de 60 MW. Comme vous le savez peut-être, notre objectif est de porter cette puissance à un peu plus de 200 MW d'ici l'an 2000, et, pour y arriver, nous ferons appel à toutes les filières. Donc, comme je le disais auparavant, nous parlerons aujourd'hui strictement de l'énergie éolienne.

Le mémoire que Boralex et le Fonds de solidarité ont déposé devant la commission s'inscrit dans l'ensemble des démarches entreprises depuis le lancement du débat sur l'énergie il y a quelques années. Cette démarche a donné lieu à beaucoup de discussions et de consultations concernant l'avenir de l'énergie éolienne au Québec. Un consensus s'est dégagé et il a été repris dans la nouvelle politique énergétique du gouvernement du Québec. Ce consensus est à l'effet que le développement du potentiel éolien du Québec doit s'amorcer le plus rapidement possible, et ce, de façon à en maximiser les retombées industrielles pour l'économie de notre province. Il va de soi que nous partageons ce consensus.

Pour qu'une politique soit autre chose qu'une déclaration d'intention, elle doit proposer la mise en place de moyens pour concrétiser les orientations qui sont retenues. Dans le domaine de l'énergie éolienne, le principal moyen mis de l'avant dans la politique énergétique du Québec est l'établissement d'une quote-part réservée à cette filière dans le bilan énergétique du Québec. Le premier geste posé en ce sens l'a été par Hydro-Québec lorsque cette dernière a annoncé, dans le cadre du sommet socioéconomique de 1996, trois programmes, dont un portait sur des achats continus sur une période de 10 ans.

La politique de la quote-part ainsi que les achats continus envisagés par Hydro-Québec reconnaissent implicitement que l'énergie éolienne doit être appuyée pour se développer et que cet appui constitue, en fait, un investissement que la collectivité accepte de consentir afin de hâter la contribution d'une filière en laquelle elle croit. En somme, la politique reconnaît que la filière éolienne n'est pas encore tout à fait concurrentielle, mais qu'elle est suffisamment prometteuse pour que l'on s'y implique présentement, et ce, parce que c'est le meilleur moment pour s'y tailler une place.

Nous désirons donc attirer votre attention sur un autre élément important de la politique énergétique du gouvernement qui a d'ailleurs été repris par Hydro-Québec. Cet élément de la politique indique clairement que le développement de la filière éolienne doit se faire en partenariat avec le secteur privé. Nous souhaitons participer à ce partenariat, et c'est dans cette optique que nous avons préparé le mémoire qui est devant vous. Donc, tenant compte des orientations de la politique énergétique du Québec et de la volonté exprimée par Hydro-Québec de participer au développement de la filière éolienne, Boralex et le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec ont décidé d'unir leurs compétences ainsi que celles d'autres partenaires stratégiques afin de participer au développement de la filière éolienne au Québec. Ils ont l'intention de proposer à Hydro-Québec de réaliser ensemble et le plus rapidement possible un des projets de démonstration annoncés en 1996. La réalisation d'un tel parc de démonstration aurait l'avantage, en plus de valider les équipements de fabricants et leur fonctionnement dans les conditions climatiques du Québec, de roder un partenariat et une façon de faire qui pourraient s'étendre à des projets beaucoup plus importants et, éventuellement, à des projets devant se réaliser au niveau international.

Boralex et ses partenaires s'intéressent initialement au marché québécois, mais ils visent également la réalisation de projets à l'étranger. D'ailleurs, l'apparition et le développement d'une industrie des équipements éoliens au Québec seront d'autant plus prometteurs qu'ils s'appuieront non seulement sur le marché interne du Québec, mais aussi sur le marché international. Boralex peut offrir une vaste expérience dans la conception, la réalisation et la gestion de projets de taille modeste. La flexibilité de notre organisation ainsi que notre centre de contrôle ultramoderne de Kingsey Falls constituent des atouts importants qui pourraient permettre la réalisation de projets éoliens à moindres coûts. Et j'y reviendrai, sur ce centre de contrôle à Kingsey Falls. D'autres partenaires stratégiques permettront – chacun selon ses compétences – de maximiser les retombées industrielles au Québec.

Nous tenons à rappeler que l'idée d'un partenariat avec le secteur privé provient de la politique énergétique du gouvernement et qu'elle a été reprise par Hydro-Québec. La proposition de Boralex et du Fonds de solidarité vise à concrétiser l'offre de partenariat qui a été faite. Si celle-ci ne correspond pas aux attentes du gouvernement et d'Hydro-Québec, nous sommes disposés à la revoir, mais il faudrait avoir, au préalable, une meilleure compréhension de leurs attentes. Nous espérons qu'ils nous indiqueront la nature et la forme du partenariat qui pourrait leur convenir.

Nous ne demandons pas de traitement de faveur, nous proposons de participer avec Hydro-Québec pour réaliser un parc de démonstration de taille modeste, et ce, avant que ne soient lancés les appels d'offres concernant des parcs plus importants qui amèneront graduellement le Québec vers la quote-part qui sera établie éventuellement par la Régie. Nous croyons que cette possibilité pourrait être offerte également à d'autres producteurs privés, puisque Hydro-Québec a indiqué son intention de réaliser des parcs de démonstration pour un total de 20 MW. Il y a donc de la place pour d'autres parcs de démonstration et pour d'autres intervenants qui pourraient, eux aussi, désirer investir pour se faire la main avant de s'engager dans cette filière sur une grande échelle.

Nous croyons également que notre proposition est tout à fait compatible avec la demande faite récemment à la Régie de l'énergie par le ministre des Ressources naturelles concernant la préparation d'un avis en ce qui a trait à la filière éolienne. L'avis demandé ne remet aucunement en cause le bien-fondé de cette orientation, puisqu'il vise, si notre compréhension est bonne, à préciser l'ampleur que devrait prendre la quote-part et les modalités de sa concrétisation. Nous croyons donc que, en préparant dès maintenant la réalisation d'un parc de démonstration, Boralex, le Fonds de solidarité, Hydro-Québec et les autres partenaires ne feraient que commencer à concrétiser une des principales orientations de la politique énergétique du Québec.

Le partenariat proposé dispose donc d'une capacité financière importante et de toute l'expertise requise pour entreprendre dès maintenant et d'une façon efficace la mise en valeur du potentiel éolien du Québec. Nous tenons à vous indiquer que la politique de la quote-part nous semble être la bonne approche à long terme pour le Québec, entre autres parce qu'elle permet de faire appel à un processus concurrentiel pour l'établissement des prix. Par contre, nous tenons aussi à souligner que l'établissement d'une quote-part pour l'énergie éolienne, qui se justifie précisément par la nouveauté de cette filière, ne doit pas non plus se faire au détriment des autres filières d'énergie renouvelable, dont l'hydroélectricité et la cogénération, notamment à base de biomasse forestière.

(15 h 50)

Alors, il nous semble raisonnable, dans l'état actuel de nos connaissances, de proposer qu'en l'an 2010 la quote-part soit, à ce moment-là, établie à 1 % de la consommation d'électricité prévue à cette date. Ceci implique l'installation d'environ 750 MW d'énergie éolienne sur une période d'une douzaine d'années. C'est à ce prix qu'un tel marché pourrait permettre l'apparition et le développement graduel d'une industrie éolienne importante.

Finalement et conformément à la politique énergétique du Québec, nous souhaitons que le choix des fournisseurs d'énergie éolienne, pour ce qui concerne la portion industrielle et à long terme du programme, se fasse dans le cadre d'appels d'offres concurrentiels et que cette approche s'applique aussi à Hydro-Québec si celle-ci choisit de produire elle-même de l'énergie éolienne.

Alors, maintenant – ça complète ma présentation relative à l'éolienne – une parenthèse que je souhaitais ouvrir suite aux événements que nous avons tous connus dans le verglas. Depuis que notre groupe a entrepris des constructions et des aménagements de centrales hydroélectriques et de cogénération, depuis, donc, 1989...

Le Président (M. Beaulne): M. Gauthier, je vous demanderais d'être assez succinct parce qu'il nous reste à peine quelques minutes pour les échanges de part et d'autre.

M. Gauthier (Jacques): Oui, O.K. Alors, je vais essayer de me limiter à une minute. Je disais donc que depuis 1989 que nous aménageons des centrales hydroélectriques au Québec – nous en avons également aux États-Unis, de même qu'une centrale de cogénération; la seule, au fait, au gaz naturel ici, au Québec – on se targue de dire, tant à nos financiers qu'à nos partenaires d'affaires, que ces petites centrales, ces petites unités de génération d'énergie sont des outils flexibles et optimaux de génération d'énergie tant dans les milieux ruraux que dans les villes. Et, évidemment, ça peut sembler un petit peu utopique, lorsqu'on parle de 60, 70, 80 MW, d'être un outil flexible et efficace. Eh bien, je pense que, cette fois-ci, on en a eu un exemple très concret. Générer quatre, cinq, 10, 15 MW près des lieux de consommation, je peux vous dire que, dans le cas de Kingsey Falls, dans le cas de Saint-Lambert, dans le cas de Buckingham dans l'Outaouais, dans le cas également d'East Angus dans l'Estrie et malheureusement pas, à notre goût, assez dans la ville de Saint-Hyacinthe, mais... Bref, globalement, ça a servi à générer de l'énergie directement pour les consommateurs résidentiels, et je peux vous dire que, à ce jour, à Kingsey Falls nommément, notre centrale de cogénération au gaz naturel fonctionne toujours en mode isolé, c'est-à-dire indépendante du réseau d'Hydro-Québec et approvisionne les industries membres du Groupe Cascades.

Alors, je pense que c'est ce qu'il faut retenir de l'importance des petites unités de génération qui, réparties partout en province, réparties sur des lieux de consommation et non à des milliers de kilomètres des lieux de consommation, vont donner un outil flexible et efficace qui pourrait prendre la relève en cas d'urgence et ne mettrait aucunement en cause le caractère concurrentiel d'Hydro-Québec et permettrait, au contraire, d'assurer un support et donnerait une expertise additionnelle. Gérer des petites centrales, gérer des unités de cogénération pour le compte d'industriels qui doivent faire face à des coûts de revient fixes préférablement, ça demande une expertise qui est distincte de gérer des mégaprojets d'énergie, et je pense que notre groupe, comme d'autres d'ailleurs – le soleil brille pour tout le monde – ont leur place. Et cette industrie-là, qui a été créée en 1990, 1991 et suivantes, doit s'assurer de connaître une pérennité et permettre à des groupes industriels comme le nôtre, qui investit des dizaines de millions de dollars par année dans l'industrie au Québec, de poursuivre le développement. Voilà.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, M. le député de La Peltrie, vous avez cinq minutes.

M. Côté: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais vous souhaiter la bienvenue, M. Gauthier, M. Lavoie et M. Bégin. Bienvenue à notre commission, et je vous remercie de la présentation de votre mémoire dont la cible principale et même unique est la filière éolienne. Alors, je vais aller directement aux questions.

M. Gauthier (Jacques): ...ce qui s'est passé, on avait peut-être élargi le sens de notre mémoire.

M. Côté: C'est difficile à prévoir.

M. Gauthier (Jacques): Il n'y a pas grand monde qui savait ça, hein?

M. Côté: Conformément à ce que demande la politique énergétique, vous estimez qu'Hydro-Québec devrait proposer des orientations précises concernant spécifiquement la filière éolienne. Est-ce que vous pourriez préciser un petit peu plus, davantage quelles seraient ces orientations un peu plus précises, là?

M. Gauthier (Jacques): Je pense qu'il y a un choix de société qu'on veut se donner, c'est d'essayer de maximiser l'énergie renouvelable au Québec, n'est-ce pas? Et, aujourd'hui, on a abondamment d'hydraulique et on a abondamment de mégaprojets de génération d'énergie pour assurer nos besoins de consommation normaux au Québec. Ces besoins de consommation, présentement, au Québec, vont continuer à croître. Notre société est en croissance, et nos besoins vont continuer de croître. On est donc à l'heure où on peut prendre le virage de l'énergie renouvelable et développer une expertise pour que, dans cinq ans, dans 10 ans ou dans 15 ans, on ait un bloc minimal d'énergie renouvelable sur lequel on pourra se baser, sur lequel on pourra se fier et sur lequel on pourra se targuer de dire que, au Québec, on a non seulement de l'hydraulique, mais on a de l'éolien et d'autres sources d'énergie renouvelables, on maximise l'utilisation de notre biomasse, ainsi de suite.

Ce que, nous, on dit, c'est: Commençons tout de suite à aménager quelques parcs de démonstration. Pas une machine, deux machines, trois machines plantées n'importe où dans la province de Québec pour voir si ça tourne, c'est sûr que ça tourne. Au Danemark, en Allemagne, en France, partout, il y en a des éoliennes, on n'apprendra rien. Dès qu'il y a du vent à une vélocité adéquate, l'éolienne, elle tourne. Alors, on ne veut pas voir si ça tourne, ce qu'il faut apprendre d'ores et déjà, aujourd'hui, c'est comment opérer un parc de centrales éoliennes. Ça veut dire, donc, de comprendre toute la mécanique de ces appareils-là en tenant compte du climat ici, au Québec. Intégrer 500 MW de puissance d'énergie d'une seule «shot», vous comprendrez comme moi que ça ne se fait pas facilement. Alors, il faut y aller graduellement. Donc, on dit aujourd'hui: Commençons quelques parcs de démonstration avec des équipements qui sont reconnus, qui sont fiables, de divers manufacturiers, essayons-les, habituons-nous. Faisons ce qu'on appelle dans notre jargon des périodes de rodage ou de «start-up» adéquates pour bien comprendre et rendre efficaces nos équipements, et, après ça, on se lancera dans une grande aventure industrielle de l'éolien. Alors, il faut commencer tout de suite.

M. Côté: Mais comment pouvez-vous concilier votre souhait de procéder d'abord par la réalisation d'un parc de démonstration et, d'autre part, l'importance que vous accordez à procéder rapidement au lancement des appels d'offres pour des parcs éoliens de grande envergure? Là, il y a quelque chose que...

M. Gauthier (Jacques): Non, ce que j'ai dit ici, c'est que je vois ça en deux étapes. Commençons d'abord par élaborer des parcs de démonstration, lesquels nous permettront de nous familiariser, et élaborons concurremment un programme industriel qui permettrait notamment d'atteindre le pourcentage qu'on souhaite d'ici une douzaine d'années. Alors, c'est comme ça qu'on voit ça.

Tu ne peux pas te lancer dans une nouvelle industrie avec du nouvel équipement, de la nouvelle technologie, en lançant 100 MW, comme ça, sans savoir dans quoi tu t'embarques. C'est comme la petite production d'électricité hydraulique. Si, du jour au lendemain, en une année, on avait dit: On construit 400 petites centrales au fil de l'eau et on intègre tout ça dans le réseau, vous comprendrez qu'il y en a qui auraient perdu leur latin. Alors, il faut y aller graduellement, et je pense que notre expérience... On en a 15 centrales au Québec, et je peux vous dire que c'est graduellement qu'on arrive à être efficace et que c'est graduellement qu'on arrive à avoir des coûts de production concurrentiels.

M. Côté: Vous avez aussi, dans votre mémoire, à la page 9... Vous mentionnez que le Fonds de solidarité et votre entreprise, Boralex, désirent s'associer à Hydro-Québec pour réaliser rapidement un parc éolien de démonstration puis, bon, que vous avez le désir et l'intention de développer un partenariat avec Hydro-Québec. Depuis ce temps que vous avez exprimé cette volonté-là, est-ce que vous avez discuté de votre proposition avec Hydro-Québec? Et, si c'est le cas, est-ce qu'il y a une ouverture de la part d'Hydro-Québec dans la réalisation de vos attentes?

M. Gauthier (Jacques): D'abord, on a effectivement discuté de tout ça avec Hydro-Québec. Et, à votre seconde question, il y a une intention, je pense, mais qui me semble très mitigée et qui dépend d'un certain nombre de conditions, notamment des conditions financières du kilowattheure, et on attend de voir un peu comment va se dérouler l'application de la Régie et comment tout ça va se faire. Alors, je pense que c'est une volonté qui n'est pas forte, comme on dit en bon français, et je pense que ce n'est pas comme ça qu'on va attirer les industriels dans l'énergie éolienne au Québec. La première voiture qui s'est amenée sur le continent, il n'y avait pas 12 usines en arrière qui fabriquaient des «spare parts», hein? Alors, il faut avoir un volume d'activité pour attirer du monde et il faut avoir un minimum d'assurance qu'il y aura une pérennité dans un programme, et, présentement, on n'a rien de ça. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il y a des voeux pieux de faire une industrie de l'énergie éolienne, et ce n'est pas avec trois machines plantées dans un champ qu'on va voir c'est quoi, l'industrie de l'éolien.

Alors, on peut attendre. C'est sûr, c'est un choix de société. Il y a eu un débat sur l'énergie, un débat qui a été long et dont une des conclusions a été de dire: Essayons de profiter de cette énergie renouvelable pour laquelle notre combustible, ici, au Québec, n'est pas cher et abondant. Alors, je pense qu'il faut commencer...

(16 heures)

M. Côté: Donc, vous ne percevez pas une volonté de la part d'Hydro-Québec d'y aller rapidement.

M. Gauthier (Jacques): Disons que ce que j'ai dit, c'est que je perçois un intérêt, je perçois une volonté, mais pas forte. Pas assez forte pour, disons, attirer les investisseurs à faire des chèques pour investir là-dedans présentement.

M. Côté: Merci beaucoup.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. On a cinq minutes?

Le Président (M. Beaulne): Oui.

M. Cherry: C'est ça que vous m'indiquez pour les échanges. Ma première remarque, c'est celle avec laquelle vous avez conclu vos remarques. C'est: Avec l'expérience du verglas et tout ce qui s'est publicisé autour de ça, puis la facilité avec laquelle la compagnie Boralex a pu, à partir de ses centrales... J'aurais pensé que, dans le mémoire, on retrouverait ça de façon beaucoup plus prédominante. Même, c'est comme si c'était le verglas qui était maintenant le prétexte pour faire ça. Je me demande pourquoi vous n'insistez pas plus là-dessus, parce qu'il me semble que, s'il y a une leçon qu'on doit tirer du verglas, c'est que plus on peut approcher notre source d'énergie des besoins des gens, donc plus on peut être près, plus c'est facile dans un premier temps, moins on s'expose aux intempéries comme celles qu'on a connues, et plus on peut cibler les endroits, comme ça vient d'exister, que ce soient les foyers de personnes âgées, les hôpitaux, comme ça. C'est ça qui a fait le succès. Donc, il me semble que...

