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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le lundi 8 juin 1998 - Vol. 35 N° 113

Mandat d'initiative sur le projet de moteur-roue électrique


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Sirros): Mesdames et messieurs, si on peut constater l'existence d'un quorum, on peut donc déclarer la séance ouverte et vous rappeler que le mandat de la commission est de procéder à des auditions concernant le projet groupe traction moteur-roue.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ciaccia (Mont-Royal) remplace M. Benoit (Orford).

Le Président (M. Sirros): Merci. Je vous rappelle que nos travaux sont échelonnés entre ce matin jusqu'à 23 heures. Nous entendrons une série de témoins qui viendront nous parler du projet de traction moteur-roue.


Remarques préliminaires


M. Christos Sirros, président

Peut-être que, avant de commencer les travaux, vous me permettrez quelques remarques préliminaires. C'est un dossier, je pense bien – je parle au nom de l'ensemble des membres – qui a suscité beaucoup d'intérêt au niveau des membres de la commission, que ce soit du côté ministériel ou du côté de l'opposition. On vous avoue candidement que l'insistance du Dr Couture sur le bien-fondé de poursuivre l'ensemble des travaux au niveau du projet groupe traction moteur-roue nous a incités à revisiter ce dossier, un dossier qui a d'ailleurs fait l'objet, tant au niveau de la dernière campagne électorale, des engagements, tant par la suite de beaucoup de questions au niveau du public sur le bien-fondé de la décision d'abandonner la poursuite de l'ensemble du projet pour concentrer sur le moteur-roue.

Je tiens à réitérer ici la recommandation que nous avons faite au ministre tout récemment, quand on a déposé en Chambre le rapport qui découlait des auditions que nous avons eues avec le Dr Couture, à l'effet qu'il devrait y avoir, le plus rapidement possible, un bilan fait de l'état des brevets. À notre connaissance, il n'y a pas encore, à date, eu d'action de prise pour donner suite à cette recommandation de la commission et je ne peux que réitérer l'importance de donner suite à cette recommandation étant donné que, s'il n'y a pas de protection de l'ensemble de brevets, il n'y aura pas de possibilité de retourner ou de relancer, si vous voulez, l'ensemble du projet, si tel était le désir et la voie qu'on pourrait recommander au gouvernement.

Je tiens également à dire que la commission se réserve les droits de poursuivre évidemment son examen, suite aux auditions d'aujourd'hui, de cette question-là. Nous avons un témoin qui a été excusé, étant donné son absence du pays. M. Armand Couture n'étant pas dans la possibilité d'être ici avec nous, il s'est bien offert de pouvoir venir témoigner à une date ultérieure. Et évidemment, suite aux témoignages d'aujourd'hui, nous pourrons revoir les suites que nous entendons donner, comme membres de la commission, à cette question-là.

Je tiens à remercier tous ceux qui ont été convoqués pour leur collaboration à venir éclairer les membres de la commission sur cette question. Juste en terminant, pour la protection de l'ensemble des témoins et le bon déroulement de nos travaux, on demandera à chacun des témoins de s'assermenter aujourd'hui pour qu'on puisse s'assurer que tout le monde est à l'aise avec leur témoignage ici, devant cette commission.

Ça étant dit de la part de la présidence, j'aimerais donner l'opportunité au vice-président de faire ses remarques préliminaires ainsi qu'au porte-parole de l'opposition dans le dossier.


M. François Beaulne

M. Beaulne: Merci, M. le Président. La journée d'aujourd'hui s'inscrit dans le mandat d'initiative que s'était donnée la commission de l'économie et du travail de l'Assemblée nationale pour faire toute la lumière sur le projet de groupe traction moteur-roue du physicien bourchervillois, M. Couture.

C'est un dossier qui a attiré notre attention en 1996, je dirais plus particulièrement à la fin de 1996, lorsque deux émissions particulières ont attiré notre attention. D'abord, une émission sur l'échec du projet Avro Arrow, en 1958, sous les conservateurs, qui s'était soldé par une fuite de cerveaux et par une perte d'opportunité immense pour le Canada puisque, ce qui était la conception technologique de l'époque s'est traduite éventuellement dans le F-18 américain. Non pas que nous fassions une analogie entre les deux dossiers, sauf que, par coïncidence, quelques jours après, l'émission Découvertes , de Radio-Canada, nous présentait l'évolution de l'invention du Dr Couture ainsi que les aspects prometteurs du projet mais, du même coup, l'abandon sans explication de ce projet ou de ce qui semblait être l'abandon de ce projet-là par le démembrement de l'équipe, en août 1995, et la démission de l'inventeur lui-même du projet.

Dans un contexte où nous pensons que la recherche fondamentale est liée étroitement à l'avenir concurrentiel du Québec, les députés de la commission, de manière unanime, ont décidé d'aller examiner ce dossier pour savoir pourquoi on avait pris la décision en 1995 de démembrer l'équipe, pourquoi depuis ce temps-là l'inventeur est complètement isolé du projet, et surtout, s'il y a moyen de réchapper ce projet.

L'aspect fondamental tourne autour, entre autres, des brevets, puisque c'est un peu la pierre d'achoppement qui nous permettra d'évaluer si oui ou non le projet, dans sa conception originale et non pas dans sa conception strictement tronquée et limitée à l'installation de moteur-roue sur une voiture, est réchappable, parce que nous sommes convaincus qu'il y a ici un potentiel de plusieurs dizaines de milliers d'emplois et que le président d'Hydro-Québec lui-même est venu nous avouer, lorsque nous l'avons convoqué en février 1997, il nous a parlé de l'état lamentable de la recherche et du développement à Hydro-Québec, et en particulier dans ce dossier-là.

Si l'on ajoute au dossier du moteur-roue l'annonce de la fermeture de projet Tokamak, à Varennes, sur la fusion nucléaire, et si l'on ajoute à ça ce qu'on apprenait de Louis-Gilles Francoeur dans Le Devoir la semaine dernière, qu'Hydro laisse filer une invention de poste miniaturisé – on apprenait également dans Le Soleil qu'un ancien de Ballard, M. David Johnson, a été mis à la tête de Technologies M4 – on s'interroge à savoir pourquoi est-ce qu'il n'y aurait pas de Québécois qui pourrait assumer la relève à ce niveau-là.

Mais vous comprendrez que la commission est déterminée à aller au fond de ce dossier et c'est la raison pour laquelle le président de la commission a très bien indiqué que la journée que nous avons aujourd'hui n'est pas la fin de nos travaux; nous verrons par la suite comment nous allons poursuivre notre travail.

Ceci étant dit, je remercie, moi aussi, les personnes qui ont accepté de venir nous apporter leurs commentaires et leur éclairage sur ce dossier. Et nous pensons que le travail que fait cette commission est de nature à éclairer le public, à éclairer les députés et, dans la mesure du possible, à essayer de réchapper un projet d'intérêt majeur pour le Québec.

(10 h 20)

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le vice-président. M. le député de Saint-Laurent.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. Étant le troisième à parler, inutile de répéter toutes les choses qui ont été dites. Mais il est quand même important de s'inscrire au dossier de la façon suivante: L'objectif qu'on a unanimement comme commission, aussi bien de le dire au tout début et de façon très claire: nous tentons d'identifier les moyens, les personnes qui pourront contribuer à relancer le projet auquel nous croyons fortement. Et, pour ce faire, nous avons tenu commission parlementaire cet hiver, à la suite de laquelle, pendant deux jours, à huis clos, on a passé à chaque occasion trois heures avec le Dr Couture pour tenter de comprendre ce qui a bien pu se passer dans un dossier qui semble si prometteur, pourquoi tous ces déplacements de personnel, pourquoi ces difficultés.

Alors, on en est arrivés à la conclusion qu'il nous faut aujourd'hui tenir une première journée d'audience. Il est important pour nous d'identifier le rôle que chacun a pu jouer dans ce dossier-là, de nous dire de façon bien simple et bien objective ce que les personnes qui ont été impliquées en connaissent, s'en souviennent. On va questionner sur les documents qu'elles peuvent avoir en leur possession. Il est important pour nous de comprendre. C'est pour ça que c'est une approche qui est unanime.

C'est très rare que les parlementaires, on réussisse à mettre de côté les rôles partisans qui sont les nôtres pour placer l'intérêt supérieur du Québec, mais ça, c'est un projet qui fait chez nous l'unanimité. On a besoin de comprendre et notre tâche est celle d'identifier les gens qui vont pouvoir contribuer à relancer le projet et nous assurer que les gens qui ont volontairement ou autrement pu nuire au projet ou l'amener dans la situation où il est là seront écartés pour que, forts de l'expérience qu'on a connue, on n'ait pas à revivre ça.

Permettez-moi, M. le Président, de citer d'entrée de jeu quelques exemples. Le premier qui m'est venu en tête: on se souviendra, dans les années soixante, de la domination de l'industrie américaine dans le domaine des radios et télévisions, parce qu'à l'époque, la technologie, ça fonctionnait avec des lampes. Les Japonais ont introduit, pas une modification mais une révolution de la technologie. On est passé de la lampe au transistor. Et on connaît aujourd'hui que, comme citoyens, on est presque tous à la recherche de produits qui nous viennent du Japon à cause de la qualité de. Et l'industrie américaine dans le secteur de la télévision et de la radio est presque complètement éliminée à cause, pas d'une modification mais d'un vrai changement technologique.

Plus récent, on avait tous chez nous puis on a probablement tous encore des disques de vinyle. Il n'y a pas bien, bien, bien longtemps que la technologie du CD est arrivée sur le marché mais aujourd'hui, ceux qui sont restés dans l'industrie du vinyle ne sont plus là. Ceux qui fabriquaient des tables tournantes de façon conventionnelle ne sont plus là, c'est une nouvelle technologie.

La situation de la traction du moteur-roue m'apparaît comme, pas une évolution de la technologie, mais bien une révolution dans l'industrie de la mobilité du secteur, non seulement de l'automobile mais des transports en commun et, à mon avis, une foule d'applications.

Et vous me permettrez un troisième exemple que j'ai vécu de beaucoup plus près, de façon très personnelle. Vous vous souviendrez qu'à la fin des années soixante-dix les sommes d'argent qui étaient investies, qui ne sont en rien comparables à ce qu'on vit présentement, étaient la recherche et le développement de l'avion, le Challenger. Souvenons-nous tous, à l'époque, dans l'ensemble des médias, Canadair était décrite comme un canard boiteux dont il fallait que le gouvernement se débarrasse. Souvenons-nous de ça, c'était un canard boiteux dont il fallait se débarrasser. Au-delà de 1 000 000 000 $ avaient été investis dans la recherche et le développement du Challenger.

Vingt ans plus tard, la technologie du Challenger est maintenant reconnue comme le fleuron par excellence au Québec. On est passé du Challenger traditionnel au RJ, au Global Express. Ça crée chez Canadair uniquement... environ 10 000 personnes travaillent chez Canadair aujourd'hui. Le carnet de commandes est rempli pour les années à venir. On me dit que la fabrication de cette année sera entre 38 et 40 appareils. Et pourtant, on décrivait tout ça comme un gouffre sans fin, comme un gaspillage d'argent dont il fallait absolument se débarrasser.

J'ai vécu la période, comme président du syndicat à l'époque, où les gars étaient gênés de dire qu'ils travaillaient chez Canadair, tellement l'opinion publique avait réussi à discréditer la recherche et le développement de ce projet-là. Et pourtant, aujourd'hui, facilement on peut identifier ceux qui y travaillent, tout le monde est identifié avec les symboles de l'entreprise sur eux, parce que ça fait leur fierté, parce qu'ils sont bien identifiés à ça. Donc, il y a des leçons à tirer de la façon dont parfois, involontairement, je le souhaite, on se comporte dans certains dossiers.

Alors, pour nous, il est important d'identifier les gens, quel rôle ils ont joué, quelles sont les informations qu'ils possèdent et à partir desquelles notre objectif – et je le répète et je termine avec ça – c'est que, forts des expériences que nous avons, nous puissions relancer ce projet-là. Personne, je n'ai entendu ni lu personne qui peut mettre en doute les compétences du chercheur, du scientiste qu'est le Dr Couture. C'est une des personnalités sur la scène, je dirais, mondiale, extrêmement respectée pour ses travaux. Pourquoi quelqu'un qui l'est ailleurs a tant de difficulté à ce que chez nous on puisse reconnaître sa contribution? Est-ce qu'il y a là conflit de personnalités? Est-ce que c'est l'encadrement? Est-ce qu'il y a manque d'intérêt? Il est important pour nous de tout identifier ça parce que, encore une fois, notre objectif, c'est vraiment de relancer le projet. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Avant de procéder, pour l'information de tous, cet après-midi, à partir de 15 heures, nous siégerons au salon rouge où un petit problème de communication technique entre le président et la secrétaire avait empêché qu'on siège ce matin.


Auditions

Alors, avant de débuter avec Mme Sylvie Archambault, on m'a fait comprendre que M. Yves Filion voudrait prendre deux minutes pour nous expliquer quelques documents qu'il a l'intention de transmettre aux membres de la commission. Alors, M. Filion.


M. Yves Filion

M. Filion (Yves): M. le Président, Mme et MM. membres de cette commission, j'apprécie que vous me donniez quelque temps. Une brève introduction pour introduire le dépôt des documents qui font part un peu de notre position sur le dossier.

D'entrée de jeu, j'espère que les travaux que nous menons aujourd'hui vont permettre de répondre aux questions que se posent les membres de cette commission et j'espère surtout qu'ils vont corriger les perceptions erronées qui apparaissent dans les conclusions des travaux de cette commission suite à l'audience à huis clos du Dr Pierre Couture.

Je tiens aussi à réitérer la justesse de l'information que j'ai personnellement transmise devant cette commission en février dernier. Je suis particulièrement prêt à revenir sur les points soulevés par le Dr Couture dans une lettre qu'il a fait parvenir au ministre des Ressources naturelles, M. Guy Chevrette, en date du 1er avril dernier et dans laquelle il remet en cause l'exactitude de mon témoignage.

Je veux profiter de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour apporter devant cette commission un certain nombre de précisions importantes. La première est à l'effet que le projet de moteur-roue n'est pas mort et qu'il n'a jamais été arrêté; au contraire, il continue. La recherche sur le moteur-roue se poursuit au sein d'une nouvelle entreprise dont les partenaires financiers sont Hydro-Québec, la Société générale de financement, la Caisse de dépôt et placement du Québec via Sofinov et le Fonds de solidarité des travailleurs et travailleuses du Québec, toutes des institutions québécoises respectables et reconnues. La société poursuit des travaux tout en étant à la recherche de partenaires industriels pour commercialiser la technologie issue du moteur-roue.

Je veux en second lieu rappeler à cette commission que toutes les décisions prises par Hydro-Québec dans ce projet ont été fondées sur des principes simples et élémentaires de gestion saine et efficace. L'obligation d'une gestion financière découle du mandat même que l'actionnaire a confié aux dirigeants d'Hydro-Québec.

Le Président (M. Sirros): Si je peux vous interrompre, vous aurez sûrement l'occasion, lors de votre témoignage, de faire cet encadrement de votre présentation. Je pensais que c'était pour nous expliquer un peu les documents que vous avez.

(10 h 30)

M. Filion (Yves): Si vous permettez, M. le Président, les documents que je veux déposer sont des documents quand même assez importants. Je veux présenter la trame qui supporte ces documents, et j'aurai terminé en moins de cinq minutes, si vous me permettez.

Le Président (M. Sirros): Continuez.

M. Filion (Yves): Je veux sensibiliser les membres de cette commission au fait que le projet, qui a été approuvé pour la première fois en 1991, portait essentiellement sur le développement d'un moteur électrique et comportait un budget de l'ordre de 8 000 000 $ sur trois ans et des objectifs à atteindre. À la fin de 1994, lorsque le dévoilement de la technologie a été fait à Los Angeles et lorsque l'on a invité les autorités politiques et la haute direction d'Hydro-Québec à s'asseoir dans le véhicule devant les caméras, la preuve de concept du moteur-roue n'était pas faite. Par exemple, le convertisseur était alors logé dans le coffre du véhicule et non intégré dans le moteur-roue. Par ailleurs, les problèmes reliés au refroidissement et au poids étaient bien connus de l'industrie, et personne de l'industrie automobile n'était sérieusement intéressé par le concept en développement, ceci, en 1994. C'est pourquoi, au début de 1995, le mandat d'administrer le projet a été confié à M. Jacques Germain, un administrateur de projets d'expérience. Hydro-Québec avait accordé des fonds pour les six premiers mois de l'année et, pour pouvoir obtenir des fonds additionnels, M. Germain devait produire un plan d'action et un budget détaillé avant la fin de juin 1995.

Les deux prérequis élémentaires à la poursuite du projet n'ont donc pas été respectés, soit la nécessité de produire un plan d'action et celle de rendre compte. Je pense ne pas me tromper si je dis qu'il n'y a pas un seul administrateur au monde qui puisse accepter que ces principes élémentaires de gestion ne soient pas rencontrés. Et je n'ai certainement pas à vous rappeler aussi qu'il est fondamental de savoir si des fonds engagés dans un projet, quel qu'il soit, le sont de façon valable, spécialement s'il s'agit de fonds publics.

Les affirmations du Dr Couture quant à l'aspect révolutionnaire et à la grande valeur commerciale de la technologie reposent sur un groupe de traction conceptuel et non sur celui qui existe en laboratoire. La valeur commerciale réelle, elle, dépend des résultats concrets obtenus et mesurés en laboratoire. Sous la direction du Dr Couture, la preuve de concept n'a pas été établie pour ce projet. La preuve de concept, c'est la mise au point d'un prototype de moteur-roue avec son convertisseur et son électronique de commande intégré, fonctionnant en laboratoire en régime continu à des puissances nécessaires à son utilisation dans un groupe de traction pour véhicule électrique.

Or, le Dr Couture demandait à Hydro-Québec d'engager plusieurs millions, voire des dizaines de millions de dollars, en l'absence de la preuve la plus élémentaire du concept de base qui n'était pas encore faite. C'est pourquoi, en août 1995, nous avons décidé de concentrer les travaux de recherche et de développement exclusivement sur le moteur-roue, qui reste la composante essentielle sans laquelle il n'y a pas de projet, et d'en confier la responsabilité à la société M4. Cette décision a été supportée par tous les gestionnaires en autorité à Hydro-Québec qui ont eu à se pencher sur cette question. C'est aussi cette décision qui a donné lieu à la démission du Dr Couture en août 1995 et à la suite des événements. Je maintiens que c'était une bonne décision, parce qu'elle visait à créer les meilleures conditions possible pour assurer le succès commercial du projet et réaliser le plus grand retour sur l'investissement.

Je reviendrai plus tard, M. le Président, sur mon implication personnelle dans le dossier; je crois que j'aurai l'occasion d'y revenir. J'aimerais toutefois dire que, dans la suite des décisions, un mandat a été également confié à un comité aviseur composé d'experts internationaux. Les prises de décision qui ont été faites par la suite, soit à la fin d'août 1997, ont été largement inspirées par les conclusions du rapport émis par le comité aviseur dirigé par M. Bernard Coupal. Elles ont plus particulièrement donné lieu à la création de la nouvelle entreprise, que je mentionnais tout à l'heure, qui est détenue à 49 % par Hydro-Québec et sous le contrôle du groupe Sofinov, SGF et le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec. Et je tiens à préciser que mon témoignage à la dernière commission parlementaire était basé sur une démarche rigoureuse d'analyse de ce dossier en tant que gestionnaire d'Hydro-Québec et non sur des ouï-dire, tel que me le reproche le Dr Couture.

Donc, j'ai voulu faire cette introduction, M. le Président, pour présenter une série de documents qui racontent un peu l'histoire ou qui précisent les faits et les décisions d'Hydro-Québec dans l'histoire du moteur-roue à partir de 1991. Je vous demande donc, M. le Président, la permission de déposer ce document qui comporte les résolutions et les décisions importantes qui ont été prises par Hydro-Québec et la société M4 dans ce dossier depuis 1991, ainsi que quelques correspondances significatives dont, entre autres, également, la version intégrale et originale du rapport du comité aviseur dirigé par M. Bernard Coupal. Donc, ces documents viendront, nous l'espérons, établir, par les faits, l'exactitude des informations transmises à cette commission.

Permettez-moi de répéter que je souhaite que les témoignages des personnes appelées à se présenter ici aujourd'hui vont permettre de corriger les perceptions des membres de la commission dans ce dossier. Je vous remercie de votre attention et il me fera plaisir de revenir tout à l'heure.


Documents déposés

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Filion. On accepte les documents pour transmission aux membres.

Je tiens pour ma part tout simplement à dire ceci. Vous avez qualifié les conclusions de la commission d'erronées, au début de votre exposé. Je tiens tout simplement à vous faire remarquer que la commission n'a pas tiré de conclusions au moment où on se parle. La seule recommandation qu'on a faite, c'est d'inciter le ministre à donner les moyens au Dr Couture de faire le bilan de l'état des brevets. Alors, on ne peut pas qualifier d'erroné quelque chose qui n'a pas encore été tiré. Il y a effectivement des perceptions qui existent et, d'ailleurs, c'est pour ça qu'on a tenu à convoquer ouvertement l'ensemble des personnes impliquées dans le dossier pour justement éclaircir la situation, éclairer la situation, éclairer les membres. Et c'est à la suite de ces travaux qu'on pourra possiblement tirer des conclusions. Alors, avec ça...

M. Filion (Yves): Je ne me souviens pas du mot que j'ai utilisé, M. le Président, mais je crois avoir utilisé...

Le Président (M. Sirros): Moi, je me souviens très bien parce que j'ai sursauté.

M. Filion (Yves): Je crois avoir utilisé le mot «perception».

M. Cherry: Travaux erronés.

Le Président (M. Sirros): Vous avez parlé de conclusions erronées. Mais je tenais simplement à faire cette...

M. Filion (Yves): Bien, si j'ai parlé de conclusions erronées, c'est une erreur de ma part parce que...

Le Président (M. Sirros): M. Filion...

M. Filion (Yves): ...sur mon texte, ici, je parle de perceptions erronées, et il y a une différence, vous avez raison, entre des conclusions et des perceptions.

Le Président (M. Sirros): Effectivement.

M. Filion (Yves): Alors, je parlais vraiment de perceptions erronées.

Le Président (M. Sirros): D'accord. Alors, merci beaucoup. On aimerait peut-être donc procéder avec la suite. Nous avons ce matin un bloc de temps maximal allant jusqu'à 13 heures. Nous avons trois personnes que nous voulons entendre, on le fera à l'intérieur de cette enveloppe d'ici 13 heures, alors en ajustant au besoin, selon les voeux des membres, les témoignages.

Alors, j'aimerais appeler Mme Sylvie Archambault à prendre place, s'il vous plaît, et je vais demander à la secrétaire de procéder à l'assermentation.


Mme Sylvie Archambault


Assermentation

Mme Archambault (Sylvie): Alors, je, Sylvie Archambault, jure que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Alors, est-ce que vous avez des remarques préliminaires ou des commentaires que vous voulez faire avant que les membres procèdent à leurs questions?

Mme Archambault (Sylvie): Peut-être, M. le Président. D'abord, merci de m'entendre ce matin. Je voudrais réexpliquer le mandat qu'on m'avait donné.

Le Président (M. Sirros): Peut-être, juste avant, vous identifier au niveau de votre titre.

Mme Archambault (Sylvie): À l'époque où j'étais...

Le Président (M. Sirros): À l'époque où vous étiez...

Mme Archambault (Sylvie): Alors, à Technologies M4, j'étais président-directeur général de Technologies M4, date d'entrée en fonction, le 1er avril 1996, et j'ai quitté Technologies M4 après avoir recommandé la mise en veilleuse de ses activités le 12 septembre 1997.

Le Président (M. Sirros): Merci.

Mme Archambault (Sylvie): Alors, M. le Président, le mandat qu'on m'a donné à titre de présidente-directrice générale était de commercialiser la technologie du moteur-roue dont la recherche, le développement et la réalisation d'un prototype fonctionnel devaient être terminés. Je porte à votre attention la structure organisationnelle avec laquelle j'ai évolué. L'IREQ était responsable de la recherche, du développement du prototype de laboratoire ou la réalisation de plusieurs prototypes de laboratoire, la documentation, les plans, les devis, la réalisation des essais et la propriété intellectuelle. À Technologies M4, donc, mes responsabilités étaient de gérer les budgets à la fois de recherche et à la fois de préindustrialisation et définitivement que mes activités devaient commencer sur la réception d'un prototype de laboratoire fonctionnel qui était prévue en septembre 1996. Aucun lien de responsabilité et d'autorité en ce qui me concerne sur les activités de recherche et de développement.

(10 h 40)

Le Président (M. Sirros): Merci. Alors, M. le vice-président.

M. Beaulne: Oui, merci, M. le Président. Mme Archambault, vous nous avez dit que vous êtes entrée chez M4 en avril 1996 et que vous en êtes sortie le 12 septembre 1997. Quels étaient les motifs qui vous avaient amenée à la tête de M4 et pourquoi avez-vous quitté le projet dans une période de temps relativement un peu courte, un an et trois mois?

Mme Archambault (Sylvie): Alors, je répondrai à vos deux questions. La première, ce qui m'a motivée, c'est que je continue de prétendre que la technologie qui a été développée est une bonne technologie, c'est une technologie qui vaut la peine d'être examinée. Évidemment, l'autre raison, c'est la possibilité rapidement de commercialiser la technologie, puisqu'on m'avait informée qu'elle était très avancée au niveau de son développement, et ma compétence me permettait de mettre en action les différentes étapes de commercialisation.

Alors, pourquoi j'ai quitté? Tout simplement parce qu'il ne m'était pas possible à court terme de commercialiser la technologie. J'ai fait part à mon conseil d'administration que la technologie n'était pas terminée en termes de développement, qu'à mon sens il restait encore beaucoup de millions à investir. Je n'ai jamais remis en cause ce qui avait été développé, mais plutôt de prétendre que les activités qui m'étaient demandées étaient impossibles à réaliser à court terme.

D'autre part, je mettrai en lumière un élément important de ma décision. La structure organisationnelle dans laquelle on m'avait demandé d'évoluer n'était, à mon sens, absolument pas viable pour le bien du projet. On ne peut pas demander, à mon sens, de séparer les activités de recherche et de développement et les activités de commercialisation sans que l'une et l'autre aient des liens étroitement reliés. J'ai donc recommandé de poursuivre les activités de recherche et développement et, évidemment, de modifier la structure. N'étant pas volontaire pour les activités de commercialisation à court terme, j'ai donc quitté et recommandé de mettre les activités de commercialisation pures en veilleuse et de poursuivre le projet de recherche et développement avec une seule entité.

M. Beaulne: Quel budget aviez-vous à ce moment-là, pendant que vous étiez à M4?

Mme Archambault (Sylvie): À l'époque, au mois d'avril, lorsque je suis arrivée, on me parlait d'un budget autorisé de 12 000 000 $. Pour des raisons de compressions à Hydro-Québec, on m'a demandé de voir à la possibilité de diminuer les budgets pour l'année, ce qui a été fait. Alors, les budgets d'opération 1996 ont été de 9 000 000 $, proportion gardée de 7 200 000 $, 7 300 000 $ en recherche et développement qui appartenaient à l'IREQ et le reste aux activités de Technologies M4.

M. Beaulne: Et qu'est-ce que vous avez fait avec ce budget de 12 000 000 $?

Mme Archambault (Sylvie): Écoutez, il y a évidemment des dépenses inhérentes au fonctionnement de l'entreprise. Nous étions installés dans un établissement sur la rue Le Breton, un bail qui avait été engagé avant que, moi, j'y arrive. Il y a évidemment des argents qui ont été dépensés pour des études qui ont permis au comité d'experts d'arriver aux conclusions que vous connaissez actuellement.

M. Beaulne: Mais ça se monte à combien? Ça n'a pas l'air que ça monterait à 12 000 000 $, tout ça.

Mme Archambault (Sylvie): Non, je vais reprendre mon explication. Alors, le 12 000 000 $, c'était à l'origine. On a compressé à 9 000 000 $. Dans le 9 000 000 $, il y a à peu près 7 200 000 $, 7 300 000 $ – et vous excuserez le détail de l'information – qui ont été consacrés aux activités de recherche et développement à l'IREQ. Le reste, 9 000 000 $ moins 7 200 000 $, 7 300 000 $, ça a été pour des activités à Technologies M4. Donc, il reste peu d'argent pour les études qu'on a menées et, évidemment, pour maintenir le personnel qui était déjà en place, pour certains, à mon arrivée. Il y a des études qui ont été réalisées sous ma présidence qui, je le redis une fois de plus, ont servi à la prise de position par le comité d'experts en août 1997, dernier.

M. Beaulne: Vous avez dit tout à l'heure que vous avez pris la décision de quitter parce que vous jugiez que le projet, à l'étape où il était, était peu commercialement viable. Avez-vous des connaissances particulières en matière technologique?

Mme Archambault (Sylvie): Bien, écoutez, je pense que j'ai un profil et une expérience qui démontrent ma capacité, si tel avait été le cas, de commercialiser une technologie qui était prête. La technologie n'était pas prête, alors c'est la seule raison pourquoi j'ai quitté et j'ai recommandé que, à la fois sous une même présidence, on retrouve les activités de recherche, de développement, d'ingénierie, de commercialisation, etc., et non d'avoir deux activités.

M. Beaulne: Oui, mais vous comprendrez que c'est une question assez importante. Vous êtes à la tête de M4. Vous prenez la décision de quitter en recommandant de ne pas commercialiser le projet sur la base que vous jugez que la technologie n'est pas à point. Alors, je vous repose la question: Quelle est votre formation ou quelle est votre expérience professionnelle qui vous permettait de prendre la décision et de déterminer que la technologie n'était pas à point?

Mme Archambault (Sylvie): D'abord, ma formation: je suis ingénieure de profession et j'ai un Bac en administration et en marketing, pour votre information. Écoutez, la technologie, évidemment, comme je vous l'ai mentionné, je n'avais pas de juridiction sur l'orientation de la recherche et du développement. Cependant, un cahier de charges avait été rédigé en bonne et due forme, dont la lecture m'était permise, et non seulement la lecture, mais la possibilité de réaliser, à certains moments, si effectivement certains essais répondaient aux spécifications contenues dans le cahier de charges. Un. Donc, de là, il m'a été permis de réaliser que la technologie n'était pas complétée.

M. Beaulne: Par qui avait été préparé le cahier de charges?

Mme Archambault (Sylvie): Le cahier de charges a été préparé, à ma connaissance, évidemment avec l'équipe de recherche à l'époque où M. Jacques Germain était responsable des activités de recherche.

M. Beaulne: Donc, ça a été préparé sous l'égide de M. Jacques Germain.

Mme Archambault (Sylvie): Le cahier de charges était déjà préparé lorsque, moi, je suis entrée en fonction. Je n'ai eu qu'à valider les éléments et à m'assurer qu'ils étaient effectivement réalisés selon les échéanciers.

M. Beaulne: Pendant que vous étiez à la tête de M4, avez-vous rencontré le Dr Couture pour discuter avec lui du projet ou de différents aspects de la technologie?

Mme Archambault (Sylvie): J'ai rencontré le Dr Couture une seule fois et c'est à la toute fin du mandat, où nous avons échangé de façon très officieuse sur ses perceptions et un peu les miennes. Mais je dois dire qu'on n'est pas rentrés dans un niveau de détails important.

M. Beaulne: Donc, en réalité, vous n'avez pas eu de discussions très poussées avec le Dr Couture sur le groupe traction ou le moteur-roue lui-même?

Mme Archambault (Sylvie): Bien, écoutez, vous comprendrez que le Dr Couture avait déjà quitté depuis août 1995. Moi, je suis entrée le 1er avril 1996 avec une nouvelle organisation, avec des personnes qui avaient évidemment consolidé l'information que M. Couture avait laissée lors de son départ. Alors, je me suis limitée à comprendre le projet avec la documentation qu'on me donnait.

Le Président (M. Sirros): Juste pour compléter ça. Qu'est-ce qui vous avait amenée à rencontrer le Dr Couture?

Mme Archambault (Sylvie): J'essaie de me rappeler les circonstances. Écoutez, il me semble que c'est par personne interposée qu'on me disait: Tu devrais peut-être échanger avec lui sur la situation actuelle du projet. Et ça s'est fait dans un restaurant à Saint-Lambert, un petit déjeuner qui a duré à peu près une heure et demie, deux heures tout au plus. C'est par curiosité, par curiosité et par intérêt, évidemment, de l'individu. Mais M. Couture n'étant plus d'autorité à prendre des décisions sur le dossier, je ne le rencontrais d'aucune manière pour réagir à la technologie qu'il avait développée, mais plutôt pour échanger sur une base tout à fait amicale.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, madame. Merci, d'abord, de la franchise avec laquelle vous avouez que la raison pour laquelle on vous a recrutée, votre spécialité, c'est la commercialisation. Et vous me dites, et vous me rappelez si je vous cite bien, vous dites: J'ai constaté que le projet n'était pas à la phase où une activité de commercialisation pouvait atteindre les objectifs qu'on voulait me confier. Donc, dans ce sens-là, le projet n'étant pas à maturité pour être commercialisé...

Mme Archambault (Sylvie): Voilà.

M. Cherry: ...vous dites: Ma venue dans ce dossier-là...

Mme Archambault (Sylvie): Elle est prématurée.

M. Cherry: ...est prématurée. Mais, en même temps, selon les perceptions que vous en avez eues et le temps que vous lui avez consacré, vous dites: Je reconnais qu'il y a là un potentiel qui mériterait que ce soit fait. Vous parlez que l'édifice Le Breton, je pense, la rue Le Breton, c'est comme ça qu'on y réfère...

Mme Archambault (Sylvie): Oui.

M. Cherry: ...c'est là qu'étaient installés vos bureaux.

Mme Archambault (Sylvie): Oui.

M. Cherry: C'est bien ça?

Mme Archambault (Sylvie): Tout à fait.

M. Cherry: O.K. Mais, durant les 15 mois où vous avez travaillé là, les gens qui, eux, selon ce que vous nous en dites, poursuivaient les recherches, est-ce qu'ils étaient sous le même toit ou est-ce qu'ils étaient demeurés ailleurs?

Mme Archambault (Sylvie): Absolument pas. Les gens de recherche et de développement étaient demeurés dans l'édifice M4 sur les terrains de l'IREQ, de l'Institut de recherche d'Hydro-Québec.

M. Cherry: O.K. Est-ce que, selon vos informations, à l'origine, l'idée de louer les facilités sur Le Breton avaient comme objectif de regrouper sous un même toit et la recherche, et le développement, et les aspects de commercialisation?

Mme Archambault (Sylvie): De ce que j'ai lu, il m'apparaît effectivement que cette décision-là était de regrouper les gens de l'IREQ et les gens de la commercialisation sur la base que la technologie, elle était prête aux premières analyses de préindustrialisation et, par la suite, de commercialisation. Mais il m'apparaît effectivement clair que la décision était basée sur une volonté de regrouper les différentes...

M. Cherry: Volonté qui n'a pas été exécutée parce que...

Mme Archambault (Sylvie): Pas exécutée effectivement, mais les raisons...

M. Cherry: Oui. L'espace de Le Breton, le loyer qu'on y payait, est-ce que, de mémoire, vous vous souvenez c'était de combien?

Mme Archambault (Sylvie): C'était important parce que c'est un édifice qui est très grand. Évidemment, pour regrouper l'ensemble du personnel et, évidemment, tous les équipements requis, ça nécessitait ces espaces-là et cette grandeur-là. Mais, mensuellement, c'était un bail qui était de l'ordre de 10 000 $, 11 000 $.

M. Cherry: De?

Mme Archambault (Sylvie): 10 000 $, 11 000 $, de mémoire.

(10 h 50)

M. Cherry: Mensuellement. O.K. Et vous dites que c'était un endroit qui était immense. Quand vous êtes arrivée là, quelle était la superficie qui était occupée pour ces fonctions et quelle partie était inoccupée, si vous aviez à me faire ça en pourcentage?

Mme Archambault (Sylvie): 80 % inoccupée.

M. Cherry: 80 % inoccupée. O.K.

Dans vos remarques, vous parlez qu'il y a plusieurs prototypes. Évidemment, je me reconnais un peu à cause de mon passé. Quand on prépare un projet, on peut prévoir qu'il y aura trois, quatre, cinq, ou même plus, prototypes et chacun de ces prototypes-là, au moment de la conception, a une vocation bien particulière. Dans tel aspect de tel prototype, on va pousser jusqu'à sa limite telle donnée qu'on veut recueillir pour ensuite la jumeler avec le résultat des deuxième, troisième, pour finalement faire un produit qui est commercialisable.

Mme Archambault (Sylvie): Tout à fait.

M. Cherry: Quand vous êtes arrivée, ce que vous avez constaté, c'était le prototype numéro lequel par rapport à l'origine du projet?

Mme Archambault (Sylvie): On parlait à l'époque – et j'utiliserai le vocabulaire utilisé par les chercheurs mêmes – on parlait d'un prototype 3.0 qui était en réalisation.

M. Cherry: Donc, si on essaie de se comprendre, ça pourrait être le troisième prototype.

Mme Archambault (Sylvie): Possiblement, mais, évidemment, je ne veux pas m'engager...

M. Cherry: Non, non, O.K.

Mme Archambault (Sylvie): ...à expliquer le 1 et le 2, mais on parlait du prototype 3.0.

M. Cherry: O.K. Et selon la documentation que vous avez pu constater, le projet, dans son entité, aurait pu nécessiter, aurait dû nécessiter combien de prototypes? Combien d'autres? Là, on est au troisième, pour tenter de se comprendre, 3.0.

Mme Archambault (Sylvie): Bien, écoutez, et que mes propos ne soient pas pris comme juste... au point et à la virgule, mais il m'apparaît nécessaire de réaliser à tout le moins quatre ou cinq versions d'un prototype. Vous savez, un prototype commercial n'est pas le prototype commercialisable. Le prototype de laboratoire, selon moi, fera l'objet de plusieurs itérations, qu'on appellera prototype 4, 5, 6, peu importe. Mais, avant d'arriver à un prototype commercial, bien sûr qu'il m'apparaît absolument nécessaire de faire plusieurs versions qui, l'une après l'autre, seront évidemment modifiées et adaptées aux besoins du produit final.

M. Cherry: O.K. Donc, celui que vous avez constaté, si on réfère au numéro 3, a été décrit. On dit, par exemple: Telle pièce d'équipement, la miniaturisation n'était pas faite, on trouvait ça dans le coffre arrière... Probablement que, dans la conception originale et dans le cheminement de ce projet-là, à la phase 3, c'était la sorte d'installation dont avaient besoin les gens qui faisaient la recherche pour arriver aux objectifs de la phase 3 pour, ensuite, soit la miniaturiser ou la modifier selon les trouvés qu'on avait.

Vous me permettrez une autre remarque aussi. Vous dites: Je suis arrivée là, je suis restée là une période de 15 mois; au moment où je suis arrivée, le Dr Couture avait quitté.

Mme Archambault (Sylvie): Oui.

M. Cherry: Et vous dites que, de façon informelle, vers la toute fin de votre séjour, vous avez, soit à sa demande ou à la vôtre, eu une rencontre bien informelle pour tenter de comprendre. Ça me semble personnellement, et je vous demande de m'expliquer le pourquoi du contraire... pourquoi ce n'est pas le genre de démarche que vous auriez souhaité avoir au début de votre engagement là, pour tenter de comprendre? Même s'il avait quitté, vous acceptiez la responsabilité de commercialiser un projet dont, lui, il était l'inventeur puis le concepteur. Pourquoi ne pas l'avoir rencontré au début de votre séjour là plutôt que dans les dernières semaines ou les derniers mois?

Mme Archambault (Sylvie): Vous savez, monsieur, je ne vous ferai pas de dessin si je vous dis que la situation n'était pas nécessairement facile. Le Dr Couture avait quitté, les relations étaient parfois difficiles entre les gens, entre l'équipe qui est restée à tout le moins. Et, moi, je me suis contentée de prendre l'information qu'on me donnait et la prendre pour véridique. De revenir à la charge et d'essayer d'aller chercher d'autres informations alors que ce que j'avais m'apparaissait complet, je trouvais qu'il était peut-être inhabile de ma part, compte tenu des circonstances et du climat – évidemment, je pense qu'on le sait tous, le Dr Couture n'était pas très content de la situation... Alors, je me suis contentée de ce qu'on me donnait comme information et éviter de revenir à la charge et de comprendre.

M. Cherry: Est-ce que de façon directe ou indirecte vous avez pu percevoir, avec votre expérience, que les gens qui avaient décidé de votre venue là ne souhaitaient pas que vous ayez des rencontres avec le Dr Couture?

Mme Archambault (Sylvie): Bien, écoutez, qu'ils ne le souhaitaient pas... En toute honnêteté, je n'ai jamais eu la commande – pour bien vous répondre – de ne jamais rencontrer le Dr Couture. Cependant, pour prendre évidemment les conseils de quelques individus... on me disait: Écoute, si tu as besoin de plus d'information, tu nous la donnes; si tu sens le besoin de le voir, tu le vois, mais ce qui existe comme information sur le dossier est la suivante. Alors, c'est une décision tout à fait personnelle de ne pas avoir donné suite. Évidemment, cette décision a été un peu corroborée par certaines personnes qui me disaient: Bon, on pense qu'effectivement l'information, tu l'as, aux questions que je posais. Alors, ce n'était pas nécessaire pour moi de rencontrer le Dr Couture.

M. Cherry: Vous avez quitté à quel moment? Voulez-vous me rappeler?

Mme Archambault (Sylvie): J'ai quitté officiellement le 12 septembre 1997, et le bail se terminait le 31 août 1997. Alors, j'ai fait coïncider la mise en veilleuse des activités de Technologies M4 dans le mandat qu'on lui avait dévolu, qui était exclusivement la commercialisation, avec la terminaison du bail, le 31 août 1997.

M. Cherry: Donc, je présume que... J'ai en main le rapport du comité aviseur daté du 29 août 1997. Vous étiez encore en fonction à ce moment-là?

Mme Archambault (Sylvie): J'étais encore en fonction.

M. Cherry: Donc, vous en avez pris connaissance là. J'espère que j'ai le bon document, parce qu'il y a tellement de choses là-dedans. Parmi les constatations qu'on trouve dans le rapport de gens qui ont été décrits comme des experts, sûrement des experts dans leurs domaines respectifs – est-ce que leur expertise était pertinente au dossier? Il s'agira d'en faire l'évaluation. – La troisième constatation que j'y lis, c'est qu'«Hydro-Québec ne possède ni la culture ni la connaissance du milieu de l'automobile. De plus, le projet M4 a connu ces dernières années des problèmes de gestion et de leadership technique.» C'est quoi, votre réaction quand vous prenez connaissance d'un rapport d'experts qui font ces commentaires-là qui me semblent de façon accablante pour le projet? Un dit: La boîte qui donne la commande n'a ni la culture ni les connaissances du milieu pour lequel elle poursuit des recherches et, deuxièmement, ces dernières années – donc précédant même votre arrivée là, ce qu'on constate ici... ils disent: «ces dernières années des problèmes de gestion et de leadership». Donc, vous réagissez comment quand vous prenez connaissance de constatations comme celles-là?

Mme Archambault (Sylvie): Écoutez, ce ne sont pas mes écrits, et je continue de dire que les gens qui ont écrit le rapport étaient effectivement des experts dans leurs domaines respectifs. Vous savez, on parle d'une technologie et on parle d'une technologie qui semble avoir des retombées économiques importantes à long terme, mondiales, etc. Alors, moi, je pense que ma réaction face à la culture et à la connaissance, je dirais plutôt, il faut effectivement être en contact avec les géants du secteur où l'on veut pénétrer avec la technologie. Le contact, je ferai fi du moyen à utiliser en termes de contact, mais il faut définitivement avoir la connaissance de ce milieu-là pour pénétrer ces marchés-là.

(11 heures)

Vous savez, le secteur de l'automobile, on fait face à un secteur d'activité extrêmement, techniquement très avancé, où chaque leader mondial a son département de recherche et développement. Évidemment, tout comme nous, on ne connaît pas ce qui est développé chez eux, mais il m'apparaît absolument nécessaire d'être en relation avec le secteur de l'automobile. Et je fais fi de la manière dont la relation doit être faite. Mais, quand on parle de culture et de connaissance, moi, je parle plutôt de la connaissance du milieu. Il m'apparaît nécessaire d'aller chercher des gens qui ont une forte expérience et une forte connaissance de ces secteurs d'activité pour permettre à notre technologie d'être à la hauteur de ce qu'on s'attend.

M. Cherry: Oui, vous avez raison. On a pris connaissance la semaine dernière, dans les journaux, par exemple, qu'une firme japonaise a mis de l'avant une nouvelle façon de motorisation, ajoutant un moteur électrique à son moteur traditionnel. Et des gens soutiennent que ça, ça fait partie de l'évolution technologique de la conception qu'on a d'une automobile au moment où on se parle. Mais ce dont le Dr Couture est à la recherche est d'avant-garde, en d'autres mots, c'est quelque chose d'avenir.

Mais, comme on a décrit qu'on était au stade de la recherche et du développement et du prototype n° 3, est-ce que vous ne jugez, à ce moment-là, comme la technologie n'est pas finalisée, n'est pas développée dans son objectif, que ça pourrait être prématuré, à ce stade-là, d'y insérer des gens de l'industrie de l'automobile?

Mme Archambault (Sylvie): En fait, il ne m'apparaît pas prématuré, il ne m'apparaîtra pas prématuré d'avoir une équipe composée de personnes qui connaissent très bien le secteur d'activité en se donnant l'assurance que la propriété intellectuelle existe et que le développement de la technologie est rendu suffisamment loin pour qu'on puisse être en mesure d'impliquer des gens qui connaissent le secteur.

M. Cherry: Est-ce que la technologie était suffisamment avancée pour qu'au stade où elle était on pense qu'il était nécessaire d'y insérer les gens de l'industrie automobile? Parce que tout est là.

Mme Archambault (Sylvie): Bien, écoutez, moi, je suis arrivée le 1er avril 1996, et mes constats ont été de dire que la technologie, elle n'était pas complétée. J'avais avec moi un cahier de charges. Je devais recevoir le 12 septembre un prototype avec convertisseur et contrôle intégré et au 31 décembre l'ensemble de la documentation des spécifications techniques; ce qui n'était pas le cas. Et ça ne remet pas en question la technologie. Ce que je dis simplement, c'est qu'en ce qui me concerne il était prématuré de procéder à des activités de commercialisation, le développement n'étant pas suffisamment avancé.

M. Cherry: Maintenant, pour revenir à l'aspect financier, vous dites que votre budget original d'une douzaine de millions a été réduit à 9 000 000 $?

Mme Archambault (Sylvie): Oui.

M. Cherry: C'est ça. Et que, des 9 000 000 $, donc, qui ont eu à requérir votre autorisation, parce que je présume que c'est vous...

Mme Archambault (Sylvie): Oui.

M. Cherry: ...vous dites que 7 500 000 $ sur ces 9 000 000 $ là ont été dirigés vers la recherche, en d'autres mots. C'est ça?

Mme Archambault (Sylvie): Tout à fait. Exclusivement, recherche et développement à l'IREQ.

M. Cherry: O.K. Est-ce qu'à votre connaissance les 7 500 000 $ qui ont été dépensés durant cette phase-là, selon les chiffres donnés, ont permis le dépôt de nouveaux brevets?

Mme Archambault (Sylvie): Bien, en fait, le brevet pour le convertisseur, tout à fait, puisqu'il ne l'était pas à mon entrée et qu'il a été déposé quelque part au mois de juillet 1996, je pense. Écoutez, les dates sont tout à fait retrouvables. Mais, effectivement, les argents, d'abord, ont été utilisés, dans certains cas, pour poursuivre les dépôts de brevet qui avaient été faits et, d'autre part, pour demander, entre autres, le dépôt d'un nouveau brevet qui était le convertisseur.

M. Cherry: Est-ce que c'était des brevets sur l'ensemble de la technologie ou uniquement sur le moteur-roue?

Mme Archambault (Sylvie): Je n'étais pas responsable de la propriété intellectuelle, alors je limiterais ma réponse à vous dire qu'il y a un ensemble, un portefeuille de brevets qui a été pris et qui existe encore, pour lequel Hydro-Québec paie des montants importants par année pour le conserver, et qu'en ma présence j'ai constaté que le brevet pour les convertisseurs avait été pris. Alors, l'argent utilisé, définitivement, une partie de ces argents-là a été utilisée pour le dépôt du brevet concernant le convertisseur et peut-être d'autres composantes.

M. Cherry: Donc, sur le 7 500 000 $, combien, pourriez-vous dire, de sommes d'argent ont été utilisés pour le dépôt d'un, ou est-ce qu'il y a eu d'autres nouveaux brevets, ou pour le maintien des brevets déjà existants?

Mme Archambault (Sylvie): On parle d'à peu près, en 1996 – écoutez mes chiffres ne sont pas précis, et vous comprendrez que j'ai quitté le projet depuis quelque temps – d'une enveloppe d'à peu près 200 000 $ à 250 000 $ pour l'année.

M. Cherry: 200 000 $ à 250 000 $ pour l'enveloppe des brevets, sur la somme de 7 500 000 $?

Mme Archambault (Sylvie): Oui.

M. Cherry: Donc, l'autre 7 250 000 $ a été consacré à la poursuite de la recherche, selon les informations que vous possédez?

Mme Archambault (Sylvie): Oui.

M. Cherry: Donc, pour le maintien du personnel en place, les chercheurs qu'il y avait là, c'est...

Mme Archambault (Sylvie): Exactement. Il y avait une équipe qui était quand même assez importante, une vingtaine de chercheurs à temps plein, alors, évidemment, de la fourniture. La réalisation de prototypes nécessite des installations, des équipements importants. On faisait appel à des matériaux nobles, alors des matériaux dispendieux. On était à essai et erreur, alors, nécessairement qu'on a besoin de matériel pour la réalisation de différents essais. Donc, les montants d'argent ont été utilisés à l'IREQ pour payer le personnel en place, l'équipe de chercheurs, la fourniture et évidemment la propriété intellectuelle et les opérations quotidiennes.

M. Cherry: Donc, vous étiez responsable de tout ça pour le paiement de ces choses-là?

Mme Archambault (Sylvie): Pour le paiement seulement.

M. Cherry: Seulement.

Mme Archambault (Sylvie): Tout à fait.

M. Cherry: Donc, en d'autres mots, vous acceptiez, vous autorisiez le paiement des sommes qui vous étaient présentées en disant: Voici ce que ça coûte pour le maintien et la poursuite des travaux des 20 chercheurs qui sont à l'IREQ. Est-ce que je vous comprends bien, madame?

Mme Archambault (Sylvie): Tout à fait. Évidemment, je m'étais donnée des moyens de m'assurer que les décisions qui étaient prises pour le paiement, le cheminement et la documentation étaient correctes, mais je ne faisais que gérer les budgets effectivement.

M. Cherry: Donc, vous ne faisiez que gérer les budgets?

Mme Archambault (Sylvie): Oui.

Le Président (M. Sirros): D'autres questions? M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Vous étiez en charge de la commercialisation, et l'IREQ faisait les recherches. Quel était le lien entre votre bureau, la commercialisation, et ceux qui étaient responsables pour la recherche?

Mme Archambault (Sylvie): C'est un peu ce que je disais en début d'exposé, la structure organisationnelle dans laquelle j'ai évolué, qui était là au moment où je suis arrivée, c'était une relation client fournisseur. Alors, mon fournisseur était l'IREQ, d'une technologie qui est en développement puis qui est protégée, donc j'attendais un premier prototype pour réaliser les premières activités de préindustrialisation et éventuellement la commercialisation de la technologie.

