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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 2 septembre 1998 - Vol. 35 N° 121

Consultation générale sur l'introduction des clauses orphelin dans les conventions collectives


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Christos Sirros, président
M. François Beaulne, vice-président
M. Matthias Rioux
M. Robert Kieffer
M. Claude Béchard
M. Normand Cherry
M. Mario Dumont
M. Normand Jutras
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Benoît Laprise
*M. Michel Constantin, Coalition des employés cols bleus de ville de Laval
*M. Patrick Bray, idem
*M. Daniel Lefebvre, parti Élan Laval
* M. Pierre Pelletier, Groupe d'étude sur les conditions de travail
dans le secteur municipal
*M. Jonathan Vidal, idem
*M. Bernard Bélanger, idem
*M. Daniel Michaud, parti Équipe Montréal
*Mme Nathalie Langlois, idem
*M. Maxime Bergeron-Laurencelle, idem
*Mme Anne McManus, Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec
*M. François Vaudreuil, CSD
*M. Claude Faucher, idem
*Mme Marie-Hélène Nolet, JCCM
*Mme Hélène V. Gagnon, idem
*Mme Annie Côté, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Sirros): Alors, mesdames et messieurs, si je peux déclarer la séance ouverte, je vous rappelle que le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et tenir des audiences publiques sur l'évolution du phénomène ayant trait à l'introduction des clauses orphelin dans les conventions collectives.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Benoit (Orford).


Auditions

Le Président (M. Sirros): D'accord. Je vous rappelle que ce matin nous siégerons jusqu'à 12 h 30, et nous reprendrons à 14 heures pour continuer jusqu'à 18 heures. Nous débuterons ce matin avec la Coalition des employés cols bleus de ville de Laval; alors, s'ils sont ici, je leur demanderais de prendre place, de s'identifier, et leur rappeler que nous disposons d'une heure au total, 20 minutes de présentation suivies d'une quarantaine de minutes d'échanges divisées également entre le parti ministériel et les partis d'opposition. Alors, bienvenue.


Coalition des employés cols bleus de ville de Laval

M. Constantin (Michel): Michel Constantin, col bleu, à ville de Laval.

M. Bray (Patrick): Patrick Bray, col bleu surnuméraire, à ville de Laval, employé depuis 1987.

Le Président (M. Sirros): En s'excusant un peu du retard, on pourrait essayer de passer tout de suite à votre présentation.

M. Bray (Patrick): C'est avec un empressement dicté par l'urgence de la situation que la Coalition des employés cols bleus de ville de Laval désire participer aux audiences publiques de la commission de l'économie et du travail sur les clauses orphelin.

Notre mouvement, actif depuis déjà plusieurs mois dans les différents secteurs et divisions occupés par les cols bleus, tant réguliers que surnuméraires, informe et initie des débats sur les iniquités et les effets pernicieux des conventions collectives à double palier de rémunération ainsi que sur l'exclusion de membres ne pouvant bénéficier des avantages sociaux de ces dites conventions. Par le témoignage de Michel Constantin, mon collègue, ici, porte-parole de la Coalition, nous tenterons de démontrer à la commission que de telles injustices ne peuvent qu'être contraires à l'ordre public ainsi qu'au principe même d'une société juste et démocratique.

La Coalition est née d'un mouvement spontané de cols bleus réguliers et surnuméraires face à la menace croissante des clauses orphelin et de leurs effets dévastateurs dans les relations de travail. Elle ne représente pas le syndicat mais tend à agir dans les champs d'activités abandonnés par celui-ci.

La Coalition veut porter à l'attention des travailleurs tous les cas d'injustice et d'abus de pouvoir en milieu de travail, les informer de leurs droits face à une administration puissante et organisée mais surtout insensible aux conditions de travail de ses employés les plus vulnérables. Syndicats et patrons, forts de leur organisation respective, font porter sur de simples ouvriers, et plus souvent qu'autrement sur les plus jeunes, des dizaines d'années de gaspillage odieux, de tractations mesquines mais surtout d'une insensibilité notoire quant aux résultats appauvrissant de cet égoïsme social.

Le projet de loi de M. Dumont semble malheureusement exclure la majorité des travailleurs touchés par les clauses orphelin, parce qu'un élargissement de son projet à l'ensemble des travailleurs occasionnels ne fera que rendre justice à ceux et celles qui font toujours les frais des coupures, récession ou restructurations.

L'occasion est également bonne pour le gouvernement de démontrer son attachement aux valeurs sociales-démocrates. Les conditions du marché ne peuvent à elles seules dicter l'encadrement salarial et social des conventions collectives des travailleurs et encore bien moins de ceux du secteur public. Quant aux syndicats, un examen de conscience s'impose: Comment peut-on moralement négocier des clauses discriminatoires, appauvrissantes, somme toute aliénantes socialement, pour une minorité de ses membres et, du même coup, avantager la majorité en lui épargnant l'effort qu'elle aurait dû normalement consentir?

C'est pour nous une des rares occasions de nous faire entendre. La pression est forte et les menaces fusent de partout pour nous faire taire. Notre message reflète le vaste consensus des justes revendications de nos camarades de travail. Nous souhaitons, par cette occasion, que la justice sociale en matière de travail puisse triompher des calculs froids et inappropriés d'études comparatives qui ne tiennent surtout pas compte de l'élément fondamental dans leurs recherches à savoir qu'il ne s'agit pas ici d'un bien de consommation que l'on jette après usage mais bel et bien du sort d'êtres humains pour qui le simple fait de subvenir aux besoins primaires de leur famille est devenu un obstacle au critère d'équilibre budgétaire des gouvernements.

Nous proposons donc certaines avenues qui permettront d'équilibrer, voire d'assainir le monde du travail. Le témoignage de M. Constantin est patent et reflète non seulement celui d'un col bleu surnuméraire à ville Laval mais aussi celui des milliers d'employés occasionnels syndiqués partout au Québec.

M. Constantin (Michel): Michel Constantin, col bleu surnuméraire à ville de Laval. Je suis un père de famille ayant à sa charge quatre enfants. J'ai fait des études post-secondaires et j'ai acquis une bonne expérience du monde du travail avant mon entrée à ville de Laval, le 19 novembre 1990. J'avais alors 32 ans. À l'époque, un conseiller municipal m'affirmait qu'après deux ans de bons services je pourrais accéder à un poste d'employé régulier, y faire carrière et, par le fait même, bénéficier des avantages sociaux inhérents à ce statut.

Les deux premières années se sont résumé à des contrats de 16 et 12 semaines la première année, et de deux fois 16 semaines la deuxième année. Mon travail consistait surtout, en hiver, à marcher de nuit en avant d'une souffleuse, parfois pendant 12 heures; quant aux contrats d'été, le travail se résumait à pelleter, à deux hommes, 16 et 30 tonnes d'asphalte par jour. C'est bien sûr un travail très difficile mais fait avec l'espoir d'accéder à un poste permanent.

Dès 1990, certains problèmes reliés à la santé et sécurité au travail étaient déjà présents. J'ai fait des demandes répétées auprès de mon directeur syndical afin d'obtenir des bottes de sécurité que la ville doit normalement fournir à ses cols bleus. Ma demande s'appuyait donc sur une exigence de la ville qui oblige ses travailleurs à les porter, que ces derniers soient employés réguliers ou surnuméraires. On m'a subtilement fait comprendre de me taire, me laissant entendre qu'il y avait au moins 5 000 personnes prêtes à me remplacer. Le message était clair, la question des bottes devint momentanément un sujet tabou. Et pourtant les besoins étaient criants.

Pour la plupart d'entre nous le choix était simple: nous prendrions donc à notre compte l'achat de ces bottes, soit deux paires par année à raison de 125 $ la paire. Huit ans plus tard, soit en 1998, nous attendons toujours après nos premières paires de bottes.

À la suite de nos revendications légitimes et non comblées s'est installé lentement un système de terreur permettant à certains de nos patrons de nous mépriser en nous qualifiant de viande à souffleuse l'hiver et d'itinérants l'été, mais surtout en nous tenant en laisse en laissant planer au dessus de nos têtes l'incertitude de ne pas voir notre contrat renouvelé la saison suivante. Toutefois, il serait injuste d'affirmer que tous les cadres agissent ainsi; certains d'entre eux veillent à traiter les gens avec respect et courtoisie, et nous leur rendons bien. Mais pour le reste cela passe par l'humiliation et l'abus de pouvoir. Dans les faits, cela se traduisait, et se traduit encore aujourd'hui, par des quolibets, une évaluation à toutes les six semaines, des menaces de perte d'emploi, une cadence de travail exagérée, le non-respect de l'ancienneté, les coupures de temps supplémentaires, et j'en passe.

(9 h 50)

Juillet 1992 est une date incontournable dans l'imposition des premières clauses orphelin. L'exécutif syndical à cette époque n'informe ses membres du contenu des offres que deux jours avant l'assemblée générale. Ces offres, qui devaient par la suite être entérinées par une majorité d'employés permanents, avaient pour conséquence de réduire le salaire de base des surnuméraires de 20 %, de réduire de 40 à 36 heures-semaine l'horaire d'été et d'abolir la liste d'ancienneté. En contrepartie, les employés permanents se voyaient accorder un montant forfaitaire d'environ 250 $, un horaire d'été de 36 heures calculé sur une base de 40 heures, un ajustement avantageux de leur prime d'assurance collective. Devant des offres aussi alléchantes, les employés permanents mal informés ont entériné les offres en oubliant l'intérêt de leurs collègues largement défavorisés et dépréciés par cette orientation.

Comment un syndicat, représentant et défenseur des travailleurs dont il perçoit les cotisations, peut-il se placer en situation d'avantager les uns au détriment des autres? Comment peut-il se laver les mains en déclarant que l'assemblée est souveraine et que c'est là le choix de la majorité? À se réfugier dans cette habile démocratie, l'exécutif syndical aurait très bien pu faire réduire notre salaire de 50 % ou plus. Et, comme l'assemblée est souveraine, pourquoi ne pas imposer un supplément de cotisation pour être aussi bien représenté?

Peu de temps après ces négociations, le président de notre syndicat devenait un cadre pour la ville et le représentant de la CSD, qui agissait alors comme conseiller auprès de l'exécutif syndical au moment des négociations de 1992, obtenait un emploi auprès de la firme-conseil qui représentait la ville à cette même table de négociation. Faut-il n'y voir là que le fruit du hasard?

À partir de cet injuste règlement, la porte était ouverte à tous les abus. Le népotisme, le patronage politique devenait et est encore monnaie courante. Famille et amis d'échevins, de cadres supérieurs ou d'organisateurs politiques deviennent les candidats désignés aux postes permanents à l'essai, et ce, sans tenir compte de leur ancienneté qui, dans bien des cas, était inférieure à celle d'autres employés surnuméraires déjà en place.

Pour ma part, l'interminable cycle du chômage, du travail, et parfois même de la mendicité, suit toujours son cours. J'ai certes aujourd'hui acquis un certain nombre de compétences en acceptant des remplacements dans des postes non comblés par le manque d'employés réguliers. C'est d'ailleurs le cas de presque tous mes confrères qui ont cumulé plus de trois années de service à la ville de Laval; certains, et ils sont nombreux, ont à leur actif huit à 12 années de service comme occasionnels.

Comme il n'existe pas de plancher d'emploi à la ville de Laval, mes camarades permanents ont vu baisser leur nombre de 508 qu'ils étaient en 1988 à 385 employés en 1998; il s'agit là d'une érosion suicidaire quand on pense au futur rendement de leur fonds de pension. Dans un peu plus de cinq ans, au moins une centaine d'entre eux prendront leur retraite et, comme ils n'ont pas de plancher d'emploi, qui les remplacera?

En ce qui a trait aux employés occasionnels, nous étions 80 en 1988 et nous sommes maintenant 225, en 1998; cet état de fait engendre un malaise profond dans nos relations de travail, celui de la concurrence entre le coût d'un surnuméraire versus celui d'un travailleur régulier, qui effectue pourtant le même travail. À titre d'exemple, je suis, à salaire réduit et sans avantages sociaux, opérateur de souffleuse de nuit. Mon camarade permanent, qui est payé correctement, effectue, lui, la même fonction, au même endroit; il recevra pourtant jusqu'à 40 % de plus que mon salaire de surnuméraire en tenant compte de son salaire et de ses avantages sociaux combinés. Cet écart difficilement défendable sur le plan médiatique est le résultat de l'ineptie de certains officiers syndicaux et de représentants et conseillers de la CSD en poste en 1992.

Les négociations de 1992 ont donné lieu à des manifestations honteuses telles que l'obligation pour les surnuméraires d'effectuer des moyens de pression, d'assister à des campagnes de désinformation et d'intimidation, tant du côté patronal que syndical, pour empêcher les gens d'aller voter à l'assemblée générale. Imaginez juste un instant l'hideuse situation imposée à un employé occasionnel d'être forcé d'exercer des moyens de pression pour faire réduire son salaire de 20 %, de se faire amputer quatre heures de travail par semaine et, en prime, de voir abolir sa liste d'ancienneté.

Le silence des élus et patrons de cette administration publique face à ces événements pour le moins disgracieux cache nécessairement une complicité tacite et un profond mépris à l'égard de leurs travailleurs les plus vulnérables. Rappelons-nous qu'ils sont les premiers responsables de ce chaos, puisqu'ils sont les auteurs de ces demandes aussi démesurées que discriminatoires.

En 1997, un nouveau contrat de travail signé entre le syndicat cols bleus affilié à la CSD et ville de Laval introduit une fois de plus une clause orphelin. Cette fois-ci, les nouveaux employés appelés à combler un poste permanent à l'essai devront attendre cinq années supplémentaires avant d'avoir droit au même salaire qu'un employé déjà reconnu avant la signature de cette nouvelle convention.

Les conditions du marché et les dévalorisations organisées en relation avec la fonction de col bleu ont contribué largement à permettre à nos représentants de dicter la nature de ces concessions demandées aux employés. Ces concessions sont devenues partie d'une réponse facile aux compressions de 6 % imposées par le gouvernement du Québec. Mais, à toujours niveler par le bas, l'injustice sociale en termes de partage de la richesse devient sinon la norme à tout le moins le reflet d'une société malade qui va tout droit vers des troubles sociaux beaucoup plus importants. Si un effort collectif pour assainir les finances publiques devient incontournable, ne serait-il pas équitable pour une fois qu'on nivelle par le haut et qu'on permette à ceux de la base de ne pas faire à eux seuls les frais du gaspillage passé et présent d'administrateurs obsédés par leur image et leurs dettes électorales?

Faut-il rappeler que, lorsqu'on coupe indûment le salaire d'un ouvrier, c'est directement à sa famille qu'on s'en prend? Quand on licencie un travailleur, c'est non seulement à sa famille qu'on s'en prend, mais à toute la nation, car c'est elle qui en fin de compte paiera les coûts inhérents de l'exclusion de ces hommes et de ces femmes du marché du travail.

Dans certaines municipalités le plancher d'emploi est devenu un obstacle à des restructurations; dans d'autres – et c'est le cas à Laval – l'absence même de ce plancher d'emploi engendre des coupures de services importantes et ouvre la porte à une prolifération anarchique de la sous-traitance. Ces gens avec qui l'on compare nos conditions de travail font, somme toute, un travail dans un cadre de sécurité minimal et souvent illégal, par conséquent moins coûteux. Et, comme ils sont nombreux à travailler au noir, ils faussent ainsi les données comparatives.

On ne devient pas millionnaire lorsqu'on acquiert un statut de permanent; nous devenons tout au plus des salariés bénéficiant d'avantages normaux et mérités. Vacances, journées de maladie, fonds de pension, régime d'assurance collective ne sont là que des acquis justement revendiqués par nos prédécesseurs, et ce, au prix de dures luttes.

Dans nos relations avec les citoyens, peu sont enclins à reconnaître l'importance et la nécessité de tels avantages pour les cols bleus. Les campagnes organisées de salissage de la fonction de col bleu affectent tous les ouvriers manuels publics. Pourtant, c'est à eux qu'on a recours dans les situations d'urgence telles que déboucher les égouts le soir de Noël, déblayer les rues, assurer l'alimentation en eau potable, rendre accessibles et sécuritaires en tout temps les parcs, les bibliothèques, les arénas et autres édifices publics.

Bien sûr, nous avons nos tire-au-flanc comme dans d'autres secteurs tels le Sénat et d'autres paliers de gouvernement, y compris l'hôtel de ville. On y trouve des gens qui gagnent deux fois et même trois fois le salaire d'un col bleu et qui, au lieu d'être accotés sur une pelle sur le bord de la route, à la vue et au su de centaines de gens, se retrouvent confortablement assis dans leur bureau, appuyés sur un crayon ou encore en voyage dit d'affaires.

Je ne peux pas faire de comparaison avec les autres villes, mais, en ce qui concerne ville de Laval, tous les travailleurs cols bleus, permanents et surnuméraires confondus, sont probablement les employés les plus polyvalents qui soient et, dans l'ensemble, un groupe de travailleurs qui ne demandent qu'une chose: gagner honorablement le juste salaire qui leur est dû et faire bénéficier leur famille d'une vie décente.

La majorité de ces fiers travailleurs sont capables à la fois d'opérer des machineries lourdes, telles que rétrocaveuses, camions à benne, souffleuses à neige, rouleaux d'asphalte, épandeuses d'abrasif, nacelles, charrues, tracteurs trottoir, citernes, plateformes, chariots élévateurs, et du même coup être électriciens, émondeurs, jardiniers, menuisiers, plombiers, mécaniciens, peintres, livreurs, machinistes, soudeurs, raccordeurs, et j'en passe. Nous cumulons tous de nombreuses compétences pour être en mesure de combler de multiples fonctions, et ce, en raison du manque de personnel permanent normalement affecté à ces postes.

Quant à ceux et celles qui doutent de la justesse de mes propos quant au rendement et à la qualité des services rendus par mes confrères et moi, je dis: Mettez vos bottes, votre casque, votre dossard et suivez-moi, de nuit, l'hiver prochain, à moins 20 degrés centigrades, dans la réparation d'un bris de conduite d'aqueduc. Vous pourrez par la suite affirmer qu'à 18 $ l'heure c'est à peine raisonnable pour aller, à moins 20 sous zéro, dans la boue, assurer le bien-être et la sécurité des gens.

Nous, les occasionnels, nous sommes devenus une monnaie d'échange entre syndicats et patrons. En aucun temps ces derniers nous consultent. La convention collective qui nous est imposée stipule, d'ailleurs, que nous ne devons jamais dépasser 20 % du nombre d'employés permanents sur une base annuelle; nous serons donc perpétuellement minoritaires. C'est d'ailleurs cette situation qui permet autant d'abus. En introduisant la liste de rappel, en 1997, les représentants ont inséré une clause de disponibilité qui fait en sorte que, si je ne suis pas libre au moment même où l'on m'appelle, le service des ressources humaines peut rayer définitivement mon nom de la liste, ce qui peut signifier la perte de mon emploi selon le bon vouloir de mon employeur.

Une autre distorsion pour le moins révélatrice fait en sorte que j'accumule plus d'heures travaillées en hiver. Lorsqu'on me met à pied, au printemps, ce que je reçois en assurance-emploi est supérieur à ce que je recevrai en salaire pour mon contrat d'été. Dans mon cas, j'ai reçu le printemps dernier 386 $ net par semaine en assurance-emploi alors que présentement je gagne 371 $ pour aller travailler 36 heures, et de ce 371 $ il faut évidemment déduire les coûts de transport et les dépenses inhérentes au fait que je travaille. Autrement dit, cela me coûte de l'argent pour aller travailler 36 heures par semaine, alors qu'il serait plus avantageux pour ma famille que je demeure sur l'assurance-emploi jusqu'à l'hiver prochain.

(10 heures)

Mais je ne relève ici que les manifestions les plus visibles dans l'injustice sociale qui nous est faite. D'autres nous affectent quotidiennement. Le simple fait d'être exclus des mécanismes de protection de la convention collective, comme la reconnaissance du droit à l'ancienneté, constitue en soi un statut dit orphelin, car indépendamment du fait que nous contribuons largement, comme membres, à ce syndicat, nous ne bénéficions pas des services auxquels nous devrions avoir droit. N'y a-t-il pas là pour le syndicat un cas flagrant d'injustice sociale et de fausse représentativité?

Cela fait maintenant huit ans que je suis obligatoirement membre de cette organisation syndicale, et je calcule mes pertes nettes à un peu plus de 40 000 $. Quel sera le message à retenir pour les gens de ma génération? Celui d'attendre que les élus aient le courage d'enclencher les mécanismes qui vont corriger la triste situation des clauses orphelin? Que penseriez-vous si notre génération arrivait au pouvoir et osait chambarder les fonds de pension des baby-boomers? Si cela devait se produire, il est fort à craindre que nous assisterions non pas à un conflit, mais à une guerre de générations.

En conclusion, confiants que les parlementaires comprendront la réalité inquiétante de ces iniquités, nous voulons croire qu'ils prendront les dispositions nécessaires pour redresser la situation par souci de préserver l'ordre public présent et à venir. Nous sommes nombreux à penser que, si le gouvernement légifère pour mettre fin à l'insertion dans les conventions collectives de toutes les clauses orphelin, il contribuera à rétablir un climat social porteur d'espoir pour l'avenir.

En conséquence, nous demandons au gouvernement d'amender sa loi afin: de rendre illégales toutes les clauses orphelin dans l'ensemble des conventions collectives, et ce, pour tout employé syndiqué, qu'il soit permanent, temporaire ou surnuméraire; d'obliger les syndicats à représenter tous ses membres, peu importe leur statut d'employé; de faire bénéficier tous les membres du syndicat, permanents ou occasionnels, de tous les avantages sociaux ou droits collectifs acquis lors d'une négociation en vue d'un renouvellement ou d'une modification de la convention collective; de rendre tous les membres du syndicat solidairement responsables des concessions à faire lors d'une négociation à faire en vue du renouvellement ou d'une modification de la convention collective.

En terminant, j'espère que vous comprendrez toute la dimension du risque que je prends aujourd'hui devant vous en vous révélant les choses telles qu'elles sont et telles qu'elles se vivent dans mon milieu de travail. C'est ma conscience sociale qui est à la base de cette démarche que je fais au nom des membres de la Coalition des employés cols bleus de ville de Laval, mais aussi au nom de tous les travailleurs qui sont victimes des clauses orphelin. Au moment de rédiger votre loi, pensez aux travailleurs dont je fais partie ainsi qu'à leurs familles qui attendent avec impatience le droit d'être traités justement.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. Constantin et M. Bray. M. le ministre va ouvrir un peu les échanges et suivra par la suite du côté de l'opposition.

M. Rioux: M. le Président, vous allez me permettre de souhaiter la bienvenue à ces cols bleus marginaux, je dirais marginalisés au sein de leur propre organisation, M. Constantin et M. Bray. En vous écoutant, on a l'impression que vous êtes des orphelins de votre propre syndicat. La CSD sera ici cet après-midi et on va certainement leur poser un certain nombre de questions au sujet du traitement qui est le vôtre.

Je comprends que vous profitez de la commission parlementaire aussi pour saisir l'opinion publique d'une réalité qui se passe chez vous. C'est assez étonnant, en tout cas, à première vue, à partir du témoignage que vous venez de nous livrer, c'est assez impressionnant, ce qui se passe chez vous, d'autant plus que le nombre de temporaires ou d'occasionnels est passé en 10 ans de 70, 80 à 250. Donc, ce n'est pas une affaire qui est neuve. Ça fait un petit moment que ça dure.

Moi, j'aimerais ça que vous alliez un petit peu plus loin puis que vous nous parliez des représentations que vous avez faites auprès de votre association lorsque vous avez décidé de dénoncer l'entente ou de dénoncer la situation qui vous est faite. C'était quoi, les arguments servis par votre syndicat pour ne pas vous représenter adéquatement? Parce que vous payez une cotisation syndicale, donc vous avez droit à la juste représentation, comme tout le monde. C'est quoi, le deal qui s'est fait? Parce qu'il semble bien, à l'évidence, qu'il y en a eu un. Je ne sais pas. À moins que vous pensiez que les représailles pourraient être telles à votre endroit que ça vous empêche d'aller plus loin que le texte que vous nous avez lu fidèlement, j'aimerais ça vous entendre nous parler de ces relations que vous avez eues avec votre syndicat.

M. Constantin (Michel): Écoutez, en ce qui concerne les représailles, c'est déjà fait. J'ai été congédié le 17 d'août. J'ai envoyé le mémoire à la commission le 12 et puis le 17, j'ai été congédié. C'est le cas d'une dizaine de mes confrères aussi, sous évidemment un faux prétexte. On nous a dit qu'on n'avait pas averti nos superviseurs, en tout cas, qu'on était pour quitter à midi plutôt qu'à 17 heures. Le lundi d'après, on avait une lettre de congédiement, tout simplement.

Maintenant, quant aux représentations, on les fait et on continue de les faire auprès de notre syndicat. On a comme réponse qu'ils ne veulent pas, dans un certain cas, désavantager la majorité pour favoriser une minorité. Mais le problème est évidemment un peu plus profond que ça. Ça fait des années, évidemment, que ça dure à ville de Laval, que c'est ainsi. Je peux vous dire que, dans l'ensemble, plusieurs employés permanents et plusieurs employés, aussi, occasionnels en ont plein le dos, de ça, de cette situation-là, et essaient de travailler, sauf que, je veux dire, compte tenu des structures syndicales, et tout ça, évidemment on marche sur des oeufs. Il ne faut pas aller à l'encontre des statuts et règlements de notre entité syndicale. On ne peut pas parler contre notre syndicat. On ne peut pas, non plus, émettre des opinions qui vont à l'encontre des opinions du syndicat. Là, quand je parle du syndicat, je parle surtout des officiers du syndicat.

M. Rioux: Comment ça se passe, la vie syndicale?

M. Constantin (Michel): Pardon?

M. Rioux: Comment ça se passe, la vie syndicale à Laval, la démocratie syndicale? À l'intérieur de vos rangs, il y a des structures, il y a des instances, il y a une assemblée générale. Il y a votre réunion, j'imagine, de délégués syndicaux. Vous devez essayer de vous parler, j'imagine.

M. Bray (Patrick): Bien, on est moins bien représentés. Tout ça, c'est un peu dû aussi à qu'est-ce qui s'est passé depuis 1992. Ça a créé une certaine scission lors de l'adoption, dans les conventions collectives, du moins 20 % de réduction de salaire. Je suis employé depuis 1990 et j'ai vécu une réduction de salaire en 1990, passant à 20 % de moins. Quand je regarde ce qui s'est passé, on a été les seuls à payer pour ça. Ça n'a pas été d'une façon qui a été équitable avec les autres employés, les employés qui sont permanents. À partir de là, c'est sûr qu'il y a de la concurrence qui se fait un peu entre l'employé permanent et puis l'employé surnuméraire. On a moins de représentation, on n'a pas droit à autant d'avantages, on n'a pas droit à autant de...

M. Constantin (Michel): C'est la loi du silence. Vous savez, quand vous êtes minoritaire à l'intérieur d'un syndicat, et là je parle encore, évidemment, des officiers syndicaux... Parce que l'ensemble des cols bleus sont parfaitement conscients de cette situation-là, puis là tant permanents que surnuméraires confondus. Ce n'est pas évident que, je veux dire, à l'intérieur d'une situation comme ça, comme le poids politique, en tout cas, des surnuméraires devient de plus en plus important au sein même de ce syndicat-là... Parce qu'on a même dépassé le 20 % – qui stipule qu'on ne doit pas dépasser plus que 20 % – depuis longtemps. D'ailleurs, il y a un grief qui a été déposé incessamment qui a fait en sorte que ça a licencié 67 employés surnuméraires.

On en débat, c'est sûr, mais, pour le syndicat, on est plus des empêcheurs de tourner en rond, tout simplement. On est des gens qui essaient de diviser les membres. D'ailleurs, dans le communiqué qu'ils ont émis dernièrement, le syndicat, c'est comme ça qu'ils nous nomment, des opportunistes ou des gens qui essaient de diviser les membres. Nous autres, sur le plancher, c'est bien évident que la plupart des employés permanents et surnuméraires commencent à se poser de sérieuses questions, parce que les clauses orphelin... Oui.

M. Rioux: O.K. C'est Constantin, hein, c'est ça?

M. Constantin (Michel): Oui.

M. Rioux: Est-ce que j'ai bien compris tout à l'heure que vous avez dit que le fait d'avoir pris l'initiative de venir ici en commission parlementaire, ça a engendré chez vous un congédiement? Est-ce que j'ai compris ça comme il faut?

M. Constantin (Michel): Écoutez, ce n'est pas la raison que la ville donne, mais je vous dirais simplement qu'il y a des preuves, mettons, circonstancielles qui...

M. Rioux: Ça ressemble à ça.

M. Constantin (Michel): Écoutez, j'ai envoyé le mémoire le 12 et le 17, j'étais congédié. Ils ont dit que j'avais brisé mon lien d'emploi avec l'employeur tout simplement parce que j'étais tombé malade cette journée-là. Les quatre dernières heures, j'ai «booké» malade, comme on dit dans le métier, puis la réponse est venue aussi vite. Je vous dirais que, en huit ans de services à ville de Laval, j'ai peut-être manqué quatre ou cinq journées de travail. Et c'est même arrivé à l'occasion que je manquais des... Mais je n'ai jamais eu de lettre de réprimande, je n'ai jamais eu aucun avertissement. Vous avez vu qu'on a des évaluations à toutes les six semaines. Mes évaluations sont très bonnes puis je suis prêt à les défendre à n'importe quel temps. Cependant, la situation étant celle-là...

(10 h 10)

M. Rioux: Je profite que vous soyez là pour vous demander: Il y en a plusieurs qui nous proposent, comme voie au règlement de ce problème des clauses orphelin, le Code du travail avec certains amendements. D'autres nous suggèrent la loi des normes. Vous semblez, vous autres, emprunter la direction du Code, penser à ceux qui ne sont pas couverts par ça. Dans votre réflexion, est-ce que vous avez tenu compte de ça?

M. Constantin (Michel): Bon, écoutez, nous autres, pour l'avoir vécu comme employés surnuméraires, occasionnels ou temporaires, on trouve que ce sont des termes, en réalité, qui font qu'on a un statut d'orphelin. Nous autres, on est syndiqués. Ça fait que imaginez des gens qui ne sont pas syndiqués, ce qu'ils peuvent vivre. Ce sont des situations qui sont humiliantes.

Ça fait au moins une quinzaine d'années que c'est très dur, la situation économique, et tout ça. Vous savez, moi, au salaire que je fais, faire vivre quatre enfants avec ça, puis je suis supposé avoir une bonne job, une job de qualité. Voyez, ils ont coupé dans les jobs de qualité. Quand je dis qu'il y a environ 508 employés permanents en 1988 puis que c'est remplacé par des occasionnels, c'est qu'à quelque part, au lieu de prendre ces jobs de qualité là puis d'en créer quelques autres, ils les coupent tout simplement. On en a perdu environ 125 depuis une dizaine d'années. Alors, ils remplacent ça par des occasionnels, comme dans mon cas, ils les forment pour faire exactement le même travail qu'un employé permanent. Aussitôt qu'il n'y a plus de neige, c'est fini, ils nous coupent et ils nous envoient dehors. C'est comme ça que ça file. Vas-y.

M. Bray (Patrick): Oui.

M. Rioux: Vous en profiterez pour me répondre en même temps, parce que le temps file. Si on vous proposait une solution, j'imagine que celle que vous auriez tendance à adopter, c'est celle qui protégerait le plus de monde possible, pas seulement les travailleurs syndiqués.

M. Constantin (Michel): Exactement, exactement. Nous autres, ce qu'on prétend, c'est que les clauses orphelin... Que ce soit dans n'importe quel milieu de travail, si vous faites un travail puis qu'il est exactement le même qu'un autre, il n'y a pas de raison que vous ne soyez pas payé ou avantagé de la même façon. Qu'il y ait de la concurrence entre certaines compagnies, ça, on comprend ça. Ils peuvent avoir des...

Moi, je peux plus parler de mon milieu de travail, puis c'est un milieu qui est syndiqué. Justement, dernièrement on entendait – j'ai suivi vos audiences pendant un certain temps – des gens du patronat qui disaient que c'était important d'avoir des clauses orphelin dans leurs conventions collectives pour être capables de concurrencer d'autres pays. Mais, écoutez, si ces pays-là engagent des enfants de 10 ans, huit ans, et tout ça, puis si c'est ce genre de concurrence là qu'ils veulent faire, moi, comme citoyen québécois, je ne peux pas être d'accord avec ça.

Par contre, si on regarde au niveau de la législation, ce qui pourrait, nous autres, nous intéresser, on dit: Écoutez, c'est bien correct qu'un syndicat fasse des gains, mais il faut que tous les gens soient solidairement responsables là-dedans. Si, vraiment, la situation économique dit qu'il faut qu'on coupe les salaires, il faut que tout le monde soit solidairement responsable là-dedans, qu'il n'y ait pas de gens qui... Mais, d'un autre côté, regardez, nous autres on est à ville de Laval, on voit des exemples de gaspillage à tous les jours. Chaque col bleu pourrait vous raconter des histoires d'horreur de gaspillage de deniers publics. C'est incroyable. Quand ils font du jardinage, ils vont scraper 300 boîtes de fleurs. Je veux dire, écoutez, à 3 $, ça en fait, des paires de bottes pour des gars, ça, tu sais.

M. Rioux: Merci. Je vais laisser la parole à mon collègue de Groulx.

Le Président (M. Sirros): Vous allez laisser la parole au président qui va la donner...

M. Rioux: Ah oui! Excusez-moi, M. le Président. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Sirros): ... – ha, ha, ha! – juste pour préciser, au député de Groulx, s'il vous plaît.

M. Kieffer: Merci, M. le Président, et merci, M. le ministre. Votre témoignage est très clair. Votre mise à pied ne me semble pas du tout fortuite. Ce n'est pas un hasard. Je veux que vous précisiez un certain nombre de choses. Vous savez, à partir de cet après-midi, les grandes organisations syndicales vont débarquer.

M. Constantin (Michel): Oui.

M. Kieffer: Cet après-midi la CSD, demain la CSN, le Syndicat des fonctionnaires la semaine prochaine, la FTQ. Je pense qu'on va tous avoir des questions à leur poser.

Je veux juste comprendre un peu, bon, un: Est-ce que votre syndicat est au courant que vous êtes ici? Sûrement, puisque vous avez été mis à pied.

M. Constantin (Michel): Absolument.

M. Kieffer: Mais ç'a été quoi, la réaction? Est-ce qu'il y a eu des pressions à ce niveau-là? Est-ce qu'on vous a dit: Voyons! ne va pas là, tu sais, le linge sale, ça se lave en famille? Ç'a été quoi, le rapport entre votre décision de venir témoigner devant la commission et la réaction de votre syndicat?

M. Constantin (Michel): Écoutez, la réaction a été simple, ils nous ont tout simplement dit que tout ce qu'on réussissait à faire avec ça, c'était de diviser les membres. Et pourtant, je veux dire, nous autres, on a distribué ces mémoires-là pour que les gars, justement, à l'intérieur du syndicat puissent en discuter, et tout ça. Ça a suscité des débats et ça suscite encore des débats très houleux.

Je vous donne un exemple. Justement, en 1997, la question des clauses orphelin, quand ils ont dit que les nouveaux permanents, ça prendrait cinq ans avant qu'ils puissent accéder à une échelle salariale normale, dans leur entente, ils ont inclus cette clause orphelin là. Sauf que, si le gouvernement légifère, à ce moment-là, cette entente-là, elle ne tient plus. Alors, à quelque part, on est, pour eux autres, des empêcheurs de tourner en rond.

Au niveau de la négociation, écoutez, il y a un manque de transparence épouvantable, puis ça, la plupart des employés se plaignent de ça. On essaie d'avoir de l'information. Je vous ai donné des chiffres. C'est à peu près ce qui se passe ou ce qui s'est passé au niveau des chiffres. En tout cas, moi, la dernière rencontre que j'ai eue avec mon président de syndicat, c'est qu'il m'a carrément laissé sous-entendre qu'il y avait une assemblée générale qui s'en venait et qu'il tenterait d'exclure les gens de la Coalition du syndicat. Ça, ç'a été sa réaction.

M. Kieffer: Combien vous êtes dans cette Coalition-là?

M. Constantin (Michel): C'est difficile à dire. C'est des sympathisants. Il n'y a pas de membres comme tels. Mais on peut dire qu'on est environ présentement 150, à peu près 150 personnes.

M. Kieffer: Donc, vous reflétez pas mal la position des surnuméraires.

M. Constantin (Michel): Oui. Puis je peux vous dire que, de jour en jour, des gens... Écoutez, c'est un mouvement politique. Tout ce qu'on fait, c'est de discuter des problèmes qu'on a dans notre milieu de travail. On fait ça, plus souvent qu'autrement, en dehors des heures de travail parce que ce n'est pas possible sur les heures de travail. On se réunit par petits groupes, puis on essaie de discuter de nos problèmes. C'est comme ça que ça se passe.

M. Bray (Patrick): Ce qu'on veut, en fait, c'est être respectés dans nos droits et pouvoir travailler d'une façon équitable comparativement aux employés permanents. Il y a eu des mises à pied dernièrement sans suivre la liste d'ancienneté. Ça fait neuf ans qu'on est à l'emploi du même employeur et il y a des gens qui travaillent présentement que ça fait six mois qu'ils sont là. Est-ce que vous trouvez ça normal que des gens qui travaillent pour le même employeur depuis plusieurs années, près de 10 ans, le seul respect qu'on a pour ces employés-là qui effectuent de nombreuses compétences dans différentes fonctions, dans différents secteurs, et ça, sans jamais chialer et en acceptant des contrats de 12 semaines l'été, de 16 semaines l'hiver, c'est de les tenir en laisse par le fait de dire qu'on peut peut-être perdre notre job? Puis ces gars-là que ça fait neuf, 10 ans qu'ils sont là espèrent atteindre la permanence un jour pour justement pouvoir bénéficier des avantages que les autres membres ont. En 1992, on a coupé chez les surnuméraires. En 1997, on coupe chez les jeunes permanents. Après ça, c'est quoi? Ça va être...

M. Constantin (Michel): Il y a vraiment un climat de terreur. Écoutez, l'employeur là-dedans, je veux dire, il a un rôle important, puis il ne faut pas se le cacher. Justement, hier soir j'ai eu un téléphone d'un surnuméraire qui a été congédié lui aussi la même journée. Il m'a dit qu'il a été convoqué et par un avocat de la ville et aussi, en même temps, par un représentant de la firme qui représente la ville à la table de négociation. Ils lui ont carrément demandé – écoutez, j'ai pas de preuves, là – de dénoncer ses camarades pour leur dire que la journée où quelques-uns d'entre nous ont fini à midi, on avait demandé de faire un débrayage. Ce n'est pas le cas puis ça n'a jamais été le cas.

C'est une pratique courante. La ville essaie dans ça de se laver les mains. Il y a quelqu'un en haut à la ville qui a la gâchette facile. Ça, je peux vous dire ça. Aussitôt qu'ils ont la chance... Écoutez, il y a des employés réguliers qui ont pris une demi-journée de congé cette journée-là, puis ils n'ont pas été congédiés.

M. Kieffer: Une dernière question, M. le Président. Le débat sur les clauses orphelin, sur les décalages entre votre situation et celle des permanents, tout ça, j'en conclus qu'il n'a jamais été fait à l'intérieur de votre organisation syndicale. Il n'y a jamais eu de débat large là-dessus. La question ne s'est jamais véritablement posée avec toutes les implications que ça charrie. Est-ce que j'ai tort ou quoi?

M. Constantin (Michel): Non, il n'y en a pas eu, de débat. Nous autres, on en parle presque à tous les jours. Les gens qui me connaissent dans mon milieu de travail savent que ça fait depuis 1992 que je leur casse les oreilles avec ça, par exemple. Puis c'est le cas de plusieurs employés, même des employés permanents qui sont carrément contre ça. Ce qui est arrivé en 1992, d'ailleurs – puis il faut le rappeler – c'est des demandes de l'employeur. Puis la menace avait été qu'il mettrait tous les employés surnuméraires sur appel si les permanents n'acceptaient pas ces offres-là. Ça fait qu'il y avait comme un cadeau empoisonné là-dedans. Ils veulent faire porter sur les membres du syndicat l'odieux de la situation, c'est-à-dire: On va vous avantager, vous autres, au détriment des autres, mais, si vous n'acceptez pas ça, on va mettre tous les occasionnels sur appel. C'est comme ça que ça se passe.

Le Président (M. Sirros): Ça va, M. le député? Merci. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

(10 h 20)

M. Béchard: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Constantin et M. Bray. Je vous dirais que la première réaction qu'on a eue, et on va demander au président de voir à ce que, dans la future réforme parlementaire, il puisse y avoir des choses là-dessus... Il semble clair que vous avez été congédié parce que vous venez témoigner devant l'Assemblée nationale. Et ça, il faudra voir dans les prochaines réformes parlementaires, je pense que les gens seront d'accord pour qu'on puisse prévoir que, si ces cas-là se reproduisent, au moins il y ait quelque chose de prévu quelque part. Parce que ça n'a pas de bon sens. C'est assez inacceptable, merci, que, parce que vous décidez de venir vous exprimer devant ce qui devrait être le lieu d'expression de tous les Québécois et Québécoises, vous en subissiez des conséquences aussi graves. Ça, je pense, c'est la première demande qu'on peut faire.

Deuxième élément. Moi, je vous dirais que, de jour en jour, je suis surpris par les réactions du ministre et voire même étonné de le voir surpris de ce que vous avez mentionné, alors qu'hier on a appris par le président de l'Union des municipalités du Québec que le printemps dernier, c'est le ministre et ses collègues qui ont demandé et qui ont forcé les municipalités à mettre des clauses orphelin pour régler le problème de récupération salariale. Il avait l'air touché. Juste vous mentionner que c'est un nouveau converti, là, de quelques jours. Espérons qu'il ne ventera pas trop fort dans les prochaines semaines dans ses nombreux voyages à Matane ces temps-ci pour qu'il change d'idée là-dessus.

Mais je vous dirais que la première chose que j'aimerais savoir, c'est qu'est-ce qui... Vous savez, on parle depuis le début soit du Code du travail ou des normes. Là, il semble qu'il y a des gens qui vont sur les normes. Juste pour un éclaircissement, moi, je regarde la loi sur les normes, aux employeurs assujettis et dans les exceptions, les gens qui ne sont pas assujettis par les normes, il y a, entre autres, les municipalités. Là, vous êtes dans une situation où vous ne pouvez pas... Je ne pense pas que votre syndicat défende vos griefs contre votre employeur si vous les déposez. Vous êtes dans une situation où il y a un vide total et complet. Et vous représentez exactement le type de personne touchée par les clauses orphelin, qu'on oublie et qu'on va laisser de côté si on se contente uniquement du Code ou des normes.

À date, est-ce que mon raisonnement est bon? Est-ce que vous avez la même lecture que moi là-dessus?

M. Constantin (Michel): Écoutez, j'ai regardé le projet de loi de M. Dumont et, en tout cas, au départ, on était contents, au moins, qu'il y ait quelqu'un à quelque part qui ait décidé de faire quelque chose, parce que, nous autres, ça fait longtemps qu'on vit avez ça.

Quand on a un statut minoritaire à l'intérieur d'une entité syndicale comme la nôtre, on n'a pas souvent l'occasion... puis encore moins l'occasion d'être capable de s'exprimer autrement que de se faire dire de se taire. Écoutez, il n'y a pas de collusion – en tout cas, on espère qu'à quelque part il n'y a pas de collusion entre notre syndicat et puis la ville – mais on est forcés d'admettre que, compte tenu des événements puis de tout ce qui s'est passé depuis, en tout cas, il y a, à tout le moins, une complicité tacite.

En ce qui a trait au projet de loi, nous autres, on espère que ce soit élargi au plus grand nombre de personnes possible. Parce que, écoutez, moi, je suis un employé municipal et puis je suis supposé de gagner un bon salaire, je suis supposé d'être vraiment au top. Imaginez justement, comme je disais tantôt à M. le ministre, qu'est-ce qui arrive dans des petites compagnies où, je veux dire, il n'y a pas de contrôle du tout. On revient à des années où le militantisme syndical est quasiment perçu comme quelque chose de dangereux pour la société. À quelque part, il faut que ça cesse. Les gens ont le devoir, à quelque part, justement d'investir leur syndicat puis de s'intégrer à l'intérieur de ça pour être capables d'en venir à bout.

M. Béchard: Est-ce que, suite à votre congédiement, et tout ça, vous avez entrepris des recours? En vertu du Code, je pense que c'est 47.2, quelque chose comme ça, qui dit que vous pouvez porter directement au ministre. Est-ce que vous avez regardé ça?

M. Constantin (Michel): Oui. Disons que la démonstration ne sera pas facile à faire. La première chose qu'on a faite, évidemment, ça a été de se rendre à notre syndicat et de déposer des griefs. Et puis ce n'est pas eux autres qui nous ont invités à aller les déposer, on s'est rendus directement au local pour aller les déposer.

Je vous dirai qu'à la lecture, en tout cas de la façon dont le grief avait été fait, j'étais déjà en droit de penser que j'étais pour perdre un certain nombre de choses. À partir de là, moi, j'ai pris une copie du grief, je suis allé montrer ça à quelqu'un qui connaît ça, les lois – je ne suis pas un juriste, je suis juste un col bleu – et puis il m'a dit: Écoute, ton président de syndicat, il ne sait même pas faire ça, un grief. Comment tu penses qu'il va le défendre? Ça fait qu'à quelque part on se demande jusqu'à quel point ils vont nous défendre, mais on est obligés de suivre cette procédure-là. On est obligés. On est membres de ce syndicat-là et puis, à ce moment-là, on est obligés de suivre cette procédure-là.

M. Béchard: Vous n'avez pas le choix d'être membres non plus. Quand vous entrez là, c'est définitif, c'est point final. Vous payez, point final, vous êtes représentés.

M. Constantin (Michel): Exact. Le même taux, d'ailleurs. On paie le même taux qu'un employé permanent.

M. Béchard: Vous n'êtes pas orphelins dans le taux de cotisation.

M. Constantin (Michel): Non.

M. Béchard: Toute la question qu'on a eue souvent, c'est sur le processus de dénonciation des clauses orphelin. Vous en êtes les victimes, là. Vous sortez. Bang! vous perdez votre job. Comment on peut réussir à faire en sorte que des gens qui se sentent victimes – qui se sentent, parce que je me dis qu'il faut le prouver avant – et qui sont victimes de clauses orphelin, ces gens-là puissent avoir un recours simple, gratuit, je dirais, efficace et qui ne porte pas préjudice à leur emploi? Est-ce que vous avez une idée là-dessus? Comment vous voyez ça? C'est parce qu'on ne peut pas... Même, on l'a dit, quand c'est juste un employé, une relation un employé-un employeur, ce n'est pas le syndicat, ce n'est pas en nom collectif, c'est personnel. Comment on peut arriver à mettre en place un mécanisme simple à ce niveau-là?

M. Constantin (Michel): Simple, je ne le sais pas. Chose certaine, c'est qu'il faut protéger ces gens-là. Comme je vous disais tantôt, je suis col bleu, je ne suis pas un juriste, mais, à quelque part, vous êtes conscients tous ici, je veux dire, de la situation qui est faite présentement dans le milieu de travail. Écoutez, on vit des heures très sombres. C'est très difficile. Je veux dire, écoutez, des gens qui ont une famille à faire vivre et qui sont obligés de supporter autant de pression dans leur milieu de travail, à quelque part, il faut vraiment avoir envie de travailler.

Moi, avec mes quatre enfants, vous savez, il y a plusieurs de mes collègues qui me disent régulièrement: Écoute, qu'est-ce que tu fais ici? Qu'est-ce que tu attends pour te mettre sur le bien-être social? Je veux dire, qu'est-ce qu'on fait, là? C'est sûr que je serais probablement plus avantagé de me mettre sur le bien-être social. C'est peut-être justement la réponse que bien des gens trouvent présentement, d'aller se mettre sur le bien-être social plutôt que d'aller travailler à cause justement, un, qu'ils ne sont pas protégés, deux, je veux dire, que leurs conditions de travail sont tellement difficiles qu'à quelque part il y a un choix facile aussi à faire. C'est parce qu'il faut vraiment avoir envie de travailler, là, pour y aller.

M. Béchard: Puis, pour vous, il est clair qu'en vertu du Code ça ne vous protégerait pas nécessairement?

M. Constantin (Michel): Présentement, non.

M. Béchard: Non.

M. Constantin (Michel): Je veux dire, il y aurait certainement moyen, en tout cas, de l'amender, ce Code-là.

M. Béchard: En vertu des normes, il y a des trous, des éléments qui peuvent être dangereux ou qui peuvent vous laisser de côté aussi. Donc, ce serait beaucoup plus d'y aller avec une loi plus globale qui spécifierait ce qu'est la clause orphelin, les recours, tout ça, que ce soit bien précis pour le cas des clauses orphelin.

M. Constantin (Michel): Oui.

M. Béchard: Parce que, sans ça, il y aura toujours quelque part dans une loi un petit futé ou quelque chose qui trouvera un moyen de passer à côté, par en arrière, et qui laissera, comme vous dites, les plus démunis et ceux qui ont le moins de recours de côté.