Pourquoi Boralex, dans un premier temps, vous nous parlez presque exclusivement de l'éolien plutôt que de mettre en valeur ce qui me semble être votre meilleure «selling card» que vous auriez aujourd'hui? C'est dans un premier temps. Puis, dans un deuxième temps, je vous questionnerai sur l'énergie éolienne.

M. Gauthier (Jacques): Vous savez que notre enthousiasme à démontrer l'efficacité et, justement, l'optimisation de ces petites unités n'est pas mis à l'épreuve. Il n'a pas reçu de verglas, lui. Je peux vous dire que c'est une question strictement pratique. D'abord, on avait convenu avec notre partenaire Lafond qu'on parlerait de l'éolienne, parce que c'est une industrie dans laquelle on veut essayer d'attirer de l'attention et dans laquelle on veut essayer de donner des idées. Je ne pense pas, par ailleurs, qu'on ait à démontrer notre expertise, avec 15 centrales depuis 1989 puis avec tout ce que les journaux ont dit depuis deux ou trois semaines.

Alors, il est sûr qu'aujourd'hui le momentum est adéquat pour essayer d'en parler davantage. Je vous dirai que je continue de penser et de croire... Au cours de l'année 1998, je vais me débattre. On en a, des projets. On a plusieurs projets, autant de cogénération à base de biomasse que de l'hydraulique. On va continuer de battre cette carte-là et de démontrer que c'est efficace et qu'il en faut, de ce réseau, ici, pour développer notre industrie. Malheureusement, ce n'est pas parce qu'on ne voulait pas en parler – je suis peut-être mauvais vendeur. On avait convenu dans cette enceinte-ci de parler d'éolien pour essayer de faire naître cette industrie dans laquelle la politique s'est impliquée.

M. Cherry: O.K. Une question, bien rapidement, là-dessus: Est-ce que ça a été facile, les négociations avec Hydro-Québec, au fur et à mesure que vous aviez des petites centrales? Comment ça s'est fait? La collaboration a-t-elle été bonne ou si ça a été difficile pendant la crise?

M. Gauthier (Jacques): Ah! pendant la crise.

M. Cherry: Pendant la crise. Parce qu'on n'a pas de temps, là.

M. Gauthier (Jacques): Oui. Rapidement, je peux vous dire que, moi, j'ai senti beaucoup de collaboration des gens d'Hydro-Québec. Il y avait un besoin, il y avait un état de crise, et les gens d'Hydro ont fait appel à nous. Ils nous ont sollicités. Je peux vous dire que, 24 heures sur 24, on était au poste pour intégrer de l'énergie là où on en avait de disponible. Moi, j'ai senti qu'il y avait un besoin puis les gens étaient collaborateurs, en général.

C'est sûr qu'il y a eu des durs qui ne voulaient pas qu'on rajoute 15 pi de fil pour aller s'intégrer directement dans le réseau de distribution. Il y a eu des cas isolés comme ça. Mais je peux vous dire que, de façon générale, les gens d'Hydro, les ingénieurs d'Hydro, qui étaient très conscients de la situation de drame qu'on vivait, nous ont donné beaucoup de latitude et avaient confiance en notre expertise.

M. Cherry: Merci. Sur l'aspect de l'éolien, pour permettre à vos collègues aussi de réagir. La responsabilité que j'ai comme critique de l'énergie depuis maintenant deux ans me permet de rencontrer toutes sortes de gens qui nous soumettent toutes sortes d'approches, des commentaires que j'avais retenus sur l'énergie éolienne qui a découlé de la table de concertation, puis que vous dites que ça passe de voeux pieux à des réalisations si on veut que ce soit associé à l'implantation d'une industrie pour produire; un, pour répondre à nos besoins, dans un premier temps, puis, dans un deuxième temps, pour pouvoir exporter. Parce que, dans le fond, autrement, ça ne vaut pas la peine. On est mieux d'acheter ce qui se fait ailleurs, s'il y a une volonté pour ça.

Il y a des gens qui m'ont soutenu que, évidemment, le coût est plus élevé pour produire de l'énergie avec de l'éolien qu'il ne l'est avec les autres formes d'énergie, principalement l'hydroélectricité, mais il y a des gens qui soutiennent aussi que l'énergie éolienne, eux la perçoivent comme une énergie transitoire, que la vraie énergie de l'avenir, ce sera quand on aura réussi à développer des batteries qu'on pourra associer à nos résidences, qui permettront d'accumuler l'énergie solaire. Donc, on me dit: L'énergie éolienne en est une transitoire.

Donc, si ce qu'ils me disent est vrai et que, dans 15 ou 20 ans, on pourrait parler de ça, ce que ça demande comme investissement puis nombre d'années pour permettre de rentabiliser, alors, j'aimerais vous entendre réagir sur cet aspect.

M. Gauthier (Jacques): Tout aussi brièvement, il faut se rappeler que tout est une question de coût. On n'est pas au Japon, on n'est pas au Danemark, on n'est pas en Asie en général, non plus qu'en Europe en général. On est au Québec où notre énergie ne coûte pas trop cher, finalement. Il faut se rappeler qu'en 1981 l'investissement par kilowatt installé de l'éolienne était de l'ordre d'environ 4 000 $. Aujourd'hui, en 1996, on parle de 1 200 $. Alors, vous voyez que ça a baissé radicalement.

La question que vous posez, au fond, ou le commentaire que vous faites, il faut le rattacher à la question économique de l'investissement dans l'éolien. Aujourd'hui, l'éolien, on pense que ça peut coûter autour de 0,06 $, 0,07 $, 0,08 $ dans les conditions économiques actuelles, avec évidemment des disponibilités de fournisseurs assez proches. Si on le compare au prix du kilowattheure dans l'hydraulique, c'est sûr qu'à 0,04 $ puis à 0,05 $ il y a une légère différence, mais qui, avec le temps et avec l'investissement qu'on fait aujourd'hui pour plus tard, va se réduire; le prix va être beaucoup plus raisonnable.

Je pense que, quand vous parlez de transition, il n'en demeure... Dans notre esprit, l'énergie de base hydraulique à profusion qu'on a ici va devoir demeurer notre énergie vraiment basique. Je ne pense pas qu'on sorte de là. L'énergie éolienne va être un appui à cette énergie hydroélectrique, à cette énergie par cogénération pour des besoins industriels notamment. L'énergie éolienne va constituer un apport au même titre que la «cogen» va constituer un apport, comme elle le fait présentement aux États-Unis, et au même titre que la petite hydraulique constitue un apport aux mégaprojets de génération.

Alors, c'est un tout. Tu ne peux pas dire: Je me limite juste à une source. Il faut, comme partout ça se fait dans le monde, que tu aies une source diversifiée de génération. C'est comme ça que tu te mets à l'abri.

Les éoliennes au Vermont, à la crise du verglas qu'ils ont aussi connue – il y a des articles de journaux que je pourrai vous laisser si ça vous intéresse, puis il y a des photos – elles avaient un pouce de glace puis elles tournaient. Alors, on ne peut pas en dire autant du soutien de nos lignes. Par ailleurs, les petites centrales hydroélectriques dont les turbines sont excavées ou les centrales par cogénération dont les turbines sont dans un bâtiment, elles ne sont pas affectées. Alors, c'est un tout. Il faut voir ça dans un tout. Et je pense qu'il y a de la place pour l'éolien, il y a des régions pour de l'éolien.

Cette énergie-là, encore une fois, si elle est proche des consommateurs, tant industriels que résidentiels, bien, c'est là qu'on fait de l'économie. Si tu places une éolienne à la Baie-James pour générer de l'électricité pour consommer à Montréal, ça n'a pas de maudit bon sens, c'est sûr et certain. Si tu places de l'énergie éolienne en Gaspésie, dans toute la rive sud de la province de Québec, dans les zones qu'on connaît ici plus venteuses autour de Montréal, Saint-Hyacinthe, Beloeil, Mont-Saint-Hilaire et compagnie, tu as des consommateurs à proximité, c'est sûr que, si tu te fies là-dessus pour consommer de l'énergie 365 jours par année, 24 heures par jour, ça ne marche pas. Mais les moments que tu te débranches de l'énergie à 0,06 $ ou à 0,05 $ et que tu consommes celle-là parce que ton eau de source est destinée à des marchés plus payants, c'est comme ça que tu as un réseau unifié de génération qui devient efficace et optimal.

M. Cherry: Merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, messieurs, la commission vous remercie.

(16 h 10)

J'invite maintenant les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec à s'approcher à la table de la commission.

Alors, M. Godbout, messieurs, la commission vous souhaite la bienvenue. Nous avons 45 minutes à notre disposition pour l'ensemble des échanges. Alors, je vous demanderais, dans la mesure du possible, de limiter votre présentation à 15 minutes, de manière à ce que les deux formations puissent échanger avec vous.

M. Godbout, je vous demanderais, pour les fins de la transcription, de nous présenter les personnes qui vous accompagnent.


Syndicat des employé(e)s de métiers d'Hydro-Québec (FTQ)

M. Godbout (Clément): Alors, je serai très court, étant donné que je suis encore pris un peu avec le verglas. J'ai une bonne grippe, alors je vais demander au secrétaire général de faire le tour et de présenter le mémoire et les gens.

M. Massé (Henri): Comme on dirait en termes hydroélectriques, comme notre président a des problèmes de voix à cause de sa grippe, on va le garder pour les périodes de pointe, de forte puissance.

À la table, il y a Mario Gervais, qui est le président du Syndicat des techniciens à Hydro-Québec, Normand Perreault, du Syndicat des employé(e)s de bureau, Raymond Gravel, le président du Syndicat des employé(e)s de métiers, Robert Demers, qui est à la recherche à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec dans le dossier de l'énergie, Jean Lavallée, vice-président de la FTQ et président de la FTQ-construction, Henri Massé, secrétaire général de la FTQ.

La FTQ tient, d'entrée de jeu, à vous demander de relever le défi de la création d'emplois, et ce, avec notre levier collectif qu'est Hydro-Québec. Arrêtons d'avoir peur de nous-mêmes. Je voudrais être très clair dès le début, on ne parle pas des emplois à tout prix, on parle d'emplois de qualité, dans un contexte de développement durable, bien évidemment – on a entendu des interventions, tantôt – en partenariat avec le monde du milieu et en partenariat sérieux et serré avec les autochtones.

Sur les tablettes et dans les cartons d'Hydro-Québec traînent des projets hautement rentables pour la société québécoise et, partant, pour alléger le fardeau financier du Québec et remettre le monde au travail. Il est temps de foncer. Il existe à Hydro-Québec, et elle vous l'a souligné en mars 1997, un carnet de projets hydroélectriques dont on révise le cahier de charges pour en rendre la réalisation financièrement possible. L'optimalisation du complexe Bersimis, pour un investissement global de 100 000 000 $, pourrait soutenir 1 000 emplois directs et indirects. Nous croyons que le projet d'aménagement d'Eastmain, dont les études sont déjà prêtes depuis 1991, doit voir le jour rapidement. On parle ici de quelque 5 100 personnes/année pour les cinq années du projet. Qu'attendons-nous?

Même le projet Grande-Baleine, avec des ajustements de moins de 20 % de son coût de réalisation selon Hydro, pourrait être mis en branle rapidement et nous servir de tremplin lorsque les autres «utilities» du Nord-Est américain devront être décommissionnées, en jargon du milieu, pour faire place à de l'énergie propre et verte. Tous s'entendent sur une rupture, vers 2005, des modes traditionnels d'approvisionnement au mazout, au charbon et au nucléaire. C'est le temps ou jamais de profiter du vent déflationniste venant d'Asie. «Le gouvernement du Québec profiterait d'excellentes occasions de crédit s'il faisait une émission pour financer la reconstruction de ses infrastructures hydroélectriques», notait La Presse du 13 janvier dernier, M. Jacques Gagnon, président de Gestion du Fonds des professionnels. Profitons-en rapidement et investissons dans la création d'emplois. On sait que le principal facteur de coût à Hydro-Québec, c'est la question du financement. Contrairement au mazout, contrairement au nucléaire ou à d'autres formes d'énergie, la matière première ne coûte rien, et il faut profiter de l'accalmie sur le marché financier pour donner suite à ces projets-là.

Qu'attendons-nous pour être à l'heure et au rendez-vous? Ça prend du temps pour réaliser de tels équipements. Décidons-nous et perdons cette mentalité de «loosers» qui semble nous hanter depuis la déprime économique. Il n'y a pas de reprise économique sans soutien énergétique pour la compagnie. On y croit ou on n'y croit pas? Hydro peut également mettre en route un programme d'amélioration de la qualité des enveloppes thermiques des bâtiments, lequel pourrait amener Hydro et ses clients à injecter environ 400 000 000 $ dans l'achat de biens et services pour soutenir près de 5 000 emplois directs et indirects. Qu'attendons-nous?

On parle beaucoup, ces derniers temps, de l'enfouissement des fils afin de nous prémunir contre une autre crise atmosphérique ou accidentelle. Plusieurs zones critiques, milieux patrimoniaux ou services municipaux pourraient bénéficier de programmes hautement créateurs d'emplois et améliorer ainsi notre qualité de vie. Qu'attendons-nous?

Et en recherche et développement? Au-delà de la théorie, il faut mettre en oeuvre des programmes pour mailler industrie et énergie. La création d'une direction industrie à Hydro-Québec, chargée d'arrimer le développement de l'hydroélectricité et la venue ou l'expansion de l'entreprise dans les secteurs nouveaux ou moins développés du tissu industriel québécois, s'impose. Selon Hydro, des implantations ou des expansions totalisant une charge de 500 MW pourraient entraîner des investissements de 1 000 000 000 $ et plus.

La commercialisation des produits et services reliés aux activités doit servir non seulement à optimiser le profit à Hydro-Québec, mais également à créer des emplois de qualité, principalement pour les jeunes, et à Hydro-Québec, dont les effectifs ont fondu de 28 000 à 19 000 en quelques années. La nouvelle société CapiTech, ex-Nouveler, doit jouer un rôle majeur dans ce virage vers une plus grande rigueur de gestion, une rentabilité accrue et surtout la création d'emplois de qualité. On prévoit investir quelque 50 000 000 $ au cours des cinq prochaines années.

Du côté des énergies dites renouvelables, notre parc de ressources éolien doit déborder la simple expérimentation de procédés importés. Avec entre 10 % et 30 % du potentiel éolien en Amérique du Nord, le Québec devrait être en pôle position de la créativité et de la production d'une énergie verte et abondante. Hydro-Québec avait proposé, en 1996, un programme d'investissement de 360 000 000 $ portant sur plus de 2000 emplois directs et indirects. Qu'attendons-nous?

Hydro-Québec entend rentabiliser le potentiel hydroélectrique aménageable pour saisir les occasions d'affaires qui se présentent sur le marché nord-américain. Cela fait près de deux ans que le gouvernement du Québec s'est engagé à procéder à une classification des rivières au Québec afin de préserver notre patrimoine tout en dégageant des possibilités de production hydroélectrique. Et, quand on parle de patrimoine, c'est la qualité du milieu, l'impact sur l'industrie touristique. Je pense que, si cet exercice-là était fait, de classification, on mettrait probablement fin ou on réduirait de beaucoup tout l'effet du syndrome de «pas dans ma cour».

Nous ne voulons pas être de ceux qui battront leur coulpe de ne pas avoir fait ce qu'il fallait faire lorsqu'il était le temps de le faire. Nous avons, d'abord et avant tout, besoin de remettre le Québec au travail.

Là, je reviens aux recommandations de la commission. En juin 1997, vous avez formulé huit recommandations à la direction d'Hydro-Québec. Nous en soulignons la grande pertinence, et plusieurs questionnements auraient dû faire l'objet de réponses précises dans le plan stratégique déposé en octobre dernier. Nous vous invitons à revenir, lors de votre prochaine rencontre avec Hydro-Québec, sur le suivi donné à vos commentaires.

Nous croyons que des engagements fermes doivent être pris pour garantir que, advenant une éventuelle restructuration du marché de l'énergie, le pacte social soit maintenu, c'est-à-dire équité interrégionale, interfinancement en faveur du résidentiel et propriété collective des infrastructures.

Nous nous inquiétons, comme vous, de l'avenir de la politique de planification intégrée des ressources advenant la libéralisation du secteur énergétique. Le choix de la ressource en fonction uniquement du prix du marché et la planification intégrée des ressources sont des concepts mutuellement exclusifs, pour reprendre l'expression de l'ex-P.D.G. d'Hydro-Québec, M. Richard Drouin.

C'est également au chapitre des divers processus de consultation publique que nous nous interrogeons. Malgré l'adoption, par décret, du plan stratégique, rien ne devrait empêcher l'exercice d'un moratoire sur toute nouvelle modification dans la structure de l'industrie de l'électricité avant la tenue d'un débat public sur la libéralisation, comme prévu à la loi créant la Régie de l'énergie. Même avec l'obtention d'un statut de négociant reconnu par la Federal Energy Regulatory Commission, lui permettant d'avoir accès au marché de gros, le seul avantage pour Hydro-Québec semble être celui de ne pas devoir se faire intermédiairiser par un autre grossiste américain. On admet qu'il serait vraisemblablement encore possible, même sans ouverture, de continuer à vendre à la frontière. Le jeu en vaut-il la chandelle de risquer devoir, à terme, ouvrir notre marché de détail?

