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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 25 août 1998 - Vol. 35 N° 118

Consultation générale sur l'introduction des clauses orphelin dans les conventions collectives


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Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
M. Christos Sirros, président
Mme Cécile Vermette
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Benoît Laprise
M. Michel Côté
M. Robert Kieffer
M. Normand Cherry
M. Normand Jutras
*M. Gilles Taillon, CPQ
*Mme Louise Marchand, idem
*Mme Louise Bernier, Agents de la paix des services
correctionnels du ministère de la Sécurité publique
*Mme Anny Côté, idem
*M. Alain Bertrand, idem
*M. Réjean Breton, GAP
*M. Nikolas Ducharme, FEUQ
*M. Philippe Leclerc, FECQ
*M. Jean Lemoine, Génération Québec
*M. Jean-François Simard, idem
*Mme Ariane Charbonneau, idem
*M. Rock R. Beaudet, Le Pont entre les générations
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Sirros): Alors, j'aimerais donc déclarer la séance de la commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous rappelle que le mandat de cette commission est de procéder à des consultations générales et de tenir des audiences publiques sur l'évolution du phénomène ayant trait à l'introduction des clauses orphelin dans les conventions collectives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui M. le Président. Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Benoit (Orford).

Le Président (M. Sirros): Je vous rappelle que nous siégeons jusqu'à midi, normalement, et nous reprenons à 14 heures pour aller jusqu'à 18 heures en entendant les groupes qui sont sur l'ordre du jour que vous avez.

Et peut-être, au préalable, je remarque que le député de Rivière-du-Loup est ici. J'imagine qu'il va vouloir prendre la parole, comme c'est son droit selon le règlement qui nous régit. Mais il faudrait s'entendre entre les parties quant au temps imparti pour le député indépendant de Rivière-du-Loup. Je pourrais peut-être vous faire une proposition, qui est de dépasser quelque peu, cinq à six, sept minutes, l'heure prévue normale d'ajournement, à midi, pour donner un cinq, six minutes au député de Rivière-du-Loup, si ça convient à tout le monde.

M. Béchard: Oui, ça convient.

Le Président (M. Sirros): Oui? M. le député de Rivière-du-Loup, ça va? Donc, cinq, six minutes à la fin des remarques préliminaires. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.


Remarques préliminaires


M. Matthias Rioux

M. Rioux: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord souligner sans détour la contribution des jeunes qui, au nom de leurs organisations, se sont généreusement investis dans la préparation de leur mémoire et qui viendront nous le présenter et en discuter avec nous autres au cours de cette commission. Ils sont nombreux à venir témoigner de leur perception de la place qui leur est faite dans le milieu du travail. Les écouter, c'est aussi se sensibiliser à la place qu'on leur réserve dans la société d'aujourd'hui et de demain. La discussion ne pouvait se faire sans eux. Et je les remercie à l'avance de leur contribution à nos travaux.

(9 h 40)

Les associations d'employeurs et les syndicats ont aussi accepté en grand nombre de participer à ce rendez-vous. Il faudra aussi les écouter attentivement afin de bien comprendre les motifs pour lesquels ils viennent à conclure des conventions collectives assorties de conditions de travail différenciées selon la date d'embauche.

On peut comprendre qu'il puisse, en certaines occasions, exister des impératifs financiers liés à la compétitivité des entreprises, parfois même à leur survie. Cela n'explique pas tout, puis ça n'excuse pas tout. Il doit bien y avoir d'autres considérations ou une dynamique particulière pour qu'un employeur et un syndicat en arrivent à invoquer cette possibilité puis à l'inscrire dans un contrat de travail.

Il sera d'autant plus intéressant de mieux comprendre comment les deux parties en arrivent à cette solution que la majorité évite encore de recourir à cette pratique, une pratique, et je le répète, qui est discriminatoire et inacceptable et qui, de plus, n'est certainement sans risque pour le climat de travail dans une entreprise entre les travailleurs eux-mêmes, bien sûr, mais aussi entre les employeurs et les employés. Il faudra bien qu'on nous explique comment on évalue les risques dans ces organisations pour qu'en même temps on puisse aller de l'avant et accepter que deux groupes de travailleurs qui font la même tâche soient traités différemment.

Je remercie aussi les professeurs d'universités et les autres spécialistes de relations du travail qui, eux aussi, ont bien voulu se lancer dans la mêlée, soit à titre d'observateurs privilégiés du domaine des relations de travail, soit à cause de leur engagement personnel dans l'édification d'une société plus égalitaire et plus solidaire.

Cela dit, notre sujet n'est pas uniquement un sujet de spécialistes en relations de travail, vous l'aurez bien compris. C'est surtout un véritable débat de société. Et, au risque de me répéter, j'estime que le nombre, la diversité et la provenance des invités nous assurent une réelle représentativité des forces vives qui les composent. Que toutes ces personnes soient aussi partie prenante à cette importante réflexion démontre hors de tout doute la force de nos institutions démocratiques.

Si je dis que c'est un débat de société, c'est parce qu'il interpelle nos valeurs, notre sens du partage, notre sens de la solidarité et qu'il nous fait réfléchir sur le sens de l'équité qu'on doit retrouver dans une société normale comme la nôtre. Par souci d'équité, nous avons adopté des lois qui reflètent nos valeurs. Nous les avons modifiées pour tenir compte de la transformation de ces valeurs, justement. Je voudrais en évoquer quelques-unes.

M. le Président, je sais que les discussions que nous aurons vont porter sur des valeurs principalement consacrées dans quatre lois importantes. Je pense au Code du travail, qui, lui, doit garantir le droit d'association des travailleurs et le droit de négocier des conventions collectives, ainsi que le droit à une juste représentation.

La Loi des normes du travail, qui établit les conditions minimales de travail. Cette loi consacre les préoccupations de justice sociale dans le contrat individuel de travail en interdisant à un employeur de faire travailler un salarié dans des conditions de travail inférieures à ce que notre société considère comme être le minimum.

Il y a la Charte des droits et libertés de la personne pour assurer le respect des droits fondamentaux et la dignité de l'être humain, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle ou tout autre motif qu'on pourrait énumérer, y compris, bien sûr, l'âge. Ce qui est très important.

Enfin, il y a la Loi sur l'équité salariale, qui, dans sa lettre, a pour objet de corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe. Cette loi, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, une des lois majeures proposées par notre gouvernement, concrétise l'idée toute simple qu'on doive accorder un salaire égal pour un travail équivalent.

Le nombre et la diversité des groupes que nous rencontrerons ici, M. le Président, vont nous permettre bien sûr de comprendre les enjeux, de trouver des pistes de solutions appropriées à la situation de ces personnes nouvellement arrivées dans le milieu de travail où cette pratique existe, que ce soit au niveau des salaires ou des autres avantages prévus dans les conventions collectives. C'est la raison pour laquelle nous avons accédé rapidement et ouvertement à la demande de ceux qui voulaient se faire entendre.

D'ailleurs, il faut se réjouir de la quantité mais aussi de la qualité des mémoires reçus par la commission. Plus d'une quarantaine de mémoires ont été reçus; c'est de bon augure. Et le déroulement de nos travaux est orienté vers une recherche de solutions. Et peut-être les solutions sont-elles dans les mémoires que nous allons entendre.

À cet égard, nous devons faire preuve d'imagination. Et je dois vous dire que nous n'avons trouvé aucune législation particulière dans le monde pour contrer ce phénomène des clauses à double échelle salariale. Il faudra donc innover. Mais ce ne serait pas la première fois qu'au Québec, on innove, c'est quasiment notre marque de commerce. L'important, dirons-nous, tous ensemble, ce n'est pas seulement de se dire préoccupés par la situation de certains groupes dans la société. L'important, c'est d'agir et de régler le problème.

Face à ce phénomène cyclique lié à la conjoncture, notre gouvernement est le premier à agir. Notre gouvernement est le premier, véritablement, à vouloir faire un examen sérieux de ce phénomène. Et c'est pour ça qu'on a institué la commission parlementaire d'aujourd'hui. L'éclairage obtenu après avoir entendu les personnes préoccupées par la présence d'un système de rémunération à deux vitesses devrait nous permettre de le faire.

Bref, nous sommes ici pour deux raisons. D'abord, dans un premier temps, nous devons nous entendre sur une définition consensuelle, précise, de ce qu'il faut considérer comme clause orphelin. C'est quoi, une clause orphelin? Dans un deuxième temps, nous devons, toujours de façon consensuelle, tracer les balises d'une législation ou d'une modification législative appropriée qui nous permettra d'abolir ces clauses.

En terminant, je souhaiterais faire rapidement deux petites remarques, M. le Président. Je voudrais dire à nos collègues de l'opposition comme à ceux de l'ensemble de la commission: ce qu'on souhaite, c'est un débat très ouvert, un débat généreux, un débat qui fait appel à nos valeurs. Parce qu'au cours des derniers mois il s'est dit beaucoup de choses, on a parlé beaucoup. Et, maintenant, la parole est à ceux qui sont devant nous. Alors, je voudrais souligner, en toute fin, que ce que nous cherchons, au fond, c'est un règlement, un règlement par une législation appropriée, c'est-à-dire une législation qui fait en sorte qu'on va de l'avant. Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. Salutations au ministre, à mes collègues, au collègues du gouvernement ainsi qu'au député de Rivière-du-Loup. Enfin, on se retrouve dans un forum où l'on pourra échanger et discuter ouvertement du phénomène des clauses orphelin, phénomène qui a pris de l'ampleur dans les derniers mois. Dès mars dernier, nous avons demandé des échanges sur cette question qui est nécessaire et qui amène un débat de société encore très important, c'est-à-dire la place que prennent les jeunes et l'équité entre les générations. Nous l'avons demandé. Et le fait qu'il y ait au-delà de 40 groupes qui se soient inscrits à cette commission démontre l'intérêt que l'ensemble de la population porte à cette question des plus importantes.

Je suis heureux de voir aussi que le député de Rivière-du-Loup, suite à plusieurs de nos interventions, a lui aussi apporté sa contribution au débat et a lui aussi fait en sorte, dans le meilleur sens possible, à son avis sûrement, que cette question-là fasse l'objet de tout le monde et que tout le monde soit préoccupé par cette question.

Je lisais hier le ministre, qui disait qu'il veut attendre un consensus pour bouger sur cette question. Eh bien, moi je dirais que le gouvernement se retrouve plutôt dans une obligation de bouger sur cette question. Et, simplement pour lui rappeler certains éléments du passé de son gouvernement, ce qui m'a fait dire, à un certain moment donné, qu'on se retrouvait avec un pyromane qui a allumé le feu et qui maintenant arrive avec un verre d'eau, il ne faut pas oublier que, quand le ministre disait qu'ils avaient été les premiers à bouger, effectivement, ils ont été les premiers à déposer une loi publique dans laquelle on retrouve clairement des clauses orphelin. Il s'agit du projet de loi n° 414 déposé par son collègue Rémy Trudel, en mars dernier. Pour la première fois de l'histoire du Québec, on était face à un gouvernement qui proposait aux municipalités de faire porter les coupures et de proposer les jeunes comme moyen d'économie pour atteindre les objectifs que le gouvernement leur avait fixés.

Donc, tout de suite après le dépôt de ce projet de loi, l'opposition a déposé une motion en Chambre pour favoriser l'élimination des clauses orphelin dans le secteur municipal. Et je tiens à souligner l'absence du ministre lors de cette motion, qui n'a pas pris la parole, ainsi que l'absence du ministre responsable de la jeunesse, qui n'a pas pris la parole non plus. Et ils se sont même levés pour voter contre la motion de l'opposition qui visait l'élimination dans leur propre cour des clauses orphelin et d'une crise qu'ils avaient relancée. Même le député de Bourget avait dénoncé son propre gouvernement, appuyé par les jeunes de son parti, pour lui demander de reculer sur cette question, mais rien n'a été fait.

(9 h 50)

Par la suite, on a entendu souvent le ministre dire que le gouvernement précédent n'avait rien fait au niveau des clauses orphelin. Je veux seulement lui rappeler ainsi qu'aux membres de cette commission que, dès 1987, à La Pocatière, au congrès jeunes, les jeunes de notre parti se sont penchés sur cette problématique et ont fait en sorte que différentes actions ont été entreprises pour favoriser l'élimination de ces clauses, ce qui a provoqué une baisse importante du nombre de personnes touchées par ces clauses entre 1990 et 1994, faisant passer le nombre de personnes touchées de 25 000 à 9 600.

Cependant, on se retrouve aujourd'hui avec un nouveau phénomène, une relance de ce phénomène-là. Et plusieurs universitaires l'ont démontré, des études ont démontré que près de 70 % des conventions collectives signées dans le monde municipal renferment une clause orphelin et font en sorte que les jeunes sont les premières victimes des actions de ce gouvernement.

Effectivement, dans cette commission parlementaire, il faudra écouter la définition que les gens donneront aux clauses orphelin, qu'est-ce que ça implique parce que la définition qui sera retenue sera la base d'une législation – je le souhaite et je l'espère, je le désire – qui aura des conséquences importantes sur le monde du travail québécois. Il faudra donc être très rigoureux sur la définition qu'on donne aux clauses orphelin.

Je tiens à souligner les différents efforts et les éléments des plus intéressants qui seront soulevés dans les mémoires qui nous ont été présentés. Il y a vraiment des choses des plus intéressantes, des choses concrètes, des moyens concrets qui sont apportés pour faire en sorte que la législation qui, je l'espère, sera adoptée le plus rapidement possible par le gouvernement, n'oublie personne pour ne pas faire l'erreur de toucher seulement une catégorie des gens qui sont touchés par les clauses orphelin et se rendre compte, quelques semaines et quelques mois après, qu'on a oublié les gens les plus démunis, les gens qui ont le moins de recours.

Et j'inviterais, à ce niveau-là, le gouvernement et le ministre à ajouter aux quatre lois qu'il nous a citées les lois qui régissent la fonction publique. Je pense qu'en premier lieu le gouvernement doit donner l'exemple. Le gouvernement a un rôle à jouer. Et le gouvernement doit faire en sorte que ce qu'il a provoqué en mars dernier au niveau des municipalités soit effacé le plus rapidement possible. Ça, c'est le premier geste concret que le gouvernement doit poser au niveau des municipalités.

Le deuxième geste concret qu'il doit poser se retrouve au niveau du secteur public. Il ne faudrait pas oublier que, suite aux négociations de 1997 dans le secteur public, les jeunes enseignants et les jeunes médecins ont été les premiers touchés par les efforts de récupération du secteur public qui ont été imposés par le gouvernement en place.

Il est important, encore une fois, que le gouvernement lui-même donne l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire, donne l'exemple au reste de la société québécoise, aux autres intervenants, autant patronaux, autant syndicaux qu'aux jeunes, que lui-même, dans sa propre cour, dans ses propres champs de compétence, il est capable de se tenir debout. Et je vous dirais, à ce niveau-là, qu'il y a des efforts concrets qui doivent être faits très rapidement, il y a des engagements qui doivent être pris autant de la part du premier ministre que du ministre du Travail, que du président du Conseil du trésor, face aux négociations qui s'en viennent. Et, je vous dirais, à ce niveau-là, Il faut être extrêmement vigilant. Il faut avoir un oeil attentif là-dessus pour éviter que, dans le secteur public, l'exemple que l'on donne, comme on le fait au gouvernement depuis 1997, c'est que les économies peuvent être faites sur le dos des jeunes. Il s'agit d'un effort de solidarité, d'un effort de tous, et tous doivent mettre l'épaule à la roue.

Il faut aussi une législation. Et, sur ça, la position de notre parti là-dessus est claire depuis plusieurs années. Elle s'est encore éclaircie dernièrement, lors du dernier congrès jeunes, lorsque la Commission-Jeunesse a repris position pour demander une législation pour éviter la prolifération des clauses orphelin. Et cette position-là est très claire. Il ne s'agit pas de négocier quoi que ce soit ou de faire croire qu'il y a quelque recul que ce soit là-dessus. La question est plutôt de se dire: Il faut que la législation qu'on va mettre en place et qui sera faite le plus rapidement possible, je l'espère, de la part du ministre, et qui doit être faite parallèlement aux efforts qui doivent être faits aussi dans le secteur public... Il y a un ministre du gouvernement actuel qui disait, en temps référendaire, qu'on pouvait marcher et mâcher de la gomme en même temps. Je pense que le ministre du Travail doit le prouver dès maintenant.

Donc, cette législation-là doit être adoptée le plus rapidement possible et doit faire en sorte qu'on n'oublie personne. On a eu un effort qui a été déposé en Chambre relativement au Code du travail. Et la plupart des gens qui l'ont regardé ont dit: Oui, c'est un bel effort et il est notable. Mais, comme le disait ce matin M. Richard Ouellet dans Le Soleil , ça touche une partie des gens, il ne faut pas oublier les autres. C'est pour ça que, dans les efforts de législation qui seront faits par le ministre, il est important de penser à ces gens qui ne sont pas uniquement régis par le Code du travail, mais par les autres personnes.

Donc, en conclusion, oui, nous voulons une législation; c'est très clair pour nous, pour notre parti. Mais nous ne croyons pas que le ministre actuel, suite à son comportement dans le projet de loi n° 414 déposé par son collègue des Affaires municipales, puisse renverser la tendance, au gouvernement, présentement, et faire en sorte que cette législation sera adoptée. Et j'ose espérer... S'il attend qu'il y ait un consensus, il est difficile de demander aux autres de faire consensus quand on ne fait pas consensus dans son propre comté.

Et je vous dirai, à ce niveau-là, que j'espère qu'on pourra mettre nos culottes, du côté gouvernemental, comme on dit, bouger rapidement et déposer rapidement une législation qui n'aura pas pour effet de creuser le fossé entre les générations, de briser des solidarités et de monter les groupes les uns contre les autres, mais plutôt de rassembler les gens autour d'un objectif commun que nous devons avoir, c'est-à-dire enrayer le phénomène des clauses orphelin, travailler ensemble, faire porter le poids des efforts financiers et budgétaires qu'on fait à tous et à toutes, indépendamment de leur âge, pour qu'ensemble on forme une société plus forte, plus équitable et plus respectueuse des gens et des jeunes, entre autres, qui la composent. Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. C'est pour moi une occasion très intéressante que se donne l'Assemblée nationale de regarder à peu près pour la première fois, en pleine face, la situation des jeunes, la condition économique de la nouvelle génération. Parce que ça fait des années, depuis le début des années quatre-vingt qu'il y a des groupes de jeunes qui constatent que, dans les contrats de travail dans le secteur public, dans une foule de domaines, il y a des conditions économiques particulières qui sont étiquetées sur les jeunes dans les contrats de travail. Mais, pour la première fois, l'Assemblée nationale va avoir, via le débat sur les clauses orphelin, une occasion de se pencher là-dessus.

C'est un heureux hasard que le Bureau de la statistique du Québec nous ait sorti hier un rapport sur, justement, les comparaisons des conditions économiques entre les générations, qui en dit encore long sur ce qu'est la réalité des jeunes: baisse du taux d'activité chez les jeunes, diminution du salaire moyen. Donc, année après année, la génération 52, 56, 57, 61, donc, par chaque groupe de 50, on s'aperçoit que le salaire moyen, d'année en année, diminue. Diminution de l'emploi à temps plein versus l'emploi à temps partiel, donc augmentation de l'emploi à temps partiel chez les jeunes, chômage, évidemment, qui augmente. On a eu, le printemps passé, l'occasion de voir une étude qui démontrait que, dans la reprise économique qu'a connue le Québec, les jeunes n'ont à peu près pas tiré de bénéfices.

Donc, cette commission-là va être une occasion peut-être pas de toucher à tout ça, mais au moins de mettre sur la table la question de la condition économique des jeunes de ma génération. Moi aussi, je souhaite un consensus, tout le monde en souhaite un. Mais, quand on reçoit bien de la visite, si on veut faire une soupe, finalement, où tous les ingrédients vont plaire à tout le monde, on va finir par servir un consommé ou un bol d'eau. Et il ne faudrait pas non plus que le consensus serve à justifier l'inaction ou à justifier qu'en bout de ligne on ne fera rien. On va avoir une volonté sociale qui va sortir de la commission, on pourrait sortir un poème de la commission pour dire que tout le monde il est beau, il est fin, puis il ne veut plus faire de clauses orphelin, mais je pense que ça serait, à ce moment-là, une déception pour tout le monde et particulièrement pour les groupes de jeunes. Il faut qu'à cette commission-là, s'il n'y a pas de consensus, on ait au moins des principes. Puis le principe des clauses orphelin, dès qu'on le regarde, il est relativement inacceptable.

(10 heures)

La façon dont les municipalités ont répondu à l'invitation, quasiment, du gouvernement, l'hiver passé, quand on a dit: Il faut faire un sacrifice, là, il faut couper un 6 % dans la masse salariale, il faut faire un sacrifice, quand les municipalités ont dit: Ceux qui ont des acquis, ceux qui ont le fonds de pension blindé, eux autres, on n'y touche pas, les sacrifices, ils ne les feront pas, mais les jeunes, on va les baisser de 20 %... Ça ne se discute pas des années de temps, ça. Il n'y a pas des grands consensus à établir. On a des principes. On pense que c'est correct ou on pense que c'est mal fait. Et c'est donc de consensus dont on devra parler, mais surtout de principes de base sur ce qu'on veut comme société.

Parce que c'est ça, la réalité. La réalité, c'est qu'on a donné durant une grande époque des fonds de pension absolument extraordinaires, des retraites dorées, des emplois à vie. On a été d'une générosité tellement grande, particulièrement dans le secteur public, on a oublié de calculer, de faire un peu d'actuariat. Puis là on s'est aperçu: Tabarouette! on ne peut plus continuer à donner ça aux jeunes. Si on continue à donner ça, on va virer à l'envers.

Mais plutôt que de remettre en question les acquis pour l'ensemble de la société, on s'est dit: Bon, bien, là, on va arrêter de les donner. Ceux qui les ont, c'est un acquis, on leur laisse, ils sont gras durs. Mais ceux qui s'en viennent, eux autres, on va leur inventer des statuts. Puis là, à chaque négociation, on leur invente une échelle. Parce que tu pars toujours de l'échelon où tu étais la dernière fois, ça fait que tu descends de plus en plus dans l'échelle.

Puis on va se retrouver avec des doubles statuts, puis des triples statuts, puis des jeunes qui ont des conditions économiques de plus en plus pourries, dans ces domaines-là, donc des occasionnels. On va voir ce matin avec les agents de la paix le statut d'occasionnel qui devient non plus un statut d'occasionnel, mais qui devient une façon de traiter de façon discriminatoire les jeunes, les jeunes qui sont lésés dans leurs revenus, dans la stabilité d'emploi, dans tous les avantages liés à l'emploi et les jeunes qui ont raison d'être révoltés par une situation qui se perpétue puis où tout le monde fait semblant de ne pas voir ce qu'il en est. Et, quand on a pelleté des sacrifices dans la cour des jeunes, bien, on ne peut pas être fier de ça, comme société.

Donc, je vous le redis, il y a des gestes qui vont devoir être posés par le gouvernement, à la fin de cette commission-là. Parce que c'est trop beau, ce débat dans les principes, où tout le monde est contre les clauses orphelin. Faites un cocktail, avec des petits canapés, tout le monde est contre les clauses orphelin. Mais, en principe, c'est que c'est: pas dans ma cour. Puis c'est déjà commencé. Le gouvernement est contre, mais il vient juste d'en signer l'hiver passé quand il en avait besoin. Puis les syndicats sont contre, mais là ils commencent à nous dire: On est contre, mais pourquoi on mettrait ça dans le Code du travail? Parce que leur outil, eux autres, ce n'est pas les normes du travail, c'est le Code du travail. Ça fait que: Mettez ça dans la cour des autres, mais, dans notre cour à nous, dans notre outil qu'est le Code du travail, nous autres, les syndicats, on va s'arranger, on veut se garder notre marge de manoeuvre. Le patronat est contre, mais il ne faut pas qu'on touche à ça. Tout le monde est contre, par contre, tout le monde veut se garder la possibilité qu'à 23 h 55, quand il y a un sacrifice à faire, on le dumpe dans la cour des jeunes.

Et c'est ça, je pense, un des mandats de la commission, ça va être de déterrer l'hypocrisie, l'hypocrisie des gens qui sont pour les jeunes dans les beaux principes, mais qui, dans la pratique, sont prêts à leur dumper une facture n'importe quand. Merci, M. le Président.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le député. Étant donné que le temps pour les remarques préliminaires est pas mal écoulé, j'aimerais peut-être inviter le premier groupe que nous avons ce matin, le Conseil du patronat du Québec, à se présenter à la table. Et je vous rappelle que nous avons une heure d'allouée: une vingtaine de minutes pour la présentation puis une quarantaine de minutes réparties équitablement entre les deux côtés, par la suite, pour une période d'échanges.

Je pourrais peut-être vous demander de vous identifier ainsi que celle qui vous accompagne, et nous pourrons procéder tout de suite.


Auditions


Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Taillon (Gilles): Bonjour, M. le Président. Alors, je m'identifie. Mon nom est Gilles Taillon, je suis le président du Conseil du patronat. Je suis accompagné de Mme Louise Marchand, qui est la coordonnatrice au dossier. C'est elle qui a fait en sorte de réunir autour d'une même table notre membership et d'en arriver à vous présenter nos réflexions contenues dans le document que vous avez.

M. Sirros: Alors, on écoute vos réflexions.

M. Taillon (Gilles): Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, j'aimerais vous remercier de l'opportunité que vous nous faites de participer à ce débat, à la commission parlementaire traitant des clauses orphelin. Les membres de la commission ont reçu notre document, on pourra sans doute en débattre à partir de vos questions. Je n'ai pas l'intention d'en faire la lecture, mais plutôt de faire une synthèse de l'état de nos réflexions à partir de certains thèmes, notamment la nature des clauses orphelin, leur présence dans notre société, la conjoncture qui les fait naître, leur caractère discriminatoire, entre guillemets, et les solutions de rechange. Sur la base de ces thématiques, bien sûr, on fera des constats et on dira un petit peu ce que l'on souhaite pour le débat futur autour de cette question.

La nature, d'abord, pour répondre aux voeux de certains membres de la commission dans les déclarations préliminaires. Pour nous, ce sont des dispositions, les clauses orphelin, qui fixent des avantages inférieurs pour les employés embauchés après la signature de la convention collective. Donc, une définition simple. Ces dispositions peuvent toucher à la fois la rémunération, le normatif et, somme toute – c'est le café qui est prêt, non? – les clauses orphelin distinguent entre les conditions de travail des nouveaux et des anciens. Voilà un peu la nature, la description que nous en faisons.

Il y a bien sûr des manifestations techniques des clauses. On parle de clauses permanentes, parce que les échelles ne se rencontrent pas. On parle clauses temporaires, parce qu'on agit sur les échelons, par exemple il y a du double pallier. Mon intention, dans la présentation de départ, ce n'est pas de faire ces distinctions. Peut-être que, dans les solutions, il faudra les faire, mais, dans la présentation de départ, ça ne nous apparaît pas être le coeur du sujet.

Selon les études du ministère du Travail – dont le document que nous avons reçu – selon certaines consultations et certains sondages que nous avons faits chez nos membres, ce n'est pas un phénomène qui est en expansion dans le secteur privé. Ça touche aussi particulièrement certains secteurs, notamment, le plus concerné, le secteur du commerce de détail. Alors, je pense que c'est important aussi de bien baliser où se situent les clauses orphelin.

Par contre, si ce n'est pas en expansion dans le secteur privé, on y a eu davantage recours dans le secteur public et parapublic, au cours de la dernière année. Depuis, donc, les débats sur les redressements nécessaires pour atteindre le déficit zéro, il y a, dans le secteur de l'éducation, dans le secteur municipal, davantage d'utilisation de dispositions qui font les distinctions que je vous disais.

Selon les données du ministère du Travail, aussi – et ça, je pense que c'est important – c'est un phénomène qui, règle générale, ne perdure pas, c'est un phénomène qui disparaît ou qui suit un petit peu la courbe des cycles économiques. C'est un phénomène, donc, qui a une durée de vie, je dirais, qui n'est pas permanente. C'est important, cela aussi, on le verra dans la suite de nos débats. En conclusion, on ne peut pas dire que c'est un phénomène qui est généralement répandu, mais c'est un phénomène qui affecte certains secteurs d'activité et certains travailleurs, bien sûr, dans une proportion que l'on pourrait qualifier, somme toute, égale à peu près à 10 % de la masse des travailleurs au Québec.

Il est important, je pense, pour bien comprendre ce que nous allons souhaiter par la suite, de bien insister sur la conjoncture qui fait naître le recours à ces dispositions. D'abord, les clauses orphelin apparaissent toujours au moment où les entreprises, qu'elles soient privées ou publiques, traversent une mauvaise passe et vivent une conjoncture économique et financière difficile. À moins que l'on m'apporte des exemples, c'est toujours dans ces situations que les clauses apparaissent. Elles sont toujours, donc, utilisées pour des redressements ou des ajustements. Elles le sont parce que, entre le maintien des droits acquis des employés en place et le droit des nouveaux, on choisit, en général, la protection des acquis. Comme cela crée de l'inconfort – je vous le soulignais – lors de la ronde de négociation suivante, lorsque les conditions sont meilleures, on assiste souvent à la disparition de ces clauses. Elles sont, et il ne faut pas l'oublier, le résultat non pas d'une machination patronale, mais le résultat, dans les circonstances difficiles que l'on connaît, d'accords entre les employeurs et les syndicats. Et le document du ministère du Travail le fait remarquer, ça nous apparaît aussi être la réalité, c'est, en dernier recours, en dernière instance, les syndicats qui, règle générale, proposent cette solution plutôt qu'une autre et la proposent comme étant la moins pire des solutions.

(10 h 10)

Notre premier questionnement et celui que nous aimerions voir analysé plus en profondeur, et on pense que cela n'a pas été fait suffisamment: Est-ce que ces clauses dites orphelin perdurent longtemps à travers les conventions collectives? Quel est le taux d'incidence de la durée de vie de ces clauses? Il est difficile pour nous d'en arriver... Parce qu'au cours de la commission, sans doute qu'il y aura des propositions – et on l'a vu dans les journaux – pour contraindre l'utilisation de clauses permanentes. Est-ce qu'on va encourir des coûts et des contrôles importants pour limiter l'utilisation d'une technique de permanence, alors que la vie même des clauses est temporaire?

Si on s'aperçoit, par exemple, pour être très clair, que la clause a une durée de trois ans – durée de vie de la convention collective – et qu'au renouvellement elle disparaît, le débat serait académique de vouloir en interdire la permanence, même si, techniquement, les échelles semblent permanentes, alors que ça disparaît. Nous aimerions savoir combien des conventions collectives signées actuellement reconduisent les clauses orphelin et, si elles le font, est-ce qu'elles le font dans la forme originale et pour combien de temps. C'est une donnée qui permettrait sans doute d'en arriver à trouver ou à adapter certaines solutions.

On se pose beaucoup la question: Est-ce qu'elles sont discriminatoires? Pour nous, il est très clair que l'élément fondamental de ces clauses-là, c'est qu'elles distinguent, elles établissent une différence entre les anciens et les nouveaux. Est-ce qu'elles sont discriminatoires au sens de la Charte? J'y reviens dans quelques minutes.

S'il y a une différence entre anciens et nouveaux, nous nous interrogeons fortement si, après le débat sur les clauses orphelin, il ne faudrait pas faire un débat sur l'ancienneté. L'ancienneté est-elle discriminatoire? Si on en arrive à la conclusion que les clauses orphelin sont discriminatoires en distinguant entre anciens et nouveaux, est-ce qu'on remet en cause toute l'économie de nos relations de travail en questionnant l'ancienneté? Va-t-on jusque-là?

Au sens de la Charte, évidemment, il y a des avis de la Commission des droits de la personne qui parlent d'une discrimination indirecte, parce que, en distinguant, bien sûr, entre nouveaux et anciens, on dit: Les nouveaux, il peut y avoir des jeunes, des femmes. Est-ce qu'il y a discrimination au sens de la Charte? Nous pensons, nous ne pouvons affirmer qu'il y a discrimination, à moins qu'il y ait preuve. Vous l'avez dans notre mémoire. La Commission disait elle-même que, pour prétendre à la discrimination, à des cas donnés, il faut en faire la preuve. Aucune preuve n'a été faite. Y a-t-il des cas de discrimination? Des cas, sans doute. Il faudrait le démontrer. Ce n'est pas fait.

Vous comprendrez que le Conseil du patronat n'est évidemment pas en faveur de la prolifération de ce genre de disposition qui crée de l'inconfort et des malaises dans le milieu du travail. Nous l'avons déclaré au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre dans les années quatre-vingt-dix, nous le répétons depuis, nous ne pouvons favoriser le développement de ces clauses. De là à les interdire par législation, nous pensons qu'il faut y réfléchir sérieusement et surtout en regard des solutions de rechange, notamment si on en interdit totalement la présence.

Nous allons, pour illustrer notre propos, poser l'hypothèse qu'on les interdit par législation. Une chose est certaine, la situation financière de l'entreprise ne sera pas modifiée par une décision législative. Donc, situation financière, la réalité, qui est difficile – parce que nous avons bien précisé que ces clauses-là apparaissent quand la situation est difficile – ça ne disparaîtra pas.

De deux choses l'une. Ou, en négociations, les parties conviennent, pour régler la situation difficile qui est bien présente, de renoncer à certains droits acquis et de faire les ajustements correspondants, nous arrivons donc à des coupes salariales, au renoncement à certaines clauses à incidence monétaire, donc, on remet en cause les acquis. Vous nous permettrez d'être extrêmement sceptiques sur la capacité, compte tenu de la situation générale des relations du travail et de notre pratique au Québec, d'en arriver à une telle solution entre les parties. Le ministre faisait état qu'aucune législature n'a de loi régissant ces dispositions, sans doute parce que ça oppose très clairement les droits acquis dans les systèmes de relations de travail. Et on sait que les droits acquis, ce n'est pas présent que dans les litiges, en relations de travail, c'est aussi présent en litiges civils et c'est bien là dans les moeurs de nos sociétés démocratiques.

Ou bien on opte pour d'autres avenues. Donc, si on est prêt à couper dans les acquis, si on est prêt à sacrifier, c'est une option possible. Si on opte pour d'autres avenues, je dois vous avouer que nous sommes extrêmement inquiets des effets pervers d'une législation qui interdirait le recours aux clauses orphelin et qui aurait des conséquences par ailleurs terribles ou sur la situation de l'entreprise, ou sur le développement de l'emploi, ou sur la situation de l'emploi pour ceux qu'on voudrait avantager, c'est-à-dire les nouveaux employés.

Si les clauses orphelin sont là et qu'on ne les a pas comme soupape, qu'on ne les a pas dans le coffre à outils pour régler les problèmes, on pourrait voir des projets d'investissement s'annuler. Il faudra prendre l'argent quelque part. Il faudra procéder, si on ne réduit pas les investissements, à des mises à pied. Il faudra recourir à la sous-traitance. Il faudra donc trouver des solutions qui risquent de fragiliser et de précariser encore davantage l'emploi. Les bénéfices théoriques, donc, pour nous, de l'égalité que produiraient théoriquement ces clauses risquent de conduire à des effets fort pernicieux.

L'exemple du secteur public est assez éclairant, à cet égard. Je reprendrai... Parce qu'on l'a vécu récemment, j'étais dans une autre chaise comme représentant de la partie patronale dans le secteur de l'éducation. Et on sait que l'État-employeur, les partenaires patronaux et les syndicats, en éducation, ont convenu d'introduire des principes, des clauses de nature clauses orphelin.

Cette alternative est arrivée comment, dans le débat? De la façon suivante: Il y avait des coupes à faire, imposées par le gouvernement, pour atteindre l'objectif du déficit zéro, pour assainir les finances publiques. Il y avait la possibilité de couper les salaires de tout le monde, ce que j'appelle une coupe dans les droits acquis. Il y avait la possibilité de modifier les composantes de la tâche, de renoncer, donc, à ce qui est très présent aussi dans le secteur municipal, le plancher d'emploi que procure la tâche actuelle des enseignants, ou bien d'adapter des clauses qui faisaient en sorte d'atteindre à des économies avec une progression moins rapide des nouveaux embauchés.

(10 h 20)

Les propositions retenues venant davantage de la partie syndicale, je dois vous le dire, que de la partie patronale étaient de retenir celles qui balisaient l'avancement dans les échelons. La conséquence de cette décision-là est sans doute, pour ceux qui la vivent, une situation peu intéressante. Mais qu'en aurait-il été si on avait eu, par exemple, une augmentation de la tâche des enseignants? On aurait sans doute d'abord évité d'embaucher des jeunes. Parce que, le fait d'augmenter la tâche, on aurait réparti l'ensemble des fonctions à l'intérieur de ceux qui sont déjà là, donc pas de nouvelles recrues. Et, deux, on aurait eu certainement une situation, éventuellement, de beaucoup moins d'emplois dans le secteur de l'éducation et une tâche augmentée pour tous, ce qui aurait atteint le service aux élèves au niveau de son fondement même. Donc, voilà dans quelles circonstances on recourt aux clauses orphelin.

On n'encourage pas cela, au CPQ, mais on dit: Il faut faire attention. Avant de légiférer et de réglementer, il faudrait mesurer l'ensemble des conséquences et vérifier très sérieusement la profondeur des engagements des parties. À cet effet, notre solution est la suivante. Nous demandons au gouvernement et nous demandons bien sûr à la commission, avant de légiférer, de permettre aux parties concernées, et possiblement en invitant des personnes touchées par ces conditions que sont les clauses orphelin, de faire une sérieuse réflexion autour d'un forum qui s'appelle le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, qui a la possibilité de créer des commissions qui pourraient entendre les parties et en arriver à des solutions négociées. Nous les pensons bien supérieures à celles qui pourraient venir d'une législation, avec les effets que nous avons démontrés.

La commission parlementaire aura l'avantage, bien sûr, de permettre de connaître les positions de chacune des parties, mais nous ne pensons pas qu'elle va permettre aux parties de se parler, ce qui est, à notre avis, essentiel pour convenir d'un pacte social autour de cette question des clauses orphelin. Alors, M. le Président, merci beaucoup.

Le Président (M. Sirros): C'est moi qui vous remercie, M. Taillon. Peut-être, juste avant de passer aux échanges, j'aimerais régler une question d'intendance pour la suite de nos travaux. Est-ce que je peux proposer ceci, en termes de fonctionnement? Est-ce que, du côté ministériel et du côte le l'opposition officielle, on peut se contenter de 17 minutes de temps d'échanges pour laisser six autres minutes au député indépendant? M. le ministre, ça peut vous aller?

M. Rioux: Oui, oui.

Le Président (M. Sirros): Ça va, M. le député de Kamouraska-Témiscouata?

M. Béchard: Pas de problème.

Le Président (M. Sirros): Alors, comme ça, tout le monde saura exactement de quel temps on dispose. M. le ministre, vous pouvez ouvrir les échanges dans l'enveloppe qui vous est allouée.

M. Rioux: M. le Président, je dois d'abord saluer la présence de M. Taillon et de Mme Marchand. C'est un intervenant majeur dans le débat. Je suis très content que vous soyez devant la commission parlementaire. C'est un sujet qui nous intéresse au plus haut point et vos opinions nous importent beaucoup.

M. Taillon, vous avez utilisé une analogie, évidemment, qui m'est un peu familière, celle de l'éducation. Vous avez bien démontré que vous aviez des choix à faire, et celui qui a été retenu, ça a été de cibler du côté des clauses orphelin, sinon, il y a des licenciements qui auraient pu être faits, une diminution des effectifs, l'augmentation de la tâche, bref, le service aux étudiants diminué. Si on embarque et on vous suit à plein dans cette démarche-là, on se dit: Les clauses orphelin sont largement justifiées. C'est un choix que font les syndicats et le patronat pour régler les problèmes.

Bien, moi, ce que j'aimerais savoir du Conseil... Après l'exposé que vous venez de faire, on sent bien que le Conseil du patronat ne juge pas que c'est la solution idéale pour régler les problèmes. Mais vous dites: Lorsqu'il se présente... lorsque la tourmente existe à l'intérieur d'une entreprise, qu'elle a des difficultés financières graves, qu'il faut repenser les modes de production, la redéfinition du partage du temps de travail, on n'a comme pas le choix. Mais vous ne trouvez pas, M. Taillon, que c'est peut-être la facilité, ça, de dire: On se rabat sur la jeune génération pour régler notre problème?

M. Taillon (Gilles): Je pense que ce n'est pas la facilité, M. Rioux. D'abord, on fait une distinction, on l'a faite clairement, nous, on dit bien: Les clauses orphelin touchent les nouveaux employés. Bien sûr, ça peut toucher la jeune génération, mais ça touche aussi d'autres employés d'autres générations. Quand les entreprises et les syndicats en arrivent à utiliser ce moyen ultime, non populaire, ça crée par la suite des perturbations dans le milieu du travail. Ce n'est pas étranger à notre position, qui dit: On ne peut pas le recommander, on ne l'a jamais recommandé. Et on a constaté aussi un retrait de l'utilisation de ces clauses, qui gênent le milieu du travail, dans le secteur privé. La situation du secteur public est particulière, je ne veux pas porter de jugement sur les gestes gouvernementaux là-dessus. Mais je vous dis: Ce n'est pas la solution de facilité, ça crée des problèmes.

Et ce qu'il serait important de mesurer: Ça dure combien de temps, les clauses orphelin, dans les conventions? Une fois qu'on l'a vécu pendant deux ou trois ans, nous, ce qu'on constate, ce que les gens nous disent, c'est qu'on les fait disparaître, on les modifie substantiellement parce que ça crée une situation d'inconfort entre les nouveaux, qui deviennent de plus en plus nombreux, et ceux qui étaient là, les anciens.

M. Rioux: Vous tolérez cette discrimination-là, mais sur une base temporaire.

M. Taillon (Gilles): Nous ne parlons pas de discrimination, nous parlons d'une différence. Je vous ai bien signalé qu'il y a, entre les acquis de ceux qui sont là et les nouveaux, des différences. On ne parle pas, nous, de discrimination. Est-ce qu'il y a des discriminations, pour certains? On vous dit: Si oui, il y a des recours possibles prévus à la loi, que les gens s'en prévalent, qu'on en fasse la démonstration.

M. Rioux: Vous n'êtes pas d'accord avec la prolifération, avez-vous dit.

M. Taillon (Gilles): Absolument pas.

M. Rioux: Mais vous êtes prêts à la tolérer lorsque nécessaire.

M. Taillon (Gilles): Absolument, comme une situation ou une solution de dernier recours, une fois qu'on a bien évalué cette solution-là par rapport aux autres.

M. Rioux: Ça sera ma dernière question, M. Taillon. Si on allait dans une direction qui est celle de la Charte des droits et libertés, avez-vous analysé les recours qu'on pourrait utiliser devant une discrimination comme celle-là, fondée sur l'âge, par exemple?

M. Taillon (Gilles): Écoutez, non, nous n'avons pas analysé les hypothèses d'une intervention dans la Charte. Maintenant, ce qu'on se dit – on sait qu'on parle d'une modification à la loi des normes – on pense que ça aurait des effets extrêmement pernicieux, parce que, comme, dans la loi sur les normes, c'est un contrat d'un à un, ça fera en sorte que les contrats se signeront entre les individus et les employeurs au plus petit commun dénominateur, on évitera toute possibilité de situations qui font en sorte d'établir des différences et, donc, on pourrait se ramasser très, très près d'un salaire minimum.

