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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le vendredi 7 avril 2000 - Vol. 36 N° 54

Interpellation : Les enjeux du commerce électronique


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures)

Le Président (M. Labbé): Alors, effectivement, ce que je mentionnais, bienvenue à la commission de l'économie et du travail. La session est maintenant ouverte. Sans plus tarder, je rappellerai le mandat de la commission pour cette séance, qui est de procéder à l'interpellation adressée à M. le premier ministre par la députée de La Pinière sur le sujet suivant, à savoir: Les enjeux du commerce électronique.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Lachance (Bellechasse) remplace M. Lelièvre (Gaspé); et Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Sirros (Laurier-Dorion).

Le Président (M. Labbé): Alors, merci beaucoup, Mme la secrétaire. Sans plus tarder, je me permets de vous rappeler brièvement le déroulement de la séance d'interpellation. Dans un premier temps, l'interpellante, soit Mme la députée de La Pinière, aura un temps de parole de 10 minutes, suivi par M. le ministre, pour également 10 minutes. Par la suite, des périodes de cinq minutes seront allouées selon la séquence suivante: un député de l'opposition officielle, M. le ministre, et un député du groupe ministériel. Par la suite, vers 11 h 40, j'accorderai un temps de 10 minutes de conclusion à M. le ministre et un temps de réplique égal à Mme la députée de La Pinière. De plus, si un intervenant n'utilise pas entièrement le temps qui lui est alloué, ceci ne réduit en rien pour autant la durée de son interpellation. Alors, sans plus tarder, compte tenu que nous sommes prêts à débuter, sur ce point, je cède maintenant la parole à Mme la députée de La Pinière, pour un temps de parole de 10 minutes. Mme la députée.


Exposé du sujet


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, M. le ministre, chers collègues qui l'accompagnent et les fonctionnaires du ministère, l'interpellation que j'ai lancée aujourd'hui au premier ministre s'inscrit dans le cadre d'une préoccupation majeure que j'ai exprimée à plusieurs reprises devant cette Assemblée, en commission parlementaire et dans les différents forums publics en rapport avec les enjeux du commerce électronique.

Permettez-moi de vous rappeler que, dès ma nomination par le chef de l'opposition officielle à titre de critique en matière d'autoroute de l'information et de services gouvernementaux, j'ai inscrit une interpellation à l'ouverture de la session de mars 1999, qui a eu lieu plus précisément le 19 mars 1999, et elle portait sur les enjeux de l'autoroute de l'information. C'était la première interpellation inscrite par l'opposition officielle durant cette session, c'est dire l'importance que nous accordons à cet enjeu.

J'avais alors dressé un tableau largement documenté des retards qu'accusait le Québec dans le domaine de l'autoroute de l'information et des transactions électroniques, et, surtout, j'avais alerté le gouvernement à l'urgence d'agir. J'avais également exprimé ma profonde déception de voir que cet enjeu majeur pour l'avenir du Québec était laissé à un ministre délégué à l'autoroute de l'information, avec un budget d'opération de 14 millions de dollars et une cinquantaine de fonctionnaires. La situation n'a pas changé depuis et les craintes que j'avais exprimées se sont avérées justes.

Aujourd'hui, j'interpelle à nouveau le premier ministre du Québec pour marquer l'importance et l'urgence d'une action vigoureuse en matière de commerce électronique. Je sais que le premier ministre est actuellement à Paris et c'est un autre ministre délégué, cette-foi, celui de l'Industrie et du Commerce, qui le remplace. Alors, j'espère, M. le Président, que nous allons avoir des échanges très fructueux, car c'est une opportunité que j'offre au gouvernement de discuter d'un sujet qui engage l'avenir du Québec et qui préoccupe à la fois les milieux économiques et la population en général.

Je profite de cette occasion pour rassurer le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce. Je ne voudrais pas faire de cette interpellation un débat partisan. Les enjeux du commerce électronique sont trop importants pour l'ensemble de la société québécoise, ce n'est pas une affaire de parti, c'est un débat de société qui dépasse le strict cadre de nos allégeances respectives.

Je précise ce point en partant, car il est déjà arrivé que je signale les retards du Québec en matière de commerce électronique et, au lieu de reconnaître cette situation et apporter les correctifs qui s'imposent, le ministre délégué à l'Autoroute de l'information s'est appliqué systématiquement à nier cette réalité. Il a nié le retard du Québec, alors que le gouvernement possédait des études et des sondages qui lui indiquaient que la situation est alarmante et que le portrait que j'avais dressé à cet effet était hélas exact.

Alors, pour bien cerner les enjeux du commerce électronique, il faut se situer d'entrée de jeu dans le contexte de la nouvelle économie et de la mondialisation. Le Québec est une société qui a de nombreux atouts et de multiples potentialités: le génie de nos entreprises, une main-d'oeuvre qualifiée, une industrie de contenus et un patrimoine multilingue considérable. Il faut s'appuyer sur ces ressources pour prendre le virage de cette révolution technologique.

Nous sommes à l'âge de la société de l'information. Nos modes de production, nos modes d'organisation de travail et nos modes de consommation sont profondément modifiés par les technologies de l'information qui transforment au passage toutes les sphères de la société. Le commerce électronique est au coeur de l'économie du savoir.

C'est une nouvelle ère de libre-échange qui s'ouvre à nous, et ce, à l'échelle mondiale. C'est un phénomène d'une ampleur considérable qui affecte et transforme tous les secteurs de l'activité économique: le primaire, le secondaire et le tertiaire. Il touche tous les procédés: de conception, de fabrication et de distribution. Et le plus important, c'est que cette révolution ne se limite pas seulement aux organisations et aux entreprises, elle affecte de façon directe les citoyens; elle les affecte dans leur qualité de vie et dans leur mode de consommation.

Pour en mesurer l'ampleur, il suffit de rappeler que les ventes des technologies de l'information, qui sont à la base du commerce électronique, rapportent 100 000 milliards par année et emploient 2 millions de personnes aux États-Unis seulement. Pour saisir la portée et les enjeux du commerce électronique, il faut réaliser qu'il ne s'agit pas d'un simple secteur économique parmi tant d'autres, c'est véritablement un enjeu de société. C'est également un marché qui atteindra, d'ici l'an 2003, 3,2 milliards de dollars. Nous sommes interpellés. Le Québec doit se positionner rapidement pour avoir une part de ce marché. Pour ce faire, le Québec doit se doter d'une véritable politique d'ensemble et d'un véritable plan d'action.

Rappelons qu'aux États-Unis c'est le président américain, Bill Clinton lui-même, qui a lancé à la Maison blanche – tout un symbole – le 1er juin 1997, la politique-cadre sur le commerce électronique. En Grande-Bretagne, c'est le premier ministre, Tony Blair, qui pilote la politique du commerce électronique. Il en va de même en France où le premier ministre, Lionel Jospin, a donné un signal clair pour mettre en place des mesures concrètes afin de sortir la France de l'âge du Minitel et la propulser dans l'ère du commerce électronique. Les pays de l'OCDE travaillent d'ailleurs à la mise en place de politiques et de programmes visant à encourager l'implantation du commerce électronique dans les entreprises, dans les organisations gouvernementales et dans les foyers européens.

Au Québec, force est de constater que ce dossier est encore confié à un ministre délégué à l'Autoroute de l'information. Ça nous donne toute une idée de l'ordre d'importance que le gouvernement péquiste accorde à ce dossier pourtant névralgique. On peut bien sûr dire qu'on ne peut pas se comparer aux États-Unis, mais nous pouvons au moins nous comparer à nos voisins immédiats. Dans une étude de Ernst & Young du mois de mars 2000 portant sur le branchement des foyers canadiens, le Québec est classé bon dernier avec un maigre 40 % contre 54 % de foyers branchés en Colombie-Britannique, 54 % de foyers branchés en Ontario, 52 % en Alberta, 48 % dans les Provinces maritimes. Même les Provinces maritimes nous dépassent. Le Québec, disons-le, est en train de manquer le bateau du commerce électronique.

Pourtant, de nombreuses études internes au gouvernement ainsi que des analyses de plusieurs experts ont sonné l'alarme depuis les cinq dernières années quant au retard alarmant du Québec en matière de commerce électronique. Une étude de ScienceTech Communications, effectuée en juin 1999 pour le compte du gouvernement du Québec, révélait un retard dramatique de nos entreprises en matière de commerce électronique. On y apprenait qu'à peine 45 % de nos PME québécoises étaient branchées sur Internet, comparativement à 61 % dans le reste du Canada.

Mais il ne suffit pas d'être branché sur Internet pour être considéré comme faisant du commerce électronique, loin de là. La preuve? La même étude nous indique qu'à peine 8 % des entreprises québécoises de 100 employés et plus font du commerce en ligne sécurisé. Dans le reste du Canada, la proportion est de 26 %; elle est de 50 % aux États-Unis. Encore aujourd'hui, M. le Président, un article est paru dans Le Journal de Montréal , Le commerce électronique et les PME , où on apprend qu'il y a à peine 1 000 petites et moyennes entreprises québécoises qui font vraiment du commerce électronique en ligne. Alors, lorsqu'on regarde ça au niveau individuel, à peine 2,6 % des Québécois effectuent des achats en ligne. C'est un retard considérable, M. le Président, il faut le combler et de toute urgence. Je vous remercie.

(10 h 10)

Le Président (M. Labbé): Merci, Mme la députée. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant, pour 10 minutes, la parole au ministre délégué à l'Industrie et au Commerce.


Réponse du ministre


M. Guy Julien

M. Julien: Merci, M. le Président. Je salue ma collègue la députée de La Pinière ainsi que tous les gens qui m'accompagnent ce matin pour l'interpellation concernant le commerce électronique. Je pense que nous serons tous d'accord, M. le Président, pour affirmer que le commerce électronique, c'est l'avenir des entreprises, et que l'avenir des entreprises interpelle au premier chef le ministère de l'Industrie et du Commerce.

De tout temps, le lien direct entre les entreprises et le gouvernement fut le ministère de l'Industrie et du Commerce. Cela va de soi, puisque le ministère que je dirige a comme mission d'aider les entreprises, et particulièrement les PME, à devenir plus compétitives en faisant en sorte que l'innovation, la qualité totale, le nouveau management, la mobilisation des ressources et l'utilisation des technologies d'information s'inscrivent dans les façons de faire de nos entreprises.

Même s'il existe au Québec depuis 1994 une politique de l'autoroute de l'information dotée d'un cadre général d'intervention couvrant les partenaires institutionnels publics ou privés, le lien constant entre l'État et l'entreprise dans tous les aspects de la compétitivité des PME est le ministère de l'Industrie et du Commerce. Cette relation de confiance qui s'est établie entre les entreprises et mon ministère a été source de grands succès, notamment en matière d'amélioration continue de la qualité, d'innovation, de productivité, de recherche et de développement.

Dans son désir d'amener un plus grand nombre de PME à prendre le virage du commerce électronique, il était donc tout à fait normal pour l'État de faire du ministère de l'Industrie et du Commerce le ministère porteur du commerce électronique dans tous ses champs de compétence, à savoir les secteurs manufacturier, du commerce de gros et du commerce de détail.

Au moment où la planète connaît une véritable révolution technologique qui touche à la fois nos façons de vivre, de travailler, de transiger, plusieurs s'inquiètent des retards enregistrés par les entreprises du Québec en matière de commerce électronique. Il y a lieu, d'entrée de jeu, de rétablir les faits. Les entreprises québécoises n'ont véritablement du retard que par rapport aux entreprises américaines et aux entreprises du reste du Canada, qui comptent parmi celles qui sont les plus branchées de toute la planète. Le Québec se situe d'ailleurs dans la bonne moyenne lorsque comparé à plusieurs États européens.

Autre fait encourageant, au cours des derniers mois, le rythme de branchement, au Québec, a été tel qu'il est maintenant plus rapide que celui enregistré dans le reste du Canada. En clair, cela signifie que l'écart se rétrécit rapidement. Selon une étude réalisée par le Centre francophone d'informatisation des organisations, mieux connu sous l'appellation de CEFRIO, le Québec a enregistré une croissance du taux de branchement de 600 % entre 1995 et 1999 dans le cas des établissements de plus de 10 employés. L'écart entre le Québec et le Canada à l'égard de l'utilisation d'Internet a également été réduit de moitié au cours de la même période. Actuellement, le taux de branchement des PME comptant moins de 25 employés est de 49 %; pour celles ayant entre 25 et 50 employés, il est de 61 %; alors qu'il atteint 88 % pour les entreprises de 100 employés et plus.

Il y a donc lieu d'être prudent dans l'interprétation des chiffres, car, s'il est vrai que nous enregistrons un certain retard par rapport aux États les plus performants en matière de commerce électronique, force est de constater que l'énergie déployée actuellement par nos PME pour se mettre à l'heure de l'économie numérique rapporte des dividendes et que le Québec est en train de combler ce retard.

Le phénomène du commerce électronique me fait beaucoup penser à celui de la qualité, puisque le Québec suit sensiblement le même cheminement. Je vous rappelle que, en 1992, le Québec était à la queue du classement en ce qui a trait au nombre d'établissements détenant une certification ISO 9000. Après un effort conjugué du ministère, des grands donneurs d'ordres, des intervenants économiques et, évidemment, des entreprises, le Québec a renversé la situation et occupe aujourd'hui le peloton de tête en Amérique du Nord pour le nombre d'enregistrements à cette norme de qualité reconnue.

Le message que je veux vous livrer, c'est qu'il ne faut pas s'alarmer, mais bien faire en sorte que tous les partenaires économiques travaillent ensemble à accélérer la transition de nos PME vers les affaires électroniques. La forte capacité d'adaptation au changement démontrée par le passé par les PME du Québec est un gage de succès à cet effet.

Le gouvernement du Québec n'a pas attendu que le commerce électronique s'inscrive au coeur de l'actualité économique pour s'y intéresser et aider les entreprises à relever les nouveaux défis. En effet, depuis 1994, nous avons multiplié les gestes concrets pour développer une infrastructure technologique québécoise.

Parmi les actions les plus significatives menées par le gouvernement à cet effet, mentionnons: d'abord, la création du Fonds de l'autoroute de l'information, qui a injecté près de 64 millions auprès de partenaires institutionnels publics ou privés en vue de la réalisation de quelque 230 projets; deuxièmement, le branchement des écoles et des bibliothèques sur Internet – pratiquement 100 % des écoles publiques québécoises sont branchées, alors que ce taux atteint moins de 95 % aux États-Unis; troisièmement, la relance et la consolidation de l'Institut du commerce électronique, grâce au soutien technique et financier consenti par le ministère de l'Industrie et du Commerce; quatrièmement, la mise sur pied d'un centre d'expertise en commerce électronique à l'École polytechnique de Montréal – il s'agit d'un projet majeur pour le développement du commerce électronique au Québec.