M. Constantin (Michel): Exactement. Il faut que ce soit clair, net, précis. Je prenais un exemple dans mon mémoire: les bottes de travail. Tu sais, ça a l'air de quelque chose de banal, là, mais c'est une loi de la santé et sécurité au travail et c'est une obligation de l'employeur. Nous autres, ça fait 10 ans qu'on attend après ça et puis ça fait 10 ans, en tout cas, qu'il y a des gens qui font des représentations. La réponse de l'employeur, à chaque fois, c'est toujours la même, c'est non. Si tu fais quelque chose, si tu nous dénonces... Moi, j'ai été obligé d'aller faire une plainte confidentielle à la CSST pour être capable d'amorcer ce débat-là à l'intérieur du syndicat. J'en paie aujourd'hui le prix, c'est bien évident. Parce que, je veux dire, la ville, elle ne trouve pas ça drôle. Mais, je veux dire, il faut qu'à quelque part ce ne soit pas tout le temps l'obligation du travailleur de se mettre la tête sur le billot pour être capable de faire respecter ses droits.

Une paire de bottes... Vous savez, on ne met pas ça pour le plaisir, des bottes de travail. Il y a des gens qui travaillent dans l'asphalte à 300 °. Je veux dire, c'est important, il y a des gens qui se brûlent les pieds et qui ne se plaignent pas parce que justement, s'ils se plaignent, ils vont se faire réprimander, puis ce n'est pas trop long.

M. Béchard: Au niveau de la CSST, juste ma dernière question, ça fait combien de temps que vous avez fait cette plainte-là? Est-ce que c'est réglé? Comment ça...

M. Constantin (Michel): Il a fallu qu'on fasse une démonstration à ville de Laval. Ça s'est fait aux alentours de la troisième semaine de juillet, dans ce bout-là. Il a fallu qu'à un moment donné les surnuméraires arrivent en souliers de course pour que l'employeur puisse dire: Ah! Mais ça vous prend des bottes de travail pour aller travailler. Là, le syndicat a tout enclenché un système pour dire... Ils ont appelé à la CSST. Ils leur ont dit, par exemple, qu'il y avait des émondeurs qui étaient en train de couper des branches pas de bottes. Mais ce que le président de mon syndicat m'a dit, c'est qu'en aucun temps quelqu'un de la CSST ne s'est déplacé pour aller voir ça. Je veux dire, comme l'employer s'est amené sur le terrain pour dire que, oui, c'est obligatoire d'avoir des bottes, maintenant le syndicat dit: Bien, là, comme vous venez dire que c'est obligatoire, les bottes, pour travailler ici, bien, voulez-vous, s'il vous plaît, en fournir?

Mais, dans notre livre à nous autres, ce n'était pas à nous autres de faire des moyens de pression. La loi était claire. C'était net, c'était précis. Pourquoi il fallait absolument faire ce genre de démonstration là puis, encore là, mettre les occasionnels dans une situation où est-ce qu'il fallait qu'ils mettent leur tête sur le billot? Écoutez, ça n'a pas arrêté après. C'est bien évident qu'ils n'ont pas aimé ça, hein!

M. Béchard: Merci.

(10 h 30)

Le Président (M. Sirros): ...permettre ici, suite aux commentaires du député de Kamouraska-Témiscouata quant à votre témoignage et les conséquences que vous semblez avoir subies suite à un congédiement – si j'ai bien compris, trois jours après avoir annoncé que vous voulez venir témoigner ici – vous n'êtes pas sans protection, il y a deux chartes de droits et libertés, et canadienne et québécoise, qui s'appliquent. Je vous incite fortement à saisir la Commission des droits de la personne de votre situation, si ce n'est pas déjà fait, parce qu'il me semble que ça serait important qu'elle établisse clairement que les témoignages de personnes qui viennent ici ne doivent pas avoir comme conséquence de subir des conséquences négatives dans leur travail ou dans leur vie suite à la liberté d'expression qui est garantie par ces chartes-là. Alors, je vous incite...

M. Rioux: ...article 124 de la Loi des normes pour les congédiements sans cause juste et suffisante.

Le Président (M. Sirros): En tout cas, il y a aussi... En tout cas, vous avez plusieurs recours, la Loi des normes, mais il me semble aussi que ce serait un cas évident pour la Commission des droits et libertés de la personne. Alors, ça étant dit, j'aimerais passer la parole au député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. D'abord, en page 14, le 2., vous dites «d'obliger les syndicats à représenter tous ses membres, peu importe leur statut d'employé». Est-ce que le Code du travail n'oblige pas... une fois qu'un syndicat obtient l'accréditation il a l'obligation de représenter tous ses membres. Vous dites: Nous demandons au gouvernement d'obliger les syndicats, je pense que ça, vous questionnez plus la façon dont votre syndicat fait son travail, parce qu'il a l'obligation de vous représenter.

M. Constantin (Michel): D'accord.

M. Cherry: Ce que vous questionnez, c'est la façon dont il s'acquitte de sa tâche.

M. Constantin (Michel): Peut-être, mais je veux dire, peut-être aussi que... au niveau de la loi c'est tellement difficile d'avoir accès, en tout cas, de faire... Obliger, quand on dit ça, c'est que... On donnait justement l'exemple des bottes tantôt. C'est qu'il y a des lois qui sont claires, nettes, précises. C'est tellement difficile de les faire appliquer, quelque part. Pour un simple ouvrier, la plupart des gens ne sont même pas au courant que ces choses-là existent. Mais d'obliger un syndicat, nous autres... Écoutez, je suis...

M. Cherry: Mais je pense que... En tout cas, vous savez, ou des gens pourraient vous informer, que vous pouvez en vertu du Code du travail, à l'heure actuelle, déposer une plainte comme quoi votre syndicat ne s'acquitte pas ou qu'il fait de la discrimination. Je veux dire, c'est déjà, ça, dans la loi. Vous pouvez vous prévaloir de ça.

Deuxièmement, vous avez dit tantôt: Notre nombre... on dépasse maintenant le 20 %, tel que convenu dans la convention; il y a eu une plainte de déposée, et ça a eu comme résultat, ou comme conséquence, que 75 ou 80 – je ne me souviens plus du chiffre...

M. Constantin (Michel): C'est 67. Oui.

M. Cherry: ... – 67 vous avez dit? bon, ont perdu leur emploi. Donc, dites-moi si j'ai bien saisi. Ce que vous nous dites, c'est que des gens qui sont permanents, eux, c'est ça que vous avez voulu dire... Est-ce que les permanents, quand on a vu que le nombre de surnuméraires dépassait un article de la convention collective, ont fait des représentations puis le résultat a été que le nombre de surnuméraires a diminué? «C'est-u» comme ça que ça s'est passé?

M. Constantin (Michel): À quelques nuances près. Ce qui est arrivé, c'est que, dans l'entente des 41 postes qu'il y a eue avec ville de Laval... c'est-à-dire qu'ils ont mis 41 personnes... Ils se sont servis de ça comme moyen de pression, autrement dit, puis ça vient de l'exécutif syndical, pour faire accélérer l'embauche de 41 postes permanents. O.K. Mais là-dedans, évidemment... En tout cas, c'est à eux autres de vivre avec ça, parce que comme moyen de pression, c'est un petit peu radical quand on met 67 personnes dehors pour faire appliquer une lettre d'entente. Nous autres, on s'est dit: Écoutez, vous aviez juste à faire un grief là-dessus, puis y aller faire écouter votre grief. Mais on comprenait aussi... Écoutez, il y avait eu une séance houleuse, environ deux semaines avant, sur la question des bottes, la question des clauses orphelin. On était entré à 80 surnuméraires dans le local du syndicat, avec une quarantaine de permanents, puis on est allé poser des questions sérieuses à notre exécutif syndical. Ça a probablement été la réponse de notre exécutif syndical.

M. Cherry: Donc, ce que vous dites, c'est suite à cette manifestation-là.

M. Constantin (Michel): Oui.

M. Cherry: Il y a des gens qui ont dit: On va se servir de ce que vous attribuez à la direction du syndicat, et ont dit: On va faire des moyens de pression pour faire remplacer un nombre de temporaires surnuméraires par des postes permanents. Vous venez d'invoquer le chiffre de 41.

M. Constantin (Michel): C'est ça.

M. Cherry: Donc, la réponse à ça, c'est que, pour créer 41 nouveaux postes de permanents, on a éliminé 67 postes de gens temporaires. «C'est-u»...

M. Constantin (Michel): Ce n'était même pas pour les créer, ils sont déjà créés. La lettre d'entente est signée, et tout. Ils se sont servis de ça pour faire un moyen de pression sur la ville pour accélérer l'embauche de ces personnes-là. Ça a été le motif qui a été invoqué.

M. Cherry: Est-ce que dans les faits ça a fonctionné? Est-ce qu'il y a eu 41 postes de permanents de créés?

M. Constantin (Michel): Ils ne sont pas encore tous comblés présentement.

M. Cherry: O.K. Et est-ce que ceux qui le sont, ils le sont à partir de gens qui sont dans votre situation ou qui étaient dans votre situation, à savoir des temporaires?

M. Constantin (Michel): Oui. Ils ont l'obligation maintenant, depuis 1997. Sauf qu'il y a encore... Moi, je parle un petit peu de népotisme dans mon mémoire, puis ça existe encore, ça existe sur une très large base à la ville de Laval. Ils vont créer, par exemple, un poste. On en a un, en tout cas dernièrement, où est-ce qu'une personne est directement reliée avec sa famille, comme directeur dans l'administration publique. Ils ont sorti un poste, par exemple, de préposé à l'entretien des animaux domestiques au centre de la nature. Alors, ils ont mis la personne qu'ils voulaient eux autres, l'administration a mis la personne qu'elle voulait là, et, comme ils n'ont pas suivi la liste d'ancienneté, ils ont mis cette personne-là dans ce poste-là.

Il y a eu un grief qui a été déposé. Nous autres, on a menacé le syndicat aussi dans ce temps-là d'aller devant les journaux puis leur expliquer que ça n'a pas de bon sens, des cas de patronage comme ça. Bon, ils l'ont retirée, sauf que, là, ils viennent de recréer un nouveau poste exprès pour cette personne-là.

M. Cherry: O.K. Vous venez de parler de journaux – et c'est ma dernière question – la situation des bottes et des 10 employés, dans lesquels j'ai compris que vous étiez...

M. Constantin (Michel): Oui.

M. Cherry: ...j'ai lu quelque chose comme ça dans La Presse , il y a quelques temps...

M. Constantin (Michel): Exact.

M. Cherry: ...en disant que, sur l'heure du midi, la perception... en tout cas les raisons invoquées, c'est que vous autres par rapport aux bottes que vous pensez que vous devez être fourni – c'est la perception que j'en ai eue – vous ne vous êtes pas présentés pour la balance de la journée. Vous avez invoqué que, dans votre cas, c'est parce que vous étiez malade. L'employeur dit: Vous avez brisé le lien de confiance parce que vous ne vous êtes pas présenté, et le résultat c'est que vous n'êtes plus à mon emploi.

M. Constantin (Michel): La question des bottes, c'est une autre chose. Ça, ça s'est passé quasiment trois semaines avant. On relie plus ça à la question du mémoire, là, parce qu'on a commencé à en parler largement à la grandeur de la ville. Puis, en ce qui a trait au congédiement comme tel, nous autres, on ne s'attendait pas à ça. Écoutez, c'est une pratique courante, je veux dire, il y a même des employés, quand arrive le terme de leur contrat, quand ils sont licenciés, ça peut arriver. Même que, je peux dire, à l'occasion ils ne travailleront pas les quatre dernières heures parce que leur 4 % est mis sur leur dernière paie. Alors, dans le fond, ce qu'ils font c'est qu'ils travaillent pour rien pour les quatre dernières heures.

Dans d'autres cas – puis ça a été le cas, nous autres, cette fois-là – c'est que, moi, dans mon cas, j'étais malade... Écoutez, ils ont dit que c'était un débrayage. Il y a eu 10 personnes sur 160 qui ont «booké» malades à midi, ce n'était pas un moyen de pression, ça n'avait rien à voir avec ça. C'était tout simplement que sur 160 employés surnuméraires il y en a une dizaine peut-être – je ne connais pas les 10, sept ou huit, ou quelque chose de même – qui avaient «bookés» malades pour le reste de l'après-midi. C'est tout. C'était juste comme ça.

M. Cherry: O.K. Merci.

M. Constantin (Michel): Puis ça a été le motif pour eux autres de nous congédier, par exemple.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. D'abord, je vous souhaite la bienvenue. Il y a quelques groupes qui sont venus devant la commission, qui me donnent le même sentiment que quand je fais le ménage de mon frigidaire, c'est-à-dire que, comme je ne suis pas souvent à la maison, à un moment donné on ouvre une boîte qui est là depuis longtemps puis on s'aperçoit que ça ne sent pas bon puis que ce n'est pas beau là-dedans. À écouter votre cas, je trouve j'ai un peu le même sentiment, c'est-à-dire que plus on en sait, plus on fouille ça, plus on se dit que la situation que vous vivez, puis tous les dessous de ça puis les pressions que vous subissez, c'est loin d'être joyeux.

Une des choses que je trouve à la fois enrageante et presque comique, c'est ce que vous avez répondu, je pense au ministre, tout à l'heure, ou au député de Groulx, sur ce que vous a dit votre syndicat concernant votre participation, que tout ce que vous faisiez, c'était de diviser les membres. Parce que ce qui divise les membres, ce n'est pas d'avoir signé en 1992 une convention où tu crées deux statuts de membres, c'est de parler de ça. Alors, ce qui divise les membres, ce n'est pas de l'avoir fait, d'avoir coupé la paie des uns et des autres, mais c'est ceux qui le disent que ça s'est fait, ceux qui le questionnent, qui en parlent, eux autres, ils divisent les membres. Donc, de le faire, ce n'est pas grave, mais d'en parler, c'est grave.

Ça m'amène à ma première question, et je suis conscient que vous n'êtes pas des experts en relations de travail puis en politique, mais vous n'avez pas l'impression qu'une des causes – bon, vous dites, la représentation syndicale, le gouvernement devrait la rendre obligatoire – vous n'avez pas l'impression que le monopole syndical est devenu un peu fort et que, fort du monopole syndical dans lequel vos représentants se retrouvent, ils peuvent faire à peu près n'importe quoi?

(10 h 40)

M. Constantin (Michel): Ces gens-là ont beaucoup de pouvoir, c'est certain, sauf que vous savez, le pouvoir, quand vous l'exercez de façon correcte, il n'y en a pas, de problème, mais, quand vous l'exercez de façon démesurée ou que vous n'êtes pas conscient du pouvoir que vous avez entre les mains... Moi, je vais vous donner un exemple. Dernièrement, justement, le ministre du Travail a augmenté le salaire minimum d'à peu près 0,15 $, je souligne ça avec beaucoup de... parce que ces gens-là qui gagnent le salaire minimum, ils ne gagnent vraiment beaucoup. Comment ça se fait qu'à quelque part ça a pris tout son poids politique pour être capable de faire accepter ça au Conseil du patronat alors que ça prend juste un chauffeur de Zamboni pour être capable de réduire le salaire de 20 % de quelqu'un? J'ai beaucoup de difficultés à vivre avec ça, beaucoup de difficultés à vivre avec ça. Ça fait que c'est bien évident que, quelque part, quand ils touchent justement au salarial puis aux acquis sociaux puis que vous mettez ça dans les mains de quelqu'un qui ne connaît pas toute la dimension des gestes qu'il va poser... Mais il est très bon comme opérateur de Zamboni, ça, je peux vous dire ça.

M. Dumont: L'autre question que je veux vous poser... Parce que, dans l'ouverture de la commission, une des choses dont j'ai parlé, c'est qu'au-delà des clauses orphelin on soulève un peu en commission toute la réalité économique des jeunes ménages. Et puis, vous autres, vous venez devant nous autres... pour moi vous êtes des jeunes ménages, vous avez quatre enfants, mais moins jeunes que moi, et on s'aperçoit que les jeunes qui vivent, en tout cas, des conditions économiques qu'on relie souvent aux jeunes, ça s'étire. C'était 32, 35, 38, puis là on s'en va vers 40 ans. Donc, des gens qui ont été tellement longtemps dans ce genre de statut là qu'ils sont rendus à 40 ans puis les enfants sont de plus en plus vers les études du secondaire qui coûtent de plus en plus cher, d'ailleurs.

Je veux que vous nous parliez, vous en avez parlé un peu dans votre témoignage, mais plus précisément, c'est quoi, la réalité économique qui découle de ça: famille, banque, relations avec la banque, l'acquisition d'une propriété. Ça donne quoi quand on est, exemple, surnuméraire ou occasionnel ou tous les statuts de ce genre-là? Ça réagit comment, un banquier, ça fait quoi comme conditions économiques?

M. Constantin (Michel): Ça prend un endosseur, ce n'est pas plus compliqué que ça. Si tu n'as pas un endosseur, tu ne peux pas avoir une hypothèque avec le salaire que je gagne, avec quatre enfants.

M. Dumont: Donc, ça prend un endosseur; quand tu es un employé municipal pour la même ville depuis 10 ans puis que tu as 40 ans, ça te prend encore un endosseur.

M. Constantin (Michel): Exact. On a des travailleurs qui ont 60 ans, nous autres, puis qui attendent encore leur tour, et puis ils vivent cette situation-là depuis des années. Je veux dire, il y en a des beaucoup plus jeunes qui ont passé en avant d'eux autres tout simplement parce qu'ils avaient le bon poteau à l'intérieur de l'administration publique, parce que c'est un système de poteaux qu'il y a à l'intérieur de ville de Laval; c'est comme ça que ça se passe, et ça fait des années que c'est comme ça.

Vous êtes travailleur d'élections, c'est comme ça que vous rentrez à ville de Laval. Vous êtes membre du parti qui est au pouvoir, c'est comme ça que vous rentrez comme col bleu à ville de Laval. Vous ne rentrez pas avec votre curriculum vitae.

M. Bray (Patrick): Cette semaine, il y avait un employé permanent qui faisait les frais d'un reportage télévisé sur la gratuité à l'école et puis combien c'était cher faire rentrer ses enfants en début d'année scolaire lorsqu'il en avait trois. Il disait que ça lui coûtait au-dessus de 1 500 $ par année, il avait trois enfants. C'est un employé qui travaille chez nous, qui est un employé permanent.

Imaginez-vous un employé surnuméraire dont le salaire est baissé de 20 %, dont il n'a aucun avantages sociaux, qui a le même nombre d'enfants et puis une maison, aussi, à payer. C'est encore pire, c'est 20 fois plus difficile, donc 20 % plus difficile. Ça vous donne un peu un aperçu.

M. Dumont: Puis là on ne parle pas qu'il n'y a pas d'argent dans vos REER puis on ne parle pas de tout ce qui s'en vient, parce que, quand tu es rendu à 40 ans puis tu es supposé commencer à penser à un REER puis...

M. Constantin (Michel): On n'en a pas, de ça.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Je vous remercie pour ce témoignage en vous rappelant encore une fois que je vous incite à utiliser les recours que vous avez pour faire examiner, tout au moins, l'ensemble de cette question par les instances pertinentes. On vous remercie pour votre témoignage. On va suspendre deux minutes avant d'entendre le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 10 h 44)

(Reprise à 10 h 46)

Le Président (M. Sirros): Si vous voulez bien prendre place, on pourrait inviter le prochain groupe qui est le parti Élan Laval, et, en vous souhaitant la bienvenue, je vous demanderais de vous identifier. Les mêmes règles s'appliquent, une vingtaine de minutes de présentation suivie d'une quarantaine de minutes d'échanges. Alors, la parole vous appartient.


Parti Élan Laval

M. Lefebvre (Daniel): Mon nom est Daniel Lefebvre, je suis ingénieur, citoyen lavallois engagé, ex-candidat à la mairie aux dernières élections municipales et chef du parti Élan Laval qui a fait élire des conseillers dans l'administration lavalloise.

D'entrée de jeu, j'aimerais vous remercier de l'opportunité que vous me donnez de traiter d'un sujet qui fut, je dirais, quand même très important dans le débat électoral de la dernière année compte tenu qu'il était associé à une politique gouvernementale, je dirais, très médiatisée qui était celle d'une récupération de 500 000 $ dans le monde municipal, dont 6 % de la masse salariale globale des employés de la fonction publique municipale. Merci donc au gouvernement d'avoir permis cette commission.

Je remercie aussi M. Dumont d'avoir eu le courage d'engager ce débat. Je veux en profiter aussi pour féliciter mes voisins, des concitoyens lavallois qui ont eu le courage de venir témoigner, juste précédemment. C'est une réalité que je connais depuis longtemps, et je sais à quel point ça leur demande du courage et je sais à quel point les représailles qu'ils ont vécues et qu'ils vont vivre vont être importantes.

Vous savez, dans le fond, le débat sur les clauses orphelin, c'est avant tout un débat sur l'équité et la justice. Si je me présente à vous aujourd'hui, c'est parce que je considère que les gouvernements, qu'ils soient municipaux, provincial ou fédéral, sont un peu les gardiens de cette équité et cette justice. Vous administrez des fonds publics, vous administrez l'argent des contribuables et vous avez un devoir de vous assurer que socialement c'est fait de façon acceptable.

Comme chef d'entreprise – parce que je suis ingénieur, j'ai oeuvré longtemps dans le monde municipal, j'ai une entreprise d'une cinquantaine d'employés – j'ai donc une certaine, je dirais, expertise ou expérience avec la gestion de personnel. Je connais bien le monde municipal pour y avoir fourni des services et surtout je connais bien la situation lavalloise pour m'y être impliqué, comme je vous ai dit, à titre de candidat à la mairie et surtout pour avoir participé, je vous dirais bien malgré moi, à ce fameux débat sur la récupération de 500 000 $. Et là-dessus j'aimerais débuter par un bref historique.

Le phénomène des clauses orphelin, que, moi, j'appelle le phénomène des clauses discriminatoires, les cols bleus de Laval vous l'ont expliqué, chez nous ça date depuis 1992, ça a évidemment pris une ampleur, je dirais, disproportionnée tant à Laval que dans le monde municipal suite à la décision de M. Bouchard de récupérer 6 % de la masse salariale. À l'origine, il faut comprendre que la décision du premier ministre – puis ça ce n'est pas soulevé du tout dans le débat... si le premier ministre, un jour, a décidé, nous devons récupérer 6 % de la masse salariale, c'est qu'il y avait eu une étude ou un rapport d'étude de l'IRIR, l'Institut de recherche et d'information en rémunération, qui démontrait clairement que dans le monde municipal la rémunération globale était de 30 % supérieure à la fonction publique provinciale, 34 % au fédéral et, je pense, 20 % par rapport au secteur privé. Il y avait donc une marge de récupération importante.

(10 h 50)

Ce que l'on cherchait à faire, c'était de réduire les écarts entre fonctionnaires des différents gouvernements. Le motif était louable, justifié, et les citoyens comme payeurs de taxes étaient en droit de s'attendre à ce que ça fonctionne. Malheureusement – et M. Laframboise est venu hier, s'est dit impuissant de répondre adéquatement à la demande du gouvernement, ils n'ont pas eu les outils, supposément – ce qui s'est produit dans les faits, c'est que les mieux nantis, les fonctionnaires qui bénéficiaient de ce fameux écart, ont non seulement pas contribué à la récupération, mais ont accentué cet écart en obtenant des augmentations.

Cette récupération s'est faite où? Bien, elle s'est faite sur le dos de petits travailleurs surnuméraires temporaires, comme vous avez entendu précédemment, comme on vous en a fait le témoignage, et ça s'est fait aussi par une attrition de services dans la majorité des municipalités. Il ne faut pas se cacher, il y a eu des mises à la retraite grassement payées, des gens qui étaient grassement payés qui ont reçu des primes pour quitter, avec comme conséquence une diminution de services aux citoyens – diminution encore imperceptible mais diminution réelle.

En fait, le gouvernement a autorisé... À un moment donné l'objectif financier a primé sur l'objectif social; on a dit: Ça nous le prend, cet argent-là, alors même si les mieux nantis ne contribuent pas il faut que quelqu'un contribue. C'est un peu le témoignage que M. Laframboise vous a livré hier. Sauf que ce qui s'est passé, c'est que le gouvernement a récupéré l'argent, mais ce n'est pas ceux qu'on aurait voulu qui paient qui ont payé, et ça je pense que vous en êtes probablement maintenant convaincus.

Vous dites que ces gens-là qui ont contribué plus qu'ils n'auraient dû ont des droits face à la CSST ou face au Code du travail. C'est facile à dire, c'est beaucoup plus difficile à faire quand vous avez quatre bouches à nourrir puis que vous essayez de gagner votre pain puis de payer votre hypothèque. C'est beau d'avoir des lois, des règlements, mais encore faut-il pouvoir avoir les moyens de les exercer, ces droits-là, de se payer un avocat et d'affronter un ensemble de répressions et de moyens de pression dont ils vous ont seulement indiqué la pointe, là. C'était la pointe de l'iceberg, dans le fond, ce qu'ils subissent, et ce n'est certainement fini. Et je resouligne encore le courage qu'ils ont eu, puis j'espère que vous serez en moyen de les aider à se défendre.

Quant à la situation lavaloise, celle dont je veux vous parler parce que j'y ai été intimement lié, bien, c'est une récupération de 15 500 000 $, dont 8 000 000 $ en salaires sur une masse salariale de 132 000 000 $. Quand on regarde ce qui se passe puis qu'on regarde le niveau de dépense, dans une municipalité comme Laval, ce n'est quand même pas la fin du monde puis ça ne nécessite pas de mettre des gens dans une situation de précarité.

Je regarde ce qui s'est signé comme nouvelles conventions collectives, puis je vous dis, moi, j'ai eu, comme candidat à la mairie, à parler à – à peu près, je ne sais pas – 1 000 travailleurs de Laval lors d'une assemblée convoquée par une coalition syndicale. On a eu – excusez-moi l'expression – à montrer nos petites culottes puis à dire qu'est-ce qu'on voulait faire, puis ils nous ont posé les bonnes questions. Et ce que je vous livre aujourd'hui, c'est vraiment ce que j'ai déjà livré sans gêne aux syndicats, en disant: Voici les valeurs qu'on entend défendre si nous sommes portés au pouvoir puis voici aussi des valeurs qui, j'espère, seront partagées par le gouvernement provincial.

Conclusion des reconductions de conventions ou des renégociations de conventions – on va parler de la Société de transport de ville de Laval: augmentation de salaires chez les chauffeurs mais des mises à pied, supposément qu'il y aura un ajout de performance par une réorganisation du travail, mais encore rien n'est prouvé à ce sujet-là. Alliance du personnel professionnel et administratif, les cols blancs, une augmentation moyenne de 1,5 % par année sur, je pense, un contrat de quatre ans, mais des réductions de postes par des mises à la retraite grassement payées et, encore une fois, certaines clauses dites orphelin – des conditions touchant principalement les jeunes travailleurs, dans ce cas-là, les conditions à l'embauche. Chez les pompiers, augmentation moyenne de 1,5 % sur un contrat de cinq ans. Chez les policiers, encore une fois des augmentations de salaires mais la création d'une nouvelle classe de policiers, des policiers sans revolver, qui vont faire à peu près le même travail mais pour 21 000 $ à l'embauche, alors que c'est 31 000 $ – en fait, il y aura seulement les jeunes qui vont contribuer dans ce cas-là, les futurs policiers. Chez les cols bleus – je ne reviendrai pas sur le sujet, je pense qu'ils vous l'ont quand même bien expliqué – coupures de 20 % en 1992 mais augmentation de salaires chez les employés permanents, 40 heures payées pour 36 heures travaillées, promesses... une prime de 250 $, différents avantages sociaux. En fait, il est clair que ce ne sont pas les syndiqués permanents qui ont eu à subir les fameuses compressions exigées qui étaient de 8 000 000 $.

Ce que je pense primordial, autant au niveau provincial qu'au niveau municipal, c'est qu'il y a certaines valeurs qu'on va se devoir de mettre sur la table et de défendre. Première des choses, du moins dans le monde municipal, il est clair, et ça, je le reconnais, le monde municipal va devoir participer et participer réellement à l'assainissement des finances publiques mais pas en créant des iniquités et pas en créant une forme d'injustice. À la limite, ça peut quasi devenir une forme de chaos social. Le monde municipal va devoir participer. Le monde municipal va devoir aussi reconnaître – c'est aussi bon pour les autres niveaux de gouvernement – que l'effort des travailleurs doit être collectif, pas juste certains, pas juste les plus faibles.

Il va falloir par contre aussi reconnaître les règles du marché. Vous savez, pour moi, une clause discriminatoire, c'est une différence dans certaines conditions mais qui s'étend d'une façon quasi permanente. Que pour des raisons de marché, à un moment donné – je l'ai vécu comme employeur – je ne sais pas, moi, engager un ingénieur parce qu'il y en a beaucoup sur le marché, ça coûte moins cher, on en profite. Mais il y a des situations où ça coûte plus cher puis on paie pour. Prenez le cas de l'informatique présentement, le fameux bogue de l'an 2000, essayez de vous engager un informaticien, un petit jeune de 24 ans va vous coûter très cher.

Dans le fond, quand je regarde la fameuse discrimination, le jugement qui a été rendu sur l'équité salariale dans la fonction publique fédérale, j'aimerais qu'on me dise, dans le futur: Est-ce que par une rareté de secrétaires spécialisées, on n'en sera pas obligé de payer plus cher, donc ils feront dans le temps une forme de récupération. Je pense que les règles du marché, de temps en temps, c'est à l'avantage de un, puis arrive à un moment donné où c'est à son désavantage. Il faut le regarder sur une longue période de temps. Donc, pour moi la reconnaissance des règles du marché, c'est important. Puis il faut comprendre ça. Puis le niveau de plancher de salaire à l'embauche, ça peut varier. Mais la limite supérieure aussi peut varier.

Je pense qu'il est important de reconnaître l'égalité des chances quant à l'embauche, quant à la sécurité et quant à l'avancement. Je pense que le témoignage précédent a été très explicite là-dessus. Le népotisme... À un moment donné, il y a des limites au patronage; il y a peut-être du bon patronage, mais il y en a du très mauvais, et en quelque part il faut reconnaître que tous doivent avoir une chance à l'embauche, une chance égale, tous doivent bénéficier des mêmes avantages quant à la sécurité de leur emploi – sur une longue période, je dis bien – et quant aux possibilités d'avancement. Ça, ça veut dire, dans certains cas, l'accès à la formation. Parce que, un employé surnuméraire victime de clauses orphelin, qui veut atteindre un statut de permanent – et c'est bien légitime – en quelque part, pour faire le saut, il va devoir avoir de l'ancienneté mais aussi de l'expérience. Et on va devoir lui fournir cette expérience.

C'est bien évident que, si un jour un poste s'ouvre pour un conducteur de Zamboni, il va falloir qu'un employé surnuméraire temporaire ait pu prendre de l'expérience sur la Zamboni. Parce que, si on a pris un nouvel employé qui est un ami du pouvoir, qu'on l'a vite formé sur une Zamboni et qu'on ouvre le poste permanent, bien, l'employé de neuf ans va se retrouver encore occasionnel, n'aura pas de permanence, et c'est le nouveau à qui on a donné la formation qui va prendre le poste. Et ça, ça m'apparaît discriminatoire.

Par contre, je veux aussi reconnaître le droit à l'employeur de recourir à des employés occasionnels. Ce n'est pas une injustice que d'avoir des employés occasionnels, ce n'est pas illégal que de vouloir, j'appelle ça, écrêter les pointes. C'est sûr que, quand il arrive un surcroît de travail, il faut être capable d'y répondre. Et la notion d'employé occasionnel n'est pas une notion qui m'apparaît scandaleuse, loin de là. Sauf que de maintenir des gens volontairement dans une situation occasionnelle parce que ça nous avantage financièrement, il y a toujours des limites; là, on tombe dans la discrimination. Et, comme j'ai dit tantôt, bon, la reconnaissance de l'ancienneté...

Il y a aussi une reconnaissance dont je ne parle pas dans mon texte mais qui est aussi importante, c'est la reconnaissance du droit des employés publics de pouvoir compétitionner l'entreprise privée. Ça, ça veut dire qu'à un moment donné il va falloir établir les mécanismes où, exemple, des fonctionnaires municipaux – et ça, j'en avais parlé devant les employés; ils n'avaient pas nécessairement aimé ça – il va falloir leur donner les opportunités de pouvoir soumissionner sur certains travaux et de compétitionner l'entreprise privée tout en faisant partie du secteur public. C'est peut-être déjà une base, je dirais... cette compétition va peut-être amener un certain ajustement entre les différents statuts de travailleurs.

Compte tenu des volontés du gouvernement qui ne s'arrêteront pas j'en suis certain, parce qu'on va vouloir rajuster les fameux écarts salariaux qui sont soulevés par l'IRIR, il y aura d'autres rapports... Écoutez, les écarts dont je vous parlais avec la fonction publique municipale versus les autres fonctions publiques, ça n'a pas diminué, ça va juste augmenter. On va donc vivre encore d'autres débats à ce sujet-là. Le gouvernement, quant à moi, va devoir légiférer pour qu'on n'utilise pas des clauses discriminatoires pour arriver à ses fins.

(11 heures)

En fait, j'ai utilisé le texte de M. Dumont qu'il a soumis au gouvernement comme modification à l'article 62 du Code du travail. Je l'ai modifié un peu en disant: Il est contraire à l'ordre public et prohibée par la loi toute disposition d'une convention collective visant, après une date donnée, à attribuer à un salarié – là, je ne parle pas nécessairement d'un jeune, parce que, ça aussi, c'est une réalité; je veux dire, les clauses orphelin, ça n'affecte pas seulement les jeunes; en fait, ça affecte tous les travailleurs – des conditions de travail moindres que celles accordées aux autres salariés de cette catégorie, avant cette date, par la convention.» Ça, c'est le cadre général.

Par contre, la loi doit permettre le jeu du marché. Les conditions ne doivent pas être immuables, puis il faut être capable, à un moment donné, de faire les fameuses récupérations pour réduire ces écarts-là, sauf que ça va devoir se faire, je dirais, d'une façon civilisée. La façon dont, moi, je le vois, c'est: les clauses à la baisse ou à double palier, la création de doubles échelles, de doubles paliers, c'est acceptable, ça peut se créer dans une convention collective dans la mesure où aucun des membres inclus dans cette convention n'obtiendra davantage. On ne peut pas créer, on ne doit pas créer de double échelle ou de réduction alors que d'autres membres du même groupe bénéficient d'augmentations ou d'avantages quels qu'ils soient. Et ça, là, ça sera l'unique moyen. Je pense qu'à un moment donné on va avoir à le faire parce que, évidemment, pour faire les fameuses récupérations que je vous dis, elles vont devoir se faire, selon moi, par... Ça va être des conventions zéro augmentation pour les permanents. La récupération va se faire par le niveau du coût de la vie. Vous allez gagner 1,5 %, 2 % par année parce que augmentation de salaire zéro.

De créer ces doubles échelles, on peut dire que c'est acceptable, mais faut quand même mettre des balises, baliser tout ça. Moi, je dis: 20 % d'écart, c'est un maximum et ça doit pouvoir se récupérer. Ce n'est pas un 20 % qui doit être permanent. Il faut que, dans un laps de temps...

Dans notre parti politique, dans les discussions qu'on a eues avec les membres, on a toujours parlé, nous, d'un écart de 20 % avec 5 % de récupération. Je laisse le soin au législateur d'établir ce qu'est la justice, mais il y a une chose qui est importante, c'est qu'il doit y avoir des balises. La recommandation puis la démarche que je fais auprès de vous aujourd'hui ne vont pas seulement dans le sens de protéger des travailleurs victimes de clauses orphelin, ça va surtout dans le sens de protéger, je vous dirais, les citoyens face à des inéquités qui engendrent à la fois certains conflits sociaux, mais à la fois, pour le citoyen payeur de taxes, une perte de services, une perte de confiance dans ses institutions. Je pense que, comme gardien, comme je disais, de la justice et de l'équité, vous avez le devoir de faire en sorte que le citoyen garde sa confiance et de dicter par l'exemple ce que sont les balises de justice et d'équité.

C'est le coeur de mon mémoire, puis je vous invite à me poser des questions pour qu'on puisse explorer ça plus à fond.

Le Président (M. Sirros): Effectivement, on vous remercie pour cette présentation-là. M. le ministre.

M. Rioux: Merci, M. le Président. M. Lefebvre, on est heureux de vous accueillir. De temps en temps, c'est bon d'avoir le son de cloche de l'opposition dans le domaine municipal. On a entendu l'Union des municipalités, hier, qui nous a donné son point de vue. Excellente présentation, comme tous les gens qui sont venus ici, d'ailleurs, ont fait de très bonnes présentations.

Vous avez entendu les gens qui sont intervenus avant vous.

M. Lefebvre (Daniel): Oui.

M. Rioux: C'est la même ville, ça vient de chez vous, ça. Ce n'était pas une heure de gloire pour Laval, hein, ce qu'on a entendu, si tout ça est fondé et vrai, parce que les gens qui sont venus témoigner avaient l'air de gens sincères et savaient de quoi ils parlaient. Ils sont victimes dans une ville... On ne peut pas dire que Laval, c'est la ville la plus pauvre du Québec.

M. Lefebvre (Daniel): Loin de là.

M. Rioux: C'est une ville en situation financière quand même correcte. Vous avez des conseillers qui siégeaient au conseil.

M. Lefebvre (Daniel): Oui.

M. Rioux: On ne les a pas entendus beaucoup déchirer leur chemise sur la place publique pour défendre...

M. Lefebvre (Daniel): Bien, je vous dirai que toutes ces conventions ont été signées avant les élections. Toutes ces ententes-là ont eu lieu avant novembre de l'année dernière. Je ne vous cacherai pas que, par contre, ce qui est en train de se produire et les informations que livrent publiquement les cols bleus nous ont amenés à se prononcer, au conseil. C'est un processus...

M. Rioux: Donc, vous étiez au courant de ce dont les cols bleus sont venus nous parler tout à l'heure.

M. Lefebvre (Daniel): Oui. D'ailleurs, les cols bleus faisaient partie de la fameuse coalition qu'il m'a été permis de rencontrer en assemblée publique. Malheureusement, à cette assemblée, il y a eu une entente entre le syndicat, et les cols bleus, et la ville de Laval quelques jours avant cette fameuse manifestation qui avait eu lieu à Laval. Donc, quand j'ai fait mon exposé sur quelles étaient mes valeurs ou qu'est-ce qu'on entendait faire si on était portés au pouvoir, ils n'étaient pas là. La ville, je vous dirais, s'était acheté une entente, une entente qu'elle ne respecte pas, soit dit en passant. En fait, le gros de la promesse, c'était la fameuse embauche de 41 surnuméraires qui allaient devenir permanents.

M. Rioux: Oui. M. Lefebvre, est-ce que la ville de Laval fait toujours gérer ses relations de travail avec un contrat de professionnels?

M. Lefebvre (Daniel): Oui, une firme privée à l'embauche à temps plein. Oui, oui, oui. En fait, une firme qui, quant à moi, est devenue quasi directeur général de ville de Laval parce que non seulement cette firme-là fait les négociations, mais qu'en plus elle...

M. Rioux: Elle gère les conventions.

M. Lefebvre (Daniel): ...fait la gérance du Service du personnel. Ça fait que, dans le fond, elle a un droit sur toute la fameuse réingénierie des services municipaux. Elle peut déplacer des directeurs, déplacer du monde. En plus, elle négocie les conventions collectives, elle reçoit les griefs. En fait, là, elle est très puissante.

M. Rioux: Avez-vous l'intention de dénoncer publiquement le fait qu'un monsieur comme celui qui est venu s'exprimer devant nous a été congédié, selon ce qu'il nous a dit? Il a été congédié à cause du fait qu'il est venu témoigner devant la commission.

M. Lefebvre (Daniel): Tout à fait, mais je peux vous dire qu'on l'a déjà fait. Ça n'a pas pris d'ampleur dans les médias. Écoutez, nous ne sommes qu'un petit parti d'opposition. La presse aime bien parler aux gens de pouvoir. Mais nous l'avons déjà fait, puis je peux vous assurer que je l'appuie, ce qui ne veut pas dire que je veux tout donner, puis donner la permanence à tout le monde, puis amener un plancher d'emploi, puis je pense que j'ai été clair. Puis, sur certains points, on partage certaines vues; sur d'autres, ce n'est pas nécessairement la même chose. Mais, dans l'ensemble, je pense que les notions de justice et d'équité, c'est une base, puis là-dessus on s'entend. On est loin de l'équité et de la justice, puis c'est quand même assez surprenant, pour une ville comme Laval, en 1998, de voir cette forme subtile, je dirais, de répression face à des travailleurs.

M. Rioux: M. Lefebvre, votre mémoire fait état de valeurs à mettre de l'avant pour assurer la paix sociale, pour faire en sorte qu'il y ait un peu plus d'équité entre les groupes de travailleurs, etc., dans les municipalités, ce qui n'a pas été le cas dans les dernières négociations à Laval, disiez-vous. Mais, dans ce contexte-là, j'aimerais que vous nous expliquiez votre recommandation – je pense que c'est la recommandation 2 – où vous limitez à 20 % les écarts salariaux dans certains secteurs pour une période de cinq ans. Me semble qu'elle est dure à avaler et contraire aux principes que vous défendiez un petit peu plus haut.

M. Lefebvre (Daniel): Non, au contraire. Je dis: Bon, le premier grand principe, disons, c'est: il est interdit de créer des clauses discriminatoires, sauf... Et c'est là qu'on prend le point 2. Parce que, à un moment donné, à cause des règles du marché, il faut s'attendre à ce que certains niveaux de salaire dans le temps fluctuent. Si on veut créer des conditions à la baisse sur des salaires, tous les membres de l'entité syndicale vont devoir participer. Autrement dit, ce que je veux dire, c'est que je ne peux pas, exemple, aux surnuméraires à ville de Laval, leur imposer une baisse de salaire et, en même temps, aux permanents qui font le même travail, qui sont dans la même entité syndicale, leur donner une augmentation. Je dis: C'est acceptable si personne n'a d'augmentation, nous allons pouvoir créer les fameuses clauses à double palier.

En fait, c'est qu'il y a une contribution de tout le monde. Tout le monde va soit diminuer... On peut dire: Les permanents vont rester à zéro ou vont diminuer de 0,5 %, puis les occasionnels peuvent diminuer un peu plus ou un peu moins. Autrement dit, il peut y avoir un mouvement entre différents travailleurs dans la mesure où tout le monde est en train de contribuer. Ce que je veux absolument exclure et proscrire, c'est que l'on prenne à l'un pour donner à l'autre. Si c'est dans le but d'assainir les finances publiques puis qu'on veut diminuer la masse salariale pour diminuer le fardeau fiscal des contribuables, faut que tout le monde contribue. Mais il n'est pas vrai que la contribution qu'on va demander doit se faire pour payer un peu plus un autre travailleur. Ça, c'est immoral, c'est discriminatoire, puis c'est ça que je vais interdire.

Là, on parle de 20 %. Moi, je dis: L'écart qui m'apparaît raisonnable – puis, encore là, on pourrait discuter longtemps sur le chiffre, «c'est-u» 20 %, «c'est-u» 21 %, «c'est-u» 22 %, «c'est-u» 30 % – il est clair qu'on doit limiter cet écart-là entre les travailleurs. Un même policier qui entre doit-il avoir 33 % d'écart avec son confrère qui est rentré quelques mois plus tôt, mais qui n'est pas sur la même condition? Est-ce que 33 %, ce n'est pas beaucoup? Je vous laisse le soin de fixer les balises, mais, je dis, il doit y avoir des balises.

(11 h 10)

A priori, là, si des clauses orphelin, c'est pour avantager une catégorie de travailleurs parce que, dans le fond, ça favorise le syndicat qui va conserver l'adhésion de ses membres, je dis: Non, faut arrêter ça. Je dis: Comme entrepreneur mais aussi comme chef de parti, puis comme citoyen lavallois, puis comme contribuable, oui, il va falloir avoir le courage, un jour, de regarder à la baisse. Je pense que le candidat à la mairie de Montréal en parle déjà. Celui qui a créé les planchers d'emploi, M. Doré, parle déjà de revoir certaines conventions. Je pense que oui, pour rétablir l'équité entre les différentes classes de travailleurs. Parce que c'est beau de parler de l'inéquité à Laval dans la fonction publique, entre autres chez les cols bleus, mais un de vos employés de l'Assemblée nationale pourrait bien dire, à un moment donné: Oui, mais celui qui fait le même emploi à l'Hôtel de Ville de ville de Laval, il gagne 35 % plus cher. Il aurait le droit de se plaindre, lui aussi.

Moi, j'ai compris dans la démarche de M. Bouchard, quand il a parlé de la récupération, qu'il voulait justement diminuer ces écarts entre les différentes fonctions publiques pour un même emploi, et ça va devoir se faire, selon moi, mais ça doit se faire d'une façon civilisée: contribution de tous.

M. Rioux: Est-ce que votre parti, Élan Laval, a pris position lorsqu'on a créé la nouvelle catégorie de policiers, ce que vous avez appelé des policiers sans revolver? Ça, c'est une création lavalloise.

M. Lefebvre (Daniel): Oui, c'est une création lavalloise.

M. Rioux: L'avez-vous dénoncé, ça?

M. Lefebvre (Daniel): Écoutez, oui, on l'a dénoncé. En fait, dans la mesure de nos moyens et de la couverture qu'on veut bien nous donner, on dénonce, comme je le fais aujourd'hui, toutes ces formes d'inéquité où on va chercher chez les jeunes, les futurs employés, où c'est les employés à statut précaire, des sommes d'argent qui, dans le fond, ne servent qu'à financer d'autres... le mot «abus» est fort, là, mais d'autres salariés qui sont déjà grassement rémunérés.

Écoutez, quand, à ville de Laval, le Service d'urbanisme dans une ville en pleine croissance... En 1992, au Service d'urbanisme, il y avait 92 employés, si ma mémoire est fidèle. Non, 80 employés. En 1992, 80 employés. Et, en 1999, il n'y en aura plus que 40, soit la moitié. Il y a eu des mises à la retraite avec des primes de séparation intéressantes sans pour autant qu'il y ait de réorganisation du travail. En quelque part, c'est le citoyen, en services, qui va payer pour ça. Là, il n'y a pas vraiment de clauses dites orphelin, mais il y a un citoyen qui va se trouver, avec le même compte de taxes qu'il paie, en manque de services.

M. Rioux: M. Lefebvre, vous modifiez un peu l'amendement que voulait apporter le député de Rivière-du-Loup au Code du travail en y ajoutant quelques éléments. Donc, on a bien compris que c'est le Code du travail que vous privilégiez.

M. Lefebvre (Daniel): Oui.

M. Rioux: Bon, ça m'amène à vous poser ma dernière question: Selon vous, à chaque fois qu'on crée une nouvelle catégorie d'emploi, est-ce que ça représente ou c'est l'équivalent d'une clause orphelin?

M. Lefebvre (Daniel): C'est parce que, dans le fond, ce n'est pas tellement la catégorie ou le nom qu'on lui donne, c'est la tâche. En quelque part, il faut être capable de... Ça va être plus facilement contrôlable dans le domaine syndical où il y a des négociations, puis des écrits, et des choses très bien établies. Créer des catégories ou changer de nom, si on fait la même tâche, je fais partie de ceux qui disent: À travail égal, salaire égal. Du moins, à un certain moment, on doit tendre vers cette forme d'équité.

Au début, comme je disais, parce que vous n'avez pas l'expérience, parce que vous commencez, parce que la situation du marché détermine certains critères, vous pouvez commencer avec un salaire plus bas, mais vous devez pouvoir le rejoindre. Moi, je parle de cinq ans. Ça peut être tout autre, mais vous pouvez le rejoindre. Vous ne pourrez pas accepter qu'un simple changement de nom permette une différence de conditions de travail quand le travail, dans le fond, dans la réalité, est le même. Il est facile pour vous, comme gouvernement, de contrôler cette portion quand elle est encadrée par un syndicat, une convention collective avec syndicat. Par contre, c'est beaucoup plus difficile chez les vrais, vrais employés précaires, là, les employés du secteur privé qui ne sont pas regroupés sous une entité. Ça, ça va être très difficile à superviser, mais je ne suis pas d'accord avec ça.

M. Rioux: Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député de Drummond.

M. Jutras: Moi aussi, dans un premier temps, je voudrais vous inviter... Vous avez assisté au témoignage, avant vous, de M. Constantin. Si c'est exact, ce qui se passe à Laval, et si c'est exact qu'il a été congédié parce qu'il venait déposer un mémoire ici, c'est tout à fait inacceptable. En tout cas, je vous invite, comme parti d'opposition à Laval, à garder un oeil là-dessus puis à aller au fond de cette affaire-là parce que, je vais vous dire, je trouve ça scandaleux que, dans une société comme la nôtre, on vive encore des situations comme celle-là. Remarquez que ce n'est pas la seule, il y en a d'autres, mais, en tout cas, je vous demande d'avoir l'oeil là-dessus et le bon. Ça, c'est dans un premier temps.

Dans un deuxième temps, ce qu'on constate, au cours de la présente commission parlementaire – et c'est un problème, de toute façon, qui est là – dans le domaine des relations de travail, c'est le statut des occasionnels, c'est le statut des gens qui ne peuvent pas acquérir de permanence parce que l'employeur, quand quelqu'un est sur le bord d'obtenir sa permanence, il le remercie, de sorte qu'il évite de donner la permanence à cet individu-là avec toutes les conditions qui se rattachent à ça. L'employeur, on le comprend, il dit: Ça va me coûter plus cher, le lien d'emploi va être très serré, je ne pourrai pas me défaire de cet individu-là ou très difficilement, etc. Par contre, bien, l'employé, lui, est toujours un pied dans la porte, en quelque sorte, il recommence toujours à zéro.