Quant au recours à la Charte, nous pensons que la Charte, déjà, contient toutes les dispositions, qu'elle doit être utilisée par ceux qui jugent qu'ils sont discriminés au sens de la Charte, soit en raison de leur âge, de leur sexe, etc.

M. Rioux: Donc, s'il y avait une intervention à caractère législatif, vous n'iriez pas vers le Code ni vers la loi sur les normes, vous iriez plutôt vers la Charte.

M. Taillon (Gilles): Nous n'irions nulle part, M. le ministre. Nous ne souhaitons aucune intervention législative dans ce dossier-là. Et j'ai tenté de vous démontrer – le mémoire le fait – qu'il y a des conséquences énormes à le faire, à moins qu'on n'en ait largement débattu et convenu entre les parties. Et probablement qu'à ce moment-là le recours à la législation ne sera pas nécessaire.

M. Rioux: Vous croyez fondamental le droit que vous avez de négocier librement vos conditions de travail.

M. Taillon (Gilles): Nous croyons que c'est une situation qui va permettre d'en arriver à des solutions qui sont moins dommageables qu'une situation différente.

M. Rioux: Mais toute tentative du législateur de vous limiter dans ce droit-là serait reçue chez vous comme une hérésie, j'imagine.

M. Taillon (Gilles): Nous aurions besoin d'être courtisés pour nous convaincre que c'est la meilleure solution.

M. Rioux: Mais je sais que le Conseil du patronat est courtisé par bien du monde. Je ne sais pas s'il l'est beaucoup par le gouvernement, mais... Ha, ha, ha!

M. Taillon (Gilles): Nous ne sommes pas convaincus que c'est la meilleure solution; je pense qu'on essaie de le démontrer dans notre mémoire.

M. Rioux: Mais on a compris que la loi des normes, selon vous, ne réglait pas le problème.

(10 h 30)

M. Taillon (Gilles): Au contraire. Je pense que c'est encore plus dommageable.

Le Président (M. Sirros): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Ça me fait plaisir, Mme Marchand et M. Taillon, de pouvoir échanger avec vous sur le mémoire que vous nous avez présenté, qui est intéressant à certains égards, parce que vous vous êtes tournés vers le futur, il me semble, et vous dites qu'il y a des solutions à court terme, il faudrait peut-être regarder ça dans son ensemble. Parce que, dans le fond, ce que vous nous apportez comme éléments de réflexion, il y a des situations d'urgence et, dans les situations d'urgence – je vais prendre la même définition qu'a donnée le ministre, M. Rioux, le ministre du Travail, à cet effet – ça semble, en tout cas, dans les situations d'urgence, des solutions de facilité.

Moi, j'aimerais vous poser une question, à savoir: Est-ce qu'il y aurait des effets néfastes à un appel à la solidarité des générations, en ce qui concerne vos négociations, pour arriver à un juste équilibre entre les jeunes et les moins jeunes, entre des gens qui commencent dans des postes de travail par rapport à ceux qui sont beaucoup plus anciens? Pourquoi ne pas, dans les circonstances difficiles, faire appel... pourquoi ne pas faire appel, justement, à ce que l'ensemble de la population, des gens et des travailleurs soient interpellés et que tout le monde fasse son effort d'une façon significative, et non pas juste un groupe parce qu'il est nouvellement entré dans le milieu du travail? Est-ce que vous avez analysé les implications en ce qui concerne aussi le fait que ça peut créer des inégalités à long terme et que ces inégalités-là peuvent avoir des effets néfastes dans le développement de la société?

Et j'ai aussi entendu... Vous disiez que c'était très ponctuel, c'était à court terme, ça pouvait ne durer que quelques années. Mais récemment, en Europe, en France plus particulièrement, à la veille du Mondial, on se souviendra que les jeunes pilotes, c'est eux qui ont déclenché la grève parce que ça faisait trois ans qu'ils faisaient l'objet de clauses orphelin. Quand on est venu pour renégocier, en fait les négociations, ils n'ont pas pu atteindre justement ce niveau sécuritaire auquel vous faites appel en disant: Bon, quand on renégocie, on revient à la case normale. Ça ne semblait pas, en tout cas, ce qui s'est produit. Donc, évidemment, par rapport à la situation de certains vécus, ça reste les gens très perplexes. Et quelles sont les garanties que vous pouvez nous apporter que, dorénavant, si on laisse la libre négociation sans encadrement, ou sans balises, ou sans objectif précis à atteindre, on va réaliser ces objectifs-là et qu'on va empêcher justement qu'il y ait une très grande différence marquée dans notre société, une inégalité sociale?

M. Taillon (Gilles): Un de nos objectifs, et je vous l'ai dit, notre premier élément de réflexion important, c'est qu'on aimerait connaître la situation ou l'évolution de l'utilisation des clauses orphelin et surtout de leur renouvellement, justement pour un peu mesurer l'ampleur. Est-ce que le cas dont vous faites état ailleurs est un cas d'espèce ou est-ce que c'est... Bon. On sait, nous, nos gens nous disent: Très rarement on les reconduit, ces clauses-là; quand la situation économique se replace, quand la situation économique de l'entreprise, bien sûr, se replace, on corrige.

Maintenant, nous aimerions connaître cela plutôt que de... Si c'est très ponctuel et si c'est une situation d'espèce, pourquoi utiliser des solutions mur à mur? En d'autres mots, dans la fonction publique, par exemple, à moins que le gouvernement nous réserve des mauvaises surprises et décide de se remettre à dépenser, la situation du déficit gouvernemental, du contrôle des dépenses, devrait être réglée. Donc, probablement que la situation qui a donné naissance à des clauses de type orphelin ne se reproduira pas dans les années futures. Donc, on dit: Attention, il faudrait voir quelle est la durée de cette situation et éviter des solutions mur à mur quand on s'attaque à un problème ponctuel, dans le temps.

Mme Vermette: Oui, on est d'accord...

Le Président (M. Sirros): Une dernière question rapide.

Mme Vermette: Oui, une dernière question. Vous avez parlé aussi du futur. Bon, parlons-en. Je pense que c'est intéressant. Vous avez une proposition qui est fort intéressante en disant que le Conseil du patronat pourrait éventuellement se pencher là-dessus, travailler pour voir comment on pourrait apporter dans l'avenir. Est-ce que ça serait possible ou envisageable pour vous d'élargir davantage ce débat-là pour permettre à des gens qui sont très concernés, notamment des jeunes, de pouvoir participer et de dire leur opinion par rapport à ça ou faire partie d'un grand sommet, comme on a fait au sommet socioéconomique, le sommet qu'on a eu en novembre 1997?

M. Taillon (Gilles): Ce serait notre solution privilégiée. Nous avons été un peu étonnés de voir qu'on s'en venait en commission parlementaire alors qu'on aurait cru que le dossier aurait été déféré au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Nous en avons jasé avec nos partenaires syndicaux et nous aurions pu inviter des représentants de groupes qui sont touchés par ces clauses-là pour chercher avec eux des solutions. Le gouvernement a pris une autre piste, mais ça n'empêche pas qu'après avoir entendu l'ensemble des points de vue on pourrait revenir à un comité de discussion, et nous sommes très ouverts là-dessus. Nous sommes très ouverts à chercher davantage des consensus que des interventions coercitives sans doute mal adaptées.

Mme Vermette: Oui, j'ai encore quelques minutes.

Le Président (M. Sirros): Oui, vous avez deux minutes.

Mme Vermette: J'allais dire qu'on a pris d'autres solutions. En fait, le fait de pouvoir en débattre aujourd'hui donne une ouverture, aussi, plus large et qui nous permet justement peut-être d'envisager des pistes de solution de cet ordre-là, parce que, notamment, il faut préparer les esprits aussi à travailler ensemble.

M. Taillon (Gilles): M. le Président, ce n'était pas un blâme, c'était une interrogation.

Mme Vermette: Ha, ha!

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Avec ça, on va passer du côté de l'opposition officielle. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. Je tiens à saluer Mme Marchand et M. Taillon. Je pense que c'est votre première présence, M. Taillon, en commission parlementaire en tant que président du Conseil du patronat, du moins à cette commission. Je veux vous saluer et souhaiter qu'on vous reverra souvent.

Dans votre mémoire, il y a une première question qui me vient à l'esprit, c'est à la page 6, et j'ai été un peu surpris de voir ça. C'est quand vous saluez «les efforts du gouvernement employeur, de ses partenaires patronaux ainsi que des centrales syndicales qui ont imaginé des solutions novatrices pour rencontrer à la fois les objectifs d'assainissement des finances publiques, de rajeunissement des effectifs et du maintien d'une qualité de services». Et vous donnez l'exemple du secteur de l'éducation, où vous dites «notamment, l'impossibilité de recourir à des clauses à double ou à multiples paliers aurait entraîné des impacts très négatifs en privant le secteur de l'embauche de nouvelles recrues ou en affectant la qualité des services à l'élève par une modification à la hausse des composantes de la tâche des enseignants». Je dirais qu'il n'y a pas beaucoup de monde qui salue ces efforts-là du gouvernement, puis je suis sûr que le ministre du Travail n'en est peut-être pas trop fier lui non plus. C'est un peu comme si on lui disait que le projet de loi de Rémy Trudel qui introduit les clauses orphelin est une bonne chose.

Premièrement, quand on parle de temporaire par rapport à une clause permanente, est-ce que cette définition-là, de temporaire par rapport à permanente, dans le secteur de l'éducation entre autres – je veux commencer par le secteur public – comme dans le secteur des affaires municipales, puis par rapport au caractère d'urgence que vous avez mentionné... est-ce que, pour vous, c'était vraiment la seule solution pour permettre l'embauche de jeunes dans la fonction publique que de donner deux niveaux de salaire ou d'échelle salariale? Et on sait que, au niveau de la Centrale de l'enseignement du Québec, ça a créé et ça crée encore des remous importants. Moi, la réaction que j'ai plutôt, c'est de dire: Le gouvernement, par ses gestes, a donné le signal et a levé les barrières qu'avaient un peu les gens avant, de dire: Bien, il n'y aura pas de clauses orphelin, le gouvernement... Avec ça, moi, je trouve que le geste que le gouvernement a posé là, il a ouvert la barrière, il a dit: Si le gouvernement est capable de poser ce geste-là, voici, le feu vert est donné au secteur privé. Vous n'avez pas eu plutôt l'impression que c'est ce geste-là plutôt que de le saluer? Puis, moi, je crois qu'il y aurait eu d'autres façons de permettre l'arrivée des jeunes dans la fonction publique.

M. Taillon (Gilles): Dans notre paragraphe de la page 6, nous n'avons pas voulu saluer le gouvernement, mais le fait que les parties ont convenu de tenter de solutionner une problématique importante qui était celle de la nécessité de redresser les finances publiques en faisant en sorte d'adopter des solutions qui étaient moins pernicieuses que celle qui aurait été, par exemple, de relever la tâche des enseignants avec les effets qui sont clairs: c'était une diminution de l'emploi. Donc, voilà pourquoi on dit: Oui, la solution est intéressante. Maintenant, il ne faut certainement pas saluer le fait que ce qui a entraîné ce règlement, c'est qu'on s'était placé dans une situation de déficit chronique au Québec.

M. Béchard: À la page suivante de votre mémoire, vous parlez du secteur privé, des investissements privés qui auront été faits, créant ou maintenant des centaines d'emplois. Est-ce que vous avez des exemples de ces emplois-là qui auraient été créés, parce que, justement, on permet à des... Parce qu'il ne faut pas non plus voir les clauses orphelin – puis je ne pense pas que c'est ça que vous faites ressortir – comme un avantage comparatif. Donc, quel genre d'entreprises ont pu profiter de ces clauses-là pour justement créer plus d'emplois ou permettre des investissements majeurs?

M. Taillon (Gilles): Je vais permettre, M. le Président, si vous le permettez, à Mme Marchand de répondre.

Le Président (M. Sirros): Mme Marchand.

(10 h 40)

Mme Marchand (Louise): Évidemment, vous me permettrez de taire le nom des entreprises en question. Mais, moi, je peux vous dire, pour avoir discuté avec les avocats qui négocient des conventions collectives, que, par exemple dans le secteur de la restauration, il y a une grande chaîne de restauration au Québec où plusieurs centaines d'emplois ont été sauvés grâce aux clauses orphelin et, n'eût été de cette possibilité, il y a fort à parier que les jeunes ou les nouveaux employés en général, qui ont été embauchés grâce à l'utilisation de ces clauses, ne l'auraient pas été.

Il est bien évident, encore une fois, comme disait le président, que ce sont des solutions de dernier recours, mais souvent les entreprises ont le choix entre utiliser ces clauses ou alors carrément aller en sous-traitance, embaucher des pigistes, ou alors, par exemple dans le secteur de la distribution alimentaire où elles n'ont pas de contraintes à s'établir au Québec, elles vont aller carrément s'établir ailleurs pour installer leur centre de distribution, si elles n'ont pas la possibilité ici d'avoir une flexibilité qui leur permette de maintenir une compétitivité par rapport à l'extérieur, par rapport aux autres provinces, par rapport aux États-Unis, qui sont immédiatement à nos frontières, qui sont nos concurrents tout à fait immédiats, voisins.

Alors, M. le ministre l'a souligné tout à l'heure, il n'y a aucune autre législation qui contient une interdiction de clauses orphelin. Et nous, ce qui nous inquiète, c'est le danger pour les entreprises québécoises de se sentir vraiment restreintes, encore une fois, encore plus qu'elles ne le sont. Il y a longtemps que le CPQ insiste sur la lourdeur de la législation en matière de travail au Québec et incite et invite le législateur à alléger ce poids sur les entreprises. Alors, une interdiction des clauses orphelin serait un poids énorme qui viendrait s'ajouter.

Le Président (M. Sirros): Si le député me permet, parce que votre remarque a soulevé une question qui me vient à l'esprit, si vous me permettez, en fonction de ce que M. Taillon disait tantôt. Il disait que, du côté public, c'est surtout la position déficitaire qui a conduit à la négociation des clauses orphelin dans certains secteurs. Mais, du côté privé, quand on sait que la loi du marché élimine une position déficitaire à très long terme, est-ce que les clauses orphelin ne seraient pas à ce moment-là une façon de faire éviter aux entreprises la loi du marché?

Mme Marchand (Louise): C'est-à-dire que c'est la loi du marché qui impose aux entreprises de recourir à ce genre de clauses parce que la concurrence est trop vive, soit que les entreprises ont à se comparer à des économies où le salariat est plus bas ou alors qu'elles entrent en compétition avec des coûts de production qui ont trait à d'autres phénomènes qui sont également plus bas par rapport aux leurs. Et d'ailleurs, l'apparition des clauses orphelin, on la voit au début des années quatre-vingt, aux États-Unis, au moment de la déréglementation des compagnies aériennes, où les compagnies ont constaté que leurs salaires de pilotes étaient beaucoup plus élevés les uns par rapport aux autres, et c'est là que les clauses orphelin sont apparues dans les conventions collectives. Alors, généralement, c'est ce qui se passe, c'est quand les taux de salaire sont extrêmement élevés qu'il y a un besoin pour les entreprises. L'économie ne répond pas nécessairement à une législation. L'économie fonctionne comme un animal un peu indépendant. Évidemment, par ailleurs, la législation peut avoir de graves conséquences sur l'économie. Alors, c'est un peu l'oeuf et la poule.

Le Président (M. Sirros): Je vais permettre au député de reprendre.

M. Taillon (Gilles): En complément, M. le Président. C'est juste pour vous signaler que, dans le fond, la loi du marché impose à l'entreprise de réduire ses coûts de production et, quand elle négocie une des solutions pour réduire les coûts de production, c'est bien sûr – et les coûts de main-d'oeuvre sont importants et les coûts de production... donc, c'est de négocier des clauses particulières, en ne remettant pas en cause, parce que c'est là que c'est essentiel, certains droits acquis.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Kamouraska.

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. Mais, M. le Président, vous serez d'accord avec moi que, si, par exemple, on prend une entreprise qui effectivement est en difficulté financière et que la loi du marché fait en sorte qu'elle doit diminuer ses coûts de production et que, par exemple, elle a une convention collective qui vient d'être signée et qui en a encore pour trois ans, je ne pense pas que le recours aux clauses orphelin est... Si elle ne réussit pas à faire supporter le poids de sa nécessaire diminution des coûts de production à l'ensemble de ses employés, elle ne se retrouve pas à ce moment-là dans une situation d'embauche. La définition d'une clause orphelin et la mise en place de clauses orphelin, ou on décide carrément de dire: Bien, on revoit la convention collective pour tout le monde dans l'entreprise, ou on décide de dire: Juste les nouveaux arrivants. Mais on se retrouve dans une période où on n'engage pas. Moi, j'ai des problèmes avec cet argument-là. Je ne vois pas dire: Une entreprise, c'est le moyen qu'elle a et, si c'est le seul moyen, la loi du marché va lui régler son cas beaucoup plus vite que ça. Il y a un problème là-dedans, selon moi.

M. Taillon (Gilles): Non, on n'a pas prétendu que c'était le seul moyen. C'est un des moyens. Évidemment, ça se fait au moment du renouvellement de la convention collective. Si, en cours de route, la situation... c'est signé, et tout ça, ça ne se produit pas. Vous aurez remarqué dans le mémoire aussi que ça nous permet aussi de dire que... si on disait: Demain matin, on interdit par législation les clauses orphelin, qu'advient-il des conventions déjà signées qui en contiennent? On a une problématique d'interprétation puis d'application. On est en problème. Je ne l'ai pas souligné dans la présentation, mais je pense que c'est un os dur qu'il faudrait régler.

M. Béchard: On a parlé des conventions collectives, mais, selon vous, est-ce que vous avez regardé un petit peu dans des entreprises qui n'ont pas de conventions collectives, c'est-à-dire des entreprises où les employés sont régis par la Loi sur les normes, et tout ça? Est-ce que c'est un phénomène qui, à ce niveau-là, mérite qu'on y porte la même attention ou, selon vous, est-ce que c'est davantage présent ou moins présent ou plus difficilement contrôlable à ce moment-là?

M. Taillon (Gilles): Je pense que, a priori – et je vais passer la parole ensuite à Louise qui a plus travaillé avec les gens de notre groupe – c'est très difficilement contrôlable dans les secteurs qui ne sont pas conventionnés. Très difficilement contrôlable parce que les règlements sont de un an.

Mme Marchand (Louise): Effectivement. D'ailleurs, il n'y a aucune donnée actuellement qui existe, qui nous permette de savoir de quelle façon ça fonctionne. Je voudrais tout simplement ajouter à ce que M. le président disait tout à l'heure concernant l'embauche. La question, je pense, qu'il faut se poser à ce moment-ci, c'est de savoir si, avec l'interdiction des clauses orphelin, on peut penser qu'il y aura plus d'embauche de nouveaux venus et notamment de jeunes. Nous, on pense que c'est le contraire.

Le Président (M. Sirros): Ça va? Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, M. Taillon, Me Marchand, je vous remercie pour le mémoire et aussi pour l'éclairage que vous nous avez donné sur ce dossier-là. Ce matin, en faisant la route, à 6 heures du matin, de Brossard à Québec, je me suis dit: Je vais aller participer à une consultation qui va nous permettre de corriger une iniquité à l'égard de catégories de citoyens, notamment les jeunes, mais aussi d'autres catégories, les femmes, les minorités, ceux et celles qui, par hasard, arrivent les derniers sur le marché du travail.

En vous écoutant, ce que je retiens de votre mémoire, c'est que vous nous dites: C'est une situation très complexe, c'est plus compliqué qu'on peut le considérer à première vue. Et vous soulignez l'ampleur du problème. Et surtout, si j'ai bien compris votre message, vous revenez beaucoup à la limite des ressources financières. Est-ce que vous avez une indication concernant les coûts que cela pourrait représenter? Et je fais le lien, si vous permettez, avec le débat dans lequel d'ailleurs vous étiez impliqué, que j'ai suivi de très près, sur l'équité salariale. Lorsqu'on a commencé à discuter de la question de l'équité salariale, cet argument concernant l'impact financier que doit assumer l'entreprise, publique, parapublique et privée, était amené avec force. Là, on a une loi sur l'équité salariale qui a été adoptée à l'unanimité de l'Assemblée nationale. Je voudrais vous entendre sur les coûts, parce que ça semble être l'argument majeur que vous semblez mettre de l'avant pour dire que la législation dans le domaine des clauses orphelin ne serait pas la bienvenue.

(10 h 50)

M. Taillon (Gilles): M. le Président, je pense que, d'abord, nous n'avons aucune idée de ce qu'une interdiction législative des clauses apporterait comme coûts. On est ici en présence de cas de conventions collectives, de cas particuliers d'entreprises. On sait donc qu'il y aura certainement des coûts. Mais ce qu'on prétend plutôt, c'est que l'entreprise va faire en sorte de réduire ses coûts pour se maintenir en vie – c'est très évident – sinon on n'en parlera plus. La loi du marché va les faire disparaître. Elle va faire en sorte d'utiliser d'autres recours et les autres recours, on vous les a signalés, c'est ou revoir les droits acquis, ou embaucher moins, ou précariser davantage l'embauche, pour faire en sorte de ne pas être pris par les contraintes de la convention collective. C'est à ça qu'on va s'attendre. Quant à la Loi sur l'équité salariale, nous sommes toujours en train de computer les coûts, puisqu'elle s'appliquera de façon officielle dans quelques années.

Mme Houda-Pepin: Vous avez aussi souligné, au niveau des impacts que cette législation pourrait avoir, le phénomène de la croissance de la sous-traitance dans l'entreprise. L'entreprise pourrait recourir davantage à la sous-traitance pour diminuer ses coûts. Permettez-moi de douter du lien de cause à effet entre la sous-traitance et les clauses orphelin. Le phénomène de la sous-traitance est un phénomène qui est là depuis longtemps, qui est effectivement en croissance et qui s'applique même dans des entreprises où il n'y a pas de conventions collectives. De plus en plus, les entreprises ont recours à ce phénomène-là, où on met à pied des employés et, par après, même, on les réembauche comme des travailleurs autonomes ou autrement. Donc, je ne vois pas le lien entre la sous-traitance comme phénomène du marché du travail et les clauses orphelin en tant que telles. Je ne vois pas. Si, vous, vous l'avez établi, j'aimerais bien être éclairée là-dessus.

M. Taillon (Gilles): Il n'y a pas de lien direct. On dit, par contre: Indépendamment du nombre de situations de sous-traitance qui existent, on pense que ce serait un moyen qui pourrait être utilisé advenant qu'on ait bloqué l'autre avenue qui s'appelle la négociation de conditions de travail différentes pour les employés qui arrivent après la signature de la convention. Ça pourrait être un recours supplémentaire. Mais il n'y a pas de lien de cause à effet. Ce n'est pas parce qu'il y a des clauses orphelin qu'il y a moins de sous-traitance. Mais on dit: Il y aurait une situation qui serait potentiellement explosive de ce côté-là.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. D'abord, je veux vous remercier de participer à nos travaux, surtout souligner que vous ne manquez pas de front quand vient le temps de présenter des propositions par rapport aux jeunes. J'ai été pour le moins interloqué d'entendre quelqu'un se vanter d'être le négociateur, dans le cas de l'éducation, d'une des conventions probablement les plus honteuses qui aient été signées contre les jeunes, contre les jeunes enseignants, qui est en train même de faire ouvrir la CEQ, et j'en suis fort heureux. Mais je pense que, dans ce cas-là, on a posé la question: Est-ce que c'étaient des solutions de facilité que de négocier comme ça sur le dos des jeunes enseignants? Ce n'est pas des solutions de facilité, c'est des solutions de lâcheté. En tout cas, de prendre la facture puis de dire: 70 % du monde, la facture, qui n'y toucheront pas, qu'ils s'en lavent les mains, mais il y a 30 % de jeunes qui vont payer la facture, ce n'est pas une solution de facilité, c'est une solution de lâcheté. Moi, c'est comme ça que je le décris. On ne s'attendrait pas à ce que des gens s'en vantent une fois qu'ils l'ont fait.

Dans votre mémoire, vous avez un certain nombre de points, vous nous convainquez que la situation des jeunes au niveau chômage est dramatique puis que la situation des jeunes... vous avez des statistiques, même, que vous reprenez. Je trouve dangereux le lien qu'on fait entre dire: Bien, la situation des jeunes, c'est le chômage; la situation des jeunes, c'est le temps partiel; par conséquent, qu'ils acceptent donc les miettes, les jeunes; ils sont aussi bien d'accepter des miettes que de ne rien avoir. Avec ce raisonnement-là, si on l'applique mur à mur dans la société, ça va être laid, ce qu'on va avoir comme politique dans quelques années. Je ne pense pas que c'est ça qu'on souhaite.

Vous m'avez aussi surpris quand vous avez dit: On n'est pas sûr qu'il y ait une discrimination. Il faudrait aller voir les tribunaux pour savoir si, vraiment, il y a une discrimination. Mais le recours au gros bon sens. On a avec nous des agents de la paix, qui font la même job: ils sont debout, côte à côte, à surveiller une prison, puis il y en a un qui a toute une série de conditions intéressantes, il y en a un qui mange de la gravelle à côté, il me semble que ça ressemble à une discrimination, sans passer par les tribunaux. Il me semble que le gros bon sens populaire de tout le monde... Puis, dans l'ensemble des entreprises où ça se produit... dans les municipalités où deux personnes partent dans le même camion pour aller réparer un trou dans l'asphalte, il y en a un qui est occasionnel qui a des conditions nulles puis que l'autre à côté est blindé doré, il me semble que ça ressemble à une discrimination pour deux personnes qui s'en vont faire la même job, boucher le même trou dans le même asphalte dans la même rue.

Donc, les problèmes sont toujours compliqués quand on ne veut pas les régler, puis j'ai senti un petit peu ça dans votre mémoire sur la complexification de l'affaire comme elle est, puis je suis le premier – madame disait tout à l'heure que nos lois du travail au Québec sont archicomplexes – à reconnaître ça, que, sur un paquet d'affaires, nos lois sont très complexes. Le projet de loi que j'ai déposé, moi, personnellement, au nom de l'ADQ, c'est vraiment pour garder ça simple, ne pas mettre de complication puis de commission qui va venir étudier, puis tout ça. C'est de dire tout simplement: Quand il va y avoir une convention collective dans une entreprise, il va y en avoir une pour tout le monde. Peut-être que le projet de loi, des gens vont le bonifier, mais je pense que c'est important de le garder simple et de dire: On ne rentrera pas dans des mécanismes qui vont prendre des années. Non. Un mécanisme simple que tout le monde peut comprendre, je suis très d'accord avec ça, mais pas complexifier les problèmes de peur de les régler.

Juste un commentaire aussi. Vous avez sorti un chiffre que je n'avais pas vu aussi précisément dans l'ensemble des documents. Vous avez dit: 10 % de la masse de l'ensemble des travailleurs sont victimes de clauses orphelin – d'après votre évaluation que vous en faites des documents, et je pense que vous avez probablement raison, j'ai fait quelques calculs et ça ressemble à une extrapolation juste. Mais 10 % de l'ensemble des travailleurs victimes des clauses orphelin, ça veut dire, compte tenu que les jeunes sont 25 % de la population active et que c'est eux qui sont touchés par les clauses orphelin – on parle de 35 % à 40 % des jeunes, si on suit votre raisonnement, qui sont victimes des clauses orphelin – que c'est énorme. Dans le secteur public, dans les grandes entreprises, c'est énorme.

Ma question. Vous nous dites que votre solution, c'est de soumettre la problématique au Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Si je connais bien la composition de ça, c'est exactement les mêmes parties qui ont été à la table pour négocier toutes les clauses orphelin. Parce que vous nous avez dit: Une clause orphelin, nous, on est juste le patronat, le syndicat aussi est d'accord, puis effectivement c'est vrai. D'ailleurs, c'est un petit peu inquiétant de voir que le Conseil du patronat puis Gérald Larose sont tout à coup d'accord quand vient le temps de voler les jeunes. Mais ramener ça au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, est-ce que ce n'est pas remettre le même problème dans les mains des mêmes parties qui ont signé toutes les clauses orphelin, puis avec les mêmes motifs et les mêmes explications, bien ça va être ramené dans un comité consultatif qui va brasser une tonne de papiers à nos frais, mais qui, en pratique, va arriver à la même conclusion à laquelle elles étaient arrivées sur toutes les tables de négociation où elles ont négocié des clauses orphelin sur le dos des jeunes?

M. Taillon (Gilles): M. le Président...

Le Président (M. Sirros): Donc, je pense que vous avez une question, là.

M. Taillon (Gilles): Oui. Écoutez, moi, je pense que ce que nous avons voulu vous démontrer, c'est qu'il y a des solutions qui peuvent paraître en apparence très simples, mais dont les conséquences sont complexes. Je vous ai bien dit tantôt: Si on est prêt à remettre en question tous les acquis de nos lois du travail, si on est prêt à le faire, on a une autre partie entre les mains; si on est prêt à faire sauter la sécurité d'emploi, si on est prêt à faire sauter l'ancienneté. Vous savez bien que ce n'est certainement pas le Conseil du patronat qui va être le grand défenseur de l'ancienneté. Maintenant, on voulait vous signifier que ce débat-là sur les clauses orphelin comporte ces conséquences-là. Si on est prêt à le faire, je pense que ça vaut le coup de le faire. Maintenant, on pense aussi que, dans le domaine des relations du travail, il est préférable de tenter d'arriver à des solutions consensuelles qu'à des solutions imposées. Ça a toujours fait la preuve d'un bien meilleur vécu dans l'application par la suite que d'en arriver à des solutions imposées. Je pense répondre là à la question du député de Rivière-du-Loup.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. M. Taillon, Mme Marchand, au nom des membres de la commission, je vous remercie pour votre présentation ainsi que les échanges avec les membres.

J'aimerais inviter le prochain groupe à venir à la table, soit les agents de la paix des services correctionnels du ministère de la Sécurité publique. On va suspendre deux minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 59)

(Reprise à 11 h 1)

Le Président (M. Sirros): Veuillez prendre place, s'il vous plaît – merci – pour qu'on puisse continuer nos travaux dans le temps qui nous est alloué. M. le ministre, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

Alors, si je peux demander aux représentants des agents de la paix des services correctionnels de bien vouloir prendre place. Je vous rappelle que nous disposons d'une heure, pour l'ensemble: 20 minutes de présentation et 40 minutes d'échanges, par la suite, avec les membres de la commission parlementaire.

Je vous demanderai, quand vous serez prête, de vous identifier, ainsi que celle qui vous accompagne, et de procéder à votre présentation. Et je suis convaincu que notre paix est assurée, ici.

Des voix: Ha, ha, ha!


Agents de la paix des services correctionnels du ministère de la Sécurité publique

Mme Bernier (Louise): Je demanderais à l'Assemblée nationale, pour des conditions particulières, de modifier un petit peu le plan de match, parce qu'au niveau de la présentation on avait prévu d'abord une vingtaine de minutes et, par la suite, on avait prévu une quinzaine de minutes pour des témoignages. Et puis ces témoignages, pour nous, sont la clé de notre documentation, ce sont eux qui vont refléter les vraies conditions que l'on vit dans notre milieu de travail. Alors, pour nous, c'est très important. Et nous allons prendre un cinq minutes pour conclure, par la suite. Donc, nous devrons prendre environ une cinquantaine de minutes.

Le Président (M. Sirros): Bien, je vois une petite difficulté, avec ça, parce que, normalement, les commissions parlementaires, c'est pour permettre aux membres de la commission d'échanger et d'approfondir un peu leur compréhension de la problématique qu'on examine, et, pour ça, d'ailleurs, on alloue une vingtaine minutes de présentation. Je vous demanderais peut-être d'essayer d'inclure les témoignages à l'intérieur de votre présentation pour qu'on puisse protéger au maximum le temps d'échanges, quitte à être quelque peu flexible avec le temps dont nous disposons. Nous ne pourrons pas, malheureusement, dépasser une heure, dans l'ensemble. Et j'aimerais au maximum essayer de protéger le temps de parole des membres de la commission. Alors, plus rapidement on va commencer, moins on aura de contraintes.

Mme Bernier (Louise): Alors, c'est très bien. Je vous remercie. Avant même de débuter, j'aimerais me présenter. Mon nom est Louise Bernier, agente des services correctionnels de la détention de Montréal, occasionnelle depuis huit années de services.

Mme Côté (Anny): Anny Côté, du Centre de détention de Montréal. Ça fait neuf ans que je suis au services de détention.

Le Président (M. Sirros): Assoyez-vous, puis on pourra commencer. Merci.

Mme Bernier (Louise): J'aimerais remercier l'Assemblée nationale de l'invitation faite aux agents de la paix en services correctionnels. J'aimerais remercier MM. et Mmes les députés, les journalistes, ainsi que mes collègues de travail qui ont bien voulu se prêter à cette démarche.

Aujourd'hui, c'est un jour spécial pour nous. C'est un jour où nous allons ouvrir ensemble les portes de nos prisons du Québec pour vous faire part de nos nombreuses récriminations vécues depuis plusieurs années comme employés occasionnels, avec tous les problèmes que la précarité de notre statut a pu engendrer depuis des années, sans espoir, aujourd'hui, à moins que vous n'interveniez, M. le ministre, que les choses vont s'améliorer pour nous, mais, au contraire, continuer à se détériorer.

Nous sommes les témoins vivants d'un holocauste sur les conditions de travail et nous allons vous le prouver. Difficile de travailler, en 1998, avec les conditions économiques. Encore plus difficile de travailler en détention, où, à chaque jour, nous devons affronter les barrières de la répression, le négatif dont transpirent les murs de la détention ainsi que sa clientèle et les nombreuses contradictions entre le désir de la direction d'humaniser le service à la clientèle et, à la fois, nous maintenir dans une forme d'esclavage, même en 1998. Regardons ensemble ce que veut dire «les orphelins de la paix»: «orphelins», pour clauses orphelin, et «paix», pour agents de la paix.

Mme Côté (Anny): Pour une meilleure compréhension du mémoire, on vous demande de pouvoir consulter, entre les pages 4, 5 et 6, vous avez les différentes définitions des mots «occasionnel» et «temps partiel». Pour nous, on a l'impression que deux types de clauses orphelin s'appliquent à notre cas particulier, la création d'une double échelle salariale dans le cadre de laquelle les nouveaux employés ne répondront jamais à celle des anciens, une baisse importante de salaire imposée aux occasionnels de longue date, un accroissement du nombre d'années requises avant d'accéder au plafond salarial, la création de nouvelles catégories d'emplois moins bien rémunérés, la diminution ou l'abolition de divers avantages sociaux.

Mme Bernier (Louise): La source même de la problématique origine de la demande faite par le gouvernement d'une compression de 6 % de la masse salariale à ses organismes publics et parapublics et découle d'une résolution du dernier sommet économique proposant l'atteinte du déficit zéro afin d'arrêter la croissance de la dette publique.

En 1995-1996, le Conseil du trésor estimait à 441 000 personnes les effectifs du secteur public et parapublic. En mars 1997, la fonction publique comptait à elle seule 50 384 emplois réguliers, pour 13 500 emplois occasionnels, soit près de 27 %. En 1996-1997, le Programme de départs volontaires pour la retraite anticipée a entraîné une baisse de 6,7 % des effectifs, soit la plus grande jamais vue.

Le cabinet du ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique relate le profil de différentes négociations intervenues avec les syndicats pour la réduction du temps de travail compensé pour une certaine période. Cette proposition est rejetée dans son ensemble, tout comme celle des programmes volontaires jugée trop onéreuse pour le Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec.

Mme la sous-ministre Louise Pagé, associée au ministère de la Sécurité publique, rencontre nos représentants syndicaux le 27 mars et entame le début des négociations. L'objectif ministériel visait à récupérer 1 000 000 $ sur les conditions de travail des agents en services correctionnels. Et le 9 juin dernier, une entente de principe a été signée, alors le 9 juin 1997. Appelés à voter, les agents ont voté: 51,2 % ont ratifié l'entente, soit 32 votes de majorité.

Lors de la commission parlementaire du 25 février 1998, Mme Nicole Anne Cloutier, occasionnelle au ministère du Revenu, présidente de la Coalition des employés précaires, a présenté un mémoire sur la misère des faux occasionnels en poste depuis de nombreuses années. Elle a décrié le système d'autoprotection des gestionnaires, qui maintient les employés occasionnels dans la précarité et la non-reconnaissance des droits les plus fondamentaux.

Pierre Roy, alors secrétaire au Trésor, a souligné que les prochaines négociations dans le secteur public allaient constituer un forum privilégié pour essayer de trouver des solutions au niveau du statut et du phénomène des faux occasionnels.

Depuis ce temps, diverses ententes de principe ont eu lieu entre différentes parties patronales et syndicales du secteur public, dont la nôtre. Malgré les déclarations claironnées lors des commissions publiques sur la problématique des employés occasionnels, force est de constater que peu d'efforts ont été déployés pour corriger la situation.

Entre temps, de nombreux organismes publics et municipaux ont utilisé les clauses orphelin pour maintenir la précarité des emplois et instaurer de novelles échelles salariales discriminatoires, faisant en grande partie supporter par les employés dits occasionnels le fardeau de l'endettement public.

(11 h 10)

Mme Côté (Anny): Lors de la signature de la convention collective des agents de la paix en services correctionnels 1983-1984, le Conseil du trésor applique une dérogation de l'article 2 de la fonction publique, le rendant inapplicable afin de permettre l'embauche d'employés occasionnels au sein des services correctionnels, et ce, à des conditions différentes et inférieures à celles des autres employés effectuant un même travail. Depuis plus de 15 ans, très peu d'efforts ont été déployés pour ajuster leurs conditions inférieures de travail à celles de leurs collègues réguliers. La convention collective de 1990-1992 concerne la même terminologie tout en y ajoutant un droit de rappel. Les articles 22.05 et 22.18 définissent un peu plus les conditions de travail des employés. En 1990, on a établi une liste provinciale des employés surnuméraires avec droit de rappel, à partir de laquelle la Direction des ressources humaines comptabilise les heures travaillées, ignorant toutefois toutes les heures effectuées avant 1990.

La convention actuelle reflète la convention collective de 1990-1993 amendée, où peu de gains, toutefois, on été marqués. Le Conseil du trésor peut, à la demande du directeur d'un centre de détention, encore engager autant d'employés occasionnels qu'il le désire. Cette latitude explique le nombre imposant d'occasionnels en services correctionnels, plus de 724, malgré la fermeture de six centres de détention. Depuis 1993, un nombre infime d'environ 50 emplois permanents ont été créés malgré les mises à la retraite. Mais le personnel au statut d'occasionnel continue d'augmenter sans cesse.

L'implantation généralisée de ce statut, qui ne précise que très peu les conditions de travail, impose l'instabilité d'un travail sur appel, un travail de jour, de soir, de nuit, et ce, 365 jours par année sans période de vacances prédéterminées. Seuls quelques centres de détention ont accepté de modifier la gestion des heures travaillées afin de permettre à leur personnel occasionnel une meilleure qualité de vie.

Compte tenu de l'inexistence de paramètres précis de gestion, de la difficulté d'encadrer le personnel et de l'obligation pour l'employé de faire preuve d'engagement total, l'employé occasionnel, surtout la nouvelle recrue, se retrouve souvent à la merci de son supérieur immédiat et soumis à son bon vouloir. Les rapports positifs ou les lettres de blâme en dépendent.

La tentation est alors grande de vouloir surutiliser un tel employé malléable, d'où le risque fréquent d'abus de pouvoir d'un supérieur immédiat: discrimination des tâches ou des horaires; refus de congé pour raison familiale; réclamation d'un billet médical obligatoire, qui peut être contesté; accord de privilèges pour les uns; harcèlement psychologique, sachant que l'employé occasionnel ne se plaindra pas, de peur de se voir infliger des lettres de blâme.

En plus du manque d'information et de l'absence de soutien syndical, la précarité de son emploi et l'insécurité financière qui en découle forcent l'employé occasionnel à supporter quotidiennement les irritants de sa tâche et le non-respect de ses droits. C'est la loi du silence.

En ce qui a trait au comité des relations de travail, l'employé occasionnel est peu ou n'est pas du tout représenté lors de ces réunions. Toute problématique importante soulevée par le représentant syndical n'a que peu de poids. D'une part, la convention collective est souvent inapplicable et la direction tient à préserver son droit absolu de gérance. Ces employés doivent donc faire confiance à la bonne foi des deux parties.

Par ailleurs, la place dévolue aux centaines d'employés occasionnels n'est pas plus précise. Mais, même si la cotisation de 650 $ leur accorde le droit de vote, leurs problèmes sont toujours noyés par les intérêts des employés permanents. Ceux qui suivent, dans le présent mémoire, nous sommes rendus à la page 21.

Le Président (M. Sirros): Et je vous rappelle, il vous reste à peu près huit à neuf minutes dans le temps de présentation.

Mme Bernier (Louise): D'accord. Alors, ce que nous allons faire, nous allons procéder immédiatement à l'explication de la nouvelle entente de principe qui est survenue le 9 juin dernier.

Alors, nous avons défini les orphelins de la paix comme étant les orphelins à deux niveaux, soit les orphelins à partir du moment où on a identifié, au niveau de la convention collective, une dérogation, ce qui fait que l'employé occasionnel est soumis à des mesures différentes d'un employé permanent, donc des mesures jugées discriminatoires. Et, d'autre part, les orphelins du matin, du midi et du soir sont des groupes d'orphelins, dont des occasionnels, qui ont subi des changements de conditions à cause de l'entente de principe qui est survenue dernièrement. Alors, on les appelle les orphelins du soir, c'est des orphelins qui, eux, travaillent depuis trois à 15 ans dans les centres de détention et qui sont soumis à des mesures telles qu'énoncées plus bas.

Alors, au niveau des employés permanents, les changements qui sont survenus lors de l'entente de principe, on reconnaît qu'il y a eu un changement au niveau de l'horaire de travail. Auparavant, ces employés travaillaient sur un horaire 7-3, 7-4, 5-2, un horaire rotatif avec deux fins de semaine au travail et deux fins de semaine de congé. Maintenant, avec cette nouvelle entente, ils vont avoir un horaire 5-2.

Alors, sur le deuxième point de changement important, il y a eu une nouvelle échelle salariale qui a été répartie sur 10 échelons, qui était auparavant de cinq échelons. Et tout employé permanent, après cette entente-là, au niveau de son ancienneté, qu'elle soit de cinq, six ans ou 10 ans, a été automatiquement situé à l'échelon 10. Alors, nous, les employés occasionnels, nous avons été obligés d'assumer une diminution salariale à cause des diminutions d'échelon. Alors, un employé occasionnel qui, lui, se trouvait principalement à l'échelon 5 de l'échelon maximal, il se retrouve, avec cette nouvelle entente, à l'échelon 5. Donc, il perd automatiquement cinq années de service, en termes d'ancienneté, et cinq ans de salaire, ce qui correspond à environ 12 % à 25 % de perte salariale engendrée par cette seule entente de principe.

Interprétation et discussion, à la page 30. L'effort salarial consenti par les employés permanents a été de 400 000 $, soit la perte de 4,3 jours de travail, annuellement. Mais cette perte d'effectifs sera assumée par les employés à temps partiel. L'effort salarial consenti par les futurs employés à temps partiel sera de 600 000 $, découlant de la baisse salariale liée au changement de statut. Le ministère de la Sécurité publique gonflera donc ses coffres de 1 800 000 $ grâce à l'effet récurrent de la nouvelle échelle salariale, pour un total de 2 800 000 $ qui ont été récupérés directement sur les employés occasionnels. Donc, nos représentants syndicaux ont été plus que généreux. Nous allons maintenant demander à M. Alain Bertrand de s'approcher pour lire son témoignage.