À ce niveau-là, nous pensons que des paramètres clairs devraient être fixés à la Régie pour que, advenant une quelconque déréglementation ou ouverture des marchés, le respect des principes suivants soit impératif: création d'emplois et développement économique; maintien de la propriété publique d'Hydro-Québec; maintien de hauts standards de fiabilité; maintien de l'incorporation des considérations sociales et environnementales dans l'administration et la planification des ressources énergétiques; aucun impact négatif sur les revenus de la province; aucun impact négatif sur une catégorie de consommateurs ou aux dépens d'une région en particulier; aucun impact négatif sur les employés d'Hydro-Québec.

(16 h 20)

Avant d'aller plus avant dans l'ouverture des marchés, nous croyons, comme les membres de la commission, qu'une véritable analyse des coûts-bénéfices doit être faite sur l'opportunité de s'ouvrir sur le marché de détail, ou encore pour entreprendre la production de nouveaux équipements destinés à l'exportation. Nous ne sommes pas contre l'exportation, bien au contraire, et nous sommes favorables à des investissements dans de nouveaux équipements hydroélectriques comme la réalisation d'Eastmain 1, mais nous questionnons cependant la pertinence de l'ouverture du marché de détail, considérant les risques majeurs de hausse de tarif advenant le départ des gros consommateurs vers d'autres fournisseurs.

Nous devons ici manifester notre inquiétude face au rôle futur de cette Commission et au partage des compétences entre la Commission, le Bureau des audiences publiques en environnement et la Régie de l'énergie. Il ne faudrait pas que cette multiplication de tribunes noie le poisson et que le tout se transforme en un simulacre de consultation publique. La justification des projets, par exemple, nous semble appartenir à ces trois intervenants, soit selon la définition particulière de leur mandat. À l'heure actuelle, nous, ce qu'on pense, c'est: Comment la chatte reconnaîtrait-elle ses chats à force que c'est mêlé?

Il y en a plusieurs, depuis le début de cette commission, qui sont venus dire que la commission parlementaire devrait être abolie à cette fin-là. Nous, à la FTQ, nous vous disons clairement que, même si, dans le passé, certaines décisions gouvernementales n'ont peut-être pas toujours été des plus éclairées, il n'en demeure pas moins qu'Hydro-Québec, l'actionnaire principal, c'est le gouvernement du Québec et les parlementaires doivent garder l'oeil ouvert sur cette question. Donc, il y a une place pour une commission vigilante qui suit les travaux.

Le projet de règlement sur la procédure à la Régie nous inquiète. Judiciarisée et complexe, cette procédure risque de décourager la participation du public. Les moyens financiers des promoteurs ne sont pas ceux du public, ni même de ses plus larges regroupements. Il faut éviter de réserver le débat aux seuls avocats et ingénieurs, sous peine de rupture de confiance du public.

Calqué sur le modèle rigoriste de l'Office national de l'énergie, le projet de règlement sur la procédure de la Régie de l'énergie nous semble fait pour décourager toute intervention du grand public. On parle maintenant de défendeur ou de mis-en-cause auquel des participants autorisés par la Régie pourront adresser leurs questions par argumentation et preuve testimoniale, et j'en passe.

Comme il s'agit, pour la Régie, d'exercer un mandat qui était en partie le vôtre, nous vous demandons de formuler des suggestions au ministre pour déjudiciariser le fonctionnement de la nouvelle Régie et de prévoir des modes d'assistance financière ou autres pour favoriser une véritable participation du public, dans l'esprit d'une véritable planification intégrée des ressources.

Sur le plan stratégique d'Hydro de 1998 à 2002, force est de constater que, hormis le virage marché, pierre angulaire de cette volonté de croissance et de rentabilité soutenues exprimée par Hydro-Québec, rien ne semble nous poser de réelles inquiétudes a priori. Nous avons été les premiers à soutenir une stratégie industrielle visant à faire du Québec une plaque tournante en matière énergétique. Hydro-Québec considère également des investissements rentables dans les secteurs de la production hydroélectrique et du transport d'électricité. Nous y voyons la volonté de raffermir notre autonomie énergétique et une excellente occasion de créer des emplois de qualité dans une perspective de développement durable.

Nous devons cependant nous inquiéter des conséquences possibles de ce qui est poliment souligné comme potentiel de croissance découlant de la convergence des différentes formes d'énergie au programme du plan stratégique, surtout et principalement lorsque la fiabilité du réseau hydroélectrique est remise en question. Nous risquons un dérapage vers la cogénération tous azimuts – au gaz, au mazout ou autrement – et l'établissement de petits pouvoirs sur tout cours d'eau local. Nous ne soutenons pas une forme de développement qui risque de devenir anarchique sous prétexte de sécurisation de l'approvisionnement. Et on ne parle pas ici des consommateurs qui pourraient dire: Bon, moi, à cause de la panne électrique, je vais aller vers le gaz, ou je vais aller vers le mazout. On parle de toutes sortes de programmes ou de projets de cogénération tous azimuts.

La dimension internationale des activités d'Hydro-Québec pourrait être un de ces éléments multiplicateurs, par des partenariats susceptibles d'augmenter le savoir-faire québécois et l'acquisition de technologies exportables. La maîtrise d'oeuvre de grands projets, le souci de l'environnement et l'accessibilité sociale sont des dimensions qui pourraient faire d'Hydro-Québec un acteur du développement durable à l'échelle de la planète.

Nous accueillons favorablement l'intention d'Hydro-Québec de mettre à contribution ses employés dans ce déploiement de ressources ainsi que sa volonté de maintenir ceux-ci dans son giron, même dans le nouveau contexte de l'industrie. Nous allons également être de la plus grande vigilance pour que les phrases, les mots et les intentions contenus au plan stratégique conservent tous et chacun leur sens et qu'il n'y ait aucun travestissement d'intention.

Nous avons tous été ébranlés par la tempête de verglas. Des mesures d'urgence s'imposaient, et nous y souscrivons. Il ne faudrait cependant pas qu'une fois cette épreuve passée nous continuions à cultiver ce culte de l'urgence pour justifier un mode de gestion de la chose publique fondé sur l'adoption de décrets.

Il nous apparaît qu'une grande suspicion pourrait s'installer parmi ceux et celles qui se sont associés, au fil des consultations tenues ces dernières années, au processus de mise en place de politiques d'efficacité énergétique, de planification intégrée des ressources, de développement durable et d'intervention en amont dans les processus de prise de décision en énergie et en environnement. Il ne faudrait pas décevoir, sous le couvert de l'urgence, tant de bonne volonté et de louables intentions qui contribuent à bonifier tant l'acceptabilité sociale des projets que leur contenu même. Nous croyons qu'il en va de la crédibilité du processus de consultation et de décision qui pourrait être difficilement rétabli si le cap se maintient. Nous vous pressons de revenir rapidement à une gestion plus ouverte du dossier de l'énergie et de l'environnement, au risque d'un bris de confiance.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Massé. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion pour amorcer les échanges.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai trouvé votre mémoire intéressant parce que je trouve là-dedans des arguments contre le plan stratégique tout en disant que vous n'avez pas véritablement de problème avec le plan stratégique.

Je commencerais peut-être avec la question suivante: Si vous aviez, demain matin, à investir 13 000 000 000 $ du Fonds de solidarité sur la foi du plan stratégique que vous avez devant vous, sur ces 50 pages qui sont là, prendriez-vous ce risque-là?

M. Massé (Henri): Bien, 13 000 000 000 $, on ne serait pas capables, on en a juste 2 000 000 000 $.

Une voix: On aurait un problème.

M. Sirros: Mais disons une partie substantielle.

M. Massé (Henri): Je pense que, oui, on serait prêts à prendre le risque sur une partie substantielle. Oui, on serait prêts.

M. Sirros: Même si vous dites que vous n'avez pas ici... Parce que, c'est ça que je trouve intéressant, vous dites que vous n'avez pas d'étude de marché, vous dites que vous n'avez pas les chiffres qui permettent véritablement de savoir quelles seront les ventes, quels seront les compétiteurs, quelle est la perspective d'avenir, quel va être le coût de financement de tous ces projets-là. J'ai de la difficulté à comprendre comment vous pouvez dire que vous prendriez ce risque-là allégrement, comme ça. Par contre, vous dites un certain nombre de choses qui peuvent permettre la création d'emplois – parce que ça semble être votre priorité – sans changer l'orientation fondamentale d'Hydro-Québec d'une société d'utilité publique à une business pure et simple. Alors, j'aimerais comprendre mieux, là.

M. Massé (Henri): Bien, dans vos recommandations, il était très clair qu'Hydro-Québec devait démontrer avant chacun de ces projets-là qu'il y a des avantages coûts-bénéfices. Et ça, je pense que oui, effectivement. Hydro-Québec nous dit qu'elle est en mesure de rentabiliser ces projets-là; elle devra le démontrer. Mais en même temps, moi, je pense qu'il y a un discours à l'heure actuelle sur toute la question du marché à l'exportation. Est-ce qu'on a besoin de plus d'énergie? Nous, on voudrait vous dire clairement, d'entrée de jeu, que nous croyons qu'il y a place à augmenter notre puissance hydroélectrique.

Si on regarde, par exemple, toute la question de Churchill Falls où il y a 3 500 MW, virtuels jusqu'à un certain point, des projets d'échangeabilité avec les entreprises privées... les projets d'industrialisation aussi au Québec, il y a certains de ces projets-là qui, je pense, vont attendre à l'heure actuelle parce qu'on n'a peut-être pas assez de puissance. On a un taux de chômage au Québec de 11 %, taux de chômage réel autour de 20 %, et je pense que, si on pense s'y échapper sans industrialiser davantage le Québec... On regarde tout ce qui se passe en Amérique du Nord au niveau de l'énergie propre, même tout ce qui se passe dans le reste du Canada au niveau de l'énergie propre. On voit les problèmes que nos voisins ont avec le nucléaire, les problèmes qu'il y a avec le mazout qui s'en vient. Moi, je pense qu'on ne peut pas attendre à l'an 2005 pour prendre ces décisions-là. C'est ce qu'on pense à la FTQ. Il sera trop tard. Un barrage, ça prend une dizaine d'années à le construire. Et on est convaincus qu'il y a de ces projets-là qui peuvent aller de l'avant avec certaines précisions d'Hydro-Québec. On est rendus. On nous disait, par exemple, qu'Eastmain 2 ou Grande-Baleine n'étaient peut-être pas nécessairement rentables, il y a quelques années. Aujourd'hui, on nous dit que, oui, ils seraient rentables. Bien, qu'Hydro-Québec nous le démontre et qu'on aille de l'avant s'ils sont rentables.

(16 h 30)

M. Sirros: Je vais peut-être m'y prendre autrement. Vous dites finalement: Oui, on est d'accord. Je pense que tout le monde peut dire qu'il y a beaucoup de rivières qui n'ont pas encore de barrage et qu'on pourrait effectivement augmenter notre capacité de production électrique. La question, c'est de savoir: On va le faire pourquoi? Si c'est pour rencontrer des besoins en termes d'énergie, que nous avons ici, ça, c'est une chose. Si c'est pour exporter cette électricité-là pour faire des sous sur le marché des États-Unis, ça, c'est autre chose. Il faudrait, dans ce cas-là, qu'on ait une indication qu'il y a véritablement un marché réel, qu'on ait une analyse des risques et des bénéfices. Je ne pense pas qu'on l'a dans le plan stratégique à l'heure actuelle.

Permettez-moi de revenir sur un autre aspect qui a été beaucoup soulevé ici. Seriez-vous d'accord avec une vision comme celle-ci: on commence d'abord avec des actions qui vont faire beaucoup de programmes d'efficacité énergétique, ça va créer de l'emploi, ça va permettre à beaucoup de travailleurs de travailler, ça va générer possiblement des surplus qu'on pourra exporter, parce qu'on n'aura pas besoin... parce qu'on aura déjà tous les équipements qui produisent de l'électricité. Donc, maintenant, on va se trouver à avoir un peu plus sur les mains, on pourra effectivement les vendre pour faire des sous. On pourrait procéder entre-temps à – ce que vous souhaitez, et nous aussi – la classification des rivières, qui traîne depuis bon nombre d'années, pour qu'on ait une bonne idée, comme société, où on classifie nos rivières, quelles sont les rivières pour lesquelles on peut dire: Ne touchez pas à ça parce que ça a une valeur patrimoniale ou d'activité économique autre que juste la génération d'électricité et qu'on pourrait savoir par la suite lesquelles sont véritablement disponibles en termes de ressources hydrauliques pour rencontrer soit nos besoins à nous, soit les besoins d'exportation, dépendant de l'orientation qu'on aurait prise. Est-ce que c'est une vision qui vous semble farfelue ou logique? Comment vous le qualifieriez?

M. Godbout (Clément): Il y a plusieurs affaires dans votre chose. D'abord, la classification des rivières que vous dites, par là, une couple de fois, on le dit dans notre mémoire à la page 3. Ça fait deux ans que le gouvernement s'est engagé à le faire, puis on l'attend, on souhaite que ce soit fait.

Dans les programmes d'économie d'énergie dont vous parlez, quand on a regardé chez nous, du mieux qu'on a pu, on a pu comprendre que dans les pays où ça a le mieux réussi, ça a réussi à peu près à 35 % de ce qui avait été l'objectif, avec des sommes passablement importantes d'investissement. Alors, si la place où on peut mieux le réussir, c'est dans l'isolement – comment est-ce qu'on dit ça, donc? – ...

M. Sirros: L'isolation.

M. Godbout (Clément): ...l'isolation thermique, Québec ne paiera pas Clément Godbout 3 880 $ pour faire une meilleure job avec sa maison chez eux; il va avoir une petite subvention. Alors, ça réussit à peu près à 35 %.

On a fait les analyses et on s'est rendu compte vraiment que l'économie d'énergie, à moins qu'on dépense de l'argent de façon massive, les citoyens et les citoyennes n'ont pas les moyens de se donner cette possibilité-là à cause du coût que ça veut dire. Imaginez-vous s'ils ne travaillent pas, par-dessus ça. Alors, à un moment donné, un Québec propre, propre, propre, un Québec bien éclairé puis un Québec net, net, net puis un Québec avec du monde qui crève de faim, il y a quelque chose qui ne marche pas.

Alors, ce qu'on dit, nous autres, c'est que, finalement, peut-être qu'il faut revirer ça un petit peu de bord puis dire: Ça fait assez longtemps qu'on en discute, ça fait des années qu'on a regardé tout le dossier, «c'est-u» possible de dire: Oui, il y a des études qui ont été faites, on est capable de démontrer un certain nombre de choses, il est temps qu'on parte certains projets.

À côté de ça, on est d'accord avec vous. On ne veut pas se lancer dans des projets tous azimuts qui ne tiendront pas compte de l'environnement, qui ne tiendront pas compte des problèmes des autochtones, qui ne tiendront pas compte de tous les problèmes sociaux que nous connaissons. Mais, à un moment donné, il faut prendre des décisions. On ne peut pas tergiverser comme ça pendant des années et des années.

M. Sirros: Est-ce qu'une première décision, selon vous, ne pourrait pas être d'abord de procéder à la classification des rivières, faire ce qu'on peut faire en termes d'efficacité énergétique?

M. Godbout (Clément): Mais, Eastmain, c'est fait.

M. Sirros: Je ne vous parle pas d'Eastmain parce que ça a été conçu en fonction des besoins du Québec, de toute façon. Alors, moi, je n'ai pas de problème avec ça.

M. Godbout (Clément): Bon, bien, c'est fait, ça, là. Ça fait rien que quelques années qu'on demande qu'il parte.

M. Sirros: Alors, je sais que le temps étant très limité puis j'ai mon collègue qui veut intervenir aussi. Alors, je lui passe la parole.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, merci, M. le Président. M. Godbout, M. Massé et M. Lavallée. Deux choses à vous parler. Vous n'avez pas abordé le volet suivant. Je vais vous donner un exemple. Aux États-Unis, il existe, dans l'État de New York en particulier, un programme qui s'appelle Power For Job. D'ailleurs, c'est un programme qui consiste à mettre à la disposition de certaines industries de l'électricité à bon marché afin de développer les emplois. Et, selon les premiers résultats, en dedans d'un an, il s'est créé, dans certaines régions de l'État de New York, au-delà de 4 000 emplois. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y aurait intérêt pour le Québec, alors qu'un programme comme celui-là n'existe plus, à refaire...

Vous, vous parlez d'emplois, vous dites: On va en créer, de l'emploi. Puis, moi, je suis d'accord avec vous là-dessus. J'aime ça avoir du monde dans mon comté qui travaille, de voir les Québécois et les Québécoises qui reçoivent des chèques de paie au lieu des chèques d'aide sociale ou des chèques de chômage; c'est bien plus intéressant pour tout le monde. Je ne vois pas dans votre mémoire ce genre de recommandation. Vous touchez un autre secteur que j'aime bien – j'y reviendrai après – mais, pour celui-là, comment se fait-il qu'une centrale comme la vôtre, qui a des employés syndiqués dans à peu près toutes les industries ou activités économiques de la province, n'ait pas trouvé nécessaire de nous amener cette dimension-là dans votre rapport?

M. Godbout (Clément): On ne l'a pas amenée dans ce mémoire-là, mais on l'avait amenée plusieurs fois avant, cette possibilité, lors du sommet et d'autres. Henri.

M. Massé (Henri): Maintenant, c'est un sujet qui est délicat. Il y a eu toutes les ententes secrètes. On se souviendra de tout le tapage que ça a fait sur la place publique, mais, en même temps, il faut rappeler d'entrée de jeu... Bon, il y a des programmes comme ça dans plusieurs États américains, mais, je veux dire, c'est à 0,07 $ ou 0,08 $ du kilowatt. Bon. Le prix de l'énergie est déjà relativement bas au Québec quand on regarde ça.

Nous, on pense que, oui, effectivement, il faut regarder certaines de ces politiques-là. Il faudrait probablement les regarder sur une base sectorielle, mais il faut être très vigilants. Il ne faudrait pas embarquer dans une espèce de spirale où les entreprises, pour venir investir au Québec ou celles qui y sont déjà, se lancent en disant: Bon, là, on fera tel projet si on est capable d'avoir l'électricité à 0,02 $ du kilowatt ou 0,015 du kilowatt. Parce que ça peut même avoir un effet pervers dans certains cas où ils vont attendre des mois puis des mois, puis négocier pendant des mois au lieu de partir leur projet. Moi, je pense qu'il faut que ce soit clair comme politique: c'est quoi, les taux de l'électricité? Maintenant, on est ouvert. S'il y avait une transparence là-dedans, oui, il peut y avoir des politiques sectorielles un peu différentes pour attirer certains secteurs d'activité complets qui ne seraient pas présents ou très peu présents au Québec, pourvu que ça crée de l'emploi.