C'est quoi, la solution? Vous êtes-vous penché là-dessus et avez vous quelque chose à nous proposer? Vous dites, à un moment donné, dans votre mémoire – et je vous réfère à la page 14: «Le statut d'occasionnel ou de permanent ne peut être considéré comme une distinction quant à la nature de l'emploi.» Je voudrais peut-être que vous expliquiez ça un peu davantage puis que vous me disiez si vous avez une solution par rapport au problème que je vous expose.

M. Lefebvre (Daniel): Oui. Dans le fond, je vous dirais, concernant ce qui se produit présentement à ville de Laval, vous avez entendu des cols bleus vous dire: Je suis un occasionnel, je suis à l'emploi de ville de Laval depuis neuf ans, depuis 12 ans; c'est de l'ancienneté, ça, on a cumulé le temps. En fait, j'écoutais, hier – justement, il y a eu un dépôt de mémoire – des journalistes qui disaient: Je fais 150 jours, on me met à pied, je recommence à zéro. En fait, il ne faut pas recommencer à zéro. C'est une expérience, c'est un lien avec l'employeur qui est cumulative. Et là on dit: À un moment donné, quand il y a des postes permanents d'ouverts, en priorité – je le dis dans mon mémoire – ces postes-là doivent être disponibles pour des gens qui ont de l'ancienneté.

Il est clair aussi qu'il y a un facteur expertise qui doit entrer en ligne de compte. On ne peut prendre un employé permanent, je ne sais pas, moi, comme soudeur... Même si ça fait neuf ans, s'il n'a aucune expérience, bien, là... Sauf que j'ajoute: Durant neuf ans, il est du devoir de l'employeur de fournir l'encadrement et la formation. Le fait d'être occasionnel pendant neuf ans, si ça répond à des conditions de marché, ce n'est pas grave, mais je dis que la différence salariale, elle, elle doit, à un moment donné, cesser. Vous pouvez avoir un écart de 20 %, mais ça doit se récupérer en cinq ans. L'employé aurait un statut d'occasionnel, ne serait pas encore considéré permanent, mais, selon ma vision des choses, il aurait les mêmes avantages qu'un permanent; et, quand un poste permanent serait ouvert, il ferait le saut comme permanent. Mais ça ne changerait rien dans ses conditions d'emploi. Je ne sais pas si je suis assez explicite. Selon moi, d'engager et de désengager ne ramène pas le compteur à zéro, là; c'est cumulatif, tout ça.

M. Jutras: Alors, autrement dit, comme l'exemple que vous donnez, l'employé qui compte neuf ans de travail, bien, il serait payé comme un employé qui a neuf ans de travail.

M. Lefebvre (Daniel): Tout à fait.

M. Jutras: Et, si, par exemple, la permanence, je ne sais pas, selon la convention collective en question, s'acquiert au bout de deux ans, qu'est-ce que vous faites avec ça?

M. Lefebvre (Daniel): L'acquisition de permanence, là, vous me parlez quasiment d'un plancher d'emploi. Moi, je ne veux pas mettre de balises, je veux laisser les règles du marché agir. Est-ce qu'il y aura, pour des besoins x, par un changement technologique, besoin de tant d'employés de plus ou de moins? Dans le fond, les occasionnels sont un peu – excusez le terme anglais – un «buffer», on s'ajuste avec ça, sauf que, à un moment donné, quand l'élu ou le conseil de ville décide qu'il a besoin d'un permanent, bien, je veux qu'il aille chez les occasionnels en priorité, et que l'ancienneté soit prise en compte, puis qu'on n'essaie pas de déjouer ça par la fameuse expertise. C'est le cas présentement, là. C'est ce qu'ils ont tenté de vous expliquer. Je ne sais pas si vous l'avez bien saisi.

M. Jutras: Oui, oui.

M. Lefebvre (Daniel): Il y a des cas patents où des employés qui ont été surnuméraires pendant un an ont eu un emploi permanent. À titre d'exemple, on fait conduire la Zamboni pendant quatre mois par un employé, il acquiert l'expérience, on ouvre un poste de permanent conducteur de Zamboni; bien, c'est l'employé qui a fait son quatre mois. Puis un autre employé peut avoir été à l'emploi de ville de Laval comme occasionnel pendant neuf ans, mais il n'a jamais touché à une Zamboni; bien, il n'a pas le poste. Ce n'est pas juste.

M. Jutras: Oui, oui. C'est ça, on voit qu'un poste s'en vient, alors on prépare ça puis on fait travailler la personne en question...

(11 h 20)

M. Lefebvre (Daniel): C'est la manière de détourner le règlement. Faut donc un petit peu resserrer le cadre, empêcher ce genre de petit truc là. En fait, ce qui s'est produit, c'est que, à un moment donné, la création et la multiplication de postes occasionnels, ça a été la création, je vous dirais, d'un pipeline pour permettre à ceux que l'on veut bien d'entrer dans la fonction publique et d'acquérir un poste de permanent.

Le Président (M. Sirros): Ça va, M. le député?

M. Jutras: Est-ce que j'ai encore du temps?

Le Président (M. Sirros): Très peu, M. le député, quelques secondes.

M. Jutras: O.K. Rapidement, là, je vois que votre mémoire est surtout conçu en fonction des clauses orphelin dans les conventions collectives. Je comprends que, dans le milieu municipal, effectivement, la syndicalisation y est forte, mais se pose la question, pour nous, d'étendre... Le législateur intervenant dans ce domaine-là, se présente la possibilité de défendre les clauses orphelin non seulement dans les conventions collectives, mais aussi partout ailleurs pour protéger les gens qui ne sont pas syndiqués. Qu'est-ce que vous dites de ça? À ce moment-là, pour nous autres, le biais qui se présente, le moyen qui se présente, ce serait par la Loi sur les normes du travail et non pas seulement en vertu du Code du travail. Qu'est-ce que vous dites de ça?

M. Lefebvre (Daniel): Bien, il va falloir que ça procède par des normes, effectivement, parce que, dans le fond, dans les cas d'entreprises privées, le cas que vous me soulevez là, il n'y a pas d'écrit. Concernant les réelles conditions d'embauche dans le privé, dans bien des entreprises, du moins, pour les employés précaires, il n'y a rien de vraiment écrit. En quelque part, vous allez devoir, je vous dirais, écrire une convention de base type. À moins que je me trompe, là, ce sont les normes du travail, là. Mais vous allez devoir créer, je dirais, le bail d'embauche type, et c'est souhaitable.

M. Jutras: Bien, je ne pense pas qu'on...

Le Président (M. Sirros): M. le député, malheureusement les secondes sont écoulées.

M. Jutras: ...soit obligé d'aller jusque-là, mais, en tout cas, on en reparlera. Ha, ha, ha!

M. Lefebvre (Daniel): Non?

M. Jutras: Non.

Le Président (M. Sirros): Alors, il va falloir que je donne la parole au député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Jutras: Oui, oui, je comprends.

M. Béchard: Merci, M. le Président. Ça fait toujours rire quand j'entends les gens de l'autre côté, ils ont toujours l'air sensibles aux clauses orphelin, puis, mon Dieu! puis là c'est rendu: Qu'est-ce que c'est? Lisez le projet de loi n° 414, vous allez voir ce que c'est, une convention collective de base avec une clause orphelin. Puis, par hasard, par grand hasard – parce qu'il n'y a personne qui a l'air de s'en souvenir – c'est Lucien Bouchard puis son gouvernement qui ont fait ça, puis vous le mentionnez avec beaucoup de précision.

Est-ce que vous étiez là, hier, ou si vous avez entendu ou vous avez vu le témoignage de M. Laframboise? Je pense que vous en avez parlé.

M. Lefebvre (Daniel): Je l'ai entendu à la radio. J'ai entendu des bribes à la radio.

M. Béchard: Je ne sais pas si vous avez entendu le bout où il a déclaré que, finalement, les clauses orphelin qu'on retrouve dans le projet de loi n° 414, ce n'est pas eux qui les avaient demandées puis ce n'est pas les syndicats non plus qui les avaient demandées, c'était le gouvernement qui les leur avait imposées. Parce que, dans le projet de loi n° 414, non seulement on donne la possibilité de faire une clause orphelin – ça, c'est une chose – mais on interdit de réduire le salaire des gens ou de toucher aux avantages des gens. On peut les augmenter mais pas les réduire pour taper sur les dos des jeunes, entre autres, et des nouveaux arrivants. Est-ce que vous avez entendu ce bout-là? Est-ce que vous croyez à cette version-là de M. Laframboise? Parce que vous avez été...

M. Lefebvre (Daniel): Je l'ai entendu, ça a été couvert à la radio et ce fut pour moi une surprise. J'en avais entendu parler lorsque l'UMQ avait demandé au gouvernement de légiférer pour l'aider à régler les litiges avec les syndicats parce qu'il y avait plusieurs municipalités dont les conventions n'avaient pas été renégociées et qui n'avaient pas encore été capables de rencontrer l'objectif de 6 %. Je vais être franc avec vous, je ne pensais pas qu'il y avait eu loi et qu'il y avait eu une législation à ce sujet-là; je pensais que ça s'était réglé un peu comme sous la pression. À un moment donné, là, oups! tout le monde avait fini par s'entendre. Ce fut une surprise pour moi d'entendre qu'il avait été clairement spécifié qu'on ne pouvait pas réduire les conditions. Écoutez, si on ne pouvait pas réduire les conditions des permanents, on le prenait, où l'argent? Mais je ne voudrais pas me prononcer. Est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est faux? Ha, ha, ha!

M. Béchard: Non, non, non. Moi non plus. On me l'a mentionné, et ça, on prend sa parole.

M. Lefebvre (Daniel): Je vous dis juste que j'ai été très surpris, comme vous.

M. Béchard: On verra ce que les autres gens vont dire, mais c'est quand même assez loufoque de voir, d'un côté, un gouvernement, aujourd'hui, qui est tout sensible puis Lucien Bouchard qui s'engage dans le journal, les larmes aux yeux, quand eux autres mêmes l'ont imposé.

Vous avez fait campagne au niveau municipal puis vous êtes encore chef, donc vous aspirez encore à faire de la politique municipale. Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est une drôle d'entrave à l'autonomie et à la démocratie municipale, des mesures comme ça où t'as un gouvernement qui arrive avec sa masse puis qui dit: Voici, peu importe les solutions que vous amenez... Parce que vous en amenez, des solutions dans votre mémoire, vous en amenez d'autres, alternatives, puis on va y revenir. Mais, juste là-dessus, là, comment vous trouvez ça, face à votre goût de faire de la politique municipale, des comportements comme ça?

M. Lefebvre (Daniel): Bien, je trouve que certains élus n'ont pas eu le courage d'affronter le syndicat. En fait, je vous dirais que, d'une façon quasi générale dans le monde municipal, on n'a pas eu le courage d'affronter les syndicats et que les clauses orphelin résultent d'une forme d'abdication à la menace de grève ou à la menace de... Le syndicat ne voulait pas perdre ses membres et perdre son accréditation. La ville, elle, ne veut pas avoir de grève parce que les élus veulent se faire évidemment réélire. En fait, chacun a acheté la paix à sa façon, et ça s'est fait sur le dos des petits, et ça, ça me choque.

Moi, j'étais en campagne électorale, je me suis prononcé devant les employés, je leur ai dit qu'il n'était pas question que je fasse ça parce que socialement je dis – puis je le dis dans mon mémoire: Le monde municipal doit participer à l'assainissement des finances publiques, et tous les travailleurs doivent aussi y participer. Il n'y en a pas qui doivent y participer plus puis d'autres moins, là, puis c'est ça qu'on négocie. Ça fait que, pour moi, ça m'apparaît, comme à vous, tout à fait loufoque de dire: Bien, ceux-là, ils n'ont pas le droit de toucher à leurs conditions de salaire.

Écoutez, moi, la mémoire que j'ai des événements, c'est qu'à un moment donné ce rapport-là a fait du chemin dans le gouvernement, puis on a décidé qu'il était temps, dans le monde municipal, de récupérer 6 %. Il ne fallait pas donner des augmentations à ceux qui sont les mieux nantis dans ça. À quelque part, le besoin d'argent a pris le dessus sur l'objectif premier qui était louable, et explicable, et justifiable et dans lequel j'avais publiquement pris l'engagement de m'y engager.

M. Béchard: Oui. Effectivement, juste pour finir là-dessus, quand on parle d'engagement, il ne faut pas oublier qu'au Sommet socioéconomique il y a le premier ministre qui a dit: Bien, écoutez, tout le monde va participer, puis il n'y aura rien qui va se faire sur le dos des jeunes, et tout ça. Ils ont peut-être coupé un petit bout de sa phrase qui disait «sauf les mieux nantis». Eux autres, on va les laisser au niveau... On ne touchera pas à ça, puis on va le mettre dans une loi plus tard.

Il y a un autre point sur lequel je voulais échanger avec vous, c'est sur vos recommandations. J'ai l'impression que vous êtes contre les clauses orphelin, mais que vous êtes pour si elles sont temporaires.

M. Lefebvre (Daniel): Ça, moi, une clause orphelin temporaire, j'appelle ça une règle du marché, j'appelle ça de répondre à des considérations économiques, comme tout chef d'entreprise, et ça existe, puis je vous parlais du cas de l'informatique. Essayez de vous engager un informaticien qui est spécialisé dans le logiciel un tel sur le bogue de l'an 2000; vous allez voir comment il coûte. Il n'y en a pas sur le marché. Mais, tantôt, quand l'an 2000 va être passé, là il va y en avoir beaucoup de disponibles. Ils vont coûter pas mal moins cher. C'est ça, les règles du marché. Puis, en quelque part, comme travailleur et comme employeur, de temps en temps, vous gagnez, de temps en temps, vous perdez. Qu'il y ait des clauses à double... En fait, une clause à double palier n'est pas nécessairement discriminatoire et, selon moi, ne peut pas avoir le vocable «orphelin», n'affecte pas un travailleur, n'en fait pas un orphelin nécessairement. Comprenez-vous ma...

M. Béchard: Oui, c'est ça, à moins qu'elle ait un effet dans le temps qui dure.

M. Lefebvre (Daniel): À moins qu'elle soit permanente et qu'on l'utilise de façon à créer un avantage permanent indu; dans le fond, à créer du «cheap labor».

M. Béchard: Sauf qu'il y a un danger, c'est-à-dire que, à partir du moment où, comme dans votre proposition, vous dites: Il peut y en avoir une si on n'augmente pas puis si on ne s'en sert pas pour augmenter les mieux nantis, d'un autre côté, la clause orphelin... L'écart ne doit pas excéder 20 % puis se récupérer sur cinq ans, sauf que cet effet de cet écart-là, ils ne le récupéreront jamais.

M. Lefebvre (Daniel): Oui. À un moment donné, ceux qui sont en haut vont prendre leur retraite. Et, dans les cinq dernières années de leur carrière, qu'est-ce qui vous dit qu'ils ne gagneront pas 50 % de plus que le salaire de leurs prédécesseurs quelques années auparavant? Si vous le regardez sur les revenus d'une vie ou la capacité d'achat sur une vie, tu sais, comme je vous dis, il y a des plus et il y a des moins. Au début, vous partez plus bas, mais il n'y a rien qui nous garantit qu'à la fin vous ne finirez pas plus haut, et ça, il faut accepter ça. On ne peut pas dire: Tout le monde va être égal tout le temps, tout le temps, tout le temps, là, ou dire: Un policier est engagé à 31 000 $ à ville de Laval en 1993; compte tenu de l'indice du coût de la vie, le 31 000 $ est rendu, je ne sais pas, à 35 000 $, il faut absolument l'engager à 35 000 $. Si j'en ai 200 qui sont à la porte pour se faire engager puis si je suis capable d'en avoir un pour 30 000 $, je vais payer 30 000 $. Mais, tantôt, quand il n'y en aura plus puis que le gars sera sur une échelle de 60 000 $, je vais peut-être être obligé de le payer 70 000 $ parce que, là, il y aura une rareté. C'est ça, dans le fond. On est dans une société où les règles du marché, dans le fond, c'est une valeur fondamentale un peu de notre économie et de notre système. Je crois à ça, puis faut respecter ça, sauf qu'il ne faut pas abuser des petits.

M. Béchard: Pour vraiment aller au bout du raisonnement, pour éviter qu'il y ait des effets, faudrait prévoir aussi dans vos propositions qu'à un moment donné cet écart-là, au début, se récupère quelque part, parce que, sans ça, l'effet va rester le même. D'accord que c'est très compliqué, mais, si je suis votre raisonnement, bien, c'est ça. Donc, il y a un peu un problème là-dessus.

Dernière question avant de passer la parole à mon collègue, par votre intermédiaire, M. le Président, bien sûr.

M. Cherry: Ha, ha, ha! Merci.

(11 h 30)

M. Béchard: Je ne veux surtout pas vous offenser. Vous y allez sur une législation sur le Code du travail, basé là-dessus, et vous avez sûrement entendu les gens qui vous ont précédés dire à quel point, dans le Code du travail, pour eux, ce n'est pas vraiment la meilleure solution. Ils sont complètement oubliés par ce type de législation. Pour vous, est-ce que le témoignage que vous avez entendu avant, si vous l'avez entendu, vous a fait réfléchir un petit peu sur le sens à apporter, qu'on devrait y aller plutôt ailleurs dans une autre forme de législation pour être sûr de n'oublier personne?

M. Lefebvre (Daniel): Moi, je vous dirai que ça ne me dérange pas. Est-ce que c'est des normes? Est-ce que c'est le Code du travail? Quelle que soit la méthode, c'est l'objectif qui prime. Vous devez vous assurer que les travailleurs qui seront lésés aient réellement un recours. C'est facile de dire: Bon, ils ne vous a pas donné vos bottes, allez vous plaindre à la CSST. Il fait quoi, le père de famille qui a quatre enfants à nourrir puis qui a une maison à payer? Il s'adresse à qui? Puis il paie ça comment? Puis il prend ça sur quel temps s'il n'est pas capable de prendre un après-midi de congé sans se faire mettre à pied? C'est ce qu'on vous a dit. Il a été congédié. Neuf ans de service, une demi-journée malade, congédié. Qu'est-ce qu'il fait pour utiliser les fameux recours que vous me dites qu'il a?

C'est là-dessus que vous devez vous pencher. C'est beau de les écrire et de dire qu'ils ont des recours, mais, dans la vraie vie, les ont-ils réellement? Et ça, il faut se questionner. Ça fait que, pour moi, que vous procédiez par... Vous êtes les législateurs. On vous a élus pour ça. Prenez la bonne méthode, mais, s'il vous plaît, protégez certaines valeurs fondamentales et assurez-vous que les gens ont un droit de protection accessible.

M. Béchard: O.K. Donc, pour vous, le type de législation est plus ou moins important. Ce qui compte, c'est d'avoir un bon mécanisme, de bons recours suivant votre principe de clause orphelin si c'est à temps partiel.

M. Lefebvre (Daniel): Atteindre l'objectif et s'assurer que les travailleurs puissent avoir un recours et se protéger, que ça ne soit pas une loi un peu hermétique qui donne certains droits aux travailleurs, mais, en fait, impossibles à utiliser.

M. Béchard: O.K. Ça va. Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci. Comme c'est votre désir de passer la parole à votre collègue de Saint-Laurent et le sien de le prendre, je lui passe cette parole, M. le député.

M. Cherry: Je vous remercie conjointement, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Parfait.

M. Cherry: Deux aspects. Vous avez invoqué dans votre témoignage que, à l'origine, la volonté exprimée par le premier ministre du Québec, c'était de faire participer les gens qui oeuvrent dans le secteur municipal parce qu'une étude de l'Institut de recherche en rémunération avait confirmé que l'écart favorisait ces gens-là, dans certains cas, soit de 27 % ou de 30 % par rapport à d'autres travailleurs dans le secteur public et même comparativement au secteur privé. Et les propos du premier ministre avaient été à l'époque: Il faut que tout le monde contribue. On venait de finir la ronde dans les hôpitaux puis dans l'éducation. Là, il fallait que tout le monde contribue. Donc, tout le monde a compris que les gens qui étaient visés puis qui devaient contribuer étaient ceux qui bénéficiaient déjà du 30 % de plus que les autres.

M. Lefebvre (Daniel): C'est clair.

M. Cherry: Mais là ce que vous avez découvert en suivant les audiences puis dans la loi n° 414...

M. Lefebvre (Daniel): En regardant ce qui s'est passé à ville de Laval.

M. Cherry: ...finalement, ce que vous venez de découvrir, c'est que la loi a dit: Il faut atteindre l'objectif du 6 %, mais il ne faut surtout pas toucher à ceux qui ont déjà 30 % de plus. Alors donc, entre le discours et les faits, on découvre que, là, il s'est passé quelque chose qui a distorsionné. Même dans le cas de Laval que vous citez, les gens qui étaient déjà favorisés ont eu droit, eux, à une augmentation de 2 % additionnelle, mais, pour toujours atteindre l'objectif du 6 %, on a passé la facture plus lourde à ceux d'en bas.

M. Lefebvre (Daniel): Par deux méthodes: l'attrition, on a coupé des postes, donc, dans le fond, le citoyen a payé par une baisse de services; puis on a baissé la rémunération des employés précaires.

M. Cherry: Donc, les citoyens de Laval ont eu moins de personnel à leur service tout en maintenant le compte de taxes ou presque. En tout cas, s'il y a eu une diminution, ce n'est pas par rapport à la qualité puis à la quantité des services auxquels ils avaient droit et le nombre de personnes à leur disposition, dans un premier temps, si je comprends bien.

M. Lefebvre (Daniel): C'est ça.

M. Cherry: Deuxième aspect que je veux vous faire relever. Vous avez ajouté quelque chose à votre mémoire. Dans le verbatim que vous avez soulevé, vous avez dit: Lors de l'assemblée que j'ai eue avec les travailleurs, l'ensemble des employés de Laval, quelques jours avant, la ville ayant eu une entente avec le syndicat des cols bleus...

M. Lefebvre (Daniel): Oui.

M. Cherry: ...ça a eu comme résultat que cette partie-là des employés de ville de Laval n'étaient pas présents ou beaucoup moins présents à l'assemblée, mais vous avez eu surtout en face de vous les gens de la Commission de transport de Laval, les policiers, les pompiers et les cols blancs. Bon, O.K.

Mais là vous avez invoqué quelque chose qui m'a semblé intéressant, en tout cas, qui a piqué ma curiosité. J'aimerais vous entendre là-dessus. Vous avez dit: Il serait souhaitable... Et là, comme ce n'est pas dans votre mémoire, il faut que je vous exprime la compréhension que j'ai eue de vos propos. Si ça confirme, vous le dites. Si vous souhaitez ajouter ou dire que ma compréhension n'est pas celle que vous souhaitez exprimer, allez-y.

Je pars de la compréhension que les citoyens, voici les moyens qu'ils ont de payer, par les taxes, puis ils ne veulent plus payer plus que ce qu'ils paient déjà. Par contre, il y a un besoin. La ville décide que, l'an prochain, on va refaire telle partie des trottoirs à Laval, ou des rues, tout ça, et la ville va consacrer tant de centaines de milliers de dollars là-dessus.

Est-ce que j'ai bien compris? Dans votre proposition, supposons qu'on doit faire des travaux pour 2 000 000 $ cette année, vous souhaiteriez que les employés, par l'entremise de leur syndicat, puissent offrir leurs services de même que l'entreprise privée, mais que l'objectif, c'est que les citoyens de Laval aient le maximum de services, le 2 000 000 $, pas plus d'argent. Parce que, ce que vous me dites, c'est que, si on doit le faire faire par des employés cols bleus, à ce moment-là, ce n'est plus le coût comme tel qui est... par rapport à la quantité puis à la qualité de travail. Est-ce que j'ai bien compris que...

M. Lefebvre (Daniel): Vous avez bien compris. Je veux limiter...

M. Cherry: Bon. Puis ça se fait où, ça? Est-ce que ça existe en quelque part?

M. Lefebvre (Daniel): Écoutez, sous toutes réserves, je pense qu'au Québec la ville de Hull, les employés de travaux publics – je ne peux pas vous dire pour quel genre de travaux – ont soumissionné contre l'entreprise privée. Dans le fond, on est toujours en train de comparer l'entreprise privée puis le monde public, puis dire: Un est plus performant que l'autre. Mais ils ne performent pas sur la même base, ne font pas le même genre de travaux. Ce ne sont pas les mêmes règles. Ce n'est pas le même contrat qu'ils ont.

Vous savez, ville de Laval, les employés ont développé une grande expertise en gestion d'installations: assainissement des eaux, épuration et filtration. Pour améliorer leurs conditions de travail et améliorer les revenus, il y aurait moyen d'aller gérer des usines d'autres municipalités qui n'ont pas l'expertise, qui n'ont pas le personnel. Il faut leur donner les moyens d'offrir leurs services dans la mesure où ça permettrait aux Lavallois soit une réduction de leur compte de taxes parce qu'il y aurait un apport de fonds qui viendrait d'une ville extérieure pour des services fournis, il faut le prévoir, dans la mesure où ça permettrait aussi aux employés, moi, je dirais, de négocier de nouvelles ententes de travail qui seraient peut-être plus flexibles puis favoriseraient, en quelque part... À la fois, ils auraient des revenus sans pour autant toujours les prendre dans la poche du même contribuable, le contribuable lavallois.

Autrement dit, je suis ouvert à ce genre de collaboration puis à un maillage qui va devenir de plus en plus étroit entre l'entreprise privée ou, du moins, le marché de l'emploi et des jobs... Je voudrais que l'entreprise publique puisse aussi aller gruger dans ça et compétitionner avec l'entreprise privée. Et je pense que cette synergie-là... Dans le fond, on est toujours en train de comparer deux mondes qui ne vivent pas sur la même planète. C'est un peu ça. Je voudrais qu'ils puissent travailler sur le même terrain. Ça serait souhaitable, je vous dirais, pour les deux entités. On arrêterait de faire du travail privé sans respecter les normes de la CSST puis en mettant la vie des citoyens puis même des travailleurs en danger puis, d'un autre côté, on permettrait au domaine public de prouver qu'ils sont performants et de, je vous dirais, se revaloriser face à la population puis de démontrer qu'ils...

D'ailleurs, écoutez, je pense que vous devez être au courant, vous avez été dans le domaine syndical, dans les grandes privatisations qui se sont faites en Europe, entre autres en Angleterre, ça s'est fait sur cette base-là, et je sais qu'il y a des villes américaines qui utilisent aussi ces méthodes-là, il semble – puis il y a des livres de spécialistes écrits sur le sujet – que ça fonctionne. Mais je peux vous dire que je l'ai exprimé publiquement devant les employés et je n'ai pas reçu un accueil tellement chaleureux.

M. Cherry: Bien sûr, parce que, là, vous proposiez une façon nouvelle, si vous voulez. Vous les obligiez à mettre à l'épreuve leur compétence par rapport à la compétition.

Et, pour terminer, vous avez dit tantôt – je prends votre exemple de la Zamboni: Il n'y a que la direction qui sait si elle va créer ou non un nouveau poste.

M. Lefebvre (Daniel): C'est sûr.

M. Cherry: Donc, ce que vous dites, c'est que, sachant à l'avance, plutôt que dire: Voici, on a un besoin, il y a quelqu'un depuis trois mois qui s'adonne à le faire puis c'est lui qui a la job, ce que vous souhaitez, c'est que, si elle a l'intention de le faire, elle devrait l'afficher pour que ceux qui ont l'intention de postuler le fassent. À ce moment-là, si la règle d'ancienneté s'applique, ça devrait être celui qui a le plus d'ancienneté qui puisse bénéficier de la formation nécessaire pour combler le poste. C'est ce que vous avez dit.

M. Lefebvre (Daniel): Tout à fait.

M. Cherry: Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. le député. M. le député de Rivière-du-Loup.

(11 h 40)

M. Dumont: Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue, M. Lefebvre. Pourrais-je vous dire que les derniers propos que vous avez tenus sur la versatilité entre les secteurs public et privé puis leur collaboration et leur compétition en même temps saine dans le secteur des activités publiques, c'est une vision moderne que je partage au plus haut point. Il y a des choses qu'on a beaucoup trop cloisonnées et figées au fil des années et des décennies.

Je veux revenir sur le mémoire de l'UMQ hier. Parce que, dans votre mémoire, vous nous dites, bon, que vous vous opposez aux clauses orphelin et que vous voulez les voir disparaître et, en même temps, vous laissez comme une porte entrouverte pour une certaine forme de flexibilité qui s'appellerait encore des clauses orphelin, en tout cas, au moins temporaires. L'UMQ nous a dit hier: Si on avait, justement comme vous venez d'en décrire, des mécanismes de flexibilité pour nous permettre de revoir l'ensemble des contrats de travail davantage en fonction des besoins réels des municipalités, davantage en fonction de la capacité de payer des payeurs de taxes, des propriétaires fonciers, en fait... L'UMQ nous a dit finalement: Les clauses orphelin, interdisez-les, il n'y a pas de problème. De toute façon, si on a un peu de souplesse un peu partout, on va s'arranger. Dans le fond, nous autres non plus, on n'aime pas vraiment ça, les utiliser, sauf que, tant que c'est notre dernière flexibilité parce que tout le reste est figé, on est pris avec ça.

Vous répondriez quoi à la même question, si je vous la posais? Si, demain matin, le gouvernement du Québec modernisait ses lois du travail, donnait plus de marge de manoeuvre aux élus municipaux comme gestionnaires de ressources humaines, mais en contrepartie disait que les clauses orphelin, c'est fini définitivement, est-ce que vous seriez à l'aise avec ça?

M. Lefebvre (Daniel): Premièrement, je ne serais pas à l'aise... Parce que, là, M. Dumont, vous appelez «clause orphelin» tout ce qui est double palier. Pour moi, ce n'est pas nécessairement une clause orphelin parce que, pour moi, une clause orphelin, avant tout, il doit y avoir une forme de discrimination. Puis la discrimination, c'est plus que d'être différent, c'est de l'être, mais aussi sur une longue période. Selon moi, les doubles paliers doivent exister, comme je disait tantôt, pour répondre à des règles du marché.

Quant à savoir si une loi... En fait, ce que vous me proposez, c'est que le gouvernement provincial établisse une loi qui va enlever l'odieux au négociateur municipal ou au monde municipal de contraindre à des conditions sévères certains de ses employés. Donc, s'il y a une grève, ce n'est plus de sa faute. C'est sûr que je ne suis pas un élu, là, je suis un simple citoyen, un citoyen qui milite politiquement, si vous voulez. C'est sûr que, si j'étais élu, j'applaudirais à ça.

Dans le fond, c'est ce que Montréal vous avait demandé pour pouvoir abolir le plancher d'emploi. C'est ce que d'autres villes, par M. Laframboise, ont demandé aussi. C'est ce que je comprenais, du moins dans le temps, de la récupération de M. Bouchard. Les villes voulaient avoir une loi, un outil pour un peu contraindre le syndicat puis éviter l'odieux d'une grève. Parce que, dans le fond, une grève, ça implique souvent le renversement du pouvoir, puis il n'y a pas beaucoup de politiciens qui veulent se voir renverser. C'est sûr que, si j'étais un élu, j'applaudirais à ça. Je dirais: Aie! Vous venez de régler mon problème. Ça ne sera pas de ma faute. C'est de leur faute, ce n'est pas de ma faute. Je vous coupe 4 %. Ce n'est pas moi qui ai décidé, c'est le gouvernement provincial. C'est de toute beauté pour un élu. Je ne suis pas sûr que tous les parlementaires soient d'accord parce que, dans votre comté, il y a des maires qui vont vous passer l'odieux des conventions à rabais qu'ils vont avoir négociées puis vous allez peut-être déchanter. Ha, ha, ha!

M. Dumont: Bien, l'autre question...

Le Président (M. Sirros): Rapidement.

M. Dumont: ...sur laquelle j'aurais aimé vous entendre davantage, c'est le recours réel. Dans votre expérience, est-ce que vous avez vu...

M. Lefebvre (Daniel): Oui, oui. Il n'y en a pas. Écoutez, personnellement, puis on va se parler en famille, j'ai à débattre certains dossiers en cours à cause, je vous dirais, de mes convictions politiques. Je n'ai pas le choix que d'utiliser la justice pour me défendre. Je sais ce que ça coûte en argent, je sais ce que ça coûte en énergie, en toutes sortes de choses. Je ne pense pas qu'un simple travailleur dans une situation précaire, et précaire depuis longtemps, a les moyens d'utiliser les tribunaux pour faire valoir ses droits, même s'il les a. Et ça, vous allez devoir vous pencher là-dessus. Ce n'est pas vrai que la justice, c'est quelque chose d'accessible, et surtout pas dans le domaine des conditions précaires en matière d'emploi. Ce n'est pas quelque chose d'accessible.

Il y a bien des choses qui vous sont révélées ici, puis vous voyez ce qui s'est passé, et je note encore le courage qu'ils ont eu. Il y en a beaucoup qui ne sont pas venus parce que, eux, n'auraient vraiment pas les moyens de se défendre. Bon. Je suis content que vous l'ayez observé. Ça me rend optimiste quant aux résultats de vos réflexions. Vous allez sûrement – c'est peut-être le point nouveau qui jaillit – devoir écrire un petit quelque chose là-dessus.

M. Dumont: C'est la majorité qui n'est pas venue, de toute évidence.

M. Lefebvre (Daniel): Bien, il faut se poser la question: Pourquoi ils ne sont pas venus? S'ils étaient venus et s'ils avaient eu des pressions, auraient-ils eu les moyens de se défendre? Là-dessus, je vous réponds sans gêne: Non.

Le Président (M. Sirros): Et, sur ça, on va vous remercier au nom des membres de la commission pour votre présentation.

M. Lefebvre (Daniel): C'est moi qui vous remercie.

Le Président (M. Sirros): Et j'inviterais le prochain groupe, qui est le Groupe d'étude sur les conditions de travail dans le secteur municipal, à tranquillement prendre place. Nous reprendrons nos travaux dans quelques secondes.

(Suspension de la séance à 11 h 46)

(Reprise à 11 h 49)

Le Président (M. Sirros): Alors, si on peut reprendre place, on pourra commencer. En vous souhaitant la bienvenue, vous demander de vous présenter et procéder tout de suite à votre présentation.


Groupe d'étude sur les conditions de travail dans le secteur municipal

M. Pelletier (Pierre): Vous excuserez ma voix, j'ai un problème en ce moment. Alors, je me présente, Pierre Pelletier, employé étudiant pour ville Saint-Laurent. Je suis un chauffeur de Zamboni, par hasard, et cet été j'ai fait partie d'un groupe d'étude sur les conditions de travail dans le secteur municipal.

M. Vidal (Jonathan): Jonathan Vidal, ex-employé étudiant à ville Saint-Laurent, ex-chauffeur de Zamboni. J'ai travaillé aussi cet été sur les conditions de travail dans le secteur municipal.

Le Président (M. Sirros): Si vous êtes aussi ex-chauffeur de Zamboni, pour le bénéfice de ceux qui nous regardent, pouvez-vous nous expliquer c'est quoi, une Zamboni?

(11 h 50)

M. Vidal (Jonathan): En français exact, c'est resurfaceuse, en fait. La Zamboni, c'est la machine qui fait...

Le Président (M. Sirros): La glace.

M. Vidal (Jonathan): ...la réfection de la glace. Exactement.

Le Président (M. Sirros): Correct.

M. Bélanger (Bernard): Bernard Bélanger, ancien employé étudiant à la ville de Saint-Laurent qui travaillait aussi avec les Zamboni.

Le Président (M. Sirros): On vous écoute, messieurs. Alors, la glace vous appartient.

M. Pelletier (Pierre): J'aimerais commencer en vous remerciant de nous donner la chance de nous exprimer sur l'étude qu'on a faite cet été. Cette étude sur les conditions de travail, on l'a faite dans la région de Montréal, dans les villes de l'île, de la Rive-Sud et la Rive-Nord aussi. On est allés observer les conventions collectives des différentes villes et, surtout, on a fait beaucoup de rencontres avec les employés. Ces rencontres-là nous ont permis de voir ce qui était caché souvent dans les conventions, c'est-à-dire que c'est écrit d'une certaine façon, mais, dans les faits, c'est autre chose.

On a découvert, entre autres, que la définition de «clause orphelin», la définition officielle qu'on connaît, est très restreinte et que, dans le fond, il y a beaucoup, beaucoup d'autres catégories qui pourraient être qualifiées de clauses orphelin et qui le sont par nous de discrimination. Entre autres, on a découvert, bon, qu'il y a plusieurs types d'employés dans les villes. On fait partie du groupe étudiants. Il y a les temporaires qui font le même travail que les permanents, mais qui le font pour devenir permanents éventuellement; les étudiants qui font le même travail, mais qui font moins d'heures par semaine en général ou qui ont des périodes de travail très courtes durant l'été; et, bien entendu, les permanents.

Comme j'ai dit, tous ces gens-là font le même travail, mais, depuis déjà longtemps, ces employés-là sont devenus des employés à rabais pour les villes. C'est-à-dire que les employés faisaient le même salaire que les autres, tous ces employés faisaient le même salaire pour le même travail. En tant que chauffeur de Zamboni, il y a plusieurs années, les chauffeurs étudiants ou permanents faisaient le même salaire, sauf qu'il y a eu des conventions qui ont été signées et les étudiants ont été parmi les premiers à être coupés, à être victimes de clauses orphelin, si je peux m'exprimer ainsi – elles ne s'appelaient pas comme ça dans ce temps-là – et se sont retrouvés avec des salaires moindres pour le même travail. Ce n'était que des étudiants avec peu de ressources, peu de recours, et rien n'a été fait. Il n'y a pas eu de levée de boucliers, quoi que ce soit. Le même phénomène s'est étendu dans les villes pour les temporaires souvent, c'est-à-dire que ce sont aussi les premiers à être coupés, à être discriminés, à perdre des avantages, à perdre de l'argent.

Ce que je dis, c'est par rapport à l'ensemble des villes qu'on a vues. Puisque rien n'a été fait, encore une fois, quand ces gens-là ont subi ces coupures-là, il ne faut pas se surprendre que, maintenant, on ait une nouvelle catégorie qui sont les nouveaux permanents, des nouvelles échelles qui apparaissent parce qu'on ne peut plus couper les étudiants, on ne peut plus couper les temporaires. Alors, ceux qui sont déjà là coupent ceux qui vont devenir permanents. Parce que, n'est-ce pas, l'eau monte et on n'a plus de têtes sur lesquelles marcher, alors on en invente.

Je vais vous donner quelques exemples les plus criants, ceux, d'ailleurs, que j'ai mentionnés dans mon étude. On a les employés de Saint-Lambert, les temporaires qui font, pour le même travail, 51 % du salaire des permanents. Ils sont payés 8 $ quand ils commencent; les permanents, eux, pour le même travail, font 15,68 $. Mais, ça, on parle juste d'argent.

On a trouvé un exemple, moi, qui me choque encore plus. C'est ceux de Pierrefonds qui, cet été, puisque la nouvelle convention a été signée... Dans cette nouvelle convention là, on dit que les nouveaux temporaires vont être payés 80 % du salaire des anciens temporaires. Ça peut paraître peu par rapport à d'autres municipalités, mais le problème ici, c'est qu'il y avait déjà 43 surnuméraires à la ville de Pierrefonds. Alors, pour avoir des nouveaux surnuméraires, on en a réembauché cinq cette année, il y en a 38 qui n'ont pas été rappelés.

Alors, on attend un an et un jour, le temps qu'il faut selon la convention, pour les rappeler et pour qu'ils perdent leur ancienneté et qu'ils retombent à zéro. Alors, les gens qui ont travaillé six, sept, huit ans pour des villes, qui étaient sur des listes d'ancienneté de rappel, bien, pour économiser de l'argent en les coupant de 20 % de leur salaire, on leur fait perdre toute leur ancienneté. Puis ça, c'est six, sept ans de donnés à une ville, l'ancienneté, puis ça, ça n'a pas de valeur, ça n'a pas de prix, de l'ancienneté. Moi, personnellement, j'ai été victime de coupures, c'est de l'argent, mais, si on me disait: On efface tout ce que tu as fait pour nous, ça serait épouvantable.

Je vais passer la parole à mon collègue Bernard, ici, qui va vous décrire la situation qu'on a vécue à ville Saint-Laurent.

M. Bélanger (Bernard): Donc, avec le transfert provincial au municipal de 6 %, la municipalité devait couper 6 % dans sa masse salariale, devait trouver une façon. On s'attendait à ce qu'il y ait des changements à la ville. Donc, nous, ce 6 % là, de la façon dont on le voyait, c'était: la société avait fait des abus auparavant, voilà 10, 15, 20 ou 30 ans, puis aujourd'hui, bon, on doit ensemble réviser ces problèmes-là. Donc, dans ma tête, il était clair qu'on allait assumer ce 6 % là ensemble, en tant que société ou en tant que municipalité.

Je me disais, pour une municipalité qui a des difficultés financières, possiblement que les salaires du personnel allaient être coupés de 6 % ou, sinon, une municipalité comme ville Saint-Laurent qui est économiquement saine – soit dit en passant, la ville de Saint-Laurent a fait un surplus de 4 400 000 $ – je croyais qu'elle allait couper dans son surplus pour absorber ce 6 % là. Mais la réalité était tout autre. La ville de Saint-Laurent a joué sa carte patronale – patronale étant ici au sens péjoratif – elle a fait une offre au niveau de la convention. Donc, l'offre était une augmentation de salaire de 5 % pour les permanents et une baisse de salaire de 30 % pour les étudiants. Donc, mon salaire de 12,52 $ de l'heure se trouvait à tomber à 8 $ de l'heure pour absorber ce 6 % là. Déjà, en 1983, on avait eu une baisse de salaire de 25 % en tant qu'étudiants.

Le maire a pris plaisir à dire en entrevue à la radio de Radio-Canada qu'il n'avait eu aucun problème à négocier la convention collective avec ses cols bleus. C'est vrai, parce que les étudiants, les temporaires n'avaient pas le droit de vote. Donc, ceux qui ont voté, c'étaient les permanents. Ils auraient été fous de voter contre une augmentation de salaire. Donc, ce qui est arrivé, c'est ça.

Le syndicat, quant à lui, a pris la part des permanents, étant donné que le syndicat est composé de personnes permanentes. Puis, dans une entrevue à la radio de Radio-Canada, le président sortant, René Tremblay, a clairement dit que les temporaires et les étudiants n'étaient pas des membres, des vrais membres du syndicat. Donc, moi, la question que je me suis posée, c'est: L'argent que j'ai donné en cotisation pendant mes 10 ans de travail à la ville, au syndicat, est-ce que cet argent-là était vrai? Je serais curieux de l'entendre me répondre.

Donc, c'est ça, le problème est arrivé comme ça. On a écopé d'une baisse de salaire de 35 % pour assumer le fardeau des autres. Je crois que c'est arrivé parce qu'il y avait une absence de législation. Donc, j'espère juste que le gouvernement n'aura pas peur de prendre ses responsabilités pour éviter ce genre de situation là à nouveau puis que, avec soit une législation ou quoi que ce soit, il va permettre de résoudre les problèmes des victimes existantes, comme nous, qui se sont déjà passés. Je vais céder la parole à Jonathan.

M. Vidal (Jonathan): C'est ça. On a eu également dans cette expérience-là, notre coupe de salaire... Moi, mon salaire était un peu plus élevé que celui de Bernard parce que j'étais préposé à une grosse machine. Mon salaire était de 13,78 $. Je suis tombé à 9,25 $. Donc ça représente, je pense, 36 % de baisse de salaire.

Ce qui était d'autant plus frustrant là-dedans, c'était la façon dont tout ça s'est passé dans les corridors. Une journée, je suis arrivé au travail, j'ai vu une photocopie d'une entente de principe des négociations qui se déroulaient entre la ville et le syndicat. Sur cette lettre-là, il était écrit que tous les salaires des étudiants allaient être baissés à 8 $ l'heure. La première chose que j'ai faite, j'ai appelé mon représentant syndical pour lui demander ce qui se passait avec tout ça. Il m'a rassuré. Il m'a dit: Il n'y a pas de problème, ce n'est qu'une entente de principe. On va travailler fort encore pour que ça ne passe pas. La convention n'est pas encore signée puis on va vous protéger, etc.

(12 heures)

Quelques semaines après, la convention était signée et nos salaires étaient baissés. On s'est spontanément réunis, les employés de ville Saint-Laurent. On s'est ramassé, je pense, à peu près une quinzaine. On a signé une pétition. On a envoyé une lettre à notre représentant syndical, au maire de ville Saint-Laurent et à tous les élus de ville Saint-Laurent, les conseillers municipaux, dans laquelle lettre on leur faisait part de notre frustration. On a demandé à notre représentant syndical de nous rencontrer le plus rapidement possible parce qu'on n'a pas été consultés. On n'était même pas au courant qu'il y avait des négociations avec nos patrons. Donc, on lui a demandé de nous rencontrer le plus rapidement possible pour qu'il puisse nous rendre compte de qu'est-ce qui s'est passé exactement, nous expliquer pourquoi on baissait de salaire.

Dans cette lettre-là, on a dit que, si la réforme Trudel était, comme Bernard disait, de faire un effort collectif pour assainir les finances publiques, on était prêts à accepter une baisse de salaire de plus ou moins 6 %. Mais 36 %, on avait de la difficulté à comprendre et on demandait à nos patrons et à nos représentants syndicaux de nous justifier cette baisse de salaire là. Nos représentants syndicaux n'ont jamais accepté de nous rencontrer, ce qui montre, déjà là, qu'il y a un manque de solidarité syndicale, et ça a animé la frustration, évidemment.

Le maire de ville Saint-Laurent nous a envoyé une lettre et nous a répondu que, bon, hélas... Mais nos salaires, maintenant, étaient compétitifs avec l'entreprise privée. Comme on l'a dit dans le mémoire, je pense, on peut difficilement être d'accord avec l'opinion de M. Bernard Paquet, le maire de ville Saint-Laurent, quand il dit que nos salaires, maintenant, sont compétitifs. Comment expliquer alors que nos collègues permanents, eux, ont eu une augmentation rétroactive de 5 % pour faire exactement le même travail? Est-ce que leurs salaires à eux sont compétitifs avec l'entreprise privée? J'aimerais beaucoup que le maire de ville Saint-Laurent réponde à cette question-là.

Maintenant, quoi faire avec la situation qu'on a vécue? Il était clair que, dans notre cas, les chauffeurs de Zamboni à ville Saint-Laurent, c'était le principe travail égal, salaire égal. La compétence égale a été carrément violée. Je me suis souvent retrouvé dans une situation – pas souvent mais à quelques reprises, en tout cas – à faire l'entraînement d'une personne qui faisait 5 $ à 6 $ de l'heure de plus que moi. J'ai travaillé presque 12 ans pour ville Saint-Laurent et j'ai toujours été moins payé que ces employés-là, et parfois je devais leur expliquer comment ça fonctionnait, grosso modo. Ils faisaient plus d'argent que moi, ces gens-là. Donc, c'est clair et net que le principe travail égal, salaire égal à compétence égale était carrément violé.

Il y a certaines personnes qui ont proposé un pacte social pour régler le phénomène des clauses orphelin. En tout cas, à ville Saint-Laurent, je ne peux pas imaginer comment un pacte social pourrait ou aurait pu éviter ce qu'on a vécu, à moins qu'il y ait vraiment des moyens de contraindre les parties à ne plus violer ce principe-là du travail égal à salaire égal. Maintenant, s'en remettre au Code du travail, je ne le sais pas. Nous, le seul recours qu'on avait après, c'était de faire une plainte à la Régie des normes du travail, et je vous invite d'ailleurs peut-être à voir ça va être quoi, le résultat. On passe en cour au mois de novembre, si ma mémoire est bonne. Je vous invite à voir ça va être quoi, la décision, parce qu'on estimait justement qu'il y avait violation du Code du travail. Donc, ce sera à surveiller.

C'est pourquoi, nous, on recommande au gouvernement de passer une loi qui interdirait toute forme de clause orphelin. Dès que le principe travail égal, salaire égal à compétence égale est violé, à mon avis, il y a inéquité, et la loi qui devrait être passée devrait interdire ce phénomène.

Le Président (M. Sirros): Ça va?

M. Pelletier (Pierre): Si je peux juste rajouter un point, nous sommes étudiants. On a un certain âge, pour des étudiants, mais, bon, c'est comme ça dans notre société, maintenant, on n'a plus une job à 18 ans quand on finit le cégep ou quand on finit son secondaire. On a quand même des obligations. Les épargnes que la ville a pu faire avec les clauses orphelin qu'elle a votées avec le syndicat ou qu'elle a négociées avec le syndicat sont minimes. C'est sûr qu'une vingtaine d'employés étudiants qui sont coupés de 36 %, ça ne représente rien pour la ville comme argent sauvé. Pour nous, c'est des salaires de 11 000 $, dans une bonne année, qui passent à 8 000 $.

Moi, j'ai fait un choix, quand j'ai commencé mes études, de travailler en même temps que j'étudiais pour ne pas m'endetter. La ville, maintenant, m'oblige à m'embarquer dans les dettes, mais, bon, on peut dire que j'ai le restant de mes jours devant moi. J'ai ma carrière éventuelle, puisque je suis étudiant puis que je veux faire carrière un jour, sauf qu'il y a aussi les nouveaux permanents qui ont été créés à ville Saint-Laurent.