M. Bertrand (Alain): C'est le témoignage de la page 58, le témoignage n° 6. Travailler pour gagner son pain, gagner son pain pour vivre, vivre pour travailler. Au printemps 1987, je redémarre ma carrière d'agent mais, cette fois-ci, avec un statut précaire. Bien que ce revenu me permette d'entreprendre de nouvelles études, cela cache aussi le début d'une longue période de frustrations. Les sept années d'expérience que j'ai acquises comme agent permanent de 1977 à 1984 m'ont ouvert cette porte, pour ne pas dire ce piège qui me conduit dans le labyrinthe de l'instabilité. Je viens d'entreprendre, avec ce travail, à mon insu, le test de la résistance humaine dans des situations de stress maximal.

Sur appel, avec une disponibilité totale 24 heures par jour, sept jours par semaine, 52 semaines par année, horaire de travail non défini, rotation des quarts de travail jour, soir, nuit au quotidien, travail obligatoire toutes les fins de semaine et aucune période de vacances en même temps que tes enfants, ton épouse et tes amis, dans ces conditions, comment planifier ou même envisager une vie sociale, étant à peine capable de participer à la vie familiale?

Il ne faut surtout pas penser à des loisirs organisés, à prendre des cours, trouver un autre emploi pour combler le manque à gagner – travailler trois quarts par semaine qui ne sont pas toujours de huit heures – rend le soutien financier à la famille très difficile, à devenir entraîneur, à s'impliquer socialement, à recevoir, en fait, à faire ce que tout le monde fait. En résumé, comment prendre un seul autre engagement, puisqu'il faut continuellement annuler à la dernière minute?

(11 h 20)

Imaginez la déception que vous pouvez lire dans le visage des enfants, de votre épouse ou de vos amis lorsque, partis depuis une heure pour vous rendre, par exemple, à La Ronde, on vous appelle pour vous dire d'être là dans 30 minutes. Imaginez la frustration quand tu arrives au travail, ils te disent que cela faisait trois jours qu'ils savaient qu'ils auraient besoin de quelqu'un à ce poste. Bien sûr, on peut toujours refuser, mais, attention, pas trop souvent, deux ou trois fois peut-être dans l'année, parce que, à votre évaluation annuelle, vous écoperez d'une note très basse. On vous reprochera certainement un manque de motivation et d'efficacité. Le patron et ton propre confrère de travail permanent exigent de toi une polyvalence parfaite, un travail parfait, et tout cela, sans récriminer.

Nous baignons dans une mer de discrimination et de favoritisme. Des agents à statut précaire comme le mien entrés au devoir un à trois ans après moi ont accumulé entre 200 à 1 000 heures d'ancienneté de plus que moi, et cela, même si la situation fut rapportée à plusieurs reprises. Des changements de poste de dernière minute parce qu'un permanent a décidé que le poste de remplacement d'un surnuméraire lui convenait mieux, toujours les mêmes travailleurs sur les quarts de travail de quatre ou cinq heures, quand les autres en font huit et que le calcul du temps se fait au quart de travail. Si je calcule bien, quatre quarts de travail de quatre heures, ça fait seulement 16 heures, quand quatre quarts de huit heures font 32 heures. Il y a une bonne différence sur la paie, surtout quand c'est le temps de faire l'épicerie.

Et que dire de l'attitude bien ancrée, dans les détentions, depuis des décennies – c'est juste un surnuméraire! – les attaques verbales, les intimidations reliées au statut précaire, sans compter la discrimination existant au niveau syndical qui contribue à entretenir cette attitude.

Les années avancent dans ma vie, mon cercle d'amis a diminué. Les sorties culturelles et sociales se font de plus en plus rares. Je m'implique de moins en moins dans les activités familiales. Les enfants grandissent et les problèmes aussi. Dans notre société, quand tu as besoin d'aide, partout, les portes s'ouvrent, sauf au travail. Il y a des centaines d'études et de projets sur les gestions et les comportements psychologiques et sociaux des travailleurs, et ceux-ci visent l'amélioration de la qualité de vie des travailleurs. Pourquoi, en milieu carcéral, en sommes-nous encore à tester la résistance de nos travailleurs à statut précaire alors que nous connaissons les résultats, puisque, à l'inverse, on fait beaucoup pour améliorer le sort des travailleurs à statut permanent? Pourquoi ces comportements de gestion?

Il y a une limite à ce qu'on peut demander à un employé et, par ricochet, à sa famille. Cela fait maintenant 12 ans que je suis au service de mon employeur, avec un statut précaire. Depuis un mois, je travaille 40 à 50 heures par 15 jours, alors que les nouveaux, qui travaillent depuis un mois, travaillent de 60 à 70 heures. Pourquoi travaillent-ils plus d'heures que moi? Viendront-ils me rejoindre en ancienneté? Quand nous demandons de corriger la situation, ils nous disent que le système est équitable. Si c'est équitable, alors pourquoi certains confrères de travail à statut précaire comme moi peuvent-ils gagner 5 000 $ de plus par année?

Dans notre milieu de travail, nous sommes supposés avoir la possibilité de nous affirmer, de vivre dans un climat de camaraderie et d'être respectés non seulement en tant qu'individu, mais aussi en tant qu'employé. Le sentiment d'appartenance et la fierté de faire ce que nous faisons sont à la base de la saine collaboration. Oui, comme chaque être humain, je travaille pour gagner un revenu satisfaisant, pour accroître ma qualité de vie et celle de ma famille. Je veux contribuer, faire ce que j'ai à faire dans un milieu où ce que je suis en tant qu'individu, le statut et le rôle que j'y tiens sont perçus comme aussi importants que n'importe quel autre individu, statut ou rôle. J'aimerais ne pas vivre seulement pour travailler, mais aussi pour vivre. Merci.

Une voix: Merci, Alain.

Le Président (M. Sirros): Vous suggérez que ce témoignage illustre bien le problème que vous voulez soumettre à la commission, et j'ai proposé aux membres d'extensionner de cinq minutes votre temps de présentation afin de vous permettre de conclure votre présentation.

Mme Bernier (Louise): Je vous remercie, M. le Président. Alors, les conséquences de ne pas réagir à cette situation: Baisse salariale importante pour les employés occasionnels.

Mme Côté (Anny): Permanence de l'insécurité financière.

Mme Bernier (Louise): Maintien et reconnaissance de deux classes de travailleurs.

Mme Côté (Anny): Non-reconnaissance des acquis et des expériences accumulées.

Mme Bernier (Louise): Accroissement de la disparité sociale.

Mme Côté (Anny): Non-reconnaissance de ses droits fondamentaux.

Mme Bernier (Louise): Accroissement d'une gérance abusive.

Mme Côté (Anny): Maintien de la précarité.

Mme Bernier (Louise): Maintien du sentiment de perte.

Mme Côté (Anny): Absence de projets personnels.

Mme Bernier (Louise): Baisse de salaire affectant le niveau et la qualité de vie de ces employés.

Mme Côté (Anny): Instabilité familiale et sociale.

Mme Bernier (Louise): Appauvrissement du projet de retraite chez les 55 ans et plus.

Mme Côté (Anny): L'augmentation de maladies professionnelles associées au stress et à l'insécurité.

Mme Bernier (Louise): Virage intergénérationnel raté.

Mme Côté (Anny): Sentiment d'être ciblé pour payer le fardeau de l'endettement public.

Mme Bernier (Louise): On reconnaît, dans les différents documents ou les présentations de clauses orphelin que vous allez voir cette semaine, différentes chartes, entre autres la Charte des droits et libertés de la personne, qui reconnaît des pouvoirs, justement, fondamentaux à des employés. Il y a aussi les normes du travail. Puis ça va vous être énuméré un petit peu plus tard. Je pense qu'il y a quelqu'un, au niveau de la Charte des droits et libertés de la personne, qui va présenter, d'ailleurs, un mémoire ici à ce sujet.

Alors, pour conclure, la situation discriminatoire dans laquelle vivent les employés occasionnels en services correctionnels par rapport aux employés réguliers affecte non seulement leur précarité économique, mais accentue le problème du fossé entre les générations, les travailleurs réguliers et les plus jeunes employés. Mais le premier pas est d'abord une volonté politique clairement énoncée.

Qu'y a-t-il à espérer quand les instances décisionnelles qui ont la charge de promouvoir la justice sociale et de protéger les citoyens contre les abus utilisent elles-mêmes les dérogations, négocient l'iniquité, statuent sur la précarité, discriminent les salaires et les conditions de travail, et ce, à l'encontre même d'une charte des droits et libertés qu'elles ont charge de faire respecter?

C'est à vous maintenant qu'appartient la tâche, d'abord, de corriger ces injustices de clauses orphelin appliquées depuis quelques années de façon très subtile lors de différentes ententes collectives. Ce que les employés occasionnels en services correctionnels veulent, c'est tout simplement le respect de leurs droits fondamentaux pour occuper la place qui leur revient. Il est de votre devoir, M. le ministre du Travail, de rétablir l'équilibre, si l'on ne veut pas que la jeune génération, une fois majoritaire, établisse à son tour des clauses orphelin ciblant votre génération.

Si le statut d'employé occasionnel doit demeurer, il doit cependant faire l'objet d'une réforme très profonde. Ce n'est que par vous que nous verrons le changement et que nous conserverons l'espoir d'une plus grande justice sociale. À moins que, à l'instar des nombreuses commissions, comme par le passé, on crée un autre groupe d'étude qui étudiera encore un autre groupe d'étude, qui étudiera encore un autre groupe d'étude pour arriver et dire, dans dix ans, quand je serai prête à prendre ma retraite, que peut-être il y aura des changements.

Vous, représentants de notre société, vous êtes, à partir d'aujourd'hui, nos gardiens de la vérité, une vérité pas toujours facile à dire ni à entendre aussi, mais à laquelle il faut faire face pour pouvoir apporter des changements. Alors, je vous remercie, Mmes, MM. les députés, M. le ministre du Travail, M. le Président. Et on est disponibles pour les questions.

Le Président (M. Sirros): C'est nous qui vous remercions. On va commencer les questions avec le ministre du Travail. M. le ministre.

M. Rioux: Alors, Mme Bernier et Mme Côté, vous êtes les bienvenues. Je remarque que, lorsque vous sortez, vous ne sortez pas en petite équipe. C'est bien. Vous voulez non seulement être entendus, mais vous voulez être vus aussi. C'est important, très important.

Mme Bernier (Louise): Oui. C'est important pour nous. On a été longtemps ignorés.

M. Rioux: On a bien compris ça. J'aimerais que vous m'expliquiez des choses, clair. Moi, je suis très content d'entendre vos revendications. Je pense que vous vivez quelque chose qui est assez...

Mme Bernier (Louise): Difficile.

M. Rioux: ...exceptionnel, je dirais. Mais il reste qu'il y a eu une décision de prise par le syndicat à 51,2 %. Et ce que vous contestez, au fond, c'est le contenu du contrat de travail qui va être le vôtre et que vous ne voulez pas. Alors, jusqu'à maintenant, comment traitez-vous avec l'organisme syndical officiel qui vous représente? Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous exprimer, d'exprimer vos revendications, de décrire votre situation? Est-ce que vous avez été entendus?

(11 h 30)

Mme Bernier (Louise): Oui, M. le ministre. Suite à l'entente de principe qui s'est signée le 9 juin, nos représentants syndicaux sont venus nous voir pour nous énoncer les nouvelles conditions ainsi que les changements que nous devrions assumer pour payer la dette qu'on nous demandait de payer, c'est-à-dire l'équivalent de 1 000 000 $ dans nos conditions de travail. Alors, c'est évident pour nous qu'on a été ciblés pour payer cet endettement-là. C'est évident. Il y a un comité qui s'est regroupé et puis qui, suite à différentes discussions avec d'autres collègues de travail de différentes détentions, a décidé de se prendre en main et de faire quelque chose, parce qu'il y avait eu beaucoup de vices de procédure dans le processus de vote qui ont fait que, avec autant de vices de procédure que d'oublis, des gens occasionnels n'ont pas pu se prévaloir de leur droit de vote ou n'ont pas pu exécuter à temps leur droit, tout simplement.

M. Rioux: Vous mettez en cause, donc, la démocratie syndicale à l'intérieur de votre structure.

Mme Bernier (Louise): Oui. Oui, monsieur. Alors, il y a eu une démarche d'entreprise. Actuellement, nous sommes en revendication juridique à ce niveau-là. On se bat contre des normes ou bien des charges syndicales qui ne sont pas faciles, contre le gouvernement qui nous impose des nouvelles conditions et qui nous fait vivre des situations dramatiques, chez nous, pour l'ensemble des employés. Ce n'est pas facile, mais on croit que notre cause est juste dans le sens que nous nous sentons lésés et nous voulons nous défendre.

M. Rioux: Pour l'information des membres et des collègues de la commission, les agents occasionnels représentent quel pourcentage du membership syndical?

Mme Bernier (Louise): Au total, il y a environ 1 800 à 2 000 agents de la paix en services correctionnels du Québec, dont 763 actuellement occasionnels et 1 200, 1 300 agents réguliers.

M. Rioux: Croyez-vous que, dans le type de travail qu'on fait présentement comme parlementaires pour chercher une solution au problème des clauses orphelin... Quel type d'intervention législative, au fond, souhaiteriez-vous pour qu'on en arrive à corriger une situation comme celle dont vous parlez? Parce que vous dénoncez une situation qui déborde largement, vous faites référence à des problèmes de gestion interne. J'écoutais le témoignage de monsieur tout à l'heure, un témoignage quand même troublant. Il faisait référence carrément à la gestion du service qu'à d'autres dispositions, O.K.? Mais, moi, ce que je veux savoir, j'aimerais que vous m'indiquiez la nature de la modification législative que vous aimeriez qu'on adopte pour vous aider à solutionner le problème que vous vivez.

Mme Côté (Anny): Nous, ce qu'on aimerait ou ce qu'on s'attend en venant ici, c'est tout simplement que, normalement, une convention collective est au-dessus des normes du travail, en théorie. Nous, on se ramasse à avoir certaines conditions, comme un salaire supérieur, mais, par contre, pour ce qui est des vacances annuelles que n'importe qui, à travers la société, peut avoir, même au salaire minimum, elles nous sont refusées. Il y a des gens que ça fait 10 ans qu'ils n'ont pas pu avoir sept jours de vacances consécutifs. Ça, c'est fréquent, ce n'est pas une exception. Des fins de semaine de congé, on n'en a aucune. Ça fait que ça veut dire, ça, aucun Noël, aucun jour de l'An, aucune journée fériée avec nos enfants.

M. Rioux: Et votre syndicat ne revendique pas ça en votre nom?

Mme Côté (Anny): On n'a rien d'inscrit au niveau de la convention au sujet des occasionnels là-dessus.

M. Rioux: Vous payez des cotisations?

Mme Côté (Anny): Oui, mais, parce qu'on est occasionnels et que ce n'est pas inscrit dans la convention collective, les normes du travail ne s'appliquent pas et les droits de la personne sont encore moins respectés. Nous, la seule chose qu'on demande, c'est qu'une convention collective ne puisse pas entraîner d'injustices à ce niveau-là, le minimum que ça serait d'avoir une convention collective, c'est qu'elle respecte au moins les normes du travail, qui sont des vacances, une fin de semaine de temps en temps. On n'en demande pas toutes les fins de semaine. Une par mois serait amplement suffisante.

M. Rioux: Donc, vous vivez un problème de reconnaissance au sein même de votre propre famille.

Mme Bernier (Louise): Oui, c'est un problème de non-reconnaissance, c'est évident. Nous, on l'a signalé à maintes reprises. Mais les problèmes des employés permanents sont toujours priorisés au niveau des conditions de travail, au niveau des comités de travail. Ça fait que c'est pour ça qu'on est toujours deuxième, on est toujours la dernière partie qui est négligeable. D'ailleurs, dans cette entente de principe là, on a changé de statut au niveau du temps partiel par le biais de différents concours au niveau de la fonction publique afin d'éliminer le statut occasionnel. Mais il n'en demeure pas moins que ce nouveau statut là, temps partiel avec seulement 16 heures de travail garanties et une diminution salariale de 5 000 $, c'est beaucoup trop à supporter. Et des conditions aussi agressantes que les conditions qu'on a actuellement comme occasionnels, c'est beaucoup trop demander.

Alors, ce qu'on voudrait, M. le ministre, vous, là, c'est qu'au niveau des clauses orphelin vous adoptiez une législation, que vous interveniez au niveau du décret pour éviter justement que ces choses-là, ça perdure. Alors, en imposant votre opinion ou votre législation, en empêchant les clauses orphelin, automatiquement on ne pourra pas nous toucher de cette façon-là, on va être obligé de nous reconnaître travail égal, salaire égal. Ce qu'on demande, M. le ministre, MM. et Mmes les députés, puis ça, j'espère, j'espère que vous n'oublierez pas dans les prochains jours, retenez seulement ça: salaire égal, conditions de travail égales. Depuis la nuit des temps, ce principe-là a été respecté, et puis on espère bien, nous, que vous allez faire en sorte que ça va être respecté. Depuis l'année passée, depuis les ententes signées au niveau des clauses orphelin, il est évident qu'on a décidé volontairement de couper au niveau des conditions de travail des gens, de créer des disparités et puis de définir des salaires différents pour des employés qui travaillent dans un même milieu.

Moi, je suis agente de la paix, je prône la paix, je prône la justice, je prône l'équité sociale. Je vous demande, messieurs qui êtes au pouvoir, messieurs et mesdames, que ces gens-là soient respectés. C'est pour ça que j'aimerais que vous légifériez puis que vous disiez: Non, on ne veut pas de ces choses-là, non, ce n'est pas permis. Parce que nos enfants, demain matin, ils vont subir encore plus que ce que, nous, nous subissons. Vous me regardez, j'ai deux enfants, moi; j'ai un enfant de 21 ans et un enfant de 25 ans, ce sont des jeunes adultes. Ils vont devoir se battre demain matin, à cause qu'on a laissé tomber à quelque part ces jeunes-là. Puis ça, ce n'est pas acceptable. J'ai des collègues de travail ici qui ont cet âge-là, qui sont des employés occasionnels comme moi, ils pourraient être mes enfants.

Vous voyez le contexte socioéconomique dans lequel on nous demande de faire des efforts pour récupérer 1 000 000 $, alors que notre syndicat a donné en réalité, sur nos conditions de travail, 2 800 000 $, M. le ministre. Vous ne trouvez pas ça un peu effrayant? Moi, je trouve ça vraiment difficile à supporter. Puis je n'aimerais pas que notre génération future... qu'on donne un exemple comme ça à nos jeunes. Je n'aimerais pas qu'on fasse ça. Demain matin, quand, nous, on va être retraités, qu'est-ce qui nous arrivera? C'est ça, le danger. C'est ça, le danger. Il faut absolument légiférer sur les clauses orphelin, il faut faire cesser cette hémorragie-là qui, à mon avis, n'a pas sa raison d'être, n'a pas sa raison d'être surtout pas ici, dans un contexte de nouveau gouvernement québécois qui veut prôner la justice, un beau modèle, comment on pourrait dire, de société jeune, dynamique, qui veut développer des valeurs et des justices. Il ne faut pas s'en aller vers ça. Et malheureusement, depuis l'an dernier, moi, personnellement, je trouve ça déplorable ce qui s'est passé, déplorable à tous les niveaux. J'ai entendu des témoignages déplorables. J'ai honte. J'ai honte des gens de ma génération. J'ai honte des gens de 40, 43 ans, 45 ans, 50 ans, qui êtes là, vous, qui avez ou qui n'avez pas pris position par rapport à ça. Je vous demande de prendre position, mesdames et messieurs. Merci.

M. Rioux: M. le Président, votre collègue, tout à l'heure, évoquait la primauté de la convention collective sur la Loi des normes minimales de travail. C'est une loi qui est d'ordre public, vous le savez. Et quand j'entendais le témoignage de monsieur, qui parlait de ses jours de congé qu'il n'avait pas, il y a pourtant dans cette loi des dispositions qui prévoient deux à trois semaines de congé par année...

Mme Bernier (Louise): La difficulté, M. le ministre...

M. Rioux: Alors, je m'explique mal que vous en soyez là.

(11 h 40)

Mme Bernier (Louise): Bon. Dans notre convention collective, actuellement, on prévoit un équivalent salarial d'environ 8 % pour compenser les vacances annuelles. Alors, en termes d'argent, on nous donne un montant d'argent. En termes de temps de vacances, on ne nous le reconnaît pas parce qu'on est un employé occasionnel. Donc, on devrait être disponible pour répondre aux demandes du personnel qui est absent. Mais l'aberration fait qu'au bout de 365 jours par année tu as besoin de prendre des vacances. Comprends-tu? Le milieu de la détention, c'est un milieu difficile. On vit quotidiennement des choses puis des situations difficiles. Je demande des vacances pour me reposer, me changer les idées, et, si ça cause du temps supplémentaire ou si ça cause une absence de personnel non motivée les fins de semaine, bien, on me dit: Madame, on ne peut pas vous les accorder, vos vacances; ça va aller peut-être au mois de mai.

Mme Côté (Anny): On va jusqu'à demander des réaménagements d'horaires pour pouvoir répondre à un besoin. Par exemple, si on a une fête le matin, on voudrait rentrer de soir, pour justifier. Ils préfèrent qu'on arrive avec un billet médical puis s'absenter toute la journée que de nous accorder une petite période de liberté.

M. Rioux: Bien.

Le Président (M. Sirros): Il y a M. le député de Roberval qui avait une question également.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. On a l'impression que vous êtes orphelins de votre syndicat, de votre propre syndicat. Votre première situation d'orphelin vient de là. Maintenant, si on regarde la prémisse du Sommet économique de l'automne, on s'aperçoit que les grandes centrales syndicales qui étaient présentes à ce moment-là et les parties patronales se sont entendues pour reconnaître qu'il y avait quand même un effort à faire collectivement, tout le monde ensemble, de façon équitable, de façon égale, et on s'aperçoit que, dans les négociations, ce n'est pas tout à fait ce qui s'est passé. On s'aperçoit de ça.

Je tiens à vous féliciter quand même pour votre mémoire qui est très bien fait, qui est très impressionnant par les données de même que par les témoignages qui ont été donnés également vers la fin. Il reste que j'ai constaté également que vous parlez des orphelins du soir, du midi et du matin. On constate qu'il y a beaucoup de différences entre également les permanents. Alors, comment expliquer cette différence-là?

Mme Bernier (Louise): C'est que les employés, à cause de la nouvelle entente, les employés permanents ont pu bénéficier d'un changement d'horaire de travail et principalement d'une différenciation au niveau de l'échelle, qui était une échelle salariale de 1 à 5 à une échelle salariale de 1 à 10. Eux, les employés permanents, ont tous été placés à l'échelon 10 parce qu'ils sont permanents alors qu'ils ont peut-être... Il y en a qui ont six ans d'ancienneté, sept ans, huit ans, neuf ans, 10 ans. Moi, personnellement, monsieur, j'ai huit ans d'ancienneté dans mon milieu de travail. Mais, parce que je suis occasionnelle, à la nouvelle entente, je tomberai à l'échelon 5. Donc, je perds trois années de vie d'occasionnelle durement travaillées, monsieur, très durement travaillées. Ça, c'est difficile.

M. Laprise: Comment ça se fait que les occasionnels n'ont pas l'opportunité d'appliquer sur des postes? On voyait ça à quelque part dans votre mémoire, que vous n'avez pas la possibilité d'appliquer sur des postes pour un avancement, par exemple, lorsque les postes sont affichés.

Mme Bernier (Louise): C'est ça.

M. Laprise: Vous n'avez pas la même priorité que les autres.

Mme Bernier (Louise): Oui, à cause d'une dérogation de la loi qui a permis, en 1983-1984, d'embaucher des employés occasionnels. Alors, c'est là vraiment que ça a débuté, puis c'est là qu'on situe, nous autres, notre clause orphelin du départ. O.K.? À cause de ça, nous, on est rattachés en premier à la directive du Conseil du trésor et, par la suite, à la convention collective. Mais, compte tenu qu'on est rattachés à la directive du Conseil du trésor, nos conditions de travail ne sont pas applicables au même titre qu'un employé permanent sur certains points, dont, entre autres, les conditions de travail. Alors, c'est ça qui fait la différence.

Puis comme employés occasionnels, vu qu'on est directement embauchés par le Conseil du trésor, on ne fait pas partie des employés de la fonction publique comme telle. Nous devons passer des concours, des concours au public pour arriver à changer de statut. Alors, c'est ce qui s'est produit avec la démarche depuis l'an passé. Nous avons subi, nous, des employés occasionnels de plusieurs années de service, différents niveaux d'élimination, entre autres, des concours au public, examen médical, même après plusieurs années. Après des années de stress, la santé est moins bonne, tout ça. Il a fallu passer ces examens-là. Et maintenant, on est en attente imminente de changer de statut.

Alors, le changement de statut va faire en sorte que, maintenant, nous allons être intégrés dans la fameuse convention collective et, au niveau du syndicat, nous allons avoir plus de possibilités d'être défendus, parce que nous allons être des employés permanents. Mais la problématique reste toujours qu'au niveau des conditions de travail, les conditions de travail imposées par cette entente-là font en sorte qu'on est aussi discriminés dans les conditions de travail qu'on l'était comme occasionnels. La seule différence, c'est qu'on a un 16 heures garanti puis qu'on est rattachés à la convention collective.

Mais, si vous remarquez bien dans le mémoire, vous allez constater que, dans les nouvelles conditions rattachées aux conditions de travail du nouvel employé temps partiel, vous allez voir qu'on nous accorde des périodes de sept jours de non-disponibilité, puis ça, ça peut être pris une semaine à la fois ou divisé deux fois dans l'année, réparti, si l'administrateur ne veut pas se départir de nous. Donc, c'est lui qui va encore décider si, nous, après un an travaillé, on a droit juste à une semaine, puis là, ça, ce n'est pas pendant l'été, ce n'est pas pendant les Fêtes. La semaine que tu as le droit de prendre, c'est entre le 15 janvier et le 15 juin, c'est entre le 15 septembre et le 15 décembre; là, les 700 employés occasionnels vont pouvoir partir en vacances, mais juste sept jours à la fois, puis si ça n'engage pas du surtemps ou du... C'est vraiment des conditions au niveau du statut temps partiel qui ont fait que ces conditions-là sont aussi encadrantes qu'un statut occasionnel, finalement. C'est ça qui est difficile à supporter dans tout ça.

Le Président (M. Sirros): Merci.

M. Laprise: Merci.

Mme Bernier (Louise): Merci.

Le Président (M. Sirros): On va passer du côté du député de Kamouraska-Témiscouata pour la poursuite, tout en vous demandant d'essayer de raccourcir un peu les réponses parce que le temps va commencer à presser.

M. Béchard: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Bernier, Mme Côté, les gens qui vous accompagnent, dont certains que j'ai eu l'occasion de rencontrer, et j'ai constaté moi-même la complexité de vos horaires dans les efforts qu'on a faits pour avoir une rencontre. Ce qui ressort clairement pour moi de votre problématique, on voit l'effet direct et concret, je ne dirais pas d'un complot, mais presque, ou de partie très consentante entre le syndicat et l'autre partie, et l'autre partie, dans ce cas-là, c'est le gouvernement. On n'est pas dans le secteur privé, c'est le gouvernement. Et, à ce niveau-là, on a parlé tantôt de l'expérience des jeunes enseignants, on a parlé de l'expérience des jeunes médecins, mais on doit parler de votre expérience, parce que l'effet qui est à long terme fait en sorte que...

Vous parliez de la composition du nombre que vous êtes par rapport au nombre total dans votre syndicat. Vous ne gagnerez jamais rien là, vous n'aurez jamais le dessus, et on se sert de vous clairement pour sauver une autre partie des employés. Ce qui est encore intéressant, c'est qu'on a l'impression que les clauses orphelin peuvent toucher seulement les jeunes. Sans vouloir attaquer personne, ça touche tout le monde. C'est la plus belle preuve que, quand, finalement, les deux parties s'entendent, côté syndicat et côté patronal, on peut arriver dans des situations très dangereuses, dangereuses surtout par rapport au contexte de votre milieu de travail, comme vous l'avez mentionné.

Moi, quand vous parlez d'une législation, la chose qui... Juste avant, pour éclaircir peut-être. Vous savez qu'il y a des articles dans le Code du travail, entre autres, 47.2: «Une association accréditée ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire – donc, pourrait faire pression à ce niveau-là – ni faire preuve de négligence grave à l'endroit des salariés compris dans une unité de négociation qu'elle représente, peu importe qu'ils soient ses membres ou non.» Vous en êtes ses membres. Mais est-ce que c'est le Code du travail? Est-ce que c'est la Loi sur la fonction publique? Quel est l'outil législatif qui règle votre convention? Juste pour éclaircir ça pour tout le monde.

Mme Bernier (Louise): Le problème, c'est qu'il n'y en a pas vraiment, d'outil. O.K.?

M. Béchard: Donc, même en modifiant le Code du travail...

Mme Bernier (Louise) : Ça ne change rien, le Code du travail, il est là.

M. Béchard: Donc, c'est un bel exemple. Quand on dit que le gouvernement doit faire le ménage dans sa cour...

Mme Bernier (Louise): Oui.

M. Béchard: ...c'en est un, exemple.

(11 h 50)

Mme Bernier (Louise): À mon avis, oui, parce qu'il manque quelque chose. Il y a quelque chose d'immoral. Moi, au fil des années, j'ai essayé de comprendre. Je me suis dit: Bon, c'est vrai, je suis juste une employée occasionnelle. On se le fait dire à tous les jours, à tous, tous les jours: Je suis juste une employée occasionnelle. Quels actes d'humilité constamment nous devons faire pour accepter de rentrer au travail! Il faut attendre le téléphone. Est-ce qu'on rentre travailler demain matin? Demandez à ces gens-là s'ils rentrent travailler demain matin. Ils ne le savent pas. Ils vont le savoir peut-être demain matin à la dernière minute, à 5 heures. Demandez à madame si elle va travailler demain matin. Elle ne le sait pas. Elle va le savoir à cinq heures et quart. Mais là, à cinq heures et quart, il faut qu'elle appelle sa gardienne, il faut qu'elle fasse garder ses enfants, puis qu'elle se dépêche d'aller travailler, hein. Alors, ça, c'est du vécu.

Mais, au niveau des lois, le Conseil du trésor émet une directive sur les employés occasionnels régie avec différents critères, la convention collective en émet d'autres et les normes du travail sont à côté mais on ne peut pas les utiliser. On a appelé. On s'est plaint. La première année que j'ai demandé des vacances, ça faisait trois ans que je travaillais jour après jour sans arrêt. J'étais fatiguée, épuisée. Je voulais avoir des vacances; on me les a refusées. Je suis allée voir un avocat. On a payé 400 $ pour se faire dire que c'est vrai que, dans les normes du travail, on nous octroie deux semaines de vacances. Mais j'ai dit: Comment je vais faire? Comment je vais faire pour me débattre devant mon directeur ou la direction qui ne veut pas que je parte? C'est ça, la complexité. Est-ce qu'il va falloir, à chaque fois, que j'engage un processus judiciaire pour avoir mes deux semaines de vacances par année? Je ne veux pas faire ça. Je suis une agente de la paix. Je ne veux pas partir en guerre. On va le faire si on est obligé, si on nous impose des situations invivables. À un moment donné, il y a des limites à faire accepter des choses à des gens. Puis nous, peut-être, comme au niveau de CADO, on a décidé de porter une action juridique parce que la limite, c'était ça, là, c'était trop, c'était trop nous demander. Ça n'avait pas d'allure. Travail égal, salaire égal.

MM. et Mmes les députés, c'est juste avec ça qu'on va s'en sortir, sinon ce n'est pas fini, ça va continuer. On a ouvert une porte dans le secteur public, dans les municipalités; attendez donc de voir ce qui va se passer dans les industries, dans le privé. Qu'est-ce qu'on va demander aux autres qui n'ont même pas des salaires normaux, qui n'ont pas des salaires décents pour vivre? On va leur demander quoi de plus? C'est ça, le danger. Vous êtes l'exemple de la société, le gouvernement qui est l'employeur; vos employés, vous êtes supposés de les soigner. C'est ce qu'on veut. Salaire égal, conditions de travail égales pour un même corps d'emploi. Ça nous protégerait.

M. Béchard: Vous avez mentionné, et ça, c'est une des questions, parce que les jeunes nous l'ont dit dans leur mémoire qu'on a regardé, et plusieurs personne ont dit: Vous savez, les clauses orphelin, c'est une façon de permettre à plus de gens d'entrer sur le marché du travail. Quand vous avez commencé votre travail, c'est sûr que peut-être les premières semaines, les premiers mois, vous trouviez ça bien le fun de travailler, mais, par la suite, on voit l'évolution et la dégradation que ça amène. Quand on parle de conditions ou de clauses orphelin, temporaires ou permanentes, vous êtes la plus belle preuve de la permanence de ces clauses, de ce que ça amène. Moi, j'aimerais savoir: Est-ce qu'il y a des nouvelles personnes qui entrent à votre même statut? Qu'est-ce que vous leur dites à ces gens-là? Est-ce que vous leur dites: Vous seriez mieux de... réoriente-toi et cherche ailleurs; te rends-tu compte dans le piège... Parce que c'est ça, il y a des gens qui vont nous dire: Oui, mais c'est une façon de sauver de l'emploi, c'est une façon de permettre aux gens d'entrer sur le marché du travail, puis, en plus, vous travaillez pour le gouvernement, personne ne doit s'attendre à une telle discrimination. Qu'est-ce que vous dites à ces personnes-là, les jeunes et autres personnes aussi qui entrent aux mêmes conditions que vous, et que vous vous rendez compte que peut-être dans trois, quatre ans, ils vont vivre les mêmes choses que vous vivez?

Mme Côté (Anny): Le problème, c'est que les nouveaux employés en détention, pour justement qu'ils ne partent pas tout de suite du jour au lendemain, on leur donne des postes de travail, on leur donne des fins de semaine, on leur donne des équipes privilégiées. Ça fait qu'en partant, ces gens-là, on les, comme, favorise à une certaine façon pour qu'ils prennent le «beat» du travail, pour qu'ils s'habituent au salaire, pour qu'ils s'habituent à tout ça, puis là on leur donne le plus beau de l'emploi. Mais, après quelques années, il y a des nouveaux qui embarquent. Ça fait que ces nouveaux-là, on doit les chouchouter un peu pour qu'ils restent encore. Ça fait que là, c'est toujours en dégradation. Les premières années où on était là – moi, si je me remets en 1990 – on demandait une semaine de vacances, on l'avait. Mais on était à peu près 40; là, on est rendu 140. Ça fait qu'à travers les 140 – ça, c'est pour un seul centre de détention – bien là, il y a du favoritisme qui embarque. C'est sûr que les nouveaux, il y en a plusieurs qui vont partir pour d'autres corps d'emploi si tu leur fais peur tout de suite. Mais, quand tu es bien entré dans le système, ça fait cinq, six, neuf, 10 ans, tu n'as peut-être pas la même facilité d'adaptation pour changer d'emploi comme ça du jour au lendemain quand tu te rends comptes réellement de la situation, à quel point elle est rendue. Il y a des choses qui se tolèrent le temps que tu es étudiant. Mais, quand tu évolues, en 15 ans, ta situation change: tu n'es plus le jeune étudiant qui sort de l'école, tu es rendue mère de famille, tu as des responsabilités qui sont différentes, sauf que les conditions de travail ne s'améliorent pas, elle se détériorent. C'est ça, la différence.

Mme Bernier (Louise): Je vous inciterais, pour vous éclairer, peut-être plus tard, à lire le témoignage n° 2. C'est justement une jeune fille de 26 ans, ça fait à peine un an qu'elle est rentrée en détention. Ce témoignage-là, mesdames et messieurs, il est vraiment bon. Ça va vous aider à voir qu'est-ce qu'il en est au niveau des jeunes qui rentrent. Ils déchantent assez rapidement.

Le Président (M. Sirros): Dernière question, M. le député.

M. Béchard: Ce que vous venez de dire là, c'est rendu qu'il y a presque une clause orphelin dans la clause orphelin de la clause orphelin. Vous dites que les jeunes qui entrent, on leur porte une attention particulière. Autrement dit, pour être sûr qu'on va les attacher comme il faut, on va s'assurer qu'ils prennent ce rythme de vie là, ce qui fait en sorte qu'ils développent des habitudes de vie, comme vous disiez tantôt, la précarité, l'incertitude, courir après la gardienne, et tout ça, et qu'une fois qu'on sait qu'ils sont bien attachés et qu'on leur fait comprendre qu'il n'y a peut-être pas de possibilité d'aller ailleurs, là on les laisse puis on ramène d'autres gens. C'est une pratique, et ça, les responsables de ça... c'est une pratique qui est institutionnalisée par vos représentants syndicaux. Ces gens-là qui devraient vous défendre ne sont pas là pour le faire?

Mme Côté (Anny): On n'est pas dans la convention; donc, c'est des droits de gérance. Nous, les droits de gérance en détention sont très importants sur tout.

M. Béchard: Oui.

Mme Côté (Anny): Les congés, c'est des droits de gérance; les maladies, c'est des droits de gérance. Combien de personnes ont amené des billets médicaux pour dire qu'elles ne pouvaient pas être là telle journée? Puis, si ça a le malheur de tomber une fin de semaine, bien là tu es sûr d'avoir le procès qui va avec. Ça fait qu'à ce moment-là les gens amènent des billets médicaux. Même les billets médicaux sont contestés. Ils demandent de préciser les raisons pourquoi tu n'es pas rentré. Donc, si tu fais une indigestion, quelque chose de banal, que tout le monde reste chez soi parce qu'il a une grippe puis il ne file pas, toi, tu es obligé de te présenter à la clinique pour amener un billet pour justifier ce qui se passe.

M. Béchard: Est-ce que c'est trop indiscret de vous demander quel est le syndicat qui vous représente?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: Et à qui ils sont affiliés? Parce qu'on va en voir, des centrales syndicales, on pourrait les questionner là-dessus.

Mme Bernier (Louise): On n'est pas ici, monsieur, pour faire...

M. Béchard: Non, mais juste pour... Si c'est trop indiscret, je ne veux pas...

Mme Bernier (Louise): ...le constat déplorable du manquement de certains organismes. Je pourrais vous dire, autant au niveau du gouvernement, autant au niveau du syndicat, on pourrait dire que chacun a sa part de vérité à accepter ou sa part de blâme. Mais ce qui est important là-dedans, c'est qu'on est ici aujourd'hui pour faire le constat de situations déplorables. Puis ce qu'on veut, nous, c'est faire en sorte que les choses changent. Alors, on est ici, c'est pour ça: avoir en tête salaire égal travail égal, avoir en tête qu'il ne faut pas accepter de continuer dans cette déroute-là. O.K.?

Je pense, M. le ministre, vous allez voir, à partir de, je crois, la page 46, 45 et 46, des recommandations. Il y a des choses qui peuvent être faites au niveau de la législation comme telle. C'est des recommandations. Alors, peut-être instaurer un comité qui, lui, travaillerait directement à la résolution du problème mais de façon imminente, un comité où il y aurait la partie patronale, syndicale, où il y aurait un membre d'un employé qui a été lésé, et puis une espèce de modérateur, une personne qui serait à côté et puis qui aurait la responsabilité de régler la situation à ce niveau-là. Et puis, vous, avec la législation, prenant position contre les clauses orphelin, vous allez vous assurer que ça ne pourra plus se reproduire. Alors, nous, c'est ce qu'on veut.

(12 heures)

Le Président (M. Sirros): Avec ça, on va passer à la dernière partie de nos interventions de ce matin. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, M. le Président. D'abord, je vous souhaite la bienvenue, mais je veux dire surtout: Bravo! Ça fait quatre ans que je suis ici et je dois dire que c'est une des présentations, dans les commissions auxquelles j'ai assisté, très étoffées et très convaincantes.

Vous venez – vous me permettrez ce vocabulaire-là – de mettre à des gouvernements et à votre syndicat, quel qu'il soit, le nez dans leur caca. Je suis en train d'élever un jeune chien, je me suis acheté ça. C'est la façon dont on le rend propre: on lui met le nez dans son caca. Et c'est un peu ça que vous faites, hein. Je le dis comme ça, parce que c'est l'expression qui me vient à l'esprit. Je vous comprends d'être révoltés quand, dans le fond, votre gouvernement, que vous avez élu ou qu'on a élu comme société – les votes se sont partagés entre différents partis, mais c'est le gouvernement qu'on a élu – et votre syndicat, pour lequel vous donnez un beau 650 $ de votre paie, finalement, s'entendent, se donnent la main pour dire: Bon bien, eux autres, cette catégorie de travailleurs là, on les met de côté, puis voici les conditions qu'on va leur faire. Et quand, en cours de route, il y a un nouvel effort... Déjà qu'il y a une gang qui est moins bien traitée, mais, quand, en cours de route, il y a un effort à faire, il y a d'autre argent à aller rechercher, c'est les premiers chez qui on va fouiller dans les poches.

Moi, j'avais fait la suggestion – et je vais la refaire – que le président du Conseil du trésor puisse venir témoigner, parce que c'est l'employeur du gouvernement, celui qui embauche, dans le fond, au nom du gouvernement, qu'il puisse passer devant cette commission-là pour défendre son point et nous expliquer de quelle façon il procède, de quelle façon on a utilisé durant autant d'années d'une façon malhonnête le statut d'occasionnel. Dans les premières pages de votre mémoire, vous définissez «occasionnel». On ne peut pas appeler ça autrement, c'est une utilisation malhonnête de la part de deux gouvernements successifs du statut d'occasionnel, pour prendre un terme qui devrait signifier quelque chose, et, finalement, on l'utilise des années durant. Il y a les utilisations malhonnêtes de statut, vous connaissez ça, dans le domaine de la détention, parce que les absences temporaires... Ha, ha, ha!

Mme Bernier (Louise): ...

M. Dumont: Les absences temporaires, dans la détention, c'est une autre utilisation un peu large d'un terme.

Vous voulez que les choses changent, je vous comprends, et j'arrive à ma question, parce que, moi-même, qui me fais aller la gueule depuis des années avec ce genre de sujet là, discrimination face aux jeunes, je n'étais pas conscient de l'ampleur, de la liste de tout ce qui est discriminatoire dans vos conditions de travail. Je n'étais même pas conscient de ça. Vous voulez que les choses changent. Si, demain matin, le gouvernement... Je ne pense même pas que... dans votre cas, ce n'est même pas les normes du travail ou le Code du travail, c'est le gouvernement en tant qu'employeur lui-même. Quand le gouvernement veut modifier les lois du travail, c'est pour forcer l'ensemble de la société à appliquer des règles. Mais, quand c'est le gouvernement lui-même qui est concerné, il n'a pas besoin de passer... c'est sa propre action qui est en cause. S'il vous donnait demain matin des conditions égales, s'il régularisait la situation pour tout le monde puis qu'il remettait une équité à l'intérieur des emplois des gens qui sont là depuis... Pour moi, une personne qui est là depuis sept, huit ans, ce n'est plus une occasionnelle. Ça vous donnerait quoi, comme changements de conditions, demain matin?

Mme Côté (Anny): Qu'est-ce que ça nous donnerait?

Le Président (M. Sirros): Écoutez, juste avant que vous ne répondiez. M. le député, dans la recherche de vos images, des fois, je vous suggérerais de trouver des images un peu plus parlementaires. Je ne voulais pas briser votre élan tantôt, mais... Allez-y.

