L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 1 septembre 1998 - Vol. 35 N° 120

Consultation générale sur l'introduction des clauses orphelin dans les conventions collectives


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions


Autres intervenants
M. François Beaulne, vice-président
M. Matthias Rioux
M. Robert Kieffer
M. Claude Béchard
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Mario Dumont
M. Michel Côté
M. Benoît Laprise
Mme Margaret F. Delisle
M. Normand Cherry
M. Normand Jutras
*M. Jonathan Sauvé, CJPL
*M. Jean-Pierre Dion, idem
*M. Bernard Bigras, BQ
*M. Richard Marceau, idem
*M. Mathieu Alarie, idem
*M. Mario Laframboise, UMQ
*M. Jacques Brisebois, idem
*M. François Jutras, idem
*Mme Clairandrée Cauchy, CPJ
*M. Sylvain Gendron, idem
*M. Ziad Nasreddine, Association des jeunes médecins du Québec
*M. Yves Patenaude, idem
*Mme Johanne Rioux, idem
*M. Jean-François Tétreault, Commission des jeunes de l'Action démocratique du Québec
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures quarante minutes)

Le Président (M. Beaulne): Mesdames, messieurs, chers collègues, la commission de l'économie et du travail vous souhaite la bienvenue pour poursuivre ses auditions sur les clauses dites orphelin.

Je vous rappellerai, pour le bon fonctionnement de la commission, le consensus qui avait été établi, c'est-à-dire que les présentations sont d'une durée de 20 minutes. Chaque formation politique, le côté ministériel et l'opposition officielle, a 17 minutes pour interroger les groupes, et, par consensus, il a été décidé que le député de Rivière-du-Loup aurait six minutes pour interroger lui aussi les différents groupes qui se présenteront devant nous aujourd'hui.

Avant de débuter, je demanderais à notre secrétariat s'il y a des remplacements.

La Secrétaire: Oui, M. le Président, Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Benoit (Orford); et Mme Delisle (Jean-Talon) remplace M. Sirros (Laurier-Dorion).

Le Président (M. Beaulne): J'inviterais donc, pour amorcer cette journée de consultations, les représentants de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec à prendre place à la table de la commission.

M. Sauvé, vous le savez, vous m'avez entendu tout à l'heure, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et, par la suite, les différentes formations politiques vous questionneront. Alors, vous avez la parole.


Auditions


Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec (CJPL)

M. Sauvé (Jonathan): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier les membres de la commission de l'économie et du travail de nous recevoir ce matin. Je pense que c'est un débat qui s'est amorcé au Québec et qui intéresse au plus haut point les groupes de jeunes, dont nous sommes.

D'abord, d'entrée de jeu, ce que j'aimerais porter à l'attention des membres de la commission, c'est que la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec a probablement été l'un des premiers groupes de jeunes au Québec à s'intéresser à la question des clauses orphelin. Il faut remonter à 1987, effectivement, pour trouver les premières traces de discussion sur les clauses orphelin à l'intérieur des instances de la Commission-Jeunesse du PLQ. C'est lors de l'un de nos congrès annuels, que nous avions tenus cette année-là à La Pocatière, que pour la première fois on a soulevé la problématique des clauses orphelin. Déjà, à l'époque, une intervention gouvernementale était exigée afin de mettre un terme à la prolifération des clauses orphelin, et déjà on démontrait qu'à la fin des années quatre-vingt, donc, il y avait 7,5 % des conventions collectives au Québec qui contenaient des clauses orphelin.

C'est un phénomène qui n'est pas disparu, loin de là. La Commission-Jeunesse est donc revenue à la charge, lors de son Congrès de 1990, en réitérant son opposition aux clauses orphelin, en demandant qu'on mette l'accent sur la nécessité pour l'État québécois de modifier les différentes législations du travail afin qu'on interdise le recours aux clauses orphelin dans les secteurs public, parapublic et privé.

Suite au Congrès de 1990, le phénomène des clauses orphelin a décliné. Le nombre de travailleurs touchés est effectivement passé de 25 000 à environ 9 000, même si, paradoxalement, le taux de présence des clauses à double palier a connu une hausse appréciable. Donc, plus de clauses, moins de gens touchés, entre 1991 et 1994.

Depuis 1994, il y a lieu d'être de plus en plus vigilant, surtout avec les phénomènes récents qui, en fait, ont mené à la tenue de la présente commission. Lors de notre sixième Congrès-Jeunes, qui s'est tenu les 7, 8 et 9 août dernier et vers lequel un millier de participants se sont dirigés, nous en avons à nouveau discuté, du phénomène des clauses orphelin. Et ce matin, il nous fait plaisir de nous présenter devant la commission pour vous faire part du résultat de nos délibérations.

Avant, toutefois, d'en arriver à cette étape, je laisserai la parole à Jean-Pierre Dion, qui m'accompagne, qui est coordonnateur aux affaires politiques de la Commission-Jeunesse et qui est le rédacteur du mémoire qui vous a été distribué.

M. Dion (Jean-Pierre): Bonjour, tout le monde. À mon tour, je tiens à vous remercier de nous écouter aujourd'hui. Rapidement, on s'est basé sur le document de travail qui a été déposé par le ministère du Travail, en vue de cette commission, pour analyser chaque piste de solution qui était proposée.

D'abord, on parle d'un pacte social. Un pacte social, la Commission-Jeunesse a écarté rapidement cette option-là, car il est évident pour nous que, pour que ce fameux pacte social puisse avoir des résultats positifs, il faudrait que tout se déroule dans un contexte idéal, au sein d'une entreprise particulièrement ou dans le secteur public, et on sait que les clauses orphelin apparaissent dans un contexte qui n'est justement pas idéal. C'est aussi faire preuve d'une confiance aveugle envers les dirigeants syndicaux, les dirigeants patronaux. Et on sait que ceux-ci peuvent, à l'occasion, faire preuve d'une imagination très fertile pour trouver diverses solutions qui feraient en sorte de privilégier, dans le cas d'un syndicat, ses membres actuels et, dans le cas d'un patronat, pour diminuer ses coûts de main-d'oeuvre et souvent à l'encontre des revendications des jeunes travailleurs.

L'interdiction législative partielle était aussi une solution envisagée dans le document. Dans le document même, on dit que cette législation-là ne pourrait pas vraiment enrayer le problème, car elle serait facilement contournable. Plus une législation est partielle, plus elle est facilement contournable. Donc, encore une fois, ça n'attaquerait pas le coeur du problème. Ça l'attaquerait, mais sans le régler complètement.

Une intervention législative interdisant toute forme de clause orphelin, comme Jonathan l'a dit tout à l'heure, va dans le sens des revendications, depuis une dizaine d'années maintenant, de la Commission-Jeunesse. Encore une fois, cette année, on a refait le débat, au Congrès-Jeunes, en se disant que tout n'était peut-être pas forcément blanc ou noir, dans le cas des clauses orphelin. Est-ce que c'était vraiment nécessaire d'aller de l'avant avec une intervention législative qui interdit toute forme de clause orphelin?

On a vraiment fait une réflexion sérieuse. On a parlé de chaque élément qui pouvait nous mener à ne pas nécessairement adopter cette ligne-là. Sauf qu'on a beau relire les arguments contre, on les a tous analysés, quand on parle de discrimination qui n'est pas vraiment selon l'âge et selon la date d'entrée d'un travailleur dans une entreprise, on sait que, dans le fond, pour notre génération, c'est une discrimination qui, par la loi de la moyenne, rejoint l'âge. On ne peut pas dire que les jeunes travailleurs devront forcément, à un moment donné, être des jeunes. Depuis 15 ans, c'est prouvé que ce sont les jeunes travailleurs, des gens qui sont moins âgés que leurs prédécesseurs, qui souffrent et qui sont victimes des clauses orphelin.

Une limitation de la liberté contractuelle. Bien, on sait qu'il y a la sacro-sainte liberté de négocier, qui était souvent mentionnée dans le document, qui est souvent mentionnée aussi par les différents acteurs politiques gouvernementaux ou les différents acteurs syndicaux et patronaux. Sauf que la fameuse liberté, est-ce que cette liberté-là doit avoir le dessus sur une liberté qui est celle d'un jeune d'avoir un salaire égal pour un travail égal? Nous, on pense que non. Puis, de toute façon, la liberté de négocier est toujours encadrée. Le Code du travail existe pour encadrer cette liberté de négocier là. Donc, c'est juste aller dans ce sens-là, une autre limitation, d'en ajouter une autre.

Quant à une restriction quant à la révision de la structure salariale pour une entreprise, c'est peut-être vrai, sauf que, quand même, il me semble que ce n'est pas nécessairement... S'il doit y avoir restructuration, ce doit être une restructuration qui s'adresse à tout le monde, pas seulement aux nouveaux travailleurs.

Précarisation. Les jeunes font déjà face à des emplois précaires; c'est dit dans le document. Nous sommes souvent habitués maintenant à ça. Tout ce que nous demandons, maintenant, c'est que ces conditions précaires, si elles doivent être, qu'elles existent pour tout le monde. Nous, ce qu'on demande, c'est juste une chance égale. Et on va faire notre place au soleil. Une précarisation... Nous, on est confiants que notre compétence, notre formation, notre productivité, notre travail acharné vont faire en sorte que, tôt ou tard, on va avoir notre place dans une quelconque entreprise du corps public.

C'est ça pour les propositions concrètes qui sont dans le document. Je repasserai la parole à Jonathan.

M. Sauvé (Jonathan): C'est donc dans cette optique-là, après avoir étudié l'ensemble des propositions que contenait le document de travail, après qu'à nouveau on a discuté de la problématique des clauses orphelin, lors de notre dernier Congrès, que nous avons adopté une recommandation que nous formulons aujourd'hui au gouvernement du Québec, que vous retrouvez à la page 8 du mémoire que nous vous avons soumis.

D'abord, abolir clairement le recours aux clauses orphelin dans les prochaines négociations de conventions collectives dans le secteur public. Je pense que c'est un message qui doit être envoyé de façon non équivoque, que plus jamais le gouvernement du Québec ne fera appel à des clauses orphelin lors de négociations de conventions collectives dans le secteur public.

Deuxièmement, et j'attire votre attention sur une modification qui a émané de notre Congrès, alors que nous étions dans les dates de tombée pour la remise du mémoire, le libellé initial parlait effectivement de modifier le Code du travail afin d'empêcher que, dans le futur, lors de modifications ou du renouvellement d'une convention collective, tant dans le secteur public que privé, on ait recours à des clauses qui prévoient deux échelles salariales pour une même occupation, avec la date d'embauche comme seul critère distinctif. Le Congrès-Jeunes a préféré ratisser plus large en demandant que les lois du travail soient modifiées de telle sorte qu'on ne restreigne ni au Code ni aux normes les modifications nécessaires pour que les clauses orphelin disparaissent.

(9 h 50)

Ce qu'on considère, c'est qu'en adoptant ces deux mesures le gouvernement du Québec va lancer un message clair et prendra une fois pour toutes véritablement le parti des jeunes. Si, toutefois, le gouvernement du Québec a véritablement l'intention de prendre le parti des jeunes, d'autres mesures sont nécessaires. Vous me permettrez de les aborder brièvement. Il nous fera plaisir d'en discuter plus longuement avec vous, par la suite. Et ces recommandations, que vous retrouvez à la suite, émanent également de notre Congrès du début du mois d'août.

La première mesure est donc de prendre des dispositions qui s'imposent afin de mettre un terme à une politique qui a cours actuellement au Québec, qui consiste à faire en sorte qu'un travailleur en probation, qui n'a donc pas droit aux privilèges d'un syndiqué, soit quand même dans l'obligation de cotiser. Il paie donc, ce que l'on considère, pour des services auxquels il n'a pas droit. C'est la raison pour laquelle vous retrouvez à la page 9 une recommandation additionnelle qui recommande que le gouvernement du Québec légifère de telle sorte qu'un travailleur en probation, qui n'a donc pas droit, comme je le disais, aux privilèges reconnus à un syndiqué, ne soit pas dans l'obligation de verser une cotisation syndicale.

Finalement, une dernière mesure qui remonte, en ce qui concerne la Commission-Jeunesse, au congrès des membres du PLQ de mars 1997, est à l'effet que, dans la fonction publique québécoise, on se dote de règles modernes afin de faire en sorte qu'en cas de manque de travail on questionne la sécurité d'emploi dans la fonction publique. Le principe est à remettre en question, parce qu'on se rend compte que souvent on justifie ou on questionne les clauses orphelin en disant que, pour les jeunes, c'est quand même plus acceptable d'avoir un emploi à des conditions moindres que celles de leurs aînés plutôt que de ne pas en avoir du tout. Mais, dans ces circonstances-là, en cas de manque de travail, on considère qu'il devrait y avoir entente. On devrait en arriver à faire en sorte que les différents intervenants, que les partenaires du gouvernement du Québec comprennent le fait qu'en cas de manque de travail les garanties de sécurité d'emploi dans la fonction publique n'ont plus leur raison d'être, à l'aube de l'an 2000.

Toutes ces mesures, donc, sont proposées dans le but très clair de faire en sorte que l'impact, comme Jean-Pierre vous a dit tantôt, des clauses orphelin, qui n'est pas tout noir ou tout blanc, soit diminué, idéalement, qu'on en arrive ou qu'on parvienne à faire en sorte que les clauses orphelin disparaissent une fois pour toutes des conventions collectives, au Québec.

Les moyens à prendre pour y arriver diffèrent selon les groupes qui se prononcent sur la question. À nos yeux, un seul de ces moyens mérite pleine considération, c'est une intervention législative qui interdit toutes formes de clause orphelin. C'est la seule option qui nous est offerte, si on désire véritablement éliminer la présence de ces fameuses clauses. Tout le reste, pour nous, ne fait que masquer le problème.

Et ce qu'on constate, c'est que, depuis déjà trop longtemps, le gouvernement du Québec fuit ses responsabilités, dans ce dossier. La commission parlementaire, on l'espère, est le dernier acte d'une pièce que le gouvernement semble vouloir jouer depuis plus d'un an afin d'éviter de se prononcer sur le sujet. Ce qu'on voudrait, c'est qu'on mette fin aux doubles discours, aux virages, aux changements de position et qu'après que les jeunes ont été bernés dans bien des domaines, incluant celui de l'éducation, le gouvernement utilise les pouvoirs qui sont à sa disposition pour qu'en matière de relations de travail les règles soient claires: à travail égal salaire égal. Alors, sur ce, notre présentation prend fin, et c'est avec grand plaisir qu'on va entreprendre notre période de discussion.

Le Président (M. Beaulne): Merci de votre présentation, M. Sauvé. J'inviterais maintenant le ministre à amorcer nos échanges.

M. Rioux: Alors, MM. Sauvé et Dion, bienvenue. J'ai lu avec beaucoup d'attention votre mémoire. J'ai la chance de vivre loin, donc ça me permet des lectures plus longues. J'ai lu votre mémoire et l'ai annoté, je vous prie de me croire. Ce matin, je me proposais de vous adresser des félicitations, d'abord pour la clarté du document. Je me suis dit: Enfin, les jeunes du Parti libéral sont plus clairs que leur chef et surtout pas mal plus clairs que le député de Kamouraska-Témiscouata, qui, lui, a changé d'idée trois fois depuis le début de la commission parlementaire. Alors, je me suis dit: Tiens! voilà que les jeunes ne patinent pas, au Parti libéral, ils foncent.

Vous avez dû vivre l'enfer, M. Sauvé, parce que c'est depuis 1987 que les jeunes du Parti libéral crient au secours après leur gouvernement qui était en place. Vous l'avez fait en 1987, vous l'avez fait en 1989, je crois, et en 1990, en 1985, même, et c'est toujours demeuré lettre morte. Alors, on est très heureux de vous accueillir parce que ça vous permet de vous exprimer en commission parlementaire, ce que votre parti et votre gouvernement ne vous ont jamais permis de faire.

Je retiens trois choses de votre mémoire. Il y a beaucoup de choses intéressantes, je dois vous le dire, beaucoup de choses intéressantes. Il y a d'abord l'élément législatif, que vous affirmez avec force, sans patinage. Vous affirmez que vous voulez une législation pour que les clauses orphelin disparaissent du décor. Également, vous souhaitez voir disparaître la sécurité d'emploi. Je dois vous dire que c'est une grosse pièce du dossier des jeunes libéraux, ça, c'est intéressant, et on va en discuter ensemble. Et vous ne proposez pas une législation rétroactive, par ailleurs. Je retiens ça, parce qu'on pourrait bien discuter de bien d'autres choses.

Ce matin, ce n'est plus le Code du travail qui retient votre attention. Je ne sais pas si la nuit a été mauvaise conseillère, mais vous voyez plutôt une sorte d'intervention législative où... La loi importe peu. Vous parlez peu de la Charte. Vous avez parlé du Code dans votre mémoire. Mais, ce matin, verbalement, vous dites: Il faudrait amender les lois du travail. Là-dessus, M. Sauvé, j'aimerais que vous nous disiez laquelle et comment.

M. Sauvé (Jonathan): Ce que je vous dirais, d'entrée de jeu, par rapport à certains commentaires que vous venez de faire, c'est que vous me permettrez évidemment de faire une lecture différente de la relation que la Commission-Jeunesse entretient avec son chef et le député de Kamouraska-Témiscouata sur la question des clauses orphelin. J'ai entendu le chef du Parti libéral du Québec affirmer de façon très claire devant 1 000 jeunes qui participaient au Congrès-Jeunes 1998, au début du mois d'août dernier, que les jeunes avaient raison de demander que les clauses orphelin disparaissent. J'ai également toujours compris du message du député de Kamouraska-Témiscouata qu'il faut en arriver à faire en sorte qu'une législation adéquate, applicable fasse en sorte de faire disparaître le phénomène des clauses orphelin.

Vous dites que, depuis 1990, même avant, depuis 1987, en fait, la Commission-Jeunesse réclame une intervention gouvernementale. Je vous rappellerai que, de 1990 à 1994, le nombre de travailleurs touchés par les clauses orphelin a diminué considérablement, passant de 25 000 à tout près de 9 000. Je pense que le phénomène... Après que la Commission-Jeunesse eut sonné l'alarme et sensibilisé son gouvernement au phénomène des clauses orphelin, je pense que le travail a été fait de telle sorte qu'on puisse, à tout le moins, amoindrir les effets des clauses orphelin, qui, malheureusement, continuaient de se multiplier.

Ce que vous me demandez directement par rapport au Code du travail. Vous me permettrez, ce matin, d'envoyer comme message qu'il n'est pas de notre intention de faire en sorte de limiter l'intervention gouvernementale législative qui est souhaitée. Ce que le Congrès-Jeunes a eu comme préoccupation, en adoptant une modification au libellé initial, c'est peut-être de faire en sorte que, d'une façon ou d'une autre, dans le Code du travail ou dans la Loi sur les normes du travail ou même d'une autre façon... On a évidemment entendu la proposition d'une loi-cadre qui viendrait faire en sorte que tous les domaines où les clauses orphelin peuvent se retrouver soient visés ou soient touchés par une législation complète.

(10 heures)

Je pense que le message, ce matin, c'est d'indiquer de façon très claire que, pour la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec, il n'est pas question de limiter l'intervention gouvernementale et législative que nous souhaitons. Ce que nous voulons, c'est que, de toutes les formes possibles, on fasse en sorte que, dans tous les secteurs d'activité, les clauses orphelin soient éliminées par les moyens qui sont nécessaires.

M. Rioux: Avant de revenir au Code, je comprends bien que le message que vous envoyez ce matin, vous l'envoyez à votre chef. Parce que, lui, le 10 août dernier, il disait bien qu'une législation il n'était pas très chaud là-dessus.

M. Sauvé (Jonathan): Je suis content de vous entendre dire...

M. Rioux: Il a refusé de promettre une loi.

M. Sauvé (Jonathan): ...qu'à tout le moins on ne s'est pas limité aux titres des quotidiens. Je pense qu'il était indiqué de façon très claire, et M. Charest l'a dit lors de son discours de clôture, dans le cadre de notre Congrès-Jeunes du début du moins d'août, et il l'a répété par la suite lorsqu'il a été questionné sur le sujet: S'il est nécessaire et si on en arrive à la conclusion qu'il faut qu'on adopte une législation pour interdire la profusion des clauses orphelin, nous l'adopterons, cette législation. C'est ce que j'ai compris, c'est ce que j'ai entendu et c'est ce que j'ai lu, et, dans ce sens-là, j'étais heureux de voir que le chef du Parti libéral du Québec avait une oreille attentive aux revendications des 1 000 jeunes qui ont participé à notre congrès.

M. Rioux: J'imagine qu'il attend aussi la conclusion de la commission. Il est probablement plus sage que le député de Kamouraska-Témiscouata qui, lui, demande au ministre de s'engager formellement, tout de suite et de façon outrancière, ne respectant même pas les groupes qui vont venir se faire entendre devant nous.

Mais, M. Sauvé, revenons au Code qui a toujours été votre position traditionnelle à vous autres, les jeunes libéraux. Et je vous le dis, vous êtes le levain dans la pâte, chez les libéraux. Soyez fiers de ce que vous êtes. Alors, pourquoi ce virage maintenant, qui n'est plus le Code, qui est le Code, mais plus peut-être? Je ne sais pas. C'est parce que je comprends mal ce matin.

M. Sauvé (Jonathan): En fait, voyez cette proposition comme étant plus large qu'une simple imitation au Code du travail. Ce que l'on veut, c'est éviter que, par une maladresse malheureuse, le gouvernement du Québec limite son champ d'intervention ou limite son champ d'action et fasse abstraction de certains secteurs ou de certains domaines d'activité qui sont touchés par d'autres législations du travail. Alors, ce qu'on souhaite, c'est que l'intervention se fasse de la façon la plus large possible, que l'intervention se fasse dans le but de ne rien oublier, de ne rien laisser au hasard et de ne rien laisser de côté pour que, à partir du moment où le gouvernement du Québec aura eu le courage de faire en sorte qu'une telle législation complète ait été adoptée, le phénomène des clauses orphelin fasse partie de l'histoire du Québec, qu'on en parle au passé et qu'on en n'arrive pas à la conclusion qu'on a malheureusement oublié un secteur en étant trop limitatifs dans les interventions qu'on a choisi de faire.

M. Rioux: M. Sauvé, ce sera ma dernière question. Vous souhaitez donc une définition assez large de la clause orphelin.

M. Sauvé (Jonathan): Ce que l'on veut, vous le comprenez bien, c'est que le phénomène des clauses orphelin disparaisse, que plus une convention collective au Québec ne contienne une telle clause discriminatoire. Et ce qu'on veut – et on souhaiterait bien que le ministre du Travail prenne l'engagement ferme de dire qu'il prendra le parti des jeunes et que son gouvernement prendra le parti des jeunes – on voudrait bien que cette initiative-là soit enfin reprise et qu'on fasse en sorte de se retrouver avec une situation où, pour les jeunes, il n'y aura pas deux poids, deux mesures au Québec.

M. Rioux: Très bien. Merci. Je vais laisser la parole à un de mes collègues, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Oui, merci, M. le ministre. Alors, je donne maintenant la parole au député de Groulx en vous rappelant, M. le député, que vous avez sept minutes.

M. Kieffer: Alors, j'aurais deux questions à vous poser. La première, j'aimerais que vous me fassiez une évaluation de toute la période qui a couru entre les premiers balbutiements de la Commission-Jeunesse, alors qu'en 1985 vous commenciez à parler des clauses orphelin, qu'en 1987 c'était beaucoup plus clair, et ainsi de suite. Le Parti libéral, votre parti a été au pouvoir de 1985 à 1994, neuf ans. Il y a eu des fluctuations, vous l'avez indiqué tantôt. Il y a eu des cycles qu'on peut expliquer, d'ailleurs, par les cycles économiques. Il y en a plusieurs qui ont tenté de trouver ce type d'explication là, entre autres les organisations patronales. Vous avez demandé à de multiples reprises au gouvernement du Parti libéral d'intervenir par voie législative pour éliminer. Il a dû y avoir des problèmes, là. Moi, j'aimerais avoir votre opinion sur l'incapacité – non pas un jugement – votre opinion sur l'incapacité du gouvernement libéral de l'époque. Ça peut nous éclairer, nous autres, parce qu'on a à faire face au même type de situation. Qu'est-ce qui a fait qu'on n'a pas pu légiférer pendant neuf ans pour éliminer les clauses orphelin? Et je pense que ce n'est pas une question de quantité, ce n'est pas parce qu'il y en a eu 9 000 à un moment donné, 17 000 à un autre moment donné. On sait qu'à certains moments donnés il va y en avoir plus, on sait qu'à d'autres moments il va y en avoir moins, hein, dépendant de la croissance économique, etc. Ça a été quoi, le bogue qui a rendu impossible de légiférer?

M. Sauvé (Jonathan): Je vous répondrais que rien n'a rendu impossible à une législation... je vous répondrais tout simplement que, dans les neuf ans où le Parti libéral du Québec a formé le gouvernement, il n'a jamais permis que dans le domaine municipal, qu'à l'endroit des jeunes enseignants ou qu'à l'endroit des jeunes médecins, il soit permis, presque encouragé d'avoir recours à des clauses orphelin pour discriminer les jeunes. C'est une attitude que n'a jamais eue un gouvernement du Parti libéral du Québec. Le phénomène, conséquemment, a diminué pendant une bonne partie, à tout le moins, du deuxième mandat du Parti libéral du Québec. Et je calcule que, si on en est aujourd'hui à discuter de ce phénomène-là ici, dans le salon rouge de l'Assemblée nationale, c'est que, pendant la dernière année, tant dans le domaine municipal que dans le domaine des jeunes enseignants et que dans le domaine des jeunes médecins, il y a eu prolifération de clauses orphelin, que le gouvernement ne s'est surtout pas chargé d'interdire ou à tout le moins de diminuer. Je pense qu'on vit aujourd'hui l'explosion d'un phénomène qui a eu une prolifération malheureuse dans les dernières années, ce qui explique qu'on en soit aujourd'hui à discuter de ça en commission parlementaire.

M. Kieffer: Oui, mais ce que vous me dites, O.K.?, c'est qu'il y a eu croissance des clauses orphelin, puis là vous revenez encore plus fort, sauf qu'au niveau des causes fondamentales, au niveau de la problématique même des clauses orphelin, elle existait tant et aussi bien à l'époque du gouvernement libéral, qui a été là neuf ans, qu'elle existe maintenant. Alors, vous me dites: On n'a pas ouvert la porte. Ce n'est pas la question que je vous pose. Je ne veux pas savoir si vous avez ouvert la porte. Je veux savoir pourquoi vous n'avez pas légiféré. Ça a été quoi, le problème qui a été rencontré durant les neuf années où le Parti libéral a été au pouvoir, où il aurait pu légiférer?

M. Sauvé (Jonathan): Je vous répondrai la même chose que je vous ai dit il y a quelques secondes, parce que, de 1990 à 1994, le nombre de travailleurs touchés est passé de 25 000 à environ 9 000, alors que, depuis la dernière année, ce qu'on se rend compte, c'est que, dans le domaine municipal, au niveau des jeunes enseignants puis au niveau des jeunes médecins notamment, il y a de plus en plus de gens qui sont touchés par le phénomène des clauses orphelin et qu'on se rend compte aujourd'hui qu'à l'évidence, si le gouvernement ne légifère pas pour interdire la prolifération de clauses orphelin, ce n'est, à ce qu'on constate, pas le gouvernement du Québec qui va faire en sorte de décourager que des clauses de ce genre là soient introduites dans des conventions collectives.

M. Kieffer: Deuxième question. Il y a plusieurs groupes, la plupart des groupes, pas tous – il y en a qui nous ont demandé d'ailleurs et qui nous ont informés de leur difficulté à définir c'est quoi, une clause orphelin, parce que ça ratisse large, hein, vous l'avez dit vous-même – mais plusieurs groupes nous ont proposé différentes définitions de la clause orphelin. Moi, si je vous disais, par exemple, qu'une clause orphelin, ça permet à la génération en place, celle qui a les acquis, celle qui a les privilèges, celle qui a la sécurité d'emploi, l'ancienneté, etc., de transférer à la génération montante les coûts de ces acquis en sachant très bien que la génération montante aura à payer le coût de ces acquis-là. Moi, je persiste à croire que le phénomène des clauses orphelin – et vous l'avez souligné, vous aussi – est un épiphénomène d'un problème beaucoup plus fondamental, beaucoup plus large. O.K.? Puis vous mentionnez certains aspects de ce phénomène-là.

(10 h 10)

Comment se fait-il que vous n'avez pas poursuivi de vos assiduités, lors de vos congrès, votre gouvernement, alors qu'il me semble qu'un des facteurs les plus importants du fossé qui existe entre les générations a été, entre autres, toute la série de déficits annuels qui ont été accumulés durant les 30 dernières années – et je vous l'accorde, le gouvernement du Parti québécois a été aussi preneur dans cette réalité-là... Sauf que ce qu'on a réalisé ces dernières années, c'est qu'effectivement la plupart des gouvernements avaient vu le problème, avaient vu la problématique et ont tenté de la solutionner en réduisant à zéro, ce que notre gouvernement tente de faire et qu'il va réussir à faire. Encore une fois, le gouvernement du Parti libéral a été au pouvoir pendant neuf ans, et la dernière année qu'il a été au pouvoir, c'était 6 000 000 000 $ ou tout près de 6 000 000 000 $, le déficit. Si, ça, ça ne grève pas fondamentalement la génération montante, j'ai de sérieux problèmes. Si, ça, ce n'est pas une clause orphelin vis-à-vis la génération montante, j'ai de très sérieux problèmes. Parce que, si on n'avait pas eu ces déficits-là, il y aurait probablement beaucoup moins de gens qui auraient été tentés d'avoir recours aux clauses orphelin. J'aimerais avoir votre commentaire là-dessus.

Le Président (M. Beaulne): M. Sauvé, très brièvement, parce que le temps du côté ministériel est épuisé.

M. Dion (Jean-Pierre): Vous me permettrez, M. le député, de dire simplement que, pour les déficits, on n'est pas ici pour faire le procès de quiconque. Tous les gouvernements au Québec depuis 30 ans peuvent sûrement plaider la culpabilité à ce niveau-là. La Commission-Jeunesse a toujours dit ses opinions au sein du parti, que ce soit sur les clauses orphelin, sur les états financiers du gouvernement. Il y a un constat qui est à peu près partout au Canada comme quoi la génération montante, il faut qu'elle assume beaucoup de choses. Je pourrais juste vous dire que, nous, ce n'est pas notre but, de faire un débat politique ici. On veut rester sur les clauses orphelin. On pense que c'est un débat qui est très important. La Régie des rentes est un cas qu'on peut palper. Le Parti québécois a augmenté, il a fait part de son intention d'augmenter les cotisations à 10 %, les faisant passer progressivement de quelque 3 % à 10 %, et c'est nous qui allons assumer un fonds de pension que les gens ne sont pas capables de se payer.

Je vous dirais que c'est un problème beaucoup plus large. Les clauses orphelin, ça touche le travail des individus, quelque chose qui est très personnel, et que, quotidiennement, on touche. Et c'est une problématique particulière à nous. Si on voulait faire un débat sur toute l'équité intergénérationnelle, on en aurait peut-être pour quelques semaines, car il y a plusieurs dossiers gouvernementaux à ce niveau-là qui restent à être touchés. Mais je pense que ce n'est pas les gouvernements qui sont à blâmer, moi. Je pense que c'est peut-être toute la collectivité qui a élu ces personnes-là, qui a pris des décisions. Puis, nous, à partir de ce stade-là, il faut accepter ce fait-là, et on l'accepte souvent. Sauf que je pense que, si on veut faire ce débat-là, ce n'est peut-être pas la place.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Dion. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata et porte-parole de l'opposition, vous avez maintenant la parole.

M. Béchard: Merci beaucoup, M. le Président. M. Sauvé, M. Dion, merci de votre présentation, je dirais, calme et réfléchie sur le phénomène des clauses orphelin. Vous me permettrez, avant de commencer, de ramener un petit peu, d'allumer certaines lumières du ministre qui semblent avoir été fermées de nouveau, en fin de semaine, sur le phénomène des clauses orphelin. Ça me fait drôle d'entendre quelqu'un venir parler de position pas claire, et tout ça, alors que, moi, tout ce que j'ai vu dans les journaux vendredi, c'était effectivement que, de la part de notre chef, s'il fallait une législation, elle serait votée. Mais ça, de toute façon, vous allez en entendre encore des belles, là. Je suis certain que le député indépendant de Rivière-du-Loup, sans aucune gêne, reviendra là-dessus pendant plusieurs minutes, effectivement, et je n'hésiterai pas à me servir du règlement et de l'article 212 pour les propos mal compris. Et d'ailleurs, si on peut en être là, je n'utiliserai pas les qualificatifs que certains ont pris pour qualifier sa proposition, justement dans le même journal, samedi, et sur le pourquoi ils le faisaient.

Mais, pour revenir au ministre du Travail, je pense que, depuis le début de cette commission parlementaire, il y a une chose qui se dégage. C'est que le phénomène des clauses orphelin est un phénomène très inquiétant et beaucoup plus large. Et je vous dirais qu'à chaque présentation on en découvre de plus en plus. On a commencé en pensant que c'était juste le Code du travail. C'était simpliste, mais c'était un point de départ. Après ça, on est allé dans les normes du travail où, là aussi, il y a peut-être des aménagements à faire. On a découvert qu'au niveau de l'éducation, dans le secteur public, il y a des choses. Dans le secteur municipal, on en a entendu. On a entendu aussi les agents de la paix. Donc, il y a énormément de secteurs qui sont concernés. Et je vous dirais que le fait d'en venir à proposer, je dirais, une solution plus globale que seulement de s'arrêter à quels moyens législatifs, ça aura pour effet, je pense, très rapidement, si le gouvernement est d'accord, de contrer ce phénomène-là. Mais pas juste de dire, de façon grossière: C'est fini, on se fout des conséquences. Mais plutôt de dire: Oui, c'est fini, et voici les moyens de s'en sortir. Je pense que c'est vers ça qu'on évolue.

Et je vous dirais que ce débat-là a lieu ici et, peut-être pour en apprendre une au ministre, effectivement, ce débat-là a lieu aussi dans notre parti. M. Sauvé peut en parler, ça fait plusieurs semaines qu'on échange là-dessus, et la situation fait en sorte que l'on se demande le moyen législatif le plus efficace. Pour moi, il semble se dégager que ce sera une loi plus englobante. Et je vous dirais que les commentaires de notre chef, en fin de semaine, là-dessus font en sorte qu'il va dans le même sens que vous. Il n'y a pas de contradiction là-dessus. Je pense qu'il faut élever notre degré de rigueur au-delà d'un titre. Il faut lire un petit peu.

Vous savez, depuis le début, il y a une chose qui est clairement ressortie, puis vous l'avez soulevée: finalement, le phénomène des clauses orphelin qu'on retrouve aujourd'hui, la raison pour laquelle on est ici aujourd'hui, c'est d'abord et avant tout le dépôt d'une loi par le gouvernement, à l'Assemblée nationale, qui a fait en sorte que le phénomène est devenu une pratique courante: une pratique courante au niveau des affaires municipales, entre autres, avec le projet de loi du bon ami des jeunes, le père des clauses orphelin, M. Trudel. J'aimerais savoir de votre part – vous faites des tournées un peu partout au Québec, vous en avez fait une cet été: Les jeunes dans les municipalités, comment vous trouvez ça, la situation qui est amenée? Quel a été, selon vous, le signal que le gouvernement a envoyé aux municipalités le jour où il a déposé une loi et que, dans cette loi-là, il disait aux municipalités: Voici la façon de faire des économies sur le dos des jeunes? Ça me fait rire quand j'entends le ministre parler d'une définition d'une clause orphelin. J'ai toujours envie de lui lire les deux paragraphes de la loi des Affaires municipales, c'est ça. Ça ne peut pas être plus clair que ça. Mais, dans vos tournées, cet été, quand vous avez fait les consultations pour le congrès jeunes, au niveau municipal, qu'est-ce que les gens vous ont rapporté là-dessus? Qu'est-ce que les gens ont dit?

M. Sauvé (Jonathan): Je pense que c'est un bien mauvais signal à envoyer aux jeunes que de constater que le gouvernement offre la possibilité, sans l'encourager mais presque, de procéder à des économies sur le dos des plus jeunes. Ça met en lumière un problème de société beaucoup plus large. Ce qu'on constate, c'est que les jeunes sont souvent des victimes faciles. Le poids démographique des jeunes est sans cesse décroissant et on se retrouve avec une réalité très malheureuse, que souvent, quand on essaie d'identifier les premières victimes de coupures ou de diminutions, on identifie très souvent les jeunes comme étant les premières personnes concernées. C'est malheureux et c'est surtout à déplorer que le gouvernement, vers qui les jeunes se tournent et de qui on souhaite une action qui va favoriser l'équité et qui va favoriser l'insertion des jeunes sur le marché du travail... c'est décourageant pour les jeunes de voir que, parce que leur poids diminue, parce que leur nombre est décroissant, on les identifie souvent comme les premières victimes faciles de compressions budgétaires qu'on réalise sur leur dos. C'est inquiétant. Et je vous dirais que, plus particulièrement dans le domaine municipal, c'est tout sauf motivant, de savoir que, sur la simple base de notre date d'embauche, on n'est pas considérés sur le même pied d'égalité que les travailleurs qui ont été engagés et qui, eux, les chanceux, ont pu bénéficier de protection qui leur est acquise et que l'on perpétue par le phénomène des clauses orphelin. Pour l'entrée de nouveaux travailleurs sur le marché du travail qui, il faut le rappeler, sont souvent des jeunes, c'est un bien mauvais signal à envoyer, c'est un bien mauvais départ, et c'est malheureux que le gouvernement du Québec n'ait encore rien fait pour faire en sorte de stopper ce phénomène-là et, encore pire, que, dans l'adoption d'une législation dans le domaine municipal, il ait permis qu'on ait recours à des clauses comme celle-là pour faire en sorte que les jeunes soient encore les premières victimes faciles de compressions budgétaires.

(10 h 20)

M. Béchard: Est-ce que vous pensez qu'on peut avoir confiance en un ministre pour déposer une législation pour contrer les clauses orphelin alors que, depuis le début de cette consultation-là, il refuse systématiquement de s'engager, d'envoyer un signal clair à la fonction publique, un signal clair au niveau des affaires municipales? On a découvert que finalement, juste en changeant quelques articles dans le projet de loi n° 414, on pourrait faire en sorte que les arbitres présentement pourraient refuser de signer ou de faire adopter des conventions collectives dans lesquelles il y a des clauses orphelin. D'abord et avant tout, avant de parler des grandes modifications législatives, est-ce que vous ne trouvez pas que, d'abord et avant tout, la première chose que le ministre devrait faire, c'est de faire le ménage dans sa cour et de s'engager, comme vous l'avez mentionné dans votre mémoire, pour les prochaines conventions collectives? Comment peut-on être crédible pour toucher le secteur privé puis toucher d'autres secteurs alors que, chez lui, il n'est pas capable de faire le ménage et de se tenir debout? Comment vous trouvez ça, cette attitude-là?

M. Sauvé (Jonathan): Pour un gouvernement qui s'est longtemps prétendu être le gouvernement des jeunes, mais qui n'a rien fait, en fait, pour soutenir son affirmation, ce n'est pas un très bon signal à envoyer. Je l'ai dit tantôt, les jeunes attendent du ministre du Travail qu'il se fasse leur défenseur plutôt qu'un appui tiède à leurs revendications. Je pense qu'il faudrait dès maintenant qu'on indique de façon très claire qu'au gouvernement du Québec il y a une priorité, qu'on a l'intention de faire en sorte que les jeunes soient considérés sur le même pied d'égalité que tous les autres citoyens qui sont sur le marché du travail. On attend, on est en reste, encore une fois, d'une indication claire, d'une volonté ferme de faire en sorte que le phénomène des clauses orphelin disparaisse. Je pense qu'on l'a identifié de façon très claire, et je suis content que ça fasse partie de ce qu'on retient du message de la Commission-Jeunesse ce matin, c'est que, pour nous, il n'y a pas d'équivoque: ca prend une législation qui est la plus large possible pour faire en sorte que le phénomène des clauses orphelin disparaisse. Et on est encore en attente d'un engagement ferme d'un gouvernement qui s'est longtemps prétendu, comme je disais tantôt, être celui des jeunes, mais qui, jusqu'à maintenant, n'a à son registre qu'une action dans le domaine municipal dont on se rappellera longtemps, parce qu'il aura permis l'introduction de clauses orphelin, on aura permis de faire en sorte de faire renaître ce phénomène-là qui était en régression, puis je pense que ce sera malheureusement une partie sombre de ce qu'on retiendra du bilan peu reluisant du gouvernement en cette matière.

M. Dion (Jean-Pierre): Puis rapidement, peut-être. C'est juste qu'on ne sait pas où on s'en va. On parle avec des gens, soit les organismes-jeunesse, qui se sont concertés beaucoup dans ce dossier-là, et puis on ne sait pas où on s'en va, il n'y a pas de direction claire. Et, pour la première fois, lorsque les lois sur les réductions de coûts de main-d'oeuvre dans le secteur municipal ont été passées, à ma connaissance, le député de Rivière-du-Loup et le député de Kamouraska-Témiscouata ont dit, ont vu, ont proposé des amendements, ont dit: Changez ça, changez ça! et il y a eu un refus. Donc, là, il y a eu une occasion unique, devant l'Assemblée nationale, et il y a eu refus. Mais le ministre a la chance de corriger la situation, et on espère qu'à la suite du consensus qui semble se dégager quelque peu il y aura intervention législative dès la prochaine session.

M. Béchard: Vous savez, il y a un point sur lequel je vais aller parce que, pour moi, il me tient à coeur. Mais je trouve toujours ça drôle, parce que, la première journée de commission, le ministre m'accusait d'être juste ici, de n'avoir aucune proposition, d'être juste là pour chialer ou quoi que ce soit. La deuxième journée d'auditions, lui, il s'est complètement dissocié du document de travail de son ministère, renié le document de travail de son ministère. Et, moi, j'ai commencé à parler de projet d'une loi-cadre pour englober tout le phénomène. Et là, ce matin, il dit que j'ai changé d'idée trois ou quatre fois alors que l'évolution est là. Il m'a même accusé d'avoir une proposition ce matin, d'amener quelque chose sur la table, de dire: Est-ce qu'on pourrait en parler avant la fin des conclusions? Moi, je dis: C'est quand les groupes sont là qu'il faut le tester et non pas après, pour voir la meilleure solution entre quatre murs.

Le phénomène des clauses orphelin est un phénomène qui touche beaucoup de personnes, beaucoup de secteurs. Vous avez eu, à votre congrès jeunes, une modification à votre proposition qui faisait passer non pas seulement du Code du travail, qui fait qu'on oublie beaucoup de personnes dont, souvent, les plus démunies de notre société, mais plutôt l'ensemble des lois du travail. Qu'est-ce que vous pensez d'une loi-cadre sur le phénomène, une loi distincte sur le phénomène des clauses orphelin, qui se situe au-delà du Code du travail, mais qui le touche, au-delà des normes et qui touche les normes aussi, qui s'applique un peu partout? Qu'est-ce que vous pensez de cette idée-là et qui ferait en sorte qu'en bout de ligne on n'oublierait pas de gens, on n'oublierait pas les jeunes enseignants, on n'oublierait pas les jeunes médecins, mais qu'on couvrirait l'ensemble des jeunes qui peuvent être touchés par des clauses orphelin, avec des moyens précis, une définition précise, des moyens précis, les lois que ça touche, les articles que ça touche? Et aussi, c'est quoi, les moyens de transition? Parce qu'on a entendu parler des entreprises qui nous ont dit: Ça peut avoir des coûts, ça peut avoir ci, ça peut avoir ça. Alors, là, est-ce qu'une loi-cadre comme ça, avec un processus de transition qui permettrait de se donner une limite quelque part, de dire: Bien, à partir de cette date-là, c'est fini; on se donne un an ou deux pour régler le problème, mais on adopte la loi tout de suite, on le fait dès l'automne, s'il y a une volonté puis si le ministre est capable... Ça, c'est une autre chose, voir le poids relatif du ministre dans le Conseil des ministres là-dessus. Qu'est-ce que vous penseriez de cette idée globale là?

M. Sauvé (Jonathan): Je pense que ça rejoint le message qui a été lancé lors du congrès quand l'amendement a été déposé à l'effet qu'il faut s'abstenir d'être trop restrictifs, il faut s'abstenir de trop cibler au risque de manquer la cible. Je pense qu'il faut s'assurer de voir cette problématique-là de façon la plus large possible. Dans cette perspective-là, l'idée d'une loi-cadre est fort intéressante dans la mesure où, justement, on pourrait s'organiser. On pourrait faire en sorte que non seulement le Code du travail, non seulement la Loi sur les normes du travail, mais s'il y a d'autres formes de clauses orphelin, d'autres formes de législations ou de pratiques qui méritent d'être encadrées, si on le fait par le biais d'une loi-cadre où on s'organise, où on fait en sorte que rien n'est oublié... Comme je le disais tantôt, l'objectif est de faire en sorte qu'on parle au passé des clauses orphelin, que ça fasse partie de l'histoire plutôt que de la triste réalité. Dans cette optique-là, je pense que la perspective d'une loi-cadre mérite d'être étudiée à fond parce que je pense qu'il y a là l'amorce d'une solution globale au problème pour éviter, comme je le disais tantôt, une fois le travail terminé, qu'on en arrive à la conclusion malheureuse que notre intervention a été trop restrictive et qu'on a oublié des grands pans des domaines, des différents secteurs d'activité québécois, où il y aurait eu lieu de considérer que le phénomène méritait aussi d'être encadré.

M. Béchard: Ça va. Je vais passer la parole à ma collègue de La Pinière.

Le Président (M. Beaulne): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Il vous reste trois minutes, Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: Trois minutes. Bon. M. le Président, très vite, parce que trois minutes, ce n'est pas long. D'abord, je voudrais vous remercier, M. Sauvé et M. Dion, pour la clarté de l'exposé. Je pense que, là-dessus, je rejoins le ministre, c'est rare, mais les félicitations qu'il vous a faites sont bien méritées parce que vous avez procédé de façon très systématique, vous avez pris le document du ministère puis vous l'avez analysé et aussi documenté chacune des pistes qui sont proposées.

Là où je ne suis pas d'accord avec lui, parce qu'il est complètement dans l'erreur, c'est quand il cherche à voir dans vos propos et dans votre mémoire une contradiction avec la position du chef du Parti libéral du Québec. Au contraire, ce qui a frappé tous les observateurs dans ce dossier-là, c'est plutôt le patinage du ministre lui-même. Et sans aller très loin, juste pour lui rafraîchir la mémoire, je cite ici un article qui est paru dans Le Soleil du 19 août, où on peut lire ceci: «Le député-ministre de Matane avait exprimé de sérieuses réserves sur la pertinence de modifier la loi pour rendre illégale l'adoption des clauses qui donnent des conditions de travail inférieures aux nouveaux employés.» Ça, c'était le 19 août. Le 24 août, dans un autre article du Soleil , et je cite ceci: «Le député-ministre de Matane a fait valoir que la solution n'est cependant pas aussi évidente qu'il n'y paraît.» Alors, quand on regarde à une semaine près ce que le ministre dit, qui est porteur du dossier, c'est clair que le ministre lui-même ne sait pas où il s'en va.

Par contre, lorsque le chef du Parti libéral du Québec a fait sa déclaration lors du congrès des jeunes à Sherbrooke, en date du 10 août, qu'est-ce qu'on peut lire? Une citation qui est attribuée à M. Charest: «Un gouvernement du Parti libéral refusera de sanctionner les clauses dites orphelin qui se font sur le dos de la génération montante, a déclaré M. Charest.» Et je pense qu'il est conséquent avec cette déclaration-là, puisque, dans Le Soleil , tout récemment, du 28 août, on peut lire: «Nous ferons une recommandation. Nous prendrons le moyen le plus efficace. Si ça exige une législation, elle sera votée.» Donc, M. le Président, il n'y a pas lieu de voir des contradictions là où il n'y en a pas. La position du Parti libéral du Québec, qu'elle soit portée par le chef, par le porte-parole ou par l'aile jeunesse, elle concourt dans la même direction. Et je pense que nous sommes en commission pour entendre les groupes, pour voir aussi les consensus là où ils sont, et nous travaillons pour, en fait, voir à ce que ces clauses orphelin ne pénalisent pas la jeunesse québécoise.

(10 h 30)

Si vous permettez une courte question, M. le Président. À la page 8 de votre mémoire, vous demandez l'abolition du recours aux clauses orphelin dans les prochaines négociations. Donc, vous n'êtes pas favorables à la rétroactivité. Est-ce que vous pourriez élaborer sur pourquoi vous mettez l'emphase davantage sur les prochaines négociations?

M. Sauvé (Jonathan): Rapidement...

Le Président (M. Beaulne): Je vous demanderais d'élaborer rapidement parce qu'on veut également donner la parole au député de Rivière-du-Loup.

M. Sauvé (Jonathan): En 30 secondes, je veux juste mettre l'emphase, effectivement, qu'au premier alinéa on parle des prochaines négociations de conventions collectives et, au second, on parle «afin d'empêcher dans le futur». Ma réponse sera très simple: il se dégage un consensus de plus en plus large que parler de rétroactivité, c'est inapplicable, c'est irréaliste et c'est impossible.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. D'abord, je vous souhaite la bienvenue à notre commission. On ne parlera pas longtemps de votre chef, mais il disait: «La commission d'étude qui examine la question cette semaine à la demande du gouvernement nous fera une recommandation. Nous prendrons le moyen le plus efficace. Si ça exige une législation, elle sera votée.» Position dont se satisfont les députés du Parti libéral. Si la commission recommandait de ne pas légiférer, quelle serait la position de votre chef?

M. Dion (Jean-Pierre): Vous le lui demanderez. Nous, vous avez notre position et elle sera toujours exprimée telle quelle. Et on a confiance – on a un chef jeune, qui est à l'écoute des jeunes – que nous, ce sera notre position du parti, et ça sera la position de notre chef, j'en suis convaincu. Et d'ailleurs, moi, je suis convaincu que cette commission-là est à l'écoute. Écoutez, moi, je suis les travaux de la commission depuis une semaine. J'ai entendu des gens et des cas comme l'ADJEQ, entre autres, qui étaient conférenciers à notre congrès également. Il y a des cas – les agents des services correctionnels, je crois – c'est des cas pathétiques. Donc, je pense qu'il y a des cas...

M. Dumont: Mais comment on peut ne pas avoir de position en voyant des cas aussi pathétiques et mettre un «si» au début de la phrase? C'est ça que je ne comprends pas.