Tous les permanents qui étaient déjà en place ont décidé que non seulement les étudiants allaient payer la facture, mais les nouveaux permanents. Ça, c'est 18 temporaires qui travaillent depuis 10 ans pour la ville, au moins, qui commencent leur carrière de permanents avec 25 % de moins de salaire que leurs collègues qui sont déjà là, des collègues, d'ailleurs, qui, eux, sont devenus permanents en dedans d'un an, là, dans le temps des vaches grasses au municipal, et ils n'ont jamais eu à attendre, ils n'ont jamais eu à souffrir du statut de temporaire avant de devenir permanents. Mais, à cause des planchers d'emploi, etc., les autres temporaires, eux, ont dû attendre 10 ans avant d'avoir ces emplois-là, et maintenant ils ont des familles.

Comme on a pu voir pour Laval, les gens qui ont deux ou trois adolescents, qui ont presque 50 ans, des fois, qui deviennent permanents puis dont le salaire se retrouve coupé de 25 %, c'est très dur à vivre. Ils ne sont pas venus avec nous, aujourd'hui. Disons que, en tant qu'ex-employés et employés en fin de carrière, en tant qu'étudiants, on a moins peur à notre peau et aux représailles de la ville et du syndicat, mais il y a beaucoup d'autres gens et, dans les villes aussi qu'on a regardées dans la région de Montréal, il y a plein, plein de gens qui avaient à se plaindre. Mais, puisque c'était leur syndicat qui les avait sacrifiés, à quel genre de protection ils pouvaient s'attendre de ces gens-là s'ils venaient se plaindre?

Comme on a pu le voir à Laval, ça a coûté cher de se plaindre de son syndicat et de sa municipalité. Alors, on est juste trois, mais, comme je l'ai dit, les statistiques ou, en tout cas, les clauses qu'on a vues dans les conventions sont nombreuses et c'est la pointe de l'iceberg, Laval et Saint-Laurent. C'est plein: Saint-Lambert, Pierrefonds. En une vingtaine de villes, on en a trouvé 15. Puis, si on parle de tous les étudiants, tous les étudiants qui travaillent pour les villes sont discriminés et une majorité des temporaires, des surnuméraires, des auxiliaires – on les appellera comme on veut. Alors, effectivement, est-ce qu'on peut s'attendre à ce que les syndicats qui font ça à leurs employés respectent un pacte social? C'est là la question.

Le Président (M. Sirros): Et c'est sur un ensemble de questions, je suis sûr, que les membres veulent poser qu'on pourra approfondir un peu les échanges. Je pourrais peut-être demander d'avance – je vois qu'on aura besoin de déborder le temps maximalement de 10 minutes: Est-ce que je peux avoir le consentement pour ne pas interrompre par la suite? Alors, si c'est oui, M. le ministre.

M. Rioux: Oui, oui. Merci, M. le Président. MM. Vidal, Bélanger et Pelletier, bienvenue. J'espère que ce n'est pas vos plaidoyers qui vous ont rendu aphone ou presque.

Tout à l'heure, on avait M. Lefebvre qui est venu devant nous nous dire qu'il souscrivait à un des grands objectifs qui avaient cours, en tout cas, dans le débat public, c'était que les employés municipaux gagnaient entre 25 % et 30 % en termes de rémunération, je dis bien, plus élevée que la fonction publique québécoise, qu'il y avait donc une obligation de faire en sorte que ces employés-là, avec des catégories à peu près semblables ou analogues, puissent en arriver à des rémunérations un peu plus égales, je dirais, et M. Lefebvre nous donnait des moyens pour y arriver, et puis avec équité, justice et sans brimer surtout les nouveaux qui arrivent dans les services ou encore dans les entreprises.

(12 h 10)

Il y a un principe avec lequel, moi, je suis parfaitement d'accord, et d'ailleurs je vous félicite d'avoir fouillé ça parce que deux villes comme Saint-Laurent et Laval, tu sais, ce n'est pas la municipalité de Rivière-à-Claude en Gaspésie, ça, là, ou de Sainte-Anne-des-Monts, comprenons-nous bien; il s'agit de gens qui ont des personnels nombreux, toutes sortes de catégories de travailleurs, de spécialistes, enfin... Parce qu'une ville, si on devait définir ça, je ne sais pas si vous seriez d'accord avec moi, mais c'est un peu une entreprise de services publics, hein? C'est là pour rendre des services à la population, et on doit retrouver là l'équité qu'on retrouve un peu partout ou qu'on veut retrouver dans la société québécoise.

Votre réflexion est intéressante parce que, au fond, vous vous inscrivez dans cette démarche-là et que vous en êtes, dites-vous, les victimes. Moi, je veux bien que chacun assume ses responsabilités ou encaisse ses torts. Je me dis: Bon, la vie est ainsi faite. Mais je dois vous dire que, l'autre jour, lorsqu'on a accueilli ici l'Union des municipalités du Québec, ce que ces représentants-là nous ont dit, c'est que ce genre de clauses, les clauses orphelin ou les clauses discriminatoires, c'était souvent le seul moyen qu'ils avaient entre les mains pour essayer de négocier des réductions de coûts de main-d'oeuvre.

Quand la loi n° 414 est tombée sur la table, elle a donné un cadre, mais elle n'a jamais dit aux municipalités les moyens pour le faire. Les municipalités et les syndicats ont choisi les moyens, ça, faut que ce soit clair pour tout le monde. Il y en a qui les ont utilisées abondamment, les dispositions discriminatoires comme les clauses orphelin. Mais vous dénoncez le traitement qui est fait aux étudiants, aux temporaires dans le secteur municipal. Par ailleurs, vous demandez au gouvernement d'interdire toute discrimination et de faire une loi qui assure un travail égal puis un salaire égal, ce qui est une démarche qu'on entend et qui nous revient très souvent.

Il y a des gens qui sont venus témoigner avant vous et qui travaillaient à Laval. Eux autres, c'est un peu plus dramatique parce que, le fait qu'ils viennent devant la commission, ils subissent des menaces, et des menaces même de congédiement. Dans votre cas, il y a un peu de ça aussi, mais c'est beaucoup moins évident. Mais il semblerait que le syndicat à l'intérieur duquel vous payez des cotisations syndicales ne vous protège pas. Il y a une plainte qui peut être déposée en vertu du Code, à l'article 47.2. Si vous pensez être victimes de discrimination de la part de votre syndicat, comme le disait le député de Saint-Laurent à un moment donné au cours de l'avant-midi, le syndicat doit défendre tous ses membres. C'est là sa mission, son mandat, puis c'est bien clair. Vous pouvez toujours vous prévaloir de ce genre de disposition.

Dans les moyens, vous êtes peu loquaces, mais je trouve que vous faites bien d'utiliser la commission pour venir expliquer la situation qui est la vôtre. Si on avait à légiférer, vous souhaitez qu'on se débarrasse et qu'on bannisse du paysage des relations de travail les clauses dites orphelin. Si vous aviez un moyen à nous suggérer, lequel auriez-vous tendance à privilégier: le Code, les normes, la Loi sur l'équité salariale, la Charte des droits et libertés? Bref, il y a quand même des moyens, il y a quand même des avenues qui s'offrent à nous. Mais il y en a un parmi nous qui disait – je pense que c'est hier: Il ne faudrait jamais prendre une orientation qui fait en sorte qu'on gaspille davantage la situation. Nous, ce qu'on voudrait, et le législateur québécois, ce qu'il voudrait certainement faire, c'est de régler le problème, mais de le régler de façon efficace pour que des situations comme celle que vous vivez ne se produisent plus.

M. Vidal (Jonathan): Vous parliez de la Charte des droits et libertés; elle existait quand nos salaires ont été baissés, la Loi sur les normes du travail existait aussi quand nos salaires ont été baissés, la Loi sur l'équité salariale aussi existait. Donc, moi, je suis un peu sceptique. Si vous me dites que vous voulez qu'on se base sur ce qui existe déjà, ce serait pour moi une mesure très, très timide. On propose qu'il y ait une loi qui soit faite, qui soit claire, qui interdise toute discrimination.

M. Rioux: Oui, oui, je comprends, là, mais c'est vrai que ces lois-là existent, puis il s'est signé des clauses quand même, c'est clair. Mais, si on devait légiférer, si on devait légiférer d'ici quelques semaines ou quelques mois, ce serait quoi, vous autres, le moyen que vous auriez tendance à nous suggérer et qui soit efficace, que vous percevez comme efficace? Je sais que vous n'êtes pas des spécialistes en droit du travail, puis on comprend tout ça, mais on est ici pour se parler puis essayer de se comprendre parce que notre réflexion, là, nous, en commission parlementaire, comme législateurs, c'est d'en arriver à trouver la bonne formule, le bon moyen, le bon véhicule législatif. Alors, étant donné que vous êtes devant nous, on ne perd pas la chance de vous le demander.

M. Pelletier (Pierre): Bien, comme Jonathan disait, les lois qui existent en ce moment sont là pour régler un problème quand il se présente. Oups! j'ai eu une discrimination contre moi, je vais avoir recours à telle, telle, telle loi. Ce qui serait idéal, ce serait d'avoir une loi en place qui empêche ces choses-là de se produire; pas régler un problème après coup, mais empêcher le problème de se produire avant que 50 individus soient obligés d'aller voir la Commission des normes du travail, etc. S'ils ne peuvent pas faire de telles clauses, bien, ça règle la question. Je veux dire, si la loi dit: On ne peut pas voter une clause qui discrimine tel type d'employés par rapport à tel autre type d'employés, bien, il n'y en aura pas, de discrimination comme telle.

M. Rioux: Est-ce qu'il vous est arrivé de discuter avec vos représentants syndicaux de toutes ces questions? Est-ce que vous avez eu l'occasion d'en débattre entre vous? D'abord, quel syndicat, chez vous?

M. Pelletier (Pierre): C'est le syndicat des employés de ville Saint-Laurent qui fait partie de la FISA, les syndicats indépendants...

M. Rioux: La fédération des syndicats indépendants du Québec.

M. Pelletier (Pierre): C'est ça.

M. Rioux: O.K.

M. Pelletier (Pierre): D'ailleurs, ce que vous disiez par rapport à notre syndicat, l'article 47.2, notre syndicat va nous défendre, en théorie, au mois de novembre, contre la ville.

M. Rioux: Vous dites «en théorie»?

M. Pelletier (Pierre): Bien, c'est parce que la ville a proposé ça au syndicat qui l'a accepté, mais qui a proposé... puis là, bon, je veux dire... Alors, nous... penser que le syndicat va aller en cour se battre pour nous, une fois que ça a été fait. Bien, on a nos réserves. On va donner la chance au coureur, mais...

Ces lois-là, c'est bien beau, mais là on a un minimum de solidarité entre étudiants et on n'a pas les ressources. Si on se rend compte que notre syndicat ne nous défend pas, quand ça va être le temps d'aller attaquer le syndicat, qu'est-ce qu'on va faire? On va demander des prêts-bourses pour financer des avocats? Ça va faire dur, notre affaire. On est le bas de la chaîne alimentaire, au municipal, les étudiants – au-dessus, les temporaires, après ça, les permanents – alors on est un peu à la merci du pacte social qui existe en ce moment, qui est: le syndicat est supposé défendre tous ses membres. On voit ce que ça donne.

Alors, moi, c'est pour ça que je dis qu'il faut absolument qu'il y ait une loi qui interdise aux syndicats d'avoir des pratiques discriminatoires envers certains types d'employés. C'est excellent, les syndicats, il faut les syndicats, sauf qu'on est rendu à un point où, avec les syndicats, on est dans des années de vaches maigres. Avant, l'employeur était fort. Le syndicat s'est battu pour avoir des avantages, mais il avait la marge de manoeuvre pour le faire. Maintenant, oups! on se rend compte que c'est plus difficile, puis là, bien, ceux qui sont hauts dans le syndicat et ceux qui sont vieux, qui sont là depuis longtemps, ils pilent sur la tête des jeunes pour sauver leur peau.

Comme Bernard le disait, on était prêts à le prendre, le 6 %, c'était la volonté du gouvernement, puis, bon... Si tout le monde avait pris le 6 %, on l'aurait pris comme les autres, on ne serait pas allés se battre puis on n'aurait pas crié sur les toits: Pourquoi nous? à tout le monde.

M. Rioux: Vous étiez prêts à faire votre part, à 6 %; mais, à 36 %, là, c'est...

(12 h 20)

M. Pelletier (Pierre): Bien, c'est ça. Moi, je dis: Ça représente 3 500 $ sur mon budget modeste de 11 000 $, l'augmentation des permanents. Si ça avait été augmenté de 2 % de moins, si la ville avait fait 100 000 $ de moins sur son surplus de 4 400 000 $, elle n'aurait pas eu besoin de nous faire perdre 36 % de notre revenu. C'est que, pour avoir 1 % de plus d'augmentation, qu'ils crèvent, qu'ils crèvent les plus petits. Même chose pour les nouveaux permanents. Les économies de la ville, c'est insignifiant par rapport au 25 % qu'ils perdent, ces gens-là. C'est juste que les syndicats sont rendus à un niveau où: Ah! on fait tout, tout, tout pour nos membres les plus vieux, et tant pis pour les autres. Ça va complètement à l'encontre du principe même du syndicalisme. Bon, bien, il faudrait peut-être faire une loi pour les ramener dans le droit chemin.

M. Rioux: M. Vidal... C'est Vidal, hein?

M. Vidal (Jonathan): Oui, moi, c'est Vidal.

M. Rioux: J'aimerais vous souligner que le Code du travail est clair: un syndicat n'a pas le droit d'exercer à l'endroit de ses membres toute forme de discrimination ou encore de les traiter de façon inéquitable. C'est clair. Vous avez donc un recours qui est le Code là-dessus.

Mais le maire, dans sa lettre, quand même, vous disait des choses importantes, même s'il avait son 4 400 000 $. Lui, M. le maire, va me dire: Bon, bien, ma ville est bien gérée, puis c'est correct. Je pense que, comme maire, faut le comprendre aussi. Mais il vous disait dans sa lettre que, là, à 9 $ l'heure, vous rejoignez le marché. Est-ce que j'ai bien compris ça?

M. Pelletier (Pierre): C'est le marché des étudiants dans les villes.

M. Rioux: Des étudiants.

M. Pelletier (Pierre): Il dit, lui, «le marché»; mais, quand on regarde ce que ça dit dans les conventions – on en a regardé une pile comme ça – les concierges, les journaliers, les chauffeurs de Zamboni, c'est les étudiants dans les villes qui sont payés 8 $, qui font le même travail que les permanents qui sont payés 18 $, 19 $, 20 $. Si c'est si compétitif que ça, me faire passer un balai à 8 $ de l'heure, pourquoi il y a un gars à côté de moi qui passe le même balai à 18 $ de l'heure? Ça, on ne nous l'a jamais expliqué. C'est compétitif dans la discrimination des autres villes par rapport à leurs étudiants. Avant, on était à 12,52 $. On était privilégiés, on était moins discriminés par rapport aux permanents que dans d'autres villes. Maintenant, discrimination égale, compétitive. Sauf que, si la logique s'applique que 8 $, c'est compétitif, c'est bien de valeur, mais ça ne demande pas un génie pour passer un balai, là. Moi, après une semaine, je sais comment faire, puis il faut m'expliquer pourquoi l'autre, lui, c'est compétitif à 16 $, 17 $, 18 $. Ça, on n'en parle pas parce qu'on ne peut pas...

Le Président (M. Sirros): Merci.

M. Rioux: Je ne sais pas, M. le Président, on va sûrement se partager, l'opposition et nous, le temps du député de Rivière-du-Loup, étant donné qu'il n'est pas là.

Le Président (M. Sirros): Bien, je pense qu'on a convenu tantôt qu'on pourrait extensionner de 10 minutes le temps en tenant compte du fait que, le député de Rivière-du-Loup n'étant pas là... Alors, 10 minutes, ça veut dire que le temps ministériel est terminé.

M. Rioux: J'aimerais bien qu'on prenne son temps, étant donné qu'il n'est pas là.

Le Président (M. Sirros): On va passer la parole au député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Rioux: Mais là je veux savoir, est-ce qu'on se le partage, le temps du député de Rivière-du-Loup? Moi, j'aurais peut-être une autre question.

M. Béchard: Bien, est-ce qu'il est déjà partagé ou...

Le Président (M. Sirros): Non, il n'est pas partagé.

M. Béchard: Il peut revenir, là. Est-ce que le député de Rivière-du-Loup a signifié qu'il ne revenait pas?

Le Président (M. Sirros): Non, il n'y a pas signifié ça.

M. Béchard: O.K.

Le Président (M. Sirros): Alors, c'est ça.

Des voix: Bien, attendez.

M. Béchard: Moi, j'attendrais. On pourrait le faire après, se garder trois minutes chacun s'il ne revient pas.

M. Rioux: O.K. Ça va, ça va.

Le Président (M. Sirros): De toute façon, le temps ministériel est terminé, à moins qu'on n'utilise autre chose par la suite. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: O.K. En tout cas, on verra pour la répartition du député de Rivière-du-Loup, qui est absent, après. Moi, il y a une chose. J'admire la capacité du ministre à tenter de noyer le poisson, je n'en reviens pas. Ça fait trois, quatre jours d'audiences, et là essayer de parler: «C'est-u» la faute du syndicat ou de la ville... Il y a une chose qu'il ne faut pas oublier, puis je ne sais pas si c'est parce qu'il était à Matane, parce qu'il n'a pas suivi les débats au mois de mars. Pourtant, hier, on a appris qu'il était impliqué dans le dossier, et le président de l'Union des municipalités l'a dit clairement, que ça leur avait été imposé par le gouvernement, puis c'est écrit dans la loi.

Il y a une chose qui est fondamentale dans la loi, qu'on a apprise hier, puis je vais vous la relire, puis ça, ville riche ou pauvre. On n'a pas dit: Vu que, vous autres, vous avez un surplus de 4 000 000 $, vous ne l'appliquez pas; puis, si vous avez un déficit de 3 000 000 $, vous autres, vous allez l'appliquer. Ce n'est pas ça du tout, là. On a dit: Mur à mur, toutes les villes au Québec se retrouvent dans cette situation-là.

Écoutez bien ça: «...la modification des conditions de travail prévues à la convention collective en vigueur ou applicables aux salariés en vertu de l'article 59 du Code du travail ou d'une convention collective expirée, sauf les taux et échelles de salaires applicables aux salariés qui sont alors à l'emploi de l'organisme.» Tout ce qu'ont fait le syndicat puis la ville, c'est qu'ils ont appliqué la loi. C'est tout ce qu'ils ont fait.

Moi, ça me fait rire quand je l'entends chercher un coupable: «C'est-u» le syndicat? «C'est-u» la ville? Ils ont appliqué la loi. Puis M. Laframboise a dit hier que le gouvernement leur a donné... Et M. Laframboise a même ajouté: On n'a jamais demandé d'avoir cette mesure-là pour taper sur le dos des jeunes. Il l'a dit. C'est le gouvernement qui a demandé aux villes et qui leur a dit: Vous allez protéger les gens qui sont là. Vous avez beau, on vous donne l'outil, là, on va acheter la paix avec les syndicats, d'une part, en tant que gouvernement, puis, de l'autre côté, on va vous donner l'outil. Merveilleux! C'est pour ça que vous vous retrouvez dans cette situation-là. Le syndicat, il a juste appliqué la loi que le gouvernement lui a donnée. Puis la ville, bien, elle a dit: Nous autres, on ne peut pas, même si on voulait...

Imaginez une ville qui dirait: Même si on voulait, selon la loi, on ne peut pas. C'est la loi qui l'a mis là. Puis là on entend ces gens-là venir nous dire, aujourd'hui: Aïe, c'est épouvantable, ce que fait votre syndicat, c'est épouvantable, ce que fait la ville, c'est vraiment une sans-coeur, et tout ça! Moi, je n'en reviens pas d'entendre ça, M. le Président, et je vous dirais que vous vous retrouvez exactement dans une situation... En tout cas, je ne veux pas vous faire prononcer là-dessus, là, mais, moi, ça me fait toujours rire, depuis deux, trois jours, quand j'entends les nouveaux convertis, de l'autre bord, qui disent: Aïe! il faut une loi.

Puis là, ce matin, imaginez, le premier ministre, là, celui qui, la main sur le coeur, a dit: Le 6 % va s'appliquer à tout le monde... Puis il a même dit en Chambre: Ça fait trop mal, il ne faut plus que ça se reproduise. Ça fait surtout mal aux jeunes, comme on peut le voir. De voir ces gens-là, imaginez-vous... Ce matin, ils se rallient à notre idée d'une loi-cadre. Là, ils viennent de se réveiller, à matin: Oups! les élections s'en viennent; vite, il faut une loi-cadre. Et le ministre a dit, tantôt: Peut-être dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois. Ça fait que, là, on se garde toutes les fenêtres ouvertes là-dessus.

Moi, j'aimerais savoir de vous, présentement, si on regarde les recours que vous avez en vertu de 47.2 pour tenter de mettre fin à ça, à cette discrimination-là... Puis c'est très sombre parce que, dans le fond, ils ont appliqué une loi gouvernementale. Moi, il me semble, le syndicat puis la municipalité vont aller en appel, vont aller devant les tribunaux ou vont aller dans n'importe quel recours et ils vont dire: On fait juste appliquer la loi. Est-ce que vous avez la même perception que moi là-dessus? Comment vous voyez votre défense? Qu'est-ce que vous a dit le syndicat quand il vous a dit: On va essayer d'utiliser quelque recours ou de faire un grief? Qu'est-ce qu'ils vous ont dit qu'ils utiliseraient comme poignée? Parce que, moi, je vous dirais que je n'en vois pas.

M. Pelletier (Pierre): Le syndicat, premièrement, ne nous a rien dit. Il nous a juste dit: Oui, oui, fais-toi-z-en pas...

M. Béchard: On va s'occuper de toi. Ha, ha, ha! C'est un peu inquiétant.

M. Pelletier (Pierre): ...on va s'occuper de toi, puis, bon. Oups! c'est signé trop tard. Mais je dois dire qu'on se passe la balle. La balle descend comme ça, là, la balle du déficit, mais la balle du blâme, disons, pour moi, elle reste encore et toujours dans les mains de mon syndicat. Oui, le gouvernement leur a donné la carte à jouer, mais ils ont utilisé cet argument-là pour les villes aussi. Ils ont dit: C'est la ville qui nous a proposé ça, c'est le gouvernement qui nous a dit de faire ça. Mais, ultimement, c'est au syndicat de dire: Non, c'est discriminatoire puis on ne le fera pas à nos membres.

Même si on leur disait: Oui, t'as le droit, le patronat a toujours dit: Fais ça à telle, telle catégorie de tes membres, tape dessus, ce n'est pas grave. Mais le syndicat est là pour les défendre tous! Alors, même si on lui donne la carte blanche pour taper sur ces faibles, d'après moi, il ne devrait pas en profiter puis il devrait continuer à les défendre quand même. Ce n'est pas parce que le patronat, qu'il soit au municipal ou au provincial, lui donne le droit de le faire qu'il devrait le prendre, le droit, même si c'est perçu comme ça.

(12 h 30)

M. Vidal (Jonathan): Je suis entièrement d'accord avec Pierre. Pour moi, notre syndicat a pris l'initiative. Même si la loi lui en donnait le droit ou quoi que ce soit, il y a eu une brèche dans la solidarité syndicale et, moi aussi, je trouve que la responsabilité repose sur les épaules de notre syndicat. Il y a plein de choses qui en témoignent, par exemple le fait qu'il ait refusé de nous rencontrer, qu'il ait refusé de nous expliquer pourquoi il a négocié ça et pourquoi il ne nous a jamais invités à aucune séance d'assemblée syndicale, etc.

Même en ce qui concerne la loi Trudel, la diminution de 6 %, comme on l'a dit dans la lettre qu'on a envoyée à notre employeur, on était prêts à faire un effort collectif. Et je ne sais pas si je peux parler aussi au nom de mes collègues, mais, moi, personnellement, j'étais prêt à... je comprenais l'idée qu'il fallait absolument assainir les finances publiques, et tout, et tout. Une diminution de l'ordre de 6 %, on était prêts à accepter ça, mais pas de 36 %. Alors, pourquoi notre syndicat a choisi, d'un autre côté, alors qu'il baissait nos salaires de 36 %, d'augmenter celui de nos collègues permanents de 5 %, de façon rétroactive?

M. Béchard: Augmentés de façon rétroactive?

M. Vidal (Jonathan): De 5 %. Parce que la convention collective, à l'époque, était échue depuis... C'est ça.

M. Béchard: Ça fait qu'ils en ont eu... Il y en a qui ont une belle prime, mais, vous, vous avez eu une belle claque.

M. Vidal (Jonathan): Exactement.

M. Béchard: Il y a une zone que j'aimerais regarder, parce qu'on dit... Quand on parle des employés qui étaient là au moment de l'adoption de la convention collective, tout ce qui est saisonnier, occasionnel qui n'était pas là... Quand ça s'est passé, vous étiez à l'emploi de la ville.

M. Vidal (Jonathan): Oui.

M. Béchard: Vos collègues, vous en avez sûrement qui n'étaient pas à l'emploi de la ville à ce moment-là et...

M. Pelletier (Pierre): Une majorité.

M. Béchard: ...qui étaient occasionnels, qui étaient rappelés. Donc, eux autres, c'est automatique. Même si ça fait 10 ans ou 15 ans qu'ils étaient là de façon occasionnelle ou saisonnière – on en voit beaucoup, de saisonniers, dans les villes – eux, ils ont eu la surprise que cette année ils revenaient saisonniers même si ça fait plus longtemps, dans certains cas, qu'ils sont là que des permanents qui étaient là aussi.

M. Pelletier (Pierre): Disons qu'il n'y en a jamais qui sont plus longtemps que les permanents, ça, c'est sûr, mais il y en a que ça fait... Parce que Saint-Laurent respecte quand même très bien l'ancienneté...

M. Béchard: O.K.

M. Pelletier (Pierre): ...par rapport à d'autres villes. Mais ça a été fait effectivement pendant la période de mise à pied, la période où une majorité de ces temporaires-là, de ces saisonniers-là étaient absents. C'est là que ça a été voté par le syndicat, parce que ces gens-là n'étaient pas membres officiels pendant cette période-là. Alors, on en a profité pendant qu'il y avait une majorité de permanents puis qu'il y avait très, très peu de surnuméraires et d'étudiants. Alors, ils en ont profité pour passer, pour voter la convention vite, vite pendant que personne ne pouvait vraiment s'y opposer. Il y avait une minorité... C'était pendant l'hiver, puis la grosse période pour la municipalité, c'est l'été, et c'est là que ça a été fait, bien entendu.

M. Béchard: Là, il y a là-dedans... C'est arrivé au mois de mars, et là, je veux dire, le premier ministre le savait à ce moment-là, quand ils ont adopté la loi. Écoutez, c'est un ancien négociateur patronal, il doit savoir ce que ça contient, une loi sur les relations de travail, et comment taper sur qui et qui viser.

Saviez-vous ce qu'on a appris sur ces fameuses récupérations de main-d'oeuvre? Parce que, là, on parle d'une législation. On veut poser un grand geste, là, un gros show. On allume le feu, puis là on fait venir le plus beau camion de pompiers pour l'éteindre. Tu sais, on est à l'aube des élections, il faut que ça «flashe», là. Mais là vous rendez-vous compte qu'il y a des petits gestes bien concrets qui pourraient être posés très rapidement? Comme, par exemple, l'arbitre qui a à choisir présentement entre les deux conventions collectives, laquelle va s'appliquer, est-ce que vous saviez qu'il ne peut même pas refuser une convention collective si elle contient une clause orphelin? Si les deux conventions collectives contiennent une clause orphelin, il n'a pas le choix, il faut qu'il accepte la meilleure des deux. Ça serait un beau petit geste concret à poser, ça, pour asseoir l'autorité du ministre et surtout sa crédibilité avant d'aller légiférer ailleurs. Est-ce que vous étiez au courant de ça, que présentement... C'est juste pour vous montrer tous les éléments cyniques et, je dirais, mesquins qu'on retrouve dans cette loi-là et qui s'appliquent et que ces grands sbires de la législation préélectorale viennent nous dire qu'ils vont régler.

Même si on modifiait le Code du travail, même si on modifiait les normes – quand j'entendais le ministre vous embarquer dans laquelle législation puis l'air, tu sais, bien attentif – la première chose pour vous autres qui vous aiderait, ça ne serait pas tout simplement de déchirer la loi n° 414 et ce qu'il y a dedans, ce qui enraierait au moins les clauses orphelin dans le secteur municipal, une grande partie des clauses orphelin qui ont été signées dernièrement dans le secteur municipal?

M. Vidal (Jonathan): Bonne question, à savoir si la plupart ou toutes les clauses orphelin qui existent dans le secteur municipal sont directement reliées à la réforme Trudel. La loi n° 414, c'est la réforme Trudel, c'est ça? Parce que, dans les autres villes, ça fait aussi probablement depuis les années quatre-vingt qu'il y a des clauses orphelin dans les conventions collectives des municipalités, qui touchent directement les étudiants et les temporaires. Donc, à savoir si c'est la réforme Trudel qui est directement responsable de ça, à prime abord, je dirais que non, parce que, moi, de toute façon, ça fait presque 12 ans que je travaille pour ville Saint-Laurent et j'ai toujours été moins payé que mes collègues qui faisaient exactement le même travail. On ne parlait pas de réforme Trudel quand j'ai commencé à travailler à ville Saint-Laurent.

Le Président (M. Sirros): Le député de Saint-Laurent veut poursuivre, je pense, dans cette même veine.

M. Cherry: Dans un premier temps, le ministre tantôt a fait valoir, que ce soit Laval ou que ce soit Saint-Laurent, il a dit: Comment ça se fait que des villes bien nanties comme ça ont imposé le moins 6 % comme masse globale, mais pas par individu? Le gouvernement, dans sa loi, quand il a obligé les villes au Québec, il n'a pas dit: Celles qui ont une bonne performance financière, on va vous soustraire à ça; ce n'est pas ça qu'il a dit. Il a dit, la main sur le coeur, comme il a l'habitude de le faire: Il faut que tout le monde participe à l'effort collectif.

Donc, vous autres aviez compris que, si ça devait se rendre aux employés des villes, tout le monde, on devrait subir une claque de moins 6 %. Vous avez dit: Pour nous autres, on serait prêts à faire l'effort. Bien sûr! Si tu as à choisir entre moins 6 % pour tout le monde ou 36 % pour moi tout seul, le calcul, il est vite fait. C'est ça que vous venez de nous dire. Je le vulgarise à ma manière, là, mais je ne veux pas qu'on s'enfarge dans les fleurs du tapis. Les conséquences de la décision du gouvernement... Il a dit à toutes les villes au Québec, riches ou pauvres: Vous allez faire votre effort collectif. Vous gagnez 27 % ou 30 % de plus que les autres travailleurs qui font des choses équivalentes. Donc, il faut que vous contribuiez, moins 6 %.

Mais là le ministre a dit tantôt: Le gouvernement a dit ça, mais il n'a pas indiqué aux syndicats et aux villes comment le faire. Donc, il dit qu'il leur a laissé la liberté de le faire. Là, il y en a qui ont commencé à s'entendre, et là, des fois, ça étirait. Alors, le gouvernement a déposé une loi, et là il a dit: Ceux qui ne se seront pas entendus, vous allez soumettre chacun une proposition devant un arbitre. L'arbitre n'aura pas d'autre choix que de choisir ce que lui considérera comme la meilleure des deux et c'est celle-là qui devient la convention. Donc, si je suis négociateur patronal ou si je suis négociateur syndical, je dis: On «s'entend-u» pour protéger nos permanents et on donne la claque aux jeunes? Parce que, s'il n'y a pas moyen de s'entendre, tu déposeras ta proposition, il va déposer la sienne, et, comme arbitre, je devrai choisir une des deux. Mais le résultat va être le même: c'est les jeunes qui vont manger la claque. Et c'est ça qui est arrivé.

Vous dites: À ville Saint-Laurent, nous autres, on pense que c'est notre syndicat qui est le plus à blâmer, parce qu'il a refusé de nous rencontrer. Mais dans votre enquête, dans les 20 conventions collectives des villes que vous avez citées, je ne sais pas si les syndicats ont tous refusé de recevoir les jeunes partout, mais ce que vous avez trouvé partout, c'est que c'est les jeunes qui ont reçu la claque partout. C'est ça que vous avez découvert. O.K. Le gouvernement, présentement, mise sur une chose, le gouvernement mise que, dans la catégorie des jeunes, votre perception, c'est que vous soyez plus souverainistes que vous ne soyez jeunes, parce que la loi qu'il a faite, vous en mangez le contrecoup.

S'il avait permis ou s'il avait dit – et c'est facile: Tout le monde dans le secteur municipal, permanents, temporaires, occasionnels, étudiants – le verbiage approprié – vous allez tous contribuer, ça n'aurait pas été une chicane longtemps pour négocier ça, là. Tout le monde aurait subi le même traitement et vous autres ne seriez pas devant nous autres aujourd'hui pour venir nous dire que vous trouvez que vous avez eu un traitement injuste. Vous pourriez peut-être venir nous dire que 6 % à ville Saint-Laurent, ce n'était pas nécessaire parce que c'était une ville qui pouvait se le permettre, mais, au moins, vous ne seriez pas devant nous pour venir nous dire que vous avez un traitement très, très injuste, parce que c'est 36 par rapport à 0, puis vous ajoutez même qu'à Saint-Laurent les permanents ont eu – parce que la convention collective était expirée – une augmentation rétroactive de 5 %. Donc, là, vous dites: Aie! Là, non seulement on a eu une diminution, mais, en plus de ça, on paie, par notre diminution, l'augmentation qui est donnée aux autres, si je comprends bien ce que vous dites.

(12 h 40)

Donc, il faut que vous saisissiez bien que les villes, les syndicats dans les villes avaient l'obligation de réduire la masse de 6 % puis que le résultat était que, s'ils ne réussissaient pas à s'entendre, il fallait qu'ils déposent chacun une proposition. Donc, ce que vous avez découvert par l'enquête de vos 20 conventions collectives, c'est que, presque à l'unanimité, c'est les jeunes, les occasionnels ou les étudiants, qui ont fait les frais de l'obligation que le gouvernement imposait à chacune de ces villes-là. C'est ça que vous avez dit.

Maintenant, là je reviens. Tantôt, le ministre vous a dit: Votre syndicat va faire un grief. Vous avez dit: Oui, il va en faire un puis on espère qu'il va nous défendre. Mais un grief, c'est, si vous êtes victimes, que le syndicat refuse de vous représenter face à des discriminations que le patron a pu faire à votre égard. Mais, quand le syndicat et le patron se sont entendus et que ceci devient la convention, vous allez vous plaindre de quoi? L'ensemble des membres de votre syndicat ou des travailleurs de la municipalité ont décidé que c'était ça qui devenait maintenant les nouvelles règles, la nouvelle convention collective. Alors, quand la majorité décide puis que les deux parties s'entendent, on ramasse devant nous les éclopés, ceux qui ont fait les frais de l'entente.

La solution – et là je veux vous entendre là-dessus – à mon avis, est-ce qu'elle ne devrait pas être que, dans toute forme de règlement, si c'est ça, l'objectif du gouvernement – mais il faut le dire comme tel, il ne faut pas dire: À moins que – si l'objectif, c'est qu'il ne faut pas que ce soient les jeunes qui paient, le gouvernement devrait, dans sa loi, dire: Je ne pourrai accepter comme règlement aucune forme de règlement qui aura comme résultat que les jeunes auront subi les frais de l'entente?

Quand tu dis ça, là tu es obligé de te creuser les méninges, là tu es obligé d'aller à tout le monde égal ou de trouver des formes de réduction de services ou des choses de même. Si tu ne fais pas ça, si tu laisses la porte ouverte, ils prennent la voie de la facilité, et là ils vous disent... Bien, là, vous autres, vous dites que c'est la faute de notre syndicat; l'autre, il dit que c'est la faute de la ville; puis l'autre, il dit que c'est la faute de l'arbitre.

Et je reviens avec un dernier commentaire que mon collègue vous a fait.

Le Président (M. Sirros): Très rapidement, M. le député, parce que, déjà, on a dépassé le temps consenti.

M. Cherry: Merci beaucoup. Il faut toujours se souvenir que celui qui vous dit ça avec la main sur le coeur est un expert dans les relations de travail, un négociateur patronal depuis de nombreuses années. Il savait les trous qu'il laissait là-dedans et connaissait les conséquences. Aujourd'hui, il dit qu'il va le guérir, mais il a allumé le feu puis, à cette heure, il vient vous dire qu'il va vous l'éteindre. Merci.

Le Président (M. Sirros): Je suis certain que j'ai le consentement pour que vous puissiez terminer et conclure. On a déjà dépassé le temps qu'on avait. Alors, la parole vous appartient en conclusion.

M. Pelletier (Pierre): Bien, je vais répondre rapidement. On a découvert cette année, en regardant les conventions, pas que la réforme avait provoqué toutes ces clauses orphelin là, mais que ça faisait longtemps que les syndicats laissaient tomber leurs membres les plus jeunes et les plus faibles, disons, et que la réforme Trudel a fait qu'on a allumé là-dessus. On a dit: Oh! Regardez, cette année, à cause des conventions qui sont signées, ça nous a mis, disons, la puce à l'oreille. Mais ce n'est pas un phénomène nouveau. La loi a fait qu'il y en a eu, mais pas particulièrement plus que ce qui existait déjà. Les étudiants employés de ville Saint-Laurent ont été coupés en 1983 déjà une première fois et ont été coupés une autre fois cette année, mais ça fait longtemps qu'il y a de la discrimination.

Ce qu'on dit, c'est que... Encore une fois, vous dites: Bon, le syndicat était obligé de faire ça. D'après la loi, il ne pouvait pas taper sur les doigts de leurs employés plus âgés, il ne pouvait pas les diminuer, si je comprends bien ce que vous m'avez dit. Mais, d'après ce que je comprends, le gouvernement a demandé aux villes de couper de 6 % les salaires des employés, dans un premier temps. Après, ils ont dit: O.K., O.K., ils ont de la pression dans la masse salariale. Dans un premier temps, c'étaient les salaires. Les villes se sont battues et les syndicats ont protesté parce qu'ils ne voulaient pas que les salaires soient coupés pour changer ça à masse salariale, ce qui leur donnait plus de jeu.

Là, le projet de loi faisait que ah! ils étaient obligés d'épargner les villes puis les syndicats ne se sont pas battus pour dire: On ne veut pas de ça non plus, être obligés de défendre les vieux aux frais des jeunes. Ils ont dit: Ah! Ça, ça fait notre affaire. Clic! zougne! on tape sur les jeunes, on vient d'avoir la porte ouverte.

Effectivement, ce qu'on demande, nous, c'est une loi qui va empêcher que la porte soit ouverte puis que ce soit interprété d'une façon x, y. Pas nécessairement que la loi du 6 % ait été mauvaise. Ça a fait mal à tout le monde, mais c'est que ça s'est traduit par: ça fait mal à juste une gang puis ça ne fait pas mal à l'autre. C'est ça qu'on veut, qu'un amendement fasse que ça fait mal à tout le monde ou que ça ne fait mal à personne, mais pas juste à un petit groupe.

J'aimerais conclure en disant que, bien, je vous remercie de nous avoir écoutés et que, dans les négociations qu'il va y avoir par rapport au projet de loi futur, on ne sera pas là, mais on est membre de Force Jeunesse qui vont sûrement être présents et c'est eux qui vont défendre nos intérêts en tant que jeunes. Merci beaucoup.

Le Président (M. Sirros): C'est nous qui vous remercions. La commission va suspendre ses travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 46)

(Reprise à 14 h 8)

Le Président (M. Sirros): Si tout le monde est prêt, on pourrait déclarer la séance de la commission ouverte. Je vous rappelle brièvement le mandat qui est de procéder à une consultation générale et tenir des audiences publiques sur l'évolution du phénomène ayant trait à l'introduction des clauses orphelin dans les conventions collectives.

Les remplacements ont été faits ce matin. Est-ce qu'il y en a d'autres? Non. Alors, j'aimerais donc procéder à l'invitation pour le prochain groupe de venir prendre place à la table, il s'agit du parti Équipe Montréal, et vous rappeler que nous disposons d'une soixantaine de minutes dont 20 minutes sont prévues pour la présentation et la suite aux échanges entre les parlementaires et les présentateurs. Peut-être, sans plus tarder, vous demander de vous identifier et ceux qui vous accompagnent et de procéder directement à la présentation de votre mémoire.


Parti Équipe Montréal

M. Michaud (Daniel): Je suis Daniel Michaud d'Équipe Montréal, je suis candidat dans le district électoral d'Étienne-Desmarteau; à ma gauche, il y a Maxime Bergeron-Laurencelle; et, à mon extrême gauche, Nathalie Langlois, la coordonnatrice d'Équipe Montréal de la section jeunes La Relève.

Mme Langlois (Nathalie): J'aimerais résumer ce qui nous a amenés ici aujourd'hui. Le tout a commencé dans le cadre de la campagne électorale de M. Jean Doré, candidat à la mairie de Montréal et chef d'Équipe Montréal. Il a soulevé la nécessité d'accorder une place d'importance aux jeunes afin qu'on puisse prendre notre place, la place qui nous revient. Les valeurs d'ouverture d'Équipe Montréal face à la jeunesse et l'importance qu'on a choisi d'accorder aux jeunes dans le développement social et économique ont provoqué la création du comité jeunes La Relève.

(14 h 10)

Comme Équipe Montréal a choisi que La Relève participe le plus concrètement possible à son projet, c'est pourquoi nous avons eu le mandat de rédiger la section du programme qui porte sur l'avenir des jeunes à Montréal. Ce mandat nous a nécessairement amenés à travailler et à analyser le marché de l'emploi ainsi que les conditions de travail offertes aux jeunes travailleurs à la ville de Montréal. Un constat majeur s'est dégagé de nos recherches: la réalité des clauses orphelin est non seulement acceptée, mais est mise de l'avant par les différents syndicats et l'administration municipale. Malheureusement, dans le secteur municipal, on observe une tendance selon laquelle les jeunes se voient systématiquement discriminés.

Équipe Montréal refuse de faire porter le fardeau des compressions aux jeunes. On ne peut plus faire les frais des coupures budgétaires. Il nous est donc apparu essentiel et de notre devoir de venir participer à votre commission et de vous apporter les résultats de nos analyses.

M. Rioux: M. le Président...

Le Président (M. Sirros): Oui. On me demande si vous pouvez peut-être ralentir un peu le débit. Les gens ont un peu de difficulté à saisir.

Mme Langlois (Nathalie): Pardon.

M. Rioux: Approchez-vous du micro.

Le Président (M. Sirros): C'est ça.

Mme Langlois (Nathalie): Est-ce que vous voulez que je reprenne?

Le Président (M. Sirros): Allez-y. Oui, effectivement, je pense que ce serait... Recommencez.

Mme Langlois (Nathalie): ...plus pertinent de reprendre. D'accord. Comment nous sommes arrivés ici? C'est dans le cadre de la campagne électorale de M. Jean Doré. Il avait choisi de faire une place privilégiée aux jeunes, ce qui a amené la naissance d'un comité jeunes. On nous a donné le mandat de participer au programme. Nous avons rédigé la section sur l'avenir des jeunes à Montréal.

À travers nos recherches, nécessairement nous avons analysé le marché du travail, les conditions de travail des jeunes, ce qui nous a amenés à un constat majeur: la réalité des clauses orphelin est non seulement acceptée, mais mise de l'avant par les différents syndicats et l'administration municipale. Dans le secteur municipal, on observe une tendance où les jeunes se voient discriminés systématiquement.

On ne peut plus faire porter le fardeau des compressions sur le dos des jeunes. C'est ce qui nous amène ici à vous présenter notre mémoire. On pensait que c'était notre devoir de venir.

Je cède donc la parole à Daniel Michaud.

M. Michaud (Daniel): Merci. Lorsqu'on s'est lancés sur la question des clauses orphelin, avant de commencer une analyse profonde, on a d'abord et avant tout essayé de déterminer ce qu'était une clause orphelin. On a essayé de déterminer une définition pour après ça déterminer notre cadre de recherche.

Après avoir procédé à nos recherches, on a établi finalement qu'on garderait la définition du groupe Le pont entre les générations. Leur définition est finalement: Une clause dite orphelin est une clause qui a pour conséquence de ne plus fonder la politique salariale sur des critères communs à l'ensemble du personnel.

Cette définition nous a permis de déterminer, après ça, neuf types de clauses orphelin. Je vous les cite: les clauses à double palier permanentes; les clauses orphelin temporaire; l'allongement de la période de probation; les ententes qui accordent un statut temporaire à tout nouveau salarié; l'abaissement des salaires des occasionnels, temps-partiels, temporaires et surnuméraires...

Le Président (M. Sirros): Je m'excuse, là. Je voudrais juste indiquer aux visiteurs qui sont dans la salle s'ils peuvent fermer leurs téléphones cellulaires. Merci.

M. Michaud (Daniel): ... – merci, M. le Président – la création d'une catégorie d'emplois auxiliaires dont la rémunération est inférieure au premier échelon régulier; septièmement, la création d'une catégorie d'emplois étudiants ou temporaires dont la rémunération est inférieure à celle des occasionnels; huitièmement, le gel des échelons; et, neuvièmement, la remise d'avantages sociaux et autres bonis reliés au travail uniquement aux permanents.

Lors de nos recherches, on s'est spécifiquement attardés sur le cas de la ville de Montréal et de la Communauté urbaine de Montréal. On est arrivés à retirer quatre cas assez patents de clauses orphelin. Lorsqu'on a fait nos recherches, on a essayé de s'informer un petit peu à la ville de Montréal dans le cas de la Commission de la fonction publique et dans les deux syndicats principaux, c'est-à-dire le syndicat des cols blancs et le syndicat des cols bleus. Des deux côtés, on nous disait que les clauses orphelin n'existaient pas à la ville de Montréal, qu'on n'avait même pas besoin de perdre notre temps à aller en chercher, sauf que, lorsqu'on prenait le temps d'analyser les conventions collectives et qu'on grattait un petit peu plus au fond, on arrivait à trouver quelques cas qui sont très clairs de clauses orphelin.

Le premier qu'on a relevé, c'est celui des cas des employés des restaurants de la ville de Montréal, ce qu'on appellerait les anciens snack-bars qu'on place, exemple, dans les arénas ou dans certains édifices de la ville. Il y a deux ans, lors de la dernière négociation entre la ville de Montréal et le syndicat des cols bleus, la ville de Montréal a évoqué la possibilité de donner le contrat de ces restaurants-là, ces cantines au secteur privé, jugeant que les restaurants n'étaient pas rentables, même qu'ils représentaient des pertes financières pour la ville.

Le syndicat des cols bleus, lui, n'acceptant pas de prendre le risque de voir certains de ses employés mis à pied, a décidé de faire une entente douteuse, c'est-à-dire qu'il a proposé à la ville de Montréal que tout nouvel employé qui serait engagé aux restaurants de la ville verrait son salaire passer de 15 $ de l'heure à 10 $ de l'heure. Les employés qui étaient, eux autres, déjà à l'emploi de la ville avant cette entente, eux, conserveraient leur plein salaire de 15 $ de l'heure. Donc, le syndicat a accepté pour les jeunes qui arriveraient à l'emploi de la ville une baisse de salaire de 30 %, ce qui est quelque chose, quand même, de discriminatoire, donc. On détermine qu'il y a deux échelles de salaire, ceux des anciens et ceux des nouveaux. Dans la même entente, il est aussi déterminé que les employés auxiliaires de la ville de Montréal qui travailleraient dans les restaurants verraient leur salaire passer de 12 $ de l'heure à 8 $ de l'heure, une autre baisse de salaire assez dramatique et tout à fait inacceptable parce qu'on voit donc deux sortes d'employés, les anciens et les nouveaux.

On a aussi relevé à la Communauté urbaine de Montréal un troisième cas qui est assez documenté à l'échelle de la province et qui est celui des nouveaux policiers qu'on appelle les temporaires, je crois. On détermine que tout nouvel agent de police du SPCUM va passer un deux ans de probation. Ce deux ans de probation là ne lui donne pas la permanence avant ces deux ans complets. On lui donne un salaire d'à peu près 25 000 $ par année. En plus, dans son deux ans de probation, on lui demande passer six mois sur l'assurance-chômage.

Donc, pour essayer d'équilibrer les budgets du SPCUM, le Service de police et le syndicat des policiers ont accepté de mettre deux types d'employés: ceux qui ne sont pas permanents et ceux qui le sont, avant qu'ils puissent le devenir au bout de leur deux ans de probation. En plus, on a toujours considéré qu'un policier, on lui donnait un assez bon salaire sous prétexte qu'il a de grandes responsabilités et qu'il met sa vie en péril. Donc, selon cette analyse-là, le jeune employé a une vie qui vaut moins cher que celle de ses aînés. En plus, c'est que, dans la même période, les employés qui étaient déjà permanents ont vu leur salaire augmenter de 1,6 %. Donc, où est la logique de dire qu'on sauve de l'argent puis, à côté, on accorde une augmentation de salaire aux autres? Encore une fois, on a pelleté les coupures dans la cour des jeunes.