Une voix: Pourvu que ça crée de l'emploi.

M. Gobé: C'est parce que... Juste sur celle-là, mais j'ai une autre question après. C'est parce que vous ne craignez pas qu'il se pourrait que notre courant électrique qui va être envoyé aux États-Unis au prix de la compétition, vu que là-bas ça va être déréglementé, soit récupéré, que ça fasse une pression sur la baisse des prix aux États-Unis et qu'on se serve du courant électrique québécois payé moins cher par les entreprises américaines que les entreprises québécoises risqueraient de payer? Vous ne pensez pas que ça peut arriver, ça?

M. Massé (Henri): Bien, quand on parle de...

M. Gobé: Ça veut dire exporter nos jobs, ça.

M. Massé (Henri): Quand on parle des critères de départ, de regarder toutes ces questions-là sérieusement au départ, c'est un des éléments qu'il faut regarder. Il est évident qu'il ne faudrait pas aller vendre de l'électricité à rabais aux États-Unis, ce qui créerait des emplois là-bas, qui ferait en sorte qu'on en perde ici.

Nous, ce qui nous préoccupe le plus, on va vous le dire tout de suite. Moi, je pense que, sur le marché, en général, Hydro-Québec est capable très bien, très bien, mais très bien de s'en tirer. Là, c'est des réservoirs qu'on a. Quand on n'a pas le bon prix pour notre hydroélectricité, on peut les laisser monter nos barrages. Vous avez juste à aller à la pêche, à Manic, et vous allez voir qu'il y a de la place. Les chalets sont rendus à 1 km, à 1,5 km du bord du réservoir. Il y a de la place pour engranger. Mais si le gouvernement du Québec, pour différentes fins, la dette publique ou autrement, décidait qu'il faut aller chercher 2 000 000 000 $ par année de dividendes à Hydro-Québec, là, on force au maximum. Je dis ça et je sais que ce n'est pas des hypothèses, mais s'il advenait une mauvaise décision politique de ce genre-là, brader nos prix de l'électricité pour... là, on serait mal pris. Mais je pense qu'Hydro a des moyens, beaucoup d'élasticité. On est capable de gérer ça de façon efficace et intelligente.

M. Gobé: À condition qu'un gouvernement ne fasse pas de pression à Hydro pour obtenir des revenus supplémentaires rapidement pour éponger un déficit. Ça sacrifie à court terme l'approvisionnement à long terme du Québec.

Une voix: C'est ça.

M. Gobé: Mais je ne veux pas entrer... Je comprends votre «body language», je vous dis ça. Ça suffit comme réponse. Mais j'ai une autre partie de votre mémoire qui me...

M. Godbout (Clément): Quand on parle de brader, on brade partout. On surveille le même bradage.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Cent quarante-deux fois.

(16 h 40)

M. Gobé: Voyez-vous, j'ai une partie de votre mémoire qui m'a intéressé beaucoup. Vous n'êtes pas sans savoir que la circonscription que je représente depuis 13 ans, Rivière-des-Prairies, est située sur le passage de la fameuse ligne Duvernay-Anjou, ligne qui avait été étudiée par le BAPE qui avait fait la recommandation suivante, c'est-à-dire qu'Hydro ne justifiait pas l'utilité de la ligne en termes de capacité et, même, avait dû réviser ses prévisions à la baisse, des prévisions qu'elle avait amenées pour la faire. Et le BAPE disait que si Hydro arrivait à prouver malgré tout, après des études, bien sûr, qu'il en avait besoin, étant donné l'impact difficile qu'il y aurait sur les populations et sur l'environnement, en particulier, il faudrait voir à l'enfouir.

Alors, on a vu que le gouvernement, profitant du verglas, a déclaré qu'il fallait la décréter tout de suite en passant outre ces recommandations, en disant que Montréal serait restée allumée avec cette ligne-là. Les gens diraient qu'ils sont intervenus trois jours plus tard en mettant le plan d'alimentation de Montréal et en le démontrant – le président du syndicat de l'IREQ, M. Pelletier – que, bien sûr, cette ligne-là n'était pas connectée à Montréal et n'aurait pas éclairé Montréal. Ça a fait un débat. On se rend compte que, là, Hydro se sert d'une situation difficile où les gens sont un peu fragilisés pour passer son projet, qu'elle n'aurait pas réussi à passer chez les citoyens, en temps normal, de cette façon-là. Bon, ça, c'est un peu pour l'histoire, au cas où les gens ne l'auraient pas vu.

Là, je vois, par contre, vous, dans votre mémoire, vous parlez bien sûr... «On parle beaucoup, ces derniers temps, de l'enfouissement des fils afin de nous prémunir contre une autre crise, atmosphérique ou accidentelle.» C'est un très bon point, c'est les points que les gens de Rivière-des-Prairies font valoir, au cas où Hydro prouverait maintenant que cette ligne est nécessaire puis qu'elle la connecterait au centre-ville. Puis vous marquez: «Plusieurs zones critiques: milieux patrimoniaux ou services municipaux pourraient bénéficier de programmes hautement créateurs d'emplois et améliorer ainsi notre qualité de vie. Qu'attendons-nous?» Je crois que vous résumez là en gros la problématique des gens de Rivière-des-Prairies.

Et, en plus, quand vous parlez de jobs, est-ce que vous croyez que – l'argument qu'on invoque, de 100 000 000 $ supplémentaires que ça pourrait coûter – c'est simplement une dépense ou ça pourrait être un investissement, une création d'emplois? J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Puis est-ce qu'on ne devrait pas regarder ça, encore, à la lumière de tout ce que vous dites et aussi de la création d'emplois?

M. Massé (Henri): C'est certainement un investissement, d'abord, dans la beauté d'une ville. Quand on voit tous ces fils électriques, là, qui passent, parfois une grosse ligne juste en avant de la maison, puis une autre juste en arrière... L'investissement, aussi, je pense que, quand on le regarde de façon générale... On riait, on se parlait, ce midi. Notre bureau, auparavant, était situé sur la rue Papineau, juste au coin d'Ontario. Je pense que ça arrivait six fois par année, c'est le gaz qui ouvrait la rue, ensuite c'était l'électricité, ensuite c'était... Il n'y avait pas de système d'enfouissement puis coordonné de... En tout cas, c'était toujours jammé dans ce coin-là, puis je pense qu'il y a ça dans plusieurs coins de Montréal.

L'autre élément, qui est très important... Il y a une douzaine d'années... On avait dénoncé ça assez sévèrement à ce moment-là, mais ça n'avait pas été repris sur la place publique, il n'y avait pas eu de verglas. On parlait, nous autres, surtout en termes de beauté d'une ville. Il y avait la Commission hydroélectrique, à Montréal, qui a le mandat de travailler avec Hydro-Québec, le gouvernement du Québec, le gaz, et c'était d'aller avec des programmes d'enfouissement. Si ces programmes-là avaient continué, aujourd'hui on aurait au moins 50 % des fils d'enfouis dans la ville de Montréal. On est à peu près au tiers, là. Donc, c'est clair qu'on ne peut pas faire ça demain matin juste d'un coup. Mais je pense que c'est le temps de remettre ces programmes-là en marche, le regarder sur plusieurs années. Et, effectivement, c'est créateur d'emplois, puis, encore une fois, je pense que ça améliore la qualité de vie dans une ville.

M. Godbout (Clément): Ça a des retombées économiques importantes en termes de pièces...

M. Gobé: Dans ce projet-là, on parle de 2 000 emplois pour deux années; donc, c'est important.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de LaFontaine, malheureusement, c'est tout le temps que nous avons à votre disposition. Je demande maintenant à Mme la députée de La Prairie d'intervenir.

Mme Simard: Bonjour. Avant d'aller sur des questions de fond sur le plan stratégique, je vais vous poser une question. Hier, il y a eu une déclaration qui a été faite, ici, par le Syndicat des ingénieurs d'Hydro-Québec, que vous avez peut-être lue dans les journaux ce matin ou entendue dans les médias, une déclaration qui était un peu alarmante, disant que la réduction des dépenses dans l'entretien et dans les immobilisations a peut-être rendu le réseau plus fragile, notamment lors de la tempête de verglas, et qu'il y aurait directement des bris qui ont été causés suite aux compressions budgétaires, et que, entre autres, il y a des problèmes de sécurité.

Il y a le syndicat des techniciens, enfin tous les autres sont représentés ici aujourd'hui. Je voudrais avoir votre opinion sur cette affirmation-là, parce qu'un autre groupe qui se présentait hier après-midi est venu nous dire: Non, au contraire, le réseau est plus fort cette année qu'il ne l'était il y a cinq ans ou il y a 10 ans. Je pense que c'est le Club d'électricité du Québec inc. qui est venu dire exactement le contraire: S'il y avait eu cette tempête il y a cinq ans ou il y a 10 ans, ça aurait été encore pire.

Alors, j'aimerais vous entendre sur cet aspect-là, parce que, évidemment, en ce moment, ça nous préoccupe tous. Certains d'entre vous ont été très sinistrés personnellement. Vous connaissez l'ampleur de la situation et les gens sont inquiets. Moi, je représente une circonscription qui a été touchée très fortement par la tempête de verglas et je sais que les gens sont inquiets, pas que les résidents, pas que les citoyens, mais aussi les gens qui ont des entreprises et qui ont manqué d'électricité, jusqu'à un mois dans certains cas.

M. Massé (Henri): Je pense que ça n'a rien, mais rien, mais rien à voir. Quand on regarde la dimension de la tempête de verglas, même si les lignes avaient été parfaitement entretenues, on aurait probablement frisé la même catastrophe, peut-être avec quelques nuances près. Maintenant, je vais vous rappeler. Nous, au début – puis on n'avait pas demandé l'immunité parlementaire, là, on n'avait pas besoin de ça – dans les années quatre-vingt, au début des années quatre-vingt, Hydro-Québec avait mis fin à ses programmes d'entretien préventif. On a dénoncé ça sur la place publique, on s'est promené au niveau des gouvernements puis on n'a jamais eu de réponse à ça. C'est resté de même. Souvenez-vous qu'en 1985-1986, il y a eu quelques pannes majeures. Oups! on a réussi à remettre le dossier sur la place publique. On a réinstauré des programmes de prévention. Les ingénieurs d'Hydro-Québec, à ce moment-là, avaient pensé qu'en mettant des gadgets électroniques sur les lignes, ça remplacerait les salariés, les monteurs puis tout ce monde-là, les employés de bureau, les techniciens qui, généralement, font l'entretien préventif, que ça réglerait toute la question. Sauf qu'ils ne savaient pas que ces maudits gadgets-là, ils gelaient en hiver.

Mais je voudrais juste vous dire en terminant que, à l'heure actuelle, quand on passe de 29 000 salariés, à Hydro-Québec, à 20 000 – et c'est des commandes gouvernementales – les programmes de prévention, là, il y en a qui sont sur 10 ans; on visitait certains pylônes aux 10 ans. Là, on me dit que ça va être rendu aux 20 ans. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui c'est quoi la conséquence, mais si on ne regarde pas ça, peut-être que dans 10 ans on se dira que, là, il y a des conséquences. Il y a des programmes de prévention à l'heure actuelle – l'entretien préventif – qui commencent encore à être mis de côté un peu. Il faut regarder ces questions-là.

Mme Simard: Dans votre mémoire, je pense que, s'il y a une idée principale, c'est évidemment votre préoccupation par rapport à la création d'emplois puis d'emplois de qualité, je pense que c'est ce qui assoit beaucoup la position que vous développez. Je pense qu'on ne peut pas évidemment être contre ça. Et vous manifestez une certaine impatience par rapport à l'entreprise de beaucoup de travaux ou à peu près tous. Vous dites: On a accusé un certain retard, c'est urgent, il faut y aller, les choses sont déjà préparées, les plans sont déjà prêts, on n'a plus de temps à perdre. Et je dirais, à la limite, que vous y allez sans discrimination dans tous les secteurs: les grands, les plus petits, les projets d'efficacité énergétique, l'enfouissement, dans certains cas, bon, bref, tout en même temps. Parce que d'autres sont venus questionner ça – et je pense que le député de Laurier-Dorion vous questionnait un peu à cet effet-là – beaucoup sont venus dire ici: On n'est pas certains que les prévisions d'Hydro-Québec quant à la demande d'électricité dans les quatre ou cinq prochaines années est réelle. C'est vrai que, par le passé, il y a eu parfois une surévaluation. Donc, si on démarre tous les projets comme vous voulez – parce que vous dites, entre autres qu'ils seront créateurs d'emplois – on risque d'avoir un déséquilibre si la demande qu'on prétend avoir d'ici quelques années n'est pas là et qu'on a développé tous ces projets-là, il va y avoir un déséquilibre peut-être assez grand, en tout cas, ce qu'on a investi puis ce qu'on est capable de vendre.

M. Godbout (Clément): On a mis ça clairement. Comme vous dites, la création d'emplois devient l'obsession, parce qu'on est un peu...

Mme Simard: Ce n'est pas un reproche.

M. Godbout (Clément): ...comme tout le monde doit l'être dans cette salle, tannés de voir crever le monde, mais on ne part tous ces projets-là demain matin, le 12. Ça part selon les études. Il y en a qui peuvent partir immédiatement, comme Eastmain. Les autres vont venir à mesure que les études seront faites. Vous savez, Grande-Baleine, 400 000 000 d'études plus tard, on ne le sait pas encore. Les firmes d'ingénieurs-conseils ont eu du fun. À part de ça, nous autres, on attend.

Alors, ça serait peut-être le temps qu'il y ait des décisions qui se prennent pour partir des choses, puis après ça on verra.

M. Massé (Henri): Il faut dire que, bon an, mal an, là, si on regarde dans les 15, 20 dernières années, Hydro-Québec investissait 4 000 000 000 $ dans l'économie du Québec; dans les dernières années, à peine 1 000 000 000 $. Trois milliards de moins d'investissements d'Hydro-Québec dans des secteurs de pointe, puis tout ça, là, ça, c'est une bonne partie du taux de chômage au Québec. Mais là on dirait qu'on est pris un peu avec le syndrome du castor. Moi, je voudrais juste rappeler qu'il y a juste 9 % des rivières qui sont harnachées au Québec, ce qui représente à peu près le potentiel de 30 % de ce qui est aménageable; elles ne sont pas toutes aménageables. Il y a 80 % de ces rivières-là qui étaient harnachées avant qu'Hydro-Québec arrive. Là, on parle d'il y a une trentaine d'années; 80 % étaient déjà harnachées. Ça fait que, tu sais, il se dégage une image. C'est ça qui nous fatigue un peu dans le public: on est en train de laisser voir à un moment donné qu'on veut harnacher toutes les rivières du Québec. Ça n'a pas de bon sens, c'est une fuite en avant. On se fout de l'environnement. S'il y a quelqu'un qui est préoccupé de l'environnement, c'est bien nous autres à la FTQ. Je vous dirais que dans tous nos milieux de travail, au quotidien, on a des cours SIMDUT, produits dangereux, les fibres d'amiante. On passe notre temps à travailler là-dedans, ça fait qu'on ne voudrait pas d'un développement qui ne soit pas conforme, qui ne soit pas durable puis qui soit nuisible à l'environnement. Mais on pense que la demande est là, puis c'est réaliste. Mais, des fois, parce qu'il y a toutes sortes de bonnes idées, en disant que la demande n'est pas là, je pense que des fois on cache d'autres réalités qu'on veut défendre.

(16 h 50)

Mme Simard: Vous savez – parce que vous avez certainement eu connaissance – qu'il y en a beaucoup qui prétendent – d'ailleurs, certains viendront le dire devant la commission – que l'argent qui est investi dans l'efficacité énergétique produit plus d'emplois et de façon plus durable que le même argent investi dans de grands projets. J'aimerais vous entendre sur cette question-là.

M. Massé (Henri): Moi, je pense que, dans le développement de l'efficacité énergétique, on est rendu à la marge; il y a eu beaucoup de fait, on est rendu à la marge. Oui, il y a encore quelque chose à faire – on le dit dans notre mémoire – mais on est rendu à la marge. Et ce n'est surtout pas en faisant construire nos pommes de douche en Ontario qu'on développe de l'emploi au Québec.

Mme Simard: Bon, enfin, peut-être... Vous dites: Il y a des choses qui sont prêtes; on pourrait les démarrer tout de suite. Par contre, dans votre mémoire, vous revenez sur la question de la nécessité d'un débat public. Vous parlez de la confusion qui, peut-être, existe en ce qui concerne qui est le bon interlocuteur pour planifier, décider, discuter, et vous dites: Il faut un débat public. Ce sont des choses importantes, je pense que vous avez raison. Alors, il faut y aller, mais en même temps, un débat public.

Alors, est-ce que vous avez réfléchi au lieu que vous privilégiez comme débat public, les délais d'un tel débat public? Est-ce que ce sont des choses... Et vous parlez aussi de vos craintes que le processus soit beaucoup trop judiciarisé, et...

M. Godbout (Clément): Quand vous regardez à la page 6 de notre mémoire...

Mme Simard: Oui, oui.

M. Godbout (Clément): ...ça ressemble aux 600 articles de la CSST.

Mme Simard: Oui. Alors, est-ce que vous avez des suggestions très précises quant aux méthodes ou aux modifications qu'il faudrait apporter pour éviter ça?