M. Dumont: Y «a-tu» un terme antiparlementaire au sens du lexique?

Le Président (M. Sirros): Je ne suis pas pour le répéter, comme d'autres l'ont déjà fait.

M. Dumont: Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Côté (Anny): Ce que ça changerait pour nous?

Mme Bernier (Louise): Tout.

Mme Côté (Anny): Ça rendrait sûrement une vie plus normale, que ça soit de pouvoir fonctionner dans la société normale. D'abord, une fête sur deux de temps en temps. Pouvoir dire à l'avance: Oui, je vais être présent à une réunion d'école; oui, je vais être là pour voir ton certificat. Ça, c'est beaucoup dans la vie de quelqu'un. Je pense que juste d'être présent quand il y a des événements importants qui se produisent. Que ça soit quelqu'un qui t'appelle pour dire: Ta mère est entrée à l'hôpital, que tu puisses te libérer sur-le-champ, pas après ton quart de travail, parce que tu pourrais nuire à l'emploi. Quand les réguliers, eux, ça leur arrive, ils partent sur-le-champ; remplacés, pas remplacés, ils partent. Nous, on n'a pas ce pouvoir-là. Ça fait que toutes les petites choses courantes de la vie deviennent compliquées. Tu veux prendre un rendez-vous chez le médecin régulier, chez des spécialistes, il faut prendre ça un mois, deux mois d'avance. On ne sait même pas si on va travailler. On prend une chance. On prend un rendez-vous. Les trois quarts du temps, il faut canceller, puis, quand on n'a pas besoin de canceller, c'est parce qu'on perd la journée de travail. Ça fait qu'on a le choix à faire: perdre notre journée de travail et aller consulter si on en a besoin ou refuser de consulter pour ne pas perdre notre journée de travail. Il y a des gens qui ne peuvent même pas se poser la question; ils en ont besoin, de leur journée de travail.

Mme Bernier (Louise): Pour ajouter à ma collègue de travail. Qu'est-ce que ça changerait? Bien, il est sûr que, dans une situation semblable, ça remettrait les pendules à l'heure. Ça nous remettrait, nous, les agents de la paix, sur le même pied d'égalité dans notre milieu de travail, puis c'est ce qu'on veut. Les agents de la paix qui sont derrière moi, ce sont toutes des personnes qui ont fait preuve d'engagement total. Pensez-y, oubliez-le pas, gardez-le dans votre coeur: À tous les jours, vous attendez l'appel pour savoir si vous entrez travailler. Ils ont fait preuve d'engagement total, toutes ces années, et demain matin nous ferons preuve d'engagement total quoi qu'il arrive. Ce n'est pas un cadeau qu'on vous demande, ce n'est pas un cadeau, c'est le constat déplorable d'une situation qui n'est pas acceptable, qui est immorale. C'est le droit de reconnaître à tout le monde, à tout honnête travailleur les mêmes conditions de travail dans une même classe d'emploi, c'est tout. C'est tout, ce n'est pas plus que ça. Puis le jour où nous allons tomber à temps partiel, le jour s'en vient, bien, j'espère qu'on va pouvoir faire tomber la période de probation parce que, là, je pense que notre probation, on l'a faite, on l'a méritée.

Le Président (M. Sirros): Mmes Bernier et Côté, merci beaucoup pour ce témoignage émouvant. Je pense que les membres de la commission ont pu profiter de votre expérience pour mieux cerner la problématique qui vous concerne en particulier et l'ensemble de la question des clauses orphelin. Avec ça, on va ajourner nos travaux jusqu'à 14 heures. Merci beaucoup.

Mme Bernier (Louise): Merci à vous.

(Suspension de la séance à 12 h 7)

(Reprise à 14 h 7)

Le Président (M. Sirros): Je demande aux membres de prendre place, s'il vous plaît. On pourrait donc déclarer la séance ouverte. Je vous rappelle que cet après-midi, comme ce matin, le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et de tenir des audiences publiques sur l'évolution du phénomène ayant trait à l'introduction des clauses orphelin dans les conventions collectives.

Cet après-midi, nous avons quatre groupes qui viendront devant nous, dont le premier, c'est le Groupe anti-permanence qui, d'après ce que je vois, est déjà à la table. Je vous demanderais de vous présenter ainsi que ceux qui vous accompagnent. Nous procéderons à la présentation que vous avez pour une vingtaine de minutes et nous disposons, par la suite, de 40 minutes pour une période d'échanges avec les parlementaires.


Groupe anti-permanence (GAP)

M. Breton (Réjean): Alors, à ma droite, Frédéric Bourgeois, il est directeur de la programmation à Radio-Campus, à l'Université Laval, CHYZ, 94,3, pour ceux que ça intéresserait particulièrement, à ma gauche, Mathias Chmielwski, un étudiant en droit, et mon nom est Réjean Breton, je suis professeur de droit du travail à la faculté de droit, à l'Université Laval. Alors, si vous permettez, dans un premier temps, je survolerai en diagonale le mémoire du GAP et, ensuite, on répondra aux questions.

Traiter des clauses orphelin en ignorant le contexte qui les a fait naître et se développer est un exercice inutile. Il ne sert à rien de s'attaquer aux effets, si on refuse de voir les causes. Ces clauses orphelin sont la conséquence de notre système de relations collectives de travail, et c'est encore plus vrai dans le secteur public.

Les monopoles syndicaux ont envahi et ont fini par contrôler les emplois de qualité au Québec. Ces emplois sont devenus réservés en permanence à leurs seuls membres. Ils ne sont donc plus accessibles aux dizaines de milliers de diplômés qui envahissent chaque année le marché du travail. La compétence de ces jeunes ne leur sert pas parce que les monopoles ne permettent pas qu'elle soit opposée à celle des syndiqués en place. C'est précisément ce à quoi servent les monopoles.

Pourquoi cette prolifération des clauses orphelin dans le secteur public? Abordons cette question sans chercher désespérément à ne pas déplaire à qui que ce soit. Pourquoi, quand il a fallu couper, a-t-on encore eu ce vieux réflexe d'épargner les anciens pour s'attaquer aux jeunes et aux précaires? Comme si le gros bon sens n'avait pas sa place dans les conventions collectives.

(14 h 10)

Les monopoles syndicaux ne peuvent à la fois défendre les intérêts des anciens installés en permanence dans tous les emplois de qualité et ceux des jeunes qui voudraient y entrer. Les syndicats ne peuvent imposer l'ancienneté et la permanence comme mode de gestion des services publics et prétendre en même temps défendre les intérêts des jeunes qui voudraient seulement avoir l'opportunité de faire la preuve de leur savoir et de leur enthousiasme. Cessons de faire semblant de regarder ailleurs.

Ce qui est donné en trop aux anciens est enlevé à ceux qui viennent derrière. L'État n'est pas une source intarissable. Les syndicats du secteur public refusent cet argument. À les entendre, l'État n'a qu'à continuer à dépenser et à s'endetter, ce qui lui permettrait d'embaucher des jeunes et de continuer à payer des salaires et des conditions de travail déconnectés de la réalité économique. Même un gouvernement qui leur est particulièrement favorable a compris que la capacité de payer pareils salaires et conditions de travail n'existait plus, d'où les coupures de 6 %.

Les jeunes sont pénalisés doublement. On ne leur permet pas de concurrencer les syndiqués en place pour permettre à ceux-ci de continuer à toucher des salaires artificiellement élevés, et, quand l'employeur peut enfin embaucher des jeunes, il est obligé de le faire à des conditions inférieures parce qu'il ne peut plus se permettre les coûts que lui imposent les monopoles syndicaux.

Les syndicats exercent un tel contrôle aujourd'hui que personne n'ose regarder de leur côté quand on s'interroge sur la prolifération des clauses orphelin. Si ces monopoles syndicaux ne contrôlaient pas les beaux emplois du public, ceux d'enseignants, de policiers, de fonctionnaires, d'employés municipaux ou de profs d'universités, vous croyez que nous aurions ce problème des clauses orphelin? Si l'accès à l'emploi était ouvert à tous, jeunes et moins jeunes, sur la seule base du mérite et de la compétence plutôt que sur la seule base de l'ancienneté syndicale, vous croyez que les jeunes seraient maintenus à l'écart comme ils le sont depuis une quinzaine d'années, depuis que les monopoles syndicaux sont au coeur du pouvoir de l'État?

Monopole syndical, permanence et ancienneté sont les trois facteurs majeurs qui conduisent à l'exclusion progressive des jeunes et, éventuellement, aux clauses orphelin. Tant que l'État embauche, tant qu'il dépense sans compter et s'endette sans fin, l'effet chasse gardée des trois facteurs combinés ne se fait pas trop sentir. Mais il y a des limites à l'expansion des services de l'État, c'est la capacité de payer des contribuables. Nous en savons quelque chose au Québec. Quand l'État n'embauche plus et doit dégraisser, alors, là, l'effet chasse gardée des trois facteurs combinés devient évident pour tous, sauf pour ceux qui n'ont pas intérêt à le voir.

L'ancienneté. Comment expliquer que l'ancienneté joue encore un rôle aussi important dans le secteur public? Tout le monde reconnaît maintenant que c'est un privilège d'y avoir un emploi permanent. Puisque c'est un privilège d'avoir la permanence, un employé est d'autant plus privilégié qu'il en bénéficie depuis longtemps. Pourquoi continuer de favoriser ceux qui ont toujours été des privilégiés? En contexte de permanence, l'ancienneté devrait logiquement jouer négativement, jouer contre ceux qui en ont le plus, puisque ceux qui ont la permanence depuis longtemps sont déjà ceux qui ont beaucoup profité de ce régime au détriment des jeunes qui n'en ont jamais profité.

La permanence. La totale sécurité d'emploi dans le secteur public, voilà un sujet extrêmement important. Comment expliquer qu'on n'en parle à peu près pas? Est-ce qu'il y aurait des sujets tabous, dans notre société libre et démocratique? La permanence est au centre des grands débats qui sont à faire: celui de la justice sociale pour tous, celui des nouvelles orientations économiques pour nous sortir de la spirale de l'endettement irresponsable, celui d'une politique de l'éducation qui débouche sur autre chose que sur un horizon bouché pour les jeunes capables et motivés.

Justice sociale pour qui? Quand les syndicats du secteur public se battent pour le maintien des acquis et de la permanence, quand ils confondent les acquis de leurs membres avec la justice sociale, quand ils refusent avec violence verbale de renoncer à la moindre parcelle de ce qui est largement perçu comme des privilèges, peut-on encore croire que les syndicats défendent les intérêts des jeunes, ces orphelins du syndicalisme?

Notre dette, la pire des pays industrialisés, qu'elle soit fédérale, provinciale ou municipale, vient d'abord des salaires des employés de l'État. Les coûts économiques de la sécurité d'emploi sont astronomiques. Le sort des employés du public qui vont perdre leur emploi avec l'abolition de la permanence est sans doute malheureux, mais il ne saurait être plus malheureux que celui des dizaines de milliers de jeunes et de moins jeunes qui attendent depuis cinq, 10 et même 15 ans qu'un poste s'ouvre enfin pour qu'ils puissent seulement avoir l'opportunité de montrer leurs talents et leur motivation.

L'importance de l'éducation n'est plus à démontrer. Les jeunes ont un droit absolu à la meilleure éducation possible. Tout le monde est d'accord. La présidente de la CEQ en rajoute, de son côté. Mais autant elle peut être intarissable sur l'importance de continuer à verser beaucoup d'argent en éducation, autant elle peut être discrète, voire complètement muette sur la nécessité de mettre en place des mécanismes de contrôle de la qualité de l'enseignement, condition essentielle pour une éducation de qualité. Le contrôle de la qualité de l'enseignement passe obligatoirement par l'évaluation des professeurs, mais la permanence exclut la possibilité d'une véritable évaluation.

Le changement est devenu la règle. Plus personne n'est à l'abri de ces changements, sauf bien sûr les employés permanents de l'État. Le mouvement syndical, embourbé dans ses acquis, ne veut pas entendre parler de la moindre remise en question de la permanence. Depuis un bon bout de temps, les syndicats du secteur public ont pour politique de se cramponner à leurs acquis, comme si les syndicats ne parlaient plus la langue des jeunes, depuis le temps qu'ils parlent celle de l'ancienneté et de la permanence.

La permanence a fait son temps. Elle était nécessaire au début des années soixante parce qu'il fallait contrer une culture de patronage. Nous vivons depuis maintenant 30 ans dans une culture de la permanence. Le temps est venu de nous doter de mécanismes d'embauche et d'évaluation continue qui soient au-dessus de tout soupçon. Depuis le temps que nos universités et nos cégeps forment des spécialistes dans ces domaines, il serait grandement temps de les mettre à contribution.

Les syndicats vont brandir le spectre du retour au patronage. Il faut leur répondre avec force, avec rage qu'il serait temps de commencer à faire confiance et à croire en l'homme. S'il n'y a rien entre la permanence syndicale et le patronage politique, il ne reste plus que la divine Providence.

Les monopoles syndicaux. Les monopoles syndicaux, installés dans les ministères, les villes, les écoles, les hôpitaux, sans parler de la police et d'Hydro-Québec, sont en position d'exiger pour leurs salariés des conditions de travail artificielles qui ne tiennent pas compte des vraies conditions du marché du travail. L'État se retrouve coincé par les conventions collectives. Il ne peut plus et ne veut plus embaucher de nouveaux employés à ces conditions de travail trop coûteuses. C'est manifestement la situation qui prévaut depuis un bon moment.

C'est ce qui explique en bonne partie pourquoi, depuis quelques années, se multiplient les postes de travail précaires, occasionnels, contractuels et remplaçants de toutes sortes, tellement l'embauche de salariés syndiqués permanents à temps plein implique un engagement financier considérable, d'ailleurs impossible à mesurer. Ces monopoles syndicaux provoquent le gel des effectifs, fermant du même coup l'accès aux emplois de qualité à tous ceux et celles qui n'ont pas eu l'intelligence et le courage de naître au bon moment ou de se planquer à temps dans un poste de travail syndiqué à temps plein.

Voilà pourquoi les jeunes et les chercheurs d'emplois ont maintenant le choix d'être des exclus ou des orphelins. Voilà pourquoi tous ces jeunes et moins jeunes formés et informés sont refoulés dans des jobines. Ils sont exclus. Toutes les places de la société syndiquée sont déjà prises et elles sont trop chères. La multiplication des monopoles syndicaux et des corporatismes conduit à la nouvelle réalité d'aujourd'hui. Trop payer les uns conduit au chômage des autres.

Préserver les acquis des gens en place, organiser la lutte contre tout changement, empêcher que la mobilité et la flexibilité pénètrent dans les milieux du travail syndiqué, voilà à quoi les monopoles syndicaux emploient l'essentiel de leurs ressources considérables. Mobilité, compétence, flexibilité, voilà des valeurs associées aux jeunes d'aujourd'hui. Combattre ces valeurs, c'est se battre contre eux. Comment les syndicats peuvent-ils encore nier qu'ils desservent systématiquement les intérêts des moins de 35 ans, alors même qu'ils empêchent les valeurs caractéristiques des jeunes d'entrer dans le monde du travail?

Où sont les inégalités d'aujourd'hui? La plus généralisée des inégalités actuelles, la plus systématique et la plus ressentie, c'est celle qui sépare les privilégiés de la permanence de ceux qui en sont les victimes immédiates, les jeunes et les chercheurs d'emplois. Les employés du public sont maintenus dans une bulle. Ils travaillent pour des entreprises qui sont mises à l'abri de toute concurrence en monopolisant un marché de services. Et eux-mêmes se sont mis à l'abri de toute concurrence en s'appropriant en permanence les beaux emplois de ces entreprises.

Depuis une quinzaine d'années, qu'est-ce qui empêche les jeunes d'entrer normalement sur le marché des beaux emplois? Est-ce la mauvaise volonté de l'État qui souhaiterait maintenir les jeunes dans les jobines, dans la précarité ou, au mieux, dans les emplois orphelins? Est-ce la mauvaise volonté des employeurs du privé qui en auraient contre les jeunes? Ce n'est manifestement pas de ce côté qu'il faut rechercher les causes de l'exclusion des jeunes.

L'État et les employeurs privés seraient trop heureux d'embaucher une main-d'oeuvre jeune, dynamique, imaginative, souvent mieux formée que celle en place. Un employeur ne peut être satisfait d'avoir à composer avec une main-d'oeuvre qui a vieilli, qui ne se renouvelle pas, qui coûte cher et qui refuse le changement et la mobilité. Ce qui bloque les jeunes depuis trop longtemps, c'est la sécurité d'emploi.

(14 h 20)

Dans les années soixante, pour contrer la culture du patronage de l'époque, il a fallu mettre en place la permanence. C'était le temps de la croissance de l'État qui partait de rien. Et il fallait combattre les inégalités par l'immobilité, il fallait combattre le patronage par la permanence. Nous sommes 30 ans plus tard. Nous sommes entrés dans l'ère du changement accéléré. Les inégalités ne sont plus ce qu'elles étaient, elles ne sont plus où elles étaient. Il serait gênant de prétendre que les syndiqués du public et du gros privé sont aujourd'hui victimes d'inégalités sociales.

Pourquoi tant de sécurité et de droits acquis pour les privilégiés des monopoles syndicaux? Pourquoi aucune sécurité et aucun droit pour les moins de 30 ou de 35 ans? Pour des raisons qui ne tiennent qu'à l'arbitraire, qu'à la date de naissance. Ceux qui ont la permanence la tiennent exclusivement au fait qu'ils sont nés au bon moment et ceux qui ne l'ont pas le doivent au fait qu'ils sont arrivés sur le marché du travail à un moment où on ne la donnait plus. L'arbitraire du temps. L'arbitraire de l'ancienneté.

Pour les mêmes raisons, il y a aujourd'hui les clauses orphelin. Et on veut les traiter comme si elles n'avaient aucun lien avec l'ancienneté, la permanence et le monopole syndical. Quand L'État n'a plus d'argent pour embaucher aux salaires et aux conditions de travail imposés par les monopoles pour les services des syndiqués inamovibles, quand il n'a plus les moyens de payer les nouveaux au coût des anciens, il me semble qu'il y a un seul diagnostic possible: ça signifie que l'État n'a pas les moyens de se payer des employés au prix des conventions collectives.

On ne peut parler des clauses orphelin sans parler de sécurité d'emploi. Elle est au coeur de la congestion des droits acquis que l'État n'a plus les moyens de payer. Il y a 30 ans, la sécurité d'emploi allait de soi. Maintenant, elle se distribue au compte-gouttes, quand elle n'est pas carrément évacuée pour tous les nouveaux employés, comme à la ville de Saint-Léonard, où il a été décidé qu'aucun des nouveaux embauchés ne bénéficiera de la sécurité d'emploi.

Cessons de nous raconter des histoires. La sécurité d'emploi coûte manifestement très cher, beaucoup plus cher à l'État que le statut d'employé régulier qui peut être remercié si on n'a plus de travail pour lui ou encore si la qualité de son travail laisse trop à désirer. Les coûts astronomiques de cette sécurité d'emploi et de la panoplie des droits acquis qui l'accompagne expliquent pourquoi l'État est obligé de recourir à des mesures de rattrapage de coûts sur le dos des autres employés, c'est-à-dire les nouveaux et les précaires. Accuser l'État et les municipalités d'être les responsables des clauses orphelin, c'est accuser le comptable de constater qu'il n'y a plus d'argent dans la caisse.

Plusieurs de ceux qui dénoncent les clauses orphelin – et personne ne peut se permettre de ne pas les dénoncer – veulent empêcher que l'on parle de toutes ces mesures antijeunes que l'on retrouve dans les conventions collectives. Ces mesures diverses ne sont pas formellement appelées «clauses orphelin», mais elles nuisent davantage aux jeunes que les clauses orphelin proprement dites, d'où tous ces débats stériles sur ce qui serait ou ne serait pas une clause orphelin.

Les monopoles syndicaux n'ont de cesse de nous dire qu'il ne faut pas confondre les clauses d'ancienneté et les clauses orphelin, qu'il faut à tout prix éviter de toucher à l'ancienneté dans la recherche d'une solution aux vilaines clauses orphelin. Les monopoles syndicaux veulent effacer les traces trop apparentes de discrimination contre les jeunes tout en conservant les causes profondes de cette discrimination, la permanence et la règle de l'ancienneté, qui excluent totalement l'égalité d'accès à l'emploi.

Qui sont les vrais orphelins? Dans la langue syndicale, la langue de bois qui a cours au Québec, il n'y a pas d'orphelins parmi tous ceux et celles qui se cherchent un emploi pour exprimer leurs talents. Pourtant, les vrais orphelins ne sont pas ceux qui ont un emploi permanent, même si leurs conditions de travail sont inférieures aux anciens. Pourquoi refuser de voir les vrais orphelins et préférer nous occuper en exclusivité des orphelins privilégiés?

Pourquoi dénoncer les seules clauses orphelin? Sortir les clauses orphelin des conventions collectives va avoir le même effet que de chasser les prostituées d'une rue ou d'un quartier spécifique dans une ville. Les prostituées vont se déplacer ailleurs si les causes de la prostitution existent toujours. De même, si les motifs des clauses orphelin sont toujours là, après qu'on les aura déclarées illégales, elles continueront d'exister sous d'autres formes, cachées derrière d'autre clauses dans les conventions collectives. Ce qu'il faut, c'est s'attaquer aux vraies causes qui font que les moins de 30 ou 35 ans sont les orphelins de la société syndiquée.

Le rôle des clauses orphelin. Les clauses orphelin sont la manifestation éclatante de ce qu'est essentiellement le régime du monopole syndical en contexte de permanence d'emploi. Ce régime rend orphelins tous ceux et celles qui n'ont pas eu la chance d'entrer à temps dans le monde de la sécurité d'emploi et des acquis. Pourquoi ne pas appeler «orphelins» tous ceux et celles qui attendent sans raison, depuis des années, d'avoir accès aux bons emplois? Pourquoi ne pas appeler «orphelins» tous ces jeunes compétents, victimes impuissantes de la règle la plus arbitraire qui soit, celle de l'ancienneté?

En conclusion, posons-nous la question: À quel monde du travail les jeunes doivent-ils se préparer? La mobilité, la compétence et la concurrence seraient-ils réservées aux jeunes et aux chercheurs d'emploi? Les syndicats ne veulent pas imposer ça aux syndiqués en place; ce serait trop dur, eux qui n'ont jamais connu ça de toute leur vie. Les jeunes, eux, ça va, c'est ce qu'ils vont connaître toute leur vie. Les monopoles syndicaux exigent que les emplois permanents soient adaptés aux anciens en place. Dans le monde artificiel de la permanence, les syndiqués n'ont pas à s'adapter, ils n'ont qu'à se maintenir en place, ce qui oblige l'employeur à adapter les emplois aux employés. Sinon, il ne reste plus qu'à les payer à ne rien faire.

Ce qui importe en 1998, c'est d'abord l'égalité des chances, l'égalité d'accès à la meilleure éducation possible – ce qui, déjà, condamne la permanence dans le secteur de l'éducation – et, surtout, l'égalité d'accès aux bons emplois. La permanence est totalement incompatible avec ces principes. L'application de ces principes signifie que nous allons devoir implanter une culture de la compétence et de l'évaluation. Il vaudra toujours mieux un système d'évaluation qui comporte des faiblesses que pas d'évaluation du tout. Il est possible d'améliorer un système d'évaluation en travaillant sur ses faiblesses. Il est totalement impossible d'améliorer un système qui exclut l'évaluation, puisqu'on ne peut corriger des lacunes qu'on ne connaît pas.

En dernier ressort, c'est la société québécoise tout entière qui s'appauvrit et s'affaiblit en s'abandonnant aux droits acquis des anciens qui font la force des monopoles syndicaux. En se coupant des forces vives du changement, en excluant l'effort et la compétence d'une génération de jeunes, notre société se réserve des lendemains qui déchantent. On ne peut refouler indéfiniment l'enthousiasme et la compétence des jeunes sans devoir en payer le prix. Et ce prix risque d'être très élevé: révolte des jeunes ou, ce qui pourrait être pire encore, démotivation et décrochage. Est-ce le prix que la génération en place est prête à payer pour continuer à s'accrocher à sa collection de droits acquis qui ont toutes les apparences de privilèges? Les jeunes qui ne savent plus quoi faire de leurs compétences vont sans doute le croire de plus en plus. Je vous remercie.

Le Président (M. Sirros): Merci, Me Breton. On va débuter la période des échanges avec M. le ministre.

M. Rioux: MM. Breton, Ouellet et Bourgeois, on vous souhaite la bienvenue et on est très heureux de vous accueillir. C'est une raclée de bois vert à l'endroit des monopoles syndicaux. Moi, j'aimerais vous poser vite une question. Si on se débarrasse un jour des monopoles syndicaux, on les remplace par quoi?

M. Breton (Réjean): Je vous dirais qu'en France... Que je sache, le fait français est considéré comme très important, au Québec. En France, qui n'est pas une république de bananes, il n'y a pas de monopoles syndicaux. Je ne veux pas qu'on dérape d'un autre côté mais, par exemple, quand j'entends parler qu'en France les McDo sont syndiqués, eh bien, oui, parce que, en France, chaque salarié est libre d'adhérer à un syndicat, de financer ce syndicat ou pas, en tout temps. Ici, comme vous le savez très bien, c'est le monopole syndical, c'est-à-dire qu'une fois le monopole syndical installé quelque part, et surtout dans le secteur public, ça s'appelle «appropriation par une minorité de ces belles jobs».

On remplacerait ça par quoi? On remplacerait ça par une véritable liberté syndicale, en traitant les travailleurs comme des adultes qui prendraient la peine de s'informer et de juger individuellement, personnellement s'ils préfèrent être syndiqués ou pas. C'est d'ailleurs ce qui existe dans la plupart des pays dits libres au monde. Vous me direz que, du côté des Américains, c'est le monopole syndical qui existe. Sauf que, du côté américain, ce fameux monopole syndical ne vaut plus maintenant que pour à peu près 10 % des salariés du privé. Et le privé, comme vous le savez peut-être, du côté de nos voisins du Sud, a beaucoup d'importance.

(14 h 30)

M. Rioux: M. Breton, en lisant votre mémoire on se rend compte que les clauses orphelin vous les considérez comme injustes, mais vous dites: Ça n'empêche pas l'accès à l'emploi, elles permettent aux jeunes de se faire valoir, mais, s'ils doivent le faire à ces conditions, ils doivent le faire à des conditions discriminatoires. Alors, on doit interpréter que la cause vous l'avez identifiée, c'est les monopoles syndicaux, c'est...

M. Breton (Réjean): Il y a trois causes.

M. Rioux: Oui, oui, la permanence...

M. Breton (Réjean): Ancienneté, permanence et monopoles syndicaux.

M. Rioux: L'ancienneté, la permanence et le monopole...

M. Breton (Réjean): L'addition de ces trois facteurs est... On ne peut pas ignorer les deux autres.

M. Rioux: C'est la combinaison des trois qui fait que...

M. Breton (Réjean): C'est la combinaison des trois.

M. Rioux: Bon. Très bien. Moi, j'aimerais savoir. Compte tenu du débat qui est le nôtre, quelle forme de législation nous suggérez-vous, alors, pour sortir du labyrinthe que vous venez de nous décrire et de ces trois facteurs extrêmement importants qui gardent en otage, au fond, la jeune génération ou la génération montante des travailleurs qui veulent accéder au marché du travail?

M. Breton (Réjean): Je le dis à un moment donné dans le mémoire. Si vous êtes pour légiférer de quelque manière que ce soit, si vous êtes pour rendre illégales les clauses orphelin tout en maintenant les causes profondes de l'exclusion des jeunes, vous allez nuire aux jeunes. Je préfère de beaucoup que les clauses orphelin restent en place, si vous ne voulez pas toucher à la permanence, au monopole syndical et à l'ancienneté parce que les clauses orphelin présentent au moins cet avantage d'être un signal d'alarme comme quoi... parce que c'est le reflet, les clauses orphelin.

Une convention collective, c'est antijeune. Une convention collective, c'est construit sur l'ancienneté. L'épine dorsale d'une convention collective, c'est l'ancienneté. Là où l'employeur voudrait de la compétence, le syndicat lui impose l'ancienneté. Je n'ai pas à faire une longue démonstration pour vous convaincre que l'ancienneté, ce n'est pas ce qu'il y a de plus favorable pour les jeunes. On pourrait faire une mauvaise blague et puis dire: Bien, ils deviendront anciens. Mais, pour les jeunes, ce sera toujours mauvais. Une convention collective, et surtout dans le secteur public...

Et, de toute façon, on n'a qu'à s'ouvrir les yeux. Qui occupe actuellement le demi-million de beaux emplois, au Québec? Les chiffres sont grossiers. On se coupe d'une génération complète de compétences. Et puis, en même temps, il y a pire que ça, non seulement notre société se coupe de compétences, mais elle les décourage. Que déjà un 25 ans soit écoeuré d'attendre et qu'il sache très bien qu'il y en a en place qui ne lui arrivent pas à la cheville, un 30 ans et un 35 ans, déjà, c'est choquant, c'est scandaleux. Mais alors, qu'éventuellement il s'écoeure... Parce que, moi, je ne vous cache pas que, si j'étais étudiant actuellement, je me demanderais bien pourquoi – excusez l'expression – je me fendrais le cul. À quoi ça sert d'être compétent, puisque ce qui nous attend, c'est la règle de l'ancienneté? Pourquoi être compétent?

M. Rioux: M. Breton, je pense que c'est à la page 3 de votre mémoire, vous faites référence à la sous-traitance.

M. Breton (Réjean): Pardon? À la sous-traitance, oui.

M. Rioux: À la sous-traitance.

M. Breton (Réjean): Oui. Troisième paragraphe de la page 3.

M. Rioux: C'est ça. Selon vous, comment pourrait-on aménager le Code du travail pour en arriver à des solutions intéressantes tout en maintenant la paix sociale qu'on connaît au Québec présentement?

M. Breton (Réjean): Je suis ravi que vous posiez la question. La sous-traitance... La démarche des monopoles syndicaux depuis 30 ans est toujours la même. Dans un premier temps, on débarque dans une entreprise. Par conventions collectives successives – et c'est tellement le cas dans le secteur public – on en arrive à imposer un mode de gestion à l'employeur. Dans le secteur public, vous le connaissez tous, ce mode de gestion: permanence et ancienneté. Et, dans un deuxième temps, une fois qu'on s'est installé très confortablement, il ne faut surtout pas que ça nous échappe. Une fois qu'on s'est installé, il faut ensuite fermer l'entreprise par des clauses anti-sous-traitance ou, alors, si jamais il n'y a pas de clauses anti-sous-traitance, l'article 45 du Code du travail.

De telle manière que qu'est-ce qu'il reste aux jeunes, si on se résume? Les beaux emplois sont occupés en exclusivité par qui vous savez; il n'y a pas de démonstration à faire. Et puis une municipalité ne peut pas, jamais, vérifier ce que nous disent les monopoles syndicaux, que les services des syndiqués des monopoles syndicaux, c'est ce qu'il y a de mieux au meilleur coût. Pourquoi on ne pourrait pas le vérifier? Pourquoi les jeunes ne pourraient pas démontrer que ce n'est pas vrai? Mais ils ne risquent jamais de pouvoir le faire parce que, bien sûr, les monopoles syndicaux, après s'être emparés des entreprises publiques que sont les services publics, qui sont eux-mêmes des monopoles, dans un deuxième temps, disent: «No way», pas question, pas de sous-traitance, vous n'irez pas voir ailleurs si c'est vrai ce qu'on vous dit, qu'on vous offre les meilleurs services au meilleur coût, ce n'est pas permis. Pour une raison toute simple, ils ont toujours le même réflexe: pas de concurrence pour nous, salariés syndiqués. Monopole! Un monopole. Tout le monde sait ce que c'est, un monopole.

M. Rioux: M. Breton, est-ce que je dois comprendre qu'on doit revenir à une situation où le maintien en emploi relèverait de l'arbitraire?

M. Breton (Réjean): Ha, ha, ha! Je l'ai entendue 152 000 000 de fois, celle-là. Alors, je vais vous répondre par une question, M. le ministre. Si vous vous partez une entreprise, demain matin, avec une vingtaine de salariés, est-ce que vous allez choisir systématiquement des salariés nuls, médiocres? Est-ce que vous allez accorder systématiquement des promotions aux moins bons? Est-ce que vous allez donner les bons salaires aux moins bons et les mauvais salaires aux meilleurs? En d'autres termes, je vais vous poser la question: L'entreprise que vous allez partir, M. le ministre, est-ce que vous allez l'aimer ou la détester?

M. Rioux: J'engagerais les meilleurs, j'engagerais les meilleurs...

M. Breton (Réjean): Et, bien sûr, une fois qu'ils sont engagés meilleurs, ils demeurent meilleurs pour 35 ans!

M. Rioux: ...c'est clair. Mais, étant donné que la loi permet...

M. Breton (Réjean): Quand tu es meilleur à 20 ans, tu es meilleur pour l'éternité, c'est bien connu. C'est un peu comme ces blocs de marbre, à Rome, hein, ça dure, comme les droits acquis, d'ailleurs. Les syndiqués, ce qu'ils voudraient, c'est que rien ne bouge pour les 1 000 prochaines années.

M. Rioux: Mais, M. Breton, si j'ai des employés et que les lois du pays leur permettent de se syndiquer, est-ce que je peux les en empêcher?

M. Breton (Réjean): Je ne vois pas à quoi vous voulez... Je ne comprends pas le...

M. Rioux: Ici, au Québec, vous, vous êtes contre les monopoles syndicaux, vous l'avez démontré clairement.

M. Breton (Réjean): Je ne suis pas contre les syndicats, encore une fois. Je suis contre les monopoles syndicaux, oui.

M. Rioux: Les monopoles syndicaux. Mais, si les employés que j'ai embauchés et que je paie raisonnablement trouvent que leurs conditions ne sont pas suffisantes et qu'ils veulent se syndiquer, je ne peux pas les en empêcher.

M. Breton (Réjean): Bien non.

M. Rioux: La loi est là.

M. Breton (Réjean): Oui. Il faut changer la loi, d'ailleurs, c'est de ça dont on parle.

M. Rioux: Alors, moi, j'estime qu'il y a une liberté, ici, qui existe.

M. Breton (Réjean): Laquelle?

M. Rioux: La liberté de s'associer.

M. Breton (Réjean): Ah oui?

M. Rioux: La liberté de se syndiquer.

M. Breton (Réjean): À quoi ça sert, la liberté de se syndiquer, pour les jeunes, dans le secteur public? Vous voulez me l'expliquer?

M. Rioux: La liberté de se syndiquer a un objectif...

M. Breton (Réjean): Oui, oui, d'accord, mais, entre-temps...

M. Rioux: ...c'est d'améliorer nos conditions.

M. Breton (Réjean): ...entre-temps, ils restent dehors. Ils sont béats d'admiration devant cette belle liberté de se syndiquer des permanents en place. Qu'est-ce que c'est merveilleux! Mais qu'est-ce que c'est beau cette démocratie! Mais ce n'est pas pour nous.

M. Rioux: Mais, M. Breton, on essaie de trouver une solution. Je vous ai demandé si vous en aviez une, tout à l'heure, vous m'aviez dit que non.

M. Breton (Réjean): Je n'ai pas dit que je n'avais pas de solution.

M. Rioux: Il faudrait mettre la hache...

M. Breton (Réjean): Non, non, je n'ai jamais dit que je n'avais pas de solution!

M. Rioux: Vous avez dit qu'il fallait mettre la hache dans les monopoles syndicaux.

(14 h 40)

M. Breton (Réjean): J'ai dit... C'est sûr qu'il faudra y aller progressivement. Vous avez parlé de paix sociale. C'est toujours ce que brandissent les syndicats, la paix sociale, la paix sociale. Il faut y aller progressivement. Moi, si j'avais à réaliser les changements, je pense que je commencerais par la permanence. Effectivement, je commencerais d'abord par la permanence. On ne peut pas, d'un seul coup, abolir la permanence, j'en suis très conscient, bien sûr. On ne peut pas, d'un seul coup, abolir la permanence, le monopole syndical et l'ancienneté, bien évidemment. Mais, entre ça et ne rien toucher et continuer sur cette erre d'aller qui nous est de plus en plus unique, soit dit en passant... Parce que, du côté américain ils ont toujours le monopole syndical, sauf que ça concerne beaucoup moins de gens. Et, comme le secteur public occupe beaucoup moins de place qu'ici, en termes d'égalité d'accès aux beaux emplois, pour les Américains, il n'y a pas de problème. D'ailleurs, vous lirez les statistiques là-dessus, les diplômés américains, on leur court après. Ici, on se sauve d'eux.

Le Président (M. Sirros): M. le ministre, j'ai aussi une question d'un de vos collègues. M. le député de La Peltrie, brièvement.

M. Côté: Merci, M. le Président. M. Breton, en entendant l'exposé de votre mémoire, qui est très bien conçu, d'ailleurs, très bien présenté, clairement, moi, ce que j'entends puis ce que je vois dans votre perception, c'est qu'au lieu de créer un rapprochement entre deux générations, si je peux appeler le milieu du travail... alors, entre les jeunes qui accèdent au marché du travail et les moins jeunes qui sont là depuis 15, 20, 25 ans, il semble que vous dites que, la permanence, ça coûte très cher, puis qu'on devrait pratiquement mettre la hache là-dedans, de la manière que je vous entends. Je trouve que c'est très, quand même, radical, comme position. Est-ce que le fait de... Plutôt, l'objectif qu'on recherche, je pense, moi, sincèrement, c'est d'essayer de créer un rapprochement entre ces deux générations-là pour trouver une solution qui permettrait aux jeunes, aujourd'hui, d'accéder au marché du travail le plus rapidement possible puis avec une équité, je pense. C'est ça qu'on recherche, également.

Mais est-ce que vous avez des statistiques, lorsque vous dites que ça coûte très cher, la permanence, par rapport à ce que ça coûterait si on l'éliminait puis on écartait les personnes qui sont plus âgées dans le milieu du travail, qui ont acquis une expérience avec les années? L'État et les entreprises ont investi dans ce personnel-là pour les rendre également le plus compétents possible. Même si vous dites que les jeunes sont compétents, oui, ils sont compétents, mais il n'y a pas juste la compétence théorique, il y a aussi, je pense, l'expérience qui s'acquiert avec les années. Comment vous pensez concilier ça? Puis avez-vous des statistiques à l'effet que, si on écarte les plus âgés du marché du travail pour faire de la place aux jeunes, c'est quoi, le coût, éventuellement? Est-ce qu'il y a une économie? Est-ce qu'il y a des statistiques à cet effet-là?

M. Breton (Réjean): Je répondrai en deux parties. Non, il n'y a pas de stats là-dessus, pour une raison toute simple. Pour avoir des stats là-dessus, il faudrait pouvoir comparer. Or, ce n'est pas permis de comparer.

M. Côté: Avec d'autres pays, d'autres...

M. Breton (Réjean): Non, parce qu'il faut comparer des choses comparables. La meilleure façon de vérifier ce que coûte la permanence au Québec, ce serait de mettre une équipe permanente à côté d'une équipe non permanente. Mais ce n'est pas possible. Par ailleurs, vous nous dites: Opposer des générations et puis l'expérience des gens en place... Je ne dis pas: on met dehors ceux qui sont en place. Ce n'est pas ça du tout que je dis. Je dis: évaluons. Pourquoi ceux qui sont en place seraient à l'abri de toute évaluation et de toute concurrence? Ça n'a rien à voir avec: on les met dehors. Pourquoi le demi-million de Québécois qui jouit de la permanence vivrait-il dans ce monde devenu complètement artificiel? Il suffit de parler avec...

Bon. Je suis avec des jeunes à la journée longue, à l'université. Une job de permanent, c'est la loto, pour eux autres. Mais, eux, ça leur est complètement inaccessible. Alors, quand vous me dites: Quand même, les gens en place, on ne peut pas les mettre dehors comme ça! je ne dis pas qu'on les met dehors comme ça. Je pourrais vous répondre: Ils bénéficient déjà... et je bénéficie déjà, je suis un permanent. Je suis un prof permanent syndiqué de l'Université Laval. Je suis obligé d'être syndiqué à l'horrible SPUL que je déteste, je le dis au passage, que je déteste souverainement. Pourquoi les permanents seraient à l'abri de tout, vivraient dans un monde qui n'a plus aucun contact avec la réalité? Pendant ce temps-là, six septièmes de la population devraient se battre quotidiennement.

M. Côté: Non, mais quelle base vous prenez pour dire qu'ils ne sont plus en contact avec la réalité, ceux qui ont leur permanence depuis un certain temps?

Une voix: Il l'a, lui.

M. Côté: Vous l'avez, la permanence, vous?

M. Breton (Réjean): Je viens de le dire.

M. Côté: Vous dites qu'ils ne sont plus en contact avec la réalité, ceux qui ont leur permanence.

Une voix: L'êtes-vous?

M. Breton (Réjean): C'est un monde... Je ne suis pas en train de dire que tous les permanents sont nuls, comprenons-nous bien. J'insiste lourdement. La question n'est pas là. La question n'est pas là, du tout, du tout, du tout. La question, c'est: Pourquoi les permanents auraient-ils tous les droits et seraient à l'abri de toutes les intempéries économiques et les autres devraient subir toutes ces intempéries économiques? Il me semble que c'est élémentaire. Tout ça tient à: évaluation.

Le Président (M. Sirros): On va poursuivre la suite avec le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président. MM. Breton, Ouellet et Bourgeois, s'il y a une chose qu'on ne peut pas vous reprocher, c'est de ne pas être clairs dans votre mémoire, et il y a une suite parfaitement logique qui est là. Il y a une question, moi, que vous avez soulevée un petit peu en parlant de paix sociale. Le ministre disait: Oui, mais on a une relative paix sociale, au Québec, avec le système actuel, et tout ça. Sauf que je suis assez d'accord avec vous pour dire que cette paix sociale là, si on continue à ne vouloir toucher à rien, à garder les mêmes prérequis et les mêmes prémisses qui guident notre société depuis les années soixante, alors que les jeunes et les gens, en général, sont de plus en plus ouverts sur ce qui se passe ailleurs, aux États-Unis, dans les provinces voisines, en Europe... Cette paix sociale là, selon vous, qu'on semble évoquer pour ne toucher à rien, est-ce qu'elle n'est pas plus en danger, justement, si on ne touche à rien?

M. Breton (Réjean): C'est ce que je pense. D'ailleurs, cet argument de la paix sociale invoqué par les syndicats, je l'appellerais le chantage social. Quand le président de la CSN nous dit: Ne touchez pas à la sécurité d'emploi, ça va faire mal, j'aurais presque envie de dire aux jeunes: Dites donc au président de la CSN: Si vous ne touchez pas à la sécurité d'emploi, ça va faire mal aussi! Le chantage, et Dieu sait que... oui, c'est devenu l'arme principale des monopoles syndicaux: Vous nous donnez ça ou, alors, c'est la merde!

M. le ministre, des grèves dans le secteur des transports en commun, c'est scandaleux, c'est horriblement scandaleux. Bon, il y en a eu à Montréal, plein, mais celle que j'ai vécue particulièrement, celle de l'hiver 1995 ou 1996 des chauffeurs d'autobus de la ville de Québec... Ça se vit sur le dos de qui, les grèves dans les transports en commun, M. le ministre? Sûrement pas sur le dos du président de la STCUQ, à Québec. Il a une auto, lui. Ça se vit sur le dos de qui, ces maudites grèves de merde? Sur le dos des plus défavorisés de notre société. À croire que, à taper sur les plus faibles, on se construit les meilleures conditions de travail. Ça rejoint exactement votre préoccupation. La paix sociale, mon cul! Si c'est cette paix sociale là qu'ils veulent, le chantage au maintien des droits acquis... Oui, c'est possible qu'éventuellement les jeunes rebondissent. «Enough is enough!»