Le dernier cas qu'on a soulevé, c'est celui des agents d'aide socioéconomique qui travaillent pour la ville de Montréal. Vous savez qu'à la ville de Montréal le programme d'aide sociale est administré par des employés municipaux et non pas par des employés provinciaux. Québec, en 1988, suite à une décision du Conseil du trésor, a demandé à Montréal de payer leurs employés sur le même niveau que celui de Québec, sauf qu'évidemment le syndicat des cols blancs n'aurait jamais accepté une telle décision de voir ses employés baisser de 20 %. Ce qu'ils ont préféré plutôt, c'est de faire passer la pilule un peu plus doucement en demandant tout simplement que les nouveaux employés soient assujettis à cette entente-là et que les anciens conservent leurs pleins droits. Donc, le jeune qui entre à la ville de Montréal est payé selon une échelle qui est plate. Il n'y a plus de possibilité d'augmentation, à moins qu'il change de fonction. Mais ses aînés, eux autres, ont une échelle de trois paliers différents. Donc, une discrimination assez claire basée tout simplement sur l'âge et le temps d'entrée à la ville de Montréal.

Par la suite, nous, on a essayé de déterminer ce qu'on pense des clauses orphelin. Nous, ce qu'on demande tout simplement, c'est de refuser l'instauration de telles mesures. D'ailleurs, on a quelques constats qu'on est arrivé à tirer.

(14 h 20)

Premièrement, les clauses orphelin ne font qu'aggraver les conditions de vie de nos jeunes. Dans la même période, de 1981 à 1993, les jeunes de 18 à 24 ans ont vu leur niveau baisser de 20 %, leur niveau de vie; pendant ce temps-là, leurs aînés de 45 à 54 ans ont vu leur niveau augmenter de 20 %, toujours dans la même période.

Deuxièmement, les clauses orphelin, ce n'est pas juste un problème financier, c'est-à-dire que les jeunes sont moins bien payés, c'est aussi que nos jeunes familles voient leur situation devenir de plus en plus précaire, ce qui n'est pas nécessairement le cas de leurs aînés. Donc, nous, on trouve quand même que cette situation-là est tout à fait inégale et inacceptable et on propose qu'on abolisse les clauses orphelin, qu'on mette tout le monde sur le même pied d'égalité. Si on fait des coupures, on doit le faire à l'ensemble des fonctionnaires ou on n'en fait pas du tout.

Et Équipe Montréal a totalement endossé la recommandation de La Relève d'Équipe Montréal. Dans son dernier congrès, dimanche, ils l'ont acceptée à l'unanimité. On propose même de forcer la Communauté urbaine de Montréal à retirer cette clause orphelin auprès de ses policiers du SPCUM.

Je suis prêt à répondre à vos questions, maintenant.

Le Président (M. Sirros): D'accord. Alors, on va commencer avec M. le ministre.

M. Rioux: Merci, M. le Président. Je voudrais vous souhaiter la bienvenue, messieurs, madame de l'Équipe Montréal. Cet avant-midi, nous avons reçu également quelqu'un de la ville de Laval, M. Lefebvre, qui fait de la politique municipale à Laval, mais qui est dans l'opposition. Vous autres, vous aspirez à reprendre le pouvoir. Ça se comprend, c'est légitime. C'est-à-dire que votre chef aspire à reprendre le pouvoir, puisqu'il a été avant dans un autre parti.

Cet avant-midi, on a beaucoup parlé de ce qui s'est passé dans le secteur municipal, attribuant au gouvernement du Québec et à sa législation n° 414 à peu près tous les péchés de la création. Je sais que le député de Saint-Laurent s'est fendu dans un discours absolument à l'emporte-pièce; une grande pièce de théâtre.

Mais il reste que des gens comme vous autres qui faites de la politique municipale, vous êtes sans doute informés qu'avant même la législation qui a été votée il y avait 60 % des conventions collectives de signées dans le secteur municipal. Après ça, il y a eu 112 résolutions de conventions qui ont été... Et il y avait 60 jours de prévus. Souvenez-vous, on prévoyait 60 jours pour régler les conventions collectives. Pendant cette période, il y en a eu 112 de signées et de réglées. À partir de cette période-là, bien le projet de loi prévoyait que les parties avaient le droit de négocier, de faire de la médiation et, à la limite, aller en arbitrage. En bout de piste, combien de conventions collectives ont été signées par arbitrage ou conclues par arbitrage? Vingt-cinq sur 800.

Alors, quand ces gens-là en face viennent nous faire du théâtre, je trouve que c'est du pharisaïsme, parce qu'en 1992 ils avaient signé un pacte social, eux autres, avec les syndicats, les centrales, bon, et tout le monde, et ça n'a jamais marché. Pour la première fois, des groupes et des jeunes comme vous autres ont la chance d'être entendus en commission parlementaire, du jamais vu, sur un phénomène dont on est tous conscients, phénomène grave, discriminant et qu'on doit régler. Ici, mes amis, on est à la recherche d'un véhicule législatif qui va nous permettre de régler le problème qu'ils n'ont jamais réglé, eux autres.

Mais ce que j'aimerais, c'est que votre chef se dissocie de la position de l'Union des municipalités. Est-ce qu'il est capable de faire ça? Politiquement, est-ce que c'est possible? Je sais que M. Lefebvre, cet avant-midi, s'en est éloigné singulièrement, mais il plaidait sa cause à l'intérieur d'un canevas social et politique intéressant. On ne peut pas demander à l'aile jeunesse de votre parti de tout régler et de prendre position pour toutes les instances, mais il reste que, là, vous faites de la politique. Ça serait peut-être intéressant que vous puissiez nous dire un certain nombre de choses quant à l'orientation de votre parti. C'est déjà merveilleux que vous soyez là, et on est très heureux de vous entendre.

Je voulais un peu démystifier puis débâtir un peu ce que nos amis d'en face nous reprochent alors qu'ils ont été les gens au pouvoir qui ont cautionné le mal dont on essaie de régler aujourd'hui les causes et les effets.

J'aimerais que vous me disiez, étant donné que vous avez regardé ça à votre façon... Parce qu'il faut que vous soyez prudents, hein. Votre ancien chef a été huit ans au pouvoir à Montréal. Il faut faire attention. Les libéraux ne sont pas prudents quand ils parlent, eux autres. Ils ont été neuf ans au pouvoir. On se comprend? Ils ont cautionné à peu près n'importe quoi dans ce domaine-là. On a même le plaisir d'avoir l'ancien ministre du Travail avec nous aujourd'hui, qui aurait pu tout régler ça, avec la force et la verve qu'on lui connaît. Ça aurait merveilleux. On serait ici, mais on parlerait d'autre chose.

Moi, vous allez me dire... Sur le plan législatif, étant donné qu'on est à la recherche de ça, vous allez nous aider. Il y a des jeunes qui sont venus, des groupes de jeunes qui sont venus nous préconiser une solution au problème par le biais du Code du travail. C'est une avenue. Le député de Rivière-du-Loup préconise ça également, mais, lui, il reste ouvert. Il sème à tout vent. Il y en a d'autres qui préféraient la loi des normes, la loi des normes minimales de travail. Parce que, c'est embêtant, quand on parle de clauses, on a tout de suite une référence aux conventions collectives.

Alors, vous autres, je sais que votre chef est un bon juriste, vous avez certainement dû... Parce que, moi, je l'ai connu dans une vie antérieure, comme avocat, puis il était très bon, très, très bon, même. Alors, vous allez essayer de nous donner un peu votre vision et comment vous régleriez ça si vous étiez législateurs québécois.

M. Michaud (Daniel): C'est certain que je ne suis pas venu ici pour gérer les querelles Parti québécois-Parti libéral, mais je suis heureux quand même que les deux partis...

M. Rioux: On s'en charge! On s'en charge!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: Bonne réponse.

Une voix: Je la rappellerai à votre critique officiel.

M. Michaud (Daniel): Certainement, M. le ministre. Mais, dans notre cas, nous, ce qui est clair, c'est que, au niveau municipal, notre parti s'est engagé à ne plus en signer. On va le faire, ça, c'est clair, sauf qu'on pourrait bien dire qu'il faudrait que ça se règle par la loi sur le Code du travail.

Moi, j'aimerais quand même m'occuper plus de l'ensemble de la question de la jeunesse. La seule recommandation que je voudrais faire à la commission, c'est de tenir compte d'un élément: il n'y a pas seulement des employés syndiqués, au Québec. À Montréal, c'est sûr que, nous, O.K., si on met la loi sur le Code du travail, ça va régler la question de nos employés. Mais j'aimerais ne pas seulement être un parti municipal et essayer d'embarquer plus dans le mouvement des jeunes comme Force jeunesse, comme la FEUQ, comme la FECQ qui sont venus ici débattre de ces questions. Ne pas oublier aussi les gens qui ne sont pas syndiqués, au Québec. Donc, j'aimerais que la législation ratisse le plus large possible.

M. Rioux: Vous avez une préoccupation de l'avenir de la jeunesse puis je pense que c'est important. Si on veut qu'une société évolue puis se développe, si on n'a pas ce réflexe-là, ça veut dire qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans nos têtes. Mais, quand j'évoquais tout à l'heure la possibilité pour un parti politique municipal de s'engager, est-ce que vous l'avez fait publiquement, clairement? Est-ce que c'est la première fois que le parti dit publiquement que, si, eux autres, ils prennent le pouvoir, votre parti politique Équipe Montréal, il n'y en aura pas, de clauses orphelin signées dans les conventions collectives?

M. Michaud (Daniel): On l'a fait.

M. Rioux: Ça, c'est le pacte que vous êtes prêts à signer avec les syndicats.

(14 h 30)

M. Michaud (Daniel): On l'a fait très clairement – je ne sais pas si on nous entend très bien – dimanche dernier lors de notre congrès. On l'a déclaré ouvertement. Ça fait partie de notre programme. Ça a été accepté – d'ailleurs, je dois le faire remarquer – à l'unanimité par les membres. Donc, c'est une chose, on est clairs là-dessus: il n'y en aura pas, en tout cas, pas avec nous. Je ne sais pas pour les autres, mais, ça, c'est à eux de régler leurs problèmes.

M. Rioux: Mais le pacte social dont on a beaucoup parlé, ça ne vous suffit pas. Vous aimeriez mieux qu'on règle la question par législation.

M. Michaud (Daniel): Vous savez, dans des sociétés, c'est beau, des pactes sociaux, mais les lois, elles, ont force. Les pactes sociaux, eux autres, des fois, peuvent se défaire, vous savez.

J'ai déjà vu, moi, des syndicats puis des parties patronales très bien s'entendre et le lendemain, pour une autre raison, finalement se dissocier l'un et l'autre. Une loi, elle, est présente. Elle est appliquée. Au pire, même, un citoyen peut se défendre devant les tribunaux. C'est quand même quelque chose d'assez clair. Si on va l'encontre, on est quand même dans l'illégalité. Je ne pense pas qu'un patron ou un syndicat voudrait agir de cette façon-là.

M. Rioux: J'évoquais tout à l'heure qu'il y a 25 % de conventions collectives qui ont été réglées par la voie d'arbitrage dans le cadre de ce qu'on a appelé la loi n° 414.

Une voix: Pas 25 %, 25.

M. Rioux: Vingt-cinq conventions sur 800. Ce n'est pas beaucoup, ça. Ça veut dire que, dans 775, les villes et les syndicats avaient libre cours de signer à peu près ce qu'ils voulaient. L'État ne les obligeait pas, là.

Alors, j'espère que vous ne faites pas comme l'opposition libérale, vous autres, de jeter tous les péchés de la création sur le dos du gouvernement. Le gouvernement établit un cadre, puis la liberté de négocier n'a pas été enlevée aux parties. Et la volonté d'aller en arbitrage était manifeste dans la loi, c'est sûr, mais on leur donnait tout un espace pour régler leurs problèmes à leur façon. Ce n'est pas le lot nécessairement du secteur municipal, comme vous comprendrez bien. Vous avez fait à peu près la même lecture, j'imagine.

M. Michaud (Daniel): Je ne veux pas attaquer toutes les conventions collectives qui ont été signées sans se rendre jusqu'à l'étape du cas de l'arbitrage, mais il ne faut pas oublier non plus que les municipalités ont quand même fait des choix de gestion là-dedans. Donc, si on a recours à certaines clauses comme les clauses orphelin ou qu'on coupe des services, c'est quand même des choix de gestion. Il y a bien d'autres façons de régler un problème.

Je prends un exemple qui a été fait, je crois, d'ailleurs, avec la fonction publique québécoise, où le Syndicat de la fonction publique avait accepté, pour au moins enlever 2 % de la masse salariale, de retirer une journée de congé payé pour arriver finalement à couper 2 % sur la masse salariale. Il y a bien d'autres façons dont on peut régler si on arrive quand même à négocier intelligemment.

M. Rioux: Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député de Drummond.

M. Jutras: Merci. M. Michaud, dans votre mémoire, là, vous nous donnez quatre exemples de clauses orphelin que vous avez retrouvées dans les conventions collectives de la ville de Montréal. Cependant, vous ne nous les situez pas dans le temps. C'est des clauses qui remontent à quand, ça?

M. Michaud (Daniel): Dans le cas de celles des agents d'aide socioéconomique, elles remontent à 1988.

M. Jutras: 1988, vous dites?

M. Michaud (Daniel): Celles des restaurants remontent à 1996, dans la dernière négociation sur la convention collective des cols bleus. Pour ce qui est de la CUM, elles remontent aussi à 1996.

M. Jutras: D'accord. Je vous posais la question parce que je pense que ça, ça illustre bien ce que le ministre disait et que ça va à l'encontre aussi de ce que le député de Saint-Laurent disait, parce que, à l'écouter, ce matin, effectivement, dans son envolée dithyrambique, c'était à croire que les clauses orphelin étaient apparues au Québec avec la loi n° 414. Alors, on a quatre exemples, ici, puis on s'aperçoit que c'est bien avant la loi n° 414, qui est une loi tout à fait récente, qui date du printemps dernier. Et d'ailleurs, dans tous les cas, toutes les clauses orphelin qui nous ont été présentées à date, ce sont toutes des clauses orphelin qui datent d'avant le projet de loi n° 414. Alors, je pense que c'est important de resituer ça parce que le député de Saint-Laurent nous amenait sur une piste disant que c'était ce projet de loi là qui avait amené ça, alors qu'on sait qu'au Québec c'est un phénomène qui date des années 1985. On nous a dit, même, que la Commission-Jeunesse libérale s'était penchée là-dessus, je pense, en 1987, avait sonné l'alarme, en 1987, et qu'on n'a rien fait jusqu'en 1994, du côté libéral, alors qu'ils ont été là jusqu'en 1994.

Une autre chose aussi que je veux dire et qui m'apparaît importante, c'est que l'article 9 du projet de loi n° 414 n'oblige pas des clauses orphelin. C'est tout à fait faux de dire ça. C'est vrai que l'arbitre doit sanctionner la proposition telle qu'elle est faite, mais cependant on n'oblige pas les clauses orphelin. Ce qu'on dit, c'est qu'on ne touche pas aux salaires. Mais il y avait possibilité d'aller récupérer le 6 % de mille et une façons autres que par les salaires.

Et aussi faut dire que l'article 9, quand il dit «les salariés qui sont alors à l'emploi de l'organisme», quand même, ça veut dire que tous les salariés qui étaient à l'emploi à ce moment-là, leur salaire était protégé, même les occasionnels, même les temporaires, mêmes les surnuméraires, parce qu'ils sont considérés comme étant à l'emploi. Là, on dit: Oui, ça permet une clause orphelin. Dans un sens, oui, mais cependant tous les employés qui sont à l'emploi, eux, sont protégés quant à leur salaire, alors que, dans beaucoup de clauses orphelin, même ceux qui sont déjà à l'emploi, comme on dit, écopent. Alors, je pense qu'il faut replacer ça dans sa juste perspective.

Et aussi faut se rappeler que ce qui est à l'origine de ça, ce n'est pas de permettre des clauses orphelin; ce qui est à l'origine de ça aussi, c'est que le gouvernement avait réglé avec les employés du secteur public sans toucher aux salaires. Alors, l'esprit, c'était donc de dire: Bien, que les municipalités tentent de régler avec leurs employés sans toucher également aux salaires, c'est-à-dire en allant récupérer le 6 % dans les fonds de pension, dans les avantages marginaux, dans les congés-maladie. Finalement, on peut voir mille et une clauses qui permettent d'aller récupérer.

À tout événement, nous, comme gouvernement, on veut bouger et c'est ce qu'on est en train de faire. De toute façon, le Parti libéral, on n'est pas certain s'il va bouger. M. Charest a peut-être la main sur le coeur, là, mais il ne sait pas ce qu'il va faire avec ça, il hésite.

Moi, j'aurais une autre question à vous poser. On a beaucoup parlé, dans le cadre des clauses orphelin, de la question des surnuméraires, des occasionnels, des gens qui n'acquièrent jamais leur permanence et que ça crée une situation d'orphelin, ça. Qu'est-ce que vous proposez par rapport à ce genre de problème là? Parce que, là, ce n'est pas nécessairement à deux paliers, mais ça crée une catégorie d'employés qui n'auront jamais les mêmes avantages que les autres parce qu'on les empêche d'acquérir leur permanence. Quand vient le temps, là, la veille, on les remercie, puis l'employé recommence au bas de l'échelle quelque temps après. Vous êtes-vous penchés sur cette problématique-là et avez-vous quelque chose à nous suggérer par rapport à ça?

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député.

M. Michaud (Daniel): C'est sûr que c'est une problématique qu'on remarque, je pense, autant à la ville de Montréal que n'importe où dans le secteur public présentement, on essaie de limiter l'accès à la permanence. Mais ce qui nous a surtout surpris, c'est qu'on en est même rendu à faire des clauses orphelin sur des employés auxiliaires. Je vous présentais l'exemple, tout à l'heure, qu'un employé, avant telle date, qui était auxiliaire était payé 12 $ de l'heure, puis, quelques mois plus tard, le nouveau qui rentrait était payé 8 $ de l'heure. On en est à se demander dans quelle sorte de société on est. Déjà qu'être auxiliaire, c'est d'avoir des conditions de travail beaucoup moindres que celles des permanents.

Le Président (M. Sirros): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, M. Michaud, Mme Langlois et M. Bergeron, je vous souhaite la bienvenue. Je vous remercie pour le mémoire que vous nous avez présenté, de l'exposé aussi. D'une certaine manière, je trouve ça rafraîchissant qu'un parti politique municipal ait une aile jeunesse. Ça commence à être à la mode. Nous, au Parti libéral, ça devient une tradition, et la Commission-Jeunesse, chez nous, a toujours été à l'avant-garde des idées puis elle a joué son rôle de relève, vraiment, au niveau des idées. Je vous souhaite bonne chance. Je pense que c'est votre première intervention publique en tant que relève, alors j'espère que vous allez poursuivre dans cette voie-là et que vous allez aussi continuer à bousculer les idées.

(14 h 40)

Je ne veux pas, comme vous l'avez si bien dit, vous prendre un peu en otages entre le gouvernement et l'opposition. Nous, on a notre forum et plusieurs forums aussi pour débattre, mais quand même il est important de rappeler certaines choses essentielles. Si vous êtes là aujourd'hui, si nous tenons un débat aujourd'hui, c'est parce qu'il y a un problème de société qui a émergé suite à une politique, à une loi qui a été adoptée par le gouvernement, et je fais référence à la loi n° 414.

Pour être plus précise, juste pour que tout le monde soit sur la même longueur d'onde, parce que j'ai vu que, de l'autre côté, les gens sont rendus dans les négations de la vérité – c'est tellement évident – alors je voudrais leur rafraîchir la mémoire avec l'article 9 de la loi n° 414. Cet article se lit comme suit: «Ces mesures – on parle des mesures d'économie – doivent avoir un effet récurrent et ne peuvent porter que sur les objets suivants:

«1° la modification des conditions de travail prévues à la convention collective en vigueur ou applicables aux salariés en vertu de l'article 59 du Code du travail ou d'une convention collective expirée, sauf les taux et échelles de salaires applicables aux salariés qui sont alors à l'emploi de l'organisme.»

Donc, on fait les mesures d'économie, hein, sur le dos des jeunes. C'est explicite, c'est dans la loi n° 414 et il faut avoir du front tout autour de la tête pour le nier aujourd'hui en public.

Donc, ceci étant dit, pour revenir un peu à votre mémoire – parce que je le trouve très intéressant – vous dites que, dans le milieu municipal et dans la ville de Montréal en particulier, les clauses orphelin sont assez présentes, et vous avez donné des exemples concrets de comment est-ce que cette pratique-là se vit. Soit dit en passant, évidemment, M. Doré, qui est actuellement le chef d'Équipe Montréal, était aussi le chef du RCM qui a dirigé l'administration municipale, et, à ce moment-là aussi mais de façon moins constante et récurrente qu'aujourd'hui, il y avait des formes de discrimination à l'égard des nouveaux venus. Mais le phénomène a atteint un niveau de recrudescence depuis la loi n° 414.

Le Président (M. Sirros): Manifestement, les indications de la présidence ne sont pas suivies. S'il vous plaît, au niveau des... C'est un cellulaire orphelin?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Sirros): Merci.

Mme Houda-Pepin: Donc, la recrudescence – et tout le monde s'entend là-dedans – du phénomène des clauses orphelin, c'est vraiment suite à l'adoption de la loi n° 414, et on peut se permettre de poser la question, par exemple: Est-ce que cette loi-là a amélioré ou détérioré la condition des jeunes? Les faits sont là, si on a autant de groupes qui viennent se faire entendre en commission la semaine dernière, cette semaine et la semaine prochaine, c'est parce qu'il y a problème. Alors, si les gens d'en face ne veulent pas le constater, force est de constater, quant à nous, qu'il y a un lien direct entre cette loi et la discrimination qui est faite aux jeunes.

Ma première question. Dans votre mémoire, vous dites que vous avez recommandé à votre parti, Équipe Montréal, de ne plus signer de clauses orphelin. Ça, c'est pour l'avenir. Qu'en est-il de la situation actuelle? Parce que vous parlez de cas précis où ces clauses discriminatoires existent. Qu'est-ce que vous en faites?

M. Michaud (Daniel): C'est sûr que, nous autres, il est clair qu'il faudra, dans les mois à venir, abolir ces clauses-là, et la ville de Montréal, selon nous, devra montrer l'exemple en retirant elle-même ce genre de clauses parce que, qu'elle soit passée avant ou après une législation, selon nous, une discrimination reste une discrimination.

Mme Houda-Pepin: Vous parlez aussi de la Communauté urbaine de Montréal concernant le Service de police. Comment la ville de Montréal, qui est un joueur parmi d'autres, peut-elle modifier cette disposition-là qui engage la Communauté urbaine de Montréal tout entière?

M. Michaud (Daniel): Je ne sais pas si vous connaissez quelle est la répartition de représentants à l'intérieur des différentes commissions de la Communauté urbaine de Montréal, mais Montréal représente quand même 50 % des délégués, donc il y a un poids net à l'intérieur de la Communauté urbaine de Montréal. C'est certain qu'elle a besoin de ses autres partenaires pour faire accepter une décision quelle qu'elle soit, mais on a quand même un poids à ne pas négliger. Si je prends, entre autres, la Commission de sécurité qui gère le SPCUM, c'est à peu près tous les ans que le président ou la présidente vient de la ville de Montréal, que c'est un élu de Montréal qui siège à titre de président. Donc, on a une influence qui est là.

Mme Houda-Pepin: Donc, vous comptez sur votre influence, sur le poids de Montréal au niveau de sa représentation autour de la table, pour faire changer cette disposition-là. Et, pour ce qui est de la législation, vous recommanderiez quoi explicitement? On changerait quoi dans le dispositif législatif existant? Est-ce que vous avez une idée plus précise là-dessus?

M. Michaud (Daniel): C'est de prendre une législation qui va interdire toute forme de discrimination basée sur l'âge ou l'entrée en fonction selon une date, ce qu'on appellerait, en ce moment, les «clauses orphelin». Et ce que, nous, on espère, c'est que, oui, on touche aux employés syndiqués, mais aussi aux autres employés qui ne sont pas syndiqués.

Mme Houda-Pepin: Mais quelles modalités ça prendrait, plus spécifiquement? Parce qu'il y en a qui proposent qu'on modifie, par exemple, le Code du travail, d'autres, les normes du travail. C'est quoi, la solution que vous privilégiez, vous?

M. Michaud (Daniel): C'est sûr que, si on parle pour notre paroisse, on va dire que ce serait le Code du travail, mais je n'aimerais pas qu'on oublie... Parce que, pour être jeune moi-même puis avoir vécu une époque où je travaillais pour quelqu'un qui n'a pas de syndicat – et je le fais encore, d'ailleurs – ce n'est pas une situation qui est très intéressante parce que, si on s'occupe seulement des employés qui sont syndiqués, on oublie la grande majorité des employés au Québec.

Mme Houda-Pepin: Mais alors, pourquoi vous limitez votre recommandation au Code du travail plus spécifiquement, puisque vous reconnaissez vous-même que ça laisse en marge une catégorie très importante de travailleurs?

M. Michaud (Daniel): C'est parce qu'il ne faut pas oublier, quand même, qu'on est un parti municipal. Donc, on s'occupe d'abord et avant tout des problèmes sur lesquels, nous, on peut gérer, qui sont, bien sûr, les problèmes municipaux, notre administration, notre gestion interne.

M. Bergeron-Laurencelle (Maxime): Si je peux me permettre, M. le Président...

Le Président (M. Sirros): Oui, allez.

M. Bergeron-Laurencelle (Maxime): ...bien, c'est ça, comme dit Daniel, effectivement, on prêche pour notre paroisse, c'est pour les jeunes et les employés qui sont actuellement au service de la ville et qui sont assujettis à une convention collective. Mais c'est clair – regardez l'âge qu'on a – qu'on parle pour pas mal de jeunes qui sont nos copains, nos amis, qui partagent nos vies, et qui ne font pas, malheureusement, partie d'un syndicat, et qui travaillent à la pièce ou qui sont pigistes, etc. Dans ce cas-là, effectivement, je crois que la Loi sur les normes du travail devrait être amendée, à ce moment-là.

Mme Houda-Pepin: O.K. Une dernière courte question: Est-ce que vous ne privilégiez pas plutôt une loi-cadre qui viendrait abolir les clauses orphelin dans toutes les législations, de quelque forme que ce soit?

M. Bergeron-Laurencelle (Maxime): Je ne suis pas légiste de formation, je suis psychosociologue de formation, ça fait que je risque de m'enfarger dans les fleurs du tapis en parlant d'une loi. Je pense que ça prend une loi-cadre, effectivement – je vais le dire comme ça sort, hein? – pour empêcher les clauses discriminatoires. Et puis le point qu'on veut faire, c'est ça, c'est que ce genre de comportement ou ce type de gestion reste discriminatoire envers un genre de personnes, et qu'il y en a beaucoup, et que c'est des jeunes. Ce qu'on veut arrêter, donc, c'est cette discrimination-là systématique envers les jeunes en général. Si vous me dites que ça prend une loi-cadre, bon, ça va aller, ça sera une loi-cadre. Ça prend juste une législation qui arrête cette discrimination.

Mme Houda-Pepin: Très bien.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue. Vous avez remarqué, d'entrée de jeu, que mes propos d'avant l'heure du dîner ont eu des répercussions immédiates. Vous vous demandiez un petit peu ce que vous faisiez là-dedans. Ha, ha, ha! Vous étiez des spectateurs un peu.

(14 h 50)

Le dernier groupe qui vous a précédés avant le dîner était des jeunes qui, eux, ont fait une étude sur les conséquences des conventions collectives, et, ils nous ont dit ce matin, sur un échantillonnage d'une vingtaine de municipalités. Le constat qu'ils ont fait partout, que ce soit à ville Saint-Laurent, à Pierrefonds ou dans d'autres villes qu'ils ont faites, c'est que le résultat a été le même. Ils disaient: Partout où on a investigué, le résultat qu'on a découvert, c'est que ce sont les jeunes qui ont écopé. Je veux bien croire qu'il y a – et je reprends les expressions du député – mille et une façons, mais ce qu'on réalise, là, c'est qu'ils ont oublié le «mille» puis qu'ils ont sauté sur la «une». C'est parce qu'il faut être pratique, là. Ce n'est pas récent, ça. Mais pourquoi ça prend l'ampleur que ça prend maintenant? Pourquoi aujourd'hui l'ensemble de la collectivité est interpellée aussi fortement qu'elle l'est? Parce que les conséquences de la loi ont fait que ceux qui ont eu à l'utiliser ont choisi la «une» façon et que les jeunes viennent nous dire: On écope.

Mais il y a une autre réalité aussi. Vous avez dit dans votre intervention, tantôt: Le gouvernement ayant fait un effort chez lui, il a dit: Maintenant, les municipalités, elles vont contribuer. Le gouvernement l'a fait, lui, en diminuant le nombre d'employés qui étaient au service de l'État, hein? Il y a moins de gens dans les hôpitaux, il y a moins... donc il y a moins de gens. Ils ont pris des surplus de caisse de retraite et ils ont accepté des départs.

Les villes, elles, il semble que ce n'est pas ça qu'elles ont fait. Ce n'est pas une diminution du nombre d'employés dans les villes qui a été la façon privilégiée pour diminuer, pour répondre à la commande du gouvernement, ce n'est pas ça qui est arrivé. Elles ont laissé les parties libres de trouver des pistes de solution, et ceux qui sont devant nous, comme vous l'êtes... Le résultat, vous dites: Là, nous, quand on aura à assumer la responsabilité de gérer la ville de Montréal, un, on ne fera plus ça et, deuxièmement, on va même regarder où ça a été fait depuis puis on va y mettre fin.

Il y a une autre réalité qui s'adresse à ça, qui est vraie pour Montréal comme pour d'autres. Des clauses de temporaires, d'auxiliaires, la création d'emplois d'étudiants existent depuis fort longtemps. Ce n'est pas nouveau, là, mais ça a été reconnu puis accepté comme un espèce de portique d'entrée, une façon de pouvoir accéder... T'acceptais d'être temporaire, t'acceptais d'être étudiant pour que, finalement, quand des postes permanents se libéraient, tu puisses y accéder. Mais, avec une diminution du nombre de postes permanents dans l'ensemble de l'appareil public, parapublic et municipal, là les jeunes se voient véritablement coincés. Ils disent: Pour nous autres, il n'y en aura plus, de vraies jobs permanentes; donc, si c'est pour être ça, notre lot, on refuse de continuer à recevoir, règlement après règlement, la facture de ça. Parce que c'est ça, là.

Maintenant, vous dites: Nous, quand on assumera le pouvoir à Montréal, s'il y en a eu de signées, on va les annuler, on va faire d'autres choses. Il n'y a pas beaucoup, beaucoup d'autres solutions, hein? Le résultat de ça, c'est qu'en diminuant les coûts pour les jeunes, si vous dites: On va annuler ça, on va augmenter les coûts, donc ou bien donc il va y avoir moins de monde pour donner du service, ou bien donc on va augmenter les revenus, on va augmenter les taxes. Il faut en être conscient pour avoir de la crédibilité dans ce domaine-là.

Et ce qui m'inquiète dans le débat... Puis je suis content, là. Quand je dis «ce qui m'inquiète», les mots ne voudraient pas dire que j'ai peur; au contraire, ce que je craindrais, c'est que le résultat de ce qu'on fait présentement soit perçu comme une espèce de bataille intergénérations, que ça soit les jeunes qui veulent se battre contre les baby-boomers. Ce n'est pas ça qu'il faut, là. Il faut qu'on se regarde comme collectivité puis qu'on se dise: La façon dont on a fonctionné jusqu'à maintenant a donné tel type de résultat; si maintenant on doit modifier la façon de fonctionner... Et c'est ce que vous dites: Nous, si on arrive à la ville, on va modifier la façon de fonctionner et on va s'assurer que ce ne soient plus les jeunes qui vont recevoir le prix de la facture de ça. Si c'est ça, la volonté exprimée, on est mieux de se le dire correctement, parce que autrement on va s'en occuper quand ça deviendra cyclique ou quand ça deviendra plus visuellement, là... Tu sais, règlement après règlement c'est ce qui arrive. Mais, si, une fois qu'on retombe encore dans les bonnes années, on oublie ça puis on recontinue, on n'aura rien réglé.

Vous dites, un: Par le Code du travail parce que ça concerne les employés de la ville de Montréal. Vous dites: Nous, là, c'est pour la ville, et, à la ville, les employés sont tous syndiqués; donc, pour nous, c'est un amendement au Code. Mais vous dites: Pour couvrir l'ensemble des jeunes travailleurs, il faudrait qu'aussi ça soit les normes. Et là ma collègue a dit: Est-ce que vous ne pensez pas que ça pourrait être une loi-cadre? Et votre collègue à gauche a dit: Je vais vous le dire dans mes mots, que ça soit le Code, que ça soit les normes, en autant que la volonté sera clairement exprimée qu'on ne pourra plus utiliser la façon dont ça a été utilisé pour régler des situations, pour ne pas que ça soit les jeunes qui prennent la facture.

Vous autres, à Montréal, vous l'avez, la responsabilité – pour fins de discussion. C'est vous autres qui assumez la responsabilité de la ville. Vous allez défaire les clauses qui ont créé une catégorie pire qu'il y a là. Mais vous allez réagir à ça comment? Votre chef a dit, dimanche, qu'il était même prêt à rouvrir l'ensemble des conventions collectives, pas seulement pour les clauses orphelin, mais l'ensemble des conventions parce que, si j'ai bien compris... Et vous étiez là, dimanche.

Quant au total des coûts des conventions collectives, si j'ai bien compris votre chef, il a dit: Ça, là, si on n'est plus capables de rencontrer ces coûts-là, il faut même rouvrir les conventions collectives déjà réglées. Si c'est ça que vous voulez dire, vous feriez ça comment? Je veux vous entendre parce que c'est des pistes comme ça qu'on cherche. Faire des discours pour dire... c'est une chose, mais identifier des pistes de solution quand vous assumerez la responsabilité, c'est celles-là que je veux entendre à Montréal parce que ce qui serait vrai chez vous, on pourrait le passer ailleurs comme formule aussi, si vous l'avez, la bonne.

M. Michaud (Daniel): Faut procéder de deux façons. Un, vous faites le ménage interne. Quand la ville divise ses services de plus en plus puis augmente donc la facture d'opération, c'est bien difficile, après ça, de se retourner vers les syndicats puis de leur demander de faire leur part. Donc, pour commencer, on va essayer d'enlever les dédoublements qu'il y a dans les services municipaux. Deuxièmement, c'est clair que les syndicats ont intérêt à s'entendre avec nous autres parce qu'ils voient que la facture des Montréalais, c'est à peu près la plus élevée au Québec, en termes de taxes, vous le savez comme moi, M. le député.

Il y a beaucoup de gens à Montréal qui considèrent qu'il faudrait pousser vers un petit peu plus de privatisation pour réduire les coûts; c'est un peu avec ça qu'on va arriver. On a intérêt, les deux, à s'entendre. Eux ne veulent pas perdre des emplois; nous, on veut donner une meilleure qualité de service à meilleurs coûts. Et, sans vouloir – ha, ha, ha! – embarquer dans les querelles gouvernement-opposition, je ne sais pas s'il y a mille et une façons, mais, en tout cas, il y en a plus que celle de couper dans les salaires.

M. Cherry: O.K. Mais il en utilise rien qu'une. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Saint-Laurent, malheureusement le temps qui vous est imparti est terminé. Alors, j'inviterais maintenant le député de Rivière-du-Loup à continuer les échanges.

M. Dumont: Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue aux gens de La Relève d'Équipe Montréal. Vous faites partie des nombreux groupes de jeunes qui passent devant notre commission. D'ailleurs, ça faisait des décennies que, dans notre parlement, il n'y avait pas eu autant de groupes jeunes, surtout aussi variés. Dans le cas, par exemple, des débats comme les prêts et bourses, il y a beaucoup de groupes étudiants, mais d'une provenance aussi variée, je pense qu'on n'avait pas vu ça depuis très, très, très longtemps.

Ma première question. Bon, vous êtes assez clairs dans votre mémoire sur l'adoption d'une loi pour interdire les clauses orphelin. Je comprends aussi, de votre présentation puis des réponses aux questions, que vous vous engagez à rouvrir ce qui existerait déjà comme clauses. Est-ce que je dois, en faisant un et un font deux, conclure que, dans la loi dont vous parlez – puis je ne vous embarquerai pas dans un débat juridique sur quelle loi on toucherait, mais, dans la loi, comme principe, quelle qu'elle soit – on devrait aussi, avec un mécanisme, faire rouvrir les conventions collectives qui contiennent des clauses orphelin, donc rétroactivement faire rouvrir ou rendre contraires à l'ordre public les conventions collectives existantes en donnant un délai? Tout le monde a compris que, dans l'espace d'une nuit, le lendemain matin, au lever du soleil, ça ne peut pas être corrigé. Ça fait qu'on devrait aussi faire rouvrir toutes les conventions pour dire: Bien, là où des gens ont réglé sur le dos des jeunes, ils vont venir réparer leur affaire suite à l'adoption de la loi.

(15 heures)

M. Michaud (Daniel): Nous, on s'oppose formellement à toute forme de discrimination face aux jeunes. Il y en a présentement, nous, on en a soulevé, d'autres groupes qui sont venus ici – et ils sont nombreux – en ont soulevé des différents milieux. Il est donc clair que, pour notre part, il faut effacer cette injustice qui est commise contre une génération. Même si elle est passée, il faut la faire abolir. D'ailleurs, au gouvernement fédéral, bon, Ottawa va aller probablement en appel, mais il y a un jugement qui force le gouvernement canadien à renverser certaines de ses décisions qui étaient discriminatoires face aux femmes.

M. Dumont: Ma deuxième question. Les jeunes du Bloc québécois sont venus, un peu plus tôt dans les travaux de la commission, nous dire que, eux, sur la scène fédérale, ils allaient amener le débat, provoquer le débat, amener les autres partis soit à les contrecarrer ou à les appuyer mais au moins à se prononcer là-dessus. Vous me feriez plaisir en me disant que, sur la scène montréalaise, vous allez faire la même chose, que votre candidat à la mairie va profiter de l'élection pour véritablement provoquer, choquer, secouer, obliger tout le monde finalement à ce que, en cours de campagne, à Montréal, le débat se déplace là aussi, dans la plus grosse administration municipale du Québec, et de loin, et que finalement, le jour du vote, les jeunes Montréalais sachent, sur cette question-là: Est-ce que tous les partis se situent à la même place ou s'ils se situent à des places différentes? Mais que les partis aient une position là-dessus parce que le débat aura été soulevé.

M. Michaud (Daniel): Notre chef et notre parti ont pris une position qui est un engagement très clair; c'est au coeur du programme, c'est même un point important. Et, dans le cas de notre chef, ça va être un débat d'ailleurs qui va être soulevé durant la campagne. C'est un élément essentiel pour lui, la jeunesse, la place qu'on fait aux jeunes dans notre société, et la ville de Montréal a l'intention d'être au coeur de ce débat. C'est pour ça que Équipe Montréal a décidé d'avancer cette piste de solution qui, je dois avouer, est courageuse, parce que ce n'est pas l'ensemble des partis municipaux à l'échelle de la province qui ont tendance à en parler.

M. Dumont: Il me reste encore du temps? Bien. Je vais vous poser une dernière question. Je comprends que vous êtes en début de campagne électorale, vous devez rencontrer pas mal de gens, je suppose que, si vous avez décidé d'inclure ça dans votre programme, c'est que vous devez rencontrer pas mal de jeunes aussi que ça préoccupait, que ça touchait, que ce soit les clauses dans le monde municipal mais aussi ailleurs.

En termes de conditions socioéconomiques des jeunes... Vous êtes des jeunes vous autres même, je ne sais pas s'il y en a parmi vous autres qui avez des enfants ou qui sont en projet d'avoir une hypothèque? Bon. Oui? Ça vous indique quoi comme conditions socioéconomiques des jeunes les clauses orphelin? Mais plus large: toute l'utilisation des travailleurs occasionnels qui n'en sont pas, qui sont occasionnels pendant 10 ans, tout le bordel dans le secteur public, des inventions de secteurs, de formes d'emplois qui sont complètement malhonnêtement utilisées juste pour garder les jeunes en dehors des conditions normales. Les jeunes vous disent quoi par rapport à ça? Puis ça vous fait...

Ce matin, il y en a qui nous ont dit: C'est pas mal dur d'avoir une hypothèque quand tu es surnuméraire depuis 10 ans, sauf que tu es rendu à 40 ans puis que tu as quatre enfants. Avez-vous ce genre d'exemple là, vous autres aussi, qui vous sont racontés?

M. Bergeron-Laurencelle (Maxime): Oui. C'est clair, la situation de l'emploi puis les jeunes en général – puis là on peut parler effectivement des jeunes jusqu'à 40 ans, jusqu'à 35 ans, selon Statistique Canada, des jeunes diplômés, etc., des jeunes entre 16 et 18 qui commencent à travailler aussi ou qui commencent à se professionnaliser autour de 18 ans – je ne pense pas que ça soit rose. C'est ce qu'on entend un peu. Daniel entend la même chose dans son quartier. Je ne pense pas que ça soit rose et facile.

L'accumulation d'emplois, le départ; souvent, on recommence un emploi, on s'en va à un autre emploi, on s'en va à un autre, on s'en va à un autre, avec des conditions souvent un peu bizarres, syndiqué, non syndiqué. Je ne pense pas que la situation des jeunes en général soit facile sur le marché du travail.

On a eu recours de plus en plus au travail indépendant. Ça commence à changer parce que les travailleurs indépendants se disent, à un moment donné: Je manque de ressources, je n'ai pas vraiment plus d'argent non plus et je travaille pourtant deux fois plus. On commence à parler d'association, on commence à parler de s'associer avec d'autres travailleurs indépendants.

Je pense que le marché de l'emploi est en mouvance pour l'instant. Les jeunes ont à s'adapter à ce marché-là autant que le marché a à s'adapter, dans une certaine mesure, au fait qu'il y a beaucoup de jeunes qui sont surdiplômés aussi. On demande des emplois très spécialisés. On arrive avec des diplômes de doctorat... J'ai énormément de mes copains qui ont des diplômes de doctorat et qui ne trouvent pas d'emploi. Je pense que la situation n'est pas nécessairement rose.

Dans la mesure, par contre, où ce genre de clauses là peut être réglé, ça pourrait peut-être aider. Ça ne réglera pas l'ensemble de la dynamique de l'emploi et des jeunes; c'est un pas vers la non-discrimination puis vers la reconnaissance aussi de la capacité de travail que ces jeunes-là fournissent.

M. Dumont: Ça enverrait un message aussi.

M. Bergeron-Laurencelle (Maxime): Oui.

Le Président (M. Beaulne): Alors, messieurs, madame, la commission vous remercie de nous avoir livré vos réflexions. On vous souhaite bon retour à Montréal.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaulne): J'inviterais maintenant la représentante du Réseau des carrefours jeunesse-emploi à prendre place à la table de la commission. Mme McManus, la commission vous souhaite la bienvenue, et je suppose que vous venez nous parler ici au nom du Réseau des carrefours jeunesse-emploi. Alors, vous avez 20 minutes pour nous exposer votre point de vue, et par la suite les députés pourront échanger avec vous. Je vous demanderais de vous identifier officiellement pour les fins de la transcription.


Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec

Mme McManus (Anne): D'accord. Alors, bonjour. Mon nom est Anne McManus, je suis au comité des communications du Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec et je suis également administratrice pour le Carrefour jeunesse-emploi Ahuntsic-Bordeaux-Cartierville.

D'abord, je vais vous présenter brièvement ce qu'est le Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec. Sa mission, c'est de regrouper et représenter les carrefours jeunesse-emploi afin de développer, promouvoir et défendre collectivement une approche communautaire adaptée aux besoins locaux visant à favoriser l'intégration sociale et économique des jeunes adultes québécois. Le Réseau regroupe 85 carrefours jeunesse-emploi répartis à travers le Québec.

Les carrefours jeunesse-emploi travaillent en étroite collaboration avec les partenaires de la collectivité avec la préoccupation de répondre efficacement aux besoins des jeunes dans leur intégration socioéconomique. Comme intervenants du milieu, nous avons su développer, régionalement et localement, une expertise certaine dans le domaine du travail des jeunes, notamment par notre collaboration au colloque J'accroche l'avenir , qui s'est tenu à Montréal au printemps dernier, lors duquel un portrait exhaustif des conditions de travail des jeunes a été dressé. Il y a notamment été adopté une résolution dénonçant les clauses orphelin en plus de constater les conditions de travail précaires d'une grande partie des jeunes travailleurs.

Nous sommes donc particulièrement heureux aujourd'hui d'être entendus par cette commission parlementaire sur les clauses dites orphelin. Notre réflexion a été enrichie de l'apport précieux de plusieurs groupes, notamment le Conseil permanent de la jeunesse et Le pont entre les générations. Nous espérons que notre présentation apportera également un éclairage pertinent qui saura enrichir les débats.

(15 h 10)

Alors, permettez-moi d'abord de vous faire une brève mise en contexte des clauses orphelin, tel qu'on l'entend. Les clauses orphelin désignent généralement les dispositions visant à accorder un régime de conditions de travail inférieures uniquement à une partie restreinte des employés nouvellement embauchés ou aux futurs employés, que ce soit en ce qui concerne la rémunération ou divers autres aspects, tels la durée de la probation, les avantages sociaux, la sécurité d'emploi ou le régime de retraite. Ces clauses peuvent avoir un caractère temporaire ou permanent selon qu'elles prévoient ou non une progression des conditions de travail des nouveaux salariés leur permettant d'obtenir à court, moyen ou long terme les mêmes conditions de travail que les anciens salariés.

Depuis plusieurs années, divers groupements de jeunes ainsi que quelques organisations syndicales revendiquent la disparition des clauses orphelin de toutes les conventions collectives. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse considère, pour sa part, que ces clauses orphelin contreviennent à la Charte des droits et libertés du Québec, car elles constituent une discrimination indirecte basée sur l'âge.

Plus récemment, les trois partis politiques représentés à l'Assemblée nationale ont pris position contre les clauses dites orphelin, allant même jusqu'à adopter à l'unanimité, en deuxième lecture, un projet de loi présenté par le député de Rivière-du-Loup, M. Mario Dumont.

Donc, les clauses orphelin constituent un phénomène de plus en plus répandu. En effet, depuis le début de la décennie le recours aux clauses dites orphelin a plus que doublé, même dans la définition plutôt restrictive qu'en fait le ministère du Travail.

Je vous invite à consulter le tableau 1, en page 4 du mémoire, qui donne un portrait en pourcentage de clauses orphelin dans les conventions collectives de 100 employés et plus, par secteur d'activité économique. Alors, les secteurs d'activités économiques qui sont mentionnés, c'est le secteur manufacturier, commerce, administration municipale et autres, dans ce tableau. Et, comme vous pouvez le constater, la situation est particulièrement troublante dans le secteur économique du commerce d'autant plus que 60 % des clauses orphelin négociées dans ce secteur sont des clauses dites permanentes. C'est donc dire que dans plus de 10 % des entreprises de ce secteur jamais les nouveaux employés ne pourront atteindre le revenu de leurs prédécesseurs.

Par ailleurs, nous ne pouvons quantifier les politiques salariales discriminatoires qui existent au sein des entreprises syndiquées de moins de 100 employés ni au sein des entreprises non syndiquées, même si nous savons qu'elles existent, notamment au sein de certaines petites municipalités dont les conventions collectives ont été recensées par Le pont entre les générations.

Donc, on considère que les plaintes individuelles pour rétablir cette discrimination-là ne peuvent suffire. Alors, le recours au processus normal de plainte, en vertu de la Charte des droits et libertés du Québec, pourrait parfois permettre aux jeunes de faire valoir leurs droits et l'équité dans les conditions de travail grâce à une argumentation juridique portant sur la discrimination indirecte, comme l'a fort bien démontré la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse dans un avis antérieur.

Toutefois, compte tenu de l'ampleur du phénomène des clauses orphelin, il nous apparaît évident que le recours à de multiples plaintes individuelles serait impossible pour les jeunes touchés par ces clauses. En effet, les délais importants, le manque de ressources financières des organisations spécifiquement dévouées à la promotion des droits et intérêts des jeunes travailleurs et la difficulté que représente une plainte portée tant à l'endroit de son employeur que de son syndicat rendraient des recours successifs aux tribunaux fort difficiles, voire impossibles. Devant cette situation, le recours à des mesures législatives proactives nous semble davantage approprié, une nécessaire législation sur l'équité intergénérationnelle.

Alors, on parlait du document ministériel qui fait preuve d'un manque de réalisme lorsqu'il affirme qu'«il n'a pas été démontré que ce sont spécialement les jeunes qui font les frais de telles clauses» et qu'avant d'affirmer que les clauses orphelin sont inéquitables dans un cas précis il faudrait tenir compte de tous les facteurs pertinents, tels, par exemple, les pertes de salaires que les salariés déjà à l'emploi de l'entreprise ont eu à assumer par le passé, on pense par exemple à des réductions ponctuelles de salaires n'ayant pas nécessairement affecté les échelles de salaires en vigueur, des grèves, des lock-out plus ou moins longs, etc.

Que les clauses orphelin touchent principalement les jeunes nous semble évident. À cet égard, j'aimerais citer la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse dont nous partageons l'analyse. «Le fait pour l'employeur et pour le syndicat d'introduire dans la convention collective une norme établissant un double palier de rémunération (ou toute autre mesure comportant un désavantage pour les nouveaux salariés) peut entraîner, de l'avis de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, des situations discriminatoires, au premier chef sur la base de l'âge.