Sur la base des actions qu'il a posées au cours des dernières années, le gouvernement veut maintenant amener la société québécoise et les entreprises à accélérer la cadence et à prendre le virage de l'économie numérique. À cet effet, le budget du 14 mars dernier comprenait une série de mesures totalisant quelque 340 millions afin d'accroître le niveau de branchement des entreprises et des familles sur Internet.

Parmi ces mesures, on peut noter: la mise en place d'un crédit d'impôt pour les PME égal à 40 % des dépenses engagées pour développer un site Web permettant de faire des affaires – l'objectif est d'amener 10 000 PME de plus à se doter d'un site transactionnel d'ici les trois prochaines années; deuxièmement, l'octroi d'une aide financière majeure aux familles recevant l'allocation familiale afin de leur faciliter l'accès à Internet; enfin, pour compléter le tout, j'annoncerai le 18 avril le plan d'action élaboré par mon ministère de l'Industrie et du Commerce en vue de supporter le virage des PME du Québec vers le commerce électronique et aussi d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

Lorsque l'on regarde, depuis 1994, l'ensemble de l'action gouvernementale en vue de faire du Québec une société branchée, on ne peut faire autrement que de constater que tout cela est cohérent et s'inscrit dans un objectif ultime, celui de maintenir et d'accroître la compétitivité de notre économie et, par le fait même, l'emploi et le mieux-être de la société québécoise.

Il est également important de mettre en lumière les atouts dont nous disposons pour appuyer le développement d'Internet et des affaires électroniques au Québec. Parmi ces atouts, mentionnons les coûts d'accès à Internet parmi les plus bas au monde, la qualité de nos infrastructures en télécommunications, de même que la masse critique que nous avons développée au Québec en technologie de l'information.

En somme, lorsque l'on combine les atouts du Québec et les mesures d'aide mises en place par le gouvernement et que l'on y ajoute l'incroyable capacité d'adaptation aux changements des PME du Québec, on peut dire que tous les ingrédients sont réunis pour que le Québec s'impose d'ici quelques années comme un leader reconnu en matière d'affaires électroniques. Merci, M. le Président.

(10 h 20)

Le Président (M. Labbé): Merci, M. le ministre. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole pour cinq minutes à Mme la députée de La Pinière.


Argumentation


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, j'ai écouté la réplique du ministre. Je dois vous dire que c'est exactement à cette conception des choses que je voudrais m'attaquer aujourd'hui. Le ministre nous a énuméré une série de mesures qui ont été prises entièrement déconnectées les unes des autres, alors que, moi, je l'appelle à doter le Québec d'une politique d'ensemble du commerce électronique cohérente, logique et complémentaire.

Pour illustrer mon propos, M. le Président, je voudrais vous citer l'exemple d'un gouvernement qui a compris l'importance des technologies de l'information et du commerce électronique. Je donne cet exemple parce qu'il s'agit d'une société qui ne faisait pas partie des économies les plus avancées du monde et qui, à la faveur du virage radical vers la société de l'information, est devenue aujourd'hui une référence pour la nouvelle économie et la capitale européenne de l'industrie des logiciels et des technologies de l'information.

Il s'agit de l'Irlande, un pays de 3,6 millions d'habitants, dont le taux de chômage est passé de 11,9 %, en 1996, à 8,6 %, en 1998; un pays où le secteur des technologies de l'information représente 34 % des exportations, l'Irlande est en train de devenir La Mecque des grandes entreprises de génie électronique et de software; un pays qui a compris l'importance des enjeux du commerce électronique et qui a pris les moyens, depuis au moins cinq ans, de baser toute son économie sur les technologies de l'information et le commerce électronique, un virage à 180° et des mesures gouvernementales novatrices, ce qui a propulsé l'Irlande au rang des grands joueurs mondiaux de l'économie du savoir.

Résultat: 80 % des entreprises de logiciels en Irlande exportent, faisant de ce petit pays le deuxième plus important exportateur de software au monde, après les États-Unis. 40 % des ordinateurs PC et 60 % des logiciels d'affaires vendus en Europe sont produits en Irlande, générant ainsi des milliers d'emplois de haut niveau. Du coup, le taux de croissance économique moyen est passé à 9 % depuis 1995.

Aujourd'hui, l'Irlande est un pays qui présente des avantages comparatifs considérables. Il attire des investissements accrus à cause de ses taxes peu élevées, de sa main-d'oeuvre qualifiée et hautement motivée, de ses mesures fiscales généreuses pour la recherche et le développement ainsi que pour l'innovation. L'Irlande offre un environnement fiscal compétitif aux entreprises: les taxes sur les profits des entreprises sont plafonnées à 10 % jusqu'en 2002.

Le Québec, qui a déjà connu la Révolution tranquille, M. le Président, peut s'inspirer du modèle irlandais, un modèle qui a fait ses preuves. On n'a rien qu'à penser aux systèmes de facturation de certaines multinationales qui se font directement en Irlande, comme c'est le cas pour les compagnies AOL et Double Click. Pour atteindre ce niveau de succès – et c'est là ma question – le gouvernement de l'Irlande a pris le virage électronique en adoptant une approche résolument tournée vers l'avenir.

Cette approche originale et audacieuse s'articule autour de trois axes complémentaires. Un, la mise sur pied d'une commission de la société d'information. L'Irlande a compris qu'on est rendu dans un autre âge, l'âge de la société de l'information. On a créé une commission composée de leaders de différents secteurs d'activité qui travaillent ensemble, au-delà de toute allégeance politique, pour mettre en marche la société de l'information. Cette commission a élaboré un plan stratégique dès 1997. Elle a publié des rapports annuels dans la plus grande transparence. Elle se penche sur des problématiques concrètes relatives aux infrastructures technologiques, à la formation des cerveaux, à l'adaptation des entreprises aux technologies de l'information et à l'encadrement juridique des entreprises.

D'autres mesures, notamment l'initiative de gestion stratégique et également des agences d'appui aux entreprises viennent compléter cette politique globale qui nous manque désespérément au Québec parce que le gouvernement continue à voir le commerce électronique comme un secteur comme un autre dans l'économie du Québec.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci beaucoup, Mme la députée. Je cède maintenant la parole, pour cinq minutes, à M. le ministre.


M. Guy Julien

M. Julien: Merci, M. le Président. Afin de bien cerner la problématique du commerce électronique dans son ensemble, nous devons comprendre quels en sont les principaux enjeux. À l'échelle de la planète, le réseau Internet et le commerce électronique connaissent un développement fulgurant. Cette extraordinaire mutation influence radicalement, selon une expression consacrée, le faire et le faire-faire de presque tous les secteurs d'activité économique de notre société. Il n'est donc pas exagéré de qualifier ce phénomène majeur de révolution.

Pas plus qu'il n'est exagéré d'insister sur la situation d'urgence que provoque cette incroyable croissance. Pour assurer la compétitivité et la productivité des entreprises québécoises et le bien-être de notre collectivité, l'ensemble des acteurs économiques, que ce soient les entreprises elles-mêmes, les gouvernements, les organisations ou les individus, doivent s'intégrer et s'ajuster à cette réalité incontournable. Tout à fait conscient de ce phénomène, de l'urgence d'agir, notre gouvernement apportera, tant aux entreprises qu'aux citoyens québécois, tout le soutien nécessaire à l'utilisation d'Internet et au développement du commerce électronique, dont les seules limites d'application, selon moi, se situent aux confins de l'esprit et de l'imaginaire de l'être humain.

Pour se convaincre du caractère incontournable d'Internet, il suffit de regarder son importante croissance dans l'économie américaine. La progression rapide d'Internet aux États-Unis s'explique notamment par le démarrage d'un nombre important de nouvelles entreprises qui emploient des milliers de personnes. Le tiers des entreprises de ce secteur n'existaient même pas avant 1996. Le nombre de personnes qu'elles emploient a bondi de 78 % entre le premier trimestre de 1998 et celui de 1999.

Au cours de la même période, les transactions en ligne des entreprises américaines ont augmenté de 127 % et plus de 2 000 sites Web transactionnels sont lancés chaque mois chez nos voisins du sud. La firme de recherche internationale Data Corporation prévoit que le marché des affaires électroniques aux États-Unis devrait continuer de progresser à un rythme rapide et passer de 37,3 milliards américains à 707,9 milliards américains entre 1998 et 2003. Durant la même période, au Canada, les revenus associés à Internet devraient passer de 5,3 milliards à 80,4 milliards.

À l'échelle mondiale, on compte aujourd'hui pas moins de 250 millions d'internautes, et ce nombre continue de s'accroître de plusieurs millions chaque mois. Le Québec doit donc s'inscrire le plus rapidement possible dans cet environnement et tirer partie de cette explosion des affaires électroniques. Afin de conserver et d'accroître leur marché dans un contexte de concurrence accrue, les entreprises d'ici doivent exploiter leur grande capacité d'adaptation. Actuellement, 60 % des entreprises québécoises de 10 employés et plus sont branchées à Internet et 34 % sont présentes sur le Web.

Jusqu'à maintenant, ce sont les premiers succès de détaillants en ligne, comme Amazon.com , qui ont davantage attiré l'attention des médias sur le commerce électronique. Il est pourtant clair que l'influence d'Internet dépasse largement ce cadre, qui ne représente, dans les faits, que 20 % des activités commerciales en ligne. La partie la moins visible, mais beaucoup plus importante, touche plutôt le commerce et les relations d'affaires entre les entreprises. Prenons un exemple dans le secteur de l'automobile: Ford et GM ont lancé des initiatives de grande envergure sur Internet. Il s'agit d'initiatives qui englobent toutes les interactions avec leurs fournisseurs, de la conception des produits à la gestion des inventaires en passant par le traitement des données.

Internet offre donc de nouveaux avantages aux entreprises. Il permet, entre autres, de réduire les coûts de marketing, de réduire les coûts du service à la clientèle, d'élargir la clientèle, d'accroître les revenus reliés à la clientèle déjà existante et de promouvoir la marque de commerce. Internet a également donné naissance à un nouveau type d'intermédiaire que l'on appelle les infomédiaires. Leur rôle est de faciliter le rapprochement entre les acheteurs et les vendeurs. Le site d'encan électronique eB est un bon exemple de ce nouveau phénomène.

En raison des facilités offertes par Internet, on assiste de plus en plus à l'apparition de chaînes d'approvisionnement mondiales, notamment dans le secteur de l'automobile. En effet, GM, Ford et Daimler-Chrysler se sont associées pour ouvrir le marché en ligne de pièces détachées sur Internet. Un tel regroupement pourrait générer 240 milliards d'achats par année et permettre de réaliser de grandes économies d'échelle. On estime que les réseaux d'affaires électroniques représenteront 53 % du commerce électronique entre entreprises d'ici 2004. On parle d'un marché de plusieurs milliards.

(10 h 30)

Donc, j'aimerais, parce que le temps passe, en dernier lieu, préciser les quatre grands défis majeurs qui découlent de l'Internet et de la progression rapide des affaires électroniques. Le premier défi est d'affronter la concurrence accrue sur tous les marchés. L'arrivée de plusieurs grandes entreprises sur Internet et l'apparition de réseaux d'affaires électroniques d'envergure mondiale contribuent à accentuer le climat de concurrence.

Le deuxième défi posé aux entreprises est de modifier leur processus d'affaires. L'ouverture d'un site Web n'est pas en effet que le point de départ de changements encore plus profonds. L'entreprise passe du mode neuf à cinq à un mode 24 heures sur 24, sept jours par semaine. De plus, il n'y a plus de marchés locaux étrangers mais un seul marché global – je m'aperçois que le temps est écoulé – donc il y a plusieurs défis, évidemment, dans l'implantation d'un site Web. Merci beaucoup.

Le Président (M. Labbé): Je suis convaincu, M. le ministre, que vous allez revenir sur les différents défis, je n'ai aucune inquiétude à ce niveau-là. Alors, sans plus tarder, je cède, pour cinq minutes, la parole au député de Bellechasse.


M. Claude Lachance

M. Lachance: Merci, M. le Président. Alors, moi-même, je suis heureux de participer à cette interpellation sur un sujet d'extrême importance pour l'avenir de l'économie du Québec.

C'est quand on compare les entreprises québécoises aux entreprises américaines ou aux entreprises du reste du Canada, qui comptent parmi celles qui sont les plus branchées de toutes la planète, qu'on peut dire que nos PME accusent un certain retard en matière de commerce électronique. Mais, en réalité, la position du Québec se compare avantageusement à l'immense majorité des pays d'Europe, qui prennent actuellement les bouchées doubles pour rattraper le Canada et les États-Unis. Jusqu'à maintenant, le taux de branchement des PME québécoises qui comptent moins de 25 employés est de 49 %, pour celles ayant entre 25 et 50 employés, il est de 61 %, alors qu'il atteint 88 % pour les entreprises de 100 employés et plus.

Malgré une croissance exponentielle des ventes au détail en ligne, les ventes par le truchement d'Internet ne représentent encore qu'une infime partie du commerce de détail. Le commerce électronique de détail au Canada représente seulement 0,5 % des ventes totales, alors que, aux États-Unis, il totalise 0,6 %, mais c'est en train de changer. Les conséquences du retard ne sont donc pas encore dramatiques, elles peuvent même comporter certains avantages si nos entreprises évitent de répéter les mêmes erreurs que les pionniers dans le domaine.

En effet, la dernière période des fêtes – celles de 1999 – a permis de mettre en lumière très clairement l'importance stratégique de la distribution dans le commerce en ligne. Plusieurs entreprises n'ont pas été en mesure de livrer la marchandise à la date promise parce qu'elles n'avaient pas investi suffisamment dans les services de livraison ni tenu compte du fait que les cyberacheteurs ne sont pas prêts à dépenser une fortune pour les coûts de livraison.

Les commerçants québécois sont cependant loin d'être passifs. Voici des preuves: Archambault musique, Les Ailes de la Mode et RONA ont vu venir la vague et investissent actuellement des sommes considérables pour affronter la concurrence. La situation est plus préoccupante cependant du côté des petits commerçants, qui ne disposent pas des mêmes moyens financiers et techniques que ces grandes entreprises. Le gouvernement du Québec entend soutenir activement ces commerces qui prennent le virage du commerce électronique. En plus de l'aide technique qui sera apportée par le ministère de l'Industrie et du Commerce pour supporter ces entreprises, le crédit d'impôt apportera certainement un autre soutien important pour doter les PME d'un site transactionnel.

En ce qui concerne le commerce interentreprises, le Québec n'a pas attendu l'arrivée d'Internet pour faire son initiation aux affaires électroniques. Depuis les années quatre-vingt, les entreprises d'ici, sous l'impulsion de grands donneurs d'ordres comme Bell, Provigo, Alcan, ont mis en place des réseaux électroniques sophistiqués qu'on a identifiés sous l'acronyme EDI, E-D-I, pour échanges de documents informatisés. Le Québec a été un leader dans l'implantation d'EDI au Canada et même en Amérique du Nord. D'ailleurs, c'est attesté dans un encart qu'il y avait dans le journal Les Affaires de la semaine dernière.