M. Godbout (Clément): Déjudiciariser; c'est très simple, c'est ça. Vous le lisez, et ça n'a pas de sens. Si vous ne voulez pas que ça marche, une cabane, placez dedans 50 avocats et 30 docteurs, ça arrête. C'est ça qu'on est en train de faire, là, c'est judiciariser à mort. Il y a le Bureau des audiences publiques, il y a une commission. Mais quand on regarde la Régie de l'énergie, par exemple, c'est presque un tribunal, c'est quasiment la Cour suprême. Et là quand on regarde la définition de ça, tout ça étant ensemble, qui va faire quoi? En tout cas... C'est tellement judiciarisé: les mots, les termes, les phrases, les textes sont écrits comme si on se présentait à la Cour suprême. Alors, si vous voulez avoir des mécanismes qui sont capables de réagir rapidement, qui sont capables de rendre des décisions et qui ont de la crédibilité, il va falloir que le monde le comprenne et il va falloir qu'il soit capable de décider.

Alors, dans tous les domaines, actuellement, de notre économie au Québec, un peu partout dans le social et ailleurs, on se dit: On va essayer de se donner un guichet, on va se donner une place pour intervenir, on va trouver une discipline entre nous. Dans la page 6 de notre mémoire – on aurait pu en mettre plus long que ça – vous retrouvez là vraiment une des inquiétudes de fond. Et notre expérience, quand on n'a pas été capable d'appliquer des règlements, ou des ententes, ou des lois, c'est souvent à cause des mécanismes d'application qui n'avaient de bon sens. Alors, là, ça s'entrechauffe d'une façon telle que...

Mme Simard: Je comprends. Vous nous alertez à cette situation-là, je comprends bien. J'ai posé la question sur les délais, parce que vous dites: Il faut un débat public – vous n'êtes pas les seuls à le dire – par contre, il faut aller de l'avant. Donc, est-ce qu'on doit conclure que vous voulez que ce débat public se fasse le plus rapidement possible? Parce que, si on soumet à un débat public un certain nombre de décisions, on ne peut pas du même coup commencer les projets qui dépendent des résultats ou des conclusions de ce débat public. Je pense que vous me suivez, là. Donc, est-ce qu'on doit comprendre que l'impatience que vous manifestez pour démarrer les travaux, c'est aussi l'impatience que ce débat public se tienne dans les plus brefs délais?

Une voix: ...

M. Lavallée (Jean): En fait, c'est qu'on demande un débat public sur la libéralisation. On n'est pas pour se retaper encore une fois une table ronde de consultation sur l'énergie; on n'est pas pour se retaper encore une fois une étude d'une politique énergétique du gouvernement du Québec; on n'est pas pour recommencer à toutes les fois ce qu'on a fait depuis cinq ou six ans. Que ce soit en planification énergétique, que ce soit en efficacité énergétique, que ce soit en planification technique des ressources, on a déjà tout fait ça. Le bout qui manque – et on ne l'a malheureusement pas vu quand on a étudié le projet de loi n° 50 – c'est la partie dans le projet de loi n° 50 qui ouvrait le marché de gros, O.K. Nous, on pensait que tout ça, c'était pour faire l'objet d'un débat et que le débat précédait tout; la poule arrivait avant l'oeuf, à un moment donné.

Mais là on s'est rendu compte, en lisant un article six mois après, qu'on venait d'ouvrir ça à la grandeur, que le débat était enclenché et puis qu'on n'était plus capable d'avoir la maîtrise de la suite des événements. Mais comme on sait que l'ouverture du marché de gros, ce n'est pas quelque chose de fatal en soi, il y a moyen de tirer la plogue là-dessus; tu as juste à ne pas en vendre. Tandis que le fait de démanteler en réciprocité pour aller chercher le détail, ça, ça a des conséquences sur le pacte social de l'électricité. C'est à ce chapitre-là qu'on exige qu'il y ait un débat public sur la libéralisation, pas pour reprendre les débats qu'on a déjà réglés.

Le Président (M. Sirros): Il reste à peine une minute, Mme la députée.

Mme Simard: Je remercie les gens de la FTQ, leur syndicat affilié, ici. Je pense que la question que vous avez abordée sur les mécanismes qui sont peut-être trop complexes et qui échappent, je dirais, aux gens ou aux groupes qui ont peu de moyens est une remarque fort pertinente.

M. Massé (Henri): On ne veut pas perdre notre commission parlementaire.

Mme Simard: Bien, ça! On vous remercie – j'avais oublié – merci au nom de tous mes collègues d'avoir souligné l'importance de la commission.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup pour votre présentation. J'invite le prochain groupe à venir à la table présenter son mémoire. Il s'agit de Option consommateurs.

Ça peut vous paraître un peu infernal, parce qu'on est, depuis 14 heures, constamment à changer rapidement d'intervenants. Mais je demanderais à tous ceux qui sont en arrière de la salle de continuer leurs discussions à l'extérieur, s'il vous plaît, pour qu'on puisse procéder à la prochaine présentation. Merci.

Alors, Option consommateurs, il s'agira de vous faire connaître par la commission, présenter ceux qui vous accompagnent. Comme avec les autres groupes, nous disposons, pour l'essentiel, de 45 minutes dans son ensemble.


Option consommateurs

Mme Rozon (Louise): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je me présente, Louise Rozon, directrice d'Option consommateurs. À ma droite, M. Sidney Ribaux, qui est coordonnateur de projets à notre association et responsable de notre dossier énergie à Option consommateurs.

Alors, notre association est une association de consommateurs qui portait anciennement le nom de ACEF-Centre de Montréal. On est une association, donc, vouée à la défense des intérêts des consommateurs et, plus particulièrement, les consommateurs à moyens et faibles revenus. Nous publions un magazine, qui est le magazine Consommation , qui est maintenant tiré à 100 000 exemplaires et nous rejoignons environ 10 000 consommateurs par année. Notre organisme s'intéresse aux questions énergétiques depuis plusieurs années déjà. Nous avons participé au débat public sur l'énergie, en 1995. Et notre organisme, en collaboration avec la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec, coordonne une large coalition d'associations de consommateurs sur les questions touchant l'énergie dans le cadre des futurs débats qui auront lieu devant la Régie de l'énergie.

Lorsque nous avons préparé notre mémoire sur le plan stratégique, il n'était pas encore approuvé. Mais depuis, comme nous le savons tous, le gouvernement a approuvé les grandes orientations qui sont incluses dans le plan stratégique dans le cadre d'un décret. Nous sommes d'avis que, bon, cette approbation est effectivement légale, mais nous jugeons que ce que ça laisse comme impression, c'est que le gouvernement n'a pas jugé pertinent de consulter les organismes avant d'approuver les grandes orientations qui sont incluses dans le plan stratégique. Pourtant, on juge que c'est important de consulter la population. À titre d'exemple, en 1994, nous avions participé à ce genre de consultation sur le plan stratégique d'Hydro-Québec, et une des suites qu'il y avait eues à cette consultation-là, c'est la mise en place d'un programme en efficacité énergétique qui était ciblé auprès des personnes à faibles revenus, programme qui a été approuvé par le gouvernement.

(17 heures)

Alors, c'est sûr que le décret laisse la place à des ajustements, mais on se demande jusque dans quelle mesure ces ajustements seront possibles, compte tenu qu'il y a lieu – et c'est indiqué dans le décret – d'entreprendre dès maintenant les actions qui sont énoncées dans le plan stratégique. Alors, néanmoins, nous avons jugé pertinent de venir vous rencontrer et vous faire part de nos commentaires. Nous allons aborder trois points principaux.

Premièrement, nous allons vous parler des prévisions, que l'on juge très optimistes, présentées dans le plan stratégique d'Hydro-Québec et des risques que cela pourra engendrer pour les consommateurs. Nous sommes d'avis que les questions qui sont posées dans le plan stratégique devraient faire l'objet d'un débat devant la Régie de l'énergie.

Le deuxième point que nous allons aborder, c'est justement la question de la Régie de l'énergie et le fait qu'actuellement il y a plusieurs articles qui ne sont pas encore entrés en vigueur, ce qui fait en sorte qu'Hydro-Québec n'est pas assujettie à la surveillance et à la juridiction de la Régie de l'énergie pour plusieurs aspects.

Troisièmement, nous allons aborder la question de l'efficacité énergétique.

Alors, concernant notre premier point, soit les prévisions optimistes et les risques pour les consommateurs, afin d'illustrer nos appréhensions, nous allons prendre quelques exemples précis qu'on retrouve dans le plan stratégique concernant, entre autres, les prévisions de croissance de la demande.

Faut-il le rappeler, dans les années antérieures, les prévisions d'Hydro-Québec ne se sont pas toujours avérées justes. Les prévisions étaient plutôt surévaluées. Par exemple, en 1993, le plan de développement d'Hydro-Québec prévoyait que les besoins québécois seraient, en 1996, de l'ordre de 156 TWh, alors que les besoins réels ont été de 144,5 TWh, ce qui donne une différence équivalente à trois projets Sainte-Marguerite 3. Donc, c'est quand même des différences qui sont extrêmement importantes dans les prévisions qu'Hydro avait faites à l'époque.

Le plan stratégique de 1998-2002 prévoit une augmentation de la demande québécoise de 9,6 %, entre 1997 et 2002, et on prévoit, après l'an 2000, une croissance importante de la demande dans le milieu industriel. Mais qu'en sera-t-il? On a très peu d'information sur les hypothèses qui sous-tendent ces prévisions d'Hydro-Québec. Pourtant, ces informations seraient essentielles pour nous permettre d'analyser de façon intelligente et rigoureuse ces données. On sait que, si les articles de loi concernant Hydro étaient en vigueur, ce genre d'analyse aurait lieu devant la Régie avec toute la rigueur et les données pertinentes pour être en mesure de critiquer, positivement ou négativement, les données qui sont avancées.

Autre exemple: Hydro prévoit une augmentation de 25 % du prix moyen de ses ventes d'exportation. Or, on a pris connaissance d'une étude du Department of Energy des États-Unis qui prévoit plutôt une tendance à la baisse. Alors, qu'en sera-t-il? On ne le sait pas. Chose certaine, si ces prévisions ne se réalisent pas, quelqu'un devra payer la note. On craint que les gens qui devront payer la note, eh bien, ce sont les consommateurs.

Si les turbines ne tournent pas par manque de demande ou si nous vendons notre énergie à un prix 25 % inférieur au prix prévu, eh bien, ce sera évidemment une situation extrêmement difficile pour les consommateurs. On croit que c'est des risques importants et on n'est pas sûrs que ces risques-là doivent être pris à cette étape-ci. M. Caillé a d'ailleurs déclaré, sur les ondes de Radio-Canada, je crois, au courant du mois de janvier, que les exportations d'électricité avaient été jusqu'à présent déficitaires. Alors, il y a lieu de s'inquiéter.

Alors, on croit que c'est effectivement les consommateurs, qui sont une clientèle captive d'Hydro-Québec, qui risquent d'être privés d'une éventuelle baisse de tarif justifiable par la diminution des coûts pour desservir le marché interne ou si on se retrouve dans une situation de surplus qui aurait encore comme effet de retarder la mise en place de programmes d'économie d'énergie.

En se basant sur des prévisions très optimistes, voire irréalistes, Hydro-Québec propose de prendre des risques importants et de les faire supporter par les consommateurs québécois. Le gouvernement devrait, à notre avis, donc, décréter un moratoire sur tout nouvel investissement en équipement de transport ou de production qui n'est pas destiné aux besoins strictement québécois, et ce, jusqu'à ce que la Régie puisse se pencher sur au moins trois questions importantes, soit, la première, la façon de réglementer la production d'Hydro-Québec, ses tarifs et, troisièmement, son plan de ressources.

Concernant la Régie de l'énergie, maintenant. Alors, dans le contexte actuel, l'adoption du plan stratégique a une signification toute particulière parce que, comme je l'ai déjà souligné et au risque de se répéter parce qu'on l'a souligné à maintes reprises à M. Chevrette, la Loi sur la Régie de l'énergie concernant Hydro n'est pas en vigueur et c'est donc toujours le gouvernement qui a le pouvoir de modifier les tarifs d'Hydro-Québec, d'approuver ses investissements pour la construction d'équipements de production, de transport et de distribution. Ainsi, en approuvant le plan stratégique, on doit présumer que le gouvernement est également favorable à son contenu, c'est-à-dire la dérivation de certaines rivières, la construction de centrales thermiques alimentées au gaz naturel, l'investissement de 1 200 000 000 $ en nouvelles lignes de transport, l'augmentation des exportations d'électricité de 12 TWh à 18 TWh par année, la construction de nouveaux équipements de production pour des fins d'exportation – un précédent au Québec – l'investissement à l'étranger de 1 200 000 000 $ qui n'apportera aucun bénéfice à Hydro-Québec au cours des huit prochaines années.

Alors, si les articles de la loi concernant la Régie de l'énergie étaient en vigueur, c'est la Régie qui aurait à autoriser dans les détails et suite à une analyse rigoureuse chacune de ces orientations qui sont contenues dans le plan stratégique. Mais, dans le contexte actuel, c'est au gouvernement que revient cette responsabilité. Nous sommes inquiets que, si ces propositions sont mises en oeuvre, elles auront un effet à la hausse sur la facture d'électricité des consommateurs résidentiels québécois ou encore elles auront comme effet de priver les consommateurs d'une baisse de tarif autrement réalisable. Mais, tant que l'ensemble de la loi n'est pas en vigueur, nous sommes dépourvus d'un forum pour débattre du bien-fondé de ces orientations avec toute la rigueur et l'expertise qui seraient nécessaires.

En autorisant Hydro à investir 815 000 000 $ afin, notamment, de construire de nouvelles lignes de transport, le gouvernement a déjà commencé à mettre en oeuvre des parties importantes du plan stratégique qui prévoit des investissements de l'ordre de 1 200 000 000 $ sur cinq ans. Qui plus est, il a soustrait ces projets aux procédures normales d'évaluation du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. La construction de ces nouvelles lignes a supposé comme objectif d'empêcher qu'un événement semblable se reproduise, et ce, dès l'hiver prochain. Toutefois, lorsqu'on regarde ce qui s'est passé avec la tempête de verglas qui s'est abattue sur le Québec, certains ont indiqué qu'il s'agit là d'une tempête exceptionnelle qui ne devrait se produire qu'une fois tous les 100 ans. Alors, pourquoi est-il urgent de débuter tout de suite des travaux de nouvelles lignes aussi rapidement?

Si, par ailleurs, le gouvernement juge qu'effectivement il y a là un problème réel et que ce genre de tempête risque de se reproduire beaucoup plus souvent qu'on ne le croit, eh bien, il y aurait matière à un large débat qui porterait non seulement sur les actions à prendre à court terme, mais aussi à moyen et long terme. D'une façon ou d'une autre, il nous semble que le gouvernement a adopté ces décrets de façon beaucoup trop hâtive. Si la Loi sur la Régie de l'énergie était en vigueur, l'ensemble de ces projets, encore une fois concernant les nouvelles lignes, auraient dû faire l'objet d'un débat devant cette Régie. Dans ce contexte, elle aurait pu adopter un processus plus rapide puisqu'elle est maître de sa procédure, mais le gouvernement n'aurait pas pu outrepasser la Régie en invoquant une situation d'urgence. Alors, au risque de nous répéter, nous aimerions que cette loi entre en vigueur, et ce, le plus rapidement possible.

Concernant l'efficacité énergétique, maintenant. On aimerait d'abord souligner qu'on réalise actuellement un projet en partenariat avec Hydro-Québec concernant la conception d'un programme en efficacité énergétique qui est ciblé auprès des personnes à faibles revenus. Alors, jusqu'à présent, on participe à un projet-pilote qui va mener éventuellement à ce genre de programme. Depuis un an et demi, on a visité 1 500 ménages dans le quartier Centre-Sud et le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Les ménages ont reçu des conseils en efficacité énergétique et il y a de menus travaux d'isolation qui ont été effectués. Il y a aussi certains immeubles qui ont été référés à d'autres programmes plus importants qui existent à Hydro, soit Isolaction et Écono-confort. Alors, on est à même de juger que ces programmes-là ont des retombées économiques importantes et ont des impacts sociaux et environnementaux aussi importants pour les consommateurs et la société en général.

(17 h 10)

On juge que l'efficacité énergétique est un outil essentiel pour minimiser les coûts de l'énergie pour l'ensemble des consommateurs, autant résidentiels que commerciaux. C'est aussi la filière, comme on l'a souligné tantôt, qui, à notre avis, crée le plus d'emplois, et ce, autant selon les études d'Hydro-Québec que selon les études d'autres entreprises énergétiques.

Enfin, l'efficacité énergétique est le choix que les Québécois ont privilégié comme moyen de répondre aux besoins futurs en électricité, et ce, d'après un sondage qui a été réalisé par le ministère des Ressources naturelles, où 61 % des Québécois ont privilégié cette filière contre 11 % pour l'hydraulique. En plus, l'efficacité énergétique était au coeur des recommandations qui ont émané du débat public sur l'énergie.

Alors, compte tenu de ce consensus social, on demande à Hydro-Québec, en fait, et au gouvernement que les objectifs en efficacité énergétique soient de l'ordre de 9,3 TWh par année d'ici à l'an 2000. Présentement, les prévisions pour Hydro-Québec ont diminué considérablement et, dans le plan stratégique, on a presque mis de côté tous les projets en efficacité énergétique. En disant ça, on ne prêche pas pour notre paroisse, parce que, dans le plan stratégique, on mentionne le programme en efficacité énergétique ciblé auprès des personnes à faibles revenus, mais on juge que ça, c'est un petit programme, comparé à tout ce qui pourrait se faire en efficacité énergétique au Québec.

Alors, pour conclure, on ne peut qu'insister sur la nécessité d'avoir un débat serein concernant le contenu du plan stratégique qui est proposé par Hydro-Québec, parce que, comme le soulignait récemment M. Caillé, dans un article du Soleil , et je cite: «La Régie n'aura toutefois pas un droit de regard sur le plan d'équipement d'Hydro-Québec. Je n'ai jamais vu de réglementation et ce n'est pas l'actionnaire qui décide du plan d'équipement. Il ne peut y avoir une régie qui nous force ou nous empêche d'investir.»

Alors, ce qui est clair lorsqu'on regarde la Loi sur la Régie de l'énergie, c'est que ces questions devraient faire l'objet d'un débat devant la Régie. On croit sincèrement que la Régie devrait effectivement prendre les devants et étudier tous les débats qui devraient se faire, pour que les choix aient un impact positif pour les consommateurs québécois.