M. Ciaccia: C'était strictement ce genre de relation?

Mme Archambault (Sylvie): C'était strictement ce genre de relation là.

M. Ciaccia: Il n'y avait pas d'autre relation, en termes de dire: Voici ce dont j'ai besoin pour commercialiser ou donner certaines pistes ou certains besoins? Il n'y avait pas ce lien-là?

Mme Archambault (Sylvie): Il n'y avait pas cette relation-là, et c'est ce que, malheureusement, je déplorais. Évidemment, le conseil d'administration en place à l'époque a été avisé de la difficulté dans laquelle on devait évoluer, qui était une relation, et je le répète, de client fournisseur, qui avait probablement toutes ses raisons d'être au moment où la décision a été prise, mais, dans l'époque et la période où je suis arrivée, avec les constats technologiques, il était impossible de commercialiser une technologie qui était en développement et sur laquelle on n'avait aucune juridiction sur l'orientation.

M. Ciaccia: Parce qu'il me semble que, pour commercialiser un produit, il y a certaines données, certains besoins.

Mme Archambault (Sylvie): Tout à fait.

M. Ciaccia: Et ces besoins-là devraient être communiqués, en disant: Voici, ce n'est pas de la pure recherche que vous devez faire, c'est de la recherche qui va être orientée...

Mme Archambault (Sylvie): Appliquée. C'est ça.

M. Ciaccia: ...vers certains besoins commerciaux. Alors, il n'y avait pas ce lien entre votre bureau et ceux qui faisaient la recherche?

Mme Archambault (Sylvie): Pas à l'époque où je suis arrivée. D'ailleurs, une des recommandations, c'était... En fait, c'était bicéphale. Et j'ai recommandé d'avoir une activité où on contrôlait à la fois la recherche, le développement, la préindustrialisation et la commercialisation. D'ailleurs, je pense que c'est ce qui est en train de se faire et de bien se faire.

M. Ciaccia: Alors, comment ceux qui faisaient la recherche devaient savoir ce qui était nécessaire pour commercialiser?

(11 h 10)

Mme Archambault (Sylvie): Vous savez, M. Ciaccia, je n'ai pas l'impression que ça a fait l'objet de leurs priorités pendant plusieurs années. Ça n'enlève pas, encore là, et je le répète, la technologie qui a été développée et qui m'apparaît une bonne technologie avec des applications multiples, pas nécessairement dans le secteur automobile. Mais c'est une technologie qui a été développée en imaginant qu'il y avait un marché. Et le marché, en ce qui me concerne, bien, ça faisait partie de nos responsabilités, avec la valeur ajoutée qu'on avait et les avantages de la technologie développée, d'aller sonder le marché et de voir si, effectivement, question de prix, question de spécifications techniques, on s'arrimait avec les besoins du marché. Il était impossible de faire...

M. Ciaccia: Et, dans la structure organisationnelle, il n'y avait pas une obligation, une responsabilité...

Mme Archambault (Sylvie): Non.

M. Ciaccia: ...de ceux qui faisaient la commercialisation de dire au département recherche: Voici ce dont j'ai besoin, telle ou telle chose qui est nécessaire pour bien commercialiser ce produit.

Mme Archambault (Sylvie): Il était impossible de le faire, M. Ciaccia.

Le Président (M. Sirros): Juste pour poursuivre un petit peu sur ça, vous dites avoir déploré cet état de situation. Avez-vous fait des recommandations pour que ça change? Avez-vous identifié des pistes qui, selon vous, auraient été plus efficaces pour la gestion et la poursuite de l'ensemble du projet?

Mme Archambault (Sylvie): En fait, j'ai partagé avec les membres de mon conseil d'administration la difficulté dans laquelle on évoluait. Et je répète que j'ai nettement l'impression qu'on m'avait demandé d'évoluer dans cette structure avec la meilleure volonté du monde, croyant qu'elle était la plus efficace probablement au moment où elle a été mise en place. Mais, effectivement, j'ai partagé avec les gens et avec les membres du conseil d'administration la difficulté d'une relation client fournisseur dans une phase où la préindustrialisation n'est pas à point.

Le Président (M. Sirros): C'était quoi, la réponse à vos arguments à l'effet que ce serait plus efficace de voir ça ensemble?

Mme Archambault (Sylvie): Je pense que ce qui s'est passé est un peu la résultante des commentaires que j'ai faits dès les premiers mois de mon entrée, d'ailleurs. Évidemment, ça s'est échelonné sur quelques mois. Technologies M4 a réalisé quatre études importantes qui ont servi, je pense, de base à tout le moins, au comité d'experts qui s'y est penché. Mais il y a eu une très bonne réaction, je dirais, à mes propos puisque Technologies M4, dans son mandat initial, qui était de commercialiser une technologie, a été mise en veilleuse. Il y a une nouvelle compagnie qui a été mise en place, avec des actionnaires qui se sont rajoutés. Et, sous un même toit on retrouve toutes les activités nécessaires à la mise en place d'une technologie et, par la suite, procéder à ces activités de préindustrialisation et de commercialisation sous un même toit. Alors, je pense que mes propos ont été bien reçus et ont été appliqués puisque les activités de Technologies M4, dans le mandat qu'on lui avait confié, ont été arrêtées.

Le Président (M. Sirros): Vos propos, est-ce que ça a fait l'objet d'un rapport écrit au conseil d'administration? Comment est-ce que vous avez véhiculé vos observations sur la façon de gérer?

Mme Archambault (Sylvie): À quelques reprises, dans les rapports que je présentais au conseil d'administration de Technologies M4, dans la partie «constats», ce que je vous dis ce matin était écrit en «point form» très clair.

Le Président (M. Sirros): M. le vice-président.

M. Beaulne: Une dernière question. Vous avez mentionné au début de votre présentation un cahier de charges.

Mme Archambault (Sylvie): Oui.

M. Beaulne: Dans ce cahier de charges, est-ce qu'on indiquait un horizon de réalisation du projet pour qu'il soit commercialisable?

Mme Archambault (Sylvie): Pas dans le cahier de charges, de mémoire. Il y avait des livrables avec des dates, cependant, un échéancier bien précis, avec des livrables bien précis, mais pas un horizon de commercialisation, d'aucune manière.

M. Beaulne: Parce que le Dr Couture nous a indiqué que, si l'équipe n'avait pas été démembrée en 1995, il prévoyait entrer dans les premières phases de commercialisation en l'an 2000, c'est-à-dire cinq ans après. Alors, c'est la raison pour laquelle je vous posais la question.

Mme Archambault (Sylvie): Dans le cahier de charges qu'on m'a remis il n'y avait aucune information de ce genre.

M. Beaulne: Merci.

Le Président (M. Sirros): Ça va? Merci beaucoup, madame. Oui, je m'excuse, M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: En terminant, basé sur votre expérience, sur le vécu que vous venez de faire là-dedans, dites-moi avec lesquelles des parties vous pourriez être en accord ou en désaccord, si, pour l'objectif de relancer le projet, si je me fie à certains des propos que vous avez tenus, vous souhaiteriez que tout cela se loge sous un même toit, dans un premier temps.

Mme Archambault (Sylvie): Oui.

M. Cherry: En d'autres mots, bien sûr, qu'on regroupe un groupe de chercheurs, les gens les plus qualifiés, qu'on identifie bien clairement les mandats et qu'on regroupe sous un même toit tous les gens qui auront à collaborer à un échéancier qui serait respecté. Autrement, de la façon dont ça a cheminé jusqu'à maintenant, ça nous amène à des situations comme celle-là. Donc, si on avait à relancer le projet et si vous aviez à y être impliquée, quelles sont les recommandations que vous feriez?

Mme Archambault (Sylvie): Ce qui se passe actuellement m'apparaît le cheminement naturel pour l'évolution d'un projet tel que, moi, je l'ai connu. Il est nécessaire que la... Je pense que la recherche est très avancée. Que le développement technologique se finalise et la propriété intellectuelle soit complète – et peut-être qu'elle l'est au moment où on se parle, moi, ça fait déjà plusieurs mois que j'ai quitté – et qu'on identifie aussi l'utilisation de la technologie pour valider le marché, pour s'assurer qu'il y a un marché effectivement. On ne peut pas développer une technologie à plusieurs millions par année sans même imaginer qu'il y a un marché, un jour, qui va recevoir cette technologie-là et planifier les retombées financières, en termes de revenus de cette technologie en développement.

Alors, une entité unicéphale, donc une personne qui connaît très bien le secteur d'activité dans lequel on veut évoluer; des gens très compétents au niveau de la recherche et développement; des gens évidemment qui seront très actifs sur les marchés commerciaux pour voir s'il n'y a pas d'autres utilisations que l'utilisation actuelle de la technologie pour aller chercher le maximum de retombées éventuelles; et se donner probablement un horizon, et je ne mettrai pas de temps, mais je pense que l'équipe actuelle devra, à des dates bien précises, statuer sur l'évolution et sur la réponse du marché pour voir s'il y a raison de poursuivre avec un investissement important; et perpétuellement se valider pour être certain qu'on est encore compétitif avec la technologie qu'on a développée. Mais c'est une belle technologie. Et je pense que la formule actuelle m'apparaît la formule idéale pour avoir le maximum de succès et de retombées de ce projet.

M. Cherry: Merci, madame.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, Mme Archambault.

Mme Archambault (Sylvie): Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Sirros): J'aimerais demander à M. Yves Filion de venir prendre place et à la secrétaire de procéder à l'assermentation.


M. Yves Filion (suite)


Assermentation

M. Filion (Yves): Je, Yves Filion, jure que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Filion. Alors, encore une fois, si vous pouvez prendre quelques minutes pour faire une entrée en matière.

M. Filion (Yves): D'abord, si vous permettez, M. le Président, j'aimerais vous remercier d'avoir accepté de modifier un peu l'horaire de la présentation, du témoignage que je vais faire devant cette commission, pour des raisons personnelles.

Pour continuer un petit peu sur ce que je souhaitais vous présenter au début, j'aimerais d'abord situer mon rôle personnel dans le dossier du projet moteur-roue. Mon implication personnelle, elle a débuté en novembre 1996, donc elle est relativement récente, lors de ma nomination à titre de directeur général adjoint et, entre autres, à ce moment-là, également de responsable de la direction principale Recherche, développement et IREQ. De plus, en mai 1997, M. André Caillé m'a confié la responsabilité de la Direction commercialisation de la technologie et participation. Donc, à ce moment-là, à Hydro-Québec, j'avais sous moi la responsabilité de personnes qui étaient responsables de l'aspect recherche et développement et de l'aspect commercialisation, donc des deux volets importants du dossier qui est soumis à votre étude actuellement.

Donc, depuis novembre 1996, j'ai procédé à un examen du dossier, qui était relativement complexe et qui n'était pas facile. Ce n'était pas facile de prendre position, de se positionner sur la réelle valeur du projet et sur son futur. Il est alors apparu évident que l'éclairage d'un comité aviseur composé d'experts internationaux devenait nécessaire. C'est donc ce que nous avons fait: mis en place un comité d'experts qui a produit son rapport au mois d'août 1997 et qui a conduit aux décisions que l'on connaît aujourd'hui et qui a permis de relancer le projet moteur-roue.

(11 h 20)

Je tiens à le préciser, le projet moteur-roue n'est pas arrêté, il est relancé. Et il est relancé sous une nouvelle direction, sous une nouvelle entité, sous la responsabilité du groupe Sofinov, SGF, Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, qui détient 51 % de la nouvelle entreprise et Hydro-Québec qui en détient 49 %. D'ailleurs, cette nouvelle entreprise a annoncé il y a quelques semaines la nomination d'un nouveau P.D.G. pour assurer le suivi du dossier.

Donc, à partir de 1996, j'ai eu à faire une analyse. Donc, j'ai rencontré différentes personnes impliquées dans le dossier et j'ai participé à différentes réunions pour voir de quelle façon nous pouvions relancer le projet moteur-roue. Et je tiens à vous dire, M. le Président, que, personnellement, j'avais une préoccupation, et elle était certainement partagée aussi par M. André Caillé, c'est que cette technologie-là profite d'abord aux Québécois et aux Québécoises, donc qu'on puisse vraiment aller dans l'étape subséquente avec une entreprise dirigée par des Québécois. Et, éventuellement, si nous pouvions franchir les étapes à venir de démonstration de la technologie qui restaient, donc les points que j'ai mentionnés lors de ma dernière présence en février dernier, soit la problématique de la masse suspendue ou du poids du moteur-roue et la problématique du prix du moteur-roue ainsi que sa durabilité, donc des concepts qui vont ensemble, donc le choix des matériaux pour permettre d'en abaisser le prix et également lui permettre d'avoir une robustesse suffisante de résistance, plus particulièrement de résistance aux impacts...

Donc, ceci a conduit à la nouvelle entreprise qui est maintenant en place et qui poursuit et vise à réaliser ce dont vous avez parlé tout à l'heure, donc de mettre ensemble les équipes actuelles ou une partie des équipes actuelles, des effectifs de recherche et développement provenant d'Hydro-Québec avec d'autres personnes de l'industrie automobile, sous la direction d'un P.D.G. qui a fait ses preuves dans un domaine de technologie semblable – soit les piles à combustible – et pour permettre de faire avancer le dossier le plus rapidement possible et de rencontrer les objectifs.

Si vous me permettez également, M. le Président, j'aimerais dire quelques mots sur les brevets, un sujet qui vous préoccupe grandement, avec raison, d'ailleurs. D'abord, j'aimerais rappeler que les coûts des brevets sont très élevés. Il en coûte environ 300 000 $ pour rédiger et déposer une demande internationale de brevet, déposer une demande correspondante aux États-Unis et déposer des demandes nationales dans les pays du G 7 et maintenir la protection jusqu'à leur terme de 20 ans. Donc, c'est relativement dispendieux, un brevet.

Depuis le démarrage du projet, un déboursé de 1 400 000 $ a été encouru pour les brevets seulement du projet moteur-roue. C'est pour cette raison que nous avons procédé à un examen rigoureux de la situation, pour mieux cibler nos brevets ainsi que les pays couverts afin d'assurer la protection des innovations technologiques. Nous continuons de prendre les brevets d'abord aux États-Unis parce que l'examinateur du Bureau des brevets américain est réputé être le plus exigeant et ensuite étendre la demande à d'autres pays. Dans une optique de contrôle des coûts, nous avons décidé de restreindre la liste des pays où la protection est prise aux pays du G 7 et à la Corée du Sud, qui est un important concepteur et producteur automobile, comme vous le savez. Avant 1995, cette liste s'étendait à 31 pays à travers le monde.

Quant aux brevets qui ont été abandonnés, ils l'ont été à cause de l'évolution technologique du projet, principalement, à cause également du remplacement des demandes internationales de brevets par les enregistrements nationaux et également lors de la révision de la politique de protection de la propriété intellectuelle du projet moteur-roue. J'aimerais préciser ici qu'un brevet qui tient très à coeur au Dr Couture est le brevet sur les aimants profilés. Alors, je voudrais simplement mentionner ici que nous n'avons pas abandonné ce brevet. La protection a simplement été restreinte aux huit pays qui sont visés par la nouvelle politique. Donc, le brevet sur les aimants profilés demeure en force.

J'aimerais peut-être souligner certains points et probablement aussi répondre à vos questions ou, si vous permettez, partager avec vous un petit peu des éléments du témoignage que j'ai fait lors de la dernière commission parlementaire de février dernier et qui ont soulevé une réplique ou une réponse du Dr Couture au ministre Guy Chevrette que j'ai de la difficulté à comprendre, personnellement. Je vais reprendre quelques éléments de mon témoignage parce que je trouve ça important.

Ce que j'ai dit, à ce moment-là, c'est que, lorsque la technologie a été annoncée, en 1994, à Los Angeles et à Montréal, dans une conférence de presse, la technologie n'était pas prête, il était prématuré de l'annoncer et, à mon avis, elle n'aurait pas due être annoncée publiquement. L'élément principal qui permettait de démontrer qu'il y avait un projet de moteur-roue était un convertisseur intégré dans la roue, et il n'était pas intégré dans la roue. Donc, il restait beaucoup de travail à faire.

Ce que je tiens à préciser également: dans la réponse que M. Couture a présentée à M. Chevrette, c'était pour lui une problématique de quelques semaines, mais, en réalité, le convertisseur a finalement été intégré de façon satisfaisante dans la roue en janvier 1997, et des essais ont été réalisés à Saint-Jérôme en avril 1997 dernier, avec succès d'ailleurs. J'y reviendrai peut-être, si vous avez des questions ultérieurement. Le résultat des essais qui ont été faits à Saint-Jérôme en 1997 est un des éléments qui a permis de relancer le projet du moteur-roue tel qu'il est actuellement.

J'aimerais peut-être dire à ce sujet qu'à la fin de 1993 les rapports d'avancement de Pierre Couture allèguent que le convertisseur a été intégré à la roue. Il est possible que cela ait été fait au niveau de la preuve du concept et qu'un convertisseur de très faible capacité ait été effectivement intégré à un des prototypes avant le mois de novembre 1993, mais il ne se serait agi que d'un convertisseur de faible capacité pour faire tourner la roue sans résistance, certainement pas d'un convertisseur capable de livrer la puissance requise à l'application automobile. Pourtant, la planification officielle de M. Couture annonce toujours que l'électronique de puissance serait intégrée dans la roue quelques mois plus tard, soit en avril 1994, date à laquelle sont alors prévus les premiers essais routiers.

Donc, ce que j'ai déclaré lors de la dernière commission parlementaire, c'est que, malheureusement en 1994, la technologie n'était pas prête et que ça avait pris au moins deux ans pour régler les deux problèmes que j'ai soulevés, soit d'intégrer le convertisseur dans la roue et le deuxième problème étant le problème du refroidissement, qui était semble-t-il un problème qui relevait d'un niveau de secondaire V.

Donc, quelques mots sur le refroidissement. Le convertisseur intégré dans la roue produit inévitablement des pertes électriques. Étant donné la puissance qui est requise du moteur pour produire une accélération suffisante, ces pertes peuvent devenir très importantes. Donc, en même temps qu'il réalise l'état des travaux relatifs au convertisseur – j'aimerais parler ici plus particulièrement de M. Jacques Germain, qui était administrateur du projet en 1995 – M. Germain fait donc effectuer sur simulateur des projections de dissipation de la chaleur dégagée par le convertisseur une fois intégré dans le moteur. Et ces simulations montrent un niveau de perte beaucoup trop élevé pour que la solution Couture soit utilisée. Cette solution consistait à refroidir le moteur par une circulation d'air forcée par le seul mouvement de la roue.

L'équipe de projet met donc au point une solution qui est le refroidissement par un liquide refroidi à l'intérieur du véhicule, en dehors de la roue. Cette solution et le problème d'accumulation de la chaleur à l'essieu amènent l'équipe de projet à revoir la conception de la structure mécanique du moteur, qui avait toujours été centrée sur un design en croix, du temps où M. Pierre Couture dirigeait les travaux. Donc, la solution mise de l'avant est de remplacer l'armature en forme de croix du moteur par un tambour – je ne veux pas rentrer trop dans la technique, je vais aller rapidement – dont le fond assure la solidité mécanique requise pour soutenir la jante du moteur. Et, bien que le brevet de base ait été présenté aux examinateurs avec un design en croix, la rédaction des revendications fait que nos conseillers juridiques estiment que le nouveau design à tambour demeure quand même valable au niveau du brevet.

Mais tout ça pour vous expliquer que le problème du refroidissement était un problème important et que, lui aussi, il a nécessité beaucoup d'efforts. Et il a fallu revoir la structure interne du moteur-roue pour le résoudre. Alors, je tenais à préciser ces deux éléments-là qui avaient fait l'objet de mon témoignage.

(11 h 30)

Par la suite, donc, suite au rapport de M. Bernard Coupal, suite aux résultats des essais qui ont été menés à Saint-Jérôme, auxquels je faisais référence plus tôt, nous avons, et j'ai personnellement, moi, contacté des entreprises québécoises, dont des démarches assez sérieuses avec une entreprise québécoise importante, pour les convaincre d'embarquer directement avec nous dans le moteur-roue, mais ça a été sans succès. Ce que nous avons pu faire a été de convaincre des entités, des financiers qui avaient confiance quand même au potentiel technologique du dossier, comme personnellement j'ai confiance qu'on peut faire encore quelque chose de positif avec cette technologie dont je n'enlèverai pas certainement pas ici la pertana... la pertanalité... voyons, la pertana...

Le Président (M. Sirros): La paternité.

M. Filion (Yves): ...la paternité, excusez-moi, la pertani... la paternité au Dr Couture.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Filion (Yves): Je ne sais pas pourquoi j'ai de la misère avec ce mot!

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Une petite gorgée d'eau, M. Filion.

M. Filion (Yves): Ça mérite une gorgée d'eau. Je suis votre conseil, il est très à-propos. Donc, il est important pour nous de voir comment nous pouvions relancer ce projet. Nous avons donc entrepris des discussions avec la SFG, le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec et Sofinov qui se sont montrés intéressés à investir une somme additionnelle pour faire évoluer le dossier.

Donc, Hydro-Québec a investi, a accepté d'investir une somme additionnelle ainsi que les trois organismes que j'ai mentionnés tout à l'heure et nous nous sommes donnés un délai de 18 à 24 mois pour faire évoluer le dossier et l'amener à une étape où il sera possible de convaincre un partenaire industriel dans le domaine de l'automobile pour poursuivre le dossier.

Donc, ce sont, en gros, les principaux éléments d'analyse qui ont été réalisés et les principales informations qui m'ont guidé dans la prise de décision que j'ai personnellement recommandée à André Caillé et au conseil d'administration d'Hydro-Québec en août 1997.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Filion. On pourrait donc débuter avec M. le vice-président.

M. Beaulne: Merci. Alors, M. Filion, évidemment, votre témoignage soulève plusieurs questions de notre part. D'abord, Mme Archambault et vous-même parlez d'un projet auquel vous souscrivez et que vous recommandez. De quel projet s'agit-il exactement? Parce que, la commission s'est penchée sur le concept de groupe traction et, depuis qu'on a commencé nos échanges ce matin, vous parlez essentiellement et exclusivement de l'intégration de ce concept-là à une utilisation très précise qui est une voiture, alors que le Dr Couture est venu nous expliquer les retombées possibles de son groupe de propulsion, et non pas exclusivement de l'utilisation à des fins de construction automobile.

Ce que je retire de votre présentation, c'est que vous convenez que la protection intellectuelle, ce qu'on appelle les brevets, est centrale à la relance du projet. Donc, j'aimerais, premièrement, que vous nous spécifiez de quel projet on parle ici exactement? Quand vous dites que vous avez fait des recommandations de relancer un projet et ainsi de suite, de quel projet s'agit-il exactement? Est-ce que c'est le projet sur lequel Mme Archambault travaillait et qu'elle a abandonné parce qu'elle estimait que la technologie n'était pas à point? Est-ce que c'est ce projet-là dont on parle tout le temps? Est-ce que vous convenez, oui ou non, que la protection intellectuelle est centrale dans la relance de ce projet-là?

M. Filion (Yves): Bon. Alors d'abord, au niveau du projet, j'aimerais rappeler qu'en 1991, le premier projet qui était approuvé était un projet pour développer un moteur, avec un budget d'environ 8 000 000 $ et un livrable en 1994.

M. Beaulne: Là, vous parlez de...

M. Filion (Yves): De 1991.

M. Beaulne: De 1991.

M. Filion (Yves): Je parle ce qui a été approuvé à l'origine, en 1991. Avant 1991, il n'y avait pas officiellement de projet approuvé à Hydro-Québec. Il y avait de la recherche qui se faisait, mais c'était de la recherche qui se faisait à l'initiative des chercheurs.

En août 1995, lorsqu'il y a eu décision d'Hydro-Québec... D'abord, je devrais dire avant que, suite à 1991, il y avait donc un projet pour développer un moteur électrique, mais le concept du Dr Couture était plus large et lui visait vraiment un groupe traction, comme vous le définissez, et il a fait avancer le dossier selon un groupe traction, ce qui n'était pas, d'ailleurs, une mauvaise chose. C'était un concept intégré qui menait au véhicule électrique.

Toutefois, l'avancement des travaux n'était pas là et il y a eu, si vous me permettez l'expression, pratiquement une crise ou, en tout cas, à tout le moins un doute important de confiance dans la possibilité de faire avancer le projet d'un groupe traction et de ce que ça coûterait. Je vais vous donner quelques éléments. Ce que je vous donne ici, c'est un extrait d'un rapport de M. Jacques Germain. Vous aurez peut-être l'occasion, durant son témoignage, d'y revenir.

M. Jacques Germain, au moment où cette décision-là a été prise ou dans les mois avant, dit: «En avril 1992, la date d'intégration – là, il parle, à ce moment-là, du convertisseur ou des retards accumulés dans le dossier – du convertisseur dans le moteur est mai 1993. En janvier 1993, la date de l'intégration est reportée en mars 1994. Finalement, en juin 1995, la date d'intégration du convertisseur dans le moteur est reportée en juin 1996.» Donc, en gros, ça fait un retard de 36 mois.

Alors, il y avait là donc un problème de doute quant à ce que ça coûterait pour faire avancer le dossier et quant aux incertitudes. Donc, la stratégie qui a été retenue a été de dire: Concentrons-nous d'abord... Je n'étais pas là, à ce moment-là, je fais juste vous dire que c'est les résultats d'une analyse du dossier que j'ai faite personnellement. Donc, je n'étais pas un acteur, je tiens à le préciser pour être sûr qu'on se comprenne bien ici, mais vous pourrez vérifier ça avec les gens qui suivront par la suite et qui pourront peut-être préciser des choses.

À ce moment-là, lorsque la décision a été prise, elle a été prise de se concentrer sur le moteur-roue qui était la composante essentielle du groupe traction. Donc, c'est ce qui a été décidé en août 1995 et ce qui a suscité la démission du Dr Couture.

Maintenant, par la suite, alors, de 1995 à venir jusqu'à aujourd'hui, les travaux ont été concentrés sur le moteur-roue, donc sur les aspects principaux d'intégrer le convertisseur, de régler les problèmes de refroidissement, de réaliser des essais et ensuite de passer aux étapes subséquentes.

Les étapes subséquentes tournent principalement autour du moteur-roue, donc de régler la problématique, comme je l'ai dit tout à l'heure, du poids du moteur, la problématique de son prix et de sa durabilité, ceci pour convaincre des partenaires externes. Mais l'idée d'aller plus loin, éventuellement, avec le concept du groupe traction et même du véhicule tout électrique, elle est présente et elle fait même partie des éléments principaux de l'entente qui a été conclue entre Hydro-Québec et les trois partenaires que je mentionnais tout à l'heure, mais ceci devrait se faire par étapes. Donc, une première étape qui va permettre d'amener le moteur-roue à une étape commercialisable et les autres étapes qui devraient suivre par la suite et qui, à mon avis – sans être un expert, si vous me permettez – représentent un défi technique moins important.

M. Beaulne: Maintenant, sur la question de la protection intellectuelle, les brevets, vous convenez que c'est central, c'est quand même majeur.

M. Filion (Yves): Oui, tout à fait. Tout à fait d'accord.

M. Beaulne: Alors, nous aussi, d'ailleurs, à la commission. Et d'ailleurs, M. le Président, si vous me permettez un commentaire: Lorsque vous étiez venu à la commission, vous-même et M. Caillé vous étiez engagés à remettre à la commission la liste et les marchés où les brevets avaient été déposés, ce que nous n'avons pas eu jusqu'ici, nous avons eu à peine un document très mince qui ne dit pas grand-chose. Alors, je pense que, au nom de la commission, je vais réitérer notre demande que vous nous déposiez ces documents.

Maintenant, la question des brevets. Qu'est-ce qui s'est passé dans le dossier des brevets de Technologies M4? Vous avez dit tout à l'heure qu'il y a une entente qui a été signée avec des partenaires. Selon cette entente-là, qui est responsable des brevets et que dit cette entente?

(11 h 40)

M. Filion (Yves): Cette entente précise que la propriété intellectuelle est transférée à la nouvelle entreprise. Toutefois, Hydro-Québec reçoit ou recevra, c'est-à-dire, lorsqu'un produit découlant de la technologie sera commercialisé, peu importe le produit, peu importe son application, recevra des redevances qui devraient, nous l'espérons, non seulement rembourser les dépenses qu'Hydro-Québec a réalisées dans le projet, qui sont de 44 000 000 $, à venir jusqu'à la fin de 1997, mais également de réaliser éventuellement des profits intéressants, si de nombreuses applications se développent.

Donc, la propriété intellectuelle est transférée à la nouvelle entreprise et la gestion des brevets est actuellement sous la responsabilité de la nouvelle entreprise, depuis novembre 1997 environ. Je n'ai pas la date précise.

M. Beaulne: Est-ce que vous pourriez déposer à la commission le texte de cette entente de partenaires?

M. Filion (Yves): Il faudrait que je regarde jusqu'à quel point, au niveau commercial, le document ne contient pas d'éléments de stratégie, mais strictement sur la partie propriété intellectuelle, je pense qu'il est certainement possible de déposer quelque chose ou, au moins, de définir quelles sont les modalités, parce que je pense que c'est important de préciser qui est responsable maintenant de la protection de la propriété intellectuelle, et je mentionne que c'est la nouvelle entreprise qui en est responsable.

M. Beaulne: Alors, nous, on souhaiterait obtenir le texte de cette entente. Maintenant, est-ce dire que les sommes, qui semblent assez importantes pour la protection des brevets, est-ce dire que dorénavant, c'est le consortium et non pas Hydro-Québec qui va avoir la responsabilité de s'assurer que les brevets sont adéquatement maintenus?

M. Filion (Yves): Tout à fait.

M. Beaulne: Comment vous êtes-vous assurés qu'ils le soient, étant donné que la technologie origine d'Hydro-Québec?

M. Filion (Yves): Hydro-Québec détient 49 % de la nouvelle entreprise, est présente sur le conseil d'administration, et je ne crois pas qu'on puisse mettre en doute l'intérêt que nos partenaires ont dans le dossier de protéger une propriété intellectuelle par rapport à la business qu'ils gèrent. Je crois que c'est un élément fondamental, ils ne pourront pas aller loin dans leur technologie s'ils ne protègent pas, de façon correcte, la propriété intellectuelle qui en découle.

M. Beaulne: Est-ce que vous considérez que le brevet sur le circuit magnétique est important?

M. Filion (Yves): Vous voulez sans doute parler du brevet sur les aimants profilés, qui est partie du circuit magnétique effectivement. C'est un brevet important, il a été protégé, je l'ai dit tout à l'heure. Ce qui a été fait sur ce brevet-là, c'est qu'on a simplement limité le nombre des pays dans lequel il est appliqué. Mais je dois toutefois vous dire qu'il est fort probable, lorsque nous allons travailler avec des partenaires de l'industrie automobile, que la technologie des aimants profilés va devoir être revue parce que c'est très dispendieux. Le coût est prohibitif et il serait surprenant que nous soyons capables de ramener le coût d'un moteur-roue à un prix compétitif avec cette technologie-là. Toutefois, entre-temps, nous avons quand même pris la décision de conserver la propriété intellectuelle et de protéger la technologie des aimants profilés.

M. Beaulne: Parce que nous avons ici une correspondance qui indique le contraire.

M. Filion (Yves): Je ne connais pas à quelle correspondance vous faites référence.

M. Beaulne: On ne peut pas vous la dévoiler parce qu'on l'a reçue à huis clos.

M. Filion (Yves): Alors, je ne peux pas vous répondre, excusez-moi.

M. Beaulne: Mais ça confirme que le brevet en question n'a pas été protégé et qu'on a même recommandé de l'abandonner. Bon, ceci étant dit, j'aimerais aller plus loin dans la question des brevets. Vous avez mentionné tout à l'heure – d'ailleurs, le Dr Couture était d'accord avec cette interprétation – qu'il était prématuré de montrer aux étrangers la technologie avant qu'elle n'ait été mise à point. C'est contre ses recommandations – en tout cas, son souhait, sa volonté – que, le 2 décembre, au Congrès international des véhicules électriques à Anaheim, en Californie, on présentait un dévoilement partiel de la technologie qui avait été dévoilée. Alors, comment conciliez-vous cette décision de présenter une technologie encore imparfaitement développée à des scientistes, à des étrangers, alors que justement la technologie n'était pas entièrement au point?

M. Filion (Yves): Vous allez m'excuser, M. le député, mais je ne le sais pas. Je n'étais pas, à ce moment-là, impliqué dans le dossier et je ne connais pas les raisons qui ont suscité d'aller si rapidement dans le dévoilement de ce dossier. Ça me fait toutefois plaisir de constater que, sur ce point, le Dr Couture est d'accord avec l'analyse que j'ai faite du dossier, qu'il était prématuré de l'annoncer en 1994.

M. Beaulne: Effectivement. D'ailleurs, ce qui m'amène à vous poser une autre question: Puisque vous convenez qu'effectivement c'était prématuré donc de mettre des intervenants qui n'étaient pas de la famille, pour ainsi dire, dans le portrait à ce moment-là, comment se fait-il que la décision du comité d'experts à laquelle vous avez fait référence, qui était composé – et je regarde même ce que vous nous avez déposé ce matin – entre autres, de trois consultants de l'industrie automobile, M. Daniel Roos, qui est directeur du Center for Technology, Policy & Industrial Development, au MIT; M. Joseph Ziomek, qui est président de JFZ & associés; M. Richard Hervey, président de Sigma Associates, Management Consultants, comment se fait-il que, si on jugeait qu'il était inapproprié ou prématuré de présenter notre technologie à Anaheim, en Californie, en 1994, que, pour prendre une décision sur l'orientation du projet, on ait fait appel à des consultants étrangers rattachés à l'industrie automobile, à qui on demande de se prononcer sur la faisabilité et la pertinence ou non de continuer le projet?

M. Filion (Yves): Oui. Je dois vous admettre, M. le député, que nous nous sommes questionnés si, pour nous, il y avait un danger à former un comité d'experts par rapport au fait qu'il fallait, vous le comprenez bien, ouvrir les livres. Notre position a été de le faire parce que nous croyions que c'était absolument nécessaire de recevoir un éclairage sur le dossier. Et je tiens à préciser que les personnes ici, que vous mentionnez, et les autres membres du comité d'experts ont tous signé une entente de confidentialité sur ce dossier-là. Et, personnellement, je crois que ces gens-là sont des professionnels et, à date en tout cas, on n'a aucune indication qui nous laisse croire qu'ils aient pu rompre leur entente de confidentialité sur les informations privilégiées qu'ils auraient pu obtenir ou les documents qu'ils auraient eu l'occasion de consulter lors de cette étude dirigée par M. Bernard Coupal.

M. Beaulne: Vous, étiez-vous présent lorsque le comité d'experts a fait sa recommandation ou a présenté son rapport?

M. Filion (Yves): J'étais présent lorsque le comité d'experts a fait sa recommandation au conseil d'administration d'Hydro-Québec. J'étais présent.

M. Beaulne: Et qui a présenté au comité d'experts la technologie du moteur-roue?

M. Filion (Yves): Je ne peux malheureusement répondre à cette question-là.

M. Beaulne: Et, dites-moi, pourquoi, en 1995, peu de temps avant que l'équipe soit démembrée, Hydro-Québec a-t-elle refusé à ce moment-là 10 000 000 $ que s'apprêtait à lui offrir Innovatech du Grand Montréal?

M. Filion (Yves): Je ne suis pas au courant non plus, je n'étais pas gestionnaire à ce moment-là. Je pense que la question pourrait peut-être être adressée aux personnes qui étaient responsables lors de cette période.

M. Beaulne: Un commentaire puis une question qui me vient à l'esprit, et probablement que mes collègues ont la même question. On va voir comment ça va se dérouler au cours de la journée, mais je trouve assez étrange qu'on parle ici de comité d'experts, qu'on parle de gens qui se sont succédés à la tête de différents projets de M4 et qu'on évalue une invention faite par le Dr Couture, même si elle est plus particulièrement ciblée au secteur de l'automobile. Comment se fait-il que dans tout ça, jusqu'à présent, il n'y a personne qui a interrogé, ou qui s'est assis, ou qui a demandé au Dr Couture qu'est-ce qu'il en est? On dirait, à vous entendre parler, que le Dr Couture est complètement évincé du portrait depuis 1995, alors que c'est lui l'inventeur. Vous conviendrez que ça nous paraît, de même qu'à la population, un peu étrange.

M. Filion (Yves): Pour répondre à votre question, M. le député, je vous dirais que c'est le Dr Couture qui a démissionné du projet. À partir du moment où le Dr Couture n'a pas accepté les orientations qui étaient prises par la direction d'Hydro-Québec sur le projet, il a pris la décision de démissionner.

M. Beaulne: Oui, mais il est encore à l'emploi d'Hydro-Québec...

M. Filion (Yves): Alors, à ce moment-là, pour...

M. Beaulne: ...à ma connaissance.

M. Filion (Yves): Pardon?

M. Beaulne: Il est encore à l'emploi d'Hydro-Québec.

M. Filion (Yves): Oui, mais pas dans le projet du moteur-roue. Il est ailleurs, sur d'autres dossiers.

(11 h 50)

M. Beaulne: Oui, je comprends, mais il reste que c'est une question qui nous préoccupe. On est en train d'évaluer un prototype ou une technologie inventée, mise de l'avant par quelqu'un pour savoir si oui ou non elle a du potentiel pour poser les questions, les interrogations techniques tout à fait légitimes que vous ou d'autres puissiez avoir à l'intérieur de la boîte. Quelque part, même si techniquement l'inventeur ne fait pas partie de l'équipe, comment se fait-il que personne ne le consulte sur ces aspects-là? D'ailleurs, vous-même, M. Filion, avez-vous parlé au Dr Couture depuis 1995, depuis sa démission en août 1995?

M. Filion (Yves): Non. Personnellement, non. J'ai eu l'occasion de rencontrer le Dr Couture avant 1994, j'étais à ce moment-là un membre de la direction supérieure d'Hydro-Québec et j'ai assisté à une présentation du projet moteur-roue que faisait le Dr Couture. Mais, par la suite, je n'ai pas eu l'occasion de rencontrer le Dr Couture.

M. Beaulne: Et une dernière question. Vous avez dit tout à l'heure, quand vous parliez du comité d'experts composé de consultants étrangers, que tout le monde était sous serment.

M. Filion (Yves): Entente de confidentialité.

M. Beaulne: Entente de confidentialité. Mais, en dépit de cela, en dépit des ententes de confidentialité, quelle était l'idée de demander à un comité d'experts, composé entre autres de ces trois personnes dont le lien avec le projet suscite des interrogations de notre part?

M. Filion (Yves): L'idée était simple. Je dois vous admettre qu'il y a eu plusieurs gestionnaires qui se sont succédés dans ce dossier-là. Vous l'avez vu, vous allez être en mesure de le constater vous-même. Moi, quand j'ai été nommé responsable de recherche et développement, j'ai essayé de voir clair dans le dossier pour être en mesure de prendre la meilleure décision possible.

J'en ai discuté à ce moment-là avec André Caillé et il m'est apparu évident qu'un éclairage externe était nécessaire pour être capable d'analyser de façon approfondie la technologie et les chances de succès de la technologie et les meilleures façons de poursuivre le dossier pour en garantir un succès. Donc, il fallait un petit peu sortir de notre bulle interne qui commençait à être relativement... C'était difficile parce que c'étaient toujours un peu les mêmes personnes qu'on consultait pour essayer de voir clair dans une situation. Alors, personnellement, je pense que ça a été très positif et très valable de consulter un comité aviseur externe.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le vice-président. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci. M. Filion, vous avez commencé vos remarques en nous disant comment vous, personnellement, vous étiez convaincu de la valeur de ce projet-là. Nous, on est ici parce qu'on veut trouver une façon. Nous, on appelle ça relancer; vous, vous dites qu'il est déjà en marche. Donc, il semble que tout le monde veut que ça fonctionne bien. Comment ça se fait qu'on se trouve devant un imbroglio comme celui-là? Il va falloir qu'à un moment donné on arrête de se donner des phrases pour se couvrir et qu'on se donne les vraies affaires telles qu'on doit les comprendre. On ne peut plus se parler en paraboles dans ce dossier-là.

Et je vais vous donner des exemples. Écoutez, là, quand on veut qu'un projet marche et qu'on a confiance aux gens qui le dirigent, on crée un environnement propice à ce que ça fonctionne bien. C'est comme ça que ça réussit, des projets de cette nature-là. Je vais juste prendre des comportements avant votre époque, mais juste pour que les gens saisissent bien pourquoi nous, les parlementaires – on n'est pas partis sur un ego-trip là-dessus – on veut comprendre comment ça se passe de même.

Une des phrases que vous venez de dire: Il y a eu tellement de changements des gens dans le conseil d'administration. Si je vous demandais de faire la liste de tous les changements qu'il y a eus, je ne suis pas certain que le dernier 10 minutes qui me reste serait suffisant. Je vous vois sourire à cet effet-là.

M. Filion (Yves): Vous l'avez dans le dossier qu'on vous a donné.

M. Cherry: C'est vrai qu'il y a eu beaucoup de changements. C'est vrai. Le 13 avril 1993, une résolution du conseil d'administration d'Hydro-Québec, où vous étiez, décide de transférer la propriété d'Hydro-Québec à M4. La recherche d'un partenaire externe, auquel a fait référence mon collègue tantôt, du 10 000 000 $ d'Innovatech. Ça, ça a été décidé au 13 avril 1994.

Le 8 février 1995, le conseil d'administration d'Hydro-Québec annule la résolution du 13 avril, le budget de 6 000 000 $; jusqu'en juin 1995, pas de transfert technologique, pas de financement externe. Le 13 février, une semaine après, ordre de déménager dans l'édifice Le Breton. Le 17 février, nouvelle administration: M. Germain, Perlstein et Tremblay. Le 27 février, annulation du déménagement dans l'édifice Le Breton.

Écoutez, là, quand on veut créer des conditions relatives suffisamment solides pour que quelque chose fonctionne bien, on agit exactement contraire à la façon dont ç'a été fait là-dedans. Ces gens-là ont besoin d'être sécurisés, ont besoin d'être encouragés, ont besoin de sentir qu'ils sont soutenus dans leurs efforts puis dans leurs recherches.

Quand on les déménage, on ne les déménage pas à 15 jours d'intervalle. Quand on loue un édifice comme celui de Le Breton, où on nous a déclaré ce matin que 80 % de l'espace qui a été loué est encore inutilisé puis inoccupé; que les gens qui sont mis en responsabilité ne parlent pas à celui qui est le père – que vous reconnaissez vous-même, là: «Je ne veux pas lui enlever la paternité.» O.K.? – donc quand on reconnaît celui qui l'a conçu, à la date où on est là, qui voulait l'emmener plus loin, on ne lui parle pas, comment peut-on, de façon sérieuse, pour être cru à l'Assemblée nationale, dire qu'on souhaite que ça marche bien quand on prend des moyens comme ceux que je viens de vous décrire pour avoir... Il me semble que, si on voulait qu'un projet ne marche pas, on traiterait les gens exactement de la façon que je viens de le décrire.

M. Filion (Yves): Est-ce que c'est un commentaire ou une question?

M. Cherry: Vous réagissez comment à ça, vous, vous qui voulez que ça marche?

M. Filion (Yves): Moi, j'ai déjà expliqué comment j'ai réagi à partir de novembre 1996. Quant aux préoccupations que vous venez de formuler, dans la période 1994-1995, je pense qu'il y a des personnes ici qui étaient là lors de cette période, qui pourront répondre aux questions. La seule chose que je peux dire, c'est qu'il y a eu des perturbations dans la gestion de ce projet-là. Ça n'a pas été facile, mais il y a des raisons qui expliquent ces perturbations-là et j'espère que vous aurez réponse à vos questions. Il y a des gens qui étaient là à ce moment-là, qui vont être capables de vous dire quels sont les problèmes qu'ils ont vécus, quelles sont les difficultés auxquelles ils ont eu à faire face et quelles sont les raisons qui les ont animés dans les décisions qu'ils ont prises.

M. Cherry: Mais vous, vous ne voulez pas faire aucun commentaire là-dessus.

M. Filion (Yves): Bien, écoutez, ce que je sais, moi, c'est que...

M. Cherry: Vous n'êtes quand même pas, M. Filion, un étranger à Hydro-Québec, là.

M. Filion (Yves): Non, pas du tout. Pas du tout.

M. Cherry: Vous êtes un de ses serviteurs depuis tellement longtemps.

M. Filion (Yves): Si vous permettez, je vais essayer de traduire, en résumé, rapidement, ce que j'en pense. Je pense qu'à partir du moment où le Dr Pierre Couture a démissionné du projet, ça n'a pas été facile parce que, à ce moment-là, c'est sûr que le Dr Couture, techniquement, était un bonhomme qui jouait un rôle important. Mais à partir du moment où il n'a pas accepté les orientations qu'Hydro-Québec voulait donner au projet, c'était à toutes fins pratiques impossible d'aller plus loin.

Le problème, c'est que par la suite il a continué à vouloir s'impliquer ou à gérer le projet – j'essaie de savoir exactement quoi – mais il n'a pas, lui... Il a démissionné mais il n'a pas abandonné le projet. Vous comprenez? Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire. Et ça, ça a entraîné beaucoup de difficultés.

Ç'aurait été comment, le résultat aujourd'hui serait comment, si le Dr Couture n'avait pas démissionné? Je ne le sais pas, je ne peux pas répondre à cette question-là, c'est une question hypothétique. Mais ce que je peux dire, par exemple, c'est qu'à partir du moment où il y a eu la démission du Dr Couture, moi, je crois fermement que les gestionnaires qui ont été là après ont fait de leur mieux pour faire avancer le dossier, malgré les difficultés qu'ils ont eues, qu'ils ont rencontrées, dont les difficultés de remotiver une équipe de recherche, de la restructurer, etc. Mais ça n'a pas été une situation idéale, vous avez tout à fait raison.

M. Cherry: Donc, ç'aurait été plus facile si on avait entretenu des contacts puis des liens avec le Dr Couture. Mais vous dites: À partir du moment où il a déposé un document qui confirmait sa démission, là, même s'il a témoigné par la suite, il en avait démissionné mais pas abandonné le projet, pas abandonné sa paternité, O.K.? Donc, pour les raisons qui l'ont amené à démissionner – ce que vous dites – ça ne le faisait pas pour autant abandonner.

Donc, comme il maintenait de l'intérêt pour ce projet-là, pour protéger certains brevets, pour sécuriser des choses, comment expliquez-vous qu'une série de décisions aussi importantes que celles-là ont continué à être prises en le maintenant dans l'ignorance complète? Il n'apprenait les choses qu'après le fait. Vous ne pensez pas que dans l'intérêt supérieur du projet, même s'il pouvait y avoir des difficultés de communication sur le plan humain – ça peut arriver – vous ne pensez pas que l'intérêt supérieur du projet aurait commandé, vu qu'il manifestait de l'intérêt, qu'il puisse continuer à être associé, étant que l'objectif est: on veut tous que ça réussisse?

(12 heures)

Comment expliquez-vous que personne ne lui parle ou qu'on le tienne loin? Et vous insistez tellement souvent – et je ne vous mets pas de paroles dans la bouche – vous avez dit: Il avait démissionné. Donc, à partir du moment où il a démissionné, «that's it», c'est: Tiens, là! on n'aura plus de problème. Mais là vous dites: Mais une fois qu'on a accepté sa démission... c'est vrai que ce n'était pas facile. Si on cherche la solution, pourquoi on n'essaie pas de remettre les éléments ensemble pour que ça marche?

M. Filion (Yves): Écoutez, il avait démissionné pour une raison, c'est qu'il ne partageait pas de centraliser les efforts uniquement sur le moteur-roue. Et je dois admettre que je n'étais pas là, mais je pense qu'à partir du moment où sa position était qu'il ne partageait pas le plan d'action, c'était difficile, à mon avis, de susciter une collaboration du Dr Couture dans le dossier. Mais je vous réitère que vous devriez adresser ces questions-là aux gestionnaires qui étaient là, qui étaient responsables du dossier juste avant ou après le départ du Dr Couture. Je ne peux pas aller plus en détail dans le dossier; malheureusement, je n'étais pas là.

M. Cherry: Il a été décrit tantôt – vous l'avez admis vous-même, la personne qui vous a précédé également – c'est que la recherche-développement, au stade où elle en était, n'était pas à son point de commercialisation. Donc, il fallait l'amener, la perfectionner, la rendre plus commerciale. Est-ce que vous ne jugez pas qu'il était prématuré – parce que ça, c'est une décision capitale – d'associer, dans l'évaluation de ça, des gens de l'industrie tant que le projet n'était pas suffisamment avancé? Pour que les gens qui ont posé une évaluation puissent avoir devant eux vraiment le sens de ce qui est l'objectif de la recherche, pas à des phases où ce n'est pas complété.

M. Filion (Yves): Mais je dirais, moi, plutôt, que le timing était plutôt bon parce que, au moment où le comité aviseur s'est réuni et avant que la décision soit prise de former une nouvelle entreprise, heureusement les problèmes du convertisseur intégré dans le moteur-roue étaient résolus, le problème du refroidissement était résolu et les essais réalisés en avril 1997, que j'ai mentionnés tout à l'heure, ont démontré des performances intéressantes du moteur-roue. Les problèmes techniques qui restaient à résoudre, à mon avis, bien sûr, mais surtout basé sur l'avis du comité d'experts, font appel à des connaissances qui sont propres à l'industrie automobile. Donc, nous avions grandement intérêt à nous associer à des partenaires. Parce que ce n'est pas le propre et l'expertise d'Hydro-Québec, le domaine de l'automobile. Donc, je crois que, non seulement le moment était venu, mais c'était nécessaire de le faire à ce moment-là.

M. Cherry: Donc, voici un point sur lequel on a une divergence d'opinions, là.

M. Filion (Yves): C'est possible qu'on ait des divergences là, je peux comprendre ça.

M. Cherry: O.K. Vous avez insisté tantôt sur les sommes d'argent qui sont consacrées à la rédaction et à la protection des brevets.

M. Filion (Yves): Oui.

M. Cherry: Vous avez dit de quelle façon c'était important.

M. Filion (Yves): Exact.

M. Cherry: De mémoire, l'importance d'un brevet au moment de sa rédaction pour son dépôt, pour sa reconnaissance internationale, ça doit être rédigé de façon telle qu'on vous en reconnaisse la paternité...

M. Filion (Yves): Exact.

M. Cherry: ...mais en même temps – et là j'y vais d'expérience – ne pas donner trop de détails dans la rédaction, de là que ça coûte tellement cher, la rédaction avec les avocats, pour nous assurer qu'on ne donne pas de pistes que d'autres, prenant connaissance du dépôt, pourraient le modifier légèrement, l'améliorer et là s'en emparer, si vous voulez, au détriment de ceux qui ont fait vraiment... Donc, c'est bien, bien important que ce soit rédigé de façon telle qu'on en obtienne la paternité, mais qu'en même temps on protège, O.K.? l'évolution vers laquelle on veut aller. Donc, ça, au degré où on est d'accord là-dessus, M. Filion, ça décrit que celui qui est l'inventeur ne peut pas tout dire au moment où il l'a dans sa tête. Il ne peut même pas l'écrire. Et même ses avocats lui indiquent la façon dont ça doit être rédigé pour le maintien de sa protection.

Et là on arrive devant un comité d'experts qui dit: Nous, on est l'industrie puis on veut savoir où vous vous en allez avec ça, puis ça ne nous semble pas à ce moment-ci suffisant. Je vous avoue honnêtement que, si on se préoccupe de la protection intellectuelle, il me semble qu'on respecte ça jusqu'à la conclusion du projet. Mais pas en extraire une partie et là dire: On va aller le montrer à ceux qu'on peut appeler des clients potentiels. C'est si important que ça, vous l'avez dit tantôt, on consacre des sommes d'argent importantes, vous avez parlé de centaines de milliers de dollars pour le dépôt, la rédaction et, une fois la protection, parce qu'il faut les maintenir, il faut payer continuellement...