Par ailleurs, les modèles d'affaires évoluent très rapidement. Par exemple, Ford, Daimler-Chrysler et GM viennent tout juste d'annoncer qu'elles se regroupaient pour transiger avec leurs fournisseurs. On observe le même phénomène pour les grands producteurs de l'industrie de l'aéronautique. Et, plus récemment, dans le commerce au détail, Sears et Carrefour se sont associées pour réaliser une place d'affaires électronique commune. Il n'est donc pas trop tard pour accélérer la transition des PME dans les affaires électroniques, mais il faut agir vite pour affronter la concurrence de façon adéquate.

Déjà, certaines de nos entreprises ont réagi et entendent bien tirer profit de l'explosion du commerce interentreprises. Bell annonçait à cet effet la création d'un vaste portail où toutes les entreprises pourront s'inscrire et faire des affaires en ligne. Ce marché sera constitué dans un premier temps des fournisseurs de l'entreprise, soit 7 000 entreprises. Le ministère de l'Industrie et du Commerce annoncera bientôt – le ministre, tantôt, y a fait allusion – le 18 avril, comment il entend participer à ce virage et aller plus loin que son actuelle participation au projet de Netmétal qui vise à regrouper au sein d'un marché virtuel les 3 000 entreprises du secteur des produits métalliques.

Rappelons-nous l'incroyable rattrapage effectué par le Québec en recherche et en développement entre 1985 et 1997, qui nous permet aujourd'hui de nous classer au neuvième rang lorsque comparé au 29 États membres de l'OCDE quant au pourcentage du produit intérieur brut consacré à la recherche et au développement.

Des avantages comparatifs indéniables, nous en avons, en voici: des coûts d'accès à Internet parmi les plus bas au monde; des infrastructures de très grande qualité; des joueurs majeurs qui possèdent des technologies d'avant-garde et des positions dominantes dans leur niche respective; enfin – et ça, c'est très intéressant, M. le Président, quand on se compare, on se console – Montréal qui occupe le premier rang des métropoles en Amérique du Nord pour la densité d'emplois technologiques par rapport à sa population. Merci.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci beaucoup, M. le député de Bellechasse, pour votre présentation. Je cède maintenant la parole à Mme la député de La Pinière, pour cinq minutes.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. J'ai écouté la réponse du ministre, et je suis assez étonnée de voir qu'il nous a fait une revue de la littérature sur les défis du commerce électronique tels que vécus, et surtout relevés, par Ford et GM, alors que je m'attendais aujourd'hui à ce qu'il nous annonce les mesures concrètes et une politique globale de commerce électronique pour permettre aux entreprises québécoises, les grandes et les petites, ainsi qu'aux citoyens du Québec de relever les défis du commerce électronique.

Alors, de ce côté-là, je trouve que c'est assez regrettable que l'on ne puisse pas comprendre non seulement qu'on est en retard, mais le fait qu'on soit en retard et que les autres avancent trop rapidement. Qui n'avance pas recule. Donc, nous sommes en train d'accuser des retards encore plus considérables parce que nous sommes dans une économie virtuelle qui avance à pas de géant et, nous, on est encore en train de penser des mesures cloisonnées, en silos, au lieu de prendre le taureau par les cornes et de dire: Qu'est-ce qu'on peut faire, comme gouvernement, pour donner l'exemple, pour être un leader non seulement pour l'appareil gouvernemental, mais aussi pour l'ensemble des entreprises et l'ensemble de la société québécoise?

Permettez-moi, M. le Président, de revenir sur les mesures annoncées dans le budget, et on a là un exemple concret de cette fragmentation, de cette vision éclatée, de cette absence de vue d'ensemble d'où est-ce qu'on va, d'où on part. On n'arrive même pas à s'entendre sur d'où on part, parce qu'on continue toujours à nier que le Québec accuse un retard et, pour banaliser, on dit: Bien, il faut se comparer plutôt avec l'Europe, parce que peut-être que l'Europe, elle, est encore plus en retard que nous. Il faut se comparer avec meilleurs que nous. C'est une ambition que je pense que le Québec peut se donne, parce que nous avons été capables par le passé de relever des grands défis.

Aujourd'hui, moi, je voudrais interpeller à nouveau le ministre, et je voudrais qu'il parte d'ici avec un message. S'il y a un message que je voudrais qu'il comprenne aujourd'hui, au-delà des statistiques, c'est que le Québec est en retard et que ce retard est dramatique. Il est dramatique parce que les autres avancent à pas de géant dans ce domaine et qu'il faudrait, de toute urgence, s'il veut faire quelque chose de concret et de positif pour la société québécoise, doter le Québec d'une politique-cadre de commerce électronique qui va s'appliquer au gouvernement, qui va s'appliquer aux entreprises et qui va donner le ton et la volonté, qui va exprimer la volonté claire que le Québec sait où il va dans ce dossier et qu'il veut prendre et relever les défis de la nouvelle économie et de l'économie du savoir. Nous avons des atouts, il faut bâtir sur ces atouts-là.

Le 340 millions qui a été annoncé pour les trois prochaines années, donc 100 millions par année, il faut savoir que ce montant inclut les dépenses gouvernementales en matière de technologie de l'information. Ce qui veut dire que, sur ce montant, on doit exclure les dépenses que le gouvernement fait pour son propre parc informatique. Alors, c'est toute une nuance qu'il faudrait que le ministre apporte.

Par exemple, l'implantation du progiciel GIRES, qui est un système intégré d'information qui va passer dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental – et on sait que le ministre nous a dit hier que ça coûterait 200 millions de dollars à terme – eh bien, GIRES viendra piger dans ce budget, dans cette enveloppe qui a été allouée.

Donc, l'effort qui est consenti pour aider à relever le retard du Québec dans le domaine du commerce électronique est beaucoup moins impressionnant que ce que le ministre dit lorsqu'on le situe dans sa propre perspective.

Il y a dans ces mesures un ensemble, si on les décortique – je reviendrai là-dessus tantôt – de mesures, notamment 45 millions supplémentaires au Secrétariat du Conseil du trésor pour les inforoutes. Qu'est-ce que ça va faire pour aider au démarrage du commerce électronique pour l'ensemble du Québec, pour faire du Québec une société d'avant-garde dans ce domaine, M. le Président?

(10 h 40)

Le Fonds de l'autoroute de l'information dont le ministre parle est un échec sur toute la ligne, et, s'il veut que je lui donne des exemples, M. le Président, on a encore quelques minutes, il me fera plaisir de lui donner des exemples concrets.

Je vous remercie, M. le Président, et j'interpelle à nouveau le ministre pour qu'il comprenne mon message. Au-delà des statistiques et de la revue de la littérature, qu'est-ce que le gouvernement du Québec va faire pour nous mettre au diapason de la société du savoir via le commerce électronique, pour qu'on soit à l'avant-garde et non pas à la remorque des sociétés industrielles?

Le Président (M. Labbé): Merci, Mme la députée. Alors, je cède maintenant la parole à M. le ministre.


M. Guy Julien

M. Julien: Merci, M. le Président. J'avais compris dans le début de l'interpellation qu'on ne ferait pas de politique partisane, mais je me rends compte que la députée de La Pinière est revenue rapidement à ses origines.

Alors, je dirais ceci, c'est que je suis d'accord à ce qu'on doive se comparer avec les meilleurs, je pense que c'est ce que le Québec a toujours fait, parce que, comme ça, on peut les dépasser. Mais il y a une chose qui est sûre, c'est qu'on ne peut pas se comparer avec ce que le Parti libéral a fait quand il était au pouvoir parce qu'ils n'ont rien fait. Ils ne l'avaient même pas vu venir.

J'aimerais compléter, M. le Président, les défis que j'avais amorcés, et je vais revenir sur quelque chose que la députée de La Pinière a mentionné tout à l'heure. J'ai mentionné que, dans les deux premiers défis, évidemment, c'est la concurrence qui s'accroît sur les marchés – donc ça, c'est majeur – deuxièmement, c'est que ce n'est pas juste le fait d'installer un site Web, c'est aussi tout un changement de culture dans le processus de gérer des affaires à l'intérieur d'une entreprise.

Il y a deux autres défis qu'il nous apparaît important de mentionner: un, c'est de dédier les ressources humaines, financières et technologiques suffisantes pour assurer ce virage – donc il faut y consacrer beaucoup de temps et d'argent – et aussi acquérir et développer les compétences requises et dénicher les ressources spécialisées à l'externe.

Donc, ça va être majeur, lorsqu'on parle de sites Web, l'impact que ça a au niveau de la réorganisation du mode de travail en entreprise, la gestion de son temps, des processus d'affaires et autres, mais aussi toute la formation et le support de la main-d'oeuvre qualifiée pour répondre à ce nouveau défi. Alors, ça, c'est les défis qui attendent nos entreprises.

Mme la députée tout à l'heure mentionnait que le gouvernement n'avait rien fait. Bon. Là, on tombe dans la petite politique. En 1994, ce que les libéraux n'avaient pas fait, c'est que, nous autres, on a mis sur pied l'autoroute de l'information, on l'a créée, on l'a mise en place parce qu'on savait que c'étaient les défis qui s'en venaient et il fallait se préparer. Ce Fonds d'autoroute là, on a injecté à date 64 millions, que ce soit dans les institutions publiques ou privées, pour réaliser quelques 230 projets. Deuxièmement, on a mis beaucoup d'énergie pour brancher nos écoles et nos bibliothèques sur Internet. On est à peu près à 100 %; aux États-Unis, ils sont à 95 %.

Il y avait l'Institut du commerce électronique dont les libéraux ne s'étaient pas occupé, dont on s'est occupé. Donc, on l'a redéveloppé, on l'a repositionné, on l'a restructuré, on l'a financé, parce que c'est majeur d'avoir ce type d'institution là. Ce n'est pas uniquement une question gouvernementale, mais il faut travailler en partenariat avec les organismes qui existent, déjà en place.

On a mis sur pied un centre d'expertise en commerce électronique à l'École polytechnique de Montréal. C'est un projet majeur, vous savez, pour le développement du commerce électronique. Je pourrais vous parler des investissements qu'on a faits dans la Cité du multimédia, des CDTI, des carrefours de la nouvelle économie, partout dans les régions, nos programmes Impact PME au niveau de l'innovation, et il y a d'autres projets qui vont être annoncés sous peu pour vraiment faire du Québec une plaque tournante en termes de commerce électronique dans le monde.

Alors, comme gouvernement, on a posé énormément de gestes. Il faut aussi que, en concertation avec nos entreprises qui, elles aussi, on l'a démontré... Puis ça ne vient pas du gouvernement, ça vient de CEFRIO, qui est une organisation indépendante. On a mentionné les chiffres tout à l'heure de la nette progression. Quand on parle de 600 % d'augmentation depuis les dernières années, c'est majeur. Ça veut dire que les entreprises commencent à prendre le virage et le commerce de détail aussi commence à prendre le virage du commerce électronique, le Web étant une chose.

Deuxièmement, c'est toute la question du transactionnel où il faut y aller aussi en suivant le rythme et la capacité de nos entreprises à s'adapter à ces nouveaux défis là. J'ai parlé de personnel, de changements de processus. On a mis d'ailleurs pour les supporter dans ce cadre-là le programme Impact PME au niveau des innovations parce que innovation, ce n'est pas uniquement un produit, ça attaque aussi toute la question des processus, la façon de faire les choses en entreprise.

Donc, le gouvernement a mis énormément d'argent dans les questions du commerce électronique depuis 1994. Si je regarde les mesures, on parle d'au-delà de 300 et quelques millions du gouvernement dans le dernier budget qui vont toucher les familles, les entreprises, l'extension des réseaux optiques, pour s'assurer que, partout dans les régions qui sont éloignées, il y ait accès au réseau Internet. Bien, on pense que, avec les mesures qu'on vient d'annoncer, probablement qu'on est un des gouvernements au Canada qui ont le mieux performé, qui vont le plus investir dans les prochains mois, dans les prochaines années, dans le cadre du commerce électronique, parce que, pour nous, on considère qu'il faut que le Québec soit vraiment prêt à faire face à ce qui s'en vient.

Puis on aura d'autres données à donner durant l'interpellation pour démontrer que, actuellement, si on compare ce qui se passe au niveau du commerce électronique versus les ventes aux États-Unis, ça représente à peu près, le transactionnel, 0,6 % du commerce électronique sur Internet qui se fait par rapport aux ventes totales, puis, au Canada, c'est 0,5 %. Alors, quand on dit qu'on est très en retard, il ne faut pas charrier non plus, il faut bien voir puis bien situer les chiffres comme ils doivent l'être.

Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire. Je viens de donner les interventions que le gouvernement a faites depuis 1994, donc on savait qu'il fallait le faire. C'est malheureux que les gens qui nous ont précédés ne l'aient pas vu, n'y aient pas pensé, ils aimaient mieux gérer des bouts de route avec d'autres gens à l'extérieur, dans les autres régions. Nous, on a dit: C'est majeur, puis on a mis les efforts, et on l'a fait dans le cadre de la réduction d'un déficit qui était de 6 milliards de dollars. Donc, on n'avait pas beaucoup d'argent, et le peu d'argent qu'on a mis, on a ciblé nos interventions et on a choisi, entre autres, la question de l'autoroute de l'information.

Le Président (M. Labbé): Merci, M. le ministre. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole au député de Maskinongé.


M. Rémy Désilets

M. Désilets: M. le Président, il est important de mentionner que le gouvernement intervient depuis longtemps, et ce, de façon massive, pour faire du Québec une société branchée. Le moins que l'on puisse dire, c'est que notre gouvernement a compris depuis longtemps que le commerce électronique serait un défi crucial pour les entreprises. C'est pourquoi il n'a pas attendu que cette révolution soit au coeur de l'actualité pour aider les PME à prendre ce grand virage.

Dès 1994, la création du Fonds de l'autoroute de l'information a permis d'injecter près de 74 millions de dollars auprès des partenaires institutionnels publics ou privés pour la réalisation de quelque 230 projets. Plusieurs de ces projets d'envergure ont reçu une reconnaissance internationale contribuant à propulser le Québec à l'avant-scène des contenus et services québécois de l'inforoute et à assurer la diffusion de contenus témoignant de notre culture et de nos valeurs.

L'aide financière accordée a donc grandement facilité la croissance des infrastructures technologiques québécoises. Le Québec peut également se vanter d'être une des sociétés les plus branchées en Amérique du Nord en ce qui a trait aux écoles et aux bibliothèques. Pratiquement 100 % des écoles publiques québécoises ont accès à Internet, alors que ce taux de branchement ne dépasse pas 95 % aux États-Unis. Nous sommes toutefois conscients que le ratio élèves-ordinateur demeure légèrement en retard par rapport à nos voisins, malgré un rattrapage spectaculaire dans les dernières années. Nous continuerons dans cette voie pour relever ce ratio.