M. Béchard: Est-ce qu'on n'est pas en train de faire en sorte d'enlever aux jeunes cette capacité de rebondir en les isolant tellement, je dirais, avec des conditions, souvent, qui font en sorte qu'ils n'ont même plus la volonté de s'unir? On regarde, dans les années soixante, ce qui a fait bouger énormément de choses, c'est cette espèce de solidarité qu'avaient les gens entre eux: On bouge, on y va ensemble et on va réussir quelque chose. Mais est-ce que vous n'avez pas l'impression que, maintenant, on a mis les jeunes dans un tel état de ghetto que ça va être l'éclatement, il n'y a même plus d'espoir pour changer des choses, ça va être l'éclatement, comme tel? Et devant une telle, je dirais, indifférence face aux changements, face à la volonté d'amener des changements, est-ce que, je dirais, le premier responsable du décrochage scolaire et du décrochage social, ce ne serait pas justement cette volonté de ne pas vouloir remettre en question les acquis qui sont là depuis plusieurs années?

(14 h 50)

M. Breton (Réjean): Je pense qu'ils peuvent tolérer peut-être encore longtemps, je ne le sais pas. Mais il ne faudrait peut-être pas perdre de vue – et ici je m'adresse aux gens de ma génération – qu'arrive un moment où le rapport de force des générations bascule. Et j'ai entendu beaucoup de jeunes de 25, 28, 30 ans me dire: Leur maudit fonds de pension, ce n'est pas évident qu'on va leur financer ça jusqu'à 80. Je l'ai entendu très souvent et je ne vous cache pas que, si j'avais 25 ans, le maudit fonds de pension des blindés du public, je n'en aurais rien à foutre.

M. Béchard: Vous parlez d'abolir la permanence, avec les trois éléments, monopole syndical, ancienneté et permanence. On parlait du secteur public. Quelle est votre vision du passage de la situation actuelle à un autre modèle sans revivre les excès du passé? Est-ce qu'il y a moyen, selon vous... Et de quelle façon on parle d'évaluation? Et je vous dirais que quelqu'un me posait la question hier relativement à l'ancienneté par rapport à la compétence et il me disait: Si tu avais le choix de te faire opérer par un jeune docteur qui sort de l'université et par un médecin qui, depuis 40 ans, n'a pas eu de formation, de mise au point, lequel des deux tu choisirais? Et, moi, je vous dirais qu'il faut faire attention aussi, dans les mesures de transition, ce n'est pas tout un ou tout l'autre. C'est le genre d'exemple qu'on entend souvent. Comment on assure ce lien-là entre les deux, ne pas passer d'un extrême à l'autre? Il faut trouver le bon moyen, la bonne transition. Et, quand je vous entends dire qu'une législation ou quoi que ce soit sur les clauses orphelin, ça serait peut-être la pire chose, je me dis: Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'avoir un signal, par là, d'une volonté d'au moins enlever cet effet-là?

M. Breton (Réjean): La réponse, c'est l'évaluation. La réponse, c'est une culture de l'évaluation. Au Québec, on ne veut pas évaluer. Au Québec, on a l'obsession de l'évaluation, on ne veut pas en entendre parler. Il n'y a tellement pas de culture de l'évaluation que tu en parles à n'importe qui et ils vont toujours te dire: Ah! bien oui, on sait bien, ils vont favoriser leurs chums, on sait bien! Bien, merde! à l'université, on évalue 10 fois par trimestre – 10 examens par trimestre – des étudiants de 20, 22, 24, 25 ans. Si on peut évaluer des étudiants d'université, pourquoi on ne pourrait pas évaluer des profs au primaire?

Et c'est une culture. Essayez d'imaginer – j'en rêve – qu'au Québec se mettrait en branle un processus d'évaluation des enseignants au primaire, avec tout ce que ça implique comme valorisation de l'excellence comme professeur ou comme enseignant au primaire qu'éventuellement dans chaque région, soit identifiée la meilleure professeure de français au primaire, la meilleure professeure d'anglais, de mathématiques, avec ce que ça comporte de marge d'erreur. Et puis, ensuite, ces meilleurs-là, seraient mis sur vidéo, et les autres les regarderaient comme modèles. C'est ça, un bon prof de français au primaire. C'est ça, un bon prof de mathématiques au primaire. Ça serait, en termes de... Puis les belles querelles qui auraient lieu dans la population. On se demanderait: Oui, mais ils ont mis trop l'accent sur telle qualité plutôt que telle autre. C'est pas mal plus valorisant que de se demander si les Expos ont gagné hier. Ça fait appel davantage à...

Et, quand je parle de culture, c'est évident qu'au début ce ne serait pas terrible, l'évaluation. Mais je choisirai toujours une évaluation qui a des faiblesses à pas d'évaluation, parce que pas d'évaluation, c'est la faiblesse absolue, c'est l'ignorance totale, c'est se fermer les yeux. Commençons tranquillement à mettre en place une culture de l'évaluation puis, je ne suis pas inquiet, dans une dizaine d'années on aura le réflexe et on saura évaluer. On passe notre temps à dire, au Québec, que l'éducation, c'est ce qu'il y a de plus important. Mais, alors, si l'éducation c'est ce qu'il y a de plus important, vous me reconnaîtrez que les profs, c'est ce qu'il y a de plus important en éducation. Comment vous expliquez que ce qui est le plus important en éducation on ne l'évalue pas? Comment vous expliquez qu'on tolère pendant un quart de siècle que des jeunes, des petites intelligences qui ne demandent qu'à éclater subissent des nullités comme profs? Je ne suis pas en train de dire qu'ils sont tous nuls, mais, s'il y en a un tiers, c'est catastrophique. Il n'y a aucune raison que des jeunes intelligences subissent au primaire l'enseignement de gens démotivés ou moins compétents ou qui n'ont pas d'affaire là. Quand tu te places devant une salle de cours, il faut que tu sois passionnant, sinon tu dégages. Il n'y a pas de permanence là-dessus. La sécurité sociale, ce n'est pas dans les écoles.

M. Béchard: Qu'est-ce que vous répondez à ceux... On entend des gens, autant des jeunes ou des gens qui arrivent sur le marché du travail, qui nous disent: Bon, bien, on a besoin d'une certaine sécurité minimale, ne serait-ce que pour s'acheter une maison, une auto ou faire certains investissements, et tout ça? Qu'est-ce que vous répondez à ces gens-là?

M. Breton (Réjean): La sécurité totale n'existe pas. Je me souviens, ça m'avait frappé, il y avait eu l'écrasement d'un avion, et puis on posait la question au président: Comment se fait-il que l'avion s'est écrasé? Eh oui! La sécurité totale, ça ne doit pas exister, ça ne peut pas exister. Je m'excuse. C'était quoi, votre question? Je me suis...

M. Béchard: C'est de savoir comment on réussit... Il y a des gens qui vont venir ici – puis on l'a vu dans des mémoires – qui demandent, je dirais, une certaine sécurité de base...

M. Breton (Réjean): O.K. D'accord. Je me souviens.

M. Béchard: ...ne serait-ce que pour consommer...

M. Breton (Réjean): Oui. Alors, on va nous dire: Bien, écoutez, s'il n'y a plus la permanence, comment on va faire, les gens, comment ils vont faire pour s'acheter une maison? Il faut qu'ils puissent prévoir l'hypothèque. Alors, bien sûr, la réponse, dans un premier temps, est facile. Je réponds par une question: Comment ils font, ceux qui ne l'ont pas, la permanence? Alors, c'est seulement cinq sixièmes de la population.

Deux, on ne va pas construire des entreprises fortes sur la base du fonds de pension et du maintien en place de ceux qui sont là depuis 25 ans. Oui, idéalement – ce que je dis souvent à mes étudiants – ce serait merveilleux, si on pouvait payer 100 000 $ à tout le monde puis qu'on leur garantissait qu'ils l'auraient pour les 35 prochaines années. Sauf que la réalité n'est pas celle-là. Les bons ne seront pas pénalisés par l'abolition de la permanence. Les pas mal bons ne seront pas pénalisés par l'abolition de la permanence. Qui sera pénalisé par l'abolition de la permanence? Je n'ai pas à vous l'expliquer, vous l'avez tous compris.

C'est l'arbitraire total. Je ne reprendrai pas ce que je vous ai lu et le mémoire au complet. La permanence, ça tient à l'air du temps. Il y a ceux qui l'ont eue parce qu'ils sont arrivés avant puis ceux qui ne l'auront pas parce qu'ils sont arrivés... Il n'y a pas plus de con!

M. Béchard: Ça va, oui.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, M. le Président. C'est certainement une présentation très, très intéressante et qui amène aussi – et ça, je suis heureux que ce soit fait – un portrait global sur la situation. Parce que je suis probablement un de ceux qui ont lancé le débat sur les clauses orphelin, sauf que, comme vous l'avez souligné, le parti que je représente à l'Assemblée nationale veut aussi mettre de côté les jobs à vie, la permanence, revoir le principe de l'ancienneté, le monopole syndical. C'est des questions qu'on pose. Donc, l'idée d'avoir cette vision-là globale, je suis heureux que ça soit amené à la commission.

Je dois dire, par contre, que ces idées-là – et je pense que vous l'avez souligné dans votre mémoire – c'est un peu tabou de faire ces remises en question là. Comme le député de Kamouraska-Témiscouata qui, dans ses propos, tout à l'heure, laissait entendre qu'il serait peut-être d'accord avec vous. Quand, il y a deux semaines, j'ai parlé d'enlever la permanence et de revoir l'ancienneté, il faisait une conférence de presse cinq minutes après pour être scandalisé, les yeux dans l'eau, puis c'était épouvantable que quelqu'un ait souligné de tels propos. Donc, il ne faut pas se surprendre, surtout à la veille des élections, il n'y a pas grand-monde qui est prêt à partir sur ce sujet-là.

Vous parlez de monopole syndical. C'est tellement fort, le monopole syndical, qu'il n'y a personne qui veut partir en élections en disant: On va avoir les syndicats aux fesses, parce que tout le monde a peur. Et ça, le fait que ces gens-là couchent dans le même lit que les syndicats, ça fait sûrement partie des raisons pour lesquelles les jeunes se retrouvent dans la situation où ils se retrouvent aujourd'hui.

(15 heures)

Je veux revenir, moi aussi, sur la question de la... On a parlé tantôt de la paix sociale un peu. Quand on dit: On a présentement une relative paix sociale, c'est un propos, à mon avis, qui est peu honnête. Pourquoi on a une paix sociale? Parce que, si on veut couper 0,01 % à un groupe qui est organisé, syndiqué, avec des budgets incroyables pour payer des autobus pour monter sur la colline parlementaire, et tout ça, au bulletin de nouvelles, tu vas en avoir, ça va déborder de ton écran. Alors que, quand tu laisses sur la paille une génération au complet, mais parce que c'est plus ou moins organisé, parce que tout ce monde-là est chacun chez soi, puis que, là, en attendant, il faut qu'ils paient leurs factures, à la fin du mois, ça fait qu'ils travaillent à une, deux, trois places puis ils n'ont pas le temps de s'organiser puis de se structurer de la même manière, surtout pas les budgets pour débloquer des autobus puis s'en venir tous en même temps, la même journée sur la colline parlementaire, ça passe dans l'inaperçu et on dit: On a une relative paix sociale. La paix sociale, ça veut dire, en d'autres termes, que le gouvernement va baiser ceux qui sont moins en capacité de se défendre et de donner un show pour la TV. Tu sais, est-ce que c'est ça, la paix sociale? Je vous pose la question. Vous avez compris ma réponse déjà.

M. Breton (Réjean): Oui, je suis parfaitement d'accord. C'est sûr que je m'adresse à des politiciens et que les politiciens sont obsédés par les prochaines élections et qu'il ne faut surtout pas... D'ailleurs, c'est pourquoi j'écris, à un moment donné, dans le mémoire: Chercher désespérément à ne déplaire à personne.

Le Président (M. Sirros): Disons que nous n'avons pas beaucoup de permanence.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Sirros): Je ne pouvais pas m'en empêcher. Mais, cela étant dit, je vous prie de continuer.

M. Breton (Réjean): Alors, j'allais dire, bien sûr, vous êtes préoccupés de votes. Et le vote organisé, le vote monolithique, le vote massif qui vous vient des centrales syndicales vous garantit presque, au départ, que... Sauf qu'il faudra bien un de ces jours que les questions fondamentales soient abordées. Il faudra bien un de ces jours qu'on s'interroge. À la limite, je ne demanderais qu'une seule chose. Pourquoi vous ne parlez pas de la permanence aux prochaines élections? Pourquoi vous n'en parlez pas? Je ne vous dis pas: pensez comme moi. Pas du tout, non. Mais, entre ça et puis: On n'en parle pas pantoute... C'est quand même incroyable! Vous n'allez pas encore faire une autre élection en parlant de n'importe quoi, sauf de ce qui est...

Dans le mémoire, je dis: aujourd'hui, la plus grande inégalité, c'est l'accès à l'emploi. On n'est plus en 1910, là. La grande inégalité, c'est l'accès à l'emploi, parce que notre société identifie les gens en fonction de leur job. Alors, si, déjà, aux prochaines élections, vous aviez cette honnêteté élémentaire, non pas de dire: Moi, je suis contre la permanence, mais: Parlons-en, c'est mauditement important...

M. Dumont: On va en parler.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, Me Breton. Sur ce, je pense qu'on a pu profiter un peu des échanges... Une toute petite question?

Mme Houda-Pepin: Oui, oui, c'est ça.

Le Président (M. Sirros): Si ça prend moins de 30 secondes.

Mme Houda-Pepin: Oui. Alors, j'ai 30 secondes, M. Breton. Quelle est la place que vous faites dans votre analyse au concept de la solidarité intergénérationnelle?

M. Breton (Réjean): C'est joli, tout ça.

Le Président (M. Sirros): Si la réponse est courte aussi.

M. Breton (Réjean): C'est très joli. Mais «Je vous salue, Marie», c'était beau aussi, à l'époque. Sauf que la solidarité intergénérationnelle qui va toujours dans le même sens, ça m'étonnerait qu'elle intéresse les jeunes. Les coupures de 6 %, madame...

Les statistiques démontrent massivement que les conditions de travail des employés municipaux sont d'au moins 20 % supérieures aux conditions de travail des employés fédéraux et provinciaux, qui eux-mêmes ne sont pas des défavorisés, comme vous vous en doutez peut-être. Comment se fait-il qu'on ait nié grossièrement cette réalité, qu'on ait refusé grossièrement de voir cette réalité – je parle du Syndicat canadien de la fonction publique, ici – et que, finalement, les coupures se soient faites sur le dos de qui vous savez? Quand on sait que ces gens-là gagnent déjà... Je parle de la ville de Montréal, je ne parle pas des petits villages. On a voulu dire: Bien, oui, mais il y a plein de petits villages où il y a un demi-employé, puis les salaires ne sont pas terribles. Sauf que 80 % des employés municipaux sont dans les villes de plus de 20 000 de population, et ceux-là ont des conditions de travail de plus de 20 % supérieures à celles des permanents du provincial et du fédéral.

Qu'est-ce que c'était d'accepter une coupure de 6 %? «No way!», pas question, pas question! Toujours le même réflexe: Jamais pour nous, jamais! Droits acquis, pas touche! Mais, par contre, on serait prêt, généreusement, à refiler ça aux jeunes. Ils ont l'habitude, eux autres, de toute façon, hein. Passer d'une jobine à une job permanente, moins bien traité, c'est formidable. D'ailleurs, c'est pour ça que je dis: faites attention, à vouloir vous occuper seulement des orphelins privilégiés, vous allez passer à côté. Parce que les jeunes qui ont déjà une job permanente, même s'ils sont moins bien payés et moins bien traités, ils sont ravis, effectivement. C'est 100 fois meilleur que ceux qui n'y arriveront jamais, la très grande majorité.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, Me Breton. Le temps qui vous est alloué étant terminé, on vous remercie au nom des membres de la commission.

M. Breton (Réjean): Merci.

Le Président (M. Sirros): Et j'aimerais inviter le prochain groupe, qui est la Fédération étudiante collégiale du Québec et la Fédération étudiante universitaire du Québec, à vouloir prendre place. On suspendra pour deux minutes entre les deux.

(Suspension de la séance à 15 h 7)

(Reprise à 15 h 9)

Le Président (M. Sirros): On pourrait reprendre nos travaux. Comme je vois que le groupe est déjà installé, si je peux vous demander de vous présenter et de présenter ceux qui vous accompagnent. Les règles, je pense que vous les connaissez: une vingtaine de minutes de présentation suivies d'un échange d'une quarantaine de minutes. En essayant de se garder à l'intérieur de ces limites, je vous prierais de commencer.


Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) et Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ)

M. Ducharme (Nikolas): M. le Président, M. le ministre du Travail...

Le Président (M. Sirros): S'il vous plaît!

(15 h 10)

M. Ducharme (Nikolas): ...MM. les députés du gouvernement, de l'opposition, M. le député de Rivière-du-Loup, je voudrais d'abord remercier M. Dumont d'avoir amené à l'Assemblée nationale un débat qui préoccupe les jeunes depuis plusieurs années et surtout le gouvernement de tenir cette consultation. Cependant, j'aimerais noter que ce n'est pas tout de consulter, nous devrons un jour nous donner les outils pour agir.

Mon nom est Nikolas Ducharme, je suis président de la Fédération étudiante universitaire du Québec, un organisme qui aura bientôt 10 ans et qui regroupe 15 associations étudiantes des trois cycles d'études de toutes les régions du Québec et qui représente 135 000 étudiants. Notre mission est de défendre les étudiants avant, pendant et après leurs études: avant, au niveau de l'accessibilité aux études postsecondaires; pendant, au niveau de la qualité de l'information; et après, que ce soit pour le remboursement de la dette, l'employabilité et l'intégration des jeunes en emploi.

M. Leclerc (Philippe): M. le Président, mon nom est Philippe Leclerc, je suis président de la Fédération étudiante collégiale du Québec. La Fédération étudiante collégiale du Québec regroupe 23 associations étudiantes du collégial, soit environ 100 000 étudiants du réseau collégial sur environ 150 000. Fondée en 1990, la Fédération étudiante collégiale du Québec étudie, promeut, protège, développe et défend les intérêts, les droits et les préoccupations des étudiants du collégial. En ce sens, l'accessibilité universelle étant au coeur des préoccupations de la FECQ, il va sans dire que l'emploi et l'insertion en emploi font partie de la mission première de la FECQ, la cause sociale des jeunes.

Avant de commencer, M. le Président, je dois souligner que mon collègue Ducharme et moi sommes accompagnés de M. Jean-Sébastien Talbot, de la Fédération étudiante collégiale du Québec, et de M. Alexis Boyer-Lafontaine, de la Fédération étudiante universitaire du Québec, tous deux auteurs du mémoire qui vous est présenté ici, en cette Chambre, en cette commission parlementaire sur les clauses orphelin.

M. Ducharme (Nikolas): «Entre le cynisme et l'indifférence, si la morale commençait à nouveau par l'indignation.» Fernand Dumont, Raisons communes , 1995. Les jeunes sont indignés. Ils sont indignés tout d'abord parce que leur situation socioéconomique se détériore de jour en jour. Je suis moi-même né après les trente glorieuses, en 1972, à l'aube de la crise du pétrole, et tout ce que j'ai vécu, c'est des crises économiques, des situations économiques difficiles et l'appauvrissement de la population dont je fais partie.

Pour le jeunes, le chômage frise les 20 %. Il y a plus de 50 000 assistés sociaux. Notre pouvoir d'achat, depuis le milieu des années 1985, a été amputé de 25 %. La pauvreté des mères monoparentales dépasse les 94 % pour les moins de 30 ans. La détresse psychologique est telle que le taux de suicide des jeunes au Québec est le plus important au monde.

En ce qui concerne les clauses orphelin, ce n'est que la pointe de l'iceberg. Plusieurs groupes de jeunes ont crié leur indignation: les ailes jeunesse des partis politiques, la Fédération des médecins résidents, qui ont alerté les premiers l'opinion publique, la jeune CSN, tout dernièrement, Le Pont entre les générations, les fédérations étudiantes et un ensemble de groupes de jeunes. Nous ne sommes pas restés cyniques, comme plusieurs veulent l'entendre, face à la situation que l'on vit, notamment en ce qui concerne les conditions de travail des jeunes et les conditions d'embauche des jeunes.

Les clauses orphelin, et je tiens à le spécifier, ce n'est pas une cause de jeunes, ça touche tout le monde. Pensez seulement aux gens qui ont été congédiés et qui réintègrent un emploi, qui ont plus de 50 ans ou de 40 ans et qui sont embauchés à des conditions moindres que les autres. Sauf que, il faut le dire, ça touche surtout les femmes, les jeunes femmes et les jeunes. Ce qui fait en sorte que, dans notre mémoire, la première proposition que l'on soumet à la commission, c'est que, suite à cette consultation-là sur l'évolution du phénomène des clauses orphelin, nous demandons au gouvernement d'amorcer une réflexion sur l'ensemble des pratiques discriminatoires à l'égard des jeunes travailleurs.

M. Leclerc (Philippe): Ainsi, pour revenir aux clauses orphelin, il est essentiel pour nous de définir qu'est-ce qu'une clause orphelin. Pour la FECQ et la FEUQ, la meilleure définition d'une clause orphelin serait celle du groupe de travail sur les clauses orphelin créé par le ministre Rioux et mandaté pour étudier les problématiques et solutions des clauses orphelin. Cette définition stipule qu'une clause orphelin est ainsi définie comme une pratique ayant pour effet de ne plus fonder la politique de condition de travail sur des critères communs à l'ensemble du personnel. Cette définition s'inspire de celle de la Commission des droits de la personne, dans son avis d'avril 1998. En d'autres mots, qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire de ne pas avoir de discrimination dans les critères d'embauche et dans les politiques de conditions de travail, que ce soit au niveau des avantages sociaux, du salaire, des échelles salariales ou encore de l'équipement.

À cet effet nous avons noté certains types de clauses orphelin: premier type, les clauses à double paliers qui établissent une échelle salariale ou un niveau de rémunération inférieur pour les nouveaux travailleurs; deuxièmement, les clauses orphelin qui, par l'ajout d'un échelon inférieur à l'échelle salariale, abaissent la rémunération de départ des nouveaux travailleurs en bas du niveau de départ des travailleurs précédents, en autant que le contexte démontre à l'évidence la volonté des parties de ne plus fonder la politique salariale sur des critères communs à l'ensemble du personnel; troisième type, l'allongement de la période de probation avant l'atteinte du niveau régulier ou l'allongement du premier échelon, en autant que le contexte démontre à l'évidence la volonté des parties de ne plus fonder la politique salariale sur des critères communs à l'ensemble du personnel; quatrième type, les ententes qui accordent un statut de temporaire à tout nouveau salarié, alors qu'auparavant les nouveaux salariés occupaient des emplois conduisant à la permanence; cinquième type, l'abaissement du salaire des occasionnels, temporaires et surnuméraires associé à une augmentation ou au maintien de la rémunération des permanents; sixième type, la création d'une catégorie d'emploi auxiliaire, étudiant ou temporaire dont la rémunération est inférieure au premier échelon régulier; septième et avant-dernier type, le gel des échelons, qui fait en sorte que la politique salariale ne s'applique pas à ceux qui sont encore en progression de la même façon qu'à ceux qui sont au maximum de l'échelle; finalement, le dernier type que nous avons décelé, la remise d'avantages sociaux et d'autres bonus réservés uniquement aux permanents.

Le contexte québécois et le pacte social. Les clauses orphelin sont apparues, comme vous le savez sûrement, au Québec de façon réelle depuis les années quatre-vingt. À cet effet, elles étaient surtout destinées au secteur tertiaire. Ce sera certes une tendance durable, au Québec, qui va demeurer si le gouvernement du Québec ne donne aucun signal clair comme quoi cette pratique dans le monde du travail est contraire à l'intérêt collectif, comme quoi il s'agit d'une pratique qui va clairement à l'encontre du principe d'équité qui pourtant s'impose clairement comme un choix de société.

Pour la FECQ et la FEUQ, la solution ne se présente pas par un pacte social, qui représente pour nous une solution insuffisante et inadaptée. Premièrement, les déclarations de bonnes intentions de la sorte rendent pratiquement impossibles des recours au travailleur qui serait encore touché par des pratiques non conformes au pacte. Deuxièmement, le pacte social n'est pas un instrument susceptible d'être respecté de manière durable par les parties, car son respect est souvent soumis aux aléas de la conjoncture économique. Enfin, cette idée apparaît bien davantage comme une solution simple pour le législateur qui prouverait en quelque sorte son manque de volonté à trouver une solution concrète et aussi un refus de donner un signal clair quant aux clauses orphelin et à la discrimination à l'égard des nouveaux employés.

Deux exemples sont flagrants de l'inefficacité d'un tel pacte social. Premier exemple: Au début des années quatre-vingt-dix, le pacte social du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre n'a aucunement éliminé les clauses orphelin, si ce n'est qu'il a diminué l'application de celles-ci. Et on se souviendra, plus récemment, en 1996, lors du Sommet sur l'économie et l'emploi dont nous avons claqué la porte suite au manque d'engagements fermes et clairs envers la jeunesse, il y avait eu un pacte social comme quoi l'atteinte du déficit zéro ne se ferait pas sur le dos des jeunes. Malheureusement, on l'a bien vu lors de l'adoption de la loi n° 414, une invitation claire à signer des clauses orphelin sur le dos des jeunes était faite.

En ce sens, c'est pourquoi nous recommandons et nous proposons de rejeter l'idée du pacte social comme solution pour interdire la négociation éventuelle des clauses orphelin ou de clauses discriminatoires et, en ce sens, nous recommandons au gouvernement une intervention législative pour interdire la conclusion de clauses orphelin.

(15 h 20)

M. Ducharme (Nikolas): Comme dirait Shakespeare: Légiférer ou ne pas légiférer, telle est la question. Pourquoi légiférer contre les clauses orphelin? Parce que les déclarations de principe n'ont pas servi l'intérêt des jeunes. Philippe en parlait tantôt, le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre a dit: Nous déclarons, nous, les syndicats et le patronat, qu'il n'y aura plus de signature de clauses orphelin.

Au sommet socioéconomique, le gouvernement l'a dit: Nous vous le promettons, les jeunes, ne sortez pas du Sommet, les coupures ne seront pas sur votre dos. Pourtant, on a coupé en éducation, on a coupé dans l'aide sociale et on a recommandé que les clauses orphelin soient négociées lors des coupures de 6 %.

Même consensus qui a été fait, déclaration de principe: Il faut aménager, réduire le temps de travail. Les patrons et les syndicats étaient d'accord. Est-ce qu'on a aménagé et réduit le temps de travail? Les progrès restent à faire.

Régime d'apprentissage, c'était la voie à suivre. Patrons et syndicats étaient d'accord: Il faut instaurer un régime d'apprentissage dans toutes les entreprises, c'est la voie de l'avenir. Aujourd'hui, il y a 50 étudiants qui sont sur le régime d'apprentissage. Pourtant, l'objectif avait été de 1 000, et ça avait été consensuel.

Pourquoi légiférer? Pour protéger l'individu, qui est plus vulnérable devant les entreprises ou les syndicats. C'est donc une protection additionnelle qui serait conférée à l'individu et aussi surtout un recours autre que soit les syndicats ou l'employeur pour défendre ses intérêts.

Pourquoi légiférer? Parce que c'est le seul moyen de garantir la justice sociale et les principes d'équité de manière coercitive, c'est-à-dire obliger les personnes morales à ce que ça ne se retrouve pas, que ça ne soit pas un choix de pénaliser les jeunes. Parce que, aussi, le cadre législatif actuel n'est pas suffisant pour protéger les nouveaux travailleurs.

Après avoir répondu à «est-ce qu'il faut légiférer ou non?»: Où légiférer? Là, il y a un ensemble de discussions qui ont eu lieu à travers les groupes de jeunes. Et c'était très enrichissant, tout ce débat-là parce qu'on a enfin connu nos droits, comme travailleurs. En passant, j'aimerais dire à la commission, au gouvernement et à tous les partis en place à l'Assemblée nationale: il serait peut-être intéressant que, dans les cours qui auront lieu sur la citoyenneté, à l'intérieur de nos écoles, on informe les citoyens de leurs droits comme travailleurs et aussi comme citoyens. Je pense que c'est un manque, dans notre société. Il y a beaucoup de personnes qui ne sont pas au courant des droits, qui ne sont pas au courant même que ça existe, des commissions parlementaires, ou comment on adopte une loi. Je faisais un petit aparté, mais je pense que c'était important. À 26 ans, apprendre c'est quoi, les normes du travail, le Code du travail... Peut-être que c'était de ma faute. Mais je ne suis pas celui qui est le moins curieux. Je pense que c'est un manque, dans notre société, un manque d'information que les jeunes ont puis la société, en général, en ce qui concerne leurs droits.

Où légiférer? C'est aussi une autre question. Pour nous, c'est les normes du travail. J'y reviendrai tantôt. Ça ne devrait pas être dans la Charte parce qu'il est difficile de prouver qu'il y a eu discrimination selon l'âge, quand on parle de clauses orphelin. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il est possible que quelqu'un ait été congédié et réintègre le marché de l'emploi à 42 ans, 45 ans. Donc, ça peut s'appliquer, dans un corps de travail, autant à l'individu de 28 ans qu'à l'individu de 45 ans. Donc, il est difficile de prouver que ce serait de la discrimination selon l'âge. Et je verrais mal mettre la date d'embauche dans la Charte des droits et libertés du Québec. À l'intérieur de cette Charte-là, je ne pense pas que c'est l'endroit ou le lieu pour faire ça. De plus, c'est très difficile pour les individus qui se sentent lésés de poursuivre en vertu de la Charte. C'est très coûteux, et le citoyen normal ne poursuit pas en vertu de la Charte, mais c'est souvent ceux qui sont les plus nantis de notre société.

Dans le Code civil? Il a été refondu en 1994. Certains groupes ont soulevé que ça serait intéressant, dans le Code civil. À notre avis, ce n'est pas l'endroit parce que le Code civil, ce n'est pas la loi qui a l'expertise sur le marché de l'emploi. Ça serait plus avantageux pour les personnes morales parce qu'elles ont plus d'argent pour se défendre, mais c'est très coûteux pour l'individu.

Le Code du travail, c'est une bonne avenue, sauf qu'à notre avis ce n'est pas la meilleure. Pourquoi? Parce que ça touche uniquement les syndiqués et qu'on sait que dans 94 % des cas c'est l'employeur qui propose les clauses orphelin, premièrement, et que souvent aussi ça se retrouve dans des milieux non syndiqués, c'est-à-dire là où il n'y a pas de conventions collectives. On ne serait pas cohérents avec notre pensée de faire en sorte que ceux qui ont des conventions collectives soient avantagés, donc mieux protégés que ceux qui n'en ont pas.

L'autre chose, c'est qu'il est difficile pour l'individu de poursuivre en vertu du Code du travail parce qu'il se mettrait dans le milieu du syndicat puis de l'employeur. En théorie, c'est facile, mais, quand vous poursuivez soit votre employeur ou votre syndicat, dans la pratique, et que vous le faites en vertu justement du Code du travail, vous pouvez vous retrouver dans des situations assez difficiles dans votre milieu de travail. Et, comme je le disais tantôt, ça ne protège pas les salariés qui ne sont pas syndiqués.

Donc, pour nous, ce sont les normes. Les normes, pourquoi? Parce que ça touche à tout le monde. C'est un plancher minimal. C'est une obligation selon l'ordre public. Sauf que, on n'est pas dupes, mettre ça dans les normes, il faudrait quand même faire d'autres ajustements. Un, il faudrait que ça soit adopté rapidement, avant les prochaines négociations des conventions collectives. Et, l'autre chose, il faudrait faciliter les recours, comme il en existe présentement en vertu... si vous vous faites congédier, c'est plus facile d'avoir recours, de se battre parce que l'avocat est payé et parce que, aussi, on vous soutient plus dans votre démarche, et c'est plus confidentiel.

Le Président (M. Sirros): Est-ce que ça complète? Parce que, là, on a...

M. Ducharme (Nikolas): Oui, rapidement, juste pour vous dire qu'on propose – notre quatrième proposition – le fait que la FEUQ recommande une modification législative dans la Loi sur les normes du travail de façon à rendre contraire à l'ordre public le recours à des clauses orphelin.

Ce que nous vous demandons, comme législateurs et comme membres de l'Assemblée nationale, c'est de l'audace. Nous sommes, nous, des sociaux-démocrates et, comme sociaux-démocrates, nous faisons appel aussi à l'innovation, au Québec, pour une société qui veut un jour devenir un pays. Il faut se soucier d'innover pour être à l'avant-garde des autres États qui composent le monde. Merci.

Le Président (M. Sirros): Alors, c'est moi qui vous remercie. M. le ministre.

M. Rioux: Alors, j'aimerais vous remercier, messieurs, de votre présentation. Votre position est nette et claire. Mais vous avez le mérite aussi de définir passablement ce que c'est, selon votre vision, une clause orphelin. Vous donnez plusieurs exemples, et je trouve ça très, très intéressant, très important et je vous en remercie.

(15 h 30)

Au chapitre des solutions, vous prétendez que le Code du travail, ça ne serait pas la voie à emprunter ni la Charte des droits et libertés de la personne. Vous retenez plutôt les normes. Moi, j'aimerais savoir – la question s'adresse à un de vous quatre – dans votre esprit, si on procède avec la filière que vous nous proposez, la Loi des normes, ça veut dire que, pour vous autres, la loi des normes transcende le Code, puisque c'est une loi d'ordre public. Est-ce qu'on se comprend bien là-dessus? Parce que je voudrais que ça soit clair entre nous.

M. Ducharme (Nikolas): Il est évident que, nous, la position qu'on a, c'est qu'on légifère dans les normes. Pourquoi? Je l'ai expliqué tantôt, c'est parce qu'on veut que ça s'applique à tout le monde. Cependant, si le gouvernement a le goût de légiférer plus, nous, on n'a aucune opposition à ce qu'on mette une clause aussi dans le Code du travail. Sauf que nous – excusez l'anglicisme – notre «bottom line», c'est les normes. Si vous voulez les normes, le Code du travail, la Charte, soit. Mais, nous, notre «bottom line», c'est les normes.

M. Rioux: On écoutait tout à l'heure un professeur d'université – je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de l'entendre – ...

M. Ducharme (Nikolas): Oui.

M. Rioux: ...qui est venu nous faire un plaidoyer vibrant, où il fallait se débarrasser des monopoles syndicaux, de l'ancienneté et de quelle autre affaire aussi?

Une voix: La permanence.

M. Rioux: La permanence, la permanence d'emploi. Évidemment, les jeunes qui l'accompagnaient n'ont pas pu prendre la parole, et ça a l'air que les règles du jeu n'étaient pas bâties comme ça. Mais, étant donné qu'on a des jeunes universitaires devant nous et que vous avez eu la chance certainement d'écouter ce qui s'est dit avant, selon vous, l'accès au marché du travail... On sait que c'est parfois difficile, l'emploi est rare, etc., il y a un contexte de rareté qui est épouvantable. Est-ce que vous partagez cette forme d'analyse, où le syndicalisme, au fond, est une nuisance publique, où l'ancienneté, c'est la catastrophe et où, par surcroît, c'est à cause de ces vices-là qui sont entrés dans notre société qu'on n'en arrive pas à faire de la place aux jeunes, qui sont bien formés et qui voudraient intégrer le marché du travail et prendre la place qui leur revient?

On aurait pu dialoguer et probablement aussi amorcer un solide débat, suite à l'intervention du professeur. Mais, moi, j'aimerais ça savoir ce que vous en pensez. Parce que le Conseil du patronat, ce matin, ils ont été clairs, eux autres, ils sont venus nous dire: Les clauses orphelin, on ne se réveille pas la nuit pour penser à ça, sauf que, parfois, ça peut régler nos problèmes. Le mouvement syndical, on ne l'a pas entendu encore. Mais vous autres, qui représentez quand même des milliers de jeunes, j'aimerais ça que vous nous disiez un petit peu le fond de votre pensée là-dessus. Parce que, lui, il a identifié, il a mis le doigt sur ce qui fait que vous n'accédez pas facilement au marché du travail et que vous êtes discriminés.

M. Ducharme (Nikolas): Bon. La première des choses, c'est toujours facile de faire un spectacle en commission parlementaire, puis d'aller dans les facilités, puis de tourner les coins carrés, puis de faire son impertinent. Ça, c'est la première des choses.

La meilleure façon pour que les jeunes aient des conditions favorables d'insertion au marché de l'emploi, c'est d'avoir une éducation accessible et de qualité. Mais ce n'est certainement pas en coupant en éducation, comme on l'a fait, que ça va être positif.

L'autre chose, c'est qu'il faut créer des passerelles entre l'université, le secondaire, le cégep et le marché de l'emploi en ayant un système de placement cohérent, une politique de stages efficace. Il faut qu'on ait un programme de renouvellement de la fonction publique puis il faut créer des conditions favorables à la création de l'emploi.

Est-ce que c'est l'ancienneté, la permanence ou les syndicats qui empêchent de faire tout ça? Comme on l'a dit dans notre mémoire, ce sera peut-être des débats qu'il faudra faire dans le futur. Mais le propos qui nous préoccupe aujourd'hui, c'est le cas des clauses orphelin, et les solutions qu'on apporte sont face à ça. On ne s'est pas penchés, nous, dans nos instances à savoir si ces choses-là étaient un frein à l'employabilité.

Mais il y a une chose que, moi, je sais, c'est que souvent il faut se regrouper en association pour défendre nos intérêts puis que les premiers touchés, s'il n'y avait pas de syndicats ou d'associations étudiantes, ce seraient les femmes qui ne peuvent pas travailler parce que soit qu'elles sont monoparentales, soit qu'elles ont une grossesse, ceux qui ont une famille, ceux qui peuvent investir moins de temps dans leur travail pour x, y raisons. C'est sûr, dans le fond, ce n'est pas le mérite qui... On peut être bon puis avoir d'autres choses dans notre vie qui nous empêchent de travailler 80, 90 heures dans une entreprise. Et, quand on a recours aux droits d'association, c'est bien sûr pour protéger ses droits.

Puis, est-ce que les syndicats prennent trop de place? Ça, c'est un autre débat qu'ici. Sauf que les syndicats, les associations étudiantes, les associations de défense de droits et d'intérêts multiples qui existent ont fait avancer le Québec depuis 30, 35 ans, et leur mettre tout sur le dos, c'est esquiver, à tout le moins, la moitié du débat.

M. Rioux: J'aimerais ça, comme dernière question, vous demander: Étant donné que la Loi des normes semble être la solution que vous adoptez, est-ce que les recours prévus pour le traitement des plaintes, des dossiers des gens qui seraient discriminés, est-ce que la procédure qui est prévue dans cette loi-là vous satisfait ou bien si elle devrait être révisée?

M. Ducharme (Nikolas): Comme je l'ai spécifié tout à l'heure dans mon intervention, les modalités d'accès aux plaintes, aujourd'hui, ne sont pas suffisantes, surtout pour ceux qui n'ont pas les moyens de se payer un avocat. Donc, il y a des dispositions – vous êtes plus informé que moi – qui existent pour ceux qui sont congédiés et qui veulent porter plainte, qui pourraient être applicables dans l'éventualité où quelqu'un se sentirait lésé parce que, sur son dos, on a négocié des clauses orphelin.

M. Rioux: Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député... Il y a quelques minutes, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: M. Ducharme, messieurs, un petit commentaire. J'espère que, ce soir, lorsqu'on fera état des travaux de la commission, ce sera votre présentation qui aura l'honneur de passer à la télévision plutôt que d'autres. Je le dis parce qu'il y a des niveaux qualitatifs très différents.

Et ça m'amène donc, moi aussi, un peu dans la lignée de ce que le ministre disait. Vous avez dit, M. Ducharme, plus tôt: Il va falloir qu'on s'arrête à l'ensemble des pratiques discriminatoires vis-à-vis l'emploi. Et j'en ai conclu – et vous me corrigerez si j'ai tort – que ça dépassait, effectivement, largement uniquement les clauses orphelin, qu'il y avait toute une série d'autres réalités et d'autres phénomènes qui étaient des blocages à l'emploi chez les jeunes – mais c'est plus que les jeunes – chez les exclus de l'emploi.

Le professeur qui vous a précédés, M. Breton, lui, identifiait effectivement trois niveaux ou trois paramètres essentiels qui expliquaient la venue des clauses orphelin en ce qu'il qualifiait de «monopole syndical», ce qu'il qualifiait de «sécurité d'emploi» et ce qu'il qualifiait d'«ancienneté». Et il disait: Si ces trois facteurs-là ne disparaissent pas, ça ne sert à rien d'enlever les clauses orphelin.

Moi, j'ai enseigné la politique suffisamment longtemps pour penser que, si c'est apparu dans l'histoire, c'est qu'il devait y avoir des raisons, qu'à certains moments donnés si ces revendications-là ont été à l'avant-garde du combat syndical, c'est peut-être parce que les patrons avaient tendance à clairer tout le monde dès que le niveau de productivité absolu était dépassé et qu'on commençait légèrement à être sur la courbe descendante, donc vers l'âge de, quoi, 35, 39, 40, ça dépend de l'époque historique à laquelle on se situe. Au début du siècle, on était vieux à 40 ans.

J'aimerais avoir votre commentaire là-dessus. Oui, ça dépasse l'objet immédiat de notre réflexion, sauf que je pense que cette réflexion-là doit dépasser le mécanisme des clauses orphelin. Rifkin, que j'écoutais récemment, dit: Le problème de cette fin du XXe siècle, c'est qu'il n'y a plus assez de travail. Pourquoi? Parce que la société industrielle est devenue trop productive. Il va donc falloir, à un moment donné, que les sociétés industrialisées s'arrêtent sur deux éléments essentiels et qu'elles passent un nouveau pacte social. Je sais que vous n'aimez pas le terme, mais je pense qu'il y a différents niveaux de pacte social. Lui, il parlait vraiment du contrat fondamental qui lie les citoyens et les citoyennes de notre société. Il disait: Un, il va falloir repenser fondamentalement ce que c'est, le travail et sa distribution, et, deux, ce que c'est, la richesse et sa redistribution. À l'intérieur de ces paramètres-là, j'aimerais vous entendre.

M. Ducharme (Nikolas): C'est assez vaste, comme débat. Ha, ha, ha!

M. Kieffer: Oui, mais c'est la seule question que je vous poserai. Je n'ai droit qu'à une seule question.

M. Ducharme (Nikolas): Parfait.

M. Kieffer: J'aimais autant qu'on s'attaque à ce niveau-là.

(15 h 40)

M. Ducharme (Nikolas): Il est vrai que le marché de l'emploi est en pleine transformation. Je ne veux pas entrer dans tous les clichés de la mondialisation, mais il y a une chose qui apparaît, c'est le travail que, nous, on appelle atypique. C'est qu'aujourd'hui le travail atypique chez les jeunes est en train de devenir la normalité. Sauf que personne ne se penche là-dessus sauf, bien sûr, les organismes de jeunes. Et, à l'intérieur du Comité aviseur-jeunes d'Emploi-Québec, on commence justement à réfléchir à ça.