M. Sauvé (Jonathan): Je pense que ce qu'il faut indiquer de façon très claire – et, pour le bénéfice du député de Rivière-du-Loup, ça fera appel à un passé pas si lointain – c'est que la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec bénéficie du tiers du pouvoir décisionnel à l'intérieur de son parti. Je pense que la Commission-Jeunesse, par le passé, a démontré qu'elle était en mesure de faire en sorte d'influencer grandement les positions du Parti libéral du Québec sur bien des dossiers – encore là, le député de Rivière-du-Loup pourra s'en rappeler – et ce n'est pas nécessairement quand on plante le clou la première fois qu'on réussit à l'enfoncer complètement.

Ma position à cet effet-là, c'est de continuer: une fois que les jeunes se sont exprimés, qu'ils ont pris leur position, c'est de continuer à faire en sorte de travailler dans le sens des revendications des jeunes à l'intérieur du parti; ce n'est pas de claquer la porte ou de s'en aller parce qu'on n'est pas d'accord avec ce que l'ensemble des militants ont décidé. C'est de surtout pas abandonner, de ne pas lancer la serviette, de ne pas se décourager et de continuer à faire en sorte de travailler dans le sens des revendications que les jeunes ont adoptées à l'intérieur du parti pour faire en sorte qu'éventuellement, parfois au prix de plusieurs batailles dont on n'est pas toujours sortis vainqueurs, mais qu'on réussisse à faire en sorte de travailler dans le sens des aspirations des jeunes pour parvenir à nos fins en ayant fait preuve d'une attitude constructive.

M. Dumont: Oui. J'accepte cette réponse, qui me paraît sincère, parce que c'est ce que je disais, moi aussi, quand j'avais garroché le journal au bout de mes bras la veille. J'avais le même genre de réponse. Ça m'est arrivé de pitcher un Soleil ou une Presse au bout de mes bras. Je comprends, par votre réponse, que c'est ce que vous avez fait vendredi matin.

M. Sauvé (Jonathan): On peut avoir des attitudes différentes.

M. Dumont: Et je comprends votre situation là-dessus. D'ailleurs, je veux revenir, moi aussi, à la page 8. Le ministre vous a longuement questionnés à savoir: Pourquoi votre position a changé? Parce que votre mémoire a été déposé plusieurs jours, quand même, après la fin de votre congrès Jeunes. Je m'excuse si je vous ai forcés par mon projet de loi à modifier... Je comprends que vous n'êtes pas dans un parti où on peut venir en commission et donner trop raison au député de Rivière-du-Loup. Donc, je comprends que vous n'aviez pas bien le choix, vous avez dû subir un certain nombre de pressions, entre autres du député de Kamouraska-Témiscouata, pour modifier l'article b de votre recommandation.

Mais ce que je veux surtout poser comme question sur votre recommandation, c'est la question de la rétroactivité. Parce que vous nous avez dit quelque chose, tout à l'heure, de renversant, vous avez dit: Il y a un consensus qui se dégage à l'effet que ce n'est pas applicable. Il me paraît qu'il y a un consensus absolument inverse. Vous êtes le premier, de tous les groupes de jeunes, vous êtes les premiers qui nous dites: On va sacrifier tous les jeunes qui ont été touchés jusqu'à maintenant. Tout le monde dit: Il faut être réaliste, il faut avoir une mesure de transition, on ne peut pas faire ça dans l'espace d'une nuit mais vous êtes les premiers qui disent: Les jeunes qui, aujourd'hui – exemple, dans le cas des municipalités – ont été sacrifiés, on va les laisser sécher sur la paille, on ne s'en occupe plus. Tant pis pour ceux à qui c'est arrivé! On va s'en occuper pour l'avenir, mais ceux à qui c'est arrivé, on les relègue aux oubliettes. Il n'y a pas un autre groupe de jeunes – j'en ai questionné plusieurs là-dessus – qui est venu nous dire la même chose.

Vous pouvez nous dire: Nous autres, c'est notre position, on pense que c'est plus simple comme ça, mais c'est sûr qu'il n'y a pas de consensus là-dessus. En tout cas, évidemment, il y a un consensus entre le Conseil du patronat puis l'Alliance des manufacturiers jusqu'à maintenant, probablement l'UMQ tantôt. Surtout renforcé par l'opinion de la rencontre avec votre chef, l'UMQ va être confortable dans sa position, mais il n'y a pas de groupes de jeunes qui sont venus nous dire qu'ils voulaient maintenir sur la paille les jeunes qui ont été victimes jusqu'à aujourd'hui.

M. Sauvé (Jonathan): Je pense qu'il va, de toute évidence, falloir travailler de sorte que, dans les prochaines négociations de conventions collectives, on puisse empêcher, dans le futur, l'introduction de clauses orphelin lors d'une modification, du renouvellement d'une convention collective, faire en sorte que les clauses orphelin diminuent. J'inviterais le député de Rivière-du-Loup à prendre connaissance de l'opinion de certains éditorialistes, dans un passé très récent, qui ont utilisé les mots, je crois, «irréaliste, inapplicable et presque impossible», quant à l'effet rétroactif d'une législation.

Je pense que le but très clair, c'est de faire en sorte qu'on fasse appel à la bonne foi de tous les intervenants. Si on encadre, par le biais d'une législation, l'âge, le fait que les clauses orphelin sont interdites, on établit de nouvelles règles du jeu pour l'avenir. Dans le futur, on s'assure que l'ordre établi fera en sorte que les jeunes ne puissent pas être discriminés et qu'on ne puisse pas faire en sorte de leur demander, à travail égal, de travailler pour des conditions différentes.

Mon objectif aujourd'hui, c'est de faire abstraction le plus possible de la partisanerie qui, parfois, est néfaste dans les débats qui se déroulent à toutes les instances ou à tous les niveaux de nos institutions démocratiques. Je pense que la discussion qu'on a eue aujourd'hui, que ce soit avec le ministre, avec le député de Groulx, avec les représentants de l'opposition officielle, nous ont permis d'en arriver à la conclusion que le phénomène des clauses orphelin en est un de société auquel il faut s'attaquer ensemble.

Je pense qu'il faut prendre le parti des jeunes, non pas prendre le parti de la partisanerie. Il faut s'organiser pour faire en sorte qu'au lieu de s'attaquer les uns les autres on essaie de travailler en collaboration ou en coopération pour en arriver à une solution que tout le monde va défendre. Les jeunes l'ont compris depuis longtemps. Parfois, leurs alter ego dans les partis politiques semblent l'oublier, mais les jeunes l'ont compris depuis longtemps – quand ils se sont ligués, à différentes occasions, que ce soit pour la survie du Conseil permanent de la jeunesse – que la partisanerie n'est pas la meilleure des attitudes à adopter et qu'il faut comprendre, comme je le disais tantôt, que notre poids démographique est en décroissance, que notre nombre étant en constante diminution, on doit s'assurer de travailler ensemble et qu'on sera les seuls responsables de notre malheur si on se pile sur la tête les uns les autres, qu'on s'accuse et qu'on se pointe du doigt pour des considérations qui ne sont pas du tout de nature à générer les louanges de qui que ce soit.

M. Dumont: Et c'est pour ça que le double discours est intolérable en cette matière-là, M. Sauvé. Je vous fais confiance pour le rappeler à votre chef.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Rivière-du-Loup, malheureusement, c'est tout le temps que la commission a à vous consacrer.

M. Sauvé, M. Dion, nous vous remercions de votre contribution à nos réflexions.

(10 h 40)

M. Sauvé (Jonathan): Merci beaucoup.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaulne): J'inviterais maintenant les représentants du Bloc québécois à prendre place à la table de la commission. Messieurs, la commission vous souhaite la bienvenue. Vous connaissez nos procédures: 20 minutes de présentation et par la suite les groupes ministériel, de l'opposition et indépendant pourront vous interroger. Je vous demanderais de vous identifier pour les fins de la transcription des débats à mesure que vous prenez la parole. Alors, vous avez le plancher.


Bloc québécois (BQ)

M. Bigras (Bernard): Merci, M. le Président. Mon nom est Bernard Bigras, député du Bloc québécois, député de Rosemont, président du caucus national du Bloc québécois, mais je dois dire qu'aujourd'hui je suis ici à titre de député fédéral de moins de 30 ans. Je suis accompagné de mon collègue de Charlesbourg, M. Richard Marceau, collègue de la Chambre des communes, ainsi que de Mathieu Alarie, président du Forum jeunesse du Bloc québécois, et de Pascal Grimard, qui est à l'exécutif du Forum jeunesse.

Dans un premier temps, j'aimerais remercier l'ensemble des membres de cette commission de bien vouloir nous entendre sur cette question de la plus haute importance pour nous. Je dois souligner, et vous l'avez sûrement remarqué, que c'est plutôt exceptionnel, une intervention du Bloc québécois et de députés fédéraux à Ottawa, qui oeuvrent sur la scène fédérale. Notre présence ici, aujourd'hui, fait foi de l'importance que nous accordons à la question et de cette importante question de la solidarité entre les générations. D'ailleurs, je dois le préciser, au Bloc québécois, à Ottawa, nous sommes cinq jeunes de moins de 30 ans. Donc, nous constituons une masse critique relativement importante.

Je dois dire que notre intervention survient aussi à la suite d'un appui public que nous avons donné, en juillet dernier, au député de Rivière-du-Loup, M. Mario Dumont. Nous lui avons manifesté un appui sans réserve de la part des cinq jeunes députés de moins de 30 ans. Je tiens à souligner aussi la sensibilité du Bloc envers la jeunesse québécoise, d'ailleurs, et du Forum jeunesse aussi.

Je tiens à le mentionner puisque, au printemps dernier, nous avons entrepris une tournée d'une dizaine de régions au Québec, d'une vingtaine de villes, qui nous a permis de rencontrer plus de 1 500 jeunes. Différents sujets ont été abordés: les questions de la santé ont été soulevées; naturellement, les questions d'éducation, d'éducation postsecondaire; mais aussi les questions d'emploi, les questions d'iniquité en emploi; et aussi l'impact des clauses orphelin sur notre génération.

Notre présence ici, à l'Assemblée nationale, s'explique en grande partie par notre solidarité envers ceux et celles de notre génération. Nous sommes aussi venus témoigner de la situation sur la scène fédérale au niveau de l'utilisation des clauses orphelin, des lacunes de la législation fédérale et des moyens que nous entendons prendre pour que dorénavant ces clauses soient interdites. Donc, je laisserai la parole à mon collègue de Charlesbourg, Richard Marceau, pour développer aujourd'hui notre position.

M. Marceau (Richard): Merci, Bernard. M. le Président, M. le ministre, collègues députés, le mémoire qu'on a déposé devant vous, à la commission, vise à contribuer à la discussion et aux débats qui ont cours actuellement au Québec à propos de l'utilisation des clauses dites orphelin. Nous considérons que cette commission constitue le forum privilégié pour discuter d'un problème qui est très, très pressant pour les jeunes de notre génération.

Le mémoire que nous avons présenté aborde quatre points principaux: d'abord, notre position face aux clauses orphelin, un; deux, les moyens que nous privilégions pour mettre fin à l'utilisation de ces clauses; trois, un survol – et je souligne le mot «survol» – de la situation sur la scène fédérale; et, quatre, les interventions que nous avons déjà faites et celles que nous comptons faire dans l'avenir.

D'abord, comme mon collègue de Rosemont le mentionnait, les jeunes Québécois dans leur vaste majorité sont farouchement opposés à l'utilisation de clauses orphelin et le signal qu'ils nous ont envoyé lors de la dernière tournée à travers le Québec a été très clair à cet effet.

Notre position est très claire dans ce débat: nous sommes contre les clauses orphelin et nous croyons qu'elles devraient être interdites par des mesures législatives claires.

Il n'est, selon nous, pas de notre devoir ou pas de notre rôle d'intervenir directement dans le processus législatif de l'Assemblée nationale et de vous dire exactement où et comment le faire, mais nous avons surtout voulu démontrer notre appui à ceux qui demandent une intervention législative devant cette Assemblée.

Nous voulons aussi rappeler – et malheureusement ça a été un peu évacué dans le débat – que les conditions d'un certain nombre, je dirais même d'un nombre important de travailleurs québécois, dépendent de la juridiction fédérale. On parle d'environ 100 000 au Québec seulement. Ça touche des domaines qui sont en forte croissance; je pense à l'aéronautique ou aux télécommunications qui sont des domaines d'avenir pour les jeunes.

La législation fédérale actuelle n'empêche pas le recours à des clauses orphelin; c'est important de le dire. Les législations qui pourraient être modifiées pour empêcher les clauses orphelin sont principalement le Code canadien du travail et aussi la loi canadienne des droits de la personne, à ne pas confondre avec la charte canadienne des droits de la personne.

Les conséquences de l'absence d'interdiction des clauses orphelin au niveau fédéral, c'est que ces clauses sont répandues dans les domaines sous juridiction fédérale dans les secteurs public, parapublic et privé, notamment... on donne, par exemple, dans le mémoire que nous avons déposé, à la Société canadienne des postes et à la Société Radio-Canada.

De plus, l'employeur des fonctionnaires fédéraux, c'est-à-dire le gouvernement fédéral lui-même, utilise des clauses orphelin dans sa convention collective, et ce, depuis la fin des années quatre-vingt. Ma collègue de Longueuil, Caroline Saint-Hilaire, et moi-même avons écrit à Marcel Massé, président du Conseil du trésor, pour le sensibiliser à cet état de fait et il a semblé en faire très, très peu de cas.

Il y a plusieurs sortes de clauses orphelin. On parle de clauses orphelin monétaires – qu'on parle de différentes échelles de salaires – ou encore des clauses orphelin non monétaires, et ça, c'est des clauses qui peuvent sembler un peu bénignes au début, à première vue, mais qui ne le sont pas nécessairement. On parle, par exemple, que l'employeur, dans certains cas, paie l'équipement aux employés et, pour les nouveaux, ne le paie pas.

On parle d'accès à l'assurance, à différentes couvertures: ceux qui étaient là avant ont une couverture plus large que les nouveaux arrivés.

On parle de liste de rappel, de présence sur la liste de rappel. Tout ça fait en sorte que lorsque les jeunes employés, les nouveaux employés ont à prendre des décisions importantes dans leur vie – je pense, par exemple, à se marier, à avoir des enfants, à contracter une hypothèque – il y a une incertitude qui plane et qui, très, très, très concrètement dans leur vie, leur nuit énormément. C'est bien beau de parler de clauses orphelin dans l'abstrait mais, concrètement, c'est ça. Les jeunes travailleurs, les nouveaux arrivants sur le marché du travail vivent une période d'insécurité non seulement du côté du travail mais aussi du côté de leur vie personnelle.

Nous sommes donc intervenus d'abord en écrivant au ministre Massé et nous allons continuer à le faire à la Chambre des communes, notamment en proposant des mesures législatives dans le cadre de la révision du Code canadien du travail qui s'en vient. On est rendus à réviser la partie III du Code canadien du travail, à la Chambre des communes, et nous nous promettons de nous battre pour que l'interdiction des clauses orphelin en fasse partie.

Le principal critère que nous avons dans l'intervention législative que nous désirons faire est celui de l'efficacité. La mesure législative proposée devra être la plus efficace possible. Donc, nous interviendrons à la Chambre des communes. Nous interviendrons aussi sur d'autres tribunes. D'abord, nous commençons aujourd'hui à l'Assemblée nationale, devant vous, et nous le ferons à travers le Québec et aussi à travers le Canada, en prenant contact avec des groupes de jeunes au Québec et au Canada qui, eux aussi, sont sensibilisés à cette problématique.

Ceci étant dit, j'aimerais souligner que c'est au Québec que la législature, pour la première fois en Amérique du Nord, s'attaque à ce problème. Nulle part ailleurs au Canada, et à notre connaissance aux États-Unis, ce problème a-t-il été étudié. Alors, on peut voir, encore une fois, que le Québec, dans un problème social tel que les clauses orphelin, est en avance sur les autres juridictions canadiennes.

(10 h 50)

Je voudrais conclure, avant de passer la parole au président du Forum jeunesse, en disant deux choses. D'abord, il faut être très clair, éliminer la discrimination ne nuit pas à l'emploi; affirmer le contraire est un mythe. Aussi, je voudrais féliciter l'Assemblée nationale pour avoir tenu de telles audiences et souhaiter – et je n'en doute aucunement – qu'un consensus se dégage, comme le Québec arrive souvent à le faire lorsque c'est des questions d'une telle importance.

Nous souhaitons, après que le consensus se soit dégagé ici, au Québec, que la bataille se poursuive à Ottawa, et nous vous annonçons que le Bloc québécois sera le fer de lance des jeunes à Ottawa pour lutter contre ces mesures qui sont discriminatoires et injustes envers les jeunes de notre société. Merci. Mathieu.

M. Alarie (Mathieu): Merci, Richard. Alors, je voudrais d'abord, en mon nom propre et au nom du Forum jeunesse, remercier les membres de la commission de nous recevoir ici pour discuter ou entendre notre point de vue sur les clauses orphelin. Je vous remercie puis je vous dis bonjour à tout le monde.

Je voudrais souligner d'abord le caractère un peu non partisan de la présence du Forum jeunesse ici. On a été invités par un parti avec lequel on n'a pas nécessairement d'affinités naturelles au Forum jeunesse et on a décidé d'accepter l'invitation parce que, à notre sens, les clauses orphelin constituent un enjeu qui fait appel à l'ensemble de la jeunesse québécoise. Et l'ensemble de cette jeunesse-là défile ces jours-ci devant vous pour vous faire part du consensus qui a émergé, à un certain moment, et qui continue d'être présenté, à l'effet que les clauses orphelin, bien, il n'y a pas grand-monde, chez les jeunes, qui en veut.

Le Forum jeunesse prend part à ces discussions-là puis vient, par sa présence ici, par ses différentes activités, raffermir le consensus contre les clauses orphelin. D'ailleurs, on a adopté, à notre dernier congrès, les 7 et 8 mars derniers, un manifeste politique dans lequel est clairement établi qu'on n'en veut pas, de clauses orphelin, et qu'en matière d'emploi la jeunesse réclame l'équité. C'est d'ailleurs le titre d'une section complète du manifeste.

Il y a une proposition qui a été adoptée à l'unanimité lors de notre congrès – toujours une proposition qui était incluse dans le manifeste – une proposition sur les clauses orphelin et qui dit: «Le gouvernement fédéral doit faire adopter les dispositions législatives nécessaires afin d'éliminer les clauses dites orphelin des conventions collectives d'entreprises de juridiction fédérale.» Alors, il y a ici quelque chose qui s'applique à la législature fédérale, bien entendu, mais ce qui sous-tend cette proposition-là, c'est un principe. Et le principe, s'il s'applique au fédéral, quant à nous, doit aussi s'appliquer en matière de législation provinciale.

Alors, si cette proposition-là a été adoptée à l'unanimité, ce n'est pas pour rien, ça illustre la force du consensus. L'idée est faite chez les jeunes. Pour à peu près tous les jeunes, le principe est fort puis on s'engage, dans tous les organismes jeunesse, à faire en sorte que les clauses orphelin disparaissent du monde du travail, qu'on n'y soit plus soumis.

Alors, on ne s'enfarge pas dans les détails, là. C'est certain qu'il y a quelques dissensions entre les différents groupes jeunes. Vous l'avez vu tout à l'heure. La Commission-Jeunesse du Parti libéral va à peu près dans le même sens que nous sur le principe puis il n'y a personne... Même si, dans les applications concrètes, ce n'était pas clair sur tous les points, il y a beaucoup de choses qui font plaisir à entendre dans la déposition de la Commission-Jeunesse.

Alors nous, avec les clauses orphelin, si on s'entend là-dessus pour dire que ça doit être aboli, c'est parce que, quand on est victimes de ça, quand on se retrouve face à ça en milieu de travail, on se sent lésés, on se sent aussi abandonnés. Je trouve qu'elles sont très bien baptisées, ces clauses-là. On sent que quelqu'un nous a mis au monde, nous a placés dans le monde du travail puis, après ça, ne nous donne pas nécessairement les outils appropriés pour qu'on puisse s'y sentir à l'aise.

Alors, on est convaincus de ça puis on s'interroge sur la solidarité sociale qui sous-tend la mise en place des clauses orphelin. C'est quoi, une société où il n'y a pas une solidarité entre les différentes générations, où il n'y a pas de pont, où il n'y a pas de volonté intergénérationnelle de travailler ensemble, d'avoir toutes les générations, toutes les classes d'âges qui soient solidaires, main dans la main, pour faire une espèce de ciment qui fait en sorte, ce ciment-là, qu'on a le goût de participer à la société, qu'on a le goût puis qu'on est fiers d'en faire partie?

Quand on se retrouve avec des clauses orphelin en milieu de travail, on sent une cassure, une espèce de rupture de confiance avec les classes les plus âgées ou avec les gens qui ont adopté ces clauses-là, puis on se sent totalement frustrés. Moi, je peux dire que personnellement, dans mon milieu de travail, il y a quelques clauses orphelin qui sont là puis c'est embêtant. Je vous dis, quand j'ai envie d'appliquer sur un poste et que je vois que parce que je suis entré chez mon employeur après telle date ça me prend une expérience plus large ou encore des conditions de travail moins grandes... Alors, moi, je sens qu'il y a un décrochage par rapport aux générations passées et ça me frustre profondément. Puis je pense que c'est le cas de la majorité des jeunes, enfin, de tous les jeunes qui se retrouvent face à ça.

Alors, une clause orphelin, c'est ça, c'est quand on se retrouve, quand il y a un groupe de syndiqués et quand il y a un employeur qui s'entendent ensemble pour partager les bienfaits d'une conjoncture ou pour minimiser l'impact d'une conjoncture négative sur le dos d'un groupe qui est absent de la table de négociation. On peut peut-être les appeler les syndiqués virtuels, ils ne sont pas là. C'est sur eux, c'est sur leurs épaules que va reposer la majorité des compressions ou des désagréments de la nouvelle convention collective.

Alors, les clauses orphelin, pour nous, c'est d'abord et avant tout une question de principe. C'est pour une question de principe, plutôt, qu'il faut les combattre, d'abord, parce que ça attaque directement nos conditions de travail et notre porte-monnaie, mais surtout, c'est une question de respect, c'est une question de solidarité.

On veut être clairs là-dessus. Il y a des signaux qui nous sont envoyés avec les clauses orphelin. On ne veut pas avoir à vivre avec ça. On ne veut pas comprendre. On se bouche les oreilles, en ce moment. On se dit qu'on ne veut pas que notre société nous dise: Bien, vous, les jeunes, attendez votre tour. Ou: Votre tour ne viendra peut-être pas; nous, pour l'instant, on en profite ou on en subit moins les conséquences négatives que vous. Alors, on veut que la solidarité soit rétablie puis on veut que ça s'inscrive aussi dans le sens des combats qui ont été faits par les générations précédentes.

Parce que c'est vrai qu'en ce moment les gens qui sont plus vieux nous imposent un peu ça, seulement, ces générations-là ont aussi mené des combats dont on profite des acquis en ce moment. On peut penser, bon, à l'équité salariale. C'est un combat, bon... ce n'est pas notre génération qui a mené ça de bout en bout, quand même. L'équité qui se trouve aussi entre les hommes et les femmes, c'est quelque chose qui est en train d'émerger, tout ça. La situation est bien meilleure que ce qu'elle a déjà été. On profite de ces acquis-là.

Seulement, je pense que la société doit aller dans le même sens. Au Québec comme dans le reste du Canada, on doit s'assurer que les clauses orphelin vont disparaître du paysage du monde du travail. Je vous dis: À mon sens, au sens du Forum jeunesse, il faut briser le mur et rétablir les ponts entre les différentes générations dans le monde du travail. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Rioux: Oui. Je voudrais saluer M. Bigras, qui est président du caucus, Richard Marceau, qui est député fédéral, M. Alarie et Pascal Grimard. Je suis content, M. Marceau, que vous ayez eu la finesse de dire – ça va ramener le député de Kamouraska-Témiscouata au sens des réalités – que c'est la première fois au Canada qu'un forum comme celui-ci existe pour étudier un phénomène de société aussi important que les clauses orphelin. Je vous en sais gré parce que, il faut quand même se le dire, c'est la première fois aussi qu'un gouvernement se donne la peine d'étudier ça de façon sérieuse.

Eux autres, ils ont été au pouvoir, vous savez, pendant longtemps; ils se sont traîné les pieds, ils ont tourné en rond et là ils sont rendus qu'ils se contredisent sur la place publique. Vous auriez dû entendre la scène misérable, celle qu'on vient de voir tout à l'heure, où les jeunes libéraux, qui sont des progressistes, qui sont des gens beaucoup plus déterminés, avaient une position claire alors qu'eux pataugent dans l'ambiguïté la plus totale. Et leur chef, évidemment, change d'idée comme il change de chemise.

Je suis content aussi que vous ayez émaillé votre mémoire d'exemples canadiens, comme Radio-Canada, Postes Canada. C'est excellent ça. C'est bon et ça nous permet de mieux comprendre aussi ce qui se passe ailleurs. Remarquez que, si le Parti libéral du Canada ou le Parti conservateur avaient voulu venir témoigner, on les aurait invités, mais ils ne se sont pas pointés; ils avaient peut-être peur à la fusillade de questions.

(11 heures)

Compte tenu que la législation canadienne et celles des autres provinces sont là et qu'on en parle peu, avez-vous l'impression, M. Marceau, qu'en intervenant, nous, le Québec – et ça, on peut se faire dire ça par d'autres provinces canadiennes – on peut nuire à la compétitivité des entreprises? C'est un discours qui existe, ça. Présentement, dans tout le débat sur les clauses orphelin, il y en a qui disent: Attention, si vous légiférez, vous allez peut-être mettre des entreprises en très grande difficulté ou peut-être même leur faire rendre l'âme. Tel n'est pas l'objectif du législateur québécois, vous le comprenez bien. Mais cependant, quand on entend ça venant de gens et de groupes sérieux, on ne peut pas faire autrement que d'en tenir compte. Mais, vous autres, qui oeuvrez sur la scène fédérale et qui connaissez un peu les législations canadiennes et ce qui se fait aussi dans d'autres provinces, est-ce que ce danger-là vous le voyez? Vous vous prononcez clairement pour qu'on légifère. Mais est-ce que cette problématique-là, vous l'avez vue et vous l'avez analysée? Si oui, parlez-nous-en un peu.

M. Marceau (Richard): M. le ministre, d'abord, pour revenir à votre remarque préliminaire, pour voir d'Ottawa comment ça se passe, et à Ottawa et dans d'autres provinces, on se rend compte que le Québec est une société fortement consensuelle. On s'assoit ensemble, on discute, on tire un consensus et, après ça, une majorité de gens se rallient à ce consensus, et ce qui fait que nous sommes intervenus devant cette commission parlementaire. Et je suis convaincu qu'un consensus en sera tiré. Et ça sera à nous, maintenant, députés à la Chambre des communes, d'amener ce consensus-là au Québec, pour dire: Bon, bien, voici, en tant que société, comment on veut régler le problème de l'équité intergénérationelle, et peut-être qu'encore une fois vous devriez prendre exemple sur ce qui se passe au Québec.

Ceci étant dit, pour revenir à votre question sur la compétitivité, vous n'êtes pas sans savoir que c'est un épouvantail qu'on a montré à plusieurs reprises, dans le passé. On en a parlé pour le salaire minimum, à l'époque. Encore aux États-Unis, il y a des États, il ne faut pas oublier, qui n'ont pas de salaire minimum, parce qu'ils disent: Ah! bien, ça nuirait à la compétitivité. Tout avancée sociale, quelque part, trouve des gens, des opposants qui diront: Un instant, ça nuit à compétitivité!

Je répète ce que j'ai dit. Rétablir l'équité ne nuit pas à l'emploi, loin de là. On a entendu quelques intervenants qui sont venus dire: Un instant, là, quand une entreprise est en difficulté, il faut absolument avoir des clauses orphelin parce que, sinon, l'entreprise va tomber sur le derrière et ne se relèvera plus. Nous, ce qu'on dit, c'est: Un instant, là, les clauses orphelin, la plupart du temps, c'est pour les travailleurs futurs, alors ça ne réglera pas le problème actuel de l'entreprise. C'est un non-sens de dire que le problème est ponctuel et que des clauses orphelin qui régleraient supposément un problème dans l'avenir régleraient le problème actuel, ce n'est pas vrai. Alors, après avoir entendu et étudié la question de la compétitivité, nous sommes fortement d'avis que c'est une bataille d'arrière-garde, comme pour plusieurs autres batailles pour les avancées sociales qu'il y a eues par le passé au Québec, au Canada et dans le reste du monde.

M. Rioux: Vous êtes...

M. Alarie (Mathieu): Je peux me permettre d'ajouter un complément à la réponse de Richard, si vous le permettez. C'est-à-dire, vous parlez des clauses orphelin comme étant possiblement nuisibles pour l'activité économique. Nous, on considère que les clauses orphelin sont une forme de discrimination. Que ça soit bon ou mauvais pour l'économie, pour nous, ça n'entre même pas en ligne de compte. Ce qu'il faut retenir de ça, c'est que c'est de la discrimination et qu'à partir du moment où il y en a c'est inacceptable, et que même si, à la limite, c'était une forme une discrimination qui était salvatrice pour l'économie, ça ne serait pas plus acceptable.

M. Rioux: Vous êtes le groupe qui a défini la clause orphelin et vous l'avez définie de façon très large. Vous y intégrez la question salariale, mais vous y intégrez l'ensemble des conditions de travail. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi vous en êtes arrivés à une définition aussi large de la clause et que, par ailleurs, vous ne proposez pas, vous laissez la voie libre quant aux moyens législatifs à utiliser ou la législation appropriée qui pourrait naître, suite à nos travaux de la commission parlementaire.

M. Marceau (Richard): Bien d'abord, c'est une définition qui est, en effet, très large parce que nous sommes d'avis qu'il y a une infinité de clauses orphelin ou de possibilités de clause orphelin. Je le disais tout à l'heure, il y a des clauses orphelin monétaires – échelle salariale – et aussi des clauses orphelin non monétaires – on parlait davantage des assurances, on parlait de l'équipement qui peut être donné – et tout ça doit être inclus dans une définition de «clause orphelin». Et c'est la raison pour laquelle la définition elle-même est assez large.

Suite à ça, voyant quelques juristes autour de la table, en étant moi-même un, on sait très bien qu'une fois que le principe est défini c'est à la jurisprudence soit de restreindre ou d'élargir le principe. Il y a des articles célèbres du Code du travail, l'article 15 et l'article 45, qui sont des jurisprudences de milliers de pages de long où on a défini le principe. Et, après ça, dans l'application, qu'est-ce que c'est? Donc, nous, c'est la raison pour laquelle on a défini de façon très large les clauses orphelin.

Ceci étant dit, vous nous dites, M. le ministre: Ah! vous ne pointez pas du doigt l'endroit exact où on devrait légiférer. Dans la définition, on parle d'une clause dans une convention collective. Alors, a priori on montre le Code du travail, hein, c'est très clair. Ceci étant dit, bien que notre préférence, à notre avis, ce serait de légiférer à l'intérieur du Code du travail, notre critère premier est celui de l'efficacité. Alors, si on nous dit et on nous démontre que ce qui serait plus efficace pour l'abolition des clauses orphelin serait de légiférer – bon, certains ont mentionné les normes, mon collègue de Kamouraska, je crois, a mentionné une loi-cadre – bien, à partir de là on ne se battra pas en disant: Il faut absolument que ça soit le Code du travail. A priori, on est d'avis que la législation à modifier, c'est le Code du travail. Mais, si ça peut être plus efficace ailleurs, bien, tant mieux, et allons ailleurs.

M. Rioux: Est-ce que vous souhaitez une législation rétroactive?

M. Marceau (Richard): La réponse est claire: oui, nous croyons qu'elle devrait être rétroactive, avec des mesures de transition, dans certains cas. Il ne faut pas oublier non plus que les conventions collectives sont, par nature, temporaires, alors il faut rentrer ça... Est-ce que dans les mesures transitoires on prendra en compte s'il reste juste un an ou... Les détails seront à travailler. Mais, par principe, si on adopte maintenant le principe de l'égalité et de la non-discrimination... On ne négocie pas avec des principes, vous savez. On peut négocier sur l'application d'un principe, sur la mise en application, mais sur le principe en tant que tel... Et, si maintenant l'Assemblée nationale, la société québécoise, même, dans son ensemble, décide que les clauses orphelin doivent être abolies, bien, à partir de ce moment-là, faisons-le tout de suite.

M. Rioux: Merci.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de La Peltrie.

M. Côté: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, tous les quatre, à cette commission. Il me fait plaisir, moi, de vous accueillir ici. Puis je trouve ça rafraîchissant de voir un parti politique oeuvrant sur la scène fédérale venir s'exprimer sur une réflexion, je pense, qui touche particulièrement les Québécois et les Québécoises et particulièrement les jeunes. Et puis vous avez fait la démonstration que les clauses orphelin existaient également au niveau du gouvernement fédéral, et ça, depuis le milieu des années quatre-vingt, après avoir débuté aux États-Unis au début des années quatre-vingt. Alors, je pense que vous démontrez une sensibilité et je vous félicite d'être venus ici devant cette commission pour exprimer votre point de vue face au phénomène des clauses orphelin.

M. Marceau, vous avez mentionné dans votre introduction que vous vous battez pour qu'il y ait une législation puis qu'elle soit le plus efficace possible à votre niveau, au niveau du fédéral. Mais, selon vous, l'interdiction des clauses orphelin, est-ce qu'elle devrait viser toutes les conditions de travail, telles que la période de probation au niveau des régimes de retraite ou encore les assurances? Parce que vous dites: Qu'elle soit la plus efficace possible. Alors, est-ce qu'il y a une nuance à ça? Est-ce que ça devrait toucher l'ensemble de tout ce qui est conditions à l'intérieur d'un contrat de travail?

(11 h 10)

M. Marceau (Richard): M. Côté, merci pour votre question. Pour reprendre un petit peu votre préambule, je pense, et je l'ai dit dans mon introduction, qu'on fait un peu abstraction, souvent, dans les débats qui se passent à Québec, du fait – pour le mieux selon certains, pour le pire selon d'autres – qu'il y a un autre palier de gouvernement qui s'applique sur le territoire du Québec. Et cet autre niveau de gouvernement, en l'occurrence le gouvernement fédéral, a, disons, un rôle régulatoire assez important, ici, en l'occurrence, dans les conditions de travail. Le Code canadien du travail couvre environ, je le disais tout à l'heure, 100 000 travailleurs dans plusieurs domaines d'activité, entre autres, je le mentionnais comme exemple, l'aéronautique et les télécommunications, qui sont des domaines de pointe et vers lesquels on pousse les jeunes à aller, en disant: C'est l'avenir, allez-y.

Et il ne faut pas faire abstraction, en tant que législateurs et même en tant que société – les groupes de jeunes qui se sont présentés ici n'en ont pas fait mention, à ma connaissance – que le travail, oui, il a commencé à se faire ici, à Québec, et que Québec est en avance, qu'on a commencé avant à Québec. Mais là ce n'est pas tout, une fois que le consensus se sera dégagé au Québec, il va falloir continuer le travail à Ottawa pour ces environ 100 000 travailleurs québécois qui sont sous juridiction fédérale. Il ne faut pas laisser pour compte les travailleurs qui sont soumis à la législation fédérale.

Ceci étant dit, M. Côté, pour répondre plus précisément à votre question, des nuances, on en fait toujours. Ceci étant dit, est-ce qu'on le fait... Comme je disais au ministre du Travail, la définition, on l'a faite large parce que, oui, les périodes de probation... Si quelqu'un est engagé le 31 août 1998 et qu'il y a une période de six mois et celui qui est engagé le 1er septembre 1998 a une période de probation de 12 mois, bien, pour moi, c'est une discrimination sur la base de la date d'emploi et une discrimination contre les jeunes, parce que la plupart des nouveaux travailleurs sont des jeunes. Je ne sais pas, moi. Si c'est la couverture d'assurance, si celui qui est engagé le 31 août a une couverte d'assurance dentaire et celui qui est employé le 1er septembre n'a pas de couverture d'assurance dentaire, pour moi, c'est discriminatoire.

Alors, pour répondre à vos questions, oui, elle est très large, la définition parce que ça peut couvrir toutes sortes de choses. Écoutez, par exemple, supposons qu'un travailleur de la construction engagé avant telle date se fait fournir les bottes, le casque, etc., ça lui évite une dépense de quelques centaines de dollars. Si le jeune, après, arrive, il se fait engager, il faut qu'il achète son casque, il faut qu'il achète ses bottes, il faut qu'il achète son habit de travail, si vous voulez, déjà, il part pénalisé de quelques centaines de dollars. Alors, pour nous, c'est inacceptable.

M. Côté: Ma deuxième question, je fais référence à un article, ce matin, dans La Presse , de Mme Gruda. Elle mentionne justement que – et on était au courant de cette situation-là – la CUM a fait une entente avec ses policiers, il y a un an, et puis qu'elle a revu à la baisse, au fond, les salaires pour les débutants. «Mais, à mesure qu'ils prennent du galon, les jeunes policiers rattrapent leurs aînés.» Alors, au bout de six ans, la différence disparaît, donc il n'y a plus aucune... Alors, est-ce que cet étirement de la progression salariale vous apparaît comme quelque chose de discriminatoire?Parce que, si c'est l'argent du public puis que, dans une certaine mesure, on fait une certaine économie pour permettre, dans d'autres secteurs d'emploi, là encore, à des nouveaux travailleurs d'avoir accès, est-ce que vous considérez ça comme une clause orphelin, ce genre d'entente là?

M. Marceau (Richard): Peut-être, mon collègue du Forum-Jeunesse pourrait répondre.

M. Alarie (Mathieu): Oui, à notre sens, c'est clair. Je n'ai pas eu la chance de lire l'article de Mme Gruda, mais, d'après ce que vous dites, c'est qu'il y a tout de même discrimination sur le dos des gens qui ont moins d'ancienneté. Et, d'après ce que je comprends, cette discrimination-là est temporaire, mais ça reste de la discrimination. Il faudrait, à notre sens, que les conventions collectives contenant de telles dispositions soient interdites.

Ça reste le même principe qu'on évoquait tout à l'heure. Il y a deux vitesses et deux classes de travailleurs, là-dedans. Il y en a certains qui, parce qu'ils ont été embauchés avant, se retrouvent avec une certaine échelle salariale, et d'autres, parce qu'ils ont été embauchés après, avec une échelle salariale étirée. Alors, il y a un peu injustice.

M. Côté: Même si ça peut permettre, dans d'autres secteurs, à d'autres jeunes, d'avoir accès plus rapidement au travail?

M. Marceau (Richard): Vous savez, M. Côté, je serais curieux de voir la réaction, si on disait: Bien, écoutez, dans tel domaine, il y a moins de femmes, alors pour engager plus de femmes, on va les partir à un salaire moins grand puis, après ça, après six ans, elles auront le même salaire. Ce serait une discrimination basée sur le sexe et ce serait inacceptable. Et il y aurait des levées de boucliers partout au Québec: Un instant, à travail égal, salaire égal!

Alors, la même chose entre les générations: à travail égal, salaire égal. Si quelqu'un, pour reprendre l'exemple, le 31 août 1998 commence à 30 000 $ et celui qui est engagé le 1er septembre commence à 25 000 $, même s'il y a un rattrapage après six ans, selon nous, il y a discrimination, là aussi.

M. Côté: Merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Merci, M. le député. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci beaucoup. M. Marceau, bonjour, et M. Alarie et M. Bigras, bienvenue parmi nous, ainsi que M. Vallerand. Vous savez, je suis heureux de voir le ton de votre présentation et aussi de constater que cette préoccupation-là trouve un écho au Parlement canadien, et c'est pour ça que c'est agréable de vous entendre ce matin. Et, moi, je voudrais – contrairement au ministre, je n'ai pas l'intention de repartir sur: qui a raison, qui a tort, c'est la faute de qui – juste rappeler que, lui-même, s'il assistait de temps en temps à son Conseil des ministres, il verrait qu'il s'en fait passer des petites vites, là-dessus.

Mais je suis heureux de voir l'exemple... donc, ce qu'on apprend par votre mémoire, c'est que le phénomène des clauses orphelin est aussi répandu. Ce n'est pas une question de Québec ou d'ailleurs. Est-ce que c'est un phénomène qu'on peut observer, selon vous, dans l'ensemble du Canada, un peu partout? Vous avez sorti qu'il y en a au fédéral, vous avez parlé de 100 000 travailleurs qui pouvaient être touchés, là-dedans. C'est sûr que c'est important, 100 000 travailleurs, mais c'est seulement 3 % des travailleurs québécois, et on calcule qu'il y en a environ 3 200 000, je pense, de travailleurs québécois. Mais c'est quand même important de le rappeler.

Deux questions. La première: À votre connaissance, est-ce qu'il y a effectivement ailleurs d'autres gestes qui ont été posés ou un recensement qui se fait au niveau canadien du phénomène des clauses orphelin? Est-ce que c'est un phénomène qu'on vient de ressortir, au Québec?

Et il ne faudrait pas oublier une chose, c'est que... Et ça, c'est mon autre question. C'est sûr qu'il y en a, comme tel. Mais est-ce que, à votre connaissance, il y a une législation fédérale qui a encouragé de façon aussi claire l'élaboration et la mise en place de clauses orphelin que la loi passée le printemps dernier par le gouvernement du Québec actuel sur la réduction des coûts de main-d'oeuvre dans le secteur municipal?

M. Marceau (Richard): D'abord, M. Béchard, merci pour la question. D'abord, pour répondre à vos questions, la première: Est-ce qu'il y en a ailleurs sur les scènes provinciales? Selon une analyse primaire et rapidement, parce qu'on s'est limité principalement à la législation fédérale, oui, il y en a. Vous savez, on a 80 %, environ, de nos importations, au Canada, qui viennent des États-Unis. Il y en a une de trop; ça s'est appelé les clauses orphelin. Ça a traversé la frontière un peu partout. On a été un peu infecté, tout le monde, au Québec comme ailleurs.

Est-ce qu'il y a un recensement? À ma connaissance, non. Je vais vous répondre: selon moi, c'est très simple, c'est que, pour la première fois en Amérique du Nord, il y a un forum public d'élus qui se penchent sur la question. Je ne crois pas, à ma connaissance, en tout cas, qu'ailleurs aux États-Unis ni ailleurs au Canada il y ait une sensibilisation aussi forte à ce problème-là que celle qui a été démontrée ici, devant la commission.

Je vous voyais lancer des petites piques au ministre. Mon rôle, ce n'est pas de faire le parti de l'opposition à Québec. On le fait à Ottawa, on a les bras pleins, on est en tournée prébudgétaire à travers le Québec, etc. Mais on se sert, nous, de cette tribune, qui est la première en Amérique du Nord, pour lancer le combat ailleurs au Canada, pour lancer le combat sur la scène fédérale, et c'est la raison de notre présence ici.

On est sensibilisé, au Québec. Il y a une commission parlementaire qui a été convoquée par le ministre, suite à un projet de loi déposé par votre collègue de Rivière-du-Loup. Alors, au-delà des petites chicanes partisanes, profitons de ce forum-là. On a une occasion rêvée de faire consensus, au Québec. Et, nous, on a l'occasion rêvée aussi de prendre le pouls des groupes du Québec pour amener ce consensus québécois là sur la scène fédérale. Alors, nous, on en prend avantage, soyez-en certains.

(11 h 20)

M. Béchard: Oui, mais la deuxième question, c'était... Parce qu'on parle du forum aujourd'hui. Mais l'élément déclencheur du forum aujourd'hui et de la remontée des clauses orphelin, c'est ce qui s'est passé au niveau du secteur public en 1997 et qui a donné suite à la mise en place des conventions collectives à double palier au niveau des jeunes enseignants, entre autres, et au niveau des municipalités – on l'a vu et on va en parler tantôt – avec le projet de loi n° 414 qui a été déposé.

Est-ce que, selon vous, le gouvernement fédéral a déjà déposé une loi dans laquelle il dit à un de ses organismes: Par telle loi, voici la façon dont tu vas faire des économies, c'est-à-dire sur le dos des jeunes ou des nouveaux arrivants? Est-ce qu'à votre connaissance ça s'est déjà produit, autant au niveau fédéral qu'ailleurs?

M. Marceau (Richard): M. Béchard, le Parti libéral fédéral – je vais limiter mes remarques à ce parti-là – est bien reconnu pour son immobilisme. J'ai la lettre du ministre Massé devant moi, je l'ai ici avec moi. Ma collègue de Longueuil et moi-même, nous lui disons: Un instant, il y a des problèmes là, et votre législation le permet. Et lui, tout bonnement, il dit: Ah! elle le permet peut-être, mais, finalement, ce n'est pas grave, etc.

Alors, la législation fédérale, disons, ne prêche pas par l'exemple quant au combat contre les clauses orphelin. Et nous nous efforcerons et nous vous assurons que nous combattrons ces clauses à Ottawa avec la férocité la plus grande, dû à la sensibilité particulière du Bloc québécois. Parce qu'on rappelait tout à l'heure qu'il y a cinq députés sous l'âge de 30 ans au Bloc québécois, ce qui fait que la sensibilité, elle est là. Et l'arme que les jeunes ont sur la scène fédérale, elle est là, elle existe, c'est le Bloc québécois. Et nous serons heureux de servir d'arme contre ces clauses.

M. Béchard: Oui. Je ne veux pas aller trop longtemps là-dessus, mais juste... Ici aussi la législation le permet; la preuve, il y en a, ça, c'est un fait. Moi, ma question, c'est: Est-ce qu'il y a eu là-bas une législation aussi claire que celle déposée ici par Rémy Trudel, qui l'encourage? Ça, c'est la question. Mais je ne veux pas passer énormément de temps là-dessus parce que...

M. Marceau (Richard): Un instant! Je vais vous répondre là-dessus parce que ça fait trois fois, là, et...

M. Béchard: Oui, mais je n'ai pas eu de réponse.

M. Marceau (Richard): On peut regarder dans le rétroviseur. Vous regardez dans le rétroviseur...

M. Béchard: Non, on ne regarde pas dans le rétroviseur.

M. Marceau (Richard): Non, non. Un instant!

M. Béchard: On regarde pourquoi on est ici ce matin. Vous dites: C'est un forum fantastique. Le ministre dit la même chose. Le ministre a oublié une partie de son passé.

M. Marceau (Richard): M. Béchard, vous posez la question, je vais...

M. Béchard: Moi, je veux savoir très clairement: Est-ce que, oui ou non, il y a eu, dans une loi fédérale, dernièrement ou il y a quelque temps – vous êtes sur la scène fédérale – une proposition aussi claire que dans le projet de loi n° 414 et qui dit: Vous allez faire des économies sur le dos des jeunes?

M. Marceau (Richard): M. Béchard, le rétroviseur peut se rendre jusqu'en 1994, il peut se rendre jusqu'en 1985. Votre Commission-Jeunesse est passée avant moi pour dire qu'à partir de 1985 ils étaient sensibilisés, et ils n'ont pas bougé. Alors, là, maintenant, on a le forum. Au lieu de regarder dans le rétroviseur, malheureusement, comme vous le faites, regardons en avant. Il y a le forum, profitons-en, faisons consensus puis appliquons le consensus. C'est le but de notre venue ici. Et, au lieu de se lancer un peu de boue, il y a le forum, profitons-en. Puis, une fois qu'on aura fait le consensus, bien, battons-nous ensemble côte à côte au lieu de se battre un contre l'autre.

M. Béchard: Juste pour savoir, vous parliez du Code canadien du travail, est-ce que le Code canadien couvre les employés non syndiqués? Je ne pense pas. Les employés de la fonction publique fédérale, est-ce qu'ils sont couverts par le Code canadien du travail également, les employés des sociétés d'État, les cadres, par exemple?

Parce que, depuis le début de ce forum, ici, on se rend compte qu'il y a beaucoup de gens qui, dépendamment de la pièce législative qu'on peut regarder, sont laissés de côté. Et c'est ça qui a amené le fait que je teste et je vois avec les gens qu'est-ce qu'ils pensent d'une loi-cadre sur les clauses orphelin dépendamment du secteur. Mais le Code canadien, je pense que c'est un peu la même chose. Il y a des secteurs qui sont laissés de côté, si on s'applique uniquement là-dessus.

M. Marceau (Richard): Si vous voulez, le Code canadien du travail, c'est un peu l'équivalent du Code québécois du travail et de la Loi sur les normes. La partie III du Code canadien du travail, c'est des sections sur les normes du travail. Alors, ça couvre les employés qui sont syndiqués, les employés qui sont non syndiqués.

M. Béchard: Et la fonction publique?

M. Marceau (Richard): À ma connaissance, il y a une loi aussi sur la fonction publique qui s'applique.

M. Béchard: Mais qui est indépendante du Code du travail. Donc, à ce moment-là, il faudrait modifier aussi au fédéral. Donc, l'exemple qu'on tente de mettre de l'avant ici, c'est-à-dire une loi-cadre qui, indépendamment de la pièce législative, couvre l'ensemble du phénomène. La même approche pourrait être faite au niveau fédéral parce que, sinon, on risque également d'oublier des gens à gauche et à droite.

M. Marceau (Richard): Oui. Moi, M. Béchard, votre proposition, a priori, me sourit. Je parlais tout à l'heure d'efficacité de la mesure législative. Si, tel que vous l'affirmez, cette loi-cadre était la mesure la plus efficace, moi, je vais l'applaudir, c'est le barème sur lequel on se base.

M. Béchard: Oui. J'ai une autre question, avant de passer la parole à ma collègue, sur la notion de rétroactivité. Je pense que tout le monde s'entend, et juste – parce que je connais un peu mes collègues, avant que ça parte tout croche, comme on dit – sur l'aspect de la rétroactivité, je pense qu'il est clair qu'on ne peut pas permettre qu'un phénomène continue. Et le phénomène des clauses orphelin, c'est une discrimination, donc, vous l'avez dit vous-même, il faut y mettre un terme.

Mais, sur la notion de rétroactivité, est-ce que vous voyez plus ça dans le sens de dire: À partir de ce matin, tout ce qui est convention collective en place, on l'étudie au complet, et ce qui contient des clauses orphelin, on le tasse de côté, ou si vous verriez plus ça dans le sens de donner, par exemple dans une loi-cadre, un recours aux gens qui sont victimes d'une clause orphelin, peu importe le secteur?

Tu sais, pas juste dire: Voici, l'État se charge de faire l'examen de toutes les conventions collectives, mais, plutôt – parce que vous donnez une définition très large de «clause orphelin», donc vous comprendrez que, dans une loi, à un moment donné, on peut aussi en échapper – de dire que la personne, l'individu – parce que, s'il n'y a pas de convention collective, c'est une personne dans l'entreprise, quelque part, qui se voit comparée à ses collègues – c'est cette personne-là à qui il faut donner le recours. Si elle est victime d'une clause orphelin, si elle se croit victime d'une clause orphelin – sans que ce ne soit de la mettre en opposition soit avec son syndicat ou son patron – plus regarder du côté de la personne qui est victime d'une clause orphelin, plutôt que de dire: On va faire un examen complet à la loupe de toutes les conventions collectives au Québec. Laquelle des deux approches vous semble la plus juste et réalisable, et efficace, comme vous le disiez, aussi?