Par ailleurs, plus de 85 % de nos bibliothèques publiques sont maintenant branchées à Internet. Cela représente une implantation de plus de 1 100 postes d'informatique dans 831 bibliothèques. Évidemment, l'effort se poursuit. Le ministère de l'Industrie et du Commerce intervient sur tous les fronts afin d'accélérer le branchement des entreprises à Internet. Il a participé financièrement et techniquement à la relance de l'Institut du commerce électronique. Ce soutien a permis à l'Institut de remplir son importante mission de sensibilisation et de formation auprès de nos entrepreneurs.

Nous avons aussi collaboré activement à la mise sur pied d'un centre d'expertise en commerce électronique à la Polytechnique de Montréal. Ce projet est extrêmement important pour la croissance du commerce électronique au Québec, car son principal objectif est de mettre en place des plate-formes sectorielles de commerce électronique intégrant dans un même réseau les grands donneurs d'ordres et les PME. Selon une étude récente, plus de la moitié des commerces électroniques passera par les plateformes d'approvisionnement des grands donneurs d'ordres d'ici 2004. Il est donc crucial que les PME québécoises suivent ce mouvement dominant afin de conserver leur marché et en pénétrer de nouveaux.

Le ministère de l'Industrie et du Commerce a aussi participé au projet Netmétal, piloté par le CEFRIO, qui vise à regrouper dans un réseau unique les entreprises québécoises de produits métallurgiques. Le MIC a également contribué à la mise sur pied de diverses vitrines Internet, notamment dans les secteurs du capital de risque et de la mode. En fait, le ministère a accompagné différents groupes d'entreprises dans leur transition vers le commerce électronique. Il a soutenu financièrement des projets d'appropriation de cette nouvelle technologie à l'aide du programme Impact PME.

Autre fait important, l'ouverture en septembre dernier du marché électronique. Il s'agit d'un portail permettant la promotion des entreprises québécoises et le regroupement de communautés d'affaires. Afin d'amener les entreprises à prendre rapidement et efficacement le virage des affaires électroniques, notre gouvernement, dans son dernier budget, a fait une large place au commerce électronique et à Internet.

Des mesures totalisant pas moins de 340 millions de dollars ont été annoncées. Parmi ces mesures, notons la mise en place d'un crédit d'impôt égal à 40 % des dépenses engagées par une entreprise pour développer un site transactionnel sur Internet. Cette mesure, qui profitera à 10 000 PME, représente un investissement de 126 millions sur trois ans. De plus, un budget de 120 millions est prévu au cours des trois prochaines années pour permettre aux familles admissibles aux allocations familiales de se brancher sur Internet. Notre objectif est d'amener quelque 200 000 familles de plus sur Internet d'ici trois ans.

Évidemment, le développement du commerce électronique implique obligatoirement que les infrastructures nécessaires à la transmission des données soient disponibles dans toutes les régions du Québec. À cette fin, un budget de 15 millions de dollars sera alloué pour permettre aux entreprises qui implanteront des réseaux de fibres optiques en région de bénéficier d'un amortissement accéléré de 125 %.

(10 h 50)

Des crédits de 45 millions de dollars seront également accordés pendant trois ans pour poursuivre l'effort déjà entrepris de moderniser l'offre de service gouvernementale. Ces crédits permettront, entre autres, la mise en place des infrastructures requises pour assurer la confidentialité des transactions entre le gouvernement, les citoyens et les entreprises. Au cours des trois prochaines années, le MIC entend poursuivre ses efforts de redoubler d'ardeur afin de donner au plus grand nombre possible d'entreprises toutes les possibilités offertes par Internet et les affaires électroniques et relever les défis qui en découlent. Merci beaucoup.

Le Président (M. Labbé): Merci, M. le député. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole à la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, je vais garder le cap sur l'essentiel, parce que l'essentiel, aujourd'hui, c'est de démontrer que ce gouvernement n'a pas de vision en matière de commerce électronique, que ce gouvernement n'a pas compris les véritables enjeux du commerce électronique. Et le ministre nous cite, avec ses collègues qui ont reçu leur texte, des exemples par ci, des exemples par là.

Moi, je voudrais l'inviter à réfléchir sur l'enjeu du commerce électronique comme enjeu de société. Tantôt, j'ai parlé du cas de l'Irlande et j'ai démontré comment ce petit pays, qui était un pays littéralement agricole, s'est propulsé dans la nouvelle économie parce que le gouvernement a décidé, lui, de prendre le train du commerce électronique. Non seulement cela, M. le Président, mais ils ont mis en place une politique d'ensemble du commerce électronique, des stratégies d'intervention, des plans d'action, des politiques de concertation et des groupes de travail qui sont en train de pousser l'Irlande dans la nouvelle économie.

Je citerai également, M. le Président, des expériences qui ont été faites ailleurs, aux États-Unis, dans des États comme la Floride par exemple, qui, ces États-là, ont pris également le commerce électronique comme un moyen pour moderniser non seulement l'État, mais moderniser la société en même temps, tout en générant une économie considérable pour la société. C'est ce qu'on appelle «E-Government», ou le gouvernement électronique.

Les mesures qui nous ont été annoncées dans le budget et auxquelles le ministre fait référence et dont il est fier, ce sont des mesures qui sont incomplètes, qui ne s'inscrivent dans aucun plan d'ensemble, c'est un vrai patchwork, alors que ça nous prend un cadre politique dans lequel on sait où on va. Et ce cadre-là, on n'est pas encore arrivé à ça parce que le gouvernement ne comprend pas les véritables enjeux derrière le commerce électronique.

Le professeur Talbot, M. le Président, qui est un spécialiste du commerce électronique, dans La Presse du 16 mars dernier, écrit ceci: «Peut-être aurait-il mieux valu que le gouvernement investisse davantage dans le développement de ses propres sites transactionnels sur Internet, question de donner l'exemple en créant en même temps un effet d'entraînement sur le reste de la société.»

L'autoroute de l'information dont le gouvernement s'est doté, parlons-en. J'ai fait ici, M. le Président, le relevé de toutes les mesures comprises dans cette fameuse politique. Il faut aller voir mesure par mesure pour comprendre qu'il y a très peu de choses qui ont été faites. C'est une politique compartimentée, laissée en silos à chacun des ministères et organismes pour réaliser ou pas les mesures, aucun encadrement, aucune évaluation de ces mesures-là.

Je mets le ministre au défi de prendre chacune de ces mesures qui sont mentionnées dans la politique de l'autoroute de l'information gouvernementale et de nous faire un bilan pour chacune de ces mesures. Un bilan aujourd'hui, ça presse, parce que c'est un retard considérable que le gouvernement accuse dans ses propres mesures, celles-là même qu'il s'est lui-même données.

Un exemple: les fameuses 1 500 bornes interactives de guichets multiservices qui devaient s'implanter via Emploi-Québec dès décembre 1998. Nous sommes en l'an 2000. Suite à des appels d'offres qu'on connaît, qui ont été annulés et repris à de multiples reprises, on a fini, le 23 mars dernier, par annoncer quoi? Pas 1 500 bornes télématiques à l'intérieur de l'ensemble de la société québécoise, un petit projet-pilote d'une cinquantaine de bornes informatiques placées dans des endroits achalandés dans la région de Québec, pour commencer. On est à l'étape du projet-pilote en 2000, alors qu'on avait annoncé en grande pompe que ces 1 500 bornes interactives devaient se déployer en décembre 1998. Ça, c'est un exemple.

Prenons l'autre exemple, celui du fameux courriel, M. le Président, l'adresse de courriel qui devait être donnée aux citoyens du Québec. Ça a fini, M. le Président, par un flop. La Commission d'accès à l'information a rappelé le gouvernement à l'ordre et lui a dit qu'il n'a même pas pris les considérations élémentaires pour l'implantation de ce projet; il est tombé à l'eau. C'est regrettable.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, Mme la députée. Sans plus tarder, je cède maintenant la parole à M. le ministre.


M. Guy Julien

M. Julien: Oui, merci, M. le Président, je suis content d'entendre la députée de La Pinière, parce qu'elle dit qu'on n'a pas de politique, mais elle a analysé les mesures qu'on retrouvait dans la politique. Je suis content de voir que vous venez de constater qu'on en avait une. Deuxièmement, vous savez, si j'étais un homme d'affaires, je ne me fierais pas, en tout cas, à Mme la députée de La Pinière pour vendre les facteurs... vendre le Québec au niveau de sa force, ces capacités extraordinaires que nos entreprises ont développées depuis les dernières années. J'en serais vraiment déçu, à part ça.

Puis, quand on dit qu'on a rien fait, moi, je n'en reviens pas. En 1992 – pourtant, c'était dans leur temps, ils sont supposés avoir une vision – on était les derniers au niveau de la norme ISO. Qu'est-ce qu'ils ont fait? Rien. Il a fallu que ce soit le gouvernement du Parti québécois qui prenne le pouvoir pour faire comme dans bien d'autres secteurs, corriger ce qu'ils n'avaient pas fait parce qu'ils n'avaient pas le temps. Ça prend de la vision pour faire ça, ça prend du contenu puis ça prend quelqu'un pour prendre des décisions, ce qu'ils n'avaient pas. Enfin, on va passer par dessus ça. Qu'est-ce que vous voulez, on ne perdra pas de temps là-dessus.

Moi, j'aimerais quand même revenir à ça parce que, quand j'écoute la députée de La Pinière, M. le Président, mon Dieu que c'est triste au Québec! On est donc misérable! C'est incroyable! Ça fait qu'il faut revenir, que voulez-vous! On a des atouts, vous savez. D'abord, il faut mentionner que les coûts d'accès à Internet, chez nous, sont à peu près les plus faibles des pays de l'OCDE. Donc, c'est quand même un atout majeur. Ces coûts sont d'au moins 20 % plus faibles qu'aux États-Unis, 50 % plus faibles qu'en France et en Allemagne. Donc, on a quand même des facteurs de localisation importants.

Deuxièmement, on est doté d'un réseau de communications numérique qui, par sa densité et sa capacité de transport, se classe parmi les plus renommés au monde. C'est au Québec, ça! C'est le Québec, ça, ce n'est pas l'Irlande, même si c'est ma patrie d'origine par ma mère. On peut dire par exemple – on peut comparer ça – qu'à Montréal il y a 3 000 édifices qui sont reliés à la fibre optique. À Toronto, savez-vous combien il y en a? Il y en a 900. Les 3 000, c'est à Montréal.

Un autre atout important: les infrastructures de télécommunications au Québec sont d'avant-garde, fiables et sécuritaires. Pourquoi? Pas juste à cause du gouvernement. Il faut penser à des firmes comme Bell, Nortel, Vidéotron, Téléglobe, QuébecTel. Si on regarde les groupes comme CGI, DMR, BCE, Energis, Cognicase, Informission , Ericsson et C-Mac qui sont des chefs de file dans l'application de nouvelles technologies, ça témoigne du dynamisme, du potentiel énorme dans notre secteur des technologies de l'information. Alors, ça, je pense que c'en est d'autres, choses.

On a mis sur pied – parce qu'on n'en parle pas beaucoup, madame, elle, n'en parle pas parce qu'elle dit qu'on n'a pas de mesures – des mesures fiscales parmi les plus généreuses au monde. Notre industrie des technologies de l'information a donc donné jusqu'à maintenant des résultats très intéressants. Elle est dynamique et en pleine croissance. Montréal occupe le premier rang des métropoles en Amérique du Nord – Montréal, Montréal, c'est ici, au Québec, là – pour la densité d'emplois technologiques par rapport à sa population. Montréal est reconnue comme la capitale des télécommunications au Canada. C'est reconnu partout dans le monde. Puis j'ai reçu beaucoup de gens de l'extérieur, j'ai fait des missions, les gens veulent venir au Québec parce qu'ils savent, au Québec, tout ce qui s'est fait au niveau des télécommunications. Ça fait qu'il faut arrêter de dire qu'il ne se passe rien.

(11 heures)

J'aimerais aussi rappeler à la députée de La Pinière que, depuis la fin des années quatre-vingt, les entreprises d'ici, sous l'impulsion de grands donneurs d'ordres comme Bell, Provigo ou Alcan, ont mis en place des réseaux électroniques sophistiqués connus sous l'acronyme EDI, à savoir Échange de documents informatisés. Le Québec s'est avéré un leader dans l'implantation de l'EDI au Canada et même en Amérique du Nord.

Ça fait que, au Québec, là, on n'est pas en chute libre, on n'est pas des imbéciles. On a des gens excessivement compétents, on a des entreprises. On a fait venir des entreprises ici parce qu'on a eu des mesures fiscales, une main-d'oeuvre compétente, des universités qui sont fortes en recherche et développement. C'est pour ça que ces entreprises-là sont venues ici. Elles ne sont pas allées ailleurs. Elles auraient pu aller aux États-Unis, elles auraient pu aller dans d'autres pays. Elles sont venues s'installer ici. Pourquoi? Parce que le Québec, c'est devenu, je dirais, le paradis pour les entreprises en termes de télécommunications et d'information.

Nos entreprises – on l'a mentionné tout à l'heure – on est rendu à 600 % de plus, en peu d'années, du taux de branchement. Le virage est en train de se prendre puis il va se prendre. Je ne dis pas que tout est réglé, je ne dis pas que tout est parfait, je ne dis pas qu'il n'y a pas des efforts encore à faire. C'est pour ça qu'on vient de mettre au-delà de 300 et quelques millions dans des mesures pour s'assurer que nos entreprises, on va les supporter dans leur virage. Puis ce n'est pas rien qu'une question d'argent, on va les supporter aussi au niveau du conseil-gestion. Il y a toutes sortes de façons, par la formation et autres, l'interrelation entre ces entreprises-là, nos centres de recherche, nos centres comme le CEFRIO et l'industrie du commerce électronique à Montréal – l'Institut. Donc, on a créé un environnement.

Moi, je ne peux pas partir dans mon bureau – vous savez, M. le Président – une compagnie de télécommunications. Notre job comme gouvernement puis, moi, mon ministère, c'est de donner l'environnement maximal à nos entreprises. Entre rien faire puis mettre des mesures où on dit que ce n'est pas bon, moi, j'aime mieux partir avec des mesures puis elles vont s'adapter avec la conjoncture. Parce qu'une mesure, ça doit s'adapter en fonction de l'évolution des choses, mais, au moins, on en a mis sur pied.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, M. le ministre. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole au député de Bellechasse.


M. Claude Lachance

M. Lachance: M. le Président, étant donné que je m'intéresse à la généalogie, j'étais content d'apprendre que le ministre avait du sang irlandais. Ça explique parfois certaines vigueurs.