Pour conclure, nous recommandons trois choses principales. Alors, nous recommandons au gouvernement de décréter un moratoire sur tout nouvel investissement en équipement de transport ou de production qui n'est pas destiné aux besoins strictement québécois, et ce, jusqu'à ce que la Régie puisse se pencher sur les trois questions que j'ai identifiées tantôt. Nous recommandons aussi au gouvernement de mettre en vigueur l'ensemble de la Loi sur la Régie de l'énergie. Nous recommandons aussi à Hydro-Québec de revoir ses objectifs en efficacité énergétique et de viser des économies de l'ordre de 9,3 TWh par année, sur l'horizon de l'an 2000.

Alors, on vous remercie beaucoup de votre attention et on est disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Beaulne): C'est nous qui vous remercions, Mme Rozon. J'invite maintenant le député de Groulx à échanger avec vous.

M. Kieffer: Madame, monsieur, j'ai toujours suivi de près les activités de votre organisme. À l'époque, on vous connaissait sous le nom d'ACEF Montréal-Centre, évidemment. Vous avez toujours bien porté les dossiers que vous entrepreniez et vous continuez à bien les porter.

J'ai lu très attentivement votre mémoire, ce qui m'a demandé plusieurs heures. Alors, j'ai quelques questions à vous poser; à la fin des questions de fond, des questions un peu plus pointues. J'ai toujours pensé, moi... Ça fait, quoi, 20 ans à peu près que le Québec exporte de l'électricité vers les États-Unis et j'ai toujours cru, de façon peut-être un peu bonace, que les différents gouvernements qui se sont succédé avaient, il me semble, en vendant notre électricité aux Américains, comme objectif de faire des profits. Je n'ai jamais pensé qu'on était là pour donner des sous aux Américains, ils sont bien assez riches comme ça.

En lisant votre mémoire, vous remettez en question, à la fois pour le passé et pour le futur, cette notion même de profitabilité des exportations d'électricité. J'aimerais entendre vos arguments et j'aimerais entendre les paramètres aussi que vous utilisez pour à la fois remettre en question, surtout pour ce qui est du passé, mais aussi que vous me parliez des conditions qui font que ça pourrait être encore pire dans le futur. Qu'est-ce qui vous fait penser, qu'est-ce qui vous fait croire que nos exportations sont nécessairement déficitaires?

M. Ribaux (Sidney): Je pense que, dans le passé, notre compréhension de la façon dont Hydro-Québec a investi dans des équipements, c'est qu'essentiellement on proposait de devancer la construction d'équipements pour éventuellement répondre à une demande qui se créerait au Québec et que, d'ici là, on avait des contrats qu'on pouvait signer, des contrats à durée déterminée, donc, où on écoulerait de l'électricité en attendant.

Je crois que cette stratégie-là dans le passé, surtout quand on regarde les prévisions de la demande d'Hydro-Québec qui ont presque... qui ont souvent... Dans les plans antérieurs, ce qu'on avait, c'est des plans de... on appelait ça des plans de développement et ils nous présentaient souvent trois scénarios: un scénario faible, un scénario moyen et un scénario optimiste. Généralement, quand on retourne dans le passé et qu'on regarde ce qui s'est passé pour de vrai, c'est plutôt le scénario faible qui s'est réalisé. Donc, on était pris avec des surplus, et ces surplus-là, dans le fond, on les exportait.

À notre connaissance, on n'a jamais pris un virage aussi spécifique de dire: On produit de l'électricité au Québec spécifiquement pour l'exporter aux États-Unis. Selon nous, si c'est la décision qu'on est en train de prendre maintenant, on ne dit pas nécessairement que c'est une bonne chose ou une mauvaise chose. C'est tout simplement qu'il faut examiner la question devant un forum, et on le répète constamment. Mais ce forum-là, c'est la Régie de l'énergie, parce qu'on a besoin d'examiner ces questions-là avec des experts, de pouvoir contre-interroger les experts d'Hydro-Québec et de pouvoir nous-mêmes produire des experts qui vont présenter parfois une version différente de ces prévisions-là. Mais vous comprendrez, évidemment, que c'est des sujets hautement compliqués, de prévoir l'avenir.

Donc, tout ce qu'on dit, c'est que, dans le passé, comme l'exemple qu'on donnait, on a eu tendance à trop prévoir et être pris avec des surplus. Une fois qu'on a le surplus, on est aussi bien de le vendre. C'est ça que...

M. Kieffer: Oui, mais vous allez plus loin que ça. Vous dites: Quand on le vend aux Américains, on le vend à perte. C'est ça que vous nous dites, là. Savez-vous qu'au Vermont un de leurs «stranded costs», j'ai été très surpris de l'apprendre, j'ai eu l'occasion de rencontrer les parlementaires américains... Habituellement, on associe les «stranded costs», évidemment, aux «plants» nucléaires, puis effectivement c'en sont de vrais, et le Connecticut est pris avec ce problème-là. Mais savez-vous c'est quoi, leurs «stranded costs», au Vermont? C'est l'hydroélectricité. C'est assez intéressant, parce que, pour eux, ils sont à perte. Ça, c'est clair. Ils considèrent qu'ils paient beaucoup trop cher l'électricité qu'ils achètent du Québec et, vous, vous avez la perception que l'électricité qu'on leur vend est en dessous de notre coût de production. Finalement, on vend à perte aux Américains. C'est ça que vous nous dites.

M. Ribaux (Sidney): Ce qui semble être certain, c'est que le coût marginal qu'on paie pour construire une nouvelle centrale, si on prend l'exemple de Sainte-Marguerite, c'est autour de 0,04 $. On me dit que le prix auquel il faut produire, selon le plan stratégique d'Hydro-Québec, c'est 0,028 $. Donc, si on vend de l'électricité à 0,03 $ et que ça nous coûte 0,04 $ pour produire, il y a une perte, donc, à ce niveau-là. Si on regarde le coût marginal qu'on paie, donc la dernière centrale qu'on est en train de construire, à ce moment-là, il y a effectivement une perte.

M. Kieffer: Donc, il faudrait relativiser dans la mesure où le coût marginal de la dernière centrale nucléaire... hydroélectrique qui a été construire – fort heureusement, ce n'est pas nucléaire – pourrait représenter une perte. Mais, dans l'ensemble du parc, est-ce que vous maintenez aussi ce jugement-là pour l'ensemble du parc hydroélectrique?

(17 h 20)

M. Ribaux (Sidney): Je crois qu'à ce niveau-là ça va faire notamment l'objet du premier débat qui va avoir lieu devant la Régie de l'énergie, où on va essayer de déterminer comment on va déterminer le coût, comment on va réglementer la production d'Hydro-Québec. Selon nous, notre position à cet égard-là, la première chose qu'il faut faire, c'est qu'il faut faire essentiellement un inventaire de tous les coûts d'Hydro-Québec pour réellement savoir combien ça coûte de produire l'électricité au Québec. On ne l'a jamais fait. On est une des seules juridictions en Amérique du Nord où on n'a jamais eu à passer à travers cet exercice-là. Dans le cas de Gaz Métropolitain, qui est une entreprise beaucoup plus petite, ça a pris un an et demi à le faire. Donc, c'est un exercice extrêmement complexe. On ne dit pas que, nous, on sait combien exactement ça coûte à Hydro-Québec de produire de l'électricité. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut faire le débat devant la Régie.

Mme Rozon (Louise): Peut-être que notre message important, c'est de dire: On retrouve, dans le plan stratégique, très peu d'information qui nous permet de dire: Oui, on est prêts à prendre le risque d'investir plus de 1 000 000 000 $... en fait, plusieurs milliards de dollars, dans des équipements parce qu'on pense que, oui, il y a là matière à... En fait, c'est un projet qui risque d'être très rentable et ça va apporter des bénéfices pour l'ensemble de la société québécoise. On ne dit pas qu'on est nécessairement contre l'idée d'exporter de l'électricité aux États-Unis, mais on croit que c'est des projets beaucoup trop importants pour être décidés dans un contexte comme celui-ci et avec aussi peu d'information qu'on retrouve dans le plan stratégique d'Hydro-Québec.

M. Kieffer: Si vous me permettez de continuer un peu dans la même direction, à la page 6 de votre mémoire, lorsque vous parlez de l'exemple du New Hampshire, vous indiquez à la commission que «les prix typiques de production étaient d'environ 0,025 $US du kilowattheure, alors que les autres frais payés par les consommateurs, ensemble, comptaient pour près de 80 % du coût total», ses autres frais, évidemment, étant ceux du transport et de la distribution. Et ça, ça nous amenait à la fameuse carte d'Hydro-Québec qui identifiait le coût au New Hampshire à la hauteur de 0,117 $US comme étant le coût que M. Tartempion paie lorsqu'il reçoit sa facture.

80 % du coût total pour le transport et la distribution, je trouve ça très élevé. Je trouve ça d'autant plus élevé – puis c'est ça que je veux que vous m'expliquiez – que, dans le plan stratégique, à la page 27, Hydro-Québec décompose la facture de Mme ou M. Tartempion et on en arrive, aux frais de transport et de distribution, à une proportion de 49 % de la facture. Comment expliquer cette disparité? Elle est énorme, là. On ne parle pas de 3 % ou 5 %...

D'un côté, Hydro dit que les coûts de transport et de distribution, ça représente à peu près 49 % de la facture; vous nous dites qu'au New Hampshire ça représente 80 %. Je ne pense pas qu'il y ait des facteurs techniques qui puissent expliquer cette disparité-là. Ça, je vous avoue que j'ai un problème sérieux à comprendre où elle se situe, cette disparité énorme entre les coûts de transport et de distribution au New Hampshire versus le Québec.

M. Ribaux (Sidney): Personnellement, ma compréhension de cette facture-là – qui est un exemple qui avait été donné, je crois même qui avait été présenté devant votre commission au mois de mars – c'est qu'il y avait des coûts autres qui s'ajoutaient. Il y avait un coût, notamment, qui faisait référence à des services spéciaux, par exemple une contribution pour l'efficacité énergétique ou une contribution pour une taxe verte. Aux États-Unis, dans le marché restructuré, il y aura aussi des contributions pour, justement, ce que vous avez mentionné, les «stranded costs», pour aider, dans le fond, les distributeurs qui se sont fait autoriser, dans le passé, à bâtir des centrales nucléaires, par exemple, qui ne sont plus compétitives, à les rembourser.

Maintenant, si vous me demandez de vous expliquer pourquoi le système de distribution et le système de transport au New Hampshire coûtent plus cher que le système de transport et de distribution au Québec, ça, je ne peux pas répondre, malheureusement. On n'a pas ces détails techniques là. Je ne suis pas ingénieur.

M. Kieffer: En tout cas, je pense que ça pose un problème. Je pense que les données que vous êtes allés chercher au niveau du New Hampshire... Premièrement, quand on parle de 0,117 $US au New Hampshire, les «stranded costs» ne sont pas encore entrés dedans, ça, je peux vous le dire, parce que le New Hampshire est en cour, actuellement, contre la «Utilities», là-dessus, et ça ne sera pas réglé avant encore 18 mois. Ça commence à peine à être déterminé – ou ça va aller au Massachusetts, ou au Road Island – on commence. Quand on parle de 0,117 $US – puis vous le mentionnez, d'ailleurs, dans votre texte – c'est la production, la distribution et le transport. Peut-être le service à la clientèle, mais je ne pense pas qu'il soit à ce point efficace que ça coûte à ce point cher.

Je soulève la question dans la mesure où je pense que ça pourrait expliquer en partie ma question précédente. Je pense qu'il faut faire attention quand on parle des profits ou des pertes réalisées. Alors, si, effectivement, on identifie ça clairement à 2,7, je ne sais pas si c'est ça, mais je suis pas mal certain que 80 % des coûts ne sont pas associés au transport et à la distribution.

M. Ribaux (Sidney): Ce qui est clair, par contre – et je pense que c'est le message, on donnait un exemple pour expliquer le message qu'on voulait faire passer – c'est que la carte qu'Hydro-Québec nous suggère, c'est une carte qui décrit le prix au détail. Or, la compétition se fait au prix de la production. Alors, ce cas-là en particulier, est-ce que c'est représentatif du Nord-Est? Comme je vous dis, je ne suis pas expert dans les coûts de distribution, de transport et autres qui peuvent être dans une facture aux États-Unis. Par contre, ce qui est certain, c'est que l'information qu'il faut véhiculer, c'est le coût de production et non pas le coût de détail. Et ce qu'Hydro-Québec nous dit, c'est: Regardez le coût de détail, combien on a un prix avantageux, alors que ce qu'il faut regarder, c'est le prix de production. Maintenant, est-ce que, au niveau du prix de production, on est concurrentiel? Encore là, on ne dit pas oui ou non, on dit: il faut faire le débat.

M. Kieffer: Je vais aller maintenant un petit peu plus vers les économies d'énergie. Effectivement, dans son plan stratégique, Hydro-Québec se retrouve à peu près à 33 % de ses objectifs de 1991-1992, si ma mémoire est bonne...

Des voix: Oui.

Une voix: 9,3 TWh.

M. Kieffer: C'est ça. Et on est à quoi? 3,5 ou un truc comme ça. Vous dites que le gouvernement et la commission devraient demander à Hydro-Québec de ramener son objectif d'économie d'énergie à son niveau initial, donc de revenir à l'objectif de 9,5 TWh.

La question, elle serait à peu près la suivante: Pensez-vous qu'Hydro-Québec ait pu être initialement trop optimiste ou plus optimiste que la moyenne des compagnies d'électricité – je parle, entre autres, des compagnies d'électricité en Amérique du Nord – sachant qu'il y a une étude qui a été produite il y a à peu près deux ans, aux États-Unis, qui disait qu'en général les compagnies d'électricité américaines, qui avaient tenté de mettre en place des plans d'économie d'énergie, avaient atteint à peu près 50 % de leur objectif? Et tantôt, ça m'a surpris parce que la FTQ était même plus bas que ça. Elle, elle disait que c'était 35 % des objectifs qui avaient été atteints.

Alors, compte tenu de cette réalité où les études semblent démontrer que, effectivement, l'ensemble des compagnies avaient visé trop haut, qu'est-ce qu'on fait?

M. Ribaux (Sidney): Je pense qu'il y a plusieurs aspects à cette réponse-là. Premièrement, il y a toute la question, à savoir: Qui est le mieux placé pour faire de l'efficacité énergétique? Je crois que maintenant, avec l'Agence de l'efficacité énergétique qui est en place, tranquillement peut-être on va voir qu'Hydro-Québec a toujours un rôle à jouer, mais en complémentarité avec ce que l'Agence éventuellement pourra faire comme travail, évidemment, s'il y a une contribution qui est prévue pour qu'elle ait des sous pour faire des projets, parce que, actuellement, elle n'a pas de budget... Donc, ça, c'est une chose.

Quand on me dit que les objectifs ne sont pas réalisés, je crois que c'est peut-être parce qu'on n'a pas adopté les bonnes mesures au bon moment. Mais, moi, je peux vous citer des exemples. Dans le projet dans lequel on est impliqués, ce n'est pas nous qui offrons ce service-là, mais on réfère à un projet d'isolation qui est offert par Hydro-Québec. Or, ce projet-là, pour une intervention d'environ 3 000 $ par logement, on va chercher environ 22 % du coût du chauffage en économie. Et ça, ça a été démontré scientifiquement. Et on fait environ 2 000 visites, je crois, dans la région de Montréal. C'est évident qu'au Québec, quand on a commencé à distribuer des pommes de douche, ce n'était peut-être pas là qu'il y avait la plus grande économie, quoiqu'il y ait quand même une économie. Mais c'est clair que, étant donné qu'on chauffe à l'électricité, la plus grande économie, c'est dans le chauffage, et ce projet-là particulier le démontre clairement.

Maintenant, il y a d'autres mesures qu'on peut mettre en oeuvre et qui vont dans ce même sens, qui ont démontré où on a des économies importantes. Je crois que, s'il y a des compagnies qui se sont lancées dans des programmes d'efficacité énergétique avec des objectifs qu'elles n'ont pas atteints, il faudrait regarder ça, mais je crois que c'est peut-être aussi une question de quels sont les programmes et les services spécifiques qui ont été implantés.

Le Président (M. Beaulne): Monsieur...

(17 h 30)

M. Kieffer: Ça va, ça va, M. le Président. On me dit que mon temps est écoulé. Je voulais tout simplement vous signifier que j'ai beaucoup apprécié. Je pense que vous suscitez des questions sur lesquelles il va falloir qu'on revienne. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Bon. Alors, on vous remercie. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Comme on a un horaire serré et on souhaiterait pouvoir avoir plus de débats, il me semble que vous avez invoqué comme raison des choses que vous auriez souhaité trouver dans le plan stratégique et qui n'y sont pas ou qui sont tellement partielles qu'elles vous empêchent de vous faire l'opinion que vous souhaiteriez pouvoir vous faire de façon formelle. Il me semble que c'est plus ce qui manque dans le plan stratégique qui fait que les gens soulèvent les mêmes inquiétudes.

Entre autres – et je vous donne ça – dans le plan stratégique d'Hydro-Québec, bien sûr, on parle rapidement d'économie d'énergie, on parle beaucoup de développement, de choses qu'on a à construire. Mais, si on avait un objectif réaliste, avec des programmes d'économie d'énergie, combien on pourrait économiser d'électricité? Et quelle est la partie – sans faire d'autres développements que simplement accumuler les économies – qui nous permettrait de vendre sur des marchés à l'extérieur plutôt que d'être obligés de... de nouvelles constructions et de nouveaux barrages pour répondre à ces besoins-là?

Il y a des gens qui ont soutenu depuis quelque temps que, quand on arrive à des programmes d'économie d'énergie, on dépend presque en grande totalité d'Hydro-Québec. Il faut qu'Hydro-Québec investisse dans la recherche, il faut qu'Hydro-Québec trouve des partenaires pour s'associer avec elle pour investir dans la recherche-développement face à l'économie d'énergie. Et il y a des gens qui disent: Ça va contre l'intérêt d'Hydro-Québec parce que, au fur et à mesure qu'elle va procurer à ses clients des possibilités d'économie d'énergie, elle va nous en vendre moins.