M. Filion (Yves): Tout à fait.

M. Cherry: Donc, l'importance comme vous le décrivez, pourquoi vous n'avez pas jugé bon d'associer au moins celui qui en est le père, le Dr Couture, pour le maintien, puis la protection, puis le développement de ceux qui existaient, puis tenter de les compléter? Pourquoi, à partir du moment de sa démission, vraiment le tasser de côté?

M. Filion (Yves): Écoutez, au moment où le Dr Couture était directeur du projet, au moins directeur technique du projet, il jouait un rôle très proche et très important dans la prise des brevets. À partir du moment où il n'était pas là, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? L'évolution technologique, souvent, a été faite dans un concept différent de celui imaginé par M. Couture. Je vous ai donné des exemples tout à l'heure, entre autres, du refroidissement. Alors, c'est sûr que la prise de brevet a toujours été faite par le chercheur, la personne qui développait le concept puis qui avait l'idée. Et c'est lui qui travaillait étroitement avec nos gens de brevets puis notre firme externe qui nous conseille pour élaborer le brevet pour assurer une protection adéquate. Ça a toujours été fait avec le chercheur impliqué. Mais, quand le chercheur n'est pas là, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, là? Il ne peut pas être impliqué dans le brevet, il n'est pas là. Il n'est pas à l'origine de l'évolution technologique du dossier. Et il y en a eu beaucoup d'évolution technologique après le départ du Dr Couture. On ne peut pas dire que l'horloge s'est arrêtée, là. L'évolution technologique a continué.

M. Cherry: Combien de brevets ont été déposés depuis le départ du Dr Couture, M. Filion?

M. Filion (Yves): Je n'ai pas le chiffre, mais je sais qu'actuellement nous avons environ 118 dossiers de brevets, 118 à 120 dossiers de brevets? Combien il y en avait avant le départ de M. Couture? Je ne peux pas vous répondre.

M. Cherry: Vous ne pouvez pas répondre à ça?

M. Filion (Yves): Non, je ne le sais pas, malheureusement. Je sais que plusieurs ont été abandonnés, pour certaines raisons que je pourrais vous expliquer. Donc, certains ont été abandonnés parce qu'il y avait des antériorités dans la technologie, donc des choses qui existaient déjà ailleurs. Il y en a d'autres qui ont été abandonnés parce que l'évolution technologique faisait que la protection qui avait été prise avant n'était plus valable. C'est vrai, entre autres, sur la technologie de scellage du moteur-roue à l'aide d'une élastomère. C'est vrai aussi dans le refroidissement. Seulement dans le refroidissement, il y avait 14 brevets-pays de pris dans le refroidissement, que nous avons abandonnés parce que la technologie prévue par le Dr Couture a été abandonnée et remplacée par une autre.

M. Cherry: Diriez-vous, M. Filion, que depuis le départ du Dr Couture on a abandonné plus de brevets qu'on en a déposé de nouveaux?

M. Filion (Yves): Écoutez, je peux vous dire que, de 1992 à maintenant, il y a eu 159 dossiers de brevets. De ces 159 là, il y en a 41 qui ont été abandonnés. Donc, il en reste environ, comme j'ai dit tout à l'heure, 118.

M. Cherry: Cent dix-huit.

M. Filion (Yves): Oui, 118. C'est exact.

M. Cherry: Et combien de ces 118 qui restent ont été déposés depuis le départ du Dr Couture?

M. Filion (Yves): Je ne peux pas répondre. Peut-être que des gens ici pourront répondre, ou on pourra vous fournir une réponse à votre question par la suite. Malheureusement, je n'ai pas réponse à cette question.

Le Président (M. Sirros): Ça va, M. le député de Saint-Laurent?

M. Cherry: Oui.

Le Président (M. Sirros): Alors, M. Filion, merci pour cette présentation. On vous souhaite un bon retour pour votre graduation.

M. Filion (Yves): Merci. Je vous remercie encore une fois, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Alors, la commission va suspendre ses travaux pour cinq minutes, question de se dégourdir.

(Suspension de la séance à 12 h 9)

(Reprise à 12 h 25)

Le Président (M. Sirros): Est-ce qu'on peut reprendre place, étant donné que tous nos intervenants sont de retour? Est-ce qu'on peut donc demander à M. Daniel Perlstein de prendre place et à Mme la secrétaire de procéder à l'assermentation? Mme la secrétaire, est-ce qu'on peut procéder à l'assermentation?

Juste en attendant, pour l'information de tous les journalistes et d'autres, tous les documents qui ont été déposés ce matin sont du domaine public et sont donc disponibles, en autant qu'il y ait des copies de disponibles, et on le prend comme un dépôt.


M. Daniel Perlstein


Assermentation

M. Perlstein (Daniel): Je jure et déclare solennellement que je dirai toute la vérité, rien que la vérité.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Perlstein. Alors, je ne sais pas si vous voulez faire une introduction ou quoi que ce soit, ou procéder directement aux questions.

M. Perlstein (Daniel): Une toute petite introduction pour dire que j'ai été sur le projet de février 1995 à décembre 1995 comme consultant et que je suis une des personnes qui sont à la base de la recommandation de se concentrer sur le moteur-roue en priorité.

Le Président (M. Sirros): Effectivement, ce matin, je pense qu'on a entendu deux personnes qui sont arrivées dans le dossier après. Le prochain bloc, je pense, touche plus de personnes qui ont été au coeur même de la décision de réorienter le projet et, dans ce sens-là, je passerais la parole au député de Marguerite-D'Youville et vice-président de la commission.

M. Beaulne: Merci. M. Perlstein, de quelle manière avez-vous été associé au moteur-roue et comment en êtes-vous venu à être associé au moteur-roue?

M. Perlstein (Daniel): Depuis 1984, je m'occupais comme consultant dans un domaine connexe, qui était celui des batteries à lithium polymère, le projet ACEP, et, en 1994, le chef de projet, qui était Jacques Germain, je travaillais donc comme consultant pour lui et, lorsqu'il a été nommé directeur général en février 1995, directeur général de M4 inc., il m'a demandé de l'accompagner comme consultant pour un contrat de consultant dans lequel, en gros, j'avais trois minimandats. Le premier, c'était de préparer pour lui un plan de préindustrialisation de la technologie. Deuxièmement, c'était de le conseiller sur les alliances industrielles possibles. Et, troisièmement, c'était de le conseiller quant à l'évaluation et l'utilisation des résultats de la recherche passée et présente sur la technologie M4. C'était ça, le texte du mandat du contrat.

M. Beaulne: Et vous-même, avez-vous une formation technologique?

M. Perlstein (Daniel): Je suis ingénieur diplômé de l'École centrale de Lyon, j'ai une licence en droit et je suis docteur en sciences économiques, de l'Université de Lyon.

M. Beaulne: Tout à l'heure, on discutait du comité d'experts, et je faisais remarquer qu'il y avait trois personnes associées comme consultants à l'industrie automobile. Vous-même, avez-vous été en contact avec des gens de l'industrie automobile?

M. Perlstein (Daniel): Oui, dans le cadre uniquement du projet de batterie pour véhicule électrique.

M. Beaulne: Lorsque vous étiez en contact avec ces gens-là, est-ce que vous discutiez du moteur-roue?

M. Perlstein (Daniel): Non. Vous savez, il y a des métiers qui sont très différents dans le domaine, et les gens avec qui nous faisions affaire étaient des gens de batterie, ce n'étaient pas des gens de moteur électrique.

M. Beaulne: Aviez-vous accès aux dossiers des brevets?

M. Perlstein (Daniel): Des brevets publics, oui.

M. Beaulne: Des brevets rattachés au...

M. Perlstein (Daniel): Publiés.

M. Beaulne: Oui.

M. Perlstein (Daniel): Des brevets publiés, oui.

M. Beaulne: Il y a eu des articles qui ont été publiés dans des revues spécialisées, entre autres chez Québec Science , et dans ces articles-là, et d'ailleurs, c'est un peu matière à controverse... Nous, n'étant pas nécessairement des experts techniques, on s'est fait expliquer par le Dr Couture que ces articles, entre autres un article dans Québec Science , comportaient des inexactitudes techniques. Alors, vous, avez-vous été impliqué d'une manière ou d'une autre dans la publication de ces articles?

M. Perlstein (Daniel): Comme d'autres, j'ai rencontré le journaliste qui faisait, à l'heure actuelle... Parce que c'était Québec Science , on a fait une exception à la règle qui était de n'avoir absolument aucune relation avec les médias. Parce que c'était Québec Science . J'ai donc rencontré le journaliste à qui j'ai fait donner les textes des brevets publiés sur le moteur-roue qui donnaient une idée du concept. Je lui ai donné aussi des textes sur des moteurs-roues existants qui n'avaient rien à voir avec le moteur-roue de M. Couture, mais qui donnaient une très bonne vue de ce qui existait en termes de moteur-roue, notamment pour les autobus. Je me souviens lui avoir donné en particulier un bon texte technique fait par Westinghouse.

(12 h 30)

M. Beaulne: Mais qui alors, à votre connaissance, a fourni les détails techniques du projet du moteur-roue au journaliste? C'est Pedro Rodrigue, je pense, qui a écrit cet article-là. Qui, par exemple, lui a indiqué, puisque, vous, vous avez montré des articles qui se faisaient ailleurs sur le moteur-roue... qui a spécifiquement pointé au journaliste en question qu'il y avait des petits problèmes avec le convertisseur ou avec d'autres éléments techniques?

M. Perlstein (Daniel): Il a dû discuter avec plusieurs personnes. Moi, personnellement, ce n'était pas la raison pour laquelle il m'a rencontré parce que, personnellement, je n'ai pas d'expertise en matière de moteur-roue. J'ai été d'ailleurs assez intéressé de voir le problème qu'il posait dans l'article, qui était le problème d'élévation de température lors de la marche et de l'arrêt. Pour moi, c'était un problème nouveau à l'époque.

M. Beaulne: Bon. C'est parce que, dans ce dossier-là, il y a eu une bifurcation à un moment donné. On parlait du groupe traction. Et ça, c'est un des aspects qui nous préoccupent ici à la commission. C'est que, d'une part, à certains moments, on parle d'un nouveau mode de propulsion hybride, si on veut, et, à d'autres moments, on parle spécifiquement de l'application de cette nouvelle technologie de propulsion à un domaine spécifique qui est la voiture. Le Dr Couture nous a très bien dit et a très bien spécifié que son concept n'était pas mûr pour s'adapter spécifiquement à une voiture. C'était une application qu'on pouvait lui donner, mais qu'il y avait également d'autres applications qui pouvaient découler du groupe traction lui-même. Ce qu'on essaie de déterminer, puis, en réalité, on n'a pas encore réussi à déterminer ça: Par qui et quand a été prise la décision de limiter strictement ce concept-là à une application automobile?

M. Perlstein (Daniel): Automobile? Bien avant moi, parce que, quand je suis arrivé, les Intrepid avaient été achetées, et il n'était pas question de tester quoi que ce soit d'autre que de tester le moteur-roue sur des Intrepid, et de tester le système de traction sur les Intrepid. Donc, bien, bien avant moi.

M. Beaulne: Avez-vous été impliqué de près ou de loin dans le comité d'experts et dans le rapport qui en a découlé, dirigé par M. Coupal?

M. Perlstein (Daniel): Non, du tout.

M. Beaulne: Vous dites que vous n'avez jamais discuté du moteur-roue dans vos entretiens avec l'industrie automobile américaine. Partagez-vous l'opinion du Dr Couture et d'ailleurs celle qu'a réitérée M. Filion tout à l'heure, qu'il était prématuré, en 1994, de présenter une technologie encore imparfaite à Anaheim, en Californie?

M. Perlstein (Daniel): Absolument. Il était prématuré de présenter la technologie au ministre et de faire faire des petits tours d'automobile au ministre aussi, en 1994.

M. Beaulne: Mais, alors, comment se fait-il et qui a pris la décision de participer à cette foire technologique?

M. Perlstein (Daniel): Personnellement, je n'étais pas là en 1994, mais ce que je peux vous dire, d'après les discussions qu'on a eues ensuite, c'est que M. Couture, effectivement, nous a dit qu'il n'était pas d'accord pour y aller, mais que, finalement, il était bien content d'y aller parce qu'il a rencontré beaucoup de monde intéressant là-bas.

M. Beaulne: Oui, mais, sauf que, sur le plan strictement technologique, ça nous semble un peu étrange, effectivement, d'exposer à des concurrents potentiels une technologie encore imparfaite...

M. Perlstein (Daniel): S'il vous plaît...

M. Beaulne: Oui.

M. Perlstein (Daniel): Je regrette, mais, à l'époque, il n'y a eu aucune exposition de technologie à Anaheim autre qu'un moteur qu'on voyait de l'extérieur, donc c'était la méthode de la boîte noire. Il n'y avait non plus aucun chiffre lancé sur les performances réalisées du moteur, uniquement sur les performances théoriques possibles, d'après ce que, moi, j'ai vu. Et il y avait absolument une seule possibilité pour les gens de savoir ce qu'il y avait dans la boîte noire, c'était de lire les brevets qui étaient publics. Et je ne sais même pas si, à la fin de 1994, ils étaient publics, je ne me rappelle plus. Possiblement.

M. Beaulne: À votre connaissance, est-ce que les brevets ont été adéquatement protégés?

M. Perlstein (Daniel): Moi, quand je suis arrivé, c'était Pierre Couture qui s'occupait de la prise des brevets et je pense qu'il y tenait comme à la prunelle de ses yeux.

M. Beaulne: Depuis ce temps, avez-vous été associé au projet ou non?

M. Perlstein (Daniel): Non, depuis décembre 1995, je ne suis plus du tout dans le projet.

M. Beaulne: Ça va.

Le Président (M. Sirros): Ça va, M. le député? M. le député de Saint-Laurent ou M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je vous remercie, M. le Président. Bonjour, M. Perlstein. Je crois que vous travaillez pour M4 sur la base d'un contrat de services professionnels.

M. Perlstein (Daniel): J'y ai travaillé entre février 1995 et décembre 1995.

M. Ciaccia: Le contrat n'est pas avec vous personnellement mais avec une compagnie, Anextase inc.

M. Perlstein (Daniel): Le contrat, oui, est avec une compagnie qui s'appelle Anextase inc.

M. Ciaccia: Dans le contrat, il y a une clause de confidentialité.

M. Perlstein (Daniel): Oui.

M. Ciaccia: Mais la clause de confidentialité, comme toute clause de confidentialité, stipule que les informations, renseignements, documents que le consultant obtiendra ne peuvent être dévoilés à une tierce partie sans l'autorisation explicite de M4. Je remarque cependant que le contrat a été signé seulement par la compagnie. Remarquez bien que ce n'est pas... Alors, ça voudrait dire, légalement, je présume, que la seule personne qui est liée par la clause de confidentialité, c'est Anextase inc. mais pas Daniel Perlstein.

M. Perlstein (Daniel): Légalement, vous avez raison.

M. Ciaccia: Alors, n'y aurait-il pas eu nécessité ou bien est-ce que ça n'aurait pas été plus souhaitable que, en plus que le contrat soit signé par Anextase, il y ait eu une intervention personnelle de M. Perlstein?

M. Perlstein (Daniel): Oui, mais, comme, dans ce cas, M. Perlstein a signé en tant que président et qu'Anextase inc. ne possède qu'une seule personne, son président, ça faisait quand même d'une pierre deux coups.

M. Ciaccia: Bien, ça, ça peut être discutable...

M. Perlstein (Daniel): Je suis d'accord.

M. Ciaccia: ...parce que le président n'est pas lié personnellement par le contrat. C'est strictement la compagnie.

M. Perlstein (Daniel): Vous avez raison.

M. Ciaccia: Alors, ça veut dire que la seule entité ou compagnie qui est liée par les informations de confidentialité, légalement, je parle, ce n'est pas vous personnellement, mais c'est Anextase.

M. Perlstein (Daniel): Son président.

M. Ciaccia: Non, pas son président, parce que vous n'avez pas signé... Le président n'est pas lié personnellement.

M. Perlstein (Daniel): Le président n'est pas lié personnellement. Il est lié en tant que président d'Anextase.

M. Ciaccia: Bien, ça, je ne veux pas tourner cette commission en débat juridique, mais, avec tout le respect que je vous dois, je crois que le président, personnellement, n'est pas lié, c'est seulement la compagnie.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: En continuant, pourquoi avez-vous procédé comme ça, M. Perlstein, votre compagnie plutôt que vous pour cette période-là?

M. Perlstein (Daniel): C'est toujours comme ça que j'ai procédé. Il n'y a rien de particulier dans ce contrat-là par rapport aux autres que je signe. Je signe toujours en tant que président d'Anextase inc. Et, comme il s'agit souvent de projets technologiques, je signe toujours un accord de confidentialité.

M. Ciaccia: Juste pour continuer...

Le Président (M. Sirros): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Oui. C'est parce que des fois, ce n'est pas seulement que ça soit légal, mais il y a aussi l'apparence et que toutes les ficelles soient attachées. Et, quand on discute, ici, je remarque qu'on discute de la question d'avoir rendu publics certains aspects du développement avant qu'ils soient prêts. Je crois que ça aurait été plus sage pour tous les concernés, ça serait été au-dessus de tout problème si ça avait été signé non seulement... Pas pour vous lier personnellement en ce qui concerne les obligations du contrat monétaire – je sais que, pour des fins fiscales, il y a certains avantages à avoir une compagnie – mais juste pour rendre vraiment l'opération complètement à l'épreuve de tout doute, pour protéger totalement le client, M4 et les technologies...

M. Perlstein (Daniel): D'accord.

M. Ciaccia: ...je crois que ça aurait été...

M. Perlstein (Daniel): Je dois vous dire, toutefois, que tous les accords de confidentialité que j'ai signés à date, que ce soit avec Hydro-Québec ou avec d'autres compagnies – j'en signe avec d'autres compagnies, etc. – ça a toujours été fait de cette manière-là. On ne m'a jamais demandé de signer en plus à titre personnel. Mais je conçois effectivement que, pour un maximum de sécurité, on puisse le demander.

M. Cherry: Vous dites, M. Perlstein: J'ai toujours fonctionné de cette façon-là. La compagnie qui fait l'objet de... Anextase, ce matin, elle est incorporée depuis combien de temps? Ça existe depuis combien de temps, cette compagnie-là?

(12 h 40)

M. Perlstein (Daniel): 1993, 1994... 1993.

M. Cherry: 1994, le 8 du deuxième mois.

M. Perlstein (Daniel): 1994.

M. Cherry: Donc, quand vous dites: J'ai toujours fonctionné comme ça...

M. Perlstein (Daniel): Avec Anextase inc., j'ai fonctionné comme ça. Auparavant, j'étais travailleur autonome.

M. Cherry: O.K. Dans le dossier de la pile ACEP, disons que vous ne fonctionnez pas avec cette compagnie-là.

M. Perlstein (Daniel): Oui. Dans le dossier de la pile ACEP, je fonctionne avec cette compagnie-là.

M. Cherry: Avec Anextase.

M. Perlstein (Daniel): Anextase, absolument.

M. Cherry: Votre implication dans ce dossier-là, elle remonte à quand?

M. Perlstein (Daniel): La première implication remonte – parce qu'il y a «on» et «off» – à 1984.

M. Cherry: En 1984.

M. Perlstein (Daniel): Oui.

M. Cherry: Votre compagnie a été incorporée en 1994.

M. Perlstein (Daniel): Oui.

M. Cherry: Entre 1984 et 1994, vous fonctionniez comment?

M. Perlstein (Daniel): J'ai fonctionné comme travailleur autonome.

M. Cherry: Donc, quand vous me déclarez aujourd'hui: J'ai toujours fonctionné comme ça, le «toujours», c'est depuis 1994.

M. Perlstein (Daniel): Avec Anextase inc. Mais j'ai exactement fonctionné de la même manière comme travailleur autonome, j'ai signé exactement les mêmes contrats, lorsque j'avais à les signer, comme travailleur autonome. Au lieu de signer: Daniel Perlstein, président d'Anextase inc., je signais: Daniel Perlstein, travailleur autonome.

M. Cherry: Donc, à ce moment-là, pour répondre à la préoccupation de mon collègue de Mont-Royal, quand vous procédiez en signant Daniel Perlstein pour Daniel Perlstein, travailleur autonome, ça vous engageait, ça vous liait, vous. Quand vous le faites au nom de la compagnie, à ce moment-là, l'interprétation, en tout cas, que mon collègue a soulevée...

M. Perlstein (Daniel): M. le député, tous les contrats, et j'en ai vu passer un bon paquet, je ne sais pas combien de dizaines, tous les contrats de confidentialité entre compagnies que j'ai vu passer, dans lesquels des chercheurs, des consultants, des techniciens, etc., sont impliqués, je n'en ai pas vu, à date, qui, en plus, exigeaient des signatures personnelles. Mais je conçois parfaitement qu'on puisse le demander.

M. Ciaccia: Excusez-moi. Normalement – j'ai déjà été impliqué... parce que je pratiquais le droit – la pratique que notre bureau avait, c'est que, quand il y avait une clause de confidentialité, on exigeait la signature non seulement de celui qui signait le contrat, mais même du conseil d'administration, de tous ceux qui faisaient partie de la compagnie, parce que, autrement c'était notre opinion que la clause de confidentialité ne liait que la compagnie...

M. Perlstein (Daniel): Je le comprends.

M. Ciaccia: ...et que ceux qui travaillaient pour la compagnie ou même le conseil d'administration ou le secrétaire trésorier n'étaient pas liés. Alors, j'ai vu plusieurs contrats de ce genre qui étaient signés par tous ceux qui faisaient partie de la compagnie.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Votre implication, vous nous l'avez indiqué tantôt, dans la pile ACEP... Si vous faisiez la comparaison avec la façon dont vous avez fonctionné dans la pile ACEP avec des partenaires que vous avez cherchés, par exemple Ballard, et la façon dont, eux, ils ont procédé, pourquoi vous avez choisi celle-là par rapport à l'autre? Quels sont les avantages et les inconvénients? Puis, après ça, on tentera de l'appliquer ailleurs.

M. Perlstein (Daniel): Vous voulez parler entre ACEP et Ballard?

M. Cherry: Oui. Eux, ils ont procédé d'une façon et vous d'une autre.

M. Perlstein (Daniel): Je vous dirais qu'il y a beaucoup de ressemblance. Il y a plus de ressemblance entre ACEP et Ballard que, par exemple, entre ACEP et M4 dans la manière de procéder, parce que ACEP et Ballard, les deux, ont procédé par alliances industrielles. Par exemple, dans le domaine de l'automobile, Ballard a procédé par alliance avec Mercedes-Benz et Ford. Dans le domaine des piles stationnaires, Ballard a procédé avec GPU, qui est une grosse utilité électrique, et tout récemment avec Alsthom. Donc, ils fonctionnent pas grosses alliances industrielles.

Maintenant, la différence, c'est que Ballard est une compagnie privée, alors qu'au niveau d'Hydro-Québec ACEP est une division, est un groupe de projets à l'intérieur d'Hydro-Québec. La seule différence que je vois, c'est celle-là, c'est que Ballard, qui a fait toutes ces alliances industrielles là, est un groupe privé qui a des actions sur la Bourse, alors qu'à l'intérieur d'Hydro-Québec il y a un groupe de projets qui s'appelle ACEP et qui est une division d'Hydro-Québec.

M. Cherry: Donc, l'approche, vous dites, à cause de la structure de ce qu'est Hydro-Québec, il a fallu procéder de la façon dont vous l'avez fait. Et vous dites: Ballard parce que c'est une entreprise privée qui, elle, a des actions sur le marché. Mais, quand on regarde la rentabilité des deux projets par rapport à ce que ça rapporte à Ballard puis à ce que ça rapporte à ACEP, j'aimerais vous entendre.

M. Perlstein (Daniel): Ah! Bien, là, ça dépend de ce que vous appelez rapporter. Est-ce que vous parlez de la valeur boursière de l'action ou est-ce que vous parlez...

M. Cherry: Les liens avec les partenaires, ceux qu'on recherche tellement, là.

M. Perlstein (Daniel): Les liens avec les partenaires sont des liens... c'est-à-dire que la propriété intellectuelle est détenue par Ballard pour ce que Ballard apporte dans le mariage. Donc, ça reste la propriété de Ballard. La propriété intellectuelle que, par exemple, Mercedes-Benz apporte reste la propriété intellectuelle de Mercedes-Benz, et ce ne sont que les travaux qu'ils font en commun et qu'ils financent en commun qui leur appartiennent, au point de vue propriété, qui leur appartiennent en commun.

M. Cherry: Donc, Mercedes-Benz, quand elle choisit la technologie Ballard, verse à Ballard, pour les investissements, les efforts, la recherche qui ont été mis dedans, une somme d'argent et, à partir de ça, travaille conjointement.

M. Perlstein (Daniel): Oui.

M. Cherry: Quand quelqu'un d'autre à part Mercedes-Benz veut utiliser la technologie Ballard, c'est toujours le même procédé qui se répète?

M. Perlstein (Daniel): Oui.

M. Cherry: Parce que Ballard demeure le propriétaire de sa propriété intellectuelle.

M. Perlstein (Daniel): Absolument, de ce qu'on appelle le background.

M. Cherry: Donc, tous ceux qui veulent en faire une utilisation, pour l'acquérir, doivent verser à...

M. Perlstein (Daniel): Soit verser, soit investir dans une coentreprise, pas nécessairement verser du cash. Ça peut être investir dans une coentreprise en disant: Bon, on va créer une coentreprise pour tel genre d'application et, si on est 50-50, on va effectivement verser 50 % des argents nécessaires pour le réaliser. Ensuite, lorsque le produit de cette coentreprise devient commercial, la coentreprise va payer probablement aux deux coactionnaires des redevances pour les rembourser de tous les frais de recherche et développement qu'ils ont effectués.

M. Cherry: O.K. Et ça, ce n'est pas l'approche qui a été prise dans les ACEP pour les raisons que vous avez invoquées.

M. Perlstein (Daniel): Oui, c'est la même chose.

M. Cherry: Même chose?

M. Perlstein (Daniel): Oui, c'est la même chose. C'est qu'Hydro-Québec garde sa propriété, et c'est uniquement dans le partenariat avec d'autres entreprises que le travail en commun appartient aux deux. Mais la propriété développée à Hydro-Québec par Hydro-Québec reste à Hydro-Québec et reste propriété à 100 % d'Hydro-Québec.

M. Cherry: Et, à partir du moment où Hydro-Québec décide de limiter le projet de traction uniquement au moteur-roue, à ce moment-là, est-ce que vous me dites qu'Hydro-Québec ou sa nouvelle filiale ne garde la propriété intellectuelle que de cet aspect-là et abandonne le reste?

M. Perlstein (Daniel): Vous voulez dire si Hydro-Québec concluait un accord de partenariat industriel concernant le moteur-roue? C'est ça que vous me demandez?

M. Cherry: Tout l'ensemble traction ou uniquement le moteur-roue.

M. Perlstein (Daniel): Vous me demandez quelle serait la différence?

M. Cherry: Oui, oui. Allez-y, je vous écoute.

M. Perlstein (Daniel): C'est-à-dire que, si Hydro-Québec concluait un partenariat industriel avec Ford, mettons, sur le moteur-roue, ça voudrait dire qu'on développe, qu'on finit le plus vite possible de développer le moteur-roue, par exemple, et qu'ensuite on essaie d'intégrer le moteur-roue dans des systèmes de traction qui ne sont pas nécessairement des systèmes de traction d'Hydro-Québec. Ça peut être un système de traction défendu par Ford ou acheté par Ford à Mazda ou à je ne sais pas qui. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Cherry: Donc, vous me dites, si j'ai bien compris: Le concept du Dr Couture en est un de traction qui inclut un moteur-roue et d'autres éléments. La décision qui a été retenue par la direction, c'est de limiter l'aspect commercialisation, la recherche de partenaires uniquement au moteur-roue.

M. Perlstein (Daniel): Ça n'aurait même pas à aller jusque-là.

M. Cherry: O.K. Donc, la première partie de ma question: Qu'est-ce qui arrive à la propriété intellectuelle qui était autre que le moteur-roue, mais qui faisait partie de l'ensemble de la traction? Est-ce qu'elle est maintenue? Est-ce qu'elle...

M. Perlstein (Daniel): Elle continue.

M. Cherry: ...est abandonnée?

(12 h 50)

M. Perlstein (Daniel): Mais non! Écoutez, non seulement ça, mais, si vous regardez la recommandation telle qu'on l'a faite en août 1995, vous verrez que c'est bien mieux que ça. La recommandation sur le moteur-roue était bien plus précise que ça. Elle disait les choses suivantes: «Option moteur-roue – je lis parce que c'est très court, je m'excuse, mais c'est très, très court – hypothèse de base. Hydro-Québec ne vise plus à réaliser toute seule un système de traction complet et intégré.» On est exactement dans votre cas de figure. C'est ça? «Hydro-Québec ne vise plus à réaliser toute seule un système de traction complet et intégré.» D'accord? Bon. «Premièrement, on concentre les travaux exclusivement sur le moteur-roue d'ici 1996.» C'était ça, l'option moteur-roue, à l'époque: d'ici 1996, on concentre les travaux exclusivement sur le moteur-roue, donc un an.

Je continue, parce que c'est très court. «Deuxièmement, on finalise pour la mi-1996 un moteur-roue avec ses entrées.» On a dit les 0 et les 1, c'est-à-dire l'électronique et les conducteurs électriques. «Ce moteur doit au minimum posséder un convertisseur intérieur d'environ 25 Kva», O.K., pour qu'on puisse appeler ça un moteur-roue. «On accélère la rédaction des demandes de brevets d'ici la fin de 1995.» Donc, vous voyez que le souci que vous aviez, c'était exactement le même que le nôtre. Ce n'est pas parce qu'on ne fait que travailler industriellement sur le moteur-roue qu'il faut s'arrêter de travailler intellectuellement sur le reste. C'est ça que ça veut dire «on accélère la rédaction des demandes de brevets d'ici la fin 1995».

«On dévoile les résultats sur bancs d'essai de la technologie au début 1996.» Dévoiler les résultats de bancs d'essai, ce n'est pas dévoiler la technologie, c'est dévoiler ce que la boîte noire produit. On ne dit pas ce qu'il y a dans la boîte noire, mais on dit ce que la boîte noire fait. Donc, c'est ça. Il était temps de le faire, sinon, les gens auraient été en droit de se dire: Mais ça fait trois ans, quatre ans que vous travaillez sur... et vous n'êtes même pas capables de nous montrer les résultats d'essais?

Ensuite: «La négociation d'alliances industrielles débute à la fin 1995 et visera pour la mi-1996 l'obtention de lettres d'intention de la part de partenaires potentiels sérieux.» Donc, pour reprendre l'hypothèse que vous me demandiez de prendre, par exemple, de débuter des négociations avec Ford pour voir s'ils sont prêts à sortir leur carnet de chèques ou s'ils nous disent: Non, non, c'est très, très joli, ce que vous faites, mais, nous, ça ne nous intéresse pas, ce qui est un refus poli, ce n'était pas avant la mi-1996 d'obtenir au moins une lettre d'intention d'une compagnie dans le domaine, qui dit: Effectivement, ça m'intéresse, ça m'intéresserait de m'asseoir avec vous et de regarder ce qu'on peut faire ensemble. C'est ça, l'option moteur-roue. Je vous lis ce qui est là, et ces documents, je suis certain que vous les avez.

Maintenant, que cette option, à la mi-1996, n'ait pas été réalisée, n'oubliez pas que, nous, toutes les dates qu'il y avait là-dedans, c'étaient des dates qui étaient fondées sur toutes les discussions qu'on a eues avec M. Couture en ce qui concerne: Si on réalise un système intégré de traction, quelles sont les différentes dates auxquelles on peut s'attendre? sachant que les inventeurs sont toujours optimistes et qu'il faut, en général, multiplier par deux les dates qu'ils vous donnent. Ça vient de là. Quand on a pris le moteur-roue, c'était l'élément d'un ensemble qui était le système de traction intégré. On a pris cet élément-là, on ne l'a pas changé. On a pris cet élément-là, en disant, avec les dates qui étaient marquées dedans: Celui-là, on le prend et on en fait un objet essentiel, pendant un an, de...

Pourquoi pendant un an? Parce que M. Couture nous a dit – et même, il a probablement dit six mois et on a multiplié par deux – que, d'ici un an, ce serait terminé et qu'on pourrait passer à autre chose. Parce que, nous, quand on a fait le plan détaillé que vous voyez là, qui a été présenté, ce plan-là, il a été fait fondamentalement... les actions techniques et technologiques qui ont été mises dans le plan détaillé, c'est ce que M. Couture nous a dit qu'il pensait qu'il fallait faire. Ni Jacques Germain ni moi, quand on est arrivés en février 1995, on n'avait quoi que ce soit comme idée de ce qu'il fallait faire dans un... on n'était pas du tout des experts de moteur-roue. Le seul expert qu'il y avait, c'était M. Couture.

M. Cherry: Donc, toutes les décisions que vous avez prises, que vous avez mises dans le plan découlaient de présentations que vous avait faites uniquement le Dr Couture.

M. Perlstein (Daniel): Oui.

M. Cherry: Et vous dites, à votre connaissance de ces gens-là, qu'il faut être un peu moins optimiste ou plus réaliste. Donc, vous dites: Quand il nous parlait de six mois, on multipliait, pour un an, donc, pour se donner un échéancier qui semblait plus...

M. Perlstein (Daniel): Réaliste.

M. Cherry: ...plausible, plus vivable...

M. Perlstein (Daniel): C'est ça. Mais là...

M. Cherry: ...par rapport aux autres aspects qu'il fallait...

M. Perlstein (Daniel): C'est ça. Mais, en l'occurrence et d'après ce que j'ai entendu ce matin, ce n'était pas doubler qu'il aurait fallu, mais probablement quintupler ou sextupler ou peut-être décupler.

M. Cherry: Ou créer dès le début toutes les conditions propices...

M. Perlstein (Daniel): Ah!

M. Cherry: ...à ce que des délais raisonnables puissent être rencontrés.

M. Perlstein (Daniel): Non. M. le député, toutes les conditions étaient là parce que c'était dans le cadre du budget dont parle M. Couture dans sa lettre que vous avez rendue publique, quand il parle d'un budget de 11 000 000 $. Ça, c'était dans le cadre de ce budget-là. Il n'y avait pas de coupures, il n'y avait rien, c'était vraiment tout ce qu'on pouvait faire pour réaliser une option de système de traction intégré, mais en prenant un seul bloc dans le «work package», qui était le bloc moteur-roue.

M. Cherry: Évidemment, parce que la concentration allait uniquement sur le moteur-roue et en mettant de côté...

M. Perlstein (Daniel): Pendant un an.

M. Cherry: ...ce que vous nous dites ce matin, au moins pour une période d'un an...

M. Perlstein (Daniel): Oui.

M. Cherry: ...les autres aspects.

M. Perlstein (Daniel): C'est ça. Et la raison en était que, pas de moteur-roue, pas de système de traction. C'était aussi simple que ça: pas de moteur-roue, pas de système de traction. Donc, au plus vite, concluons, faisons les moteur-roues puis, ensuite, on pourra s'occuper du reste. Ça, c'était l'évidence même, je veux dire. Depuis Descartes, on n'a pas inventé mieux, c'est-à-dire diviser la difficulté en autant de parcelles qu'il se faudrait afin de la mieux résoudre. Bien, c'est ça qu'on a fait. On a pris ce qu'il y avait de plus difficile, cette parcelle-là, puis on a dit: Celle-là, on va la résoudre.

M. Cherry: Donc, c'était tellement simple que le Dr Couture n'a pas pu comprendre ça...

M. Perlstein (Daniel): Non, non. Ha, ha, ha! Non, non, M. Couture...

M. Cherry: Je vous écoute.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Perlstein (Daniel): M. Couture, vous savez ce qu'il m'a dit lorsque je lui ai demandé pourquoi il était contre cette option-là? Il m'a dit: Je ne fais pas d'aide sociale. Est-ce que vous savez ce que ça veut dire? Moi, la seule explication que j'ai reçue, c'était ça: Je ne fais pas d'aide sociale.

J'ai interprété que, selon M. Couture, son système était unitaire, on ne pouvait pas toucher à quoi que ce soit, c'était tout ou rien. Et je l'ai beaucoup regretté parce que, si M. Couture avait fait le compromis pendant un an, comme il le disait, ou même deux ans – ce n'est pas grave – de vraiment se mettre à la tâche et de le réaliser, on lui aurait tous embrassé les pieds ensuite, tous, on se serait vautré à ses pieds.

M. Cherry: Parce que vous croyez toujours au potentiel.

M. Perlstein (Daniel): Là, j'y crois un petit peu moins. À l'époque, quand j'ai débuté là-dedans, c'était ma job d'y croire...

M. Cherry: Je parle au moment où vous lui auriez baisé les pieds.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Perlstein (Daniel): Oui, oui, au moment où je lui aurais baisé les pieds, absolument. Absolument.

M. Cherry: Mais, maintenant, vous dites: Un peu moins.

M. Perlstein (Daniel): Oui, pas mal moins.

M. Cherry: Pas mal moins. Quelle est la perte de la valeur qui fait que, maintenant, vous êtes devant nous et vous dites: Pas mal moins?

M. Perlstein (Daniel): D'abord, comme je vous dis, d'après ce que j'ai entendu et d'après ce que j'ai pu voir dans les dossiers, c'est qu'il aurait fallu multiplier peut-être par cinq, par six, par 10 les délais qu'on nous donnait. Donc, c'était déjà assez décourageant, déjà, à l'époque, de devoir dire: D'ici un an, d'ici deux ans, on pourra commencer seulement à s'occuper d'alliances industrielles, etc. Mais là, si je me base sur ce dont on parle, on parle peut-être de ne pas pouvoir s'occuper d'alliances industrielles avant 1999. Donc, ça, ça prouve que le projet prend continuellement du retard, à mon avis.

Puis une autre chose. Parce que ce dont vous parlez, c'est un système de traction intégré, vous ne parlez pas seulement du moteur-roue. Alors, voici, et je le dépose pour vous, un séminaire qui a eu lieu – c'est public – en mai 1998 sur «making hybrid electric vehicles commercially viable». Ça ne peut pas être plus dans notre sujet. On a présenté la fameuse Toyota Prius, etc., je peux vous en parler. Là-dedans, vous remarquerez, malheureusement, qu'on ne parle pas de moteur-roue et on ne s'intéresse pas à des systèmes de traction à moteur-roue, ce n'est pas du tout la direction dans laquelle on est parti. Ça ne veut pas dire que ça soit mauvais pour autant, mais ça veut dire qu'il faut être conscient qu'on n'est pas du tout parti vers ça.

On est parti vers exactement l'inverse, c'est-à-dire un bloc-moteur unique dans lequel vous avez à la fois le moteur électrique, le générateur et le moteur à explosion, et le tout sur une double boîte de vitesses, une pour le moteur à explosion puis une pour le moteur électrique. C'est totalement différent. Et c'est génial. Ça, c'est Toyota, puis c'est génial. Ce n'est pas génial en théorie, mais c'est vraiment génial en pratique, ce qu'ils ont fait. Et, ça, c'est totalement à l'opposé d'un moteur-roue distribué dans l'automobile, totalement.

Et pourquoi les gens font ça? Pourquoi ils ne s'en vont pas vers le moteur-roue? Et pourquoi ils ne s'en vont pas dans les hybrides séries? Et pourquoi ils s'en vont vers les hybrides parallèles, qui n'ont rien à voir avec un gros bloc central? Pourquoi? Parce que le problème principal du système hybride, c'est la batterie, encore aujourd'hui. Ça l'était déjà en 1995, ça l'était bien avant aussi, ça l'est encore aujourd'hui. Donc, la seule chose, le seul compromis que quelqu'un comme Toyota a réussi à faire, c'est de prendre une toute petite batterie avec un gros moteur à explosion. Et, malgré ça, avec une toute petite batterie puis un gros moteur à explosion, malgré ça, il consomme moitié d'essence qu'une voiture normale. Pourquoi? Parce qu'ils font ce qu'on appelle en langage électrique de l'écrêtage de pointes. Avec la petite batterie de rien, ils font de l'écrêtage de pointes. Pourquoi ils ont pris une petite batterie? Parce qu'il n'y en a pas de plus grosse et parce que celle-là, elle est déjà assez chère comme ça, puis elle est déjà assez peu performante comme ça, oui merci.

C'est ça, le problème, à l'heure actuelle. La raison pour laquelle les gens ne sont pas capables d'avoir un hybride série avec une grosse batterie, exactement comme le genre de véhicule hybride série que prône M. Couture, c'est parce qu'il n'y en a pas, de batterie. Puis, tant qu'il n'y en aura pas, on sera obligé de prendre des petites batteries et, malheureusement, de ne pas avoir des hybrides séries, mais d'avoir des hybrides parallèles.

M. Cherry: Vous semblez bien posséder le dossier. La compagnie Toyota a investi combien d'argent pour arriver aux résultats, aussi faibles soient-ils, que vous décrivez?

M. Perlstein (Daniel): Là-dedans, ils ont certainement investi une quarantaine de millions. Certainement, parce qu'il a fallu qu'ils refassent une boîte de vitesse totalement différente, il a fallu qu'ils prospectent une batterie qui ne vient de sortir que depuis un an. C'est une Panasonic de nickel hydrométallique, c'est sorti il n'y a même pas un an et c'est tout petit, c'est à peine plus gros que la batterie que vous avez dans votre voiture. C'est à peine plus gros que ça. Donc, vous voyez que ce n'est pas ambitieux. Quand on parle d'un système hybride série à moteur-roue, on parle de 10 kWh, c'est-à-dire une batterie qui est au moins six à sept fois plus grosse que la batterie dont on parle là et qui n'existe pas pour le moment. Peut-être qu'un jour elle va exister, mais elle n'existe pas pour le moment. Et, peut-être, j'espère qu'avec la batterie ACEP un jour... Mais on ne s'oriente pas vers ça. On s'oriente vers des voitures tout électriques, avec la batterie ACEP.

(13 heures)

Le Président (M. Sirros): Une dernière question, parce que j'ai aussi M. le vice-président qui veut poser une question. Ça va?

M. Cherry: Est-ce qu'on arrête parce qu'il est 13 heures ou... Parce qu'il reste une question.

Le Président (M. Sirros): Il faudrait que j'aie le consentement pour qu'on puisse continuer cinq minutes ou qu'on revienne à 13 heures, comme vous voulez.

M. Beaulne: Consentement pour continuer un petit peu.

M. Cherry: O.K. Donc, si je comprends bien, c'est que, si ce qui est la théorie du Dr Couture pouvait arriver à maturité, selon sa conception, ça constituerait une révolution dans le domaine de l'industrie automobile.

M. Perlstein (Daniel): Je lui embrasserais les pieds, je vous l'ai dit.

M. Cherry: O.K. Mais, à ce moment-là, le potentiel que, lui, il conçoit et les retombées économiques pour le Québec...

M. Perlstein (Daniel): Attention, à condition que ce système-là soit un système qui soit généralisable aux automobiles, par exemple.

M. Cherry: On se comprend, là

M. Perlstein (Daniel): O.K.

M. Cherry: Il ne s'agit pas de faire des prototypes d'essai pour s'amuser le dimanche, là.

M. Perlstein (Daniel): Non, mais il ne s'agit pas non plus...

M. Cherry: Il s'agit de rendre quelque chose au point de la commercialisation, où l'industrie serait intéressée à intégrer dans ses automobiles cette technologie-là.

M. Perlstein (Daniel): Oui, mais dans toutes les automobiles ou dans certaines automobiles? Dans toutes? Parce que, vous savez, que vous me disiez que ce système-là peut être intégré dans certains véhicules récréatifs, je vais vous dire, ça apparaît effectivement vraisemblable. Que vous me disiez que ça peut être incorporé dans certains véhicules militaires, tout-terrains, je vais vous dire oui. Que ce soit incorporé dans un véhicule normal, civil que, vous, vous conduisez, vous et moi... Il y a beaucoup d'autres systèmes qui peuvent être incorporés aussi. Puis, là, vous entrez en concurrence et vous n'avez pas nécessairement d'avantages extraordinaires par rapport à ces autres systèmes-là, comme celui de la Toyota Prius, par exemple. Vous n'avez pas d'avantages fantastiques qui puissent vous faire dire demain matin: C'est celui-là que je veux, puis je suis prêt à dépenser n'importe quoi pour l'avoir. Je ne pense pas.

Écoutez, ça fait quand même depuis la fin de 1994 que le brevet sur le moteur-roue est sorti. Ce brevet sur le moteur-roue, il est qualitatif. Il ne décrit pas en détail le moteur-roue mais, pour un spécialiste, je suis certain qu'il est suffisant pour qu'on voie exactement le genre d'effort qui est demandé, le genre d'avantage que ça peut avoir et l'originalité du concept.

Il n'y a eu personne qui est venu nous voir. Pourquoi il n'y a eu personne qui est venu nous voir? Ils ne travaillent pas sur ce genre de préoccupations, à l'heure actuelle, ça ne les intéresse pas. C'est comme ça. Comme vous dites, ça ne veut pas dire que ce n'est pas génial, mais ça veut dire qu'on n'est pas dans le même «stream» du tout. C'est ça que ça veut dire.

M. Cherry: À moins que nous réussissions à amener à maturité le projet, tel qu'on le conçoit, et que, là, à ce moment-là, l'industrie se réveille.

M. Perlstein (Daniel): Oui, mais, pour l'amener à maturité... Et c'est ça qu'on voulait, c'est amener à maturité au moins la partie essentielle de moteur-roue. La minute qu'on va l'avoir amenée à maturité, c'est sûr que tout le reste va s'ouvrir, c'est sûr. Puis, d'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, je constate que le moteur-roue n'est pas encore arrivé à maturité. Pourquoi? On a exactement le même problème dans les batteries. Pourquoi?

Vous avez trois grandes phases. Puis l'industrie automobile est absolument impitoyable là-dessus, elle l'a été avec nous sur les batteries. La première phase, c'est: Est-ce que vous avez un produit? Ça, c'est la première phase. La deuxième phase, c'est: Est-ce qu'il est sécuritaire et fiable? Ça, c'est la deuxième, vous êtes obligé de passer par là. Puis la troisième: Est-ce que le prix est correct?

Puis ça, nous, à l'heure actuelle, dans la batterie, oui, on leur a montré qu'on avait une batterie; ils sont bien contents. Deuxièmement, on est en train de terminer sécurité et fiabilité; oui, ils sont contents. Puis, là, on commence les problèmes de coûts. Ça fait longtemps qu'on fait des itérations, évidemment. Mais, là, on commence pour de vrai. Puis ça ne va pas être un cadeau, ça va être très, très, très difficile. Et peut-être que la batterie ne sera jamais commercialisée parce qu'elle est trop chère, du moins pour les véhicules électriques où il faut que ce soit...

N'oubliez pas que, pour les véhicules, il faut que ce soit extrêmement bas, le prix. Le pire marché auquel vous pouvez vous attaquer, c'est le marché des véhicules parce que tout est d'une raclée, les taux de rentabilité ne dépassent pas 6 %, 7 %, même par les compagnies automobiles. Tout est raclé, vous le savez, vous avez travaillé dans des domaines comme celui-là. Vous savez que tout est raclé absolument au plancher, au point de vue des coûts. C'est ce que vous avez de plus difficile. Un véhicule militaire, c'est le rêve; ça, c'est le rêve. Un véhicule récréatif, même, ce n'est pas trop mal. Mais un véhicule normal de tous les jours, c'est ce qu'il y a de pire.

Le Président (M. Sirros): Ça va?

M. Cherry: Oui.

Le Président (M. Sirros): M. le vice-président.

M. Beaulne: Oui. Vous avez une certaine connaissance de l'industrie automobile américaine puisque, via votre rôle dans le projet ACEP, vous étiez en contact avec eux. Diriez-vous qu'en 1995, au moment où l'équipe du Dr Couture a été démembrée, en matière de moteur hybride, de technologies dans le style que celle que développait le Dr Couture, les compagnies d'automobiles américaines étaient très peu avancées dans ce domaine, s'étant concentrées surtout dans le perfectionnement des moteurs à combustion et d'une voiture ou de moteurs strictement et entièrement électriques où la batterie était évidemment une composante essentielle, à ce moment-là, en 1995?

M. Perlstein (Daniel): Je dirais que vous avez raison. Je dirais que les Américains – bien, les Américains... – le monde entier s'était beaucoup plus préoccupé de voiture électrique que de voiture hybride.

M. Beaulne: C'est donc dire qu'en matière de voiture hybride compte tenu des difficultés qui existent encore en matière de propulsion strictement électrique et des limites du moteur à combustion lente, il y avait un intérêt potentiel de la part de l'industrie automobile américaine pour le concept du Dr Couture?

M. Perlstein (Daniel): Pas tellement parce que le concept... Ce qui intéressait beaucoup l'industrie américaine, à l'époque, c'était un véhicule tout électrique, le ZEV, «zone emission vehicle». C'est ça qui l'intéressait. C'est parce qu'on s'est rendu compte que le véhicule tout électrique serait beaucoup plus lent à venir puis beaucoup plus cher qu'on pensait que, là, tout d'un coup, les Américains ont mis sur pied ce qu'on appelle le PNGV, Partnership for a New Generation of Vehicles, qui a dit: Moi, je mets 120 000 000 $ pour avoir un véhicule qui, en 2004, aura exactement les mêmes performances qu'un véhicule actuel, mais consommera trois fois moins d'essence.

C'est en instaurant ce partnership-là, ce PNGV dans lequel le gouvernement américain met beaucoup d'argent que les gens ont dit: Un des meilleurs moyens d'arriver à un véhicule qui a les mêmes performances que le véhicule actuel mais trois fois moins d'essence, c'est l'hybride, pas nécessairement l'hybride de série, mais c'est l'hybride. C'est là que les préoccupations ont commencé à se faire. Puis, ça, j'évaluerai ça peut-être au début de 1995.

M. Beaulne: On apprenait, au cours des derniers mois – j'ai entendu ça à la télévision, aux nouvelles – que le président Clinton avait manifesté un intérêt pour le développement des moteurs hybrides. Et je pense qu'il y avait quand même des sommes assez imposantes, des millions de dollars qu'il entendait y consacrer. Dans un contexte comme celui-là, pensez-vous que, nous, au Québec, ayant déjà ici certains éléments de technologie d'un moteur hybride, c'est une bonne décision de ne pas poursuivre dans ce sens-là, au moment où les Américains jugent que c'est opportun d'y aller au point d'y investir plusieurs dizaines de millions de dollars?

M. Perlstein (Daniel): Je vais vous dire très franchement, si votre moteur-roue fonctionne selon le cahier des charges qui a été fixé, c'est-à-dire de nature à propulser un véhicule de type Intrepid à une vitesse qui peut aller jusqu'à 120 km/h, si vous pouvez faire la preuve que votre moteur-roue fonctionne, vous allez intéresser certainement beaucoup de monde, mais pas nécessairement dans les véhicules hybrides de tous les jours. Vous allez les intéresser dans les véhicules hybrides tout à fait spéciaux. Ça peut être très rentable, même plus rentable. Parce que, comme je vous dis, il n'y a pas tant d'argent qu'on pense à faire dans les véhicules de tous les jours. Mais vous allez intéresser beaucoup de gens dans les véhicules militaires, dans les autobus, les gros véhicules spécialisés. Vous allez les intéresser dans les véhicules, disons, de vocation touristique, tout-terrains, etc. Vous allez les intéresser. C'est sûr et certain qu'on a besoin de moteur-roue là-dedans. Il y a même plus que ça. Je me souviens avoir eu une... Est-ce que je peux prendre un petit...

