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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 5 septembre 2000 - Vol. 36 N° 74

Consultations particulières sur le rapport sur l'application des articles 2 et 14 de la Loi modifiant le Code du travail


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Table des matières

Journal des débats

heures trente-deux minutes)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je déclare donc la séance de la commission ouverte, vous rappelant que nous sommes réunis pour procéder à des consultations particulières et tenir des audiences publiques concernant le rapport sur l'application des articles 2 et 14 de la Loi modifiant le Code du travail, Chapitre 6 des lois du Québec de 1994.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, Mme la Présidente, il n'y a pas de remplacements.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord, je vous remercie. Alors, comme je le mentionnais, nous avons donc aujourd'hui des consultation particulières.

Ce matin, nous rencontrons le Conseil du patronat du Québec et, après, la Chambre de commerce du Québec. Nous poursuivrons cet après-midi avec la CSN et avec la CSD.

Alors, je serais donc rendue à la période des remarques préliminaires. Mme la ministre, est-ce qu'il y a des remarques préliminaires?

Remarques préliminaires

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Oui, Mme la Présidente. D'abord, je vous salue. Je salue également les membres de la commission. Je sais que vous avez déjà commencé à travailler, il y a quelques semaines. Mais c'est, quant à moi, ma première présence parmi vous et j'ai bien l'impression qu'on va beaucoup se voir cette année.

Alors, je voudrais d'abord rappeler le contexte de la consultation d'aujourd'hui sur la durée des conventions collectives. Je vous rappelle que, le 11 mai 1994, l'Assemblée nationale a adopté des modifications au Code du travail, des modifications qui prévoyaient le déplafonnement de la durée des conventions collectives qui, jusqu'à ce moment, on se le rappellera, devaient avoir une durée maximale de trois ans.

À ce moment, le législateur avait prévu une disposition qui exigeait le dépôt d'un rapport devant l'Assemblée nationale. Nous voici donc réunis, aujourd'hui, pour examiner ce rapport qui a été déposé en mai dernier à l'Assemblée.

Je me permettrai un bref retour sur le contexte légal et historique qui a entouré l'élaboration de ces modifications en 1994 et je ressortirai les principales conclusions de ce rapport d'application, de ces modification.

Donc, avant le 1er mai 1994, l'article 65 du Code du travail québécois fixait la durée maximale des convention collectives à trois ans. Depuis cette date, seules les premières conventions collectives qui sont d'une durée d'un an et les conventions conclues dans le secteur public et parapublic, à l'exception de celles des universités, continuent d'être sujettes à la limite de trois ans.

Ces modifications, en gros, elles se résument comme suit. D'abord, toute convention collective doit toujours continuer d'avoir une durée minimale de un an. Depuis mai 1994, la première convention collective d'un groupe de salariés ne peut excéder une durée de trois ans; donc, c'est le cas pour une première convention collective. Depuis mai 1994 donc, les conventions collectives renouvelées peuvent excéder une durée de trois ans. Et lorsqu'une convention collective a une durée supérieure à trois ans, le Code a prévu des périodes légales de maraudage pour le cas où les conventions collectives sont d'une durée plus longue.

Par exemple, pour une convention collective d'une durée de huit ans, il y aura donc deux périodes de maraudage, un maraudage intercalaire débutant cinq ans et six mois après le début de la convention et un autre débutant vers la fin de la convention, c'est-à-dire sept ans et six mois après sa signature.

On sait que le contexte des dernières années fait en sorte que les entreprises québécoises ont été confrontées de plus en plus à la concurrence des marchés locaux et internationaux. Cette situation a entraîné des nouveaux besoins dans le travail, tant au niveau de la flexibilité que de la stabilité des entreprises.

Prenons, par exemple, la nécessité de sécuriser des investissements, surtout lorsqu'ils sont majeurs. Pour répondre à ces nouvelles réalités, les entreprises ont procédé à une réorganisation du travail au sein de leurs organisations, augmentant la participation des travailleurs ou déléguant certaines responsabilités à d'autres niveaux hiérarchiques de leur organisation.

L'introduction de divers changements, faits pour assurer le développement des entreprises, nécessitait l'adhésion des employés à la fois au redressement économique de chaque entreprise concernée et à la transformation substantielle des pratiques en matière de relations de travail dans leur milieu.

Le déplafonnement de la durée des conventions collectives s'est inscrit dans ce contexte. En plus du fait que le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie ? à ce moment, M. Gérald Tremblay ? proposait, au début des années quatre-vingt-dix, une formule de partenariat qui impliquait la mise en place d'un contrat social entre la direction, les employés et le syndicat, contrat qui connaissait les mêmes frontières que la convention collective.

Donc, le déplafonnement découle de certains aspects. D'abord, la pression qui a été faite par différents employeurs qui souhaitaient une plus grande stabilité de leurs activités garantie par une absence de conflit pour une durée supérieure à la limite de trois ans. Par ailleurs, la pratique de certaines parties patronales et syndicales qui contournaient finalement le plafonnement qui était prévu à ce moment à l'article 65 du Code, soit en anticipant le renouvellement d'une convention déjà en vigueur ou soit en concluant à l'avance plusieurs conventions collectives, chacune ayant une durée de trois ans.

Le déplafonnement procède aussi d'une volonté politique de déréglementation, et comme je le signalais tout à l'heure, il procédait aussi de l'émergence de ce concept de contrat social entre les employés et la direction d'une entreprise au sujet de leurs relations de travail.

On sait qu'ailleurs au Canada la plupart des provinces ainsi que dans le Code canadien du travail ne fixent pas de limite à la durée de leurs conventions collectives. D'autres juridictions permettent tout de même un changement d'allégeance syndicale à des moments déterminés pendant la durée du contrat de travail.

Le Québec a donc voulu, tout comme ses législateurs voisins, reconnaître l'importance du droit des salariés de choisir l'association qui les représente, et au besoin, de la changer. Ces amendements s'inscrivent donc dans cette perspective.

Maintenant, sur les conclusions du rapport, vous avez peut-être eu l'occasion déjà d'en prendre connaissance, de ce rapport qui a été déposé en mai dernier ? les données ont été utilisées sur la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1999, de façon à pouvoir observer l'évolution des dossiers avant et après l'adoption des modifications qui ont été apportées au Code du travail en 1994.

Il y a eu quelque 24 000 conventions collectives qui ont été examinées dont on tire donc un certain nombre de conclusions. D'abord, le nombre de conventions collectives de longue durée, entre 1994 et maintenant, a effectivement augmenté rapidement. On a donc passé d'à peu près 70 à quelque 789 en 1999. Il reste que c'est quand même un petit nombre. On pourrait en rediscuter sur l'ensemble des conventions qui ont été conclues.

D'autre part, la durée moyenne des conventions collectives, elle est passée de 31 mois, avant 1994, à 41,9 mois, en 1999. Une autre constatation, c'est que tous les secteurs de l'activité économique du Québec ont des conventions de longue durée et qu'elles ont été ratifiées par des syndicats de toutes tailles et de toutes allégeances. Donc, le phénomène de signature de convention de longue durée s'est donc illustré de manière assez égale, si je peux m'exprimer ainsi, dans l'ensemble des secteurs d'activité.

Une autre conclusion qui est tout de même assez importante concerne le fait que le taux moyen de croissance annuelle des salaires qui ont été négociés dans le cadre de conventions collectives de longue durée est supérieur à celui de l'ensemble des conventions collectives. Alors ça, vous retrouvez des informations dans les tableaux qui apparaissent à la fin du rapport à ce sujet-là.

Une dernière conclusion concerne le fait qu'on n'a pas observé de réduction du nombre de requête d'accréditation. Certains représentants notamment syndicaux craignaient qu'il y ait une effervescence assez importante en termes de maraudage et de demandes d'accréditation. Or, ça n'a pas été constaté.

n(9 h 40)n

Je conclurais simplement en disant que cette première analyse, donc, sur une période de 10 ans mais sur cinq ans d'application de la loi, tend à démontrer que les modifications qui ont été apportées en 1994 ont répondu à plusieurs attentes patronales dans le sens d'une plus grande paix industrielle, d'une plus grande stabilité des opérations, d'une capacité de prévoir à long terme, un meilleur contrôle des coûts de la main-d'oeuvre, sans nécessairement conduire ou produire des effets indésirables qui avaient été appréhendés à ce moment-là, notamment par les syndicats.

Par exemple, on craignait une certaine rigidité de ces conventions de longue durée. On craignait l'absence de clauses pour résoudre les impasses en cours d'application d'une convention collective.

Évidemment, la période couverte par le rapport est relativement courte mais ça nous permet tout de même de conclure sur des effets positifs de l'instauration des conventions de longue durée, surtout que la plupart d'entre elles n'ont pas encore, à toutes fins utiles, été renouvelées. On est encore dans la vie de ces conventions de longue durée.

Donc, je pense que c'est clair qu'il faut continuer de suivre. C'est l'engagement aussi du ministère du Travail: l'évolution de ce dossier pour une période un peu plus longue.

Je soumets donc ce rapport à la consultation. J'aimerais donc entendre les observations de mes collègues parlementaires mais également des gens qui ont accepté de venir nous rencontrer, et j'espère que nous trouverons toujours... Nous allons poursuivre ensemble l'objectif d'un juste équilibre dans les rapports entre les travailleurs et les employeurs, tout en répondant au défit de l'économie québécoise. Donc, je nous souhaite une excellente séance.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Mme la ministre. Alors, M. le député de LaFontaine, pour vos remarques préliminaires.

M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Oui. Alors, merci, Mme la Présidente. Moi aussi, j'aimerais saluer mes collègues qui sont, ce matin, ici avec nous. On sait que ce n'est pas seulement de ce matin qu'ils sont ici, parce que la commission de l'économie et du travail siège depuis déjà quelques semaines et certains d'entre vous ont eu l'occasion d'y participer. Je tiens aussi à saluer, bien sûr, Mme la ministre...

Mme Lemieux: On s'était ennuyé.

M. Gobé: ... dont je me suis ennuyé en effet. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: Même, j'ai essayé de la suivre par médias interposés et de voir un peu si on pouvait lui venir en aide, par médias interposés aussi, et vous aussi, Mme la Présidente, j'ai le plaisir de vous saluer ainsi que, bien sûr, le personnel de la commission et les collaborateurs qui nous accompagnent de parts et d'autres, soit de notre côté, l'opposition libérale et, bien sûr, du gouvernement. Alors, à tous, je souhaite, bien sûr, une bonne reprise des travaux, et j'espère que, d'ici Noël, nous aurons l'occasion, comme Mme la ministre semblait vouloir le dire, d'avoir de nombreux débats et je souhaite qu'ils soient très fructueux, ceci dans le meilleur intérêt des Québécois et des Québécoises, bien sûr; car, sans cela, à quoi servirait de faire des débats si ce n'était juste pour en faire pour nous.

Alors, je vais donc maintenant vous donner quelques commentaires sur ce rapport que nous devons regarder aujourd'hui et étudier. Je rappellerai tout d'abord que c'est un amendement au Code du travail qui a été fait par l'ancien ministre du Travail, M. Serge Marcil, dans le début de l'année 1994.

La ministre l'a dit à juste titre, c'était suite à une perception, une vision de l'organisation du travail et ses rapports dans la marche des entreprises et dans l'économie qui venaient du ministre Gérald Tremblay, ministre de l'Industrie et du Commerce, à cette époque-là, et nous avions donc modifié le Code du travail.

On se rend compte qu'il y a eu beaucoup de progression en ce qui concerne le nombre de conventions collectives de longue durée qui ont été signées. On se rend compte que les entreprises y ont eu recours d'une manière importante.

Par contre, c'est seulement quelques années, on a pour seulement depuis 1995 à 1999, on va dire, à peu près quatre ans d'études de ce qui s'est passé, et peut-être devrons-nous regarder encore quelques années quel va être l'intérêt de ces modifications. Est-ce que nous devrons continuer comme cela? Est-ce que nous devrons changer et peut-être même, faire en sorte, comme Mme la ministre mentionnait, le Code du travail du Canada qui ne met pas de durée limitée pour les conventions collectives dans le temps... C'est peut-être des choses que nous devrons regarder.

Il y a aussi, bien sûr, tout le côté recrutement ou maraudage syndical. On se rappellera que, à l'époque, entre autres la CSN avait porté à l'attention des Nations unies, en particulier du Bureau international du travail, le fait que penser que les droits des travailleurs pouvaient être aliénés ou du moins mis en danger avec cette loi-là. Alors, il nous sera intéressant peut-être de voir avec les gens de la CSN qu'est-ce qu'ils pensent de cette application. Depuis ce temps-là, on sait que leur cause avait été, à l'époque, rejetée par le Bureau international du travail. Alors, ce sera des discussions intéressantes.

Parce que, pour nous, les parlementaires, lorsque nous votons sur des lois, lorsque nous les amenons, lorsque la ministre les amène, lorsque les députés votent, les gens nous font beaucoup de recommandations, et on n'a pas toujours l'occasion de pouvoir, quelques années plus tard, constater l'effet ? positif et négatif ? que ces lois ont pu apporter à la situation qui prévalait à l'époque où les gens faisaient les recommandations.

Et là, bien, nous avons la chance de pouvoir le faire, et c'est, peut-être aussi, un atout supplémentaire, un levier supplémentaire dans les mains des députés que de pouvoir regarder et étudier, analyser les lois ? leur application, du moins ? après quelques années.

Ça fait plusieurs fois que nous le faisons ici, nous l'avons fait sur, entre autres, les changements qui faisaient en sorte de modifier la loi avec l'arbitrage entre les policiers, les pompiers et les municipalités. Ça a été un peu le même genre de travail que nous faisons là. Et il est souhaitable que nous prenions comme habitude, nous, les parlementaires, lorsque nous adoptons des projets de loi, de faire en sorte que, lorsqu'ils seront adoptés, il y ait souvent ou presque toujours cette clause qui oblige, après deux, trois, quatre ou cinq ans, cette réétude ou cette, pas réadaptation, mais le fait de revoir un peu ce sur quoi nous avons voté, comment ça a fonctionné et si ça vaut la peine de le conserver ou si nous devons le faire évoluer. Parce que, à quoi servirait de faire des études sur des rapports d'application de loi si c'était juste pour, après qu'on l'ait fait, dire: Bien, voilà, on verra plus tard.

Alors, nous devons avoir, bien sûr, comme objectif de faire en sorte de modifier la loi si elle ne correspond pas exactement à ce que nous voulions. Aussi, bien sûr, on va profiter de cette étude pour voir que si elle n'est plus adaptée au nouveau contexte, qui a évolué depuis, bien, faire en sorte de l'adapter.

Donc, nous avons aujourd'hui un exercice extrêmement intéressant, extrêmement positif, tant pour les membres du gouvernement, les députés ministériels que d'opposition, que pour Mme la ministre, et bien sûr, les représentants patronaux, syndicaux, de travailleurs, qui, eux, bien sûr, attendent peut-être de nous des choses nouvelles ou des correctifs ou des évolutions à cette loi.

Alors, je souhaite à tout le monde d'excellents travaux, et, moi, je suis prêt maintenant à procéder et à entendre ? à votre demande, Mme la Présidente, car c'est vous qui êtes la présidente et je ne voudrais pas me substituer à vous, bien sûr ? les premiers groupes qui vont venir nous parler, nous expliquer leur position. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. le député de LaFontaine. Il n'y a pas d'autres membres de la commission qui désirent faire des remarques préliminaires? Alors, à ce moment-ci, on serait donc prêt à rencontrer le Conseil du patronat, si vous voulez vous approcher.

Alors, M. Taillon, bonjour, bienvenue à cette commission.

Auditions

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Taillon (Gilles): Bonjour, madame.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je sais que vous êtes un habitué, on vous voit à quelques reprises dans les commissions parlementaires. Donc, vous rappeler tout simplement que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et que, par la suite, il y aura une période d'échanges de 20 minutes de chaque côté, des membres de la commission.

Alors, si vous voulez, tout d'abord, nous présenter les gens qui vous accompagnent puis, par la suite, procéder à vos remarques.

M. Taillon (Gilles): Merci, Mme la Présidente. À ma gauche, je suis accompagné de Me Louise Marchand, qui est la directrice des relations du travail au Conseil du patronat; à ma droite, de Me Claude Le Corre, qui est l'associé principal de Le Corre et associés. Me Le Corre est un membre du Conseil et il a signé plusieurs conventions de longue durée; donc, quelqu'un qui connaît bien le domaine.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Taillon, je suis désolé, on a 45 minutes d'échanges et de présentation. Donc, je rectifie: vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire.

M. Taillon (Gilles): Très, très fier, Mme la Présidente, je trouvais que 20 minutes, c'était beaucoup. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Taillon (Gilles): Je vais essayer de m'en tenir à... même être plus bref que 15 minutes, qu'on puisse échanger davantage.

Le Conseil du patronat du Québec veut remercier la commission parlementaire de l'économie et du travail de l'avoir convoqué et de lui donner la possibilité de faire connaître nos principaux commentaires sur le rapport sur l'application des articles 2 et 14 de la Loi modifiant le Code du travail.

n(9 h 50)n

Si on avait à résumer notre prestation par un phrase, je reprendrais un élément de la lecture du rapport ministériel qui dit ? et ce serait, dans le fond, notre grande conclusion ? que les changements apportés au Code en 1996 ont généralement répondu aux attentes patronales sans nécessairement produire les effets indésirables appréhendés par certains syndicats.

On constate, quand on fait la lecture du rapport ? et ce sont là nos principaux commentaires ? d'abord, que l'augmentation du nombre de conventions collectives et la durée ? l'augmentation, la croissance de la durée des conventions ? justifiait sans doute les modifications législatives.

Vous avez reçu notre rapport? Oui?

Une voix: Nous l'avons avec nous.

M. Taillon (Gilles): Donc, parfait. Je vais simplement le résumer. Très bien.

Deuxième constatation. La présence dans tous les secteurs d'activité économique témoigne sans doute de la pertinence d'avoir amendé le Code du travail.

Troisième constatation, le taux de croissance des salaires négociés est supérieur à ceux que l'on retrouve dans les conventions traditionnelles. Donc, les travailleurs bénéficient, avec les conventions de longue durée, d'importants avantages financiers.

Un quatrième élément à souligner, c'est que les rapports collectifs ont aussi bénéficié de ces arrangements à long terme, puisqu'on a assisté à une stabilisation du nombre de conflits. La ministre l'a souligné dans ses commentaires préliminaires: on ne constate aussi aucun effet négatif sur les requêtes en accréditation.

Et finalement, il s'agit de mesures intéressantes pour les parties, puisqu'il faut se rappeler: la liberté de ratifier la signature d'une longue entente demeure le privilège des syndiqués. On est donc en présence, là, de dispositions ouvertes, peut-être même de certains modèles intéressants touchant la réglementation dans les relations du travail.

Bref, les modifications que la Loi modifiant le Code du travail a apportées à l'article 65 du Code pour autoriser les conventions de plus de trois ans ont, quant à nous, réalisé les objectifs que le législateur s'était fixés. Pour mémoire, rappelons en effet qu'à l'époque la volonté gouvernementale était de stimuler un partenariat qui permettait d'assurer une certaine paix industrielle pour que les entreprises québécoise puissent prendre le virage de la nouvelle économie.

Les travailleurs et les patrons devaient enfin en venir à constater leur interdépendance et convenir d'une participation active au maintien des entreprises, pierre d'assise du développement économique et social. Les parties constataient qu'elles étaient liées davantage que par une convention traditionnelle, elles comprenaient qu'elles étaient associées à un processus qui nécessitait un partenariat véritable, un contrat social qui donnerait l'impulsion requise pour accroître la capacité de profits, certes, mais, aussi, qui présageait d'un meilleur avenir pour les emplois en cause.

Nous sommes donc convaincus maintenant, suite au vécu, à partir de ces dispositions, que le législateur a été sage, qu'on est en présence de bonnes dispositions, et compte tenu des avantages qu'on constate dans la réalité ? avantages dont je viens de vous parler ? nous formulons trois recommandations.

D'abord, qu'en lieu et place d'une simple continuation pour deux ou trois ans pour continuer l'évaluation, nous sommes d'avis qu'il faudrait, dès maintenant, consacrer la permanence de ces dispositions. Évidemment, nous ne sommes pas fâchés qu'on nous dise qu'on continue mais on pense que, quand il fait beau, il n'est pas nécessaire d'ouvrir les parapluies, on devrait tout de suite consacrer la permanence de ces dispositions.

Nous pensons, deuxièmement, qu'il serait intéressant, compte tenu qu'il s'agit véritablement de dispositions qui permettent une négociation libre entre les parties ? il n'y a aucune obligation ? qu'on puisse étendre la possibilité de déplafonner la durée des conventions collectives même à la première convention collective.

Troisièmement, nous préconisons un statu quo, donc, aucune modification quant aux règles relatives aux changements d'allégeance. La ministre, dans sa présentation, faisait état de moments définis dans la loi. Nous pensons que ces moments sont opportuns tels que stipulés actuellement.

Bref, donc, nos commentaires sont assez simples: les choses vont bien, ce sont de bonnes dispositions; on est heureux avec ça. Nous sommes positifs, et on dit: Allons encore plus loin, consacrons le caractère permanent de ces dispositions.

Mme la Présidente, je suis à l'intérieur de mon 15 minutes?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Aucun problème, M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Parfait, madame, nous aurons l'occasion d'échanger plus longuement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Alors, M. Taillon, bonjour. Mme Marchand, M. Le Corre, je vous salue.

Je voudrais reprendre un certain nombre d'éléments que vous avez apportés. D'abord, peut-être préciser que... bon, vous dites: Peut-être qu'il est temps de rendre permanentes ces dispositions. Je ne pense pas qu'on soit dans l'esprit de revenir en arrière. Je pense que la mise en garde de ceux qui ont fait cette étude, elle est sage dans le sens où c'est une assez courte période pour évaluer l'effet de ces changements, et aussi, moi, je voudrais bien qu'on observe le moment du renouvellement. Parce qu'on peut supposer ? je n'ai pas les chiffres exacts, mais ? qu'il y a une bonne portion de ces conventions, qui ont été conclues depuis 1994, qui sont encore en vigueur et il faudra faire revoir les faits.

Est-ce qu'on va avoir tendance à renouveler des conventions de longue durée? Oui ou non? Je pense que c'est quelque chose qu'il nous faudra observer. Mais je veux vous rassurer, on n'est pas dans l'esprit de revenir en arrière mais plutôt de faire le point. Parce que ça peut arriver, cette évaluation-là; elle est utile. Il arrive que le législateur prévoit un certain nombre de choses et qu'il y a des effets non prévus, non désirés qui se manifestent. Je ne pense pas que ce soit le cas dans ce cas-ci, mais il faut avoir une prise, quelques années plus tard, pour le corriger mais je ne pense pas que ce soit les situations qu'on a devant nous.

Deux éléments que j'aimerais aborder avec vous ? et ça a été documenté d'ailleurs ? on en a des extraits dans le rapport, notamment une recherche d'une auteure, qui s'appelle Danièle Mayer, qui essayait de faire le lien ? enfin, je le résume, là, très simplement ? le passage entre ce concept de «contrats sociaux» et le déplafonnement des durées de conventions collectives. Ce que je comprends de l'époque où on parlait de contrats sociaux, on incluait dans les contrats sociaux des dimensions plus larges que ce qu'une convention collective habituellement contient. Je ne veux pas faire de raccourci, mais une convention collective, c'est en général assez compartimenté, les heures de travail, etc., alors que l'esprit d'un contrat social était plus dans le sens de favoriser une plus grande participation, une plus grande transparence dans la gestion, programmes de qualité totale, etc.

Et la conclusion de cette auteure, c'est que ces éléments-là ? un peu plus larges ? n'ont pas été finalement repris, peut-être dans certains cas, mais, globalement, ils n'ont pas été repris dans les conventions de longue durée. Alors que ce que je comprends, c'est qu'on espérait un peu le transfert de ces concepts-là dans les conventions de longue durée. Alors, j'aimerais ça, vous entendre là-dessus.

L'autre question que je vous poserais, considérant votre enthousiasme devant les conventions de longue durée, est-ce que vous allez jusqu'à en faire la promotion comme organisation qui représentez toutes sortes d'entreprises plus petites, plus grandes dans plusieurs secteurs? Donc, allez-vous jusqu'à en faire la promotion au sein de vos membres, par exemple?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je suis heureux d'entendre la ministre dire qu'il n'est pas question de retour en arrière. Donc, je pense que c'est intéressant.

Maintenant, écoutez, nous, nous souhaitions, on se disait: Il faut faire l'économie d'un autre débat. L'évaluation est suffisamment concluante pour ne pas reprendre, dans deux ou trois ans, le débat qu'on fait actuellement. On pense que les effets non désirés seraient déjà apparus, et nous pensons donc qu'il pourrait être opportun de procéder rapidement.

Quant aux contrats sociaux, nous ne visons pas, nous ne faisons pas une promotion formelle de ces conventions collectives de longue durée, Mme la ministre; nous laissons nos membres gérer ces aspects eux-mêmes. Donc, on n'intervient pas en faisant une promotion, auprès des entreprises, de la signature de contrats de longue durée.

Quant aux effets du rapport, je ne sais pas si mon collègue Claude a pris connaissance du rapport de Mme Mayer, vous disiez?

Mme Lemieux: Oui, mais enfin, c'est plus à titre d'introduction. Je ne vous demande pas de me prouver que vous l'avez lu. Mais c'est que je veux plus aborder les questions qui ont été soulevées par cette recherche-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Le Corre.

n(10 heures)n

M. Le Corre (Claude): Tout d'abord, la recherche est sur une très courte période. Je crois qu'elle est de mai 1994 à mai 1996.

Mme Lemieux: Oui.

M. Le Corre (Claude): Et la base de la recherche, la donnée sur laquelle on s'appuie pour faire des projections, c'est des conventions collectives de plus de trois ans, signées avant l'entrée en vigueur de l'amendement, c'est-à-dire, à toutes fins pratiques, qu'on avait jugées illégales.

Dans le temps, on essayait de contourner la loi en s'inventant toutes sortes de mécanismes théoriques pour essayer d'avoir l'air d'avoir une convention de six ans alors que n'importe quel juriste aurait dit: C'est illégal en haut de trois ans. Ça obligeait les parties à faire des pirouettes, des inventions et des trucs qu'ils ont gentiment appelés «contrats sociaux» qui n'étaient pas toujours si «social» que ça, qui étaient plutôt face au fait que c'était illégal de faire ce type de contrat-là.

Alors, que l'étude démontre sur une si courte de période que ce genre d'élément ne soit pas apparu par la suite ou soit moins apparu, ça ne me surprend pas nécessairement. Ça dépend desquels, parce que je n'ai pas étudié l'étude. Est-ce qu'il y a moins, par exemple, de parité sur les comités d'entreprises, les comités de relations de travail? J'en doute. Toutes celles que j'ai vues ont continué de perpétuer ça. Je ne pense pas que ça soit significatif. Période trop courte, base: convention illégale, je ne pense pas qu'on puisse tirer de conclusions comme elle en tire.

Mme Lemieux: Est-ce que je peux me permettre une petite sous-question?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Oui, Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. Taillon vous a présenté, M. Le Corre, comme quelqu'un qui a négocié des conventions de longue durée, est-ce que, effectivement, les conventions de longue durée ? comment j'exprimerais ça ? en mènent un peu plus large sur ces idées-là, de participation des employés par exemple, ou si c'est une convention assez classique ? ce n'est péjoratif quand je dis ça ? assez standard qui dure plus longtemps?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Le Corre.