Là, je ne peux pas vous faire état de toutes nos réflexions, mais je prends juste l'exemple du travail autonome, qui est en train de prendre de plus en plus de place, il n'y a pas de garanties ou il n'y a pas de droits concernant ces travailleurs-là, ils ne sont pas protégés. Il y a tout le phénomène aussi de la précarité de l'emploi, c'est-à-dire que les jeunes n'occuperont plus pendant 20, 25 ans le même emploi; ça change tout. Il y a un paquet de choses auxquelles il faut penser. Et peut-être que les éléments de l'ancienneté, de la permanence, de la sécurité d'emploi devront être abordés un jour. Mais pouvons-nous faire ce débat-là de façon argumentée? C'est facile de jeter le blâme sur x quand on ne soupèse pas tout ce qu'il y a alentour. Puis, nous, on ne s'est pas penchés là-dessus. Mais c'est une réflexion plus large qu'il va falloir faire sur le travail, je pense, au Québec surtout.

Le Président (M. Sirros): Merci.

M. Leclerc (Philippe): Je me permets, à cet effet, juste un instant...

Le Président (M. Sirros): Rapidement.

M. Leclerc (Philippe): ...de vous lire très rapidement ce qu'on a marqué à l'introduction de notre mémoire. On dit: «L'évolution de la structure d'âge de la population, combinée à celle de l'emploi et de l'économie en général, risque de créer tôt ou tard un problème d'équité entre les générations. Le haut taux de chômage des jeunes, au cours des dernières années, le retard à entrer sur le marché du travail, leur accès plus difficile à la propriété, le fardeau des populations vieillissantes à assumer dans l'avenir étant donné la capitalisation des régimes publics de retraite estimée insuffisante, tout cela ne constitue-t-il pas une source potentielle de conflits qu'il faudrait au plus tôt s'appliquer à désamorcer?»

Alors, à la question du député, je répondrai oui, il faudra peut-être un jour que le gouvernement se penche sur le débat public sur l'exclusion, un débat large sur l'exclusion. Et c'est dans ce sens-là que, nous, on va y réfléchir aussi.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président. MM. Leclerc, Talbot, Ducharme et Boyer-Lafontaine, merci de votre présentation et de votre mémoire. Il y a une chose qui, je vous le dis tout de suite, m'a surpris dans votre mémoire. Vous êtes dans le milieu de l'enseignement, dans le milieu universitaire et collégial, et je m'attendais à voir un exemple ou quelque chose qui serait relatif à la condition qui est décriée par les jeunes enseignants et avec laquelle vous êtes sûrement en contact en ce qui a trait aux clauses orphelin mises en place dans le monde de l'enseignement depuis l'an dernier, notamment depuis les coupures. Parce qu'il faut voir, et c'est un des points que je tente de soulever et d'amener, que, oui, il y a des gens qui sont en conventions collectives, oui, il y a la loi sur les normes minimales, mais il y a aussi tout le secteur public. Et ça, cette situation-là, vous savez, il y a des gens qui nous ont dit précédemment que, s'il n'y avait pas eu de clauses orphelin au niveau de l'enseignement, la qualité de l'enseignement, et tout ça, en aurait souffert. Est-ce que vous êtes en contact avec ça? Comment ça se vit? Vous le voyez tous les jours. Dans une maison d'enseignement, ces professeurs-là qui sont pris avec une clause orphelin, c'est quoi, leur réaction? Pourquoi vous n'avez pas parlé davantage de ces gens-là dans votre mémoire?

M. Ducharme (Nikolas): Bien, premièrement, il y a les coupures en éducation qui font mal à tout le système d'éducation, primaire, secondaire, collégial, universitaire, qui font en sorte qu'il y a des ressources d'encadrement... Le cas des cégeps, Philippe pourra en parler tantôt, c'est catastrophique, il n'y a plus de psychologues, il n'y a plus d'orienteurs, et ça rend plus difficile le travail des enseignants.

Pour ce qui est, maintenant, des conditions de travail des enseignants, les coupures qui ont été imposées au secteur de l'enseignement, c'est sûr qu'il y a eu des coupures dans les salaires. Les choix que les syndicats ont faits, on n'est pas d'accord avec eux, notamment les échelons, le rajout d'échelons. Nous, on considère que cette pratique-là, c'est une pratique discriminatoire. Maintenant, c'est devant la Commission des droits de la personne. Ils jugeront si c'est une clause orphelin ou non. Nous, on trouve que ça lèse, en tout cas, nos anciens membres qui sont rendus enseignants, et on n'est pas d'accord du tout avec ça. Je pense que les gens, les syndiqués auront à régler entre eux leurs comptes parce que c'est eux-mêmes qui ont négocié cette convention-là. C'est très difficile pour une... Tu sais, en démocratie, souvent, on protège le droit des minorités, mais, dans une structure comme ça, ceux qui ont moins de voix, souvent, se font un petit peu plus tassés dans le coin, comme on dit. Sauf que, pour nous, c'est une pratique discriminatoire aussi.

M. Leclerc (Philippe): Puis juste comme élément d'information, aussi, comme le disait mon collègue Nikolas, il est vrai que les compressions budgétaires ont eu un effet très néfaste – on en parle souvent de ce temps-là, aussi – au niveau des cégeps, que ça soit au niveau de l'encadrement, que ça soit au niveau des ressources d'aide, et tout ça. Et, en plus, s'ajoute à ça une espèce de phénomène que je dirais, entre guillemets, de clauses orphelin pour les nouveaux enseignants, c'est-à-dire le phénomène des chargés de cours qui arrivent au collégial. Et de plus en plus, les jeunes universitaires arrivent, débarquent et veulent se faire engager et se font offrir un contrat de chargé de cours, ce qui est non seulement désavantageux pour eux autres, mais aussi pour les étudiants, qui ne reçoivent pas un encadrement adéquat.

Et vous comprendrez aussi que, pour les jeunes universitaires qui sont engagés, bien, ça comprend le fait qu'ils ne participent pas à la vie départementale, à la conception des programmes, à la façon dont on fait les liens entre les programmes, etc. Donc, effectivement, les compressions, je peux dire, ça a eu un effet énormément néfaste sur l'introduction de nouveaux types de clauses orphelin.

M. Béchard: Et ça, comme vous le laissez entendre, ça a un effet pervers très net sur la qualité de l'enseignement comme tel.

M. Leclerc (Philippe): Ah oui! totalement.

M. Béchard: Et pour l'étudiant qui paie les mêmes frais afférents que les autres au cégep puis les mêmes frais de scolarité à l'université, celui qui se retrouve avec un chargé de cours qui, comme vous le dites, ne participe pas nécessairement à la vie départementale, est un peu isolé de ses collègues, ça a un impact sur la qualité de l'enseignement comme tel. Donc, l'étudiant se retrouve lui aussi, quelque part, aux prises avec le phénomène des clauses orphelin.

M. Ducharme (Nikolas): Je ne pense pas que ça ait un effet sur la qualité de l'enseignement. Ce sur quoi ça a un effet... Imaginez, vous avez fait un doctorat. Savez-vous combien d'années de scolarité c'est, faire un doctorat? Savez-vous quel niveau d'endettement vous avez atteint...

M. Béchard: Oui, je n'ai pas encore fini.

M. Ducharme (Nikolas): ...pour faire un doctorat? Puis vous arrivez sur le marché de l'emploi. Votre rêve, c'est d'enseigner au cégep. Puis tout ce qu'on vous offre, ce n'est pas la permanence, ce n'est même pas des conditions salariales intéressantes. Puis ça, c'est à cause des compressions. C'est: On va vous payer à l'heure. Voyons donc! «C'est-u» ça, la place des jeunes? «C'est-u» ça, la place qu'on veut faire aux jeunes? Puis le jeune, l'étudiant, le jeune docteur, tout ce qu'il demande, c'est enseigner, tout ce qu'il veut faire, c'est enseigner. Moi, je ne pense pas que ça va affecter la façon dont il va enseigner, mais ça va affecter son moral, en tout cas.

M. Béchard: Ça a tellement affecté mon moral que, dans mon cas, je me suis présenté en politique avant même de finir mon doctorat.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: Vous savez, dans votre mémoire, on parle des conventions collectives, du Code du travail comme tel, on parle des normes du travail, et là on vient de soulever le problème du secteur public, dans lequel il y a énormément de clauses orphelin. Donc, moi, ce que je veux amener, c'est si...

C'est parce que, depuis le matin, on a un peu l'approche: ça va être telle loi ou telle loi. Laquelle est la meilleure? Et ce dont je suis en train de me rendre compte, c'est que peut-être que la meilleure façon, c'est d'avoir un principe et une loi qui sont au-dessus des lois existantes. Et la question ne devrait-elle pas être, à la place de dire: On «va-tu» amender le Code du travail ou la Loi sur les normes? mais: Est-ce qu'on ne peut pas avoir une pièce législative distincte sur les clauses orphelin, qui s'applique que ce soit quand tu es régi par les normes, que tu sois régi par le Code du travail, que tu sois régi par la Loi sur la fonction publique, mais qui est au-dessus des lois existantes et qui fait en sorte qu'on n'oublie personne?

Vous avez parlé d'un point très important, les travailleurs atypiques, les travailleurs autonomes de plus en plus, sur la sous-traitance, des contractuels, tout ça. Ces gens-là, on a beau modifier la Loi sur les normes, on va se ramasser dans des recours de part et d'autre, ils peuvent aller à la Commission des droits de la personne. On a beau modifier... Est-ce que ça ne serait pas mieux d'avoir une pièce législative qui se situe au-dessus des lois existantes qui concernent le marché du travail pour s'assurer qu'on n'oublie personne et que le principe des clauses orphelin et la façon...

Parce que, en même temps, on pourrait prévoir le mécanisme. C'est beau de dire qu'on est contre les clauses orphelin, mais, si on ne sait pas comment faire la plainte, si on se retrouve, comme vous l'avez mentionné, entre le syndicat puis l'employeur... Il y a tout ça. Est-ce qu'on ne devrait pas, selon vous, le faire à part, dire: Oui, ça va avoir un impact sur ces lois-là, mais faire une loi distincte, une pièce législative distincte sur les clauses orphelin pour toucher tous les secteurs, public, parapublic, privé, ceux qui ne sont pas régis par les conventions collectives? Qu'est-ce que vous pensez de cette idée-là?

(15 h 50)

M. Ducharme (Nikolas): Comme je le disais tantôt, nous, le «bottom line» qu'on veut, c'est les normes. Si vous pensez pour le court terme, c'est ça qu'on veut, avec des aménagements pour qu'on ait des recours plus faciles, l'accès à être défendus adéquatement. La peur qu'on a, avec une loi, c'est de se lancer dans un long débat, comme il y a eu avec la Loi sur l'équité salariale. Ça a duré des années, si je ne m'abuse, ça a commencé dans les années 30, ça, puis c'est presque fini, puis là il y a des comités puis des commissions puis des affaires... Donc, nous, on pense que c'est peut-être une bonne idée à long terme, mais, à court terme, ce qu'on veut, c'est les normes parce qu'on veut protéger les gens maintenant. Pour ce qui est de la réflexion sur le travail atypique, c'est une autre réflexion, ça, tu sais, parce que, eux autres, ils ont zéro droits, maintenant, il n'y a rien qui les protège, ou presque.

M. Béchard: Je suis d'accord avec vous. Mais vous êtes d'accord que, sur le court terme, si on y va par exemple sur les normes, on oublie tout le secteur public et le secteur parapublic, donc ces gens-là ne seront pas concernés. Si on touche seulement les normes, comme vous le mentionnez, vous dites que c'est votre point de base, ce qui est le secteur public et parapublic, à moins de recourir aux normes, puis là ça devient extrêmement compliqué...

Moi, ce que je vous propose, puis je crois que ça pourrait se faire de façon aussi rapide, sinon plus, si c'est bien fait, en ayant une espèce de loi-cadre sur les clauses orphelin: Voici, le principe. Le principe d'une loi-cadre peut être appliqué à d'autres secteurs aussi, comme vous le savez. Le principe d'une loi-cadre sur les clauses orphelin ferait en sorte que: Voici le problème, voici les définitions qu'on lui donne. Et peu importe le secteur où vous allez vous retrouver, que ce soit municipal, que ce soit gouvernemental, que ce soit dans les cégeps, les jeunes médecins, que vous soyez régis par le Code du travail, que vous ayez une convention collective, voici le principe de base que la société québécoise entend faire respecter au niveau de l'équité entre les générations et voici ce que nous voulons comme dispositif sur les clauses orphelin.

Et, moi, je pense que ça éviterait peut-être tout le débat de: Bien, quelle loi on amende puis de quelle façon? et tout ça, arriver avec: Voici nos principes, voici la façon dont on veut y aller, et maintenant on va ajuster les autres lois en conséquence. Ça montrerait, selon moi, l'importance qu'on doit accorder au phénomène des clauses orphelin.

M. Ducharme (Nikolas): Bien, pour ce qui est de la loi-cadre, nous, on s'est engagés dans un long processus; ça fait 10 ans qu'on réclame une loi-cadre en matière d'accessibilité. On va avoir notre comité consultatif, qui est, dans le fond, la loi-cadre qu'on demandait. Donc, on sait que ça peut prendre du temps, avoir une loi-cadre. Ça, c'est la première des choses.

L'autre chose, c'est les principes dont vous parlez. Je pense qu'ils devront être abordés dans l'élaboration d'une politique jeunesse. Présentement, le consensus qui existe chez les jeunes – et on est très contents d'être le premier groupe de jeunes qui vient ici aujourd'hui, puis je pense que vous allez l'entendre de plusieurs bouches – c'est que ce soit les normes du travail qui soient, en tout cas, la place privilégiée pour qu'on légifère en matière de clause orphelin.

J'aimerais aussi souligner qu'il n'y a aucune convention collective qui est signée en bas des normes. Donc, le secteur public est aussi touché par les normes, à moins que je me trompe, sauf certains professionnels, dont les médecins, qui sont exclus à cause du travail qu'ils font, c'est pour ça que c'est eux qui recommandent, justement, que ce soit dans le Code civil. Mais tout le monde est couvert par les normes, à moins que je me trompe.

Le Président (M. Sirros): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, M. Leclerc, M. Ducharme, M. Talbot et M. Lafontaine, merci pour l'éclairage. La position que vous avez exprimée est assez claire, en fait. Et félicitation pour les rédacteurs, le mémoire est assez bien documenté.

Je voudrais d'abord vous dire que je partage avec vous les préoccupations que vous avez exprimées concernant les répercussions des coupures dans le domaine de l'éducation. Je suis très près, en tout cas, sur la rive sud, du collège Édouard-Montpetit, du milieu de l'éducation, on travaille ensemble, et je sais très bien à quel point ça affecte la qualité de l'éducation, les services, aussi, aux étudiants. Parce que les coupures, vraiment, sont rendues là, hein. Ce n'est pas juste dans la structure et les bureaucraties. Donc, je partage vos préoccupations, puis on a dénoncé ça, puis on espère qu'à un moment donné on pourra avoir les outils appropriés pour redresser la situation.

Dans votre mémoire, et c'est tout à fait légitime, vous avez axé toute votre argumentation sur l'impact sur les jeunes. Dans votre présentation orale, cependant, vous avez aussi dit que ça touchait aussi d'autres catégories que les jeunes. Est-ce que vous pouvez nous dire comment ces clauses-là s'appliquent aux autres catégories que les jeunes? Si je pense, par exemple, à toutes les batailles qui ont été menées depuis quelques années pour l'accès à l'égalité pour les femmes, les minorités, notamment les minorités visibles – et je sais qu'il y a des jeunes aussi des minorités qui sont doublement affectés par ces clauses-là – comment est-ce que ces autres clientèles là sont affectées? Et quelle est la vision que vous dégagez, vous? Vous êtes deux organisations étudiantes quand même majeures. Comment est-ce que vous voyez ça, dans une dimension plus globale, l'impact des clauses orphelin?

M. Ducharme (Nikolas): Si on avait eu plus de temps, il est évident qu'on aurait mis plus de ressources à l'élaboration de notre mémoire. Cependant, on est très conscients, et je l'ai dit dans ma présentation orale, que ça ne touche pas uniquement les jeunes. C'est un problème de travailleurs, ce n'est pas un problème de jeunes; ça, c'est bien important de comprendre ça. Je voudrais noter qu'on a eu un recul. On parlait: À travail égal, salaire égal, avant, c'est-à-dire, puis on travaillait pour faire reconnaître qu'il y avait des travaux équivalents. Et, aujourd'hui, on est à se battre à salaire égal, quand on fait un travail égal. C'est assez paradoxal.

Qu'est-ce que ça fait sur les autres personnes? Parce que, quand on parle des jeunes, c'est évident qu'on parle des jeunes femmes, des jeunes hommes, des néo-Québécois. Mais aussi – et là on n'a pas d'études, et il n'y a pas de statistiques – il est logique de penser que tous les gens qui ont été congédiés ou qui retournent sur le marché de l'emploi et qui sont embauchés à des conditions moindres sont victimes au même titre que les jeunes des clauses orphelin. Donc, ce que je ferais, c'est que je mettrais jeunes, moins jeunes, femmes et néo-Québécois avec les mêmes effets sur eux que ce qui est inscrit dans notre mémoire.

Mme Houda-Pepin: Donc, vous élargirez la...

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député de Saint-Laurent, il reste à peu près deux minutes.

M. Cherry: Merci beaucoup. Rapidement, juste pour faciliter ma compréhension. Dans votre intervention tantôt vous avez dit: Nous, on a ciblé les normes. Et vous avez dit, avec ça: On semble rassurés que ça va prendre soin de l'ensemble du marché du travail parce qu'il n'y a personne qui est payé en deçà des normes. C'est l'explication que vous avez donnée.

M. Ducharme (Nikolas): Il n'y a aucune convention collective qui est négociée en bas des normes.

M. Cherry: Bien sûr. Mais vous avez compris également que les gens qui sont assujettis aux normes, c'est parce que, eux et elles, ils n'ont pas de convention collective. Une fois que vous avez une convention collective, ça ne s'applique pas. Donc, ce qu'on tentait de faire ressortir, c'est que, si vous ciblez uniquement les gens qui sont assujettis aux normes, vous venez d'exclure tous ceux qui sont syndiqués et qui, il me semble, selon la perception que j'en ai, ont la sorte d'emploi à laquelle vous souhaitez adhérer. Alors, je me permets juste de vous indiquer qu'il me semble que vous y allez à rabais en ciblant uniquement aux normes par rapport à l'objectif que vous souhaitez atteindre.

M. Ducharme (Nikolas): Bien, selon nous, ce n'est pas vrai parce qu'il n'y a aucun syndicat qui va négocier en bas des normes du travail. Il serait très malvenu de le faire. Donc, ça touche tout le monde, les syndiqués et les non-syndiqués. Puis ça serait contre l'ordre public, en plus.

Le Président (M. Sirros): Juste avant de passer la parole au député de Rivière-du-Loup, je pense que le point que le député de Saint-Laurent essaie de faire, c'est que ceux qui sont syndiqués, les normes ne s'appliquent pas à eux parce qu'ils contractent librement des conditions. Puis on a vu ce matin les agents de la paix qui ont contracté entre le syndicat et le gouvernement du Québec une entente qui est bien en deçà de ce que vous souhaitez retrouver dans les normes. Mais, si c'était dans les normes, ça ne serait pas couvert si c'était dans une convention collective. C'est-à-dire qu'on pourrait, tel que la loi existe actuellement, signer quelque chose qui n'est pas prévu à l'heure actuelle par les normes.

M. Ducharme (Nikolas): Je verrais très mal un syndicat négocier en bas du salaire minimum.

Le Président (M. Sirros): À moins qu'il y ait une disposition dans la législation qui ferait en sorte qu'elle s'appliquerait également aux conventions collectives de façon spécifique sur les clauses orphelin, j'imagine. Et c'est peut-être ça la voie que vous proposez.

M. Ducharme (Nikolas): C'est ça.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue, tout le monde. Le débat qu'on est en train d'avoir, c'est un débat qu'on a déjà eu – j'écoute tout ça – parce que, dans la préparation du projet de loi que j'ai déposé à l'Assemblée nationale, il y a des professeurs de droit, des avocats en droit du travail, il y a différentes personnes qui ont travaillé là-dessus, puis on a eu à peu près toutes ces discussions-là. Puis on est arrivés à toucher le Code. Je vais vous expliquer comment.

(16 heures)

D'abord, l'article 94 des normes, puis quand on le met en parallèle avec votre proposition, ça ferait qu'effectivement une clause orphelin serait difficile, par une convention collective, à contester tant et aussi longtemps que les orphelins sont en haut des normes. En d'autres termes, tant que les orphelins ont deux semaines de vacances par année, gagnent le salaire minimum, puis... les normes du travail pourraient difficilement, à ce moment-là, s'appliquer, parce que, comme ça a été dit, la convention collective a été librement consentie. Et ça, c'est une difficulté que, nous, on a vue. Mais je comprends votre préoccupation, et je la partage, des milieux non syndiqués. Et la difficulté, le défi... Le projet de loi que j'ai déposé est très simple, parce que, dans le cas des conventions collectives, il n'y a même pas à porter plainte. Je pense que Nikolas a dit tout à l'heure qu'il faudrait que les gens portent plainte, dans le cas du Code du travail. Non, même pas, parce que les conventions collectives – et le ministre me corrigera – sont déposées au ministère. Toutes les conventions collectives signées sont déposées au ministère du Travail. Donc, les négociateurs, puis sachant ça, ils n'en signeraient plus. Je veux dire, ils sauraient que ça va être déposé au ministère du Travail et que ça va être jugé contraire à l'ordre public. Donc, le travailleur en tant qu'individu n'a pas à entreprendre une procédure de recours, etc., comme dans le cas des normes. Si les normes ne sont pas respectées dans ton entreprise, là, c'est toi: tu appelles à la Commission des normes puis là tu passes. Idéalement, si tu peux avoir un avocat, ça va t'aider.

Donc, mon idée à moi, c'était de dire: On va commencer par régler les clauses orphelin, étant d'abord et avant tout... le mot «clauses», tu sais, des clauses de conventions collectives, on va régler ce qu'on peut régler d'une façon simple. Là, vous amenez un autre débat – et je ne suis pas en train de vous dire que vous n'avez pas raison – sur les milieux non syndiqués. Puis vous êtes cohérents parce que vous amenez le débat sur les milieux non syndiqués, mais vous faites huit types de clauses orphelin. Et, effectivement, dans vos huit types de clauses orphelin, pour les couvrir, vous avez raison qu'il faut aller plus loin que le projet de loi n° 393. Je suis 100 milles à l'heure d'accord avec ça.

Maintenant, ce qu'il faut trouver – je ne sais pas si vous avez des idées là-dessus – c'est le comment. Dans le cas du Code du travail, il est assez simple. Comme j'ai dit, les lois sont déposées au ministère. Donc, il n'y en aura même pas, tu sais. Je veux dire, les gens vont savoir que tu ne signes pas quelque chose qui va être refusé; en d'autres termes, qui va être refusé parce que déposé au ministère. Mais, dans le cas des normes, comment tu le rends applicable, dans la mesure où les normes du travail, là, c'est archiminimal, tu sais, pour voir... Ça dit: Tu as droit à une couple de semaines de vacances, ton 4%, tu as le droit d'avoir ton salaire minimum. Mais il n'y a pas de définition de tâches, les comparaisons sont difficiles à établir. Pour qu'il y ait une clause orphelin, il faut qu'il y ait des catégories d'emplois ou d'emplois équivalents, il faut qu'il y ait une sorte d'organisation du travail qui te permet de dire qu'il y en a qui sont pénalisés par rapport à d'autres.

Je ne dis pas que ce n'est pas faisable, mais je ne sais pas si vous avez étudié... Parce que, moi, si on me dit, demain matin... Je pense que la partie Code du travail pour couvrir les conventions collectives est, à mon avis, indispensable. Si on veut l'étendre, moi, je suis prêt à ça demain matin. Il s'agit de trouver une façon pour que ça soit vraiment bien applicable puis que les recours... Ne pas mettre quelque chose qui est théorique dedans puis qu'il n'y a jamais personne qui va être capable d'exercer un recours, à moins de se rendre à la Cour suprême puis que ça lui coûte 25 000 $ de sa poche. D'ailleurs, c'est le défaut de le mettre dans la Charte des droits. Si tu le mets dans la Charte des droits, c'est qui, le jeune, qui va se ramasser à la Cour suprême avec ça? Ça n'arrivera jamais. Tu mets une clause qui... Dans la théorie, ça a l'air bien beau d'inclure ça, mais ça ne sera jamais appliqué, tu sais.

M. Ducharme (Nikolas): Première des choses, les fédérations étudiantes ne sont pas les législateurs. Ça fait que, nous, on ne s'engagera pas dans des formulations ou des libellés. On n'est pas experts. Puis je suis d'accord avec vous, M. Dumont, que peut-être les normes du travail devraient avoir plus de dents. Puis la première dent qu'on pourrait leur donner, c'est les clauses orphelin. Pour nous, le plus bas dénominateur, c'est les normes, puis il faut que ça touche les syndiqués et les non-syndiqués.

D'autres groupes de jeunes vous diront que ça devrait être les normes et le Code du travail. Comme j'ai dit tout à l'heure, on est d'accord aussi avec ça. Ça ferait en sorte qu'on s'assurerait que les non-syndiqués... que ça soit le plus bas dénominateur, des non-syndiqués et des syndiqués, puis on mettrait une clé de plus dans le Code du travail. Puis, si on était encore plus audacieux, on le mettrait dans la Charte en plus. Ça fait que là, ça serait sûr qu'il n'y aurait rien. Sauf qu'il faut quand même se donner une certaine latitude.

Pour nous, et quand on définit les clauses orphelin, c'est une pratique ayant pour effet de ne plus fonder la politique de conditions de travail sur des critères communs à l'ensemble du personnel. Ça veut dire que, quand vous êtes embauchés, vous devez avoir les mêmes conditions de travail que les autres. Donc, que vous soyez syndiqués ou non, quand vous êtes embauchés, si c'est dans les normes, vous êtes obligés d'avoir les mêmes conditions de travail que les autres, au début de votre emploi, je ne parle pas comme...

M. Leclerc (Philippe): Et je rappellerais aussi une relecture de notre mémoire qui dit: «Une modification à cette loi – la Loi sur les normes du travail – qui déclarerait les clauses orphelin contraires à l'ordre public permettrait non seulement d'interdire cette pratique, mais elle n'encouragerait pas le développement d'une forme plus pernicieuse de discrimination dans le monde du travail entre les secteurs syndiqués et non syndiqués.» Et je verrais bien mal, M. le Président, des conventions collectives signées en deçà des normes du travail, premièrement. Et je rappellerai aussi le rôle, les critères de conduite d'un administrateur public, soit celui de faire respecter l'ordre public, qui dit de défendre ceux qui sont plus démunis versus les administrateurs publics qui détiennent le pouvoir. Donc, je ne pense pas qu'il y a à faire une mauvaise compréhension de notre intervention par rapport aux normes du travail.

Le Président (M. Sirros): Je pense que votre objectif est assez clair et, sur ça, on va mettre fin à la présentation puis aux échanges. On vous remercie au nom des membres de la commission et on va suspendre quelques minutes pour permettre au prochain groupe de venir prendre place. Merci beaucoup.

M. Ducharme (Nikolas): J'aimerais souligner une chose. C'est que, contrairement à d'autres débats dont on a fait partie, il est possible, au Québec, à partir d'une problématique, de l'amener à l'Assemblée nationale. Je pense que ça prouve que notre démocratie est saine, et je tenais à le souligner en commission.

Le Président (M. Sirros): Donc, on n'a pas besoin de prendre notre fauteuil puis partir!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Sirros): Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 6)

(Reprise à 16 h 8)

Le Président (M. Sirros): Mmes et MM. les députés, si vous voulez bien prendre place, s'il vous plaît. J'aimerais que les délibérations et les discussions continuent à l'extérieur de la salle, s'il le faut, et inviter le prochain groupe, Génération Québec, à prendre place, tout en invitant les membres de la commission à regagner leur siège, s'il vous plaît.

Alors, s'il vous plaît, si on peut prendre place, on pourra commencer. Je pense que vous connaissez les règles du jeu: une vingtaine de minutes de présentation et une quarantaine de minutes d'échanges, en vous demandant de procéder d'abord avec l'identification du groupe et des membres qui vous accompagnent. Merci.


Génération Québec

M. Lemoine (Jean): Merci, M. le Président. Alors, Mmes et MM. les membres de la commission, je vais commencer par la présentation de nos membres. À mon extrême droite, Pierre-Jean Bissonnette, président de Access-Info-Tech, une société informatique; ici, Jean-François Simard, sociologue – nous sommes tous des membres de Génération Québec, bien entendu – et Ariane Charbonneau et moi-même, Jean Lemoine: nous sommes avocats en pratique privée à Montréal.

(16 h 10)

Laissez-moi d'abord peut-être présenter très rapidement Génération Québec. On est un mouvement d'environ 500 membres – en fait, 476 au dernier décompte – de jeunes professionnels, gens d'affaires et universitaires souverainistes. Nous nous sommes formés dans les mois qui ont précédé le référendum au printemps 1995, nous avons participé activement à la campagne référendaire et, après le référendum, eh bien, nous étions confrontés au choix de cesser nos activités ou de les continuer et nous avons décidé de continuer. Alors, ça fait maintenant deux ans. Tout souverainiste que nous sommes, nous n'hésitons pas à intervenir lorsque les débats publics concernent nos membres et, je l'ai dit, on se définit d'abord comme étant des jeunes, par le fait qu'on le soit de moins en moins, remarquez, mais, dans ce sens-là, nous avons organisé, il y a maintenant deux ans, en 1996, un colloque qui s'intitulait justement L'équité intergénérationnelle , où toute la problématique entre les générations a été abordée par des invités, des conférenciers, parmi lesquels il y avait Alain Dubuc, M. Parizeau, M. Claude Ryan et d'autres.

Alors, comme je l'ai dit, la question des relations entre les générations, cette question-là nous a toujours tenus à coeur et c'est pour ça que nous avons décidé d'intervenir de façon marquée dans le débat concernant les clauses orphelin. Vous avez sans doute déjà entendu ce que je vais dire, mais je vais le répéter, parce qu'on ne peut pas évidemment comprendre la problématique, comprendre d'où nous venons et ce que nous prônons sans revenir sur ce contexte social des dernières années qui est celui que vivent les jeunes. Je m'explique.

Personnellement, je suis impliqué chez Génération Québec, je me suis impliqué aussi à la Jeune Chambre de commerce de Montréal. Dans tous les groupes de jeunes où j'ai oeuvré, c'est une obsession – une obsession, c'est peut-être un gros mot – mais c'est une préoccupation qui est constante, de ce poids que représente la génération qui nous a précédés, de la force qu'elle a par la simple démographie, de l'agenda qu'elle a toujours été capable de fixer pour tous les débats de société, et nous en arrière qui devons nous débrouiller avec ça. Alors, je veux dire, ça a été documenté à de multiples reprises. On a pris connaissance, en venant ici, d'un autre mémoire qui va être présenté plus tard, Force jeunesse, où il y a des extraits, des exemples assez criants de cette dichotomie, de cette difficulté à laquelle on fait face dans la génération, mettons-là, à partir de 30 ans, 33 ans, 35 ans, et plus bas.

En corollaire de cette difficulté, et c'est ici peut-être que c'est moins... on en parle moins, mais je pense que c'est quelque chose qu'il est important de dire. Il y a cette difficulté, au-delà des beaux mots, de prendre acte et de comprendre, pour la génération qui nous a précédés, le défi et les contraintes que ce que je viens de dire représente. Et lorsqu'on parle à des gens plus âgés, des gens qui sont dans la force de l'âge comme on dit, bien sûr, ils réalisent comment la vie, aujourd'hui, n'est pas facile, mais rapidement on se fait dire que ce n'était pas plus rose, ce n'était pas si rose dans notre temps, on nous fait rapidement savoir le salaire auquel on commençait à travailler il y a 35, 25 ans, et, finalement, il y a une tension qui s'installe et il y a une incompréhension. Et ce que, nous, nous constatons, c'est que les clauses orphelin sont une manifestation assez criante de ce que je viens de dire.

Évidemment, ce n'est pas en réglant les clauses orphelin qu'on règle tous les problèmes de la société, mais, lorsqu'il y a un exemple aussi frappant où les partis au pouvoir, que ce soit... Et quand on parle de clauses orphelin, on décrit ou on traite de tous ces exemples où les deux partis au pouvoir, lors d'une négociation de conditions de travail: la partie patronale ou le gouvernement, d'un côté, et le syndicat ou l'Association des omnipraticiens, ou je ne sais trop quelle association qui représente un corps quelconque, conviennent d'acheter la paix et de procéder, pour employer le jargon, à une restructuration des coûts de main-d'oeuvre en, finalement, créant deux classes de travailleurs. Nous sommes contre ça chez Génération Québec et nous prônons là-dessus une tolérance zéro.

Je veux terminer ici rapidement – et je vais laisser la parole à mon collègue, M. Simard, à côté de moi – sur l'effet démobilisateur. Au-delà des impacts réels pour les jeunes qui sont difficiles à chiffrer, parce que ce n'est pas évident qui est affecté immédiatement, sauf ceux, évidemment, dans les clauses comme telles, qui sont visés par les clauses comme telles, il n'est pas évident de savoir qui peut être affecté par ça, mais tous les jeunes le voient, tous les jeunes le constatent, le savent que ça devient quelque chose, une façon acceptée d'opérer dans les relations de travail au Québec, et l'effet démobilisateur est terrible. On dit aux jeunes: Vous n'avez pas le droit, finalement, d'avoir les mêmes aspirations que ceux qui vous ont précédés. Et ça a un effet pervers au niveau des syndicats – et je vais terminer là-dessus – parce que c'est afficher un corporatisme de mauvais aloi et c'est se tirer dans le pied pour le mouvement syndical, parce que c'est la meilleure façon de décourager les jeunes de l'implication syndicale.

Alors, je vais laisser la parole à Jean-François, peut-être pour aller un petit peu plus loin au niveau de cette problématique. Merci.

M. Simard (Jean-François): Merci, Jean. Alors, vous êtes des législateurs et, plus que quiconque, vous savez qu'il y a certaines lois qui, dans l'histoire, marquent les sociétés. On peut penser, très rapidement, en matière linguistique, par exemple, à la loi 101. Moi qui ai des racines à l'île d'Orléans, je suis bien placé pour savoir, par exemple, que la loi sur le zonage agricole a profondément marqué le monde rural. On pourrait penser également à la récente loi sur l'équité salariale. Il y a des lois comme ça qui marquent les sociétés. Et, comme pourraient le dire des philosophes qui sont très éthiques, au sens étymologique du terme, l'État, c'est ce qui guide la conduite d'une société vers une meilleure et une plus grande solidarité.

En fait, à Génération Québec, nous avons la conviction profonde que, dans un avenir rapproché, on pourra dire d'une loi prohibant toute forme de clause orphelin que cette loi aussi aura marqué la société, et pourquoi? Bien sûr, parce qu'elle va profiter, cette loi, à des milliers et des milliers de jeunes un peu partout à travers le Québec, d'une manière immédiate. Mais aussi, vous le savez, parce que vous avez lu les mémoires, ce débat sur les clauses orphelin, eh bien, ce débat cache derrière lui un débat beaucoup plus fondamental. En fait, à travers la réflexion sur les clauses orphelin se dessine la frustration de toute une génération quant à son incapacité d'intégrer en qualité le marché du travail. Alors, il y a donc une réflexion fondamentale qui se fait ici. Les gens qui nous précédaient de la FEUQ en sont une illustration bien vivante. On réfléchit sur le travail comme fondement du lien social, et les jeunes, à tort ou à raison, je vous dirais à tort et à raison, se sentent souvent exclus systématiquement de bien des corps d'emplois au Québec, y compris, au premier chef, par son propre gouvernement. On sait très bien que la fonction publique n'accueille dans ses rangs qu'un très faible pourcentage de jeunes de moins de 35 ans. Donc, les jeunes, au sens large, se sentent un peu marginalisés, sentent qu'ils occupent les positions les plus précaires dans le système de l'emploi. Les jeunes ne sont pas dupes, vous savez. Qu'ils soient souverainistes comme nous, qu'ils soient fédéralistes, qu'ils soient socialistes, qu'ils soient néo-libéraux, qu'ils soient bleus, qu'ils soient rouges, ils savent très bien qu'ils appartiennent à une génération qui, pour la première fois de l'histoire du Québec moderne, sera plus pauvre, généralement, que celle qui l'a précédée. Ils savent ça, les jeunes. Ça a des conséquences très graves. Il ne faut pas négliger ce sentiment-là.

(16 h 20)

Vous savez, dans un des derniers numéros de L'actualité , donc L'actualité faisait un sondage auprès des jeunes, avec SOM, et puis leur demandait: Mais pourquoi vous ne faites plus d'enfants? Puis, contrairement aux explications un peu simplistes de certains sexologues qui nous disent que c'est parce que les jeunes vivent de l'insécurité amoureuse, ce n'est pas ça du tout. Les sondages sont très clairs, les jeunes vivent d'abord et avant tout une insécurité économique. Ils ne veulent pas mettre des enfants au monde qu'ils n'auront pas le moyen de faire vivre. C'est aussi simple que ça. Or, ça a des conséquences sociales à moyen et long terme très importantes.

Or, Génération Québec, dans le mémoire qui vous a été soumis, dit non au double système qui est en train de s'ancrer, de s'immiscer dans la société. En fait, Génération Québec dit non à ce que le défunt Conseil des affaires sociales appelait le «deux Québec dans un», à cette disparité croissante entre les milieux urbains et les milieux ruraux, à cette disparité qui se crée entre ceux qui sont au chômage et ceux qui ont la chance de travailler, à cette disparité qui se crée entre ceux qui sont à travail précaire et ceux qui sont à travail permanent. Et aujourd'hui, Génération Québec, plus spécifiquement, dit non à un double système au sein de ceux qui sont permanents. On a poussé le raffinement jusqu'à faire deux zones de syndiqués, les aînés et les plus jeunes. Et beaucoup de jeunes syndiqués se sentent des syndiqués de seconde zone, et Génération Québec, donc, se prononce contre cet état de fait en vous proposant le principe de tolérance zéro.

Alors, quant à nous – et je conclurai là-dessus, M. le Président – Génération Québec croit que le temps est maintenant venu de légiférer. Et pourquoi légiférer? Pourquoi ne pas opter pour le pacte social? Alors, permettez-moi – puis surtout pour nos téléspectateurs qui n'ont pas la chance d'avoir le mémoire du Conseil du patronat devant eux – de vous faire une petite citation qui va illustrer mes propos. Alors, le Conseil du patronat a remis un rapport tout de même assez volumineux, puis pour résumer très succinctement, dans les 10 premières pages, ils nous disent comment le maintien des clauses orphelin va sauver le système économique mondial. À peu de choses près, c'est ce qu'ils nous disent. Puis, à la page 14, ils nous disent: Ah oui! bien voilà, nous, dans le fond, on est pour ça, nous, un pacte social, puis on pense qu'on peut en arriver avec les syndicats à limiter au maximum ce genre de clauses. Mais là c'est un peu comme dans les clauses, vous savez, dans les compagnies d'assurances, c'est écrit en tout petit dans le bas de la page; c'est ce qu'il faut d'abord lire, c'est souvent là où se trouve le jackpot, comme on dit. En un paragraphe d'une phrase – il faut le faire, un paragraphe d'une phrase; le Conseil du patronat sait faire ça, lui – il nous dit ceci: «Nos vis-à-vis syndicaux proposent eux-mêmes l'utilisation des clauses à paliers pour protéger les acquis de leurs membres; on l'a vu de façon très certaine lors des dernières négociations dans le secteur public.» Le Conseil du patronat, pour se justifier, renvoie la balle dans le syndicat. Il a un peu la logique de cet enfant de cinq ans – je fais une anecdote – qui dit à sa mère, pour se justifier d'avoir botté le derrière de la chatte de sa voisine: Maman, ce n'est pas de ma faute, c'est le petit voisin qui a commencé à faire ça. Alors, cette logique infantile que nous propose le Conseil du patronat nous prouve par l'absurde qu'il nous faut légiférer.

Quant à nous – je termine là-dessus – les jeunes ne sont pas des demi-personnes, ne sont pas des demi-citoyens, ils ont droit comme tous les autres travailleurs aux mêmes considérations et à la même dignité humaine. Nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. On va débuter la période d'échanges avec le ministre. M. le ministre.

M. Rioux: Oui. D'abord, MM. Lemoine, Bissonnette... je ne sais pas, le premier qui est intervenu, c'est monsieur?

M. Lemoine (Jean): Lemoine.

M. Rioux: Lemoine, c'est ça, et M. Charbonneau.

Une voix: Mme Charbonneau.

M. Rioux: Mme Charbonneau.

Mme Charbonneau (Ariane): Mme Charbonneau.

Une voix: Et M. Simard.

M. Rioux: Bon, enfin, M. Simard. Oui, oui, c'est correct. Je le reconnais.

Madame, messieurs, on sent bien que ce n'est pas la technique qui vous a embarrassés dans la rédaction de votre mémoire. Vous essayez de mettre de l'avant un certain nombre de principes. Vous avez évoqué – je pense que c'est M. Simard qui l'a fait tout à l'heure – qu'on a un problème très sérieux de société dans le monde dans lequel on vit précisément à cause du fait qu'il y en a qui sont bien installés dans le système puis il y en a d'autres qui, s'ils veulent y entrer de façon qualitative, ont des problèmes extrêmement sérieux, très sérieux. Je pense que là-dessus on se comprend, puis juste sur la base de ça, il y a nécessité d'agir. Quand on vit dans une société industrielle avancée comme le Québec et qu'on sent qu'il y a des gens à la porte du marché du travail qui peuvent y entrer, qui pourraient y entrer parce qu'ils ont toute la compétence, mais qu'il y a des structures et des mécanismes qui les y empêchent, je pense que le devoir qu'on doit assumer tous ensemble, c'est d'essayer d'enlever ces entraves-là.

Vous avez évoqué le pacte social. Vous trouvez ça séduisant, soit dit en passant, mais vous n'avez pas la naïveté de croire – c'est ça que M. Simard disait tout à l'heure – on n'aura jamais la naïveté de croire, de suivre le Conseil du patronat dans sa logique. Vous n'avez pas assisté à la prestation du Conseil du Patronat ce matin. C'était assez impressionnant ce qu'ils ont dit. Très bon mémoire, très bon discours. Mais vous pensez que l'heure de la législation est arrivée, mais vous ne nous dites pas dans quel sens on devrait travailler.

Le groupe qui vous a précédés, par exemple, a carrément mis l'accent sur la Loi des normes. On peut en débattre de ça, à savoir si c'est le meilleur moyen. Mais, moi, ce qui m'importe, c'est, quelle que soit la voie qu'on emprunte, que ce soit une voie qui est opérationnelle, efficace. Il faudrait quand même tenir compte de ça aussi. Il y en a un qui disait tout à l'heure, puis je trouve qu'il a raison: Si on choisit un mécanisme qui nous conduit à la Cour suprême, il y a du monde qui va souffrir longtemps. Mais je crois que, dans notre analyse, il faut tenir compte de ça aussi. S'il y a des pratiques qu'on interdit par la voie des normes du travail ou le Code, bien, il faudra avoir des mécanismes appropriés pour défendre les personnes qui en sont victimes, n'est-ce pas?