Donc, vous qui êtes près de ces préoccupations-là... On parle, bien sûr, dans le projet, de favoriser l'isolation des maisons pour les gens à faibles revenus, mais il me semble que ça devrait aller plus loin que ça. Il y a des gens qui soutiennent – et c'est là qu'est ma question – que, dans les montants d'argent qu'Hydro-Québec consacre chaque année à la rechercher et au développement, une somme importante devrait être consacrée exclusivement à la recherche et au développement dans des mesures d'économie d'énergie. Autrement, comme c'est Hydro qui donne les mandats à la recherche et au développement, si elle ne les oriente pas vers l'économie d'énergie, il s'en fait, de la recherche et du développement, mais pas nécessairement en faveur des consommateurs.

Alors, est-ce que vous souhaiteriez, est-ce que c'est une avenue qui pourrait vous sembler prometteuse si une partie importante du budget de recherche-développement devait être identifiée? Du «branded money»: ils ne peuvent pas faire autre chose avec que de consacrer ça à des objectifs d'économie d'énergie.

Mme Rozon (Louise): Oui, je pense que ça pourrait être une avenue intéressante. Ce qu'on souhaiterait, c'est que, effectivement, Hydro investisse davantage dans des programmes en efficacité énergétique.

Je voudrais juste souligner que, dans le fond, ce n'est pas vrai que d'investir dans les projets d'efficacité énergétique va à l'encontre des intérêts d'Hydro-Québec, parce qu'il y a des coûts évités par Hydro-Québec lorsqu'ils investissent dans des programmes d'efficacité énergétique, et ils en tiennent compte quand ils font l'évaluation de ces programmes-là. C'est sûr que, dans une période où on a des surplus, c'est beaucoup plus difficile pour Hydro-Québec de justifier la rentabilité des programmes en efficacité énergétique, parce qu'ils ont des surplus, donc ils peuvent répondre à la demande sans que ce soit nécessaire d'investir dans la construction de nouveaux barrages. Je laisserais peut-être Sidney compléter.

M. Ribaux (Sidney): Peut-être deux points. Premièrement, pour vous citer, dans le rapport que vous avez publié au mois de juin de l'année passée, vous donnez l'exemple, en disant: Si Hydro-Québec réalisait 21,6 TWh d'économies sur un horizon de 20 ans, ça générerait des économies de 3 600 000 000 $ pour les consommateurs et ça engendrerait une augmentation tarifaire de moins de 1,7 % sur 20 ans. Et là, on va sûrement avoir une augmentation d'environ 1,6 % pour l'année prochaine. Donc, je crois que, du strict point de vue économique, il y a des mécanismes intéressants qu'il faut regarder dans cette filière-là.

Par ailleurs, il y a aussi toute la question du prélèvement. Il va maintenant devenir possible, puisque ça existe dans une loi, donc dans la loi de l'Agence de l'efficacité énergétique, de demander une contribution pour financer des programmes d'efficacité énergétique. Et aussi, la Régie aura le pouvoir de le faire. Donc, je crois qu'il va falloir s'assurer qu'on utilise ces mécanismes-là pour stimuler les investissements en efficacité énergétique, pour certains consommateurs, et pour carrément financer des services d'efficacité énergétique lorsqu'on parle des consommateurs à très faibles revenus qui ne peuvent pas eux-mêmes se les payer.

M. Cherry: L'Institut de recherche est venu nous dire qu'un des problèmes, c'est: Qui établit les priorités des projets de recherche et développement? On sait qu'à chaque année Hydro a une enveloppe d'environ 100 000 000 $. Le chiffre peut paraître rassurant, mais l'allocation de ces montants-là et la priorisation des projets auxquels ces sommes-là doivent être allouées, c'est quelle partie de ça qui est dirigée directement vers soulager le consommateur de sa facture et la clientèle à plus faibles revenus? Quelle est la partie? Est-ce qu'il y en a une qui doit être exclusivement consacrée à ça ou si les projets de recherche et développement sont pour les lignes à haute transmission, pour la solidité des pylônes, qui sont toutes des choses importantes mais qui ne rejoignent pas nécessairement les préoccupations de votre clientèle?

M. Ribaux (Sidney): Je pense que c'est clair qu'il faut faire de la recherche et du développement en efficacité énergétique. Maintenant, quel montant il faut attribuer? On ne s'est pas attardés à cette question-là. On ne pourrait pas vous répondre en vous disant: C'est 10 000 000 $, ou 15 000 000 $, ou 20 000 000 $ minimum. Mais c'est clair qu'il faut qu'il y en ait une partie qui soit réservée à l'efficacité énergétique.

M. Cherry: Merci.

Le Président (M. Beaulne): Alors, ce sont tous les échanges que nous avons. Malheureusement, le temps qui nous est imparti est assez court. Nous vous remercions de votre présence.

J'inviterais maintenant les représentants de Lévesque Beaubien Geoffrion inc. à prendre place à la table de la commission. La commission vous souhaite la bienvenue, en soulignant que nous avons un temps de 25 minutes imparti à vos échanges. Je vous demanderais, dans la mesure du possible, de limiter votre présentation à 10 minutes pour pouvoir permettre aux députés d'intervenir.

Si vous voulez bien vous présenter ainsi que ceux qui vous accompagnent, pour les fins de la transcription.


Lévesque Beaubien Geoffrion inc.

M. Brunet (Pierre): Bonjour. Mon nom est Pierre Brunet. Je suis président et chef de la direction de Lévesque Beaubien Geoffrion. Je suis accompagné de deux vice-présidents seniors en financement: Jean Labrecque, à ma droite, et Paul Béland, à ma gauche.

La raison de la présence de Lévesque Beaubien Geoffrion ici est que, comme vous le savez, nous sommes le leader du syndicat financier pour les financements d'Hydro-Québec au Canada depuis plusieurs années. Comme je suis convaincu que vous avez relu le texte quelques fois et que vous avez été passionnés et même convertis par les ratios financiers, je me permettrai de ne pas vous le relire. J'aurais l'impression d'ajouter une autre couche de glace sur un texte qui est assez froid.

Donc, je prendrai à peine quelques minutes pour résumer la situation. Quand on regarde le nouveau plan de cinq ans d'Hydro, on voit que les emprunts totaux sont au niveau, cette année, de 37 000 000 000 $ et qu'ils seront à peu près sensiblement au même niveau dans cinq ans. Cependant, Hydro va réussir à se financer par son bilan et par son revenu, mais en même temps, durant cette période de cinq ans, il y aura à peu près 11 000 000 000 $ venant à échéance, pour différentes raisons ou à différentes dates. Donc, ce qui veut dire qu'Hydro aura besoin de financer 2 300 000 000 $ en moyenne par année, ce qui n'est pas un chiffre extraordinaire comparé aux années précédentes de la Baie James où le total avait atteint entre 4 000 000 000 $ et 5 000 000 000 $. Donc, le problème n'en est pas un de financement; Hydro peut se financer facilement.

(17 h 40)

Par contre, ce qu'il est important de retenir, c'est qu'Hydro-Québec doit se financer aux meilleurs prix possible, aux meilleurs marchés possible en Amérique du Nord. Si vous avez 37 000 000 000 $ d'emprunts, vous êtes en mesure de comprendre qu'une variation de 0,25 % représente 100 000 000 $ de dépense de plus. Donc, l'influence de la cote d'Hydro-Québec est excessivement importante en fonction du taux payé et ça peut avoir des influences de plusieurs centaines de millions par année, dépendant de l'évolution de la cote d'Hydro-Québec.

Donc, comme vous le savez également, les obligations d'Hydro-Québec, en grande majorité, sont achetées par des investisseurs institutionnels en Amérique du Nord – aux États-Unis ou au Canada – et, avec l'informatique aujourd'hui, ces investisseurs institutionnels ont la facilité de comparer à même l'informatique les résultats de toutes les compagnies semblables un peu partout au Canada.

Donc, il y a trois ratios financiers qui sont importants. D'abord, la couverture des frais financiers. Cette année, Hydro-Québec aura un profit d'à peu près 800 000 $; les intérêts payés seront d'environ 3 000 000 000 $. Donc, les deux additionnés ensemble, par rapport aux profits, font une relation de 1,2 fois. Hydro a l'intention de se rendre, dans son plan, à 1,5 en l'an 2002. Il faut comprendre que les 25 plus importantes compagnies aux États-Unis opérant de la même façon qu'Hydro sont à 2,5 fois. Donc, il serait bon qu'Hydro surveille et fasse certaines améliorations de ce côté-là.

En ce qui concerne le taux de la capitalisation, vous savez que c'est le 25 % qui est la marge par rapport à l'ensemble de la dette, où la dette doit être trois fois sur un. Il faut comprendre qu'aux États-Unis le taux est à 40 % et la plupart des corporations canadiennes comme... Par exemple, Nova Scotia Power est à 35 %, TransAlta, à 40 %, puis Canadian Utilities, à 40 %. Donc, là aussi, Hydro n'est pas dans une situation difficile, mais, par rapport au choix des investisseurs institutionnels, il faut comprendre qu'elle aurait tendance, dans son management, à arriver à des taux qui sont à peu près compatibles avec ce qu'on appelle la compétition des autres unités.

En ce qui concerne le rendement de l'avoir propre, en 1997, ça a été de 6 %. Hydro vise à peu près 11 % pour l'an 2002, ce qui est à peu près la moyenne, aux États-Unis et au Canada, pour l'ensemble des compagnies.

Donc, en fait, ces trois ratios-là sont importants dans le choix de l'investisseur institutionnel. Évidemment, ma présentation ici se borne à vous expliquer les normes financières et à vous dire où l'investisseur institutionnel doit décider. Hydro-Québec a toujours eu une réputation excellente sur les marchés canadiens et sur les marchés américains. Sa gérance des fonds est reconnue comme saine, et nous l'encourageons tout le temps à s'assurer que le processus administratif amène à suivre à peu près l'ensemble de la moyenne nord-américaine.

Ça résume en gros la situation.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. M. Brunet et votre équipe, merci d'être ici aujourd'hui. On comprend que c'est une situation peut-être un peu compliquée pour vous, étant chef du syndicat du financement de la province. J'imagine que vous avez un devoir de rétention, un peu, de vos opinions à certains égards. Ceci dit, nous allons vous poser un certain nombre de questions.

Une fois que la crise est commencée, la crise du verglas – c'est ce qui fait qu'on est d'abord réunis ici aujourd'hui – le prix des obligations d'Hydro-Québec... Que se passe-t-il sur le marché avec le prix des obligations d'Hydro-Québec à partir du mardi soir, quand on réalise qu'on est vraiment dans une crise, jusqu'au mardi de la semaine suivante?

M. Brunet (Pierre): On va prendre celui qui suit les marchés.

M. Labrecque (Jean): En clair, rien du tout. L'idée, c'est qu'il est certain que les gens mettent un certain temps à évaluer les choses. Certains des gens se posent des questions, puis on se les pose encore, à savoir exactement quels sont les chiffres. Donc, il y a des interrogations, il y a des questions. Mais, en termes de réaction, il faut comprendre qu'Hydro, comme M. Brunet le mentionnait, est dans une situation confortable financièrement. Donc, l'impact de ce qui peut se passer dans le marché n'est pas mesurable à la minute près.

Donc, si vous me parlez du 5, ou du 6, ou du 7, ou du 9, il est certain que ce n'est pas possible à ce moment-là de juger. Comme les montants en cause ne sont pas connus, il est certain qu'on n'augmente pas d'un point de base ou de deux points de base les rendements sans que les gens sachent exactement ce qu'il en est de cette question-là.

M. Benoit: Est-ce que, dans le secteur des «utilities» – ce genre de situation se produit régulièrement ailleurs, j'imagine, en Floride, avec le Florida Power & Light, au moment d'une tornade, ou en Nouvelle-Angleterre, le long de la côte du Maine, la semaine dernière – l'investisseur, lui, sa première réaction, c'est d'attendre avant de décider ce qu'il va faire avec son obligation? Est-ce que c'est ça, sa première réaction?

M. Labrecque (Jean): Ça dépend des secteurs dans lesquels vous opérez. Il est certain que, si vous opérez dans le secteur minier, la réaction est nettement plus épidermique. Dans un secteur comme ça, je pense que les gens vont plutôt juger, voir ce qui se passe avant d'agir. Il faut aussi dire que les rendements des titres d'Hydro-Québec sont très proches de ceux du gouvernement du Québec à cause de la garantie. Donc, c'est l'ensemble de la situation que les gens vont évaluer avant d'agir.

M. Benoit: Quand notre premier ministre nous dit, à la télévision, à 17 heures, que les milieux financiers sont tellement inquiets qu'il doit décréter immédiatement... que le plan d'action d'Hydro-Québec doit être décrété dans les heures qui suivent, alors qu'on voit la télévision se promener dans vos bureaux et qu'ils disent: Non, nos clients nous disent qu'ils ne sont pas inquiets... Est-ce que les clients étaient inquiets ou ils n'étaient pas inquiets?

M. Brunet (Pierre): Je pense qu'aujourd'hui on sait où on s'en va. Mais je pense qu'il faut replacer les choses dans leur contexte.

M. Benoit: Mais les obligations n'ont pas bougé, là.

M. Brunet (Pierre): Non, non. Ça, vous avez raison.

M. Benoit: On est rendu à jeudi, vendredi, puis les obligations n'ont pas bougé.

M. Brunet (Pierre): Il y a eu beaucoup de téléphones, il y a eu beaucoup de demandes. Il faut comprendre le contexte où on le vivait, à l'époque, dans la première semaine ou la deuxième semaine. C'est que, de mémoire de personnes, nous n'avions jamais vécu ça personne. Donc, de voir quelque chose qui dure aussi longtemps – dans certains secteurs, aussi longtemps que quatre semaines ou cinq semaines – ça créait une réaction où les investisseurs américains ou d'autres appelaient pour savoir exactement ce qui se passait. Je pense qu'ils surveillaient beaucoup plus la réaction du management d'Hydro, à savoir s'ils posaient tous les bons gestes pour que... Donc, comme Jean Labrecque l'expliquait tantôt, il y a eu beaucoup de demandes, il y a eu des téléphones, mais plutôt une attente. Et c'est vrai, entièrement vrai, que les prix n'ont pas bougé en fonction de ça.

Comme quelqu'un disait, par exemple: Si on avait eu 30 % de plus de territoire d'atteint, peut-être que la crise aurait été encore plus grande. Ça fait qu'on a peut-être été chanceux que ça arrête du côté de Trois-Rivières. Il y a beaucoup de choses qui se sont posées, mais, par la suite, tout s'est stabilisé en ce qui concerne l'inquiétude des investisseurs.

M. Labrecque (Jean): Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose?

Le Président (M. Beaulne): Oui.

M. Labrecque (Jean): Si vous dites que les gens se promènent dans nos bureaux et ne réagissent pas, je pense que c'est vrai, ça. Mais, entre la réaction et le questionnement, il y a une grande marge. Donc, il est certain, comme je vous ai dit tantôt, qu'il y a eu des questions. Il y a eu des questions d'investisseurs importants. Très souvent, là-dedans, ce n'est pas le nombre de questions qui compte, mais le poids de la personne qui pose la question. Alors, c'est comme ça. Je pense que les lois du marché sont là. Donc, il ne faut pas sous-estimer la possibilité que certains gros détenteurs ou certaines compagnies de cotation aient posé des questions, et que ça, ça ait amené des gens à dire: Bien, il va falloir établir des réponses aux questions qui sont posées. De là à affecter le marché, comme je le disais tantôt, c'est une tout autre question.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Oui. Alors, messieurs, bonsoir. C'est intéressant de vous avoir ici, devant cette commission parlementaire, vu l'expertise que vous avez, quand on sait que vous avez dirigé, comme vous le dites dans votre mémoire, des financements totalisant 3 100 000 000 $ pour le gouvernement du Québec et Hydro-Québec dans les marchés financiers canadiens.

Ma question va porter sur un volet de votre mémoire dont vous n'avez pas traité dans votre présentation verbale: les investissements à l'étranger et l'orientation que veut davantage prendre Hydro-Québec au niveau de l'international. Vous en parlez à la page 5 de votre mémoire. On voit que vous voyez ça d'un bon oeil, qu'Hydro-Québec se dirige davantage de ce côté-là. Et même, Hydro-Québec dit, dans son plan stratégique, qu'il va y avoir 1 200 000 000 $ d'investissements en fonds propres, avec un rendement sur l'avoir propre de 12 %, et vous êtes d'accord avec ça. Cependant, il y a une phrase qui a souvent été citée ici, à cette commission, et je voudrais avoir vos commentaires là-dessus. On dit, dans le plan stratégique d'Hydro-Québec, que, dans le fait qu'elle va investir à l'international: «L'entreprise ne prévoit pas de la part d'Hydro-Québec International de contribution à son bénéfice net consolidé durant la phase de pénétration de marché estimée à cinq ans.» Et là on a eu deux théories qui se sont affrontées, qui nous ont été présentées par différents intervenants. Certains disent: Bien là, est-ce que ça a du sens de s'en aller vers l'international et de ne pas prévoir de bénéfice, dans le sens qu'on le dit ici, d'ajout au bénéfice net consolidé pendant une période de cinq ans? Même, quelqu'un nous disait: Hydro-Québec va investir avec des partenaires. Allez voir si les partenaires, eux, vont attendre cinq ans pour avoir un bénéfice net.

(17 h 50)

Par ailleurs, on a eu d'autres gens qui nous ont dit: Bien, quand on veut développer l'international, c'est long. Un minimum de cinq ans, c'est ça qu'il faut envisager avant que ce soit rentable.

Alors, moi, je voudrais avoir votre position là-dessus. Qu'est-ce que vous dites là-dessus? Est-ce que ça vous apparaît raisonnable, ce délai de cinq ans?