M. Marceau (Richard): M. Béchard, c'est, pour moi, un petit peu de la plomberie, en ce sens que, une fois qu'on s'entend sur le principe, quelles seront... Je parlais tout à l'heure de mesures transitoires. Vous avez repris ma réponse, je parlais tout à l'heure de mesures transitoires. Est-ce que ce genre de recours individuel – je ne sais pas si vous faites référence à un arbitre ou à un commissaire qui serait nommé dans votre loi-cadre, je ne le sais pas – ça pourrait être quelque chose qui pourrait être étudié dans le cadre des mesures transitoires? Bien, oui, pourquoi pas, une fois qu'on s'entend sur le principe. C'est sûr que, du jour au lendemain... on ne peut pas changer ça du lundi au mardi. Alors, est-ce que ça pourrait être étudié dans le cadre des mesures transitoires que je suggérais, une fois que le principe est adopté? Bien sûr que oui, il n'y aurait aucun problème avec ça.

M. Béchard: Merci. Je passe la parole à ma collègue de La Pinière.

Le Président (M. Beaulne): Mme la députée, vous avez la parole, en vous rappelant qu'il vous reste, malheureusement, quatre minutes.

Mme Houda-Pepin: Très bien. Alors, je vais être courte, M. le Président. Alors, merci beaucoup pour le mémoire. Je pense que c'est très pertinent d'avoir un éclairage comme celui que vous apportez parce que vous situez, en fait, le phénomène des clauses orphelin dans un contexte beaucoup plus large, celui du Canada et des autres provinces, autrement dit l'ampleur du phénomène sur le marché du travail canadien, et ça, ça nous sort un peu de la situation spécifique au Québec.

En réfléchissant et en écoutant les groupes qui se présentent devant nous, et tout en rappelant le contexte dans lequel, finalement, ce débat se fait, qui est suite à la loi qui a été adoptée par le ministre des Affaires municipales en vue de donner des outils... Enfin, c'est un outil pour les municipalités, en particulier, afin de les aider à absorber la compression de 6 %, et le phénomène, on le voit, s'est répandu depuis l'adoption de cette loi-là. Et on va entendre tantôt l'Union des municipalités, qui va certainement nous expliquer le contexte, les tenants et les aboutissants de ce phénomène-là.

(11 h 30)

Mais ce qui paraît un peu difficile à comprendre, c'est le rôle des syndicats dans l'application des clauses orphelin. Que les patrons veuillent se donner des outils pour diminuer la masse salariale ou pour donner des conditions de travail ou des conditions salariales inférieures, on peut le comprendre. Mais, que les syndicats acceptent de négocier – parce que vous nous le démontrez aussi par des exemples concrets, et on l'a vu dans d'autres situations – à la baisse les salaires des nouveaux venus sur le marché du travail, comment vous réagissez à ça? Quelles réflexions est-ce que ça vous inspire?

M. Marceau (Richard): La réflexion, elle est très simple. Que des patrons soient d'accord avec l'utilisation de clauses orphelin ou que ce soient les syndicats qui soient d'accord avec l'utilisation des clauses orphelin, ça n'a pas d'importance. Pour nous, ce n'est pas correct, c'est injuste et discriminatoire. Alors, que les patrons signent une convention avec une clause orphelin, peu importent les raisons pour lesquelles ils le font, ou que les syndicats signent la même chose, peu importent les raisons pour lesquelles ils le font, ce n'est pas mieux, ni l'un ni l'autre. Il n'y en a pas un qui est mieux que l'autre là-dedans. Alors, la réflexion, c'est qu'il y a certains patrons, certains groupes patronaux, certains syndicats, certaines organisations syndicales qui ont bien voulu se prêter à ce jeu-là et, pour nous, c'est injuste, c'est discriminatoire, c'est mauvais pour la société en général et en particulier pour les jeunes.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, M. le Président. D'abord, je souhaite la bienvenue au Forum jeunesse du Bloc québécois et surtout aux députés du Bloc québécois, aux jeunes députés du Bloc québécois qui viennent nous rendre visite. Vous l'avez dit au début de votre présentation, ce n'est pas courant, mais, dans le cadre du débat présent, je pense que c'est très opportun et très souhaitable. D'ailleurs, dans les jours ou les semaines qui ont suivi le dépôt du projet de loi n° 393, vous m'avez contacté, puis, dans les jours qui ont suivi, j'ai fait mon mea culpa parce que je me suis dit: Dans le fond, pour pousser à fond ce débat-là, ça aurait dû être évident de penser à toute la scène fédérale. Puis c'est encore plus évident quand on lit votre mémoire, on voit qu'on oubliait, en ne touchant pas la scène fédérale, un pan de mur entier qui touche, finalement, un paquet de jeunes travailleurs dont, espérons-le, un quart sont Québécois, mais dont une proportion sont les jeunes du Québec. Et c'était tout à fait pertinent que vous participiez. Et d'autant plus que vous avez un excellent mémoire. Je n'ai pas énormément de questions à vous poser après avoir lu ça. C'est d'une clarté impeccable. Vous prenez position sur à peu près tous les enjeux sur lesquels on se questionne. Vous nous fournissez des exemples, aussi, de ce qui se fait ailleurs, puis, en plus, vous nous tendez une main en nous disant: De notre côté, on va livrer la même bataille.

Ma première question, c'est sur l'exemple de Postes Canada, l'exemple de Radio-Canada. Avez-vous eu connaissance qu'il s'est formé dans ces institutions-là des regroupements de jeunes employés, un peu comme ce qui s'est fait avec la CEQ au Québec où il y a une association de défense des jeunes enseignants, qui paient leur cotisation à la CEQ parce que la formule Rand les y oblige, mais qui, en pratique, se sont formés un autre regroupement pour se défendre eux-mêmes parce qu'ils ne se retrouvent pas dans la convention qui a été signée, ils n'ont pas été défendus par personne? Est-ce qu'à votre connaissance... est-ce que vous avez vu passer des choses semblables, ou, à l'intérieur de ces sociétés d'État, des sous-groupes syndicaux de jeunes qui se sont réunis pour partir en guerre?

M. Marceau (Richard): O.K. D'abord, merci pour votre question. Comme vous le mentionniez, en effet, nous croyons que c'est important de savoir un peu ce qui se passe sur la scène fédérale. Je l'ai mentionné un petit peu plus tôt, ça couvre un nombre important de travailleurs. Je mentionnais deux exemples de secteurs d'avenir vers lesquels on pousse les jeunes à aller: télécommunications, aéronautique. On dit: Allez-y, allez-y! Donc, c'est assez important, la législation fédérale sur les travailleurs québécois. C'est notre rôle aussi, en tant que députés fédéraux québécois et dévoués pratiquement exclusivement aux intérêts du Québec et des Québécoises et des Québécois, de porter à l'attention de la société en général ce genre de problème là.

Ceci étant dit, nous n'avons pas eu connaissance de groupes de jeunes qui se sont formés à l'intérieur de ces grandes entreprises là et il a fallu qu'on prenne contact avec différentes personnes pour avoir une meilleure idée de la situation à l'intérieur de ces entreprises-là, c'est-à-dire qu'on a fait plusieurs téléphones, y compris à des jeunes qui ne font pas nécessairement partie d'un exécutif syndical, par exemple, et qui nous ont dit: Oui, mais un instant, regardez, il y a ça qui arrive, ou il y a ça qui est arrivé, il y a ça qui arrivera. Mais est-ce qu'il y a des groupes de défense qui se sont formés à l'intérieur de ces entreprises-là? À notre connaissance, non. Est-ce que c'est à souhaiter? Oui.

M. Dumont: Et dans la bataille que vous entendez mener au niveau fédéral, qui va ressembler à ce qui se passe ici, à l'Assemblée nationale, on peut s'en douter, dans les prochains mois, est-ce que vous avez conscience que... Partez-vous avec des alliés? Est-ce qu'au niveau du reste du Canada, entre autres, le débat sur les clauses orphelin a cours? Est-ce que les ailes jeunesse, par exemple, des partis politiques fédéraux se sont mouillées là-dessus? Ou est-ce que vous partez dans les ronces et dans le désert?

M. Marceau (Richard): Disons qu'on est des précurseurs, comme l'Assemblée nationale l'est dans les Législatures. En tant que parti politique fédéral, on est des précurseurs. Donc, c'est un début de combat, ce n'est pas un milieu de combat. Vous, ici, à l'Assemblée nationale, le débat est bien encadré, vous êtes quand même rendus assez loin dans la réflexion. C'est un début de réflexion, ce n'est pas un enjeu encore dans le reste du Canada. Je pourrais vous répondre, en revanche, que nous sommes en train de prendre contact avec différents groupes de jeunes à travers le Canada au complet, que ce soient des partis politiques, des groupes de jeunes, des groupes étudiants, afin de reformer, si vous voulez, l'espèce de coalition qui se fait parmi les jeunes du Québec et faire une coalition des jeunes Canadiens contre ce genre de mesure.

À l'heure actuelle, le Bloc québécois est précurseur et le fer de lance de cette offensive. On a vu que, par exemple, on a joué un peu le même rôle sur... Je ne veux pas entrer trop en détail là-dedans, mais, lorsqu'on a fait le débat sur l'assurance-chômage et les surplus énormes à la caisse d'assurance-chômage, le Bloc québécois s'est fait le fer de lance. Après ça, les premiers ministres des provinces se sont embarqués, les autres partis politiques ont embarqué là-dedans, et j'ai bon espoir que ce genre de campagne, si vous voulez, avec le Bloc québécois comme fer de lance, pourra être faite dans les mois qui suivent.

M. Dumont: Merci.

Le Président (M. Beaulne): Alors, MM. les députés, M. Alarie et M. Grimard, la commission vous remercie de vous être déplacés à Québec et nous vous souhaitons bon retour à Ottawa.

Des voix: Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaulne): J'inviterais maintenant les représentants de l'Union des municipalités du Québec à prendre place à la table de la commission. Messieurs, vous connaissez nos procédures: 20 minutes de présentation et, par la suite, les deux formations ainsi que le député de Rivière-du-Loup pourront échanger avec vous. Et je vous demanderais, pour les fins de la transcription, de bien vouloir vous identifier lorsque vous prendrez la parole.


Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Laframboise (Mario): Merci beaucoup. Donc, juste avant, je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent. À ma droite, Mme Aline Laliberté, qui est la spécialiste en relations de travail à l'Union des municipalités; M. Jacques Brisebois, maire de Mont-Laurier, responsable du dossier relations de travail également à l'Union; M. François Jutras, qui est directeur des ressources humaines à la ville de Québec et président de la Corporation des gestionnaires municipaux en ressources humaines; et moi-même, Mario Laframboise, président de l'Union des municipalités du Québec.

(11 h 40)

Le Président (M. Beaulne): M. Laframboise, si vous permettez, avant que vous amorciez votre présentation, compte tenu du fait que nous avons pris du retard dans les présentations, je demanderais, comme le veut notre règlement, de part et d'autre s'il y a consensus pour que nous poursuivions jusqu'à 12 h 40 nos travaux plutôt que 12 h 30 comme c'était prévu. Alors, consensus. Allez-y.

M. Laframboise (Mario): Merci. Donc, je vais commencer par un petit discours commandité. Il y en a un qu'il faut lire.

L'Union des municipalités du Québec tient d'abord à remercier les membres de la commission de l'économie et du travail de lui avoir permis de s'exprimer sur le phénomène des clauses orphelin. Nous estimons que tout ce débat soulève des questions d'ordre politique, économique et surtout social, dans le sens où nous croyons que l'avenir des jeunes dans notre société est trop important pour que les discussions qui s'engagent ne bénéficient pas de tout l'éclairage approprié. À ce propos, nous soumettons respectueusement aux membres de la commission que le débat qui nous réunit aujourd'hui semble se nourrir d'une certaine confusion dans les termes, ce qui nous éloigne des vrais enjeux et offre parfois une image difforme de la situation.

Nous sommes d'avis que, pour faire réellement avancer le débat, il faut cesser de patauger dans la sémantique et reconnaître une fois pour toutes que les clauses orphelin ne sont pas le point de départ des problèmes des jeunes en matière d'embauche, mais bien l'aboutissement des choix que notre société a faits. Il résulte de tout cela que le droit de gérance de l'employeur municipal s'est graduellement effrité depuis 20 ans et que les administrations municipales sont actuellement liées par des conditions de travail qui ne correspondent plus aux réalités économiques d'aujourd'hui. Les employeurs municipaux doivent pouvoir gérer les services publics de manière concurrentielle, et ce, dans le respect de la capacité de payer des citoyens contribuables.

Je citerais une autre facette de la réalité des élus. Depuis 1992, l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération, l'IRIR, compare la rémunération offerte par la fonction publique québécoise et le secteur municipal dans des municipalités de 25 000 habitants et plus. Le 18 juin dernier, l'IRIR a rendu public un rapport révélant l'existence d'un écart salarial de 18,7 % entre l'administration québécoise et l'administration municipale pour l'ensemble des emplois repères. Il s'agit d'un écart salarial qui ne tient pas compte des autres avantages de nature financière, les avantages sociaux, parce que, s'il en tenait compte, l'écart passerait à plus de 28 %.

Comment en sommes-nous rendus là? Simple. Ces conditions de travail ont été accordées de bonne foi aux travailleurs municipaux à une époque où il était financièrement possible de le faire. Aujourd'hui, les choses ont bien changé. En clair, nous arriverons à mettre fin à l'utilisation de ces clauses orphelin non pas lorsque nous les rendrons illégales, mais bien lorsque nous accepterons de regarder en pleine face la réalité du système des relations de travail en milieu municipal parce que cette réalité est criante et qu'elle conditionne à plus d'un égard la position des municipalités en temps de négociation.

Ainsi, le cadre législatif régissant l'administration municipale refuse de mettre à la disposition des municipalités des outils de gestion auxquels le gouvernement a pourtant accès. Québec peut toujours légiférer ou décréter les conditions de travail de ses employés, ce que les municipalités ne peuvent pas faire. Il n'est pas lié aux sentences arbitrales de différends déterminant les conditions de travail des policiers de la Sûreté du Québec. Par contre, les municipalités, elles, sont liées aux sentences arbitrales pour les corps de policiers et de pompiers lesquels sont, comme vous le savez, la plupart du temps, favorables aux employés. De même, les municipalités se voient refuser le droit de lock-out alors que les syndiqués ont le droit de grève. On est loin de la négociation d'égal à égal. M. Brisebois.

M. Brisebois (Jacques): Oui. Comme le disait donc le président, les conditions qu'on connaît dans le monde municipal ont été accordées à une époque où on pouvait sembler penser que la richesse était inépuisable. On a peut-être donné jusqu'à un certain point des choses qu'on n'avait pas. Je pense, entre autres, aux planchers d'emploi qui ont été négociés et donnés vers la fin des années soixante-dix: on est pris avec aujourd'hui, les planchers d'emploi, et, même si une ville diminue, on est obligé de conserver les gens qui sont déjà en poste. Mais ça n'explique pas tout. Je pense qu'on ne peut pas dire que c'est le laxisme des élus municipaux qui a fait que toutes ces conditions-là se sont produites. Je pense qu'il faut aussi – et Mario y a touché également – voir le cadre dans lequel on a évolué au niveau des municipalités, qui a fait en sorte de créer une pyramide inflationniste. On l'a dit régulièrement; Benoît Laprise le sait, on a travaillé ensemble sur la question de la police; Margaret, au niveau de l'UMQ, toute la bataille qu'on a faite sur le système d'arbitrage de différends. Tout ce cadre-là a fait aussi de créer les conditions dans lesquelles on est aujourd'hui.

Aussi, dans le cadre de la signature, le 23 octobre 1997, de l'Entente concernant la contribution municipale à l'assainissement des finances publiques, par le premier ministre du Québec, le ministre des Affaires municipales et l'Union des municipalités du Québec, le gouvernement s'est engagé à entreprendre une révision de la fiscalité locale. Il s'est engagé, entre autres, à poser des actions qui permettraient aux municipalités de mieux rencontrer les exigences associées à leur contribution par la réduction des dépenses publiques dont la réduction de leurs coûts de main-d'oeuvre.

Or, la Loi concernant la négociation d'ententes relatives à la réduction des coûts de main-d'oeuvre dans le secteur municipal, adoptée le 12 mars 1998 – je pense que tout le monde... on n'a pas eu d'écho qu'il y avait bien des gens qui étaient contre ça – a bel et bien permis aux employeurs municipaux de réduire leurs coûts de main-d'oeuvre, sauf que cela s'est fait en leur interdisant de réduire les taux et échelles salariales des employés actuellement à leur emploi. Bref, les municipalités ont tout au plus profité de la négociation de la récupération de leurs coûts de main-d'oeuvre pour revoir à la baisse certaines conditions de travail.

Je ne sais pas, autour de la table, combien il y en a qui ont vécu concrètement une table de négociation. Je peux vous dire que, quand on n'a pas de rapport de force, et ça, je l'ai vécu, moi... ça fait 10 ans que je fais ça régulièrement comme maire d'une municipalité, je m'assois à la table de négociation avec les négociateurs, et, quand on se rend compte qu'on n'a pas de rapport de force, donc qu'on n'a pas de marge de manoeuvre, et c'était peut-être le cas suite à l'adoption de cette loi-là... Donc, une petite ville comme la mienne qui n'avait pas de surplus actuariel, pas de caisse de retraite bien garnie, il fallait trouver d'autres moyens. Je peux vous dire que, chez nous, on a résisté aux clauses orphelin d'ailleurs.

On le constate, les municipalités ont bien peu d'outils pour contrer leurs finances. Malheureusement, les embûches ne s'arrêtent pas là. En effet, la Loi de police prévoit qu'une municipalité qui chercherait à réduire ses coûts en réduisant ses effectifs policiers doit au préalable obtenir l'autorisation du ministre de la Sécurité publique. De son côté, la Loi sur l'organisation territoriale municipale prévoit qu'en cas de fusion les fonctionnaires deviennent, sans réduction de traitement, des fonctionnaires de la nouvelle municipalité et conservent leur ancienneté et leurs avantages sociaux. Comme si ce n'était pas suffisant, nous devons de plus conjuguer notre gestion quotidienne avec la rigidité du Code du travail, lequel fait en sorte, à ses articles 45 et 46, qu'il est impossible pour les municipalités d'adjuger des contrats en sous-traitance sans requête de la partie syndicale de transférer l'accréditation et la convention collective détenues à la municipalité chez le sous-traitant.

Nous ne pourrions évidemment passer sous silence la fiscalité municipale. À ce chapitre, les gouvernements provinciaux qui se sont succédé au cours des huit dernières années ont tous fait preuve d'une imagination débordante quand est venu le temps de déverser dans la cour des municipalités une foule de responsabilités et une quantité toujours plus importante de factures. N'oublions pas que, entre la réforme Ryan de 1991 et la réforme Trudel de 1997, il y a eu le financement obligatoire par les municipalités de l'Institut de police de Nicolet à la hauteur de 1 % du budget municipal, sans compter l'abolition du remboursement de la TVQ aux municipalités, taxe qui fut augmentée de 1 % tout de suite après, pour ne nommer que ces quelques exemples. En tout, il faut parler de plus de 1 100 000 000 $ de transfert en seulement six ans, soit 11 % du total des budgets de toutes les municipalités québécoises. Doit-on vraiment rappeler qu'au travers de toutes ces embûches les municipalités doivent d'abord et avant tout remplir leur responsabilité première, soit fournir les services municipaux de base, et donc effectuer les dépenses qui y sont reliées, et j'ajouterais, avec un seul champ d'impôt, l'impôt foncier, qui, il ne faut pas l'oublier, est un impôt régressif puisqu'il touche le logement qui est un bien essentiel.

Donc, en cela, nous avons le pire des deux mondes. D'une part, le gouvernement du Québec peut faire des déficits – c'est peut-être moins vrai maintenant, mais, jusqu'à maintenant, c'était le cas – nous n'avons pas le droit de le faire, nous, depuis 1980. D'autre part, les entreprises, lorsque la situation financière devient incontrôlable, peuvent déclarer faillite. Pour reprendre l'expression populaire, les municipalités, elles, ne peuvent faire faillite et repartir sous un autre nom. Elles ne peuvent pas non plus déménager dans une autre province.

Si, en plus, une loi interdit dorénavant de toucher à la masse salariale, et je vous invite à la plus grande prudence, on a tendance parfois à vouloir tout régler par voie législative. On a devant nous un choix de société, je pense, plus fondamental, très fondamental, mais qui n'a pas nécessairement besoin... On va peut-être créer des problèmes en voulant en régler. Moi, je pense qu'il faut être prudent avec ça. Donc, alors que toute nouvelle facture comme le 1 100 000 000 $, si on touchait à ça nécessairement... ça risque fort de se traduire par une contribution collective, puis, chez nous, ça veut dire, une contribution collective, une augmentation de la taxe, de l'impôt foncier. Mario.

(11 h 50)

M. Laframboise (Mario): Vous me permettrez de conclure. Évidemment, il faut faire attention. On ne peut pas régler de façon simple un problème complexe. Et je prendrai l'exemple de la loi n° 414, la loi qui nous a permis de faire la récupération. Puis je vais vous lire des articles pour qu'on se les remémore très bien. À l'article 7, les municipalités, l'organisme municipal qui voulait devait passer une résolution de conseil pour être capable de témoigner de ses intentions. L'article 8 nous disait qu'il fallait, en plus, lorsqu'on faisait une diminution d'effectifs, énumérer la solution et la façon dont on devait faire la diminution par attrition d'effectifs. Et l'article 9, lui, nous indiquait les mesures qu'on devait respecter ou les conditions qu'on devait respecter pour adopter d'autres mesures, et je cite le texte, troisième alinéa: «Ces mesures doivent avoir un effet récurrent et ne peuvent porter que sur les objets suivants: la modification des conditions de travail prévues à la convention collective en vigueur ou applicables aux salariés en vertu de l'article 59 du Code du travail ou d'une convention collective expirée, sauf les taux et échelles de salaires applicables aux salariés qui sont alors à l'emploi de l'organisme.» Donc, ça ouvrait toutes grandes les portes aux employés qui étaient les nouveaux arrivants et qui n'étaient pas à l'emploi de l'organisme.

Il faut comprendre, là... Et ça, ce n'est pas les municipalités qui ont demandé que cette condition-là soit inscrite dans la loi. Nous voulions réduire l'écart de 28,5 %; nous étions prêts à réduire le traitement des employés qui, quant à nous, gagnaient trop cher. Je vous citerai la raison de l'écart de 28,5 %. Il ne faut jamais oublier qu'en 1982, quand le gouvernement a réduit de 20 % sa masse salariale, il a omis d'inclure dans cette réduction le monde municipal. Donc, un 20 % indexé au coût de la vie, ça fait 28,5 % en 1998. Là-dessus, ce qu'on demandait, c'est d'être capables de replacer nos employés qu'on jugeait surrémunérés, pour être capables, si possible, de laisser la chance à nos jeunes. Parce qu'il ne faut jamais oublier que, de 1994 à 1997 – l'étude du ministère du Travail le démontre bien – il y avait réduction des clauses dites orphelin dans le milieu municipal; on était passés de 19 % à 9 %. Ce que nous voulions, c'était de continuer, nous, cette diminution de l'utilisation de ces clauses dans nos conventions collectives. Mais la loi n° 414 ouvrait toutes grandes les portes, nous interdisait de récupérer sur le salaire de nos employés qui, quant à nous, gagnaient trop cher par rapport à des emplois repères dans l'administration publique provinciale. Ça ouvrait toutes grandes les portes à rediscuter évidemment du salaire des nouveaux arrivants. Ça, là-dessus, c'était une condition. Finalement, ça a été l'effet domino. On espère qu'on va être capables dans l'avenir de replacer les relations de travail au Québec. Ce qu'on vous dit, c'est que, quand on regardera ces clauses-là, si vous voulez rouvrir les lois du travail, bien, faisons-le – on est en demande sur plusieurs lois, nous, le monde municipal – pour être capables de garantir à nos citoyens que le fardeau fiscal n'augmentera pas dans les prochaines années et pour leur redonner le goût d'investir dans nos municipalités. Merci.

On est prêts à répondre à vos questions et on a les spécialistes qu'il faut ici.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Laframboise. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Rioux: Alors, M. Laframboise, merci d'être ici, M. Brisebois, M. Jutras, Mme Laliberté. Beaucoup vous attendent aujourd'hui de pied ferme, pour plusieurs raisons. C'est que certains se sont chargés de démontrer qu'il y avait eu dans le domaine municipal des signatures ou des arbitrages qui ont permis l'introduction de clauses orphelin dans les conventions collectives. Certains diront que c'est heureux, la loi n° 414 est derrière nous, les arbitrages sont terminés, mais il y avait quand même une responsabilité des parties, qui était laissée aux parties, à l'intérieur de la loi n° 414, que vous reconnaîtrez sans doute.

J'aimerais que vous nous disiez... Puis je comprends bien la fin et l'objectif que vous poursuivez dans votre mémoire. L'utilisation de clauses orphelin dans le secteur municipal, ça a constitué pour vous un moyen important de réduire les coûts de main-d'oeuvre. Vous avez évoqué tout à l'heure les études de l'IRIR. On en a pris connaissance aussi. Le secteur municipal débordait largement en termes de rémunération ce qui se versait dans le secteur public. Est-ce que je comprends bien ou est-ce qu'on doit bien comprendre, en examinant votre mémoire, que l'Union des municipalités nous dit aujourd'hui: C'est bien regrettable ce qui s'est passé, mais ne légiférez pas; ce n'est pas le moyen efficace de régler les problèmes? Vous les avez attribués à d'autres raisons qui sont probablement valables aussi. Mais, si j'essaie de décoder, c'est que la réduction des coûts de main-d'oeuvre, chez vous, ne semble pas terminée, loin de là, compte tenu de l'écart qui vous sépare du monde de la grande fonction publique québécoise, et qu'au fond vous aimeriez continuer à vous en servir, de ce type de clauses.

M. Laframboise (Mario): Sur l'application, tantôt je vais laisser M. Jutras vous donner un exemple d'application à la ville de Québec. Sur le principe, évidemment, M. le ministre, quand on regarde les demandes qui ont été produites devant la commission, soit que des gens veulent modifier la Loi sur les normes du travail, d'autres veulent modifier la Charte des droits et libertés de la personne, si on est pour faire une modification législative, on va tout revoir les lois du travail au Québec et, nous, ça fait des décennies qu'on est en demande. Par contre, il y a une réalité. Avant la loi n° 414, il y avait une réduction de l'utilisation des clauses orphelin, et vos études au ministère du Travail le prouvent, dans le milieu municipal. Donc, théoriquement, si on n'avait pas eu le dernier pelletage de 375 000 000 $, on n'aurait pas eu le problème, aujourd'hui, de rediscuter des clauses orphelin. Donc, il faut faire attention. Si vous êtes pour faire des modifications législatives, bon, on en fait, puis on réforme les lois du travail, la Loi de police, la Loi sur l'organisation territoriale, et j'en oublie. Mais, pour le reste, si on est pour réviser, allons-y. Il y aura sûrement d'autres périodes de négociations et, nous, le monde municipal, la tendance a toujours été de les réduire. On est là pour aider les jeunes et surtout pas pour les décourager. Par contre, on vit une drôle de situation, et vous l'avez dit, on a un écart salarial à la hausse pour une certaine partie de nos employés dont ça fait plus longtemps qu'ils travaillent à la municipalité, et ça, on aimerait bien, avec le temps, réussir à niveler vers le bas et non, comme à toutes les fois ou comme s'il y avait une tendance de dire: On abolit les clauses orphelin, on aura encore la tendance de niveler vers le haut. Est-ce que c'est possible, un jour, qu'on puisse penser aux contribuables et qu'on puisse essayer de faire l'équilibre: niveler vers le bas pour certains puis peut-être monter vers le haut pour d'autres? Je vais laisser le soin à M. Jutras...

M. Brisebois (Jacques): Si vous permettez, M. le Président, deux choses. D'abord, les clauses orphelin, ce n'est pas né avec la dernière loi. Je me souviens très bien de la loi 102, ce qu'on appelait, nous autres, dans le langage municipal, la clause Zampino, Saint-Léonard, où ils avaient réduit de 20 % effectivement, exactement le phénomène des clauses orphelin, et ça n'avait pas fait tout le tapage à cette époque-là qu'on a aujourd'hui. Mais, dans la culture, c'était déjà inscrit.

L'autre partie de la réponse, je pense qu'on vit dans un carcan épouvantable dans les relations de travail dans le monde municipal. Moi, ce que je pense personnellement, c'est que, si on ajoute encore à ce carcan-là, comment on va finir par faire pour réduire nos coûts de main-d'oeuvre? C'est incroyable. Moi, je vous le dis, venez vous asseoir à une table de négociation municipale puis vous allez voir qu'on n'en a pas, de marge de manoeuvre. On cherche tout ce qui peut rester pour être capable de réduire nos coûts de main-d'oeuvre. Mais il faudrait – je pense que le président l'a bien indiqué – je pense, revoir le cadre global dans lequel on évolue pour être capable d'avancer. Il me semble que c'est clair, ça.

M. Rioux: Mais, M. le maire, peut-être que vos propres turpitudes sont exposées publiquement aujourd'hui. Il y a peut-être eu un peu de laxisme dans le passé.

M. Brisebois (Jacques): Sûrement.

M. Rioux: Je sais que, du côté des pompiers et policiers, par exemple, vous le savez, on a dû passer une loi et, là-dessus, je pense qu'on avait eu l'appui de l'opposition. On a dû passer une loi pour baliser les sentences arbitrales dans le secteur municipal chez les pompiers et policiers. On espère, puis on se croise les doigts en souhaitant que les résultats soient heureux.

(12 heures)

M. Brisebois (Jacques): M. Rioux.

M. Rioux: Oui, allez-y donc.

M. Brisebois (Jacques): J'ai assisté, dans les corridors ici, sur un projet de loi où on se posait la question: Est-ce qu'on doit marquer «peut» ou «doit» pour les arbitres? On a fait un an puis on s'est rendu compte que «peut», ça ne donnait rien. Il fallait marquer «doit», pour tenir compte de l'équité interne. Effectivement, ce n'est pas simple, ça.

M. Rioux: Mais je suis content que vous soyez là parce qu'on peut en profiter pour dire que vous êtes en demande sur beaucoup de choses.

M. Brisebois (Jacques): Effectivement.

M. Rioux: Vous souhaiteriez voir les lois du travail modifiées; je pense au Code du travail, aux articles 45 et 46. Vous aimeriez avoir droit au lock-out dans les municipalités, ce qu'un comité nous a recommandé de ne pas faire d'ailleurs, et avec probablement beaucoup de sagesse. Moi, je voudrais vous demander: Étant donné que vous avez rencontré le chef du Parti libéral récemment, quels sont les arguments que vous lui avez servis pour le convaincre que ce n'était pas utile de légiférer? Je sais qu'un jour il a dit qu'il fallait légiférer. Lorsqu'il vous a rencontrés, il a mis des bémols considérables. Il était loin d'être disposé à légiférer. Et là, semble-t-il, il revient à des meilleurs sentiments. Mais ça a été quoi, les arguments? Est-ce que c'est les mêmes que ceux que vous nous servez aujourd'hui?

M. Laframboise (Mario): Toujours les mêmes, M. le ministre. Nous, on est en croisade contre les différents gouvernements et les différents partis politiques qui se présentent à Québec. Mais, par contre, pour le reste, pour la question que vous posiez tantôt, je vais laisser le soin, peut-être, à M. Jutras de vous expliquer certains effets d'utilisation des clauses que certains calculent orphelin et qui peut-être ont une incidence favorable pour les relations de travail. M. Jutras.

M. Jutras (François): Alors, dans un premier temps, il est évident que pour légiférer il y a une très grande difficulté à définir ce qu'est une clause orphelin. On n'a qu'à se référer, je pense, à un document qui avait été préparé par le ministère du Travail intitulé Vers une équité intergénérationnelle pour voir toute l'ampleur de la difficulté à bien définir et circonscrire.

Vous avez dit, M. le ministre, que les clauses orphelin ont été pour un élément important dans la réduction des coûts de main-d'oeuvre au niveau des municipalités. Si vous me le permettez, avec tout le respect que je vous dois, je mettrais beaucoup de bémols, parce que le 6 %, c'est l'année 1998. Clause orphelin, on dit que c'est pour les nouveaux employés et, à ma connaissance, en 1998, il n'y a pas eu tellement de recrutement dans les municipalités. Il est évident que les clauses orphelin prises dans leur sens large vont avoir un effet sur les masses salariales du secteur municipal au cours des prochaines années, mais il ne faudrait pas mésestimer l'effort qui a été demandé aux employés en place pour réduire la masse salariale de 1998. Je pense que c'est un élément important. Et moi comme d'autres, qui étais parmi les négociateurs patronaux avec les négociateurs syndicaux, nous avions des délais très courts et il nous a fallu rechercher des solutions qui étaient à notre disposition avec l'objectif qu'il fallait augmenter, à toutes fins pratiques, de zéro ou très peu les taxes municipales. Donc, pensez aux citoyens – c'était l'objectif de la négociation – voici le résultat que vous devez atteindre.

À titre d'exemple, j'aimerais souligner ville de Québec, dans les documents, les échanges qu'on a pu avoir avec le ministère du Travail. On va nous parler d'une clause orphelin sur une base plus permanente étant donné qu'en 1983, pour l'ensemble des employés de la ville, avec un certain nombre de syndicats – il y en a 13 à la ville – pour ceux qui ont droit, ont accès au fonds de pension, nous avons convenu, négocié de réduire la contribution de l'employeur de 3 %. Alors, ça existe depuis 1983. Cependant, au cours de 1998, dans la ronde des négociations folles, nous avons convenu qu'il y avait un surplus actuariel. Et le surplus actuariel n'a pas servi pour améliorer les conditions de travail des employés avant 1983, mais uniquement les conditions de travail des employés après 1983, dits «les orphelins». Alors, je pense que c'est un geste que je qualifierais de mature des parties en place pour venir dire: On avait réduit mais, au fur et à mesure que les ressources nous seront fournies, on va alléger ou diminuer cet écart. Et c'est ce qui a été fait pour la période de 1983 à l'an 2000. Et un engagement: revoir jusqu'en l'an 2010.

Un autre élément qui a été étudié par le ministère du Travail, c'est les nouvelles échelles salariales pour les constables, nos policiers à la ville de Québec, et qu'on retrouve dans plusieurs municipalités. Il faut comprendre que c'est vrai qu'on a réduit le minimum de l'échelle, qui était de l'ordre de 31 000 $, à 24 500 $, 25 000 $. Pourquoi? Un, on a comparé les traitements payés à nos techniciens de la ville dans d'autres secteurs d'activité – et un constable est un technicien – et on les a amenés sur le même niveau qui était de l'ordre de 25 000 $; donc, équité interne parmi les employés.

Autre élément, on voulait réduire nos coûts à court terme, parce qu'on devait recruter des nouveaux. Mais l'objectif aussi, en réduisant nos coûts à court terme avec des jeunes, ça nous a permis de créer 10 postes additionnels dans le service de police, qui étaient pour des jeunes. Quand on recrute au service de police de la ville de Québec, la moyenne d'âge est de l'ordre de 24 ans au cours des dernières années. Donc, ça a eu un effet d'enlever de la précarité à certains emplois temporaires; on a eu 10 emplois réguliers. Je pense que c'est un côté positif.

On a aussi profité de la situation pour améliorer les conditions de travail des temporaires. Donc, on a permis aux temporaires, au fur et à mesure qu'ils effectuaient un certain nombre d'heures – pour être plus précis, 1 700 – d'augmenter dans l'échelle salariale, comme le régulier augmente quand il prend de l'expérience. Il n'y avait pas ça avant.

Et aussi, l'autre élément qui était important pour nous, c'était de diminuer le temps supplémentaire des employés réguliers. On sait que c'est un défi, que ce n'est pas facile, et il avait été convenu au niveau du Sommet qu'on regarde ça et qu'on essaie d'employer... Donc, tout ça a permis un certain réaménagement. On appelle ça «clause orphelin», mais elle a eu des avantages: de ne pas augmenter la masse salariale du service de police, de créer 10 postes réguliers, de ramener l'équité interne parmi nos techniciens, sans augmenter les taxes pour les citoyens. Je pense que c'est un plus.

M. Rioux: M. Laframboise, on sent bien que vous abordez toute la question des clauses orphelin un peu comme une patate chaude. Vous avez un peu de misère à vivre avec ça; là-dessus, je pense qu'on peut vous comprendre. Mais tout à l'heure, vous avez évoqué: Si on décide de légiférer dans ce domaine-là, il faudrait revoir l'ensemble de la législation du travail. On n'est pas ici pour ça. Mais s'il devait y avoir des choix suite à cette commission parlementaire, on a compris, à travers votre mémoire, que vous pourriez opter pour une sorte de contrat social, comme il est écrit dans le document du ministère, plutôt que pour une législation.

M. Laframboise (Mario): Si l'intention du gouvernement n'est pas de revoir toutes les relations de travail au Québec, oui, probablement que – l'exemple que vous donne Québec – la négociation reste quand même encore, pour nous, la moins pire des solutions.

Le Président (M. Beaulne): J'invite maintenant le député de Roberval, qui, lui aussi, était maire dans ses fonctions antérieures, à vous adresser la parole.

M. Laprise: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Je tiens quand même à féliciter l'Union des municipalités du Québec pour son mémoire, qui, je pense, reflète bien à quelle situation les municipalités font face au cours des négociations qu'elles ont à faire déjà, d'ailleurs, depuis plusieurs années. Je pense qu'on était confrontés à cette difficulté de rapport de force.

Maintenant, le contexte actuel: la démarche qui a été engagée depuis le consensus qui avait été fait au niveau du Sommet économique, auquel les municipalités étaient présentes, mais auquel aussi les syndicats étaient présents, et un consensus qui avait reconnu qu'il était nécessaire qu'il y ait un effort de fait de la part de tout le monde pour récupérer, pour régler le problème des finances publiques. Je crois que les municipalités, à ce moment-là, avaient accepté d'y participer de même que les syndicats; je dirais la même chose, d'ailleurs, si j'ai l'occasion de le faire, au niveau des syndicats qui représentent les travailleurs au niveau municipal. Et je crois qu'à partir de ce consensus-là il y a eu quand même un délai assez long avant que la loi n° 414 ne soit appliquée. On a dit: On va laisser aux gens, aux deux parties, le soin de se rencontrer et de trouver un terrain d'entente.

Je suis personnellement déçu de voir la fermeture qu'il y a eue au niveau de la partie syndicale afin de réduire la masse salariale des municipalités. On sait qu'on reproche aux municipalités – en tout cas, on en a parlé beaucoup au cours de cette démarche-là – d'avoir une masse salariale beaucoup trop élevée par rapport à l'entreprise privée; par exemple, on dit de 18 % à 27 %. Mais même si on met des clauses orphelin dans la masse salariale, je pense que ça ne réduit pas nécessairement la masse salariale comme telle, le taux qu'on paie par rapport aux employés réguliers, par rapport aux employés des entreprises privées. Ce n'est pas ça qui réduit. Parce qu'on n'a pas réduit la masse salariale des employés permanents avec toutes les ressources qu'on a et avec tous les avantages qu'ils ont, on n'a pas réduit ça, on a réduit, je pense, les nouveaux arrivants, qui touchent en particulier les jeunes. Et on sait que les municipalités ont une responsabilité fort importante au niveau de l'avenir des jeunes, on est impliqués à plusieurs niveaux. Je pense qu'au niveau du développement économique également, les municipalités sont impliquées en regard de la création d'emplois.

Alors, je constate également que vous vous opposez, dans votre mémoire, à réduire les heures de travail des pompiers, ce qui permettrait justement l'engagement des jeunes dans cette démarche-là. Je m'interroge là-dessus, sur cette restriction-là que vous avez mise dans votre mémoire. Est-ce que c'est la seule façon que vous avez trouvée de baisser votre enveloppe salariale, en créant des clauses orphelin?

(12 h 10)

M. Laframboise (Mario): Ce n'est pas la seule façon, M. Laprise, mais il faut comprendre qu'avec l'article 9 qui était contenu dans la loi n° 414, qui nous empêchait de toucher aux salaires et aux échelons salariaux des employés existants, le coffre à outils était réduit de beaucoup. Donc, les outils qui étaient disponibles aux négociateurs, y compris aux négociateurs syndicaux, bien, s'effondraient parce que la demande de l'Union des municipalités a toujours été de réduire l'écart de 28.5 %. Mais ce n'est pas nous qui l'avons écrite, la loi. Et je n'ai pas vu, autant les gens qui l'ont écrite, autant les gens qui étaient là pour s'opposer, faire une guerre de tranchée sur l'article 9 de la loi n° 414. Donc, en réduisant notre boîte à outils de négociation, bien, effectivement, on ne pouvait pas réduire le salaire parce qu'on n'avait pas le droit de le faire, donc on s'est servis des outils qui étaient en place là. Et ça, là-dessus, on l'a décrié et on le dit: Le pire dans cette loi n° 414, c'était l'article 9 qui nous empêchait de toucher aux salaires de ceux qui gagnaient, comme vous l'avez dit, entre 18 % et 27 % de plus que la fonction publique québécoise et l'entreprise privée. Oui, monsieur...

M. Laprise: Oui. Malgré la baisse et malgré les clauses orphelin, est-ce que ceux qui ont à entrer sur le marché du travail pour les municipalités, dans cet ordre-là, ont moins cher ou plus cher actuellement que l'entreprise privée, par exemple?

M. Laframboise (Mario): Non, je pense qu'ils sont toujours supérieurs à l'entreprise privée. M. Jutras.

M. Jutras (François): Si on y va globalement, selon les dernières données de l'étude de l'IRIR, prenons, au niveau des employés, des techniciens. On est encore dans la moyenne du municipal, c'est des villes de 25 000 et plus, ça. On est encore dans un montant de l'ordre de 15 % de plus que le privé. Et dans les employés de soutien, de secrétariat, de commis de bureau, on va facilement dans le bout de 25 %, uniquement sur le salaire.

Il y a peut-être un élément, M. le député, quand vous dites... De votre remarque, il se dégageait peut-être que les employés en place n'avaient pas été touchés. Je tiens à ajouter que c'est vrai qu'on n'avait pas le droit de toucher, en vertu de la loi, au traitement annuel – mettons ça comme ça – mais plusieurs municipalités ont augmenté les heures de travail des employés, donc ont diminué le taux horaire. Et ça paraît peut-être banal à court terme, mais c'est évident qu'une mesure comme ça, à moyen terme, va permettre de faire des économies sur la masse salariale parce que les taux horaires vont diminuer. Ça va permettre aussi par le biais, vous allez me dire, de réduire l'écart avec le gouvernement, où les employés ont en moyenne 35 heures et on voyait dans le municipal, en moyenne, je pense que c'était 32 heures et quart, 32 heures et demie.

Et il y a d'autres facteurs aussi où l'employeur a diminué ses contributions d'avantages sociaux pour ses employés réguliers. Donc, automatiquement, pour les mêmes avantages, la contribution de l'employé augmente. Et il y a d'autres éléments où certains congés ont été diminués, certains congés sans solde ont été imposés, certains avantages sociaux, comme les contributions à l'assurance collective, allocation d'automobile. Une plus grande souplesse sur l'octroi du temps supplémentaire, on a vu ça dans les conventions collectives du secteur municipal. Je pense que si on faisait le tour de toutes les conventions qui ont été négociées, il y a eu place aussi à de l'innovation, malgré tout.

M. Laprise: Est-ce que ça vous a amenés à former de nouveaux corps d'emploi pour être capable de résorber, par exemple, la masse salariale ou encore les écarts de salaire?

M. Jutras (François): À la ville de Québec, nous n'avons pas, en vertu de la négociation du 6 %, formé de nouveaux corps d'emploi comme tels. Cependant, dans certaines municipalités, ce qu'on a vu apparaître, c'est une révision des échelles salariales. Prenons chez les cols bleus; traditionnellement parlant, dans le secteur municipal, on a un taux horaire. Un journalier, ça gagne actuellement, dans le secteur municipal, un montant de l'ordre de 14 $, 15 $, au minimum. Il était peut-être à 17 $. Ils ont ajouté des échelons à la baisse. Prenons l'exemple de Montréal-Nord qui reçoit un montant de l'ordre de 13,50 $ à l'entrée. Celui qui était là il y a deux ans gagnait 17 $ et quelques à l'entrée. Mais est-ce que c'est vrai de dire que quelqu'un qui entre journalier dans une municipalité est aussi efficace que celui que ça fait trois ou quatre ans qu'il est là? Est-ce que le fait qu'on avait déjà des statutaires, des échelles salariales progressives ou des plans de carrière... Chez les cols blancs, c'est reconnu; chez les policiers et chez les pompiers. On n'en avait pas chez les cols bleus. Parce que on en instaure chez les cols bleus, c'est une clause orphelin? Il faut se poser la question.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député, c'est malheureusement tout le temps que vous aviez à votre disposition. Je demanderais maintenant au porte-parole de l'opposition, le député de Kamouraska-Témiscouata, d'échanger à son tour avec nos invités.

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. Laframboise, M. Brisebois, M. Jutras et Mme Laliberté, bienvenue. Je vous dirais que votre présence est attendue depuis le début des audiences parce que, vous l'avez dit et on l'a souligné très souvent, le point de départ et la véritable raison pour laquelle on est ici aujourd'hui, c'est le projet de loi n° 414. C'est ça qui a allumé le feu. Moi, je trouve toujours ça drôle quand je vois la réaction du ministre là-dessus. C'est comme s'il n'avait jamais été là, qu'il n'avait jamais assisté à quoi que ce soit là-dessus. Je vous dirais que c'est peut-être vrai, qu'il n'a jamais assisté à quoi que ce soit là-dessus étant donné... On va lui laisser le bénéfice du doute, mais il y a quand même une certaine responsabilité ministérielle qu'il doit assumer.

Le point que je voulais vous dire, c'est que je me souviens très bien – ma collègue de Jean-Talon est là pour le souligner aussi – dès le dépôt du projet de loi n° 414, au mois de mars dernier, dès le dépôt à l'Assemblée nationale, je pense que les trois ou quatre premières questions ont porté directement sur l'article 9 et 9.1 plus précisément, et l'article 34 aussi, si je me souviens bien, du projet de loi n° 414.

Mais il y a un élément qui... Vous savez, depuis le début de la commission on a appris finalement que l'arbitre nommé en vertu de 414 doit accepter la meilleure des deux propositions, indépendamment qu'elle ait ou non une clause orphelin à l'intérieur. Nous, ce qu'on a demandé au ministre immédiatement, c'est de s'engager à voir s'il n'y a pas moyen par un décret de modifier ça pour que, s'il y a une clause orphelin, bien, ça puisse aujourd'hui devenir un motif de refus aussi.

Mais l'autre élément – et il a refusé de le faire, évidemment; il n'a pas eu le temps d'en parler à M. Trudel ou au premier ministre avant de prendre quelque engagement, donc il ne l'a pas pris – qui est intéressant ce matin: Quand j'ai lu votre mémoire, à la page 6, c'est que non seulement l'article 9.1 permet la mise en place de clauses orphelin, mais la loi elle-même vous interdisait de réduire les taux et les échelles des gens en place. Et ça, vous avez souligné, je pense, M. Laframboise, que c'est le gouvernement qui vous a donné ça, ce n'est pas vous qui avez demandé cette législation. Donc, on est joyeusement hypocrites de l'autre côté quand on dit qu'on n'a pas trop vu ça puis qu'on ne sait pas d'où ça vient. C'est eux-mêmes qui vous ont donné, qui vous ont imposé, je dirais, ce moyen-là, puis aujourd'hui ils tentent de faire patte blanche et de dire...

Donc, le gouvernement vous a dit: Voici. Non seulement on ne vous laisse pas le choix entre le rééquilibrer au total et faire une certaine équité, mais on vous impose de ne toucher à rien – peut-être pour acheter la paix un peu avec les syndicats en même temps – ou presque, sauf les modifications sur le taux horaire, mais au niveau salarial à rien sur les gens en place, et on va y aller sur les nouveaux arrivants.

Une autre question sur les nouveaux arrivants pour savoir c'est qui exactement. Vous savez, vous avez parlé du consensus qu'il y avait eu au Sommet socioéconomique puis auquel, je crois, vous avez pris part, au consensus sur le fait que tout le monde devait faire un effort équitable pour atteindre l'équilibre budgétaire.

Il y avait une partie de ce consensus-là aussi qui était, si je me souviens bien, un engagement pris par le premier ministre qui disait que ces réductions-là ne devraient pas se faire sur le dos des jeunes, que tout le monde devait le faire de façon équitable. Comment vous avez réagi à ça quand le premier ministre lui-même, qui avait pris cet engagement-là – parce qu'à l'évidence le ministre du Travail n'était pas là – vous est arrivé en disant: Le projet de loi n° 414, l'article 9, voici comment vous allez réduire vos coûts de main-d'oeuvre? À l'évidence, c'était en grande partie sur le dos des nouveaux arrivants, des jeunes en particulier, mais aussi des nouveaux arrivants dans les municipalités. Comment vous avez réagi là à cette suite-là: On prend l'engagement, on ne touche pas aux jeunes puis on vous impose ça dans le projet de loi? Et je suis heureux de voir que vous avez souligné que ce n'est pas vous qui avez demandé ça parce qu'il y a des gens qui laissaient courir que c'était une demande de l'Union des municipalités, la mise en place des clauses orphelin. Je suis très heureux d'entendre ça.

M. Laframboise (Mario): Ce qu'il faut se dire, M. le député: discuter une loi sur les relations de travail au Québec, ce n'est pas une sinécure, c'est des nuits et des nuits de négociation. Ça, évidemment, ce n'est pas nous qui rédigeons, c'est le gouvernement, avec ses spécialistes, qui le fait en interpellant le monde municipal puis en interpellant aussi et surtout la partie syndicale. Donc, vous comprenez qu'on était en demande de la loi n° 414. On la voulait, cette loi, c'était la seule façon de régler nos 700 et quelques conventions collectives dans un délai qui était nécessaire au ministre des Finances pour, lui, arriver à ses fins avec son budget.

(12 h 20)

Donc, là-dessus, c'est nous qui demandions la loi, mais sachez qu'il y a des clauses dans cette loi-là qui ont été apportées, qui ne viennent pas du monde municipal; et ça, vous avez touché le point. Probablement que le gouvernement a subi la pression des syndicats qui ne voulaient pas toucher aux salariés existants, qui sont ceux qui négociaient convention par convention dans chacune des municipalités. Donc, c'est simple comme logique: On protège, en tant que syndicats, les employés qui auront à prendre le vote ou à décider de la proposition à faire à une municipalité ou de la contre-proposition à faire dans le cas des négociations et de tout le processus d'arbitrage. Mais ça a donné comme résultat qu'il est apparu plus ouvertement les clauses orphelin.