Des voix: Oui, oui.

M. Perlstein (Daniel): Je me souviens avoir eu une discussion à bâtons rompus avec Pierre Couture là-dessus, justement. Un jour, conformément à son habitude, il nous disait qu'on pourrait faire effectivement autre chose qu'un véhicule commercial. On pourrait faire un véhicule agricole. Il commence à expliquer comment on pourrait faire un véhicule avec un plancher très haut, qui permettrait d'aller dans les champs. Je l'écoutais parler, je lui dis: Mais on peut faire mieux que ça, on peut faire un véhicule sans plancher. Mais il me dit: Quand même, la barre de direction... Je lui dis: Non, la barre de direction, ça doit être possible de l'enlever. Puis, effectivement, lui-même, il commence à griffonner, etc., et il dit: Oui, effectivement, on pourrait enlever la barre de direction; on aurait un véhicule sans plancher.

(13 h 10)

Vous vous rendez compte de ce que ça veut dire, un véhicule sans plancher? Pour l'armée aussi bien que pour le tout-terrain, c'est fabuleux. Bon. Quatre roues, pas de plancher, c'est-à-dire l'armature externe, et les sièges suspendus et la batterie aussi sur les armatures externes. Même, Couture commence à dire: Ce serait même intéressant, on pourrait tester à basse vitesse l'électronique, etc. Ça fait que, moi, je lui dis: Bon, bien, pourquoi on n'en fait pas une priorité? Alors, il me dit: Oui, 500 000 $, six mois de travail. Il aurait dit 5 000 000 $, six ans de travail, à mon avis, ça aurait été la même chose. Mais ce n'est pas là-dessus que l'intérêt était. Et je lui dis: Oui, mais, est-ce que tu es prêt à en faire une priorité? On va faire un véhicule qui est beaucoup plus simple à faire, effectivement, puis ça va coûter beaucoup moins cher et ça va démontrer à fond les possibilités du moteur-roue. Il a dit: Ah! non, non! ça, c'est en plus de tout le reste. Bon. C'en est resté là.

M. Beaulne: Vous avez dit tout à l'heure que vous n'étiez pas impliqué avec la question des brevets. Mais, puisque vous avez été quand même assez en contact avec l'industrie automobile américaine et que vous semblez avoir des connaissances de commercialisation dans ce domaine-là, quelle est l'importance de la protection des brevets pour la relance du projet ou pour la poursuite du projet?

M. Perlstein (Daniel): C'est très important. Dans toute technologique nouvelle, c'est sûr que c'est très important. Maintenant, je dois vous dire que nous, dans le projet ACEP, sauf exception, on brevette dans les pays du G 7. Vous savez, j'ai vu, à un moment donné, un brevet passer pour la Turquie dans le projet M4, à l'époque, un brevet traduit un turc. En 1995, il y a 668 demandes qui ont été faites par des non-résidents, en Turquie, pour des brevets. J'espère que, là-dedans, il y en avait un sur le moteur-roue, en tout cas. Bon.

Je ne pense pas que ça soit utile, quand même, de pousser jusque-là la couverture territoriale. Quand vous avez le G 7, vous avez quand même le marché principal, surtout que vous parlez des véhicules qui sont des véhicules pour riches. Ce n'est pas demain matin que l'Inde va se servir de véhicules électriques; malheureusement, ça coûte trop cher. Prenons donc les pays riches, les marchés riches et là où n'importe qui pourrait enfreindre votre brevet, prenons les brevets-là. Nous, on le fait dans le G 7. C'est très rare qu'on aille plus loin que le G 7. Je vous parle pour le projet ACEP.

M. Beaulne: Donc, si je vous comprends bien, est-ce que vous trouveriez souhaitable ou normal que l'on protège les brevets du moteur-roue au moins dans les pays du G 7?

M. Perlstein (Daniel): Absolument. Mais je suis certain que c'est certainement la politique d'Hydro-Québec de le faire. Ça m'étonnerait...

M. Beaulne: Ça, c'est ce qu'on a demandé et qu'on souhaiterait.

M. Perlstein (Daniel): O.K. Mais je pense que j'ai d'autres collègues ici qui vont pouvoir répondre là-dessus. Je suis certain qu'il n'y a rien qui...

M. Beaulne: Mais juste une petite dernière question pour la protection des brevets encore. La Chine. Pensez-vous que la Chine, c'est un marché où il faudrait protéger, d'autant plus qu'il y a une composante électromagnétique là-dedans et que la Chine est pas mal un gros producteur d'aimant?

M. Perlstein (Daniel): Vous frappez juste parce que, très récemment, la Chine, c'est un gros producteur de lithium également. Donc, dans la pile, nous aussi, on s'est posé la question. Alors, on a fait sortir les statistiques et les avis sur la Chine. La Chine, à l'heure actuelle, a adhéré à la plupart des conventions internationales. Toutefois, il y a très peu de dépôts qui se font, malgré ça, en Chine à l'heure actuelle, très peu de dépôts. Je pense que c'est encore moins qu'en Turquie.

M. Beaulne: Donc, il serait souhaitable qu'on ajoute la Chine aussi à la liste.

M. Perlstein (Daniel): Vous me posez une question embêtante parce que ça fait l'objet d'un débat entre le chef de projets d'ACEP, qui préconise de prendre la Chine, et moi qui lui dit: Je ne suis pas sûr qu'on devrait. Alors, vous tombez au beau milieu d'un débat là-dessus. Mais vous êtes à jour. Ha, ha, ha!

M. Beaulne: Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci pour ce témoignage, M. Perlstein. On va suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures, où on reconvoquera au salon rouge. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 14)

(Reprise à 15 h 7)

Le Président (M. Sirros): Nous allons reprendre nos travaux. Je rappelle que le mandat de la commission est de procéder à des auditions concernant le projet groupe traction moteur-roue. Nous étions, au moment de la suspension, à entendre M. Jacques Germain, que j'aimerais inviter à venir prendre place, s'il vous plaît. Et, Mme la secrétaire, vous demander de procéder à l'assermentation.


M. Jacques Germain


Assermentation

M. Germain (Jacques): Je, Jacques Germain, jure que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Germain. Alors, je ne sais pas si vous voulez procéder à des remarques préliminaires ou si on passe directement aux questions. Libre à vous.

M. Germain (Jacques): Une petite présentation, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Oui, d'accord.

M. Germain (Jacques): J'ai 58 ans. Je suis entré à Hydro-Québec en 1960, ai pris ma retraite en 1997. Aujourd'hui, je travaille bénévolement, à plein temps, dans la paroisse Sainte-Rose-de-Lima, de Laval, comme diacre permanent. Mes revenus proviennent uniquement de ma rente d'Hydro-Québec et de mon indemnité de départ. Je suis diplômé de l'École polytechnique de Montréal, en génie physique, et du Centre international de recherches et d'études en management.

Depuis 1971, j'ai occupé différents postes de gestionnaire à Hydro-Québec: chef de division Automatique et informatique; chef de service Automatisation et protection de réseau; chef de service Poste de répartition; chef de service Mesure de performance; chef de service Poste de répartition, ici, à Québec; directeur de projet de développement; administrateur du projet ACEP; vice-président exécutif d'ACEP inc.; et administrateur de la compagnie Argo-Tech – ça, c'était tout dans le cadre du projet ACEP; et finalement administrateur du projet moteur et directeur général de M4.

L'objectif du projet ACEP est de développer la technologie des accumulateurs au lithium à électrolyte polymère, projet de haute technologie dans les domaines de la R & D dont les budgets annuels sont de l'ordre d'une dizaine de millions de dollars. Plusieurs intervenants internationaux collaborent avec Hydro-Québec: les universités françaises de Grenoble, de Nantes; le CNRS français; le 3M aux États-Unis; Argon National Lab, à Chicago; United States Advanced Battery Consortium, à Detroit; Yuasa Battery, au Japon; DKS, au Japon, et bien d'autres.

ACEP inc. est une compagnie qui s'occupe de coordonner des programmes de R & D et de bâtir un portefeuille de brevets pour ces deux actionnaires: Yuasa Battery puis Hydro-Québec. Lorsque j'ai quitté le projet, en 1995, le portefeuille de brevets avait une valeur de plusieurs dizaines de millions de dollars. Argo-Tech est une petite usine de fabrication de batteries, de prototypes de batteries, dont on a parlé ce matin.

Lorsque j'ai quitté le projet ACEP en 1995, la qualité du comité de gestion du projet, les outils de gestion qui ont été implantés lors de mon passage ont permis au chercheur principal, Michel Gauthier, qui était directeur de R & D, de me remplacer. Il continue à gérer le projet depuis.

(15 h 10)

Comment je suis arrivé au projet moteur? Au début de 1995, j'ai été invité par la direction d'Hydro-Québec à rencontrer Richard Drouin, Armand Couture, Gérard Prévost, Pierre Bolduc, Claude Boivin, pour une entrevue de sélection dans le cadre du projet moteur. À la suite de la réunion, le responsable du dossier m'a demandé si j'acceptais de gérer le projet moteur en m'inspirant de la gestion que je faisais dans le projet ACEP. En février 1995, je suis devenu DG de M4 inc. et administrateur de projet moteur.

Mes premiers objectifs étaient de produire un plan d'action et un budget détaillé, demandés par le C.A. d'Hydro-Québec à son conseil du 8 février 1995. Puis on demandait un plan d'action et un budget détaillé de façon à débloquer des fonds pour le mois de juin.

Si, après tout ce que j'aurai dit... Il y a quelque chose que je tiens à vous dire: Si vous n'avez pas le temps de lire beaucoup, lisez au moins l'onglet 1 puis le 22, qui résument bien des positions. C'est quand le projet a été approuvé à Hydro-Québec puis le rapport du comité d'experts. On est capable de voir, on a une bonne idée. Mais si vous évitez de lire le 22, vous n'aurez pas tout compris. Je suis disponible pour toutes vos questions.

Le Président (M. Sirros): D'accord. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Alors, M. Germain, pouvez-vous nous dire à quel moment, spécifiquement, vous êtes entré, chez M4, en charge du projet du moteur-roue et, à ce moment-là, quel était votre rôle en termes, à la fois, de décision en matière de recherche et de commercialisation?

M. Germain (Jacques): Je suis entré dans le projet moteur au mois de février 1995, puis mon rôle était, comme je viens de le dire, directeur général de la compagnie M4 inc. et administrateur de projet. Je n'ai pas été nommé administrateur de projet la même journée que directeur général, mais ça a suivi quelques jours après.

M. Beaulne: Étiez-vous en contact avec des gens de l'industrie automobile?

M. Germain (Jacques): Non, je n'avais pas de contact avec l'industrie de l'automobile.

M. Beaulne: Avez-vous été, auparavant, associé avec le projet ACEP?

M. Germain (Jacques): Ah, oui, oui. Je venais du projet ACEP. J'étais directeur général... J'étais administrateur du projet ACEP. J'étais vice-président exécutif d'ACEP inc. et j'étais administrateur d'Argo-Tech, qui travaille dans les ACEP.

M. Beaulne: Mais à titre de personne impliquée dans le projet ACEP, avez-vous été en contact avec les gens de l'industrie automobile?

M. Germain (Jacques): Oui.

M. Beaulne: Votre collègue, M. Perlstein, qui était aussi avec le projet ACEP, nous a dit que, lui, l'avait été.

M. Germain (Jacques): De la même façon, j'ai été dans le projet ACEP. Nos clients dans ACEP, c'étaient le United States Advanced Battery Consortium, puis le United States Advanced Battery Consortium est formé de Ford, Chrysler, GM, puis Electric Power Research Institute, financé par le DOI.

M. Beaulne: Et puis qui a pris la décision ou qui a proposé, plutôt que de prendre la décision, qui a proposé de limiter ou de réduire le projet essentiellement au développement du moteur-roue, par rapport à l'ensemble du groupe traction du Dr Couture?

M. Germain (Jacques): Je fais partie de la décision puis je fais partie de la recommandation. J'ai recommandé cette décision-là, qu'on a regardée, dans notre cas. On avait un comité de gestion formé de Daniel Perlstein, Pierre Couture, puis de Tremblay aux finances. On a proposé au C.A. de M4 inc. de regarder le projet, puis de regarder les options possibles, puis après une série de rencontres, puis de discussions, l'ensemble des gestionnaires, on s'est orienté sur l'option moteur-roue.

Si vous voulez, on peut regarder comment ça a été présenté. Je pense que les documents, c'est intéressant de les voir. Si on regarde à l'onglet 5, pour bien comprendre le projet, ce qui est intéressant de voir dans ce projet-là, c'est qu'à l'onglet 5, si vous tournez à Programme de recherche et développement, Plan d'action détaillé, Scénario de base , O.K., là, vous avez ce qui a été fait en comité de gestion par Jacques Germain, Pierre Couture, Daniel Perlstein, Claude Tremblay. O.K.? Ça va?

M. Beaulne: Oui.

M. Germain (Jacques): Puis, ça, ici, tout le monde était d'accord que ce qui était dans ce document-là représentait bien toutes les activités du projet au moment où on le faisait. C'est pour ça qu'on appelle ça Programme de recherche et développement, Plan d'action détaillé . Donc, Pierre était d'accord avec ça, Daniel, Claude et moi.

Si on va maintenant à la page 2 de ce document-là, les grandes phases du projet, il y a la phase Preuve de concept. Quand ça, ce n'est pas fait, on ne peut pas dire qu'on a un produit. Pas qu'on a un produit commercialisable, on ne peut pas dire que la recherche a donné un fruit qui permet de penser à la commercialisation; on vient de prouver qu'il y aurait un produit que lorsque l'on sort de cette phase-là. Durant cette phase, on définit la technologie, on établit les caractéristiques et les performances, on fait des prototypes, on confirme par mesures que les caractéristiques et les performances sont atteintes et on protège la technologie. Ça, c'est la phase dans laquelle on était.

C'est suivi d'une phase de l'évaluation et de l'industrialisation; après ça, on passe à une phase d'industrialisation. Pour voir comment on définissait cette phase-là, c'est 1, dans lequel on était. Allons à D.2 de la même page. Cette phase, qui a été faite avec Pierre, moi et tout notre comité, est divisée en cinq étapes ayant chacune un bien livrable précis. Elles seront suivies par une période consacrée aux essais et à la documentation. Ces cinq étapes sont: octobre 1995, véhicule démonstrateur muni de quatre roues motrices du prototype 3 converti en non-intégré; juin 1996, moteur-roue du prototype 3 ayant un convertisseur intégré; décembre 1996, véhicule démonstrateur muni de quatre moteurs-roues du prototype 3 avec convertisseur intégré; juin 1997, moteur-roue préindustriel – ça, c'est durci, prêt à faire des essais sur route – ayant le poids réduit d'environ 20 %; puis décembre 1997, véhicule démonstrateur muni de quatre moteurs préindustriels.

Ça nous menait à décembre 1997, dans le meilleur des cas, pour avoir le projet dans son ensemble, le moteur et le groupe de traction prêts pour rencontrer des industriels, puis on dépensait 1 000 000 $ par mois, puis les coûts s'en allaient en pleine croissance, puis on demandait des ressources additionnelles.

On a présenté ce document-là à M4 inc., tel quel. Tout le comité de gestion, on était là. Puis on a discuté de stratégie, à M4 inc. Aussi bien à M4 inc. que dans notre comité de gestion, personne n'était d'accord de s'en aller pour développer tout en même temps puis de prendre autant de temps. On voulait accélérer le projet, en protéger une partie, la partie la plus intéressante, la plus essentielle, pour arriver le plus tôt possible à parler à des industriels. Donc, c'est pour ça qu'on a proposé de mettre toutes nos énergie sur le point 2: moteur-roue prototype 3 avec convertisseur intégré. Parce que, sans ça, on n'a peut-être plus de projet.

Si on n'arrive pas à intégrer les convertisseurs dans le moteur puis à faire fonctionner ça, le projet pour lequel Hydro-Québec, en 1991, avait investi 8 000 000 $, puis dans lequel elle avait accepté de monter la mise – on était rendu à 28 000 000 $ en juin 1995, donc on était à peu près à 22 000 000 $ au début de l'année... On n'avait pas encore prouvé que l'élément essentiel, le principal élément du projet, on était capable de passer à travers.

Donc, ce qui est important ici, c'est de voir que l'orientation qui a été prise par M4 inc., et par la suite entérinée par le comité R & D d'Hydro-Québec et le conseil d'administration d'Hydro-Québec, c'était d'accélérer la réalisation du moteur-roue, de protéger, comme ça a été dit ce matin, le plus tôt possible la propriété intellectuelle pour arriver à intéresser un industriel à partager les risques techniques financiers du projet.

(15 h 20)

M. Beaulne: Bon. Maintenant, qui a dirigé l'équipe de recherche après le départ du Dr Couture?

(Consultation)

M. Germain (Jacques): J'ai formé une équipe qui était courte. Au lieu d'avoir une seule personne, tout le monde se rapportait à cette personne-là, une vingtaine de chercheurs qui se rapportent à une seule personne, on a structuré la recherche par groupes: le moteur, le circuit magnétique et les convertisseurs, l'électronique, les groupes de... ceux qui réalisent les prototypes de démonstration puis ceux qui s'occupent de la documentation. Dans le dossier, vous avez un organigramme, mais je ne sais pas exactement dans quel...

M. Beaulne: On l'a, l'organigramme.

M. Germain (Jacques): Vous avez l'organigramme, oui, mais j'ai de la misère à le retrouver parce qu'il y a beaucoup de documents.

M. Beaulne: Bon, en attendant que vous trouviez l'organigramme, quelles étaient vos divergences de vues avec le Dr Couture? Parce que, quand vous dites qu'il y a des recommandations qui ont été faites et que je regarde dans l'organigramme de M4 ici, vous aviez M. Perlstein, qui était directeur du développement des affaires; le Dr Couture, qui était directeur de la recherche et du développement; et Claude Tremblay, qui était directeur de la comptabilité et de l'administration.

M. Germain (Jacques): Oui.

M. Beaulne: Alors, est-ce que ce sont ces trois personnes qui ont participé ou qui ont proposé de limiter le projet essentiellement au moteur-roue?

M. Germain (Jacques): La façon dont ça s'est fait, si vous voulez le voir un peu plus en détail, quand on a parlé à notre comité de gestion, on était quatre, les quatre personnes avec Pierre. Puis, la première fois qu'on s'est présentés à M4 inc., au C.A. de M4 inc. – si vous regardez dans la présentation du 22 juin, l'onglet 5, encore – on avait présenté deux options: l'option moteur-roue système complet, système intégré, telle que Pierre la désirait; puis on avait présenté l'autre option, option licence, fermeture 18 mois, un an après, en juin 1996.

Pourquoi on avait présenté uniquement ces deux options-là? Pierre avait dit: «C'est tout ou rien». Puis, à ce moment-là, on ne voulait pas présenter une option qui n'allait pas chercher le consensus du comité de gestion du projet. Puis on s'est présenté à M4. Pourtant, dans notre «coge», trois étaient favorables à une option moteur-roue; mais il y avait juste Pierre qui divergeait. On est allé au «coge». Chacun a pu s'expliquer, chacun s'est exprimé, tout le monde a présenté ses arguments, puis le C.A. de M4 inc. n'était pas prêt à présenter une solution où on dépense 1 000 000 $ par mois, où on n'est pas capable de rencontrer des industriels avant fin 1997. Donc, le C.A. de M4 inc., le «coge» de l'administration du projet, ont recommandé à Hydro-Québec l'option moteur-roue.

M. Beaulne: Mais, après 1995, il y a eu des informations qui ont circulé dans les journaux scientifiques spécialisés. Entre autres, Québec Science , laissant sous-entendre qu'il y avait des difficultés techniques, qu'il y avait des aspects techniques qui demeuraient à être solutionnés avant que ça puisse être commercialisable. Il s'est avéré... En tout cas, nous, quand on a décortiqué ces articles-là avec le Dr Couture, sur le plan strictement technique, on nous a dit que ces articles-là contenaient certaines inexactitudes et on voudrait savoir qui alimentait les journalistes spécialisés sur cette question-là.

M. Germain (Jacques): On avait une politique, au projet moteur, que j'avais faite – on a informé le C.A. de M4 inc. là-dessus aussi – c'était que toute information qui sortait du projet devait passer... On ne devait plus donner d'information à l'extérieur parce qu'un projet de recherche, ça ne se gère pas sur la place publique. Puis on était d'accord que le premier qui devait parler du projet, c'était Pierre Couture, dans un congrès scientifique. Le premier qui doit dévoiler, dans un projet de recherche et développement, c'est le chercheur devant ses pairs. Puis le gestionnaire est assis dans la salle, en arrière, puis regarde le gars, comment ça va, sa présentation par rapport aux questions qu'il y a dans la salle. C'est de même que ça se fait, de coutume.

Après ça, les chercheurs qui sont dans la salle, eux autres, ils retournent chez eux dans leur compagnie et, s'ils ont compris qu'il y a quelque chose là, ils en parlent à leur boss, puis les patrons appellent les patrons de la compagnie qui développe pour essayer de faire des alliances. C'est un peu de même que ça se passe.

Moi, ce que je trouvais curieux dans ce projet-là, puis je trouve ça encore curieux, c'est qu'on travaille là-dessus depuis 1984, puis que Pierre, il n'ait pas encore fait une présentation dans aucun groupe scientifique, ni devant Automativ Engineers, ni devant l'IEEE qui parle de «power electronic», dans aucun groupe scientifique. Je poussais pour qu'il en fasse là, mais je refusais qu'il en fasse dans des affaires comme aller au Beaux-Arts, à l'exposition qu'il y avait eu sur les voitures. Il voulait aller là puis, moi, j'ai refusé d'aller là. Il voulait aller à Disney World pour passer une semaine, au mois de juillet, j'ai refusé ça parce que, l'information qu'il faut donner, ce n'est pas de l'information qui gagne le public, c'est de l'information qui gagne le milieu scientifique.

Puis, ce projet-là, une chose qu'on ne respectait pas comme principe élémentaire de saine gestion, on passait de l'idée à l'affirmation dans le public alors qu'il faut passer de l'idée à la preuve en laboratoire, à l'affirmation dans le milieu scientifique. Tout à fait à l'inverse. Puis on ne respectait pas ça dans le projet. Je me suis heurté à Pierre là-dessus.

M. Beaulne: Mais lorsque, en décembre 1994, vous avez participé au Congrès international des véhicules électriques, à Anaheim, ce matin, les personnes qui vous ont précédé ont convenu – comme d'ailleurs l'avait lui-même avoué le Dr Couture – qu'il était prématuré d'aller montrer à des étrangers une technologie qui n'était pas encore à point et qui était en développement. Qui a pris la décision de participer à cette espèce de réunion technologique en Californie, en 1994?

M. Germain (Jacques): Il y a des petites nuances à apporter. On n'a rien dévoilé. Moi, je n'étais pas dans le projet dans le temps, j'étais dans le projet ACEP. Mais, quand je suis allé là, ce que j'ai vu... On voit ça ici. Ça avait été donné, c'est un pamphlet que vous avez à l'onglet 4. À l'onglet 4, ici, vous avez un pamphlet qui donne ce qui a été donné à Anaheim. O.K.? Ce qui a été donné au show de l'auto. Là-dessus, on voit l'Intrepid d'Hydro-Québec, sur la première page, avec sa couleur, puis ce qui est passé à la télévision. Puis, en arrière, on montre... Ça, ici, c'est de cette page-là que tu parles. L'Intrepid d'Hydro-Québec, c'était celle-là ici. Ils sont là. Puis, en dedans, il y a le «concept car», le projet qu'on devrait réaliser si, un jour, on atteint nos objectifs, le projet de l'idée de l'inventeur. Puis, en arrière, on a le moteur-roue avec ses convertisseurs intégrés.

Moi, quand je suis allé à Anaheim, je pensais que ça, c'était la réalité du projet. Mais on ne pouvait pas voir que c'était ça ou que ce n'était pas ça, parce qu'on ne montrait rien à Anaheim, on montrait une roue avec les caps de roue dessus. On ne voyait absolument rien et puis on donnait ce pamphlet-là. Donc, la seule publicité qui a été faite, a été faite avec ça.

Maintenant, quand je suis revenu au show de l'auto, c'est la même chose qu'on a montrée. Quand je suis entré dans le projet – je n'étais pas dans le projet dans ce temps-là, j'étais encore dans ACEP inc. – je me suis opposé à redonner des pamphlets semblables, parce que, aussi bien pour ma mère ou pour les gens avec qui je travaille dans l'église, présentement, eux autres, ils trouvent que des chars, on pourrait en acheter demain matin. On l'a montré à la télévision, on l'a montré aux shows de l'auto, on l'a montré partout, puis on ne comprend pas qu'Hydro-Québec n'en vende pas aujourd'hui.

C'était de l'information de même qu'on sortait, mais on ne sortait rien de secret. Il n'y a rien de secret qui a sorti à Anaheim, puis c'est probablement le comité de gestion du projet qui est allé là, parce qu'une décision d'aller à Anaheim, ça se prend en comité, puis le comité qui était là: Claude Boivin, Marcel Côté, Germain Harbec, puis Pierre Couture... Puis Pierre Couture, à ce que je sache, quand il n'est pas d'accord avec une idée, il ne lâche pas tout de suite. Ça fait que, s'il n'avait pas été d'accord avec ça, il n'aurait jamais été à Anaheim. Quand il n'était pas d'accord avec mes affaires, il écrivait à mon boss puis, quand mon boss n'était pas d'accord, il écrivait au boss de mon boss. Puis, quand ce n'était pas d'accord, il écrivait au président puis, après ça, aux membres du conseil d'administration.

(15 h 30)

Une voix: Des fois aux membres de la commission.

M. Germain (Jacques): Ça fait que, quand il n'est pas d'accord, il ne lâche pas. S'il n'avait pas été d'accord pour aller à Anaheim, il n'y aurait pas été.

M. Beaulne: Une dernière question pour laisser la chance aux collègues. On nous a parlé ce matin, les différents intervenants, M. Filion entre autres, de la détermination de poursuivre le développement du moteur-roue. Pouvez-vous nous expliquer comment ça se fait qu'il y avait des réticences à poursuivre ce projet-là au point où l'équipe a été démembrée et que, maintenant, on nous dise qu'Hydro-Québec et que les différents partenaires se sentent à l'aise ou se sentent motivés à poursuivre ce projet-là? Qu'est-ce qui s'est passé entre 1995, entre le dépôt du rapport d'experts et aujourd'hui pour que, un an après, tout à coup on nous dise que c'est un projet intéressant qui mérite d'être poussé plus loin?

Et le deuxième volet de la question: Trouvez-vous normal que toutes sortes d'experts, que toutes sortes de personnes passent des commentaires, fassent des recommandations sur ce projet-là sans même que l'inventeur lui-même soit impliqué dans le processus?

M. Germain (Jacques): Il y a beaucoup, beaucoup de choses dans votre question. Je n'ai pas pris de notes. Si je ne réponds pas à toutes, vous me le rappellerez parce que ça se peut que j'en oublie.

Premièrement, j'entends ici, pour la première fois, que l'équipe a été démembrée, puis c'est affirmé depuis le matin, puis je n'ai jamais vu une équipe démembrée. L'équipe est encore là, à ce que je sache. J'ai appelé la semaine passée, puis je n'ai pas rappelé au projet depuis que je suis parti du projet à la mi-1996. Mais j'ai appelé la secrétaire la semaine passée parce que je voulais avoir une personne qui avait tapé un compte rendu, je voulais avoir son nom, ce n'était pas marqué sur la feuille. Puis on m'a donné son nom puis on m'a dit que le nombre de chercheurs était à peu près le même nombre qu'il était quand j'étais là. Je n'y ai pas été, je n'ai pas vérifié, mais, à ce que je sache, ce n'est pas encore démembré. Quand j'étais là, ça n'a pas été démembré non plus. Donc, je n'ai pas vu d'équipe démembrée ni avant que j'arrive, ni après que j'arrive... ni après que je parte. Je ne l'ai pas démembrée non plus.

M. Beaulne: Ce n'est pas l'information qu'on a, et puis, d'ailleurs, ça serait facile de vérifier, que vous ou quelqu'un à Hydro-Québec nous dépose la liste des gens qui, présentement, sont supposément affectés à ce projet-là par rapport à ceux qui étaient là en 1995, et la commission tirera ses propres conclusions.

M. Germain (Jacques): C'est très, très simple. Quand je suis parti du projet en juillet, début juillet 1996, l'équipe n'avait pas été démembrée. Même, on avait embauché. On avait embauché, puis l'équipe allait très bien.

M. Beaulne: Mais trouvez-vous normal qu'une équipe qui fonctionne sur un projet inventé, mis au point, conçu par le Dr Couture travaille indépendamment et de manière complètement dissociée de celui qui l'a conçu, qui a sa stratégie en tête et qui avait son calendrier d'échéancier? Trouvez-vous ça normal, vous?

M. Germain (Jacques): Premièrement, je n'ai jamais trouvé normal que, dans une équipe de chercheurs, il y ait un seul chercheur qui soit l'inventeur. Il y a des gens qui ont l'idée initiale au niveau de la recherche, au niveau de l'idée originale, des gens très, très utiles au projet, puis on en voit dans tout projet de recherche et développement à long terme. Puis Pierre en est un, de ces gars-là, qui a des idées très originales puis qui en a beaucoup. C'est un générateur d'idées, c'est un bon gars là-dedans. Mais il y en a dans tous les autres projets. Mais, après ça, il y a tout un paquet de chercheurs, d'équipes qui entourent ces gens-là et qui ont d'autres talents et d'autres qualités et qui prennent des brevets aussi. Donc, quand l'idée originale est là et que le projet est parti, a pris sa direction, que le chercheur s'éloigne ou s'approche, des fois, quand c'est le gars qui a l'idée originale au départ, ça n'en fait pas une grosse différence pour un certain temps.

Mais on aurait voulu le garder, j'aurais voulu le garder. Pierre, je lui ai proposé, quand il est parti, 500 000 $ par année pour qu'il ait son bureau, pour qu'il nous représente sur le côté international et qu'il nous apporte, qu'il lise tout ce qui se passe là-dedans et qu'il nous oriente, parce qu'il était très bon au niveau des idées et au niveau des idées inventives. C'est un innovateur. Mais il ne voulait pas ça. Il voulait tout. Et puis, dans des domaines pratiques au niveau d'un plan d'action détaillé, au niveau de budget, au niveau de focusser sur un point puis une stratégie pour arriver à... ce n'était pas sa hache. Il aurait été très, très bon en complémentarité, et on le lui a proposé. Il a refusé. J'ai trouvé ça malheureux, j'étais peiné. Mais ce n'était pas nous autres qui ne voulions pas travailler avec; lui ne voulait pas travailler avec nous autres. Moi, je n'ai aucune animosité contre Pierre et j'ai eu du plaisir avec ce gars-là. Mais il ne voulait plus travailler avec moi, qu'est-ce que vous vouliez que je fasse? Il ne voulait plus travailler avec l'équipe. C'était tout ou rien.

Le Président (M. Sirros): M. Germain, à vous entendre parler, si vous me permettez, ça m'a l'air que l'administrateur avait des problèmes avec le créateur.

M. Germain (Jacques): Non. Non, l'administrateur n'avait pas de problèmes avec le créateur. Le créateur avait des problèmes...

Le Président (M. Sirros): Pas le créateur, l'autre.

M. Germain (Jacques): Oui. Le développeur avait des problèmes avec l'implantation d'une saine gestion. Je n'avais aucune animosité avec Pierre puis je ne pense pas qu'il en avait avec moi. Mais il n'était pas prêt à fournir à l'administration les informations des essais de laboratoire qui permettent, comme ça a été dit ce matin, de juger de la boîte noire: où on est rendus, s'engager pour quelque chose; où on est rendus, donner de l'information en haut.

Le Président (M. Sirros): M. Germain, M. Couture travaillait depuis 1991, si ma mémoire est bonne, sur le projet.

M. Germain (Jacques): Oui.

Le Président (M. Sirros): Vous arrivez en 1995, quatre, cinq ans plus tard, et, jusque-là, j'ai l'impression qu'il travaillait un peu comme il travaillait. Vous voulez introduire, si je comprends bien, une nouvelle méthode de...

M. Germain (Jacques): Non.

Le Président (M. Sirros): ...gestion. C'était quoi, votre mandat, quand vous êtes entré dans le dossier?

M. Germain (Jacques): C'est ça. Moi, je ne voulais rien là-dedans d'autre que de faire une saine gestion et de répondre au mandat qu'on m'avait confié. Quand l'équipe s'est présentée au conseil d'administration d'Hydro-Québec au début de février, au début de l'année 1995, ils leur ont donné de l'argent pour six mois. Parce qu'on s'est présentés et on a donné le même document au conseil d'administration d'Hydro-Québec. À Hydro-Québec, ils ont trouvé ça intéressant, mais ils ont dit: Avant de mettre 18 000 000 $ là-dedans, ça prendrait peut-être un plan d'action et un budget détaillé.

Le Président (M. Sirros): Mais votre mandat plus précis. Quand on vous a engagé, on vous a engagé pour quoi?

M. Germain (Jacques): Pour produire un plan d'action détaillé, un budget détaillé, une stratégie d'industrialisation, et c'est ça qu'il fallait produire pour le mois de juin 1995.

Le Président (M. Sirros): O.K. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Oui. Vous avez donné dans votre introduction que vous êtes à la retraite. Depuis quelle date?

M. Germain (Jacques): Depuis le 31 décembre 1996.

M. Cherry: Depuis le 31 décembre 1996.

M. Germain (Jacques): Oui.

M. Cherry: Et vous dites que vous êtes quelqu'un qui est bénévole...

M. Germain (Jacques): Oui. Oui, je travaille bénévolement.

M. Cherry: ...si j'ai bien compris. C'est parce que votre débit était rapide au début.

M. Germain (Jacques): Je travaille bénévolement, oui.

M. Cherry: Vous travaillez bénévolement au niveau de la paroisse dans laquelle vous oeuvrez.

M. Germain (Jacques): Oui.

M. Cherry: M. Germain, vous avez été associé à la pile ACEP...

M. Germain (Jacques): Oui, je suis...

(15 h 40)

M. Cherry: ...et vous avez été également associé au moteur-roue, le groupe traction. C'est quoi, la différence entre les deux pour que, d'après vous, l'un a marché, ACEP, et l'autre ne marche pas?

M. Germain (Jacques): Il y a plusieurs points là-dedans.

M. Cherry: C'est pour ça que je vous pose la question. Vous êtes quelqu'un d'expérience, vous êtes un administrateur, et j'ai l'impression qu'on vous a placé là avec un mandat bien précis. Vous venez de nous le détailler, tantôt. Puis vous référez à l'expérience que vous avez eue avant. Donc, je vous dis: Vu que vous avez fait les deux, dites-moi pourquoi dans un ça a marché, puis dans l'autre ça n'a pas marché.

M. Germain (Jacques): Je vais vous dire les facteurs de succès d'ACEP. Des fois, ça ne se compare pas toujours, mais il y a des facteurs de succès. Les facteurs de succès d'ACEP, la première chose, c'est que le chercheur principal, Michel Gauthier, et moi, on voyait le projet puis on le... Il y avait une orientation à long terme qu'on donnait au projet, mais on le voyait tous les deux dans le domaine de la recherche et du long terme. Il n'y en avait pas un que c'était un projet qu'on peut vendre des chars demain, puis l'autre que c'était un projet de recherche et développement. C'était un projet de recherche bien identifié à la recherche puis c'était un projet de long terme. Donc, il y avait une compréhension du projet qui était là.

Un autre facteur de succès, c'est que Michel Gauthier, dans ses orientations, va toujours chercher ce qu'il trouve de meilleur dans le monde pour sauver du temps. Il travaille avec l'Université de Grenoble, l'Université de Nantes. Si des polymères, on a besoin de ça, on va les chercher au Japon, on va les chercher où ils sont. Ça, c'est un autre facteur de succès pour aller très vite dans le développement.

Un troisième point, dans le projet ACEP, qui a aidé beaucoup, ça a été aussi les opportunités. À un moment donné, on voulait avoir un partenaire. Parce que Hydro n'y croyait plus à un moment donné à ACEP, parce qu'on avait mis de l'argent, puis on voulait fermer le projet. Puis là, on a essayé d'avoir des partenaires américains, des compagnies américaines intéressantes, qui trouvaient que ça ne valait rien. Puis il y a une compagnie japonaise, ça a été la seule au monde qui a été intéressée – on a essayé en France – mais on a trouvé une compagnie qui était intéressée, une compagnie de batteries. Le jour où il y a quelqu'un du milieu qui vient dans le projet puis qui dit: Ce que vous faites, ça a du bon sens, on est prêts à investir là-dedans, nous autres, bien là, ça donne confiance, puis là on se dit: On a amené au moins le loup dans la bergerie, puis on est capable de faire un bout de chemin avec ça, tout en gardant les accords de confidentialité, tout en identifiant les domaines puis en les protégeant. Yuasa batteries prend ses brevets; nous autres, on prend nos brevets; puis on finance de la recherche commune en France, à Grenoble.

Donc, il n'y a aucun danger là-dedans. Ça, c'est le premier point. Amener un industriel qui connaît ça, qui regarde ce qui se passe puis qui dit: Ça a du bon sens ce qui se passe chez vous, puis, moi, je sais que c'est du développement puis je suis prêt à aller à long terme, je suis prêt à une aventure de 10 ans avec vous autres, bon, ça, là, premier pas.

Deuxième pas, ça, c'est une chance. Des fois, il y a des chances aussi qui arrivent. USABC a sorti un programme où il y avait 260 000 000 $ pour financer le développement des piles. On a soumissionné tout seuls. Parce qu'on avait bien la compagnie américaine qui n'aimait pas trop notre technologie, on aurait aimé ça être avec eux autres, mais ils nous avaient déjà un peu boudé. On a dit: On va y aller seuls, à Detroit. On a soumissionné seuls. Eux autres, ils ont soumissionné avec un laboratoire de recherche d'Angleterre. Ils se sont fait dire par USABC: Vous êtes très bons manufacturiers, mais votre technologie est «so-so». Ils nous disent, à Hydro-Québec: Votre technologie est très bonne, vous n'êtes pas bien bons comme manufacturiers de batteries. Mais ils ont forcé un peu le mariage entre nous deux. C'est eux autres qui ont initié...

Finalement, c'était le client qui forçait le mariage entre Hydro-Québec et la compagnie 3M. C'est de même qu'on a fini. On s'est mis ensemble, puis on a soumissionné, puis on est parti en avant. Puis on a défini des domaines techniques où les deux pouvaient y trouver leur compte. 3M dans les films minces – ils sont accoutumés dans les films minces – puis nous autres dans la fabrication au niveau du lithium, au niveau de la construction des batteries. On a une petite usine-pilote qui grossit tout le temps puis qui va produire bientôt des batteries. Donc, vous voyez des facteurs de succès, vous en voyez deux, trois. Mais il y a de l'opportunisme là-dedans aussi.

M. Cherry: O.K. Donc, vous expliquez qu'à un moment donné Hydro-Québec était en train de perdre confiance parce que, finalement, il n'y avait personne qui témoignait de l'intérêt pour le projet...

M. Germain (Jacques): Non.

M. Cherry: ...que même les gens aux États-Unis, vous n'étiez pas capables de lever quelqu'un qui avait de l'intérêt. Donc, c'est ce qui, un peu, justifiait la réaction d'Hydro-Québec. Aux États-Unis, on vous a dit qu'ils ne croyaient pas à votre chose jusqu'au jour où un client a dit: Je serais prêt à cheminer avec vous autres. Un. Deux, les États-Unis lancent un projet de recherche. Vous décidez seul d'y inscrire votre projet, et là, suite à l'analyse, les gens qui ont regardé ça, le projet qui avait été, je dirais «disregard», qui a été ignoré par à peu près tout ce monde-là en n'ayant aucune valeur, tout d'un coup en avait. Mais on vous reprochait de ne pas avoir la capacité de production. On a dit: Vous êtes bons dans la recherche, mais, si on avait à produire ça, on n'est pas certain que vous avez la capacité pour faire ça. Vous ne pensez pas que la même chose aurait pu ou pourrait se produire dans le système de moteur-roue puis de traction? Tant qu'on n'est pas capable de l'amener jusqu'au stade où les gens peuvent y voir là leur intérêt puis une association, il faut être capable d'avoir confiance dans le cheminement et dans le risque qu'on fait. Sinon, s'il faut absolument que quelqu'un vienne nous taper dans le dos le troisième matin, il y a des chances qu'on se retrouve dans ce que vous avez décrit tantôt. Pourquoi, ce qui a été possible, que vous identifiez comme une des résultantes du succès des piles ACEP, vous discartez ça complètement dans l'affaire du moteur-roue?

M. Germain (Jacques): On ne discarte pas ça du tout. C'est la même orientation qu'on prend dans le cas des moteurs-roues. On a dit: Comment faire pour que le plus vite possible – parce qu'on était en train de dépenser 1 000 000 $ par mois – comment on peut arriver le plus tôt possible à avoir un produit qu'on peut montrer? Quand on a été rencontrer USABC et 3M, dans le domaine des batteries, on avait des batteries qui avaient des conductivités, qui étaient rendues à des performances qui nous permettaient de leur montrer quelque chose. Dans le moteur-roue, les convertisseurs étaient dans la valise; on n'était pas capable de rien montrer dans notre projet. Ce qu'il fallait, c'est faire un «crash program» sur le moteur, mettre les autres, pas les discarter comme ça a été dit, parce que nos moteurs, on les teste toujours sur l'Intrepid et c'est l'Intrepid qui a fait passer la preuve de concept à nos moteurs. Mais on voulait accélérer, protéger pour avoir quelque chose à montrer. On n'avait rien à montrer. Même s'il y avait eu des gens... là, il n'y en avait pas qui frappaient à la porte, mais s'il y avait eu des gens qui étaient venus frapper, on n'avait rien à leur montrer. On n'était pas capable de leur montrer rien.

M. Cherry: Donc, si on n'avait rien à leur montrer, la question se repose: Qu'est-ce qu'on était allé faire à l'exposition si on n'avait rien à leur montrer?

M. Germain (Jacques): On n'avait pas d'affaire là.

M. Cherry: On n'avait pas d'affaire là.

M. Germain (Jacques): Pantoute.

M. Cherry: O.K. Mme Archambault nous a dit ce matin que dans les sommes d'argent qui ont été dépensées après le budget réduit – je pense que vous étiez dans la salle...

M. Germain (Jacques): Oui, oui.

M. Cherry: ...vous l'avez entendue ce matin – elle nous a dit qu'il y a 7 500 000 $ qui a été déboursé pour la poursuite de la recherche. Bon, des choses qui étaient, je présume, autorisées par vous et qu'elle avait à faire suivre les paiements en conséquence, parce que c'est vous l'administrateur de ce projet-là. «C'est-u» correct? Je ne suis pas à la confesse, mais j'essaie juste de comprendre ce que vous voulez me dire.

M. Germain (Jacques): Entre janvier 1996 et juin 1996, pendant le temps où j'étais à l'IREQ et Mme Archambault était à M4 inc., j'étais son fournisseur de technologies, si vous voulez. C'est moi qui gérais le projet et qui rendais compte des dépenses et de l'avancement des travaux.

M. Cherry: Vous, vous autorisiez ces déboursés-là puis, elle, elle faisait émettre les chèques.

M. Germain (Jacques): Non, non, elle m'autorisait à.

M. Cherry: O.K.

M. Germain (Jacques): C'est M4 inc. qui avait les finances.

M. Cherry: O.K. Durant cette période-là, parce qu'on parle des brevets de façon constante, combien de nouveaux brevets, on peut dire, découlant du 7 500 000 $ qui a été dépensé durant cette période-là... combien de nouveaux brevets ont été déposés?

M. Germain (Jacques): Ce matin, vous avez parlé de la politique des brevets, puis, ce midi, il y a quelqu'un qui était avec nous autres qui l'avait. C'est un document qui a de l'information confidentielle. Est-ce qu'on peut déposer quelque chose – parce qu'on nomme des brevets là-dedans puis qu'on ne doit pas – comme confidentiel ici? Si c'est possible, je vous donnerais comment ça va vous démystifier les brevets, s'il y en a qui pouvaient avoir ça. Parce que, là, vous ne poserez plus de questions sur les brevets une fois que vous aurez vu ce document-là.

Le Président (M. Sirros): Vous pouvez le déposer pour transmission stricte aux membres seulement.


Document déposé

M. Germain (Jacques): O.K. Je vais en garder un. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui pourrait venir chercher ça?

Le Président (M. Sirros): Quelqu'un va venir, inquiétez-vous pas. Assoyez-vous.

(15 h 50)

M. Cherry: Donc, le 7 500 000 $ a servi...

M. Germain (Jacques): Le premier, ce serait vous à en avoir un, M. Cherry.

M. Cherry: Donnez ça à la secrétaire. Vous savez comment est-ce que c'est? Des fonctionnaires.

M. Germain (Jacques): Ha, ha, ha!

M. Cherry: Ça doit ressembler à Hydro quand ça marche avec bien du monde, tu sais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Germain (Jacques): On va commencer, si vous voulez. Regardez à la page 2, quand vous dites le montant d'argent... Ici, les titres que vous avez là...

M. Cherry: Oui.

M. Germain (Jacques): ...bon, on ne les nommera pas parce qu'on est à la T.V.

M. Cherry: O.K.

M. Germain (Jacques): Mais le nombre... Ça, ici, c'est toutes les sortes de brevets qu'il y a là. Vous voyez qu'il n'y a pas juste le moteur-roue là-dedans. Puis lisez, tout au long vous allez voir, il y en a... puis on n'en a pas arrêté un à cause qu'il ne faisait par partie du moteur-roue.

Après ça, l'autre colonne, c'est les demandes qui ont été faites... C'est le nombre de pays, ça. Le moteur-roue a été demandé dans 18 pays; 14 pour le véhicule hybride, et ainsi de suite. Après ça, c'est les montants d'argent dépensés. Ça, c'était en date de janvier 1996 probablement. On avait 800 000 $ de dépensés. Puis là, on s'en allait vers une augmentation, parce que le coût est proportionnel au nombre de pays.

M. Cherry: O.K.

M. Germain (Jacques): Bon. Puis là, qu'est-ce qu'on fait avec ça? Si on est rendu qu'on va dépenser plus sur les brevets qu'on va dépenser sur la recherche, il faut avoir un équilibre. Donc, on a été voir notre agent de brevets. On a regardé les gens qui sont spécialisés là-dedans à Hydro. Puis allons à la dernière page du document, il y a un petit tableau qui résume notre politique de brevets. On a dit: Pour le produit des moteurs-roues et ses composantes importantes, on prend dans le G 7. Dans le G 7, maintenir ce qui est obtenu, maintenir les demandes en cours, nouvelles demandes si justifiées. Autres pays: on ne les abandonne pas, maintenir ce qui est obtenu, maintenir les demandes en cours, pas de nouvelles demandes. On ne fait pas de nouvelles demandes à l'intérieur du G 7.

M. Cherry: Ces pays-là. O.K.

M. Germain (Jacques): Après ça: Autres produits avec aspect très innovateur. Aux États-Unis, maintenir les demandes en cours, nouvelles demandes si justifiées, parce qu'il faut toujours que ce soit justifié pour qu'il y ait un...

M. Cherry: Est-ce que, comme vous êtes dans la deuxième case, là, vous les distinguez du moteur-roue? Est-ce que c'est parce que d'autres brevets... est-ce qu'ils sont reliés à la traction moteur-roue ou est-ce que c'est...

M. Germain (Jacques): Non.

M. Cherry: ...d'autres types de brevets?

M. Germain (Jacques): D'autres types de brevets. Tout ce qui concerne le moteur-roue, c'est en haut, première colonne.

M. Cherry: O.K.

M. Germain (Jacques): La deuxième, par exemple, si c'est un élément de contrôle, si c'est un élément qui est associé au... mais qui est innovateur. On peut développer, par exemple, un capteur de courant, puis on dit: Ce capteur de courant là serait très, très bien dans le domaine de l'hydroélectricité. Bon bien, on va le protéger quand même, c'est très innovateur.

M. Cherry: O.K.

M. Germain (Jacques): Donc, aux États-Unis, on le prend. On maintient dans le G 7, mais on ne fait pas de nouvelles demandes dans le G 7. Celles-là, on dit: On garde les États-Unis seulement. Après ça, dans les autres pays, maintenir les demandes – on ne laisse rien tomber – mais pas de nouvelles demandes.

M. Cherry: O.K. Donc, quand je vous questionne sur les montants d'argent, ce qui apparaît en bas de la page 2, c'est 815 000 $.

M. Germain (Jacques): Exactement.

M. Cherry: Est-ce que ça, ça fait partie du 7 500 000 $? On doit soustraire ce montant-là? On doit le comptabiliser à l'intérieur des dépenses du 7 500 000 $.

M. Germain (Jacques): Si vous allez à l'onglet 6, alors vous allez voir qu'après... Technologies M4 inc., budget, juillet 1995 à juin 1997. O.K.? on est dans le budget? Ça va? On est dans le budget?

M. Cherry: Oui. O.K.

M. Germain (Jacques): Bon. Si on regarde, là, le projet moteur, on l'avait divisé en thèmes pour être capables de le gérer. Si on va au thème «propriété intellectuelle», le thème 8...

M. Cherry: Oui.

M. Germain (Jacques): O.K.? On voit que, en 1995, ça avait coûté 366 000 $ pour six mois; en 1995, les premiers six mois ont coûté 413 000 $; les derniers six mois, on prévoyait 413 000 $ aussi; 825 000 $ pour l'année. Donc, on a ici les montants qui étaient prévus pour ça, à ce moment-là.

M. Cherry: Ma question: Est-ce qu'ils font partie des déboursés de 7 500 000 $?

M. Germain (Jacques): Oui, monsieur.

M. Cherry: O.K. Donc, quand on dit que, sur les 9 000 000 $ dépensés, 7 500 000 $ l'ont été à la recherche et au développement, il faut soustraire de ce 7 500 000 $ les argents qui ont été consacrés pour le maintien des brevets ou le dépôt de nouveaux brevets?

M. Germain (Jacques): Oui, oui. Ah oui! Le maintien, oui, parce qu'il fait partie du budget ici. Ce n'est pas directement l'administration du projet moteur qui va payer le chèque, mais on paie le département d'Hydro qui le fait.

M. Cherry: O.K. Donc, ça veut dire que, si on soustrait ces montants-là de ce qui a été déboursé – j'essaie d'y aller par déduction – le reste des argents a été consacré aux gens, l'équipe, qui, à l'IREQ, continuaient à travailler sur la recherche du moteur-roue.

M. Germain (Jacques): Mais là il faudrait aller un petit peu plus dans le détail, parce que, quand on dit aux gens: Il y a les matériaux, il y a les dépenses d'opération, il y a les...

M. Cherry: Oui, mais tout ça, ça fait partie de, ça explique. O.K.? Vous avez dit tantôt: C'est le même nombre de personnes.

M. Germain (Jacques): Moi, je suis sorti depuis juin 1996.

M. Cherry: Oui. Je ne veux pas vous tenir à la personne près, mais, vous savez, le même nombre de personnes... je pense que, pour le succès d'un projet comme recherche et développement, c'est plus important les mêmes personnes auxquelles s'ajoutent des nouveaux que simplement le même nombre de personnes.