M. le Président, dans son dernier discours sur le budget, le 14 mars dernier, le ministre d'État à l'Économie et aux Finances a annoncé une série de mesures visant à faire du Québec une société branchée. L'investissement consenti par le gouvernement est colossal, puisqu'il s'élève à quelque 340 millions de dollars en trois ans. De cette somme, 126 millions de dollars seront consacrés à l'aide aux PME afin d'amener 10 000 d'entre elles à prendre le virage du commerce électronique d'ici 2003. Et j'en veux pour preuve ce qui est contenu dans un document du ministère des Finances, Renseignements supplémentaires sur les mesures du budget, aux pages 45 et suivantes, où on a plus de détails.

M. le Président, c'est évident que nous devions agir vite et vigoureusement. Durant le seul mois de décembre 1999, les consommateurs québécois ont acheté, par Internet, l'équivalent de tous leurs achats de l'année 1998, par ce moyen. L'avenir appartient donc aux entreprises bien branchées. Plusieurs d'entre elles ont compris et profitent déjà des retombées du commerce électronique. Les ventes, par exemple, sur Internet de la Librairie Renaud-Bray ont grimpé, durant la période des fêtes, de 50 %. Le disquaire Archambault Musique a réalisé, durant la même période, des ventes deux fois plus élevées que prévu. Et un troisième et dernier exemple, c'est le quincaillier RONA, le premier quincaillier canadien à faire du commerce électronique, il a lui aussi atteint des performances de ventes spectaculaires.

Afin d'aider les PME à prendre rapidement le virage du commerce électronique et ainsi leur donner accès à de nouvelles occasions d'affaires, le ministre des Finances a annoncé, lors de son dernier budget, un crédit d'impôt remboursable pour la création de sites Web transactionnels. Et ça mérite qu'on s'y attarde un peu pour voir de quoi ça retourne. Le crédit d'impôt remboursable est de l'ordre de 40 % des dépenses engagées par la PME pour la création d'un tel site jusqu'à concurrence de 40 000 $ par entreprise.

Pour ceux qui se demandent c'est quoi, un crédit d'impôt remboursable, disons qu'il s'agit d'une aide financière qui réduit, s'il y a lieu, l'impôt sur le revenu devant être payé par la PME au ministère du Revenu. L'excédent est remboursé à l'entreprise par le gouvernement. Par exemple, prenons le cas d'une PME qui engage des dépenses lui permettant de réclamer un crédit d'impôt remboursable de 40 000 $ et qui a un impôt à payer de seulement 5 000 $, qu'est-ce qui arrive? La PME va réduire son impôt à payer de 5 000 $ et le ministère du Revenu va lui faire un beau chèque au montant de 35 000 $. C'est ça, un crédit d'impôt remboursable. De façon générale, pour se qualifier au crédit d'impôt remboursable, une PME devra avoir un actif inférieur à 12 millions de dollars ou un revenu brut inférieur à 25 millions de dollars.

En optant pour ces critères, le gouvernement du Québec s'assure de rendre admissibles à l'aide fiscale la presque totalité des PME québécoises. Les dépenses permettant de réclamer un crédit d'impôt remboursable sont les dépenses engagées par les PME pour le développement d'un site Web transactionnel mais sécurisé. Les sites Web ou le système de transaction devra obligatoirement permettre l'achat ou la vente de biens et services ou encore l'échange de documents commerciaux comme les factures, les bons de commande, les notes de débit ou de crédit, et ce, de façon sécuritaire tant pour l'acheteur que pour le vendeur.

Ainsi, les dépenses de salaire du personnel de la PME, les dépenses d'achat de logiciels d'application et 80 % des honoraires sont admissibles au crédit d'impôt remboursable lorsqu'elles se rapportent au diagnostic, à la mise en marché, au développement du site, à son entretien et aux coûts de formation.

Ce crédit d'impôt permettra donc aux PME québécoises – et on sait que c'est une force de l'économie du Québec – de prendre l'important virage du commerce électronique, de développer de nouveaux marchés pour nos excellents produits et aussi de créer des emplois.

Alors, M. le Président, on est conscient qu'il y a du travail à faire, qu'il y avait du rattrapage à faire, mais on est en train de le faire, et, au rythme où nous allons le faire, nous sommes certains que les entreprises vont pouvoir en bénéficier pour la meilleure santé de l'économie du Québec. Merci.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, M. le député. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Je pense que le ministre aujourd'hui s'est trompé d'interpellation. Je l'ai interpellé sur les enjeux du commerce électronique pour le gouvernement du Québec, parce que c'est le gouvernement qui est devant nous, et le ministre s'évertue à me parler des entreprises, de ce que les entreprises font dans le domaine du commerce électronique. Ce qui est très intéressant, et, en effet, c'est intimement lié. Mais aujourd'hui ce que j'aurais aimé entendre du ministre, M. le Président, c'est: C'est quoi que le gouvernement va faire pour appliquer à son propre appareil gouvernemental et stimuler la société québécoise pour qu'elle prenne le virage du commerce électronique? Malheureusement, ses réponses ne viennent pas.

Je voudrais revenir sur une des mesures, entre autres, celle qui consiste à brancher les familles qui a été annoncée dans le budget. Le gouvernement a fait un choix très restrictif, notamment, de brancher les familles qui reçoivent les allocations familiales, ce qui exclut du même coup toutes les autres catégories de citoyens. On peut s'interroger sur la pertinence de cette mesure.

Pourquoi les jeunes, par exemple, qui, eux, sont mordus de technologie de l'information, qui ont aussi des faibles revenus, qui ont du temps à passer sur les ordinateurs et qui peuvent être branchés, sont exclus de cette mesure? Ça fait une clientèle extrêmement importante. Pourquoi les personnes handicapées, par exemple, qui ne reçoivent pas d'allocations familiales mais qui sont aussi des personnes disponibles et qui pourraient utiliser les technologie de l'information pour, justement, dépasser leur handicap, ne sont pas touchées par cette mesure? Pourquoi les personnes retraitées, qui ont du temps à passer, justement, sur les technologies de l'information, ne sont pas incluses dans cette mesure? Pourtant, ils ont également une disponibilité et ils pourraient se rendre utiles à la société; ils sont exclus, M. le Président.

Comment le gouvernement compte-t-il appliquer sa politique de branchement aux familles éclatées, par exemple, et aux familles reconstituées? Qui va hériter de la mesure, la personne qui a la garde des enfants? Le gouvernement a été peu sensible à ces réalités, M. le Président, qui sont pourtant des situations concrètes dans notre société.

Le gouvernement, M. le Président, a également oublié les milliers de familles d'accueil au Québec. On en compte près de 5 000. Et, par ricochet, il oublie complètement plus de 15 000 enfants défavorisés qui n'ont pas accès à cette mesure, car, en effet, dans tous les cas, les familles d'accueil n'ont pas droit aux allocations familiales.

Alors, je voudrais bien que le ministre m'explique pourquoi ce double standard. Il y a des familles qui vont recevoir l'aide si elles le souhaitent et d'autres qui sont complètement exclues. Je trouve, M. le Président, que, dans l'ensemble, cette mesure est beaucoup trop timide, n'est pas équitable, elle n'est pas juste et elle n'est pas suffisante pour permettre à l'ensemble des clientèles visées – qui devraient être visées – d'être effectivement branchées.

On sait que l'un des problèmes majeurs de la société québécoise, c'est la pauvreté, et la société est profondément affectée par ce phénomène. Un autre phénomène, c'est l'analphabétisme. Plus d'un million de Québécois sont analphabètes fonctionnels, selon les données officielles. Il y a des limites à vouloir mettre la charrue devant les boeufs en faisant croire aux contribuables qu'on peut, à coups de millions, brancher ou installer un ordinateur dans des familles qui ont peine à se payer le téléphone, l'électricité et le chauffage.

(11 h 10)

À mon avis, M. le Président, si le gouvernement avait une volonté réelle de combler le retard des Québécois, il aurait fait des efforts supplémentaires pour nos écoles, pour les collèges, pour les universités afin qu'ils soient bien outillés, équipés non seulement sur le plan des équipements technologiques, la quincaillerie, mais aussi en termes de ressources pour la formation, pour l'éducation et pour la transmission des connaissances et pour amener les jeunes à s'approprier ces outils qui sont indispensables pour eux pour bâtir, justement, une concurrence dans ce monde compétitif au niveau du marché du travail, qui est un marché ouvert à l'échelle mondiale.

Alors, M. le Président, le Québec a des potentialités et des compétences. Le problème, c'est que le gouvernement n'a pas de vision pour pouvoir capitaliser sur ces compétences, sur ces ressources pour nous propulser dans une société de la nouvelle économie. Le ministre continue à penser de façon compartimentée, en silos, en secteurs, alors que l'Internet sur lequel il parle, M. le Président, a ceci de particulier, c'est qu'on parle d'une société réseau. Il faut que le gouvernement se réveille.

Le Président (M. Labbé): Merci, Mme la députée. Alors, M. le ministre.


M. Guy Julien

M. Julien: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis content de voir que la députée de La Pinière vient de se réveiller parce que je viens de lui faire comprendre qu'on avait des compétences et des capacités, au Québec. Puis je la félicite, c'est bien, ça.

Concernant d'abord la stratégie pour une société branchée, M. le Président, qui a été déposée lors du discours sur le budget du 14 mars, elle renferme plusieurs défis pour la société québécoise. L'un de ces grands défis concerne l'utilisation même d'Internet par les familles. Comme vous le savez, le branchement à Internet procure aux citoyens et aux citoyennes qui sont branchés de multiples avantages en termes d'accès à l'information et est devenu, en fait, un élément indispensable dans l'éducation et l'apprentissage.

Lors du Sommet du Québec et de la jeunesse, un consensus très clair, sauf pour le chef de l'opposition, s'est dégagé en faveur d'un accès du plus grand nombre possible de Québécois et Québécoises aux nouvelles technologies en information et des communications. Tous et toutes ont convenu que, si rien n'était fait, une véritable cassure guettait la société québécoise. Je parle ici d'une cassure entre les citoyens mieux nantis, qui ont accès aux nouvelles technologies, et ceux et celles qui, pour des raisons d'ordre monétaire, ne peuvent en bénéficier.

Puis on doit aussi combler rapidement l'écart entre le Canada puis les États-Unis. D'ailleurs, toutes les études qui ont été réalisées sur ce sujet depuis 1998 le confirment, le Québec enregistre – Mme la députée de La Pinière va être contente – un retard par rapport au reste du Canada relativement à la proportion de sa population ayant un accès à Internet. En 1999, 29 % des adultes québécois utilisaient Internet à partir du foyer contre 48 % pour le reste du Canada et des États-Unis.

Fait encourageant, cependant, l'écart par rapport au Canada se rétrécit rapidement. Entre mai 1997 et décembre 1999, la proportion de la population québécoise ayant déjà utilisé Internet est passée de 35 % à plus de 50 %. Durant la même période, la proportion de citoyens, citoyennes possédant un ordinateur à la maison a augmenté de 35 % à 42 %. Cependant, malgré cette belle remontée, un fait demeure, le développement du réseau Internet s'accompagne d'un phénomène d'exclusion basé sur le revenu des familles. À titre d'exemple, mentionnons qu'en 1998 près de 65 % des familles ayant un revenu brut de plus de 60 000 $ possédaient un ordinateur, contre moins de 24 % chez les familles ayant un revenu de moins de 30 000 $.

Cette situation a évidemment des répercussions incroyables sur les chances de succès des enfants, parce qu'il faut penser aux enfants à ce niveau-là. Même si les écoles et les bibliothèques sont branchées à Internet, cela ne suffit pas à résoudre le problème de non-accessibilité à l'information pour les enfants de milieux moins fortunés. À titre d'exemple, les enfants dont les parents ont un revenu familial supérieur à 60 000 $ utilisent Internet à des fins scolaires dans plus de 75 % des cas. Ça descend à 56 % chez les enfants provenant de milieux modestes. Donc, quand on dit que le gouvernement du Parti québécois est un gouvernement social-démocrate, c'est une mesure extraordinaire et qui répond à nos objectifs qu'on a toujours eus dans toutes nos politiques: s'assurer une équité au maximum. C'est une première mesure.

Évidemment, l'opposition va dire: Bien là il y a un petit groupe qui n'en a pas eu, il y a un petit groupe qui n'en a pas eu. Bien, on commence, hein! Je pense qu'il faut commencer à quelque part. Et on va toucher le... On vise à peu près quoi? Ce n'est pas loin de 600 000 familles qu'on va toucher par ce type de programme là. Bon. Il va peut-être y avoir des cas d'espèce. On les gérera en temps et lieu. Mais commençons à quelque part, parce que, si on attend comme eux autres quand ils étaient au pouvoir, ils n'ont rien fait. Alors, on commence et on ajustera puis on modulera dépendant de nos priorités.

On sait par ailleurs que le temps consacré à Internet dans les écoles est relativement restreint et ne peut se comparer au temps passé à la maison à naviguer sur le réseau ou à explorer les possibilités d'un ordinateur. Comme nous l'avons fait dans le cadre de la politique familiale et dans bien d'autres mesures, le gouvernement entend intervenir chaque fois que cela est nécessaire pour préserver l'égalité des chances. Puis je peux vous dire: Je fais l'épicerie, je rencontre beaucoup de gens puis à date je n'ai vu personne venir me dire que ce n'était pas une bonne mesure. Tout le monde est content de la mesure. On va l'adapter, il peut y avoir des cas particuliers, j'y reviendrai.

Le développement d'Internet ne doit se traduire en aucun cas par une cassure entre les plus riches et les moins fortunés. C'est pourquoi nous avons décidé d'intervenir dans ce domaine pour que tous les Québécois et les Québécoises, qu'importent leurs revenus, puissent bénéficier des occasions incroyables offertes par un accès à Internet et à l'usage d'un micro-ordinateur.

Avec le programme Brancher les familles sur Internet, qui est doté d'une enveloppe budgétaire de 120 millions pour trois ans, le gouvernement entend: d'abord réduire notre écart entre le Québec et ses partenaires nord-américains; atténuer l'ampleur du clivage qui existe au sein de la société québécoise entre les citoyens branchés sur Internet et ceux qui n'y ont pas encore accès; éviter – et ça, c'est majeur – que de jeunes Québécois et Québécoises provenant de milieux modestes soient défavorisés en regard de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information; et aussi lever l'hypothèque financière qui constitue pour les familles un frein à l'appropriation des nouvelles technologies.

Cette mesure, qui est fort généreuse, qui a déjà reçu un bel accueil de la part de la population, suscite un vif intérêt de la part des familles du Québec. Puis ça, évidemment, les sondages l'ont démontré, mais, moi, je l'ai vu ici, sur le terrain, et ça, j'ai eu des commentaires plus que positifs.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Maskinongé.


M. Rémy Désilets

M. Désilets: Merci, M. le Président. Comme le démontrent les études, le Québec enregistre effectivement un retard par rapport au reste du Canada et des États-Unis relativement au branchement sur Internet. Je n'énumérerai pas à nouveau les chiffres et le pourcentage dont ont fait état mes collègues lors de leur intervention, mais je vous dirais cependant que ce constat a poussé notre gouvernement à prendre des mesures énergétiques pour accroître le taux de branchement chez les familles du Québec, et plus spécialement auprès de celles n'ayant pas un revenu familial élevé.