M. le représentant de Québec vous a expliqué. Écoutez, il ne faut pas penser non plus que toutes les récupérations des coûts de main-d'oeuvre l'ont été dans les municipalités sur les clauses orphelin – Mont-Laurier n'a pas utilisé la clause orphelin – sauf qu'il faut comprendre que les villes qui ont plus de 13 centrales syndicales à Québec, beaucoup plus de points négociés dans les conventions collectives, certaines ont des planchers d'emploi, il y a plein de choses qui font qu'on utilise une partie du coffre à outils pour arriver au résultat.

Mais évidemment, quand, dans une clause, dans une loi, vous empêchez de toucher aux salaires qui sont déjà de 28,5 % plus élevés, dites-vous que ce n'est pas les patrons qui ont demandé ça là, c'est contre toute logique. Ce n'est pas nous qui l'avons demandé, c'est une exigence pour être capable d'arriver à une loi qui était en demande de la part de l'Union des municipalités et on en avait besoin pour atteindre l'objectif de payer notre part de 375 000 000 $ du pacte social qu'on avait négocié avec le premier ministre, dans lequel on s'est engagé à faire notre part, mais toujours, nous, en protégeant le taux de taxes de notre citoyen.

Tantôt M. Brisebois vous l'a dit, on ne peut pas faire de déficit. On est le pire des mondes et la taxe municipale est la pire des taxes qu'on peut utiliser pour essayer de combler un écart. Ça ne tient pas compte du revenu du propriétaire de la maison. Oubliez ça, c'est la taxe la pire qu'on peut utiliser.

M. Béchard: Quand on voit ça, donc, il y a eu ces engagements-là, la négociation. Vous avez demandé la loi. C'est clair que cette situation-là, de pelleter uniquement sur le dos des nouveaux arrivants, ce n'est pas vous qui l'avez demandée, surtout avec la base, comme vous le dites, qu'il fallait réduire... Votre but, c'est de réduire l'effort de tout le monde, de demander un effort à tout le monde.

J'aimerais que vous me donniez un petit scoop, entre moi puis vous, là, parce que ça me traverse l'esprit depuis le début, depuis le mois de mars. C'est une négociation. Finalement, c'est une loi sur le monde du travail. Quelle a été l'implication du ministre du Travail dans l'élaboration de cette loi-là? Parce que vous étiez au coeur des négociations, là. Est-ce qu'un jour le ministre du Travail est allé là puis qu'il a dit: Non, il n'y aura pas de clauses orphelin, ce n'est pas un moyen de régler la situation? Est-ce qu'il a été impliqué, dans ce dossier-là, le ministre du Travail?

M. Laframboise (Mario): Je ne vous donnerai pas de scoop, là.

M. Béchard: Ça aurait été bon pour nos cotes d'écoute!

M. Laframboise (Mario): Quand on discute d'une loi sur les relations de travail au Québec... Je pense que le ministre a fait son travail, et tous les intervenants qui sont près du ministre ou du cabinet du premier ministre, et tous ceux et celles qui ont pu... Je vous le dis, là, c'est vraiment un effort surhumain qui est demandé à toute l'organisation gouvernementale. Et je peux vous dire, par contre, que tout le monde a travaillé, a travaillé fort puis a travaillé longtemps, a passé des nuits là-dessus. Puis je pense que le ministre a fait sa part.

M. Béchard: O.K. Donc, c'est dire que le ministre du Travail est en partie responsable de ce qu'il y a là-dedans et que lui aussi fait partie de ceux qui l'ont imposé comme solution aux municipalités, d'y aller de cette façon-là.

J'aimerais avoir... Parce qu'il y a un autre élément aussi. Quand on lit l'article comme tel, le faux article 9.1, on parle des salariés qui sont alors à l'emploi de l'organisme. Vous savez, dans les municipalités, je pense qu'il doit y avoir une partie de travailleurs saisonniers, que ce soit l'hiver pour l'entretien ou l'été pour les pelouses et tout ça. Vous avez une bonne partie de travailleurs saisonniers dans les municipalités. Est-ce que ces travailleurs saisonniers, qui reviennent annuellement, ont été victimes de cet article-là? Est-ce qu'il s'applique à eux, c'est-à-dire, les gens qui ne sont pas sur une base annuelle, qui sont là uniquement, je dirais, six mois, trois mois, ce qui est temporaire? Est-ce que cet article-là s'applique à ces gens-là et non pas seulement aux nouveaux arrivants? Où est l'écart?

M. Laframboise (Mario): M. Jutras.

M. Jutras (François): De répondre avec précision à votre demande, c'est difficile – il y a 1 400 municipalités et, je ne sais pas, autant de conventions collectives, un petit peu plus – mais je vais vous donner l'exemple ville de Québec. Prenons l'exemple qui a été cité, l'échelle salariale des constables. Alors, je dois dire que des constables temporaires qui avaient été engagés à la ville de Québec un mois avant la signature de la convention, qui avaient été engagés au bas de l'échelle, à 31 000 $, ont maintenu 31 000 $. Alors, eux autres et tous ceux qui avaient acquis une espèce de droit d'ancienneté – appelons-le comme ça – ont conservé leur niveau de rémunération. Ce n'est effectivement, dans ce cas-là, que ceux engagés après.

M. Béchard: Est-ce que les saisonniers...

M. Brisebois (Jacques): M. le député, je pense que la réponse à ça, c'est qu'il y a certainement quelques municipalités qui ont pu utiliser ça dans ce sens-là mais on ne peut pas généraliser. Ce que M. Jutras disait, il y a 1 400 municipalités, c'est très...

M. Béchard: Mais ça ouvre à ça.

M. Brisebois (Jacques): Je pense qu'il ne faut pas, non plus, s'enfarger uniquement dans 414. Nous, notre prétention, c'est que ce n'est pas là, le problème. Il est bien plus général que ça, plus global que ça. Puis où on souhaite que vous nous aidiez, tout le monde, des deux côtés de l'Assemblée, c'est qu'on puisse avancer dans ce débat-là pour faire en sorte que le carcan dans lequel on évolue dans le monde municipal, il puisse un petit peu prendre de l'air pour qu'on soit capables de rencontrer nos objectifs de réduction de coût de main-d'oeuvre.

Je comprends que votre mandat, c'est peut-être très pointu, mais, nous, il ne peut pas être pointu. On constate l'ensemble de notre situation puis on dit: Écoutez, ça, c'est un élément de plus, mais c'est un élément parmi d'autres éléments.

Le Président (M. Beaulne): Mme la députée de Jean-Talon, qui également, je le rappelle, a été anciennement mairesse.

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Je me sens un petit peu comme mon collègue de Roberval, madame et messieurs, ce matin, en vous entendant parler, parce que j'ai l'impression d'entendre le même bon vieux débat. Alors, je ne reprendrai pas ce que mon collègue a dit. Je me prends par contre à rêver d'un moment où, sans partisanerie aucune, tout le monde pourrait s'asseoir autour d'une table avec le ministre responsable du Travail, avec le ministre des Affaires municipales, avec le ministre responsable du Développement régional et peut-être le ministre des Finances, et régler une fois pour toutes ces fameux débats et finalement remplir ce coffre à outils dont parle l'UMQ et parle aussi l'UMRCQ depuis combien d'années.

Mais pour faire ça, il faut aussi qu'on soit conséquents dans les engagements qu'on prend; il faut être conséquents dans nos discours. Moi, je n'aime pas non plus le rétroviseur, je pense qu'il faut bâtir à la fois sur les erreurs et sur ce qui s'est fait. Mais il faut aussi se rappeler que pour remplir certains engagements... Bon, nous autres, le Parti libéral, on avait voté la loi 102; le Parti québécois avait promis de l'abolir, ils l'ont donc abolie – vous y faites référence d'ailleurs, je pense, dans votre mémoire – remettant rétroactivement de l'argent aux employés. Bon.

On fait quoi aujourd'hui? On s'est ramassés avec la loi n° 414, qui n'a fait l'affaire de personne, je n'en disconviens pas du tout. Mais quand vous parlez de votre coffre à outils, on les connaît, vos demandes: le droit au lock-out, revoir les lois du travail, les articles 45 et 46 et combien d'autres! Et les gens qui nous écoutent ce matin – parce qu'il y a du monde qui écoute ça régulièrement; à ma grande surprise, il y en a qui nous trouvent bien intéressants – ils ne comprennent pas que ça ne se règle pas, ça. Alors, il y a des raisons pour lesquelles ça ne se règle pas. Est-ce qu'on veut faire plaisir à un, déplaisir à l'autre? C'est quoi, le problème?

Ce que je retiens de ce que j'ai entendu ce matin, de ce que j'ai lu dans votre mémoire, le gouvernement n'a toujours pas compris qu'on ne peut pas rendre synonyme d'autonomie un carcan tel qu'il y a actuellement. Alors, on ne veut pas non plus dire aux municipalités: Vous êtes autonomes, vous pouvez gérer comme vous voulez, vous pouvez dispenser les services que vous voulez, ça, d'un côté, puis arriver puis dire: Bien, écoutez, voici le carcan qu'on vous impose. Et c'est exactement ce qui est arrivé.

Maintenant, si on veut être positif, on fait quoi? Vous réglez ça comment? Et moi, j'aimerais ça vous poser la fameuse question sur les articles 45 et 46 que vous voulez avoir dans votre coffre à outils: Est-ce que vous avez des engagements de la part du gouvernement de le régler une fois pour toutes? Et toute la question du droit au lock-out, est-ce que vous en avez, est-ce que le gouvernement est prêt à vous ouvrir cette porte-là pour rendre plus équitable... Vous parliez de marge de manoeuvre, tout à l'heure. Bien, est-ce qu'ils sont prêts, est-ce que vous en avez, des engagements de la part du gouvernement, actuellement?

M. Laframboise (Mario): Concernant le gouvernement, tantôt, M. le ministre nous a dit qu'il n'était pas question qu'il révise toutes les lois du travail au Québec. Donc là, vous avez déjà eu une réponse de la bouche du ministre tantôt.

(12 h 30)

C'est sûr que les clauses orphelin sont probablement la goutte d'eau qui fait déborder le vase. C'est l'exemple qui est rendu qu'il dépasse tout entendement, dans le sens où on peut enlever aux municipalités, un à un, tous les moyens qu'elles ont utilisés pour essayer de réduire leur masse salariale. Sauf qu'à toutes les fois, si on nivelle vers le haut, tout ce qu'on fait, c'est d'augmenter le compte de taxes du citoyen. C'est tout ce qu'on fait.

Et comme on le dit, les taxes municipales, il n'y a pas pires taxes, ça ne tient pas compte des revenus de celui qui les paie, ça marche sur l'évaluation foncière. C'est triste, mais nos citoyens ont vu leur capacité et, évidemment, leur rémunération de ménage diminuer – vous avez vu les récentes statistiques, les revenus des ménages diminuent – et donc leur capacité de payer leurs taxes municipales diminue. Et ça, nous, on ne peut pas être indifférents à ça. Et vous-mêmes, en tant qu'élus provinciaux, vous ne pouvez plus être indifférents à ça. Et là-dessus, il faut aider les gens.

Dans le monde municipal, il y a quand même un bel exemple à faire, on est 28,5 % de plus. Si on avait un exemple à donner, ça serait peut-être là que le gouvernement devrait donner le coup de barre et dire: Voici, on va encourager les jeunes puis, par contre, on va se reprendre sur ceux et celles qui ont bénéficié trop longtemps de la largesse des lois du travail au Québec. Mais ça, ça prend une volonté puis il y a juste le ministre qui peut parler pour le gouvernement. Vous pouvez parler pour l'opposition; probablement que vous allez nous dire que vous allez, si jamais vous êtes élus, peut-être continuer, Mme Delisle...

Mme Delisle: Je n'ai rien dit du tout!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laframboise (Mario): Allez-y là. C'est ça qu'on veut entendre comme discours.

Mme Delisle: C'est terminé?

Le Président (M. Beaulne): Allez-y juste pour une toute petite question.

Mme Delisle: Non, ça serait trop long. Je le ferai une autre fois.

Le Président (M. Beaulne): Alors, de toute façon, la discussion va continuer. Je vous remercie Mme la députée. Je demanderais au député de Rivière-du-Loup de prendre la parole.

M. Dumont: Merci, M. le Président. D'abord, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'UMQ. Je repars de la présentation de la question précédente de la députée de Jean-Talon sur la notion de faire plaisir. Je pense que le problème a été relativement là. Il n'y a pas de doute que l'article 9 de la loi n° 414 avait pour but de faire plaisir aux syndicats. Il n'y a pas de doute dans la formulation de l'article 9 que c'était encourager des clauses orphelin, en ce qui me concerne, et, pour faire plaisir, on voulait protéger les droits acquis. C'est pour la même raison, faire plaisir, que le chef du Parti libéral, quand il vous a rencontrés, vous a tenu un discours complètement différent de ce que ses députés nous tiennent ici, en Chambre, c'était aussi pour vous faire plaisir. Mais à vouloir faire plaisir finalement on ne sait jamais où se loge.

M. Charest a refusé de condamner les villes qui ont eu recours à des dispositions semblables l'an passé. Moi, je les condamne. Moi, je pense que vous avez décrit les abus du passé, et j'en suis. Vous avez décrit l'écart salarial dans le monde municipal avec ce qui se fait ailleurs, j'en suis à 100 % et je suis tout à fait conscient des abus qu'il y a eu dans le passé. Je suis celui qui défend comment l'augmentation des taxes municipales est, sur le dos des jeunes ménages, une mesure antifamiliale, une mesure antiaccès à la propriété. Donc je comprends tout à fait la situation, comme élus municipaux, dans laquelle vous vous retrouvez. Mais s'il y a eu des abus dans le passé, ce n'est pas vrai que c'est juste aux jeunes de payer, aujourd'hui. Pour moi, ça, c'est clair et ça doit être dénoncé.

Vous nous dites, par contre, dans votre mémoire... Et je trouve que c'est un mémoire de réflexion, on ne peut pas le prendre... Ce que le ministre vous a dit, à mon avis... Effectivement, dans cette commission-ci, on est sur le dossier des clauses orphelin, mais il y a un autre projet de loi devant l'Assemblée nationale, que celui qui vous parle a déposé sur l'article 45, puis, moi, je pense que le dossier des relations de travail municipales, au contraire, il doit être ouvert.

Ma question va être bien simple. Vous nous dites: C'est la dernière solution, c'est la dernière poignée qui nous reste. Comme élus municipaux, l'ultime recours qui nous reste ou à peu près, en gros, c'est de faire payer les jeunes. Si vous aviez le choix entre le statu quo là-dessus – ce qui est finalement un peu ce que vous nous dites, vous dites: Dans la mesure où on ne change pas le reste, on garde le statu quo, on garde cette poignée-là – si vous aviez le choix entre ça puis ce qui est le programme de l'ADQ: faire sauter un peu les monopoles syndicaux, droit de lock-out, articles 45, 46, décret de la construction – moi, je suis prêt pour ça, il n'y a pas de problème, 100 % prêt à revoir ça, 100 milles à l'heure – puis qu'en échange de ça, par contre, on vous dit: Il y a un moyen qu'on vous enlève, on ne fait plus payer les jeunes – oui, on remet les choses en question; oui, on donne de la souplesse; oui, on commence à gérer en fonction de nos moyens. On ne gère plus en fonction du portefeuille des années soixante-dix, on gère en fonction du portefeuille des années quatre-vingt-dix, mais pour tout le monde; il n'y a plus deux classes, il n'y a plus une classe pour les jeunes – entre le statu quo puis ça, qu'est-ce que vous prenez?

M. Laframboise (Mario): Si jamais vous me dites que ce que vous me promettez, ce n'est pas une promesse électorale, c'est un fait, je vais vous dire qu'il n'y a pas de problème, monsieur, on va les enlever, les clauses orphelin. Si on a la boîte à outils que vous nous promettez, on ne l'utilisera pas pour la simple et bonne raison que, le passé étant garant de l'avenir, l'étude du ministère du Travail prouve que de 1994 à 1997 on a réduit de 19 % à 9 % l'utilisation de nos clauses. Si vous nous donnez les moyens pour être capables de régler nos relations de travail, il n'y en aura pas, de clauses orphelin. Puis, au contraire, les jeunes auraient tout avantage à aider le monde municipal à gagner du terrain, justement pour leur évolution à eux puis dans les relations de travail dans le monde municipal.

M. Brisebois (Jacques): Je ne veux pas laisser non plus l'impression qu'on dit que c'est la seule chose qu'il nous reste. Moi, je te le dis, à Mont-Laurier, dans nos premières offres, ça y était, mais on a convenu, dès les premières rencontres avec le syndicat, que ça n'avait pas d'allure; moralement, on n'était pas à l'aise avec ça.

Moi, je pense qu'il faut le voir vraiment dans le sens... il faut ouvrir le carcan. Et si en amont on change les choses, ça va disparaître de soi. C'est ça, je pense, le message, finalement, qu'il faut comprendre, ici.

Le Président (M. Beaulne): Ça va, M. le député?

M. Dumont: C'est très clair.

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. Laframboise, M. Brisebois, la commission vous remercie ainsi que les personnes qui vous accompagnent.

Et compte tenu de l'heure, j'ajourne nos travaux à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

(Reprise à 14 h 7)

Le Président (M. Beaulne): Chers collègues, mesdames, messieurs, la commission de l'économie et du travail poursuit ses audiences sur les clauses dites orphelin. Nous accueillons maintenant les représentants du Conseil permanent de la jeunesse.

Je vous rappelle simplement rapidement nos procédures. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et, par la suite, les différentes formations politiques vous interrogeront. Et puis je vous demanderais de vous identifier, également, pour les fins de la transcription, lorsque vous prenez la parole. Alors, allez-y.


Conseil permanent de la jeunesse (CPJ)

Mme Cauchy (Clairandrée): Je vous remercie. Le Conseil permanent de la jeunesse est fort heureux d'être ici aujourd'hui pour participer au débat sur les clauses orphelin. Je suis Clairandrée Cauchy, présidente du Conseil, et je suis accompagnée de Marie-Claude Ménard, vice-présidente du Conseil, de Sylvain Gendron, membre du Conseil qui a participé au groupe de travail sur le dossier des clauses orphelin, et de Rosaire Ouellet, qui est agent de recherche au Conseil. Je n'ai pas l'intention de reprendre aujourd'hui l'ensemble des éléments du mémoire, comme vous avez eu l'occasion de le lire auparavant.

Le Conseil accorde beaucoup d'importance à la question des clauses orphelin, considérant qu'il s'agit là d'un enjeu majeur pour toute une génération qui tente de s'introduire tant bien que mal sur le marché du travail, un marché du travail respectueux des grands principes d'égalité auxquels toute démocratie digne de ce nom se doit d'adhérer.

Mais il y a les principes qu'on dit et il y a ceux qu'on pratique. Les femmes y ont déjà goûté pendant des dizaines d'années, en matière d'équité salariale, comme le rappelait Mme Françoise David, en fin de semaine. Nombreux étaient les préjugés sur la femme au travail comme cinquième roue du carrosse, comme bénéficiaire d'un salaire d'appoint, comme protégée par un mari pourvoyeur. Ces préjugés venaient officieusement justifier un traitement inéquitable envers plus de la moitié de la population. Est-ce que les jeunes ne seraient pas aujourd'hui victimes du même genre de double discours?

Les préjugés populaires laissent croire que les jeunes vivent tous chez leurs parents, qu'ils ont seulement besoin d'argent de poche. Les préjugés font aussi fi de leur taux d'endettement et de leurs difficultés financières. Or, la jeunesse s'allonge de plus en plus. Auparavant on parlait de jeunes jusqu'à l'âge de 25 ans; on parle maintenant de jeunes de 25, 30 et même 35 ans qui essaient de se tailler une place.

Les jeunes adultes éprouvent les mêmes besoins que les autres catégories de la population, souhaitant s'établir dans la vie, avoir des enfants, se loger, se nourrir. Et, aux dernières nouvelles, je ne pense pas que le coût de la vie soit moins cher pour les jeunes que pour les autres catégories de la population. Ainsi, le débat sur les clauses orphelin ne peut donc pas se limiter à la stricte dimension juridique. Ce débat doit susciter un profond examen de conscience à l'échelle de l'ensemble de la société quant à son avenir, à ses valeurs, quant à sa jeunesse.

(14 h 10)

Il ne faut pas se leurrer, les systèmes de rémunération à double palier ne datent vraiment pas d'hier. En 1940, par exemple, la convention de l'Union internationale des ouvriers du vêtement pour dames consacrait ce principe de rémunération à double palier, à deux niveaux. Les hommes gagnaient 0.545 $ de l'heure, alors que les femmes gagnaient 0.3625 $ de l'heure pour le même travail. Une telle convention serait aujourd'hui tout à fait inacceptable. Non seulement on a consacré le principe du travail égal, salaire égal, mais on est même rendu au principe du travail équivalent, salaire égal. Bien évidemment, le législateur a cru bon de traduire le consensus social dans les lois, les règlements et dans la Charte des droits.

Pourtant, on a vu apparaître, au cours de la dernière décennie, des clauses qui contreviennent directement au principe de travail égal, salaire égal. On retrouve maintenant des pratiques qui font en sorte d'accorder des conditions de travail inférieures pour les nouveaux arrivés dans un milieu de travail, trop souvent des jeunes.

Ainsi, par exemple, les policiers de la Communauté urbaine de Montréal gagnent maintenant, à leur premier échelon, au moment de leur embauche, 24 600 $ par année. Pourtant, ceux qui les précédaient gagnaient 32 000 $ par année, au bas de l'échelle toujours. De plus, au cours de leurs six premières années de service, les jeunes policiers recevront 44 000 $ de moins que ceux qui les précédaient, strictement à cause de leur date d'embauche. Vous avez bien entendu, 44 000 $.

On pourrait multiplier les exemples de la sorte non seulement au niveau de la rémunération, mais aussi au chapitre des avantages sociaux et des bénéfices marginaux. Il y a une recrudescence des clauses orphelin au Québec, une recrudescence de leur nombre, et les gens qui négocient les conventions redoublent d'imagination quant à la forme que peuvent prendre ces discriminations. Peu importe la nature et la quantité de ces discriminations, une clause discriminatoire, c'est une clause de trop.

Il y a eu toutes sortes de discussions, de tergiversations sur la définition d'une clause orphelin. Le CPJ, quant à lui, propose une définition qui s'inspire de celle de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et qui va à l'essence même de l'injustice causée par les clauses orphelin. Cette définition a le mérite d'être simple et de couvrir toutes les conditions de travail, tant dans les milieux syndiqués que non syndiqués.

On définit donc la clause orphelin comme: toute pratique ayant pour effet de fixer un régime de conditions de travail inférieur pour les nouveaux ou futurs employés qui effectuent essentiellement les mêmes tâches que les anciens.

J'aimerais attirer votre attention sur le fait que cette définition ne s'attaque pas directement au principe d'ancienneté. Il ne faudrait pas que le principe d'ancienneté soit galvaudé pour tenter de justifier l'injustifiable. On demande qu'on ne puisse pas avoir de traitement différencié strictement à cause de la date d'embauche.

Certains font une différence marquée entre les clauses orphelin temporaires et permanentes, alléguant que seules les clauses orphelin permanentes constitueraient réellement une discrimination, comme les nouveaux n'atteindront jamais le salaire des plus anciens. Au Conseil, nous considérons qu'il n'y a pas de dosage à la discrimination. Il y a ou il n'y a pas de discrimination.

Le Conseil du patronat l'a dit lui-même mardi dernier, les clauses sont renégociées à chacune des négociations. Il n'y a donc pas vraiment de différence entre les clauses permanentes et temporaires. Les permanentes peuvent être éliminées à la négociation suivante, alors que les temporaires peuvent être prolongées de convention en convention.

Lorsqu'un travailleur a été discriminé en recevant un moins bon salaire pendant un an, deux ans, trois ans, eh bien, jamais, on ne va lui rembourser les pertes de salaire qu'il a encourues. La perte de salaire, elle est permanente. La discrimination est permanente. Et ceci est particulièrement vrai avec la nouvelle mode de l'allongement de la durée des contrats de travail. On parle maintenant de contrats de travail de cinq, sept, et même dix ans.

À ceux qui soutiennent que ces clauses ne sont que la réponse ponctuelle à une certaine conjoncture économique difficile, qu'elles sont transitoires, je répondrai qu'on fait justement des lois pour se prémunir contre les aléas des conjonctures. On ne peut pas prôner le principe d'équité les jours de fête et de vaches grasses et le ranger dans le placard quand ça se corse. On ne veut pas d'une équité à deux vitesses. De plus, contrairement à ceux qui croient que c'est un phénomène temporaire, ponctuel, qui suit les cycles économiques, nous avons réalisé que les clauses orphelin ont connu une progression marquée de 1991 à 1997, alors qu'on était en pleine période de reprise économique.

On ne peut mettre dans la balance, comme l'ont fait certains intervenants, la compétitivité des entreprises, leur rentabilité, la flexibilité de la main-d'oeuvre et justifier ainsi le recours à un traitement différencié, à une discrimination. Cette pratique mine la solidarité entre les travailleurs. Le témoignage des agents correctionnels, la semaine dernière, était très éloquent à ce sujet. La clause affectera à moyen et à long terme la productivité, créant ainsi un climat de tension, d'insatisfaction qui va s'envenimer au fil des départs à la retraite et de l'arrivée des nouveaux employés.

Si certains se plaisent à rappeler que ces pratiques sont temporaires, bien, je vous dirais que les cicatrices qu'elles engendrent, elles, elles sont permanentes. Ranger de telles pratiques discriminatoires au rang des avantages compétitifs d'une entreprise relève, pour être poli, d'un raisonnement à très courte vue. Les clauses orphelin constituent nettement une discrimination, accordant des conditions de travail inférieures au dernier embauché.

La Commission des droits de la personne et de la jeunesse a souligné plus tôt cette semaine que, dans de nombreux cas, il serait possible de faire la preuve qu'il s'agit d'une discrimination en fonction de l'âge, comme les nouveaux travailleurs et le bassin des demandeurs d'emplois sont généralement plus jeunes que les employés alors à l'emploi de l'entreprise. Ils ont aussi expliqué que très peu de plaintes avaient été déposées en vertu de la Charte. Il nous apparaît donc clair que la Charte ne peut seule suffire à enrayer le phénomène des clauses orphelin, que l'on sait répandu dans plusieurs contrats de travail au Québec.

Cela demande une bonne dose de courage pour un jeune travailleur de s'élever à la fois contre son employeur et contre son syndicat, en l'occurrence ses collègues de travail, pour faire valoir ses droits et déposer une plainte devant la Commission. Les démarches peuvent prendre plusieurs années, et la preuve statistique est fort complexe. Si jamais cette clause était déclarée discriminatoire et qu'un tribunal rendait grâce au plaignant, eh bien, le jugement s'appliquerait seulement au cas précis ayant fait l'objet de la plainte. L'approche au cas par cas est clairement insuffisante pour enrayer les clauses orphelin.

Pour ce qui est des pistes de solution proposées par le document du ministère du Travail, notamment le pacte social, il convient de les remettre en perspective. Ce n'est pas d'hier que le clignotant rouge s'est allumé, quand il était question des clauses orphelin, ou, devrais-je dire, a été allumé par les groupes de jeunes. Ce n'est pas d'hier non plus qu'on parle de faire un effort particulier pour sensibiliser les employeurs et les syndicats à la question des clauses orphelin. Pour être clair et direct, il n'y a plus personne qui croit au pseudo pacte social basé sur la bonne volonté des parties pour enrayer les clauses orphelin. Voilà un premier consensus que le gouvernement devrait considérer.

Le débat s'est déjà fait au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, en 1990. Or, deux ans plus tard, le Conseil a accouché d'une souris en affirmant que les membres s'opposaient à l'introduction de clauses orphelin dans les conventions collectives. Ce voeu pieux n'a pas empêché le taux de clauses orphelin de plus que doubler de 1991 à 1997, et ces données ne tiennent même pas compte des dernières données du secteur municipal, qu'on attend toujours.

Les groupes de jeunes, les ailes jeunesse de partis politiques, les comités jeunes de syndicats ont également mis l'épaule à la roue, depuis près de 10 ans, pour sensibiliser les parties et le gouvernement à la nécessité de prohiber les clauses orphelin. Il faut rendre hommage à la détermination de ces groupes qui, trop souvent, ont prêché dans un désert d'indifférence et de complaisance. Pendant plusieurs années, on allait même jusqu'à nier l'existence même des clauses orphelin. La bonne foi des parties et l'approche volontariste pour régler le cas des clauses orphelin, les jeunes n'y croient plus. Il est devenu évident que l'hypothèse d'un pacte social ne résiste pas à la réalité des négociations.

Une loi créerait un environnement juridique qui obligerait les parties à faire preuve d'imagination pour trouver des solutions négociées équitables, des solutions qui ne feraient pas porter le poids des compressions sur les plus jeunes, les derniers rentrés, parfois même sur d'autres catégories que les jeunes, ça va de soi.

Comme je l'ai dit plus tôt, les jeunes ne se contenteront pas d'une grande déclaration de principe qu'on sortirait les dimanches et les jours de fête pour ensuite la balayer en-dessous du tapis quand la situation se corse. Ils ne veulent pas non plus d'une législation partielle alambiquée qui pourrait facilement être contournée par une modification mineure des tâches, d'un titre d'emploi ou par la création de nouveaux statuts d'employés.

(14 h 20)

Le Conseil permanent de la jeunesse recommande que la Loi sur les normes du travail soit modifiée pour interdire clairement et de façon incontournable les clauses orphelin. Comme on a pu le voir en fin de semaine dernière, il s'agit là d'un consensus très large qui devrait inciter le ministère du Travail à déclencher rapidement le processus législatif. Une modification du Code du travail pourrait aussi permettre d'enrayer les clauses orphelin dans les milieux syndiqués. Cependant, ça ne pourrait pas couvrir les milieux non syndiqués, qui pourraient être aussi victimes des politiques salariales ou de pratiques discriminatoires.

Les modifications à la Loi sur les normes du travail devraient être d'ordre public pour que toutes les conventions collectives soient tenues de s'y conformer. Le gouvernement et les corporations municipales devraient aussi être assujetties à cet article de la Loi sur les normes.

Il faudrait également s'assurer que certains professionnels généralement non assujettis à la Loi sur les normes du travail soient protégés, par exemple les jeunes médecins.

Il faudrait prévoir un mécanisme de recours simple et efficace pour que tout individu qui se sent lésé dans ses droits puisse faire rapidement valoir ses droits, et ce, sans avoir à débourser d'importantes sommes d'argent.

Finalement, un délai d'application pourrait permettre à ceux qui ont déjà signé de telles clauses orphelin de s'atteler à la tâche pour les renégocier – pas renégocier les clauses, on s'entend. La signature de toute nouvelle clause orphelin serait, d'ici là, interdite.

Il est de la responsabilité de l'État de fixer les balises pour empêcher les injustices. Nous lui demandons de faire preuve envers les jeunes du même courage qu'il a démontré lors de l'adoption de la Loi sur l'équité salariale. Nous demandons au gouvernement d'aller de l'avant dès le début de la prochaine session parlementaire pour interdire les clauses orphelin.

Tout comme notre société a refusé d'avoir un système de rémunération différent pour les femmes de celui des hommes, nous devons refuser d'avoir un régime à deux vitesses, une pour les anciens, une pour les nouveaux. Nous ne pouvons, collectivement, garder la tête haute devant le deux poids, deux mesures des clauses orphelin. À travail égal, salaire égal. Nous demandons que le gouvernement traduise ce principe clairement dans les lois du travail. Il en va de la notion d'équité dans notre société. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le ministre, à vous la parole.

M. Rioux: Merci, M. le Président. J'aimerais dire à Mme la présidente du Conseil permanent de la jeunesse et à ses collègues que le mémoire est bien fait, est bien tourné. C'est bien structuré, c'est bien argumenté, et vous méritez des félicitations.

Je voudrais que vous nous disiez, Mme la présidente, si vous étiez en total accord avec la coalition au sein de laquelle vous étiez en fin de semaine, quant aux déclarations publiques qui ont été faites sur les clauses orphelin. Est-ce que vous étiez en parfait accord avec tout ce monde-là?

Mme Cauchy (Clairandrée): Votre question, plus précisément?

M. Rioux: Vous faisiez partie de la coalition, en fin de semaine?

Mme Cauchy (Clairandrée): Tout à fait.

M. Rioux: Je vous ai sentie comme un «strange bedfellow».

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Cauchy (Clairandrée): Écoutez, je pense que le principe d'une coalition, c'est de dégager les points de consensus, et il y avait un consensus ferme sur la volonté de modifier la Loi sur les normes du travail pour interdire les clauses orphelin, et on avait défini les clauses orphelin comme des clauses qui faisaient en sorte d'accorder des moins bonnes conditions de travail aux nouveaux travailleurs, comparativement aux anciens.

M. Rioux: Alors, le point de convergence, c'était la Loi des normes.

Mme Cauchy (Clairandrée): Oui, puis sur la définition aussi. On avait un consensus pas mal clair, au niveau de la définition.

M. Rioux: Vous suggérez que l'on modifie la Loi des normes – c'est une loi d'ordre public – et vous voulez y voir greffer un mécanisme efficace de règlement des différends ou des problèmes. Vous savez qu'aux articles 122 et 124 de la Loi des normes il y a le mécanisme des plaintes, il y a un mécanisme de médiation, et aussi on accompagne, la Commission, maintenant, par le biais de son service juridique, accompagne les gens jusque devant le tribunal. Est-ce que c'est ce genre de mécanismes-là qui ferait votre affaire, ou si, dans votre esprit, il y en aurait un autre qui serait encore meilleur? Si oui, j'aimerais le connaître.

Mme Cauchy (Clairandrée): L'article 124, c'est sur le congédiement abusif?

M. Rioux: Oui. Ça, c'est les congédiements sans cause juste et suffisante, et 122, c'est les pratiques interdites. Alors, soit vous ou un autre de vos collègues...

Mme Cauchy (Clairandrée): Je vais commencer. De prime abord, je ne suis pas juriste. Mais ça ressemble, grosso modo, à ça. Ce qui est important, c'est qu'un individu qui sent que ses droits sont lésés puisse aller directement porter plainte, premièrement. Deuxièmement, quand on connaît la situation économique précaire des jeunes, je pense que ça va de soi qu'il faille que les coûts engendrés par la défense du travailleur soient assumés par la Commission des normes du travail dans un mécanisme qui pourrait ressembler à celui sur le congédiement abusif.

M. Rioux: Ça, ça vous apparaît...

Mme Cauchy (Clairandrée): Mais je ne suis pas juriste, je ne peux pas vous... Mais ce qui est important, c'est que ça se fasse rapidement, qu'on ne laisse pas éterniser ça pendant des années et que le jeune n'ait pas à sortir de sa poche une couple de mille dollars pour aller faire valoir ses droits.

M. Rioux: Ce mécanisme-là vous apparaît donc suffisamment efficace pour penser pour un instant, réalistement, que ça pourrait être approprié dans les circonstances.

Mme Cauchy (Clairandrée): Il faudrait que je vérifie un peu plus le mécanisme.

M. Rioux: Est-ce qu'il y a un de vos collègues qui voudrait aller plus loin, là-dessus?

M. Gendron (Sylvain): Sylvain Gendron. On a demandé de se nommer pour les fins de la transcription, alors, c'est fait. Ce qui est important, c'est que l'individu soit capable d'obtenir la solution de son litige le plus rapidement possible. Et effectivement, si le contentieux des normes du travail ou les avocats devaient prendre fait et cause pour cet individu-là, ça pourra être un aspect très favorable évidemment parce qu'on sait que les clauses orphelin touchent principalement les nouveaux travailleurs, évidemment, par définition, qui ont des conditions de travail défavorables. Alors, ça pourrait être une façon d'amener la solution du litige. Ça pourrait être intéressant que ça ressemble à ça. Mais ce qui est important, c'est que ça se fasse, tout ça, avec célérité, qu'on puisse régler le problème rapidement.

M. Rioux: Est-ce que la Loi des normes, telle qu'elle est présentement, ça répond totalement à vos attentes ou si ça répond en partie à vos attentes?

Mme Cauchy (Clairandrée): Il faudrait s'assurer que les articles qu'on introduit dans la Loi sur les normes du travail couvrent comme il faut autant les corporations municipales, l'ensemble des secteurs public et parapublic, le gouvernement. Il faudrait aussi s'assurer qu'on couvre certaines corporations professionnelles qui ne sont pas actuellement couvertes par la Loi sur les normes. Encore une fois, je ne suis pas juriste, mais ça pourrait prendre plusieurs formes, soit la modification de chacune des lois précises, par exemple la Loi sur l'assurance-maladie, ou une modification, on me dit, peut-être, au Code des professions, ou encore une espèce de clause dérogatoire dans la Loi sur les normes du travail, qui préciserait que tous les articles sur les clauses orphelin s'appliquent à tout le monde, peu importe ce qu'il peut y avoir dans d'autres lois.

Mais, encore là, je ne suis pas juriste et je suis convaincue qu'il y a des législateurs qui vont faire ce travail pour s'assurer que personne ne soit oublié dans le processus. Mais je pense que la Loi sur les normes, oui, pourrait, si le projet de loi est bien libellé, répondre tout à fait à nos attentes.

M. Rioux: Mme Cauchy, la définition que vous adoptez dans votre texte en couvre large. C'est une définition qui en ramasse beaucoup en passant. Est-ce que c'est en vertu de la définition que vous avez choisi la Loi des normes ou si c'est autre chose? C'est parce que la définition que vous donnez, c'est... Vous dites: On s'inspire de la Charte des droits et libertés. Très bien. Mais cependant, vous dites bien: La définition qu'on met sur la table, ça inclut pas mal plus que les salaires, ça inclut toutes les conditions de travail. Et est-ce que vous pensez que la Loi des normes est le véhicule législatif approprié pour répondre à une définition semblable?

Mme Cauchy (Clairandrée): Premièrement, la définition, on l'a basée non pas en vertu de quelle loi on veut modifier, et tout ça, mais bien sur le principe même. On ne veut pas que les nouveaux travailleurs... On ne veut pas l'espèce de deux poids, deux mesures qu'introduisent les clauses orphelin. Que ce soit une différence en vertu du salaire ou encore le niveau d'assurance, l'orphelin dont la vie vaut 10 000 $, alors que celui qui était là avant, sa vie vaut 100 000 $, je pense que c'est tout aussi inacceptable qu'une différence de salaire, premièrement.

(14 h 30)

Deuxièmement, oui, on couvre relativement large. Et il y aurait moyen, par exemple, d'avoir une interdiction claire de l'ensemble des doubles échelles et un principe, par exemple, plus général de travail égal, salaire égal, pour couvrir les cas qui sont dans les zones grises. Parce que la commission était très intéressante à ce sujet. Ils notaient que c'est l'effet discriminatoire. Ce n'est pas toujours évident que c'est une discrimination, mais, quand on regarde l'effet que ça a, quand on fouille un petit peu plus puis qu'on va en-dessous de la zone grise, on se rend compte qu'on discrimine les nouveaux rentrés sur le marché du travail. Donc, il faut couvrir un peu tout le monde. Mais on ne peut pas dire: Ça, c'est une discrimination, puis ces discriminations-là sont moins graves. Il ne faut qu'il y ait deux poids, deux mesures non plus dans notre loi.

M. Rioux: Je reviens à la notion de clause orphelin. Parce que, quand on parle de clause, évidemment, dans l'esprit des gens de relations de travail, ça fait référence aux conventions collectives, ça ne fait pas référence du tout à la Loi des normes, qui est une loi, elle, de base, de portée générale et d'ordre public. Mais comment on définirait ça pour rendre ça compatible avec la Loi des normes, les dispositions discriminatoires à l'endroit des nouveaux arrivés ou de ceux qui sont embauchés après la date?

M. Gendron (Sylvain): Une définition de principe, ça se doit d'être simple. Vous venez d'en établir une, c'est une discrimination, une mesure discriminatoire à l'encontre des nouveaux employés. C'est vrai que le terme «clause orphelin» ou la problématique des clauses orphelin a été connue à travers la négociation collective, les conventions collectives, le Code du travail.

Par contre, la problématique n'est pas limitée à des clauses dans des conventions collectives. La problématique, c'est qu'il y a des mesures discriminatoires à l'égard des jeunes employés, des nouveaux employés, qui sont majoritairement des jeunes, principalement des jeunes, et ça se fait dans des cadres autres que dans des négociations de conventions collectives. Alors, à ce moment-là, le véhicule approprié est beaucoup plus la Loi sur les normes du travail que le Code du travail, même si c'est de là qu'on a connu la problématique. Alors, c'est clair, à notre avis, que la Loi sur les normes du travail devrait, dans un principe énoncé simplement mais qui serait quand même efficace... C'est sûr qu'on pourrait essayer de sortir des phrases entre 10 mots et 350 mots pour énoncer le principe. Par contre, ce n'est pas nécessairement la tâche qu'on avait. En venant ici, ce n'était pas nécessairement le but qu'on avait. Mais je pense qu'il faudrait un énoncé de principe clair dans la Loi sur les normes du travail.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Bonjour. Vous prononcez des jugements dans votre mémoire qui sont particulièrement durs à l'endroit de certains groupes qui ont leurs lettres de noblesse dans notre société. Bon.

Vis-à-vis le contrat social, vous dites que ça vaut à peu près ou même pas l'encre et le papier sur lequel c'est écrit et qu'il ne faut donc pas avoir recours à ce type de contrat là. Ensuite de ça, vous dites, aux pages 25 et 26: «Le devoir de représentation du syndicat à l'endroit des salariés compris dans une unité de négociation n'offre pas de garanties suffisantes de succès.» Ça aussi, je trouve ça très dur. Ça ne veut pas dire que je ne partage pas votre opinion là, mais je trouve ça très dur. Il m'a toujours semblé, moi, qu'un des principes fondamentaux sur lesquels s'appuyait le syndicalisme, c'était de s'assurer effectivement qu'il y ait une meilleure qualité de vie, une meilleure égalité de chances, puis pas uniquement par rapport à ceux-là même qui avaient signé leur carte d'adhésion, mais par rapport à l'ensemble des travailleurs. J'aimerais que vous qualifiiez ce jugement-là vis-à-vis les entreprises syndiquées et vis-à-vis les syndicats qui sont appelés à négocier. Vous ne leur faites plus confiance, en d'autres mots.

M. Gendron (Sylvain): Oui, je vais répondre en partie à votre question En ce qui concerne le pacte social, ce n'est pas nécessairement vrai qu'on ne fait pas confiance aux syndicats qui négocient les conventions collectives. Le pacte social comme tel, tous les groupes jeunes... en tout cas, tous ceux dont j'ai eu connaissance qu'ils ont pris position sont contre un pacte social. La raison est très simple: c'est que les clauses orphelin sont négociées par les patrons et par les syndicats. Donc, il y a des patrons, il y a des syndicats, des employeurs, des syndicats, qui en négocient et les jeunes sont toujours exclus de ça. Alors, on va demander aux patrons, aux employeurs et aux syndicats d'agir de bonne foi, de ne plus en négocier.... Ça ne fait pas notre affaire, ça. Le pacte social, on ne dit pas que ça ne vaut pas plus que le papier sur lequel c'est écrit, on dit que ce n'est pas une mesure appropriée. Parce qu'il s'en négocie présentement. Et quand même on fera le constat que, bien oui, peut-être que ce n'est pas correct, les clauses orphelin, il faut régler le problème parce que, effectivement, c'est de la discrimination et ce n'est pas correct. Alors, laisser à la bonne volonté des employeurs et des syndicats le soin de régler un problème qui, eux-mêmes, fait leur affaire, parce qu'ils en signent, ils en négocient, je ne pense pas que ce soit une solution équitable pour les jeunes.

M. Kieffer: Donc, vous posez un...

Mme Cauchy (Clairandrée): Le pacte social, dans le fond, quand on nous demande de signer un pacte social, on nous demande la permission de continuer d'en signer, des clauses orphelin. On nous dit qu'on n'est pas prêt à intervenir législativement. Ça veut dire: Bien, quand même, laissez-nous cette soupape-là de temps en temps.

L'autre chose, sur le devoir de représentation des syndicats, je pense qu'on a souligné ça justement parce que les clauses orphelin contreviennent au principe fondamental du syndicalisme qui est la nécessité de défendre l'ensemble des travailleurs. Alors, quand on signe une clause orphelin, ce n'est pas l'ensemble des travailleurs qui sont défendus. On dit: Vous autres, les nouveaux rentrés, vous allez payer pour tout le monde, vous allez absorber la compression pour l'ensemble du monde; on fait de vous des boucs émissaires, on fait de vous des têtes de Turc. Et ça, je pense que, oui, ça déroge au rôle que le syndicalisme s'est donné depuis un certain temps.

M. Kieffer: Deuxième question, vis-à-vis la Loi sur les normes minimales de travail. J'ai rencontré un certain nombre de propriétaires d'entreprises, de patrons d'entreprises non syndiquées, parce que la Loi sur les normes minimales s'adresse aux travailleurs non syndiqués, et ce que j'ai découvert – je m'en doutais pas mal, mais là je l'ai vérifié – ce qui règne en général dans une entreprise, c'est ce qu'on considérerait, nous, comme l'arbitraire, à savoir que le travailleur, il est engagé parce qu'il reflète le profil que le propriétaire a de ce travailleur-là, il est payé parce que le propriétaire considère qu'il produit en général mieux ou plus ou de façon plus efficace que les autres. Moi, je leur ai posé la question: Est-ce que, en général, les travailleurs qui accomplissent la même tâche ont le même salaire? Ils m'ont dit: En général, non; non, parce que ça va être fonction de sa productivité, ça va être fonction de s'il est débrouillard, ça va être fonction de s'il est prêt à faire du temps supplémentaire quand je lui en demande, etc. Dans les shops, surtout les petites, tu sais, mettons 100 employés et moins, elle est là, la vraie vie, O.K.

Vous dites: Il faut recourir à la Loi des normes minimales de travail pour forcer le respect et l'égalité, et vous vous référez, entre autres, au mécanisme offert pour les congédiements abusifs comme étant un mécanisme qui pourrait être efficace pour contrecarrer ce type de pratiques là. Vous le savez, les congédiements abusifs, ça prend plusieurs mois avant d'être réglés. Ça ne se règle pas, en général, en une semaine. C'est vraiment plusieurs mois avant que tout le processus soit accompli. Dans la situation où vous avez un travailleur jeune dans une shop qui n'est pas syndiquée, où le patron, il a décidé qu'il n'avait pas le même salaire que son voisin parce qu'il le trouve moins efficace que son voisin, puis le jeune homme ou la jeune femme porte plainte, et qu'on sait que le processus va prendre plusieurs mois, pensez-vous que c'est efficace?

Mme Cauchy (Clairandrée): O.K. Premièrement, je ne pense pas qu'on aille à l'encontre des critères possibles dans la Charte des droits, comme la durée du service, l'ancienneté, la productivité, etc. Je pense que ce n'est pas l'objectif. Une modification à la Loi sur les normes, dans le fond, s'appliquerait là où il y a clairement une politique salariale dans l'entreprise, et ça existe. Il y a des endroits où il y a une politique salariale et où on ne fonctionne pas strictement par contrats individuels de fois en fois. Par exemple, il y a des endroits où il y a des associations de travailleurs qui ne sont pas nécessairement des syndicats en tant que tels, qui ne sont pas accrédités en fonction de la loi sur les syndicats, qu'on appelle des associations bona fide, de bonne foi, qui servent d'interlocuteurs avec l'employeur, et il y a quand même une politique salariale qui peut s'appliquer à l'ensemble des membres du personnel, et il pourrait y avoir, dans ce cadre-là, une discrimination. Donc, on essaie juste de couvrir à la fois ça. On ne se mettra pas à jouer dans chacun des contrats individuels de travail: lui, il est payé tant parce qu'il fait tant d'heures et il a une prime parce qu'il porte une pagette, ou «whatever». On ne veut pas aller de façon aussi précise. Ça ressemble à ça. Au niveau du mécanisme – on y revient à la charge – moi, je ne sais pas combien de temps ça prend pour régler un congédiement abusif, mais je sais que, si un jeune porte plainte et que ça prend deux ans avant que la plainte se règle, eh bien, pendant deux ans, il va trouver ça dur dans son milieu de travail. Donc, il faut s'assurer qu'on n'ait pas ce genre de problèmes là.

(14 h 40)

M. Gendron (Sylvain): Là-dessus, je veux juste vous rappeler que, quand M. le ministre nous a mentionné: Est-ce que c'était une avenue possible? on a dit oui, tout en s'assurant, par contre, que le processus serait plus rapide. Je pense que la réponse était vraiment à cet effet-là. C'est un processus envisageable, mais en essayant d'agir avec le plus de célérité possible, toujours en ayant ça à l'esprit.

Le Président (M. Beaulne): Je vous remercie. Maintenant, je dois céder la parole au porte-parole de l'opposition, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président. Membres du Conseil permanent de la jeunesse, Mme Cauchy, M. Gendron, M. Ouellet et Mme Ménard, j'ai malheureusement dû manquer votre présentation parce qu'une urgence a fait en sorte que je ne pouvais être là, mais je vous dirais que j'ai lu votre mémoire et je tiens à vous féliciter encore une fois, le Conseil permanent de la jeunesse et toute l'équipe, pour la rigueur du mémoire, les recherches qui ont été faites, les éléments qu'on y retrouve. Je pense que, quand on parle de cerner le problème des clauses orphelin, votre mémoire permet d'avoir un bon portrait, entre autres, de l'évolution du phénomène. Ça ne tombe pas de la lune, ça fait presque 20 ans qu'on a commencé à parler de ce phénomène-là.

Je vous voyais en fin de semaine avec la Coalition qui demande une réforme sur... des modifications, entre autres, aux normes du travail, principalement. On en parle à certains endroits, et vous en avez parlé, qu'il ne faudrait pas oublier des corps d'emploi. C'est bien important qu'on ne mette pas en place une législation puis que, au bout de deux mois, au bout de six mois, au bout d'un an, on se ramasse ici puis qu'on dise: Bien, regardez, on a oublié, je ne sais pas, les jeunes médecins, ou on a oublié une catégorie d'enseignants, ou on se rend compte qu'il y a d'autre chose qui se produit ailleurs, on a trouvé une nouvelle façon de.