M. Le Corre (Claude): Je pense que, dans la vie de tous les jours des entreprises, quand on a une convention collective, par exemple, de six ans, les parties vont avoir tendance à se revoir plus sur des mécaniques qui existaient déjà et qu'ils utilisaient moins, comme des comités de relations industrielles, comités de bonne entente, peu importe comment on les appelle. Bien, si on a une convention de deux ans, on va peut-être voir le comité trois fois dans les deux ans parce qu'il y a un petit problème, il y a quelque chose qui accroche. Si on a une convention de six ans, les parties vont peut-être davantage se faire une discipline de se rencontrer à des fréquences plus régulières pour éviter que les problèmes grossissent et mettent en péril le choix qu'ils ont fait de faire des six ans ou des 10 ans de convention collective.

Mais la mécanique de base reste la même. On va retrouver les mêmes dispositions dans des vieilles conventions de comités de relations industrielles ou comités de bonne entente qu'on va en trouver dans les nouvelles. C'est juste l'usage, d'après moi. Il y a une pression mise sur les parties d'être obligées de s'entendre plus longtemps, donc de régler davantage à mesure les problèmes. C'est mon impression personnelle. Je n'ai pas de statistiques.

Mme Lemieux: Dernière petite sous-question.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Est-ce que c'est déjà arrivé qu'il y ait une intention exprimée soit par l'employeur, le syndicat ou les deux de vouloir négocier une convention de longue durée et que ça ne fonctionne pas finalement, que les gens se soient rabattus sur une convention de courte durée?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Le Corre.

M. Le Corre (Claude): Oui. Le décideur ultime, c'est le salarié lorsqu'il vote sa convention collective. Il va arriver qu'on va faire des propositions, je ne sais pas, de quatre, cinq ans. Parce que, longue durée, ce n'est pas nécessairement 10, c'est en haut de trois, à toutes fins pratiques, puis j'en ai signé beaucoup de cinq. Où ça ne passera pas cinq, les travailleurs vont être inquiets d'avoir un an quatre et un an cinq puis on va se rabattre sur un trois ou un quatre. Il y a une année qui va se perdre en cours de négo ou en cours de vote. Ça peut arriver. Ça peut arriver à l'inverse aussi. J'ai vu des cas où les syndicats ont fait des propositions de longue durée et c'est le patron qui n'était pas prêt à faire une longue durée. Il n'était pas assez sûr de son avenir comme entreprise pour s'engager pour six ans; il préférait s'engager pour trois ans. J'ai vu ça aussi.

Mme Lemieux: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Le Corre. Alors, si on procède par alternance, je céderais donc la parole au député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Alors, merci, Mme la Présidente. M. Taillon, madame, monsieur. Ça me fait plaisir de vous accueillir ici. C'est la première fois de cette session qui va recommencer. Alors, on vous souhaite aussi à vous bien sûr de venir nous rencontrer le plus souvent possible; que vous jugerez utile, pas forcément le plus souvent possible, je sais que vous avez d'autres choses à faire. Mais vous êtes toujours bienvenus à cette commission.

M. Taillon, en lisant votre mémoire, on se rend compte que, et en vous écoutant aussi bien sûr, le Conseil du patronat, par votre bouche, est tout à fait heureux de l'adoption de cette loi-là qui modifiait les articles du Code du travail en 1994 et, si nous vous écoutons, tout est bien et on devrait donc passer à d'autres choses que de rediscuter ou de regarder encore cette loi-là.

Par contre, en même temps, vous nous dites: Bien, écoutez, il faudrait peut-être voir à, entre autres, lors de la première convention collective, élargir ces dispositions afin de permettre que, lorsqu'il y a la première convention collective, elle soit signée aussi pour une période plus longue que trois ans.

Alors, est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qui devrait se faire rapidement? Ou est-ce qu'il ne serait peut-être pas plus sage, je ne sais pas, on est là pour vous écouter, un peu comme le suggère le rapport du ministère, que j'ai ici, que vous avez certainement aussi, eh bien, de regarder si une autre période de deux ans ou trois ans... se donner un délai et de dire: Bon, bien voilà, dans deux, trois ans, est-ce qu'on ne devrait pas peut-être la modifier, la bonifier encore?

Et, moi, tout de suite je vous dirais aussi que nous ne sommes pas, nous, en faveur de reculer, de restreindre à nouveau la durée des conventions collectives existantes. Nous sommes ceux qui avons passé la loi, avec l'aide de l'opposition de l'époque d'ailleurs, qui était le Parti québécois. Donc, il n'est pas question de reculer à ça.

Mais vu que vous voulez la changer ou la faire évoluer, est-ce que vous pensez que c'est mûr maintenant pour faire évoluer ça? On sait qu'il y a des conventions collectives qui sont échues qui n'ont pas été renouvelées durant le temps où l'étude a été faite, mais on n'a pas vu encore les effets. On sait qu'il y a des nouvelles conventions collectives qui ont été signées. Vous voudriez qu'on passe à l'action tout de suite ou...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Taillon.

M. Gobé: Vous ne seriez pas prêts, dans ce cas-là, à prendre un peu plus de délai?

M. Taillon (Gilles): Non. En fait, Mme la Présidente, je répondrai en deux temps. D'abord, je pense que le député de LaFontaine a bien compris: Nous sommes heureux, comme le confirme le rapport ministériel, de l'introduction de ces modifications-là. Nous souhaitons être encore un petit peu libéral en disant: Allons-y donc avec les conventions d'un an, les premières conventions collectives.

M. Gobé: Dans le sens académique du terme, vous parlez, et politique. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Taillon (Gilles): Vous jugerez, M. Gobé.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Et on pense que l'évaluation quant au renouvellement, ça appartient aux parties. Les parties sont en mesure de juger est-ce qu'elles doivent reconduire une longue durée ou signer une convention traditionnelle. On dit donc le législateur pourrait très bien promulguer, ouvrir, rendre ça permanent et dire: Les parties vont être en mesure de juger, les parties elles-mêmes. Et on sait que ? Claude l'a souligné tantôt ? finalement la décision véritable appartient, dans le fond, aux syndiqués qui décident de ratifier ou non la convention ou l'entente de principe convenue.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Alors, bien sûr, c'est un élément auquel nous devons nous attarder et tenir compte, cette recommandation que vous nous faites. Dans un cadre un peu plus général, M. Taillon, on sait que votre organisme est généralement quand même assez spécialisé en relations de travail pour l'entreprise privée, les manufactures, les usines, les entreprises, enfin d'une manière assez large quand même, mais on sait aussi que vous aviez, vous avez peut-être encore, dans votre membership certains organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux. Vous avez des fois à vous intéresser à ces entreprises et à leur administration, à leur gestion des ressources humaines ou du personnel, enfin à différentes choses qui les concernent eux aussi, bien sûr.

Est-ce que, vous, vous pensez qu'il ne serait pas intéressant ou qu'il ne serait pas sage peut-être de faire en sorte ? vu que vous en êtes très satisfaits, de ces dispositions ? d'élargir l'application de ces dispositions du Code du travail aux travailleurs de la fonction publique, municipale aussi bien sûr, actuellement qui sont avec des conventions collectives de trois ans? Est-ce que vous y verriez un intérêt? Est-ce que vous seriez prêt à le suggérer à la commission parlementaire, aux membres, ou à la ministre en tout cas, de voir à peut-être se pencher sur cet aspect de l'application du Code du travail qui ne touche pas à ces travailleurs?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Je vous avoue que nous n'avons pas, Mme la Présidente, réfléchi de façon très, très précise à cette question. Est-ce qu'on doit étendre cela au secteur public, parapublic? Effectivement, nous avons des membres de ces secteurs-là au Conseil du patronat. Nous n'avons pas réfléchi comme tel. Mais, si un parti politique ou un gouvernement avait un programme de ce type-là dans certains secteurs, je pense que ce ne serait pas quelque chose de négatif en soi, c'est peut-être même fort intéressant.

n(10 h 10)n

Du côté municipal, vous le savez, on l'a dit à l'occasion d'autres commissions, on pense qu'on est actuellement plutôt en mode rattrapage. On pense que la situation dans ce secteur-là, compte tenu du fardeau fiscal des contribuables locaux, il y aurait lieu de faire du rattrapage. Peut-être qu'une convention de longue durée, c'est une bonne occasion, en proposant une certaine stabilité dans les conditions de travail, par ailleurs de faire une certaine récupération quant à l'augmentation ou rythme d'augmentation.

Donc, ça pourrait être regardé en l'espèce, dépendamment des secteurs, mais nous n'avons pas d'opinion particulière, formelle en disant: Oui, nous voterions davantage pour un parti qui proposerait ça dans son programme électoral. Mais, si vous le faites de part et d'autre, on regardera ça avec attention, on vous donnera nos commentaires.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Ma question n'était pas posée dans le sens de savoir si vous voteriez plus pour un parti ou l'autre, simplement dans le but de profiter de l'expertise d'un organisme qui s'appelle le Conseil du patronat et qui, comme je le disais, dans son membership a des représentants de la fonction publique ou parapublique.

M. Taillon (Gilles): Je vous dirais, M. Gobé, il ne faut pas l'exclure.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Il ne faut pas l'exclure. Je pense que ça pourrait être intéressant. Il faudrait voir maintenant quels sont les objectifs recherchés par une proposition de convention de longue durée dans ces secteurs-là. Je vous dis: Sans doute que, dans le secteur municipal, il y aurait peut-être là un bon «trade-off», si vous permettez l'expression anglaise, avec les syndicats, compte tenu de la situation, que l'on connaît davantage, souvent démesurée des conditions de travail dans ce secteur-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Là, vous nous ouvrez la porte, pas la porte mais vous faites une petite parenthèse qui peut-être m'amène à poser la question suivante: Est-ce que ça ne pourrait pas faire l'objet justement d'un réaménagement des relations de travail au niveau municipal, lorsqu'on parle de changer, de modifier l'article 45 sur la sous-traitance? Est-ce que le fait d'avoir des contrats collectifs de longue durée avec les travailleurs pourrait faire en sorte de sécuriser une situation et donner plus de latitude à ce moment-là pour avoir recours à des activités à l'extérieur des services donnés actuellement ou à l'extérieur de la municipalité? En d'autres termes, est-ce qu'on ne pourrait pas profiter justement de ces modifications qu'on veut faire au Code du travail sur l'article 45?

Si je me fie à ce que Mme la ministre disait, à ce que le vice-premier ministre M. Landry disait il y a quelques semaines dans un quotidien montréalais où il mentionnait qu'en effet on était pour modifier l'article 45 en ce qui concerne la sous-traitance... Et c'est le programme de notre parti aussi à nous d'ailleurs. Nous voulons le faire. Alors, est-ce qu'il ne serait pas sage à ce moment-là de profiter de cette période, qui va arriver probablement à l'automne, pour faire ces modifications et faire en sorte... Vous parlez de «trade-off», je ne sais pas si ça serait un «trade», mais au moins pour faire ces ajustements ou ces réaménagements.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Je vous dirais que les modifications au Code du travail, c'est une chose, et je pense qu'il ne faudrait pas les lier aux conventions de longue durée. Je pense que c'est une chose. Je vous dirais: Une convention de longue durée, ça touche le contenu de la convention collective et du contrat qu'on veut négocier. Alors, je pense que c'est là-dessus qu'il faudrait faire le débat. Mais nous avons bien hâte de revenir vous parler de 45. Ça, Mme la ministre le sait et vous le savez.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Par alternance, je donnerais maintenant la parole au député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci, Mme la Présidente. Bonjour. M. Taillon, dans votre conclusion tantôt ? je vais prendre quelques lignes de votre conclusion ? vous me dites que la réponse est bonne, que l'incidence sur l'amélioration du climat général des relations de travail au Québec, c'est excellent, puis une des conséquences, c'est d'accroître le facteur des motivations des travailleurs et de renforcement du sentiment de participation aux activités de l'entreprise. Ça, c'est tout du positif.

Vous dites que tout ça, c'est concluant «en matière de productivité accrue et génèrent l'instauration d'un processus de dialogue plus soutenu ? la négociation continue, les mécanismes permanents de résolution de conflits.» En ce sens-là, dans le dernier petit bout concernant la négociation continue, avez-vous des statistiques concernant le mécanisme de négociation continue dans les différentes négociations, dans les différents contrats qui ont été faits depuis mai 1994? Est-ce que c'est d'une façon constante ou... Combien de nouvelles conventions collectives où on retrouve des mécanismes de négociation continue?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Oui, je vais demander à Me Marchand, qui a préparé le rapport.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Marchand.

Mme Marchand (Louise): Bonjour, madame. Nous n'avons pas de statistiques précises. Sauf qu'on se rend compte, à la faveur des conversations que nous avons tant avec les représentants des employeurs, qui sont les procureurs, les employeurs eux-mêmes, que ces mécanismes tendent à s'instaurer de plus en plus dans les entreprises. J'en veux pour preuve, d'ailleurs, un colloque qui a été organisé en collaboration avec le ministère du Travail, au mois de février l'année dernière, sur les nouvelles pratiques de relations du travail ? où Mme la ministre d'ailleurs était présente ? où on a constaté qu'il y a de plus en plus de ces expériences qui se vivent. Puis ça va de soi, parce que, comme le disait Me Le Corre tout à l'heure, dans la mesure où les parties se sont installé un cadre pour plus longtemps, il faut que ces mécanismes-là s'instaurent à l'intérieur de l'entreprise pour pouvoir se parler puis résoudre les conflits au fur et à mesure qu'ils se présentent.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Oui, dans le même ordre d'idées, c'est intéressant d'entendre que les gens se parlent plus et puis négocient. Mais, dans le même ordre d'idées, au niveau des ressources humaines, avez-vous des comités sur la formation, entre autres professionnelle, dans différentes entreprises, des plans de développement au niveau des ressources humaines, puis y a-tu de l'argent investi là-dedans?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Marchand.

Mme Marchand (Louise): Je pense que de plus en plus, dans les entreprises, on constate qu'au niveau de la formation professionnelle, oui, il y a de plus en plus de travail qui s'est fait; les statistiques, ça, à cet égard-là, le démontrent. Du côté du Conseil comme organisation, nous ne pilotons pas de ce genre de projet, non.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, Mme Marchand. J'ai Mme la ministre qui voulait apporter une précision, avant de donner la parole au député de Gaspé. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Juste préciser que les municipalités ne sont pas exclues de ces dispositions-là. Elles peuvent conclure donc des conventions de durée plus longue que trois ans. Et d'ailleurs, dans le rapport, je vous réfère au tableau 6, sur la période de 1990 à 1999, il y en aurait eu 285, conventions de plus de 36 mois. Évidemment, là-dessus, on peut supposer qu'il y a probablement une certaine portion où il s'agissait de renouvellements, mais, considérant qu'il y a quelque 800 municipalités avec la présence de syndicats, c'est quand même un phénomène qui n'est pas marginal, là. Alors, je voulais juste apporter cette précision-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, Mme la ministre. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il reste six minutes, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Ça va être relativement bref. J'ai lu votre mémoire, ce matin, que vous avez déposé, et je note que vous êtes, comme mon collègue de Maskinongé, très favorable au maintien du déplafonnement de même qu'au maintien aussi des autres modalités qui encadrent les périodes de maraudage et le changement d'allégeance, pour assurer une certaine sécurité syndicale et aussi pour l'entreprise, dans le fond, au niveau de son développement.

Par ailleurs, à la page 4, j'essaie de comprendre l'insertion que vous avez faite dans votre mémoire à l'effet que, dans ce contexte, vous vous interrogiez davantage ? ça, c'est au quatrième paragraphe ?  «sur les mécanismes de démocratie syndicale que sur les risques de dérapage en matière de protection de la liberté syndicale.» J'essaie de comprendre à quoi vous rattachez tout ça dans le contexte des conventions de longue durée.

Dans le mémoire, vous faites l'éloge, dans le fond, de cette nouvelle façon de faire, ce partenariat qui se développe, la philosophie qui peut régner à l'intérieur de l'entreprise au niveau tant du côté des propriétaires de l'entreprise que du côté syndical qui ont négocié la convention collective d'une telle durée. Donc, comment ça s'insère dans ce contexte-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Alors, une remarque, d'abord, générale à la question du député, c'est que nous pensons que les pires calamités, vous avez raison, envisagées par les opposants à l'époque ne se sont pas produites. Donc, on pense qu'il faut aller de l'avant, ça va bien. Quant à cette petite remarque sur la démocratie syndicale, je vais demander à ma collègue, Me Marchand.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, alors, Mme Marchand.

Mme Marchand (Louise): Bon. Alors, écoutez, c'est qu'il y avait eu, au moment de l'avènement de la loi, une crainte manifestée par une centrale syndicale ? qui s'est même rendue au Bureau international du travail, vous vous rappellerez ? quant à la possible entrave que constituaient ces modifications à la liberté syndicale. Alors, à la lumière du rapport et de l'évaluation qu'en a fait donc le Bureau international du travail, il est apparu de façon assez évidente que la liberté syndicale n'était pas en cause. Alors, c'est dans cette perspective-là.

n(10 h 20)n

Nous, on s'est interrogés, par ailleurs, en se disant: Il y a peut-être plus à craindre globalement dans les rapports collectifs au titre de la démocratie syndicale qu'au titre de la liberté syndicale et, là-dessus, bon, vous savez que, évidemment ? même si aujourd'hui on n'est pas là pour ça ? tout étant quand même interrelié, dans le cadre de la réforme du Code du travail, on a mis sur la table un certain nombre de propositions, notamment de scrutin de représentation obligatoire. Alors, c'est dans cette perspective-là, M. le député, que nous avions fait le lien.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): C'est un petit clin d'oeil pour préparer notre prochaine visite.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Gaspé, d'autres questions?

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente, ça va.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va? Alors...

M. Lelièvre: Je voulais juste de comprendre le contexte dans lequel ça avait été inscrit.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Alors, Mme la Présidente, moi, en ce qui me concerne, je pense qu'on a pas mal fait le tour de la question. Les collègues ont posé les questions que peut-être j'aurais pu être amené à poser si elles n'avaient pas été posées mais, vu qu'ils l'ont fait, donc il me fait plaisir de remercier le Conseil du patronat d'avoir bien voulu répondre à nos questions et vous dire qu'on a pris, nous, comme opposition, bonne note de leurs commentaires et verrons à tenir compte de leur mémoire au mérite lors d'analyses ou d'études ultérieures au sein de notre aile parlementaire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Taillon, Mme Marchand, M. Le Corre, merci de votre participation à cette commission.

Je suspends donc les travaux pour quelques instants, le temps de donner la place à l'autre groupe.

(Suspension de la séance à 10 h 22)

 

(Reprise à 10 h 23)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, la commission va donc reprendre ses travaux. Je salue donc les représentants de la Chambre de commerce qui sont avec nous ce matin. Alors, j'aimerais bien que le responsable puisse se présenter et nous présenter les personnes qui l'accompagnent, vous rappeler que vous avez 15 minutes de présentation et que par la suite il y a 30 minutes d'échanges avec les parlementaires.

Chambre de commerce du Québec (CCQ)

M. Audet (Michel): Alors, merci, Mme la Présidente. Je me présente: Je suis Michel Audet, je suis président et directeur général de la Chambre de commerce du Québec. M'accompagnent aujourd'hui André Tremblay, à ma gauche: André Tremblay est vice-président du Conseil de la Chambre, il est également un spécialiste dans le domaine des relations de travail, propriétaire d'une entreprise également et travaille pour gagner sa vie à temps partiel chez Cain, Lamarre; à ma droite, un autre avocat ? je suis bien entouré ce matin, Mme la ministre ? André Lavoie, autrefois de l'Ordre des technologues du Québec et qui est maintenant à la Chambre de commerce du Québec comme conseiller juridique.

Alors, il me fait plaisir de venir ce matin saisir cette opportunité pour faire connaître notre position sur l'application des dispositions portant sur les conventions collectives de longue durée qui bénéficient déjà à plusieurs de nos 3 500 entreprises qui adhèrent directement à la Chambre et à un bon nombre également des 50 000 entreprises qui sont affiliées à la Chambre par le biais des 200 chambres de commerce locales.

J'écoutais le Conseil du patronat avant, et, sans qu'il n'y ait eu de concertation étroite, nos conclusions, puisqu'on a des membres conjoints, vous remarquerez, se ressemblent beaucoup. Contrairement cependant à la recommandation du ministère qui est de suivre le dossier pendant deux ou trois ans additionnels avant de conclure au maintien et à des modification apportées aux règles visées aux articles 22 et 65 du Code du travail, la Chambre est plutôt d'avis que le gouvernement devrait rendre dès maintenant permanentes les dispositions autorisant les conventions collectives de longue durée et devrait de plus évaluer l'opportunité d'étendre la portée à la première convention collective négociée entre l'employeur et le syndicat nouvellement accrédité, c'est-à-dire d'en faire une matière négociable au fond dès la première convention collective. Plusieurs des arguments invoqués dans le document préparé par le ministère en mars 2000 militent en faveur de telles propositions.

Donc, en premier lieu, les conventions collectives existantes, le renouvellement des conventions collectives de longue durée. En rendant permanentes les dispositions adoptées par le Parlement en 1994, la Chambre de commerce du Québec est d'avis que le Québec ne viendrait que se conformer à ce qui existe dans les autres juridictions. En effet, au moment de l'adoption du projet de loi n° 116, seule la Saskatchewan emboîtait le pas du Québec dans l'interdiction des conventions collectives de longue durée, et encore cette interdiction de la Saskatchewan ne visait strictement que les avis de négociation. La Chambre d'ailleurs prend acte du constat fait par le ministère à l'effet que les modifications apportées au Code en 1994 ont répondu aux attentes patronales sans nécessairement produire les effets indésirables appréhendés par certains syndicats.

En passant, une petite anecdote que je cite tout de suite. Je veux faire part d'un conflit d'intérêts de base: À l'époque, en 1991, donc quand cette idée-là a été lancée, j'étais sous-ministre de l'Industrie et du commerce et donc j'ai été associé à cet projet-là avec le ministre Gérald Tremblay. Alors, je vous le dis tout de suite, la table est mise, donc mon préjugé est connu. Ha, ha, ha!

La présence de plusieurs éléments démontre qu'une culture s'est instaurée dans ce domaine au Québec et que les travailleurs, bien au contraire, ne s'en portent pas moins bien. Au nombre, nous comptons la croissance du nombre de conventions collectives de longue durée ratifiées et déposées au ministère du Travail; la croissance puis la stabilisation subséquente de la durée moyenne des conventions collectives, qui est passée de 31 mois à près de 43 mois en 1998 pour se stabiliser autour de 42 mois; la présence de conventions collectives de longue durée dans tous les secteurs de l'économie ainsi que chez tous les groupes de salariés syndiqués, quelle que soit leur taille; l'augmentation du taux de croissance annuelle moyen des salaires négociés dans le cadre des conventions collectives de longue durée; la signature de nombreuses conventions collectives de longue durée tant par les syndicats affiliés à des centrales syndicales que par des syndicats indépendants; ainsi que la régularité avec laquelle se sont faits les dépôts des requêtes en accréditation au fil des ans. Au fond, le document du ministère ? je le souligne et je le félicite ? est bien fait à cet égard, il nous fournit une information très pertinente pour appuyer ces propositions.

La Chambre constate également que la conjoncture qui a mené à l'adoption de telles mesures, de 1994, n'a pas changé et que les fondements alors invoqués pour justifier une telle législation se sont concrétisés, voire renforcés depuis. En 1993, le Canada et le Québec venaient tout juste d'adhérer à l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique créant ainsi de nouvelles opportunités d'affaires sur l'ensemble du territoire nord américain. Depuis ce temps, le Québec et le Canada reconnaissent le rôle joué par l'Organisation mondiale du commerce dans l'ouverture d'un plus grand nombre de portes aux entreprises québécoises et canadiennes qui veulent exporter à l'étranger.

Alors qu'on constate une croissance plus rapide du commerce mondial entraînant notamment le développement de produits dont les délais de production sont considérablement réduits par rapport au passé, il importe de favoriser la productivité de nos entreprises afin qu'elles puissent être en mesure de demeurer compétitives et faire face à la nouvelle réalité de l'économie mondiale. Selon le ministère de l'Industrie et du Commerce, les exportations biens et services représentaient, en 1997, 56 % du produit intérieur brut ? en passant, c'est un des taux les plus élevés des pays du monde certainement ? par rapport à 43,8 % en 1988, année précédant l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis.

Dans plusieurs secteurs de pointe tels l'aéronautique, la biopharmaceutique, les télécommunications et le multimédia, plusieurs entreprises québécoises sont devenues des fers de lance qui les amènent à mener quotidiennement une bataille féroce avec leurs concurrents. Afin de demeurer compétitives, ces entreprises recherchent, avant tout, les meilleures conditions de productivité.

Dans cette économie du savoir, la mondialisation, les changements technologiques, la diminution des cycles de vie des produits, les environnements virtuels du travail, la mobilité croissante de la main-d'oeuvre, la diversification de la structure industrielle sont autant de variables dont l'impact est significatif sur l'organisation du travail qui justifie ainsi un ajustement du cadre législatif.

Les entreprises doivent aussi faire preuve de créativité pour assainir le climat de travail en donnant plus de responsabilités à leurs salariés et en les encourageant à contribuer à l'effort de productivité. La participation des salariés aux avantages et profits des entreprises, les promesses d'investissement, la mise en place des meilleurs modes de négociation permanente ainsi que la protection et la consolidation des emplois qui en découlent sont autant de facteurs dont il faut tenir compte dans un système de relations de travail moderne.

Compte tenu de tous ces éléments, Mme la ministre, la Chambre de commerce du Québec est d'avis que le gouvernement doit confirmer la permanence des dispositions autorisant les conventions collectives de longue durée, lorsqu'il ne s'agit pas d'une première convention collective évidemment, comme le prévoit la loi actuelle. C'est la moindre des choses. Nous, on croit qu'on doit non seulement prolonger de deux à trois ans, mais carrément les rendre permanentes, ces dispositions. Ce constat étant fait, il faudra s'interroger maintenant sur les manières d'assouplir les règles qui régissent les relations entre les entreprises et les syndicats qui représentent les employés.

n(10 h 30)n

Une des raisons du succès des conventions collectives de longue durée est son caractère facultatif. En effet, souvenons-nous que tout ce qu'on a fait, on a fait une matière négociable. Personne ne force un syndicat et un employeur à signer une telle convention. Ce qui doit motiver les parties à s'engager dans un tel processus, c'est le gain qu'elles peuvent en tirer de part et d'autre, car qui dit stabilité dans les relations de travail dit accroissement de la productivité et donc augmentation des profits et des salaires. Ultimement, c'est donc qu'il en découle une création de richesse qui permet de réinvestir dans l'entreprise créant de nouveaux emplois, de nouveaux marchés et assurant l'innovation et l'amélioration des produits et des procédés.

Pourquoi empêcher alors ? puis au Québec on a une main-d'oeuvre justement qui est bien formée, de qualité ? les représentants de ces travailleurs et des entreprises qui négocient une entente, même une première entente, en toute connaissance de cause de se donner, par une convention collective de longue durée, un cadre de travail plus stable à long terme, qui favorise ainsi les deux parties. Une telle pratique ne viendrait d'ailleurs que confirmer une situation déjà vécue dans plusieurs entreprises québécoises. En effet, alors que le nombre de conventions collectives de trois ans et moins accusait une diminution de l'ordre de 40 % entre 1993 et 1999, le nombre des conventions collectives de trois à cinq ans connaissait une augmentation de 24 % alors que celles de cinq ans et plus augmentaient de près de 17 %. De plus, malgré la crainte véhiculée par certains intervenants du monde syndical qui craignaient en 1994 l'éclosion de syndicats de boutique que les employeurs pourraient emprisonner dans une convention collective de longue durée, une pratique courante s'est instaurée entre les employeurs et les syndicats lors de la négociation de la première convention collective. Cette pratique consiste tout simplement à signer une convention collective d'une durée de trois ans afin de se mettre en règle avec le Code du travail puis de s'entendre sur les termes d'une lettre conjointe d'intention visant à prolonger la convention au-delà du délai permis. On constate alors, donc, que la distinction que fait toujours le Code à l'égard de la première convention collective ne peut servir qu'à décourager l'entreprise qui voudrait investir au Québec et qui chercherait légitimement à stabiliser les relations de travail pour sécuriser son investissement.