Pour diminuer l'écart avec le reste du Canada et les États-Unis en matière de branchement sur Internet et pour donner une chance égale à tous dans l'apprentissage de nouvelles technologies, le gouvernement du Québec a annoncé, lors du discours du budget, la création d'un programme: Brancher les familles sur Internet. Cette mesure, pour laquelle un budget de 120 millions de dollars pour trois ans a été accordé, prend effet le 1er mai prochain et fera l'objet d'un lancement officiel. Un centre d'appels sera en opération à cette date et les demandes des familles admissibles, soit celles recevant l'allocation familiale de la Régie des rentes du Québec, seront dirigées vers ce centre. Cette mesure sera soutenue par une campagne médiatique.

Le programme Brancher les familles sur Internet a pour objet: d'augmenter le nombre de familles québécoises à un accès à Internet à partir du foyer; de rendre accessible, pour les familles recevant une allocation familiale, l'abonnement à Internet, tout en permettant à ces familles d'acquérir, à un coût raisonnable, un ordinateur multimédia leur permettant de se familiariser avec les nouvelles technologies de l'information; de développer les compétences des jeunes à l'égard des nouvelles technologies à la maison comme à l'école. Ce programme permet donc aux familles qui reçoivent une allocation familiale versée par la Régie des rentes du Québec d'obtenir un accès Internet à prix réduit et, pour celles qui le veulent, de pouvoir bénéficier d'une aide lors de la location ou de l'achat d'un ordinateur multimédia.

Le gouvernement a statué que les familles admissibles à la mesure seront celles qui recevront une allocation familiale de la Régie des rentes du Québec entre le 1er mai 2000 et le 31 mars 2001, qu'importe si elles étaient branchées ou non à Internet lors de la mise en vigueur de la mesure, le 1er mai 2000. Ces familles auront donc du 1er mai 2000 au 31 mars 2001 inclusivement pour s'inscrire. La mesure d'aide couvre une période de deux ans à compter de la date de branchement.

L'aide accordée par le gouvernement du Québec concerne deux types de forfait: d'abord, l'accès à Internet incluant le boîtier de décodage pour les services Internet sur téléviseur; le deuxième, le branchement sur Internet combiné à la location ou à l'achat d'un ordinateur multimédia. Pour le service Internet, l'aide gouvernementale accordée peut représenter 75 % du coût annuel du service, incluant les taxes, par famille, jusqu'à concurrence de 200 $ par année, et ce, pour une période de 24 mois à compter de la date du branchement. Afin que l'aide s'applique, la durée d'utilisation des services Internet doit être de 60 heures par mois au minimum.

(11 h 20)

Pour l'utilisation d'un ordinateur multimédia, location ou achat, l'aide accordée peut représenter jusqu'à 250 $ par année pendant deux ans, soit 500 $ pour la durée du programme. À cette aide de 250 $ par année pour la location ou l'achat d'un ordinateur s'ajoute donc l'aide pouvant atteindre 200 $ par année pour le branchement à Internet. L'aide totale peut donc atteindre annuellement 450 $ pour un total de 900 $ sur deux ans. Ce n'est pas une aide négligeable pour une famille à revenus modestes.

Au sujet du versement de l'aide gouvernementale, celle-ci sera versée par le biais d'un fournisseur Internet ou du détaillant d'équipement informatique et prendra la forme d'une réduction accordée par le commerçant sur le coût de l'abonnement Internet ou du forfait abonnement-location ou achat d'ordinateur.

Les familles admissibles désirant se prévaloir du programme devront procéder de la façon suivante. Elles devront tout d'abord demander à la Régie des rentes du Québec une attestation des montants qu'elles reçoivent d'allocation. Par la suite, en contactant le centre d'appels mis en place à cette fin, elles pourront obtenir les noms des fournisseurs ou détaillants de leur quartier ou de leur localité enregistrés auprès du ministère de l'Industrie et du Commerce.

La présente mesure ne vise rien de moins que d'amener quelque 200 000 familles de plus sur Internet d'ici 2003. C'est un objectif ambitieux mais très motivant qui nous permettra de combler nos retards et d'assurer l'égalité des chances. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, M. le député. Alors, je cède maintenant la parole à la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais revenir sur les enjeux du commerce électronique et vous dire que l'une des lacunes majeures, un des freins justement au commerce électronique, c'est le manque de main-d'oeuvre qualifiée, spécialisée. On a déjà parlé de la pénurie de spécialistes dans le domaine des technologies de l'information. On a également parlé de l'exode des cerveaux. Mais la situation est assez préoccupante et permettez-moi donc de vous relater un peu comment se passe ce problème-là.

Dans nos écoles en particulier, il y a un manque criant d'appareils et de ressources pour favoriser l'utilisation de la connaissance par les étudiants et les professeurs des technologies de l'information, d'autant plus que l'un des freins les plus importants au déploiement du commerce électronique est la rareté des spécialistes dans ce domaine, comme le rapporte le journal Les Affaires du 1er avril dernier.

Dans un rapport de la table ronde sur les possibilités des affaires électroniques canadiennes, on apprend que ce phénomène de manque de main-d'oeuvre qualifiée touche la grande majorité des postes. Il y a pénurie autant de techniciens que d'informaticiens et chercheurs aptes à développer de nouvelles technologies, applications et innovations commerciales. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour la formation des professeurs et l'utilisation des appareils électroniques.

En 1996, on comptait, dans nos écoles, un ratio de un appareil pour 21 étudiants. L'objectif visé il y a quatre ans était d'atteindre le ratio de un appareil pour 10 élèves. Dans la vision étroite qui se limitait à considérer principalement l'aspect de la quincaillerie – le ministre a focalisé là-dessus encore aujourd'hui – on a négligé les autres facettes touchant l'adaptation et la formation des professeurs. Et ça, M. le Président, c'est un problème majeur, majeur, parce que, au niveau du secondaire, la performance du Québec est encore plus décevante. Malgré les belles politiques, les beaux discours qu'on a entendus puis qu'on entend encore aujourd'hui, dans les faits, le Québec arrive bon dernier au Canada avec un ratio de neuf étudiants pour un ordinateur.

Mais ce n'est pas tout. En juin 1999, la Direction des études collégiales du ministère de l'Éducation a réalisé une étude portant sur les besoins du réseau collégial en matière de matériel didactique. Le rapport présente des données sur l'utilisation du matériel imprimé, du matériel informatique et du matériel audiovisuel dans l'enseignement. De plus, il fournit des explications relativement à la sous-utilisation des technologies de l'information et de la communication dans les collèges.

Selon cette étude, plusieurs raisons expliquent que les technologies de l'information et de la communication soient si peu utilisées malgré l'existence de la quincaillerie. Par exemple, 60 % des outils informatiques déjà en place créent des problèmes. De plus, 41 % des logiciels d'application ne sont pas utilisés en raison du manque de matériel informatique.

M. le Président, le manque de connaissances joue également un rôle extrêmement important, surtout en ce qui a trait à Internet, ce qui nous ramène à la problématique de la formation. Bien que 78 % des enseignants perçoivent le rôle positif de l'utilisation de l'informatique au niveau de la formation, ça demeure une question très exigeante. Pourquoi? On peut regarder ce qu'ils disent, parce qu'ils perçoivent le rôle positif de l'utilisation de l'informatique au niveau des apprentissages, selon un sondage, dans un proportion de 70 %.

Cependant, M. le Président, lorsqu'on regarde le niveau de préparation des enseignants, on constate qu'ils n'ont pas les outils pour opérer à capacité les équipements qu'ils ont, même ceux qui sont dans les classes. J'ai eu moi-même l'occasion d'aller dans une école et rencontrer des techniciens ambulants qui passent d'une école à une autre pour aider les professeurs à ouvrir l'ordinateur. C'est une lacune majeure, M. le Président.

57 % disent que leur collège ne possède pas les ressources humaines nécessaires pour leur permettre d'utiliser le matériel informatique dans le cours. Et nous parlons ici de la parole des enseignants, ceux qui sont sur la première ligne de front. 59 % considèrent que le soutien pédagogique est insuffisant. 27 % des répondants croient que leur collège ne possède pas les équipements informatiques nécessaires. Ça, c'est la réalité au-delà du discours flamboyant, rose, où tout se passe bien, où tout le monde est branché.

Il demeure une réalité, que, même là où il y a des équipements, on n'a pas les ressources, les personnes formées et disponibles pour transmettre cette connaissance aux jeunes et leur permettre de s'équiper, M. le Président, adéquatement.

Le Président (M. Labbé): Merci, Mme la députée de La Pinière. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole à M. le ministre.


M. Guy Julien

M. Julien: Merci beaucoup, M. le Président. Parce que j'avais juste quelques commentaires, peut-être corriger les chiffres que la députée de La Pinière vient de donner. C'est parce que c'est important lorsqu'on parle de ce genre de dossier là de bien connaître son dossier. Ce n'est pas neuf étudiants par ordinateur, c'est 10, en passant, et par rapport à huit étudiants pour un au Canada. Ce qui fait que, si on prend une classe de 24, au Québec, actuellement on donne à peu près 2 point quelque ordinateurs par classe de 24, tandis qu'ailleurs c'est trois. Puis c'est un peu normal qu'on soit en retard – c'est pour ça qu'on se dépêche à rattraper ça – parce qu'il ne s'est rien fait avant qu'on arrive. Alors, évidemment, on pourrait aller beaucoup plus vite s'ils avaient fait la job, ils ne l'ont pas faite. Alors, ça, c'est un élément.

Deuxième élément, elle a mentionné le problème de main-d'oeuvre au Québec. C'est vrai qu'on a un petit problème de main-d'oeuvre mais moindre, je dirais, parce qu'une des raisons pourquoi les entreprises viennent s'implanter ici, c'est justement à cause de la disponibilité de la main-d'oeuvre. Alors, si on compare ça aux États-Unis, dans des États comme la Californie ou si on va dans les États de l'est, ils n'en ont plus, de main-d'oeuvre. Alors, ils courent pour s'en trouver de la main-d'oeuvre.

Alors, qu'est-ce qu'on fait, nous, chez nous, au Québec? C'est important qu'elle le sache, probablement qu'elle ne le sait pas, alors je vais lui dire: On a des programmes, comme, par exemple, le programme de PACST, le Programme d'amélioration des compétences en science et en technologie. Qu'est-ce que ça fait, ce programme-là? Ce programme-là, il permet de former des jeunes en entreprise.

Vous savez, les entreprises des technologies de l'information, c'est devenu tellement pointu, tellement raffiné comme produit, comme processus que c'est évident qu'à l'université on ne peut pas aller de façon aussi claire, aussi pointue à ce niveau-là. Alors, on prend ces étudiants-là, par un programme de support en entreprise – parce qu'ils sont formés en entreprise – on permet à ces étudiants-là, ces jeunes-là de s'adapter à ces nouvelles technologies là et de devenir une main-d'oeuvre importante dans le cadre de ces institutions-là. Donc, ça, je pense... Je voulais juste apporter ces deux éléments-là.

Pour revenir au niveau des régions, parce que ça, ça m'apparaît important... Dans le PACST d'ailleurs, en passant, c'est 17 millions cette année. Donc, c'est quand même des sous pour permettre à nos entreprises de pouvoir compter sur une main-d'oeuvre compétente et qualifiée, plus l'interrelation entre nos universités et nos centres de recherche.

Mais effectivement il faut aller encore beaucoup plus loin. Le développement rapide et sur une large échelle du commerce électronique suppose que les infrastructures nécessaires soient disponibles sur l'ensemble du territoire. Le Québec est particulièrement choyé à cet égard, car non seulement il possède un réseau de télécommunications, mais celui-ci est de grande qualité. En effet, le Québec possède un réseau de communications numérique à large bande, ce qu'on appelle le réseau coaxial, et de fibres optiques, dont la capacité de transport et la densité lui permettent d'être un des territoires les mieux dotés au monde, et c'est au Québec. C'est bon, c'est au Québec.

(11 h 30)

Même si le réseau de communications est largement implanté au Québec, les liaisons demeurent coûteuses dans certaines régions. Les infrastructures dites évoluées, essentielles pour le commerce électronique, sont surtout concentrées dans les grands centres urbains. Ils ne sont pas suffisamment déployés en région. C'est pourquoi d'ailleurs, je le répète, que, dans notre dernier budget...

C'est beau de dire qu'on va permettre à nos entreprises par des crédits d'impôt de se développer au niveau du commerce électronique, de permettre à nos jeunes, à nos presque 600 000 familles, dans le cadre de ce programme-là, qui auraient accès à ce programme, de se brancher, mais il faut s'assurer qu'il y a une infrastructure de base, que, dans l'ensemble de nos régions – mêmes les régions éloignées, qu'on pense à la Gaspésie, à la Côte-Nord et à l'Abitibi, les endroits un peu partout – les gens y aient accès. Ce qui fait qu'on a décidé de faire bénéficier les entreprises qui veulent implanter un réseau de câbles à fibres optiques en région d'un taux d'amortissement accéléré de 125 % sur les investissements consentis.

Les investissements admissibles sont les réseaux de fibres optiques et de câbles coaxiaux, ainsi que les équipements optoélectroniques et électriques qui s'y rattachent. Je tiens à préciser que toutes les régions sont admissibles à cette mesure fiscale structurante, à l'exception – puis c'est normal – des régions administratives comme Montréal, Laval et la Communauté urbaine de Québec. Cette mesure vise à accélérer le développement, si on veut, des activités de commerce électronique et à offrir ainsi à l'ensemble des entreprises et des citoyens des régions un accès à des services améliorés. Ceci représente une importante mesure de développement régional.

Alors, je pense que, si on résume ça rapidement, bien, on a, dans le cadre des mesures budgétaires qui vont très bien supporter le plan stratégique que le ministère va déposer d'ici une couple de semaines... Plan stratégique, soit dit en passant, qui a été fait en concertation avec les gens du milieu. Parce que, tout à l'heure, Mme la députée de La Pinière trouvait ça un peu drôle que je ne parle pas du gouvernement. Moi, j'en parle beaucoup, du gouvernement. Cependant, et j'en suis convaincu, on a une expertise au niveau gouvernemental, mais, comme je le dis dans mes conférences, moi, je ne suis pas un industriel, je n'ai pas de comptes à payer, je n'ai pas de comptes à recevoir, il y a des réalités avec lesquelles je suis moins familier, donc c'est important qu'on ait cet arrimage-là entre le privé et le gouvernement pour avoir le meilleur succès possible dans l'application de nos programmes. Alors, c'est dans ce cadre-là que tout ça, ça s'est fait dans les mesures budgétaires.