Et vous savez sans doute que, depuis les derniers jours, je fais un sondage ouvert, en pleine commission parlementaire, sur: Peut-être que la meilleure solution ne serait pas de trouver des plasteurs pour mettre, ici et là, sur les lois, mais d'élever les clauses orphelin et de les mettre au niveau d'un phénomène social et de les traiter ainsi, c'est-à-dire, d'avoir une loi-cadre qui encadre bien le phénomène des clauses orphelin comme telles, qui, dans une deuxième section, vient dire dans quels secteurs elles s'appliquent, qu'est-ce qu'il faut qu'on modifie dans les normes du travail, qu'est-ce qu'il faut qu'on modifie dans le Code, qu'est-ce qu'il faut qu'on mette, au gouvernement, en place pour ne pas qu'on ait d'autres clauses orphelin, tout cet encadrement-là, et surtout un processus, je dirais, de transition, mais aussi, pour corriger la situation, de dénonciation, je dirais, de clauses orphelin pour la personne qui se sent touchée. C'est bien important. On a beau mettre en place la plus belle loi, puis les plus belles mesures transitoires, et tout ça, mais, si on se retrouve dans un cas comme, je ne sais pas, moi, comme c'est le cas présentement et qu'on a le ministre responsable de la jeunesse qui nous dit: Vous avez juste à aller devant la Commission des droits de la personne, puis qu'on se rend compte qu'il n'y a jamais personne qui y va et qui va y aller... Il y en a quelques-uns dernièrement, parce que ça le met directement en conflit entre son employeur et, souvent, son syndicat; donc, il est obligé de dénoncer ça. Qu'est-ce que vous pensez de l'idée d'une législation particulière qui pourrait être adoptée très rapidement si elle est bien faite, si elle est rigoureuse et si elle est efficace et qui permettrait d'élever le phénomène des clauses orphelin et de le situer, de lui donner toute l'importance qu'il mérite, et de non pas seulement tenter de répartir les coûts à gauche et à droite? Qu'est-ce que vous pensez de cette idée-là?

Mme Cauchy (Clairandrée): On ne s'est pas penché sur l'idée particulière d'une espèce de bill omnibus de façon précise. On enlignait justement sur la Loi sur les normes du travail parce qu'on pensait qu'il y avait moyen, via les lois du travail, d'enrayer adéquatement le phénomène des clauses orphelin. Il faut aussi garder en tête que les gens qui s'assoient à la table de négociation connaissent le Code du travail, connaissent les lois sur les normes du travail. C'est important qu'ils connaissent très bien ces éléments-là au moment où ils s'assoient et négocient. Ce serait une avenue peut-être à étudier plus avant. J'aimerais rappeler, par contre, que ça a pris 25 ans pour la Loi sur l'équité salariale. Il ne faudrait pas que ça prenne 25 ans pour les jeunes, pour la loi sur les clauses orphelin. Ça, c'est vraiment à noter. Il ne faut pas qu'on s'engage dans un processus qui prendrait des années et des années.

Le Président (M. Beaulne): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci.

M. Gendron (Sylvain): Un complément de réponse de deux secondes, je m'excuse, M. le Président. Il faut toujours avoir en tête que souvent, la simplicité, elle peut être très efficace aussi. C'est vrai qu'il ne faut pas essayer de mettre des plasteurs à des endroits. Il ne faudrait pas oublier personne. Mais un principe général qui va être établi clairement va permettre de faire en sorte que tous les gens vont être assujettis. Alors, on n'oubliera pas personne si le principe est clair, mais ça peut se faire très simplement aussi, un principe comme ça.

Mme Cauchy (Clairandrée): Il faudra aussi regarder les autres niveaux. Je pense, par exemple, aux secteurs des communications et des transports qui relèvent du fédéral. On ne pourra pas tout régler à Québec.

M. Béchard: Se donner un bon modèle.

Mme Cauchy (Clairandrée): Ah!

Le Président (M. Beaulne): Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, Mme Cauchy, Mme Ménard, M. Ouellet et M. Gendron... plutôt M. Gosselin, je vous souhaite la bienvenue. J'ai lu avec grand intérêt votre mémoire et je vous ai écoutés. J'ai apprécié les commentaires que vous avez faits ainsi que les explications que vous avez données dans les réponses à mes collègues d'en face.

Le mandat du Conseil permanent de la jeunesse, c'est de conseiller le ministre responsable de la jeunesse qui est, en l'occurrence, le ministre responsable des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Nous avons entendu plusieurs groupes, notamment le dernier qu'on a entendu tantôt, l'Union des municipalités du Québec, qui disait clairement que, si nous sommes rendus là aujourd'hui, c'est à cause que le gouvernement, pour atteindre le déficit zéro, a dû balayer dans la cour des municipalités des montants d'argent qui pourraient être récupérés. On a dû recourir à la loi n° 414 et plus spécifiquement à l'article 9.1° où on dit que «les taux et échelles de salaires applicables aux salariés qui sont alors à l'emploi de l'organisme», ça, c'est l'exclusion par rapport à cet article-là.

Est-ce que votre Conseil, qui a le rôle d'aviseur au ministre, a réagi au projet de loi n° 414? Avez-vous fait des représentations? Avez-vous été écoutés? Quelle a été la réponse du ministre lorsque cette disposition a été introduite dans le projet de loi et qu'elle a eu effet de loi quand elle a été adoptée?

Mme Cauchy (Clairandrée): Premièrement, le mémoire sur les clauses orphelin a été transmis aujourd'hui. Je ne peux pas vous répondre pour ce qui est du projet de loi n° 414, ça s'est passé l'hiver dernier; je n'étais pas en mandat à ce moment-là. Je sais, par contre, que dans le mémoire on en parle et on dit que ça ouvre directement la porte à des clauses orphelin en disant qu'on ne peut pas modifier les taux et les échelles des salaires des employés alors à l'emploi de la corporation municipale. Donc, je pense que ça ouvrait directement la porte à la négociation de clauses orphelin dans le contexte, en limitant énormément les possibilités de récupération sur la masse salariale.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Alors, à supposer que vous n'ayez pas fait de représentations au moment opportun pour la raison que vous nous expliquez aujourd'hui... bon, vous savez que le ministre responsable de la jeunesse a mis de l'avant une politique de la jeunesse. Est-ce que vous avez eu des représentations à lui faire sur cette question-là, des clauses orphelin, et comment est-ce qu'il vous a écoutés, comment est-ce qu'il a répondu à vos attentes?

M. Gendron (Sylvain): En fait, le Conseil permanent de la jeunesse représente un comité aviseur pour le gouvernement par le ministre, mais on répond... Présentement, je pense qu'on est venu déposer un mémoire sur les clauses orphelin parce que c'est une situation qui touche principalement les jeunes du Québec. C'est une situation qui nous tenait particulièrement à coeur aussi, puisque le Conseil permanent de la jeunesse a décidé de travailler pendant les trois prochaines années du mandat sur les conditions de travail en général des jeunes. Donc, on aura sûrement l'occasion de se reparler dans un autre contexte, mais on le fait présentement.

Effectivement, sur le projet de loi, nous n'avons pas intervenu de façon précise, sur l'avant-projet de loi, sur des articles précis, puisque le Conseil permanent de la jeunesse est quand même composé de deux personnes qui travaillent à temps plein, mais il y a quand même 13 bénévoles là-dessus qui sont à temps partiel. On essaie de travailler sur des dossiers de fond, comme c'est le cas présentement, on vient vous déposer un mémoire sur les clauses orphelin, et c'est de cette façon-là qu'on essaie de faire avancer la cause des jeunes du Québec, la cause des jeunes qui ne sont pas représentés aussi. Notre rôle est d'aviser le gouvernement dans son ensemble, via le ministre, et non pas d'aviser le ministre sur chacun des points qui nous chicotent ou nous chatouillent.

Mme Houda-Pepin: Mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit là d'un débat public, d'un débat quasiment de société, et ça interpelle davantage les jeunes, les groupes de jeunes. Vous êtes un organisme aviseur au gouvernement, disons-le comme ça, et vous avez un ministre dans le gouvernement qui est responsable de la jeunesse. Qu'est-ce qu'il dit, votre ministre, par rapport aux clauses orphelin?

Mme Cauchy (Clairandrée): Bien, je pense que la session parlementaire commence bientôt. Vous le lui demanderez.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: En fait, ce n'est pas ce à quoi je faisais allusion, c'est à vous.

Mme Cauchy (Clairandrée): Non, non, mais vous nous demandez qu'est-ce qu'a dit notre ministre. Eh bien, je pense qu'il...

Mme Houda-Pepin: Alors, quand on aura la réponse, vous allez en prendre connaissance en même temps que nous.

(14 h 50)

Mme Cauchy (Clairandrée): Tout à fait.

Mme Houda-Pepin: Très bien. À la page 12 de votre mémoire, vous donnez votre définition de ce que c'est qu'une clause orphelin et puis vous mettez davantage l'emphase sur les nouveaux et les futurs salariés. Je voudrais, pour une question de clarification, savoir si les employés qui sont déjà à l'emploi sont, à vos yeux, considérés comme étant victimes de clauses orphelin, notamment les nouveaux enseignants, etc.? Est-ce que vous englobez ces gens-là également?

Mme Cauchy (Clairandrée): Je pense que ce n'est pas innocent, le fait qu'on ait écrit «nouveaux ou futurs salariés». C'est inacceptable de négocier des conditions de travail pour les futurs salariés qui ne sont même pas là au moment où la convention se signe et qui n'ont même pas eu voix au chapitre et on a décidé de leur faire porter le poids des compressions. On pense que ce n'est pas plus acceptable de faire porter le poids de la compression de 6 % sur 30 % des enseignants alors qu'il y a 70 % des enseignants qui sont en haut de leur échelle salariale qui ne sont pas affectés par les compressions. Donc, ce n'était pas une lubie d'écrire «nouveaux ou futurs».

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Les commentaires sur votre mémoire ont déjà été faits par l'ensemble des intervenants à date. Le ministre, dans sa première question, demandait comment, dimanche dernier – parce qu'on vous a vus, dimanche, à l'intérieur de la Coalition – comment vous avez réagi avec des gens qui s'associent à votre démarche, font des représentations auprès du gouvernement pour demander l'abolition des clauses orphelin, mais, en même temps, sont les gens qui les autorisent, qui les permettent, qui les signent. Est-ce que vous avez eu de leur part l'engagement que c'est fini, qu'à l'avenir ils ne permettront pas à leurs affiliés, ou si tout simplement c'était pour meubler une période d'un dimanche après-midi, pour s'assurer de faire partie des nouvelles, vu qu'on est en commission parlementaire pendant deux semaines? Non, mais c'est important, là. Je veux dire, tout le monde veut être vu en 1998 avec la jeunesse puis dire qu'on ne veut pas discriminer. Mais ceux qui disent au gouvernement, et je les ai vus dimanche et je les ai reconnus: On demande dans les plus brefs délais au gouvernement de ne pas faire ça... Bien, c'est le monde qui vous amène ici, parce que, eux, ils le font. Est-ce qu'ils vous ont donné un engagement hors caméra que c'est fini, qu'ils ne permettront plus, puis que vraiment ils vont tout faire, les démarches dans les meilleurs délais, pour démancher ce qu'ils ont fait qui vous défavorise? Ça, c'est ma première question.

Mme Cauchy (Clairandrée): O.K. Je vais répondre à la première. Si ce n'était pas un dossier qui était primordial, je pense que j'aurais fait d'autre chose en mon dimanche matin. Mais, justement parce que c'était important, je pense que ça valait la peine de montrer qu'il y a un consensus, qu'il faut interdire les clauses orphelin. Et là-dessus, qu'il faut les interdire, il y a un consensus.

Par contre, deux éléments. S'ils avaient pu me donner cet engagement-là formel, je pense qu'on n'aurait pas à faire ce débat-là actuellement, et c'est justement parce qu'ils ne peuvent pas s'engager à ne plus en signer... Concrètement, quand bien même ils signeraient un pacte social, ça n'empêchera pas le syndicat localement, à la base, de finir par signer une convention collective avec une clause orphelin, hein. Donc, de la même façon que le Conseil du patronat ne peut pas dire qu'on va signer un pacte signal, ou l'Union des municipalités, qu'on va signer un pacte social et que ça va être respecté par tous les membres du Conseil du patronat, de l'Union des municipalités, ou encore des centrales syndicales. Justement pour ça, le pacte social, on n'y croit pas parce qu'on sait qu'ils n'ont pas un pouvoir direct, ils n'ont pas un pouvoir direct sur les instances locales, les syndicats locaux ou chacune des municipalités, justement pour interdire les clauses orphelin. Il y a aussi que je pense que les clauses orphelin sont le résultat de négociations, un résultat qui est assez malencontreux, et que les négociations se sont faites à deux, là aussi.

M. Cherry: O.K. Dans le fond, ce que vous venez de nous dire, puis vos représentations sont les suivantes: c'est que ce n'est pas à l'intérieur d'un pacte social, ça prendra une législation qui ne permettra plus que des situations comme celles-là se perpétuent. Évidemment, on a reconnu à travers les années que c'est cyclique, tout dépend de la situation économique, et avec le temps, bien... à chaque fois que ça va bien. D'ailleurs, j'ai un document qui devrait peut-être vous aider là-dessus. Mon prédécesseur comme ministre du Travail avait, en 1990, le 29 mai 1990, demandé au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre de se pencher sur ce problème-là, pour la période couvrant 1985 à 1990. Le Conseil a pris deux ans pour rendre son mémoire disponible, de 1990 à 1992, et finalement, après s'être excusé d'avoir pris autant de temps, ils disent: «On doit constater que, durant une période aussi longue, le contexte ayant évolué, la question de la rémunération à double palier semble moins préoccupante actuellement.» Voilà, on laisse passer du temps, donc ça devient moins préoccupant. Et là: «Les membres du Conseil désirent vous faire part des opinions suivantes», et là le groupe patronal – je vous saute des paragraphes – dit: «Cela ne veut pas dire nécessairement que de telles clauses subsisteront encore pendant plusieurs années ni qu'il y aura un effet d'entraînement.» On est en 1992 quand, ça, c'est rédigé. «Le groupe patronal n'encourage pas, à l'avenir, la négociation de telles clauses, mais estime qu'il faut laisser aux parties la responsabilité de prendre des décisions dans ce domaine.» Il y en a qui diraient: Le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions. Tout le monde veut bien faire, mais on se ramasse chez le diable parce que, six ans après, c'est encore pire. «Le groupe patronal estime donc que le législateur ne devrait pas interdire de telles négociations.» Quant au groupe syndical – ça, c'est vos partenaires, à la télévision, dimanche passé; le même monde, là, O.K.? – «le groupe syndical estime inéquitable la pratique de négocier des clauses de rémunération à double palier et souhaite que ces clauses disparaissent des conventions collectives dans les plus brefs délais». Six ans plus tard, on l'a dit tantôt, une partie des résultats de ça, c'est l'article de la loi n° 414, à cause des compressions dans les municipalités.

Mais il y a aussi un autre effet. La semaine dernière, on avait, à votre place, un professeur d'université avec lequel on échangeait et qui, lui, nous disait ceci: «Autrefois – son expression a été ça – la porte d'entrée ou le portique pour accéder à des postes permanents dans la fonction publique était: On devenait temporaire, occasionnel, jusqu'au moment où, par ce portique ou cette porte d'entrée, on pouvait accéder à des postes à plein temps avec, bien sûr, pleine rémunération et l'ensemble de la couverture.» Comme il semble maintenant établi et, pour une période prévisible, ça ne sera pas la croissance de ces emplois-là dans les secteurs public et parapublic, il semble que les gens qui acceptaient de suivre ce cheminement-là, parce qu'ils aspiraient à des emplois permanents, ceux-là n'existant plus, comment est-ce qu'on va s'assurer que ce qu'on appelle maintenant des clauses orphelin ou que, précédemment, on a décrit comme temporaires, occasionnels, surnuméraires – mais je suis convaincu que vous connaissez des gens qui sont temporaires depuis huit ans, 10 ans, 12 ans ou 15 ans – comment est-ce qu'on peut s'assurer maintenant et en vertu de quelle sorte de processus on pourrait s'assurer qu'il y ait cette forme d'équité là puis qu'on ne puisse plus, maintenant, ou qu'on se donne une période de temps, traiter les gens comme on le fait jusqu'à maintenant?

Mais, encore une fois, là, vous avez raison, à mon avis, d'insister sur une législation, parce que les gens qui sont vos partenaires dans les déclarations sont les mêmes qui, six ans passés, signaient un document pour dire exactement la même chose puis qui, depuis ce temps-là, quand l'occasion s'est présentée, ont peut-être tourné les yeux de côté, mais ont signé quand même.

Mme Cauchy (Clairandrée): Il y a plusieurs éléments dans votre question. Elle était assez longue. Vous avez dit que c'était cyclique, les clauses orphelin.

M. Cherry: J'ai lu le texte.

Mme Cauchy (Clairandrée): O.K. C'est justement ça, là. On n'y croit pas trop, à ce texte-là. C'est cyclique, mais ça a quand même doublé de 1991 à 1997. Puis même, pendant les années, je ne sais pas si c'est au moment où vous étiez là, mais on nous disait: Les clauses orphelin, ça n'existe plus. On ne comptabilisait plus les clauses orphelin même. Ça a pris une importante pression pour qu'on recommence à comptabiliser les clauses orphelin, ce que, j'espère, on va continuer de faire, parce que ce phénomène-là, il faut l'avoir à l'oeil. Donc, je pense que...

Puis l'avis de la Commission des droits aussi était très intéressant. On disait qu'il y avait une discrimination quand un poste temporaire menait autrefois à la permanence et qu'il ne mène plus actuellement à la permanence. Donc, avant, quand quelqu'un commençait à travailler puis, après un certain temps, bien, il acquérait sa permanence, ça, ça allait. Mais, quand on commence à travailler sur un emploi temporaire et que ça ne débouche jamais sur un emploi permanent, bien là, c'est clairement une discrimination. Je ne sais pas si ça...

(15 heures)

M. Gendron (Sylvain): Mais ce qui est important, M. le député, de se rappeler là-dedans, c'est que, peu importe qu'il y en ait un, 10 ou 10 000, des jeunes ou des nouveaux salariés de touchés par ça, s'il y a un principe fondamental, je pense – en tout cas, pour l'avis du Conseil – c'est qu'on se doit d'éviter toute discrimination. Peu importe de dire: Oui, c'est cyclique; c'est vrai qu'à certaines périodes ça diminue un peu, je pense qu'on en a pour... C'est contre la discrimination. C'est un principe fondamental pour la jeunesse québécoise.

Le Président (M. Beaulne): Je vous remercie. Alors, maintenant, c'est au tour du député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue au Conseil permanent de la jeunesse. Vous avez dit dans votre présentation... Mes collègues ont le sens de l'humour. Peut-être que, parce que je suis de votre âge, je peux me permettre d'être plus dur. Ils ont fait de l'humour, pour dire: Vous nous avez dit dans votre présentation: Les syndicats, ils en signent, ils en négocient, ils ont manqué à leur devoir de représentation. On a questionné la pertinence que vous soyez assis à la même table qu'eux. Moi, je pense que c'est une honte, ce que vous avez fait dimanche parce que c'est clair que ces gens-là veulent se sauver la face, tu sais. Ils se retrouvent devant une commission – ou ils vont venir cette semaine – puis ils savent qu'ils vont se faire batter. Trois, quatre jours avant de manger la volée, ça fait bien d'être assis à la même table que des jeunes, ce qui semble dire que, dans le fond, bien, on est rendu pour les jeunes.

Puis là je parle cru, parce que je me sens à l'aise de le faire parce que c'est un dossier que je porte depuis un bout de temps. Je suis bien conscient que je ne suis pas en train de dire que c'est toute la faute des syndicats, que c'est toute la faute du patronat. Mais je me dis, au moins, le patronat, il a le courage de venir nous dire ici: Nous autres, notre but, c'est de faire des profits, puis nos actionnaires veulent faire des profits, ça fait qu'on n'en veut pas de loi. Je trouve ça plus honnête que des gens qui en signent pour protéger les acquis des plus vieux, pour fourrer les jeunes, puis qu'après ça ces gens-là, ils viennent nous faire des belles morales. Ils vont venir en commission parlementaire les yeux dans l'eau nous faire des morales sur... En tout cas, c'est une autre histoire. Mais c'était malheureux de vous voir à leur côté.

Mais je vais aller plus loin, sur le fond. Parce que je comprends que non seulement ils ont réussi à vous convaincre de les justifier, de participer à leur maquillage, mais ils vous ont convaincus sur la solution qu'eux ils ont mis de l'avant sur la Loi sur les normes du travail. Puis je veux être clair. Moi, j'ai fait une proposition au nom du parti que je représente à l'Assemblée, qui touchait le Code du travail. Je l'ai dit, la première journée: Moi, je suis prêt à ouvrir, si ça prend des amendements, aller sur les normes, 100 %; je suis prêt à mettre tout ce qu'on peut là-dedans parce que, moi, je veux que ça se règle. Sauf que la Loi sur les normes du travail, c'est...

L'avantage du Code du travail, dans le cas des conventions collectives, en tout cas, c'est que c'est déposé au ministre du Travail, donc les gens n'ont pas besoin de porter plainte. Si une clause est déposée au ministre du Travail, qu'elle est illégale, elle va être retournée. Ils vont dire: Vous avez fait quelque chose d'illégal, reprenez votre job.

La Loi sur les normes, il faut que les gens portent plainte. Il y a au moins un groupe de jeunes ou deux, il y a le monsieur de la Commission des droits de la personne, qui sont nous dire: Tout ce qui est par plainte, dans le cas des précaires, c'est de la tapisserie pour mettre sur les murs. On va faire un projet de loi, le ministre, le gouvernement va nous dire: Ah! qu'on est généreux! Mais, en pratique, là, on va se retrouver dans cinq ans, puis il n'y aura pas eu une plainte. Il n'y en aura pas eu, il n'y a personne qui va porter plainte, ils sont précaires.

Les agents de la paix, ils ne savent pas 24 heures à l'avance s'ils vont travailler. Je «peux-tu» t'annoncer que celui qui va porter plainte, le téléphone ne sonnera pas souvent à 5 heures du matin pour lui dire: Tu rentres à 8 heures, tu travailles aujourd'hui, c'est ta journée. Ils «vont-u» l'oublier! Puis, si ça fait neuf ans puis qu'il y en a un qui a eu une semaine ou deux de vacances en neuf ans, s'il se plaint, sa semaine de vacances, il «peut-u» l'oublier.

Et, moi, ce que je comprends de la position syndicale, d'autant plus que ce que je crois saisir aussi, c'est qu'eux autres ils veulent un mécanisme de plaintes pas amélioré puis un mécanisme de plaintes pas gratuit, pas amélioré et pas gratuit, je crois comprendre qu'on veut dire que, dans les principes, on est contre: Qu'on mette un principe d'application générale, mais en étant bien sûr que ce n'est pas applicable, que ça va permettre de continuer à faire des clauses orphelin, que ça va permettre de continuer à en négocier dans les conventions collectives puis que les précaires, de toute façon, s'il y en a un qui veut se plaindre, «hold on to your seat», on va le débarquer.

Mme Cauchy (Clairandrée): Je pense que la sortie, ça a fait jaser beaucoup les parlementaires, j'imagine.

M. Dumont: Non, c'est la première fois qu'on en jase. On vous attendait pour en jaser.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Cauchy (Clairandrée): La sortie sur les clauses orphelin, je ne pense pas que ça visait à disculper les syndicats d'avoir signé des clauses orphelin. Je préfère qu'ils reconnaissent leurs erreurs et qu'ils avouent d'eux-mêmes que le pacte social ne fonctionne pas, qu'ils avouent d'eux-mêmes qu'ils n'ont pas le contrôle sur leurs syndicats locaux quand vient le temps de négocier une clause orphelin, qu'ils avouent d'eux-mêmes qu'ils ne sont pas capables d'empêcher une assemblée de travailleurs de ne pas signer une clause orphelin. Je préfère qu'ils reconnaissent leurs erreurs, qu'ils reconnaissent que c'est une mauvaise pratique syndicale, qu'ils avouent ça et qu'ils s'en remettent au gouvernement pour baliser là où ils ne sont pas capables de baliser directement.

Je préfère de beaucoup cette attitude et je préfère de beaucoup qu'ils s'allient aux jeunes pour demander au gouvernement d'interdire les clauses orphelin. Parce que c'était ça qu'elle demandait, la conférence de presse, dimanche, d'interdire les clauses orphelin. Je préfère de beaucoup qu'ils fassent ça qu'ils se présentent devant vous et demandent d'une façon un peu bizarre un pacte social pour se permettre de continuer d'en signer dans les officines.

Alors, je pense que ce n'est pas compliqué, quand on regardait les positions syndicales et qu'ils nous disaient: Non, on est contre ça, les clauses orphelin, on est contre ça, et, quand on les picossait un peu, ils nous disaient: Oui, oui, une loi, ça pourrait être bien. Bien, écoutez, si vous le dites dans les officines, il faut que vous soyez capables de le dire au public, il faut que vous soyez capables de l'affirmer puis il faut que tous les travailleurs syndiqués, quand ils vont voir leurs représentants syndicaux à la télé, disent: O.K., une loi sur les clauses orphelin, c'est nécessaire. Donc, je pense que, stratégiquement, c'était une alliance qui avait lieu d'être.

Maintenant, sur la Loi sur les normes du travail, je pense que le groupe de réflexion du Conseil s'était déjà penché sur la question. On avait déjà pesé le pour et le contre d'une modification au Code, d'une modification à la Loi sur les normes. Je peux vous dire que ça a fait l'objet de nombreuses discussions, dans le courant de l'été. Votre projet de loi n'est pas mauvais, je pense même qu'il pourrait être fort intéressant, mais il y avait une volonté, au Conseil, de couvrir pas juste les travailleurs syndiqués, mais l'ensemble des travailleurs. Parce que les jeunes, on le sait, ils ne sont pas majoritaires dans les milieux syndiqués, ils sont beaucoup, beaucoup, beaucoup dans les milieux non syndiqués. Donc, c'était une volonté de couvrir plus large qu'uniquement les milieux syndicaux.

M. Dumont: Vous pensez quoi d'un mécanisme de règlement des plaintes qui ne soit pas gratuit?

Mme Cauchy (Clairandrée): Moi, je pense que c'est un peu loufoque. Je pense qu'il faudrait absolument que le mécanisme soit gratuit et que la Commission des normes du travail prenne fait et cause pour les travailleurs qui désireraient porter plainte. Je pense que ça va de soi.

M. Dumont: Pour revenir sur... Puis je conclus avec ça, M. le Président. Le Président (M. Beaulne): M. le député, brièvement.

M. Dumont: Oui, je conclus avec ça. Pour revenir sur l'intervention du député de Groulx, tout à l'heure, il parlait des congédiements sans cause juste et suffisante. Ce qui porte les gens à porter plainte, dans ces cas-là, c'est que tu n'as plus rien à perdre, tu es à la porte. Tu sais, l'employeur ne peut plus rien te faire, ne peut plus mettre de pression sur toi, tu es dehors, ça fait que tu peux faire une plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante.

Dans le cas d'une clause orphelin, c'est quand même ton gagne-pain. Si tu as deux, trois enfants à la maison puis tu as des couches à acheter puis des petits pots, je veux dire, c'est ton revenu qui est là, avant de porter plainte, tu vas mesurer ça. Alors que tu n'as rien à mesurer, quand tu es dehors. Quand tu es dehors, tu n'as rien à perdre. Tu poursuis. Le pire qui peut t'arriver, c'est que tu vas te ramasser avec un chèque, au bout de la poursuite.

Mme Cauchy (Clairandrée): Il y a un élément qui est intéressant, avec le mécanisme de plaintes à la Commission des normes du travail, c'est qu'un tiers, une tierce partie peut porter plainte. Donc, un parent ou un mononcle ou, peu importe, quelqu'un qui voit une discrimination, qui voit une clause orphelin peut aller porter plainte devant la Commission de lui-même, donc, sans que ça engage la personne victime d'une clause orphelin puis qu'elle ait à porter le poids de sa plainte dans son milieu de travail. C'était la dernière question?

J'aimerais juste rappeler, avant de vous quitter, qu'on attend le projet de loi sur les clauses orphelin avec impatience. Et on espère que ça ne tombera pas au feuilleton, à la lumière des prochaines élections. Bref, on n'est pas comme les femmes, on n'est pas très patients, les jeunes. On ne veut pas attendre 25 ans.

Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme Cauchy. Au nom de la commission, je vous remercie ainsi que les personnes qui vous accompagnent.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaulne): J'invite maintenant l'Association des jeunes médecins du Québec à prendre place à la table de la commission pour nous livrer ses commentaires.

(15 h 10)

Messieurs, madame, la commission vous souhaite la bienvenue. Vous avez participé, vous étiez présents à la présentation précédente, donc vous connaissez les procédures. Alors, je vous demanderais tout simplement de vous identifier, pour les fins de la transcription, à mesure que vous intervenez.


Association des jeunes médecins du Québec

M. Nasreddine (Ziad): Ziad Nasreddine. Je suis neurologue, je suis le président de l'Association des jeunes médecins du Québec.

M. Patenaude (Yves): Bonjour. Je suis Yves Patenaude, je suis radiologue et je suis un administrateur de l'Association.

Mme Rioux (Johanne): Johanne Rioux, psychiatre et trésorière, à l'Association.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Allez-y.

M. Patenaude (Yves): Les clauses orphelin, comme vous le savez, sont une initiative de nos voisins du Sud. Ceux-ci croyaient qu'elles augmenteraient la compétitivité des entreprises. Deux décennies plus tard, ils ont dû constater l'échec par des pertes d'employés qualifiés, l'augmentation de la mobilité et la démotivation de ceux-ci.

Les jeunes médecins connaissent bien les effets pervers de ces clauses. Depuis plus d'une dizaine d'années le gouvernement et ses fonctionnaires, avec l'approbation des fédérations médicales, ont sanctionné des mesures qui, théoriquement – et je répète, théoriquement – devaient assurer une meilleure répartition des ressources de santé sur l'ensemble du territoire ou encore l'atteinte du déficit zéro. Les étudiants, les résidents, les jeunes médecins étaient, par définition, plus vulnérables, donc plus aisément contraignables. L'histoire est garante du futur. Rappelons-nous un petit peu les conséquences de ces clauses orphelin sur la profession médicale et sur la population.

Les décrets de 1982. C'est le gouvernement et ses fonctionnaires qui ont instauré la première clause orphelin aux jeunes médecins, prétextant une intention noble, c'est-à-dire l'accessibilité pour tous aux services d'un système public de santé, et incité les nouveaux professionnels à aller pratiquer en région. Par décret on a établi une réduction de 30 % sur le revenu de tout futur médecin s'installant en région urbaine, malgré les besoins et services requis par cette population. Heureusement, on en a dispensé les centres universitaires, à ce moment. Les fédérations médicales ont joué le rôle de Ponce Pilate: les membres en place n'étant pas affectés, elles s'en sont lavé les mains. Ces méthodes coercitives ont eu peu d'effets sur la répartition des effectifs médicaux, autant généralistes que spécialistes. Cependant, les urgences des grands hôpitaux urbains se sont dépeuplées en raison de la rémunération moindre. Qui en a souffert? Le public.

1987. Le contingentement régional. Nos fonctionnaires, grâce à un calcul savant, ont établi un quota de médecins pour chaque spécialité et pour chaque région. De plus, l'établissement se devait de soumettre et de faire approuver les plans d'effectifs par le CRSSS. Donc, on limitait le choix du lieu de pratique du jeune médecin. Pourquoi avoir laissé les décrets en application si, théoriquement, on connaissait les besoins de la population et si on avait statué sur le nombre de médecins requis par établissement et par région?

1989. Le retrait des permis de pratique aux résidents. La formation d'un jeune médecin commence par l'obtention d'un doctorat en médecine, qui lui est accordé après quatre à cinq années en milieu universitaire. Par la suite, tous les médecins font une formation postdoctorale, qui est de deux ans pour les généralistes et de quatre à sept ans pour les spécialistes. Les résidents travaillent en moyenne 72 heures-semaine, ceci incluant les heures de garde, mais excluant leurs heures d'études. Ils exécutent la tâche clinique régulière d'un omnipraticien et d'un spécialiste sous supervision. Le salaire varie de 30 000 $ à 55 000 $. Antérieurement, avant 1989, tous les résidents avaient un permis de pratique après leur première année d'internat, c'est-à-dire leur première année postdoctorale. Ainsi, certains allaient faire du remplacement – ce que, nous, on appelle du «moonlight» – dans certaines urgences. Ne venez pas me dire qu'un neurochirurgien ou un résident de neurochirurgie quatrième année qui allait faire du remplacement à Lac-Mégantic ne donnait pas un bon service à la population. Conséquence: cette politique a accentué le manque d'effectifs, principalement dans les urgences.

De plus, on a ghettoïsé – si vous me permettez – les résidents dans leurs centres hospitaliers universitaires. Ceux-ci sont assez compétents pour pratiquer dans un centre tertiaire et quaternaire, mais non un centre primaire. Ainsi, un jeune résident peut passer ses cinq années de médecine puis ses six années de neurochirurgie et, s'il ne finit pas sa résidence, il ne peut pratiquer la médecine. Est-ce que c'est du harcèlement? Je vous pose la question. De plus, le manque d'effectifs dans les centres universitaires: on parle d'allonger la résidence. Est-ce qu'on veut conserver une main-d'oeuvre hautement spécialisée à bon marché pour faire fonctionner ces centres?

1991. La réforme Côté. Malgré que les omnipraticiens soient bien répartis sur le territoire québécois, on trouve que les omnipraticiens consacrent la majeure partie ou la totalité de leur temps à une pratique en cabinet privé, délaissant ainsi certaines activités particulières jugées nécessaires pour assurer l'accessibilité des services. Pour y remédier, le ministre étend la planification des effectifs aux omnipraticiens pratiquant depuis moins de 10 ans, sous peine d'une rémunération amputée. Où étaient les autres, nos aînés?

On a un bel exemple d'une jeune médecin qui a fini. Elle pratique en CLSC, donc elle fait des activités particulières. Elle est payée à 70 % parce qu'elle pratique dans la région de Montréal. Mais on a une rémunération progressive dans les CLSC, donc sa pénalité, pour le CLSC, est le 30 % plus le 15 % pour son manque d'expérience. Pourtant, à Montréal, il y a un besoin criant de généralistes pour faire... Les listes d'attente pour voir un médecin généraliste dans un CLSC, c'est environ six mois. Où est la logique? On veut motiver l'accès.

1993. On applique le décret de 1982 aux centres universitaires. Théoriquement, il y aurait trop de médecins spécialistes. On parle de chômage médical. On fait miroiter aux jeunes qu'ils sont chanceux qu'on leur offre un poste. On ne manque aucune occasion, surtout quand c'est une pratique de groupe, pour leur rappeler que leur acte ne vaut que 70 %. Pour certains, on les cantonne dans des activités moins payantes afin de ne pas pénaliser le groupe. Si ce n'est pas du harcèlement, je ne sais pas ce que c'est. D'autres personnes, qui ont fait leur résidence et qui ont fait, après ça, un trois ou quatre années de «fellow» – de «fellowship», c'est-à-dire des années sursupplémentaires – sont revenues au Québec, et on leur avait promis un poste autant dans un centre universitaire que dans un hôpital. À leur retour, on leur a dit qu'on n'avait plus de place pour eux autres. Les autres provinces se sont faites un plaisir de leur offrir un poste.

Automne 1995. C'est le summum. Il y a l'entente-cadre entre le gouvernement et la FMSQ prévoyant une rémunération différenciée à la baisse affectant tous les jeunes spécialistes. Dans la foulée de l'atteinte du déficit zéro et après la fermeture des enveloppes budgétaires pour la rémunération des médecins, sans provisions, pour l'ajout net de nouveaux médecins et la mise en place des programmes d'allocations de fin de carrière, le ministère voulait récupérer un certain pourcentage. Théoriquement, le déficit zéro aurait dû être assumé par tous les membres de la société, autant les médecins spécialistes. Non. On a refilé la facture aux jeunes médecins en majorant le décret de 1982. La FMSQ a préféré protéger ses poches et surtout les poches de ses membres. Il en aurait coûté environ 1 000 $ à 2 000 $ par année pour chaque spécialiste, pendant les quatre ans, pour assumer le 1,2 % qui était requis. Au lieu, on a préféré couper 30 % du salaire des jeunes.

«Le ministère et ses fonctionnaires considèrent notre système de santé comme une entreprise de saucisses, avec des intrants et des extrants.» C'est le texte de Michel Vastel, ce n'est pas ma... Ce ministère a entrepris une grande réforme en employant les modèles de restructuration des grandes entreprises américaines, dans les années soixante-dix. Si on respecte la logique de cette restructuration, on devrait, en premier lieu, sabrer dans les cadres et la bureaucratie afin de protéger les soins et services à la population, la base de ce qu'est notre système de santé. Comment se fait-il que, selon les chiffres de la FMSQ, de 1993 à 1997, les budgets des régies régionales ont subi une augmentation de 50 000 000 $ et le budget du ministère, celui-là, une augmentation de 500 000 000 $?

La médecine est un secteur, de plus, de haute technologie qui évolue quasi quotidiennement. Si vous êtes une entreprise et que vous devez engager des professionnels, normalement, vous allez chercher des jeunes qui ont de cinq à 10 ans d'expérience; ce sont les plus dynamiques, autant en pratique, en recherche qu'en enseignement. Ce profil correspond directement aux jeunes médecins. Ils sont à la fine pointe des connaissances et des nouvelles techniques. Mais ce sont eux que vous pénalisez par les clauses orphelin. Actuellement, on peut se poser la question: Est-ce que le Québec est compétitif pour garder ses jeunes médecins, en comparaison avec les autres provinces et les États-Unis? L'exode est déjà entrepris; il s'agit d'y réagir. Si vous étendez ces clauses orphelin à l'ensemble de la société, vous allez voir les conséquences qui vont en découler. Merci.

M. Nasreddine (Ziad): Je vais conclure avec l'opinion de l'Association des jeunes médecins. Donc, en conclusion, l'AJMQ propose, un, d'élargir la portée et l'étendue de l'interdiction contenue dans le projet de loi n° 393 pour s'assurer que sera dorénavant prohibée une telle clause dans tout contrat de travail collectif, entente ou convention collective publique ou privée pour les salariés ou même les travailleurs autonomes. Deuxièmement, nous recommandons un remboursement rétroactif de tous les montants soutirés aux personnes touchées par cette clause. Troisièmement, nous pensons qu'un consensus sur les clauses orphelin ne serait pas suffisant pour enrayer ce problème. Une loi est définitivement nécessaire.

(15 h 20)

Pour finir, quelles sont les conséquences des clauses orphelin sur notre société? Les clauses orphelin mettent en cause les principes et les valeurs fondamentales de notre société et ne reflètent aucunement ce que nous sommes, ce que nous voulons être et ce que nous voulons transmettre aux générations futures.

Est-ce que nous voulons être une société qui privilégie les droits acquis aux dépens de ceux qui métamorphosent, révolutionnent et innovent et poussent notre société à se dépasser? Les jeunes apportent des connaissances, de l'expertise, de l'enthousiasme et de la créativité. Ils veulent changer le monde. Qu'est-ce qu'on leur dit? Hé! écrase, le jeune! C'est moi qui dirige, icitte!

Les jeunes forment une partie entière de notre société. Et c'est vraiment se tirer dans le pied, quand on leur manque de respect. Les jeunes sont une des classes les plus mobiles de la population. Qu'est-ce qui va les retenir ici, au Québec, quand on leur crache dans le visage? Que feront-ils quand ils seront confrontés avec les mêmes problèmes que, vous, vous avez actuellement avec le budget? Est-ce qu'on va leur suggérer de protéger leurs poches en premier, au détriment d'autrui? Et, si cet autrui était vous, dans l'avenir, est-ce que vous diriez que vous l'auriez mérité? Je pense que personne ne mérite d'être irrespecté de la sorte.

Et, si vous pensez qu'actuellement je vous fais la morale, vous avez raison, parce que c'est le temps que quelqu'un vous la fasse. Vous avez insulté les jeunes. C'est inacceptable, c'est dégradant, mais ce n'est pas impardonnable. Je pense que vous pouvez réellement changer les choses pour le meilleur. Et je pense que le fait que vous soyez présents ici, aujourd'hui, est un pas dans la bonne direction.

Qu'est-ce que vous pouvez faire? La réponse est: Tout. Vous pouvez ne rien faire, pour commencer. Vous pouvez écouter, mais ne rien entendre. Vous pouvez rédiger un genre de consensus qui viserait en principe la réduction des clauses orphelin. Mais, si vous pensez que, honnêtement, tous les employeurs ont l'équité dans le coeur et que, suite à un consensus, ils vont éliminer l'injustice faite aux jeunes, eh bien, félicitations, nous n'aurons plus besoin d'une loi.

Malheureusement, ceux qui sont au pouvoir actuellement et ceux qui dirigent nos entreprises n'ont pas démontré que l'honnêteté, l'équité, la justice sociale et le respect d'autrui priment sur l'égoïsme, le matérialisme et la vision à très court terme. Chaque individu, dans la société, a son importance, et négliger une partie de la société affecte le tout.

Qu'est-ce que vous faites, maintenant? C'est à vous de choisir selon votre conscience, vos connaissances et le modèle qu'on vous a déjà enseigné. J'espère qu'à notre tour nous pourrons être fiers du modèle que, vous, vous nous laisserez.

Pour finir, comment sera-t-elle, la médecine de demain? Elle sera avec très peu de médecins, beaucoup d'ordinateurs et de cartes à puce, beaucoup de bureaucrates pour gérer très peu de services. Le droit à la vie sera remplacé par un droit à l'euthanasie. Le droit à la dignité sera remplacé par le droit de la collectivité à boucler son budget. Le droit à une médecine de pointe sera remplacé par la nécessité d'offrir des services rentables. Le bien-être du patient sera remplacé par les besoins du client. La médecine sera banalisée, et les soins offerts ne pourront suffire pour soigner même nos élites, qui devront s'exiler aux frais des contribuables pour se faire traiter. Un système d'assurance sans égard à la faute sera instauré afin que personne ne soit responsable dans un système où la qualité des soins n'est pas aussi importante que la rentabilité. Il y aura des médecins virtuels qui vous opéreront à distance à l'aide d'une technicienne qui tient le scalpel. Les machines distributrices remplaceront les pharmaciens. Les médecins étrangers seront appelés à la rescousse pour combler les gros trous, parce que nous aurons fermé la porte aux médecins d'ici.

Avec les clauses orphelin, qui se sont abattues sur les jeunes médecins, on s'assure qu'ils ne soient plus dans le tableau pour défendre l'avenir de la profession et de la qualité des soins offerts à la population. Ils seront tellement démotivés, désabusés et non gratifiés qu'ils vont quitter ou peut-être même s'accoutumer à une médecine de moindre qualité. C'est ça, l'avenir qui nous attend. Il y a beaucoup de gens qui disent que c'est le destin. Mais je pense que nous faisons notre destin. Nous créons notre avenir, comme nous avons créé notre passé. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. Nasreddine, pourriez-vous déposer à la commission le texte que vous nous avez lu? Parce qu'il semblerait que nous ne l'avons pas dans les mémoires qui nous ont été déposés.

M. Nasreddine (Ziad): Certainement, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): D'accord. Alors, j'inviterais maintenant le ministre à amorcer les échanges.

M. Rioux: Alors, M. le Président, j'aimerais saluer les représentants de l'Association des jeunes médecins du Québec, qui sont venus nous faire valoir leur point de vue, une situation qui semble bien différente des autres groupes qui se sont présentés devant nous jusqu'à maintenant. Ça se comprend très, très bien.

Cependant, je ne peux pas passer sous silence, étant donné que j'habite une région éloignée du Québec, de vous faire remarquer que dans votre mémoire vous parlez abondamment de politique de rémunération dans le domaine de la santé au cours des 20 ou 30 dernières années, mais que les changements successifs qui se sont produits, tant du côté de l'ancien gouvernement que de celui-ci, avaient un objectif, c'était d'essayer d'assurer une parité de chances aux Québécois et aux Québécoises sur l'ensemble du territoire québécois, c'est-à-dire avoir accès à des soins de santé de bonne qualité et avoir accès à des professionnels de la santé bien formés.

Vous passez également... Vous talochez vos associations, les associations d'omnipraticiens, l'association des spécialistes, pour les ententes qu'elles ont conclues dans le passé, laissant de côté la génération montante. Comme on le disait tout à l'heure avec le groupe qui vous a précédés, ça a été signé par des adultes consentants, ces affaires-là. Alors, vous comprendrez bien qu'il y a des nuances à apporter là comme ailleurs.

Mais il y a des gens qui sont venus ici, c'est des agents de la paix qui n'ont pas de sécurité d'emploi, des gens qui ont un travail précaire, à l'évidence, qui travaillent sur appel, etc. Évidemment, on ne peut pas faire de comparaison avec vous autres, c'est sûr. Il y a des professions, dans notre société, qui ont plus de chances que d'autres. Par exemple, l'indépendance professionnelle des médecins est quand même importante, chez nous, je pense que vous en conviendrez, même si dans votre mémoire vous dites qu'on a essayé de grignoter ça, au cours des années, pour essayer de vous en enlever. Bon. C'est une profession qui a une indépendance assez considérable au niveau de la pratique et de l'exercice de la profession. C'est une profession qui est généralement bien rémunérée et qui, dans l'exercice de sa fonction, a accès aussi à tous les équipements et les locaux de l'État. Ce n'est pas tout le monde qui a ça non plus.

Mais ça n'enlève pas le fait qu'il y a des conditions qui sont faites aux jeunes médecins... Moi, j'ai eu l'occasion d'en parler, si vous saviez, à plusieurs occasions. On a eu des débats épiques, à la télévision, entre les jeunes médecins et les anciens, qui venaient faire valoir leur point de vue et nous dire combien ils étaient traités en parents pauvres dans le système.

(15 h 30)

Je vous dis tout ça parce que l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie vous exclut des mécanismes normaux du Code du travail et de la Loi des normes. Vous n'êtes pas considérés comme des salariés au sens des lois du travail du Québec. Mais je ne voudrais pas qu'on perde la chance, étant donné que vous êtes présents ici, pour vous demander, même si vous ne faites pas de recommandations précises là-dessus: Tout en essayant de régler votre problème – parce que je pense qu'il faut réfléchir à ça, vous êtes des travailleurs comme d'autres – et ceux des autres travailleurs de la société, des travailleurs et des travailleuses de la société québécoise, avez-vous pensé, en dehors de ce que je viens de vous dire, de l'article 19 de votre loi, comment on pourrait s'en sortir pour être équitable? Parce que votre collègue qui a fait la conclusion, l'addendum qui a été ajouté à votre rapport, qui était assez caustique et costaud, en même temps, moi, j'aimerais que vous nous aidiez à trouver le moyen de non seulement vous venir en aide, mais de venir en aide à tout le monde, tous les salariés.

M. Patenaude (Yves): Pour votre intervention, merci, M. le ministre. Au point de vue de l'intention noble de répartir puis de donner un accès à tous les citoyens du Québec, je pense que oui. Oui, il y a des lois, il y a eu des décrets, il y a différentes choses qui ont été passées, effectivement. Toutefois, on regarde quels ont été les résultats et, actuellement, qu'est-ce qu'on vit. Parce que l'accessibilité actuellement pour se faire traiter, elle n'est plus ce qu'elle était en 1982. Et on peut se poser des questions sur les modifications actuelles, et ça, on peut en tirer les conclusions qu'on voudra. C'est le premier point.

On a brassé un petit peu nos fédérations, en passant. Oui, je pense que les fédérations, quand, nous autres, on les a approchées, les jeunes, en leur disant: Écoutez là, ce n'est pas si cher que ça; répartissez ça de façon égale; il n'y aura pas de schisme pour les générations, on s'est fait dire: Écoutez, les petits gars là, lâchez de tirer des roches dans les châteaux de verre; laissez-nous faire, on va faire notre job. C'est ça qu'on s'est fait dire. J'ai trouvé ça très intéressant. On est des adultes, vous l'avez dit, absolument.

Si on est à plaindre? Non, au contraire, et c'est pour ça qu'on est ici. Je pense qu'on est des favorisés de la société, mais, si, nous, on est contraignables dans la société québécoise, je pense qu'il y a beaucoup de travailleurs qui ont un statut précaire qui peuvent l'être encore beaucoup plus que nous. Si, nous, on est capables de nous imposer des clauses orphelin, imaginez-vous ceux qui ont juste... Ça, je pense que c'est le point qu'il faut ressortir.

Qu'est-ce qu'il faut faire? Pour moi, je pense qu'à travail égal, équité égale. Nous autres, si je prends juste notre point de vue, les jeunes médecins, quand ils reviennent, c'est des gens qui sont à la fine pointe des connaissances, c'est des gens qui sont à la fine pointe des techniques. Ils reviennent, ils ramènent une expertise au Québec, la majorité. Quand, moi, j'ai été à Boston, je veux dire, on ramenait une expertise au Québec et on l'enseignait à nos confrères et aussi aux étudiants qui nous suivaient et les résidents. Actuellement, ce que je vois, c'est que le Québec n'est plus compétitif. Vous avez dit qu'on était bien instrumenté. On l'était bien instrumenté, mais on n'est plus aussi bien instrumenté qu'on l'était, si on compare avec l'Ontario. Et les États-Unis et les autres provinces le savent très bien, et il y a du maraudage un peu. Les jeunes Québécois, le seul avantage qu'ils ont, c'est qu'ils sont bien au Québec. Ils parlent en français. Ils sont bien au Québec. C'est ça. Mais, quand ils vont faire fi de leur appartenance, la répercussion va être sur la société et, moi, je pense que, si on étend ça à toutes les classes, il va réellement y avoir un gros problème de société.

M. Rioux: Je voudrais prendre un exemple que vous connaissez et dont vous parlez d'ailleurs avec beaucoup de pertinence dans votre mémoire, c'est l'obligation qui est faite aux jeunes d'aller travailler en région, et, évidemment, avec la coupure salariale que... Bon. Est-ce que, pour vous autres, ça, ça serait un exemple à la mesure de votre profession de ce qu'on pourrait appeler une clause orphelin ou une disposition discriminatoire faite par règlement ou par loi par le gouvernement, en collaboration et en complicité avec vos fédérations, bien sûr?

M. Patenaude (Yves): Je n'ai pas compris votre question, excusez-moi.

M. Rioux: Quand on vous oblige à aller travailler en région...

M. Patenaude (Yves): Oui.

M. Rioux: ...les jeunes qui sortent, et qu'en même temps, si vous refusez d'y aller, il y a une coupure salariale qui vous est imposée, ce que je voudrais savoir: Est-ce que pour vous autres, selon votre vision, c'est véritablement une discrimination, ça? Parce que l'objectif du gouvernement, on l'a compris, et du législateur, c'est de donner une parité de chances aux gens.