L'assouplissement définitif et généralisé du cadre législatif en matière de conventions collectives constituerait pour la Chambre un message clair du gouvernement de Québec aux entreprises et aux salariés à l'effet que, dans le respect des droits des travailleurs, la société québécoise privilégie la stabilité à plus long terme des relations de travail, stabilité qui ne peut qu'avoir des retombées favorables pour tous les intervenants. Alors que le gouvernement préconise un allégement réglementaire, notamment de l'environnement du marché du travail, la Chambre de commerce du Québec est d'avis qu'il serait opportun d'évaluer les tenants et aboutissants d'une modification du Code du travail afin d'élargir le principe, donc, du déplafonnement des conventions collectives de longue durée aux premières conventions collectives négociées entre l'entreprise et le syndicat. La Chambre est également d'avis qu'il est capital, à l'ère où l'organisation du travail est profondément modifiée, notamment par les nouvelles technologies, que le gouvernement lance un message clair aux investisseurs potentiels en cessant de laisser planer le doute sur l'avenir des conventions collectives de longue durée, outils nécessaires à leur stabilité. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Audet. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Alors, M. Audet, M. Tremblay, M. Lavoie, je vous souhaite la bienvenue à cette commission.

D'abord, une première remarque ? je l'ai faite tout à l'heure au Conseil du patronat: Je ne pense pas que nous soyons dans l'esprit de retourner en arrière. C'est vrai que cette évaluation-là de ces amendements de 1994, elle est sur une assez courte période; somme toute, cinq ans, c'est une courte période. Mais l'objectif de cette commission, c'est de faire le point, et, comme il n'y a pas eu d'effets non désirés de manière extrêmement accentuée, je ne pense pas qu'on soit, donc, dans un mode de révision de ces dispositions-là, mais plus de faire le point.

Je voudrais revenir sur l'élément qui ressort beaucoup de votre mémoire, donc cette idée d'étendre ce déplafonnement de conventions collectives aux premières conventions collectives, en vous disant ? et en vous demandant un peu de réagir là-dessus: D'abord, je ne pense pas me tromper en disant ? je n'ai pas de chiffres, mais j'ai quelques spécialistes qui sont tout près de moi ? que des cas où il y a des conventions de longue durée, c'est en général ? il doit bien y avoir quelque exceptions ? des cas où les relations de travail sont établies depuis un bon moment dans une entreprise, où il y a une assez longue tradition de présence syndicale dans une entreprise. Donc, en ce sens-là, il n'y a peut-être pas les conditions de base, dans une entreprise qui est récemment syndiquée, pour pouvoir conclure correctement une convention de longue durée. Je suis aussi pas mal persuadée que le gage de succès... Pour arriver à négocier une convention de longue durée, ça demande une certaine confiance entre les parties, ce n'est pas encore beaucoup dans nos pratiques. Donc, il faut que, l'un et l'autre, on sache que, si on signe pour longtemps, on va être capable de vivre avec ce plus long contrat de travail. Donc, il faut que les gens ? je sais que c'est un mot qu'on utilise beaucoup, mais... ? aient l'habitude de travailler ensemble, d'être des partenaires qui se sont côtoyés, qui ont dédramatisé la présence d'un syndicat, ce qui n'est pas nécessairement le cas lorsqu'une...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Est-ce que c'est possible de fermer l'appareil, s'il vous plaît, le cellulaire?

Mme Lemieux: Et on ne nommera pas le nom de la personne qui a un cellulaire ouvert.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lemieux: Alors donc, ce n'est pas nécessairement le cas. Il faut cette confiance-là, il faut avoir été des partenaires et il faut s'être contaminé l'un et l'autre ? c'est un peu ça, les relations de travail ? il faut s'être acclimaté à la présence d'un syndicat. Donc, il faut un peu de temps pour se lancer dans la négociation d'une convention de longue durée.

Je terminerais un peu aussi en partant de mon expérience. On peut partir de l'expérience de ceux qui font de la médiation, de la conciliation. Mais, de mon expérience de ministre, moi, je vous dis, toutes les semaines, je signe ce qu'on appelle des «arbitrages de première», c'est-à-dire que, en bout de course, on sait que, pour une première convention collective, il peut y avoir l'intervention d'un arbitre. Je n'ai pas les chiffres en tête, c'est quoi, la proportion des premières conventions collectives qui sont finalement déterminées par arbitrage, mais il y a des semaines où j'en signe quatre, cinq et, d'autres semaines, j'en signe une quinzaine. Je veux dire, ça ne se fait pas toujours aisément, la signature d'une première convention collective, et, des fois, les parties réclament un tiers, parce que la bouchée est difficile à avaler. La présence de ce syndicat-là, ce n'est pas tout le monde qui est confortable avec ça, puis il faut un peu de temps.

Alors, vous ne trouvez pas qu'on brusque les choses puis, peut-être, qu'on se met même dans une position d'échec en poussant pour des contrats de longue durée dans le cas d'une première convention? J'aimerais ça, vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Audet.

M. Audet (Michel): Oui. Écoutez, je veux être clair, parce que, évidemment, il faut comprendre qu'il s'agit d'une matière négociable. Donc, les parties, quand elles ont des réticences, qu'il n'y a pas la base de confiance dont vous parlez, c'est évident qu'elles ne signeront pas une convention collective de longue durée.

Mais j'ai en tête, par contre, d'autres cas que j'ai bien connus, dont celui d'un investissement important qui s'était fait au Québec. Au moment de l'investissement, le syndicat avait obtenu son accréditation et, immédiatement, évidemment, s'était lancé dans une période difficile et il avait signé une convention collective de courte durée. Ça avait donné lieu à une grève deux ans plus tard. La compagnie ? une compagnie étrangère asiatique, pour ne pas la nommer ? était extrêmement malheureuse, parce qu'elle n'avait eu le temps d'avoir rien, pratiquement, de sa production, un peu de rodage et tout, et cet investissement-là a abouti à un échec.

Ce que je veux dire, c'est qu'il faut se rendre compte que, parfois, évidemment, dans ce cadre-là, on vit ces soubresauts-là, et ça aurait pu permettre à l'époque, effectivement, au lieu de signer une convention de courte durée, peut-être d'avoir une stabilité à plus long terme. Je ne dis pas que ça aurait sauvé l'investissement, mais c'est l'idée que ça permet une option dans ces cas-là, je parle surtout dans ces cas-là. Si vous mettez plusieurs dizaines ou centaines de millions de dollars dans un projet d'investissement puis, au même moment où vous démarrez votre entreprise, vous avez une syndicalisation ? qui est tout à fait légitime, le Code le permet ? là vous êtes peut-être en mesure de négocier un cadre de stabilité à long terme qui permet de dire à vos bailleurs de fonds: Écoutez, j'ai l'assurance d'avoir un fonctionnement au moins pour cinq ans, donc je vais être capable de faire face à mes obligations. Je ne dis pas que c'est des cas qui se produisent tous les jours, mais je dis que, même dans des cas de premier investissement, ça se produit, ça s'est produit dans un cas de première convention collective. Mais je dis que c'est ouvert, et ça ne serait peut-être pas utilisé beaucoup.

Mais on se disait: Pourquoi cette espèce de crainte? Au fond, est-ce qu'on n'anticipe pas nous-mêmes, est-ce qu'on n'exagère pas, justement, on n'amplifie pas le processus en disant: Il ne faut pas que ça s'applique plus de trois ans dans le cas d'une première convention collective? Au fond, c'est une précaution qui peut-être serait inutile, d'autant plus qu'elle ne serait peut-être pas utilisée. Mais je dis: Pourquoi faire cette distinction? C'est ça, la question. Je demanderais peut-être à André Tremblay, qui a suivi ça...

Mme Lemieux: M. Audet...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Un instant. Alors, Mme la ministre.

M. Audet (Michel): Oui.

Mme Lemieux: ...juste avant que M. Tremblay intervienne, on ne veut pas décortiquer le cas dont vous parlez là, on n'a pas toute l'information. Mais là, vous faites un lien de cause à effet entre la perte de cet investissement et le fait que les relations de travail étaient... qualifions-les de «difficiles». C'est un lien qui est assez fort! Il y a une tonne de raisons pourquoi un investissement peut ne pas marcher: le cours du dollar, l'exportation qui est moins bonne, le produit qui n'est pas bon. Là, vous faites un lien de cause à effet. C'est sérieux, ce que vous dites là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Audet.

n(10 h 40)n

M. Audet (Michel): Ce que je dis, madame, c'est que c'était... C'est sûr qu'il y avait d'autres facteurs, qu'en démarrage d'entreprise c'est difficile. Mais, quand s'ajoute à ça, évidemment ? et c'était avec une convention de très courte durée ? que, juste au moment où elle redémarre, où vous commencez à être en rodage, vous recommencez à négocier... Il faut comprendre que, dans ce cas-là ? enfin, dans le cas qui nous occupe, une compagnie asiatique ? ça n'existe pas, les syndicats, chez eux. Quand il y en a un qui voulait se syndiquer, c'est l'armée qui s'en occupe. Alors, tu sais, ce n'est pas la tradition nord-américaine, on ne conduit pas... Et ça, c'est fréquent. Avec ce qui se passe dans la mondialisation, il faut être conscient qu'il faut que ces gens-là acquièrent une culture, se développent cette culture nord-américaine, et particulièrement québécoise. Si elles ont la chance d'avoir ce qu'on appelait un «contrat de longue durée» ou un «contrat social», là, c'est le genre de chose qu'elles peuvent accepter. Mais l'idée d'être en conflit à tous les deux, trois ans, pour elles, ça leur crée un véritable choc, disons, c'est le moins qu'on puisse dire.

Alors donc, c'est dans cette perspective-là que je l'ouvre, ce n'est pas autrement que... Mais peut-être qu'il y a des cas plus précis où M. Tremblay pourrait donner plus de détails là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tremblay.

M. Tremblay (André): Oui. Mais, écoutez, Mme la ministre, essentiellement, je pense que vous l'avez évoqué, puis M. Audet l'a évoqué aussi, quand des parties signent, dans le cas d'une première convention collective, ou voudraient signer une convention de longue durée, il y a une question de confiance qui est fondamentale. D'ailleurs, dans toute convention collective, mais particulièrement de longue durée, si l'élément confiance n'est pas présent, il n'y aura pas de conventions collectives qui vont se signer.

Donc, l'idée, c'est: Pourquoi ne pas permettre à des parties qui sont responsables, qui sont représentées par des organismes syndicaux structurés, d'évaluer un projet, le projet d'une entreprise à son mérite et dire: Oui, voici: nous autres, on est prêts à faire confiance à ce promoteur-là qui veut investir chez nous, mais qui recherche une certaine stabilité? Et, quand on met plusieurs millions dans une entreprise, vous savez, avant de voir le retour sur l'investissement puis de convaincre un financier qu'on aura un retour sur un investissement, ça prend plus que deux ou trois ans. Le temps que tu construises, que tu rodes puis que tu mettes en opération, parlons d'un cinq ans, minimum, avant que le projet soit intéressant.

Donc, dans un contexte semblable, pourquoi ne pas permettre aux parties, justement, comme disait M. Audet, de dire: Oui, O.K., nous autres, on se fait confiance puis on va de l'avant dans ce projet-là? Et, comme on ne voit pas d'effet pervers actuellement, puis tout le monde constate ? je pense que le document du ministère est assez clair là-dessus ? que c'est un outil supplémentaire, mais qui, finalement, n'a pas bouleversé le monde des relations de travail au Québec, sinon de lui donner un avantage concurrentiel par rapport à ce qui se fait ailleurs, pourquoi s'en priver, de cet outil-là? Finalement, c'est un peu ça, le discours. Parce que moi, j'ai en tête certains projets, oui, qui ont été mis sur pied et auxquels moi, j'ai participé puis pour lesquels, pour l'entrepreneur qui avait à aller expliquer à son banquier qu'il fallait qu'il mette 20 millions dans son entreprise de transformation, c'était important de dire: J'ai une convention collective de cinq ans qui va m'assurer une paix sociale. Cet entrepreneur-là ou tous les entrepreneurs qui signent ça savent très bien qu'à partir du moment où ils ont ça pendant cinq ans ça leur crée une obligation qui est différente que dans l'éventualité où ils ont une convention de courte durée, parce que tu ne peux pas reporter le problème à cinq ans lorsque... Lorsqu'il t'arrive des problèmes du quotidien ? les entreprises, c'est dynamique, là, tous les jours il y a des problèmes ? tu ne peux pas les reporter à l'échéance de la convention pour les négocier, il faut que tu les règles immédiatement. Donc, ça crée une culture de l'entreprise où on permet de régler les problèmes au fur et à mesure qu'ils se présentent, et ça, c'est bénéfique sur le climat de travail de façon générale.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Tremblay. Par alternance, maintenant, je céderais la parole au député de LaFontaine.

M. Gobé: Alors, merci, Mme la Présidente. M. Audet, ça fait plaisir de vous accueillir ici, vous aussi, pour cette reprise de session; M. Lavoie, M. Tremblay, bonjour aussi.

Alors, M. Audet, votre mémoire est limpide, clair, facile à comprendre. Vous trouvez que la disposition législative a atteint son objectif, vous trouvez donc que ce fut une bonne disposition législative. Vous y avez d'ailleurs vous-même participé à titre de sous-ministre, Industrie et Commerce. J'avais mentionné d'ailleurs au départ, dans mes remarques préliminaires, que c'était sous l'inspiration du ministre Gérald Tremblay, à l'époque, que nous avions modifié le Code du travail. Donc, à ce titre-là, on ne peut qu'abonder dans ce sens-là et vous féliciter d'avoir vu, à l'époque, dans cette direction quelque chose de positif pour les entreprises du Québec, pour les travailleurs aussi, bien sûr.

Là, la seule note discordante ? pas discordante, mais le seul bémol ? que vous amenez est celui d'inclure la première négociation dans ce processus, dans le même droit que la deuxième, la troisième ou les autres. À écouter vos arguments, vous m'avez gagné, moi. Moi, je pense que nous, dans l'opposition, on doit être d'accord avec vous.

En effet, il peut y avoir, il doit y avoir, il y a certainement eu des cas où des entreprises qui viennent s'installer ici non seulement ont besoin d'un pacte ou d'une entente financière, que ça soit avec la SGF, la Caisse de dépôt, les ministères pour leur financement sur cinq ans ou sur dix ans. On voit que ça se fait encore, on essaie de le faire, là, avec une entreprise de semi-conducteurs, où on dit: Voilà, sur dix ans ? si ce n'est pas dix ans, vous me reprendrez, mais je pense que c'est dix ans ? on va investir un certain nombre de millions de dollars; on demande au gouvernement fédéral de faire autant, on demande à la SGF d'en faire autant. Et là, l'entreprise, elle, arrive avec un financement basé sur la même période d'années. Donc, ils sont assurés d'avoir leur financement et leur capitalisation à un certain taux et à un certain coût pour cette période-là.

Alors, l'autre inconnue qui peut arriver, bien sûr, c'est l'état des relations de travail. Je ne vois pas pourquoi on ne permettrait pas, justement dans ces cas-là, aux entreprises de faire avec leurs partenaires les travailleurs, avec les syndicats ce que le gouvernement fait avec ces institutions financières, avec ces entreprises-là. Alors, moi, j'en suis, et je pense que c'est l'argument de choc que vous apportez, puis vous l'avez très bien expliqué. Donc, j'encouragerais Mme la ministre à regarder, d'autant plus que vous ne dites pas: Écoutez, il faut le faire tout de suite, vous dites: Il faut regarder la possibilité de le faire. Alors, ça va un peu dans la même veine du Conseil du patronat, qui, lui, ne l'expliquait pas forcément de la même manière que vous, on aurait pu penser que c'était plus technique au niveau des relations de travail dans son cas. Vous, vous avez apporté le côté pratique, la raison pourquoi nous devrions le faire, et je pense que vous ne nous dites pas non plus: Faites-le, sinon ça ne marchera pas, vous dites: Regardez-le.

Alors, je crois que la moindre des choses, ça serait que les parlementaires, eh bien, rapidement, nous regardions ça et que nous demandions au ministère du Travail de se pencher là-dessus, et pas dans deux ou dans trois ans, assez rapidement, parce que les entreprises qui viennent nous voir ou celles que nous allons voir ? que, bien souvent, c'est plus souvent nous qui allons les voir qu'eux viennent nous voir ? pour s'installer ici au Québec, eh bien, peut-être que ça serait un argument supplémentaire pour les attirer. Moi, je peux comprendre qu'on leur offre des aides de 450, 500 millions de dollars, je peux comprendre ça, c'est dans le marché international. Est-ce que c'est justifié ou pas? Ça, c'est d'autres histoires, il y a d'autres spécialistes, députés sur des commissions appropriées, qui peuvent se prononcer là-dessus. Mais, si on est prêt à faire ça avec des montants d'argent de taxes des citoyens aussi importants dans le but d'un développement économique, de créer des emplois, eh bien, je crois qu'on doit être capable d'aller aussi peu loin que de faire en sorte que ces entreprises, donc, puissent signer le même pacte sur cinq ans au minimum en ce qui concerne leurs conditions de travail, les salaires, enfin, tout ce qui a un coût important, qui est peut-être plus important, des fois, que le financement.

Alors, vous ne voulez peut-être pas rajouter là-dessus, je ne sais pas, M. Audet? Tout a été posé comme question, votre rapport est positif. Vous amenez une suggestion très intéressante en ce qui me concerne. Peut-être, si vous voulez rajouter, je vous donne mon temps pour rajouter.

M. Audet (Michel): Oui. Merci, oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Audet.

M. Audet (Michel): Peut-être que je rajouterais un élément. Quand Mme la ministre disait ? avec raison, effectivement ? que, pour une première convention collective, c'est parfois laborieux, et elle doit signer parfois des rapports d'arbitrage, etc., oui, c'est vrai. Mais pourquoi? Moi, je pense qu'une des choses qui pourraient exister dans le cas d'entreprises assez importantes, c'est que la durée deviendrait une matière négociable, et peut-être que vous rajoutez, vous donnez aux parties un instrument de plus pour dire: Écoutez, oui, je suis prêt à regarder ça, mais vous allez me donner la paix pendant un certain nombre d'années pour que... le prix additionnel que je paie, je puisse, moi, avoir en contrepartie, évidemment, une stabilité, en fait, d'opération ? qui est fondamentale aux entreprises. Alors, ça, disons que ça peut même être un argument, peut-être, pour parfois amener les syndicats et les entreprises à signer une première convention collective au lieu de se la faire imposer. Donc, je pense que peut-être que ça pourrait être un élément. Je ne dis pas que ça règle tous les cas, mais, au fond, pourquoi s'enlever cet outil-là? C'est la question qu'on se pose.

M. Gobé: D'autant plus...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

n(10 h 50)n

M. Gobé: Oui, pardon, madame. D'autant plus, M. le président de la Chambre de commerce, qu'après tout nous vivons dans une société de liberté où on reconnaît la primauté de l'individu et sa libre décision, son libre choix de l'organisation dans laquelle il veut vivre, y compris l'organisation du travail. Donc, je ne vois pas qu'une entreprise qui débuterait, qui s'installerait ici imposerait, obligerait des travailleurs à signer une convention collective s'ils ne veulent pas la signer, que ça soit pour un an ou pour cinq ans.

Alors donc, je crois que la règle du jeu étant établie dès le départ que l'entreprise recherche ce genre d'entente là pour s'établir, eh bien, une fois qu'elle serait établie, il ne resterait aux parties qu'à s'entendre et à la mettre en application. On ne dit pas là au gouvernement d'imposer une convention collective de cinq ans à toute nouvelle entreprise, ce n'est pas ça qui est dit. Faisons bien attention de ne pas sombrer dans cette vision-là. Alors, moi, je ne peux faire autrement que d'encourager, encore une fois, les parlementaires à aller là-dedans.

On peut toujours trouver des arguties. Tout le monde, si on se met à disséquer ça, on va trouver toutes sortes de raisons ? parce que, quand on veut trouver des raisons, on est tous capables de le faire ? pour peut-être dire: Oui, mais, attention, aller à l'encontre... Mais moi, je fais confiance aux travailleurs, je fais confiance aux organisations syndicales, je fais confiance aussi aux entrepreneurs, aux grosses entreprises comme aux moins grosses, pour essayer de trouver le meilleur climat possible pour fonctionner. Tout le monde a un intérêt là-dedans: l'entreprise de faire des affaires, le travailleur d'avoir son emploi, d'y être bien traité, d'être bien représenté. Alors, ce n'est pas les travaux forcés, là, ce n'est pas la galère, il n'y a personne qui oblige personne.

Donc, faisons en sorte, nous, comme législateurs, d'apporter cette souplesse qui permet aux gens, à l'intérieur d'un cadre souple, de s'entendre et de prendre des décisions d'adultes, après tout, qui les concernent et de gens responsables.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député de LaFontaine. Alors, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Merci, Mme la Présidente. M. Audet, messieurs, vous avancez, en page 8 de votre mémoire ? j'ai trouvé ça intéressant, mais j'aurais aimé que vous précisiez vos affirmations à l'aide de chiffres ? vous dites: «De plus, malgré la crainte véhiculée par certains intervenants du monde syndical, qui craignaient, en 1994, l'éclosion de syndicats de boutique que les employeurs pourraient confiner dans une convention collective de longue durée, une pratique courante s'est installée entre employeurs et syndicats lors de la négociation de la première convention collective.» Alors, ça, c'est important, parce que la première convention collective n'est pas couverte par la pratique qui consiste à dépasser les trois ans. «Cette pratique consiste simplement à signer une convention collective d'une durée de trois ans afin de se mettre en règle avec le Code du travail puis de s'entendre sur les termes d'une lettre conjointe d'intention visant à prolonger la convention au-delà de ce qui est déjà permis.»

Moi, j'aurais aimé ça que vous appuyiez cette affirmation-là par des données. Combien il y en a par rapport au nombre de premières conventions collectives qui ont été signées ces dernières années? Est-ce que ce sont des données qui pourraient amener la ministre à réviser sa position vis-à-vis les premières conventions collectives ou si c'est insignifiant en termes de nombre pour ce qui est de ceux qui ont signé ce type de documents là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Audet.

M. Audet (Michel): Si vous permettez ? oui ? je vais demander à Me Tremblay d'apporter un complément de réponse. Mais c'est évident qu'on n'a pas l'inventaire, évidemment, du ministère à cet égard. Mais ce qu'on sait, c'est que c'est une pratique qui existe, que les praticiens nous disent que ça se fait. Alors, je vais demander à André, qui est dans la pratique, justement, de nous en faire part un peu.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tremblay.

M. Tremblay (André): M. le député, je n'ai pas de statistiques formelles, si ce n'est celles de ma propre pratique, où je vous dirai que 50 % des premières conventions collectives qu'on négocie ont une durée supérieure aux trois ans prévus au Code du travail, pour des impératifs économiques, pour des...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Et, dans votre pratique, est-ce que... Merci, Mme la Présidente.

M. Tremblay (André): Mais j'en négocie...

M. Kieffer: Mais ? c'est ça ? dans votre pratique, est-ce que vous êtes le reflet du négociateur patronal moyen? Parce que 50 %, c'est beaucoup, là, c'est énorme!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tremblay.

M. Tremblay (André): Bon. Est-ce que je suis le reflet du négociateur patronal moyen? Ha, ha, ha!

M. Kieffer: Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: C'est un bon négociateur.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Kieffer: Non, non, mais vous vous parlez entre vous, là, c'est ça que je veux dire! Vos chums, qu'est-ce qu'ils vous disent sur leur pratique?

M. Tremblay (André): Je vous dirais que je suis, d'abord, dans une région fortement syndiquée, soit le Saguenay?Lac-Saint-Jean. Donc, on fait affaire avec des organisations syndicales bien structurées. Chez nous, la présence syndicale est... Il n'y a pas beaucoup de syndicats de boutique chez nous. Donc, c'est avec ces organisations syndicales là qu'on conclut ce genre d'ententes là.

Je vous dirais que, globalement, de ce que j'entends de mes confrères, mon chiffre de 50 % est peut-être énorme et peut-être beaucoup, mais moi, c'est ce que j'ai. J'ai fait une petite analyse de mes dossiers des trois, quatre dernières années avant de venir ici, donc c'est à peu près ce que... C'est peut-être beaucoup. Mais, de façon générale, c'est une pratique qu'on retrouve souvent.

M. Kieffer: Donc, qui tend à augmenter de toute façon, probablement?

M. Tremblay (André): Bien, «tend à augmenter»... Je vous dirais: C'est une pratique qui tend à se conformer aux exigences des parties qui sont à une table de négociation. Lorsqu'un employeur arrive puis dit: Écoutez, moi, j'ai des investissements à faire, etc., comment on peut regarder ça ensemble, les parties s'assoient puis essaient de répondre à ces impératifs-là, et c'est dans ce cadre-là que ce genre d'accommodements là à la loi se font.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. le député. M. le député de Chicoutimi, vous aviez une question. Il vous reste à peu près deux minutes, trois minutes. Très rapidement.

M. Bédard: Alors, tout simplement, comme on est sur le débat, je vais joindre mes commentaires à... Alors, M. Audet, André et M. Lavoie, ça fait plaisir. Simplement, on parlait relativement à la première convention. Alors, je joins mes commentaires, parce que, évidemment, votre réflexion est séduisante au départ, puis, comme vous, je suis soucieux du développement économique du Québec et au fait d'amener des investisseurs étrangers à venir investir au Québec.

Par contre, j'ai de la misère à en saisir l'impact si on adoptait une telle mesure. La première, évidemment, avant l'installation, ce n'est pas une mesure qui serait intéressante de toute façon, parce qu'il ne peut pas y avoir de syndicat, il ne peut pas y avoir de syndiqués non plus, il n'y a pas d'investissement. Alors, on s'entend que le simple fait de proposer qu'éventuellement, peut-être, vous auriez la possibilité de signer une convention à long terme n'aurait pas un gros impact auprès d'un investisseur, selon moi, je vous dirais, et je me suis fais la réflexion au moment où vous en parliez.

La deuxième chose, et comme le disait M. Tremblay, de toute façon, on peut maintenant... Et on l'a fait même auparavant: avant qu'on étende la période de plus de trois ans, on pouvait signer des conventions qui, finalement, avaient des effets au-delà du trois ans. Alors, on contourne effectivement, on donne même cette possibilité-là de toute façon.

L'exemple que vous avez donné, M. Audet ? vous me permettrez ? je vous dirais, est un très mauvais exemple, et moi, je vous dirais même que je le prends à l'inverse. Si on avait permis à ces gens-là de signer une convention à long terme, on aurait peut-être... Autrement dit, ces gens-là ont constaté qu'en signant une convention de deux ans, effectivement, au bout de deux ans, elle ne leur convenait pas. Donc, si on avait donné à ces gens l'opportunité de signer une convention de six ans, on aurait fait en sorte que les salariés de l'entreprise et l'employeur auraient écrit une convention qui ne les aurait pas satisfaits, parce que, s'il y a eu autant de difficulté à la renégociation, c'est souvent qu'il y a plusieurs éléments qui sont sortis au cours des opérations qui ont permis de constater effectivement que c'était très difficile. Et, on le sait, le régime particulier au niveau des premières conventions fait en sorte que le Code du travail prévoit effectivement des dispositions particulières. Donc, j'aurais plutôt tendance, moi, à croire effectivement qu'on devrait garder... Malgré l'idée première que j'en faisais par rapport à la réflexion que vous faisiez, là, la réflexion m'amène plutôt à l'effet contraire, qu'on doit effectivement garder un maximum de trois ans au niveau des conventions.

M. Audet (Michel): Écoutez, si on...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Là, écoutez, à ce moment-ci, j'ai besoin d'un consentement pour vous permettre de répondre, parce que le temps qui était consacré au parti ministériel est écoulé. Est-ce qu'il y a consentement pour que les invités répondent à la question posée?