M. Germain (Jacques): Oui.

M. Cherry: Je pense que, là-dessus, c'est une distinction qui est importante. Puis vous me permettrez un parallèle. On a vu des gens qui ont pris leur retraite, des équipes dans des salles d'opération; ils ont été remplacés par d'autres. Mais de là à ce que les équipes puissent fonctionner au même rythme puis avec la même qualité, tu sais, il y a quand même une période de temps, là, qui doit se passer. C'est pour ça que, si vous avez pris la peine de préciser que c'est le même nombre de personnes, puis on engageait plus, c'est le même nombre, mais pas nécessairement les mêmes. Combien des gens de l'équipe originale sont encore là aujourd'hui, au moment où je vous parle?

M. Germain (Jacques): Aujourd'hui, je ne le sais pas parce que je ne suis plus là. Mais, quand je suis parti, mettons, ceux qui étaient partis, il y avait Pierre qui était parti, Bruno Francoeur, il y avait deux chercheurs. Je peux peut-être en oublier un; moi, je ne viens pas ici à tous les jours, hein. Bon. Mais Bruno a été remplacé par un éminent chercheur qui, apparemment, donne des très bons résultats. Donc, on m'a dit que ça n'avait pas causé de préjudice du tout au projet.

M. Cherry: Donc, le fait qu'il y a eu des départs, ça n'a pas causé de préjudice au projet. C'est ce que vous dites, là.

M. Germain (Jacques): On a vécu une crise après le départ de Pierre, puis la crise se poursuit. Ça, ça a créé des problèmes au projet, le départ de Pierre. Mais, après ça, il n'y a pas de... Ça a créé un problème qu'il parte; ça aurait peut-être créé un plus gros problème qu'il reste. Ça fait que, ça, on ne peut pas dire qu'est-ce que ça a fait.

M. Cherry: O.K. C'est parce qu'il nous semble évident qu'il y a un conflit de personnalité ou de mode de fonctionnement. Tu sais, tout le monde ou presque, vous avez tous des bons mots pour lui. Mais en passant, de façon à nous assurer qu'on a tous les détails qui nous intéressent, vous nous dites qu'ils ont voulu aller faire une exposition à Orlando au mois de juillet puis que vous vous êtes objecté à ça. Tu sais, c'est le genre d'informations qui militent dans le c.v. d'un gars, là. Moi, je vous le dis bien franchement, c'est comme ça que j'ai réussi dans ma vie, c'est qu'on appelle un chat un chat, puis j'aime mieux qu'on ait un désaccord honnête que de tenter de se conter des histoires. Et là-dessus, je suis obligé de vous dire que, encore une fois, tout le monde veut nous dire que ce projet-là, il est bien correct, mais des décisions ont été prises, et celui qui a eu l'idée, avec peut-être son bras droit qui est Francoeur, quand ces gens-là sont écartés du dossier, on dit: Bon bien, ça a continué, ça a causé des problèmes, ça continue encore à en causer, mais le projet chemine quand même, puis, s'il était resté, ça aurait peut-être été pire. Tu sais, le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions, mais il se ramasse chez le diable avec une approche comme celle-là.

(16 heures)

Pourquoi il n'y a pas eu de volonté d'une approche de confiance puis de respect et de donner un encadrement propice à des chercheurs, pas nécessairement à des administrateurs? On se «comprend-u», là? Tu sais, quand il y a une volonté de chercher quelque chose, quand c'est en médecine, on ne va pas imposer des conditions aux gens dans un laboratoire. On leur offre tout ce dont ils ont besoin, on souhaite qu'il y ait un environnement qui fait que ça marche ensemble parce que l'objectif, c'est qu'on trouve la solution à ce qu'on veut guérir. Là-dedans, il semble que c'était plus important. Et, peut-être, votre venue cadre avec ça, M. Germain. C'est peut-être ça, votre rôle, c'est peut-être ça, votre spécialité, à vous, à l'intérieur d'Hydro, c'est peut-être pour ça qu'on vous a confié la job, c'est de s'assurer qu'on mettrait ce monde-là au pas puis qu'on le ferait fonctionner à l'intérieur de...

Je vous questionne, moi, je le fais franchement, parce que je vous offre l'occasion de répondre, M. Germain. C'est ça que je fais avec vous, là. Vous, votre spécialité, c'est que vous êtes un administrateur, et il va falloir que ça fonctionne selon le cahier puis selon les normes. Est-ce que ça, c'est propice à un projet comme celui-là?

M. Germain (Jacques): Ce n'est pas ma spécialité. Ma spécialité, c'est de faire des alliances industrielles, de donner confiance entre les compagnies, d'essayer de faire marcher ensemble Hydro-Québec, le CNRS de France, 3M, Yuasa Battery Japon, puis que tout le monde en tire son profit puis collabore au même projet, puis rentrer, avec ça, Berkley puis Argon National Lab, puis de faire que tout ce monde-là est heureux puis est géré comme il faut à la fin de l'année. Ça, c'est ma spécialité. Mais, pour ça, ça prend une saine gestion, il faut montrer des preuves et non faire de la propagande, il faut montrer des documents, il faut dire: On s'en va là...

Si vous voulez, allez à l'onglet 9, page 2: «Pourquoi recommander de réviser le projet moteur en 1995?» Parce que je pense que ça tourne toujours autour de ça, les questions. «Au niveau stratégique, pour réduire les risques techniques du projet: le concept du moteur-roue équipé de son convertisseur intégré de puissance équivalente n'a pas encore été démontré sur prototypes en laboratoire. En avril 1992, la date d'intégration du convertisseur dans le moteur est mai 1993. En janvier 1993, la date d'intégration était reportée en 1994. Finalement, en juin 1995 la date d'intégration du convertisseur dans le moteur est reportée en juin 1996. En 36 mois...» Un glissement de 36 mois.

Passons à l'autre flèche, parce que ça n'ajoute pas de lire le paragraphe suivant: «Pour permettre à l'équipe technique de se concentrer sur le développement de l'élément initial et essentiel, l'élément qui justifie l'implication d'Hydro-Québec dans ce projet, le moteur-roue. Pour prouver en laboratoire, avant d'affirmer à l'interne et à l'externe.» Mais, ça, il y en a qui n'étaient pas d'accord avec ça. Les gens voulaient continuer à affirmer à l'externe avant de prouver en laboratoire. C'est pour ça que je me suis opposé pour les beaux-arts, c'est pour ça que je me suis... Mais c'était «tough» de s'opposer à ça, parce que, moi aussi, je suis bien d'accord, j'aimerais ça pouvoir en faire un peu de publicité là-dessus. Mais on n'avait jamais été devant nos pairs dans des congrès scientifiques faire la preuve de ce qu'on avançait.

«Pourquoi réviser – maintenant – au point de vue opérationnel? Pour documenter le projet: définir les caractéristiques et les performances visées dans un document écrit du produit et du développement de ses composantes.»

On a parlé de cahier des charges. Si je peux vous le laisser... Ça aussi c'est confidentiel. Mais je vais vous montrer un peu... J'en prends une au hasard, ici. On parle du moteur-roue. Il y a les essais mécaniques, les vibrations aux chocs, il y a les essais de température. On donne, pour les essais de température, par exemple, devra se passer tel test, le Sequoia Grade: «température ambiante 29°C, 89 km/h, 8 % de pente, 26 km...» Bon, on définit tout. Puis, ça, c'est des essais normalisés dans le domaine de l'automobile. Puis, si notre moteur a passé ça, on n'a pas besoin de développer notre technologie, on dit: Notre moteur, telle date, a passé ça, puis c'est assez.

On s'opposait à ça, monsieur. On s'opposait à ça. On s'opposait à faire des essais de laboratoire bien identifiés puis à fournir les données pour que le conseil d'administration de M4 inc., le comité de R & D d'Hydro-Québec, puis le comité du C.A. prennent des décisions éclairées. On avait été au C.A. d'Hydro-Québec en février 1995, puis ils leur ont dit: On vous donne 6 000 000 $ pour vous rendre au mois de juin, mais, si vous ne revenez pas avec d'autres choses, on n'est plus capable d'investir là-dedans. Ça fait 22 000 000 $, puis on ne sait pas où on est rendu. Il y a un autre...

Le Président (M. Sirros): Une dernière question.

M. Germain (Jacques): Juste...

M. Cherry: Une dernière question.

M. Germain (Jacques): Je n'avais pas fini ma réponse, s'il vous plaît. Après ça: «Pourquoi réviser le projet au niveau de la gestion de l'équipe...», 3.3. «Pour permettre à la direction de gérer l'équipe» du projet. On n'arrivait plus à la gérer. «Pour établir une transparence entre la direction et l'équipe et entre l'équipe et la direction. Pour sécuriser le projet en ayant plus d'une personne qui maîtrise le domaine d'activité. Pour implanter des outils de gestion nécessaires à la saine gestion. Pour essayer d'obtenir de bonnes relations de travail.»

Ma spécialité, ce n'est pas des méthodes «rough» et dures. Ma spécialité, c'est la bonne entente entre les groupes puis créer des liens basés sur la confiance. Mais ça a été plus facile au niveau international puis au niveau industriel à Hydro-Québec qu'à l'intérieur d'une seule équipe.

M. Cherry: Merci. Dernière question? À partir du moment où vous avez été convoqué par la commission et maintenant, avez-vous personnellement participé à des réunions avec des aviseurs légaux ou le contentieux d'Hydro-Québec, ou des informations de cette nature-là, pour préparer vos témoignages d'aujourd'hui?

M. Germain (Jacques): Moi, je n'ai préparé mes témoignages avec personne, mais j'ai rencontré les aviseurs légaux lors d'une rencontre. Parce que, moi, je suis retraité puis je n'ai pas Hydro en arrière de moi. Je viens ici comme Hydro-Québec. Puis je sais que, dans ce projet-là, même la pire surprise que j'ai pu imaginer, c'est allé au-delà de ça. Ça fait que, tu sais, quand il y a eu une chance que ça accroche... Ça accroche, ce projet-là. Donc, moi, je ne veux pas avoir un problème avec des gens, avec les syndicats ou avec d'autres gens sur le projet. Donc, moi, je viens sur mon... J'ai demandé à Hydro-Québec s'il y avait des problèmes avec ça, si j'étais appuyé par la boîte. Mais je n'ai pas préparé mon... J'avais un texte que je m'étais préparé chez moi, mais, après ça, quand je l'ai relu, j'ai dit: Je réponds à mes questions. Je n'en présente pas. Je vais répondre à leurs questions. Puis ça me fera plaisir de répondre à bien d'autres questions, si vous en avez. Ça va me faire plaisir d'en parler, si ça peut faire avancer vos décisions.

M. Cherry: Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député. M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Je n'étais pas là ce matin, M. Germain, j'espère que je ne répéterai pas les questions qui ont déjà été posées. Je vous écoute depuis le début de votre intervention. Il me semble que là où la crise a éclaté, c'est avec l'incapacité pour l'équipe de développer un convertisseur intégré. Est-ce que je me trompe? Est-ce que c'est ça, le noyau dur qui a fait que... Surtout, vous avez mentionné tantôt que c'était promis depuis 1993, 1994, 1995, puis ça n'arrivait pas. Puis, là, en juin 1996, ça n'arrivait toujours pas.

M. Germain (Jacques): Non. C'est arrivé quand on n'a pas voulu mettre toutes les énergies pour faire de ce programme-là le plus rapide qu'on soit capable pour être capable de prouver l'élément essentiel, pour être capable de dévoiler quelque chose à des industriels. C'est là que ça a...

M. Kieffer: Oui, mais le convertisseur intégré, vous l'indiquez à votre étape 2, c'est une étape, c'est un échelon essentiel dans l'échelle, qui vous amène vers...

M. Germain (Jacques): Oui, mais le convertisseur, on le miniaturise, on le met dans la roue, puis c'est de faire la gestion de tout ça.

M. Kieffer: Voilà. C'est ça. Et c'est ça qu'on n'avait pas réussi à faire en juin 1996.

M. Germain (Jacques): On n'avait pas réussi à le faire encore.

M. Kieffer: Vous me dites que, bon, juin 1996, juin 1997, juin 1998, deux ans plus tard... O.K.? Vous avez affirmez tantôt qu'avec le départ de M. Couture et de son adjoint l'équipe avait continué à fonctionner. L'équipe est toujours en place, elle fonctionne, elle travaille sur le concept. Qu'est-ce qui arrive avec le convertisseur? Est-il intégré?

(16 h 10)

M. Germain (Jacques): Le convertisseur est intégré. La preuve de concept s'est faite en avril ou en mars 1997. J'ai eu l'information par Hydro Presse – je reçois encore Hydro Presse – puis j'ai vu que les essais de qualification étaient faits à Blainville. Mais, déjà, de voir que les essais de qualification ont été faits là, ayant travaillé au cahier des charges, je savais ce qui a été fait là, et, d'après moi, la preuve de concept est faite sur le moteur-roue.

M. Kieffer: Donc, huit mois, plus ou moins...

M. Germain (Jacques): À peu près huit mois après sa planification...

M. Kieffer: ...après la crise, le convertisseur était miniaturisé et intégré. C'est ça?

M. Germain (Jacques): Après le dépôt du projet... On avait donné un an. On avait dit juin 1996, je crois, dans le...

M. Kieffer: Oui, c'est ça.

M. Germain (Jacques): Juin 1996, qu'on avait dit, l'engagement qu'on avait dans le plan d'action. Puis ça a retardé peut-être de six mois, sept mois. Mais, ça, c'est tout à fait normal dans un programme de recherche.

M. Kieffer: Et pourtant l'impression que je retiens de votre intervention, c'est qu'on arrête à un moment donné de financer parce que ça ne mène nulle part.

M. Germain (Jacques): Non, non, ce n'est pas ça du tout. La première option qu'on a amenée à M4 inc., c'est...

M. Kieffer: Non, mais ça ne mène nulle part par rapport aux étapes que vous aviez identifiées. Moi, je suis encore dans votre...

M. Germain (Jacques): Si vous allez dans le plan d'action intégré...

M. Kieffer: Oui, j'y suis.

M. Germain (Jacques): ...ce qu'on avait: on avait l'option intégrée ou fermer dans un an, mais parce que Pierre ne voulait pas l'option moteur-roue. Mais l'option moteur-roue qu'on privilégiait, c'était l'option de «crash program» pour faire des preuves le plus tôt possible. Et on a prouvé que ça avait de l'allure parce que les preuves sont faites aujourd'hui et on est capable de faire des... Il y a une alliance qui a été faite, présentement, avec... M. Filion en parlait ce matin, il y a eu une entente. Je ne sais pas tous ceux qui sont là-dedans, mais il y a eu une entente de faite. Puis ces gens-là, qui ont certains droits sur la propriété, vont être capables de rencontrer des industriels et de dire: Est-ce que ça vous intéresse ou pas? Mais c'est depuis mars, avril 1997 que ça, ça a été fait.

M. Kieffer: Et ce fameux convertisseur intégré, c'est sur la base des recherches qu'avait faites le Dr Couture ou bien si vous avez complètement changé vos orientations et vous êtes allés voir ailleurs?

M. Germain (Jacques): Non, non, non. C'est sur la base des convertisseurs. Le Dr Couture a travaillé un peu là-dessus, Bruno Francoeur a travaillé, Slimani a travaillé, un autre a travaillé. Dans un...

M. Kieffer: Non, je suis d'accord, mais l'idéateur, c'est Couture.

M. Germain (Jacques): Je ne suis pas sûr de ça, moi, que dans le convertisseur... Le moteur-roue, je suis certain. Le convertisseur, il faudrait que je demande aux chercheurs. C'est toujours les chercheurs qui écrivent leur nom sur les brevets. Ce n'est jamais l'administrateur qui dit qui va sur les brevets, jamais; on ne se mêle pas de ça, c'est eux autres. Le chercheur principal met le nom et, s'il est aidé par d'autres, c'est lui qui décide ça. Nous autres, ça ne nous fait absolument rien, qui est sur le brevet.

M. Kieffer: Donc, selon votre plan stratégique, vous avez atteint en avril 1997 les objectifs que vous vous étiez fixés pour juin 1996. Vous aviez à peu près huit mois de retard. Pas beaucoup. Où est-ce que vous en êtes maintenant?

M. Germain (Jacques): Ça, il faudrait le demander à... M. Coupal va passer ce soir.

M. Kieffer: Est-ce qu'on lui a demandé la question ce matin?

M. Germain (Jacques): Et, si vous lisez l'onglet 22...

M. Kieffer: Oui.

M. Germain (Jacques): Il y a eu un comité d'experts... Et ça, ça vaut la peine de le dire. Ça, ceux qui veulent en savoir...

M. Kieffer: O.K.

M. Germain (Jacques): C'est marqué là-dedans, ce que ça...

M. Kieffer: Ce qui est ressorti aussi de votre intervention, c'est que vous vous posiez la question à savoir: Les investissements qu'on fait en recherche, à partir de quel moment, ces investissements-là, on doit se questionner sur leur pertinence? Vous vous êtes posé ces questions-là au moment où vous avez pris les décisions, parce que vous ne voyiez pas, à court terme, la possibilité de pouvoir faire des alliances soit avec des producteurs privés ou aller vers la mise en marché.

M. Germain (Jacques): Ça ne se passe pas tout à fait de même. Moi, je suis arrivé dans le projet pensant qu'il y avait des produits à commercialiser bientôt.

M. Kieffer: Et «bientôt», dans votre tête, ça veut dire quoi? Un an, deux ans, trois ans, quatre ans?

M. Germain (Jacques): Dans l'année qui vient, dans l'année qui suit, il y aura des alliances industrielles à faire et il y aura des produits que tu pourras faire évaluer, et tout ça. Ça, c'est ma perception, un peu, avant d'aller dans le projet. Je n'ai pas été dans le projet, moi, avant d'être engagé. Et, quand je suis arrivé là, j'ai vu qu'on était en plein programme de recherche. Puis, à la première rencontre que j'ai eue avec Pierre, on s'est entendu parfaitement, parce que lui aussi était d'accord qu'on était en plein programme de recherche. Donc, on n'a pas eu de misère, au départ, à établir un plan d'action, un système intégré, on était d'accord, tous les deux, qu'on était en plein... Et c'est Pierre qui marque que la preuve de concept n'est pas faite, c'est lui qui est d'accord avec ça. C'est dans le plan qu'on a fait ensemble au comité au gestion: la preuve de concept n'est pas faite, puis on a défini... Je n'aurais pas été capable de définir les étapes de la preuve de concept. C'est Pierre qui les a définies. Mais là on regarde ça puis on dit: On est en plein programme de recherche puis on en a encore pour un bout de temps, ça ne donne rien de dépenser de l'argent pour la commercialisation, l'industrialisation puis des plans de marketing, mettons l'argent sur la recherche.

M. Kieffer: Donc, vous étiez d'accord sur le constat que vous en étiez encore à faire cette recherche et ce développement là...

M. Germain (Jacques): Bien sûr! Bien sûr!

M. Kieffer: ...et que vous n'en étiez pas rendus à l'étape de la précommercialisation ou autre?

M. Germain (Jacques): Du tout, du tout.

M. Kieffer: Lorsque vous avez pris connaissance de tout le dossier, vous la prévoyiez à quel moment, cette étape de préindustrialisation?

M. Germain (Jacques): C'est là qu'on a...

M. Kieffer: Vers, quoi, 1999, 2000?

M. Germain (Jacques): Regardez, quand on arrive avec ce que Pierre avait donné dans le plan d'action détaillé, si on regarde ce qu'on a vu...

M. Kieffer: Lui, il parlait de décembre 1997, là.

M. Germain (Jacques): C'est ça. À partir de... Supposons que Pierre serait resté là puis qu'on aurait fait ça et que ça se serait réalisé tel que ça, on aurait été prêt à rencontrer un industriel intéressé au moteur en 1996. Mais, si c'était le groupe de traction au complet puis qu'on ne pouvait rien dévoiler tant que tout soit fait, bien, les dates qui sont là, c'est décembre 1997.

M. Kieffer: Décembre 1997.

M. Germain (Jacques): Pas avant de... Puis là, il y avait de l'ouvrage.

M. Kieffer: Et, compte tenu de tout ce qui est arrivé, vous la prévoyez pour quel moment, cette étape préindustrielle, l'étape 5?

M. Germain (Jacques): L'étape 5? L'étape préindustrielle?

M. Kieffer: Oui, celle qui était prévue pour décembre 1997, le véhicule démonstrateur muni ce quatre moteurs préindustriels.

M. Germain (Jacques): Moi, je ne pourrais pas dire aujourd'hui où c'est, mais je sais que les experts prévoient 2012 pour le... Puis je ne sais pas s'ils parlent du groupe de traction intégré ou juste du moteur-roue.

M. Kieffer: Je vous ai bien compris, là? 2012?

M. Germain (Jacques): Bien, à l'onglet 22, à la page 2 de 15, à 1.2.3: «Both Hydro-Québec and any new investors must realize that funding of the next 18 to 24 months would be of an extremely high-risk nature with a very low probability of payback. Pay back, if any, would be in the ten-fifteen year horizon, at the earliest.».

M. Kieffer: Bien, j'ai un gros problème, je vous avoue, là. Je vais vous laisser aller, mais j'ai un gros problème, là. Il n'a pas fait ça tout seul, lui, ce document-là, Pierre Couture! Que je le retrouve, là! Programme de recherche et de développement, il n'a pas fait ça tout seul. Vous étiez là, vous. Il y a des gens qui étaient là. Le plan d'action détaillé...

M. Germain (Jacques): Pour la recherche fondamentale, pour avoir des idées créatrices, Pierre, il est champion.

M. Kieffer: Oui, mais attendez. Mais c'est parce que vous nous avez présenté ce document-là tantôt comme étant le pro forma qui allait amener cette recherche et développement là à son étape préindustrielle pour voir si c'était commercialisable ou non. Bon. Et là vous venez de me mentionner, pour atteindre l'objectif que vous aviez fixé...

M. Germain (Jacques): De «payback».

M. Kieffer: ...comme étant celui de décembre 1997, vous me mentionnez 2012.

M. Germain (Jacques): Je vous dis: avant que ça commence à rapporter des fruits, des produits, de l'argent. Parce que la préindustrialisation, on l'évalue... Il y a la phase de la preuve de concept. Moi, où j'ai dépensé mes énergies puis où j'ai essayé de mettre des outils pour que ça marche, c'est dans la phase preuve de concept. Puis ça marche aussi parce que la preuve de concept est en train de se faire. On l'a faite en mars 1997.

Maintenant, à partir de ça, est-ce qu'on veut industrialiser le moteur-roue? Bien, ça, on serait prêt à aller tout de suite rencontrer des industriels là-dessus, s'il n'y a pas d'autres problèmes. Je ne le sais pas, il y a peut-être d'autres problèmes. Moi, j'ai quitté en 1996. Mais, si la preuve de concept était faite...

Maintenant, si c'est pour les essayer sur route puis faire 100 000 km, bien, là, il faut le durcir. C'est le prototype 4. C'est en juin 1997. Mais, avant que l'argent rentre, les experts présentement disent: Pas avant 2012, avant qu'il y ait de l'argent qui rentre puis...

M. Kieffer: O.K. Mais je veux être sûr que je comprends bien. Votre étape 5, à la page 2 de votre document, où il est écrit: «Décembre 1997, véhicule démonstrateur muni de quatre moteurs préindustriels», vos objectifs, votre pro forma vous amenait à cette étape-là en décembre 1997.

M. Germain (Jacques): Oui.

M. Kieffer: Et là vous me dites que, pour atteindre cette étape-là, on parle de 2012?

M. Germain (Jacques): Pas ça. Ce n'est pas cette étape-là, en 2012. Une fois que...

M. Kieffer: Mais cette étape-là, moi, je veux savoir, décembre 1997, ça va arriver quand?

M. Germain (Jacques): Décembre 1997? Aujourd'hui, 1996 a été fait en mars 1997. Il y a des probabilités... Je ne connais pas aujourd'hui les problèmes de juin 1997, c'est-à-dire les problèmes de poids, la réduction du poids, puis l'étape 4. Moi, je ne suis plus dans le projet depuis déjà 15 à 18 mois, donc je ne sais pas s'il y a des problèmes là. Mais supposons qu'il n'y a pas de problème puis qu'on respecte les échéanciers pour ça, une fois qu'on a le véhicule démonstrateur, c'est là que ça commence, la traversée du désert, parce qu'on a un produit, mais il faut... On a parlé ce matin des essais de fiabilité. On a parlé, après ça, de coûts puis, après ça, de pilotage, puis de faire des démonstrations, puis d'intéresser des gens pour faire des usines-pilotes. Il y a encore une longue traversée du désert.

(16 h 20)

M. Kieffer: Oui, je suis d'accord, mais ce n'est pas... Le député de Saint-Laurent pourrait nous renseigner. Quand Bombardier décide de mettre un nouveau prototype sur le marché, ça ne prend pas 14 ans entre l'étape préindustrielle puis la commercialisation finale. «C'est-u» si long que ça?

M. Cherry: Non, mais ça dépend du projet, là.

M. Kieffer: En tout cas, moi, il me semblait que l'étape 5 était l'étape finale avant qu'on aille chercher les partenaires commerciaux pour l'industrialisation du concept. Est-ce qu'on s'entend là-dessus?

M. Germain (Jacques): Moi, je vais vous répondre. Avec compétence dans le domaine de la recherche et développement, M. Coupal, ce soir...

M. Kieffer: Bon, je lui poserai les questions.

M. Germain (Jacques): Lui, il va être capable de vous répondre avec compétence dans le domaine de l'industrialisation.

M. Kieffer: C'est beau.

Le Président (M. Sirros): J'ai un dernier intervenant, M. le député de La Peltrie.

M. Côté: Merci, M. le Président. M. Germain, vous avez parlé tout à l'heure que c'était un travail d'équipe au niveau des chercheurs. Et, sous votre direction, c'est particulièrement ça que vous avez essayé de promouvoir puis d'instaurer au sein de l'équipe. Est-ce que M. Pierre Couture, sur le projet de moteur-roue, était le seul chercheur? Parce que vous aviez plusieurs projets, là. Vous faites de la recherche qui se déroule en parallèle et qui se fait en même temps.

M. Germain (Jacques): S'il y avait plusieurs chercheurs?

M. Côté: Est-ce que M. Pierre Couture était le seul chercheur...

M. Germain (Jacques): Non.

M. Côté: ...attitré au moteur-roue? C'est sûr qu'il y avait des techniciens puis d'autres personnels avec lui, là. Mais est-ce que c'était le seul?

M. Germain (Jacques): Non, il n'était pas le seul. Je vais vous répondre précisément là-dessus. Sur le projet, il y avait Richard Barnwell, Sylvain Bélanger, Claude Carignan, Paul-André Corbeil, Alain Forcione, Geneviève Gauthier, Pierre Gingras, Stéphane Goulet, Sylvain Gravel, Éric Labonville, Ghislain Lambert, André Langlois, Christian Pronovost, Stéphane Reiher, Sylvain Riendeau, Serge Sarraillon et Karim Slimani. Alors, il y avait plusieurs chercheurs.

M. Côté: Donc, ils étaient une équipe...

M. Germain (Jacques): Puis il y avait, après ça, des techniciens d'atelier. Ah! oui, c'était une équipe.

M. Côté: Donc, lorsqu'on parle de Pierre Couture comme... On est toujours porté à penser puis à en déduire que c'est la personne qui était le chef, en termes de recherche au niveau du moteur-roue. Donc, il y avait toute une équipe de chercheurs qui l'entourait.

M. Germain (Jacques): Oui.

M. Côté: Mais vous avez mentionné aussi que vous n'étiez pas d'accord pour qu'ils aillent à des expositions, des colloques pour faire la promotion de, justement, où en était rendu leurs recherches au niveau du moteur-roue, alors que, en tout cas ce que j'en déduis de ce que je vous ai entendu dire, vous, vous n'étiez pas assez au courant du développement. Le public était informé avant que, vous autres, vous puissiez être informés? Est-ce que c'est un peu ça?

M. Germain (Jacques): Ce n'est pas dans ce sens-là.

M. Côté: Non?

M. Germain (Jacques): C'est que, dans un projet de recherche, le chercheur principal est en avant des gens de son milieu. C'est lui qui fait la recherche, c'est lui qui a les idées inventives, c'est lui qui développe. La première tribune qui doit se prêter au chercheur principal, c'est ses pairs au niveau de la science au niveau mondial. Supposons qu'il va au congrès d'Automotive Engineer, je ne sais pas, de n'importe où, des États-Unis ou international, ou qu'il va au niveau de l'IEEE, Electronic Engineer, dans le domaine de l'électronique de puissance, là, il va présenter ses résultats de recherche d'une façon à ne pas dévoiler de secret. Mais il se fait questionner par ses pairs de toute l'industrie. Puis, nous, on peut voir comment sa technologie se situe par rapport au développement qu'il y a dans le monde. Mais il n'y en a pas eu une conférence de faite dans le domaine, dans ce projet-là, pas une que j'ai vue, moi, en tout cas, puis pas une que j'ai... Il n'y en a pas eu pendant que j'ai été là, en tout cas. Puis j'en n'ai pas vu avant dans les dossiers.

À cette heure, ce que je ne voulais pas, ce qu'il faut éviter, c'est de donner comme... Prenez le document à l'onglet 5 – ce que je vous ai dit tout à l'heure – qu'on a distribué au show de l'auto. Bien, pour ma femme puis ma mère, puis tout ça, eux autres, ils étaient prêts à en acheter, des véhicules électriques, le lendemain matin.

M. Côté: Alors que, pour vous autres, à l'interne, ce n'était pas ça, là.

M. Germain (Jacques): Bien, non! Ils ne savent pas que les convertisseurs sont dans la valise. Ils ne savent pas que le véhicule, pour l'amener de l'IREQ au Salon de l'auto, il a fallu l'entrer dans une roulotte puis le chauffer pour ne pas que les différentes distorsions endommagent les moteurs. Ils ne savent pas ça.

M. Côté: Mais, est-ce qu'il y avait eu des... En 1995, je crois, en janvier 1995, ils étaient rendus à 22 000 000 $ au niveau de...

M. Germain (Jacques): À 22 000 000 $ au début de l'année...

M. Côté: Au début de 1995?

M. Germain (Jacques): Je crois, je n'ai pas...

M. Côté: Mais, est-ce qu'il y avait eu des rapports d'étape qui avaient été faits à ces supérieurs?

M. Germain (Jacques): J'ai demandé en juin tous les rapports d'étape qui ont été faits là-dessus. Ils m'ont été fournis. Ça ne m'a pas donné beaucoup, je n'ai pas appris beaucoup avec les rapports d'étape.

M. Côté: J'aurais une dernière question. Tout à l'heure, vous nous avez déposé un projet d'élaboration de stratégie pour la prise de brevet. Vous avez déposé ça. Donc, à ce moment-là, c'était à titre de projet. Ce qu'on a ici, c'est à titre de projet?

M. Germain (Jacques): Oui.

M. Côté: Entre le projet et la réalisation, est-ce qu'il y a eu une différence entre le projet comme tel et la réalisation par la suite?

M. Germain (Jacques): On l'a réalisé comme ça, nous autres. C'est plutôt une orientation pour prendre une décision, lorsqu'un chercheur vient nous voir pour prendre un brevet. Il va dire: Bien, dans combien de pays tu le prends? Le prends-tu dans le G 7, aux États-Unis, ou on le prend dans 30 pays? C'est plutôt un outil de gestion, ça, puis avec une orientation.

Maintenant, on a une unité administrative à Hydro qui s'occupe de la propriété intellectuelle. Eux autres, ils ont regardé ça puis ils ont ajusté ça un peu. Ça a peut-être été modifié un peu, depuis, mais le principe devrait toujours être à peu près ce qui est là: le G 7 plus la Corée – on en a parlé ce matin – pour le moteur-roue puis les domaines principaux.

M. Côté: Donc, Hydro-Québec a appliqué...

M. Germain (Jacques): Cette politique-là.

M. Côté: ...dans son intégrité, pas mal, le projet que vous avez déposé tout à l'heure.

M. Germain (Jacques): Oui.

M. Côté: Merci beaucoup.

Le Président (M. Sirros): Juste avant de terminer, je pense, deux courtes questions. Quand vous, vous êtes arrivé, il y avait un budget alloué au projet?

M. Germain (Jacques): Il y avait 6 000 000 $ qui avaient été accordés pour les six premiers mois de l'année 1995. Puis on m'a demandé de retourner au mois de juin au C.A. d'Hydro-Québec pour aller faire débloquer des fonds. Puis ils avaient donné une commande, que, s'il n'y avait pas de plan d'action puis de budget détaillés, pas de fonds.

Le Président (M. Sirros): La commande venait d'où?

M. Germain (Jacques): La commande venait du conseil d'administration. Allez dans l'onglet n° 11.

Le Président (M. Sirros): Ne m'envoyez pas aux onglets, là. Je veux juste qu'on échange tranquillement.

M. Germain (Jacques): M. le Président, dans ce projet-là, le tort qui s'est fait, c'est par les gens qui ne lisent pas puis les gens qui prennent des ententes verbales. Vous ne savez pas combien ça a fait du tort au projet. Pourquoi on a déposé ça? Parce que, ça, c'est des écrits.

Le Président (M. Sirros): Qui a déposé ça?

M. Germain (Jacques): C'est M. Filion qui l'a déposé ce matin.

Le Président (M. Sirros): Oui. O.K.

M. Germain (Jacques): On l'a déposé parce que c'est des écrits. Et il faut lire. Si vous allez au conseil d'administration de février 1995, vous pouvez lire: «Attendu que, d'ici cette date, un plan d'action et un budget détaillés seront soumis aux membres du conseil d'administration en vue d'autoriser les dépenses additionnelles requises.» Ça, c'est extrait du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration d'Hydro-Québec tenue à Montréal le mercredi 8 février 1995. Puis, à ce conseil d'administration là...

Le Président (M. Sirros): Donc, est-ce qu'on peut tirer la conclusion qu'un de vos mandats était de resserrer les dépenses?

M. Germain (Jacques): Non, d'implanter des outils de gestion pour gérer sainement. Je n'avais pas le mandat de resserrer les dépenses, du tout.

Le Président (M. Sirros): Et la question du resserrement des dépenses ne faisait pas partie des discussions que vous avez eues avec vos supérieurs, avec les membres qui vous ont mandaté.

M. Germain (Jacques): En tant que...

(16 h 30)

Le Président (M. Sirros): Est-ce que vous saviez qu'il y avait un budget, qu'il y avait une priorité accordée à ce projet-là, ou est-ce que vous avez eu le sentiment qu'on vous a demandé finalement de resserrer la gestion du projet avec comme conséquence normale, j'imagine, le resserrement des coûts?

M. Germain (Jacques): Non, je n'ai jamais en tête, dans la gestion des projets, le resserrement des finances, parce que, avec un bon projet, des bonnes recommandations, on peut trouver l'argent que ça prend pour le gérer. Je n'avais pas ça comme objectif. J'avais comme objectif la saine gestion puis de répondre...

Le Président (M. Sirros): C'est là où je veux m'en venir, là, parce que vous revenez toujours avec la notion de l'objectif étant la saine gestion. Mais on vous place comme administrateur d'un projet de recherche et d'innovation où je croirais que le premier objectif serait d'amener le projet à «fruition» et de faciliter l'émergence d'une technologie qui pourrait être commercialisable plutôt que d'avoir comme premier objectif la saine gestion. C'est pour ça que je disais au début: Il me semble que l'administrateur avait des problèmes avec l'inventeur, pour ne pas dire le créateur encore.

M. Germain (Jacques): L'outil pour arriver le plus vite au développement du produit, ça prend de la saine gestion. Ce n'est pas une nécessité, c'est un outil nécessaire. C'est comme dire: Je vais à quelque part puis je n'ai aucun outil pour y aller. C'est un moyen nécessaire au développement.

Le Président (M. Sirros): Avec la présomption – et corrigez-moi si j'ai tort – que M. Pierre Couture, ultimement, n'était pas essentiel au projet.

M. Germain (Jacques): Non. En premier, quand je l'ai présenté au C.A. de M4 inc., j'avais fait l'hypothèse que Pierre Couture était essentiel au projet puis qu'on ne pourrait pas faire le projet sans lui. C'est pour ça qu'on avait présenté l'option système intégré; on a présenté ça de même au départ.

Le Président (M. Sirros): Qui avait présenté cette option-là? Vous ou M. Couture?

M. Germain (Jacques): Tout le comité de gestion. Tout le comité de gestion l'avait présentée, cette option-là, au départ.

Le Président (M. Sirros): Comme une alternative?

M. Germain (Jacques): Comme l'option qui obtient le consensus...

Le Président (M. Sirros): De tout le monde.

M. Germain (Jacques): ...de mon comité de gestion.

Le Président (M. Sirros): Y inclus M. Couture.

M. Germain (Jacques): Qui inclut M. Couture.

Le Président (M. Sirros): Puis l'autre option?

M. Germain (Jacques): Puis l'autre option, c'était de fermer le projet un an après, parce que Pierre aimait mieux fermer le projet que d'avoir un «in-between», une option intermédiaire.

Le Président (M. Sirros): Je suis un peu confus là, je m'excuse. Je vais essayer une autre fois. Vous présentez, si je comprends bien, deux options au conseil d'administration.

M. Germain (Jacques): Deux options, oui.

Le Président (M. Sirros): Il y en a une qui fait l'objet d'un consensus de tout le monde.

M. Germain (Jacques): Oui.

Le Président (M. Sirros): C'est-à-dire, vous, vous dites finalement: Si le conseil achète ça, on est tous d'accord avec ça. Et il y a une deuxième option où tous sont d'accord, sauf M. Couture.

M. Germain (Jacques): Non, c'est l'option de Pierre de dire: Si on ne fait pas l'option intégrée, j'aime mieux fermer le projet, j'aime mieux fermer le projet en juin 1996. Ça, c'était son option.

Le Président (M. Sirros): Donc, les deux options étaient soit de continuer, soit de fermer?

M. Germain (Jacques): Continuer comme c'est là ou soit fermer un an après. C'est expliqué, ça, dans le...

Le Président (M. Sirros): Quand est-ce que l'option de concentrer d'abord sur le moteur-roue est venue sur la table?

M. Germain (Jacques): On est allé au C.A. de M4 inc., puis là les discussions ont commencé, puis ils ont dit: Est-ce que vous ne pouvez pas faire quelque chose pour qu'on soit capables de rencontrer les industriels avant la fin 1997? Il faut absolument accélérer. Il faut faire des alliances industrielles si on veut avoir quelque chose là-dedans.

Une voix: Qui?

Le Président (M. Sirros): Effectivement, c'est la question la plus simple: Qui vous a demandé ça?

M. Germain (Jacques): C'est tous les membres du C.A., tous les gens qui étaient là. On discutait des options, on présentait le projet, tous les membres du C.A. de M4 inc., puis, après ça, le comité de R & D d'Hydro-Québec. Ça a été discuté à tous les niveaux: M4 inc., comité de R & D d'Hydro-Québec, C.A. d'Hydro-Québec. Puis le dernier qui a présenté ça au conseil d'administration d'Hydro-Québec, c'est le comité de recherche et développement d'Hydro-Québec le 1er août 1995.

Le Président (M. Sirros): D'accord. Une toute petite dernière, M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Une petite dernière, oui. Quand vous avez abandonné les ACEP pour vous concentrer au moteur, c'était quoi, votre premier objectif? Quand vous avez pris la job là, vous aviez à prioriser les choses, c'était quoi, votre premier objectif?

M. Germain (Jacques): J'ai toujours eu des beaux projets. L'entreprise me demandait un certain service. J'étais sur le bord... dans une couple d'années, je quitterais l'entreprise. J'avais apprécié travailler avec le monde d'Hydro-Québec, la haute direction qui m'avait fait confiance dans plusieurs dossiers. J'étais disponible pour leur donner un coup de main.

M. Cherry: Mais une fois que vous acceptiez de leur donner un coup de main, c'était quoi, votre premier objectif?

M. Germain (Jacques): De rentrer dans le projet, de le comprendre, puis de répondre au mandat qu'ils m'avaient donné, de leur proposer des documents qui nous permettraient de financer le projet en juin 1995. Parce qu'on n'avait plus d'argent en juin 1995, donc il fallait retourner au C.A. d'Hydro-Québec pour obtenir de l'argent. Donc, mon objectif, c'était, avec l'équipe de gestion, Pierre Couture, Daniel Perlstein puis Claude Tremblay, de faire un plan d'action détaillé puis un budget détaillé pour présenter à Hydro-Québec pour aller chercher des fonds.

M. Cherry: C'est votre version aujourd'hui.

M. Germain (Jacques): C'est quoi?

M. Cherry: C'est votre version aujourd'hui. C'était ça, votre objectif, quand vous avez pris le défi.

M. Germain (Jacques): Ce n'est pas une version. C'était mon objectif, puis c'est encore mon objectif.

M. Cherry: Merci. Je vois des gens qui rient, j'ai hâte qu'ils passent, eux autres aussi, parce que, des fois, il y a des écrits qui ne matchent pas avec les déclarations. C'est juste ça que je voulais vous demander de préciser. Merci beaucoup, vous m'avez rendu service.

M. Germain (Jacques): Est-ce qu'il y a quelque chose dans mes écrits...

M. Cherry: Non, non, ça va, ça va. Ce n'est pas vous, là.

M. Germain (Jacques): Parce que, s'il y en avait, il faudrait le dire. Ça me ferait plaisir de rectifier.

M. Cherry: Merci, M. Germain.

Le Président (M. Sirros): D'accord. Est-ce qu'on peut conclure avec M. Germain? M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Simplement une petite pour conclure. Vous avez parlé d'équipe de chercheurs, vous avez parlé de nombre de chercheurs. On a essayé d'identifier qui étaient ces gens par rapport à l'équipe originelle. Une question bien rapide. On nous a parlé tout à l'heure de l'intention d'Hydro-Québec de travailler au projet moteur-roue. Pensez-vous que ce projet-là est relançable sans la participation du Dr Couture?

M. Germain (Jacques): Premièrement, le projet n'a jamais arrêté. Donc, il n'a pas à être relancé, il est déjà lancé, il est en marche. Maintenant, pour toute cette question-là face à Pierre, je pense que c'est le nouveau conseil d'administration ou le nouveau dirigeant de cette nouvelle compagnie là, dont Hydro-Québec est à 49 %, donc c'est le Fonds de la FTQ, c'est ceux qu'on a nommés ce matin qui doivent prendre la décision. Si Pierre arrive à les voir puis, eux autres, ça les intéresse d'avoir Pierre pour diriger leurs recherches, moi, je souhaite qu'ils fassent un bon mariage.

M. Beaulne: Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Germain. Alors, on va continuer avec M. Louis Masson, que j'appellerais à venir prendre place, et je demanderais à la secrétaire de procéder à l'assermentation.


M. Louis Masson


Assermentation

M. Masson (Louis): Je, Louis Masson, jure que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président (M. Sirros): M. Masson, peut-être que vous pourriez commencer avec une description de vos responsabilités à l'époque, avant que M. Couture démissionne, et de vos responsabilités d'aujourd'hui; après ça, si vous avez des commentaires; et, ensuite, les questions des membres.

M. Masson (Louis): Je suis présentement un retraité d'Hydro-Québec depuis un peu plus d'un an. J'ai fait 32 ans de ma carrière à Hydro-Québec, dont à peu près les deux tiers en recherche et développement, et, pour les fins de la discussion aujourd'hui, les trois dernières années de ma carrière ont été comme responsable de l'IREQ.

Le Président (M. Sirros): Responsable de?

M. Masson (Louis): De l'IREQ, l'Institut de recherche d'Hydro-Québec.

Le Président (M. Sirros): L'IREQ, oui, d'accord.

(16 h 40)

M. Masson (Louis): J'aimerais peut-être brosser un historique très résumé, je pense, qui ramasserait certains éléments qui ont été mentionnés et qui permettrait peut-être... en simplifiant, puis quitte à y aller avec un plus petit pinceau plus tard pour préciser certains points, pour remettre les éléments en place.

Le projet M4 a été structuré de façon très formelle avec des moyens importants à compter de 1991. Ça a été une entreprise filiale de Nouveler qui a été créée et, comme institut de recherche, on était les fournisseurs d'une technologie.

À mon arrivée en 1994, donc début 1994, la situation était qu'il y avait une équipe de recherche avec un directeur technique qui était, à toutes fins pratiques, le chef, le penseur et le directeur de toutes les activités scientifiques, avec un administrateur de projet qui s'occupait, je dirais, des affaires administratives, et le client faisait une confiance totale dans le leader scientifique quant au contenu, quant à l'état d'avancement des produits. Donc, Technologies M4 inc. s'occupait de faire les montages financiers... les alliances d'abord, et faire éventuellement des montages financiers. Donc, le signal que j'ai eu comme fournisseur de technologies à l'IREQ était que le client était totalement satisfait de ce qui se passait. Comme on l'a mentionné tout à l'heure, le projet brûlait à peu près 1 000 000 $ par mois. C'était donc un projet très important, une activité très importante.

Je laisserais aux gens de Technologies M4 de justifier les actions qui ont été prises à la fin de 1994 de présenter le projet à Anaheim, mais, comme j'y étais associé, c'est moi qui ai fait la présentation à Anaheim... Cette question de savoir si c'était prématuré de faire la présentation a été discutée et l'orientation de mon client, Technologies M4, était qu'il fallait commencer à susciter un peu d'intérêt dans le milieu industriel pour voir la réaction. Et, effectivement, ce qu'on a présenté, c'est quasiment rien: une roue qui était vide – d'ailleurs, j'ai appris en arrivant à Anaheim qu'il n'y avait rien dans la roue – et des dépliants publicitaires sur un concept de véhicule. La réaction à cette présentation à Anaheim a été pour le moins modérée, c'est-à-dire qu'il n'y a eu aucune réaction. Il y a eu un groupe de Japonais qui sont venus et qui sont partis en souriant et un groupe d'Européens qui sont venus en disant: Vous ne réaliserez jamais ce concept. Mais quand même la graine était semée et c'était l'idée de cette activité-là et, effectivement, il n'y avait rien de divulgué à ce moment-là.

Là, on est à la fin de 1994. Le projet est rendu à au-delà de 25 000 000 $. Le groupe responsable des budgets de ce projet à Hydro-Québec, le groupe commercialisation, dont Nouveler relevait, retourne au conseil d'administration pour une autre levée de fonds de l'ordre, je pense, de 15 000 000 $ à 20 000 000 $, avec une autre échéance de deux ans et, dans deux ans, c'étaient des produits qui n'étaient pas encore des produits commerciaux, c'étaient des étapes, si vous voulez. Et je n'étais pas aux débats du conseil du mois de février, mais le signal qui m'en est revenu, c'est que les membres du conseil étaient très inquiets de s'embarquer dans un autre investissement qui nous amènerait au niveau de plus de 40 000 000 $ avec un projet dont on n'avait aucune indication du potentiel commercial ou même de la valeur commerciale. Encore une fois, toutes les décisions, toutes les orientations de Technologies M4 étaient basées sur les affirmations de M. Pierre Couture, et j'en relèverai une, notamment, qui m'a surpris, il y a quelques années après, quand j'ai relu les documents.

Par exemple, on disait dans le projet initial que ce moteur-là serait produit à un coût tout à fait insignifiant, un coût très bas – et c'est une des plus grandes difficultés qu'on a dans le moment – que le poids de la masse qu'on dit non suspendue, sans entrer dans les détails techniques, c'est-à-dire une roue qui ne suit pas... directement contre la roue et dont les vibrations ne sont pas amorties, si vous voulez, par la suspension du véhicule, que c'était un problème tout à fait contrôlable, tout à fait gérable. Bien, les experts en automobile qu'on a rencontrés à Detroit, à la fin de mon mandat, et j'ai travaillé pour aider les gens qui s'occupaient de la commercialisation... pour eux, c'est une difficulté majeure.

Donc, ce que je veux dire, c'est que Pierre Couture est un visionnaire, un créateur, une personne qui a des idées, mais il n'y avait pas eu, si vous voulez, de «check and balance», il n'y avait pas eu de vérification ou de questionnement. C'est un homme, comme il a été mentionné à la commission parlementaire, ou à l'Assemblée nationale, du 27 mai, c'est un homme très charismatique et qui a un grand pouvoir de conviction.

On revient donc au petit historique, février 1995 où le conseil d'administration, donc – pour être très simple – refuse de reporter les investissements, de reconduire la demande d'investissement d'un autre 20 000 000 $ et une échéance de deux ans. Et le message qui nous revient, c'est: Trouvez-nous quelque chose qui va pouvoir être mesuré dans un délai plus court et avec des produits livrables à une échéance plus courte et avec des montants qui limitent le risque. En d'autres mots, on commence à être inquiets du niveau de risques techniques et financiers de ce projet.

Alors, comme gestionnaire à l'IREQ et comme membre du conseil d'administration de Technologies M4, j'ai été impliqué de plusieurs façons. Il faut dire aussi qu'à ce moment-là il y a eu un changement de la garde important à Hydro-Québec – et on se souvient qu'on est fin 1994, début 1995 – la direction Commercialisation est disparue, donc il a fallu que les fournisseurs de technologies, si vous voulez, s'impliquent de façon très importante dans l'exécution du mandat.

M. Germain a été très modeste tantôt. La raison pour laquelle M. Germain a été sollicité, c'est qu'il avait réussi, dans le cadre du projet ACEP, à établir des alliances qui nous semblaient extrêmement stratégiques dans ce projet, c'est-à-dire que le signal qu'on avait eu des membres du conseil, c'est: Vous êtes seuls, vous êtes la mesure, vous êtes les proposeurs, vous êtes en contrôle total et vous êtes une bulle fermée complètement; vous avez besoin d'un partenariat à quelque part. Dès le début de 1995, c'était le signal du conseil. Et donc, Jacques Germain a réussi, dans le cadre du projet ACEP, à établir des alliances avec des partenaires industriels, des partenaires financiers et, aujourd'hui, on peut dire que le projet ACEP est très bien appuyé par nos partenaires. Il n'y a pas, si vous voulez, d'idée farfelue dans le projet. Je ne veux pas insinuer qu'il y a d'idée farfelue dans le projet moteur, mais, je veux dire, il y a un contrôle là qui assure ça.

Donc, février 1995, avec M. Germain qui venait de rentrer en fonction et dont la première tâche a été d'établir un découpage des lots de travail, c'est-à-dire qu'avant ça, le projet étant géré entièrement par M. Couture, dans sa sagesse, dans sa vision... pour la première fois, on l'a amené à décrire des lots délivrables avec des coûts et des dates, et ça a été la première chose que M. Germain a faite. J'ai donc proposé et on s'est assis, M. Germain, M. Prévost, de Nouveler, aussi et d'autres membres, on s'est assis ensemble et on a regardé dans ces lots de travail qu'est-ce qui pouvait satisfaire les demandes du conseil d'administration d'Hydro-Québec qui voulait limiter les risques. Et c'est à partir de ce programme, préparé avec Pierre Couture d'ailleurs, ce programme détaillé par lots de travail, qu'on a fait une sélection, on a vraiment fait un «picking» d'activités reliées au moteur-roue. Pourquoi le moteur-roue?

En retournant dans le dossier technique – parce que j'ai été, dans une vie antérieure, très impliqué aussi dans le véhicule électrique, il y a 30 ans, 25 ans – le concept de véhicule hybride, hybride série surtout, ou véhicule électrique, c'est un concept qui date de très longtemps. Alors, dans ce sens-là, un véhicule équipé d'un groupe moteur générateur, batterie, moteur électrique, transmission et roues, ça n'est pas une invention du Dr Couture. C'est très vieux. Là où on reconnaissait l'innovation, la créativité, l'apport du Dr Couture, c'était dans les technologies mises de l'avant pour réaliser ce concept-là. Ces technologies-là, c'étaient les matériaux – on a parlé beaucoup des aimants permanents tantôt – bien, c'est les dernières technologies de matériaux, de fabrication et, comment je dirais, de choix de terres rares – c'est des terres rares, ces matériaux-là – qui permettent d'obtenir un maximum de flux magnétique, donc un maximum d'efficacité; c'est l'électronique de puissance qui se développe à un rythme très rapide, et le Dr Couture était très au fait des derniers développements et même des développements qui n'étaient pas encore commercialisés mais qui s'en venaient; l'utilisation des microprocesseurs pour faire fonctionner cet électronique et un ensemble de logiciels ou de fonctions de logiciels pour faire tourner le moteur et pour faire certaines fonctions de conduite du véhicule.