Le Président (M. Labbé): Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, sans plus tarder maintenant, je vais céder, comme il se doit, la parole au député de Bellechasse.


M. Claude Lachance

M. Lachance: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord, pour ceux qui ont la patience de nous écouter, indiquer qu'il y a un document fort intéressant qui a été publié par le ministère des Finances à l'occasion du discours du budget, qui s'intitule Pour une société branchée: favoriser l'utilisation d'Internet et le développement du commerce électronique .

Alors, là-dedans, il y a un plan d'action en bonne et due forme, et il y a également dans ce document des exemples de ce qui a été fait dans d'autres pays, et pas les moindres. Je pense au Royaume-Uni, aux États-Unis, à l'Islande et également à la Suède. Alors, comme nous sommes dans le commerce électronique, il va de soi que je vais vous donner l'adresse électronique du ministère des Finances, qui est le www.finances.gouv.qc.ca. Alors, les gens qui voudront prendre connaissance de ce document pourront le faire au complet.

M. le Président, je suis extrêmement surpris, malgré les efforts qu'a faits jusqu'à maintenant la députée de La Pinière pour nous faire part des différents enjeux électroniques, qu'elle n'ait pas abordé un aspect extrêmement important pour un gouvernement. Et cet aspect, c'est comment percevoir les taxes de vente sur les biens qui sont achetés par rapport au commerce électronique. Pour un gouvernement, ce n'est pas rien, et, pour l'État qui doit percevoir des fonds, ce n'est pas rien non plus. C'est un aspect, dans les enjeux du commerce électronique, qui n'a pas été évoqué par la députée de La Pinière jusqu'à maintenant, et ça m'étonne. J'aimerais ça savoir si elle a des bonnes idées là-dessus – peut-être qu'elle s'apprêtait à nous en parler – à nous suggérer, parce que ça ne semble pas être une préoccupation et ça ne semble pas être quelque chose de facile à solutionner.

Juste à titre d'exemple, une étude qui a été réalisée dernièrement nous indique qu'aux États-Unis – puis c'est souvent le modèle, là – les États américains ont réussi à taxer seulement 20 % des 13 milliards de dollars américains de produits vendus sur Internet l'an dernier. On dit aussi que le manque à gagner, ça représente 525 millions de dollars – évidemment des dollars américains – et que ce sont des États comme la Californie, le Texas, l'Illinois, la Floride et New York qui ont été les grands perdants.

Alors, on n'a pas de statistiques, malheureusement, pour le Canada et le Québec, mais c'est très préoccupant parce que, juste au niveau de la taxe de vente, dans le budget du gouvernement du Québec cette année, c'est quelque chose comme 7 milliards de dollars, la TVQ. Alors, si les ventes par commerce électronique s'amplifient, augmentent – et c'est ce qu'on pense qui va se produire, c'est ce qu'on veut d'ailleurs – bien, à ce moment-là, comment faire pour percevoir la taxe qui doit revenir à l'État?

Un autre enjeu aussi qui n'a pas été abordé par la députée de La Pinière, c'est par rapport aux accords internationaux: Qu'est-ce qu'on fait là-dedans, étant donné qu'Internet, ça circule un peu partout à travers le monde? Au plan financier, je viens de l'évoquer, là, la perception des taxes, mais, au niveau d'un pays, la perception des douanes, les paiements électroniques. Puis, au point de vue légal aussi, c'est un enjeu considérable, la propriété intellectuelle, la protection de la vie privée. Alors, si on voulait compléter, là, je pense que c'est un secteur extrêmement pointu qu'il faut regarder aussi, concernant l'enjeu du commerce électronique.

M. le Président, dans les différentes mesures qui ont été faites au cours des dernières années puis qui se font encore actuellement, je pense que ce n'est pas inutile de mentionner que toutes les écoles du Québec, maintenant, elles sont branchées sur Internet à 100 %. Et moi-même qui ai été directeur d'école pendant plusieurs années dans une vie antérieure, je peux vous dire que c'est quelque chose qu'on attendait, et ça s'est fait avec l'arrivée au pouvoir du gouvernement du Parti québécois, en 1994, d'une façon accélérée parce que, auparavant, ça ne bougeait pas fort dans ce secteur-là.

On compte actuellement au Québec aussi 30 centres régionaux et quatre centres nationaux d'enrichissement en microinformatique scolaire. Il y a également 85 % des bibliothèques publiques du Québec qui sont maintenant branchées à Internet, et ça continue rapidement. Il y a notre collègue David Cliche, ministre délégué à l'Autoroute de l'information, qui a entamé une expérience-pilote extrêmement intéressante dans deux coins du Québec: ce projet-pilote est en voie de réalisation dans la ville de Baie-Comeau et dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal.

Alors, M. le Président, je suis heureux d'apprendre, moi, que le plan d'action du ministère de l'Industrie et du Commerce que le ministre doit rendre public prochainement va comporter une dimension régionale majeure. Parce que les conseillers du MIC qui sont répartis un peu partout à travers les régions du Québec vont être mis à contribution pour permettre à tous ceux qui sont intéressés à avoir de l'information puis les aider à savoir comment profiter des avantages qui sont contenus dans le discours du budget, pour accompagner les entreprises à aller chercher des crédits d'impôt et initier vraiment le monde des affaires dans le commerce électronique. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Labbé): M. le député de Bellechasse, merci beaucoup. Alors, Mme la députée de La Pinière, je vous cède maintenant la parole.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, pour répondre à mon collègue sur les taxes, je lui dirai que, effectivement, le Québec est la société la plus taxée en Amérique du Nord et que c'est un frein, les taxes, au développement du commerce électronique. Et c'est une des barrières que le gouvernement doit lever pour permettre le développement du commerce électronique.

Deuxièmement, si mon collègue était suffisamment informé, il apprendrait qu'il y a un groupe de travail qui a été créé par le gouvernement fédéral, le ministère du Revenu, justement pour analyser les enjeux du commerce électronique et de la taxation. Il était présidé par un ancien ministre du gouvernement libéral, gouvernement du Québec. Et il y a dans ce document et dans ce rapport de nombreuses solutions qui ont été proposées et il me fera grand plaisir d'en discuter avec lui si on a un petit peu plus de temps.

Ceci étant, M. le Président, je voudrais revenir à un autre enjeu extrêmement important pour le développement du commerce électronique, et ça touche la question de la sécurisation des transactions électroniques. C'est un frein majeur au développement du commerce électronique. Ce gouvernement n'a pas agi, il est au pouvoir depuis 1994. Comparé à l'Irlande, qui a pris son envol de commerce électronique en 1994, on peut mesurer les niveaux de développement.

Selon un sondage de la firme Ad hoc recherche dont les résultats ont été publiés dans le journal Les Affaires du 4 mars dernier, les Québécois sont encore réticents à acheter en ligne: trois Québécois sur quatre sont réticents à donner leur numéro de carte de crédit sur Internet. Or, M. le Président, on attend depuis décembre 1998 la réalisation d'un engagement, promis à cette date justement, dans la politique de l'inforoute gouvernementale, on attend toujours une loi pour sécuriser les transactions électroniques.

Au cours de l'automne 1999, à l'occasion d'un forum international sur le sujet, le ministre délégué à l'Autoroute de l'information a annoncé qu'un projet de loi sur la sécurisation des transactions électroniques allait être adopté en décembre 1999. Nous sommes en mars 2000, M. le Président, et ce projet n'a pas été déposé devant nous à l'Assemblée nationale.

Lors de l'interpellation justement du 19 mars 1999 dont je vous ai parlé à l'ouverture, le ministre délégué à l'Autoroute disait, en parlant des mesures à mettre en place pour favoriser le déploiement du commerce électronique – parce que ce n'est pas d'aujourd'hui que j'interpelle le gouvernement sur cette question très majeure – je vais citer le ministre responsable de l'Autoroute de l'information: «On parle en termes de semaines et en termes de mois – je parle de la Loi sur la sécurisation des transactions électroniques – et mon intention, dit-il, c'est que, dans l'année de calendrier 1999, ce dont on parle ce matin sera chose accomplie. Alors, vous pourrez me revenir en interpellation possiblement en mars de l'an 2000 – nous y sommes, en avril de l'an 2000 – pour me demander où ça en est, et j'espère qu'on pourra vous dire à ce moment-là que tout ce dont je vous ai parlé ce matin est accompli.»

(11 h 40)

Alors, comme vous pouvez le constater, ce n'est pas encore fait. Lors de l'interpellation, le ministre avait promis que, dans les semaines suivantes, il allait mettre en place le système de clés pour la cryptographie pour réaliser les transactions; il allait mettre en place un encadrement légal du commerce électronique, notamment la signature électronique, justement en collaboration avec le ministère de l'Industrie et du Commerce. Nous sommes en avril 2000, plus d'un an plus tard. Malgré les beaux discours et les engagements pris publiquement, M. le Président, l'Assemblée nationale n'a encore pas été saisie d'un projet de loi favorisant le déploiement du commerce électronique au Québec. Et cela, je le déplore.

Je sais par ailleurs que le ministre a fait de nombreuses déclarations à différentes occasions, parlant d'une loi habilitante, parlant d'un travail qui se fait à l'intérieur de son ministère. C'est en soi problématique qu'on annonce la loi, M. le Président, qu'on parle du contenu de la loi sans jamais la déposer. Et ça, c'est symptomatique de ce gouvernement qui regarde dans le rétroviseur, qui se compare avec ce qui s'est passé antérieurement, alors que le dossier du commerce électronique commande qu'on regarde en avant.

Tandis qu'on a des enjeux de société à relever, qu'on a des défis à relever, il faut se retrousser les manches ensemble, le gouvernement, l'entreprise privée, les citoyens, mettre tout le monde dans le coup, comme ça s'est fait dans d'autres pays, M. le Président, dans d'autres États américains, pour prendre véritablement le virage du commerce électronique, ce qui n'est pas fait.

Le Président (M. Labbé): Merci, Mme la députée. Alors, j'ai besoin du consentement des deux partis, compte tenu qu'on a pris deux minutes de retard et qu'on doit soit extensionner à 12 h 2 ou encore faire neuf minutes chaque. Si vous n'avez pas d'objection, on pourrait extensionner pour deux minutes à ce moment-ci, ce qui permettrait de conclure avec 10 minutes de chaque côté. Alors, sans plus tarder, M. le ministre, je vous cède la parole pour 10 minutes, en conclusion.


Conclusions


M. Guy Julien

M. Julien: Merci, M. le Président. Juste un petit commentaire avant ma conclusion. Ça me rend toujours triste quand on dit que c'est vrai que, au Québec, on est les gens les plus taxés. Ce qu'il faudrait qu'elle rajoute, la députée de La Pinière, c'est: Parce qu'on a fait un trou de 6 milliards. C'est ça qu'ils ne font pas, cette analogie-là. Pourtant, elle est simple, elle est claire. Je trouve ça malheureux qu'elle dise ça. Là, on va régler un bon bout, là: 4 milliards et plusieurs centaines de millions pour les trois prochaines années; il y a plusieurs milliers de familles qui ne paient plus d'impôt. On ne le dit pas, ça. Ils ne le diront pas, évidemment. Il faut que, au Québec, ça soit la misère. Que voulez-vous! C'est les plus mauvais vendeurs du Québec que je n'ai jamais rencontrés.

Alors, M. le Président, je voudrais, avant de conclure, remercier l'opposition de nous avoir donné l'occasion d'échanger aujourd'hui sur l'un des dossiers économiques les plus actuels, celui du commerce électronique. J'estime qu'il était essentiel de sensibiliser les partenaires à ce phénomène qui est mondial et qui obligera les citoyens et les citoyennes et les entreprises à revoir leur façon d'échanger et de transiger.

Nous sommes en face d'une révolution dite numérique qui aura autant d'impact que la Révolution industrielle. Pour nous, les députés de l'Assemblée nationale, il est primordial d'être à l'affût des changements profonds qui transforment l'économie mondiale, car ces changements ont des répercussions sur l'économie et sur l'emploi dans toutes les régions du Québec. Les entreprises qui ne seront pas en mesure de s'adapter au contexte des nouvelles technologies se priveront d'importants gains de productivité et auront de la difficulté à préserver leurs marchés et seront incapables d'en conquérir de nouveaux.

Nos échanges ont eu le mérite d'amener une discussion franche autour des enjeux du commerce électronique pour le Québec et de mesurer l'ampleur du défi qui attend nos petites et moyennes entreprises. Je dis bien «franche» parce que toutes les données, ce qu'on a annoncé, tout ce qu'on a dit, ce sont toutes des choses qui ont été faites par notre gouvernement, qui sont là. Mon collègue le député de Bellechasse a dit aux gens de communiquer avec le ministère des Finances pour avoir le livre dans lequel tout est dit. Donc, pour nous, c'est vraiment franc. Et on n'a pas à jouer à la cachette là-dedans.

Ce débat nous a aussi permis de mettre un frein au discours alarmiste qui laisse entendre que le retard du Québec dans le domaine du commerce électronique est insurmontable. Nous avons clairement démontré, chiffres à l'appui, que les entreprises du Québec n'ont véritablement du retard que par rapport aux entreprises américaines et aux entreprises du reste du Canada, qui comptent parmi celles qui sont les plus branchées au monde. Par rapport aux États européens, nous nous situons très bien dans la moyenne et même au-delà.

Nous nous sommes de plus tous réjouis d'apprendre que le raid de branchement au Québec est maintenant plus rapide que celui enregistré au Canada et que, par conséquent, l'écart se rétrécie très rapidement. À travers nos échanges, nous avons pu remonter dans le temps et découvrir l'ampleur des actions posées par le gouvernement du Québec depuis 1994 pour amener la société québécoise et les entreprises à prendre le virage de l'économie numérique. C'est l'ampleur de nos actions mais aussi la vision que nous avons du développement et les stratégies que nous avons mises en place et d'autres qu'on mettra en place prochainement.

Nous avons également passé en revue les mesures du budget visant à brancher les familles et les entreprises sur Internet. Ces mesures totalisent quelque 340 millions sur trois ans. Il s'agit d'un effort considérable de la part du gouvernement. Nos échanges ont aussi mis en lumière les atouts dont nous disposons pour appuyer le développement d'Internet et des affaires électroniques au Québec.

Parmi ces atouts, nous avons fait état: des coûts d'accès à Internet parmi les plus bas au monde; de la qualité de nos infrastructures en télécommunications et de l'incroyable capacité d'adaptation aux changements de nos PME; de la nouvelle mesure fiscale au commerce électronique qui permettra de diminuer les coûts d'implantation d'un site transactionnel pour les PME; et du plan d'action que je rendrai public le 18 avril et qui positionnera le ministère de l'Industrie et du Commerce comme maître d'oeuvre de l'action gouvernementale en matière de commerce électronique.