M. Gobé: Oui. Mme la Présidente, le député de Chicoutimi faisant toujours des remarques très intéressantes, et vu que c'est un jeune parlementaire, l'ayant été moi-même, je sais qu'il est important de pouvoir s'exprimer...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: ...donc, je vous donne mon consentement pour prendre son temps.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Un instant. Alors, merci, M. le député de LaFontaine.

M. Audet (Michel): Écoutez...

M. Bédard: ...Mme la Présidente. Alors, je vais permettre à mon collègue, qui n'est sûrement pas un vieux parlementaire, de parler. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): À l'ordre, s'il vous plaît! Les gens qui nous écoutent puis qui nous transcrivent doivent avoir beaucoup de misère à ce moment-ci. Alors, on va reprendre doucement. M. Audet.

M. Audet (Michel): ...il y a consensus, ma réponse va être très brève. Écoutez, évidemment, je n'ai jamais que ça aurait été la solution, j'ai dit qu'effectivement c'est une option ouverte, et M. Tremblay donnait des cas plus concrets qu'il a vécus où ça se pose. Il faut comprendre que, chaque fois, là-dedans... Ce que je dis, c'est que, le fait que ce soit un instrument dans la première négociation, ça peut être utilisé. Ça ne le sera pas obligatoirement. Mais pourquoi s'en priver? C'est ça, notre question. Tu sais, pourquoi ne pas la mettre sur la table et se l'empêcher, tout simplement, puisqu'on sait que c'est utilisé à l'occasion? Donc, ça veut dire que, pour certains, c'est un instrument utile. C'est tout simplement ce qu'on dit. On ne l'impose pas, soit dit en passant, puis on dit: Évaluons l'opportunité de le faire. Quant à nous, on n'a pas vu d'arguments majeurs pourquoi on maintenait ça dans la loi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Merci, M. Audet. Alors, M. le député de LaFontaine, il vous reste encore quelques minutes.

n(11 heures)n

M. Gobé: Oui. Alors, rapidement, Mme la Présidente, peut-être pour mentionner que, de toute façon, lorsqu'une entreprise ? vous me reprendrez, M. Tremblay ou M. Audet ou vous, monsieur, si j'erre ? s'installe, c'est évident que, d'abord, au départ, il n'y a pas de syndicat, parce qu'on n'engage pas 500, 600 ou 1 000 employés syndiqués en commençant, ça peut prendre un an, 18 mois, maximum, pour que tout ce processus s'enclenche. On va essayer d'améliorer le Code du travail pour le rendre plus rapide, avec Mme la ministre; ça lui tient à coeur, puis moi aussi. Mais je veux dire, donc, qu'il faut tenir compte aussi de cette dimension-là. Mais je crois que le fait de laisser cette possibilité ? d'accord, non pas de l'imposer ? permet aux gens qui travaillent déjà ensemble depuis ce temps-là, eh bien, de se connaître déjà au départ, mais d'envisager quelque chose d'assez stable. Ce n'est peut-être pas l'argument majeur qui va faire venir ou pas venir une entreprise, mais certainement un des arguments. D'ailleurs, notre collègue de Chicoutimi le remarquait, il dit: Ce n'est pas forcément un argument majeur ou un grand argument, mais c'est un argument, et je crois que, dans notre société, si on peut faire quelque chose pour faciliter l'établissement d'entreprises chez nous ? et pas au détriment des travailleurs, bien sûr ? eh bien, je crois qu'on doit le faire, surtout lorsque ce ne sont pas des choses qui sont fondamentales, mais, encore une fois, à condition de laisser le libre arbitre aux gens de décider s'ils veulent le faire ou pas, les gens étant toujours libres d'aller ou de ne pas aller. On ne peut pas, nous autres, se substituer à la volonté populaire.

Alors, à partir de ce moment-là, moi, je ne vois pas de problème à aller dans ce sens-là. Et, comme je disais, je suis prêt, moi, à regarder ça d'une manière très, très positive ? je suis certain que, chez nous aussi, on regarde ça d'une manière très positive ? et je suis prêt à donner ma collaboration entière à Mme la ministre pour regarder qu'est-ce qui pourrait être fait dans ce sens-là. Je pense que c'est ça, les mots que vous avez employés, M. Audet? Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. le député de Lafontaine. C'était donc un commentaire. M. Audet, M. Tremblay, M. Lavoie, merci de votre participation à cette commission.

Je suspends donc nos travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi.

M. Gobé: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Et je veux vous mentionner qu'on peut laisser nos documents ici.

M. Gobé: Ah! Ça, c'est bien, ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Les portes vont être verrouillées.

(Suspension de la séance à 11 h 2)

 

(Reprise à 14 h 2)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission reprend ses travaux. Je vous rappelle que nous procédons à des consultations particulières.

Nous allons rencontrer différents groupes, cet après-midi, concernant le rapport sur l'application des articles 2 et 14 de la Loi modifiant le Code du travail, Chapitre 6 des Lois du Québec de 1994.

Alors, à ce moment-ci, comme nous l'avions mentionné ce matin, nous allons rencontrer les représentants de la Confédération des syndicats nationaux. Alors, je vous demanderais de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Je vais donc suspendre quelques instants, le temps de permettre aux gens de s'installer.

Bienvenue à cette commission. Vous connaissez la règle habituelle. Alors, vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire, et par la suite, il y aura 15 minutes de chaque côté d'échanges avec votre groupe.

Alors, si vous voulez, madame, avant de procéder, nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Carbonneau (Claudette): Bonjour! Certainement, à ma gauche, il s'agit de Roger Valois, qui, tout comme moi, est vice-président à la Confédération des syndicats nationaux, et Denis Goulet. Denis est coordonnateur du comité interfédéral du secteur privé, puisque nous avons, pour notre membership dans le secteur privé, un comité de coordination pour tout le volet relations de travail.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, vous me dites M. Denis Goulet?

Mme Carbonneau (Claudette): Goulet.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Goulet. D'accord, merci. Vous pouvez procéder, madame.

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, essentiellement, je vais y aller à grands traits. Je considère toujours que l'échange avec les membres de la commission s'avère toujours des plus intéressants. Quant au reste, vous avez un texte de référence.

Je me permettrais, en commençant, de rappeler un certain nombre d'éléments du contexte qui a prévalu à l'adoption de la loi n° 116. Je dirais que, parmi les premiers contrats sociaux et peut-être même le tout premier, celui qui a fait le plus de bruit, celui d'Atlas Steel, je pense que la CSN ne peut pas nier ses liens, je ne dirais pas de maternité, mais certainement de parentalité avec ce contrat-là.

Je rappelle néanmoins que la mise en place d'une trentaine de contrats sociaux, particulièrement concentrés chez nous dans le secteur du papier et de la métallurgie, avant les amendements à loi, ont été des contrats qui ont été conclus dans des contextes extrêmement particuliers.

D'une part, on a vu, en termes d'acteurs, le ministre de l'Industrie et du Commerce de l'époque s'impliquer dans la négociation de ces contrats-là, et d'autre part, c'était toujours lié à des changements qu'on constatait dans la société, la nécessité de s'adapter, de faire des ajustements en fonction de l'ouverture des marchés, de la montée de la concurrence internationale.

Mais il s'agissait surtout, de notre point de vue, de contrats tout à fait exceptionnels quant à leur contenu. C'était dans des entreprises où d'énormes changements étaient à faire, des changements pour passer vers un modèle davantage axé sur le partenariat en termes de relations de travail. Il y avait des gains importants à faire en termes d'organisation du travail. C'était souvent lié à des perspectives d'investissement, de développement de la main-d'oeuvre, investissement dans l'entreprise et sécurité des emplois; entre autres, le dossier d'Atlas. La conclusion d'un contrat de longue durée a quand même coïncidé avec l'acquisition d'un plancher d'emploi.

Alors, la CSN, au départ, ne s'est pas objectée à cette perspective de contrats de longue durée, mais, pour nous, ça devait demeurer des mesures exceptionnelles liées à des contextes d'exception. Au moment de la commission parlementaire de la loi n° 116, on a réitéré avec force cette position-là en disant que, en amendant le Code du travail pour permettre les contrats de longue durée, surtout en le faisant comme l'a fait la loi n° 116, on risquait de banaliser l'objectif, de faire en sorte que, notamment dans les secteurs faiblement syndiqués ? je pense aux services, je pense aux commerces ? ça devienne une source d'exploitation pour les travailleuses et les travailleurs. Bref, on aurait souhaité des modalités qui préservent davantage le côté exceptionnel de cette mesure.

On constate que ? et le document préparé par le ministère du Travail y réfère ? après une analyse faite par une chercheuse, Mme Danièle Mayer, on s'aperçoit que, dans les conventions collectives qui ont suivi le déplafonnement, on ne retrouve aucune des caractéristiques des contrats sociaux. Bref, ce sont des conventions collectives qui n'ont plus rien d'exceptionnel dans leurs modalités normatives et, de ce côté-là, on s'insurge fortement contre la conclusion qui voudrait qu'il s'agit là d'une opération gagnant-gagnant pour ce qui est des travailleuses et des travailleurs.

Peut-être rappeler rapidement un certain nombre de caractéristiques qui entourent ces modifications législatives. D'une part, il y a une montée vertigineuse, en cinq ans, des contrats de longue durée. On passe de 12 % à 39 %, et je dirais aussi, autour de la durée, ce qu'on constate, ces dernières années, c'est une remontée fulgurante des contrats que j'appelle contrats de très longue durée, des contrats de 60 mois et plus.

Vous savez, avant l'opération déplafonnement, le ministère du Travail recensait 14 % de ces contrats de très longue durée, tandis qu'aujourd'hui on se retrouve avec une proportion de 43 %; ce n'est pas rien. Il faut comprendre que, derrière un exercice de négociation de convention collective, il y a toujours des prévisions, une lecture de la conjoncture. Et de ce côté-là, plus les prévisions sont lointaines, plus elles sont incertaines.

En même temps, c'est un leurre de penser qu'il y a égalité des parties dans une telle conjoncture. Ce n'est pas vrai, là, quand la conjoncture économique ou la conjoncture de l'entreprise se met à déraper, moi, je vous dis, il y a un rapport de force certain de la part de l'employeur pour exiger la réouverture, pour demander des concessions, et il n'y a pas du tout le même rapport de force quand c'est les travailleuses puis les travailleurs qui voudraient pouvoir bénéficier d'une richesse qui est plus présente dans la société.

Or, vous allez comprendre que si j'insiste sur cette donnée-là, c'est qu'elle va être coiffée d'une recommandation de notre part. Nous souhaitons revenir sans remettre en question complètement l'utilité parfois d'avoir un contrat qui excède une durée de trois ans. Nous allons fortement insister pour que, dès maintenant, la limite des contrats de longue durée soit plafonnée à cinq ans.

n(14 h 10)n

Quand on regarde comment ça s'est distribué dans les secteurs économiques, il y a trois grands pourvoyeurs de conventions de longue durée. D'une part, le secteur manufacturier, je dirais d'ailleurs que ça fléchit le taux de présence des contrats de longue durée dans le secteur manufacturier. Mais, essentiellement, c'est moins surprenant, on comprend facilement que c'est un secteur qui est davantage frappé par la question de l'ouverture des marchés.

Quand on arrive dans le secteur du commerce, quand on arrive dans le secteur des services, c'est une toute autre réalité. Et, pourtant, il y a des taux de présence de 19 %, de 15 % des conventions collectives de ces secteurs-là qui sont des conventions de longue durée. On doit comprendre que ces deux secteurs-là, au Québec, sont très peu fortement syndicalisés et que, veux veux pas, ça joue sur le rapport de force des travailleuses et des travailleurs. Alors, c'est très questionnant quant à la qualité des conditions de travail qui sont incluses dans les secteurs où les travailleurs et les travailleuses sont plus vulnérables.

Au plan de l'affiliation syndicale ? vous allez le retrouver dans notre mémoire, je passe rapidement ? c'est strictement descriptif. Il y en a un petit peu plus dans certaines organisations, mais je pense qu'à peu près toutes les organisations, en fonction de leur poids relatif, sont allées dans la direction des contrats de longue durée.

On a voulu, à la CSN, avec l'aide d'une chercheuse qui est, encore une fois, Danièle Mayer, faire une étude assez exhaustive de la qualité de nos conventions collectives au chapitre de la négociation des salaires. D'une part, c'est une matière assez centrale pour les travailleuses et les travailleurs, et d'autre part, c'est une matière qui est très sensible à la capacité d'évaluer la conjoncture économique.

Essentiellement, ce qu'on constate, c'est que, dès que la loi change, qu'il y a les premiers déplafonnements, oui, il y a un avantage à signer un contrat de longue durée, il y a de meilleurs résultats au plan des salaires. Ça, c'est vrai en 1994, 1995, 1996. En 1997, la tendance commence à s'inverser; 1998, ça se manifeste de façon plus marquée et là, 1999, c'est un décor radicalement différent. Les taux de salaires moyens négociés dans les contrats de longue durée sont nettement moindres que ce qu'on observe dans des contrats à durée plus limitée.

J'insiste pour dire que, à cet égard, nous soutenons une conclusion qui est fort différente de celle contenue dans le document du ministère du Travail et c'est essentiellement fondé sur une chose. Dans sa méthodologie, le ministère du Travail compare les salaires moyens obtenus dans les contrats de longue durée aux salaires moyens négociés dans l'ensemble des conventions collectives, lesquelles incluent les contrats de longue durée. Tandis que, dans notre étude, on a vraiment pris soin, secteur par secteur, de comparer taux de salaires dans les contrats de longue durée versus dans les contrats de courte durée. C'est la vraie mesure pour avoir une juste appréciation des choses.

Or, je vous dirais que, là aussi, ce constat va militer, quant à nous, pour demander avec beaucoup d'insistance qu'on plafonne la durée des contrats de longue durée, puisque la prime salariale qui semblait y être associée a tout à fait disparu.

Si tu veux y aller, Roger, sur les périodes de changement d'allégeance.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, alors M. Valois.

M. Valois (Roger): Merci beaucoup. Pour compléter ce que ma camarade Carbonneau vient de déposer, il s'agit, pour la CSN, de développer le fait, au niveau des conventions collectives de longue durée, d'un changement d'allégeance.

On a déjà dit que, pour trouver la période de changement d'allégeance, ça prenait au moins un papier puis un crayon, avec un calendrier, des fois, qui est assez compliqué. Et on n'a qu'à regarder les tableaux qu'on vous a soumis ? au niveau des autres provinces ? au niveau des changements d'allégeance qu'on retrouve à la dernière page. Le Québec est loin derrière les provinces et loin derrière le fédéral et loin derrière la CSN.

Parce que la philosophie de la CSN, c'est la suivante. C'est que, à 90 jours d'avis, on peut quitter la CSN. Effectivement, ça n'arrive pas souvent mais il n'y a pas de syndicats qui sont captifs à la CSN parce que, à 90 jours d'avis, ils peuvent quitter la CSN. Mais le problème qu'on a, c'est qu'on peut quitter la CSN mais avec la convention collective qu'on a négociée, à moins de retrouver un employeur qui serait complaisant pour la négocier à nouveau.

Donc, ce qui est suggéré dans notre mémoire, c'est qu'on s'enligne, c'est peut-être une façon de... ce n'est pas plaisant à dire ici, là, devant le gouvernement du Québec mais peut-être l'alignement du fédéral. Mais c'est juste pour le Code du travail, ce n'est pas pour le reste.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Valois (Roger): Je veux le dire parce que ça peut susciter des fois des... C'est qu'au niveau du Code fédéral des changements d'allégeance, s'ils ont une convention collective à long terme, on a aux 34, 35 et 36e mois pour changer. Et, si la convention collective est plus longue, à tous les ans, on peut remettre en question notre allégeance syndicale en changeant même le négociateur, ce qui est permis à l'article 61 du Code du Québec. Mais, quand on a une convention collective de 10 ans, la période arrive beaucoup trop tard. Et, là-dessus, nous, on dit que, avec le cinq ans que, nous, on préconise, c'est 34, 35 et 36e mois et pour les deux années subséquentes qui suivraient la troisième année, on pourrait changer d'allégeance syndicale à tous les ans, le troisième mois précédant la date d'expiration de la convention collective. Et, là-dessus, c'est bien important parce qu'on ne peut pas attacher du monde avec des conventions de longue durée, et ça nous est...

Malheureusement, on donne l'exemple d'une garderie qui a signé une convention collective de 21 ans, je pense; je ne sais pas. Peut-être qu'ils veulent prévoir que les usagers actuels vont devenir ceux qui vont être au conseil d'administration dans 21 ans, sauf qu'il y a un problème au niveau des conventions de longue durée, au niveau du changement d'allégeance syndicale. Et, là-dessus, la liberté syndicale, ce n'est pas seulement de la liberté syndicale qu'on exerce dans notre syndicat local mais c'est aussi être capable de changer quand bon... Ce n'est pas quand bon nous semble parce que, à la CSN, c'est 90 jours d'avis. Je sais qu'on ne le demande pas pour le moment, on demande en troisième année.

L'autre chose qu'on veut aussi, c'est au niveau de l'affiliation. C'est qu'il y a des délais dans le Code pour s'affilier. Il y a des syndicats qui sont autonomes, comme ils le sont à la CSN. Quand ils quittent la CSN ou qu'ils arrivent à la CSN provenant de syndicats de boutiques ou de syndicats indépendants, on n'est pas capable de les affilier avant la période légale. Et, nous, on préconise le fait que, à partir du moment où on détient notre certificat d'accréditation, on pourrait, non seulement prendre des ententes de service, comme c'est le cas actuellement, mais s'affilier directement à la centrale syndicale qui nous reçoit. Donc, au lieu de jouer un peu à l'autruche en disant: Bien, on ne peut pas vous affilier, on va prendre une entente de services, et quand le délai légal arrivera, soit entre le 90e et le 60e jour qui précèdent l'expiration de la convention collective, on vous affiliera. Légalement, on pense qu'un syndicat qui est autonome, qui a en propre son certificat d'accréditation, pourrait s'affilier directement à la centrale qui le recevrait.

Donc, je suis comme Claudette là-dessus. J'aime mieux laisser la chance aux panélistes puis aux membres de la commission de débattre avec nous, de nous poser des questions; l'essentiel a été dit, pour le moment.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors, merci.

Mme la ministre, pour la période d'échanges.

Mme Lemieux: Merci, Mme la Présidente. Mme Carbonneau, M. Valois, M. Goulet, bienvenue à cette commission. Évidemment, je prends connaissance de votre mémoire. Vous venez de nous le déposer, puis c'est correct, il n'y avait pas de délai, mais je regrette beaucoup de ne pas l'avoir eu avant.

Mme Carbonneau (Claudette): ...qu'est-ce que ça ne fait pas, hein?

Mme Lemieux: Pardon?

Mme Carbonneau (Claudette): Y compris pour nous, les produire. L'été, ça a été très dur. Ha, ha, ha!

Mme Lemieux: Oui, oui. Non, je le sais. C'est parce que, ce qui me trouble un peu, puis je ne voudrais pas qu'on passe toute notre période d'échanges là-dessus, c'est que je sens qu'on devrait avoir une discussion préalable, méthodologique. Mais, bon, on ne fera pas ça aujourd'hui, là, mais je veux trouver le moyen. Moi, c'est quelque chose auquel je tiens. Si on véhicule des chiffres, il faut être au clair sur ce qu'on véhicule.

Je vois, j'ai vu à deux reprises que vous dites, entre autres: «à ce titre, les conclusions du rapport du ministère ne sont pas adéquates». Tu sais, c'est quand même grave, là, d'écrire ça. Moi, les gens du ministère sont ici, en arrière, ils ont fait ça avec soin, avec rigueur. Alors, je veux savoir pourquoi on arrive à ces conclusions-là, parce que c'est grave, cette affirmation-là. Et là, je sens qu'on aurait des débats de méthodologie à faire.

Ce matin, j'ai posé une question à un de nos intervenants sur une première recherche de Danièle Mayer dont, d'ailleurs, des extraits sont dans le rapport du ministère, où elle avait un peu documenté toute cette question ? le passage entre contrat social et convention de longue durée. J'ai posé des questions, on avait un avocat qui avait quand même quelques expériences en négociation de conventions de longue durée.

Il nous disait: Écoutez, la période d'étude a été assez courte. Alors là, je suis très embêtée par votre mémoire, parce que vous contestez les fondements de notre propre rapport. Mais là, je ne veux pas m'embourber dans la méthodologie avec vous. Alors, je ne le ferai pas, mais on trouvera une manière d'échanger là-dessus.

n(14 h 20)n

J'aurais deux questions. La première ? je poserai la deuxième par la suite. Là, je ne veux pas m'embourber dans les chiffres, mais la CSN a signé des contrats de longue durée. Moi, le souvenir que j'en avais, c'était à peu près 17 % de l'ensemble. C'est peut-être entre 13 % et 18 %, là, les chiffres que j'ai vus. On est autour, mettons 15 %.

Comment ça s'est passé? Y a-t-il eu des catastrophes? Comment ça s'est passé?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, essentiellement, je dirais honnêtement que les premiers contrats de longue durée qu'on a signés étaient certainement au plan de la qualité des conditions de travail, de la modification des mentalités, de la modification des approches en matière de relations de travail, les contrats de longue durée les plus heureux que nous ayons signés. On continue à en signer qui demeurent d'excellentes conventions collectives.

Mais l'appréciation qu'on peut en faire, c'est davantage dans les secteurs où tu as des syndicats installés de longue date. Les conventions collectives ont atteint une relative maturité, si on veut, et de ce côté-là, on n'aurait aucun intérêt à se faire des portraits d'apocalypse. Ce n'est pas toujours l'apocalypse. Et, si on était convaincu que c'était toujours l'apocalypse, on vous dirait: Retour en arrière, on veut revenir à trois ans.

Cependant, dans des secteurs plus vulnérables, là, honnêtement, ça devient un élément de plus en termes de rapports de force de la part de l'employeur. Je pense au secteur du commerce, je pense au secteur des services, et de ce côté-là, je demande à la commission, honnêtement, de prendre en compte les motifs qui ont amené les modifications vers des contrats de longue durée.

On parlait vraiment de compétitivité, on parlait vraiment d'ouverture des marchés. Nous n'avons pas signé de contrats de longue durée dans une garderie, mais disons que l'exemple parle de soi. Y a-t-il plus un service de proximité que la garderie? Ce n'est quand même pas à cause de la compétition internationale qu'une garderie signe une convention collective de 21 ans.

Il n'y a pas de cas de 21 ans chez nous. Cependant, on peut facilement imaginer... Dans le secteur, par exemple, du commerce au détail où le taux de syndicalisation est extrêmement faible, marchés d'alimentation, ce type d'entreprise là qui sont des entreprises où les conditions de travail sont difficiles, des entreprises où il y a beaucoup de femmes, où il y a beaucoup de précarité d'emploi, je vous dis: Oui, il y a des coches mal taillées en termes de conventions collectives de longue durée et je vous dirais qu'il y a eu un sursaut important, de la part de nos fédérations, de sorte qu'on vient de sortir de nos congrès, et particulièrement dans les fédérations comme le commerce, les gens se sont donné des lignes syndicales en disant: Ça n'a pas d'allure, il faut se poser des questions là-dessus. Ça devient un avantage certain pour l'employeur et un mode d'exploitation assez éhonté que de vivre ça sous un mode trop banalisé.

Vous me permettrez sans, du tout... parce que je ne suis pas une experte en méthodologie non plus, juste vous dire que les deux endroits où on note un écart, une différence de points de vue avec le ministère du Travail, je dirais que, dans un cas, ça m'apparaît moins grave. C'est une note qui n'a pas été reproduite et on fait tout simplement remarquer qu'il y a un recoupement dans le document qui n'a pas été fait et qu'on vise l'ensemble des entreprises et pas seulement celles de 100 salariés et plus.

Là où ça me semble plus prêter à conséquences, et je pense que ça n'appelle pas d'être quelqu'un de très spécialisé en méthodologie, si on veut vraiment comparer deux choses: contrats de longue durée, contrats de courte durée, il est utile de pouvoir isoler ces deux blocs-là et de dire: Qu'en est-il, dans les contrats de longue durée, versus les contrats de courte durée? Or, il nous apparaît clairement ? et ça, on l'a vérifié avec des universitaires aussi ? que la méthodologie employée a été de comparer le longue durée avec l'ensemble des conventions collectives, ce qui, forcément, crée une distorsion.

Là où il y a une divergence, mais c'est une divergence d'opinions, j'ai bien compris parce que je pense qu'au plan de l'appréciation normative le document du ministère du Travail dit sensiblement les mêmes choses que nous. Il constate que les grandes caractéristiques, au plan normatif des contrats sociaux, se retrouvent de moins en moins dans les nouveaux contrats de longue durée. Cependant, il dit: Peut-être qu'une période d'observation plus longue pourrait nous permettre de faire ces constats-là.

Nous, en ajoutant, et c'est notre originalité, l'étude sur les salaires qui est une étude conduite par une universitaire, faite sur une population de conventions collectives tout à fait représentative, là on dit: Wo! alerte rouge, là! Il est en train de se passer des choses graves. Alors, cinq ans d'observation, ça nous apparaît important, et il nous semble qu'en vous proposant de plafonner à cinq ans, bien, on se retrouvera dans cinq ans. Il y aura toujours temps d'évaluer comment ça s'est comporté autour de cette question-là d'une limitation de cinq ans.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors...

Mme Lemieux: Ah! O.K.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Là, je ferais un peu d'alternance parce que j'essaie de diviser un peu les choses. Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, merci, Mme la Présidente. M. Valois, Mme Carbonneau, monsieur, excusez-moi, votre nom est...

M. Goulet (Denis): Goulet.

M. Gobé: ...M. Goulet, excusez-moi. Il me fait plaisir de vous accueillir, ici, en cette commission parlementaire. J'ai dit, ce matin, aux gens qui vous ont précédés, que c'est la première réunion ? non pas de la commission, mais sur les dossiers du travail ? de la commission de l'économie et du travail pour cette session-ci. Alors, on se met au travail, et je pense que, cet automne, on aura l'occasion peut-être de se revoir dans de nombreux autres dossiers; on commence donc avec celui-là.

Il y a quelque chose qui nous interpelle lorsqu'on lit votre mémoire: on se souvient avec quelle détermination vous aviez contesté le projet de loi, la loi qui faisait en sorte d'établir plus de flexibilité dans la durée des conventions collectives qui permettait de passer au-delà de trois ans.

Maintenant, vous êtes prêts à aller à cinq ans. Et là, on n'est pas ici pour tirer des conclusions négatives de l'un ou de l'autre mais pour faire un peu la rétrospective et voir un peu qu'est-ce qui s'est passé, comment ça a évolué et pourquoi ça a évolué.

Qu'est-ce qui fait que, maintenant, votre centrale est plus ouverte à cinq ans qu'elle ne l'était avant? Parce que, quand même, ça fait un bon bout qu'elle l'a aussi. Qu'est-ce qui fait que vous ne maintenez pas votre position qui, quand même, était assez forte, que ça nous avait amenés ? le Québec, le gouvernement du Québec comme tel ? devant les instances internationales, le Bureau international du travail, en particulier, à l'époque? Donc, c'était pour vous quelque chose d'assez important. Votre Centrale n'a pas la réputation d'agir à la légère et de fonctionner de manière frivole et inconsidérée.

Alors, vous pourriez peut-être nous expliquer c'est quoi, votre évolution. Est-ce que c'est dû à l'expérience qui a été vécue sur le terrain? Est-ce que c'est dû à un réajustement de votre conception de l'organisation du travail?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, essentiellement, deux choses. Au moment où on s'opposait à la loi n° 116, on trouvait que les modalités étaient mal calibrées, que ça faisait en sorte de banaliser la chose et de le répandre dans tous les secteurs, puis on était convaincu que, dans les secteurs les plus vulnérables, ça aurait un effet préjudiciable. Je pense que, ce qu'on vous dit aujourd'hui, c'est ce constat-là, et c'est pourquoi nous demandons des amendements.