«Dans de tels cas, une preuve statistique s'avérera indispensable, qui comparera la situation du groupe désavantagé (les nouveaux salariés) à celle du groupe-témoin (les salariés plus anciens) du point de vue de l'âge. Cela paraît évident quant aux secteurs d'activité qui prévoient, pour certains fonctions, un âge maximum d'accès à l'emploi (par exemple, les pompiers, policiers, chauffeurs d'autobus). Dans les autres cas, il faut tenir compte du haut taux de chômage chez les jeunes ainsi que de la précarité et du caractère intermittent des emplois détenus par ce segment de la population, ces éléments suggèrent que l'offre d'emploi, en règle générale, sera le fait de candidats nettement plus jeunes que les salariés déjà en fonction.

«L'on relèvera, d'autre part, que la décision de la Commission des droits de la personne du Québec [...] la juge Michèle Rivet reconnaît [...] que des situations de discrimination indirecte peuvent se produire en regard du critère de l'âge. En droit américain, plusieurs décisions font état de telles situations de discrimination indirecte, en matière d'emploi.»

Mais plus généralement les affirmations du document ministériel laissent sous-entendre que certaines clauses orphelin sont justifiées par les supposés sacrifices passés des travailleurs actuellement en entreprise. Or, la lecture du tableau 2, à la page 7 du mémoire, démontre que les jeunes ont clairement un revenu plus faible que leurs parents, au même âge. En matière de sacrifice, les jeunes ont déjà largement fait leur part.

La situation générale est claire. Il nous semble que le ministère du Travail devrait prendre acte de cet état de fait, soit l'appauvrissement des jeunes, plutôt que de référer à des hypothétiques exceptions pour justifier un éventuel laisser-faire. En effet, il est utopique de penser que les victimes des clauses orphelin, en premier chef les jeunes, pourraient faire valoir concrètement leurs droits en ayant recours à la Cour supérieure du Québec. Tout au mieux, assisterions-nous à quelques démarches isolées sans portée significative. Une législation est nécessaire.

C'est pourquoi le Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec recommande que le gouvernement du Québec adopte une loi sur l'équité entre les générations dans les conditions de travail, qui prohibera le recours aux clauses orphelin et modifie en conséquence le Code du travail, la Loi sur les normes du travail et les autres lois ou règlements pertinents.

C'est la baisse des conditions salariales qui est responsable de l'appauvrissement chez les jeunes. De l'avis de certains représentants patronaux et syndicaux, les clauses orphelin ont souvent pour objet de permettre une restructuration des politiques de main-d'oeuvre d'une entreprise, tout en permettant la sauvegarde, voire la création d'emplois, et en évitant la précarisation croissante des emplois par le recours à la sous-traitance, le travail à la pige, etc.

La croissance du recours aux clauses orphelin serait donc attribuable à une stratégie plus ou moins consciente de création d'emplois chez les jeunes. Pourtant, Statistique Canada nous rappelait récemment que, si les jeunes se sont appauvris au cours de la dernière décennie, le phénomène n'est pas attribuable à une réduction de la durée de travail mais plutôt à une diminution des taux de rémunération horaires.

L'appauvrissement des jeunes était déjà un sujet de préoccupation majeure pour la société québécoise. Quelques initiatives ont permis de limiter les dégâts, on pense aux carrefours jeunesse-emploi, aux coopératives de travail, aux collectifs d'entreprises, à l'insertion, les mesures du plan d'action jeunesse pour créer des stages pour les jeunes diplômés dans la fonction publique. Donc, quelques initiatives comme celles-là ont permis de limiter les dégâts en matière d'emploi des jeunes même si le taux de chômage des jeunes reste un problème. Toutefois, une stratégie complète de lutte à la pauvreté chez les jeunes doit aussi prévoir une intervention en matière de rémunération et de conditions de travail des jeunes.

Alors, en conclusion, une législation pour interdire les clauses dites orphelin serait un geste concret qui viendrait confirmer la volonté gouvernementale d'améliorer les conditions de travail des jeunes. Le Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec invite le gouvernement à agir en conséquence.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président. J'aimerais, Mme McManus, vous souhaiter la bienvenue ici aujourd'hui et vous dire qu'on très heureux d'avoir l'opinion du Réseau des carrefours jeunesse-emploi, qui sont rendus à 89? 89 carrefours maintenant? 85?

Mme McManus (Anne): À 85, là. Il y a eu peut-être des inaugurations récentes.

M. Rioux: L'objectif c'est qu'il y en ait dans les 125 comtés du Québec. Alors, ça va bien.

Mme McManus (Anne): Oui.

(15 h 20)

M. Rioux: On est en bonne voie. D'ailleurs, je dois vous dire que, pour en avoir mis deux en place dans le comté de Matane, un à Sainte-Anne-des-Monts et un à Matane, ce sont des équipements extraordinaires pour nous aider à régler la problématique de l'emploi chez les jeunes dans des régions comme les nôtres. Dans la région de Montréal, ça se pose un peu différemment, mais dans la région de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent, je dois vous avouer qu'on avait besoin de ça, et ils font un travail magnifique.

Au sein des carrefours jeunesse-emploi, les entreprises siègent. Les syndicats sont là, les entreprises, les groupes socioprofessionnels sont également autour de la table, et, quand vous venez nous faire les recommandations que vous faites, ça reçoit l'appui des employeurs qui sont au... et qui siègent autour de la table des carrefours jeunesse-emploi. Est-ce que je dois comprendre ça, et que ça cautionne, et que les municipalités aussi, qui sont présentes aux conseils d'administration des carrefours jeunesse-emploi, sont d'accord avec ça?

Mme Mcmanus (Anne): D'abord, je dois vous dire que la composition des conseils d'administration de chacun des carrefours jeunesse-emploi est différente. Il n'y a pas systématiquement des représentants municipaux ou syndicaux sur tous les conseils d'administration. En fait, la position, ici, qui a été développée par le réseau a été entérinée par le conseil d'administration du Réseau des carrefours jeunesse-emploi qui est formé de directeurs et directrices des carrefours de chacune des régions du Québec. Donc, voilà.

M. Rioux: Je ne veux pas mettre en doute la représentativité du conseil d'administration et les gens, ce n'est pas ça du tout. Mais je sais, chez moi, par exemple, les employeurs sont au carrefour jeunesse-emploi. Il y a des jeunes dirigeants d'entreprise qui sont présents et qui sont très actifs, dynamiques et il y en a aussi des milieux socioprofessionnels qui ont jugé bon de s'impliquer parce qu'on a une problématique, nous, c'est l'exode des jeunes. Alors, avec l'appui et l'apport du monde de l'entreprise, ça nous aide énormément dans notre travail et ça nous simplifie les choses.

Alors, c'est pour ça que je voulais savoir si les employeurs qui travaillent autour de vous partageaient le discours qu'on entend des milieux patronaux ou de l'Association des manufacturiers ou de la Fédération d'entreprises indépendantes, vous comprendrez bien. Alors, je ne sais pas s'il y a un phénomène de contagion, puis ils ne parlent pas le même langage quand ils sont chez vous ou lorsqu'ils sont représentés par leurs grandes instances, moi, je voulais le savoir. Ça m'intéresse parce que c'est des acteurs importants.

Mme Mcmanus (Anne): Ce que je peux dire, c'est... Je ne peux pas parler pour tous les carrefours; chaque carrefour est une corporation autonome, comme je vous dis, comme vous le savez. En fait, c'est sûr que les gens qui s'impliquent dans les carrefours jeunesse-emploi, ce sont des gens qui sont sensibilisés à la situation des jeunes sur le marché du travail, dans le cadre de leur insertion sociale et professionnelle. Ils sont donc favorables à des mesures qui vont leur permettre de bien s'insérer puis s'épanouir dans la société, de se réaliser et d'y contribuer.

Mais là le processus pour ce document-ci n'a pas été d'aller dans chacun des carrefours jeunesse-emploi et de le soumettre à chacun des conseils d'administration. Le Réseau des carrefours jeunesse-emploi regroupe, sur une base volontaire, des carrefours jeunesse-emploi. D'accord?

M. Rioux: J'aimerais vous entendre un peu sur ce qu'on appelle l'équité intergénérationnelle. On en a beaucoup parlé ici puis il y en a qui sont venus nous mettre en garde aussi de faire bien attention, parce que dans cette volonté – et vous le dites à la page 8 de votre document – il faudrait qu'il y ait de l'équité entre les générations, ce qui est acceptable. Mais, dans cette volonté d'établir une sorte d'équité intergénérationnelle, il ne faut jamais oublier que les nouveaux arrivés, parfois, dans l'entreprise ne sont pas nécessairement des gens de 20 ans ou de 25 ans ou de 30 ans. Ils sont parfois beaucoup plus vieux que ça, et les gens à statut précaire, dans les entreprises – on en a eu des témoignages assez éloquents depuis quelques jours – sont des gens qui sont pères de famille, qui ont quatre enfants, qui en arrachent aussi dans la vie. Alors, quand vous parlez d'établir une équité entre les générations, dites-nous plus clairement ce que vous voulez dire parce que juste à lire votre mémoire, ça ne me suffit pas.

Mme McManus (Anne): Alors, c'est sur la base du principe de l'équité qu'on base notre position, l'équité entre les générations de travailleurs aussi. Alors, nous, on est favorable à la reconnaissance du principe d'équité entre les personnes. Mais ce qu'on dit c'est que notre mandat nous amène à recevoir plus des jeunes dans les carrefours jeunesse-emploi, et on a fait la démonstration que ce sont eux qui sont le plus souvent touchés quand même par des clauses discriminatoires et aussi qui sont plus affectés par la pauvreté. Alors, c'est pour ça qu'on dit que ça les touche davantage, mais en fait on veut l'équité pour toutes les générations de travailleurs.

M. Rioux: En annexe de votre document, vous faites une liste des villes où il apparaît des clauses orphelin: Jonquière, Anjou, Brossard, Laval, Rosemère. Ça, c'est une information pour l'opposition: toutes ces villes, les conventions collectives étaient signées, réglées avant l'arrivée de la loi n° 414. Alors, tout à l'heure, si l'opposition vous fait un discours démagogique sur la catastrophe que constitue la loi n° 414, il faudrait peut-être que vous ayez ça en tête, parce qu'ils vont vous ressortir ça, ça fait partie de leur 45 tours ça.

Et tout à l'heure la députée me disait que j'avais du front tout le tour de la tête quand on parlait des nuances qu'il faut apporter à la loi n° 414, hein? C'est une trentaine de conventions collectives qui ont été réglées par arbitrage, puis, ça, ça émane de propositions venant des syndicats ou de la ville; on choisissait la meilleure, c'était le rôle de l'arbitre. Mais je voudrais vous dire une chose, ma chère madame, c'est que, si les gens avaient voulu être imaginatifs, comme l'ont fait certains, ils n'auraient même pas touché à la question salariale dans leur règlement et ils se seraient rangés du côté des congés-maladie, des jours fériés, du temps supplémentaire, et que sais-je encore.

Alors, quand on porte des accusations en nous disant que la 414, c'est l'apocalypse, il faut prendre ça avec un grain de sel, parce que les gens qui sont devant nous, ils ont tout vécu ça, eux autres, les clauses orphelin; ils ont fermé les yeux là-dessus, ils n'ont jamais bougé d'une patte. Là, aujourd'hui, ils font les vierges offensées. Ils ont l'air des sépulcres blanchis. Ils disent: Le gouvernement du Québec a laissé faire une chose semblable. Bien sûr, le gouvernement du Québec, par un souci d'équité, a voulu mettre de l'ordre dans les finances publiques. Ils nous ont laissé un héritage terrible au plan budgétaire, alors c'est pour ça qu'on a été obligé d'intervenir chez les 400 employés de l'État et des services publics et parapublics et après ça qu'on a demandé aux municipalités de faire leur bout de chemin. Comprenez?

Alors, c'est pour ça que votre petit document en annexe, c'est sûr que ça nous rappelle qu'il y a des villes au Québec qui signent des conventions collectives avec leur syndicat contenant des clauses orphelin, mais, celles que vous nommez, ça a été fait avant la 414. Je laisse la parole à mon collègue, M. le Président, si vous me le permettez.

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le député de Roberval, vous pouvez poursuivre.

(15 h 30)

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, madame. J'ai participé à la fondation d'un premier carrefour dans mon comté, il y a déjà plusieurs années, et des CADC aussi, je pense que c'est là qu'on s'est déjà rencontré. Moi, tous les mémoires qui ont été présentés depuis ce matin m'interpellent énormément surtout pour la cause des jeunes, mais ils m'interpellent aussi pour la cause du développement économique dans nos régions. Surtout au niveau des carrefours, vous avez à supporter, à encadrer bien souvent des jeunes qui ont des idées et qui peuvent partir des entreprises intéressantes, des petites PME intéressantes. De quelle façon on va conjuguer avec des salaires aussi élevés, par exemple, qu'on retrouve dans les municipalités? Est-ce qu'on peut, dans une entreprise qui démarre, payer des salaires équitables avec une entreprise qui est à côté et qui a déjà du chemin de fait?

On avait un groupe de jeunes de la ville de Montréal, tout à l'heure, qui parlaient, dans leur mémoire, des différences qu'il y avait entre certaines catégories d'employés et au niveau de certains services, et on disait que la ville de Montréal, dans une démarche de rentabilité au niveau de ses restaurants, par exemple, d'aréna ou autres... Mais est-ce que, dans la restauration, on peut se permettre de payer du salaire de 15 $ de l'heure? Je pense que, dans le privé, on n'en voit à peu près pas dans la restauration de petits restaurants. Du moins, chez nous, dans mon coin, quand les gens ont réussi à avoir le salaire minimum plus les pourboires, je pense que c'est le plus que les gens peuvent donner. Alors, dans un esprit aussi de rentabilité, je pense qu'il faut faire quelque chose, mais je suis d'accord avec vous qu'il faut que ce soit fait par l'ensemble.

Moi, ce qui me blesse là-dedans, c'est que l'effort qu'on a demandé à partir des consensus qui ont été faits n'a pas été fait de façon équitable pour tout le monde. Tu sais, si on a demandé plus aux jeunes qu'aux plus âgés, c'est là que le bât blesse, comme on dit. Vous autres, quand vous parlez des jeunes, que vous faites allusion à ces clauses orphelin là... D'ailleurs, on a toujours un peu vécu ça parce qu'il y a toujours... Vous savez, quand on rencontre des gens qui emploient des jeunes, ils disent: Bien, coudon, moi, je ne peux pas payer un jeune 18 $ de l'heure, faut que je lui apprenne son métier, faut que le jeune accepte de travailler peut-être à 10 $, 12 $ ou à 8 $ pour commencer. Mais le problème, c'est que, dans certains cas, comme l'ont dit cet avant-midi certains mémoires, ça dure trop longtemps. Ça dure deux ans, trois ans, puis on voyait jusqu'à 10 ans. Alors, c'est là que ce n'est pas normal.

Mais, moi, je serais d'accord pour niveler ça dans la mesure où les gens diraient: On va avoir la collaboration de tout le monde, et des syndicats également, parce qu'on sent, par le règlement de ces clauses-là, même avant la loi n° 414, qu'il y a une certaine gangrène qui s'est emparée des syndicats, gangrène, je dirais même, cancéreuse et qui fait du favoritisme au niveau de leur propre classe dominante parce qu'ils sont protégés pour paralyser la classe des jeunes qui rentrent sur le marché du travail.

Moi, je serais d'accord pour établir une politique, même un projet de loi qui permettrait de protéger ces clauses-là, c'est bien évident, de protéger les gens, mais dans la mesure où on ferait l'effort nécessaire pour équilibrer aussi les finances de ces municipalités-là, parce que les municipalités, elles ont le problème vraiment de rétablir l'équilibre aussi de leurs finances si elles veulent absorber les nouvelles responsabilités qu'on leur donne. Alors, va falloir que tout le monde mette la main à la pâte.

Je suis bien d'accord qu'on doit protéger la génération qui rentre sur le marché du travail et lui donner le plus d'ouverture possible, mais elle doit aussi se rendre compte qu'elle doit avoir, pendant quelques mois au moins, peut-être un an ou deux, des classes à faire; et des classes à faire, c'est de s'intégrer dans une équipe de travail, et ça prend quelque temps avant d'être rodé pour donner son plein rendement. Je pense que ça, tout le monde l'a vécu. Vous savez, on a tous été jeunes – on l'est encore, d'ailleurs – puis on a tous commencé, sur le marché du travail, à faire nos classes, et je pense que ça fait partie, ça, de l'école de la vie. Mais ce qui ne fait pas partie de l'école de la vie, c'est la mesquinerie. Ça, ça ne fait pas partie de l'école de la vie.

Je vois dans les préoccupations de votre mémoire que vous vous rapprochez énormément de tous ceux qu'on a vus depuis le début de la commission parlementaire et qui se préoccupent justement de l'équité. Je crois que notre gouvernement est en mesure de rétablir cette équité-là. Je suis persuadé que M. le ministre est très sensible à l'équité des générations également et de tous les travailleurs au niveau du Québec. En tout cas, c'est mon opinion que je donne. Je n'ai pas de question à vous poser parce que...

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. Mme McManus, voulez-vous réagir?

Mme McManus (Anne): Oui, une petite réaction. C'est à l'effet que c'est normal d'avoir ses classes à faire quand on est jeune puis qu'on arrive sur le marché du travail, mais, d'une part – je vous ramène au tableau 2 à la page 7 – on remarque tout de même qu'il y a un appauvrissement chez les jeunes comme groupe social et également que, si on fait une comparaison de l'âge, au début de la période 18-24, de 1975 à 1984 et de 1984 à 1993, on remarque un écart important. Donc, il y a vraiment un phénomène d'appauvrissement chez les jeunes. C'est évident qu'il faut apprendre, qu'il faut faire ses classes, mais que les conditions ne soient pas discriminantes à l'égard des jeunes, dans le contexte où parfois il y a des...

M. Laprise: Il ne faut pas que ça dure trop longtemps.

Mme McManus (Anne): Voilà.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, maintenant, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, Mme McManus, je voudrais vous souhaiter la bienvenue et vous remercier pour l'éclairage que vous nous avez apporté au nom du Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec, un organisme nouveau, enfin tout récent, suite à l'émergence des carrefours jeunesse-emploi. J'ai eu l'occasion moi-même de participer activement à la mise sur pied d'un carrefour jeunesse-emploi dans mon comté, donc je sais un peu ce que c'est qu'un carrefour jeunesse-emploi dans la pratique.

Le mémoire est assez bien fait, bien documenté. Vous avez des éléments là-dedans qui sont très pertinents, notamment à la page 4 lorsque vous résumez le tableau. Évidemment, vous nous dites dans votre mémoire que vous vous êtes inspirés un peu du Pont entre les générations, un groupe que nous avons entendu, donc nous avons lu le mémoire.

Lorsqu'on regarde ce tableau, il est très révélateur. En fait, il résume un peu la situation parce qu'on constate que, à partir du moment où ce gouvernement a été en place, depuis 1994, les clauses orphelin ont augmenté et elles affectent, comme vous le dites si bien, davantage les jeunes. Par exemple, les clauses orphelin sont passées, au niveau de leur application, de 2,6 % en 1991 à 6,4 % en 1997. Et, lorsqu'on regarde le détail par secteurs d'activité, dans le domaine manufacturier, on parlait en 1991 de 1,4 % de clauses orphelin appliquées dans les conventions collectives touchant une entreprise de 100 employés et plus et, en 1997, sous ce gouvernement, on est à 5,7 % dans le secteur manufacturier; dans le secteur commercial, sur lequel d'ailleurs vous insistez abondamment, et à juste titre, dans votre mémoire, on est passé de 6,3 % en 1991 à 16,1 % en 1997; dans l'administration municipale, on est passé de 8,3 % à 9,7 %; pour le total que nous avons de 6,4 %. Ça, c'est très éloquent, et le ministre, si ça lui prend une autre paire de lunettes pour voir plus clair, je pense qu'on est prêts à la lui fournir. Mais c'est très éloquent comme description du phénomène, de son impact, de son ampleur et surtout de ses effets sur les jeunes en particulier.

Toujours dans la page 4, vous parlez du secteur commercial et vous dites que 60 % des clauses orphelin négociées dans ce secteur sont dites permanentes. C'est beaucoup, ça. C'est beaucoup et ça touche beaucoup également les jeunes. Dans votre mémoire, ce que j'ai aussi apprécié, c'est le fait que vous soulignez que la Charte des droits, malgré son importance, malgré le fait qu'elle s'applique – en fait, on s'attend à ce qu'elle s'applique – est insuffisante comme outil pour lutter contre les clauses orphelin et donc le recours individuel, le système qu'on connaît des plaintes individuelles devant la Commission des droits de la personne... De toute façon, la Commission des droits de la personne, son budget a été coupé. Elle n'a même pas les outils pour traiter les plaintes. Encore faut-il les mener parfois jusqu'au Tribunal des droits de la personne, ce qui exige énormément de ressources.

Vous aboutissez à la recommandation d'avoir une loi. Vous dites «une législation sur l'équité intergénérationnelle». Ça, ça me plaît beaucoup, cette formulation. Comment ça se traduirait concrètement, cette législation?

(15 h 40)

Mme McManus (Anne): Bon, je répondrai un peu comme les gens qui m'ont précédée: Moi non plus, je ne suis pas légiste. Alors, ce serait donc une loi qui aurait effet sur les autres lois, sur le Code du travail, les normes du travail. En fait, c'est pour toucher tout type de travailleur, qu'il soit syndiqué ou non – je pense, par exemple, à des corps de métiers qui ne sont pas régis par les normes du travail – ce qui engloberait donc tous les travailleurs sur la base de l'équité, éliminerait finalement l'inéquité qui pourrait s'ensuivre.

Mme Houda-Pepin: Ce serait une sorte de loi-cadre qui s'appliquerait à toutes les législations et à tous les dispositifs déjà existants?

Mme McManus (Anne): Oui.

Mme Houda-Pepin: Je comprends. Dans ce sens-là, je pense que c'est – comment dirais-je? – assez clair comme idée, parce que certains groupes nous disent qu'il faut modifier le Code du travail, mais que le Code du travail ne touche que les syndiqués, que des gens qui ont des conventions collectives; d'autres parlent des normes du travail. Alors, en ayant une loi-cadre, peut-être que ça serait une façon de régler le problème. Je pense que le consensus se dégage dans cet esprit-là.

Je voudrais savoir. Vous avez dit que le Réseau des carrefours jeunesse-emploi regroupe 85, mettons près de 90 carrefours jeunesse-emploi. Le carrefour jeunesse-emploi, c'est un endroit où les jeunes, je pense, de 16 à 35 ans vont chercher des services pour les aider à s'insérer dans le marché du travail. Quel est le pourcentage des jeunes qui ont été référés ou servis par les carrefours jeunesse-emploi et qui sont victimes des clauses orphelin, selon vous?

Mme McManus (Anne): Là, je ne suis vraiment pas en mesure de vous donner cette réponse-là. Ce que je peux vous dire, c'est que, nous, sur le terrain, les carrefours jeunesse-emploi, on voit des 16-35 ans de tous les statuts, qu'ils soient travailleurs, étudiants, chômeurs, décrocheurs, et qu'on constate qu'il y a un appauvrissement, qu'il y a une précarité aussi pour eux sur le marché du travail: des conditions de travail précaires, du travail intermittent, des normes inéquitables. Alors, nous, c'est sur la base de cette vision qu'on a sur le terrain et aussi avec les moyens réduits que l'on a pour présenter une position de principe, en fait, et qu'on veut complémentaire à des positions développées par des groupes qui ont apporté des solutions, des actions plus concrètes – je pense au Conseil permanent de la jeunesse, je pense au Pont entre les générations, à la Fédération universitaire des étudiants du Québec.

Mme Houda-Pepin: Les carrefours jeunesse-emploi donnent aussi des sessions d'information sur différents sujets en rapport avec le marché du travail. Considérant l'impact des clauses orphelin et considérant aussi la complexité de ce phénomène, parce que ce n'est pas tout le monde, les jeunes en particuliers ne se lèvent pas le matin en disant: Les clauses orphelin, je vais attraper ça sur mon chemin, n'est-ce pas, est-ce que vous pensez que les carrefours jeunesse-emploi pourraient développer, dans le cadre des sessions de formation qu'ils donnent sur le marché du travail, un volet sur les clauses orphelin pour sensibiliser les jeunes à cette réalité et leur dire: Bien, vous êtes probablement les premières victimes lorsque vous allez chercher un emploi, il faut regarder ça et voici comment ça se présente, les clauses orphelin? Pensez-vous que c'est quelque chose qui pourrait être faisable par les carrefours?

Mme McManus (Anne): Bien, nous, on n'adopte pas une approche politique avec les jeunes, mais, par contre, oui, il y a des carrefours qui vont avoir des ateliers d'information sur, par exemple, les normes du travail, quelles sont les normes qu'un employeur doit offrir et auxquelles le travailleur peut s'attendre. Alors, il y a de l'information dans ce sens-là, de la sensibilisation.

Mme Houda-Pepin: Mais est-ce que, dans le cadre de ces sessions-là sur les normes de travail, on ne peut pas sensibiliser les jeunes à la réalité des clauses orphelin?

Mme McManus (Anne): Je ne suis pas en mesure de vous parler pour chacun. Dans chacun des carrefours, lorsqu'un atelier est préparé, ça pourrait être quelque chose... Je ne le sais pas. Je ne peux pas vous répondre, à l'heure actuelle. Je vais le garder en élément de réflexion.

Mme Houda-Pepin: Une dernière question par rapport à l'avenir des carrefours jeunesse-emploi. Dans le cadre de la restructuration qui a été menée, de la fusion au niveau d'Emploi-Québec, et tout ça, on a entendu toutes sortes de rumeurs concernant l'avenir des carrefours jeunesse-emploi. À un moment donné, ils devaient relever du ministère des Relations avec les citoyens parce que ça touchait les jeunes; à un moment donné, ça devait relever du ministère du Développement des régions. On me dit qu'actuellement on va rester avec Emploi-Québec. Chez vous, quand vous rencontrez les directeurs des carrefours jeunesse et vous discutez de votre avenir, qu'est-ce qu'il y a, qu'est-ce que votre avenir vous dit?

Mme McManus (Anne): Écoutez, ça va un petit peu au-delà de la position ici. Je ne pourrais pas vous donner, à ce moment-ci, un écho de ce côté-là, n'étant pas administratrice au Réseau des carrefours jeunesse-emploi. Moi, je suis impliquée dans un, dans deux carrefours jeunesse-emploi, en fait, un où j'y travaille et un là où je réside, où j'ai participé au projet parce que j'ai été moi-même un travailleur autonome, une personne qui a connu des situations de travail précaires, et je me suis impliquée, donc, dans mon milieu sur un projet carrefour jeunesse-emploi qui est devenu un carrefour jeunesse-emploi. J'ai toujours une implication comme administratrice à ce carrefour-là, mais je ne peux pas répondre du Réseau.

Mme Houda-Pepin: Merci. Je cède la parole à mon collègue.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Merci, madame. Votre mémoire est éclairant pour nous. Évidemment, là, je pense, par exemple, au tableau que vous avez à la page 4. Ça se termine bien sûr avec la dernière année de référence, c'était en 1997. Mais, quand on pourra y ajouter l'année 1998 avec les conséquences des législations, je pense qu'on trouvera là un chiffre qui fera la démonstration qu'il y a une augmentation, en tout cas sûrement au niveau de l'administration municipale, parce que c'est dans la dernière année de référence qui n'est pas terminée.

Dans un deuxième temps, et là le ministre a fait référence à la liste d'exemples que vous nous donnez, soit les villes de Jonquière, d'Anjou, de Brossard, de Laval et de Rosemère, le ministre s'est empressé de dire que tous ces règlements-là n'ont pas été assujettis à des décisions d'arbitrage mais bien négociés entre les parties. Je n'ai pas dit que ça, c'était... de tout, mais ce que j'amène le ministre à reconnaître, c'est que, évidemment, on a fait la démonstration par 414, mais que la conséquence, c'est: que ça soit par formule d'arbitrage ou que ce soit suite à la commande du moins 6 %, entente entre les parties ou arbitrage, ce sont les jeunes qui ont reçu la facture. C'est ça que j'essaie de démontrer depuis le commencement. Si ce n'était pas ça, l'intention, c'est ça, les résultats. Alors, il est important qu'on prenne note de ça.

Le député disait, tantôt: Ce n'est pas ça qu'on voulait faire. Mais, depuis qu'on entend les gens, le résultat, c'est qu'ils viennent nous dire: C'est nous qui avons reçu la facture. Pas toujours des cas d'arbitrage. Mais, indépendamment, si on est ici, en 1998, pour faire le constat, on est obligés d'en arriver à la conclusion que, par cas d'arbitrage ou par cas de négociation entre les parties, le résultat quand ils se sont entendus, dans de trop nombreux cas qui sont illustrés ici, c'est que ce sont les jeunes qui en ont fait les frais. Donc, il est important de noter ça parce que c'est à ça qu'on veut répondre et que c'est ça qu'il faut surveiller pour que ça ne dégénère pas en conflit intergénérations. Et, pour ne pas que ça se fasse, on est mieux d'aborder le problème franchement, honnêtement puis de dire: Quand, comme collectivité québécoise, on a des choix à faire, servons-nous de ce qui vient d'arriver pour qu'on ne répète pas cette erreur-là.

Et là vous nous avez dit, tantôt, et je le vois par vos chiffres: Dans le domaine du commerce – parce que souvent des jeunes, quand ils démarrent, là, tu sais, c'est une petite entreprise, quelqu'un qui va leur trouver un emploi – on voit là une augmentation. Donc, ce que vous nous dites, c'est que le signal est important. Les jeunes qui souhaitent se trouver un emploi, qui en acceptent un, ont de plus en plus la perception que, parce qu'ils sont jeunes, on leur propose, on leur présente des conditions d'embauche, au point de vue rémunération, qui sont nettement défavorables par rapport à ce que d'autres travailleurs dans l'industrie à laquelle ils se joignent ont accès. Et vous me dites: Ça, c'est quelque chose qui ressort dans les carrefours jeunesse-emploi.

(15 h 50)

Mme McManus (Anne): Bien, en fait, on voit de tout, nous, comme je vous dis. On a soit des diplômés, des chômeurs, des décrocheurs. Ce qu'on remarque, c'est que les statistiques, les études... Et, effectivement aussi, une proportion des jeunes qui viennent chez nous, on voit qu'ils ont une difficulté, qu'ils vivent une situation de précarité, qu'ils ont de la difficulté à s'insérer dans le marché de l'emploi, à s'y maintenir aussi à cause des conditions de travail. Le maintien est aussi difficile. Il y a beaucoup de travail intermittent, il y a une rémunération qui ne leur permet pas non plus de s'établir dans la vie, de faire face à leurs obligations de jeunes adultes.

M. Cherry: Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que vous les aidez à s'identifier à un emploi, à se préparer pour l'occuper, mais que finalement ils l'acceptent, souhaitant que ça les amène à une amélioration de leurs conditions puis à pouvoir faire face à leurs obligations, mais qu'ils vous reviennent en vous disant: Tu sais, c'était une espèce de «cheap labor», c'est temporaire, je ne peux pas me faire un avenir ou je ne peux pas me bâtir quelque chose de solide là-dessus. Et vous avez fait la présentation en disant: Qu'ils soient diplômés, qu'ils soient chômeurs, qu'ils soient jeunes ou même un peu plus âgés, on fait le même constat dans les carrefours. C'est bien ça?

Mme McManus (Anne): Oui, qu'il y a une proportion des jeunes qui vivent cette situation-là. Il y en a qui s'en tirent bien, mais je pense que la situation est bien claire que les jeunes vivent l'appauvrissement par rapport à... En général, ils sont plus touchés par des plus basses rémunérations et des conditions de travail moins favorables que des gens qui sont plus âgés, des générations plus âgées. Et j'ajouterais aussi que c'est une question de génération de travailleurs, comme je disais tout à l'heure, des nouveaux employés versus des employés plus anciens. Alors, l'âge, à ce moment-là, n'est pas nécessairement le critère.

M. Cherry: Alors, ce que vous nous dites – et dites-moi si je vous comprends bien, sinon je vous permets de préciser – c'est que des gens qui sont embauchés dans le contexte que vous venez de décrire précédemment occupent côte à côte un travail similaire, mais, parce qu'ils viennent d'être embauchés récemment, ils font le même genre de travail, les mêmes conditions, les mêmes heures, mais avec une rémunération moindre, une stabilité d'emploi beaucoup moindre et bien souvent, je présume, des avantages sociaux inexistants ou fortement disproportionnés par rapport à leurs compagnes ou à leurs compagnons de travail. Est-ce que je cerne bien votre présentation, dans ce sens-là?

Mme McManus (Anne): C'est le lot de beaucoup de jeunes, oui. C'est le lot, oui, de beaucoup de jeunes, effectivement.

M. Cherry: Donc, c'est ce qui explique cette prise de conscience collective, et ils refusent de continuer à se prêter à ça plus longtemps. C'est pour ça qu'ils sont si nombreux, en groupes, à venir nous donner le signal que vous joignez votre voix, aujourd'hui, avec l'expérience des carrefours jeunesse-emploi.

Mme McManus (Anne): Oui, c'est ça.

M. Cherry: Merci, madame.

Le Président (M. Beaulne): Alors, maintenant je cède la parole au député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. Bienvenue à la représentante du Réseau des carrefours jeunesse-emploi. Votre présentation est intéressante parce que, d'abord, vous êtes branchés sur les jeunes – le Réseau en voit continuellement – mais que vous avez un autre point de vue, c'est que vous n'êtes pas dedans, vous êtes de ceux qui aident, qui accompagnent des jeunes dans des démarches reliées à l'emploi.

À la page 8 de votre mémoire, vous avez, en relativement peu de mots et peu de phrases, résumé les deux grands enjeux du débat, les deux grandes motivations qui devraient tous nous pousser à agir. C'est la position de principe quand vous dites, dans votre recommandation, «l'équité entre les générations», donc le principe d'équité entre les générations, puis, un peu plus loin, vous parlez de l'appauvrissement des jeunes. C'est comme le motif pratique, c'est-à-dire que, comme position de principe, on peut se dire: En termes d'équité entre les générations, ça n'a pas de bon sens, quand vient le temps de faire, par exemple, des réajustements de salaires parce qu'on veut baisser la masse salariale d'une ville, qu'on dise: C'est les jeunes qui mangent toute la claque, puis les autres sont protégés.

Mais il y a aussi le phénomène d'appauvrissement des jeunes pris dans un sens, sans même de principe, seulement de pratico-pratique de dire: Bien, là, il y a une génération qui s'appauvrit, puis qui s'appauvrit, puis qui s'appauvrit encore plus que ce qu'on voit parce que non seulement elle n'a pas d'argent dans son compte de banque pour encourir toutes les dépenses qu'elle pourrait encourir puis avoir une hypothèque – puis la banque ne veut pas lui prêter – mais, en plus, elle n'a pas le fonds de pension, rendue à 35 ans, que d'autres avaient au même âge, avant. Donc, ils s'appauvrissent en double. C'est important parce que autant la position de principe que la position pratique, à mon avis, devrait faire que les gens de la commission se positionnent assez rapidement.

On sent que le gouvernement évolue, puis il va peut-être se passer quelque chose, à la fin de la commission. Du côté de l'opposition, c'est plus inquiétant. Quand le chef rencontre l'Union des municipalités, sa strap glisse, mais enfin on va espérer qu'il va se faire quelque chose. Puis la question, c'est : Qu'est-ce qu'on va faire?

Dans votre mémoire, vous abordez ça un petit peu. Si on a un mécanisme où les jeunes ont à porter plainte – vous y référez en parlant, entre autres, de la Commission des droits de la personne, mais mettons que c'est la Loi sur les normes du travail qui fonctionne aussi par plainte, où il faut porter plainte – selon votre expérience de l'accompagnement de jeunes qui sont placés dans des emplois précaires, de leurs relations avec le marché du travail, avec un nouvel employeur, est-ce que vous n'avez pas la crainte qu'il y ait bien des jeunes, placés dans un emploi précaire qui est un gagne-pain puis qui est le seul disponible... Là, ça fait six mois que tu cherches, tu t'accroches à un. Vous ne pensez pas qu'il y a un risque que les jeunes, plutôt que de se mettre à dos leur syndicat... Parce que, dans le fond, quand tu vas porter plainte pour une clause orphelin, tu te mets à dos toute la gang: le syndicat, le patronat, tout le monde. Vous ne pensez pas qu'il y a des jeunes qui pourraient être un peu rébarbatifs à l'idée de porter plainte, de peur de ne plus être rappelés, de ne plus être sur la liste de rappel ou d'être mis à pied, puis, pire encore, si on impose un mécanisme – parce que ça commence à se parler aussi – de plaintes où il faille payer? Donc, le jeune, non seulement il se met tout le monde à dos, mais faut qu'il paie de sa poche pour porter plainte. On aurait une belle loi pour tapisser nos murs d'équité entre les générations puis se donner bonne conscience pendant une campagne électorale, mais, en pratique, une fois adoptée, il n'y a pas un jeune qui est mieux placé.

Mme McManus (Anne): Bien, effectivement, d'ailleurs, c'est ce qu'on dit dans notre mémoire. En fait, c'est beaucoup trop lourd comme recours pour un jeune. Il y en aurait, de toute façon, en trop grande quantité, en nombre trop important. Alors, les délais, les frais et tout... C'est pour ça que, nous, ce qu'on demande, ce qu'on recommande, c'est qu'il y ait une loi sur l'équité qui s'applique aussi à toutes les autres lois qui régissent les travailleurs.

M. Dumont: Autre question très courte pour conclure. Un des arguments qui nous sont soulevés par des gens qui voudraient qu'il ne se passe rien pour les clauses orphelin, c'est de dire: Ça nuirait à l'emploi des jeunes, c'est-à-dire que, grâce aux clauses orphelin, on ouvre la porte à certains jeunes sur le marché de l'emploi. Dites-moi si je comprends bien. Vous êtes au coeur de placer des jeunes en emploi tous les jours, dans les carrefours. Je dois comprendre que, si vous venez prendre cette position-là aujourd'hui, c'est que vous n'achetez pas ça et que vous n'avez pas l'impression que c'est une porte et que ça doit être une porte d'entrée pour les jeunes sur le marché du travail, que des clauses orphelin.

Mme McManus (Anne): Non, bien sûr. On plaide pour l'abolissement des...

M. Dumont: Mais vous ne sentez pas, comme personne qui agit dans l'aide au placement de jeunes, que c'est un argument réel, qu'il va y avoir moins de jobs pour les jeunes si on ne peut plus les discriminer?

Mme McManus (Anne): Non.

M. Dumont: C'est parfait.

Le Président (M. Beaulne): Malheureusement, Mme McManus, c'est le temps que vous aviez à votre disposition.

Mme McManus (Anne): D'accord.

Le Président (M. Beaulne): Nous vous remercions de vos commentaires.

(16 heures)

Mme McManus (Anne): Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaulne): Alors, de manière à respecter notre horaire, je vous demanderais, s'il vous plaît, de reprendre vos sièges et j'inviterais les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques à prendre place à la table de la commission.

Alors, M. Vaudreuil, la commission vous souhaite la bienvenue, ainsi qu'aux personnes qui vous accompagnent. Pour les fins de la transcription, je vous demanderais de vous identifier, ainsi que vos collègues, lorsque vous aurez à prendre la parole. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire et, par la suite, les députés pourront échanger avec vous. Alors, allez-y.


Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Vaudreuil (François): C'est bien. Je vous remercie, M. le Président. Avant de débuter, je voudrais vous informer que je suis accompagné, à ma gauche, de Raymond Fillion, qui est le directeur des services professionnels à la Fédération des syndicats du textile et du vêtement de la CSD, et, à ma droite, de Claude Faucher, qui est vice-président de la CSD.

Alors, en guise d'introduction, le mémoire que nous déposons devant la commission de l'économie et du travail revêt un caractère particulier, en ce sens où la problématique à l'étude n'est pas, du moins le percevons-nous, évidente, clairement établie et que les enjeux et les conséquences qui en découlent sont difficiles à évaluer.

Ainsi, la notion même de clause orphelin ne nous apparaît pas très bien balisée. Selon les paramètres qu'on lui donne, selon qu'elle revêt un caractère permanent ou temporaire, elle n'a pas pour tous la même signification, les mêmes impacts.

La définition générale que nous avons retenue est la suivante. Le vocable «clause orphelin» réfère à la fixation d'avantages inférieurs pour les salariés embauchés après une date donnée. C'est donc une condition discriminatoire pour un groupe bien ciblé de personnes, de salariés.

À titre d'exemple, des conditions d'embauche inférieures, des salaires moindres, une double échelle salariale, une plus longue période de probation avant d'accéder à la permanence d'emploi, des avantages sociaux minimaux, voire complètement inexistants, c'est-à-dire des conditions qui empêchent un nouveau venu d'obtenir les mêmes conditions tant au niveau salarial que normatif que celles dont jouissent les autres salariés ou qui en retardent l'accessibilité.

Cette définition ne remet aucunement en question les différenciations que l'on retrouve dans les conventions collectives telles l'ancienneté, l'expérience, les qualifications, les spécialisations, les primes, etc., autant de critères qui génèrent l'établissement de traitements ou de salaires différents au sein d'une entreprise, d'un organisme sans pour autant que l'on puisse les assimiler de quelque façon que ce soit à des clauses orphelin.

À cet effet, l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne est très clair en fixant une condition essentielle: il n'y a pas de discrimination si ces critères sont communs à tous les membres du personnel. C'est dans ce cadre que nous inscrivons notre intervention auprès de la commission de l'économie et du travail.

C'est aussi un débat à remettre en perspective. Les causes qui nous ramènent aujourd'hui à débattre des clauses orphelin trouvent leurs racines profondes dans le nouvel environnement économique né dans la foulée de la mondialisation. Cette ère de mondialisation s'exerce tant au niveau des marchés, des entreprises que des capitaux avec, en parallèle, l'émergence d'une pensée néolibérale qui pousse les travailleuses et les travailleurs à se compétitionner entre eux et qui leur propose l'individualisme à outrance comme seule perspective ou moyen de survie.

Libéralisation, déréglementation et privatisation donnent le ton. Elles ponctuent le développement, imposant de nouvelles règles du jeu. Les pratiques commerciales enchâssent toute l'activité économique. La réorganisation du travail est dominée par la flexibilité. Pour les entreprises, c'est la clé de la compétitivité, de la rentabilité et, trop souvent, de la survie, qu'importe si, pour les travailleuses et les travailleurs, elle génère un nivellement par le bas des salaires et des droits sociaux, remodèle leur milieu de travail tout en les condamnant à performer sans arrêt.

Les concessions, quand ce ne sont pas les sacrifices, sont au goût du jour. La main-d'oeuvre doit aussi être plus mobile, plus polyvalente, s'ouvrir au perfectionnement continu, se soucier de la qualité, accroître son rythme de travail, bref s'adapter à de nombreux facteurs. La rentabilité justifie tout ou est prétexte pour tout, à commencer par l'effritement de la qualité de vie. Elle ne se préoccupe pas du respect de la dignité ni de la promotion d'égalité au travail. Elle se soucie peu que le travail perde son visage humain et que la solidarité n'ait plus sa place dans les usines, les bureaux, les institutions. Cette recherche d'une toujours plus grande flexibilité a fortement écorné le salariat, excluant ainsi du marché du travail un nombre de plus en plus important de personnes et ouvert la voie à la sous-traitance.

Les lois du commerce dirigent notre monde. L'État paraît dépourvu face à cette montée en force, incapable de renverser la vapeur et disposant de moins en moins d'espace pour réagir, pour légiférer. D'ailleurs, pourquoi le ferait-il, car, si on se fie aux différents indicatifs économiques, la période que nous traversons en est une de croissance. Pourtant, c'est la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale qu'une période de croissance n'est pas associée à une croissance de l'emploi, le taux de chômage demeure élevé. Nous sommes à des années-lumière du plein-emploi.

Évoquant trop souvent pour les travailleuses et travailleurs le spectre de la perte d'emploi, de l'appauvrissement, de l'exclusion de la société, cette particularité du nouvel environnement économique les a conduits à accepter de telles clauses une fois qu'ils aient été rendus à la limite de la négociation, généralement après avoir pris un vote de grève, après avoir recouru à toute la panoplie des moyens de pression. Ce sont des hommes et des femmes, des pères et des mères de famille, pris au piège de l'appauvrissement, qui ont concédé des conditions de travail inférieures aux nouveaux venus et ils ne l'ont pas fait dans la dignité. Le geste qu'ils ont posé en était un de survie et non d'égoïsme ni de rejet envers leurs fils, leurs filles qui entraient dans les milieux de travail, qui prenaient la relève. Ramener le débat à un conflit intergénérationnel, c'est mal poser le problème. C'est lui donner une perspective, selon la CSD, trop réductrice, qui est presque sans rapport avec la réalité.

Cette situation démontre la nécessité tout autant que l'urgence de légiférer, de moderniser la législation du travail qui est aujourd'hui, à certains égards, inadaptée et ignorante des nouvelles réalités du monde du travail, qu'il s'agisse du phénomène des travailleurs autonomes comme l'émergence du travail à la pige ou l'intensification du recours à la sous-traitance, un moyen d'action patronal utilisé pour maximiser les profits, mais qui, en plus de faire disparaître l'emploi régulier, constitue pour nombre de travailleuses et travailleurs la filière du travail au noir, de la précarité.

Les clauses orphelin ne constituent, en fait, que la pointe de l'iceberg occasionné par le nouvel environnement économique. Si le gouvernement abdiquait sa responsabilité et refusait d'emprunter la voie de la législation, qu'il s'agisse d'amender la loi sur les normes ou le Code du travail, qu'adviendrait-il du principe de justice sociale? Les coûts humains et sociaux d'un tel désengagement seraient énormes.

La question qui se pose est de savoir s'il est encore possible au Québec de définir, au niveau national, des stratégies qui nous permettent de faire des choix et d'intervenir sur les rapports sociaux pour susciter une meilleure justice sociale. À la CSD, nous pensons que c'est possible grâce à l'ingéniosité et à l'innovation. Nous avons l'expertise pour faire face aux changements et la volonté de les réaliser. Il nous reste maintenant à disposer des outils appropriés afin d'être en mesure d'élaborer de nouvelles formes de partenariat, de partage de la richesse.

Le prochain chapitre, je voudrais vous faire le point sur la situation vécue à la CSD. Il est important de souligner que c'est souvent à la demande de l'employeur que les clauses orphelin, les conditions de travail inférieures ont été introduites. Plusieurs motifs sont avancés par la partie patronale pour expliquer et justifier le recours à de telles dispositions: la mauvaise situation financière de l'entreprise, l'obligation imposée par la concurrence de diminuer les coûts de production, l'ajustement aux salaires payés par la compétition, qu'il s'agisse d'entreprises ou d'organismes comparables, le déclin des marchés, etc.

Les nouvelles règles de jeu imposées par la mondialisation de l'économie risquent d'avoir une incidence directe sur la multiplication des clauses orphelin au sein des conventions collectives. À tout le moins, elles fournissent aux employeurs une justification quelquefois difficile à contourner.

Les syndicats font souvent face au dilemme d'avoir à concéder de telles clauses pour préserver les acquis des personnes qui, au moment de la signature de la convention, sont des salariés de l'entreprise. Ces clauses ont beau être la résultante d'une concertation entre les parties, mais il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit d'une concertation par défaut, résultat des pressions économiques ou autres exercées sur les syndicats.

(16 h 10)

Les employeurs se sont servis des profondes mutations économiques que vit notre société à l'heure de la mondialisation pour vendre l'idée d'introduire des clauses orphelin dans les conventions collectives. Ils sont parvenus à leurs fins parce qu'ils ont fait croire à des salariés que, par le biais de dispositions, ils pourraient enfin avoir une véritable augmentation de salaire, une stabilité ou un accroissement de l'emploi. Dans bien des cas, ces salariés avaient auparavant dû consentir des sacrifices avant de concéder ces clauses.

Les travailleurs et les travailleuses se sont retrouvés devant le choix d'accepter de telles clauses ou de se retrouver en grève ou, même, selon le dire de la partie patronale, dans plusieurs cas, confrontés au risque de perdre leur emploi, et tout cela, pour des personnes qu'ils ne connaissaient même pas puisque, dans la grande majorité, il s'agit de personnes qui ne sont pas encore à l'emploi de l'entreprise.

La particularité des clauses orphelin, c'est d'être sans impact immédiat. Il faut parfois attendre des semaines, voire des mois, avant qu'elles ne trouvent, avec l'embauche de nouveaux salariés, leur champ d'application comme leur raison d'être. Elles progressent au même rythme que l'économie, que l'entreprise.

À cet égard, il est en effet important de souligner que, si le phénomène des clauses orphelin est d'abord apparu en période de crise économique, sa résurgence coïncide plutôt avec un siècle de croissance. Les données statistiques comme les analyses de conventions collectives témoignent de cet état de chose.

Il peut paraître étonnant, voire paradoxal, que, dans un contexte de reprise économique, des clauses orphelin soient amenées à la table de négociation, entraînant une révision à la baisse des conditions de travail, des salaires. Mais ces dispositions seraient sans effet, sans portée aucune si l'employeur ne projetait pas d'engager de nouveaux salariés. C'est dans le cadre d'une politique d'embauche qu'elles s'intègrent et qu'elles prennent toute leur signification.

Dans une large proportion, les coûts de main-d'oeuvre et de production, le rétrécissement des marchés, une compétition agressive, l'urgence de recourir à des stratégies de développement musclées sont cités pour étayer les demandes patronales et justifier les mesures discriminatoires qu'ils souhaitent implanter.