M. Patenaude (Yves): Ça, c'est une intention. Veux-tu répondre? Vas-y.

Mme Rioux (Johanne): On comprend mal l'entente de 1995. L'entente de 1995 n'a pas eu pour effet d'amener une meilleure répartition des soins. Moi, par exemple, je travaille en Montérégie, en psychiatrie. On fait partie des parents pauvres de la santé mentale. On a trois fois moins de ressources qu'à Montréal, quatre fois moins qu'à Québec. Pourtant, je suis payée... j'ai été soumise à la rémunération progressive. On a diminué mon salaire de 30 %. Or, je travaille dans un endroit où on a besoin de ressources. Et plutôt que d'encourager les gens à rester ou à stimuler les jeunes à venir travailler dans notre endroit, maintenant on a de la difficulté, parce que le mode de rémunération ne favorise pas la rétention du jeune psychiatre en Montérégie. Alors, ça, ça n'a pas été une bonne idée pour répartir les ressources. Moi, je suis un exemple que cette entente-là n'a pas été faite pour répartir les effectifs médicaux. Par exemple, en région, on a quand même diminué la rémunération par rapport à ce que c'était avant. On diminue l'incitatif qu'on avait fait pour les régions par rapport à la région de Montréal, par exemple. Donc, on n'a pas augmenté l'incitatif, on le diminue. En région intermédiaire, on a diminué l'incitatif à aller en région intermédiaire. Donc, au contraire, ça favorise... Ce qui a été fait en 1982, par exemple, on le défait maintenant, en 1995. Et je ne crois pas qu'on puisse dire que l'intention du gouvernement était de répartir les effectifs médicaux. C'était d'aller chercher de l'argent pour leur budget. Et on a des exemples comme ça pour vous le démontrer.

M. Nasreddine (Ziad): Donc, effectivement, l'intention de bien répartir les effectifs médicaux, tout le monde est d'accord avec ça. Je pense que les médecins, nous avons notre responsabilité aussi à cet égard. Et c'est parce que les médecins n'ont pas pris leurs responsabilités également qu'on a eu besoin de tous ces décrets-là et de tous ces besoins de lois. On ne nie pas que les médecins ont un rôle à jouer important pour répartir les effectifs. Notre Association et nous, comme jeunes médecins, on propose maintenant à nos collègues des nouveaux programmes, comment répartir les effectifs médicaux en jumelant chaque hôpital avec une région désignée. Il y aurait une liste de gardes pour chaque hôpital et qui pourront aller en région éloignée à tour de rôle, s'il n'y a personne en région éloignée de façon permanente. Et également, donc, c'est certain qu'il faut donner aussi... On ne peut pas dire que c'est le gouvernement qui est toujours le fautif. C'est certain que les médecins ont un grand rôle à jouer. Par contre, la façon dont nos collègues médecins ont décidé de gérer les effectifs médicaux, on a dit: Nous, on ne veut rien savoir de ça. Et on va obliger les jeunes à aller, eux, en région sous peine de la pénalité, bien sûr, sous le couteau ou sous la menace, alors que les jeunes effectuaient le même genre d'actes médicaux que leurs collègues. Donc, l'intention du gouvernement n'était pas mauvaise. Bien sûr, répartir les... on est tous d'accord avec ça. Par contre...

M. Rioux: M. Patenaude, j'ai compris dans votre démarche que c'était une volonté de votre part de vous solidariser avec l'ensemble des jeunes du Québec. Je pense qu'on a compris ça aussi. Mais, en même temps, vous en profitez pour nous exposer les problèmes particuliers que vous vivez, ce qui est tout à fait correct. Et vous avez dit tout à l'heure, puis c'est tout à votre honneur: Nous, on est des chanceux; alors, imaginez-vous ceux qui sont moins équipés que nous dans la vie et qui font face à une situation qui est parfois dramatique.

Mais je reviens, au fond, à ce que je disais tout à l'heure. Si vous étiez à notre place – parce que votre collègue nous disait tout à l'heure d'être équitable, d'être juste, d'avoir un peu de compassion et un peu de coeur au ventre, d'avoir le courage d'agir aussi, le moment venu – qu'est-ce qui, selon vous, serait approprié comme législation pour enrayer ce phénomène des clauses orphelin au Québec ou des dispositions discriminatoires qu'on trouve soit dans les contrats de travail ou les conventions?

M. Patenaude (Yves): Moi, je ne suis pas un juriste. Je vais répondre exactement comme les autres ont répondu avant, je ne suis pas un juriste et je connais beaucoup plus le milieu médical. Je vous dis que, pour les jeunes médecins, ce qui est équitable, c'est: à travail égal, on voit exactement la même sorte de salaires. On devrait avoir une rémunération qui serait égale avec les mêmes conditions. Pas de harcèlement en disant: Bon, écoute, on va te défaire d'une portion de ton salaire, etc. Moi, je trouve que c'est une équité et une égalité sur toute la ligne parce qu'on fait le même, même travail, sinon plus. Il y a certains médecins d'un certain âge qui ne sont pas capables de faire certaines techniques, et il y a des jeunes qui reviennent, parce qu'ils ont une expertise plus pointue dans certains domaines, et eux autres sont les experts dans ce domaine-là. Donc, pour nous autres, l'ancienneté, en médecine – ce que je peux répondre en médecine, mais pas pour les autres – ça tient plus ou moins. De plus, on l'a vu, parce que l'ancienneté, en médecin, en fait, on les a mis à la retraite. On leur a dit: Coudon, prenez votre retraite, les gens qui sont plus âgés. Est-ce que ça tient, pour nous autres, la profession? Non, parce qu'on est dans un milieu de haute technologie, et puis l'expertise, ça se développe de plus en plus, je veux dire, le développement.

(15 h 40)

Puis, pour répondre à votre question, moi, je pense que, au point de vue des effectifs, on a été avec des moyens coercitifs depuis plusieurs années qui se sont avérés plus ou moins efficaces. Et je pense que ces moyens coercitifs, on a mis des grosses tables de concertation pour voir combien on avait besoin d'effectifs, etc. Si on responsabilisait les associations et si on jumelait un centre en périphérie avec un centre, on assurerait une stabilité de professionnels, et ces centres devraient répondre puis assurer le bien de la population. Je pense que c'est une responsabilisation. On a une population québécoise de x, on dessert des services pour tout le monde.

M. Rioux: Je vais laisser la parole à mon collègue de Roberval, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Oui, mais il va falloir que ça soit court, il vous reste deux minutes. M. Laprise: Deux minutes? Merci beaucoup, M. le Président. Je tiens à féliciter les gens pour leur mémoire. À la page 2 de votre mémoire, vous soulignez que, de 1972 à 1993, il y a eu une augmentation de médecins de 82 %. Je trouve quand même curieux que, dans les régions, c'est difficile parfois d'avoir des médecins, et c'est même difficile, lorsqu'on en a, d'établir une surveillance, une disponibilité comme on connaissait autrefois avec les médecins de campagne. Moi, dans mon secteur qui dessert environ 12 000 à 15 000 âmes, on avait trois médecins il y a quelques années, il y a à peu près une dizaine d'années. Aujourd'hui, on a 13 médecins. Mais on n'a pas de médecins de garde en fin de semaine puis on n'a pas de médecins de garde la nuit. J'avais même convoqué, moi, les médecins de mon secteur pour essayer d'avoir un terrain d'entente pour avoir une disponibilité des jeunes médecins.

M. Patenaude (Yves): Les jeunes seulement?

Mme Rioux (Johanne): Pourquoi juste les jeunes?

M. Laprise: Il n'y a pas eu moyen de s'entendre.

M. Patenaude (Yves): Les jeunes seulement?

Mme Rioux (Johanne): Pourquoi juste les jeunes?

M. Laprise: Je trouve ça dommage parce que j'ai l'impression qu'on s'en va vers un médecin salarié alors qu'avant ça on avait un médecin à vocation.

Mme Rioux (Johanne): Mais pourquoi juste les jeunes? Pourquoi les jeunes doivent porter la responsabilité de tous les problèmes en santé actuellement? Pourquoi c'est nous qui devons porter le problème de déficit budgétaire, le problème de répartition des effectifs? On vous dit qu'on est prêts à participer. D'ailleurs, les jeunes vont en région. Le problème, c'est que nos aînés ne veulent pas y aller. S'ils voulaient y aller, bien, peut-être un pourcentage... En tout cas, ceux qui négocient pour eux, pour nous... On n'est même pas là pour négocier.

M. Laprise: Moi, j'ai beaucoup d'admiration pour les jeunes, mais je ne suis pas prêt à mettre de côté non plus les pionniers qui ont ouvert des petits centres médicaux dans les régions...

M. Patenaude (Yves): Absolument. Moi, je pense que...

Mme Rioux (Johanne): Ah! bien oui.

M. Laprise: ...et qui ont donné un très bon service.

Mme Rioux (Johanne): Oui, puis on voudrait pouvoir continuer ça.

M. Laprise: ...avec des moyens très restreints.

Mme Rioux (Johanne): On voudrait pouvoir continuer ça, avec l'aide de nos aînés aussi.

M. Laprise: Moi, étant donné que je n'ai pas beaucoup de temps, je vais vous dire une autre chose. Je trouve ça dommage... Vous direz à vos collègues jeunes médecins, avant de partir pour s'en aller aux États-Unis, qu'ils pensent à ce qu'ils ont eu comme avantages pour se faire instruire en médecine. Parce que se faire instruire en médecine aux États-Unis, ça coûte quelques piastres. Puis se faire instruire en médecine au Québec, vous avez des avantages quand même que d'autres n'ont pas eus.

M. Patenaude (Yves): Je vais vous répondre à ça, monsieur. Quand on fait notre doctorat, effectivement, par médecin, ça leur coûte à peu près 100 000 $, par année, je parle, pour tout l'ensemble du doctorat. Ça coûte à peu près ça. Les médecins, à la société, coûtent beaucoup moins cher – je ne me souviens pas qui a sorti cette étude-là – parce qu'ils remboursent plus facilement à la société que n'importe qui qui fait une étude en études françaises ou n'importe quoi.

L'autre chose que les médecins font actuellement. Avant, on avait un permis de pratique comme résident après la première année; maintenant, on fait des années de résidence, ça varie de deux à sept ans. Pendant ce deux à sept ans là, le maximum... parce que ça varie de 30 000 $ à 55 000 $, et les gens font 72 heures en moyenne. Faites un petit calcul combien ça vous donne de l'heure puis vous allez voir que vous êtes en dessous du salaire minimum. Ça fait que le salaire, ça le rembourse passablement, et on fait nos gardes, on fait des choses. C'est peut-être pour ça qu'ils veulent continuer à maintenir les résidents. Écoutez actuellement le discours de certains centres hospitaliers et vous allez voir qu'on se lamente parce qu'on n'a plus assez de résidents et on n'a plus assez de monde pour faire fonctionner ces grands centres, parce qu'il y en a plusieurs de leurs effectifs qui sont partis.

En ce qui est pour le retour, que les gens étaient... Oui, il y a cinq ou six ans, ou il y a 20 ans, il y avait trois médecins et ils desservaient la population. Depuis 20 ans, la médecine a énormément évolué. Qu'il n'y ait personne qui soit disponible pour cette région, moi aussi, je trouve ça inacceptable, puis je vais vous le donner. Qu'il n'y ait personne de garde ou en disponibilité, je ne sais pas d'où vous parlez, dans quelle région, mais j'aimerais bien savoir pour s'en informer. Ça, c'est un des points.

M. Laprise: Puis ça fait quatre, cinq ans de ça, puis on n'en a pas encore.

M. Patenaude (Yves): Mais ce n'est pas juste les jeunes qui doivent assumer. Est-ce qu'il pourrait y avoir une entente avec tous les gens des générations pour que ça soit disponible? Je pense que oui. Normalement, on les laisse... On parle de CLSC comme porte d'entrée du système. Allez voir comment les CLSC sont ouverts et, s'ils sont ouverts le soir et la fin de semaine, allez voir le coût que ça coûterait. Demandez à un médecin ce qu'il peut faire dans son bureau de pratique et pour savoir les coûts s'il n'y a personne, vous allez voir. C'est comme les grandes entreprises, c'est la même affaire. On est des professionnels uniques. C'est sûr qu'on a des devoirs. Il faut les rémunérer aussi.

M. Laprise: Demeurez des professionnels.

Le Président (M. Beaulne): M. le député, malheureusement, c'est tout le temps que vous avez à votre disposition.

M. Laprise: Merci.

Le Président (M. Beaulne): Maintenant, j'inviterais le porte-parole de l'opposition, le député de Kamouraska-Témiscouata, à poursuivre les échanges.

M. Béchard: Merci, M. le Président. Dr Nasreddine, Dre Rioux et Dr Patenaude, bienvenue. Je vous dirais que, comme certains mémoires qu'on a entendus aujourd'hui, votre présentation était des plus attendues. Vous savez, on se rend compte, avec ce que vous dites, que le phénomène des clauses orphelin n'est pas apparu nécessairement il y a deux ans, il y a trois ans. Ça fait longtemps qu'il est là. Avant de tomber sur les clauses orphelin comme telles, et vous parlez de clauses orphelin positives, vous savez, la répartition des médecins en région, on a l'impression que c'est toujours un problème en Abitibi, ou en Gaspésie, ou à Sept-Îles, et tout ça. Moi, dans mon comté de Kamouraska-Témiscouata, une des villes, c'est La Pocatière, c'est à une heure et quart de Québec, ce n'est pas ce qu'on peut appeler vraiment une région éloignée, et je vous dirais qu'on a un gros problème, on manque de médecins, on n'est pas capable d'attirer des jeunes médecins à La Pocatière. Et ça, moi, je n'en reviens pas. Il me semble que tout est là. On est à une heure, une heure et quart de Québec, on n'est pas loin de tout, et je vous dirais que la...

Puis je veux en venir sur les clauses orphelin parce que, dans les dernières années, on a toujours eu un modèle traditionnel pour amener les jeunes médecins en région, c'est-à-dire, soit on punit ou on va donner des primes, peu importe le modèle. Qu'est-ce qu'on peut faire pour attirer des médecins? Parce que, moi, je trouve qu'il y a deux... il y a les centres universitaires et ce que j'appelle les centres régionaux aussi, je dirais Rimouski et probablement Rivière-du-Loup aussi, mais les grosses villes, les moyennes villes où, là, il y a des centres, il y a des équipements. Mais on a des endroits, on a des petits hôpitaux qui rendent des services et qui sont les plus essentiels. Comment on peut faire pour attirer des médecins dans ces centres hospitaliers là?

M. Nasreddine (Ziad): C'est une excellente question et excellents commentaires. C'est très important, effectivement, de pouvoir... La première chose qui est la plus importante pour vraiment qu'un médecin veuille aller en région, c'est vraiment qu'il ait la volonté, effectivement, d'y aller, peu importe s'il y a une clause orphelin ou il y a une pénalité en ville ou en région. C'est certain que c'est la première chose qui est la plus importante. Bien sûr, les médecins, dans les dernières années, n'ont pas vraiment eu cette volonté-là. Alors, c'est sûr qu'on a été obligé de faire plein de choses pour essayer de les inviter, mais ça ne fonctionne pas. Et je pense que c'est dommage dans ce sens-là.

Mais ce qu'on propose actuellement, c'est vraiment que chaque médecin puisse prendre sa responsabilité sans qu'il soit obligé. Par contre, ils ne l'ont pas fait à date. Donc, c'est sûr qu'il faut faire quelque chose. Alors, on veut maintenant que nos collègues dans les fédérations, omnipraticiens et spécialistes, nous écoutent pour qu'on puisse faire un programme, que ce soit «mandatoire» à tout le monde, obligatoire à tout le monde de faire sa part pour couvrir toutes les régions du Québec, que toutes les régions du Québec soient vraiment la responsabilité de tous les médecins et chacun de nous. Et c'est faisable, ce n'est pas compliqué. C'est certain que, de cette façon-là, tous les médecins peuvent participer à cette liste de gardes là et ceux qui ne veulent pas participer, c'est certain qu'ils n'auront pas les avantages ou les primes, donc, de ceux qui vont aller dans ces régions-là. Et je pense que c'est la façon, que ça vienne des médecins cette fois-ci, et les médecins ne l'ont pas fait par eux-mêmes, mais on espère que, avec la nouvelle génération... Parce qu'on a été tellement touché par ces clauses-là qu'on commence à avoir des idées pour essayer d'améliorer la situation, et je pense que ces idées-là, elles vont avoir plus de succès que les idées précédentes.

M. Béchard: Il y a un élément que vous avez mentionné. Parce qu'on a l'impression, finalement, avec toute la pression qu'on met sur les jeunes médecins pour aller en région, que c'est une pénalité, aller en région.

Une voix: ...

M. Patenaude (Yves): Attends une minute! Attends une minute! Je pense que je vais répondre à ça, parce qu'il faut faire une différence entre les médecins en région. Quand vous parlez de médecins en région, vous généralisez, O.K.? On a les omnipraticiens et les spécialistes. Les omnipraticiens, au niveau du territoire québécois, l'ensemble, ils sont assez bien répartis. Si vous allez à Havre-Saint-Pierre, il y a 13 médecins généralistes qui pratiquent là; ils sont une garde sur 13, ils assument la région, que ça soit Kamouraska, puis les choses... et les dispensaires. Je ne sais pas quelles sont les conditions de ta région, mais la majorité, pour les omnipraticiens, il y a certainement des soins de base qui sont assurés dans la région et un peu partout au Québec.

(15 h 50)

Au point de vue des spécialistes, il y a eu deux choses, il y a eu deux vagues. Il y a eu la première vague des années quatre-vingt où on a instrumenté plusieurs centres hospitaliers de haute qualité et en disant: On va attirer les jeunes spécialistes. O.K.? Sauf que le nombre de spécialistes en région est tellement peu que les gens se ramassent à être tout le temps de garde. Et là on a mis des salaires, on a mis un total. Là, le gars, il a beau être un cardiologue... Je vais vous donner un exemple, il y a un cardiologue ici, à Québec. Ils sont cinq, ils sont supposés être 10. Là-dessus, il y en a deux qui font des dilatations, des petites ballounes pour les angines, etc. O.K.? Bien, le gars, il est de garde une semaine sur deux et, la deuxième semaine, il est de garde en deuxième appel. Théoriquement, ils sont cinq. Mais il est plafonné, ce gars-là. Ça fait que tout ce qu'il fait, ça ne va nulle part. Il l'a atteint, son quota. Pourtant, pas parce que les gens... les cas sont plus lourds et les gens... Ça fait que qu'est-ce que tu fais? Tu veux bien donner du service, mais, toi aussi, tu n'es pas rémunéré ou tu es rémunéré jusqu'à un certain montant qu'on a jugé acceptable. Toutefois, la population a besoin et les cas s'alourdissent aussi parce que, plus on attend, plus un angineux qui est sur une liste d'attente, qui était stable au départ, peut devenir instable. Et, à ce moment-là, ce qu'on voit, c'est que le gars, quand il arrive, bien là, il faut qu'il dilate en urgence. Les complications sont plus. Et là, ce gars-là reçoit des offres du Nouveau-Brunswick, il reçoit des offres des États-Unis. Et lui, il me dit: Écoute, je ne vois plus ma famille. J'ai un problème, là.

M. Nasreddine (Ziad): C'est que, même si le ratio médecin-population semble favorable au Québec et qu'il est de moins en moins favorable, il y a plus, aussi, de femmes maintenant qui pratiquent la médecine, il y a plus de gens qui pratiquent à temps partiel et il y a des cas beaucoup plus lourds. Donc, les spécialistes dépensent plus de temps, disons, avec les patients pour certains cas plus difficiles à traiter. Donc, ça fait en sorte qu'on a besoin de plus de médecins. Puis, avec la mise à la retraite récente de beaucoup, beaucoup de médecins, c'est certain que ça va être très difficile. Même si la volonté est là de vouloir répartir les effectifs, c'est que les effectifs vont être en très grande déficience dans les années à venir. Et, même, ils le sont actuellement dans plusieurs spécialités, particulièrement en psychiatrie, en pédiatrie, en chirurgie générale, en radio-oncologie. Donc, il y a beaucoup de spécialités qui sont en pénurie, même dans les grands centres. Alors, en région, c'est certain qu'ils vont encore plus s'en ressentir.

M. Béchard: Tantôt, vous avez parlé d'un élément intéressant, parce que mon directeur de thèse de doctorat est spécialiste dans les questions de répartition, et je pense qu'il vous a déjà rencontrés d'ailleurs, l'Association des jeunes médecins, un débat intéressant sur l'ancienneté par rapport à la compétence. Ce n'est pas de creuser un fossé entre les jeunes et les vieux, mais plus sur cet élément-là pour en arriver au fait, justement, de la politique de répartition. La façon dont on doit aborder le problème... si on offre quelque chose, des primes ou quoi que ce soit, présentement est-ce que le système fait en sorte qu'on offre la même chose à tout le monde? C'est-à-dire, pour aller, par exemple, en région ou aller dans un centre plutôt qu'un autre, est-ce que je n'ai pas les mêmes avantages salariaux? On a vu les inconvénients. Mais, quand on parle de primes, quand on parle d'incitatifs, est-ce que c'est ou est-ce que ça ne devrait pas être les mêmes pour tous? Qu'on soit jeune, qu'on ait 10 ans de pratique et d'expérience, qu'on en ait 20, est-ce qu'on ne devrait pas ouvrir à tous ceux qui veulent aller en région indépendamment de leur âge?

M. Patenaude (Yves): Moi, je pense que le plus simple, c'est l'égalité. C'est tout ce que les jeunes demandent. Ils ne demandent pas un statut spécial. Les gens aiment ça faire de la médecine, aiment ça pratiquer. Les régions, qu'on les couvre... Ça me fait plaisir, moi, d'aller en région. Au contraire, je trouve les gens très accueillants. C'est plaisant comme pratique, ça change. Le niveau de communication est très différent les gens des régions par rapport aux gens de Montréal, parce que c'est beaucoup plus «impersonnalisé».

M. Béchard: Tantôt, vous disiez que vous n'étiez pas des légistes, et je pense que c'est peut-être mieux comme ça pour voir la problématique dans son ensemble. Si on modifiait le Code du travail, si on modifiait la Loi sur les normes, vous seriez oubliés.

M. Patenaude (Yves): Absolument.

M. Béchard: Vous ne seriez pas là. Même si on modifie la Loi sur la fonction publique, vous seriez encore... Il y a toujours des possibilités. Est-ce que le phénomène des clauses orphelin n'est pas un phénomène assez important pour qu'on le traite comme un phénomène de société, qu'on le traite comme on a traité l'équité salariale ou qu'on a traité d'autres dossiers, c'est-à-dire de ne pas essayer de trouver dans quelle loi et à quel article on va... mais plutôt de dire: Voici le phénomène, voici sa définition? Est-ce que vous seriez d'accord plus avec une approche comme ça qu'une approche pour trouver la bonne loi puis le bon article? Puis vous êtes exactement de ceux qu'on va oublier si on y va de cette façon-là.

M. Patenaude (Yves): Oui. Mais c'est exactement ce qu'on a dit tantôt. Je veux dire, si, nous, les favorisés, on a été contraignables à ces clauses-là, pour les gens...

M. Béchard: Il n'y a plus de garanties pour personne.

M. Patenaude (Yves): ...puis si vous allez l'étendre à tout le restant de la société, vous allez voir, nous autres, on a des conséquences, et on les vit, les conséquences, avec ça. Je veux dire, nos confrères s'en vont. Si on regarde, mettons, dans les derniers trois ou quatre mois, si je n'en ai pas reçu 10 offres de l'extérieur du Québec, on n'en reçoit pas une. Je veux dire, il ne faut pas se leurrer. Regardez les pages et vous allez voir, il y a des compagnies qui ne font que ça, de la sollicitation pour avoir des gens. Je veux dire, c'est ça. Nous autres, on a la chance d'avoir, on peut dire, des professions ou des emplois à l'extérieur. Ce n'est pas tous les Québécois qui ont ça.

M. Béchard: Merci. Je vais laisser la parole à ma collègue qui a d'autres questions.

Le Président (M. Beaulne): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, mesdames et messieurs de l'Association des jeunes médecins du Québec, je vous souhaite à mon tour la bienvenue. Je dois vous dire que votre mémoire est extrêmement intéressant parce que ça ouvre une perspective différente par rapport à ce que nous avons entendu des autres groupes et, aussi, ça nous éveille à une réalité assez particulière, mais aussi assez dramatique, que des jeunes dans votre situation vivent.

Vous avez, tantôt, en échangeant avec mes collègues, soulevé la question de la répartition des médecins en région, et tout ça, et, dans votre mémoire, vous faites référence aux médecins étrangers. Je sais, par ailleurs, que c'est un dossier qui a fait couler beaucoup d'encre et, à plusieurs reprises, je dirais même de façon cyclique, on est revenu sur cette question-là. Je sais quelles sont les difficultés structurelles et corporatives qui font qu'il y a des limitations à l'accès aux médecins étrangers pour venir au Québec. Quelle est votre position là-dessus, par rapport au phénomène de la rareté des médecins en région? Est-ce que c'est une solution que vous privilégiez, vous, les jeunes médecins, de voir venir des médecins compétents, cela va de soi, de l'étranger et de les installer en région pour compenser pour le manque qu'il y a?

M. Nasreddine (Ziad): En tout cas, c'est certain que c'est très important de pouvoir combler les manques dans les régions, que ça soit par les médecins sur place, les médecins québécois ou des médecins compétents de l'étranger. Nous n'avons pas d'objection. Les besoins de la population, ça devrait primer, en premier. Bien sûr, si c'est disponible, si on peut avoir notre main-d'oeuvre locale – si on peut en parler de cette façon-là – on devrait la privilégier, à mon avis, parce qu'il y a beaucoup de jeunes ou de médecins qui pourraient, bien sûr, être formés pour servir la population québécoise. Et c'est certain qu'ils viennent de nos universités ici, on est certain de comment ils sont formés, même si on considère que ceux qui viennent de l'étranger ont leur compétence également. Donc, dans ce sens-là, c'est certain que c'est une solution. Mais je pense qu'à long terme, de cette façon-là, on essaie d'amener les médecins de l'étranger et de les payer à bas prix. C'est un peu un genre d'exploitation qu'on fait, parce qu'on veut sauver de l'argent et on veut payer les médecins moins cher. On a plusieurs médecins qui viennent de France – on les a côtoyés – qui sont compétents, mais ils sont payés quasiment à 50 % du revenu des collègues qui font le même travail, et je trouve que c'est un peu comme faire de l'esclavage médical, entre guillemets, et je ne pense pas que ce soit une situation qui devrait être perpétuée de cette façon-là. On peut les faire venir, si on juge, mais les payer de façon égale. Et alors, quand on va s'apercevoir qu'on va les payer de façon égale à leurs collègues, on va dire: Mais pourquoi on ne forme pas nos médecins ici? Donc, c'est dans ce sens.

Mme Houda-Pepin: O.K. Le phénomène est assez complexe. Je pense que la réalité à laquelle vous référez, ce sont des médecins étrangers qui sont invités avec un contrat ferme pour un certain nombre d'années parce qu'ils ont une expertise ou une spécialité particulière, et ils vivent au Québec avec un statut d'étranger, mais avec la possibilité de travailler. Ça, c'est les cas auxquels vous référez. Moi, je vous parle de médecins, entre guillemets, étrangers, mais qui sont, en fait, des citoyens canadiens vivant au Québec, mais ils sont exclus de la pratique uniquement parce que leur formation a été faite à l'étranger. On se rappelle, il y a eu des grèves de la faim, etc. Ces ressources-là existent, elles sont parmi nous.

M. Patenaude (Yves): Oui. Je vais répondre un petit peu à ça, parce que je suis un peu ambivalent face à cette situation-là. Dans les années soixante, parce que le rapport, je pense, Hall prévoyait qu'on allait manquer de médecins, etc., on a envoyé des barques un peu partout et on a ramené beaucoup de médecins, pour s'apercevoir qu'en 1990, mon Dieu! et avant ça, dans les années soixante-dix, quatre-vingt, il y en avait trop, de médecins, que c'est ça qui coûtait cher. Et là on a coupé les admissions dans les facultés de médecine, on a coupé les postes en résidence, on a coupé l'accès à des citoyens québécois, à des enfants – peut-être votre enfant – pour les facultés de médecine, pour la formation.

Ces gens-là, oui, s'ils ont une formation équivalente, parce qu'il faut savoir qu'il y a des formations qui sont différentes... Je peux être diplômé, je ne sais pas, moi, en France, si on prend juste la France, de clinique; je peux être un radiologue, mais de clinique. Ça veut dire que je n'ai passé aucun examen universitaire et je n'ai passé aucune qualification. Si c'est le cas du point de vue universitaire, si c'est le cours universitaire, ils sont aussi bien formés qu'ici, et je n'ai aucun trouble, et c'est au Collège d'évaluer, à savoir si, oui ou non, ces médecins-là sont compétents et s'ils ramènent une expertise particulière au Québec. J'en serais très fier, qu'ils ramènent une expertise qu'on n'a pas, et on les laisserait probablement pratiquer n'importe où dans la province. Ça, je n'ai aucun problème personnel avec ça.

Mme Houda-Pepin: Je pense que c'est une clarification importante que vous venez d'apporter de dire: Si quelqu'un est compétent... De toute façon, on ne peut pas pratiquer, au Québec, la médecine sans passer par l'évaluation, et plus l'adhésion au Collège des médecins...

M. Patenaude (Yves): Normalement, on demande de faire une certaine période...

Mme Houda-Pepin: Exactement, exactement.

(16 heures)

M. Patenaude (Yves): ...un stage de formation en université, dans certains centres de formation et on évalue le candidat, à savoir comment il est.

Mme Houda-Pepin: Très bien. D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme la députée. Alors, maintenant, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue à l'Association des jeunes médecins du Québec. Vous prêchez à un convaincu, dans votre mémoire. Le débat a tourné beaucoup sur les médecins en région, qui est un sujet qui m'intéresse aussi au plus haut point, mais qui n'est pas, à mon avis, l'objet de la présentation d'aujourd'hui.

Je pense que le message que vous nous avez passé et que plusieurs autres groupes de jeunes nous ont passé, ce n'est pas nécessairement une question de médecins en région, ou quoi que ce soit, c'est, quand vient le temps de payer une facture, de corriger – et là on peut le mettre entre guillemets – des abus du passé à divers égards. Mais il y a eu aussi une certaine forme d'abus parce qu'il y a eu des déficits accumulés. Donc, il y a quelque part où on a dépensé plus qu'on avait d'argent.Puis là aujourd'hui, au moment où vient le temps de dire: On ne peut plus se permettre ça, c'est ceux qui avaient la couche aux fesses au moment où les décisions ont été prises qui ramassent seuls la facture, qui n'ont même pas participé aux décisions, qui ne votaient même pas à l'époque, qui n'ont même pas pu choisir ceux qui ont fait cette gestion-là. C'est ceux-là qui ramassent non pas leur part de la facture – où, là, on pourrait dire: Bien, même si on n'était pas là, dans le fond, on est là aujourd'hui puis on ramasse notre portion de la facture – mais qui ramassent toute la facture. En tout cas, moi, c'est ça que je retiens de votre message.

J'ai retenu aussi vos propositions. Bon. C'est évident que le Code du travail, pas plus que les normes... Dans votre cas, c'est très particulier, la façon dont ça a été négocié. Ce n'est même pas un syndicat, c'est une fédération de professionnels. Ça rend la chose quasiment encore plus spectaculaire de voir comment les entourloupettes ont été faites avec le gouvernement.

Mais est-ce que, dans votre cas, la solution à ça, c'est qu'un gouvernement qui légifère au niveau des lois du travail sur les clauses orphelin ne devrait pas, en même temps, se donner une politique publique de rémunération sous toutes ses formes? Parce que, il me semble, le gouvernement peut difficilement légiférer contre lui-même, c'est-à-dire voter une loi pour dire: En tant que secteur public dans son ensemble, je m'interdis de mal agir. Donc, est-ce que le gouvernement ne devrait pas tout simplement se donner, dans tout ce qui est le secteur public, en même temps qu'il légifère, une politique ferme et claire de dire: Le gouvernement n'appliquera plus, dans tout ce qu'il touche, dans tous ces secteurs d'activité, de discrimination envers les jeunes? Est-ce que ça ne serait pas ça, le geste cohérent à poser?

M. Nasreddine (Ziad): Moi, je pense que c'est certain que ça serait encore ne pas reconnaître qu'il y a des gens qui vont demeurer une deuxième classe et qu'on va les oublier, puis qu'à partir d'un moment on va commencer à dire... à partir du moment où il y a une politique, mais il n'y a pas une loi nécessairement qui nous obligerait ou qui nous susciterait à aller faire plus pour les jeunes... Et, pour les autres conventions, c'est sûr que la loi va les aider énormément, je pense. Puis je pense que ça serait encore un défaut, là-dessus, puis que le gouvernement signe énormément d'ententes. Et les clauses orphelin – vous l'avez dit, dans différentes...: 5 % à 10 %, 5 % à 6 % ou plus, dans certaines municipalités – ce n'est pas nécessairement énorme de mettre une loi pour enlever ça complètement. C'est quoi, les conséquences? Est-ce qu'elles vont être si néfastes?

Quand le ministre a dit que c'est si peu, les clauses orphelin, alors pourquoi ne pas les enlever, si c'est si facile à enlever, si c'est si peu? On voit que ça affecte tellement de monde. C'est pour ça qu'il y a tellement d'organismes qui sont venus vous en parler, c'est parce que ce n'est pas quelque chose de négligeable. Et je pense qu'il faut essayer de faire la paix, et même avec ceux qui ont déjà été touchés. Parce que ça ne répare pas vraiment beaucoup, si on fait juste un principe.

M. Patenaude (Yves): Moi, tout ce que j'ai à rajouter à ça, c'est que je ne traite pas mon patient différemment que je voudrais être traité. C'est la même affaire pour le gouvernement et tous les autres, je dirais, les sociétés, les syndicats, ou ce qu'on voudra. Si c'est inacceptable pour eux autres, pourquoi faire ça aux jeunes? Je pense que le gouvernement a un devoir, son devoir de père face à cette société-là qui est en devenir. C'est moraliste, là...

M. Dumont: Et je suis tout à fait d'accord sur la question de la rétroactivité, de corriger non seulement les situations futures, mais les situations actuelles. Je l'ai dit tous les jours depuis le début de la commission. Ma deuxième question...

M. Nasreddine (Ziad): Parce que c'est des gens qui vont rester toute leur vie aussi, avec...

M. Dumont: Je suis tout à fait d'accord. Ma deuxième question, c'est concernant... Vous nous dites: Il y a des offres, il y a des médecins qui se font offrir des choses par d'autres provinces, entre autres. Parce que j'ai déjà fait une intervention là-dessus, sur l'exode des cerveaux en général, mais les médecins, c'était un chapitre important. Quand j'ai questionné, dans la même salle, probablement sur le même siège, le premier ministre là-dessus, le premier ministre a nié l'existence de ça. Il y avait deux, trois chiffres qui remontaient à je ne sais pas quelle année, et c'était tout prêt d'avance, puis il a dit: Ça n'existe pas, ce n'est pas vrai qu'il y a des médecins qui s'en vont, le député soulève un faux problème. Il me semble que c'est un son de cloche différent que j'entends aujourd'hui.

M. Nasreddine (Ziad): C'est sûr qu'à la FMSQ il y a seulement au mois de juin dernier qu'on a fait une conférence de presse conjointe pour essayer de décrier même la perte des effectifs médicaux. Parce que c'est un phénomène qui n'est pas juste en intention, que les jeunes veulent quitter. 50 % des résidents en médecine pensent à faire leur carrière à l'extérieur du Québec, maintenant, sérieusement. Mais, en réalité, en pratique, les médecins spécialistes, le dernier sondage qu'on a vu de la FMSQ, ils avaient seulement sondé, à date, 11 sur 33 associations et il y avait déjà le triple de personnes qui avaient quitté dans la dernière année. Mais probablement qu'ils n'ont peut-être pas été comptabilisés, ces gens-là. Mais c'est la source la plus proche de la réalité. C'est la FMSQ qui a vu ces spécialistes qui s'en vont, et c'était déjà trois fois plus dans la dernière année et en sondant seulement 11 sur les 33 associations de spécialistes. Il se peut que le chiffre devienne beaucoup plus important. Même, dans ma spécialité, en neurologie, dans les deux derniers mois, il y a huit neurologues qui ont quitté Montréal seulement, à ce que je suis au courant, donc c'est beaucoup plus... C'est des neurologues qui sont à la haute pointe de la technologie, aussi.

M. Dumont: Il y a huit neurologues qui ont quitté Montréal pour l'extérieur du Québec...

M. Nasreddine (Ziad): C'est ça.

M. Dumont: ...dans les deux derniers mois.

M. Nasreddine (Ziad): Dans les derniers six mois, à peu près.

M. Dumont: Dans les derniers six mois.

M. Nasreddine (Ziad): C'est ça.

M. Patenaude (Yves): Puis es pathologistes pédiatriques, il y en avait environ sept ou huit à Montréal, dans les deux hôpitaux pédiatriques. Il en reste, actuellement, trois.

M. Dumont: Les autres ont quitté le Québec.

M. Patenaude (Yves): C'est-à-dire que les autres ont quitté le Québec, dont un qui n'avait pas passé 20 % du test de grammaire français, qu'on lui a redemandé de le passer. Et on l'a remis comme clinicien. Ça faisait cinq ans que ce gars-là pratiquait au Montréal Children. Il n'avait pas passé... Il avait passé 80 % de son test de français, il y avait 20 % de la grammaire qu'il n'avait pas passés. Ils lui ont renvoyé une affaire comme quoi: Écoute, tu es rendu un résident clinicien... «Whatever.» Ça gars-là, ça faisait six ans qu'il donnait des services à la population. Et, quand il a eu ça, au mois d'avril – parce que son permis a été révoqué – il est parti pour la Californie. Et, si la population québécoise est capable de se passer de spécialistes comme ca, bien, chapeau!

Le Président (M. Beaulne): M. le député, malheureusement, c'est tout le temps...

M. Dumont: Ah! c'est assez!

Le Président (M. Beaulne): ...qui nous était imparti.

M. Dumont: Je ne veux plus en entendre, c'est assez!

Des voix: Ha, ha, ha!

(16 h 10)

Le Président (M. Beaulne): Alors, Dr Nasreddine, Dr Rioux et Dr Patenaude, la commission vous remercie. J'inviterais maintenant M. Mathieu-Robert Sauvé à s'approcher de la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaulne): M. Sauvé, la commission vous souhaite la bienvenue. Nous vous invitons à nous présenter votre mémoire. Limitez-vous à 20 minutes, si possible, pour permettre des échanges d'un côté et de l'autre. Et je vous demanderais également de vous identifier, pour les fins de la transcription.


M. Mathieu-Robert Sauvé

M. Sauvé (Mathieu-Robert): Oui. D'abord, merci de m'accueillir au sein de cette commission. C'est pour moi un honneur ainsi qu'une occasion inespérée de faire connaître le point de vue d'un jeune journaliste, disons, solidaire de ses contemporains.

Donc, Mathieu-Robert Sauvé, mon nom. Je suis journaliste depuis une douzaine d'années, journaliste et auteur. Je suis intéressé depuis longtemps aux questions, disons, intergénérationnelles. J'ai écrit, en 1993, un livre sur ce sujet-là, que je vous montre ici, Le Québec à l'âge ingrat , qui portait sur sept dossiers, où j'ai un peu fouillé la question du legs de nos aînés, donc, religion, famille, culture, éducation, médias, environnement, etc.

Donc, je suis ici à titre individuel et également à titre de membre d'une association qui s'appelle l'Association des journalistes indépendants du Québec, qui regroupe 150 membres, surtout des pigistes dans la presse écrite, dans la presse électronique, des gens qui évidemment ne sont pas syndiqués, ne sont pas membres en règle d'une salle de rédaction, mais qui, par contre... Bon. Il y en a un certain nombre dans cette Association – puis on peut parler des pigistes en journalisme «at large», si vous me permettez l'expression – qui sont très satisfaits de leur statut, qui ont accepté le fait qu'en journalisme on fait de la pige, on a des petits contrats qui sont renouvelés. Ça laisse la personne très libre d'aller et venir, de changer de milieu, d'aller faire un peu de presse écrite, un peu de presse électronique, etc., donc, de n'être pas liée à une ligne de parti, si je puis dire, ou à une salle, disons, avec ce que ça représente de paramètres professionnels. Bon. Mais il y a un certain nombre de journalistes qui n'ont pas renoncé à un jour faire partie de grands médias comme, je ne sais pas, La Presse , Radio-Canada , le Journal de Montréal et d'autres, Le Soleil .

Puis c'est à ce titre-là que j'ai voulu voir, moi, quand on a commencé à parler de clauses orphelin, si les journalistes échappaient à la tendance, et puis je dois dire que j'ai été assez surpris. J'ai fait le tour, donc, des principaux médias. Je m'excuse auprès de tous ceux qui ne sont pas représentés dans mon mémoire. Enfin – je m'excuse – peut-être que c'est mieux pour eux parce que je n'ai pas pu faire le tour. Mais, donc, dans les médias que j'ai pu observer, je me suis rendu compte qu'il y avait des clauses orphelin de type temporaire, donc des ajouts d'échelons. Par exemple, à La Presse , on a ajouté des échelons aux salaires en 1985 – l'Année internationale de la jeunesse, d'ailleurs. Et Radio-Canada, c'est tout récent, on vient de signer une nouvelle convention et, donc, il y a des... Je vous donne un exemple. Les auxiliaires à l'affectation toucheront désormais 15 000 $ de moins en cinq ans que ceux qui étaient en place avant le 13 juin.

Je trouve ça important de signaler ça parce que, un peu comme dans la suite de mes prédécesseurs à ce micro, dans l'esprit des gens, les clauses orphelin, c'est surtout le secteur du commerce, le secteur manufacturier. Et, enfin, je pense que c'est un mythe, il y a beaucoup... il y a des médecins, il y a des professionnels, des journalistes, donc, qui souffrent de cette question-là. Donc, c'est, pour moi, un symptôme. Ça veut dire que, finalement, on a utilisé ce recours dans à peu près toutes les couches de la société, si je peux dire. Et c'est, pour moi, une surprise et une déception, je dois vous le dire.

Je dois dire, avant tout, que, bon, je ne vous ferai pas la définition d'une clause orphelin, je pense que tout le monde s'entend. Ou, enfin, peut-être que tout le monde ne s'entend pas, mais disons qu'on ne se perdra pas dans les fleurs du tapis. Il s'agit, en gros, de redéfinir à la baisse les emplois des nouveaux employés.

Les vrais orphelins des médias, au Québec, actuellement, ce sont les pigistes, qui n'ont absolument aucune protection question sécurité d'emploi, question même honoraires. Enfin, il n'y a rien qui évolue de ce côté-là. Mais, donc, une fois qu'on décide d'employer quelqu'un, la question n'est pas réglée, justement, parce qu'on s'aperçoit que, dans plusieurs médias, on a redéfini à la baisse ces emplois.

À mon avis, il n'y a rien qui justifie l'existence de ces clauses, d'autant plus qu'on exige aujourd'hui des journalistes qu'ils soient extrêmement bien formés. Il y a tout un réservoir d'excellents candidats pour devenir journalistes. Alors qu'autrefois on entrait souvent par la petite porte, les gens devenaient journalistes après avoir été typographes ou commis aux dépêches, puis, à un moment donné, on avait besoin de quelqu'un, on disait: Veux-tu aller couvrir le feu au coin de de Lorimier et Sherbrooke? donc finalement la personne était formée sur le tas, aujourd'hui, c'est souvent des gens qui ont... Presque tout le temps, les jeunes journalistes ont un diplôme universitaire, des fois supérieur, donc maîtrise, à l'occasion le doctorat. Ils ont fait le tour du monde, ils ont écrit des articles partout. Enfin, ils ont été, donc, en probation, ils ont été extrêmement sélectionnés pour leurs compétences.

(16 h 20)

J'imagine que, si on créait des postes où on demandait un peu moins de qualifications, on pourrait dire: Bon, c'est vrai, pourquoi on accepte de moins les payer? Ce n'est pas le cas. Même qu'au contraire je vous dirais qu'on en demande plus aux jeunes journalistes aujourd'hui qu'autrefois. À TQS, par exemple, on attend des journalistes qu'ils soient, par exemple, cameraman-reporter ou réalisateur-journaliste. Donc, on compresse, comme ça, des compétences qui, autrefois, étaient réservées à des spécialistes.

Je dois vous dire, d'ailleurs, que ce matin, en m'en venant de Montréal, j'ai lu les éditoriaux de deux grands journaux de Montréal. Enfin, éditoriaux... On peut parler d'un éditorial, dans le cas de La Presse , mais, dans le cas du Journal de Montréal , il s'agit plus d'une chronique, en fait, un texte de Michel C. Auger, qui se trouve être le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Et je trouvais assez cocasse que ces textes étaient très nuancés, car, à l'intérieur de ces deux boîtes là, il y a des clauses orphelin. Donc, je me dis, s'ils dénonçaient avec véhémence les clauses orphelin, ça serait carrément des cordonniers mal chaussés. Donc, je me suis dit, tiens, il y a peut-être quelque chose qui explique leur ton plein de retenue. D'ailleurs, au cours de l'été, il y a eu un éditorial de Jean-Robert Sanfaçon, au Devoir , qui était également assez nuancé, disons, sur cette question. Donc, à mon avis, enfin, tout ça s'explique. On ne peut pas dénoncer publiquement ce qu'on a adopté dans notre propre maison. Voilà.

Au Soleil , c'est en 1988 que deux échelons ont été ajoutés à la baisse. Ça résulte en une perte de quelque 25 000 $ en sept ans pour les nouveaux venus. Donc, en fait, on parle de jeunes journalistes qui ont reçu dans leurs poches, au moment où on se parle, 25 000 $ de moins que les gens qui étaient là auparavant. Il faut noter que Le Soleil a traversé une crise entre 1993 et 1995, et puis on a exigé, enfin, on a imposé un gel des salaires à tout le monde. À mon avis, c'est un coup dur pour tout le monde de voir son salaire gelé pour trois ans, mais il me semble que c'est peut-être moins inéquitable de procéder de cette façon que de dire: On va rajouter des échelons à la baisse et c'est seulement les nouveaux qui vont payer.

Donc, Le Journal de Montréal , j'ai fait le même calcul, je me suis rendu compte qu'en huit ans les journalistes, photographes, techniciens à la photographie, statisticiens, réviseurs, membres du Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal toucheront 51 844 $ de moins que leurs prédécesseurs. Donc, on parle d'un très bon comptant pour une maison, on parle de très bonnes épargnes pour les vieux jours. Enfin, c'est un énorme montant. Est-ce que Quebecor avait absolument besoin de cette économie? Je n'en suis pas convaincu.

Bon. Évidemment, tout ça s'est fait avec la complicité des syndicats, je pense qu'il faut le dire. Le Syndicat des travailleurs de l'information, les syndicats de journalistes ont fait beaucoup pour la profession, mais je pense que là-dessus ils ont manqué une bonne occasion de faire valoir des questions de justice et d'équité intergénérationnelles.

Cependant, à La Presse , le syndicat, il faut quand même rapporter qu'il a fait des bons coups, à l'occasion. L'an dernier, on a voulu créer une vingtaine de postes de journalistes stagiaires. Donc, c'étaient des postes de journalistes, disons, de stagiaires qui n'avaient de stage que le nom parce que, en fait, on leur demandait exactement ce qu'on aurait demandé à un jeune journaliste au début de sa carrière, sauf qu'on les payait à 75 % du premier échelon, avec aucune protection syndicale, aucune ancienneté qui s'accumulait. Bref, ça aurait été vraiment une aubaine. Donc, là, le syndicat, à mon avis, a fait vraiment son travail. Il a convoqué une assemblée générale spéciale, puis les membres, après s'être fait expliquer ce principe, ont carrément dit non, à l'unanimité, d'ailleurs.

Donc, je vous signale que je n'ai pas pu faire le tour du Québec, malheureusement, parce que le temps était quand même limité pour faire ce mémoire-là. Il n'y a pas de clauses orphelin peut-être partout. Mais il y a quand même un vieillissement un peu gênant de la profession, à l'intérieur des salles de rédaction permanentes. Je vous donne un exemple. Au quotidien de Chicoutimi, le dernier entré, c'est un certain M. Tremblay, il est entré le 17 juin 1987, donc il y a 11 ans. Je me demande comment on peut donner une image juste de l'actualité, quand le plus jeune est entré il y a 11 ans dans la salle de rédaction. Enfin, à mon avis, ça me semble un peu bizarre.

Bon. La vraie question, là-dedans, c'est: Est-ce que la qualité de l'information est affectée par cette situation-là? On peut peut-être se poser la question, parce que, justement, le discours des syndicats a toujours été de dire: Il faut absolument préserver la notion de journaliste permanent syndiqué pour que ces gens-là puissent exercer leur profession en toute liberté, à l'abri des tentations diverses. Parce que, même avec leur meilleure volonté, les pigistes vivent difficilement, arrivent difficilement à payer leur loyer, ils peuvent être tentés d'accepter des contrats de toutes sortes, plus rémunérateurs que le journalisme proprement dit.

Si je suis ici, c'est qu'il y a un peu, à mon avis, urgence, parce que je constate qu'il y a eu quelques clauses orphelin, dans les années quatre-vingt, au Québec, mais on dirait qu'il y a un retour, maintenant. Au Journal de Montréal , c'est les dernières négociations de conventions collectives qui ont donné lieu à cette clause orphelin. Puis à Radio-Canada, c'est tout près de nous encore, ça date de quelques mois. Donc, je me demande si, aux prochaines difficultés que traverseront les médias, la tendance ne sera pas de dire spontanément: Faisons payer les jeunes, un peu comme on l'a fait durant les années passées. Donc, à mon avis, il ne faut pas perdre de temps, il faut légiférer contre le recours à ces clauses. C'est clair qu'à mon avis les entreprises de presse ne se priveront pas pour recourir encore à cette solution simple à un problème complexe.

Reste à savoir comment légiférer. Évidemment, je ne suis pas juriste. J'ai pu regarder quelques éléments de réponse dans d'autres mémoires. Je vous renverrais au mémoire de Force Jeunesse, qui me semble assez précis, où on dit qu'il faudrait revoir le Code du travail et la Loi des normes du travail afin d'appuyer clairement sur l'interdiction de recourir aux clauses orphelin. J'ai jeté un coup d'oeil aussi, à l'instant, sur le mémoire du Conseil permanent de la jeunesse, qui me semble également assez solide de ce côté. Donc, voilà. Je termine ici. Je vous invite à... Enfin, on pourra continuer ça par un échange, ça va peut-être être plus vivant que...

Le Président (M. Beaulne): Vous avez terminé?

M. Sauvé (Mathieu-Robert): Oui.

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. le ministre, allez-y.

M. Rioux: Merci, M. le Président. M. Sauvé, je suis content que vous soyez venu brosser un petit peu un état de situation du statut précaire, au fond, du journaliste pigiste, du journaliste indépendant, ou le free-lance. Il est absolument vrai, ce que vous disiez il y a quelques instants. On demande de plus en plus aux journalistes d'être des gens compétents. On va même maintenant exiger qu'ils passent par une école de formation – la formation au journalisme. Je pense particulièrement à l'école de l'Université Laval.