Par ailleurs, avant la modification à la loi, on savait et on avait trouvé une mécanique pour, malgré tout, dans un certain nombre de secteurs où on trouvait positif d'en conclure, de pouvoir le faire. Ce qu'on nous objectait à l'époque, c'était: Ça va être terrible. N'importe qui peut dénoncer ça. Ça peut être renversé par les tribunaux.

Nous, on se disait: Dans ce genre de milieu là, le risque est tout à fait minime, et on trouvait que le jeu n'en valait pas la chandelle. Je vous souligne que, aujourd'hui, ce n'est pas la grande ouverture et ce n'est pas la bénédiction à la loi n° 116. On dit: Plafonner à cinq ans, urgence nationale. Danger! Danger!

D'autre part, ce qu'on amène aussi, c'est l'autre recommandation sur le changement d'allégeance. Roger a beaucoup fait valoir, évidemment, qu'il y a là un principe de liberté syndicale. Et vous référez à la plainte qu'on a faite au BIT. Je vous dirais que, même si le BIT n'a pas retenu notre plainte, il ne peut pas cacher une crainte que le Bureau international porte, à savoir que, dans des cas d'abus, il y a effectivement une période très longue où des travailleuses et des travailleurs sont soumis à de mauvaises et très mauvaises conditions de travail.

De ce côté-là, je vous demande d'examiner le mérite de notre deuxième recommandation, parce que, en raccourcissant les périodes où on permet aux gens de modifier leur changement d'allégeance, c'était vraiment dans un cas d'abus extrême. Ça suppose aussi la dénonciation de la convention collective et la capacité de rétablir un peu plus de justice et un peu plus d'équité dans les rapports employeurs-salariés.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

n(14 h 30)n

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Mme Carbonneau, je comprends très bien le point que vous nous faites. Bon, on ne reviendra pas sur ces craintes, que vous aviez, puis cette contestation qui a amené le Québec, comme je le disais, devant quasiment les Nations unies, hein, à l'époque; devant l'ONU, en tout cas, un organisme de l'ONU qui est le Bureau international du travail.

Mais, pour aller plus du côté de vos craintes sur la démocratie ou la liberté syndicale, là, vous nous demandez d'appliquer un principe de limitation, à nouveau, de conventions collectives, en prenant ? pas comme preuve, mais comme raison ? la raison suivante. C'est qu'il y a des gens qui peuvent abuser, qui peuvent signer des conventions collectives qui vous semblent un peu hors du commun ou que vous qualifiez peut-être de manoeuvres, enfin, que vous pourriez qualifier ? vous ne l'avez pas fait ? mais visant à détourner le processus syndical de sa vraie réalité.

Mais, au lieu de vouloir changer une loi qui, semble-t-il, à date, a bien fonctionné, à cause de quelques exceptions ou quelques abus, n'y aurait-il pas lieu plutôt de chercher à apporter des mécanismes de prévention ou de correction? Pas de prévention, ce n'est pas toujours faisable, mais de correction en cours de route pour éviter ces situations qui sont certainement malheureuses. S'il y a abus et si on détourne la loi de son esprit, on ne peut pas l'accepter. Alors, au lieu de tout limiter à nouveau, de ramener une rigidité qui peut nuire aussi à d'autres entreprises ou à d'autres secteurs qui, de bonne foi ou dans leur intérêt, peuvent être amenés à signer ces conventions plus longues que cinq ans, je ferais peut-être l'inverse, moi, en disant: Bien, est-ce qu'il n'y a pas moyen de mettre des garde-fous à ce moment-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): Vous savez, la liberté des parties contractantes, c'est assez à la base du Code du travail. Alors, de ce côté-là, je ne suis pas certaine que ce soit aussi facile que vous avez l'air de l'imaginer.

Je pense qu'un garde-fou à cinq ans... Cinq ans, ce n'est pas rien, y compris pour les employeurs. C'est la rapidité avec laquelle les fusions d'entreprises se font, les acquisitions et changements technologiques, etc. Donc, cinq ans, c'est quand même un délai qui n'est pas rien. Dans les circonstances, on ne croit pas que ça contreviendrait au développement du Québec, bien au contraire.

D'autre part, quand vous posiez la question au regard du changement d'allégeance, Roger a très bien souligné qu'il y a là un principe fondamental. Mais je dirais qu'au-delà de ça, dans la motivation qui avait amené l'adoption de la loi n° 116, on nous disait: compétitivité. Vous avez, en page 18 de notre mémoire, les délais maximums dans lesquels les travailleuses et les travailleurs sont consultés ou peuvent être consultés ou faire valoir un point de vue sur leur allégeance syndicale. Écoutez, ça s'étale entre sept mois et 78 mois. Alors, je n'aime pas quand le Québec a ce genre de championnat d'attacher le monde après la patte du poêle. Et disons que, dans un contexte de compétitivité ? regardez qu'est-ce qui se passe dans notre environnement économique ? ce n'est pas rien de constater un écart aussi important.

Alors, de ce côté-là, on ne s'abrie pas derrière des règles marginales qu'on aurait imaginées, les lumières fermées, à trois dans un bureau de la CSN. On vous demande de regarder c'est quoi qui se passe dans l'environnement en Amérique du Nord et, de ce côté-là, on pense que c'est tout à fait raisonnable.

M. Gobé: J'aurais peut-être...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: ... ? merci, Mme la Présidente ?une question à vous poser. Vous n'êtes pas obligés de me répondre. Peut-être que vous allez dire: On ne négociera pas ça ici. Mais vous savez qu'il est aussi question de certaines demandes de certaines parties de faire en sorte que la première convention collective soit incluse elle aussi dans un élargissement de conventions collectives et non pas limitée à trois ans.

Est-ce que vous trouveriez à ce moment-là qu'il pourrait être quelque chose d'intéressant comme avenue de faire en sorte que l'ensemble des conventions collectives, la première comme les suivantes, soient balisées pour être... ne pouvant pas excéder cinq ans, et ceci à compter de la première convention? C'est-à-dire qu'on oublierait le trois ans puis on mettrait pour l'ensemble cinq ans. Considérez-vous, d'après vous, que ça serait quelque chose qui aurait du bon sens?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Goulet.

M. Gobé: Je ne veux pas le négocier avec vous maintenant, mais il me semble que ça me vient à l'idée tout de suite. Si vous êtes prêts à cinq ans, allons-y pour voir s'il n'y a pas consensus avec les autres.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Goulet.

M. Goulet (Denis): Oui, merci. Alors, nous, ce qu'on dit, essentiellement, c'est que les syndicats qui sont les mieux organisés, qui ont le plus d'histoire et d'expérience de négociations, donc les syndicats du secteur secondaire notamment, métallurgie, papier, par exemple, de la grande industrie, ces syndicats-là se sont généralement bien sortis des conventions de longue durée, ont réussi à négocier des avantages qui étaient corrects. Et nos syndicats ne veulent pas retourner en arrière sur ça, ça fait leur affaire. Mais ce qu'on constate dans l'étude, c'est que plus on s'en va vers des syndicats qui ont moins d'histoire, qui sont moins organisés, qui sont moins structurés, le bénéfice diminue. Donc, on est persuadé ? et d'ailleurs, on en parle même dans le mémoire ? qu'un syndicat qui vient tout juste d'être accrédité, qui, déjà pour sa première convention collective, doit, parce qu'il n'a pas d'autre moyen, signer une convention collective de trois ans, avec la force qu'il a, la non-maturité de sa convention collective, on considère que, si le Code permet d'avoir à son renouvellement des conventions de longue durée, on pense que ce n'est pas bon pour lui, que c'est comme une arme qui est plus patronale que syndicale dans ce cas-là et que ça joue contre ces syndicats-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Valois.

M. Valois (Roger): Oui, pour ajouter. C'est sûr qu'à partir du moment où les intervenants, ce matin, partageaient que le bonheur était dans les conventions de longue durée et qu'on pouvait continuer comme on était parti, c'est qu'ils voulaient faire partager le bonheur à tout le monde finalement. Mais, nous, on ne voit pas ça comme ça parce que, même dans sa sagesse, le législateur à l'époque avait prévu que la première convention collective... parce que la difficulté des fois d'une première, on pouvait demander l'arbitrage de la convention collective. Donc, là-dessus, il faut faire très attention à ça.

La preuve en est aussi que ça nous arrive des fois qu'il y a des syndicats de boutique qui viennent s'affilier chez nous parce qu'ils n'ont pas le droit, je l'ai dit tantôt. Et on prend des ententes de services avec des syndicats indépendants, que j'appelle de boutique, dits indépendants ? parce qu'ils sont beaucoup plus dépendants du patron qu'on le pense ? et ils ont des conventions collectives sur lesquelles on pourrait prendre exemple. À partir du moment où ils prennent une entente de services avec la CSN, le patron nous appelle et nous dit: Non, non, celle-là, elle ne s'appliquera pas, là. Ça, c'était pour éloigner les centrales, mais je ne l'appliquais pas. Asteur qu'elle va s'appliquer, on veut vous parler, parce que les conventions ne s'appliquent pas.

Donc, on peut avoir des conventions qui sont somme toute très correctes, mais, nous, on dit: Si le voyage est trop dur à tirer, ça ne donne rien de changer de cheval. Ça fait que quand on change de cheval, on va changer le voyage avec, parce qu'à partir du moment où on change d'accréditation syndicale, qu'on ne change pas l'agent négociateur, c'est changer, comme on dit chez nous, quatre trente sous pour une piastre. Ça n'a pas beaucoup de conséquence. Mais à partir du moment où c'est des syndicats de boutique qui s'affilient, ils veulent revoir l'effet sur les conventions collectives.

Et là-dessus, pourquoi on recommande cinq puis la première à trois maximum? Parce qu'il y a là une sagesse qu'à l'époque même le gouvernement avait reconnue en disant: La première convention collective a plafonné à trois ans. Et si, après, on pense que c'est possible d'en avoir une plus longue, on ira pour la plus longue. Moi, j'ai en face de l'usine où je travaille, où je travaillais, parce que ça fait longtemps que je n'y ai pas été, mais en face de là, c'est les Aciers Atlas, justement, et mon frère y travaille. N'allez plus parler d'une convention collective de longue durée chez Atlas Steel, même s'ils viennent d'être achetés puis ils ont été longtemps sous la loi de la protection de la faillite. Le contrat social de l'époque a eu un effet, c'est le plancher d'emploi; tout le reste a été jeté du revers de la main.

Donc, il y a des conventions collectives de longue durée qui des fois se signent avec des promesses assez mirobolantes qui ne se concrétisent pas. On vient d'avoir une exemple, chez Domtar, à Lebel-sur-Quévillon, où l'employeur insistait pour avoir une convention collective de 10 ans. On a conclu pour six ans avec peut-être un quatre ans si on investit. Puis une fois la convention collective signée, il dit: On va déchirer le quatre ans, je n'en ai pas besoin, je n'investirai pas. Mais, nous, à l'Assemblée, il a fallu vendre à l'Assemblée qu'il fallait faire ça parce que c'est ça, puis on n'était pas d'accord, mais les travailleurs ont décidé que oui, compte tenu d'un investissement éventuel que l'employeur a déchiré tout de suite, une fois qu'il a eu la... Ça, là, il ne faut plus faire ça. Il ne faut pas non plus penser que, à chaque fois qu'on fait des promesses d'investissement, le long terme vient sauver tout. Des fois, ça ne sauve pas la mise du tout parce que les Aciers Atlas, ils avaient promis des investissements, ils avaient promis de l'embauche. Ils n'ont jamais réalisé ça de leur vie, sauf que ça a donné 450 jobs pour le temps que ça a duré. Mais c'est le syndic qui s'en est préoccupé, ce n'est plus la compagnie parce qu'elle n'est plus là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Valois. Alors, M. le député de Gaspé.

n(14 h 40)n

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour. Écoutez, j'ai pris connaissance d'une certaine partie de l'étude de Mme Mayer, qui a été faite pour la CSN, et on remarque que, dans cette étude-là qui a porté, entre mai 1994 et mai 1996, sur une période de plus de deux ans, elle considérait que les conventions collectives de longue durée étaient nettement plus avantageuses que les conventions collectives de moins longue durée. Et je dois comprendre ? c'est ce que vous avez rajouté par la suite, parce que vous aviez demandé la parole il y a un certain temps ? que vos craintes sont portées davantage vers les syndicats qui sont dits indépendants ou les syndicats que monsieur a qualifié tout à l'heure de «syndicats de boutique» où, généralement, les ententes que vous avez signées ne sont pas respectées. C'est parce qu'il donnait le cas d'Atlas. Atlas avait un mécanisme de gestion de l'entente, il y avait différents comités qui étaient prévus, que j'ai vus dans l'étude. Et là, comprendre dans l'application quotidienne, autrement dit, la gestion des contrats de longue durée, ça ne se fait pas selon ce qui est convenu. Alors, il y a des mécanismes que vous avez négociés également pour le...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): On a eu, effectivement, des expériences difficiles dans Atlas. Roger a cité le cas de Domtar, mais notre argumentation ne repose pas uniquement sur des problèmes d'application de la convention collective. On pense qu'il y a des difficultés d'un autre ordre et on s'est posé la question: Est-ce que c'est neutre? Est-ce que ça joue pour ou contre une meilleure qualité des conventions collectives? Et c'est de ce côté-là que nos inquiétudes sont le plus marquées.

Sur le plan du normatif, des conditions générales de travail, c'est vrai qu'au départ, oui, c'était plus avantageux. Au fur et à mesure que ça se répand, que ça devient la norme, que c'est complètement banal, qu'il n'y a plus un employeur qui pense qu'il a le moindre effort à faire pour donner des conditions de travail de qualité en échange d'un contrat de longue durée qui présente beaucoup plus de risques pour les travailleuses et les travailleurs, le rapport de force, il s'inverse. Ça, on l'a constaté sur une période de cinq ans.

Et d'autre part, au niveau des salaires, on est en train de vivre exactement le même phénomène. Alors là on dit: Alerte rouge, parce qu'il y a un problème important. Ce n'est pas vrai, il faut que ce soit très clair, les travailleuses et les travailleurs et les employeurs ne sont pas soumis aux mêmes risques par rapport à une convention de longue durée, surtout dans le secteur privé. Vous savez, là, il y a quelque chose qui ne s'appelle pas le droit de lock-out, mais quand l'employeur fait une réunion dans la cafétéria et il dit: Ça va mal, je fais des mises à pied massives, ça ne tient plus la route, ma planification économique, soyez assurés qu'il se place pour obtenir toutes sortes de concessions.

Un groupe de travailleuses et de travailleurs qui s'est engagé pour cinq ans, six ans, 10 ans et qui, dans une mauvaise conjoncture, un mauvais rapport de force, s'est fait imposer ça, qu'il revienne donc dire: L'entreprise a doublé ses profits, elle est, elle, dans une conjoncture économique tout à fait favorable, et nous, par exemple, nos salaires sont très en deçà de l'inflation, on pourrait-u, s'il vous plaît, s'asseoir et rouvrir? Moi, je vous le donne en mille, trouvez-moi une entreprise au Québec qui a dit: Oui, je le veux, dans un contexte comme ça, là. Ça va manquer à notre documentation. Nous, on n'a jamais vu ça. Alors, de ce côté-là, il ne faut pas se leurrer, il n'y a pas d'égalité des parties. Donc, on dit: Essayons de baliser un peu plus les choses.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Mme Carbonneau. Alors, M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci. Je vais essayer d'être assez vite, parce que mon collègue a lui aussi une question à poser. Dans le document présenté par Mme Danielle Mayer, votre travail, elle fait le constat que cette recherche démontre que la majorité des caractéristiques des contrats sociaux ? je suis à la page 28, là ? n'ont pas été reprises dans les conventions collectives de longue durée négociées entre mai 1994 et 1996. L'analyse porte sur deux ans et non sur huit. C'est de six ans jusqu'à présent, là, mais c'est seulement pour deux ans.

Elle dit aussi que l'effet le plus remarquable du projet de loi n° 116 a été de promouvoir la durée de la négociation comme enjeu stratégique des négociations collectives bien davantage que le contenu des conventions collectives ou que les relations de partenariat.

Je vous ramène parce que, ce matin, on avait le Conseil du patronat qui était invité ici. Dans sa conclusion, le Conseil du patronat nous dit que la réponse était bonne aux contrats de longue durée. Puis, pour le Conseil du patronat, ce qu'il voyait, c'est que l'incidence sur l'amélioration du climat général de leurs relations de travail au Québec s'était améliorée et qu'en conséquence le facteur de motivation et puis la compétitivité des travailleurs s'étaient améliorés.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Votre question, M. le député. Il reste à peine deux minutes.

M. Désilets: Et puis l'autre, c'était qu'il y avait plus de négociation, de la négociation continue. Il y avait aussi le mécanisme permanent de résolution de conflit qui s'était amélioré aussi dans ces entreprises-là.

Je vous pose ma question. Vous répondrez en même temps, tantôt, que mon collègue, pourvu qu'il ait le temps de poser sa question...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il ne l'aura pas.

M. Désilets: ...comme il l'a dit, la différence entre les deux.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, écoutez, c'est vrai que l'étude sur les conditions normatives et les grandes caractéristiques des contrats de longue durée, c'est vrai qu'elle s'est faite sur une période plus courte. Néanmoins, ce qui est clair dans ce cas-là, la brisure, elle s'est faite dès l'instant où ça a été légalisé. Tu ne les as plus vues dans les conventions collectives. Et l'échantillon est bon, là, c'est près du quart des conventions collectives. Alors, tout le monde en méthodologie va vous dire que c'est sérieux comme étude.

Que les employeurs considèrent que ça a amélioré les choses, c'est leur point de vue. Nous, on vous dit c'est quoi notre expérience concrète par rapport à ça, sans tenir un discours misérabiliste. Mais, on vous rappelle, vous avez un rôle comme députés, vous représentez la population, vous avez à trancher les intérêts supérieurs là-dedans. Et on vous dit: Il y a suffisamment de cas où il y a des ratés importants et dangereux pour vous demander de prendre vos responsabilités et de ne pas le faire au nom d'une seule partie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, Mme Carbonneau. Très rapidement, s'il vous plaît, on peut donner... J'ai le consentement pour que M. Goulet termine sa réponse.

M. Gobé: ...petite question à poser, moi, je suis prêt à donner... il me reste une minute ou deux à lui donner pour qu'il puisse la poser.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Goulet.

M. Goulet (Denis): Bien, c'est juste pour ajouter que dans les consultations qu'on a faites dans nos fédérations pour savoir, généralement, pourquoi nos syndicats négocient des conventions de longue durée ? on a posé la question tantôt; je ne parle pas des secteurs importants, structurés, comme j'ai mentionné tantôt, mais pour les autres secteurs comme le secteur commerce et service ? la réponse que les gens ont donnée, c'est que les gens ont peur de perdre leur job et, donc, ils ont l'impression que, quand on négocie une convention de cinq ans, six ans ou bien peut-être sept ans, ils vont garder leur travail aussi longtemps que ça, c'est comme une question de sécurité. Or, ça, ce n'est pas vrai, ce n'est pas exact. Ce n'est pas parce que tu négocies une convention collective de longue durée que t'es assuré que l'entreprise va vivre durant cette période-là. Alors, c'est ce que les gens pensent actuellement. Mais le problème, c'est que, si on négocie trop souvent des conventions comme ça, avec pas assez de gains pour le monde, bien, là, ça va virer en problème de relations de travail inévitablement. C'est ça qui va se passer et c'est pour ça qu'on sonne la cloche.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Goulet. Alors, M. le député de Groulx...

M. Gobé: Ah! Mais si la ministre est d'accord, excusez-moi, s'il y a consentement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Non, c'est que ces consentements appartiennent à la commission, M. le député de... Alors, puisque vous avez donné votre consentement pour que le député de Groulx prenne la minute qu'il vous restait, M. le député de Groulx, rapidement, s'il vous plaît, et que la réponse aussi soit rapide, s'il vous plaît.

M. Kieffer: Mesdames, messieurs, ça va être plus court que de nommer vos noms, j'ai une minute. La Chambre de commerce, ce matin ? puis vous pourrez toujours vérifier à la page 8 de son mémoire ? en parlant des premières conventions collectives, affirme la chose suivante: «Cette pratique consiste simplement à signer une convention collective d'une durée de trois ans afin de se mettre en règle avec le Code du travail puis de s'entendre sur les termes d'une lettre conjointe d'intention visant à prolonger la convention au-delà du délai permis.» Donc, leur prétention est à l'effet qu'il y a des conventions collectives à long terme qui se signent aussi. Elles n'ont peut-être pas le poids légal, parce que la loi ne reconnaît pas plus que trois ans, puis, là, quand je leur ai posé la question: Oui, mais y a-t-il bien du monde qui fait ça? Bon, il n'y a pas de statistiques au ministère, parce que ça n'existe pas, des lettres d'entente que tu pourrais joindre, sinon tu contournerais la loi. Mais leur prétention, c'est qu'il y a beaucoup de monde qui fait ça.

Une voix: 50 %.

M. Kieffer: Oui, ils sont allés... Évidemment, l'échantillon n'était peut-être pas très élevé, mais on a mentionné que jusqu'à 50 % des nouvelles conventions collectives, les premières, étaient associées à une lettre qui faisait en sorte qu'on prolonge plus de trois ans. Je veux avoir votre opinion là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Rapidement, s'il vous plaît, Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): Rapidement, là-dessus. Moi, je vais vous dire, les premières qu'on a faites avant les modifications de la loi, c'est vrai, c'est comme ça qu'on les a faites. Et il y a des statistiques, pas sur les ententes qui ne pouvaient pas être déposées à cause de la loi, mais il y a au moins des statistiques qui limitent à 70 conventions collectives, au Québec, avant les changements à la loi, qui étaient des contrats de longue durée. Donc, de ce côté-là, ça donne un bon ordre de grandeur. Aujourd'hui, prétendre que c'est 50 %, ça ne fait pas de sens. La loi est permissive. Tu n'as pas de délai, tu n'as pas de plafonnement. Alors, il n'y a personne qui a intérêt à se rabrier derrière des entourloupettes. Ça a été vrai dans l'histoire, mais...

M. Kieffer: Pour une première convention, là, je précisais.

Mme Carbonneau (Claudette): Ah, pour une première convention!

M. Kieffer: Oui, oui, pour une première convention.

n(14 h 50)n

M. Goulet (Denis): Nous n'avons pas observé cela, nous, à la CSN, d'aucune manière.

M. Valois (Roger): Nos salariés sont syndiqués, ils n'ont pas intérêt à se cacher.

M. Kieffer: Bien, c'est pour ça que je vous posais la question.

M. Valois (Roger): Ça fait qu'ils ne nous disent pas qu'ils signent des conventions en cachette. Ça peut arriver....

M. Kieffer: Vous n'avez pas l'habitude de vous cacher, M. Valois.

M. Valois (Roger): Oui, mais...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Oui, Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): Surtout qu'il y a le mécanisme d'arbitrage prévu au Code.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors, Mme Carbonneau, M. Valois, M. Goulet, merci de votre présentation.

Nous allons suspendre quelques instants, le temps que l'autre groupe s'installe pour pouvoir nous présenter son mémoire.

(Suspension de la séance à 14 h 51)

 

(Reprise à 14 h 52)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, d'accord, nous allons reprendre les travaux.

Nous recevons donc l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec. Alors, si le responsable veut bien se présenter et nous présenter la personne qui l'accompagne. Je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour nous donner vos appréciations sur ce qu'on discute présentement.

Alliance des manufacturiers et
des exportateurs du Québec (AMEQ)

M. Dussault (Manuel): Bonjour. Je suis Manuel Dussault, je suis le directeur de la recherche et de l'analyse à l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec. Je suis accompagné de Marc-André Veilleux qui est conseiller aux politiques publiques. Alors, merci, Mme la Présidente, Mme la ministre, messieurs, mesdames les députés, de nous accueillir aujourd'hui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Est-ce que vous aviez un document ou un...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ah bon, d'accord.

M. Dussault (Manuel): On vous a envoyé un mémoire, la semaine dernière, puis il semble que ça ne se soit pas rendu. Donc, il y a des photocopies.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors, il est à la photocopie, et les membres de la commission pourront en disposer d'ici quelques instants. Je suis désolée de vous avoir interrompu, vous pouvez poursuivre.

M. Dussault (Manuel): Alors, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec a pour mission de promouvoir et de défendre les intérêts des manufacturiers et des exportateurs auprès des gouvernements. On compte 600 membres, et puis nos membres manufacturiers et exportateurs sont une source importante de croissance et de prospérité pour l'ensemble de la collectivité québécoise. Notre secteur emploie plus de 642 000 Québécois, soit 19 % de la main-d'oeuvre totale au Québec, 40 % sont syndiqués. Et puis l'emploi continue d'augmenter dans notre secteur, ce qui en fait un des secteurs les plus porteurs d'espoir pour nos concitoyens. Les manufacturiers ont un rayonnement indirect, aussi, ils sous-traitent, ils génèrent des revenus d'exportation et contribuent à la prospérité des villes et régions québécoises.

Il est cependant possible de faire encore mieux, au Québec, qu'on ne le fait actuellement. Le taux de chômage reste chroniquement plus élevé que la moyenne canadienne, à 8,5 % contre 6,7 % au Canada. Les Québécois sont généralement plus pauvres que les Canadiens et les Américains, et tous les partenaires socioéconomiques ont l'obligation de chercher à améliorer la situation afin d'assurer un emploi et un revenu satisfaisant à tous nos concitoyens. Il faut cependant noter qu'on a maintenant atteint au Québec l'objectif du Sommet socioéconomique de 1996, qui était de rattraper le taux de croissance moyen de l'emploi. On est à 3 % au Québec, depuis le début de janvier, alors que la moyenne canadienne est de 2,8 %.

Pour continuer à créer des emplois, ça prend un environnement d'affaires compétitif qui encourage la productivité et l'innovation. Les entreprises qui représentent l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs sont aussi conscientes qu'elles ne peuvent pas réussir seules. Elles ont besoin de l'appui des travailleurs et travailleuses et de la société en général. La fibre optique, si vous voulez, doit demeurer au service de la fibre morale.

En ce qui concerne le Code du travail, l'Alliance prêche depuis de nombreuses années une flexibilité accrue, source de dynamisme, mais dans le respect aussi du droit des travailleurs et travailleuses et du droit des entrepreneurs aussi. Les amendements aux articles 2 et 14 du projet de réforme du Code du travail, adoptés par l'Assemblée nationale en mai 1994, rencontrent ces objectifs de flexibilité et de respect des droits. Il y a tout lieu de s'en réjouir.

Ainsi, il y a eu plusieurs impacts positifs, autant auprès des syndiqués que des entreprises, de ces changements-là. Le déplafonnement de la durée des conventions collectives a entraîné, par exemple, une paix industrielle qui ne s'est pas détériorée et qui s'est même légèrement améliorée en termes d'arrêts de travail. Les salaires négociés sont plus élevés dans les conventions collectives de longue durée. Des syndicats affiliés à l'ensemble des centrales syndicales existantes signent des conventions collectives de longue durée et puis les conventions collectives de longue durée ont trouvé preneurs sur le marché du travail. Il y en a 700 qui se signent par année. La durée moyenne se stabilise à 42 mois, et ça, pour tous les secteurs et puis toutes les tailles d'entreprises.

Il faut ajouter à ces facteurs positifs, qui sont énumérés par le rapport, le fait que plusieurs nouveaux investissements sont aussi reliés à des conventions collectives de longue durée. La réduction du nombre de négociations diminue aussi le coût pour les entreprises et les syndicats. Il faut noter qu'aucune grève ne semble reliée à une convention collective de longue durée.