Les autres éléments qui s'ajoutaient dans ce qu'on appelle ou ce qu'on a appelé le groupe de traction Couture, c'étaient, je dirais, puis là je ne voudrais pas minimiser, mais c'étaient des éléments plus secondaires. C'est-à-dire, c'était le système de suspension, bien sûr, avec une roue plus lourde. Ça prenait une suspension différente parce que le véhicule ne se comporterait pas de la même façon. Ça prenait un groupe moteur générateur, puis on pensait utiliser le moteur-roue comme générateur d'ailleurs, ce qui est tout à fait faisable. Alors, il fallait bricoler ou développer, avec une génératrice commerciale, je présume, on n'aurait pas développé un moteur à combustion interne. Il y avait des systèmes de câblage, de fibre optique. Il y avait le système de batterie, de gestion de l'énergie dans la batterie, d'échange de chaleur. Il y avait différents composants plus périphériques, si vous voulez.

(16 h 50)

Les éléments, je dirais, de haute technologie non reliés strictement au moteur-roue, c'étaient les logiciels de conduite du véhicule. Ça, c'est, par exemple, l'ABS, la servodirection, des logiciels qui ne s'appliquaient pas à un moteur mais à la conduite des quatre moteurs.

Alors, devant la demande du conseil, on a choisi, donc, de se centrer sur le moteur-roue parce que c'était le coeur de la technologie, et le constat que M. Germain avait fait en arrivant était que, effectivement, dans ce coeur de la technologie, on était très loin d'avoir un produit qui avait une valeur commerciale. Et les aléas étaient impensables à ce moment-là, d'une part parce qu'on n'avait pas de produit, et, comme le disait Dr Couture lui-même aussi, on n'était pas suffisamment protégé. Donc, à partir de ces constats et de l'attente du conseil, il y a une proposition qui a été montée – et vous avez ça dans le document je ne sais sous quel onglet, je ne vous le chercherai pas – vous avez une recommandation, au mois d'août, signée de ma main, qui explique ce choix qui a été fait de se concentrer sur le moteur-roue, quitte à remettre les développements d'autres aspects à une autre étape avec un partenaire industriel. Parce qu'il n'était pas évident qu'Hydro-Québec avait les lumières et les compétences pour développer des logiciels de conduite de véhicule, de freinage ABS, de servodirection et autres fonctions. Et le sens, l'essence même de cette recommandation au mois d'août était de compléter le plus rapidement possible, à l'interne, le développement du moteur-roue de façon à prendre la protection intellectuelle complète et là de créer des alliances. Et c'est le plan que M. Germain vous a présenté tout à l'heure.

Donc, là, on est en août 1995. J'ai eu l'occasion de rencontrer le Dr Couture à plusieurs reprises pour lui expliquer cette vision, ces orientations, que l'argent ne coulait plus du robinet comme il y en avait eu dans le passé et qu'il fallait rendre des comptes, et que c'était la formule qu'on avait trouvée pour rendre compte. Le Dr Couture était absolument inflexible, c'était un go-no-go», et il m'a remis sa démission. Bon. Là, culturellement, ça fait un peu curieux qu'un employé remette sa démission dans un projet. Théoriquement, un employé qui remet sa démission quitte l'entreprise. Mais, compte tenu des aspects déjà très médiatisés du dossier et même politisés, on a réaffecté le Dr Couture à d'autres fonctions pour lui permettre, disons, de passer cette période avec un peu plus de douceur.

Le Dr Couture a été mis à contribution, après, pour compléter certains brevets qu'il avait déjà entamés dans ses fonctions. Il a été sollicité – M. Germain vous en a parlé un peu tout à l'heure – il a été sollicité aussi pour participer comme porte-parole, parce que c'est une personne qui a une vision, qui est capable de communiquer une vision, et il a refusé toute association. Son seul engagement a été de compléter la rédaction de certains brevets qu'il avait déjà entreprise. Et même dans un cas où, pendant tout ce temps-là, la recherche s'est poursuivie, nonobstant tout ce qui s'est dit, il y a des chercheurs qui ont rajouté des choses à des brevets qui avaient déjà été déposés et le Dr Couture a refusé de cosigner avec un inventeur qui avait rajouté quelque chose dans le brevet, il a refusé de cosigner avec cet inventeur le nouveau brevet qui était enrichi des idées d'autres.

Alors, là, on se rend donc, 1995, Dr Couture quitte. Il y a une personne qui était très proche du Dr Couture qui a quitté aussi à peu près en même temps, un petit peu plus tard. Après ça, il y a eu des départs, mais des départs de gens qui ont accepté une offre dans d'autres compagnies. C'est une chose normale, un mouvement de 10 personnes dans une population de chercheurs, c'est une chose tout à fait normale, mais le gros de l'équipe est resté. M. Germain a structuré ça en équipes, par domaine d'activité: une équipe mécanique, une équipe thermique, une équipe électronique, une équipe logiciels, et chaque équipe, par chargé de projet, si vous voulez, a réalisé ses mandats. Alors, après ça, bien, c'est...

Le Président (M. Sirros): Je pense que vous nous avez fait un historique assez détaillé. Ça va permettre aux gens qui ont des questions de centrer leurs questions selon ce qui a été présenté. Alors, M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Oui, merci, M. le Président. Dans votre présentation, vous semblez dire que, suite à la participation à l'exposition technologique à Anaheim, en 1994, il y avait eu un intérêt mitigé de la part de l'industrie automobile.

M. Masson (Louis): En fait, aucun intérêt, je m'excuse.

M. Beaulne: Hein?

M. Masson (Louis): À peu près aucun intérêt.

M. Beaulne: Bon. Alors, s'il n'y avait aucun intérêt en 1994, comment se fait-il que, trois ans après, c'est-à-dire à l'automne dernier, le président Clinton, le président américain, annonce l'intention de son gouvernement d'inciter la recherche du côté des moteurs hybrides, dont le projet du Dr Couture fait partie? Qu'est-ce qui s'est passé en trois ans pour que quelque chose qui ne suscitait aucun intérêt, selon vos propres mots, tout à coup justifie et mérite que l'administration américaine s'y intéresse et y investisse des dizaines de millions de dollars?

M. Masson (Louis): Bien, deux choses. La première, c'est que je n'ai pas dit que la technologie hybride ne présentait aucun intérêt, parce que ce qu'on présentait n'était pas neuf. Le concept d'une génératrice qui entraîne un tel moteur, combustion interne qui entraîne une génératrice, qui maintient une batterie chargée, tout ça, c'est un concept qui date de très longtemps. Donc, ce n'était pas notre contribution. Ce qu'on présentait vraiment, ce qui était innovateur dans ce qu'on présentait, c'était un moteur intégré dans la roue, avec des logiciels de conduite, de commande de ce moteur-là. C'est ça qu'on présentait pour l'essentiel. Le reste, on n'avait pas grand-chose à présenter vraiment. On avait un concept, puis un concept qui était, si vous voulez, une reprise d'autres choses qui avaient déjà été faites.

La deuxième raison, c'est qu'à Anaheim on n'a rien présenté. Je me souviens d'une société française qui est venue nous voir puis qui nous a dit: Jamais vous n'obtiendrez la courbe couple-vitesse. Alors, effectivement, la courbe couple-vitesse, on ne l'avait pas et on ne pouvait pas la montrer. On sait que, dans le cas d'un moteur électrique, c'est une difficulté importante d'obtenir un couple important à tous les régimes de vitesse. Donc, on ne pouvait pas créer de l'intérêt avec aucune information. Ce qu'on avait, c'était une bande de caoutchouc montée sur un cylindre de fer.

M. Beaulne: Je comprends, sauf qu'on essaie, nous, ici, de faire la part des choses. Tout à l'heure, M. Germain nous a dit, quand on lui a posé la question: Pourquoi vous étiez allé à Anaheim? que, en quelque part, il fallait commencer par susciter un intérêt. Alors, la question que j'ai posée à quelques personnes qui vous ont précédé, que mes collègues ont également posée, c'est: Pourquoi avoir pris la décision et qui a pris la décision d'aller à une foire de technologie de ce genre-là présenter un produit qui, de l'avis même des chercheurs qui avaient travaillé dessus, était loin d'être présentable dans la forme où il était? Alors, le fait que vous disiez qu'il n'y avait aucun intérêt ou très peu d'intérêt suscité, ça ne nous surprend pas outre mesure. Vous aviez déjà été avisé que le projet lui-même en était à une étape qui n'était pas présentable pour attirer un intérêt de commercialisation. Alors, on essaie de comprendre comment ça se fait que, d'un côté, il y en a qui viennent nous dire ici que le projet était à peine développé et d'autres qui viennent nous dire que c'était le moment de susciter un intérêt avec ce projet-là et, par conséquent, de se pointer à cette foire technologique.

(17 heures)

C'est une question qui nous apparaît importante, parce que c'est à partir de ce moment-là où on dirait... enfin, la perception, je dis bien «la perception», parce que, nous, on n'est pas des experts et on fonctionne d'après les bribes d'information qu'on peut glaner ici et là. Comment se fait-il qu'à partir de cette foire technologique, au fond, en 1995, la décision est prise de concentrer sur un aspect particulier et que le projet, tel qu'il avait été conçu, puis dans son ensemble, le groupe traction lui-même, semble prendre un détour important à partir de ce moment-là? Est-ce que ce peu d'intérêt là manifesté a quelque chose à voir avec la décision et, entre autres, la décision d'Hydro d'annuler, en février 1995, une résolution qui avait été adoptée en 1994, et du fait même de refuser 10 000 000 $ d'Innovatech? D'ailleurs, j'aimerais que vous nous disiez pourquoi les 10 000 000 $ d'Innovatech ont été refusés.

M. Masson (Louis): Alors, je reviendrai sur cette présentation à Anaheim. Ce n'est pas un événement qui a eu de conséquences. Encore une fois, ça sera aux gens de Technologies M4 qui étaient en poste à ce moment-là de justifier pourquoi. Mais ce que je vous dis, l'explication qu'on m'en a donnée, c'est que, oui, la technologie n'est pas prête, mais, comme, selon les prétentions du directeur scientifique, on va avoir un produit qui a une valeur commerciale d'ici un an ou deux, il est temps de créer un certain remous, un certain intérêt autour de ce projet, de sorte qu'on puisse commencer à discuter d'alliances au cours de l'année 1995-1996. C'était vraiment... le programme, à ce moment-là, était que, fin 1995, on était avec des partenaires industriels. Donc, je n'ai pas à le justifier. Je vous dis: L'explication, c'est ça.

L'absence de réactions, ça n'a pas été communiqué à personne. Moi, c'est une perception que j'ai eue. Il n'y a pas eu de rapport formel qu'il n'y a pas eu de réactions. Et donc, je dirais même... mais, en même temps, il y a eu la présentation ici à la presse et au ministre des Ressources naturelles. L'image a été très positive localement. Donc, les événement de Californie n'ont pas eu de contrecoups.

L'élément déclencheur, c'est quand le dossier commercialisation est allé au conseil d'administration avec une demande de financement d'un autre 20 000 000 $ et d'un report d'échéance d'un autre deux ans, alors qu'on était rendu déjà à 27 000 000 $, je crois, et avec un projet qui avait déjà plus de trois ou quatre ans d'exécutés, et c'est quand les membres du conseil d'administration ont commencé à demander, pas nécessairement des comptes, mais des mesures, des jalons avant deux ans, avant d'arriver à 42 000 000 $, une analyse de risques, une mesure de rentabilité éventuelle, le retour sur l'investissement – des questions un peu abstraites pour un chercheur... et c'est à partir de là que l'exercice a été fait de découper dans la grande liste, si vous voulez, des lots de travail, de découper les éléments qui nous semblaient les plus stratégiques: la technologie dure, qui était le moteur et ses composantes, et d'avoir un programme qui nous permettait d'accélérer et de passer rapidement à des alliances. Si on avait maintenu l'ensemble du programme, il y avait une dispersion. Le projet, on le voyait, il y avait un élargissement – on était rendu même dans des conceptions de châssis. On élargissait beaucoup le mandat initial du projet M4 de 1991, si vous voulez. Dans l'onglet 1, vous avez le mandat initial au moment où le projet a été autorisé.

C'était donc, je dirais, un peu un rappel à l'ordre que le conseil d'administration faisait: Revenez donc au projet et proposez-nous quelque chose qui donnera des résultats mesurables à plus court terme, et assurez-vous d'introduire des partenaires le plus tôt possible. Et je pense que la ligne directrice du projet depuis ce temps-là, ça a toujours été la même: se concentrer sur le moteur-roue, prendre la protection essentielle et faire des alliances.

M. Beaulne: Et pourquoi est-ce qu'Hydro a refusé les 10 000 000 $ qu'Innovatech était prête à mettre dans ce projet-là?

M. Masson (Louis): Je n'étais pas à ces discussions-là, mais je présume que, devant le constat qu'on était encore très, très, très en amont dans la recherche, il a été préférable qu'Innovatech n'investisse pas à cette étape-là. C'était encore très prospectif comme recherche. Mais ce serait à d'autres d'expliquer la position.

M. Beaulne: Bon. Pourquoi est-ce que le conseil d'administration, en avril 1995, a recommandé de démé-nager dans l'édifice Le Breton...

M. Masson (Louis): Le Breton.

M. Beaulne: ...à Longueuil, alors que le projet lui-même, selon le conseil d'administration même d'Hydro-Québec, avait été approuvé pour – je ne me rappelle pas – huit mois? En tout cas, c'était quelques mois seulement.

M. Masson (Louis): Oui, mais... c'est-à-dire que les crédits étaient approuvés pour huit mois, mais on ne mettait pas une fin au projet après. Il n'était pas envisagé de terminer le projet. Ce qu'on voulait, c'est avoir... le conseil voulait avoir l'occasion de se repencher sur le dossier avec une nouvelle présentation et une nouvelle demande de crédits.

Tout le dossier de Le Breton, je pense, c'est un peu l'historique de la fin de l'année 1994 où, si vous voulez, le projet grossissait et son mandat s'élargissait. D'abord, il fallait des nouveaux locaux, il fallait des facilités plus industrielles. Et il y avait aussi une recommandation d'un petit comité d'experts, qui avait été créé fin 1993, je pense – au cours de 1993, oui – qui recommandait de sortir ça du campus IREQ pour amener ça dans un milieu, je dirais, plus industriel. Et c'était dans la foulée de ces recommandations, si vous voulez, que Technologies M4 s'en allait à Le Breton. Là, évidemment, avec les révisions de crédits et l'échéance à court terme qu'on mettait, bien, les recommandations de déménager ont été rapidement contredites par des recommandations de ne plus déménager, parce que là ce n'était plus pertinent. Donc, si vous voulez, le déménagement Le Breton, c'était une orientation qui avait été prise au cours des derniers mois de 1994 et cette recommandation-là s'était rendue jusqu'en début 1995, mais elle n'était plus...

M. Beaulne: Quelle aurait été l'implication de ce déménagement? Vous dites que c'est pour être plus près de partenaires industriels. Mais, au plan de la recherche, quelle aurait été l'implication?

M. Masson (Louis): C'est difficile à dire. En fait, déjà, à l'IREQ, le projet moteur était dans un bâtiment isolé, une certaine sécurité. Donc, dans les faits, l'administration de projet moteur était une entité déjà séparée.

Le point le plus important était qu'il fallait avoir des locaux beaucoup plus grands. Ça prenait des laboratoires, des installations beaucoup plus grandes que ce qu'il y avait dans les locaux de l'IREQ. Et comme on s'en allait vers une entreprise commerciale, il a pensé préférable que, si on était pour construire des nouvelles installations, c'était mieux de les construire dans un environnement en dehors de l'IREQ, qui n'est pas une entreprise commerciale.

M. Beaulne: Je pense que toutes les personnes qui sont passées devant la commission conviennent que la protection intellectuelle, la protection des brevets est un élément essentiel de la stratégie. D'ailleurs, je pense que vous en avez parlé vous-même. Pouvez-vous nous dire si, à votre connaissance, les brevets pertinents au moteur-roue ont été adéquatement protégés dans les marchés potentiellement concurrentiels?

M. Masson (Louis): Si vous mettez la réserve «à ma connaissance», oui, parce que je suis loin du dossier depuis déjà quelque temps.

M. Beaulne: Bien, c'est pour ça que je fais la nuance là.

M. Masson (Louis): Mais, à ma connaissance et au moment où j'étais là, où j'étais au dossier, oui.

M. Beaulne: Mais pensez-vous que c'est quand même un volet important du projet qui mérite d'être exploré davantage? Parce que, ce matin, M. Filion nous disait que... il nous parlait de façon assez déterminée sur les intentions de continuer dans la veine du moteur-roue. Je vais vous dire bien franchement, moi, ce que j'ai de la difficulté à évaluer, c'est toute la période de transition entre 1995 et aujourd'hui. Quand on constate les nouvelles tentatives technologiques qui se font sur les voitures – on voit des annonces de temps en temps paraître à la télévision – et quand on voit les intentions, enfin, l'intérêt au moins du gouvernement américain pour les moteurs hybrides, on peut peut-être dire que, pour des raisons budgétaires, il y a des gens qui ont jugé qu'il n'y avait pas d'avenir avec ce projet-là et qui ont pris la décision d'en limiter le développement. Mais qu'est-ce qui nous permet aujourd'hui de penser que l'affirmation de M. Filion de poursuivre le développement du moteur-roue va avoir des meilleures chances de succès et de réussite que ce qui a été fait dans votre temps, par exemple?

(17 h 10)

M. Masson (Louis): Moi, je pense que – si je peux me permettre – une des grandes difficultés et une difficulté structurelle de la recherche à Hydro-Québec, c'est le fait que, dans plusieurs cas, on fait des développements qui portent sur des produits qui ne seront pas fabriqués par Hydro-Québec, qui ne seront pas commercialisés par Hydro-Québec. Il y a donc une déconnexion, si vous voulez, avec ce que le marché peut prendre et ce que le marché est prêt à payer. Une grande partie de la recherche, évidemment, est faite avec une application immédiate à Hydro-Québec des développements de logiciels, des connaissances de comportements, et tout – ça, ça va très bien. Mais, quand une recherche porte sur un appareil qui, lui, devra être fabriqué par quelqu'un qui devra le commercialiser, Hydro-Québec, l'IREQ et le personnel de l'IREQ sont très loin des considérations qui vont faire que ce produit-là va trouver ou non un marché.

J'ai mentionné le dossier ACEP qui a été particulièrement bien géré dans ce sens-là. C'est-à-dire qu'assez tôt dans le projet, après la protection intellectuelle, assez tôt on a établi des alliances avec des partenaires industriels majeurs, à la fois dans le domaine des composantes, des films polymères, et dans le domaine des batteries même.

Dans le cas du projet moteur-roue, c'est l'absence de partenaires. Et les premiers contacts qu'on a eus... En fait, l'an dernier, j'ai travaillé un peu, avant mon départ à la retraite... j'ai donné un coup de main pour les travaux du comité d'experts, et j'ai eu l'occasion d'aller à Detroit rencontrer des gens des trois grands manufacturiers, et ça a été des révélations. Le prix de revient unitaire d'un système d'entraînement d'automobile, par exemple, pour un manufacturier, un véhicule de grande série, c'est de l'ordre de 2 000 $US à 3 000 $US. Ça, ça comprend tout, à partir du radiateur jusqu'au système d'engrenage et des roues, différentiel, réservoir d'essence, catalyseur, et tout. Ça, c'est le prix de revient. Ça veut donc dire que toute technologie qui veut rentrer dans ce marché-là doit compétitionner avec ce genre de prix là. On comprend que, dans une première étape, ça peut être plus élevé, mais, à terme, c'est ça qui est l'objectif. Donc – je pense que M. Perlstein l'a évoqué ce matin – c'est un marché extrêmement compétitif. Par exemple, on disait: M. Couture, son argument était que le moteur-roue permettait d'enlever les différentiels et les engrenages dans une automobile. Plutôt que d'avoir un moteur central, on avait les moteurs à la bonne place. Mais les Américains qu'on a considérés disent: «So what? Dump steel, at 30 cents a pound.» Alors, un différentiel, engrenage, ça leur coûte 50 $.

M. Beaulne: Il y a quelque chose qui m'étonne un peu. C'est que vous avez mentionné tout à l'heure qu'il y avait peu d'intérêt de la part des constructeurs d'automobiles américains, pour toutes sortes de raisons. Mais ce qui m'étonne, c'est qu'une partie ou du moins – enfin, ce que je perçois – qu'une partie de la décision de limiter le projet venait du fait qu'il y avait eu peu d'intérêt ou des recommandations pas tellement positives de la part de personnes qui, à ce moment-là, étaient loin d'avoir les connaissances de la technologie du moteur-roue. D'ailleurs, ce matin, M. Perlstein a été très clair là-dessus lorsqu'on lui a posé la question. Il a convenu qu'à ce moment-là, en 1995, l'industrie automobile américaine avait des connaissances très limitées en matière de moteur hybride, parce qu'ils avaient choisi de concentrer leurs efforts sur le développement d'un moteur et d'une voiture purement électriques et d'autres tentatives d'améliorer le moteur traditionnel à combustion interne. Alors, je trouve ça un peu étonnant qu'on demande à des gens qui, de l'aveu même de personnes qui ont été impliquées dans le projet, ont très peu d'expertise dans ce domaine-là, parce qu'ils n'ont pas jugé à-propos à ce moment-là d'investir dans ce domaine-là, de venir donner, peut-être tout à fait légitimement, leur opinion, mais que nos gens à nous se basent sur l'opinion de ces gens-là pour prendre leurs propres décisions en fonction d'un développement dont on convient tous que la rentabilité était à moyen terme. Je pense, par exemple, à toutes les inventions qu'on a connues dernièrement, que ce soit dans le domaine des télécommunications, dans le domaine des ordinateurs, ainsi de suite. C'est évident qu'au début ça coûtait très cher, et c'était simplement une minorité de personnes. Même la télévision en couleurs, quand ça a sorti.

Alors, pourquoi ici – et c'est la perception qu'on a. Je vous dis, c'est une perception, c'est la perception qu'on a – pourquoi alors exiger d'un projet comme celui-ci qui, au fond, révolutionne ou peut révolutionner passablement l'industrie automobile, pourquoi exiger qu'il y ait une rentabilité à très court terme de ce projet-ci?

M. Masson (Louis): Là, vous référez à la décision de février 1995? La décision de février 1995?

M. Beaulne: Oui, pas seulement la décision de 1995. Je vous pose aussi, vous...

M. Masson (Louis): Mais c'est le départ de tout. Bien, je n'étais pas à ce conseil d'administration, mais ce que j'en ai compris, c'est que les membres du conseil d'administration d'Hydro-Québec imputables, qui se sentent imputables, si vous voulez, des crédits qu'ils autorisent, ont été inquiets du niveau de risque qui était associé à ce projet-là, le 40 000 000 $ avec une autre échéance de deux ans, et ils ne voyaient pas l'horizon de rentabilité et de retour sur ce projet. C'est vraiment à partir de cette inquiétude-là qu'ils nous ont demandé d'avoir des étapes plus à court terme avec des produits mesurables dans l'année. Et c'est pour ça qu'ils ont accordé les crédits de six mois pour préparer ce projet.

M. Beaulne: Parce que le Dr Couture nous a indiqué que l'horizon qu'il s'était fixé – et ça, c'était en 1995 – c'était l'an 2000 pour la commercialisation sur une base rentable au moins de certaines composantes du moteur. Alors, en 1995, cinq ans là, ce n'était pas un horizon tellement, tellement long.

M. Masson (Louis): Écoutez, ça, c'est une autre chose que j'ai apprise dans mes consultations avec les manufacturiers à Detroit. C'est que cette industrie-là, tout en étant très compétitive, est une industrie extrêmement conservatrice. Et une nouvelle technologie, ce n'est pas 10 ans, c'est 15 ans avant de pénétrer. C'est très lent. Et là on rentrait. Là, d'intégrer... d'abord, de passer d'un véhicule-moteur à combustion interne à un véhicule qui avait une traction électrique, c'est déjà une grande innovation. Il y a déjà plusieurs prototypes qui sont proposés sur le marché aux États-Unis, puis ça ne prend pas, ça ne décolle pas, pour toutes sortes de raisons. Et de passer, après ça, à une génération d'hybrides et, après ça, de passer à une génération d'hybrides avec des moteurs-roues, 2012, comme on dit dans le rapport du comité d'experts, c'est le début du retour d'une pénétration, disons, significative. Donc, l'horizon 2000 n'était, je pense, pas très réaliste. C'est une industrie qui bouge beaucoup plus lentement. Les voitures de l'an 2000 sont déjà sur les tables à dessin.

M. Beaulne: Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député de Saint-Laurent, en indiquant qu'on a quand même un retard assez important qu'on a pris, alors en essayant de cerner davantage.

M. Cherry: Merci, M. le Président. M. Masson, vous êtes à la retraite depuis?

M. Masson (Louis): Depuis mai 1997.

M. Cherry: Depuis mai 1997. Est-ce que, comme votre prédécesseur, le fauteuil que vous occupez, vous avez fait appel ou on vous a offert et utilisé les services de gens du contentieux d'Hydro-Québec pour votre témoignage d'aujourd'hui?

M. Masson (Louis): Pour cette réunion d'aujourd'hui? J'ai eu une communication avec le contentieux pour convenir des documents pertinents qu'il fallait déposer. Alors, je n'ai pas eu de réunion. J'ai eu une conversation téléphonique. Et j'ai mentionné d'ailleurs que cette recommandation du mois de février ou, enfin, ces notes sur le mois de février et celles du mois d'août, la recommandation du mois d'août, étaient, à mon sens, les deux pièces les plus importantes pour expliquer le virage. Mais je n'ai pas rencontré... Il n'y a pas eu de ligne de partie d'établie.

M. Cherry: O.K. Dans l'ensemble de votre carrière, combien d'années avez-vous été impliqué dans la direction de l'IREQ? C'était votre responsabilité, là.

M. Masson (Louis): L'IREQ, j'ai été trois ans dans les... les trois dernières années... Mais, avant, j'ai été en charge des laboratoires pendant quatre ans, qui étaient une partie de l'IREQ, si vous voulez. Et, avant ça, j'ai été en charge d'une plus petite unité, qu'on appelle un service, en charge de développement de matériel de conversion d'énergie, et c'est d'ailleurs dans ce service-là que le projet moteur a démarré en 1982. J'ai accepté que M. Couture vienne travailler dans mon service sur un budget discrétionnaire, et c'est là que le projet a démarré.

M. Cherry: Donc, les trois dernières années, vous étiez responsable de l'IREQ.

M. Masson (Louis): De l'ensemble de l'IREQ, oui.

M. Cherry: De l'ensemble de l'IREQ. Et les quatre années précédentes, de l'aspect des laboratoires.

M. Masson (Louis): Non. Les trois, quatre années précédentes, j'ai été en charge de la planification du réseau à Hydro-Québec. Ce n'était pas de la recherche.

M. Cherry: Ah! O.K.

M. Masson (Louis): C'était avant ça que j'étais en laboratoire.

(17 h 20)

M. Cherry: O.K. Donc, je présume que lorsque Hydro-Québec est venu devant nous en commission parlementaire et que son actuel président, M. Caillé, à décrit, dans les termes qu'il l'a décrit, l'état de la situation concernant l'aspect recherche et développement, ça n'a pas dû vous plaire particulièrement.

M. Masson (Louis): Je pense que le but du président n'était pas de me plaire à ce moment-là, mais...

M. Cherry: Mais, vu que vous étiez la personne responsable, se faire dire: J'ai trouvé ça dans un fouillis puis ça ne marche pas, tu sais, ce n'est pas le genre de fin de carrière qu'un gars souhaite, il me semble.

M. Masson (Louis): Oui. Le nouveau président a le loisir de faire ses affirmations sur les prédécesseurs. Mais sans doute qu'il voulait référer à l'aspect commercialisation, et ça, je concède qu'on n'a jamais réglé de façon satisfaisante, dans les années que j'ai passées à Hydro-Québec, la phase commercialisation des produits technologiques. Dans la mesure où un produit technologique était directement utilisable par le client Hydro-Québec, les projets allaient assez bien. Là où on a toujours eu des difficultés, sauf quelques exceptions notables, mais là où on a toujours eu en général beaucoup de difficultés, c'est quand il faut faire intervenir un partenaire industriel pour commercialiser le produit; en général, la recherche est poursuivie beaucoup trop longtemps avant d'établir ces alliances-là. Et c'est sans doute à ça que M. Caillé faisait allusion, c'est que cette gestion-là n'a pas été bien faite, mais ça date des origines de l'IREQ. C'est structurel.

M. Cherry: C'est structurel.

M. Masson (Louis): C'est structurel. Hydro-Québec étant déconnectée des marchés utilisateurs, je veux dire, Hydro-Québec n'est pas manufacturier, ne connaît pas les marchés, ça rend les orientations, les choix difficiles.

M. Cherry: Et vous avez dit de façon plus spécifique: Quand il s'agit de recherche dont les résultats, l'application va chez Hydro, ça, c'est plus facile, mais, quand il s'agit de recherche et développement pour des produits qui doivent éventuellement être commercialisés autrement, c'est là qu'on ne retrouve pas de culture. C'est ce que vous dites, là.

M. Masson (Louis): C'est ça. Même si Hydro-Québec peut être client de ces produits-là éventuellement. Mais ça passe par un intermédiaire manufacturier. C'est l'arrimage avec ce partenaire qui a toujours été très difficile.

M. Cherry: Je présume que votre expérience dans le domaine de la recherche aurait, je pense, de la facilité à s'associer à une déclaration que, quand on est dans la recherche puis le développement, ce dont un environnement comme celui-là a davantage besoin, c'est du calme puis de la discrétion plutôt que de la controverse.

M. Masson (Louis): Absolument.

M. Cherry: Je pense que vous n'auriez pas de difficulté à vous rallier à des commentaires comme ceux-là. Et il semble que c'est, on peut dire, pour le sujet qui nous amène ensemble ici aujourd'hui, il semble que ça n'ait pas été l'approche qui a été privilégiée.

M. Masson (Louis): Par nous, ça l'a été.

M. Cherry: En d'autres mots, je peux comprendre que la culture d'Hydro-Québec, quand il s'agit d'autoriser de la recherche et du développement et dont l'application n'est pas directement à elle – par exemple, que ce soit le déglaçage, ou la sorte de pylône, ou les disjoncteurs, enfin ce qu'elle peut utiliser une fois la découverte réalisée – elle a de la difficulté. Pour elle, il n'y a pas une culture qui fait ça. Donc, il me semble que, quand on décide quand même d'y adhérer puis d'y investir des sommes, on doit, dans un domaine comme celui-là, un peu plus faire confiance, créer un environnement propice, nous assurer que, et on fait ça à partir de budgets sur une période plus longue, un peu comme se font... Bon, évidemment, les compagnies de produits pharmaceutiques souhaiteraient que tous leurs chercheurs réalisent leur réussite le lendemain matin, mais reconnaissent que ça prend du temps, souhaitant que ce soit le plus court possible.

Pour que le projet puisse être mené à terme, comme il semble qu'on le souhaite tous maintenant, c'est quoi, les conditions propices qui feraient qu'on pourrait avoir suffisamment de confiance pour envisager une relance ou une approche peut-être modifiée de celle qu'on connaît actuellement?

M. Masson (Louis): Bien, je pense que vous l'avez bien dit, la première chose dont le projet a besoin, c'est un petit peu de quiétude, un peu moins de visibilité médiatique, et politique même. C'est un projet qui a besoin d'avoir une unité de commandement, une vision à une place, et pas trois, quatre niveaux pour changer les orientations ou pour remettre en question les décisions de ceux qui sont imputables des fonds.

L'autre chose aussi, l'autre raison: indépendamment de ce besoin de quiétude et de calme dans une équipe, on est dans une entreprise, enfin, on est à une étape... Enfin, je suis dissocié du projet, mais je sais qu'ils sont à une étape commerciale dans le moment, et c'est extrêmement délicat de mettre sur la place publique – parce que là, c'est public ce qu'on dit ici aujourd'hui – que la technologie vaut 100 000 000 $ ou qu'elle vaut 1 $. Dans les faits, pour rentrer vraiment dans les explications, il aurait fallu décrire les prix qu'on voit pour les composantes. J'ai mentionné tantôt les objectifs, les coûts de revient des manufacturiers. On sait à peu près où se situe le moteur-roue par rapport à cette compétition-là. Ça vous étonnerait de savoir ces chiffres-là. Mais, quand on est dans une entreprise avec une intention commerciale, c'est la dernière chose qu'on met sur la table, son prix de revient, n'est-ce pas? Donc, je pense qu'en résumé le projet a besoin de calme, de quiétude et de discrétion.

M. Cherry: Je peux comprendre que vous avez été – et je reprends vos termes – frappé par le coût. À partir du radiateur jusqu'à toute la motorisation, vous avez dit 3 000 $US. Donc, quand on approche ces gens-là, il faut leur proposer quelque chose qui est une alternative au point de vue rendement et, au point de vue coût, qui est également compétitif. Je pense que c'est ça. Je tente de résumer ce que vous avez dit.

M. Masson (Louis): C'est ça.

M. Cherry: Mais, bien sûr, le 3 000 $US que, vous et moi, on se procure comme automobile, pour l'opérer, ça a des coûts aussi. Donc, c'est probablement très plausible que vous et moi soyons prêts à payer un peu plus cher à l'achat d'un véhicule qui, dans son utilisation, nous coûterait meilleur marché pour l'opérer. Donc, je pense que présenter le projet en disant: Ça coûte 3 000 $, puis, si on n'est pas capable d'arriver dans ces coûts-là, au mieux... «we are not in the same ballpark». Je suis loin d'être convaincu que ça se limite uniquement à ça, parce que...

M. Masson (Louis): Tout à fait d'accord. À cette étape-ci du développement, il ne faut certainement pas prendre ce genre de décision. C'est trop tôt. Je pense que la technologie présente encore énormément de potentiel et il faut pousser l'exercice un cran plus loin pour voir ce qu'il y a dedans, voir s'il y a moyen de réduire ses coûts, de régler des problèmes de poids, et tout. Et je pense qu'il ne faut pas jeter la serviette. Non. Mais ce que je dis, c'est qu'il faut être extrêmement prudent et près de cette cible-là. Et malheureusement dans le passé, on en a été trop loin.

Vous mentionnez que les gens sont prêts à payer un peu plus, mais GM essaie de commercialiser un véhicule tout électrique qui est très économique, qui ne consomme pas d'essence, qui consomme quelques sous d'électricité. Je crois que le prix de vente en Californie est de 32 000 $, et ça ne se vend pas.

M. Cherry: Ça dépend de l'utilisation qu'on en fait: la distance...

M. Masson (Louis): Autonomie limitée, très lourd, tati, tata...

M. Cherry: Oui. Non, non, c'est pour ça que...

M. Masson (Louis): Mais donc, le coût marginal de la valeur de l'essence sur cinq ans, 10 ans ne justifie pas le coût supplémentaire et la perte de performance de ce véhicule. On est dans un monde qui bouge. Les technologies évoluent. Les batteries évoluent. L'essence... sinon l'essence, en tout cas l'effet de serre est sans doute la préoccupation qui va venir dominer tout ça bientôt, la présence de gaz à effet de serre qui, en grande partie, proviennent des véhicules automobiles. Donc, il y a un ensemble d'éléments, si vous voulez, autres que strictement la commercialisation qui pourraient faciliter l'avènement de véhicules électriques ou hybrides, hybrides série. Moi, je pense personnellement que l'hybride parallèle va rentrer avant l'hybride série. Mais je pense que ça serait prématuré de prendre toute décision définitive à cette étape-ci.

M. Cherry: Donc, si je vous demandais si vous avez toujours foi en la valeur scientifique et technologique et si vous supportez toujours le programme du moteur puis la compétence des chercheurs qui l'ont développé, votre réponse aujourd'hui, c'est?

(17 h 30)

M. Masson (Louis): Mon support moral, parce que c'est le seul support que je peux accorder dans le moment, oui, il est là. Je pense que le génie du Dr Couture – parce qu'il faut reconnaître ça – ça a été d'aller chercher les éléments les plus avancés des dernières technologies en matériaux, en électronique de puissance, en microprocesseurs et de les intégrer dans un concept de moteur et de système de conduite de véhicule, et ça, je pense que... Quand on dit, Couture, il a fait quand même une équipe qui s'est formée autour de lui, qui a contribué beaucoup et qui a apporté énormément, et c'est d'ailleurs pour ça que le projet se poursuit. Donc, sur la base de ces éléments très positifs, je pense qu'il y a encore une valeur. Mais ce serait, selon moi, dommage de repartir, si vous voulez, dans une vision beaucoup plus large de système de traction. Là, je pense qu'on s'éloignerait, je dirais, d'un objectif de pertinence et d'adéquation au marché.

M. Cherry: Est-ce que vous diriez, si un projet de cette nature-là devait être mené à échéance dans la vision qu'a le Dr Couture, que ça ne devrait pas être le rôle d'Hydro de jouer là-dedans?

M. Masson (Louis): En fait, moi, quand j'ai autorisé le démarrage de ce projet, disons, un peu fantôme, en 1981-1982, dans mon service, c'était dans une vision de faciliter la pénétration d'une nouvelle technologie parce que la consommation était à la baisse. En 1981-1982, l'augmentation de l'électricité était nulle. Il y avait aussi des retombées industrielles possibles et, donc, sur la base... Pour un investissement mineur, disons que ça avait été autorisé.

Hydro-Québec, après, en 1991, quand elle a structuré le projet et qu'elle a accordé des fonds très importants, sa vision était de développer une technologie ayant une valeur commerciale. Clairement, l'idée était de mettre sur le marché éventuellement un produit. Mais je ne pense pas qu'Hydro-Québec aurait jamais eu les moyens ni les ressources matérielles compétentes, si vous voulez, pour pousser ce développement-là jusqu'à son étape commerciale. On est totalement absent du secteur automobile et des problématiques de l'automobile. Ce serait une erreur.

M. Cherry: O.K. Ça va.

Le Président (M. Sirros): Ça va, M. le député de Saint-Laurent? Est-ce qu'il y a d'autres questions pour M. Masson? Si non, on va vous remercier, M. Masson, pour votre présentation.

On va inviter M. Gérard Prévost à venir prendre place et demander à la secrétaire de procéder à l'assermentation, en indiquant aux membres que, normalement, on arrête à 18 heures. Mais j'imagine qu'il pourrait y avoir un consentement, si nécessaire, sans interrompre les travaux, pour aller au moins jusqu'à 18 h 15.

M. Cherry: Si nécessaire.

Le Président (M. Sirros): Si nécessaire, c'est ça.


M. Gérard Prévost


Assermentation

M. Prévost (Gérard): Je, Gérard Prévost, jure que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président (M. Sirros): Alors, M. Prévost, comme avec les autres, je ne sais pas si vous voulez peut-être commencer en nous indiquant où vous êtes actuellement et où vous étiez au moment... et procéder par la suite à une présentation, si ça vous tente, et les questions par la suite.

M. Prévost (Gérard): Alors, je suis entré à Hydro-Québec en 1963. J'ai travaillé sur les chantiers Manicouagan et Outardes. Je suis revenu au siège social. J'ai été directeur de l'administration du projet de la Baie James. Je suis revenu comme vice-président administration au groupe équipement, vice-président à l'exploitation, sous-ministre associé à l'Énergie, retour à Hydro-Québec comme vice-président aux affaires internationales, président de Nouveler et président de M4 de février 1995 jusqu'à mon départ, en novembre 1995, d'Hydro-Québec. Donc, je suis un retraité d'Hydro-Québec, maintenant président dans l'entreprise privée.

Le Président (M. Sirros): O.K. Alors, est-ce qu'on peut procéder tout de suite avec le député de Marguerite-D'Youville?

M. Beaulne: M. Prévost, comme vous avez pu le voir par nos questions, ce que nous cherchons à déterminer, à la commission, ici, c'est jusqu'à quel point le projet de moteur-roue est développable parce que, nous, avec l'information qu'on a, jusqu'à preuve du contraire, on est convaincus que ça représente un excellent potentiel technologique avec des retombées à la fois pour le milieu scientifique et pour des sous-traitants de toutes sortes dans le secteur manufacturier au Québec.

Tout à l'heure, M. Masson, nous a parlé du besoin de quiétude, de tranquillité, à l'abri des médias et à l'abri de la politique d'un projet comme celui-là. Je dois dire que, n'eût été des efforts de la commission de l'économie et du travail et suite d'ailleurs aux échanges avec le président d'Hydro-Québec sur l'état un peu piteux de la recherche et du développement à Hydro-Québec, je pense que toute cette question du moteur-roue serait restée non seulement, très, très, très silencieuse, mais, je pense, même oubliée à la fois du public et de l'ensemble des législateurs.

Maintenant, qui a pris la décision de concentrer le développement exclusivement sur le moteur-roue? On n'a pas été capable, jusqu'ici, d'identifier qui avait pris la décision ou recommandé la décision de limiter la recherche et la commercialisation au moteur-roue.

M. Prévost (Gérard): La décision, en autant que ma mémoire m'est fidèle, ça a été le conseil d'administration de la filiale M4, de la société M4 qui, à l'époque, suite à une recommandation, à une discussion avec le comité de gestion du groupe de travail de M4, de recommander de scinder le travail, en fait, de donner une priorité au moteur-roue, plutôt qu'au système de traction, pour multiples raisons, d'ailleurs, des raisons à la fois simples, qui relèvent du bon sens...

M. Beaulne: Bien, c'est-à-dire...

M. Prévost (Gérard): Si vous cherchez quelqu'un qui aurait une paternité, je vais la prendre, celle-là.

M. Beaulne: Bon. La question est posée parce qu'on cherche à voir l'intérêt soudain qui est manifesté ou, du moins, qui est avoué de la part d'Hydro-Québec de poursuivre ce projet, par rapport à ce qui nous semblait avoir été une décision, en 1995, d'abandonner le projet. Du moins, avec tout le remue-ménage qu'il y a eu au sein de l'équipe, ça ne paraissait pas tellement, tellement prometteur, à l'époque. Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui...

D'abord, à partir de 1995, entre 1995 et 1998 au moment où on se parle, sans dévoiler d'avantages potentiellement concurrentiels, est-ce qu'il y a de la recherche qui a été effectuée de façon sérieuse sur ce projet-là? Et qu'est-ce qui permet aujourd'hui à M. Filion de nous dire – ce matin – qu'Hydro-Québec, avec ses partenaires du nouveau M4, est disposée à continuer sur cette voie-là, même de manière enthousiaste? Ça nous fait plaisir d'entendre ça. Mais on se pose la question: Qu'est-ce qui s'est passé entre 1995 et maintenant? Y a-t-il des percées technologiques? On a parlé de certains problèmes techniques de refroidissement, de convertisseur, de toutes sortes de choses? Avez-vous fait des percées technologiques dans ce domaine-là, qui permettent aujourd'hui de dire que le projet mérite d'être poursuivi, alors que c'était moins évident il y a trois ans?

M. Prévost (Gérard): Quand on regarde l'ensemble des documents qui vous sont soumis aujourd'hui à la commission parlementaire, il y a une constante qui est claire. Hydro-Québec a toujours fait les efforts nécessaires et requis pour s'assurer d'optimiser la recherche et le développement de ce produit-là. Il y a peut-être différentes personnes qui se sont succédé, mais, à travers la trame de l'ensemble des recommandations qui ressortent des conseils d'administration d'Hydro-Québec, Hydro-Québec n'a jamais, mais jamais abandonné. Au contraire, elle a pris sous ses propres responsabilités d'avancer l'argent, jusqu'à 50 000 000 $ ou à peu près, jusqu'à maintenant, et d'assumer elle-même, seule la responsabilité, jusqu'à tout récemment, au Québec, pour le développement d'un moteur-roue.

Elle a toujours supporté le projet. Le projet n'a jamais été démembré. Et le projet a toujours connu un support à la fois de la colonne administrative comme ceux de l'IREQ, de M4 et de Nouveler. Alors, ceux qui ont laissé passer la perception qu'il y avait démembrement, délaissement, inquiétude, c'est faux. C'est faux. Hydro-Québec a toujours été la première à supporter ce projet-là, encore maintenant.

(17 h 40)

Lorsqu'elle recherche des associés tels que la Société générale de financement, le Fonds de solidarité, Sofinov, c'est un signe qu'elle a confiance en son projet. Lorsqu'elle garde 49 % de cette nouvelle entente-là, c'est signe qu'elle a un intérêt. Lorsqu'elle a réussi à convaincre ces sociétés-là de venir réinvestir, elle n'a pas dû leur dire que le projet était mauvais. Alors, Hydro-Québec a été un avocat constant, permanent et fiable dans ce développement-là.

M. Beaulne: Mais, si on vous pose la question... Vous recherchez des partenaires commerciaux. À l'heure où on se parle... Il semblerait qu'en 1995, et ça, je pense qu'on en convient, la recherche était loin d'avoir atteint sa maturité. Aujourd'hui, y a-t-il des éléments intéressants, au niveau de la commercialisation, qui vous permettent d'attirer des partenaires?

M. Prévost (Gérard): Je l'ai quitté, le projet, en 1995. Malheureusement, M. Beaulne, je ne peux pas vous répondre pour 1998. Et je me suis tenu assez loin. Quand on quitte Hydro-Québec, normalement, on s'occupe à faire d'autres choses. Alors, je n'ai pas entretenu des ponts et des relations privilégiées avec les gens, mes anciens amis qui étaient à Hydro-Québec. Donc, je ne me suis pas tenu au courant du projet.

Mais il y a une chose qui est claire, c'est qu'on ne pourra pas développer ce projet-là si on ne crée pas une stratégie, une synergie, une alliance stratégique industrielle d'abord, commerciale ensuite et financière, en troisième. Les financiers qui vont vouloir embarquer là-dedans, ils vont dire: Est-ce que vous avez fait la preuve, dans le monde de l'industrie de l'automobile, qu'il y a un besoin, que votre produit est sécuritaire, éprouvé et qu'il est économique? Tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas prouvé ça dans le domaine industriel, je ne vois pas comment on pourrait s'embarquer dans le côté commercial. Et, si on ne s'embarque pas dans l'un ou dans l'autre, comment est-ce qu'on pourrait intéresser des investisseurs à venir investir si on ne peut pas convaincre ceux qui sont dans le milieu et qui ont la culture du développement de ce produit-là?

Alors, à l'heure actuelle, connaissant l'état du développement de la technologie à M4 et à Hydro-Québec, si la Société générale de financement et la nouvelle entreprise, Hydro-Québec et le Fonds de solidarité et la Caisse de dépôt sont capables de convaincre un investisseur industriel dans le projet, dans le domaine de l'automobile, si on vise le marché de l'automobile... Parce qu'on a parlé ce matin que peut-être que ça ne devrait pas être l'automobile, peut-être que ça devrait être le ferroviaire, peut-être que ça devrait être l'agriculture, peut-être que ça serait le domaine récréotouristique. Mais, si on visait, par exemple, la grande entreprise de l'automobile, on ne peut pas avancer sans qu'on ait convaincu un gros de l'automobile ou les deux ou les trois à venir investir dans le produit. On ne pourra pas très longtemps, qu'on s'appelle la Société générale de financement ou Hydro-Québec, d'une façon continuelle et permanente, investir dans le projet – parce que c'est un projet à très haut risque; il faut évaluer que c'est un projet à très haut risque et qui va coûter énormément cher de recherche et développement – si on ne trouve pas des applications industrielles rapides.

Alors, les gestionnaires, à Hydro-Québec comme ailleurs, sont des gestionnaires responsables qui vont essayer d'être imputables de leurs fonds publics qu'ils administrent. Ils n'iront pas prendre des risques démesurés et incalculés, ils vont le faire sur la base de la capacité de créer une alliance stratégique. Et ils ne pourront pas justifier à leur conseil d'administration et, de là, à leurs actionnaires très longtemps qu'ils vont continuer d'investir un autre 50 000 000 $ si, au bout de la ligne, quelqu'un va poser des questions: Avez-vous un débouché à moyen terme ou à long terme? Si la réponse, c'est non, ils vont se demander quelle capacité génétique le Québec a de créer un produit aussi extraordinaire que ça et qu'on ne trouve pas preneur. On va arrêter de mettre de l'argent là-dedans.

Alors, il y a une question de réalisme là-dedans. Si la nouvelle corporation, la Société générale de financement avec Hydro-Québec et ses autres partenaires convainquent d'ici un certain temps des partenaires industriels et des partenaires commerciaux, ça va créer une dimension nouvelle, ça va créer des fonds pour faire le développement, qui ne sera pas assumé entièrement par Hydro-Québec, mais qui sera assumé par d'autres, et tant mieux. Le plus vite possible on pourra convaincre des partenaires industriels, tant mieux. Si on peut les convaincre dans le milieu de l'industrie de l'automobile, tant mieux. Si on peut le faire, faisons-le.

M. Beaulne: Mais justement, ça, c'est une question, également, qui a été soulevée à la commission, c'est le lien entre les applications...

M. Prévost (Gérard): Oui.

M. Beaulne: ...diversifiées que le projet de groupe traction comme tel pourrait avoir dans d'autres domaines que strictement le volet automobile. Alors, il semblerait qu'on a limité, à l'heure actuelle, strictement la recherche et les examens de commercialisation à l'industrie de l'automobile. Nous, ce qu'on aimerait savoir, ici, c'est pourquoi. Et y aurait-il lieu d'examiner d'autres retombées possibles que strictement dans le domaine de l'automobile?

M. Prévost (Gérard): Je pense que M. Perlstein, ce matin, a... En tout cas, je partage les idées que M. Perlstein vous a soumises ce matin, à l'effet que... Je ne suis pas ingénieur, je ne suis pas mathématicien, je ne suis pas physicien moi-même, je ne suis qu'un administrateur gradué de Laval en maîtrise. Je n'ai pas la capacité technologique ou technique pour faire des suppositions aussi compliquées que ça. Mais, ayant été président du conseil de M4 et connaissant le dossier relativement bien, il m'apparaît maintenant – il ne m'apparaissait pas à l'époque – que les niches qu'on devrait développer sont des niches là où le moteur est gros, comme l'agriculture, comme, je pense, les 50 tonnes, je pense, les gros tracteurs. Je pense au monde ferroviaire, par exemple les métros, où là il y a une niche, il y a un développement qui pourrait être fort intéressant.

Je veux vous rappeler que M. Couture n'est pas inventeur du moteur-roue. Ça a été inventé par Porsche dans les années vingt. Robert Boyd, que certains ici connaissent très, très bien, l'ancien président d'Hydro-Québec, a fait sa thèse en 1943 sur le moteur-roue. Ce n'est pas d'hier. Alors, on ne peut pas dire que M. Couture est inventeur. Il a eu l'idée de faire participer à la nouvelle technologie, au concept du moteur-roue qui existait à l'époque. Donc, cette notion de moteur-roue là, la thèse de M. Boyd avait été faite pour les trains.