Mais ce n'est pas tous les pigistes qui sont malheureux. Il y en a qui font une très belle carrière. Il y a les pigistes vedettes qui gagnent très bien leur vie, comme à peu près n'importe quel artiste. Puis il y en a d'autres qui ont un peu plus de difficultés, et c'est absolument vrai. Tous ceux que j'ai rencontrés et que j'ai connus, au fond, la majorité disait: Je veux faire carrière sur une base autonome et être capable de travailler à mon goût, à ma façon, à mon rythme, mais ne pas être pris à l'intérieur d'une salle de rédaction, avec toutes les contraintes que ça exige.

(16 h 30)

Au fond, le discours qui veut que la qualité de l'information est bien servie avec des journalistes permanents et syndiqués, moi, personnellement, qui ai passé une partie de ma vie dans le mouvement syndical, je prends ça avec un grain de sel. La compétence n'est pas nécessairement rattachée au fait que vous êtes couvert par une convention collective, dans le domaine journalistique. Remarquez que c'est bon que les gens aient une stabilité d'emploi, ça permet aux journalistes parfois de faire mieux leur travail. Mais le journaliste pigiste, c'est un artiste, au fond. Il veut faire sa vie de cette façon-là et c'est comme ça qu'il aime pratiquer son métier, ce qui n'empêche pas qu'il reçoive, évidemment, une juste rémunération.

Les journalistes pigistes que j'ai rencontrés trouvaient que leur liberté professionnelle était mieux servie comme pigiste que comme employé permanent. Il n'y avait pas de directive qui venait d'en haut pour leur dire: C'est dans cette direction-là que le journal s'en va dans telle situation politique ou économique ou au moment de telle crise. Puis là, je ne vous parle pas nécessairement de ceux qui sont responsables de la page éditoriale. Vous le savez.

Mais, quand on regarde cette réalité-là et qu'on étudie un phénomène comme celui qui nous occupe aujourd'hui, les clauses orphelin, dans les exemples que vous nous donnez de la presse écrite et de la presse électronique, moi, M. Sauvé, vous ne me ferez pas accroire qu'il y a un de ces quotidiens-là qui était menacé dans son existence au moment où ils ont décidé de faire du «downsizing» ou qu'ils ont décidé de rationaliser leurs opérations. C'est dur de me faire accroire des affaires de même, étant donné que je viens de ce milieu-là. C'est encore moins vrai de TVA, de Radio-Canada, de Télé Quatre Saisons ou de Radio-Québec. Ce n'est pas en sauvant quelques piastres sur les nouveaux arrivants ou encore sur les pigistes qu'on va sauver une entreprise. Je pense qu'il y a d'autres dimensions de la problématique qu'on pourrait discuter longtemps entre nous, étant donné que vous avez fouillé le sujet.

Je vous dis tout ça parce qu'un journaliste professionnel devrait normalement, qu'il soit pigiste à l'intérieur d'une entreprise ou qu'il soit pigiste à l'extérieur d'une entreprise, pour un travail semblable ou équivalent à celui de ses confrères à l'intérieur, recevoir à peu près la même rémunération. Quant aux conditions de travail en général, ça, c'est une autre histoire. On pourra peut-être l'examiner tout à l'heure. Il y a peut-être aussi d'autres députés qui vous poseront des questions là-dessus.

Moi, ce que je voudrais vous demander: Dans la compréhension qui est la vôtre de ce phénomène-là, est-ce que c'est ça qui empêche la presse écrite et électronique de se rajeunir, c'est-à-dire la rémunération et les conditions de travail très élevées? Parce que ce qu'on dit souvent, les journalistes du Journal de Montréal , de La Presse ou d'ailleurs, c'est qu'ils ont des conventions collectives chromées, de très bonnes conventions collectives. Et si vous regardez les conditions particulières qui leur sont faites en plus, ils vont chercher des salaires plus qu'honorables. Avez-vous l'impression qu'aujourd'hui les magnats de la presse ou les propriétaires de quotidiens, de journaux, de stations de télévision, de radio... Vous avez peu parlé de la radio. Vous avez peu parlé de la radio, monsieur. Ça aurait été intéressant que vous fouilliez un petit peu les salles de rédaction des stations de radio. Vous auriez découvert des choses intéressantes également. Est-ce que le législateur québécois, étant donné qu'il s'apprête à agir dans le domaine des clauses orphelin, devra tenir compte des journalistes pigistes, devra tenir compte des journalistes indépendants qui essaient de gagner leur vie dans le domaine journalistique, mais les conditions d'exercice de leur profession, les conditions sont difficiles? Vous avez dit tout à l'heure que vous aviez regardé ça, vous avez regardé quelques mémoires. Il y a des avenues qui nous sont proposées que vous avez trouvé intéressantes. Mais, vous, qu'est-ce qu'on peut faire pour aider une catégorie professionnelle comme la vôtre?

M. Sauvé (Mathieu-Robert): À la question, si le législateur doit tenir compte des journalistes indépendants, évidemment, vous avez une partie de la réponse devant vous: je suis tout seul aujourd'hui. Puis ce n'est pas parce que je n'ai pas essayé d'amener du monde. Les gens ont peur. Évidemment, c'est bête à dire. D'une part, c'est sûr que les journalistes ne sont pas des militants en général, mais aussi, quand tu commences dans une boîte, tu es assez mal placé pour essayer d'enfoncer le clou puis dire: Je suis victime d'injustice, puis, enfin... De toute façon, vous avez vu passer des gens qui avaient beaucoup de courage durant cette commission parlementaire parce que, justement, il faut se lever, dire: Bon bien, moi, je m'expose publiquement, je prends position. Donc, en fait, il y a une partie de la réponse qui est là. Ce n'est quand même pas par hasard qu'on fait des clauses orphelin.

Moi, ça fait plus de 10 ans que je suis journaliste et c'est la première fois que j'en entends parler dans les médias, puis c'est parce que j'ai pris le téléphone puis que j'ai appelé la plupart des salles de presse puis que j'ai dit: Qu'est-ce qui se passe chez vous? Mais les journalistes... Il y en a un qui me disait: Moi, je suis surnuméraire depuis 10 ans; heureusement, il y avait une liste de rappels qui fait que j'avais une certaine sécurité d'emploi – un gars de Radio-Canada – sans cette assurance, je n'aurais jamais pu emprunter de l'argent à la banque; probablement que je n'aurais même pas d'enfant aujourd'hui parce que je serais trop incertain devant l'avenir. Écoutez, moi, ce que vous dites par rapport aux pigistes, je suis d'accord, c'est très noble d'être sans attaches professionnelles.

M. Rioux: Est-ce que vous aimeriez qu'on les traite et qu'éventuellement on amende les lois du travail pour leur donner un statut de travailleur autonome avec une certaine protection dans nos lois?

M. Sauvé (Mathieu-Robert): Bien, écoutez, à mon avis, c'est sûr que ce serait une bonne chose parce que, actuellement, les journalistes indépendants n'ont pas de pouvoir de négociation. Ils essaient de s'allier pour devenir un groupe de pression, faire entendre leur voix. Mais actuellement, si un pigiste dit: Moi, je ne travaillerai pas à 50 $ du feuillet, pfft!, le rédacteur en chef va partir à rire, il va dire: C'est bien beau, va-t'en chez vous, je vais en prendre un autre, il y en a 1 000 qui veulent travailler pour mon journal. C'est aussi bête que ça. C'est la même chose dans la plupart des entreprises de presse actuellement. Donc, en fait, si vous voyez une voie législative pour obliger les employeurs à donner des conditions de travail décentes aux pigistes – puis là, je peux même englober la plupart des pigistes et sortir du milieu strictement journalistique – je me demande comment ça pourrait être formulé. Habituellement, c'est la loi du marché qui détermine tout ça.

M. Rioux: Oui. Vous savez, M. Sauvé, qu'en plus de tous les problèmes que vous avez, vous en avez un autre qui s'ajoute, c'est que dans le domaine des télécommunications, radio, télévision, ça relève du Code canadien du travail, ou de la juridiction fédérale. Ça ne vient pas améliorer votre sort non plus.

M. Sauvé (Mathieu-Robert): Oui, mais enfin, s'il faut aller jusque-là, c'est évident qu'on pourrait demander un amendement aux lois canadiennes. Enfin. Là, c'est nettement un peu trop loin pour ma compétence.

M. Rioux: Non, mais il y a des députés bloquistes qui sont venus ce matin puis qui interpellent le gouvernement du Québec pour dire au fédéral: Vous allez vous ajuster. Il y a un autre groupe aussi qui est venu qui nous a fait une recommandation à peu près semblable ou analogue. Alors, si le fédéral est ouvert, on pourra se parler là-dessus. J'espère qu'ils sont plus ouverts que sur le poisson de fond.

M. Sauvé (Mathieu-Robert): En tout cas... Pour en revenir aux pigistes, comme vous disiez tout à l'heure, bon, les pigistes, c'est sûr qu'il y en a qui sont très fiers de leur statut. Je l'ai mentionné plus tôt. Il n'y a rien de mieux que d'être travailleur autonome prospère. Cependant, dans la réalité, je pense que les gens ont un peu de difficultés à vivre avec de si mauvais honoraires et de si mauvaises conditions de travail.

(16 h 40)

Cela dit, pour en revenir aux pigistes qui vivent bien, je crois qu'il y a des médias au Québec qui fonctionnent uniquement avec des pigistes qui fonctionnent très bien. Je pense à la revue Voir , par exemple. Il n'y a à peu près aucun journaliste permanent à cette entreprise, puis, bon, ça ne va pas si mal. Le problème qui se pose, c'est quand, dans une salle de rédaction, on crée deux classes de travailleurs. C'est ça qui est le véritable problème. Il n'y a aucune raison jusqu'ici qu'on m'a donnée ou que j'ai lue qui pouvait justifier ça. Vous l'avez évoqué, Quebecor ne fera pas faillite parce qu'ils décident de retirer leurs clauses orphelin. C'est clair, voyons, tu sais. Donc, en fait, le problème se pose là. Autrefois, quand la question des pigistes est apparue, on s'est rendu compte que c'était super d'avoir des pigistes et ça rajoutait un peu d'air frais dans le produit fini parce qu'il y avait un point de vue extérieur qui arrivait, plein d'idées qui étaient différentes, et tout, puis ça ne coûtait pas cher, c'était flexible, ce n'était pas difficile à gérer, etc. Mais le problème, c'est quand c'est devenu un peu une habitude, un peu comme des chargés de cours dans les universités. Je veux dire, à un moment donné, c'était juste pour apporter un peu d'air frais à l'intérieur de la profession. Mais, maintenant, c'est rendu la norme. C'est un peu la même chose avec les pigistes. Quand un journal ne fonctionne qu'avec des pigistes, ça peut fonctionner. Quand il y a une salle de rédaction puis que les gens qui sont en place disent: Ah! nous, on ne veut pas perdre nos conditions de travail, qu'est-ce qu'on peut faire pour s'en sortir? bien, on va voter des mauvaises conditions pour les prochains. O.K., tout le monde est d'accord, puis, bon, c'est comme ça que ça part.

M. Rioux: Je vous remercie, M. Sauvé.

M. Sauvé (Mathieu-Robert): Je vous en prie.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Drummond.

M. Jutras (Drummond): M. Sauvé, dans votre mémoire, vous dites que «les vrais orphelins des médias québécois, ce sont les milliers de pigistes qui ne ramassent que la portion congrue des budgets alloués aux ressources humaines». Vous dites donc: Bon, ce sont les vrais orphelins, les pigistes. Et vous parlez aussi des autres travailleurs dans le domaine du journalisme, que vous assimilez... en tout cas, il y a une référence dans le bas de votre... Ah! c'est un texte du 12e congrès de la CSN, où on dit qu'il y a les travailleurs aussi à temps partiel, surnuméraires et occasionnels qui peuvent être assimilés à une main-d'oeuvre de deuxième classe. Alors, finalement, ce qu'on comprend de votre mémoire, c'est que, dans le domaine du journalisme, il y a, somme toute, deux sortes d'orphelins. Il y a les pigistes et il y a aussi ceux qui sont dans une boîte, qui sont à l'emploi d'un journal comme tel, mais qui, eux aussi, parmi les nouveaux embauchés, ont des conditions différentes des plus anciens. Alors, c'est ce qu'il faut comprendre de votre mémoire?

M. Sauvé (Mathieu-Robert): Oui, effectivement, les pigistes, c'est probablement ceux qui sont les moins bien protégés, les moins bien payés de la profession, et de loin. Évidemment, il y a quelques cas, les pigistes stars, comme M. le ministre Rioux disait tout à l'heure, qui vivent très bien, puis, eux, ils font vraiment une belle vie, si je peux dire. Mais, pour une star, il y a peut-être 99 personnes qui vivotent, quoi, et c'est pour ça que je parlais tout à l'heure, disons, des stratégies alimentaires. Il y a des gens qui sont prêts à faire de la rédaction publicitaire à l'intérieur d'actions gouvernementales où on fait toutes sortes de contrats, parce que ce sont des gens qui sont à l'aise dans l'écriture. Alors, ils peuvent écrire n'importe quoi puis c'est quand même une qualité. Donc, on les embauche pour faire toutes sortes de trucs de rédaction et ça les place un petit peu dans des conflits d'intérêts, souvent. Puis ça, bon, enfin, c'est un petit peu occulté, on n'ose pas trop le dire publiquement. Si vous connaissez des pigistes, à peu près tout le monde doit arrondir les fins de mois avec des contrats alimentaires, si je peux dire.

M. Jutras (Drummond): Mais, en tout cas, vous faites...

Le Président (M. Beaulne): ...pour une dernière question?

M. Jutras (Drummond): Déjà?

Le Président (M. Beaulne): Oui, malheureusement.

M. Jutras (Drummond): Mais vous faites effectivement ressortir l'avantage, selon la Fédération nationale des communications, de ces travailleurs-là, à savoir: bien, il y a flexibilité, faibles coûts, absence de lien d'emploi, l'employeur n'est pas lié, disponibilité. Mais ce que vous soulevez aussi, puis en donnant l'exemple de La Presse , cet exemple-là revient souvent devant la commission, où, par exemple, quelqu'un acquiert sa permanence après 156 jours d'emploi; au 155e jour, on le remercie et, quelque temps après, on le rappelle et il recommence encore au bas de l'échelle, il recommence au plus bas de l'échelle. Et ça, ça nous est présenté dans différents domaines. On assiste à ça dans plusieurs secteurs de notre société présentement, des gens qui ne peuvent jamais acquérir la permanence parce que, lorsque vient le temps d'obtenir la permanence, la veille, on les remercie. C'est un problème sérieux et ça entraîne, entre autres, le fait non seulement de gens qui n'acquièrent pas leur permanence, mais de gens qui partent à leur compte, qui deviennent des travailleurs autonomes, puis, vu qu'ils ont développé une certaine expertise dans ce domaine-là, tentent de s'en tirer le mieux possible.

Mais qu'est-ce que vous proposez par rapport à ça? Parce que ça, ce problème-là, il nous est présenté dans maints secteurs. Qu'est-ce que vous proposez par rapport à ça? Parce que, en fait, ça en est une clause orphelin. Ce n'est pas écrit nulle part, mais, cependant, dans les faits, on constate que ça crée une situation d'orphelin. Alors, êtes-vous en mesure de nous proposer quelque chose par rapport à ça? Parce que ça, quand bien même on adopterait une législation qui dirait que les clauses orphelin sont interdites, ça, ce n'est pas une clause comme telle. C'est plutôt un comportement ou une façon de faire qui crée des orphelins. Alors, qu'est-ce qu'on ferait pour éviter ça?

M. Sauvé (Mathieu-Robert): Bien, c'est une question assez complexe. À mon avis, vous êtes bien partis, entre guillemets, parce que vous êtes réunis ici depuis plusieurs jours, depuis au moins une semaine, enfin, sur la question des clauses orphelin qui était pratiquement inconnue du discours. Là on en parle, on parle d'une législation, enfin, ce que je vous encourage à faire. Donc, pour moi, il y a quelque chose qui se passe là. Le signal qu'on envoie aux employeurs et aux syndicats, qu'ils le veuillent ou non, c'est de dire: Attention, on ne peut pas abuser, disons, de l'absence du pouvoir des jeunes dans les relations de travail au Québec. C'est un peu ça que je comprends. Et ça, c'est important, c'est très important, parce que – je vais reprendre certains de mes propos de tout à l'heure – en 1980, il y a eu des clauses orphelin dans les médias, il y a eu la Commission des droits de la personne et de la jeunesse qui a dénoncé ça en 1990 et il y a eu une entente, disons, amicale, si je peux dire, pour ne pas y recourir en 1992, puis, finalement, on est en 1998 puis il y en a, il y en a presque tous les mois, une nouvelle qui se vote quelque part au Québec.

Donc, c'est clair qu'on ne peut pas juste laisser aller les choses comme ça en disant: Ça va se régler de soi-même. Il faut que les gens en parlent. Les médias, d'ailleurs, ont abondamment parlé de cette commission, et j'en suis ravi parce que, moi, je découvre un sujet tout à fait révoltant. Moi, ça me révolte, les clauses orphelin. Je trouve ça scandaleux. Puis, donc, à partir de là, on pourra peut-être aller plus loin et puis dire: Bon bien, là, n'abusez pas de l'absence du pouvoir des jeunes. Comme, par exemple, ce que vous évoquez, la passe-passe de mettre la personne à la porte à 155 jours quand elle acquiert sa permanence à 156, c'est révoltant, mais la personne est complètement désarmée devant ça, elle ne peut rien faire. C'est pour ça, je pense que c'est très important de parler de solidarité intergénérationnelle. Même si c'est un gros mot qui fait savant, c'est quelque chose de très important pour la suite du monde.

M. Jutras (Drummond): Je vous remercie.

M. Sauvé (Mathieu-Robert): Je vous en prie.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président, et permettez-moi en commençant de saluer le courage de notre invité à venir en commission parlementaire. Pour un pigiste, dénoncer les clauses orphelin, ça prend un certain – excusez le mot – «guts». Et, moi, je vous dirais qu'être en position pour employer des gens dans les médias je ne vous bouderais pas; au contraire, j'irais vous chercher en vous donnant un salaire équivalent, bien sûr...

Des voix: Ha, ha, ha!

(16 h 50)

M. Béchard: ...pour le courage que vous démontrez. Parce qu'il y a bien, je dirais, des clauses orphelin où on se retrouve justement dans une situation où les gens... Puis vous le démontrez bien, vous n'êtes pas régi par le Code du travail, vous n'êtes pas régi par les normes; vous êtes un pigiste, vous êtes un peu un travailleur autonome. C'est un peu ça. Je me souviens quand on en a parlé, je pense que c'est jeudi passé en début de journée, on a parlé des travailleurs atypiques, des travailleurs autonomes, il y a des gens qui étaient invités – je ne me souviens plus quel groupe – et qui nous ont dit: Bien, la question n'est pas de parler des travailleurs autonomes ou des travailleurs atypiques, ça n'a pas rapport, les clauses orphelin, avec ça, ce n'est pas le même débat. Et, moi, je dirais qu'au contraire, je pense que c'est justement peut-être les gens qui ont le moins de recours face au phénomène des clauses orphelin, donc, il faut y aller plus. Ma première question est: Comment pourrait-on faire appliquer le principe du travail égal, salaire égal aux pigistes ou aux travailleurs autonomes?

M. Sauvé (Mathieu-Robert): C'est précisément le mandat que s'est donné mon association, l'Association des journalistes indépendants, c'est de dire: On va essayer de négocier certaines choses avec les employeurs pour qu'il y ait un peu ce principe-là qui soit établi avec les pigistes. Mais c'est difficile de parler de travail égal, salaire égal. Est-ce qu'un journaliste qui travaille 37 heures et demie par semaine fait un travail égal à salaire égal avec un pigiste qui travaille chez lui, qui apporte son texte et qui retourne chez lui? C'est très difficile, ce n'est pas mathématiquement comparable. Je prends d'ailleurs un instant pour faire une parenthèse. Je vous remercie pour vos compliments, M. le député. Cependant, j'ai un travail à temps plein à l'Université de Montréal, moi. Alors, je n'ai pas autant de «guts» que vous semblez le...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: Il ne faut pas le dire, ça. Ha, ha, ha!

M. Sauvé (Mathieu-Robert): Non, vous pouvez le dire, parce que je suis reconnaissant à mon employeur de me laisser une certaine liberté d'expression. C'est que le journalisme à la pige est une partie seulement de mes activités. Alors, voilà. Donc, c'était une petite mise au point. Voilà. Donc, tout ça pour dire que c'est assez difficile à régler, cette question de la reconnaissance du travail du pigiste pour qu'il soit payé d'une façon convenable.

Cependant, c'est difficile à tracer et c'est du cas par cas. On fait des ateliers des fois, à savoir comment négocier avec son rédacteur en chef pour vendre son article à un prix convenable, et c'est du cas par cas, ce n'est vraiment pas évident. Ce que je peux vous dire, par contre, c'est que le salaire, c'est-à-dire les honoraires pour un feuillet, par exemple à La Presse , n'ont pas évolué depuis que j'ai commencé il y a 10 ans. Donc, on travaille pour le même montant qu'il y a 10 ans pour un feuillet. Donc, il y a vraiment un problème ici. Et c'est un peu la même chose dans la plupart des grands médias.

Je ne sais pas du côté électronique, j'ai moins d'expertise de ce côté, mais je peux vous dire qu'il y a vraiment des choses qui vont mal. Moi-même, j'ai vendu un texte, une fois, au Devoir , qui a été repris par La Presse canadienne , qui a fait le tour du réseau, et j'ai été payé à peu près 100 $ pour ce texte-là. Donc, il y avait aussi des questions de droits d'auteur qui n'étaient pas reconnues, etc.; l'Association des journalistes indépendants a fait un certain bout de chemin de ce côté-là. Reconnaissance aussi de l'utilisation électronique des textes qui sont publiés dans toutes sortes de revues spécialisées qui, après ça, deviennent des cédéroms qui sont vendus; enfin, les journalistes ont exigé d'avoir certaines redevances de ce côté-là.

M. Béchard: Tantôt, vous avez parlé, suite à une question, je pense, du ministre... Vous savez, il y a des gens qui amènent souvent l'argument économique, c'est-à-dire, on fait des clauses orphelin pour diminuer les coûts, et tout ça, et on dit souvent que, s'il n'y avait pas de clauses orphelin, il n'y aurait pas non plus d'emplois. Dans votre cas, un journaliste pigiste, à un moment donné, on en a besoin; je dirais que le besoin est là. Les clauses orphelin dans votre secteur ont peut-être la chose particulière que c'est un choix délibéré qu'on fait, il y a une pratique. La question que je veux amener, c'est... Vous savez, on a les agents de la paix qui nous ont dit que ce qui fait qu'il y avait des clauses orphelin, c'est que les premières semaines à être... Un jeune qui finit ses études en journalisme ou en communications qui se fait offrir son premier contrat, il ne dira pas non. Il s'en fout, de la clause orphelin, et lui, il veut écrire, il veut voir son nom dans le journal, il veut s'entendre, il veut faire quelque chose, il veut faire son métier. Comment peut-on mettre ces gens-là, ces jeunes-là, je ne dirais pas en garde, mais contre les clauses orphelin? Parce que, finalement, il n'y a pas un jeune qui finit ses études, je pense, qui va refuser un contrat à la pige en disant: Un instant, c'est une clause orphelin; si j'étais un employé régulier, vous devriez me payer tant. Cet attrait-là devient dangereux, pour tout acte sur les clauses orphelin. M. Sauvé (Mathieu-Robert): Vous avez parfaitement raison. Vous savez, il y a quatre universités au Québec qui produisent, si je peux dire, des journalistes. C'est énorme pour le marché qu'il y a, pour les offres d'emploi qu'il y a dans ce milieu-là. C'est énorme, c'est disproportionné. Et puis je peux vous assurer qu'il y a des gens qui travailleraient bénévolement pour voir leur nom circuler dans un média, autant à l'écrit qu'à l'électronique.

Bon, je n'ai pas parlé de TVA. TVA a un stage d'été payé à 50 % du salaire. Bon, 50 %, vous allez dire, pour un stage, c'est super. Bon, c'est sûr. L'employeur voulait le mettre parfaitement bénévole. C'est quand même... enfin, c'est qu'on peut parler de clauses orphelin. Les stages, moi, j'ai exclu ça. Je me suis dit: Pour ne pas qu'il y ait de confusion des gens, je n'essaierai pas de mettre les pommes puis les oranges dans le même pot, sauf que c'est clair que ce que vous dites là est un problème. Il y a beaucoup d'appelés pour peu d'élus. Et puis, donc, il y en a beaucoup qui sont prêts à travailler pratiquement bénévolement. Je vous ai donné quelques exemples d'honoraires qui n'ont pas bougé depuis 10 ans. Le coût de la vie, lui, il a bougé, hein. Puis les gens, en plus, paient pour leurs études. Enfin, c'est tout un ensemble de circonstances qui font que, oui, il y a tout un problème, là.

M. Béchard: Donc, à ce moment-là, si on ne modifie que le Code du travail ou si on ne modifie que les normes du travail, on ne règle pas votre problème. Si la législation qui sera adoptée... là-dessus, j'entendais le ministre tantôt parler au niveau fédéral; si on veut servir de modèle à ce niveau-là et innover, il faut mettre en place une législation qui va couvrir tout le monde, donc, qui va laisser le moins d'exceptions possible. Je pense qu'il y aura toujours une exception quelque part, mais qui va en laisser le moins possible. Puis dans votre cas, si j'ai bien compris, que ce soit le Code du travail, vous n'avez pas de convention collective, donc, il y a un problème. La Loi sur les normes pourrait peut-être s'appliquer, mais ce n'est pas évident non plus, étant donné la nature comme telle des contrats. Là, on risque de tomber dans le Code civil, on risque... Donc, on risque de vous oublier quelque part. Donc, à ce moment-là, est-ce que la mise en place d'une législation globale, d'un principe de clause orphelin spécifique qui lui donne le statut, je pense, qu'il mérite, répondrait plus à vos attentes que des modifications à la pièce qui risquent de vous oublier?

M. Sauvé (Mathieu-Robert): Oui, c'est-à-dire que, moi, mon mémoire portait vraiment sur les conventions collectives des médias en place. Je ne parlais pas de pigistes même si je disais, en passant, effectivement, comme on l'a rapporté tout à l'heure, que les pigistes sont les vrais orphelins parce que eux sont couverts par rien. Mais je reprendrais ma réponse de tout à l'heure. Je pense que c'est un message qu'on envoie. Il y a un problème d'écoute entre les gens qui sont en place, qui ont du pouvoir, et puis ceux qui les suivent. Il y a nettement quelque chose qui ne va pas au Québec de ce côté-là. C'est ce que j'avais, moi, remarqué quand j'ai écrit mon livre sur ces questions-là en 1993. On dirait que les uns ignorent la réalité des autres, puis les clauses orphelin, c'est une illustration de ça d'une façon assez marquée. Je pense qu'en agissant d'une façon musclée, si je peux dire, contre les clauses orphelin, on envoie un message assez fort à l'ensemble de la population, aux employeurs pour dire: Faites attention, il y a quand même un groupe qui est là, qu'on ne peut pas mépriser, ou faire comme s'il n'existait pas. Oui, à mon avis, ça a peut-être un effet indirect, mais ça a un effet certain sur l'ensemble des relations de travail, y compris pour les pigistes.

M. Béchard: Merci. Je vais laisser la parole à ma collègue de La Pinière. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Mme la députée de La Pinière, vous pouvez y aller.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, M. Sauvé, à mon tour, je voudrais vous féliciter pour le mémoire que vous avez rédigé et présenté.

M. Sauvé (Mathieu-Robert): Merci.

Mme Houda-Pepin: Je vous écoutais parler sur la question des pigistes. Moi, ma préoccupation, ce n'est pas seulement pour les grands médias, les médias nationaux, mais aussi pour les hebdos régionaux qui vivent, finalement, par la pige. La plupart des journalistes qui y travaillent sont des collaborateurs, etc. Et j'ai pris conscience de l'ampleur de ce phénomène pour avoir organisé, en mars dernier, un forum sur les travailleurs autonomes dans mon comté. Et parmi les participants et parmi les gens qui ont appelé pour s'informer de ça, il y avait des travailleurs autonomes qui étaient des journalistes dans les hebdos, et tout ça.

(17 heures)

Alors, partant de là, quand je vous écoute parler du principe: à travail égal, salaire égal, je me pose une question puis je réfléchis à voix haute; mon opinion n'est pas arrêtée là-dessus. Comment concilier le principe: à travail égal, salaire égal, avec l'autonomie du travailleur autonome? Le principe même du travail autonome, c'est qu'on le fait généralement par choix; parfois, on est contraint parce qu'on ne trouve pas du travail, mais on s'en accommode. Et, quand on devient un travailleur autonome, on est comme un entrepreneur indépendant, une très, très petite entreprise. Donc, on choisit soi-même sa semaine de travail, ses heures de travail, ses conditions de travail, le contrat, les partenaires avec lesquels on veut travailler. Ça tranche avec la réalité d'une personne qui travaille en entreprise et qui doit se lever à des heures précises, contribuer un certain nombre d'heures, etc., puis à des conditions bien particulières, fixées et rigides qu'on ne peut pas nécessairement délaisser simplement.

Donc, si vous permettez, quelle est la réflexion que vous avez faite sur ça, concilier ce principe d'à travail égal salaire égal avec l'autonomie et tous les avantages sous-jacents à cette autonomie? Parce qu'il n'y a pas que des inconvénients, les travailleurs autonomes l'ont fait remarquer, il y a aussi des avantages. Comment conciliez-vous les deux?

M. Sauvé (Mathieu-Robert): Bon. J'ai l'impression qu'on a créé un peu un mythe autour du bonheur du travailleur autonome. Je crois que la réalité, elle est très différente. Le journaliste qui sort de l'Université Laval ou de l'Université de Montréal ou de l'UQAM, le diplômé en journalisme capable de fonctionner, il n'a à peu près pas le choix. Je n'ai pas de chiffres, mais il y en a une très petite proportion qui se trouve des boulots directement dans des médias, que ce soit dans les hebdos régionaux ou dans les grands médias. Ils commencent automatiquement par être pigistes. Et, comme je vous le disais tout à l'heure, les tarifs, les honoraires n'ont pratiquement pas varié, depuis 10 ans, puis même, dans certains, cas ils ont régressé.

Évidemment, on est dans une économie de marché, et celui qui se distingue, celui qui est le Jacques Villeneuve de la pige, il va effectivement vivre très bien, il n'y a aucun problème pour lui, tu sais, je ne m'inquiète pas pour son avenir, etc. Puis même il y en a qui refusent des jobs permanentes. J'en connais un qui a refusé un boulot permanent parce que... Bon. Il avait d'abord accepté, mais, après une semaine, selon les principes que vous évoquez, il n'en pouvait plus. Avoir un patron, un bureau, un téléphone puis une espèce de place assignée avec son nom, il ne pouvait pas supporter ça. C'est des gens qui sont épris de liberté et qui détestent l'autorité. Puis, pour eux, quand ils vendent leur papier, ils ne le vendent pas à leur patron, ils le vendent à leur client. Donc, il y a vraiment une question de termes, etc.

Donc, je reconnais que cette réalité-là existe. Mais, dans la réalité, dans les faits, c'est comme si on prenait une exception pour en faire une généralité, pour dire: Regardez, il y a des pigistes qui vivent bien. Il y en a, c'est vrai, mais c'est tellement minoritaire que ce n'est presque pas la peine d'en parler.

J'aimerais encore évoquer le principe des syndicats, qui, eux, affirment l'importance d'avoir des journalistes permanents qui les tiennent un peu à l'abri de toutes sortes de tentations, des tentations de faire des conférences pour – je ne sais pas, moi – un parti ou de faire des trucs, des ateliers super bien payés, en dessous de la table – pas de problème – parce que, justement, il y a un problème de conflit d'intérêts. C'est important de garder l'autonomie d'un journaliste. Est-ce que l'emploi permanent est une protection absolue contre toutes ces tentations-là? Je n'en suis pas certain. Mais, quand même, c'est probablement plus solide que le simple fait de vendre son travail une fois de temps en temps, quoi.

Mme Houda-Pepin: Une dernière petite question, parce que le temps coule. Vous avez dit dans votre présentation que vous êtes ici à titre individuel, mais en même temps à titre de membre de l'Association des journalistes indépendants du Québec. Est-ce qu'on doit comprendre que ce mémoire-là est endossé par l'Association ou est-ce que c'est une recherche que vous avez faite pour l'Association?

M. Sauvé (Mathieu-Robert): C'est une question un petit peu compliquée.

Mme Houda-Pepin: Ha, ha, ha!

M. Sauvé (Mathieu-Robert): Disons que le conseil d'administration a donné son accord au mémoire, mais, par la suite, comme l'Association des journalistes indépendants est affiliée à la Fédération nationale des communications, qui elle-même est affiliée à la CSN, il semble que, enfin, il y a peut-être un ton un petit peu antisyndical, dans ce mémoire-là, qui ne convenait pas à tout le monde. Mais c'est un peu de la cuisine, là. Disons que c'est un rapport individuel, mais qui est celui d'un membre de l'Association en question. Mais, disons, beaucoup de membres qui l'ont lu m'ont appuyé également à titre individuel.

Mme Houda-Pepin: Je vous remercie de nous avoir éclairés sur la réalité des journalistes indépendants.

M. Sauvé (Mathieu-Robert): Je vous en prie.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, merci. Alors, bienvenue, M. Sauvé. Disons que c'est une contribution individuelle, mais collectivement appréciée par des gens à la marge de manoeuvre trop restreinte. Ha, ha, ha!

M. Sauvé (Mathieu-Robert): C'est une bonne façon de l'exprimer.

M. Dumont: J'ai compris ça comme ça. Je veux justement vous parler de marge de manoeuvre restreinte parce que c'est une des réflexions de notre commission. Si j'ai du temps, tantôt, je vais revenir... Parce que je connais un peu vos réflexions, votre livre, les débats qui ressemblent tellement à ce qu'on vit ici en commission, mais qui ont été suscités dans les médias suite à la sortie du livre. Il y avait quelques débat publics, je me souviens, qui avaient été intéressants.

Mais je veux faire un premier point, sur la marge de manoeuvre. Une des réflexions de notre commission, c'est de dire: On pourrait faire une loi basée sur des plaintes, une loi qui soit basée sur le recours qu'on donne à des gens de dire: Bien, moi, je suis victime d'une clause orphelin et puis je veux porter plainte, il y a une place qui va recevoir ma plainte, puis même que quelqu'un peut m'accompagner.

Parce qu'on a fait un parallèle, plus tôt dans l'après-midi, dans la Loi sur les normes du travail, avec le recours pour congédiement sans cause juste et suffisante – que vous connaissez probablement un petit peu comme ça, sans être avocat – où une personne qui est mise dehors, qui considère qu'il n'y avait pas de motif valable a un recours envers son employeur. Sauf que, dans ce cas-là, tu ne prends pas grand risque, tu es dehors.

Mais, dans le cas d'une personne qui est victime d'une clause orphelin, dans bien des cas, tu es pris entre deux feux, c'est-à-dire que tu as ton syndicat, bon, qui te défend en théorie, mais, en pratique, qui ne t'a pas défendu parce qu'il y avait une clause orphelin. Tu es dans une position précaire.

On a vu le cas des gardiens de prison, des agents de la paix. Ils sont venus ici. Eux autres, carrément, c'est sur appel. Le téléphone sonne ou il ne sonne pas, puis, en fonction du nombre de fois qu'il a sonné dans les deux dernières semaines, tu reçois une paie le jeudi. Ça fait que, si tu as travaillé x jours, x heures, bien, tu as une paie proportionnelle.Si, dans votre métier de journalisme, qui est quand même un métier, disons, teinté d'indépendance d'esprit, ça s'est quand même reflété, cette crainte-là de dire: Est-ce que, moi, je vais aller au bâton pour décrire la situation dans les médias, puis les nommer, et tout ça? comme vous, vous l'avez fait, est-ce que ce n'est pas une crainte que, pour un travailleur bien ordinaire, bon père ou bonne mère de famille, qui veut ramener du pain à la maison, qui est conscient qu'il y a une discrimination, qui est bien heureux que le gouvernement ait voté une loi qui, dans les principes, lui donne un recours... Est-ce qu'il n'y a pas un risque que ces gens-là, encore plus que vous, la difficulté que vous avez rencontrée à amener d'autres membres de votre Association ici, disent: Bien, moi, le recours, j'oublie ça, là, je ne me lance pas, dans un an ou deux, à combattre mon syndicat, mon employeur, tout ça en même temps?

M. Sauvé (Mathieu-Robert): Vous demandez si le mécanisme de...

M. Dumont: ...ne risque pas de ne pas être appliqué parce que les gens n'oseront pas porter plainte. Ils vont dire, de peur de ne plus être appelés, de faire moins d'heures, donc de baisser leurs revenus ou carrément de ne plus être appelés du tout... Tu sais, les gens qui sont précaires, qui sont victimes de clauses orphelin, ils...

M. Sauvé (Mathieu-Robert): Oui, ça équivaut à mettre sa tête sur le billot. Je ne sais pas. Moi, je répète que je ne suis pas juriste et je ne sais pas exactement ce qu'il faut modifier. Il me semble important d'écrire quelque part: Il est interdit de recourir aux clauses orphelin pour sauver de l'argent. C'est ça, l'idée, actuellement. C'est que, quand on a un problème, quand l'employeur veut sauver des sous, il va dire: Bon, comment on peut s'entendre avec le syndicat? Personne ne veut toucher à ses acquis, donc, on fait payer les nouveaux venus. C'est comme ça que ça se passe.

Je pense que les gens qui rentrent, comme je le disais tout à l'heure, ils vont être ravis de rentrer. Vous allez mettre des salaires à 50 % du premier échelon, il va y avoir des files aux portes quand même parce que les temps sont durs, les gens veulent travailler, les jeunes veulent travailler, ils veulent avoir des jobs à n'importe quel prix. Il y en a qui le feraient bénévolement. Donc, est-ce que, une fois en place, ils vont avoir le courage de faire valoir leurs droits? Je ne sais pas.

(17 h 10)

Mais il a été beaucoup question, quand on a parlé des clauses orphelin, des relations de travail difficiles qui sont créées quand on est en place et que le gars à côté de nous fait la même job puis peut-être même d'une façon un peu plus blasée – si je peux me permettre d'utiliser ce mot-là – parce que ça fait 25 ans qu'il la fait puis qu'il a hâte à sa retraite, puis qu'il a hâte d'aller jouer au golf, le vendredi après-midi. Je pense qu'il y a un problème là, parce que l'autre, lui, il est tout content d'être là puis il veut en faire plus, puis il se fait dire par l'autre qui gagne plus que lui que, bon, c'est normal qu'il y ait des clauses orphelin parce que c'est comme ça, les temps sont durs, etc. Je trouve qu'il y a carrément une injustice. Je ne pense pas que, comme vous dites, le mécanisme de plaintes pourrait être facile à appliquer; ça serait peut-être assez délicat. Mais, si c'est le seul, en fait, il faut que ce soit celui-là.

Le Président (M. Beaulne): Ça va, M. le député?

M. Dumont: Est-ce que j'ai encore du temps ou...

Le Président (M. Beaulne): Une minute.

M. Dumont: Une minute? En une minute, je serais tenté de vous poser la question et de vous laisser quelques secondes pour y répondre. Vous avez beaucoup écrit, donc beaucoup réfléchi. Vous pensez quoi du genre de conséquences sur la société, sur l'avenir, sur l'économie que peut avoir une génération laissée à l'abandon sur le plan de ses conditions économiques ou sur le plan de ses conditions de travail?

M. Sauvé (Mathieu-Robert): Je pense que c'est le déclin. Je veux dire, c'est la dénatalité. Je vous ai donné quelques exemples, tout à l'heure, de gens qui n'osent pas avoir d'enfants, puis je les comprends. Moi, j'ai deux enfants puis je peux vous dire que mon plus jeune a quatre mois puis peut-être que le premier enfant a été une conséquence du fait que, bon, oui, je voyais la vie avec une certaine assurance. Je me suis acheté un petit condo avec ma femme à Montréal, puis on est bien contents. Le premier bébé est venu comme ça, puis le deuxième, bon, c'est un peu la même chose.

Si j'avais été pigiste, probablement que je n'aurais ni condo, ni enfants, parce que c'est trop difficile. On a deux jobs permanentes, tous les deux, on a une job permanente chacun puis on arrive déjà, disons, de peine et de misère. On ne fait pas de folies, quoi.

En fait, si je vous donne mon exemple personnel, ce n'est pas parce qu'il est plus intéressant qu'un autre, mais parce que, je veux dire, c'est ça. C'est ça, la sécurité d'emploi. C'est quelque chose d'extrêmement précieux et qui nous ouvre plusieurs portes. Je pense qu'il ne faut pas la couper aux jeunes parce qu'on va avoir toutes sortes de conséquences déplorables.

M. Dumont: Comme par hasard, 1997 a été une année record en matière d'absence de natalité, la pire depuis les années trente, mais là on était 4 000 000, au Québec, ou 3 000 000 ou 4 000 000, ça fait que ça parle.

Le Président (M. Beaulne): Alors, sur ce, M. le député de Rivière-du-Loup, la commission vous remercie.

M. Dumont: Je vous remercie.

Le Président (M. Beaulne): Nous allons accueillir maintenant les représentants de la Commission des jeunes de l'Action démocratique du Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaulne): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais aux collègues de reprendre leur siège. Nous allons poursuivre avec le dernier groupe que nous recevons aujourd'hui.M. Tétreault, vous connaissez nos procédures. Je vais vous les rappeler très brièvement: 20 minutes de présentation puis, par la suite, les différentes formations échangeront avec vous. Je vous demanderais, ainsi que votre collègue, de vous identifier, pour les fins de la transcription.


Commission des jeunes de l'Action démocratique du Québec

M. Tétreault (Jean-François): Alors, Jean-François Tétreault. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Claudia Lefebvre. Nous avons tous les deux travaillé très intensivement sur le dossier des clauses orphelin, et c'est le mémoire que vous avez devant vous aujourd'hui.

Je ne reviendrai pas sur des exemples, je ne ferai pas de longues énumérations de cas précis, et tout ça. Avec la variété des gens qui sont déjà passés ici devant vous et ceux qui viendront encore, je pense que vous avez déjà un bon portrait, dans la réalité de tous les jours, de l'implication des clauses orphelin. J'aimerais simplement revenir sur certains grands points qui sont déjà dans le mémoire et certains autres aussi sur lesquels j'aimerais mettre l'emphase.

Premièrement, il y a l'ampleur du phénomène. Je pense que c'est évident, ne serait-ce que par le nombre de gens qui ont voulu assister à cette commission, tous les cas des municipalités, du système de l'enseignement, également dans l'entreprise privée, le phénomène est non seulement très grand, mais il est en pleine expansion, si on se fie aux résultats des dernières années. Les clauses orphelin semblent être un moyen de plus en plus facile de régler des négociations, dans le cas de conventions collectives. Donc, c'est un phénomène qui est très gros, qui est très grave, et il était temps que l'on fasse quelque chose pour le contrer.

J'aimerais revenir sur la définition des clauses orphelin. Je sais que plusieurs l'ont déjà fait. Nous l'avons encore mentionné dans l'introduction de notre mémoire, c'est-à-dire: toute disposition qui vise, après une date donnée, à attribuer à un nouveau salarié des conditions de travail moindres que celles accordées aux autres salariés visés à cette date. C'est une définition qui est fort simple, mais je pense qu'elle est quand même assez complète. D'autres définitions aussi que j'ai entendues plus tôt dans la journée étaient aussi très bonnes. Je pense que le principe est clair. L'idée que l'on se fait des clauses orphelin est assez précise. Parce que, dans la tête des gens, depuis quelques jours, dans la population en général également, les gens savent maintenant réellement ce que c'est.

(17 h 20)

Simplement un exemple, dans le cas des municipalités. Je voudrais citer, entre autres, un cas triste dans la municipalité de Jonquière, où, même là, la plupart des travailleurs municipaux qui entreront – dans le comté du premier ministre, ce qui est assez triste, quand même – ces gens-là travailleront simplement à 75 % du salaire du premier échelon. Donc, on voit que c'est vraiment implanté partout, personne n'y échappe, même les gens qui ont le bonheur d'avoir un premier ministre dans leur comté.

Je pense qu'il y a un manque de volonté grave, autant... De la façon dont j'avais présenté la chose, au début, c'était un manque de volonté politique. Je me ravise, je dirais: un manque de volonté des décideurs, puisque autant au niveau du gouvernement, plusieurs ministres ont déjà dit: Oui, effectivement, c'est grave, il faut faire quelque chose, et pourtant on se retrouve plusieurs années plus tard, et toujours rien n'a été fait en ce sens-là. Mais il y a aussi, je pense, un manque de volonté au niveau des syndicats, bien que dernièrement, semble-t-il, hypocritement, ils semblent attristés. Mais il y a également les patrons. Un peu tous les acteurs semblent complices, jusqu'à un certain point, de laisser aller les clauses orphelin, autant au point de vue gouvernemental que des autres décideurs de notre société.

Je ne suis pas un fanatique du complot, je ne crois pas que l'on ait assassiné la princesse Diana. Par contre, il y a des faits qui sont quand même... je dirais, des coïncidences qui sont un peu troublantes par rapport au cas des clauses orphelin, c'est-à-dire qu'on se retrouve avec... Les gens qui imposent des clauses orphelin aux gens de ma génération et à ceux qui ont passé peu avant moi, les décideurs, au niveau du gouvernement, présentement, sont des gens – à moins que je me trompe – qui sont âgés généralement entre 40 et 60 ans, approximativement. Les décideurs, les chefs syndicaux, tout à fait par hasard, également sont des gens âgés d'environ 40 à 60 ans. Et je dirais que les membres influents du Conseil du patronat, autant dans l'entreprise privée qu'au gouvernement ou qu'à tout autre niveau, sont, tout à fait par hasard, encore une fois, des gens de 40 à 60 ans. Et, par hasard, les clauses orphelin touchent une seule catégorie de gens, les sacrifices semblent être faits sur les gens de 20 à 30 ans.

Encore une fois, comme je vous dis, je ne veux pas crier au complot, mais ça me semble un peu particulier de voir qu'une certaine couche très, très précise de la population touche directement et de façon quasi systématique, depuis un certain temps, une autre couche de la population. C'est un peu particulier. Je trouve qu'il y a quelque chose là qui dénote un problème, plus que simplement un problème de quelques clauses très précises, je pense qu'il y a un sentiment, un problème de société général qui se doit aussi d'être contré qui se cache derrière les clauses orphelin.

Les conséquences sont graves, on l'a vu. De façon concrète, il y a des gens qui sont venus nous donner des exemples. Mais je pense qu'il y a des effets pervers qui ont été moins soulignés. Une des raisons pour lesquelles, dit-on, on fait usage des clauses orphelin, c'est dans des cas d'économie d'argent. Bon, on doit faire des coupures, et tout ça. Moi-même, je suis un dirigeant d'entreprise, je suis très concerné par ça, le fait d'économiser de l'argent. Sauf qu'il faut voir une chose. Le jeune qui entre dans une entreprise ou – peu importe l'emploi – au gouvernement, peu importe, et qui voit ses conditions salariales injustement pénalisées pour continuer à aider une autre génération qui, elle, peut garder ses acquis sociaux, et tout ça, je pense que, au niveau de la motivation, de l'estime de soi, c'est quelque chose de dur à prendre. Donc, ça crée une démotivation auprès de ces employés-là.

Je vous dirais qu'à l'inverse également, les employés qui bénéficient des clauses orphelin, les employés plus âgés qui sont protégés dans leurs conditions à eux, puisque lorsqu'il y a des sacrifices on les faits sur ceux du bas, ça crée également, je dirais, un faux sentiment de sécurité, de dire: Bon, bien, ce n'est pas grave, il y a des négociations qui s'en viennent, on ne sera pas touchés, c'est les jeunes qui vont écoper, donc ça va bien. De ce côté-là aussi, la sécurité, dans ce sens-là, peut se voir aussi comme de dire: Bon, bien, on s'en fait moins, on a besoin d'être un peu moins productif, c'est moins dangereux, mon emploi est moins attaqué. Et je pense que ces deux pertes de motivation peuvent être directement reliées à la productivité, par exemple, dans le cas d'une entreprise, à la productivité de l'entreprise.

Également, il y a le conflit qui peut se créer entre ces employés-là, qui vient nuire au climat de travail et qui, encore une fois, peut venir nuire à la productivité. Et je n'ai pas besoin de vous expliquer que, lorsque la productivité d'une entreprise diminue, ses profits diminuent, son argent diminue. On ne vient pas nécessairement d'économiser des sous, à ce moment-là.

Également, au niveau de l'économie globale, il faut voir que les gens qui sont pénalisés, c'est des gens qui sont dans une période de leur vie où ils ont besoin le plus d'argent. C'est des gens qui veulent fonder une famille, qui ont besoin d'énormément d'argent pour avoir une maison, pour pouvoir avoir des enfants. On l'a vu encore dernièrement, c'est très coûteux d'avoir des enfants. C'est une belle chose, mais, lorsqu'il s'agit... C'est une responsabilité importante, et ça prend un revenu quand même important. Et il faut voir que mes parents n'ont pas eu les difficultés, à mon âge, que, moi, j'ai présentement à réussir à me ramasser assez d'argent ou à me positionner dans une position où les banques accepteront de me passer quoi que ce soit.

Alors, lorsque l'on hypothèque comme ça une génération, un groupe de gens, qu'on les empêche de se partir dans la vie, qu'on les empêche de fonder des familles, qu'on les empêche d'acheter des maisons, de devenir des consommateurs, je dirais, plus participatifs, moi, en tant que dirigeant d'entreprise, ça me fait peur. Parce que, lorsque cette génération-là, qui est les clients d'aujourd'hui et qui sera beaucoup plus les clients de demain, lorsque ces gens-là voient leur pouvoir d'achat diminuer énormément, quelque part, moi aussi, ça me nuit, et je pense que ça nuit également aux dirigeants d'entreprise et aux différents paliers qui ont recours à ça. Donc, lorsque l'on parle d'économie d'argent au niveau des clauses orphelin, je pense que ce n'est pas tout à fait exact. Il y a également, dans les effets pervers, des pertes importantes de sommes d'argent.

Maintenant, j'aimerais parler un peu du projet de loi en tant que tel. Bien sûr, nous appuyons le projet de loi qui a été déposé, le projet de loi n° 393, qui est très simple dans son libellé, mais, me semble-t-il, très clair: il faut interdire les clauses orphelin. Également, nous proposons, comme nous l'avons écrit dans le document, que, au-delà de l'inscrire dans la loi, en plus, le Conseil du trésor, le gouvernement du Québec, en tant qu'employeur, s'engage à ne pas avoir recours à des types de clauses orphelin.