C'est au cours des années quatre-vingt qu'on a vu apparaître le phénomène d'introduction des clauses orphelin dans les conventions collectives et, à cette époque, les dispositions établissant à la baisse les conditions de travail et les salaires pour les salariés embauchés après la date de la convention collective affichaient un caractère permanent.

Le coup d'envoi donné par l'introduction des clauses orphelin dans les conventions collectives a fait boule de neige, générant un nouveau type de développement sectoriel. Il suffit qu'une entreprise donne le ton dans un secteur d'activité pour que les autres lui emboîtent le pas, poussés par les règles de la compétition et de la concurrence qui déterminent non seulement les prix, mais aussi les salaires.

Même si, au cours des années passées, les dispositions négociées étaient plus souvent de nature temporaire, le recours à des clauses orphelin est malgré tout un état de fait auquel des milliers de travailleuses et de travailleurs, principalement des jeunes, sont quotidiennement confrontés.

Cette situation, bien que marginale au sein de la CSD, ne peut que nous interpeller comme organisation syndicale, d'autant qu'elle n'est pas sans conséquence, tant sur l'avenir des relations patronales-syndicales que sur la qualité même de nos milieux de travail, car c'est la solution qui a été retenue pour réduire et contrôler les coûts pour répondre aux impératifs de la révision structurelle de l'entreprise.

Maintenant, les impacts des clauses orphelin. Il est, à notre avis, important de bien cerner non seulement la nature de la problématique, mais aussi son impact. Comment évaluer sur le terrain, dans chacun de nos syndicats, l'impact réel des clauses orphelin?

Plus le poids des nouveaux salariés augmentera au sein de l'entreprise et du syndicat, plus l'acuité de rétablir la parité salariale pour tous les travailleurs et les travailleuses se manifestera, se vivra. Tant que la situation ne sera pas rétablie, l'agenda des négociations sera taxé sur la parité salariale et les conséquences des choix passés continueront à miner le climat et les relations de travail.

Un bon nombre de nos membres n'hésitent pas à dénoncer le climat de frustration et de tension qui règne entre les anciens et les nouveaux salariés. Les anciens craignent de perdre leurs acquis et tentent coûte que coûte de se prémunir contre les nouveaux, les jeunes. Ces derniers se sentent délaissés, sacrifiés, vendus à rabais. Dans un tel contexte, il est difficile, voire impossible, de bâtir des équipes de travail motivées, dynamiques, solidaires, prêtes à se serrer les coudes. Et il est tout aussi difficile de développer et de cimenter chez les travailleuses et les travailleurs un sentiment d'appartenance à l'égard de l'entreprise qui les emploie.

Les clauses orphelin nuisent également à la solidarité syndicale et, dans certains cas, elles risquent de mettre en cause l'éthique même du mouvement syndical, tout au moins, elles contribuent à en affaiblir la représentativité et à miner sa crédibilité, particulièrement auprès des nouveaux venus, dont les jeunes.

Ce qui est très important, l'autonomie de la négociation. Comme on le constate, la pertinence ou non des clauses orphelin est loin de faire l'unanimité sur le terrain. Et le débat est d'autant plus difficile que la décision d'insérer ou non une telle clause dans une convention collective relève de la responsabilité première des parties patronale et syndicale engagées dans la libre négociation de la convention collective. Cette autonomie ne peut être bafouée ni balayée d'un simple revers de la main.

À la CSD, le respect de l'autonomie de nos syndicats affiliés se vit au quotidien, de pair avec la transparence et l'ouverture d'esprit. Mais, en tant que centrale, nous avons également l'obligation de promouvoir la démocratisation des milieux de travail et de la société, d'opposer à la montée de l'individualisme, au nouveau credo de la rentabilité les valeurs de solidarité, de bien commun et, par le fait même, de bannir de nos conventions collectives tout élément de discrimination. C'est là tout le défi de l'actuel débat sur les clauses orphelin.

Les avenues à privilégier. La CSD s'oppose à toute forme de discrimination qui, d'une façon ou d'une autre, représenterait une violation manifeste du principe d'un traitement égal pour un travail équivalent. À partir de cet énoncé de base, elle juge inéquitable la pratique de négocier des clauses de conditions de travail inférieures et discriminatoires, leur introduction dans les conventions collectives, les contrats de travail.

L'adhésion à ce postulat de base a été collectivement réaffirmée lors de notre congrès spécial qui s'est tenu en juin dernier à Saint-Hyacinthe alors que les représentants des syndicats affiliés à la centrale se sont prononcés unanimement en faveur du principe qui soutenait le projet de loi n° 393 déposé à l'Assemblée nationale par Mario Dumont.

Ce projet de loi modifiait l'article 62 du Code du travail en y ajoutant l'alinéa suivant: «Est contraire à l'ordre public et prohibée par la loi toute disposition d'une convention collective visant, après une date donnée, à attribuer à un nouveau salarié des conditions de travail moindres que celles accordées aux autres salariés, avant cette date, par la convention.»

Loin de se contenter de ne pas encourager à l'avenir la négociation de conditions de travail inférieures, la CSD estime que l'intervention du législateur s'impose pour que soit enfin enchâssée dans la loi l'interdiction de négocier de telles clauses.

En ce qui a trait aux conventions collectives qui incluent déjà des conditions de travail inférieures pour les nouveaux venus, la CSD recommande que les parties disposent d'un délai raisonnable pour corriger la situation, un délai n'excédant pas l'échéance de la convention collective avec un maximum de trois ans après l'adoption de la loi.

Plutôt que de recourir aux conditions de travail inférieures, la CSD incite les parties à faire preuve d'imagination, d'innovation afin de développer de nouveaux outils et de travailler davantage sur l'organisation du travail. Il y a des solutions plus simples à privilégier que l'introduction de telles conditions qui ne font que miner le climat de travail en générant crises et conflits entre les salariés en place et les nouveaux venus, parmi lesquels on constate aussi la présence de plus en plus grande de travailleurs qui ne sont plus très jeunes.

En jetant un regard autour de nous, on s'aperçoit que, trop souvent, le réflexe naturel des entreprises est de couper dans les coûts de main-d'oeuvre dès que surgit un problème de productivité. Trop souvent aussi, la seule question que l'employeur soumet aux syndicats est de savoir où couper pour circonscrire et amenuiser le plus possible les effets de ces coupures sur la main-d'oeuvre.

Les gens devront être appelés à mettre leur imagination à contribution, à s'attaquer à la base même du problème, car la tentation de mettre tout sur le dos de ceux qui viennent d'arriver est inacceptable. Il faut trouver autre chose, un défi que la CSD est habituée de relever car c'est sa capacité d'innover qui lui a permis de se démarquer sur l'échiquier syndical québécois. Elle travaille sans cesse à développer de nouvelles approches, à remodeler l'organisation du travail, à trouver des réponses inédites, originales aux réalités changeantes d'une société industrielle libéralisée, déréglementée et privatisée aux prises avec les écueils de la mondialisation.

Or, pour nous, le pacte social est une mesure insuffisante. La CSD écarte d'emblée l'idée de corriger la situation par la mise en place d'un pacte social qui engagerait tous les représentants syndicaux et patronaux concernés, y compris le gouvernement, à prendre les mesures nécessaires pour atteindre une équité entre les nouveaux et anciens salariés. Cette formule, suggérée par le groupe de travail du ministère, repose trop sur le volontariat et cette dimension ne garantirait pas, à notre avis, la disparition des conditions de travail inférieures des contrats de travail et porterait en elle le risque d'un effet d'entraînement.

Une entreprise, un organisme qui ne respecterait pas le pacte social, qui ne s'engagerait pas à le suivre, inciterait inévitablement d'autres entreprises, d'autres organismes à lui emboîter le pas en leur fournissant le prétexte sacro-saint de la compétition déloyale, car il ne faut pas perdre de vue que c'est sur une base sectorielle que s'effectue l'introduction de conditions de travail inférieures.

(16 h 20)

Ainsi, sous le couvert combien fallacieux de laisser aux parties toute marge de manoeuvre nécessaire pour procéder aux réaménagements structurels qui s'imposent à l'intérieur de leur convention collective, le gouvernement contribuerait à propager davantage encore l'introduction de clauses orphelin et surtout à en légitimer le recours en certaines circonstances.

L'interdiction partielle nous apparaît, elle aussi, comme une solution à rejeter, car le concept d'une telle disposition législative risque d'être particulièrement difficile à cerner comme à établir. Son champ d'application, axé sur des situations extrêmes, trop abusives, serait donc des plus limités, ce qui aura pour conséquence directe qu'il sera relativement facile de contourner cette mesure. Le recours à l'interdiction partielle ne réglera pas le problème. Son application risque de provoquer l'effet contraire en légitimant le recours à certains types de clauses orphelin.

En guise de conclusion, l'urgence et la nécessité d'agir sont évidentes. En tant que centrale syndicale, nous ne pouvons accepter qu'il y ait place dans les conventions collectives à la discrimination sans pour autant nous lancer dans une chasse aux sorcières en dénonçant sans discernement toutes les formes de différenciations de traitements qui existent et en les assimilant à la discrimination.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, dans un document produit en novembre 1990 sur la conformité avec la Charte des droits et libertés de la personne du projet de loi, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail, nous fixe certaines balises. D'une part, elle souligne que, fondée sur la date d'embauche, la formule des clauses orphelin ne met pas directement en cause des motifs de discrimination illicite prévus à l'article 10 de la Charte. Une preuve préalable est requise, soit la démonstration qu'elles ont indirectement pour effet de discriminer certains groupes dans la mesure où elle s'appuient sur des critères d'âge, de sexe ou d'origine ethnique.

Mais, enchaîne l'organisme, il y a un autre obstacle à franchir, l'analyse de ces clauses au regard de l'article 19 de la Charte qui autorise des différences de traitement fondées sur certains critères, tels l'expérience, l'ancienneté, la durée de service. Tout est alors question de formulation.

La Commission conclut en affirmant que la légalité de certaines clauses orphelin pourrait être contestée en invoquant la Charte. Toutefois, il faudrait préalablement faire la preuve de l'effet discriminatoire dans chaque cas d'espèce. Afin d'écarter ce traitement à la pièce, il serait pertinent d'ajouter à la Loi sur les normes du travail une disposition spécifique complétant l'article 19 de la Charte et s'y référant spécifiquement. Cette disposition pourrait prévoir que toute distinction relative aux nouveaux employés est réputée discriminatoire sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article 19. Le temps a passé depuis, mais la pertinence de cette recommandation ne s'est pas affaiblie.

Nous croyons, nous aussi...

Le Président (M. Sirros): ...conclure, s'il vous plaît.

M. Vaudreuil (François): ... – oui, une minute, s'il vous plaît – que, dans le contexte du présent débat, amender la Loi sur les normes du travail est l'approche qu'il faut privilégier afin de couvrir l'ensemble des travailleuses et travailleurs québécois, alors qu'une modification au Code du travail ne toucherait que les travailleuses et les travailleurs régis par une convention collective. Même si nous sommes pleinement conscients des difficultés d'application qu'une telle disposition pourrait connaître dans les milieux non syndiqués, nous soutenons que la Loi sur les normes du travail constitue le cadre législatif le plus approprié pour contrer la fixation de toute condition de travail inférieure pour les nouveaux venus.

Nous partageons la préoccupation du ministre lorsqu'il affirme qu'il faut agir maintenant pour que notre jeunesse ait un avenir dont nous pourrons être fiers, sans pour autant oublier dans notre démarche que l'impact des clauses s'exerce sur toutes les personnes qui intègrent le marché du travail ainsi que sur celles qui changent d'emploi, dont les femmes, les immigrants comme les travailleurs qui ne sont plus très jeunes.

L'urgence d'agir est là. Plus que jamais, il est impératif que la consultation publique qui s'enclenche débouche sur une modification des lois du travail qui rende illégale l'application de conditions de travail inférieures aux nouveaux salariés et qui prévoie la mise en place d'un mécanisme de recours simple et facilement accessible aux travailleuses et travailleurs concernés. Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Rioux: M. Vaudreuil, on aimerait vous souhaiter la bienvenue, à la CSD et à vos collègues qui vous accompagnent. Vous êtes dans le domaine municipal et il s'est dit des choses extraordinairement importantes cet avant-midi. L'image de votre Centrale en a pris un dur coup. L'image aussi de la ville de Laval en a pris un dur coup. On pourra peut-être y revenir un petit peu plus tard.

Vous êtes dans le secteur municipal puis évidemment vous connaissez la loi n° 414. Nos amis d'en face en parlent abondamment pour dire que ça a été évidemment la cause profonde s'il y a des clauses orphelin qui sont signées dans les municipalités. En cela, on donne le mauvais exemple aux entreprises privées, etc. Il n'y a rien qu'ils n'ont pas dit là-dessus.

Vous savez qu'il y avait 60 % des conventions collectives qui ont été signées avant que la loi soit votée. Vous savez aussi qu'il y a eu 112 résolutions de municipalités qui ont été adoptées qui visaient une négociation libre des parties. On est arrivés, après cette période, à 73 % de conventions signées. Et c'est une trentaine de conventions collectives qui sont allées à l'arbitrage sous la recommandation des employeurs et des syndicats.

Moi, il y a une chose que j'aimerais savoir: Comment il se fait – parce que c'est ça, l'accusation qui est portée, c'est que ça dépend de la loi n° 414 – alors qu'on sait pertinemment que, dans la trentaine de cas qui nous occupent, vous auriez pu utiliser d'autres voies que les salaires, vous auriez pu prendre les avantages sociaux comme les congés de maladie, les jours fériés, le temps supplémentaire, et que sais-je encore, pour essayer de régler sans toucher et pénaliser les jeunes qui arrivent, qui arrivent dans la fonction publique municipale, que vous n'avez pas utilisé d'autres voies et que vous n'avez pas suggéré aux municipalités d'employer d'autres moyens?

La facilité, c'était de se rabattre sur les jeunes puis les faire payer? Moi, je ne comprends pas qu'il n'ait pas eu plus d'imagination de votre part, et de la municipalité et des syndicats. Vous étiez à deux, là-dedans. Les recommandations pour l'arbitrage venaient de vous autres. Je ne comprends pas. J'ai de la misère à suivre ça, moi, ce raisonnement-là. On dit: Bien, c'est le gouvernement avec sa loi n° 414. Mon oeil! C'est fini, la loi n° 414, puis les clauses orphelin étaient là avant. On va tout imputer ça au gouvernement, puis on va se laver les mains, puis on va dire: Ils ont fait la sale job au nom du gouvernement, les pauvres municipalités puis les pauvres syndicats? Alors, on en accepte, on accepte de croire bien des choses, mais on n'est pas des valises non plus.

M. Vaudreuil (François): Bon. Évidemment, dans le secteur municipal, la CSD, comme toutes les organisations syndicales au Québec, ne partageait pas les objectifs de cette loi-là. D'ailleurs, quand elle a été adoptée, nous l'avons dénoncée. Il est vrai que la majorité des conventions collectives se sont réglées dans le cadre d'une libre négociation. Ça a été le fruit d'une concertation, mais souvent d'une concertation malgré ce que les gens désiraient profondément.

Et ce que j'entends par là, c'est: une des priorités actuellement du mouvement syndical et de la CSD, en plus de l'amélioration des conditions de travail, c'est l'emploi, et des emplois de qualité. Les stratégies d'une ville à l'autre à l'intérieur du Québec ont été différentes. Il n'y a pas deux syndicats dans deux villes qui ont adopté les mêmes stratégies. C'était en fonction de la réalité qui se vivait à l'intérieur de chaque municipalité. La priorité étant l'emploi, l'objectif des syndicats était d'éviter à tout prix qu'il y ait augmentation de la sous-traitance, donc d'emplois beaucoup plus précaires. C'est à ces conditions-là qu'il y a eu des échanges, qu'il y a eu des règlements dans les municipalités, en espérant que ces situations-là seraient temporaires, de manière à créer le plus d'emplois permanents.

M. Rioux: Mais, M. le Président, il faut être deux pour danser le tango, hein? Alors, il faut faire bien attention. Vous dites, à la page 5 de votre mémoire: Il y a toujours une crainte réelle de perdre des emplois – puis ça, là-dessus, on vous suit facilement – et c'est en bout de piste, dans le «crunch», où vous êtes obligés de signer des clauses orphelin pour essayer de sauver des jobs. Et c'est là que l'adoption de clauses orphelin devient un réflexe de survie. Je pense que c'est ça que vous avez utilisé comme expression.

M. Vaudreuil (François): Oui.

M. Rioux: Comment se fait-il qu'à la ville de Laval il y avait 508 emplois permanents en 1988 puis 80 surnuméraires; 10 ans plus tard, il y a 385 permanents à Laval – c'est des syndiqués chez vous, ça – 225 surnuméraires, 610 employés? Là, ne venez pas plaider l'ignorance. Ne venez pas nous dire aujourd'hui que vous n'y êtes pour rien puis que c'est la vilaine ville de Laval qui vous a imposé ça puis qui vous a rentré ça dans la gorge. C'est ça qu'ils sont venus nous dire, les gens de Laval, ce matin, puis des gens qui sont minoritaires dans le syndicat parce qu'ils n'ont pas le droit de parole. Ils ne sont pas consultés puis ils sont apparemment – apparemment – traités avec iniquité, ce qui est contraire à l'article 47.2 du Code.

(16 h 30)

Moi, M. le Président, j'aimerais qu'on tire ça au clair un peu. Moi, je leur ai dit, je me suis engagé vis-à-vis eux d'aller aux nouvelles là-dessus. Étant donné qu'on vous a en face de nous, l'occasion est belle de vous défendre.

M. Vaudreuil (François): Écoutez, dans ce dossier-là, je n'ai pas l'impression qu'on a à se défendre de certaines allégations qui ont pu être soumises, ici, à la commission parlementaire, un peu plus tôt. Quant au dossier, si vous voulez qu'on en discute, on en discutera, je n'ai aucun problème avec ça et je suis convaincu que les dirigeants du syndicat, que je connais très bien, que les conseillers qui sont au dossier ont effectué leur travail correctement. S'il existe un problème de perception parmi un certain groupe, on va s'asseoir puis on va s'expliquer, puis on va régler les problèmes. Mais, moi, je suis venu ici parce que c'est la commission d'économie et de l'emploi puis c'est pour discuter d'un cadre législatif qui sont les clauses orphelin.

M. Rioux: On essaie de comprendre, M. le président, comment il se fait qu'un syndicat comme le vôtre, à la ville de Laval, cautionne la précarité, la précarisation, la marginalisation au sein même du syndicat. Ce n'est presque pas croyable. On est en 1998 puis vous vous appelez la Centrale des syndicats démocratiques.

M. Vaudreuil (François): Ce que vous affirmez, c'est complètement en dehors de la réalité. Et Claude Faucher, qui est vice-président depuis un an, était le conseiller syndical à Laval et il va vous expliquer ce qui s'est passé à Laval.

M. Faucher (Claude): Alors, si vous permettez, je pense qu'il faut faire attention dans tout ce débat-là qui, à mon avis, est très sérieux. Vous avez vu notre position de centrale à l'effet d'être contre, et on a toujours été contre le genre de clause qu'on qualifie d'orphelin. C'est un débat sur lequel on se prononce largement depuis peu mais pour lequel la CSD s'est toujours battu à l'encontre de ce type de clause là.

Dans les municipalités, comme ailleurs, surtout dans les municipalités, on a vécu, à une certaine époque, une période de prospérité au niveau de l'emploi, dans le sens où les municipalités jouaient un certain rôle social intéressant en embauchant du personnel et en leur garantissant des emplois de qualité. Sauf qu'à un certain moment donné il y a une nouvelle mode qui s'est instaurée: la mode de la privatisation, la mode de donner à sous-contrat des éléments, des travaux, des tâches qui sont habituellement effectués par des fonctionnaires municipaux.

Regardez bien les périodes de négociation qui ont eu cours dans le monde municipal depuis le début des années quatre-vingt-dix. Il n'y en a pas eu une tonne, là. Il y a eu 1992, après quoi il y a eu la loi 102 qui a prolongé les conventions collectives de quelques années, et il y a eu 1997, et en 1997 il y avait le spectre du dépôt d'une loi spéciale forçant les parties à réduire la masse salariale de 6 %. Alors, on aura beau dire qu'il y a eu des clauses orphelin de négociées avant l'arrivée de la loi n° 414, je peux vous dire que la loi 102 et que le spectre de la loi n° 414 ont largement pesé dans le règlement des dossiers.

À Laval, voici ce qui s'est produit. En 1992, la ville... Et contrairement à ce que prétendait le président de l'Union des municipalités, c'est les employeurs qui ont proposé et exigé des concessions au niveau des conditions de travail. Alors, c'est mal connaître la dynamique des relations de travail et des négociations de conventions collectives que de penser que les syndicats vont accepter de concéder facilement les conditions de travail difficilement acquises, souvent au prix de conflits. Alors, on a résisté, mais, au terme de cette négociation de convention collective là, on arrive à une conclusion: ou bien donc on accepte les dernières propositions patronales ou bien donc on est aux prises avec la décision de faire un conflit de travail.

Vous voyez bien tout de suite le scénario quand on est en assemblée générale et que les gens disent: Il y a une proposition de clause orphelin que je n'aime pas, que je n'accepte pas, mais, si je ne la veux pas, il faut que je fasse la grève; par surcroît, il faut que je fasse la grève pour me battre pour protéger des gens que je ne connais pas parce qu'ils ne sont pas encore à l'emploi de la municipalité, peut-être devrais-je, à ce coup-ci, dans les circonstances, étant menotté, accepter une condition que je dénonce d'avance et me reprendre au prochain tour. Faut-il qu'il y ait un prochain tour? La loi 102 a éclipsé le prochain tour, et la loi n° 414 est venue éclipser le tour qui suivait.

Je peux vous dire, pour avoir été le conseiller au cours de la négociation de la convention collective, et non pas des amendements en vertu de la loi n° 414 mais de la convention collective 1996-1997 – j'étais conseiller au dossier – une demande syndicale fondamentale était de rayer la clause qu'on a dénoncée ce matin. C'est la clause qui vise les employés qualifiés de surnuméraires et qui prévoit qu'ils sont payés moins cher que d'autres employés qui sont permanents. On a exigé ça jusqu'à la toute fin.

Voici ce que nous a proposé finalement – puis on avait d'autres demandes – voici l'offre de la ville, et, soit dit en passant, le négociateur patronal était un ancien sous-ministre du Travail; voici ce qu'il nous a proposé: Je vais accepter une autre de vos demandes qui fait que dorénavant on sera obligé de rappeler les surnuméraires qui ont travaillé pour la ville, donc une espèce de sécurité d'emploi pour eux, et on va vous donner une autre demande que vous avez faite, de garantir que, lorsqu'on embauchera des employés réguliers, ce serait les surnuméraires qui auront priorité.

Et on a donc sacrifié, cette fois-là, la clause qui prévoyait des salaires moindres pour les employés surnuméraires au profit de conditions qui semblaient, dans les circonstances particulières, plus avantageuses pour ces employés-là. C'est le contexte dans lequel ça a été négocié.

Maintenant, il y avait toujours le spectre, parce qu'autrement probablement qu'on l'aurait faite, la grève, parce qu'il y en avait, des employés surnuméraires. Puis j'ai conseillé au syndicat... puis l'exécutif du syndicat du temps et tous les dirigeants du syndicat qui ont été là pendant les quelque deux ou trois ans durant lesquels j'étais conseiller se sont battu pour améliorer les conditions de travail des surnuméraires.

Mais tout n'est pas facile, hein? On est deux partis. Mais je peux vous assurer que je ne connais aucun syndicat qui a proposé de diminuer les conditions de travail des employés. C'est toujours venu suite à des demandes patronales, et on a essayé de trouver des aménagements. Mais, quand les conditions économiques et législatives...

J'étais de ceux qui ont fait des représentations auprès du gouvernement lorsqu'il y a eu les coupures budgétaires de 6 %. J'étais de ceux qui disaient: Écoutez, vous nous mettez une épée de Damoclès qui va nous empêcher de conclure des conventions collectives. Ça a été maintenu. On est passé au batte. On va se reprendre au prochain tour, je peux vous le garantir.

M. Rioux: M. le Président, ça mériterait peut-être une longue réplique, mais je sais que mon collègue de Groulx voudrait bien avoir un peu de temps pour poser une question.

Le Président (M. Sirros): Alors, on va permettre au collègue de Groulx de poser une question.

M. Rioux: On va lui céder la parole, avec votre permission.

Le Président (M. Sirros): Tout à fait. Vous avez compris, M. le ministre.

M. Kieffer: Tout à fait, et, moi aussi, je veux revenir sur le cas de Laval. Ils sont venus présenter ce matin leur point de vue. Ce que je retiens, c'est un certain nombre de choses, et ça, pour moi, ça s'appelle des clauses orphelin.

1992, trois éléments: la semaine de travail qui passe de 40 heures à 36 heures pour les surnuméraires – c'est eux autres, les orphelins, là, hein! ça, il faut que ça soit clair dans votre tête et dans la mienne; les orphelins, pour moi, c'est les surnuméraires et tous ceux qui s'ajoutent et qui deviennent des surnuméraires – les anciennetés abolies; réduction de salaire de 20 %. Aie, ce n'est pas rien, ça.

On a appris ce matin que plusieurs de ces surnuméraires-là sinon la moyenne ont 10 années d'ancienneté. Dix années d'ancienneté, là, moi... puis je vais vous rappeler mon exemple après. 1997, on modifie effectivement et on met 41 personnes à la pension pour récupérer 41 surnuméraires, mais en leur disant: On vous récupère, là, mais avant que vous n'atteignez le premier échelon, ça va vous prendre cinq ans, c'est-à-dire que ça va prendre cinq ans pour combler le fameux 20 % qu'on vous a coupé en 1992. Moi, c'est la compréhension que j'en ai.

Ça fait que, là, j'additionne ça. Il a été surnuméraire pendant 10 ans; là, il devient permanent, mais avec une clause orphelin cinq ans. Ça va lui prendre 15 ans pour atteindre le premier échelon. Moi, quand j'ai commencé à enseigner, après 15 ans j'étais rendu au maximum de l'échelon. Pas au premier, au maximum de l'échelon. Ça, c'est la réalité qui existe à ville de Laval.

Petit message à mes amis d'en face. Les rumeurs prétendent que le maire actuel serait possiblement candidat libéral aux prochaines élections. Il va falloir lui parler parce qu'il était là pour signer les deux conventions collectives, celles de 1992 et de 1997. Et les deux ont été signées en dehors de la loi. Moi, je trouve que l'excuse de la loi est trop facile.

Alors, messieurs, j'ai une question à vous poser. J'ai aussi appris qu'il reste un 3 % à négocier à Laval. Ils n'ont pas fini de négocier le 6 %, là, il reste un 3 %. Est-ce que la CSD est prête à s'engager – parce que vous le dites clairement dans votre mémoire, puis, moi, je suis prêt à le croire, j'ai déjà été membre d'une centrale syndicale et je sais tout le fardeau des responsabilités qui repose sur les dirigeants... Y aurait-il moyen que la CSD s'engage à deux choses devant la commission: premièrement, dans les négociations de ce 3 % qu'il reste à régler, qu'il n'est plus question sous aucun prétexte qu'il puisse y avoir des clauses orphelin; et que, deuxièmement, vous vous engagiez à faire ce que vous dites dans votre mémoire, à savoir de profiter de cette occasion-là pour déjà négocier des mesures de rattrapage?

(16 h 40)

Vous avez parlé entre autres, M. le président, tantôt, j'ai trouvé ça intéressant, que le maximum que puisse durer la période de rattrapage, c'est trois ans; dans leur cas, c'est cinq ans. Juste ça, ça réduirait au minimum de deux ans la punition qui incombe aux surnuméraires parce qu'ils ont le grand désavantage d'être des jeunes. Voilà! Est-ce que vous seriez prêts à prendre cet engagement-là vis-à-vis la commission?

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député.

M. Vaudreuil (François): L'engagement, je n'ai pas à le prendre devant la commission. Ça fait 23 ans que je fais du syndicalisme, et, si je fais du syndicalisme puis si j'ai donné ma vie à faire du syndicalisme, c'est parce que je crois aux principes de justice puis d'équité. Et, quand on parle, on ne parle pas des deux coins de la bouche.

La description que vous soulevez, je suis parfaitement d'accord avec vous, c'est inacceptable. Mais on a essayé de vous expliquer le contexte. Et ce qu'on pense, c'est que, comme gouvernement, vous avez la responsabilité de moderniser la législation. Et les clauses orphelin ne sont que la pointe de l'iceberg des effets pervers de cette libre concurrence où le gouvernement ne veut plus intervenir pour soutenir des principes de justice sociale. C'est ça qu'on vit en 1998 puis c'est avec ça qu'on est confronté.

Et, je rajouterais, le drame qu'on vit dans tous les milieux... Parce que, là, vous avez parlé du milieu municipal, mais je voulais vous parler aussi du milieu privé, parce que, ça, on en vit des expériences. Au textile puis au vêtement, c'est catastrophique ce qui se vit. Et ça, n'oubliez pas ça, c'est des vies d'hommes et de femmes qu'on détruit parce qu'il y a absence de réglementation, de législation. Des batailles, on va les faire, faites-vous-en pas.

Je vous ai aussi expliqué qu'il y a l'autonomie des syndicats, et ça, c'est un principe fondamental. Je ne m'abrierai pas là-dessus, il y en a dans toutes les organisations syndicales. C'est pour ça qu'on vous dit: Vous pouvez nous considérer comme partenaires pour coopérer à l'édification d'une législation qui va enrayer ça le plus rapidement possible. Parce que le problème, l'effet pervers – puis ça on vous l'a dit aussi – c'est que les entreprises s'en servent comme stratégie de croissance. Autrement, ça n'existerait pas.

J'ai amené Raymond, il vient de faire une négociation très difficile. Il peut vous en parler, le dossier a été largement médiatisé. Ça s'appelle Textile Cavalier. On a un syndicat modèle qui a augmenté la productivité dans des départements jusqu'à l'ordre de 60 %. On a doublé en cinq ans le nombre d'emplois. Quand on arrive en négociation, qu'est-ce que le boss nous demande? De diminuer nos conditions de travail de 20 %. Il demande ça à du monde qui gagne 11 $ de l'heure, qui donne sa vie à cette entreprise-là, qui respire de la poussière, qui entend du bruit, qui est pris avec les cadences, et avec lesquels on a constamment des exigences plus élevées. Les gens les relèvent, le syndicat coopère, et là on arrive en négociation puis ils disent non. Ça fait que, là, qu'est-ce que le syndicat a fait? Il a pris un vote de grève. Le syndicat a dénoncé ça vivement. J'ai été faire une émission dans la région de Sherbrooke une demi-heure de temps pour dénoncer ça. Les moyens de pression sont enclenchés, mais qu'est-ce que c'est qui est arrivé à la fin? L'employeur, il a dit: Vous acceptez les clauses orphelin ou bien non je ferme.

Et nos membres sont aussi des pères et des mères. Ils ont des enfants puis des enfants s'en vont dans les milieux de travail. Pensez-vous que ce monde-là est intéressé à voir à ce que ses enfants... Moi aussi, je suis parent. Pensez-vous que je suis intéressé à voir à ce que mon enfant ait des conditions inférieures? Absolument pas! C'est de prendre des gens pour des imbéciles. Il y a urgence de légiférer, c'est ça, le problème. Et le gouvernement a une responsabilité à cet égard-là puis vous allez arrêter de mettre ça sur le dos des syndicats, je regrette! Que ce soit la CSD, la CSN, la FTQ, on est pris dans ce vent de mondialisation. Puis, si vous ne savez pas ce que c'est, on va vous amener dans les dossiers. Vous allez faire un tour puis vous allez voir du monde qui gagne 8 $, 9 $, 10 $, 11 $ de l'heure, qui s'appauvrit constamment. C'est vos électeurs, ça. N'oubliez jamais ça! Il s'appauvrit ce monde-là. Son choix de vie est limité.

Faites attention. Faites attention parce que c'est d'en mettre beaucoup. Moi, je n'ai pas l'intention d'engager des chicanes à l'intérieur des syndicats, mais j'ai l'intention, par exemple, de mobiliser tous les gens sur des objectifs de justice sociale. Puis ça soyez assurés qu'on va être là. Là, il faut remettre les pendules à l'heure, il faut remettre les choses à leur place. Je regrette infiniment, là, vous allez arrêter d'attaquer le mouvement syndical, et on va arrêter de mettre le focus uniquement sur le conflit intergénérationnel. C'est une cause, les conflits intergénérationnels, mais ce n'est pas le problème. Le problème, c'est l'absence d'une modernisation de la législation. Ça nous prend une loi moderne.

Regardez les travailleurs autonomes. On a un syndicat de travailleurs autonomes dans le transport. On essaie d'intervenir. Des gens qui travaillent 3 000 heures par année, qui sont propriétaires de leurs camions, et savez-vous combien ils gagnent? Entre 4 $ et 8 $ de l'heure. Et, quand on s'est présenté à la commission parlementaire du transport, savez-vous ce qu'on nous a expliqué? On nous a expliqué qu'on ne pouvait pas faire de réglementation à incidence économique. Bien, je regrette, il n'y a pas rien que l'économique dans la vie, il y a l'humain puis il y a le social, puis ça vous avez une responsabilité.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Je vais passer la parole à la députée de La Pinière.

M. Faucher (Claude): Si vous le permettez, juste une petite information additionnelle.

Le Président (M. Sirros): Très rapidement.

M. Faucher (Claude): C'est parce qu'on est interpellé directement. Il y a eu une étude qui a été faite par un comité du ministère du Travail sur l'état des conventions collectives de 100 employés et plus, et dans cette étude-là il y ressort que la CSD a le plus bas taux de clauses orphelin. On ne s'en vante pas parce qu'on en a trop, mais il n'en demeure pas moins qu'on est loin d'être pire que les autres.

Une voix: Une, c'est trop.

Le Président (M. Sirros): Merci. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. MM. Vaudreuil, Faucher et Fillion, je vous souhaite la bienvenue. Je pense que vous êtes assez sur la défensive comme ça. J'ai lu avec grand intérêt votre mémoire. Je vous ai écoutés aussi. J'ai écouté aussi, ce matin, les représentants des travailleurs et surtout le témoignage de M. Constantin, qui nous a parlé un peu de la situation que lui-même vit.

En lisant votre mémoire, on se rend compte que vous situez la responsabilité des clauses orphelin à différents niveaux, au niveau de la mondialisation, au niveau du néolibéralisme, de la concurrence, de la rentabilité, des patrons. Je voudrais savoir où se situe votre propre responsabilité. Parce que, somme toute, vous avez négocié ces conventions-là, vous avez négocié, des conventions collectives avec des clauses orphelin, et vous savez très bien. Et l'article 47.2 du Code du travail est très explicite, permettez-moi de vous lire: «Une association accréditée – en l'occurrence la CSD – ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire ni faire preuve de négligence grave à l'endroit des salariés compris dans une unité de négociation qu'elle représente, peu importe qu'ils soient ses membres ou non.»

Ce matin, nous avons entendu des témoignages éloquents, documentés, de première source, qui nous disent, et je voudrais, pour ne pas interpréter, vous lire au texte les propres termes qui ont été utilisés devant nous ce matin. Et là je vous cite le témoignage du groupe qui s'est présenté, la Coalition des employés cols bleus de ville de Laval. Alors, qu'est-ce qu'on nous dit? «Comment un syndicat... Et on s'adresse à vous, personnellement, le syndicat de la CSD. «Comment un syndicat représentant et défenseur de tous les travailleurs dont il perçoit les cotisations peut-il se placer en situation d'avantager les uns au détriment des autres?» Ça, c'est une citation.

Le commentaire que ça me suggère, c'est comment vous pouvez venir aujourd'hui, devant cette commission, avec force, dénoncer la discrimination et le caractère discriminatoire des clauses orphelin alors que vous les avez signées vous-mêmes, négociées vous-mêmes, alors que l'article 47.2 du Code du travail vous interdit de faire ça. Je continue la citation au texte: «Comment peut-il se laver les mains en déclarant que l'assemblée est souveraine et que c'est là le choix de la majorité?». Nous faisons référence ici à la fameuse autonomie des associations affiliées.

Et je cite aussi un autre paragraphe qui est troublant, j'aimerais bien que vous puissiez nous éclairer là-dessus. «Peu de temps après ces négociations, le président de notre syndicat devenait cadre pour la ville – la ville de Laval – et le représentant de la CSD, qui agissait alors comme conseiller auprès de l'exécutif syndical au moment des négociations de 1992, obtenait un emploi auprès de la firme-conseil qui représentait la ville à cette même table de négociation.» J'aimerais avoir une réponse.

(16 h 50)

M. Vaudreuil (François): Bon. Je vais vous donner une réponse. Premier élément. Quand vous parlez de l'article 47.2 au sujet d'une association accréditée – et ça, c'est très important, puis ce n'est pas une question de se laver les mains, c'est une question de fonctionnement à l'intérieur de la Centrale – nous reconnaissons à chaque syndicat affilié une autonomie entière, complète. D'ailleurs, quand vous regardez le logo de la Centrale, il est aussi facile d'en sortir que d'y entrer. Donc, si la Centrale ne répond pas aux aspirations de ses affiliés, les affiliés peuvent quitter.

Il n'y a pas une organisation syndicale au Québec – et le d de démocratique n'est pas là pour rien – il n'y a pas une organisation syndicale pour laquelle un syndicat qui est insatisfait de la centrale peut quitter. Pourtant, quand on regarde notre taux de rétention, il est excellent. Ça, c'est la première chose que je voulais vous dire. Et l'association accréditée n'est pas la CSD, l'association accréditée est donc le Syndicat des cols bleus de Laval. Donc, ça, c'est très important. Ce n'est pas la CSD. Premier élément.

Deuxième élément, quand vous citez qu'il y a des éléments avantageux au détriment d'autres. Je vous ai expliqué tantôt, puis je pensais que j'avais été clair, au niveau des choix déchirants que les travailleurs ont dû prendre en assemblée concernant leurs conditions de travail, et c'est dans ce cadre-là que ça s'est fait, madame. Personne, personne n'est heureux de cette situation-là.

Il y a des gens de Laval qui vous ont parlé, mais, sur quelque 8 000 conventions collectives qu'il y a au Québec, il y en a beaucoup plus que ça, et c'est le drame et c'est pour ça qu'on n'est pas d'accord avec ça, madame. C'est pour ça qu'on n'est pas d'accord avec ça et qu'on ne peut pas supporter qu'il y ait d'éléments discriminatoires.

Quant au président du syndicat... et ici je pense qu'il y a suffisamment de gens qui sont avisés à la commission pour savoir qu'il arrive que des présidents de syndicat deviennent cadres dans une entreprise. Ça, je pense que ce n'est pas une nouveauté. C'est arrivé dans ce cas-là. Le président a décidé de devenir cadre à la ville de Laval, c'est son choix personnel.

Une voix: ...

M. Vaudreuil (François): Pardon?

M. Cherry: Jusqu'à temps qu'il devienne député. Ha, ha, ha!

Une voix: Il y en a qui devienne député.

M. Vaudreuil (François): Ah oui, jusqu'à temps qu'il devienne député. O.K. Mais il n'était plus président. Ce qu'on me dit, au moment où qu'il a accepté de devenir cadre, il n'était plus président du syndicat, il avait démissionné à ce moment-là, ce qu'on m'informe.

Et, après ça, concernant le représentant de la CSD, bon, le représentant de la CSD a quitté l'emploi de la CSD parce que l'emploi ne lui convenait plus. À ma connaissance, parce que je ne lui ai jamais reparlé après qu'il ait quitté la CSD, il a travaillé dans l'informatique, comme consultant, et par la suite il a travaillé dans de l'assurance pour tenter de vendre de l'assurance collective. Et après quelques années la firme-conseil de ville Laval a retenu ses services comme consultant en relations de travail. À quel niveau voulez-vous qu'on intervienne quand quelqu'un quitte l'emploi de la CSD, puis que, deux ans ou trois ans après, il va travailler pour un consultant qui est dans un de nos dossiers? Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse avec ça, là? On ne peut pas attacher le monde pour la vie. Je veux dire, à partir du moment où il a décidé qu'il ne travaillait plus à la CSD, il peut aller travailler où il veut. Moi, je ne lui ai pas reparlé à cet individu-là, mais je sais qu'il y a été quelques années après.

Mme Houda-Pepin: Vous avez expliqué que c'est une association affiliée, donc le Syndicat des cols bleus de Laval...

M. Vaudreuil (François): Les 400 syndicats de la CSD sont affiliés à la CSD.

Mme Houda-Pepin: Très bien. Mais est-ce que la CSD, comme telle, a déjà signé des conventions comprenant des clauses orphelin?

M. Vaudreuil (François): Dépendamment des mandats qui sont donnés aux assemblées générales. Parce que parfois, dans les résolutions, il y a, par exemple, de mandater le comité de négociation du syndicat à signer la convention, et le conseiller de la CSD peut signer à titre de témoin. Il peut signer si le syndicat lui demande de la signer, mais la CSD ne peut s'immiscer dans les affaires internes d'un syndicat, et ça, c'est dans nos règlements, elle ne peut s'immiscer dans les affaires internes d'un syndicat. Donc, le caractère, l'autonomie de nos syndicats affiliés, il est très grand.

Nous, notre responsabilité consiste à faire de la formation, à tenter d'inculquer les principes de justice, d'équité, ce que nous faisons, ce que nous accomplissons, à leur apporter un soutien au terme de la négociation, de la vie syndicale, au niveau de la défense de leurs droits juridiques. Ça, on fait tout ça. On leur offre les services, mais les décisions appartiennent à chaque syndicat affilié. C'est ainsi que la CSD est construite. Et, en passant, le conseiller syndical à la négo, qui était Claude à l'époque, n'a pas signé cette convention.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Vous avez dit, dans votre mémoire, que le débat sur les clauses orphelin, ce n'est pas un conflit intergénérationnel. Alors, comment est-ce que vous pouvez le définir? Parce que les jeunes, les groupes que nous avons entendus, qui sont venus ici, c'est comme ça qu'ils le perçoivent. Vous, c'est quoi comme conflit? Vous le voyez comment?

M. Vaudreuil (François): Là-dessus, nous, ce qu'on est certain, de ce qu'on vit à tous les jours et je vous ai donné un exemple et je pourrais vous en citer des tonnes d'autres, la source du problème, ce n'est pas un conflit intergénérationnel, ce n'est pas les femmes et les hommes qui travaillent dans les usines et qui haïssent les jeunes et qui vont prendre un plaisir malin à faire en sorte que les jeunes aient des conditions inférieures. Ce n'est pas ça. Le résultat fait en sorte que, malheureusement, les jeunes sont écorchés. Malheureusement. Et ça, c'est inacceptable. Mais le problème, ce n'est pas un problème intergénérationnel. Le problème, c'est l'intensification de la concurrence et des lois inadaptées, des lois du travail inadaptées qui permettent d'établir un rapport de force sain, correct pour permettre de négocier des dispositions beaucoup plus justes, beaucoup plus équitables – c'est juste ça – dans un contexte d'appauvrissement parce que – et ça, vérifiez dans vos comtés, tout partout – les électeurs, leur pouvoir d'achat diminue. Ça aussi, c'est une autre réalité. Le monde s'appauvrit.

Or, quand ça fait 20 ans, 30 ans que vous travaillez dans une usine de textile, vous gagnez 11 $ de l'heure et là vous avez la chance d'avoir une petite augmentation de salaire, vous avez fait un vote de grève, vous avez ouvert des moyens de pression puis là l'employeur vous dit: Je vais la fermer, la shop. Qu'est-ce que vous faites? Vous vous résignez. Sauf que ça dure un temps, et c'est pour ça... Puis, après ça, comment cet employeur-là va faire, dans son usine, pour bâtir des équipes de travail? Parce que, un des défis des nouvelles formes d'organisation de travail, c'est de travailler en équipe. Or, comment l'employeur va faire pour bâtir des équipes de travail avec du monde qui se regarde en chiens de faïence? C'est inadmissible. Mais, si les gens avaient fait la grève pendant un mois, deux mois puis l'usine avait fermé puis il y avait eu 200 emplois de perdus, qui aurait été le coupable? C'est le maudit syndicat sauté.

Mme Houda-Pepin: Une dernière question concernant la recommandation que vous faites en rapport avec la législation. Vous dites que la législation qui sera adoptée soit globale et non partielle ou sectorielle. Est-ce que vous faites référence, ici, à une loi-cadre qui toucherait à la fois le Code du travail, les normes du travail, etc.? Qu'est-ce que vous avez à l'esprit?

M. Vaudreuil (François): Oui, écoutez, on a vécu un exemple au début des années quatre-vingt-dix – je ne me souviens plus si c'est 1991 ou 1992, pardonnez-moi la date – à propos de l'article 41.1 de la Loi des normes du travail. On avait, dans le commerce, des employés à temps partiel qui ne pouvaient jamais obtenir le même salaire que les autres. Il y eut, donc, régulation de cette situation et il y avait des dispositions, à l'époque, qui prévoyaient que les corrections devaient s'effectuer à l'expiration de la convention collective. Mais, à ce moment-là, la durée maximale des conventions collectives était de trois ans. Et, comme il y a encore beaucoup de conventions collectives de trois ans – et, selon nous, qu'il y a urgence d'agir – ce qu'on dit, c'est que le maximum... Donc, on met une disposition de la Loi sur les normes du travail parce que ça ne couvre pas uniquement les syndiqués mais tout le monde, et le maximum, c'est trois ans pour résoudre cette inéquité, cette injustice qui existe.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président.

M. Vaudreuil (François): Oui, excusez. Au niveau législatif, ce qu'on n'a pas mis là-dedans, et puis je pense qui est très important, c'est qu'un tel principe devrait être aussi assujetti à la loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction, parce que l'industrie de la construction n'est pas assujettie aux normes du travail – en tout cas, pour plusieurs lois des normes du travail – n'est pas assujettie non plus au Code du travail. Donc, si on légifère dans la Loi sur les normes du travail, il faudrait s'assurer que l'industrie de la construction réglementée soit assujettie à cette disposition-là de telle sorte qu'on n'ait pas à vivre, dans l'industrie de la construction, dans quelques années, les mêmes situations.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Saint-Laurent, rapidement.

M. Cherry: Merci, M. le Président. J'ai bien entendu la présentation de votre mémoire puis c'est bien difficile de ne pas souscrire à ça, je veux dire, le langage est correct.

Mais évidemment, quand vous arrivez la même journée qu'on a eu, quelques heures avant vous autres, un témoignage d'une de vos sections locales, puis, pour ne pas la nommer, celle de ville de Laval, qui décrit la façon dont ça s'est passé chez elle depuis de nombreuses années – pas tout à fait récent – là, vous dites: Je ne veux pas m'abrier avec ça. Mais vous dites: Ils ont l'autonomie puis ils peuvent sortir aussi bien qu'ils peuvent rentrer puis on ne veut forcer personne.

Si j'avais une suggestion d'ami à vous faire: Occupez-vous de l'image de la CSD parce qu'elle en a pris un coup aujourd'hui. Vous ne pouvez pas dire que c'est parce que c'est une section locale puis elle est autonome, elle peut faire tout ce qu'elle veut, puis, en autant qu'elle reste affiliée chez vous puis elle paie ses cotisations, on va lui dire qu'elle se conduit... Tu sais, ça ne peut pas vous aider.

(17 heures)

Mais vous n'êtes pas le seul. On a eu le mémoire avant vous autres. Ils sont venus nous dire que la ville de Jonquière, ville d'Anjou, ville de Brossard, ville de Laval – c'est vous autres – ville de Rosemère... Ce n'est pas la CSD qui est partout. Donc, il n'y a pas que vous autres qui êtes dans cette situation-là. Mais, aujourd'hui, parce que, vous autres...

Et vous avez ville de Laval qui est venue, ce matin. Je pense que vous avez la responsabilité. Mais là dites-moi si je vous comprends bien. Vous me dites: Devant notre incapacité de faire ça, la seule chose qui nous autoriserait à ce qu'il n'y en ait plus, de ça, c'est qu'il y ait une loi qui interdise à tout le monde d'en faire; donc, là je pourrais dire à ma section locale: N'essaie pas de faire ça, ça ne marchera pas, la loi va te l'interdire. Autrement, si je vous comprends bien, tant et aussi longtemps que vous respecterez la forme d'autonomie que vous nous avez décrite, vos sections locales pourront négocier les clauses qu'elles voudront avec les clauses orphelin qu'elles voudront, puis vous direz: Je ne suis pas d'accord, mais elles ont le droit de faire ce qu'elles veulent. Si c'est ça, j'aimerais vous entendre.

M. Vaudreuil (François): Oui. Pour nous, ce n'est pas une question d'image, ça, puis, dans le rôle de l'autonomie des syndicats à l'intérieur de la Centrale, je veux apporter certaines précisions. Il faut distinguer d'une part le devoir de juste représentation que les organisations syndicales ont à faire et que les syndicats ont envers leurs membres. Il y a des éléments qui sont de nature légale et d'autres qui sont dans le domaine du légitime. Bon.

Moi, j'ai eu la chance, comme négociateur, à l'époque que je négociais, de ne jamais signer de convention collective avec des clauses orphelin. C'est une chance que j'ai eue. Bon. On a pris des votes de grève puis on n'en a jamais eu. Mais la réalité a changé, la conjoncture économique a changé, de telle sorte que les pressions qui se sont exercées ont fait en sorte qu'il y a des groupes qui en ont signé. Mais ça, ce n'est pas illégal. Si un syndicat veut adopter une disposition qui est carrément illégale...