Les auteurs soulignent cependant quelques facteurs d'incertitude quant à l'impact des changements au Code, soit la portée plus limitée des conventions collectives de longue durée vis-à-vis de leurs prédécesseurs, les contrats sociaux, et la faible présence de clauses de réouverture salariale ou à incidence salariale avant échéance.

Il semble donc y avoir peu de controverse quant aux bénéfices des changements adoptés au Code du travail. L'AMEQ souhaite donc faire porter une partie de ses remarques sur l'évaluation des mesures gouvernementales, puisque le ministère du Travail recommande davantage d'études pour les deux prochaines années.

Malheureusement, il ne pourra jamais y avoir d'études d'évaluation d'impact des changements au Code du travail et la faute incombe à l'absence de projets-pilotes qui ne permettent pas l'existence de groupes témoins. La validité interne et externe d'une étude comme le rapport est faible. L'absence de données fiables est en grande partie la responsabilité des décideurs qui adoptent des mesures mur à mur et refusent toute proposition de projet-pilote. L'exemple le plus frais à la mémoire, c'est la loi sur les clauses de disparités de traitement.

Sans l'existence de groupes témoins, de groupes-pilotes, on ne peut pas savoir quel aurait été l'impact de la loi, puisque l'impact des mesures évolue selon l'historique normal. Par exemple, dans le rapport, on dit que la conjoncture économique joue un rôle dans les résultats. C'est fort pertinent. Il est impossible aussi de dire si les mentalités ont évolué suite à la mise en oeuvre des changements ou quelle aurait été la situation sans ces changements. De plus, les impacts futurs d'une réforme future du Code du travail, promise par la ministre de l'Emploi, pourraient difficilement être distingués des impacts des changements aux articles 2 et 14.

La recommandation de poursuivre les études est donc peu réaliste et peu utile, sauf pour des raisons autres que scientifiques. L'avertissement de favoriser au préalable des projets-pilotes vaut aussi pour toutes les politiques et programmes du gouvernement. C'est une recommandation du Conseil de la science et de la technologie qui est responsable de conseiller le gouvernement sur les meilleures pratiques scientifiques qui inspirent cette recommandation-là de l'Alliance. Il faut favoriser le recours à l'expérimentation de projets-pilotes dans l'administration publique comme étape préalable à l'adoption de nouvelles mesures et interventions, examiner les éléments budgétaires ou normatifs qui pourraient faire obstacle au développement d'une culture expérimentale dans les différents ministères et organismes.

n(15 heures)n

Le rapport du Conseil de la science et de la technologie du Québec souligne aussi l'importance d'un cadre théorique rigoureux dans le cadre d'une évaluation et recommande d'encourager les ministères et les organismes à se doter de programmes de recherche, de prospective et de planification, à faire travailler conjointement les chercheurs internes ou externes avec les utilisateurs, de manière à accroître les retombées des résultats de recherche; adopter une politique vigoureuse et systématique d'évaluation des interventions gouvernementales en s'assurant de la pertinence des cadres d'évaluation, de la qualité et de l'indépendance des évacuateurs ainsi que de l'utilisation appropriée des résultats.

Les objectifs visés par les modifications aux articles 2 et 14, tels qu'énoncés par le gouvernement à l'époque, ne permettent pas une évaluation précise, étant donné leur généralité. Il s'agit, pour l'État, de créer un climat favorable à l'entreprise privée tout en renforçant son rôle ? celui de l'État ? de catalyseur, d'accompagnateur et de facilitateur auprès des entrepreneurs, des chefs d'entreprise, des travailleuses et des travailleurs. À l'avenir, le gouvernement devra se donner des objectifs précis et quantifiables s'il souhaite une évaluation des mesures proposées.

Si on prend l'exemple de l'augmentation supérieure des salaires dans les conventions collectives de longue durée et l'absence de clauses d'ajustements salariaux, qui est une des incertitudes principales identifiées par le rapport qui justifie, aux yeux du ministère, la poursuite d'études, il est possible d'expliquer ces deux phénomènes qui ne constituent pas prima facie des enjeux de politique publique.

Ainsi, les entreprises et les employés, si on les pose... au risque, dans un modèle simple, ça voudrait dire qu'il existe deux formes de risques liés à la rémunération, soit que, dans l'avenir, les salaires augmentant plus que prévu ou moins que prévu, si les entreprises et les employés évaluaient également ce risque, ils peuvent ratifier une convention collective de courte durée avec possibilité d'ajustement ou une convention collective de courte durée. Ce sont des produits substituables sur le marché.

Le fait que les conventions collectives de longue durée offrent une rémunération plus élevée indique que les entreprises accordent une valeur supérieure, relativement aux employés, à la prévisibilité des coûts salariaux. Un suivi de cette situation pour les prochaines années, comme le propose le ministère du Travail, ne pourra que conclure que ces employés liés à long terme ont fait un bon choix parce que les salaires des conventions collectives de courte durée sont moins élevées ou ont fait un mauvais choix parce que les salaires des employés court terme sont plus élevés ou que le choix était neutre. Ceci n'ajoute rien à l'analyse, sans oublier que les modifications aux articles 2 et 14 auraient été tout aussi valables si les employés avaient choisi de faire des concessions salariales relativement aux conventions de courte durée pour obtenir une plus grande assurance quant aux augmentations futures de leur rémunération.

Il est aussi possible d'émettre l'hypothèse que les entreprises qui font des investissements importants et à long terme préfèrent réduire leurs risques quant à la rémunération. Dans tous les cas, selon un modèle économique simple, la liberté contractuelle fait en sorte que la flexibilité, quant à la durée des conventions collectives, résulte en une augmentation du bien-être général, d'autant plus que des garanties suffisantes existent quant à la liberté de représentation.

En conclusion, il apparaît donc que la paix industrielle n'a pas été affectée par le déplafonnement de la durée des conventions collectives et que le bien-être des travailleurs et travailleuses des entreprises et de la société est augmenté grâce à une négociation plus libre et un marché du travail plus flexible. Les changements du Code du travail de 1994 semblent donc avoir eu des impacts positifs qui se répercutent sur l'investissement. Les entreprises en ont toujours été convaincues.

Cependant, parce que le gouvernement n'a pas mis sur pied de projet-pilote qui permette l'existence d'un groupe témoin et que les objectifs de la loi n'ait pas été suffisamment mesurables, ou encore, que la réglementation du travail n'est souvent pas le meilleur moyen pour atteindre les objectifs énoncés par les décideurs, l'Alliance recommande de ne pas poursuivre l'étude de ces questions. L'Alliance souhaite plutôt que le gouvernement concentre généralement ses efforts à se donner un cadre rigoureux d'évaluation et encourage les projets-pilotes à l'avenir. Merci.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, merci beaucoup, M. Dussault. Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. M. Dussault, M. Veilleux, bienvenue à cette commission. J'avoue que je suis un peu désamorcée de votre intervention.

Tout à l'heure, la CSN était là, puis on a eu un court échange sur justement les enjeux de méthodologie parce que la CSN avait procédé à d'autres formes d'études, puis il y a des débats à avoir là-dessus.

Ce que je comprends.. Écoutez, j'ai envie de vous dire: Vous avez raison dans l'absolu mais, dans la vraie vie, c'est une autre histoire.

L'état de situation que le ministère a fait, moi, je ne prétends pas que c'est une recherche scientifique parfaite, là; on se comprend. C'est un certain nombre d'indices ? parce que c'est à peu près ce qu'on peut documenter ? qui nous permettent de documenter l'effet d'une mesure comme le déplafonnement des conventions collectives. Ce n'est pas une recherche qui a duré pendant trois ans puis a coûté un demi-million de dollars, c'est clair. C'est des indicateurs avec les pour et les contre, les faiblesses. Ça nous renseigne, ça nous donne un certain nombre d'informations. Ça nous donne des tendances, ça nous dit que ça ne dérape pas; c'est déjà beaucoup.

Alors là, moi, votre propos, je suis un peu sonnée de ça, là, parce qu'on ne peut pas appliquer ça. On ne peut pas, ce n'est pas pensable, là.

On peut imaginer, dans des questions qui sont beaucoup plus faciles à documenter, par exemple, des questions de santé... D'ailleurs, c'est des concepts. Des projets-pilotes, c'est des expériences qu'on fait beaucoup dans le secteur de la santé parce qu'on est capable de mesurer de manière beaucoup plus fiable, mais là, on n'est pas là-dedans, là. On est dans les phénomènes sociaux puis on essaie de trouver des indicateurs qui vont nous permettre de voir si on a visé juste, comme législateurs, ou si on est passé complètement à côté ou si ça a dérapé.

Puis je conclurais un peu... Je remets ça entre vos mains, là. Je ne sais pas quoi faire de cette intervention-là, parce que c'est une espèce de modèle parfait. Écoutez, savez-vous combien ça coûte, ce que vous demandez de faire? Ça n'a aucun sens d'investir autant pour des changements qui ont une certaine importance, mais ce n'est pas la révolution non plus, là. C'est des ajustements qui se font, au fil des années, dans un instrument qui s'appelle le Code du travail.

Puis vous concluez en disant: «Dans tous les cas, selon le modèle économique simple, la liberté contractuelle fait en sorte que la flexibilité, quant à la durée des conventions collectives, résulte en une augmentation du bien-être général.»

C'est vite, ça, comme conclusion, hein, pour quelqu'un qui nous fait un plaidoyer qu'il nous faut avoir quelque chose de plus rigoureux, de plus systématique, procéder avec des comparaisons et des projets-pilotes. Alors, je suis vraiment un peu sonnée de votre intervention.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Dussault.

M. Dussault (Manuel): Écoutez, je pense que c'était l'occasion... En fait, après cinq ans d'un rapport d'évaluation, je pense qu'on peut prendre un peu de recul face aux mesures. Puis c'est ce qu'on a essayé de faire, de donner du recul, puis je pense que, avec votre respect, ce n'est pas une mauvaise chose, dans un processus d'évolution, d'être sonné, c'est le début du changement aussi, là.

Ce n'est pas notre recommandation, hein, les projets-pilotes, vous remarquerez. C'est la recommandation du Conseil de la science et de la technologie sur l'innovation sociale et sur le rôle des sciences humaines.

Évidemment, je peux vous dire: Moi, je pense... J'ai entendu les intervenants précédents qui disaient: Bien, il y a tel cas et il y a tel cas. J'ai entendu mon voisin, j'habite à côté. Oui, effectivement, on peut donner des exemples, on peut donner des indices, mais il y a aussi une façon de se donner une méthodologie sûre pour évaluer les résultats qu'on vise puis pour évaluer l'impact des changements qu'on propose, et c'est ce qu'on vous recommande.

Par exemple, on a entendu certaines propositions sur les nouvelles conventions collectives. Est-ce que ça devrait être déplafonné? C'est peut-être l'occasion de faire un projet-pilote sur les nouvelles conventions collectives pour arriver à des formules puis à voir, effectivement, quel est l'impact du déplafonnement en faisant une évaluation quantitative puis qualitative aussi auprès des employeurs, auprès des employés, puis se donner un processus d'évaluation, dès le début, qui va nous assurer d'avoir une bonne mesure des résultats. Sinon, on se retrouve encore en se posant des questions puis en faisant finalement un débat politique de tout, là.

n(15 h 10)n

C'est clair que, évidemment, on peut faire un... notre idéologie va influencer ce qu'on pense face au déplafonnement, effectivement. Mais, avec des projets-pilotes, avec un cadre d'évaluation rigoureuse, à ce moment-là, on arrive avec des conclusions qui peuvent rallier les gens puis toutes les parties.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la ministre.

Mme Lemieux: Non, ça va pour l'instant. Ha, ha, ha! Oui, mais écoutez, M. Dussault, je ne veux pas vous mettre en contradiction, là, mais vous nous challengez sur la rigueur des évaluations.

Moi, d'abord, jamais je n'introduirais un autre changement à ces dispositions-là sans qu'on ait fait une évaluation d'impacts avant, jamais. Je pense qu'on est dans un esprit où il y a de plus en plus de sagesse dans l'administration publique, avant de faire des gestes comme ça.

Moi, je conviens que ce n'est pas une recherche où on a dépensé 500 000 $, j'en conviens. On a essayé de mesurer, à partir d'indicateurs et d'indices simples, les effets de ça. Mais, quand vous me dites, à la page 5: «Dans tous les cas, selon un modèle économique simple, la liberté contractuelle fait en sorte que la flexibilité quant à la durée des conventions collectives résulte en une augmentation d'une manière générale», puis vous nous faites un plaidoyer aussi fort et aussi bien soutenu sur l'importance de bien évaluer, vous prenez un méchant raccourci, là, hein?

M. Dussault (Manuel): En fait, si vous voulez, si je peux...

Mme Lemieux: Oui.

M. Dussault (Manuel): En fait, quand je dis «dans un modèle simple», c'est ça, que ça veut dire, là, c'est-à-dire, un modèle simple, ça entend que, effectivement...

Je veux dire, avec un modèle très simple, on n'a pas besoin de Code du travail, là. C'est pour ça, que le modèle simple est incomplet puis c'est pour ça qu'on propose justement d'avoir des évaluations rigoureuses.

Cependant, si je peux ajouter, je comprends fort bien que ce n'est pas une évaluation. C'est un rapport prescrit selon la loi, ce qui n'est pas exactement la même chose, puis c'est un excellent rapport pour ce que c'est.

Maintenant, c'est possible de faire des évaluations de programmes puis des évaluations de politiques, si on pense dès le début à faire des projets-pilotes, qui vont être rigoureuses, si vous voulez, d'un point de vue scientifique classique.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Alors, bonjour M. Dussault, M. Veilleux. Il me fait plaisir de vous recevoir à cette commission.

M. Dussault, généralement, vous êtes assis en arrière; pour une fois, vous êtes assis en avant. Alors, il me fait plaisir de vous accueillir. Pour vous, c'est un peu un nouveau rôle, peut-être, que vous jouez; c'est vous qui présentez les mémoires, cette fois-ci.

Alors, on va essayer de mettre ça très positif, en ce qui nous concerne. Et je peux dire que, d'un premier abord, je suis un peu en accord avec Mme la ministre lorsqu'elle a fait la remarque suivante. C'est que c'est un peu complexe, hein, votre proposition; ça semble un peu technique. C'est vrai que le Conseil de la recherche, peut-être, arrive avec toutes sortes de méthodologies, de systèmes pour analyser, pour pas codifier mais essayer de voir un peu comment fonctionnent les organismes, comment fonctionnent les administrations, enfin, les différents plans mis en place. Mais là, on est dans un domaine assez concret, hein, et je pense que les questions qu'on doit se poser, aujourd'hui, comme parlementaires, auxquelles vous devez nous aider à répondre, sont, d'après moi, assez simples.

Il y a deux questions fondamentales qu'on doit se poser. Est-ce que l'amendement au Code du travail, au projet de loi, a favorisé à améliorer la situation des entreprises du côté économique, compétitivité, qualité de travail, qualité de production? Ça, c'est la première question qu'on doit se poser.

En même temps, la deuxième ? bien sûr, les deux questions doivent se poser, je ne le dis pas dans l'ordre forcément ? c'est: Est-ce que les travailleurs qui travaillent dans ces entreprises, qui ont signé ces conventions avec eux ? de longue durée ? ont vu leurs salaires améliorés ou en progression, ont reçu des formations professionnelles, à l'intérieur de l'entreprise, de meilleure qualité ou de très bonne qualité? Est-ce qu'on a embauché de nouveaux travailleurs? Puis, est-ce que la qualité de l'ambiance des relations de travail à l'intérieur de l'entreprise, entre les travailleurs et les cadres de l'entreprises, s'est améliorée? C'est ça, les questions qu'on doit se poser, après tout.

En d'autres termes: Ça a servi à quoi, faire ça? Pourquoi on a changé ça, nous autres? Est-ce qu'on l'a changé parce qu'on voulait faire un nouveau schème administratif, une espèce d'expérience, ou on voulait le faire parce qu'on se rendait compte qu'on avait besoin de faire évoluer ? d'accord? ? le cadre qui régissait la vie à l'intérieur des entreprises, de faire passer de trois ans maximum à une durée indéterminée, selon le bon vouloir des travailleurs?

Alors, les questions qu'on doit répondre, c'est ça, et ce n'est pas à celles-là que vous répondez. Vous nous renvoyez la balle en disant: Vous devriez faire un autre système puis une autre analyse encore, tout en disant: Arrêtez les études.

Moi, je pense qu'on a déjà une première partie de réponse qui est celle, bon, le rapport du ministère, comme Mme la ministre le dit, comme vous le dites si bien et je pense que tout le monde le reconnaît, n'est forcément pas parfait. Ce n'est pas facile de quantifier ces choses-là.

Mais, on a eu, dès ce matin, quand même les mémoires de la Chambre de commerce du Québec et le Conseil du patronat, deux organismes qui sont apparentés un peu à votre organisation, avec lesquelles, à l'occasion, vous faites équipe, d'ailleurs, pour présenter des mémoires communs.

À voir leurs mémoires, ça semble être positif. C'est que, eux, les entreprises qu'ils représentent ont dû leur faire des recommandations, je présume, ou des remarques ou des réflexions. Ils n'ont pas écrit leurs mémoires, comme ça, pour nous dire qu'il ne fallait pas toucher à ça. Au contraire, il fallait le légaliser, le laisser comme il est maintenant pour tout le temps, sans avoir eu un certain nombre de forums, de meetings ou de discussions avec les entreprises qui sont liées là-dedans. Donc, ça semble bien aller, ça confirme un peu ce que le mémoire du ministère nous dit.

Alors, moi, ce que j'aurais aimé de vous, c'est peut-être nous dire: Les manufacturiers, chez vous, qui ont des conventions collectives signées à long terme, comme ça, vous devez en avoir. Vous dites que vous êtes le leader ? votre organisme, bien sûr ? qui représente le secteur le plus en émergence au Québec. Donc, on parle probablement de la haute technologie. Enfin, vous parlez de la fibre optique et de la fibre morale. Donc, vous laissez dire par là que vous êtes probablement dans les industries en émergence.

Chez vous, là, comment ça s'est passé? Est-ce que les entreprises ont trouvé une meilleure compétitivité? Est-ce qu'elles ont fait des meilleurs profits, elles ont pu prendre les meilleurs marchés? Est-ce qu'elles ont des bonnes relations de travail? Puis, est-ce que les travailleurs qui étaient là-dedans, eux autres, ils sont contents et sont satisfaits? C'est ça qu'on veut savoir. Est-ce qu'on a bien fait de la faire, cette loi-là? Si on s'embarque dans les trucs techniques, là, on va sortir avec des chiffres puis des paquets puis on n'aura peut-être pas répondu à la question.

Sur un point de vue analytique, vous avez probablement raison, mais je crois qu'en politique nous sommes des élus, nous ne sommes pas des spécialistes pointus à ce point-là. On doit se fier sur des choses qui sont concrètes, palpables et qui correspondent à la réalité de tous les jours, des entreprises et des gens.

Alors, moi, si vous êtes prêts à nous parler de ça, là, comment ça s'est vécu chez vous, comment ça va fonctionner, et puis, est-ce que vous êtes d'accord qu'on continue ou est-ce que vous n'êtes pas d'accord qu'on continue, ou il faut changer quelque chose?

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Dussault.

M. Dussault (Manuel): C'est d'excellentes questions, je vais tenter d'y répondre. Écoutez, c'est perçu très positivement par nos membres, ces changements-là. C'est une plus grande flexibilité.

Quand on fait des investissements et qu'on peut minimiser les risques à long terme, parce que, vous savez, on fait des investissements fixes sur plusieurs années; donc, on doit minimiser les risques au niveau des relations de travail. C'est très positif de pouvoir le faire dans une convention collective de longue durée. C'est peut-être des changements qui sont fort appréciés, fort utilisés aussi par le secteur manufacturier. Dans les entreprises de grande taille, on a beaucoup d'exemples qui sont connus publiquement mais aussi dans les PME.

Ceci dit, écoutez, c'est important de se donner les conditions pour faire une évaluation rigoureuse. Ce que je vous donne, c'est de l'information si vous voulez, comme un «focus group», ce que nos membres de comités, ce que nos sondages nous disent. J'entends d'autre chose de la part des associations syndicales, évidemment, et puis je retiens votre proposition.

Vous étiez tout à l'heure en train de parler, pour une première convention, est-ce qu'il faudrait prendre cinq ans, limiter à cinq ans? Vous savez, vous êtes déjà dans le deal politique sans avoir fait d'évaluation rigoureuse, comme vous le conseille le Conseil de la science et de la technologie. Puis je pense que ça serait intéressant, peut-être, d'utiliser cette occasion-là de faire un projet-pilote pour déplafonner les premières conventions collectives.

M. Gobé: C'est parce que, M. Dussault, j'haïs ça, mettre les gens un peu en contradiction surtout quand ils sont dans le même secteur, mais vos collègues des autres associations patronales sont très directs. La Chambre de commerce, c'est sa première demande, hein? En première page, elle commence par nous dire: «...du gouvernement devrait non seulement rendre permanentes les dispositions autorisant les conventions collectives de longue durée, mais qu'il devrait de plus évaluer l'opportunité d'étendre la portée de la première convention collective négociée.»

Donc, pour eux, là, le CPQ ? je ne sais plus à quelle page que c'est ? ce n'est pas la première, mais ce n'est pas tellement loin non plus. Donc, il semble que les gens ont déjà fait leur choix, leur évaluation.

M. Dussault (Manuel): Évaluer l'opportunité.

M. Gobé: Oui, oui, mais, je veux dire que...

M. Dussault (Manuel): On dit la même chose.

n(15 h 20)n

M. Gobé: C'est une manière... ils ne nous demandent pas de mettre en place des projets-pilotes, et puis enfin, toutes sortes de mécanismes qui me semblent assez lourds. Puis, moi, ça me surprend un peu parce que, généralement, ce qu'on entend venant de la part des organisations patronales, c'est plutôt: Allez y, mettez le moins de lourdeur possible, le moins d'embâcle possible, le moins de réglementation. Et qui dit évaluation dit paperasse, formulaires. Vous savez, c'est des choses qui, d'après moi, commandent de la part des entreprises qui sont concernées ? parce qu'il faut prendre des entreprises pour faire ces projets-pilotes là et ces choses-là ? puis dans quel temps, dans quelle période? Est-ce que le projet-pilote a lieu dans une période où l'économie va très bien ou moins bien ou mieux? Puis, à ce moment-là, bien, les résultats ne sont pas forcément les mêmes.

Alors, moi, je crois qu'on devrait plutôt se fier à votre première réaction qui dit: Ça va très bien, on est très satisfait. Donc, si vos membres sont bien, sont satisfaits à l'intérieur de ça, je pense que c'est déjà un beau témoignage pour cette loi. Maintenant, par la suite, eh bien, on peut prendre d'autres recommandation que vous amenez comme peut-être d'étudier la possibilité de l'amener à trois ans. Mais il faut que ce soit fait, d'après moi, légèrement; il ne faut pas arriver à quelque chose, un carcan encore, là. Il ne faut pas que ce soit quelque chose de laborieux, de long, qui va durer un autre trois, quatre ans. Parce que l'économie, elle bouge; le train, il est parti, là, hein!

Je pense que notre rôle, à nous, les élus, ce n'est pas de mettre les brakes, actuellement. Enfin, ce n'est pas de serrer les freins, hein? Notre rôle, à nous, c'est de faire en sorte que la locomotive, elle ne trouve rien sur la voie qui la fasse dérailler, au contraire. Parce que c'est dans l'intérêt des entreprises mais aussi des travailleurs, bien sûr, puis des familles, de tout le monde, hein? Alors, ça me semble un peu lourd, moi, un peu complexe, votre...

Le Président (M. Lelièvre): M. Dussault.

M. Dussault (Manuel): Merci. Excusez. Tout de même, M. Gobé, il ne faut pas caricaturer, non plus, le milieu des affaires. Si on prend le rapport du groupe-conseil à l'allégement réglementaire sur les études d'impact économique, vous retrouverez, dans leur deuxième rapport, des recommandations méthodologiques sur l'étude d'impact économique, comme quoi c'est important de renforcer l'étude. La qualité de ces études-là est d'avoir des groupes extérieurs pour les valider.

Alors, le milieu des affaires comprend le rôle du gouvernement puis comprend, en tout cas, les manufacturiers puis comprend l'importance aussi d'arriver avec des propositions éclairantes et éclairées.

En ce qui concerne la qualité, le mouvement qualité chez les manufacturiers, c'est bien faire une première fois ce qui doit être fait. Alors, je sais que le train passe, là. Mais, dans le secteur manufacturier, c'est important de prendre le temps de ne pas avoir de défaut dans ce qu'on fait parce que si on fait un produit de qualité, les gens vont l'acheter, puis c'est ça, la philosophie qualité.

Alors, si on fait un produit de qualité au niveau des premières conventions collectives, les gens vont l'acheter, la population va l'acheter, les entreprises vont l'acheter aussi puis ça va être positif pour le développement économique du Québec.

Le Président (M. Lelièvre): Merci, M. Dussault. Alors, Mme la ministre, vous aviez demandé la parole?

Mme Lemieux: Deux choses: la première, effectivement, il y a des organisations patronales, ce matin, qui ont fait allusion au fait qu'ils trouvaient intéressante la possibilité qu'on déplafonne les conventions collectives, y compris pour les premières conventions collectives, et ça, c'est un bon exemple.

Moi, je ne sais pas encore si je vais l'examiner, là; j'ai besoin d'y réfléchir. Mais on ne peut pas se lancer dans un changement comme ça ? qui a l'air mineur ? mais qui peut changer toute une dynamique sans, au préalable, essayer d'en anticiper un peu les effets.

Alors, ça, c'est clair que, de plus en plus, dans l'administration publique et de la part des gouvernements modernes, on essaie d'éviter de prendre ce genre de décision là sur le bord d'une table et de statuer sur des questions aussi importantes dans les 24 heures qui suivent. Il faut documenter ce type de proposition là. L'autre chose sur laquelle je voudrais revenir, c'est le fait que ce qui est beaucoup véhiculé ? puis vous le dites aussi d'une certaine manière ? l'espèce de lien de cause à effet entre la présence d'investissements ou la confirmation d'investissements importants dans une entreprise, soit une nouvelle entreprise ou une entreprise déjà existante, et une convention collective qui est ficelée pour une plus longue période, cette espèce de lien de cause à effet que, si une convention collective dure plus longtemps, il y a plus de chance que l'investissement qui est promis se fasse, est-ce qu'il n'y a pas là un énorme cliché? C'est plus complexe que ça, décider d'investir quelque part?

Le Président (M. Lelièvre): M. Dussault.

M. Dussault (Manuel): En fait, écoutez ? c'est une bonne question ? quand une entreprise fait un investissement important, majeur, je pense que c'est un jugement qu'effectivement il y a une présence au Québec, à long terme, ils vont y mettre les ressources nécessaires puis un il y a un potentiel à long terme, au Québec, pour faire des profits pour être rentable et ça devient un partenariat... Il faut nécessairement un partenariat aussi avec les employés, avec la communauté aussi. Les entreprises ont des programmes de relations avec la communauté, et je pense que les conventions collectives de longue durée, ça entre dans cette philosophie-là des entreprises qui ont les moyens de faire des investissements à long terme et puis qui ont une conscience du rôle qu'elles peuvent jouer auprès de leurs employés, auprès du développement économique puis auprès de leur communauté. Alors, je ne suis pas sûr si c'est un cliché.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Ce matin, en tout cas... parce qu'il y a des travers aussi. En général, les groupes d'intérêts... on veut tellement véhiculer... on trouve tellement que c'est important, ce qu'on veut véhiculer, qu'on finit pas développer des travers.

Mais, quand, par exemple, dans certains cas, on nous dit... Je conviens avec vous, là. Il ne s'agit pas de gérer à l'anecdote. Mais quand on fait ce lien-là, parce que... Qu'est-ce que ça veut dire concrètement? Ça veut dire qu'on dit à des gens, du monde bien ordinaire, qu'il faut qu'ils gagnent leur vie puis qu'ils gagnent la vie de leur famille: Si tu ne signes pas sur une longue période, ce n'est pas sûr qu'on va mettre ce qu'on avait dit qu'on mettrait dans l'entreprise. C'est ça que ça veut dire.