Je pense qu'il est important non seulement que cette loi-là soit mise en place, mais il y a deux autres facteurs. L'article 2 dit «toute convention collective», ce qui amène l'idée de la rétroactivité. C'est-à-dire que c'est bien beau de le dire, mais, moi, ma crainte personnelle, et je pense que c'est la crainte de beaucoup de jeunes également, c'est de dire: Oui, effectivement, c'est injuste, les clauses orphelin, alors, à partir du moment où la loi entrera en vigueur, elles deviendront illégales. Mais ce qui s'est passé avant, ah! on est désolé! Tant pis pour vous, vous aviez juste à naître un peu plus tard, vous aviez simplement à entrer sur le marché du travail un peu plus tard. On est désolé!

Je pense que toute clause orphelin, qu'elle ait été enchâssée dans une convention collective il y a deux semaines, il y a trois mois ou il y a 10 ans, se doit d'être illégale. Je pense également qu'il serait très farfelu et très drôle également de voir que les clauses orphelin commencent à partir d'une date précise, parce que, si je reviens à la définition qu'on a d'une clause orphelin, ce serait de faire une clause orphelin dans la loi interdisant les clauses orphelin. Je pense que ça irait contre l'esprit même de la loi que d'éviter qu'elle soit rétroactive.

L'autre point aussi qui me préoccupe énormément, bien que le premier ministre ait semblé le nier dernièrement, que les élections, on n'est pas à la veille des élections, je pense que ce n'est pas la faute des jeunes s'il y a un calendrier électoral serré. Et il serait triste que les choses traînent en longueur et qu'une élection intervienne et vienne briser tout le travail qui a été fait ici, en commission, ou même que ça devienne simplement une promesse électorale. Les promesses électorales, c'est bien beau, ça n'a jamais amené à manger à personne, surtout qu'on sait qu'elles ne sont souvent pas respectées. Donc, je pense qu'il est important non seulement que cette loi soit acceptée, non seulement qu'elle soit rétroactive, mais, de plus, il faudrait accélérer les choses de façon à ce qu'elle soit passée avant les élections. Je pense que c'est quelque chose d'important et de sécurisant.

Un dernier point. J'aimerais remercier le chef de l'Action démocratique, qui est le député de Rivière-du-Loup, M. Mario Dumont, d'avoir amené sur la place publique ce débat. Vous m'excuserez si je suis dur dans mon intervention, mais je crois, malheureusement, que, n'eût été de son intervention et du dépôt de ce projet de loi, aucun des deux partis traditionnels n'aurait amené cette problématique. On l'a vu depuis plusieurs années, ils en parlent, ils trouvent ça triste, ils trouvent ça déplorable, mais, concrètement, il ne s'est jamais rien fait. Donc, je tiens à le remercier du courage, peut-être, qu'il a eu d'amener ce projet de loi. Je suis content de voir également que les jeunes de ma génération ont pu sauter sur l'occasion pour enfin se faire entendre sur ce sujet.

Dernière chose que j'aimerais dire, c'est peut-être par déformation professionnelle, mais j'aimerais terminer par une citation. Un homme politique, dernièrement, influent au Québec, un ministre, pour ne pas le nommer, déclarait, au sujet des clauses orphelin, que «la discrimination faite aux jeunes est inacceptable. On ne peut rester coi devant une telle situation. Je ne peux tolérer une telle situation.» Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Tétreault. Alors, justement, la citation constitue une bonne entrée en matière, puisque je demanderai au ministre qui l'a prononcée d'amorcer les échanges avec vous.

M. Rioux: M. Tétreault, j'aimerais que vous nous présentiez votre collègue qui vous accompagne.

M. Tétreault (Jean-François): Oui. Mme Claudia Lefebvre.

M. Rioux: Alors, on vous remercie d'être présents à la commission parlementaire. Ça nous fait plaisir de vous accueillir. Il est vrai que l'Action démocratique, de ce côté-là, a fait son boulot. Je pense que le chef de l'Action démocratique a pris à coeur le dossier des clauses orphelin et, à sa façon, il l'a plaidé correctement.

(17 h 30)

Mais je voudrais retourner à la page 7 de votre nouveau mémoire. Évidemment, il y a à boire et à manger dans cette page, vous en avez pour tout le monde. Mais si vous lisez attentivement les déclarations que j'ai pu faire le 29 mars et celle du premier ministre Bouchard le 28 avril, vous aurez quand même compris, à moins d'être de mauvaise foi, qu'il y a là une volonté d'agir. O.K. Je ne parlerai pas des autres partis parce que ça ne m'intéresse pas.

M. Tétreault (Jean-François): Je vous comprends.

M. Rioux: Ce qui m'intéresse, c'est de revenir au projet de loi de votre chef, O.K. Dans le projet de loi du chef de l'Action démocratique, il veut amender le Code du travail, à l'article 62, en y introduisant une donnée qui est quand même intéressante et que j'aimerais vous lire, si je peux retrouver mon papier. Il ajoute, à l'article 62 du projet de loi: «Est contraire à l'ordre public et prohibée par la loi toute disposition d'une convention collective visant, après une date donnée, à attribuer à un nouveau salarié des conditions de travail moindres que celles accordées aux autres salariés visés avant cette date par la convention.»

On n'a jamais eu l'occasion d'en débattre beaucoup, de ce projet de loi, mais l'occasion nous est fournie aujourd'hui d'en parler un tout petit peu. Parce que votre recommandation est claire, dans votre mémoire autant que dans le projet de loi, c'est de faire en sorte qu'on amende le Code du travail pour prohiber toute discrimination, toute clause orphelin. Mais je suis d'accord avec vous autres, ça règle le problème des travailleurs syndiqués, puisqu'on parle de clauses orphelin, mais j'aimerais savoir, dans la notion d'ordre public que vous introduisez, si, dans votre esprit, ça va au-delà du Code du travail et ça rejoint la loi des normes.

M. Tétreault (Jean-François): Je pense que déjà, de l'introduire dans le Code du travail, c'est une base minimale. Bien sûr, si une proposition, par exemple, du gouvernement était faite de dire: Non seulement nous voulons le mettre dans le Code mais, pour renforcer la chose, nous voulons également l'introduire dans les normes, il est certain que nous ne nous opposerions pas à une telle mesure. Plus l'interdiction, je vous dirais, sera forte et plus elle couvrira de gens, plus heureux nous en serons. Je pense que l'important, que ce soit au-delà des partis politiques, au-delà de tout, c'est de régler un problème grave qui touche toute notre société, autant à court terme qu'à long terme.

Donc, s'il faut en plus l'introduire dans les normes, c'est une chose qui est possible, c'est une chose qui est même souhaitable. Maintenant, il ne faudrait pas que ce soit non plus que les normes parce que, à ce moment-là, ce serait de laisser une porte ouverte à un grand flou politique, à un grand flou législatif. Et également, comme M. Dumont le disait aujourd'hui plus tôt, c'est au niveau des vérifications, au niveau de l'application, si ce n'était que dans les normes. Bon, c'est sur une base qui est non légale, on doit se présenter, il doit y avoir une plainte. Je ne reviendrai pas sur cette explication-là.

M. Rioux: M. Tétreault, vous savez, dans le Code du travail et dans les conventions collectives, ce qui est défini, c'est des choses écrites. On se comprend. Tu sais, c'est facile: c'est écrit, c'est des dispositions qui sont claires. Mais quand on arrive dans le secteur du monde non syndiqué, c'est des conditions qui sont parfois verbales, non écrites, c'est souvent des engagements qui n'ont rien à voir avec un contrat formel. Dans ce que vous avez, dans le projet n° 393, est-ce qu'on règle cette question-là, oui ou non? Est-ce qu'on la règle, cette question-là? Si vous me dites oui, évidemment, on va regarder ça et on va aller plus loin, mais lorsque je regarde le libellé tel qu'il est... C'est un pas dans la bonne direction, vous allez me dire – et vous avez raison, c'est correct, c'est une belle contribution – mais l'impression nette que j'ai, c'est: on ne règle pas le problème.

M. Tétreault (Jean-François): Je vous dirais qu'il y a deux choses. La première, ça règle, comme vous le dites, possiblement une partie du problème. Si le gouvernement, au-delà de ça, décide d'aller encore plus loin et propose d'autre chose pour compléter et aller encore plus loin dans le problème, comme je vous dis, on est très ouverts à cela.

L'autre point que j'aimerais amener, vous dites: Bon, ce projet de loi ne règle pas tout le problème. Je vous demanderais, M. le ministre, bien gentiment, de me montrer une seule loi qui règle tout le problème pour lequel elle a été créée. Ne serait-ce que les infractions au niveau du Code de la route sur la limite de vitesse, tout le monde sait que, sur l'autoroute, on ne doit pas rouler à plus de 100. Je serais curieux de savoir, si on mettait réellement un policier là en permanence, combien de véhicules par jour il arrêterait. Pourtant, la loi est là. Et lorsqu'elle est appliquée, elle se voit respectée. Mais bon, il n'y a pas toujours quelqu'un là pour vérifier. Je pense que c'est un peu le même cas ici.

Dans la mesure où il y a une convention collective, dans la mesure où il y a un document écrit à l'extérieur d'une convention collective, que ce soit une entente entre l'employeur et l'employé, il y a moyen de légiférer, il y a moyen que la loi ait force de loi. Mais dans la mesure où il y a une entente verbale, le gouvernement ne peut être omniprésent et la loi ne peut l'être également. Mais c'est sûr que si vous proposez quelque chose qui va encore plus loin et qui peut encore plus régler ce problème, nous y seront ouverts. L'idée n'est pas de s'objecter à tout ce que peut faire l'opposition ou le gouvernement d'une quelconque façon, le but est de travailler ensemble pour arriver à régler un problème grave qui touche notre génération et qui touchera peut-être d'autres générations aussi, par la suite.

M. Rioux: Dans la définition que vous donnez des clauses orphelin, vous essayez d'en couvrir, en tout cas, les éléments essentiels en termes de rémunération, conditions de travail, etc. Moi, ce que j'aimerais savoir: Est-ce qu'il y a des distinctions que vous seriez porté à faire sur l'expérience ou les conséquences de l'expérience ou de l'ancienneté? Est-ce que, selon vous, c'est des notions qui ont pour effet de discriminer, ça, les nouveaux arrivants? On reconnaît généralement et la Charte des droits et libertés reconnaît l'expérience, l'ancienneté, bon, la compétence également. Là, tu sais, dans les échelles, on est souvent rémunéré à partir de la qualification professionnelle qu'on peut avoir. Alors, est-ce que vous faites des distinctions posées sur l'expérience ou les connaissances d'un individu lorsqu'il s'agit de déterminer sa rémunération?

M. Tétreault (Jean-François): Il est clair, M. le ministre, que nous ne remettons pas en cause le principe d'ancienneté, un principe qui est reconnu tant ici qu'à bien des endroits ailleurs dans le monde. L'idée que quelqu'un, après 10 ans, 15 ans, 20 ans d'expérience, ait des conditions de travail, que ce soit de façon salariale ou quelque autre, des conditions supérieures à un nouvel arrivant, je ne vois pas d'inconvénients. Au contraire, je pense que c'est un principe qui est intéressant et qui est juste.

Par contre, M. le ministre, l'ancienneté, dans la mesure où il y a un employé qui rentre une semaine avant la convention collective, qui se voit octroyé un salaire de 30 000 $ par année, par exemple, et que, deux semaines plus tard, après la convention collective, le nouvel employé qui rentre tout de suite après lui, au lieu d'avoir un salaire de 30 000 $ se voit, à cause d'une clause orphelin, avoir un salaire de 20 000 $, je pense que 10 000 $ pour deux semaines d'expérience, c'est beaucoup payé.

M. Rioux: Je vous pose la question parce qu'il y a un éminent professeur qui est venu ici, l'autre jour, nous dire combien l'ancienneté ou la sécurité d'emploi ou des choses comme ça, c'étaient des péchés mortels faits au monde du travail et une rebuffade terrible à l'endroit des jeunes. Donc, selon vous, ce n'est pas contraire à l'ordre public, ça, l'ancienneté, la compétence et tout ça?

M. Tétreault (Jean-François): Je dirais: Lorsqu'elle est appliquée justement, dans les bornes normales de son application, c'est quelque chose, me semble-t-il, de juste. Par contre, il faut voir que son utilisation abusive ou malhonnête ne l'est pas.

M. Rioux: Si je prenais le petit bout de texte qui est ici: «Est contraire à l'ordre public et prohibé par la loi», ce qu'on retrouve dans le projet de loi n° 399, et qu'on l'accolait à l'article 93 de la loi des normes, est-ce qu'on ferait un aussi bon bout de chemin?

M. Tétreault (Jean-François): Je ne crois pas, parce que, comme vous venez de le dire, à ce moment-là, on ne serait qu'au niveau des normes, si je vous comprends bien, là. On n'inclut rien dans le Code. Est-ce que c'est là l'esprit de votre question? Non. À ce moment-là, on ne fait pas un aussi bon bout de chemin. Malheureusement, je pense que ce ne serait que faire une petite partie du bout de chemin et ce serait surtout de démontrer une grande naïveté, c'est-à-dire croire que ce sera respecté bien qu'aucune mesure coercitive ne peut être appliquée.

(17 h 40)

Parce que, comme on l'a vu, dans les normes du travail, il faut que la personne fasse une plainte, etc. Je ne reviendrai pas sur cette argumentation-là, je pense qu'elle est claire, je pense qu'elle est simple: quelqu'un qui est dans un emploi précaire n'ira pas se plaindre parce que c'est certain qu'il perdra son emploi. Et de toute façon, même s'il se plaint et que ça se fait, c'est un système de plaintes, ça ne veut pas nécessairement dire que ça pourra se régler, alors qu'une loi, c'est simple: s'il y a infraction, c'est illégal, ça se doit d'être corrigé. Je pense que c'est plus simple pour tout le monde.

Et on parlait également d'économie d'argent. C'est une des raisons pour les clauses orphelin. Lorsqu'il y a une loi, généralement, les choses sont tout de même assez simples. Il y a la loi et il faut la respecter, il n'y a pas de frais encourus. Dans la mesure où on va par les normes, où il faut faire des démarches, il y a un investissement tant au niveau de la personne qui est brimée qu'au niveau du gouvernement. Il y a des coûts: il y a les audiences aux normes, il y a le coût que la personne doit défrayer, il y a le temps qui est investi. Je pense que ce serait malheureusement une grave erreur que de ne l'inclure que dans les normes.

Ce qui serait intéressant, ce serait de mettre en premier lieu la loi et ensuite d'ajouter quelque chose aux normes, autrement dit de couvrir tous les aspects, de couvrir les deux côtés. Ça, ce serait quelque chose de très intéressant auquel je pense que les jeunes seraient très ouverts; mais si on n'y va que par les normes, malheureusement, je n'ai pas assez confiance aux gens qui exploitent, par les clauses orphelin, les gens depuis 10, 15, 20 ans, du jour au lendemain, de changer et de décider de devenir bons et honnêtes. Je pense qu'il faut quand même rester réalistes par rapport à ça, et la loi est malheureusement le meilleur moyen de régler ce problème-là.

M. Rioux: Expliquez-moi une chose, M. Tétreault. L'Action démocratique est un parti qu'on pourrait identifier un peu de droite. Comment il se fait que vous vous lancez aujourd'hui dans un débat où on peut dire que c'est... En tout cas, débattre de cette question-là est la preuve qu'on a une certaine conscience sociale et qu'on est un peu social-démocrate. Comment conciliez-vous ça? Parce qu'on vous définit comme un parti de droite défendant des valeurs de droite. Vous êtes la droite du Parti libéral, semble-t-il.

M. Tétreault (Jean-François): Je vais répondre de deux façons là-dessus, M. le ministre. Premièrement, si l'on veut parler de droite et de gauche, ce qui, d'après moi, après avoir fait des études en sciences politiques, est un langage quelque peu dépassé et quelque peu simpliste, il y a peut-être un relent de droite mais je dirais économique, et non pas au plan social. Et je vous dirais que le plus important à l'Action démocratique n'est pas de savoir si nous sommes à gauche, si nous sommes à droite, si nous sommes au centre ou peu importe où nous pourrions être, cela n'a aucune importance, M. le ministre. Je pense que la seule préoccupation de l'Action démocratique est d'être juste et il y a injustice. Donc, que la mesure que l'on doive prendre soit d'un côté ou de l'autre de la barre – décrivez-la comme vous la voulez, par droite et gauche – n'a aucune importance. Ce qui est important, c'est de régler l'injustice.

M. Rioux: Ah! Mais comprenez-moi bien. Que l'Action démocratique se convertisse lentement à la social-démocratie, ce n'est pas offensant pour moi; au contraire, c'est une voie intéressante à emprunter.

Vous disiez tout à l'heure aussi, M. Tétreault, que vous ne voulez pas que les clauses orphelin soient victimes de promesses électorales ou de campagnes électorales, de promesses non tenues. Je pense qu'on a justement prévenu ça en convoquant la commission. J'espère que vous êtes d'accord un peu avec ça. Si on avait voulu garder le débat au niveau des promesses électorales ou de vagues discours, je pense qu'on ne se serait pas convoqués tous ensemble pour se parler bien ouvertement du phénomène et tenter de le régler tous ensemble, mais je ne vous empêcherai pas d'accorder à votre chef la paternité des clauses orphelin; ça, ce n'est pas un problème. On sait bien qu'il a fait sa part, mais il reconnaît lui aussi qu'il y en a d'autres qui ont fait leur bout de chemin.

M. Tétreault (Jean-François): Je ne voudrais pas qu'on embarque dans un débat de stratégie politique, M. le ministre, sur celle-là, à savoir, si, parce que vous avez demandé une commission, ça fait en sorte que ça ne peut pas se transformer en promesse électorale. Encore là, ce serait bien naïf de ma part de le croire, et j'ai souvent vu que le meilleur moyen d'étouffer quelque chose, c'est d'y être ouvert. Lorsqu'on en parle, tout le monde a l'impression de s'être exprimé, tout le monde a l'impression d'avoir lavé son linge sale, tout le monde se sent libéré d'avoir vidé les petites choses qu'il avait sur le coeur. Et quoi de mieux, par la suite, que de dire: Bon, maintenant que tout le monde a parlé, on peut passer à autre chose. Je ne dis pas que c'est votre intention. Je ne veux porter aucune intention au gouvernement.

M. Rioux: Non, mais je décodais dans votre langage, en même temps, aussi, une peur.

M. Tétreault (Jean-François): Je dis juste que c'est une crainte. C'est une crainte que j'ai personnellement, et je pense que les jeunes qui sont venus ont aussi, c'est de voir toutes les belles démarches que l'on fait aujourd'hui réduites à néant à cause d'un calendrier électoral favorable ou défavorable. Ce n'est qu'une crainte que j'exprimais.

M. Rioux: Vous craignez des élections rapides. C'est ça?

M. Tétreault (Jean-François): Pas du tout. Peu importe, lorsqu'elles viendront, nous serons prêts.

M. Rioux: On va vous laisser monter dans les sondages un peu.

M. Tétreault (Jean-François): Peu importe le temps que ça prendra au gouvernement pour y arriver, nous y serons.

M. Rioux: M. Tétreault et votre collègue, je vous remercie beaucoup d'être venus. Ça m'a fait grand plaisir de vous accueillir.

M. Tétreault (Jean-François): Ça m'a fait plaisir, monsieur.

M. Rioux: On avait hâte d'échanger avec vous autres parce qu'on sait que vous aviez bien des idées là-dessus.

M. Tétreault (Jean-François): Tant mieux. J'espère que vous avez été satisfait.

M. Rioux: Ça nous a permis d'approfondir un peu la question.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Drummond, vous avez malheureusement à peine quatre minutes pour les questions.

M. Jutras (Drummond): Quatre minutes, ça va. Dans votre mémoire, M. Tétreault, vous dites, à un moment donné, et ça, en introduction: «D'un côté, on a des travailleurs plus favorisés qui protègent des acquis sur le dos des plus nouveaux.» Alors, effectivement, c'est un effet des clauses orphelin.

À la page 8, vous dites: «Le recours à ces dispositions est rendu nécessaire afin de compenser des acquis accordés au fil des ans, qui ne correspondent plus à la réalité d'aujourd'hui.» Et là vous dites, vous écrivez: «À défaut de revoir l'ensemble de l'organisation du travail et de moderniser nos façons de faire, certains préfèrent maintenir un modèle construit il y a des années au profit d'une seule catégorie de travailleurs.» Et là vous dites encore que c'est sur le dos des jeunes. Qu'est-ce que vous entendez quand vous dites: «Revoir l'ensemble de l'organisation du travail et moderniser nos façons de faire»?

M. Tétreault (Jean-François): Nous vivons dans un système, quand même, qui a des bases qui remontent à plusieurs années. Que ce soit tant au niveau gouvernemental qu'au niveau syndical, il s'est formé dans la pratique une certaine tradition. On peut prendre l'exemple syndical parce que c'est le premier qui me vient à l'esprit. On parlait de l'ancienneté, que je ne remets pas en question, par contre, mais il en est venu au fin des ans – et on l'a vu dans les conventions – que lorsqu'il faut couper, par exemple, un chiffre fictif, disons 6 % de la masse salariale, au lieu de tenter d'enlever ce 6 % de façon équitable, de façon générale, entre tous les gens en place, on se dit: Non, non, il ne faut pas toucher aux vaches sacrées de notre organisation. Il ne faut pas toucher à nos meilleurs cotiseurs, ceux qui sont là depuis 20 ans, ceux qui sont, comme par hasard aussi, souvent les membres actifs du syndicat, les membres les plus âgés. Plutôt, on versera sur les jeunes parce que c'est peut-être la façon la plus simple de le faire.

J'avais un exemple, tantôt, en discutant avec quelqu'un. J'imaginais facilement une négociation de convention collective où il y a une clause orphelin. Ça se passe en deux temps. Le premier temps, le chef syndical et le chef patronal s'assoient et disent: Bon, on a tant à couper. Parfait, on met ça sur le dos des jeunes. Excellent. Merci beaucoup, nos avocats discuteront des tâches. Dans un deuxième temps, on fait venir la pizza, le jeu d'échecs, le Monopoly pour pouvoir rester dans la salle une dizaine d'heures, pour donner l'impression, en sortant, que la négociation a été dure et ardue et qu'on a longtemps discuté. C'est des pratiques... On rit bien, là, mais je serais très curieux d'avoir été, comme on dit, comme ma grand-mère me disait, un petit oiseau sur le bord de la fenêtre pour savoir si réellement ce genre de choses ne se sont pas passées.

Bon, c'est des vieux amis. Comme je le disais, c'est des gens qui sont, comme par hasard, tous dans le 40 à 60 ans, des gens qui ont vécu la Révolution tranquille, qui ont fait la Révolution tranquille, qui ont mis en place, depuis 25, 30 ans, comment les choses doivent se faire et doivent être faites, tant au niveau syndical qu'au niveau gouvernemental, et qui, tout à coup, trouvent une porte de sortie facile pour régler des problèmes.

Alors, lorsqu'on dit de remettre en question l'organisation générale du travail, c'est tout ça ici qui est remis en question là, c'est l'idée qu'il y a des gens qui ont établi un système, qui ont établi une tradition qui les protège, qui les aide à continuer, mais non seulement ça, mais en plus qui leur a permis de trouver une porte de sortie facile.

M. Jutras (Drummond): Mais vous n'allez pas jusqu'à remettre en question les principes de permanence, et d'ancienneté, et de monopole syndical.

M. Tétreault (Jean-François): Ce n'est peut-être pas ma place aujourd'hui de remettre tout ça en question et de vous faire une thèse là-dessus. J'ai mes opinions personnelles que je ne débattrai pas. Je vous dirais qu'au niveau de l'ancienneté, tout ça, c'est des principes encore là, je pense, qui sont reconnus, qui sont intéressants lorsque bien utilisés. Je tiens à le mentionner. Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'abus dans ce domaine-là mais lorsque bien utilisés, ils sont corrects.

Pour ce qui est du monopole des syndicats, de la formule Rand et de ces choses-là, il y a peut-être de ce côté-là des choses à revoir, qui pourraient effectivement aider au niveau de clauses orphelin, mais ce n'est pas ma place aujourd'hui de vraiment débattre de ces choses-là. Je pense que déjà avec la loi qu'on propose on vient régler une majeure partie du problème sans avoir à remettre tout ça en question.

Si les gens qui l'ont mis en place, les gens de la génération, les décideurs actuels, disent que ces trois principes que vous venez de nommer sont dépassés et qu'on doit les revoir, je suis sûr que les jeunes se feront un plaisir de participer à la révision de ces choses-là, mais je ne pense pas qu'au moment où l'on parle c'est la première étape à franchir. La première étape à franchir, c'est: Réglons l'injustice; par la suite, on continuera d'améliorer les choses. Il faut aller un petit peu, je dirais, au plus urgent là.

M. Jutras (Drummond): Est-ce qu'il me reste du temps? C'est terminé?

Le Président (M. Beaulne): Non. Je vous remercie, M. le député. Malheureusement, c'était bien engagé mais, qu'est-ce que vous voulez, il faut respecter les règles.

M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. Tétreault, Mme Lefebvre, merci de votre présentation. Inutile de vous dire que j'aimais beaucoup mieux votre première version de document.

M. Tétreault (Jean-François): Ah, je suis désolé.

(17 h 50)

M. Béchard: La première version était plus intéressante et, selon moi, plus réaliste. La deuxième version renferme certaines petites erreurs. Mais que voulez-vous, ce n'est pas essentiel, à ce moment-ci.

Je suis heureux aussi de voir que vous vous ralliez à la position que l'on amène de ce côté-ci, depuis le début de la commission, c'est-à-dire dans les premiers éléments à faire. On va y aller en deux parties. On va y aller secteur public et parapublic et, après ça, on repassera sur le Code et tout ça, sur les lois.

Je suis heureux de voir que vous vous ralliez à l'idée que dès le début, dans cette commission, on a demandé que les premiers signaux... Je ne sais pas si vous avez suivi les travaux de la commission mais il est arrivé quelque chose d'assez particulier, c'est qu'à un moment donné on a appris que dans la négociation en cours présentement au niveau des municipalités, l'arbitre qui est choisi en bout de ligne ne peut même pas refuser une des deux conventions si elle contient une clause orphelin. C'est donc dire que ça aurait été très simple de la part du ministre de dire: Regardez, on va poser un petit geste concret immédiatement pour montrer notre bonne foi. Puis, ça, ça pouvait se faire.

Et je suis heureux de voir que vous vous ralliez à l'idée qu'il y a un signal à envoyer dans les prochaines conventions collectives, qu'avant de vouloir arriver avec une loi on devrait commencer à faire le ménage dans notre propre cour. Selon vous, quel type d'engagement... Quand vous parlez «que le Conseil du trésor adopte une politique de non-discrimination envers les jeunes», le fait que le Conseil du trésor adopte une politique comme ça, est-ce que, pour vous, ça vous rassurerait et est-ce que ce ne serait pas le premier signal? Comme on l'a dit depuis le début de la commission, le gouvernement doit commencer par donner l'exemple. Présentement, l'exemple qu'il donne est très mauvais. Quel type ça pourrait prendre, cette politique-là du Conseil du trésor? Est-ce que la parole du ministre, à ce niveau-là, vous satisferait? Qu'est-ce que vous...

M. Tétreault (Jean-François): Écoutez, je ne serais satisfait par aucune entente informelle ou je ne serais satisfait par aucun engagement du gouvernement simplement comme ça. Je comparerai ça à un repas. C'est sûr que la salade, c'est toujours agréable, mais ce n'est pas le plat principal. C'est temporaire. Ça peut aider un peu. Ça peut aider un petit peu à patienter mais ce n'est pas la solution.

Je ne verrais pas d'un mauvais oeil que le ministre ou que le Conseil du trésor dise: Non, à partir de maintenant, pour vous prouver la bonne foi, suite à ce qu'on entend en commission parlementaire, dès maintenant – nous n'attendrons pas d'être rendus à la loi, d'être passé à travers le système – on est prêts à faire quelque chose. Je serai le premier à applaudir cette initiative du gouvernement. Mais dans les faits, c'est nettement insuffisant. Ce qu'on veut, c'est une loi. C'est ce qui devra être mis en place, et dans les délais les plus rapides. Ce n'est pas une question de: Attendons, attendons, bon, faisons des choses de bonne foi en attendant. On se doit d'aller directement, le plus rapidement possible, vers une loi.

Comme je vous le dis, si, à cause du processus parlementaire et tout ça, il y a des délais, je comprends ça. Si, en attendant, le ministre et le gouvernement veulent s'engager, excellent. Comme je vous dis, je serai content, mais ce n'est pas suffisant, non.

M. Béchard: Je pense qu'on est tous sur la même longueur d'ondes sur un fait, c'est qu'il est possible que dans les prochaines semaines il y ait un déclenchement d'élections, donc qu'il n'y ait pas d'autre session parlementaire. C'est pour ça que, moi, je dis que dès maintenant je pense que le gouvernement pourrait poser ce geste-là. Et ça serait un très bon signal à envoyer aux jeunes. Il pourrait même l'utiliser en campagne électorale. Je pense qu'on serait tous contents de voir que le gouvernement a fait ça à la dernière minute et veut s'engager, dans le secteur public, à ne pas refaire les erreurs du passé. En tout cas, ça reste à voir.

L'autre élément sur le projet de loi comme tel, n° 393, et la Loi sur les normes, bon, on est là-dedans puis je suis heureux de voir que votre chef évolue, lui aussi, à ce niveau-là. Parce qu'on se souvient qu'au début, le projet de loi n° 393, pour lui, c'était la panacée, la façon de régler le dossier, point final. Depuis ce temps-là, on se rend compte qu'il se rend compte qu'il y a des gens qui auraient été laissés de côté et tout ça. Puis on a entendu tantôt des pigistes, des journalistes, on a entendu les agents de la paix, on a entendu énormément de gens qui finalement seraient laissés de côté si on n'y allait que selon le Code du travail. Qui est une contribution, qui est un point de départ; ça, il n'y a pas de problème là-dessus.

On tombe dans deux pièges. C'est-à-dire que si on y va sur le Code du travail, on laisse beaucoup de gens de côté, puis si on essaie de faire quelque chose de plus complet, bien là, on va se faire accuser, tout le monde va accuser et dire: Ah! Bien oui, c'est une façon de retarder le processus; c'est une façon de faire en sorte qu'il n'y ait rien qui se passe.

On regarde, par exemple, le Code civil pour les pigistes, qui est une base comme telle, on regarde la Loi sur les normes, est-ce que vous pensez qu'il y a moyen d'arriver assez rapidement à un consensus sur, je dirais, les éléments... C'est assez simple, il y a la Loi sur les normes, il y a le Code du travail, il y a le secteur public qu'il faut regarder, puis il faut regarder ceux, soit les pigistes ou autres, qui ne sont pas couverts par rien. Il y a quatre, cinq éléments à regarder. Est-ce que vous pensez que ça ne serait pas plus rapide et surtout plus efficace d'y aller selon cette façon-là?

M. Tétreault (Jean-François): Trois choses. La première, simplement une clarification. Quand vous parlez d'évolution dans le discours, vous voulez dire le discours qui se rapproche du Parti libéral, j'imagine. Pour vous, c'est ça, l'évolution.

M. Béchard: Oui, oui, une évolution positive. Ha, ha, ha!

M. Tétreault (Jean-François): O.K., O.K. C'était juste pour clarifier parce que, dans le mot «évolution», il y avait beaucoup d'autres choses qui venaient dans mon esprit, mais je me doutais bien que dans le vôtre, ça devait être aussi simple.

Deuxièmement, vous parliez de consensus, d'accélérer le processus parce qu'on a peur d'une élection, ces choses-là. Je partage quelque peu vos craintes au niveau de l'élection. Par contre, une de nos demandes formelles – et c'est écrit noir sur blanc – c'est qu'il faut que ça se règle avant l'élection. Il faut que le gouvernement règle le plus rapidement possible et de préférence avant de déclencher.

Troisième chose, vous parlez de consensus. Oui, s'il peut y avoir consensus, s'il peut y avoir engagement formel, ça peut être bon. Maintenant, quand vous parlez de consensus, je suis un petit peu surpris que ça soit vous qui ameniez ça. Je dirais qu'historiquement le Parti libéral n'a pas toujours été le parti le plus extraordinaire dans le développement de consensus, surtout pas lorsqu'ils sont à l'opposition.

Remarquez que je trouve le sentiment noble, mais si c'est une voie que vous voulez prendre, ça peut être possible. Comme je vous dis, on ne refusera pas des améliorations, on ne refusera pas des bons gestes, là n'est pas l'objectif, mais il ne faut pas se contenter que de bons gestes et que de bonnes intentions, il faut y aller dans le concret, il faut y aller avec une loi, il faut y aller avec une loi rétroactive, il faut y aller avec une loi qui vient avant les élections. Et, s'il faut enchâsser les choses dans les normes, ça sera possible de le faire, mais il faut s'en tenir à la base. Si vous êtes si d'accord avec la chose, je pense que le premier objectif, c'est: votons la loi le plus rapidement possible.

M. Béchard: Quand vous parlez de rétroactivité sur l'ensemble des conventions collectives au Québec, je comprends le principe: il faut s'en sortir, on ne peut pas avoir de clauses orphelin dans une loi qui règle des clauses orphelin. Ça, il n'y a pas de problème là-dessus. Quand vous parlez de rétroactivité, est-ce que c'est de se donner du temps ou dire: Bien, à partir de demain matin... La loi, est-ce que vous avez regardé le processus, surtout ça, sur la rétroactivité, sur... je ne dirais pas les coûts, parce qu'il n'y a pas de coût à une discrimination, on la règle ou on ne la règle pas, mais sur l'applicabilité de cette rétroactivité-là? C'est-à-dire que c'est beau de dire qu'il faut que ce soit rétroactif mais, à un moment donné, il faut le mettre sur la table aussi. Est-ce que vous avez pensé à cet aspect-là?

M. Tétreault (Jean-François): Oui. C'est fort simple. C'est fort simple, la loi est votée, elle est mise en application: Toute convention collective qui contient une clause orphelin est rouverte. Si ça pose un problème aux syndicats ou si ça pose un problème aux patrons qui ont négocié ça pour des raisons organisationnelles, qui diront: Bien, on ne peut pas négocier cinq, six... Ce n'est définitivement pas notre problème et je ne crois pas que ce soit le problème non plus du gouvernement, et ça ne doit surtout pas être le problème du législateur. Une loi a été mise en place, la chose est illégale, la convention est rouverte, on enlève la clause orphelin. Les problèmes de négociation que cela apporte, je pense que c'est un problème qui revient à ceux qui l'ont utilisée. Les gens qui ont eu bonne conscience, et qui ont compris, et qui ont décidé de ne pas exploiter la jeunesse, et qui ont décidé de leur plein gré de ne pas mettre des clauses orphelin dans leurs conventions collectives ne diront rien. Ils ne viendront pas dire: Oui, mais c'est beaucoup d'ouvrage. Non. Parce qu'ils l'ont déjà fait, ils ont déjà été intègres. Je pense que les seules personnes que ça punit, entre guillemets, c'est ceux qui sont hors-la-loi, simplement.

M. Béchard: Il y a un professeur de l'Université Laval, je pense, en relations industrielles, si je ne me trompe pas, qui est venu ici et qui, lui, a proposé, a dit: C'est beau, régler la rétroactivité là, mais il faut se donner un délai pour mettre ça en place. Je vois que votre chef vous souffle les réponses, j'espère que ce n'est pas une mauvaise habitude qu'il commence à prendre. Mais ce délai-là, selon vous... De toute façon, j'ai confiance en votre bon jugement là-dessus. Selon vous, quand on parle de ce délai-là, du temps qu'on doit se donner pour se sortir des clauses orphelin, ça serait quoi, pour vous, un délai raisonnable? Est-ce que c'est deux jours, deux mois, un an, cinq ans?

M. Tétreault (Jean-François): Je pense que ça serait bien ambitieux de ma part, en quelques minutes comme ça, de vous arriver avec un délai. Je ne suis pas non plus pour une étude de six mois dirigée par 26 universités simultanément. Par contre, je pense qu'il y aurait moyen, avec le bon sens, d'établir un temps quelconque, quelque chose de raisonnable, par contre.

(18 heures)

Écoutez, on vit dans le vrai monde, là. On a beau dire que l'hiver arrive le 21 décembre au Québec, on sait tous que ça se peut qu'il neige un peu avant, puis ça se peut qu'il neige un peu après. C'est la même chose. Le jour où ça devient illégal et où toutes les conventions collectives sont réglées, je ne m'attends pas, au bulletin de 18 heures, voir le journaliste dire: Eh bien, merveilleux! aujourd'hui, nous avons réglé, 256 conventions collectives se sont signées en fin de journée. Il faut quand même vivre dans le vrai monde là. C'est sûr qu'il y aura un délai, c'est sûr qu'il y aura un certain temps. Maintenant, quelle forme ça peut prendre, ce délai-là? Quel temps il peut prendre? Pour l'instant, je vais laisser ça à la sagesse des parlementaires.

M. Béchard: Donc, sur le principe comme tel du délai, vous n'avez pas de problème majeur avec ça. Comme vous dites, il y a des réserves sur le temps, sur tout ça.

M. Tétreault (Jean-François): Dans la mesure où il est raisonnable.

M. Béchard: Mais, sur le principe du délai, tant qu'il est raisonnable, vous n'avez pas de problème avec ça.

M. Tétreault (Jean-François): Sur le principe, je dis que c'est quelque chose qui est viable dans la mesure où nous vivons dans la réalité.

M. Béchard: O.K. Merci. Je vais passer la parole à ma collègue de La Pinière.

Le Président (M. Beaulne): Oui, mais avant, Mme la députée, j'ai besoin du consensus pour... Il vous reste six minutes, alors je vous proposerais d'aller jusqu'à 18 h 15 pour permettre au député de Rivière-du-Loup, naturellement, d'intervenir. Alors, je suppose qu'on a le consensus?

Une voix: Enfin...

Mme Houda-Pepin: Oui, M. le Président, bien sûr, bien sûr.

Le Président (M. Beaulne): Bon, alors, j'en déduis qu'on a le consensus. Alors, Mme la députée de La Pinière, c'est à vous.

Mme Houda-Pepin: Oui, d'accord. Je voudrais savoir: La Commission des jeunes de l'ADQ, ça représente combien de jeunes?

M. Tétreault (Jean-François): Combien de jeunes?

Mme Houda-Pepin: Oui.

M. Tétreault (Jean-François): Si vous voulez parler en nombre de membres précis, c'est assurément plusieurs milliers de jeunes. Maintenant, je pense qu'au-delà des cartes de membre, qui est une façon peut-être un peu simpliste de compter qui on représente, on représente également tous les gens qui sont sympathisants à l'Action démocratique et tous les jeunes qui partagent ce document. Je veux dire, si les jeunes n'ont pas eu la chance de l'avoir, de le lire et de prendre une carte de membre, est-ce qu'on peut vraiment les délaisser dans le compte? Je ne crois pas. Mais je vous dirais que c'est une opinion qui doit représenter facilement plusieurs milliers de personnes sans aucun problème.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Sur le plan de la forme, est-ce que, ça, c'est un document qui émane de l'exécutif de votre Commission ou s'il a été validé lors d'un congrès ou d'un conseil général de la Commission des jeunes de l'ADQ?

M. Tétreault (Jean-François): Le document n'a pas fait l'objet d'une validation, je vous dirais, dans un moment précis, par exemple au moment d'un colloque, ou d'un conseil général, ou d'un congrès. Par contre, je peux vous assurer que j'ai dirigé personnellement une tournée téléphonique avec l'aide de tous les gens de l'exécutif qui étaient d'accord avec ce document, et je suis assez fier de dire qu'à l'exception de quelques personnes... je vous dirais que près de 95 % des jeunes faisant partie de la Commission ont été rejoints. Ça a été un exercice fort long qui a exigé énormément de travail, mais on en est content. Je ne vous dis pas que tous les gens l'ont lu dans le détail et qu'ils l'ont étudié profondément, mais les membres jeunes de l'Action démocratique savent que nous sommes ici aujourd'hui, connaissent la direction dans laquelle s'en va le mémoire et le supportent pleinement.

Mme Houda-Pepin: Vous avez abordé abondamment, dans votre mémoire, l'impact des clauses orphelin dans le milieu municipal, avec des données, comment ça s'applique dans différentes villes. Ce matin, nous avons entendu l'Union des municipalités du Québec qui, eux aussi, déplorent le fait qu'ils aient à appliquer ces clauses-là, parce qu'ils font un lien direct avec la loi n° 414 et l'imposition qui leur a été faite, finalement, de régler le problème des compressions de cette façon-là. Ils soulignent dans leur mémoire qu'il y a un écart, presque 18 % de différence au niveau de l'échelle du salaire entre la fonction publique du gouvernement du Québec et les municipalités. Et ils suggèrent, eux, d'avoir des outils pour ramener cette masse salariale vraiment à un niveau comparable à celui du gouvernement du Québec. Qu'est-ce que vous pensez de cette solution-là?

M. Tétreault (Jean-François): Bien, je veux dire, premièrement, je suis un petit peu surpris, là. Je ne suis pas certain, mais vous semblez défendre les municipalités. Je suis très surpris de cette attitude. Je veux dire, les municipalités, oui, d'accord, se sont fait imposer une réduction de leur masse salariale. Maintenant, comment elles l'ont réglée, c'est leur propre faute. Moi, je n'ai aucune excuse pour ces gens-là qui, de leur plein gré, ont signé des conventions collectives avec des clauses orphelin. Et s'ils sont venus ici vous voir ce matin en disant: Ah! on est attristés de cela; mon Dieu! mais qu'avons-nous fait? bien, c'est un peu... trop peu, trop tard, là. Vous m'excuserez de remettre en doute leur sincérité sur ce point-là.

Mme Houda-Pepin: Je remets en doute aussi votre commentaire parce que, quand vous m'attribuez le fait que je défends les municipalités...

M. Tétreault (Jean-François): Mais c'est ce que j'avais cru comprendre, là.

Mme Houda-Pepin: ...ça, c'est votre opinion. Je vous pose un constat...

M. Tétreault (Jean-François): Ah! d'accord.

Mme Houda-Pepin: ...et je vous dis: Il nous a été expliqué ce matin. Comment vous réagissez à ça? Parce que les jeunes de l'ADQ, ça m'intéresse de savoir comment, eux, ils voient les choses. Maintenant, de là jusqu'à m'attribuer qui je défends, je pense qu'il ne vous appartient pas dans cette commission-là de m'attribuer ces propos.

Par ailleurs, ce que j'ai entendu, moi, des gens des municipalités, c'est qu'ils ramènent, en fait, les effets... les clauses orphelin, c'est un effet, la conséquence de quelque chose d'autre, qui, entre autres – ce n'est pas nécessairement la cause principale... Ils le font, là, le lien avec la loi n° 414 et ils trouvent, eux autres, ils disent que la faute, c'est le gouvernement, finalement, qui leur a pelleté des compressions dans leur cour et ils sont obligés finalement de recourir à ces clauses orphelin pour pallier à ces compressions-là. Ceci étant dit, c'est une opinion qui a été exprimée par les gens des municipalités, et je vous la soumets pour avoir un éclairage de votre part tout simplement.

M. Tétreault (Jean-François): Écoutez, Mme la députée, tout d'abord, je tiens à vous présenter mes excuses...

Mme Houda-Pepin: Parfait.

M. Tétreault (Jean-François): ...si ça peut vous aider.

Mme Houda-Pepin: Bien entendu.

M. Tétreault (Jean-François): Maintenant, j'ai peut-être mal interprété la façon dont vous aviez présenté la chose. Maintenant, je vous répondrai exactement la même chose: je n'ai aucune pitié pour des gens qui, peu importe la loi qui leur a été imposée, ont délibérément, de leur plein gré, choisi ce moyen de régler leur problème, et ça ne m'affecte en rien, dans aucun sens, que de les voir aujourd'hui regretter quoi que ce soit. Et même que ça me rend enthousiaste. Parce que je vous dirai que, si, aujourd'hui, ils le regrettent, lorsque la loi sera en application, ils seront assurément les premiers à régler le conflit qu'il y a dans les municipalités. Donc, je pense que c'est encourageant de les voir dire de telles choses et qu'on aura le plaisir de les voir réagir rapidement à l'application de la loi.

Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme la députée. M. le député de Rivière-du-Loup, il vous revient de clore cet échange.

M. Dumont: Merci, M. le Président. Je vais le faire avec joie. D'abord, je veux souhaiter la bienvenue aux représentants de la Commission des jeunes de l'ADQ à cette commission. Une magnifique présentation avec une seule erreur, quand ils ont fait référence à la sagesse des parlementaires qui n'a pas encore été démontrée, en tout cas, qui reste encore à prouver. Ha, ha, ha! Je veux parler, entre autres, de deux sujets, un qui est plus technique, l'autre qui est plus philosophique, disons.

D'abord, sur la question de la rétroactivité où il faut constater quand même une évolution. Le député de Kamouraska-Témiscouata nous parlait d'évolution tantôt. Voilà une évolution phénoménale. Ce matin, la Commission-Jeunesse du Parti libéral disait qu'ils étaient totalement contre la correction des clauses orphelin existantes, complètement contre ça, puis là le député... d'ailleurs, je ne vous soufflais pas une réponse, je m'étonnais tantôt, quand j'ai hoché la tête... le député de Kamouraska-Témiscouata qui en est maintenant à vouloir la rétroactivité, mais à se questionner sur le délai: Est-ce que ce sera six mois, neuf mois, un an, 15 mois? C'est quand même... On est rendu dans les technicalités alors que, ce matin, on était contre le principe radicalement.

Mais je veux vous entendre là-dessus parce que ça me paraît être un enjeu extrêmement important. Je prends le cas de plusieurs groupes qui sont venus nous voir. Je prends le cas, exemple, des enseignants pour qui ça vient d'être signé il y a quelques mois. Vous n'avez pas l'impression que, si justement on laissait tomber les enseignants qui viennent de signer, qui viennent de perdre plusieurs milliers de dollars, en leur disant: Bien, ça a été fait au mois de mars, votre gouvernement vous a fait ça au mois de mars, ou l'hiver passé; malheureusement, c'était avant la loi; bien, la situation va rester comme ça, puis les conséquences sur 10 ans, on parle dans certains cas qu'il y en a qui vont perdre jusqu'à 15 000 $, 20 000 $; bon bien, désolés, nous, on légifère pour l'avenir, on légifère pour l'après-campagne électorale, mais ce qui a été fait dans le passé, bien c'est perdu... on vient de pénaliser dangereusement ces gens-là.

M. Tétreault (Jean-François): Bien, effectivement, je pense qu'une loi telle que celle-ci ne se peut qu'être rétroactive. Ce serait irresponsable que de dire: Oui, effectivement, c'est une pratique illégale, mais elle est illégale seulement à partir d'une telle date; ceux qui l'ont subie avant, vous excuserez l'expression, mais c'est un petit peu tant pis pour vous. Je pense que ce n'est pas une attitude qu'un gouvernement ou que qui que ce soit peut appliquer. Non seulement ça, mais, si la correction est faite, on ne se retrouverait pas... non pas avec une discrimination envers les gens du bas de l'échelle, mais, dans 10 ans, avec une discrimination auprès des gens qui sont au milieu de l'échelle parce qu'il faut voir que ces gens-là vont continuer à poursuivre. La rétroactivité est essentielle dans ce cas-là. Et là, quand on parle de rétroactivité, on ne parle pas de faire des chèques à tous ceux qui ont été pénalisés, on parle vraiment de rouvrir la convention collective, de corriger la situation et de redonner aux gens ce qui leur était légitimement dû. Je pense que c'est quand même important de voir que c'est une question de justice. Je pense que c'est une question de logique aussi. Comme je le faisais en début de commission, je faisais une blague, je disais que ça serait d'enchâsser une clause orphelin dans l'interdiction des clauses orphelin. Je pense que ça va dans le sens même de la logique du projet de loi.

(18 h 10)

M. Dumont: Quand vous parlez du secteur public, entre autres du Conseil du trésor, vous parlez d'éviter la conclusion d'ententes qui sont discriminatoires. Est-ce que vous incluriez là-dedans un mécanisme de correction, non seulement des ententes... mais est-ce qu'on ne devrait pas inclure là-dedans un mécanisme de correction de tous les statuts d'emploi qui ont été utilisés, on va dire, malhonnêtement au fil des années? Le statut d'occasionnel: quand on regarde la définition dans les définitions au début de la convention, un occasionnel, c'est quelqu'un qui est appelé quand il y a un surplus de travail. Au ministère du Revenu, il y a un surplus de travail vers les mois d'avril, mai; on engage un petit paquet de monde, mais on n'a pas besoin d'eux autres à l'année longue, donc on les remet à pied au bout d'un mois et demi, deux mois. Mais là on s'aperçoit qu'il y a des gens qui sont occasionnels depuis sept ans, huit ans, neuf ans, 10 ans. Ils ont le statut d'occasionnel, mais, en pratique, ils rentrent le lundi matin et ils repartent le vendredi, ou, dans certains cas, dans des emplois plus réguliers, ils sont sur des quarts de travail puis ils travaillent à toutes les semaines. Mais ils sont toujours occasionnels et, d'une fois à l'autre, ils n'ont jamais accès à d'autres statuts d'emploi. Est-ce que vous incluriez là-dedans une remise en cause ou un processus de révision de toutes ces formes d'emplois là qui sont plus ou moins des clauses orphelin au sens où, dans bien des cas, ils peuvent avoir la même rémunération, mais où on a inventé des noms de statuts d'emploi qu'on a utilisés abusivement?

M. Tétreault (Jean-François): Bien, c'est sûr, comme je le disais, le but premier de notre démarche est la justice. C'est sûr que, dans les exemples que vous avez donnés, il y a une claire injustice. Ce sont effectivement des clauses orphelin déguisées, transformées avec un nom plus gentil. Maintenant, je pense qu'effectivement le gouvernement pourrait aller plus loin et s'engager à interdire de telles pratiques en son sein même. Je pense que ça serait une question de justice. Ça serait une question de responsabilité. Ça serait une question de cohérence également, parce qu'il serait triste de voir que la main droite frappe sur tous ceux qui vont contre une certaine loi et que, pendant ce temps-là, la main gauche, en son sein, continue de permettre que la même chose se produise.

Maintenant, l'objet du projet de loi ne va pas aussi loin que ça. Le projet de loi est une base intéressante, est une base, je dirais même, essentielle. Maintenant, si le gouvernement veut aller plus loin, il est évident qu'on ne fera qu'être contents d'une pareille mesure et ça pourra être suggéré, et même ça pourra faire l'objet d'un futur projet de loi, si ça peut aller jusque-là.

M. Dumont: C'est-à-dire que le gouvernement peut difficilement légiférer contre sa propre turpitude. Il faut juste qu'il arrête de le faire. Ha, ha, ha!

M. Tétreault (Jean-François): Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaulne): Ça va, M. le député?

M. Dumont: Ça fait le tour.

Le Président (M. Beaulne): C'est tout. Alors, M. Tétreault, Mme Lefebvre, la commission vous remercie de nous avoir apporté votre éclairage. Sur ce, j'ajourne les travaux de notre commission jusqu'à demain matin, 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 13)


Document(s) associé(s) à la séance