Alors, je pense que pour l'application du métro, je pense que pour l'armée, je pense que pour le monde ferroviaire, je pense que pour l'agriculture, c'est une niche qui est moins compétitive. Comme M. Perlstein vous disait ce matin, la compétition est autour de 6 % à 7 % de profit dans le domaine de l'industrie de l'automobile, tandis que c'est plus lâche dans d'autres domaines. Ce serait plus facile. On ne va pas, dans l'agriculture, avec un tracteur à 50 mi/h. On peut être sur la ferme, on peut marcher à 15 mi/h, 20 mi/h. Le train, c'est sur rail, donc, c'est moins dangereux, c'est sous contrôle.

Alors, j'imagine qu'il y a des niches plus sécuritaires, des niches qui offrent un potentiel commercial intéressant. Ça permettrait de faire nos dents, en tout cas, dans des domaines qui diminueraient nos risques au départ. Parce que le domaine de l'industrie de l'automobile, c'est un minimum entre 15 ans et 20 ans avant qu'un prototype soit approuvé pour le rendre sur le plan commercial. Et ça, ça s'explique très simplement. C'est que le domaine de l'industrie de l'automobile est un domaine extrêmement conservateur à cause de la vie des gens qui sont exposés comme passagers dans les automobiles. Alors, ils sont obligés d'avoir des facteurs de sécurité extrêmement élevés. Avant d'arriver dans une nouvelle technologie, ils vont la tester pendant 15, 20 ans dans tous les domaines. Je ne suis pas sûr que, d'ici ce temps-là, on puisse être capable de consacrer, de soutenir des fonds aussi élevés que 100 000 000 $, 200 000 000 $, 300 000 000 $ ou 500 000 000 $.

Quand on parle d'un prototype comme moteur-roue avec traction comme ça, dans le domaine de l'industrie, si Ford, GM et Chrysler y croyaient, on ne parle pas 100 000 000 $, on parle de milliards de dollars à investir dans des prototypes comme ça pour amener à une commercialisation. Alors, combien d'argent pour soutenir ce projet-là, pour combien de temps? C'est la question de base.

M. Beaulne: Mais je suis content de vous entendre dire qu'il y a d'autres niches, parce que c'est justement ce qu'on tente d'examiner. Donc, d'après vous, enfin, si je vous comprends bien, il serait souhaitable qu'on examine également d'autres retombées possibles du moteur-roue et ne pas se limiter strictement à un type de propulsion pour une voiture?

M. Prévost (Gérard): Si j'avais à donner un avis, s'il m'était demandé au conseil d'administration de la nouvelle société, le seul avis que je leur donnerais, c'est de privilégier des niches là où les marges de profit sont plus élevées, la sécurité plus sûre. Parce qu'on, quand on va du tracteur de..., dans l'agriculture, bien, ça ne demande pas les mêmes facteurs de sécurité qu'une voiture qui s'en va sur la route à 140 mi/h, ça ne demande pas les mêmes facteurs de dépendance. Quand on parle de l'adaptation au monde ferroviaire, bien, c'est quand même des roues, moteurs-roues sur rail, etc., donc c'est plus facile. On pense au métro, par exemple.

(17 h 50)

Alors, il y a un marché considérable dans le monde. Je pense qu'il y aurait une niche. Tout le monde croit à la technologie, et il n'y a personne aujourd'hui qui est venu et qui a porté un témoignage négatif sur la technologie, sur le potentiel de la technologie. Tout le monde y croit, mais en mettant des balises, en mettant des réserves, en disant: Soyons prudents. On parle ici de technologie à haut risque. Convainquons d'abord des partenaires qui connaissent, qui ont la culture, qui ont la capacité, qui ont les argents, qui ont le marché. Il faut les convaincre. Si on ne les convainc pas, on va convaincre qui? On ne sera pas capable de convaincre le consommateur, en bout de ligne. C'est ça qu'il faut regarder.

M. Beaulne: Vous avez raison. Il n'y a personne qui a dénigré la technologie. Mais vous êtes le premier à élargir un peu les horizons et les champs d'application au-delà strictement du moteur automobile. Parce que c'est là-dessus qu'on s'est centré essentiellement jusqu'ici.

Ma dernière question, très simple: À votre connaissance – puis je dis «à votre connaissance», comme je l'avais fait tout à l'heure pour M. Masson, compte tenu des changements de poste que vous avez eus – est-ce que les brevets ont été adéquatement protégés?

M. Prévost (Gérard): À ce que j'en connais, oui. Les brevets vont être protégés au fur et à mesure que... Ça va avec la croyance de ce que l'on fait dans le développement du concept et ça accompagne l'évolution du concept. Je ne crois pas qu'Hydro-Québec ait eu, en tout cas après mon départ, une politique antidécret pour ce projet-là. Il y a eu une politique d'accompagnement du décret au fur et à mesure que la technologie évoluait. On pourra peut-être demander à des gens qui étaient là hier ou avant-hier ou encore il y a six mois à Hydro-Québec. Mais il n'y a rien qui aurait pu m'indiquer, connaissant le projet, connaissant les individus qui ont suivi, M. Painchaud, M. Martineau, M. Masson, qui est resté dans le projet... Il n'y avait, dans ces gens-là, aucune attitude négative vis-à-vis ce projet-là. Au contraire, ils l'ont accompagné avec la bonne volonté de vouloir contribuer et de vouloir investir et de vouloir voir ce projet-là se développer. Alors, je ne vois pas qu'il y ait eu de politique antidécret, non. J'imagine qu'il y a des décrets qui ont été développés au fur et à mesure que les exigences du projet le demandaient.

M. Beaulne: Merci.

Le Président (M. Sirros): Ça va. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Oui. M. Prévost, votre association avec Hydro-Québec, vous l'avez débitée rapidement, j'aimerais ça la réentendre. Je vous ai entendu: La Société de la Baie-James... J'aimerais ça connaître quelles sont les qualités qui ont été identifiées en vous pour que finalement vous terminiez votre carrière à Hydro-Québec, chez M4.

M. Prévost (Gérard): Comme je disais, je suis sorti de l'université et je suis allé sur les chantiers Manicouagan-Outardes, Outardes 4, Manic 5, Manic 2 pendant six ans, pour finir comme adjoint au gérant général du complexe Manicouagan-Outardes et je suis revenu comme directeur adjoint à la construction des travaux d'aménagement, à l'époque qu'on appelait, en 1970.

Ensuite, je suis allé comme conseiller à Robert Boyd pour organiser la Société d'énergie de la Baie James. C'est là que j'ai eu le privilège de connaître M. Ciaccia, qui était, à l'époque, responsable du dossier des autochtones au gouvernement provincial, après quoi, j'ai été directeur de l'administration du projet de la Baie-James.

Je suis revenu à Hydro-Québec comme vice-président au groupe équipement pour l'administration et le contrôle; après quoi, vice-président corporatif sur le plan exploitation; pour être, après, prêté au gouvernement du Québec comme sous-ministre associé à l'énergie, de 1988 à 1991; retour à Hydro-Québec comme vice-président aux affaires internationales, en étant responsable des dossiers des filiales d'Hydro-Québec International et de Nouveler; ensuite, avec la réorganisation de Nouveler, prendre la direction de Nouveler; et, finalement, dans Nouveler, assumer la responsabilité pendant huit mois du projet de M4 comme président du conseil de M4; pour quitter le 10 novembre 1995, après 32 ans, j'espère, de loyaux services.

M. Cherry: Dans les activités professionnelles que vous exercez aujourd'hui – j'ai cru comprendre que vous êtes consultant puis que vous continuez encore à oeuvrer dans le domaine que vous connaissez bien – est-ce que vous êtes toujours en relation avec Hydro-Québec sous une forme ou sous une autre?

M. Prévost (Gérard): Non.

M. Cherry: D'aucune façon?

M. Prévost (Gérard): D'aucune façon.

M. Cherry: Je vais vous poser la même question que j'ai posée à vos deux prédécesseurs. Comme vous êtes retraité, depuis qu'on vous a convoqué aujourd'hui, avez-vous sollicité ou vous a-t-on offert ou avez-vous utilisé les services du contentieux d'Hydro-Québec?

M. Prévost (Gérard): Je vais expliquer ici que, quand on... les services du contentieux, j'ai rencontré Me Pierre Deneault pour discuter des documents qui seraient d'utilité pour déposer ici en commission parlementaire, mais pas plus que ça.

M. Cherry: Est-ce que cette rencontre a eu lieu à votre demande ou à leur demande?

M. Prévost (Gérard): Je pense que c'est à l'intérêt mutuel. Moi, je l'ai demandé puis eux l'ont... Elle était souhaitée des deux parties.

M. Cherry: O.K. Maintenant, avec le recul que nous permet la situation, vous dites: Si j'avais à recommander des niches plus particulières... Est-ce qu'on devrait uniquement privilégier des niches comme ça ou est-ce qu'il y aurait des marchés dans différentes de ces niches-là? Est-ce que vous excluez complètement l'industrie de l'automobile? Est-ce que vous semblez privilégier les transports en commun? Vous avez parlé de métro, vous avez parlé de rail. Vous avez parlé des aspects de sécurité qui font que l'industrie de l'automobile est très conservatrice dans son évolution. Croyez-vous que toutes ces données-là de l'industrie, le Dr Couture et son équipe sont conscients de ça ou est-ce qu'eux ils s'en vont avec un projet sans tenir compte que ça doit prendre autant de temps que ça? Ou est-ce que vous les connaissez suffisamment pour savoir qu'étant conscients de ça ils savent que, quand ils mettront de l'avant un produit prêt à la commercialisation, pour en assurer le succès, il devra déjà être capable de répondre à ces critères-là?

M. Prévost (Gérard): Le professeur Couture ou le Dr Couture aura toujours besoin d'un directeur de projet pour assurer les gestionnaires de la bonne gestion du projet. M. Couture est d'abord un visionnaire, un type de technique, un type de technologie, ce n'est pas un administrateur. Et un des problèmes qu'on a rencontrés en 1994, qui ont été soulevés, comme vous dites, suggérés ici...

Vous dites: C'est quoi, le problème? On a peur d'en parler, sur le bout des lèvres, là. Le problème, c'est celui-ci. C'est que M. Couture... En 1995, lorsque j'ai pris possession de M4 – j'étais sur le conseil d'administration, en 1994, de M4, à l'époque, sans être le président – M. Couture offrait une gestion extrêmement hermétique du projet – ça, c'est un terme poli que j'emploie – très hermétique.

Et, lorsque j'ai accepté la présidence du conseil de M4 et que je savais que le projet s'en venait chez moi, j'ai posé les conditions suivantes: un, que la direction du projet n'irait plus à M. Couture; deux, que j'aurais la possibilité d'engager M. Jacques Germain pour amener transparence au système de gestion et être capable de développer une organisation de projet pour qu'on puisse être imputables collectivement, comme hommes publics, à gérer des fonds publics; troisième élément, c'était qu'on puisse nous donner six mois pour repositionner le projet.

À la fin de 1994, la preuve du concept du projet n'était pas faite, les temps, ça prenait trois fois plus de temps, les argents, ça prenait trois fois, quatre fois ou cinq fois plus d'argent, et il n'était plus possible pour un gestionnaire de fonds publics responsable d'assumer la responsabilité de ce projet-là, tel qu'il était parti. C'était de l'exubérance à tous points de vue, c'était de l'enthousiasme, c'était de l'émotion, mais ce n'était surtout pas de la gestion. Et, lorsqu'on a ramassé ça en février 1995 – les mots qu'on voit dans la recommandation, je suis à l'aise, c'est moi qui les ai écrits – on se donnait un mandat de six mois pour mettre une vision de ce projet-là ou pour savoir, un, où nous en étions de février jusqu'au mois d'août 1995, après quoi...

Et c'est là que ça nous a amenés à isoler le moteur-roue du système de traction, parce qu'on disait: L'essentiel de ce projet-là, c'est le moteur-roue. L'essentiel, l'objectif fondamental de la recommandation de 1991, ça a été le moteur-roue. Le système de traction, ça, c'est arrivé un peu... personne n'en parlait. Et on ne voit jamais, dans les recommandations d'Hydro-Québec, que le système de traction, ça arrive. Il y a de l'argent pour le système de traction, mais ce n'est jamais approuvé par les conseils d'administrations, ça, c'est toujours en cachette. Et, quand on a dit: On va se repositionner vis-à-vis le groupe pour le moteur-roue, c'était qu'on n'avait pas de preuve du concept de faite, à ce moment-là. On dépensait de l'argent, on était rendu à 28 000 000 $, on demandait un autre 10 000 000 $.

(18 heures)

Alors, on s'est obligés, nous autres, par discipline, on a dit: On va se donner un mandat, six mois, février, mars, avril, mai, juin. On a dit au conseil d'administration d'Hydro-Québec: On va revenir. Donnez-nous juste six mois, on va revenir puis on va vous donner l'état des faits, puis on va vous faire des recommandations précises sur comment récupérer le dossier, pas technologiques, sur le plan monétaire, sur le plan du temps, sur les livrables, et vous déterminer, vous donner une image claire où nous en sommes. Ce qui a été fait dans le rapport du 1er août, onglet 8, d'ailleurs qui est très important: le rapport de Jacques Germain.

Le rapport de Jacques Germain et la recommandation du mois d'août, du 1er août, qu'on retrouve, je pense, dans l'onglet 6, et l'autre rapport, dans l'onglet 8, là, on y retrouve clairement la réflexion qui a eu lieu entre février et le mois d'août. Et cette réflexion-là est très importante, c'est elle qui a donné l'orientation de base du dossier. C'était de dire: Orientons-nous d'abord, on dépense trop d'argent à gauche et à droite. Puis on va suivre ce que nos mères disaient: Une bouchée à la fois, s'il vous plaît, on va commencer à travailler sur l'essentiel. On va prendre un congé d'un an du système de traction, on va isoler le système de traction, on va se concentrer sur le moteur-roue, puisque c'est de là que les alliances stratégiques vont venir. On ne va vendre le système de traction à personne au monde. On va vendre des moteurs-roues, cependant. Alors, on est revenu, donc, à l'essentiel du projet.

Et je vais vous avouer, puisque, M. Cherry, vous avez posé la question plusieurs fois aujourd'hui, mais, moi, je vais y répondre: Je ne comprends pas aujourd'hui comment M. Pierre Couture peut avoir démissionné sur une chose comme ça. Incroyable! On lui laissait son projet tout entier, il avait son argent, il avait un an pour accélérer son projet, et il démissionne? Incroyable! Je n'ai jamais compris ça, je veux vous le dire aujourd'hui. Incroyable! Il garde son argent, garde son projet, garde ses chercheurs, garde sa sécurité d'emploi, garde son salaire, garde sa renommée, puis il démissionne? La réponse est là.

M. Cherry: Donc, quand vous dites... Quand il arrive devant tout cet environnement-là, son intelligence ne le suit plus et, là, il fait un choix que vous jugez, vous, irrationnel. Là, tout d'un coup, tu sais, il n'est plus là.

M. Prévost (Gérard): Son choix était peut-être rationnel, je ne le sais pas. Son choix était peut-être rationnel. Quand une administration change puis qu'un chercheur est obligé de commencer à rendre compte dans le temps, dans l'argent, ça commence à être plus fatiguant.

M. Cherry: Merci.

Le Président (M. Sirros): Qui a d'autres questions?

M. Prévost (Gérard): Merci.

Le Président (M. Sirros): S'il n'y a pas d'autres questions on va vous remercier.

Et on va suspendre nos travaux à 20 heures, ce soir. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 18 h 4)

(Reprise à 20 h 6)

Le Président (M. Sirros): Ayant pu constater le quorum, M. Dumas, on va vous demander de prendre place. Mme la secrétaire, si vous pouviez procéder à l'assermentation.

Je vous rappelle une fois de plus le mandat de la commission qui est de procéder à des auditions concernant le projet groupe traction moteur-roue. Nous débuterons avec M. Claude Dumas.


M. Claude Dumas


Assermentation

M. Dumas (Claude): Je, Claude Dumas, jure, déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité. Merci, madame.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Dumas. Je rappelle à l'intention des membres de la commission que nous avons une enveloppe maximale de quatre heures et que nous avons quatre intervenants à entendre. Alors, sans plus tarder, peut-être, M. Dumas, comme les autres, si vous pouviez juste vous identifier au niveau des fonctions que vous avez et que vous occupez toujours et peut-être procéder, s'il y a lieu, à une première déclaration d'ouverture. Puis on procédera à des questions.

M. Dumas (Claude): M. le Président, MM. les députés, mon nom est Claude Dumas. Je suis directeur, projets de partenariat à la direction principale Commercialisation de la technologie et participation à Hydro-Québec.

Après votre invitation, j'ai gratté mes souvenirs un peu et je me suis rappelé que j'ai été saisi du projet pour la première fois en 1989 alors que j'étais responsable du service de commercialisation de la technologie, et mon service a fait quelques interventions dans le dossier, donc avant le démarrage formel de juillet 1991, notamment des études préliminaires. Et je dirais que, dans les années qui ont suivi, j'ai participé à quelques rencontres, essentiellement sur les aspects commerciaux et protection de la propriété industrielle.

En avril 1995, je suis devenu adjoint du président du conseil, Yvon Martineau, et, à ce titre-là, dans les mois qui ont suivi, j'ai reçu de l'information et vu passer des documents relatifs au projet. J'ai quitté le service de M. Martineau en juin 1996 et pris une vacance du projet M4 jusqu'en janvier 1997, au moment où je suis devenu membre du comité de concertation, qui avait été créé autour du projet, et le bras droit de M. Jean-René Marcoux qui dirigeait ce comité-là, et, à ce titre-là, j'ai suivi le dossier un peu dans les mois qui ont suivi jusqu'à mai de cette année, donc tout récemment.

Le Président (M. Sirros): Vous pouvez donc peut-être débuter, M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Merci, M. le Président. M. Dumas, une des pièces maîtresses au dossier du moteur-roue, c'est le rapport d'un comité d'experts qui aurait fait des recommandations au conseil d'administration d'Hydro-Québec. À votre connaissance, qui a proposé, qui a déterminé, qui a choisi, en d'autres mots, les membres de ce comité d'experts?

M. Dumas (Claude): Qui a proposé? Je pense que... Moi, je l'ai appris de mon patron immédiat, Jean-René Marcoux, qui avait reçu cette orientation de Yves Filion. Quant à la composition – c'est la pratique normale quand on forme ce genre de comité – on a fait une consultation interne et aussi contacté un certain nombre de personnes à l'externe pour savoir qui il serait approprié de contacter. C'est donc sur une base de consultation restreinte que le choix des membres s'est fait.

M. Beaulne: Est-ce qu'à ce moment-là vous trouviez normal qu'il y ait des personnes associées à l'industrie automobile américaine?

(20 h 10)

M. Dumas (Claude): Tout à fait. Une des observations qui faisaient consensus à Hydro au tournant de l'année 1997, si on veut, c'est qu'il fallait maintenant se rapprocher de l'industrie. L'industrie automobile comporte une foule de consultants qui sont souvent des anciens cadres de l'industrie automobile, qui travaillent avec cette industrie-là, et les nombreux fabricants de composantes ou fabricants de modules qui travaillent avec les grands assembleurs automobiles dont on achète les véhicules, et il me semblait tout à fait normal et approprié d'intéresser et d'avoir l'avis de ces personnes-là sur le comité aviseur. Cet après-midi, c'est M. Masson, je crois, qui a souligné qu'il fallait travailler avec l'industrie, qu'il fallait la connaître, qu'il fallait s'en rapprocher, et il était essentiel pour nous d'avoir le son de cloche, la perception et l'examen critique de gens qui voient des technologies alternatives et des projets alternatifs.

M. Beaulne: Vous, évidemment, vous étiez plutôt proche de la haute direction, vous n'étiez pas dans le domaine technique en tant que tel. Qui vous abreuvait surtout en matière de conseils et d'avis concernant ce projet-là?

M. Dumas (Claude): Écoutez, mon souvenir du processus de sélection, je me souviens qu'il y a eu des consultations de faites à l'externe. La plupart ont été faites par M. Marcoux, mais également je me souviens que M. Masson en a faites. J'imagine que M. Coupal en a faites. M. Coupal a peut-être un souvenir plus vivace que moi de ces éléments-là, comme il témoigne très bientôt... Honnêtement, si je veux être fidèle à mon serment, je forcerais peut-être mon souvenir en étant plus précis que je le suis maintenant.

M. Beaulne: Tout à l'heure, M. Gérard Prévost nous a dit quelque chose d'assez intéressant. Il nous a dit qu'en rétrospective, aujourd'hui, puisque lui aussi a décroché du projet, il nous a dit en rétrospective qu'aujourd'hui il recommanderait que l'on regarde d'autres possibilités d'application de la technologie, non seulement limiter l'utilisation de cette technologie-là pour une voiture, mais également à d'autres utilisations comme... Il a mentionné l'agriculture, le transport en commun, enfin toutes sortes d'autres applications. Vous, est-ce que ceux qui vous conseillaient ou qui vous faisaient des recommandations sur ce projet-là... n'avez-vous jamais entendu parler d'autres applications possibles ou d'une possibilité de regarder dans un horizon un peu plus vaste que strictement l'application à une automobile?

M. Dumas (Claude): Oui, j'ai déjà entendu parler d'autres applications. Entre autres, le Dr Couture lui-même, par personne interposée, a essayé de nous intéresser à un projet de monorail. Si vous avez passé deux jours avec lui à huis clos, j'imagine qu'il a dû vous en saisir. À l'intérieur du projet aussi, il y avait des applications très voisines de l'application première qui y est recherchée qui ont été évoquées, les camions, les autobus.

M. Beaulne: Mais, au-delà du Dr Couture... Je sais que le Dr Couture d'ailleurs – tout le monde en a convenu depuis le début de la journée – c'est un visionnaire, c'est quelqu'un qui voyait ça dans son ensemble. Mais, d'un point de vue strictement pratico-pratique, application du projet... Parce que, en réalité, là, tout ce dont on a entendu parler, nous, depuis le début de la journée, c'est l'insistance sur l'application très, très, très pointue dans le domaine de l'automobile. Je comprends, le Dr Couture vous a parlé d'autres applications que lui voyait. Mais je parle des gens, de ces gens qui faisaient des recommandations spécifiques concernant la direction que devait prendre le projet, en d'autres mots de canaliser le projet exclusivement du côté de l'automobile. Est-ce que, de la part de ces gens qui faisaient des recommandations, il n'y a jamais eu une ouverture quelconque du côté des autres applications, au-delà de ce que vous disait le Dr Couture?

M. Dumas (Claude): Il y a, et encore maintenant, un intérêt dominant pour l'application automobile, M. le député. Ce n'est pas un hasard, là. C'est ça que le Dr Couture a vendu. Encore dans ses correspondances récentes à votre commission, il rappelle ses objectifs: réduire la pollution, introduire l'électricité dans le marché du transport privé, avoir des retombées industrielles d'un ordre de grandeur qu'on n'a jamais vu au Québec, réduire la dépendance du pétrole importé et, par conséquent, réduire la balance des paiements, procurer des revenus à Hydro-Québec, diversifier les activités de l'entreprise d'une façon majeure qui l'amènent à des revenus supérieurs à ceux qu'elle fait maintenant, améliorer l'environnement, augmenter l'efficacité du réseau de distribution et de transport. Ce n'est pas possible avec un monorail seulement, là. Vous vous adressez à une application majeure qui est celle de l'automobile qui consomme encore le gros de l'énergie dans le transport terrestre. Alors, le focus est là-dessus. Et le défi, la technologie, sa pertinence a été vendue à Hydro là-dessus pour cette application-là. Et, comme plusieurs vous l'ont dit aujourd'hui, elle apparaît encore atteignable, cette application-là, et elle pose des exigences techniques qui lui sont particulières. Il y a une grosseur de roue qui va avec une auto. Autour de ça, il y a un choix de designs, il y a un choix d'éléments.

M. Beaulne: Comme vous le savez, il y a un consortium qui a été formé où Hydro-Québec est minoritaire à 49 %. D'après vous, quelles sont les possibilités ou les probabilités que la recherche soit poursuivie concernant... Mettons, si on se limite à l'automobile, comme semblent l'avoir dit plusieurs personnes qui ont défilé devant nous aujourd'hui, mettons que ça se limite pour le moment à l'automobile, comment envisagez-vous que ce consortium va poursuivre le travail de recherche? Puisque vous avez été chez Hydro-Québec, comment Hydro-Québec, qui était à toutes fins pratiques le maître d'oeuvre scientifique, technique de ce projet-là, comment Hydro-Québec peut s'assurer que la recherche est bel et bien continuée et menée à terme? Parce que ce qu'on comprend, nous, ici, et ce que les intervenants ont également convenu, c'est qu'il y a encore des étapes à franchir, il y a encore des choses au plan technique à préciser. Quelles garanties avons-nous que cette démarche technique, que cette recherche va être poursuivie dans un consortium où Hydro-Québec n'a plus la majorité?

M. Dumas (Claude): La réflexion là-dessus jusqu'ici a été de se dire: Poursuivons un certain nombre d'approches latérales qu'on a volontairement restreint de façon à ne pas – pour prendre un verbe d'utilisation courante – s'épivarder dans n'importe quoi et essayons de faire des approches dans ces milieux-là. Si jamais il y a une collaboration réelle qui se développe, on a déjà fait le choix, avec les nouveaux partenaires, de constituer des équipes dédiées là-dessus. Il y a actuellement une équipe bien intégrée qui travaille sur le moteur-roue, à l'IREQ et à l'extérieur, où il y a des fournisseurs externes qui sont impliqués là-dedans. Si on développait – et je prends ça comme un exemple commode pour ce soir – si on décidait de travailler avec un partenaire pour les autobus, bien, on ferait une équipe moteur-roue autobus qui commencerait à regarder des nouvelles contraintes et à développer un nouveau design. Elle puiserait, bien sûr, déjà au savoir-faire, et au bassin technologique, et aux brevets de la première équipe automobile, mais elle aurait son fonctionnement propre. Et ce serait le cas pour chacune des applications. On ne peut pas prendre l'équipe qui cherche à régler les problèmes spécifiques à une roue de 15 pouces puis avec des objectifs de poids et de coûts bien déterminés et dire: Écoutez, c'est autre chose maintenant, c'est une roue de camion. Le problème de poids a beaucoup moins d'importance et ça dicte d'autres choix techniques complètement.

(20 h 20)

M. Beaulne: Une dernière question, M. le Président. Tous les intervenants aujourd'hui, puis d'ailleurs la commission, conviennent que la protection intellectuelle, les brevets, est centrale à tout le développement de ce projet-là, autant pour la voiture que les autres retombées qu'il pourrait y avoir. À votre connaissance, pensez-vous que les brevets entourant ce projet ont été adéquatement protégés?

M. Dumas (Claude): Je vous le dis sans ambages, M. le député, oui.

M. Beaulne: Sur quoi vous basez-vous pour nous affirmer ça si catégoriquement que ça?

M. Dumas (Claude): Nous avons une protection dans les principaux pays où un marché peut se dessiner. Et nous avons par ailleurs, comme gestionnaires publics, ou simplement comme gestionnaires de biens d'autrui – c'est la même obligation dans le Code civil – on a l'obligation de gérer avec prudence et pour le meilleur intérêt de la fin poursuivie. Si on se laisse aller à une protection de la propriété industrielle qui est totale, on va se retrouver avec des coûts extraordinaires qui vont peut-être nous empêcher de faire des travaux de nature plus technique ou des travaux de nature commerciale. Comme trop souvent dans la vie, c'est une question de compromis. Or, on a fait un compromis en termes de choix de pays, qu'Hydro-Québec fait aussi dans le projet ACEP et qu'on commence à faire de façon assez systématique pour des technologies de cette nature-là. Ce n'est pas la même chose que les technologies électriques. À ce moment-là, on regarde, par exemple, s'il y a des technologies de transport, bien, quels sont les pays qui ont des grands réseaux de transport à entretenir et c'est là-dedans qu'on prend les brevets.

Mais, dans le cas de l'automobile, on a regardé où était l'argent, où était le parc automobile à l'heure actuelle, en se rappelant aussi qu'un brevet, ça ne dure pas une éternité. Ils vont venir à expiration. Si jamais on s'apercevait, par exemple, que certaines protections prises par le Dr Couture ont été abandonnées en Chine... bien, il faut relire le Dr Couture avec attention et relire ce qu'il est venu vous dire à la commission sur sa propre stratégie de brevets. Une de ses craintes, c'était qu'une fois les brevets de base connus dans le public il y ait une course effrénée pour circonscrire les brevets. C'est une stratégie qui se fait en matière de propriété industrielle. Vous voyez un brevet pris par un concurrent qui est intéressant, vous prenez des brevets d'amélioration pour le clôturer, de telle sorte que votre partenaire où ses licenciés ne peuvent pas utiliser la technologie sans entrer en contravention de vos brevets d'amélioration. Ça, c'était sa crainte.

Dans les faits, les brevets de base, au moment où on se parle, ils sont tous dans le domaine public, ils sont connus et ils sont l'objet de l'effet premier d'un brevet qui est non pas de restreindre une technologie, comme on l'a laissé entendre un peu plus tôt dans notre journée, mais au contraire de la diffuser. Un brevet diffuse une technologie. C'est fait pour qu'un homme de l'art, puis en le lisant, puisse reproduire l'invention. C'est fait précisément pour en faciliter l'application. C'est une des justifications que les États se donnent pour donner des législations en matière de brevets, rendre la technologie accessible tout en permettant à son créateur d'avoir une certaine rémunération économique.

Alors, il n'y a pas eu de course aux brevets pour circonscrire les nôtres. Si on regarde le nombre de citations que les brevets du Dr Couture ont pu avoir depuis qu'ils sont dans le domaine public aussi, au contraire – puis je pense que M. Perlstein vous l'a dit ce matin – ça amènerait plutôt à s'interroger: Comment ça se fait qu'on est tout seuls dans la course? alors que le Dr Couture disait: Après Anaheim, on a juste 18 mois, puis, après ça, tout le monde va sauter dans ce qu'il appelait «notre champ de fraises». Ce n'est pas ce qui se produit. Il y a peut-être des enseignements dans cette situation-là, M. Beaulne.

M. Beaulne: Oui, je comprends, mais vous me permettrez un commentaire. J'ai souvent lu, dans l'évolution et dans l'histoire de plusieurs inventions, des tendances semblables. Dès que quelque chose de nouveau arrive, on a tendance à être un peu prudent au départ et on voit éventuellement que, parfois, ça débouche sur des questions et des retombées intéressantes.

Je terminerai. Je ne mets pas en doute du tout votre parole. Mais, si vous aviez été au poste que vous occupiez précédemment à Hydro-Québec, auriez-vous eu des objections à ce qu'Hydro-Québec dépose à la commission la liste des brevets qui ont été protégés? Parce que la commission a demandé ces informations; on s'est engagé à nous les donner, mais on ne les a jamais reçues. Alors, vous comprendrez que les échanges qu'on a aujourd'hui, autant avec vous qu'avec les autres intervenants, visent à nous éclairer sur des aspects pour lesquels on a demandé de l'information et qu'on n'a pas encore reçue. Alors, si on l'avait, cette information-là, peut-être qu'on n'en parlerait plus et puis qu'on disposerait de l'aspect. Mais on ne l'a pas eue. Alors, je vous pose la question: Vous, si vous occupiez le poste que précédemment vous aviez à Hydro-Québec, pour appuyer les affirmations que font les représentants d'Hydro-Québec, auriez-vous eu des objections à ce que ce soit déposé à la commission?

M. Dumas (Claude): Écoutez, on est plusieurs à avoir entendu ce que je réentends à nouveau ce soir comme étant un rappel pressant. On ne le négligera pas, là. Déjà, je peux vous dire que M. Germain, Jacques, vous a donné une bonne partie de l'information aujourd'hui en vous déposant la politique de protection adoptée en janvier 1996 et en vous demandant aussi de respecter la confidentialité sur les titres de brevets. Sur les pays, il n'y a pas de problème à vous dire où est-ce qu'on s'en va, puis on vous l'a dit, c'est le G 7 plus la Corée du Sud, c'est là qu'on brevette.

Maintenant, sur les brevets, les brevets, encore une fois, qui ont été rendus publics, où on a déjà eu un dépôt complet, avec remise du brevet, il n'y a pas de problème à vous les dire également, j'en suis convaincu, vous pouvez les trouver autrement. Vous pouvez mettre un de vos recherchistes sur Internet puis il va vous les trouver rapidement. Il reste les brevets en instance. Bien, ça, j'imagine qu'on va être bons pour vous répondre là-dessus demain ou après-demain.

M. Beaulne: Je vous remercie.

M. Dumas (Claude): Je comprends votre intérêt, là. On va essayer de...

M. Beaulne: Écoutez, c'est parce que, nous, on est ici, on représente la population, on représente les actionnaires d'Hydro-Québec. On aimerait bien que les retombées des recherches qui se font, surtout dans nos sociétés d'État, profitent à l'ensemble de la collectivité qui les a financées. Alors, c'est un peu le rôle qu'on s'est donné ici, à la commission, et ce n'est pas pour faire une chasse aux sorcières ou pointer du doigt qui que ce soit. Mais vous comprendrez qu'on a devant nous un projet qui nous apparaissait prometteur; tout à coup, il semble y avoir toute une confusion – confusion, et j'utilise bien le mot «confusion», c'est le mot qu'a utilisé le ministre Chevrette lui-même devant cette propre commission quand on en discutait. Alors, vous comprendrez qu'on cherche un peu à savoir ce qui se passe exactement là-dedans, notre crainte étant de bien s'assurer qu'on ne va pas échapper un projet prometteur.

M. Dumas (Claude): Vos motivations sont des plus légitimes, M. le député, mais, nous, on a un autre rapport avec la population: on ne la représente pas, on travaille pour elle. Et, dans ce rôle-là, on développe une certaine culture du secret. Parce que je viens de vous mentionner que les brevets sont une technique de diffusion de la technologie. Alors, les gens qui oeuvrent à ce niveau-là développent une certaine culture du secret, mais, si on peut le lever ou encore le lever avec restriction quant à la circulation de l'information, on va le faire.

M. Beaulne: Un dernier commentaire, M. le Président. Bien, nous aussi, on a une culture du respect de la confidentialité. On a reçu tout un tas de documents ici, à cette commission, depuis déjà un certain temps, puis, à ma connaissance, il n'y a absolument rien qui a filtré nulle part de ce que l'on a reçu. Alors, je pense qu'à un moment donné il faut qu'il y ait une confiance mutuelle qui s'établisse entre les membres de la commission et ceux qui veulent nous convaincre du bien-fondé de la décision qu'ils ont prise.

M. Dumas (Claude): Je ne veux pas jouer à avoir le dernier mot, M. le député, mais je ne peux pas résister à l'envie de vous dire que c'est un reproche à notre culture de confidentialité aussi que vous ayez eu certains des documents que vous avez eus.

Le Président (M. Sirros): On interprète que vous auriez aimé qu'on ne les ait pas.

M. Dumas (Claude): Bien, on s'arrange pour ne pas qu'ils circulent.

Le Président (M. Sirros): Et, dans ce sens-là, juste avant de passer la parole...

M. Dumas (Claude): C'est une boutade, M. le Président.

(20 h 30)

M. Sirros: ...vous, vous dites que vous travaillez pour la population dans une culture de secret. Nous, on aime ça faire ça un peu à la lumière, étant donné qu'on la représente puis on est redevables un peu plus souvent que vous. Alors, cela étant dit, j'aimerais passer la parole au député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. M. Dumas, dans l'ensemble de votre carrière chez Hydro, j'aimerais ça que vous me rappeliez rapidement les responsabilités que vous avez eues qui se rattachent de façon la plus directe au moteur-roue.

M. Dumas (Claude): J'ai été chef du service de commercialisation de la technologie et c'est à ce titre-là que j'ai entendu parler du projet pour la première fois. Le chef du service auquel était rattaché Pierre Couture en 1989 m'a écrit pour me proposer une rencontre là-dessus pour me faire part du dossier, et ça, c'était en octobre 1989. Alors, ça a commencé là. Et, à ce moment-là, j'ai affecté un des attachés commerciaux de mon service au dossier. Et en 1990, je crois, on a fait faire une étude par une firme externe pour valider le concept un peu – encore une fois, ce réflexe de se valider, chez des gens qui sont un peu extérieurs à l'entreprise, surtout lorsqu'on s'adresse à une technologie qui est en dehors, je dirais, des activités naturelles d'Hydro-Québec – et une autre étude aussi en mai 1991. Et, comme je vous l'ai dit, mon implication personnelle, après, a été surtout de participer à quelques réunions qui étaient des réunions de consultation sur les brevets.

M. Cherry: Au moment où le Dr Couture a abandonné sa responsabilité dans ce dossier-là, quel était votre rôle, vous, à Hydro-Québec?

M. Dumas (Claude): En 1995, j'étais adjoint du président du conseil, Yvon Martineau.

M. Cherry: Et, présentement, par rapport à CapiTech, à Nouveler, c'est...

M. Dumas (Claude): Je suis le dossier depuis janvier 1997. Pour mal faire, je vous dis, c'est jusqu'à il y a trois semaines. Mais enfin, faisons abstraction de ça. Donc, j'ai suivi le dossier, disons presque jusqu'à maintenant et, donc, j'ai été un peu au courant des discussions qu'on avait avec les partenaires à compter de l'été 1997 puis des démarches de mise en place des ententes, de négociations des accords détaillées, etc.

M. Cherry: Donc, jusqu'à il y a trois semaines, pour reprendre... Donc, les nouveaux liens qui se sont tissés entre la SGF, le Fonds de solidarité et les autres partenaires, vous avez été impliqué là-dedans. La représentativité au niveau de la détention des actions, 49-51, c'était quoi, le but de ça? Pourquoi, selon vous, Hydro-Québec a senti la nécessité de se placer avec des partenaires dans une situation minoritaire au niveau des actions?

M. Dumas (Claude): Écoutez, je pense qu'il faut voir là le... Et je dis «je pense» parce que je ne l'ai pas, la réponse, dans le fond. Je devrais peut-être m'arrêter là. Mais je pense qu'Hydro-Québec continue un peu une pensée qu'elle a depuis 1994 d'amener d'autres partenaires là-dedans sur le plan technique et sur le plan financier et de commencer à se diluer, à amener d'autres groupes à apporter l'effort avec elle. Nous sommes une entreprise d'électricité, et il n'a jamais été vraiment envisagé de façon claire, nette qu'on devienne une grande entreprise dans le secteur automobile.

M. Cherry: Non, bien sûr.

M. Dumas (Claude): Alors, je pense que la perspective est que là-dedans on passe le témoin à d'autres et qu'après ça on cherche surtout à maintenir notre présence et nos droits sur la technologie, de façon à avoir un rendement pour l'effort qu'on a déjà fait.

M. Cherry: Mais les nouveaux partenaires qui ont été recrutés, je peux comprendre, au niveau du partage du risque ou des investissements qui sont nécessaires à la poursuite. Par rapport à leur contribution à l'amélioration de la technologie comme telle, comment ces gens-là sont mieux placés pour recruter des partenaires que pourrait l'être Hydro-Québec?

M. Dumas (Claude): Ah, oui! Votre question est fort intéressante. Moi, j'ai été surpris de voir l'abondance des contacts d'affaires de la SGF dans le monde et de la Caisse de dépôt. Ces gens-là ont des contacts avec des assembleurs automobiles, avec des fabricants de pièces d'automobiles. Leur contribution à cet égard-là a déjà été, au moment où on se parle, très riche. Ces gens-là sont beaucoup plus en contact avec cette industrie-là qu'avec Hydro-Québec. Qu'eux ils nous sollicite à un moment donné – en termes d'investissement de capital de risque, on cherche maintenant à développer des liens avec eux – sur ce qui concerne notre industrie, celle de l'énergie, on va se sentir bien à l'aise pour répondre.

Sur l'industrie automobile, écoutez, ce n'est pas notre business. Eux, vous allez dire, leur business est d'abord de gérer du placement ou de gérer de l'épargne. Mais ils en ont tellement qu'ils ont développé maintenant un réseau de relations industrielles qui ne peut qu'être très profitable au projet. Ils en ont déjà fait la preuve.

M. Cherry: O.K. Évidemment, ça reste la preuve à faire. Mais ce que vous me dites, c'est que, rapidement, vous avez senti que ces gens-là avaient des connaissances dans les milieux, un peu partout, qui faciliteraient possiblement l'intérêt ou même une application, une utilisation.

Un peu plus tôt, vous avez également évoqué, bien sûr... vous avez dit: De la façon dont on a décidé de procéder maintenant, c'est qu'à chaque fois qu'on trouvera un créneau dans lequel il y aura de l'intérêt, on les fera travailler par unité, par rapport à identifier la problématique qui serait propre à l'intérêt. En d'autres mots, si c'est des autobus, l'application de ça, si c'est un autre type de transport... Et vous avez bien dit tantôt: Au lieu de demander aux mêmes groupes de solutionner l'ensemble des problèmes, on va les obliger à fonctionner en vertu du client potentiel puis de l'intérêt qu'il y a.

M. Dumas (Claude): Oui.

M. Cherry: Donc, il y aura une réponse plus directe à l'identification des problèmes et à la recherche de solutions. Donc, c'est la même application, mais par rapport à...

M. Dumas (Claude): Oui, parce que, sur le plan technologique, c'est des problématiques entièrement différentes. L'exemple des monorails, la première chose à faire avant de se dire: On va faire la traction de monorails avec un moteur-roue, c'est d'analyser c'est quoi, les besoins d'un monorail, le moteur électrique d'un monorail, il doit avoir quelles caractéristiques, comment ça se passe, puis de se demander, à ce moment-là: Est-ce que le moteur-roue a vraiment des atouts spécifiques là-dedans, comme il y en avait pour l'industrie automobile, en tout cas comme le concept en a pour l'industrie automobile, puis ensuite de se demander comment est-ce qu'on y arrive. Mais on va faire une cellule par application.

Déjà, le changement de dimensionnement de la roue ou l'augmentation ou la diminution des contraintes de poids ou de coût, ça change tout, vous êtes dans un autre univers. M. Masson parlait de notions exotiques, cet après-midi, les aimants profilés faits avec des terres rares venues de Chine. Si vous faites des moulins à papier mus par des moteurs-roues, c'est un autre problème, vous avez de la place, vous pouvez mettre du poids à mort. Mais est-ce que c'est une technologie appropriée pour ça? Il faudrait faire l'examen cas par cas.

M. Cherry: Et vous avez confiance que ces nouveaux liens-là, qui, à prime abord, pourraient être perçus comme uniquement de partager le risque financier, s'avèrent rapidement des possibilités de liens, puis de maillage, puis développer un intérêt, puis qui permettraient de fonctionner par créneaux, comme...

M. Dumas (Claude): Écoutez, on a décidé d'avancer dans certains sentiers circonscrits. Parce qu'on a fait une carte des applications possibles et on arrive à une trentaine. On ne peut pas se tirer là-dedans partout en même temps, avec une poignée de ressources qu'on doit garder à un niveau raisonnable.

Alors, on s'est dit: Quelles sont celles qui, à première vue, nous apparaissent les plus intéressantes? Encore une fois, c'est un compromis, là. Y a-t-il de l'argent dans cette application-là? Est-ce que c'est une application où on pense trouver des partenaires avec lesquels on pourrait travailler? Est-ce qu'on peut passer rapidement à quelque chose de concret dans cette application-là?

Alors, on en a retenu deux, à l'automne dernier, et on les regarde. Il y a un sentier où on a fait plusieurs pas. Ça n'a pas encore abouti, mais, si ça le faisait, en tout cas, on mettrait une cellule spéciale là-dessus, de la même façon qu'on s'attend à ce que le partenaire mette chez lui une cellule spéciale, traction électrique.

Le Président (M. Sirros): O.K.?

M. Cherry: Merci.

Le Président (M. Sirros): M. Dumas, une des questions que, moi, je me pose est la suivante: La décision a été prise en août 1995 de réaligner le projet et d'accentuer l'aspect moteur-roue indépendamment du reste. Ce n'est que deux ans plus tard qu'il y a un nouveau partenaire qui entre dans le décor pour essayer de commercialiser ou de faire quelque chose avec le moteur-roue. Comment il se fait que cette décision est prise tout en sachant que ça risque de soulever beaucoup de problèmes au niveau de l'équipe de recherche qui le menait jusque-là, sans qu'il y ait eu, au préalable, une préparation pour ce réalignement? Autrement dit, il me semble que, pendant deux ans, on a tourné en rond.

(20 h 40)

M. Dumas (Claude): Bien, d'autres intervenants pourront vous en parler. Plusieurs vous en ont déjà parlé aujourd'hui. Mais je pense qu'à l'été 1995 on ne soupçonnait pas qu'on aurait des problèmes avec l'équipe. C'est mon prédécesseur immédiat, je pense, Gérard Prévost, qui vous a dit: Moi, je suis tombé en bas de ma chaise quand j'ai vu la réaction. Puis ça a été une surprise pour tout le monde.

Je ne veux pas faire une analogie grossière, là, mais ce qu'on a dit à l'été 1995 au projet, c'est un peu comme quand, dans un projet de construction, vous voyez l'hiver arriver. Vous vous dites: Bon, on va fermer la maison, on va s'arranger pour mettre les fenêtres et le toit et, après ça, on fera la finition de l'escalier. Puis, si le client veut des petites moulures, bien, on les lui posera quand on aura du chauffage dans la cabane puis que le chauffage va rester à l'intérieur des parois. C'est un peu ça qu'on a dit: On va faire un bi sur l'aspect clé de la technologie.

Le Président (M. Sirros): Vous, personnellement, vous n'avez jamais été mis au courant et vous n'avez jamais eu quelque raison que ce soit pour soupçonner que cette orientation aurait pu créer des problèmes majeurs...

M. Dumas (Claude): Non.

Le Président (M. Sirros): ...avant la prise de décision?

M. Dumas (Claude): Non. Une démission de Pierre Couture là-dessus? Non, pas du tout.

Le Président (M. Sirros): Ça n'a jamais été évoqué, ni par le Dr Couture ni par d'autres...

M. Dumas (Claude): Je n'ai jamais entendu parler, quelqu'un évoquer le fait que Pierre Couture ait déjà dit: S'ils font ça, je pète. Puis ce n'est pas apparu le 3 août, hein. Moi, j'ai entendu parler de cette recommandation-là, je pense, fin juin.

Le Président (M. Sirros): Est-ce que son avis a été recherché?

M. Dumas (Claude): Il est parti en vacances, si je me souviens bien. Alors, je ne sais pas, le gars n'avait pas l'air au bord du geste qu'il a posé.

Le Président (M. Sirros): Mais, tantôt, M. Germain nous disait pourtant que c'était clair dans sa tête que le Dr Couture n'abondait pas dans le sens qu'ils recommandaient et que, pour lui, c'était «all or nothing». Donc, quelqu'un savait qu'il y avait un problème possible, qu'il y avait un mur quelque part qui allait peut-être être frappé. Non?

M. Dumas (Claude): Dans une discussion, vous dites: C'est tout ou rien, puis la décision se prend. Puis, à l'intérieur d'Hydro-Québec, la plupart du temps, même toujours, sauf de rarissimes exceptions...

Le Président (M. Sirros): Ha, ha, ha!

M. Dumas (Claude): ...on se range. On a une bonne discipline, dans l'entreprise. Alors, non, honnêtement. En tout cas, vous me posez la question, à moi: Est-ce que j'ai eu le moindre indice permettant de prévoir cette réaction-là? Jamais.

Le Président (M. Sirros): Donc, cette décision a été prise en disant... On n'était pas rendu au stade où on voulait avoir des partenaires pour commercialiser. L'idée, donc, des partenaires, c'est venu après, étant donné que... Pourquoi? Pourquoi c'est venu deux ans plus tard et non pas au moment où un genre de réexamen du projet a été entamé à partir du mois de février 1995?

M. Dumas (Claude): Vouloir des partenaires, là... Pierre Couture était le premier à dire: J'en veux, des partenaires. Toute l'idée, en 1994, de faire des essais routiers, d'accélérer la prise de brevets, de faire la divulgation à Anaheim, de prendre un bail sur un très grand local capable d'accueillir une fabrication importante, c'était pour avoir des partenaires.

Quand on parle d'Innovatech puis du 10 000 000 $ d'Innovatech, Innovatech avait reçu un plan d'affaires dans les mains, puis ce plan d'affaires là, il prévoyait une fabrication déjà significative de prototypes, en 1995. On parle de 2 000 à 4 000 unités, c'est beaucoup par jour, ça. Alors, ça, c'était pour que des utilisateurs, des «early adaptors» dans l'industrie, aient les protos chez eux, jouent avec, commencent à les installer dans leurs propres véhicules et, après ça, disent: Bien, voyez-vous, pour mon application, pour mon type de véhicule, pouvez-vous faire ci, faire ça? puis qu'on commence à satisfaire ses besoins. C'était ça, la stratégie. C'est ça, mais, à chaque fois qu'on a voulu aller vers ça, la technique n'avait pas tout à fait livré. C'est pour ça que Germain, à un moment donné, a dit: Lâchez-moi le pouce, là! on va la faire puis, après ça, on verra – effectivement, la preuve de concept, le convertisseur dedans la roue, autrement dit, la seule innovation vraiment significative dans le système. Parce que, sans ça, on tombe dans de la technologie qui est dans le domaine public.

On vous a parlé des brevets du Dr Ferdinand Porsche, bien, c'est vrai. O.K.? Sauf que Ferdinand Porsche, le convertisseur n'était pas là, il était en dehors de la roue. Nous autres, pour que le brevet Couture tienne le moindrement, il fallait qu'il soit dans la roue. Bien ça, ça a été fait au tournant de l'année 1997 puis testé en mars de cette année-là. Ça fait que, là, on s'est dit: Bon, là, on a quelque chose pour avoir le monde. Puis là on s'est dit: On va faire un audit avec des experts externes puis, sur la foi de leur rapport, puis tout ça, ils vont nous conseiller sur la stratégie. Puis là on a commencé à se mettre en place. À l'été, on a signé avec des partenaires financiers.

Je me rappelle, il y a une autre affaire que je voulais vous dire aussi sur les partenaires financiers, M. Cherry, c'est qu'il faut savoir qu'amener un nouveau moteur-roue dans le marché c'est de l'argent. On ne réalise pas ce que c'est parce qu'on n'est pas dans cette industrie-là. Si on l'avait su, peut-être qu'à Hydro-Québec en 1991, on ne serait pas embarqué là-dedans. On ne se parle pas de millions, on ne se parle pas tout à fait de centaines de millions, on se parle de milliards.

Il faut savoir qu'au moment actuel développer ce qu'on appelle une nouvelle plate-forme automobile, par exemple ce qui va remplacer la Crysler Cirrus, la prochaine plate-forme de véhicules intermédiaires, ça coûte ça, 1 000 000 000 $. Puis, là-dedans, ils ont un moteur à explosion, ils ont des injections, ils ont des silencieux ordinaires. C'est du conventionnel puis ça coûte ces ordres-là. Imaginez-vous l'argent que ça prend pour amener une technologie qui révolutionne tout. Tous les Midas de la terre: «Kaputt!» fini! on n'en a plus besoin, avec le moteur-roue. Pensez au nombre de trucs. Si on arrive avec un frein régénérateur, plus besoin de... C'est un changement industriel majeur. C'est ça qui faisait peut-être la beauté de la proposition. Mais, quand on commence à la regarder vraiment comme il faut, des fois, certaines secondes, on peut être pris d'un léger vertige. En tout cas, sur le plan financier, il faut envisager des sommes réellement vertigineuses. Ce n'est pas la job d'Hydro de faire ça. Ce n'est pas avec les tarifs qu'on va arriver à financer ça.