Alors, là-dessus, j'aimerais vous entendre. Je sais que ce n'est peut-être pas cet aspect technique des choses qui vous intéresse, mais il y a du monde ici autour de cette table qui s'y intéresse beaucoup, et moi le premier.

M. Lemoine (Jean): Bon. Évidemment, on est tout à fait d'accord que, s'il y a une intervention, il faut qu'elle soit efficace et rapide. Maintenant, j'ai compris que l'exercice que nous faisions ici était pour déterminer l'opportunité. On n'est pas en face d'un projet de loi où on doit faire des critiques et dire: Ah! ça, ça aurait dû être par ci, par tel article, par tel article. On n'a pas non plus les moyens, chez Génération Québec, de faire plancher des juristes, là, sur les façons les plus efficaces et, dans ce sens-là, ce serait dangereux de vouloir nous demander c'est quoi la meilleure façon.

Je vais quand même, très rapidement et très modestement, avec toutes les réserves que j'ai faites... Pour répondre à la réalité des clauses orphelin lorsqu'il y a des rapports collectifs de travail, on a considéré chez nous qu'il fallait à tout le moins agir au niveau du Code du travail. Et comme on l'a dit ensemble aussi, ça aurait, en plus d'avoir le caractère efficace... le Code du travail est évidemment la loi par excellence, historiquement, où les nouvelles règles qui doivent régir les rapports de travail se sont établies. Alors, ça, cette notion-là est très importante dans ce type de débat là. Alors, dans ce sens-là, l'intervention au niveau du Code du travail apparaît nécessaire, mais, quant à nous, insuffisante en ce que... Et c'est un travail qui doit être fait par l'Assemblée nationale, par le gouvernement, de s'assurer... On entend toujours parler... par exemple, les jeunes médecins qui ont été les dindons de la farce d'une entente qui est intervenue entre le ministère de la Santé et l'Association des omnipraticiens – je ne sais pas c'est laquelle exactement... et ça, je crois comprendre que le Code du travail n'aurait jamais couvert une situation comme ça. Est-ce que c'est à nous ici de vous dire: Il faut trouver la loi x? Je pense que c'est aux membres de l'Assemblée nationale de s'assurer que ce genre de situation de rapports collectifs de travail ne soit pas réglé de cette façon-là.

(16 h 30)

Et je vais terminer avec la question sur la Loi sur les normes du travail. Il faudrait vraiment avoir un texte devant nous pour pouvoir dire si... Il m'apparaît que les normes sont une question de rapport individuel de travail, et là je ne vois pas comment on peut... Il faudrait me l'expliquer, comment on introduirait ce genre de clause ou ce genre de disposition législative à la Loi sur les normes. Mais évidemment, ce n'est pas une réflexion des plus profondes, c'est en réponse à ce que vous dites et c'est au niveau où on est en termes de débat.

M. Rioux: M. Lemoine, c'est sûr que ça n'a pas été l'essentiel de votre réflexion, mais il reste quand même que nous, il va falloir un jour ou l'autre faire des choix et, lorsque les gens qui viennent ici peuvent nous dire ce qu'ils en pensent, ça fait notre affaire.

Mais on a invoqué, depuis ce matin – et c'est le Conseil du patronat qui l'a fait ce matin, ça: Si vous enlevez toute clause orphelin – c'est M. Taillon, je crois, qui disait ça – ou toute disposition semblable, vous risquez de bloquer l'entrée au marché de l'emploi de plus jeunes. Évidemment, c'est embêtant. Les gens ont le droit et on doit tout faire pour les amener sur le marché du travail et enlever toutes les entraves. Mais la façon dont il nous expliquait ça, savez-vous, ça pouvait avoir un certain bon sens. Il dit: Si vous bannissez ça totalement, ça va empêcher bien des employeurs d'investir, ça va empêcher bien des employeurs d'engager du nouveau monde; et généralement, c'est des jeunes qu'on engage.

Moi, remarquez que ça ne me bouleverse pas outre mesure, mais il reste qu'il y a du monde sérieux qui dit ça dans la société québécoise. Même si M. Simard, tout à l'heure, leur a donné tout un coup de pied dans le bas du ventre, il reste que c'est mes partenaires avec lesquels je travaille, moi, le Conseil du patronat du Québec. M. Simard.

M. Simard (Jean-François): Vous m'adressez la question?

M. Rioux: Oui, oui.

M. Simard (Jean-François): Alors, je vais reprendre là où mon collègue Jean a laissé donc la réponse. Pour nous, contrairement à la FEUQ précédemment, et pour reprendre l'expression, le «bottom line», c'est le Code du travail. On pense que, d'abord, le gouvernement devrait agir dans le Code du travail. Pourquoi? Parce que – et puis, je suis content de voir que M. Mireault est là, lui qui a, en fait, travaillé à la rédaction du Code du travail en 1964, si je ne m'abuse – le Code du travail, c'est quand même...

M. Rioux: Il est aussi vieux que ça, Réal?

M. Simard (Jean-François): On vous salue, monsieur.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Sirros): Oui, continuez.

M. Simard (Jean-François): Merci, M. le Président. Il faut comprendre que le Code du travail, c'est un des plus beaux fleurons de la Révolution tranquille au Québec. C'est là où on traite du droit à l'accréditation, c'est là où on traite du droit de grève, c'est là où on traite du processus de convention collective; vous le savez mieux que moi, M. le ministre. Donc, ça aurait une charge symbolique très, très forte que d'inscrire dans le Code du travail une loi prohibant la clause orphelin; et puis, M. Dumont a d'ailleurs proposé de bonifier l'article 62, si je ne m'abuse, du Code du travail, ou enfin, je ne sais trop.

Mais quoi qu'il en soit, il y aurait également un autre avantage à inclure une prohibition des clauses orphelin dans le Code du travail: c'est que ça pourrait encourager les jeunes qui ne sont pas encore syndiqués à le faire. Ce serait peut-être un argument de plus. L'année passée, j'ai été donc témoin, j'ai suivi de très près une étude faite par de jeunes sociologues de l'Université Laval auprès de la relève syndicale à la CEQ, à l'automne et à l'hiver passés, et il émerge de cette étude qu'il y a deux cultures syndicales qui sont en train de se créer dans le monde syndical: les jeunes et celle des aînés. Les jeunes, la plupart du temps se disant: Moi, si je n'étais pas obligé d'être membre du syndicat, peut-être bien que je ne le serais pas. C'est à peu près ça. Parce qu'ils se disent: Nous, on est moins couverts que les autres. Ou ils se sentent moins protégés que les autres. À tort et à raison, là, je ne veux pas entrer dans ce débat-là, mais c'est une perception qu'on rencontre et qui est fréquente, et ça, ça a pour effet pervers de saper la syndicalisation ou le syndicalisme au sens large comme moteur du changement social.

La Révolution tranquille n'aurait pas eu lieu sans préalablement la syndicalisation pour émanciper la société québécoise. Donc, présentement, cet effritement et cette régression dans le sentiment d'appartenance syndicale des jeunes, il ne faut pas le prendre à la légère, et je pense que d'inclure cette clause dans le Code du travail pourrait avoir un effet. Et puis, bon, pourquoi pas la ceinture et les bretelles: faire comme la FEUQ et puis présenter un principe général dans les normes du travail, par exemple? Ce n'est pas exclu.

M. Rioux: Merci.

Mme Charbonneau (Ariane): J'aimerais peut-être, si vous le permettez, M. le ministre...

Le Président (M. Sirros): Oui, allez-y.

Mme Charbonneau (Ariane): ...juste pour essayer vraiment de répondre à la question que vous avez posée à mon collègue, M. Simard. En fait, vous avez plutôt fait état d'un commentaire qui est celui dans le mémoire du Conseil du patronat. On avançait que ça pouvait peut-être, au bout de la ligne, aider les jeunes davantage que ça leur nuisait. Je vais vous dire d'abord, moi, au nom de Génération Québec, que j'ai peut-être des petites réserves avec cette information-là parce qu'on n'a pas de données, on ne sait pas exactement dans les faits, dans le futur, dans l'avenir, ce qui en serait de cette éventualité-là. Et à court terme, est-ce que vraiment ça aiderait les jeunes à assurer une certaine stabilité dans l'emploi, une stabilité économique?

Mais surtout, je considère que l'existence des clauses orphelin, ça amène un problème collectif, et c'est deux mots que vous allez sûrement entendre beaucoup, beaucoup lors de la commission parlementaire, c'est que ça atteint la solidarité et l'équité, globalement, de notre société. Alors, je vois mal, même si on essayait de me démontrer avec des hypothèses, qu'on essayait le plus possible de bien solidifier, comment on pourrait au bout de la ligne vraiment nous assurer que ça ne vient pas toucher à la solidarité et à l'équité qui sont des principes, il me semble, vraiment de base dans une société démocratique.

C'est ce que Jean Lemoine nous exposait tantôt en faisant le petit laïus, ce qu'on constate malheureusement, c'est qu'effectivement les jeunes sont – même pour les professionnels, on en est tous et on la vit, la précarité d'emploi – la génération sacrifiée. On nous a souvent étiquetés de l'appellation de «génération X». Moi, je vais m'en dissocier parce que je trouve que ça fait vraiment désespéré. Et ça a eu un bon côté, cette difficulté à entrer sur le marché du travail, c'est qu'on est une génération, je crois, qui est très dynamique et qui fait beaucoup sa place. Chacun, on est, bon, impliqués dans Génération Québec, mais en plus on s'implique également beaucoup au sein de nos propres associations professionnelles.

On en est des cas. On n'a pas fait état de nos implications globalement, mais on est fortement préoccupés, non seulement individuellement, mais de plus en plus collectivement par ce qui arrive à la génération des 25, 35 ou 40 ans. M. Lemoine, tantôt, parlait que c'était 33 ans en descendant. Moi, je l'étirerais peut-être plus, effectivement. Et, mon Dieu, je le vis tellement dans mon milieu professionnel; ce n'est plus ce que c'était. Et quand on vous dit qu'il faut une intervention législative, peut-être qu'on n'est pas en mesure de vous dire exactement: Vous allez aller à tel paragraphe de tel article du Code du travail ou de la LNT, mais ce qu'on veut dire, c'est: À tout le moins, considérez qu'il y en a un, problème, puis j'imagine que vous aurez force légistes, et clercs, et stagiaires pour vous orienter à ce niveau-là, mais comprenez à quel point il faut agir pour les jeunes.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Drummond, il reste quelques minutes.

M. Jutras: Oui. Une première question concernant votre regroupement. Vous dites que vous comptez dans vos rangs des jeunes professionnels, des gens d'affaires, des cadres entrepreneurs et universitaires. Est-ce que vous êtes davantage du secteur privé ou il y a beaucoup de vos membres qui sont aussi du secteur public?

M. Lemoine (Jean): Bien, par définition, étant jeunes, on est presque exclusivement du secteur privé. Je ne connais pas le...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jutras: O.K. Donc, ça veut dire que c'est... Vous illustrez bien la problématique dont on discute. Alors, ça veut dire que pratiquement la majorité, vous êtes à votre compte, qu'on peut dire.

M. Lemoine (Jean): On est à notre compte ou on travaille pour des entreprises privées. Tout à fait.

M. Jutras: O.K. Maintenant, vous avez parlé d'équité dans votre mémoire. Est-ce que vous étiez là quand il y a eu la présentation du professeur Breton?

M. Lemoine (Jean): Nous sommes malheureusement arrivés il y a quelques minutes. Nous avons entendu la présentation de la FEUQ uniquement. On est à Montréal.

(16 h 40)

M. Jutras: Oui. Le professeur Breton est un professeur en droit du travail à l'Université Laval et, dans son mémoire, lui aussi, il dénonçait les clauses orphelin, il les dénonçait même avec véhémence, puis il disait entre autres que pour abolir les clauses orphelin il faudrait s'attaquer à des principes de base qui sont défendus dans notre société, qui sont protégés dans notre société, à savoir, bon, l'ancienneté que l'on retrouve dans toutes les conventions collectives, la permanence, et aussi il disait qu'il faudrait mettre de côté le monopole syndical. Dans votre mémoire, vous touchez un peu à ça. Tantôt, on a entendu M. Simard porter un jugement à l'endroit du Conseil du patronat. Mais dans votre mémoire aussi, vous portez un jugement assez sévère à l'endroit des organisations syndicales quand vous dites, par exemple: «...permettre de pervertir ces principes par de l'appropriation ou de la conservation d'avantages au bénéfice d'une seule classe de travailleurs relève du corporatisme. Que penser des conventions collectives dont on fait état dans une des études», etc. Et vous reprenez ça un peu plus loin.

Alors moi, je vous pose la question. Vous n'avez pas entendu le professeur Breton, mais je vous ai exposé sommairement ce qu'il nous a dit. Est-ce que vous le rejoignez, est-ce que vous dites: Oui, c'est vrai, le monopole syndical, il faut remettre ça en question et l'ancienneté? Comment voulez-vous que nous, on puisse laisser le secteur privé puis rentrer dans le secteur public s'il y a des conventions collectives blindées qui protègent les gens là et qui les protègent à vie, qui leur garantissent leur emploi, de sorte que nous, bien nous, ce qu'il nous reste, c'est le privé? Remarquez que le privé est très intéressant, par exemple. J'en suis et c'est très valorisant.

Mais alors, qu'est-ce que vous dites de ça, qu'est-ce que vous dites de ce raisonnement-là? Parce que, à la rigueur, c'est ça qu'on se dit. Les clauses orphelin, c'est entre autres parce qu'il y a des gens qui sont protégés par l'ancienneté, à qui on ne peut pas toucher; qui sont protégés par la permanence, à qui on ne peut pas toucher. Qu'est-ce que vous dites de ce raisonnement-là?

M. Lemoine (Jean): Au niveau de l'ancienneté, j'ai compris, par l'examen des documents qui émanaient du ministère du Travail, évidemment, on parle de deux choses. Je ne crois pas que de vouloir abolir les clauses orphelin, c'est de remettre en question le principe de l'ancienneté comme étant un principe qui justifie l'amélioration des conditions de travail. À date, je n'ai jamais vu ça comme ça tout à fait.

Quant au monopole syndical, bien, ce n'est pas qu'on est contre. On n'est pas en train de proposer qu'il faille changer les choses, mais effectivement le monopole syndical est difficile à défendre pour les nouveaux arrivants dans une unité de travail, qui se sont vus négocier par leur syndicat qui en a le monopole des conditions plus désavantageuses que ceux qui étaient déjà en place, sans tenir compte de l'ancienneté. Parce que ma compréhension des clauses orphelin, c'est que, au bout de trois ans, tu as beau avoir trois ans d'ancienneté, bien, celui qui en a l'équivalent mais qui était là avant, il n'a pas les mêmes conditions. C'est changer les conditions pour le futur toujours avec l'idée d'avoir des restructurations des coûts de travail. Dans ce sens-là, le monopole syndical est difficile à défendre comme principe lorsqu'on accepte ce genre de clause-là et qu'on en fait un outil de gestion des relations de travail régulier. C'est ce que je pourrais dire à ce stade-ci.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. Lemoine, M. Bissonnette, M. Simard et Mme Charbonneau, je vous souhaite la bienvenue à la commission de l'économie et du travail.

Vous parlez des clauses orphelin. J'entendais tout à l'heure M. Simard nous parler de certaines grandes lois qui ont eu un effet important au Québec et qui ont eu, comme il l'a mentionné lui-même, une charge symbolique. Je voudrais lui rappeler une autre loi qui est peut-être moins grande et dont les gens sont peut-être moins fiers, mais qui a une charge tout aussi symbolique, sinon plus – et le groupe qui va suivre va sûrement en parler – c'est rien de moins que la loi n° 414, Loi concernant la négociation d'ententes relatives à la réduction des coûts de la main-d'oeuvre dans le secteur municipal où, à deux articles, pour la première fois de l'histoire du Québec, on a eu un gouvernement qui a carrément légitimé dans une loi la capacité, la possibilité pour les municipalités et qui a même présenté aux municipalités la mise en place de clauses orphelin comme étant une façon de faire des économies sur le dos des jeunes. Et ça, je vous dirais là-dessus que, quand on regarde les raisons pour lesquelles on est en commission parlementaire aujourd'hui, une des pièces qui a allumé le feu, c'est celle-là.

Tout ça pour en venir à un point. On est contre les clauses orphelin, vous le mentionnez à la fin: il faut qu'il y ait une législation le plus rapidement possible. Sauf qu'on a beau légiférer dans le Code du travail, dans la Loi sur les normes et, comme je l'ai proposé tantôt, avoir une espèce de loi-cadre qui est au-dessus et qui parle des clauses orphelin de façon distincte et qui s'applique partout là où il peut y avoir un impact, il ne faut pas oublier les secteurs public et parapublic. Et quand on regarde au niveau municipal, ce qui se fait, quand on regarde au niveau de l'enseignement, ce qui se produit, j'ose espérer que vous êtes conscients qu'il faudra avoir une législation qui amène ou qui force le gouvernement, plutôt, à faire un certain ménage dans ses propres conventions collectives et dans ses propres relations de travail avec ses employés.

M. Simard (Jean-François): M. Béchard, parce que vous me tendez la perche, je vais la saisir, et saisir la balle au bond qui l'accompagne. Lorsque vous nous dites que c'est la loi n° 414 qui a mis le feu aux poudres et qui a en quelque sorte déclenché cette commission, je pense que vous faites preuve de révisionnisme historique.

Permettez-moi de simplement vous rappeler... Je crois que certaines personnes en cette salle étaient présentes en 1987, à Rigaud ou à La Pocatière, lorsque la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec, dont je faisais partie à l'époque... Joël Gauthier, qui était le président, avait fait tout son congrès sur les clauses orphelin, contre les clauses orphelin, évidemment. Et puis, par la suite s'était engagée dans toutes les instances du parti une guerre inlassable pour convaincre les instances du parti, les autorités gouvernementales, votre collègue M. Cherry, qui n'est plus là, de légiférer contre les clauses orphelin.

Et puis bon, bien, comme Robert Bourassa s'est écrasé à Charlottetown, comme Marc-Yvan Côté s'est écrasé en matière de gestion de santé, comme André Bourbeau s'est écrasé au niveau de la gestion des finances publiques, bien Norm Cherry aussi s'est écrasé parce qu'il n'a pas légiféré au niveau des clauses orphelin. Et peut-être que si ça avait été fait à l'époque, on ne serait pas ici aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci pour ce commentaire objectif. Alors, on pourrait continuer.

M. Béchard: Je comprends le commentaire du départ qui disait «tout souverainistes que nous sommes», on voit que ça a un impact même là-dessus. Vous oubliez un chiffre important, mon cher monsieur, c'est que, de 1990 à 1994, le nombre de clauses orphelin est passé de 25 000 à 9 600, qu'il n'y a pas eu, suite aux négociations des conventions collectives en 1992-1993, un effet aussi dévastateur que les dernières négociées, en 1997, sur les clauses orphelin et sur les jeunes. Mais je pense que c'est un débat, de toute façon, qu'on a eu déjà l'occasion de faire de façon beaucoup plus intéressante en Chambre, avec le ministre du Travail.

Et je veux juste vous ramener à une chose. Vous êtes conscients que si on ne touche qu'au Code du travail et qu'à la Loi sur les normes, on oublie une large part des gens. Est-ce que vous croyez qu'on ne serait pas mieux de mettre de l'avant un mécanisme qui touche l'ensemble des gens qui peuvent être concernés quelque part par une clause orphelin? Le groupe devant vous parlait aussi des travailleurs atypiques qui se développent de plus en plus et où on retrouve de plus en plus de jeunes. Est-ce qu'il ne faudrait pas, là aussi, avoir immédiatement cette préoccupation-là?

Et ce n'est pas plus compliqué puis ce n'est pas plus long que de trouver le bon article, le bon amendement et tout ça, là, c'est une question de principe de: Oui ou non, on en fait une condition importante? Et moi, je crois que ça peut être la meilleure solution, qui laisserait le moins de trous possible.

M. Lemoine (Jean): Pour répondre à votre intervention, le Code du travail, on n'a pas dit que c'était la panacée. Et certainement – vous avez parlé du gouvernement qui doit s'assurer qu'auprès de ses propres employés l'interdiction des clauses orphelin doive... qu'on doit appliquer le même régime – on est à 100 % d'accord avec ça. On n'est pas en train de dire: Il faut dire ça rien qu'au privé; nous, dans le public, on peut en faire, des clauses orphelin. Alors, ça va de soi, ça.

Par ailleurs, quand on fait référence aux travailleurs atypiques, il faut faire attention de vouloir tout envelopper dans le même pouding. C'est une réalité qui est assez bien facile à déterminer, c'est quoi une clause orphelin, lorsqu'il y a des rapports de travail collectif. Là, si on rentre l'indirect puis qu'on veut chercher trop de personnes, les travailleurs atypiques etc., il y a danger – et c'est ma première réaction – qu'on se perde en conjectures. Mais il faudrait aller plus loin dans la réflexion pour qu'on puisse se lancer dans des analyses cohérentes.

Le Président (M. Sirros): Ça va?

M. Béchard: Oui, ça va.

Le Président (M. Sirros): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, un peu pour reprendre l'argumentation de mon collègue et sans aucune partisanerie – je ne veux pas faire un débat partisan – je pense que ce qu'il voulait dire en faisant le commentaire concernant les coupures et l'impact des coupures sur justement les clauses orphelin, ce n'est pas que les clauses orphelin aient commencé avec les dernières compressions, mais il y a un lien tout de même parce que ça a exacerbé la situation. Et on le voit aussi dans les données statistiques qui nous sont fournies par les études les plus sérieuses. Donc, en toute objectivité, effectivement, c'est ce qu'on peut constater, abstraction faite de nos allégeances politiques.

(16 h 50)

Ceci étant dit, nous avons reçu ce matin le groupe des agents de la paix qui nous ont expliqué, avec beaucoup de sincérité, je dirais, de témoignages et de démonstrations, comment les clauses orphelin les affectent et affectent leur groupe.

Vous représentez 500 jeunes professionnels dans différentes catégories. Vous dites: des gens d'affaires, des cadres, des entrepreneurs, des universitaires. Comment les clauses orphelin affectent-elles les membres de votre groupe? Est-ce que vous pouvez nous citer un cas type pour illustrer l'impact des clauses orphelin sur vous, sur cette jeunesse qui est devant nous?

Mme Charbonneau (Ariane): Oui. Alors, effectivement, on se décrit très généralement de la façon suivante: Nous sommes des jeunes professionnels universitaires gens d'affaires. Ce n'est pas traditionnellement là qu'il y a des gens syndiqués, mais je vous donnerai des exemples. Évidemment, parmi nos membres, on a des gens qui sont chargés de cours à l'université. Évidemment qu'ils sont touchés par des contrats de rapports collectifs de travail. On a des professionnels également qui sont des médecins. Je ne sais pas trop si c'est M. Lemoine tantôt qui en parlait ou la FEUQ, je suis un peu mêlée dans les représentations qui ont été faites, mais on vous recitait la chose énorme qui est le fait que les jeunes médecins ont été coupés de 30 % de leur salaire alors que, si on avait accepté – je crois que c'est à la Fédération des omnipraticiens – de rétablir cette baisse-là uniformément, ça n'aurait pas été 1 % du salaire de tout le monde qui aurait été touché. Alors, je crois, en toute objectivité, que l'on est très bien placés pour venir vous dire: Oui, effectivement, c'est particulièrement notable dans des rapports collectifs de travail, mais nos membres sont très touchés par ça. Dans Génération Québec, il y a d'abord «génération»; c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Alors, merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à vous autres. On est bien heureux de vous accueillir. C'est une participation rarement vue de groupes de jeunes de tous les horizons à cette commission-là. Je pense que, à date, le son de cloche est assez unanime, si ce n'est qu'un débat qui reste sur les moyens précis, mais les objectifs visés sont assez clairement unanimes.

Je pense que c'est M. Simard tout à l'heure qui a dit: Ça aurait une charge symbolique. Je suis de ceux qui partagent cela, qu'au-delà des problèmes qu'on corrige un projet de loi comme celui-là envoie des messages sûrement importants pour la société, pour les jeunes. Mais vous avez aussi dit: Ça aurait un impact immédiat. Je veux juste bien comprendre. Vous ne vous êtes pas prononcés très en détail sur le type d'orientation législative qui devrait être préconisée. Mais celle qui devrait être préconisée, quelle qu'elle soit, est-ce que, dans votre esprit, elle devrait seulement couvrir les conventions à venir ou est-ce qu'elle devrait – moi, c'est mon point de vue – corriger aussi avec un mécanisme de transition ce qui existe déjà? Est-ce que, ce qui existe déjà, les jeunes qui sont déjà discriminés, on les laisse avec leur problème puis on dit: À partir de demain matin, on n'en fait plus, par contre? J'aimerais vous entendre, si, au moins, vous vous êtes posé la question ou si vous vous êtes répondu.

M. Lemoine (Jean): On ne s'est pas posé énormément la question, on va le dire très franchement. Ceci étant dit, la logique... Je veux dire, on n'est pas pour prôner ici l'équité et enlever des discriminations en proposant qu'il y en ait une qui soit maintenue pour les pauvres travailleurs qui ont été finalement ceux qui ont subi les foudres pendant le temps que c'était encore possible. Ceci étant dit, il est bien évident qu'il y a des coûts assez importants dans tous les domaines. Dans le domaine municipal, on en entend assez parler que je crois bien qu'il faudrait des mesures de transition qui pourraient rendre la chose plus facilement digestible, mettons.

M. Dumont: Je suis d'accord avec vous que ça prendrait des mécanismes de transition. Il n'en demeure pas moins que dans des municipalités les gens ont profité de la réouverture que le premier ministre Bouchard a requise pour une contribution de 6 %, ont profité de la réouverture pour se voter d'autres augmentations, parce qu'ils se sont dit: Bon, de toute façon, nous autres, on ne se pénalise pas. Donc, à partir du moment où on ne se pénalise pas, c'est les jeunes qu'il faut couper. On pourrait couper les jeunes de 20 %. Mais tant qu'à couper les jeunes de 20 %, c'est tellement honteux, on est aussi bien de les couper de 25 %, puis nous autres, on va... C'est vrai! C'est carrément ça, le raisonnement. C'est tellement honteux de couper les jeunes de 20 %, pourquoi pas les couper de 25 % puis dire: Bien, on profite de la réouverture. L'année prochaine, on se donnera 1 %; l'autre année, 1,5 %; l'autre année, 2 %. Tant qu'à les couper, ce n'est pas plus honteux de les couper de 25 % que de 20 %, puis nous autres, bien, on se donne un petit velours de plus, c'est peut-être une semaine de plus en Floride, à notre retraite, qu'on va pouvoir se gagner avec ça. En tout cas, moi, je trouve qu'il y a quelque chose d'assez acide dans ce type de raisonnement.

Qu'on oblige les municipalités – qu'on leur donne quelques mois pour le faire – à refaire les devoirs de l'hiver passé, puis leur dire: Là, il y avait un sacrifice à faire, mais de la façon dont vous avez fait le sacrifice, vous vous êtes trompés. On va le repartager entre tout le monde. Moi, je ne serais pas gêné de présenter ça aux municipalités du Québec, compte tenu de la rémunération. C'est 27 %, l'écart entre le municipal puis le fédéral et le provincial? D'après moi, il y a les trois quarts de 1 % qui pourraient être touchés là-dedans sans que les gens soient privés de manger.

Le dernier sujet sur lequel je veux vous questionner, j'ai fait une intervention là-dessus il y a deux semaines et vous en avez parlé, entre autres, avec une pointe au député de Drummond. M. Simard en a parlé aussi: Les jeunes dans la fonction publique. Vous êtes un groupe de jeunes dont très peu doivent être dans le secteur public, mais qui, en même temps, doivent regrouper un paquet de compétences de jeunes sortis des universités. Ça déborde du débat des clauses orphelin, mais ça vous fait quoi de voir le peu de place, je serais tenté de dire la quasi absence des jeunes de tout le secteur public?

M. Lemoine (Jean): Bien, ça nous fait quoi? Ce n'est pas quelque chose à quoi on réfléchit tous les jours, c'est presque une donnée avec laquelle on vit depuis qu'on a commencé. C'est un fait, et peut-être qu'on devrait plus y songer ou plus s'en formaliser. C'est ce que je peux dire aujourd'hui. Franchement, c'est comme ça; c'est comme ça.

M. Simard (Jean-François): Question de mémoire institutionnelle aussi. D'un point de vue organisationnel, la mémoire d'une institution comme celle de la fonction publique, c'est quand même quelque chose qu'il faut prendre en considération. Tôt ou tard, si on voit la courbe démographique de la fonction publique, il y aura des départs massifs des employés de l'État, et puis, le jour où ces départs massifs arriveront, qui va transmettre la mémoire et les acquis de la fonction publique? La question peut se poser. Et peut-être que, d'ores et déjà, on devrait penser à des scénarios, à des ponts entre les générations donc, pour reprendre l'expression de certains de nos amis. M. le Président?

Le Président (M. Sirros): Bien, j'allais dire: Sur ça, le prochain groupe, effectivement, c'est Le Pont entre les générations. Alors, je ne sais pas si le député de Rivière-du-Loup a d'autres questions. Sinon, on va vous remercier pour votre présentation.

On va suspendre pour quelques minutes afin de permettre à certains de traverser le pont vers la table.

(Suspension de la séance à 16 h 58)

(Reprise à 17 h 1)

Le Président (M. Sirros): Je vais demander aux membres de bien vouloir reprendre leur place. On pourra continuer avec le prochain intervenant, M. Rock Beaudet, qui représente Le Pont entre les générations. Alors, M. Beaudet, comme vous avez assisté à l'ensemble des présentations, vous connaissez un peu le déroulement. Donc, sans plus tarder, je vous donne la parole.


Le Pont entre les générations

M. Beaudet (Rock R.): D'accord. Je vous remercie. C'est ça, je vais représenter le groupe. Malheureusement il n'y aura pas d'aînés ou de jeunes avec moi. Je m'étais mis des petites notes. Mme Lecompte, l'ancienne présidente de l'AQDR, nous disait toujours: Allez-y les jeunes, foncez! M. Philippe Lapointe, l'ex-président de la FADOQ nous disait toujours: C'est peut-être le temps pour avoir une bonne chicane de famille. Et c'est peut-être un peu ce que la commission amène, une chicane de famille saine pour régler nos problèmes relativement aux clauses orphelin qui touchent les jeunes. M. Grand'Maison, je lui ai parlé encore avant-hier, qui était un des initiateurs du groupe, nous disait souvent que, derrière les clauses orphelin, il y a peut-être un conflit intergénérationnel qui est souterrain et qu'il faut peut-être régler avant qu'il y ait autre chose.

Donc, je vais y aller rapidement. Pour ceux qui ne seraient pas au courant, notre groupe a été formé au printemps 1997 et, à l'automne, on a publié une lettre d'opinion qui avait trois thématiques: une sur l'éducation; une sur la transmission des connaissances dans les milieux de travail, où l'outil qui pourrait être utilisé, entre autres, la retraite progressive qu'une loi du gouvernement du Québec permet présentement, la loi n° 102; le troisième volet, c'était l'équité entre les générations dans les conditions de travail, d'où le constat sur les clauses orphelin.

De décembre à février 1998, le groupe Le Pont entre les générations m'a mandaté pour faire une étude dans le secteur municipal parce qu'on voyait qu'il semblait qu'il y avait une tendance qui se dessinait. Il y avait l'introduction de clauses orphelin dans le secteur municipal, que ce soient des temporaires ou au niveau des statuts d'emplois. Notre étude a été assez bien reçue. Ça a ramené le débat des clauses orphelin sur la place publique et ça a amené en partie – on n'est pas les seuls à l'issue de ce débat – la commission parlementaire d'aujourd'hui.

Ce qu'il important de noter, c'est qu'à partir de simplement quelques articles de journaux on a reçu des téléphones. Ils cherchaient à nous rejoindre, ils nous appelaient, soit à la Faculté de théologie, où nos bureaux sont. Les gens, comme les agents de la paix que vous avez reçus aujourd'hui, nous appelaient et se sentaient seuls, ils pensaient qu'ils vivaient ce problème-là seuls dans leur milieu. Et peut-être qu'ils étaient les seuls et qu'ils n'osaient pas se dire: On va se plaindre face à notre situation. Puis on a pu leur fournir un peu d'information, voir ce qu'on pouvait faire pour eux. Mme Louise Bernier, justement, une des agents de la paix, quand elle était venue me voir, elle pensait qu'on était, genre, 12 permanents dans un bureau. Quand elle a vu qu'il y avait un occasionnel – sans clause orphelin – agent de recherche à l'université, elle a vu que... la commande qu'elle voulait me demander était un peu moins grande à ce moment-là.

Ce que je tenais à vous mentionner, c'est que, lors d'une émission Droit de parole , il y avait eu un sondage, comme à chaque fois qu'il y a l'émission. Et, dans ce sondage-là, la population québécoise disait qu'à 60 % elle était contre les clauses orphelin et que, pour embaucher les jeunes, 42 % des gens interrogés lors du sondage se disaient prêts à accepter des diminutions de salaire. C'est pourquoi on a poursuivi notre travail.

Et j'ai continué à suivre un peu de loin l'évolution des clauses orphelin dans le secteur municipal. En février, on avait répertorié 31 villes. On avait un taux de 63 %. Et je sais que les gens du ministère du Travail ont dit: Bon, tu sais, un taux, relativement aux villes, ce n'est peut-être pas exhaustif. Et on n'avait pas dit non plus que c'était exhaustif, on parlait de tendance. On est rendu à 40 villes, on a un taux de 75 %. Et, au niveau des conventions collectives, on n'a que 66 conventions, et je sais qu'il y en a 800 et quelques au Québec. Et je ne dis pas, encore là, que l'étude est exhaustive et va à fond, mais ça reste que le taux est à 75 % et à 73 % pour les conventions collectives. Ce qu'il faut se rappeler, c'est qu'il y a beaucoup de petites municipalités qui n'utiliseront jamais les clauses orphelin parce que, pour elles, ce ne serait pas payant. Si vous avez six employés et qu'aucun ne prennent leur retraite, vous ne signerez pas une clause orphelin. Ce serait une perte de temps à négocier avec votre syndicat.

En ce qui a trait à la définition des clauses orphelin, je vais passer vite là-dessus, car je crois que vous êtes assez bien informés à ce sujet, que l'on parle des clauses orphelin permanentes, des différents types de temporaires ou de celles qui réduisent les avantages sociaux, que ce soit les assurances, les plans dentaires ou même les assurances-vie. Comme c'est le cas des agents de la paix, lorsqu'ils conduisent un autobus et qu'il y a des criminels à bord, si un agent de la paix occasionnel est tué, ça vaut 10 000 $; un temps-plein, c'est 100 000 $.

On repose et on appuie encore notre mémoire, notre position, en tout cas, sur les deux avis de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, les deux avis de 1990. Tout à l'heure, je crois que c'est la FEUQ qui parlait justement que, dans la fin des années quatre-vingt, il y a eu le débat, et il y avait eu un pacte social qui avait été établi par les libéraux avec la partie patronale et la partie syndicale. Oui, peut-être que ça a diminué les clauses orphelin, mais la preuve est là, c'est un cycle: c'est redescendu, et maintenant on est reparti à la hausse. Donc, c'est peut-être la preuve qu'un pacte social ce n'est pas la réponse à notre problème.

Et c'est pourquoi, comme la Commission des droits et comme d'autres acteurs que vous allez rencontrer, on prône plutôt une législation pour régler le problème. Comme la Commission des droits, ce n'est pas dans la Charte que se trouve la réponse, parce que la Charte, on doit faire chacun une plainte individuelle, et c'est long. Même si ce n'était pas coûteux en argent, un individu seul doit prendre son temps. Dans le milieu de l'enseignement, le premier enseignant qui a déposé une plainte à la Commission des droits relativement au gel de l'échelon, M. Morin, m'avait aussi appelé, et M. Morin me disait: Bon sang! par chance que j'ai du temps puis qu'il n'y a pas d'enfants à la maison. Parce qu'il n'y serait pas arrivé. Quand même, il faut préparer ses positions, etc.

Un autre point, peut-être, pour le secteur municipal. Même si on n'a que 40 villes, on a quand même 40 des villes d'importance du Québec. Comme les neuf villes que j'ai ajoutées à l'étude, Saint-Léonard, Saint-Hyacinthe, Outremont, Saint-Laurent, Granby, Sherbrooke, Charlesbourg, ce n'est quand même pas des petites villes, et, donc, ça touche et ça va toucher surtout beaucoup de monde, dans les prochaines années, puisque les allongements d'échelon ont été signés.

De plus, il y en a qui vont dire: Bon, c'est les syndicats, c'est la faute aux syndicats; nous, on dit que ce n'est pas vrai, en tout cas, pas aux syndicats, pas à la tête dirigeante. Parce que, par exemple, dans les nouvelles villes que j'ai, j'ai des pompiers, des syndicats indépendants, j'ai un CSN, j'ai un syndicat indépendant, j'ai un FISA, j'ai un policier puis j'ai un SCFP-FTQ. Les syndicats, même si la tête dirigeante du syndicat ne veut pas signer de clause orphelin... J'en ai rencontré plusieurs, j'ai fait des entrevues, et ils n'ont pas de pouvoir juridique sur leurs membres. Donc, la stratégie patronale consiste à ceci: Voici ce que je t'offre, va-t-en à la table des négociations avec cette offre-là et propose-la à tes membres. Il suffit qu'il y en ait 51 % qui disent oui, puis c'est fini. Et pourtant le syndicat, lui, est pris avec. Donc, ils n'ont pas de pouvoir juridique sur leurs membres, ils n'ont qu'un devoir d'information. C'est pourquoi, encore là, il n'y a que la législation qui pourrait arrêter le problème. Et M. Marcel Pépin, membre de notre groupe, avait été le premier à m'expliquer ce phénomène-là.

(17 h 10)

Donc, la justification de la législation. Pourquoi il en faut une? Une approche volontariste, ça a rarement prouvé que ça pouvait marcher; la preuve, l'équité salariale homme-femme. Je suis sûr que le Conseil du patronat ou la Chambre de commerce du Québec, voilà 20 ans, disait que ça n'a pas de bon sens, mais que, vous comprenez, les femmes vont perdre des emplois, et tout ça. La loi est en place. Ça va être long. Mais je ne suis pas sûr qu'il y a tant de femmes qui vont perdre leur emploi à cause de ça. Sauf qu'il y a des profits quelque part qui vont... une meilleure redistribution de la richesse qui va s'effectuer.

L'expérience libérale, le pacte social de 1992, on l'a vu, ça n'a pas marché. La Chambre de commerce et le CPQ, qui prônent la libre négociation et l'accroissement de la précarisation des emplois des jeunes – ça, c'est une de leurs menaces; ce n'est pas une menace, ils disent: C'est ça qui va se passer – ils devraient peut-être écouter plutôt leurs jeunes membres, comme la Jeune Chambre de commerce du Québec, qui compte 1 000 jeunes, des futurs administrateurs et propriétaires d'entreprises, et qui, eux, disent: Il faut peut-être aller plus vers un engagement social des entreprises, et qui prônent la législation. Vous pourrez le voir, ils vont venir vous rencontrer, je crois, la semaine prochaine.

De plus, il faudrait peut-être qu'on rappelle aux gens des entreprises qu'il y a plusieurs auteurs qui ont fait des recherches, que ce soit suite à l'introduction des clauses orphelin massives aux États-Unis, et ça amène les auteurs à émettre des avertissements sévères aux entreprises qui voudraient utiliser des clauses orphelin. Donc, ce n'est pas bon pour l'entreprise, parce que vous allez avoir une perception d'inéquité des jeunes qui va entraîner un sentiment d'injustice et, ensuite, des difficultés avec les attitudes des employés, une baisse de productivité, un climat de travail détérioré et des conflits à l'intérieur du syndicat entre ses membres et, donc, aussi dans l'entreprise, et des coûts élevés de remplacement des travailleurs. Si c'est mal calculé, vous payez un pont d'or, une retraite dorée à un employé plus vieux, vous le remplacez par un jeune, et ça coûte plus cher.

Donc, un autre point qui, selon nous, est important, c'est que, si on continue à exercer une pression sur les conditions de travail et la rémunération des jeunes du Québec, la demande, qui va la fournir? Qui va continuer à acheter des produits? Un jeune policier à 24 000 $? Oui, dans le cas des policiers, je le sais, ça se rétablit assez rapidement. Mais, pour d'autres... Un jeune qui, avec un Ph.D., au lieu d'être prof, est chargé de cours? Je m'excuse, mais il ne fera pas l'acquisition d'une maison ou d'une auto et il y pensera à deux fois avant de faire des enfants. Ce qu'on ne devrait pas faire, mais... Bon.

Donc, suite à ça, moi, ce que je vous recommande, c'est vraiment d'aller vers une législation, autant dans le Code du travail et dans la Loi des normes. Il faudra peut-être informer comme il faut nos amis de la FEUQ, parce que, justement, s'il n'y avait que la Loi des normes, ça poserait un problème pour certains et ce ne serait pas suffisant. Peut-être qu'il y a moyen d'apporter des amendements à la loi proposée par M. Dumont, de façon à ce que le Code du travail puisse protéger les syndiqués et que la Loi des normes, comme les articles – je ne voudrais pas être repris – 41.1 et 74.1, pourrait être remanipulée de manière à aider les jeunes. Parce que vous avez, entre autres, un article de la Loi des normes qui dit qu'à salaire égal travail égal – grosso modo, c'est ça – sauf que, si vous gagnez deux fois le salaire minimum, ça ne compte pas. Donc, il y a une justice jusqu'à un certain niveau. On statue que la justice s'arrête à un certain niveau; après ça, on peut vous discriminer.

Et, finalement, pour permettre que ça soit rétroactif et que ce ne soit pas trop difficile envers les entreprises, on pourrait peut-être donner jusqu'à la prochaine négociation ou, du moins, un maximum de cinq ans pour que les entreprises puissent faire leur ajustement. Et ceux qui vous diront que ça va diminuer l'emploi, et tout ça, je crois que, quand on a une entreprise et qu'on a un produit ou un service à offrir, on s'organise pour avoir la main-d'oeuvre dont on a besoin. Et, de toute façon, comme plusieurs entreprises l'ont fait, ou des villes dans le municipal, on peut s'asseoir à la table de négociation et négocier une réduction de tous les employés et non pas seulement une réduction de certains des employés, dont principalement, comme c'est le cas présentement, les jeunes, les femmes, les nouveaux, les immigrants. Je vous remercie.

Le Président (M. Sirros): C'est nous qui vous remercions. M. le ministre.

M. Rioux: Je suis content que vous soyez là aujourd'hui, parce qu'on a eu l'occasion de lire votre littérature puis vos recherches, et vous nous en parlez encore aujourd'hui, et soyez assuré que, nous, du côté du ministère du Travail, on n'a pas prétendu qu'on avait la vérité là-dedans, puis je suis content que vous reconnaissiez que vous non plus, que vous êtes en recherche, comme nous d'ailleurs. Je pense que, là-dessus, on a des chances de faire un bon bout de chemin.

Mais, selon vous, est-ce qu'il y a des clauses orphelin aux effets discriminatoires et d'autres qui auraient des effets qui ne le sont pas? Est-ce qu'il y aurait des clauses orphelin qui, au fond, ne privent pas un jeune qui veut entrer sur le marché du travail d'y entrer de plein droit? Est-ce que vous avez pu examiner ça, dans vos recherches? Est-ce que ça existe?