C'est un plan qu'on va déposer mais qui va être évolutif. C'est un plan qui doit s'ajuster à la conjoncture, à tout ce qui va se passer dans les prochaines années. Il ne faut pas que ça soit statique. Puis, si on ne veut pas que ça soit statique, il faut que le gouvernement soit continuellement associé en partenariat avec les organisations qui font du développement et nos entreprises et nos gens d'affaires. Et ça, c'est majeur.

Nos échanges nous ont également donné l'occasion de mettre en perspective les défis qui attendent les PME désirant faire le passage vers l'économie numérique. Nous avons parlé de quatre grands défis: tout d'abord, du défi de la concurrence dans un marché global puis du défi du changement pour les organisations, également du défi des ressources humaines et finalement du défi des compétences. La balle est maintenant dans le camp des PME, qui doivent intégrer le commerce électronique parmi leurs conditions de succès pour que leurs affaires aient de l'avenir.

Le développement du commerce électronique – je devrais dire des affaires électroniques – constitue un élément-clé de la stratégie du gouvernement du Québec visant le renforcement de notre économie. Il interpelle les partenaires économiques du ministère de l'Industrie et du Commerce et nous oblige au dépassement pour réussir ce grand virage vers l'économie numérique. Évidemment, ça serait plus facile si on était indépendant, mais, que voulez-vous, on se situe dans le cadre du Canada, puis on est encore pris pour négocier, mais enfin... Mais je pense que le Québec, d'ailleurs, si on était tout seul, ça irait beaucoup plus vite. On aurait les budgets et les moyens nécessaires pour le réussir plus rapidement.

La libéralisation des échanges commerciaux à l'échelle internationale crée une multitude d'occasions d'affaires pour les entreprises du Québec. Encore faut-il cependant qu'elles y aient accès, de là l'insistance du gouvernement à favoriser l'intégration du commerce électronique dans les nouvelles façons de faire des affaires pour les entreprises. Je parle ici autant de la façon de transiger avec les entreprises partenaires par voie électronique ou de transiger avec les clients ou les consommateurs.

Pour les PME, le développement des affaires électroniques n'est pas simplement une façon de faire croître les affaires mais, fondamentalement, une question de survie. L'entreprise doit s'adapter et, à cet égard, des mesures contenues dans le dernier budget de même que le plan d'action en matière d'affaires électroniques – que je rendrai public prochainement – permettront à l'économie du Québec de prendre le virage de l'économie numérique.

À ceux et à celles qui seraient tentés de croire que le commerce électronique est une mode passagère, je peux les assurer que ce n'est pas le cas et que le virage doit être pris rapidement. Pour les entreprises désireuses de percer de nouveaux marchés, répondre aux nouveaux besoins des consommateurs et consommatrices ou tout simplement demeurer fournisseurs pour un grand donneur d'ordres, le commerce électronique devient de plus en plus, jour après jour, l'incontournable passage vers la croissance des affaires.

Oui, l'économie du Québec se doit d'intégrer rapidement le commerce électronique pour poursuivre sa croissance et demeurer pleinement compétitive. Et ça, il ne faut jamais oublier aussi une chose, ça doit se faire, mais tout en protégeant l'aspect humain, défendre nos droits sociaux, l'éducation, la santé et autres, chez nous. Il faut qu'on maintienne ce visage humain qui fait la force du Québec sur le développement de nos marchés à l'extérieur.

Le fort degré d'ouverture de notre économie sur le monde nous oblige à l'excellence et à l'utilisation de technologies nouvelles. Plus de 57 % de notre produit intérieur brut est tributaire de notre force exportatrice. C'est justement le maintien et la croissance de nos parts de marché en international et notre détermination à protéger nos intérêts nationaux en matière économique qui ont guidé le gouvernement dans son action depuis 1994 en vue de l'intégration des nouvelles technologies en entreprises et aussi dans la préparation des mesures annoncées lors du discours sur le budget. C'est cette même volonté qui a animé l'équipe du ministère de l'Industrie et du Commerce lors de l'élaboration de la stratégie québécoise de développement des affaires électroniques.

(11 h 50)

J'estime que le Québec a maintenant en main tous les ingrédients pour réussir le nécessaire virage vers le commerce électronique et être reconnu d'ici quelques années comme un leader en ce domaine. Je pense, M. le Président, qu'il était important pour le Québec aussi d'avoir une bonne veille de tout ce qui se passe à travers le monde, dans le cadre du commerce électronique.

Lorsqu'on assiste, actuellement, à tous les bouleversements, les acquisitions, les fusions, les changements, le contenu, la forme, le transport – lorsqu'on voit, par exemple, qu'en France, qui s'était axée directement sur Minitel, ils sont en train de changer complètement leur façon de faire pour s'adapter aux nouvelles technologies – on se rend compte que, dans le fond, il s'est posé beaucoup de gestes au Québec, au Canada, aux États-Unis et ailleurs qui ont donné certains résultats mais qu'on a été obligés de corriger pour s'ajuster à nouveau.

Donc, lorsqu'on dit que le Québec est en retard, moi, je dis que non. Je dirais même que tous ces essais-erreurs qui ont été faits nous permettent d'être encore peut-être beaucoup plus efficaces pour répondre aux grands défis qui nous attendent prochainement. Et ça ne se fera pas tout seul, ça va se faire avec le gouvernement du Québec et avec tous nos partenaires.

Je suis convaincu que Mme la députée de La Pinière va nous appuyer dans cette démarche-là qui est fondamentale parce que, si elle a demandé à avoir une interpellation, c'est parce que, pour elle, c'est un secteur qui est majeur et j'ai été content de voir qu'elle avait étudié des mesures de nos politiques – je comprends le rôle de l'opposition qui les critique parce qu'elle veut les bonifier – et je suis sûr que, par son expertise, elle va nous apporter d'autres mesures. Donc, elle nous appuiera prochainement et dans la politique de mon collègue délégué à l'Autoroute de l'information, M. Cliche, et dans tout ce que le gouvernement fera dans les prochaines années. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci beaucoup, M. le ministre. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant, en conclusion, la parole à Mme la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je voudrais qu'on arrive à terme de cette interpellation. Et je constate malheureusement que le gouvernement, quelle que soit la personne qui remplace le premier ministre que j'interpelle, à chaque fois elle tient le même discours, année après année.

M. le Président, pourquoi j'ai interpellé le premier ministre? Pourquoi je n'ai pas interpellé le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce? Pourquoi je n'ai pas interpellé le ministre délégué à l'Autoroute de l'information? C'est parce que je voulais marquer l'importance de ce dossier. Parce que, ailleurs dans le monde, y compris aux États-Unis, c'est le président américain qui pilote ce dossier-là. C'est le président américain qui a lancé, à la Maison blanche, la politique-cadre du commerce électronique.

Ici, M. le Président, au Québec, on tient des discours flamboyants, mais, quand vient le temps de joindre les décisions et les actions, bien, on se ramasse avec des ministres sans beaucoup de pouvoir, sans beaucoup d'influence pour porter des dossiers aussi importants, aussi majeurs, qui engagent l'ensemble des Québécois et l'avenir du Québec. Je le déplore, M. le Président. C'est un gouvernement qui n'a rien compris des défis du commerce électronique et des enjeux qu'il pose à notre société. À preuve, M. le Président, le discours du ministre délégué à l'Industrie et au Commerce. Il dit: Je vais lancer un plan d'action.

Chaque ministre va lancer son petit plan d'action, alors qu'on parle ici non pas d'intégrer le commerce électronique dans l'économie, mais d'utiliser le commerce électronique comme moteur de l'économie. C'est toute une philosophie qui est derrière ce que je suis en train de dire à ce gouvernement qui n'arrive pas à comprendre que les enjeux sont majeurs, que le TGV est en train de nous passer sous le nez puis qu'on n'est pas capable de le rattraper. D'abord, parce que depuis 1994 que ce gouvernement qui refuse de répondre de sa propre gestion traîne de la patte. Et, dans ce domaine, chaque mois qui passe, chaque semaine qui passe, c'est un retard considérable pour le Québec. Parce que, pendant ce mois et pendant cette semaine, les autres avancent à pas de géant.

C'est toute une culture, M. le Président, qu'il faut changer dans ce gouvernement. Le commerce électronique, ce n'est pas un secteur économique en soi, c'est un moteur qui va révolutionner l'ensemble de l'économie. Si on n'a pas compris ça, M. le Président, on va tout le temps entendre les discours réductionnistes que le ministre de l'Industrie et du Commerce est venu nous tenir aujourd'hui, que son collègue le ministre délégué à l'Autoroute de l'information nous a tenus en mars 1999. Pourquoi? Parce qu'on ne veut pas comprendre et parce qu'on pense qu'on a pris toutes les mesures.

Alors, finalement, la table est là, elle est vide. Les vraies décisions ne sont pas prises, parce que le jour où ces décisions-là seront prises, ça sera le jour où le premier ministre du Québec va créer au sein de son Conseil exécutif des instances décisionnelles pour porter le ballon dans le commerce électronique. Et cette volonté politique là n'est pas là, et cette prise de décision se fait attendre.

Le ministre dit que l'opposition critique le retard du Québec et que ce n'est peut-être pas correct, les chiffres qu'on a lancés. Permettez-moi de citer Joëlle Noreau, conseillère économique du Mouvement Desjardins. Ce n'est pas un mouvement dont les allégeances sont très proches du Parti libéral du Québec. Elle affirme dans un article sur le commerce électronique, paru dans les Études économiques de décembre 1999, et je cite: «Le verdict posé à l'heure actuelle sur l'avancement du Québec est décevant – c'est le Mouvement Desjardins qui dit ça – nous sommes en retard au niveau nord-américain d'environ deux ans, du moins en ce qui a trait à la portion achats en ligne par les consommateurs. À l'heure actuelle, on estime à plus de 60 % la part des achats en ligne faite par les Québécois sur des sites américains.»

Savez-vous ce que ça représente, ça, M. le Président? Ça veut dire que nos entreprises à nous sont en train de perdre du terrain parce que 60 % de ceux qui pratiquent l'achat en ligne achètent des produits aux États-Unis et à l'extérieur. Et donc, dans ce domaine éminemment compétitif où il y a des stratégies de marketing électronique extrêmement efficaces, nos propres consommateurs sont en train de se faire fidéliser pour consommer à l'extérieur du Québec. Ça, c'est dévastateur pour le ministre de l'Industrie et du Commerce et pour ce gouvernement qui ne comprend pas les véritables enjeux.

Une enquête par le Centre francophone d'informatisation des organisations, le fameux CEFRIO, conclut que les entreprises québécoises de commerce de détail sont sous-informatisées: 93 % des établissements sont informatisés, mais seulement 40 % d'entre eux sont branchés sur le net, à peine 24 % ont une présence sur le Web et un maigre 9,3 % ont embauché des techniciens ou des spécialistes d'Internet. C'est publié dans La Presse du 26 janvier 2000. C'est une donnée très récente. À ces enjeux majeurs, à ces défis majeurs, le gouvernement répond par des petites mesures sectorielles comme celles qui ont été annoncées dans le budget.

Le branchement des familles. En soi l'idée est noble, mais, lorsqu'on la regarde de façon précise, on constate qu'il faudrait avoir des attestations de la RRQ, que les fournisseurs, il faut s'adresser au ministère de l'Industrie et du Commerce. On est en train de développer un lien de dépendance du citoyen vis-à-vis de l'État, alors que le propre d'Internet, c'est justement d'éclater les frontières et de transiger en réseau. Un citoyen peut transiger du Québec partout dans le monde, et ce gouvernement continue encore à le garder coincé et prisonnier d'une approche bureaucratique, parce qu'il n'a pas encore compris la logique même de ce que c'est que le commerce électronique.

La liste des fournisseurs. Ils vont être sélectionnés comment, ces fournisseurs? Est-ce que cette mesure-là ne va pas justement favoriser les fournisseurs? Est-ce qu'on ne va pas passer des équipements qui sont désuets à des gens qui en sont peut-être à leur premier contact avec les technologies de l'information? Il y a des questions très sérieuses qui se posent, et le ministre, au lieu de dire que ça va bien dans le meilleur des mondes, doit réaliser que le Québec est en retard et qu'on n'est surtout pas parti, de la façon dont ce gouvernement s'est engagé, pour rattraper ce retard.

J'ai commencé, M. le Président, mon interpellation en vous citant l'exemple de l'Irlande. Vous me permettrez de terminer sur le cas de l'Irlande parce que c'est un cas assez précis, un petit pays qui s'est pris en main, qui a compris que le commerce électronique, c'est la dynamo qui va pouvoir relancer l'économie de ce pays-là. Et ils ont, le gouvernement, pas l'entreprise privée, le gouvernement a décidé de prendre ce virage: mise sur pied d'une commission de la société d'information. Signal clair: l'Irlande entre dans l'ère de la société de l'information.

(12 heures)

Avec ça, M. le Président, découle un ensemble de mesures, de lieux de décision, de concertation. Non seulement cette Commission, M. le Président, voit à ce que le TGV du commerce électronique prenne la route et rapidement, mais, en même temps, on a établi l'initiative de gestion stratégique.

C'est des idées que je peux donner au ministre parce que, nous, on est une opposition constructive. Et, dans ce dossier, M. le Président, je veux aider le gouvernement à prendre le virage du commerce électronique parce que c'est un enjeu majeur pour la société québécoise. L'initiative de gestion stratégique oeuvre à la modernisation de l'appareil de l'État en se basant sur les technologies de l'information.

On y est, c'est le «E-Government», le gouvernement électronique. Ici, le gouvernement, non seulement il se modernise, mais il donne l'exemple et agit comme modèle à suivre pour l'ensemble de la société, pour l'ensemble des entreprises. Cette initiative de gestion stratégique dont les objectifs ont été définis en 1994 a publié une stratégie pour un meilleur gouvernement. On ne parle pas d'un plan d'action pour l'industrie et commerce, un plan d'action pour la santé, un plan d'action pour les revenus, on parle de gouvernement. Et c'est ce que, M. le Président, le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce n'a pas compris et il n'est pas en mesure de comprendre, à analyser le discours qu'il nous a pris aujourd'hui.

Qu'est-ce que le gouvernement de l'Irlande a fait? A publié Partnership 2000 , M. le Président, pour se lancer dans la voie véritablement de l'Internet à l'échelle mondiale. Ils ont également mis sur pied des agences d'appui aux entreprises qui impliquent le partenariat entre le privé et le public.

Nous y sommes, nous sommes dans la société de l'information et le Québec, malheureusement, est dramatiquement en retard, un retard qui va se faire sentir beaucoup sur l'économie du Québec, sur les générations futures. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Labbé): Alors, Mme la députée de La Pinière, je vous remercie beaucoup, M. le ministre, mes collègues et députés ainsi que tous les collaborateurs des deux côtés de la Chambre qui ont participé à cette interpellation. Alors, compte tenu que le mandat est maintenant accompli comme tel, j'ajourne sine die les travaux et je vous remercie de votre collaboration. Bonne journée, tout le monde!

(Fin de la séance à 12 h 3)


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