Le Président (M. Sirros): O.K., d'accord. La question que j'étais pour vous poser, c'est: Quand finalement vous vous êtes tournés pour trouver des partenaires, le réflexe, ça a été d'aller chercher, encore une fois, à l'exception du Fonds de solidarité, des partenaires publics. Est-ce que vous estimez qu'il y a là une culture très différente au niveau de ce que vous venez de dire? Est-ce que c'est le travail de la SGF de développer ça, ou de la Caisse de dépôt? Là, on embarque... je suis conscient que c'est un autre genre de questionnement, mais ça m'est passé par l'esprit en vous écoutant.

M. Dumas (Claude): Écoutez, on a conclu une entente avec eux. En parallèle, cependant, on a cherché à avoir d'autres catégories de partenaires. On a d'abord repéré un certain nombre de partenaires de développement, des gens qui sont prêts à faire du développement technologique avec nous, qui se disent: Bon, le pari peut être intéressant. Puis on a également commencé certains contacts avec les assembleurs automobiles.

Le Président (M. Sirros): Vous avez entamé des contacts avec des assembleurs automobiles?

M. Dumas (Claude): Prudemment, doucement. Mais on commence à réveiller le chat.

Le Président (M. Sirros): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Alors, merci beaucoup, M. Dumas.

M. Dumas (Claude): Je vous en prie.

Le Président (M. Sirros): Je vais donc demander à M. François Painchaud de venir prendre place et à la secrétaire de procéder à l'assermentation. Puis je pense que, là, on connaît le rituel.


M. François Painchaud


Assermentation

M. Painchaud (François): Je, François Painchaud, déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Painchaud. Comme pour les autres, si vous voulez prendre quelques minutes pour vous situer dans ce dossier, on pourra, par la suite, échanger.

(20 h 50)

M. Painchaud (François): Merci, M. Sirros. Contrairement à plusieurs personnes qui m'ont précédé ici, je n'ai été que brièvement à Hydro-Québec. Je suis physicien de formation et je détiens une maîtrise en administration. J'ai fait à peu près toute ma carrière dans l'industrie privée, en haute technologie, au Canada et aux États-Unis, dans l'industrie manufacturière de produits à contenu technologique élevé, où j'ai été tour à tour gestionnaire de R & D et actif dans le secteur du développement commercial.

J'ai joint Hydro-Québec au début de septembre 1995 et j'y ai oeuvré jusqu'en novembre 1996. Mon implication dans le projet M4 s'est située de deux points de vue. Dès les premiers jours où j'ai joint Hydro-Québec, on m'a demandé, compte tenu de mon expérience antérieure, de faire une tournée d'inspection, si je peux m'exprimer ainsi, du projet M4, de dégager un diagnostic de la situation et de faire des recommandations appropriées à la direction d'Hydro-Québec et au conseil d'administration par le biais de son Comité de la recherche et du développement. Et, également, à compter d'octobre 1995, j'ai pris la suite de M. Gérard Prévost comme président de Technologies M4 inc. par intérim jusqu'à l'arrivée de Mme Archambault, que vous avez rencontrée plus tôt, qui, elle, a pris ses fonctions sur une base permanente à compter de mars 1996. Alors, ça fait le tour.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Oui, merci. M. Painchaud, il y a une tendance que l'on observe depuis qu'on a commencé nos échanges ce matin et qui commence à m'intriguer un peu. Comment se fait-il que les dirigeants de M4 se soient succédé à un rythme si rapide, au cours de la période qui nous intéresse? Mme Archambault est demeurée là à peine un an et quelques mois. M. Prévost s'est bien empressé de nous dire, lui aussi, qu'il n'était pas resté là longtemps. Vous, vous êtes le troisième et vous dites que vous n'avez pas été là longtemps.

Quand on parle de suite dans un programme de recherche, quand on parle de planification, quand on parle de cohérence d'un programme de recherche, il me semble que, quelque part, ça doit être garanti et assuré par une certaine continuité au niveau de la haute direction de la boîte qui en a la responsabilité. Alors, comment expliquez-vous que trois administrateurs se soient succédé sur une période de trois ans et demi à la tête de M4 pendant la durée du projet qu'on examine, mettons de 1995 à nos jours? Comment ça se fait que vous restez là si peu longtemps?

M. Painchaud (François): Quand M. Prévost a quitté Technologies M4, en octobre 1995, c'était parce qu'il quittait Hydro-Québec. Moi, j'ai occupé les fonctions par intérim. Alors, par définition, un intérim, c'est bref. Et mon principal mandat comme président intérimaire, c'était de recruter quelqu'un sur une base permanente pour prendre les fonctions; ça a été Mme Archambault. Quant aux raisons pour lesquelles Mme Archambault a quitté au bout d'une quinzaine de mois, je pense qu'elle vous les a déjà expliquées au préalable.

M. Beaulne: Oui, effectivement, elle nous les a expliquées. Elle s'est aperçue qu'au fond la recherche devait être poursuivie et qu'il n'y avait pas grand-chose à commercialiser, à l'étape où elle se trouvait, et qu'elle était là principalement, en tout cas pensait-elle, pour commercialiser les retombées de ce projet-là.

Ceci étant dit, à l'époque où vous étiez à la tête de M4 par intérim, le projet de moteur-roue s'est vu attribuer un budget de 12 000 000 $, le budget alloué strictement pour travailler sur l'application du moteur-roue à la voiture électrique. La question qui me vient à l'esprit est la suivante: J'essaie de comprendre comment, à ce moment-là, on a donné à M4 12 000 000 $ pour poursuivre les recherches en vue de la commercialisation dans un domaine très ciblé, qui était l'application à la voiture du moteur traction, alors qu'en juin 1995 le Dr Couture, lui, demandait 11 000 000 $ pour la recherche sur l'ensemble du groupe traction, en d'autres mots, pour un volet beaucoup plus vaste de la recherche?

M. Painchaud (François): Le plan de travail de juin 1995 qui portait sur le groupe traction s'adressait exclusivement à des applications à l'automobile. Donc, le fait qu'en 1996 on s'intéressait aux applications à l'automobile n'était pas du tout un changement par rapport au plan de travail du groupe traction. Le groupe traction, tel que préconisé par le Dr Couture, n'a jamais visé autre chose que l'application à l'automobile.

M. Beaulne: Et comment a été dépensé cet argent-là?

M. Painchaud (François): Le montant qui a été dépensé, en bout de ligne, a été inférieur à 12 000 000 $. Vous vous souvenez sans doute qu'à cette époque-là il y a des resserrements budgétaires qui ont été exigés d'Hydro-Québec, et les budgets de recherche ont subi des resserrements, comme les autres budgets d'opération. Et, sans parler de coupures, il y a eu certaines demandes aux gens du projet de M4 de travailler avec plus d'efficacité et de dégager 2 000 000 $ additionnels, ce qui fait qu'on leur a demandé de se tenir en dedans d'une enveloppe de 10 000 000 $. Mme Archambault, je pense, vous a mentionné préalablement que, finalement, le niveau total des dépenses s'était limité à 9 000 000 $, dont 7 250 000 $ ou 7 500 000 $ avaient été consacrés à la R & D.

M. Beaulne: 7 500 000 $ à la recherche et développement.

M. Painchaud (François): Oui.

M. Beaulne: Et, quand vous avez quitté la direction de M4, où en était le projet?

M. Painchaud (François): En mars 1996, fin mars, le projet était confronté, à ce moment-là, à plusieurs difficultés. Je pense que ça vous a déjà été expliqué en long et en large que le convertisseur intégré n'était toujours pas intégré. Alors, on était encore en attente des premiers prototypes qui permettraient de vérifier son intégrabilité à la roue. Et surtout, c'était, à ce moment-là, seulement deux mois après qu'on ait découvert des problèmes thermiques fondamentaux avec le concept mécanique du moteur-roue qui faisaient que, même sans avoir le convertisseur en main, on savait déjà à cette époque-là que, quand on l'aurait, le moteur surchaufferait. Alors, on était donc en train de refaire la conception mécanique du moteur-roue et la conception d'un système de refroidissement pour lui permettre d'être prêt à recevoir le convertisseur intégré quand il deviendrait disponible. Ce travail-là était en cours au moment où s'est faite la passation des responsabilités de moi à Mme Archambault.

M. Beaulne: Le Dr Couture, quand il s'est présenté devant cette commission, nous a affirmé que son horizon de commercialisation du projet était l'an 2000, c'est-à-dire que, lui, il se basait à partir de 1995 et il prévoyait que, d'ici l'an 2000, donc sur un horizon de cinq ans, il aurait été en mesure de présenter quelque chose qui serait commercialisable.

Tout à l'heure, d'autres intervenants sont venus nous dire qu'en réalité – et ça, c'est en s'appuyant sur des... oui, appelons ça des experts de l'industrie automobile américaine – l'horizon, il fallait plutôt regarder vers 2011, 2012 avant que quoi que ce soit de rentable puisse sortir de cette recherche.

J'ai de la misère à concilier les deux calendriers. D'une part, si, comme on nous l'a dit aujourd'hui, l'horizon qu'il faut regarder est plutôt de 2011, 2012, comment, à ce moment-là, le nouveau partenariat qui s'est formé entre Hydro-Québec et les autres partenaires que vous connaissez.... Comment ce nouveau consortium pourrait-il justifier, à partir des mêmes raisonnements que l'on nous a faits, de mener ce projet à terme, si on se fie aux horizons qui nous été présentés cet après-midi, qui sont beaucoup plus longs que l'an 2000, et, donc, des implications de fonds probablement pas mal plus considérables aussi?

M. Painchaud (François): Il y a deux volets à votre question, je vais essayer d'y répondre dans le même ordre. D'abord, vous me demandez comment je réconcilie les deux opinions que vous avez entendues...

M. Beaulne: Oui.

(21 heures)

M. Painchaud (François): ...quant à l'horizon de commercialisation. Si j'ai le choix entre l'opinion d'experts du secteur automobile pour me donner un avis sur un horizon de commercialisation d'une nouvelle technologie dans cette industrie-là et celle d'un physicien qui ne connaît rien au domaine de l'industrie, et en particulier de l'industrie automobile, mon choix va être vite fait. C'est évident que les experts de l'industrie vont vous donner l'heure plus juste que quelqu'un qui n'a pas d'expertise dans ce domaine-là.

Quant à votre seconde question, quand le consortium a été formé, je pense qu'ils avaient déjà en main les résultats de l'étude qui avait été déposée en août 1997 et qui faisait état d'un horizon de 2012. Donc, c'est en toute connaissance de cause qu'ils ont pris leur décision. Alors, il faudrait leur demander à eux pourquoi ils ont décidé d'investir; moi, je ne le sais pas.

M. Beaulne: Une dernière question. Lorsque, au courant de la journée, on nous a parlé de comités d'experts, lorsqu'on nous a parlé de recommandations de gens de la direction d'Hydro-Québec, de la direction de M4, et ainsi de suite, qui recevaient des avis sur la pertinence de poursuivre le projet, aucun de ces conseillers, aucune de ces personnes qui ont été appelées à donner des avis – et, à ma connaissance, personne des intervenants qu'on a interrogés – n'a consulté le Dr Couture pour prendre une décision. Comment expliquez-vous cette situation-là? Parce que je veux bien croire que, comme on l'a souligné tout à l'heure, le moteur-roue, c'est le travail d'une équipe, mais il reste quand même que celui qui, au plan technique, dirigeait cette équipe, l'articulait et la coordonnait, c'était le Dr Couture. Et ça m'intrigue beaucoup de savoir pourquoi le Dr Couture n'a jamais été consulté lorsqu'il s'est agi de prendre une décision soit de concentrer la recherche et le développement strictement sur le moteur-roue par rapport à l'ensemble du groupe de traction d'une part, soit de réduire les budgets ou de les canaliser dans un domaine ou dans un autre. C'est assez intriguant. Quelle est votre explication pour ça?

M. Painchaud (François): Je ne peux pas vous parler pour ce qui s'est produit en 1987 parce que je n'y étais pas.

M. Beaulne: Non, je vous parle surtout de 1995, jusqu'au moment où le Dr Couture débarque du projet. Et même par la suite. C'est quand même intriguant que toute une série de décisions aient été prises même après la démission du Dr Couture. Il me semble que ça aurait été normal de consulter la personne qui, sans la réintégrer nécessairement dans l'équipe, si vous ne le souhaitiez pas à ce moment-là, mais au moins par souci d'avoir couvert l'ensemble du terrain, de consulter la personne qui dirigeait l'équipe. En tout cas, moi, ça m'a surpris, des témoignages qu'on nous a faits ici.

M. Painchaud (François): Lorsque j'ai exécuté mon mandat d'analyse de la situation dans le projet M4 en septembre et octobre 1995, j'ai rencontré le Dr Couture et j'ai pris ses avis et ses opinions à l'époque. Et lorsqu'il y a eu d'autres décisions à prendre ultérieurement, ça ne m'est pas apparu utile de prendre son avis de nouveau, pour deux raisons. La première, c'est qu'au point de vue scientifique et technologique, les enjeux du projet évoluaient graduellement dans une direction telle qu'ils s'éloignaient constamment du domaine de compétence du Dr Couture. Alors, ces avis techniques et scientifiques, à mesure que les enjeux du projet s'en allaient de plus en plus vers des questions d'industrialisation, de gestion thermique, de technologie de fabrication, ils étaient de moins en moins dans son domaine de compétence d'une part.

D'autre part, son comportement, à la suite de la décision du conseil d'administration d'Hydro-Québec de recentrer les activités sur le moteur-roue, a démontré son incapacité à se prêter à toute forme de discipline corporative, ce qui faisait que ça devenait à peu près impossible de compter sur sa collaboration dans la poursuite du projet.

M. Beaulne: Très bien.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Pour enchaîner, étiez-vous surpris de la décision qu'a prise le Dr Couture d'abandonner sa responsabilité dans le projet du moteur-roue?

M. Painchaud (François): J'ai joint Hydro-Québec un mois après ces événements-là. Alors, je n'y étais pas à l'époque des événements, j'étais dans le grand public, et puis cette nouvelle-là ne m'avait même pas frappé, à l'époque. Alors, je ne peux pas répondre de façon significative à votre question, étant donné que je n'étais pas là.

M. Cherry: O.K. Vous avez, tantôt, dit que votre expérience antérieure, avant d'occuper des fonctions chez Hydro... Vous avez dit: J'ai eu des emplois précédemment dans des sphères de haute technologie avec commercialisation. Pouvez-vous être un peu plus spécifique sur la nature de la technologie, simplement le nom des entreprises dans certains cas?

M. Painchaud (François): À moins que la commission insiste, j'aimerais ne pas mêler le nom de mes anciens employeurs. Je ne pense pas que c'est pertinent, M. le Président. Je n'ai pas travaillé dans le secteur de l'automobile et les domaines de haute technologie dans lesquels j'ai oeuvré sont allés de l'électro-optique à l'instrumentation d'analyse chimique. C'étaient des domaines très différents de celui dont on parle dans M4. Alors, je ne prétends nullement ici être un expert dans les technologies reliées directement au moteur-roue, je ne le suis pas, mais j'avais l'expérience de ce que c'est que gérer des développements de produits industriels à haut contenu technologique, mais dans des domaines totalement différents.

M. Cherry: O.K., ça me suffit. Merci.

Le Président (M. Sirros): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Alors, merci beaucoup, M. Painchaud.

Alors, j'aimerais donc inviter Me Yvon Martineau à venir prendre place, s'il vous plaît, et à la secrétaire de procéder à l'assermentation.


M. Yvon Martineau


Assermentation

M. Martineau (Yvon): Je jure que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président (M. Sirros): Merci, Me Martineau. Est-ce que je dois vous souhaiter rebienvenue à la commission?

M. Martineau (Yvon): Absolument!

Le Président (M. Sirros): Alors, bienvenue. Rebienvenue à la commission. Ha, ha, ha!

M. Martineau (Yvon): C'est la politesse.

Le Président (M. Sirros): Je pense que ce n'est peut-être pas nécessaire que vous vous situiez dans le dossier, je pense que tout le monde est conscient du poste que vous occupiez à ce moment-là. Je ne sais pas si vous avez des commentaires que vous voulez faire d'entrée de jeu?

M. Martineau (Yvon): Je vous remercie, M. le Président. Je dois vous dire que j'ai commencé à exercer mes fonctions de président du conseil d'administration le 3 avril 1995 et j'ai cessé d'exercer ces mêmes fonctions le 10 septembre 1996. Durant cette période, j'ai eu le privilège de présider plusieurs réunions du conseil d'administration d'Hydro-Québec, notamment celle du 3 août 1995 qui s'inscrivait dans une décision prise par le conseil d'administration en date du 8 février 1995, c'est-à-dire avant mon entrée en fonction.

La décision du conseil d'administration du 8 février 1995 comportait l'obligation de fournir un plan d'action et un budget pour le projet M4, et, les 2 et 3 août 1995, nous nous sommes penchés, les membres du conseil d'administration, sur la décision à prendre. Nous avons décidé de reporter cette décision au 2 novembre 1995, sauf qu'il fallait recentrer la recherche, les activités de recherche et de développement sur le moteur-roue jusqu'à la décision du 2 novembre 1995.

Le 2 novembre 1995, j'ai présidé aussi cette réunion du conseil d'administration où des orientations stratégiques ont été prises quant au moteur-roue, qui visaient à encore concentrer la recherche en priorité sur le moteur-roue qui était l'élément initial et essentiel du projet moteur M4 d'Hydro-Québec; des orientations stratégiques qui visaient aussi à démarrer certaines activités de préindustrialisation qui devaient se faire de façon concomitante à la recherche.

(21 h 10)

Des recommandations ont été préparées et présentées par des gestionnaires d'Hydro-Québec à ces réunions du conseil d'administration et le conseil d'administration et ses comités ont analysé ces recommandations, ont délibéré et ont décidé. Ici, ça me fait plaisir de répondre à vos questions quant à la teneur de ces décisions.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Merci. D'abord, M. Martineau, permettez-moi de vous remercier d'avoir accepté de venir échanger avec nous sur ce projet qui, à la commission, nous paraît important. La première question que j'aurais à vous poser, c'est un peu celle que j'ai posée tout à l'heure à M. Painchaud. C'est un peu étonnant, cette succession assez rapide de dirigeants à la tête de M4 pendant une période de temps assez courte. Comment expliquez-vous ce remplacement si rapide des personnes qui ont été à la tête de M4 pendant la période qui nous intéresse?

M. Martineau (Yvon): Alors, la gestion, qui était à l'époque sous la direction de M. Couture, a effectivement accepté la démission de M. Prévost qui avait quitté Hydro-Québec, comme l'a dit M. Painchaud. M. Painchaud a remplacé M. Prévost d'une façon intérim et, par la suite, M. Painchaud a fait des recommandations au conseil d'administration de M4 qui était présidé alors par M. Biron – Rodrigue Biron – et ils ont retenu la candidature de Mme Archambault après que plusieurs candidatures aient été proposées. Alors, ça a été un cycle normal.

M. Beaulne: Quand vous avez discuté au conseil d'administration de la réorientation du projet, qui vous faisait les présentations, à ce moment-là? Qui vous a présenté les recommandations et les nouvelles orientations qu'on souhait que vous entériniez?

M. Martineau (Yvon): Alors, je dois vous dire, comme je vous l'ai expliqué, que le 8 février 1995, un plan d'action avait été demandé et un budget. Lors de mon entrée en fonction, plusieurs dossiers se sont présentés sur mon pupitre, dossiers qui devaient faire l'objet d'une décision auprès du conseil d'administration. Évidemment, celui du projet M4 est venu sur le bureau.

À l'époque, après ma nomination, nous avons procédé à la formation de plusieurs comités du conseil d'administration et un des comités du conseil d'administration qui a été reconstitué était celui du comité de recherche et développement. Ce comité n'avait jamais siégé depuis le 8 septembre 1991 et la première réunion de ce comité de recherche et développement, par la suite, a été en 1995, alors que j'étais en fonction.

Les comités du conseil d'administration avaient comme fonction de tamiser les décisions qui devaient être présentées au conseil d'administration. Il y avait plusieurs comités, dont celui de la recherche et développement qui regroupait plusieurs scientifiques. Le président de ce comité était M. Simon Paré, qui est ingénieur. Il y avait M. Gourdeau, qui était aussi ingénieur. Il y avait M. Couture, Armand Couture, qui est ingénieur, et moi-même qui étais, ex officio, membre de tous les comités d'Hydro-Québec, du conseil d'administration.

À cette réunion du comité du conseil d'administration, il y a eu une recommandation qui a été proposée par la gestion et cette recommandation était faite par M. Louis Masson et M. Jacques Germain. À la réunion du comité de recherche et développement du 1er août, M. Louis Masson a présenté cette recommandation. Avant la présentation de cette recommandation, j'avais eu le plaisir de rencontrer le Dr Couture. J'avais visité plusieurs centres d'activités d'Hydro-Québec depuis mon entrée en fonction et je m'étais fait un devoir de visiter tous ses centres d'activité. J'ai visité des centrales, des bureaux, des entrepôts, des centres de distribution et je voulais aussi visiter la recherche et le développement, qui se situait à Varennes. Alors, j'ai été visiter le Centre de recherche et de développement et j'en ai profité pour rencontrer le Dr Couture.

Je dois vous dire que le Dr Couture, je l'ai rencontré le 31 juillet, c'est-à-dire la date avant la réunion du comité de recherche et de développement. J'ai rencontré le Dr Couture et il m'a fait très bonne impression. C'était un homme intense. C'était un homme dynamique, engagé scientifiquement, engagé socialement et très dévoué. J'ai aussi noté qu'il était théorique à plusieurs égards, ce qui est le propre, souvent, des chercheurs, mais il m'avait parlé de l'ozone, il m'avait parlé de la pollution atmosphérique, il m'avait parlé de l'industrialisation du Québec et d'autres items périphériques. Nous avons abordé, d'une façon générale, la gestion organisationnelle de ce projet. J'ai senti chez lui une certaine divergence, mais je n'ai pas parlé, en précision, de la gestion au niveau du projet M4.

J'ai rencontré aussi les chercheurs qui accompagnaient le Dr Couture. Ces chercheurs, contrairement à tout ce que j'avais vu à Hydro, étaient très jeunes. Ça me faisait plaisir parce qu'il y avait beaucoup de chercheurs, des scientifiques qui étaient jeunes à Hydro et qui m'inspiraient beaucoup. Ils étaient vraiment motivés, mobilisés, et j'ai visité le Centre où ils avaient, évidemment, fait cette recherche et ils faisaient cette recherche. Je suis même monté dans la voiture et j'étais en présence du Dr Couture. Donc, de ma visite, j'en ai eu, je dirais, une réaction très positive.

Le lendemain avait lieu la réunion du comité de recherche et développement. À cette réunion, nous avons entendu le Dr Masson qui, lui aussi, est ingénieur et un docteur en recherche. Le Dr Louis Masson, qui était vice-président à l'IREQ et à recherche-technologie, a fait sa présentation, et tous les membres du comité, on a posé les questions.

Si vous regardez le texte de cette recommandation, elle était tout à fait, je dirais, pertinente, même dans les débats que vous vivez aujourd'hui. Alors, on rappelle les faits dans cette recommandation, qui est celle du 8 février 1995, où, à l'époque, on avait autorisé des crédits annuels de 6 000 000 $ pour le projet M4, qui portaient ainsi à 28 000 000 $ – à 28 000 000 $ – l'engagement d'Hydro-Québec dans ce projet. On demandait un plan d'action et un budget détaillé. À partir de ce moment-là, de la décision du conseil d'administration, on avait procédé à des nominations, particulièrement celle du Dr Germain – de M. Germain – qui était pour Technologies M4.

Dans cette recommandation, il y avait plusieurs options. Il y avait l'option moteur-roue, dont on discutera, il y avait l'option de la licence et il y avait l'option du système intégré. Je dois vous dire que cela me surprenait, puisque, en 1992, on avait déjà dit que ce projet ne coûterait que 8 000 000 $. Nous en étions déjà à 28 000 000 $ et nous en demandions encore 12 000 000 $.

Vous comprendrez, comme président du conseil d'administration, nous sommes dépositaires de la confiance du gouvernement et, dans ce contexte, vous prenez les décisions avec tout l'éclairage que vous souhaitez. À ce moment-là, on voit dans la recommandation que le produit M4, à savoir un système intégré de traction à moteur-roue, ne serait pas démontré et prêt pour préindustrialisation avant fin 1997, dans le meilleur des cas, et pour un coût minimum de 30 000 000 $ entre juillet 1995 et décembre 1997; et qu'il y avait nécessité d'améliorer le mode de gestion de la recherche et le développement; et que le développement simultané de toutes les composantes d'un système de traction, avant d'avoir prouvé le moteur-roue, semble trop ambitieux, rend les échéances incertaines et maximise les risques techniques et financiers d'Hydro-Québec.

(21 h 20)

C'est la recommandation qui a été présentée au comité. Après discussion, j'avais à l'esprit cette rencontre que j'avais eue avec le Dr Couture. Avec un sentiment de prudence que cela commande, j'ai demandé aux membres du comité de différer la décision finale quant à ce projet, quant aux recommandations, et c'est la raison pour laquelle le comité a été d'accord pour recommander et accepter, au conseil d'administration, qu'on se concentre sur la réalisation du moteur-roue; mais, par contre, le comité a recommandé de surseoir à sa décision finale. Au conseil d'administration, nous avons considéré cet état de fait.

Entre-temps, j'avais évidemment vu, à Hydro, que j'étais en présence de scientifiques, et le domaine scientifique n'est pas, comme on dit en anglais, «my cup of tea». Alors, j'ai demandé à être assisté d'un scientifique en qui j'avais beaucoup confiance, qui est M. Painchaud. M. Painchaud est un physicien, un astrophysicien, un homme d'une grande compétence que j'avais connu alors que j'étais au collège et à l'université. M. Painchaud est un homme d'une synthèse et d'une intégrité incomparables. Alors, je lui avais demandé de joindre les rangs d'Hydro pour m'aider, et le Dr Armand Couture, M. Armand Couture l'avait embauché.

Quand M. Painchaud est entré, j'ai demandé que M. Painchaud – et M. Couture avait agréé à ma demande – fasse un diagnostic sur la situation. Vous savez, les physiciens sont à l'ingénieur ce que le biologiste est au médecin. Il est important de comprendre les principes derrière l'application scientifique, et les physiciens sont les mieux placés pour ce faire. Alors, le Dr Couture a reçu la visite, comme l'a dit M. Painchaud, de ce dernier, et plusieurs rapports ont été formulés. Ces rapports ont été formulés entre-temps au conseil d'administration qui a continué de recommander que le mandat de M. Painchaud soit poursuivi.

Le 2 novembre... C'est-à-dire le 1er mais, le 2 novembre, nous avons eu trois réunions: nous avons eu une réunion du conseil d'administration de M4, une réunion du comité de recherche et de développement, le même jour, et une réunion du conseil d'administration. À la réunion de M4, il y a eu des recommandations qui ont été formulées; elles ont été entérinées par tous les membres du conseil d'administration de M4. Au comité de recherche et de développement, il y a eu des recommandations qui ont été formulées aussi; ces recommandations ont été aussi entérinées par le comité de recherche et de développement.

Le conseil d'administration, à sa séance du 2 novembre 1995, s'est penché sur la recommandation du comité de recherche et de développement qui avait obtenu l'éclairage nécessaire pour faire une recommandation du comité au conseil. Cette recommandation a été faite et présentée par M. Paré, le président du comité de recherche et de développement. Le conseil d'administration a accepté et a donné son accord à cette recommandation, et, essentiellement, on a décidé d'accepter les orientations stratégiques qui avaient été alors proposées, soit de recentrer la recherche sur le moteur-roue en priorité, et on a demandé de déterminer une stratégie de préindustrialisation en même temps.

Après la réunion de ce conseil d'administration, nous avons eu des rapports, je dirais, réguliers sur le déroulement du projet. À la réunion du 2 novembre 1995, un plan d'action véritable avait été préparé, ce qui n'avait pas été le cas, un plan d'action avec des livrables à donner sur une période donnée, avec des cahiers de charges et une gestion, puisque la recommandation demandait que l'on révise les projets de gestion, qu'on documente la gestion et qu'on documente la recherche, ce qui n'avait pas été fait.

Devant un aréopage, je dirais, de scientifiques comme vous en avez au niveau du conseil, au niveau du comité, au niveau de M4, vous aviez au moins six à sept ingénieurs scientifiques. Vous pouvez avoir toute la compétence que vous voulez, mais je peux vous dire que les membres du conseil d'administration étaient convaincus de la décision qu'ils prenaient et qu'ils avaient exercé toute la diligence et la prudence raisonnables qui étaient requises dans les circonstances.

Par la suite, nous avons remis au ministre d'alors, M. le ministre Gendron, tous les rapports qui étaient nécessaires, bimestriels. Alors, M. Gendron a reçu des rapports que vous avez dans la documentation qui a été remise. Par la suite, nous avons remis, sur une base régulière, à tous les deux mois, au ministre Chevrette, des rapports sur l'évolution. Et, quand j'ai quitté Hydro-Québec, c'est-à-dire en septembre 1996, M. Germain avait remis un rapport de sa gestion puisqu'il quittait au mois d'août. Au mois d'août, M. Germain a... À la lumière de la documentation que vous avez devant vous, vous verrez que les livrables qui devaient être faits à cette époque avaient été faits et livrés et le cahier des charges était respecté.

Je dois vous dire qu'à l'époque, quand nous avons accepté le plan d'action et le budget, nous l'avions prévu pour une année, 1995-1996, et les sommes qui avaient été consacrées à ce moment-là portaient le tout à environ 40 000 000 $.

M. Beaulne: Je vous remercie. Ça fait bien le tour de la question, de la manière dont a été prise la décision au conseil d'administration. Votre explication m'amène la réflexion suivante. Si on admet qu'Hydro-Québec peut consacrer un budget qui a ses limites à la recherche fondamentale et puis, par la suite, à la recherche appliquée, qui et comment devrait-on financer la recherche fondamentale au Québec, et en particulier la recherche fondamentale reliée au secteur de l'hydroélectricité?

Et ma question subséquente à celle-là, c'est: Dans le contexte que vous avez décrit, pensez-vous que le consortium, qui a été mis en place pour travailler sur le moteur-roue, à la lumière des informations que vous, vous aviez au conseil d'administration, qui vous ont été présentées à ce moment-là, pensez-vous que ce consortium, à partir des mêmes considérations qui vous ont été présentées – à moins qu'il y ait quelque chose de dramatiquement nouveau dans le dossier, ce que nous ne connaissons pas et ce qui ne nous a pas été, non plus, présenté jusqu'ici – pourquoi et de quelle manière ce consortium réagirait-il, à partir des mêmes bases, de manière différente que le conseil d'administration d'Hydro-Québec, que vous dirigiez à l'époque, a réagi?

M. Martineau (Yvon): Eh bien, la première partie de votre question, c'est une question de politique gouvernementale. Qui doit faire la recherche? Je ne sais pas.

L'autre partie de votre question, c'est une question purement hypothétique parce que je ne connais pas les tenants et aboutissants du consortium dont on parle. J'ai quitté Hydro-Québec en septembre 1996 et, par la suite, je ne sais pas ce qui s'est passé.

M. Beaulne: Je vous remercie.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Moi, ça me va. Merci.

Le Président (M. Sirros): Alors, ça semble avoir fait le tour de la question de façon cohérente. On vous remercie, M. Martineau.

M. Martineau (Yvon): Je vous en prie.

(21 h 30)

Le Président (M. Sirros): J'aimerais donc procéder avec M. Coupal, s'il pouvait venir prendre place, et demander à la secrétaire de procéder à l'assermentation.


M. Bernard Coupal


Assermentation

M. Coupal (Bernard): Je, Bernard Coupal, jure que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président (M. Sirros): M. Coupal, je ne sais pas si vous voulez procéder à une mise en situation ou à quelques remarques d'ouverture de votre part.

M. Coupal (Bernard): Alors, M. le Président, je suis ingénieur et président de T2C2, une firme de transfert technologique, dont la mission consiste essentiellement à identifier dans les universités et dans les centres de recherche des technologies à fort potentiel commercial et à mettre sur pied des sociétés pour poursuivre le développement et la commercialisation. Avant d'avoir ces responsabilités à T2C2, j'avais à toutes fins pratiques les mêmes devoirs à la Société Innovatech du Grand Montréal. Alors, je fais du développement et du transfert technologique depuis une vingtaine d'années.

En mars 1997, j'ai reçu un appel téléphonique de M. Jean-René Marcoux, d'Hydro-Québec, qui me demandait de participer et de diriger un comité technique dont le mandat consistait à étudier le projet M4 et à faire des recommandations au conseil d'administration d'Hydro-Québec pour son futur. Alors, il y a eu un comité de neuf personnes qui a été mis sur pied et la grande majorité de ces neuf personnes proviennent du secteur industriel et, en particulier, trois consultants experts américains du domaine de l'automobile. Et ce matin, il y a des personnes qui étaient surprises de ceci. Je dois dire que, dans le domaine technologique, c'est très courant que de demander à des experts de venir se prononcer même si, à prime abord, on peut penser qu'ils sont dans un domaine compétitif. C'est la façon de faire si on veut obtenir un éclairage précis sur une technologie. Et dans mes 20 ans de pratique, j'ai répété cet exercice-là à plusieurs reprises et, à ce titre, M4 n'est pas différent des autres projets.

Le comité a créé un sous-comité dont le mandat consistait à rencontrer M. Pierre Couture ainsi que les chercheurs qui étaient impliqués dans le dossier pour obtenir des informations sur le projet, et certains des membres du comité technique se sont rendus à Detroit pour rencontrer des gens de General Motors et de Ford en particulier pour obtenir des précisions sur le marché et sur la voiture électrique en général. Pour faire notre travail, nous avons eu accès évidemment à l'information qui est reliée au projet M4 et également à des études qui avaient été commanditées par Technologies M4 inc. auprès de consultants, en particulier dans le domaine technique et dans le domaine des marchés.

Au mois d'août 1997, nous avons signé un rapport qui fait deux constatations, qui dresse deux recommandations et qui fait une mise en garde. La première constatation que le comité a faite est à l'effet que, effectivement, Hydro-Québec a développé une technologie qui, au plan technique, est efficace et qui possède un potentiel commercial. La deuxième constatation que le comité a faite est à l'effet qu'Hydro-Québec n'a pas la culture industrielle nécessaire pour poursuivre ce projet-là seule.

À partir de ces deux constatations, le comité a fait deux recommandations. La première est à l'effet que le projet doit être poursuivi, mais dans un format différent de celui qu'il a connu depuis le début. La deuxième recommandation que le comité faisait était à l'effet que les actionnaires de cette nouvelle compagnie, qui devrait être éventuellement formée, devraient investir les sommes appropriées pour une durée de 18 à 24 mois pour préciser deux aspects précis du projet, à savoir que, même si le projet est techniquement intéressant, il y a encore des problèmes sérieux, en particulier au plan du poids du moteur-roue et également au plan du coût; il faut absolument que ces questions soient réglées. La deuxième nécessité que le comité voyait était la nécessité d'identifier un partenaire stratégique, un partenaire industriel.

Maintenant, nous avons fait une mise en garde, nous avons indiqué aux actionnaires potentiels de cette société que le retour sur leur investissement pourrait être long; il pourrait prendre de 10 à 15 ans. Maintenant, on peut se surprendre d'un tel délai. Il y a trois raisons à ça. La première raison, c'est la solution des problèmes techniques que j'ai évoqués tantôt. La deuxième raison se situe au niveau de l'automobile électrique dans le cadre des véhicules. Il faut en effet comprendre que les grands de l'automobile, qu'il s'agisse de GM, Chrysler, Ford, considèrent la voiture électrique comme un mal nécessaire. Ils vont tout faire pour reporter l'échéance de sa distribution en masse en améliorant, autant que faire se peut, le moteur à combustion interne et en faisant le lobby nécessaire pour repousser la législation sur l'environnement. La troisième raison, elle est indiquée dans le rapport, elle est reliée au positionnement de M4 par rapport aux voitures électriques.

Encore une fois, il faut comprendre que, même si les grands de l'automobile considèrent que la voiture électrique est un mal nécessaire, chaque compagnie possède sa propre plateforme technologique de développement d'une voiture électrique. Qu'il s'agisse de Chrysler, de GM, de Ford, toutes ces compagnies ont sur les tables à dessin et dans les laboratoires des prototypes et elles s'efforcent de les mettre au point, mais il est évident que la technologie de M4 n'est pas sur ces plateformes encore. Alors, il faudra donc démontrer que M4 a des avantages par rapport aux plateformes existantes de développement des voitures électriques et, ça aussi, ça va prendre du temps.

Maintenant, on peut se demander comment des investisseurs sérieux pourraient penser investir des sommes considérables et espérer recevoir un retour sur leur investissement dans 10, 15 ans. Tout le secteur technologique est comme ça. Il faut bien comprendre que, lorsqu'on stipule dans le rapport que le retour financier sera dans 10, 15 ans, on veut tout simplement parler du marché. On pense qu'on atteindra le marché avec un produit dans cette phase de temps. Mais il y a d'autres façons de développer de la valeur, de développer un rendement en technologie, c'est de dégager de la valeur. Alors, imaginez, par exemple, que les problèmes de poids et les problèmes de coût sont résolus, la technologie vient de prendre de la valeur. Imaginez que cette nouvelle société signe avec un partenaire stratégique, la technologie vient encore de prendre de la valeur. Imaginez que les essais qui sont requis par les différentes agences gouvernementales pour de nouveaux véhicules satisfont les normes, la technologie prend encore de la valeur. Alors, c'est de cette façon qu'on dégage de la valeur en technologie, et il ne faut pas se surprendre de ça. Je vous donne un simple exemple, Ballard, à Vancouver, a une capitalisation boursière considérable; il y a très, très peu de ventes. C'est comme ça que, dans le domaine technologique, on dégage de la valeur ajoutée.

(21 h 40)

Je voudrais dire quelques mots sur le futur de M4. Hydro-Québec a entériné et a mis en place les recommandations que le rapport avait postulées. Il y a une société qui a été mise sur pied, dans laquelle Hydro-Québec se retrouve minoritaire, à 49 %, avec trois partenaires financiers. Je pense qu'il est inexact de penser que le Fonds de solidarité, la SGF et Sofinov, qui est la branche technologique de la Caisse de dépôt et placement du Québec, sont des partenaires financiers silencieux. Ce sont des partenaires qui ont un historique industriel important au Québec: que l'on songe, par exemple, à l'implication du Fonds de solidarité dans Nova Bus; que l'on songe, par exemple, aux investissements importants de Sofinov dans les piles à combustible; que l'on songe, par exemple, aux implications de la SGF en chimie industrielle et dans la transformation de l'aluminium. C'est donc dire que ces trois partenaires ont des connaissances du milieu industriel et ont des connaissances également de la stratégie qui doit être épousée pour développer une technologie comme M4.

Cette société existe. Le conseil d'administration a été formé. Le président de la société a été nommé. Je pense qu'il faut laisser à ces gens le soin de développer leur stratégie. Et il y a une chose qui est certaine, tout le monde est actionnaire dans cette compagnie-là, les trois institutions financières et Hydro-Québec, et il va falloir, évidemment, que ces gens développent des stratégies de façon à rentabiliser leur investissement. Mais encore faut-il leur donner suffisamment de temps pour pouvoir réussir cet objectif.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. Coupal. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: M. Coupal, je suis heureux que vous ayez précisé que la rentabilité en matière de projet de recherche et développement de ce genre-là n'ait pas une rentabilité immédiate. C'est trop souvent, malheureusement, ce qui a fait prendre des décisions malheureuses sur une base de rentabilité à court terme. Et je rattacherai ces commentaires-là un peu à la perception qu'on a eue, nous, à la commission, depuis qu'on discute du projet moteur-roue. On a eu l'impression que les recommandations qui avaient été faites au conseil d'administration d'Hydro-Québec et que, finalement, la décision qui avait été prise était justement parce que quelque part quelqu'un voulait avoir une rentabilité à court terme sur cet investissement. Donc, vous confirmez que, en matière de recherche et développement – d'ailleurs c'est acquis – effectivement, il faut être un peu plus patient et il faut attendre le fruit des retombées.

Maintenant, une petite question qu'on a posée à d'autres intervenants mais à laquelle personne n'a répondu et, vous, je pense que vous êtes peut-être celui qui est le mieux placé pour y répondre, puisque vous étiez à la tête d'Innovatech en 1995. Pourquoi est-ce que les 10 000 000 $ qu'offrait Innovatech ont été refusés par M4?

M. Coupal (Bernard): Il est de fait que le conseil d'administration de la Société Innovatech du Grand Montréal avait offert un investissement de 10 000 000 $ en mai 1994 et que cet investissement était sujet à une condition, à savoir la mise sur pied d'une société dans laquelle Innovatech serait actionnaire au niveau, évidemment, de son 10 000 000 $ et qu'Hydro-Québec serait l'autre actionnaire. Je ne me souviens pas du montant d'investissement d'Hydro à cette époque-là, il faudrait que je retrouve mes notes. Mais, essentiellement, c'était la condition. Et Hydro-Québec nous a avertis, nous a tout simplement informés que, à cette période, c'est-à-dire mai 1994, elle désirait encore conserver le financement à l'interne. Je n'en sais pas plus que ça.

M. Beaulne: D'accord. C'est intéressant ce que vous nous dites. Qu'est-ce qui fait qu'Hydro-Québec aurait changé d'orientation entre 1994, puisque la société d'État voulait conserver à l'interne, comme vous dites, le projet, par rapport à la décision qui a été prise de devenir minoritaire dans un nouveau M4? Pourquoi est-ce que, au moment ou Innovatech offrait, moyennant les conditions que vous nous avez expliquées, 10 000 000 $, Hydro dit: Non, nous, on veut continuer à gérer ça uniquement nous tout seuls à l'interne, et puis que, après ça, quelques années après, pas longtemps après, de toute façon, elle change d'idée? Qu'est-ce qui s'est passé entre-temps, d'après vous?

M. Coupal (Bernard): Peut-être qu'Hydro-Québec, en 1994, pensait qu'elle pourrait identifier un partenaire stratégique plus rapidement. Peut-être qu'Hydro-Québec s'est rendu compte qu'elle n'avait pas la culture pour continuer seule le développement du projet. Ce sont des hypothèses que je formule. Mais, essentiellement, je ne connais pas la raison exacte.

M. Beaulne: Maintenant, une question sur la composition du comité d'experts. Vous allez peut-être trouver ma question un peu candide, mais je pense que, quand même, pour les gens qui suivent ça, c'est important. Étant donné qu'il y a trois personnes dans votre comité d'experts qui étaient associées à l'industrie automobile, comme consultants – vous nous avez dit tout à l'heure que c'est matière courante dans ce secteur d'activité... La question est la suivante: Étant donné, et tout le monde en a convenu jusqu'ici, qu'Hydro-Québec était à l'avant-garde en termes de sa technologie du moteur hybride et que les consultants... les constructeurs américains avaient surtout concentré sur une voiture purement électrique ou, comme vous l'avez dit tout à l'heure, sur le perfectionnement du moteur à combustion lente, quelle expertise ces consultants rattachés à l'industrie automobile avaient-ils pour pouvoir formuler un jugement adéquat et approprié sur une technologie où eux-mêmes tiraient de la patte?

M. Coupal (Bernard): Quand vous faites un transfert technologique, il y a essentiellement deux étapes. La première étape, évidemment, est de matérialiser ou de concrétiser une idée ou un concept et, à ce niveau-là, il est évident que les experts américains n'avaient pas l'expertise requise. Mais ce n'est pas ça qui était recherché. On recherchait des spécialistes de la seconde étape qui consiste essentiellement à industrialiser et à commercialiser une idée qui s'est matérialisée. Autrement dit, M4 est rendu à une phase où il faut examiner son industrialisation et où il faut examiner la possibilité de signer des alliances avec de grands groupes et de définir une stratégie de commercialisation et, à ce niveau, les consultants américains qui ont été retenus possédaient cette expertise-là et c'est à ce niveau-là qu'ils ont été identifiés et qu'on leur a demandé de participer au comité.

M. Beaulne: Maintenant, pour leur permettre de contribuer de façon significative et pertinente aux recommandations de votre comité d'experts, quel est le niveau, et le degré, et la quantité, et l'ampleur de l'information technologique concernant le moteur-roue qui a dû leur être présentée? Est-ce que vous avez dû leur présenter, leur expliquer certaines données confidentielles concernant le moteur-roue pour que ces gens-là puissent porter un diagnostic pertinent?

M. Coupal (Bernard): Ils ont eu accès à des informations, ils n'ont pas eu évidemment les plans. Ils ont eu accès à des résultats d'essais, et je pense que ces résultats-là sont absolument nécessaires. Ils ont eu accès évidemment, et c'est du domaine public, aux brevets. Ils ont eu accès aux discussions et aux échanges que nous avons eus avec les gens d'Hydro-Québec et avec les gens de Technologies M4. Mais, encore une fois, on leur demandait leur expertise au niveau de la commercialisation et surtout de l'industrialisation. Parce qu'il faut bien comprendre une chose: fabriquer un prototype, c'est une chose; le fabriquer en série, c'est une autre chose, parce qu'il faut développer l'outillage, ce qu'on appelle dans le métier le «tooling», c'est un élément absolument essentiel de la fabrication en série, et, à ce niveau-là, ces gens-là n'avaient pas besoin de connaître dans le détail les spécifications du moteur M4 pour nous donner des renseignements et une expertise nécessaires.

M. Beaulne: En d'autres mots, il n'y avait pas de risque que ces gens-là, en étant impliqués dans l'évaluation du projet, puissent bénéficier de certaines connaissances technologiques qu'ils auraient pu refiler à d'autres et nuire ainsi à l'aspect potentiellement concurrentiel de notre propre projet ici.

(21 h 50)

M. Coupal (Bernard): Dans le métier de consultant, M. le député, celui qui ferait ça ne résisterait pas longtemps, et on n'a eu aucune crainte à cet égard, et je ne crois pas que la situation se soit produite.

M. Beaulne: Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Non, ça me va. Simplement, de tous les gens que nous avons entendus aujourd'hui, vous êtes le seul qui n'a pas été convoqué par nous mais dont la participation a été suggérée par Hydro-Québec. À cet égard-là, le commentaire que me faisait mon voisin de gauche, c'est, comme on dit, «straight forward, we've got it from the horse's mouth», de façon directe, de façon concrète. Et ça nous permet un éclairage sur le questionnement qu'on avait au début de ces travaux-là qui, dans certains cas, ont pu évoluer; d'autres demeurent à être approfondis. Mais, dans l'ensemble, personnellement, j'ai apprécié votre contribution.

M. Coupal (Bernard): Merci.


Remarques finales


M. Christos Sirros, président

Le Président (M. Sirros): Je pense qu'il en va de même... Peut-être comme quelques remarques de clôture de ma part. Je pense que la journée nous a permis d'avoir un éclairage substantiel sur tout le processus de prise de décision concernant cette question. Ça nous reviendra, j'imagine, de se rencontrer à un moment donné pour faire l'évaluation de tout ça. Puis, à mon point de vue... je ne sais pas s'il y a d'autres commentaires que les membres veulent faire, mais je pense que... Oui, M. le député de Saint-Laurent.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Un autre commentaire. Je désespère encore une fois, mais il me semble que j'ai l'obligation de le dire. Il me semble que, depuis qu'Hydro-Québec connaît notre intérêt pour le dossier du moteur-roue, attendre la journée d'aujourd'hui pour nous déposer des documents comme ceux-là... il me semble que ça aurait pu faciliter le travail qu'on a à faire. Si, de toute façon, vous avez l'intention de les déposer, pourquoi ne pas nous l'avoir indiqué avant? Pourquoi ne pas nous avoir déposé ces documents-là avant? Ça aurait facilité notre travail. Ça ne change rien, ça vous fait rester ici plus longtemps, puis nous autres aussi. On va soulever des questions. Si on avait eu ça avant, on aurait pu, il me semble, mieux cheminer ensemble. Puis, au lieu de se voir avec des interrogations, on pourrait, il me semble, mieux travailler ensemble. J'espère que le message va finir par pénétrer, mais on ne désespérera pas de vous le rappeler.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député. Quelqu'un avait parlé de la culture du secret, alors espérons que le secret est gardé strictement pour les choses qui, vraiment, sont nécessaires. Dans le travail que nous faisons, des fois, il faut avoir l'information pour qu'on puisse effectivement jouer notre rôle convenablement également.

M. le député de Marguerite-D'Youville, en remarques finales.


M. François Beaulne

M. Beaulne: Oui. D'abord, j'aimerais remercier, M. le Président, tous les intervenants qui ont bien voulu accepter notre invitation de venir nous apporter des éclaircissements sur ce projet. Vous comprendrez que notre intérêt s'en trouve d'autant plus accentué que plusieurs personnes, dont vous-même, M. Coupal, êtes venu nous dire qu'il existe un consortium qui a l'intention de poursuivre le travail sur le moteur-roue. La seule question qui m'intrigue et la seule interrogation que j'ai, c'est que, tant et aussi longtemps qu'Hydro-Québec était le maître d'oeuvre de la recherche et de ce projet, nous, les députés de l'Assemblée nationale, pouvions échanger directement avec Hydro sur cette question, et d'ailleurs je pense que les différentes étapes que nous avons franchies en commission parlementaire en témoignent. Maintenant, dans un contexte où nous nous trouvons, devant un consortium où Hydro-Québec est minoritaire, je comprends que trois autres des quatre partenaires sont également des sociétés d'État, mais il va falloir qu'on examine d'un peu plus près à qui on s'adresse pour vérifier si les promesses de retombées, à moyen et à long terme, mettons, sur une base de 11 et 12 ans, comme vous l'avez précisé, se réalisent et si, véritablement, le projet se poursuit.

Je pense que nos échanges nous ont permis de détecter certains problèmes d'arrimage, d'ailleurs qu'avait reconnus M. Caillé, entre, d'une part, les chercheurs et les gestionnaires, mais nous demeurons convaincus que c'est un projet prometteur pour le Québec, et d'ailleurs je pense que tous les intervenants qui sont venus ici l'ont confirmé, en ce qui concerne le moteur-roue spécifiquement. Nous aurions souhaité avoir un peu plus d'informations sur les autres types de retombées. M. Prévost s'est ouvert davantage là-dessus, a parlé de retombées intéressantes dans d'autres secteurs. Il a même dit qu'en rétrospective, s'il avait à prendre une décision comme dirigeant de M4, il aurait souhaité regarder un peu plus de ce côté-là.

Alors, on vous remercie et on réitère notre détermination à faire en sorte que, s'il y a moyen, ce projet se réalise, parce que la préoccupation des députés ici, à la commission, c'est de voir à ce que les produits de la recherche fondamentale qui est faite au Québec à des coûts importants, avec des chercheurs formés à gros prix dans nos universités, aient des retombées pour l'ensemble de la collectivité québécoise, et c'est le but de l'exercice que nous avons fait ici sur une base strictement non partisane, comme l'ont démontré nos recommandations.

Alors, sur ce, je vous remercie. Je remercie, entre autres, le président sortant d'Hydro-Québec, M. Martineau, qui s'est déplacé pour nous présenter le cheminement de la prise de décision au conseil d'administration.

Le Président (M. Sirros): Et peut-être, juste avant de conclure, rappeler ou peut-être indiquer aux officiers d'Hydro-Québec qui sont dans la salle qu'on a effectivement fait une demande, si je me rappelle bien, d'avoir possiblement les ententes avec les nouveaux partenaires, en faisant la vérification au préalable des éléments qui auraient pu et qui pourraient être confidentiels sur le plan commercial. Alors, on attendra des suites, et la secrétaire se fera probablement le devoir d'acheminer cette demande formellement. Mais vous pouvez la considérer comme déposée déjà.

Alors, merci beaucoup, M. Coupal. Mes remerciements à l'ensemble des membres et à tout le personnel qui a permis qu'on puisse conclure nos travaux. J'aimerais donc ajourner nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 21 h 58)


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