Le Président (M. Lelièvre): M. Dussault.

M. Dussault (Manuel): Je ne suis pas sûr que je comprends le sens de votre question. C'est du chantage?

Mme Lemieux: Oui, mais, dans un certain sens... Je leur pose la question: on semble faire un lien entre le fait... Vous parlez vous-même, dans votre mémoire, de paix industrielle. Vous utilisez le mot «investissements» quelque part. Toute votre introduction est sur l'idée qu'on fait beaucoup au Québec, qu'on fait beaucoup mieux, qu'on a fait plus mais qu'on pourrait faire encore plus.

Alors, moi, ce que je comprends, j'en déduis ? c'est peut-être un sophisme, mais, bon ? que, si les relations de travail étaient attachées dans des conventions collectives plus longues, peut-être que ça aurait des effets bénéfiques beaucoup plus grands pour l'économie québécoise. Est-ce que c'est ça, votre hypothèse?

Le Président (M. Lelièvre): M. Dussault.

M. Dussault (Manuel): Dans le sens où il y en a, des conventions collectives de longue durée qui sont liées à l'investissement, je pense que cette portion-là est résolue. Si vous étiez investisseur, je pense que vous voudriez, vous aussi, probablement ? puis ce n'est peut-être pas tous les cas ? une certaine garantie de stabilité face à vos employés. C'est-à-dire que, si vous faites un investissement que vous devez rentabiliser sur 20 ans, par exemple, vous vous mettez finalement en position de vulnérabilité pour les 20 prochaines années. Donc, vous voulez réduire vos risques, parce que vous prenez un risque. Donc, vous tentez de réduire, de toutes les façons possibles, les risques de votre investissement, donc, de dire: Écoutez, je vais payer pour avoir une convention collective de longue durée.

C'est comme ça que j'explique, moi, les salaires plus élevés, parce que ça réduit mes risques de fluctuation à long terme puis ça fait partie aussi d'un ensemble de conditions que je veux me donner avec mes employés pour rentabiliser cet investissement-là sur 20 ans. Je pense que c'est quelque chose qui est raisonnable puis qui est un bon jugement d'affaire quand on fait des investissements risqués, au niveau capital, d'essayer de s'assurer d'une certaine stabilité ailleurs.

Le Président (M. Lelièvre): Cinquante secondes. Alors, il n'y a plus de questions de part et d'autre?

Alors, merci, M. Dussault, M. Veilleux, au nom de la commission, d'avoir représenté ici l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec.

La commission va suspendre ses travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 30)

(Reprise à 15 h 39)

Le Président (M. Kieffer): Alors, vous connaissez les règles: 15 minutes pour la présentation, 15 minutes de part et d'autre. Alors, si vous voulez bien vous présenter, messieurs, et commencer par la suite à présenter votre mémoire. À vous, la parole.

Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Vaudreuil (François): Merci, M. le Président. Alors, à ma gauche, c'est Normand Pepin qui est responsable du service de la recherche à la CSD et, moi, c'est François Vaudreuil, président de la CSD.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, mesdames, messieurs de la commission, ça nous fait plaisir d'être ici cet après-midi. Dans un premier temps, je voudrais vous rappeler que la CSD, qui représente près de 60 000 personnes au Québec, oeuvre essentiellement dans le secteur privé, c'est-à-dire que plus de 90 % de notre membership se retrouve dans le secteur privé, donc assujetti aux conventions collectives de longue durée.

n(15 h 40)n

Alors, la CSD s'était opposée à l'adoption du projet de loi n° 116 considérant qu'il s'agissait d'une mesure à contre-courant. Nous estimions, à l'époque, que, dans la période de restructuration économique et industrielle que nous connaissions, le déplafonnement de la durée des conventions collectives proposé aurait pour conséquence d'édulcorer les objectifs recherchés dans les quelques expériences de contrats sociaux connus à ce moment-là. Nous avions la désagréable impression que le projet de loi ne pouvait qu'engendrer la confusion assimilant les contrats sociaux aux contrats de longue durée. Nous écrivions alors que: «Certains croient que, parce qu'il n'y a pas de droit de grève ou de lock-out pour plusieurs années, cela assure la paix industrielle. C'est mal connaître la vie en entreprise. Combien vivent de la guerre froide sans pour autant être en grève?»

Nos conclusions sur la réforme proposée par le ministre du Travail de l'époque était que celui-ci se trompait de cible et que ces modifications peu significatives négligeaient les véritables enjeux pour les milieux de travail soit: des conditions pour assurer le développement du partenariat, des conditions de flexibilité, un environnement propice pour l'amélioration de la compétitivité de l'entreprise, le maintien et le développement des emplois.

Nous croyons toujours que, pour donner un nouvel élan aux relations de travail au Québec, une réelle modernisation du Code du travail s'impose. À ce titre, le projet de loi n° 116 aura été une occasion manquée puisque le législateur s'est alors contenté de déplafonner la durée des conventions collectives plutôt que de mettre en place un cadre législatif touchant les sept composantes du contrat social en entreprise, tel qu'identifié par le ministère de l'Industrie et du Commerce et de la Technologie, en juin 1993.

Rappelons qu'à l'époque son ministre, Gérald Tremblay, faisait la promotion de contrats sociaux en entreprise pour celles qui désiraient bénéficier d'une aide financière. Ces contrats sociaux avaient deux objectifs: dans un premier temps, s'assurer que l'engagement des parties patronale et syndicale était ferme et qu'il constituait une garantie sérieuse de viabilité; dans un deuxième temps, s'assurer que les fonds publics confiés à l'entreprise allaient être bien gérés et utilisés pour les fins auxquelles ils avaient été destinés. Pour atteindre ces objectifs, le contrat social devait prévoir sept composantes, d'une part: la transparence économique et de gestion, la qualité totale, l'élaboration et l'application d'un plan de développement des ressources humaines, la stabilité en emploi, la capacité d'adaptation par la flexibilité et la mobilité dans l'organisation du travail, la mise en place et le fonctionnement d'un mécanisme de gestion de l'entente, des dispositions garantissant la poursuite des opérations de l'entreprise au-delà de la durée convenue dans la convention collective.

Comme on peut le constater, les objectifs et les composantes des contrats sociaux concernent des aspects qui ne se limitent pas à la seule durée des conventions collectives. Par sa portée limitée, le projet de loi n° 116 qui ne touchait que l'aspect du déplafonnement de la durée des conventions collectives, vidait donc de son essence l'initiative du ministre Tremblay en faveur du développement des contrats sociaux. Et c'est d'ailleurs en partie ce qui se dégage de la lecture du rapport sur l'application des articles 2 et 14 de la Loi modifiant le Code du travail.

L'auteur mentionne en effet qu'un mémoire de maîtrise qui a étudié en profondeur les conventions collectives de longue durée signées avant et après l'adoption du projet de loi n° 116 conclut ce qui suit: «La tendance observée parmi les ententes de longue durée signées avant l'entrée en vigueur de la loi déplafonnant la durée des conventions collectives de travail ne s'est pas perpétuée dans les deux premières années qui ont suivi son adoption. En effet, ce n'est que dans une très faible proportion que nous retraçons les caractéristiques qui démarquaient les premières ententes de longue durée.» L'adoption de la Loi modifiant le Code du travail, projet de loi n° 116, aurait donc bel et bien eu l'effet que nous anticipions dans notre mémoire de décembre 1993, c'est-à-dire qu'elle aura plafonné la durée des conventions collectives, sans pour autant contribuer à ce que le partenariat s'étende davantage. Alors, si le gouvernement de l'époque avait eu plus de courage, mais surtout plus de vision, il n'aurait adopté un projet de loi qui déplafonnait la durée des conventions qu'à la condition expresse que le partenariat se développe réellement au sein des entreprises.

En 1993, nous soulignions aussi que les travailleurs risquaient de se retrouver perdants relativement à leurs possibilités de changer d'allégeance. De fait, leur droit de choisir démocratiquement qui allait être le représentant auprès de l'employeur a été mis en veilleuse pendant des mois, voire des années durant. L'adoption du projet de loi a eu des conséquences encore plus dramatiques là où il a permis à une organisation syndicale dont les travailleurs ne voulaient plus de se maintenir artificiellement en vie grâce au déplafonnement de la durée des conventions collectives. Se sentant vacillantes auprès de leurs membres, certaines organisations syndicales ont en effet pu être tentées par une convention collective de longue durée, dans l'espoir de repousser le plus loin possible la période pendant laquelle le changement d'allégeance syndicale est possible.

Par ailleurs, la lecture de la section II du rapport intitulé Droit comparatif nous laisse perplexes. Ainsi, le Québec détiendrait, avec quelques autres provinces, le triste record de la durée de la période pendant laquelle tout changement d'allégeance syndicale est interdit. Là où le travailleur québécois doit attendre six ans avant de pouvoir changer d'allégeance syndicale, les travailleurs canadiens, ontariens, néo-écossais et néo-brunswickois ne doivent attendre que trois ans. De plus, si leur convention dure six ans, ils auront pu bénéficier de quatre périodes de changement d'allégeance pour faire valoir leurs droits, soit au terme d'une des trois premières années de la convention, puis une pour chaque année où la convention continue d'être en vigueur.

Pourquoi avoir choisi de déplafonner complètement et de reporter si loin dans le temps un droit fondamental pour les travailleurs, celui de choisir ceux qui auront le devoir de les représenter pendant les années à venir? Sachant que l'étude du rapport sur l'application des articles 2 et 14 était à l'ordre du jour, nous avons profité de l'occasion pour mener une consultation interne sur la question. Précisons tout de suite qu'il ne s'agit pas d'un sondage scientifique auprès des membres, mais d'une consultation auprès des dirigeants des syndicats affiliés à qui nous avons demandé quelle était l'appréciation de leurs membres à l'égard des conventions collectives de longue durée. Cette manière de faire nous a permis de prendre le pouls de notre membership auprès d'une soixantaine de syndicats affiliés, au printemps dernier. Nous avons tenté de savoir comment réagiraient la majorité des membres à l'idée de signer une convention collective dont la durée de vie, sans tenir compte de son effet rétroactif, excéderait trois ans. Les points de vue des dirigeants de nos syndicats affiliés ont été très partagés. Si 52,8 % des répondants considèrent que leurs membres y seraient très ou plutôt favorables, 47,2 % estiment que leurs membres sont d'avis contraire. De plus, on retrouve deux fois plus de répondants qui pensent que leurs membres sont très défavorables à l'idée de signer une convention collective de longue durée qu'il y en a qui pensent qu'ils y sont très favorables. Et nous sommes convaincus que cette polarisation sur la question existe à plusieurs niveaux.

À l'aide d'un petit questionnaire, nous avons réussi à savoir qu'il existe des différences d'un syndicat à l'autre mais, ce que notre expérience nous dicte, c'est que cette polarisation existe aussi à l'intérieur même des syndicats, sinon dans chacun d'eux, du moins dans un grand nombre d'entre eux. Ainsi, au départ, il y a loin d'y avoir unanimité sur l'opportunité ou non de signer des conventions collectives de longue durée parmi notre membership.

Nous avons aussi voulu savoir quels sont les motifs pour lesquels les membres de la CSD ou, à tout le moins, certains d'entre eux, sont satisfaits ou insatisfaits de la conclusion d'une telle entente. Ils sont satisfaits pour deux principales raisons: quand ils ont réussi à obtenir de meilleurs conditions de salaires et d'avantages sociaux qu'ils n'auraient pu le faire en négociant une convention collective de trois ans ou moins et quand une telle entente a permis d'améliorer la sécurité ou la stabilité d'emploi. Les motifs d'insatisfaction, eux, se concentrent essentiellement autour d'une seule et même raison. Nous savons tous qu'on ne peut espérer régler tous les problèmes qui se posent aux salariés en une seule négociation, essentiellement parce que les relations du travail sont un domaine dynamique où tout change constamment: qu'on pense à la composition de la main-d'oeuvre, les exigences de la formation pour occuper un emploi suite à une réorganisation ou à des changements technologiques, etc. Comme il est impossible d'avoir tout prévu, il est normal que les personnes consultées, qui sont d'abord et avant tout des praticiens, aient manifesté leur crainte de devoir vivre avec des dispositions inadaptées à l'évolution sans pouvoir apporter les correctifs nécessaires dans les délais raisonnables. Parmi les facteurs évolutifs, on retrouve, bien sûr, l'inflation contre laquelle les salariés souhaitent se prémunir, et plus la durée de la convention est longue, plus la crainte de voir son pouvoir d'achat diminué est forte dans les secteurs d'activité où les clauses d'indexation au coût de la vie ne sont pas pratique courante. Certains nous ont aussi mentionné que la durée des conventions collectives, devenant elles-mêmes un enjeu de convention collective, cette pomme de discorde supplémentaire contribuerait à allonger la durée des négociations elles-mêmes quand elle ne devient pas la source de conflit en soi. Ces motifs d'insatisfaction nous renvoient donc aux conditions qui devraient être posées comme préalable à la signature d'une convention collective de longue durée.

n(15 h 50)n

Nous l'avons dit en introduction, les contrats sociaux d'avant le projet de loi n° 116 non seulement déplafonnaient la durée des conventions collectives, mais ils comportaient aussi la mise en place et le fonctionnement d'un mécanisme de gestion de l'entente précisant les modalités d'application du contrat social qui reposait en grande partie sur le paritarisme. Au titre de ces modalités, on retrouvait, entre autres, des mécanismes de révision de la convention pour les articles qui apparaissaient être des irritants en cours de route pour l'une ou l'autre des parties. Or, c'est l'essence même de ces contrats sociaux qui semble avoir disparu depuis l'adoption de la loi. Ce constat a été déjà confirmé par le mémoire de maîtrise de Danielle Mayer et il est maintenant confirmé par les résultats de notre consultation.

Nous n'avons pas non plus été surpris de constater que, à deux exceptions près, la demande d'allongement de la durée de convention collective a été déposée par l'employeur. Comme nous le soulignions déjà dans notre mémoire de 1993, en faisant de l'exception la règle, la Loi modifiant le Code du travail a placé les employeurs en position de demandeur sur le plan de la durée des conventions collectives précisément parce que, dans la loi, aucune condition n'est rattachée au déplafonnement. Or, pour les dirigeants des syndicats affiliés consultés, il est clair que de telles conditions devraient exister avant d'accepter de signer un contrat de plus de trois ans. Plus de huit répondants sur 10 ont en effet affirmé que la conclusion d'une convention collective de longue durée devait être liée à des conditions particulières. Parmi les motifs pouvant justifier la conclusion d'une telle entente, les personnes consultées ont indiqué majoritairement que cela prenait des garanties quant au maintien ou au développement des emplois. Les autres motifs invoqués de façon significative ont été: Des changements importants dans l'organisation du travail; une importance accrue du rôle des salariés et du syndicat dans l'entreprise; des investissements importants dans l'entreprise; et enfin, des garanties tant qu'au maintien du pouvoir d'achat.

En guise de conclusion et de recommandations, la recommandation finale du rapport nous apparaît nettement insuffisante. S'il est vrai que la majorité des conventions collectives de longue durée qui sont venues à échéance avant le 31 décembre 1999 ne sont pas renouvelées en date d'aujourd'hui, on ne peut se contenter de suivre l'évolution de ce dossier pendant au moins deux ou trois années additionnelles avant de conclure au maintien ou à des modifications à apporter aux règles visées aux articles 22 et 65 du Code du travail: d'abord, parce que ce rapport nous apparaît injustifié étant donné que le gouvernement devrait inclure cette révision des articles 2 et 14 de la loi dans les discussions actuelles autour du document intitulé Pour un Code du travail renouvelé produit par le ministère du Travail, car ce que nous souhaitons, c'est une réforme intégrée du Code du travail et non un rapiéçage de plus; ensuite, parce que cette recommandation laisse sous-entendre que, si les parties décident de renouveler leur convention collective pour une autre de longue durée, ce seul indice suffira à conclure que les parties y trouvent chacune leur compte et qu'il faut donc maintenir les règles visées aux articles 22 et 65 du Code.

Il faut être naïf pour croire que les négociations se déroulent de manière aussi conviviale et que ce n'est pas une des parties qui y gagne plus au change de l'adoption du maintien d'une nouvelle durée, par exemple. Nous l'avons mentionné un peu plus tôt: dans certains cas, la durée de la convention collective devient elle-même objet de négociation, voire source de conflit en soi. On est donc loin de l'esprit des contrats sociaux, esprit qui a pourtant présidé à la naissance des conventions collectives de longue durée. Loin d'avoir contribué à rendre les relations du travail moins tendues au Québec ? et cette tension ne s'exprime pas uniquement dans les nombres d'arrêts de travail ? l'allongement de la durée des conventions collectives, en l'absence de conditions préalables, fait en sorte que, aujourd'hui, à cause de l'occasion ratée par le projet de loi n° 116, les membres de la CSD veulent s'en tenir à une durée de trois ans. Rien de plus normal à cela puisque, en l'absence d'une véritable culture partenariale, pourquoi les travailleurs perdraient-ils leur méfiance face à des conventions de longue durée qui leur semblent avantager les employeurs?

Il est donc clair à nos yeux que, pour aller au-delà de trois ans, les membres de la CSD souhaitent que des conditions préalables soient posées comme essentielles. Et les personnes consultées nous disent que ces conditions ont tout pour se rapprocher de ce que l'on appelait à une époque pas si lointaine: les contrats sociaux.

La CSD recommande donc que, pour pouvoir conclure une convention collective d'une durée supérieure à trois ans, les conditions préalables favorisant le partenariat dans l'entreprise soient présentes.

Le Président (M. Lelièvre): M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Il me reste une page.

Le Président (M. Lelièvre): J'aurai besoin d'un consentement pour...

Une voix: ...

Le Président (M. Lelièvre): Oui. Allez-y.

M. Vaudreuil (François): Merci. Les dirigeants des syndicats affiliés que nous avons consultés nous ont déjà donné des exemples concrets de ce que pourraient être ces conditions. Ils nous ont dit que les membres souhaitaient obtenir des garanties quant au maintien et au développement des emplois, qu'ils veulent aussi lier l'allongement de la durée de leur convention à une organisation du travail, revue et corrigée dans le sens d'une plus grande implication des salariés dans leur travail. Les membres veulent aussi un rôle plus grand pour les salariés et pour le syndicat dans l'entreprise. Les dirigeants syndicaux consultés nous ont aussi fait part de leurs préoccupations pour la vie syndicale avec des conventions collectives de durées illimitées, comme le rend possible l'article 65 du Code tel que modifié en 1994. Ils trouvent préoccupant le fait que la possibilité pour les membres de changer d'allégeance soit reportée si loin dans le temps.

Quant à savoir quelle serait la durée maximale pour que les travailleurs puissent se prévaloir de leur droit de choisir qui a le devoir de les représenter comme organisation, ils sont plus nombreux à se prononcer en faveur d'une durée de quatre ans que de cinq ans. Presque personne ne va au-delà de ces échéances. Il est donc clair pour nous que, au-delà de cinq ans, les dispositions du Code du travail sont insuffisantes en ce qui a trait aux périodes de changement d'allégeance. La CSD recommande donc que des modifications soient apportées aux règles visées à l'article 65 du Code du travail de manière à ce que les mécanismes de changement d'allégeance deviennent assez ouverts qu'ils enlèvent toute velléité à quelque organisation syndicale que ce soit d'emprisonner leurs membres dans une organisation qui ne leur convient plus. Merci.

Le Président (M. Lelièvre): Merci beaucoup, M. Vaudreuil. Nous allons maintenant aborder la période d'échanges. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. M. Vaudreuil, M. Pepin, bienvenue à cette commission.

D'abord, je vous dirais que je trouve intéressant le fait que, même si vous convenez ? je ne sais pas si vous étiez là à la présentation précédente ? que le sondage n'est pas hyperscientifique, vous avez quand même fait un exercice, avec un certain nombre de personnes qui sont impliquées dans votre centrale syndicale, autour de cette évaluation-là du déplafonnement des conventions collectives, et je trouve ça intéressant. On convient qu'il y a des limites à cet exercice-là, mais, quand même, ça nourrit le débat que nous avons aujourd'hui.

Une première question de base. Bon, je ne veux pas qu'on se batte sur les chiffres, là, mais la CSD a quand même conclu un certain nombre de conventions de longue durée, j'imagine qu'il n'y a personne qui en est mort, là. Ça s'est passé comment? Dans quels secteurs? Et ça s'est passé comment?

M. Vaudreuil (François): Bon. C'est arrivé dans à peu près tous les secteurs d'activité économique. Il y a eu des situations qui ont été très difficiles, qui ont été douloureuses, qui n'ont pas fait l'objet de conflits de travail comme tels. Je pense, entre autres, à un dossier dans l'Estrie, une grosse usine de textile où l'employeur désirait une convention collective de cinq ans et les salariés voulaient une convention collective de trois ans. Finalement, après un vote de grève, après un ralentissement de travail, là, l'employeur a présenté une menace de fermeture. Évidemment, quand on a ce type d'employeur là, c'est souvent doublé aussi de clauses orphelin. Donc, les travailleurs, plutôt que d'aller en grève, parce qu'il y avait des menaces de fermeture de l'entreprise, ont décidé de l'accueillir.

Alors, c'est arrivé, ça, à quelques reprises, et je serais malhonnête de vous dire que dans tous les cas ça a été des situations qui ont été de ce type-là. Mais dans la majorité des cas, dans les 60 syndicats qu'on a consultés, uniquement à deux reprises les syndicats étaient initiateurs d'une telle demande. Dans les autres cas, c'étaient toujours les employeurs. Mais ce qui est intéressant là-dedans, dans les échanges, en consultation, qui ont été faits, c'est que les gens disent: Dans le fond, la durée de la convention collective, elle devrait être à trois ans. Puis pour qu'on puisse aller plus loin, il faut vraiment donner une impulsion nouvelle au partenariat, il faut faire évoluer les milieux de travail et, dans ce cadre-là, l'augmentation de la durée des conventions collectives était très importante. Puis quand on leur pose des questions, ils nous ramènent vite, évidemment, aux emplois, dans un premier temps, mais après ça, à l'implication des salariés, aussi à l'implication des syndicats dans les milieux de travail.

Mme Lemieux: Mais ça, je vais y revenir tout à l'heure. Vous dites aussi, au début de votre mémoire, sur la question de la séquence de changement d'allégeance: «Se sentant vacillantes auprès de leurs membres, certaines organisations syndicales ont en effet pu être tentées par une convention collective de longue durée dans l'espoir de repousser le plus loin possible la période pendant laquelle le changement d'allégeance syndicale est possible. Vous n'avez pas une haute estime du mouvement syndical.

M. Vaudreuil (François): Pardon?

Mme Lemieux: Vous n'avez pas une haute... Non, mais, c'est parce que vous êtes en train de me dire qu'il y a des syndicats qui ont fait des manoeuvres.

n(16 heures)n

M. Vaudreuil (François): Mais ce n'est pas... Oui. Mais là-dessus, Mme la ministre, ce n'est pas une question de haute estime du mouvement syndical. Au contraire. Ce n'est pas ça, c'est qu'il existe certains syndicats qui vont être tentés d'attacher leurs membres pour pouvoir les conserver plus longtemps. Et nous, ce qu'on dit, c'est que la meilleure garantie, c'est de pouvoir permettre à ces gens-là, s'ils ne sont pas heureux, de changer leur représentant.

D'ailleurs, je vous rappellerai le sigle de la CSD, à cet effet-là. Les lettres sont rattachées ensemble parce qu'il est aussi facile d'y sortir que d'y entrer, et ça, c'est la plus belle garantie de démocratie, la liberté de choisir.

Ce qu'on prétend, c'est que, après une convention d'une durée de cinq ans, à tous les ans, les travailleuses et les travailleurs qui seraient assujettis par cette convention-là devraient avoir le loisir, la possibilité de pouvoir changer d'allégeance syndicale. Et ça, c'est une garantie qui fait en sorte que les organisations syndicales devront être près de leurs gens, devront bien les représenter sinon ils vont les perdre. Plutôt que de les attacher...

Le Président (M. Lelièvre): Mme la ministre.

Mme Lemieux: Enfin, on entre dans un autre sujet. Mais, en tout cas.

M. Vaudreuil (François): Non, mais le changement d'allégeance, Mme la ministre, cette liberté de choisir, pour nous, je pense que, dans une société démocratique, une société comme le Québec, c'est important.

Mme Lemieux: Oui, oui, oui. J'en conviens.

M. Vaudreuil (François): Et c'est pour ça qu'on dit...

Mme Lemieux: Mais la stabilité aussi, c'est important. On ne peut pas créer des mouvements... Mais on entre dans un autre sujet.

Ce que je voudrais surtout aborder avec vous parce que je pense que c'est le fil conducteur de votre mémoire, c'est toute cette question-là autour des conditions préalables. C'est ça, le fil conducteur.

La qualité du partenariat, c'est dur, codifier ça parce que, là, on entre aussi dans la bonne foi. Comment on décode ça, la bonne foi? Comment on décortique ça et comment on écrit ça dans un texte de loi? C'est tout un défi.

Vous dites, entre autres, qu'un des éléments, ça devraient être des garanties quant au maintien au développement des emplois. Écoutez, moi, j'ai vu pas mal de situations. Vous en avez vues autant que moi, sinon plus. Ça se discute, ça, avec un employeur. Ça se négocie, ça, une espèce de perspective sur le maintien des emplois existants, sur le développement. Il n'y a rien qui empêche que les parties arrivent à ça.

Le Président (M. Lelièvre): M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Merci. C'est vrai que ça se négocie, Mme la ministre. Mais, à ce compte-là, tous les droits qui sont enchâssés dans le Code du travail pour les travailleurs pourraient, à la limite aussi, se négocier. Or, pourquoi les inscrire dans une loi?

Bien, nous, on pense que, de les inscrire dans une loi, c'est parce qu'il faut changer la culture, il faut changer la dynamique. Et je pourrais vous donner des exemples où nous avons convenu, avec de grandes entreprises, des ententes de partenariat. Puis un des problèmes qu'on a eus dans plusieurs entreprises, c'est que, quand les dirigeants de cette entreprise-là ont quitté ? et Dieu sait comment les dirigeants d'entreprise tournent actuellement, au Québec, dans les entreprises ? cette culture-là vole en éclats. Et il n'y a rien dans la loi pour obliger ou pour forcer ou pour instituer cette culture de partenariat.

Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que: Si une entreprise veut une convention collective d'une durée de plus de trois ans, il y aurait obligation de développer des mécanismes pour assurer ce partenariat. Et il y a des pays dans le monde où des exemples semblables existent, où on a institué des formes de partenariat et où le modèle va relativement bien. Je pense qu'on pourrait se servir, s'inspirer de modèles semblables pour créer un modèle original au Québec et faire en sorte de véritablement développer une culture de partenariat.

Vis-à-vis de ce constat-là, en 1997, au congrès de la CSD, on avait développé une stratégie de contrat social justement pour assurer la pérennité de cette culture de partenariat là. Sur près de 400 syndicats affiliés, savez-vous combien qu'on est parvenu à en conclure, Mme la ministre? Aucun. Donc, ce qu'on prétend, c'est que ça prend vraiment une volonté politique qui est enchâssée dans la loi pour inscrire cette culture de partenariat là par des moyens et des mécanismes qui, par exemple, étaient présentés en 1993.

Ça pourrait être autrement, ça pourrait être par d'autres. Mais, nous, on a toujours pensé, à la CSD, que c'est absolument nécessaire pour répondre aux objectifs ou aux défis que la compétitivité, la mondialisation des marchés nous imposent, et on pense que ça serait un excellent rendez-vous, en reconduisant une possibilité de prolonger les conventions à plus de trois ans, que d'enchâsser dans la loi ces véritables droits-là. D'ailleurs, tous les contrats sociaux qui avaient été faits à l'époque, ces principes-là existaient.