Quelqu'un est venu me dire, un jour, quelqu'un qui m'a appelé au téléphone, il a dit: Je veux absolument vous voir, il faut que je vous parle des clauses orphelin. Il a dit: Il y en a qui ne sont pas discriminantes, puis il y en a qui le sont terriblement. Il est venu me voir, on a jasé ensemble, et il me racontait que, dans certaines entreprises, on embauche des jeunes avec des conditions de travail moindres, mais que, par ailleurs, ils bénéficiaient d'un boni basé sur leur efficacité et leur performance. Le jeune est engagé dans l'entreprise. On ne le connaît pas, donc on ne sait pas ce qu'il vaut. Alors, les gens disent: O.K., on t'embauche à des conditions moindres, mais, s'il s'avère que tu es un salarié extraordinaire, tu vas bénéficier d'une prime.

Alors, lui, qui était un jeune – c'était un gars de 30 ans – il a dit: Moi, j'estime, monsieur, que c'est un système qui est correct. Il a dit: Le jeune prouve sa compétence à son employeur, il démontre hors de tout doute qu'il est un salarié sérieux. Il a dit: Moi, j'aimerais ça qu'on maintienne cette disposition-là. Mais vous qui avez fouillé ça plus que quiconque, est-ce que ça a été porté à votre attention, ce phénomène-là? Et ça existe, au Québec. Je n'en connais pas l'ampleur. Puis je ne m'en réjouis pas non plus.

M. Beaudet (Rock R.): Est-ce que les critères s'appliquent aux plus anciens? Parce que vous me dites qu'il aurait comme un salaire de base, avec des critères de productivité, donc, qui offrent un bonus, qui te permettent d'avoir grosso modo le même salaire. Est-ce qu'ils s'appliquent aux plus anciens ou les anciens ont gardé la même convention?

M. Rioux: Aux nouveaux.

M. Beaudet (Rock R.): Seulement les nouveaux. Bien, à ce moment-là, c'est discriminatoire, puisque ça crée une pression au niveau de la productivité sur les anciens. Je ne me ferai pas l'apôtre... comme le professeur du Groupe anti-permanence, ce n'est pas mon propos du tout. Sauf qu'imaginez que, dans la fonction publique, on amène un critère semblable. Ça créerait une méchante discorde entre les employés. Pourquoi, moi, je suis jugé sur ma productivité, alors que, toi, tu ne l'es pas? Imaginez! En tout cas.

M. Rioux: M. Beaudet... Oui.

M. Beaudet (Rock R.): Par contre, un cas qui est assez visible, mais qui est souterrain: dans les universités, maintenant, les nouveaux professeurs, on leur demande de produire beaucoup plus de textes officiels qu'on le demandait aux anciens. J'ai un de mes anciens professeurs qui était un des meilleurs profs d'économie, il n'a jamais eu un doctorat, mais ça n'en fait pas un des moins bons profs, ça a été un des meilleurs qu'on a eus dans notre département. Et, dans le temps, un étudiant qui avait une maîtrise on lui disait: Écoute, tu es un bon candidat, on va te payer 35 000 $ par année, tu t'en vas aux États-Unis, tu fais ton Ph.D., tu reviens et tu as un emploi. C'est un critère comme ça: il faut que tu sois plus productif, puis l'autre n'avait pas ça, avant. Je ne sais pas. Moi, je ne soutiens pas ça.

(17 h 20)

M. Rioux: Quant à la solution, vous ne prenez pas de chance. Vous dites: On regarde la Loi des normes et le Code, les deux. Comme disait M. Simard: La ceinture puis les bretelles. Au fond, c'est ça, vous ne voulez rien perdre. Pour régler le problème des clauses orphelin...

M. Beaudet (Rock R.): C'est que vous avez des travailleurs syndiqués et non syndiqués.

M. Rioux: Mais la Loi des normes est une loi d'ordre public.

M. Beaudet (Rock R.): Oui, oui, mais, comme je vous l'ai dit, les deux articles que je mentionne sont déjà une bonne base. Il y aurait peut-être une manière de les reformuler pour en arriver...

M. Rioux: Vous parlez de 41.1?

M. Beaudet (Rock R.): Oui.

M. Rioux: O.K. Oui. Ça s'examine, ça.

M. Beaudet (Rock R.): Et là vous pouvez permettre à des jeunes non syndiqués d'avoir une protection accrue.

M. Rioux: Je ne sais pas si le député de Rivière-du-Loup a regardé ça, mais il va certainement y jeter un coup d'oeil. Vous avez évoqué 74 également, hein?

M. Beaudet (Rock R.): Exact.

M. Rioux: Très bien.

M. Beaudet (Rock R.): Je suis convaincu qu'il y a des groupes que vous allez rencontrer par la suite qui vont avoir, eux, des propositions formelles, parce qu'il va y avoir eu des jeunes ou de plus anciens juristes qui vont s'être posé la question.

M. Rioux: Et, pour ne pas manquer ceux qui sont syndiqués, bien, vous voyez d'un bon oeil la démarche qu'avait formulée le député de Rivière-du-Loup dans son projet de loi.

M. Beaudet (Rock R.): Oui.

M. Rioux: O.K. Je vous remercie.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député de Groulx.

M. Kieffer: M. le Président, je vais passer de nouveau sur un autre plan. Depuis ce matin, j'écoute, et puis je sens que ça ne changera pas, au fur et à mesure que les groupes vont venir présenter leur mémoire. La question des clauses orphelin, sans en nier l'importance, est un épiphénomène d'un problème beaucoup plus fondamental et beaucoup plus grave. Et, lorsque vous disiez, tantôt, que vous aviez travaillé avec Marcel Pépin, pour l'avoir connu, moi aussi, dans une autre vie, c'était le genre d'individu à se poser ce type de question là.

Tous les mémoires qui ont été présentés depuis ce matin, sauf celui du Conseil du patronat, refusent le pacte social comme mécanisme de régulation, en disant: Ce n'est pas sérieux. Sauf le Conseil du patronat qui, lui, a dit: Oui, embarquons! Ça, je trouve ça à la fois paradoxal et un peu épeurant parce que ça signifie exactement la même chose que son contraire, hein? Le Conseil du patronat dit: On va utiliser le pacte social parce qu'on sait que ce n'est pas contraignant, puis les autres disent: Parce que ce n'est pas contraignant, il ne faut pas utiliser le pacte social.

Et la plus belle preuve de ça, il me semble, ce sont les clauses orphelin qui ont été négociées par les villes récemment et auxquelles les syndicats ont participé. Il a fallu qu'il y ait des ententes de négociées, il a fallu qu'il y ait du monde qui vote, il a fallu qu'il y ait des mots d'ordre syndicaux. Moi, j'ai toujours pensé, et je continue à le penser et je l'ai pratiqué pendant fort longtemps alors que j'étais un militant syndical actif, qu'un des mandats les plus fondamentaux du syndicalisme, ce n'est pas uniquement de défendre les intérêts immédiats et corporatistes de ses membres qui paient des cotisations, c'est de défendre la qualité de vie et les conditions de travail de l'ensemble de la population des travailleurs, c'est-à-dire de l'ensemble des travailleurs dans une communauté. C'est ce qui a fait que, au fil et au cours de l'histoire, les conditions de travail ont pu évoluer vers le meilleur. C'était ça, le pacte social, dans ma tête, en tous les cas. Et je ne dis pas que c'est généralisé, sauf que c'est inquiétant de voir que, dans des situations où on est devant un nouveau phénomène qui va s'accentuer, que j'appellerais la rareté du travail, on en revient ou on retourne à des préoccupations purement corporatistes de la part d'organisations que les travailleurs se sont données pour être beaucoup plus larges que celles-là.

C'est quoi, votre réflexion à ce niveau-là? Parce que je me dis: Si on règle le problème – et je pense qu'on va le régler, le problème des clauses orphelin – il va y avoir d'autres façons de manifester cette réalité de la rareté du travail. Pourquoi? Parce qu'on est de plus en plus productif, comme société. Et le travail, tel qu'on l'a conçu depuis 100 ans dans une société dite industrielle, il disparaît. On s'en va vers un autre type de société où la définition même du travail devra être appelée à être reformulée fondamentalement.

M. Beaudet (Rock R.): Je sais que vous aviez justement apporté ce point-là tout à l'heure.

M. Kieffer: Et je le reformule, d'ailleurs, parce que je...

M. Beaudet (Rock R.): Vous devez avoir le livre de Jeremy Rifkin à votre table de chevet. Ha, ha, ha!

M. Kieffer: Bien, entre autres. Mais il n'est pas le seul à poser la question, soit dit en passant.

M. Beaudet (Rock R.): Non, mais c'est vrai. Mais il était ici, justement...

M. Kieffer: En France, en Europe, on la pose de plus en plus.

M. Beaudet (Rock R.): Moi, je l'avais vu, justement, quand le Parti québécois l'avait invité, l'année dernière, à l'automne. C'est ça? Et il y a peut-être deux volets. Si vous vous rappelez, lui, il dit qu'il va falloir développer un nouveau marché parce que, maintenant, tout ce dont on a besoin, de chaises, de micros, de verres à eau... On n'a plus besoin de tout ce monde-là. Ça fait qu'on n'est toujours bien pas pour mettre des gens dont on n'a plus besoin dans un bateau puis... hop! Donc, il va falloir partager le travail.

Je vous rappellerai que, justement, il y a un des fonctionnaires du gouvernement du Québec qui était à ce colloque-là et qui avait dit: Moi, j'ai accepté un programme de réduction du temps de travail parce qu'on m'avait dit qu'on embaucherait, puis ça a passé dans une réduction du budget. Moi, je fais juste répéter ce que cette personne-là, ce fonctionnaire-là avait dit. Et lui, il se disait: Eh! «all right!», on va avoir des nouveaux fonctionnaires, des jeunes qui vont arriver, ça va nous redynamiser, et tout ça. C'est une forme de partage du travail.

Le partage du travail, c'est peut-être aussi le partage du revenu, sous une certaine forme. Si on accepte que la tarte économique diminue, il faut accepter de la partager autrement. Moi, je donne souvent l'exemple: le père de famille, la mère, le fils et la fille, notre revenu annuel baisse de 10 000 $, on ne dira pas: Bien, le dernier, c'est fini, on lui achète juste deux morceaux de vêtement. Ils coupent les vacances: Lui, on le laisse chez grand-maman, puis il ne vient pas avec nous en Gaspésie. On ne fait pas ça. On redivise la tarte également. Là, présentement, ce n'est pas ça, dans certains milieux. On dirait que les gens, ils ne comprennent pas qu'à force de jouer ce jeu-là ils acceptent de faire plus d'ouvrage, que ce soit dans les villes ou dans les entreprises, puis ils coupent les emplois. Pourtant, c'est leurs enfants qui ne seront pas cols bleus, cols blancs ou autres. Et je ne sais pas si je répond à votre question, mais ça va nécessairement par un...

M. Kieffer: Oui. Permettez-moi juste une chose, M. le Président, et je terminerai, après ça. Et le pire dans tout ça, c'est que les revenus des travailleurs diminuent peut-être, mais la richesse, elle, ne diminue pas, hein.

M. Beaudet (Rock R.): Elle augmente.

M. Kieffer: On se comprend, là. La richesse augmente.

M. Beaudet (Rock R.): Bien, vous viendrez dans mon quartier, j'habite dans Côte-des-Neiges, à Montréal, puis, quand j'attends l'autobus, le parc d'automobiles qui passe devant moi a changé. C'est que, maintenant, je vois des grosses autos, les Mercedes puis les Range Rover, puis des autos bien rouillées, parce qu'il y a des gens aussi qui arrivent de ville Mont-Royal. Puis je ne veux pas porter de préjudice à des quartiers ou à des villes, sauf qu'il y a une polarisation des revenus. Puis l'automobile, c'est un bon moyen de le voir.

M. Kieffer: N'y aurait-il pas lieu, à ce moment-là, en dehors et possiblement en parallèle au règlement spécifique du cas des clauses orphelin, que, comme société, on s'interpelle par le biais d'un sommet ou autre, mais que les principaux acteurs qui sont associés à la création du travail puissent s'asseoir pour effectivement poser le problème?

M. Beaudet (Rock R.): Mais relativement aux clauses orphelin, le problème, lui, il est assez simple.

M. Kieffer: Oui, oui, mais c'est...

M. Beaudet (Rock R.): Mais, vous, vous parlez...

M. Kieffer: Plus globalement que ça.

M. Beaudet (Rock R.): Vous pouvez légiférer relativement aux clauses orphelin puis, ensuite...

M. Kieffer: Ou en parallèle.

M. Beaudet (Rock R.): ...que ça devienne votre pierre d'assise à un sommet de cet ordre-là. Parce que, comme l'économie sociale de M. Norbert Rodrigue, le forum a fait... Moi, j'y ai participé, je représentais l'Université de Montréal, à ce moment-là. Et, oui, le forum a eu lieu, le forum national a eu lieu, mais, c'est drôle, là, on ne reçoit plus de téléphones.

Mais est-ce que l'économie sociale va se développer? C'est quelque chose de bien, s'occuper de nos aînés, et tout ça. Mais, moi, ce que je disais toujours à M. Rodrigue: C'est super, mais où il est, l'argent, pour ça? Qui va vous donner cet argent-là? Parce que, quand même, l'État a des moyens limités. Donc, est-ce qu'il va falloir attendre les dons? Il ne faut vraiment pas, en tout cas, dans ce cas-là, que ça soit une infirmière d'un hôpital qui part à 16 $ de l'heure pour se retrouver à 8 $ de l'heure...

M. Kieffer: Absolument pas.

M. Beaudet (Rock R.): ...avec un horaire de fou, pour aller s'occuper des gens à la maison. Il faut que ça soit partagé, encore une fois.

Le Président (M. Sirros): Merci. Mme la députée Marie-Victorin, rapidement.

Mme Vermette: Oui, Merci, M. le Président. Alors, écoutez, moi aussi, le pacte social... Ce matin j'ai entendu, comme tout le monde ici présent, ce que le Conseil du patronat apportait et, notamment, lorsqu'on lit leur mémoire, en fait, eux, ils semblent avoir... en tout cas ils ont fait une réflexion. Donc, ils trouvaient que la nouvelle organisation du travail se démarquait de «l'organisation traditionnelle du travail par l'importance stratégique accordée aux ressources humaines». Je n'ai pas mes lunettes, c'est bien difficile.

«En effet, la réorganisation visée suppose que les ressources humaines ne soient plus considérées comme une ressource passive et prévisible, ni comme uniquement un coût variable à compresser le plus possible. Elles doivent devenir l'élément le plus dynamique, l'atout stratégique le plus déterminant, en somme, la source la plus importante de l'avantage compétitif de l'organisation.»

(17 h 30)

Et ils nous disaient que, probablement, ça serait à partir de cette réflexion-là qu'on pourrait peut-être atténuer le plus les irritants des échelles salariales variables permanentes. Est-ce que vous êtes d'accord avec leur dimension? Est-ce que vous pensez qu'à partir de cette réflexion on pourrait asseoir des gens autour d'une table pour arriver, je ne sais pas, à une législation ou à quelque chose qui permettrait en tout cas de supposer qu'on pourrait régler le problème des clauses orphelin?

M. Beaudet (Rock R.): J'ai compris ce que vous avez lu, mais vous avez dit que c'était qui, qui a dit ça, cette position-là?

Mme Vermette: Le Conseil du... Ça fait partie du pacte... En fait, c'est un avis...

M. Beaudet (Rock R.): C'est le Conseil du patronat du Québec.

Mme Vermette: ...du Conseil consultatif du travail. Eux, en fait, ils se réfèrent à cet... Ça pourrait être l'élément de réflexion de base, si vous voulez.

M. Beaudet (Rock R.): Selon moi, la commission parlementaire va avoir assez d'outils et M. Rioux a assez d'éléments, les fonctionnaires, les hauts fonctionnaires, pour travailler à l'élaboration d'une loi. Ce que je vois, moi, là-dedans, c'est peut-être une stratégie du Conseil du patronat parce qu'ils savent qu'il y a plusieurs groupes que vous avez invités, qui ne seront pas autour de cette table-là ou qui n'ont pas de pouvoir de force. Ça s'est passé vite, ça s'est passé durant l'été, puis je pense qu'ils ont été surpris que les jeunes se soient impliqués, se soient bougés. Là, maintenant, ils font comme: Oh, my God!

Moi, j'ai su qu'ils préparent maintenant une coalition, puis vous pourrez le voir bientôt. Mais c'est ça, ils préparent une autre plateforme. Si vous jouez ce jeu-là, ils vont faire quoi? Comme la page qu'il y avait dans une revue de la SQDM de l'époque où il y avait le pacte social signé en bas? Ça ne marche pas. Vous en avez eu un pacte social sur les clauses orphelin, et celui de 1992 n'a pas marché. Je me répète, mais je ne vous dirai pas autre chose. Oui, la ressource humaine... Ils faudraient peut-être qu'ils changent premièrement le mot parce qu'une ressource, ça s'épuise.

Mme Vermette: Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. Beaudet, il me fait plaisir de vous rencontrer. On vous a lu beaucoup et cité beaucoup dans les derniers mois, notamment en Chambre, au cours du dernier printemps. Quelques petits points d'abord, avant de commencer. J'entendais le député de Groulx parler de faire un sommet sur cette question-là. Je pense que la question serait beaucoup plus de voir pourquoi M. Bouchard ne respecte pas son engagement du dernier sommet, c'est-à-dire de ne pas faire supporter uniquement aux jeunes le coût des coupures et des compressions budgétaires. Parce qu'on se rend compte que ça a été le cas et ça a amené le projet de loi n° 414, dont vous mentionnez l'impact et dont vous étudiez encore les conséquences au niveau des municipalités.

Je voyais dans votre conclusion, à la fin, où vous dites: «Il s'avérerait pertinent que le premier ministre s'assure que les arbitres nommés par la loi spéciale n° 414 ne retiennent pas des offres patronales ou syndicales qui mettent de l'avant l'utilisation de clauses orphelin comme ce fut le cas récemment à Laval dans le cas des policiers.»

C'est-à-dire que présentement ces gens-là ont le pouvoir de le faire. C'est un manque de volonté, c'est un manque d'indications claires? Est-ce que ces arbitres présentement, de la façon dont ils ont été nommés... On connaît que la loi n° 414 a mis en place les clauses orphelin et que c'est une législation qui a démontré aux municipalités comment l'écrire finalement dans leurs conventions collectives, si elles veulent en avoir une. Est-ce que les arbitres qui sont là présentement, si on passait ce signal-là, ont tous les pouvoirs, selon vous, pour faire cesser ce processus-là?

M. Beaudet (Rock R.): Entre-temps, je me suis informé, puis justement, ce qu'on m'a dit, c'est qu'un arbitre, dans un cas pareil, n'a pas le droit de faire autre chose que de décider entre une offre ou l'autre. Donc, si les deux ententes contiennent des clauses orphelin et qu'elles sont différentes pour d'autres raisons, l'arbitre ne peut pas dire... Il faudrait qu'il refuse les deux ententes, c'est un arbitre. Donc, il n'a pas le droit. C'est ce qu'on m'a dit.

M. Béchard: Donc, ce que le gouvernement actuel a fait, c'est donner un mécanisme qui, en bout de ligne, peut mener à la mise en place de clauses orphelin dans le secteur municipal, et l'arbitre comme tel... Ou il n'a pas de mécanisme comme tel. D'un côté, on dit: Oui, vous pouvez en mettre, des clauses orphelin, mais de l'autre côté... C'est parce que, moi, je suis toujours impressionné quand j'entends le ministre du Travail. C'est comme s'il n'avait jamais assisté à ça, ce projet de loi. C'est comme s'il n'avait jamais assisté au Conseil des ministres quand ça s'est déroulé.

Aujourd'hui, on veut légiférer ailleurs. Mais moi, je suis toujours sur le principe qu'on peut, comme le disait le ministre des Ressources naturelles, marcher et mâcher de la gomme en même temps. Je pense que le gouvernement a, d'une part, oui, la responsabilité de légiférer pour éliminer ces clauses-là mais, d'autre part, la responsabilité de faire le ménage dans sa propre cour. Présentement, c'est que, malgré la meilleure volonté qui soit, il ne pourrait pas, l'arbitre n'a pas le pouvoir de faire ça, et le gouvernement, à moins de modifier cette loi-là et d'enlever ces articles-là, comme nous l'avons demandé dès, je pense, le 25 mars, quelques semaines après le dépôt du projet de loi n° 414, c'est que, présentement, la loi en place va permettre... C'est un peu paradoxal parce que, d'un côté, on entend le ministre du Travail qui veut légiférer et mettre fin au phénomène, mais, de l'autre côté, on a la loi n° 414 qui a été adoptée il n'y a pas 10 ans, là, il y a six mois, mars 1998, et que, là-dedans, il n'y a aucun mécanisme, aucune soupape qui peut empêcher ou arrêter immédiatement la mise en place de nouvelles clauses orphelin dans le secteur municipal. Je trouve ça un peu paradoxal de voir qu'il y a un peu deux poids, deux mesures. On va dicter d'un côté ce que vous allez faire, mais de l'autre côté on ne verra pas l'importance de faire le ménage dans notre propre cour.

M. Beaudet (Rock R.): Moi, je vais vous répondre: Premièrement, je ne fais pas de politique partisane. Donc, peut-être que c'est une erreur qui a été faite...

M. Béchard: C'est l'autre groupe qui vous a précédé qui m'influence. Je m'excuse. Ha, ha, ha!

M. Beaudet (Rock R.): Ha, ha, ha! Donc, je ne veux pas jeter la pierre à M. Rioux ou autres, peut-être que c'est une erreur de bonne foi. L'idée est la suivante: En légiférant... Ha, ha, ha! M. Dumont...

M. Béchard: Ha, ha, ha! C'est habile.

Une voix: Il devrait entrer en politique!

M. Béchard: Oui, vous avez certaines aptitudes. Ha, ha, ha!

M. Beaudet (Rock R.): Non, non. Écoutez, j'ai un objectif en venant ici, ce n'est pas de me joindre à un des trois partis, c'est espérer qu'il y aura une législation pour régler – en espérant à tout jamais – le problème des clauses orphelin. Certains disent que s'il y a une législation, il y aura d'autres problèmes, tel le Conseil du patronat, mais il faut toujours bien les régler un à la fois, les problèmes. Ensuite, on pourra s'attaquer aux autres.

M. Béchard: Oui, effectivement.

M. Beaudet (Rock R.): Mais ce que vous dites, il y a un processus qui pourrait être un amendement à cette loi-là, entre autres, c'est un processus de médiation où le médiateur arrive, puis il dit: Écoutez, tant qu'il y a une clause orphelin, je ne vous envoie pas l'arbitre.

M. Béchard: Ça serait relativement simple à faire. C'est une question de volonté. On n'a pas besoin de tourner le monde à l'envers puis de chercher dans 18 lois du travail, cette mesure-là serait peut-être la mesure la plus immédiate et la plus simple à faire: c'est de déterminer de façon claire, d'envoyer un signal clair et de donner le pouvoir à l'arbitre de dire qu'à l'avenir, à partir d'aujourd'hui, dans le secteur municipal, dans les nouvelles conventions collectives qui vont se signer, si vous voyez une clause orphelin, on arrête le processus. Ce serait relativement simple.

M. Beaudet (Rock R.): Mais vous me demandez de porter un jugement. Si j'étais un juge, ça se passerait peut-être autrement, mais ce n'est pas mon...

M. Béchard: Vous disiez que vous avez étudié le cas de 40 villes, environ. C'est des villes de plus de 10 000 habitants, 5 000 habitants? C'est sûr que c'est des grandes villes mais, en moyenne, là, combien d'employés puis combien d'habitants, ces villes-là? Est-ce que vous avez regardé ça?

M. Beaudet (Rock R.): C'est que, pour chaque ville, on n'avait pas toutes les conventions collectives. Ça, c'est écrit, et donc, pour répondre à votre question, c'est que je pourrais vous donner les villes, mais ça ne serait pas représentatif. Vous comprenez? J'ai peut-être une grande ville, mais qui ne contient qu'une des clauses orphelin, une clause pour un corps de métier.

M. Béchard: Il y a un élément, puis les gens du gouvernement en ont parlé tantôt, c'est à la page 4 de votre mémoire, quand on dit, puis ça a été repris ce matin aussi: «Malgré les diverses pressions exercées par la mondialisation des marchés, de la production, ainsi que les objectifs budgétaires gouvernementaux, c'est un peu ces pressions-là finalement qui font en sorte que quelque part il se développe des clauses orphelin.»

Est-ce que vous avez regardé ailleurs, dans le reste du Canada, aux États-Unis ou ailleurs? Est-ce que ce processus-là, ces pressions-là, mondiales et tout ça, font nécessairement qu'on va vers des clauses orphelin, vers des régimes différents pour les jeunes ou est-ce qu'on n'a pas développé d'autres modèles pour absorber ces pressions-là que des voies législatives ou encore que la mise en place de clauses orphelin?

M. Beaudet (Rock R.): Vous avez en France, où il y a eu le cas d'Air France justement et où les employés d'Air France sont allés en grève. Il n'y a pas de clause directement dans le droit du travail français qui interdit, qui appelle ça une clause orphelin, sauf qu'il y a des règlements dans la loi du travail qui prônent le salaire égal à travail égal. La jurisprudence française a été bâtie non seulement homme-femme, mais aussi homme-homme et femme-femme.

(17 h 40)

Air France avait réussi à en passer une pareil et les employés sont allés en grève en disant: Bon, bien, vous réglez ça parce que, sinon, on va vous poursuivre en Cour. En plus, ils étaient en grève et c'était à la veille du Mundial. Donc, il y avait un pouvoir de force. Vous voyez, en France, c'est qu'il y a vraiment des procédures. C'est dans leur code du travail; les clauses existent, elles sont là; la loi est là et elle peut être utilisée en cour.

Aux États-Unis, vous n'en avez pas; il n'y a pas de loi. Si on parle des États-Unis ou de l'Angleterre, bien, c'est quand même deux des pays les plus libres et qui sont loin d'avoir un code du travail, disons, aussi... axé vers le respect des travailleurs que celui du Québec.

M. Béchard: Tout le monde avait envie de souffler un qualificatif mais il variait de part et d'autre! Sur l'aspect comme tel de la législation à mettre en place, je pense que tous les intervenants ou presque s'entendent là-dessus. Moi, je vous pose la même question que j'ai posée. Il y a une question dans cette législation qui sera mise en place, c'est qu'il faut...

On a vu, il y a des clauses orphelin dans le secteur public, dans le parapublic – on l'a vu avec les jeunes enseignants et les jeunes médecins – et il y a aussi des clauses orphelin dans le secteur privé. Sur le moyen comme tel – tantôt le ministre parlait de certains articles de la Loi sur les normes, on parle de certains articles du Code du travail – est-ce que vous ne croyez pas que la meilleure façon d'englober tout ça, ça serait d'avoir une loi typique sur les clauses orphelin, qui aurait un aspect horizontal sur ces différentes pièces législatives et qui établirait les principes, les recours, la façon de traiter les clauses orphelin pour ceux qui en sont victimes, comment ça fonctionne, plutôt que d'essayer de rapiécer de part et d'autre et de dire: Voici les principes qu'on veut défendre – et que ça soit dans le secteur public, dans le parapublic, dans le privé – voici ce qu'est une clause orphelin, voici comment on trouve que ce n'est pas une façon en tant que société d'établir des relations de travail sur le dos des jeunes, ce n'est pas bon pour l'équité intergénérationnelle?

Est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux ce type de loi, horizontale, qui amènerait vraiment une nouveauté, de nouveaux moyens, de nouveaux outils plutôt que d'essayer de trouver le bon article quelque part puis qu'on se rende compte que finalement ça ne fonctionne pas?

M. Beaudet (Rock R.): C'est que le genre de législation dont vous parlez là, ça risque aussi encore une fois de prendre beaucoup de temps, et c'est compliqué, et ce n'est pas sûr que les jeunes... En tout cas, ça va peut-être prendre deux ou trois générations ou sinon on va l'oublier. Ce n'est pas si compliqué que ça parce que c'est un problème beaucoup plus simple, beaucoup plus visible, par exemple, que l'équité salariale homme-femme pouvait l'être, parce que chez les femmes, elles ont eu et elles auront à démontrer l'équivalent, pourquoi une secrétaire et un camionneur n'ont pas des salaires correspondants et tout ça. Mais je crois que dans le cas des clauses orphelin, puisque c'est facilement identifiable, la loi proposée par M. Dumont, avec la loi des normes, pourrait répondre à la demande.

Et vous parliez plus tôt, avec d'autres intervenants, des travailleurs atypiques. Ça, c'est carrément autre chose et je ne vois pas pourquoi ça pourrait être mélangé à ça parce que le travail atypique... Entre autres, s'il y a des ministres ou des députés qui ont du temps, la revue Marché du travail , publiée par le gouvernement du Québec, a publié un supplément simplement là-dessus, puis c'est assez terrifiant quand on lit cette revue-là, qui a été publiée à ce sujet. Il y a des chercheurs qui commencent à écrire des textes qui sont très d'actualité: Comment on va peut-être devoir justement en arriver à obtenir des critères d'ancienneté pour des travailleurs ne travaillant pas dans la même entreprise, que ce soit par corps de métier... comme les secrétaires qui travaillent dans les agences de personnel et qui font six mois à une place, six mois à une autre place. Finalement, ces gens-là n'ont jamais d'ancienneté. Ça pourra être établi d'autres manières.

M. Béchard: Donc, on pourrait modifier la Loi sur les normes, le Code du travail et espérer que le gouvernement prêche par l'exemple dans le secteur public et parapublic.

M. Beaudet (Rock R.): Oui, et en espérant que justement, si tous les partis politiques appuient, il y aura de bonnes chances que ça se produise.

M. Béchard: Et que le gouvernement qui va suivre prêchera par l'exemple aussi.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Saint-Laurent, vous avez trois, quatre minutes.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Tu sais, dans le fond, ce qui fait que maintenant on est ensemble, c'est la façon surtout – et c'est là-dessus que la lumière a été placée – dont les municipalités ont décidé de résoudre la commande du gouvernement de réduire de 6 %. Puis là, le gouvernement a dit: Si vous ne réussissez pas à vous entendre au plan local, chacune des parties, vous pourrez soumettre une proposition et l'arbitre ne devra choisir que l'une ou l'autre. Donc, il a fixé l'objectif mais il a laissé la façon d'arriver à l'objectif, les modalités, il a laissé ça aux parties, comment elles pouvaient atteindre ça.

Donc, parmi plusieurs municipalités qui ont fait l'objet de regard de votre part, certaines municipalités ont dit: Bien, on devra, dans la prochaine année ou dans les trois prochaines années, embaucher ou remplacer tant de personnes qui accèdent à la retraite. Donc, pour remplacer ces gens-là, on va décider qu'on va les remplacer par des gens qui vont débuter au salaire moindre. Sur l'ensemble de la masse salariale et des avantages sociaux qui vont répondre à ça, on s'acquitte de notre 6 %.

Le gouvernement, il a permis ça. Et là, syndicats puis employeurs se proposaient des façons différentes mais finalement sachant très bien que les arbitres, selon la loi, ne devaient opter que pour l'une ou l'autre. Mais les deux, là, ils s'étaient parlé longtemps, ils savaient c'était quoi l'objectif qu'ils avaient à atteindre. Et l'objectif, c'était que le moins de monde possible en place présentement ne soit affecté d'aucune façon, parce que ceux qui avaient à prendre des décisions... Parce que ceux qui ne sont pas allés devant l'arbitre sont ceux qui ont décidé de s'entendre entre eux. Mais quand ça venait à l'assemblée de ratification, ceux qui étaient affectés par la décision n'étaient pas dans la salle pour voter; c'étaient des employés en devenir.

Donc, est-ce qu'on décide que ceux qui vont se joindre à nous éventuellement devront commencer à plus bas salaire, ce qui fera que nous, dans la salle, comme membres syndiqués qui avons à voter, nous autres, ça ne nous touche pas? Ça fait qu'il y a des villes et des syndicats qui ont pu s'entendre comme ça. Ceux qui n'ont pas pu s'entendre sur l'ensemble des modalités ont fait des propositions à un arbitre. Mais, dans le fond, l'objectif était que la ville ait le moins de ses employés actuels possible affectés. C'est ça qui est arrivé.

On appelle ça aujourd'hui des clauses orphelin mais, avant ça là – et ça a duré longtemps puis ça dure encore – on appelait ça des occasionnels, des temporaires. Mais l'objectif était toujours le même: s'assurer que la masse salariale ne progresse pas trop. Mais quand on appliquait cette formule-là, c'est qu'à l'époque les gens espéraient que le fait que tu deviennes temporaire, que tu deviennes occasionnel, avec une période de temps puis de cheminement, tu réussirais à accéder à l'emploi complet, avec tout ce que ça veut dire, puis à toutes les formes de protection. Mais comme on a décidé maintenant de diminuer ce genre d'emplois – et quand on décide de diminuer le nombre, on commence d'abord par éliminer ceux qui sont temporaires, occasionnels et toutes ces formes-là – donc là, on a détruit l'espoir de ces gens-là.

Comment est-ce qu'on peut faire pour nous assurer que, quand tu as un objectif – le gouvernement décide que l'objectif de la contribution des gens du monde municipal, c'est -6 % – comment est-ce qu'on peut s'assurer que le résultat de cette décision-là va être vraiment payé par ceux qui en bénéficient mais pas par ceux qui souhaitent se joindre à cette activité-là? On écrit ça comment, et de quelle façon, et où? On «est-u» satisfait avec les normes? «Faut-u» le mettre dans le Code? «Faut-u» dire que ça ne peut pas être reconnu au Québec quand un document est soumis, dont le résultat fait que c'est quelque chose comme ça? Comment est-ce qu'on peut mettre ça de façon claire pour dire aux jeunes qu'on ne leur refile pas la facture? Comment est-ce qu'on peut faire?

M. Beaudet (Rock R.): Mais là, vous me reposez la question où je vous ai dit qu'il y aura des juristes qui vont vous donner... Vous voulez un article de loi, là, si je vous... C'est ça? Moi, je vous dis: Les endroits où je vois les retouches...

M. Cherry: C'est quoi l'approche, la solution? Comment est-ce qu'on fait pour donner le signal? Ce qu'on veut régler, c'est dire aux jeunes: On veut trouver une façon de ne pas vous pénaliser. Oui?

M. Beaudet (Rock R.): Mais s'il y avait les modifications... On en a parlé tout à l'heure; quand je dis «on», je n'étais pas là. Mais vous en avez parlé tout à l'heure avec je ne sais plus quel groupe, on parlait que, si c'est dans le Code du travail, entre autres, immédiatement, un syndicat ne pourra plus entériner une entente avec une partie patronale puisque la convention, M. Rioux va la recevoir et il va la retourner.

M. Cherry: O.K.

(17 h 50)

M. Beaudet (Rock R.): Donc, c'est pour ça qu'il faut que le Code du travail soit amendé dans ce sens-là, pour éviter que ce ne soit fait par la suite. Mais je vous dirai qu'il y a des villes, aussi, qui y sont parvenues. En plus, s'il y avait une législation du Code du travail et de la loi des normes, il va falloir sensibiliser et informer les gens.

J'ai rencontré, genre, des conseillers syndicaux, une conseillère syndicale, dans la région de Gatineau-Hull, qui avait travaillé avec plusieurs syndicats, et tout dépendant... C'est l'unité d'accréditation qui décide; ce n'est pas M. Godbout ou M. Larose, c'est l'unité d'accréditation. Et si l'employeur met une clause orphelin sur la table, des fois, on a tel âge, on se fait offrir de belles conditions, les gens ne sont pas là et on signe. Elle leur donnait toujours la même information. D'autres fois, les gens disaient: Ah, oui? O.K., on comprend. Ça va faire mal, mais on va trouver d'autres moyens de faire. Donc, l'outil d'information est important.

M. Cherry: Merci. O.K.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. D'abord, bienvenue, M. Beaudet. Je veux revenir – on a, je pense, fait le tour pas mal de votre point; vos travaux, on les connaît assez largement sur la question des clauses orphelin proprement dites – j'aimerais avoir votre avis sur toutes les autres formes de discrimination. On en a parlé tout à l'heure quand quelqu'un vous soulignait l'exemple d'une performance supplémentaire qui serait demandée aux jeunes travailleurs par rapport aux autres.

Je peux vous dire que c'est ça qui se passe dans les cégeps: dans les cégeps, à l'heure actuelle, il y a des profs qui ont la permanence. Qu'ils soient les meilleurs au monde – parce qu'il y en a qui sont excellents là-dedans – ou qu'ils soient des nullités, qu'ils soient disponibles ou qu'ils ne soient pas disponibles, qu'ils oublient de venir au bureau, tout est permis ou à peu près. Moi, quand j'étais sur le C.A. du cégep, à Rivière-du-Loup, j'ai assisté à la fin d'un congédiement qui avait pris cinq ans et demi, et le dossier était ça d'épais. Ça fait que, pour faire un congédiement, ça ne prend pas deux, trois petites erreurs.

De l'autre côté, tu as des profs qui sont payés soit à l'heure... Moi, j'ai un chum: maîtrise en littérature française. Il veut enseigner en français. Ça fait quatre ans qu'il est dans le réseau des cégeps. Cette année, il vient d'apprendre que pour la rentrée, qui était hier, dans le fond, il va dépasser le 20 000 $ par année pour la première fois. Ça fait quatre ans qu'il est dans le réseau des cégeps, qu'il ramasse des affaires à gauche puis à droite, qu'il travaille un peu. C'est assez grave, tu sais, on parle de gens, on parle de la compétence du Québec.

Mais ces gens-là sont soumis à toutes les évaluations. C'est-à-dire qu'à la fin de la session du cégep on remplit l'évaluation: le monsieur ou la madame, il est bon pour ci et bon pour ça. Si le prof est permanent, on pogne ça et on sacre ça aux vidanges. Mais si le prof est occasionnel, là, c'est revu, rerevu, revu par les pairs, remesuré, puis si on a un grief contre le prof, entre autres parce qu'il veut trop en faire, parce qu'il travaille trop puis il fait trop d'affaires puis que là, dans le département, ça rebondit que là il y en a qui en font plus que d'autres, puis que là les anciens disent: Tabarouette! Ce n'est pas vrai qu'ils vont nous obliger à faire toutes ces niaiseries-là! Bien, là, on utilise les évaluations. On dit: Quand on regarde ça comme il faut, ce n'est pas tous les élèves qui t'aiment. On se sert de ça puis on met le prof dehors. Ça s'est fait. C'est carrément ça, hein!

À la ville de Laval, c'est à peu près la même affaire qui est arrivée. Je vois les représentants du nouveau mouvement Forces que je trouve très intéressant. Quand les gens se plaignent, quand ils n'ont aucune sécurité, qu'ils sont occasionnels, qu'ils n'ont pas un mot à dire sur la game, quand ils se plaignent, ce n'est pas trop long que le syndicat puis l'employeur se parlent et disent: Eux autres, ils sont rendus fatigants. Aucune protection.

Les occasionnels, les agents de la paix qui sont venus aujourd'hui, même ces gens-là prennent une certaine forme de risque. S'ils sont trop tannants avec l'employeur, tu sais, le téléphone à 5 h 15 du matin, ils ne l'auront plus, puis ce n'est pas eux autres qui vont entrer, c'est un autre qui va entrer à la place. Puis ça, on ne le réglera pas avec... J'ai amené un projet de loi, c'est ma contribution; d'autres amènent des suggestions. Mais tout ça, on ne pourra pas le régler. Et je sais que Le Pont entre les générations, sur ça, sur l'intégration des jeunes dans la fonction publique... Je voudrais vous entendre parce que vous avez des idées pour élargir le débat puis pour voir vraiment l'ensemble de ce qu'est la situation des jeunes dans l'emploi puis leur intégration.

M. Beaudet (Rock R.): Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y avait un deuxième volet qui était la transmission. On est en train d'organiser un forum qui va se tenir à l'Université de Montréal et il va y avoir deux volets, dont un qui est sur la transmission des connaissances. Il y a beaucoup d'aînés, les aînés qui sont sur le groupe, les aînés conjoints, puis c'est très intéressant de voir la réponse. Pour le forum, il y a beaucoup d'aînés qui nous appellent et qui vont venir. Pourtant, on pourrait dire: Bien, voyons, pourquoi ils vont venir écouter des trucs sur le travail quand ça fait 10 ans? Il y en a que c'est des grands aînés qui vont venir.

Suite à la loi n° 102 sur la retraite progressive, on a parlé avec les gens de la Régie des rentes du Québec et la retraite progressive pourrait permettre, entre autres, à la fonction publique de se rajeunir mais à un coût moindre. Si elle avait été utilisée dans le milieu de la santé au Québec, on n'aurait peut-être pas eu besoin de rappeler les infirmières à un coût plus élevé aujourd'hui. Elles auraient pu être là, ça aurait coûté moins cher, elles seraient parties tranquillement et ça aurait peut-être été la meilleure solution.

Maintenant, peut-être qu'avec les erreurs du passé on peut bâtir l'avenir. On avait posé la question à la Régie des rentes. C'est peut-être un rôle que vous, les politiciens, vous pourriez faire: la loi n° 102, pour l'instant, elle n'est éligible que dans le domaine du privé; elle pourrait l'être pour la fonction publique et tout ce qui est parapublic, ce qui n'est pas encore accessible pour l'instant.

C'est peut-être une façon autre de partager le travail – malheureusement, notre disciple de Rifkin est parti – mais ça pourrait être une façon très intéressante d'y arriver. Et peut-être aussi que la retraite progressive pourrait permettre – entre autres dans les cégeps – de laisser une place un peu plus grande à des profs de cégep. Même chose dans les universités. Parce qu'il y a des profs d'université qui ne veulent pas laisser parce que, il faut comprendre, ils aiment ça. À la faculté où je suis, il y a des professeurs qui sont à la retraite puis qui travaillent encore autant qu'ils travaillaient avant. C'est correct, ils aiment ce qu'ils font, ils ne sont plus rémunérés. Sauf que, quelque part, le travail qu'ils font... Est-ce qu'on a besoin vraiment d'embaucher un jeune? C'est des questions comme ça qu'il va falloir se poser. Je vous remercie d'avoir posé la question.

J'aurais peut-être un point pour vous donner du courage parce qu'une législation, c'est toujours difficile et c'est rare que ça se passe. Pensez à tous les jeunes auxquels il faut redonner confiance. Il y a beaucoup de jeunes qu'on rencontre. Moi, j'ai un frère de 18 ans puis, quand je lui dis que je viens ici, il fait comme: Qu'est-ce que tu vas faire là? C'est quoi, le temps que tu vas aller perdre là? Parce qu'il faut leur redonner confiance. S'ils voient qu'il y a des choses, vraiment, que nos politiciens font pour nous et qu'il y a des messages clairs d'envoyés, vous allez peut-être changer beaucoup l'opinion publique.

Une opinion publique, vous le savez, ça se transforme rapidement. Comme dans les débats, des fois... Je me rappelle. Vous avez la jeune Assemblée nationale une fois par année, où les jeunes viennent. Une jeune fille qui était interviewée disait qu'une des plus grandes différences qu'elle avait vues dans cette journée-là, c'est qu'eux n'avaient pas fait de farces. C'était peut-être... Tu sais, c'était un message, quand même, d'une petite fille qui avait une dizaine d'années ou quelque chose du genre. Je vous remercie.

Le Président (M. Sirros): C'est nous qui vous remercions et, avec ça, je pense qu'on va mettre fin à nos travaux de cette première journée d'audiences. On va donc suspendre nos travaux jusqu'à jeudi, 9 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 58)


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