On a perdu récemment un syndicat parce qu'on a dit qu'on soutiendrait... Les dissidents sont venus nous voir. On a rencontré l'exécutif du syndicat et on a dit à l'exécutif du syndicat: On est d'accord avec les dissidents, le principe que vous voulez soutenir ne se défend pas. C'est illégal, et, s'il y a des recours juridiques des dissidents à l'égard du syndicat, on va appuyer les dissidents. Le syndicat a quitté, il est parti à une autre centrale syndicale. Ça, on le fait. Mais, dans le cadre des clauses orphelin, on ne parle pas de caractère illégal, on parle de légitimité. Ce n'est pas plus acceptable, à mon avis, sauf qu'il y a des circonstances qui font en sorte que des gens se résignent à accepter un tel modèle. C'est là-dedans qu'on est, tu sais.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député.

M. Cherry: O.K. Plus de temps?

Le Président (M. Sirros): Malheureusement, le temps est écoulé. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue aux gens de la CSD. On est bien contents de vous avoir devant nous, surtout aujourd'hui, avec le témoignage qu'on a reçu ce matin des jeunes et des moins jeunes, mais des employés les plus récents de la ville de Laval, parce que la jeunesse, avec les clauses orphelin, s'étire, s'approche de la quarantaine sans toujours avoir un statut de travail respectable.

Il y a un commentaire que je veux faire. C'est comme tout le départ de votre réflexion, je trouve, qui est résumé à la page 5 de votre mémoire. Ça tire les larmes, d'ailleurs. «Ce sont des hommes et des femmes, des pères et des mères de famille, pris au piège de l'appauvrissement, qui ont concédé – ha, ha, ha! – des conditions de travail inférieures aux nouveaux venus.» Il n'y a pas une étude de l'Institut de recherche sur la rémunération qui a démontré que, dans le secteur municipal, les gens avaient en moyenne 27 % de plus que dans le secteur public ou 18 %, peu importe?

L'ensemble des gens dans le secteur public à Laval, je suis conscient que, dans le cas des cols bleus, ils font du travail difficile, puis tout ça, mais pris au piège de l'appauvrissement... Fonds de pension existant, conditions salariales, avantages sociaux, congés, je ne sens pas que c'est des victimes, moi, qui votaient dans les assemblées générales, je ne sens pas que c'est des gens sur le bord de la dèche qui, dans les assemblées générales, votaient pour donner aux jeunes des conditions inférieures. C'est un argument que j'achète relativement peu.

Je vais vous dire, dans le fond, je devrais être tout content de votre mémoire parce que c'est un des appuis les plus précis au projet de loi n° 393 que j'ai déposé. Je devrais avoir mon chapeau de fête sur la tête pour vous accueillir. Mais, avec ce que j'ai entendu des groupes de jeunes, je ne suis pas capable de ne pas avoir un petit quelque chose, un petit motton dans la gorge en vous recevant, je ne suis pas capable d'avoir un peu de scepticisme en lisant votre mémoire. Puis là, à la page 14, vous nous dites qu'il y a un congrès qui s'est tenu à Saint-Hyacinthe à la mi-juin et que les représentants des syndicats affiliés à la Centrale se sont prononcés unanimement en faveur du principe du projet de loi n° 393. Je suis encore plus ému. Mais le syndicat, à Laval, qui est un syndicat affilié, il «était-u» là? Puis ils ont voté pour ça.

M. Vaudreuil (François): Ça, est-ce que c'est votre question?

M. Dumont: Oui.

M. Vaudreuil (François): Parce que je vais y répondre, vous avez plusieurs éléments.

Le Président (M. Sirros): ...parce qu'il reste très peu de temps.

M. Vaudreuil (François): Oui. C'est parce que vous nous avez quittés puis que vous avez manqué une partie des interventions que j'ai faites. Dans ce cadre-là, ce que je pourrais vous rappeler, premier principe, c'est que, au niveau de l'équité, à la CSD, d'aucune façon on n'appuie ou on n'est en accord avec des mécanismes qui vont favoriser des situations discriminatoires ou inéquitables. Et, à cet égard-là, on assimile les clauses orphelin là-dedans, ça, c'est bien clair. L'autre élément – c'est parce que je ne sais pas si vous y étiez – chaque syndicat affilié à la CSD bénéficie d'une très grande autonomie, je l'ai expliqué. Ça, c'est l'autre élément. À cet égard-là, la CSD a donc joué son rôle.

Les dirigeants du syndicat des cols bleus de ville Laval étaient là, lors de l'adoption du principe de bannir ou d'empêcher l'existence des clauses orphelin. Ils étaient là. C'est une proposition qui, après un débat, a été appuyée unanimement à la demande du congrès. Unanimement. Parce que ces situations-là – et c'est ça, le drame – les gens les adoptent dans la résignation. Il n'y a personne qui applaudit, il n'y a personne qui est heureux d'une telle situation.

Et, quand vous dites, de façon pas sarcastique mais bien proche: Ça m'a quasiment fait pleurer, les pères puis les mères, M. Dumont, on va vous inviter, on va vous faire visiter des usines, on va vous en faire visiter et on va vous expliquer. Des femmes qui travaillent dans le vêtement depuis 20, 30 ans à 8 $ de l'heure puis qui acceptent des clauses orphelin, pensez-vous que ces gens-là, ces femmes qui sont souvent aussi des mères de famille vont faire ça pour créer un avenir qui n'est pas meilleur pour leurs enfants? Non, non. Tu sais, je veux dire, c'est un discours qui ne tient pas. Et c'est ça qu'il faut départager, entre la cause des clauses orphelin et son effet. Son effet, c'est que, au niveau de la perception, ça crée des tensions au niveau intergénérationnel. Mais la cause, ce n'est pas qu'il y a un conflit intergénérationnel – ce n'est pas ça, la cause – la cause, c'est le nouvel environnement économique dans lequel on vit à tous les jours et pour lequel...

M. Dumont: Oui, mais comment ça il y en a, dans les municipalités, où le nouvel environnement économique ne s'applique pas? Elles vivent dans une bulle, les municipalités. Ce n'est sûrement pas le nouvel environnement économique qui met une pression sur cette bulle-là. Je veux dire, les cols bleus à la ville de Montréal, à la ville de Laval, ils ne les vivent pas, les conditions économiques, ils sont dans une bulle protégée de toutes parts.

M. Vaudreuil (François): C'est de prétendre que les cols bleus vivent sur une autre planète, ce qui n'est pas le cas du tout. Ces gens-là ont tous dans leur famille ou près d'eux quelqu'un qui a perdu son emploi suite à une restructuration dans le secteur privé et ils sont conscients du taux élevé de chômage. Ils constatent aussi l'effet grandissant de la sous-traitance, de la privatisation de certains services, et ces gens-là veulent travailler à l'amélioration de la productivité. C'est ça que les cols bleus disent, actuellement. Qu'ils soient dans une bulle, voilà 15 ans, 10 ans, c'était peut-être vrai, mais aujourd'hui ce n'est plus vrai, ils ne raisonnent plus comme ça.

Et là, comme dans le privé, quand il y a des pressions qui s'exercent sur eux autres pour diminuer la masse salariale et, comme dans le privé, parce qu'ils s'appauvrissent aussi au fur et à mesure... Parce que ce n'est pas parce que tu gagnes 30 000 $, 32 000 $ ou 35 000 $ par année que t'es nécessairement riche. Comme tout le monde de la classe moyenne, t'as contracté des obligations, tu t'es acheté une maison, t'as une auto et t'espérais faire comme tes parents, pouvoir t'enrichir, alors que tu ne peux plus, actuellement, au Québec. Donc, ces gens-là s'appauvrissent aussi au niveau du net, au niveau des choix qu'ils peuvent faire. C'est des situations difficiles, difficiles, et les gens le font. Ils le font malgré eux, à contrecoeur.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Je dois malheureusement... Une très courte question? Très courte question.

M. Dumont: Très courte question sur un tout autre volet, parce qu'il touche vraiment... L'article 47.2 du Code du travail, le devoir de représentation avec une possibilité de contestation, si on étendait 47.2 pour que la représentation ne soit pas seulement en cas de congédiement ou de faute grave, mais que, dans le cas d'un syndicat qui négocie une clause orphelin, comme ça devrait être le cas, il y ait possibilité de contester la vraie représentation ou la saine représentation, seriez-vous à l'aise avec ça?

(17 h 10)

M. Vaudreuil (François): Mais ce n'est pas ça qu'on présente. Ce qu'on présente, M. Dumont, et ça s'inspire de ce que la Commission des droits et libertés de la personne fait comme recommandation, c'est: que toute disposition ou condition de travail qui serait inférieure à des nouveaux venus, tant dans les milieux syndiqués que dans les milieux non syndiqués... Parce que 47.2, là, il traite uniquement des milieux syndiqués, et je pense qu'il faut viser toutes les travailleuses et tous les travailleurs de la société. Il ne faut pas en exclure un. On a ici, après midi, un rôle social important à jouer à ce niveau-là et, nous, on pense que la solution, c'est de légiférer par la Loi des normes du travail. Et, d'après moi, on va être capable de corriger la situation à l'intérieur d'une période de trois ans pareil comme on l'a fait au début des années quatre-vingt-dix avec l'article 41.1 de la loi des normes.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Je dois malheureusement mettre un terme. On va suspendre deux minutes afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Il s'agit de la Jeune Chambre de commerce de Montréal.

(Suspension de la séance à 17 h 11)

(Reprise à 17 h 13)

Le Président (M. Sirros): On a perdu quelques joueurs. Si on peut les retrouver rapidement... Mme la députée, M. le ministre, s'il vous plaît. Merci.

Alors, nous avons le prochain et dernier intervenant pour la journée, la Jeune Chambre de commerce de Montréal. Je vous demanderais de bien vouloir vous identifier, ainsi que celles qui vous accompagnent, et on pourra procéder directement à la lecture de votre mémoire.


Jeune Chambre de commerce de Montréal (JCCM)

Mme Nolet (Marie-Hélène): Parfait. Bonjour, M. le Président. Je m'appelle Marie-Hélène Nolet, je suis la présidente de la Jeune Chambre de commerce de Montréal. Je travaille en tant qu'analyste chez la firme de capital de risque GTI Capital, à Montréal, qui se spécialise dans l'investissement dans les entreprises en haute technologie; à ma gauche, j'ai Annie Côté, qui est la vice-présidente affaires publiques à la Jeune Chambre de commerce de Montréal et qui travaille en tant que conseillère en ressources humaines pour Demix, une division Ciment St-Laurent; à ma droite, Mme Hélène Gagnon, qui est première vice-président à la Jeune Chambre de commerce de Montréal et qui est avocate en droit de l'environnement chez Martineau, Walker. Donc, je vous remercie de nous avoir invités.

La Jeune Chambre de commerce de Montréal existe depuis 1931. Nous avons à notre actif 1 120 membres qui sont en règle. Nous sommes un regroupement de jeunes gens d'affaires. Nous parlons de professionnels, de cadres, d'entrepreneurs et de travailleurs autonomes. Notre mission comporte trois volets: le premier, le développement personnel et professionnel de nos membres; le deuxième, de promouvoir leurs intérêts; et le troisième, un retour au milieu. Ce mandat-ci, nous avons trois volets au mandat de la Jeune Chambre de commerce de Montréal. Le premier, c'est une gestion de la croissance de l'interne. Les deux autres volets sur lesquels on a décidé de mettre l'emphase concernent un petit peu plus l'actualité, c'est-à-dire la responsabilité sociale des entreprises – nous avons un comité qui travaille là-dessus. Et le troisième point, c'est de favoriser l'intégration des jeunes gens d'affaires sur les conseils d'administration et les comités. Donc, on parle de favoriser l'intégration ou la préparation de la relève.

Pourquoi est-ce que la Jeune Chambre a voulu se pencher sur la question des clauses orphelin? Pourquoi est-ce qu'on s'implique dans ce débat-là? La première réponse va de soi, c'est que la Jeune Chambre de commerce de Montréal est en désaccord avec toute forme de discrimination, et plus fortement lorsqu'elle touche les jeunes. On se sent également concernés parce qu'on représente la génération montante, la génération de demain qui va diriger les entreprises, le secteur privé et éventuellement peut-être même le gouvernement. Selon nos recherches, on constate également qu'il y a eu une augmentation du recours aux clauses orphelin, au cours des dernières années. Il semble également que le phénomène n'est pas appelé à disparaître. Et, finalement, comme je l'ai mentionné, nous prônons le rôle social des entreprises qui est un volet, pour nous, important.

Lorsqu'on parle de ça, on a déposé, il y a un an, une charte, à la Jeune Chambre de commerce de Montréal. Je vais peut-être vous citer les points les plus importants qui nous concernent aujourd'hui, où on dit qu'il est important de maximiser le potentiel des employés en leur offrant une formation continue et en favorisant leur épanouissement personnel. Il est également important de reconnaître l'humain derrière la machine en facilitant la conciliation travail-famille et en faisant preuve d'équité envers tous les employés. Ensuite, on parle de susciter un sentiment d'appartenance à l'entreprise, puisque, en favorisant une atmosphère de travail saine, harmonieuse et motivante, on peut avoir un employé plus productif. Finalement, on pense qu'il est important de développer en entreprise des réels partenariats qui favorisent des relations équitables et harmonieuses qui nous aident à choisir des partenaires qui manifestent un sens d'éthique en affaires et qui démontrent leur volonté d'assumer leurs responsabilités sociales.

Également, à la Jeune Chambre, on est en train d'implanter un projet au niveau de la reconnaissance d'entreprises sociales. On pense qu'il est important de reconnaître les gens ou les entreprises qui favorisent l'humain à travers les entreprises au Québec. Ce que l'on observe au niveau des effets des clauses orphelin au Québec, c'est que les clauses orphelin sont, à nos yeux, des clauses qui sont discriminatoires, puisqu'on parle de date d'embauche et non en fonction des compétences des individus. On pense que c'est important qu'il y ait toujours une fonction de compétence derrière un individu qui est attaché à un poste de travail.

On parle aussi de clauses qui posent un problème certain d'équité parce que ce ne sont pas tous les mêmes traitements qui sont employés pour chaque employé, à travail ou à tâche égal. On pense également que ces clauses-là peuvent engendrer des problèmes opérationnels. Donc, en faisant référence à la charte de la Jeune Chambre de commerce de Montréal, on peut penser qu'un employé qui est épanoui est un employé plus productif. À l'inverse, si on lui donne des motivations pour être démotivé, ça peut engendrer un manque de productivité au sein de l'entreprise, donc dégénérer en une atmosphère de travail qui peut être nuisible et pour les employés, et pour l'entreprise, et, à plus long terme, pour l'économie québécoise. Donc, à long terme, on pense que les clauses orphelin vont à l'encontre de notre charte.

Les effets. On parle encore d'une baisse de motivation, d'une baisse de productivité, d'une baisse de sentiment d'appartenance au niveau du travail bien fait, donc on parle d'une démobilisation ou de conflits internes engendrés par le manque d'équité. À long terme, c'est néfaste pour tout le monde. Il y a également les conséquences sur la famille. C'est difficile, pour les jeunes de notre âge, de planifier. Il y a un genre de précarité et d'insécurité financière, puis je pense que ça fait partie de la société, et on l'accepte ainsi. Cependant, je pense qu'il est important de ne pas mettre des clauses qui vont empirer cette situation-là. Nous sommes sortis des bancs d'école et nous avons vécu un marché d'emploi difficile, et on le vit encore. Nous en sommes conscients et nous avons les armes pour affronter ce marché-là. Il est important de mentionner que nous devons reconnaître le salaire et les bénéfices des employés en fonction de leur compétence et non en fonction de leur date d'embauche.

(17 h 20)

Au niveau de la famille, il peut y avoir un retrait au niveau de fonder une famille, d'avoir moins d'enfants, puisqu'il y a une insécurité financière, et puis ça peut être difficile de concilier travail et famille. C'est également un marché très exigeant pour les jeunes au niveau des horaires, et tout ça.

La Jeune Chambre de commerce de Montréal est en faveur d'un projet de loi parce qu'on pense que ce projet de loi peut servir à encadrer. On ne veut pas éliminer ou réduire la libre négociation entre les parties, mais on veut seulement encadrer afin de protéger tous les gens et d'éviter que le poids de compression se répartisse inéquitablement et surtout en faveur des jeunes.

La Jeune Chambre de commerce de Montréal est le porte-parole, une organisation non partisane qui regroupe des jeunes. Nous avons été mandatés par notre membership pour venir vous présenter un petit peu qu'est-ce qu'on faisait, et on pense qu'il est important pour nous d'arriver avec des solutions pour l'avenir parce que l'avenir, c'est nous, c'est nos enfants et qu'on y croit. On y croit à Montréal, on y croit dans la province de Québec, et je pense qu'il est important d'y arriver.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. On va donc débuter les échanges en donnant la parole au ministre. M. le ministre.

M. Rioux: Alors, on est très heureux de vous accueillir, c'est un son de cloche qu'on avait besoin d'entendre. Mme Nolet, Mme Gagnon et Mme Côté, si je comprends bien, il y a un gap générationnel assez impressionnant entre la vieille Chambre et la Jeune. Au niveau de la pensée, au niveau idéologique, votre grande soeur n'a pas le même discours, vous le savez fort bien. Alors, j'aimerais que vous nous disiez si c'est normal que votre génération pense comme vous pensez et que l'autre pense différemment. Il y a sûrement des causes à ça, il y a des raisons qui expliquent ça. Est-ce qu'on peut en débattre un peu?

Mme Nolet (Marie-Hélène): Certainement. Je pense qu'il faut comprendre que la Jeune Chambre de commerce de Montréal est un organisme qui est indépendant de la Chambre de commerce de Montréal. Nous sommes indépendants et nous sommes ici pour représenter nos membres. Donc, nous avons été mandatés par nos membres pour représenter leurs intérêts. Et, si nous sommes ici, c'est parce qu'on pense que nos membres croient à ça, et c'est pour l'avenir qu'on est ici et non pour le passé.

M. Rioux: Bien.

Mme Gagnon (Hélène V.): Si vous me permettez peut-être d'ajouter, nous ne sommes pas encore des chefs d'entreprise – j'ose ajouter «encore» – nous sommes certainement appelés à le devenir. Pour l'instant, pour nous, on en fait une question de principe, le fait d'interdire les clauses orphelin.

Comme Marie-Hélène vous l'a expliqué, nous avons dans notre discours un élément qui s'appelle la «responsabilité sociale des entreprises». À l'heure où les gouvernements se désengagent des fois un peu plus du secteur social, on pense que c'est important de valoriser les entreprises qui, elles, prennent la voie sociale. Et, quand on parle de «sociale» on parle tout simplement de relations avec les employés. On ne parle pas d'argent, ici, on parle vraiment de contexte, de façon de traiter ses employés, que ce soit quand on disait «reconnaître l'humain derrière la machine», et tout ça. Donc, notre discours est à saveur un petit peu plus positive, et cette question d'interdire les clauses orphelin, c'est inscrit dans ce principe de tendre vers un milieu des affaires qui sera de plus en plus socialement responsable. Pour nous, ça s'inscrit dans notre discours, qui est une de nos priorités cette année, pas d'étiqueter les entreprises qui ne sont pas socialement responsables, mais, au contraire, de pointer du doigt celles qui le sont plus que d'autres, donc d'avoir un discours très, très positif pour montrer certains modèles, certaines entreprises au cours de l'année. Vous en entendrez certainement parler lorsqu'on fera le lancement de notre projet. Mais certaines entreprises qui suivent, dans le fond, notre idéologie, qui est celle d'un milieu des affaires qui va de plus en plus être conscient de la valeur ou du trésor qu'est un employé et du fait qu'il faut savoir bien le traiter...

Pour nous, quand une clause orphelin entre dans un milieu de travail, que ce soit dans un milieu où il y a une convention collective ou où il n'y en a pas, ça crée une atmosphère qui est malsaine, ça crée une jalousie, on ne comprend pas pourquoi un employé qui a les mêmes compétences qu'un autre à côté n'a pas les mêmes avantages sociaux, n'a pas le même salaire. Donc, pour nous, c'est une question de principe, c'est une question de compétence. Si on a une expérience équivalente, qu'on fait un travail équivalent, il faut qu'on ait des avantages équivalents. Pour nous, c'est une question de principe.

M. Rioux: Vous terminez votre mémoire en mentionnant que la Jeune Chambre souhaite que des actions soient entreprises afin de favoriser un partage plus équitable, je ne dirai pas de la richesse, mais, en tout cas, une sorte d'égalité des chances, je dirais, entre les jeunes et les moins jeunes. Vous allez même jusqu'à dire que, s'il doit y avoir des compressions, que tout le monde les vive, et ne pas les faire payer seulement aux jeunes, comme ça a été décrié par plusieurs groupes qui sont venus devant nous. Néanmoins, vous ne précisez pas les mesures concrètes qu'on devrait mettre en place pour abolir ou enrayer le phénomène des clauses orphelin. J'aurais pensé que vous auriez pu aller peut-être un peu plus loin.

Mme Nolet (Marie-Hélène): Je pense que ce qui est important, c'est qu'on n'est pas ici pour légiférer la loi.

M. Rioux: Oui, oui, j'ai compris ça, mais...

Mme Nolet (Marie-Hélène): On voit une loi qui va favoriser l'intégration sur un certain échelonnement parce qu'il est important aussi de ne pas mettre en péril les entreprises, puis c'est clair. Ça, on est contre ça. Donc, ce projet de loi pourrait se faire sur une période donnée de temps qui pourrait s'adapter, puis permettre à chaque entreprise qui a des clauses orphelin dans ses conventions collectives ou même... entreprise qui va pouvoir les adapter et trouver des solutions.

M. Rioux: Alors, quand vous parlez de mettre en péril les entreprises, donc vous comprenez très bien qu'il y a des employeurs qui disent: Mon entreprise est en danger s'il n'y a pas plus de flexibilité, si on ne change pas les méthodes de travail ou encore si on n'engage pas des jeunes ou des nouveaux à salaire moindre.

Mme Nolet (Marie-Hélène): Non, je pense que vous avez mal compris. Je pense que, si on appliquait la loi, présentement, oui, ça pourrait mettre en péril certaines entreprises, on en est conscients. C'est pour ça qu'on veut leur donner un laps de temps pour que chaque entreprise puisse trouver ses solutions face à ce problème-là. Mais on est convaincus qu'à long terme tous vont en sortir gagnants: les employeurs, les employés, les jeunes et les moins jeunes.

M. Rioux: Alors, je céderai la parole, M. le Président, à un de mes collègues. Je pense que c'est le député...

Le Président (M. Sirros): Oui, j'ai vu le député de Marguerite-D'Youville qui s'est montré intéressé à prendre la parole. Alors, M. le député.

M. Beaulne: Oui – merci, M. le Président – d'autant plus que, comme vice-président de la commission, je n'ai pas souvent l'occasion d'échanger avec les groupes. Ça me fait plaisir d'échanger avec vous, d'abord, parce que je trouve que le message que vous nous transmettez est rafraîchissant et présage de la possibilité de trouver sinon à court terme, du moins à moyen terme un consensus intéressant au Québec sur cette question fondamentale.

Je le dis parce que vous représentez, au fond, les décideurs économiques de demain. Votre groupe représente des jeunes cadres, des jeunes entrepreneurs – en réalité, des jeunes qui sont surtout centrés dans les petites entreprises, les moyennes entreprises – d'autant plus que je me réjouis que ce soient trois femmes qui viennent représenter la Chambre de commerce, ce qui est également significatif des progrès sociaux que nous avons accomplis, surtout après qu'on a voté ici, à l'Assemblée nationale, de manière unanime la Loi sur l'équité salariale. Et je vous rejoins à ce niveau-là lorsque vous dites qu'il faut avoir un certain laps de temps. D'ailleurs, c'est la manière dont on a appliqué la Loi sur l'équité salariale, et je conviens avec vous que, surtout en ce qui concerne les petites et moyennes entreprises, il peut y avoir des difficultés au niveau de l'application trop abrupte, trop subite de modifications importantes.

Vous dites dans votre mémoire que... Vous le constatez, d'ailleurs, tous les intervenants qui sont ici ont constaté la progression des clauses dites orphelin dans le monde du travail. Le ministre a mis votre rapport en relation avec celui de la Chambre de commerce; moi, j'aimerais le mettre en relation avec celui du Conseil du patronat. Le Conseil du patronat, lui, prétend que c'est un phénomène temporaire. D'après vous, est-ce que cette montée de la pratique d'insérer des clauses orphelin dans notre monde du travail est temporaire ou si vous percevez ça comme une tendance qui s'amorce et qui peut même s'amplifier si on n'y remédie pas assez rapidement?

(17 h 30)

Mme Côté (Annie): En tout cas, avec tout la littérature que je me suis tapée, ces derniers temps, sur le sujet, je ne pense pas que ce soit une tendance qui soit temporelle. Je pense que c'est une tendance qui est là pour rester. Grandir, s'en aller en augmentant ou en diminuant, je ne veux pas faire de prévisions là-dessus, mais ne serait-ce que... Même si aujourd'hui on est à 6 %, je crois, de taux de présence – en tout cas, dans ces alentours-là – je pense que c'est appelé à demeurer quand même assez présent au sein des conventions.

M. Beaulne: Il y a un autre élément qui ressort de certaines interventions qui ont été faites, c'est que l'application, l'insertion de clauses dites orphelin ou orphelines dans les conventions collectives et dans les législations du travail, c'est quelque chose qui, au fond, aide les entreprises ou certaines entreprises à maintenir leur compétitivité. D'ailleurs, je pense que le Conseil du patronat, dans son mémoire, l'a quasiment avoué à mots voilés lorsqu'il nous disait, entre autres, parmi ses recommandations, qu'il fallait conserver la latitude existante en matière de clauses orphelin dans notre milieu du travail.

Je déduis de votre présentation puis des échanges que vous avez eus jusqu'ici avec le ministre et avec moi-même que vous ne partagez pas ce point de vue. Est-ce que, d'après vous, l'approche du Conseil du patronat visant à maintenir, d'une manière ou d'une autre, cette latitude qu'offrent les clauses orphelin est une manière efficace, dans le contexte actuel, de maintenir la compétitivité de nos entreprises?

Mme Gagnon (Hélène V.): On n'est pas ici, non plus, pour critiquer nécessairement la position des autres, on est ici pour présenter la nôtre.

M. Beaulne: Non, non, mais je vous pose... Votre évaluation de la situation. Vous êtes des entrepreneurs.

Mme Gagnon (Hélène V.): Non, tout à fait. Mais, pour nous, c'est sûr que c'est facile de dire que ça nuit à la compétitivité. Je suis certaine que vous avez entendu la même argumentation lorsque vous avez adopté la Loi sur l'équité salariale, qui a été également décriée, où on a dit que ça nuisait à la compétitivité...

M. Beaulne: C'est pour ça que je vous pose la question.

Mme Gagnon (Hélène V.): ...que toutes les entreprises allaient fermer et que ça allait être le cataclysme. Bon. La loi a été adoptée il y a un certain laps de temps. Les entreprises vont devoir s'adapter. C'est la même chose. C'est une question de principe. Vous avez fait de l'équité salariale une question de principe en tant que gouvernement. On vous dit que, nous, en tant que jeune génération puis jeune communauté des affaires, on considère que la question des clauses orphelin, c'est une question de principe qui va à la base même du principe d'engager un employé pour travailler. On engage quelqu'un de compétent pour faire un travail, bien, tout le monde qui a la même compétence, qui fait le même travail, qui a la même expérience, on devrait le traiter de la même façon.

Donc, c'est une question de principe. Est-ce que ça va faire en sorte que ça va nuire à la compétitivité? Nous, on pense que, si c'est fait trop rapidement, ça pourrait avoir un impact néfaste, mais, si c'est fait sur une période de temps raisonnable... C'est difficile pour nous de juger quelle est une période raisonnable. On vous disait, dans notre mémoire, on mentionnait peut-être cinq ans. En fait, on vous laissera juger. On imagine que vous allez regarder cette question d'application.

Nous, on pense que la question de la compétitivité peut être traitée sur la question de la mise en application plutôt que sur la question du principe. Parce que, sur le principe, il y a beaucoup de choses qu'on peut dire qui nuisent à la compétitivité, mais il y a des choses, à un moment donné, où il faut tracer une ligne. Et on ne peut pas tout faire pour nuire à la compétitivité. On a un salaire minimum ici qui est plus élevé que les pays en voie de développement. Ça nuit à notre compétitivité, mais on l'a quand même. Donc, il y a des mesures comme ça qui existent dans une société libre et démocratique. Quand il y a des questions de principe, on tranche puis, ensuite, on s'adapte, en autant qu'on a du temps.

M. Beaulne: Vous avez mentionné une période de transition de cinq ans. La CSD, tout à l'heure, dans son rapport, dans son mémoire, mentionnait trois ans. Est-ce qu'il y a une raison particulière pour laquelle vous avez mentionné cinq ans?

Mme Gagnon (Hélène V.): Non. En fait, on ne voudrait pas se dire comme des experts, mais on se disait: À tout le moins, ceux qui ont des conventions... Je sais qu'il y en a qui ne sont pas d'accord ici, autour de la table, qui voudraient que peut-être ça s'applique plus rapidement, même aux conventions qui sont déjà en application, et tout ça. Donc, nous, on se dit: On essaie de laisser un certain laps de temps pour que certaines conventions qui sont déjà en application viennent à échéance. Ça leur donne un délai. Ceux dont la convention viendrait à échéance tout de suite auraient un délai aussi avant de refaire leurs négociations et avant que, vraiment, il y ait une interdiction formelle des clauses orphelin.

Donc, le cinq ans, pour nous, apparaissait comme un délai raisonnable pour s'adapter, pour trouver des solutions, parce que, pour l'instant, c'est une solution... Si c'était fait tout de suite, ça aurait des conséquences importantes au niveau de la masse salariale. Donc, il faut en être conscients. Comme l'économie a des hauts et des bas, plutôt des bas ces temps-ci, on se dit qu'il faut peut-être donner plus de temps que pas assez pour que ça soit une solution durable puis qu'après ça n'ait justement pas d'impact sur la compétitivité.

M. Beaulne: On a beaucoup parlé des conventions collectives, de l'impact des clauses orphelin dans le milieu du monde municipal et dans le monde syndiqué. Vous, je suppose que beaucoup de vos membres... Enfin, vous êtes proches d'un milieu de travail qui est non syndiqué, proches des travailleurs autonomes. Comment voyez-vous une protection pour le monde non syndiqué et pour les travailleurs autonomes dans un contexte où on voudrait éviter le principe ou l'application de clauses orphelin?

Mme Nolet (Marie-Hélène): Bien, il y a deux volets à ma réponse. La première, c'est que, dans les secteurs où il n'y a pas de conventions collectives, on peut dire, ou même dans le secteur où nos membres sont présents la plupart d'entre eux, on est souvent évalués en fonction de nos compétences. Puis ça, je pense que c'est important de le mentionner, parce que, sur les bancs d'école, c'est ça qu'on nous a appris: si on veut monter dans une entreprise, si on veut gravir les échelons, c'est en fonction des compétences. Donc, on enlevait la barrière d'âge, on enlevait la barrière de sexe, on enlevait la barrière du contrat d'embauche, finalement de la date d'entrée en embauche. Donc, on nous a appris sur les bancs d'école qu'il était important de performer. Ce sont les compétences qui priment. Donc, je pense que, dans tout monde, c'est la loi de la jungle, c'est comme ça, ce sont les compétents qui se démarquent et c'est comme ça qu'on peut avancer.

La deuxième version, c'est au niveau des travailleurs autonomes. Oui, le membership de la Jeune Chambre augmente beaucoup et une grande partie se retrouve dans les entrepreneurs et les travailleurs autonomes. On s'affaire présentement à travailler un mémoire sur les travailleurs autonomes parce qu'on sait qu'il y a certains problèmes, et politiques, mais on pense que c'est un autre débat. D'ici un mois, on pourra peut-être vous présenter un mémoire qui pourrait être complet et où on a plusieurs recommandations à ce niveau-là.

Le Président (M. Sirros): Merci.

M. Beaulne: Je termine, M. le Président...

Le Président (M. Sirros): En terminant.

M. Beaulne: ...il me reste une minute. Une question très rapide, plus vaste, plus large, mais qui peut amener une réponse très rapide. Trouvez-vous que la législation du travail au Québec, à l'heure actuelle, est adaptée à la transformation de notre environnement de travail?

Mme Côté (Annie): On n'est pas des experts en lois du travail. Moi, je ne veux pas m'avancer dans cette question.

M. Beaulne: Non, mais est-ce que ça protège, à votre avis, adéquatement? Est-ce que ça reflète adéquatement les préoccupations de l'émergence de travailleurs autonomes et de jeunes entrepreneurs?

Mme Gagnon (Hélène V.): Ça protège adéquatement les travailleurs autonomes et les jeunes entrepreneurs. Sur celui-là, M. Rioux nous a reproché tout à l'heure de ne peut-être pas aller assez en détail. Sur les travailleurs autonomes, vous ne pourrez pas nous le reprocher, parce que ça fait un an qu'on travaille sur les travailleurs autonomes. Donc, on a fait un mémoire très, très détaillé, mais on a eu plus de temps, on n'était pas pressés dans le temps, cette fois-ci. Donc, à ce moment-là, on a plusieurs recommandations très, très particulières justement sur quelles façons on pourrait peut-être améliorer la situation des travailleurs autonomes, jusqu'à quel point les lois du travail devraient être uniformisées, est-ce qu'on ne devrait pas prévoir un congé de maternité pour les travailleurs autonomes. Bref, on a beaucoup de recommandations, mais c'est un autre débat et je pense que ce n'est pas le temps d'en parler ici. Ça nous fera plaisir de vous l'envoyer. Ça va être prêt d'ici un mois.

M. Beaulne: Je vous remercie.

Le Président (M. Sirros): On va le lire attentivement, j'ai l'impression. Mme la députée La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, Mme Marie-Hélène Nolet, Mme Hélène Gagnon et Mme Annie Côté, merci pour le mémoire, pour l'éloquence, la présentation. Je vous ai écoutées très attentivement et je trouve ça très rafraîchissant, en fait, d'entendre un discours comme le vôtre qui tranche dans sa perspective de ce qu'on peut entendre généralement du milieu des affaires, quoique vous avez bien pris la précaution de dire: Nous ne sommes pas encore des entrepreneurs, seulement en voie de le devenir. Mais vous êtes en bonne voie.

En fait, ce que vous nous dites et ce que je comprends de votre présentation, c'est que vous nous présentez une nouvelle philosophie de gestion. Dans la perspective de la relève, des leaders économiques de demain, vous dites que, dans l'entreprise, l'humain, ça compte et il faut reconnaître l'humain derrière la machine. Et ça, c'est très intéressant de se situer dans cette perspective-là.

Le mémoire est très court, deux pages, mais c'est très synthétique et tout y est ou presque. Vous dites aussi que vous avez été d'accord avec le déficit zéro, sauf que vous tenez à ce que les compressions et les sacrifices soient partagés équitablement et vous ne souhaitez pas, comme beaucoup d'entre nous d'ailleurs, que le fardeau soit porté uniquement par les jeunes.

(17 h 40)

Également, vous dites que l'un de vos objectifs, c'est de favoriser le commerce. Or, on sait que, dans le secteur du commerce, il y a beaucoup de clauses orphelin. En tout cas, c'est l'un des secteurs où les clauses orphelin sont appliquées de façon assez sensible, et ça touche les jeunes. Est-ce que vous pouvez qualifier ça, combien de jeunes qui travaillent dans ce secteur qui sont affectés ou, du moins, parmi votre membership, qui sont affectés par les clauses orphelin dans le secteur du commerce?

Mme Nolet (Marie-Hélène): M. le Président, juste pour faire une correction, à la table, avec mes collègues, nous ne sommes aucun entrepreneur, finalement, mais il y en a beaucoup, d'entrepreneurs, à la Jeune Chambre.

Mme Houda-Pepin: Ah! D'accord.

Mme Nolet (Marie-Hélène): Donc, il y en a en devenir, je l'espère bien, il y a des futurs cadres ou des futurs PDG d'entreprise. Mais il ne faut pas oublier aussi qu'il y a beaucoup d'entrepreneurs qui sont jeunes, puis on parle de jeunes entre 18 et 40 ans. Donc, je pense que c'est important.

Mme Houda-Pepin: Oui, justement, j'ai trouvé ça très intéressant, vous allez jusqu'à 40 ans pour définir... J'ai de l'espoir.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Nolet (Marie-Hélène): Oui. Donc, c'est important de mentionner l'esprit d'entrepreneurship de la jeune génération, puis ça peut partir très, très tôt. Il y en a souvent qui quittent l'école et qui bâtissent leur propre entreprise sans jamais passer au stade d'employé dans une entreprise. Quantifier le nombre de gens, non, on ne l'a pas fait, mais on a certes beaucoup de gens qui travaillent, on a des gens qui travaillent dans des ministères, à différents paliers de gouvernement également. Non, on ne l'a pas fait, puis on n'a pas prévu vraiment le faire.

On pensait plus... Notre approche a été très synthétisée, puis je pense que vous avez raison, mais c'est surtout sur des questions de principe qu'on veut faire passer le message. Parce qu'on est ici pour représenter les intérêts communs et on pense que, que ça soit maintenant ou après, on va avoir des gens qui vont être appelés à devenir des employeurs et d'autres des employés, ou ils le sont déjà. Donc, je pense que c'est important de mentionner qu'on peut représenter un groupe d'individus qui est des deux côtés de la clôture, au niveau des négociations.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Mais, en fait, en étant à la fois jeunes et entrepreneurs, vous prenez le parti des jeunes d'abord et avant tout.

Mme Nolet (Marie-Hélène): C'est ça, d'abord. C'est ça, oui.

Mme Houda-Pepin: Oui, c'est très bien. C'est pour ça que je vous ai dit: C'est une nouvelle philosophie de gestion.

Je voudrais revenir sur la question de la période de transition, parce que vous dites que vous êtes en faveur de la disparition des clauses orphelin et que vous pensez que graduellement on pourrait les éliminer. Il y a quelque chose comme 8 000 et quelques conventions collectives actuellement en vigueur et il s'en renouvelle à peu près 2 000 par année. Est-ce que vous ne trouvez pas que le délai de cinq ans, c'est trop long?

Mme Nolet (Marie-Hélène): Bien, comme ma collègue Hélène a mentionné, on ne peut pas vraiment quantifier combien ça va prendre, puis je pense que vous, en termes... je pense que vous avez un meilleur appui à ce niveau-là. Mais, une chose est claire, c'est qu'on veut avoir une approche où ça va être tempéré dans le temps. On parle de trois ans, cinq ans ou sept ans, on ne peut pas vraiment quantifier, mais je pense que c'est important de tempérer, parce qu'il y a l'effet de mettre en application qui est important également, puis je pense que c'est... Donc, je ne pourrais pas vraiment me poser...

Mme Houda-Pepin: Et, pour la législation, parce qu'on a entendu plusieurs groupes, notamment des groupes de jeunes, qui réclament une législation, tout le monde est pour la vertu, mais, s'il fallait que l'on puisse avoir une législation qui éliminerait, nous donnerait, en tout cas, l'assurance d'éliminer les clauses orphelin dans toutes les lois existantes, est-ce que vous seriez plus en faveur d'une loi-cadre ou est-ce que vous y iriez à la pièce par rapport au Code du travail ou aux normes du travail? Comment est-ce que vous voyez la solution sur le plan législatif, en vous basant sur votre vécu, sur votre expérience?

Mme Gagnon (Hélène V.): Bon. Est-ce qu'on préfère une loi-cadre ou y aller à la pièce? Une chose est sûre, c'est que le moyen est une chose, l'effet en est une autre. Ce qui est important pour nous, c'est l'effet. On peut très bien faire une loi interdisant les clauses orphelin, une loi qui modifie la Loi sur les normes du travail, le Code du travail. On peut modifier plein de lois dans une loi. Avec certains principes en préambule, et tout ça, ça peut être fait par une loi, mais en autant que toutes les lois les plus importantes soient modifiées dans le même sens. On veut juste s'assurer qu'il n'y a pas de législation à la pièce qui en oublie puis qui oublie les plus importantes. Donc, si on fait seulement le secteur des conventions collectives et du milieu qui est syndiqué, pour nous, on passe quand même à côté d'au moins la moitié du problème.

Donc, on pense que, si c'est un problème de société, encore là, pour une question d'équité, si c'est interdit, c'est interdit pour tout le monde, pas seulement dans le secteur public, pas seulement dans le secteur des municipalités, tout ça. Donc, pour nous, c'est en autant que l'effet est là. Si c'est interdit, c'est interdit pour tout le monde: privé, public, municipalité, et tout. Pour nous, après, le législateur tranchera sur le moyen.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Dernière question, M. le Président, concernant le pacte social. Vous faites le constat que le pacte social finalement n'a pas empêché les clauses orphelin de fleurir et de se poursuivre. Vous faites le constat que c'est un échec. Donc, c'est une solution que vous rejetez catégoriquement.

Mme Côté (Annie): On la rejette, parce qu'on pense que... Nous, on est en faveur d'une loi parce qu'on désire encadrer ce type d'action pour ne pas justement... On le voit. Le pacte social a été négocié. C'est difficile à appliquer, c'est difficile à contrôler. Donc, pourquoi on vote une loi? Pour encadrer, pour faciliter.

Mme Gagnon (Hélène V.): Les intervenants juste, juste avant nous sont venus vous dire: On n'a pas eu le choix. On est contre les clauses orphelin, mais on n'a pas eu le choix. Vous ne nous avez pas laissé le choix avec les compressions de 6 % que vous nous avez obligé à faire, et tout ça. Donc, même si les municipalités étaient partie à un pacte social et que, du jour au lendemain, le gouvernement disait: Coupez 6 %, bien elles disaient: Oui, on a fait le pacte social. Au niveau du principe, on est contre, mais on n'a pas le choix.

Donc, si c'est juste un pacte social, il va toujours y avoir des circonstances atténuantes qui vont faire que les gens vont pouvoir s'en sortir. Encore là, pour une question d'équité – il y en a pour qui ça va être interdit, il y en a d'autres qui vont être contre le principe, mais ils vont le faire quand même – donc, si on l'interdit, on l'interdit pour tout le monde.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Alors, merci.

Le Président (M. Sirros): Merci, Mme la députée. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. D'abord, je souhaite la plus cordiale bienvenue aux membres de la Jeune Chambre de commerce de Montréal. Je pense que ça a été les premiers mots du ministre aussi, c'est vraiment, votre participation à nos travaux, la démonstration que, quoi qu'ont pu en dire les membres de la CSD juste avant vous, c'est véritablement un débat de génération, qu'on l'aime ou pas. On peut le présenter en termes d'un débat de solidarité intergénérationnelle plutôt qu'un débat de conflit entre les générations, mais de le nier, ça me paraît se mettre la tête dans le sable. Parce que de tous les groupes de jeunes, de tous les horizons, étudiants, du monde des affaires, jeunes travailleurs évidemment, il est passé des victimes des clauses orphelin, les jeunes de tous les partis politiques, même d'un parti politique fédéral où les jeunes sont venus – ça ne s'était jamais fait – en commission pour dire: Nous, ça nous touche au plus haut point. Ça rallie la jeunesse au complet.

Curieusement, probablement que, vous et moi, on serait d'accord avec la Chambre de commerce du Québec ou d'autres groupes d'affaires sur un paquet d'éléments de modernisation des lois du travail, de façons d'aller de l'avant pour faire progresser l'économie du Québec, créer des emplois, mais, sur la question de faire payer la facture seulement aux jeunes, je veux dire, je pense qu'on est intraitables.

On va essayer de voir le débat en termes de solidarité intergénérationnelle, mais on ne peut pas exclure le mot «génération» de ça. C'est de ça dont je veux vous amener à parler, parce que, sur les clauses orphelin, vous avez dit tout ce qu'il y avait à dire, mais, en ce qui me concerne, le débat des clauses orphelin, c'est la pointe d'un iceberg qui s'appelle les conditions économiques de la nouvelle génération.

Vous avez dans vos rangs des gens qui sont dans à peu près tous les types d'entreprise, des gens qui sont des propriétaires d'entreprise, et vous avez une sensibilité au facteur jeune. Est-ce que vous la ressentez, la réalité économique des jeunes au niveau de l'industrie de la construction, au niveau de la capacité des jeunes d'avoir accès, donc, à une première propriété, au niveau de la famille, au niveau... Parce que ça a des conséquences économiques. Quand une génération se présente à 25, 30... Ce matin, c'était du monde de 40 ans, des travailleurs à ville de Laval de 40 ans qui étaient rendus devant nous autres, quatre enfants, puis qui nous disaient: Moi, aller à la banque, ça me prend un endosseur. Ça fait 10 ans que je travaille pour la ville, mais je suis occasionnel encore. Je suis surnuméraire. Du jour au lendemain, on pourrait décider de ne plus me rappeler. Les sentez-vous, ces conséquences-là?

Mme Nolet (Marie-Hélène): Bien, je pense qu'on les sent, oui, mais on n'a jamais connu autre chose. Je pense que c'est ça qui est important. Puis le monde du travail change. La compétition est plus féroce, que ça soit sur différents aspects. On parle de la globalisation, souvent. Je pense que qu'est-ce qu'on nous a appris sur les bancs de l'école – ça ne fait pas tellement longtemps que je suis sortie de là, mais il y en a que ça fait 10, 15 ans, puis je suis sûre qu'on en parlait déjà – c'est la flexibilité, l'adaptation, les compétences. C'est ça, la réalité.

(17 h 50)

Je pense qu'on est vraiment pas pour ça, parce que c'est vraiment... La compétition, la compétitivité du peuple québécois et de nos entreprises vont faire qu'on va se démarquer à l'international. Et, il ne faut pas se le cacher, tout humain est réticent au changement. C'est normal. Ça prend une période d'adaptation et je pense qu'on la vit présentement. Mais une chose est sûre, c'est que les jeunes ont de très bons moyens. Les jeunes, on est là, on y croit, puis c'est important d'y croire, parce que nous avons les compétences, nous avons la flexibilité et on veut que ça fonctionne.

Oui, c'est difficile, mais c'est la vie. La vie, elle est difficile. C'est comme ça. Je pense qu'on est positifs, puis c'est ça qui est important, c'est qu'on est ici pour l'avenir, pour nous dans 10, 15, 20 ans puis pour nos enfants également qui vont nous suivre. Parce que c'est sûr que ça va être difficile, mais c'est sûr qu'on va vouloir continuer à avoir des enfants, parce que c'est ça qui fait qu'on évolue dans une société puis qu'on est là.

Le Président (M. Sirros): Merci.

M. Dumont: Oui. Si jamais on refait un show – «on» exclut la personne qui parle – comme le Sommet socioéconomique, il faudra vous inviter, parce que ce qu'il y a d'extraordinaire au Québec, c'est que tout le monde agit en vertu de la compétitivité. C'est des termes qu'on entend. Mais c'est tout un paquet de monopoles, les gens qui sont venus, là, des gens, exemple, des municipalités qui sont en situation, finalement, de monopole, en tant qu'employeur, où il n'y a pas vraiment de compétition. Ce monde-là vient nous parler tantôt des contraintes du marché. Même le Conseil du patronat, il «t'a-tu» un paquet de monopoles là-dedans, dans plusieurs domaines!

Effectivement, il y a des entreprises qui sont en situation de compétition, puis curieusement l'Alliance des manufacturiers, quand on regarde les statistiques, c'est ceux qui utilisent le moins les clauses orphelin. Tous ceux qui parlent de compétitivité puis de compétition – j'en suis 100 milles à l'heure – c'est drôle, ce n'est même pas eux qui ont le plus recours à des clauses orphelin.

Le vrai recours aux clauses orphelin, c'est souvent par des gens qui sont en situation de monopole, de monopole des deux bords: de monopole d'un côté, de monopole syndical en contrepartie. Puis, à un moment donné, oups, là on dit: On est peut-être bien allés un petit peu trop loin. Peut-être bien que les salaires sont rendus un peu trop élevés, puis là on n'est plus capables de se payer ça. Il faudrait mettre un frein. Là, le frein, on ne peut pas le mettre à ceux qui ont des acquis, on ne peut pas toucher aux acquis, ça fait que là on fait payer les jeunes puis on coupe les jeunes de 20 % et 25 %. Mais, quand globalement on arrive dans un débat... On a entendu les gens du patronat. Ils nous ont parlé de compétitivité, j'en suis 100 milles à l'heure. Il y a un paquet de lois du travail que je changerais là-dessus, mais il y a tellement d'hypocrisie quand on vient utiliser ça pour toucher le point des jeunes. C'est épouvantable.

En passant, sur les travailleurs autonomes, c'est un thème, prochaine commission parlementaire de l'Assemblée nationale. Pour répondre au député de Marguerite-D'Youville, là, non, les lois du travail ne sont pas adaptées pantoute aux travailleurs autonomes. Je vis, j'ai l'alliance dans le doigt, avec une conjointe qui est une travailleuse autonome, enceinte au moment où on se parle, et je peux vous dire que les lois du travail ne sont aucunement adaptées à cette nouvelle réalité là qui est une prochaine étape dans la condition économique des jeunes. J'espère que vous allez nous amener des recommandations aussi intéressantes là-dessus qu'aujourd'hui.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Sirros): C'est nous qui vous remercions, et je vous remercie au nom des membres de la commission. Et, sur ce, nous allons ajourner nos travaux jusqu'à demain, 9 h 30. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 17 h 53)


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