Mme Lemieux: Mais, M. Vaudreuil...

Le Président (M. Lelièvre): Mme la ministre.

Mme Lemieux: ...peut-être y avait-il quelques utopies dans vos projets de contrats sociaux. Écoutez, il me semble qu'il n'y a pas un employeur... Il y en a, des employeurs, qui n'ont pas de bon sens, on en convient. Mais un employeur qui est dans la moyenne des ours, là, comme on dit, il ne tient pas à avoir de troubles. Pour ne pas avoir trop de troubles, il faut qu'il investisse ses ressources humaines, il faut qu'il investisse ses relations de travail. On en a, des situations, dans l'actualité, là, où ça dérape.

Un employeur a intérêt à une certaine stabilité, un employeur n'a pas intérêt à avoir toujours une épée de Damoclès, puis ils vont-u faire la grève, ils vont-u me ralentir les activités? Il a intérêt à investir les relations de travail. Alors, pourquoi, ces dimensions-là, vous n'êtes pas capable de les saisir au vol?

Parce que vous demandez, aussi... Le partenariat, là, je ne sais pas quel exemple prendre, mais il y a des choses qu'on peut forcer, mais il y a des choses qu'il faut miser sur le temps, sur l'expérience commune, sur l'apprivoisement des uns et des autres. Il y a des employeurs qui ont un choc, quand un syndicat arrive, puis ils ont besoin de quelques années pour digérer ça, puis là finalement, ils se rendent compte que ce n'est pas si mal puis qu'il y a même certains avantages parce qu'il y a des lieux pour résoudre des problèmes, puis bon. Mais on ne peut pas forcer le partenariat. Ça se force-t-u, ça?

Le Président (M. Lelièvre): M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Merci. Moi, je pense que, oui, on peut lui donner un coup de pouce, on peut lui donner un coup de main.

Mme la ministre, si on veut faire des analogies, prenez juste le domaine de la santé-sécurité. Qui, avant 1979, aurait pensé qu'on aurait pu développer une culture de partenariat, de concertation avec un fonctionnement administratif unitaire qui est la CSST et qui fonctionne très bien? Qui aurait pu croire ça? Mais il y a fallu....

Mme Lemieux: Vous allez le répéter, que ça fonctionne très bien.

M. Vaudreuil (François): Pardon?

Mme Lemieux: J'espère que vous allez le répéter, que ça fonctionne très bien, à la CSST. Ha, ha, ha!

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Vaudreuil (François): Je ne vous ai pas parlé des groupes prioritaires; ça, c'est un autre débat. Ha, ha, ha!

Mme Lemieux: Non, non, je vous parle de la CSST. Ha, ha, ha!

M. Vaudreuil (François): Mais, ce que je veux vous dire, dans le fond, l'idée, l'analogie que je vous fais, c'est pour dire que, s'il y a une volonté de vouloir donner une impulsion à ce changement culturel là pour inciter les gens à aller plus loin, si on y croit profondément, nous, ce qu'on pense, c'est qu'il faut enchâsser, dans le Code du travail, des mécanismes, des moyens qui vont créer cette nouvelle dynamique culturelle. Et puis on pense que, en l'an 2000, à l'intérieur du Code du travail, ça ne serait pas bête d'amener une réflexion et d'amener des choses à cet égard. Nous y croyons profondément, Mme la ministre.

Et puis je vous le disais, là, des expériences ? puis je ne veux pas vous citer ici le nom des dossiers ? où il y a eu des choses très belles qui se sont faites et, aussitôt que le président de la compagnie a été changé, il y a eu un changement d'orientation puis les travailleurs se sont retrouvés, souvent, dans des situations pires que ce qui existait avant le début du partenariat.

Tandis que, s'il y avait eu des mécanismes d'enchâssés dans la loi ? et je ne demande pas que ce soient des mécanismes d'une rigueur excessive, là, mon propos n'est pas là ? mais s'il y avait eu des possibilités d'établir des mécanismes, on aurait peut-être évité ces situations-là ou on serait peut-être parvenu à pousser encore plus loin le modèle, tel qu'il existait.

Mme Lemieux: C'est beau.

Le Président (M. Lelièvre): Merci, M. Vaudreuil. M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, M. le Président. M. Vaudreuil, bonjour, M. Pépin, ça fait plaisir de vous accueillir ici, à cette commission.

n(16 h 10)n

Alors, votre mémoire est, certes, très intéressant à lire et on voit que vous avez quand même fait un travail non seulement de recherche, mais aussi de vulgarisation. Je ne dis pas que vous l'avez rendu vulgaire, mais vous l'avez rendu accessible, facile, et vous avez pris la peine, comme Mme la ministre le faisait remarquer, d'aller consulter un certain nombre de personnes de votre organisation. Et c'est fort éloquent, vous arrivez avec un certain nombre de constats. Il y a des gens qui sont pour, d'autres qui sont contre, d'autres qui sont un peu plus pour, d'autres un peu plus contre, ce qui vous permet certainement d'arriver ici avec une vision assez juste de ce que ces amendements, ces changements à la loi, particulièrement à l'article 65 du Code du travail ont eu comme effet dans les entreprises et chez les travailleurs que vous représentez.

Alors, à cet effet-là, on doit vous donner certainement une attention particulière et c'est ce que nous avons l'intention de faire, nous, ici ? bien sûr, les parlementaires de l'opposition ? mais je présume pour ceux du gouvernement, la même chose.

Vous arrivez avec certains constats. Alors, premier constat que vous faites, c'est la grande préoccupation des travailleurs en ce qui concerne les contrats sociaux, ce que, vous, vous appelez les contrats sociaux, ce qui est l'interrelation entre les travailleurs et une entreprise, le rôle qu'ils peuvent jouer dans les décisions quasiment de gestion, ou du moins, de participation de certaines décisions de gestion ou de planification ou de recherche, d'organisation du travail par les travailleurs.

Nous... moi, j'en suis. Je suis d'accord avec vous, c'est quelque chose qui doit toujours être recherché, qui est sûrement la clé du meilleur fonctionnement des entreprises. Parce que, lorsqu'il y a synergie entre les objectifs de l'entreprise, les obligations du marché, la dure réalité du marché et que tout cela fonctionne avec la collaboration et la participation des travailleurs, ça fait une synergie assez forte qui ne peut être que bénéfique à l'entreprise, donc, bénéfique aux travailleur, bénéfique aussi, bien sûr, à l'économie. Moi, je pense que c'est quelque chose qu'on doit regarder. De là à le codifier dans le Code du travail...

Vous savez, nous sommes en Amérique du Nord, hein? En Amérique du Nord, on doit s'enligner, on doit vivre avec une compétition qui, elle, est peut-être moins codifiée que la nôtre, déjà, qui est peut-être, dans certains aspects, plus souple. Actuellement, je pense que nous recherchons peut-être tous une manière de la rendre plus souple, la nôtre, ou plus compétitive. Mais ça n'exclut pas de regarder ça. Il faut le regarder et peut-être que, en regardant ces choses-là, on peut montrer l'exemple aussi à d'autres sociétés qui ont peut-être un intérêt à réapprendre, hein?

Il ne faut pas dire: Parce que tout le monde fait d'une façon qu'on doit tous faire de la même façon. Il y a de l'innovation qui est venue du Québec, des travailleurs du Québec, du système social du Québec, qui a fait évoluer les autres sociétés. Et des fois, on ne le sait même pas nous-mêmes, parce que les gens s'inspirent de nous. Et on doit dire que, le Québec, on a été assez prolixe, il y a quelques années, dans toutes sortes de réformes, et pour le bien et pour le moins bien. Je suis certain qu'on a fait évoluer d'autres organisations, à travers le monde occidental, du moins.

Pour ce qui est de votre deuxième remarque, le deuxième constat que vous faites, c'est la démocratie syndicale. Vous n'êtes pas les seuls qui le faites; une autre centrale qui est venue avant vous l'a fait, c'est la CSN. Il est vrai que ça nous interpelle, nous, les élus. Nous, à tous les quatre ans, cinq ans maximum, on passe devant l'accréditation ? elle n'est pas syndicale, celle-là, mais elle est populaire ? et nous trouvons ça tout à fait normal de passer devant les électeurs pour essayer de ratifier notre administration ou nos politiques.

Est-ce que c'est bien ou pas bien? Le verdict arrive un lundi, aux alentours de 22 h 30, le soir, ou quelque chose comme ça, et tout le monde en prend acte et personne, par aucun mécanisme possible, ne peut chercher à s'accaparer l'électorat pour un autre cinq ans ou un autre 10 ans. Le peuple est souverain. Alors, il y a peut-être... là c'est vrai que 10 ans ou huit ans ou neuf ans, c'est beaucoup et ça nous interpelle. Je crois qu'on devrait regarder cela. Est-ce qu'on doit le changer, est-ce qu'on doit le codifier? Ça, je pense que ça appartiendra aux députés de cette commission de discuter en commission parlementaire. Nous, de notre côté, le parti libéral, je crois que nous nous posons la question. Vous avez raison, je donne un certain écho à ce que vous dites.

Maintenant, vous amenez une solution, vous dites: Bon, bien, voilà! On arrive, pour ces deux constats, avec le dépôt par Mme la ministre, au printemps dernier, de son document Pour un Code du travail renouvelé. Mme la ministre vous a déjà fait savoir, particulièrement la semaine dernière, par la voie des médias, que nous devions nous attendre à un certain nombre de changements importants en ce qui concerne l'organisation du travail dans le Code du travail du Québec. Eh bien, peut-être que c'est là...

Ce n'est pas «peut-être». C'est là, certainement, le moment parfait, le lieu et la période idéale pour regarder tout ça. C'est souhaitable que nous le regardions cet automne lorsque nous allons aller en consultation, certainement, et je vous encourage à y participer.

Pour le reste, vous mettez en doute un peu, vous avez des bémols sur... vous parlez de conventions de trois ans, vous semblez... Vous êtes les seuls qui semblez mettre un bémol sur ça. Les autres, l'ensemble patronal ou syndical, d'une manière ou d'une autre, ont tous fait savoir qu'ils étaient satisfaits. Ceux qui ne sont même pas venus témoigner, donc, devaient être satisfaits; sinon ils seraient venus nous le dire. Généralement, quand on n'est pas content, on vient le dire.

Donc, on peut penser que vous êtes peut-être l'organisme ou l'organisation qui détonne dans le quasi consensus qui se fait sur les bienfaits, pour l'économie et les travailleurs en même temps, de ces changements à l'article 65.

Vous pouvez nous expliquer pourquoi? Vous semblez être les seuls. Je ne veux pas dire que vous l'êtes mais, à date...

Le Président (M. Lelièvre): M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Oui, merci. Qu'on soit les seuls, ça ne nous préoccupe pas beaucoup, au sens où, si on est les seuls, on a consulté nos gens, on a été les voir, puis ce qu'on vous a livré, aujourd'hui, c'est ce que les gens qui travaillent dans les usines pensent. Alors, on vient, dans le fond, vous livrer le message des gens de la base.

Or, on n'a pas fait notre consultation avec des conseillers qui négocient, on l'a faite avec des travailleurs de la base. On n'a pas répertorié nos 400 syndicats. Seulement, on a pris un échantillonnage de 60 syndicats dans différents secteurs d'activité et c'est ce qui ressort dans notre consultation.

Donc, moi, de livrer ce que les gens de la base qu'on représente pensent véritablement, je suis parfaitement à l'aise, là, dans ce cadre-là.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Si le gouvernement donnait suite à certaines de vos demandes, particulièrement en ce qui concerne la représentation syndicale, par exemple, la capacité de modifier un peu tout ça, est-ce que, à ce moment-là... je parle, bien sûr, de l'implication du fameux contrat social ou appelons-le par un autre mot peut-être, la participation ou je ne sais trop comment l'appeler ? il ne faut pas être prisonnier de schème, après ça, rapidement, on élimine un certain nombre de possibilités, ne tombons pas dans le piège des mots ? mais si le gouvernement donnait suite à un certain nombre de ces choses-là dans un sens qui ferait votre affaire, est-ce que, à ce moment-là, vous seriez favorables au maintien de ces modifications, qui ont été faites en 1994, de l'article 65 du Code du travail?

M. Vaudreuil (François): Bon, évidemment, si la possibilité de changer d'allégeance syndicale après cinq ans était ouverte à tous les ans, oui, c'est évident qu'on serait satisfait. Cependant, on demeurerait déçu qu'il n'y ait pas d'impulsion pour faire la promotion du partenariat. On serait excessivement déçu, parce qu'on croit que c'est absolument nécessaire. Et même, comme vous le dites, si on est en Amérique du Nord, il existe d'autres pays comme en France, que vous connaissez très bien où, par exemple, il y a des comités d'établissement ou les bilans financiers sont produits.

Donc, il y a une synergie. Or, ce n'est pas de copier le modèle qui est en France, mais on peut s'inspirer d'exemples intéressants à cet égard-là puis qui font en sorte qu'un pays comme la France ? c'est quand même la quatrième puissance au monde ? puis ce qu'ils font, ce n'est sûrement pas tout, tout croche, puis tout mal.

Mais je pense qu'on peut innover un modèle qui nous appartient, qui nous est propre. C'est comme si on n'avait peur d'enchâsser cette culture de partenariat et de concertation dans la loi, et, pour nous, à la CSD, et je vous le rappellerai, qui avons été la première centrale syndicale, au début des années quatre-vingt, et même un peu avant, à prôner la gestion participative alors qu'il y en avait d'autres qui nous traitaient de tous les noms sur la terre, on a quand même une expérience qui est grande au niveau de la gestion participative, au niveau de la concertation, au niveau du partenariat. On pense qu'en l'an 2000 il serait grandement souhaitable et intéressant qu'on puisse enchâsser ça dans la loi.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, M. le Président. Est-ce que vous seriez satisfaits si, lors des prochaines audiences qui vont se tenir sous... il y a des documents qui vont être déposés sur le Code du travail renouvelé, nous abordions ces discussions-là, ces choses-là?

M. Vaudreuil (François): Évidemment. Bien, oui.

M. Gobé: Vous souhaiteriez donc que ça fasse partie du débat qui va avoir lieu.

M. Vaudreuil (François): Oui.

M. Gobé: Entendez-vous faire quelque chose pour le promouvoir, ce débat-là?

M. Vaudreuil (François): Bien, écoutez, on le soumet ici, là. Je pense que...

M. Gobé: Je comprends, mais...

M. Vaudreuil (François): ...l'idée est jetée. On a développé en intercentrale une plate-forme minimale qui ne limite pas les revendications qu'on peut faire, mais c'est évident que, si on maintient la possibilité de prolonger les conventions de longue durée, on souhaite ardemment que ce soit associé à une culture de partenariat. Mais je ne crois pas ? je ne veux pas parler en leur nom ? qu'aucune organisation syndicale au Québec, à partir des expériences qui ont été vécues, serait contre ça et s'élèverait contre cette idée.

n(16 h 20)n

M. Gobé: Donc, on pourrait s'attendre à un consensus, au moins pour en parler, de la part des centrales syndicales. Selon vous, du côté des organisations patronales, on n'a pas malheureusement pu aborder ça ce matin. Si vous étiez arrivés le premier groupe à témoigner, ça aurait peut-être fait tout le reste de la commission. Malheureusement, on vient juste d'avoir votre mémoire.

Mais pensez-vous que, du côté des organisations patronales, on pourrait avoir un accueil similaire ou quel est l'accueil que vous pensez que votre proposition ? de discussion, je parle bien, sur ce sujet-là ? peut recevoir de leurs parts?

M. Vaudreuil (François): Moi, je serais bien étonné qu'ils soient fermés à un tel terme, puis je pense qu'en discutant... mais il ne faudrait pas que cette mesure-là devienne une mesure qui retarde les modifications qu'on souhaite tant au Code du travail, mais que ça s'inscrive dans un cheminement pour évoluer et donner des résultats dans un avenir plus ou moins long, bien, là, oui, on y serait, bien oui, bien oui.

M. Gobé: C'est parce que, voyez-vous, je comprends, mais vous dites: Parce que ce report nous paraît injustifié étant donné que le gouvernement devrait inclure cette révision... tout ce que nous souhaitons, c'est une réforme intégrée du Code du travail et non un rapiéçage de plus.

Alors, pourquoi ne pas profiter de cette période-là, quitte à prendre une semaine, je ne sais pas, quelques jours de plus pour essayer de voir s'il est possible de dégager des consensus?

Ce que Mme la ministre a déposé, qui est déjà quand même assez intéressant, bien qu'il en manque quand même pas mal, mais ça serait un élément de plus, celui-là, peut-être...

M. Vaudreuil (François): Oui, oui.

M. Gobé: Alors, moi, je vous remercie. Vous avez répondu à mes questions.

M. Vaudreuil (François): C'est bien.

M. Gobé: Votre mémoire est fort intéressant et j'espère que les membres de la commission ont fait comme moi, ils l'ont trouvé satisfaisant et enrichissant. Merci beaucoup.

M. Vaudreuil (François): Merci beaucoup.

Le Président (M. Lelièvre): Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine.

M. le député de Maskinongé, vous aviez une question, en vous rappelant qu'il ne reste que deux minutes à la partie gouvernementale.

M. Désilets: Merci beaucoup. J'aimerais ça, M. Vaudreuil, qu'on parle un petit peu de culture-partenariat, parce que si on regarde un petit peu le document que le Conseil du patronat nous a remis, eux autres, nous disent que ça va mieux au Québec, on s'améliore dans les relations de travail, qu'il y a même culture de partenariat qui s'établit puis que ça va bien. Eux autres, même la négociation continue puis ça va bien. Ils nous demandent de maintenir ça fixé à cinq ans puis ça va bien comme ça.

Vous, vous arrivez... mais quand j'ai posé la question au Conseil du patronat, ce matin, avec des statistiques puis des éléments pour qu'on puisse vérifier la validité de leurs dires, il n'en ont pas.

Vous, de votre côté, est-ce que vous aviez une façon de vérifier comment on peut évaluer, depuis 1994, l'évolution dans les entreprises?

Le Président (M. Lelièvre): M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Non, on ne l'a pas mesuré auprès de nos syndicats.

M. Désilets: On est juste au niveau présentement de l'attitude, ce que je comprends, de l'esprit des travailleurs dans l'entreprise.

M. Vaudreuil (François): C'est-à-dire de la perception des travailleurs...

M. Désilets: La perception.

M. Vaudreuil (François): ...bien, on n'a pas mesuré la perception des travailleurs à l'égard du développement du partenariat. C'est une réflexion qu'on a à la Centrale. Je ne sais pas si ça va faire l'objet d'une de nos prochaines réunions, mais c'est sûr que c'est une préoccupation très grande qu'on a. Parce que, peut-être que, contrairement au Conseil du patronat, on a des inquiétudes sur l'évolution du partenariat. On était beaucoup plus optimiste qu'on l'est aujourd'hui, il y a peut-être deux ou trois ans.

Dans plusieurs... Oui?

Le Président (M. Lelièvre): Excusez-moi. À ce stade-ci, j'aurais besoin du consentement du député de LaFontaine pour que vous puissiez terminer votre réponse.

M. Gobé: Oui, aussi du côté ministériel.

Le Président (M. Lelièvre): Oui, oui, effectivement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lelièvre): Vous avez entièrement raison.

M. Gobé: ...si Mme la ministre donne le sien, vous allez l'avoir complètement.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Vaudreuil, le débat est très intéressant. Mais, en conclusion.

M. Vaudreuil (François): Bon, bien, c'est ça. C'est beau.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vaudreuil (François): Mme la ministre, vous ne pourrez pas dire que...

M. Désilets: Merci beaucoup de la réponse...

M. Vaudreuil (François): ...ce n'est pas efficace. C'est efficace?

Le Président (M. Lelièvre): Alors, au nom de la commission, je vous remercie beaucoup de nous avoir présenté vos observations en ce qui a trait au mandat qui nous a été confié.

Maintenant, nous en sommes aux remarques finales. M. le député de LaFontaine.

Mme Lemieux: Pensez-vous...

Le Président (M. Lelièvre): C'est terminé en ce qui vous concerne.

Une voix: O.K.

Remarques finales

M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, cela met fin à cette journée de travail fort intéressante d'ailleurs qui nous a permis d'entendre des intervenants majeurs du monde du travail au Québec, particulièrement des représentants des organisations patronales, des organisations de travailleurs, des organisations syndicales, et je crois qu'on a fait, avec ça, un peu le tour de cette problématique qui était les amendements qui ont été apportés en 1994 à l'article 65 du Code du travail visant à permettre des signatures, par les entreprises et les travailleurs, de conventions collectives de durée supérieure à trois années.

Alors, force est de constater que, règle générale, eh bien, les gens semblent assez satisfaits. Les entreprises semblent s'accommoder très, très bien de ces changements. Les travailleurs que nous avons entendus y voient un certain nombre de choses positives et un certain nombre d'autres choses à changer.

En particulier, on nous a fait part de la situation, de l'implication des travailleurs dans ces entreprises après avoir signé des contrats de longue durée. Ils semblent, pour certains, se sentir, un peu après, oubliés ou avoir l'impression qu'ils sont moins partenaires qu'avant la signature, ce qu'on leur demande, ce qu'on leur laisse miroiter.

Alors, il y a certainement des indications pour nous à tenir compte, et je crois qu'il va falloir que... Je souhaiterais, moi, comme porte-parole de l'opposition, que nous regardions ça et que Mme la ministre se penche là-dessus avec ses collaborateurs au ministère, les sous-ministres. Je crois qu'elle a des réponses à donner aux gens.

Et ce qui retient aussi notre attention beaucoup, c'est la démocratie, ce que les gens appellent la démocratie syndicale. Ça, ça semble toucher beaucoup le monde syndical. Et je disais, dans la discussion que j'avais avec M. Vaudreuil, de la CSD: Nous-mêmes, les élus, les politiciens, à tous les cinq ans, légalement, mais généralement à tous les quatre ans, quatre ans et demi, des fois tous les trois ans et demi, eh bien, nous avons devant la possibilité d'aller devant les actionnaires ou les patrons que sont les citoyens vis-à-vis des députés et nous leur demandons, par une élection, par un vote, s'ils acceptent toujours que nous les représentions, et au pouvoir ou dans l'opposition, dépendant où est-ce qu'ils vont nous envoyer par la suite.

Et donc, il paraît peut-être aussi un peu paradoxal à ce moment-là que des organisations syndicales qui sont basées sur l'élection, la représentativité de membres, de gens, puissent peut-être être maintenues pendant des années et des années avec des mécanismes de renouvellement minimal ou de questionnement minimal. Alors, il y a là des avenues à regarder, et je souhaiterais aussi, bien sûr, que nous puissions le faire. Et, moi, pour ces choses-là, je donne, bien sûr, à Mme la ministre toute ma collaboration.

Ce n'est pas là un dossier conflictuel, ce n'est pas là un dossier dogmatique. C'est un projet de loi qui a été voté et amené par le gouvernement libéral, sur la fin de son mandat, sous l'inspiration de l'ancien ministre Gérald Tremblay qui était un ministre de l'Industrie et du Commerce de bonne réputation, de bon jugement; par le ministre du Travail Serge Marcil qui, lui, connaissait bien le monde du travail. Alors, le gouvernement l'a appliqué, ne l'a pas modifié, à date, et les discussions que nous avons eues autour du rapport nous font croire que, lui aussi ? le gouvernement ? y voit un certain nombre d'aspects positifs.

Alors, peut-être que les choses qui nous ont été démontrées ou les recommandations qui sont faites par les groupes méritent certainement que nous nous y penchions et voir si on peut l'améliorer, le peaufiner.

Voilà! Ça conclut donc mes remarques, et je réitère mon offre de collaboration sur ce dossier-là à Mme la ministre dans l'intérêt, bien sûr, du projet de loi, mais surtout des entreprises et des travailleurs du Québec.

Merci beaucoup à tous les collègues députés qui étaient avec nous aujourd'hui et M. le Président, Mme la Présidente, Mme la secrétaire et aussi au personnel, bien sûr, qui nous ont accompagnés tout au long de cette journée.

Le Président (M. Lelièvre): Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. Maintenant, je céderais la parole à Mme la ministre du Travail.

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais remercier les groupes, même s'ils n'ont pas été très nombreux, qui sont venus échanger avec nous. Je pense que c'est extrêmement utile, les propos qui ont été échangés ici.

Je veux aussi remercier le ministère du Travail qui a documenté toute cette question-là, qui est, en quelque sorte, un peu le gardien de nos connaissances sur des sujets pointus ou d'ordre plus général et que c'est essentiel que ce travail-là se fasse avec beaucoup de rigueur.

Je ne reviendrai pas sur les conclusions du rapport. Je pense qu'on en a abondamment discuté. Évidemment, ce que je retiens, c'est, du côté patronal, un bilan plutôt positif. Du côté syndical, certaines réserves qui, à mon point de vue, sont un peu floues, d'autres plus précises. Toute la question de la période d'allégeance, la question du rapport de force, ça demeure donc à examiner.

n(16 h 30)n

Je dirais simplement, pour la suite des choses, trois choses à ce moment-ci. Un, je pense que, dans les prochains mois, il va être important de voir le passage de plusieurs conventions collectives qui sont de longue durée et qui vont être à échéance, comment va se faire passage entre cette convention de longue durée et la suite.

Donc, il y a vraiment un nombre important de conventions de longue durée qui vont être à échéance, il faudra vraiment bien observer quels phénomènes risquent de se manifester suite à la fin de ces conventions.

Est-ce qu'on va se diriger vers d'autres conventions de longue durée, vers de plus courtes? Parce que, ça, ça va nous parler beaucoup, aussi, parce que ça aura été la première vague importante, significative de conventions collectives de longue durée. Alors, il faudra bien observer ça et c'est vraiment dans les prochains mois qu'on pourra le faire.

Deuxième élément, quant à la suite des choses. On a fait allusion, ce matin ? un peu, cet après-midi ? à cette idée que, pour une première convention collective, il pourrait y avoir un déplafonnement de la durée. Très honnêtement, à ce moment-ci, je trouverais très risqué de se plonger dans cette solution-là, ayant la conviction ? et je n'ai pas été ébranlée là-dedans, et même, je dirais que je suis renforcée dans ce sentiment-là ? que, pour pouvoir négocier un contrat de longue durée, il faut qu'il y ait une relation qui existe et qui soit la plus saine possible, qu'il y ait une certaine tension, bien sûr, qui est normale, un rapport de forces. Or, une première convention collective, ce n'est pas évident que le contact se soit fait, avec toute sa complexité et dans toutes ses dimensions, entre la partie patronale et syndicale. Alors donc, à ce moment-ci, je n'ai pas l'impression que ça serait prudent d'introduire ça. Ça ne veut pas dire qu'on ne pourrait jamais le faire, mais je n'en suis pas là.

Pour ce qui est de la question des périodes d'allégeance, je pense qu'effectivement il y a des choses qu'on pourrait examiner, il y a des arguments importants qui ont été amenés. Si on se compare à d'autres juridictions, on voit nos périodes où les changements d'allégeance sont un peu plus longues. Alors, ça, c'est quelque chose qu'on peut examiner de manière concrète et qu'on pourrait inscrire dans des modifications futures au Code du travail.

Alors, j'en suis là, pour le moment. Évidemment, c'est le genre de dossier qui doit mûrir un peu. On va avoir des occasions, dans les prochains mois, de discuter abondamment du Code du travail, et je pense qu'il sera sage, effectivement, d'inscrire un certain nombre de préoccupations qui émergent de cette consultation-ci dans le cadre d'une réforme un peu plus globale du Code. Voilà!

Le Président (M. Lelièvre): Alors, je vous remercie, Mme la ministre.

S'il n'y a pas d'autres remarques finales, les travaux de la commission seraient ajournés sine die.

(Fin de la séance à 16 h 34)



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