M. Brunet (Pierre): Bien sûr que, du côté de l'international, il y a une période d'investissement, comme vous le dites si bien. Par contre, la ligne finale pour chacun, peu importe le genre d'entreprise dans l'international, c'est qu'on doit être en ligne avec la rentabilité. Dès qu'on dit: Il faut que l'objectif d'avoir 12 % de rendement... Parce que c'est la même chose qu'on cherche dans l'opération locale qui est au Québec, de s'assurer que c'est compatible. Si on lit l'exemple de Nortel qui est en train de faire... l'équipe de Montréal qui est en train de faire quelque chose d'assez fantastique en Chine, puis qu'ils vont finir par avoir peut-être plus d'emplois ici, à cause des contrats qu'ils peuvent avoir en Chine... C'est sûr que tout le travail des trois, quatre, cinq premières années, en ce qui concerne Nortel BCE, c'est négatif au début, mais le contrat de 10 ans qui va suivre va être rentable sur la base de l'ensemble de l'entreprise.

Oui, il faut prévoir une période d'investissement. Par contre, l'expertise qu'on a ici, quand même, peut amener d'importants contrats puis d'importantes choses pour l'ensemble du Québec.

M. Jutras: Et craignez-vous une réaction des marchés financiers à ce chapitre-là?

M. Brunet (Pierre): Moi, je vous dirai que, pour vous répondre dans un bloc, je pense que, dans les derniers 20 ans, si on prend la dernière période de 20 ans jusqu'à aujourd'hui, Hydro-Québec, dans le domaine financier, a toujours eu une bonne réputation et a connu... Je ne voudrais pas parler de nos voisins de l'Ontario. Vous savez un peu ce qui se passe puis ce qui arrive. C'est beaucoup plus dramatique en soi. Mais il reste que, si on regarde l'ensemble des derniers 20 ans, il faut quand même reconnaître qu'Hydro s'est créé une réputation de taille sur tous les marchés internationaux, les marchés importants, autant au Japon qu'en Europe, qu'en Amérique du Nord.

M. Jutras: Finalement, ce que vous dites, c'est: Bravo! C'est une bonne chose qu'Hydro-Québec combine et déploie son capital et son expertise vers l'international. Vous vous réjouissez...

M. Brunet (Pierre): Évidemment, nous, on fait confiance au management en place, de faire ça en fonction de budgets, en fonction d'approbations. Ça ne veut pas dire: Lancez-vous dans l'international partout, puis tout marche. Je pense qu'ils sont assez sages pour savoir où aller et quoi faire. Je pense que l'Asie nous offre des opportunités assez exceptionnelles avec les développements qui se passent là-bas. Si des compagnies canadiennes autres qu'Hydro-Québec sont en train de faire des projets assez importants, je pense qu'il y a des associations qui peuvent être faites de façon à s'assurer qu'Hydro aille chercher ou aille monnayer, si on veut, l'expertise qu'elle a ici.

M. Jutras: Je vous remercie, M. Brunet, et messieurs aussi.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Saint-Laurent, brièvement.

M. Cherry: Une seule question par rapport au dernier commentaire sur l'international. Il y a des groupes qui sont venus devant nous, qui auraient souhaité que... Pour être capable d'assurer un meilleur suivi des investissements puis de leur rendement, est-ce qu'Hydro-Québec ne devrait pas tenir une comptabilité séparée de son activité internationale plutôt que de l'englober à l'intérieur de toute son activité?

M. Brunet (Pierre): Ce n'est pas à nous à décider ça.

M. Cherry: Vous, vous n'avez pas d'opinion là-dessus.

M. Brunet (Pierre): Écoutez, l'opinion, c'est que c'est sûr que les états financiers sont rapportés à l'actionnaire, puis c'est l'actionnaire qui décide quelle information il veut avoir. Ce n'est pas à nous à... Nous, je vous répète ce qu'on a dit tantôt, c'est de suivre l'ensemble de la chose. Une chose qui est souvent dite, par exemple, pour complimenter l'ensemble du Québec en fonction de l'hydroélectricité, c'est qu'il n'y a qu'une partie du Manitoba et Seattle, dans l'État de Washington, où le consommateur paie meilleur marché, en Amérique du Nord, que le Québec. Donc, le résultat net du travail des derniers 30 ans fait quand même qu'il y a un résultat qui est là, qui crée la crédibilité financière.

Si, à travers de tout ça, nos ratios étaient plus bas et que les consommateurs payaient plus cher que partout dans le monde, on dirait: Il y a des questions à se poser. Maintenant, pour un actionnaire, il doit demander des rapports plus séparés si vous voulez avoir séparés, puis consolidés. C'est sûr que ça se demande, ça. Hydro-Québec, je pense bien, doit faire des rapports sur ses projets en général. Donc, moi, je ne vois pas... Je pense bien que l'actionnaire peut demander ce qu'il veut.

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. Brunet, la commission vous remercie.

Nous allons suspendre une minute avant d'inviter le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 17 h 56)

(Reprise à 17 h 58)

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît! J'inviterais l'Union québécoise pour la conservation de la nature à prendre place à la table de la commission.

À la demande de la commission et, je pense, par consentement mutuel, nous allons modifier un peu l'horaire de manière à ce que vous nous fassiez votre présentation, la présentation de votre mémoire, et, par la suite, nous poursuivrons les échanges de part et d'autre demain matin. Alors, je voulais simplement souligner que vous avez un maximum d'une quinzaine de minutes pour nous présenter vos propos, et nous continuerons demain matin par la suite.

En vous demandant de bien vouloir vous identifier, pour les fins de la transcription.


Union québécoise pour la conservation de la nature (UQCN)

M. Mead (Harvey): Oui. Merci beaucoup. Je suis Harvey Mead, président de l'UQCN. Je vous présente Manon Lacharité, qui va faire la présentation, ex-vice-présidente de l'organisme et maintenant responsable de nos dossiers sur l'énergie, et Denis Bergeron, qui est directeur de l'environnement.

J'aimerais tout d'abord vous remercier de nous avoir reçus – ça me rappelle une commission où on a fini à minuit. On va faire la présentation. Mais je vous souligne que nous avons lu votre rapport de juin dernier. Nous avons lu le plan stratégique sans y voir aucun lien avec vos recommandations. Nous avons vécu l'adoption des décrets, le 14 janvier, incluant le plan stratégique, et les décrets du 28 qui écartaient tous les cas de consultation traditionnelle qui auraient pu être prévus. La semaine dernière, nous avons pris connaissance de la consultation qui est lancée sur la classification des rivières sans avoir vu la moindre indication d'un suivi des recommandations de la Commission Nicolet 1 – parce qu'il y a maintenant une Commission Nicolet 2.

(18 heures)

Alors, nous trouvons la situation, actuellement, dramatique. C'est le but de notre présentation, et nous espérons pouvoir répondre demain matin.

Mme Lacharité (Manon): Alors, bonjour. Je vais parler vite, on va finir à 18 h 15.

L'Union québécoise pour la conservation de la nature, tout en déplorant l'absence de M. Chevrette, tient à remercier les membres de la commission d'avoir élargi leur mandat de surveillance d'Hydro-Québec en une consultation publique permettant à certains représentants de groupes d'intérêts publics et autres de se faire entendre sur le plan stratégique de la société d'État. Nous croyons toutefois que certains éléments dudit plan stratégique devraient être référés à la Régie de l'énergie, compte tenu de leur complexité et du manque actuel de données essentielles pour une bonne compréhension de leurs implications. Il en est ainsi, par exemple, de la réglementation de la production, de la tarification et des risques financiers associés à de nouvelles productions, dont le plan de ressources d'Hydro-Québec. L'UQCN craint que l'approbation, à cette étape-ci du plan stratégique, ne limite la marge de manoeuvre de la Régie par la suite.

De nombreuses décisions ont été prises, au cours de la dernière année, de façon unilatérale et sans consultation aucune, par les dirigeants d'Hydro-Québec et le gouvernement, entraînant des modifications susceptibles d'avoir de nombreux impacts sur l'avenir énergétique du Québec. Parmi ces décisions, la participation de la société d'État à l'ouverture des marchés américains de l'électricité, aussi appelée «libéralisation du marché de l'électricité», constitue la pierre angulaire de toute une série de choix conduisant à ce qu'il est maintenant convenu d'appeler le virage commercial d'Hydro-Québec et dont le plan stratégique est le reflet.

Ce virage commercial et tout ce qu'il sous-entend de nouvelles productions à des fins presque exclusivement d'exportation relèvent, à notre avis, plus d'un choix de société que d'une simple décision d'affaires, compte tenu des impacts environnementaux, sociaux et des risques financiers qui, ultimement, devront être assumés par la population du Québec. Cette décision de ne voir en Hydro-Québec qu'une entreprise commerciale et de harnacher des rivières québécoises à seule fin d'exportation constitue un précédent politique majeur qui se doit d'être discuté et approuvé collectivement, c'est-à-dire par le biais d'une vaste consultation publique.

Les risques financiers sont bien réels. En ce qui concerne le marché américain et la pertinence pour le Québec d'y participer, M. Caillé s'est montré incapable de définir avec précision les perspectives du marché de l'électricité aux États-Unis, spécifiant devant votre commission que ledit marché se limiterait plutôt à 25 TWh, ce qui, prévu au prix du marché, amènerait des revenus d'exportation potentiels de moins de 1 000 000 000 $, et ce, après avoir fait miroiter des chiffres de 200 000 000 000 $ à 260 000 000 000 $.

M. Caillé n'a pu non plus expliquer de quelle nature seraient les compressions qu'il faudrait envisager afin que notre énergie soit compétitive à la frontière. En effet, les coûts marginaux sont à la hausse, au Québec, contrairement aux nouvelles productions américaines. De plus, les marchés du Nord-Est américain, c'est-à-dire le marché accessible à Hydro-Québec, devraient connaître des baisses de prix substantielles, dû notamment à la hausse de la concurrence suite à l'ouverture des marchés. Conscient de ce problème et malgré son optimisme en ce qui a trait au prix moyen de vente en 2002, soit de 25 % supérieur à celui de 1997, M. Caillé cherche à diminuer les coûts de construction des futurs barrages en faisant des compressions de nature encore inconnue. Toutefois, compte tenu des informations disponibles, l'UQCN croit que lesdites compressions sont susceptibles de rendre nos barrages moins sécuritaires, car on parle ici de normes internationales de construction et d'éviter tout luxe inutile, ou que soient mis de côté les processus de consultation du public.

Il est maintenant de notoriété publique qu'Hydro-Québec cherche en effet à acheter l'accord des corps publics des régions avec ses sociétés en commandite, comme en témoignent, entre autres, les articles de l'annexe 4 de notre mémoire. Nous craignons que la stratégie d'Hydro-Québec et du gouvernement consiste dorénavant à miser sur ces ententes régionales avec les milieux économiques pour que soit jugée frivole toute demande d'audiences publiques de groupes ou personnes extérieures à la région. Ceci permettrait à M. Caillé d'atteindre l'objectif visé en faisant diminuer le temps requis pour la construction afin de faire baisser les coûts de financement de ces projets.

Le processus de classification des rivières mis de l'avant par le ministre des Ressources naturelles va permettre, semble-t-il, de faciliter ces ententes en régions et d'écarter toute ingérence extérieure.

L'UQCN craint aussi que les nouvelles technologies – telles les piles à combustible, les nouvelles générations d'éoliennes et les nouvelles tendances, dont la production distribuée – plus flexibles en termes d'installation et de financement, ne deviennent rapidement, compte tenu de leurs nombreux avantages, de sérieux compétiteurs à notre hydroélectricité en territoire américain. Les projets d'hydroélectricité à venir, dont la rentabilité n'a pas encore été démontrée, risquent donc de se transformer en cauchemar financier que nous devrons assumer collectivement.

Autre impact non négligeable, Hydro-Québec néglige d'investir dans les technologies porteuses d'avenir et créatrices d'emplois – dont l'efficacité énergétique, les énergies éolienne et solaire – condamnant le Québec à demeurer à la remorque des pays plus avancés dans ces domaines d'avant-garde. À cet égard, je vous signale l'exemple du Danemark où 10 000 emplois ont été créés seulement dans le secteur de l'énergie éolienne depuis quelques années. Ce sont maintenant de grands exportateurs dans le domaine et on est en train de regarder passer le bateau, au Québec. Les impacts environnementaux liés à cette décision sont aussi bien réels. La nouvelle production sera essentiellement hydroélectrique, donc harnachement et détournement de dizaines sinon de centaines de rivières, et thermique, forme de production polluante et importée que nous avons toujours su éviter sur notre territoire.

Les impacts écologiques dus aux constructions de barrages sur les rivières sont bien réels et fort nombreux. Nous référons les membres de la commission au rapport de la commission Doyon qui en fait un recensement fort exhaustif. Il serait, selon l'UQCN, fort mal venu d'augmenter notre utilisation du thermique aujourd'hui, alors que le réchauffement de la planète est plus que jamais une réalité et qu'il existe d'autres possibilités plus avantageuses pour notre société.

En ce qui concerne les impacts sociaux, l'UQCN craint que ne se répètent dans toutes les régions du Québec des conflits entre les tenants d'un développement économique à tous crins et ceux pour qui une rivière représente plus qu'une source de kilowatts. Il suffit de penser à la longue lutte du Regroupement pour la protection de l'Ashuapmushuan pour se convaincre que le Québec a plus besoin de projets mobilisateurs en région que de sources de conflits, d'autant plus que, dans plusieurs régions du Québec, les gens se sont réapproprié leurs rivières, dépolluées bien souvent à grands frais. Les nombreux organismes de rivières et associations de conservation en témoignent.

De plus, le fait de participer à l'ouverture des marchés nous entraîne dans un contexte économique où tout est assujetti aux forces et aux prix dudit marché. Il devient alors très difficile de favoriser la priorisation de choix sociaux, telle l'uniformité des tarifs sur un territoire donné, la protection des ressources ou l'efficacité énergétique. En fait, ce choix d'Hydro-Québec et du gouvernement de restructurer le marché de l'électricité ne profitera en bout de ligne qu'à l'industrie électrique, à celle du gaz et à Hydro-Québec qui se sentent bien à l'étroit dans le marché à maturité qu'est le Québec d'aujourd'hui. En ce sens, le Québec ne se démarque en rien, par son manque de vision, des provinces de l'Ouest dont le lobby du gaz et du pétrole tient en échec toute tentative de développement durable. Ce qui était correct dans le passé ne l'est plus forcément aujourd'hui et c'est faire preuve d'un manque de vision inquiétant que de vouloir forcer une ouverture de marché, parce que le nôtre est à maturité, seulement pour continuer de faire tourner une industrie axée sur la hausse de la production énergétique. Le fait que notre énergie soit de nature hydroélectrique n'y change rien. Elle n'est pas sans impact et, jusqu'à preuve du contraire, elle ne sert pas à remplacer des sources plus polluantes aux États-Unis, mais bien à continuer d'alimenter l'appétit énergétique insatiable des Américains.

L'UQCN est fort consciente de l'importance de l'industrie électrique dans le portrait économique du Québec et nous croyons que cette dernière est à la croisée des chemins et se doit de prendre le virage qui s'impose. En fait, le cas de cette industrie aujourd'hui nous rappelle celui des papetières. Il y a quelques années, ces dernières refusaient aussi de s'ajuster aux grandes tendances mondiales, dont la dépollution et une meilleure gestion de la ressource. Le prix à payer, c'est-à-dire, entre autres, la perte de clients européens et une compétitivité moindre, fut suffisamment élevé pour que cette industrie prenne le virage qui s'imposait. La société québécoise n'a pas à assumer les risques financiers et la perte de rivières simplement pour assurer la survie de l'industrie électrique et voir notre société d'État se transformer en boîte à profits, si profits il y a, négligeant ses clients et le réseau québécois.

(18 h 10)

Il existe un tout autre scénario que celui qui nous est imposé par Hydro-Québec et le gouvernement. Contrairement à ce dernier qui, dans les faits, avantage essentiellement l'industrie électrique et les grands consommateurs, l'autre scénario avantage l'ensemble des Québécois, permet de libérer des négawatts, la seule vraie énergie verte, préserve notre patrimoine de rivières et permet au Québec, à l'industrie électrique et à Hydro-Québec de prendre une longueur d'avance sur l'avenir et de développer de nouvelles technologies porteuses d'avenir et créatrices d'emplois. En fait, le gros bon sens, compte tenu du contexte particulier du Québec, aurait voulu qu'on profite au maximum du momentum actuel, c'est-à-dire un marché à maturité, l'appui de la population pour l'efficacité énergétique, en situation de surplus énergétique, pour prendre le virage des concepts avancés en efficacité énergétique plutôt que de s'enliser dans un modèle de développement coûteux socialement, économiquement et environnementalement, passéiste et incertain.

Le gouvernement fait ici preuve d'un manque de jugement évident en confondant la prise en compte des intérêts des Québécois et les choix corporatifs que défend Hydro-Québec. Le clivage entre les besoins de la société d'État tels que nouvellement et unilatéralement définis par le gouvernement et ce qui est bon pour la société québécoise a atteint un point critique où les deux sont incompatibles.

L'UQCN propose que soit revu en profondeur le mandat d'Hydro-Québec, et ce, collectivement. Trente-cinq ans après la nationalisation de l'électricité, l'ère des bâtisseurs, qui était parfaitement justifiée à l'époque, est maintenant révolue. Compte tenu des nouveaux développements dans le domaine – efficacité énergétique, technologies éolienne et solaire plus performantes et moins coûteuses, production distribuée, etc. – peut-être n'avons-nous plus besoin d'une entreprise axée essentiellement sur la nouvelle production, mais plutôt sur une meilleure gestion de notre patrimoine énergétique actuel tout en favorisant la recherche-développement dans les nouvelles filières de production.

Spécifions qu'un tel virage profiterait aussi à l'industrie électrique en lui permettant, entre autres, de se positionner avantageusement sur les marchés étrangers en tant que maître ès énergie, c'est-à-dire hydroélectrique, efficacité énergétique, solaire, éolienne, plutôt que de demeurer simple constructeur de barrages. Tant qu'à prendre un virage, prenons le bon. Il en va de notre avenir à tous.

Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme Lacharité, M. Mead. Nous vous donnons rendez-vous demain matin.

Sur ce, j'ajourne les travaux de la commission au jeudi 12 février, 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 12)


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